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(Dix heures quatre minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Nous allons nous recueillir quelques instants. Veuillez prendre vos places.
Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclaration
ministérielle, ni de présentation de projet de loi, ni de
dépôt de documents.
Modifications concernant
la vérification des engagements
financiers
Au dépôt de rapports de commissions, j'ai le plaisir de
déposer le rapport de la commission de l'Assemblée nationale qui
a siégé hier, le 31 mai 1984, afin d'apporter des modifications
aux règles de fonctionnement des commissions concernant la
vérification des engagements financiers et de discuter de diverses
affaires courantes. Le rapport peut-il être adopté, M. le
Vice-Président de l'Assemblée?
Adoption
M. Jolivet: Permettez-moi, M. le Président, de faire
motion pour qu'on adopte le rapport de la commission de l'Assemblée
nationale.
Le Président: Ce rapport est-il adopté? Des
voix: Adopté.
Le Président: Adopté.
Il n'y a pas de pétition, ce qui nous mène à la
période de questions des députés. M. le
député de Mont-Royal.
Questions et réponses orales
Les propos du premier ministre au sujet de
Nordair
M. Ciaccia: M. le Président, hier, j'ai invité le
premier ministre à répondre sur les divergences de points de vue
entre le ministre des Transports et lui-même quant à l'offre pour
l'achat de Nordair. Le premier ministre a dit que c'était une question
de procédure. Peut-être a-t-il eu le temps de se
préparer.
Mardi, le ministre des Transports avait indiqué qu'il appuyait
l'offre de Innocan pour l'achat de Nordair. Le lendemain, le premier ministre a
indiqué qu'il avait un préjugé favorable et qu'il appuyait
l'offre des Cris. Hier, un communiqué de presse a été
émis par son chef de cabinet, M. Jean-Roch
Boivin, indiquant que le gouvernement appuyait l'offre de Innocan pour
l'achat de Nordair. Comment le premier ministre explique-t-il son changement
d'attitude alors qu'il est venu contredire son propre ministre des Transports
et que le lendemain, son chef de cabinet écrit au ministre
fédéral que le gouvernement appuie l'offre de Innocan?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, ce que j'ai
dit découlait d'une rencontre qu'on avait eue dans le Nord lors d'un
voyage que je faisais il y a quelques jours, une rencontre avec M. Billy
Diamond, le chef du Grand Conseil des Cris, qui m'apprenait certains
changements dans l'attitude des Cris eux-mêmes vis-à-vis d'Air
Ontario. C'est-à-dire qu'ils auraient pris la majorité du nouveau
groupe qu'ils avaient constitué ensemble. Ce que j'ai dit hier,
essentiellement, c'était ceci... On s'est arrangé
immédiatement pour transmettre la nouvelle à Québec - je
cite - "et il a été entendu que le ministre des Transports, qui a
précisément dit que, jusqu'à nouvel ordre, on allait dans
tel sens, va s'empresser de prendre contact, premièrement, avec les
interlocuteurs cris et d'étudier cela et de l'étudier dans un
sens favorable si cela devait confirmer les objectifs essentiels qu'on
connaît qui sont que Nordair reste à Montréal."
Alors, on a étudié, en effet, très rapidement. On a
pris contact et surtout on s'est consulté, ce qui est parfaitement
normal, parce qu'il y avait là un élément nouveau quand
même, et le résultat, en concentré, se trouve dans le
télex qui, sous forme de communiqué, a été
transmis, d'abord, au cabinet du premier ministre fédéral et,
ensuite, transmis aux journaux. Ce télex comporte une phrase que, je
crois, le député de Mont-Royal a oubliée par inadvertance.
Alors, je vais le lire au complet. "Après avoir consulté le
ministre des Transports et le président du Comité
ministériel permanent du développement économique, le
premier ministre Lévesque confirme que le gouvernement du Québec
appuie la proposition faite par Innocan d'acheter Nordair. L'Association des
Cris au groupe ainsi formé serait sûrement souhaitable, mais
devrait intervenir, le cas échéant, après la
décision du cabinet fédéral."
Ce que cela a changé, c'est que, surtout à cause du fait
qu'il n'y aura pas de
déréglementation dans le Nord - donc, il y a un service
qui va continuer d'être assuré de la même façon dans
la partie nordique où les Cris et aussi les Inuits sont
particulièrement intéressés - on a donné une
impulsion à la participation des Cris dans l'éventuelle
transaction ou dans l'éventuel nouveau groupe de Nordair. Ce qui a
d'ailleurs été, heureusement, confirmé par une partie de
la décision fédérale que le député de
Mont-Royal n'ignore sûrement pas et qui est de demander que les Cris
soient impliqués, qu'éventuellement les autochtones du Nord
soient impliqués.
Il nous semble qu'il n'y a rien de plus logique que cela.
Premièrement, Nordair restera solidement enracinée au
Québec. Deuxièmement, une place importante est
réservée pour les autochtones s'ils continuent d'en manifester le
désir. Troisièmement, il faut bien dire une chose: c'est qu'il y
a là, après tant d'efforts, des années d'efforts, de
revendications, de pourparlers, une étape logique qui peut mener, je
crois, à un développement dans le domaine aérien qu'on
avait presque fini d'espérer depuis quelque temps.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je ne comprends pas tout
à fait, je comprends mal l'explication du premier ministre. Le premier
ministre doit sûrement être au courant que Innocan avait
déjà offert aux Cris de participer à l'achat de Nordair
sans la participation d'Air Ontario. Alors, cela n'a rien ajouté.
Le Président: M. le député.
M. Ciaccia: Est-ce que - j'ai arrêté juste en temps
- le premier ministre veut nous dire qu'il ne consulte pas son ministre des
Transports avant de faire une telle déclaration? Le premier ministre
n'est-il pas conscient que ses paroles ont un certain poids parce que c'est le
premier ministre du Québec, et qu'en faisant une telle
déclaration, cela a porté à confusion, cela a pu porter
aussi à de fausses expectatives de la part des Cris? Est-ce que la
position du premier ministre avait pour but d'acheter des votes pour les Cris
pour la prochaine campagne, soit référendaire ou
électorale?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est
vraiment jouir d'une imagination extrêmement fertile. Ce qui est
arrivé, il y quelques jours, c'est qu'aussitôt que j'ai eu cette
conversation très rapide avec M. Diamond, j'ai transmis à
Québec, aux intéressés à commencer par le
ministère des
Transports, du Grand-Nord où nous étions, la nouvelle de
façon qu'on puisse intégrer dans les dernières
réflexions, cette donnée qui avait quand même quelque chose
de nouveau. Pour le reste, le télex d'hier explique, et je ne
recommencerai pas à faire tout le cheminement de nouveau.
Le Président: M. le député de
Brome-Missisquoi.
Des correctifs à Louis-Hippolyte-
Lafontaine et Robert-Giffard
M. Paradis: M. le Président, les coupures
budgétaires imposées par le Parti québécois
continuent de provoquer l'engorgement des salles d'urgence et des
hôpitaux à travers toutes les régions du Québec. Ces
coupures affectent également des centres hospitaliers où sont
hébergés ceux et celles qui sont sans aucun doute les plus
démunis de notre société. Le ministre aura compris qu'il
s'agit des centres hospitaliers Louis-Hippolyte-Lafontaine et
Robert-Giffard.
Récemment, les médias ont fait état de situations
inhumaines et intolérables dans ces centres hospitaliers. Des droits
fondamentaux des bénéficiaires sont ' continuellement
bafoués. Hier le ministre des Affaires sociales s'est engagé
à apporter des correctifs en l'occurrence au centre hospitalier
Louis-Hippolyte-Lafontaine. Ma question au ministre: Quels sont les correctifs
que vous comptez apporter?
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Laurin: M. le Président, le député de
Brome-Missisquoi répète la même cassette malgré les
faits qui viennent le démentir constamment. Je lui répète
encore une fois que c'est le ministère des Affaires sociales qui a le
plus gros budget cette année, 7 100 000 000 $. Une augmentation de 6,5%,
alors que les autres ministères augmentent beaucoup moins, que nous
avons un plan de développement de 180 000 000 $ d'immobilisations, de 54
000 000 $ de développement, qu'il y a énormément
d'augmentations qui ont été apportées, que les coupures,
les compressions pour cette année ne portent que sur trois
dixièmes pour cent du budget total des hôpitaux. Il faut le lui
répéter mais j'espère que la population comprendra qu'on
ne fait ici que de la démagogie.
En ce qui concerne Louis-Hippolyte-Lafontaine, j'ai dit que nous avons
pris nos responsabilités. Nous avons commandé
immédiatement un rapport d'enquête que nous avons maintenant en
notre possession, que nous étudions, qui a été transmis au
CRSSS de Montréal, comme la loi nous le
demande. Le CRSSS doit nous faire parvenir rapidement ses avis, ses
recommandations et dès que nous les aurons en main nous
procéderons aux correctifs nécessaires. J'ai assuré hier
le député et la population que dès que nous aurons en
main, dès que nous connaîtrons ces avis et recommandations -et on
peut se douter, connaissant déjà les recommandations
passées du CRSSS, dans quel sens ils iront - nous prendrons des
décisions rapides et appropriées pour que particulièrement
les plus démunis de la société, c'est-à-dire les
déficients mentaux et les personnes âgées, puissent
recevoir les traitements humains, décents, adéquats, modernes,
scientifiques dont ils ont besoin comme tous les autres citoyens de la
société qui ont des affections dont ils souffrent. Le moment
viendra quand nous aurons en main tous les éléments, M. le
Président.
Le Président: M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le Président, le 21 mai 1984, soit le 21
mai dernier, un rapport de la commission d'enquête sur la qualité
de l'administration du fonctionnement de l'hôpital
Louis-Hippolyte-Lafontaine était produit. Est-ce que le ministre des
Affaires sociales a soumis ce rapport au Conseil des ministres?
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Laurin: M. le Président, comme je viens de le dire, je
le répète, avant d'aller au Conseil des ministres avec un projet,
il faut avoir le dossier complet et, comme je l'ai dit aussi, lorsque nous
aurons en main tous les éléments du dossier, nous prendrons les
décisions. Le Conseil des ministres, au besoin, donnera son appui aux
propositions que nous ferons mais, encore une fois, il faut attendre que nous
ayons en main tous les éléments du dossier.
Le Président: M. le député de
Brome-Missisquoi suivi de Mme la députée de Maisonneuve.
M. Paradis: N'est-il pas exact, M. le ministre, que votre
ministère a reçu dès 1978 un rapport sur la situation
à Louis-Hippolyte-Lafontaine, que votre prédécesseur a
créé un comité tripartite sur le fonctionnement de
Louis-Hippolyte-Lafontaine en 1980, que vous avez reçu de
Louis-Hippolyte-Lafontaine un autre rapport en 1983? Est-ce que vous allez
faire avec le présent rapport ce que vous avez fait avec les
précédents, soit le "tabletter" et laisser souffrir les plus
démunis de la société?
Le Président: M. le ministre des
Affaires sociales.
M. Laurin: M. le Président, ce sont des faits bien connus.
Il y a eu plusieurs études internes et externes sur la situation de
Louis-Hippolyte-Lafontaine, le conseil régional de santé et des
services sociaux a déjà participé à des
comités, il y a eu des études à l'intérieur de
l'hôpital sur le devenir de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine.
Mais justement, ces efforts n'ont abouti que partiellement. C'est une des
raisons pour lesquelles j'ai demandé une enquête publique sur les
allégations qui avaient été faites récemment. C'est
justement parce que ces enquêtes ou ces études n'ont pas abouti
qu'il revient maintenant au gouvernement, une fois qu'il aura en main les
éléments suffisants, de prendre des décisions qui iront au
fond des choses et qui régleront une fois pour toutes le problème
qui nous est soumis.
Le Président: Une question complémentaire, Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le ministre des Affaires sociales, j'aimerais vous
demander si vous considérez comme prioritaire une des recommandations
contenues dans le rapport d'enquête de décentraliser les services
de psychiatrie externes dans les différents quartiers desservis par
l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine. À ce titre, j'aimerais
savoir si, parmi justement ces priorités qui pourront être
retenues, il y a la réouverture du service externe de psychiatrie qui
était offert à la population de Hochelaga-Maisonneuve dans les
locaux du CLSC et qui ne l'est plus depuis bientôt trois ans. Est-ce
qu'on peut compter que la population de Hochelaga-Maisonneuve va pouvoir
bénéficier à nouveau de services de psychiatrie externes
facilement accessibles à la population?
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Laurin: M. le Président, c'est là en effet une
des constatations et recommandations du rapport. On constate que la
sectorisation qui s'impose maintenant pour le traitement des malades
psychiatriques n'a été suivie que partiellement au centre
Louis-Hippolyte-Lafontaine et surtout que ses cliniques externes de secteur qui
préférablement devraient être situées en pleine
communauté dans le milieu qu'elles doivent desservir étaient pour
la plupart d'entre elles situées à l'intérieur des locaux
de l'hôpital avec certains inconvénients que la commission
d'enquête a bien mis en lumière. Lorsque le dossier sera complet,
comme je viens de le dire, ce sera sûrement là une des voies de
solution que nous prendrons et je ne doute pas qu'il sera
nécessaire de réinstaurer dans les secteurs
eux-mêmes ces cliniques qui ont pour but de répondre
immédiatement et de la façon la plus appropriée possible
aux patients qui souffrent de maladie mentale, soit à leur début
ou lorsqu'ils se présentent en état de crise.
Le Président: M. le député de Mont-Royal,
question principale.
La signalisation unilingue française aux
sorties des autoroutes
M. Ciaccia: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Transports. Il était ici il y a quelques instants. Il est
là? Merci.
Mercredi, en réponse à une question du
député de Gatineau qui lui demandait s'il n'était pas
conscient du danger que pourrait comporter une affiche installée dans le
sens inverse de la circulation sur une sortie d'autoroute et qui se lit
"Reculez", pour une personne inhabile à lire le français, le
ministre des Transports, et je dis bien le ministre des Transports, disait, et
je cite le journal des Débats: "Quand le député de
Gatineau dit qu'il y a des affiches qui disent "Reculez", je n'en ai jamais vu
au Québec des affiches qui disent "Reculez". Ce n'est pas cela qu'on
utilise." Le ministre n'a-t-il jamais vu au Québec une affiche comme
celle-ci? N'en avez-vous jamais vu? (10 h 20)
Le Président: M. le député, il y a un rappel
au règlement de la part du leader du gouvernement.
M. Bédard: M. le Président, je soulève une
question de règlement ou de demande de directive en vertu de notre
règlement. Je comprends que le député qui pose la question
veut se rendre le plus convaincant possible et il réussit à
l'être aussi, je pense. Je pose simplement la question: Jusqu'à
quel point l'Assemblée nationale peut-elle être une place
où on utilise, en fait, les moyens qu'utilise le député?
Autrement, cela peut devenir très rapidement une foire parce que, de
part et d'autre, il y a toutes sortes de manières d'essayer de prouver
son point de vue. Il me semble que c'est plutôt par des questions et des
réponses.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, sur la question de
règlement soulevée par le leader du gouvernement, sans doute
qu'il conviendra que quand on pose une question au ministre des Transports sur
l'effet que peut avoir une affiche - il est responsable de l'application du
Code de la sécurité routière - et que le ministre des
Transports répond qu'il n'a jamais vu un tel panneau...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: ...eh bien, on prend les moyens qu'il faut pour lui
faire comprendre.
Le Président: C'était un appel au règlement.
Donc, il est nettement préférable et plus utile pour le
président quand le leader plaide sur le fond de la question plutôt
que de profiter de leur intervention pour faire une intervention.
M. Bédard: M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bédard: Très respectueusement pour mon
collègue leader de l'Opposition, je ne crois pas que son argumentation
soit très forte parce qu'il y a toutes sortes de manières de
convaincre un collègue que quelque chose existe ou non. Ici, à
l'Assemblée nationale, je pense que la parole appartient à
n'importe qui pour faire valoir son point de vue. M. le Président, s'il
fallait employer l'argumentation du leader de l'Opposition... Ce n'est pas
parce que c'est le ministre des Transports qu'on peut apporter des affiches de
circulation ici. Demain matin, est-ce qu'on va amener un camion?
Peut-être une autoroute à un moment donné qui n'est pas
faite ou qui devrait être continuée. Je ne crois pas que
l'argumentation soit sérieuse.
M. Gratton: M. le Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: Sur le fond de la question de règlement, M. le
Président, je vous signale qu'il n'y a aucune disposition dans nos
règles de pratique qui interdise au député de Mont-Royal
d'exhiber un document.
M. Bédard: M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bédard: II y a quand même des dispositions
très claires et, je dirais, presque une tradition que l'Assemblée
nationale n'est pas un endroit pour faire de la réclame comme des
compagnies de savon avec des affiches. Comme je le disais tout à
l'heure, c'est pour cela que... J'ai laissé le leader de l'Opposition
s'exprimer. Est-ce qu'on peut s'exprimer de ce côté-ci? J'en
faisais une question de directive, M. le Président, parce que je pense
que dans ce domaine il faut
être d'une certaine prudence parce que s'il y a certains
précédents qui s'établissent, jusqu'où pourront-ils
aller? Je crois que c'est une question très sensée qu'il faut se
poser.
M. Dupré: Question complémentaire.
Le Président: Sur le rappel au règlement et la
demande de directive en même temps. Je vais la prendre en
délibéré tout en signalant que depuis l'avènement
de la radiotélévision des débats, on a tranquillement
commencé à développer une pratique heureuse ou
malheureuse, en vertu de laquelle des députés viennent en Chambre
et, avec des tableaux faits à l'avance, de part et d'autre... C'est une
question qu'il faudrait que vous posiez et il se peut, en effet, à un
moment, que cela contrevienne singulièrement au décorum de
l'Assemblée nationale. Quoi qu'il en soit, je la prends en
délibéré. M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Sûrement que le premier ministre a vu ce
panneau dans le dossier d'Innocan.
Le Président: M. le député de Mont-Royal,
avez-vous toujours une question? Avant de poser une question
complémentaire, il faut terminer la première question.
M. Bédard: ...de l'Opposition et la continuité dans
la banalité.
Le Président: II y a eu un rappel au règlement en
cours de question. M. le député de Saint-Hyacinthe s'était
levé bien avant. En complémentaire, M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: En complémentaire au ministre de la
Justice, M. le Président. Est-ce qu'un citoyen, même un
député, peut subtiliser un panneau du ministère des
Transports, et à quelle fin? Même si on sait que le rouge,
déjà, ça fait peur, est-ce qu'ils ont le droit
d'apporter...
Le Président: Si le ministre de la Justice veut
répondre, je n'ai pas d'objection, je vous signale que vous lui demandez
presque une opinion professionnelle. M. le ministre de la Justice.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si je comprends bien,
le député de Saint-Hyacinthe laisse entendre qu'il y a
peut-être matière à évaluation de la provenance de
cette chose et du contexte dans lequel cela a été fait. Nous
allons évaluer la chose.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: Vous me permettrez de dire, M. le Président,
qu'on doute qu'il y ait une enquête publique là-dessus. Le
gouvernement n'est pas très friand d'enquêtes.
La question du député de Mont-Royal visait à savoir
si le ministre des Transports avait déjà vu l'affiche dont on lui
parlait mardi dernier. S'il ne l'avait pas vue avant ce matin, il sait
maintenant de quoi on parle. Dans ce contexte, pourrait-il nous dire s'il
considère qu'une telle affiche unilingue installée de
façon à être lisible par un automobiliste seulement
après qu'il s'est engagé en sens inverse à la circulation
sur une sortie...
Le Président: On ne fera quand même pas des
modifications au mobilier de l'Assemblée nationale en pleine
période de questions. Voulez-vous retirer le panneau en question... M.
le leader de l'Opposition. À l'ordre!
M. Gratton: M. le Président, si le leader du gouvernement
voulait écouter ma question, il verrait qu'il y a une profondeur, en
effet. Il y a 490 personnes qui se sont engagées en sens inverse sur une
sortie d'autoroute, et il y en a une qui s'est tuée dans un accident il
y a deux ans.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Ma question complémentaire, je la reprends, M.
le Président.
Le Président: Oui, allez-y.
M. Gratton: Est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il
considère qu'une telle affiche unilingue installée de
façon à être lisible par un automobiliste seulement
après qu'il s'est engagé en sens inverse à la direction de
la circulation sur une sortie d'autoroute ne constitue pas un danger public
quand l'automobiliste est inhabile à lire le français? En
l'occurrence, entend-il, comme le ministre des Communautés culturelles
et de l'Immigration l'a suggéré, assurer qu'à l'avenir ces
affiches soient bilingues là où elles sont installées?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: M. le Président, par rapport à
l'affiche elle-même, je ne peux quand même pas dire que j'ai vu une
affiche lorsque je ne l'ai pas vue. Je dois dire là-dessus - je pense
que j'ai un bon chauffeur -que depuis longtemps je me conforme aux directives
du premier ministre de ne pas conduire moi-même ma voiture. Je comprends
une chose, M. le Président, c'est que ce soient les gens de l'Opposition
qui aient vu cette affiche les premiers. C'est
bien leur habitude de s'engager en sens inverse dans un sens unique.
M. le Président, sur la question qui est posée par le
député de Gatineau - je comprends qu'il l'ait vue le premier
cette affiche - je me suis engagé à l'Assemblée nationale
mercredi à faire déposer un rapport par mon ministère. Ce
rapport a été demandé et lorsqu'il sera prêt je le
déposerai. (10 h 30)
Par ailleurs, je dois dire que nous avons quand même l'habitude de
voir des pictogrammes dans le paysage et parfois il y a des mots
là-dessus. Il faut s'attendre à en voir en français ici au
Québec - cela me paraît bien clair - comme nous en voyons en
anglais en Ontario ou aux États-Unis. Les Québécois
respectent les signaux de signalisation. J'attends ce rapport de mon
ministère et les recommandations qui en découleront. Quant
à moi, il reste que la loi 101 s'applique au Québec autant sur
les routes qu'ailleurs au Québec.
Le Président: M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Est-ce que je pourrais signaler au ministre, M. le
Président, qu'en Ontario...
Le Président: Cette question-ci a donné lieu
à suffisamment de bris du règlement. La question, en
complémentaire.
M. Gratton: Est-ce que le ministre est au courant, M. le
Président, que la situation ne se présente pas en Ontario parce
qu'ils n'ont pas une disposition dans leur Code de la route qui est celle de
l'article 287 de notre Code de la sécurité routière et qui
exige qu'on installe de telles affiches pour ne pas déroger à
l'article 286 qui interdit la marche arrière sur des routes à
accès limité? Est-ce que le ministre est au courant de cela?
Est-ce qu'il a besoin d'un rapport? Est-ce qu'il attendra que 500 autres
personnes s'engagent en sens inverse dans une seule sortie de l'autoroute
Ville-Marie? Est-ce qu'il attendra, M. le Président, que d'autres
accidents se produisent avant d'agir comme son collègue des
Communautés culturelles et de l'Immigration a déjà
indiqué publiquement qu'on devait le faire?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: M. le Président, nous faisons tous les
efforts nécessaires pour assurer le maximum de sécurité
sur les routes. Mes prédécesseurs l'ont fait et nous allons
continuer à le faire. Nous savons d'ailleurs que c'est une des
priorités à laquelle il faut s'attaquer comme nous avions
commencé à le faire parce que c'est une source de catastrophes
humaines et un fardeau financier important pour la société qu'il
y ait autant d'accidents d'automobiles. Donc, nous prenons toutes les mesures
pour améliorer la sécurité et éviter les accidents.
M. le Président, je pense qu'il faut quand même faire un minimum
de distinctions. Ce n'est pas parce qu'il y a un panneau en français
qu'il y aura moins ou plus d'accidents. Je pense que c'est l'endroit où
peut être apposé un pictogramme. Quelle est la forme de la route?
Je pense que cela fait partie du dossier; je pense qu'on ne doit pas ramener
tout cela à un mot français ou non français parce qu'il se
pourrait très bien que même avec des mots bilingues il y ait
encore des accidents, malheureusement.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Vachon.
M. Payne: Pour essayer de montrer du sérieux dans un
débat important, malgré les folies de l'Opposition, est-ce qu'on
peut conclure, est-ce qu'on veut insinuer que ce sont exclusivement des
anglophones unilingues qui ont perdu la vie, parmi les 500 dont on parle? Ma
question s'adresse au ministre des Transports.
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: Le député de Vachon ne peut quand
même pas me faire dire ce que je n'ai pas dit. Je n'ai jamais
parlé de 500 personnes tuées; j'ai parlé de gens qui
s'engageaient dans une voie à sens inverse.
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: M. le Président, je n'ai aucune
indication sur les gens eux-mêmes. Tant que je n'aurai pas reçu le
rapport, je ne sais pas si cela sera inclus dans le rapport. À l'heure
actuelle je n'ai pas les indications pour répondre à une telle
question.
Le Président: Question principale, M. le
député de Groulx.
La réglementation du camionnage
M. Fallu: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Transports mais sur un tout autre sujet. Il s'agit de la
déréglementation du camionnage. On sait que depuis quelques temps
a soufflé sur les États-Unis un véritable vent de
déréglementation qui s'est d'ailleurs transmuté
au-delà des frontières, notamment
dans l'Ouest. Un certain nombre de provinces ont
déréglementé complètement les permis, les ligues et
la tarification.
Hier, se tenait à Ottawa une conférence des ministres du
Transport. Ce matin, le ministre fédéral des Transports laisse
entendre qu'il s'attend à une entente interprovinciale sur la
déréglementation. On sait que la situation du Québec est
un peu particulière à cause, notamment, de son étendue,
des traditions, de l'existence de la Commission des transports qui,
dernièrement, a été rénovée.
J'aimerais savoir du ministre quelle position le Québec a tenue
lors de cette conférence?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: M. le Président, il me fait plaisir de
répondre à cette question parce que je crois qu'il est important
de rectifier un certain nombre d'informations qui ont circulé sur le
sujet et qui réapparaissent pas tout à fait exactes. Il y avait
quatre positions exprimées; l'une que le gouvernement
fédéral prenne ou reprenne toute la réglementation et
l'abolisse a son gré, s'il le jugeait nécessaire, en particulier
en ce qui touche le transport extraprovincial; une autre, que les provinces
déréglementent l'ensemble du système, surtout à
l'intérieur. Les deux autres propositions visent à continuer
à faire de la réglementation, à contrôler et
coordonner la réglementation sur le transport des marchandises.
Je pense qu'il est important de dire que nous en sommes venus à
un accord, toutes les provinces et le fédéral, sur le point
suivant: il faut prendre immédiatement des mesures pour effectuer une
réforme réglementaire dans l'industrie du camionnage. La
réglementation va donc continuer. C'est important que tout le monde
sache qu'il y aura toujours de la réglementation. Mais nous avons
convenu qu'il s'agissait d'assouplir, d'uniformiser le plus possible. Dans ce
contexte, un comité travaille et il a déjà fait un rapport
d'étape hier au Conseil des ministres des Transports de toutes les
provinces ainsi qu'au ministre fédéral. Ce comité nous
fera rapport - après ce rapport d'étape qui a été
fait hier - au mois de septembre. Nous serons alors probablement en mesure de
prendre une position définitive là-desssus. Fondamentalement, la
réglementation reste, sauf que nous voulons l'assouplir.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Groulx.
M. Fallu: Le ministre peut-il assurer le monde du camionnage que,
dorénavant, et pour le temps qu'il faudra, des notions fondamentales
comme les permis, lignes et tarifs seront en vigueur au Québec?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: Oui, mais tout cela va continuer. Il y aura
des taux, disons une réglementation, sur l'accès à
différents domaines du transport des marchandises. C'est justement
là-dessus que le comité travaille. Je pense donc qu'il
conviendrait de rassurer les camionneurs là-dessus. Par ailleurs, il est
important de noter que la réglementation dans le domaine du transport
des marchandises va rester sous la juridiction des provinces; elle ne sera pas
sous celle du fédéral.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Le ministre peut-il nous assurer que, s'il veut
assouplir la réglementation, ou la changer il va le faire ouvertement en
consultant les parties et non pas en cachette en prenant des mesures, par
exemple, comme transférer les agents de sécurité à
la Sûreté du Québec, sans donner de pouvoirs
adéquats à la Commission des transports du Québec?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: M. le Président, lorsque nous avons
fait des modifications dans la réglementation sur le camionnage, cela a
été après consultation des intéressés en la
matière. Cette consultation continue, M. le Président.
Quant au point que soulève le député, les
modifications qui sont apportées le sont à la satisfaction des
intervenants et des intéressés. Dans différents domaines,
on pourrait donner des exemples, mais au sujet du transfert des inspecteurs
à la Sûreté du Québec ou de cette juridiction au
ministère de la Justice, je dois dire que jusqu'à il y a quelques
semaines il n'y avait pas eu de plaintes à ce sujet et qu'il y avait un
très haut degré de satisfaction.
Le Président: M. le député de
Maskinongé. (10 h 40)
La création d'emplois dans le secteur
agricole
M. Picotte: Merci, M. le Président. Je suis très
heureux de constater que mon collègue, le député de
Saint-Hyacinthe a une belle cravate rouge ce matin.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu. J'aimerais savoir si elle
parle souvent, à son ministère, de relance et de
création d'emplois. J'aimerais savoir s'il existe à son
ministère un programme destiné spécifiquement à la
création d'emplois dans le domaine agricole.
Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Mme Marois: Non, M. le Président. De toute façon,
il n'a jamais existé directement à mon ministère de
programmes de cet ordre. Ce que mon ministère a eu comme
responsabilité dans le passé à l'égard des
programmes d'aide à l'emploi dans des aspects sectoriels, qu'il s'agisse
de l'agriculture ou qu'il s'agisse d'autres secteurs, nous dégageons des
masses à même les crédits reliés à l'emploi,
mais ce sont les ministères sectoriels concernés qui s'assurent
de la gérance de ces programmes puisqu'il va de soi que ce sont eux qui
connaissent davantage les clientèles et les besoins.
M. Picotte: M. le Président.
Le Président: M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: L'an dernier, son prédécesseur m'avait
confirmé qu'effectivement, à la suite d'une question que je
posais au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation,
son ministère, la Main-d'Oeuvre et la Sécurité du revenu,
avait une politique de création d'emplois dans le domaine agricole.
Votre collègue, le ministre de l'Agriculture, a-t-il fait des pressions
cette année auprès de vous pour qu'on ait, chez vous, un
programme de création d'emplois pour la main-d'oeuvre agricole?
Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Mme Marois: Nous avions effectivement dégagé, M. le
Président, dans les dernières années - les deux
années qui viennent de s'écouler - un certain nombre de
crédits pour l'aide à l'emploi temporaire, dont on a d'ailleurs
largement parlé ici. Nous avons réorienté l'ensemble des
programmes d'aide à l'emploi. Nous avons fait des efforts assez
clairement identifiés à l'égard du plan de relance, de
sorte que des mesures privilégiées puissent favoriser l'emploi
permanent. Effectivement, nous avons eu des discussions, mon collègue,
le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et
moi-même, concernant un de ces programmes qui était dans le
secteur agricole. Cependant, de la même façon que l'ensemble des
autres programmes d'aide à l'emploi temporaire ont été
remis en cause pour une réorientation majeure à cet égard,
celui-ci était aussi concerné.
M. Vallières: Question additionnelle, M. le
Président...
Le Président: M. le député de Richmond.
M. Vallières: ...au ministre de l'Agriculture. Compte tenu
des pressions qui sont faites actuellement dans tous les secteurs du domaine
agricole afin que le programme "Agri-Travail" soit reconduit, le ministre
peut-il prendre l'engagement aujourd'hui en cette Chambre de répondre
à ces gens, d'abord, et de tenir compte de leurs revendications? Compte
tenu qu'il s'agit d'embauche d'employés à titre saisonnier
seulement, peut-il donner l'assurance à cette Chambre que s'il met en
vigueur un programme, ce sera suffisamment tôt pour que, dès cet
été, les agriculteurs du Québec puissent s'en
prévaloir?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Oui, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation pourrait-il me dire exactement, pour que les agriculteurs
sachent à quoi s'en tenir, à quelle date son programme
"Agri-Travail" va commencer et à quel moment les formulaires seront
disponibles dans les bureaux locaux du ministère de l'Agriculture?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, ce n'est pas sur cela que j'ai
répondu. Ce n'était pas la question du député de
Richmond. Le député de Richmond m'a demandé, s'il y avait
un programme, si on l'annoncerait suffisamment tôt. Il n'a pas
demandé s'il y en aurait un. Je peux vous dire une chose; cela ne
dépend pas du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation qu'il y ait un programme de main-d'oeuvre agricole ou non. Je
pense qu'il faut s'en remettre à la réponse de la ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui a clairement
répondu pour l'ensemble du gouvernement.
M. Vallières: M. le Président.
Le Président: M. le député de Richmond.
M. Vallières: Le ministre sera-t-il aussi clair dans sa
deuxième réponse et nous dira-t-il que non? Dites-vous que non,
le programme "Agri-Travail" ne sera pas reconduit cette année, afin que
les nombreux députés et les électeurs du comté le
sachent?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, le ministre de l'Agriculture a
depuis longtemps pour devise que le succès est le fruit du dernier
essai.
M. Picotte: M. le Président, une dernière question
additionnelle à la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Je crois comprendre que son collègue
de l'Agriculture lui dit que cela dépend d'elle si, effectivement, il
n'y a pas de programme. Avez-vous l'intention de proposer un programme d'emploi
pour les agriculteurs et à quelle date avez-vous l'intention de mettre
en vigueur ce programme?
Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Mme Marois: Je voudrais corriger l'intervention que vient de
faire mon collègue, le député de Maskinongé. Je
pense que mon collègue, le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation a bien dit qu'il s'agissait d'une
orientation gouvernementale qui, effectivement, a réorienté
l'ensemble des programmes d'aide à l'emploi vers de l'aide à
l'emploi permanent.
Le Président: M. le député de
Maskinongé, dernière question additionnelle.
M. Picotte: M. le Président, est-ce qu'il y aurait
possibilité de faire revenir le premier ministre? Il était ici au
début de la période de questions. J'aimerais lui poser une
question à ce sujet puisque cela ne semble dépendre de
personne...
Le Président: M. le leader du gouvernement, on souhaite
poser une question au premier ministre.
M. Bédard: M. le Président, je crois qu'une note a
été envoyée au leader de l'Opposition l'informant que le
premier ministre devait s'absenter à 10 h 30. Il a trouvé le
moyen d'être présent ici dès le début de la
période de questions. Je pense que cela se comprend.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: Oui, je m'excuse auprès de mon collègue
de Maskinongé parce que je ne l'ai pas averti. Effectivement, j'ai
été avisé. Je vous ferai remarquer, cependant, M. le
Président, que la période de questions n'est pas terminée
et qu'il y a seulement sept ministres au grand total qui sont actuellement
présents. On m'a averti que seul le premier ministre ne serait pas
ici.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bédard: M. le Président, il y avait au moins
quatorze, quinze ministres. Déjà, il y en a neuf ou dix qui sont
présents. Non, mais il y en avait au moins quatorze ou quinze.
Même si c'est vendredi matin. Quand on regarde le nombre de ministres
présents de ce côté-ci avec le nombre de
députés de l'Opposition qui sont présents, on n'a pas de
leçon à recevoir.
Le Président: M. le député de
Maskinongé, dernière question complémentaire.
M. Picotte: Dans ce cas-là, comme j'ai eu la
réponse de deux ministres qu'il n'y aurait pas de programme
"Agri-Travail", cette année, pour les agriculteurs, j'aimerais demander
au vice-premier ministre de me répondre. Est-ce que vous entendez faire
les pressions nécessaires auprès du premier ministre et de vos
collègues pour qu'il y ait un programme "Agri-Travail", puisque cela ne
dépend de personne à part du gouvernement péquiste, s'il
n'y a pas de programme d'emplois pour les agriculteurs au Québec?
Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Mme Marois: M. le Président, il me semblait que les
réponses que nous avions données étaient très
claires, que, dans l'ensemble des programmes d'aide à l'emploi, il y
avait eu une réorientation majeure. J'ai discuté effectivement
avec mon collègue, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation, en ce qui a trait à des programmes possibles d'aide
à l'emploi dans le domaine agricole. Ce dernier a d'ailleurs fort bien
répondu en disant que, si jamais ces programmes devaient exister, il en
aviserait les personnes concernées au moment voulu. Merci, M. le
Président.
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Ma question principale s'adresse au premier
ministre.
M. Bédard: M. le Président, vous êtes en
mesure...
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bédard: Question de règlement. Vous êtes
en mesure de voir la tactique, que j'appelle déloyale, de l'Opposition
de poser, à ce moment-ci, une question au premier ministre, alors que le
premier ministre a pris la peine d'être présent au début de
la période de questions, d'informer l'Opposition qu'il devait s'absenter
vers 10 h 30. Le leader de l'Opposition a dit tout à l'heure qu'il
était effectivement au courant. On persiste quand même à
poser des questions alors qu'il y a pas moins d'une dizaine de ministres qui
sont présents ici. Jamais je ne croirai que vous n'avez pas d'autres
préoccupations concernant d'autres secteurs d'activité...
Le Président: C'est bien! Bien!
M. Bédard: Le ministre des Affaires municipales, le
ministre de l'Éducation...
Le Président: M. le leader du gouvernement...
Dernière question principale, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: M. le Président, la question que je veux poser
relève directement de la responsabilité du premier ministre.
Est-ce qu'on peut s'attendre que le premier ministre sera possiblement ici la
semaine prochaine pour une période de questions?
Des voix: Ah! Ah!
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bédard: M. le Président, je me rappelle
très bien de l'époque où le premier ministre était
un dénommé Robert Bourassa. Je peux vous assurer que
l'assiduité du premier ministre du Québec, à l'heure
actuelle, est facilement comparable à celle du premier ministre
Bourassa, dans le temps.
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Sur une question de règlement, M. le
leader de l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, il me semble que...
Le Président: À l'ordre! À l'ordre!
Une voix: Vous n'avez pas de question à poser...
Le Président: À l'ordre! Il reste une minute
à la période de questions, peut-on la passer dans le calme. M. le
leader de l'Opposition.
M. Gratton: Sur un rappel au règlement, M. le
Président, je voudrais indiquer que la décision de faire
siéger l'Assemblée nationale, le vendredi matin est une
décision du gouvernement et que le ministre, qui nous reproche de ne pas
poser de questions à ceux des ministres qui s'adonnent à
être ici, n'a rien à voir avec les questions de règlement
qu'il a soulevées tantôt. Quant à nous, on veut bien se
plier à la décision du gouvernement de siéger le vendredi,
mais on ne voudrait pas être limité dans le type, les sujets et le
nombre de questions qu'on pose. (10 h 50)
Le Président: Je vois mal encore... Votre appel est un
appel au règlement. M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce a posé une question à quelqu'un du
gouvernement sur la présence du premier ministre la semaine prochaine,
le leader du gouvernement a donné la réponse qu'il voulait donner
et la période des questions est terminée.
Deux ministres m'ont fait part, au cours de la période des
questions, qu'ils souhaitaient, si possible, apporter un complément de
réponse. Je leur ai signalé qu'il fallait pour cela avoir le
consentement de la Chambre. Il s'agit du ministre de l'Énergie et des
Ressources et du ministre de l'Habitation et de la Protection du
consommateur.
Y a-t-il consentement à ces compléments de
réponse?
Une voix: Oui.
Le Président: Bien. M. le ministre de l'Énergie et
des Ressources.
Une voix: Ce sont deux bons ministres.
REXFOR et l'usine Les panneaux de la
Vallée
M. Duhaime: Au sujet d'une question posée hier par le
député d'Outremont concernant l'entreprise PANVAL, les panneaux
de la Vallée, je rappellerais essentiellement que l'entente
prévue entre les deux actionnaires, c'est-à-dire Proforêt
et Kunz, prévoit une participation de 60% et 40% tant dans les
dépenses capitales que dans les pertes ou dans les profits de
fonctionnement. REXFOR n'assume aucune responsabilité autre que sa
participation à 60%. Même chose pour Kunz à 40%. Lorsque
l'un des partenaires décidera de ne pas avancer son prorata pour combler
les pertes de fonctionnement, sa part comme actionnaire ou son prorata pourra
être dilué en faveur de son partenaire ou d'un autre. À ce
jour, REXFOR n'a versé aucun dollar à ce chapitre.
Le Président: M. le député d'Outremont.
M. Fortier: La question que je posais en était une
d'économie en général. Est-ce qu'il est normal - je le
demande au ministre - qu'une société qui possède,
d'après lui, 60% - je croyais que c'était 40% des actions -assume
éventuellement la totalité des déficits de fonctionnement
pendant trois ans? Dans ce cas, si ce n'est pas une procédure normale
dans le monde des affaires, est-ce que cela ne met pas
précisément cette société en position de
concurrencer d'une façon différente de celle des autres
sociétés qui oeuvrent dans le même milieu? La question
avait trait à la possibilité pour cette société de
se retrouver éventuellement avec des déficits de fonctionnement
considérables qui seraient assumés par le gouvernement,
éventuellement.
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: Je regrette, M. le Président, mais le
député d'Outremont ne comprend strictement rien. L'entente existe
entre Kunz, qui possède 60% des actions et qui a avancé 60% du
capital, et Proforêt, une filiale à 100% de REXFOR pour 40%.
Lorsqu'il y a eu un dépassement au niveau de la construction, dont le
coût était prévu à 73 000 000 $, les partenaires ont
avancé 60-40. Le dépassement de 7 000 000 $ a également
été comblé par les partenaires sur la base 60-40. Je pense
que le député d'Outremont a certainement rencontré des
compétiteurs ou des concurrents de PANVAL au cours de ses petites
tournées régionales car il est revenu ici, en Chambre, avec de
mauvaises informations.
S'il y a des pertes au "compte d'opérations" de PANVAL, les
actionnaires vont les combler suivant le prorata. Ce que Kunz d'Allemagne a
demandé, parce que c'est un nouveau venu sur ce continent et qu'il y
avait, pour eux, une précaution à prendre, c'était de
risquer la perte de contrôle dans le sens suivant: si Kunz
décidait de ne pas combler ou de ne pas apporter son prorata aux pertes
de fonctionnement de l'entreprise pour une année financière
donnée, Kunz, automatiquement, accepte de diluer ses 60% vers 52%, 53%,
54% ou même éventuellement 49%, allant même jusqu'à
une perte de contrôle. Je ne connais pas beaucoup de partenaires, dans ce
genre d'entreprise, qui vont oeuvrer dans le sens de laisser aller une
participation majoritaire vers une participation minoritaire.
Je réponds également à ce qui me paraît un
peu farfelu autant dans un article de journal et répété en
plus par un député de l'Opposition à l'Assemblée
nationale, qu'une entreprise de ce genre pratique du dumping. On aura
l'occasion, la semaine prochaine, en commission parlementaire, de
démontrer non seulement le contraire, mais de démontrer que les
renseignements qui ont été donnés au député
d'Outremont sont faux, puisque des gens du secteur privé qui font
concurrence à PANVAL vendent jusqu'à 20% en bas de leur
coût de production. Cela s'appelle du "dumping".
Le Président: M. le ministre de l'Habitation et de la
Protection du consommateur.
L'embauche d'étudiants en architecture à
la SHQ
M. Tardif: Oui, M. le Président. Hier, le
député de Pontiac me posait la question sur le programme
"Êquerre" et relevait, disait-il, un achalandage élevé dans
le nombre d'appels et dans le traitement des demandes.
J'ai demandé un rapport hier, comme je m'y étais
engagé, et, effectivement, au 30 mai, plus de 50 000 appels avaient
été reçus de la part de citoyens et 10 000 demandes
étaient entrées impliquant plus de 15 000 logements.
Pour gérer ce volume de demandes, le personnel consacré
à ce programme a été porté de 18 à 45
personnes-année occasionnelles et nous avons eu recours, dès que
la phase d'inspection s'est imposée, à 78 inspecteurs. Ces 78
inspecteurs proviennent, pour 44 d'entre eux, de fonctionnaires
empruntés à la Direction générale de l'inspection
et à la Société d'habitation du Québec et 34 sont
des contractuels, dont 2 proviennent de contrats signés avec des
municipalités, 3 avec des GRT et 3 avec des firmes privées. Parmi
le personnel occasionnel et les étudiants - ce qui semblait
préoccuper le député - on me dit que parmi les
étudiants déjà embauchés à la fin de
l'année scolaire, quatre ont une formation en informatique, sept ont une
formation en administration, deux une formation en architecture, un en
génie civil et il y en aurait huit autres en voie de recrutement
présentement, plus particulièrement, me dit-on, dans les
disciplines mentionnées. Voilà essentiellement les ressources
qu'il a fallu mettre en oeuvre pour rendre opérationnel ce programme
qui, en moins de trois mois, a ouvert plus de 3000 chantiers au
Québec.
Le Président: M. le député de Pontiac.
M. Middlemiss: Il semblerait que le ministre n'ait pas
entièrement compris ma question d'hier. Dans sa réponse du 17 mai
dernier, il disait que, pour résoudre le problème et
accélérer le traitement des demandes, on attendait la fin des
classes
pour embaucher des étudiants en architecture de Montréal
et de Laval. Donc, il faisait miroiter qu'on allait créer des programmes
d'emploi pour les étudiants. De plus, je lui ai demandé hier de
quelle façon il a procédé pour recruter ces
étudiants et quel était le nombre d'étudiants prévu
pour accélérer le programme. Le ministre n'est pas sans savoir...
Est-ce qu'il réalise-
Le Président: M. le député, votre question,
s'il vous plaît!
M. Middlemiss: Oui. Est-ce que le ministre réalise
qu'à cause de retards dans l'acceptation des demandes de subvention, il
y a des usines qui fonctionnent présentement au ralenti et il y a des
travailleurs qui sont forcés d'être en chômage pour une
période indéterminée et alors que, normalement, ces gens
seraient au travail? Est-ce que le ministre va trouver la solution pour
s'assurer que les traitements soient faits? Il y a énormément de
personnes qui, normalement... Est-ce que le ministre réalise que des
travaux se...
Le Président: M. le député, vous avez droit
à une question complémentaire et vous êtes en train de
faire une intervention. Vous avez posé au moins une question dans votre
intervention. Je laisse le ministre répondre.
M. Tardif: M. le Président, après le spectacle
auquel on a eu droit tantôt de la part du député de
Mont-Royal, je pense que ce n'est pas le genre de chose que veut faire le
député de Pontiac. D'ailleurs, à ce sujet, je dirai que
j'aime mieux "Les lundis des Ha! Ha!" que "Les vendredis de Ciaccia". Cela dit,
nous avons effectivement engagé plusieurs étudiants. Certains
d'entre eux ont été versés à la gestion du
programme "Corvée-habitation" et d'autres, au programme
"Équerre". De votre temps, du temps des libéraux, il n'y avait
pas d'engorgement des lignes ni des dossiers, parce qu'il n'y avait pas de
programme. Qu'est-ce que vous voulez faire? Présentement 78 inspecteurs
sont sur la route à faire l'inspection de travaux... (11 heures)
Une voix: Écoutez donc!
M. Tardif: Ils n'écoutent pas la réponse, M. le
Président.
Une voix: II n'y a pas de réponse.
M. Tardif: En trois mois, M. le Président, 3000 chantiers
ont été ouverts et fonctionnent.
Des voix: Bravo!
M. Tardif: M. le Président, nous avons effectivement
engagé des étudiants. Nous en engagerons d'autres.
Présentement, nous avons aussi recours aux inspecteurs municipaux
à contrat. Il y en a au-delà d'une trentaine qui ont
été embauchés et qui travaillent présentement.
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Tardif: Encore une fois, dans leur temps, il n'y avait pas de
problème là; il n'y avait pas de programme. On a ouvert 3000
chantiers en trois mois et je vous dis qu'il s'agit là d'un programme
qui va très bien, y compris dans la région du
député de Pontiac.
Des voix: Bravo!
Le Président: Aux motions sans préavis...
Aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du
gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Bédard: M. le Président, c'est un rappel
à la Chambre. Le mardi 5 juin, à la salle du Conseil
législatif, la commission de l'économie et du travail se
réunira afin de procéder à une consultation
particulière concernant le projet de loi 66, Loi sur la
Société de récupération, d'exploitation et de
développement forestiers du Québec. La réunion se tiendra
à la salle du Conseil législatif.
Le Président: D'autre part, immédiatement
après les affaires courantes, soit dans quelques secondes, à la
salle 91, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation tiendra une séance pour faire la vérification des
engagements financiers du ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation pour les mois de février et mars
1984.
M. Bédard: M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
M. Bédard: J'aurais une correction mineure à
apporter à un avis que j'ai donné hier quant au moment où
l'Assemblée nationale se réunira la semaine prochaine. Je crois
qu'on avait dit mardi, 15 heures. De consentement avec l'Opposition, ce sera
mardi, 14 heures.
Le Président: Y a-t-il consentement à cette
modification?
M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: Est-ce que je pourrais demander au leader du
gouvernement de bien vouloir confirmer le menu et l'ordre, si possible, dans
lequel les projets de loi seront appelés, mardi, pour étude
à l'Assemblée nationale?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bédard: Oui, M. le Président. Mardi, nous
aborderons le bill omnibus des transports, le crédit aquacole, la
commercialisation du poisson. Dans l'ordre, ce sera, d'abord, le projet de loi
86, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, qui en est
au stade de l'adoption du principe; ensuite, le projet de loi 76, Loi modifiant
diverses dispositions législatives concernant les transports; l'adoption
du principe du projet de loi 74, Loi sur le crédit aquacole; l'adoption
du principe du projet de loi 82, Loi sur la commercialisation des produits
marins.
C'est l'essentiel des sujets que nous aborderons mardi ainsi que l'ordre
que, normalement, nous suivrons.
Débat restreint sur les rapports des
commissions qui ont étudié les crédits
Le Président: Cela nous mène aux affaires du jour
et au débat restreint sur les rapports des commissions qui ont
étudié les crédits budgétaires des
ministères du gouvernement pour l'année 1984-1985. Il s'agit d'un
débat de deux heures au cours duquel chaque groupe parlementaire
disposera d'une heure.
M. le député de Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak
M. Polak: Merci, M. le Président. En ce qui concerne le
débat restreint sur les crédits, je voudrais discuter de quelques
sujets. D'abord, des crédits du ministère des Affaires sociales.
Nous savons tous que, dernièrement, beaucoup de questions ont
été posées concernant des problèmes dans les
hôpitaux, surtout le problème dans les salles d'urgence, le
patient qui se trouve dans le corridor et les graves problèmes que cela
cause. Le ministre des Finances a parlé de ces hôpitaux parce
qu'il a dit: - je cite son discours sur le budget - "Évidemment, M. le
Président, le budget, c'est l'autre côté des
crédits, cela marche main dans la main." Je cite le ministre des
Finances quand il a dit concernant le déficit des hôpitaux
à la page 17. "Si on laisse filer ces déficits, les
hôpitaux bien gérés renoncent petit à petit aux
exigences d'une bonne gestion et la contagion se répand. Il n'y a donc
rien d'autre à faire que de forcer les récalcitrants à
entrer dans le rang."
Malheureusement, le gouvernement semble considérer presque tous
les hôpitaux comme des récalcitrants sans faire aucune
distinction. Je fais référence à un cas particulier dans
l'agglomération de Montréal. Il y a une semaine, j'ai
visité, avec le député de Brome-Missisquoi,
l'hôpital Reddy Memorial parce que c'est justement là qu'on voit
l'attitude du gouvernement.
C'est un petit hôpital pour soins aigus. Un hôpital qui est
tellement bien administré que le facteur coût est le mieux
contrôlé dans toute la province de Québec. C'est connu. Le
ministre des Affaires sociales a décidé de changer la vocation de
cet hôpital et d'en faire un hôpital à soins
prolongés. Premièrement, on enlève tout de suite l'aspect
particulier de ce petit hôpital du coin où le monde va parce qu'il
se sent chez lui. Ces gens sont les bienvenus à cet hôpital. Ils
ne sont pas traités comme des numéros. On décide que ces
milliers de personnes du sud-est de Montréal, dans mon comté et
dans le comté de mon voisin de Saint-Henri qui allaient à cet
hôpital ne peuvent plus y aller maintenant. Ils doivent voyager pour se
rendre à d'autres hôpitaux. On a changé la vocation.
Quand j'ai fait la visite de cet hôpital, j'ai vu qu'il y a
maintenant une aile, un étage. Comme plan pilote, ce petit hôpital
a mis ensemble des gens qui demandent des soins prolongés. Ce qu'on a
constaté est intéressant. Au lieu de traiter ces gens, ces
personnes âgées, comme ceux qui sont dans un hôpital pour se
préparer à mourir dans quelques années, ils ont mis ces
gens ensemble sur un étage. Ils communiquent. Il y a une petite salle de
récréation avec un système de télévision.
Fait intéressant, 40% de ces gens sont capables, après une
période de quatre mois en moyenne, de retourner chez eux et de reprendre
leurs activités.
Il faut penser dans cette direction. Il ne faut pas couper les budgets
des hôpitaux, mais surtout essayer de trouver de nouvelles formules pour
que ces gens puissent être guéris et reprendre leur vie normale.
Une personne âgée qui est dans un hôpital de soins
prolongés coûte en moyenne 30 000 $ à 35 000 $ par
année. On nous a expliqué, quand on a fait la visite de ce petit
hôpital, qu'il y a des gens qui viennent avec leur mère ou leur
vieux père en disant: Voici, M. le médecin, pourriez-vous garder
mon vieux père, ma vieille mère, parce qu'il ou elle a perdu 30
livres dans les derniers 30 jours? La personne reste là, mais ce n'est
pas la vraie raison. La vraie raison c'est que le jeune couple part en vacances
pour la Floride et pour se débarrasser de leur vieille mère ou de
leur vieux père, les installe comme cela à l'hôpital. Cela
prend à peu près trois ou quatre semaines pour vérifier la
vraie raison de cette perte de poids et au moment où le jeune couple
retourne à Montréal pour aller chercher le père ou la
mère dont l'hôpital a bien pris soin à un coût
énorme à l'État, évidemment, la constatation c'est
que votre père ou mère est en bonne forme.
Ils ont fait un service de garderie, de "baby sitting service" à
des frais de 30 000 $, 35 000 $ par année. Le ministre des Affaires
sociales ne parle pas de cela. Il dit que le gouvernement va donner un peu plus
d'argent à l'enveloppe des soins à domicile. Ce que ce petit
hôpital Reddy Memorial fait, c'est déjà un pas
énorme dans la bonne direction. On coupe en même temps les
dépenses. Dans cet hôpital, par l'expérience, ils ont
réussi à réduire le séjour de ces gens.
Évidemment, tous ne sont pas capables de retourner chez eux, mais ils
ont constaté qu'un grand pourcentage peut être guéri avec
des soins propres, avec une bonne attention personnelle. Par exemple,
l'infirmière en charge de cet étage était une
infirmière qui, auparavant, s'occupait du service des jeunes enfants.
Là, elle a pris un cours spécial pour des personnes
âgées, leurs problèmes de maladies, etc., et les
résultats sont fantastiques. (11 h 10)
Le gouvernement, au lieu de dire: on va le suivre cet exemple, a
décidé dans son idéologie, dans sa manière de
marcher seulement d'une façon de changer la vocation de cet
hôpital et il ne veut même pas regarder ces nouvelles formules. Il
ne respecte pas le fait que le facteur coût de cet hôpital est
extrêmement favorable: le meilleur dans la province de Québec.
Non! Ces messieurs ont décidé dans leur théorie de
péquistes de suivre la ligne dure: nous sommes mieux que vous! Ils ont
décidé de changer la vocation de cet hôpital.
M. le Président, on parle du ministère des Affaires
sociales. Je ne veux pas revenir là-dessus parce qu'il y a les
crédits de tant d'autres ministères.
Je veux prendre un autre exemple: le ministère des Transports. Le
fameux péage sur les autoroutes. C'est bien beau de nous annoncer dans
le budget que le péage sur les autoroutes sera aboli. Soyez donc
très honnêtes! Ce sera aboli, oui! Mais d'ici l'automne de 1985,
pas tout de suite. Qu'est-ce qu'on prend comme excuse? On dit: On ne peut pas
le faire tout de suite. On aimerait bien, monsieur et madame de la population,
abolir immédiatement le péage sur les autoroutes, mais on ne peut
pas à cause de la sécurité routière. Si vous roulez
à grande vitesse, de 50 à 60 milles à l'heure sur une
autoroute et, soudainement, vous arrivez à un poste de péage qui
ne fonctionne plus c'est trop dangereux. Il faut que le poste de péage
soit enlevé. Cela prend du temps.
Si c'est la vraie raison, pourquoi ne pas réduire
immédiatement de 0,50 $ à 0,25 $ et même à 0,10 $.
Aux heures de pointe, on a décidé de réduire les frais de
0,50 $ -cela coûte maintenant 0,50 $ - à 0,25 $. Mais si la vraie
raison n'est pas encore d'aller chercher de l'argent dans la poche des
contribuables, réduisez donc tout de suite ces frais de 0,50 $ à
0,25 $. Aucun problème!
Donc, la vraie raison, M. le Président, comme on dit en anglais,
ils veulent continuer "to milk the cow". Leur stratégie est tellement
claire qu'ils commencent à enlever les postes à péage
là où il y a moins de circulation. Ils ne commencent pas à
Montréal; ils commencent loin dans le Nord et, graduellement, ils
viennent à Montréal. Quand ils arriveront à Laval, ce sera
à l'automne 1985.
Il faut donc, M. le Président, que la population voit cela
très clairement une fois encore. On fait ici cette belle
déclaration du ministre: voici ce qu'on fait pour la population. Voici
ce qu'on fait avec l'abolition des postes de péage. Je dis toujours que
c'est un beau cadeau des péquistes: une boîte vide avec un beau
ruban.
Un autre ministère, celui des Affaires intergouvernementales et
du Commerce extérieur. Vous savez, M. le Président, que le
député de Charlesbourg qui est ici a découvert ce fameux
document qui s'appelle "rétablir la crédibilité". C'est
intéressant. Je suis très content de voir que de jeunes
écoliers sont ici aujourd'hui. Ils vont comprendre quelque chose de la
stratégie politique d'un parti politique qui n'est pas honnête.
Cela, c'est le gouvernement. Le gouvernement a préparé -
peut-être pas le gouvernement comme un fonctionnaire qui travaille pour
le président du Conseil du trésor - le document qui s'appelle
"Rétablir la crédibilité." Une petite équipe a pris
la peine de s'asseoir pour se demander comment on peut tricher la population?
Comment peut-on s'organiser pour essayer de tromper la population et essayer
d'obtenir une crédibilité que nous ne méritons pas? Vous
ne méritez aucune crédibilité.
Une voix: C'est vrai!
M. Polak: Mais vous avez conçu un plan d'action pour
donner une meilleure impression dans le public que celle que vous
méritez.
Prenons, par exemple, le ministère des Affaires
intergouvernementales et du Commerce extérieur. Voici leur plan
d'action: d'abord, ceux qui sont visés, c'est la population et les
intellectuels. Il est aussi important qu'on touche les intellectuels. On dit
ici de faire une campagne de promotion des maisons du Québec à
l'étranger. On va parler dans ce ministère de ces fameuses
maisons du Québec à l'étranger, en mettant l'accent sur
leur vocation économique. Les péquistes nous disent: il ne faut
pas oublier
que lorsqu'on parle des maisons du Québec à
l'étranger, on va mettre l'accent sur la vocation économique. Il
est très important que la population pense, qu'elle ait l'idée et
l'impression que nous, les Québécois, avons des maisons du
Québec à l'étranger parce qu'elles nous avantagent sur un
plan économique.
L'objectif de ce plan: bonne gestion, dépenses rentables pour
notre collectivité et une ouverture sur le monde. M. le
Président, quels sont les faits, les vrais faits? Ce plan a pour but de
tromper la population et de dire: Dans les maisons du Québec à
l'extérieur du pays sont des gens capables sur le plan économique
qui travaillent là pour nous, pour le bénéfice de
l'économie québécoise.
Je vais vous donner quelques exemples de vraies nominations où on
voit ce qui arrive en pratique. Il y a eu la nomination, à l'automne
1983, d'un monsieur qui a été engagé comme conseiller
auprès du délégué aux affaires francophones et
multilatérales à Paris pour une période de deux ans. Le
montant de l'engagement est de 168 082 $. C'est tout de même une jolie
somme d'argent. Ce monsieur gagne 84 000 $ par année. Et que fait-il?
Devant la commission des engagements financiers, lorsqu'on a discuté de
cette nomination, on a demandé ce que faisait ce monsieur pour le
bénéfice du Québec sur le plan économique et on
nous a répondu: Mais vraiment, son action, son travail n'est pas sur le
plan économique. Je vais vous lire la réponse qu'on a eue d'un
ministre: "Ses responsabilités sont de collaborer avec le
délégué du Québec à Paris en suivant
certains dossiers spécifiques dans le cadre des relations avec l'UNESCO
et pour obtenir des analyses des activités susceptibles
d'intéresser le Québec, de préparer les notes et les
conventions à cet effet." Donc, on a discuté des fonctions de ce
monsieur et on a constaté que vraiment, il agit beaucoup plus sur le
plan culturel et certainement pas sur le plan économique, à un
salaire de 84 000 $ par année.
On a une autre nomination ici, au même ministère, les
Affaires intergouvernementales, un contrat à un
délégué du Québec à Atlanta. C'est un
monsieur qui a été nommé comme
délégué du Québec à Atlanta en novembre 1983
à un salaire de 436 000 $. Donc, 112 000 $, plus que cela, à peu
près 140 000 $ par année. Et on a posé une question sur
les qualifications de ce monsieur. Que fera ce monsieur pour le Québec?
Quelles sont ses capacités sur le plan économique? Il nous a
répondu que c'était un notaire. On n'a rien contre les notaires.
Le député de Saint-Laurent est un notaire et c'est un homme
très capable, mais pour avoir un délégué du
Québec, on voudrait quelqu'un qui possède de l'expérience
dans le monde commercial, parce que ce notaire n'a aucune expérience
dans le monde du commerce. Il est meilleur dans la rédaction de
documents. C'est sa spécialité. Mais - et c'est peut-être
plus important - ce monsieur est l'ancien président du PQ dans le
comté de Robert Baldwin. Ce monsieur était président du
Parti québécois dans le comté de Robert Baldwin et cela
semble l'avoir aidé à obtenir cette position.
Nous avons posé la question suivante: Y a-t-il eu un concours
pour choisir au Québec la personne la mieux qualifiée pour
travailler comme délégué du Québec à Atlanta
aux États-Unis et faire la promotion sur le plan économique des
produits québécois? On nous a répondu qu'il n'y avait pas
eu de concours. C'est le ministre lui-même - l'ancien ministre qui a
démissionné - qui l'a nommé. Il a décidé de
nommer ce monsieur-là à cette position de haute importance. On a
regardé le curriculum vitae de ce monsieur et il n'a vraiment pas les
qualifications requises ou en tout cas, il y en avait beaucoup d'autres qui
étaient mieux qualifiés pour obtenir une telle position.
Toujours au ministère des Affaires intergouvernementales
où j'ai expliqué... Regardez bien. Le but était: On va
faire la promotion des maisons du Québec à l'étranger en
mettant l'accent sur la vocation économique. Il y a une autre nomination
qu'on trouve ici aux Affaires intergouvernementales. On a nommé une
personne pour agir à titre de coordonnatrice des communications, pour
une somme de 85 000 $. Elle s'appelle Mme O'Leary. Il n'y a rien à
cacher, parce que ce sont des documents publics. On a demandé: Quelles
qualifications cette dame possède-t-elle? Il faut croire qu'elle est
très qualifiée pour être capable de remplir cette fonction
qui a trait à la visite du pape en septembre 1984. On lui paie une somme
de 85 000 $. Et qu'est-ce qu'on a constaté, quand on a lu son curriculum
vitae? On a constaté que c'est l'ancienne attachée de presse du
premier ministre. (11 h 20)
Je ne dis pas qu'une attachée de presse du premier ministre n'a
pas le droit de travailler, mais je dis qu'il est bien bizarre que quand on
commence à analyser ces emplois, on ne trouve aucun concours. Quelqu'un
est nommé. On trouve que cette personne, quand on commence à
regarder le curriculum vitae, a beaucoup de contacts avec le gouvernement. En
fait, cette dame était l'ancienne attachée de presse de M.
Lévesque. J'ose dire, comme pour la nomination de l'ancien
président du comté de Robert Baldwin pour le Parti
québécois, qui est devenu le délégué du
Québec à Atlanta, que cette dame est ce que j'appelle une amie du
régime et que ce n'est pas une nomination pour le bénéfice
de tous les Québécois et Québécoises. Cela ne
nous
apportera pas beaucoup sur le plan économique mais cela a quand
même été donné à quelqu'un qui était
un ami du régime.
Je poursuis, car je n'ai pas beaucoup de temps et j'ai toute une
série d'exemples. Au même ministère, le ministère
des Affaires intergouvernementales, selon la fameuse stratégie dont le
député de Charlesbourg a parlé, pour tricher, pour tromper
la population, pour dire: Cette nomination va être profitable sur le plan
économique, on a nommé, en mai 1983, quelqu'un pour un
renouvellement de contrat pour agir à titre de conseillère en
affaires éducatives et culturelles à la Délégation
générale du Québec à New York. C'est un contrat de
trois ans. Quel montant? 209 000 $.
Une femme a été nommée pour faire quoi? Pour agir
comme conseillère en affaires éducatives et culturelles à
New York. Nous avons posé des questions. Qu'est-ce qu'elle fait à
New York pour le Québec? On comprend qu'on a besoin de quelqu'un
à la délégation du Québec pour promouvoir la vente
des produits du Québec aux États-Unis et sur le marché de
New York, mais, comme priorité, on n'a pas vraiment besoin de quelqu'un
à New York comme conseillère en affaires éducatives et
culturelles. Le ministre nous a répondu: Cette dame va expliquer le
système éducatif du Québec. Il est très
intéressant pour les New-Yorkais d'apprendre comment cela fonctionne
ici. Elle a aussi la fonction de promouvoir la culture québécoise
à New York. Nous avons répondu: Nous n'avons rien contre la
culture, sauf qu'on se pose la question de savoir s'il n'aurait pas
été prioritaire de nommer quelqu'un à un poste d'influence
économique pour l'avantage économique du Québec.
Je vois que mon temps expire, M. le Président. Quand on examine
les crédits de ces différents ministères, on voit - et le
document est très révélateur, ce fameux document interne
péquiste qui s'appelle "Rétablir la crédibilité" -
une certaine stratégie. On voit une stratégie pour tromper la
population, pour donner une image de quelque chose qui n'est pas vrai et qui
est certainement différente dans la réalité. Comme je vous
l'ai indiqué, seulement en considérant quelques-unes de ces
nominations à des postes importants, des postes qui coûtent
très cher à la population, ce ne sont pas des gens qui
travaillent au salaire minimum; ce sont des montants de 80 000 $ et plus, par
année. On dit dans le document: "Pour le bénéfice
économique du Québec..." J'ai fait ici la démonstration
qu'il s'agit de nominations d'amis du régime. Deuxièmement, ils
ne sont pas capables d'agir sur le plan économique mais ils agissent
dans d'autres domaines. Ce sont peut-être des domaines
intéressants, comme celui de la culture - on est pour la culture - mais,
pour nous, il y a une priorité économique.
Je vois que vous me faites signe, M. le Président, que mon temps
est écoulé. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Rousseau et leader adjoint du gouvernement.
M. René Blouin
M. Blouin: Merci beaucoup, M. le Président. Je rappelle
simplement au député qui m'a précédé, le
député de Sainte-Anne, que du temps des libéraux il y
avait des péquistes qui étaient fonctionnaires et qui
travaillaient pour l'État. Du temps des péquistes, il y a
également des libéraux qui sont fonctionnaires et qui travaillent
pour l'État. S'il s'étonne qu'il y ait quelques personnes
d'allégeance péquiste qui oeuvrent effectivement pour la
collectivité au sein de la fonction publique, il ne devrait pas s'en
étonner puisque, au cours des dernières élections, le
Parti québécois a remporté, rappelons-le, 49,5% du
suffrage populaire. Donc, en toute logique, au sein de la fonction publique,
comme dans les entreprises privées, un peu partout dans notre
société, la moitié de la population a appuyé le
Parti québécois la dernière fois. Si on veut faire le
listing des 300 000 personnes qui travaillent dans la fonction publique qui ont
des affinités à l'égard du Parti québécois,
on en trouvera probablement 50% et fort probalement aussi 50% de ces gens qui
ont des affinités à l'égard du Parti libéral.
Ceci étant dit, j'ai écouté le discours du
député de Sainte-Anne et je n'ai pu m'empêcher de faire une
certaine analogie avec les arguments qu'utilise le député de
Vaudreuil-Soulanges, critique officiel de l'Opposition en matière de
finances publiques. Revenons un peu en arrière et rappelons-nous le
moment où le ministre des Finances, il y a maintenant un peu plus d'un
an et demi ou deux ans, a décrété une surtaxe sur
l'essence qui a beaucoup fait parler d'elle. Au moment du décret de
cette taxe et pendant les deux années qui ont suivi l'application de
cette mesure, invariablement, presque chaque semaine - et je n'exagère
pas; souvent, c'était deux ou trois fois par semaine -pendant les
périodes de questions, notamment, le député libéral
de Vaudreuil-Soulanges se levait, adressait une question au ministre des
Finances et utilisait toujours le même préambule: Compte tenu de
la surtaxe sur l'essence qu'a imposée le ministre des Finances et qui a
été une catastrophe pour l'économie du Québec, le
ministre pourrait-il me dire telle et telle chose?
C'était la fin du monde, la surtaxe sur l'essence et
c'était, selon le député de Vaudreuil-Soulanges, de
là que provenait la
presque totalité des malheurs engendrés par la crise
économique au Québec. Soit. Poursuivons cette logique qui a
été affirmée pendant au moins deux ans par le
député de Vaudreuil-Soulanges. Le ministre des Finances a
annoncé, il y a presque six mois, la réduction de cette surtaxe
de moitié; il décide de réduire cette surtaxe, de la
couper de moitié. Que nous dit à ce moment le
député de Vaudreuil-Soulanges? Cinq minutes après la
déclaration du ministre, il se lève et nous dit que diminuer
cette taxe de 50%, ce n'est même pas un cadeau, cela ne vaut même
pas la peine d'en parler, c'est négligeable et que nous devrions
effectivement discuter d'autres choses que de cela.
Dans un cas, lorsque la surtaxe est imposée, c'est la fin du
monde économique; lorsqu'elle est enlevée en grande partie, cela
ne vaut pas la peine d'en parler, cela devient négligeable. Alors,
quelle est la logique, quelle est la théorie économique du
député de Vaudreuil-Soulanges? Elle est difficile à
suivre.
Un autre exemple. À la fin de l'automne dernier, lors de
l'énoncé complémentaire aux politiques budgétaires
du ministre des Finances, une somme de 45 000 000 $ venait accompagner le plan
de relance qu'avait annoncé le premier ministre du Québec, M.
Lévesque, à la fin du mois de novembre pour donner une impulsion
nouvelle, pour accompagner et stimuler la reprise économique. Le
député de Vaudreuil-Soulanges, encore une fois, a passé
des mois à nous expliquer que 45 000 000 $ pour relancer
l'économie au Québec, c'était complètement
négligeable, que la démarche du premier ministre à la fin
du mois de novembre dernier était factice et qu'effectivement cela ne
donnerait pas de résultat parce que ce n'était pas
accompagné d'un montant substantiel pour promouvoir ces mesures de
relance économique.
Dans le présent budget, combien y a-t-il d'argent pour
accompagner le plan de relance économique annoncé par le premier
ministre au mois de novembre? 311 000 000 $ sont injectés directement
dans l'économie du Québec dans tous les secteurs dynamiques de
cette économie pour effectivement accompagner la relance, susciter des
résultats supérieurs pour les sociétés qui nous
entourent. Le député de Vaudreuil-Soulanges n'en parle plus. Le
plan de relance, qui était accompagné de 45 000 000 $ au mois de
novembre, était négligeable parce qu'il n'était pas
soutenu par une injection de fonds. Maintenant qu'il est soutenu par une
injection de 311 000 000 $, le député de Vaudreuil-Soulanges
s'évanouit, on ne l'entend plus parler du plan de relance qui, pourtant,
cette fois, est effectivement, et de façon colossale, soutenu par un
effort financier de la part du gouvernement.
Parlons-en un peu, de ce plan de relance. Je ne parlerai pas de toutes
les mesures, puisque je ne dispose que de quelques minutes. Parlons des
principales mesures. Une d'entre elles concerne le financement des entreprises.
Effectivement, nous l'avons vécu cruellement au cours de cette crise
économique que nous avons traversée et qui, heureusement,
commence à se résorber, ce qui fait plaisir à tout le
monde. Nous l'avons donc vécu, les entreprises du Québec ont
rencontré des difficultés majeures. (11 h 30)
Une des principales difficultés qu'elles ont rencontrées
et qu'elles continueront à rencontrer si nous n'intervenons pas touche
principalement le financement des entreprises. En effet, la
société québécoise n'a d'impact de plus en plus
significatif sur son économie que depuis dix ou quinze ans. Tout le
monde sait qu'au cours des années quarante, cinquante et soixante,
l'économie au Québec était complètement
dominée par des investisseurs étrangers et que les investisseurs
québécois eux-mêmes étaient, à proprement
parler, inexistants.
Cette tradition d'affaires que nous n'avions pas et que nous
commençons à développer fort heureusement, mais que nous
n'avions pas pendant toutes ces années, avait des effets très
importants sur l'économie du Québec, notamment en ce qui concerne
le financement des entreprises. Au Canada, les grandes familles
financières - et c'est la tradition qui le veut - sont des grandes
familles qui ont principalement leur point d'attache en Ontario, à
Toronto plus précisément. Mais au Québec, nous n'avons pas
encore - puisque notre tradition en termes d'affaires est relativement jeune -
de grandes familles qui nous permettent de financer un certain nombre
d'entreprises importantes et de donner, lorsque cela est nécessaire, des
coups de barre sur le plan des investissements privés dans un certain
nombre de secteurs névralgiques de notre économie.
C'est pour pallier un peu cette carence de cette naissance de
l'économie proprement québécoise que le gouvernement a
accepté de garantir 2 000 000 000 $ de prêts aux entreprises du
Québec. C'est un effort très considérable et c'est
très important et très intéressant, principalement pour
deux raisons. D'abord, parce que nous allons de ce fait nous associer aux
institutions financières, aux caisses populaires, aux banques qui,
elles, vont continuer à faire des affaires régulières
comme elles le font avec ces entreprises. Mais nous allons tout simplement
endosser les prêts aux entreprises diminuant ainsi les risques pour les
institutions financières et rendant le crédit plus accessible aux
entreprises qui désirent prendre de
l'expansion et créer un certain nombre d'emplois.
C'est un programme intéressant aussi parce que, puisqu'il
privilégie cette relation entre l'entreprise et l'institution
financière, il s'écarte des modèles traditionnels
d'interventions de l'État qui fonctionnent ou par cadeaux de subventions
ou avec mille et un couloirs qu'il faut traverser avant de réussir
à pouvoir véritablement faire des affaires. Nous avons donc
éliminé toute une série de contrôles qui sont plus
ou moins utiles et qui sont surtout fastidieux pour les entrepreneurs et pour
les hommes d'affaires. Nous avons donc privilégié la relation
entre l'entreprise et l'institution financière; l'intervention du
gouvernement ne fait que soutenir le crédit des entreprises et garantir
aux institutions financières les deux tiers de ces prêts qui leur
sont consentis.
En plus, pour les entreprises qui désirent se prémunir
contre une éventuelle nouvelle flambée des taux
d'intérêt qui - qui sait - pourrait se produire encore une fois,
il y a donc une mesure qui peut leur permettre aussi, moyennant une
contribution minimale, d'éviter de nouvelles flambées de taux
d'intérêt au cours des cinq prochaines années.
Donc, garantie de prêts, accessibilité plus facile pour que
l'entreprise puisse prendre de l'expansion, développer son
marché, et aller éventuellement sur des marchés
extérieurs et aussi permettre à ces entreprises de se
développer en privilégiant, comme je le disais tout à
l'heure, la relation habituelle entre l'homme d'affaires et l'institution
prêteuse. Intervention du gouvernement pour soutenir le
développement économique: une injection de près de 2 000
000 000 $ qui sera soutenue par le gouvernement.
C'est une mesure très importante qui touche non seulement - c'est
bon de le souligner - les entreprises manufacturières, mais
également les entreprises touristiques qui sont à tous
égards admissibles à ce genre de programme d'aide
gouvernemental.
Un deuxième point très important aussi sur lequel se base
le plan de relance de l'économie du Québec, c'est la politique
énergétique du Québec. Nous le savons, l'un des piliers
centraux du développement économique du Québec, ce sont
effectivement ses grandes ressources hydroélectriques. J'ai pu le
constater il y a quelques jours, lorsque j'ai visité des États
américains. Ils nous vouent un respect très grand
particulièrement à l'égard de cette capacité
énergétique que nous avons et qu'ils connaissent bien et,
évidemment, des possibilités que cela représente pour eux
en termes d'importation de cette capacité hydroélectrique du
Québec. Ils en sont très conscients; ils manifestent beaucoup
d'intérêt à l'égard de cette richesse naturelle
proprement québécoise et cela les impressionne beaucoup.
Quelle est la politique hydroélectrique du Québec? C'est
intéressant, puisque nous avons maintenant - pas ici à
l'Assemblée nationale - un chef du Parti libéral qui en fait le
fer de lance de sa propre relance politique. Donc, quelle est la politique
énergétique du Québec, du gouvernement actuel, qui est
greffée au plan de relance gouvernemental, comparée à la
politique énergétique du nouveau chef du Parti libéral,
enfin relativement nouveau, M. Robert Bourassa?
Pour bien comprendre cette situation, il faut savoir principalement une
chose. Le Québec dispose d'un nombre considérable de kilowatts
excédentaires, c'est-à-dire que nous avons trop
d'électricité pour ce que nous pouvons consommer. Nous avons des
surplus. Selon toutes les prévisions les plus scientifiques, nous avons
ces surplus hydroélectriques pour un nombre d'années assez
considérable à venir. Face à cette situation, quelle est
l'attitude du gouvernement et quelle est la proposition du chef libéral,
M. Robert Bourassa?
L'attitude du gouvernement est la suivante. Puisque nous avons des
surplus hydroélectriques, beaucoup d'électricité produite
dans nos barrages ne vient pas dans nos maisons, comme on le croit souvent,
mais retombe à la rivière, de l'autre côté du
barrage, puisqu'elle est inutilisée. Puisque nous avons un nombre
considérable de kilowatts en surplus, qu'allons-nous faire? Nous allons
offrir aux grandes entreprises d'investissements, qui désirent lancer
des chantiers gigantesques au Québec, de l'électricité
à rabais. Nous allons simplement faire une vente
d'électricité. Est-ce que cette politique est celle du bon sens?
Je vous en reparlerai dans deux minutes.
Quelle est l'hypothèse de M. Robert Bourassa? Nous avons des
surplus hydroélectriques, soit; doublons la capacité
hydroélectrique de la Baie-James et accumulons encore un plus grand
nombre de surplus hydroélectriques. Cela m'apparaît plutôt
être un slogan politique qu'une véritable politique
énergétique. Permettez-moi de faire un certain rapprochement. Je
pense que c'est probablement ce à quoi a pensé M. Bourassa.
Il y a un certain nombre de producteurs de cinéma qui, lorsqu'ils
réussissent à faire un bon coup, un succès de guichet, ont
l'idée de reprendre ce même succès dans une version
à peine modifiée. Je vous donne un exemple. Il y a quelques
années, le film "Les dents de la mer" a été très
couru dans tous les cinémas, en Amérique, en Europe, partout.
Qu'est-ce qu'ont fait les producteurs de cinéma quand ils ont vu que
cela fonctionnait si fort et que les gens aimaient cela? Ils ont dit: Puisque
les gens aiment
cela, nous allons faire "Les dents de la mer 2", et cela a effectivement
provoqué, pendant une certaine période, un certain engouement.
Beaucoup de gens allaient voir ce film. Quand ils s'apercevaient que
c'était du réchauffé, ils en étaient moins
stimulés. Mais il reste qu'initialement cela a provoqué un
certain intérêt. (11 h 40)
M. Bourassa se dit: Puisque la Baie-James est un symbole qui
plaît aux Québécois, je vais lancer le slogan de la
Baie-James 2 et cela va certainement créer un engouement auprès
de la population québécoise. C'est sa stratégie de
développement hydroélectrique. Qu'en pensent les financiers
américains et qu'en pensent -un autre type de financiers que nous
connaissons bien aussi, qui sont plus modestes - les épiciers du coin au
Québec? Les financiers américains ont porté le jugement
suivant, et ce sont parmi les plus éminents qui consentent les
prêts aux gouvernements étrangers et aux grandes entreprises
étrangères. Ils ont dit: Si le Québec, par malheur,
adoptait la politique suggérée par M. Robert Bourassa, nous
serions obligés de décoter Hydro-Québec de façon
significative, c'est-à-dire que sa cote de crédit ne pourrait
plus être aussi bonne qu'elle l'est maintenant puisque, quand on dispose
d'une grande quantité d'énergie excédentaire, on doit
avoir le réflexe de l'utiliser au maximum, d'en profiter pour faire du
développement économique, comme le suggère le gouvernement
du Québec, plutôt que de penser à accumuler encore les
surplus qui ne seront pas plus utilisés qu'ils ne le sont maintenant.
Les Américains ont réfléchi. Ils ont même
ajouté qu'ils avaient moins peur de la souveraineté du
Québec que du retour de Robert Bourassa, qui était une
véritable catastrophe, en termes de perspective, pour la capacité
énergétique du Québec.
Je disais que non seulement les grands financiers américains ont
réagi comme cela, mais aussi que les épiciers du coin ont
réagi comme cela. Lorsque vous avez une tablette remplie de soupe de
marque connue et que vous savez que vous en avez dix autres caisses dans votre
entrepôt, votre premier réflexe n'est pas d'appeler la compagnie
pour commander dix autres caisses supplémentaires de cette soupe qui
n'est pas vendue. Non, c'est plutôt de faire une vente de soupe, de
libérer vos tablettes et ensuite de penser à procéder
à de nouvelles commandes. Ce que les grands financiers américains
ont compris, ce que les épiciers du coin ont compris, le chef
libéral ne l'a pas compris, et cela risque d'être très
dangereux à l'égard de l'économie québécoise
tout entière.
Il y a également un autre élément fondamental du
plan de relance de l'économie au Québec qui est celui du
reboisement. La forêt, c'est une autre richesse naturelle fondamentale du
Québec. À titre d'exemple, sous la meilleure année du
gouvernement de Robert Bourassa, il y avait 15 000 000 de plants de
reboisement, de plants d'arbres de plantés au Québec. Au moment
où nous nous parlons, il y en aura 65 000 000 cette année. Selon
le plan de relance qui a été annoncé par le premier
ministre, il y en aura 300 000 000. Donc, 15 000 000 sous le gouvernement
Bourassa, 300 000 000 sous le gouvernement du Parti québécois,
selon ce que prévoit le plan de relance qui sera effectif, selon une
progression continue, au cours des trois prochaines années.
Je conclus en disant très simplement ceci. Le budget qu'a
présenté le ministre des Finances est en parfaite
continuité - et il vient l'épauler solidement - avec le plan de
relance qu'avait annoncé le premier ministre en novembre dernier. En
plus, ce qui n'est pas négligeable pour une bonne partie des citoyens et
citoyennes qui habitent le comté de Rousseau, il comporte deux mesures
extrêmement soulageantes. Une qui prévoit l'abolition des
péages autoroutiers. Une autre pour tout le secteur agricole du
comté de Rousseau. Je rencontrais, il y a deux semaines, les
représentants de l'Union des producteurs agricoles qui me faisaient part
de cette préoccupation et qui souhaitaient que cela soit inscrit dans
les politiques gouvernementales. Il y a donc une mesure qui concerne les
agriculteurs, qui concerne surtout la relève agricole et le dynamisme
même de cette industrie d'une très grande importance au
Québec. Lorsqu'un père de famille, lorsqu'un agriculteur
décidait de céder sa ferme à son enfant, avant les
dernières mesures qui ont été annoncées dans le
budget, il ne pouvait déduire, il était exempté
d'impôt uniquement sur les premiers 100 000 $ dans le legs qu'il faisait
à son fils ou à sa fille. En vertu des nouvelles dispositions qui
ont été annoncées, on peut dorénavant transmettre
sa ferme à son fils ou à sa fille avec une mesure qui permet de
faire en sorte que 300 000 $ ne seront pas taxés au cours de cette
procédure de donation.
Ces deux mesures à elles seules, celle qui touche le dynamisme
même de l'agriculture du Québec et celle qui touche les
péages autoroutiers, sont de nature, avec l'ensemble des mesures
fondamentales - je n'ai parlé que de quelques-unes - annoncées
dans le plan de relance et épaulées par le présent budget,
non seulement à susciter le développement économique du
Québec, mais très certainement aussi à susciter et
épauler le développement économique de notre région
et, particulièrement, du comté de Rousseau. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Maskinongé et whip adjoint de
l'Opposition.
M. Yvon Picotte
M. Picotte: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
prendre la parole à l'occasion de ce débat qui, en quelque sorte,
vient continuer, pour une heure et demie environ, le débat
déjà engagé sur le discours sur le budget prononcé
par l'honorable ministre des Finances, M. Jacques Parizeau.
J'aimerais livrer à la population qui peut nous écouter en
ce moment une impression que plusieurs députés de cette Chambre
ont, du moins du côté de l'Opposition, et lui dire que nous du
Parti libéral, avons l'impression de vivre dans deux mondes
différents. Nous avons, d'une part, le monde parlementaire qui nous
amène à écouter ce qui se dit autour de nous. Nous avons
aussi le monde ordinaire, c'est-à-dire les gens du public, ceux que nous
côtoyons dans nos comtés. Dieu sait si, pour moi, c'est
drôlement plus important puisque j'ai l'honneur de les représenter
ici, à l'Assemblée nationale. Ce sont les gens de mon
comté et les gens du Québec en général que nous
rencontrons dans nos différents pèlerinages auprès de la
population, si je peux m'exprimer ainsi. C'est un autre monde
complètement différent, M. le Président, mais combien
réaliste! Nous vivons ici dans un monde spécial. Il y a seulement
à l'Assemblée nationale du Québec où j'ai entendu
les commentaires que nous font les députés d'en face.
Je me force de croire que c'est là une stratégie
obligatoire du Parti québécois. J'ai trop de respect et je
connais tellement bien plusieurs de mes collègues d'en face qu'il n'est
pas possible que ces gens parlent du budget Parizeau de la façon dont
ils en parlent. Quand on les écoute, on a l'impression qu'ils sont les
seuls au Québec à comprendre le budget comme il a
été donné par le ministre des Finances. À les
écouter, il n'y a pas de problème. À les écouter,
il n'y a pas trop de chômage. À les écouter, on est sur la
voie de la prospérité sans limite. Les gens du Québec
n'ont pas à s'inquiéter si on prend chacun des discours
prononcés en face de nous. Les gens du Québec n'ont pas à
s'inquiéter. Cela va très bien au Québec, M. le
Président!
On a souvent fait des comparaisons entre le député de
Maskinongé et le député de Laviolette, deux individus de
la même région qui font partie de deux formations politiques
différentes. Je ne vous ai pas entendu parler là-dessus, M. le
député de Laviolette, parce que je suis certain que vous
êtes tellement près de votre population, vous la côtoyez
tellement souvent que vous n'auriez pas pu tenir un tel langage. Même si
on vous l'avait imposé, je suis certain que vous ne l'auriez pas fait.
C'est être complètement déconnecté de la
réalité de 1984 au Québec que de penser que cela va bien
dans le meilleur des mondes, qu'il n'y aura pas de difficulté, qu'il n'y
aura pas de problème, qu'on est sur la bonne voie. Les jeunes
assistés sociaux manifestent, les jeunes assistés sociaux se font
brasser comme il fut un temps où votre parti politique nous reprochait
à nous, comme gouvernement, de laisser brasser les citoyens. C'est la
même chose. Ils se font brasser de la façon la plus
cavalière. Votre premier ministre - je dois dire notre premier ministre
puisque c'est le verdict de la population - se fait chahuter autrement plus que
ne l'a été M. Robert Bourassa dans les années 1975-1976.
Il ne peut même pas aller voir une pièce de théâtre -
vous le savez comme moi - sans avoir des problèmes. Mais cela va bien!
Il n'y a pas de problème. (11 h 50)
Le ministre des Finances, dans sa tour d'ivoire, avec toute l'aisance
qu'on peut lui fournir comme ministre... C'est sûr qu'un ministre - vous
savez cela comme moi - a un chauffeur privé et bien des choses. Le
ministre des Transports le sait. II ne voit même pas les
panneaux-réclame. Il ne sait même pas qu'une pancarte "Reculez",
cela existe. Il ne voit même pas les pictogrammes et il se dit: Cela
m'importe peu, même si je suis en charge des Transports, parce que j'ai
un chauffeur. C'est sûr que ce n'est pas un problème pour lui.
Probablement que s'il fume, c'est son chauffeur qui va acheter son paquet de
cigarettes. Donc, il ne s'est pas aperçu, malgré tout, qu'il y a
eu une augmentation de la taxe sur les cigarettes. Et ainsi de suite pour tout
ce qui peut se passer.
Mais je comprends que le ministre des Finances, M. Parizeau, soit
déconnecté de la réalité. Il est entouré de
personnes qui essaient de le convaincre que cela va bien et il a une aisance
spéciale; il est probable que ce que le ministre se permet en lunch une
fin de semaine, dans la belle province, c'est ce que nos jeunes ont durant un
mois de temps pour vivre, pour payer leur lunch, pour payer leur pension -
s'ils ont une pension à payer - ou encore pour payer aussi leur loyer,
leur logement, leur téléphone et leur électricité.
Ce qu'un jeune a pour tout le mois, ce que votre gouvernement donne à un
jeune en bas de 30 ans pour un mois, pour assurer sa subsistance, un ministre
dépense probablement cela en bouffe uniquement dans sa fin de semaine.
Je comprends cela. Je sais qu'un ministre peut être
déconnecté de la réalité, mais voir autant de
députés d'arrière-ban complètement hors de la
réalité, de ce qui existe, c'est effarant. C'est même
dangereux d'entendre cela. Ce n'est pas possible qu'on ait fait un lavage de
cerveau semblable à tout le monde. Cela va bien au Québec. Je
comprends que vous
aimeriez bien mieux qu'on dise, nous, de l'Opposition, que cela va bien
pour tâcher de créer des impressions, mais je n'ai pas le droit,
en conscience, de dire des choses qui ne reflètent pas la
réalité de mon milieu. C'est pour cette raison que j'ai
l'impression de vivre dans un monde à part quand je suis ici. Il y a
seulement cette gang qui prétend que cela va bien.
Par contre, même s'il y a un autre monde ici, quand on va dans nos
comtés respectifs, quand on lit le moindrement les journaux - et il doit
y avoir assez d'intellectuels dans ce parti pour être capable de lire
décemment un article de journal - on se rend compte que tous les
éditorialistes, tous les journalistes - sans trop d'exceptions - les
chambres de commerce, le Conseil du patronat, les gens ordinaires, tout le
monde dit: C'est un budget complètement plate. C'est un budget
complètement amorphe. C'est un budget qui, à toutes fins utiles,
ne change absolument rien à la situation actuelle des
Québécois qui vivent en pleine crise. C'est ce qu'on entend dans
toute la population. Je fais référence plutôt à ce
jugement puisque je préfère avoir le jugement de quelques
millions de personnes. Il y a 6 000 000 de personnes au Québec et je
préfère me fier au jugement de quelques millions de personnes qui
pensent toutes de la même façon que de me fier au jugement de
quelque 60 députés - parce que, avec les élections
partielles, on n'est plus capable de retenir le nombre exact de ceux qui
restent de ce côté-là - qui, eux, nous disent que cela va
très bien.
Il n'y a rien de surprenant dans ce qui arrive au Québec, avec
tout ce qui se passe. J'écoutais et j'interrogeais même - vous
vous en souviendrez - le ministre des Affaires sociales... Ma collègue,
la députée de Mégantic-Compton, Mme Bélanger,
interrogeait le ministre des Affaires sociales sur le rapatriement de l'argent
des allocations de vieillesse du gouvernement fédéral vers le
gouvernement provincial pour qu'ils soient capables de distribuer cette
richesse, cette soi-disant richesse collective aux personnes
âgées. J'écoutais ce que disait le ministre des Affaires
sociales. J'interrogeais même le premier ministre là-dessus. On se
souviendra de la sainte colère qu'il a pu me faire. C'est effrayant, ce
que peut penser un gouvernement comme le vôtre. La Caisse de
dépôt et placement sera à sec en 1994. Ce n'est pas si loin
que cela. C'est une façon fort élégante d'aller chercher
des millions à Ottawa pour les amener dans la Caisse de
dépôt, pour renflouer rapidement la Caisse de dépôt
et de dire: On va en donner plus aux femmes et aux personnes
âgées. Mais allons donc! Le gouvernement du Québec n'est
même pas capable de faire ce que font les autres provinces,
c'est-à-dire de remettre un montant d'argent additionnel aux plus
démunis. Comment allons-nous donner plus que ce que nous donnons
là, plus que le gouvernement fédéral en donne là,
avec quelles garanties? Jamais je n'accepterais, comme individu, de confier ma
pension de sécurité de la vieillesse au genre de ministres qui
nous répondent en face de nous. Mais jamais! C'est peut-être bon
pour quelques-uns qui sont rendus tout près de l'âge de la
retraite, mais jamais je ne confierais l'argent de la jeunesse du
Québec, pour une sécurité de la vieillesse plus tard,
à des gens comme cela, qui ne savent pas administrer; surtout pas au
ministre des Finances. Encore moins au ministre des Affaires sociales. Ces
gens-là prétendent avoir une crédibilité
auprès des personnes âgées. Mais allons donc! C'est depuis
que vous êtes au pouvoir comme gouvernement que vous ridiculisez les
personnes âgées. On ne s'en cachera pas. On va se le dire bien
honnêtement.
Je vais même vous rappeler des faits. Au risque de me faire
traiter de démagogue, je vais vous rappeler des faits. Les faits ne
mentent pas. Le 16 novembre 1978, deux ans et un jour après la prise du
pouvoir par le PQ, le bal commençait du côté des personnes
âgées. Il y avait un M. Tremblay, qui a démissionné
depuis ce temps-là, mais qui était ministre de l'Industrie et du
Commerce, Rodrigue de son prénom, Rodrigue Tremblay. Il n'avait
trouvé rien de mieux à dire à l'honorable
député de Champlain dans le temps, M. Maurice Bellemare, qui a
des états de services beaucoup plus reluisants et beaucoup plus
enviables que ceux de n'importe quel membre de cette Chambre en face de nous,
il disait à M. Maurice Bellemare: "Comme disait le général
De Gaulle, la vieillesse est un naufrage. Je constate l'épave que nous
avons devant nous". Beau respect pour les personnes âgées'. On
peut bien vouloir rapatrier l'argent pour tâcher de leur verser des
allocations de vieillesse par la suite. C'est une belle garantie!
C'était en 1978, deux ans et un jour après avoir pris le pouvoir;
de la part d'un ministre du gouvernement péquiste, un ministre qui
siégeait au Conseil des ministres!
Je vais vous rappeler d'autres faits; probablement que vous avez lu cela
et que vous n'avez pas aimé cela, M. le Président. Dans le
Nouvelliste du 23 mai 1980, M. Garon, mon ami personnel, disait ceci: "Quant
à M. Garon, il a soutenu que la campagne a été - on
parlait de la campagne référendaire - un succès puisque
45% ou 46% de la population francophone penche du côté de la
souveraineté-association. Le ministre a précisé de plus
que ce sont les forces dynamiques de la société qui ont
opté pour le oui, tandis que le non trouvait ses appuis auprès
des gens âgés et des gens moins instruits". Il associait les gens
âgés aux gens
moins instruits et aux gens qui ne comprenaient pas grand-chose.
M. Blouin: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député de Maskinongé. Il y a une question de
règlement. J'aimerais savoir en quoi le règlement a
été...
M. Blouin: En vertu de l'article 204 de notre règlement,
qui porte sur la pertinence du débat, c'est une demande de directive que
je vous adresse. Nous sommes en train de parler des crédits
budgétaires du gouvernement et le député de
Maskinongé essaie de nous dresser sa propre politique à
l'égard des personnes âgées. J'ai de la difficulté
à le suivre. Est-ce que vous pourriez m'indiquer si nous ne devrions pas
nous en tenir à la pertinence du débat, qui est de discuter des
crédits budgétaires du gouvernement, au lieu de revenir sur de
soi-disant déclarations que le député relève
à gauche et à droite, sans aucune espèce de suite, et qui
n'ont aucun rapport avec le sujet dont nous sommes en train de discuter?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, puisque vous m'avez adressé une demande de
directive, je dois vous dire que la pertinence du débat, dans une
discussion qui a trait à un débat restreint sur les
crédits budgétaires des ministères du gouvernement du
Québec pour l'année 1984-1985, est basée sur les rapports
des commissions. Je pense qu'à l'intérieur de l'ensemble des
commissions, il y a certainement eu, à l'une ou à l'autre, des
discussions qui ont porté sur les crédits à être
accordés à différents groupes de la société.
Que le député de Maskinongé ait une opinion, c'est son
droit le plus strict. Que vous en ayez une aussi, c'est votre droit le plus
strict également. Je pense que le député de
Maskinongé essaie de faire une démonstration d'après le
rapport de ces commissions. M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Je serais un peu
d'accord avec mon collègue qui vient de soulever cette question de
règlement, parce que, à toutes fins utiles, le gouvernement du
Québec n'a pas de politique pour les personnes âgées. Il ne
donne presque pas ou à peu près pas de budget pour les personnes
âgées. Cela devient un peu difficile d'en parler. Mais, dès
qu'on en parle... cela me permet d'en parler. Je vous remercie de m'en donner
l'occasion. Cela vous montre aussi ce que vous n'auriez jamais dû faire,
d'ailleurs. Soulever une telle question de privilège, c'est ne pas
savoir ce qui est débattu. (12 heures)
Je continue. M. Garon, en 1980, après le
référendum, comparait les personnes âgées aux gens
moins instruits, aux gens qui ne comprenaient pas grand-chose à notre
société d'aujourd'hui. Beau respect pour les personnes
âgées! Et on confie de l'argent à un ministre semblable, le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, et
à l'ancien ministre de l'Industrie et du Commerce pour administrer le
budget des personnes âgées. Quelle crédibilité:
Plus que cela, votre gouvernement a tellement décidé de se
moquer et de ridiculiser les personnes âgées que le premier
ministre s'est permis, lui aussi, d'en parler. Je vais citer le premier
ministre, c'est trop important. Le premier ministre, c'est le gars qui dirige
à peu près tout au Conseil des ministres. Quand il pense d'une
façon, les autres pensent de la même façon aussi, on
s'enligne sur lui. Voici ce que le premier ministre du Québec disait
concernant les personnes âgées.
M. Blouin: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député de Maskinongé, j'ai une question de
règlement.
M. Blouin: M. le Président, conformément à
ce que vous avez dit tout à l'heure, j'insiste pour que le
député de Maskinongé nous indique quel lien il y a entre
la discussion qu'il est en train d'avoir, seul avec lui-même, les
crédits budgétaires et les discussions qui ont eu cours, comme
vous l'avez dit, M. le Président, au cours des commissions
parlementaires qui ont étudié les crédits
budgétaires. J'aimerais que le député de Maskinongé
nous indique à quelle discussion il se réfère, provenant
des commissions parlementaires, puisque nous sommes en train de discuter des
crédits budgétaires du gouvernement. Est-ce que cela
l'intéresse, l'économie, ou si cela ne l'intéresse
pas?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, vous allez un peu trop loin, là. Je dois vous dire
que j'ai suivi avec attention, comme je le fais toujours, l'ensemble des
discours. J'ai cru comprendre que l'argumentation de base du
député de Maskinongé - sans vouloir aller au fond, parce
que ce n'est pas mon rôle - se référait à des sommes
disponibles à remettre à la Caisse de dépôt, comme
il l'a très bien dit. Son argumentation portait sur cette partie des
crédits budgétaires, si j'ai bien compris. Le
député de Maskinongé a droit à son opinion, il a le
droit de l'exprimer et c'est ce que je lui permets de faire.
M. Picotte: D'ailleurs, M. le Président, je faisais
référence à une question qu'on posait hier en Chambre
concernant des
crédits. Je pense qu'il n'y a que le député de
Rousseau qui n'a pu saisir le lien.
Je continue, M. le Président, en espérant que les trois
minutes perdues seront ajoutées à mon temps. Voici ce que pense
le premier ministre du Québec des personnes âgées. Avant de
se rendre en France, le premier ministre du Québec, qui est loquace, a
répondu à certaines questions. On lui posait la question
suivante: "Vous croyez qu'il s'agit seulement d'un phénomène
conjoncturel? - en parlant de l'indépendance. - Oui, mais c'est
préoccupant. - Comment comptez-vous attirer de nouveau les
adhérents" - vers l'indépendance du Québec? - Les membres
qui ont quitté le parti, à quelques exceptions près, vont
revenir au moment où approcheront les échéances
électorales. Le problème véritable se trouve du
côté des jeunes de 18 ans à 24 ans. Depuis le
référendum qu'on a perdu en 1980 et jusqu'aux prochaines
élections en 1984 ou 1985, des centaines de milliers de jeunes auront
atteint l'âge de voter."
Oui, avec 150 $ par mois leur venant de l'aide sociale parce qu'ils ne
trouvent pas de travail, oui, ils vont avoir l'âge de voter et ils vont
voter contre vous, c'est vrai!
Il va plus loin: "À l'autre bout - c'est ce que disait le premier
ministre, je rapporte les paroles de M. René Lévesque, premier
ministre du Québec - il y a beaucoup de gens qui avaient
été terrorisés au moment du référendum et
qui ont levé les pieds: ils sont morts." Eh! Belle considération
pour nos personnes âgées! Ils ont levé les pieds, les
vieux, et ils sont morts. C'est le premier ministre du Québec qui disait
cela. Ils ont levé les pieds, les vieux, et ils sont morts. Ils vont
nous débarrasser pour que nous puissions faire l'indépendance du
Québec lors de la prochaine élection, en 1985.
Il va encore plus loin: "C'est la loi de la nature, et ces changements
aux deux extrêmes de la pyramide des âges concernent près
d'un million d'électeurs." Bravo pour l'indépendance! C'est ce
que disait le premier ministre du Québec: "C'est là que se trouve
la clé." Donc, la clé de l'indépendance passe par les
jeunes qui vont atteindre l'âge de voter et elle passe aussi par le fait
que les vieux vont les débarrasser et disparaître. C'est ce que le
premier ministre du Québec disait.
Je vous ai donné trois exemples, deux exemples de ministre et
celui du premier ministre, le premier citoyen du Québec, qui demande
à être respecté mais qui tient un langage semblable. Je
vous ai donné l'exemple du premier ministre qui souhaite la mort des
personnes âgées pour gagner son élection. On va parler de
rapatrier de l'argent du gouvernement fédéral pour tâcher
d'avoir une sécurité de vieillesse pour les personnes
âgées...
Une voix: C'est vrai.
M. Picotte: Mon oeil! Vous ne l'aurez jamais,
l'indépendance du Québec, avec des solutions semblables, avec des
idées pareilles et en traitant les gens de notre province de cette
façon.
Cela a été la même chose ce matin. J'avais
l'intention d'interroger le ministre de l'Agriculture et la ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu concernant des
programmes destinés aux agriculteurs du Québec pour de la
création d'emplois. Ces gens-là se vantent de créer de
l'emploi. On avait un programme l'année dernière qui, dans mon
seul comté, avait créé 300 emplois, plus
précisément 328. Cette année, qu'est-ce qu'on fait? On
parle de créer de l'emploi, on parle de mettre l'accent
là-dessus. Qu'est-ce que le gouvernement a fait? On m'a annoncé
ce matin qu'il n'y aurait plus de programme "Agri-Travail". Encore du beau
trompe-l'oeil, encore une fois, on trompe la population. Assez, c'est
assez!
Un budget comme celui présenté par le ministre des
Finances, déconnecté de la réalité, cela
mérite d'être réprouvé et c'est
réprouvé par l'ensemble de la population. Je me ferai un devoir
de voter contre l'adoption d'un budget aussi insignifiant,
présenté par un gouvernement et un ministre des Finances
usés, vidés. Il est grand temps que vous déclenchiez des
élections générales pour que les 6 500 000
Québécois se débarrassent de votre genre de gouvernement
qu'on ne peut plus endurer d'aucune façon.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Chauveau.
Une voix: II a quelque chose à dire. M. Raymond
Brouillet
M. Brouillet: M. le Président, je crois qu'il serait temps
que nous en revenions aux faits plutôt qu'aux cris de voix. On peut dire
que le député de Maskinongé excelle dans la
vocifération, mais il a appuyé ses cris sur très peu de
faits et de données précis.
Le député de Maskinongé prend plaisir à dire
que les membres du parti ministériel dans cette Chambre disent qu'il n'y
a pas trop de chômage, répètent que cela va bien et qu'il
n'y a pas de problème au Québec. C'est faux. Il n'y a aucun
membre de cette Chambre, fût-il du parti ministériel, qui oserait
affirmer et qui a affirmé qu'il n'y a pas de problème au
Québec, qu'il n'y a pas trop de chômage au Québec, que cela
va très bien au Québec. Dire cela, c'est vouloir faire de la
démagogie.
Il y a trop de chômage au Québec et
nous le réaffirmons comme gouvernement. Tout ne va pas
très bien au Québec et il y a des problèmes au
Québec. Mais comme dans la réalité humaine, tant sur le
plan personnel que sur le plan collectif des sociétés, tout est
relatif, il faut quand même faire la part des choses et dire que, si tout
ne va pas bien au Québec et qu'il y a trop de chômage, cela ne
veut pas dire qu'il n'y a pas eu progrès, cela ne veut pas dire qu'il
n'y a pas eu d'efforts pour améliorer la situation. Cela ne veut pas
dire non plus que nous ne sommes pas sur la bonne voie vers une
amélioration de la situation au Québec.
Concernant le chômage, je vais relever simplement certains faits.
Ces données viennent de Statistique Canada. En un an, de mars 1983
à mars 1984, le taux de chômage a diminué au Québec
de 14,5% à 13%, donc une diminution de 1,5% du chômage en un an.
Comme pour apprécier une donnée sociologique, il faut savoir la
comparer à des sociétés comparables qui vivent autour de
nous. Voyons l'état et l'évolution du chômage au Canada
durant la même période, c'est-à-dire de mars 1983 à
mars 1984. (12 h 10)
Au Canada, le chômage est passé de 11,4% à 12,5% -
ce sont des données de Statistique Canada - donc une augmentation durant
la même période de 1,1% tandis qu'au Québec, il y a eu une
diminution de 1,5%. Donc, au Canada, 12,5% de chômage - c'est la
situation actuelle - et 13% au Québec. C'est encore un peu plus que dans
l'ensemble du Canada, mais l'écart entre le taux de chômage
québécois et le taux de chômage canadien n'a jamais
été, dans l'histoire des temps modernes au Canada, aussi mince.
Ce sont des données. Relativement au reste du Canada, si le taux de
chômage est moins élevé - l'écart du taux de
chômage est moins considérable actuellement - c'est parce que au
Québec il y a eu des efforts considérables depuis deux ans pour
relancer l'économie et créer des emplois.
Encore là, ce n'est pas par des cris que nous allons pouvoir
affirmer cela. C'est par des chiffres et des données qui nous viennent
encore de Statistique Canada. Le taux de croissance au Québec a
été surprenant, disent le Conference Board et Statistique Canada,
en 1983-1984, et les mêmes institutions prévoient que, pour
1984-1985, le taux de croissance au Québec sera de 4% et qu'il sera au
même niveau que certaines provinces canadiennes et supérieur
à la plupart des provinces canadiennes.
Tout n'est pas rose au Québec, comme tout n'est pas rose au
Canada, comme tout n'est pas rose dans les sociétés occidentales,
comme tout n'est pas rose dans l'ensemble des sociétés. Surtout
au lendemain d'une crise, nous avons à nous relever des coups que nous
avons reçus d'une crise économique qui nous afrappés et dont les origines ne sont pas exclusivement du
Québec, mais dont les origines proviennent de l'ensemble de la
société industrielle nord-américaine et occidentale.
Il y a un autre sujet et, vraiment, je trouve cela absolument, je ne
dirais pas dégoûtant, mais, enfin, ce serait peut-être le
mot que je devrais dire, la façon dont le député de
Maskinongé essaie d'exploiter certains sentiments que peuvent
éprouver certaines catégories de notre population, les personnes
âgées. Comment exploiter ces sentiments, le sentiment d'une
certaine insécurité, ce qui est normal à cet âge,
jouer démagogiquement sur ces sentiments pour faire les pires vilenies
et affirmer les choses les plus aberrantes? Quand on dit que le gouvernement a
du mépris pour les personnes âgées, je ne saurais qualifier
de telles affirmations. Venons-en encore au fait.
Tout d'abord, les personnes âgées connaissent les
députés du Parti québécois parce qu'on les
rencontre, parce qu'on vit avec ces personnes, parce qu'on suit leurs
activités, parce qu'on les soutient dans leurs activités, parce
qu'on les supporte, et qu'on est prêts à collaborer avec elles
dans toute entreprise qu'elles pourront désirer mettre sur pied pour
améliorer leurs conditions de vie. Qu'est-ce que le gouvernement du
Parti québécois a fait pour les personnes âgées?
Tout d'abord, il y a les médicaments gratuits. Il y a la construction de
logements, de foyers. Je n'ai pas les chiffres devant moi, mais vous savez que
nous avons construit des dizaines de milliers de logements, dans les HLM,
depuis ce temps, pour permettre aux personnes retraitées d'avoir un
logement décent et convenable. On a quadruplé, quintuplé
les possibilités de logements décents pour les personnes
âgées. Pensons au programme "Logirente". Qui a mis sur pied le
programme "Logirente"? Par ce programme, on paie une partie du loyer des
personnes âgées pour leur permettre, si elles le désirent,
de continuer à vivre dans le logement où elles ont vécu
depuis des années. Encore cette année, le gouvernement a
élargi, à l'ensemble des personnes retraitées ou
préretraitées, l'accession à ce programme "Logirente". Les
personnes de 60 à 64 ans, de même que les personnes de 65 ans et
plus, seront admissibles au programme "Logirente". C'est donc un pourcentage du
loyer, un pourcentage qui excède une partie du revenu, qui sera
versé à ces personnes pour leur permettre de demeurer chez elles
et de continuer à vivre dans le lieu où elles désirent
vivre. Quand j'entends un député tenir les propos qu'il a tenus
tantôt, cela me dégoûte, M. le Président.
Nous en venons aux crédits du gouvernement. Vous savez que lors
de la crise économique que nous avons dû subir depuis deux ans, le
gouvernement a fait des efforts considérables pour tâcher de
contrôler ces
dépenses publiques pour éviter l'accroissement du
déficit de la province, pour tenter de dégager dans ce contexte
une marge de manoeuvre pour supporter l'économie, pour tâcher
d'aider à la relance de l'économie et ainsi créer de
l'emploi et soulager la misère qui, malheureusement, est trop
répandue dans notre société.
Les efforts que pas uniquement le gouvernement, mais que l'ensemble des
citoyens du Québec ont été appelés à fournir
durant deux, trois ans... Nous savons comment des groupes de citoyens ont
été appelés à collaborer, à contribuer, et
dans certains cas grassement, pour tâcher d'établir cet
équilibre des dépenses publiques et ainsi permettre de
dégager une marge de manoeuvre pour soutenir l'économie. C'est
l'ensemble des efforts des citoyens qui ont permis, cette année entre
autres, de présenter un budget équilibré et qui ont
dégagé 311 000 000 $, dans un budget qui n'accroît pas le
déficit, mais au contraire qui le diminue si on compare le
déficit actuel proportionnellement à l'ensemble des revenus du
Québec. Il y a même une diminution réelle du
déficit. On a quand même réussi, par une gestion
rigoureuse, par un effort collectif de la société
québécoise à dégager 311 000 000 $ pour les
injecter dans l'économie et soutenir le plan de relance que le premier
ministre du Québec annonça au mois de novembre dernier. Quand le
premier ministre a fait connaître le plan de relance, qui a
été le fruit de mois et de mois de réflexion et d'efforts,
on a fait des gorges chaudes parce qu'on prévoyait pour les trois mois
qui devaient terminer l'année financière le 31 mars... on avait
annoncé des crédite de 30 000 000 $ pour le plan de relance dans
ce budget.
On a fait des gorges chaudes en disant: Où voulez-vous que nous
allions avec 30 000 000 $ pour supporter le plan de relance de
l'économie du Québec? On a dit, à ce moment: Attendez le
prochain budget; c'est là que la mise sur pied des différents
éléments du plan de relance pourra être
complétée et concrétisée et vous verrez, à
ce moment, les sommes d'argent que le gouvernement sera prêt à
consacrer pour l'appuyer et le réaliser. Nous retrouvons cela dans les
crédits déposés par le gouvernement, 311 000 000 $ de
marge de manoeuvre consacrés en totalité pour appuyer le plan de
relance.
Ce plan de relance forme un tout avec différents volets, cinq en
particulier. C'est l'interaction de ces différents volets qui va
permettre d'infléchir notre développement économique, qui
va permettre d'agir sur la structure de base de notre économie pour
tâcher de la rendre plus solide, pour tâcher de la raffermir et
pour tâcher aussi de la rendre concurrentielle face à toutes les
autres économies du monde occidental. Ces principaux volets du plan de
relance sont les suivants: II y a le volet entreprise. Le gouvernement a
consacré une grande partie de ces 311 000 000 $ pour tâcher de
soutenir l'entreprise, de la relancer, de la moderniser.
Je n'irai pas dans tous les détails parce que j'aimerais aborder
un point qui me tient très à coeur, en particulier, c'est celui
des jeunes. Pour ce qui est des entreprises, vous le savez, il y a plusieurs
millions de dollars pour supporter l'entreprise. L'entreprise de la
construction, le secteur agro-alimentaire, tout le programme de financement des
entreprises, le reboisement de nos forêts, etc., et j'en passe. Il y a
tout le volet de la recherche et de l'innovation. Il y a 45 000 000 $ qui ont
été dégagés pour aider la recherche et l'innovation
dans nos universités et aussi dans nos différentes entreprises.
La main-d'oeuvre: 116 000 000 $ accordés pour la formation de la
main-d'oeuvre. Je reviendrai sur ce volet tantôt quand je parlerai du cas
des jeunes. (12 h 20)
Après cela, il y a le volet des investissements publics. Il y a
166 000 000 $, en plus des 311 000 000 $ dégagés dont j'ai
parlé tantôt, pour appuyer le plan de relance, il y a 166 000 000
$ qui ont été ajoutés à au-delà de 1 000 000
000 $ pour des immobilisations publiques dans notre société, pour
un total de 1 219 000 000 $ d'immobilisations que le gouvernement, à
même le service de la dette, va injecter dans l'économie pour
fournir à nos citoyens les équipements dont ils ont besoin dans
les différentes sphères de leur activité sociale.
Je mentionne qu'il y aura aussi un cinquième volet: 2 900 000 $
seront accordés au ministère du Revenu pour améliorer
l'accessibilité des services auprès de l'ensemble des citoyens:
services de réception, services d'accueil et services
téléphoniques.
M. le Président, quinze minutes, c'est très court et
très bref pour aborder des questions d'une telle importance, mais
j'aimerais dire ceci avant d'aborder le cas des jeunes. Ces 311 000 000 $ pour
appuyer le plan de relance, ces 166 000 000 $ additionnels aux immobilisations
dans le cadre des investissements publics représentent des milliards de
dollars d'investissements de la part des partenaires et de tous les autres.
Pour vous illustrer ceci, le plan de relance du mois de mars de l'an dernier,
qui a demandé au gouvernement l'injection d'environ 200 000 000 $, a
généré pour 8 000 000 000 $ d'investissements au
Québec. Malheureusement, je n'ai pas le temps de détailler
cela.
M. le Président, vous me faites signe, mais est-ce que j'ai
encore au moins cinq minutes?
Une voix: Une minute.
M. Brouillet: Deux minutes?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je ne sais pas l'entente
qu'il y a eu dans votre parti, si on avait prévu quinze minutes plus une
demi-heure pour le ministre, mais d'après ce que je peux voir, ce sera
20 minutes chacun et le ministre aura 20 minutes, puisque c'est l'heure.
M. Brouillet: Je vais conclure très rapidement sur les
jeunes. Qu'y a-t-il dans le budget pour les jeunes? Tout d'abord, pour les
jeunes diplômés, il y a le programme de bourses d'affaires.
Plusieurs millions de dollars seront consacrés à cela. C'est pour
permettre aux jeunes qui ont un diplôme de cégep professionnel ou
du premier cycle universitaire de mettre sur pied leur propre entreprise pour
créer leur propre emploi et pour créer des emplois pour les
autres. Vous avez entendu parler de ce programme. Sinon, vous pourrez vous
référer aux bureaux de vos députés de comté
et ils pourront vous fournir tous les renseignements.
J'en viens aux jeunes qui reçoivent de l'aide sociale, aux jeunes
en bas de 30 ans, les 18-30 ans aptes au travail. Il y en a 80 000. Qu'est-ce
que le gouvernement fait pour eux? Il y avait une alternative. Soit augmenter
leur prestation parce qu'il est évident qu'on ne peut pas vivre avec 152
$ par mois - tout le monde est d'accord avec cela: on ne peut pas vivre de
façon indépendante et autonome avec 152 $ par mois - donc,
l'augmenter sans condition ou bien offrir une allocation additionnelle, mais
à une condition, soit de parfaire leur formation par du rattrapage
scolaire pour terminer au moins leur secondaire, soit encore par des stages en
entreprise ou bien participer à une activité qui répond
à des besoins sociaux du milieu. C'est la solution que le gouvernement a
retenue.
Ce que désirent les jeunes, ce n'est pas de recevoir de l'argent
à ne rien faire. Au fond, quand nous les rencontrons ou que nous
discutons avec eux, ce qu'ils désirent c'est de pouvoir gagner leur vie
et participer à l'élaboration de projets nécessaires
à la société.
Le gouvernement a donc prévu des crédits pour
compléter la formation scolaire, la formation en entreprise et, aussi,
pour appuyer des projets communautaires venant du milieu. Ce que je demande,
c'est que le gouvernement dispose des crédits nécessaires pour
répondre à tous les projets communautaires du milieu et qu'on ne
se limite pas uniquement à 30 000, 40 000 ou 50 000 jeunes. Il faut que
les 80 000 jeunes puissent, s'ils le désirent, après avoir mis
sur pied des projets communautaires en collaboration avec les gens du milieu,
obtenir les crédits nécessaires pour réaliser ces projets.
Ce sont les 80 000 jeunes aptes au travail qui pourront, s'ils le
désirent, avoir plus de 152 $ et recevoir une allocation additionnelle
qui leur permettra de vivre plus décemment et surtout plus dignement
parce qu'ils auront participé à une activité sociale, une
activité nécessaire soit pour parfaire leur formation ou encore
pour répondre aux besoins de la société. J'invite les
jeunes à se regrouper pour élaborer des projets et venir faire
pression sur le gouvernement pour que celui-ci alloue les crédits
disponibles à tous les projets valables dans le milieu et ainsi
permettre aux jeunes de travailler dans la société. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Donc, selon l'entente, il
reste 20 minutes au député de Saint-Laurent et 22 minutes au
ministre. M. le député de Saint-Laurent.
M. Germain Leduc
M. Leduc (Saint-Laurent): De l'étude des crédits
budgétaires pour l'année 1984-1985 et du budget de cette
même année, j'ai surtout retenu un aspect ou une chose: c'est que
le gouvernement du Parti québécois s'intéresse beaucoup
plus à la politique qu'à l'économie de la province de
Québec. C'est ce que je vais tenter de prouver dans les minutes qui vont
suivre. Je vais surtout tenter d'établir combien il est important
d'être concurrentiel si nous ne voulons pas que l'économie du
Québec soit déclassée.
Lors de la publication par l'European Management Forum de ses
statistiques annuelles sur la compétitivité des pays
industrialisés, on apprenait que le Canada se classait au onzième
rang sur 24 pays. Dans les critères d'évaluation retenus par
l'organisme, on retrouvait, entre autres, des facteurs relatifs au climat plus
ou moins favorable à l'investissement dans le pays concerné. Sur
ce point, le Canada arrivait, malheureusement, au quatorzième rang. Ce
sont généralement les politiques trop indépendantistes ou
trop nationalistes qui rendent incertains les investisseurs. Il faut bien le
dire. Au Canada, on n'a qu'à penser à la FIRA, à l'agence
de tamisage des investissements étrangers et au PEN, le fameux programme
énergétique national.
Au Québec, bien sûr, on pense tout de suite à la
question de la langue avec la loi 101. On pense au tas de règlements ou
à la réglementation volumineuse et tracassière. Et bien
sûr, immédiatement, on pense à l'objectif obsessionnel de
ce gouvernement, l'objectif de l'indépendance véhiculé par
le gouvernement québécois depuis 1976.
Ce dont nous avons besoin ici aujourd'hui pour poursuivre la reprise et
pour conserver, sinon accroître notre position concurrentielle, c'est
à la fois d'un climat
politique sain et d'une économie favorable, c'est-à-dire
un environnement économique qui favorise l'investissement, tout ce qui,
bien sûr, manque et fait défaut au gouvernement du Parti
québécois. Il faut parler aux gens d'affaires. Il faut parler
peut-être particulièrement aux industriels, aux gens qui
créent la richesse, particulièrement aux implanteurs d'industries
chez moi, dans le comté de Saint-Laurent. Il faut parler à ces
gens pour entendre leurs doléances. Ils nous disent combien
l'incertitude politique est également une incertitude économique,
combien cela affecte le développement économique du Québec
et combien, de cette façon, on ne vient pas à bout d'agrandir
l'assiette fiscale au Québec. Voilà les deux préalables
à la relance économique sur lesquels je vais maintenant
m'attarder. En effet, ces crédits budgétaires et le budget
étant, à mon sens, dans la continuité des politiques
électoralistes du gouvernement du Parti québécois, on se
doit de bien les situer pour les mieux comprendre.
L'incertitude politique qu'incarne l'indépendance a eu sur
l'investissement privé des effets absolument négatifs qui, bien
sûr, ne se comptabilisent plus tellement ils sont nombreux et dont le
plus visible fut sans doute l'exode des sièges sociaux. Oui, M. le
ministre, l'exode des sièges sociaux au Québec est, en fait, un
facteur qui déclasse absolument l'économie du Québec.
Malheureusement, ceux qui en ont le plus souffert, M. le ministre du Commerce
extérieur, ce sont, en dernière analyse, tous les travailleurs et
surtout les Québécois de classe modeste, parce qu'il y a une
chose qu'il faut bien comprendre; quand les entreprises et les sièges
sociaux quittent le Québec, ils emportent avec eux leurs capitaux. Ils
emportent également leurs jobs ou leurs emplois. Ce sont des jobs ou des
emplois qui sont perdus pour les Québécois, surtout pour nos
jeunes. Il faut voir les problèmes qu'on connaît actuellement au
Québec avec les jeunes. De cette façon, le Québec est en
train de détruire les jobs ou les emplois pour nos jeunes. On est en
train de détruire cette génération de jeunes. (12 h
30)
À la suite de multiples pressions et face à une
conjoncture qui ne s'améliorait pas aussi facilement qu'il l'aurait bien
souhaité, le Parti québécois a lancé, le 13
novembre dernier - on s'en souvient - son fameux plan de relance. Laissez-moi
vous dire que, si j'aborde ce plan de relance en parlant du climat politique,
c'est qu'à mes yeux, ce plan en était d'abord un de relance
politique. Non pas de relance économique. Ce qu'on fait, de l'autre
côté, c'est de la relance politique.
On a eu droit à un plan de relance absolument exempt de
réelles mesures économiques, telle la stimulation des
investissements. On sait le rôle important des investissements dans une
économie qu'on veut prospère. C'est un plan de relance qui
n'avait même pas le calibre de ce qu'on pouvait en attendre, soit
redonner confiance aux investisseurs. Ce qui a motivé le Parti
québécois dans toute cette affaire, c'était exclusivement
de reconquérir l'opinion politique. C'est un exercice, comme je le
disais tantôt, de relance politique.
Le document secret rendu public par trois de mes collègues, le 17
mai dernier, en est une preuve flagrante. Le Parti québécois
identifie des publics cibles, des actions et des acteurs sur lesquels il entend
intervenir pour rétablir sa crédibilité. À mon
sens, il n'est même plus question de rétablir sa
crédibilité puisque la crédibilité du Québec
est terminée. Ce gouvernement est majoritaire au Parlement, mais il est
minoritaire dans la population.
Toute cette relance politique s'est donc faite sous le signe d'une
relance économique. Qu'il suffise maintenant de regarder le
scénario de plus près. Le gouvernement du Parti
québécois tiendra trois sommets nationaux en 1983; d'abord au
mont Sainte-Anne, en février; ensuite, à Pointe-au-Pic, en
septembre et, enfin, on s'en souvient, à Compton en novembre. On
connaît la suite, bien sûr. Ces sommets économiques
débouchent sur un plan de relance économique, le 13 novembre, et
sur le manifeste "Face à un monde nouveau", rendu public le 25 mai
dernier.
Afin de rendre encore plus visible et plus crédible toute cette
action, on a eu droit entre-temps, soit le 6 mars dernier, à un
remaniement ministériel. J'ai bien dit remaniement ministériel et
non pas un renouvellement. Tous les Québécois ont assisté
au fameux jeu de la chaise musicale. On cache les ministres. On enlève
des ministres de poste où ils ont fait des gaffes. On essaie, en fait,
de diminuer les vagues. Ce qu'on veut surtout, c'est se donner une belle image.
Le gouvernement du Parti québécois affirme qu'il entend
dorénavant miser sur l'économie. Comme si ce gouvernement
était intéressé par l'économie.
Qu'est-ce qui a le plus stimulé ce gouvernement à prendre
ce mirage? Est-ce un mirage ou un virage? Il y a d'abord eu, bien sûr, sa
perte de popularité. Le remaniement mute les ministres les plus
contestés, soit le ministre de l'Éducation, le ministre des
Affaires municipales avec la fameuse loi 38 et celui du Revenu avec la non
moins célèbre loi 43. Les chantiers de Camille. On en est rendu
aux chantiers de Camille, tels qu'on les a appelés, et qui
prônaient déjà la nécessité d'un
rapprochement. Camille avait senti qu'il était nécessaire de se
rapprocher de la population et des groupes sociaux.
Il y a aussi en corollaire les critiques
internes en provenance du Parti québécois. Parce que, bien
sûr, le Parti québécois est conscient des problèmes.
À ce titre, personne n'a encore mieux défini les objectifs
électoralistes du Parti québécois que le conseiller aux
programmes lui-même, dans les pages du Devoir, le 25 août 1983. Il
intitulait son plaidoyer comme suit: "Le Parti québécois en
quête d'une reprise politique". J'ai parlé tantôt de
crédibilité politique et c'est ce qui préoccupe ce
gouvernement. Il affirmait que la souveraineté demeurait le seul cadre
politique possible pour faire face adéquatement aux défis
économiques et techniques. Je passe sous silence le plaidoyer du
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, les conspirateurs
de l'an 2000, pour qu'"enfin, les Québécois se reconnaissent dans
le Parti québécois". Parce que les Québécois ne se
reconnaissent plus dans le Parti québécois, au dire du
député de Rouyn-Noranda.
Le premier ministre parvient finalement à rallier tous ses
ministres à l'objectif de la souveraineté-association.
Voilà donc une année complète pendant laquelle on
s'affaire à ressourcer, à revitaliser le projet
indépendantiste. Dans le manifeste du début de 1983,
intitulé "Les aspirations de notre société", le Parti
québécois affirme que l'indépendance n'est plus
nécessaire seulement pour des raisons émotives, telle la langue,
mais bien pour des raisons économiques, soit le mieux-être des
Québécois. Le manifeste de la semaine dernière donne
effectivement raison à cette première ébauche d'un nouveau
projet collectif: la souveraineté-association aura une vision
économiste.
Il y a, enfin, une troisième raison à la nouvelle vocation
économique du Parti québécois: il s'agit de se placer sur
le terrain de ce qui a toujours fait la force du Parti libéral et de son
chef, l'économie. On pourra toujours nous dire que Robert Bourassa
n'inquiète pas le Parti québécois. On le voit donc, toute
cette démarche est d'abord et avant tout politique et
l'hypothèque de l'indépendance demeure toujours. On ne fait que
procéder à une mise à jour de l'indépendance. Ce
n'est sûrement pas un climat politique dont nous saurions nous
satisfaire, dont les Québécois pourraient se satisfaire.
Ce dont le Québec a besoin pour prendre le virage technologique
à temps, c'est d'un climat économique favorable à
l'investissement et aux investisseurs. Nous l'avons dit constamment et nous
allons continuer à le dire: il faudra bien plus que les légers
adoucissements de décembre dernier sur la loi 101 pour parvenir à
ces fins. Le gouvernement doit de toute nécessité alléger
le fardeau fiscal des Québécois, notamment, par l'abolition des
droits successoraux, comme nous l'avons à nouveau prôné la
semaine dernière, appuyés en cela par le député de
Sainte-Marie, un député qu'on ne peut accuser d'être
capitaliste, bien sûr. Il a compris que pour l'économie du
Québec, il faudrait peut-être enlever les droits de succession,
qui coûtent trop cher aux Québécois, aux plus
démunis de la société qui perdent, de cette façon,
des jobs, des emplois.
Que nous proposent les crédits budgétaires et le budget
qui a suivi? Question à se poser. Je compte poursuivre mon argumentation
à l'effet que derrière des mesures économiques, ou
plutôt derrière l'absence de mesures économiques, se
dessine un plan strictement politique et électoraliste. Dans son
discours sur le budget, le ministre des Finances notait que le Québec
fut le seul gouvernement du Canada à ne pas augmenter son déficit
au cours de la récession, tout en étant le plus actif sur le plan
des politiques de relance. À quelles politiques
réfère-t-il? Sûrement au plan de relance de novembre
dernier.
Et le ministre d'ajouter immédiatement: "Je suis convaincu que
les orientations prises jusqu'à maintenant par le gouvernement sont
essentiellement celles qui devaient être prises." Cette
consécration du statu quo est loin de faire des crédits
budgétaires et du budget des documents insignifiants. Non, je suis le
premier à admettre que ces documents, tant les crédits
budgétaires que le budget, ne sont pas des documents insignifiants. Au
contraire, ils témoignent du peu de cas que fait le gouvernement actuel
de la situation économique. Il détériore le climat
économique au Québec. On ne peut, contrairement à ce que
prétend le ministre, se réjouir de performances
économiques macroscopiques ou de prévisions
chrono-métriques futuristes pour crier victoire alors, que l'on
connaît au Québec un taux de chômage qui affecte 410 000
Québécois, alors que nous connaissons au Québec 715 000
personnes dépendant de l'assistance sociale qui, malheureusement, ne
sont pas embarquées, elles, à bord du train de la relance du
ministre des Finances et des ministres de l'autre côté de la
Chambre.
On ne peut sûrement pas non plus donner aux mesures
gouvernementales le temps nécessaire pour en tirer l'effet
désiré lorsqu'un travailleur sur sept au Québec ne
travaille pas. Comment expliquer qu'il faille plusieurs mois pour mettre en
place un programme de réinsertion des assistés sociaux sur le
marché du travail alors qu'à l'annonce du plan de relance, tout
aurait dû être fin prêt? N'avait-on pas travaillé
plusieurs mois - M. le Président, je vous le demande - pour
préparer ce plan? Peut-être que vous y étiez
également.
Où sont donc allées toutes ces énergies
ministérielles pendant ce temps si elles n'ont pas servi à
fabriquer le plan de relance? En novembre, on nous a présenté un
plan de
relance pour lequel on a toujours manqué d'estimations
budgétaires. Le 22 mai dernier, le ministre des Finances
réitérait qu'il n'a toujours pas les moyens de mesurer l'impact
qu'auront les programmes de financement des entreprises et de main-d'oeuvre...
(12 h 40)
J'avais 20 minutes, M. le Président. Est-ce que j'ai parlé
durant 20 minutes? Pas du tout. Je vais utiliser mes 20 minutes.
À ce titre, sur quelle base peut-on affirmer que son plan
réussira et sur quelle hypothèse a-t-on fondé sa
conception? Il me semble que tout cet exercice manque de sérieux et
manque sûrement de planification. Les crédits budgétaires
et le discours sur le budget ne nous éclairent en rien sur le plan de
relance, plan qui était déjà lui-même une
pièce magistrale de théâtre
télévisé.
À la suite de Jean-Louis Roy, directeur du Devoir, j'ajouterai,
et je le cite: "À moins de s'attaquer aux causes du mal actuel, le
gouvernement sera forcé de réaliser que son plan, si
généreux soit-il, s'enlisera vite dans les vieilles rigoles du
sous-développement."
Quels sont donc les préalables à la relance
économique et à la rénovation de l'économie
québécoise? Ce sont des mesures bien connues et que le ministre
des Finances n'a aucunement retenues, soit, premièrement, une vigoureuse
remise en cause de la réglementation; deuxièmement, une
réforme de la fiscalité et, troisièmement, une
réduction des ponctions fiscales sur la masse salariale.
D'abord, la réglementation. On estime que plus du tiers de
l'économie est assujetti à une forme ou à une autre de
réglementation au Québec, tels, bien sûr, le permis de
travail, les barrières tarifaires, les quotas de production, le
contrôle des prix, et ce sans parler du taux des salaires, des arbitrages
de l'État et des règlements d'embauche et de licenciement. Il
n'est donc pas surprenant que 15% du PIB provienne du travail au noir, une
plaie au Québec. Si on reconnaît que 75% de la richesse, 67% des
salaires et 50% des investissements relèvent du secteur privé, il
est essentiel de donner à ce secteur les moyens de s'adapter aux
nouvelles tendances de l'économie et d'innover. La réglementation
a pour effet de diminuer la flexibilité des entreprises et l'adaptation
aux nouvelles technologies. C'est la principale cause, selon l'Institut C.D.
Howe, de la difficulté du Canada à se relever de la
récession... Le Québec appartient au Canada, M. le ministre, pour
votre information.
La fiscalité. Aucune mesure dans les crédits
budgétaires ou dans le discours sur le budget n'est prévue pour
venir alléger le fardeau des contribuables. Le ministre des Finances
nous réserve la surprise, soi-disant, pour son livre blanc et pour le
budget de 1985-1986, plus près des prochaines élections que le
présent budget. Nous avons un régime fiscal plus
élevé de 14,3% que celui de l'Ontario, c'est bien connu. Nous
avons un système de taxation qui décourage profondément
l'entrepreneurship et punit l'excellence: 44% de l'impôt provincial
concerne la production. Il n'est pour s'en convaincre que d'observer l'ampleur
de l'économie souterraine et l'utilisation croissante des abris fiscaux
et subventions de toutes sortes qu'exploitent individus et entreprises, parfois
de façon plus ou moins justifiée, tel le programme
énergétique national du gouvernement canadien.
Le régime fiscal québécois est le frein le plus
important à la croissance économique. Il n'y a pas que la crise
qui ait amené les entreprises à préférer la
consolidation de leurs finances ces dernières années plutôt
que l'investissement en capital. Le système de taxation du Québec
ne favorise aucunement l'entreprise privée ni n'attire les nouveaux
investissements si importants pour le développement économique,
pour nos jeunes. On peut penser, entre autres, aux droits de succession qui
représentent, à juste titre, une prime au départ et une
prime pour les investisseurs qui s'installeront ailleurs au Canada où
ces droits de succession n'existent pas.
Je termine, M. le Président, dans deux minutes. Quand on sait que
65% de la croissance de la productivité s'explique par les
investissements, il est très inquiétant de voir que,
contrairement aux prétentions du ministre, l'investissement au
Québec est passé de 21% du PIB en 1976 à 14,8% en 1984,
alors qu'au Canada il s'est maintenu autour de 23% ou 24%.
Tout cela, M. le Président, pour vous dire combien les
Québécois sont inquiets face au sous-développement, face
aux problèmes qui sont créés à l'économie du
Québec. Je pense qu'il est grandement temps... Je pense que certains
Québécois ont commené à avoir de l'espoir parce
qu'ils pensent que c'est la fin, la fin de ce régime et pour
bientôt. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président suppléant (M. Tremblay):
La parole est maintenant au ministre du Commerce extérieur.
Compte tenu que nous avons commencé ce débat avec cinq minutes de
retard, il pourra intervenir jusqu'à 13 h 5.
M. Bernard Landry
M. Landry: Merci, M. le Président, de me donner la parole
et de me dire avec beaucoup d'équité que je pourrai
dépasser la limite fatidique de 13 heures.
Ce n'est pas tout à fait par hasard que le gouvernement demande
au député de Laval-des-Rapides de conclure le débat sur le
discours sur le budget. En effet, une des
mesures contenues, qui a frappé énormément la
population et qui a été appuyée avec enthousiasme, c'est
l'abolition du péage. Dans cette grande ville de Laval, la
deuxième plus grande du Québec par sa population, il s'agit
là d'une promesse qui en a laissé plusieurs sceptiques. Pourquoi?
Parce que tous les parlementaires libéraux, depuis que le péage
existe, ont promis de l'abolir. Non seulement aucun d'entre eux n'a
réalisé sa promesse, mais ils en ont rajoutés, parce qu'on
a deux autoroutes à Laval et on a des péages qui sont tout
à fait récents qui ont été l'oeuvre de
l'administration libérale.
Mes collègues de l'île de Laval et moi-même, au
printemps 1981, avons convaincu la population, ce qu'elle fit, de voter pour
nous et quatre des circonscriptions de l'île de Laval sont, en effet,
représentées par la majorité ministérielle. Un des
thèmes de notre campagne électorale qui, je dois le dire - les
libéraux avaient tellement fait de démagogie, avaient tellement
trompé le monde à ce sujet - faisait sourire, c'est que nous nous
sommes engagés formellement -celui qui, aujourd'hui, est devenu le
député de Vimont; celui qui est devenu le député de
Fabre; celui qui est devenu le député de Mille-Iles - à
débarrasser la population lavalloise de cet inconvénient majeur
qu'était le péage. Nous avons dit cela à nos concitoyens.
Plusieurs savaient que, quand le Parti québécois promettait une
chose, il le faisait. Des fois même qu'on a fait des promesses et on les
a réalisées et des gens qui ne les avaient pas prises au
sérieux et qui étaient contre ces mesures ont dû convenir
que, lorsque nous prenions un engagement, c'était sérieux. C'est
avec beaucoup de plaisir que je le souligne pour les Lavallois, c'est la mesure
la plus importante du budget, réaliser cette promesse.
Non seulement cela va permettre aux gens de diminuer leurs frais
budgétaires quotidiens parce qu'un grand nombre de Lavallois et de
Lavalloises travaillent dans l'île de Montréal, non seulement cela
va leur faciliter l'accès à ce merveilleux royaume des
Laurentides qui est situé immédiatement au nord, mais ce que peu
de gens savaient, que les gens de Laval-des-Rapides savaient très bien,
c'est qu'un poste de péage comporte en plus des désavantages
d'environnement qui vraiment commençaient à être
gênants, du bruit, de la pollution parce que les moteurs tournent au
ralenti, évidemment, et une combustion beaucoup moins parfaite. Les
sirènes des véhicules d'urgence qui essaient de se frayer un
chemin, aux abords des postes de péage encombrés, pour vaquer aux
obligations urgentes qui sont les leurs. Tout cela, aspect d'environnement,
aspect économique, aspect de loisirs, est une transformation majeure de
la vie des citoyens de cette île. Avec mes collègues de Laval,
nous sommes extrêmement fiers d'avoir mené - le
député de Vimont en particulier, qui a fait partie du
comité qui a étudié la question - la bataille contre les
péages, de l'avoir gagnée et nous allons maintenant continuer,
pour l'amélioration de la condition de nos concitoyens, à faire
d'autres batailles pour lesquelles nous reprendrons d'autres engagements
à la prochaine campagne électorale. Comme le passé est
garant de l'avenir, je pense que l'île de Laval qui est très
largement québécoise et qui supporte très largement
l'action du gouvernement le fera encore à la prochaine
échéance électorale. (12 h 50)
Cela étant dit, qui est un peu local, j'en conviens, mais je ne
pouvais pas m'empêcher de le souligner, je voudrais passer à
quelques considérations plus générales sur le budget et
suivre - cela va peut-être en surprendre certains - la logique du
député de Saint-Laurent qui a parlé avant moi. Remarquez
que ce n'est pas facile de suivre sa logique parce que, d'abord, il faut la
découvrir et que ce n'était pas d'une clarté absolue, mais
j'ai cru comprendre - il n'est plus ici pour le confirmer - qu'il disait que le
niveau des investissements et des investissements privés, en
particulier, était un indicateur de climat économique et de bonne
gestion d'un gouvernement. En gros, je pense ne pas trahir sa pensée qui
dit: Quand le climat est bon, les gens investissent et, quand le climat est
mauvais, les gens n'investissent pas.
Quand les politiques sont bonnes, les gens investissent. Quand elles
sont mauvaises, les gens n'investissent pas. J'admets que, sur le plan de
l'analyse économique élémentaire, le député
de Saint-Laurent a raison. Ce qu'il dit là, c'est vrai pour la France,
c'est vrai pour les États-Unis, c'est vrai pour l'Ontario. Alors
appliquons son raisonnement maintenant au cas québécois. Si le
député de Saint-Laurent et l'Opposition veulent faire preuve
d'une certaine logique, nous allons admettre leurs prémisses et nous
allons l'appliquer au cas québécois en regardant dans le concret
quels ont été précisément les investissements et
les investissements privés au Québec en 1984.
Je donne quelques chiffres, mais ils sont absolument spectaculaires.
Sans compter l'habitation, la croissance des investissements au Québec
en 1984 est de 15,2%. En Ontario, environ 4 ou 5 fois moins: 3,6%. Au Canada:
1,2%. Appliquons la logique de l'Opposition: Si le climat est bon, les gens
investissent. Les trois chiffres que je viens de donner démontreraient
qu'au Canada le climat est particulièrement mauvais dans l'ensemble,
qu'en Ontario il est beaucoup moins bon qu'au Québec, et qu'ici nos
investisseurs ont décidé d'assurer une
croissance de 15,2%, ce qui fait que le Québec est, en pratique,
la terre la plus accueillante et la plus favorable aux investisseurs, aux
décisions d'investissement de tout l'espace économique
canadien.
Si on poussait ces comparaisons au-delà du Canada...
L'État de l'Illinois qui, à lui seul, est une puissance
économique pratiquement comparable au Canada, l'État de
l'Illinois est frappé d'un chômage de 20% présentement, les
investissements y plafonnent et on regarde avec envie les chiffres
québécois. Il m'a été donné de rencontrer au
début de la semaine le lieutenant-gouverneur de l'Illinois qui m'a
parlé des problèmes économiques cruels que subissaient ce
grand État et plusieurs grands États américains.
Je dis à ces gens que, dans nos investissements dans le domaine
manufacturier - ce qui est encore plus fort, eu égard à la
thèse du député de Saint-Laurent: ce n'est pas le
gouvernement, ce n'est pas Hydro-Québec, ce sont des entreprises
privées, des grandes et des petites entreprises dans les parcs
industriels de toutes les villes du Québec - il y a une hausse au
Québec en 1984 de 38,3%, presque 40%.
Quelle est la situation en Ontario? C'est -2%. Pendant qu'on monte de
40% dans les investissements, l'Ontario diminue de 2%, le Canada diminue de
2,%. Une hausse de 40%, une diminution de 2,5%. Pourtant, en Ontario, où
cela diminue de 2,3%, il n'y a pas de loi 101; il n'y a pas un gouvernement du
Parti québécois. C'est l'évidence. L'Ontario n'a pas pour
but d'acquérir la souveraineté nationale, comme la
collectivité québécoise. En dépit de cela: un
effondrement catastrophique des investissements et une hausse spectaculaire au
Québec. J'aimerais que le député de Saint-Laurent soit
toujours ici ou que quelque porte-parole de l'Opposition vienne m'expliquer
comment, avec un climat mauvais comme celui qu'ils décrivent, on peut en
arriver aux résultats les plus spectaculaires du Canada.
Je n'ai pas parlé jusqu'à maintenant de l'habitation. J'ai
dit que mes chiffres excluaient l'habitation. Cela vaut vraiment la peine
maintenant de regarder un peu cet aspect fondamental et, là encore,
c'est de l'économie élémentaire. Les libéraux le
diraient. Quand le bâtiment va, tout va. On a entendu cela mille fois et
c'est relativement vrai. On va parler du bâtiment au Québec par
rapport à la situation canadienne. En 1983 - le début des
travaux, donc - le Québec hausse ses mises en chantier de 72%;
l'Ontario, de 42%; le Canada, de 29%. Si, quand le bâtiment va, tout va,
on hausse de 72% et que le Canada hausse de 29%, est-ce que cela ne veut pas
dire que tout va moins bien au Canada et en
Ontario qu'au Québec, puisque, quand le bâtiment va, tout
va et que nous sommes dans une reprise absolument extraordinaire?
Je reviens brièvement, entre parenthèses, à la
ville de Laval. La ville de Laval, en 1983, a battu tous les records
historiques de construction domiciliaire. N'y aurait-il pas un porte-parole de
l'Opposition un peu plus perspicace que les autres qui, devant ces chiffres,
admettrait modestement et humblement que c'est à cause du programme
Corvée-habitation, un programme original et unique, incluant l'effort
des travailleurs et des banques, incluant un effort collectif, avec un nom qui
fait allusion à la grande tradition québécoise de la
corvée où, quand on se serre les coudes, les choses marchent et
marchent avec une évidence fulgurante?
Quand on entend des jérémiades semblables, qu'on
s'intéresse à l'économie du Québec, qu'on
s'intéresse à la situation des chômeurs, des
bénéficiaires de l'aide sociale et qu'on s'intéresse
véritablement au climat, on se demande quel est le but de l'Opposition.
À qui veulent-ils faire mal? En ayant établi les positions
logiques qu'il a établies, le député de Saint-Laurent ne
fait sûrement pas mal au gouvernement, parce que, s'il dit que, quand les
investissements sont bons, cela veut dire que le climat est bon - et je lui
démontre que les investissements sont meilleurs au Québec que
partout - ce n'est pas à nous qu'il fait mal. Alors, à qui
fait-il mal? Il se fait sûrement mal à lui-même. Dire des
sottises pareilles, cela n'améliore la crédibilité de
personne. Il se fait mal à lui-même. Il fait mal à son
parti, mais cela n'empêchera pas le monde de tourner, que le
député de Saint-Laurent n'ait pas de crédibilité et
que le Parti libéral sur le plan économique dise n'importe
quoi.
Mais il y a une chose qui est légèrement plus grave. C'est
que, ce faisant, il peut tirer dans le dos de l'économie du
Québec elle-même. C'est beau d'être dans l'Opposition. Pour
eux, c'est superbe, d'ailleurs. C'est un devoir important d'être dans
l'Opposition. Cela ne dispense pas des obligations élémentaires
vis-à-vis de notre appareil économique et vis-à-vis de
notre population. Quand nos investissements montent de 40% et qu'ils baissent
au Canada et qu'il y a un porte-parole d'en face qui dit que le climat du
Québec est mauvais, il tire dans le dos de l'économie du
Québec. Il peut faire croire à des entrepreneurs
étrangers, qui reliraient cela, par exemple, dans le New York Times ou
dans le Manchester Guardian, que la situation est mauvaise au Québec et,
ce faisant, les déterminer à ne pas investir alors que les
chiffres indiquent que c'est au Québec que l'on investit plus que
partout ailleurs.
Les témoignages étrangers sont souvent
plus crédibles, et c'est vrai. Parce que, si l'Opposition ou
nous-mêmes nous prononçons sur la situation en Cisjordanie par
exemple, comme on n'a pas d'intérêts électoraux là,
qu'on ne se présente pas à l'électorat là-bas et
qu'il n'y a pas de signe à cet effet ni d'une part de la Chambre ni de
l'autre, on peut avoir un jugement un peu objectif, plus objectif, disons.
Je vais citer des chiffres étrangers. Ce n'est pas par admiration
béate devant l'étranger, mais c'est pour la simple raison que je
viens d'expliquer. L'Union des banques suisses, par exemple. En
général, la Suisse est considérée comme un pays
sérieux et surtout la banque suisse est considérée comme
extrêmement sérieuse, sinon austère. L'Union des banques
suisses rend public un rapport sur le pouvoir d'achat dans toutes les villes
importantes de la planète.
Je n'ai pas besoin d'expliquer ce qu'est le pouvoir d'achat. C'est la
valeur de l'argent. Quand le pouvoir d'achat est élevé, on
revient du marché avec des denrées dans son panier, suivant la
vieille expression, et quand le pouvoir d'achat est bas, on va au marché
avec un panier d'argent et on revient avec les denrées dans sa poche. Il
y a un déséquilibre qui s'établit. Tout le monde sait bien
ce qu'est le pouvoir d'achat.
Que dit l'Union des banques suisses? Parmi toutes les villes de la
planète, pour la valeur qu'on peut acheter avec un dollar -cela comprend
le logement, le transport, le panier de provisions, l'épicerie, les
taxes -Montréal arrive troisième dans le monde. Qui nous bat?
Genève, comme première ville; Los Angeles, comme deuxième
ville. Qu'est-ce que les libéraux veulent de plus? Est-ce que cela leur
donne le droit de hurler comme ils l'ont fait parce qu'on est seulement
troisième dans le monde et qu'il y a seulement deux villes qui nous
dépassent? Qu'est-ce que c'est? Vous pensez que, normalement,
l'efficacité d'un gouvernement péquiste devrait nous avoir fait
la première ville de la planète. J'aimerais cela. Moi aussi, je
suis perfectionniste comme vous. Si Montréal n'est que la
troisième ville de la planète pour le pouvoir d'achat, on va
faire des pieds et des mains pour qu'on soit les premiers. Mais, en attendant,
arrêtez de hurler à la catastrophe. C'est à
l'économie du Québec que vous faites mal, c'est à
vous-mêmes que vous faites mal. Le gouvernement du Québec n'a pas
de politique économique? Il n'y a que les libéraux qui ne s'en
sont pas aperçus. Le Conseil des sciences du Canada en octobre 1983 - ce
n'est pas un texte du temps de Noé - dit ceci - je cite et j'attends une
répartie libérale un de ces jours - "que les autorités du
Québec - c'est qui, les autorités du Québec? Est-ce
l'Opposition, les autorités du Québec, ou si c'est le
gouvernement? - s'occupent plus que toute autre de l'organisation industrielle
de leur province alors qu'ailleurs on s'agite confusément." Conseil des
sciences du Canada.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas des déclarations fantaisistes au
Canada de temps en temps, surtout le Québec étant partie du
Canada, comme l'a dit le député de Saint-Laurent, et que, lui,
fait des déclarations fantaisistes, il y a des déclarations
fantaisistes au Canada, mais le Conseil des sciences du Canada n'a pas une
réputation de fantaisie, n'a pas une réputation péquiste
non plus et il dit clairement que seul le Québec a une politique
industrielle; ailleurs, on s'agite confusément. C'est peut-être
pour cela que les statistiques que j'ai données, sur les 40% de
croissance des investissements manufacturiers au Québec, sont si
spectaculaires par rapport à la diminution au Canada de moins 2,5%,
c'est peut-être parce qu'ici on travaille systématiquement et
qu'ailleurs, on s'agite confusément.
Parlons un peu de taxe, un peu de fiscalité. Je ne peux pas
parler d'un discours sur le budget sans parler de taxe et sans parler de
fiscalité. Je vais rappeler quelques petites vérités
élémentaires. D'abord, est-ce vrai que les hauts salariés
au Québec paient plus d'impôt qu'ailleurs? Oui, c'est vrai. Vous,
M. le Président, payez plus d'impôt qu'un salarié
comparable en Ontario; je suis dans le même cas et le leader de
l'Opposition, qui est à son siège, est dans le même cas,
c'est admis.
Une voix: Le whip!
M. Landry: Le whip. Mais des présidents
d'Assemblée, des ministres, des whips de l'Opposition, en d'autres
termes, des gens qui, d'une façon générale, gagnent plus
de 50 000 $, savez-vous que c'est une exception rarissime dans une
société? Vous vous souviendrez que quand on a établi le
programme d'assurance automobile, on s'est rendu compte que 80% des
Québécois gagnaient moins de 20 000 $. Or, le contribuable
marié, avec deux jeunes enfants, c'est ce qu'on pourrait appeler la
caricature du monde ordinaire. C'est cela, le monde ordinaire. En
général, ils sont mariés, légalement ou autrement,
les moeurs ont changé et, malheureusement, ils n'ont plus douze enfants,
quinze enfants, cela dépend du point de vue: ils en ont deux.
Jusqu'à un revenu de 31 000 $, ce qui est beaucoup plus haut que le
revenu moyen au Québec, ils paient moins cher qu'en Ontario.
Le député de Saint-Laurent décrivait l'Ontario
comme un paradis de l'entreprise; j'ai dit que leurs investissements baissent
et que les nôtres montent; comme un paradis des salariés,
peut-être un paradis pour les hauts salariés mais ce gouvernement
gouverne pour la majorité. Nous respectons énormément les
hauts salariés. Nous savons
que ce sont des décideurs. Mais, nous savons que dans la
société québécoise, et à Montréal en
particulier où sont les sièges sociaux, quand ils sont dans la
troisième meilleure position sur la planète, surpassée
uniquement pour le pouvoir d'achat par Genève et par Los Angeles, le
gouvernement a eu raison de protéger les contribuables au plus faible
revenu.
Nous avons une société bien organisée, nous avons
une grande société, nous avons une société dont la
reprise économique est fulgurante et je suis très fier de cela.
Je suis encore plus fier de savoir que le Québec est une
société équitable, qu'on peut se faire soigner avec les
meilleurs traitements du monde sans payer, qu'on a un réseau exemplaire
de la maternelle à l'université pour instruire les gens, quelle
que soit leur classe sociale. Je suis fier, et cela fait la preuve qu'on peut
avoir une efficacité économique remarquable et rester sociaux,
rester humains, et s'occuper des gens qui dans la société en ont
le plus besoin.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, puisque ce débat est
terminé le vote est donc reporté, conformément aux
exigences des articles 269 et 280 de notre règlement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): D'accord, M. le
leader.
M. Blouin: Sur ce, je propose que nous ajournions nos travaux
à mardi prochain.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, M. le whip de
l'Opposition.
M. Pagé: Je m'excuse. Est-ce que le leader adjoint du
gouvernement pourrait nous confirmer les commissions qui doivent se
réunir mardi matin?
M. Blouin: Tous ces renseignements ont été fournis
par le leader en titre au début de la séance. Je lui
suggérerais plutôt de vérifier dans le journal des
Débats, où il retrouvera tous ces éléments.
D'ailleurs, le leader est là et il pourra les lui communiquer dans
quelques minutes. Cela va? Sur ce, M. le Président, je suggère
que nous ajournions nos travaux à mardi 14 heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): D'accord, nous ajournons
nos travaux à mardi, 14 heures.
(Fin de la séance à 13 h 7)