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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 5 juin 1984 - Vol. 27 N° 101

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures une minute)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez prendre vos places.

Aux affaires courantes, déclarations ministérielles, M. le ministre du Revenu.

Modifications à la Loi concernant les travailleurs

au pourboire de la restauration et de l'hôtellerie

M. Robert Dean

M. Dean: Merci, M. le Président. Après de multiples démarches et consultations, le gouvernement du Québec accepte de modifier la loi sur les pourboires pour la rendre plus conforme aux réalités des intervenants de l'industrie et du tourisme. Dans les circonstances, on a réglé pour le mieux avec le plus grand souci d'équité et de justice.

La solution déposée répond à bien des égards aux demandes formulées par les divers groupes. Elle retient les principes fondamentaux de la loi 43 en assurant un équilibre entre les objectifs d'équité fiscale et d'équité sociale. Elle contribue également à protéger l'industrie de la restauration, de l'hôtellerie et du tourisme, tout en conservant aux employés les bénéfices déjà acquis. Autour des tables de consultation, des positions multiples, variées, opposées, parfois même au sein de mêmes groupes d'intervenants, m'ont permis de ne trouver qu'un seul consensus: la solution miracle dans l'industrie du tourisme dépasse largement le cadre de la loi 43 et des prérogatives du ministère du Revenu.

Cette approche m'amène à privilégier une solution à deux volets, soit des aménagements législatifs et une approche globale aux multiples problèmes de l'industrie touristique québécoise.

Les aménagements que je désire apporter aux modifications législatives introduites par la loi 43 s'appliqueront à compter du 17 juin 1984 et sont produits en annexe à la présente déclaration.

Comme vous pourrez le constater, M. le Président, nous avons abandonné la mesure concernant l'attribution de 8%, de même que l'usage du registre des pourboires à chaque période de paie. De plus, tel que prévu précédemment, ces amendements législatifs conservent les acquis des employés en regard des différents avantages sociaux. De plus, une nouvelle norme minimale est introduite dans la loi à l'égard des pourboires déclarés par ces travailleurs. D'un autre côté, ces aménagements seront aussi bénéfiques aux employeurs. En effet, en plus de ne pas assujettir à certaines contributions d'employeur les pourboires déclarés par les employés, les employeurs bénéficieront d'une réduction de leur charge administrative du fait que la déclaration des employés à l'égard de leurs pourboires s'effectuera désormais annuellement.

Deuxièmement, les problèmes des employeurs et des employés au pourboire débordant de beaucoup le cadre de la fiscalité demeureront insolubles à moins d'être intégrés dans une approche touristique globale. Cet aspect, mon confrère, M. Rodrigue Biron, ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, en a saisi toute la dimension et accepte, en réponse, d'ailleurs à une demande des gens du milieu, de participer pleinement à un comité d'action formé à cette fin qui devra me soumettre ses recommandations d'ici le 17 décembre 1984.

Le mandat de ce comité consistera à faire des recommandations au gouvernement sur les mesures à prendre à l'égard des deux grandes questions suivantes: le développement économique du secteur en regard de sa concurrentialité, de la rentabilité de ses entreprises, de la qualité du produit touristique et de sa mise en marché tant interne qu'externe, du niveau de l'emploi; deuxièmement, la reconnaissance du statut des travailleurs de ce secteur en regard de leur statut et de leurs qualifications professionnelles, la formation professionnelle tant sur le plan technique que celui de l'accueil et de la promotion touristique et la sécurité du revenu non légiférée, par exemple, l'assurance collective.

La présidence de ce comité d'action, formé paritairement de représentants des employés et employeurs du milieu, sera assurée par une personne venant de l'extérieur du gouvernement et possédant une connaissance approfondie de l'industrie. De plus, ce comité bénéficiera de tout le support technique désiré par la présence d'un représentant des ministères suivants: Agriculture, Pêcheries et Alimentation, Industrie, Commerce et Tourisme, Loisir, Chasse et Pêche, Main-d'Oeuvre et Sécurité du revenu, Revenu et Travail.

Enfin, M. le Président, pour régler la question de l'assurance-chômage, laquelle demeure entière, le gouvernement poursuivra ses démarches afin que les employés au pourboire aient droit, d'une manière ou d'une autre, à l'assurance-chômage comme toute autre personne salariée. Merci, M. le

Président.

Le Président: Pour la bonne compréhension de l'Assemblée, M. le ministre, il faudrait que vous déposiez l'annexe à laquelle vous avez fait référence, s'il y a consentement, évidemment. Il y a consentement. L'annexe est donc déposée. M. le député de Charlesbourg.

M. Marc-Yvan Côté

M. Côté: M. le Président, la déclaration du ministre du Revenu nous amène à faire quelques remarques d'ordre général et des remarques d'ordre spécifique. Dans tout ce débat qui a entouré l'adoption de la loi Marcoux, il y a une certitude: c'est que le milieu exigeait que cette loi Marcoux soit refaite. Aujourd'hui, on assiste à l'énoncé du ministre qui vise une tentative d'améliorer la loi 43. Lorsque le député de Prévost a été nommé ministre du Revenu et, par le fait même, récupérait le dossier de la loi 43, tout le monde s'entendait pour dire que ses talents de négociateur allaient faire en sorte que les problèmes découlant de la loi 43 seraient réglés.

Évidemment, c'était sans compter sur la mise en tutelle par le bureau du premier ministre, par M. Bélanger, entre autres, pour trouver une façon élégante de reculer. Or. est habitué à ce genre d'exercice au PQ. Ils sont forts en principes, en belles images, en consultations, en concertations, en sondages. M. le Président, c'est dans la pratique que l'on retrouve les surprises comprises derrière les belles images. Ce que l'on se doit de constater à ce moment-ci, après l'énoncé du ministre, c'est que cela aura pris trois mois au ministre - le ministre va comprendre, étant un ex-syndicaliste; les employés et employeurs vont aussi comprendre - à brasser une bière "flat".

Rien dans cette déclaration ne nous rassure quant aux intentions législatives qui seront éventuellement déposées devant cette Chambre. C'est donc avec méfiance que nous allons scruter à la loupe les amendements que le ministre déposera dans les jours prochains. Le ministre crée un comité où six ministères seront représentés ainsi que des employés et des employeurs, paritairement. La présidence de ce comité sera confiée, selon ses propres propos, à une personne extérieure, probablement de façon que ce soit conforme au document de rétablir la crédibilité, d'aller autant que possible chercher des personnes à l'extérieur pour prouver que le gouvernement a une bonne gestion.

Mais, M. le Président, ce qu'il y a de plus odieux dans le geste que le ministre pose, c'est que le 22 mars dernier, à la suite d'une tournée dans tout le Québec, le Parti libéral avait proposé de confier un mandat d'initiative à la commission de l'économie et du travail, mandat qui mercredi dernier a été refusé par la majorité servile qui, elle, était au courant de vos intentions, M. le ministre. Cela a été de mettre en tutelle la commission de l'économie et du travail et de refuser le mandat qui est presque identique à celui qui avait été demandé à la commission. Est-ce que ces gestes, aujourd'hui, cet énoncé qui arrive aujourd'hui, ne serait pas en préparation du jugement sur un recours collectif qui a été déposé et dont le jugement doit arriver ces jours-ci?

Je me souviens encore d'une déclaration que le sous-ministre a faite qui disait que la loi était injuste, inapplicable et inacceptable. Est-ce qu'après la déclaration du ministre, aujourd'hui, nous sommes en mesure de dire qu'elle est moins inapplicable, moins injuste et moins inacceptable pour les employés? Ce que l'on constate, c'est que dorénavant, il faudra que l'employé au pourboire anticipe les revenus et déclare un an à l'avance ce qu'il pense gagner, qu'il n'y a aucune espèce de garantie, ce que nous exigions, quant au non recours du ministère. Qui plus est, le 18 mai, c'est quand même assez récent, c'était en pleine période de consultation finale, la direction générale de la vérification expédiait dans tout le Québec une lettre disant que la loi s'appliquait et donnant par écrit la garantie qu'il n'y aurait pas de non recours.

C'est exactement la même garantie qu'avait soumise votre sous-ministre dans le registre qui, finalement, ne donne, sur le plan législatif, aucune espèce de garantie quant au non recours de votre ministère. Cela ne réglera en rien les conflits de travail à l'intérieur des lieux de travail. Cela ne règle en rien les problèmes revendiqués par les employés sur des imputations additionnelles de factures non payées, de dépenses supplémentaires quant à l'habillement, quant à la coiffure, quant aux taxis. S'il y a des tenants dans la déclaration, je demanderais au ministre de nous apporter des explications. À la première page lorsqu'il parle des employés, il est dit: "De plus, une nouvelle norme minimale est introduite dans la loi à l'égard des pourboires déclarés par ces travailleurs." Quelle est cette norme? On le verra dans la loi, mais si aujourd'hui vous pouvez nous le dire, vous allez éclairer bien des personnes qui s'interrogent.

La présomption de malhonnêteté des travailleurs demeure, ce qui est surprenant d'un ministre qui a oeuvré dans les milieux du travail. Quant aux employeurs, le ministre nous dit: L'attribution est disparue. Vous avez effectivement raison, M. le ministre. Mais ce qui était le registre facultatif des employés devient maintenant un registre obligatoire pour les patrons, qui vont devenir vos serviteurs, des policiers et vos percepteurs. M. le Président...

Le Président: En conclusion, M. le député.

M. Côté: Oui, M. le Président. M. le Président, vous le comprendrez, c'est un débat qui a eu cours au Québec depuis de nombreux mois, et la vérité doit sortir.

Le Président: Oui, mais la période de temps prévue est quand même de cinq minutes.

M. Côté: Je termine, M. le Président, si on veut me laisser parler...

Une voix: Cela vous fatigue. M. Pagé: Protégez-le.

M. Côté: Merci. Finalement, on ne règle rien quant à la discrimination concernant le "fast food" et quant aux autres repas. Je dois conclure qu'à la lumière de l'énoncé du ministre et du budget présenté dernièrement, celui-ci n'a pas réussi à convaincre le ministre des Finances d'abaisser la taxe sur les repas de 10% à 7%. Si ce comité que vous formez doit faire rapport en décembre, M. le Président, n'y aurait-il pas eu lieu d'attendre le rapport de ce comité afin d'amender la loi pour qu'elle soit plus conforme...

M. Gratton: C'est cela.

M. Côté: ...à ce que ce comité proposera? D'autre part, cela vous permettrait d'aller refaire vos devoirs mal faits pour le gouvernement fédéral.

Le Président: En réplique, M. le ministre du Revenu. (14 h 20)

M. Robert Dean (réplique)

M. Dean: Très rapidement, M. le Président, je veux souligner les multiples rencontres avec le milieu, les employeurs, les employés à tous les paliers, tant le palier national, le palier régional que le palier local depuis le début de cette démarche. On a eu à faire face à des opinions complètement divergentes. Il y avait presque autant d'opinions que d'intervenants. Le témoignage de ce milieu indique quant à moi que celui-ci a besoin de se prendre en main, que ses propres intervenants doivent apprendre à se parler et qu'il doit chercher avec l'aide du gouvernement des solutions à ses problèmes, tant ses problèmes économiques que la reconnaissance du statut de ses employés. Dans les solutions que je propose aujourd'hui, M. le Président, je tiens compte dans bon nombre de cas des suggestions précises faites par des intervenants à ces tables de consultation. L'encadrement de ma proposition, M. le Président, tient même compte en cours de route de certaines revendications exprimées publiquement ou en privé par l'Opposition. Dans un domaine assez complexe, on tient à apporter des solutions à court terme aux problèmes posés par l'administration de la loi 43, aux difficultés d'application, tout en débouchant sur un groupe d'action, un groupe de travail formé d'intervenants du milieu, ce qui donnera une chance, peut-être pour la première fois, aux employeurs et aux travailleurs de s'asseoir autour d'une même table, de discuter de leurs problèmes communs et non seulement de recommander au gouvernement quelles mesures prendre, mais aussi de voir ce qu'ils sont prêts à faire pour apporter une solution à leurs propres problèmes, les problèmes de leur secteur, tant sur le plan économique que social.

Projet de loi 224

Le Président: À la présentation de projets de loi, j'ai le plaisir de déposer le rapport du directeur de la législation au sujet du projet de loi 224, Loi concernant la ville de Val-d'Or.

M. le directeur de la législation a constaté qu'un avis a été publié conformément aux règles de fonctionnement concernant les projets de loi d'intérêt privé et que la preuve de publication de cet avis reste à faire. Toutefois, cet avis est en date du 31 mai et une toute dernière vérification avant l'entrée en Chambre nous permettait de constater que la preuve de publication a été faite. Je déposerai donc un autre rapport, plus complet cette fois, plus tard cet après-midi. Si bien qu'il n'est pas nécessaire de déroger aux règles de fonctionnement pour la présentation du projet de loi 224, Loi concernant la ville de Val-d'Or par M. le député d'Abitibi-Est.

L'Assemblée accepte-t-elle de se saisir de ce projet de loi?

Il en est donc ainsi décidé. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Bédard: M. le Président, je voudrais tout simplement faire motion pour déférer le projet de loi à la commission de l'aménagement et des équipements.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Aux dépôts de documents, M. le leader du gouvernement.

Statistiques en réponse à une question du député de Sainte-Marie

M. Bédard: M. le Président, je voudrais déposer en deux copies une réponse à une question inscrite au feuilleton par le député de Sainte-Marie.

Le Président: Document déposé. Oui, M. le député de Frontenac.

Document concernant l'administration de la justice

M. Grégoire: M. le Président, je voudrais, avec le consentement de tous les membres de cette Chambre, déposer un document d'intérêt public concernant l'administration de la justice.

Le Président: Y a-t-il consentement unanime pour que M. le député de Frontenac puisse déposer ce document? Il ne semble pas y avoir d'opposition. Document déposé.

Aux dépôts de rapports de commission, il n'y en a pas, ni de pétitions, ce qui nous mène à la période de questions des députés. Je donne tout de suite avis à la Chambre que M. le ministre de l'Éducation m'a fait part, dans les délais, qu'il compte apporter un complément de réponse à la question qui était posée par le député de Saint-Laurent le 22 mai dernier et qui portait sur la situation à la Faculté de droit de l'Université de Montréal.

Cela étant, à la période de questions des députés, M. le whip de l'Opposition.

Questions et réponses orales

Les propos du premier ministre sur les événements du 8 mai

M. Pagé: M. le Président, en fin de semaine, dans la revue "Québec Rock", le premier ministre, M. Lévesque, tentait à sa façon d'expliquer les événements malheureux qui sont survenus ici, à l'Assemblée nationale, il y a un mois, soit le 8 mai dernier. Je me permets de citer brièvement une partie du texte. C'est le premier ministre qui parle: "Ce que je trouve absolument invraisemblable, et ça implique un cerveau fragile au départ, c'est que son comportement reflète une sorte de conditionnement, d'autoconditionnement, si on veut, mais d'un conditionnement, tout de même, qu'il a retourné contre lui-même. Il a dû entendre une propagande sur ce qui se passait au Québec, c'est inévitable dans ces milieux."

Un peu plus loin, il disait, et je termine la citation: "Remarquez, je vais vous dire le fond de ma pensée. Le simple fait qu'il soit allé porter sa cassette à M. André Arthur, un visage qu'on connaît bien, implique aussi qu'il a baigné un peu dans le genre de climat que crée cet animateur de radio, littéralement un climat de vomissement complet."

Ma question au premier ministre est la suivante. Comment les lecteurs de cette revue et l'ensemble des citoyens du Québec qui ont entendu cette déclaration ne sont-ils pas justifiés d'y voir de votre part et de la part du chef du gouvernement et du gouvernement une tentative de récupération politique d'un événement malheureux et regrettable auquel, jusqu'à maintenant, les références qui y ont été faites ici à l'Assemblée nationale, l'ont été de façon sobre, modérée et empreinte de dignité?

Le Président: Avant de permettre à M. le premier ministre de répondre, le cas échéant, j'attire l'attention des députés sur l'article 35, paragraphe 3, qui dit bien: "Un député qui a la parole ne peut: 3° parler d'une affaire qui est devant les tribunaux ou un organisme quasi judiciaire, ou qui fait l'objet d'une enquête, si les paroles prononcées peuvent porter préjudice à qui que ce soit."

En l'occurrence, dans la question qui nous préoccupe, il y a une personne contre laquelle des chefs d'accusation ont été portés. Cette personne a droit à un procès juste et équitable. Elle est présumée innocente jusqu'à ce qu'elle soit...

Des voix: ...

Le Président: Nous parlons d'un règlement qui s'applique aux propos tenus dans cette Chambre. La personne a droit à un procès juste et équitable et elle est présumée innocente jusqu'à ce qu'elle soit reconnue coupable. Dans les circonstances, et compte tenu des précédents plutôt fâcheux que nous avons connus en cette Chambre, je n'ai pas d'objection à ce que M. le ministre réponde à la question, mais en étant bien conscient que dès lors que lui ou une personne de l'Opposition aborderait quoi que ce soit de nature à nuire aux droits de l'accusé, je devrais évidemment interdire soit la question, soit la réponse.

M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, très simplement, l'entrevue dont il s'agit a été réalisée le 14 mai, c'est-à-dire quelques jours seulement après l'événement. Il faut quand même replacer cela dans le climat qui prévalait à ce moment-là. Je m'en suis tenu rigoureusement à des commentaires très généraux en évoquant des choses, qui, dans l'ensemble ont été dites par à peu près tout le monde à l'époque aussi bien des députés d'ici comme du fédéral, des éditorialistes, des citoyens. Je ne vois absolument rien là qui puisse - je le crois en tout cas -

constituer une atteinte aux droits de l'accusé éventuel dont il est question, mais très simplement un commentaire qui était, à ce moment-là, celui que m'inspiraient les événements.

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, cette entrevue, tous ceux qui l'ont lue et en ont pris connaissance sont unanimes à constater que le premier ministre impute des motifs et tente d'expliquer à sa façon, comme je l'ai dit, pourquoi de tels événements malheureux seraient survenus. Il réfère à la "vomissure" d'André Arthur. Il réfère au fait qu'il a été dans l'armée canadienne, etc. sur un ton qui laisse à désirer.

Ma question additionnelle au premier ministre est la suivante - je voudrais qu'il soit très serein, très calme: comment concilier de tels propos de votre part comme chef du gouvernement et comme premier citoyen du Québec - parfois vous semblez oublier que vous êtes le premier citoyen du Québec - avec la sobriété, la dignité et la respectabilité que commandent vos fonctions, M. le premier ministre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, les gens jugeront. Ceux qui liront la revue n'auront peut-être pas la même opinion que l'Opposition. C'est normal que l'Opposition ait toujours la même opinion.

Pour ce qui est de M. André Arthur, je citerai simplement ceci qui vient d'une source que l'Opposition considérera sans doute très respectable et qui est un député de la région de Québec, sauf erreur, le député fédéral et 'président du caucus québécois du Parti libéral, M. Dennis Dawson et qui, le 9 mai, avant que je me prononce si peu que ce soit là-dessus, disait ceci: "Cela m'ennuie - continue M. Dawson - de penser que la mentalité qu'on semble encourager dans la société, c'est d'inviter le monde à se défouler sur les parlementaires. C'est la mentalité des lignes ouvertes à la radio. On incite les gens à tout nous mettre sur la tête et cela finit par aboutir à des folies." Je trouve que M. Dawson cette fois-là avait parfaitement raison, que cela s'applique dans certains cas comme celui que j'ai mentionné et qu'il a fait montre de plus de lucidité et de courage que l'Opposition qui essaie de patauger pour voir s'il n'y a pas moyen de compliquer les choses.

M. Pagé: M. le Président.

Le Président M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, le premier ministre nous indique que nous avons toujours la même opinion. Je lui dirai qu'avec la dignité qui le caractérise toujours, c'est explicable.

M. Bédard: Ce n'est pas une question de... (14 h 30)

M. Pagé: Une question additionnelle au ministre de la Justice. M. le ministre de la Justice, comment pouvez-vous concilier des propos tels ceux formulés par le chef du gouvernement et le premier citoyen du Québec avec le principe qui est fondamental en justice et ce pour tout prévenu, peu importe l'acte qu'on lui reproche, ce principe fondamental pour ce prévenu du droit à une défense pleine et entière?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, effectivement il s'agit d'une question pertinente que j'ai posée aux responsables du ministère en matière de poursuite criminelle. Leur réponse, c'est qu'effectivement il n'y a pas, dans les propos du premier ministre, quoi que ce soit qui à nos yeux... M. le Président, je comprends peut-être que l'Opposition souhaiterait que les hauts fonctionnaires responsables de l'administration de la justice soient d'accord avec le Parti libéral mais ce n'est pas comme cela qu'ils font leur métier. Ils font ce qu'ils ont à faire.

Le Président: M. le député de Verdun, s'il vous plaît!

M. Johnson (Anjou): Cela va, ça.

Le Président: M. le ministre de la Justice. M. le ministre de la Justice n'a pas fini de répondre.

Une voix: Finissez! Une réponse contraire...

M. Johnson (Anjou): M. le Président, effectivement, après avoir consulté les fonctionnaires responsables de l'administration de la justice au ministère, notamment au niveau de l'administration des poursuites criminelles, ces juristes éminents, qui sont des gens qui ne sauraient tolérer des ingérences de la nature de celle qu'on laisse entendre par le genre de quolibets qu'on profère de l'autre côté, sont d'avis qu'il n'y a pas, dans le rapport de ces propos dans cette revue, matière à nuire au processus normal de la justice.

Je dirai, en ce qui me concerne, une fois que j'ai entendu cette opinion et après avoir lu ces propos, que je serais d'avis qu'il y a là la répétition d'un certain nombre de

propos qui ont circulé à l'époque et dans la bouche d'autres personnes que le premier ministre.

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Une dernière question additionnelle. Le ministre de la Justice nous confirme qu'après une demande expresse formulée auprès d'experts de son ministère, ceux-ci lui ont confirmé que les propos du premier ministre n'ont pas nui au droit pour ce prévenu d'avoir un procès juste et équitable. Devons-nous comprendre que, du simple fait que vous, comme ministre de la Justice, ayez demandé cet avis, vous vous en êtes inquiété vous-même?

Une voix: C'est une drôle de responsabilité.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, d'une part, je pense qu'il appartient au mandat du ministre de la Justice d'être prudent, de prendre des précautions et, deuxièmement, il appartient à un membre du Conseil exécutif de savoir que l'Opposition fait flèche de tout bois et d'être préparé.

Le Président: Question principale, M. le député d'Argenteuil.

Une voix: ...pour le dauphin.

M. Ryan: Est-ce que le ministre de la Justice, dans l'avis qu'il a demandé à ses conseillers, leur a demandé si cela pouvait être une ingérence dans le processus de la justice que de traiter un accusé éventuel de fou avant même que le procès ne soit instruit et que la preuve de cela n'ait été faite?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, si, jusqu'à maintenant, les propos qui ont été tenus autour de cette terrible affaire et dont vous devez être juge - vous l'avez rappelé -au niveau de cette Assemblée, aux yeux de nos conseillers juridiques, ne nous permettent pas de constater qu'il y a là, de quelque façon, un motif ou un motif probable de croire que cela nuit aux procédures judiciaires. Je pense que si le député d'Argenteuil continue à s'aventurer comme il le fait, on pourrait rapidement sombrer là-dedans. Il nous en a déjà donné un exemple.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Question additionnelle. Je vois que le ministre a le dossier devant lui; j'imagine que l'opinion est là aussi. J'aimerais demander au ministre de déposer la demande qu'il a faite d'une opinion et l'opinion elle-même des juristes éminents. Je vois que le ministre a tout cela devant lui.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou); M. le Président, le député de D'Arcy McGee devrait savoir que le ministre de la Justice ne dépose jamais ses opinions en Chambre.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: M. le Président, n'est-il pas vrai que dans d'autres circonstances, d'autres ministres de la Justice ont eu la franchise de déposer certains documents?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, il arrive régulièrement que le ministère de la Justice dépose un certain nombre de documents s'il paraît d'intérêt public de le faire d'une part; d'autre part, dans les circonstances, il ne me paraît pas d'intérêt public de déposer un avis qui n'a pas été écrit, mais qui a été demandé oralement, ni... M. le Président, je me plais effectivement à constater que la qualité des relations qui existent entre le ministre de la Justice et ses hauts fonctionnaires leur permet de se parler régulièrement.

Le Président: Question principale, M. le député de Laporte.

Rapport au sujet de M. Pierre Allard

M. Bourbeau: M. le Président, je veux poser une question au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. En janvier 1984, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme nommait M. Pierre Allard à la Société des alcools du Québec en charge du projet visant à transformer les succursales de la société en coopératives. M. Allard, était avant cette date, organisateur politique du ministre, président de l'association péquiste du comté du ministre et président de la Coopérative de travailleurs de Manseau, comté du ministre, une coopérative virtuellement en faillite.

Malgré les nombreuses protestations de l'Opposition, le ministre a déclaré à plusieurs reprises que ce n'était pas pour des raisons politiques, mais à cause de sa grande compétence que M. Allard avait été nommé

à la Société des alcools du Québec. J'aimerais demander au ministre la question suivante: Est-il au courant qu'un rapport de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec, rédigé à la suite d'une inspection et d'une vérification de la Caisse populaire de Manseau, fait état d'anomalies extrêmement sérieuses à l'égard de transactions concernant la Coopérative de travailleurs de Manseau et son président-directeur général M. Pierre Allard, et que dans ce rapport, daté du 30 janvier 1984, les inspecteurs ont constaté des opérations dites de "kiting" ou des jeux de chèques dans le compte de la coopérative, et que plusieurs dépôts au compte personnel de M. Pierre Allard étaient constitués de chèques émis à l'ordre de la coopérative dont, entre autres, un chèque de 14 420 $ émis à l'ordre de la coopérative et déposé au compte personnel de M. Pierre Allard?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, je croyais que le député de Laporte allait poser certaines questions cette semaine sur ce sujet, puisque la semaine dernière il s'est rendu lui-même à Manseau vérifier certains de ses avancés. J'ai pu, à mon retour de voyage lundi, discuter avec certaines des personnes que le député de Laporte a rencontrées. Non, je n'étais au courant d'aucun rapport dans le sens que le député de Laporte parle. Deuxièmement, je pense qu'il faut aussi que le député de Laporte soit responsable à l'égard des coopératives de travailleurs. C'est nouveau, c'est sûr que c'est nouveau des coopératives de travailleurs, cela n'existe pas par milliers nulle part. Ce furent, pour la plupart, des expériences pilotes qui ont été vécues lorsque les groupes de travailleurs se sont réunis ensemble et ont essayé de se sortir du trou par eux-mêmes, lorsque d'autres entreprises privées ne pouvaient pas faire la même chose. C'est dans ce sens.

Le Président: Voyons!

M. Bédard: M. le Président, question de règlement.

Le Président: Un rappel au règlement du leader du gouvernement. À l'ordre! M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: Je crois que vous avez été en mesure de constater, de même que ceux et celles qui nous écoutent à la télévision, que lorsque le député de l'Opposition a posé sa question, nous l'avons écouté, je pourrais dire, presque religieusement et je peux...

M. le Président, ceux et celles qui nous écoutent sont à même de constater qu'à partir du moment où le ministre donne sa réponse, que l'Opposition en soit contente ou pas, elle n'a pas à manifester. L'attitude de l'Opposition, qui se conduit d'une façon inacceptable en termes de décorum, fait en sorte que le ministre n'est même pas capable de donner les réponses. Si l'Opposition ne veut pas avoir de réponses, à ce moment-là, qu'elle ne pose pas de questions. Ou qu'elle attende les réponses. (14 h 40)

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Sur la question de règlement, M. le Président. J'aimerais faire remarquer par votre entremise au leader du gouvernement - si, de ce côté-là, on l'a écoutée - que la question qui a été posée par le député de Laporte a été formulée selon l'article 76 de nos règles de pratique. Il n'a fait que donner un court préambule à la question, ce qui est permis, pour la situer dans son contexte. Il a posé une question précise, à savoir si le ministre était au courant du rapport qu'il a cité. On n'a pas demandé au ministre de nous livrer le fond de sa pensée sur les coopératives de travailleurs. En répondant de la façon dont il l'a fait, le ministre a violé l'article 79, et c'est pour cette raison qu'on rouspétait de ce côté-ci.

Une voix: Question...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, les remarques du leader de l'Opposition sont justement en train d'illustrer mes propos...

Des voix: Oh!

M. Bédard: II en train d'illustrer le fait qu'il n'a tout simplement pas fait son travail comme leader de l'Opposition, parce que s'il croyait que la réponse du ministre était irrégulière, il y a un article du règlement qui permettait au leader de l'Opposition - et non pas au poulailler de l'Opposition de manifester - de se lever et de faire ses recommandations ou ses représentations au président. Je vous demande de vous conduire d'une façon responsable.

Le Président: Bon! M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme était en train de répondre à la question. Nous pourrions peut-être entendre la fin de sa réponse avant de passer à une question complémentaire. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: Oui. Je voulais dire, M. le Président, que j'ai bien l'intention, par tous les moyens possibles dans mon rôle de ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et aussi responsable des coopératives, de promouvoir les coopératives de travailleurs. Dans ce sens, je m'engage à y travailler.

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Question additionnelle, M. le Président. Le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme est-il au courant qu'à l'époque où M. Pierre Allard se promenait en compagnie du premier ministre et du ministre, comme cela apparaît ici sur la brochure électorale de M. Pierre Allard -M. Allard tentait de se faire élire à la mairie de Manseau paroisse, comté de Lotbinière - le même Pierre Allard, selon le rapport d'inspection et de vérification, s'approvisionnait en numéraire, c'est-à-dire en argent liquide, en effectuant des dépôts considérés fictifs via un guichet automatique? Le ministre réalise-t-il que de tels agissements constituent des actes s'apparentant à de la fraude?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, il y a environ 40 000 personnes dans Lotbinière et je dirai au député de Laporte que je ne peux pas vérifier ce que 40 000 personnes font individuellement là-dessus.

Des voix: Ah! Ah!

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, compte tenu des faits...

Le Président: Cette fois, c'est votre propre collègue qui souhaite prendre la parole.

M. Bourbeau: ...troublants exposés dans le rapport de vérification et d'inspection de la caisse populaire à savoir que de graves anomalies et des opérations illégales, à toutes fins utiles s'apparentant à de la fraude, ont été constatées à l'égard de la Coopérative de Manseau et de son ex-président-directeur général, M. Pierre Allard, le ministre peut-il nous assurer qu'une enquête judiciaire sera entreprise dans les meilleurs délais et qu'entre-temps M. Pierre Allard sera dès maintenant relevé de ses fonctions à la Société des alcools du Québec et, plus particulièrement, des fonctions qui en font le principal artisan du projet de convertir des succursales de la Société des alcools en coopératives?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, premièrement, j'ai dit tout à l'heure au député de Laporte que je n'étais pas au courant de cette enquête; deuxièmement, s'il y a des enquêtes judiciaires qui sont faites, je pense que le ministre de la Justice en est responsable et que c'est au ministère de la Justice à en décider; troisièmement, quant aux coopératives de travailleurs, je vous ai dit que j'ai bien l'intention de faire la promotion de ce genre de coopératives. Le gouvernement a décidé d'en faire jusqu'à une vingtaine pour vivre un projet pilote. Nous allons essayer de vivre le projet pilote le mieux possible.

Finalement, je veux dire au député de Laporte que je suis ici à l'Assemblée nationale, dans mon rôle de ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, pour travailler sérieusement au mieux-être des citoyens du Québec. Je ne viens pas ici, comme le chef de l'Opposition officielle, pour jouer. Je ne suis pas ici pour jouer, je suis ici pour travailler sérieusement à l'Assemblée nationale.

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Question complémentaire. Le ministre n'est-il pas d'accord que la nomination de M. Pierre Allard à la Société des alcools du Québec était motivée bien plus par les états de service de M. Pierre Allard au sein du Parti québécois et plus particulièrement de l'association péquiste de Lotbinière que par la compétence et l'intégrité de ce dernier et qu'en définitive, c'est non seulement le Parti québécois, mais également le ministre lui-même et tout le gouvernement qui voient leur crédibilité ternie et affaiblie par cette nomination qui n'est, en fait, que du patronage éhonté effectué par...

Le Président: M. le député...

M. Bourbeau: ...un gouvernement de plus en plus corrompu?

Des voix: Oh! Des voix: Bravo! Une voix: C'est vrai!

Le Président: La dernière partie de votre question...

Une voix: Oui, mais c'est vrai pareil! Le Président: ...contenait quelques

arguments.

M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: Je regrette que, de l'autre côté, on n'ait pas une vision de l'avenir et qu'on ne veuille pas faire du développement économique.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Biron: Chaque fois qu'on veut parler de quelque chose de nouveau, quelque chose qui peut permettre à des hommes ou à des femmes de se débloquer un peu... Bien sûr, ces projets ne sont pas parfaits au début, ce sont de nouveaux projets, il faut les étudier, il faut en faire la promotion. La nomination de M. Allard à la Société des alcools du Québec est due au fait que M. Allard a été l'un des fondateurs de l'Association des coopératives ouvrières de production; c'est dans ce sens que la Société des alcools a retenu ses services.

Le Président: M. le député d'Argenteuil.

La date de naissance et l'admission à l'école

M. Ryan: Ma question s'adresse au ministre de l'Éducation. Pour être admis en première année, un enfant doit actuellement avoir atteint l'âge de six ans avant le 30 septembre de l'année scolaire qui commence. En vertu de ce régime, des milliers d'enfants sont privés chaque année de la chance d'entrer à l'école à un âge qui leur permettrait de sauver une année. Le Québec, à ce point de vue, est en retard sur à peu près toutes les provinces canadiennes qui se servent plutôt de la date du 31 décembre; il est davantage en retard sur des pays européens comme la France et le Royaume-Uni. En France, je pense que c'est entre trois ans et quatre ans.

Les parents se sont regroupés récemment afin de faire comprendre au gouvernement qu'il serait temps de donner suite à l'engagement qu'avait pris l'ancien ministre de l'Éducation en février 1981 de ramener cette date au 31 décembre plutôt qu'au 30 septembre. Je voudrais demander au ministre ceci: Ces parents lui ont écrit le 30 avril dernier pour lui demander une rencontre dans les meilleurs délais; comme il ne leur a pas encore répondu, pourrait-il dire quand il entend les rencontrer et, deuxièmement, quand le gouvernement va-t-il donner suite à la décision qu'avait annoncée le ministre de l'Éducation, M. Camille Laurin, en février 1981?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Bérubé: Je pense qu'il faut prendre conscience que quelle que soit la date que l'on choisisse, qu'on la déplace en l'avançant ou en la reculant, il demeure qu'elle sera discriminatoire à l'égard de toute clientèle qui n'a pas tout à fait l'âge requis. Donc, cela ne fait que déplacer le problème de la discrimination entre une clientèle qui est éligible à l'admission et une autre qui ne le peut pas.

Deuxièmement, cette question revient fréquemment, particulièrement, de la part de parents qui voudraient envoyer leurs enfants à l'école plus rapidement. Il faut quand même se dire que cette question est discutée depuis de nombreuses années et aucun gouvernement, par le passé, n'a jugé bon de modifier la date en question. Je dois donc tirer la conclusion que si cela n'a pas été fait, il devait y avoir un certain nombre de bonnes raisons avec lesquelles je ne suis pas familier pour justifier les décisions passées.

Troisièmement, quant à la demande de rencontre, je dois dire que le nombre de demandes de rencontre avec le ministre de l'Éducation est absolument phénoménal et il est bien évident que je doive faire une sélection des gens qui doivent me rencontrer. Cependant, on pourra toujours aménager une rencontre quelconque avec des gens du ministère qui sont particulièrement concernés par la responsabilité en question. Donc, je ne peux pas me prononcer quant à l'acceptation maintenant d'une demande de rendez-vous, dans la mesure où je ne peux en apprécier présentement la pertinence. (14 h 50)

Le Président: M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Mais, est-ce que le ministre aurait au moins la courtoisie de mettre cette indécision par écrit à l'intention de ceux qui lui ont écrit en leur disant qu'il ne connaît pas grand-chose au problème...

Une voix: C'est cela.

M. Ryan: ...et qu'il ne peut pas les rencontrer actuellement? Au moins, ils sauraient à quoi s'en tenir. Est-ce que des études ont été faites - sans doute - au ministère? Ce que nous croyons comprendre, c'est que ces études invoqueraient des raisons financières pour justifier le report de cette mesure. C'est d'ailleurs l'argument qu'avait invoqué le gouvernement dans le temps pour ne pas donner suite, après l'élection, à son engagement préélectoral. Le ministre conviendrait-il avec moi que d'admettre ces enfants maintenant - le 31 décembre, pour le ministre, c'est au milieu de l'année - serait plus juste que si c'était au début de l'année? C'est aussi simple que cela: la moyenne a plus de chances de se trouver au milieu qu'au début.

Une voix: C'est cela.

M. Ryan: Admettrait-il que les dépenses qui seraient encourues pour recevoir ces enfants à l'école plus tôt entraîneraient des économies à l'autre bout du processus, entraîneraient la probabilité qu'ils sortiraient du système un an plus tôt? Serait-il prêt à convenir qu'au moins cet argument ne sera pas le seul retenu dans la décision qui sera prise? Je voudrais lui demander s'il y a des chances qu'une décision...

Le Président: M. le député.

M. Ryan: ...assouplissant la discipline actuelle soit prise pour le mois de septembre?

Des voix: Bravo!

M. Bérubé: Je regrette, M. le Président...

Le Président: Cela fait quatre questions en une seule. M. le ministre de l'Éducation.

M. Bérubé: Oui. Je regrette, mais, pour répondre aux commentaires liminaires du député d'Argenteuil, je lui répondrai simplement qu'on ne peut pas tous avoir la suffisance du député d'Argenteuil.

Quant à modifier la date pour septembre, il est clair qu'il ne peut en être question.

Le Président: M. le député de Groulx, en complémentaire ou principale?

M. Fallu: Principale.

Le Président: M. le député de Groulx, suivi du député de D'Arcy McGee.

Honda a-t-elle été invitée à s'implanter au Québec?

M. Fallu: M. le Président, la presse nous apprend ce matin que Honda s'installe en Ontario et, qu'en conséquence, le Québec reste avec seulement 8% de construction automobile contre seulement 2% de fabrication de pièces d'automobile et que notre déficit est toujours aussi considérable.

Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme à propos de cette nouvelle implantation en dehors du territoire québécois, qui souffre de ce déficit. J'aimerais d'abord lui demander ses réactions à cette implantation, notamment en nous disant ce que le gouvernement et lui-même ont pu faire sans qu'on le sache publiquement pour faire en sorte que Honda soit invitée pour le moins à venir chez nous.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, mes fonctionaires sont en pourparlers constants avec les différentes compagnies d'automobiles dans le monde, surtout qu'on sait qu'au cours de l'année dernière, le gouvernement fédéral a décidé de mettre des quotas d'importation et que cela force un peu les compagnies qui n'ont pas d'usine au Canada à venir s'y établir.

On en a profité aussi, vis-à-vis du gouvernement fédéral, pour avoir des discussions et pour faire des pressions sur le ministre fédéral de l'Industrie et du Commerce lui disant: Pendant que vous faites la deuxième génération d'usines d'automobiles, profitez-en pour diriger dans certains endroits du Canada, et en particulier au Québec, certains investissements puisque vous avez le gros bout du bâton. Ces gens-là ont besoin de votre permission pour s'installer. Mais on n'a pas reçu l'appui du gouvernement fédéral dans ce sens.

Personnellement, la semaine dernière, j'ai rencontré les trois grands de l'automobile au Japon, dont Honda, qui m'informe alors qu'elle allait annoncer cette semaine l'établissement de son usine en Ontario, mais j'ai constaté aussi que, même si nos gens ont fait un excellent travail, nous n'avons pas l'appui du gouvernement fédéral. Les entreprises de l'automobile du Japon étaient au courant de l'excellente productivité des travailleurs de GM. Elles étaient au courant aussi de ce qu'on faisait au Québec comme programmes pour aider les entreprises à s'établir. Lorsqu'on laisse jouer les jeux du capitalisme et du marché, bien sûr, ils tendent à s'établir autour des usines qui existent déjà, c'est-à-dire dans le sud de l'Ontario.

De ce point de vue, on va quand même continuer nos démarches, parce qu'il y a d'autres entreprises qui sont véritablement intéressées à venir s'installer au Québec, mais on aurait besoin que le gouvernement fédéral appuie les démarches du Québec et force, en quelque sorte, les entreprises d'automobiles dans le monde, lorsqu'elles font un nouvel investissement au Canada, à le faire au Québec.

Le Président: M. le député de Groulx.

M. Fallu: Maintenant que l'annonce de l'usine de montage est faite pour l'Ontario, est-ce que le ministre a l'intention d'entreprendre une série de démarches auprès de Honda pour faire en sorte que les pièces ou, du moins, une certaine série de pièces puissent être fabriquées au Québec?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: Oui. Nous avons discuté avec Honda, de même qu'avec les autres entreprises d'automobiles, de pièces en aluminium en particulier. Il y aurait des possibilités de se servir précisément des investissements que nous sommes à faire présentement au Québec pour y établir des usines, des fonderies de pièces d'aluminium. Encore là, les pourparlers sont longs et nécessitent la volonté du gouvernement fédéral de nous aider dans ce sens-là, parce que lorsqu'on parle d'une fonderie majeure de pièces d'aluminium coulé, on parle encore d'une centaine de millions d'investissements. Si on laisse aller, encore là, les lois du marché, c'est difficile pour le Québec de se battre tout seul.

La morale de tout cela, dans les pièces d'automobile comme dans d'autres choses, je pense que le Québec est obligé de surveiller ses intérêts parce qu'on n'a personne au gouvernement fédéral qui surveille nos intérêts.

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Question complémentaire, M. le Président. Est-ce que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme s'est enquis auprès des gens de Honda, quand il les a rencontrés, si les chances du Québec auraient été meilleures d'obtenir l'investissement si le gouvernement du Québec avait laissé tomber son option d'indépendance et de séparation politique du Québec?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: Je peux dire au député de Laporte qu'on a discuté avec les trois entreprises japonaises majeures, la semaine dernière, d'une foule de questions: taxation, lois, relations du travail, tout cela. En aucune occasion ces gens-là n'ont mentionné le cas de la souveraineté du Québec, parce qu'ils sont habitués à s'établir dans n'importe quel pays du monde. Ils font confiance au jugement de la population du Québec, si le Québec décide de devenir souverain.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee.

Le racisme dans l'industrie du taxi à Montréal

M. Marx: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice et porte sur le racisme dans l'industrie du taxi, lequel existe à Montréal depuis 1977.

À l'automne 1982, la Commission des droits de la personne a entrepris une enquête publique. Il y a eu un rapport préliminaire en septembre 1983 et le rapport final est encore à venir. Le 12 avril 1984, en réponse à une question en cette Chambre, le ministre disait qu'une série de plaintes en vertu de la charte ont été déposées le 2 avril. Il a aussi dit qu'il rencontrera la Commission des droits de la personne. Ce mois-ci, la CTCUM a octroyé des contrats à deux compagnies de taxi qui sont accusées de racisme. Récemment, le président de la CTCUM a affirmé, tel que rapporté dans le journal La Presse - et je cite - "que ce n'est pas la responsabilité de la CTCUM d'appliquer la charte des droits et libertés alors que le gouvernement ne considère pas que les actes de discrimination contre les Noirs sont graves puisqu'il prend plusieurs mois pour prendre action."

Depuis les sept dernières semaines, soit depuis la réponse du ministre, le 12 avril dernier, la situation s'est envenimée à Montréal. Le ministre est au courant...

Le Président: Votre question, M. le député.

M. Marx: Oui. En terminant... Le ministre est au courant parce que les chauffeurs ont fait une manifestation devant son bureau de comté vendredi dernier.

Ma question est la suivante: Est-ce que le ministre a l'intention d'agir avec fermeté dans ce dossier et, si oui, quelles sont les mesures qu'il entend prendre?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je corrigerai une première chose. Le député a bien pris la peine de dire qu'il citait un article de journal. J'avais, en effet, pris connaissance de cet article dans lequel on imputait un certain nombre de paroles à M. Hanigan. Vérification faite par un de mes collaborateurs, M. Hanigan a dit qu'il ne s'est jamais exprimé en ces termes-là. Je présume que cela reste une affaire entre M. Hanigan et le journaliste qui l'a interrogé.

Une voix: La Presse.

M. Johnson (Anjou): Cela m'apparaît important puisque, je pense, une partie de la question du député est basée sur ces propos qui sont niés par le président de la CTCUM.

Deuxièmement, le problème de l'expression d'un comportement raciste dans l'industrie du taxi, à Montréal en particulier, est un problème important. Ce n'est pas seulement celui d'un certain nombre de personnes qui adopteraient, de façon systématique ou non, un comportement raciste dans leur industrie pour des fins économiques. Cela peut mettre en évidence dans notre société un trait de notre humanité qui n'est pas nécessairement des plus beaux, puisqu'un comportement raciste

ne pourrait survivre et donner des profits à ceux qui l'adoptent pour des fins économiques s'il n'y avait pas une tentative, un effort ou une conviction de leur part que cela donnera des résultats auprès des clients. (15 heures)

Je pense que c'est donc un problème qui se passe d'attitudes partisanes. Je connais l'intérêt que le député de D'Arcy McGee porte aux questions des droits et libertés. Je dirai que ce que j'ai eu à faire dans ce dossier, d'une part, c'est de faire le bilan de ce qui avait été fait. Au chapitre du bilan, on constate qu'un certain nombre de poursuites ont été prises contre ces deux entreprises et, deuxièmement, qu'une injonction a été demandée dans un cas, injonction qui fut rejetée par la Cour supérieure pour des motifs, disait la cour, de problèmes dans le témoignage d'une des personnes qui était le témoin principal du côté de la commission.

Par ailleurs, j'ai rencontré les membres du conseil d'administration de la Commission des droits de la personne. J'ai également eu l'occasion de mettre en contact tous les intéressés, que ce soient les représentants de la communauté haïtienne de Montréal, que ce soit les représentants des chauffeurs de taxi haïtiens, que ce soit les représentants des deux groupes de l'industrie du taxi dont il s'agit. Jusqu'à maintenant, il semble que certaines menaces qui avaient été évoquées au sujet de la mise à pied de certaines personnes, encore une fois, sur la base de la couleur de leur peau, ne seront pas mises à exécution. Je souhaite que la Commission des droits de la personne puisse conclure dans les plus brefs délais une sorte d'entente et amène, à toutes fins utiles, ces deux entreprises à respecter à la fois l'esprit et la lettre qu'on retrouve dans la Charte des droits et libertés de la personne.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Je comprends ce que le ministre a dit mais il n'a pas répondu à ma question. Est-ce que le ministre a l'intention d'intervenir dans le dossier? Est-ce que le gouvernement a l'intention de modifier sa législation ou sa réglementation pour donner plus de pouvoir au gouvernement d'intervenir dans ce dossier? Qu'est-ce que le ministre entend faire?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): D'abord, M. le Président, j'ai déjà fait des interventions dans ce dossier. Je pense que je viens de les évoquer. Deuxièmement, j'avais coupé court à ma réponse, peut-être, M. le Président, parce que vous me faisiez signe que cela suffisait. La question additionnelle me donne l'occasion d'y répondre.

Je dirai que oui, nous avons entrepris des travaux conjointement avec le ministère des Transports pour voir dans quelle mesure la réglementation dans l'industrie du taxi pourrait contenir certains éléments très spécifiques qui relient l'octroi ou le maintien de ces permis au respect, par ceux qui les demandent, des dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne.

Je crois cependant qu'il faut circonscrire cette question et ce problème à l'industrie du taxi dans le contexte actuel puisque... Il y a une réponse très simple, je le sais, et qui a été proposée par un certain nombre de personnes. C'est que dorénavant toutes les législations, tous les contrats, toutes les relations et les transferts, de quelque nature qu'ils soient, entre l'État et les organismes publics, parapublics ou péripublics, soient soumis à une notion de respect de la Charte des droits et libertés de la personne. Il faut voir que cette approche, sur le plan juridique, est d'une extrême complexité, sans compter la dimension pratique. Est-ce qu'on peut anticiper ou non qu'une personne respecte la Charte des droits et libertés de la personne? Quels articles? De quelle façon? Qui sera la personne qui portera jugement par anticipation? Etc. Néanmoins, nous tentons de trouver dans le cas du taxi une réponse susceptible de répondre à ces attentes.

Le Président: M. le député de Mont-Royal, question principale.

L'affaire Sonamar-Desgagnés

M. Ciaccia: Ma question s'adresse au ministre des Transports. Ce matin, le journal relate les faits suivants. Une société a été formée par le gouvernement pour regrouper la totalité des transporteurs maritimes du Québec, la société Navigation Sonamar Inc., dont le gouvernement détient 25% des actions alors que 44% sont détenus par le groupe Desgagnés. On nous apprend que le groupe Desgagnés a eu l'administration de la société et qu'à la suite d'un appel d'offres les soumissions ont été préparées pour la société Navigation Sonamar par le groupe Desgagnés, mais que le groupe Desgagnés a aussi préparé une soumission pour son propre compte. Autrement dit, il y avait une soumission préparée pour la compagnie qu'il gère à un prix plus élevé et une autre soumission plus basse pour lui-même, tout cela pour écarter les intérêts de l'ensemble des actionnaires de Sonamar qui se fiaient au groupe Desgagnés. Est-ce que le ministre peut nous dire si c'est vrai? Si oui, qu'entend-il faire?

Le Président: M. le ministre des

Transports.

M. Léonard: Dans la société Sonamar, il y a un regroupement de caboteurs et il s'agit d'une société qui a été aidée par le gouvernement du Québec depuis 1976. Au conseil d'administration, le gouvernement a deux administrateurs. Par rapport à un appel d'offres que nous avons fait, qui a été lancé par le ministère pour transporter des marchandises vers le Grand-Nord du Québec au cours de l'été, trois entreprises ont soumissionné: Navigation Sonamar, Logistec Corporation et Transport Desgagnés. La plus basse soumission, c'est Transport Desgagnés. Le gouvernement, normalement, s'apprête à accorder le contrat à Transport Desgagnés, la plus basse soumission. Je ne pense pas qu'on puisse dire que les contribuables soient lésés en la matière puisqu'il s'agit là de la plus basse soumission. Le problème qui reste ou la question qui reste c'est celle des relations entre celui qui fait l'administration de Sonamar, M. Desgagnés, et la compagnie elle-même Sonamar. Je pense qu'il s'agit plutôt d'un problème interne où le gouvernement comme tel n'est pas impliqué.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Comment le ministre explique-t-il par sa réponse qu'il accepte le fait que la compagnie le groupe Desgagnés est l'administrateur principal des deux compagnies: l'administrateur de Navigation Sonamar et l'administrateur pour lui-même. Sonamar représente un groupe d'autres transporteurs qui se sont fiés, quant à l'appel d'offres du gouvernement, sur la soumission qui serait préparée par Sonamar et on se voit dans la situation où celui qui contrôlait ou qui administrait les deux l'a fait pour ses propres fins. Comment le ministre peut-il accepter cela? Comment peut-il dire que ce n'est pas une atteinte aux fonds publics et même aux droits du gouvernement qui détient 25% de la société Sonamar? Comment peut-il nous expliquer cela?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Léonard: Je pense que lorsqu'on a fait référence à l'article du journal qui disait que les contribuables et peut-être le gouvernement s'étaient fait avoir là-dedans, ce n'est pas exact puisque nous nous apprêtons à accorder le contrat au plus bas soumissionnaire. Ceci en ce qui concerne les intérêts des contribuables, de ceux qui financent le contrat. L'autre partie de la question, c'est celle des relations entre celui qui est chargé de l'administration de

Sonamar qui fait en même temps des soumissions pour sa propre entreprise. Tout le monde sait que dans Sonamar il s'agit là d'un regroupement de caboteurs et que chacun a son entreprise, par ailleurs. Je pense qu'il s'agit d'établir si M. Desgagnés peut continuer d'agir comme responsable de l'administration de Sonamar. Cela devient donc une question à régler, à décider au sein du conseil de Sonamar.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président: La période de questions est terminée, M. le député. Vous pourrez revenir demain, d'autant qu'il y a un complément de réponse du ministre de l'Éducation à M. le député de Saint-Laurent. M. le ministre de l'Éducation. (15 h 10)

La situation à la Faculté de droit de l'Université de Montréal

M. Bérubé: Le député de Saint-Laurent interrogeait le ministre de la Justice, il y a quelques semaines, concernant le niveau de subvention accordé à la Faculté de droit pour financer les études universitaires à ce niveau. Plus particulièrement, il faisait état de compressions invraisemblables qui auraient entraîné une diminution très importante du niveau de financement des étudiants en droit de cette faculté et que lorsque l'on compare le financement dans cette faculté avec, par exemple, ce qui est versé aux étudiants, ou par étudiant en droit à l'Université de Toronto, il tirait une conclusion assez frappante. Il arrivait, en effet, à la conclusion qu'à l'Université de Montréal on devait consacrer 3363 $ par étudiant inscrit alors qu'à l'Université de Toronto on devait consacrer 5840 $.

Je lui laisse, M. le Président, la paternité des chiffres qu'il a cités mais je resituerai donc ce point qu'il a soulevé dans ce cadre un peu plus global. Essentiellement, il faut donc comparer le niveau de financement de nos étudiants universitaires entre le Québec et l'Ontario pour d'abord porter un jugement sur les chiffres cités par le député de Saint-Laurent.

En 1981-1982, avant le début de la vague de compression, M. le Président, nous versions par étudiant, suivant l'"Inter-provincial Comparison of University Financing", 7250 $ aux universités du Québec. La même année, l'Ontario versait 5529 $. Donc, je le rappelle, le Québec versait 7250 $ contre 5529 $ en Ontario. Il s'agit là du financement moyen pour l'ensemble des étudiants universitaires inscrits au Québec ou en Ontario. On voit donc l'écart faisant en sorte que le niveau de financement au Québec était nettement plus élevé. Nous entrons à ce moment dans

une vague de compression...

M. Ryan: Question de règlement.

Le Président: Rappel au règlement, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Le ministre pourrait-il répéter le chiffre pour le Québec?

M. Bérubé: Oui. Suivant les données statistiques, il faut faire attention, chaque fois qu'on fait des comparaisons interprovinciales, il faut se référer à un système cohérent de comparaison: c'est celui qui est fourni par l'"Interprovincial Comparison of University Financing", qui effectue des études comparatives de financement universitaire dans l'ensemble du Canada et qui nous fournit, à ce moment, des bases véritablement comparables de financement. Donc, sur une base véritablement comparable de financement, le Québec versait en 1981-1982, 7250 $ par étudiant alors que l'Ontario versait 5529 $. Donc, M. le Président, nous versons globalement beaucoup plus au Québec pour l'éducation universitaire que l'Ontario.

Deuxièmement, est survenue cette ronde de compression que le député de Saint-Laurent qualifie d'invraisemblable, qui a fait en sorte qu'aujourd'hui, en 1984-1985, nous versons, toujours évalué sur la même base, 7179 $ au Québec par étudiant alors que l'Ontario verse 6466 $. Donc, nous continuons à verser beaucoup plus d'argent par étudiant pour financer les études universitaires au Québec, malgré la com-presssion.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Bérubé: Oui, M. le Président. Tout ce que l'on peut dire, cependant, c'est que les subventions per capita n'ont certainement pas suivi l'inflation mais, en dépit du fait que les subventions n'ont pas subi l'inflation, nos subventions demeurent globalement beaucoup plus importantes que celles de l'Ontario per capita.

Le Président: Non, non.

M. Bérubé: Le troisième point qu'on pourrait trouver M. le Président, c'est la comparaison.

Le Président: À ce moment là, M. le ministre de l'Éducation, si la réponse est si longue et demande tant de chiffres, je vous suggère d'en faire un dépôt de document, mais il n'y a pas de raison pour qu'un complément de réponse soit plus long qu'une réponse à une question pendant la période de questions. Or, le temps que vous avez pris jusqu'à maintenant pour répondre à la question commence à faire en sorte que cela ressemble à une déclaration ministérielle.

M. Bédard: M. le Président...

Le Président: Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, avec votre permission, sans mettre en doute vos remarques, je dois dire qu'on a été à même de constater que le ministre de l'Éducation, afin d'assurer une meilleure compréhension de sa réponse, a dû prendre quelque temps pour résumer l'essentiel de la question, du problème qui avait été posé par le député de Saint-Laurent. Je pense qu'il l'a fait non pas en pensant prendre du surtemps mais pour que ceux et celles qui nous écoutent fassent un lien, quand même, entre ce qui est dit par le ministre et les éléments qui ont été soulevés dans une question qui a été posée il y a déjà quelques jours. Je pense, de toute façon, que le ministre de l'Éducation était à la veille de terminer, à votre invitation, M. le Président.

Le Président: Mon invitation commence à dater. M. le ministre de l'Éducation.

M. Bérubé: Et je demanderais votre sympathie, M. le Président.

Le Président: Vous avez toute ma sympathie, mais ce n'est pas une question de sympathie.

M. Bérubé: Dans la mesure, M. le Président, où il est toujours facile de poser des questions techniques il faut évidemment effectuer les recherches pour apporter les réponses et il est certainement plus facile de poser les questions que d'y répondre. Il faut donc prendre le temps, M. le Président, d'aller au fond de la question.

Donc, le dernier point que je voulais soulever est de savoir si, à l'intérieur du réseau québécois, l'Université de Montréal est défavorisée? Ceci est une question aussi fondamentale. Par rapport à l'Ontario, nous versons plus. Est-ce qu'à l'intérieur du Québec l'Université de Montréal est bien traitée? Or, à cet égard, c'est intéressant, mais il s'agit d'un système de comparaison un peu différent, ce sont les subventions per capita par étudiant à temps complet. Ce n'est donc pas exactement la même base de calcul. Cependant, la comparaison est cohérente dans l'ensemble du système. Elle nous démontre que, pour l'ensemble des universités du Québec, nous versons 5989 $ par étudiant à temps complet alors qu'à l'Université de Montréal, nous versons 6755 $. L'Université de Montréal reçoit donc plus que sa part de financement.

Le dernier point, M. le Président. Notre Assemblée nationale veut que le financement des universités relève de la gestion interne des universités, que nous ne nous impliquions pas dans les décisions qui relèvent de la liberté universitaire. Par conséquent, M. le Président, la façon pour l'Université de Montréal, qui est privilégiée par rapport aux universités du Québec qui sont privilégiées par rapport aux universités de l'Ontario, de réallouer ses fonds est de sa stricte juridiction et non de celle du gouvernement.

Le Président: Vous avez pris effectivement le temps d'une déclaration ministérielle, M. le ministre. M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que le ministre veut bien reconnaître que, depuis cinq ans, on a coupé au niveau universitaire 300 000 000 $ de subventions?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Bérubé: Oui, M. le Président, mais comme nous en donnions beaucoup plus que partout ailleurs au Canada, on continue d'être les champions.

Le Président: Aux motions sans préavis, M. le ministre de la Justice.

Condoléances aux familles des juges Lajoie et Vallée

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je sollicite le consentement de la Chambre pour que l'Assemblée nationale souligne...

Une voix: C'est sa manière de fonctionner.

Le Président: À l'ordre!

M. Johnson (Anjou): ...le décès de l'honorable juge François Lajoie de la Cour d'appel du Québec, le 31 mai 1984, et de l'honorable juge en chef associé de la Cour supérieure du Québec, Mme Gabrielle Vallée.

Le Président: Y a-t-il consentement à une telle motion? Il y a consentement. M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, le juge François Lajoie a été admis au Barreau du Québec en 1944. Il devait d'ailleurs, à sa sortie de l'université, remporter la médaille du gouverneur pour l'excellence de ses études. Il a pratiqué le droit jusqu'en 1970 dans la région de Trois-Rivières, où il a exercé nombre de fonctions extrêmement importantes dans beaucoup d'organismes sociaux, notamment à l'hôpital Sainte-Marie de Trois-Rivières. Il a été également président de la chambre de commerce. Il a été directeur au conseil d'administration de nombreuses sociétés commerciales, sportives ou à vocation sociale. Je rappellerai qu'il a été bâtonnier de Trois-Rivières, en 1967, ainsi que bâtonnier du Québec cette même année.

Le juge Lajoie accédait à la Cour d'appel en 1970 et, après une maladie qui le tint malheureusement éloigné un certain temps de la cour, il devait décéder. Il laisse dans le deuil six enfants, trois garçons et trois filles, ainsi que Mme Thérèse Lamothe-Lajoie.

Quant au juge en chef Gabrielle Vallée, M. le Président, elle a été admise - ceux qui ont suivi sa carrière remarquable s'en rappelleront - au barreau en 1954. Dès 1956, elle devait entreprendre je dirais non seulement une carrière juridique, mais une carrière de présence au Barreau du Québec absolument continue à compter de 1956, à la fois au jeune barreau ou comme conseillère . au Barreau du Québec à compter de 1959 jusqu'à ce qu'elle devienne bâtonnier de Québec en 1973. Elle fut nommée à la Cour supérieure en 1973 et, trois ans après, le juge Vallée devint la première femme à occuper le poste de juge en chef associé dans une Cour supérieure au Canada.

Le juge en chef Vallée laissera sûrement auprès des avocats et du monde juridique, notamment ceux de la région de Québec, un souvenir absolument indélébile quant à son courage, compte tenu de sa vie et d'un certain nombre de choses qui avaient frappé son existence, et une impression profonde de fermeté, de conviction, de cohérence et de rigueur. M. le Président, à sa famille ainsi qu'à la famille du juge Lajoie nous exprimons nos sympathies. (15 h 20)

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee.

M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, M. le Président. L'Opposition se joint à la motion présentée par le ministre de la Justice et aussi à ses voeux. Il va sans dire que le décès des juges Lajoie et Vallée est prématuré parce que c'étaient des personnes qui avaient normalement encore des années productives. Je le répète, ce sont vraiment des décès prématurés. C'est une lourde perte pour notre magistrature et aussi pour tout le domaine judiciaire. Cela va sans dire qu'on va remplacer ces juges, mais c'est sûrement une succession difficile à combler.

M. le Président, j'aimerais ajouter qu'il ne faut pas sous-estimer l'importance de notre Cour d'appel. En fait, la Cour d'appel

est la cour de dernière instance dans beaucoup de matières. Pensons seulement au droit statutaire, au droit civil, où ce sont surtout les décisions de notre Cour d'appel qui font jurisprudence. Également, tous les juges font plus qu'interpréter la loi, que ce soit à la Cour supérieure ou à la Cour d'appel. Souvent les juges font la loi. Je sais que dans la tradition civiliste on veut que les juges interprètent seulement la loi, ne fassent pas la loi. Mais, en fait, ils font la loi si l'on pense, par exemple, au droit criminel, et même au droit civil. Si l'on pense à l'article 1054 du Code civil, on sait que les juges ont vraiment fait la loi.

Les juges ont aussi un rôle éducatif non seulement vis-à-vis des étudiants en droit et des avocats mais envers la population en général. Comment connaît-on des juges comme les juges Lajoie et Vallée? Je les ai connus surtout à partir de leurs jugements. Je peux vous dire que dans ce sens c'est une perte importante. En ce qui concerne leurs familles il va sans dire que c'est une perte irremplaçable. Quand on perd un être cher c'est une perte irremplaçable. J'offre les sincères condoléances de l'Opposition aux familles des deux juges.

Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Trois-Rivières.

M. Denis Vaugeois

M. Vaugeois Un mot rapide également pour me joindre au ministre de la Justice et au député de D'Arcy McGee. Le juge Lajoie appartient à une très importante famille de Trois-Rivières, une famille qui a plusieurs membres dans le barreau. C'est une perte importante pour le barreau, pour la magistrature. C'est également pour Trois-Rivières un moment de deuil. Je voudrais aussi en profiter pour offrir mes sympathies à la famille du juge Vallée, que je connaissais, et à ses amis.

Le Président: M. le leader du gouvernement sur la motion.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: M. le Président, avec votre permission, et très rapidement, je veux remercier l'Opposition de me permettre d'intervenir. À la suite du décès du juge en chef associé de la Cour supérieure, Mme Gabrielle Vallée, je veux également offrir ma sympathie à toute sa famille. J'aimerais m'associer aux propos du ministre de la Justice en ajoutant simplement qu'ayant eu à travailler de nombreuses années en tant que ministre de la Justice avec la juge en chef, Mme Vallée, j'ai pu apprécier son souci de collaboration constant afin d'assurer le bon fonctionnement ainsi que l'humanisation de notre système judiciaire. Durant ce temps j'ai eu à maintes et maintes reprises l'occasion de la rencontrer, d'échanger avec elle sur des propositions d'amélioration du système judiciaire. Il est clair pour tout le milieu judiciaire, tous ceux et celles qui ont eu la chance de la connaître, que Mme Vallée a assumé ses responsabilités avec beaucoup de dignité et de courage, car on sait que depuis un bon bout de temps son état de santé était déjà assez difficile. Je pense que cela mérite d'être souligné d'une façon tout à fait spéciale.

Également, quant au juge François Lajoie, ne l'ayant pas connu personnellement, je sais qu'il était un juriste exceptionnel et que par son travail infatigable à la Cour d'appel, il a sans doute contribué à porter le plus haut tribunal québécois à un niveau d'excellence que tous lui reconnaissent. À la famille de Mme Vallée de même qu'à la famille du juge Lajoie, j'offre toutes nos sympathies.

Le Président: La motion de M. le ministre de la Justice: "Que cette Assemblée offre ses sympathies aux familles et proches des juges Gabrielle Vallée et François Lajoie", est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le député de Châteauguay.

Félicitations à l'ensemble de flûte à bec de Châteauguay

M. Roland Dussault

M. Dussault: M. le Président, je veux solliciter le consentement de cette Assemblée nationale pour une motion de félicitations à l'ensemble de flûte à bec de Châteauguay pour une médaille d'or que le groupe vient de remporter.

Le Président: Y a-t-il consentement à la discussion d'une telle motion? Il y a consentement, M. le député.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Je remercie l'Opposition d'avoir accordé son consentement. L'ensemble de flûte à bec de Châteauguay a tout récemment remporté une médaille d'or à l'International Music Festival 1984 qui a eu lieu à la Nouvelle-Orléans en Louisiane entre le 1er juin et le 3 juin dernier. Cet événement musical de prestige vise à atteindre le plus haut niveau de performance par des groupes non professionnels. L'International Music Festival a lieu annuellement dans divers pays du monde, dont les États-Unis, le Canada, le Mexique, les Bermudes, en Italie et en

Angleterre.

Depuis 1972, environ 3500 groupes musicaux ont été acceptés pour participer au festival et seulement 7% de ces ensembles ont reçu des médailles d'or. Ce n'est pas un concours ni une compétition entre des ensembles, c'est en fait un festival où l'on remet une médaille d'or à des groupes qui le méritent. L'un des juges a dit à l'occasion de cet événement, en parlant de l'ensemble de flûte à bec: "The finest group I have heard since many years". C'est le juge le Dr Al G. Wright.

M. le Président, l'ensemble de flûte à bec existe depuis 1975. L'âge des participants varie entre 14 et 22 ans, donc pour une moyenne de 18 ans. Il a remporté trois fois le premier prix du concours de musique du Canada. L'ensemble a fait deux disques: le premier disque s'est mérité le grand prix du Canada en 1981 par le Conseil canadien de la musique dans le domaine de l'éducation. Sur la scène internationale, l'ensemble participait en 1978 à l'International Society Musical Education; en 1972, il participait à un concours à London; en 1980, à Varsovie, en Pologne; en 1983, à Aberdeen, à l'International Youth Festival, en Écosse; en 1984, à la Nouvelle-Orléans, comme je le disais.

M. le Président, nous savions à Châteauguay, où nous sommes fiers de l'ensemble de flûte à bec, que cet ensemble était capable d'une qualité d'interprétation exceptionnelle. C'est maintenant l'opinion internationale qui nous le confirme. C'est pour cette raison que je demande à cette Assemblée de voter cette motion avec moi. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Charlesbourg.

M. Marc-Yvan Côté

M. Côté: M. le Président, nous allons nous joindre à cette motion du député de Châteauguay. C'est avec plaisir que l'Opposition se joint au député de Châteauguay pour féliciter la troupe. Il serait intéressant, compte tenu des succès obtenus par cette troupe, de savoir ce que le député de Châteauguay a réussi à lui obtenir quant aux subventions gouvernementales pour les frais occasionnés par ses déplacements dans le monde.

Le Président: Effectivement, j'ai indiqué au début qu'il n'y avait pas de réplique, mais il y a une réplique, s'il veut... (15 h 30)

M. Dussault: M. le Président, puisque j'ai droit de réplique, je vais en profiter, bien sûr.

M. le Président, à chaque voyage que l'Ensemble de flûte à bec de Châteauguay a fait pour aller représenter Châteauguay et le

Québec dans le monde entier, j'ai toujours eu la possibilité d'offrir, grâce particulièrement au ministère des Affaires culturelles, une aide financière très appréciée, mais on n'en a jamais eu du gouvernement fédéral. Merci.

Des voix: Combien?

Le Président: La motion... M. le leader du gouvernement, est-ce sur la motion?

M. Bédard: Non, M. le Président.

Le Président: La motion de M. le député de Châteauguay est-elle adoptée?

M. Bédard: Adopté.

Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Adopté. Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, je voudrais donner un avis selon lequel la commission de l'économie et du travail va poursuivre sa consultation particulière sur le projet de loi 66, Loi modifiant la Loi sur la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestiers du Québec à la salle du Conseil législatif.

Également, la commission du budget et de l'administration va entreprendre l'étude de la politique budgétaire du gouvernement dans le cadre du débat sur le discours sur le budget à la salle 81.

Le Président: D'autre part, après la période des affaires courantes, d'ici quelques minutes, à la salle 91, la commission des institutions tiendra une séance de travail avant la séance de vérification des engagements financiers qu'elle doit faire.

Ce soir, de 20 heures à 24 heures, toujours à la salle 91, la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre procédera à la vérification d'engagements financiers dans son champ de compétence.

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée...

M. Bédard: M. le Président, je voulais simplement préciser, pour qu'il n'y ait pas de confusion, que les avis que je viens de donner valent pour jusqu'à 18 heures pour les deux commissions et de 20 à 24 heures ce soir.

Projet de loi 86

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, cela nous mène donc aux affaires du jour et à l'adoption du

principe du projet de loi 86, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement. La parole est au député de Rousseau.

M. Blouin: II y a trois intervenants qui compléteront ce débat, incluant la réponse du ministre. Je vous demande donc de céder la parole au député de Champlain.

Le Présidents M. le député de Champlain.

M. Marcel Gagnon

M. Gagnon: Merci, M. le Président. Nous sommes aujourd'hui à étudier une loi, la Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement. Lorsqu'on parle d'environnement ici, à cette Assemblée nationale, pour une partie de la population et pour beaucoup de gens, c'est encore un sujet qui est nouveau. Vous vous souviendrez que, dans le passé - si on recule de 15 ou 20 ans lorsqu'on parlait de la qualité de l'environnement et que les gens apportaient des critiques sur le laisser-aller dans le domaine de l'environnement, sur les inquiétudes qu'ils avaient face à l'avenir dans ce domaine, ces gens-là passaient un peu pour... M. le Président, est-ce que je pourrais vous demander de...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Gagnon: Merci, M. le Président. C'est toujours un peu énervant de parler à l'Assemblée nationale, surtout quand ça bouge trop en même temps. Je vous remercie; cela m'aide beaucoup que vous rameniez le calme.

Je disais que ces gens qui s'inquiétaient, il y a 15 à 20 ans, de la qualité de l'environnement passaient pour des gens assez farfelus. On disait: C'est impossible. Il faut s'habituer à vivre à l'ère moderne; l'industrialisation ne peut pas faire autrement que de polluer l'environnement. Il va falloir s'adapter à cela. C'étaient à peu près les réponses qu'on obtenait dans le temps. Je me souviens que j'étais moi-même commerçant, je rencontrais beaucoup de gens et le domaine de l'environnement m'a toujours inquiété grandement. Il fallait, comme individus, presque établir des normes nous-mêmes pour la protection de l'environnement, parce que cela n'existait pas.

En 1972, le gouvernement du Québec a adopté une loi pour la protection de l'environnement. Cette loi établissait des bases; elle posait des jalons et un certain nombre de guides pour la protection de l'environnement. En 1977, nous avons modifié cette loi; en 1978, aussi ainsi qu'en 1982. Nous sommes rendus en 1984 à une autre loi qui rend encore plus complète la protection de l'environnement. Ce qui est intéressant, au fur et à mesure que les discussions ont avancé dans la population, c'est qu'aujourd'hui plutôt que de voir la protection de l'environnement comme une entrave au développement économique, on peut dire que la protection de l'environnement est demandée, la protection de l'environnement est considérée de plus en plus comme un facteur de développement économique.

La loi que nous voterons et que nous sommes en train de discuter va permettre, par exemple, d'améliorer la cueillette ou la récupération des ordures et le recyclage des déchets. Cela fait longtemps qu'une bonne partie de la population dit: C'est incroyable de voir jusqu'à quel point on gaspille notre énergie, on gaspille notre temps, on gaspille notre environnement, alors que quantité de déchets qui n'ont servi qu'une fois pourraient êtrerécupérés. Ces déchets pourraient être retournés à la consommation et permettre d'économiser énormément d'énergie et de temps.

On parle de plus en plus dans cette nouvelle loi de la protection contre les pluies acides, de l'assainissement des eaux, de la récupération et du recyclage, comme je le disais tantôt, et de la gestion des déchets dangereux. Lorsqu'on présente un projet de loi semblable, il y a toujours des questions qui se posent. À un moment donné, je pense qu'il va falloir qu'on trouve le moyen de faire une certaine unanimité ici, à l'Assemblée nationale. Je suis persuadé que tout le monde croit véritablement que nous obtiendrons réellement la protection de l'environnement lorsque l'ensemble de la population du Québec, comme des populations en général du monde industrialisé, aura pris conscience qu'elle est responsable de l'environnement.

La responsabilité qu'on doit prendre face au problème de l'environnement implique non seulement qu'il y ait une certaine éducation qui se fasse dans la population, mais qu'il y ait un coût. On sait maintenant ce que cela nous coûte d'avoir négligé la protection de l'environnement, depuis le début de l'ère du développement industriel. On sait ce que cela coûte pour restaurer. Il va falloir s'habituer à payer, en plus de ce que cela coûte pour restaurer, ce que cela coûte pour conserver un environnement sain et propre.

Là où nous ne sommes pas d'accord, je pense, avec les critiques de l'Opposition en ce qui concerne la protection de l'environnement, c'est toujours face aux questions qui se posent. Malheureusement, je n'étais pas ici la semaine dernière lorsque Mme la députée de Chomedey a donné la réplique au ministre au sujet de ce projet de loi, mais j'ai eu l'occasion de voir le nombre

de questions qu'elle a posées. Il est normal de poser des questions, je pense, au ministre. Cela va permettre au ministre de répliquer à Mme la députée de Chomedey. Mais il y a certaines questions tout de même qui m'apparaissent un peu farfelues, surtout lorsque cette même personne a écrit un document et a montré jusqu'à quel point l'environnement la préoccupait. Elle a dit dans son document - et elle a fait des émissions de radio sur ce document - que l'environnement c'était justement l'affaire de tout le monde, qu'il fallait responsabiliser la population, qu'il fallait responsabiliser les industries, qu'il fallait aussi rendre plus responsables les municipalités et que chacun, face à cette responsabilité, devait faire son devoir. Par contre, lorsqu'on arrive avec des mesures qui risquent de coûter de l'argent, là, on s'inquiète de savoir qui va payer.

À mon point de vue, il n'y a pas deux façons de se responsabiliser. Premièrement, c'est de savoir, lorsqu'on est responsable, le tort que l'on cause à l'environnement si on n'y voit pas. Deuxièmement, lorsqu'on est responsable et aussi lorsqu'on a fait du tort à l'environnement, il faut savoir que c'est quelqu'un qui va payer; et celui qui va payer, habituellement, devrait être celui qui a créé des préjudices à l'environnement. Donc, quant à savoir ce que cela devrait coûter, c'est un fait qu'il faut s'en inquiéter, mais il faut aussi s'en inquiéter de façon qu'on puisse penser qu'on doit protéger notre environnement et qu'on doit aussi payer pour corriger le tort qui lui a été causé. Mais lorsqu'on dit au ministre de l'Environnement, par exemple, qu'on ne va pas assez vite dans l'assainissement des eaux, qu'on ne va pas assez vite dans certains domaines et que, de l'autre côté, on dit: Vous devriez faire plus, vous devriez faire mieux... On établit un programme qui demande aux municipalités de payer 10% du coût d'assainissement des eaux et le même critique vient dire que cela n'a pas de sens de faire payer les municipalités: Cela n'a pas de sens, vous êtes en train d'endetter les municipalités; cela n'a pas de sens, vous allez augmenter le compte de taxes. Il faut savoir si cela fait partie des préoccupations environnementales. (15 h 40)

À mon point de vue, ces préoccupations doivent aller assez loin, si réellement on a la volonté de le faire, pour qu'on puisse dire que c'est l'ensemble des citoyens qui doit récupérer son environnement et qui doit payer la part qui lui revient.

On s'inquiétait aussi d'autre chose. D'un côté, on a dit: Cela va peut-être coûter cher. D'un autre côté, on a dit: Cela pourrait être rentable, mais qu'est-ce qu'on va faire avec l'argent, si c'est rentable? Il y a différentes inquiétudes comme celles-là qui se posaient par rapport à l'organisme qui devait être mis sur pied pour la récupération des déchets. Pour le recyclage, différentes inquiétudes se posent mais elles ne semblent que mettre des bois dans les roues pour empêcher d'avancer plutôt qu'être des inquiétudes réelles. Je pense qu'effectivement le recyclage et la récupération devraient devenir une industrie qui va finir par être rentable. Effectivement, si cette industrie finit par être rentable, tout ce qui est rentable comme, en plus de rendre service à l'environnement, évidemment, elle rendra service à la société et créera des emplois.

En ce qui concerne ce projet de loi, qui nous sensibilise, nous prépare et nous arme face au problème environnemental, nous nous devons de l'appuyer. Je suis convaincu qu'on l'appuiera aussi. En tout cas, pour ma part, j'en suis très fier. Je pense que cela vient confirmer le fait que beaucoup de gens, jusqu'à présent, se sont préoccupés, entre autres, du recyclage en disant: Ce serait rentable, il va falloir y aller et le gouvernement pourrait faire plus. Je pense à une industrie de Victoriaville, par exemple, qui a fait un travail incroyable dans le but de favoriser l'industrie de la récupération et du recyclage des déchets et qui voit son effort récompensé parce que, aujourd'hui, on s'en va vers cela.

Lorsque l'on parle de consultation, je pense qu'elle a été largement faite. On n'a qu'à penser au sommet économique qu'on a tenu. Je me souviens qu'en Mauricie, à Trois-Rivières, au sommet de la région -vous y étiez aussi, M. le Président - à une table on discutait des problèmes environnementaux, et à une autre de récupération et de recyclage. Cette table a intéressé beaucoup d'industriels et beaucoup de municipalités. Cela a été l'un des points qui ont fait un succès du sommet économique de Trois-Rivières. Je sais que cela a été pareil dans l'ensemble des régions où on a tenu un sommet économique.

Aujourd'hui, c'est vouloir retarder les choses de dire qu'on va consulter davantage. Un grand sommet a été tenu en février et mars dernier à Montréal sur l'industrie du recyclage. Depuis plusieurs années on en parle à tous les niveaux, dans tous les milieux de la société. Faire une consultation encore plus large, ce serait retarder les choses et on ne doit pas retarder nos efforts dans le domaine de l'environnement. Nous sommes en retard et nous devons y aller le plus rapidement possible. Pour cela, j'appuierai cette loi et je félicite le ministre de l'avoir présentée. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Nelligan.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: J'ai eu le privilège en bien des sens, je peux le dire, de m'occuper de

l'environnement pendant un certain temps au nom de notre parti politique, après les élections de 1981. C'est un domaine auquel je m'intéresse depuis longtemps comme citoyen. Tout comme le député de Champlain, je pense que c'est vraiment la clé du succès de l'avenir parce que cela domine presque toutes les considérations sociales et économiques de notre société.

De part et d'autre, on n'a aucun argument à faire valoir sur le principe même de la protection et de la revalorisation de notre environnement. Je pense que de ce point de vue on ne trouvera aucune discussion d'un côté ou de l'autre quant au principe fondamental qu'il nous faut bonifier notre environnement, qu'il nous faut le maintenir, qu'il nous faut le protéger. Lorsque ma collègue de Chomedey pose des questions tout à fait valables, qu'elle fait valoir des principes de fond, qu'elle pose des questions relatives, certainement, au facteur économique - parce qu'on ne peut jamais l'oublier - je pense que ce sont des questions que nous devons tous nous poser. Je ne pense pas qu'il faille dire, puisque l'environnement est un bon principe en soi, un principe qu'il faut tous défendre, que toutes les mesures sont acceptables. Je pense que c'est notre devoir de poser des questions, de nous demander des choses lorsque nous voyons nous-mêmes que la logique est inexistante dans un projet de loi, dans une réglementation, dans une mesure gouvernementale quelconque.

Dans le projet de loi 86, encore une fois, qui peut s'opposer au principe de quelque chose qui va bonifier la qualité de vie ou l'environnement des citoyens? Donc, si nous partons du principe qu'il y aura de la consignation, de la récupération, du recyclage, si on part du principe de base, du principe global, à ce moment-là, nous sommes tous d'accord, personne ne peut s'opposer à cela. Mais, en même temps, je pense que ma collègue a fait porter le sujet sur certaines questions que nous nous posons encore. Je pense que le ministre, ou son collègue qui a parlé avant moi, le député de Champlain, n'ont pas encore répondu à notre satisfaction.

On lisait dans les notes explicatives que le premier objectif de cette loi est un projet de consignation. Tout projet de consignation demande une façon de faire, une modalité, une façon de faire ce travail qui va être colossale. On attend de voir autour de nous... En fait, je pense que le ministre a maintenant un projet pour récupérer tous les déchets de l'atmosphère, dans l'eau, aux abords du Saint-Laurent, pour aller récupérer toutes ces canettes qui se promènent par centaines de milliers dans notre environnement, qui ont été laissées là au cours des années passées. On peut se rendre compte du problème fondamental que cela pose: des milliers et des milliers de déchets qu'il faudra récupérer, qu'il faudra recycler.

La question qu'on se pose dans ce problème de consignation: Comment cela va-t-il se faire? Je pense que la question de ma collègue est justement de savoir exactement comment cela sera fait, parce que nous ne le savons pas. Vous nous dites dans votre loi que cela sera fait par le biais d'un organisme que le ministre va nommer et constituer lui-même, selon ses prérogatives dans la loi. Quel est-il exactement, cet organisme, M. le ministre?

Je pense que nous avons le droit de nous demander, à la lumière de ce qui s'est passé au Québec jusqu'ici, si vous allez favoriser les citoyens eux-mêmes. Votre prédécesseur au ministère de l'Environnement nous disait: Les 6 000 000 de citoyens du Québec sont tous des défenseurs de l'environnement et c'est à eux qu'on va accorder priorité.

Nous nous posons des questions fondamentales là-dessus, parce que, selon ce que je peux suivre moi-même des interventions de ma collègue, ce que je lis dans les journaux et ce que j'ai pu suivre avec les gens avec lesquels j'étais en contact lorsque je m'occupais de l'environnement, il me semble que depuis que le ministre Léger, le député de Lafontaine, vous a passé les rênes, l'implication du bénévolat qui avait commencé à s'effriter avant que vous arriviez au ministère, s'effrite de plus en plus.

L'autre jour, accidentellement, j'ai rencontré une personne du milieu du bénévolat - la FAPEL, que vous connaissez bien - qui me disait comment ces gens se battent pour avoir une subvention de quelque 30 000 $ pour pouvoir augmenter leurs effectifs, pour garder leur personnel en place. Quand ces gens impliquent des centaines, des milliers de citoyens dans le travail de l'environnement, que les mouvements de bénévoles eux-mêmes vous crient tous les jours qu'ils ont besoin de se faire valoir, de se faire reconnaître... À leur récent congrès où il y avait 525 personnes, ils n'ont même pas pensé vous inviter, parce qu'ils croyaient que c'était peine perdue. Ils ont invité le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

On se demande quel genre d'organisme vous allez créer. Est-ce que ce sera un organisme qui va répondre aux besoins des citoyens eux-mêmes de se prendre en main et de faire de l'environnement eux-mêmes? (15 h 50)

Vous parlez des revenus de cet organisme. Les revenus de cet organisme vont aller avec son fonctionnement. Ma collègue a demandé avec raison: Lorsqu'on crée un organisme qui a des revenus autonomes ou des subventions, que va-t-il arriver? Cela va devenir une espèce de gros

organisme bureaucratique qui va s'occuper de son propre fonctionnement. Là, vous dites: Le premier objectif de cet organisme, avec ses revenus, va être la conservation des ressources. Nous sommes tous d'accord avec cela, mais comment va se faire la conservation des ressources? Est-ce que cette conservation des ressources va se faire par une espèce de système de réglementation ou si, on va encore nommer des gens qui vont aller conserver des ressources, quand vous avez déjà des mouvements qui s'impliquent dans la conservation de la ressource que vous-mêmes n'appuyez pas? Il faudrait vous poser des questions. Qu'est-ce que votre gouvernement, votre ministère, auparavant le ministère du député de Lafontaine, a fait, par exemple, pour le projet "Un fleuve, un parc", qui était la conservation de notre ressource naturellle? Qu'est-ce qu'on a fait avec cela? On a laissé cela traîner pendant des mois jusqu'à ce qu'un jour, peut-être, le fédéral s'en mêle. L'archipel Mingan, on en a discuté pendant des mois, pendant des années, en Chambre, jusqu'à la fin, et le fédéral est allé vous saper cela sous le nez.

On a discuté des marais de Kamouraska, par exemple, avec le député de Lafontaine, l'ex-ministre. Combien de fois j'en ai discuté avec lui. Il s'est fait saper encore une fois au Conseil des ministres par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Il n'avait pas la force de défendre ce côté de l'environnement. À quoi cela sert-il d'avoir des revenus d'un organisme autonome qui va conserver la ressource quand on a laissé cette dernière partir, et dans combien de cas?

Je parle maintenant du lac Saint-Pierre. Qu'est-ce qui arrive au lac Saint-Pierre? Oui, c'est bon de dire cela, M. le ministre, mais le fait est que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, chaque fois qu'il a voulu dominer la scène, il l'a dominée aux dépens de l'environnement. Où étaient les fameux revenus de cet organisme? L'ironie la plus complète, c'est qu'après avoir dépensé l'argent pour son fonctionnement, après un projet de conservation des ressources qui n'est pas du tout identifié - à ce moment-là, on se pose beaucoup de questions sur vos expériences antérieures - on envoie le reste au Fonds consolidé du revenu. Le Fonds consolidé du revenu, est-ce que vous allez encore l'en retirer? Est-ce que cela implique que ces revenus seront tellement supérieurs aux dépenses qu'on va en avoir assez pour faire l'entretien de l'organisme lui-même, ensuite pour faire des projets de conservation des ressources et, troisièmement, avoir assez d'argent pour en remettre au ministre des Finances? Ce sera peut-être encore une espèce de petite taxe déguisée qu'on va envoyer au Fonds consolidé du revenu. Je dis que si c'est vraiment valable, que si vous avez vraiment des projets de conservation des ressources et que vous nous déposez un concept, un projet de règlement à ce moment-là qu'on mette tout l'argent de surplus dans les projets de conservation des ressources sans donner le reste au ministre des Finances.

Je pense que ma collègue vous demande tout à fait logiquement ce que nous avons demandé l'autre jour au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation en regard du projet de loi 48. Ce n'est pas tout de dire que le principe d'une chose est bon. À ce moment-là, il faut l'accepter. Nous voulons les règlements. Nous voulons un projet de règlement. Nous voulons des brouillons de règlement pour savoir où on s'en va, quelle sorte d'organisme, comment cela va fonctionner, quelles sont les modalités.

Nous avons même maintenant une Commission de l'aménagement, qui a été décrétée d'après les nouveaux rouages de l'Assemblée nationale. Pourquoi ne pas s'en être servi? Pourquoi ne pas s'en servir maintenant pour étudier toute cette question afin de voir les études que vous avez, afin de savoir pourquoi on n'a pas le même système que l'Alberta qui a un système de dépôt central? Est-ce que c'est cela qu'on cherche ou si ce n'est pas cela? M. le ministre, tout ce qu'on vous demande, c'est d'examiner toutes ces choses, de déposer vos études, de permettre que tous les intervenants, d'un côté ou de l'autre, puissent savoir où vous allez avec cela.

Des questions ont été posées par des intervenants assez sérieux qui nous en ont parlé en rapport avec toute la question de la salubrité, en rapport avec toute la question de transport de ces milliers et ces milliers de canettes. Qui va faire tout cela? Qui va les déplacer? Qui va les entreposer? Qui va s'occuper de celles qui vont être écrasées ou endommagées? Dans ce système d'entreposage, dans les petites épiceries, est-ce qu'il y aura un mécanisme quelconque pour assurer la salubrité? On ne parle pas de bouteilles; c'est beaucoup plus facilement contrôlable. On parle de canettes qui sont facilement endommageables, qui contiendront toutes sortes de différents produits et on pourra, par exemple, contrôler beaucoup plus difficilement la question de la salubrité. La question de l'entreposage se pose encore une fois. Comment va-t-on faire tout cela?

C'est pourquoi on demande quelles sont les études que vous avez faites pour délimiter tous ces éléments et, si ces études existent - puisque vous nous dites que vous avez des études - ne pouvez-vous pas les déposer afin qu'on sache, tous ensemble, où on s'en va? C'est tout ce que ma collègue vous a demandé. On ne dit pas que le principe de bonifier l'environnement est faux.

On dit que le principe d'une modalité qu'on ne connaît pas, sans réglementation déposée, sans étude déposée, avec un organisme non identifié, avec un organisme dont on ne connaît pas les rouages futurs, avec un organisme qui va aller déposer des fonds au fonds consolidé du Trésor, on ne peut accepter cela de ce côté-ci.

On parle de récupération, de traitement, de recyclage. Je sais, du temps où je m'occupais de l'environnement, j'étais allé visiter l'école polyvalente de Victoriaville où il y avait des expériences formidables qui s'étaient faites au niveau de la récupération et du recyclage, entraînant quelques municipalités avoisinantes, entraînant toutes sortes de groupes de bénévoles comme les scouts et autres, les familles. C'était valable parce qu'il y avait une éducation de base du milieu.

C'est là encore que ma collègue vous a dit, dans les différents écrits qu'elle a publiés récemment: Tant qu'il n'y aura pas une éducation de base du milieu, on pourra faire tous les programmes de recyclage et de récupération qu'on voudra, on pourra nommer des organismes qui enverront des gens partout, on aura toujours des gens qu'il faudra aller nommer, toutes sortes de constables et de commissaires qui vont aller ramasser ces déchets partout dans l'environnement. L'affaire de base, c'est, comme le disait le ministre, de confier le travail sans l'avoir fait à ces 6000 citoyens du Québec. Si eux ne sont pas impliqués dans l'affaire, s'ils ne sont pas éduqués à faire eux-mêmes de l'environnement, tout cela est de la bouillie pour les chats. C'est pourquoi on revient à la question principale: II faut à un moment donné que vous reveniez à la base, que vous vous disiez qu'il y a toutes sortes d'organismes déjà en place qui font quelque chose de vivable de la Loi sur la qualité de l'environnement, si on les implique.

Je vous disais tout à l'heure: Vous parlez de la conservation de ressources, qu'est-ce que vous avez fait pour "Un fleuve, un parc"? Qu'est-ce que vous avez fait pour Kamouraska? Qu'est-ce que vous faites maintenant pour faire valoir vos idées dans la question du lac Saint-Pierre? Qu'est-ce que vous avez fait pour la FAPEL, pour l'aider, avec ses 30 000 $ qu'elle quémande presque par l'intermédiaire des articles de journaux de M. Gagné et autres? Qu'est-ce que vous avez fait pour la SVP? Qu'est-ce que vous avez fait pour STOP? Qu'est-ce que vous avez fait avec tout cela? Qu'est-ce que vous avez fait pour faire valoir vos demandes et vos exigences au ministère des Finances qui vous refusait même une subvention presque de façon arbitraire sur la question des pluies acides? Qu'est-ce que vous avez fait pour faire valoir vos droits, comme ministère de l'Environnement, qui nous fasse croire que demain matin un organisme que vous allez situer vous-mêmes, que vous allez, sans qu'on sache ce que c'est maintenant, que vous allez pouvoir créer, reflétera vraiment cette pensée du milieu de se prendre en main?

Nous pensons que la question fondamentale qui doit vous être posée c'est que le gouvernement lui-même ne peut pas tout faire. Le gouvernement ne peut pas aller décider qu'il va lui-même protéger l'environnement sans que les citoyens ne le fassent. Nous pensons que peut-être s'il y a une faute capitale dans votre projet comme dans votre politique, c'est de ne pas impliquer les gens qui se sont pris en main eux-mêmes. Alors nous pourrions citer les inspecteurs municipaux, tous les organismes de l'environnement qui se plaignaient tout le temps, du temps que j'y étais, que c'était toujours la même chose et qui avaient pensé qu'avec votre venue au ministère les choses auraient changé, que cela aurait été différent, qu'il y aurait eu un autre climat où on aurait commencé à mettre les ressources du gouvernement et l'appui du catalyseur qu'est celui du gouvernement dans le bénévolat, dans les gens qui se prennent en main et dans l'éducation à travers eux. Mais, au contraire, les gens que je vois par hasard, que je connaissais dans le milieu de l'environnement, me disent maintenant: C'est la grosse bebelle. On se met dans l'affaire électorale. On va pousser l'assainissement des eaux.

Tout le monde est d'accord qu'il faut assainir les eaux. Pendant ce temps, les organisations de bénévolat qui peuvent, elles, faire ce travail, sont ignorées par votre ministère. Raison de plus pour nous de nous poser des questions tout à fait sérieuses sur tout votre projet parce que, devant tous les projets qu'on lance un peu à la vapeur, sans explication, on a le droit de se poser des questions tout à fait justifiées. On vous l'a dit, ce n'est pas le principe même de la chose. C'est toute la question de savoir comment vous allez le faire. Donnez-nous des réponses sur la réglementation, déposez vos règlements, donnez-nous les questions sur les études, déposez vos études, donnez-nous les réponses sur toute l'affaire de la salubrité et dites-nous comment vous allez transporter ces déchets, comment vous allez les entreposer, quel sera exactement votre système d'entreposage. Donnez-nous des détails sur votre organisme. Comment allez-vous contrôler ces fonds récupérés par le ministère des Finances et même pourquoi ne mettez-vous pas tous ces fonds dans la bonification de l'environnement avec des gens qui se prennent en main, les bénévoles?

M. le ministre, ce sont les questions auxquelles on espère que vous allez nous donner des réponses dans votre réplique parce que, autrement, on va continuer à se

poser des questions fondamentales sur le projet de loi. Merci. (16 heures)

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est votre droit de réplique, M. le ministre de l'Environnement.

M. Adrien Ouellette (réplique)

M. Ouellette: Merci. Je viens d'écouter le député de Nelligan qui s'intéresse de toute évidence à l'environnement, mais je dois vous avouer avoir un certain étonnement devant la kyrielle de questions qu'il soulève. Je n'ai aucune objection à ce que l'Opposition pose des questions. Cependant, au moins 80% des questions qu'elle vient de poser débordent largement le contenu du projet de loi que nous débattons aujourd'hui. Ce qui m'étonne, c'est que les questions qu'on vient de poser auraient pu l'être notamment à la commission qui a étudié les crédits du ministère. Cela m'aurait fait plaisir d'y répondre. Je vais quand même répondre à un certain nombre de ces questions puisqu'elles portent, celles-là, sur le projet de loi 86 qui fait l'objet de nos discussions. Je vais répondre, en particulier, sur deux points qui ont fait également l'objet de questions de la part de Mme la députée de Chomedey en ce qui a trait à la consignation des contenants uniservice, qui est un volet très important du projet de loi, de même que sur l'ensemble du volet récupération-recyclage. Pourquoi je m'attache en particulier à ces deux aspects? C'est que pour moi ils sont extrêmement importants en termes de protection de l'environnement.

Les deux, d'ailleurs, ont un volet économique des plus intéressants. Je pense que dans le contexte économique qu'on vient de connaître on s'est tous rendu compte au Québec, comme partout au Canada et en Amérique du Nord, que l'aspect économique ne devait jamais être négligé si nous voulions évoluer dans le sens d'une société qui sait où elle va et qui veut y aller de la façon la plus confortable possible.

Touchons d'abord le côté consignation. Il faut faire remarquer qu'il y a deux projets de loi devant cette Chambre, l'un qui est piloté par le ministre de l'Environnement, le projet de loi 86, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, et un autre qui est piloté par mon collègue de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, qui porte le numéro 87 et qui touche également la consignation. Déjà, là, il y a matière à s'interroger. Je vais vous expliquer pourquoi deux ministres de deux ministères différents présentent deux projets de loi différents qui visent un même objectif.

Il faut se rappeler que depuis toujours au Québec il existe un système de consignation des contenants de boissons gazeuses et de bière en bouteille. Ce système a fait ses preuves. Il a été instauré complètement en dehors de l'appareil gouvernemental. Il est le fruit de l'imagination et de l'intérêt des embouteilleurs régionaux, aussi bien du côté des boissons gazeuses que du côté de la bière. Il a produit des résultats fantastiques. En fait, la consignation de ces contenants de boissons gazeuses et de bière a eu pour effet d'assurer un retour de ces bouteilles et une réutilisation de celles-ci à un niveau aussi élevé que 98%. C'est probablement un record mondial. Pourtant, jamais ni notre gouvernement ni ceux qui l'ont précédé n'ont eu à intervenir dans cette méthode inventée de toutes pièces par l'industrie privée.

Si cette méthode fonctionne si bien et qu'elle a été inventée de toutes pièces par l'industrie privée, c'est qu'elle devait comporter des qualités intrinsèques et présenter des intérêts économiques pour ceux qui l'ont créée et maintenue. C'est évident. On sait, par exemple, que grâce à ce système une bouteille de boisson gazeuse peut être réutilisée 17 et même jusqu'à 20 fois. Au niveau économique, cela devient intéressant de voir qu'une bouteille qui coûte peut-être 0,20 $ à produire est utilisée 20 fois plutôt qu'une. C'est à partir de cet exemple que nous avons conçu au ministère de l'Environnement une méthode qui vise à protéger l'environnement, vu l'annonce de l'apparition des canettes d'aluminium. Pour nous, l'apparition de ces canettes présentait un double caractère. Un caractère économique intéressant puisque la canette d'aluminium sera fabriquée au Québec qui est le plus gros producteur au monde. Il y a donc là un marché intéressant; il y a des usines qui sont d'ailleurs construites et qui n'attendent que la permission d'utiliser ces canettes pour rouler à fond de train, créant ainsi des emplois au Québec.

Par contre, cela constitue une menace de taille à l'environnement puisqu'on évalue autour de 1 200 000 000 le nombre de ces canettes qui peuvent être mises en circulation sur le territoire québécois au cours des prochaines années. C'est bien 1 200 000 000. Imaginons que ces canettes ne soient pas consignées et qu'elles ne soient pas récupérées comme c'est le cas de la canette d'acier qui, elle, circule en nombre limité mais qui crée un préjudice à l'environnement en général! ce serait une véritable catastrophe écologique. 1 200 000 000, ça en fait des canettes, des canettes fabriquées d'un matériau qui a la qualité de ne jamais se dégrader. C'est donc dire que chaque année, on retrouverait ce 1 200 000 000 de canettes, soit au fond des cours d'eau, soit au fond des lacs parce que les pêcheurs utilisent abondamment ce genre de contenant pour la bière ou les boissons gazeuses ou, dans la meilleure des hypothèses, dans nos lieux d'enfouissement

sanitaire, lieux d'enfouissement sanitaire qui ont été mis en place sur le territoire québécois et qui servent à enfouir les déchets domestiques. 1 200 000 000 de canettes d'aluminium qu'on plongerait dans ces lieux d'enfouissement sanitaire auraient pour effet de consacrer un gaspillage extraordinaire puisque chacune de ces canettes, si elle est récupérée, déchiquetée et refondue représente au bas mot une valeur de 0,015 $ l'unité. Deuxièmement, elles viendraient gaspiller ces lieux d'enfouissement sanitaire en les remplissant d'un matériau qui a une valeur en soi.

II nous fallait donc, au ministère de l'Environnement, prévoir différents scénarios pour éviter, d'une part, qu'on consacre le gaspillage et, d'autre part, qu'on utilise les lieux d'enfouissement sanitaire dispendieux pour y enfouir des biens qui ont une valeur en soi et que la société aurait intérêt à réutiliser plutôt qu'à enterrer. On a eu le temps de voir venir puisqu'un certain nombre de mois s'est écoulé entre le jour où on a parlé de l'apparition de ces canettes et le jour où elles apparaîtront effectivement. Nous avons donc conçu une méthode calquée sur la bouteille de verre qui a connu de si grands succès dans le passé: un système de consignation qui se fasse complètement à l'extérieur de la structure gouvernementale.

Nous avons réuni autour d'une même table, dans un premier temps, les franchiseurs, c'est-à-dire les grandes compagnies de boissons gazeuses de même que les grandes compagnies de bière. Nous avons assis à côté d'elles les responsables de la distribution au niveau régional, ce qu'on appelle familièrement les distributeurs régionaux, notamment de boissons gazeuses pour limiter la pyramide. Nous avons également intéressé les distributeurs, c'est-à-dire les épiciers, à cette méthode qu'on entendait mettre sur pied à l'extérieur du gouvernement.

Nous avons conçu cette méthode de façon qu'elle ressemble à ce qui existe actuellement dans le secteur du verre mais en pensant créer un fonds dont le rôle serait de recevoir la consigne attachée à ces canettes aux fins de rembourser les consommateurs lorsque ceux-ci rapporteront les canettes, sachant d'avance qu'un résidu resterait à ce fonds. Imaginons des chiffres purement hypothétiques. Dans l'hypothèse où on consommerait, l'an prochain, 1 200 000 000 de canettes, auxquelles nous aurions attaché une consigne de 0,05 $, le fonds se verrait remettre 60 000 000 $. Si, 50% de ces canettes étaient récupérées, c'est-à-dire si les consommateurs les rapportaient chez l'épicier pour se faire rembourser les 0,05 $, le fonds devrait rembourser 30 000 000 $. Il resterait donc un résidu d'environ 30 000 000 $. Ce fonds, toujours a l'extérieur du gouvernement mais auquel des représentants du ministère de l'Environnement seraient appelés à siéger, se verrait alors, non pas forcé, mais invité -c'est au moment de la signature d'ententes qu'on pourra prévoir cela - à consacrer les 30 000 000 $ - après avoir payé, évidemment, les coûts de fonctionnement de cet organisme - ou à utiliser le résidu pour différentes actions à caractère environnemental. (16 h 10)

Cela pourrait très bien servir, par exemple - et là, c'est l'imagination qui parle, parce qu'il n'y a rien d'attaché dans ce domaine puisque l'organisme n'est pas encore créé - à faire de la publicité en faveur de la protection de l'environnement. Cela pourrait aller à des groupes auxquels faisait allusion tout à l'heure le député de Nelligan, c'est-à-dire que certaines de ces sommes pourraient être versées à des groupes bénévoles qui s'intéressent à la protection de l'environnement. Nous aurions créé là une source de financement des organismes bénévoles, par exemple, complètement à l'extérieur du gouvernement et une source qui s'autofinance tout en protégeant l'environnement. C'est, en ce qui me concerne, le voeu que je nourris le plus profondément.

Pour atteindre cet objectif, nous avons, bien sûr, consulté les différents intervenants, qu'il s'agisse des franchiseurs, qu'il s'agisse des embouteilleurs régionaux ou qu'il s'agisse des épiciers qui font la distribution au détail. Après consultation avec toutes ces personnes, nous en sommes venus à la conclusion qu'il fallait à tout prix que des ententes soient signées, mais que des fins économiques additionnelles soient recherchées. Par exemple, les embouteilleurs régionaux ont le mérite, entre autres, de maintenir dans les différentes régions du Québec un certain nombre d'emplois qui sont utilisés à l'embouteillage et à la distribution des boissons gazeuses ou de la bière. Nous savions également que l'apparition de cette canette d'aluminium pouvait constituer une menace pour ces gens puisque, le jour de son apparition, les grands embouteilleurs nationaux pourraient se permettre de faire l'embouteillage à partir de Montréal et, de distribuer leurs produits n'importe où sur le territoire du Québec, mettant donc en péril l'avenir de ces embouteilleurs régionaux et par conséquent, l'élimination éventuelle des emplois régionaux. C'est pourquoi, dans nos négociations avec l'Association des embouteilleurs, des brasseurs et les franchiseurs, nous avons prévu dans la Loi sur le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme une réserve qui fait que l'on protégerait par le moyen de quotas ces emplois régionaux. C'est là, bien sûr, une préoccupation beaucoup plus économique

qu'environnementale, mais qui se marie très bien avec le double objectif environnement et économie.

C'est donc dans cette voie que nous allons, mais comme tout cela ne peut fonctionner que dans la mesure où des ententes interviennent entre toutes ces personnes, il nous fallait être prudents, nous, de l'Environnement, en prévoyant dans une loi à caractère environnemental une structure parallèle qui puisse pallier l'absence de premières ententes. C'est pourquoi, dans le projet de loi dont je parle aujourd'hui, nous prévoyons habiliter le ministre de l'Environnement à mettre sur pied un réseau semblable, mais celui-ci à caractère purement gouvernemental. Je le répète, ma préférence va vers l'autre formule, mais c'est aux acteurs de prendre la décision. Si jamais ils ne la prennent pas, nous allons, au ministère de l'Environnement, prévoir la structure parallèle qui, elle, sera imposée par la loi.

On nous parle, bien sûr, dans ce projet de loi, d'une structure, c'est-à-dire d'un fonds de gestion de la consigne et on s'interroge sur la lourdeur de cet organisme. N'ayez aucune inquiétude; notre intention n'est pas de créer une société identique à Hydro-Québec qu'on appellerait hydrocanettes. Non, il n'en est pas question. La structure que nous prévoyons serait des plus modestes et cela répond à l'interrogation de Mme la députée de Chomedey, qui nous parlait de 60 000 $ en moyenne par gestionnaire. Ses chiffres sont bons. Notre intention n'est pas de créer une société lourde qui absorberait, de par sa gestion, la quasi-totalité des revenus. Au contraire. Il s'agira d'une structure très souple, comportant très peu de gens, dont le rôle sera tout simplement de recevoir la consigne perçue quelque part dans le mécanisme et de rembourser les consignes auprès des récupérateurs régionaux qui rapporteront les canettes récupérées au niveau local. L'excédent de cela, plutôt que de servir, comme ce serait le cas si la structure était privée, à financer des groupes environnementaux, serait plutôt versé au fonds consolidé, conformément à la loi générale de la gestion des fonds publics. À ce moment-là, le ministre de l'Environnement devrait, comme on l'a signalé, se présenter au comité des priorités ou au Conseil des ministres pour aller chercher ces montants d'argent s'il veut vraiment les affecter à des fins environnementales. C'est d'ailleurs un autre motif qui m'incite à favoriser de loin la formule privée, qui nous éviterait de devoir faire ces revendications pour nous assurer que ces montants d'argent en surplus soient affectés à des fins environnementales.

Je pense que cela répond à l'essentiel des questions que m'a posées l'Opposition. Je résume en disant: une structure complètement privée, avec consigne, fonds de gestion et affectation des surplus pour le financement des groupes environnementaux; fonds publics, structure publique avec, bien sûr, les surplus qui se retrouveraient au fonds consolidé et pour lesquels il faudrait faire les démarches appropriées en gestion des fonds publics pour nous assurer du retour de ces sommes d'argent à des fins environnementales.

Voilà donc le premier aspect de ce projet de loi qui me tient très à coeur. Je n'ai pas mentionné mon étonnement de voir les interrogations que se pose ou que nous pose l'Opposition. Je n'ai pas marqué mon étonnement de voir le niveau d'incompréhension que l'Opposition a manifesté parce que, j'en conviens très honnêtement, ce dont je viens de vous parler s'est fait via des négociations entre quatre murs dans bien des cas et cela n'a pas été tellement étalé sur la place publique. J'en conviens, le projet de loi, pris isolément, ne répondait pas à toutes les questions de l'Opposition.

Quand j'en viens au deuxième volet, celui de la récupération et du recyclage, sans être méchant, laissez-moi vous dire, mes amis d'en face, que je suis tout à fait estomaqué de voir l'ignorance dont vous faites preuve. Et je vais vous dire pourquoi, toujours sans méchanceté de ma part, soyez-en sûr. On nous dit: Vous ne pouvez penser concevoir un projet de récupération-recyclage qui s'adresse à l'ensemble du territoire québécois sans d'abord faire de la consultation. Cela a été dit à plusieurs reprises par l'Opposition dans ce débat. On a tenu, au mois de février dernier, un sommet économique sur la récupération et le recyclage. Durant trois jours, nous avons travaillé, du matin au soir, dans une salle où il y avait sept ou huit caméras de télévision, au vu et au su de tous - la presse nationale était là. Cela a fait l'objet de nombreux reportages à la télévision, tous les journaux en ont parlé, certains journaux ont même publié des cahiers spéciaux, tel le Devoir, par exemple.

Autour de cette table, on a retrouvé au-delà de 300 intervenants québécois. À titre d'exemple, la Centrale de l'enseignement du Québec était présente, la CSN, la FTQ, l'Association forestière, l'Association des fabricants de papier journal, l'Association des récupérateurs régionaux à volet communautaire, l'Association des récupérateurs régionaux privés, l'Association de l'emballage, l'UMQ, l'UMRCQ, la Communauté urbaine de Montréal, bref, au-delà de 300 intervenants sont venus à ce sommet au cours duquel nous avons pu faire toute la consultation prévue. De ce sommet se sont dégagés un certain nombre de consensus très intéressants. L'un d'entre eux, par exemple, qui nous a été répété à

plusieurs reprises par l'Union des municipalités, par l'Union des municipalités régionales de comté, par la Communauté urbaine de Montréal était à l'effet que la propriété des déchets domestiques revenait de droit aux municipalités. Elles nous l'ont affirmé à plusieurs reprises et nous avons respecté leur point de vue.

C'est donc à partir de ces municipalités que nous entendons mettre sur pied toute une structure nationale visant à favoriser la récupération et le recyclage; là encore, je ne souhaite pas que ce soit le gouvernement, via le ministère de l'Environnement, par exemple, qui prenne en charge toute cette structure. Au contraire, quand on regarde le processus qui va se dégager de ce sommet et des tables de concertation qui suivent, on s'aperçoit que chaque citoyen doit être impliqué dans ce processus. (16 h 20)

II faut donc, dans une première étape, qu'on sensibilise chacun des citoyens et chacune des citoyennes du Québec au tri à la source, faisant en sorte que, dans chaque maison, on prenne bien soin de démêler ordures ménagères traditionnelles, papier journal et verre, par exemple, dans un premier temps. Cela demandera, bien sûr, la participation active de chacune des municipalités qui nous ont répété être responsables de ces déchets. On a eu au cours du sommet l'occasion de les entendre toutes nous dire qu'elles étaient des plus intéressées parce qu'elles y voyaient d'abord un phénomène d'éducation et également des économies en termes de cueillette des ordures ménagères et, surtout, en termes d'enfouissement.

Il faudra, bien sûr - elles en convenaient également - que les gens responsables de la cueillette, les éboueurs ou les gens - je ne me souviens pas du terme de leur association - responsables des cueillettes participent avec les municipalités pour assurer le cheminement de ces déchets devenus récupérables vers la récupération régionale qui, elle, les acheminera par la suite vers les recycleurs. En somme, on pourrait soulager nos lieux d'enfouissement sanitaire de près de 55% du volume qu'ils reçoivent actuellement, et ce de façon rentable, mais à la condition qu'on s'assure que ces choses récupérées puissent trouver des débouchés commerciaux.

M. le député de Nelligan me demandait tout à l'heure ce qu'on avait fait. Enfin, si je l'écoute bien, on n'a pas fait grand-chose, mais ce n'est pas tout à fait le cas. Je pourrais lui dire, par exemple, qu'un des inconvénients majeurs dans la mise en place de ce système de récupération et de recyclage, c'est de trouver un débouché pour le papier journal. On sait qu'on fabrique énormément de papier journal au Québec. On sait qu'on en exporte 85% à l'extérieur de notre territoire et qu'on en consomme 15%. Ceci nous permettrait d'aller chercher idéalement tout le papier journal qu'on consomme et de le réutiliser dans la fabrication du papier neuf dont 85% serait exporté hors du Québec. Mais il nous faut absolument une, deux, trois, quatre, peut-être même cinq usines de désencrage, parce que les compagnies papetières sont intéressées à utiliser de la fibre recyclée à la condition qu'elle soit propre et de bonne qualité.

Il y a quinze jours à peine, j'avais le privilège d'aller annoncer à Breakeyville, dans mon comté, une subvention de près de 1 000 000 $ offerte par le ministère de l'Énergie et des Ressources à la compagnie Cascade qui venait d'acheter une ancienne entreprise de fabrication de papier. Le gouvernement fédéral a annoncé également qu'il allait participer à ce projet et le Mouvement Desjardins, grâce à l'initiative remarquable de son président, a décidé d'avancer un montant d'au moins 2 000 000 $, pour cinq ans sans intérêt, ce qui permet à la firme Cascade de mettre en marche ce projet qui va offrir un débouché à tous les récupérateurs régionaux qui ne savaient quoi faire de leur papier journal.

La compagnie Reed à Québec s'est engagée à acheter l'ensemble de la production de cette usine de désencrage dans la mesure où la fibre sera compatible avec ses exigences. D'autres compagnies, telle Kruger à Trois-Rivières, ont également manifesté un grand intérêt. C'est là un exemple concret de ce qu'a fait le ministère de l'Environnement dans le but de mettre sur pied toute cette organisation de récupération et de recyclage.

On retrouve dans le projet de loi un certain nombre d'articles qui vont nous permettre d'aller plus loin dans cet excellent chemin pour démontrer à l'ensemble des Québécois que la protection de l'environnement peut aller de pair, qu'elle peut être parfaitement compatible avec le développement économique. En somme, au lieu de continuer à gaspiller certains biens de consommation, on va plutôt les récupérer et les recycler de façon économique, de façon à créer un nombre supérieur d'emplois au Québec.

Quant à savoir - puisque Mme la députée de Chomedey a posé la question - si nous avions pensé à la petite et à la moyenne entreprise, c'est avec plaisir que je peux lui dire qu'au sommet sur la récupération et le recyclage, j'ai annoncé que le programme PARFAIR allait être augmenté à 750 000 $ par année. Ce programme vise directement à financer les groupes régionaux à caractère communautaire qui veulent acquérir l'équipement nécessaire à la mise en place de la récupération régionale.

Mon collègue, le ministre de l'Industrie,

du Commerce et du Tourisme, est venu annoncer qu'il avait une réserve de 10 000 000 $ sur deux ans, réserve à l'intérieur de ces programmes du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme de même qu'à la SDI, 10 000 000 $ qui seront disponibles aux gens intéressés à investir dans le secteur industriel relié à la récupération et au recyclage. Ma collègue de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu est venue également annoncer que, dans ses programmes de création d'emplois, elle réserverait des montants d'argent intéressants pour permettre à ces entreprises de profiter au maximum de l'aide de l'État pour la période de démarrage qui est une période difficile, cela va de soi.

Jamais un gouvernement au Québec et non plus au Canada n'est allé aussi loin dans la voie de la récupération et du recyclage et c'est avec beaucoup de fierté que j'en parle partout où je passe au Québec. Je constate surtout que les gens sont de plus en plus réceptifs à cette idée, à cette nécessité de concrétiser des économies dans nos comportements faisant en sorte qu'on développe en même temps l'économie du Québec.

Voilà donc, M. le Président, l'essentiel de mes remarques sur ce projet de loi que nous aurons le plaisir d'étudier dès demain en commission parlementaire. J'y vois là un certain nombre de jalons importants dont certains visent exclusivement, à toutes fins utiles, à corriger la loi fondamentale sur l'environnement. Après essai, on s'est aperçu que certaines lacunes existaient dans notre loi. Nous avons donc apporté un certain nombre de corrections pour nous permettre de la rendre encore plus efficace et tout aussi respectueuse de l'ensemble des Québécois et des Québécoises.

C'est donc avec beaucoup de plaisir que j'aurai l'occasion de discuter demain, avec l'Opposition, de chacun des articles de ce projet de loi et de me retrouver incessamment devant cette Chambre pour l'approbation en troisième lecture. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Est-ce que je pourrais avoir le consentement de la Chambre pour poser une question au ministre?

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Consentement. Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Est-ce que le ministre de l'Environnement a l'intention de déposer sa réglementation avant l'étude article par article du projet de loi 86?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Ouellette: M. le Président, il y a très peu de réglementation qui va découler de ce projet de loi qui a un caractère omnibus. En fait, il n'y a qu'un élément qui peut susciter une réglementation et, à ce stade-ci, compte tenu des négociations qui se déroulent encore avec l'Association des embouteilleurs et des brasseurs de même qu'avec les franchiseurs, il serait vraiment trop tôt pour déposer une réglementation. Cependant, nous ferons connaître, en commission parlementaire, les grandes lignes de ce que nous entendons mettre en place, quitte à les raffiner au fur et à mesure que les négociations avec lesdites personnes se dérouleront.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Le principe du projet de loi 86, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, est-il adopté?

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté sur division.

M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Blouin: M. le Président, comme le prévoit notre règlement, je propose donc de déférer ce projet de loi à la commission de l'aménagement et des équipements qui procédera à son étude détaillée. Cependant, je vous signale que cette commission sera présidée par un président de séance.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion de déférence est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, nous allons maintenant parler de transport et, à cet égard, je vous demande d'appeler l'article 3) de notre feuilleton, s'il vous plaît, en vous soulignant que la parole sera au député de Groulx.

Projet de loi 76

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Rancourt): Reprise du débat sur le projet de loi 76, Loi

modifiant diverses dispositions législatives concernant les transports.

M. le député de Groulx, vous avez la parole.

M. Élie Fallu

M. Fallu: Merci, M. le Président. Il s'agit d'un projet de loi omnibus numéroté 76, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les transports. Il faudrait savoir que le mot "omnibus" a un sens technique dans le domaine législatif, mais plutôt que de le traduire en français, je vous le démontrerai, M. le Président, par une image. Vous vous souvenez de ces omnibus, c'est-à-dire ces grandes calèches qui ramassaient tout le monde; ou encore le mot "omnibus" est utilisé de nos jours pour signifier un train qui s'arrête ou un autobus qui s'arrête a toutes les stations ou à tous les villages. C'est un peu cela un projet de loi omnibus. C'est un projet de loi qui englobe à peu près toutes les autres lois du secteur ou encore qui touche à chacune de ces lois. En effet, le projet de loi touche à un grand nombre de lois, mais je saurai dire à l'instant que c'est à cause d'une technique législative qu'il doit toucher à plusieurs lois. (16 h 30)

En introduction, M. le Président, permettez-moi de rappeler comment, dans cette Chambre, nous avons fait évoluer considérablement, tant par la législation que par l'adoption de budgets, le transport dans notre société. Au départ, rappelons que les grands objectifs du gouvernement, qui ont d'ailleurs été largement partagés par l'Opposition et encore davantage par l'ensemble de la société, ont fait qu'on a beaucoup moins construit d'autoroutes. On a pensé surtout à la voirie secondaire et tertiaire, essayant de donner des routes convenables aux gens, mais on a fait beaucoup d'efforts en ce qui a trait au développement du transport en commun.

J'aimerais rappeler à tout le monde qu'en 1972, pour la première fois, on assistait à l'État qui subventionne du transport en commun dans des municipalités. On sait quelle ampleur cela a pris maintenant, alors que plus de 450 000 000 $ de nos crédits sont affectés aux subventions au transport en commun dans tout le Québec. Ii s'agit donc de mesures budgétaires mais, dans le domaine législatif et réglementaire, rappelons comment nous avons transformé la législation relative au transport scolaire, la législation relative au transport dans la région de Montréal, la législation relative au transport par taxi, permettant notamment des volets de taxi collectif ou taxis de fin de ligne.

On oublie la loi portant sur le covoiturage car c'est du transport en commun, mais par entente consensuelle entre les parties. Sans parler des dimensions incluses dans des lois d'autre nature, comme celle de la Communauté urbaine de Montréal où nous avons démocratisé la gestion du transport en commun dans la région métropolitaine.

Cette loi que nous étudions aujourd'hui touche à un grand nombre de lois. Permettez-moi d'abord de vous dire qu'en technique législative, lorsque nous touchons au monde municipal, il faut, par la nature des choses, répéter, à toutes fins utiles, les mêmes articles pour un très grand nombre de lois ou de chapitres. C'est ainsi qu'il faut toucher à la Loi sur les cités et villes, évidemment le Code municipal, la Loi sur la Communauté régionale de l'Outaouais, la Loi sur la Communauté urbaine de Montréal, la Loi sur la Communauté urbaine de Québec, la Loi sur les corporations municipales et intermunicipales de transport, la charte de la ville de Laval, la Loi constituant la Commission de transport de la Rive Sud de Montréal, la Loi sur les conseils intermunicipaux de transport dans la région de Montréal et modifiant diverses dispositions législatives - vous vous souvenez, c'était l'an dernier.

Or, dans le cas de ces neuf lois auxquelles nous touchons, il s'agit en fait d'amendements répétitifs. Il s'agit du même amendement à tous égards. Et de quel amendement s'agit-il, puisque nous étudions ici les principes de la loi? Il y en a deux. Le premier vise à satisfaire une demande des associations de personnes handicapées, à laquelle on se rend d'ailleurs très volontiers puisqu'il s'agit de permettre aux personnes handicapées de jouir des mêmes droits et privilèges que l'ensemble des citoyens qui ont accès au transport en commun.

Je m'explique. Nous avons permis aux commissions de transport d'intégrer leurs tarifs et, en conséquence, de pouvoir prendre des gens dans une municipalité régie par une commission, les transporter dans une seconde, voire dans une troisième, en continuité, notamment en intégration tarifaire. II n'en était pas ainsi pour les personnes handicapées. Dorénavant, les commissions de transport ou les commissions intermunicipales ou les corporations municipales pourront faire des ententes entre commissions de transport pour faire en sorte que la personne handicapée puisse être transportée d'un lieu à un autre et non pas seulement à l'intérieur d'une ville ou d'un village.

De la même façon, elle permet à ces commissions ou à ces municipalités qui gèrent du transport en commun de faire des échanges de réciprocité, notamment avec leurs voisins, pour faire en sorte que le minibus qui passerait à la frontière d'une municipalité puisse également aller chercher l'une ou l'autre des personnes handicapées qui serait dans la municipalité jouxtante pour qu'on puisse planifier un meilleur service à

la clientèle. Il y a un second principe. Disons-le, un projet de loi omnibus comme ça vise essentiellement à améliorer la loi existante ou à répondre à certaines demandes expresses du milieu. C'est dans cet esprit que le deuxième principe, que nous nous proposons d'adopter, permettrait beaucoup plus de latitude aux commissions de transport ou aux municipalités, notamment par des ententes avec les transporteurs scolaires qui permettraient - entre autres, à cause des événements qui s'en viennent au cours de l'été, alors que l'on aura, dans notre société un très grand besoin de transport public, transport à long parcours - à presque tout transporteur jouissant d'un permis de transport de faire de la charte-partie, c'est-à-dire que nous aurons besoin de tous les autobus en Gaspésie pour descendre les gens à Gaspé pour l'arrivée des grands voiliers. On attend, nous dit-on, 1 000 000 de personnes.

Comme nous aurons besoin, plus tard, des mêmes autobus pour amener les fidèles, cette fois, à Québec ou à Montréal, pour la visite du pape. Ce sont des mesures d'assouplissement pour faire en sorte que personne ne soit gêné pour faire du transport qui, autrement, serait illégal à cause de la réglementation existante et qui elle, de toute façon, doit demeurer puisqu'elle protège l'industrie du transport en commun. Voilà pour les cités et villes. Voilà pour le Code municipal. Voilà pour les communautés urbaines ou les corporations municipales ou intermunicipales de transport.

Évidemment, il s'agit, en termes de volume, de la plus grande partie des pages que nous pouvons lire de cette loi. Un second ajustement qu'il nous faut rectifier par voie législative, alors qu'il a été décrété, sous certains égards, par voie réglementaire, c'est l'intégration de personnels du ministère des Transports au ministère de la Justice. Il s'agit de ces agents que tout le monde appelle les "bleus", au Québec. Nous nous comprenons par ce terme. Maintenant, ils n'ont plus d'autos bleues, ils ont des autos jaunes. Simplification administrative, économie d'échelle; d'ailleurs, on entend, sans doute vous-même, M. le Président, avez entendu, à combien de reprises, les gens dire: Pourquoi, pour la même route, une voiture de la Sûreté du Québec, et juste à côté, à la sortie de l'autoroute, ou à l'entrée, une autre voiture, celle-là du ministère des Transports, les deux font de la surveillance routière: l'une surveille les véhicules publics, c'est-à-dire les véhicules de commerce, les autobus, les minibus, les véhicules de ferme, etc., l'autre, de la Sûreté du Québec, vérifie les phares et la vitesse? Il y a une certaine rationalité que les gens nous faisaient remarquer. Nous voulons simplement remédier à cette tradition, mais nous voulons justement remettre en cause les traditions.

Un autre principe qu'on doit aborder rapidement dans cette loi, c'est le pouvoir réglementaire qui est donné au gouvernement de régir certaines activités à l'occasion d'événements dits exceptionnels. On se comprendra: il s'agit de ce que nous aurons à vivre au cours de l'été, notamment, dans la région de Québec avec les Grands Voiliers, le 450e anniversaire de la découverte du Québec et à l'occasion de la visite du pape. Tant la commission de transport que le gouvernement possèdent déjà un certain nombre de pouvoirs qui permettent de s'adapter rapidement aux circonstances. Je vous ferai remarquer que la commission de transport ne possède ce pouvoir que dans les limites de quinze jours. Or, il est manifeste que les événements que nous allons vivre au cours de l'été vont durer bien au-delà de quinze jours. Le projet de loi voit à donner, à autoriser le gouvernement à suspendre un certain nombre de règlements qui seraient des entraves à l'organisation des grands événements que nous allons connaître. (16 h 40)

De la même façon, on nous faisait valoir depuis un certain temps une double démarche que les camionneurs devaient faire. Le camionneur se présentait à un IVA ou à un BVA, c'est-à-dire à un bureau de la Régie de l'assurance automobile, pour y enregistrer son véhicule, pour obtenir des plaques. Il devait aller ailleurs, c'est-à-dire à la Commission des transports, pour faire une démarche à peu près de même nature, c'est-à-dire pour acheter une autre plaque qui constitue son permis d'exploitation pour les six mois ou pour l'année qui viennent. Simplification administrative pour que notre camionneur n'ait qu'une seule démarche à faire; il pourra désormais se présenter devant la Régie de l'assurance automobile du Québec. C'est un peu le rêve que tout le monde caresse d'avoir un seul fonctionnaire à qui s'adresser ou d'avoir un guichet unique pour régler tous ses problèmes. On rêve de le faire et on a commencé à le faire, notamment dans l'intégration du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Voilà que cela sera fait dans le domaine du transport en ce qui a trait aux doubles autorisations requises, notamment pour les chauffeurs de camion.

Je passe à un autre volet de la loi. Il y a un amendement qui portera sur la Loi sur la voirie. Vous me permettrez, M. le Président, de m'y arrêter un peu plus longuement parce que les intervenants en cette Chambre ont été très peu loquaces sur ces amendements qui me semblent pourtant relever d'une grande sagesse et font surtout état d'une autre approche de société. Sans lire l'article, vous me permettrez néanmoins d'en citer des passages. C'est ainsi que déjà le ministère avait l'autorisation d'établir des

parcs de stationnement. Il avait déjà l'autorisation d'établir des belvédères, des pavillons, des ouvrages de protection, de sécurité ou d'embellissement. Ce que le ministère sollicite ici en cette Chambre, c'est l'autorisation d'y construire des lieux d'approvisionnement, des haltes routières, des pistes cyclables, des sentiers réservés aux piétons. Il y a là, M. le Président, toute une philosophie de société. Je ne parlerai pas des lieux d'approvisionnement, parce que je crois que, dans l'ensemble, nos concitoyens nous ont relativement bien approvisionnés le long de nos routes et notamment de nos autoroutes en sachant nous munir de garages et de restaurants, sauf que c'était à l'époque où il n'y avait pas de zonage agricole. La situation a changé avec une protection très ferme du territoire agricole. Il faut peut-être maintenant, à certains endroits... Vous savez comment, quelquefois, sur certaines de nos autoroutes, on fait de très grandes distances sans trouver de lieux d'approvisionnement. Je pense à l'autoroute 40, qui est déjà ouverte en grande partie et qui ouvrira totalement au cours de l'été.

Quant aux haltes routières, la demande est constante de la part des gens, de la part des routiers, de la part des visiteurs. On n'a qu'à observer comment, au Québec, les haltes routières ne se sont pas développées au même rythme qu'elles se sont développées chez nos voisins du Sud, dans certains États américains. La demande est là et il faut donner expressément au gouvernement, au ministère des Transports, l'autorité pour construire en abondance ces haltes routières. Il en va de la qualité de vie du routier, il en va de la qualité de vie de l'automobiliste. Cela incite l'automobiliste à s'arrêter pour se reposer et à faire en sorte qu'il ne soit pas chauffé à blanc après avoir conduit pendant deux ou trois heures sans jamais s'arrêter. On sait qu'il faudrait, à toutes les heures, s'arrêter au moins cinq minutes et à tous les 100 kilomètres, pour le moins, s'arrêter entre cinq et dix minutes pour se refaire.

Les pistes cyclables. M. le Président, on a même construit dans ma circonscription le premier pont avec une piste cyclable, le pont de Bois-des-Filion, reliant une des municipalités de chez nous à la ville de Laval. On a également construit la première piste cyclable sur une route publique, une route gouvernementale, une route numérotée, la 117. Je vous avouerai, par ailleurs, qu'on a dû la mettre au rancart parce qu'on n'a pas trouvé - elle était expérimentale - le moyen de la rendre sécuritaire. Il faut, en conséquence, ce pouvoir habilitant pour que, dorénavant, le ministère des Transports puisse systématiquement accompagner ses constructions ou ses réfections de pistes cyclables. Et j'irai plus loin: un fonctionnaire me disait, il y a quelques années, que si le gouvernement savait construire ses routes avec une surlargeur de 24 ou 30 pouces de chaque côté - faire en sorte, donc, qu'il y ait cette piste cyclable de chaque côté - la conservation de la route serait grandement améliorée car - on le remarque facilement -l'asphalte a tendance à casser justement sur les bordures de la route, au bord de l'accotement. Si on avait une surlargeur réservée aux piétons ou aux cyclistes, on conserverait plus facilement le revêtement bitumineux de nos routes. C'est à y penser. J'invite le ministère à creuser un peu, en termes d'économie, cette approche.

Il faut maintenant faire justice aux cyclistes dans notre société. Nous sommes actuellement les plus grands constructeurs de bicyclettes en Amérique du Nord et nous sommes également les plus grands utilisateurs en Amérique du Nord, voire dans le monde, de la bicyclette. Nous sommes maintenant un monde à bicyclette et il faut donner raison au monde à bicyclette. Il y a des raisons sociologiques. Il y a des raisons économiques. C'est un univers de "participaction" qui se développe. Dans votre famille, comme dans la mienne, sans doute, M. le Président, avons-nous, ce matin même, l'un ou l'autre de nos enfants sur la route. J'en ai même un, ce matin, qui part pour une semaine. Il faut leur rendre justice. Des sentiers réservés aux piétons, c'est une tradition qui n'existe pas chez nous, c'est une tradition à développer. II faut faire en sorte que dans tout le Québec, on fasse ce que nous avions fait comme société, il y a quelques années, à savoir la jonction des sentiers piétonniers, la jonction des pistes cyclables comme nous avions fait la jonction des pistes de motoneige... Notre société a évolué et il faut maintenant en tenir compte.

À propos de la Loi sur la voirie, un nouveau pouvoir est également demandé à l'Assemblée nationale par le ministère des Transports. Il s'agit d'un pouvoir d'expropriation supplémentaire. Je croyais que le ministère des Transports avait tous les pouvoirs d'expropriation, mais on a découvert qu'il lui en manquait un et un qui pouvait lui être fort utile, justement, au moment où il y a des haltes routières à construire et des pistes cyclables à faire. Il manque, entre autres, un pouvoir d'expropriation, en ce qui a trait aux sous-postes du ministère des Transports, car le ministère n'a que le droit d'acheter ou de louer des terrains à cet effet. Il n'a pas de pouvoir d'expropriation. En conséquence, il y a des équipements du ministère qui retardent ou qui risquent d'être retardés. (16 h 50)

Le projet de loi, tel qu'il nous est présenté, suppose également ou sous-tend un autre principe; il s'agit d'un amendement à la Loi sur le transport par taxi. Ici, permettez-moi dès le départ de faire l'éloge

de la Ligue de taxi A-11 à Montréal qui, connaissant très bien les problèmes de gestion interne du taxi à Montréal, s'est prise en main d'une façon extraordinaire depuis quelques années. Après des heurts et des grincements de dents publics, au demeurant, elle a su faire une grande pacification et a su créer un consensus pour racheter des permis de taxi et, en conséquence, abaisser le ratio nombre de permis/population. Cela est tout à son honneur parce que ces gens se sont animés, se sont pris en main eux-mêmes. Ce sont véritablement des sociaux-démocrates.

À Montréal, il faut le savoir, il y a un permis de taxi par 245 clients alors qu'à Chicoutimi, il y en a un par 1524; il y a donc une désarticulation qui fait que le métier de chauffeur de taxi est de moins en moins payant. En rachetant comme cela les permis de taxi, ils pourront assurer une meilleure rentabilité à leur propre métier, celui de chauffeur de taxi.

Vous me faites signe, M. le Président, est-ce que j'aurais encore une petite minute?

Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui.

M. Fallu: Toute une pour vous parler des motocyclistes. Le ministre nous a annoncé, il y a quinze jours déjà, qu'il introduirait un nouveau principe relatif à une réglementation sur les motocyclistes. Je n'en ajoute pas davantage, je veux simplement énoncer le fait. O'espère que tout à l'heure, au moment de sa réplique, le ministre des Transports saura être un peu plus explicite qu'il ne l'a été au moment de son discours de première lecture. Je le lui demande, s'il vous plaît. Nous adopterons donc bientôt la principe du projet de loi et nous aurons plaisir à travailler ensemble en commission parlementaire au cours de la semaine pour en faire l'étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci, M. le Président. Le projet de loi 76, qui est devant l'Assemblée nationale aujourd'hui, est un projet de loi omnibus, donc un projet de loi qui contient une diversité de dispositions destinées à modifier un certain nombre de lois. Comme tout projet de loi omnibus, il faut l'examiner de très près. Ce genre de projet de loi, du fait qu'il manque de ce que j'appellerais le "focus", c'est-à-dire d'une mise au point sur des problèmes particuliers, des problèmes bien identifiés, oblige tous les membres de cette Assemblée à faire preuve d'une prudence constante, de façon qu'on ne se retrouve pas devant des situations que, malheureusement, nous avons eu l'occasion de connaître et qui font que le gouvernement, par son désir d'aller trop vite, de trop embrasser de sujets en même temps dans le cadre d'un seul projet de loi, se retrouve devant des situations qu'il doit corriger à la sauvette ou doit prendre des moyens détournés pour défaire rapidement ce qu'il a amené l'Assemblée nationale à adopter sans donner les explications nécessaires.

Ce projet de loi omnibus nous donne l'impression que le nouveau ministre des Transports veut faire un grand ménage dans son ministère. C'est un méli-mélo de plusieurs lois qui sont amendées, qui sont au nombre de quatorze et qui nous obligent à étudier des dispositions qui sont plus importantes les unes que les autres. Il y a un certain nombre de dispositions qui traitent du transport en commun; il y a nécessité, bien sûr, d'améliorer la situation en ce qui concerne les ententes au niveau du transport en commun.

La prudence dont nous devons faire preuve est telle que nous devons tenir compte que ce projet de loi est présenté par le ministre des Transports qui, il y a peu de temps, ici, à l'Assemblée nationale, nous affirmait, sans l'ombre d'un sourire, qu'il n'avait jamais vu ce qu'on s'est chargé de lui montrer, un panneau qu'on retrouve sur certaines voies interdites au Québec et où on peut lire: Reculez. Cela veut dire qu'il ne faut pas prendre ces voies et que si, par malheur, on les prend, il faut faire marche arrière rapidement. Le ministre des Transports nous a dit que ces panneaux n'existent pas. Tout cela n'est pas de nature à nous rassurer quand un projet de loi omnibus est présenté par le même ministre des Transports.

Donc, le projet de loi touche à plusieurs choses. Il touche au transport en commun; il effleure en passant la nécessité qu'il y a de rafraîchir certaines dispositions législatives en fonction de la visite papale du mois de septembre, en fonction des festivités de 1534-1984 qui se tiendront à Québec. On touche à la question de la voirie - j'y reviendrai tout à l'heure - on parle de l'utilisation des édifices administrés par le ministère des Transports. On consacre le transfert de l'inspection routière à la Sûreté du Québec. On modifie la loi sur la commission des transports et on parle aussi du transport par taxi sans parler du Code municipal, de la Loi sur les cités et villes, de la Loi sur la Communauté urbaine de Québec, de la Loi sur la Communauté urbaine de Montréal, de la Loi sur la Communauté régionale de l'Outaouais.

Tout cela nous oblige à repasser l'une après l'autre ces dispositions législatives présentées par le ministre des Transports, de façon que, comme je le disais, on ne se retrouve pas devant des faits accomplis qui nous obligent à réparer sur le tard, comme

c'est trop souvent le cas malheureusement, les pots cassés.

Je voudrais tout d'abord attirer l'attention du ministre sur l'amendement qu'il propose au projet de loi 76 que nous avons entre les mains. Cet amendement - enfin, il y en a deux, l'article 13.1 et l'article 13.2, particulièrement l'article 13.2 qui donne au président de la Commission des transports le pouvoir de désigner une personne pour entendre et décider des affaires non contestées relatives à un transfert de permis de taxi ou de camionnage en vrac au transport général ou spécialisé, ou à la location de véhicules.

Je voudrais porter à votre attention, M. le Président, que ce pouvoir accordé au président de la Commission des transports va au-delà des pouvoirs normaux qu'on peut s'attendre de retrouver entre les mains d'un président de commission comme celui de la Commission des transports. À titre d'exemple, le président de cette commission peut désigner, à l'encontre des voeux du ministre, une personne qui disposerait de tous les pouvoirs qui sont ceux de la commission elle-même pour les affaires non contestées et pour les affaires expliquées à l'article 13.2. Je pense qu'il faut être très prudent parce que le ministre responsable de tout le domaine des transports est le ministre des Transports. Ce n'est pas le président de la Commission des transports qui répond devant cette Chambre des actes posés par son organisme; c'est le ministre des Transports qui doit en répondre. Tout comme il est normal que le contrôle puisse s'exercer au sein de cette Assemblée, je ne pense pas qu'il soit souhaitable qu'on en soit arrivé à une solution qui est celle proposée à l'article 13.2.

Cela peut donner prise à des abus que le président de la Commission des transports dispose de pouvoirs semblables. Cela le place même, à certains égards, au-dessus du ministre. Dans le système parlementaire responsable qu'est le nôtre, il n'est pas souhaitable que cette pratique soit acceptée dans notre système administratif. Le ministre a une responsabilité; il doit conserver l'intégralité et la totalité de cette responsabilité. On ne peut que s'inquiéter que le ministre confie une telle nomination au président de la Commission des transports. Je ne vois pas pourquoi il est nécessaire que ce pouvoir soit confié au président de la Commission des transports. Ne serait-il pas plus normal que le pouvoir soit exercé par le ministre et qu'il nomme ce fonctionnaire, sur recommandation - il peut y avoir toutes sortes de moyens - mais que le pouvoir de nomination lui-même ne soit pas entre les mains du président de la Commission des transports. (17 heures)

II faut se souvenir que le pouvoir de nommer comporte, normalement, le pouvoir de démettre. Là, on entre dans un jeu qui peut laisser soupçonner que les meilleurs intérêts des usagers, des gens qui ont affaire à la commission ne sont pas, dans tous les cas, protégés. Dans ces situations, il est aussi important que les apparences de justice soient sauves, soient préservées, soient bien claires, qu'il est important que justice elle-même soit rendue. Quand on parle de pouvoirs aussi considérables que ceux qui sont accordés à une personne que désigne le président, je pense qu'il est de bon aloi de s'inquiéter et de demander au ministre d'examiner à fond cette question et de ne pas accorder de pouvoirs qui sont exorbitants ou qui pourraient donner lieu à des abus ou à des possibilités d'abus d'une façon ou d'une autre.

Loin de moi l'intention de laisser entendre que le président de la Commission des transports, quel qu'il soit actuellement, n'est pas capable d'utiliser ce genre de pouvoirs. Il s'agit d'une question de principe plutôt, où c'est le ministre qui a cette responsabilité. Il n'est pas bon, il n'est pas sain qu'il s'en défasse, qu'il s'en remette à une tierce personne qui n'a pas de compte à rendre ici, à l'Assemblée nationale.

Le projet de loi 76 effectue aussi un changement important en ce qui concerne le transfert de l'inspection routière. On sait que, jusqu'à récemment, tout ce qui concernait l'inspection routière était confié à des constables qui avaient des pouvoirs qui leur étaient accordés par la loi et qui leur permettaient d'agir comme agents de la paix, sans permis de port d'armes cependant, et ils avaient des fonctions bien définies.

Je lisais, dans le journal de ce matin ou d'hier, qu'il y a actuellement une poursuite qui a été intentée contre le gouvernement du Québec par la Fraternité des constables du ministère des Transports qui réclame du gouvernement des dédommagements de l'ordre de 840 000 $. On est informé, par cet article, que la poursuite a été déposée en Cour supérieure et elle touche les circonstances qui ont entouré la dernière négociation syndicale en 1983. La Fraternité des constables, qui représente ces constables et les inspecteurs, a été chargée, depuis 1982, de l'application du Code sur la sécurité routière et de la Loi sur les transports. La dernière convention collective qui a été signée est échue depuis le 31 mars 1981, les négociations étaient entamées pour en arriver rapidement à une impasse. L'article se continue. Je le porte à l'attention du ministre de façon que, s'il y a des arrangements à être pris, il puisse les prendre dans les meilleurs délais. Les constables affirment, aujourd'hui, qu'ils ont été les victimes de représentations mensongères, qu'on leur a fait signer une entente à rabais et qu'ils ont été privés du

droit à un arbitrage complet et éclairé. Le ministre doit être sûrement au courant des faits. Je l'invite à examiner cette question et à agir, s'il en est encore temps, de façon à éviter une poursuite, des procédures judiciaires qui sont toujours coûteuses et qui ne permettent pas aux personnes qui sont là pour rendre des services à la population de précisément les rendre dans le meilleur des climats, en ayant tout d'abord à l'esprit l'intérêt du public avant des problèmes syndicaux ou des problèmes de relations du travail.

Je disais que, depuis le 1er mars dernier, les inspecteurs du ministère des Transports, ceux qu'on qualifie de "bleus" précisément, n'existent plus. Un décret prévoit que la Sûreté du Québec prend la relève du contrôle de la réglementation en matière de transport. Les inspecteurs se sont opposés à cette décision de même que l'Association du camionnage du Québec. Tout à l'heure, le député de Groulx, qui m'a précédé, portait à votre attention le fait qu'on se demandait pourquoi il y avait des inspecteurs spécialisés qui s'occupaient de vérification routière, de vérification des camions lourds, de vérification des autobus, etc. La raison est très simple, M. le Président. C'est parce que c'est un travail spécialisé. C'est un travail qui demande une formation de longue haleine, qui a été évaluée par les spécialistes du Conseil du trésor comme allant de trois à cinq ans. Ce qui fait qu'on peut craindre qu'actuellement les personnes à qui on confie une tâche à laquelle elles ne sont pas habituées ne disposent pas des outils nécessaires au niveau des connaissances pour effectuer ces inspections de la bonne façon, ce qui a pour effet d'éviter la réglementation nécessaire, la réglementation qui vise à préserver le réseau routier, de s'assurer que les poids sont respectés, qu'on ne se retrouve pas devant des situations où il y a détérioration ou danger public. On risque précisément de se retrouver avec une réglementation qui n'est pas appliquée comme elle devrait l'être. Cela comporte des gaspillages de fonds publics et des dangers pour la population.

Les arguments d'économie qu'on fait valoir pour fusionner à la Sûreté du Québec les responsabilités qui étaient celles des constables spéciaux dans le domaine de l'inspection routière, finalement, quand on les analyse de près, ne tiennent pas pour la bonne et simple raison qu'il y a évidemment un coût attaché au fait que si la réglementation n'est pas appliquée intégralement, si la réglementation n'est pas respectée, il va y avoir du gaspillage, des situations où on va devoir faire des réparations qui n'auraient pas été nécessaires autrement, sans compter - c'est là l'argument principal - que, pendant que les membres de la Sûreté du Québec s'acquittent de cette tâche supplémentaire qui est la leur, ils ne peuvent évidemment faire autre chose.

Il a été établi qu'un seul contrôle -cela n'est pas beaucoup - d'une durée moyenne d'une demi-heure par semaine par un agent de la Sûreté de Québec représentait déjà une dépense supplémentaire de près de 2 000 000 $. On n'a pas tenu compte, dans l'évaluation qu'on offrait, qu'on ferait l'économie de ces 2 000 000 $. Si on garantissait la présence des patrouilleurs lors de l'opération aux aires et aux postes de contrôle, cela annulerait, à toutes fins utiles, les avantages financiers d'un tel transfert à la Sûreté du Québec puisque celle-ci a évalué que l'assignation de seulement 29 policiers requis pour une présence continuelle aux postes de contrôle en opération entraînerait un coût supplémentaire de 2 300 000 $ sans compter le coût d'une disponibilité certaine des patrouilleurs pour faire l'interception à proximité des aires de contrôle.

Alors, la véritable économie à la suite des transferts est loin d'être établie. On risque même de se retrouver avec une dépense supplémentaire et non une économie des fonds publics, parce que cette chose n'a pas été évaluée scientifiquement, tous les arguments, le pour et le contre, n'ont pas été pesés, n'ont pas été déterminés d'une façon suffisamment précise pour qu'on sache exactement ce qui en est. On s'en va là-dedans à l'aveuglette.

Je comprends qu'au niveau du raisonnement simpliste, on peut facilement expliquer à la population qu'il n'est pas utile d'avoir des gens qui, en même temps, sont aux aires et aux postes d'inspection à attendre les camions alors qu'il y a des patrouilleurs de la Sûreté du Québec qui sont sur les mêmes routes. À première vue, il peut paraître non nécessaire d'avoir un tel système. Mais, quand on va plus loin, quand on examine vraiment la situation, on s'aperçoit que la preuve est loin d'être faite des économies que nous fait miroiter le ministre des Transports par ce transfert à la Sûreté du Québec.

Le fardeau de la preuve lui appartient, M. le Président. Quand on fait un changement, quand on amène un changement, quand on l'impose même, il appartient au ministre des Transports de faire une preuve irréfutable, une preuve qui doit être acceptée, par les arguments qu'il nous amène, que cela est nécessaire ou, encore, que cela va épargner des fonds publics, finalement, sauver des taxes. Le ministre est loin de s'être acquitté de cette obligation. Je porte à son attention qu'il devrait faire une étude plus approfondie de toute cette question. (17 h 10)

M. le Président, il y a aussi toute la question des taxis qui est modifiée par le projet de loi 76. Le ministre, lors d'une question récemment à l'Assemblée nationale, expliquait que dorénavant la vérification pour les permis de taxi se ferait, d'après ce que j'ai compris, par la Sûreté du Québec sauf qu'à Montréal ce serait la police de la CUM alors que, sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec, ce serait, d'après ce que je comprends, la police municipale, la sûreté municipale qui devrait s'acquitter de cette fonction. On se retrouve dans une ambivalence; on ne sait trop, selon les territoires où on se trouve, qui s'acquitte de cette tâche. Le résultat net de tout cela sera que la vérification n'aura pas lieu comme elle doit avoir lieu en ce qui concerne les taxis. Les chauffeurs de taxi, les propriétaires de taxis, les utilisateurs de taxis ont droit à une application normale, une application vérifiable et une application constante de la réglementation et de l'inspection des permis.

Malheureusement, les assurances que nous donne actuellement le ministre ne sont pas suffisantes pour que nous soyons satisfaits, que nous puissions nous contenter de ces inspections. Il faudra que le ministre mette de l'ordre dans ce domaine parce que la situation actuelle est confuse et floue. Il y aurait beaucoup à dire sur le projet de loi. Je sais, parce que vous me faites signe, M. le Président, que mon temps est terminé. Je vous remercie de l'attention que vous m'avez apportée.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Chambly.

M. Luc Tremblay

M. Tremblay: Merci. La réforme parlementaire qui était censée réduire les activités des députés, le moins qu'on puisse en dire c'est que dans ce sens nous n'avons pas réussi puisque j'ai nettement l'impression que cela a eu pour effet d'augmenter considérablement le rôle du député, effectivement, mais aussi l'ouvrage qu'on a à faire. Cela dit, je suis assez heureux d'avoir l'occasion de parler de cette loi générale sur les transports et plus particulièrement de l'aspect du transport en commun dans la région de Montréal qui, comme vous le savez, touche les citoyens du comté de Chambly que j'ai l'honneur de représenter ici plus particulièrement.

Il faut se rappeler que Montréal, et plus particulièrement la région sud, ce qu'on appelle maintenant la Montérégie, s'est développée depuis les années cinquante d'une façon considérable. J'avais l'occasion, en fin de semaine, d'assister à la fête du 50e anniversaire du diocèse de Saint-Jean. Je notais, dans les documents historiques qu'on nous remettait, que ce diocèse avait littéralement explosé démographiquement et que cela avait causé des problèmes considérables aux évêques du temps, principalement à Mgr Coderre qui a été, depuis 1955 jusqu'à 1970-1972, l'évêque du diocèse de Saint-Jean. Ce qu'a connu l'Église comme problèmes, le transport en commun les a connus. Il y avait, à l'époque, d'abord, deux services d'autobus sur la rive sud. Un qui desservait ce qu'on appelle maintenant le territoire de la CTRSM, la Commission de transport de la Rive-Sud de Montréal, soit six villes: Saint-Hubert, Longueuil, Boucherville, Saint-Lambert, Lemoyne, je crois, et Brossard. Ce transporteur, qui s'appelait Chambly Transport, était un transporteur privé. Avec les moyens du bord, en se développant comme il le pouvait, bien souvent avec des autobus qui étaient loin d'être conformes à ce que des citoyens normaux peuvent s'attendre... Les autobus étaient désuets, souvent en très mauvaises conditions, mais l'entreprise indépendante, l'entreprise privée n'avait pas les moyens, à même les sommes qu'elle demandait aux gens qu'elle transportait, de faire vivre adéquatement le transport en commun.

Il y avait une autre partie du transport en commun qui se faisait par autobus et qui était un transport plus éloigné des gens qui, quand même, commençaient à voyager de la banlieue dans laquelle ils demeuraient... C'était le cas de certaines personnes à Chambly; par exemple, mon père, depuis 1937, était un banlieusard et voyageait régulièrement à Montréal pour travailler. Il y avait ce transporteur, qu'on appelait à l'époque Provincial Transport, qui accommodait, tant bien que mal, et qui, à même d'autres routes plus rémunératrices, réussissait à donner un service aussi bon que possible tout en s'assurant de sa rentabilité; ceci est bien normal pour une entreprise privée.

Il y avait aussi des trains dans cette région. Je me rappelle, étant jeune - il y a quand même quelques années - où il y avait la Southern Canada Power, train électrique qui faisait le parcours entre Montréal et Granby. Cette compagnie donnait un service très apprécié puisqu'elle amenait les citoyens de ces régions de banlieue à Montréal où ils travaillaient. En plus, dans l'autre corridor, il y avait le train qui mène à Sherbrooke, à Richmond et qui est encore utilisé aujourd'hui. C'était le portrait des années cinquante.

Très rapidement, à cette époque, le train de Montréal à Granby ou le train de Montréal à Farnham - je ne suis pas certain s'il y allait; je le prenais de Chambly à Montréal et de Montréal à Chambly et je ne sais pas jusqu'où il allait - a cessé de donner le service parce que cela n'était pas rentable; il n'y avait pas assez de population

dans le secteur. La compagnie CN qui avait acheté la compagnie de trains a cessé de donner le service parce que cela n'était pas rentable.

Je disais donc tout à l'heure que Chambly Transport avait des difficultés pour donner un service adéquat parce que cela n'était pas rentable; le train n'était pas rentable. On a vite constaté que le transport en commun n'était pas rentable. L'entreprise privée cherchait, par tous les moyens, de rentabiliser le transport en commun. Pour ce faire, elle tentait de diminuer ses dépenses. En réduisant ses dépenses, elle réduisait automatiquement le service, plus particulièrement dans les fins de journée parce qu'à 23 heures ou à minuit il y avait moins de gens qui revenaient à la maison. On enlevait le service; on rendait le service inadéquat pour les gens. Finalement, les citoyens, de guerre lasse, s'achetaient une auto et voyagaient en automobile. Cela réduisait encore plus les revenus de la compagnie de transport en question; cela avait pour effet de rendre moins rentable le transport en commun. C'était donc un cercle vicieux; mauvais service non utilisé par les citoyens, mauvais service parce que non rentable et jusqu'à l'infini. (17 h 20)

Or, la Commission de transport de la Rive-Sud de Montréal a été formée pour faire en sorte que les municipalités qui ont, depuis toujours, été responsables du transport en commun dans leur ville. C'est le cas, par exemple, de Montréal. C'est le cas de la ville de Québec et c'est le cas de la ville de Sherbrooke qui, à moins que je ne m'abuse, est un véritable exemple dans ce domaine. Les municipalités étaient conscientes aussi qu'il était important qu'un service de transport en commun efficace et de qualité existe si elles désiraient, pour leur développement économique, que les gens s'installent, restent là et que les maisons gardent leur valeur. Les municipalités de la rive sud immédiate ont donc pris en main leur transport en commun de façon à ne plus subventionner simplement, parce que - je n'en ai pas parlé - c'est ce qui se produisait finalement avec les entreprises de transport non rentables. Les citoyens réclamaient des services additionnels ou un service adéquat des compagnies de transport privées et ces compagnies disaient: Nous n'avons pas les moyens de vous donner ce service. On devra augmenter nos tarifs. En augmentant nos tarifs, il y aura moins d'usagers et on donnera encore un moins bon service. Les municipalités faisaient des pressions sur les compagnies de transport pour qu'elles conservent un service adéquat, avec le résultat que les compagnies de transport ont dit aux municipalités: Si vous voulez que nous donnions un meilleur service, vous allez devoir nous subventionner, ce qui fut fait pendant un certain temps. Mais les municipalités subventionnaient des entreprises et ce n'était pas permis. La loi des affaires municipales empêche les municipalités de subventionner une entreprise privée et, de toute façon, les municipalités n'avaient pas de décision à prendre. Elles donnaient de l'argent à une entreprise sans en contrôler l'utilisation.

Donc, les municipalités ont pris en main le transport en commun. Les municipalités de la rive sud immédiate de Montréal, les six dont je parlais tout à l'heure, ont pris en main le transport en commun. Elles ont développé un service qui a eu de la difficulté à démarrer - c'est toujours difficile d'intégrer ces choses-là dans une nouvelle structure - et elles ont commencé à fournir ce service. Sont arrivées par la suite des difficultés au niveau du transport un peu plus régional, un peu plus large que ce que je disais tout à l'heure et le gouvernement a acheté une partie de Provincial Transport, à l'époque, et de Métropolitain Sud - dans d'autres régions, cela s'appelait autrement, mais chez nous, c'était Métropolitain Sud - et a dit aux municipalités: Vous allez maintenant vous occuper du transport en commun, qui est important pour votre développement économique. Cette compagnie a été remise à la Commission de transport de la Rive-Sud de Montréal de façon qu'il y ait quelqu'un pour la gérer et on a dit à la CTRSM, par une loi: Vous pourrez faire une répartition des coûts aux municipalités concernées. Bien sûr, les municipalités ont trouvé cela un peu difficile puisqu'elles devaient payer des sommes à la Commission de transport de la Rive-Sud de Montréal sans avoir, d'une part, quelque décision à prendre ou quelque mot à dire au niveau du service, d'une part, et aussi sans avoir rien à dire dans l'administration courante de l'entreprise. Cela restait la prérogative de la Commission de transport de la Rive-Sud de Montréal.

En 1981, à l'occasion de l'élection, bien des gens m'ont demandé que notre parti s'engage dans le problème du transport en commun. Personnellement, j'ai toujours refusé de le faire, car il est très difficile de s'engager dans un domaine où on ne contrôle pas tous les éléments. On l'a dit, c'est d'abord une responsabilité municipale; en plus, il y a un très grand nombre d'intervenants dans ce dossier: particulièrement, les municipalités, les syndicats des compagnies de transport ainsi que les commissions de transport voisines.

Or, il y a eu des discussions entre collègues et ici, en commission parlementaire; finalement, une solution nous est apparue, une solution mitoyenne, très douce, qui veut que les municipalités, dans chacun des corridors, prennent en main leur transport en commun. Si elles ne veulent pas le prendre,

elle le laisse à l'entreprise privée. Très peu de municipalités, qui font partie des deux corridors du comté de Chambly, entre autres, celui de la route 112 qui regroupe Carignan, Chambly, Richelieu, Marieville, ont refusé d'embarquer dans le projet de transport en commun. Si je ne m'abuse, Carignan n'a pas encore accepté, mais j'espère que ces municipalités réussiront à s'entendre pour que Carignan fasse partie du groupe. J'espère que le niveau de service actuel ne diminuera pas, parce que ce sont les municipalités qui administrent les budgets, mais elles sont subventionnées par le gouvernement du Québec.

Dans un autre corridor, celui de la route 116, la tradition des discussions est beaucoup plus longue; depuis déjà cinq ans, je crois, ces municipalités discutent ensemble des différents moyens à prendre pour en arriver à ce que nous voulons tous, c'est-à-dire un bon service pour les citoyens au meilleur coût possible. Il était naturel que ce territoire forme un corridor, un corridor quand même assez populeux. Les municipalités qui étaient habituées de s'asseoir ensemble se sont réassises. Il se pose un problème présentement, celui de la ville de Saint-Bruno-de-Montarville qui refuse d'embarquer dans le corridor, de se joindre aux autres, parce qu'elle a déjà un service fort bien organisé, fort bien structuré qui compte 90% des usagers qui voyagent à Montréal et 10% qui utiliseraient le corridor.

L'atmosphère de négociation, qui n'existe pas, à toutes fins utiles, fait que les autres municipalités ne s'entendent pas avec Saint-Bruno dans ce dossier. Je souhaite ardemment - c'est l'un de mes plus importants soucis présentement - qu'on en arrive à une solution, car toutes les municipalités ont besoin les unes des autres dans ce dossier afin d'offrir un service de qualité. On le sait, il y aura bientôt le problème du train qui se posera.

Vous me faites signe, M. le Président, je vais tenter de résumer. Il y aura donc le problème du train à régler très bientôt. Ce que je veux, cet après-midi, c'est demander aux maires des municipalités qui font partie de ce corridor de négocier ensemble. Je leur offre tout mon appui, l'appui du gouvernement, s'il le faut, l'appui du ministère des Transports; le ministre me fait signe que s'ils désirent négocier, s'ils ont besoin d'un modérateur, des gens sont disponibles, que ce soit par le biais du ministère ou du député -le député du comté voisin, celui de Verchères, est prêt lui aussi, j'en suis certain - pour faire en sorte qu'on en arrive à une entente négociée et qui satisfasse tous les intervenants dans ce dossier. Là-dessus, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des Transports, dans votre droit de réplique.

M. Jacques Léonard (réplique)

M. Léonard: M. le Président, en conclusion de cette deuxième lecture, je voudrais simplement rappeler les choses. Il s'agit évidemment ici d'un projet de loi qu'on appelle omnibus, qui contient donc une série de dispositions sur différents sujets qui touchent les transports mais qui touchent aussi les municipalités entre autres, et qui a surtout pour objectif de faciliter les choses, de faciliter la vie à tout le monde dans le domaine du transport, d'assouplir un certain nombre de lois que nous avions, de les clarifier même, au besoin. C'est donc dans ce contexte qu'il faut lire les dispositions de ce projet de loi.

Nous avons différentes articulations à ce projet de loi actuellement, par exemple cela vise à rendre plus homogènes des dispositions qui concernent le transport des handicapés. Ils seront sûrement heureux d'apprendre et de voir que, finalement, il y aura moins de problèmes de stationnement en ce qui les concerne, d'une ville à l'autre. Cela va permettre aussi aux municipalités de passer entre elles des contrats de services ou des ententes pour fonctionner plus facilement dans le domaine du transport sur le territoire des unes et des autres.

Le ministre des Transports lui-même va pouvoir réglementer l'utilisation de ses immeubles. Il va pouvoir aussi réglementer et appliquer ces règlements à la gestion de ces immeubles. En ce qui concerne le taxi, nous voulons préciser la réglementation, encore une fois, qui sera appliquée par la Commission des transports du Québec.

Ce projet de loi va nous permettre également de faire face à des événements exceptionnels comme ceux que nous allons connaître dans quelques jours: Québec 1534-1984, de même que pour la visite du pape, il va y avoir effectivement à Québec beaucoup de gens qui viendront. La réglementation et la législation n'étaient pas suffisantes pour permettre tout cela. Ce faisant, nous prévoyons en vue des événements exceptionnels qui pourront survenir à d'autres occasions et ultérieurement.

De la même façon, je parlais tout à l'heure des immeubles du gouvernement. Pour ce qui est des transports, il y a certaines lacunes que nous vouions corriger en ce qui concerne les sous-centres de voirie et les ouvrages accessoires. Voilà un peu le genre de dispositions que nous retrouvons dans ce projet de loi actuellement, de même que certaines dispositions qui font suite - comme je l'expliquerai tout à l'heure - à toute une série de consultations que nous avons eues dans le domaine de la motocylette. Pour l'instant, nous allons au plus pressé avec les dispositions que nous avons pour présenter un

amendement au projet de loi.

Je voudrais parler plus précisément de quelques points, puisqu'on y a fait référence au cours de ces débats. L'un de ces points concerne en particulier le transport en commun; un deuxième va concerner le contrôle du transport ainsi que ce qui touche la motocyclette. Si nous pouvons aller plus loin, peut-être que nous pourrons préciser davantage.

En ce qui concerne le transport en commun, le ministère des Transports ou le gouvernement du Québec y investit, grosso modo, 400 000 000 $ et 400 000 000 $ dans le transport scolaire, donc 800 000 000 $ au transport en commun, directement identifié comme tel. Il s'agit là d'un effort magistral, sans précédent, de la part du gouvernement, en chiffres absolus autant qu'en proportion de l'ensemble du budget de mon ministère ou de l'ensemble du budget du gouvernement.

Nous avons donc modernisé les lois des commissions de transport et nous allons continuer à l'automne. Nous sommes à mener des consultations à cet effet. Nous avons, en plus, laissé aux municipalités la liberté de se constituer en conseils intermunicipaux de transport par la loi 46 l'automne dernier et nous leur avons ainsi permis de signer des contrats avec des transporteurs, ce que nous précisons ici. Encore là, nous subventionnons ces services. C'est bon de le rappeler, parce que le transport en commun est très largement subventionné par le gouvernement du Québec.

Ce projet de loi, autant pour les commissions de transport que pour les comités intermunicipaux de transport, vient assouplir le cadre législatif qui les régit déjà. Par exemple, nous voulons favoriser, pour des raisons d'efficacité et de budget, les ententes de services entre des organismes de transport qui sont voisins. Également, nous voulons qu'il soit loisible à ces organismes d'accorder des contrats à des transporteurs pour faire des liaisons à l'extérieur de leur territoire, ce qui constituerait un nouveau marché logique aux entrepreneurs de transport scolaire et augmenterait l'utilisation du parc autobus existant. Par exemple, nous voulons qu'un organisme de transport qui véhicule tous les jours une clientèle de citoyens handicapés puisse rendre ces personnes jusqu'à une destination qui serait située hors de son territoire. Tous ces exemples, M. le Président, sont issus de réflexions et de demandes du milieu lui-même, autant des usagers que des transporteurs. Il s'agit, je crois, de gros bon sens administratif.

L'Opposition n'a rien trouvé à redire sinon que nous comblions des lacunes des années passées. C'est une belle affaire. On nous reproche d'améliorer des situations. Je rappellerai tout au moins qu'il s'agit de liberté accrue que nous accordons généralement à des élus municipaux que nous jugeons, de toute façon, capables d'administrer leur organisme de transport. Évidemment, tout cela, toujours avec les fonds du gouvernement du Québec. Que l'Opposition se rappelle qu'au moment où elle formait le gouvernement, les élus municipaux s'étaient battus durant 20 ans pour avoir leur autonomie financière et que le transport pour les citoyens handicapés était pratiquement inexistant. C'est notre gouvernement qui a ouvert toutes ces portes. C'est une chose qu'on doit se dire et qu'on devrait se dire plus souvent entre Québécois. On préfère, du côté de l'Opposition, se poser des questions sur la maturité de ceux qui ont pour mandat de gérer ces organismes de transport. Permettez-moi de regretter ces paroles de l'Opposition; le succès de mise en place des comités intermunicipaux de transport et les performances administratives des commissions de transport nous prouvent l'inverse.

Sur un autre sujet, M. le Président, le député de Mont-Royal a abordé le contrôle du transport, le contrôle de la réglementation dans le transport. Il a parlé d'un protocole d'entente signé par l'ex-ministre en créant une confusion avec un projet de mémoire qui était non signé par l'ex-ministre. Je pense qu'il faut rappeler qu'il n'y a pas de contradiction dans tout cela. Le projet de mémoire dont on avait parlé à l'époque n'était qu'un projet de mémoire et n'a jamais été signé par l'ex-ministre. Je crois qu'il faut le rappeler pour éviter la confusion que le député de Mont-Royal essaie de semer dans les esprits à ce sujet.

Je dirai aussi qu'en faisant une telle opération, il ne s'agit pas non plus de déréglementer de façon camouflée. Ce n'est pas du tout cela. Toute la question de la déréglementation a été abordée la semaine dernière, d'ailleurs, à Ottawa, et tout le monde s'est entendu sur le fait qu'on ne devait pas déréglementer. Les deux premières propositions qui ont été mises sur la table ont été rejetées. Une réglementation exclusive au fédéral a été rejetée et une déréglementation absolue a été rejetée. Ce qui est en cause présentement, c'est un assouplissement de la réglementation; donc, cela pose le principe que la réglementation continue d'exister.

Le député de Mont-Royal nous dit que la décision du gouvernement de transférer la surveillance du transport du ministère des Transports à celui de la Justice équivaut à une déréglementation du secteur. Je dis que c'est faux. En 1982, se tenait un colloque consultation sur le transport routier de marchandises. L'un des buts poursuivis par le gouvernement était de favoriser le développement d'un système de transport efficace qui contribue réellement à la réalisation des politiques de développement

économique, régional et sectoriel au Québec. Lors de ce colloque, s'est dégagé un consensus en vue de raffermir la lutte au transport illégal en examinant la possibilité d'un regroupement des forces de surveillance routière. Entre autres, les tâches dévolues aux surveillants routiers et à la Sûreté du Québec devaient être réévaluées afin d'harmoniser les opérations de contrôle. Les intervenants s'entendaient aussi pour l'établissement de postes de contrôle supplémentaires. Le gouvernement donnait suite au consensus qui s'est alors dégagé et donne suite par la présente au consensus qui s'est alors dégagé. En effet, après études, le Service de l'inspection du ministère des Transports a été transféré sous le contrôle du ministre de la Justice le 1er mars 1984. À partir de cette date, la Sûreté du Québec prenait ainsi la responsabilité des opérations de contrôle du transport routier. Ce transfert visait essentiellement l'amélioration du contrôle du transport routier et une rationalisation des unités et des ressources gouvernementales qui exercent des activités de surveillance sur les routes du Québec. (17 h 40)

En effet, l'ensemble des patrouilleurs de la Sûreté du Québec, avec le programme de formation spécifique à la réglementation en transport qui leur est présentement dispensé, représentent une capacité d'intervention grandement supérieure à celle des 174 inspecteurs des transports du service de l'inspection. De plus, l'accélération du programme de mise en place des postes et aires de contrôle ainsi que le meilleur système de communications dont dispose la Sûreté du Québec contribueront également à améliorer de façon significative l'efficacité de ce contrôle.

M. le Président, le protocole signé par les ministres de la Justice et des Transports à l'époque relativement à ce transfert comporte plusieurs mesures pour en assurer le succès. Par exemple, un comité directeur, composé du secrétaire du Conseil du trésor, des sous-ministres de la Justice et des Transports, du président de la Commission des transports et d'un responsable de la Sûreté du Québec, va superviser ce transfert d'effectifs et de responsabilités en vue d'en garantir le succès. Il y a aussi un comité permanent Sûreté du Québec-ministère des Transports auquel pourront, à leur demande, se joindre la Commission des transports et la Régie de l'assurance automobile, qui a été formé afin d'assurer la meilleure cohésion des priorités des actions de ses intervenants.

Également, le traitement pénal des infractions relatives à la réglementation sur les transports demeurera au ministère des Transports, ce qui va permettre d'obtenir rapidement des informations sur la nature, le nombre d'interventions accomplies par les membres de la Sûreté du Québec ainsi que sur la qualité des dossiers préparés par la suite. Compte tenu de son mandat, le comité directeur précité sera appelé à considérer différents aspects, implications de ce transfert, dont ses incidences sur les effectifs concernés.

M. le Président, il y a eu évidemment beaucoup de discussions sur toute cette question. Je dirai, pour terminer sur ce point précis, que tout cela a reçu l'appui de la Commission des transports du Québec et évidemment du ministère des Transports, de l'association d'un certain nombre de personnes du milieu des camionneurs, et de l'Association des camionneurs. Je pense que, là-dessus, il convient de le noter, c'est pour l'avantage d'un meilleur comportement, un meilleur traitement de toute l'industrie du transport au Québec à l'heure actuelle, une meilleure surveillance en particulier.

Je ne veux pas revenir longuement sur la question des événements spéciaux. Il reste que les mesures que nous avons apportées là-dessus ont reçu l'appui de la Commission des transports du Québec, du ministère, et aussi de l'Association des propriétaires d'autobus du Québec qui auront à transporter des foules de personnes durant ces événements spéciaux. Il fallait nécessairement élargir la réglementation pour de telles circonstances.

Enfin, le député de Mont-Royal, lorsqu'il a parlé de la motocyclette, nous disait que c'est un sport comme un autre. Je me permettrai de lui indiquer que la motocyclette n'est pas seulement un sport, mais que c'est aussi un moyen de transport et qu'il faut toujours considérer les deux aspects de cette question. Le député semble croire que le bilan routier de l'an dernier serait causé, en bonne partie, par la hausse du nombre de motocyclettes au Québec. Sur cette question, les chiffres démontrent qu'en 1982, 106 813 motocyclettes étaient immatriculées à la régie. Ce nombre a été porté à 199 489 en 1983, soit une hausse d'environ 11%. La hausse du nombre de motos ne peut donc expliquer à elle seule la hausse du nombre de décès qui est de 33,6% en 1983, ni non plus la hausse de 32,7% du nombre de blessés gravement et de 25,7% du nombre de blessés légers toujours en 1983. Je pense qu'il convient de citer ces statistiques avant de tirer des conclusions trop hâtives.

De même, on ne peut présumer que les automobilistes faisaient moins attention aux motocyclistes en 1983 qu'au cours des années antérieures. D'ailleurs, la tarification appliquée aux motocyclistes est la même que pour toutes les autres catégories de véhicules, par exemple, les véhicules-taxis. Toutefois, devant un bilan aussi alarmant que celui des motocyclistes, le gouvernement ne pouvait rester indifférent à cette catégorie d'usagers de la route. C'est pourquoi, dès novembre 1983, il a formé le groupe de

travail sur la moto. Ce groupe recommande entièrement les amendements proposés dans la loi actuelle, la loi présente, en regard du cours de conduite obligatoire et l'émission du permis de conduire par étapes. Si on pose la question, le caractère représentatif du groupe de travail ne peut être mis en doute. Tous ces intervenants font partie du groupe de travail: la Régie de l'assurance automobile du Québec, la revue spécialisée Moto-journal, la Fédération de mototourisme du Québec, l'Association des propriétaires d'écoles de conduite du Québec, le ministère de la Justice, l'Association des marchands de motos du Québec, la Fédération des clubs motocyclistes associés, la Sûreté du Québec, l'Association des moniteurs et instructeurs de conduite automobile, le Club automobile et Touring Club, le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal et l'Association des chefs policiers et pompiers du Québec.

Des gens se sont préoccupés, ils ont siégé dans un comité qui recommandait ce que nous apportons dans les amendements présentement, à tout le moins le principe. La campagne de publicité amorcée par la Régie de l'assurance automobile du Québec, depuis le début du printemps, est un autre exemple du désir du gouvernement et de la régie d'améliorer le bilan routier des motocyclistes. "La route, ça se partage". Voilà le thème choisi pour cette campagne de promotion que vous avez vu à la télévision et qui veut d'abord rappeler aux automobilistes que tous les usagers, qu'ils soient piétons, cyclistes, motocyclistes, ont droit à leur place sur la chaussée. Comme premier volet de cette campagne, la régie diffuse déjà un message télévisé qui illustre le partage de la route entre un motocycliste et un automobiliste. La tenue du Sommet sur la moto le 24 février dernier, auquel mon prédécesseur a été associé, M. le Président, a donné lieu à des engagements de la part de quelque douze intervenants différents, impliqués dans le secteur, tout cela dans le but d'améliorer le bilan routier autant au niveau de l'enseignement de la conduite automobile qu'au niveau de l'état mécanique des véhicules, en passant par les vêtements de protection des motocyclistes.

Bien sûr, on ne peut pas être assuré d'avance que ces actions, comme bien d'autres que je n'ai pas eu le temps d'énumérer ici, diminueront de façon radicale le bilan routier des motocyclistes. Toutefois, nous espérons que toutes ces mesures, autant au niveau de la formation qu'au niveau de la sensibilisation, permettront d'améliorer le bilan routier, qui est malheureusement alarmant, des motocyclistes, bilan que nous avons connu l'an dernier.

Sur ce plan, les mesures que nous apportons sont les premières que nous avons mises au point. D'autres le seront très bientôt dans ce dossier. C'est déjà une première étape qui permettra de mettre en place toute la mécanique qui devrait normalement assurer aux motocyclistes une meilleure sécurité sur les routes.

Voilà, M. le Président, mes propos sur un certain nombre de dossiers que j'avais à traiter, en conclusion de ce débat de deuxième lecture; j'y ajouterai simplement une courte remarque sur les pouvoirs de réglementation sur les immeubles du gouvernement auxquels a fait allusion le député de Mont-Royal. Je dirai simplement qu'en ce qui concerne les haltes routières, les aires de stationnement, il était important que le ministre y ait des pouvoirs de réglementation puisqu'il y a sur certains plans, notamment aux postes de péage, des gens qui s'installent avec leur roulotte. Je pense qu'il y a là une menace à la sécurité routière qu'il convenait de réglementer. (17 h 50)

Nous allons travailler en commission. J'espère que nous aurons pour ce faire la bonne collaboration de l'Opposition.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que le principe du projet de loi 76, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les transports, est adopté?

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Blouin: M. le Président, je propose donc de déférer ce projet de loi à la commission de l'aménagement et des équipements, qui procédera à son étude détaillée. Je vous signale que cette commission sera présidée par un président de séance.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Nous allons maintenant parler de pêcheries; à cet égard, je vous demande d'appeler l'article 14) de notre feuilleton.

Projet de loi 74

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est

donc l'adoption du principe du projet de loi 74, Loi sur le crédit aquacole. La parole est au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, on vient de me signaler que le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et qu'il en recommande l'étude à l'Assemblée.

C'est avec plaisir que je soumets à l'attention de l'Assemblée nationale le projet de loi 74 établissant un crédit à l'aquaculture. Ce projet de loi constitue un autre jalon important menant à la pleine utilisation de nos ressources aquatiques. Il représente en effet le volet financier d'un vaste programme législatif visant le développement de l'aquaculture commerciale au Québec. Ce projet de loi s'inscrit dans la foulée du projet de loi 48 sur les pêcheries et l'aquaculture commerciale qui affirme la juridiction du Québec sur cette industrie, précise les champs d'intervention des différents ministères impliqués et instaure un régime de permis destiné à favoriser le développement harmonieux de l'aquaculture. Alors que le projet de loi 48 constitue l'assise légale de l'ensemble de l'édifice, le projet de loi sur le crédit aquacole a pour but de fournir les matériaux financiers nécessaires à son édification dans les meilleures conditions possible. L'un ne peut toutefois aller sans l'autre, puisqu'il sera nécessaire de détenir un permis émis en vertu de la loi 48 pour avoir accès au crédit aquacole. Considérée sur le plan mondial comme l'une des grandes voies de l'avenir au point de vue de l'alimentation, l'aquaculture, j'aurai l'occasion d'en parler à 20 heures... Je ne voudrais pas en parler alors que c'est l'heure du souper et ouvrir l'appétit aux parlementaires. Mais à 20 heures, j'aurai l'occasion de parler davantage du potentiel de l'aquaculture. Considérée sur le plan mondial comme une des grandes voies de l'avenir au point de vue de l'alimentation, dis-je, l'aquaculture n'en est encore au Québec qu'à ses premiers balbutiements si on fait exception des programmes remarquables enregistrés au niveau de l'élevage de la truite dont la production est passée d'environ 200 000 livres au Québec à plus de 2 000 000 de livres entre 1977 et 1983. Pourtant, l'élevage à des fins d'alimentation ou de repeuplement d'une foule de poissons, de crustacés et de mollusques, de même que la récolte de végétaux aquatiques sont facilement envisageables au Québec sur une grande échelle en raison de l'abondance et de la qualité de nos eaux douces souterraines et de surface et de l'étendue de notre territoire maritime. En Corée, par exemple, un pays qui est à peu près trois ou quatre fois la Nouvelle-Écosse, un pays qui dispose de beaucoup moins de ressources aquatiques que nous et dont le climat est à peine moins rigoureux que le nôtre à bien des égards, le seul élevage des huîtres excède en volume l'ensemble de toutes les pêches commerciales du Québec. Seulement, l'élevage des huîtres est aussi important que toutes les pêches au Québec. Les nombreuses rivières du territoire maritime québécois, propices à l'établissement, entre autres, de piscicultures à saumon, sont autant de sources d'emploi et de prospérité inutilisées dans des régions qui ont peu d'alternatives en dehors de la mise en valeur de leurs ressources naturelles. Les Québécois commencent, heureusement, à prendre conscience de l'immense potentiel que la production aquacole pourrait représenter dans le domaine de l'alimentation et tant les projets de recherche que d'exploitation à des fins commerciales deviennent de plus en plus nombreux.

Dans l'état actuel des choses, ces projets se heurtent toutefois à l'absence de crédits adaptés à des fins particulières et, en raison de leur caractère de nouveauté, il est douteux que les institutions financières, souvent peureuses, répondent adéquatement à ces besoins sans une intervention gouvernementale. On sait que le financement auprès des institutions financières privées est difficile à trouver dans le secteur des pêches; on trouve dans le territoire maritime des institutions qui sont prêtes à ramasser l'argent des pêcheurs ou des travailleurs d'usine, mais peu d'institutions bancaires ou financières privées sont prêtes à soutenir le secteur des pêches. Or, faute de financement adéquat, l'aquaculture risque de demeurer stagnante et de ne pas connaître le développement et l'essor que nous souhaiterions.

Au cours des dernières années, je peux vous dire que l'un des principaux problèmes du développement des pêches au Québec, l'une des principales difficultés a été principalement l'absence du secteur financier ou sa peur de s'impliquer dans le secteur des pêches. Je trouve cela un peu malheureux et je me demande s'il ne faudra pas créer de nouvelles institutions pour jouer un rôle dans le secteur maritime parce que les institutions financières, de quelque nature qu'elles soient, ne veulent pas prêter sans garanties gouvernementales. Il faudrait peut-être songer à de nouvelles formes d'interventions financières qui faciliteraient le crédit aux pêcheurs et le crédit aux entreprises dans le secteur des pêches.

Il y a aussi, il faut bien le dire, l'absence d'expérience des institutions financières dans le secteur des pêches qui fait qu'elles ne sont pas intéressées à prêter à cause des expériences malheureuses qu'elles ont connues dans le passé en prêtant sans assez surveiller le crédit consenti; cela leur a occasionné des déboires qui ont rendu les

institutions financières nerveuses. Je me rends compte, par ailleurs, que de bons projets peuvent difficilement trouver preneur faute de crédit; il faut l'intervention du gouvernement, soit par des crédits de la Société de développement industriel, ou par le crédit du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation aux institutions communautaires. Je me demande si, dans le territoire maritime, le gouvernement doit intervenir lui-même pour prêter l'argent, ou s'il ne devrait pas aller chercher les dépôts également, puisqu'il ne semble pas normal que les institutions financières du territoire maritime prennent juste la crème et ne prennent aucun risque. Quand on veut jouer un rôle dans une région, il faut le jouer entièrement sur le plan du développement économique. Je pense que le secteur financier ne joue pas son rôle actuellement dans le secteur des pêches dans le territoire maritime. Qu'il s'agisse de la Côte-Nord, des Îles-de-la-Madeleine, ou de la Gaspésie, il me semble que les institutions - et je ne fais pas de distinction - toutes les institutions financières du territoire maritime ne sont pas assez impliquées dans le financement du secteur maritime. Cette lacune empêche un développement souhaitable dans le secteur. Mais pour cela, il faut d'abord que les institutions financières osent se doter du personnel qualifié pour analyser les dossiers dans le secteur maritime.

M. le Président, je vois que vous me faites signe parce qu'il est 18 heures. Il me fera plaisir de poursuivre à la reprise de la séance, à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Donc, ce sera une suspension de nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise de la séance à 20 h 10)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

Nous allons reprendre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 74, Loi sur le crédit aquacole. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, vous avez déjà utilisé huit minutes de votre droit de parole. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, j'avais commencé, avant le souper, à parler du projet de loi 74 en expliquant qu'il a pour objet d'établir un crédit aux piscicultures, à l'aquaculture, d'autant plus que les institutions financières du territoire maritime n'ont pas beaucoup de propension à prêter aux institutions du secteur des pêches parce qu'elles ont peur. Dans le passé, toutes sortes de projets plus ou moins bons ont été financés, mal suivis par les institutions financières et, finalement, il en a résulté des faillites, plus particulièrement la faillite récente de Pêcheurs unis. Ce qui fait qu'actuellement plusieurs bonnes entreprises du territoire maritime paient un peu pour les faillites et l'insolvabilité des autres et certaines bonnes entreprises ont des difficultés à se faire financer. Comme vous le savez, le secteur bancaire ou financier est, par définition, conservateur, mais quand il s'agit du territoire maritime, Côte-Nord, Îles-de-la-Madeleine ou Gaspésie, il est nettement peureux et il hésite à investir les fonds qu'il a recueillis dans le territoire. Les fonds des épargnants de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine ou de la Côte-Nord servent peu au développement des pêches dans ces territoires parce que les institutions financières ont peur de prêter dans le secteur des pêches maritimes.

C'est pourquoi ce projet de loi va permettre de développer un secteur de pisciculture qui aurait dû être développé depuis de nombreuses années, mais parce que, dans le passé, on a toujours considéré le poisson pour les activités sportives, mais peu pour un secteur d'élevage; les activités d'élevage dans le secteur de l'aquaculture ont été très peu nombreuses. Il a fallu attendre l'arrivée du gouvernement actuel et surtout le transfert de la juridiction sur la truite du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour qu'on commence dès 1978 à s'occuper d'élevage et à donner un essor nouveau à l'élevage au Québec.

J'aurai l'occasion de revenir là-dessus, mais j'aimerais dire que l'expérience vécue chez nous depuis plusieurs années au chapitre du régime québécois de crédit agricole et, depuis moins longtemps, au chapitre du régime québécois de crédit forestier, a démontré à l'évidence combien ces crédits se sont révélés des moteurs puissants du développement de notre agriculture, d'une part, et de la mise en valeur des forêts privées, d'autre part. Il faut dire que, forts de cette expérience, il nous semble primordial pour ledéveloppement de l'aquaculture de mettre à la disposition de ceux qui vont s'y adonner un crédit de type gouvernemental en cesens que l'orientation et l'expertise en seraient assurées par l'État mais que les capitaux en seront fournis exclusivement par des institutions prêteuses ou même par des individus.

Le régime de crédit aquacole mis en place par le projet de loi sera un des plus perfectionnés qui soient, en ce sens qu'il intégrera toutes les améliorations apportées aux différentes lois de crédit agricole au cours des dernières années. Ainsi, la base du

régime sera la formule des prêts par les institutions privées introduite en 1978 dans le crédit agricole et qui a permis un développement spectaculaire des activités de prêt à long terme. Cette formule permet de puiser des fonds auprès de prêteurs autorisés alors que le gouvernement du Québec offre aux emprunteurs à la fois une garantie gouvernementale et une subvention d'intérêt tandis que l'Office du crédit agricole assure l'expertise, ce qui nous permet un peu d'assumer les carences du système financier où il n'y a chez nous que peu de compétition entre les institutions financières si on se compare à ce qui se passe aux États-Unis.

Ici, il s'agit de grandes institutions bancaires, de grandes institutions financières, parmi les plus grandes du monde, mais où on a l'effet contraire, très sécuritaires mais peu "risqueuses", très conservatrices et où il n'y a pas de concurrence à comparer aux États-Unis, où il y a des milliers d'institutions financières qui peuvent faire du prêt, donc, une concurrence beaucoup plus grande de la part des institutions financières. C'est pourquoi dans la refonte du crédit agricole que nous sommes en train de faire, il faudra se demander si le crédit agricole ne devrait pas, dans les régions périphériques, devenir une institution parapublique ou avoir un volet parapublic, mi-privé, mi-public, recueillant des fonds qui pourraient servir au développement du territoire et devenant un genre d'institution de développement rural. Il faudrait véritablement se poser cette question dans les régions périphériques - en tout cas, on pourrait commencer par là - à savoir que le crédit agricole québécois joue un rôle beaucoup plus grand qu'il n'en a joué jusqu'à maintenant et devienne une institution de développement.

Les fonds des institutions bancaires, les institutions financières du territoire maritime servent peu au développement du territoire maritime parce que les institutions financières ne veulent pas y investir ou prêter beaucoup de fonds. Il faut se demander s'il n'y a pas une carence d'institutions, s'il ne faudrait pas inventer un type d'institution qui répondrait aux besoins de développement de ces régions. Si le gouvernement doit, de toute façon, assumer les risques, si le gouvernement doit, de toute façon, garantir les prêts, à ce moment, ne devrait-on pas avoir des institutions qui pensent en termes de développement plutôt que des institutions du genre "ligue du vieux poêle", qui ne suivent pas les dossiers avec autant d'attention que devraient le faire des institutions consacrées au développement dans ces régions. Je sais qu'il y a des modèles aux États-Unis. Je me pose véritablement la question. Si nous avions un type d'institution dans le milieu rural... En tout cas, on pourrait commencer par les institutions financières dans les régions périphériques, en imaginant un type d'institution qui serait consacré au développement, mais qui recueillerait aussi des fonds sur le territoire, avec des garanties gouvernementales. Je pense qu'on aurait un type d'institution davantage adapté aux besoins du milieu.

Vous savez qu'actuellement - on ne se contera pas d'histoire - il faut passer des heures et des heures à courir les institutions financières pour leur demander de prêter dans le secteur des pêches. Elles ne veulent pas prêter. Elles nous disent: II y a des risques et il faudrait des garanties gouvernementales. Elles demandent constamment des garanties gouvernementales. Il faut, à mon avis, poursuivre cette réflexion beaucoup plus loin pour se poser d'autres questions dans le cadre de la réforme du crédit agricole et peut-être ouvrir un nouveau volet.

Je ne veux pas aller plus loin ce soir à l'occasion de l'étude de ce projet de loi, mais il faudra prévoir sûrement des clauses, dans le projet de loi ou dans les règlements, qui vont nous permettre de favoriser directement des entreprises financières, des institutions financières qui voudront véritablement assumer le développement dans le secteur des pêches maritimes du territoire, pas seulement leur donner le petit lait, mais leur donner la crème et le petit lait, les deux en même temps afin qu'il y ait un mélange de prêts sans risques et de prêts avec risques et à ce moment-là favoriser une institution qui va vouloir prêter par rapport à d'autres qui voudront seulement écrémer le marché.

M. le Président, la clientèle visée par notre projet de loi rejoindra toute personne physique ou morale s'adonnant à l'aquaculture sans pour autant exiger que ceux qui s'y adonneront en fassent leur occupation exclusive, parce que nous voulons d'abord privilégier cette activité et qu'il faudra attendre un certain nombre d'années avant que se constitue un nombre suffisamment important de personnes vivant uniquement de cette activité de l'aquaculture. (20 h 20)

Par ailleurs, compte tenu que nous sommes en face d'une activité relativement nouvelle et que l'expérience acquise en cours de route pourrra nous obliger à apporter de nombreuses modifications au nouveau régime de crédit mis sur pied, nous sommes d'avis que la loi instaurant ce régime devrait être une loi-cadre faisant appel à un règlement d'application qui en précisera les modalités de façon que les ajustements qu'il sera nécessaire d'apporter puissent se réaliser de manière beaucoup souple et plus rapidement.

Par ailleurs, le crédit aquacole bénéficiera avant le crédit agricole du dossier unique, intégrant tous les volets du financement dans un même dossier, qu'il s'agisse du crédit à court terme, à moyen

terme ou à long terme, alors qu'en ce qui concerne le crédit agricole, actuellement, nous devons procéder par plusieurs lois différentes.

La multiplicité des lois régissant le crédit agricole oblige la tenue de plusieurs dossiers distincts pour chaque emprunteur, alors que l'approche globale qui sera possible dans le crédit aquacole simplifiera énormément l'administration et permettra un meilleur suivi. La constitution d'un dossier unique dans le crédit agricole est d'ailleurs un des principaux objectifs de la refonte des lois du crédit agricole actuellement envisagée et soumise à une vaste consultation.

Dans cette perspective d'approche globale, le projet de loi 74 prévoit l'octroi de prêts à long terme, à moyen terme et à court terme. Comme je l'ai indiqué précédemment, les paramètres de ce nouveau crédit seront contenus dans le règlement pour des raisons d'efficacité administrative, mais je puis déjà informer l'Assemblée des grandes lignes que nous entendons suivre et qui seront les suivantes. Le prêt maximum par exploitation serait de 500 000 $. La durée maximale des prêts serait de 30 ans. Les taux d'intérêt et les subventions sur ces taux seraient calculés de la même manière que pour le crédit agricole, c'est-à-dire que le taux maximum serait le taux préférentiel de la majorité des banques à charte et de la caisse centrale Desjardins majoré de 0,50% tandis que la subvention versée permettrait de ramener le taux payé par l'emprunteur à 4% plus la moitié de la différence entre 4% et le taux autorisé. Dans l'hypothèse d'un taux autorisé à 12%, cette formule permettrait à l'aquaculteur d'emprunter à long terme à 8%.

En ce qui a trait aux jeunes, M. le Président, une mesure nouvelle. Les jeunes qui s'établissent en aquaculture pourront bénéficier de prêts sans intérêt pouvant atteindre 50 000 $ pendant cinq ans, analogues aux prêts offerts par la Loi favorisant l'établissement de jeunes agriculteurs.

Le crédit aquacole qui sera administré est une mesure très importante de développement, parce qu'il y a beaucoup... Quand on parle des jeunes, nous sommes assez larges dans nos lois. Nous adoptons sans doute le même règlement ou la même possibilité d'établissement, c'est-à-dire qu'il faut avoir en bas de 40 ans. Quand on arrive à 40 ans, on est un moyen jeune, mais on permettra dans le règlement à des jeunes de pouvoir s'établir jusqu'à l'âge de 40 ans, ce qui veut dire que toutes ces mesures vont pouvoir aider financièrement les gens à développer des piscicultures dans toutes sortes de domaines qu'on n'a pas utilisés ou exploités jusqu'à maintenant. Le crédit aquacole sera administré par l'Office du crédit agricole en raison de son expertise dans le financement d'entreprises de production primaire de denrées alimentaires. De façon générale, l'office assurera l'expertise, la garantie et la gestion des prêts sans les débourser lui-même, cette fonction étant laissée aux prêteurs autorisés dans le cadre de la formule de prêt par les institutions privées. Toutefois, l'office pourra se substituer au prêteur lorsqu'un aquaculteur ne pourra avoir accès à un prêt que l'office aura accepté.

Au niveau des garanties, le projet de loi amende le Code civil afin de rendre possible le nantissement des biens immobiliers servant à une exploitation aquacole, y compris les produits de cette exploitation, de la même manière qu'il est possible de nantir les biens agricoles et forestiers; c'est-à-dire qu'il y a une nouveauté au Code civil. Par ce projet de loi, nous modifions le Code civil pour nous permettre de nantir les poissons. Il faudra les surveiller pour qu'ils ne se sauvent pas. On pourra nantir les poissons. Dans un établissement, si vous avez 500 saumons qui valent quelques dollars chacun, cela représente une valeur à la condition que l'on s'assure que les saumons ne pourront pas se sauver.

C'est évident que c'est un nantissement nouveau que le Code civil du XIXe siècle n'avait pas prévu. Même dans les réformes, les réformateurs ne l'avaient pas prévu. Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, qui est toujours à l'avant-garde, vient proposer un amendement au Code civil pour garantir les prêts aux établissements piscicoles par des biens mobiliers qui, jusqu'à maintenant, ne pouvaient pas servir de garantie: innovation nouvelle apportée par le ministère, par le gouvernement.

Une voix: Une innovation nouvelle!

M. Garon: J'ai dit une innovation nouvelle? C'est dans l'enthousiasme, je suppose. C'est tellement un produit neuf que j'ai fait un lapsus. Quand je veux dire une innovation... c'est une innovation.

Une voix: C'est quelque chose de nouveau.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Garon: Enfin, le projet de loi est aux exploitations agricoles la couverture du fonds d'assurance-prêt agricole et forestier, élément essentiel pour sécuriser les prêteurs accrédités et faciliter l'accès des aquaculteurs au financement.

J'ai voulu parler sur le fond, sur l'aspect légal du projet, sur le contenu du projet; j'ai peu détaillé l'aspect du développement de l'aquaculture et j'aimerais

en dire quelques mots en terminant. On a au Québec un potentiel incroyable de développement. Il y a des connaissances dans le secteur qu'on n'a jamais vraiment développées. Récemment, des gens me faisaient parvenir des moules développées en élevage aux Îles-de-la-Madeleine pour que je puisse y goûter et en constater la qualité. Depuis quelques années, on observe au Québec des moules importées de l'Île-du-Prince-Édouard, où on élève des moules. Au Québec, on ne fait pas ce genre d'élevage, alors qu'on devrait le développer puisqu'on a le territoire et les eaux qu'il faut. Cela suppose toute une technique, vous savez. On élève des moules dans les eaux à marée; par exemple, on pourrait faire comme en France où on élève des moules dans les eaux à marée. Lorsque la marée est basse, la moule se ferme pour garder son eau en attendant la marée haute. En même temps qu'on l'a élevée, on l'a habituée à ce petit phénomène et, lorsqu'on enlève la moule de l'élevage pour l'envoyer sur les marchés, elle reste fraîche plus longtemps parce qu'elle s'est habituée à se fermer en dehors de l'eau, à garder son eau et à rester un produit frais et vivant plus longtemps.

Je vois les députés libéraux qui me regardent ébahis, mais j'étais aussi enthousiaste quand j'ai fait cette découverte qui, au fond, n'est pas extraordinaire, mais il faut le faire.

Une voix: C'est du conditionnement.

M. Garon: On conditionne la moule à garder son eau en l'élevant dans des eaux à marée pour qu'elle puisse rester fraîche plus longtemps. C'est un peu exceptionnel.

On peut aussi, au Québec, développer les élevages du saumon. On a des rivières à saumon dans tout le territoire, sauf qu'on n'a jamais vraiment développé les élevages de saumon. On devrait avoir, au fond, une pisciculture à saumon dans chacune des rivières du Québec. On a la ouananiche, un saumon qui a été coincé dans des eaux intérieures lors du recul des glaciers. Il s'agit de saumons qui n'ont pu se sauver, qui sont restés dans les eaux douces et qui sont devenus des ouananiches, des poissons déjà acclimatés aux eaux douces, dont on pourrait développer l'élevage. Ce sont des saumons d'eau douce. (20 h 30)

On a la truite dont le développement s'est très bien fait au Québec. Quand on pense à toutes les variétés... J'ai ici une liste. Il serait intéressant de noter, par exemple, toutes les pratiques piscicoles développées au Québec depuis longtemps, mais qui n'ont jamais été vraiment envisagées sous forme d'élevage. Les connaissances sont là.

L'élevage du saumon de l'Atlantique a commencé au Québec en 1858, celui de la ouananiche en 1930, l'omble de fontaine en 1857, l'omble chevalier et la truite rouge du Québec en 1968, la touladi en 1881 jusqu'à aujourd'hui. Là, il y a une truite qui... La truite moulac, de 1945 à aujourd'hui, la truite arc-en-ciel, de 1903 à aujourd'hui, la truite brune, de 1890 à aujourd'hui, la truite fardée, de 1940 à 1970 - cela a commencé dans le temps de la guerre; elle voulait se camoufler, je suppose - le saumon chinook, de 1878... Différents types de saumon qui remontent... Le grand corégone, de 1876 à 1968. Il y a toutes sortes d'espèces dont les techniques d'élevage sont connues et que nous avons dans nos eaux. L'éperlan d'Amérique, 1935; le maskinongé, 1932...

Une voix: Picotte.

M. Garon: ...la perchaude, 1937...

Une voix: C'est Picotte qui se demandait si...

M. Garon: ...la perchaude...

Une voix: II n'est pas bien élevé.

Une voix: Maskinongé.

M. Garon: ...le doré jaune, 1965; l'achigan à petite bouche, 1924; l'achigan à grande bouche, 1965; la carpe, 1950. On l'utilisait comme nourriture pour le maskinongé.

Une voix: Le crapaud.

Une voix: Le député de Maskinongé...

Une voix: Il est mal élevé, lui.

M. Garon: La moule bleue, 1973; la moule géante, cela vient de commencer, 1982; le pétoncle géant, 1983...

Une voix: La souris verte.

M. Garon: ...l'anguille d'Amérique, 1973-1974, c'est encore expérimental; l'huître américaine, 1972.

M. le Président, j'aurais pu continuer à nommer d'autres espèces, mais moins connues, pour montrer qu'au fond il ne s'agit pas d'inventer le monde. Ce sont des techniques qui sont connues. Il y a des espaces ici. II y a de l'eau en quantité, principalement de l'eau qu'on prend dans la terre, en parlant d'eau de source qui a un degré de température de 54°, de l'eau qui est bonne. Alors, on a tout ce qu'il faut. On a la ressource. On a les poissons. On a les eaux. On a des gens qui veulent gagner leur vie. Ce qui leur manque, c'est la loi 48 pour leur donner les concessions de territoire

maritime...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Garon: ...pour pouvoir faire l'élevage et un crédit aquacole, c'est-à-dire les moyens financiers pour pouvoir faire ces développements. Quand on a toutes les ressources, il faut que le gouvernement encourage et c'est ce qu'on veut faire par le projet de loi 74 que nous présentons.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Saguenay.

M. Ghislain Maltais

M. Maltais: Merci, M. le Président. Nous avons devant cette Assemblée le projet de loi 74, Loi sur le crédit aquacole, qui a pour objet d'instaurer un crédit aquacole et, par le fait même, de favoriser l'aquaculture, chose tout à fait normale à laquelle nous souscrivons entièrement. Il s'agit donc d'un projet de loi qui permettra finalement au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de réaliser un vieux rêve. Je siège à l'Assemblée nationale depuis dix mois et, à tous les jours, le ministre nous parle de ses pouponnières à saumon, de ses pouponnières de moules, de ses pouponnières de ci et de ses pouponnières de ça. Je pense qu'enfin le ministre va pouvoir réaliser ce projet. Ce qui me frappe particulièrement, M. le Président, c'est que dans le premier article du projet de loi, on s'aperçoit que le ministre veut aller encore plus loin que ce à quoi il nous avait habitués. C'est une chose marquante. À l'article 1 qui définit l'aquaculture, il la définit comme suit: "...la production ou l'élevage commerciaux, à des fins de consommation ou de repeuplement -on le reconnaît - de poissons, d'amphibiens, d'échinodermes, de crustacés, de mollusques ou de leurs oeufs, - ou même - produits sexuels..."

Une voix: Ah bien!

M. Maltais: M. le Président, le ministre va même dans la chambre à coucher des saumons, des truites, des moules, etc. Je pense qu'il veut absolument que rien ne lui échappe de ce domaine.

L'idée de permettre l'expansion, si ce n'est la création, d'une nouvelle industrie, je pense que c'est louable de la part du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Toutefois, il faut quand même faire un examen plus approfondi du projet de loi 74. Notons au départ une certaine présomption du ministre. Ce projet de loi permettra aux détenteurs de permis délivrés par le ministre en vertu du projet de loi 48 qui, entre parenthèses, n'a pas encore été adopté par l'Assemblée nationale... C'est une présomption du ministre. Peut-être aussi qu'il serait opportun de s'interroger sur l'opportunité d'une telle loi. Le projet de loi nous est-il proposé? Répond-il à une demande réelle? Ce sont des questions que le ministre n'a pas énoncées dans son discours. Serait-il plutôt destiné à des cas limités? Est-ce qu'on fait une législation pour un petit groupe de personnes ou si cela sera vraiment étendu au cours des prochaines années? Ce sont des choses que le ministre a oublié de nous dire dans son énoncé.

Établissons au départ que le projet de loi qui, en fait, est une nouvelle loi, la Loi sur le crédit aquacole, modifie le Code civil pour permettre le nantissement aquacole; il amende la Loi sur l'assurance-prêts agricoles et forestiers pour que le Fonds d'assurance-prêts agricoles et forestiers puisse assumer le remboursement de certaines pertes.

Malheureusement, M. le Président, dans la présentention du bill omnibus 86, on ne retrouve pas une demande du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour la modification de la Loi sur le crédit agricole et du Code civil. Je pense qu'il aurait été avantageux pour le ministre de profiter de cette modification pour insérer dans la loi 86 les modifications nécessaires. Encore là, une fois ce projet de loi adopté, on sera peut-être encore pris pour attendre.

L'Office du crédit agricole du Québec sera chargé de l'application de cette loi. Il verra notamment à faire des recommandations de prêts. Il pourra ainsi consentir des prêts, même à titre supplétif, seulement aux prêteurs privés, étant les principaux fournisseurs de capitaux. M. le député de Duplessis, je pense que lorsque ce sera votre tour, on vous écoutera, n'est-ce pas, M. le Président? Le ministre nous avait dit dans son préambule que les prêteurs, toutes les institutions financières sans exception, ne faisaient pas réellement leur travail dans ce domaine. À partir du moment où il leur dit d'avance qu'ils n'ont pas accompli leur devoir et qu'il devra les imposer par une loi, déjà dans sa loi il va avoir recours à eux. Peut-être faudrait-il changer d'attitude là-dedans.

L'aquaculture. On traite de production d'élevages commerciaux à des fins de repeuplement et de consommation de poissons. Je pense que c'est quand même, au Québec, une chose où on accusait beaucoup de retard, particulièrement au niveau des rivières à saumon, comme le citait tout à l'heure le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et dans d'autres domaines aussi. C'est dommage qu'on ait attendu presque l'extinction de certaines ressources avant de légiférer.

M. le Président, dans ce projet de loi,

on trouve également beaucoup de conditions d'admissibilité, beaucoup de réglementation. Encore là, jusqu'à quel point la réglementation sera-t-elle une embûche pour certaines personnes intéressées par l'aquaculture? C'est le problème du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Chaque fois qu'il présente un projet de loi, on se retrouve avec une réglementation qui devient ni plus ni moins une barrière pour les gens intéressés. Tout à l'heure, le ministre terminait, en disant, qu'il voulait finalement mettre des barrières au niveau de certaines ressources aquacoles mais, dans sa réglementation qui ne nous est malheureusement pas toute connue, y aura-t-il des barrières comme on en retrouve dans certains autres projets de loi, des barrières qui ne permettront pas finalement aux gens intéressés par l'aquaculture d'appliquer véritablement sur ces formes. (20 h 40)

M. le Président, le ministre présente un projet de loi dans lequel, finalement, des prêts seront consentis à des aquaculteurs, mais le ministre a oublié aussi de nous dire jusqu'à quel point cela pourra engager les fonds publics. Habituellement, lorsqu'on présente de tels projets de loi, on vous dit: On pourra aller jusqu'à tant, jusqu'à telle somme et comme on ne connaît pas les impondérables suivants, c'est-à-dire le nombre de personnes, c'est sûr que le ministre ne peut nous dire déjà dans son préambule comment cela va coûter, comment les fonds vont être engagés pour l'année 1984-1985. Ce sont des questions sur lesquelles on serait en droit de s'interroger.

On s'aperçoit que la Loi sur le crédit aquacole a beaucoup de similitude avec la Loi sur le crédit agricole. Si l'on considère que la Loi sur le crédit agricole, qui existe depuis de nombreuses années, a rendu énormément service à l'entreprise agricole au Québec, je pense que ce projet de loi, finalement, après une étude approfondie, permettra enfin à bien des jeunes du Québec, à bien d'autres gens aussi, de faire au Québec ce qu'il n'était pas possible de faire avant. Je pense aussi que cela permettra sans doute, comme le ministre l'a souligné tout à l'heure, d'avoir des emplois de plus. À partir du moment où des personnes trouveront des emplois supplémentaires au Québec, je pense que nous devons souscrire, que nous pouvons souscrire finalement à cette idée. Toutefois, au niveau de la réglementation, nous aurons sans doute en commission parlementaire l'occasion d'approfondir plus amplement la question avec le ministre. Il faudrait s'assurer que, pour une fois, la réglementation arrive à temps et à point afin que ceux qui sont déjà des aquaculteurs dans la province de Québec et ceux qui veulent prendre de l'expansion, ceux qui veulent se lancer dans de tels commerces puissent le faire le plus rapidement possible pour pallier une situation qui a duré, hélas, trop longtemps.

Le ministre ne devra pas faire comme dans le projet de loi 48. D'ailleurs, il n'en a jamais déposé la réglementation. Il devra le plus rapidement possible déposer cette réglementation. En conclusion, le Parti libéral ne peut qu'endosser un principe qui permet de développer au Québec un secteur qui, au cours des années, même s'il avait été fait de façon un peu privée et non pas sur une grande échelle, répond vraiment à un besoin au Québec, considérant que l'aquaculture est un domaine où on ne doit pas légiférer par plaisir, mais bien par obligation, vu la diminution des ressources aquacoles au Québec. Je pense que, dans l'ensemble, le projet de loi nous semble acceptable. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Duplessis.

M. Denis Perron

M. Perron: Merci. Tout comme le député de Saguenay, j'aurais pu prendre les notes explicatives du projet de loi et les lire devant cette Assemblée. J'ai choisi de préparer moi-même un court exposé d'abord sur la situation des pêches au Québec et, bien entendu, sur le projet de loi lui-même en ce qui a trait au crédit aquacole. Comme le disait le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation tout dernièrement, le projet de loi est dans la foulée de la loi 48 et va permettre au gouvernement du Québec et au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de récupérer ce que nous a enlevé le gouvernement fédéral le 11 juillet 1983 en récupérant lui-même les permis qu'il nous avait été donné d'administrer depuis 1922. Je n'ai aucunement entendu le député de Saguenay mentionner ce fait. La loi 48 qui, en fait, affirme les droits du Québec dans le domaine des pêches, qui affirme aussi la juridiction du Québec dans ce domaine, qui précise des champs d'intervention au niveau interministériel et qui instaure un nouveau régime de permis, le député de Saguenay n'a pas parlé de cela non plus, et je n'ai entendu aucun membre du Parti libéral, les gens d'en face, en parler devant cette Assemblée.

M. le Président, alors que le projet de loi 48 constitue, bien entendu, une assise légale de l'ensemble d'un édifice que nous sommes en train de construire au Québec, le projet de loi sur le crédit aquacole a pour but de fournir les matériaux financiers nécessaires à son édification, c'est-à-dire à sa construction, pour en arriver à faire en sorte que nous ayons dans nos coffres tous les outils nécessaires pour bien fonctionner

dans tout le Québec et pour bien fonctionner aussi dans la mise en marché de nos produits. On peut dire aussi que le projet de loi lui-même est considéré sur le plan interne, au niveau du Québec, comme très important.

Considérée sur le plan mondial comme une des grandes voies de l'avenir au point de vue de l'alimentation, l'aquaculture n'en est encore au Québec qu'à ses premiers pas, si on fait exception des progrès remarquables enregistrés au niveau de l'élevage de la truite dont la production est passée, de 156 à 950 tonnes métriques, de 1977 à 1983. Pourtant, l'élevage à des fins d'alimentation ou de repeuplement d'une foule de poissons, dont les crustacés et les mollusques, de même que la récolte de végétaux aquatiques sont facilement envisageables sur une grande échelle en raison de l'abondance et de la qualité de nos eaux douces souterraines et de surface et en raison de l'étendue de notre territoire maritime.

Quant à l'aspect repeuplement - ici, je voudrais parler de l'importance qu'aurait la Côte-Nord et, en particulier, les grandes rivières à saumon du comté de Duplessis - il est très important qu'on se donne dans les plus brefs délais et ce, par le biais d'une loi du crédit aquacole, des moyens financiers pour faire en sorte que des gens, que ce soit à but lucratif ou à but non lucratif, puissent se regrouper et intervenir dans le domaine de l'aquaculture.

Dans les rivières à saumon de la Côte-Nord - on connaît très bien, pour en avoir parlé durant les derniers mois, les problèmes vécus dans nos rivières à saumon - les prises diminuent d'une année à l'autre et des interventions sont faites en particulier par l'Islande, le Groënland et Terre-Neuve, ainsi que par les pêcheurs commerciaux et même les pêcheurs sportifs. Il' est nécessaire, je crois, que nous ayons les outils pour remettre en marche une production qui est en train de tomber et qu'on donne les fonds voulus à toutes les personnes qui voudront investir elles-mêmes afin d'aller de l'avant dans le domaine de l'aquaculture.

Bien sûr, M. le Président, il faut mentionner l'aspect alimentation. On sait très bien que dans les grands magasins, dans l'hôtellerie, dans le domaine de la restauration, les consommateurs se permettent d'acheter des produits qui proviennent actuellement de l'extérieur, c'est-à-dire que ce sont des produits importés. Si on établit une bonne aquaculture au Québec et si le gouvernement du Québec, par le biais du MAPAQ, réussit à donner des prêts, par exemple, je crois que cela va aider nos commerces et leur permettre de regarder l'avenir d'un oeil meilleur.

Quant au crédit aquacole, je pense qu'il est intéressant, comme le mentionnaient plusieurs personnes en cette Chambre, de considérer que pour les institutions financières qui s'impliqueront, avec l'aide du crédit agricole et sur recommandation... L'Office du crédit agricole a d'ailleurs une très bonne expertise qui va garantir les prêts et, jusqu'à un certain point, faire la gérance de ce crédit. L'office pourra donc se substituer même au prêteur, lorsqu'une aquaculture ne pourra avoir accès à un prêt accepté par l'office. (20 h 50)

En terminant, M. le Président, je crois que si le gouvernement réussit à mettre en marche et à faire adopter ici devant cette Assemblée le projet de loi 48, si le gouvernement réussit à faire adopter par cette Assemblée le projet de loi 74 - parce que, en fait, c'est un complément au projet de loi 48 - nous en arriverons à avoir une structure de pêche au Québec, autant au niveau des pêcheurs, au niveau des producteurs qu'au niveau des transformateurs. Nous aurons des installations de pêcheries qui vont se tenir debout et qui vont sûrement, dans les prochains mois et dans les prochaines années, en particulier, être concurrentielles au niveau du marché international et spécialement du marché interne ici, en ce qui a trait aux importations. Donc, la présence de la finance privée et de l'Office du crédit agricole et le fait que les consommateurs vont être de plus en plus enclins à acheter des produits de chez nous, le fait qu'il y aura des piscicultures nouvelles au Québec, tout cela ensemble, donc, en bloc, va nous amener, en particulier sur la Côte-Nord et bien sûr aussi en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, à créer des emplois. Et Dieu sait à quel point on en a besoin actuellement sur la Côte-Nord et spécialement dans le comté de Duplessis à cause de la situation en ce qui a trait au fer.

M. le Président, je termine en mentionnant qu'en ce qui me concerne, j'appuie entièrement le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation quant au projet de loi 74. Si j'ai bien entendu, il appert que le Parti libéral, c'est-à-dire les gens d'en face, vont voter pour ce projet de loi, mais je me demande pourquoi ces derniers sont favorables à son adoption, alors qu'ils rejettent carrément le projet de loi 48. C'est incompréhensible. C'est vraiment incompréhensible. Cela ne tient pas debout. On dirait qu'ils parlent contre le projet de loi 48 parce que cela nous remet entre les mains des pouvoirs qui nous ont été enlevés par le gouvernement fédéral le 11 juillet 1983. Par contre, ils sont d'accord avec un autre projet de loi qui est un complément au projet de loi 48. Je pense qu'on peut s'attendre à peu près à la même rengaine que celle que nous ont servie les libéraux durant les dernières années, c'est-à-dire être majoritairement contre le gouvernement

seulement parce que c'est un gouvernement péquiste. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, votre droit de réplique.

M. Jean Garon (réplique)

M. Garon: M. le Président, vous me prenez par surprise, parce que je pensais que les libéraux avaient beaucoup de choses à dire. Je vous dirai que le projet de loi doit être bon, puisque les libéraux ne veulent pas parler et qu'ils n'ont pas de critiques à faire. C'est un bon projet de loi et comme tous les gens de cette Chambre sont favorables à son adoption, cela ne me donne rien de parler davantage pour essayer de les convaincre. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, le principe du projet de loi 74, Loi sur le crédit aquacole, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le ministre du Travail.

Renvoi à la commission de

l'agriculture, des pêcheries

et de l'alimentation

M. Fréchette: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré pour étude détaillée à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. Je signale en même temps que la commission sera présidée par un président de séance.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion de renvoi est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le ministre, à nouveau.

M. Fréchette: M. le Président, je vous prierais d'appeler l'article 16) du feuilleton, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du Travail, en plus de cette motion de renvoi, il faut aussi une motion pour aviser que cette commission sera présidée par un président de séance. Il faut une deuxième motion, s'il vous plaît.

M. Fréchette: M. le Président, je peux faire des motions aussi souvent que vous me le demanderez. J'avais informé que cette commission serait présidée par un président de séance, mais si cela doit être sous forme de motion, je fais formellement cette motion.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Projet de loi 82 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté, sûrement. Donc, nous revenons maintenant... S'il vous plaît! J'appelle l'article 16, le projet de loi 82, Loi sur la commercialisation des produits marins. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, on m'envoie un petit papier. J'ai l'impression que j'induis les gens en erreur quand je lis cela, mais on me dit que l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi - ce qui me surprendrait grandement - et qu'il en recommande l'étude à l'Assemblée. En tout cas, il paraît qu'il faut lire cela.

Une voix: ...

M. Garon: Pardon?

Une voix: ...

M. Garon: Pardon?

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. le ministre.

M. Garon: Avant 1976, le secteur des pêches maritimes était régi par deux lois québécoises: la Loi sur les entrepôts frigorifiques, adoptée à la fin des années trente, sous l'Union Nationale, et qui permettait au gouvernement du Québec d'exploiter un réseau d'entrepôts frigorifiques. Cette loi devient de plus en plus caduque à mesure que s'applique le programme de transfert des entrepôts frigorifiques de l'État ou du gouvernement aux entreprises de transformation et aux associations de pêcheurs. En fait, elle devra être abrogée en 1985, lorsque le gouvernement du Québec cessera définitivement d'exploiter des "frigidaires".

Il faut dire que dans les années trente, c'était nécessaire, puisqu'il n'y avait pas d'électricité, en Gaspésie, par exemple, alors qu'il fallait se mettre à l'heure de tout le monde et commencer l'exploitation du poisson réfrigéré, congelé; auparavant, on

salait le poisson. Le gouvernement s'impliquait, c'était nécessaire. Aujourd'hui, les entreprises privées peuvent gérer des entrepôts frigorifiques.

Il y a aussi la Loi sur le crédit aux pêcheries maritimes qui permet au ministre responsable des pêches de faire des prêts aux pêcheurs et aux entreprises pour l'achat ou la réparation de bateaux de pêche et d'octroyer toute une ribambelle de subventions. Il y avait aussi la Loi sur la préparation des produits de la mer. C'était une loi un peu succincte, qui comportait deux articles: un article principal et un article de mise en vigueur.

Depuis 1977, nous avons adopté les mesures législatives suivantes: en 1978, nous avons amendé la Loi sur le crédit aux pêcheries maritimes afin de porter de 3 000 000 $ à 10 000 000 $ le montant annuel des prêts qui peuvent être consentis aux pêcheurs professionnels; dans le cadre de cette loi, nous avons également rationalisé les programmes d'aide financière afin de privilégier nettement les dépenses d'investissement par rapport à celles de fonctionnement. Nous avons mis de l'argent là où cela compte en faisant en sorte de donner un sérieux coup de pouce financier aux pêcheurs lorsqu'ils réalisent leurs investissements importants, c'est-à-dire l'achat de leur bateau, et en leur enlevant l'obligation de venir continuellement quêter au ministère chaque fois qu'ils achètent un filet, un casier, etc.

Nous avons, dans le même esprit de rationalisation et de cohérence, coupé ou enlevé les subventions à l'achat d'équipements de pêche qui ne permettent pas d'amener à terre des produits de première qualité, comme des filets maillants, pour subventionner correctement d'autres équipements plus efficaces au chapitre de la qualité, comme les palangres. De la même façon, nous avons renforcé les normes de construction des bateaux, en particulier, les cales et les autres aires d'entreposage des produits marins, afin de préserver la qualité du poisson à bord.

Il faut dire que nous avons par la suite, en mars 1980, à Gaspé, tenu un colloque pour que tout le secteur des pêches du Québec discute, de l'amélioration de la qualité des produits marins. En mars 1981, à Sept-Îles, nous avons présenté un document, c'est-à-dire tous les principes d'un projet de loi ou d'un projet de règlement comme consultation finale, avant de présenter le projet de loi à l'Assemblée nationale. À ce moment-là, tous les intervenants avaient accepté unanimement les principes contenus dans les documents présentés à cette conférence, à Sept-îles, en mars 1981.

En décembre 1981, nous avons adopté la Loi amendant la Loi sur les produits agricoles et les aliments pour qu'elle devienne la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments qui représente la grande charte de base de la qualité des produits alimentaires au Québec. Il s'agit d'une pièce législative extrêmement précieuse qui a été suivie, en mai 1982, d'une réglementation étoffée qui vise à assurer la qualité des produits marins depuis le débarquement au quai jusqu'au magasin de détail. Fruit de nombreuses études exhaustives, de voyages à l'étranger et d'une consultation qui a duré deux ans sur tout le territoire maritime et auprès des agents de distribution et de commercialisation des produits marins, la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments est une véritable charte de la qualité et place le Québec à l'avant-garde. (21 heures)

En mars 1982, nous avons tenu une conférence socio-économique à Montréal sur l'industrie de la pêche avec une consultation de tout le territoire sur la commercialisation des produits de la pêche au Québec et avec un document de base qui était la première publication d'ensemble sur la commercialisation des produits de la pêche au Québec et qui expliquait toute la situation et la problématique concernant ce problème ou cette question.

C'est dire que tout le cheminement que nous avons fait depuis 1978 au Québec dans le secteur des pêches s'est fait d'une façon cohérente. J'aurais pu mentionner d'autres colloques, mais je n'ai pas voulu citer pour écourter la liste, tous les colloques de consultation pour que tous les intervenants du secteur des pêches soient sur la même longueur d'onde, pour que tous les gens fassent le même cheminement en même temps.

Quand on a voulu améliorer et comparer, nous sommes allés voir les endroits du monde où les plus grands progrès ont été réalisés, où les gens du secteur des pêches sont à l'avant-garde. Qu'il s'agisse des États-Unis, qu'il s'agisse de l'Europe avec la France, la Norvège, le Danemark, les Îles Féroé, l'Islande; qu'il s'agisse de l'Asie, avec le Japon et la Corée, je pense que nos missions exploratoires pour voir ce qui se faisait ailleurs dans le secteur des pêches, en visitant des dizaines et des dizaines d'usines, en comparant des dizaines et des dizaines de lois et de réglementations, n'ont pas été une improvisation, mais une étude exhaustive de ce qui se fait dans le monde au point de vue des produits marins. Qu'il s'agisse de la pêche, de la construction des bateaux, de la manutention du poisson à bord des bateaux, des instruments de pêche, de l'entreposage à bord des bateaux, du débarquement aux quais, du transport des quais vers les usines, des chaînes de fabrication d'usines, des façons de construire des usines, de l'emballage, de la commercialisation, du

crédit maritime, du crédit bancaire pour les industries, un grand nombre de questions fondamentales mais complexes ont été étudiées avant que le gouvernement du Québec mette en place un certain nombre d'outils législatifs ou réglementaires qui vont permettre de mettre le Québec sur la première scène, à la première place dans le secteur des pêches maritimes.

Ce que nous visons, ce n'est pas de nous comparer au Nouveau-Brunswick. On veut sortir de la problématique ancestrale. J'ai dit aux gens du Nouveau-Brunswick: Nous ne nous comparons pas pour essayer de vous battre.

Une voix: Des poules...

M. Garon: Nous ne nous comparons pas à la Nouvelle-Écosse. Nous nous comparons aux pays qui ont réalisé les meilleurs progrès dans le monde. Pour tous ceux qui consultent le "Boston Blue Sheet" ou la "Feuille bleue" qui indique les prix sur le marché de Boston, qui voient les transactions qui se font sur le marché de Tokyo avec un immense marché de poisson, avec... Vous savez, quelquefois, on pense qu'en Asie, les méthodes sont ancestrales, mais ce sont les méthodes les plus sophistiquées pour mettre en marché le poisson. Nous avons examiné toutes ces façons avant d'établir, en consultation avec les gens du milieu, des façons de faire qui vont faire en sorte que le Québec sera, avant longtemps, dans le secteur des pêches, un endroit où on pourra se comparer aux meilleurs dans le monde et non pas se comparer traditionnellement aux provinces maritimes, qui ont assez de difficultés avec un service d'inspection fédéral qui ne leur donne pas de chance.

En mai 1983, nous avons également adopté une loi spéciale pour assurer la reprise des activités de pêche à Madelipêche Inc. Cette loi visait à mettre fin à la situation de conflit d'intérêts dans laquelle se trouvaient les membres de la Fédération coopérative des Pêcheurs Unis du Québec dans l'entreprise Madelipêche. Grâce à cette intervention vigoureuse et au soutien financier que le gouvernement du Québec a accordé à Madelipêche par la suite, les Îles-de-la-Madeleine peuvent maintenant compter sur une entreprise dynamique qui emploie plus de 600 personnes. Située au coeur du golfe Saint-Laurent, Madelipêche occupe une position stratégique dans les pêches québécoises et il est du devoir du gouvernement du Québec de l'aider à prendre l'essor qui lui revient et qu'elle doit assumer dans le développement économique des Îles-de-la-Madeleine et celui des pêches maritimes québécoises.

Nous avons amendé, en avril 1980, la Loi sur le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation pour créer le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Au-delà de ce changement de titre, nous avons offert au secteur des pêches maritimes la grande expertise et les nombreux services du ministère de l'Agriculture comme ceux de la normalisation des produits, la normalisation en général, de l'inspection des aliments, des études économiques et du développement industriel.

C'est d'ailleurs en s'appuyant sur la Loi amendée sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation que nous avons préparé le programme d'aide financière à la rationalisation du secteur de la transformation des produits marins, par lequel nous offrons une aide financière à la normalisation et à la modernisation des usines de transformation. Un budget de près de 16 000 000 $ sera consacré à ce programme en 1984-1985. Nous avons mis sur pied, en nous appuyant sur les pouvoirs habilitants de la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, un service québécois d'inspection et organisé le triage des produits marins.

Encore là, aucune improvisation, M. le Président. La loi de décembre 1981 prévoyait qu'à partir d'avril 1984, il y aurait un triage universel ou complet des produits marins au Québec. À l'heure où je vous parle, après l'adoption de la loi de décembre 1981, après avoir expérimenté le triage, en 1982, pendant la saison de pêche, dans 5 usines, après avoir mis au point les techniques, nous l'avons étendu à 22 usines, en 1983, pour connaître davantage les problèmes, les modalités d'application dans différents types d'entreprises, qu'il s'agisse du homard, de la crevette, de la morue, de la plie, de n'importe quelle espèce. Pour familiariser notre personnel, nous avons, dès ce printemps, mis en place un système complet de triage pour nous assurer que le poisson qui entre à l'usine ait les qualités nécessaires pour la consommation humaine. Aujourd'hui, le poisson qui entre dans les usines au Québec est propre à la consommation humaine et, s'il n'est pas propre à la consommation humaine, il doit prendre le chemin des produits qui ne sont pas propres à la consommation humaine, c'est-à-dire ne pas venir sur les tables des consommateurs. C'est nouveau, M. le Président.

Aux gens qui doutaient qu'on puisse mettre en marché un produit de première qualité, je peux dire qu'on commence à avoir les résultats du triage. Il y a un effort considérable qui est fait et, dans certaines entreprises, certaines semaines, 100% du poisson débarqué est de qualité A, de première qualité. Nous visons éventuellement à un produit à 100% de première qualité. Ce n'est plus une question d'années au Québec. C'est une question de mois. À ce moment-là,

nous pourrons dire - ce sera le plus grand objet de fierté des députés qui ont travaillé vigoureusement pour qu'il en soit ainsi -qu'au Québec nous sommes les champions. Nous avons un produit meilleur et nous ne nous sommes pas contentés du triage. Devant le laxisme administratif qui avait caractérisé l'inspection fédérale, nous avons dit: Nous ne pouvons continuer à laisser inspecter le poisson par des inspecteurs qui n'inspectent pas. Quand on dit que le poisson canadien ou de l'Est du Canada a une mauvaise réputation sur les marchés, c'est parce que le système "inspecté Canada", dans le secteur des pêches, est un sigle ou un sceau qui n'a aucune valeur au point de vue de la qualité.

Nous avons mis en place un système d'inspection qui, actuellement, fait en sorte que, dans les usines, on applique graduellement toutes les normes de qualité que nous envisageons pour le secteur des pêches québécois, en tenant compte que 1984 est une année de transition puisque c'est la dernière année où des usines qui n'ont pas été normalisées pourront fonctionner. À partir de 1985, seules les usines qui auront le nouveau permis en fonction de la qualité pourront fonctionner sur le territoire québécois. En même temps, nous offrons des compensations pour désuétude, c'est-à-dire des paiements à ceux qui veulent démolir des entreprises qui ne pourront produire du poisson de qualité. Les gens qui démolissent les vieilles usines peuvent utiliser cet argent aux fins de moderniser leurs nouvelles entreprises pour que, dès la saison de pêche 1985 nous puissions dire: Sur le territoire québécois, mission accomplie dans le secteur des pêches. Maintenant, consommateurs québécois, consommez du poisson québécois. C'est votre plus grande garantie de qualité. (21 h 10)

Évidemment, je ne l'ai pas dit encore, nous nous dirigeons graduellement vers une qualité qu'on appellera "qualité Québec" puisque nous aurons réalisé, à partir de la pêche jusqu'à la table du consommateur, un réseau dans le secteur des pêches qui pourra assurer au consommateur québécois que le produit qui lui est offert sur le marché est meilleur. Il faudra aussi, en même temps, corriger quelques irrégularités ou certaines choses qui ne seraient peut-être pas encore au point. Actuellement, on utilise n'importe quelle dénomination sur le territoire et il va falloir corriger cela rapidement.

Par exemple, je pense qu'il est anormal qu'on vende de la plie et qu'on l'appelle de la sole, des harengs qu'on appelle des sardines de la même façon qu'il serait inconcevable qu'on vende de la truite qu'on appellerait du saumon ou, encore, du maquereau qu'on appellerait du thon. Cela serait anormal. Il va falloir aussi, sur le marché québécois, qu'on appelle les choses par leur nom. Quand un poisson est de la plie, qu'on vende de la plie; quand c'est de la sole, qu'on vende de la sole; quand on vend du hareng juvénile, que ce soit du hareng juvénile; quand c'est de la vraie sardine, que ce soit de la sardine. Tous ces produits ont un prix différent et il est anormal qu'on vende sur les marchés des produits qui ne sont pas les produits qu'on annonce. Cela devrait se corriger au cours de cette année et nous le ferons.

En octobre 1983, j'ai déposé à cette Assemblée le projet de loi sur les pêches et l'aquaculture commerciale. Ce projet a deux objectifs: affirmer et faire respecter la compétence constitutionnelle du Québec sur ses fonds marins lorsqu'ils sont utilisés à des fins de pêche commerciale et fournir un cadre juridique propice au développement d'un secteur très prometteur, celui de l'aquaculture. Quand on parle d'aquaculture, on n'a aucune idée des ressources qu'il y a au Québec.

Je regarde dans votre comté, M. le Président, des lacs inexploités où il y a des esturgeons qui vont mourir de vieillesse avec pour des milliers de dollars d'oeufs dans le ventre. Pourquoi? Parce qu'au Québec on n'utilise pas les ressources. Je suis allé en Abitibi. J'ai été obligé d'aller voir quasiment clandestinement un pêcheur qui mettait en marché un caviar extraordinaire, non pas que le caviar deviendra les céréales du matin des Québécois, mais s'il y a 50, 100, 150 personnes qui gagnent leur vie en pêchant l'esturgeon et en mettant en marché les oeufs du poisson, il y a une fortune là-dedans. On me disait récemment - j'avais de la peine pour le type - qu'on avait pêché un esturgeon dans le bout de Montmagny et qu'on ne savait pas la valeur des oeufs qu'il y avait dedans. Le pêcheur avait perdu plusieurs dizaines de livres d'oeufs d'esturgeon - je ne me souviens pas si c'était 20 ou 30 livres - qui étaient dans le ventre de l'esturgeon. Le pêcheur, ne connaissant pas cela, avait jeté les oeufs à la mer alors qu'il s'agissait d'une valeur d'un millier de dollars.

M. le Président, au point de vue des ressources, il n'y a pas d'endroit dans le monde où il y a autant de ressources que dans le fleuve Saint-Laurent, dans les immenses lacs qui sont dans notre territoire, mais à condition de vouloir faire ce développement. Au Québec, nous sommes aux premiers balbutiements de l'aquaculture. Si Dieu veut nous prêter la vie, physique et politique, nous pourrons faire en sorte d'amener ce développement à un stage tel qu'il ne sera plus possible de revenir en arrière.

En attendant que les prochaines élections fédérales aient accompli leur travail d'épuration et que nous ayons un nouvel interlocuteur comme ministre des

Pêches et des Océans, il est essentiel que le Québec assume ses responsabilités en matière de pêcheries en faisant respecter le projet de loi 48 lorsqu'il sera adopté. C'est à partir de l'assise constitutionnelle incontestable du Québec en cette matière que nous pourrons négocier un juste retour des choses lorsqu'il y aura quelqu'un de parlable à la tête du ministère des Pêches et des Océans.

Ceux qui s'opposent au projet de loi 48 veulent que le gouvernement du Québec aille négocier à genoux une nouvelle entente de 1922 sur le partage des responsabilités entre Québec et Ottawa en matière de gestion des pêches. Jetez vos armes, disent-ils, avant d'entreprendre le combat. Je dirai à l'Opposition que je lisais le Devoir, la semaine dernière, où le journaliste rapportait l'entrevue avec M. Whelan qui disait: "Celui avec lequel je m'entends le mieux, c'est avec le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec." Vous voyez que si je m'entends bien avec le ministre de l'Agriculture à Ottawa, je devrais être capable de m'entendre autant avec le ministre des Pêches et des Océans.

J'entends le député de Gatineau qui parle du chapeau quand on cite le ministre de l'Agriculture à Ottawa. Que voulez-vous? C'est un problème libéral plus qu'un problème agricole. Pour ce qui est de l'aquaculture, il faut enfin tirer profit des immenses plans d'eau douce et du vaste territoire côtier du Québec pour exploiter une ressource au potentiel immense, celui de l'aquaculture. Nous exploitons déjà la truite arc-en-ciel et la truite mouchetée, mais il y a le doré, les moules, le homard, les pétoncles, le saumon, la truite de mer, l'esturgeon, toutes des ressources qui pourraient être développées chez nous avec beaucoup plus d'attention.

Enfin, le projet de loi sur la commercialisation des produits marins que nous étudions présentement vient en quelque sorte couronner l'important programme législatif que nous avons minutieusement préparé à l'intention des gens qui veulent vivre de pêches rentables et modernes parce que tous les efforts que nous avons déployés jusqu'ici pour financer les bateaux de pêche, pour construire des bateaux efficaces et modernes, pour contrôler... Quand on parle de bateaux de pêche efficaces et modernes, dans quelques jours nous mettrons à l'eau, nous mouillerons un bateau nouveau pour le secteur des pêches de poisson de fond ici pas loin. Les quatre pêcheurs qui seront les propriétaires de ce bateau qui sont parmi les pêcheurs les plus dynamiques du Québec, en travaillant avec les architectes, les gens du chantier maritime, sont allés voir un peu partout ce qui se passait dans le domaine des bateaux tant en Europe que dans les provinces maritimes de l'Est et de l'Ouest aux États-Unis pour voir quel serait le bateau idéal pour le pêcheur québécois qui pêche dans un territoire comme le golfe Saint-Laurent.

Ils ont mis au point un plan de bateau avec différents équipements, avec une conception du bateau, avec une conception des aménagements à bord du bateau pour produire un produit de la plus haute qualité avec aussi les bateaux où il y a un maximum, un certain confort. Vous direz: On n'a pas idée à quel point tout cela est significatif. Le chemin parcouru en quelques années est incroyable. Si on vous disait, M. le Président, que pour mettre une douche à bord d'un bateau, c'est moi qui ai signé pour la première douche, les fonctionnaires ne voulaient pas. On disait: "Cela n'a pas de bon sens. Cela va être un bateau de plaisance". J'ai dit: "Voyons donc! Un pêcheur qui va travailler jour et nuit sur l'eau, pendant quatre ou cinq jours n'aura pas le droit de prendre une douche avant de revenir à la maison. On va lui demander d'avoir un produit dans la cale, un poisson A-1, sans bactéries et lui n'aura pas le droit de se baigner! Voyons donc, cela n'a pas de bon sens." Aujourd'hui, regardez nos bateaux de pêche, il y a un confort pour le pêcheur. Vous avez un petit dortoir où il y a cinq, six couchettes bien équipées, une cuisine bien équipée, une douche, des fois deux - j'ai vu même deux douches dans le même bateau -des toilettes organisées. Tout est organisé pour qu'il y ait un certain confort pour le pêcheur.

C'est nouveau. Cela n'existait pas dans le temps des libéraux, c'était un massacre. Un bateau c'était quasiment le XIXe siècle du temps des galères. Il fallait aller aux toilettes dans la chaudière et l'envoyer à l'eau. C'est vrai. Cela a l'air du XIXe siècle, mais c'était comme cela en 1970. En 1976, c'était comme cela. On a changé cela. Aujourd'hui, les pêcheurs sont fiers. Ils commencent davantage à être fiers d'être pêcheurs. Au lieu de dire que c'est un métier de misère, ils commencent à dire aujourd'hui qu'on gagne sa vie dans les pêches. C'est le gouvernement actuel qui a fait cela, M. le Président. Vous verrez les bateaux qu'on va inaugurer bientôt. J'espère que le premier ministre viendra faire un tour - je vais l'inviter - avec moi afin de les voir. C'est la dernière génération des bateaux de pêche construits au Québec. On verra des bateaux modernes que tout le monde va vouloir copier, fabriqués au Québec par des Québécois avec des pêcheurs québécois, avec des aides-pêcheurs québécois. Le seul problème, c'est qu'il faut encore demander son permis à Ottawa, M. le Président. (21 h 20)

Une voix: C'est cela. Avec des poissons québécois!

M. Garon: On a des usines bâties par des Québécois avec des employés québécois. Il faut demander un petit bout de papier, 4 pouces sur 2 pouces, signé par M. De Bané, pour avoir le droit de pêcher le poisson en face de chez nous. La souveraineté, M. le Président, ça veut dire cela, il faudra s'accorder un permis nous-mêmes éventuellement.

M. le Président, vous savez que la souveraineté, cela veut dire beaucoup. Lorsque vous regardez à Matane, le Kristina Logos et le Lumaaq sont à quai, parce qu'on n'a pas de droit d'aller pêcher la crevette et l'usine de Matane est approvisionnée par un bateau russe. M. le Président, il faut se demander qui est malade de la tête.

Une voix: II faut remplir les critères.

M. Garon: Le Kristina Logos, le seul tort qu'il ait eu, c'est que les Québécois ont acheté des parts des Danois. Les parts des Danois ont été achetées par des Québécois et, depuis ce temps, parce que SOQUIA a acheté des parts des Danois, on ne peut plus avoir de permis, M; le Président. Il y a un problème sérieux lorsque c'est rendu grave à ce point-là. Lorsque c'est mieux qu'un bateau soit possédé par des Danois que par des Québécois pour avoir un permis du ministère fédéral, c'est parce qu'il y a des gens malades à Ottawa.

Une voix: C'est vrai.

M. Garon: Ceux qui les appuient au Québec sont aussi malades qu'eux, M. le Président.

Une voix: C'est vrai.

M. Garon: Ces deux bateaux de 150 pieds chacun, qui valent chacun quelques millions, seront prêts dans quelques jours à partir pour la pêche après que les réparations auront été faites. Il faut qu'ils attendent le permis de pêche qu'ils avaient l'an dernier, mais, aujourd'hui, le seigneur des pêches à Ottawa dit non. Il me disait vendredi dernier: Maintenant que tu n'a plus de permis, je vais faire une "shopping list", tu feras une "shopping list" et tu me demanderas dans ta "shopping list" ces permis et je pourrai te les échanger contre d'autres choses. Est-ce qu'on va jouer au fou, M. le Président? Le ministre des Pêches et des Océans va dire: On va enlever des permis à des bateaux du Québec et, après cela, vous vous assoirez et, si vous voulez que je vous les redonne, vous me donnerez quelque chose en retour. Quel sorte de malade a-t-on pour diriger les pêches au gouvernement fédéral? Toute la population du Québec sera renseignée là-dessus. Je donne ma parole que tous les gens sauront son comportement. À Madelipêche, on doit demander nos permis au voyage. À chaque voyage, il faut demander un permis de pêche. Il n'y a pas une compagnie au Canada qui est attelée de cette façon. C'est anormal. Il y en a qui ne m'appuient pas, on me fait perdre mon temps à demander constamment les mêmes choses. Il n'y a pas une province qui est traitée comme cela, M. le Président. C'est ce que cela donne d'avoir un Québécois à Ottawa. La prochaine fois, j'aimerais autant que ce soit un Anglais.

M. le Président, tous les efforts que nous avons déployés ici pour financer les bateaux de pêche, pour construire des bateaux efficaces et modernes, pour contrôler la qualité à partir de la capture jusqu'au magasin de détail, pour nous défendre contre les agressions fédérales répétées, pour participer à la pêche dans la zone des 200 milles, pour développer la Basse-Côte-Nord, tous ces efforts doivent déboucher sur la commercialisation des produits marins. Aussi longtemps que nous n'interviendrons pas dans ce domaine, les petites entreprises du Québec qui se chargent de la mise en marché des produits marins continueront à écouler leur production sur des marchés d'exportation déjà saturés. Elles pratiqueront des politiques de coupures de prix en deçà du coût de production. Elles n'exploreront pas de nouveaux marchés. Elles n'adopteront pas leurs produits aux besoins du marché, mais elles négligeront le marché le plus sûr, celui du Québec. Il faut expliquer ce qui se passe actuellement sur les marchés extérieurs avec les produits marins pour réaliser l'importance du projet de loi que nous étudions.

M. le Président, depuis 1977, c'est-à-dire depuis que le gouvernement du Canada a étendu à 200 milles des côtes sa juridiction sur les ressources marines, la production canadienne de produits marins a doublé. Cela veut dire que les pêcheurs canadiens capturent 1 000 000 000 de livres de poisson et de crustacés de plus qu'en 1977. Les produits marins qui sont extraits de ces poissons et crustacés sont expédiés sur les mêmes marchés qu'auparavant, principalement le marché américain. Les pêcheurs canadiens ont donc augmenté considérablement leur offre de produits marins, ce qui a produit un effet dépressif sur les prix. Pendant ce temps, M. le Président, je n'exagère pas, dans les dernières semaines, une compagnie contrôlée par le gouvernement fédéral à Terre-Neuve affirmait avoir vendu à 0,85 $ ou 0,87 $ du poisson aux États-Unis. C'est en bas du coût de production et, après, on lit dans les journaux qu'elle est en difficulté financière et que le gouvernement fédéral devrait lui donner des subventions. Ce sont toutes des compagnies contrôlées par le gouvernement fédéral qui contribuent à couper les prix, à faire baisser les prix sur les

marchés et à rendre tout le monde plus misérable. Si c'est pour cela que le gouvernement fédéral s'est implanté dans les pêches, il devrait vendre toutes ses parts au plus sacrant parce qu'il nuit au secteur des pêches dans tout le Canada.

Pendant ce temps, les États-Unis ont, eux aussi, décrété une zone de pêche exclusive de 200 milles - ce qu'on oublie -et se sont mis à pêcher sérieusement, réduisant quelque peu leur dépendance à l'égard des produits marins importés. Les produits américains sont de moins en moins importés. Cela contribue à ralentir la demande sur notre principal marché traditionnel, les États-Unis.

Les Européens, de leur côté, ont connu d'importantes dévaluations de leurs devises, ce qui rend plus difficile que jamais l'exportation de nos produits marins en Europe, mais qui favorise, par ailleurs, la pénétration des produits européens sur le marché américain, livrant une concurrence féroce aux produits canadiens.

Ajoutez à cela que les produits canadiens sont généralement de qualité moins constante, inférieure, que les produits européens et que le service canadien d'inspection n'a aucune crédibilité à l'étranger et vous avez tous les éléments d'une crise extrêmement aiguë dans la mise en marché des produits marins au Canada qui va durer plusieurs années encore.

Ceux qui, comme l'actuel ministre des Pêches et des Océans, pensent qu'on peut résoudre ces problèmes très graves en nationalisant les grandes entreprises de pêche de Terre-Neuve ou en achetant les coopératives québécoises en faillite font preuve, ou bien d'une incompétence foudroyante, ou d'un cynisme politique inqualifiable. Avec tous les millions qu'il a tirés par les fenêtres dans cette opération, M. De Bané n'aura réussi qu'à gagner du temps, à refiler le problème à son successeur et à remettre à plus tard l'adoption des mesures qui s'imposent pour régler le problème de la qualité, comme nous sommes en train de le résoudre au Québec, à revigorer le service d'inspection et a structurer la mise en marché à partir d'un produit vendable, c'est-à-dire un produit de qualité assurée. Mais cela prend du courage politique pour accomplir une tâche pareille et ce n'est pas le dénominateur commun de tout le monde.

Nous, du Québec, avons un avantage sur les provinces de l'Atlantique: nous avons un marché intérieur. Nous avons un avantage sur Terre-Neuve, l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick: nous avons un marché intérieur. Nous sommes moins obligés d'exporter nos produits marins. Nous avons calculé que les Québécois consomment chaque année l'équivalent de 140 000 tonnes de produits marins, alors que nous n'en pêchons que 80 000 tonnes. Nous importons 60 000 tonnes de produits marins par année. Bien sûr, il ne s'agit pas nécessairement dans tous les cas des mêmes espèces, mais le fait est que nous pourrions expédier sur notre propre marché une très forte proportion des produits marins pêchés au Québec en évitant les problèmes de l'exportation suivants: l'actuelle saturation d'à peu près tous les marchés extérieurs, parce que tous les pays ont une zone de 200 milles, ceux qui ont une zone côtière; les droits de douane exigés par certains pays; les fluctuations des taux de change aussi bien ici que dans les pays où nous exportons surtout depuis que les taux d'intérêt font la valse; la position déjà acquise par plusieurs pays, en particulier les pays Scandinaves, sur lesmarchés les plus lucratifs où ils seront difficiles à déloger; la mauvaise réputation du service d'inspection du Canada et des produits marins du Canada qui déteint sur la production québécoise.

Pourquoi s'entêter à refouler nos produits sur des marchés déjà congestionnés, alors que les Québécois réclament des produits marins d'ici? Ils sont prêts à les acheter à un prix intéressant et même à privilégier nos produits à ceux d'ailleurs. Je rencontrais récemment un important producteur de la Nouvelle-Écosse. Il me disait: Le marché sur lequel je préfère vendre, c'est le marché de Montréal. Je lui demandais: Pourquoi? Parce que, dit-il, quand on a un bon produit, c'est le marché qui est le plus prêt à payer. Si on a un bon produit, on peut le vendre à un bon prix à Montréal. À Toronto, on ne pourra pas le vendre à un aussi bon prix, parce que les gens ne sont pas prêts à payer aussi cher pour un bon produit.

Une voix: ...

M. Garon: Non, question de mentalité. Je vois un député qui dit... Je comprends qu'il ne connaît pas le secteur, mais c'est bien connu que lorsqu'on parle de consommation, les Ontariens dépensent plus d'argent sur leur maison et les Québécois, plus sur leur alimentation. Je comprends que le député est ignorant de ces questions. Il ne fera jamais un ministre de l'Agriculture. (21 h 30)

C'est un fait, toutes les études démontrent que les Québécois, traditionnellement, ont mis plus d'argent dans leur alimentation que les Ontariens qui mettent plus d'argent dans la construction de leur maison. C'est une façon de vivre. Nous avons de plus grandes cuisines et ils ont de plus grands salons. Que voulez-vous? Il y a déjà eu des enquêtes à ce sujet et c'est comme ça! Ce sont des habitudes de vie.

On l'a vu quand on a fait le développement des produits du crabe. En

1980, alors que je prenais en main le secteur des pêches, en allant à l'Assemblée nationale, on m'a dit: Vous allez peut-être avoir une question sur la fermeture des usines en Gaspésie. On voudrait vous "briefer". J'ai répondu: Bon, de quoi s'agit-il? On m'a dit: On prend beaucoup plus de crabe que d'habitude et le crabe se vend moins bien, moins rapidement. Comme nos entreprises ne sont pas fortes financièrement et comme elles ne peuvent financer de gros inventaires, les usines vont fermer sur le territoire.

Comme j'avais l'air triste de cette situation et que je posais beaucoup de questions, les fonctionnaires m'ont dit: Ne vous en faites pas, M. Garon, c'est comme ça ailleurs, dans les autres provinces maritimes. Ma première réaction a été de dire: Oui, mais quand des situations semblables arrivent dans le secteur agricole, on réagit, on fait quelque chose; vous, dans le secteur des pêches, vous ne faites rien. Ils ont dit: Non, cela va fermer temporairement et cela va rouvrir quand il y aura moins de poisson dans les entrepôts.

J'ai demandé immédiatement au service des études économiques de me produire des données sur la consommation du crabe pour savoir où allait notre crabe. Comment pêchait-on de crabe et où allait-il? J'ai constaté que sur le marché québécois il entrait environ 50 000 livres de crabe, en 1979, alors que tout le reste était exporté. Comme je connaissais le goût du crabe et que je connais le goût des Québécois pour le homard, je trouvais inadmissible que les Québécois, qui aiment beaucoup le homard, qui aiment beaucoup la crevette, n'aiment pas le crabe. Cela me paraissait inconcevable. Il me semble que quelqu'un qui aime le homard et la crevette ne peut pas ne pas aimer le crabe, qui est un produit extraordinaire.

J'ai rencontré des industriels et je leur ai demandé: Que faut-il faire pour que vous puissiez continuer de fonctionner? On m'a répondu: Si on nous aidait pour le financement de nos inventaires, en nous donnant une garantie bancaire, nous continuerions à pêcher jusqu'à la fin d'août ou au début de septembre. Il s'agissait de 900 personnes, soit 200 pêcheurs et à peu près 700 personnes en usine. J'ai acheminé un mémoire au Conseil du trésor et au Conseil des ministres afin de recevoir l'autorisation de garantir les inventaires de ces usines qui continueraient à fonctionner mais à une condition: qu'une promotion soit faite sur le marché québécois. Cela a été accepté, les usines ont continué à fonctionner, les inventaires ont grandi dans les entrepôts et je me disais qu'on ne prenait pas un grand risque parce que si les usines fermaient dans les Maritimes et que nous restions ouverts jusqu'à l'automne, eux n'auraient pas de crabe alors que nous, on en aurait.

On a fait une promotion en septembre et en octobre. Résultat? Pas avec une grosse promotion, mais avec une petite promotion, en collaboration avec les restaurants du Québec, en septembre et en octobre 1980, il s'est vendu au Québec 250 000 livres de crabe, soit cinq fois plus que l'année précédente, et cela seulement au cours des deux mois de septembre et octobre 1980, en faisant connaître un produit que les consommateurs ne connaissaient pas véritablement par le biais des restaurateurs qui pouvaient l'apprêter et démontrer différentes façons de consommer du crabe.

Aujourd'hui, le crabe des neiges est un produit qu'on retrouve sur la table de plusieurs de nos restaurants, qu'on retrouve dans nos familles, chez nos consommateurs puisqu'on a le goût du crabe. Aujourd'hui, je peux vous dire - ce n'est pas seulement à cause de cela, évidemment, c'est parce que le crabe de l'Alaska a été malade et a pratiquement disparu, il y a beaucoup moins de crabes en Alaska - que le prix du crabe au Québec est bon, qu'il y a un marché québécois. Je pense qu'on devrait davantage satisfaire le marché québécois, car on serait davantage à l'abri des fluctuations des marchés internationaux.

C'est pour vous dire, par cet exemple, que nous ne connaissons pas tous les produits qu'on peut trouver au Québec. On commence à reprendre de l'esturgeon dans le fleuve Saint-Laurent. Si vous allez - et je vous conseille de le faire - à Montmagny et que vous voyez une petite annonce sur le bord du chemin marquée "hareng boucané", essayez cela, vous allez trouver que c'est un bon produit. Il y a ici, tout près, à Saint-Nicolas, quelqu'un, M. Gingras, qui vend de l'esturgeon fumé d'une façon différente, c'est un excellent produit.

Une voix: À Saint-Antoine?

M. Garon: Saint-Antoine aussi qui apprête l'esturgeon d'une autre façon. On a une variété extraordinaire de produits. Quand je regarde le maquereau... On navigue dans le maquereau au Québec, mais on ne le consomme pas. On mange très peu de maquereau. C'est un excellent produit. Il faut dire qu'avant 1968, on ne mangeait même pas le crabe du Québec. On ne le pêchait même pas; on le rejetait à l'eau. On trouvait que c'était un embarras d'avoir cela dans nos filets. On jetait cela à l'eau. Combien d'espèces a-t-on appris à consommer trop tard, ou encore, parce que des gens d'ailleurs sont venus nous montrer comment consommer ces produits? Les Européens mangent aujourd'hui, je dirais, tout ce qui bouge, mais ils ont des traditions plus longues, des milliers d'années. Il y a eu des périodes difficiles et les gens se sont

habitués à manger à peu près tous les produits que la terre donne. Ici, on vit dans une abondance et, je suppose que parce qu'il y avait beaucoup de homard, on a dit: Le crabe, on va le laisser là.

Aujourd'hui, de plus en plus, on prend des ressources. Il y a au Québec une variété de ressources extraordinaires qu'il faut faire connaître au consommateur. C'est là l'objet du projet de loi. Chacun, individuellement, ne sera pas capable de faire ce travail. Il va vendre rapidement sur les marchés d'exportation, souvent à des prix peu élevés, souvent avec des façons de le préparer qui ne sont pas très sophistiquées, à bon marché, un produit qui a une plus grande valeur que le prix pour lequel on le vend. Mais si on a un organisme de commercialisation, en regroupant des gens, il va permettre de faire une meilleure commercialisation des produits et toucher à des marchés qu'on ne touche pas actuellement.

Je visitais récemment - je ne dirai pas quelle chaîne d'alimentation - une chaîne d'alimentation où il y avait du porc qui venait de l'Ontario et où il devrait y avoir plus de porc venant du Québec. On est allé visiter quelques marchés ensemble et me retournant vers un étalage de poisson, j'ai dit: Cela? On m'a dit: Cela vient de Boston, mais vous ne le produisez pas. J'ai dit: Si on le produisait? On m'a répondu: Si vous le produisiez, je l'achèterais du Québec. Ce que cela me prend, c'est un emballage. Je veux avoir un produit avec une tranche de quatre onces ou de six onces, ou de huit onces. Je veux avoir un approvisionnement constant.

C'est cela qu'on se prépare à mettre en place pour faire en sorte que nos entreprises qui, traditionnellement, faisaient un produit brut, peu travaillé, qu'on vendait en vrac, en cinq livres congelées... Pour faire des produits qui ne se vendent pas cher, on ne pouvait pas faire beaucoup d'argent et avoir un haut niveau de revenu en le faisant de cette façon.

C'est pourquoi on a travaillé sur la modernisation des usines. L'usine qu'on va bâtir à Newport - je sais qu'il y a des gens qui ne voudraient pas qu'on la bâtisse - va être, dans sa catégorie, sûrement la meilleure usine du monde occidental. Pourquoi? Parce qu'on a fait l'effort... L'"input" de connaissance qu'il va y avoir dans cette usine va venir de plusieurs endroits, ayant bénéficié des conseils de ceux qui s'y connaissent le mieux dans le monde et en essayant d'améliorer encore davantage. Si on sort une matière brute de l'usine de première qualité, on aura déjà un bon produit pour faire une deuxième et une troisième transformations. On a beau parler... Les gens disent: II faudrait faire des plats cuisinés. Mais on ne pourra pas faire des plats cuisinés avec une vieille morue ratatinée. Il va falloir avoir un produit de première qualité, une matière brute de première qualité, pour faire un produit transformé de première qualité.

C'est ce qu'on est en train de mettre en place. Et je suis persuadé qu'au cours de l'année 1985, on va faire beaucoup plus de promotion qu'on en fait actuellement. C'est pour cela qu'il faut mettre en place les instruments. On va faire beaucoup plus de promotion qu'on en fait actuellement, parce que la modernisation de nos usines sera terminée. Les organismes de mise en marché seront mis en place pour faire en sorte qu'on satisfasse le marché québécois avec des produits A-1.

Je disais que les Québécois réclament des produits d'ici. Ils sont prêts à les payer un prix intéressant et même à privilégier nos produits à ceux d'ailleurs. Il ne s'agit pas de mettre tous nos poissons dans le même panier, de viser aveuglément le marché québécois, mais simplement de profiter d'un des seuls avantages vraiment significatifs que nous ayons dans le secteur des pêches maritimes. Il me semble que vouloir occuper son propre marché, c'est tellement évident que c'est le premier objectif que cela crève les yeux.

Pour exploiter le marché du Québec, il faut en plus d'une proclamation de très haute qualité, une organisation. Le Québécois est un consommateur sophistiqué. Ce n'est pas pour rien qu'on voit en Amérique du Nord les tables qu'on trouve. Combien de restaurants, combien de villes, par exemple, comme Québec ou Montréal - je ne parle pas des autres villes - ont des restaurants comme on en a ici à Québec, le nombre de restaurants qu'on a à Québec ou à Montréal? (21 h 40)

Une ville comme Montmagny a un Manoir des Érables. Une ville comme Alma a un restaurant comme Le Doyen. Je pourrais en nommer d'autres, M. le Président. C'est parce qu'il y a un goût, il y a une capacité. Quand un peuple réussit à produire sur le plan de l'art culinaire, c'est parce qu'il y a des gens qui ont le talent et les connaissances, ce sont des chefs qu'on a au Québec. Il y a La Sapinière dans le nord de Montréal. Ce sont des restaurants qui se comparent avantageusement à ce qu'on peut trouver de mieux au monde. C'est parce que les Québécois fournissent les clientèles pour faire vivre ces restaurants, c'est parce que les Québécois sont capables d'apprécier la qualité des produits. Les Québécois vont vouloir acheter les produits qu'on va leur fournir à condition de leur fournir la première qualité. Si le secteur des pêches maritimes du Québec réussit à vraiment s'implanter sur le marché du Québec, il pourra aller sur n'importe quel marché du monde sans aucun problème. Si les gens de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine et de la Côte-Nord réussissent à accaparer le

marché de Montréal et le marché de Québec, je n'ai aucune appréhension qu'ils n'accaparent le marché de New York ou le marché de Boston parce qu'ils sauront satisfaire les consommateurs les plus avertis et les plus difficiles.

Il faut aussi une organisation de mise en marché qui soit cohérente, fiable et dynamique. On ne peut pas confier à une trentaine de petites entreprises de transformation de poisson, situées à des centaines de milles des marchés, le soin d'approvisionner, chacune à sa façon et selon son impulsion, les chaînes d'alimentation, les restaurants, les institutions du Québec. Vous savez, une grande chaîne d'alimentation ne voudrait pas de 40 fournisseurs différents. Elle va dire: Organisez-vous entre vous autres pour que je fasse affaire avec un. C'est cela le but du projet de loi, c'est de créer l'Office de commercialisation qui sera capable de fournir les chaînes d'alimentation, les regroupements de restaurateurs, Métro-Richelieu, les Épiciers Unis - je ne veux pas l'oublier parce que, quand je dis Métro-Richelieu et que j'oublie les Épiciers Unis, je me le fais dire quand je rencontre des gens de Épiciers Unis - Provigo, Steinberg et également IGA-Boniprix, avec Eudore Daudelin. Dans les hôpitaux, imaginez-vous comme ce serait beau qu'il y ait tant de repas de poisson par année, parce qu'on a un produit de première qualité qu'on va leur fournir.

Il faut qu'un regroupement de producteurs se forme, qu'il y ait un système d'inspection ou de contrôle de la qualité, un système privé, pas seulement compter sur le système gouvernemental, mais que l'Office de commercialisation - c'est dans le projet de loi - fournisse lui-même son propre service d'inspection. Il y aura des responsabilités à l'Office de commercialisation. S'il y a un Office de commercialisation, tel que prévu dans le projet de loi, il devra assumer lui-même l'inspection de ses produits et les inspecteurs gouvernementaux inspecteront leur système d'inspecteurs privés. À ce moment-là, il y aura beaucoup plus de responsabilisation de chacun dans la chaîne de production des produits marins. Donc, un système d'inspection ou de contrôle de la qualité, une stratégie de commercialisation et des ententes à long terme entre les producteurs et les acheteurs, tout cela est fondamental, M. le Président.

Par-dessus tout, il faut une structure juridique fiable qui permette la création de tels organismes de commercialisation et leur fonctionnement efficace. C'est l'objectif de ce projet de loi. Ce projet de loi a en effet pour but de favoriser une action collective des entreprises de transformation des produits marins qui, tout en demeurant des entités autonomes au niveau de leurs opérations de production proprement dites, auraient souvent avantage à se regrouper au niveau de la commercialisation de leurs produits.

En Norvège, dans le groupe Frionor, il y a 125 entreprises qui produisent de la morue. Ce sont de petites entreprises situées dans de petits villages comme chez nous, répartis sur des centaines et des centaines de kilomètres de côte. Elles ont réussi à former un groupe qui s'appelle Frionor; il y a 125 entreprises dans le groupe.

En Islande, il y a une entreprise qui s'appelle Icelandic Corporation. On a réussi à regrouper 65 ou 68 entreprises - je ne me rappelle plus si, dans le salé, c'est 68 ou si, dans le congelé, c'est 65 - qui ne sont accessibles que par bateau ou par avion en hiver. Les routes sont fermées. Elles ont réussi à se regrouper dans une association qui fait la commercialisation de leurs produits avec un service d'inspection des produits que l'entreprise vend, une forme d'office de commercialisation ou de regroupement de producteurs, avec des produits standardisés.

C'est cela qu'il faut mettre. Les îles Féroé, c'est la même chose. Une entreprise comme Féroé Seafood met en marché 85% des produits des îles Féroé.

La mise en marché des produits marins québécois est, en effet, handicapée par un grand éparpillement de l'offre, chaque producteur s'occupant de ses propres ventes, l'absence d'images de marque, l'absence de standardisation des produits et des difficultés en ce qui a trait à la régularité des approvisionnements. Ainsi, pendant certaines périodes, il y a une surabondance de l'offre par rapport à la demande, tandis qu'à d'autres moments il y a une pénurie de produits.

Le manque d'organisation de la mise en marché entraîne des pertes considérables dans l'industrie des pêches, celle-ci n'étant pas en mesure d'aller chercher sur les marchés les meilleurs prix qu'elle pourrait obtenir pour ses produits. Les pêcheurs qui approvisionnent ces usines subissent évidemment les effets de cette mise en marché déficiente parce que, si le producteur, propriétaire d'usine, ne peut obtenir le meilleur prix, il n'est pas capable de donner le meilleur prix aux pêcheurs non plus. C'est pour cela que cela prend un organisme de commercialisation pour que, ayant obtenu le meilleur prix, il puisse donner le meilleur prix lui aussi.

Le projet de loi 82 fournira un cadre légal aux entreprises désireuses de se regrouper pour la commercialisation de leurs produits. Le gouvernement pourra ainsi, à la demande d'au moins sept entreprises de transformation de produits marins, établir un office de commercialisation pour l'application d'un accord intervenu entre elles au niveau

de la mise en marché en commun de l'une ou l'autre des catégories suivantes: 1° les produits salés et séchés; 2° les produits congelés; 3° les produits frais. Trois grandes classes, M. le Président.

En vertu du projet de loi, le gouvernement pourra approuver un accord intervenu entre les entreprises de transformation requérantes et constituer un office de commercialisation pour l'application de l'accord, s'il le juge d'intérêt public, compte tenu de la qualité et du volume des produits marins à écouler, des débouchés commerciaux, des conditions économiques ainsi que des intérêts légitimes des pêcheurs, des entreprises de transformation de produits marins et des consommateurs.

En outre d'administrer et d'appliquer un accord intervenu entre plusieurs entreprises de transformation de produits marins, l'office de commercialisation doit favoriser la production de produits marins de qualité supérieure, rechercher des débouchés pour ces produits, maintenir un équilibre entre les approvisionnements en matières premières, les produits marins transformés mis en marché et les besoins du marché, initier ou participer à des programmes de publicité et favoriser la stabilisation des revenus des entreprises participantes.

En fait, il s'agit de permettre l'émergence au Québec d'outils de travail qui ont fait leurs preuves dans plusieurs régions du monde, notamment en Scandinavie, où les principaux pays producteurs ont réussi à regrouper l'offre de leurs produits marins sous des marques fortes, renommées pour leur qualité et appuyées par des stratégies de mise en marché efficaces et coordonnées. Des centaines de producteurs indépendants approvisionnent en produits standardisés ces grands offices de commercialisation dont ils sont les copropriétaires.

Au Québec, le consortium Gaspé Cured qui, depuis l'an dernier, regroupe, au niveau de la commercialisation, les treize producteurs gaspésiens de morue salée et séchée, a démontré à la fois la faisabilité et les avantages de ces ententes de commercialisation. Il me reste quelques paragraphes à lire; je n'aurai pas le temps d'expliciter davantage sur le consortium Gaspé Cured, mais j'aurai l'occasion d'y revenir en réplique. Alors que ces producteurs étaient auparavant à la merci de quelques acheteurs qui les jouaient constamment les uns contre les autres, en retardant leurs achats jusqu'à ce que le plus faible cède et baisse les prix, le consortium a réussi, par la cohésion de tous ses membres, à imposer une cédule de livraison à un prix stable pour toute la saison de production et un partage équitable des livraisons entre toutes les usines participantes.

Le gouvernement du Québec a soutenu cet effort de commercialisation par une garantie de prêt de 4 000 000 $, en 1983. Le projet de loi 82 permettra de donner plus de solidité à un tel organisme, puisqu'il sera possible à ses membres de prévoir des pénalités en cas de retrait de l'un des leurs. De plus, le projet de loi prévoit que, lorsqu'une majorité d'entreprises d'un secteur donné auront formé l'office de commercialisation et auront fait une demande en ce sens, le gouvernement pourra en étendre l'application à toutes les entreprises du secteur.

Avec des investissements prévisibles, en 1984, de près de 60 000 000 $ dans la flotte et les usines de transformation, avec la mise en place depuis avril dernier du triage obligatoire des produits marins au débarquement en fonction de leur qualité, avec également l'obligation faite à toutes les usines de transformation d'être normalisées pour pouvoir fonctionner en 1985, les pêches québécoises seront de plus en plus en mesure, au fil des prochains mois, de livrer sur les marchés des produits de première qualité, de qualité supérieure.

Il faut maintenant que la mise en marché soit à la hauteur afin que les efforts déployés aux deux autres niveaux produisent les résultats attendus, à savoir une plus grande sécurité des revenus pour les pêcheurs, les employés d'usine et les industriels, de même qu'une meilleure réponse aux besoins des consommateurs québécois. Je vous remercie, M. le Président. (21 h 50)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Saguenay.

M. Ghislain Maltais

M. Maltais: Merci. On a entendu religieusement le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. On se serait cru au début de son discours à un spectacle de théâtre. Je dirais un théâtre de trois sous. On a eu l'occasion de passer de Ti-Zoune à soeur Berthe en passant par Han d'Islande de Victor Hugo. La chose essentielle du projet de loi, le ministre a oublié d'en parler. Après avoir écouté son discours habituel sur le fédéral, sur M. De Bané, sur les gens qui ne sont pas nécessairement d'accord avec lui, sur le dos des pêcheurs et des propriétaires d'usines, on a eu droit à quelques succulentes recettes de restaurants faisant le tour du Québec pour le poisson. On a eu aussi droit à une leçon de géographie en l'entendant parler des milliers de kilomètres de la Norvège et des milliers de kilomètres des côtes d'Islande. Il faudrait peut-être que le ministre regarde sur la carte pour voir un peu de quelle grandeur sont ces pays.

Je pense que ce n'est pas là l'essentiel du projet de loi. Ce n'est pas là l'essentiel

de ce que les producteurs et les usiniers auraient aimé entendre du ministre. Pourtant, on a vu certaines contradictions dans le discours du ministre. Des contradictions flagrantes. À faire des envolées oratoires à n'en plus finir, des fois il dit des choses que normalement il ne dirait pas. Tout à l'heure, on l'entendait déblatérer sur la qualité des produits en provenance du Canada et tantôt il nous dit: Les gens de la Nouvelle-Écosse sont venus me voir parce qu'ils vendaient un excellent produit qui avaient pris le marché de Montréal. Il faudrait quand même savoir ce que le ministre a en arrière de la tête. Un soir il dit noir, le lendemain il dit blanc. Il faudrait quand même s'entendre sur la qualité, sur une qualité de produit que nos pêcheurs et nos usiniers travaillent présentement à améliorer et dont les résultats ont été concrets.

Cette volonté ne relève pas du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Il y a longtemps que les pêcheurs ont compris que meilleure est la qualité, plus grand est le produit, meilleur est le prix du produit. Je ne comprends absolument pas la réaction du ministre quand il dit: Grâce à moi, le produit est de meilleure qualité. Je pense qu'il rêve en couleur et c'est tout à fait normal dans son cas. Lorsqu'on regarde les exportations canadiennes on s'aperçoit que le Québec ne représente que 20% des débarquements canadiens en matière de pêcheries. À partir de ce moment, le ministre veut étendre ses marchés dans toute l'Europe et dans tous les États-Unis, dans tout le Québec. Il va manquer de poisson tantôt. À l'heure actuelle, le Québec ne consomme que 20% de ses produits, de ses prises, de ses débarquements. Il s'agit d'exporter à l'extérieur du Québec, dans les autres provinces, au Canada, aux États-Unis, dans les autres pays, 80% de notre production de produits marins.

Il est entendu que le Québec doit faire face à une concurrence internationale puisqu'on est sur le marché international, que le Québec doit se soumettre, puisqu'on fait partie d'un pays qui s'appelle le Canada, aux lois canadiennes et aux lois internationales. Le ministre a oublié de dire que la création de ses offices n'était pas pour le commerce intérieur du Québec. On n'a pas besoin d'office de commercialisation pour acheter un homard au Québec, pour acheter un crabe, pour acheter un hareng junior ou senior. On n'a pas besoin de cela pour acheter un morceau de saumon, pour acheter un morceau de morue. Je pense que le ministre erre en connaissance lorsqu'il dit qu'il crée des offices de commercialisation pour le marché intérieur du Québec. Au départ, c'est absolument faux.

Lorsqu'on regarde le projet de loi 82, et c'est précisément de cela qu'on va parler ce soir puisque c'est le projet concerné, ce ne sont pas des discours à l'emporte-pièce qui vont intéresser les 74 producteurs du Québec. C'est ce qui est contenu dans la loi et particulièrement à ce chapitre, M. le Président, le ministre n'en a pas parlé. Il n'a parlé que des bienfaits de la table des restaurants à Alma, à Québec, à Montréal, mais il a oublié de dire ce que cela allait créer pour les producteurs. C'est important, lorsqu'on a un travail de législateur à accomplir.

M. le Président, le Québec, depuis qu'il existe, a toujours progressé, d'une année à l'autre, dans le domaine des pêches. Les Québécois ont inventé, ont innové. Ce n'est pas la faute du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. La semaine dernière, j'avais l'occasion de discuter avec un propriétaire d'usine qui m'a dit que, pour la premère fois au Québec, une usine non subventionnée par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, une usine ancestrale exportait à titre expérimental 5000 livres de homard vivant en Hollande. M. le Président, je vous jure que ce homard n'était pas pris ici, à Québec, ni à Montréal; il était pris dans des régions côtières, des régions maritimes.

Or, le projet de loi du ministre de créer des offices de commercialisation, c'est un principe qui a déjà été mis de l'avant depuis plusieurs années par les producteurs, en s'associant ensemble pour obtenir et garantir des quantités de produits et pour obtenir de meilleurs prix. Il n'a pas inventé "le reculons sur les homards" en agissant ainsi, en présentant ce projet de loi, aucunement. Il y a longtemps que nos producteurs d'usine ont déjà compris ce principe.

Cependant, à la lumière du projet de loi, on s'aperçoit que le ministre légifère dans un autre esprit. À l'étude approfondie de son projet de loi, on s'aperçoit encore une fois que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation n'a qu'un objectif derrière la tête. Le projet de loi 82, qui est nous est présenté ce soir, est un projet dans le même esprit que les projets de loi 48, 49, 82, 36, 9, c'est-à-dire l'omniprésence totale du gouvernement dans un secteur qui appartenait il y a quelque temps à l'entreprise privée, dans un secteur où on coupe, à toutes fins utiles, le leadership du pêcheur, des entreprises et des gens qui font la vente de ces produits. On veut mettre sur l'aile gouvernementale la coiffe de la nationalisation des pêches.

M. le Président, lorsqu'on regarde attentivement la pensée du ministre, elle se reflète dans un addenda qu'il a présenté lui-même au Parti québécois, dont le congrès aura lieu en fin de semaine. Il nous dit dans cet addenda: Obligatoirement, le développement des pêches du Québec ne se

fera que par la souveraineté-association. On retrouve dans l'esprit des projets de loi, des derniers projets de loi qu'on vient d'énumérer, la pensée du ministre, son but bien déterminant. Or, la création des offices de commercialisation, c'est une chose tout à fait normale dans un esprit de lois qui voudraient profiter aux producteurs. Cependant, lorsqu'on regarde attentivement le projet de loi, on s'aperçoit d'une chose, c'est qu'assurément plus personne n'aura le choix, parce que le ministre a déjà regardé son affaire et qu'il a vu que l'office de commercialisation de Gaspé Cured a déjà sept personnes et qu'on stipule dans le loi que, lorsque sept personnes requerront un office, il y en aura un qui sera créé.

À partir de ce moment-là, M. le Président, pour les autres qui n'y auront pas adhéré - c'est inscrit noir sur blanc dans le projet de loi - le ministre pourra, par décret, étendre l'application d'un accord de commercialisation. Somme toute, si l'on comprend la nécessité d'avoir des offices, il faut comprendre aussi, bien entendu, la liberté des gens d'y adhérer. Or, lorsqu'on considère qu'il y a à peu près une quarantaine de producteurs en dehors de Madelipêche qui est déjà gouvernementale, ceux-ci n'auront d'autre choix que d'adhérer aux offices de commercialisation, parce que c'est déjà, dans le sens du projet de loi 48, une loi punitive. Si vous n'y adhérez pas, le ministre peut enlever votre permis, s'il ne juge pas votre permis d'intérêt public. M. le Président, comment pourrait-on souscrire à des objectifs aussi cachés du ministre, qui vont lui permettre par son projet de loi d'englober tout le monde de gré ou de force? (22 heures)

En présentant ce projet de loi, le ministre aurait eu, pour une fois, une occasion en or de permettre le développement secondaire et tertiaire des usines de brut, comme il le disait dans son discours tout à l'heure. Là-dessus, je me réfère au scandale de Newport, parce que le ministre, dans son entêtement, va investir des millions de dollars dans une usine, alors que, 25 pieds plus loin, il y en a déjà une qui va produire la même chose. L'an prochain, à Newport, lorsque les deux usines seront fonctionnelles, dans un bassin de X habitants, avec X pêcheurs, on assistera à une concurrence déloyale vis-à-vis de l'entreprise privée, qui fera monter les prix puisque les propriétaires des deux usines sont les deux gouvernements, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. M. le ministre, regardez d'où provient l'argent. Dans la Société de développement des pêches, vous verrez en droit et en fait...

M. Garon: C'est faux.

M. Maltais: M. le ministre, vous parlerez à votre tour, entre parenthèses. On vous a écouté.

M. le Président, face à un pareil scandale, que feront les propriétaires d'usines, l'an prochain, pour s'approvisionner? Le ministre sait très bien qu'il n'y a pas de débarquements assez nombreux pour fournir deux usines, mais il persiste à créer avec les fonds publics québécois, une situation où il y a deux usines monumentales, très modernes, comme il l'a dit, les meilleures, sans doute, au monde, mais qui vont causer la fermeture de plusieurs petites entreprises. Cela va permettre aussi, encore une fois, non pas de fournir une qualité de produits de table, mais de produire encore du brut, puisque le ministre n'a rien trouvé encore pour nous dire que les pêches vont fonctionner huit mois par année. On sait très bien qu'au mois de février ce n'est pas la saison des pêches.

Pourtant, avec la venue des Pêcheries Cartier à Newport et son industrie - et je suis très heureux que les gens de Newport aient une deuxième usine - le ministre aurait eu une occasion en or de faire de la transformation secondaire et tertiaire, mais il se fout complètement de cela. Il se fout complètement de ce qui va arriver aux pêcheurs. Il va continuer à fabriquer du brut. Il va continuer à écraser, avec des fonds publics, la petite entreprise privée. C'est là la philosophie du ministre, parce que le domaine des pêches doit être la propriété du gouvernement selon cette philosophie. Il doit en exercer un contrôle parfait et, de cette façon, il s'assure d'une chose, à savoir que la petite entreprise privée des alentours va disparaître.

Le ministre n'en parle pas souvent, parce qu'il ne va pas rencontrer les pêcheurs. D'ailleurs, si on lui demandait ce soir d'où vient l'idée des offices de commercialisation, ce n'est pas lui qui l'a eue. A-t-il consulté les propriétaires d'usines? De quelle façon les a-t-il consultés? En leur glissant tendrement dans la poche d'en arrière, lors d'une rencontre, un petit projet de loi: Vous lirez cela chez vous. C'est bon pour vous? On vous contrôle comme des enfants de maternelle. On vous contrôle avec un projet de loi 48. On va vous dire où vous irez pêcher, au niveau des pêcheurs, dans quelles zones. On vous dit dans le projet de loi 49 de quelle façon vous allez produire votre produit et, au projet de loi 82, on vous dit à qui vous allez le vendre, comment vous allez le vendre et à quel prix vous allez le vendre. Où est la liberté de l'entreprise? On s'en va directement vers une nationalisation totale et complète des pêches. Et le ministre faisait des gorges chaudes tantôt, parce que je disais que son Kristina Logos et son Lumaaq avaient des problèmes de permis. J'aimerais bien savoir où les débarquements se font,

lorsqu'il y en a, du Lumaaq et du Kristina Logos. Pourtant, ces bateaux devraient servir à approvisionner les usines côtières, mais le ministre se rappelle-t-il qu'il les a souvent fait décharger à Terre-Neuve?

Si on regarde ce projet de loi, il a des objectifs louables. Les gens du Parti libéral ne sont pas des malades, entre parenthèses. Le ministre disait tout à l'heure que ceux qui n'approuvent pas son projet de loi sont des malades. Je lui conseille de voir le vice-premier ministre qui est psychiatre, il en aurait grandement besoin. On n'est pas malades, on est en très bonne santé et on comprend les problèmes des pêcheurs. Avant de déblatérer de cette façon sur tous et chacun au Québec, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation aurait avantage à aller dans le milieu, non pas avec une armée pour le protéger, mais pour rencontrer les gens du milieu afin de dialoguer avec eux, afin de les consulter.

Qu'on se rappelle le projet de loi 48. Il a fait l'éloge du projet de loi 48 et il y a sept mois que ce projet a été déposé. Il y a sept mois que l'Opposition lui demande de déposer les règlements, de convoquer une commission parlementaire. Le ministre a attendu le moment où la Chambre peut siéger jour et nuit pour présenter son projet, pour le faire adopter en pleine nuit, afin que les pêcheurs ne sachent pas de quelle façon on est en train de les "passer au cash", comme on dit en bon québécois. C'est une honte, M. le Président, la façon dont le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation agit avec les pêcheurs québécois!

Tout au cours de cette session, presque chaque jour, on lui a demandé de déposer une réglementation, de convoquer une commission parlementaire, mais le ministre a répondu: Cela coûte trop cher! Est-ce que ça ne coûte pas cher de faire des lois avec lesquelles des générations de Québécois vont être pris? Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation sera le seul responsable de tous les problèmes qu'aura engendrés cette loi, des problèmes de juridiction. On l'aura pourtant prévenu. Mais non, il a honte de l'étudier en plein jour; il attend que l'Assemblée nationale siège jour et nuit pour présenter sa loi 48. Il va la faire adopter et il en sera fier. C'est le seul qui avait un projet de loi au mois de novembre qui a résisté. On sait que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation tasse tout le monde au Conseil des ministres, y inclus le petit peureux de premier ministre. Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation tasse tout le monde et profite du règlement de l'Assemblée nationale pour faire étudier en pleine nuit un projet de loi aussi important que le projet de loi 48.

Pour endormir un peu tout le monde, il nous arrive avec un autre projet, le projet de loi 82, sur lequel la consultation a été minime; il n'y a pas eu de consultation au niveau des propriétaires. Si on leur demande ce qu'ils pensent du projet de loi 82, ils nous répondent: Je n'en ai pas entendu parler ou très peu. Les quelques-uns qui nous ont dit avoir entendu parler du projet de loi, naturellement, sont contre. Pourquoi? Parce qu'ils n'ont pas été consultés. Pourtant, le ministre est arrivé ici, en Chambre, en disant: C'est bon pour eux! C'est lui qui décide pour qui c'est bon. Les propriétaires d'usines auraient dû, normalement, avoir leur mot à dire. Des gens inventifs de la Gaspé Cured ont fait leur propre office. C'est bon pour eux, dans le produit salin, quand on sait à qui les produits salins sont vendus. On sait déjà que c'est une méthode dépassée, on vend ces produits aux pays du tiers monde. Cette méthode est aujourd'hui dépassée parce qu'on a du poisson frais, du poisson congelé et du poisson surcongelé.

Il est impossible qu'un parti qui se respecte, comme le Parti libéral, souscrive aux points fondamentaux du projet de loi du ministre et ce, pour différentes raisons. Nous avons des raisons bien concrètes. Le projet de loi 82 donne avant toute chose des pouvoirs illimités au ministre. Les offices n'appartiendront pas aux requérants; c'est le ministre qui aura le contrôle, c'est le ministre qui va vérifier. Il y a à peu près 50 fois le mot "ministre" dans une quinzaine d'articles se rapportant au projet de loi. On retrouve, de douze à quinze fois, "le gouvernement peut" ou "le gouvernement doit". Lorsque l'on crée un libre office, on ne fait pas continuellement d'ingérence gouvernementale.

Je pense qu'il est impossible, si on regarde ce projet de loi article par article, de ne pas s'opposer à certaines parties de la loi. Premièrement, c'est un projet de loi qui va créer de nouvelles frictions avec le gouvernement fédéral. Bon Dieu, quand le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation va-t-il comprendre que nous sommes encore dans un État fédéraliste? Cela avait pourtant été réglé au référendum, en 1980. Ils veulent l'emporter à la prochaine élection. Qu'ils l'emportent. Déjà, on a un signe avant-coureur: 6% des Québécois sont d'accord avec la philosophie du ministre. Quand va-t-il comprendre le bon sens? Il est urgent qu'il le fasse. (22 h 10)

On nous présente un projet de loi qui, en principe, est louable, mais dont le fond n'est pas acceptable. C'est, d'ailleurs, la spécialité du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Depuis qu'il est là, il a toujours suivi sa philosophie séparatiste: des projets de loi de confrontation comme la loi 48; le projet de loi 82 en est un autre exemple: toujours

confronter le gouvernement provincial et sa juridiction avec le gouvernement fédéral et sa juridiction. Jamais on n'atteindra un objectif de véritable développement des pêches tant et aussi longtemps qu'on aura un ministre à la tête dure comme cela qui, avant de présenter son projet de loi, envoie une poignée de bêtises au gouvernement fédéral et l'accuse de tous les maux alors qu'il aurait grandement avantage à aller négocier avec lui.

Au niveau de la consultation, c'est la même chose qu'avec le projet de loi 48: on n'a consulté personne. On a consulté les gens qui en avaient déjà fait un, mais les autres n'ont pas un mot à dire. Encore là, ce projet de loi, puisque, à l'intérieur du Canada, on a un commerce intraprovincial et qu'on a un commerce à l'extérieur, va soulever des points juridictionnels sur lesquels le Québec et le Canada vont encore être en chicane et on va encore se retrouver devant les tribunaux.

Le projet de loi est également antidémocratique sur plusieurs points. On aura sans doute l'occasion d'en parler au ministre. Cela le fait sourire, parce que cela fait longtemps qu'il a oublié la démocratie. Il propose de conférer au ministre le rôle d'un tribunal administratif. Non seulement les propriétaires d'usines sont obligés de soumettre au ministre, pour leur plan de restructuration, leurs états financiers - ce qui est normal, puisqu'ils ont besoin d'argent mais encore là, dans les offices, les propriétaires, les gens qui vont faire partie de l'office devront soumettre leur bilan. Le ministre n'a pas dit cela tout à l'heure. Il ne le dit pas aux propriétaires; il le cache. Il bafoue les principes de la libre concurrence, parce que tout le monde va être obligé d'en faire partie, par décret. Ceux qui ne veulent pas, il va faire sauter leur permis. C'est clair et net.

Ce projet de loi soulève aussi des conflits d'intérêts gouvernementaux. Le ministre n'a sans doute pas regardé le projet de loi sous cet angle. On va lui dire où et quand. Il ne discerne pas, entre autres, les grosses et les petites entreprises. On sait que, parmi les entreprises de transformation, il y en a qui sont beaucoup plus grosses que les autres et il y en a qui vont en tirer beaucoup plus d'avantages. Mais il y a de petites entreprises familiales aussi qui, elles, vont être écrasées. Lorsque le ministre dit: Pour le bien public, on pourra retirer leur permis, attendez-vous, petites entreprises, à ne pas durer longtemps avec cette loi.

Le ministre impose des coûts et des normes dont on ne connaît pas l'ampleur. Il oublie dans ce projet de loi une classification des produits. Il y a, quand même, un produit de qualité au Québec, un produit reconnu. On parle de produits salés et séchés; on parle de produits congelés; on parle de produits frais.

On ne parle pas des produits en boîte, mais il y a encore un marché pour cela et il y a encore des gens qui s'y adonnent. Le ministre ne s'occupe pas de ces gens-là. Il trouve cela drôle, naturellement: c'est rien qu'une petite "gang" de petits producteurs. Même si on en écrase un de plus ou de moins, cela ne dérange rien. D'ailleurs, c'est dans sa philosophie. On n'a qu'à aller voir les producteurs pour se le faire dire.

Le projet de loi permet aussi de laisser pour compte les entreprises récalcitrantes. S'il y en a qui ne veulent pas adhérer à cela, que va-t-il se produire? Qu'est-ce qui va se produire, M. le ministre? C'est drôle. Un gars qui a une entreprise, qui a réussi à se trouver des marchés depuis nombre d'années, qui fait d'excellentes affaires au niveau international, mais qui ne veut pas entrer dans le consortium du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, qu'est-ce qui va lui arriver? Le ministre, lorsqu'il parle d'intérêt public, dit: On suspend le permis, bon, sans tenir compte de toutes ces choses-là. On s'aperçoit d'une chose, c'est que le ministre se donne des pouvoirs totalitaires et absolus. Sans connaître la réglementation, on ne sait pas ce qu'il y a dedans, ce sera un désastre quand on connaît les pouvoirs que lui confère déjà le projet de loi.

Le projet de loi ne règle pas, non plus, un autre problème. Le ministre semblait dire tout à l'heure qu'il y avait un trop grand nombre d'usines au Québec. Ce projet de loi ne règle en rien ce problème. C'est lui qui va maintenant déterminer combien il devra y avoir d'usines de transformation au Québec, alors que, depuis des générations, la libre entreprise, le leadership régional, dans les régions telles que la Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine et la Côte-Nord, ce sont les gens, les hommes d'affaires qui l'ont toujours exercé dans ce domaine. Maintenant, le ministre va décider quand, où et avec qui il y aura des usines de transformation. Je pense que, sous cet aspect, ce projet de loi est quand même pire que le projet de loi 48 parce qu'il enlève un esprit d'initiative québécois qui a été une grande force dans le secteur des pêcheries.

On pourrait parler pendant des heures sur ce projet de loi. On n'agira sans doute pas comme le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui, je le remarquais tout à l'heure - pour une fois qu'on était d'accord - se fait "filibuster" par le député de Duplessis. Il se lamente qu'on retarde le projet de loi 48, alors que, sur le projet de loi 48, le ministre lui-même s'est "filibusté". C'est la première fois à l'Assemblée nationale qu'on voit un ministre "filibuster" lui-même son projet de loi.

Pour le Parti libéral, qui s'est toujours appliqué, au cours des années, à défendre les intérêts de la libre entreprise et du

leadership régional, même si, dans son essence, la création des offices de commercialisation pourrait être une chose raisonnable, je pense que jamais on ne pourra souscrire aux modalités de fonctionnement et aux pouvoirs que le ministre se donne dans un projet de loi comme celui-ci. Pour nous, il est très important que ces trois prémisses soient respectées et, à l'heure actuelle, le ministre ne les respecte pas. Tant et aussi longtemps que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation n'arrivera pas ici avec un projet de loi qui pourra permettre le libre accès, qui garantira aux entreprises qui n'ont pas adhéré au projet de pouvoir continuer leur commerce, je ne pense pas qu'un parti qui se veut sensé puisse adhérer à une philosophie aussi nationaliste que celle qu'on retrouve dans ce projet de loi.

M. le Président, dans son préambule, tout à l'heure, le ministre a quand même dit des choses qui valent la peine d'être relevées. Lorsqu'on regarde l'ensemble de la structure des pêches depuis 1980, on s'aperçoit qu'on s'en va dans un chemin bien tracé, bien aligné. Malheur à qui passe à côté. Lui, on lui paie une traite. Autant les pêcheurs que les propriétaires d'usines, les propriétaires de bateaux et les travailleurs d'usines ont une voie de tracée par le ministre. Malheur à ceux qui osent élever la voix. Je profite de l'occasion pour dire au ministre que, jamais au Québec, jamais dans les autres ministères même du gouvernement actuel, on ne met une pression aussi constante sur une population qui, hélas, a été trop souvent peut-être délaissée et qui est défavorisée, en ce sens qu'il est devenu impossible pour quelqu'un, dans le domaine des pêcheries, de s'opposer à un principe de loi ou à des principes de direction de la part du ministre. Ce n'est pas une farce. Le ministre lui-même a déclaré qu'il ne voulait même pas qu'aucun de ses fonctionnaires fasse une déclaration. La loi du bâillon à l'Assemblée nationale, la loi du bâillon avec les fonctionnaires. (22 h 20)

Pourtant, dans le domaine des pêches, s'il y a des gens qui ont besoin d'être consultés, s'il y a des gens qui ont besoin d'aide... Parce qu'un groupe de personnes s'oppose à un projet de loi, on leur coupe leur subvention. Alors qu'il y avait une petite condition très minime à remplir, que cette condition aurait pu être remplie et que même le sous-ministre avait passé par-dessus, le ministre dit na! Ces gens se sont opposés à ma philosophie. Ils doivent payer la facture dans ce domaine et dans d'autres domaines. On pourrait déblatérer pendant encore longtemps sur la façon dont le ministre étend ses pouvoirs, sur la façon dont il fait taire les gens qui ne sont pas d'accord avec lui, parce qu'on sait si bien que, dans la période de crise économique qu'on vit actuellement au Québec depuis deux ou trois ans, le domaine des pêches n'a pas été épargné. C'est peut-être même un domaine qui a été touché plus durement que les autres.

M. le Président, ces personnes qui souffrent en silence n'attendent que l'occasion rêvée pour le dire au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Si le ministre ne nous croit pas, je lui lance un petit défi. Puisqu'il est aussi influent que cela au Conseil des ministres, qu'il convainque le premier ministre de déclencher des élections et on se reverra après 28 jours. Je pense que l'ensemble du domaine des pêches maritimes au Québec aura l'occasion de s'exprimer. Le ministre peut rouspéter, peut grogner, je m'en fous, M. le Président. C'est la vérité qu'on dit parce qu'on consulte les gens des pêches maritimes, on les voit et on ne légifère pas pour eux dans un trente-cinquième étage.

M. le Président, ces personnes ont des choses importantes à dire et on ne leur en donne pas l'occasion. On est en train de faire au Québec une nationalisation pure et simple du domaine des pêcheries. Pour ces raisons - on aura l'occasion d'y revenir au cours des prochaines semaines en commission - on aura l'occasion de poser des questions très précises au ministre. Jamais le Parti libéral et les gens qui se tiennent debout ne vont donner leur accord à un projet de loi qui n'était même pas présenté à l'Assemblée nationale et, pourtant, le ministre faisait corriger son programme du Parti québécois pour le mettre dedans. Jamais l'Opposition n'acceptera une telle philosophie. Tant et aussi longtemps qu'il y aura des Québécois qui vont se tenir debout, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ne fera pas ce qu'il voudra dans le domaine des pêcheries. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Champlain.

M. Marcel Gagnon

M. Gagnon: Cela va? C'est à moi? Boni Merci, M. le Président. Le député qui m'a précédé, le député de Saguenay, parlait d'un spectacle du ministre. Je suis bien obligé de lui répondre qu'on vient de voir encore, nous aussi, un spectacle de ce côté-ci, le spectacle du Parti libéral, le spectacle de ceux qui ont d'autres chefs, qui doivent obéir à d'autres chefs que la population du Québec. On avait hâte d'avoir la réaction du Parti libéral, parce qu'on s'attendait qu'il y ait une communication entre un autre palier de gouvernement et le Parti libéral du Québec comme toujours, pour lui dire comment penser et comment agir vis-à-vis du projet de loi qu'on vient de déposer à

l'Assemblée nationale.

On vient de voir l'ordre qu'il a eu, c'est-à-dire de s'opposer à un projet de loi qui permettrait à un groupe de Québécois, des pêcheurs, ceux qui vivent de l'aquaculture, de se prendre en main un peu plus et aussi de faire en sorte, par leur travail commun, d'aller plus de l'avant dans le domaine de la pêche. Je trouve cela un peu navrant de voir ce spectacle qui est toujours dans le sens de faire craindre aux gens de prendre leurs responsabilités, toujours dans le sens de dire: Bon, c'est le gouvernement qui veut s'implanter; c'est le gouvernement qui veut dicter sa façon d'agir.

D'ailleurs, vous savez, ce discours, personnellement, je l'ai entendu souvent, même avant d'arriver ici à l'Assemblée nationale. Je me souviens d'avoir été dans le syndicalisme agricole où, lorsqu'on parlait de mise en marché, par exemple, il y avait un type qui n'était pas député en cette Chambre à ce moment, qui est maintenant le député de Brome-Missisquoi, qui a tout fait pour essayer de lutter contre les plans conjoints, pour essayer de lutter contre les agriculteurs qui voulaient s'unir pour faire la mise en marché de leurs produits. Il a réussi à retarder certaines choses. Il a réussi à faire perdre énormément d'argent dans le domaine des productions agricoles. Il a réussi à faire en sorte que cela a été extrêmement difficile, alors que l'ensemble des producteurs agricoles voulaient l'implantation de plans conjoints pour faire une mise en marché plus ordonnée, de satisfaire un peu plus les consommateurs et de permettre aux agriculteurs de vivre un peu plus décemment de leurs produits. Le député de Brome-Missisquoi, aujourd'hui, a tout fait pour empêcher ces producteurs de se prendre en main. Malheureusement pour lui, il n'a pas réussi. Aujourd'hui, on peut dire que, dans le domaine agricole, une bonne partie des spécialités agricoles sont maintenant unies et, ensemble, dans leur office de mise en marché des produits agricoles, ils ont réussi à faire connaître leurs produits et à assurer les consommateurs d'une production de meilleure qualité, d'une production mieux équilibrée sur l'ensemble de l'année et, par ce moyen, à développer la production agricole.

Lorsqu'on parle de pêches et qu'on mentionne que les pêcheurs sont un groupe, ceux qui vivent de l'aquaculture, qui a été trop longtemps ignoré par le gouvernement du Québec - le député de Saguenay vient de le mentionner encore - je pense qu'on a raison là-dessus. Ils peuvent faire, lui et son parti qui a été au pouvoir, leur mea culpa. Si les pêcheurs ont à juger des gens, le gouvernement du Québec, s'ils ont à juger le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, ils auront aussi à juger les députés, surtout de la région maritime, qui font en sorte de retarder les travaux, de retarder ce que l'Assemblée nationale, le gouvernement du Québec, veut faire pour l'ensemble des pêcheurs québécois. Je suis persuadé que le bilan, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et les députés du Parti québécois des régions maritimes, qu'on aura à produire devant les pêcheurs à la prochaine élection, je pense que personne de ce côté-ci n'en aura honte.

On pourrait mentionner qu'alors qu'on a pris le pouvoir il y avait deux lois qui avaient été adoptées pour les pêcheurs du Québec. Une que vous avez mentionnée, M. le ministre, qui a été adoptée à la fin des années quarante par l'Union Nationale, à la fin des années trente, et une autre loi dont je ne me souviens pas de la date. Cela faisait longtemps que les pêcheurs voulaient avoir un gouvernement et un ministre qui s'occupent de leurs problèmes parce qu'on sait que c'est probablement une spécialité, une industrie qui a connu et qui connaît encore énormément de problèmes. Depuis quelques années, en fait, depuis quatre ou cinq ans, on a adopté ici à l'Assemblée nationale au moins une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept lois, huit avec celle qu'on adopte présentement, pour aider les pêcheurs à se prendre en main pour sortir du marasme, pour que l'industrie de la pêche au Québec soit de mieux en mieux organisée. Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation nous a parlé longuement des possibilités de la richesse des produits marins et de la possibilité qu'on peut offrir aux consommateurs de s'alimenter de poisson, de fruits de la mer qui soient de qualité extraordinaire et dont on aurait l'avantage de profiter les premiers, puisque c'est ici au Québec que cela se produit.

Ce que je voulais dire aussi, quand on dit tout ce qu'on a fait dans le domaine de la pêche, je ne comprends pas qu'un député libéral puisse se lever et nous reprocher des choses. Encore une fois, si on nous reprochait de ne pas en faire assez, on pourrait dire... On a l'impression, en tout cas, qu'on va assez vite. Mais, lorsqu'un député représente un parti qui a été au pouvoir pendant six ans, de 1970 à 1976, et qui n'a absolument rien fait - j'ai mentionné que les lois qui ont été adoptées dans le domaine des pêches, on les a adoptées depuis quatre ans - pour aider les gens dans le domaine des pêches à sortir du marasme, moi, je ne sais pas jusqu'à quel point on peut être capable de tenir des propos semblables à l'Assemblée nationale et de toujours représenter ce parti politique inactif au Québec tout le temps qu'il a été au pouvoir. (22 h 30)

Je vais vous en donner une autre preuve. Par exemple, en 1976, lorsqu'on a

commencé à s'occuper des pêches, lorsqu'on est arrivé au pouvoir, on s'est aperçu qu'il fallait d'abord s'occuper du pêcheur. Les pêcheurs étaient mal équipés. Le ministre a parlé de cela à quelques reprises. Les bateaux étaient mal réfrigérés. Ils étaient mal installés. Les pêcheurs n'étaient pas équipés pour aller chercher un produit de qualité, le rendre à terre, le rendre sur le marché.

M. le Président, savez-vous combien de bateaux de pêche ont été construits, subventionnés en grande partie par le gouvernement et financés par lui? En 1976, il y avait trois bateaux en construction, d'une valeur de 73 000 $. Je vais dire comme le ministre, c'étaient des chaloupes. En 1977, les pêcheurs ont construit 19 bateaux pour un montant de 1 250 000 $. En 1978, 24 bateaux ont été construits pour un montant de 4 065 000 $. En 1979, il y a eu 35 bateaux pour un montant de 5 268 000 $. En 1980, il y a eu 39 bateaux pour un montant de 9 245 000 $. En 1981, il y a eu 17 bateaux pour un montant de 3 100 000 $. En 1982, il y a eu 14 bateaux pour un montant de 5 531 000 $. En 1983, il y a eu 14 bateaux pour un montant de 6 980 000 $. Cela donne un total, depuis qu'on est au pouvoir, alors qu'il y avait trois chaloupes en construction en 1976, de 165 bateaux de plus de 45 pieds, équipés avec des cales réfrigérées, qui ont maintenant été construits par les pêcheurs avec l'aide du. gouvernement.

Avec un bilan comme cela, je plains le député libéral ou celui du Parti libéral qui veut essayer de nous faire tort, qui se promène en Gaspésie, sur la Côte-Nord et partout où l'on vit de l'industrie de la pêche. J'ai l'impression qu'en faisant connaître ces statistiques - d'ailleurs, les pêcheurs les connaissent déjà - au fur et à mesure qu'on parlera de cela avec les pêcheurs, le Parti libéral se fera juger comme il le mérite. C'est un parti qui critique constamment tout simplement dans le but d'empêcher les gens de se prendre en main. Lorsqu'on adopte un projet de loi - dans le domaine des pêches, c'est une preuve évidente - qui permettra aux pêcheurs d'être un peu plus maîtres chez eux, alors on dit: Le Parti québécois sert la cause séparatiste. C'est épouvantable de penser qu'au Québec on peut se gérer un peu soi-même, qu'au Québec on peut se faire confiance, qu'au Québec on peut prendre les produits marins et les mettre sur la table du consommateur dans le meilleur état possible, les transformer le plus possible de façon à leur ajouter de la valeur, de façon à pouvoir servir une clientèle, comme le disait le ministre, qui se connaît dans le domaine des fruits de mer, une clientèle sur les marchés de Montréal, de Québec, sur l'ensemble des marchés du Québec, une clientèle qui veut avoir un poisson et des fruits de mer de qualité. Plus les libéraux se scandaliseront de ce genre de loi, plus, je pense, notre cause avancera, plus aussi, les Québécois commencent à réaliser que ce serait un danger incroyable de revenir au pouvoir, parce qu'il y aura des élections d'ici 12, 15, 18 mois, avec cette équipe qui n'a trouvé à faire depuis 1970 qu'à ne pas agir lorsqu'elle était là et à critiquer ceux qui ont agi une fois qu'elle a perdu le pouvoir, et cela n'a pas changé. Vous savez, l'ancien nouveau chef va être là.

Tout à l'heure, le député de Saguenay a traité le premier ministre de peureux. Personnellement, je n'ai pas tellement aimé cela, parce que je ne pense pas que M. Lévesque soit un peureux et je ne pense pas qu'il soit connu comme tel. Je pense que notre premier ministre passe pour un homme courageux, un homme qui a su diriger une équipe qui a passé au travers d'une crise terrible, qui a travaillé pour la création d'emplois et qui a passé au travers de la crise sans augmenter son déficit; il ne faut pas oublier de le dire. Je pense que le seul qui peut croire cela, c'est peut-être le député de Saguenay avec son équipe, mais la plus belle preuve qu'il n'est pas peureux, c'est qu'il est ici à l'Assemblée nationale lui aussi. Il y a un chef. Il y a des élections partielles. Si notre chef est peureux, il est ici et il se tient debout, mais leur chef, on ne le voit pas. Il se tient dans les corridors. S'ils ont à traiter un chef de peureux, j'ai l'impression que dans un caucus ils auraient d'emblée l'occasion de le faire. Ils doivent voir leur chef, eux, de temps à autre.

M. le Président, je ne suis pas d'une grande compétence dans le domaine des pêches, mais je sais une chose: je connais un peu plus l'agriculture et le genre de projet de loi que présente le ministre aujourd'hui, je peux en parler en connaissance de cause, de par l'expérience que j'ai vécue dans le monde agricole. Je peux vous dire que la seule façon, après s'être organisés pour être capables de produire, après avoir réussi à augmenter nos compétences et, ensuite, avoir le produit brut à portée de la main, la seule façon d'être capables de tirer le maximum de ce produit, c'est d'aller le mener nous-mêmes, comme producteurs, sur la table du consommateur. Cela a été la difficulté de l'agriculture. Pour les producteurs agricoles, pour les producteurs spécialisés dans le domaine agricole, la difficulté était de faire adopter leur plan conjoint par rapport à des gens, comme le député de Brome-Missisquoi et d'autres, qui servaient des intérêts autres que ceux des agriculteurs et qui ont tenté de nuire à l'adoption des plans conjoints. D'ailleurs, la théorie du député de Brome-Missisquoi, je me rends compte que, maintenant, elle est adoptée par le caucus libéral. C'est bon que la classe agricole le sache aussi, parce que leur chef, M.

Bourassa, a dû donner la certitude à l'UPA que, si jamais il prenait le pouvoir, le député de Brome-Missisquoi ne deviendrait jamais ministre de l'Agriculture. Il n'aurait même pas le droit de parler d'agriculture, parce que je pense que la classe agricole connaît ses théories. Maintenant qu'on a entendu la réplique de l'Opposition par rapport à ce projet de loi sur la mise en marché des produits marins, on s'aperçoit que la théorie du député de Brome-Missisquoi est adoptée maintenant par le caucus libéral, ce qui veut dire que, peu importe qui serait, dans l'éventualité de la prise du pouvoir par le Parti libéral, ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, ce serait cette théorie qui régnerait, c'est-à-dire contre les plans conjoints. C'est exactement ce que le député de Saguenay nous a servi.

Pour que les producteurs, pour que les pêcheurs, pour que les gens qui vivent des fruits de la mer puissent en tirer le maximum de profit, maintenant qu'on est en train de faire avec eux des flottes de bateaux, maintenant qu'on est en train de construire des usines modernes, il faut organiser la mise en marché avec les producteurs. Il n'y a rien d'obligatoire là-dedans, sauf que la loi va permettre aux producteurs de s'unir et de développer leur mise en marché. Ce serait intéressant, par exemple, d'avoir des produits marins qui fonctionnent et qui se fassent connaître suivant une marque de commerce pesante, connue, une marque de commerce qui réunirait suffisamment de producteurs pour qu'on puisse se permettre de faire de la publicité, pour qu'on puisse se permettre de prendre notre marché. Ce serait aussi intéressant que les producteurs puissent s'unir pour développer de nouveaux marchés et de nouveaux produits.

Qu'est-ce qu'ont permis les plans conjoints dans le domaine agricole, par exemple, si je peux faire une comparaison? Vous vous souvenez qu'autrefois on avait des familles plus nombreuses et qu'on pouvait vendre, par exemple, quand les producteurs vendaient eux-mêmes, dans la période des fêtes, des dindes qui pesaient 25 ou 28 livres. Aujourd'hui, les familles étant plus petites, pour être capables de conserver le marché, il faut diversifier les produits. Donc, vous pouvez avoir maintenant des spécialités. Vous pouvez acheter seulement des cuisses, des poitrines ou des ailes. Vous pouvez acheter seulement des parties d'oiseau ou de dinde. C'est la même chose dans le domaine du porc et dans tous les domaines. Ce serait intéressant de voir ce qu'on peut faire avec les produits marins, avec les fruits de mer, les poissons, et ainsi de suite, si on pouvait y ajouter de la transformation et si on pouvait les faire connaître davantage et y ajouter de la transformation. Prendre le produit à l'état brut, le pêcher et l'offrir sur le marché aux consommateurs, c'est déjà bien, cela représente plusieurs centaines de millions de dollars par année, mais si l'on prend ce même produit et que l'on satisfait davantage le consommateur en le transformant, on y ajoute de la valeur, on y ajoute du travail, donc, de la main-d'oeuvre. (22 h 40)

II y a aussi un autre avantage pour les producteurs: actuellement, comme on le dit chez nous, c'est au plus fort la poche. Il faut aller rapidement pêcher et terminer le quota de production ou la prise le plus rapidement possible, ce qui veut dire qu'il y a des pêcheurs qui travaillent pratiquement jour et nuit; il y a des usines où l'on travaille jour et nuit pour terminer la saison à la fin du mois de juin ou au début du mois de juillet. Par de l'organisation et de la mise en marché, par une meilleure planification des quotas de production, cela permettrait aux pêcheurs de travailler plus longtemps en plus de développer leurs produits, en plus de fournir un produit de meilleure qualité, de s'unir pour fournir un produit de meilleure qualité; cela permettrait de fournir au consommateur un produit plus uniforme sur l'ensemble de la saison ou l'ensemble de l'année.

Autrefois, lorsqu'il n'y avait pas de mise en marché ordonnée dans le secteur agricole, il y avait des périodes où on avait des produits en abondance - on devait même les donner - et, en d'autres périodes, il n'y avait plus de produits et le consommateur devait payer un prix exorbitant pour des produits qui venaient souvent de l'étranger. Aujourd'hui, par l'organisation de la mise en marché dans le domaine agricole, on a réussi à planifier l'offre et la demande. On a donc protégé le consommateur en lui garantissant un produit de qualité, en quantité suffisante et dans la période requise par le consommateur. On protège aussi le producteur en l'assurant qu'il n'y aura pas de surabondance de produits sur le marché, donc, qu'il y aura un prix plus stable.

Dans le domaine de la pêche, des fruits de mer et des poissons, si les producteurs veulent s'unir, se regrouper pour se développer et faire connaître leurs produits, pour améliorer la qualité, on aura l'avantage de vivre exactement les mêmes expériences.

M. le Président, c'est toujours vous qui présidez? Oui.

On aura l'avantage de vivre les mêmes expériences et d'augmenter la valeur de nos produits marins, d'augmenter le travail dans le secteur maritime, d'augmenter aussi les possibilités de pêche et, enfin, d'arriver à ce que les pêches, comme l'agriculture, soient une industrie bien organisée. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: Merci, M. le Président. On parle de la loi de commercialisation des produits marins. Nous voudrions dire au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui a déjà dit: Qu'est-ce qu'ils connaissent là-dedans, les libéraux, les gars de Montréal, ils ne connaissent rien, que nous savons comment lire un projet de loi, nous savons trouver ce qu'il y a de dangereux là-dedans pour la population. Ce n'est pas vous qui allez nous dire sur quel projet de loi on peut parler, c'est d'ailleurs pour cela que je parle.

J'ai étudié ce projet de loi. Nous allons d'abord voir de quoi il s'agit. Il s'agit de la mise en commun, par les entreprises de transformation des produits marins, de produits dans le but de soutenir et de promouvoir la vente de produits marins standardisés. Deuxièmement, il s'agit du principe d'essayer d'obtenir une stabilité de revenu pour ceux qui travaillent dans le domaine. Quand il s'agit de ces deux principes, évidemment, nous sommes d'accord.

M. le Président, j'entends parler le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Il quitte la salle. C'est bien que la population réalise - ceux de la Gaspésie, ceux qui sont touchés - que j'ai travaillé à ce projet de loi, que j'ai une contribution positive à apporter et que le ministre est parti. Je vais continuer à parler en espérant qu'il prendra des notes plus tard, lui ou ses assistants, des choses positives que j'ai à dire.

En ce qui concerne le principe, nous sommes favorables au principe de promouvoir la qualité des produits et de donner une stabilité de revenus. Mais, quand on lit en détail le projet de loi, quand on voit la bureaucratie, les pouvoirs de ce ministre qui est connu comme l'un des ministres les plus arrogants de tout le gouvernement, on commence à avoir peur et je vais vous indiquer pourquoi.

D'abord, le projet de loi stipule qu'à la requête d'au moins sept entreprises de transformation on peut établir un office de commercialisation. Cela prend un minimum de sept entreprises de transformation qui disent: Nous, on va demander au gouvernement d'établir et de nous accorder le droit d'avoir un office de commercialisation.

On explique dans le projet de loi ce que la requête qui demande l'établissement de cet office de commercialisation va contenir. On dit que la requête doit prévoir les activités de commercialisation et la manière dont on présente son accord pour confier cela à un office; indiquer les services que l'office doit dispenser aux parties à l'accord; prévoir le mode de financement des activités de l'office et fixer une contribution financière. Qu'est-ce que cela veut dire, la contribution financière? Combien cela coûte-t-il? Est-ce que cela coûte 100 $ par année, 100 $ par saison, 1000 $, 2000 $? Aucune idée. Il faut avoir confiance au ministre de l'Agriculture et je dois vous dire, M. le Président, que je n'ai aucune confiance en lui. On voudrait voir stipulé dans le projet de loi ce que veut dire exactement cette contribution financière.

Ensuite, on parle de la répartition de la production, de la limitation de la production de chaque entreprise. Cela va contre le principe que chaque entreprise doit avoir le droit de faire sa production au meilleur de ses capacités. Limiter la production, est-ce quelque chose qu'on doit accepter comme principe? On comprend très bien qu'il faut donner une chance à tous ceux qui travaillent dans cette industrie de gagner leur vie. Mais, quand on parle de limitation de la production de chaque entreprise, qu'est-ce que cela veut dire? Encore une fois, il faut se fier au ministre de l'Agriculture.

On parle de la part du prix de vente que l'office conservera pour l'établissement du fonds de stabilisation des revenus. Donc, ceux qui vont vendre à partir du moment où ce projet de loi sera adopté devront donner une partie du prix de vente à un fonds et ce fonds est formé pour stabiliser les revenus de tout le monde. Qu'est-ce que cela veut dire? On doit donner combien, quel pourcentage? Est-ce que je dois donner 1%? Je ne m'y opposerais pas comme producteur. Si je devais donner 10%, probablement que je n'accepterais pas. Je dirais: Moi, je travaille bien, je travaille fort, je suis économe. Là, ils contrôlent déjà ma production et, en plus, je dois donner un certain pourcentage de ma production, moi qui suis un travailleur très efficace, pour le bénéfice de ceux qui, peut-être, ne travaillent pas aussi bien que moi. C'est bien beau de parler de social-démocratie. C'est une manière d'intervenir dans la vie privée des commerçants qui veulent travailler au meilleur de leurs possibilités.

Je sais qu'on n'a pas beaucoup de temps ce soir pour analyser en détail ce projet de loi. Évidemment, il y a aussi un aspect de droit constitutionnel. M. le Président, ce domaine du droit constitutionnel vous intéresse. J'ai déjà parlé avec vous personnellement de ce domaine et je sais que cela vous intéresse beaucoup comme ancien enseignant en la matière. Vous savez qu'on a trois sortes de commerce. On a ce qu'on appelle le commerce intraprovincial. Cela veut dire qu'un manufacturier ou quelqu'un dans l'industrie des pêcheries, par exemple en Gaspésie, qui veut vendre à Montréal ou à Québec... C'est le commerce intraprovincial. Tout le monde est d'accord là-dessus selon la constitution

canadienne. Nous acceptons cela. C'est le domaine du droit provincial. Évidemment, l'Assemblée nationale du Québec a parfaitement le droit de légiférer dans ce domaine. Le commerce intraprovincial, cela veut dire à l'intérieur des frontières de la province de Québec. On a aussi deux autres sortes de commerce, c'est-à-dire le commerce interprovincial, par exemple, exporter de la province de Québec en Ontario, en Colombie britannique ou dans d'autres provinces, et ce qu'on appelle le commerce international, c'est-à-dire exporter de la Gaspésie vers mon pays de naissance, par exemple, les Pays-Bas, la Hollande, ou un autre pays d'Europe. C'est bien connu dans le domaine constitutionnel, même les péquistes acceptent que c'est du domaine fédéral. C'est le législateur fédéral qui a le droit de contrôler le commerce interprovincial, entre les provinces, Québec et une autre province, et le commerce international. (22 h 50)

Quand on lit ce projet de loi, qu'est-ce qu'on constate? Est-ce que le ministre est en train de légiférer dans un domaine qui ne lui appartient pas? On doit dire qu'à première vue, en lisant le texte du projet de loi, tel que présenté, on ne retrouve pas une violation du principe qui touche le droit de commerce interprovincial ou international, mais, M. le Président, tout dépend comment, plus tard, les règlements vont se lire. Je dois vous dire que, quand on lit le texte du projet de loi, il y a des articles qui me font peur. Je suis avocat. Je ne suis peut-être pas un expert constitutionnel comme le député de D'Arcy McGee, un ancien professeur d'université, mais je suis un praticien de droit depuis longtemps. Je lis certains articles et je me dis: II y a ici des ouvertures dont le ministre peut se servir précisément pour réglementer plus tard un domaine qui n'est pas le sien. On connaît ce qu'on appelle en anglais son "track record", on sait qu'il aime la chicane avec le fédéral, qu'il aime légiférer là où le fédéral a déjà légiféré, pas pour le mieux-être des pêcheurs et des travailleurs et travailleuses québécois, pas du tout, mais pour avoir une chicane, encore une fois, avec le fédéral. C'est toujours la chicane du provincial avec le fédéral.

C'est cela qui nous fait peur. On le dit, on n'a rien contre le projet de loi qui, en soi, présente un objectif très intéressant, soit d'avoir des produits standardisés de qualité supérieure. Nous sommes tous pour cela, nous aussi de l'Opposition. Pour avoir une certaine stabilité des revenus, nous sommes pour ceux qui travaillent dans le domaine, mais, quand il s'agit de venir, encore une fois, avec un projet de loi, avec une réglementation qui va intervenir dans un domaine qui est peut-être du domaine fédéral, on dit: Non, on ne veut pas cela; on ne veut pas encore une autre chicane sur le dos des travailleurs québécois et des travailleuses québécoises. M. le Président, c'est cela qui nous fait peur dans ce projet de loi. Il y a assez d'articles dans ce projet de loi qui donnent précisément ouverture à un ministre comme on le connaît, avec son fameux "track record" qui nous fait peur. Il se prépare encore ici à se lancer dans un domaine qui n'est pas le sien.

Il y a dans ce projet de loi des éléments très inquiétants. Qu'est-ce qui arrive? Il y a seulement sept producteurs qui peuvent ensemble former un groupe et demander un office. Du moment que ce groupe existe, ils peuvent revenir voir le ministre et lui dire: Voici, M. le ministre; tous les autres qui ne sont pas là-dedans, on va maintenant les forcer à adhérer à notre groupe. De quelle manière? Le projet de loi le dit. Le ministre donne à ceux qui ne sont pas là-dedans un certain délai pour négocier avec les sept et, si cela ne fonctionne pas, le ministre se réserve le droit d'imposer ce qu'on appelle un décret d'extension. Donc, le ministre dira: Vous autres, qui n'êtes pas du groupe des sept, n'avez pas accepté de faire partie du décret; à partir du moment que j'impose le décret, vous appartenez au groupe. C'est forcer quelqu'un, probablement contre sa volonté, à appartenir à un office de commercialisation auquel il ne veut pas appartenir.

II y a un autre article. Je sais, M. le Président, vous me faites signe que mon temps achève. Je note, par exemple, que le ministre se réserve le droit - c'est incroyable - de refuser de renouveler un permis à quelqu'un qui a déjà un permis. Le ministre peut refuser de renouveler son permis, s'il croit que c'est dans l'intérêt public. Si le ministre pense que quelqu'un ne chante pas sa chanson... Je ne dis pas... M. le Président, un député me dit: si on n'est pas péquiste, il semble qu'il ne renouvelle pas. Je ne veux pas l'accuser à ce point, mais je dis: Si le ministre arrive à la conclusion que quelqu'un ne chante pas sa chanson, il ne renouvelle pas son permis. Ou, l'article 59 le dit, M. le Président: II peut même refuser d'émettre un permis à quelqu'un s'il croit que c'est dans l'intérêt public.

M. le Président, ce sont des dispositions que je trouve dans le projet de loi qui sont totalement inacceptables. Je vais suivre l'opinion du député de Saguenay, celui qui est le porte-parole dans l'affaire. Si, tout à l'heure, il a dit que nous n'acceptons pas ce projet de loi en principe, parce qu'il y a tellement de dispositions là-dedans qui violent tout principe de ce qui est bon pour le pêcheur, nous disons: Je l'appuis entièrement. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Nelligan.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, j'ai écouté le ministre tout à l'heure défendre son projet de loi. Il nous a cité toutes les gloires de son ministère par rapport aux pêcheries. En 1979, il avait pris le ministère, il faisait ceci; en 1980, il faisait un sommet; en 1981, il faisait telle autre chose; en 1982, il augmentait la flotte de pêche; en 1983, il versait des millions de dollars à Madelipêche, etc.

Je pense qu'il faudrait, avec raison, poser cette question au ministre: En 1979, quand il a pris le ministère, quel était le revenu moyen des gens qui vivent de cette industrie, des pêcheurs, des travailleurs d'usine et des producteurs d'usine? En 1980, quel était le revenu moyen? En 1981? En 1982? En 1983? En 1984? En 1984, au cours d'une période où nous avons connu des poussées inflationnistes qui ont été jusqu'à 10%, 11% et 12%, des taux d'intérêt jusqu'à 14%, 15%, 18%, 19%, sur la Basse-Côte-Nord, certaines familles touchent un revenu moyen de 5000 $ à 6000 $ par an.

Le ministre se targue d'avoir fait tellement de grandes choses dans les pêches québécoises. Je pourrais demander au ministre ce qui est arrivé à Natashquan en 1980? Est-ce qu'il y là une nouvelle usine qu'il avait promise pour 1980? Qu'est-ce qui est arrivé en 1981? En 1982? En 1983? En 1984? Les gens de Natashquan, à qui il promettait, par écrit, une usine en 1980, se retrouvent, en 1984, au même stade que celui où ils étaient lorsque le ministre a pris le pouvoir au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Qu'est-ce qui est arrivé à la Basse-Côte-Nord, là où il y avait, encore une fois, des promesses du ministre en 1981 de bâtir une usine à Blanc-Sablon, de régler toute la question des usines de salaison dans ses quatorze villages qui vivent seulement de cette industrie, où les gens vivent presque avec un revenu de famine? Qu'est-ce que le ministre a fait pendant les années qu'il était au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation? Il faudrait demander au ministre, au milieu de ses accès de gloriole qu'il nous citait tout à l'heure, ce qu'il est arrivé du budget des pêches durant son mandat de 1979 à 1984, les cinq années qu'il a passées là, où il a périmé 20% du budget des pêches. 21 000 000 $ qui appartenaient à des gens à qui on avait budgétisé de dépenser pour leur bien-être 21 000 000 $ qui ont été sacrifiés et périmés parce que le ministre ne trouvait pas de façon d'aider cette industrie tellement débile et si faible au Québec. (23 heures)

Puis le ministre vient nous citer toutes ses grandes glorioles, tous ses grands triomphes. Parmi tous ces grands triomphes, naturellement, il cite les projets de loi. Pour le ministre, un projet de loi équivaut à un accomplissement. Si vous pouvez produire des projets de loi comme des petits pâtés, si vous pouvez produire de l'écriture, si vous pouvez produire de la réglementation, si vous pouvez faire des projets de loi tous les jours - il y en a eu sept depuis décembre de la part du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation par rapport aux pêches - des quantités de projets de loi... On a eu la loi 49, la loi 48; ce matin, on a eu la loi 74; maintenant, on a la loi 82. Tous les jours, on nous arrive avec des projets de loi. Tous les jours, il y a des projets de loi qui demandent une réglementation agrandie. Mon collègue de D'Arcy McGee a fait une étude exhaustive de la quantité de réglementations au Québec depuis la prise du pouvoir du gouvernement en place, maintenant le gouvernement du Parti québécois. Déjà, cette réglementation a décuplé au Québec, mais dans le secteur du ministre, le secteur de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, l'augmentation de la réglementation a été outrancière. Dans le secteur des pêches, c'est naturellement la même chose. Aujourd'hui même, il nous propose un projet de loi qui va engendrer toutes sortes de réglementations encore une fois, comme cela a été le cas récemment pour la loi 49 et comme ce sera le cas pour la loi 48.

Le ministre vient nous dire: Cela ouvre une nouvelle époque. Il parle de transformation, de modernisation, d'être meilleur que tous les autres au Canada, d'être meilleur que les autres provinces, de vendre le meilleur produit, un produit de qualité où on n'aura plus une inspection canadienne, mais une inspection québécoise. Au milieu de tout cela, il nous fait vivre une espèce de rêve qui est en réalité, si on regarde les choses, si on regarde le revenu brut, si on lit le récent rapport du CRD de 1982 qui "castiguait" les pêches au Québec, une fiction de premier ordre. Le ministre vient nous dire que ce projet de loi va résoudre toute la question de la commercialisation, mais tant que nous serons un pays fédéral, tant que nous ne sortirons pas du Canada, tant que la population voudra que le Québec reste dans le Canada, qu'on le veuille ou non, que le ministre le veuille ou non il s'agit d'un produit qui se vend sur les marchés internationaux. Il s'agit de quelque chose qui est produit en même temps par les provinces avoisinantes. Il s'agit d'un produit qui, de par sa nature même, est international; on exporte 80% de notre production.

Comme le soulignait mon collègue de Saguenay, notre porte-parole en matière de pêcheries, que fait cette loi pour assurer

qu'au lieu d'un produit brut, comme celui qu'on vend maintenant, nous ayons un système de deuxième et troisième transformations de ce produit, qu'au lieu d'importer 80% du produit fini, du produit de table, comme on le fait maintenant, de la France, de la Norvège, de l'Islande et d'ailleurs, du Danemark, du Portugal, on essaie de faire cette deuxième et troisième transformations au Québec? Ce projet de loi n'assure pas cela; aucunement. Tout ce que ce projet de loi apporte, c'est un objectif de commercialisation collective.

Il est sûr que, comme principe, on ne peut s'opposer à un regroupement de producteurs en vue d'une commercialisation beaucoup plus uniforme, beaucoup plus cohérente. Nous acceptons ce principe d'emblée. Mais lorsqu'on pose des gestes qui sont tellement antidémocratiques dans leur fondement même qu'on fait de cette commercialisation un objet secondaire, lorsqu'on pose des gestes où le ministre se garde des pouvoirs discrétionnaires dans la loi, exactement les mêmes pouvoirs qu'il s'est gardés dans les lois parallèles, par exemple, la loi 48, à ce moment, il faut se poser des questions sérieuses. Est-ce que, vraiment, l'objectif premier du ministre est d'assurer une commercialisation beaucoup plus cohérente, beaucoup plus constructive d'un produit qui est dans un secteur tellement débile aujourd'hui, ou s'il essaie d'assumer, comme il a déjà essayé de le faire sous la loi 49, la loi 48 et la loi 36, le contrôle de tout un secteur qui, aujourd'hui, étouffe sous le poids non pas physique -parce qu'il pourrait étouffer sous son poids physique - mais certainement sous le poids figuré du ministre? Le ministre est en train d'écraser une industrie qui est débile, qui ne peut plus respirer déjà par la tracasserie bureaucratique, par le manque de fonds, par le manque de soutien, par le manque d'écoute du ministre, par le manque d'humanisme du ministre.

Là encore, on pose la question au ministre, comme on a posé cette question pour la loi 48: A-t-il fait des audiences? Est-il allé écouter les gens? A-t-il écouté les producteurs? Leur a-t-il demandé leur opinion? Pourtant, mon collègue a fait une vérification exhaustive auprès des producteurs qui disent: On ne savait même pas ce qu'était la loi 82. Lorsque nous avons approché ces gens, beaucoup d'entre eux entendaient parler pour la première fois du projet de loi 82 qui va les affecter de façon directe demain ou après-demain s'il est adopté. On espère qu'il ne sera pas adopté pendant cette session pour le mieux-être de cette industrie.

Voilà un ministre qui ne sait pas écouter les gens, qui ne sait pas leur parler, qui ne sait pas les entendre, qui ne sait pas les consulter, qui va réglementer à outrance leur vie, parce qu'il a la vérité infuse dans ce domaine. Il pense qu'il est infaillible dans ce domaine, qu'il ne peut pas se tromper. Même s'il avait la science infuse, il y aurait toujours des gens qui pourraient se tromper. Il y a toujours des gens qui sont très brillants, mais qui, malgré tout, font des erreurs. Pourquoi le ministre ne peut-il pas avoir un petit brin d'humilité, un petit brin d'humanisme et penser que tous ces gens qui se plaignent de ces projets de loi, qui se plaignent des tracasseries bureaucratiques, qui se plaignent de cette réglementation à outrance ont quelque chose de valable à dire? Si, par exemple, des centaines de pêcheurs - il y en avait 700 - de travailleurs d'usines, de membres de leur famille ont signé des pétitions pour demander la tenue d'une commission parlementaire sur le projet de loi 48, ce n'était pas parce qu'ils voulaient que ce soit joli; c'est parce qu'ils voulaient se faire entendre, se donner la chance de dire ce qu'ils avaient à dire, de dire au ministre qu'ils étaient inquiets face au projet de loi 48.

Maintenant, face au projet de loi 82, on fait la même chose, alors qu'on est en train de discuter avec le ministre et d'essayer de lui dire: Écoutez, ces gens veulent être entendus en commission parlementaire. Présentez les règlements afin qu'on sache où on s'en va avec cela. Il a présenté un autre projet de loi dans lequel il y a exactement la même chose, où il se donne des pouvoirs exceptionnels. On n'a qu'à voir le mot à mot de certaines parties de ce projet de loi pour savoir que c'est le même genre de principe, le même genre de philosophie qui anime encore une fois le ministre. "Le gouvernement peut approuver la requête et l'accord de commercialisation, s'il estime que celui-ci est dans l'intérêt public." Alors, s'il n'estime pas que c'est d'intérêt public... D'après un autre article, s'il juge que c'est dans l'intérêt général de l'entreprise, il peut imposer aux requérants de négocier. Est-on dans un pays libre? Sommes-nous dans un pays démocratique? Sommes-nous au Québec, sommes-nous au Canada ou sommes-nous dans un pays autocratique, un pays doctrinaire où il faut imposer des choses? "À défaut d'une entente dans le délai prévu, le gouvernement pourra, de sa propre initiative, procéder à l'extension de l'accord de commercialisation suivant les dispositions de la section II du présent chapitre."

Il se targue d'être le Bonaparte du boeuf, l'empereur du poisson, le grand roi du sucre. Il est dans tous les domaines et il sait tout à la fois. Il nous disait l'autre jour qu'il a l'entreprise de sucre la plus moderne au monde. Avec lui, tout est le plus moderne au monde. La folie de l'affaire... Mon collègue et moi avons visité à Newport l'autre jour une usine neuve où on allait dépenser

15 000 000 $ des deniers publics. Ce n'est pas de l'argent qui sort de sa poche. Ce n'est pas de l'argent qui sort de la poche des collègues de son parti. C'est de l'argent qui sort de la poche des contribuables du Québec, 15 000 000 $. La semaine dernière, lors de l'étude des engagements financiers de son ministère, je lui disais: Donnez-nous des explications; comment faites-vous pour bâtir une usine de 15 000 000 $ lorsqu'il y a déjà une usine qui a coûté 500 000 $ des deniers publics? Il m'a dit: Là, on a un plan formidable. Vous savez, notre usine sera tellement moderne qu'elle réussira à fermer l'autre usine. À ce moment-là, on va se servir de l'autre usine. On va l'acheter pour la seconde et la troisième transformations. C'est cela, la grande planification dont il se vante. L'autre jour, mon collègue et moi lui avons demandé, par rapport à sa fameuse Madelipêche, de déposer des chiffres, de nous dire combien d'argent il a enfoui dans Madelipêche. Il a dit: Oui, je vais vous envoyer cela. L'autre jour, les chiffres n'étaient pas encore prêts. Lorsqu'il additionnera ces chiffres, il réalisera que ce sera 25 000 000 $ ou 30 000 000 $ qu'il aura mis dans Madelipêche.

Voyez la planification de l'empereur du poisson, du roi du sucre et du Bonaparte du boeuf. Vous savez la planification avec lui est telle que, l'autre jour, on discutait dlun engagement financier, d'une dépense potentielle du gouvernement de 5 812 000 $ par rapport à Madelipêche. Je lui posais des questions. Il me disait: Je ne peux pas vous donner une réponse définitive par rapport à 2 187 000 $, parce que, selon ce qui va se passer dans la saison, peut-être qu'on créera une usine de crabe à Havre-Aubert, mais peut-être que non. C'est cela, la planification que fait le ministre à l'avance. Tout cela se fait au gré des flots. Tout cela se fait au pied levé, d'un jour à l'autre. Aujourd'hui, le ministre se lève et parle ex cathedra, infaillible. Il va décider aujourd'hui que l'usine de crabe sera à Havre-Aubert. On aura l'usine et ce sera sûrement la plus moderne au monde. On est arrivé, M. le ministre, à être la risée du monde des pêches. (23 h 10)

Pendant que vous bâtissez votre grand empire, pendant que vous faites l'usine la plus moderne au monde à Newport, à côté de l'autre qui existe déjà et qui va coûter 15 000 000 $, les gens de Natashquan, eux, se demandent pourquoi ils n'ont pas encore d'usine. Le 23 mai 1980 - et je cite la lettre du gouvernement du Québec - le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, écrivait une lettre, signée par votre adjointe parlementaire aux pêcheries d'alors, Mme Denise Le Blanc-Bantey: "Je vous confirme sans aucune espèce d'équivoque - c'est cela, les promesses du Parti québécois - que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation construira cette année une usine à Natashquan afin de répondre à l'augmentation des débarquements qu'a connue la région de Natashquan au cours des trois dernières années." C'était en 1980, une promesse non équivoque, et elle confirmait qu'il y avait des budgets qui étaient déjà réservés en 1980. Aujourd'hui, quatre ans après, on attend encore. Pendant ce temps, vous bâtissez des folies à Newport. Pendant ce temps, vous enfouissez des trentaines de millions de dollars dans Madelipêche.

Je voyais l'autre jour aussi les procès-verbaux de la troisième assemblée générale des pêcheurs de la Basse-Côte-Nord tenue le 13 et le 14 février 1981. Là aussi, vous faisiez des promesses. Là aussi, les pêcheurs vous demandaient: "Qu'est-ce qui arrive à Blanc-Sablon? M. le ministre, quand pensez-vous commencer l'installation de l'usine de séchage de Blanc-Sablon?" C'était le 14 février 1981. Et M. Garon de répondre: "Nous travaillons maintenant sur le projet. Il est au stade préliminaire. Je pense qu'il sera commencé dans les prochains mois de 1981." Aujourd'hui, on est en 1984. Il n'y a toujours pas d'usine, mais, pourtant, vous bâtissez vos folies de seconde usine à Newport. On vous demandait durant la même assemblée générale annuelle: "Quels projets avez-vous pour Natashquan?" M. Garon: "II y a un projet pour une usine de salaison qui devrait être prêt à être annoncé lors de ma prochaine visite en mars 1981." "Prêt à être annoncé", quand vous aviez déjà promis cela en 1980. Vous l'avez annoncé en 1981. Peut-être que vous l'annoncez année après année, mais en 1984 elle n'est pas encore bâtie. Et ainsi de suite.

M. le ministre, c'est malheureux, et c'est ce que sous-tend encore une fois votre projet de loi: les désavantages sont beaucoup plus nombreux que les avantages. Comment voulez-vous, dans un système démocratique, dans un système ouvert, faire des projets de loi continuels sans aucune consultation du milieu, sans déposer de réglementation, sans nous avertir à l'avance, nous et le milieu, tous les gens qui paient les taxes qui font que ces projets de loi se tiennent? Comment voulez-vous faire des projets de loi où vous vous réservez le pouvoir de dire: Je vais vous émettre un permis si je décide, moi, l'empereur des pêches, que c'est dans l'intérêt public que je renouvelle votre permis? Je vais vous suggérer de vous installer dans un office de commercialisation. Si sept d'entre vous décident de mettre sur pied un office de commercialisation, là, cela va exister, mais, si je décide, d'après mon opinion personnelle, que c'est dans l'intérêt public, je vais dire à tous les autres aussi d'en faire partie. Je vais vous imposer la négociation. Connaissant la façon du ministre

de faire un petit tordage de bras très systématique, c'est très facile de prévoir comment sept de ces petites entreprises demanderont bien tranquillement au ministre de faire un office de commercialisation. Le ministre va leur promettre monts et merveilles et, quand il y en aura sept d'embarquées là-dedans, il pourra imposer cela à n'importe quel nombre d'autres entreprises. Si, par exemple, il y a des récalcitrants, s'il y a une usine qui dit: Moi, je n'ai pas envie d'embarquer dans votre affaire, à ce moment-là, il pourra prendre le gros marteau et frapper dur. Il va dire: Bon! C'est dans l'intérêt public que je ne renouvelle pas votre permis.

C'est cela, vraiment, l'idée que le ministre se fait de l'humanisme, de la démocratie, du sens d'ouverture qui devraient caractériser toute relation entre un gouvernement et ses citoyens. Il me semble que si on était au pouvoir - j'espère qu'un jour quelques-uns d'entre nous, ici, iront vous remplacer - on ne dirait pas qu'on a la science infuse, qu'on connaît toutes les réponses, qu'on a les meilleures choses au monde, que tout ce qu'ont les autres, c'est mauvais, que les inspecteurs du Canada sont pourris et que nos inspecteurs sont les meilleurs. On dirait, dans quelque secteur que ce soit, qu'il y a toujours quelque chose à faire pour améliorer ce que nous avons, qu'il y a toujours quelque chose à faire pour économiser les deniers publics, éviter le dédoublement, éviter les charges inutiles quand les mêmes services sont déjà rendus par les inspecteurs canadiens. S'ils ne sont pas bons, qu'on se plaigne aux autorités canadiennes afin de remplacer ces inspecteurs, mais qu'on n'aille pas dédoubler les services en nommant seize inspecteurs de plus par la loi 49, qui nous coûtent 500 000 $ et plus par an, qu'on ne dédouble pas, non plus, le service de protection à un coût de 5 000 000 $ ou 6 000 000 $ additionnels par an; qu'on ne dédouble pas les usines au coût de 15 000 000 $ par an.

Si nous étions au pouvoir - et nous espérons l'être bientôt - au moins, nous écouterions les gens, nous irions les consulter, nous leur expliquerions la réglementation. On ne doit pas décider pour eux, on ne doit pas empêcher la tenue d'une commission parlementaire, on ne doit pas refuser de les écouter. On doit être un peu plus humain, on doit penser que beaucoup de ces gens gagnent 5000 $ ou 6000 $ par an, que ces familles sont éprouvées, que ceux qui viennent nous voir ne viennent pas nous chanter la pomme. On ne les connaît même pas, bien souvent, et ils viennent nous voir, ils viennent frapper à la porte de notre bureau pour nous dire: Écoutez, il faut faire quelque chose, car bientôt on va crever de faim parce qu'on n'a pas eu l'usine que le ministre nous a promise il y a quatre ans.

C'est encore cela qu'on retrouve dans votre projet de loi 82. On vous demande d'être à l'écoute des gens, on vous demande d'être un peu plus humain, on vous demande de faire de la consultation, on vous demande de déposer la réglementation. Encore une fois, on ne peut pas accepter une chose aussi antidémocratique, aussi autocratique. Il est temps, M. le ministre, que vous vous réveilliez et que vous réalisiez que c'est cela, le cadre de la loi 82.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Bourassa.

M. Patrice Laplante

M. Laplante: Merci, M. le Président. Je commence à comprendre pourquoi le député de Nelligan n'est plus le porte-parole de l'Opposition en matière de pêcheries. J'ai essayé de trouver quelque chose sur le contenu du projet de loi 82 dans son argumentation; en somme, il a surtout fait état du projet de loi 48. Il s'est mêlé; 48 et 48 font 96, moins 6, je pense que cela fait 82, M. le député de Nelligan.

Ce que la population aurait aimé, c'est d'entendre parler de la Loi sur la commercialisation des produits marins.

Une voix: Parlez-nous-en!

M. Laplante: Oui, je vais vous en parler. Cela peut sembler étrange qu'un député de Montréal prenne la parole sur le projet de loi traitant de la commercialisation des produits marins. Je n'ai pas beaucoup de pêcheurs dans mon comté, je n'ai pas d'usine de transformation des produits marins non plus, mais j'ai beaucoup de consommateurs et j'en suis un moi-même.

Il me semble que les consommateurs sont les premiers concernés par le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui. Le Québec vit le paradoxe d'une industrie des pêches maritimes tournée dans une proportion d'environ 70% vers les marchés extérieurs alors que sa propre population s'approvisionne de produits du Québec par l'extérieur à 82%. Cela veut dire que nous expédions nos produits marins à l'extérieur dans une proportion d'environ 70%; on n'achète même pas nos produits québécois ici, on les achète de l'extérieur à près de 82%, surtout pour les crustacés et les mollusques.

Il n'y a aucune raison pour que la population du Québec n'ait pas un accès plus large aux produits marins de chez nous. Tout ce qu'il faut - et c'est là l'objectif du projet de loi 82 - ce sont des mécanismes qui assureraient à nos 6 500 000 Québécois, nos 6 500 000 consommateurs des approvisionnements réguliers en volume suffisant et dans des marques connues qui puissent inspirer la confiance, étant d'une

qualité élevée et constante. Nos consommateurs ont droit à une alimentation de qualité, variée et, dans toute la mesure du possible, constituée de produits du Québec de sorte que, tout en s'assurant à eux-mêmes le bien-être de la santé, ils contribuent à l'essor économique du Québec. (23 h 20)

Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a prononcé la semaine dernière un discours marquant dans le cadre de la Conférence internationale sur le droit de manger tenue à Montréal. Dans son allocution, il a démontré que le droit de manger, c'est avant tout le droit et même l'obligation pour un peuple de se nourrir par ses propres moyens dans la mesure du possible. Il n'y a pas de dépendance plus lourde à porter ni plus humiliante, lorsqu'on dispose de ressources inutilisées, que la dépendance alimentaire.

Le projet de loi 82 combat la dépendance alimentaire. Il favorise l'avènement de mécanismes de commercialisation qui vont permettre de mieux connecter notre marché et notre industrie des produits marins. Il favorise un développement économique du territoire maritime puisque, comme l'a expliqué le ministre, l'engorgement des marchés internationaux va être tel au cours des prochaines années que seules les industries de la pêche qui peuvent compter sur un important marché national seront prospères. Il favorise enfin la saine alimentation de notre population puisqu'une diète équilibrée doit comporter un certain volume de produits marins de qualité.

Le principe du projet de loi est très simple. C'est le bon vieux principe qui dit que l'union fait la force. La commercialisation des produits marins est une activité compliquée et délicate, compte tenu du caractère très périssable de ces produits et de l'éloignement des zones de pêche par rapport aux marchés. Au Québec, la mise en marché des produits marins est, de plus, handicapée par un grand éparpillement de l'offre, chaque producteur s'occupant de ses propres ventes en l'absence d'une image de marque forte, en l'absence de standardisation des produits et par les difficultés en ce qui a trait à la régularité des approvisionnements.

Quel consommateur est capable de nommer trois marques commerciales dans les produits marins québécois? On pourrait nommer des marques de fromage, parce qu'on y est habitué - pourtant, le poisson est un produit qu'on est habitué de manger aussi - ou des marques de yogourt. Vous allez trouver tout de suite des marques, mais, pour le poisson, on n'est jamais capable de se centraliser sur une marque. On regarde sur nos tablettes: il y a du poisson de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, mais il y a très peu de poisson du Québec.

À tous ces problèmes s'ajoute une grande faiblesse dans chaque usine. Il faudrait absolument que ces usines se regroupent pour faire une mise en marché de leurs produits. Elles pourraient développer des marques de commerce et les faire connaître et apprécier aux Québécois, plutôt que de faire des ventes de fous parce que, individuellement, chaque usine n'a pas les reins assez solides pour assumer les inventaires et écouler sa production graduellement. Un office de commercialisation va permettre une plus grande stabilité des approvisionnements et créer des habitudes de consommation.

Tous ces avantages ne peuvent se concrétiser que si les produits offerts sont de bonne qualité. Là aussi, le regroupement de producteurs de valeur permet de se donner des services communs de contrôle de qualité et un code de discipline qui va faire que celui qui ne satisfait pas aux standards de qualité ne pourra pas utiliser les marques connues. Le regroupement des industriels de la pêche au sein d'offices de commercialisation, que veut favoriser le projet de loi 82, constitue un progrès marquant non seulement pour les pêcheurs et les industriels, mais aussi pour les consommateurs.

Qu'on se rappelle les histoires de pêche où on pensait que nos produits étaient contaminés. On avait de la difficulté avec les exportations. Le consommateur québécois ne voulait à peu près pas en consommer. Il y a même eu une diminution globale de la consommation des produits importés. Si on établit une mise en marché solide, comme le propose le projet de loi 82, je ne vois pas, M. le Président, pourquoi il n'y aurait pas un retour au consommateur des produits qui sont fabriqués ici même au Québec. Comme député de la région de Montréal, pourquoi ne pourrais-je pas aussi publiciser les industries de pêche même si je ne pêche pas dans le comté de Bourassa?

Je voudrais aussi, avant de terminer, offrir mes félicitations au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour avoir présenté devant l'Assemblée nationale un tel projet de loi qui, j'en suis sûr, était attendu depuis des années par les pêcheurs de la Gaspésie et des autres régions afin que la commercialisation se fasse d'abord au Québec avant d'envoyer tous nos produits à l'extérieur et avant de faire venir d'autres produits de l'extérieur prenant la place de ceux du Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, M. le Président. Je

voudrais demander l'ajournement du débat.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée?

Une voix: Adopté.

M. Fréchette: Adopté, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: À la suite de cette motion du député de Maskinongé et conformément à une entente intervenue entre les leaders des deux partis, M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux à demain matin, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

Nos travaux sont ajournés à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 27)

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