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(Quatorze heures une minute)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Nous allons nous recueillir quelques instants.
Veuillez prendre vos places.
Aux affaires courantes, déclarations ministérielles, M. le
ministre du Revenu.
Modifications à la Loi concernant les
travailleurs
au pourboire de la restauration et de
l'hôtellerie
M. Robert Dean
M. Dean: Merci, M. le Président. Après de multiples
démarches et consultations, le gouvernement du Québec accepte de
modifier la loi sur les pourboires pour la rendre plus conforme aux
réalités des intervenants de l'industrie et du tourisme. Dans les
circonstances, on a réglé pour le mieux avec le plus grand souci
d'équité et de justice.
La solution déposée répond à bien des
égards aux demandes formulées par les divers groupes. Elle
retient les principes fondamentaux de la loi 43 en assurant un équilibre
entre les objectifs d'équité fiscale et d'équité
sociale. Elle contribue également à protéger l'industrie
de la restauration, de l'hôtellerie et du tourisme, tout en conservant
aux employés les bénéfices déjà acquis.
Autour des tables de consultation, des positions multiples, variées,
opposées, parfois même au sein de mêmes groupes
d'intervenants, m'ont permis de ne trouver qu'un seul consensus: la solution
miracle dans l'industrie du tourisme dépasse largement le cadre de la
loi 43 et des prérogatives du ministère du Revenu.
Cette approche m'amène à privilégier une solution
à deux volets, soit des aménagements législatifs et une
approche globale aux multiples problèmes de l'industrie touristique
québécoise.
Les aménagements que je désire apporter aux modifications
législatives introduites par la loi 43 s'appliqueront à compter
du 17 juin 1984 et sont produits en annexe à la présente
déclaration.
Comme vous pourrez le constater, M. le Président, nous avons
abandonné la mesure concernant l'attribution de 8%, de même que
l'usage du registre des pourboires à chaque période de paie. De
plus, tel que prévu précédemment, ces amendements
législatifs conservent les acquis des employés en regard des
différents avantages sociaux. De plus, une nouvelle norme minimale est
introduite dans la loi à l'égard des pourboires
déclarés par ces travailleurs. D'un autre côté, ces
aménagements seront aussi bénéfiques aux employeurs. En
effet, en plus de ne pas assujettir à certaines contributions
d'employeur les pourboires déclarés par les employés, les
employeurs bénéficieront d'une réduction de leur charge
administrative du fait que la déclaration des employés à
l'égard de leurs pourboires s'effectuera désormais
annuellement.
Deuxièmement, les problèmes des employeurs et des
employés au pourboire débordant de beaucoup le cadre de la
fiscalité demeureront insolubles à moins d'être
intégrés dans une approche touristique globale. Cet aspect, mon
confrère, M. Rodrigue Biron, ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme, en a saisi toute la dimension et accepte, en réponse,
d'ailleurs à une demande des gens du milieu, de participer pleinement
à un comité d'action formé à cette fin qui devra me
soumettre ses recommandations d'ici le 17 décembre 1984.
Le mandat de ce comité consistera à faire des
recommandations au gouvernement sur les mesures à prendre à
l'égard des deux grandes questions suivantes: le développement
économique du secteur en regard de sa concurrentialité, de la
rentabilité de ses entreprises, de la qualité du produit
touristique et de sa mise en marché tant interne qu'externe, du niveau
de l'emploi; deuxièmement, la reconnaissance du statut des travailleurs
de ce secteur en regard de leur statut et de leurs qualifications
professionnelles, la formation professionnelle tant sur le plan technique que
celui de l'accueil et de la promotion touristique et la sécurité
du revenu non légiférée, par exemple, l'assurance
collective.
La présidence de ce comité d'action, formé
paritairement de représentants des employés et employeurs du
milieu, sera assurée par une personne venant de l'extérieur du
gouvernement et possédant une connaissance approfondie de l'industrie.
De plus, ce comité bénéficiera de tout le support
technique désiré par la présence d'un représentant
des ministères suivants: Agriculture, Pêcheries et Alimentation,
Industrie, Commerce et Tourisme, Loisir, Chasse et Pêche, Main-d'Oeuvre
et Sécurité du revenu, Revenu et Travail.
Enfin, M. le Président, pour régler la question de
l'assurance-chômage, laquelle demeure entière, le gouvernement
poursuivra ses démarches afin que les employés au pourboire aient
droit, d'une manière ou d'une autre, à l'assurance-chômage
comme toute autre personne salariée. Merci, M. le
Président.
Le Président: Pour la bonne compréhension de
l'Assemblée, M. le ministre, il faudrait que vous déposiez
l'annexe à laquelle vous avez fait référence, s'il y a
consentement, évidemment. Il y a consentement. L'annexe est donc
déposée. M. le député de Charlesbourg.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté: M. le Président, la
déclaration du ministre du Revenu nous amène à faire
quelques remarques d'ordre général et des remarques d'ordre
spécifique. Dans tout ce débat qui a entouré l'adoption de
la loi Marcoux, il y a une certitude: c'est que le milieu exigeait que cette
loi Marcoux soit refaite. Aujourd'hui, on assiste à
l'énoncé du ministre qui vise une tentative d'améliorer la
loi 43. Lorsque le député de Prévost a été
nommé ministre du Revenu et, par le fait même,
récupérait le dossier de la loi 43, tout le monde s'entendait
pour dire que ses talents de négociateur allaient faire en sorte que les
problèmes découlant de la loi 43 seraient
réglés.
Évidemment, c'était sans compter sur la mise en tutelle
par le bureau du premier ministre, par M. Bélanger, entre autres, pour
trouver une façon élégante de reculer. Or. est
habitué à ce genre d'exercice au PQ. Ils sont forts en principes,
en belles images, en consultations, en concertations, en sondages. M. le
Président, c'est dans la pratique que l'on retrouve les surprises
comprises derrière les belles images. Ce que l'on se doit de constater
à ce moment-ci, après l'énoncé du ministre, c'est
que cela aura pris trois mois au ministre - le ministre va comprendre,
étant un ex-syndicaliste; les employés et employeurs vont aussi
comprendre - à brasser une bière "flat".
Rien dans cette déclaration ne nous rassure quant aux intentions
législatives qui seront éventuellement déposées
devant cette Chambre. C'est donc avec méfiance que nous allons scruter
à la loupe les amendements que le ministre déposera dans les
jours prochains. Le ministre crée un comité où six
ministères seront représentés ainsi que des
employés et des employeurs, paritairement. La présidence de ce
comité sera confiée, selon ses propres propos, à une
personne extérieure, probablement de façon que ce soit conforme
au document de rétablir la crédibilité, d'aller autant que
possible chercher des personnes à l'extérieur pour prouver que le
gouvernement a une bonne gestion.
Mais, M. le Président, ce qu'il y a de plus odieux dans le geste
que le ministre pose, c'est que le 22 mars dernier, à la suite d'une
tournée dans tout le Québec, le Parti libéral avait
proposé de confier un mandat d'initiative à la commission de
l'économie et du travail, mandat qui mercredi dernier a
été refusé par la majorité servile qui, elle,
était au courant de vos intentions, M. le ministre. Cela a
été de mettre en tutelle la commission de l'économie et du
travail et de refuser le mandat qui est presque identique à celui qui
avait été demandé à la commission. Est-ce que ces
gestes, aujourd'hui, cet énoncé qui arrive aujourd'hui, ne serait
pas en préparation du jugement sur un recours collectif qui a
été déposé et dont le jugement doit arriver ces
jours-ci?
Je me souviens encore d'une déclaration que le sous-ministre a
faite qui disait que la loi était injuste, inapplicable et inacceptable.
Est-ce qu'après la déclaration du ministre, aujourd'hui, nous
sommes en mesure de dire qu'elle est moins inapplicable, moins injuste et moins
inacceptable pour les employés? Ce que l'on constate, c'est que
dorénavant, il faudra que l'employé au pourboire anticipe les
revenus et déclare un an à l'avance ce qu'il pense gagner, qu'il
n'y a aucune espèce de garantie, ce que nous exigions, quant au non
recours du ministère. Qui plus est, le 18 mai, c'est quand même
assez récent, c'était en pleine période de consultation
finale, la direction générale de la vérification
expédiait dans tout le Québec une lettre disant que la loi
s'appliquait et donnant par écrit la garantie qu'il n'y aurait pas de
non recours.
C'est exactement la même garantie qu'avait soumise votre
sous-ministre dans le registre qui, finalement, ne donne, sur le plan
législatif, aucune espèce de garantie quant au non recours de
votre ministère. Cela ne réglera en rien les conflits de travail
à l'intérieur des lieux de travail. Cela ne règle en rien
les problèmes revendiqués par les employés sur des
imputations additionnelles de factures non payées, de dépenses
supplémentaires quant à l'habillement, quant à la
coiffure, quant aux taxis. S'il y a des tenants dans la déclaration, je
demanderais au ministre de nous apporter des explications. À la
première page lorsqu'il parle des employés, il est dit: "De plus,
une nouvelle norme minimale est introduite dans la loi à l'égard
des pourboires déclarés par ces travailleurs." Quelle est cette
norme? On le verra dans la loi, mais si aujourd'hui vous pouvez nous le dire,
vous allez éclairer bien des personnes qui s'interrogent.
La présomption de malhonnêteté des travailleurs
demeure, ce qui est surprenant d'un ministre qui a oeuvré dans les
milieux du travail. Quant aux employeurs, le ministre nous dit: L'attribution
est disparue. Vous avez effectivement raison, M. le ministre. Mais ce qui
était le registre facultatif des employés devient maintenant un
registre obligatoire pour les patrons, qui vont devenir vos serviteurs, des
policiers et vos percepteurs. M. le Président...
Le Président: En conclusion, M. le
député.
M. Côté: Oui, M. le Président. M. le
Président, vous le comprendrez, c'est un débat qui a eu cours au
Québec depuis de nombreux mois, et la vérité doit
sortir.
Le Président: Oui, mais la période de temps
prévue est quand même de cinq minutes.
M. Côté: Je termine, M. le Président, si on
veut me laisser parler...
Une voix: Cela vous fatigue. M. Pagé:
Protégez-le.
M. Côté: Merci. Finalement, on ne règle rien
quant à la discrimination concernant le "fast food" et quant aux autres
repas. Je dois conclure qu'à la lumière de l'énoncé
du ministre et du budget présenté dernièrement, celui-ci
n'a pas réussi à convaincre le ministre des Finances d'abaisser
la taxe sur les repas de 10% à 7%. Si ce comité que vous formez
doit faire rapport en décembre, M. le Président, n'y aurait-il
pas eu lieu d'attendre le rapport de ce comité afin d'amender la loi
pour qu'elle soit plus conforme...
M. Gratton: C'est cela.
M. Côté: ...à ce que ce comité
proposera? D'autre part, cela vous permettrait d'aller refaire vos devoirs mal
faits pour le gouvernement fédéral.
Le Président: En réplique, M. le ministre du
Revenu. (14 h 20)
M. Robert Dean (réplique)
M. Dean: Très rapidement, M. le Président, je veux
souligner les multiples rencontres avec le milieu, les employeurs, les
employés à tous les paliers, tant le palier national, le palier
régional que le palier local depuis le début de cette
démarche. On a eu à faire face à des opinions
complètement divergentes. Il y avait presque autant d'opinions que
d'intervenants. Le témoignage de ce milieu indique quant à moi
que celui-ci a besoin de se prendre en main, que ses propres intervenants
doivent apprendre à se parler et qu'il doit chercher avec l'aide du
gouvernement des solutions à ses problèmes, tant ses
problèmes économiques que la reconnaissance du statut de ses
employés. Dans les solutions que je propose aujourd'hui, M. le
Président, je tiens compte dans bon nombre de cas des suggestions
précises faites par des intervenants à ces tables de
consultation. L'encadrement de ma proposition, M. le Président, tient
même compte en cours de route de certaines revendications
exprimées publiquement ou en privé par l'Opposition. Dans un
domaine assez complexe, on tient à apporter des solutions à court
terme aux problèmes posés par l'administration de la loi 43, aux
difficultés d'application, tout en débouchant sur un groupe
d'action, un groupe de travail formé d'intervenants du milieu, ce qui
donnera une chance, peut-être pour la première fois, aux
employeurs et aux travailleurs de s'asseoir autour d'une même table, de
discuter de leurs problèmes communs et non seulement de recommander au
gouvernement quelles mesures prendre, mais aussi de voir ce qu'ils sont
prêts à faire pour apporter une solution à leurs propres
problèmes, les problèmes de leur secteur, tant sur le plan
économique que social.
Projet de loi 224
Le Président: À la présentation de projets
de loi, j'ai le plaisir de déposer le rapport du directeur de la
législation au sujet du projet de loi 224, Loi concernant la ville de
Val-d'Or.
M. le directeur de la législation a constaté qu'un avis a
été publié conformément aux règles de
fonctionnement concernant les projets de loi d'intérêt
privé et que la preuve de publication de cet avis reste à faire.
Toutefois, cet avis est en date du 31 mai et une toute dernière
vérification avant l'entrée en Chambre nous permettait de
constater que la preuve de publication a été faite. Je
déposerai donc un autre rapport, plus complet cette fois, plus tard cet
après-midi. Si bien qu'il n'est pas nécessaire de déroger
aux règles de fonctionnement pour la présentation du projet de
loi 224, Loi concernant la ville de Val-d'Or par M. le député
d'Abitibi-Est.
L'Assemblée accepte-t-elle de se saisir de ce projet de loi?
Il en est donc ainsi décidé. M. le leader du
gouvernement.
Renvoi à la commission de l'aménagement
et des équipements
M. Bédard: M. le Président, je voudrais tout
simplement faire motion pour déférer le projet de loi à la
commission de l'aménagement et des équipements.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Aux dépôts de
documents, M. le leader du gouvernement.
Statistiques en réponse à une question
du député de Sainte-Marie
M. Bédard: M. le Président, je voudrais
déposer en deux copies une réponse à une question inscrite
au feuilleton par le député de Sainte-Marie.
Le Président: Document déposé. Oui, M. le
député de Frontenac.
Document concernant l'administration de la
justice
M. Grégoire: M. le Président, je voudrais, avec le
consentement de tous les membres de cette Chambre, déposer un document
d'intérêt public concernant l'administration de la justice.
Le Président: Y a-t-il consentement unanime pour que M. le
député de Frontenac puisse déposer ce document? Il ne
semble pas y avoir d'opposition. Document déposé.
Aux dépôts de rapports de commission, il n'y en a pas, ni
de pétitions, ce qui nous mène à la période de
questions des députés. Je donne tout de suite avis à la
Chambre que M. le ministre de l'Éducation m'a fait part, dans les
délais, qu'il compte apporter un complément de réponse
à la question qui était posée par le député
de Saint-Laurent le 22 mai dernier et qui portait sur la situation à la
Faculté de droit de l'Université de Montréal.
Cela étant, à la période de questions des
députés, M. le whip de l'Opposition.
Questions et réponses orales
Les propos du premier ministre sur les
événements du 8 mai
M. Pagé: M. le Président, en fin de semaine, dans
la revue "Québec Rock", le premier ministre, M. Lévesque, tentait
à sa façon d'expliquer les événements malheureux
qui sont survenus ici, à l'Assemblée nationale, il y a un mois,
soit le 8 mai dernier. Je me permets de citer brièvement une partie du
texte. C'est le premier ministre qui parle: "Ce que je trouve absolument
invraisemblable, et ça implique un cerveau fragile au départ,
c'est que son comportement reflète une sorte de conditionnement,
d'autoconditionnement, si on veut, mais d'un conditionnement, tout de
même, qu'il a retourné contre lui-même. Il a dû
entendre une propagande sur ce qui se passait au Québec, c'est
inévitable dans ces milieux."
Un peu plus loin, il disait, et je termine la citation: "Remarquez, je
vais vous dire le fond de ma pensée. Le simple fait qu'il soit
allé porter sa cassette à M. André Arthur, un visage qu'on
connaît bien, implique aussi qu'il a baigné un peu dans le genre
de climat que crée cet animateur de radio, littéralement un
climat de vomissement complet."
Ma question au premier ministre est la suivante. Comment les lecteurs de
cette revue et l'ensemble des citoyens du Québec qui ont entendu cette
déclaration ne sont-ils pas justifiés d'y voir de votre part et
de la part du chef du gouvernement et du gouvernement une tentative de
récupération politique d'un événement malheureux et
regrettable auquel, jusqu'à maintenant, les références qui
y ont été faites ici à l'Assemblée nationale, l'ont
été de façon sobre, modérée et empreinte de
dignité?
Le Président: Avant de permettre à M. le premier
ministre de répondre, le cas échéant, j'attire l'attention
des députés sur l'article 35, paragraphe 3, qui dit bien: "Un
député qui a la parole ne peut: 3° parler d'une affaire qui
est devant les tribunaux ou un organisme quasi judiciaire, ou qui fait l'objet
d'une enquête, si les paroles prononcées peuvent porter
préjudice à qui que ce soit."
En l'occurrence, dans la question qui nous préoccupe, il y a une
personne contre laquelle des chefs d'accusation ont été
portés. Cette personne a droit à un procès juste et
équitable. Elle est présumée innocente jusqu'à ce
qu'elle soit...
Des voix: ...
Le Président: Nous parlons d'un règlement qui
s'applique aux propos tenus dans cette Chambre. La personne a droit à un
procès juste et équitable et elle est présumée
innocente jusqu'à ce qu'elle soit reconnue coupable. Dans les
circonstances, et compte tenu des précédents plutôt
fâcheux que nous avons connus en cette Chambre, je n'ai pas d'objection
à ce que M. le ministre réponde à la question, mais en
étant bien conscient que dès lors que lui ou une personne de
l'Opposition aborderait quoi que ce soit de nature à nuire aux droits de
l'accusé, je devrais évidemment interdire soit la question, soit
la réponse.
M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, très
simplement, l'entrevue dont il s'agit a été
réalisée le 14 mai, c'est-à-dire quelques jours seulement
après l'événement. Il faut quand même replacer cela
dans le climat qui prévalait à ce moment-là. Je m'en suis
tenu rigoureusement à des commentaires très
généraux en évoquant des choses, qui, dans l'ensemble ont
été dites par à peu près tout le monde à
l'époque aussi bien des députés d'ici comme du
fédéral, des éditorialistes, des citoyens. Je ne vois
absolument rien là qui puisse - je le crois en tout cas -
constituer une atteinte aux droits de l'accusé éventuel
dont il est question, mais très simplement un commentaire qui
était, à ce moment-là, celui que m'inspiraient les
événements.
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, cette entrevue, tous ceux
qui l'ont lue et en ont pris connaissance sont unanimes à constater que
le premier ministre impute des motifs et tente d'expliquer à sa
façon, comme je l'ai dit, pourquoi de tels événements
malheureux seraient survenus. Il réfère à la "vomissure"
d'André Arthur. Il réfère au fait qu'il a
été dans l'armée canadienne, etc. sur un ton qui laisse
à désirer.
Ma question additionnelle au premier ministre est la suivante - je
voudrais qu'il soit très serein, très calme: comment concilier de
tels propos de votre part comme chef du gouvernement et comme premier citoyen
du Québec - parfois vous semblez oublier que vous êtes le premier
citoyen du Québec - avec la sobriété, la dignité et
la respectabilité que commandent vos fonctions, M. le premier
ministre?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, les gens
jugeront. Ceux qui liront la revue n'auront peut-être pas la même
opinion que l'Opposition. C'est normal que l'Opposition ait toujours la
même opinion.
Pour ce qui est de M. André Arthur, je citerai simplement ceci
qui vient d'une source que l'Opposition considérera sans doute
très respectable et qui est un député de la région
de Québec, sauf erreur, le député fédéral et
'président du caucus québécois du Parti libéral, M.
Dennis Dawson et qui, le 9 mai, avant que je me prononce si peu que ce soit
là-dessus, disait ceci: "Cela m'ennuie - continue M. Dawson - de penser
que la mentalité qu'on semble encourager dans la société,
c'est d'inviter le monde à se défouler sur les parlementaires.
C'est la mentalité des lignes ouvertes à la radio. On incite les
gens à tout nous mettre sur la tête et cela finit par aboutir
à des folies." Je trouve que M. Dawson cette fois-là avait
parfaitement raison, que cela s'applique dans certains cas comme celui que j'ai
mentionné et qu'il a fait montre de plus de lucidité et de
courage que l'Opposition qui essaie de patauger pour voir s'il n'y a pas moyen
de compliquer les choses.
M. Pagé: M. le Président.
Le Président M. le député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, le premier ministre nous
indique que nous avons toujours la même opinion. Je lui dirai qu'avec la
dignité qui le caractérise toujours, c'est explicable.
M. Bédard: Ce n'est pas une question de... (14 h 30)
M. Pagé: Une question additionnelle au ministre de la
Justice. M. le ministre de la Justice, comment pouvez-vous concilier des propos
tels ceux formulés par le chef du gouvernement et le premier citoyen du
Québec avec le principe qui est fondamental en justice et ce pour tout
prévenu, peu importe l'acte qu'on lui reproche, ce principe fondamental
pour ce prévenu du droit à une défense pleine et
entière?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, effectivement il
s'agit d'une question pertinente que j'ai posée aux responsables du
ministère en matière de poursuite criminelle. Leur
réponse, c'est qu'effectivement il n'y a pas, dans les propos du premier
ministre, quoi que ce soit qui à nos yeux... M. le Président, je
comprends peut-être que l'Opposition souhaiterait que les hauts
fonctionnaires responsables de l'administration de la justice soient d'accord
avec le Parti libéral mais ce n'est pas comme cela qu'ils font leur
métier. Ils font ce qu'ils ont à faire.
Le Président: M. le député de Verdun, s'il
vous plaît!
M. Johnson (Anjou): Cela va, ça.
Le Président: M. le ministre de la Justice. M. le ministre
de la Justice n'a pas fini de répondre.
Une voix: Finissez! Une réponse contraire...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, effectivement,
après avoir consulté les fonctionnaires responsables de
l'administration de la justice au ministère, notamment au niveau de
l'administration des poursuites criminelles, ces juristes éminents, qui
sont des gens qui ne sauraient tolérer des ingérences de la
nature de celle qu'on laisse entendre par le genre de quolibets qu'on
profère de l'autre côté, sont d'avis qu'il n'y a pas, dans
le rapport de ces propos dans cette revue, matière à nuire au
processus normal de la justice.
Je dirai, en ce qui me concerne, une fois que j'ai entendu cette opinion
et après avoir lu ces propos, que je serais d'avis qu'il y a là
la répétition d'un certain nombre de
propos qui ont circulé à l'époque et dans la bouche
d'autres personnes que le premier ministre.
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Une dernière question additionnelle. Le
ministre de la Justice nous confirme qu'après une demande expresse
formulée auprès d'experts de son ministère, ceux-ci lui
ont confirmé que les propos du premier ministre n'ont pas nui au droit
pour ce prévenu d'avoir un procès juste et équitable.
Devons-nous comprendre que, du simple fait que vous, comme ministre de la
Justice, ayez demandé cet avis, vous vous en êtes
inquiété vous-même?
Une voix: C'est une drôle de responsabilité.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, d'une part, je pense
qu'il appartient au mandat du ministre de la Justice d'être prudent, de
prendre des précautions et, deuxièmement, il appartient à
un membre du Conseil exécutif de savoir que l'Opposition fait
flèche de tout bois et d'être préparé.
Le Président: Question principale, M. le
député d'Argenteuil.
Une voix: ...pour le dauphin.
M. Ryan: Est-ce que le ministre de la Justice, dans l'avis qu'il
a demandé à ses conseillers, leur a demandé si cela
pouvait être une ingérence dans le processus de la justice que de
traiter un accusé éventuel de fou avant même que le
procès ne soit instruit et que la preuve de cela n'ait été
faite?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si, jusqu'à
maintenant, les propos qui ont été tenus autour de cette terrible
affaire et dont vous devez être juge - vous l'avez rappelé -au
niveau de cette Assemblée, aux yeux de nos conseillers juridiques, ne
nous permettent pas de constater qu'il y a là, de quelque façon,
un motif ou un motif probable de croire que cela nuit aux procédures
judiciaires. Je pense que si le député d'Argenteuil continue
à s'aventurer comme il le fait, on pourrait rapidement sombrer
là-dedans. Il nous en a déjà donné un exemple.
Le Président: M. le député de D'Arcy
McGee.
M. Marx: Question additionnelle. Je vois que le ministre a le
dossier devant lui; j'imagine que l'opinion est là aussi. J'aimerais
demander au ministre de déposer la demande qu'il a faite d'une opinion
et l'opinion elle-même des juristes éminents. Je vois que le
ministre a tout cela devant lui.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Johnson (Anjou); M. le Président, le
député de D'Arcy McGee devrait savoir que le ministre de la
Justice ne dépose jamais ses opinions en Chambre.
Le Président: M. le député de D'Arcy
McGee.
M. Marx: M. le Président, n'est-il pas vrai que dans
d'autres circonstances, d'autres ministres de la Justice ont eu la franchise de
déposer certains documents?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, il arrive
régulièrement que le ministère de la Justice dépose
un certain nombre de documents s'il paraît d'intérêt public
de le faire d'une part; d'autre part, dans les circonstances, il ne me
paraît pas d'intérêt public de déposer un avis qui
n'a pas été écrit, mais qui a été
demandé oralement, ni... M. le Président, je me plais
effectivement à constater que la qualité des relations qui
existent entre le ministre de la Justice et ses hauts fonctionnaires leur
permet de se parler régulièrement.
Le Président: Question principale, M. le
député de Laporte.
Rapport au sujet de M. Pierre Allard
M. Bourbeau: M. le Président, je veux poser une question
au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. En janvier 1984, le
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme nommait M. Pierre Allard
à la Société des alcools du Québec en charge du
projet visant à transformer les succursales de la société
en coopératives. M. Allard, était avant cette date, organisateur
politique du ministre, président de l'association péquiste du
comté du ministre et président de la Coopérative de
travailleurs de Manseau, comté du ministre, une coopérative
virtuellement en faillite.
Malgré les nombreuses protestations de l'Opposition, le ministre
a déclaré à plusieurs reprises que ce n'était pas
pour des raisons politiques, mais à cause de sa grande compétence
que M. Allard avait été nommé
à la Société des alcools du Québec.
J'aimerais demander au ministre la question suivante: Est-il au courant qu'un
rapport de la Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec, rédigé à la
suite d'une inspection et d'une vérification de la Caisse populaire de
Manseau, fait état d'anomalies extrêmement sérieuses
à l'égard de transactions concernant la Coopérative de
travailleurs de Manseau et son président-directeur général
M. Pierre Allard, et que dans ce rapport, daté du 30 janvier 1984, les
inspecteurs ont constaté des opérations dites de "kiting" ou des
jeux de chèques dans le compte de la coopérative, et que
plusieurs dépôts au compte personnel de M. Pierre Allard
étaient constitués de chèques émis à l'ordre
de la coopérative dont, entre autres, un chèque de 14 420 $
émis à l'ordre de la coopérative et déposé
au compte personnel de M. Pierre Allard?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, je croyais que le
député de Laporte allait poser certaines questions cette semaine
sur ce sujet, puisque la semaine dernière il s'est rendu lui-même
à Manseau vérifier certains de ses avancés. J'ai pu,
à mon retour de voyage lundi, discuter avec certaines des personnes que
le député de Laporte a rencontrées. Non, je n'étais
au courant d'aucun rapport dans le sens que le député de Laporte
parle. Deuxièmement, je pense qu'il faut aussi que le
député de Laporte soit responsable à l'égard des
coopératives de travailleurs. C'est nouveau, c'est sûr que c'est
nouveau des coopératives de travailleurs, cela n'existe pas par milliers
nulle part. Ce furent, pour la plupart, des expériences pilotes qui ont
été vécues lorsque les groupes de travailleurs se sont
réunis ensemble et ont essayé de se sortir du trou par
eux-mêmes, lorsque d'autres entreprises privées ne pouvaient pas
faire la même chose. C'est dans ce sens.
Le Président: Voyons!
M. Bédard: M. le Président, question de
règlement.
Le Président: Un rappel au règlement du leader du
gouvernement. À l'ordre! M. le leader du gouvernement.
M. Bédard: Je crois que vous avez été en
mesure de constater, de même que ceux et celles qui nous écoutent
à la télévision, que lorsque le député de
l'Opposition a posé sa question, nous l'avons écouté, je
pourrais dire, presque religieusement et je peux...
M. le Président, ceux et celles qui nous écoutent sont
à même de constater qu'à partir du moment où le
ministre donne sa réponse, que l'Opposition en soit contente ou pas,
elle n'a pas à manifester. L'attitude de l'Opposition, qui se conduit
d'une façon inacceptable en termes de décorum, fait en sorte que
le ministre n'est même pas capable de donner les réponses. Si
l'Opposition ne veut pas avoir de réponses, à ce
moment-là, qu'elle ne pose pas de questions. Ou qu'elle attende les
réponses. (14 h 40)
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: Sur la question de règlement, M. le
Président. J'aimerais faire remarquer par votre entremise au leader du
gouvernement - si, de ce côté-là, on l'a
écoutée - que la question qui a été posée
par le député de Laporte a été formulée
selon l'article 76 de nos règles de pratique. Il n'a fait que donner un
court préambule à la question, ce qui est permis, pour la situer
dans son contexte. Il a posé une question précise, à
savoir si le ministre était au courant du rapport qu'il a cité.
On n'a pas demandé au ministre de nous livrer le fond de sa
pensée sur les coopératives de travailleurs. En répondant
de la façon dont il l'a fait, le ministre a violé l'article 79,
et c'est pour cette raison qu'on rouspétait de ce
côté-ci.
Une voix: Question...
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bédard: M. le Président, les remarques du leader
de l'Opposition sont justement en train d'illustrer mes propos...
Des voix: Oh!
M. Bédard: II en train d'illustrer le fait qu'il n'a tout
simplement pas fait son travail comme leader de l'Opposition, parce que s'il
croyait que la réponse du ministre était
irrégulière, il y a un article du règlement qui permettait
au leader de l'Opposition - et non pas au poulailler de l'Opposition de
manifester - de se lever et de faire ses recommandations ou ses
représentations au président. Je vous demande de vous conduire
d'une façon responsable.
Le Président: Bon! M. le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme était en train de répondre à la
question. Nous pourrions peut-être entendre la fin de sa réponse
avant de passer à une question complémentaire. M. le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
M. Biron: Oui. Je voulais dire, M. le Président, que j'ai
bien l'intention, par tous les moyens possibles dans mon rôle de ministre
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et aussi responsable des
coopératives, de promouvoir les coopératives de travailleurs.
Dans ce sens, je m'engage à y travailler.
Le Président: M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: Question additionnelle, M. le Président. Le
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme est-il au courant
qu'à l'époque où M. Pierre Allard se promenait en
compagnie du premier ministre et du ministre, comme cela apparaît ici sur
la brochure électorale de M. Pierre Allard -M. Allard tentait de se
faire élire à la mairie de Manseau paroisse, comté de
Lotbinière - le même Pierre Allard, selon le rapport d'inspection
et de vérification, s'approvisionnait en numéraire,
c'est-à-dire en argent liquide, en effectuant des dépôts
considérés fictifs via un guichet automatique? Le ministre
réalise-t-il que de tels agissements constituent des actes s'apparentant
à de la fraude?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, il y a environ 40 000 personnes
dans Lotbinière et je dirai au député de Laporte que je ne
peux pas vérifier ce que 40 000 personnes font individuellement
là-dessus.
Des voix: Ah! Ah!
Le Président: M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, compte tenu des faits...
Le Président: Cette fois, c'est votre propre
collègue qui souhaite prendre la parole.
M. Bourbeau: ...troublants exposés dans le rapport de
vérification et d'inspection de la caisse populaire à savoir que
de graves anomalies et des opérations illégales, à toutes
fins utiles s'apparentant à de la fraude, ont été
constatées à l'égard de la Coopérative de Manseau
et de son ex-président-directeur général, M. Pierre
Allard, le ministre peut-il nous assurer qu'une enquête judiciaire sera
entreprise dans les meilleurs délais et qu'entre-temps M. Pierre Allard
sera dès maintenant relevé de ses fonctions à la
Société des alcools du Québec et, plus
particulièrement, des fonctions qui en font le principal artisan du
projet de convertir des succursales de la Société des alcools en
coopératives?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, premièrement, j'ai dit
tout à l'heure au député de Laporte que je n'étais
pas au courant de cette enquête; deuxièmement, s'il y a des
enquêtes judiciaires qui sont faites, je pense que le ministre de la
Justice en est responsable et que c'est au ministère de la Justice
à en décider; troisièmement, quant aux coopératives
de travailleurs, je vous ai dit que j'ai bien l'intention de faire la promotion
de ce genre de coopératives. Le gouvernement a décidé d'en
faire jusqu'à une vingtaine pour vivre un projet pilote. Nous allons
essayer de vivre le projet pilote le mieux possible.
Finalement, je veux dire au député de Laporte que je suis
ici à l'Assemblée nationale, dans mon rôle de ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, pour travailler sérieusement au
mieux-être des citoyens du Québec. Je ne viens pas ici, comme le
chef de l'Opposition officielle, pour jouer. Je ne suis pas ici pour jouer, je
suis ici pour travailler sérieusement à l'Assemblée
nationale.
Le Président: M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: Question complémentaire. Le ministre n'est-il
pas d'accord que la nomination de M. Pierre Allard à la
Société des alcools du Québec était motivée
bien plus par les états de service de M. Pierre Allard au sein du Parti
québécois et plus particulièrement de l'association
péquiste de Lotbinière que par la compétence et
l'intégrité de ce dernier et qu'en définitive, c'est non
seulement le Parti québécois, mais également le ministre
lui-même et tout le gouvernement qui voient leur
crédibilité ternie et affaiblie par cette nomination qui n'est,
en fait, que du patronage éhonté effectué par...
Le Président: M. le député...
M. Bourbeau: ...un gouvernement de plus en plus corrompu?
Des voix: Oh! Des voix: Bravo! Une voix: C'est
vrai!
Le Président: La dernière partie de votre
question...
Une voix: Oui, mais c'est vrai pareil! Le Président:
...contenait quelques
arguments.
M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
M. Biron: Je regrette que, de l'autre côté, on n'ait
pas une vision de l'avenir et qu'on ne veuille pas faire du
développement économique.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Biron: Chaque fois qu'on veut parler de quelque chose de
nouveau, quelque chose qui peut permettre à des hommes ou à des
femmes de se débloquer un peu... Bien sûr, ces projets ne sont pas
parfaits au début, ce sont de nouveaux projets, il faut les
étudier, il faut en faire la promotion. La nomination de M. Allard
à la Société des alcools du Québec est due au fait
que M. Allard a été l'un des fondateurs de l'Association des
coopératives ouvrières de production; c'est dans ce sens que la
Société des alcools a retenu ses services.
Le Président: M. le député d'Argenteuil.
La date de naissance et l'admission à
l'école
M. Ryan: Ma question s'adresse au ministre de l'Éducation.
Pour être admis en première année, un enfant doit
actuellement avoir atteint l'âge de six ans avant le 30 septembre de
l'année scolaire qui commence. En vertu de ce régime, des
milliers d'enfants sont privés chaque année de la chance d'entrer
à l'école à un âge qui leur permettrait de sauver
une année. Le Québec, à ce point de vue, est en retard sur
à peu près toutes les provinces canadiennes qui se servent
plutôt de la date du 31 décembre; il est davantage en retard sur
des pays européens comme la France et le Royaume-Uni. En France, je
pense que c'est entre trois ans et quatre ans.
Les parents se sont regroupés récemment afin de faire
comprendre au gouvernement qu'il serait temps de donner suite à
l'engagement qu'avait pris l'ancien ministre de l'Éducation en
février 1981 de ramener cette date au 31 décembre plutôt
qu'au 30 septembre. Je voudrais demander au ministre ceci: Ces parents lui ont
écrit le 30 avril dernier pour lui demander une rencontre dans les
meilleurs délais; comme il ne leur a pas encore répondu,
pourrait-il dire quand il entend les rencontrer et, deuxièmement, quand
le gouvernement va-t-il donner suite à la décision qu'avait
annoncée le ministre de l'Éducation, M. Camille Laurin, en
février 1981?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Bérubé: Je pense qu'il faut prendre conscience
que quelle que soit la date que l'on choisisse, qu'on la déplace en
l'avançant ou en la reculant, il demeure qu'elle sera discriminatoire
à l'égard de toute clientèle qui n'a pas tout à
fait l'âge requis. Donc, cela ne fait que déplacer le
problème de la discrimination entre une clientèle qui est
éligible à l'admission et une autre qui ne le peut pas.
Deuxièmement, cette question revient fréquemment,
particulièrement, de la part de parents qui voudraient envoyer leurs
enfants à l'école plus rapidement. Il faut quand même se
dire que cette question est discutée depuis de nombreuses années
et aucun gouvernement, par le passé, n'a jugé bon de modifier la
date en question. Je dois donc tirer la conclusion que si cela n'a pas
été fait, il devait y avoir un certain nombre de bonnes raisons
avec lesquelles je ne suis pas familier pour justifier les décisions
passées.
Troisièmement, quant à la demande de rencontre, je dois
dire que le nombre de demandes de rencontre avec le ministre de
l'Éducation est absolument phénoménal et il est bien
évident que je doive faire une sélection des gens qui doivent me
rencontrer. Cependant, on pourra toujours aménager une rencontre
quelconque avec des gens du ministère qui sont particulièrement
concernés par la responsabilité en question. Donc, je ne peux pas
me prononcer quant à l'acceptation maintenant d'une demande de
rendez-vous, dans la mesure où je ne peux en apprécier
présentement la pertinence. (14 h 50)
Le Président: M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Mais, est-ce que le ministre aurait au moins la
courtoisie de mettre cette indécision par écrit à
l'intention de ceux qui lui ont écrit en leur disant qu'il ne
connaît pas grand-chose au problème...
Une voix: C'est cela.
M. Ryan: ...et qu'il ne peut pas les rencontrer actuellement? Au
moins, ils sauraient à quoi s'en tenir. Est-ce que des études ont
été faites - sans doute - au ministère? Ce que nous
croyons comprendre, c'est que ces études invoqueraient des raisons
financières pour justifier le report de cette mesure. C'est d'ailleurs
l'argument qu'avait invoqué le gouvernement dans le temps pour ne pas
donner suite, après l'élection, à son engagement
préélectoral. Le ministre conviendrait-il avec moi que d'admettre
ces enfants maintenant - le 31 décembre, pour le ministre, c'est au
milieu de l'année - serait plus juste que si c'était au
début de l'année? C'est aussi simple que cela: la moyenne a plus
de chances de se trouver au milieu qu'au début.
Une voix: C'est cela.
M. Ryan: Admettrait-il que les dépenses qui seraient
encourues pour recevoir ces enfants à l'école plus tôt
entraîneraient des économies à l'autre bout du processus,
entraîneraient la probabilité qu'ils sortiraient du système
un an plus tôt? Serait-il prêt à convenir qu'au moins cet
argument ne sera pas le seul retenu dans la décision qui sera prise? Je
voudrais lui demander s'il y a des chances qu'une décision...
Le Président: M. le député.
M. Ryan: ...assouplissant la discipline actuelle soit prise pour
le mois de septembre?
Des voix: Bravo!
M. Bérubé: Je regrette, M. le
Président...
Le Président: Cela fait quatre questions en une seule. M.
le ministre de l'Éducation.
M. Bérubé: Oui. Je regrette, mais, pour
répondre aux commentaires liminaires du député
d'Argenteuil, je lui répondrai simplement qu'on ne peut pas tous avoir
la suffisance du député d'Argenteuil.
Quant à modifier la date pour septembre, il est clair qu'il ne
peut en être question.
Le Président: M. le député de Groulx, en
complémentaire ou principale?
M. Fallu: Principale.
Le Président: M. le député de Groulx, suivi
du député de D'Arcy McGee.
Honda a-t-elle été invitée
à s'implanter au Québec?
M. Fallu: M. le Président, la presse nous apprend ce matin
que Honda s'installe en Ontario et, qu'en conséquence, le Québec
reste avec seulement 8% de construction automobile contre seulement 2% de
fabrication de pièces d'automobile et que notre déficit est
toujours aussi considérable.
Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme à propos de cette nouvelle implantation en dehors du territoire
québécois, qui souffre de ce déficit. J'aimerais d'abord
lui demander ses réactions à cette implantation, notamment en
nous disant ce que le gouvernement et lui-même ont pu faire sans qu'on le
sache publiquement pour faire en sorte que Honda soit invitée pour le
moins à venir chez nous.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, mes fonctionaires sont en
pourparlers constants avec les différentes compagnies d'automobiles dans
le monde, surtout qu'on sait qu'au cours de l'année dernière, le
gouvernement fédéral a décidé de mettre des quotas
d'importation et que cela force un peu les compagnies qui n'ont pas d'usine au
Canada à venir s'y établir.
On en a profité aussi, vis-à-vis du gouvernement
fédéral, pour avoir des discussions et pour faire des pressions
sur le ministre fédéral de l'Industrie et du Commerce lui disant:
Pendant que vous faites la deuxième génération d'usines
d'automobiles, profitez-en pour diriger dans certains endroits du Canada, et en
particulier au Québec, certains investissements puisque vous avez le
gros bout du bâton. Ces gens-là ont besoin de votre permission
pour s'installer. Mais on n'a pas reçu l'appui du gouvernement
fédéral dans ce sens.
Personnellement, la semaine dernière, j'ai rencontré les
trois grands de l'automobile au Japon, dont Honda, qui m'informe alors qu'elle
allait annoncer cette semaine l'établissement de son usine en Ontario,
mais j'ai constaté aussi que, même si nos gens ont fait un
excellent travail, nous n'avons pas l'appui du gouvernement
fédéral. Les entreprises de l'automobile du Japon étaient
au courant de l'excellente productivité des travailleurs de GM. Elles
étaient au courant aussi de ce qu'on faisait au Québec comme
programmes pour aider les entreprises à s'établir. Lorsqu'on
laisse jouer les jeux du capitalisme et du marché, bien sûr, ils
tendent à s'établir autour des usines qui existent
déjà, c'est-à-dire dans le sud de l'Ontario.
De ce point de vue, on va quand même continuer nos
démarches, parce qu'il y a d'autres entreprises qui sont
véritablement intéressées à venir s'installer au
Québec, mais on aurait besoin que le gouvernement fédéral
appuie les démarches du Québec et force, en quelque sorte, les
entreprises d'automobiles dans le monde, lorsqu'elles font un nouvel
investissement au Canada, à le faire au Québec.
Le Président: M. le député de Groulx.
M. Fallu: Maintenant que l'annonce de l'usine de montage est
faite pour l'Ontario, est-ce que le ministre a l'intention d'entreprendre une
série de démarches auprès de Honda pour faire en sorte que
les pièces ou, du moins, une certaine série de pièces
puissent être fabriquées au Québec?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: Oui. Nous avons discuté avec Honda, de
même qu'avec les autres entreprises d'automobiles, de pièces en
aluminium en particulier. Il y aurait des possibilités de se servir
précisément des investissements que nous sommes à faire
présentement au Québec pour y établir des usines, des
fonderies de pièces d'aluminium. Encore là, les pourparlers sont
longs et nécessitent la volonté du gouvernement
fédéral de nous aider dans ce sens-là, parce que lorsqu'on
parle d'une fonderie majeure de pièces d'aluminium coulé, on
parle encore d'une centaine de millions d'investissements. Si on laisse aller,
encore là, les lois du marché, c'est difficile pour le
Québec de se battre tout seul.
La morale de tout cela, dans les pièces d'automobile comme dans
d'autres choses, je pense que le Québec est obligé de surveiller
ses intérêts parce qu'on n'a personne au gouvernement
fédéral qui surveille nos intérêts.
Le Président: M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: Question complémentaire, M. le
Président. Est-ce que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme s'est enquis auprès des gens de Honda, quand il les a
rencontrés, si les chances du Québec auraient été
meilleures d'obtenir l'investissement si le gouvernement du Québec avait
laissé tomber son option d'indépendance et de séparation
politique du Québec?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: Je peux dire au député de Laporte qu'on a
discuté avec les trois entreprises japonaises majeures, la semaine
dernière, d'une foule de questions: taxation, lois, relations du
travail, tout cela. En aucune occasion ces gens-là n'ont
mentionné le cas de la souveraineté du Québec, parce
qu'ils sont habitués à s'établir dans n'importe quel pays
du monde. Ils font confiance au jugement de la population du Québec, si
le Québec décide de devenir souverain.
Le Président: M. le député de D'Arcy
McGee.
Le racisme dans l'industrie du taxi à
Montréal
M. Marx: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de la Justice et porte sur le racisme dans l'industrie du taxi, lequel
existe à Montréal depuis 1977.
À l'automne 1982, la Commission des droits de la personne a
entrepris une enquête publique. Il y a eu un rapport préliminaire
en septembre 1983 et le rapport final est encore à venir. Le 12 avril
1984, en réponse à une question en cette Chambre, le ministre
disait qu'une série de plaintes en vertu de la charte ont
été déposées le 2 avril. Il a aussi dit qu'il
rencontrera la Commission des droits de la personne. Ce mois-ci, la CTCUM a
octroyé des contrats à deux compagnies de taxi qui sont
accusées de racisme. Récemment, le président de la CTCUM a
affirmé, tel que rapporté dans le journal La Presse - et je cite
- "que ce n'est pas la responsabilité de la CTCUM d'appliquer la charte
des droits et libertés alors que le gouvernement ne considère pas
que les actes de discrimination contre les Noirs sont graves puisqu'il prend
plusieurs mois pour prendre action."
Depuis les sept dernières semaines, soit depuis la réponse
du ministre, le 12 avril dernier, la situation s'est envenimée à
Montréal. Le ministre est au courant...
Le Président: Votre question, M. le
député.
M. Marx: Oui. En terminant... Le ministre est au courant parce
que les chauffeurs ont fait une manifestation devant son bureau de comté
vendredi dernier.
Ma question est la suivante: Est-ce que le ministre a l'intention d'agir
avec fermeté dans ce dossier et, si oui, quelles sont les mesures qu'il
entend prendre?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je corrigerai une
première chose. Le député a bien pris la peine de dire
qu'il citait un article de journal. J'avais, en effet, pris connaissance de cet
article dans lequel on imputait un certain nombre de paroles à M.
Hanigan. Vérification faite par un de mes collaborateurs, M. Hanigan a
dit qu'il ne s'est jamais exprimé en ces termes-là. Je
présume que cela reste une affaire entre M. Hanigan et le journaliste
qui l'a interrogé.
Une voix: La Presse.
M. Johnson (Anjou): Cela m'apparaît important puisque, je
pense, une partie de la question du député est basée sur
ces propos qui sont niés par le président de la CTCUM.
Deuxièmement, le problème de l'expression d'un
comportement raciste dans l'industrie du taxi, à Montréal en
particulier, est un problème important. Ce n'est pas seulement celui
d'un certain nombre de personnes qui adopteraient, de façon
systématique ou non, un comportement raciste dans leur industrie pour
des fins économiques. Cela peut mettre en évidence dans notre
société un trait de notre humanité qui n'est pas
nécessairement des plus beaux, puisqu'un comportement raciste
ne pourrait survivre et donner des profits à ceux qui l'adoptent
pour des fins économiques s'il n'y avait pas une tentative, un effort ou
une conviction de leur part que cela donnera des résultats auprès
des clients. (15 heures)
Je pense que c'est donc un problème qui se passe d'attitudes
partisanes. Je connais l'intérêt que le député de
D'Arcy McGee porte aux questions des droits et libertés. Je dirai que ce
que j'ai eu à faire dans ce dossier, d'une part, c'est de faire le bilan
de ce qui avait été fait. Au chapitre du bilan, on constate qu'un
certain nombre de poursuites ont été prises contre ces deux
entreprises et, deuxièmement, qu'une injonction a été
demandée dans un cas, injonction qui fut rejetée par la Cour
supérieure pour des motifs, disait la cour, de problèmes dans le
témoignage d'une des personnes qui était le témoin
principal du côté de la commission.
Par ailleurs, j'ai rencontré les membres du conseil
d'administration de la Commission des droits de la personne. J'ai
également eu l'occasion de mettre en contact tous les
intéressés, que ce soient les représentants de la
communauté haïtienne de Montréal, que ce soit les
représentants des chauffeurs de taxi haïtiens, que ce soit les
représentants des deux groupes de l'industrie du taxi dont il s'agit.
Jusqu'à maintenant, il semble que certaines menaces qui avaient
été évoquées au sujet de la mise à pied de
certaines personnes, encore une fois, sur la base de la couleur de leur peau,
ne seront pas mises à exécution. Je souhaite que la Commission
des droits de la personne puisse conclure dans les plus brefs délais une
sorte d'entente et amène, à toutes fins utiles, ces deux
entreprises à respecter à la fois l'esprit et la lettre qu'on
retrouve dans la Charte des droits et libertés de la personne.
Le Président: M. le député de D'Arcy
McGee.
M. Marx: Je comprends ce que le ministre a dit mais il n'a pas
répondu à ma question. Est-ce que le ministre a l'intention
d'intervenir dans le dossier? Est-ce que le gouvernement a l'intention de
modifier sa législation ou sa réglementation pour donner plus de
pouvoir au gouvernement d'intervenir dans ce dossier? Qu'est-ce que le ministre
entend faire?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Johnson (Anjou): D'abord, M. le Président, j'ai
déjà fait des interventions dans ce dossier. Je pense que je
viens de les évoquer. Deuxièmement, j'avais coupé court
à ma réponse, peut-être, M. le Président, parce que
vous me faisiez signe que cela suffisait. La question additionnelle me donne
l'occasion d'y répondre.
Je dirai que oui, nous avons entrepris des travaux conjointement avec le
ministère des Transports pour voir dans quelle mesure la
réglementation dans l'industrie du taxi pourrait contenir certains
éléments très spécifiques qui relient l'octroi ou
le maintien de ces permis au respect, par ceux qui les demandent, des
dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne.
Je crois cependant qu'il faut circonscrire cette question et ce
problème à l'industrie du taxi dans le contexte actuel puisque...
Il y a une réponse très simple, je le sais, et qui a
été proposée par un certain nombre de personnes. C'est que
dorénavant toutes les législations, tous les contrats, toutes les
relations et les transferts, de quelque nature qu'ils soient, entre
l'État et les organismes publics, parapublics ou péripublics,
soient soumis à une notion de respect de la Charte des droits et
libertés de la personne. Il faut voir que cette approche, sur le plan
juridique, est d'une extrême complexité, sans compter la dimension
pratique. Est-ce qu'on peut anticiper ou non qu'une personne respecte la Charte
des droits et libertés de la personne? Quels articles? De quelle
façon? Qui sera la personne qui portera jugement par anticipation? Etc.
Néanmoins, nous tentons de trouver dans le cas du taxi une
réponse susceptible de répondre à ces attentes.
Le Président: M. le député de Mont-Royal,
question principale.
L'affaire Sonamar-Desgagnés
M. Ciaccia: Ma question s'adresse au ministre des Transports. Ce
matin, le journal relate les faits suivants. Une société a
été formée par le gouvernement pour regrouper la
totalité des transporteurs maritimes du Québec, la
société Navigation Sonamar Inc., dont le gouvernement
détient 25% des actions alors que 44% sont détenus par le groupe
Desgagnés. On nous apprend que le groupe Desgagnés a eu
l'administration de la société et qu'à la suite d'un appel
d'offres les soumissions ont été préparées pour la
société Navigation Sonamar par le groupe Desgagnés, mais
que le groupe Desgagnés a aussi préparé une soumission
pour son propre compte. Autrement dit, il y avait une soumission
préparée pour la compagnie qu'il gère à un prix
plus élevé et une autre soumission plus basse pour
lui-même, tout cela pour écarter les intérêts de
l'ensemble des actionnaires de Sonamar qui se fiaient au groupe
Desgagnés. Est-ce que le ministre peut nous dire si c'est vrai? Si oui,
qu'entend-il faire?
Le Président: M. le ministre des
Transports.
M. Léonard: Dans la société Sonamar, il y a
un regroupement de caboteurs et il s'agit d'une société qui a
été aidée par le gouvernement du Québec depuis
1976. Au conseil d'administration, le gouvernement a deux administrateurs. Par
rapport à un appel d'offres que nous avons fait, qui a été
lancé par le ministère pour transporter des marchandises vers le
Grand-Nord du Québec au cours de l'été, trois entreprises
ont soumissionné: Navigation Sonamar, Logistec Corporation et Transport
Desgagnés. La plus basse soumission, c'est Transport Desgagnés.
Le gouvernement, normalement, s'apprête à accorder le contrat
à Transport Desgagnés, la plus basse soumission. Je ne pense pas
qu'on puisse dire que les contribuables soient lésés en la
matière puisqu'il s'agit là de la plus basse soumission. Le
problème qui reste ou la question qui reste c'est celle des relations
entre celui qui fait l'administration de Sonamar, M. Desgagnés, et la
compagnie elle-même Sonamar. Je pense qu'il s'agit plutôt d'un
problème interne où le gouvernement comme tel n'est pas
impliqué.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Comment le ministre explique-t-il par sa
réponse qu'il accepte le fait que la compagnie le groupe
Desgagnés est l'administrateur principal des deux compagnies:
l'administrateur de Navigation Sonamar et l'administrateur pour lui-même.
Sonamar représente un groupe d'autres transporteurs qui se sont
fiés, quant à l'appel d'offres du gouvernement, sur la soumission
qui serait préparée par Sonamar et on se voit dans la situation
où celui qui contrôlait ou qui administrait les deux l'a fait pour
ses propres fins. Comment le ministre peut-il accepter cela? Comment peut-il
dire que ce n'est pas une atteinte aux fonds publics et même aux droits
du gouvernement qui détient 25% de la société Sonamar?
Comment peut-il nous expliquer cela?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: Je pense que lorsqu'on a fait
référence à l'article du journal qui disait que les
contribuables et peut-être le gouvernement s'étaient fait avoir
là-dedans, ce n'est pas exact puisque nous nous apprêtons à
accorder le contrat au plus bas soumissionnaire. Ceci en ce qui concerne les
intérêts des contribuables, de ceux qui financent le contrat.
L'autre partie de la question, c'est celle des relations entre celui qui est
chargé de l'administration de
Sonamar qui fait en même temps des soumissions pour sa propre
entreprise. Tout le monde sait que dans Sonamar il s'agit là d'un
regroupement de caboteurs et que chacun a son entreprise, par ailleurs. Je
pense qu'il s'agit d'établir si M. Desgagnés peut continuer
d'agir comme responsable de l'administration de Sonamar. Cela devient donc une
question à régler, à décider au sein du conseil de
Sonamar.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président: La période de questions est
terminée, M. le député. Vous pourrez revenir demain,
d'autant qu'il y a un complément de réponse du ministre de
l'Éducation à M. le député de Saint-Laurent. M. le
ministre de l'Éducation. (15 h 10)
La situation à la Faculté de droit de
l'Université de Montréal
M. Bérubé: Le député de Saint-Laurent
interrogeait le ministre de la Justice, il y a quelques semaines, concernant le
niveau de subvention accordé à la Faculté de droit pour
financer les études universitaires à ce niveau. Plus
particulièrement, il faisait état de compressions
invraisemblables qui auraient entraîné une diminution très
importante du niveau de financement des étudiants en droit de cette
faculté et que lorsque l'on compare le financement dans cette
faculté avec, par exemple, ce qui est versé aux étudiants,
ou par étudiant en droit à l'Université de Toronto, il
tirait une conclusion assez frappante. Il arrivait, en effet, à la
conclusion qu'à l'Université de Montréal on devait
consacrer 3363 $ par étudiant inscrit alors qu'à
l'Université de Toronto on devait consacrer 5840 $.
Je lui laisse, M. le Président, la paternité des chiffres
qu'il a cités mais je resituerai donc ce point qu'il a soulevé
dans ce cadre un peu plus global. Essentiellement, il faut donc comparer le
niveau de financement de nos étudiants universitaires entre le
Québec et l'Ontario pour d'abord porter un jugement sur les chiffres
cités par le député de Saint-Laurent.
En 1981-1982, avant le début de la vague de compression, M. le
Président, nous versions par étudiant, suivant
l'"Inter-provincial Comparison of University Financing", 7250 $ aux
universités du Québec. La même année, l'Ontario
versait 5529 $. Donc, je le rappelle, le Québec versait 7250 $ contre
5529 $ en Ontario. Il s'agit là du financement moyen pour l'ensemble des
étudiants universitaires inscrits au Québec ou en Ontario. On
voit donc l'écart faisant en sorte que le niveau de financement au
Québec était nettement plus élevé. Nous entrons
à ce moment dans
une vague de compression...
M. Ryan: Question de règlement.
Le Président: Rappel au règlement, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Le ministre pourrait-il répéter le chiffre
pour le Québec?
M. Bérubé: Oui. Suivant les données
statistiques, il faut faire attention, chaque fois qu'on fait des comparaisons
interprovinciales, il faut se référer à un système
cohérent de comparaison: c'est celui qui est fourni par
l'"Interprovincial Comparison of University Financing", qui effectue des
études comparatives de financement universitaire dans l'ensemble du
Canada et qui nous fournit, à ce moment, des bases véritablement
comparables de financement. Donc, sur une base véritablement comparable
de financement, le Québec versait en 1981-1982, 7250 $ par
étudiant alors que l'Ontario versait 5529 $. Donc, M. le
Président, nous versons globalement beaucoup plus au Québec pour
l'éducation universitaire que l'Ontario.
Deuxièmement, est survenue cette ronde de compression que le
député de Saint-Laurent qualifie d'invraisemblable, qui a fait en
sorte qu'aujourd'hui, en 1984-1985, nous versons, toujours évalué
sur la même base, 7179 $ au Québec par étudiant alors que
l'Ontario verse 6466 $. Donc, nous continuons à verser beaucoup plus
d'argent par étudiant pour financer les études universitaires au
Québec, malgré la com-presssion.
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Bérubé: Oui, M. le Président. Tout ce que
l'on peut dire, cependant, c'est que les subventions per capita n'ont
certainement pas suivi l'inflation mais, en dépit du fait que les
subventions n'ont pas subi l'inflation, nos subventions demeurent globalement
beaucoup plus importantes que celles de l'Ontario per capita.
Le Président: Non, non.
M. Bérubé: Le troisième point qu'on pourrait
trouver M. le Président, c'est la comparaison.
Le Président: À ce moment là, M. le ministre
de l'Éducation, si la réponse est si longue et demande tant de
chiffres, je vous suggère d'en faire un dépôt de document,
mais il n'y a pas de raison pour qu'un complément de réponse soit
plus long qu'une réponse à une question pendant la période
de questions. Or, le temps que vous avez pris jusqu'à maintenant pour
répondre à la question commence à faire en sorte que cela
ressemble à une déclaration ministérielle.
M. Bédard: M. le Président...
Le Président: Oui, M. le leader du gouvernement.
M. Bédard: M. le Président, avec votre permission,
sans mettre en doute vos remarques, je dois dire qu'on a été
à même de constater que le ministre de l'Éducation, afin
d'assurer une meilleure compréhension de sa réponse, a dû
prendre quelque temps pour résumer l'essentiel de la question, du
problème qui avait été posé par le
député de Saint-Laurent. Je pense qu'il l'a fait non pas en
pensant prendre du surtemps mais pour que ceux et celles qui nous
écoutent fassent un lien, quand même, entre ce qui est dit par le
ministre et les éléments qui ont été
soulevés dans une question qui a été posée il y a
déjà quelques jours. Je pense, de toute façon, que le
ministre de l'Éducation était à la veille de terminer,
à votre invitation, M. le Président.
Le Président: Mon invitation commence à dater. M.
le ministre de l'Éducation.
M. Bérubé: Et je demanderais votre sympathie, M. le
Président.
Le Président: Vous avez toute ma sympathie, mais ce n'est
pas une question de sympathie.
M. Bérubé: Dans la mesure, M. le Président,
où il est toujours facile de poser des questions techniques il faut
évidemment effectuer les recherches pour apporter les réponses et
il est certainement plus facile de poser les questions que d'y répondre.
Il faut donc prendre le temps, M. le Président, d'aller au fond de la
question.
Donc, le dernier point que je voulais soulever est de savoir si,
à l'intérieur du réseau québécois,
l'Université de Montréal est défavorisée? Ceci est
une question aussi fondamentale. Par rapport à l'Ontario, nous versons
plus. Est-ce qu'à l'intérieur du Québec
l'Université de Montréal est bien traitée? Or, à
cet égard, c'est intéressant, mais il s'agit d'un système
de comparaison un peu différent, ce sont les subventions per capita par
étudiant à temps complet. Ce n'est donc pas exactement la
même base de calcul. Cependant, la comparaison est cohérente dans
l'ensemble du système. Elle nous démontre que, pour l'ensemble
des universités du Québec, nous versons 5989 $ par
étudiant à temps complet alors qu'à l'Université de
Montréal, nous versons 6755 $. L'Université de Montréal
reçoit donc plus que sa part de financement.
Le dernier point, M. le Président. Notre Assemblée
nationale veut que le financement des universités relève de la
gestion interne des universités, que nous ne nous impliquions pas dans
les décisions qui relèvent de la liberté universitaire.
Par conséquent, M. le Président, la façon pour
l'Université de Montréal, qui est privilégiée par
rapport aux universités du Québec qui sont
privilégiées par rapport aux universités de l'Ontario, de
réallouer ses fonds est de sa stricte juridiction et non de celle du
gouvernement.
Le Président: Vous avez pris effectivement le temps d'une
déclaration ministérielle, M. le ministre. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que le ministre veut bien
reconnaître que, depuis cinq ans, on a coupé au niveau
universitaire 300 000 000 $ de subventions?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Bérubé: Oui, M. le Président, mais comme
nous en donnions beaucoup plus que partout ailleurs au Canada, on continue
d'être les champions.
Le Président: Aux motions sans préavis, M. le
ministre de la Justice.
Condoléances aux familles des juges Lajoie et
Vallée
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je sollicite le
consentement de la Chambre pour que l'Assemblée nationale
souligne...
Une voix: C'est sa manière de fonctionner.
Le Président: À l'ordre!
M. Johnson (Anjou): ...le décès de l'honorable juge
François Lajoie de la Cour d'appel du Québec, le 31 mai 1984, et
de l'honorable juge en chef associé de la Cour supérieure du
Québec, Mme Gabrielle Vallée.
Le Président: Y a-t-il consentement à une telle
motion? Il y a consentement. M. le ministre de la Justice.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, le juge
François Lajoie a été admis au Barreau du Québec en
1944. Il devait d'ailleurs, à sa sortie de l'université,
remporter la médaille du gouverneur pour l'excellence de ses
études. Il a pratiqué le droit jusqu'en 1970 dans la
région de Trois-Rivières, où il a exercé nombre de
fonctions extrêmement importantes dans beaucoup d'organismes sociaux,
notamment à l'hôpital Sainte-Marie de Trois-Rivières. Il a
été également président de la chambre de commerce.
Il a été directeur au conseil d'administration de nombreuses
sociétés commerciales, sportives ou à vocation sociale. Je
rappellerai qu'il a été bâtonnier de Trois-Rivières,
en 1967, ainsi que bâtonnier du Québec cette même
année.
Le juge Lajoie accédait à la Cour d'appel en 1970 et,
après une maladie qui le tint malheureusement éloigné un
certain temps de la cour, il devait décéder. Il laisse dans le
deuil six enfants, trois garçons et trois filles, ainsi que Mme
Thérèse Lamothe-Lajoie.
Quant au juge en chef Gabrielle Vallée, M. le Président,
elle a été admise - ceux qui ont suivi sa carrière
remarquable s'en rappelleront - au barreau en 1954. Dès 1956, elle
devait entreprendre je dirais non seulement une carrière juridique, mais
une carrière de présence au Barreau du Québec absolument
continue à compter de 1956, à la fois au jeune barreau ou comme
conseillère . au Barreau du Québec à compter de 1959
jusqu'à ce qu'elle devienne bâtonnier de Québec en 1973.
Elle fut nommée à la Cour supérieure en 1973 et, trois ans
après, le juge Vallée devint la première femme à
occuper le poste de juge en chef associé dans une Cour supérieure
au Canada.
Le juge en chef Vallée laissera sûrement auprès des
avocats et du monde juridique, notamment ceux de la région de
Québec, un souvenir absolument indélébile quant à
son courage, compte tenu de sa vie et d'un certain nombre de choses qui avaient
frappé son existence, et une impression profonde de fermeté, de
conviction, de cohérence et de rigueur. M. le Président, à
sa famille ainsi qu'à la famille du juge Lajoie nous exprimons nos
sympathies. (15 h 20)
Le Président: M. le député de D'Arcy
McGee.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, M. le Président. L'Opposition se joint
à la motion présentée par le ministre de la Justice et
aussi à ses voeux. Il va sans dire que le décès des juges
Lajoie et Vallée est prématuré parce que c'étaient
des personnes qui avaient normalement encore des années productives. Je
le répète, ce sont vraiment des décès
prématurés. C'est une lourde perte pour notre magistrature et
aussi pour tout le domaine judiciaire. Cela va sans dire qu'on va remplacer ces
juges, mais c'est sûrement une succession difficile à combler.
M. le Président, j'aimerais ajouter qu'il ne faut pas
sous-estimer l'importance de notre Cour d'appel. En fait, la Cour d'appel
est la cour de dernière instance dans beaucoup de
matières. Pensons seulement au droit statutaire, au droit civil,
où ce sont surtout les décisions de notre Cour d'appel qui font
jurisprudence. Également, tous les juges font plus qu'interpréter
la loi, que ce soit à la Cour supérieure ou à la Cour
d'appel. Souvent les juges font la loi. Je sais que dans la tradition civiliste
on veut que les juges interprètent seulement la loi, ne fassent pas la
loi. Mais, en fait, ils font la loi si l'on pense, par exemple, au droit
criminel, et même au droit civil. Si l'on pense à l'article 1054
du Code civil, on sait que les juges ont vraiment fait la loi.
Les juges ont aussi un rôle éducatif non seulement
vis-à-vis des étudiants en droit et des avocats mais envers la
population en général. Comment connaît-on des juges comme
les juges Lajoie et Vallée? Je les ai connus surtout à partir de
leurs jugements. Je peux vous dire que dans ce sens c'est une perte importante.
En ce qui concerne leurs familles il va sans dire que c'est une perte
irremplaçable. Quand on perd un être cher c'est une perte
irremplaçable. J'offre les sincères condoléances de
l'Opposition aux familles des deux juges.
Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Trois-Rivières.
M. Denis Vaugeois
M. Vaugeois Un mot rapide également pour me joindre au
ministre de la Justice et au député de D'Arcy McGee. Le juge
Lajoie appartient à une très importante famille de
Trois-Rivières, une famille qui a plusieurs membres dans le barreau.
C'est une perte importante pour le barreau, pour la magistrature. C'est
également pour Trois-Rivières un moment de deuil. Je voudrais
aussi en profiter pour offrir mes sympathies à la famille du juge
Vallée, que je connaissais, et à ses amis.
Le Président: M. le leader du gouvernement sur la
motion.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: M. le Président, avec votre permission,
et très rapidement, je veux remercier l'Opposition de me permettre
d'intervenir. À la suite du décès du juge en chef
associé de la Cour supérieure, Mme Gabrielle Vallée, je
veux également offrir ma sympathie à toute sa famille. J'aimerais
m'associer aux propos du ministre de la Justice en ajoutant simplement qu'ayant
eu à travailler de nombreuses années en tant que ministre de la
Justice avec la juge en chef, Mme Vallée, j'ai pu apprécier son
souci de collaboration constant afin d'assurer le bon fonctionnement ainsi que
l'humanisation de notre système judiciaire. Durant ce temps j'ai eu
à maintes et maintes reprises l'occasion de la rencontrer,
d'échanger avec elle sur des propositions d'amélioration du
système judiciaire. Il est clair pour tout le milieu judiciaire, tous
ceux et celles qui ont eu la chance de la connaître, que Mme
Vallée a assumé ses responsabilités avec beaucoup de
dignité et de courage, car on sait que depuis un bon bout de temps son
état de santé était déjà assez difficile. Je
pense que cela mérite d'être souligné d'une façon
tout à fait spéciale.
Également, quant au juge François Lajoie, ne l'ayant pas
connu personnellement, je sais qu'il était un juriste exceptionnel et
que par son travail infatigable à la Cour d'appel, il a sans doute
contribué à porter le plus haut tribunal québécois
à un niveau d'excellence que tous lui reconnaissent. À la famille
de Mme Vallée de même qu'à la famille du juge Lajoie,
j'offre toutes nos sympathies.
Le Président: La motion de M. le ministre de la Justice:
"Que cette Assemblée offre ses sympathies aux familles et proches des
juges Gabrielle Vallée et François Lajoie", est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le député de
Châteauguay.
Félicitations à l'ensemble de
flûte à bec de Châteauguay
M. Roland Dussault
M. Dussault: M. le Président, je veux solliciter le
consentement de cette Assemblée nationale pour une motion de
félicitations à l'ensemble de flûte à bec de
Châteauguay pour une médaille d'or que le groupe vient de
remporter.
Le Président: Y a-t-il consentement à la discussion
d'une telle motion? Il y a consentement, M. le député.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Je remercie
l'Opposition d'avoir accordé son consentement. L'ensemble de flûte
à bec de Châteauguay a tout récemment remporté une
médaille d'or à l'International Music Festival 1984 qui a eu lieu
à la Nouvelle-Orléans en Louisiane entre le 1er juin et le 3 juin
dernier. Cet événement musical de prestige vise à
atteindre le plus haut niveau de performance par des groupes non
professionnels. L'International Music Festival a lieu annuellement dans divers
pays du monde, dont les États-Unis, le Canada, le Mexique, les Bermudes,
en Italie et en
Angleterre.
Depuis 1972, environ 3500 groupes musicaux ont été
acceptés pour participer au festival et seulement 7% de ces ensembles
ont reçu des médailles d'or. Ce n'est pas un concours ni une
compétition entre des ensembles, c'est en fait un festival où
l'on remet une médaille d'or à des groupes qui le
méritent. L'un des juges a dit à l'occasion de cet
événement, en parlant de l'ensemble de flûte à bec:
"The finest group I have heard since many years". C'est le juge le Dr Al G.
Wright.
M. le Président, l'ensemble de flûte à bec existe
depuis 1975. L'âge des participants varie entre 14 et 22 ans, donc pour
une moyenne de 18 ans. Il a remporté trois fois le premier prix du
concours de musique du Canada. L'ensemble a fait deux disques: le premier
disque s'est mérité le grand prix du Canada en 1981 par le
Conseil canadien de la musique dans le domaine de l'éducation. Sur la
scène internationale, l'ensemble participait en 1978 à
l'International Society Musical Education; en 1972, il participait à un
concours à London; en 1980, à Varsovie, en Pologne; en 1983,
à Aberdeen, à l'International Youth Festival, en Écosse;
en 1984, à la Nouvelle-Orléans, comme je le disais.
M. le Président, nous savions à Châteauguay,
où nous sommes fiers de l'ensemble de flûte à bec, que cet
ensemble était capable d'une qualité d'interprétation
exceptionnelle. C'est maintenant l'opinion internationale qui nous le confirme.
C'est pour cette raison que je demande à cette Assemblée de voter
cette motion avec moi. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Charlesbourg.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté: M. le Président, nous allons nous
joindre à cette motion du député de Châteauguay.
C'est avec plaisir que l'Opposition se joint au député de
Châteauguay pour féliciter la troupe. Il serait
intéressant, compte tenu des succès obtenus par cette troupe, de
savoir ce que le député de Châteauguay a réussi
à lui obtenir quant aux subventions gouvernementales pour les frais
occasionnés par ses déplacements dans le monde.
Le Président: Effectivement, j'ai indiqué au
début qu'il n'y avait pas de réplique, mais il y a une
réplique, s'il veut... (15 h 30)
M. Dussault: M. le Président, puisque j'ai droit de
réplique, je vais en profiter, bien sûr.
M. le Président, à chaque voyage que l'Ensemble de
flûte à bec de Châteauguay a fait pour aller
représenter Châteauguay et le
Québec dans le monde entier, j'ai toujours eu la
possibilité d'offrir, grâce particulièrement au
ministère des Affaires culturelles, une aide financière
très appréciée, mais on n'en a jamais eu du gouvernement
fédéral. Merci.
Des voix: Combien?
Le Président: La motion... M. le leader du gouvernement,
est-ce sur la motion?
M. Bédard: Non, M. le Président.
Le Président: La motion de M. le député de
Châteauguay est-elle adoptée?
M. Bédard: Adopté.
Avis touchant les travaux des commissions
Le Président: Adopté. Aux avis touchant les travaux
des commissions, M. le leader du gouvernement.
M. Bédard: M. le Président, je voudrais donner un
avis selon lequel la commission de l'économie et du travail va
poursuivre sa consultation particulière sur le projet de loi 66, Loi
modifiant la Loi sur la Société de récupération,
d'exploitation et de développement forestiers du Québec à
la salle du Conseil législatif.
Également, la commission du budget et de l'administration va
entreprendre l'étude de la politique budgétaire du gouvernement
dans le cadre du débat sur le discours sur le budget à la salle
81.
Le Président: D'autre part, après la période
des affaires courantes, d'ici quelques minutes, à la salle 91, la
commission des institutions tiendra une séance de travail avant la
séance de vérification des engagements financiers qu'elle doit
faire.
Ce soir, de 20 heures à 24 heures, toujours à la salle 91,
la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre procédera
à la vérification d'engagements financiers dans son champ de
compétence.
Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée...
M. Bédard: M. le Président, je voulais simplement
préciser, pour qu'il n'y ait pas de confusion, que les avis que je viens
de donner valent pour jusqu'à 18 heures pour les deux commissions et de
20 à 24 heures ce soir.
Projet de loi 86
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Le Président: Aux renseignements sur les travaux de
l'Assemblée, cela nous mène donc aux affaires du jour et à
l'adoption du
principe du projet de loi 86, Loi modifiant la Loi sur la qualité
de l'environnement. La parole est au député de Rousseau.
M. Blouin: II y a trois intervenants qui compléteront ce
débat, incluant la réponse du ministre. Je vous demande donc de
céder la parole au député de Champlain.
Le Présidents M. le député de
Champlain.
M. Marcel Gagnon
M. Gagnon: Merci, M. le Président. Nous sommes aujourd'hui
à étudier une loi, la Loi modifiant la Loi sur la qualité
de l'environnement. Lorsqu'on parle d'environnement ici, à cette
Assemblée nationale, pour une partie de la population et pour beaucoup
de gens, c'est encore un sujet qui est nouveau. Vous vous souviendrez que, dans
le passé - si on recule de 15 ou 20 ans lorsqu'on parlait de la
qualité de l'environnement et que les gens apportaient des critiques sur
le laisser-aller dans le domaine de l'environnement, sur les inquiétudes
qu'ils avaient face à l'avenir dans ce domaine, ces gens-là
passaient un peu pour... M. le Président, est-ce que je pourrais vous
demander de...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Gagnon: Merci, M. le Président. C'est toujours un peu
énervant de parler à l'Assemblée nationale, surtout quand
ça bouge trop en même temps. Je vous remercie; cela m'aide
beaucoup que vous rameniez le calme.
Je disais que ces gens qui s'inquiétaient, il y a 15 à 20
ans, de la qualité de l'environnement passaient pour des gens assez
farfelus. On disait: C'est impossible. Il faut s'habituer à vivre
à l'ère moderne; l'industrialisation ne peut pas faire autrement
que de polluer l'environnement. Il va falloir s'adapter à cela.
C'étaient à peu près les réponses qu'on obtenait
dans le temps. Je me souviens que j'étais moi-même
commerçant, je rencontrais beaucoup de gens et le domaine de
l'environnement m'a toujours inquiété grandement. Il fallait,
comme individus, presque établir des normes nous-mêmes pour la
protection de l'environnement, parce que cela n'existait pas.
En 1972, le gouvernement du Québec a adopté une loi pour
la protection de l'environnement. Cette loi établissait des bases; elle
posait des jalons et un certain nombre de guides pour la protection de
l'environnement. En 1977, nous avons modifié cette loi; en 1978, aussi
ainsi qu'en 1982. Nous sommes rendus en 1984 à une autre loi qui rend
encore plus complète la protection de l'environnement. Ce qui est
intéressant, au fur et à mesure que les discussions ont
avancé dans la population, c'est qu'aujourd'hui plutôt que de voir
la protection de l'environnement comme une entrave au développement
économique, on peut dire que la protection de l'environnement est
demandée, la protection de l'environnement est considérée
de plus en plus comme un facteur de développement économique.
La loi que nous voterons et que nous sommes en train de discuter va
permettre, par exemple, d'améliorer la cueillette ou la
récupération des ordures et le recyclage des déchets. Cela
fait longtemps qu'une bonne partie de la population dit: C'est incroyable de
voir jusqu'à quel point on gaspille notre énergie, on gaspille
notre temps, on gaspille notre environnement, alors que quantité de
déchets qui n'ont servi qu'une fois pourraient êtrerécupérés. Ces déchets pourraient être
retournés à la consommation et permettre d'économiser
énormément d'énergie et de temps.
On parle de plus en plus dans cette nouvelle loi de la protection contre
les pluies acides, de l'assainissement des eaux, de la
récupération et du recyclage, comme je le disais tantôt, et
de la gestion des déchets dangereux. Lorsqu'on présente un projet
de loi semblable, il y a toujours des questions qui se posent. À un
moment donné, je pense qu'il va falloir qu'on trouve le moyen de faire
une certaine unanimité ici, à l'Assemblée nationale. Je
suis persuadé que tout le monde croit véritablement que nous
obtiendrons réellement la protection de l'environnement lorsque
l'ensemble de la population du Québec, comme des populations en
général du monde industrialisé, aura pris conscience
qu'elle est responsable de l'environnement.
La responsabilité qu'on doit prendre face au problème de
l'environnement implique non seulement qu'il y ait une certaine
éducation qui se fasse dans la population, mais qu'il y ait un
coût. On sait maintenant ce que cela nous coûte d'avoir
négligé la protection de l'environnement, depuis le début
de l'ère du développement industriel. On sait ce que cela
coûte pour restaurer. Il va falloir s'habituer à payer, en plus de
ce que cela coûte pour restaurer, ce que cela coûte pour conserver
un environnement sain et propre.
Là où nous ne sommes pas d'accord, je pense, avec les
critiques de l'Opposition en ce qui concerne la protection de l'environnement,
c'est toujours face aux questions qui se posent. Malheureusement, je
n'étais pas ici la semaine dernière lorsque Mme la
députée de Chomedey a donné la réplique au ministre
au sujet de ce projet de loi, mais j'ai eu l'occasion de voir le nombre
de questions qu'elle a posées. Il est normal de poser des
questions, je pense, au ministre. Cela va permettre au ministre de
répliquer à Mme la députée de Chomedey. Mais il y a
certaines questions tout de même qui m'apparaissent un peu farfelues,
surtout lorsque cette même personne a écrit un document et a
montré jusqu'à quel point l'environnement la préoccupait.
Elle a dit dans son document - et elle a fait des émissions de radio sur
ce document - que l'environnement c'était justement l'affaire de tout le
monde, qu'il fallait responsabiliser la population, qu'il fallait
responsabiliser les industries, qu'il fallait aussi rendre plus responsables
les municipalités et que chacun, face à cette
responsabilité, devait faire son devoir. Par contre, lorsqu'on arrive
avec des mesures qui risquent de coûter de l'argent, là, on
s'inquiète de savoir qui va payer.
À mon point de vue, il n'y a pas deux façons de se
responsabiliser. Premièrement, c'est de savoir, lorsqu'on est
responsable, le tort que l'on cause à l'environnement si on n'y voit
pas. Deuxièmement, lorsqu'on est responsable et aussi lorsqu'on a fait
du tort à l'environnement, il faut savoir que c'est quelqu'un qui va
payer; et celui qui va payer, habituellement, devrait être celui qui a
créé des préjudices à l'environnement. Donc, quant
à savoir ce que cela devrait coûter, c'est un fait qu'il faut s'en
inquiéter, mais il faut aussi s'en inquiéter de façon
qu'on puisse penser qu'on doit protéger notre environnement et qu'on
doit aussi payer pour corriger le tort qui lui a été
causé. Mais lorsqu'on dit au ministre de l'Environnement, par exemple,
qu'on ne va pas assez vite dans l'assainissement des eaux, qu'on ne va pas
assez vite dans certains domaines et que, de l'autre côté, on dit:
Vous devriez faire plus, vous devriez faire mieux... On établit un
programme qui demande aux municipalités de payer 10% du coût
d'assainissement des eaux et le même critique vient dire que cela n'a pas
de sens de faire payer les municipalités: Cela n'a pas de sens, vous
êtes en train d'endetter les municipalités; cela n'a pas de sens,
vous allez augmenter le compte de taxes. Il faut savoir si cela fait partie des
préoccupations environnementales. (15 h 40)
À mon point de vue, ces préoccupations doivent aller assez
loin, si réellement on a la volonté de le faire, pour qu'on
puisse dire que c'est l'ensemble des citoyens qui doit récupérer
son environnement et qui doit payer la part qui lui revient.
On s'inquiétait aussi d'autre chose. D'un côté, on a
dit: Cela va peut-être coûter cher. D'un autre côté,
on a dit: Cela pourrait être rentable, mais qu'est-ce qu'on va faire avec
l'argent, si c'est rentable? Il y a différentes inquiétudes comme
celles-là qui se posaient par rapport à l'organisme qui devait
être mis sur pied pour la récupération des déchets.
Pour le recyclage, différentes inquiétudes se posent mais elles
ne semblent que mettre des bois dans les roues pour empêcher d'avancer
plutôt qu'être des inquiétudes réelles. Je pense
qu'effectivement le recyclage et la récupération devraient
devenir une industrie qui va finir par être rentable. Effectivement, si
cette industrie finit par être rentable, tout ce qui est rentable comme,
en plus de rendre service à l'environnement, évidemment, elle
rendra service à la société et créera des
emplois.
En ce qui concerne ce projet de loi, qui nous sensibilise, nous
prépare et nous arme face au problème environnemental, nous nous
devons de l'appuyer. Je suis convaincu qu'on l'appuiera aussi. En tout cas,
pour ma part, j'en suis très fier. Je pense que cela vient confirmer le
fait que beaucoup de gens, jusqu'à présent, se sont
préoccupés, entre autres, du recyclage en disant: Ce serait
rentable, il va falloir y aller et le gouvernement pourrait faire plus. Je
pense à une industrie de Victoriaville, par exemple, qui a fait un
travail incroyable dans le but de favoriser l'industrie de la
récupération et du recyclage des déchets et qui voit son
effort récompensé parce que, aujourd'hui, on s'en va vers
cela.
Lorsque l'on parle de consultation, je pense qu'elle a été
largement faite. On n'a qu'à penser au sommet économique qu'on a
tenu. Je me souviens qu'en Mauricie, à Trois-Rivières, au sommet
de la région -vous y étiez aussi, M. le Président -
à une table on discutait des problèmes environnementaux, et
à une autre de récupération et de recyclage. Cette table a
intéressé beaucoup d'industriels et beaucoup de
municipalités. Cela a été l'un des points qui ont fait un
succès du sommet économique de Trois-Rivières. Je sais que
cela a été pareil dans l'ensemble des régions où on
a tenu un sommet économique.
Aujourd'hui, c'est vouloir retarder les choses de dire qu'on va
consulter davantage. Un grand sommet a été tenu en février
et mars dernier à Montréal sur l'industrie du recyclage. Depuis
plusieurs années on en parle à tous les niveaux, dans tous les
milieux de la société. Faire une consultation encore plus large,
ce serait retarder les choses et on ne doit pas retarder nos efforts dans le
domaine de l'environnement. Nous sommes en retard et nous devons y aller le
plus rapidement possible. Pour cela, j'appuierai cette loi et je
félicite le ministre de l'avoir présentée. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Nelligan.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: J'ai eu le privilège en bien des sens, je peux
le dire, de m'occuper de
l'environnement pendant un certain temps au nom de notre parti
politique, après les élections de 1981. C'est un domaine auquel
je m'intéresse depuis longtemps comme citoyen. Tout comme le
député de Champlain, je pense que c'est vraiment la clé du
succès de l'avenir parce que cela domine presque toutes les
considérations sociales et économiques de notre
société.
De part et d'autre, on n'a aucun argument à faire valoir sur le
principe même de la protection et de la revalorisation de notre
environnement. Je pense que de ce point de vue on ne trouvera aucune discussion
d'un côté ou de l'autre quant au principe fondamental qu'il nous
faut bonifier notre environnement, qu'il nous faut le maintenir, qu'il nous
faut le protéger. Lorsque ma collègue de Chomedey pose des
questions tout à fait valables, qu'elle fait valoir des principes de
fond, qu'elle pose des questions relatives, certainement, au facteur
économique - parce qu'on ne peut jamais l'oublier - je pense que ce sont
des questions que nous devons tous nous poser. Je ne pense pas qu'il faille
dire, puisque l'environnement est un bon principe en soi, un principe qu'il
faut tous défendre, que toutes les mesures sont acceptables. Je pense
que c'est notre devoir de poser des questions, de nous demander des choses
lorsque nous voyons nous-mêmes que la logique est inexistante dans un
projet de loi, dans une réglementation, dans une mesure gouvernementale
quelconque.
Dans le projet de loi 86, encore une fois, qui peut s'opposer au
principe de quelque chose qui va bonifier la qualité de vie ou
l'environnement des citoyens? Donc, si nous partons du principe qu'il y aura de
la consignation, de la récupération, du recyclage, si on part du
principe de base, du principe global, à ce moment-là, nous sommes
tous d'accord, personne ne peut s'opposer à cela. Mais, en même
temps, je pense que ma collègue a fait porter le sujet sur certaines
questions que nous nous posons encore. Je pense que le ministre, ou son
collègue qui a parlé avant moi, le député de
Champlain, n'ont pas encore répondu à notre satisfaction.
On lisait dans les notes explicatives que le premier objectif de cette
loi est un projet de consignation. Tout projet de consignation demande une
façon de faire, une modalité, une façon de faire ce
travail qui va être colossale. On attend de voir autour de nous... En
fait, je pense que le ministre a maintenant un projet pour
récupérer tous les déchets de l'atmosphère, dans
l'eau, aux abords du Saint-Laurent, pour aller récupérer toutes
ces canettes qui se promènent par centaines de milliers dans notre
environnement, qui ont été laissées là au cours des
années passées. On peut se rendre compte du problème
fondamental que cela pose: des milliers et des milliers de déchets qu'il
faudra récupérer, qu'il faudra recycler.
La question qu'on se pose dans ce problème de consignation:
Comment cela va-t-il se faire? Je pense que la question de ma collègue
est justement de savoir exactement comment cela sera fait, parce que nous ne le
savons pas. Vous nous dites dans votre loi que cela sera fait par le biais d'un
organisme que le ministre va nommer et constituer lui-même, selon ses
prérogatives dans la loi. Quel est-il exactement, cet organisme, M. le
ministre?
Je pense que nous avons le droit de nous demander, à la
lumière de ce qui s'est passé au Québec jusqu'ici, si vous
allez favoriser les citoyens eux-mêmes. Votre prédécesseur
au ministère de l'Environnement nous disait: Les 6 000 000 de citoyens
du Québec sont tous des défenseurs de l'environnement et c'est
à eux qu'on va accorder priorité.
Nous nous posons des questions fondamentales là-dessus, parce
que, selon ce que je peux suivre moi-même des interventions de ma
collègue, ce que je lis dans les journaux et ce que j'ai pu suivre avec
les gens avec lesquels j'étais en contact lorsque je m'occupais de
l'environnement, il me semble que depuis que le ministre Léger, le
député de Lafontaine, vous a passé les rênes,
l'implication du bénévolat qui avait commencé à
s'effriter avant que vous arriviez au ministère, s'effrite de plus en
plus.
L'autre jour, accidentellement, j'ai rencontré une personne du
milieu du bénévolat - la FAPEL, que vous connaissez bien - qui me
disait comment ces gens se battent pour avoir une subvention de quelque 30 000
$ pour pouvoir augmenter leurs effectifs, pour garder leur personnel en place.
Quand ces gens impliquent des centaines, des milliers de citoyens dans le
travail de l'environnement, que les mouvements de bénévoles
eux-mêmes vous crient tous les jours qu'ils ont besoin de se faire
valoir, de se faire reconnaître... À leur récent
congrès où il y avait 525 personnes, ils n'ont même pas
pensé vous inviter, parce qu'ils croyaient que c'était peine
perdue. Ils ont invité le ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche.
On se demande quel genre d'organisme vous allez créer. Est-ce que
ce sera un organisme qui va répondre aux besoins des citoyens
eux-mêmes de se prendre en main et de faire de l'environnement
eux-mêmes? (15 h 50)
Vous parlez des revenus de cet organisme. Les revenus de cet organisme
vont aller avec son fonctionnement. Ma collègue a demandé avec
raison: Lorsqu'on crée un organisme qui a des revenus autonomes ou des
subventions, que va-t-il arriver? Cela va devenir une espèce de gros
organisme bureaucratique qui va s'occuper de son propre fonctionnement.
Là, vous dites: Le premier objectif de cet organisme, avec ses revenus,
va être la conservation des ressources. Nous sommes tous d'accord avec
cela, mais comment va se faire la conservation des ressources? Est-ce que cette
conservation des ressources va se faire par une espèce de système
de réglementation ou si, on va encore nommer des gens qui vont aller
conserver des ressources, quand vous avez déjà des mouvements qui
s'impliquent dans la conservation de la ressource que vous-mêmes
n'appuyez pas? Il faudrait vous poser des questions. Qu'est-ce que votre
gouvernement, votre ministère, auparavant le ministère du
député de Lafontaine, a fait, par exemple, pour le projet "Un
fleuve, un parc", qui était la conservation de notre ressource
naturellle? Qu'est-ce qu'on a fait avec cela? On a laissé cela
traîner pendant des mois jusqu'à ce qu'un jour, peut-être,
le fédéral s'en mêle. L'archipel Mingan, on en a
discuté pendant des mois, pendant des années, en Chambre,
jusqu'à la fin, et le fédéral est allé vous saper
cela sous le nez.
On a discuté des marais de Kamouraska, par exemple, avec le
député de Lafontaine, l'ex-ministre. Combien de fois j'en ai
discuté avec lui. Il s'est fait saper encore une fois au Conseil des
ministres par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation. Il n'avait pas la force de défendre ce côté
de l'environnement. À quoi cela sert-il d'avoir des revenus d'un
organisme autonome qui va conserver la ressource quand on a laissé cette
dernière partir, et dans combien de cas?
Je parle maintenant du lac Saint-Pierre. Qu'est-ce qui arrive au lac
Saint-Pierre? Oui, c'est bon de dire cela, M. le ministre, mais le fait est que
le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, chaque
fois qu'il a voulu dominer la scène, il l'a dominée aux
dépens de l'environnement. Où étaient les fameux revenus
de cet organisme? L'ironie la plus complète, c'est qu'après avoir
dépensé l'argent pour son fonctionnement, après un projet
de conservation des ressources qui n'est pas du tout identifié -
à ce moment-là, on se pose beaucoup de questions sur vos
expériences antérieures - on envoie le reste au Fonds
consolidé du revenu. Le Fonds consolidé du revenu, est-ce que
vous allez encore l'en retirer? Est-ce que cela implique que ces revenus seront
tellement supérieurs aux dépenses qu'on va en avoir assez pour
faire l'entretien de l'organisme lui-même, ensuite pour faire des projets
de conservation des ressources et, troisièmement, avoir assez d'argent
pour en remettre au ministre des Finances? Ce sera peut-être encore une
espèce de petite taxe déguisée qu'on va envoyer au Fonds
consolidé du revenu. Je dis que si c'est vraiment valable, que si vous
avez vraiment des projets de conservation des ressources et que vous nous
déposez un concept, un projet de règlement à ce
moment-là qu'on mette tout l'argent de surplus dans les projets de
conservation des ressources sans donner le reste au ministre des Finances.
Je pense que ma collègue vous demande tout à fait
logiquement ce que nous avons demandé l'autre jour au ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation en regard du projet de
loi 48. Ce n'est pas tout de dire que le principe d'une chose est bon. À
ce moment-là, il faut l'accepter. Nous voulons les règlements.
Nous voulons un projet de règlement. Nous voulons des brouillons de
règlement pour savoir où on s'en va, quelle sorte d'organisme,
comment cela va fonctionner, quelles sont les modalités.
Nous avons même maintenant une Commission de l'aménagement,
qui a été décrétée d'après les
nouveaux rouages de l'Assemblée nationale. Pourquoi ne pas s'en
être servi? Pourquoi ne pas s'en servir maintenant pour étudier
toute cette question afin de voir les études que vous avez, afin de
savoir pourquoi on n'a pas le même système que l'Alberta qui a un
système de dépôt central? Est-ce que c'est cela qu'on
cherche ou si ce n'est pas cela? M. le ministre, tout ce qu'on vous demande,
c'est d'examiner toutes ces choses, de déposer vos études, de
permettre que tous les intervenants, d'un côté ou de l'autre,
puissent savoir où vous allez avec cela.
Des questions ont été posées par des intervenants
assez sérieux qui nous en ont parlé en rapport avec toute la
question de la salubrité, en rapport avec toute la question de transport
de ces milliers et ces milliers de canettes. Qui va faire tout cela? Qui va les
déplacer? Qui va les entreposer? Qui va s'occuper de celles qui vont
être écrasées ou endommagées? Dans ce système
d'entreposage, dans les petites épiceries, est-ce qu'il y aura un
mécanisme quelconque pour assurer la salubrité? On ne parle pas
de bouteilles; c'est beaucoup plus facilement contrôlable. On parle de
canettes qui sont facilement endommageables, qui contiendront toutes sortes de
différents produits et on pourra, par exemple, contrôler beaucoup
plus difficilement la question de la salubrité. La question de
l'entreposage se pose encore une fois. Comment va-t-on faire tout cela?
C'est pourquoi on demande quelles sont les études que vous avez
faites pour délimiter tous ces éléments et, si ces
études existent - puisque vous nous dites que vous avez des
études - ne pouvez-vous pas les déposer afin qu'on sache, tous
ensemble, où on s'en va? C'est tout ce que ma collègue vous a
demandé. On ne dit pas que le principe de bonifier l'environnement est
faux.
On dit que le principe d'une modalité qu'on ne connaît pas,
sans réglementation déposée, sans étude
déposée, avec un organisme non identifié, avec un
organisme dont on ne connaît pas les rouages futurs, avec un organisme
qui va aller déposer des fonds au fonds consolidé du
Trésor, on ne peut accepter cela de ce côté-ci.
On parle de récupération, de traitement, de recyclage. Je
sais, du temps où je m'occupais de l'environnement, j'étais
allé visiter l'école polyvalente de Victoriaville où il y
avait des expériences formidables qui s'étaient faites au niveau
de la récupération et du recyclage, entraînant quelques
municipalités avoisinantes, entraînant toutes sortes de groupes de
bénévoles comme les scouts et autres, les familles.
C'était valable parce qu'il y avait une éducation de base du
milieu.
C'est là encore que ma collègue vous a dit, dans les
différents écrits qu'elle a publiés récemment: Tant
qu'il n'y aura pas une éducation de base du milieu, on pourra faire tous
les programmes de recyclage et de récupération qu'on voudra, on
pourra nommer des organismes qui enverront des gens partout, on aura toujours
des gens qu'il faudra aller nommer, toutes sortes de constables et de
commissaires qui vont aller ramasser ces déchets partout dans
l'environnement. L'affaire de base, c'est, comme le disait le ministre, de
confier le travail sans l'avoir fait à ces 6000 citoyens du
Québec. Si eux ne sont pas impliqués dans l'affaire, s'ils ne
sont pas éduqués à faire eux-mêmes de
l'environnement, tout cela est de la bouillie pour les chats. C'est pourquoi on
revient à la question principale: II faut à un moment
donné que vous reveniez à la base, que vous vous disiez qu'il y a
toutes sortes d'organismes déjà en place qui font quelque chose
de vivable de la Loi sur la qualité de l'environnement, si on les
implique.
Je vous disais tout à l'heure: Vous parlez de la conservation de
ressources, qu'est-ce que vous avez fait pour "Un fleuve, un parc"? Qu'est-ce
que vous avez fait pour Kamouraska? Qu'est-ce que vous faites maintenant pour
faire valoir vos idées dans la question du lac Saint-Pierre? Qu'est-ce
que vous avez fait pour la FAPEL, pour l'aider, avec ses 30 000 $ qu'elle
quémande presque par l'intermédiaire des articles de journaux de
M. Gagné et autres? Qu'est-ce que vous avez fait pour la SVP? Qu'est-ce
que vous avez fait pour STOP? Qu'est-ce que vous avez fait avec tout cela?
Qu'est-ce que vous avez fait pour faire valoir vos demandes et vos exigences au
ministère des Finances qui vous refusait même une subvention
presque de façon arbitraire sur la question des pluies acides? Qu'est-ce
que vous avez fait pour faire valoir vos droits, comme ministère de
l'Environnement, qui nous fasse croire que demain matin un organisme que vous
allez situer vous-mêmes, que vous allez, sans qu'on sache ce que c'est
maintenant, que vous allez pouvoir créer, reflétera vraiment
cette pensée du milieu de se prendre en main?
Nous pensons que la question fondamentale qui doit vous être
posée c'est que le gouvernement lui-même ne peut pas tout faire.
Le gouvernement ne peut pas aller décider qu'il va lui-même
protéger l'environnement sans que les citoyens ne le fassent. Nous
pensons que peut-être s'il y a une faute capitale dans votre projet comme
dans votre politique, c'est de ne pas impliquer les gens qui se sont pris en
main eux-mêmes. Alors nous pourrions citer les inspecteurs municipaux,
tous les organismes de l'environnement qui se plaignaient tout le temps, du
temps que j'y étais, que c'était toujours la même chose et
qui avaient pensé qu'avec votre venue au ministère les choses
auraient changé, que cela aurait été différent,
qu'il y aurait eu un autre climat où on aurait commencé à
mettre les ressources du gouvernement et l'appui du catalyseur qu'est celui du
gouvernement dans le bénévolat, dans les gens qui se prennent en
main et dans l'éducation à travers eux. Mais, au contraire, les
gens que je vois par hasard, que je connaissais dans le milieu de
l'environnement, me disent maintenant: C'est la grosse bebelle. On se met dans
l'affaire électorale. On va pousser l'assainissement des eaux.
Tout le monde est d'accord qu'il faut assainir les eaux. Pendant ce
temps, les organisations de bénévolat qui peuvent, elles, faire
ce travail, sont ignorées par votre ministère. Raison de plus
pour nous de nous poser des questions tout à fait sérieuses sur
tout votre projet parce que, devant tous les projets qu'on lance un peu
à la vapeur, sans explication, on a le droit de se poser des questions
tout à fait justifiées. On vous l'a dit, ce n'est pas le principe
même de la chose. C'est toute la question de savoir comment vous allez le
faire. Donnez-nous des réponses sur la réglementation,
déposez vos règlements, donnez-nous les questions sur les
études, déposez vos études, donnez-nous les
réponses sur toute l'affaire de la salubrité et dites-nous
comment vous allez transporter ces déchets, comment vous allez les
entreposer, quel sera exactement votre système d'entreposage.
Donnez-nous des détails sur votre organisme. Comment allez-vous
contrôler ces fonds récupérés par le
ministère des Finances et même pourquoi ne mettez-vous pas tous
ces fonds dans la bonification de l'environnement avec des gens qui se prennent
en main, les bénévoles?
M. le ministre, ce sont les questions auxquelles on espère que
vous allez nous donner des réponses dans votre réplique parce
que, autrement, on va continuer à se
poser des questions fondamentales sur le projet de loi. Merci. (16
heures)
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est votre droit de
réplique, M. le ministre de l'Environnement.
M. Adrien Ouellette (réplique)
M. Ouellette: Merci. Je viens d'écouter le
député de Nelligan qui s'intéresse de toute
évidence à l'environnement, mais je dois vous avouer avoir un
certain étonnement devant la kyrielle de questions qu'il soulève.
Je n'ai aucune objection à ce que l'Opposition pose des questions.
Cependant, au moins 80% des questions qu'elle vient de poser débordent
largement le contenu du projet de loi que nous débattons aujourd'hui. Ce
qui m'étonne, c'est que les questions qu'on vient de poser auraient pu
l'être notamment à la commission qui a étudié les
crédits du ministère. Cela m'aurait fait plaisir d'y
répondre. Je vais quand même répondre à un certain
nombre de ces questions puisqu'elles portent, celles-là, sur le projet
de loi 86 qui fait l'objet de nos discussions. Je vais répondre, en
particulier, sur deux points qui ont fait également l'objet de questions
de la part de Mme la députée de Chomedey en ce qui a trait
à la consignation des contenants uniservice, qui est un volet
très important du projet de loi, de même que sur l'ensemble du
volet récupération-recyclage. Pourquoi je m'attache en
particulier à ces deux aspects? C'est que pour moi ils sont
extrêmement importants en termes de protection de l'environnement.
Les deux, d'ailleurs, ont un volet économique des plus
intéressants. Je pense que dans le contexte économique qu'on
vient de connaître on s'est tous rendu compte au Québec, comme
partout au Canada et en Amérique du Nord, que l'aspect économique
ne devait jamais être négligé si nous voulions
évoluer dans le sens d'une société qui sait où elle
va et qui veut y aller de la façon la plus confortable possible.
Touchons d'abord le côté consignation. Il faut faire
remarquer qu'il y a deux projets de loi devant cette Chambre, l'un qui est
piloté par le ministre de l'Environnement, le projet de loi 86, Loi
modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, et un autre qui est
piloté par mon collègue de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme, qui porte le numéro 87 et qui touche également la
consignation. Déjà, là, il y a matière à
s'interroger. Je vais vous expliquer pourquoi deux ministres de deux
ministères différents présentent deux projets de loi
différents qui visent un même objectif.
Il faut se rappeler que depuis toujours au Québec il existe un
système de consignation des contenants de boissons gazeuses et de
bière en bouteille. Ce système a fait ses preuves. Il a
été instauré complètement en dehors de l'appareil
gouvernemental. Il est le fruit de l'imagination et de l'intérêt
des embouteilleurs régionaux, aussi bien du côté des
boissons gazeuses que du côté de la bière. Il a produit des
résultats fantastiques. En fait, la consignation de ces contenants de
boissons gazeuses et de bière a eu pour effet d'assurer un retour de ces
bouteilles et une réutilisation de celles-ci à un niveau aussi
élevé que 98%. C'est probablement un record mondial. Pourtant,
jamais ni notre gouvernement ni ceux qui l'ont précédé
n'ont eu à intervenir dans cette méthode inventée de
toutes pièces par l'industrie privée.
Si cette méthode fonctionne si bien et qu'elle a
été inventée de toutes pièces par l'industrie
privée, c'est qu'elle devait comporter des qualités
intrinsèques et présenter des intérêts
économiques pour ceux qui l'ont créée et maintenue. C'est
évident. On sait, par exemple, que grâce à ce
système une bouteille de boisson gazeuse peut être
réutilisée 17 et même jusqu'à 20 fois. Au niveau
économique, cela devient intéressant de voir qu'une bouteille qui
coûte peut-être 0,20 $ à produire est utilisée 20
fois plutôt qu'une. C'est à partir de cet exemple que nous avons
conçu au ministère de l'Environnement une méthode qui vise
à protéger l'environnement, vu l'annonce de l'apparition des
canettes d'aluminium. Pour nous, l'apparition de ces canettes présentait
un double caractère. Un caractère économique
intéressant puisque la canette d'aluminium sera fabriquée au
Québec qui est le plus gros producteur au monde. Il y a donc là
un marché intéressant; il y a des usines qui sont d'ailleurs
construites et qui n'attendent que la permission d'utiliser ces canettes pour
rouler à fond de train, créant ainsi des emplois au
Québec.
Par contre, cela constitue une menace de taille à l'environnement
puisqu'on évalue autour de 1 200 000 000 le nombre de ces canettes qui
peuvent être mises en circulation sur le territoire
québécois au cours des prochaines années. C'est bien 1 200
000 000. Imaginons que ces canettes ne soient pas consignées et qu'elles
ne soient pas récupérées comme c'est le cas de la canette
d'acier qui, elle, circule en nombre limité mais qui crée un
préjudice à l'environnement en général! ce serait
une véritable catastrophe écologique. 1 200 000 000, ça en
fait des canettes, des canettes fabriquées d'un matériau qui a la
qualité de ne jamais se dégrader. C'est donc dire que chaque
année, on retrouverait ce 1 200 000 000 de canettes, soit au fond des
cours d'eau, soit au fond des lacs parce que les pêcheurs utilisent
abondamment ce genre de contenant pour la bière ou les boissons gazeuses
ou, dans la meilleure des hypothèses, dans nos lieux d'enfouissement
sanitaire, lieux d'enfouissement sanitaire qui ont été mis
en place sur le territoire québécois et qui servent à
enfouir les déchets domestiques. 1 200 000 000 de canettes d'aluminium
qu'on plongerait dans ces lieux d'enfouissement sanitaire auraient pour effet
de consacrer un gaspillage extraordinaire puisque chacune de ces canettes, si
elle est récupérée, déchiquetée et refondue
représente au bas mot une valeur de 0,015 $ l'unité.
Deuxièmement, elles viendraient gaspiller ces lieux d'enfouissement
sanitaire en les remplissant d'un matériau qui a une valeur en soi.
II nous fallait donc, au ministère de l'Environnement,
prévoir différents scénarios pour éviter, d'une
part, qu'on consacre le gaspillage et, d'autre part, qu'on utilise les lieux
d'enfouissement sanitaire dispendieux pour y enfouir des biens qui ont une
valeur en soi et que la société aurait intérêt
à réutiliser plutôt qu'à enterrer. On a eu le temps
de voir venir puisqu'un certain nombre de mois s'est écoulé entre
le jour où on a parlé de l'apparition de ces canettes et le jour
où elles apparaîtront effectivement. Nous avons donc conçu
une méthode calquée sur la bouteille de verre qui a connu de si
grands succès dans le passé: un système de consignation
qui se fasse complètement à l'extérieur de la structure
gouvernementale.
Nous avons réuni autour d'une même table, dans un premier
temps, les franchiseurs, c'est-à-dire les grandes compagnies de boissons
gazeuses de même que les grandes compagnies de bière. Nous avons
assis à côté d'elles les responsables de la distribution au
niveau régional, ce qu'on appelle familièrement les distributeurs
régionaux, notamment de boissons gazeuses pour limiter la pyramide. Nous
avons également intéressé les distributeurs,
c'est-à-dire les épiciers, à cette méthode qu'on
entendait mettre sur pied à l'extérieur du gouvernement.
Nous avons conçu cette méthode de façon qu'elle
ressemble à ce qui existe actuellement dans le secteur du verre mais en
pensant créer un fonds dont le rôle serait de recevoir la consigne
attachée à ces canettes aux fins de rembourser les consommateurs
lorsque ceux-ci rapporteront les canettes, sachant d'avance qu'un résidu
resterait à ce fonds. Imaginons des chiffres purement
hypothétiques. Dans l'hypothèse où on consommerait, l'an
prochain, 1 200 000 000 de canettes, auxquelles nous aurions attaché une
consigne de 0,05 $, le fonds se verrait remettre 60 000 000 $. Si, 50% de ces
canettes étaient récupérées, c'est-à-dire si
les consommateurs les rapportaient chez l'épicier pour se faire
rembourser les 0,05 $, le fonds devrait rembourser 30 000 000 $. Il resterait
donc un résidu d'environ 30 000 000 $. Ce fonds, toujours a
l'extérieur du gouvernement mais auquel des représentants du
ministère de l'Environnement seraient appelés à
siéger, se verrait alors, non pas forcé, mais invité
-c'est au moment de la signature d'ententes qu'on pourra prévoir cela -
à consacrer les 30 000 000 $ - après avoir payé,
évidemment, les coûts de fonctionnement de cet organisme - ou
à utiliser le résidu pour différentes actions à
caractère environnemental. (16 h 10)
Cela pourrait très bien servir, par exemple - et là, c'est
l'imagination qui parle, parce qu'il n'y a rien d'attaché dans ce
domaine puisque l'organisme n'est pas encore créé - à
faire de la publicité en faveur de la protection de l'environnement.
Cela pourrait aller à des groupes auxquels faisait allusion tout
à l'heure le député de Nelligan, c'est-à-dire que
certaines de ces sommes pourraient être versées à des
groupes bénévoles qui s'intéressent à la protection
de l'environnement. Nous aurions créé là une source de
financement des organismes bénévoles, par exemple,
complètement à l'extérieur du gouvernement et une source
qui s'autofinance tout en protégeant l'environnement. C'est, en ce qui
me concerne, le voeu que je nourris le plus profondément.
Pour atteindre cet objectif, nous avons, bien sûr, consulté
les différents intervenants, qu'il s'agisse des franchiseurs, qu'il
s'agisse des embouteilleurs régionaux ou qu'il s'agisse des
épiciers qui font la distribution au détail. Après
consultation avec toutes ces personnes, nous en sommes venus à la
conclusion qu'il fallait à tout prix que des ententes soient
signées, mais que des fins économiques additionnelles soient
recherchées. Par exemple, les embouteilleurs régionaux ont le
mérite, entre autres, de maintenir dans les différentes
régions du Québec un certain nombre d'emplois qui sont
utilisés à l'embouteillage et à la distribution des
boissons gazeuses ou de la bière. Nous savions également que
l'apparition de cette canette d'aluminium pouvait constituer une menace pour
ces gens puisque, le jour de son apparition, les grands embouteilleurs
nationaux pourraient se permettre de faire l'embouteillage à partir de
Montréal et, de distribuer leurs produits n'importe où sur le
territoire du Québec, mettant donc en péril l'avenir de ces
embouteilleurs régionaux et par conséquent, l'élimination
éventuelle des emplois régionaux. C'est pourquoi, dans nos
négociations avec l'Association des embouteilleurs, des brasseurs et les
franchiseurs, nous avons prévu dans la Loi sur le ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme une réserve qui fait que l'on
protégerait par le moyen de quotas ces emplois régionaux. C'est
là, bien sûr, une préoccupation beaucoup plus
économique
qu'environnementale, mais qui se marie très bien avec le double
objectif environnement et économie.
C'est donc dans cette voie que nous allons, mais comme tout cela ne peut
fonctionner que dans la mesure où des ententes interviennent entre
toutes ces personnes, il nous fallait être prudents, nous, de
l'Environnement, en prévoyant dans une loi à caractère
environnemental une structure parallèle qui puisse pallier l'absence de
premières ententes. C'est pourquoi, dans le projet de loi dont je parle
aujourd'hui, nous prévoyons habiliter le ministre de l'Environnement
à mettre sur pied un réseau semblable, mais celui-ci à
caractère purement gouvernemental. Je le répète, ma
préférence va vers l'autre formule, mais c'est aux acteurs de
prendre la décision. Si jamais ils ne la prennent pas, nous allons, au
ministère de l'Environnement, prévoir la structure
parallèle qui, elle, sera imposée par la loi.
On nous parle, bien sûr, dans ce projet de loi, d'une structure,
c'est-à-dire d'un fonds de gestion de la consigne et on s'interroge sur
la lourdeur de cet organisme. N'ayez aucune inquiétude; notre intention
n'est pas de créer une société identique à
Hydro-Québec qu'on appellerait hydrocanettes. Non, il n'en est pas
question. La structure que nous prévoyons serait des plus modestes et
cela répond à l'interrogation de Mme la députée de
Chomedey, qui nous parlait de 60 000 $ en moyenne par gestionnaire. Ses
chiffres sont bons. Notre intention n'est pas de créer une
société lourde qui absorberait, de par sa gestion, la
quasi-totalité des revenus. Au contraire. Il s'agira d'une structure
très souple, comportant très peu de gens, dont le rôle sera
tout simplement de recevoir la consigne perçue quelque part dans le
mécanisme et de rembourser les consignes auprès des
récupérateurs régionaux qui rapporteront les canettes
récupérées au niveau local. L'excédent de cela,
plutôt que de servir, comme ce serait le cas si la structure était
privée, à financer des groupes environnementaux, serait
plutôt versé au fonds consolidé, conformément
à la loi générale de la gestion des fonds publics.
À ce moment-là, le ministre de l'Environnement devrait, comme on
l'a signalé, se présenter au comité des priorités
ou au Conseil des ministres pour aller chercher ces montants d'argent s'il veut
vraiment les affecter à des fins environnementales. C'est d'ailleurs un
autre motif qui m'incite à favoriser de loin la formule privée,
qui nous éviterait de devoir faire ces revendications pour nous assurer
que ces montants d'argent en surplus soient affectés à des fins
environnementales.
Je pense que cela répond à l'essentiel des questions que
m'a posées l'Opposition. Je résume en disant: une structure
complètement privée, avec consigne, fonds de gestion et
affectation des surplus pour le financement des groupes environnementaux; fonds
publics, structure publique avec, bien sûr, les surplus qui se
retrouveraient au fonds consolidé et pour lesquels il faudrait faire les
démarches appropriées en gestion des fonds publics pour nous
assurer du retour de ces sommes d'argent à des fins
environnementales.
Voilà donc le premier aspect de ce projet de loi qui me tient
très à coeur. Je n'ai pas mentionné mon étonnement
de voir les interrogations que se pose ou que nous pose l'Opposition. Je n'ai
pas marqué mon étonnement de voir le niveau
d'incompréhension que l'Opposition a manifesté parce que, j'en
conviens très honnêtement, ce dont je viens de vous parler s'est
fait via des négociations entre quatre murs dans bien des cas et cela
n'a pas été tellement étalé sur la place publique.
J'en conviens, le projet de loi, pris isolément, ne répondait pas
à toutes les questions de l'Opposition.
Quand j'en viens au deuxième volet, celui de la
récupération et du recyclage, sans être méchant,
laissez-moi vous dire, mes amis d'en face, que je suis tout à fait
estomaqué de voir l'ignorance dont vous faites preuve. Et je vais vous
dire pourquoi, toujours sans méchanceté de ma part, soyez-en
sûr. On nous dit: Vous ne pouvez penser concevoir un projet de
récupération-recyclage qui s'adresse à l'ensemble du
territoire québécois sans d'abord faire de la consultation. Cela
a été dit à plusieurs reprises par l'Opposition dans ce
débat. On a tenu, au mois de février dernier, un sommet
économique sur la récupération et le recyclage. Durant
trois jours, nous avons travaillé, du matin au soir, dans une salle
où il y avait sept ou huit caméras de télévision,
au vu et au su de tous - la presse nationale était là. Cela a
fait l'objet de nombreux reportages à la télévision, tous
les journaux en ont parlé, certains journaux ont même
publié des cahiers spéciaux, tel le Devoir, par exemple.
Autour de cette table, on a retrouvé au-delà de 300
intervenants québécois. À titre d'exemple, la Centrale de
l'enseignement du Québec était présente, la CSN, la FTQ,
l'Association forestière, l'Association des fabricants de papier
journal, l'Association des récupérateurs régionaux
à volet communautaire, l'Association des récupérateurs
régionaux privés, l'Association de l'emballage, l'UMQ, l'UMRCQ,
la Communauté urbaine de Montréal, bref, au-delà de 300
intervenants sont venus à ce sommet au cours duquel nous avons pu faire
toute la consultation prévue. De ce sommet se sont dégagés
un certain nombre de consensus très intéressants. L'un d'entre
eux, par exemple, qui nous a été répété
à
plusieurs reprises par l'Union des municipalités, par l'Union des
municipalités régionales de comté, par la
Communauté urbaine de Montréal était à l'effet que
la propriété des déchets domestiques revenait de droit aux
municipalités. Elles nous l'ont affirmé à plusieurs
reprises et nous avons respecté leur point de vue.
C'est donc à partir de ces municipalités que nous
entendons mettre sur pied toute une structure nationale visant à
favoriser la récupération et le recyclage; là encore, je
ne souhaite pas que ce soit le gouvernement, via le ministère de
l'Environnement, par exemple, qui prenne en charge toute cette structure. Au
contraire, quand on regarde le processus qui va se dégager de ce sommet
et des tables de concertation qui suivent, on s'aperçoit que chaque
citoyen doit être impliqué dans ce processus. (16 h 20)
II faut donc, dans une première étape, qu'on sensibilise
chacun des citoyens et chacune des citoyennes du Québec au tri à
la source, faisant en sorte que, dans chaque maison, on prenne bien soin de
démêler ordures ménagères traditionnelles, papier
journal et verre, par exemple, dans un premier temps. Cela demandera, bien
sûr, la participation active de chacune des municipalités qui nous
ont répété être responsables de ces déchets.
On a eu au cours du sommet l'occasion de les entendre toutes nous dire qu'elles
étaient des plus intéressées parce qu'elles y voyaient
d'abord un phénomène d'éducation et également des
économies en termes de cueillette des ordures ménagères
et, surtout, en termes d'enfouissement.
Il faudra, bien sûr - elles en convenaient également - que
les gens responsables de la cueillette, les éboueurs ou les gens - je ne
me souviens pas du terme de leur association - responsables des cueillettes
participent avec les municipalités pour assurer le cheminement de ces
déchets devenus récupérables vers la
récupération régionale qui, elle, les acheminera par la
suite vers les recycleurs. En somme, on pourrait soulager nos lieux
d'enfouissement sanitaire de près de 55% du volume qu'ils
reçoivent actuellement, et ce de façon rentable, mais à la
condition qu'on s'assure que ces choses récupérées
puissent trouver des débouchés commerciaux.
M. le député de Nelligan me demandait tout à
l'heure ce qu'on avait fait. Enfin, si je l'écoute bien, on n'a pas fait
grand-chose, mais ce n'est pas tout à fait le cas. Je pourrais lui dire,
par exemple, qu'un des inconvénients majeurs dans la mise en place de ce
système de récupération et de recyclage, c'est de trouver
un débouché pour le papier journal. On sait qu'on fabrique
énormément de papier journal au Québec. On sait qu'on en
exporte 85% à l'extérieur de notre territoire et qu'on en
consomme 15%. Ceci nous permettrait d'aller chercher idéalement tout le
papier journal qu'on consomme et de le réutiliser dans la fabrication du
papier neuf dont 85% serait exporté hors du Québec. Mais il nous
faut absolument une, deux, trois, quatre, peut-être même cinq
usines de désencrage, parce que les compagnies papetières sont
intéressées à utiliser de la fibre recyclée
à la condition qu'elle soit propre et de bonne qualité.
Il y a quinze jours à peine, j'avais le privilège d'aller
annoncer à Breakeyville, dans mon comté, une subvention de
près de 1 000 000 $ offerte par le ministère de l'Énergie
et des Ressources à la compagnie Cascade qui venait d'acheter une
ancienne entreprise de fabrication de papier. Le gouvernement
fédéral a annoncé également qu'il allait participer
à ce projet et le Mouvement Desjardins, grâce à
l'initiative remarquable de son président, a décidé
d'avancer un montant d'au moins 2 000 000 $, pour cinq ans sans
intérêt, ce qui permet à la firme Cascade de mettre en
marche ce projet qui va offrir un débouché à tous les
récupérateurs régionaux qui ne savaient quoi faire de leur
papier journal.
La compagnie Reed à Québec s'est engagée à
acheter l'ensemble de la production de cette usine de désencrage dans la
mesure où la fibre sera compatible avec ses exigences. D'autres
compagnies, telle Kruger à Trois-Rivières, ont également
manifesté un grand intérêt. C'est là un exemple
concret de ce qu'a fait le ministère de l'Environnement dans le but de
mettre sur pied toute cette organisation de récupération et de
recyclage.
On retrouve dans le projet de loi un certain nombre d'articles qui vont
nous permettre d'aller plus loin dans cet excellent chemin pour
démontrer à l'ensemble des Québécois que la
protection de l'environnement peut aller de pair, qu'elle peut être
parfaitement compatible avec le développement économique. En
somme, au lieu de continuer à gaspiller certains biens de consommation,
on va plutôt les récupérer et les recycler de façon
économique, de façon à créer un nombre
supérieur d'emplois au Québec.
Quant à savoir - puisque Mme la députée de Chomedey
a posé la question - si nous avions pensé à la petite et
à la moyenne entreprise, c'est avec plaisir que je peux lui dire qu'au
sommet sur la récupération et le recyclage, j'ai annoncé
que le programme PARFAIR allait être augmenté à 750 000 $
par année. Ce programme vise directement à financer les groupes
régionaux à caractère communautaire qui veulent
acquérir l'équipement nécessaire à la mise en place
de la récupération régionale.
Mon collègue, le ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme, est venu annoncer qu'il avait une
réserve de 10 000 000 $ sur deux ans, réserve à
l'intérieur de ces programmes du ministère de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme de même qu'à la SDI, 10 000 000 $ qui
seront disponibles aux gens intéressés à investir dans le
secteur industriel relié à la récupération et au
recyclage. Ma collègue de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu est venue également annoncer que, dans
ses programmes de création d'emplois, elle réserverait des
montants d'argent intéressants pour permettre à ces entreprises
de profiter au maximum de l'aide de l'État pour la période de
démarrage qui est une période difficile, cela va de soi.
Jamais un gouvernement au Québec et non plus au Canada n'est
allé aussi loin dans la voie de la récupération et du
recyclage et c'est avec beaucoup de fierté que j'en parle partout
où je passe au Québec. Je constate surtout que les gens sont de
plus en plus réceptifs à cette idée, à cette
nécessité de concrétiser des économies dans nos
comportements faisant en sorte qu'on développe en même temps
l'économie du Québec.
Voilà donc, M. le Président, l'essentiel de mes remarques
sur ce projet de loi que nous aurons le plaisir d'étudier dès
demain en commission parlementaire. J'y vois là un certain nombre de
jalons importants dont certains visent exclusivement, à toutes fins
utiles, à corriger la loi fondamentale sur l'environnement. Après
essai, on s'est aperçu que certaines lacunes existaient dans notre loi.
Nous avons donc apporté un certain nombre de corrections pour nous
permettre de la rendre encore plus efficace et tout aussi respectueuse de
l'ensemble des Québécois et des Québécoises.
C'est donc avec beaucoup de plaisir que j'aurai l'occasion de discuter
demain, avec l'Opposition, de chacun des articles de ce projet de loi et de me
retrouver incessamment devant cette Chambre pour l'approbation en
troisième lecture. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Chomedey.
Mme Bacon: Est-ce que je pourrais avoir le consentement de la
Chambre pour poser une question au ministre?
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce qu'il y a
consentement?
Des voix: Oui.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Consentement. Mme la
députée de Chomedey.
Mme Bacon: Est-ce que le ministre de l'Environnement a
l'intention de déposer sa réglementation avant l'étude
article par article du projet de loi 86?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Ouellette: M. le Président, il y a très peu de
réglementation qui va découler de ce projet de loi qui a un
caractère omnibus. En fait, il n'y a qu'un élément qui
peut susciter une réglementation et, à ce stade-ci, compte tenu
des négociations qui se déroulent encore avec l'Association des
embouteilleurs et des brasseurs de même qu'avec les franchiseurs, il
serait vraiment trop tôt pour déposer une réglementation.
Cependant, nous ferons connaître, en commission parlementaire, les
grandes lignes de ce que nous entendons mettre en place, quitte à les
raffiner au fur et à mesure que les négociations avec lesdites
personnes se dérouleront.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Le principe du projet de
loi 86, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, est-il
adopté?
Des voix: Sur division.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté sur
division.
M. le leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'aménagement
et des équipements
M. Blouin: M. le Président, comme le prévoit notre
règlement, je propose donc de déférer ce projet de loi
à la commission de l'aménagement et des équipements qui
procédera à son étude détaillée. Cependant,
je vous signale que cette commission sera présidée par un
président de séance.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
de déférence est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, nous allons maintenant parler
de transport et, à cet égard, je vous demande d'appeler l'article
3) de notre feuilleton, s'il vous plaît, en vous soulignant que la parole
sera au député de Groulx.
Projet de loi 76
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Le Vice-Président (M. Rancourt): Reprise du débat
sur le projet de loi 76, Loi
modifiant diverses dispositions législatives concernant les
transports.
M. le député de Groulx, vous avez la parole.
M. Élie Fallu
M. Fallu: Merci, M. le Président. Il s'agit d'un projet de
loi omnibus numéroté 76, Loi modifiant diverses dispositions
législatives concernant les transports. Il faudrait savoir que le mot
"omnibus" a un sens technique dans le domaine législatif, mais
plutôt que de le traduire en français, je vous le
démontrerai, M. le Président, par une image. Vous vous souvenez
de ces omnibus, c'est-à-dire ces grandes calèches qui ramassaient
tout le monde; ou encore le mot "omnibus" est utilisé de nos jours pour
signifier un train qui s'arrête ou un autobus qui s'arrête a toutes
les stations ou à tous les villages. C'est un peu cela un projet de loi
omnibus. C'est un projet de loi qui englobe à peu près toutes les
autres lois du secteur ou encore qui touche à chacune de ces lois. En
effet, le projet de loi touche à un grand nombre de lois, mais je saurai
dire à l'instant que c'est à cause d'une technique
législative qu'il doit toucher à plusieurs lois. (16 h 30)
En introduction, M. le Président, permettez-moi de rappeler
comment, dans cette Chambre, nous avons fait évoluer
considérablement, tant par la législation que par l'adoption de
budgets, le transport dans notre société. Au départ,
rappelons que les grands objectifs du gouvernement, qui ont d'ailleurs
été largement partagés par l'Opposition et encore
davantage par l'ensemble de la société, ont fait qu'on a beaucoup
moins construit d'autoroutes. On a pensé surtout à la voirie
secondaire et tertiaire, essayant de donner des routes convenables aux gens,
mais on a fait beaucoup d'efforts en ce qui a trait au développement du
transport en commun.
J'aimerais rappeler à tout le monde qu'en 1972, pour la
première fois, on assistait à l'État qui subventionne du
transport en commun dans des municipalités. On sait quelle ampleur cela
a pris maintenant, alors que plus de 450 000 000 $ de nos crédits sont
affectés aux subventions au transport en commun dans tout le
Québec. Ii s'agit donc de mesures budgétaires mais, dans le
domaine législatif et réglementaire, rappelons comment nous avons
transformé la législation relative au transport scolaire, la
législation relative au transport dans la région de
Montréal, la législation relative au transport par taxi,
permettant notamment des volets de taxi collectif ou taxis de fin de ligne.
On oublie la loi portant sur le covoiturage car c'est du transport en
commun, mais par entente consensuelle entre les parties. Sans parler des
dimensions incluses dans des lois d'autre nature, comme celle de la
Communauté urbaine de Montréal où nous avons
démocratisé la gestion du transport en commun dans la
région métropolitaine.
Cette loi que nous étudions aujourd'hui touche à un grand
nombre de lois. Permettez-moi d'abord de vous dire qu'en technique
législative, lorsque nous touchons au monde municipal, il faut, par la
nature des choses, répéter, à toutes fins utiles, les
mêmes articles pour un très grand nombre de lois ou de chapitres.
C'est ainsi qu'il faut toucher à la Loi sur les cités et villes,
évidemment le Code municipal, la Loi sur la Communauté
régionale de l'Outaouais, la Loi sur la Communauté urbaine de
Montréal, la Loi sur la Communauté urbaine de Québec, la
Loi sur les corporations municipales et intermunicipales de transport, la
charte de la ville de Laval, la Loi constituant la Commission de transport de
la Rive Sud de Montréal, la Loi sur les conseils intermunicipaux de
transport dans la région de Montréal et modifiant diverses
dispositions législatives - vous vous souvenez, c'était l'an
dernier.
Or, dans le cas de ces neuf lois auxquelles nous touchons, il s'agit en
fait d'amendements répétitifs. Il s'agit du même amendement
à tous égards. Et de quel amendement s'agit-il, puisque nous
étudions ici les principes de la loi? Il y en a deux. Le premier vise
à satisfaire une demande des associations de personnes
handicapées, à laquelle on se rend d'ailleurs très
volontiers puisqu'il s'agit de permettre aux personnes handicapées de
jouir des mêmes droits et privilèges que l'ensemble des citoyens
qui ont accès au transport en commun.
Je m'explique. Nous avons permis aux commissions de transport
d'intégrer leurs tarifs et, en conséquence, de pouvoir prendre
des gens dans une municipalité régie par une commission, les
transporter dans une seconde, voire dans une troisième, en
continuité, notamment en intégration tarifaire. II n'en
était pas ainsi pour les personnes handicapées.
Dorénavant, les commissions de transport ou les commissions
intermunicipales ou les corporations municipales pourront faire des ententes
entre commissions de transport pour faire en sorte que la personne
handicapée puisse être transportée d'un lieu à un
autre et non pas seulement à l'intérieur d'une ville ou d'un
village.
De la même façon, elle permet à ces commissions ou
à ces municipalités qui gèrent du transport en commun de
faire des échanges de réciprocité, notamment avec leurs
voisins, pour faire en sorte que le minibus qui passerait à la
frontière d'une municipalité puisse également aller
chercher l'une ou l'autre des personnes handicapées qui serait dans la
municipalité jouxtante pour qu'on puisse planifier un meilleur service
à
la clientèle. Il y a un second principe. Disons-le, un projet de
loi omnibus comme ça vise essentiellement à améliorer la
loi existante ou à répondre à certaines demandes expresses
du milieu. C'est dans cet esprit que le deuxième principe, que nous nous
proposons d'adopter, permettrait beaucoup plus de latitude aux commissions de
transport ou aux municipalités, notamment par des ententes avec les
transporteurs scolaires qui permettraient - entre autres, à cause des
événements qui s'en viennent au cours de l'été,
alors que l'on aura, dans notre société un très grand
besoin de transport public, transport à long parcours - à presque
tout transporteur jouissant d'un permis de transport de faire de la
charte-partie, c'est-à-dire que nous aurons besoin de tous les autobus
en Gaspésie pour descendre les gens à Gaspé pour
l'arrivée des grands voiliers. On attend, nous dit-on, 1 000 000 de
personnes.
Comme nous aurons besoin, plus tard, des mêmes autobus pour amener
les fidèles, cette fois, à Québec ou à
Montréal, pour la visite du pape. Ce sont des mesures d'assouplissement
pour faire en sorte que personne ne soit gêné pour faire du
transport qui, autrement, serait illégal à cause de la
réglementation existante et qui elle, de toute façon, doit
demeurer puisqu'elle protège l'industrie du transport en commun.
Voilà pour les cités et villes. Voilà pour le Code
municipal. Voilà pour les communautés urbaines ou les
corporations municipales ou intermunicipales de transport.
Évidemment, il s'agit, en termes de volume, de la plus grande
partie des pages que nous pouvons lire de cette loi. Un second ajustement qu'il
nous faut rectifier par voie législative, alors qu'il a
été décrété, sous certains égards,
par voie réglementaire, c'est l'intégration de personnels du
ministère des Transports au ministère de la Justice. Il s'agit de
ces agents que tout le monde appelle les "bleus", au Québec. Nous nous
comprenons par ce terme. Maintenant, ils n'ont plus d'autos bleues, ils ont des
autos jaunes. Simplification administrative, économie d'échelle;
d'ailleurs, on entend, sans doute vous-même, M. le Président, avez
entendu, à combien de reprises, les gens dire: Pourquoi, pour la
même route, une voiture de la Sûreté du Québec, et
juste à côté, à la sortie de l'autoroute, ou
à l'entrée, une autre voiture, celle-là du
ministère des Transports, les deux font de la surveillance
routière: l'une surveille les véhicules publics,
c'est-à-dire les véhicules de commerce, les autobus, les minibus,
les véhicules de ferme, etc., l'autre, de la Sûreté du
Québec, vérifie les phares et la vitesse? Il y a une certaine
rationalité que les gens nous faisaient remarquer. Nous voulons
simplement remédier à cette tradition, mais nous voulons
justement remettre en cause les traditions.
Un autre principe qu'on doit aborder rapidement dans cette loi, c'est le
pouvoir réglementaire qui est donné au gouvernement de
régir certaines activités à l'occasion
d'événements dits exceptionnels. On se comprendra: il s'agit de
ce que nous aurons à vivre au cours de l'été, notamment,
dans la région de Québec avec les Grands Voiliers, le 450e
anniversaire de la découverte du Québec et à l'occasion de
la visite du pape. Tant la commission de transport que le gouvernement
possèdent déjà un certain nombre de pouvoirs qui
permettent de s'adapter rapidement aux circonstances. Je vous ferai remarquer
que la commission de transport ne possède ce pouvoir que dans les
limites de quinze jours. Or, il est manifeste que les événements
que nous allons vivre au cours de l'été vont durer bien
au-delà de quinze jours. Le projet de loi voit à donner, à
autoriser le gouvernement à suspendre un certain nombre de
règlements qui seraient des entraves à l'organisation des grands
événements que nous allons connaître. (16 h 40)
De la même façon, on nous faisait valoir depuis un certain
temps une double démarche que les camionneurs devaient faire. Le
camionneur se présentait à un IVA ou à un BVA,
c'est-à-dire à un bureau de la Régie de l'assurance
automobile, pour y enregistrer son véhicule, pour obtenir des plaques.
Il devait aller ailleurs, c'est-à-dire à la Commission des
transports, pour faire une démarche à peu près de
même nature, c'est-à-dire pour acheter une autre plaque qui
constitue son permis d'exploitation pour les six mois ou pour l'année
qui viennent. Simplification administrative pour que notre camionneur n'ait
qu'une seule démarche à faire; il pourra désormais se
présenter devant la Régie de l'assurance automobile du
Québec. C'est un peu le rêve que tout le monde caresse d'avoir un
seul fonctionnaire à qui s'adresser ou d'avoir un guichet unique pour
régler tous ses problèmes. On rêve de le faire et on a
commencé à le faire, notamment dans l'intégration du
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Voilà que cela sera
fait dans le domaine du transport en ce qui a trait aux doubles autorisations
requises, notamment pour les chauffeurs de camion.
Je passe à un autre volet de la loi. Il y a un amendement qui
portera sur la Loi sur la voirie. Vous me permettrez, M. le Président,
de m'y arrêter un peu plus longuement parce que les intervenants en cette
Chambre ont été très peu loquaces sur ces amendements qui
me semblent pourtant relever d'une grande sagesse et font surtout état
d'une autre approche de société. Sans lire l'article, vous me
permettrez néanmoins d'en citer des passages. C'est ainsi que
déjà le ministère avait l'autorisation d'établir
des
parcs de stationnement. Il avait déjà l'autorisation
d'établir des belvédères, des pavillons, des ouvrages de
protection, de sécurité ou d'embellissement. Ce que le
ministère sollicite ici en cette Chambre, c'est l'autorisation d'y
construire des lieux d'approvisionnement, des haltes routières, des
pistes cyclables, des sentiers réservés aux piétons. Il y
a là, M. le Président, toute une philosophie de
société. Je ne parlerai pas des lieux d'approvisionnement, parce
que je crois que, dans l'ensemble, nos concitoyens nous ont relativement bien
approvisionnés le long de nos routes et notamment de nos autoroutes en
sachant nous munir de garages et de restaurants, sauf que c'était
à l'époque où il n'y avait pas de zonage agricole. La
situation a changé avec une protection très ferme du territoire
agricole. Il faut peut-être maintenant, à certains endroits...
Vous savez comment, quelquefois, sur certaines de nos autoroutes, on fait de
très grandes distances sans trouver de lieux d'approvisionnement. Je
pense à l'autoroute 40, qui est déjà ouverte en grande
partie et qui ouvrira totalement au cours de l'été.
Quant aux haltes routières, la demande est constante de la part
des gens, de la part des routiers, de la part des visiteurs. On n'a qu'à
observer comment, au Québec, les haltes routières ne se sont pas
développées au même rythme qu'elles se sont
développées chez nos voisins du Sud, dans certains États
américains. La demande est là et il faut donner
expressément au gouvernement, au ministère des Transports,
l'autorité pour construire en abondance ces haltes routières. Il
en va de la qualité de vie du routier, il en va de la qualité de
vie de l'automobiliste. Cela incite l'automobiliste à s'arrêter
pour se reposer et à faire en sorte qu'il ne soit pas chauffé
à blanc après avoir conduit pendant deux ou trois heures sans
jamais s'arrêter. On sait qu'il faudrait, à toutes les heures,
s'arrêter au moins cinq minutes et à tous les 100
kilomètres, pour le moins, s'arrêter entre cinq et dix minutes
pour se refaire.
Les pistes cyclables. M. le Président, on a même construit
dans ma circonscription le premier pont avec une piste cyclable, le pont de
Bois-des-Filion, reliant une des municipalités de chez nous à la
ville de Laval. On a également construit la première piste
cyclable sur une route publique, une route gouvernementale, une route
numérotée, la 117. Je vous avouerai, par ailleurs, qu'on a
dû la mettre au rancart parce qu'on n'a pas trouvé - elle
était expérimentale - le moyen de la rendre sécuritaire.
Il faut, en conséquence, ce pouvoir habilitant pour que,
dorénavant, le ministère des Transports puisse
systématiquement accompagner ses constructions ou ses réfections
de pistes cyclables. Et j'irai plus loin: un fonctionnaire me disait, il y a
quelques années, que si le gouvernement savait construire ses routes
avec une surlargeur de 24 ou 30 pouces de chaque côté - faire en
sorte, donc, qu'il y ait cette piste cyclable de chaque côté - la
conservation de la route serait grandement améliorée car - on le
remarque facilement -l'asphalte a tendance à casser justement sur les
bordures de la route, au bord de l'accotement. Si on avait une surlargeur
réservée aux piétons ou aux cyclistes, on conserverait
plus facilement le revêtement bitumineux de nos routes. C'est à y
penser. J'invite le ministère à creuser un peu, en termes
d'économie, cette approche.
Il faut maintenant faire justice aux cyclistes dans notre
société. Nous sommes actuellement les plus grands constructeurs
de bicyclettes en Amérique du Nord et nous sommes également les
plus grands utilisateurs en Amérique du Nord, voire dans le monde, de la
bicyclette. Nous sommes maintenant un monde à bicyclette et il faut
donner raison au monde à bicyclette. Il y a des raisons sociologiques.
Il y a des raisons économiques. C'est un univers de "participaction" qui
se développe. Dans votre famille, comme dans la mienne, sans doute, M.
le Président, avons-nous, ce matin même, l'un ou l'autre de nos
enfants sur la route. J'en ai même un, ce matin, qui part pour une
semaine. Il faut leur rendre justice. Des sentiers réservés aux
piétons, c'est une tradition qui n'existe pas chez nous, c'est une
tradition à développer. II faut faire en sorte que dans tout le
Québec, on fasse ce que nous avions fait comme société, il
y a quelques années, à savoir la jonction des sentiers
piétonniers, la jonction des pistes cyclables comme nous avions fait la
jonction des pistes de motoneige... Notre société a
évolué et il faut maintenant en tenir compte.
À propos de la Loi sur la voirie, un nouveau pouvoir est
également demandé à l'Assemblée nationale par le
ministère des Transports. Il s'agit d'un pouvoir d'expropriation
supplémentaire. Je croyais que le ministère des Transports avait
tous les pouvoirs d'expropriation, mais on a découvert qu'il lui en
manquait un et un qui pouvait lui être fort utile, justement, au moment
où il y a des haltes routières à construire et des pistes
cyclables à faire. Il manque, entre autres, un pouvoir d'expropriation,
en ce qui a trait aux sous-postes du ministère des Transports, car le
ministère n'a que le droit d'acheter ou de louer des terrains à
cet effet. Il n'a pas de pouvoir d'expropriation. En conséquence, il y a
des équipements du ministère qui retardent ou qui risquent
d'être retardés. (16 h 50)
Le projet de loi, tel qu'il nous est présenté, suppose
également ou sous-tend un autre principe; il s'agit d'un amendement
à la Loi sur le transport par taxi. Ici, permettez-moi dès le
départ de faire l'éloge
de la Ligue de taxi A-11 à Montréal qui, connaissant
très bien les problèmes de gestion interne du taxi à
Montréal, s'est prise en main d'une façon extraordinaire depuis
quelques années. Après des heurts et des grincements de dents
publics, au demeurant, elle a su faire une grande pacification et a su
créer un consensus pour racheter des permis de taxi et, en
conséquence, abaisser le ratio nombre de permis/population. Cela est
tout à son honneur parce que ces gens se sont animés, se sont
pris en main eux-mêmes. Ce sont véritablement des
sociaux-démocrates.
À Montréal, il faut le savoir, il y a un permis de taxi
par 245 clients alors qu'à Chicoutimi, il y en a un par 1524; il y a
donc une désarticulation qui fait que le métier de chauffeur de
taxi est de moins en moins payant. En rachetant comme cela les permis de taxi,
ils pourront assurer une meilleure rentabilité à leur propre
métier, celui de chauffeur de taxi.
Vous me faites signe, M. le Président, est-ce que j'aurais encore
une petite minute?
Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui.
M. Fallu: Toute une pour vous parler des motocyclistes. Le
ministre nous a annoncé, il y a quinze jours déjà, qu'il
introduirait un nouveau principe relatif à une réglementation sur
les motocyclistes. Je n'en ajoute pas davantage, je veux simplement
énoncer le fait. O'espère que tout à l'heure, au moment de
sa réplique, le ministre des Transports saura être un peu plus
explicite qu'il ne l'a été au moment de son discours de
première lecture. Je le lui demande, s'il vous plaît. Nous
adopterons donc bientôt la principe du projet de loi et nous aurons
plaisir à travailler ensemble en commission parlementaire au cours de la
semaine pour en faire l'étude détaillée.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Louis-Hébert.
M. Réjean
Doyon
M. Doyon: Merci, M. le Président. Le projet de loi 76, qui
est devant l'Assemblée nationale aujourd'hui, est un projet de loi
omnibus, donc un projet de loi qui contient une diversité de
dispositions destinées à modifier un certain nombre de lois.
Comme tout projet de loi omnibus, il faut l'examiner de très
près. Ce genre de projet de loi, du fait qu'il manque de ce que
j'appellerais le "focus", c'est-à-dire d'une mise au point sur des
problèmes particuliers, des problèmes bien identifiés,
oblige tous les membres de cette Assemblée à faire preuve d'une
prudence constante, de façon qu'on ne se retrouve pas devant des
situations que, malheureusement, nous avons eu l'occasion de connaître et
qui font que le gouvernement, par son désir d'aller trop vite, de trop
embrasser de sujets en même temps dans le cadre d'un seul projet de loi,
se retrouve devant des situations qu'il doit corriger à la sauvette ou
doit prendre des moyens détournés pour défaire rapidement
ce qu'il a amené l'Assemblée nationale à adopter sans
donner les explications nécessaires.
Ce projet de loi omnibus nous donne l'impression que le nouveau ministre
des Transports veut faire un grand ménage dans son ministère.
C'est un méli-mélo de plusieurs lois qui sont amendées,
qui sont au nombre de quatorze et qui nous obligent à étudier des
dispositions qui sont plus importantes les unes que les autres. Il y a un
certain nombre de dispositions qui traitent du transport en commun; il y a
nécessité, bien sûr, d'améliorer la situation en ce
qui concerne les ententes au niveau du transport en commun.
La prudence dont nous devons faire preuve est telle que nous devons
tenir compte que ce projet de loi est présenté par le ministre
des Transports qui, il y a peu de temps, ici, à l'Assemblée
nationale, nous affirmait, sans l'ombre d'un sourire, qu'il n'avait jamais vu
ce qu'on s'est chargé de lui montrer, un panneau qu'on retrouve sur
certaines voies interdites au Québec et où on peut lire: Reculez.
Cela veut dire qu'il ne faut pas prendre ces voies et que si, par malheur, on
les prend, il faut faire marche arrière rapidement. Le ministre des
Transports nous a dit que ces panneaux n'existent pas. Tout cela n'est pas de
nature à nous rassurer quand un projet de loi omnibus est
présenté par le même ministre des Transports.
Donc, le projet de loi touche à plusieurs choses. Il touche au
transport en commun; il effleure en passant la nécessité qu'il y
a de rafraîchir certaines dispositions législatives en fonction de
la visite papale du mois de septembre, en fonction des festivités de
1534-1984 qui se tiendront à Québec. On touche à la
question de la voirie - j'y reviendrai tout à l'heure - on parle de
l'utilisation des édifices administrés par le ministère
des Transports. On consacre le transfert de l'inspection routière
à la Sûreté du Québec. On modifie la loi sur la
commission des transports et on parle aussi du transport par taxi sans parler
du Code municipal, de la Loi sur les cités et villes, de la Loi sur la
Communauté urbaine de Québec, de la Loi sur la Communauté
urbaine de Montréal, de la Loi sur la Communauté régionale
de l'Outaouais.
Tout cela nous oblige à repasser l'une après l'autre ces
dispositions législatives présentées par le ministre des
Transports, de façon que, comme je le disais, on ne se retrouve pas
devant des faits accomplis qui nous obligent à réparer sur le
tard, comme
c'est trop souvent le cas malheureusement, les pots cassés.
Je voudrais tout d'abord attirer l'attention du ministre sur
l'amendement qu'il propose au projet de loi 76 que nous avons entre les mains.
Cet amendement - enfin, il y en a deux, l'article 13.1 et l'article 13.2,
particulièrement l'article 13.2 qui donne au président de la
Commission des transports le pouvoir de désigner une personne pour
entendre et décider des affaires non contestées relatives
à un transfert de permis de taxi ou de camionnage en vrac au transport
général ou spécialisé, ou à la location de
véhicules.
Je voudrais porter à votre attention, M. le Président, que
ce pouvoir accordé au président de la Commission des transports
va au-delà des pouvoirs normaux qu'on peut s'attendre de retrouver entre
les mains d'un président de commission comme celui de la Commission des
transports. À titre d'exemple, le président de cette commission
peut désigner, à l'encontre des voeux du ministre, une personne
qui disposerait de tous les pouvoirs qui sont ceux de la commission
elle-même pour les affaires non contestées et pour les affaires
expliquées à l'article 13.2. Je pense qu'il faut être
très prudent parce que le ministre responsable de tout le domaine des
transports est le ministre des Transports. Ce n'est pas le président de
la Commission des transports qui répond devant cette Chambre des actes
posés par son organisme; c'est le ministre des Transports qui doit en
répondre. Tout comme il est normal que le contrôle puisse
s'exercer au sein de cette Assemblée, je ne pense pas qu'il soit
souhaitable qu'on en soit arrivé à une solution qui est celle
proposée à l'article 13.2.
Cela peut donner prise à des abus que le président de la
Commission des transports dispose de pouvoirs semblables. Cela le place
même, à certains égards, au-dessus du ministre. Dans le
système parlementaire responsable qu'est le nôtre, il n'est pas
souhaitable que cette pratique soit acceptée dans notre système
administratif. Le ministre a une responsabilité; il doit conserver
l'intégralité et la totalité de cette
responsabilité. On ne peut que s'inquiéter que le ministre confie
une telle nomination au président de la Commission des transports. Je ne
vois pas pourquoi il est nécessaire que ce pouvoir soit confié au
président de la Commission des transports. Ne serait-il pas plus normal
que le pouvoir soit exercé par le ministre et qu'il nomme ce
fonctionnaire, sur recommandation - il peut y avoir toutes sortes de moyens -
mais que le pouvoir de nomination lui-même ne soit pas entre les mains du
président de la Commission des transports. (17 heures)
II faut se souvenir que le pouvoir de nommer comporte, normalement, le
pouvoir de démettre. Là, on entre dans un jeu qui peut laisser
soupçonner que les meilleurs intérêts des usagers, des gens
qui ont affaire à la commission ne sont pas, dans tous les cas,
protégés. Dans ces situations, il est aussi important que les
apparences de justice soient sauves, soient préservées, soient
bien claires, qu'il est important que justice elle-même soit rendue.
Quand on parle de pouvoirs aussi considérables que ceux qui sont
accordés à une personne que désigne le président,
je pense qu'il est de bon aloi de s'inquiéter et de demander au ministre
d'examiner à fond cette question et de ne pas accorder de pouvoirs qui
sont exorbitants ou qui pourraient donner lieu à des abus ou à
des possibilités d'abus d'une façon ou d'une autre.
Loin de moi l'intention de laisser entendre que le président de
la Commission des transports, quel qu'il soit actuellement, n'est pas capable
d'utiliser ce genre de pouvoirs. Il s'agit d'une question de principe
plutôt, où c'est le ministre qui a cette responsabilité. Il
n'est pas bon, il n'est pas sain qu'il s'en défasse, qu'il s'en remette
à une tierce personne qui n'a pas de compte à rendre ici,
à l'Assemblée nationale.
Le projet de loi 76 effectue aussi un changement important en ce qui
concerne le transfert de l'inspection routière. On sait que,
jusqu'à récemment, tout ce qui concernait l'inspection
routière était confié à des constables qui avaient
des pouvoirs qui leur étaient accordés par la loi et qui leur
permettaient d'agir comme agents de la paix, sans permis de port d'armes
cependant, et ils avaient des fonctions bien définies.
Je lisais, dans le journal de ce matin ou d'hier, qu'il y a actuellement
une poursuite qui a été intentée contre le gouvernement du
Québec par la Fraternité des constables du ministère des
Transports qui réclame du gouvernement des dédommagements de
l'ordre de 840 000 $. On est informé, par cet article, que la poursuite
a été déposée en Cour supérieure et elle
touche les circonstances qui ont entouré la dernière
négociation syndicale en 1983. La Fraternité des constables, qui
représente ces constables et les inspecteurs, a été
chargée, depuis 1982, de l'application du Code sur la
sécurité routière et de la Loi sur les transports. La
dernière convention collective qui a été signée est
échue depuis le 31 mars 1981, les négociations étaient
entamées pour en arriver rapidement à une impasse. L'article se
continue. Je le porte à l'attention du ministre de façon que,
s'il y a des arrangements à être pris, il puisse les prendre dans
les meilleurs délais. Les constables affirment, aujourd'hui, qu'ils ont
été les victimes de représentations mensongères,
qu'on leur a fait signer une entente à rabais et qu'ils ont
été privés du
droit à un arbitrage complet et éclairé. Le
ministre doit être sûrement au courant des faits. Je l'invite
à examiner cette question et à agir, s'il en est encore temps, de
façon à éviter une poursuite, des procédures
judiciaires qui sont toujours coûteuses et qui ne permettent pas aux
personnes qui sont là pour rendre des services à la population de
précisément les rendre dans le meilleur des climats, en ayant
tout d'abord à l'esprit l'intérêt du public avant des
problèmes syndicaux ou des problèmes de relations du travail.
Je disais que, depuis le 1er mars dernier, les inspecteurs du
ministère des Transports, ceux qu'on qualifie de "bleus"
précisément, n'existent plus. Un décret prévoit que
la Sûreté du Québec prend la relève du
contrôle de la réglementation en matière de transport. Les
inspecteurs se sont opposés à cette décision de même
que l'Association du camionnage du Québec. Tout à l'heure, le
député de Groulx, qui m'a précédé, portait
à votre attention le fait qu'on se demandait pourquoi il y avait des
inspecteurs spécialisés qui s'occupaient de vérification
routière, de vérification des camions lourds, de
vérification des autobus, etc. La raison est très simple, M. le
Président. C'est parce que c'est un travail spécialisé.
C'est un travail qui demande une formation de longue haleine, qui a
été évaluée par les spécialistes du Conseil
du trésor comme allant de trois à cinq ans. Ce qui fait qu'on
peut craindre qu'actuellement les personnes à qui on confie une
tâche à laquelle elles ne sont pas habituées ne disposent
pas des outils nécessaires au niveau des connaissances pour effectuer
ces inspections de la bonne façon, ce qui a pour effet d'éviter
la réglementation nécessaire, la réglementation qui vise
à préserver le réseau routier, de s'assurer que les poids
sont respectés, qu'on ne se retrouve pas devant des situations où
il y a détérioration ou danger public. On risque
précisément de se retrouver avec une réglementation qui
n'est pas appliquée comme elle devrait l'être. Cela comporte des
gaspillages de fonds publics et des dangers pour la population.
Les arguments d'économie qu'on fait valoir pour fusionner
à la Sûreté du Québec les responsabilités qui
étaient celles des constables spéciaux dans le domaine de
l'inspection routière, finalement, quand on les analyse de près,
ne tiennent pas pour la bonne et simple raison qu'il y a évidemment un
coût attaché au fait que si la réglementation n'est pas
appliquée intégralement, si la réglementation n'est pas
respectée, il va y avoir du gaspillage, des situations où on va
devoir faire des réparations qui n'auraient pas été
nécessaires autrement, sans compter - c'est là l'argument
principal - que, pendant que les membres de la Sûreté du
Québec s'acquittent de cette tâche supplémentaire qui est
la leur, ils ne peuvent évidemment faire autre chose.
Il a été établi qu'un seul contrôle -cela
n'est pas beaucoup - d'une durée moyenne d'une demi-heure par semaine
par un agent de la Sûreté de Québec représentait
déjà une dépense supplémentaire de près de 2
000 000 $. On n'a pas tenu compte, dans l'évaluation qu'on offrait,
qu'on ferait l'économie de ces 2 000 000 $. Si on garantissait la
présence des patrouilleurs lors de l'opération aux aires et aux
postes de contrôle, cela annulerait, à toutes fins utiles, les
avantages financiers d'un tel transfert à la Sûreté du
Québec puisque celle-ci a évalué que l'assignation de
seulement 29 policiers requis pour une présence continuelle aux postes
de contrôle en opération entraînerait un coût
supplémentaire de 2 300 000 $ sans compter le coût d'une
disponibilité certaine des patrouilleurs pour faire l'interception
à proximité des aires de contrôle.
Alors, la véritable économie à la suite des
transferts est loin d'être établie. On risque même de se
retrouver avec une dépense supplémentaire et non une
économie des fonds publics, parce que cette chose n'a pas
été évaluée scientifiquement, tous les arguments,
le pour et le contre, n'ont pas été pesés, n'ont pas
été déterminés d'une façon suffisamment
précise pour qu'on sache exactement ce qui en est. On s'en va
là-dedans à l'aveuglette.
Je comprends qu'au niveau du raisonnement simpliste, on peut facilement
expliquer à la population qu'il n'est pas utile d'avoir des gens qui, en
même temps, sont aux aires et aux postes d'inspection à attendre
les camions alors qu'il y a des patrouilleurs de la Sûreté du
Québec qui sont sur les mêmes routes. À première
vue, il peut paraître non nécessaire d'avoir un tel
système. Mais, quand on va plus loin, quand on examine vraiment la
situation, on s'aperçoit que la preuve est loin d'être faite des
économies que nous fait miroiter le ministre des Transports par ce
transfert à la Sûreté du Québec.
Le fardeau de la preuve lui appartient, M. le Président. Quand on
fait un changement, quand on amène un changement, quand on l'impose
même, il appartient au ministre des Transports de faire une preuve
irréfutable, une preuve qui doit être acceptée, par les
arguments qu'il nous amène, que cela est nécessaire ou, encore,
que cela va épargner des fonds publics, finalement, sauver des taxes. Le
ministre est loin de s'être acquitté de cette obligation. Je porte
à son attention qu'il devrait faire une étude plus approfondie de
toute cette question. (17 h 10)
M. le Président, il y a aussi toute la question des taxis qui est
modifiée par le projet de loi 76. Le ministre, lors d'une question
récemment à l'Assemblée nationale, expliquait que
dorénavant la vérification pour les permis de taxi se ferait,
d'après ce que j'ai compris, par la Sûreté du Québec
sauf qu'à Montréal ce serait la police de la CUM alors que, sur
le territoire de la Communauté urbaine de Québec, ce serait,
d'après ce que je comprends, la police municipale, la
sûreté municipale qui devrait s'acquitter de cette fonction. On se
retrouve dans une ambivalence; on ne sait trop, selon les territoires où
on se trouve, qui s'acquitte de cette tâche. Le résultat net de
tout cela sera que la vérification n'aura pas lieu comme elle doit avoir
lieu en ce qui concerne les taxis. Les chauffeurs de taxi, les
propriétaires de taxis, les utilisateurs de taxis ont droit à une
application normale, une application vérifiable et une application
constante de la réglementation et de l'inspection des permis.
Malheureusement, les assurances que nous donne actuellement le ministre
ne sont pas suffisantes pour que nous soyons satisfaits, que nous puissions
nous contenter de ces inspections. Il faudra que le ministre mette de l'ordre
dans ce domaine parce que la situation actuelle est confuse et floue. Il y
aurait beaucoup à dire sur le projet de loi. Je sais, parce que vous me
faites signe, M. le Président, que mon temps est terminé. Je vous
remercie de l'attention que vous m'avez apportée.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Chambly.
M. Luc Tremblay
M. Tremblay: Merci. La réforme parlementaire qui
était censée réduire les activités des
députés, le moins qu'on puisse en dire c'est que dans ce sens
nous n'avons pas réussi puisque j'ai nettement l'impression que cela a
eu pour effet d'augmenter considérablement le rôle du
député, effectivement, mais aussi l'ouvrage qu'on a à
faire. Cela dit, je suis assez heureux d'avoir l'occasion de parler de cette
loi générale sur les transports et plus particulièrement
de l'aspect du transport en commun dans la région de Montréal
qui, comme vous le savez, touche les citoyens du comté de Chambly que
j'ai l'honneur de représenter ici plus particulièrement.
Il faut se rappeler que Montréal, et plus particulièrement
la région sud, ce qu'on appelle maintenant la Montérégie,
s'est développée depuis les années cinquante d'une
façon considérable. J'avais l'occasion, en fin de semaine,
d'assister à la fête du 50e anniversaire du diocèse de
Saint-Jean. Je notais, dans les documents historiques qu'on nous remettait, que
ce diocèse avait littéralement explosé
démographiquement et que cela avait causé des problèmes
considérables aux évêques du temps, principalement à
Mgr Coderre qui a été, depuis 1955 jusqu'à 1970-1972,
l'évêque du diocèse de Saint-Jean. Ce qu'a connu
l'Église comme problèmes, le transport en commun les a connus. Il
y avait, à l'époque, d'abord, deux services d'autobus sur la rive
sud. Un qui desservait ce qu'on appelle maintenant le territoire de la CTRSM,
la Commission de transport de la Rive-Sud de Montréal, soit six villes:
Saint-Hubert, Longueuil, Boucherville, Saint-Lambert, Lemoyne, je crois, et
Brossard. Ce transporteur, qui s'appelait Chambly Transport, était un
transporteur privé. Avec les moyens du bord, en se développant
comme il le pouvait, bien souvent avec des autobus qui étaient loin
d'être conformes à ce que des citoyens normaux peuvent
s'attendre... Les autobus étaient désuets, souvent en très
mauvaises conditions, mais l'entreprise indépendante, l'entreprise
privée n'avait pas les moyens, à même les sommes qu'elle
demandait aux gens qu'elle transportait, de faire vivre adéquatement le
transport en commun.
Il y avait une autre partie du transport en commun qui se faisait par
autobus et qui était un transport plus éloigné des gens
qui, quand même, commençaient à voyager de la banlieue dans
laquelle ils demeuraient... C'était le cas de certaines personnes
à Chambly; par exemple, mon père, depuis 1937, était un
banlieusard et voyageait régulièrement à Montréal
pour travailler. Il y avait ce transporteur, qu'on appelait à
l'époque Provincial Transport, qui accommodait, tant bien que mal, et
qui, à même d'autres routes plus rémunératrices,
réussissait à donner un service aussi bon que possible tout en
s'assurant de sa rentabilité; ceci est bien normal pour une entreprise
privée.
Il y avait aussi des trains dans cette région. Je me rappelle,
étant jeune - il y a quand même quelques années - où
il y avait la Southern Canada Power, train électrique qui faisait le
parcours entre Montréal et Granby. Cette compagnie donnait un service
très apprécié puisqu'elle amenait les citoyens de ces
régions de banlieue à Montréal où ils
travaillaient. En plus, dans l'autre corridor, il y avait le train qui
mène à Sherbrooke, à Richmond et qui est encore
utilisé aujourd'hui. C'était le portrait des années
cinquante.
Très rapidement, à cette époque, le train de
Montréal à Granby ou le train de Montréal à Farnham
- je ne suis pas certain s'il y allait; je le prenais de Chambly à
Montréal et de Montréal à Chambly et je ne sais pas
jusqu'où il allait - a cessé de donner le service parce que cela
n'était pas rentable; il n'y avait pas assez de population
dans le secteur. La compagnie CN qui avait acheté la compagnie de
trains a cessé de donner le service parce que cela n'était pas
rentable.
Je disais donc tout à l'heure que Chambly Transport avait des
difficultés pour donner un service adéquat parce que cela
n'était pas rentable; le train n'était pas rentable. On a vite
constaté que le transport en commun n'était pas rentable.
L'entreprise privée cherchait, par tous les moyens, de rentabiliser le
transport en commun. Pour ce faire, elle tentait de diminuer ses
dépenses. En réduisant ses dépenses, elle réduisait
automatiquement le service, plus particulièrement dans les fins de
journée parce qu'à 23 heures ou à minuit il y avait moins
de gens qui revenaient à la maison. On enlevait le service; on rendait
le service inadéquat pour les gens. Finalement, les citoyens, de guerre
lasse, s'achetaient une auto et voyagaient en automobile. Cela réduisait
encore plus les revenus de la compagnie de transport en question; cela avait
pour effet de rendre moins rentable le transport en commun. C'était donc
un cercle vicieux; mauvais service non utilisé par les citoyens, mauvais
service parce que non rentable et jusqu'à l'infini. (17 h 20)
Or, la Commission de transport de la Rive-Sud de Montréal a
été formée pour faire en sorte que les
municipalités qui ont, depuis toujours, été responsables
du transport en commun dans leur ville. C'est le cas, par exemple, de
Montréal. C'est le cas de la ville de Québec et c'est le cas de
la ville de Sherbrooke qui, à moins que je ne m'abuse, est un
véritable exemple dans ce domaine. Les municipalités
étaient conscientes aussi qu'il était important qu'un service de
transport en commun efficace et de qualité existe si elles
désiraient, pour leur développement économique, que les
gens s'installent, restent là et que les maisons gardent leur valeur.
Les municipalités de la rive sud immédiate ont donc pris en main
leur transport en commun de façon à ne plus subventionner
simplement, parce que - je n'en ai pas parlé - c'est ce qui se
produisait finalement avec les entreprises de transport non rentables. Les
citoyens réclamaient des services additionnels ou un service
adéquat des compagnies de transport privées et ces compagnies
disaient: Nous n'avons pas les moyens de vous donner ce service. On devra
augmenter nos tarifs. En augmentant nos tarifs, il y aura moins d'usagers et on
donnera encore un moins bon service. Les municipalités faisaient des
pressions sur les compagnies de transport pour qu'elles conservent un service
adéquat, avec le résultat que les compagnies de transport ont dit
aux municipalités: Si vous voulez que nous donnions un meilleur service,
vous allez devoir nous subventionner, ce qui fut fait pendant un certain temps.
Mais les municipalités subventionnaient des entreprises et ce
n'était pas permis. La loi des affaires municipales empêche les
municipalités de subventionner une entreprise privée et, de toute
façon, les municipalités n'avaient pas de décision
à prendre. Elles donnaient de l'argent à une entreprise sans en
contrôler l'utilisation.
Donc, les municipalités ont pris en main le transport en commun.
Les municipalités de la rive sud immédiate de Montréal,
les six dont je parlais tout à l'heure, ont pris en main le transport en
commun. Elles ont développé un service qui a eu de la
difficulté à démarrer - c'est toujours difficile
d'intégrer ces choses-là dans une nouvelle structure - et elles
ont commencé à fournir ce service. Sont arrivées par la
suite des difficultés au niveau du transport un peu plus
régional, un peu plus large que ce que je disais tout à l'heure
et le gouvernement a acheté une partie de Provincial Transport, à
l'époque, et de Métropolitain Sud - dans d'autres régions,
cela s'appelait autrement, mais chez nous, c'était Métropolitain
Sud - et a dit aux municipalités: Vous allez maintenant vous occuper du
transport en commun, qui est important pour votre développement
économique. Cette compagnie a été remise à la
Commission de transport de la Rive-Sud de Montréal de façon qu'il
y ait quelqu'un pour la gérer et on a dit à la CTRSM, par une
loi: Vous pourrez faire une répartition des coûts aux
municipalités concernées. Bien sûr, les
municipalités ont trouvé cela un peu difficile puisqu'elles
devaient payer des sommes à la Commission de transport de la Rive-Sud de
Montréal sans avoir, d'une part, quelque décision à
prendre ou quelque mot à dire au niveau du service, d'une part, et aussi
sans avoir rien à dire dans l'administration courante de l'entreprise.
Cela restait la prérogative de la Commission de transport de la Rive-Sud
de Montréal.
En 1981, à l'occasion de l'élection, bien des gens m'ont
demandé que notre parti s'engage dans le problème du transport en
commun. Personnellement, j'ai toujours refusé de le faire, car il est
très difficile de s'engager dans un domaine où on ne
contrôle pas tous les éléments. On l'a dit, c'est d'abord
une responsabilité municipale; en plus, il y a un très grand
nombre d'intervenants dans ce dossier: particulièrement, les
municipalités, les syndicats des compagnies de transport ainsi que les
commissions de transport voisines.
Or, il y a eu des discussions entre collègues et ici, en
commission parlementaire; finalement, une solution nous est apparue, une
solution mitoyenne, très douce, qui veut que les municipalités,
dans chacun des corridors, prennent en main leur transport en commun. Si elles
ne veulent pas le prendre,
elle le laisse à l'entreprise privée. Très peu de
municipalités, qui font partie des deux corridors du comté de
Chambly, entre autres, celui de la route 112 qui regroupe Carignan, Chambly,
Richelieu, Marieville, ont refusé d'embarquer dans le projet de
transport en commun. Si je ne m'abuse, Carignan n'a pas encore accepté,
mais j'espère que ces municipalités réussiront à
s'entendre pour que Carignan fasse partie du groupe. J'espère que le
niveau de service actuel ne diminuera pas, parce que ce sont les
municipalités qui administrent les budgets, mais elles sont
subventionnées par le gouvernement du Québec.
Dans un autre corridor, celui de la route 116, la tradition des
discussions est beaucoup plus longue; depuis déjà cinq ans, je
crois, ces municipalités discutent ensemble des différents moyens
à prendre pour en arriver à ce que nous voulons tous,
c'est-à-dire un bon service pour les citoyens au meilleur coût
possible. Il était naturel que ce territoire forme un corridor, un
corridor quand même assez populeux. Les municipalités qui
étaient habituées de s'asseoir ensemble se sont réassises.
Il se pose un problème présentement, celui de la ville de
Saint-Bruno-de-Montarville qui refuse d'embarquer dans le corridor, de se
joindre aux autres, parce qu'elle a déjà un service fort bien
organisé, fort bien structuré qui compte 90% des usagers qui
voyagent à Montréal et 10% qui utiliseraient le corridor.
L'atmosphère de négociation, qui n'existe pas, à
toutes fins utiles, fait que les autres municipalités ne s'entendent pas
avec Saint-Bruno dans ce dossier. Je souhaite ardemment - c'est l'un de mes
plus importants soucis présentement - qu'on en arrive à une
solution, car toutes les municipalités ont besoin les unes des autres
dans ce dossier afin d'offrir un service de qualité. On le sait, il y
aura bientôt le problème du train qui se posera.
Vous me faites signe, M. le Président, je vais tenter de
résumer. Il y aura donc le problème du train à
régler très bientôt. Ce que je veux, cet après-midi,
c'est demander aux maires des municipalités qui font partie de ce
corridor de négocier ensemble. Je leur offre tout mon appui, l'appui du
gouvernement, s'il le faut, l'appui du ministère des Transports; le
ministre me fait signe que s'ils désirent négocier, s'ils ont
besoin d'un modérateur, des gens sont disponibles, que ce soit par le
biais du ministère ou du député -le député
du comté voisin, celui de Verchères, est prêt lui aussi,
j'en suis certain - pour faire en sorte qu'on en arrive à une entente
négociée et qui satisfasse tous les intervenants dans ce dossier.
Là-dessus, je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Transports, dans votre droit de réplique.
M. Jacques Léonard (réplique)
M. Léonard: M. le Président, en conclusion de cette
deuxième lecture, je voudrais simplement rappeler les choses. Il s'agit
évidemment ici d'un projet de loi qu'on appelle omnibus, qui contient
donc une série de dispositions sur différents sujets qui touchent
les transports mais qui touchent aussi les municipalités entre autres,
et qui a surtout pour objectif de faciliter les choses, de faciliter la vie
à tout le monde dans le domaine du transport, d'assouplir un certain
nombre de lois que nous avions, de les clarifier même, au besoin. C'est
donc dans ce contexte qu'il faut lire les dispositions de ce projet de loi.
Nous avons différentes articulations à ce projet de loi
actuellement, par exemple cela vise à rendre plus homogènes des
dispositions qui concernent le transport des handicapés. Ils seront
sûrement heureux d'apprendre et de voir que, finalement, il y aura moins
de problèmes de stationnement en ce qui les concerne, d'une ville
à l'autre. Cela va permettre aussi aux municipalités de passer
entre elles des contrats de services ou des ententes pour fonctionner plus
facilement dans le domaine du transport sur le territoire des unes et des
autres.
Le ministre des Transports lui-même va pouvoir réglementer
l'utilisation de ses immeubles. Il va pouvoir aussi réglementer et
appliquer ces règlements à la gestion de ces immeubles. En ce qui
concerne le taxi, nous voulons préciser la réglementation, encore
une fois, qui sera appliquée par la Commission des transports du
Québec.
Ce projet de loi va nous permettre également de faire face
à des événements exceptionnels comme ceux que nous allons
connaître dans quelques jours: Québec 1534-1984, de même que
pour la visite du pape, il va y avoir effectivement à Québec
beaucoup de gens qui viendront. La réglementation et la
législation n'étaient pas suffisantes pour permettre tout cela.
Ce faisant, nous prévoyons en vue des événements
exceptionnels qui pourront survenir à d'autres occasions et
ultérieurement.
De la même façon, je parlais tout à l'heure des
immeubles du gouvernement. Pour ce qui est des transports, il y a certaines
lacunes que nous vouions corriger en ce qui concerne les sous-centres de voirie
et les ouvrages accessoires. Voilà un peu le genre de dispositions que
nous retrouvons dans ce projet de loi actuellement, de même que certaines
dispositions qui font suite - comme je l'expliquerai tout à l'heure -
à toute une série de consultations que nous avons eues dans le
domaine de la motocylette. Pour l'instant, nous allons au plus pressé
avec les dispositions que nous avons pour présenter un
amendement au projet de loi.
Je voudrais parler plus précisément de quelques points,
puisqu'on y a fait référence au cours de ces débats. L'un
de ces points concerne en particulier le transport en commun; un
deuxième va concerner le contrôle du transport ainsi que ce qui
touche la motocyclette. Si nous pouvons aller plus loin, peut-être que
nous pourrons préciser davantage.
En ce qui concerne le transport en commun, le ministère des
Transports ou le gouvernement du Québec y investit, grosso modo, 400 000
000 $ et 400 000 000 $ dans le transport scolaire, donc 800 000 000 $ au
transport en commun, directement identifié comme tel. Il s'agit
là d'un effort magistral, sans précédent, de la part du
gouvernement, en chiffres absolus autant qu'en proportion de l'ensemble du
budget de mon ministère ou de l'ensemble du budget du gouvernement.
Nous avons donc modernisé les lois des commissions de transport
et nous allons continuer à l'automne. Nous sommes à mener des
consultations à cet effet. Nous avons, en plus, laissé aux
municipalités la liberté de se constituer en conseils
intermunicipaux de transport par la loi 46 l'automne dernier et nous leur avons
ainsi permis de signer des contrats avec des transporteurs, ce que nous
précisons ici. Encore là, nous subventionnons ces services. C'est
bon de le rappeler, parce que le transport en commun est très largement
subventionné par le gouvernement du Québec.
Ce projet de loi, autant pour les commissions de transport que pour les
comités intermunicipaux de transport, vient assouplir le cadre
législatif qui les régit déjà. Par exemple, nous
voulons favoriser, pour des raisons d'efficacité et de budget, les
ententes de services entre des organismes de transport qui sont voisins.
Également, nous voulons qu'il soit loisible à ces organismes
d'accorder des contrats à des transporteurs pour faire des liaisons
à l'extérieur de leur territoire, ce qui constituerait un nouveau
marché logique aux entrepreneurs de transport scolaire et augmenterait
l'utilisation du parc autobus existant. Par exemple, nous voulons qu'un
organisme de transport qui véhicule tous les jours une clientèle
de citoyens handicapés puisse rendre ces personnes jusqu'à une
destination qui serait située hors de son territoire. Tous ces exemples,
M. le Président, sont issus de réflexions et de demandes du
milieu lui-même, autant des usagers que des transporteurs. Il s'agit, je
crois, de gros bon sens administratif.
L'Opposition n'a rien trouvé à redire sinon que nous
comblions des lacunes des années passées. C'est une belle
affaire. On nous reproche d'améliorer des situations. Je rappellerai
tout au moins qu'il s'agit de liberté accrue que nous accordons
généralement à des élus municipaux que nous
jugeons, de toute façon, capables d'administrer leur organisme de
transport. Évidemment, tout cela, toujours avec les fonds du
gouvernement du Québec. Que l'Opposition se rappelle qu'au moment
où elle formait le gouvernement, les élus municipaux
s'étaient battus durant 20 ans pour avoir leur autonomie
financière et que le transport pour les citoyens handicapés
était pratiquement inexistant. C'est notre gouvernement qui a ouvert
toutes ces portes. C'est une chose qu'on doit se dire et qu'on devrait se dire
plus souvent entre Québécois. On préfère, du
côté de l'Opposition, se poser des questions sur la
maturité de ceux qui ont pour mandat de gérer ces organismes de
transport. Permettez-moi de regretter ces paroles de l'Opposition; le
succès de mise en place des comités intermunicipaux de transport
et les performances administratives des commissions de transport nous prouvent
l'inverse.
Sur un autre sujet, M. le Président, le député de
Mont-Royal a abordé le contrôle du transport, le contrôle de
la réglementation dans le transport. Il a parlé d'un protocole
d'entente signé par l'ex-ministre en créant une confusion avec un
projet de mémoire qui était non signé par l'ex-ministre.
Je pense qu'il faut rappeler qu'il n'y a pas de contradiction dans tout cela.
Le projet de mémoire dont on avait parlé à l'époque
n'était qu'un projet de mémoire et n'a jamais été
signé par l'ex-ministre. Je crois qu'il faut le rappeler pour
éviter la confusion que le député de Mont-Royal essaie de
semer dans les esprits à ce sujet.
Je dirai aussi qu'en faisant une telle opération, il ne s'agit
pas non plus de déréglementer de façon camouflée.
Ce n'est pas du tout cela. Toute la question de la
déréglementation a été abordée la semaine
dernière, d'ailleurs, à Ottawa, et tout le monde s'est entendu
sur le fait qu'on ne devait pas déréglementer. Les deux
premières propositions qui ont été mises sur la table ont
été rejetées. Une réglementation exclusive au
fédéral a été rejetée et une
déréglementation absolue a été rejetée. Ce
qui est en cause présentement, c'est un assouplissement de la
réglementation; donc, cela pose le principe que la réglementation
continue d'exister.
Le député de Mont-Royal nous dit que la décision du
gouvernement de transférer la surveillance du transport du
ministère des Transports à celui de la Justice équivaut
à une déréglementation du secteur. Je dis que c'est faux.
En 1982, se tenait un colloque consultation sur le transport routier de
marchandises. L'un des buts poursuivis par le gouvernement était de
favoriser le développement d'un système de transport efficace qui
contribue réellement à la réalisation des politiques de
développement
économique, régional et sectoriel au Québec. Lors
de ce colloque, s'est dégagé un consensus en vue de raffermir la
lutte au transport illégal en examinant la possibilité d'un
regroupement des forces de surveillance routière. Entre autres, les
tâches dévolues aux surveillants routiers et à la
Sûreté du Québec devaient être
réévaluées afin d'harmoniser les opérations de
contrôle. Les intervenants s'entendaient aussi pour
l'établissement de postes de contrôle supplémentaires. Le
gouvernement donnait suite au consensus qui s'est alors dégagé et
donne suite par la présente au consensus qui s'est alors
dégagé. En effet, après études, le Service de
l'inspection du ministère des Transports a été
transféré sous le contrôle du ministre de la Justice le 1er
mars 1984. À partir de cette date, la Sûreté du
Québec prenait ainsi la responsabilité des opérations de
contrôle du transport routier. Ce transfert visait essentiellement
l'amélioration du contrôle du transport routier et une
rationalisation des unités et des ressources gouvernementales qui
exercent des activités de surveillance sur les routes du Québec.
(17 h 40)
En effet, l'ensemble des patrouilleurs de la Sûreté du
Québec, avec le programme de formation spécifique à la
réglementation en transport qui leur est présentement
dispensé, représentent une capacité d'intervention
grandement supérieure à celle des 174 inspecteurs des transports
du service de l'inspection. De plus, l'accélération du programme
de mise en place des postes et aires de contrôle ainsi que le meilleur
système de communications dont dispose la Sûreté du
Québec contribueront également à améliorer de
façon significative l'efficacité de ce contrôle.
M. le Président, le protocole signé par les ministres de
la Justice et des Transports à l'époque relativement à ce
transfert comporte plusieurs mesures pour en assurer le succès. Par
exemple, un comité directeur, composé du secrétaire du
Conseil du trésor, des sous-ministres de la Justice et des Transports,
du président de la Commission des transports et d'un responsable de la
Sûreté du Québec, va superviser ce transfert d'effectifs et
de responsabilités en vue d'en garantir le succès. Il y a aussi
un comité permanent Sûreté du
Québec-ministère des Transports auquel pourront, à leur
demande, se joindre la Commission des transports et la Régie de
l'assurance automobile, qui a été formé afin d'assurer la
meilleure cohésion des priorités des actions de ses
intervenants.
Également, le traitement pénal des infractions relatives
à la réglementation sur les transports demeurera au
ministère des Transports, ce qui va permettre d'obtenir rapidement des
informations sur la nature, le nombre d'interventions accomplies par les
membres de la Sûreté du Québec ainsi que sur la
qualité des dossiers préparés par la suite. Compte tenu de
son mandat, le comité directeur précité sera appelé
à considérer différents aspects, implications de ce
transfert, dont ses incidences sur les effectifs concernés.
M. le Président, il y a eu évidemment beaucoup de
discussions sur toute cette question. Je dirai, pour terminer sur ce point
précis, que tout cela a reçu l'appui de la Commission des
transports du Québec et évidemment du ministère des
Transports, de l'association d'un certain nombre de personnes du milieu des
camionneurs, et de l'Association des camionneurs. Je pense que,
là-dessus, il convient de le noter, c'est pour l'avantage d'un meilleur
comportement, un meilleur traitement de toute l'industrie du transport au
Québec à l'heure actuelle, une meilleure surveillance en
particulier.
Je ne veux pas revenir longuement sur la question des
événements spéciaux. Il reste que les mesures que nous
avons apportées là-dessus ont reçu l'appui de la
Commission des transports du Québec, du ministère, et aussi de
l'Association des propriétaires d'autobus du Québec qui auront
à transporter des foules de personnes durant ces
événements spéciaux. Il fallait nécessairement
élargir la réglementation pour de telles circonstances.
Enfin, le député de Mont-Royal, lorsqu'il a parlé
de la motocyclette, nous disait que c'est un sport comme un autre. Je me
permettrai de lui indiquer que la motocyclette n'est pas seulement un sport,
mais que c'est aussi un moyen de transport et qu'il faut toujours
considérer les deux aspects de cette question. Le député
semble croire que le bilan routier de l'an dernier serait causé, en
bonne partie, par la hausse du nombre de motocyclettes au Québec. Sur
cette question, les chiffres démontrent qu'en 1982, 106 813
motocyclettes étaient immatriculées à la régie. Ce
nombre a été porté à 199 489 en 1983, soit une
hausse d'environ 11%. La hausse du nombre de motos ne peut donc expliquer
à elle seule la hausse du nombre de décès qui est de 33,6%
en 1983, ni non plus la hausse de 32,7% du nombre de blessés gravement
et de 25,7% du nombre de blessés légers toujours en 1983. Je
pense qu'il convient de citer ces statistiques avant de tirer des conclusions
trop hâtives.
De même, on ne peut présumer que les automobilistes
faisaient moins attention aux motocyclistes en 1983 qu'au cours des
années antérieures. D'ailleurs, la tarification appliquée
aux motocyclistes est la même que pour toutes les autres
catégories de véhicules, par exemple, les véhicules-taxis.
Toutefois, devant un bilan aussi alarmant que celui des motocyclistes, le
gouvernement ne pouvait rester indifférent à cette
catégorie d'usagers de la route. C'est pourquoi, dès novembre
1983, il a formé le groupe de
travail sur la moto. Ce groupe recommande entièrement les
amendements proposés dans la loi actuelle, la loi présente, en
regard du cours de conduite obligatoire et l'émission du permis de
conduire par étapes. Si on pose la question, le caractère
représentatif du groupe de travail ne peut être mis en doute. Tous
ces intervenants font partie du groupe de travail: la Régie de
l'assurance automobile du Québec, la revue spécialisée
Moto-journal, la Fédération de mototourisme du Québec,
l'Association des propriétaires d'écoles de conduite du
Québec, le ministère de la Justice, l'Association des marchands
de motos du Québec, la Fédération des clubs motocyclistes
associés, la Sûreté du Québec, l'Association des
moniteurs et instructeurs de conduite automobile, le Club automobile et Touring
Club, le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal
et l'Association des chefs policiers et pompiers du Québec.
Des gens se sont préoccupés, ils ont siégé
dans un comité qui recommandait ce que nous apportons dans les
amendements présentement, à tout le moins le principe. La
campagne de publicité amorcée par la Régie de l'assurance
automobile du Québec, depuis le début du printemps, est un autre
exemple du désir du gouvernement et de la régie
d'améliorer le bilan routier des motocyclistes. "La route, ça se
partage". Voilà le thème choisi pour cette campagne de promotion
que vous avez vu à la télévision et qui veut d'abord
rappeler aux automobilistes que tous les usagers, qu'ils soient piétons,
cyclistes, motocyclistes, ont droit à leur place sur la chaussée.
Comme premier volet de cette campagne, la régie diffuse
déjà un message télévisé qui illustre le
partage de la route entre un motocycliste et un automobiliste. La tenue du
Sommet sur la moto le 24 février dernier, auquel mon
prédécesseur a été associé, M. le
Président, a donné lieu à des engagements de la part de
quelque douze intervenants différents, impliqués dans le secteur,
tout cela dans le but d'améliorer le bilan routier autant au niveau de
l'enseignement de la conduite automobile qu'au niveau de l'état
mécanique des véhicules, en passant par les vêtements de
protection des motocyclistes.
Bien sûr, on ne peut pas être assuré d'avance que ces
actions, comme bien d'autres que je n'ai pas eu le temps
d'énumérer ici, diminueront de façon radicale le bilan
routier des motocyclistes. Toutefois, nous espérons que toutes ces
mesures, autant au niveau de la formation qu'au niveau de la sensibilisation,
permettront d'améliorer le bilan routier, qui est malheureusement
alarmant, des motocyclistes, bilan que nous avons connu l'an dernier.
Sur ce plan, les mesures que nous apportons sont les premières
que nous avons mises au point. D'autres le seront très bientôt
dans ce dossier. C'est déjà une première étape qui
permettra de mettre en place toute la mécanique qui devrait normalement
assurer aux motocyclistes une meilleure sécurité sur les
routes.
Voilà, M. le Président, mes propos sur un certain nombre
de dossiers que j'avais à traiter, en conclusion de ce débat de
deuxième lecture; j'y ajouterai simplement une courte remarque sur les
pouvoirs de réglementation sur les immeubles du gouvernement auxquels a
fait allusion le député de Mont-Royal. Je dirai simplement qu'en
ce qui concerne les haltes routières, les aires de stationnement, il
était important que le ministre y ait des pouvoirs de
réglementation puisqu'il y a sur certains plans, notamment aux postes de
péage, des gens qui s'installent avec leur roulotte. Je pense qu'il y a
là une menace à la sécurité routière qu'il
convenait de réglementer. (17 h 50)
Nous allons travailler en commission. J'espère que nous aurons
pour ce faire la bonne collaboration de l'Opposition.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que le principe du
projet de loi 76, Loi modifiant diverses dispositions législatives
concernant les transports, est adopté?
Une voix: Sur division.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Sur division. M. le leader
adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'aménagement
et des équipements
M. Blouin: M. le Président, je propose donc de
déférer ce projet de loi à la commission de
l'aménagement et des équipements, qui procédera à
son étude détaillée. Je vous signale que cette commission
sera présidée par un président de séance.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: Nous allons maintenant parler de pêcheries;
à cet égard, je vous demande d'appeler l'article 14) de notre
feuilleton.
Projet de loi 74
Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est
donc l'adoption du principe du projet de loi 74, Loi sur le
crédit aquacole. La parole est au ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, on vient de me signaler que le
lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et qu'il en
recommande l'étude à l'Assemblée.
C'est avec plaisir que je soumets à l'attention de
l'Assemblée nationale le projet de loi 74 établissant un
crédit à l'aquaculture. Ce projet de loi constitue un autre jalon
important menant à la pleine utilisation de nos ressources aquatiques.
Il représente en effet le volet financier d'un vaste programme
législatif visant le développement de l'aquaculture commerciale
au Québec. Ce projet de loi s'inscrit dans la foulée du projet de
loi 48 sur les pêcheries et l'aquaculture commerciale qui affirme la
juridiction du Québec sur cette industrie, précise les champs
d'intervention des différents ministères impliqués et
instaure un régime de permis destiné à favoriser le
développement harmonieux de l'aquaculture. Alors que le projet de loi 48
constitue l'assise légale de l'ensemble de l'édifice, le projet
de loi sur le crédit aquacole a pour but de fournir les matériaux
financiers nécessaires à son édification dans les
meilleures conditions possible. L'un ne peut toutefois aller sans l'autre,
puisqu'il sera nécessaire de détenir un permis émis en
vertu de la loi 48 pour avoir accès au crédit aquacole.
Considérée sur le plan mondial comme l'une des grandes voies de
l'avenir au point de vue de l'alimentation, l'aquaculture, j'aurai l'occasion
d'en parler à 20 heures... Je ne voudrais pas en parler alors que c'est
l'heure du souper et ouvrir l'appétit aux parlementaires. Mais à
20 heures, j'aurai l'occasion de parler davantage du potentiel de
l'aquaculture. Considérée sur le plan mondial comme une des
grandes voies de l'avenir au point de vue de l'alimentation, dis-je,
l'aquaculture n'en est encore au Québec qu'à ses premiers
balbutiements si on fait exception des programmes remarquables
enregistrés au niveau de l'élevage de la truite dont la
production est passée d'environ 200 000 livres au Québec à
plus de 2 000 000 de livres entre 1977 et 1983. Pourtant, l'élevage
à des fins d'alimentation ou de repeuplement d'une foule de poissons, de
crustacés et de mollusques, de même que la récolte de
végétaux aquatiques sont facilement envisageables au
Québec sur une grande échelle en raison de l'abondance et de la
qualité de nos eaux douces souterraines et de surface et de
l'étendue de notre territoire maritime. En Corée, par exemple, un
pays qui est à peu près trois ou quatre fois la
Nouvelle-Écosse, un pays qui dispose de beaucoup moins de ressources
aquatiques que nous et dont le climat est à peine moins rigoureux que le
nôtre à bien des égards, le seul élevage des
huîtres excède en volume l'ensemble de toutes les pêches
commerciales du Québec. Seulement, l'élevage des huîtres
est aussi important que toutes les pêches au Québec. Les
nombreuses rivières du territoire maritime québécois,
propices à l'établissement, entre autres, de piscicultures
à saumon, sont autant de sources d'emploi et de prospérité
inutilisées dans des régions qui ont peu d'alternatives en dehors
de la mise en valeur de leurs ressources naturelles. Les
Québécois commencent, heureusement, à prendre conscience
de l'immense potentiel que la production aquacole pourrait représenter
dans le domaine de l'alimentation et tant les projets de recherche que
d'exploitation à des fins commerciales deviennent de plus en plus
nombreux.
Dans l'état actuel des choses, ces projets se heurtent toutefois
à l'absence de crédits adaptés à des fins
particulières et, en raison de leur caractère de
nouveauté, il est douteux que les institutions financières,
souvent peureuses, répondent adéquatement à ces besoins
sans une intervention gouvernementale. On sait que le financement auprès
des institutions financières privées est difficile à
trouver dans le secteur des pêches; on trouve dans le territoire maritime
des institutions qui sont prêtes à ramasser l'argent des
pêcheurs ou des travailleurs d'usine, mais peu d'institutions bancaires
ou financières privées sont prêtes à soutenir le
secteur des pêches. Or, faute de financement adéquat,
l'aquaculture risque de demeurer stagnante et de ne pas connaître le
développement et l'essor que nous souhaiterions.
Au cours des dernières années, je peux vous dire que l'un
des principaux problèmes du développement des pêches au
Québec, l'une des principales difficultés a été
principalement l'absence du secteur financier ou sa peur de s'impliquer dans le
secteur des pêches. Je trouve cela un peu malheureux et je me demande
s'il ne faudra pas créer de nouvelles institutions pour jouer un
rôle dans le secteur maritime parce que les institutions
financières, de quelque nature qu'elles soient, ne veulent pas
prêter sans garanties gouvernementales. Il faudrait peut-être
songer à de nouvelles formes d'interventions financières qui
faciliteraient le crédit aux pêcheurs et le crédit aux
entreprises dans le secteur des pêches.
Il y a aussi, il faut bien le dire, l'absence d'expérience des
institutions financières dans le secteur des pêches qui fait
qu'elles ne sont pas intéressées à prêter à
cause des expériences malheureuses qu'elles ont connues dans le
passé en prêtant sans assez surveiller le crédit consenti;
cela leur a occasionné des déboires qui ont rendu les
institutions financières nerveuses. Je me rends compte, par
ailleurs, que de bons projets peuvent difficilement trouver preneur faute de
crédit; il faut l'intervention du gouvernement, soit par des
crédits de la Société de développement industriel,
ou par le crédit du ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation aux institutions communautaires. Je me
demande si, dans le territoire maritime, le gouvernement doit intervenir
lui-même pour prêter l'argent, ou s'il ne devrait pas aller
chercher les dépôts également, puisqu'il ne semble pas
normal que les institutions financières du territoire maritime prennent
juste la crème et ne prennent aucun risque. Quand on veut jouer un
rôle dans une région, il faut le jouer entièrement sur le
plan du développement économique. Je pense que le secteur
financier ne joue pas son rôle actuellement dans le secteur des
pêches dans le territoire maritime. Qu'il s'agisse de la Côte-Nord,
des Îles-de-la-Madeleine, ou de la Gaspésie, il me semble que les
institutions - et je ne fais pas de distinction - toutes les institutions
financières du territoire maritime ne sont pas assez impliquées
dans le financement du secteur maritime. Cette lacune empêche un
développement souhaitable dans le secteur. Mais pour cela, il faut
d'abord que les institutions financières osent se doter du personnel
qualifié pour analyser les dossiers dans le secteur maritime.
M. le Président, je vois que vous me faites signe parce qu'il est
18 heures. Il me fera plaisir de poursuivre à la reprise de la
séance, à 20 heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Donc, ce sera une
suspension de nos travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise de la séance à 20 h 10)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Veuillez vous asseoir.
Nous allons reprendre le débat sur l'adoption du principe du
projet de loi 74, Loi sur le crédit aquacole. M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, vous avez
déjà utilisé huit minutes de votre droit de parole. M. le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, j'avais commencé, avant
le souper, à parler du projet de loi 74 en expliquant qu'il a pour objet
d'établir un crédit aux piscicultures, à l'aquaculture,
d'autant plus que les institutions financières du territoire maritime
n'ont pas beaucoup de propension à prêter aux institutions du
secteur des pêches parce qu'elles ont peur. Dans le passé, toutes
sortes de projets plus ou moins bons ont été financés, mal
suivis par les institutions financières et, finalement, il en a
résulté des faillites, plus particulièrement la faillite
récente de Pêcheurs unis. Ce qui fait qu'actuellement plusieurs
bonnes entreprises du territoire maritime paient un peu pour les faillites et
l'insolvabilité des autres et certaines bonnes entreprises ont des
difficultés à se faire financer. Comme vous le savez, le secteur
bancaire ou financier est, par définition, conservateur, mais quand il
s'agit du territoire maritime, Côte-Nord, Îles-de-la-Madeleine ou
Gaspésie, il est nettement peureux et il hésite à investir
les fonds qu'il a recueillis dans le territoire. Les fonds des
épargnants de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine ou de
la Côte-Nord servent peu au développement des pêches dans
ces territoires parce que les institutions financières ont peur de
prêter dans le secteur des pêches maritimes.
C'est pourquoi ce projet de loi va permettre de développer un
secteur de pisciculture qui aurait dû être développé
depuis de nombreuses années, mais parce que, dans le passé, on a
toujours considéré le poisson pour les activités
sportives, mais peu pour un secteur d'élevage; les activités
d'élevage dans le secteur de l'aquaculture ont été
très peu nombreuses. Il a fallu attendre l'arrivée du
gouvernement actuel et surtout le transfert de la juridiction sur la truite du
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche au
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
pour qu'on commence dès 1978 à s'occuper d'élevage et
à donner un essor nouveau à l'élevage au
Québec.
J'aurai l'occasion de revenir là-dessus, mais j'aimerais dire que
l'expérience vécue chez nous depuis plusieurs années au
chapitre du régime québécois de crédit agricole et,
depuis moins longtemps, au chapitre du régime québécois de
crédit forestier, a démontré à l'évidence
combien ces crédits se sont révélés des moteurs
puissants du développement de notre agriculture, d'une part, et de la
mise en valeur des forêts privées, d'autre part. Il faut dire que,
forts de cette expérience, il nous semble primordial pour ledéveloppement de l'aquaculture de mettre à la disposition de
ceux qui vont s'y adonner un crédit de type gouvernemental en cesens que l'orientation et l'expertise en seraient assurées par
l'État mais que les capitaux en seront fournis exclusivement par des
institutions prêteuses ou même par des individus.
Le régime de crédit aquacole mis en place par le projet de
loi sera un des plus perfectionnés qui soient, en ce sens qu'il
intégrera toutes les améliorations apportées aux
différentes lois de crédit agricole au cours des dernières
années. Ainsi, la base du
régime sera la formule des prêts par les institutions
privées introduite en 1978 dans le crédit agricole et qui a
permis un développement spectaculaire des activités de prêt
à long terme. Cette formule permet de puiser des fonds auprès de
prêteurs autorisés alors que le gouvernement du Québec
offre aux emprunteurs à la fois une garantie gouvernementale et une
subvention d'intérêt tandis que l'Office du crédit agricole
assure l'expertise, ce qui nous permet un peu d'assumer les carences du
système financier où il n'y a chez nous que peu de
compétition entre les institutions financières si on se compare
à ce qui se passe aux États-Unis.
Ici, il s'agit de grandes institutions bancaires, de grandes
institutions financières, parmi les plus grandes du monde, mais
où on a l'effet contraire, très sécuritaires mais peu
"risqueuses", très conservatrices et où il n'y a pas de
concurrence à comparer aux États-Unis, où il y a des
milliers d'institutions financières qui peuvent faire du prêt,
donc, une concurrence beaucoup plus grande de la part des institutions
financières. C'est pourquoi dans la refonte du crédit agricole
que nous sommes en train de faire, il faudra se demander si le crédit
agricole ne devrait pas, dans les régions périphériques,
devenir une institution parapublique ou avoir un volet parapublic,
mi-privé, mi-public, recueillant des fonds qui pourraient servir au
développement du territoire et devenant un genre d'institution de
développement rural. Il faudrait véritablement se poser cette
question dans les régions périphériques - en tout cas, on
pourrait commencer par là - à savoir que le crédit
agricole québécois joue un rôle beaucoup plus grand qu'il
n'en a joué jusqu'à maintenant et devienne une institution de
développement.
Les fonds des institutions bancaires, les institutions
financières du territoire maritime servent peu au développement
du territoire maritime parce que les institutions financières ne veulent
pas y investir ou prêter beaucoup de fonds. Il faut se demander s'il n'y
a pas une carence d'institutions, s'il ne faudrait pas inventer un type
d'institution qui répondrait aux besoins de développement de ces
régions. Si le gouvernement doit, de toute façon, assumer les
risques, si le gouvernement doit, de toute façon, garantir les
prêts, à ce moment, ne devrait-on pas avoir des institutions qui
pensent en termes de développement plutôt que des institutions du
genre "ligue du vieux poêle", qui ne suivent pas les dossiers avec autant
d'attention que devraient le faire des institutions consacrées au
développement dans ces régions. Je sais qu'il y a des
modèles aux États-Unis. Je me pose véritablement la
question. Si nous avions un type d'institution dans le milieu rural... En tout
cas, on pourrait commencer par les institutions financières dans les
régions périphériques, en imaginant un type d'institution
qui serait consacré au développement, mais qui recueillerait
aussi des fonds sur le territoire, avec des garanties gouvernementales. Je
pense qu'on aurait un type d'institution davantage adapté aux besoins du
milieu.
Vous savez qu'actuellement - on ne se contera pas d'histoire - il faut
passer des heures et des heures à courir les institutions
financières pour leur demander de prêter dans le secteur des
pêches. Elles ne veulent pas prêter. Elles nous disent: II y a des
risques et il faudrait des garanties gouvernementales. Elles demandent
constamment des garanties gouvernementales. Il faut, à mon avis,
poursuivre cette réflexion beaucoup plus loin pour se poser d'autres
questions dans le cadre de la réforme du crédit agricole et
peut-être ouvrir un nouveau volet.
Je ne veux pas aller plus loin ce soir à l'occasion de
l'étude de ce projet de loi, mais il faudra prévoir
sûrement des clauses, dans le projet de loi ou dans les
règlements, qui vont nous permettre de favoriser directement des
entreprises financières, des institutions financières qui
voudront véritablement assumer le développement dans le secteur
des pêches maritimes du territoire, pas seulement leur donner le petit
lait, mais leur donner la crème et le petit lait, les deux en même
temps afin qu'il y ait un mélange de prêts sans risques et de
prêts avec risques et à ce moment-là favoriser une
institution qui va vouloir prêter par rapport à d'autres qui
voudront seulement écrémer le marché.
M. le Président, la clientèle visée par notre
projet de loi rejoindra toute personne physique ou morale s'adonnant à
l'aquaculture sans pour autant exiger que ceux qui s'y adonneront en fassent
leur occupation exclusive, parce que nous voulons d'abord privilégier
cette activité et qu'il faudra attendre un certain nombre
d'années avant que se constitue un nombre suffisamment important de
personnes vivant uniquement de cette activité de l'aquaculture. (20 h
20)
Par ailleurs, compte tenu que nous sommes en face d'une activité
relativement nouvelle et que l'expérience acquise en cours de route
pourrra nous obliger à apporter de nombreuses modifications au nouveau
régime de crédit mis sur pied, nous sommes d'avis que la loi
instaurant ce régime devrait être une loi-cadre faisant appel
à un règlement d'application qui en précisera les
modalités de façon que les ajustements qu'il sera
nécessaire d'apporter puissent se réaliser de manière
beaucoup souple et plus rapidement.
Par ailleurs, le crédit aquacole bénéficiera avant
le crédit agricole du dossier unique, intégrant tous les volets
du financement dans un même dossier, qu'il s'agisse du crédit
à court terme, à moyen
terme ou à long terme, alors qu'en ce qui concerne le
crédit agricole, actuellement, nous devons procéder par plusieurs
lois différentes.
La multiplicité des lois régissant le crédit
agricole oblige la tenue de plusieurs dossiers distincts pour chaque
emprunteur, alors que l'approche globale qui sera possible dans le
crédit aquacole simplifiera énormément l'administration et
permettra un meilleur suivi. La constitution d'un dossier unique dans le
crédit agricole est d'ailleurs un des principaux objectifs de la refonte
des lois du crédit agricole actuellement envisagée et soumise
à une vaste consultation.
Dans cette perspective d'approche globale, le projet de loi 74
prévoit l'octroi de prêts à long terme, à moyen
terme et à court terme. Comme je l'ai indiqué
précédemment, les paramètres de ce nouveau crédit
seront contenus dans le règlement pour des raisons d'efficacité
administrative, mais je puis déjà informer l'Assemblée des
grandes lignes que nous entendons suivre et qui seront les suivantes. Le
prêt maximum par exploitation serait de 500 000 $. La durée
maximale des prêts serait de 30 ans. Les taux d'intérêt et
les subventions sur ces taux seraient calculés de la même
manière que pour le crédit agricole, c'est-à-dire que le
taux maximum serait le taux préférentiel de la majorité
des banques à charte et de la caisse centrale Desjardins majoré
de 0,50% tandis que la subvention versée permettrait de ramener le taux
payé par l'emprunteur à 4% plus la moitié de la
différence entre 4% et le taux autorisé. Dans l'hypothèse
d'un taux autorisé à 12%, cette formule permettrait à
l'aquaculteur d'emprunter à long terme à 8%.
En ce qui a trait aux jeunes, M. le Président, une mesure
nouvelle. Les jeunes qui s'établissent en aquaculture pourront
bénéficier de prêts sans intérêt pouvant
atteindre 50 000 $ pendant cinq ans, analogues aux prêts offerts par la
Loi favorisant l'établissement de jeunes agriculteurs.
Le crédit aquacole qui sera administré est une mesure
très importante de développement, parce qu'il y a beaucoup...
Quand on parle des jeunes, nous sommes assez larges dans nos lois. Nous
adoptons sans doute le même règlement ou la même
possibilité d'établissement, c'est-à-dire qu'il faut avoir
en bas de 40 ans. Quand on arrive à 40 ans, on est un moyen jeune, mais
on permettra dans le règlement à des jeunes de pouvoir
s'établir jusqu'à l'âge de 40 ans, ce qui veut dire que
toutes ces mesures vont pouvoir aider financièrement les gens à
développer des piscicultures dans toutes sortes de domaines qu'on n'a
pas utilisés ou exploités jusqu'à maintenant. Le
crédit aquacole sera administré par l'Office du crédit
agricole en raison de son expertise dans le financement d'entreprises de
production primaire de denrées alimentaires. De façon
générale, l'office assurera l'expertise, la garantie et la
gestion des prêts sans les débourser lui-même, cette
fonction étant laissée aux prêteurs autorisés dans
le cadre de la formule de prêt par les institutions privées.
Toutefois, l'office pourra se substituer au prêteur lorsqu'un aquaculteur
ne pourra avoir accès à un prêt que l'office aura
accepté.
Au niveau des garanties, le projet de loi amende le Code civil afin de
rendre possible le nantissement des biens immobiliers servant à une
exploitation aquacole, y compris les produits de cette exploitation, de la
même manière qu'il est possible de nantir les biens agricoles et
forestiers; c'est-à-dire qu'il y a une nouveauté au Code civil.
Par ce projet de loi, nous modifions le Code civil pour nous permettre de
nantir les poissons. Il faudra les surveiller pour qu'ils ne se sauvent pas. On
pourra nantir les poissons. Dans un établissement, si vous avez 500
saumons qui valent quelques dollars chacun, cela représente une valeur
à la condition que l'on s'assure que les saumons ne pourront pas se
sauver.
C'est évident que c'est un nantissement nouveau que le Code civil
du XIXe siècle n'avait pas prévu. Même dans les
réformes, les réformateurs ne l'avaient pas prévu. Le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du
Québec, qui est toujours à l'avant-garde, vient proposer un
amendement au Code civil pour garantir les prêts aux
établissements piscicoles par des biens mobiliers qui, jusqu'à
maintenant, ne pouvaient pas servir de garantie: innovation nouvelle
apportée par le ministère, par le gouvernement.
Une voix: Une innovation nouvelle!
M. Garon: J'ai dit une innovation nouvelle? C'est dans
l'enthousiasme, je suppose. C'est tellement un produit neuf que j'ai fait un
lapsus. Quand je veux dire une innovation... c'est une innovation.
Une voix: C'est quelque chose de nouveau.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Garon: Enfin, le projet de loi est aux exploitations agricoles
la couverture du fonds d'assurance-prêt agricole et forestier,
élément essentiel pour sécuriser les prêteurs
accrédités et faciliter l'accès des aquaculteurs au
financement.
J'ai voulu parler sur le fond, sur l'aspect légal du projet, sur
le contenu du projet; j'ai peu détaillé l'aspect du
développement de l'aquaculture et j'aimerais
en dire quelques mots en terminant. On a au Québec un potentiel
incroyable de développement. Il y a des connaissances dans le secteur
qu'on n'a jamais vraiment développées. Récemment, des gens
me faisaient parvenir des moules développées en élevage
aux Îles-de-la-Madeleine pour que je puisse y goûter et en
constater la qualité. Depuis quelques années, on observe au
Québec des moules importées de
l'Île-du-Prince-Édouard, où on élève des
moules. Au Québec, on ne fait pas ce genre d'élevage, alors qu'on
devrait le développer puisqu'on a le territoire et les eaux qu'il faut.
Cela suppose toute une technique, vous savez. On élève des moules
dans les eaux à marée; par exemple, on pourrait faire comme en
France où on élève des moules dans les eaux à
marée. Lorsque la marée est basse, la moule se ferme pour garder
son eau en attendant la marée haute. En même temps qu'on l'a
élevée, on l'a habituée à ce petit
phénomène et, lorsqu'on enlève la moule de
l'élevage pour l'envoyer sur les marchés, elle reste
fraîche plus longtemps parce qu'elle s'est habituée à se
fermer en dehors de l'eau, à garder son eau et à rester un
produit frais et vivant plus longtemps.
Je vois les députés libéraux qui me regardent
ébahis, mais j'étais aussi enthousiaste quand j'ai fait cette
découverte qui, au fond, n'est pas extraordinaire, mais il faut le
faire.
Une voix: C'est du conditionnement.
M. Garon: On conditionne la moule à garder son eau en
l'élevant dans des eaux à marée pour qu'elle puisse rester
fraîche plus longtemps. C'est un peu exceptionnel.
On peut aussi, au Québec, développer les élevages
du saumon. On a des rivières à saumon dans tout le territoire,
sauf qu'on n'a jamais vraiment développé les élevages de
saumon. On devrait avoir, au fond, une pisciculture à saumon dans
chacune des rivières du Québec. On a la ouananiche, un saumon qui
a été coincé dans des eaux intérieures lors du
recul des glaciers. Il s'agit de saumons qui n'ont pu se sauver, qui sont
restés dans les eaux douces et qui sont devenus des ouananiches, des
poissons déjà acclimatés aux eaux douces, dont on pourrait
développer l'élevage. Ce sont des saumons d'eau douce. (20 h
30)
On a la truite dont le développement s'est très bien fait
au Québec. Quand on pense à toutes les variétés...
J'ai ici une liste. Il serait intéressant de noter, par exemple, toutes
les pratiques piscicoles développées au Québec depuis
longtemps, mais qui n'ont jamais été vraiment envisagées
sous forme d'élevage. Les connaissances sont là.
L'élevage du saumon de l'Atlantique a commencé au
Québec en 1858, celui de la ouananiche en 1930, l'omble de fontaine en
1857, l'omble chevalier et la truite rouge du Québec en 1968, la touladi
en 1881 jusqu'à aujourd'hui. Là, il y a une truite qui... La
truite moulac, de 1945 à aujourd'hui, la truite arc-en-ciel, de 1903
à aujourd'hui, la truite brune, de 1890 à aujourd'hui, la truite
fardée, de 1940 à 1970 - cela a commencé dans le temps de
la guerre; elle voulait se camoufler, je suppose - le saumon chinook, de
1878... Différents types de saumon qui remontent... Le grand
corégone, de 1876 à 1968. Il y a toutes sortes d'espèces
dont les techniques d'élevage sont connues et que nous avons dans nos
eaux. L'éperlan d'Amérique, 1935; le maskinongé,
1932...
Une voix: Picotte.
M. Garon: ...la perchaude, 1937...
Une voix: C'est Picotte qui se demandait si...
M. Garon: ...la perchaude...
Une voix: II n'est pas bien élevé.
Une voix: Maskinongé.
M. Garon: ...le doré jaune, 1965; l'achigan à
petite bouche, 1924; l'achigan à grande bouche, 1965; la carpe, 1950. On
l'utilisait comme nourriture pour le maskinongé.
Une voix: Le crapaud.
Une voix: Le député de Maskinongé...
Une voix: Il est mal élevé, lui.
M. Garon: La moule bleue, 1973; la moule géante, cela
vient de commencer, 1982; le pétoncle géant, 1983...
Une voix: La souris verte.
M. Garon: ...l'anguille d'Amérique, 1973-1974, c'est
encore expérimental; l'huître américaine, 1972.
M. le Président, j'aurais pu continuer à nommer d'autres
espèces, mais moins connues, pour montrer qu'au fond il ne s'agit pas
d'inventer le monde. Ce sont des techniques qui sont connues. Il y a des
espaces ici. II y a de l'eau en quantité, principalement de l'eau qu'on
prend dans la terre, en parlant d'eau de source qui a un degré de
température de 54°, de l'eau qui est bonne. Alors, on a tout ce
qu'il faut. On a la ressource. On a les poissons. On a les eaux. On a des gens
qui veulent gagner leur vie. Ce qui leur manque, c'est la loi 48 pour leur
donner les concessions de territoire
maritime...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Garon: ...pour pouvoir faire l'élevage et un
crédit aquacole, c'est-à-dire les moyens financiers pour pouvoir
faire ces développements. Quand on a toutes les ressources, il faut que
le gouvernement encourage et c'est ce qu'on veut faire par le projet de loi 74
que nous présentons.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Saguenay.
M. Ghislain Maltais
M. Maltais: Merci, M. le Président. Nous avons devant
cette Assemblée le projet de loi 74, Loi sur le crédit aquacole,
qui a pour objet d'instaurer un crédit aquacole et, par le fait
même, de favoriser l'aquaculture, chose tout à fait normale
à laquelle nous souscrivons entièrement. Il s'agit donc d'un
projet de loi qui permettra finalement au ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation de réaliser un vieux rêve. Je
siège à l'Assemblée nationale depuis dix mois et, à
tous les jours, le ministre nous parle de ses pouponnières à
saumon, de ses pouponnières de moules, de ses pouponnières de ci
et de ses pouponnières de ça. Je pense qu'enfin le ministre va
pouvoir réaliser ce projet. Ce qui me frappe particulièrement, M.
le Président, c'est que dans le premier article du projet de loi, on
s'aperçoit que le ministre veut aller encore plus loin que ce à
quoi il nous avait habitués. C'est une chose marquante. À
l'article 1 qui définit l'aquaculture, il la définit comme suit:
"...la production ou l'élevage commerciaux, à des fins de
consommation ou de repeuplement -on le reconnaît - de poissons,
d'amphibiens, d'échinodermes, de crustacés, de mollusques ou de
leurs oeufs, - ou même - produits sexuels..."
Une voix: Ah bien!
M. Maltais: M. le Président, le ministre va même
dans la chambre à coucher des saumons, des truites, des moules, etc. Je
pense qu'il veut absolument que rien ne lui échappe de ce domaine.
L'idée de permettre l'expansion, si ce n'est la création,
d'une nouvelle industrie, je pense que c'est louable de la part du ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Toutefois, il faut
quand même faire un examen plus approfondi du projet de loi 74. Notons au
départ une certaine présomption du ministre. Ce projet de loi
permettra aux détenteurs de permis délivrés par le
ministre en vertu du projet de loi 48 qui, entre parenthèses, n'a pas
encore été adopté par l'Assemblée nationale...
C'est une présomption du ministre. Peut-être aussi qu'il serait
opportun de s'interroger sur l'opportunité d'une telle loi. Le projet de
loi nous est-il proposé? Répond-il à une demande
réelle? Ce sont des questions que le ministre n'a pas
énoncées dans son discours. Serait-il plutôt destiné
à des cas limités? Est-ce qu'on fait une législation pour
un petit groupe de personnes ou si cela sera vraiment étendu au cours
des prochaines années? Ce sont des choses que le ministre a
oublié de nous dire dans son énoncé.
Établissons au départ que le projet de loi qui, en fait,
est une nouvelle loi, la Loi sur le crédit aquacole, modifie le Code
civil pour permettre le nantissement aquacole; il amende la Loi sur
l'assurance-prêts agricoles et forestiers pour que le Fonds
d'assurance-prêts agricoles et forestiers puisse assumer le remboursement
de certaines pertes.
Malheureusement, M. le Président, dans la présentention du
bill omnibus 86, on ne retrouve pas une demande du ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation pour la modification de la Loi sur le
crédit agricole et du Code civil. Je pense qu'il aurait
été avantageux pour le ministre de profiter de cette modification
pour insérer dans la loi 86 les modifications nécessaires. Encore
là, une fois ce projet de loi adopté, on sera peut-être
encore pris pour attendre.
L'Office du crédit agricole du Québec sera chargé
de l'application de cette loi. Il verra notamment à faire des
recommandations de prêts. Il pourra ainsi consentir des prêts,
même à titre supplétif, seulement aux prêteurs
privés, étant les principaux fournisseurs de capitaux. M. le
député de Duplessis, je pense que lorsque ce sera votre tour, on
vous écoutera, n'est-ce pas, M. le Président? Le ministre nous
avait dit dans son préambule que les prêteurs, toutes les
institutions financières sans exception, ne faisaient pas
réellement leur travail dans ce domaine. À partir du moment
où il leur dit d'avance qu'ils n'ont pas accompli leur devoir et qu'il
devra les imposer par une loi, déjà dans sa loi il va avoir
recours à eux. Peut-être faudrait-il changer d'attitude
là-dedans.
L'aquaculture. On traite de production d'élevages commerciaux
à des fins de repeuplement et de consommation de poissons. Je pense que
c'est quand même, au Québec, une chose où on accusait
beaucoup de retard, particulièrement au niveau des rivières
à saumon, comme le citait tout à l'heure le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et dans d'autres
domaines aussi. C'est dommage qu'on ait attendu presque l'extinction de
certaines ressources avant de légiférer.
M. le Président, dans ce projet de loi,
on trouve également beaucoup de conditions
d'admissibilité, beaucoup de réglementation. Encore là,
jusqu'à quel point la réglementation sera-t-elle une
embûche pour certaines personnes intéressées par
l'aquaculture? C'est le problème du ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation. Chaque fois qu'il présente un
projet de loi, on se retrouve avec une réglementation qui devient ni
plus ni moins une barrière pour les gens intéressés. Tout
à l'heure, le ministre terminait, en disant, qu'il voulait finalement
mettre des barrières au niveau de certaines ressources aquacoles mais,
dans sa réglementation qui ne nous est malheureusement pas toute connue,
y aura-t-il des barrières comme on en retrouve dans certains autres
projets de loi, des barrières qui ne permettront pas finalement aux gens
intéressés par l'aquaculture d'appliquer véritablement sur
ces formes. (20 h 40)
M. le Président, le ministre présente un projet de loi
dans lequel, finalement, des prêts seront consentis à des
aquaculteurs, mais le ministre a oublié aussi de nous dire
jusqu'à quel point cela pourra engager les fonds publics.
Habituellement, lorsqu'on présente de tels projets de loi, on vous dit:
On pourra aller jusqu'à tant, jusqu'à telle somme et comme on ne
connaît pas les impondérables suivants, c'est-à-dire le
nombre de personnes, c'est sûr que le ministre ne peut nous dire
déjà dans son préambule comment cela va coûter,
comment les fonds vont être engagés pour l'année 1984-1985.
Ce sont des questions sur lesquelles on serait en droit de s'interroger.
On s'aperçoit que la Loi sur le crédit aquacole a beaucoup
de similitude avec la Loi sur le crédit agricole. Si l'on
considère que la Loi sur le crédit agricole, qui existe depuis de
nombreuses années, a rendu énormément service à
l'entreprise agricole au Québec, je pense que ce projet de loi,
finalement, après une étude approfondie, permettra enfin à
bien des jeunes du Québec, à bien d'autres gens aussi, de faire
au Québec ce qu'il n'était pas possible de faire avant. Je pense
aussi que cela permettra sans doute, comme le ministre l'a souligné tout
à l'heure, d'avoir des emplois de plus. À partir du moment
où des personnes trouveront des emplois supplémentaires au
Québec, je pense que nous devons souscrire, que nous pouvons souscrire
finalement à cette idée. Toutefois, au niveau de la
réglementation, nous aurons sans doute en commission parlementaire
l'occasion d'approfondir plus amplement la question avec le ministre. Il
faudrait s'assurer que, pour une fois, la réglementation arrive à
temps et à point afin que ceux qui sont déjà des
aquaculteurs dans la province de Québec et ceux qui veulent prendre de
l'expansion, ceux qui veulent se lancer dans de tels commerces puissent le
faire le plus rapidement possible pour pallier une situation qui a duré,
hélas, trop longtemps.
Le ministre ne devra pas faire comme dans le projet de loi 48.
D'ailleurs, il n'en a jamais déposé la réglementation. Il
devra le plus rapidement possible déposer cette réglementation.
En conclusion, le Parti libéral ne peut qu'endosser un principe qui
permet de développer au Québec un secteur qui, au cours des
années, même s'il avait été fait de façon un
peu privée et non pas sur une grande échelle, répond
vraiment à un besoin au Québec, considérant que
l'aquaculture est un domaine où on ne doit pas légiférer
par plaisir, mais bien par obligation, vu la diminution des ressources
aquacoles au Québec. Je pense que, dans l'ensemble, le projet de loi
nous semble acceptable. Merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Duplessis.
M. Denis Perron
M. Perron: Merci. Tout comme le député de Saguenay,
j'aurais pu prendre les notes explicatives du projet de loi et les lire devant
cette Assemblée. J'ai choisi de préparer moi-même un court
exposé d'abord sur la situation des pêches au Québec et,
bien entendu, sur le projet de loi lui-même en ce qui a trait au
crédit aquacole. Comme le disait le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation tout dernièrement, le projet de loi
est dans la foulée de la loi 48 et va permettre au gouvernement du
Québec et au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation de récupérer ce que nous a enlevé le
gouvernement fédéral le 11 juillet 1983 en
récupérant lui-même les permis qu'il nous avait
été donné d'administrer depuis 1922. Je n'ai aucunement
entendu le député de Saguenay mentionner ce fait. La loi 48 qui,
en fait, affirme les droits du Québec dans le domaine des pêches,
qui affirme aussi la juridiction du Québec dans ce domaine, qui
précise des champs d'intervention au niveau interministériel et
qui instaure un nouveau régime de permis, le député de
Saguenay n'a pas parlé de cela non plus, et je n'ai entendu aucun membre
du Parti libéral, les gens d'en face, en parler devant cette
Assemblée.
M. le Président, alors que le projet de loi 48 constitue, bien
entendu, une assise légale de l'ensemble d'un édifice que nous
sommes en train de construire au Québec, le projet de loi sur le
crédit aquacole a pour but de fournir les matériaux financiers
nécessaires à son édification, c'est-à-dire
à sa construction, pour en arriver à faire en sorte que nous
ayons dans nos coffres tous les outils nécessaires pour bien
fonctionner
dans tout le Québec et pour bien fonctionner aussi dans la mise
en marché de nos produits. On peut dire aussi que le projet de loi
lui-même est considéré sur le plan interne, au niveau du
Québec, comme très important.
Considérée sur le plan mondial comme une des grandes voies
de l'avenir au point de vue de l'alimentation, l'aquaculture n'en est encore au
Québec qu'à ses premiers pas, si on fait exception des
progrès remarquables enregistrés au niveau de l'élevage de
la truite dont la production est passée, de 156 à 950 tonnes
métriques, de 1977 à 1983. Pourtant, l'élevage à
des fins d'alimentation ou de repeuplement d'une foule de poissons, dont les
crustacés et les mollusques, de même que la récolte de
végétaux aquatiques sont facilement envisageables sur une grande
échelle en raison de l'abondance et de la qualité de nos eaux
douces souterraines et de surface et en raison de l'étendue de notre
territoire maritime.
Quant à l'aspect repeuplement - ici, je voudrais parler de
l'importance qu'aurait la Côte-Nord et, en particulier, les grandes
rivières à saumon du comté de Duplessis - il est
très important qu'on se donne dans les plus brefs délais et ce,
par le biais d'une loi du crédit aquacole, des moyens financiers pour
faire en sorte que des gens, que ce soit à but lucratif ou à but
non lucratif, puissent se regrouper et intervenir dans le domaine de
l'aquaculture.
Dans les rivières à saumon de la Côte-Nord - on
connaît très bien, pour en avoir parlé durant les derniers
mois, les problèmes vécus dans nos rivières à
saumon - les prises diminuent d'une année à l'autre et des
interventions sont faites en particulier par l'Islande, le Groënland et
Terre-Neuve, ainsi que par les pêcheurs commerciaux et même les
pêcheurs sportifs. Il' est nécessaire, je crois, que nous ayons
les outils pour remettre en marche une production qui est en train de tomber et
qu'on donne les fonds voulus à toutes les personnes qui voudront
investir elles-mêmes afin d'aller de l'avant dans le domaine de
l'aquaculture.
Bien sûr, M. le Président, il faut mentionner l'aspect
alimentation. On sait très bien que dans les grands magasins, dans
l'hôtellerie, dans le domaine de la restauration, les consommateurs se
permettent d'acheter des produits qui proviennent actuellement de
l'extérieur, c'est-à-dire que ce sont des produits
importés. Si on établit une bonne aquaculture au Québec et
si le gouvernement du Québec, par le biais du MAPAQ, réussit
à donner des prêts, par exemple, je crois que cela va aider nos
commerces et leur permettre de regarder l'avenir d'un oeil meilleur.
Quant au crédit aquacole, je pense qu'il est intéressant,
comme le mentionnaient plusieurs personnes en cette Chambre, de
considérer que pour les institutions financières qui
s'impliqueront, avec l'aide du crédit agricole et sur recommandation...
L'Office du crédit agricole a d'ailleurs une très bonne expertise
qui va garantir les prêts et, jusqu'à un certain point, faire la
gérance de ce crédit. L'office pourra donc se substituer
même au prêteur, lorsqu'une aquaculture ne pourra avoir
accès à un prêt accepté par l'office. (20 h 50)
En terminant, M. le Président, je crois que si le gouvernement
réussit à mettre en marche et à faire adopter ici devant
cette Assemblée le projet de loi 48, si le gouvernement réussit
à faire adopter par cette Assemblée le projet de loi 74 - parce
que, en fait, c'est un complément au projet de loi 48 - nous en
arriverons à avoir une structure de pêche au Québec, autant
au niveau des pêcheurs, au niveau des producteurs qu'au niveau des
transformateurs. Nous aurons des installations de pêcheries qui vont se
tenir debout et qui vont sûrement, dans les prochains mois et dans les
prochaines années, en particulier, être concurrentielles au niveau
du marché international et spécialement du marché interne
ici, en ce qui a trait aux importations. Donc, la présence de la finance
privée et de l'Office du crédit agricole et le fait que les
consommateurs vont être de plus en plus enclins à acheter des
produits de chez nous, le fait qu'il y aura des piscicultures nouvelles au
Québec, tout cela ensemble, donc, en bloc, va nous amener, en
particulier sur la Côte-Nord et bien sûr aussi en Gaspésie
et aux Îles-de-la-Madeleine, à créer des emplois. Et Dieu
sait à quel point on en a besoin actuellement sur la Côte-Nord et
spécialement dans le comté de Duplessis à cause de la
situation en ce qui a trait au fer.
M. le Président, je termine en mentionnant qu'en ce qui me
concerne, j'appuie entièrement le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation quant au projet de loi 74. Si j'ai bien
entendu, il appert que le Parti libéral, c'est-à-dire les gens
d'en face, vont voter pour ce projet de loi, mais je me demande pourquoi ces
derniers sont favorables à son adoption, alors qu'ils rejettent
carrément le projet de loi 48. C'est incompréhensible. C'est
vraiment incompréhensible. Cela ne tient pas debout. On dirait qu'ils
parlent contre le projet de loi 48 parce que cela nous remet entre les mains
des pouvoirs qui nous ont été enlevés par le gouvernement
fédéral le 11 juillet 1983. Par contre, ils sont d'accord avec un
autre projet de loi qui est un complément au projet de loi 48. Je pense
qu'on peut s'attendre à peu près à la même rengaine
que celle que nous ont servie les libéraux durant les dernières
années, c'est-à-dire être majoritairement contre le
gouvernement
seulement parce que c'est un gouvernement péquiste. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, votre droit de
réplique.
M. Jean Garon (réplique)
M. Garon: M. le Président, vous me prenez par surprise,
parce que je pensais que les libéraux avaient beaucoup de choses
à dire. Je vous dirai que le projet de loi doit être bon, puisque
les libéraux ne veulent pas parler et qu'ils n'ont pas de critiques
à faire. C'est un bon projet de loi et comme tous les gens de cette
Chambre sont favorables à son adoption, cela ne me donne rien de parler
davantage pour essayer de les convaincre. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, le principe du
projet de loi 74, Loi sur le crédit aquacole, est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
ministre du Travail.
Renvoi à la commission de
l'agriculture, des pêcheries
et de l'alimentation
M. Fréchette: M. le Président, je fais motion pour
que le projet de loi soit déféré pour étude
détaillée à la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation. Je signale en même temps que la
commission sera présidée par un président de
séance.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion de renvoi
est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
ministre, à nouveau.
M. Fréchette: M. le Président, je vous prierais
d'appeler l'article 16) du feuilleton, s'il vous plaît.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du
Travail, en plus de cette motion de renvoi, il faut aussi une motion pour
aviser que cette commission sera présidée par un président
de séance. Il faut une deuxième motion, s'il vous
plaît.
M. Fréchette: M. le Président, je peux faire des
motions aussi souvent que vous me le demanderez. J'avais informé que
cette commission serait présidée par un président de
séance, mais si cela doit être sous forme de motion, je fais
formellement cette motion.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Projet de loi 82 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté,
sûrement. Donc, nous revenons maintenant... S'il vous plaît!
J'appelle l'article 16, le projet de loi 82, Loi sur la commercialisation des
produits marins. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, on m'envoie un petit papier.
J'ai l'impression que j'induis les gens en erreur quand je lis cela, mais on me
dit que l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de
loi - ce qui me surprendrait grandement - et qu'il en recommande l'étude
à l'Assemblée. En tout cas, il paraît qu'il faut lire
cela.
Une voix: ...
M. Garon: Pardon?
Une voix: ...
M. Garon: Pardon?
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. le ministre.
M. Garon: Avant 1976, le secteur des pêches maritimes
était régi par deux lois québécoises: la Loi sur
les entrepôts frigorifiques, adoptée à la fin des
années trente, sous l'Union Nationale, et qui permettait au gouvernement
du Québec d'exploiter un réseau d'entrepôts frigorifiques.
Cette loi devient de plus en plus caduque à mesure que s'applique le
programme de transfert des entrepôts frigorifiques de l'État ou du
gouvernement aux entreprises de transformation et aux associations de
pêcheurs. En fait, elle devra être abrogée en 1985, lorsque
le gouvernement du Québec cessera définitivement d'exploiter des
"frigidaires".
Il faut dire que dans les années trente, c'était
nécessaire, puisqu'il n'y avait pas d'électricité, en
Gaspésie, par exemple, alors qu'il fallait se mettre à l'heure de
tout le monde et commencer l'exploitation du poisson
réfrigéré, congelé; auparavant, on
salait le poisson. Le gouvernement s'impliquait, c'était
nécessaire. Aujourd'hui, les entreprises privées peuvent
gérer des entrepôts frigorifiques.
Il y a aussi la Loi sur le crédit aux pêcheries maritimes
qui permet au ministre responsable des pêches de faire des prêts
aux pêcheurs et aux entreprises pour l'achat ou la réparation de
bateaux de pêche et d'octroyer toute une ribambelle de subventions. Il y
avait aussi la Loi sur la préparation des produits de la mer.
C'était une loi un peu succincte, qui comportait deux articles: un
article principal et un article de mise en vigueur.
Depuis 1977, nous avons adopté les mesures législatives
suivantes: en 1978, nous avons amendé la Loi sur le crédit aux
pêcheries maritimes afin de porter de 3 000 000 $ à 10 000 000 $
le montant annuel des prêts qui peuvent être consentis aux
pêcheurs professionnels; dans le cadre de cette loi, nous avons
également rationalisé les programmes d'aide financière
afin de privilégier nettement les dépenses d'investissement par
rapport à celles de fonctionnement. Nous avons mis de l'argent là
où cela compte en faisant en sorte de donner un sérieux coup de
pouce financier aux pêcheurs lorsqu'ils réalisent leurs
investissements importants, c'est-à-dire l'achat de leur bateau, et en
leur enlevant l'obligation de venir continuellement quêter au
ministère chaque fois qu'ils achètent un filet, un casier,
etc.
Nous avons, dans le même esprit de rationalisation et de
cohérence, coupé ou enlevé les subventions à
l'achat d'équipements de pêche qui ne permettent pas d'amener
à terre des produits de première qualité, comme des filets
maillants, pour subventionner correctement d'autres équipements plus
efficaces au chapitre de la qualité, comme les palangres. De la
même façon, nous avons renforcé les normes de construction
des bateaux, en particulier, les cales et les autres aires d'entreposage des
produits marins, afin de préserver la qualité du poisson à
bord.
Il faut dire que nous avons par la suite, en mars 1980, à
Gaspé, tenu un colloque pour que tout le secteur des pêches du
Québec discute, de l'amélioration de la qualité des
produits marins. En mars 1981, à Sept-Îles, nous avons
présenté un document, c'est-à-dire tous les principes d'un
projet de loi ou d'un projet de règlement comme consultation finale,
avant de présenter le projet de loi à l'Assemblée
nationale. À ce moment-là, tous les intervenants avaient
accepté unanimement les principes contenus dans les documents
présentés à cette conférence, à
Sept-îles, en mars 1981.
En décembre 1981, nous avons adopté la Loi amendant la Loi
sur les produits agricoles et les aliments pour qu'elle devienne la Loi sur les
produits agricoles, les produits marins et les aliments qui représente
la grande charte de base de la qualité des produits alimentaires au
Québec. Il s'agit d'une pièce législative
extrêmement précieuse qui a été suivie, en mai 1982,
d'une réglementation étoffée qui vise à assurer la
qualité des produits marins depuis le débarquement au quai
jusqu'au magasin de détail. Fruit de nombreuses études
exhaustives, de voyages à l'étranger et d'une consultation qui a
duré deux ans sur tout le territoire maritime et auprès des
agents de distribution et de commercialisation des produits marins, la Loi sur
les produits agricoles, les produits marins et les aliments est une
véritable charte de la qualité et place le Québec à
l'avant-garde. (21 heures)
En mars 1982, nous avons tenu une conférence
socio-économique à Montréal sur l'industrie de la
pêche avec une consultation de tout le territoire sur la
commercialisation des produits de la pêche au Québec et avec un
document de base qui était la première publication d'ensemble sur
la commercialisation des produits de la pêche au Québec et qui
expliquait toute la situation et la problématique concernant ce
problème ou cette question.
C'est dire que tout le cheminement que nous avons fait depuis 1978 au
Québec dans le secteur des pêches s'est fait d'une façon
cohérente. J'aurais pu mentionner d'autres colloques, mais je n'ai pas
voulu citer pour écourter la liste, tous les colloques de consultation
pour que tous les intervenants du secteur des pêches soient sur la
même longueur d'onde, pour que tous les gens fassent le même
cheminement en même temps.
Quand on a voulu améliorer et comparer, nous sommes allés
voir les endroits du monde où les plus grands progrès ont
été réalisés, où les gens du secteur des
pêches sont à l'avant-garde. Qu'il s'agisse des États-Unis,
qu'il s'agisse de l'Europe avec la France, la Norvège, le Danemark, les
Îles Féroé, l'Islande; qu'il s'agisse de l'Asie, avec le
Japon et la Corée, je pense que nos missions exploratoires pour voir ce
qui se faisait ailleurs dans le secteur des pêches, en visitant des
dizaines et des dizaines d'usines, en comparant des dizaines et des dizaines de
lois et de réglementations, n'ont pas été une
improvisation, mais une étude exhaustive de ce qui se fait dans le monde
au point de vue des produits marins. Qu'il s'agisse de la pêche, de la
construction des bateaux, de la manutention du poisson à bord des
bateaux, des instruments de pêche, de l'entreposage à bord des
bateaux, du débarquement aux quais, du transport des quais vers les
usines, des chaînes de fabrication d'usines, des façons de
construire des usines, de l'emballage, de la commercialisation, du
crédit maritime, du crédit bancaire pour les industries,
un grand nombre de questions fondamentales mais complexes ont été
étudiées avant que le gouvernement du Québec mette en
place un certain nombre d'outils législatifs ou réglementaires
qui vont permettre de mettre le Québec sur la première
scène, à la première place dans le secteur des
pêches maritimes.
Ce que nous visons, ce n'est pas de nous comparer au Nouveau-Brunswick.
On veut sortir de la problématique ancestrale. J'ai dit aux gens du
Nouveau-Brunswick: Nous ne nous comparons pas pour essayer de vous battre.
Une voix: Des poules...
M. Garon: Nous ne nous comparons pas à la
Nouvelle-Écosse. Nous nous comparons aux pays qui ont
réalisé les meilleurs progrès dans le monde. Pour tous
ceux qui consultent le "Boston Blue Sheet" ou la "Feuille bleue" qui indique
les prix sur le marché de Boston, qui voient les transactions qui se
font sur le marché de Tokyo avec un immense marché de poisson,
avec... Vous savez, quelquefois, on pense qu'en Asie, les méthodes sont
ancestrales, mais ce sont les méthodes les plus sophistiquées
pour mettre en marché le poisson. Nous avons examiné toutes ces
façons avant d'établir, en consultation avec les gens du milieu,
des façons de faire qui vont faire en sorte que le Québec
sera, avant longtemps, dans le secteur des pêches, un endroit où
on pourra se comparer aux meilleurs dans le monde et non pas se comparer
traditionnellement aux provinces maritimes, qui ont assez de difficultés
avec un service d'inspection fédéral qui ne leur donne pas de
chance.
En mai 1983, nous avons également adopté une loi
spéciale pour assurer la reprise des activités de pêche
à Madelipêche Inc. Cette loi visait à mettre fin à
la situation de conflit d'intérêts dans laquelle se trouvaient les
membres de la Fédération coopérative des Pêcheurs
Unis du Québec dans l'entreprise Madelipêche. Grâce à
cette intervention vigoureuse et au soutien financier que le gouvernement du
Québec a accordé à Madelipêche par la suite, les
Îles-de-la-Madeleine peuvent maintenant compter sur une entreprise
dynamique qui emploie plus de 600 personnes. Située au coeur du golfe
Saint-Laurent, Madelipêche occupe une position stratégique dans
les pêches québécoises et il est du devoir du gouvernement
du Québec de l'aider à prendre l'essor qui lui revient et qu'elle
doit assumer dans le développement économique des
Îles-de-la-Madeleine et celui des pêches maritimes
québécoises.
Nous avons amendé, en avril 1980, la Loi sur le ministère
de l'Agriculture et de l'Alimentation pour créer le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Au-delà de ce
changement de titre, nous avons offert au secteur des pêches maritimes la
grande expertise et les nombreux services du ministère de l'Agriculture
comme ceux de la normalisation des produits, la normalisation en
général, de l'inspection des aliments, des études
économiques et du développement industriel.
C'est d'ailleurs en s'appuyant sur la Loi amendée sur le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation que
nous avons préparé le programme d'aide financière à
la rationalisation du secteur de la transformation des produits marins, par
lequel nous offrons une aide financière à la normalisation et
à la modernisation des usines de transformation. Un budget de
près de 16 000 000 $ sera consacré à ce programme en
1984-1985. Nous avons mis sur pied, en nous appuyant sur les pouvoirs
habilitants de la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, un service québécois
d'inspection et organisé le triage des produits marins.
Encore là, aucune improvisation, M. le Président. La loi
de décembre 1981 prévoyait qu'à partir d'avril 1984, il y
aurait un triage universel ou complet des produits marins au Québec.
À l'heure où je vous parle, après l'adoption de la loi de
décembre 1981, après avoir expérimenté le triage,
en 1982, pendant la saison de pêche, dans 5 usines, après avoir
mis au point les techniques, nous l'avons étendu à 22 usines, en
1983, pour connaître davantage les problèmes, les modalités
d'application dans différents types d'entreprises, qu'il s'agisse du
homard, de la crevette, de la morue, de la plie, de n'importe quelle
espèce. Pour familiariser notre personnel, nous avons, dès ce
printemps, mis en place un système complet de triage pour nous assurer
que le poisson qui entre à l'usine ait les qualités
nécessaires pour la consommation humaine. Aujourd'hui, le poisson qui
entre dans les usines au Québec est propre à la consommation
humaine et, s'il n'est pas propre à la consommation humaine, il doit
prendre le chemin des produits qui ne sont pas propres à la consommation
humaine, c'est-à-dire ne pas venir sur les tables des consommateurs.
C'est nouveau, M. le Président.
Aux gens qui doutaient qu'on puisse mettre en marché un produit
de première qualité, je peux dire qu'on commence à avoir
les résultats du triage. Il y a un effort considérable qui est
fait et, dans certaines entreprises, certaines semaines, 100% du poisson
débarqué est de qualité A, de première
qualité. Nous visons éventuellement à un produit à
100% de première qualité. Ce n'est plus une question
d'années au Québec. C'est une question de mois. À ce
moment-là,
nous pourrons dire - ce sera le plus grand objet de fierté des
députés qui ont travaillé vigoureusement pour qu'il en
soit ainsi -qu'au Québec nous sommes les champions. Nous avons un
produit meilleur et nous ne nous sommes pas contentés du triage. Devant
le laxisme administratif qui avait caractérisé l'inspection
fédérale, nous avons dit: Nous ne pouvons continuer à
laisser inspecter le poisson par des inspecteurs qui n'inspectent pas. Quand on
dit que le poisson canadien ou de l'Est du Canada a une mauvaise
réputation sur les marchés, c'est parce que le système
"inspecté Canada", dans le secteur des pêches, est un sigle ou un
sceau qui n'a aucune valeur au point de vue de la qualité.
Nous avons mis en place un système d'inspection qui,
actuellement, fait en sorte que, dans les usines, on applique graduellement
toutes les normes de qualité que nous envisageons pour le secteur des
pêches québécois, en tenant compte que 1984 est une
année de transition puisque c'est la dernière année
où des usines qui n'ont pas été normalisées
pourront fonctionner. À partir de 1985, seules les usines qui auront le
nouveau permis en fonction de la qualité pourront fonctionner sur le
territoire québécois. En même temps, nous offrons des
compensations pour désuétude, c'est-à-dire des paiements
à ceux qui veulent démolir des entreprises qui ne pourront
produire du poisson de qualité. Les gens qui démolissent les
vieilles usines peuvent utiliser cet argent aux fins de moderniser leurs
nouvelles entreprises pour que, dès la saison de pêche 1985 nous
puissions dire: Sur le territoire québécois, mission accomplie
dans le secteur des pêches. Maintenant, consommateurs
québécois, consommez du poisson québécois. C'est
votre plus grande garantie de qualité. (21 h 10)
Évidemment, je ne l'ai pas dit encore, nous nous dirigeons
graduellement vers une qualité qu'on appellera "qualité
Québec" puisque nous aurons réalisé, à partir de la
pêche jusqu'à la table du consommateur, un réseau dans le
secteur des pêches qui pourra assurer au consommateur
québécois que le produit qui lui est offert sur le marché
est meilleur. Il faudra aussi, en même temps, corriger quelques
irrégularités ou certaines choses qui ne seraient peut-être
pas encore au point. Actuellement, on utilise n'importe quelle
dénomination sur le territoire et il va falloir corriger cela
rapidement.
Par exemple, je pense qu'il est anormal qu'on vende de la plie et qu'on
l'appelle de la sole, des harengs qu'on appelle des sardines de la même
façon qu'il serait inconcevable qu'on vende de la truite qu'on
appellerait du saumon ou, encore, du maquereau qu'on appellerait du thon. Cela
serait anormal. Il va falloir aussi, sur le marché
québécois, qu'on appelle les choses par leur nom. Quand un
poisson est de la plie, qu'on vende de la plie; quand c'est de la sole, qu'on
vende de la sole; quand on vend du hareng juvénile, que ce soit du
hareng juvénile; quand c'est de la vraie sardine, que ce soit de la
sardine. Tous ces produits ont un prix différent et il est anormal qu'on
vende sur les marchés des produits qui ne sont pas les produits qu'on
annonce. Cela devrait se corriger au cours de cette année et nous le
ferons.
En octobre 1983, j'ai déposé à cette
Assemblée le projet de loi sur les pêches et l'aquaculture
commerciale. Ce projet a deux objectifs: affirmer et faire respecter la
compétence constitutionnelle du Québec sur ses fonds marins
lorsqu'ils sont utilisés à des fins de pêche commerciale et
fournir un cadre juridique propice au développement d'un secteur
très prometteur, celui de l'aquaculture. Quand on parle d'aquaculture,
on n'a aucune idée des ressources qu'il y a au Québec.
Je regarde dans votre comté, M. le Président, des lacs
inexploités où il y a des esturgeons qui vont mourir de
vieillesse avec pour des milliers de dollars d'oeufs dans le ventre. Pourquoi?
Parce qu'au Québec on n'utilise pas les ressources. Je suis allé
en Abitibi. J'ai été obligé d'aller voir quasiment
clandestinement un pêcheur qui mettait en marché un caviar
extraordinaire, non pas que le caviar deviendra les céréales du
matin des Québécois, mais s'il y a 50, 100, 150 personnes qui
gagnent leur vie en pêchant l'esturgeon et en mettant en marché
les oeufs du poisson, il y a une fortune là-dedans. On me disait
récemment - j'avais de la peine pour le type - qu'on avait
pêché un esturgeon dans le bout de Montmagny et qu'on ne savait
pas la valeur des oeufs qu'il y avait dedans. Le pêcheur avait perdu
plusieurs dizaines de livres d'oeufs d'esturgeon - je ne me souviens pas si
c'était 20 ou 30 livres - qui étaient dans le ventre de
l'esturgeon. Le pêcheur, ne connaissant pas cela, avait jeté les
oeufs à la mer alors qu'il s'agissait d'une valeur d'un millier de
dollars.
M. le Président, au point de vue des ressources, il n'y a pas
d'endroit dans le monde où il y a autant de ressources que dans le
fleuve Saint-Laurent, dans les immenses lacs qui sont dans notre territoire,
mais à condition de vouloir faire ce développement. Au
Québec, nous sommes aux premiers balbutiements de l'aquaculture. Si Dieu
veut nous prêter la vie, physique et politique, nous pourrons faire en
sorte d'amener ce développement à un stage tel qu'il ne sera plus
possible de revenir en arrière.
En attendant que les prochaines élections fédérales
aient accompli leur travail d'épuration et que nous ayons un nouvel
interlocuteur comme ministre des
Pêches et des Océans, il est essentiel que le Québec
assume ses responsabilités en matière de pêcheries en
faisant respecter le projet de loi 48 lorsqu'il sera adopté. C'est
à partir de l'assise constitutionnelle incontestable du Québec en
cette matière que nous pourrons négocier un juste retour des
choses lorsqu'il y aura quelqu'un de parlable à la tête du
ministère des Pêches et des Océans.
Ceux qui s'opposent au projet de loi 48 veulent que le gouvernement du
Québec aille négocier à genoux une nouvelle entente de
1922 sur le partage des responsabilités entre Québec et Ottawa en
matière de gestion des pêches. Jetez vos armes, disent-ils, avant
d'entreprendre le combat. Je dirai à l'Opposition que je lisais le
Devoir, la semaine dernière, où le journaliste rapportait
l'entrevue avec M. Whelan qui disait: "Celui avec lequel je m'entends le mieux,
c'est avec le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation du Québec." Vous voyez que si je m'entends bien avec le
ministre de l'Agriculture à Ottawa, je devrais être capable de
m'entendre autant avec le ministre des Pêches et des Océans.
J'entends le député de Gatineau qui parle du chapeau quand
on cite le ministre de l'Agriculture à Ottawa. Que voulez-vous? C'est un
problème libéral plus qu'un problème agricole. Pour ce qui
est de l'aquaculture, il faut enfin tirer profit des immenses plans d'eau douce
et du vaste territoire côtier du Québec pour exploiter une
ressource au potentiel immense, celui de l'aquaculture. Nous exploitons
déjà la truite arc-en-ciel et la truite mouchetée, mais il
y a le doré, les moules, le homard, les pétoncles, le saumon, la
truite de mer, l'esturgeon, toutes des ressources qui pourraient être
développées chez nous avec beaucoup plus d'attention.
Enfin, le projet de loi sur la commercialisation des produits marins que
nous étudions présentement vient en quelque sorte couronner
l'important programme législatif que nous avons minutieusement
préparé à l'intention des gens qui veulent vivre de
pêches rentables et modernes parce que tous les efforts que nous avons
déployés jusqu'ici pour financer les bateaux de pêche, pour
construire des bateaux efficaces et modernes, pour contrôler... Quand on
parle de bateaux de pêche efficaces et modernes, dans quelques jours nous
mettrons à l'eau, nous mouillerons un bateau nouveau pour le secteur des
pêches de poisson de fond ici pas loin. Les quatre pêcheurs qui
seront les propriétaires de ce bateau qui sont parmi les pêcheurs
les plus dynamiques du Québec, en travaillant avec les architectes, les
gens du chantier maritime, sont allés voir un peu partout ce qui se
passait dans le domaine des bateaux tant en Europe que dans les provinces
maritimes de l'Est et de l'Ouest aux États-Unis pour voir quel serait le
bateau idéal pour le pêcheur québécois qui
pêche dans un territoire comme le golfe Saint-Laurent.
Ils ont mis au point un plan de bateau avec différents
équipements, avec une conception du bateau, avec une conception des
aménagements à bord du bateau pour produire un produit de la plus
haute qualité avec aussi les bateaux où il y a un maximum, un
certain confort. Vous direz: On n'a pas idée à quel point tout
cela est significatif. Le chemin parcouru en quelques années est
incroyable. Si on vous disait, M. le Président, que pour mettre une
douche à bord d'un bateau, c'est moi qui ai signé pour la
première douche, les fonctionnaires ne voulaient pas. On disait: "Cela
n'a pas de bon sens. Cela va être un bateau de plaisance". J'ai dit:
"Voyons donc! Un pêcheur qui va travailler jour et nuit sur l'eau,
pendant quatre ou cinq jours n'aura pas le droit de prendre une douche avant de
revenir à la maison. On va lui demander d'avoir un produit dans la cale,
un poisson A-1, sans bactéries et lui n'aura pas le droit de se baigner!
Voyons donc, cela n'a pas de bon sens." Aujourd'hui, regardez nos bateaux de
pêche, il y a un confort pour le pêcheur. Vous avez un petit
dortoir où il y a cinq, six couchettes bien équipées, une
cuisine bien équipée, une douche, des fois deux - j'ai vu
même deux douches dans le même bateau -des toilettes
organisées. Tout est organisé pour qu'il y ait un certain confort
pour le pêcheur.
C'est nouveau. Cela n'existait pas dans le temps des libéraux,
c'était un massacre. Un bateau c'était quasiment le XIXe
siècle du temps des galères. Il fallait aller aux toilettes dans
la chaudière et l'envoyer à l'eau. C'est vrai. Cela a l'air du
XIXe siècle, mais c'était comme cela en 1970. En 1976,
c'était comme cela. On a changé cela. Aujourd'hui, les
pêcheurs sont fiers. Ils commencent davantage à être fiers
d'être pêcheurs. Au lieu de dire que c'est un métier de
misère, ils commencent à dire aujourd'hui qu'on gagne sa vie dans
les pêches. C'est le gouvernement actuel qui a fait cela, M. le
Président. Vous verrez les bateaux qu'on va inaugurer bientôt.
J'espère que le premier ministre viendra faire un tour - je vais
l'inviter - avec moi afin de les voir. C'est la dernière
génération des bateaux de pêche construits au
Québec. On verra des bateaux modernes que tout le monde va vouloir
copier, fabriqués au Québec par des Québécois avec
des pêcheurs québécois, avec des aides-pêcheurs
québécois. Le seul problème, c'est qu'il faut encore
demander son permis à Ottawa, M. le Président. (21 h 20)
Une voix: C'est cela. Avec des poissons
québécois!
M. Garon: On a des usines bâties par des
Québécois avec des employés québécois. Il
faut demander un petit bout de papier, 4 pouces sur 2 pouces, signé par
M. De Bané, pour avoir le droit de pêcher le poisson en face de
chez nous. La souveraineté, M. le Président, ça veut dire
cela, il faudra s'accorder un permis nous-mêmes
éventuellement.
M. le Président, vous savez que la souveraineté, cela veut
dire beaucoup. Lorsque vous regardez à Matane, le Kristina Logos et le
Lumaaq sont à quai, parce qu'on n'a pas de droit d'aller pêcher la
crevette et l'usine de Matane est approvisionnée par un bateau russe. M.
le Président, il faut se demander qui est malade de la tête.
Une voix: II faut remplir les critères.
M. Garon: Le Kristina Logos, le seul tort qu'il ait eu, c'est que
les Québécois ont acheté des parts des Danois. Les parts
des Danois ont été achetées par des
Québécois et, depuis ce temps, parce que SOQUIA a acheté
des parts des Danois, on ne peut plus avoir de permis, M; le Président.
Il y a un problème sérieux lorsque c'est rendu grave à ce
point-là. Lorsque c'est mieux qu'un bateau soit possédé
par des Danois que par des Québécois pour avoir un permis du
ministère fédéral, c'est parce qu'il y a des gens malades
à Ottawa.
Une voix: C'est vrai.
M. Garon: Ceux qui les appuient au Québec sont aussi
malades qu'eux, M. le Président.
Une voix: C'est vrai.
M. Garon: Ces deux bateaux de 150 pieds chacun, qui valent chacun
quelques millions, seront prêts dans quelques jours à partir pour
la pêche après que les réparations auront été
faites. Il faut qu'ils attendent le permis de pêche qu'ils avaient l'an
dernier, mais, aujourd'hui, le seigneur des pêches à Ottawa dit
non. Il me disait vendredi dernier: Maintenant que tu n'a plus de permis, je
vais faire une "shopping list", tu feras une "shopping list" et tu me
demanderas dans ta "shopping list" ces permis et je pourrai te les
échanger contre d'autres choses. Est-ce qu'on va jouer au fou, M. le
Président? Le ministre des Pêches et des Océans va dire: On
va enlever des permis à des bateaux du Québec et, après
cela, vous vous assoirez et, si vous voulez que je vous les redonne, vous me
donnerez quelque chose en retour. Quel sorte de malade a-t-on pour diriger les
pêches au gouvernement fédéral? Toute la population du
Québec sera renseignée là-dessus. Je donne ma parole que
tous les gens sauront son comportement. À Madelipêche, on doit
demander nos permis au voyage. À chaque voyage, il faut demander un
permis de pêche. Il n'y a pas une compagnie au Canada qui est
attelée de cette façon. C'est anormal. Il y en a qui ne
m'appuient pas, on me fait perdre mon temps à demander constamment les
mêmes choses. Il n'y a pas une province qui est traitée comme
cela, M. le Président. C'est ce que cela donne d'avoir un
Québécois à Ottawa. La prochaine fois, j'aimerais autant
que ce soit un Anglais.
M. le Président, tous les efforts que nous avons
déployés ici pour financer les bateaux de pêche, pour
construire des bateaux efficaces et modernes, pour contrôler la
qualité à partir de la capture jusqu'au magasin de détail,
pour nous défendre contre les agressions fédérales
répétées, pour participer à la pêche dans la
zone des 200 milles, pour développer la Basse-Côte-Nord, tous ces
efforts doivent déboucher sur la commercialisation des produits marins.
Aussi longtemps que nous n'interviendrons pas dans ce domaine, les petites
entreprises du Québec qui se chargent de la mise en marché des
produits marins continueront à écouler leur production sur des
marchés d'exportation déjà saturés. Elles
pratiqueront des politiques de coupures de prix en deçà du
coût de production. Elles n'exploreront pas de nouveaux marchés.
Elles n'adopteront pas leurs produits aux besoins du marché, mais elles
négligeront le marché le plus sûr, celui du Québec.
Il faut expliquer ce qui se passe actuellement sur les marchés
extérieurs avec les produits marins pour réaliser l'importance du
projet de loi que nous étudions.
M. le Président, depuis 1977, c'est-à-dire depuis que le
gouvernement du Canada a étendu à 200 milles des côtes sa
juridiction sur les ressources marines, la production canadienne de produits
marins a doublé. Cela veut dire que les pêcheurs canadiens
capturent 1 000 000 000 de livres de poisson et de crustacés de plus
qu'en 1977. Les produits marins qui sont extraits de ces poissons et
crustacés sont expédiés sur les mêmes marchés
qu'auparavant, principalement le marché américain. Les
pêcheurs canadiens ont donc augmenté considérablement leur
offre de produits marins, ce qui a produit un effet dépressif sur les
prix. Pendant ce temps, M. le Président, je n'exagère pas, dans
les dernières semaines, une compagnie contrôlée par le
gouvernement fédéral à Terre-Neuve affirmait avoir vendu
à 0,85 $ ou 0,87 $ du poisson aux États-Unis. C'est en bas du
coût de production et, après, on lit dans les journaux qu'elle est
en difficulté financière et que le gouvernement
fédéral devrait lui donner des subventions. Ce sont toutes des
compagnies contrôlées par le gouvernement fédéral
qui contribuent à couper les prix, à faire baisser les prix sur
les
marchés et à rendre tout le monde plus misérable.
Si c'est pour cela que le gouvernement fédéral s'est
implanté dans les pêches, il devrait vendre toutes ses parts au
plus sacrant parce qu'il nuit au secteur des pêches dans tout le
Canada.
Pendant ce temps, les États-Unis ont, eux aussi,
décrété une zone de pêche exclusive de 200 milles -
ce qu'on oublie -et se sont mis à pêcher sérieusement,
réduisant quelque peu leur dépendance à l'égard des
produits marins importés. Les produits américains sont de moins
en moins importés. Cela contribue à ralentir la demande sur notre
principal marché traditionnel, les États-Unis.
Les Européens, de leur côté, ont connu d'importantes
dévaluations de leurs devises, ce qui rend plus difficile que jamais
l'exportation de nos produits marins en Europe, mais qui favorise, par
ailleurs, la pénétration des produits européens sur le
marché américain, livrant une concurrence féroce aux
produits canadiens.
Ajoutez à cela que les produits canadiens sont
généralement de qualité moins constante,
inférieure, que les produits européens et que le service canadien
d'inspection n'a aucune crédibilité à l'étranger et
vous avez tous les éléments d'une crise extrêmement
aiguë dans la mise en marché des produits marins au Canada qui va
durer plusieurs années encore.
Ceux qui, comme l'actuel ministre des Pêches et des Océans,
pensent qu'on peut résoudre ces problèmes très graves en
nationalisant les grandes entreprises de pêche de Terre-Neuve ou en
achetant les coopératives québécoises en faillite font
preuve, ou bien d'une incompétence foudroyante, ou d'un cynisme
politique inqualifiable. Avec tous les millions qu'il a tirés par les
fenêtres dans cette opération, M. De Bané n'aura
réussi qu'à gagner du temps, à refiler le problème
à son successeur et à remettre à plus tard l'adoption des
mesures qui s'imposent pour régler le problème de la
qualité, comme nous sommes en train de le résoudre au
Québec, à revigorer le service d'inspection et a structurer la
mise en marché à partir d'un produit vendable,
c'est-à-dire un produit de qualité assurée. Mais cela
prend du courage politique pour accomplir une tâche pareille et ce n'est
pas le dénominateur commun de tout le monde.
Nous, du Québec, avons un avantage sur les provinces de
l'Atlantique: nous avons un marché intérieur. Nous avons un
avantage sur Terre-Neuve, l'Île-du-Prince-Édouard, la
Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick: nous avons un marché
intérieur. Nous sommes moins obligés d'exporter nos produits
marins. Nous avons calculé que les Québécois consomment
chaque année l'équivalent de 140 000 tonnes de produits marins,
alors que nous n'en pêchons que 80 000 tonnes. Nous importons 60 000
tonnes de produits marins par année. Bien sûr, il ne s'agit pas
nécessairement dans tous les cas des mêmes espèces, mais le
fait est que nous pourrions expédier sur notre propre marché une
très forte proportion des produits marins pêchés au
Québec en évitant les problèmes de l'exportation suivants:
l'actuelle saturation d'à peu près tous les marchés
extérieurs, parce que tous les pays ont une zone de 200 milles, ceux qui
ont une zone côtière; les droits de douane exigés par
certains pays; les fluctuations des taux de change aussi bien ici que dans les
pays où nous exportons surtout depuis que les taux
d'intérêt font la valse; la position déjà acquise
par plusieurs pays, en particulier les pays Scandinaves, sur lesmarchés les plus lucratifs où ils seront difficiles à
déloger; la mauvaise réputation du service d'inspection du Canada
et des produits marins du Canada qui déteint sur la production
québécoise.
Pourquoi s'entêter à refouler nos produits sur des
marchés déjà congestionnés, alors que les
Québécois réclament des produits marins d'ici? Ils sont
prêts à les acheter à un prix intéressant et
même à privilégier nos produits à ceux d'ailleurs.
Je rencontrais récemment un important producteur de la
Nouvelle-Écosse. Il me disait: Le marché sur lequel je
préfère vendre, c'est le marché de Montréal. Je lui
demandais: Pourquoi? Parce que, dit-il, quand on a un bon produit, c'est le
marché qui est le plus prêt à payer. Si on a un bon
produit, on peut le vendre à un bon prix à Montréal.
À Toronto, on ne pourra pas le vendre à un aussi bon prix, parce
que les gens ne sont pas prêts à payer aussi cher pour un bon
produit.
Une voix: ...
M. Garon: Non, question de mentalité. Je vois un
député qui dit... Je comprends qu'il ne connaît pas le
secteur, mais c'est bien connu que lorsqu'on parle de consommation, les
Ontariens dépensent plus d'argent sur leur maison et les
Québécois, plus sur leur alimentation. Je comprends que le
député est ignorant de ces questions. Il ne fera jamais un
ministre de l'Agriculture. (21 h 30)
C'est un fait, toutes les études démontrent que les
Québécois, traditionnellement, ont mis plus d'argent dans leur
alimentation que les Ontariens qui mettent plus d'argent dans la construction
de leur maison. C'est une façon de vivre. Nous avons de plus grandes
cuisines et ils ont de plus grands salons. Que voulez-vous? Il y a
déjà eu des enquêtes à ce sujet et c'est comme
ça! Ce sont des habitudes de vie.
On l'a vu quand on a fait le développement des produits du crabe.
En
1980, alors que je prenais en main le secteur des pêches, en
allant à l'Assemblée nationale, on m'a dit: Vous allez
peut-être avoir une question sur la fermeture des usines en
Gaspésie. On voudrait vous "briefer". J'ai répondu: Bon, de quoi
s'agit-il? On m'a dit: On prend beaucoup plus de crabe que d'habitude et le
crabe se vend moins bien, moins rapidement. Comme nos entreprises ne sont pas
fortes financièrement et comme elles ne peuvent financer de gros
inventaires, les usines vont fermer sur le territoire.
Comme j'avais l'air triste de cette situation et que je posais beaucoup
de questions, les fonctionnaires m'ont dit: Ne vous en faites pas, M. Garon,
c'est comme ça ailleurs, dans les autres provinces maritimes. Ma
première réaction a été de dire: Oui, mais quand
des situations semblables arrivent dans le secteur agricole, on réagit,
on fait quelque chose; vous, dans le secteur des pêches, vous ne faites
rien. Ils ont dit: Non, cela va fermer temporairement et cela va rouvrir quand
il y aura moins de poisson dans les entrepôts.
J'ai demandé immédiatement au service des études
économiques de me produire des données sur la consommation du
crabe pour savoir où allait notre crabe. Comment pêchait-on de
crabe et où allait-il? J'ai constaté que sur le marché
québécois il entrait environ 50 000 livres de crabe, en 1979,
alors que tout le reste était exporté. Comme je connaissais le
goût du crabe et que je connais le goût des Québécois
pour le homard, je trouvais inadmissible que les Québécois, qui
aiment beaucoup le homard, qui aiment beaucoup la crevette, n'aiment pas le
crabe. Cela me paraissait inconcevable. Il me semble que quelqu'un qui aime le
homard et la crevette ne peut pas ne pas aimer le crabe, qui est un produit
extraordinaire.
J'ai rencontré des industriels et je leur ai demandé: Que
faut-il faire pour que vous puissiez continuer de fonctionner? On m'a
répondu: Si on nous aidait pour le financement de nos inventaires, en
nous donnant une garantie bancaire, nous continuerions à pêcher
jusqu'à la fin d'août ou au début de septembre. Il
s'agissait de 900 personnes, soit 200 pêcheurs et à peu
près 700 personnes en usine. J'ai acheminé un mémoire au
Conseil du trésor et au Conseil des ministres afin de recevoir
l'autorisation de garantir les inventaires de ces usines qui continueraient
à fonctionner mais à une condition: qu'une promotion soit faite
sur le marché québécois. Cela a été
accepté, les usines ont continué à fonctionner, les
inventaires ont grandi dans les entrepôts et je me disais qu'on ne
prenait pas un grand risque parce que si les usines fermaient dans les
Maritimes et que nous restions ouverts jusqu'à l'automne, eux n'auraient
pas de crabe alors que nous, on en aurait.
On a fait une promotion en septembre et en octobre. Résultat? Pas
avec une grosse promotion, mais avec une petite promotion, en collaboration
avec les restaurants du Québec, en septembre et en octobre 1980, il
s'est vendu au Québec 250 000 livres de crabe, soit cinq fois plus que
l'année précédente, et cela seulement au cours des deux
mois de septembre et octobre 1980, en faisant connaître un produit que
les consommateurs ne connaissaient pas véritablement par le biais des
restaurateurs qui pouvaient l'apprêter et démontrer
différentes façons de consommer du crabe.
Aujourd'hui, le crabe des neiges est un produit qu'on retrouve sur la
table de plusieurs de nos restaurants, qu'on retrouve dans nos familles, chez
nos consommateurs puisqu'on a le goût du crabe. Aujourd'hui, je peux vous
dire - ce n'est pas seulement à cause de cela, évidemment, c'est
parce que le crabe de l'Alaska a été malade et a pratiquement
disparu, il y a beaucoup moins de crabes en Alaska - que le prix du crabe au
Québec est bon, qu'il y a un marché québécois. Je
pense qu'on devrait davantage satisfaire le marché
québécois, car on serait davantage à l'abri des
fluctuations des marchés internationaux.
C'est pour vous dire, par cet exemple, que nous ne connaissons pas tous
les produits qu'on peut trouver au Québec. On commence à
reprendre de l'esturgeon dans le fleuve Saint-Laurent. Si vous allez - et je
vous conseille de le faire - à Montmagny et que vous voyez une petite
annonce sur le bord du chemin marquée "hareng boucané", essayez
cela, vous allez trouver que c'est un bon produit. Il y a ici, tout
près, à Saint-Nicolas, quelqu'un, M. Gingras, qui vend de
l'esturgeon fumé d'une façon différente, c'est un
excellent produit.
Une voix: À Saint-Antoine?
M. Garon: Saint-Antoine aussi qui apprête l'esturgeon d'une
autre façon. On a une variété extraordinaire de produits.
Quand je regarde le maquereau... On navigue dans le maquereau au Québec,
mais on ne le consomme pas. On mange très peu de maquereau. C'est un
excellent produit. Il faut dire qu'avant 1968, on ne mangeait même pas le
crabe du Québec. On ne le pêchait même pas; on le rejetait
à l'eau. On trouvait que c'était un embarras d'avoir cela dans
nos filets. On jetait cela à l'eau. Combien d'espèces a-t-on
appris à consommer trop tard, ou encore, parce que des gens d'ailleurs
sont venus nous montrer comment consommer ces produits? Les Européens
mangent aujourd'hui, je dirais, tout ce qui bouge, mais ils ont des traditions
plus longues, des milliers d'années. Il y a eu des périodes
difficiles et les gens se sont
habitués à manger à peu près tous les
produits que la terre donne. Ici, on vit dans une abondance et, je suppose que
parce qu'il y avait beaucoup de homard, on a dit: Le crabe, on va le laisser
là.
Aujourd'hui, de plus en plus, on prend des ressources. Il y a au
Québec une variété de ressources extraordinaires qu'il
faut faire connaître au consommateur. C'est là l'objet du projet
de loi. Chacun, individuellement, ne sera pas capable de faire ce travail. Il
va vendre rapidement sur les marchés d'exportation, souvent à des
prix peu élevés, souvent avec des façons de le
préparer qui ne sont pas très sophistiquées, à bon
marché, un produit qui a une plus grande valeur que le prix pour lequel
on le vend. Mais si on a un organisme de commercialisation, en regroupant des
gens, il va permettre de faire une meilleure commercialisation des produits et
toucher à des marchés qu'on ne touche pas actuellement.
Je visitais récemment - je ne dirai pas quelle chaîne
d'alimentation - une chaîne d'alimentation où il y avait du porc
qui venait de l'Ontario et où il devrait y avoir plus de porc venant du
Québec. On est allé visiter quelques marchés ensemble et
me retournant vers un étalage de poisson, j'ai dit: Cela? On m'a dit:
Cela vient de Boston, mais vous ne le produisez pas. J'ai dit: Si on le
produisait? On m'a répondu: Si vous le produisiez, je
l'achèterais du Québec. Ce que cela me prend, c'est un emballage.
Je veux avoir un produit avec une tranche de quatre onces ou de six onces, ou
de huit onces. Je veux avoir un approvisionnement constant.
C'est cela qu'on se prépare à mettre en place pour faire
en sorte que nos entreprises qui, traditionnellement, faisaient un produit
brut, peu travaillé, qu'on vendait en vrac, en cinq livres
congelées... Pour faire des produits qui ne se vendent pas cher, on ne
pouvait pas faire beaucoup d'argent et avoir un haut niveau de revenu en le
faisant de cette façon.
C'est pourquoi on a travaillé sur la modernisation des usines.
L'usine qu'on va bâtir à Newport - je sais qu'il y a des gens qui
ne voudraient pas qu'on la bâtisse - va être, dans sa
catégorie, sûrement la meilleure usine du monde occidental.
Pourquoi? Parce qu'on a fait l'effort... L'"input" de connaissance qu'il va y
avoir dans cette usine va venir de plusieurs endroits, ayant
bénéficié des conseils de ceux qui s'y connaissent le
mieux dans le monde et en essayant d'améliorer encore davantage. Si on
sort une matière brute de l'usine de première qualité, on
aura déjà un bon produit pour faire une deuxième et une
troisième transformations. On a beau parler... Les gens disent: II
faudrait faire des plats cuisinés. Mais on ne pourra pas faire des plats
cuisinés avec une vieille morue ratatinée. Il va falloir avoir un
produit de première qualité, une matière brute de
première qualité, pour faire un produit transformé de
première qualité.
C'est ce qu'on est en train de mettre en place. Et je suis
persuadé qu'au cours de l'année 1985, on va faire beaucoup plus
de promotion qu'on en fait actuellement. C'est pour cela qu'il faut mettre en
place les instruments. On va faire beaucoup plus de promotion qu'on en fait
actuellement, parce que la modernisation de nos usines sera terminée.
Les organismes de mise en marché seront mis en place pour faire en sorte
qu'on satisfasse le marché québécois avec des produits
A-1.
Je disais que les Québécois réclament des produits
d'ici. Ils sont prêts à les payer un prix intéressant et
même à privilégier nos produits à ceux d'ailleurs.
Il ne s'agit pas de mettre tous nos poissons dans le même panier, de
viser aveuglément le marché québécois, mais
simplement de profiter d'un des seuls avantages vraiment significatifs que nous
ayons dans le secteur des pêches maritimes. Il me semble que vouloir
occuper son propre marché, c'est tellement évident que c'est le
premier objectif que cela crève les yeux.
Pour exploiter le marché du Québec, il faut en plus d'une
proclamation de très haute qualité, une organisation. Le
Québécois est un consommateur sophistiqué. Ce n'est pas
pour rien qu'on voit en Amérique du Nord les tables qu'on trouve.
Combien de restaurants, combien de villes, par exemple, comme Québec ou
Montréal - je ne parle pas des autres villes - ont des restaurants comme
on en a ici à Québec, le nombre de restaurants qu'on a à
Québec ou à Montréal? (21 h 40)
Une ville comme Montmagny a un Manoir des Érables. Une ville
comme Alma a un restaurant comme Le Doyen. Je pourrais en nommer d'autres, M.
le Président. C'est parce qu'il y a un goût, il y a une
capacité. Quand un peuple réussit à produire sur le plan
de l'art culinaire, c'est parce qu'il y a des gens qui ont le talent et les
connaissances, ce sont des chefs qu'on a au Québec. Il y a La
Sapinière dans le nord de Montréal. Ce sont des restaurants qui
se comparent avantageusement à ce qu'on peut trouver de mieux au monde.
C'est parce que les Québécois fournissent les clientèles
pour faire vivre ces restaurants, c'est parce que les Québécois
sont capables d'apprécier la qualité des produits. Les
Québécois vont vouloir acheter les produits qu'on va leur fournir
à condition de leur fournir la première qualité. Si le
secteur des pêches maritimes du Québec réussit à
vraiment s'implanter sur le marché du Québec, il pourra aller sur
n'importe quel marché du monde sans aucun problème. Si les gens
de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine et de la Côte-Nord
réussissent à accaparer le
marché de Montréal et le marché de Québec,
je n'ai aucune appréhension qu'ils n'accaparent le marché de New
York ou le marché de Boston parce qu'ils sauront satisfaire les
consommateurs les plus avertis et les plus difficiles.
Il faut aussi une organisation de mise en marché qui soit
cohérente, fiable et dynamique. On ne peut pas confier à une
trentaine de petites entreprises de transformation de poisson, situées
à des centaines de milles des marchés, le soin d'approvisionner,
chacune à sa façon et selon son impulsion, les chaînes
d'alimentation, les restaurants, les institutions du Québec. Vous savez,
une grande chaîne d'alimentation ne voudrait pas de 40 fournisseurs
différents. Elle va dire: Organisez-vous entre vous autres pour que je
fasse affaire avec un. C'est cela le but du projet de loi, c'est de
créer l'Office de commercialisation qui sera capable de fournir les
chaînes d'alimentation, les regroupements de restaurateurs,
Métro-Richelieu, les Épiciers Unis - je ne veux pas l'oublier
parce que, quand je dis Métro-Richelieu et que j'oublie les
Épiciers Unis, je me le fais dire quand je rencontre des gens de
Épiciers Unis - Provigo, Steinberg et également IGA-Boniprix,
avec Eudore Daudelin. Dans les hôpitaux, imaginez-vous comme ce serait
beau qu'il y ait tant de repas de poisson par année, parce qu'on a un
produit de première qualité qu'on va leur fournir.
Il faut qu'un regroupement de producteurs se forme, qu'il y ait un
système d'inspection ou de contrôle de la qualité, un
système privé, pas seulement compter sur le système
gouvernemental, mais que l'Office de commercialisation - c'est dans le projet
de loi - fournisse lui-même son propre service d'inspection. Il y aura
des responsabilités à l'Office de commercialisation. S'il y a un
Office de commercialisation, tel que prévu dans le projet de loi, il
devra assumer lui-même l'inspection de ses produits et les inspecteurs
gouvernementaux inspecteront leur système d'inspecteurs privés.
À ce moment-là, il y aura beaucoup plus de responsabilisation de
chacun dans la chaîne de production des produits marins. Donc, un
système d'inspection ou de contrôle de la qualité, une
stratégie de commercialisation et des ententes à long terme entre
les producteurs et les acheteurs, tout cela est fondamental, M. le
Président.
Par-dessus tout, il faut une structure juridique fiable qui permette la
création de tels organismes de commercialisation et leur fonctionnement
efficace. C'est l'objectif de ce projet de loi. Ce projet de loi a en effet
pour but de favoriser une action collective des entreprises de transformation
des produits marins qui, tout en demeurant des entités autonomes au
niveau de leurs opérations de production proprement dites, auraient
souvent avantage à se regrouper au niveau de la commercialisation de
leurs produits.
En Norvège, dans le groupe Frionor, il y a 125 entreprises qui
produisent de la morue. Ce sont de petites entreprises situées dans de
petits villages comme chez nous, répartis sur des centaines et des
centaines de kilomètres de côte. Elles ont réussi à
former un groupe qui s'appelle Frionor; il y a 125 entreprises dans le
groupe.
En Islande, il y a une entreprise qui s'appelle Icelandic Corporation.
On a réussi à regrouper 65 ou 68 entreprises - je ne me rappelle
plus si, dans le salé, c'est 68 ou si, dans le congelé, c'est 65
- qui ne sont accessibles que par bateau ou par avion en hiver. Les routes sont
fermées. Elles ont réussi à se regrouper dans une
association qui fait la commercialisation de leurs produits avec un service
d'inspection des produits que l'entreprise vend, une forme d'office de
commercialisation ou de regroupement de producteurs, avec des produits
standardisés.
C'est cela qu'il faut mettre. Les îles Féroé, c'est
la même chose. Une entreprise comme Féroé Seafood met en
marché 85% des produits des îles Féroé.
La mise en marché des produits marins québécois
est, en effet, handicapée par un grand éparpillement de l'offre,
chaque producteur s'occupant de ses propres ventes, l'absence d'images de
marque, l'absence de standardisation des produits et des difficultés en
ce qui a trait à la régularité des approvisionnements.
Ainsi, pendant certaines périodes, il y a une surabondance de l'offre
par rapport à la demande, tandis qu'à d'autres moments il y a une
pénurie de produits.
Le manque d'organisation de la mise en marché entraîne des
pertes considérables dans l'industrie des pêches, celle-ci
n'étant pas en mesure d'aller chercher sur les marchés les
meilleurs prix qu'elle pourrait obtenir pour ses produits. Les pêcheurs
qui approvisionnent ces usines subissent évidemment les effets de cette
mise en marché déficiente parce que, si le producteur,
propriétaire d'usine, ne peut obtenir le meilleur prix, il n'est pas
capable de donner le meilleur prix aux pêcheurs non plus. C'est pour cela
que cela prend un organisme de commercialisation pour que, ayant obtenu le
meilleur prix, il puisse donner le meilleur prix lui aussi.
Le projet de loi 82 fournira un cadre légal aux entreprises
désireuses de se regrouper pour la commercialisation de leurs produits.
Le gouvernement pourra ainsi, à la demande d'au moins sept entreprises
de transformation de produits marins, établir un office de
commercialisation pour l'application d'un accord intervenu entre elles au
niveau
de la mise en marché en commun de l'une ou l'autre des
catégories suivantes: 1° les produits salés et
séchés; 2° les produits congelés; 3° les produits
frais. Trois grandes classes, M. le Président.
En vertu du projet de loi, le gouvernement pourra approuver un accord
intervenu entre les entreprises de transformation requérantes et
constituer un office de commercialisation pour l'application de l'accord, s'il
le juge d'intérêt public, compte tenu de la qualité et du
volume des produits marins à écouler, des débouchés
commerciaux, des conditions économiques ainsi que des
intérêts légitimes des pêcheurs, des entreprises de
transformation de produits marins et des consommateurs.
En outre d'administrer et d'appliquer un accord intervenu entre
plusieurs entreprises de transformation de produits marins, l'office de
commercialisation doit favoriser la production de produits marins de
qualité supérieure, rechercher des débouchés pour
ces produits, maintenir un équilibre entre les approvisionnements en
matières premières, les produits marins transformés mis en
marché et les besoins du marché, initier ou participer à
des programmes de publicité et favoriser la stabilisation des revenus
des entreprises participantes.
En fait, il s'agit de permettre l'émergence au Québec
d'outils de travail qui ont fait leurs preuves dans plusieurs régions du
monde, notamment en Scandinavie, où les principaux pays producteurs ont
réussi à regrouper l'offre de leurs produits marins sous des
marques fortes, renommées pour leur qualité et appuyées
par des stratégies de mise en marché efficaces et
coordonnées. Des centaines de producteurs indépendants
approvisionnent en produits standardisés ces grands offices de
commercialisation dont ils sont les copropriétaires.
Au Québec, le consortium Gaspé Cured qui, depuis l'an
dernier, regroupe, au niveau de la commercialisation, les treize producteurs
gaspésiens de morue salée et séchée, a
démontré à la fois la faisabilité et les avantages
de ces ententes de commercialisation. Il me reste quelques paragraphes à
lire; je n'aurai pas le temps d'expliciter davantage sur le consortium
Gaspé Cured, mais j'aurai l'occasion d'y revenir en réplique.
Alors que ces producteurs étaient auparavant à la merci de
quelques acheteurs qui les jouaient constamment les uns contre les autres, en
retardant leurs achats jusqu'à ce que le plus faible cède et
baisse les prix, le consortium a réussi, par la cohésion de tous
ses membres, à imposer une cédule de livraison à un prix
stable pour toute la saison de production et un partage équitable des
livraisons entre toutes les usines participantes.
Le gouvernement du Québec a soutenu cet effort de
commercialisation par une garantie de prêt de 4 000 000 $, en 1983. Le
projet de loi 82 permettra de donner plus de solidité à un tel
organisme, puisqu'il sera possible à ses membres de prévoir des
pénalités en cas de retrait de l'un des leurs. De plus, le projet
de loi prévoit que, lorsqu'une majorité d'entreprises d'un
secteur donné auront formé l'office de commercialisation et
auront fait une demande en ce sens, le gouvernement pourra en étendre
l'application à toutes les entreprises du secteur.
Avec des investissements prévisibles, en 1984, de près de
60 000 000 $ dans la flotte et les usines de transformation, avec la mise en
place depuis avril dernier du triage obligatoire des produits marins au
débarquement en fonction de leur qualité, avec également
l'obligation faite à toutes les usines de transformation d'être
normalisées pour pouvoir fonctionner en 1985, les pêches
québécoises seront de plus en plus en mesure, au fil des
prochains mois, de livrer sur les marchés des produits de
première qualité, de qualité supérieure.
Il faut maintenant que la mise en marché soit à la hauteur
afin que les efforts déployés aux deux autres niveaux produisent
les résultats attendus, à savoir une plus grande
sécurité des revenus pour les pêcheurs, les employés
d'usine et les industriels, de même qu'une meilleure réponse aux
besoins des consommateurs québécois. Je vous remercie, M. le
Président. (21 h 50)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Saguenay.
M. Ghislain Maltais
M. Maltais: Merci. On a entendu religieusement le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. On se serait cru au
début de son discours à un spectacle de théâtre. Je
dirais un théâtre de trois sous. On a eu l'occasion de passer de
Ti-Zoune à soeur Berthe en passant par Han d'Islande de Victor Hugo. La
chose essentielle du projet de loi, le ministre a oublié d'en parler.
Après avoir écouté son discours habituel sur le
fédéral, sur M. De Bané, sur les gens qui ne sont pas
nécessairement d'accord avec lui, sur le dos des pêcheurs et des
propriétaires d'usines, on a eu droit à quelques succulentes
recettes de restaurants faisant le tour du Québec pour le poisson. On a
eu aussi droit à une leçon de géographie en l'entendant
parler des milliers de kilomètres de la Norvège et des milliers
de kilomètres des côtes d'Islande. Il faudrait peut-être que
le ministre regarde sur la carte pour voir un peu de quelle grandeur sont ces
pays.
Je pense que ce n'est pas là l'essentiel du projet de loi. Ce
n'est pas là l'essentiel
de ce que les producteurs et les usiniers auraient aimé entendre
du ministre. Pourtant, on a vu certaines contradictions dans le discours du
ministre. Des contradictions flagrantes. À faire des envolées
oratoires à n'en plus finir, des fois il dit des choses que normalement
il ne dirait pas. Tout à l'heure, on l'entendait
déblatérer sur la qualité des produits en provenance du
Canada et tantôt il nous dit: Les gens de la Nouvelle-Écosse sont
venus me voir parce qu'ils vendaient un excellent produit qui avaient pris le
marché de Montréal. Il faudrait quand même savoir ce que le
ministre a en arrière de la tête. Un soir il dit noir, le
lendemain il dit blanc. Il faudrait quand même s'entendre sur la
qualité, sur une qualité de produit que nos pêcheurs et nos
usiniers travaillent présentement à améliorer et dont les
résultats ont été concrets.
Cette volonté ne relève pas du ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation. Il y a longtemps que les
pêcheurs ont compris que meilleure est la qualité, plus grand est
le produit, meilleur est le prix du produit. Je ne comprends absolument pas la
réaction du ministre quand il dit: Grâce à moi, le produit
est de meilleure qualité. Je pense qu'il rêve en couleur et c'est
tout à fait normal dans son cas. Lorsqu'on regarde les exportations
canadiennes on s'aperçoit que le Québec ne représente que
20% des débarquements canadiens en matière de pêcheries.
À partir de ce moment, le ministre veut étendre ses
marchés dans toute l'Europe et dans tous les États-Unis, dans
tout le Québec. Il va manquer de poisson tantôt. À l'heure
actuelle, le Québec ne consomme que 20% de ses produits, de ses prises,
de ses débarquements. Il s'agit d'exporter à l'extérieur
du Québec, dans les autres provinces, au Canada, aux États-Unis,
dans les autres pays, 80% de notre production de produits marins.
Il est entendu que le Québec doit faire face à une
concurrence internationale puisqu'on est sur le marché international,
que le Québec doit se soumettre, puisqu'on fait partie d'un pays qui
s'appelle le Canada, aux lois canadiennes et aux lois internationales. Le
ministre a oublié de dire que la création de ses offices
n'était pas pour le commerce intérieur du Québec. On n'a
pas besoin d'office de commercialisation pour acheter un homard au
Québec, pour acheter un crabe, pour acheter un hareng junior ou senior.
On n'a pas besoin de cela pour acheter un morceau de saumon, pour acheter un
morceau de morue. Je pense que le ministre erre en connaissance lorsqu'il dit
qu'il crée des offices de commercialisation pour le marché
intérieur du Québec. Au départ, c'est absolument faux.
Lorsqu'on regarde le projet de loi 82, et c'est
précisément de cela qu'on va parler ce soir puisque c'est le
projet concerné, ce ne sont pas des discours à
l'emporte-pièce qui vont intéresser les 74 producteurs du
Québec. C'est ce qui est contenu dans la loi et particulièrement
à ce chapitre, M. le Président, le ministre n'en a pas
parlé. Il n'a parlé que des bienfaits de la table des restaurants
à Alma, à Québec, à Montréal, mais il a
oublié de dire ce que cela allait créer pour les producteurs.
C'est important, lorsqu'on a un travail de législateur à
accomplir.
M. le Président, le Québec, depuis qu'il existe, a
toujours progressé, d'une année à l'autre, dans le domaine
des pêches. Les Québécois ont inventé, ont
innové. Ce n'est pas la faute du ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation. La semaine dernière, j'avais
l'occasion de discuter avec un propriétaire d'usine qui m'a dit que,
pour la premère fois au Québec, une usine non
subventionnée par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation, une usine ancestrale exportait à titre
expérimental 5000 livres de homard vivant en Hollande. M. le
Président, je vous jure que ce homard n'était pas pris ici,
à Québec, ni à Montréal; il était pris dans
des régions côtières, des régions maritimes.
Or, le projet de loi du ministre de créer des offices de
commercialisation, c'est un principe qui a déjà été
mis de l'avant depuis plusieurs années par les producteurs, en
s'associant ensemble pour obtenir et garantir des quantités de produits
et pour obtenir de meilleurs prix. Il n'a pas inventé "le reculons sur
les homards" en agissant ainsi, en présentant ce projet de loi,
aucunement. Il y a longtemps que nos producteurs d'usine ont déjà
compris ce principe.
Cependant, à la lumière du projet de loi, on
s'aperçoit que le ministre légifère dans un autre esprit.
À l'étude approfondie de son projet de loi, on s'aperçoit
encore une fois que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation n'a qu'un objectif derrière la tête. Le projet de
loi 82, qui est nous est présenté ce soir, est un projet dans le
même esprit que les projets de loi 48, 49, 82, 36, 9, c'est-à-dire
l'omniprésence totale du gouvernement dans un secteur qui appartenait il
y a quelque temps à l'entreprise privée, dans un secteur
où on coupe, à toutes fins utiles, le leadership du
pêcheur, des entreprises et des gens qui font la vente de ces produits.
On veut mettre sur l'aile gouvernementale la coiffe de la nationalisation des
pêches.
M. le Président, lorsqu'on regarde attentivement la pensée
du ministre, elle se reflète dans un addenda qu'il a
présenté lui-même au Parti québécois, dont le
congrès aura lieu en fin de semaine. Il nous dit dans cet addenda:
Obligatoirement, le développement des pêches du Québec ne
se
fera que par la souveraineté-association. On retrouve dans
l'esprit des projets de loi, des derniers projets de loi qu'on vient
d'énumérer, la pensée du ministre, son but bien
déterminant. Or, la création des offices de commercialisation,
c'est une chose tout à fait normale dans un esprit de lois qui
voudraient profiter aux producteurs. Cependant, lorsqu'on regarde attentivement
le projet de loi, on s'aperçoit d'une chose, c'est qu'assurément
plus personne n'aura le choix, parce que le ministre a déjà
regardé son affaire et qu'il a vu que l'office de commercialisation de
Gaspé Cured a déjà sept personnes et qu'on stipule dans le
loi que, lorsque sept personnes requerront un office, il y en aura un qui sera
créé.
À partir de ce moment-là, M. le Président, pour les
autres qui n'y auront pas adhéré - c'est inscrit noir sur blanc
dans le projet de loi - le ministre pourra, par décret, étendre
l'application d'un accord de commercialisation. Somme toute, si l'on comprend
la nécessité d'avoir des offices, il faut comprendre aussi, bien
entendu, la liberté des gens d'y adhérer. Or, lorsqu'on
considère qu'il y a à peu près une quarantaine de
producteurs en dehors de Madelipêche qui est déjà
gouvernementale, ceux-ci n'auront d'autre choix que d'adhérer aux
offices de commercialisation, parce que c'est déjà, dans le sens
du projet de loi 48, une loi punitive. Si vous n'y adhérez pas, le
ministre peut enlever votre permis, s'il ne juge pas votre permis
d'intérêt public. M. le Président, comment pourrait-on
souscrire à des objectifs aussi cachés du ministre, qui vont lui
permettre par son projet de loi d'englober tout le monde de gré ou de
force? (22 heures)
En présentant ce projet de loi, le ministre aurait eu, pour une
fois, une occasion en or de permettre le développement secondaire et
tertiaire des usines de brut, comme il le disait dans son discours tout
à l'heure. Là-dessus, je me réfère au scandale de
Newport, parce que le ministre, dans son entêtement, va investir des
millions de dollars dans une usine, alors que, 25 pieds plus loin, il y en a
déjà une qui va produire la même chose. L'an prochain,
à Newport, lorsque les deux usines seront fonctionnelles, dans un bassin
de X habitants, avec X pêcheurs, on assistera à une concurrence
déloyale vis-à-vis de l'entreprise privée, qui fera monter
les prix puisque les propriétaires des deux usines sont les deux
gouvernements, le gouvernement fédéral et le gouvernement
provincial. M. le ministre, regardez d'où provient l'argent. Dans la
Société de développement des pêches, vous verrez en
droit et en fait...
M. Garon: C'est faux.
M. Maltais: M. le ministre, vous parlerez à votre tour,
entre parenthèses. On vous a écouté.
M. le Président, face à un pareil scandale, que feront les
propriétaires d'usines, l'an prochain, pour s'approvisionner? Le
ministre sait très bien qu'il n'y a pas de débarquements assez
nombreux pour fournir deux usines, mais il persiste à créer avec
les fonds publics québécois, une situation où il y a deux
usines monumentales, très modernes, comme il l'a dit, les meilleures,
sans doute, au monde, mais qui vont causer la fermeture de plusieurs petites
entreprises. Cela va permettre aussi, encore une fois, non pas de fournir une
qualité de produits de table, mais de produire encore du brut, puisque
le ministre n'a rien trouvé encore pour nous dire que les pêches
vont fonctionner huit mois par année. On sait très bien qu'au
mois de février ce n'est pas la saison des pêches.
Pourtant, avec la venue des Pêcheries Cartier à Newport et
son industrie - et je suis très heureux que les gens de Newport aient
une deuxième usine - le ministre aurait eu une occasion en or de faire
de la transformation secondaire et tertiaire, mais il se fout
complètement de cela. Il se fout complètement de ce qui va
arriver aux pêcheurs. Il va continuer à fabriquer du brut. Il va
continuer à écraser, avec des fonds publics, la petite entreprise
privée. C'est là la philosophie du ministre, parce que le domaine
des pêches doit être la propriété du gouvernement
selon cette philosophie. Il doit en exercer un contrôle parfait et, de
cette façon, il s'assure d'une chose, à savoir que la petite
entreprise privée des alentours va disparaître.
Le ministre n'en parle pas souvent, parce qu'il ne va pas rencontrer les
pêcheurs. D'ailleurs, si on lui demandait ce soir d'où vient
l'idée des offices de commercialisation, ce n'est pas lui qui l'a eue.
A-t-il consulté les propriétaires d'usines? De quelle
façon les a-t-il consultés? En leur glissant tendrement dans la
poche d'en arrière, lors d'une rencontre, un petit projet de loi: Vous
lirez cela chez vous. C'est bon pour vous? On vous contrôle comme des
enfants de maternelle. On vous contrôle avec un projet de loi 48. On va
vous dire où vous irez pêcher, au niveau des pêcheurs, dans
quelles zones. On vous dit dans le projet de loi 49 de quelle façon vous
allez produire votre produit et, au projet de loi 82, on vous dit à qui
vous allez le vendre, comment vous allez le vendre et à quel prix vous
allez le vendre. Où est la liberté de l'entreprise? On s'en va
directement vers une nationalisation totale et complète des
pêches. Et le ministre faisait des gorges chaudes tantôt, parce que
je disais que son Kristina Logos et son Lumaaq avaient des problèmes de
permis. J'aimerais bien savoir où les débarquements se font,
lorsqu'il y en a, du Lumaaq et du Kristina Logos. Pourtant, ces bateaux
devraient servir à approvisionner les usines côtières, mais
le ministre se rappelle-t-il qu'il les a souvent fait décharger à
Terre-Neuve?
Si on regarde ce projet de loi, il a des objectifs louables. Les gens du
Parti libéral ne sont pas des malades, entre parenthèses. Le
ministre disait tout à l'heure que ceux qui n'approuvent pas son projet
de loi sont des malades. Je lui conseille de voir le vice-premier ministre qui
est psychiatre, il en aurait grandement besoin. On n'est pas malades, on est en
très bonne santé et on comprend les problèmes des
pêcheurs. Avant de déblatérer de cette façon sur
tous et chacun au Québec, le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation aurait avantage à aller dans le
milieu, non pas avec une armée pour le protéger, mais pour
rencontrer les gens du milieu afin de dialoguer avec eux, afin de les
consulter.
Qu'on se rappelle le projet de loi 48. Il a fait l'éloge du
projet de loi 48 et il y a sept mois que ce projet a été
déposé. Il y a sept mois que l'Opposition lui demande de
déposer les règlements, de convoquer une commission
parlementaire. Le ministre a attendu le moment où la Chambre peut
siéger jour et nuit pour présenter son projet, pour le faire
adopter en pleine nuit, afin que les pêcheurs ne sachent pas de quelle
façon on est en train de les "passer au cash", comme on dit en bon
québécois. C'est une honte, M. le Président, la
façon dont le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation agit avec les pêcheurs québécois!
Tout au cours de cette session, presque chaque jour, on lui a
demandé de déposer une réglementation, de convoquer une
commission parlementaire, mais le ministre a répondu: Cela coûte
trop cher! Est-ce que ça ne coûte pas cher de faire des lois avec
lesquelles des générations de Québécois vont
être pris? Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation sera le seul responsable de tous les problèmes qu'aura
engendrés cette loi, des problèmes de juridiction. On l'aura
pourtant prévenu. Mais non, il a honte de l'étudier en plein
jour; il attend que l'Assemblée nationale siège jour et nuit pour
présenter sa loi 48. Il va la faire adopter et il en sera fier. C'est le
seul qui avait un projet de loi au mois de novembre qui a
résisté. On sait que le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation tasse tout le monde au Conseil des
ministres, y inclus le petit peureux de premier ministre. Le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation tasse tout le monde et
profite du règlement de l'Assemblée nationale pour faire
étudier en pleine nuit un projet de loi aussi important que le projet de
loi 48.
Pour endormir un peu tout le monde, il nous arrive avec un autre projet,
le projet de loi 82, sur lequel la consultation a été minime; il
n'y a pas eu de consultation au niveau des propriétaires. Si on leur
demande ce qu'ils pensent du projet de loi 82, ils nous répondent: Je
n'en ai pas entendu parler ou très peu. Les quelques-uns qui nous ont
dit avoir entendu parler du projet de loi, naturellement, sont contre.
Pourquoi? Parce qu'ils n'ont pas été consultés. Pourtant,
le ministre est arrivé ici, en Chambre, en disant: C'est bon pour eux!
C'est lui qui décide pour qui c'est bon. Les propriétaires
d'usines auraient dû, normalement, avoir leur mot à dire. Des gens
inventifs de la Gaspé Cured ont fait leur propre office. C'est bon pour
eux, dans le produit salin, quand on sait à qui les produits salins sont
vendus. On sait déjà que c'est une méthode
dépassée, on vend ces produits aux pays du tiers monde. Cette
méthode est aujourd'hui dépassée parce qu'on a du poisson
frais, du poisson congelé et du poisson surcongelé.
Il est impossible qu'un parti qui se respecte, comme le Parti
libéral, souscrive aux points fondamentaux du projet de loi du ministre
et ce, pour différentes raisons. Nous avons des raisons bien
concrètes. Le projet de loi 82 donne avant toute chose des pouvoirs
illimités au ministre. Les offices n'appartiendront pas aux
requérants; c'est le ministre qui aura le contrôle, c'est le
ministre qui va vérifier. Il y a à peu près 50 fois le mot
"ministre" dans une quinzaine d'articles se rapportant au projet de loi. On
retrouve, de douze à quinze fois, "le gouvernement peut" ou "le
gouvernement doit". Lorsque l'on crée un libre office, on ne fait pas
continuellement d'ingérence gouvernementale.
Je pense qu'il est impossible, si on regarde ce projet de loi article
par article, de ne pas s'opposer à certaines parties de la loi.
Premièrement, c'est un projet de loi qui va créer de nouvelles
frictions avec le gouvernement fédéral. Bon Dieu, quand le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation va-t-il
comprendre que nous sommes encore dans un État
fédéraliste? Cela avait pourtant été
réglé au référendum, en 1980. Ils veulent
l'emporter à la prochaine élection. Qu'ils l'emportent.
Déjà, on a un signe avant-coureur: 6% des Québécois
sont d'accord avec la philosophie du ministre. Quand va-t-il comprendre le bon
sens? Il est urgent qu'il le fasse. (22 h 10)
On nous présente un projet de loi qui, en principe, est louable,
mais dont le fond n'est pas acceptable. C'est, d'ailleurs, la
spécialité du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation. Depuis qu'il est là, il a toujours suivi sa
philosophie séparatiste: des projets de loi de confrontation comme la
loi 48; le projet de loi 82 en est un autre exemple: toujours
confronter le gouvernement provincial et sa juridiction avec le
gouvernement fédéral et sa juridiction. Jamais on n'atteindra un
objectif de véritable développement des pêches tant et
aussi longtemps qu'on aura un ministre à la tête dure comme cela
qui, avant de présenter son projet de loi, envoie une poignée de
bêtises au gouvernement fédéral et l'accuse de tous les
maux alors qu'il aurait grandement avantage à aller négocier avec
lui.
Au niveau de la consultation, c'est la même chose qu'avec le
projet de loi 48: on n'a consulté personne. On a consulté les
gens qui en avaient déjà fait un, mais les autres n'ont pas un
mot à dire. Encore là, ce projet de loi, puisque, à
l'intérieur du Canada, on a un commerce intraprovincial et qu'on a un
commerce à l'extérieur, va soulever des points juridictionnels
sur lesquels le Québec et le Canada vont encore être en chicane et
on va encore se retrouver devant les tribunaux.
Le projet de loi est également antidémocratique sur
plusieurs points. On aura sans doute l'occasion d'en parler au ministre. Cela
le fait sourire, parce que cela fait longtemps qu'il a oublié la
démocratie. Il propose de conférer au ministre le rôle d'un
tribunal administratif. Non seulement les propriétaires d'usines sont
obligés de soumettre au ministre, pour leur plan de restructuration,
leurs états financiers - ce qui est normal, puisqu'ils ont besoin
d'argent mais encore là, dans les offices, les propriétaires, les
gens qui vont faire partie de l'office devront soumettre leur bilan. Le
ministre n'a pas dit cela tout à l'heure. Il ne le dit pas aux
propriétaires; il le cache. Il bafoue les principes de la libre
concurrence, parce que tout le monde va être obligé d'en faire
partie, par décret. Ceux qui ne veulent pas, il va faire sauter leur
permis. C'est clair et net.
Ce projet de loi soulève aussi des conflits
d'intérêts gouvernementaux. Le ministre n'a sans doute pas
regardé le projet de loi sous cet angle. On va lui dire où et
quand. Il ne discerne pas, entre autres, les grosses et les petites
entreprises. On sait que, parmi les entreprises de transformation, il y en a
qui sont beaucoup plus grosses que les autres et il y en a qui vont en tirer
beaucoup plus d'avantages. Mais il y a de petites entreprises familiales aussi
qui, elles, vont être écrasées. Lorsque le ministre dit:
Pour le bien public, on pourra retirer leur permis, attendez-vous, petites
entreprises, à ne pas durer longtemps avec cette loi.
Le ministre impose des coûts et des normes dont on ne
connaît pas l'ampleur. Il oublie dans ce projet de loi une classification
des produits. Il y a, quand même, un produit de qualité au
Québec, un produit reconnu. On parle de produits salés et
séchés; on parle de produits congelés; on parle de
produits frais.
On ne parle pas des produits en boîte, mais il y a encore un
marché pour cela et il y a encore des gens qui s'y adonnent. Le ministre
ne s'occupe pas de ces gens-là. Il trouve cela drôle,
naturellement: c'est rien qu'une petite "gang" de petits producteurs.
Même si on en écrase un de plus ou de moins, cela ne
dérange rien. D'ailleurs, c'est dans sa philosophie. On n'a qu'à
aller voir les producteurs pour se le faire dire.
Le projet de loi permet aussi de laisser pour compte les entreprises
récalcitrantes. S'il y en a qui ne veulent pas adhérer à
cela, que va-t-il se produire? Qu'est-ce qui va se produire, M. le ministre?
C'est drôle. Un gars qui a une entreprise, qui a réussi à
se trouver des marchés depuis nombre d'années, qui fait
d'excellentes affaires au niveau international, mais qui ne veut pas entrer
dans le consortium du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, qu'est-ce qui va lui arriver? Le ministre, lorsqu'il parle
d'intérêt public, dit: On suspend le permis, bon, sans tenir
compte de toutes ces choses-là. On s'aperçoit d'une chose, c'est
que le ministre se donne des pouvoirs totalitaires et absolus. Sans
connaître la réglementation, on ne sait pas ce qu'il y a dedans,
ce sera un désastre quand on connaît les pouvoirs que lui
confère déjà le projet de loi.
Le projet de loi ne règle pas, non plus, un autre
problème. Le ministre semblait dire tout à l'heure qu'il y avait
un trop grand nombre d'usines au Québec. Ce projet de loi ne
règle en rien ce problème. C'est lui qui va maintenant
déterminer combien il devra y avoir d'usines de transformation au
Québec, alors que, depuis des générations, la libre
entreprise, le leadership régional, dans les régions telles que
la Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine et la Côte-Nord, ce
sont les gens, les hommes d'affaires qui l'ont toujours exercé dans ce
domaine. Maintenant, le ministre va décider quand, où et avec qui
il y aura des usines de transformation. Je pense que, sous cet aspect, ce
projet de loi est quand même pire que le projet de loi 48 parce qu'il
enlève un esprit d'initiative québécois qui a
été une grande force dans le secteur des pêcheries.
On pourrait parler pendant des heures sur ce projet de loi. On n'agira
sans doute pas comme le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation qui, je le remarquais tout à l'heure - pour une fois
qu'on était d'accord - se fait "filibuster" par le député
de Duplessis. Il se lamente qu'on retarde le projet de loi 48, alors que, sur
le projet de loi 48, le ministre lui-même s'est "filibusté". C'est
la première fois à l'Assemblée nationale qu'on voit un
ministre "filibuster" lui-même son projet de loi.
Pour le Parti libéral, qui s'est toujours appliqué, au
cours des années, à défendre les intérêts de
la libre entreprise et du
leadership régional, même si, dans son essence, la
création des offices de commercialisation pourrait être une chose
raisonnable, je pense que jamais on ne pourra souscrire aux modalités de
fonctionnement et aux pouvoirs que le ministre se donne dans un projet de loi
comme celui-ci. Pour nous, il est très important que ces trois
prémisses soient respectées et, à l'heure actuelle, le
ministre ne les respecte pas. Tant et aussi longtemps que le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation n'arrivera pas ici avec
un projet de loi qui pourra permettre le libre accès, qui garantira aux
entreprises qui n'ont pas adhéré au projet de pouvoir continuer
leur commerce, je ne pense pas qu'un parti qui se veut sensé puisse
adhérer à une philosophie aussi nationaliste que celle qu'on
retrouve dans ce projet de loi.
M. le Président, dans son préambule, tout à
l'heure, le ministre a quand même dit des choses qui valent la peine
d'être relevées. Lorsqu'on regarde l'ensemble de la structure des
pêches depuis 1980, on s'aperçoit qu'on s'en va dans un chemin
bien tracé, bien aligné. Malheur à qui passe à
côté. Lui, on lui paie une traite. Autant les pêcheurs que
les propriétaires d'usines, les propriétaires de bateaux et les
travailleurs d'usines ont une voie de tracée par le ministre. Malheur
à ceux qui osent élever la voix. Je profite de l'occasion pour
dire au ministre que, jamais au Québec, jamais dans les autres
ministères même du gouvernement actuel, on ne met une pression
aussi constante sur une population qui, hélas, a été trop
souvent peut-être délaissée et qui est
défavorisée, en ce sens qu'il est devenu impossible pour
quelqu'un, dans le domaine des pêcheries, de s'opposer à un
principe de loi ou à des principes de direction de la part du ministre.
Ce n'est pas une farce. Le ministre lui-même a déclaré
qu'il ne voulait même pas qu'aucun de ses fonctionnaires fasse une
déclaration. La loi du bâillon à l'Assemblée
nationale, la loi du bâillon avec les fonctionnaires. (22 h 20)
Pourtant, dans le domaine des pêches, s'il y a des gens qui ont
besoin d'être consultés, s'il y a des gens qui ont besoin
d'aide... Parce qu'un groupe de personnes s'oppose à un projet de loi,
on leur coupe leur subvention. Alors qu'il y avait une petite condition
très minime à remplir, que cette condition aurait pu être
remplie et que même le sous-ministre avait passé par-dessus, le
ministre dit na! Ces gens se sont opposés à ma philosophie. Ils
doivent payer la facture dans ce domaine et dans d'autres domaines. On pourrait
déblatérer pendant encore longtemps sur la façon dont le
ministre étend ses pouvoirs, sur la façon dont il fait taire les
gens qui ne sont pas d'accord avec lui, parce qu'on sait si bien que, dans la
période de crise économique qu'on vit actuellement au
Québec depuis deux ou trois ans, le domaine des pêches n'a pas
été épargné. C'est peut-être même un
domaine qui a été touché plus durement que les autres.
M. le Président, ces personnes qui souffrent en silence
n'attendent que l'occasion rêvée pour le dire au ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Si le ministre ne nous
croit pas, je lui lance un petit défi. Puisqu'il est aussi influent que
cela au Conseil des ministres, qu'il convainque le premier ministre de
déclencher des élections et on se reverra après 28 jours.
Je pense que l'ensemble du domaine des pêches maritimes au Québec
aura l'occasion de s'exprimer. Le ministre peut rouspéter, peut grogner,
je m'en fous, M. le Président. C'est la vérité qu'on dit
parce qu'on consulte les gens des pêches maritimes, on les voit et on ne
légifère pas pour eux dans un trente-cinquième
étage.
M. le Président, ces personnes ont des choses importantes
à dire et on ne leur en donne pas l'occasion. On est en train de faire
au Québec une nationalisation pure et simple du domaine des
pêcheries. Pour ces raisons - on aura l'occasion d'y revenir au cours des
prochaines semaines en commission - on aura l'occasion de poser des questions
très précises au ministre. Jamais le Parti libéral et les
gens qui se tiennent debout ne vont donner leur accord à un projet de
loi qui n'était même pas présenté à
l'Assemblée nationale et, pourtant, le ministre faisait corriger son
programme du Parti québécois pour le mettre dedans. Jamais
l'Opposition n'acceptera une telle philosophie. Tant et aussi longtemps qu'il y
aura des Québécois qui vont se tenir debout, le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ne fera pas ce qu'il
voudra dans le domaine des pêcheries. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Champlain.
M. Marcel Gagnon
M. Gagnon: Cela va? C'est à moi? Boni Merci, M. le
Président. Le député qui m'a précédé,
le député de Saguenay, parlait d'un spectacle du ministre. Je
suis bien obligé de lui répondre qu'on vient de voir encore, nous
aussi, un spectacle de ce côté-ci, le spectacle du Parti
libéral, le spectacle de ceux qui ont d'autres chefs, qui doivent
obéir à d'autres chefs que la population du Québec. On
avait hâte d'avoir la réaction du Parti libéral, parce
qu'on s'attendait qu'il y ait une communication entre un autre palier de
gouvernement et le Parti libéral du Québec comme toujours, pour
lui dire comment penser et comment agir vis-à-vis du projet de loi qu'on
vient de déposer à
l'Assemblée nationale.
On vient de voir l'ordre qu'il a eu, c'est-à-dire de s'opposer
à un projet de loi qui permettrait à un groupe de
Québécois, des pêcheurs, ceux qui vivent de l'aquaculture,
de se prendre en main un peu plus et aussi de faire en sorte, par leur travail
commun, d'aller plus de l'avant dans le domaine de la pêche. Je trouve
cela un peu navrant de voir ce spectacle qui est toujours dans le sens de faire
craindre aux gens de prendre leurs responsabilités, toujours dans le
sens de dire: Bon, c'est le gouvernement qui veut s'implanter; c'est le
gouvernement qui veut dicter sa façon d'agir.
D'ailleurs, vous savez, ce discours, personnellement, je l'ai entendu
souvent, même avant d'arriver ici à l'Assemblée nationale.
Je me souviens d'avoir été dans le syndicalisme agricole
où, lorsqu'on parlait de mise en marché, par exemple, il y avait
un type qui n'était pas député en cette Chambre à
ce moment, qui est maintenant le député de Brome-Missisquoi, qui
a tout fait pour essayer de lutter contre les plans conjoints, pour essayer de
lutter contre les agriculteurs qui voulaient s'unir pour faire la mise en
marché de leurs produits. Il a réussi à retarder certaines
choses. Il a réussi à faire perdre énormément
d'argent dans le domaine des productions agricoles. Il a réussi à
faire en sorte que cela a été extrêmement difficile, alors
que l'ensemble des producteurs agricoles voulaient l'implantation de plans
conjoints pour faire une mise en marché plus ordonnée, de
satisfaire un peu plus les consommateurs et de permettre aux agriculteurs de
vivre un peu plus décemment de leurs produits. Le député
de Brome-Missisquoi, aujourd'hui, a tout fait pour empêcher ces
producteurs de se prendre en main. Malheureusement pour lui, il n'a pas
réussi. Aujourd'hui, on peut dire que, dans le domaine agricole, une
bonne partie des spécialités agricoles sont maintenant unies et,
ensemble, dans leur office de mise en marché des produits agricoles, ils
ont réussi à faire connaître leurs produits et à
assurer les consommateurs d'une production de meilleure qualité, d'une
production mieux équilibrée sur l'ensemble de l'année et,
par ce moyen, à développer la production agricole.
Lorsqu'on parle de pêches et qu'on mentionne que les
pêcheurs sont un groupe, ceux qui vivent de l'aquaculture, qui a
été trop longtemps ignoré par le gouvernement du
Québec - le député de Saguenay vient de le mentionner
encore - je pense qu'on a raison là-dessus. Ils peuvent faire, lui et
son parti qui a été au pouvoir, leur mea culpa. Si les
pêcheurs ont à juger des gens, le gouvernement du Québec,
s'ils ont à juger le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation, ils auront aussi à juger les députés,
surtout de la région maritime, qui font en sorte de retarder les
travaux, de retarder ce que l'Assemblée nationale, le gouvernement du
Québec, veut faire pour l'ensemble des pêcheurs
québécois. Je suis persuadé que le bilan, le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et les
députés du Parti québécois des régions
maritimes, qu'on aura à produire devant les pêcheurs à la
prochaine élection, je pense que personne de ce côté-ci
n'en aura honte.
On pourrait mentionner qu'alors qu'on a pris le pouvoir il y avait deux
lois qui avaient été adoptées pour les pêcheurs du
Québec. Une que vous avez mentionnée, M. le ministre, qui a
été adoptée à la fin des années quarante par
l'Union Nationale, à la fin des années trente, et une autre loi
dont je ne me souviens pas de la date. Cela faisait longtemps que les
pêcheurs voulaient avoir un gouvernement et un ministre qui s'occupent de
leurs problèmes parce qu'on sait que c'est probablement une
spécialité, une industrie qui a connu et qui connaît encore
énormément de problèmes. Depuis quelques années, en
fait, depuis quatre ou cinq ans, on a adopté ici à
l'Assemblée nationale au moins une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept
lois, huit avec celle qu'on adopte présentement, pour aider les
pêcheurs à se prendre en main pour sortir du marasme, pour que
l'industrie de la pêche au Québec soit de mieux en mieux
organisée. Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation nous a parlé longuement des possibilités de la
richesse des produits marins et de la possibilité qu'on peut offrir aux
consommateurs de s'alimenter de poisson, de fruits de la mer qui soient de
qualité extraordinaire et dont on aurait l'avantage de profiter les
premiers, puisque c'est ici au Québec que cela se produit.
Ce que je voulais dire aussi, quand on dit tout ce qu'on a fait dans le
domaine de la pêche, je ne comprends pas qu'un député
libéral puisse se lever et nous reprocher des choses. Encore une fois,
si on nous reprochait de ne pas en faire assez, on pourrait dire... On a
l'impression, en tout cas, qu'on va assez vite. Mais, lorsqu'un
député représente un parti qui a été au
pouvoir pendant six ans, de 1970 à 1976, et qui n'a absolument rien fait
- j'ai mentionné que les lois qui ont été adoptées
dans le domaine des pêches, on les a adoptées depuis quatre ans -
pour aider les gens dans le domaine des pêches à sortir du
marasme, moi, je ne sais pas jusqu'à quel point on peut être
capable de tenir des propos semblables à l'Assemblée nationale et
de toujours représenter ce parti politique inactif au Québec tout
le temps qu'il a été au pouvoir. (22 h 30)
Je vais vous en donner une autre preuve. Par exemple, en 1976, lorsqu'on
a
commencé à s'occuper des pêches, lorsqu'on est
arrivé au pouvoir, on s'est aperçu qu'il fallait d'abord
s'occuper du pêcheur. Les pêcheurs étaient mal
équipés. Le ministre a parlé de cela à quelques
reprises. Les bateaux étaient mal réfrigérés. Ils
étaient mal installés. Les pêcheurs n'étaient pas
équipés pour aller chercher un produit de qualité, le
rendre à terre, le rendre sur le marché.
M. le Président, savez-vous combien de bateaux de pêche ont
été construits, subventionnés en grande partie par le
gouvernement et financés par lui? En 1976, il y avait trois bateaux en
construction, d'une valeur de 73 000 $. Je vais dire comme le ministre,
c'étaient des chaloupes. En 1977, les pêcheurs ont construit 19
bateaux pour un montant de 1 250 000 $. En 1978, 24 bateaux ont
été construits pour un montant de 4 065 000 $. En 1979, il y a eu
35 bateaux pour un montant de 5 268 000 $. En 1980, il y a eu 39 bateaux pour
un montant de 9 245 000 $. En 1981, il y a eu 17 bateaux pour un montant de 3
100 000 $. En 1982, il y a eu 14 bateaux pour un montant de 5 531 000 $. En
1983, il y a eu 14 bateaux pour un montant de 6 980 000 $. Cela donne un total,
depuis qu'on est au pouvoir, alors qu'il y avait trois chaloupes en
construction en 1976, de 165 bateaux de plus de 45 pieds, équipés
avec des cales réfrigérées, qui ont maintenant
été construits par les pêcheurs avec l'aide du.
gouvernement.
Avec un bilan comme cela, je plains le député
libéral ou celui du Parti libéral qui veut essayer de nous faire
tort, qui se promène en Gaspésie, sur la Côte-Nord et
partout où l'on vit de l'industrie de la pêche. J'ai l'impression
qu'en faisant connaître ces statistiques - d'ailleurs, les pêcheurs
les connaissent déjà - au fur et à mesure qu'on parlera de
cela avec les pêcheurs, le Parti libéral se fera juger comme il le
mérite. C'est un parti qui critique constamment tout simplement dans le
but d'empêcher les gens de se prendre en main. Lorsqu'on adopte un projet
de loi - dans le domaine des pêches, c'est une preuve évidente -
qui permettra aux pêcheurs d'être un peu plus maîtres chez
eux, alors on dit: Le Parti québécois sert la cause
séparatiste. C'est épouvantable de penser qu'au Québec on
peut se gérer un peu soi-même, qu'au Québec on peut se
faire confiance, qu'au Québec on peut prendre les produits marins et les
mettre sur la table du consommateur dans le meilleur état possible, les
transformer le plus possible de façon à leur ajouter de la
valeur, de façon à pouvoir servir une clientèle, comme le
disait le ministre, qui se connaît dans le domaine des fruits de mer, une
clientèle sur les marchés de Montréal, de Québec,
sur l'ensemble des marchés du Québec, une clientèle qui
veut avoir un poisson et des fruits de mer de qualité. Plus les
libéraux se scandaliseront de ce genre de loi, plus, je pense, notre
cause avancera, plus aussi, les Québécois commencent à
réaliser que ce serait un danger incroyable de revenir au pouvoir, parce
qu'il y aura des élections d'ici 12, 15, 18 mois, avec cette
équipe qui n'a trouvé à faire depuis 1970 qu'à ne
pas agir lorsqu'elle était là et à critiquer ceux qui ont
agi une fois qu'elle a perdu le pouvoir, et cela n'a pas changé. Vous
savez, l'ancien nouveau chef va être là.
Tout à l'heure, le député de Saguenay a
traité le premier ministre de peureux. Personnellement, je n'ai pas
tellement aimé cela, parce que je ne pense pas que M. Lévesque
soit un peureux et je ne pense pas qu'il soit connu comme tel. Je pense que
notre premier ministre passe pour un homme courageux, un homme qui a su diriger
une équipe qui a passé au travers d'une crise terrible, qui a
travaillé pour la création d'emplois et qui a passé au
travers de la crise sans augmenter son déficit; il ne faut pas oublier
de le dire. Je pense que le seul qui peut croire cela, c'est peut-être le
député de Saguenay avec son équipe, mais la plus belle
preuve qu'il n'est pas peureux, c'est qu'il est ici à l'Assemblée
nationale lui aussi. Il y a un chef. Il y a des élections partielles. Si
notre chef est peureux, il est ici et il se tient debout, mais leur chef, on ne
le voit pas. Il se tient dans les corridors. S'ils ont à traiter un chef
de peureux, j'ai l'impression que dans un caucus ils auraient d'emblée
l'occasion de le faire. Ils doivent voir leur chef, eux, de temps à
autre.
M. le Président, je ne suis pas d'une grande compétence
dans le domaine des pêches, mais je sais une chose: je connais un peu
plus l'agriculture et le genre de projet de loi que présente le ministre
aujourd'hui, je peux en parler en connaissance de cause, de par
l'expérience que j'ai vécue dans le monde agricole. Je peux vous
dire que la seule façon, après s'être organisés pour
être capables de produire, après avoir réussi à
augmenter nos compétences et, ensuite, avoir le produit brut à
portée de la main, la seule façon d'être capables de tirer
le maximum de ce produit, c'est d'aller le mener nous-mêmes, comme
producteurs, sur la table du consommateur. Cela a été la
difficulté de l'agriculture. Pour les producteurs agricoles, pour les
producteurs spécialisés dans le domaine agricole, la
difficulté était de faire adopter leur plan conjoint par rapport
à des gens, comme le député de Brome-Missisquoi et
d'autres, qui servaient des intérêts autres que ceux des
agriculteurs et qui ont tenté de nuire à l'adoption des plans
conjoints. D'ailleurs, la théorie du député de
Brome-Missisquoi, je me rends compte que, maintenant, elle est adoptée
par le caucus libéral. C'est bon que la classe agricole le sache aussi,
parce que leur chef, M.
Bourassa, a dû donner la certitude à l'UPA que, si jamais
il prenait le pouvoir, le député de Brome-Missisquoi ne
deviendrait jamais ministre de l'Agriculture. Il n'aurait même pas le
droit de parler d'agriculture, parce que je pense que la classe agricole
connaît ses théories. Maintenant qu'on a entendu la
réplique de l'Opposition par rapport à ce projet de loi sur la
mise en marché des produits marins, on s'aperçoit que la
théorie du député de Brome-Missisquoi est adoptée
maintenant par le caucus libéral, ce qui veut dire que, peu importe qui
serait, dans l'éventualité de la prise du pouvoir par le Parti
libéral, ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, ce serait cette théorie qui régnerait,
c'est-à-dire contre les plans conjoints. C'est exactement ce que le
député de Saguenay nous a servi.
Pour que les producteurs, pour que les pêcheurs, pour que les gens
qui vivent des fruits de la mer puissent en tirer le maximum de profit,
maintenant qu'on est en train de faire avec eux des flottes de bateaux,
maintenant qu'on est en train de construire des usines modernes, il faut
organiser la mise en marché avec les producteurs. Il n'y a rien
d'obligatoire là-dedans, sauf que la loi va permettre aux producteurs de
s'unir et de développer leur mise en marché. Ce serait
intéressant, par exemple, d'avoir des produits marins qui fonctionnent
et qui se fassent connaître suivant une marque de commerce pesante,
connue, une marque de commerce qui réunirait suffisamment de producteurs
pour qu'on puisse se permettre de faire de la publicité, pour qu'on
puisse se permettre de prendre notre marché. Ce serait aussi
intéressant que les producteurs puissent s'unir pour développer
de nouveaux marchés et de nouveaux produits.
Qu'est-ce qu'ont permis les plans conjoints dans le domaine agricole,
par exemple, si je peux faire une comparaison? Vous vous souvenez qu'autrefois
on avait des familles plus nombreuses et qu'on pouvait vendre, par exemple,
quand les producteurs vendaient eux-mêmes, dans la période des
fêtes, des dindes qui pesaient 25 ou 28 livres. Aujourd'hui, les familles
étant plus petites, pour être capables de conserver le
marché, il faut diversifier les produits. Donc, vous pouvez avoir
maintenant des spécialités. Vous pouvez acheter seulement des
cuisses, des poitrines ou des ailes. Vous pouvez acheter seulement des parties
d'oiseau ou de dinde. C'est la même chose dans le domaine du porc et dans
tous les domaines. Ce serait intéressant de voir ce qu'on peut faire
avec les produits marins, avec les fruits de mer, les poissons, et ainsi de
suite, si on pouvait y ajouter de la transformation et si on pouvait les faire
connaître davantage et y ajouter de la transformation. Prendre le produit
à l'état brut, le pêcher et l'offrir sur le marché
aux consommateurs, c'est déjà bien, cela représente
plusieurs centaines de millions de dollars par année, mais si l'on prend
ce même produit et que l'on satisfait davantage le consommateur en le
transformant, on y ajoute de la valeur, on y ajoute du travail, donc, de la
main-d'oeuvre. (22 h 40)
II y a aussi un autre avantage pour les producteurs: actuellement, comme
on le dit chez nous, c'est au plus fort la poche. Il faut aller rapidement
pêcher et terminer le quota de production ou la prise le plus rapidement
possible, ce qui veut dire qu'il y a des pêcheurs qui travaillent
pratiquement jour et nuit; il y a des usines où l'on travaille jour et
nuit pour terminer la saison à la fin du mois de juin ou au début
du mois de juillet. Par de l'organisation et de la mise en marché, par
une meilleure planification des quotas de production, cela permettrait aux
pêcheurs de travailler plus longtemps en plus de développer leurs
produits, en plus de fournir un produit de meilleure qualité, de s'unir
pour fournir un produit de meilleure qualité; cela permettrait de
fournir au consommateur un produit plus uniforme sur l'ensemble de la saison ou
l'ensemble de l'année.
Autrefois, lorsqu'il n'y avait pas de mise en marché
ordonnée dans le secteur agricole, il y avait des périodes
où on avait des produits en abondance - on devait même les donner
- et, en d'autres périodes, il n'y avait plus de produits et le
consommateur devait payer un prix exorbitant pour des produits qui venaient
souvent de l'étranger. Aujourd'hui, par l'organisation de la mise en
marché dans le domaine agricole, on a réussi à planifier
l'offre et la demande. On a donc protégé le consommateur en lui
garantissant un produit de qualité, en quantité suffisante et
dans la période requise par le consommateur. On protège aussi le
producteur en l'assurant qu'il n'y aura pas de surabondance de produits sur le
marché, donc, qu'il y aura un prix plus stable.
Dans le domaine de la pêche, des fruits de mer et des poissons, si
les producteurs veulent s'unir, se regrouper pour se développer et faire
connaître leurs produits, pour améliorer la qualité, on
aura l'avantage de vivre exactement les mêmes expériences.
M. le Président, c'est toujours vous qui présidez?
Oui.
On aura l'avantage de vivre les mêmes expériences et
d'augmenter la valeur de nos produits marins, d'augmenter le travail dans le
secteur maritime, d'augmenter aussi les possibilités de pêche et,
enfin, d'arriver à ce que les pêches, comme l'agriculture, soient
une industrie bien organisée. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Sainte-Anne.
M. Maximilien
Polak
M. Polak: Merci, M. le Président. On parle de la loi de
commercialisation des produits marins. Nous voudrions dire au ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui a
déjà dit: Qu'est-ce qu'ils connaissent là-dedans, les
libéraux, les gars de Montréal, ils ne connaissent rien, que nous
savons comment lire un projet de loi, nous savons trouver ce qu'il y a de
dangereux là-dedans pour la population. Ce n'est pas vous qui allez nous
dire sur quel projet de loi on peut parler, c'est d'ailleurs pour cela que je
parle.
J'ai étudié ce projet de loi. Nous allons d'abord voir de
quoi il s'agit. Il s'agit de la mise en commun, par les entreprises de
transformation des produits marins, de produits dans le but de soutenir et de
promouvoir la vente de produits marins standardisés.
Deuxièmement, il s'agit du principe d'essayer d'obtenir une
stabilité de revenu pour ceux qui travaillent dans le domaine. Quand il
s'agit de ces deux principes, évidemment, nous sommes d'accord.
M. le Président, j'entends parler le ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation. Il quitte la salle. C'est bien que la
population réalise - ceux de la Gaspésie, ceux qui sont
touchés - que j'ai travaillé à ce projet de loi, que j'ai
une contribution positive à apporter et que le ministre est parti. Je
vais continuer à parler en espérant qu'il prendra des notes plus
tard, lui ou ses assistants, des choses positives que j'ai à dire.
En ce qui concerne le principe, nous sommes favorables au principe de
promouvoir la qualité des produits et de donner une stabilité de
revenus. Mais, quand on lit en détail le projet de loi, quand on voit la
bureaucratie, les pouvoirs de ce ministre qui est connu comme l'un des
ministres les plus arrogants de tout le gouvernement, on commence à
avoir peur et je vais vous indiquer pourquoi.
D'abord, le projet de loi stipule qu'à la requête d'au
moins sept entreprises de transformation on peut établir un office de
commercialisation. Cela prend un minimum de sept entreprises de transformation
qui disent: Nous, on va demander au gouvernement d'établir et de nous
accorder le droit d'avoir un office de commercialisation.
On explique dans le projet de loi ce que la requête qui demande
l'établissement de cet office de commercialisation va contenir. On dit
que la requête doit prévoir les activités de
commercialisation et la manière dont on présente son accord pour
confier cela à un office; indiquer les services que l'office doit
dispenser aux parties à l'accord; prévoir le mode de financement
des activités de l'office et fixer une contribution financière.
Qu'est-ce que cela veut dire, la contribution financière? Combien cela
coûte-t-il? Est-ce que cela coûte 100 $ par année, 100 $ par
saison, 1000 $, 2000 $? Aucune idée. Il faut avoir confiance au ministre
de l'Agriculture et je dois vous dire, M. le Président, que je n'ai
aucune confiance en lui. On voudrait voir stipulé dans le projet de loi
ce que veut dire exactement cette contribution financière.
Ensuite, on parle de la répartition de la production, de la
limitation de la production de chaque entreprise. Cela va contre le principe
que chaque entreprise doit avoir le droit de faire sa production au meilleur de
ses capacités. Limiter la production, est-ce quelque chose qu'on doit
accepter comme principe? On comprend très bien qu'il faut donner une
chance à tous ceux qui travaillent dans cette industrie de gagner leur
vie. Mais, quand on parle de limitation de la production de chaque entreprise,
qu'est-ce que cela veut dire? Encore une fois, il faut se fier au ministre de
l'Agriculture.
On parle de la part du prix de vente que l'office conservera pour
l'établissement du fonds de stabilisation des revenus. Donc, ceux qui
vont vendre à partir du moment où ce projet de loi sera
adopté devront donner une partie du prix de vente à un fonds et
ce fonds est formé pour stabiliser les revenus de tout le monde.
Qu'est-ce que cela veut dire? On doit donner combien, quel pourcentage? Est-ce
que je dois donner 1%? Je ne m'y opposerais pas comme producteur. Si je devais
donner 10%, probablement que je n'accepterais pas. Je dirais: Moi, je travaille
bien, je travaille fort, je suis économe. Là, ils
contrôlent déjà ma production et, en plus, je dois donner
un certain pourcentage de ma production, moi qui suis un travailleur
très efficace, pour le bénéfice de ceux qui,
peut-être, ne travaillent pas aussi bien que moi. C'est bien beau de
parler de social-démocratie. C'est une manière d'intervenir dans
la vie privée des commerçants qui veulent travailler au meilleur
de leurs possibilités.
Je sais qu'on n'a pas beaucoup de temps ce soir pour analyser en
détail ce projet de loi. Évidemment, il y a aussi un aspect de
droit constitutionnel. M. le Président, ce domaine du droit
constitutionnel vous intéresse. J'ai déjà parlé
avec vous personnellement de ce domaine et je sais que cela vous
intéresse beaucoup comme ancien enseignant en la matière. Vous
savez qu'on a trois sortes de commerce. On a ce qu'on appelle le commerce
intraprovincial. Cela veut dire qu'un manufacturier ou quelqu'un dans
l'industrie des pêcheries, par exemple en Gaspésie, qui veut
vendre à Montréal ou à Québec... C'est le commerce
intraprovincial. Tout le monde est d'accord là-dessus selon la
constitution
canadienne. Nous acceptons cela. C'est le domaine du droit provincial.
Évidemment, l'Assemblée nationale du Québec a parfaitement
le droit de légiférer dans ce domaine. Le commerce
intraprovincial, cela veut dire à l'intérieur des
frontières de la province de Québec. On a aussi deux autres
sortes de commerce, c'est-à-dire le commerce interprovincial, par
exemple, exporter de la province de Québec en Ontario, en Colombie
britannique ou dans d'autres provinces, et ce qu'on appelle le commerce
international, c'est-à-dire exporter de la Gaspésie vers mon pays
de naissance, par exemple, les Pays-Bas, la Hollande, ou un autre pays
d'Europe. C'est bien connu dans le domaine constitutionnel, même les
péquistes acceptent que c'est du domaine fédéral. C'est le
législateur fédéral qui a le droit de contrôler le
commerce interprovincial, entre les provinces, Québec et une autre
province, et le commerce international. (22 h 50)
Quand on lit ce projet de loi, qu'est-ce qu'on constate? Est-ce que le
ministre est en train de légiférer dans un domaine qui ne lui
appartient pas? On doit dire qu'à première vue, en lisant le
texte du projet de loi, tel que présenté, on ne retrouve pas une
violation du principe qui touche le droit de commerce interprovincial ou
international, mais, M. le Président, tout dépend comment, plus
tard, les règlements vont se lire. Je dois vous dire que, quand on lit
le texte du projet de loi, il y a des articles qui me font peur. Je suis
avocat. Je ne suis peut-être pas un expert constitutionnel comme le
député de D'Arcy McGee, un ancien professeur d'université,
mais je suis un praticien de droit depuis longtemps. Je lis certains articles
et je me dis: II y a ici des ouvertures dont le ministre peut se servir
précisément pour réglementer plus tard un domaine qui
n'est pas le sien. On connaît ce qu'on appelle en anglais son "track
record", on sait qu'il aime la chicane avec le fédéral, qu'il
aime légiférer là où le fédéral a
déjà légiféré, pas pour le mieux-être
des pêcheurs et des travailleurs et travailleuses
québécois, pas du tout, mais pour avoir une chicane, encore une
fois, avec le fédéral. C'est toujours la chicane du provincial
avec le fédéral.
C'est cela qui nous fait peur. On le dit, on n'a rien contre le projet
de loi qui, en soi, présente un objectif très intéressant,
soit d'avoir des produits standardisés de qualité
supérieure. Nous sommes tous pour cela, nous aussi de l'Opposition. Pour
avoir une certaine stabilité des revenus, nous sommes pour ceux qui
travaillent dans le domaine, mais, quand il s'agit de venir, encore une fois,
avec un projet de loi, avec une réglementation qui va intervenir dans un
domaine qui est peut-être du domaine fédéral, on dit: Non,
on ne veut pas cela; on ne veut pas encore une autre chicane sur le dos des
travailleurs québécois et des travailleuses
québécoises. M. le Président, c'est cela qui nous fait
peur dans ce projet de loi. Il y a assez d'articles dans ce projet de loi qui
donnent précisément ouverture à un ministre comme on le
connaît, avec son fameux "track record" qui nous fait peur. Il se
prépare encore ici à se lancer dans un domaine qui n'est pas le
sien.
Il y a dans ce projet de loi des éléments très
inquiétants. Qu'est-ce qui arrive? Il y a seulement sept producteurs qui
peuvent ensemble former un groupe et demander un office. Du moment que ce
groupe existe, ils peuvent revenir voir le ministre et lui dire: Voici, M. le
ministre; tous les autres qui ne sont pas là-dedans, on va maintenant
les forcer à adhérer à notre groupe. De quelle
manière? Le projet de loi le dit. Le ministre donne à ceux qui ne
sont pas là-dedans un certain délai pour négocier avec les
sept et, si cela ne fonctionne pas, le ministre se réserve le droit
d'imposer ce qu'on appelle un décret d'extension. Donc, le ministre
dira: Vous autres, qui n'êtes pas du groupe des sept, n'avez pas
accepté de faire partie du décret; à partir du moment que
j'impose le décret, vous appartenez au groupe. C'est forcer quelqu'un,
probablement contre sa volonté, à appartenir à un office
de commercialisation auquel il ne veut pas appartenir.
II y a un autre article. Je sais, M. le Président, vous me faites
signe que mon temps achève. Je note, par exemple, que le ministre se
réserve le droit - c'est incroyable - de refuser de renouveler un permis
à quelqu'un qui a déjà un permis. Le ministre peut refuser
de renouveler son permis, s'il croit que c'est dans l'intérêt
public. Si le ministre pense que quelqu'un ne chante pas sa chanson... Je ne
dis pas... M. le Président, un député me dit: si on n'est
pas péquiste, il semble qu'il ne renouvelle pas. Je ne veux pas
l'accuser à ce point, mais je dis: Si le ministre arrive à la
conclusion que quelqu'un ne chante pas sa chanson, il ne renouvelle pas son
permis. Ou, l'article 59 le dit, M. le Président: II peut même
refuser d'émettre un permis à quelqu'un s'il croit que c'est dans
l'intérêt public.
M. le Président, ce sont des dispositions que je trouve dans le
projet de loi qui sont totalement inacceptables. Je vais suivre l'opinion du
député de Saguenay, celui qui est le porte-parole dans l'affaire.
Si, tout à l'heure, il a dit que nous n'acceptons pas ce projet de loi
en principe, parce qu'il y a tellement de dispositions là-dedans qui
violent tout principe de ce qui est bon pour le pêcheur, nous disons: Je
l'appuis entièrement. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Nelligan.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, j'ai écouté le
ministre tout à l'heure défendre son projet de loi. Il nous a
cité toutes les gloires de son ministère par rapport aux
pêcheries. En 1979, il avait pris le ministère, il faisait ceci;
en 1980, il faisait un sommet; en 1981, il faisait telle autre chose; en 1982,
il augmentait la flotte de pêche; en 1983, il versait des millions de
dollars à Madelipêche, etc.
Je pense qu'il faudrait, avec raison, poser cette question au ministre:
En 1979, quand il a pris le ministère, quel était le revenu moyen
des gens qui vivent de cette industrie, des pêcheurs, des travailleurs
d'usine et des producteurs d'usine? En 1980, quel était le revenu moyen?
En 1981? En 1982? En 1983? En 1984? En 1984, au cours d'une période
où nous avons connu des poussées inflationnistes qui ont
été jusqu'à 10%, 11% et 12%, des taux
d'intérêt jusqu'à 14%, 15%, 18%, 19%, sur la
Basse-Côte-Nord, certaines familles touchent un revenu moyen de 5000 $
à 6000 $ par an.
Le ministre se targue d'avoir fait tellement de grandes choses dans les
pêches québécoises. Je pourrais demander au ministre ce qui
est arrivé à Natashquan en 1980? Est-ce qu'il y là une
nouvelle usine qu'il avait promise pour 1980? Qu'est-ce qui est arrivé
en 1981? En 1982? En 1983? En 1984? Les gens de Natashquan, à qui il
promettait, par écrit, une usine en 1980, se retrouvent, en 1984, au
même stade que celui où ils étaient lorsque le ministre a
pris le pouvoir au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation. Qu'est-ce qui est arrivé à la
Basse-Côte-Nord, là où il y avait, encore une fois, des
promesses du ministre en 1981 de bâtir une usine à Blanc-Sablon,
de régler toute la question des usines de salaison dans ses quatorze
villages qui vivent seulement de cette industrie, où les gens vivent
presque avec un revenu de famine? Qu'est-ce que le ministre a fait pendant les
années qu'il était au ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation? Il faudrait demander au ministre, au
milieu de ses accès de gloriole qu'il nous citait tout à l'heure,
ce qu'il est arrivé du budget des pêches durant son mandat de 1979
à 1984, les cinq années qu'il a passées là,
où il a périmé 20% du budget des pêches. 21 000 000
$ qui appartenaient à des gens à qui on avait
budgétisé de dépenser pour leur bien-être 21 000 000
$ qui ont été sacrifiés et périmés parce que
le ministre ne trouvait pas de façon d'aider cette industrie tellement
débile et si faible au Québec. (23 heures)
Puis le ministre vient nous citer toutes ses grandes glorioles, tous ses
grands triomphes. Parmi tous ces grands triomphes, naturellement, il cite les
projets de loi. Pour le ministre, un projet de loi équivaut à un
accomplissement. Si vous pouvez produire des projets de loi comme des petits
pâtés, si vous pouvez produire de l'écriture, si vous
pouvez produire de la réglementation, si vous pouvez faire des projets
de loi tous les jours - il y en a eu sept depuis décembre de la part du
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation par
rapport aux pêches - des quantités de projets de loi... On a eu la
loi 49, la loi 48; ce matin, on a eu la loi 74; maintenant, on a la loi 82.
Tous les jours, on nous arrive avec des projets de loi. Tous les jours, il y a
des projets de loi qui demandent une réglementation agrandie. Mon
collègue de D'Arcy McGee a fait une étude exhaustive de la
quantité de réglementations au Québec depuis la prise du
pouvoir du gouvernement en place, maintenant le gouvernement du Parti
québécois. Déjà, cette réglementation a
décuplé au Québec, mais dans le secteur du ministre, le
secteur de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation,
l'augmentation de la réglementation a été
outrancière. Dans le secteur des pêches, c'est naturellement la
même chose. Aujourd'hui même, il nous propose un projet de loi qui
va engendrer toutes sortes de réglementations encore une fois, comme
cela a été le cas récemment pour la loi 49 et comme ce
sera le cas pour la loi 48.
Le ministre vient nous dire: Cela ouvre une nouvelle époque. Il
parle de transformation, de modernisation, d'être meilleur que tous les
autres au Canada, d'être meilleur que les autres provinces, de vendre le
meilleur produit, un produit de qualité où on n'aura plus une
inspection canadienne, mais une inspection québécoise. Au milieu
de tout cela, il nous fait vivre une espèce de rêve qui est en
réalité, si on regarde les choses, si on regarde le revenu brut,
si on lit le récent rapport du CRD de 1982 qui "castiguait" les
pêches au Québec, une fiction de premier ordre. Le ministre vient
nous dire que ce projet de loi va résoudre toute la question de la
commercialisation, mais tant que nous serons un pays fédéral,
tant que nous ne sortirons pas du Canada, tant que la population voudra que le
Québec reste dans le Canada, qu'on le veuille ou non, que le ministre le
veuille ou non il s'agit d'un produit qui se vend sur les marchés
internationaux. Il s'agit de quelque chose qui est produit en même temps
par les provinces avoisinantes. Il s'agit d'un produit qui, de par sa nature
même, est international; on exporte 80% de notre production.
Comme le soulignait mon collègue de Saguenay, notre porte-parole
en matière de pêcheries, que fait cette loi pour assurer
qu'au lieu d'un produit brut, comme celui qu'on vend maintenant, nous
ayons un système de deuxième et troisième transformations
de ce produit, qu'au lieu d'importer 80% du produit fini, du produit de table,
comme on le fait maintenant, de la France, de la Norvège, de l'Islande
et d'ailleurs, du Danemark, du Portugal, on essaie de faire cette
deuxième et troisième transformations au Québec? Ce projet
de loi n'assure pas cela; aucunement. Tout ce que ce projet de loi apporte,
c'est un objectif de commercialisation collective.
Il est sûr que, comme principe, on ne peut s'opposer à un
regroupement de producteurs en vue d'une commercialisation beaucoup plus
uniforme, beaucoup plus cohérente. Nous acceptons ce principe
d'emblée. Mais lorsqu'on pose des gestes qui sont tellement
antidémocratiques dans leur fondement même qu'on fait de cette
commercialisation un objet secondaire, lorsqu'on pose des gestes où le
ministre se garde des pouvoirs discrétionnaires dans la loi, exactement
les mêmes pouvoirs qu'il s'est gardés dans les lois
parallèles, par exemple, la loi 48, à ce moment, il faut se poser
des questions sérieuses. Est-ce que, vraiment, l'objectif premier du
ministre est d'assurer une commercialisation beaucoup plus cohérente,
beaucoup plus constructive d'un produit qui est dans un secteur tellement
débile aujourd'hui, ou s'il essaie d'assumer, comme il a
déjà essayé de le faire sous la loi 49, la loi 48 et la
loi 36, le contrôle de tout un secteur qui, aujourd'hui, étouffe
sous le poids non pas physique -parce qu'il pourrait étouffer sous son
poids physique - mais certainement sous le poids figuré du ministre? Le
ministre est en train d'écraser une industrie qui est débile, qui
ne peut plus respirer déjà par la tracasserie bureaucratique, par
le manque de fonds, par le manque de soutien, par le manque d'écoute du
ministre, par le manque d'humanisme du ministre.
Là encore, on pose la question au ministre, comme on a
posé cette question pour la loi 48: A-t-il fait des audiences? Est-il
allé écouter les gens? A-t-il écouté les
producteurs? Leur a-t-il demandé leur opinion? Pourtant, mon
collègue a fait une vérification exhaustive auprès des
producteurs qui disent: On ne savait même pas ce qu'était la loi
82. Lorsque nous avons approché ces gens, beaucoup d'entre eux
entendaient parler pour la première fois du projet de loi 82 qui va les
affecter de façon directe demain ou après-demain s'il est
adopté. On espère qu'il ne sera pas adopté pendant cette
session pour le mieux-être de cette industrie.
Voilà un ministre qui ne sait pas écouter les gens, qui ne
sait pas leur parler, qui ne sait pas les entendre, qui ne sait pas les
consulter, qui va réglementer à outrance leur vie, parce qu'il a
la vérité infuse dans ce domaine. Il pense qu'il est infaillible
dans ce domaine, qu'il ne peut pas se tromper. Même s'il avait la science
infuse, il y aurait toujours des gens qui pourraient se tromper. Il y a
toujours des gens qui sont très brillants, mais qui, malgré tout,
font des erreurs. Pourquoi le ministre ne peut-il pas avoir un petit brin
d'humilité, un petit brin d'humanisme et penser que tous ces gens qui se
plaignent de ces projets de loi, qui se plaignent des tracasseries
bureaucratiques, qui se plaignent de cette réglementation à
outrance ont quelque chose de valable à dire? Si, par exemple, des
centaines de pêcheurs - il y en avait 700 - de travailleurs d'usines, de
membres de leur famille ont signé des pétitions pour demander la
tenue d'une commission parlementaire sur le projet de loi 48, ce n'était
pas parce qu'ils voulaient que ce soit joli; c'est parce qu'ils voulaient se
faire entendre, se donner la chance de dire ce qu'ils avaient à dire, de
dire au ministre qu'ils étaient inquiets face au projet de loi 48.
Maintenant, face au projet de loi 82, on fait la même chose, alors
qu'on est en train de discuter avec le ministre et d'essayer de lui dire:
Écoutez, ces gens veulent être entendus en commission
parlementaire. Présentez les règlements afin qu'on sache
où on s'en va avec cela. Il a présenté un autre projet de
loi dans lequel il y a exactement la même chose, où il se donne
des pouvoirs exceptionnels. On n'a qu'à voir le mot à mot de
certaines parties de ce projet de loi pour savoir que c'est le même genre
de principe, le même genre de philosophie qui anime encore une fois le
ministre. "Le gouvernement peut approuver la requête et l'accord de
commercialisation, s'il estime que celui-ci est dans l'intérêt
public." Alors, s'il n'estime pas que c'est d'intérêt public...
D'après un autre article, s'il juge que c'est dans
l'intérêt général de l'entreprise, il peut imposer
aux requérants de négocier. Est-on dans un pays libre?
Sommes-nous dans un pays démocratique? Sommes-nous au Québec,
sommes-nous au Canada ou sommes-nous dans un pays autocratique, un pays
doctrinaire où il faut imposer des choses? "À défaut d'une
entente dans le délai prévu, le gouvernement pourra, de sa propre
initiative, procéder à l'extension de l'accord de
commercialisation suivant les dispositions de la section II du présent
chapitre."
Il se targue d'être le Bonaparte du boeuf, l'empereur du poisson,
le grand roi du sucre. Il est dans tous les domaines et il sait tout à
la fois. Il nous disait l'autre jour qu'il a l'entreprise de sucre la plus
moderne au monde. Avec lui, tout est le plus moderne au monde. La folie de
l'affaire... Mon collègue et moi avons visité à Newport
l'autre jour une usine neuve où on allait dépenser
15 000 000 $ des deniers publics. Ce n'est pas de l'argent qui sort de
sa poche. Ce n'est pas de l'argent qui sort de la poche des collègues de
son parti. C'est de l'argent qui sort de la poche des contribuables du
Québec, 15 000 000 $. La semaine dernière, lors de l'étude
des engagements financiers de son ministère, je lui disais: Donnez-nous
des explications; comment faites-vous pour bâtir une usine de 15 000 000
$ lorsqu'il y a déjà une usine qui a coûté 500 000 $
des deniers publics? Il m'a dit: Là, on a un plan formidable. Vous
savez, notre usine sera tellement moderne qu'elle réussira à
fermer l'autre usine. À ce moment-là, on va se servir de l'autre
usine. On va l'acheter pour la seconde et la troisième transformations.
C'est cela, la grande planification dont il se vante. L'autre jour, mon
collègue et moi lui avons demandé, par rapport à sa
fameuse Madelipêche, de déposer des chiffres, de nous dire combien
d'argent il a enfoui dans Madelipêche. Il a dit: Oui, je vais vous
envoyer cela. L'autre jour, les chiffres n'étaient pas encore
prêts. Lorsqu'il additionnera ces chiffres, il réalisera que ce
sera 25 000 000 $ ou 30 000 000 $ qu'il aura mis dans Madelipêche.
Voyez la planification de l'empereur du poisson, du roi du sucre et du
Bonaparte du boeuf. Vous savez la planification avec lui est telle que, l'autre
jour, on discutait dlun engagement financier, d'une dépense potentielle
du gouvernement de 5 812 000 $ par rapport à Madelipêche. Je lui
posais des questions. Il me disait: Je ne peux pas vous donner une
réponse définitive par rapport à 2 187 000 $, parce que,
selon ce qui va se passer dans la saison, peut-être qu'on créera
une usine de crabe à Havre-Aubert, mais peut-être que non. C'est
cela, la planification que fait le ministre à l'avance. Tout cela se
fait au gré des flots. Tout cela se fait au pied levé, d'un jour
à l'autre. Aujourd'hui, le ministre se lève et parle ex cathedra,
infaillible. Il va décider aujourd'hui que l'usine de crabe sera
à Havre-Aubert. On aura l'usine et ce sera sûrement la plus
moderne au monde. On est arrivé, M. le ministre, à être la
risée du monde des pêches. (23 h 10)
Pendant que vous bâtissez votre grand empire, pendant que vous
faites l'usine la plus moderne au monde à Newport, à
côté de l'autre qui existe déjà et qui va
coûter 15 000 000 $, les gens de Natashquan, eux, se demandent pourquoi
ils n'ont pas encore d'usine. Le 23 mai 1980 - et je cite la lettre du
gouvernement du Québec - le ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, écrivait une lettre, signée
par votre adjointe parlementaire aux pêcheries d'alors, Mme Denise Le
Blanc-Bantey: "Je vous confirme sans aucune espèce d'équivoque -
c'est cela, les promesses du Parti québécois - que le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
construira cette année une usine à Natashquan afin de
répondre à l'augmentation des débarquements qu'a connue la
région de Natashquan au cours des trois dernières années."
C'était en 1980, une promesse non équivoque, et elle confirmait
qu'il y avait des budgets qui étaient déjà
réservés en 1980. Aujourd'hui, quatre ans après, on attend
encore. Pendant ce temps, vous bâtissez des folies à Newport.
Pendant ce temps, vous enfouissez des trentaines de millions de dollars dans
Madelipêche.
Je voyais l'autre jour aussi les procès-verbaux de la
troisième assemblée générale des pêcheurs de
la Basse-Côte-Nord tenue le 13 et le 14 février 1981. Là
aussi, vous faisiez des promesses. Là aussi, les pêcheurs vous
demandaient: "Qu'est-ce qui arrive à Blanc-Sablon? M. le ministre, quand
pensez-vous commencer l'installation de l'usine de séchage de
Blanc-Sablon?" C'était le 14 février 1981. Et M. Garon de
répondre: "Nous travaillons maintenant sur le projet. Il est au stade
préliminaire. Je pense qu'il sera commencé dans les prochains
mois de 1981." Aujourd'hui, on est en 1984. Il n'y a toujours pas d'usine,
mais, pourtant, vous bâtissez vos folies de seconde usine à
Newport. On vous demandait durant la même assemblée
générale annuelle: "Quels projets avez-vous pour Natashquan?" M.
Garon: "II y a un projet pour une usine de salaison qui devrait être
prêt à être annoncé lors de ma prochaine visite en
mars 1981." "Prêt à être annoncé", quand vous aviez
déjà promis cela en 1980. Vous l'avez annoncé en 1981.
Peut-être que vous l'annoncez année après année,
mais en 1984 elle n'est pas encore bâtie. Et ainsi de suite.
M. le ministre, c'est malheureux, et c'est ce que sous-tend encore une
fois votre projet de loi: les désavantages sont beaucoup plus nombreux
que les avantages. Comment voulez-vous, dans un système
démocratique, dans un système ouvert, faire des projets de loi
continuels sans aucune consultation du milieu, sans déposer de
réglementation, sans nous avertir à l'avance, nous et le milieu,
tous les gens qui paient les taxes qui font que ces projets de loi se tiennent?
Comment voulez-vous faire des projets de loi où vous vous
réservez le pouvoir de dire: Je vais vous émettre un permis si je
décide, moi, l'empereur des pêches, que c'est dans
l'intérêt public que je renouvelle votre permis? Je vais vous
suggérer de vous installer dans un office de commercialisation. Si sept
d'entre vous décident de mettre sur pied un office de commercialisation,
là, cela va exister, mais, si je décide, d'après mon
opinion personnelle, que c'est dans l'intérêt public, je vais dire
à tous les autres aussi d'en faire partie. Je vais vous imposer la
négociation. Connaissant la façon du ministre
de faire un petit tordage de bras très systématique, c'est
très facile de prévoir comment sept de ces petites entreprises
demanderont bien tranquillement au ministre de faire un office de
commercialisation. Le ministre va leur promettre monts et merveilles et, quand
il y en aura sept d'embarquées là-dedans, il pourra imposer cela
à n'importe quel nombre d'autres entreprises. Si, par exemple, il y a
des récalcitrants, s'il y a une usine qui dit: Moi, je n'ai pas envie
d'embarquer dans votre affaire, à ce moment-là, il pourra prendre
le gros marteau et frapper dur. Il va dire: Bon! C'est dans
l'intérêt public que je ne renouvelle pas votre permis.
C'est cela, vraiment, l'idée que le ministre se fait de
l'humanisme, de la démocratie, du sens d'ouverture qui devraient
caractériser toute relation entre un gouvernement et ses citoyens. Il me
semble que si on était au pouvoir - j'espère qu'un jour
quelques-uns d'entre nous, ici, iront vous remplacer - on ne dirait pas qu'on a
la science infuse, qu'on connaît toutes les réponses, qu'on a les
meilleures choses au monde, que tout ce qu'ont les autres, c'est mauvais, que
les inspecteurs du Canada sont pourris et que nos inspecteurs sont les
meilleurs. On dirait, dans quelque secteur que ce soit, qu'il y a toujours
quelque chose à faire pour améliorer ce que nous avons, qu'il y a
toujours quelque chose à faire pour économiser les deniers
publics, éviter le dédoublement, éviter les charges
inutiles quand les mêmes services sont déjà rendus par les
inspecteurs canadiens. S'ils ne sont pas bons, qu'on se plaigne aux
autorités canadiennes afin de remplacer ces inspecteurs, mais qu'on
n'aille pas dédoubler les services en nommant seize inspecteurs de plus
par la loi 49, qui nous coûtent 500 000 $ et plus par an, qu'on ne
dédouble pas, non plus, le service de protection à un coût
de 5 000 000 $ ou 6 000 000 $ additionnels par an; qu'on ne dédouble pas
les usines au coût de 15 000 000 $ par an.
Si nous étions au pouvoir - et nous espérons l'être
bientôt - au moins, nous écouterions les gens, nous irions les
consulter, nous leur expliquerions la réglementation. On ne doit pas
décider pour eux, on ne doit pas empêcher la tenue d'une
commission parlementaire, on ne doit pas refuser de les écouter. On doit
être un peu plus humain, on doit penser que beaucoup de ces gens gagnent
5000 $ ou 6000 $ par an, que ces familles sont éprouvées, que
ceux qui viennent nous voir ne viennent pas nous chanter la pomme. On ne les
connaît même pas, bien souvent, et ils viennent nous voir, ils
viennent frapper à la porte de notre bureau pour nous dire:
Écoutez, il faut faire quelque chose, car bientôt on va crever de
faim parce qu'on n'a pas eu l'usine que le ministre nous a promise il y a
quatre ans.
C'est encore cela qu'on retrouve dans votre projet de loi 82. On vous
demande d'être à l'écoute des gens, on vous demande
d'être un peu plus humain, on vous demande de faire de la consultation,
on vous demande de déposer la réglementation. Encore une fois, on
ne peut pas accepter une chose aussi antidémocratique, aussi
autocratique. Il est temps, M. le ministre, que vous vous réveilliez et
que vous réalisiez que c'est cela, le cadre de la loi 82.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Bourassa.
M. Patrice Laplante
M. Laplante: Merci, M. le Président. Je commence à
comprendre pourquoi le député de Nelligan n'est plus le
porte-parole de l'Opposition en matière de pêcheries. J'ai
essayé de trouver quelque chose sur le contenu du projet de loi 82 dans
son argumentation; en somme, il a surtout fait état du projet de loi 48.
Il s'est mêlé; 48 et 48 font 96, moins 6, je pense que cela fait
82, M. le député de Nelligan.
Ce que la population aurait aimé, c'est d'entendre parler de la
Loi sur la commercialisation des produits marins.
Une voix: Parlez-nous-en!
M. Laplante: Oui, je vais vous en parler. Cela peut sembler
étrange qu'un député de Montréal prenne la parole
sur le projet de loi traitant de la commercialisation des produits marins. Je
n'ai pas beaucoup de pêcheurs dans mon comté, je n'ai pas d'usine
de transformation des produits marins non plus, mais j'ai beaucoup de
consommateurs et j'en suis un moi-même.
Il me semble que les consommateurs sont les premiers concernés
par le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui. Le
Québec vit le paradoxe d'une industrie des pêches maritimes
tournée dans une proportion d'environ 70% vers les marchés
extérieurs alors que sa propre population s'approvisionne de produits du
Québec par l'extérieur à 82%. Cela veut dire que nous
expédions nos produits marins à l'extérieur dans une
proportion d'environ 70%; on n'achète même pas nos produits
québécois ici, on les achète de l'extérieur
à près de 82%, surtout pour les crustacés et les
mollusques.
Il n'y a aucune raison pour que la population du Québec n'ait pas
un accès plus large aux produits marins de chez nous. Tout ce qu'il faut
- et c'est là l'objectif du projet de loi 82 - ce sont des
mécanismes qui assureraient à nos 6 500 000
Québécois, nos 6 500 000 consommateurs des approvisionnements
réguliers en volume suffisant et dans des marques connues qui puissent
inspirer la confiance, étant d'une
qualité élevée et constante. Nos consommateurs ont
droit à une alimentation de qualité, variée et, dans toute
la mesure du possible, constituée de produits du Québec de sorte
que, tout en s'assurant à eux-mêmes le bien-être de la
santé, ils contribuent à l'essor économique du
Québec. (23 h 20)
Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a
prononcé la semaine dernière un discours marquant dans le cadre
de la Conférence internationale sur le droit de manger tenue à
Montréal. Dans son allocution, il a démontré que le droit
de manger, c'est avant tout le droit et même l'obligation pour un peuple
de se nourrir par ses propres moyens dans la mesure du possible. Il n'y a pas
de dépendance plus lourde à porter ni plus humiliante, lorsqu'on
dispose de ressources inutilisées, que la dépendance
alimentaire.
Le projet de loi 82 combat la dépendance alimentaire. Il favorise
l'avènement de mécanismes de commercialisation qui vont permettre
de mieux connecter notre marché et notre industrie des produits marins.
Il favorise un développement économique du territoire maritime
puisque, comme l'a expliqué le ministre, l'engorgement des
marchés internationaux va être tel au cours des prochaines
années que seules les industries de la pêche qui peuvent compter
sur un important marché national seront prospères. Il favorise
enfin la saine alimentation de notre population puisqu'une diète
équilibrée doit comporter un certain volume de produits marins de
qualité.
Le principe du projet de loi est très simple. C'est le bon vieux
principe qui dit que l'union fait la force. La commercialisation des produits
marins est une activité compliquée et délicate, compte
tenu du caractère très périssable de ces produits et de
l'éloignement des zones de pêche par rapport aux marchés.
Au Québec, la mise en marché des produits marins est, de plus,
handicapée par un grand éparpillement de l'offre, chaque
producteur s'occupant de ses propres ventes en l'absence d'une image de marque
forte, en l'absence de standardisation des produits et par les
difficultés en ce qui a trait à la régularité des
approvisionnements.
Quel consommateur est capable de nommer trois marques commerciales dans
les produits marins québécois? On pourrait nommer des marques de
fromage, parce qu'on y est habitué - pourtant, le poisson est un produit
qu'on est habitué de manger aussi - ou des marques de yogourt. Vous
allez trouver tout de suite des marques, mais, pour le poisson, on n'est jamais
capable de se centraliser sur une marque. On regarde sur nos tablettes: il y a
du poisson de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, mais il y a
très peu de poisson du Québec.
À tous ces problèmes s'ajoute une grande faiblesse dans
chaque usine. Il faudrait absolument que ces usines se regroupent pour faire
une mise en marché de leurs produits. Elles pourraient développer
des marques de commerce et les faire connaître et apprécier aux
Québécois, plutôt que de faire des ventes de fous parce
que, individuellement, chaque usine n'a pas les reins assez solides pour
assumer les inventaires et écouler sa production graduellement. Un
office de commercialisation va permettre une plus grande stabilité des
approvisionnements et créer des habitudes de consommation.
Tous ces avantages ne peuvent se concrétiser que si les produits
offerts sont de bonne qualité. Là aussi, le regroupement de
producteurs de valeur permet de se donner des services communs de
contrôle de qualité et un code de discipline qui va faire que
celui qui ne satisfait pas aux standards de qualité ne pourra pas
utiliser les marques connues. Le regroupement des industriels de la pêche
au sein d'offices de commercialisation, que veut favoriser le projet de loi 82,
constitue un progrès marquant non seulement pour les pêcheurs et
les industriels, mais aussi pour les consommateurs.
Qu'on se rappelle les histoires de pêche où on pensait que
nos produits étaient contaminés. On avait de la difficulté
avec les exportations. Le consommateur québécois ne voulait
à peu près pas en consommer. Il y a même eu une diminution
globale de la consommation des produits importés. Si on établit
une mise en marché solide, comme le propose le projet de loi 82, je ne
vois pas, M. le Président, pourquoi il n'y aurait pas un retour au
consommateur des produits qui sont fabriqués ici même au
Québec. Comme député de la région de
Montréal, pourquoi ne pourrais-je pas aussi publiciser les industries de
pêche même si je ne pêche pas dans le comté de
Bourassa?
Je voudrais aussi, avant de terminer, offrir mes félicitations au
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour avoir
présenté devant l'Assemblée nationale un tel projet de loi
qui, j'en suis sûr, était attendu depuis des années par les
pêcheurs de la Gaspésie et des autres régions afin que la
commercialisation se fasse d'abord au Québec avant d'envoyer tous nos
produits à l'extérieur et avant de faire venir d'autres produits
de l'extérieur prenant la place de ceux du Québec. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Je
voudrais demander l'ajournement du débat.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
d'ajournement est adoptée?
Une voix: Adopté.
M. Fréchette: Adopté, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du
Travail.
M. Fréchette: À la suite de cette motion du
député de Maskinongé et conformément à une
entente intervenue entre les leaders des deux partis, M. le Président,
je fais motion pour que nous ajournions nos travaux à demain matin, 10
heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
Nos travaux sont ajournés à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 27)