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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mercredi 28 mars 1984 - Vol. 27 N° 76

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures deux minutes)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement.

Vous pouvez vous asseoir. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: ...pourrait-on vérifier si nous avons quorum?

Le Vice-Président (M. Jolivet): Effectivement, nous ne l'avons pas, M. le leader. Qu'on appelle les députés. Nous avons maintenant quorum.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Merci, M. le Président, et bonjour. Je vous demande donc d'appeler l'article 4) du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 65

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Jolivet): L'article 4) est la reprise du débat sur l'adoption du principe du projet de loi 65, Loi modifiant la Loi sur l'aide sociale. La parole était, pour les quinze prochaines minutes, au député de Laurier.

M. Christos Sirros (suite)

M. Sirros: Merci, M. le Président. Hier, effectivement, on avait commencé le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 65. J'avais commencé mon discours. Il me reste, je pense, quinze minutes, comme vous l'avez dit.

J'avais commencé en faisant une rétrospective de toute la problématique de la question de l'aide sociale, de tous les bénéficiaires qui reçoivent l'aide sociale et j'avais démontré, finalement, que le projet de loi 65 ne concernait que 4% de l'ensemble des bénéficiaires de l'aide sociale. En ce sens, je trouvais que le gouvernement manquait à ses responsabilités, étant donné la situation très critique que ces gens vivent et aussi le problème majeur que représente le fait d'avoir près de 700 000 personnes qui dépendent exclusivement de l'aide sociale pour leur subsistance.

Hier, j'en étais rendu à faire la description, la critique ou l'analyse du troisième projet proposé par la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, soit le programme de travaux communautaires.

J'avais commencé et je vais poursuivre aujourd'hui, pour le temps qu'il me reste en disant que, finalement, le programme de travaux communautaires était un autre exemple de la façon dont la ministre et le gouvernement pensent que c'est simplement en proférant des belles paroles ou des grands mots tels que "projet de société", "implication dans la vie d'une collectivité", etc., que les problèmes vont disparaître. Je vais reprendre l'exercice en vous relisant la description qui est faite - si je peux retrouver le document - du programme de travaux communautaires, par la ministre. Malheureusement, je ne l'ai pas avec moi, mais j'avais dit que le programme de travaux communautaires, que la ministre nous présente comme étant un nouveau programme qui va aider les jeunes bénéficiaires de l'aide sociale, n'était qu'une version du programme Chantier-Québec, mais cette fois-ci en "cheap labour", si vous voulez.

On sait bien qu'à l'heure actuelle les personnes qui vont participer à ce programme de travaux communautaires seront, en général, des personnes qui reçoivent actuellement 150 $ par mois de l'aide sociale, étant donné qu'elles ont moins de trente ans et que c'est le montant total que l'aide sociale prévoit pour elles. En participant au programme de travaux communautaires, elles vont recevoir un montant additionnel de 150 $ si, effectivement, elles participent à un projet quelconque qui sera mis sur pied par divers organismes dans toute la province, que ce soit les CLSC ou des organismes bénévoles, à but non lucratif, etc.

Finalement, la nature du projet qui est visé, selon les dires de la ministre, est le même genre de projet qui a été visé ces derniers trois ou quatre ans par le programme Chantier-Québec, qui est présentement terminé. Le gouvernement a décidé de mettre fin au programme Chantier-Québec et il a simplement pris l'orientation qui était donnée à Chantier-Québec et l'a refoulée à l'intérieur d'un programme qu'ils appellent maintenant programme de travaux communautaires. Ils essaient de nous passer cela comme étant quelque chose de nouveau, quand il n'en est rien.

Il est aussi intéressant de savoir que le

programme de travaux communautaires doit commencer le 1er avril, c'est-à-dire dans trois jours. Avant-hier, j'ai pris la peine de téléphoner à un centre de Travail-Québec sans dire que j'étais député et que nous avions à discuter du projet de loi 65. J'ai simplement parlé à des gens du centre Travail-Québec, le centre qui sera chargé du suivi du programme, le centre qui sera chargé de contrôler l'assiduité des personnes qui vont participer à ce programme.

Les personnes à qui j'ai parlé - je n'ai aucune raison de croire que c'est autrement dans d'autres centres - m'ont carrément dit qu'elles n'étaient pas au courant de quoi que ce soit concernant le programme de travaux communautaires, qu'elles n'avaient reçu aucune information formelle de la part du gouvernement, qu'elles n'avaient reçu aucune indication sur les groupes qui allaient mettre sur pied des projets auxquels les jeunes bénéficiaires de l'assistance sociale pourraient participer et que, finalement, elles ne savaient rien de plus que tout le monde, c'est-à-dire les communiqués de presse et les nouvelles dans les journaux, et cela à trois jours de la date prévue pour le début de ce programme.

Je veux bien croire que Mme la ministre va tenter, d'ici le 1er avril, de faire parvenir quelques renseignements à ces gestionnaires ou aux personnes qui sont chargées d'appliquer ce programme, mais vous serez sûrement d'accord avec moi, M. le Président, pour dire que si ce processus peut se faire à l'intérieur de trois jours, il sera normal que ce programme prenne du retard avant de commencer. D'ailleurs, pour l'instant, je ne sais pas à quel niveau se font les pourparlers avec les différents organismes, mais on n'a rien vu de concret sur ce point. Même si nous trouvons ce programme inefficace et marginalisant pour les personnes qui vivent de l'aide sociale, il est à prévoir qu'il ne pourra être en vigueur à la date prévue. (10 h 10)

Si j'ai souligné ce point, comme je l'ai souvent répété hier, c'est que le problème n'est pas d'hier; ce n'est pas hier que le gouvernement a soudainement pris conscience qu'il y a un problème particulier au niveau de l'aide sociale concernant les moins de 30 ans. Il a eu amplement le temps de préparer quelque chose de sérieux, de bien organisé, de préparé avec soin, prêt à fonctionner, chiffré et basé sur des analyses de fait. Aucun de ces aspects n'a été considéré.

Finalement, on nous a annoncé au mois de novembre, par la bouche du premier ministre, lors de la grande conférence de presse qui a suivi la fermeture pour un mois du Parlement, au moment où il annonçait son soit-disant plan de relance, la venue de ces trois programmes éventuels. Subséquemment, on a eu droit à de multiples communiqués et conférences de presse pour nous dire qu'ils allaient probablement commencer à telle date, que ce serait probablement dans tel sens, que ce serait probablement à la suite de pourparlers avec le gouvernement fédéral. On a vu cette multiplication de communiqués et de conférences de presse jusqu'à tout récemment pour nous annoncer ces trois programmes pour le 1er avril.

En réalité, il n'y a que le programme des travaux communautaires qui doit commencer le 1er avril. Le deuxième, les stages en industrie, doit commencer le 1er juin et finalement, le troisième, le programme de rattrapage scolaire qui, quant à nous, est le plus important, devra commencer normalement le 1er septembre étant donné que cela va cadrer avec l'année scolaire.

Finalement, M. le Président, pour faire un bref résumé de nos critiques, on trouve, premièrement, que le programme de rattrapage scolaire qui, quant à nous, est un programme valable, aurait dû être la première priorité du gouvernement parmi les trois choses qu'il met de l'avant, alors qu'il est le troisième. Cela vise le plus petit nombre de personnes, 9000 en tout. À côté de cela, il faut retenir le chiffre de 152 000 jeunes qui bénéficient de l'aide sociale dont la moitié n'ont pas de diplôme secondaire. Donc, 9000 personnes visées par le programme de rattrapage scolaire, cela aurait dû être la première priorité parmi les trois.

Le deuxième programme, les stages en industrie, est un programme que j'ai qualifié hier d'un genre de Gulliver de taille moyenne dans un monde de lilliputiens parce que parmi les deux programmes qui visent 9000 jeunes d'un côté et 10 000 de l'autre côté -les travaux communautaires concernent 10 000 jeunes - le programme de stages en industrie vise 30 000 jeunes sur deux ans.

On craint fortement que ce soit un chiffre lancé en l'air comme cela, irréaliste dans le sens qu'à un moment donné si le nombre d'emplois a beaucoup diminué, espérer placer sur le marché du travail, même à titre de stagiaires, 30 000 jeunes sans avoir entamé - jusqu'à il y a trois semaines - des contacts poussés, des pourparlers avec les entreprises et les industries, nous semble quelque peu difficilement envisageable pour l'avenir immédiat qui commence le 1er juin, date à laquelle l'entrée en vigueur de ce programme est prévue.

Quant au troisième programme, les travaux communautaires, nous trouvons que c'est un programme qui n'a en soi aucun mérite valable par rapport à l'utilité du travail que la personne fera pour donner suite à son désir d'intégrer le marché du travail par la suite. Il ne faut pas confondre travail communautaire et marché du travail.

C'est bien beau de faire des choses utiles pour des gens qui sont dans le besoin, mais il ne faut pas les leurrer et leur dire en même temps qu'en faisant cela, les jeunes vont vraiment trouver une expérience de travail qui leur servira par la suite afin d'intégrer le monde réel du travail. C'est, finalement, une autre extension camouflée du programme Chantier-Québec qui, avec certaines autres modalités qui ont été changées, sera mise en application par le programme des travaux communautaires.

Finalement, M. le Président, il ne faut pas perdre de vue que si on veut vraiment sortir de ce cul-de-sac dans lequel on est placé et où il y a 700 000 personnes qui bénéficient de l'aide sociale - je ne parlerai pas des 400 000 autres qui, à l'heure actuelle, bénéficient des prestations d'assurance-chômage, qui sont des chômeurs et qui risquent, à moins que les choses s'améliorent, de se retrouver, un jour, eux aussi, bénéficiaires de l'aide sociale - la seule façon de s'en sortir sera la création d'emplois stables et permanents à long terme.

À ce sujet, il faudrait adopter des modifications à notre régime fiscal. Il faudrait envisager, comme on l'a maintes fois répété, nous de l'Opposition, de déréglementer, de façon équilibrée, plusieurs des secteurs économiques afin de permettre et de donner plus de confiance à l'initiative des individus et des entreprises privées. Il faudrait revoir l'ensemble de cette économie pour que les jeunes qui, aujourd'hui, sont bénéficiaires de l'aide sociale et de l'assurance-chômage, qui terminent leurs études secondaires, collégiales ou universitaires et qui regardent devant eux un mur de brique qu'ils ont de la difficulté à franchir, puissent aussi trouver un certain espoir pour l'avenir, espoir qui, après sept ou huit ans de gouvernement péquiste, est complètement absent à l'heure actuelle. M. le Président, merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député d'Abitibi-Est et adjoint parlementaire à Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Jean-Paul Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, à mon tour, de prendre la parole sur le projet de loi 65, Loi modifiant la Loi sur l'aide sociale. Le projet de loi 65 peut paraître, à première vue, un peu anodin dans le sens qu'il ne contient que cinq articles. C'est, d'ailleurs, le sens que semble vouloir lui donner l'Opposition en le minimisant. Cependant, quand on regarde de plus près les conséquences de son application, c'est, je pense, un projet de loi important qui fait appel à un changement de mentalité, un changement de philosophie dans l'application de l'aide sociale. L'aide sociale a toujours été considérée comme une aide financière minimum pour des personnes qui n'ont pas de revenus, qui sont donc dans le besoin; mais on ne s'est jamais interrogé sur leur capacité de travailler et leur désir de travailler ou d'occuper un emploi temporaire ou permanent. Dans ce sens, justement, ce qu'on introduit avec le nouveau projet de loi permet au gouvernement d'établir pour les bénéficiaires des programmes de travail et de formation qui leur permettront de développer une aptitude au travail et une meilleure "employabilité".

Cela permet aussi au gouvernement de verser un montant supplémentaire aux bénéficiaires dans le cadre de leur participation à ces activités. Je pense que finalement c'est tout ça. C'est une philosophie différente qu'on applique à ce moment-ci avec ce projet de loi sur l'aide sociale. Il faut dire également que la situation a beaucoup changé depuis un certain nombre d'années. Il y a quelques années les clientèles de l'aide sociale étaient majoritairement formées de personnes inaptes au travail. Donc, on ne se posait pas tellement la question de connaître leurs aptitudes, leur "employabilité". Tout ce qu'on donnait, c'est une compensation pour les personnes dans le besoin. Avec la crise, il nous est arrivé de façon massive des gens à l'occasion formés, des jeunes en particulier, de nombreux jeunes prêts à travailler et disponibles, donc, avec une capacité de travail importante, mais sans emplois disponibles.

C'est ainsi que les rôles ont été inversés et que la clientèle apte au travail est beaucoup plus import nte parmi les bénéficiaires de l'aide sociale que la clientèle inapte au travail. C'est pour cela qu'il a fallu agir très rapidement dans le cadre de programmes qu'on a qualifiés à l'occasion de temporaires, mais qui ont aussi eu leur succès. C'était de l'innovation, à ce moment, parce qu'il n'y avait pas de programmes auparavant. C'est ainsi qu'on a mis sur pied Chantier-Québec, PRET, retour au travail, SEMO, le programme de bons d'emploi, que l'Opposition - je me souviens d'un débat que nous avons eu l'an dernier -qualifiait d'absolument temporaire, sans aucune vision future des choses. Quand on pousse un peu plus loin la statistique et les résultats que cela a donné, je pense qu'il faut admettre que ces programmes ont eu du bon. Bien sûr, on veut les changer, on veut passer à autre chose, mais on ne peut pas rejeter ces programmes du revers de la main, parce qu'ils ont vraiment porté des fruits. (10 h 20)

Je vous donne un petit exemple. J'ai vérifié avec mon centre Travail-Québec local

au début de la semaine. On me disait que, statistiquement, il y a eu plus de 200 bons d'emplois qui ont été émis au centre Travail-Québec de Val d'Or, et on s'aperçoit que 55% des jeunes qui ont bénéficié du bon d'emploi ont gardé leur emploi. Donc, ce n'est plus un programme temporaire, mais majoritairement un programme d'emplois permanents. Concernant Chantier-Québec, dont on disait que c'était un programme temporaire, savez-vous que, statistiquement, 40% des gens qui ont travaillé à Chantier-Québec se sont par la suite trouvé un travail permanent? Je pense qu'il y a des chiffres qu'il ne faut pas oublier. Bien sûr, on n'a jamais dit, non plus, que c'étaient des emplois permanents, sauf qu'il y avait des deux. Il y en a quand même une bonne part qui a permis, surtout à des clientèles de jeunes, d'acquérir une expérience de travail, d'acquérir une espèce de confiance en eux-mêmes. Je pense que la question de la confiance est très importante aussi.

Par contre, on ne peut pas non plus fonctionner avec une grande clientèle de l'aide sociale seulement avec des travaux temporaires ou des programmes temporaires. C'est comme cela que le gouvernement du Québec s'est lancé dans une vaste campagne, dans un vaste programme de relance qui a été annoncé par M. Lévesque en novembre dernier et qui comprenait, bien sûr, une foule de mesures. Ce dont on parle aujourd'hui, c'est de trois mesures en particulier qu'on va pouvoir appliquer très rapidement, la première à compter d'avril. Mais il s'agit strictement de programmes du ministère de la Main-d'Oeuvre. Il y en a beaucoup d'autres. Au ministère de la Main-d'Oeuvre, on a justement réfléchi pour voir de quelle façon on pouvait prendre le problème plus à la source et éviter l'aspect temporaire pour le rendre plus permanent. C'est comme cela que sont arrivés les trois programmes qui ont été annoncés récemment.

Bien sûr, encore là, on peut être positif, on peut être optimiste ou pessimiste. J'écoutais le député de Laurier; je le considère comme un grand pessimiste. Il dit que ce n'est pas assez, que cela ne va pas assez loin, que c'est trop tard, que c'est trop peu, que 10 000, cela ne marchera pas, que cela va être beaucoup moins. De toute façon, je pense qu'on ne pourra pas blâmer le gouvernement actuel du Québec de ne pas avoir essayé des choses. Dans ce sens, on tente des expériences nouvelles. On tente d'offrir une plus grande permanence, d'augmenter l"'employabilité" de nos bénéficiaires de l'aide sociale en leur offrant une expérience de travail, une expérience communautaire, en redonnant à ces personnes la confiance en elles-mêmes. C'est ainsi que verront le jour prochainement, à partir du 1er avril, trois programmes dont le premier a trait aux travaux communautaires. Encore là, le député de Laurier a dit tantôt qu'il croit que c'est impossible de commencer le 1er avril. Ce qu'on a dit, c'est que le programme des travaux communautaires commencerait le 1er avril. Cela ne veut pas dire que le matin du 2 avril, par exemple, on va avoir des centaines et des milliers de personnes au travail ou inscrites. Il faut d'abord constituer une banque d'organismes bénévoles ou d'organismes du milieu sans but lucratif. Cela peut quand même aller très rapidement, mais c'est sûr que lorsqu'on annonce la mise en place ou l'ouverture d'un programme à une date précise, si vous vérifiez, M. le député de Laurier, le matin du 2 avril, je pense bien qu'il n'y aura pas une foule de personnes déjà inscrites et déjà engagées. Ce sera tout à fait normal, mais il va falloir mettre les programmes en place pour qu'ils puissent fonctionner.

On pense toucher l'objectif par les travaux communautaires et toucher 10 000 emplois ou 10 000 personnes. C'est sûr que c'est un objectif assez élevé, mais si on veut vraiment faire quelque chose pour les jeunes, il faut fixer un objectif élevé. Il y en a beaucoup à l'aide sociale et il faut se fixer un objectif passablement élevé. Quand on totalise l'ensemble des trois programmes, ce qu'on vise, ce sont 50 000 jeunes. Ce n'est quand même pas négligeable.

Il faut dire, en rapport avec ces programmes, qu'on parle toujours de trois programmes au niveau de la main-d'oeuvre. On pourrait parler des autres programmes. Cela viendra avec d'autres mesures, dans d'autres projets de loi qui seront déposés un peu plus tard en cette Chambre, mais on parle essentiellement de programmes d'emplois, alors que dans le plan de relance que M. Lévesque annonçait en novembre dernier, il y avait 58 mesures. Il faudra laisser le temps aux autres aussi de donner des résultats. On ne pense pas que ces trois programmes règlent le problème des centaines de milliers de bénéficiaires de l'aide sociale et de chômeurs, mais je pense qu'encore là, 50 000 jeunes de moins de 30 ans, c'est déjà une bonne proportion des personnes visées. Encore là, peut-être que si on avait, à l'occasion, l'appui de l'Opposition pour rendre les programmes encore plus attrayants ou même pour ajouter des idées à ces programmes, on pourrait aller plus rapidement. Mais quand on placote ici en Chambre pour dire que ce ne sera pas assez, que c'est négligeable, que c'est une vieille formule déguisée, que cela n'apporte rien de neuf, finalement, on...

Une voix: ...

M. Bordeleau: Je ne vous ai pas dérangé, moi, quand vous avez parlé. Pourriez-vous agir avec la même sagesse?

Bien sûr, du côté de l'Opposition, on va

continuer de dire que ce n'est pas assez. On va continuer de rapetisser les programmes, donc, de rapetisser les Québécois de toutes les façons possibles, alors que nous, de ce côté-ci, on veut de plus en plus travailler sur la confiance des Québécois. De toute façon, M. le Président, les programmes qu'on annonce ou qui vont prendre forme avec les modifications apportées par le projet de loi 65, on ne les a pas faits non plus pour l'Opposition. On les a faits pour les gens qui vivent au Québec et pour les gens qui ont des besoins. Dans ce sens, il ne faut pas s'attendre à satisfaire l'Opposition. On n'y arrivera jamais.

Je vous disais justement qu'il y a d'autres programmes ou d'autres mesures qui vont être appliquées, qui sont déjà appliquées dans certaines circonstances ou dans certains cas et qui vont toucher directement ou indirectement les jeunes. Je pense, par exemple, aux bourses d'affaires pour les jeunes accordées par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, M. Rodrigue Biron, qui donnent déjà des résultats. Je dois vous dire qu'à mon bureau de comté, il y a beaucoup de jeunes qui viennent me voir, qui sont intéressés par le programmes et qui veulent s'y joindre; ils le trouvent intéressant, il faut aussi en parler. Il ne faut pas toujours tenter d'amoindrir les choses alors qu'il y a une foule de mesures semblables.

Il y a également les garanties du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme pour inciter les entreprises à engager des jeunes. Il y a toute l'opération reboisement qui donnera aussi du travail à des jeunes. Il ne faut pas oublier cela. Dans ma région, par exemple, on parle de 53 000 000 de plants. Cela va prendre du monde pour les planter et pour les cultiver. Cela va prendre du monde pour remplir les différentes tâches qui s'imposent.

Également, quant à l'instauration des centres de recherche, quant au programme d'accélération des investissements, vous devriez peut-être venir vous promener en Abitibi de temps à autre, M. le député de Laurier. Vous verriez qu'il y a des investissements énormes. Oui, vous êtes venu quelques fois mais je vous invite à y revenir. Vous auriez peut-être une autre image de ce qu'est le Québec et de ce qui fonctionne au Québec.

Dans l'accélération des investissements du côté des mines, on a annoncé plusieurs centaines de millions de dollars d'investissements qui vont créer des emplois, des emplois permanents et des emplois pour les jeunes. Parce que, avec une nouvelle entreprise, on engage des jeunes travailleurs qui sont prêts à entrer dans ces entreprises.

Bien sûr, tout en n'étant pas un projet de loi qui va révolutionner l'ensemble du travail au Québec, je pense que c'est un pas important en avant, que c'est un changement de mentalité important qu'il va falloir assumer ensemble et qu'il faudra aussi développer. Parce que, si on veut que ces programmes fonctionnent, il faut démontrer précisément aux gens que cela va les aider et que cela augmentera leur "employabilité" et que ce sont des programmes accessibles qui sont faits pour eux et qu'on pourra réviser s'il y a des amendements à apporter mais qui sont, en soi, très bons, je pense.

Dans ce sens-là, il reste que, pour moi, c'est un pas en avant. C'est un changement important. J'aurais simplement aimé voir l'Opposition s'y associer davantage. Bien sûr, ce que j'ai entendu de la part de l'Opposition n'est pas complètement négatif mais j'aurais aimé voir l'Opposition s'associer davantage à ces nouveaux programmes et nous fournir, à l'occasion, des idées pour les bonifier, pour les améliorer. Encore une fois, je pense que c'est un pas en avant, que c'est un changement important dans toute la philosophie de l'aide sociale et je mise là-dessus. Ce projet de loi ne nous permettra peut-être pas de régler le problème dans son entier, mais, dans l'ensemble, dans le cadre du plan de relance, il nous permettra d'améliorer considérablement la situation des jeunes Québécois et des jeunes Québécoises. Merci. (10 h 30)

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci M. le Président. Si nous nous retrouvons aujourd'hui devant ce projet de loi qui propose des modifications à la Loi sur l'aide sociale, ce n'est pas par hasard. Je pense qu'il faut rappeler que la situation économique au Québec est toujours très difficile. Je voudrais, à cet égard, rappeler simplement quelques statistiques, les plus récentes, qui sont les données de février 1984.

En février 1984, le taux de chômage au Québec est de 13,5% alors qu'en Ontario, il est de 9,1%; au Canada, il est de 11,3%. En termes absolus, on retrouve au Québec 423 000 chômeurs, soit 30% du nombre total de chômeurs au Canada alors que nous constituons environ 25% de la population générale du Canada. Les chômeurs, retirent des allocations de chômage et à côté d'eux, il y a évidemment tous ceux qui ont épuisé leurs allocations de chômage et qui, pour survivre, doivent recourir aux prestations de l'aide sociale, ceux que l'on désigne comme les assistés sociaux ou les bénéficiaires d'aide sociale. Sous cette rubrique, on retrouve 684 000 personnes au Québec qui dépendent de l'aide sociale pour leurs besoins essentiels. De ce groupe on en retrouve 152 185 qui sont des bénéficiaires d'aide

sociale âgés de moins de 30 ans.

Le ministre des Finances aime toujours rappeler que nous avons traversé une crise économique, que l'ensemble du monde occidental a traversé une crise économique, que le Québec a été touché plus durement mais qu'il s'en sort plus facilement. C'est vrai, lorsque le ministre des Finances nous dit que ce n'est pas uniquement le Québec qui a été frappé par une récession économique et que nous avons été frappés d'une façon plus dure. On souhaiterait qu'il ait raison, mais quand il dit que nous nous en sortons maintenant plus facilement que le reste du Canada, il faut bien reconnaître que tel n'est pas le cas.

Alors que nous avons récupéré uniquement 72% des emplois perdus dans le creux de la vague de cette récession, l'Ontario, au moment où nous nous parlons, en a récupéré tout près de 100%; je pense que c'est environ 98%. Ce qui veut dire qu'en dépit de la création de ces emplois, nous ne sommes même pas revenus au niveau où nous nous trouvions avant 1981. Et ceci explique évidemment que nous devions faire face à des problèmes sociaux et humains extrêmement pénibles pour ces 600 000 ou 700 000 personnes qui sont maintenant bénéficiaires de l'aide sociale, et en particulier pour ces jeunes de 18 à 30 ans, au nombre de 150 000.

Le gouvernement, aujourd'hui, nous propose un plan d'action pour tenter de répondre aux besoins de ce groupe de jeunes. Il nous propose un plan d'action à trois volets: d'une part, l'implication de ces jeunes dans des travaux communautaires pour lesquels ils recevraient un supplément de prestation d'aide sociale et un certain montant pour des dépenses inhérentes à cette implication; d'autre part, des stages en milieu de travail; finalement, on offre du rattrapage scolaire.

Comme l'a signalé mon collègue de Laurier, 50% des jeunes bénéficiaires d'aide sociale n'ont pas complété leur secondaire et ils sont évidemment très durement touchés.

Je voudrais d'abord m'arrêter au volet du rattrapage scolaire. D'ailleurs, au point de départ, je voudrais rappeler qu'enfin, le gouvernement a abouti avec un programme dont on avait fait l'annonce il y a un an exactement, en mars 1983. À ce moment-là le premier ministre, lors d'une grande conférence de presse, nous avait annoncé exactement ce dont nous discutons aujourd'hui, avec peut-être quelques volets supplémentaires comme un meilleur accueil dans les services sociaux pour les jeunes, etc. On a pris un an pour aboutir, mais on en avait également parlé en 1982. En fait, M. le Président, cela fait deux ans qu'on nous annonce qu'on va prendre des mesures et aujourd'hui on aboutit avec ce projet d'intervention auprès des jeunes bénéficiaires de l'aide sociale.

Je vous dirai très ouvertement, M. le Président - mon collègue de Laurier, porte-parole de notre groupe parlementaire, l'a dit avant moi - qu'en ce qui a trait à cet effort d'incitation pour retourner les jeunes qui n'ont pas complété leur secondaire à l'école pour leur permettre au moins de le compléter, le gouvernement a notre appui le plus total. La seule chose que nous pourrions regretter c'est que ce problème des décrocheurs n'est pas nouveau. C'est un problème que, pour ma part, j'ai signalé au gouvernement depuis huit ans. Je discutais à ce moment-là avec le ministre de l'Éducation d'alors, le priant d'intervenir parce qu'on connaît les conséquences à long terme pour les jeunes qui ne complètent pas au moins une formation secondaire, que ce soit d'ordre professionnel ou général. Ils se trouvent bloqués au moment d'entrer dans la filière du travail, quoiqu'il ne faut pas dire qu'aujourd'hui tous ceux qui poursuivent des études collégiales et universitaires se trouvent dans une situation de choix pour se trouver des emplois; mais j'y reviendrai un peu plus tard.

On peut reprocher au gouvernement d'être rendu pratiquement à la fin de son deuxième mandat pour finalement penser que ce serait peut-être une façon très constructive d'aider nos jeunes qui, trop souvent, restent inactifs parce qu'ils ne peuvent pas trouver d'emploi. Je vous ferai remarquer qu'à cet égard, M. le Président, il aura fallu l'initiative de la Commission des écoles catholiques de Montréal - je tiens à le souligner ici - qui a été la première à avoir un projet de rattrapage, si on peut l'appeler ainsi, pour les jeunes décrocheurs. Au moment du décret qu'a fait le gouvernement? Il avait trouvé le moyen de couper dans les ressources humaines qui étaient à la disposition de cette école particulière qui obtient un succès de l'ordre de 80% avec les jeunes qui se réinscrivent pour terminer leur secondaire. Pas plus tard que l'an dernier le gouvernement avait trouvé le moyen d'aller couper ou faire de la chirurgie vraiment néfaste pour un tel projet de rattrapage pour les jeunes décrocheurs.

À cet égard aussi, M. le Président, je voudrais rappeler au gouvernement qu'il va au plus pressé, évidemment. On dit: On va s'occuper de ceux qui ont quitté l'école. Mais combien il me semble important qu'on s'occupe aussi de ceux qui sont encore à l'école et qui sont sur le point de la quitter. Ceci indique que le gouvernement, dans ses priorités budgétaires, doit s'intéresser d'une façon toute particulière à prévenir le décrochage avant qu'il n'arrive.

Tout à l'heure j'entendais le député d'Abitibi-Est ou Ouest - je m'excuse - nous dire: Faites-nous des suggestions. Ces suggestions à l'égard des décrocheurs, sur la

nécessité d'inciter les jeunes, de leur donner l'appui nécessaire pour qu'ils restent à l'école quand ils y sont, qu'ils y retournent quand ils en sont partis, cela fait au moins sept ans que nous les répétons de la façon la plus constructive possible, sans démagogie, au gouvernement. Au lieu de dire: Faites-nous donc des suggestions constructives! le gouvernement pourrait peut-être se rappeler toutes celles que nous lui avons faites et qu'il a toujours tardé à mettre en application. (10 h 40)

Enfin, pour clore ce point particulier, je pense que c'est une heureuse initiative qu'on incite nos jeunes, par cette mesure particulière d'ajout à l'aide sociale, à faire ce rattrapage scolaire et à terminer au moins le secondaire.

Qu'en est-il maintenant de la deuxième mesure proposée dans le projet de loi, c'est-à-dire les mesures d'assistance aux jeunes bénéficiaires de l'aide sociale, les stages en milieu de travail? Ceci aussi, j'en conviens -non seulement j'en conviens, mais je suis contente d'en convenir - est une heureuse initiative dans la mesure où on a mis en place tous les paramètres et toutes les balises pour s'assurer qu'un tel programme sera vraiment efficace. C'est une formule qui n'est pas nouvelle. Déjà, dans d'autres pays, cette expérience a été tentée, particulièrement en Allemagne où elle a connu un très haut taux de succès. Mais il faut bien se rappeler que ce n'est pas une expérience d'un an. C'est une expérience qui s'étend sur une période plus longue et qui peut alterner entre le travail et l'apprentissage, si l'on peut dire, à l'usine, et qui se termine en ayant permis aux jeunes d'obtenir une qualification réelle.

Dans ce cas-ci, nous sommes vraiment dans l'obscurité presque totale, à savoir quel sera, en fin de compte, le résultat pour les jeunes. Est-ce que les démarches ont été faites auprès des entreprises pour qu'on combine ou qu'on associe la formation dans l'entreprise avec un supplément de formation théorique, scolaire ou académique, appelons-le comme on le voudra? Je pense que cela m'apparaît extrêmement important que ce ne soit pas uniquement des résultats substantiels. Voilà une autre suggestion, M. le député, à savoir qu'on s'assure que la formule soit assez flexible pour qu'on puisse associer à la fois la formation sur place dans l'industrie ou l'entreprise et une possibilité de formation académique qui viendra compléter cette formation pratique. Sinon, ce qui risque d'arriver, c'est que, finalement, les jeunes auront été plus occupés - c'est déjà en soi quelque chose de bénéfique -mais les résultats qu'on vise - j'ose croire que le gouvernement ne veut pas simplement tenir les jeunes occupés pendant un an, mais qu'il veut qu'il y ait des résultats et qu'au moins un pourcentage important des jeunes aura profité de ce type de formation en stage - c'est que cela devienne un outil permanent et qui leur permette de s'intégrer d'une façon plus permanente dans le milieu du travail. Dans ce sens-là, nous sommes vraiment dans l'obscurité quant au type de balises que le gouvernement a établi pour assurer le succès. Est-ce qu'un an c'est suffisant? Nous ne le savons pas. Je me permets de souligner que c'est peut-être très court, enfin.

Maintenant, parlons du troisième type de mesures qui sont prévues, celles des travaux communautaires. Il y a deux aspects. Il y en a un qui est positif à cette intégration ou cette possibilité de s'impliquer dans les travaux communautaires et il y en a un autre qui est négatif, c'est-à-dire qui m'apparaît, en tout cas, très douteux. Concernant l'aspect positif, je pense que plutôt que de rester inactifs, plutôt que d'être totalement en marge de la société, par ces travaux communautaires... Il ne faut pas s'illusionner, tous ces programmes ne toucheront qu'un bénéficiaire sur six de l'aide sociale. Parlons de ceux qui seront touchés. Cela leur permettra d'être davantage dans la société réelle, de prendre certaines habitudes de travail, de se sentir utiles, de sentir moins d'isolement. Je pense qu'au plan psychologique, il y a définitivement un intérêt à ce type de programme. Là où je reste fort perplexe, M. le Président, c'est d'abord quand on parle de l'allocation qui sera versée à ces jeunes. Je le dis sous toutes réserves, on va doubler leur allocation d'aide sociale, mais à la condition qu'ils travaillent 80 heures par mois. Combien d'heures de travail par semaine cela veut-il dire? Cela veut dire très peu. Cela veut dire 20 heures alors que la vie régulière d'une personne au travail c'est en général entre 35 et 40 heures. Si un des objectifs que l'on vise par ce programme c'est vraiment de mieux encadrer des jeunes dans le sens de les habituer à un travail régulier - nous sommes tous obligés de le faire - à s'astreindre à des heures rigoureuses de travail, à certaines exigences que tout travail régulier va impliquer, je doute fort qu'en disant on doublera votre revenu si vous faites 80 heures de travail par année, on ait les résultats que l'on vise du point de vue de l'encadrement, la prise en charge des jeunes, le développement du sens des responsabilités. Dans ce sens, il serait peut-être souhaitable que ceci soit revu dans le sens de prévoir une augmentation de ce nombre de 80 qui est fixé du moins d'après le communiqué de presse que l'on nous a donné.

L'autre réticence que j'ai vis-à-vis de ce type de programme. Évidemment, il faut rappeler qu'au point de départ la situation que nous connaissons, je l'ai dit, ne permet

pas de réintégrer tout ce monde dans le marché du travail, mais fait que ces emplois vont demeurer bien aléatoires, qu'ils n'introduiront pas ces jeunes sur le marché du travail de façon régulière à long terme et ne leur permettront pas non plus, souvent, d'utiliser les capacités qu'ils ont ou les aptitudes ou enfin la formation qu'ils ont acquise durant leurs années d'études. Ce sont des difficultés qui demeurent sans compter... À ce titre, on a peut-être dit que le député de Laurier était sévère, mais je dois dire que je partage son point de vue. On a vu beaucoup dans le passé. Je pense que si le côté ministériel voulait être honnête, on peut retourner aux initiatives qui, dans le temps, étaient prises par le gouvernement fédéral, qui touchaient ce domaine des travaux communautaires, initiative au travail. Le gouvernement actuel par ses programmes de Chantier-Québec, ses programmes de jeunes volontaires, etc., a déjà utilisé cette formule. Malheureusement, en fin de compte, il faut bien réaliser que ce n'est pas très productif à long terme.

Je pense que ce n'est pas être partisan ou que ce n'est pas être destructeur quand même de dire cette réalité. Évidemment, je comprends le gouvernement qui dit: Écoutez, on met tous ces beaux programmes sur pied. Les jeunes maintenant, c'est comme s'ils avaient du travail, ils vont avoir des travaux communautaires. Je laisse de côté les deux autres volets. Mais la réalité des choses, il faut bien s'en rendre compte, est fort différente. Ce qui reste valable, et je l'ai dit au point de départ, même avec les travaux communautaires, c'est de sortir le jeune de son isolement, le mettre plus en contact avec la société, et c'est une question d'honnêteté vis-à-vis de la population surtout vis-à-vis des jeunes de bien se rendre compte que ces programmes de jeunes volontaires ont des limites inhérentes très importantes.

Il me reste seulement quelques minutes. Je voudrais, en terminant, attirer l'attention du gouvernement - si on consent à me donner deux minutes, c'est quand même un point important. On demandait des suggestions, j'en apporte. Je suis très inquiète. Hier, vous étiez là présent, M. le Président, j'ai eu l'occasion de soulever le problème avec la ministre responsable de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. La majorité des programmes qui sont offerts aux jeunes de 18 à 30 ans sont des programmes reliés aux bénéficiaires de l'aide sociale ou ont des limites d'âge. On va peut-être me rétorquer: Écoutez, on agit en fonction des ressources que nous avons. On voudrait bien faire plus pour ceux qui ont 25 à 30 ans. On voudrait bien faire plus pour ceux qui ne travaillent pas et qui ne sont pas nécessairement bénéficiaires de l'aide sociale. Mais il reste que concrètement, on laisse de côté un bon nombre de jeunes qui ont réussi jusqu'à maintenant. Ce sont soit des diplômés du collégial, des diplômés d'université, même des finissants de secondaire ou même certains qui n'ont pas fini leur secondaire pour qui c'est devenu un défi en dépit de la pauvreté des offres d'emploi de pouvoir subvenir à leurs besoins. (10 h 50)

Ils accomplissent un nombre incalculable de ce qu'on appelle, entre guillemets, des "jobines" pour essayer personnellement, par leurs propres moyens, de subvenir à leurs besoins. Ces jeunes se sentent vraiment laissés pour compte. Et peut-être qu'on laisse pour compte des gens très motivés, puisque déjà ils prennent ces initiatives. Quand ils se présentent, parce qu'il y a des offres d'emploi ou des subventions accordées à celui-ci ou à celui-là, à une industrie ou l'autre, on leur demande: Êtes-vous un bénéficiaire de l'aide sociale? M. le Président, je sais qu'il y a un trop grand nombre de personnes qui n'ont pas d'autre recours que l'aide sociale. Mais je pense qu'à tout le moins, on ne devrait pas pénaliser ni décourager ceux qui, étant aptes au travail, ayant la motivation, ont pris des initiatives souvent fort courageuses. Qu'on pense aussi à leur permettre de retourner sur le marché du travail d'une façon régulière, et qu'on ne leur dise pas: Écoutez, vous n'êtes pas un bénéficiaire de l'aide sociale... Si bien que la réaction des jeunes - et je crains qu'elle ne soit pas bonne, à l'heure actuelle - c'est de dire, quand ils viennent nous voir: Ce que vous nous suggérez, madame ou monsieur, c'est que je m'en aille sur le bien-être social et peut-être qu'après cela j'aurai un emploi. Ils nous rétorquent: Écoutez, je vais essayer de continuer de me battre pour ne pas être obligé d'y aller. Comme je l'ai dit, il y a des gens qui n'ont pas d'autre recours. D'autres montrent plus d'initiative, plus de courage pour essayer, dans des conditions extrêmement difficiles, de faire face aux difficultés économiques. Il ne faudrait pas les pénaliser.

La même chose s'applique à un autre programme: le fameux bon d'emploi de 3000 $, qui a été utile dans un certain pourcentage de cas. Mais là encore, il ne s'adresse pas aux jeunes entre 25 et 30 ans. Alors, si vous n'êtes pas un bénéficiaire de l'aide sociale, si vous êtes âgé de 25 ans ou plus, de 25 à 30 ans, finalement, on n'a rien pour vous. Et je dis encore que peut-être, à ce moment-là, on pénalise ceux qui, au point de départ, ont souvent le plus d'initiative, sont les plus motivés et démontrent un courage qu'il faut souligner.

M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Veuillez conclure, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: Oui, je veux vraiment conclure. Je remercie mes collègues de leur indulgence parce que j'ai dépassé de quelques minutes.

Pour conclure, il est évident que ces mesures... je mettrais de côté la formation scolaire et la formation en entreprise pour autant qu'on l'encadre bien, mais pour ce qui est du troisième volet, cela ne peut pas être, à long terme, une solution satisfaisante. Tous les efforts du gouvernement devraient être dans le sens d'un redressement économique qui nous permette de faire une place au soleil à tous nos jeunes qui ne demandent pas mieux que d'être intégrés à la société, d'y participer et de prendre leurs responsabilités. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Jules Boucher

M. Boucher: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier la députée de L'Acadie pour les propos positifs et constructifs qu'elle a eus à l'égard du projet de loi 65. Pour ma part, je voudrais tout simplement dire en quelques mots que le projet de loi que nous étudions présentement est, à mon sens, l'un des plus importants projets de loi présentés en cette Chambre depuis l'existence de la Loi sur l'aide sociale. En effet, ce projet de loi permettra désormais de faire servir les sommes d'argent consacrées à l'aide sociale à autre chose qu'aux versements de chèques d'allocation à des bénéficiaires qui n'ont, malheureusement, pas d'autre alternative en les encaissant que de continuer à vivre de cette maigre pitance, sans espoir à court terme de pouvoir réintégrer le marché du travail. Désormais, on peut dire que la Loi sur l'aide sociale, de passive qu'elle était, deviendra une loi active, une loi qui ouvrira des horizons nouveaux à ceux et à celles qui sont forcés d'y recourir à cause du taux de chômage évidemment élevé que nous a apporté la crise économique et ce, particulièrement chez les jeunes de 18 à 30 ans aptes au travail.

Cette réorientation de la Loi sur l'aide sociale aurait dû être faite depuis longtemps, comme nous l'a dit le député de Laurier. Certes, il n'en reste pas moins que, pour y arriver, le Québec ne possédait que la moitié des ressources financières nécessaires à cette fin et que l'autre moitié dépendait de la volonté d'un autre gouvernement qu'il fallait convaincre du bien-fondé de ces mesures. Tant que nous vivrons dans un tel système, il ne sera pas surprenant que les choses tardent toujours à venir car, dans le domaine de l'aide sociale comme dans d'autres domaines, le gouvernement du Québec est conditionné par le bon vouloir du gouvernement fédéral pour qui les intérêts des Québécois ne sont pas et n'ont jamais été sa priorité si on s'en réfère au passé.

Quoi qu'il en soit, M. le Président, le projet de loi 65 instaure des mesures nouvelles qui permettront à nos jeunes d'envisager l'avenir avec plus d'optimisme que par le passé. Que ce soit par le rattrapage scolaire, les stages en entreprise ou encore les travaux communautaires, chacun de ces programmes est conçu de façon à redonner à nos jeunes, aptes au travail, la possibilité de se préparer adéquatement à réintégrer le marché du travail qui est devenu, au fil des années, un marché exigeant où il n'est pas facile de trouver sa place si on ne possède pas un minimum de scolarisation et d'expérience pratique du travail que l'employeur éventuel peut exiger. Le programme de rattrapage scolaire ou celui de stage en entreprise permettront donc de préparer les jeunes à satisfaire aux exigences du marché du travail et ainsi faciliteront l'ouverture d'emplois permanents à ces jeunes.

Le député de Laurier a fait état de sa préférence, ainsi que Mme la députée de L'Acadie, pour le programme de rattrapage scolaire en laissant entendre que le programme de stage en entreprise serait difficile d'application et ne susciterait pas l'enthousiasme des employeurs éventuels. Certes, des solutions faciles n'existent pas pour résoudre le problème du chômage chez les jeunes. S'il ne s'agissait que d'énoncer des solutions pour que les problèmes soient résolus, ce serait le paradis sur terre. Il faut plus que cela. Il faut compter sur la volonté de tous les intervenants pour travailler à l'application de ces solutions si nous voulons y arriver. Il va falloir que tous et chacun, que ce soit les fonctionnaires, les employeurs ou les jeunes, soient convaincus que les moyens préconisés par ce programme sont réalisables et valables, et qu'ils y mettent tous leurs efforts et toute leur bonne volonté pour y arriver.

Ceci s'est fait ailleurs avec succès, notamment en Allemagne, comme le mentionnait le député de Laurier. Je ne vois pas pourquoi il en serait autrement au Québec. Déjà, dans mon comté, un groupe de jeunes, aidés de fonctionnaires auxquels se sont joints des employeurs éventuels, mettent au point présentement un projet de stage en entreprise dans le domaine de la sylviculture. Ce projet consistera à préparer des travailleurs et des travailleuses spécialisés dans le reboisement de nos forêts qui sont ravagées actuellement par le fléau de la tordeuse du bourgeon de l'épinette. Le plan de relance du gouvernement envisage un projet d'envergure pour remédier à ce fléau. Il va falloir de la main-d'oeuvre spécialisée dans le domaine sylvicole si nous voulons réaliser ce projet. Le programme de stage en

entreprise forestière m'apparaît tout désigné pour former cette main-d'oeuvre. Les jeunes de mon comté l'ont compris rapidement et, déjà, ils se sont mis à la tâche pour préparer un projet qui leur permettra, à partir du stage en pépinière et, par la suite, en forêt, d'acquérir les connaissances pratiques pour réaliser adéquatement l'opération de reboisement de nos forêts, ressource essentielle pour l'avenir de nos entreprises de pâtes et papiers et de nos usines de sciage. Ce n'est là qu'un exemple. Je crois que nous pourrions en énumérer beaucoup d'autres pour peu qu'on s'y attarde.

Enfin, le programme de travaux communautaires m'apparaît tout indiqué pour susciter chez nos jeunes des projets qui, jusqu'ici, avaient retenu leur attention, mais que le peu de ressources financières et la courte durée des projets rendaient plus ou moins efficaces ou plus ou moins valorisants. Il y a dans nos milieux des organismes communautaires sérieux qui veulent organiser des services qui, sans faire de concurrence aux services existants, permettront un mieux-être de notre population. Par exemple, les services d'aide à domicile pour les familles et les personnes âgées. Ces organismes sont disposés à "opérationnaliser" le programme de travaux communautaires pour autant, cependant, qu'ils puissent obtenir le financement nécessaire au maintien d'une structure permanente pour assurer le suivi de ce programme. (11 heures)

Je ne doute pas que Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu pourra convaincre ses collègues ministres d'assumer certains frais de financement de ces organismes communautaires pour leur assurer une permanence efficace et à plus long terme.

Dans un autre ordre d'idées, je voudrais, sans sortir de la pertinence du débat, revenir à ce que le député de Laurier mentionnait dans son exposé lorsqu'il nous faisait part de sa demande à la présidente de la commission des affaires sociales, Mme la députée de L'Acadie, en vue d'une révision en profondeur de la Loi sur l'aide sociale. Pour avoir travaillé pendant seize ans dans un centre de services sociaux et pour avoir été mêlé de près et de loin à l'application de la Loi sur l'aide sociale, je dois dire que je souscris d'emblée à la demande du député de Laurier et que je lui accorde mon appui auprès de la présidente de la commission. À l'instar de la loi 24 sur la protection de la jeunesse, je crois que la Loi sur l'aide sociale aurait besoin d'être réévaluée à partir de grands principes pour la rendre plus "up to date", comme on dit en anglais, plus adaptée à la réalité d'aujourd'hui.

Le projet de loi 65 nous donne une réorientation de la loi en ce qui concerne l'aide sociale aux jeunes de 18 à 30 ans, aptes au travail. Cependant, il reste tous les autres de 30 ans et plus, aptes au travail, ainsi que toute la catégorie des personnes inaptes au travail pour qui il faudrait aussi faire quelque chose. Pour celles-là, s'il ne s'agit, dans l'esprit du député de Laurier, que d'augmenter le taux des prestations, ceci pourrait se faire par amendements des règlements tout simplement. Mais je crois qu'il s'agit de plus que cela. Il me semble qu'à partir de la loi 65 nous pourrions sûrement trouver des moyens pour que la Loi sur l'aide sociale puisse devenir aussi active pour les autres bénéficiaires que pour les jeunes de 18 à 30 ans aptes au travail.

Quand le député de Laurier qualifie la loi 65 comme une simple mesure accessoire à la Loi sur l'aide sociale, je ne suis pas de son avis. Je considère plutôt que nous avons là des nouveaux principes qui réorientent la loi pour une catégorie de bénéficiaires et qu'il faudrait compléter en essayant d'en définir d'autres pour les autres catégories de bénéficiaires. En ce sens-là, l'idée du député de Laurier me paraît des plus valables et, encore une fois, j'y souscris d'emblée.

Enfin, en terminant, M. le Président, permettez-moi de souhaiter que la loi 65 puisse obtenir tous les résultats escomptés et plus encore, afin que nos jeunes, qui doivent subir la situation tragique du chômage, puissent en sortir le plus rapidement possible, comme nous le souhaitons tous. Merci M. le Président.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: Merci M. le Président. On participe actuellement au débat sur l'adoption du principe du projet de loi 65 qui s'appelle Loi modifiant la Loi sur l'aide sociale.

Le projet de loi contient seulement quelques articles. En fait, il ne fait qu'autoriser la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu à établir des programmes pour venir en aide aux bénéficiaires d'aide sociale. Donc, en ce qui concerne le principe du projet de loi, notre formation, comme, d'ailleurs, notre propre porte-parole, le député de Laurier, l'a déjà dit, nous sommes pour le principe d'une telle loi. Quand il s'agit de programmes pour améliorer le sort des bénéficiaires de l'aide sociale et surtout des jeunes bénéficiaires de l'aide sociale, nous sommes pour le principe de leur donner toute l'assistance possible.

Évidemment, il s'agit d'un besoin criant. Ce matin - je pense que beaucoup de gens ont déjà vu cela - il y a un article

dans le Journal de Montréal qui s'appelle "La preuve que manger est un luxe pour plusieurs Québécois". Je cite cet article: "Les familles au salaire minimum, en chômage et d'assistés sociaux n'ont pas les moyens de manger tous les aliments nécessaires à la santé". C'est une étude qui a été préparée par un groupe qui s'appelle Action-alimentation du carrefour d'éducation populaire de Pointe-Saint-Charles. C'est dans mon comté, c'est dans le comté de Sainte-Anne. Je ne vous cache pas que plus de 50% des ménages de Pointe-Saint-Charles vivent de l'aide sociale; le problème de vivre de l'aide sociale est pour nous, du comté de Sainte-Anne, malheureusement une expérience qu'on vit de jour en jour.

Je cite le même article; c'est la vérité, ce qui est dit là-dedans: "Quant aux jeunes assistés sociaux, ceux de 18 à 30 ans qui reçoivent 151 $ par mois pour vivre, ils ont le choix entre se loger et ne pas manger ou manger et coucher dans les parcs." Ç'en est rendu à ce point. La somme de 151 $ par mois ne peut évidemment pas leur permettre de combler les besoins de base, de stricte nécessité. C'est une des raisons évoquées pour qu'on essaie de régler ce grand problème.

Comme il s'agit d'un programme pour venir en aide aux assistés sociaux, nous sommes favorables à un tel principe, mais il faut aussi regarder l'autre côté de la médaille. Il y a tout de même d'autres citoyens qui travaillent et qui paient pour un tel programme. Des programmes comme celui-ci doivent être financés et cela coûte des millions de dollars. On a le droit de demander si notre argent, l'argent servant à créer de tels programmes, est bien investi; est-ce qu'on en a pour notre argent? Il faut donc regarder un peu plus en détail ce que Mme la ministre nous présente, les trois options qu'elle nous offre par ce projet de loi 65.

Comme Mme la députée de L'Acadie l'a dit tout à l'heure, ce message n'est pas nouveau. J'ai ici, devant moi, un communiqué de presse du bureau du premier ministre du Québec pour publication immédiate. On y annonce de nouveaux programmes de formation en industrie pour les jeunes, de création directe d'emplois, d'action pour les jeunes volontaires, d'amélioration des services sociaux aux jeunes et tout le reste, ce qu'on retrouve presque mot à mot dans le programme d'aujourd'hui. Quelle est la date? Québec, le 9 mars 1983. Donc, il y a un an, on émettait un communiqué de presse pour publication immédiate; urgence! Voici les programmes fantastiques qu'on propose! Un an plus tard, on nous présente un projet de loi qui offre de tels programmes; on n'a donc rien fait pendant un an.

Qu'est-ce que nous annonce Mme la ministre? Le programme regroupe trois aspects: d'abord, le programme de travaux communautaires pour les jeunes assistés sociaux, donc les jeunes de moins de 30 ans; deuxièmement, un programme de stages dans une entreprise et, troisièmement, le retour aux études. Analysons-les un à un.

Premier programme: les travaux communautaires. Cela s'adresse aux jeunes de moins de 30 ans qui vivent de l'assistance sociale depuis au moins un an. On va tenter de leur redonner le goût de travailler, de reprendre l'habitude du travail en leur donnant la possibilité de participer aux travaux communautaires. Ils vont continuer de recevoir des prestations d'aide sociale plus un montant de 150 $ par mois. Donc, à toutes fins utiles, l'assisté social qui recevait 151 $ et qui a décidé de participer à un programme de travaux communautaires aura un revenu total de 301 $.

Je dois vous dire tout de suite que c'est encore moins que le salaire minimum pour quelqu'un qui travaille sur une base régulière de 40 heures par semaine. Il ne faut pas penser non plus que cette somme de 301 $ réglera tous les problèmes. Le jeune assisté social qui va participer à un tel programme sera obligé de s'habiller un peu plus convenablement que quand il est chez lui, il devra voyager à son travail, dans le cadre des travaux communautaires, et il aura des petites dépenses pour les repas. Il doit manger quelque chose même s'il travaille, tout cela occasionne des dépenses additionnelles. Il ne faut donc pas penser que le montant de 151 $ a été augmenté miraculeusement à 301 $ parce qu'une partie du nouveau montant est déjà engagée par les dépenses additionnelles. (11 h 10)

Jusqu'à présent, on avait un autre programme, un programme qui s'appelle Chantier-Québec pour les mêmes jeunes assistés sociaux de moins de 30 ans qui participaient aussi à toutes sortes de travaux communautaires comme le nettoyage des églises, le nettoyage des parcs dans des municipalités, etc. Il s'agissait d'un programme de 20 semaines où ces jeunes assistés sociaux étaient payés au moins au salaire minimum. Il était bien stipulé dans ce programme que les salaires payés en vertu du programme Chantier-Québec devaient être comparables aux salaires payés aux travailleurs et travailleuses de la région qui occupent un emploi similaire. Donc, quelqu'un qui participait à un programme de 20 semaines recevait au moins le même salaire que quelqu'un qui travaillait sur une base permanente dans le même type de travail, tandis que maintenant on donne une somme de 301 $ par mois. C'est donc effectivement moins que ce qu'on recevait hebdomadairement dans l'autre programme.

Le gouvernement a constaté que le programme Chantier-Québec ne marchait pas. D'ailleurs on l'avait critiqué. On posait

toujours la question - je m'en souviens très bien - lors de la vérification des comptes devant la commission des engagements financiers aux ministres Bérubé, Gendron ou même Mme Marois. Je vous lis la réponse qu'on a reçue au mois d'octobre 1983, parce que c'est intéressant. Le 27 octobre 1983 je posais une question au ministre du Conseil du Trésor. Je disais: "On parle du programme Chantier-Québec de 4 000 000 $ pour le mois de septembre aux engagements financiers. Il s'agit du même montant que pour les autres programmes précédents. Est-ce que le gouvernement n'est pas en train d'évaluer ce programme? Qu'est-ce que cela donne à part du fait qu'après 20 semaines on les envoie à l'assurance-chômage? J'ai l'impression que pour Chantier-Québec c'est le temps d'obtenir une évaluation objective. Est-ce que cela répond à nos besoins, à ce que l'on attendait du programme? On ne parle pas ici de quelques 100 000 $ par mois, ce sont des millions par mois. Est-ce que ça ne vaut pas la peine de créer 5000 emplois permanents au lieu de 20 000 sur une base de 20 semaines sans aucun bénéfice? Il y a des questions à se poser à ce sujet-là. Est-ce que cela se trouve à l'étude?"

J'ai eu la réponse suivante du ministre: "Est-ce que ce type d'emploi a atteint les objectifs du programme Chantier-Québec? La réponse est oui - c'est le ministre qui parle - cela répond aux objectifs du programme. Le programme avait des objectifs particuliers, comme je vous l'ai déjà dit, de réinsertion sociale, de redonner le goût au travail, de donner une motivation à des jeunes qui, malheureusement, reçoivent l'aide sociale. Ce n'est pas une vie, ce n'est pas comme cela que tu peux bâtir l'avenir. En leur donnant une participation où ils ont la conviction de faire des choses utiles pour la société, cela peut leur permettre de retrouver une motivation." C'était donc la réponse du ministre au mois d'octobre. Le 27 octobre 1983 il nous a répondu: Ce programme Chantier-Québec marche bien, ça répond aux besoins; c'est vrai que ce sont des emplois pour 20 semaines, mais cela répond aux objectifs du programme et on en est heureux.

Aujourd'hui on arrive avec un programme qui est un autre programme de Chantier-Québec, sauf qu'au lieu d'avoir le programme pour 20 semaines c'est maintenant pour un an. Au lieu de payer au moins le salaire minimum pendant 20 semaines, on paie moins que le salaire minimum pendant un an. M. le Président, les autres critères du programme sont restés les mêmes.

Qu'arrivera-t-il à la fin de l'année lorsqu'un jeune assisté social participera à un tel programme? Croyez-vous que ce jeune assisté social continuera à travailler?

Probablement que la réponse sera malheureusement non, parce qu'il y a déjà d'autres assistés sociaux qui attendent. N'oublions pas qu'on ne met pas d'argent pour plus d'un sur six assistés sociaux qui peuvent en bénéficier. Ceux qui vont y participer travailleront pendant un an, vont obtenir le goût du travail, vont mener une vie plus organisée, mais quel sera le résultat? Est-ce qu'on peut leur promettre qu'à la fin de l'année ils auront au moins une chance de continuer à travailler? Aucune garantie de rien. En fait, je pense vraiment que la même expérience qu'on a eue avec Chantier-Québec va se répéter et qu'à la fin de la période, il n'y aura pas d'autres emplois disponibles. C'est peut-être encore pire pour quelqu'un de recevoir, après un an, l'aide de l'État ou peut-être du fédéral, par le biais de l'assurance-chômage, mais, quoi qu'il en soit, pour retrouver un emploi rémunérateur, les chances sont très minimes. C'est la faiblesse du programme. Selon moi, on aurait dû penser plutôt à un programme qui crée des emplois de nature permanente ou du moins qui donne la possibilité d'avoir un emploi de nature permanente, où on aurait profité du fait qu'il y a le développement technique et technologique, les ordinateurs. Je pense qu'il faut commencer à éduquer nos jeunes à participer à de tels programmes pour apprendre un métier qui les qualifie bien pour les années quatre-vingt, au lieu de les laisser participer à des travaux communautaires.

Qu'est-ce que cela veut dire, des travaux communautaires? Le programme dit: Des activités ou des services habituellement bénévoles dans tous les domaines: affaires sociales, loisirs, environnement, culture. Combien de temps un jeune de moins de 30 ans qui est assisté social peut-il s'occuper des personnes âgées? Par exemple, il va lire un livre à une personne âgée, il va aller chercher des marchandises pour elles, magasiner avec elles ou peut-être nettoyer les fenêtres de leur appartement. Combien de temps peut-il faire cela? Est-ce que, pendant un an, on peut s'occuper à cela? Il n'y a rien de permanent là-dedans. Il n'y a rien de valorisant non plus. Je pense que le jeune préférerait travailler dans un garage et devenir un bon mécanicien plutôt que de faire ce travail communautaire dont la description est assez vague. C'est peut-être bien louable et nécessaire, je le comprends, mais est-ce que cela va donner au jeune le goût du travail? Est-ce que le jeune croit qu'il participe à l'appareil productif économique? C'est cela qui donne de la fierté.

Il faut s'interroger sérieusement sur la nature des programmes. C'est vrai, de tels programmes doivent exister, mais est-ce qu'en impliquant des milliers de jeunes dans de tels programmes de travaux

communautaires... Nettoyer un parc pour avoir un beau sentier et marcher dedans, c'est bien important, je le comprends, mais est-ce que c'est cela qui donne le goût du travail? Est-ce que c'est cela qui forme le jeune pour l'avenir, pour les années quatre-vingt? On trouve que c'est la faiblesse du programme.

Nos amis d'en face nous ont toujours répondu: Vous autres, les libéraux, vous critiquez, vous osez attaquer l'aide aux assistés sociaux. Pas du tout. On n'attaque pas du tout cette aide. Ce que nous cherchons, ce sont des programmes concrets, des améliorations, quelque chose dont ils pourraient bénéficier. Le député-maire de Verdun est ici ce matin, il connaît le problème. Dans la ville de Verdun - j'ai l'honneur de représenter une partie de la ville sur le plan provincial - on connaît ce problème des assistés sociaux. On les rencontre. On les voit le samedi soir. On parle avec eux. Ils nous disent tous: S'il vous plaît! assez de charité, donnez-nous une chance honnête de faire quelque chose de concret, de positif. Nettoyer les églises, on a rien contre cela, mais est-ce que c'est cela qui va vraiment nous donner le goût du travail pour le reste de nos jours? Laver des fenêtres, est-ce que c'est la solution? Lire un livre à une vieille dame ou à un vieux monsieur, c'est bien beau, c'est important, mais est-ce qu'on doit continuer de faire cela pour le reste de nos jours alors que nous avons moins de 30 ans? On peut avoir des idées différentes à ce sujet. Nous aurions préféré, on préfère encore, moi personnellement je préfère préparer quelqu'un pour les années quatre-vingt, bien le préparer, avec une bonne éducation, de sorte que cette personne puisse répondre aux besoins des années quatre-vingt.

Le programme des travaux communautaires, c'est le premier programme. Le deuxième programme s'appelle "Stages en milieu de travail". Cela me fait rire un peu, parce que vous autres, M. le Président - je ne dis pas vous, M. le Président, parce que vous êtes neutre - les députés péquistes, vous avez toujours une belle terminologie. L'assisté social s'appelle maintenant un stagiaire. On a toujours une belle expression. Ce n'est plus un assisté social. C'est monsieur ou madame stagiaire. Qu'est-ce qu'un stagiaire va faire? Un stagiaire, cela veut dire quelqu'un de moins de 30 ans, qui est un assisté social, qui a laissé ses études pour au moins un an, qui n'a pas de diplôme collégial ou universitaire et qui peut participer à ce programme. Il va signer un contrat avec un employeur, un contrat de stage en milieu de travail. Donc, cette personne va développer le goût du travail en travaillant dans une compagnie. Déjà, je dois vous dire, M. le Président, que je trouve ce programme mieux que le programme précédent, les travaux communautaires, parce que, ici au moins, le jeune participe à l'appareil productif d'un organisme, d'une compagnie qui existe et qui produit. Je pense qu'il va acquérir le goût du travail plus vite que dans d'autres programmes. (11 h 20)

II y a des problèmes tout de même avec cela parce qu'il faut signer un contrat et le jeune va recevoir encore ici une somme de 150 $ en plus du montant de l'aide sociale. Il va recevoir un total de 300 $. On aura le cas suivant. Prenons une petite manufacture de six ou sept employés, dont un ou deux jeunes. Maintenant, on va engager un huitième employé stagiaire, homme ou femme, de moins de 30 ans. Cette personne va travailler dans la firme pour un total de 301 $. Il faut bien penser à cela. Brut, cela veut dire 75 $ par semaine. Ce n'est pas la fin du monde. C'est encore en-dessous du seuil de la pauvreté. Elle est entourée peut-être par deux autres jeunes qui sont des travailleurs permanents qui gagnent presque le double et qui sont là pour travailler sur une base permanente; le pauvre stagiaire à côté est vraiment traité un peu comme citoyen de deuxième classe. Cela peut causer un problème sérieux.

Mme la ministre, sur le plan personnel, est bien sympathique, elle parle bien, elle se présente bien, mais il faut évaluer la substance du programme. J'étais là au mois de février quand Mme la ministre Marois est venue dans mon comté, à Pointe Saint-Charles. Devant les bénéficiaires de l'aide sociale, des jeunes qui ont posé des questions - c'était au mois de février de cette année - elle a expliqué un peu de quoi il s'agissait. La question qui était posée, je me rappelle très bien, par le représentant du groupe, était la suivante: Mme la ministre, comment expliquez-vous qu'un stagiaire qui va travailler pendant un an dans une firme, qui doit être là de 9 heures du matin jusqu'à 17 heures, au même "shift" que les autres, va recevoir moins pour le même travail qu'un autre personne? Elle a dit: Je vais étudier le problème. Là, on a la réponse, pas de solution. Cela peut créer des problèmes.

Autre problème. Une compagnie qui a peut-être quatre ou cinq employés peut dire: Je vais maintenant engager un stagiaire parce que cela ne me coûte rien ou presque rien, et je laisse tomber un de mes employés réguliers. Va-t-en, monsieur le jeune de 25 ans que j'ai engagé parce que je vais te remplacer par un jeune dans ce programme. C'est vrai que le programme dit qu'on ne peut pas le faire et que l'employeur n'a pas le droit. Vous savez, si l'employeur veut trouver une excuse, il va la trouver. Il peut dire à quelqu'un: Va-t-en, je n'ai plus besoin de toi. Il attend deux, trois ou quatre mois et ensuite il fait une demande pour avoir un jeune stagiaire. Il y a une manière de

contourner cela. C'est bien beau pour Mme la ministre de dire: Je ne permets pas cela. Je ne veux pas que les travailleurs réguliers soient remplacés à cause de ce programme. C'est bien beau de le dire, mais regardez donc la pratique.

Je vois que mon temps s'achève. Juste une minute parce que je veux parler du troisième programme qui s'appelle le rattrapage scolaire. C'est l'élément le plus intéressant. Je prends juste une minute de plus, M. le Président, avec votre permission, comme pour la députée de L'Acadie. Ici, finalement, on vient avec quelque chose de bon. On dit: Ceux qui ont quitté l'école prématurément, on leur donne une chance de continuer leurs activités scolaires en donnant un petit salaire. Je trouve que c'est un programme très intéressant, très positif, parce que, au moins, ces gens vont obtenir un diplôme et de cette manière, on peut les équiper pour les années quatre-vingt. C'est malheureux parce qu'il ne reste pas assez de temps. C'est un sujet hautement important, essentiel. On aurait peut-être dû avoir deux heures, mais qu'est-ce qu'on peut faire? On fait notre possible. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Merci. À mon tour, je désire intervenir sur le projet de loi 65, Loi modifiant la Loi sur l'aide sociale. Avant d'en venir directement au but du projet de loi 65, j'aimerais expliquer dans quel contexte ce projet de loi est présenté. Il vient justement dans le programme annoncé en novembre dernier par le premier ministre, le programme de relance AGIR, dans lequel le gouvernement s'implique directement et de plusieurs façons par une multitude de programmes, au-delà d'une cinquantaine, pour venir en aide aux entreprises et à tous les secteurs de l'économie de façon à créer le plus d'emplois possible. Déjà, les programmes qui ont été mis en application fonctionnent. Certains sont déjà en branle et ça va bien. D'autres vont l'être bientôt. Donc, ce projet de loi est directement une des annonces qui avaient été faites en novembre dernier par le premier ministre pour la création d'emplois. Il y a une multitude de projets et de programmes qui ont été annoncés dans le discours de M. Lévesque et cela vient en aide à toute l'entreprise. Donc, si celui-ci est vraiment complémentaire à autre chose, il ne faudrait pas oublier tous les autres qu'on a annoncés. Oui, on veut créer des emplois, mais ce que ce projet de loi apporte en plus, c'est que, non seulement on essaie de créer des emplois dans des entreprises et partout pour que les jeunes, comme toute la population, puissent aller travailler, mais on s'occupe en plus de ceux qui ne sont pas prêts à aller sur le marché du travail. Le projet de loi 65, c'est un peu dans ce sens qu'il est apporté.

Dans les programmes qui sont déjà en branle, ou qui vont l'être bientôt, il y en a pour les jeunes aussi. Il ne faudrait pas penser que rien n'a été fait et que celui-ci n'est pas complémentaire à d'autres puisqu'il s'ajoute à ce qui a déjà été annoncé. Pour les jeunes, il y en a plusieurs: le PECEC est ouvert aux jeunes comme à toute la population, le bon d'emploi dont il faudrait parler aussi. On a créé, avant même l'annonce de novembre, des programmes d'aide pour l'ensemble de la population et pour les jeunes. Il ne faudrait pas oublier qu'en huit mois l'an dernier, ces programmes d'aide ont créé au-delà de 26 000 emplois pour les jeunes. Donc, les programmes dont on parlait tantôt... J'écoutais mon collègue de Sainte-Anne... Oui, Chantier-Québec a été mis sur pied. Ce que fait la loi 65, c'est que cela amène d'autres programmes qui sont améliorés et qui viennent répondre à une situation différente de celle qui existait l'année dernière.

Dans l'annonce qui a été faite en novembre, il y a des étapes à suivre et aujourd'hui, on est en train d'en vivre une. Il y a eu l'annonce et ensuite, la mise en place de ces programmes. Il fallait, finalement, bâtir le projet de loi, le rendre faisable, applicable; c'est ce qu'on a fait. Il fallait aussi prévoir les budgets; les crédits ont été déposés la semaine dernière et, effectivement, il y a de l'argent qui est retenu pour être capable de mettre en branle, précisément, ce projet de loi qu'on est en train de déposer; mettre en branle ce qui est contenu dans ce projet de loi concernant la création d'emplois. Ce sont 120 000 000 $ partagés entre les gouvernements provincial et fédéral, mais c'est quand même une somme de 120 000 000 $ qui est injectée dans l'économie pour les jeunes qui bénéficient de l'aide sociale. Aujourd'hui, on arrive avec le projet de loi 65. C'est vrai que c'est un projet de loi, comme le disait mon collègue de Sainte-Anne, qui n'est pas tellement volumineux: une feuille, quatre pages, cinq articles. Mais ce n'est pas parce qu'il n'y a pas beaucoup de papier que ce n'est pas important, au contraire. Et, à mon avis, contrairement à ce que j'ai entendu, c'est quelque chose de très important, ce projet de loi, parce qu'il vient changer des mentalités, des principes.

Contrairement à ce qu'on a toujours connu depuis la mise en place de l'aide sociale au Québec, il ne s'agit plus maintenant de "parquer du monde" - excusez l'expression - en attendant qu'on leur trouve des emplois. Il s'agit de les préparer - et c'est l'autorisation qu'on est en train de se donner - à participer à la relance

économique. Donc, le gouvernement aide les entreprises à créer des emplois. On a vu dans les crédits déposés récemment que des centaines de millions de dollars sont injectés. Tous les programmes qui ont été annoncés et qui vont l'être encore, que ce soit Corvée-habitation, que ce soit le programme PROFE de 2 000 000 000 $ pour les entreprises avec une assurance, que ce soit la bourse d'affaires pour les jeunes qui sont prêts à partir en affaires, les programmes sont là pour créer des emplois. Mais il ne faudrait pas oublier ceux qui sont sur l'aide sociale présentement et qui ne peuvent aspirer à ces emplois parce qu'ils n'ont pas le minimum de connaissances requises. C'est là-dessus qu'on est en train de se donner des pouvoirs avec la loi 65.

C'est pour cela que je vous dis que ce projet de loi est très important, M. le Président, parce que, précisément cela vient changer une mentalité. Cela vient changer le principe qui veut que les gens qui sont sur l'aide sociale sont, au départ, inaptes au travail. À cause de la crise économique qu'on a traversée, ce sont des gens qui sont maintenant aptes au travail, qui sont en pleine santé, qui ont le goût de faire des choses mais qui dépendent, malheureusement, de l'aide sociale, parce que la situation économique, la crise qu'on a traversée les a amenés là où, normalement, ils ne devraient pas être. Donc, nous, on doit faire quelque chose. On ne peut pas accepter que cette philosophie de l'aide sociale qui s'appliquait à d'autres personnes ne soit pas adaptée et vienne chercher ces gens-là dans ce même contexte, avec ces mêmes règlements; c'est impensable. Donc, on veut changer cela. On veut faire en sorte que l'aide sociale ne soit plus seulement passive, comme le disait mon collègue tantôt, mais, au contraire, qu'elle soit active dans le sens d'une préparation à l'emploi pour les jeunes qui ne le sont pas. (11 h 30)

Quand on regarde un peu le domaine de l'éducation des adultes, on se rend compte que beaucoup de Québécois, malheureusement, ne sont pas préparés, n'ont pas encore les diplômes nécessaires pour être capables de trouver un emploi. Malheureusement, les chiffres sont souvent inquiétants à ce niveau. C'est la raison pour laquelle il faut s'occuper de l'éducation des adultes. Mais on ne peut pas attendre cela non plus. Pour ceux qui sont les plus mal pris et qui reçoivent l'aide sociale, on doit intervenir dès maintenant et on le fait par le projet de loi 65. Il y a des chiffres qui ont été sortis. On dit: plus de 152 000 ménages pourraient profiter de cela. Malheureusement, nous, on les réserve. On ne donne pas la chance à tous ces gens. Sauf qu'il ne faudrait pas oublier que sur les 152 000 ménages, il y en au-delà de 36 000 qui sont des inaptes. L'aide sociale, c'est aussi cela. Donc, cela veut dire que cela ramène le chiffre beaucoup plus bas. De toute façon, ce programme, il ne faudrait pas l'oublier, est le résultat d'une entente qui vient d'être faite avec le gouvernement fédéral. C'est unique au Canada. On est la première province, le premier gouvernement à faire en sorte que l'aide sociale soit quelque chose qui s'occupe aussi du développement et non pas seulement de faire des paiements. Car on veut préparer la population, on veut aider les gens à sortir de l'aide sociale. Pour qu'ils en sortent, il faut donner la préparation nécessaire à ceux qui ne l'ont pas. Quant à ceux qui l'ont, il y a d'autres programmes qui sont là pour les aider. J'en ai parlé tantôt. Je ne reviendrai pas sur le sujet.

Il y a d'autres programmes pour les gens qui attendent, que ce soit les bons d'emploi ou autre chose. Mais pour ceux qui ne sont pas prêts, qui n'ont pas l'éducation, les diplômes ou les attestations nécessaires pour se placer le projet loi veut apporter quelque chose. Ce sont 50 000 personnes qu'on veut réintéger au marché du travail. Je vous dis que c'est possible avec l'exemple qu'on a de l'année dernière, avec les programmes de création d'emplois temporaires qu'on avait appliqués. Que ce soit le bon d'emploi, Chantier-Québec, PRET, SEMO, ce sont 26 600 emplois qu'on a créés l'année dernière. Ce sont 26 600 personnes qui ont pu profiter de ces programmes en l'espace de moins d'une année. Donc, maintenant qu'on investit 120 000 000 $, pour quelle raison ne réussirait-on pas à permettre à 50 000 jeunes de se préparer à aller chercher les diplômes ou les attestations requises pour pouvoir aller sur le marché du travail, pour pouvoir aller chercher une expérience sur le marché du travail ou une expérience dans la communauté? Donc, ce sont 50 000 personnes qui, au cours de la prochaine année, vont pouvoir s'occuper, vont pouvoir aussi aller chercher davantage d'argent ce qui, dans le cas des jeunes de moins de 30 ans bénéficiaires de l'aide sociale, est une nécessité urgente et criante.

Donc, M. le Président, comme je le disais, il y a eu des étapes de franchies dont l'une a été l'entente fédérale-provinciale. Nous sommes le premier gouvernement à s'occuper effectivement de changer cette mentalité de l'aide sociale. Il ne faudrait pas l'oublier. C'est unique. C'est un changement important dans le sens qu'on ne "parquera" plus - excusez encore l'expression - les gens là en attendant, mais on va les aider à s'en sortir. C'est important. C'est un projet pilote. Probablement que ce n'est pas ce qu'il y a de plus parfait, mais c'est déjà, à notre avis, quelque chose d'important qui va aider un nombre assez considérable d'individus; 49 000 à 50 000 jeunes, c'est

important. Oui, on s'en occupe. C'est un projet pilote qui devrait être reconsidéré.

On s'inquiète de l'autre côté de ce qui va arriver dans une année aux gens qui en auront profité cette année et aux autres qui ne pourront pas le faire. C'est bien, qu'on s'en inquiète, et nous aussi, on s'en inquiète, sauf qu'il faut commencer. Je pense que le premier pas qu'on effectue et qui va toucher 50 000 jeunes, c'est très important. C'est un grand pas dans la bonne direction au niveau du nombre d'individus touchés, mais c'est aussi un grand pas dans le sens du changement de mentalité, du changement de base très important qui est en train de s'effectuer au niveau de l'aide sociale. C'est le premier virage majeur depuis que l'aide sociale a été mise sur pied au Québec. Donc, c'est très important et cela fait en sorte que l'aide sociale ne sera pas seulement une aide financière, mais aussi une aide, une préoccupation au niveau de l'individu, au niveau de l"'employabilité" des gens, justement, qui reçoivent l'aide sociale, pour leur permettre de pouvoir acquérir de l'expérience autant au niveau pédagogique qu'au niveau pratique. Donc, oui, c'est un projet pilote et c'est un programme volontaire. De là la nécessité d'apporter le projet de loi 65 puisqu'on n'aurait pas pu le faire sans ces changements-là sur une base volontaire, à savoir de permettre aux gens d'aller chercher plus d'argent, ce qui n'était pas possible en fonction des barèmes, des critères et des règlements qui étaient déjà établis dans l'aide sociale. Si on va en chercher plus, on perd l'aide sociale. On permet maintenant d'en donner plus pour permettre aux gens de se perfectionner.

Qu'est-ce qui est contenu dans le projet de loi 65? Ce sont des changements, comme je viens de le dire. Ce sont des modifications à la Loi de l'aide sociale pour nous permettre de payer davantage les jeunes, leur permettre d'acquérir des connaissances. C'est aussi simple que cela, sauf que c'est majeur en fonction de ce qu'on connaissait déjà dans l'aide sociale.

Qu'est-ce que cela nous permet d'apporter comme changements, comme aide aux jeunes?

Tous en ont parlé, je vais en reparler très brièvement. Ce sont trois programmes à mettre en vigueur. Le premier, c'est le retour à l'école. Beaucoup de jeunes, malheureusement, n'ont pas terminé leur secondaire V. On sait que, de plus en plus, pour entrer dans une entreprise, dans un bureau, dans un commerce, peu importe où, cela prend un minimum d'instruction. Donc, ces jeunes qui sont bénéficiaires de l'aide sociale, qui n'ont même pas ce minimum d'un diplôme du secondaire, quel est leur avenir? Quelles sont leurs chances de se placer si on ne leur permet pas d'acquérir ce certificat d'études secondaires? À mon avis, il n'y aurait pas d'espoir, ou très peu, si on ne leur permettait pas d'aller chercher ce minimum nécessaire pour avoir un emploi, comme tous les autres.

Donc, on a maintenant une nouvelle préoccupation pour les jeunes bénéficiaires de l'aide sociale. Ce n'est pas seulement de leur permettre de vivre avec un minimum; c'est de leur permettre d'acquérir un minimum de connaissances pour être capables de se placer aussi. C'est une préoccupation de développement collectif. Donc, ce sont 10 000 jeunes qu'on espère placer au cours de l'année qui vient, dès septembre 1984, à qui on permettra ainsi d'aller chercher ce minimum de connaissances théoriques nécessaire pour, solliciter un emploi, comme tout le monde. C'est essentiel. C'est indispensable. C'est ce qu'on fait. On dit à ces jeunes, qui n'ont pas le minimum requis: On va vous donner davantage - la loi 65 va nous le permettre, on va s'en occuper - pour vous permettre de vivre et d'acquérir des connaissances pour que vous puissiez vous placer et avoir un avenir sur le marché du travail, comme tout le monde. Tout le monde a droit à l'emploi, à mon avis, mais il faut avoir au moins un minimum d'instruction pour pouvoir solliciter un emploi, comme tout le monde. C'est le premier point le retour à l'école pour permettre aux jeunes, aux décrocheurs de retourner à l'école.

Il y a aussi le stage en entreprise. C'est important pour ceux qui ont le secondaire V mais qui n'ont jamais eu la chance d'avoir la pratique. On dit souvent: Pas d'expérience, on ne peut pas t'engager. Le fameux cercle vicieux. Eh bien, on va leur donner la chance d'acquérir de l'expérience dans un projet qui est quand même sous contrôle et qui va être bien suivi. Quant à l'inquiétude du député de Sainte-Anne, on l'a eue lorsqu'on a préparé le programme. Maintenant, on n'a plus l'inquiétude de penser que ces jeunes qui vont aller travailler vont prendre la place d'autres travailleurs. Si c'était le cas, on ne parlerait même pas de ce projet. Sauf que, après les discussions qu'on a eues et avec le suivi qu'on se propose de faire, on ne pourra pas se faire jouer dans ce sens d'enlever des emplois à quelques-uns pour les donner à d'autres sur une base temporaire. Il n'en est pas question. Cette crainte, on peut l'éliminer immédiatement parce qu'on s'assure, par les suivis et par les contrôles qui sont dans le programme, que cela ne se fera pas. Vous pouvez en être certains. Il n'est pas question de changer les individus d'emplois; il est question de donner à des individus une base d'expérience pratique pour leur permettre de ne plus embarquer dans ce cercle vicieux: pas d'expérience, pas d'emploi.

Maintenant, les jeunes qui n'ont pas

leur secondaire V, on leur permet cela. À ceux qui ont leur secondaire V mais qui n'ont pas d'expérience pratique, on permet autre chose. Cela représente 30 000 jeunes qu'on espère récupérer. Non pas qu'on espère, mais qu'on va effectivement retrouver dans un monde actif, dès cette année, puisque les chiffres de l'an dernier nous prouvent qu'on est capable d'aller au-delà de cela.

Le troisième programme que les changements et les modifications apportés par le projet de loi 65 nous permettent concerne les travaux communautaires. Là-dessus aussi l'expérience passée nous prouve que c'est bénéfique pour ceux qui en profitent. Ce sont environ 10 000 jeunes qu'on veut favoriser en leur permettant justement d'être utiles à la société et d'avoir un peu plus d'argent.

C'est bénéfique pour eux sous plusieurs aspects. Premièrement, parce que cela permet à l'individu, qui, avec 150 $ par mois présentement, réussit à peine à subsister, de gagner au moins le double. Donc, vivre plus décemment. Avoir plus d'argent et vivre mieux. Je pense que c'est un minimum, et c'est toujours sur une base volontaire, comme je l'ai dit tantôt. Cela permet à l'individu concerné d'avoir plus d'argent, de vivre mieux. Cela lui permet en même temps d'utiliser ses talents au service de la population.

J'ai vu des exemples de ce que cela peut donner de positif. J'ai vu des exemples où des programmes comme Chantier-Québec ont donné naissance ensuite à des petites entreprises. Des gens qui ont commencé à s'occuper de toutes sortes de choses, que ce soit la télévision communautaire ou que ce soit... Je trouve intéressant l'exemple qui a été apporté par mon collègue de Sainte-Anne tantôt, d'une façon plutôt péjorative, en parlant du décapage des bancs ou des murs dans les églises. Je dois dire, à ce sujet, qu'une personne qui avait participé à ce programme est venue me voir pour savoir comment elle devait s'y prendre pour partir sa petite entreprise de service de décapage. Il ne s'agit souvent que de donner la chance à un individu de démontrer ses talents pour ensuite, par des contacts, l'aider à se lancer en affaires, avoir le goût d'essayer et finalement, essayer et réussir. C'est donc encore quelque chose de positif, cela occupe les jeunes et cela leur permet d'utiliser leurs talents tout en offrant à l'ensemble de la société un meilleur service.

Le bénévolat, c'est très important, c'est évident. Si ce n'était du bénévolat, on serait loin d'avoir la société que l'on connaît, où les gens vivent bien grâce au bénévolat. La société n'aurait pas les moyens de payer des salaires à tous ces gens, c'est évident; il n'y en aura jamais assez car les besoins sont très grands. Pourquoi ne pas essayer d'aider tous les centres de bénévolat, tous les groupes bénévoles un peu partout au Québec qui donnent déjà un très bon service? Grâce aux modifications apportées par la loi 65, nous pourrons payer des gens pour aider la société et pour aller travailler avec ces gens, sur un horaire régulier, sous la surveillance de ces groupes bénévoles, afin de pouvoir offrir un meilleur service au profit de toute la société. C'est ce que nous permet la loi 65 en offrant à ces gens une meilleure rémunération pour qu'ils soient actifs, présents et qu'ils puissent se préparer, eux aussi, à la reprise et à la relance économique.

Il serait impensable que notre société ne se préoccupe pas davantage des jeunes assistés sociaux qui ne sont pas prêts à occuper un emploi à cause d'un manque de connaissances. On est maintenant en train de se donner les outils.

Pour ce qui est de la création d'emplois permanents, les chiffres le prouvent, c'est quand même le gouvernement du Québec qui aide le plus les entreprises au Canada. C'est nous qui avons le plus grand nombre de programmes d'aide aux entreprises dans le but de créer des emplois. C'est l'entreprise qui doit effectivement créer des emplois; notre rôle est de les encourager et de les aider par des programmes qui stimulent le développement des entreprises. Mais pour pouvoir profiter de ces emplois, il faut que nos jeunes soient prêts à prendre ces postes.

Donc, les emplois permanents, c'est sûr que c'est l'entreprise privée qui doit les créer; je pense que l'unanimité s'est faite là-dessus à l'Assemblée nationale. C'est comme cela que le gouvernement doit penser au développement futur, en les aidant. Comme je viens de le dire, c'est quand même le gouvernement du Québec qui fournit le plus d'aide aux entreprises. Notre programme de relance économique AGIR vient encore accélérer les choses, offre de nouvelles possibilités qui favoriseront encore plus le développement économique et la création d'emplois.

Si, comme les indicateurs le prouvent, nous avons récupéré les emplois que nous avons perdus pendant la crise dès le milieu de cette année, de nouveaux emplois seront créés bientôt et il faudra que tous soient prêts et spécialement les jeunes bénéficiaires de l'aide sociale. La reprise économique ne doit pas se faire aux dépens de quelque classe que ce soit de la population. Tous doivent y participer. La responsabilité du gouvernement est d'aider les entreprises, c'est aussi d'offrir à tous et chacun, à tous nos jeunes, une chance égale de préparation, les diplômes nécessaires et c'est ce qu'on veut se donner comme pouvoirs par la loi 65. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: M. le Président, quand le Parti québécois a pris le pouvoir, le soir du 15 novembre 1976, il y avait environ 220 000 ménages qui vivaient de l'aide sociale. Aujourd'hui, il y en a à peu près 400 000; pas loin du double. Cette augmentation de 200 000 ménages québécois bénéficiaires de l'aide sociale fait partie de l'héritage de sept ans de pouvoir du gouvernement que l'on connaît. Le coût de cette aide est passé pendant cette période d'une somme de 700 000 000 $ à un chiffre qui va atteindre cette année près de 2 000 000 000 $. Effectivement, au-delà de 1000 $ par famille québécoise seront consacrés à l'aide sociale cette année.

Même durant cette année de pleine reprise économique, 1984, on prévoit une augmentation de 8% du nombre d'assistés et du coût de l'aide sociale au Québec.

Il y a à peu près 700 000 personnes qui dépendent de ces bénéfices de l'aide sociale au Québec. Plus de 10% de la population. Ce sont des chiffres mais je veux parler aussi un peu de la réalité humaine. Dans mon comté de Notre-Dame-de-Grâce il y a un bureau d'aide sociale et ce matin nous avons 3000 bénéficiaires de l'aide sociale enregistrés à ce bureau, à peu près le même pourcentage que celui de la population de Québec. Donc, une augmentation d'à peu près 1000 personnes depuis deux ans, soit 50%. Chaque jour je reçois, comme tous les députés ici, les gens de mon comté qui sont les victimes de cette situation. La semaine dernière j'ai reçu une personne de 22 ans qui est arrivée avec son père, qui n'a pas terminé le secondaire V - qui a quitté après le secondaire IV - qui cherche un emploi depuis un an et demi. Elle me demandait si je pouvais faire quelque chose. Je l'ai encouragée, bien sûr, à retourner à l'école pour terminer ses études. J'ai reçu aussi un téléphone d'un père qui me demandait, très timidement, si ce serait respectable et responsable pour lui de demander l'aide sociale pour son fils qui habite chez lui et qui est sans emploi depuis un an et demi. Ce sont des cas humains avec lesquels on traite.

Comme je l'ai dit tantôt, M. le Président, je vous rappelle qu'il y deux fois plus de cas comme cela aujourd'hui au Québec qu'il n'y en avait quand le gouvernement péquiste a été élu avec la promesse de créer une espèce de justice sociale quelconque ici au Québec. Si les gens sont insatisfaits du gouvernement aujourd'hui, voilà une belle raison.

Ce matin je veux parler surtout à la ministre par votre entremise, M. le Président. Elle regarde cette plaie qui est une des plaies dans la maladie de l'économie du Québec aujourd'hui - il y en a d'autres -et elle dit: Je vais essayer de faire quelque chose. Elle met - si je peux utiliser l'expression - des "band-aid" sur la plaie de l'hémorragie de 400 000 personnes bénéficiaires de l'aide sociale. Pour qu'elle comprenne et que tout le monde comprenne qu'elle ne met qu'un "band-aid" sur une plaie, rappelons pendant quelques minutes d'autres éléments de ce problème économique au Québec. Aujourd'hui, au Québec, il y a à peu près 6 500 000 personnes dont environ 3 000 000 sont capables de travailler. Si nous prenons les gens qui reçoivent des prestations d'assurance-chômage, les gens qui sont bénéficiaires de l'aide sociale et aptes à travailler et le chômage caché dont les économistes très respectables nous parlent, on constate qu'à peu près 25%, pas loin de 1 000 000 de Québécois sont capables de travailler, veulent travailler et ne trouvent pas d'emploi.

Nous avons aujourd'hui à peu près le même nombre de personnes au travail au Québec - 2 700 000 - qu'on avait en octobre 1981. Est-ce qu'il y en a qui se souviennent d'octobre 1981, quelques heures avant le deuxième budget de M. Parizeau? Cela fait presque trois ans et le nombre de personnes au Québec n'a pas changé pendant ces trois ans.

Depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois le nombre de personnes dans l'industrie manufacturière, qui est un élément clé, a diminué. Il y a moins de monde au travail aujourd'hui dans les usines modernes ou dépassées - si on veut - du Québec qu'il n'y en avait en 1976. Pendant la période du régime péquiste - je pense que c'est le dernier chiffre que je vais souligner dans cette série, M. le Président mais c'est peut-être le plus simple à expliquer - nous avons créé au Québec à peu près 2000 emplois par mois et pendant la période qui le précédait, le régime Bourassa, avec tous les défauts que les gouvernements aiment à souligner, on en a créé à peu près 4000 par mois. Avant 1976, 4000 nouveaux emplois disponibles par mois pour les gens du Québec et depuis, 2000. (11 h 50)

On voit l'élément de base, le problème à la base de l'économie du Québec; et le problème de l'aide sociale en est simplement une petite manifestation. Ce sont des chiffres qui, je pense, rendent la population très malheureuse envers un gouvernement. Si vous habitez une province, une région, le Québec, où vous savez qu'à l'avenir il y aura seulement 2000 nouveaux emplois disponibles chaque mois, et qu'il y a beaucoup plus de gens qui sortent des universités et des écoles et qui viennent ici de l'extérieur pour chercher un emploi, vous êtes découragés. Quoi faire?

Je veux souligner un élément à Mme la ministre. Il y en a plusieurs qu'on peut soulever, mais je vais me limiter à un seul ce matin. On vient de recevoir des informations additionnelles à ce sujet quant à l'importance de cet élément. Je parle de la fiscalité québécoise. Vous allez me dire: Comment se fait-il, M. le député, que vous parliez de la fiscalité québécoise dans le cadre d'un débat sur un projet de loi concernant l'aide sociale? Il n'y aura pas beaucoup de gens qui vont se poser sérieusement la question, parce que je vais m'expliquer très brièvement et très clairement. C'est la question du climat pour la création de nouveaux emplois et des investissements. Ce matin, je n'ai pas l'intention de répéter les discours que mes collègues et moi-même avons faits, de même que ceux de beaucoup d'observateurs désintéressés au Québec depuis des années. J'ai l'intention de citer le ministre des Finances du Québec.

Nous avons, depuis quelques semaines, un élément nouveau, une copie, une fuite, si vous voulez, d'un livre blanc sur ce problème précis, livre promis par le ministre des Finances depuis un an et qui est encore secret. Mais, parce qu'il y a des fuites même au ministère des Finances, on a le privilège de voir quelques éléments de ce qu'il dit. Je vais citer simplement un élément. À la page 25 de ce document, qui est maintenant - je le répète - disponible pour tout le monde même s'il n'a pas été rendu public, ceux qui l'ont rédigé au ministère des Finances nous disent que la fiscalité au Québec, les taxes au Québec coûtent à peu près - je parle des taxes provinciales - 20% de plus pour les personnes et à peu près 30% de plus pour les compagnies, les entreprises. C'est aux pages 25 et 26, si vous voulez vérifier.

On parle des conséquences de cet écart entre les deux provinces. Je vais citer, M. le Président, et vous allez voir très clairement le lien entre ce document et l'aide sociale. Je cite, à la page 150, la conclusion du document: "Quoi qu'il en soit, il demeure que la fiscalité en tant que telle n'est pas concurrentielle en général pour tous ceux qui gagnent des revenus supérieurs à la moyenne. En effet, la fiscalité n'affecte pas la localisation des entreprises simplement par les impôts qu'elles ont à payer, mais aussi par la possibilité qu'elles ont d'attirer la main-d'oeuvre dont elles ont besoin. Le régime fiscal applicable aux particuliers n'est donc pas concurrentiel dans un simple souci d'imitation, mais bien plutôt dans le but d'atteindre une croissance économique qui soit satisfaisante et qui corresponde aux besoins de la société québécoise." Je termine, M. le Président, avec une phrase à la page 26: "Cette taxation relativement lourde des activités de production comporte évidemment la conséquence fâcheuse de décourager les activités de production et de décourager ceux parmi les contribuables qui seraient les plus productifs...

M. Blouin: Question de règlement, M. le Président.

M. Scowen: ...à moins qu'on fasse fi des besoins....

M. Blouin: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député. Question de règlement du leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, j'écoute le député de Notre-Dame-de-Grâce qui contrevient, je pense que vous l'aurez noté, à l'article 232, et je lui rappellerai également la teneur de l'article 50 de notre règlement qui dit que, lorsque nous sommes en train de débattre sur le discours d'ouverture de la session, nous pouvons traiter de tous les sujets qui ne sont pas nécessairement pertinents aux propos qui ont été tenus lors du discours d'ouverture. Mais nous ne sommes pas en train de tenir un débat de cette nature. Nous sommes en train de tenir un débat sur un sujet précis, qui est le projet de loi 65 qui comporte des amendements très précis à la Loi sur l'aide sociale. Je ne pense pas que les propos généraux sur la fiscalité ou sur le présumé livre blanc du ministre des Finances soient pertinent, et, par conséquent, M. le Président, je vous demande de faire en sorte que l'article 232 soit appliqué.

M. Sirros: M. le Président....

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Laurier, sur la question de règlement.

M. Sirros: C'est la deuxième fois que le leader adjoint essaie d'arrêter un débat qui porte sur, si on regarde l'article, "tout autre moyen d'atteindre les mêmes fins". Effectivement, on parle de loi sur l'aide sociale qui concerne les personnes qui sont sans emploi, qui sont reléguées à vivre de l'aide sociale, et je pense que parler de mesures qui pourraient relever les choses pour permettre à ces gens de retrouver une dignité et une autonomie, c'est très pertinent dans ce débat. Que le leader adjoint arrête de faire ce genre d'effort de tuer...

Le Vice-Président (M. Jolivet): J'écoute avec attention tous les discours qui sont prononcés dans cette Chambre. Je dois vous dire que j'ai écouté avec attention le député de Notre-Dame-de-Grâce. J'ai compris qu'il

parlait sur le principe du projet de loi, qu'il démontrait à sa façon, avec les moyens qu'il a de le démontrer, que je n'ai pas, et vous le savez, à intervenir dans le contenu du débat lui-même, mais, quant à moi, avec ce que j'ai entendu, je trouvais que le député de Notre-Dame-de-Grâce était dans le sujet. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Merci, M. le Président. Je pense que c'est un témoignage éloquent du manque de compréhension du Parti québécois des problèmes économiques du Québec. Si ces gens ne sont pas capables de réaliser qu'une personne bénéficiant de l'aide sociale n'est pas capable de travailler parce qu'il n'existe pas de jobs ici et qu'il n'existe pas de jobs ici parce qu'il n'existe pas d'investissements ici... Ce problème est connu de tout le monde au Québec et il est reconnu dans le document de M. Parizeau lui-même. S'il n'est pas capable de comprendre cela, il ne doit pas siéger à l'Assemblée nationale.

Je vais terminer en lisant simplement une dernière phrase, parce que le livre blanc rend l'affaire très claire. Je cite M. Parizeau dans son document: "À moins qu'on fasse fi des besoins de croissance de l'économie québécoise, il devient impérieux qu'on s'attaque à ce problème." Est-ce que c'est clair? C'est votre ministre des Finances qui parle. À moins que vous vouliez faire fi de la croissance économique du Québec, qui veut dire des emplois, il devient impérieux que vous vous attaquiez à ce problème. J'espère que c'est pas mal clair. Je parle surtout au ministre parce que la ministre n'a pas les moyens de régler ce problème. La ministre a simplement la responsabilité de l'aide sociale.

Je voulais démontrer, pour que les gens finalement commencent à comprendre, que le problème de l'aide sociale fait partie d'un plus grand problème, qui est le problème de la création d'emplois et de l'investissement au Québec. Les gens le comprennent. Les gens qui sont dans la rue, qui cherchent un emploi comprennent le problème. C'est vous autres qui ne le comprenez pas. Vous pensez que l'aide sociale, c'est quelque chose à part. L'aide sociale fait partie du problème économique du Québec. Mon Dieu, si vous n'êtes pas capables de comprendre celui-là, vous ne devez pas faire partie de l'Assemblée nationale ici. Vous faites partie du problème vous-mêmes.

Je veux simplement passer à un autre aspect du livre blanc, parce que c'est intéressant pour la ministre qui est responsable de ce dossier, et cela touche directement le sujet.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je voudrais intervenir, M. le député. Je pense qu'à ce stade-ci on doit justice à tout le monde. Vous parlez d'un document qui n'existe pas officiellement, à la connaissance de l'Assemblée nationale. Je pense qu'il faut quand même bien le comprendre. Vous aviez très bien commencé votre intervention en faisant cette mention, mais, depuis quelques instants, vous dites: le livre blanc. À ma connaissance, il n'y a pas de livre blanc de déposé devant l'Assemblée nationale. Je pense que vous devriez être juste à ce niveau. M. le député.

M. Scowen: Merci, M. le Président, d'avoir souligné le fait que jusqu'à ce moment il n'existe pas de livre blanc, même s'il a été promis il y a un an. Je vais citer un document du gouvernement, qui est disponible et qui est cité dans tous les médias, simplement pour vous dire à vous et à la ministre - et dans ce sens je vais être positif, vous allez voir - que le chapitre III de ce document touche directement au problème des transferts aux particuliers. Là-dedans - on doit le lire, si on n'a pas encore pris connaissance du document - vous voyez que les auteurs de ce document arrivent à la conclusion que le système de l'aide sociale comme tel est incohérent. (12 heures)

Je vais simplement citer deux ou trois phrases de ce document pour que vous puissiez comprendre. On dit: "Tous ces programmes de transferts non harmonisés - il parle de l'aide sociale surtout, parce que c'est de loin le plus grand - les uns par rapport aux autres ont tendance à condamner les bénéficiaires dans des ghettos de faibles revenus et incitent très peu de faibles salariés à améliorer leur sort. Le revenu net reçu par ces travailleurs est trop faible, lorsque survient une augmentation de salaire et il ne peut que "désinciter" les individus à accroître leurs offres de travail."

Il continue durant à peu près une trentaine de pages en disant que le système de l'aide sociale est à revoir complètement. Le premier ministre l'a dit au mois de novembre. Vous vous souvenez? C'étaient de belles paroles. C'est répété ici par des personnes assez sérieuses et qui donnent des détails. Mais, plutôt que de s'attaquer au fond du problème, la ministre se contente, malheureusement, aujourd'hui, de nous présenter ces trois petits "band-aid" pour le problème dont nous avons parlé tantôt.

Je propose au ministre d'examiner, dans les plus brefs délais, le chapitre III de ce document qui, comme vous l'avez constaté, M. le Président, n'existe pas encore officiellement. Je suis content que vous ayez soulevé ce point avec moi, parce que, comme vous, je m'inquiète beaucoup de l'arrogance du ministre des Finances quand il refuse de déposer quelque chose qui est promis depuis maintenant un an.

Cela dit, je veux seulement mentionner deux ou trois éléments du programme comme

tel, en terminant. Il y a, si on comprend bien, trois éléments: le programme de rattrapage scolaire, le programme de stages en industrie ou en entreprise et le programme de travaux communautaires. Je parlerai d'abord du dernier, le programme de travaux communautaires. On est passé par une crise économique. Quand les petits programmes de travaux communautaires pouvaient être justifiés, on n'a pas été assez dur à votre égard lors du lancement de ces programmes, parce qu'on savait que c'était une situation désespérée. Mais, maintenant, on est soi-disant dans une période de reprise économique. C'est un non-sens de proposer aux jeunes Québécois de se lancer dans de petits programmes de travaux communautaires de 20 semaines, qui ne leur feront presque rien comprendre ou apprendre, qui n'accroîtront pas leurs connaissances pour affronter les défis auxquels ils seront obligés de faire face dans la vie. On ne peut pas vous appuyer dans cette démarche, cette fois-ci. C'est un non-sens dans le contexte économique actuel.

En ce qui concerne le rattrapage scolaire, c'est essentiel. Vous n'allez pas assez loin quant à nous. Il y a à peu près 75 000 ou 80 000 jeunes recevant de l'aide sociale et qui n'ont pas terminé leur secondaire V. Vous espérez, par ce petit projet pilote, toucher 9000 jeunes pendant deux ans. Effectivement, vous allez toucher probablement ceux seulement qui décrochent cette semaine et la semaine prochaine, mais vous n'aurez pas attaqué le fond du problème. Ce n'est pas une solution. Vous n'allez pas assez loin dans cette affaire, mais, au moins, c'est un départ.

En ce qui concerne les stages, vous nous laissez sur notre faim avec ce troisième élément parce que c'est, de loin, le plus important en termes de sommes d'argent qui sont investies. Comment cela va-t-il fonctionner? Est-ce que les entreprises vont accepter des personnes qui vont travailler essentiellement pour rien, ou pour presque rien, et essayer vraiment de leur donner le nécessaire pour qu'elles apprennent quelque chose? Mon impression, avec les chiffres et les données que nous avons reçus jusqu'ici, c'est que c'est très mal conçu. Dans un an, vous allez devoir revenir ici - si vous y êtes encore - pour refaire le programme. Mais, au moins, les deux derniers éléments sont des choses... On en appuie un, mais on trouve que vous n'allez pas assez loin. Quant au deuxième, on attend et on espère que cela va donner quelque chose.

En terminant - parce que je pense que mon temps est écoulé - j'espère que je n'ai fait mal à personne ici ce matin en soulevant l'aspect économique du problème de l'aide sociale et en soulevant la question du livre blanc qui n'a pas encore paru. Mais quand on est devant une situation aussi pénible que celle de notre économie actuelle, je pense qu'il faut qu'on essaie, le plus vite possible, de faire comprendre aux gens de l'autre côté que le problème qu'il faut régler, c'est quelque chose de sérieux, que le livre blanc est un élément très important vers la solution de ces problèmes et que l'irresponsabilité du gouvernement dans ce domaine est flagrante et inacceptable. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Gaspé.

M. Henri Le May

M. Le May: Merci, M. le Président. Habituellement, quand je prends la parole, c'est pour parler des pêches. Quand l'adjoint parlementaire m'a demandé de prendre la parole concernant le projet de loi 65, c'est avec plaisir que j'ai répondu dans l'affirmative, parce que en Gaspésie, particulièrement dans mon comté, les problèmes d'aide sociale sont nombreux. C'est un problème qui prend presque autant de place que les pêches - malheureusement au sens inverse - et j'ai tenu à vous faire part de mes réflexions à la suite de la lecture rapide du projet de loi 65. Je dis "rapide", parce que le projet de loi comprend seulement cinq articles. C'est la première fois qu'on a l'occasion de parler d'un projet de loi qui est à la fois si court et si étoffé. C'est la première fois qu'on a l'occasion de présenter un projet de loi qui va changer dans le Québec le fondement même des mentalités vis-à-vis de l'aide sociale.

D'où vient plus précisément l'aide sociale? D'abord, en 1929-1930, on a connu une crise qui, comme vous le savez, a été désastreuse pour tous les Nords-Américains et à ce moment-là, le gouvernement a mis sur pied un système qu'on appelait l'assistance publique. On venait en aide directement - on appelait cela le secours direct - aux pauvres et aux plus démunis. Le système est demeuré en place et d'année en année, le système a ni plus ni moins engraissé, c'est-à-dire qu'il y a de plus en plus de gens qui avaient de plus en plus accès à ces différents programmes d'aide sociale et, malheureusement, on en est arrivé, après une cinquantaine d'années, à un phénomène qu'on appelle le phénomène de l'aide sociale. On prétend même qu'il y aurait une personne qui travaillerait pour cinq autres, si on regarde la situation au Québec et même dans l'ensemble du Canada. J'imagine que les statistiques doivent se tenir de ce côté-là.

Est arrivée encore une fois la crise d'août 1981 et là, on s'est dit: Qu'est-ce qu'on fait avec ces gens? Que peut-on faire pour les sortir du marasme dans lequel ils sont plongés? Et on a mis sur pied des programmes de création d'emplois

temporaires. Temporaire, c'est presque synonyme de tampon, c'est-à-dire qu'il y avait un trou et on a mis une cheville. C'est temporaire. Ce n'est pas idéal, loin de là, mais quand même, il y a eu des efforts de faits. On aurait pu ne rien faire. Pendant la crise, le gouvernement du Québec n'a pas eu plus d'argent que les gens qui se promènent dans la rue, parce que de l'argent, on n'en imprime pas. On ne va pas en chercher nulle part. Ce qu'on a comme argent, on va le chercher dans les poches des contribuables québécois. On essaie d'administrer le mieux possible l'argent qu'on a.

Si on écoute l'Opposition, elle dit: Pourquoi n'avez-vous pas monté le déficit du Québec à 5 000 000 000 $ ou à 6 000 000 000 $? On aurait pu le faire, mais ce sont nos enfants qui auraient hérité de ces dettes et qui auraient été obligés de les payer un jour. On a préféré se serrer la ceinture et pallier le manque d'emplois par des programmes de création d'emplois temporaires. Si on regarde, à titre d'exemple, le comté de Gaspé, ce qui a été fait en 1983 dans le domaine de la création d'emplois temporaires, Chantier-Québec... Cela me fait rire de mentionner Chantier-Québec, parce qu'on a vu tantôt le député de Sainte-Anne qui disait: Cela fait longtemps qu'on dit au gouvernement que le programme Chantier-Québec ne marche pas! Ce sont des "jobines". On sait que c'était temporaire. Si on regarde dans le comté de Gaspé, on voit qu'il y a quand même eu 186 emplois créés en pleine crise. Cela ne marche pas? Il y a quand même eu 186 personnes quelque part au Québec qui ont trouvé de l'emploi. Je trouve cela important. (12 h 10)

Si je regarde le programme de retour au travail, il y a eu 42 emplois créés dans le comté de Gaspé en pleine crise, alors que plus rien ne fonctionnait. Il y a eu 113 personnes qui ont profité des bons d'emploi; donc, 113 personnes qui se sont trouvé de l'emploi grâce au programme des bons d'emploi de 3000 $. Grâce au PECEC, il y a neuf personnes qui, pour leur part, se sont trouvé des emplois permanents. Je me suis d'ailleurs fait un plaisir d'aller visiter ces neuf personnes à Rivière-au-Renard. Elles sont satisfaites du gouvernement du Québec. Elles sont satisfaites de la façon dont on s'est sorti de la crise. Je suis convaincu qu'aux prochaines élections, encore une fois, le Québec dira: Le gouvernement qui était là pendant la crise s'en est sorti encore une fois mieux que les autres. On savait que ces programmes n'étaient pas l'idéal. Mais certains de ces programmes, qui ont produit de bons résultats pendant la crise, vont continuer. Quand même, cela ne réglera pas notre programme d'aide sociale. Après la crise, au mois de novembre, on s'est assis et on s'est demandé ce qu'on pouvait faire pour venir en aide à cette population.

On n'a plus la même catégorie de gens bénéficiaires de l'aide sociale qu'il y a 20 ans ou 25 ans. On a des jeunes dynamiques qui dépendent de l'aide sociale et qui veulent s'en sortir. On s'est dit qu'on allait essayer d'innover, qu'on allait essayer de changer des choses dans la mentalité des gens. C'est ainsi qu'on arrive avec le projet de loi 65, tout court, tout mignon, changeant fondamentalement tout le programme de l'aide sociale, toute la Loi sur l'aide sociale au Québec. Cela ne prend pas un grand projet de loi pour changer les mentalités ou pour changer le fondement même de cette Loi sur l'aide sociale.

Quel est le but de ce projet de loi, M. le Président? C'est le retour au travail des jeunes bénéficiaires de l'aide sociale. Ce n'est pas sorcier. Cela ne prend pas tellement de pages pour écrire cela dans un projet de loi. On l'a fait sous trois programmes. C'est un essai. On ne dit pas que cela va réussir à 100%. Si cela réussit à 75%, 80% ou à 90%, on se dira qu'on n'a pas travaillé pour rien. Si cela ne réussit pas du tout, on dira qu'on s'est trompé et on recommencera nos devoirs. Mais, actuellement, en tout cas, si on se fie à toutes les communications qu'on a - pour ma part, à l'intérieur de mon comté - les gens ont hâte qu'on mette ces divers programmes en vigueur.

Le premier concerne les emplois créés par les travaux communautaires qui devront durer un an. On n'a plus comme l'objectif de prendre des gens bénéficiaires de l'aide sociale et de les envoyer sur l'assurance-chômage. On veut que cela soit plus qu'une "jobine" temporaire. On veut que les gens qui vont s'impliquer là-dedans prennent le goût du travail tout en aidant la société, la collectivité dont ils font partie. Ce projet peut être monté par différents groupes; des villes, des villages, des régions. Peu importe. C'est très ouvert. Ce programme est censé atteindre 10 000 jeunes. Eh bien! 10 000 jeunes au Québec qui, plutôt que d'être assis chez eux à regarder la télévision, à se ronger les pouces, à avoir toutes sortes de plans huluberlus, auront l'occasion de travailler pour la collectivité, de travailler pour la communauté dont ils font partie. Ce sera en vigueur dès le mois d'avril.

Le député de Laurier disait: Ah! J'ai communiqué avec les bureaux de Travail-Québec et ils ne sont au courant de rien. C'est curieux. Je suis allé au bureau de Travail-Québec de Gaspé et ils sont au courant. Il reste des modalités à apporter. Ce sera peut-être retardé d'une quinzaine de jours. Aucun problème là-dessus. Mais ils sont au courant que cela existe.

Je fais du bureau de comté régulièrement. Les gens viennent me voir et ils me demandent: Quand est-ce que votre

affaire va sortir? Ils sont au courant que cela s'en vient. Sur ce programme qui va coûter 21 000 000 $ pour deux ans, il est intéressant que ce ne soient pas des emplois temporaires. Le jeune, qui va prendre goût au travail, va élaborer d'autres projets. Ici, on mentionne deux ans, mais si les jeunes embarquent vraiment dans ces programmes, on va certainement les prolonger tous.

Le deuxième, c'est un stage en milieu de travail. Bien sûr, il est réservé aux jeunes qui n'ont pas terminé leur études collégiales ou universitaires et il devra durer 52 semaines, c'est-à-dire un an également. Je ne parlerai pas trop de chiffres, je ne veux pas m'enfarger dans les chiffres, mais c'est quand même un programme qui va viser 30 000 jeunes au Québec, 30 000 jeunes qui auront l'occasion d'en profiter, s'ils le veulent. J'insiste là-dessus parce que ces trois programmes sont sur une base volontaire. On n'ira jamais chercher quelqu'un chez lui pour l'obliger à aller travailler dans le cadre d'un programme sur l'environnement au sein de sa municipalité ou de sa collectivité. On n'ira pas, il va falloir que cela vienne des jeunes. On leur ouvre grandes les portes, on met l'argent à leur disposition. À eux de présenter des projets et d'y travailler, s'ils le veulent. Bien sûr, on n'ira pas récupérer tout le monde, mais si on en récupère 50% ou 60%, comme je le disais tout à l'heure, ce sera toujours ça.

Le troisième programme, c'est le rattrapage scolaire. Comme vous le savez, le gros problème actuellement au Québec, c'est que 80% des assistés sociaux de moins de 30 ans n'ont pas terminé leur secondaire. C'est un scandale! On lisait dans un journal, il y a quinze jours, qu'au Japon on a un programme qui permet à 85% de la population d'obtenir un diplôme universitaire, alors que nous avons 80% de nos jeunes assistés sociaux de moins de 30 ans qui n'ont même pas terminé leur secondaire. C'est un scandale! Qu'est-ce qu'on faisait avant? On coupait l'aide sociale au jeune qui retournait à l'école. Là, on va faire exactement le contraire, et je trouve que cela a bien du sens. Bien sûr, cela va coûter des sous mais dans le fond, comme le disait le député de Shefford, c'est un investissement comme jamais le Québec ne pourra en faire parce qu'il le fait sur un changement de mentalité, il le fait en donnant le goût de la vie à ces jeunes. Évidemment, cela s'adresse à ceux qui ne possèdent aucun diplôme équivalent à un secondaire V. Ce programme vise 9000 jeunes et coûtera environ 15 000 000 $.

L'Opposition aurait peut-être aimé s'opposer à ce projet de loi en disant qu'il est farfelu. Ce qui les en a détournés, c'est que le fédéral est d'accord, Ottawa est d'accord avec ce programme. Mme la ministre est allée rencontrer son homologue fédéral, ils ont signé une entente et ils ont décidé de défrayer les coûts du programme 50-50. Déjà, on sait que le gouvernement fédéral défraie 50% des coûts de l'aide sociale, alors il a dit: C'est innovateur, votre affaire, au Québec, cela a du sens, c'est prometteur et on embarque, on signe. Bien sûr, l'Opposition libérale est bien forcée de dire: On embarque nous aussi. La succursale d'Ottawa n'est pas pour s'opposer à ses grands frères. Alors, ils disent: Oui, ce n'est pas très bon, cela ne change à peu près rien, mais on est d'accord parce que cela ne touche pas grand-chose. C'est un peu ce que M. le député de Laurier disait.

Justement, j'ai pris une note sur ce que disait M. le député de Laurier hier: Cela ne change rien aux problèmes de fond de l'aide sociale. J'ai écris cela et j'ai réfléchi hier soir. Je me suis dit: Est-ce possible que cela ne touche pas aux problèmes de fond de l'aide sociale? Si on calcule le nombre de personnes que cela peut toucher, au-delà de 49 000 personnes, cela veut dire 49 000 jeunes de moins de 30 ans au Québec qui auront la possibilité de revivre, de reprendre goût à la vie, de changer leur mentalité, de changer leur philosophie de vie, de sortir de chez eux et de faire quelque chose qui va les valoriser.

M. le député de Laurier a dit: Cela ne changera rien. On votera pour la loi 65 mais cela ne change rien aux problèmes de fond de l'aide sociale. Je m'excuse, mais je ne me souviens pas, depuis que j'ai été élu en 1981, qu'on ait présenté en Chambre, ici, un projet de loi aussi important, un projet de loi qui va révolutionner complètement l'aide sociale et encore plus les mentalités de tous les Québécois. Cela ne me surprend pas tellement du député de Laurier mais cela m'aurait surpris cependant de la députée de L'Acadie qui est toujours très structurée, qui parle toujours avec un jugement sûr et certain. J'aimerais que le député de Laurier nous suggère des choses. S'il dit qu'on ne change rien aux problèmes de fond de l'aide sociale, il a peut-être des suggestions à nous faire pour changer complètement l'aide sociale; on est prêt à s'engager là-dedans. (12 h 20)

Je lisais un article dans le journal La Presse en fin de semaine et cela me faisait rire. L'ancien président du PLQ - le Parti libéral du Québec - disait: "Le PLQ fait preuve d'un attentisme et d'un immobilisme inquiétant depuis le retour de Bourassa." J'ai compris hier, après le discours du député de Laurier qui est plutôt dans un attentisme assez inquiétant. Pendant qu'il attend, on a beaucoup d'idées et c'est dommage, on a tellement d'idées qu'on n'a pas le temps de les réaliser toutes. Pendant qu'il attend, qu'il nous regarde passer, nous sommes à construire un Québec de l'avenir, un Québec pour nos enfants, un pays et on n'a pas l'intention de lâcher. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: M. le Président, ou bien le député qui m'a précédé a la mémoire courte ou encore il en manque de grands bouts depuis qu'il a été élu en 1981. Il nous a dit tantôt que c'est le premier projet de loi - il a quatre pages - qui traite de cette question. Je voudrais lui rappeler qu'il y en a eu un autre qui a été déposé exactement en décembre 1982, le projet de loi 195 qui visait à traiter exactement ces questions-là et à régler exactement le problème soulevé aujourd'hui.

Je ne comprends pas l'emballement du député de Gaspé aujourd'hui devant le projet de loi 65 et son silence qui a duré trop longtemps devant le projet de loi 195. Il y a quelque chose qui n'est pas cohérent là-dedans.

Si vous voulez bien, M. le Président, on va prendre les quelques minutes que j'ai à ma disposition pour essayer d'arrêter de camoufler les choses et de parler vraiment de ce qui nous concerne, soit le projet de loi 65 et non pas des programmes qui vont en découler. On pourrait en parler aussi mais d'abord et avant tout, ce qui nous concerne aujourd'hui, c'est l'adoption des principes contenus dans le projet de loi 65. Quels sont ces principes, M. le Président? Je les ai cherchés. Essentiellement, le projet de loi 65 en est un de règlements. C'est un chèque en blanc que l'Assemblée nationale va donner à différentes instances. Je voudrais souligner que chacun des articles comporte une réglementation à venir. Donc, quand on va adopter le projet de loi 65, à moins d'être informé correctement lorsqu'on ira en commission parlementaire sur la réglementation qui en découlera, on ne saura pas plus ce qu'on a adopté à la fin qu'au moment où on se parle.

Le premier article parle de règlement; le deuxième dit: "Le gouvernement désigne par règlement..."; le troisième article dit: "Déterminer par le ministre..." Donc, forcément, ou bien par voie de directive ou de réglementation. Finalement, on dit: Les bénéficiaires de ces programmes seront accessibles à la Loi sur les accidents du travail. On va donc les reconnaître comme des travailleurs rémunérés. Je reviendrai sur cet élément tout de suite après, M. le Président. Je veux au moins souligner pour l'instant que, quant à l'article 11.4 du projet de loi 65, on prend la précaution de dire que les bénéficiaires des programmes en cause seront jugés comme étant des travailleurs rémunérés, c'est parce qu'on calcule qu'ils ne le seront pas automatiquement et que le projet de loi a besoin de le préciser. Je reviendrai sur cet aspect.

Par rapport à la Loi sur les accidents du travail, on dit que comme ils seront considérés comme des travailleurs rémunérés, ils auront droit à des prestations s'ils ont un accident sur les lieux du travail qu'ils auront à effectuer. Comment allons-nous calculer les prestations qu'ils recevront? Si je lis correctement le projet de loi, à moins qu'ils aient occupé un emploi avant celui-là, l'organisme qui décidera du type de prestations qu'on leur donnera sera la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui déterminera, selon la méthode qu'elle croit la plus appropriée dans les circonstances. Autrement dit, nous autres, les deux yeux fermés, on dit: On va laisser aller la Commission de la santé et de la sécurité du travail et, selon la méthode qu'elle va trouver la plus appropriée, c'est elle qui va déterminer quelles sont les prestations qu'un accidenté couvert par le programme va recevoir. C'est un double conflit, finalement, pour nous autres, M. le Président. D'abord, on sait qu'il y a beaucoup de questions qui se posent actuellement sur le fonctionnement de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et, en plus, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, dans ce cas-là, sera juge et partie. C'est elle qui va déterminer s'il y a un accident et, en plus, elle va avoir toute la latitude pour déterminer les montants des prestations. Quand on continue, on se rend compte que, là encore, il y a de la réglementation possible.

Donc, le projet de loi 65, quant à moi, c'est un outil qu'on donne à la ministre responsable pour faire de la réglementation, mais ce n'est pas une volonté expressément manifestée par les parlementaires pour une orientation claire par rapport à des programmes précis. C'est seulement de la réglementation, donc des choses qu'on ne peut connaître au moment où on va voter. Je prétends, M. le Président, que, si, pour aller de l'avant, il faut quand même donner la chance au projet de loi de continuer son chemin, donc l'adopter au moment de la discussion du principe, il va falloir de toute évidence que les parlementaires aient sous les yeux la réglementation à laquelle on réfère au moment où on fera l'étude en commission parlementaire. Sans cela, c'est un chèque en blanc qu'un Parlement ne peut pas se permettre de donner.

Je référais tantôt à la notion de travailleur rémunéré. Je voudrais d'abord dire qu'un certain nombre de lois ne s'appliqueront pas aux personnes que l'on vise par le projet de loi 65. On parle du Code du travail, de la Loi sur les décrets de convention collective, de la Loi sur la fonction publique. Toutes ces lois ne s'appliqueront pas aux travailleurs concernés.

La seule loi, finalement, qu'on va reconnaître à ces travailleurs spéciaux, particuliers, c'est la Loi sur les accidents du travail. Pourquoi pas la Loi sur les normes du travail? L'ensemble des travailleurs du Québec sont couverts par la Loi sur les normes du travail. Pourquoi pas ceux-là? À partir du moment où on a jugé utile, à l'article 11.4, dé déterminer qu'ils seront des travailleurs rémunérés, pourquoi ne leur reconnaît-on pas l'application de la Loi sur les normes du travail? Parce que ce ne seront pas des travailleurs. C'est la triste réalité. Encore une fois, on a choisi la voie de la dissimulation. On va maintenir les gens dans leur statut d'assistés sociaux et ils vont arriver en entreprise pour faire des stages ou ils vont aller effectuer des travaux communautaires, marqués par leur statut d'assistés sociaux, alors qu'il y aurait un moyen fort simple de contourner tout cet aspect, tout simplement de les retirer carrément du bien-être social et de leur payer un salaire pour un travail effectué, comme cela se fait normalement sur le marché du travail.

Je prétendais, il y a deux ans et demi, et je continue de prétendre que ce système appliqué à 50 000 jeunes, sans distinction, qu'ils soient bénéficiaires de l'aide sociale ou non, coûte moins cher que ce qu'on nous annonce comme dépenses gouvernementales, évidemment, si on obtient aussi la participation du gouvernement fédéral. Mais pourquoi n'obtiendrions-nous pas, dans un autre système, la participation du gouvernement fédéral étant donné que, dans ce système, le gouvernement fédéral est prêt à embarquer? Qu'est-ce qui nous empêcherait d'aller plus loin et de faire en sorte qu'on va véritablement créer des emplois en sortant les gens de leur statut d'assistés sociaux, qu'on va leur donner le salaire prévu à la Loi sur les normes du travail et qu'ils seront, à partir de ce moment-là, autonomes? Cela nous permettrait, en tout cas, M. le Président, d'orienter davantage les emplois vers des secteurs nouveaux d'activité. Cela nous permettrait d'atteindre probablement un pourcentage plus élevé de maintien à l'emploi après l'année d'expérimentation. (12 h 30)

Je prétends donc que la voie choisie est la voie de la facilité. Je prétends que la voie choisie dans les programmes, avec quelques exceptions cependant... Je dois reconnaître que la partie qui s'adresse aux 9000 personnes qu'on voudrait maintenir en milieu scolaire est une partie nouvelle, intéressante, qui n'apparaissait pas et qui ne pouvait pas être comprise dans le projet de loi 195. Pour ce qui est des autres types d'emploi, stages en entreprise et travaux communautaires, il me semble que la voie privilégiée par le projet de loi 195 était meilleure.

L'autre aspect que je veux soulever, M. le Président, c'est que rien dans le projet de loi 65 ne nous indique qu'il y aura une volonté de coordination entre les différents ministères et organismes susceptibles d'assister la création d'emplois. Rien ne nous indique, non plus, qu'il y aura une volonté, une concertation régionale dans l'application des programmes qui seront mis de l'avant. Ce sont des choses importantes, si on veut savoir l'impact des nouveaux programmes qui découleront de cette loi pour le futur. Il me semble qu'il nous manque un certain nombre de données.

Je veux bien qu'on essaie, entre guillemets, de "collecter" sur le projet de loi 65, mais il ne faudrait quand même pas charrier et avoir la victoire trop glorieuse. Qu'on se souvienne que c'est un problème qui a été soulevé il y a trois ans au moins. Qu'on se souvienne que des solutions avaient été proposées mais rejetées du revers de la main par le premier ministre en deux minutes, sans même avoir pris connaissance des textes. Qu'on se souvienne que ces propositions que j'ai faites il y a maintenant deux ans et demi avaient été endossées par un certain nombre de ministres et de députés ministériels à l'époque. Pendant tout ce temps, il ne s'est rien ou à peu près rien fait.

En novembre dernier, finalement, un plan de relance extraordinaire! Le résultat de ce plan de relance: au mois de mars c'est le projet de loi 65, qui nous annonce des choses à venir. On ne connaît rien au moment où on se parle des règlements à bâtir de la volonté ministérielle, de la décision de la CSST. Comment, comme parlementaires, pouvons-nous nous satisfaire de cela? On peut bien se dire: Oui, effectivement, il va falloir continuer dans cette voie. Il me semble que c'est le maximum qu'on devrait se permettre de déclarer. Quand je voyais le député de Bonaventure se glorifier de la valeur des programmes et dire: II y a neuf personnes qui ont travaillé avec cela. 9 sur 32 000, cela ne fait pas un pourcentage très fort. 9 sur 32 000, cela ne nous permet pas non plus de généraliser. Je prétends, M. le Président, qu'il faudrait être un peu plus modeste, un peu plus simple dans notre approche de la loi 65 et ne pas laisser croire que la loi 65 va régler tous les maux; surtout ne pas laisser croire que cela va être réglé de façon permanente. Ce n'est pas le cas. Qu'on le dise clairement. Si on pense, si on prétend du côté ministériel que c'est le seul bout qu'on est capable de faire, qu'on nous dise: C'est le seul bout qu'on est capable de faire. On reconnaîtra, au moins, l'honnêteté de l'argumentation.

J'entendais tantôt - je reviens toujours au député de Bonaventure...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député, il y a méprise, je crois que vous voulez parler du député de Gaspé.

M. Bisaillon: II y avait effectivement méprise, M. le Président. C'était dans le même coin, cependant. On reconnaîtra que c'était dans la même région. Le député de Gaspé, tantôt, nous a communiqué que le député de Laurier l'avait au moins fait réfléchir pendant son intervention. Hier, il avait pris quelques notes et, selon ce qu'il nous a dit, il avait réfléchi à tout cela dans la soirée hier. J'espère que les quelques commentaires que je lui apporte maintenant lui permettront une autre soirée de réflexion fructueuse et que demain, lorsqu'on travaillera en commission parlementaire, il pourra faire preuve d'un peu plus de modestie devant les programmes qui nous sont annoncés. Quoi qu'il en soit, je pense qu'il serait important, au moment où on va discuter de la loi 65, que, d'une part, la ministre reconnaisse qu'il faudrait au moins, pour répondre aux discours qu'on entend depuis 1978, que la Loi sur les normes du travail s'applique aux personnes qui seront visées par le programme. Il faudrait aussi que, dans la mesure du possible... Pas dans la mesure du possible, il faudrait que nous ayons en main la réglementation qui est reliée au projet de loi 65. Il faudrait finalement qu'enfin une fois - ce ne serait pas trop demander aux députés qui sont ici depuis un certain temps - on essaie de regarder en parallèle le projet de loi privé que j'ai déposé il y a maintenant deux ans, le projet de loi 195, qui proposait, selon moi, une approche plus réaliste, une approche plus positive au plan du développement des personnes que l'on vise, au plan de leur psychologie aussi, et qui était plus favorable au développement d'emplois permanents pour l'avenir.

Compte tenu de tout cela, j'annonce que j'endosserai, que j'appuierai la démarche d'adoption du principe, mais que j'aurai de fortes réserves au moment de l'étude en commission parlementaire et que, si ces réserves n'étaient pas satisfaites, je me verrais forcément dans l'obligation de ne pas cautionner indûment le projet de loi 65.

J'espère, M. le Président, que mes demandes auront été entendues au moins par mes collègues membres de cette commission parlementaire et, évidemment, par la ministre responsable du projet de loi.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Rousseau et leader adjoint du gouvernement.

M. René Blouin

M. Blouin: Merci, M. le Président. D'abord, un commentaire d'ordre général sur ce débat portant sur la loi 65 qui amende la Loi sur l'aide sociale, commentaire général qui aura sauté aux yeux, sans doute, de tous ceux qui ont suivi ce débat, des députés, ici, et, également, de ceux et celles qui suivent nos débats par le truchement de la télévision. Ce qui leur aura sauté aux yeux, probablement, c'est, encore une fois, de constater à quel point nous sommes en face d'une Opposition qui est complètement vide d'idées à l'égard des sujets dont nous discutons ici.

Nous sommes pourtant en face d'un projet de loi qui, lui, propose des idées nouvelles, propose des idées créatrices et permet de répondre à un certain nombre de besoins criants, pressants. Or, qu'entend-on du côté de l'Opposition? Absolument rien. La plupart du temps, ils ne sont même pas capables de parler du fond du problème, du fond du projet de loi. Ils parlent de tout et de rien et on les entend, les uns après les autres, se lever pour nous parler de tout autre chose que de ce que nous devons parler, c'est-à-dire les modifications que nous apportons à la Loi sur l'aide sociale.

On les entend dire également que ce n'est pas un projet de loi important, parce que cela ne touche pas beaucoup de gens. C'est faux, M. le Président. Le projet de loi que nous sommes en train d'étudier touche un nombre important de bénéficiaires de l'aide sociale. En fait, il touche un nombre très significatif de bénéficiaires d'aide sociale qui ont moins de 30 ans. Il y a au Québec, hélas, environ 150 000 personnes jeunes, hommes et femmes, qui bénéficient de prestations d'aide sociale. De ces 150 000 personnes, on peut considérer qu'il y en a environ 50 000 qui ne sont pas aptes au travail pour différentes raisons, qui n'ont pas la possibilité, la capacité physique ou autre de travailler et dont on peut considérer qu'elles bénéficieront pendant un bon nombre d'années encore de prestations d'aide sociale, parce qu'elles n'ont pas la capacité de travailler. Il reste donc de ce nombre, de ces bénéficiaires d'aide sociale de moins de 30 ans, un nombre d'environ 100 000 bénéficiaires qui, eux, sont aptes au travail et qui attendent que nous leur proposions des mesures nouvelles, des idées nouvelles qui les feront progresser, qui les feront réintégrer la société et qui, surtout, feront en sorte qu'ils se sentiront utiles.

Or, sur ces 100 000 bénéficiaires d'aide sociale, combien seront touchés par les mesures qui découlent du projet de loi 65 que nous sommes en train d'étudier? Au-delà de la moitié. Il y a, en fait, près de 50 000 jeunes qui seront touchés par ces mesures dont je parlerai dans quelques minutes. Donc, ce n'est pas négligeable comme moyen qu'utilise le gouvernement, puisque la moitié des prestataires d'aide sociale qui ont moins de 30 ans seront touchés par ces mesures

valorisantes, par ces mesures qui favoriseront la réintégration de ces jeunes au sein de la communauté. (12 h 40)

II y a des groupes dans notre société qui réfléchissent. L'Opposition libérale ne réfléchit pas. Tout le monde l'a observé. Le chef du Parti libéral n'est pas là pour dire à l'Assemblée nationale ce qu'il en pense. Tout le monde a observé cela aussi, mais il y a des gens qui réfléchissent dans notre société. Je ne prendrai qu'un exemple. Les évêques du Québec ont réfléchi sur ce problème grave que constitue le manque d'emplois pour les jeunes au Québec et ils ont fait un constat qui était extrêmement dramatique et, je crois, conforme à la réalité. Ils nous ont dit et ils ont dit à tous ceux qui ont des responsabilités et qui ont une conscience sociale au Québec: II faut absolument faire quelque chose, parce que nous sommes en train de gaspiller systématiquement une génération.

Ce cri d'alarme qui a été lancé par les évêques du Québec n'a pas été compris par l'Opposition, mais il a très certainement été compris par le gouvernement. Et aujourd'hui, les mesures que nous proposons vont exactement dans le sens d'éviter de gaspiller cette génération, dans le sens de lui donner des moyens, de leur donner des outils pour faire en sorte que tous ces jeunes puissent renforcer leurs possibilités d'intégration au marché du travail et leurs possibilités, évidemment aussi, d'intégration au dynamisme de la société québécoise. Donc, près de 50 000 jeunes seront touchés par les mesures dont nous discutons actuellement, c'est-à-dire une personne sur deux qui est bénéficiaire de l'aide sociale, qui est apte au travail et qui a moins de 30 ans.

Car enfin, quelle est la solution que nous proposerait l'Opposition libérale? Nous ne le savons pas. Est-ce que ce qu'elle nous proposerait serait plus bêtement et plus simplement d'augmenter les prestations d'aide sociale des jeunes qui ont moins de 30 ans sans leur demander, en contrepartie, d'être plus actifs dans la société? Est-ce que c'est ce qu'elle nous proposerait? Il faudrait le savoir. Si c'est ce que l'Opposition nous propose, M. le Président, nous disons que nous ne sommes pas d'accord avec cette façon de voir les choses. Il faut que ces jeunes aient la possibilité de faire quelque chose de plus. S'ils ont une prestation d'aide sociale majorée, il faut que ce soit associé à de l'action à l'égard de la société. Il faut que ces jeunes, non seulement se sentent mieux, se sentent plus actifs et plus utiles à la société, mais il faut aussi que les autres, ceux qui les regardent, ceux qui travaillent, ceux qui paient pour les services que nous devons donner à ces jeunes bénéficiaires de l'aide sociale, il faut que les gens qui travaillent et qui paient pour cela aient une image de ces jeunes qui soit davantage revalorisée.

Il faut cesser de penser que ces jeunes qui reçoivent l'aide sociale sont là pour s'y installer et pour y passer leur vie. C'est cela qu'il faut décrocher comme idée. N'oublions jamais ceci. Les statistiques démontrent qu'un jeune qui a 20, 22, 25 ou 28 ans, un jeune qui doit bénéficier de prestations d'aide sociale et qui s'y installe pendant un ou deux ans, sera presque automatiquement accroché à ce système d'aide sociale pendant toute sa vie. C'est ce cercle vicieux qu'il faut briser. Les idées qui sont proposées aujourd'hui par la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu sont des idées qui ont justement pour objectif de briser ce cercle vicieux, de faire en sorte que ces jeunes retrouvent en eux les qualités auxquelles ils ne croyaient plus. Il faut que les gens qui les regardent commencent à considérer que ce sont des gens capables d'avoir un apport positif à l'égard de la société.

Quels sont donc ces moyens proposés par la loi 65 et qui en découleront? Ce sont trois moyens qui ne visent pas, pour la plupart d'entre eux, uniquement à faire en sorte que ces jeunes puissent s'occuper à faire quelque chose pour avoir une prestation supérieure. Cela va plus loin que cela. Ces jeunes, qui ne réussissent pas à se trouver du travail, le plus souvent - il ne faut pas l'oublier - sont aussi les moins bien préparés dans notre société. La plupart d'entre eux, un nombre considérable d'entre eux n'ont pas terminé leur cours secondaire. Regardez les journaux toutes les fins de semaine. Feuilletez les journaux. Regardez les offres d'emplois qu'on peut lire. Presque invariablement, lorsqu'il s'agit d'un emploi qui a le moindre intérêt, on exige toujours que les gens, les jeunes particulièrement, soient détenteurs d'un diplôme d'études secondaires, qu'ils aient terminé leur 12e année. Beaucoup de jeunes qui sont prestataires d'aide sociale n'ont même pas terminé leur 12e année.

Or, que leur propose une des mesures qui découlent de la loi 65? On leur propose justement de retourner à l'école, de continuer non seulement à bénéficier des allocations dont ils bénéficient maintenant, mais de majorer leur allocation s'ils acceptent de retourner à l'école, de terminer leur secondaire V, de terminer leur 12e année: ainsi, ils seront mieux armés pour répondre aux exigences minimales qu'on demande des individus lorsqu'on leur offre des emplois.

Avoir un diplôme d'études secondaires en 1984, c'est un minimum, si on veut avoir certaines perspectives dans la vie. C'est comme cela, on n'y peut rien. On exige cela partout maintenant. Le projet de loi 65 permet à 10 000 jeunes - 10 000 parmi les

100 000 dont je parlais tout à l'heure, ce n'est pas négligeable - de retourner à l'école avec des prestations majorées, donc, de pouvoir vivre plus décemment et, ensuite, d'aller chercher ce diplôme d'études secondaires au moins, ce qui leur permettra de poursuivre leurs études, bien sûr, s'ils en ont la capacité, ou encore d'affronter par la suite le milieu du travail avec beaucoup plus d'assurance et surtout avec un bagage qui leur permet d'aller décrocher des emplois intéressants, des emplois significatifs.

Il y a également une deuxième mesure qui, elle, touchera près de 30 000 de ces 100 000 jeunes bénéficaires de l'aide sociale, dont on parle, et qui sont aptes au travail. Ce n'est pas négligeable non plus, 30 000 de ces jeunes bénéficiaires de l'aide sociale pourront faire des stages en entreprise, pourront apprendre des choses et s'intégrer au marché du travail, laisser de côté ce statut de bénéficiaires de l'aide sociale qui ne leur permet pas de démontrer qu'ils sont capables de faire des choses, de s'intégrer au milieu dynamique du travail. Donc, 30 000 de ces 100 000 jeunes aptes au travail auront l'occasion, grâce aux mesures qui découlent de cette loi 65, de s'intégrer dans des entreprises, d'apprendre des choses nouvelles, de reprendre le goût au travail, de reprendre finalement un horaire qui ressemble à l'horaire d'un travailleur normal plutôt que d'être isolés de la société, bénéficiaires de l'aide sociale à attendre chez eux que le temps passe et que les soirées se succèdent les unes après les autres. Non. Ce que nous voulons, c'est leur redonner le goût du travail. Nous voulons qu'ils soient mieux formés, qu'ils apprennent davantage de choses, et 30 000 d'entre eux pourront bénéficier de cette deuxième mesure qui leur permettra de s'intégrer à des entreprises, d'apprendre un métier, de côtoyer le marché du travail et donc, de devenir plus familiers avec ce secteur tout en acquérant une expérience. On sait qu'il est important d'avoir de l'expérience lorsqu'on cherche un emploi. La plupart du temps, les patrons demandent aux jeunes qui viennent les rencontrer s'ils ont une expérience pertinente, s'ils ont déjà travaillé en entreprise, s'ils connaissent un peu ce qu'est le travail afin de pouvoir s'intégrer plus facilement et être plus efficaces dans leur travail au sein de cette entreprise. Cette deuxième mesure permettra à ces jeunes de s'intégrer à des entreprises, d'apprendre à travailler et d'avoir une expérience qu'ils pourront utiliser pour aller solliciter d'autres emplois lorsqu'ils auront terminé leur stage en entreprise.

Il y a une troisième mesure qui, elle non plus, n'est pas négligeable puisqu'elle permettra encore à une tranche de près de 10 000 jeunes assistés sociaux, toujours sur les 100 000 dont je parlais, de se sentir plus utiles et de faire oeuvre utile au sein de leur collectivité locale et de leur collectivité régionale. Ce que nous disons très simplement aux jeunes assistés sociaux en vertu de cette troisième mesure, c'est ceci: Nous savons que les prestations que vous touchez maintenant sont largement insuffisantes, nous savons que vous avez besoin de prestations supplémentaires lorsque vous ne trouvez pas de travail. Ce que nous ajoutons, c'est que nous leur disons: Nous sommes prêts à vous donner des prestations supplémentaires à condition que vous acceptiez de faire quelque chose d'utile pour votre collectivité. Prenez un peu de votre temps, 10 heures, 15 heures ou 20 heures par semaine pour vous adresser à des groupes de votre milieu qui ont besoin de gens comme vous pour effectuer des travaux communautaires, pour aller aider des personnes âgées, pour rendre service aux malades, afin que le milieu local soit davantage enrichi. (12 h 50)

Nous leur disons: Si vous êtes prêts à faire ce pas, si vous désirez être utiles à votre collectivité, nous allons augmenter vos prestations d'aide sociale, mais nous ne le ferons pas si vous ne faites pas un pas pour montrer que vous êtes capables d'aider votre collectivité et pour montrer aussi à l'ensemble de la collectivité que vous êtes un jeune qui veut s'en sortir et qui est prêt à aider certaines catégories de gens de sa collectivité locale.

Donc, ces trois mesures toucheront au-delà de la moitié des prestataires d'aide sociale aptes au travail de moins de 30 ans. Quand j'entends les députés de l'Opposition essayer d'amoindrir les mesures que nous annonçons par ce projet de loi, je trouve simplement qu'ils ne sont pas corrects. Ce que je trouve curieux, c'est qu'ils nous disent qu'ils vont appuyer ce projet de loi, qu'ils sont d'accord avec ses principes alors que, d'autre part, on les entend se servir de toutes sortes de prétextes pour démontrer qu'au fond, ce n'est pas bon. Il n'y aura qu'eux, tout à l'heure, qui croiront que ce n'est pas bon. C'est un projet de loi qui est non seulement valable, mais qui est essentiel. C'est un premier pas pour modifier cette attitude de la société à l'égard des assistés sociaux.

Cela devrait les intéresser, eux qui croient que nous ne pouvons pas nous entendre avec le gouvernement fédéral lorsqu'il en va de l'intérêt de la collectivité québécoise, de savoir qu'il s'est conclu beaucoup plus d'ententes intéressantes avec le gouvernement fédéral sans le gouvernement du Parti québécois que sous le gouvernement qui nous a précédés. Dans la mesure où on respecte nos juridictions, nous sommes ouverts à toutes les ententes imaginables. Le projet de loi dont nous sommes en train de

discuter - je n'ai rien entendu à ce sujet de la part des députés de l'Opposition - découle justement d'une entente très importante qui a été signée entre Mme Marois et Mme Bégin, la ministre fédérale, qui fait en sorte qu'une tranche - ce n'est pas négligeable non plus - de 115 000 000 $ sera affectée directement au programme dont je viens de parler.

Quand on vient dire que ce n'est pas significatif à l'égard des jeunes qui seront touchés, on ne dit pas la vérité. Les programmes qui découlent de ce projet de loi sont très significatifs pour la collectivité des jeunes Québécois et des jeunes Québécoises. L'entente elle-même sur le plan financier -115 000 000 $ - est significative. Nous sommes donc en présence d'un projet de loi qui, sur le plan plus global de la relance économique, est extrêmement important parce qu'il touche ce qu'il y a de plus précieux pour une société, sa jeunesse. Il permet à ses jeunes de retrouver de l'espoir, de se réintégrer à la société, non seulement de se sentir mais d'être effectivement utiles à l'égard de cette société.

En conclusion, M. le Président, je vous dirai simplement que ce projet de loi milite en faveur de la dignité de l'individu, de son insertion positive à la collectivité des citoyens et des citoyennes du Québec. Il les rend plus responsables, plus positifs à l'égard de la vie collective et de la vie en société. C'est avec des mesures comme celles-là que nous allons relever le défi de la relance économique et, une fois la crise estompée, de la relance sociale du Québec. Je crois que c'est ainsi que nous posons, avec le projet de loi 65, une autre pierre qui nous permet de bâtir le Québec. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Maskinongé.

M. Yvon Picotte

M. Picotte: Merci, M. le Président. Vous me permettrez d'utiliser les quelques minutes qui restent à ma disposition, quitte à continuer lorsque ce projet de loi sera rappelé. N'en déplaise à mon collègue qui vient de me précéder, je dois dire que je n'ai jamais rien entendu d'aussi stupide que les propos que je viens d'entendre dans cette Chambre depuis déjà une quinzaine de minutes.

Venir nous dire que c'est sur cette jeunesse qu'il faut fonder nos espoirs, venir nous dire que nous allons, dans l'avenir, avoir besoin de cette jeunesse et bâtir autour de ces jeunes-là, après les mesures aussi draconiennes et aussi épouvantables que ce ministère a prises à l'endroit des jeunes, je pense qu'il ne faut avoir aucunement conscience de la réalité. C'est le problème que les gens d'en face ne comprennent pas. Pourquoi avons-nous, sous le gouvernement du Parti québécois, fait de ces étudiants des citoyens pas comme les autres? Pourquoi donne-t-on aux jeunes qui ont 18 ans et plus les mêmes droits concernant le vote quand vient le temps d'une élection et qu'on les courtise, du côté du Parti québécois? On dit que ce sont des citoyens à part entière. On dit que ce sont des citoyens qui vont faire l'avenir du Québec. Quand vient le temps de les considérer, dans nos lois, ils ne peuvent pas bénéficier des mêmes avantages que n'importe quel autre citoyen, parce qu'ils ont moins de 30 ans. C'est là le problème, M. le Président. Ne cherchons pas à dire aujourd'hui qu'on apporte des solutions aux jeunes, qu'on a pensé apporter des solutions aux jeunes et que ce n'est pas négligeable d'avoir 30 000 jeunes qui vont pouvoir bénéficier d'un montant d'argent additionnel.

Ce qui est épouvantable, c'est qu'on ne donne pas aux jeunes âgés entre 18 et 30 ans les mêmes privilèges qu'on donne aux gens de 30 ans et plus. C'est cela le problème et c'est créé par ce gouvernement-là. C'est stupide de la part d'un gouvernement, de la part d'individus qui prennent la parole en Chambre et qui, au départ, n'ont pas comme idée qu'on en a fait des citoyens à part des autres et non pas une classe de citoyens à part entière. On n'a pas de félicitations à faire à qui que ce soit. Il était grand temps qu'on corrige un tant soit peu l'injustice que ce gouvernement avait créée. Cette injustice, c'était de les considérer comme d'autres sortes de citoyens, de diminuer leurs prestations d'aide sociale pour les forcer à se trouver un emploi.

Quand on regarde les statistiques, au Québec, on a toujours détenu le championnat du chômage. Ce n'est pas la faute des jeunes qui sortent de l'école s'ils ne se trouvent pas d'emploi. C'est la faute du gouvernement qui a chassé les capitaux du Québec, qui a dit aux multinationales de s'en aller, qu'on n'a pas besoin d'elles. On n'a qu'à penser à Cadbury et à toutes les autres compagnies. Ce n'est pas la faute des citoyens du Québec si, à un moment donné, ce gouvernement a parlé d'indépendance du Québec et a empêché que des capitaux soient investis au Québec pour créer des emplois. Ce n'est pas à cause de ces citoyens. C'est à cause de ce gouvernement. Aujourd'hui, on leur dit tout simplement: On vous fait toute une faveur. On va vous donner un petit surplus, mais il faudra que vous vous considériez utiles à la société. Le seul gouvernement qui les a démotivés, ces jeunes, c'est celui du Parti québécois depuis 1976. Regardez les sondages. Interpellez les jeunes et vous allez voir ce qu'ils vont vous dire. Ils n'ont jamais

été aussi déçus que depuis que le gouvernement du Parti québécois est au pouvoir. Donc, qu'on arrête d'entretenir des propos stupides et de passer pour ridicules ici en cette Chambre. Compte tenu de l'heure, M. le Président, je vais vous demander l'ajournement du débat.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, nous allons ajourner ce débat et je fais motion pour que nous suspendions nos travaux jusqu'à 15 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion de suspension des travaux est adoptée? Adopté. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise de la séance à 15 h 2)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez prendre vos places, s'il vous plaît!

Réponse à une demande de directive

Le Président

Je voudrais, avant de commencer, répondre à la demande de directive que me faisait le leader de l'Opposition jeudi dernier. Cette demande de directive d'ordre général, puisqu'elle ne faisait référence à aucun cas particulier, comporte deux volets. D'une part, le leader de l'Opposition me demande de statuer s'il y a contravention à l'article 62 de la Loi sur l'Assemblée nationale quand un député intervient sur une question débattue à l'occasion d'un rappel au règlement, d'une question orale ou de tout autre débat lorsque ce député y a "un intérêt financier, personnel direct et distinct..." D'autre part, le leader de l'Opposition s'enquiert quant aux moyens dont disposent les membres de cette Asssemblée pour faire appliquer, voire respecter l'article 62 de la Loi sur l'Assemblée nationale.

Sur le premier volet de la demande de directive, je dois rappeler à cette Chambre qu'il n'appartient pas au président de relever une possible situation de conflit d'intérêts et encore moins de statuer qu'un député se trouve en situation de conflit d'intérêts. La question qui est soumise à mon attention est d'ordre général et, donc, hypothétique. Mais le président de cette Assemblée n'est pas un magistrat et ne peut disposer d'une question constituant une contravention à la loi qui, d'ordinaire, est jugée par les tribunaux. Ce n'est qu'en vertu des privilèges conférés à cette Chambre par la tradition parlementaire et par la loi que celle-ci a le pouvoir de juger elle-même d'une telle question.

Aussi la Loi sur l'Assemblée nationale prévoit-elle des mécanismes d'application de ce privilège. Selon l'article 83 de la Loi sur l'Assemblée nationale, il est du ressort exclusif de la commision de l'Assemblée nationale... J'imagine que cette directive intéresse tout le monde et qu'on peut faire abstraction du murmure de fond qu'on entend à l'heure actuelle.

Aussi, dis-je, la Loi sur l'Assemblée nationale prévoit-elle les mécanismes d'application de ce privilège. Selon l'article 83 de la Loi sur l'Assemblée nationale, il est du ressort exclusif de la commission de l'Assemblée nationale de se pencher sur les questions de conflit d'intérêts. Elle le fait de plein droit. Les dispositions du titre 6 de nos règles de procédure sont à cet égard conformes aux exigences de la loi. Seule la commission de l'Assemblée nationale pourra décider, au terme d'une enquête, si on a enfreint ou non l'article 62 de la loi à la lumière des faits qui lui seraient présentés. En effet, si le législateur avait souhaité que le président de l'Assemblée statue sur cette question, il y aurait pourvu expressément. Le président de l'Assemblée n'a aucune discrétion en la matière et ne peut s'immiscer dans un processus clairement établi par la loi et nos règles de procédure.

Ainsi, il n'appartient pas au président d'interpréter la loi, ni de trancher des questions de droit. À cet égard, je désire référer les membres de cette Assemblée à la cinquième édition du traité de jurisprudence parlementaire de Beauchesne où l'on peut lire ce qui suit sous l'article 117, et je cite: "L'Orateur - c'est-à-dire le président ici - ne rend pas de décision sur des questions d'ordre constitutionnel, pas plus qu'il ne tranche de questions de droit, bien que celles-ci puissent être soulevées sous forme de questions de privilège." Dans l'édition de 1971 du traité "Parliamentary Procedure and Practice in the Dominion of Canada", Sir John Bourinot conclut dans le même sens en affirmant, et je cite: "The Speaker, however, cannot be called upon to decide a question of law."

Par ailleurs - et ceci m'amène à traiter du deuxième volet de la demande de directive du leader de l'Opposition, le défaut de se conformer au libellé de l'article 62 peut, conformément aux articles 82 et suivants de la Loi sur l'Assemblée nationale et 307 et suivants de nos règles de procédure, faire l'objet d'une plainte devant l'Assemblée. Il y a une présomption que tout député, comme tout citoyen, respecte la loi jusqu'à preuve du contraire. Un député peut signaler une contravention à la loi en

utilisant les dispositions de l'article 309 de nos règles de procédure. La commission de l'Assemblée nationale fera enquête et à la suite du dépôt de son rapport, l'Assemblée, s'il y a lieu, décidera de la sanction appropriée et ce, conformément à l'article 136 de la loi.

Cet article incite au respect des dispositions édictées à la section III du chapitre III de la Loi sur l'Assemblée nationale puisqu'un député qui contrevient à l'une d'elles commet une infraction et est passible d'une ou plusieurs des sanctions qui y sont énumérées. Il va sans dire, cependant, que les sanctions prévues à l'article 136 de la Loi sur l'Assemblée nationale ne visent pas à contraindre un député à exécuter une obligation à laquelle il est tenu. L'article 136 prévoit des sanctions possibles si la commission de l'Assemblée nationale en venait à la conclusion que le reproche de ne pas s'être conformé à la loi est fondé.

Conséquemment, lorsqu'un député est d'avis qu'un de ses collègues est dans une situation de conflit d'intérêts, la procédure appropriée est la suivante: 1° il doit signaler cette violation de droit ou de privilège à la Chambre et confirmer son intention de proposer une motion en ce sens conformément à l'article 309 de nos règles de procédure; 2° par la suite, le député présente une motion en termes explicites et modérés énonçant ainsi la violation dont il se plaint conformément aux articles 307 et 310 de nos règles de procédure; 3° en vertu de l'article 311 de nos règles de procédure, à la suite de la présentation de cette motion, le président doit convoquer la commission de l'Assemblée nationale aux fins d'examiner cette plainte qui, en vertu de l'article 83 de la Loi sur l'Assemblée nationale, est automatiquement déférée à cette commission; 4 au terme de son enquête, la commission de l'Assemblée nationale doit déterminer si la plainte est fondée et le cas échéant, faire les recommandations appropriées; 5 cette commission consigne alors ses conclusions et le cas échéant, ses recommandations dans un rapport qu'elle dépose à l'Assemblée conformément à l'article 312 de nos règles de procédure; 6 toujours selon l'article 312, l'Assemblée statue alors sur ce rapport dans les quinze jours suivant son dépôt et détermine, s'il y a lieu, la sanction appropriée en tenant compte, le cas échéant, des recommandations de la commission".

En terminant, je désire également disposer des arguments qu'exprimait en cette Chambre, jeudi dernier, le député de Mont-Royal, dans le sens qu'en vertu de l'article 171 des règles de procédure, le président de l'Assemblée doit signaler non seulement toute violation du règlement, conformément à l'article 38, mais également toute violation à la Loi sur l'Assemblée nationale.

D'une part, l'application de l'article 38 de notre règlement a trait aux violations du règlement. Quant aux violations de la Loi sur l'Assemblée nationale, cette dernière y pourvoit expressément en les soumettant à un tout autre processus de dénonciation. Ainsi, ce n'est pas parce que l'article 171 de nos règles de procédure stipule que la procédure de l'Assemblée est régie par la loi que cela autorise le président à l'interpréter ou l'oblige pour autant à signaler toute violation à celle-ci.

L'argumentation du député de Mont-Royal placerait la loi et le règlement de l'Assemblée sur un pied d'égalité et conférerait au président, par règlement, une obligation que la loi n'a pas prévue et dont elle dispose autrement. Or, la loi est antérieure au règlement et le président, par le règlement, n'a d'autorité que sur celui-ci. C'est d'ailleurs pourquoi l'article 171 du règlement ne place pas la loi et le règlement sur un pied d'égalité.

Pour que l'argumentation du député de Mont-Royal soit retenue, il faudrait que l'article 38 du règlement soit dans la loi et qu'il prévoie le rôle du président face à une violation de celle-ci.

Je réitère donc que la procédure de l'Assemblée en matière de conflit d'intérêts est régie par la loi. Ce n'est que par le biais d'une plainte déposée à l'Assemblée, en vertu de l'article 82 de la Loi sur l'Assemblée nationale, que celle-ci peut être saisie d'une violation fondée sur l'article 62 de cette loi. Le tout se fait selon les dispositions des articles 307 à 314 de nos règles de procédure.

Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclaration ministérielle ni de présentation de projet de loi. (15 h 10)

Rapport sur le mode de scrutin

Au dépôt de documents, j'ai le plaisir de déposer le rapport de la Commission de la représentation électorale sur le mode de scrutin.

M. Bisaillon: M. le Président...

Le Président: M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, une question de directive. Je voudrais savoir si, en fonction de notre nouveau règlement, le rapport - que vous venez de déposer - de la commission de la représentation électorale, qui a siégé à la suite d'un mandat de l'Assemblée nationale, doit faire l'objet d'un débat à l'Assemblée, comme pour tout

rapport de commission tel qu'il est prévu. Est-ce que, par exemple, la Commission de la représentation électorale, agissant sur mandat de l'Assemblée nationale, peut être assimilée à une commission spéciale?

Le Président: Non, parce que les commissions de l'Assemblée nationale sont des commissions formées de parlementaires et le fait pour l'Assemblée nationale de confier à un organisme qui peut s'intituler commission - qui pourrait aussi bien s'intituler régie, office ou autre - un mandat ne l'assimile pas pour autant à une commission parlementaire; sans quoi, les députés seraient sans doute les premiers à se plaindre qu'on étende à bien d'autres personnes qui ne sont pas membres de cette Assemblée la notion de commission parlementaire.

Toujours au dépôt de documents, M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

Rapport annuel sur les

activités de chasse, de

pêche et de piégeage des Inuits

M. Chevrette: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel des activités du Programme d'aide aux Inuits bénéficiaires de la convention de la Baie James et du Nord québécois pour les activités de chasse, de pêche et de piégeage pour l'année financière 1983.

Le Président: Rapport déposé.

Il n'y a pas d'autres rapports de commission, ni de pétition, ce qui nous mène à la période de questions des députés.

M. le chef de l'Opposition.

Questions et réponses orales

Décision du Conseil des ministres au sujet de Bell Helicopter

M. Levesque (Bonaventure): Ma question s'adresse à l'honorable premier ministre. Â la suite de la décision de la Commission de protection du territoire agricole relativement à l'affaire de Bell Helicopter, alors qu'il était question d'au moins 2000 emplois, et à la suite de déclarations contradictoires de certains ministres du gouvernement à ce sujet, le premier ministre a-t-il pris, avec son Conseil des ministres ce matin, une décision relativement à cette affaire?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Oui, et cela me permet d'ajouter quelque chose qui, de toute façon, se trouve presque caduc maintenant, à la réponse que je faisais hier. J'ai complètement oublié de mentionner une chose qui tombait sous le sens. J'ai répondu hier qu'aujourd'hui, le Conseil des ministres, le cas échéant, aurait à prendre une décision. Je n'ai pas pensé de le mentionner, mais il est évident que pour que le Conseil des ministres puisse prendre une décision, il faut, en vertu de l'article 96, je crois, qu'il ait retiré ou enlevé le dossier à la Commission de protection du territoire agricole et cela demande un décret. Le décret a été adopté lundi, donc avant-hier, ce qui implique aussi que la commission, à ce moment-là, doit donner son avis au gouvernement. L'avis, on l'a eu aujourd'hui, ce matin.

À la suite de tout ce qui a paru sur le sujet - je pense que le cas est bien connu -à la suite de rencontres qui ont eu lieu la semaine dernière entre un certain nombre de hauts fonctionnaires et des représentants de la compagnie, et à la suite de ce décret qui ramenait le cas au Conseil des ministres, on a examiné cela de nouveau ce matin et la décision a été prise d'approuver... Tout en tenant compte de certains motifs que pouvait évoquer la commission, surtout ce qui, à son point de vue, était probablement une absence de preuve suffisante, mais en dépit de tout cela, vu l'importance des enjeux, vu le fait que les délais sont maintenant très très courts, le début des travaux étant normalement prévu pour dans quelques brèves semaines, au début de mai, le Conseil des ministres a décidé d'approuver telle quelle la demande qui avait été faite pour la localisation de l'usine et des terrains adjacents.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: En complémentaire, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Le député de Lévis et ministre de l'Agriculture nous ayant dit hier que c'était devant un tribunal administratif, est-ce que cela veut dire qu'il n'a pas été mis au courant qu'un décret était présenté lundi par le Conseil des ministres et qu'il a été complètement écarté de cette décision?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je crois que je vais répondre moi-même parce que quand même il est évident que si quelqu'un était au courant de l'évolution du dossier, peut-être avant quiconque, c'est le ministre de l'Agriculture, parce que son ministère est chargé lui-même de fournir des opinions à la commission dans des cas comme ceux-là. Je pense que la question du député de Maskinongé est uniquement pour voir s'il n'y a pas moyen de pêcher en eaux troubles ou d'aller dans des terrains meubles. C'est évident que le ministre était au courant et

aujourd'hui c'est le Conseil des ministres au complet qui a pris la décision que je viens d'évoquer.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Est-ce que le ministre de l'Agriculture pourrait me dire pourquoi il m'a répondu hier que c'était encore devant la commission au moment où je lui posais la question?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, je conseillerais au député de Maskinongé d'étudier la loi puisque lorsque le Conseil des ministres demande un avis à la commission et que celle-ci ne l'a pas encore fourni, je pense que le dossier est encore devant la commission.

Des voix: Une victoire morale!

Le Président: En complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Ma question additionnelle s'adresse à l'honorable premier ministre. À la suite de cette expérience, est-ce que le premier ministre ne songerait pas à tenir compte du fait qu'il y a des milliers et des milliers de cas semblables qui ont été traités cavalièrement, dans chacun des comtés et même dans des comtés ministériels, par la Commission de protection du territoire agricole? Des cas moins spectaculaires que Bell Helicopter, mais extrêmement importants pour la population, pour les citoyens du Québec.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je voudrais très rapidement scinder ma réponse en deux parties. La première, c'est que, ni de près ni de loin, j'espère que ce n'est pas dans...

Des voix: Ah!Ah!Ah!

M. Lévesque (Taillon): ...les intentions de l'honorable chef de l'Opposition d'accompagner - ce n'était pas dans sa question - une certaine propagande qui essaie de se servir...

Des voix: Oh!

M. Lévesque (Taillon): ...des moyens d'application ou de certains cas pour voir s'il n'y aurait pas moyen d'affaiblir, de quelque façon que ce soit, la loi 90, c'est-à-dire la

Loi sur la protection du territoire agricole. Je crois que c'est un des progrès les plus fondamentaux, les plus essentiels aussi, qu'on ait accomplis ces dernières années. La terre était en train de nous partir d'en dessous des pieds entre les mains des spéculateurs, des promoteurs de n'importe quoi dans les campagnes, etc. C'était une chose qui était un tournant absolument nécessaire, indispensable, si on voulait maintenir la santé et la chance de progrès de notre agriculture et de toute notre industrie agro-alimentaire. C'est la première chose.

Des voix: Bravo!

M. Lévesque (Taillon): Deuxièmement, il a toujours été admis que, dans l'application de cette loi, comme d'autres d'ailleurs, il y avait des ajustements qui pouvaient se faire en cours de route. Après quelques années, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation lui-même, avec les députés agricoles, si on veut, enfin des milieux agricoles du parti ministériel, ont fait une revue de l'ensemble de ces choses-là. Elle est encore en marche d'ailleurs. Il est évident que tout peut toujours être amélioré et les erreurs sont toujours possibles. Quand il s'agit de tribunaux, enfin de tribunaux quasi judiciaires ou administratifs comme ceux-là, il est évident qu'il faut y aller délicatement parce qu'ils ont une autonomie de fonctionnement. Mais je peux vous dire qu'on leur en parle ou on leur en fait parler assez souvent de cas qui sont évoqués où il peut y avoir, c'est vrai, peut-être pas tout le doigté - je ne parle pas du fond - tout le doigté qui pourrait être nécessaire. La commission est au courant de cela et, comme tout le monde, elle peut toujours améliorer sa façon de procéder.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, question complémentaire. (15 h 20)

M. Levesque (Bonaventure): Tout en réaffirmant notre intention d'appuyer une véritable protection du territoire agricole et mettant de côté les insinuations du premier ministre, le premier ministre n'est-il pas d'accord que ces milliers de cas - le premier ministre lui-même l'admettait, M. le Président, en parlant des irritants, il n'y a pas longtemps - semblables, mais moins spectaculaires sont en train d'être de véritables irritants pour les citoyens et les municipalités du Québec également? Est-ce que le premier ministre n'est pas prêt à faire en sorte de revoir toute cette question de mise en application de la loi afin de rendre justice aux citoyens du Québec dont un grand nombre est soumis à ce que

j'appellerais souvent des injustices?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, cela demanderait vérification, c'est le moins que je puisse dire, ce que vient d'affirmer le député de Bonaventure, que des milliers et des milliers de cas peuvent être traités injustement. Je pense que c'est normal, on a des députés de l'autre côté, et Dieu sait que les représentations se font vite quand il y a vraiment des injustices. Je sais qu'il y a des cas où les gens ont l'impression - j'ai eu moi-même cette impression - qui peut être justifiée, d'avoir été traités injustement, en tout cas, à leur point de vue. Entre cela et des milliers et des milliers de cas depuis les cinq ou six ans que la loi a été mise en application, je crois que, enfin, disons qu'il y a un côté un peu méridional dans l'affirmation du député de Bonaventure, mais sous bénéfice d'inventaire. Pour ce qui est du côté qui peut toujours être irritant, de la façon dont on applique les lois et surtout des lois qui touchent directement les intérêts des citoyens et qui changent les habitudes, cela est sûr, je peux m'engager devant la Chambre et devant le député de Bonaventure, comme réponse à sa question, à voir avec le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation jusqu'où est rendu - attendez un peu - le processus de révision justement des irritants et d'accélérer les choses au besoin.

Le Président: Complémentaire, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci. Est-ce que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation peut s'engager à utiliser le même principe qu'on vient d'utiliser pour toutes les petites et moyennes entreprises dans nos municipalités rurales qui ont fait des demandes et qui sont retardées de trois à six mois, au moment où on se parle, pour la création de 20 à 25 emplois dans chacune de nos municipalités rurales?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Une des premières corrections qu'on pourrait apporter, ce serait de renégocier avec la ville de Mirabel le parc industriel puisqu'on a pensé dans le temps des libéraux que cela devrait être le PICA, il y a eu 12 000 000 $ mis dans des infrastructures. Les gens ont demandé... Attendez un peu.

Le Président: Question de règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, je pense que vous êtes vous-même conscient que le ministre engage un débat et ne répond pas à la question. Il enfreint l'article 81 du règlement.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, quand il a été question de désigner la zone agricole et la zone non-agricole de Mirabel, tout le monde disait que 400 acres dans le PICA, ce n'était pas suffisant; on aurait dû mettre 3000 acres. Depuis ce temps, aucune usine ne veut s'installer dans le PICA malgré que 12 000 000 $ ont été investis dans l'infrastructure industrielle. Comme il y a, actuellement, deux usines importantes logées sur le territoire de Mirabel, une à Lachute et une à Mirabel même...

M. Gratton: M. le Président, un rappel au règlement.

Le Président: Un rappel au règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, l'article 79 de nos règles de procédure se lit comme suit: "La réponse à une question doit être brève, se limiter au point qu'elle touche - je vous signale, M. le Président, que le ministre répond à une question totalement étrangère à la question posée par le député - et ne contenir ni expression d'opinion, ni argumentation. Elle doit être formulée de manière à ne susciter aucun débat."

M. le Président, c'est un, deux, trois, "strike, you are out".

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, notre règlement dit très bien qu'une question complémentaire doit se référer au sujet principal ou encore à des éléments de la réponse donnée par le ministre qui est interpellé. Je pense que la même équité existe par rapport à une question complémentaire posée à un ministre, à la suite d'une question principale, parce qu'il est concerné - c'est du ministère de l'Agriculture dont on parle - où le ministre peut également se référer brièvement à la question principale et à la question complémentaire.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Sur cette question de règlement. Si je suis l'argumentation du leader parlementaire du gouvernement, je dois conclure que le ministre pourrait intervenir sur la question principale s'il n'était pas d'accord avec la réponse donnée par le premier ministre ou encore sur la décision du Conseil des ministres.

Le Président: Nous débordons les arguments stricts de procédure. J'ai laissé le ministre de l'Agriculture poursuivre à la suite d'une question du député de Maskinongé en présumant qu'il voulait illustrer son propos par un exemple particulier mais qu'il arriverait rapidement à l'ensemble de la question du député de Maskinongé. Je le prie de le faire.

M. Garon: M. le Président, j'ai l'intention, au cours des prochains jours, de proposer à la ville de Mirabel de relocaliser le parc industriel autour de l'usine de Bell Helicopter puisque, de chaque côté de l'autoroute il y a un grand territoire qui n'est pas utile pour l'agriculture. Dans le temps des libéraux, on a prévu un parc industriel dans les pleines terres avec des aqueducs. Il faudra peut-être penser à relocaliser...

Le Président: J'ai bien dit, M. le ministre de l'Agriculture, que je vous ai laissé commencer votre réponse en pensant que vous vouliez l'illustrer à l'aide d'un exemple en particulier mais je dois constater qu'effectivement, entre la question et la réponse, j'ai quelques difficultés à trouver le rapport. M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: En complémentaire. Pour être bien clair avec le ministre de l'Agriculture, a-t-il l'intention d'utiliser le même principe pour les petites et moyennes entreprises qui ont demandé un dézonage qui traîne depuis six mois? Exercer le même principe aussi rapidement que ce fut fait pour une multinationale, afin de créer des emplois dans nos municipalités rurales? C'est clair?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: M. le Président, comme on dit au hockey, le député de Maskinongé est en train de "shooter" dans ses "goals". Mais je vais vous dire une chose: le débat sur le parc industriel de Mirabel commence.

Le Président: M. le ministre, la question était très claire... À l'ordre, s'il vous plaît! La question ne portait absolument pas sur le parc industriel de Mirabel, mais sur tout autre chose, et je vous prie, si vous le voulez, de répondre à la question.

M. Garon: M. le Président, le député de Maskinongé me demande si on peut corriger une erreur. Je me rends compte qu'une erreur a été faite en faisant le parc industriel dans le PICA. Alors, j'ai dit que l'une des premières erreurs qu'on devrait corriger, c'est de resituer le parc de Mirabel dans un endroit où les usines veulent aller plutôt que dans un endroit où elles ne veulent pas aller, que les libéraux ont localisé à grand prix dans le PICA.

Le Président: M. le ministre, si vous souhaitez effectivement répondre à la question du député de Maskinongé, je veux bien vous laisser poursuivre. Sinon, je passerai à une autre question. M. le ministre.

M. Garon: M. le Président, vous avez dit quelque chose et, dans le brouhaha, je n'ai pas très bien compris. Est-ce que ce serait trop vous demander...

Le Président: J'ai dit, M. le ministre, que, si vous voulez effectivement répondre à la question du député de Maskinongé, je suis disposé à vous laisser aller, mais que ce n'est pas ce que vous faisiez jusqu'à maintenant. Sinon, je devrai passer à une autre question principale.

M. Garon: M. le Président, je voudrais quand même que... On a parlé d'erreur. J'ai dit que c'est possible qu'il y ait des erreurs. Je constate qu'il y en a. Une erreur que je constate et qui est importante, c'est celle-là et on devrait y toucher immédiatement: les usines ne veulent pas aller dans le PICA, parce que, apparemment, il y a trop peu de glaise...

Le Président: Question complémentaire, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Ma question complémentaire s'adresse au premier ministre. Le premier ministre est-il prêt à modifier les lois du Québec dans le sens du "Equal Access to Justice Act" des États-Unis ou dans le sens du droit français, c'est-à-dire que, si un citoyen conteste une décision de la Commission de protection du territoire agricole ou d'un autre organisme et qu'il a gain de cause, toutes ses dépenses, ses dépenses d'honoraires d'avocats et toute autre dépense soient remboursées par le gouvernement?

Une voix: C'est bon, cela.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je considère que le député de D'Arcy McGee,

pour qui j'ai beaucoup de respect en ce qui concerne sa compétence juridique, est complètement à côté de l'essentiel des questions qui ont été posées. La question qui a été posée - et tout doit découler normalement d'une question principale - par le chef de l'Opposition, à laquelle j'ai répondu clairement, c'est: Qu'est-ce qui arrive dans le cas de la demande de Bell Helicopter par rapport à une usine de 500 000 000 $ qui génère au-delà de 3000 emplois - une multinationale, comme a dit démagogiquement le député de Maskinongé... (15 h 30)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): ...une multinationale de haute technologie amenée de force par les libéraux fédéraux en prévision des prochaines élections et que nous sommes très heureux de pouvoir soutenir au Québec? Bon. Conformément à la demande insistante du député d'Argenteuil... Au cas où vous l'auriez oublié, le député d'Argenteuil, député libéral, disait la semaine dernière: Pour l'amour du ciel, réglez cela avant qu'on perde des emplois. Cela dit, je prends avis de la question du député de D'Arcy McGee.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Brièvement, parce que je ne voudrais pas que cela dégénère en débat. Je pensais que le premier ministre avait bien répondu la première fois lorsqu'il a dit qu'il consulterait le ministre de l'Agriculture et qu'il essaierait de corriger les irritants. Je demande au ministre de l'Agriculture, lorsqu'il sera consulté, entre guillemets, par le premier ministre, s'il est prêt à répondre positivement à cette demande du premier ministre d'essayer de faire en sorte de diminuer ces irritants - ou de les faire disparaître entièrement - à propos des droits des citoyens du Québec affectés par une mauvaise application de la Loi sur la protection du territoire agricole.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Je concours avec une volonté très déterminée dans ce sens-là. C'est pour cela que je vous dis qu'il faudrait peut-être relocaliser un parc industriel dans lequel personne ne veut aller. Vous avez imposé depuis 15 ans un parc industriel et il n'y a pas une usine-Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Â l'ordre, s'il vous plaît! J'aimerais inviter le ministre de l'Agriculture et tous mes collègues de la Chambre à lire les articles du règlement touchant la période des questions. J'imagine que tous y trouveront profit.

En complémentaire, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président. M. Garon: M. le Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît: J'ai attendu que vous vous rasseyiez pour intervenir. Si vous me dites que vous n'aviez pas terminé, je veux bien vous laisser poursuivre.

M. Garon: Par délicatesse. Aussitôt que vous vous êtes levé, je me suis assis, mais je n'avais pas terminé. J'ai pensé que vous vous leviez pour faire taire les libéraux pour qu'ils écoutent un peu.

Je voudrais terminer rapidement. On a beau rire et faire des gorges chaudes, quand on fait un parc industriel de 3000 acres...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, je vous rappelle à l'ordre une première fois.

En complémentaire, M. le député de Maskinongé.

Question principale, M. le député de Laporte.

Des succursales de la SAQ à des coopératives d'employés?

M. Bourbeau: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Le ministre a confirmé hier l'existence d'un projet de la Société des alcools du Québec d'offrir à ses employés la possibilité d'obtenir des franchises de vente de vin et de spiritueux à la condition que ces derniers se forment en coopérative ouvrière de production. Les journaux ont fait état en fin de semaine d'un document interne de la Société des alcools du Québec dont de larges extraits furent publiés. Parmi les principes de base qui sous-tendent ce projet, il y aurait un objectif de rentabilité visant à stimuler l'efficience des succursales. Le ministre pourrait-il nous dire de quelle façon concrète ce projet de coopératives de travailleurs améliorera la rentabilité des succursales?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, je pense que le député de Laporte a raison de dire que c'est un projet à travers d'autres scénarios qui ont été étudiés par la Société des alcools du Québec dans une vision de développement d'un projet québécois. Nous croyons de plus

en plus que les travailleurs et les travailleuses doivent prendre de la place dans l'économie et doivent prendre part aux décisions. À travers les différentes sociétés d'État, si on veut que cela se fasse aussi dans le secteur privé, il faut étudier différents projets et différents scénarios. Un scénario a été étudié par la Société des alcools. Il nous semble que c'est peut-être réalisable de vivre l'expérience dans dix, quinze ou vingt succursales dans le courant de l'année. On a élaboré un projet. On en a parlé à plusieurs reprises avec les représentants des syndicats ouvriers en espérant qu'ils puissent transmettre le message aux syndiqués de la base et voir comment on pourrait développer ce projet.

À plus long terme, nous croyons fermement qu'il faut de plus en plus employer l'intelligence des travailleurs à la participation aux décisions et à la profitabilité des entreprises. Dans ce sens, la Société des alcools va continuer à percevoir les impôts de quelques centaines de millions de dollars par année pour le gouvernement fédéral, de même que les taxes pour le gouvernement du Québec, mais les travailleurs et les travailleuses auront l'occasion de profiter pleinement de l'augmentation de leur productivité, pour ceux et celles qui décideraient de le faire. Ce sera laissé à la liberté des travailleurs des succursales. Au départ, il n'est pas question d'y aller dans toutes les succursales. Il est tout simplement question d'étudier la possibilité d'avoir certaines expériences pratiques au Québec dans peut-être une quinzaine ou une vingtaine de succursales.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je pense que le ministre n'a pas compris ma question. Je vais la reprendre. Le ministre pourrait-il nous donner des exemples concrets de ce qui pourrait être moins rentable aujourd'hui et pourrait le devenir davantage en confiant les succursales à des coopératives ouvrières de production?

Le Président: M. le ministre.

M. Biron: II y a des choses dans la vie, M. le député de Laporte, qu'il faudrait que vous compreniez. Il y a des projets de société. Ce n'est pas toujours, au bout de la piste, un signe de piastre qui compte, nécessairement. Il y a une possibilité de développer un projet de société. Parfois, on parle de la participation des travailleurs et, chose curieuse, on en arrive à la participation des travailleurs seulement lorsque les entreprises sont en faillite. De temps à autre, dans de bonnes entreprises, dans des entreprises où il y a une possibilité de développement, je pense qu'il faudrait donner la chance aux travailleurs et aux travailleuses qui sont là, surtout si elles ou ils sont qualifiés. Nous croyons que nos travailleurs dans les magasins de la Société des alcools sont très qualifiés et qu'ils pourraient - ceux et celles qui voudraient y participer - vivre cette expérience de développer d'autres entreprises commerciales privées qui pourraient profiter d'une coopérative de travailleurs et être plus dynamiques, finalement, sur le marché général. Le gouvernement du Québec fera exactement le même profit ou recevra la même taxe que présentement, mais s'il y avait une augmentation de profitabilité dans le sens d'une augmentation de la productivité des travailleurs, je pense que c'est juste que les travailleurs puissent en profiter. Encore une fois, je vous répète, M. le député de Laporte, que ce n'est qu'un projet qui est à l'étude présentement pour discussion avec les syndicats ouvriers et les travailleurs qui voudraient y participer.

Une voix: Question complémentaire, M. le Président.

Le Président: Oui. Permettez-moi une courte intervention. Je n'ai pas voulu interrompre le ministre, mais à deux reprises au cours de ses réponses il s'est adressé directement au député de Laporte. C'est une pratique de plus en plus répandue en cette Chambre, qui est contraire au règlement. On ne doit pas s'adresser à un député directement. On doit toujours s'adresser, bien sûr, au président.

M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais demander au ministre de tenter de répondre à la question, qui est très simple. Je vais la reprendre sous une autre forme pour qu'il puisse comprendre. Y a-t-il présentement des problèmes spécifiques de rentabilité dans certaines succursales, qui seraient réglés en confiant la gestion de ces succursales à des coopératives ouvrières?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, je pense que le député de Laporte a de la difficulté à comprendre qu'un gouvernement doit, de temps à autre, avoir des projets de société et faire évoluer les gens dans un sens donné. Nous croyons, nous, de plus en plus, à la participation des travailleurs. Nous croyons que les travailleurs sont assez intelligents pour participer aux décisions importantes de l'entreprise et à l'augmentation des profits s'il y a une augmentation de la productivité. Les travailleurs sont responsables. Nous croyons à cette responsabilité et nous

voulons leur donner une chance d'être indépendants, d'être leur propre patron. C'est possible d'être indépendant économiquement avant d'être indépendant politiquement, et je pense qu'on veut leur montrer le chemin avec certaines expériences pratiques dans tout le Québec.

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, à part la productivité, le ministre pourrait-il nous dire de quelle façon on va rendre plus rentables les succursales de la Société des alcools du Québec en les confiant à des coopératives? Comment ces succursales seront-elles plus rentables, par rapport à la situation actuelle?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, il semble que le député de Laporte ait de la difficulté à comprendre lorsqu'on parle de principes.

Des voix: Ah! Ah!

(15 h 40)

M. Biron: Ce dont il est question à l'heure actuelle, c'est d'un principe, c'est de faire l'évolution d'une société. Nous ne croyons pas que ce soient les dirigeants d'entreprises seuls qui puissent faire évoluer la société québécoise. Nous croyons fermement qu'il faut impliquer les travailleurs et les travailleuses partout où il y a moyen de les impliquer. Nous croyons que ce sera possiblement une expérience pilote valable dans le domaine du commerce et qui pourra se répéter dans d'autres genres de commerce. Pourquoi ne serait-ce pas dans la lingerie, dans l'épicerie ou dans autre chose où on pourrait avoir des coopératives de travailleurs? Il s'agit, à l'heure actuelle, d'un projet pilote que nous voulons vivre avec les travailleurs intéressés. Mais, encore une fois, aucun travailleur ne sera forcé de participer à un genre de coopérative. C'est tout simplement une vision de la société québécoise qui permettra encore une fois aux travailleurs de devenir indépendants financièrement, avant d'être indépendants politiquement.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Je suivais simplement cet échange. Est-ce que je pourrais demander au ministre, parce qu'on parle de rentabilité et non pas d'un projet de société - le député de Laporte posait la question sur la rentabilité - d'où vient la différence? Est-ce qu'il va y avoir une amélioration dans la rentabilité et pourquoi?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: Le gouvernement du Québec va continuer à percevoir ses taxes de la Société des alcools de la même manière qu'il va percevoir, par la Société des alcools, des taxes pour le gouvernement fédéral. S'il y a une augmentation de productivité, donc de profitabilité, ce n'est que normal que les travailleurs en profitent. Dans ce sens-là, le gouvernement du Québec n'y perdra absolument rien. S'il y a une augmentation de ce côté-là, les travailleurs, qui voudront participer à cette expérience de coopérative, vont en profiter pleinement.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, est-ce que le ministre est prêt, au lieu de réécrire Karl Marx, à nous déposer, dans cette Chambre, le document interne auquel se référait le député de Laporte? Est-ce qu'il est prêt à convoquer une commission parlementaire sur le sujet?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, je répète encore une fois, parce que je l'ai dit à plusieurs reprises, que ce n'est qu'un projet parmi d'autres scénarios qui ont été examinés. Pour nous, il s'agit d'abord de compléter ce projet, d'en discuter avec les principaux intéressés. On en a discuté à plusieurs reprises avec les représentants des travailleurs, leurs syndicats ouvriers. Nous voulons maintenant en discuter avec ceux et celles qui sont intéressés à participer à cette expérience. Ensuite, lorsque le projet sera complété, d'abord le Conseil des ministres va devoir prendre une décision et après, bien sûr, on en discutera avec les membres de l'Assemblée nationale.

M. Pagé: Question principale, M. le Président.

Le Président: Question principale, M. le député de Portneuf.

Le règlement de placement dans l'industrie de la construction

M. Pagé: Merci, M. le Président. Afin de permettre aux jeunes, qui détiennent un diplôme d'études professionnelles, d'acquérir une expérience pratique de travail pour faciliter leur intégration permanente au marché du travail, le gouvernement a mis sur pied, en avril 1982, le programme sur le bon d'emploi. J'aimerais demander à Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu comment elle peut tolérer

que, en 1982, 787 étudiants et, en 1983, 655 étudiants, pour un total de 1442, qui étaient inscrits à un cours de formation comme travailleurs de la construction, comme apprentis plombiers, apprentis menuisiers, etc., que ceux-ci, malgré qu'ils aient obtenu un diplôme de fin de cours, qu'ils aient obtenu, dans plusieurs cas, un bon d'emploi, ne peuvent travailler en raison de l'application du règlement de placement dans l'industrie de la construction adopté par le ministre du Travail?

Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Marois: Effectivement, je pense que cette question s'adresse davantage à mon collègue, le ministre du Travail. Je puis, cependant, recevoir cette question, en prendre avis et m'entendre avec ce dernier pour que le député puisse avoir une réponse, la plus complète possible, à la prochaine séance. Merci.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Portneuf.

M. Pagé:M. le Président, je suis bien conscient et je sais pertinemment que le règlement de placement est sous la juridiction du ministre du Travail. Vous êtes ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Vous êtes la ministre responsable des différents programmes qui doivent inciter et aider...

Le Président: La question!

M. Pagé:...les étudiants qui finissent leur cours...

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: ...à pénétrer sur le marché du travail. Je vous demande, comment vous pouvez accepter, vous, Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre, qu'un tel règlement, adopté par votre collègue du Conseil des ministres, vienne brimer le droit de milliers d'étudiants qui ont étudié pour obtenir un diplôme. Une fois qu'ils l'ont obtenu, que le ministre de l'Éducation l'a formé, vous émettez un bon d'emploi comme ministre de la Main-d'Oeuve...

Le Président: M. le député...

M. Pagé:...et le ministre du Travail vient lui dire: Tu n'as pas le droit de travailler.

Le Président: Puis-je me permettre de vous rappeler les dispositions de l'article que votre collègue, le leader de l'Opposition, a invoqué précédemment sur l'argumentation au cours de la période des questions?

Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Marois: Peut-être que je peux répondre, entre autres, sur la question qui me concerne directement. Je dois dire que par le bon d'emploi, on a quand même permis à plus de 10 000 jeunes de s'inscrire et de participer à des expériences de travail, à maintenir un emploi pour au moins la moitié d'entre eux de façon permanente. C'est déjà pas mal, à cet égard, je pense.

Il reste qu'effectivement - je préférerais que ce soit le ministre du Travail qui y réponde - nous avons établi un certain nombre de règles du jeu qui ont d'ailleurs permis de rétablir une certaine paix sociale dans le secteur de la construction. Nous avons établi un certain nombre de règles du jeu concernant le placement des travailleurs dans ces secteurs. Il faut bien se dire cependant que compte tenu du rythme auquel se développe notre économie, compte tenu de son rythme de croissance et compte tenu du nombre d'emplois disponibles et d'employés, de travailleurs et de travailleuses formés, actuellement, l'ensemble des personnes formées sont en plus grand nombre, si on veut, que le nombre d'emplois disponibles actuellement, ce qui crée une différence, on en conviendra.

Les personnes, malgré qu'elles soient formées et que nous ayons investi pour les former - je pense qu'on ne se trompe jamais, de toute façon, en ce faisant - risquent effectivement à ce moment-ci de ne pas trouver nécessairement un emploi dans le secteur pour lequel elles ont reçu une formation. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Portneuf, en complémentaire.

M. Pagé: Pourquoi le ministère que vous dirigez délivre-t-il des bons d'emploi à de tels finissants alors que vous savez pertinemment qu'ils ne pourront jamais occuper un travail dans le monde de la construction si le règlement de placement s'applique?

Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Marois: II n'y a aucune espèce de forme de discrimination à l'égard du bon d'emploi. L'ensemble des personnes qui répondaient aux critères de base pouvaient obtenir un bon d'emploi; même si quelqu'un a été formé soit dans le secteur de la construction ou dans un autre secteur, il pouvait se trouver un emploi dans une autre activité et voir ainsi reconnu son bon d'emploi.

Le Président: Question principale, M. le député de Chauveau.

M. Sirros: M. le Président...

Le Président: Je m'excuse, M. le député de Chauveau, il y a une question complémentaire du député de Laurier.

M. Sirros: Une très courte, M. le Président. Est-ce que Mme la ministre compte corriger l'incohérence patente de continuer à former des jeunes dans le cadre de métiers où on leur ferme la porte d'entrée?

Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Marois: Effectivement, je pense que cela soulève un certain nombre de questions. Si on pense nécessaire un contingentement dans l'ensemble des formations données au Québec, que ce soit dans un secteur ou dans un autre, on pourra se poser la question, mais je ne pense pas que ce soit souhaitable dans la société dans laquelle on vit.

M. Pagé:Dernière additionnelle, M. le Président.

Le Président: Dernière complémentaire, M. le député de Chauveau.

M. Pagé:De Portneuf.

Le Président: M. le député de Portneuf, oui.

M. Pagé:Merci, M. le Président. Devons-nous comprendre de la réponse de Mme la ministre que pour régler ce problème vous préférez le contingentement plutôt que de modifier le règlement de placement?

Une voix: Bien non!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Je pense qu'il y a un problème de compréhension, je n'ai absolument pas dit cela, j'ai dit que ce pourrait être une des avenues, évidemment. Ceci étant dit, les gens qui sont formés dans le secteur de la construction peuvent aussi occuper leur emploi à l'intérieur d'usines manufacturières et à ce moment-là, on s'entendra pour que le règlement de la construction ne s'applique pas.

M. Pagé:M. le Président, une dernière additionnelle.

Le Président: M. le député de Portneuf, je vous ai accordé une dernière additionnelle tantôt.

M. Pagé:Mme la ministre... Le Président: Non, non, non.

M. Pagé: ... comment expliquer, à la lumière de la réponse...

Le Président: Non. Il y a déjà eu beaucoup d'additionnelles aujourd'hui, nous n'en sommes qu'à la troisième question principale et nous allons au moins aller à une quatrième et si possible à une cinquième question principale.

M. le député de Chauveau.

Centres de recherche dans la région de Québec

M. Brouillet: Ma question s'adresse au ministre de la Science et de la Technologie. M. le ministre, nous connaissons tous l'importance de la recherche scientifique et de l'innovation technologique pour le développement de notre société québécoise. Lors du dernier sommet économique de la grande région de la capitale, tenu à Québec les 27, 28 et 29 septembre 1983, tous les partenaires ont appuyé l'idée de créer ici, dans la région de Québec, deux centres de recherche: l'un serait voué à la valorisation de la biomasse et l'autre, à la recherche en bureautique. (15 h 50)

Le 8 décembre 1983, quelques mois plus tard, dans le cadre du plan de relance du gouvernement, vous annonciez que le gouvernement s'engageait à créer, dans l'ensemble du Québec, six nouveaux centres de recherche et, par la même occasion, vous répondiez au voeu des partenaires de la région en annonçant que deux de ces centres verraient le jour ici, dans notre région de Québec.

L'un de ces centres serait sur la valorisation de la biomasse et des procédés de fermentation et l'autre sur la bureautique et les ressources humaines.

Mes questions sont les suivantes: J'aimerais savoir de la part du ministre où en sont rendues les études de faisabilité de ces deux projets. Quels sont les partenaires directement impliqués dans la préparation de ces études? Et quand prévoyez-vous l'implantation effective de ces centres qui, vous le savez, sont d'une importance capitale pour le développement de la région de Québec.

Le Président: M. le ministre de la Science et de la Technologie.

M. Paquette: M. le Président, comme le député l'a mentionné, nous avons donné suite à deux consensus du sommet de Québec, lors

de l'annonce du plan de relance en novembre, en prenant la décision de principe de créer un centre sur la valorisation de la biomasse à Québec et un autre sur la bureautique et les ressources humaines.

Là où en est rendu le dossier. En décembre et janvier nous avons obtenu les budgets, qui ont été déposés d'ailleurs la semaine dernière, qui nous permettent de mettre en route ces deux projets.

Deux comités d'implantation sont à l'oeuvre actuellement et on attend la conclusion de leurs travaux pour le mois de juin. C'est donc en juin que j'espère être en mesure, avec mes collègues concernés - dans le cas de la valorisation de la biomasse c'est surtout avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation; dans le cas de la bureautique et des ressources humaines c'est avec le ministère des Communications - de former les conseils d'administration, de créer officiellement les centres et de faire en sorte que ces deux centres soient opérationnels à l'automne.

J'aimerais souligner que ces deux centres se situent dans des axes prioritaires du virage technologique. Celui sur la valorisation de la biomasse concerne le développement des biotechnologies. C'est une recommandation que nous avons eue de notre mission sur les fermentations qui nous indique la création d'une usine de fermentation consacrée à la biomasse dans la région de Québec, en même temps qu'un projet conjoint de l'Université Laval, de l'INRS et du Centre de recherche industrielle du Québec.

Quant au centre de recherche sur la bureautique et les ressources humaines...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Paquette: Je termine là-dessus, M. le Président. On a adopté une politique d'implantation de la bureautique dans les ministères, et ce centre pourra permettre d'appuyer cette politique et d'attacher autant d'importance aux questions technologiques qu'aux questions de relations humaines, de relations du travail et de l'adaptation des personnels à l'informatique dans les bureaux. Merci.

Le Président: Question principale, M. le député de Charlesbourg.

Le coût des canons à neige du Mont Sainte-Anne

M. Côté: M. le Président, ma question s'adresse au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. L'an dernier le gouvernement annonçait la construction au Mont Sainte-Anne de canons à neige et l'installation d'une nouvelle remontée mécanique. Le budget initial prévu au printemps dernier s'établissait à 9 800 000 $. En date du 9 mars 1984, soit neuf mois après les appels d'offres et selon les documents du ministère, vous avez déjà des déboursés de 9 899 000 $ et des déboursés additionnels de 3 500 000 $ sont prévus, pour un coût minimal de près de 13 400 000 $.

Cela représente une augmentation de 36,73% sur les prévisions. Le ministre peut-il justifier ces augmentations de coût autrement que par de l'improvisation? À titre d'exemple, le télésiège triple, qui devait être en opération le 15 décembre 1983, n'est toujours pas en opération malgré le fait que vous ayez augmenté les tarifs de 12%, compte tenu des services additionnels que vous deviez fournir.

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M.. Chevrette: M. le Président, c'est vrai qu'il y a eu des dépassements de coût. Je l'ai même dit, lors de la conférence de presse, lorsqu'on a mis en marche l'enneigement artificiel. Ce n'est pas une nouvelle fraîche d'aujourd'hui.

Les dépassements de coût sont principalement dus tout d'abord au système hydroélectrique qu'on a dû changer en cours de route. À la suite des recommandations d'Hydro-Québec, pour s'assurer vraiment d'un système valable, il nous a fallu changer tout le système hydroélectrique.

Deuxièmement, le manque de prévisions au sujet du roc nous a également coûté énormément cher. Il a fallu faire du dynamitage pour une somme fort imposante, de l'ordre de 500 000 $, je crois, et dans des conditions assez difficiles, de sorte que cela nous a coûté également des montants assez élevés. Compte tenu du fait qu'on est allé chercher l'argent dans la création d'emplois et que cela a fait travailler des gens, cela ne dépasse pas tellement, dans les circonstances.

Des voix: Oh! Oh!

M. Côté: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Charlesbourg.

M. Côté: Le ministre vient de nous dire que les raisons qui provoquent ces augmentations de coût étaient imprévues. Le ministre peut-il nous dire, concernant le télésiège triple, parce qu'on en a parlé, pourquoi le directeur des services administratifs, M. Yvon Lessard, a refusé la plus basse soumission présentée par Doppelmyar et a accepté celle du plus bas soumissionnaire, soit les Industries Samson,

de Lévis?

Une voix: Pas le plus bas.

M. Côté: Ma deuxième question, M. le Président.

Une voix: Le deuxième soumissionnaire.

M. Côté: Le deuxième soumissionnaire, effectivement. Est-il exact que le plus bas soumissionnaire, Doppelmyar, a été refusé parce qu'il avait proposé, en plus des devis demandés, des suggestions visant à améliorer le système et à réduire le coût des installations? C'est le système qui n'est pas encore en fonctionnement.

M. Chevrette: M. le Président.

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Chevrette: Nous avons choisi le deuxième soumissionnaire après trois avis de contentieux juridiques différents: d'abord, de mon ministère, du ministère de la Justice et d'un contentieux privé qu'on a engagé. Dans sa soumission, le plus bas soumissionnaire se permettait de changer des choses et, à la fin de sa soumission, il écrivait en toutes lettres: "Ces suggestions font partie intégrante de ma soumission", sans apporter les cotations, ce qui ne nous donnait pas de coût réel. Ne vous demandez pas pourquoi les contentieux nous ont suggéré de ne pas le retenir.

M. Côté: Dernière question additionnelle, M. le Président.

Le Président: Oui, M. le député de Charlesbourg.

M. Côté: Quelles sont les raisons qui font que le télésiège triple qui devait être en fonctionnement le 15 décembre ne l'est pas aujourd'hui?

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Chevrette: La raison fondamentale, c'est une question d'usinage, je pense. Pour la deuxième partie, je vais donner un complément de réponse demain parce que je risquerais de me fourvoyer et je ne voudrais pas induire la Chambre en erreur sur le deuxième élément. Donc, je vous répondrai demain sur le plan technique.

Le Président: Fin de la période des... Question complémentaire?

M. Côté: Une dernière question complémentaire, M. le Président.

Le Président: Une toute dernière question complémentaire.

M. Côté: Le ministre a évoqué le fait de certaines imprévisions. Le ministère a engagé des professionnels pour préparer les plans et devis et réaliser cette installation. Comment se fait-il qu'aujourd'hui on nous dise que les travaux dans le roc n'ont pas été prévus et qu'on est même en révision des honoraires professionnels?

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Chevrette: M. le Président, nous avions décidé, au départ, de le faire en régie et c'est la décision que nous avons appliquée. Nous avions également pris la décision d'exiger 80% de contenu québécois, etc. Lorsqu'on a commencé en régie, on s'est rendu compte que nous n'avions pas toute l'expertise. C'est ce qui a causé, bien sûr, en cours de route, des dépassements. Il n'y a pas de cachette à ce sujet. J'ai personnellement pris des précautions et je pourrais vous déposer toutes les mesures. Depuis le mois de novembre, je crois, nous avons un administrateur qui surveille de beaucoup plus près l'administration comme telle, mais je peux vous dire qu'en soi les deux grands impondérables auxquels nous avons dû faire face, cela a été, bien sûr, tout le changement hydroélectrique et toute la question du roc. D'autre part, je peux vous dire aujourd'hui que nous avons respecté les 80% de contenu québécois; on est à 82%. Deuxièmement, c'est fantastique pour la région de Québec. On ne reçoit que des félicitations des auberges et des restaurants.

Le Président: La période des questions est terminée. Fin de la période des questions.

Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Bédard: M. le Président, je voudrais donner avis pour que, jusqu'à 18 heures, la commission des institutions se réunisse à la salle 91-A afin de poursuivre les consultations générales sur le Code civil, entre autres, sur le chapitre portant réforme sur le droit des biens.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Président: Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le leader de l'Opposition. (16 heures)

M. Gratton: M. le Président, est-ce que

le leader du gouvernement pourrait nous dire quel sera le menu des travaux, demain, ici, à l'Assemblée?

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bédard: Avant l'ajournement de nos travaux, à la fin de l'après-midi, je serai en mesure de donner le menu législatif; avant 18 heures.

M. Gratton: D'accord.

Le Président: M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Ma question au leader du gouvernement est la suivante. Compte tenu des nombreux congrès régionaux qui se sont tenus dernièrement ainsi qu'en fin de semaine dernière, et les décisions qui ont été prises par les militants concernant le désarmement nucléaire, est-ce que le leader du gouvernement entend appeler le projet de loi 194?

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bédard: Avec plaisir, je vois que le député de Sainte-Marie suit l'actualité. Il n'y a pas de décision de prise.

M. Bisaillon: Quand?

M. Bédard: En temps et lieu.

Motion proposant que l'Assemblée

recommande l'abolition des

postes de péage existants

Le Président: Ce qui nous mène aux affaires du jour, et puisque c'est mercredi, aux affaires inscrites par les députés de l'Opposition. La motion de M. le député de Mont-Royal. "Que, de l'avis de cette Assemblée, le gouvernement doit rejeter la recommandation du comité des députés péquistes d'étendre le péage à toutes les autoroutes du Québec et conclure plutôt à l'abolition complète de tous les postes de péage existants."

La parole est au député de Mont-Royal.

M. Bédard: M. le Président...

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bédard: Question de règlement.

Le Président: Appel au règlement, M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bédard: J'aurais une question de règlement, en vertu de l'article 34, afin de vous demander une directive concernant justement - je m'excuse auprès du député de Mont-Royal, mais c'est le seul moment indiqué pour effectivement faire la demande de directive - la motion qui fera l'objet du débat. D'abord, ma question concerne la recevabilité même de la motion. La motion du député de Mont-Royal, que nous devons débattre dans quelques instants, pose un problème majeur sur le plan de la procédure parlementaire - nous le suggérons respectueusement - et, également, cette motion place certains membres de cette Assemblée dans une situation inconfortable et je parle simplement sur le strict plan des procédures parlementaires. Pourquoi? Pour ceci. Cette motion contient à sa face même des erreurs de faits manifestes. Ces erreurs flagrantes sont telles qu'elles dénaturent complètement la motion qu'il présente. Permettez-moi d'en souligner trois.

Premièrement, la motion indique qu'un comité péquiste a déjà existé en regard du dossier du péage sur les autoroutes, ce qui n'est pas exact.

Le Président: Nous sommes sur un rappel au règlement.

M. Gratton: Sur le fond?

M. Bédard: Non, je ne parle pas sur le fond.

Le Président: Sur la recevabilité.

M. Bédard: Je ne parle pas sur le fond, M. le Président. Je parle sur les faits qui sont contenus dans la motion présentée par le député de Mont-Royal et qui m'amènent à vous faire une demande de directive. Il y a trois erreurs sur les faits techniques. La motion indique...

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement, sur les erreurs de faits, si tant est qu'il y en a, puis-je vous rappeler immédiatement, avant que nous ne poursuivions plus loin cet échange, des dispositions de l'ancien règlement Geoffrion que l'on peut appliquer puisqu'elles n'ont pas été changées, à savoir que c'est à la Chambre et non au président qu'il appartient de décider si les affirmations ou les assertions d'une motion sont exactes ou non. Par conséquent, si la Chambre est d'avis que le contenu de la motion est inexact, il reste à la Chambre le loisir de la rejeter.

M. Bédard: Très respectueusement, M. le Président. On fait état, dans la motion qui est présentée, de faits qui sont publics. Entre autres, on fait référence au rapport d'un comité qui a été rendu public depuis plusieurs mois, donc, qui est à la

connaissance...

Le Président: Oui, mais M. le député, je vous rappelle l'annotation du règlement Geoffrion qui fait référence à l'article 150 de ce règlement. Il disait: "Nulle motion ne doit contrevenir aux dispositions d'une loi, ni contenir des assertions qu'il est interdit de faire ou des expressions dont il est interdit de se servir au cours des débats, ni être rédigée dans le style d'un discours, d'un pamphlet ou d'une démonstration." En annotation, on dit bien: C'est à la Chambre et non à l'Orateur - comme on l'appelait à l'époque - qu'il appartient de décider si les assertions qu'une motion contient sont exactes ou non." Je vous rappelle qu'à cet égard, le règlement subséquent et le règlement actuel n'ont pas modifié sensiblement les dispositions concernant le contenu d'une motion et, encore une fois, si on estime qu'il y a inexactitude - et je vous rappelle la décision du printemps dernier quant à la vérité et à sa relativité - mais si on estime qu'il y a une inexactitude dans la motion, on peut, soit la défaire, soit y proposer un amendement.

M. le leader du gouvernement. M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: J'aimerais ajouter, M. le Président, sur le rappel au règlement, qu'à l'article 183, on retrouve ce qui est prohibé quant au contenu d'une motion. Les motions ne doivent contenir ni exposé de motifs, ni argumentation. Il n'y a ni exposé de motifs, ni argumentation dans le libellé de la motion telle que présentée par le député de Mont-Royal et, à notre avis, on doit tout simplement en débattre. Les amendements que pourra vouloir y apporter le gouvernement seront jugés quant à leur recevabilité et on pourra toujours les adopter une fois que le débat sera entamé.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, je pense que vous avez peut-être répondu partiellement. Mais, comment est-il possible pour les membres de cette Assemblée de s'assurer que les motions qu'on les invite à débattre sont conformes à la réalité des faits? Et je parle de faits purement techniques. Quels sont les moyens qui sont mis à leur disposition pour faire rectifier ou faire corriger ces faits? Permettez-moi de vous donner simplement un exemple. Je n'argumenterai pas plus longtemps par respect de votre opinion, M. le Président, et de l'argumentation présentée par le leader de l'Opposition. Permettez-moi seulement un exemple. Ce n'est peut-être pas le plus approprié, mais enfin, c'est peut-être celui qui explicite le mieux la directive que je veux vous demander aux fins de savoir quels sont les moyens qui sont à notre disposition pour corriger une telle situation. S'il y avait devant cette Assemblée nationale une motion à l'effet de présenter des sympathies à une personne qui, supposément, est décédée et que, de la connaisance des membres de l'Assemblée nationale, il est clair et manifeste que la personne n'est pas décédée, à ce moment-là, est-ce qu'on veut prétendre que, parce que la motion a été présentée, il ne nous reste qu'un moyen - et que c'est à la connaissance publique - au niveau de cette Assemblée nationale, qui serait de discuter de la motion et de la battre alors que manifestement, les membres de l'Assemblée seraient au courant que la motion contient des faits erronés, qui sont manifestement faux?

M. le Président, c'est exactement ce que je veux soumettre à votre attention en termes de demande de directive à partir de documents publics connus qui font que nous sommes en mesure de dire qu'il y a techniquement et à la connaissance de membres de cette Assemblée nationale des erreurs manifestes. Entre autres, il n'y a pas eu de comité péquiste. Deuxièmement, il n'y a pas eu de recommandation...

Le Président: S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: ...pour qu'il y ait un péage sur les autoroutes. C'est le contraire, M. le Président. Est-ce que...

Le Président: M. le leader du gouvernement, vous reprenez le débat auquel vous avez mis un terme en rappelant les dispositions qui nous régissent. Encore une fois, si vous me demandez comment pourrait procéder l'Assemblée, que devrait faire l'Assemblée si un député présentait une motion de sympathie à l'endroit d'une personne qui n'est pas décédée, je dirais que l'auteur de la motion en porterait le ridicule et que l'Assemblée serait certainement la première à la rejeter en lui indiquant, avant même d'en débattre - et ses collègues eux-mêmes, j'imagine - que le député est dans l'erreur.

Quant à savoir s'il existe dans toute motion des faits qui sont rigoureusement exacts en tous points et en tous lieux, s'ils ne le sont pas, encore une fois, la Chambre peut en disposer. Au fond, le sens de la motion, c'est que, de l'avis de cette Assemblée, s'il y a eu recommandation à l'effet d'élargir les péages, le gouvernement devrait la rejeter et abolir plutôt complètement les péages. C'est l'essentiel de la motion. Le reste, s'il y a là-dedans des erreurs ou des interprétations, ou des raccourcis, eh bien mon Dieu, dans le débat, on pourra le mettre en valeur, on pourra le

faire valoir. Par des amendements, on pourra corriger les choses et, en fin de compte, si l'amendement contient manifestement des erreurs de faits évidentes, connues, objectivement vérifiables, j'imagine bien que cette Assemblée sera la première, collectivement, à vouloir la rejeter.

M. Bédard: M. le Président, je prends respectueusement note de vos remarques à la suite de la demande de directive. Il reste cependant que j'ai remarqué que vous avez quand même mentionné que, dans l'exemple que j'évoquais tout à l'heure, à ce moment-là, il y aurait... Les faits réels étant portés à la connaissance du député qui aurait fait la motion, il faut, en fait, en déduire que le député retirerait sa motion, mais ma question n'était pas dans ce sens. Si le député maintient - vous n'êtes pas obligé de me répondre aujourd'hui, mais je pense que le cas peut se produire - sa motion, la seule solution, à ce moment-là, serait-elle de la battre, tout en étant conscients qu'il y a des choses manifestement fausses à l'intérieur de ladite motion? En tout cas, j'ai soulevé le point au moment opportun et, comme vous l'avez dit, ce n'est quand même pas après la fin du débat que je devais soulever le point et formuler une demande de directive. Je le fais et je prends note respectueusement des remarques que vous nous avez faites.

Le Président: Encore une fois, je reviens sur le fait que le coeur de la motion est ce que j'ai évoqué d'après la lecture que j'en ai faite... Si, accessoirement, il se trouve qu'il y a des raccourcis ou des faits qui sont plus ou moins exacts ou carrément inexacts, il va y avoir un débat. Dans le débat, les députés vont intervenir de part et d'autre. Si les députés peuvent éclairer la Chambre dans le sens qu'en effet, des faits qui sont dans la motion sont manifestement inexacts, à ce moment-là, ou bien le député qui a fait la motion pourra les corriger de lui-même ou demander le consentement pour les corriger ou, alors, l'Assemblée, par modification ou par amendement, pourra corriger la motion, mais le président de l'Assemblée ne peut pas aller vérifier chaque fois qu'une motion est présentée si, en tout point et en tout lieu, la motion est absolument conforme à la vérité, étant entendu en plus qu'il y a des vérités qui sont relatives, comme vous le savez.

M. Bédard: Je ne poursuivrai pas indûment l'argumentation, M. le Président, mais j'ai remarqué - et je voudrais avoir bien compris vos remarques - qu'à ce moment-là, il y avait deux solutions, battre la motion présentée, parce qu'elle peut, selon notre point de vue, contenir des faits erronés, ou encore y apporter des amendements. Ma dernière question est la suivante: Si les amendements que nous devions apporter étaient tels que, rectifiant les faits, ils en viennent à changer la nature même de la motion qui est présentée, je dois comprendre qu'il ne reste qu'une solution; c'est de la battre. À ce moment-là, ce serait...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président: Oui, mais l'argumentation que vous m'avez faite à l'égard de cette motion porte sur des passages de la motion qui sont sans doute importants dans la motion, mais reste le fond de la motion et le fond de la motion a déjà fait en cette Chambre l'objet d'un échange lors de la période des questions. Très simplement, qu'arrive-t-il au péage sur les autoroutes du Québec, celles qui en ont et celles qui pourraient en avoir? Si je comprends bien, c'est le sens de la motion et, là-dessus, il me semble qu'il y a effectivement des péages sur des autoroutes du Québec. C'est manifestement incontestable, et le reste, que ce soit par modification ou par amendement, vous pouvez le corriger, si vous êtes effectivement d'avis qu'il y a des erreurs de faits ou des erreurs d'omission. Enfin! On verra. Il faudrait voir le texte de l'amendement. On ne peut pas juger à l'avance si un amendement est recevable ou non. Il faut d'abord le voir sinon, s'il s'agit effectivement d'une motion qui contient des erreurs de faits, j'imagine bien que l'Assemblée ne voudra pas adopter une motion manifestement erronée, ne fût-ce qu'au nom de sa propre crédibilité.

M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Sur un rappel au règlement, M. le Président, très brièvement. On sait qu'il s'agit ici d'un débat limité à deux mercredis. En fait, le deuxième mercredi, à cause de nos règles de procédure, ne viendra qu'au début de mai. Les demandes de directive du leader du gouvernement, à mon sens, nous privent d'un certain temps et je soumettrai au leader du gouvernement que si la motion ne fait pas l'affaire du gouvernement et qu'il n'a pas trouvé moyen de l'amender de façon recevable, ce n'est pas le problème ni de la présidence ni de l'Opposition. Il me semble qu'on devrait entreprendre le débat le plus tôt possible. Là est le problème.

Le Président: Puisqu'il est question, en effet, de motion de deux mercredis, si on ne veut pas ronger indûment le temps imparti à ce débat, je suggère que nous entendions maintenant le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Il

est évident que les membres du gouvernement, spécialement le leader parlementaire qui parle pour eux sur les questions de procédure, ne veulent pas débattre cette motion. C'est aussi clair que cela. Ils ne veulent pas que l'Assemblée nationale se prononce sur la question de savoir si nous allons abolir les taux de péage sur les autoroutes ou si nous allons les étendre à d'autres autoroutes. Comme le président l'a si bien dit, la question principale est de savoir si on les abolit ou si on doit les étendre à d'autres autoroutes.

Quand le leader parlementaire du gouvernement nous dit que c'est erroné, que les députés péquistes n'ont pas fait une telle recommandation, je voudrais bien le référer au journal des Débats, à la page 5370, du 21 mars 1984. Je cite le député de Groulx: "Comme membre du comité des élus qui avait étudié l'an dernier le problème du financement des autoroutes au Québec -c'est une question que le député de Groulx pose à son ministre - avez-vous l'intention de prendre en considération l'une des recommandations que nous faisions, l'un des huit scénarios, qui consistait également à rendre équitable le péage autoroutier en établissant, selon notre proposition, une cinquantaine de postes de péage dans tout le Québec sur les 1200 kilomètres d'autoroute, notamment dans le West Island, dans la région de Québec, dans la Beauce, vers le nord et tout le long de l'autoroute 20?"

Que le leader parlementaire ne vienne pas nous dire aujourd'hui qu'un comité de députés, qui était composé de membres du Parti québécois, n'ont pas fait cette suggestion. Ils l'ont faite. C'est le député de Groulx, lui-même, qui l'a portée à l'attention de l'Assemblée nationale.

Si nous regardons dans les journaux, par exemple, le Soleil du 22 mars 1984: "Des péquistes proposent le péage". On étale la question d'étendre le péage sur toutes les autoroutes du Québec. C'est non seulement dans le Soleil, c'est aussi dans le Devoir: "Les députés péquistes suggèrent d'instaurer le péage sur toutes les autoroutes du Québec". Il est clair qu'il n'y a aucune erreur de notre part. C'est exact. Le libellé de la motion est très exact. Nous demandons: "Que, de l'avis de cette Assemblée, le gouvernement doit rejeter la recommandation du comité des députés péquistes d'étendre le péage à toutes les autoroutes du Québec et conclure plutôt à l'abolition complète de tous les postes de péage existants".

Il est clair que les usagers, les régions et l'ensemble des organismes qui sont impliqués sont contre le péage sur les autoroutes du Québec, et pour plusieurs raisons. Rappelons-nous, premièrement, qu'il est exact que le péage sur les autoroutes a été institué au début, en 1958, pour atteindre certains objectifs. Un de ces objectifs était que le financement, le développement, l'exploitation et l'administration de ces autoroutes, qui devaient être construites par l'Office des autoroutes, se paieraient entièrement par les revenus qui seraient perçus aux postes de péage. Je pense que les intentions étaient bonnes. On voulait construire des autoroutes pour répondre à un besoin qui était tellement nécessaire au Québec, pour rendre un service additionnel à la population. Pour financer ce service, on disait: Ceux qui vont utiliser les autoroutes en paieront le coût. Je ne pense pas qu'on puisse critiquer de tels objectifs et qu'on puisse critiquer ce que le gouvernement libéral a fait en voulant instituer un Office des autoroutes et des postes de péage pour obtenir des revenus qui paieraient la construction et l'exploitation des autoroutes au Québec. (16 h 20)

Cependant, l'expérience, même depuis le début, nous démontre qu'il n'y a pas assez de revenus. Les revenus que nous obtenons par le péage des autoroutes ne sont pas suffisants pour couvrir l'exploitation, le service de la dette et tout ce qui est nécessaire pour le développement et le bon fonctionnement de ces autoroutes. Alors, que devons-nous faire?

Quand on examine les revenus, on constate que le montant des revenus ne justifie même pas tous les frais d'administration et le gaspillage afférents. Une étude à laquelle nous nous sommes référés, qui a été rendue publique au mois d'octobre dernier, démontre que cela coûte aux usagers, en sus du péage, 12 500 000 $ en pétrole et en coût d'énergie. Il y a 25 000 000 de litres qui sont gaspillés en arrêts aux postes de péage; c'est un pur gaspillage, ce n'est pas nécessaire et c'est attribuable à cette taxe discriminatoire qui ne s'applique qu'à une certaine catégorie d'usagers et seulement à certaines régions.

En plus, le nombre d'usagers va en diminuant. Nous avons des chiffres qui démontrent que même avant l'augmentation de la taxe - elle a doublé en juillet 1982 -le nombre d'usagers était réduit de 10%. Depuis, il y a eu d'autres baisses, allant jusqu'à 18%, pour l'ensemble des autoroutes.

Au mois de mai 1982, le gouvernement, par décret, a doublé le tarif des péages sur certaines autoroutes au Québec. On ne nous a fait part d'aucune étude qui aurait été faite avant d'en venir à cette conclusion. La seule conclusion qu'on peut en tirer, c'est que le gouvernement avait besoin d'autres revenus, qu'il cherche par tous les moyens à augmenter les taxes dans tous les domaines, que ce soient des taxes directes ou indirectes. Depuis que ce gouvernement a été élu, nous avons connu au Québec des augmentations de taxes; cette mesure, c'est

une autre façon qu'a trouvée le gouvernement de pouvoir assumer les dettes de son administration.

La position du ministre des Transports précédent justifiait cette augmentation par des coûts de fonctionnement plus élevés, donc, un besoin de revenus additionnels pour combler les frais d'exploitation des postes de péage.

Cependant, dans toutes les régions touchées, des objections ont été soulevées et une pétition de 130 000 noms a été signée demandant l'abolition des postes de péage. Il y a eu un tollé de la population. En 1982, alors qu'on est le seul endroit au Canada où on impose une taxe sur les autoroutes, ce n'était vraiment pas le temps d'augmenter la taxe; c'était plutôt le moment d'essayer de trouver autre chose, d'examiner d'autres moyens pour financer le système routier au Québec plutôt que d'arriver dans certaines régions en leur disant que leurs taxes doublaient.

Il y a eu des conséquences assez difficiles pour les résidents parce que la plupart de ceux qui utilisent l'autoroute - à Laval, par exemple - travaillent à Montréal. Cela ne touche pas seulement ceux qui voyagent, les touristes ou les promeneurs. Une étude a été faite, un article a été publié dans le Journal de Montréal qui a démontré que ça coûtait 500 $ de plus par année à un citoyen de Laval pour avoir le privilège de résider à Laval et d'aller travailler à Montréal. C'est une taxe, une pénalité additionnelle à la suite de l'augmentation des taux de péage imposée par le gouvernement au mois de juillet 1982.

La pétition a été signée et le ministre a constaté que la population s'est élevée contre une telle taxe; il a donc créé un comité qui était composé de membres du gouvernement - un comité de députés péquistes - et des maires des Laurentides. Je veux vous souligner qu'il n'y avait aucun membre de l'Opposition à ce comté. À la suite de l'augmentation décrétée par le gouvernement, les députés de l'Opposition, le député d'Argenteuil et la députée de Chomedey s'étaient prononcés contre et avaient demandé au gouvernement de ne pas mettre en force l'augmentation des péages sur les autoroutes à cause des ennuis et des difficultés que cela pouvait causer aux régions affectées.

Cependant ce comité a siégé, a fait des études et certaines recommandations. Il recommande premièrement, que le gouvernement se donne une politique uniforme de financement de son réseau autoroutier. Il ne semble pas logique que sur certaines autoroutes on paie une taxe et qu'il n'y en ait pas sur d'autres. Ce n'est pas comme si toutes les autoroutes au Québec recevaient une taxe. Le gouvernement charge une taxe sur certaines d'entre elles. Par exemple si vous allez de Montréal à Québec par la rive nord, au tronçon jusqu'à Berthier vous payez la taxe et après Berthier vous ne payez pas. Si vous voulez aller à Québec sur la rive sud il n'y a pas de taxe à payer. Il ne semble pas y avoir de logique dans la façon d'appliquer ces politiques à savoir à qui on doit charger et à qui on ne charge pas.

Le comité a aussi recommandé - c'est la recommandation principale - que le péage soit aboli comme mode de financement du réseau autoroutier. C'est une recommandation qui a été faite au mois d'octobre 1983.

Le gouvernement n'a donné aucune suite à ce rapport. Des mouvements antipéage se sont formés, des représentations ont été faites au gouvernement et nous aussi de l'Opposition avons demandé au gouvernement quelle était son intention. On ne peut pas laisser la population dans une telle situation, à savoir est-ce qu'on va continuer le péage, est-ce qu'on va l'étendre à toutes les autoroutes au Québec, est-ce qu'on va l'abolir? Je crois que le gouvernement doit prendre une décision et je pense que les délais dans lesquels le gouvernement pouvait agir sont fort dépassés. Il ne faudrait pas que le gouvernement se donne comme excuse des études à faire. On pourrait demander au gouvernement: Quelle étude avez-vous faite quand vous vouliez augmenter les postes de péage? Maintenant que vous avez des représentations du propre comité que vous avez formé, quelles sont vos intentions?

La réponse du ministre des Transports actuel a été pour le moins inquiétante. Car il n'a pas écarté l'hypothèse d'accroître le nombre des postes de péage, d'en créer encore 35 ou 50 autres au Québec. Il a affirmé le 21 mars, à l'Assemblée nationale que trois hypothèses ont été examinées: Mettre des péages sur toutes les autoroutes du Québec; procéder à une abolition graduelle ou les abolir purement et simplement d'un seul coup. Il n'a pas écarté du tout la possibilité que le péage sur les autoroutes puisse être imposé à d'autres endroits au Québec.

Pour cette raison je crois que nous sommes en mesure de demander un éclaircissement au gouvernement. Qu'il prenne position, qu'il nous dise exactement son intention. Je crois que le temps est venu de le faire maintenant. On pourrait demander au gouvernement s'il a l'intention de retarder la décision qu'il a peut-être déjà prise mais qu'il ne veut pas rendre publique. Voulez-vous retarder jusqu'à la veille d'une élection l'annonce que vous allez abolir les postes de péage? Cela ferait un petit "candy" d'élection pour essayer d'aller chercher des votes. Je crois que ce ne serait pas tout à fait équitable pour ceux qui doivent payer aujourd'hui.

II y a eu une étude et des articles dans les journaux qui disaient qu'il y a jusqu'à un tiers des usagers qui ne paient pas qui ne sont pas poursuivis. On perd des revenus à cause de ceux qui passent aux postes de péage sans payer. (16 h 30)

Pour moi les raisons pour abolir la taxe sur les autoroutes sont claires. Il ne s'agit pas de penser à ce que doit être la décision du gouvernement. Il n'est pas question d'augmenter leur nombre, de créer encore 50 postes de péage. Je pense que ce serait de la folie furieuse. Vous savez que simplement les coûts additionnels de construction de ces postes de péage ne justifieraient pas les revenus. La réponse, la décision du gouvernement, c'est d'abolir purement et simplement le péage sur les autoroutes.

Il y a eu une baisse du trafic. C'est une taxe discriminatoire. Quand le gouvernement nous donne comme réponse: Où le gouvernement va-t-il aller chercher les revenus de 64 000 000 $ qui sont maintenant perçus par lui grâce au péage sur les autoroutes? je m'interroge sur ces 64 000 000 $. Même si c'est 55 000 000 $ ou 60 000 000 $, c'est évident qu'il y a certains revenus qui sont perçus, mais est-ce que ces revenus sont justifiés par les coûts de l'administration? C'est 16% à 20% de ces sommes qui vont en frais de perception.

Deuxièmement, s'il faut, chaque fois qu'on abolit une taxe, la remplacer par une autre, ce n'est pas ainsi qu'on peut espérer avoir une administration plus efficace. Il faut regarder où il y a de l'inefficacité et du gaspillage et abolir le gaspillage plutôt que de chercher d'autres taxes. Ce serait bien trop facile. Chaque fois qu'on impose une taxe, évidemment, c'est un revenu. Alors, il ne faut pas que ce soit quelque chose coulé dans le ciment: c'est un revenu du gouvernement, on ne peut rien faire. On pourrait donner beaucoup d'exemples de gaspillage du gouvernement que ce dernier pourrait réduire et dont les sommes pourraient être utilisées pour abolir le péage sur les autoroutes.

Je veux simplement donnner un exemple de la Régie de l'assurance automobile du Québec. Quand la Régie de l'assurance automobile du Québec a été créée, les actuaires ont fait certaines études et ils prévoyaient, par le nombre d'accidents, que 486 000 000 $ seraient payés aux accidentés. Les frais des plaques d'immatriculation ont été basés sur les études des actuaires. Subséquemment, on a découvert que les actuaires avaient surévalué le nombre d'accidentés et qu'au lieu de débourser 486 000 000 $ la régie avait déboursé, je pense, 350 000 000 $. Il resterait un montant de 136 000 000 $ à la Régie de l'assurance automobile du Québec que les actuaires avaient prévu débourser et qui ne l'a pas été. Il me semble que le gouvernement devrait rendre compte de ces sommes.

De plus, l'année dernière, le ministre des Finances est allé chercher 21 000 000 $ à la Régie de l'assurance automobile du Québec et les frais d'immatriculation seront augmentés, cette année, d'un autre montant de 25 000 000 $. Seulement ces deux sommes, 25 000 000 $ et 21 000 000 $, correspondent à la presque totalité des revenus qui ont été perçus l'année dernière sur les autoroutes du Québec. Je pourrais citer d'autres exemples. Quand on fait des déficits dans les sociétés d'État, je sais qu'on le mentionne, mais on ne peut jamais le mentionner trop souvent, parce qu'il faut mettre le gouvernement en garde concernant ces déficits. Il faut cesser ce gaspillage.

Concernant la mission de Quebecair, les pertes, il y a deux ans, étaient de 21 000 000 $; l'année dernière, 17 500 000 $. On prévoit environ 12 000 000 $ cette année. On veut subventionner les vols nolisés en Floride et on veut taxer, par les postes de péage, ceux qui vont travailler de Laval à Montréal. Il me semble que le bon sens est contre cela. Plutôt que de chercher une autre taxe, disant: Où allons-nous chercher les 60 000 000 $? essayez donc plutôt d'éviter le gaspillage.

Il y a un autre endroit où vous pourriez éviter le gaspillage. Depuis que le Parti québécois est au pouvoir, vous avez augmenté le personnel dans les cabinets des ministres. Le personnel politique a augmenté de 220 employés à au-delà de 500. Cela veut dire presque 20 000 000 $ par année. Ces gens ne sont pas payés par le gouvernement pour administrer le service social, administrer les hôpitaux, administrer les services qui sont donnés à la population. Non. Ce personnel est payé pour faire la propagande du gouvernement, pour assurer la belle image des ministres, pour assurer que le "PR" se fasse au niveau des programmes gouvernementaux, pour assurer que le ministre ait des articles pour lui dans le journal comme il y en avait la fin de semaine dernière. Le personnel va voir les journalistes et si quelque chose se passe à l'Assemblée nationale qui ne donne pas une bonne image du gouvernement, il essaie de changer cette image et d'arriver avec d'autres mesures pour donner une meilleure lumière au gouvernement.

Je vous dis: Réduisez donc ce personnel. On a eu une crise économique. On a eu des difficultés. Si vous pouviez seulement réduire le personnel politique, ce serait assez pour abolir le péage sur les autoroutes sans même penser à imposer des taxes additionnelles. À la Régie de l'assurance automobile, vous êtes allés chercher 46 000 000 $. Le personnel politique, vous

avez au moins quelque 20 000 000 $. Votre publicité gouvernementale, des dizaines de millions de dollars. Ce n'est pas le temps de dire: on va étudier, où on peut trouver les 60 000 000 $. Je ne pense pas que ce soit juste et je pense que c'est leurrer la population que de lui faire croire qu'il faut absolument que vous remplaciez les sommes d'argent qui sont dépensées sur les autoroutes par une autre taxe avant de pouvoir prendre votre décision. La décision, vous êtes en mesure de la prendre depuis le mois d'octobre 1983, quand vous avez reçu le rapport du comité qui a recommandé l'abolition des taxes.

Non seulement, nous sommes la seule province au Canada qui a le péage sur les autoroutes, mais d'après un article de la Presse du mois d'août 1982, le Québec a les autoroutes les plus chères de l'Amérique du Nord. Une liste des autoroutes a été faite, avec le prix par mille sur les autoroutes de péage aux États-Unis. La moyenne pour les États-Unis est de 0,027 $. La moyenne pour les autoroutes du Québec, c'est de 0,045 $, presque le double. Le plus qu'on paie aux États-Unis sur les autoroutes, c'est 0,04 $ le mille. Le plus cher qu'on paie sur nos autoroutes, celle de Chomedey à Laval, c'est de 0,077 $. C'est une forme de taxe qui est désuète. Les gens ont besoin de ce service, ont besoin d'aller travailler, ont besoin d'utiliser les autoroutes et ce n'est pas en imposant une taxe discriminatoire, en discriminant certains usagers qu'on peut vraiment justifier la continuation du péage sur les autoroutes au Québec. Il faut absolument que nous enlevions cette inquiétude parce qu'il y a beaucoup de questions qui se posent.

Quand on se fait dire par le député de Groulx qu'un comité de députés péquistes avait recommandé l'extension du péage sur toutes les autoroutes du Québec et que cette suggestion n'a pas été écartée par le ministre, je crois qu'on est en mesure de demander au ministre de nous dire aujourd'hui, qu'il n'est pas question d'imposer le péage sur les autoroutes. Deuxièmement, il y a une autre question qui est soulevée. C'est qu'il y a d'autres autoroutes qui doivent être construites au Québec. Il y a l'extension de l'autoroute 13 à Mirabel, il y a l'extension de l'autoroute 40, il y a l'autoroute La Baie-Alma. Est-ce que le ministre peut nous dire si avec la construction des autres autoroutes, il va y avoir péage ou bien s'il peut nous dire catégoriquement aujourd'hui: non, il n'en est pas question? (16 h 40)

Je pense que la population est en droit d'avoir des réponses claires du ministre, et si le ministre peut nous dire qu'il n'est pas question, dans le West Island, dans la région de Québec, sur toutes les autoroutes du

Québec, d'imposer un péage; s'il peut nous dire que, pour la construction d'autres autoroutes qui sera entreprise par le gouvernement, il n'est pas question d'imposer un péage, il me semble que la seule conclusion logique serait de nous dire que le gouvernement va abolir le péage sur les autoroutes existantes.

On ne peut pas concevoir qu'il n'y ait pas de péage sur le reste des autoroutes du Québec, qu'il n'y ait pas de péage sur les autoroutes qui seront construites et qu'il y en ait sur celles qui existent présentement. Cela n'aurait aucun sens. C'est une taxe discriminatoire; cela cause des problèmes pour le développement touristique de ces endroits, dans les Laurentides, dans les Cantons de l'Est. C'est un problème. Quand vous avez doublé le taux de péage, il y a eu moins de gens qui ont utilisé ces autoroutes. Cela affecte le développement touristique. Cela peut affecter même le développement industriel, parce que, si j'ai une décision à prendre pour construire une usine, est-ce que je vais la faire dans le parc industriel de Mirabel, où les gens, pour venir travailler, doivent payer sur les autoroutes?

Je ne prendrai pas ce risque. Je vais plutôt aller dans un autre endroit où cette taxe additionnelle n'existe pas. Alors, vous pénalisez les gens. Même si le rapport qui a été rendu public n'a pas démontré qu'il y avait un lien entre le péage sur les autoroutes et leur manque de développement - cela n'a pu être prouvé - le fait demeure que c'est logique de croire que si quelqu'un a un investissement à faire, il va le faire là où les meilleures conditions existent pour attirer le personnel, les ouvriers et tout le reste pour minimiser les risques et minimiser ses dépenses.

Nous sommes en droit et la population est en droit de savoir du gouvernement, premièrement si vous allez étendre le péage sur les autres autoroutes au Québec oui ou non. Si vous écartez cette possibilité, dites-nous si vous allez écarter aussi la possibilité de percevoir un péage sur les nouvelles autouroutes qui seront construites. Troisièmement, il me semble que ce serait très logique de votre part - et la population s'y attend - que vous nous annonciez que le péage sur les autoroutes sera aboli. C'est une taxe discriminatoire. Cela va aider à ouvrir ces régions et je crois que le temps est venu d'abolir cette taxe désuète et d'aider un peu les usagers de ces régions. Nous ne voulons pas pénaliser ces régions. Nous ne voulons pas pénaliser ces usagers et je crois que ce serait très opportun, maintenant, que le gouvernement nous annonce, tel que le libellé de ma motion l'indique, "que le gouvernement doit rejeter les recommandations du comité de députés péquistes d'étendre le péage à toutes les autoroutes du Québec et que le gouver-

nement nous annonce plutôt qu'il va abolir le péage existant sur toutes les autoroutes au Québec." Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des Transports.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, nous venons d'entendre le député de Mont-Royal sur une motion dont au moins la moitié est complètement fausse. Je voudrais à ce sujet faire quand même des mises au point puisqu'il a basé son argumentation là-dessus. Il s'est permis des attaques à l'endroit du député de Groulx à ce sujet. Je voudrais donc faire cette mise au point en deux volets.

Premièrement, il y a un comité qui a étudié cette question du péage sur les autoroutes, un seul comité. Le député de Groulx a parlé du comité des élus. Or, le comité des élus était un comité composé de trois députés du parti ministériel et de cinq maires de la région des Laurentides. C'est toujours le même comité et les maires sont des élus. Donc, ce qu'a dit le député de Groulx est exact. Il y avait un comité d'élus formé, à ce moment-là, de trois députés ministériels et de cinq maires, deux coprésidents, M. Paul Mercier, maire de Blainville, et le député Jean-Guy Rodrigue de Vimont. Je pense que dans la motion même, M. le Président, on laisse entendre qu'il y avait peut-être deux comités, un comité de députés péquistes et un autre comité formé de maires et de députés. Il n'y a qu'un comité. C'est le comité formé d'élus, députés et maires, qui a étudié cette question. Ce n'est pas un comité partisan. C'est un comité d'élus. Je pense qu'il faut insister sur ce point, parce que la rédaction même de la proposition laisse entendre qu'il s'agit d'un comité partisan. Il n'en était pas question. Le député de Mont-Royal, en qualifiant un tel comité de péquiste, tente de donner un caractère partisan à une question qui n'en avait pas jusqu'ici pour faire oublier que les députés de son parti n'ont rien fait, rien dit, ne sont pas intervenus sur cette question depuis qu'elle dure. Le comité a effectué un excellent travail, M. le Président, un travail d'étude, d'analyse, surtout économique, afin de nous livrer un document sérieux, crédible et rationnel.

Ce qui m'amène à une deuxième mise au point. Ce comité n'a pas fait la recommandation ou la soi-disant recommandation dont il est question dans la motion du député de Mont-Royal. Si on lit les recommandations du comité, on se rendra compte que, ou bien le député de Mont-Royal n'a pas lu le document, ou bien il l'a lu mais il en dénature les recommandations.

M. le Président, je voudrais, quant au fond de la question, rappeler un certain nombre de choses. D'abord, pour ce qui est des péages autorisés au Québec, les premiers sont apparus en 1959 lorsqu'on a terminé la construction de la première autoroute. C'était l'autoroute des Laurentides. Il y avait à l'époque une route nationale qui était fort encombrée, surtout les fins de semaine, et on a décidé alors de créer une autoroute et de la financer par les péages. C'était une coutume à l'époque et tout cela se passait aux États-Unis depuis la fin de la guerre. On avait construit un grand nombre d'autoroutes dont beaucoup étaient des autoroutes privées qui se finançaient par des péages. Je rappelle aussi qu'en Europe il y a des autoroutes à péage. Il y en a encore maintenant et il y en a encore aux États-Unis.

Quoi qu'il en soit, à partir de 1959, nous avons construit une première autoroute. Nous avons créé, comme gouvernement du Québec, l'Office des autoroutes. Cet Office des autoroutes a aussi construit par la suite différentes autres autoroutes, dont l'autoroute des Cantons de l'Est, l'autoroute qui mène vers Trois-Rivières jusqu'à Berthier et finalement, un peu plus tard, l'autoroute 13 qui passait par Chomedey ou Laval. Ce qui est arrivé, c'est qu'au cours de cette période, à part les autoroutes à péage, il s'est aussi construit d'autres autoroutes, dont l'autoroute 20 sur laquelle il n'y a jamais eu de péage, d'autres autoroutes un peu partout au Québec sur lesquelles le gouvernement n'a pas mis de péage, de sorte qu'il s'est développé une situation différente selon les régions et selon les autoroutes.

Nous nous retrouvons avec cette situation aujourd'hui, mais je rappellerai aux gens d'en face que, là-dessus, ils sont eux-mêmes responsables d'avoir laissé se développer une telle situation, particulièrement en 1973, alors qu'ils auraient pu corriger ce qui était en train de se développer puisque, à l'époque, il y avait des autoroutes à péage et d'autres sans péage. La question avait été soulevée par les députés de Laval à l'époque. Il s'était créé un comité antipéage qui s'appelait le CAP, qui avait fait des représentations au ministre des Transports du temps, M. Pinard, mais qui n'avait pas réussi. À ce moment-là, en 1973, c'étaient les gens d'en face qui étaient au pouvoir et non le gouvernement du Parti québécois. Pourtant, malgré les différences de situations, ils ont instauré un nouveau péage ou une nouvelle autoroute à péage même si, dans plusieurs autres endroits, il n'y en avait pas. (16 h 50)

Donc, les différences de situations se sont surtout développées au moment où les gens d'en face étaient au pouvoir, dans les gouvernements qui nous ont précédés. Nous

nous retrouvons avec cette situation aujourd'hui. Le comité a étudié toutes les questions qui relevaient de l'abolition du péage. Je pense que le travail qu'il a fait a été sérieux, comme je l'ai dit au tout début. Il a traité notamment des coûts qu'il y avait à percevoir. Ce sont des revenus qui sont quand même élevés par rapport aux revenus que nous retirons des postes de péage. Il a traité des coûts économiques supplémentaires pour les usagers qui doivent s'arrêter, repartir, donc qui, eux-mêmes, doivent absorber certains frais, des coûts aussi pour l'économie du Québec. Il a traité beaucoup -je pense que c'est à son honneur - de la question de l'intégration des employés, si une décision était prise d'abolir le péage.

On sait qu'il y a, pour l'autoroute des Laurentides et les autres, celles qui conduisent aux Cantons de l'Est ou vers Berthier, environ 300 employés permanents; enfin, 292 au moment où le comité a fait son rapport. Il s'agit, et c'est une question importante, à mon avis, dont le comité doit traiter, de réintégrer éventuellement ces employés dans la fonction publique ou ailleurs au gouvernement.

Le comité a voulu prendre la question dans son ampleur et il a fait différentes hypothèses, différents scénarios. Cela a été son travail. Il a fait, en gros, trois hypothèses, dont j'ai parlé le 21 mars. Une hypothèse était l'abolition totale immédiate du péage; une autre hypothèse était l'abolition graduelle après qu'on ait amorti les coûts de construction des autoroutes. Là-dessus, il a fait quatre scénarios différents. Enfin, il a fait l'hypothèse que nous maintenions le péage indéfiniment. À ce moment-là, il a étudié différentes façons de le faire. Il a bâti trois scénarios à partir de cela.

Je pense que le travail du comité a été exhaustif. C'est à la suite de cela qu'il a fait un certain nombre de recommandations, puisqu'il s'agit bien de recommandations. La première recommandation du comité est celle-ci: Que le gouvernement du Québec se donne une politique uniforme de financement de son réseau autoroutier. Donc, qu'il remette de l'ordre dans toute cette question. Qu'il traite les usagers de certaines autoroutes de façon égale aux usagers d'autres autoroutes.

Comme deuxième recommandation, il a fait celle-ci: Que le péage soit aboli comme mode de financement du réseau autoroutier. Là-dessus, c'est vraiment le contraire de ce que dit la motion du député de Mont-Royal, alors qu'il dit que le comité a proposé d'étendre le péage à toutes les autoroutes du Québec. Je pense qu'il faut voir très nettement que ce n'est pas cela que le comité a proposé. Absolument pas.

Il a fait une troisième recommandation: Que le péage soit remplacé par une ou plusieurs formes de taxes à l'usager de la route, si les revenus actuellement générés par cette source sont requis pour le maintien et l'amélioration des routes du Québec. Une autre recommandation était dans le sens que le courant d'opinions qui soutient que le péage à lui seul nuit au développement socio-économique d'une région, ne peut être étayé par les faits que lui a révélés son analyse, puisque d'autres facteurs peuvent l'influencer. Donc, il a voulu étayer que, finalement, un bon nombre des considérations qui sont apportées n'ont pas nécessairement des conséquences immédiates par rapport au péage autoroutier sur le développement régional. Il reste que cela n'infirme pas pour autant ce que disent certains tenants. Ils ont raison de penser que le péage puisse empêcher ou handicaper, dans certains cas, le développement régional.

Enfin, d'autres recommandations comme celle-ci: Que le scénario no 1 - c'est la recommandation du comité - comportant l'abolition totale et immédiate du péage soit retenu; enfin, que le personnel affecté au péage ne subisse pas d'inconvénient majeur du fait de son abolition. Voilà les recommandations du comité et c'est très différent de ce que prétend la motion du député de Mont-Royal: que le comité concluait à étendre le péage à toutes les autoroutes du Québec.

Nous avons là une motion qui reflète ce que l'Opposition a l'habitude de faire: fausser la réalité, dénaturer les faits, fausser les textes, torturer les textes. C'est ce qui est fait ici. Dans tout cela, la question du péage autoroutier est étudiée par le gouvernement depuis que le comité a remis son rapport au mois d'octobre. C'est toujours le même rapport dont il est question, le rapport du comité composé de trois députés du parti ministériel - trois députés du Parti québécois - et de cinq maires des Laurentides. C'est toujours du même rapport dont il est question.

Le ministre des Transports l'a eu en main et il en poursuit l'étude. Je peux dire une chose: les études ont avancé, le débat a progressé et le ministère que je dirige poursuit très activement l'étude de ce rapport. J'ai même fait accélérer les travaux consécutifs à ce rapport. Et je pense bien que dans les semaines qui vont suivre, le gouvernement pourra prendre une décision définitive là-dessus.

Quant à la motion, qui est fausse pour au moins la moitié de sa rédaction, il s'agit de la rejeter; c'est encore ce qu'il y a de mieux à faire, bien que cela n'indique pas que le parti ministériel ne soit pas d'accord sur l'une de ses parties. Cependant, compte tenu qu'on y dit qu'on propose d'étendre le péage à toutes les autoroutes du Québec, là n'est pas la question présentement. Le rapport a été déposé, le gouvernement en

poursuit l'étude et les décisions, il les prendra quand il sera prêt. Je ne voudrais pas qu'on présume des décisions qu'il pourrait prendre dans l'avenir.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la députée de Chomedey.

Mme Lise Bacon

Mme Bacon: J'entendais le ministre tout à l'heure dire que nous faussons les réalités ou certaines situations. Lui-même a dit qu'il n'avait pas entendu parler les libéraux sur le problème du péage sur les autoroutes. Le ministre aussi fait fausse route en faisant une telle affirmation. Car celle qui vous parle faisait, dès le début du mois de juin, dès l'annonce de la hausse des taux aux postes de péage, le 3 juin 1982, une intervention auprès du ministre des Transports d'alors pour lui demander, au nom de la population de Laval que je représente, au nom de l'ensemble de la population lavalloise, de garder au moins le statu quo et même de reculer...

Si le ministre a écouté un peu la population, il va se rappeler que nous avions fait certaines recommandations, soit de garder le statu quo, de reculer les postes de péage pour permettre à la population de Laval d'être comprise dans la grande agglomération urbaine, comme on l'a fait pour la rive sud avec un premier poste de péage à Chambly, ce qui aurait permis à la population de Laval, à l'instar de certaines villes européennes, comme Paris, par exemple, de ne pas être marquée par le véritable fardeau qu'on voulait lui imposer à ce moment-là par l'augmentation des tarifs.

Je proposais aussi au ministre des Transports d'alors la mise sur pied d'une table de concertation, cette table de concertation qui aurait pu comprendre les autorités municipales, les représentants de citoyens, de la Commission de transport de Laval, de la Ligue des taxis, de l'industrie du transport, les députés Lavallois sans exception. (17 heures)

Je comprends que le ministre n'aime pas beaucoup qu'on lui parle de comités de députés péquistes, mais les trois députés qui étaient présents au comité de travail étaient des députés péquistes. Je n'ai pas vu un député libéral être appelé à siéger, même si le député libéral représente aussi une population qui est touchée par ce problème des postes de péage.

M. Léonard: ...

Mme Bacon: Le 3 juin, M. le ministre, je demandais cette table de concertation et je demandais de convoquer tous les députés sans exception. Je ne pense pas, M. le Président, que le ministre soit dans la vérité lui non plus s'il dit qu'on fait des erreurs de ce côté-ci de cette Chambre. Il semble qu'il n'y ait que le nouveau ministre des Transports qui ne sait pas ce qui se passe. Il semble que lui seul ne sait pas que 130 000 personnes ont signifié au gouvernement qu'elles voulaient l'abolition des postes de péage; qu'elles n'acceptaient pas d'être pénalisées par la hausse des taux de péage; qu'elles n'acceptaient pas qu'on les traite différemment d'autres parties de la province, d'autres citoyens du Québec; qu'elles ne voulaient pas être mises un peu en tutelle par ce gouvernement qui leur imposait un fardeau additionnel de fiscalité.

Des groupes de pression - je le disais tantôt - ont fait signer 130 000 personnes qui s'exprimaient au nom de la population. Il y a eu ce front commun des municipalités desservies par les autoroutes 13 et 15. Il y a eu le Mouvement antipéage de Laval. Il y a eu une réunion d'une quinzaine de villes desservies par l'autoroute des Cantons-de-l'Est à Saint-Jean-sur-le-Richelieu. Il y a eu le Mouvement antipéage de l'autoroute 10. Il y a eu des organismes qui ont abondé dans le même sens que ces mouvements-là: le Conseil régional de développement de Lanaudière, la Chambre de commerce de Sherbrooke, le Conseil régional de développement de l'Estrie, l'Association touristique de l'Estrie. Des résolutions sont venues de différentes municipalités, comme Berthierville, par exemple. Si cela prend plus que cela au ministre pour comprendre qu'il faut se hâter à prendre une décision... Nous avions l'impression que son prédécesseur était tout prêt à prendre une décision, après avoir demandé, en plus de ces contestations qui étaient faites par la population, un nouveau rapport de quelque 730 pages qui lui faisait des représentations dans le même sens, puisqu'il le dit lui-même, M. le Président.

Ce n'est pas le même son de cloche que nous avons eu la semaine dernière de la part du député de Groulx. Il faut penser aussi que lors de la dernière élection provinciale les candidats du Parti québécois s'étaient engagés à abolir le poste de péage de Laval-des-Rapides, par exemple, sur l'autoroute des Laurentides. Or, non seulement il n'a pas été aboli mais on a imposé aux Lavallois une nouvelle taxe, de nouvelles prestations.

Ou ces gens-là ne disaient pas complètement la vérité en 1981 ou bien ils étaient loin d'avoir des dossiers qui étaient prêts pour faire de telles affirmations. Je comprends que par un souci de se faire élire ils aient tenté de faire de belles promesses à la population, mais il ne faut quand même pas berner une population qui a réagi en faisant connaître à ce gouvernement sa façon de voir les choses et ses exigences. Il faut que le gouvernement soit à l'écoute du

milieu, que le nouveau ministre prenne conscience qu'il y a une réalité à laquelle il a à faire face, qu'une unanimité se fait dans cette population qui demande au gouvernement d'agir rapidement.

Quand le ministre dit que les libéraux n'ont pas réagi, M. le Président, il est dans l'erreur. Il erre totalement puisque le 29 septembre 1982, mon collègue de Laporte, qui était alors notre porte-parole dans ce dossier des transports, demandait un moratoire, car nous n'avions pas encore de décision. On trouvait à ce moment-là que le ministère des Transports percevait une taxe déguisée pour éponger certains déficits de l'État. Face à un style de gestion qui était à nos yeux un style tout à fait farfelu, le Parti libéral ne pouvait en aucune façon souscrire aux décisions gouvernementales de faire payer par les citoyens de la rive nord de Montréal un nouveau tarif d'autoroute qui était injustifié et qui l'est encore par rapport à l'ensemble des autoroutes. Le ministre nous mentionnait tantôt l'autoroute 20 qui avait été construite et sur laquelle il n'y a pas de poste de péage. Il a oublié de mentionner que certaines routes ont été construites avec l'aide du gouvernement fédéral qui, à ce moment-là, exigeait du gouvernement provincial de ne pas ériger des postes de péage. C'était une condition de sa contribution à la construction des autoroutes.

Nous avons aussi, comme parti - le député de Vimont parlera à son tour, M. le Président - fait des interventions au mois de novembre 1983 et, encore là, celle qui vous parle demandait au ministre des Finances, qui venait de déposer un budget avec lequel on était tout à fait en désaccord puisqu'il ne contenait pas cette mesure, l'abolition du péage. Je trouvais même ce budget démotivant et décevant surtout pour les députés d'en face, ceux-là même qui ont signé un rapport, ceux-là même qui, parmi les recommandations qu'ils nous font, exigent du gouvernement qu'il étende à l'ensemble des autoroutes des postes de péage. Je pense, M. le Président, que le Parti libéral n'a pas de leçon à recevoir du nouveau ministre des Transports qui prend un temps un peu trop long, à mon avis, pour décider. Ou bien son prédécesseur n'était pas prêt et n'avait pas des dossiers bien préparés ou bien celui-ci est incapable de décider avec des dossiers qui étaient déjà prêts.

Je ne sache pas que le gouvernement ait écouté la population. Je ne puis pas comprendre qu'après avoir eu à faire face à un tollé général de la part de cette même population, le gouvernement soit incapable de prendre une décision. Le péage sur les autoroutes du Québec, cela n'a plus sa raison d'être. C'est une taxe qui, à mon avis, pénalise certains usagers et certaines régions en particulier. Les montants qui sont perçus, déductions faites des dépenses administratives et des montants additionnels occasionnés aux usagers, ne justifient pas une telle taxe. Le gouvernement doit construire ou prolonger d'autres autoroutes - j'espère qu'il pensera à l'autoroute 13 - et il doit avoir une politique de financement pour la construction et aussi pour l'entretien des autoroutes qui s'encadre dans la politique générale de fiscalité.

Nous demandons au gouvernement, d'abord, d'abolir immédiatement le péage sur les autoroutes au Québec. Nous lui demandons d'élaborer une politique de développement et d'entretien des autoroutes dont le financement devrait s'encadrer dans une politique générale de fiscalité. Nous lui demandons aussi de procéder à une révision majeure de la Loi sur la voirie. Je pense que les interventions du Parti libéral ont toujours été dans le sens de préserver la population de taxes additionnelles. Nous avons demandé au prédécesseur de l'actuel ministre des Transports d'écouter cette même population.

Au nom des Lavallois et des Lavalloises que je représente, je demande au ministre de se hâter à prendre une décision et je lui dis qu'ils ont déjà trop longtemps payé la note pour les autres citoyens du Québec. Ils ont trop longtemps été pénalisés quant au développement de l'économie lavalloise. Ils ont été trop longtemps induits en erreur par les députés péquistes qui leur promettaient, en 1981, l'abolition des postes de péage.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Vimont et adjoint parlementaire au ministre des Transports.

M. Jean-Guy Rodrigue

M. Rodrigue: M. le Président, s'il fallait que ma grand-mère vive encore et qu'elle entende Mme la députée de Chomedey faire des discours comme elle vient de le faire, je pense qu'elle s'exclamerait comme elle avait l'habitude de le faire: mais, mon doux Seigneur! est-il possible que les députés libéraux qui siègent en cette Chambre soient devenus vertueux tout à coup lorsqu'ils siègent dans l'Opposition. C'est inouï.

Ce parti - et la députée de Chomedey en particulier faisaient partie du gouvernement Bourassa en 1973 - a imposé du péage sur l'autoroute 13 à Laval alors qu'il n'en a pas imposé sur l'autoroute À-5 ni l'autoroute À-30 ni l'autoroute À-50 ni l'autoroute À-73. Qui est-ce qui discrimine les citoyens de Laval et des Basses-Laurentides, M. le Président? Qui a discriminé ces citoyens? C'est, par exemple, la députée de Chomedey qui, à l'époque, était membre du gouvernement de M. Bourassa. Aujourd'hui, tout à coup, parce qu'on est dans l'Opposition, on devient très vertueux, on est très sensible aux demandes des citoyens.

M. le Président, il y a de quoi douter de la sincérité de la députée qui vient de parler. J'ai ici avec moi une pétition qui a été présentée en 1973 au gouvernement Bourassa de la part de citoyens de Laval et il y a plusieurs centaines de noms qui apparaissent sur cette pétition. Cela s'appelait Le Comité antipéage sur la 13. Et Mme la députée de Chomedey, qui vient de quitter cette Chambre, d'ailleurs...

Une voix: Elle est gênée!

M. Rodrigue: Je pense qu'elle est un peu gênée d'entendre ce que je vais dire. Mme la députée de Chomedey était membre du gouvernement Bourassa qui, malgré la pétition des citoyens de Laval, a décidé d'imposer le péage sans même daigner entendre ces citoyens. Aujourd'hui, on voudrait nous faire croire que, tout à coup, quand on est rendu dans l'Opposition, là on devient des gens qui veulent écouter les citoyens. En québécois, il y a une expression qui est la suivante: Mon oeil! Ces gens sont d'un manque de sincérité - je n'utiliserai pas d'autres mots, parce que je ne voudrais pas utiliser des termes non parlementaires - qui, il me semble, crève les yeux. J'ai pris position, moi, sur l'abolition du péage sur les autoroutes et ce n'est pas d'hier. D'ailleurs, je suis cosignataire. J'étais coprésident du comité conjoint - gouvernement du Québec et maires des Laurentides - qui a préparé ce rapport dont a fait largement état le ministre des Transports tout à l'heure.

J'ai endossé les recommandations du comité et je veux vous dire aujourd'hui que je n'ai pas changé d'idée sur cette question. Je partage toujours les recommandations du comité telles qu'elles ont été formulées, recommandations qui sont à l'étude présentement au ministère des Transports, comme l'a indiqué le ministre, et qui feront l'objet d'une décision en temps et lieu. Néanmoins, même si j'ai pris cette position et même si je suis favorable à l'abolition du péage, je me dois quand même de dénoncer la motion qui a été présentée par le député de Mont-Royal et je vais voter X contre la motion, parce que, même avec la meilleure volonté du monde, il ne serait pas possible d'appuyer une proposition qui contient des erreurs de faits aussi flagrantes, une proposition qui est aussi mal fondée.

Il n'y a pas eu de comité de députés péquistes. Il y a eu un comité conjoint formé de députés de la région de Laval et des Basses-Laurentides et de maires de cette région. Là je reviens un peu à ce que je disais tout à l'heure concernant la députée de Chomedey et le gouvernement Bourassa. Lorsque les gens de Laval ont présenté leur pétition en 1973, on ne s'en est pas occupé du côté du gouvernement Bourassa. On les a tout simplement ignorés.

Notez la différence d'approche lorsqu'en 1981, des citoyens de Laval et des Basses-Laurentides ont présenté une pétition au gouvernement, nous les avons rencontrés. Nous avons discuté avec eux nous avons accepté de former un comité pour aller au fond de cette question. C'est le rapport de ce comité que je vous ai montré tout à l'heure, le comité conjoint du gouvernement et des maires des Laurentides. Entre le gouvernement Bourassa, qui nous a précédés, et le gouvernement actuel, lequel des deux a été le plus réceptif aux représentations des citoyens? Je pense que la réponse est claire. Le gouvernement actuel a accepté de discuter avec les citoyens. Le gouvernement Bourassa refusait de discuter avec les citoyens. C'était comme cela sur toute la ligne et c'est pour cela que les Québécois se sont débarrassés de ce gouvernement en 1976.

Il n'y a pas eu de comité des députés péquistes et il n'y a pas eu non plus de recommandation d'étendre le péage à toutes les autoroutes comme tente de le prétendre le député de Mont-Royal dans sa motion. C'est une deuxième erreur de fait qui est extrêmement grave et qui fait que c'est impossible, même pour un député qui favorise l'abolition du péage, d'appuyer une telle motion.

Dans le fond, ce que font les députés libéraux aujourd'hui, c'est essentiellement une tentative de récupération politique sur un dossier dont ils sont totalement absents, dont ils ne se sont pas occupés, mais parce qu'ils sentent qu'on approche d'une décision, ils voudraient tenter d'attribuer du mérite à leur formation politique. Pour utiliser une expression qu'un des maires des Basses-Laurentides avait utilisée entre nous lors d'une discussion... Alors qu'on voyait des gens grenouiller comme cela dans les coulisses en tentant un peu d'accaparer le mérite du travail que nous étions en train de faire, ce maire avait sorti une expression qui est fort imaginative et qui, je pense, décrit bien l'attitude des députés libéraux: "II y a des gens dans notre entourage qui tentent de voler au secours de la victoire."

M. le Président, c'est exactement ce que font les libéraux aujourd'hui en présentant une telle motion. En somme, une fois que le travail est fait, les libéraux, tout à coup, s'émeuvent, s'agitent, se précipitent pour essayer de s'attribuer du mérite dans un dossier dont ils ne se sont pas occupés du tout depuis qu'ils sont dans l'Opposition et dont ils se sont mal occupés quand ils étaient au gouvernement. D'ailleurs, je les comprends de s'être abstenus depuis qu'ils sont dans l'Opposition et de ne pas avoir voulu trop se mouiller dans ce dossier jusqu'à ce jour parce que le gouvernement Bourassa, que les Québécois ont dû endurer entre 1970 et 1976, a contribué plus que tous les autres

gouvernements antérieurs et postérieurs à l'incohérence de la situation actuelle où on retrouve 290 kilomètres d'autoroutes à péage et environ 2400 kilomètres d'autoroutes gratuites.

En 1973-1974, ces gens ont imposé un péage sur la nouvelle autoroute 13 à Laval. En 1975 ou 1976, ils ont imposé un péage sur le prolongement de l'autoroute des Laurentides dans le bout de Sainte-Adèle. Or, en même temps, dans d'autres régions du Québec, sur des autoroutes comme la À-5, la À-30, la À-50, la À-73, ils n'imposaient pas de péage. Ce n'est pas l'autoroute À-20 qui a été faite en partie avec des subventions fédérales. Ce sont toutes des autoroutes bâties par le gouvernement du Québec. Et ce gouvernement, pendant qu'il taxait les Lavallois, pendant qu'il taxait les gens des Laurentides, bâtissait des autoroutes ailleurs et la circulation se faisait gratuitement.

Une voix: C'est cela.

M. Rodrigue: Voilà l'incohérence de ce gouvernement, M. le Président. C'en est une illustration. Évidemment, quand les Québécois voudront faire l'analyse des décisions du gouvernement Bourassa, ils vont trouver beaucoup d'autres incohérences du même genre, mais celle-ci illustre abondamment le genre de position incohérente que ce gouvernement a adoptée pendant toute la période où il a été au pouvoir, c'est-à-dire entre 1970 et 1976.

J'ai parlé de la députée de Chomedey qui était ministre à cette époque, mais M. le député de Mont-Royal, l'auteur de la motion, était également député de cette formation politique à ce moment-là et il siégeait sur les banquettes du gouvernement Bourassa. Qu'a-t-il dit, lorsque les citoyens de Laval et des Basses-Laurentides ont présenté la pétition? Est-ce qu'il s'est levé à l'Assemblée nationale pour appuyer cette pétition? Il faudrait chercher longtemps pour trouver une trace d'intervention de sa part pour appuyer ces citoyens. Tout à coup, aujourd'hui, il se réveille. Cela devient important de prendre position, d'appuyer les revendications des citoyens. M. le Président, quand les gens agissent comme cela, je pense que les citoyens du Québec ne sont pas bêtes, ils sont capables de lire entre les lignes. À ce moment-là, ils savent où est la sincérité dans les actions et dans les attitudes et ils savent où est l'hypocrisie.

M. le Président, j'aurais bien des choses à dire là-dessus. Malheureusement, vous me faites signe que mon temps de parole achève. Je voudrais vous dire, en conclusion, que le gouvernement du Parti québécois, en particulier celui qui vous parle, en compagnie du député de Groulx et du nouveau ministre du Revenu, le député de Prévost, nous nous sommes occupés de la question du péage sur les autoroutes à Laval et dans les Basses-

Laurentides et je veux assurer les citoyens de ces régions que nous nous en occupons encore et pour de vrai. Je pense que le travail que nous avons fait en collaboration avec les maires des Laurentides va porter ses fruits. Ce travail a été fait d'une façon extrêmement sérieuse. Je pense qu'il y a lieu que nous en soyons tous fiers, tous ceux qui ont participé aux travaux du comité et à la rédaction de son rapport. Je pense que le sérieux et la solidité des arguments qui sont là-dedans vont faire en sorte que la solution qui pourra finalement être retenue par le gouvernement sera de nature à satisfaire nos concitoyens.

(17 h 20)

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Berthier.

M. Albert Houde

M. Houde: Merci, M. le Président. J'écoutais tantôt le collègue de Vimont qui parlait de 1973-1974. On n'est plus en 1973-1974. On est en 1984, que je sache. L'histoire des grand-mères, je pense que c'est peut-être passé aujourd'hui, avec les autoroutes à péage. Lorsqu'il parlait de quelques centaines de signatures, la députée de Chomedey... M. le député de Vimont pourrait peut-être regarder et s'intéresser à ce qu'on dit. II n'y a pas de différence entre s'en aller de la Chambre, ne pas écouter ou parler avec d'autres. J'appelle cela être absent. On voit ici: "Contestation des péages sur l'autoroute avec 60 146 signatures". Je pense que c'est quelque chose pour l'autoroute 13, M. le député de Vimont. Je pense qu'on pourrait peut-être tenir compte de quelques centaines de signatures.

M. le Président, j'aimerais apporter quelques précisions. Cela fait quelques fois que je parle des péages sur les autoroutes et plus particulièrement sur l'autoroute 40. Je voudrais demander au ministre - il n'était pas là dans le temps, mais de toute façon, il était membre du Conseil des ministres que nous avons actuellement - quelle étude a été faite en 1981 pour faire des promesses comme celle-là? Quelle étude? Pourtant, c'est le gouvernement péquiste qui est encore là. Ici, dans l'Avenir de l'Est du mardi, 25 mai 1982: "Diminution du tarif au poste de péage de Charlemagne. M. Parizeau, où est donc passée votre promesse?" Je vais vous en lire un petit bout pour rappeler aux gens d'en face que si on parle tellement des postes de péage aujourd'hui, c'est parce que c'est nous qui avons fait les autoroutes, le Parti libéral. C'est nous qui avons installé aussi des postes de péage. Si cela dépendait de vous, le Parti québécois, vous n'auriez pas de poste de péage, parce que vous n'auriez pas fait d'autoroutes. On se promènerait

peut-être encore dans des chemins de gravier. Ne nous enlevez pas ce qu'on a fait.

Je vais lire quelques mots, parce que cela fait quelques fois que j'en parle. Je voudrais apporter des précisions à ce que j'ai avancé. C'est toujours l'Avenir de l'Est qui parle: "À l'instar de la grande majorité des électeurs du comté de l'Assomption, les signataires de cette lettre s'élèvent avec indignation du fait que le député-ministre de l'Assomption, M. Jacques Parizeau, ait si brutalement trompé la population au sujet d'une promesse électorale durant la campagne d'avril 1981. M. Parizeau avait alors dit à une conférence de presse, en 1981: "Le tarif exigé à la barrière de péage de Charlemagne sera de 0,10 $ durant les heures de pointe, le temps d'adopter les motions et les documents nécessaires et de changer le filage du système de perception", avait-il ajouté. Or, en plus de ne pas respecter cette promesse électorale, le député - M. Parizeau - de l'Assomption, se fait complice d'un affront impardonnable vis-à-vis de la population. Au lieu de diminuer le tarif, M. Parizeau, par la voie de son complice des Transports, annonce qu'il devra doubler les postes de péage." Cela fait plusieurs fois que je répète aux gens d'en face que les postes de péage devaient être diminués et possiblement être enlevés. Où sont les promesses du Parti québécois?

Lorsqu'on parle des postes de péage à 0,50 $, vous savez que dans mon comté, j'en ai deux et pour aller à Montréal, il y en a un troisième. On voit le ministre Parizeau qui a, aux heures de pointe, dans son cas, non pas diminué à 0,10 $, mais diminué à 0,35 $. Les autres paient, par exemple. On voit le député de Vimont qui disait tantôt: Quelle injustice auprès des contribuables, les payeurs des postes de péage! Que fait le ministre Parizeau? Ce n'est pas notre ministre à nous, je crois. C'est votre ministre à vous et en plus de diminuer à 0,10 $, il l'a augmenté à 0,35 $ et nous, dans les comtés de Berthier et de Juliette, nous payons 0,50 $ toute la journée. Où est la justice? M. le député de Vimont, ne partez pas'. Assoyez-vous! Écoutez-moi! Je vais vous parler de l'injustice que vous pratiquez. Ce n'était pas en 1978 ou en 1980. C'est en 1984. C'est vous qui pratiquez l'injustice. C'est bien pour dire: Parfois, ce qu'on dit nous retombe sur le nez. Pas trois ans après; trois minutes après.

M. Blouin: Ce sont les maires...

M. Houde: Non, non, ce ne sont pas les maires. Que le député de Rousseau ne soit pas inquiet. Cela vous touche peut-être un petit peu parce que c'est près de chez nous. Mais c'est tout le monde qui paie encore pour vous autres, pour les gestes que vous posez et qui ne sont pas honnêtes.

On voit un titre dans la Voix de l'Est. "Les abus du ministre Clair". C'était dit par M. Guy Crevier: "Combien de Montréalais auront encore le goût d'emprunter nos pistes de ski lorsqu'il leur faudra, dans certains cas, défrayer jusqu'à 8 $ pour le seul privilège d'utiliser les autoroutes des Cantons de l'Est"? Dans mon comté, il y a une belle pente de ski qui fonctionne depuis environ trois ans. On y a investi plusieurs centaines de milliers de dollars et, apparemment, ils sont encore prêts à investir d'autres centaines de milliers de dollars pour donner encore plus de services aux skieurs. Lorsque des choses semblables se passent, nous en sommes privés. Il y a beaucoup moins de gens qui viennent dans notre région à cause des postes de péage.

Lorsque je vois des jeunes qui veulent investir de l'argent là-dedans, je ne sais pas si le gouvernement péquiste tient compte des PME. Des PME qui seraient capables de créer des emplois. D'abord, vous savez que les PME sont les premières en place pour créer des emplois et pour donner quelque chose à manger sur la table, chaque jour. Lorsqu'on parle de tourisme, vous savez que c'est la deuxième industrie la plus importante au Québec. Il faudrait peut-être en tenir compte lorsqu'ils vont prendre une décision finale. Il ne faudrait peut-être pas dire: Lorsqu'ils vont prendre une décision finale, parce que je pense que la décision est déjà prise, ils vont enlever les postes de péage. Au lieu de les avoir enlevés en 1981, après avoir été réélus, ils ont fait languir les gens, ils ont fait dépenser des énergies et de l'argent pour les enlever bientôt. Car les postes de péage ne resteront pas là, j'en suis sûr et certain. D'ailleurs, je l'ai dit dans mon énoncé la semaine dernière, lorsque...

M. le Président, qui est président de l'Assemblée nationale? Est-ce vous ou est-ce le leader adjoint qui doit me dire que j'ai fini? Il me semble que...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le député de Berthier, vous n'avez qu'à m'aviser s'il y a quelque chose qui se passe. Vous l'avez fait. Mais, actuellement, il n'y a pas eu d'intervention vous empêchant de poursuivre. Vous pouvez continuer jusqu'à 17 h 30. Je vous aviserai quand votre temps sera écoulé. Il n'y a pas d'autres personnes qui peuvent ou qui doivent vous aviser, sinon la présidence.

M. Houde: Merci M. le Président. D'abord, je vous demanderais, si vous le voulez bien, que les gens s'asseoient. Ainsi, ils ne se promèneront pas à gauche et à droite et ne nous dérangeront pas quand on parle. Il a un siège comme le mien, lui aussi. Merci M. le Président.

Est-ce qu'on devrait tenir compte de la déclaration du premier ministre René

Lévesque, lorsqu'il disait: "Certainement, je serais d'accord. J'aurais été d'accord pour signer la pétition afin d'enlever les postes de péage. Certainement". Il me semble qu'il pourrait peut-être en tenir compte et en parler lorsqu'il y a des comités qui sont formés, lorsqu'il y a un comité formé pour enlever les postes de péage. Il pourrait peut-être utiliser son prestige pour dire: Écoutez, les gars, on a assez patiné; on a assez causé de déplacements pour les maires des municipalités et des villes concernées. Il y a même des députés péquistes qui se sont réunis aussi. Pour faire quoi? Je ne sais pas. C'était peut-être seulement pour faire une démonstration. Je pense qu'il faudrait arrêter de faire niaiser tout le monde et dire: On sait que les postes de péage ne sont plus à la hauteur de la situation dans la province de Québec. Dans tout le Canada, on est la seule province actuellement qui charge encore des frais de péage, en 1984, pour certaines régions données. Dans mon comté, cela nous affecte énormément parce que, lorsque les gens partent de Berthierville, ou plus bas dans le comté, ou même du nord, et qu'ils ont à payer deux ou trois fois, allant et venant, cela coûte de l'argent et cela pénalise nos commerces.

Vous savez, la marge de profit est tellement mince aujourd'hui, je pense qu'il faudrait en tenir compte au plus vite et le faire le plus tôt possible. (17 h 30)

En terminant, M. le Président, si vous me le permettez, je voudrais endosser l'avis que mon collègue de Mont-Royal a présenté devant cette Assemblée pour que les postes de péage sur les autoroutes du Québec soient enlevés immédiatement. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Groulx.

M. Élie Fallu

M. Fallu: M. le Président, je désire vous prendre à témoin ici, en cette Chambre, vous qui habitez au bout d'une autoroute à péage. Lorsque, le 21 de ce mois, vers 15 h 35, la présidence m'a accordé la parole et que j'ai fait allusion à un rapport des élus, vous avez immédiatement saisi qu'il s'agissait de ce rapport. Vous connaissez les faits, vous connaissez l'histoire récente, celle qui s'est passée l'été dernier.

Lorsque j'ai parlé d'un des huit scénarios qui avaient été étudiés par le comité, vous avez su également qu'il s'agissait des huit hypothèses étudiées par le comité, dont vous connaissez d'ailleurs toutes les conclusions. Il est manifeste que ce que vous savez, vous, M. le Président, habitant au bout d'une autoroute à péage, le député de Mont-Royal, lui, ne le connaît pas, ou qu'il confond tout. Mais là, je ne veux pas lui prêter de telles intentions car ce serait laisser entendre qu'il est de mauvaise foi, qu'il est malhonnête; je ne peux donc pas supposer un instant qu'il le soit, le règlement ne me le permettant pas.

Je suis cosignataire d'un rapport fait par un comité d'élus. Qui sont ces élus? Les signatures apposées: Jean-Guy Rodrigue, député de Vimont, coprésident; Robert Dean, député de Prévost; Élie Fallu, député de Groulx; Paul Mercier, maire de Blainville, coprésident; Guy Belisle, maire de Saint-Eustache; Jean Blanchard, maire de Sainte-Thérèse; Bernard Parent, maire de Saint-Jérôme; Guy Théoret, maire de Sainte-Adèle. Voilà pour le comité des élus.

Qu'est-ce que le comité recommandait finalement? J'ai l'impression que le député de Mont-Royal n'a pas encore pris connaissance de ce rapport pourtant rendu public, de mémoire, le 26 octobre dernier. Rapidement, je me permettrai de lire les principales recommandations. D'abord, à propos du financement du réseau autoroutier du Québec, nous disions: La caractéristique principale du mode de financement du réseau autoroutier du Québec est son manque d'uniformité. Est-il besoin d'en dire davantage quand on sait qu'il y a 2360 kilomètres sans péage contre 290 seulement avec péage?

Ainsi, dans la région de Laval et des Basses-Laurentides, deux autoroutes, la 13 et la 15, sont à péage alors que quatre autoroutes, la 19, la 25, la 440 et la 640, sont gratuites. De même, sur la rive nord du Saint-Laurent, l'autoroute de la rive nord, la A-40, est à péage entre Montréal et Berthier et sera gratuite sur le reste de son parcours jusqu'à Québec. Vous savez qu'il n'y a que 40 kilomètres qui ne sont pas terminés encore et qui le seront au cours de l'été.

De la même façon, nous soulignions que les automobilistes des Cantons de l'Est sont dotés d'une autoroute à péage, la A-10 -c'est chez vous, M. le Président - alors que ceux de la rive sud du Saint-Laurent peuvent circuler gratuitement sur une autoroute d'une longueur de 500 kilomètres, la À-20. Il s'agit là de quelques cas parmi d'autres. J'ai voulu souligner en cette Chambre, notamment -c'est sans doute cela qui a réveillé le député de Mont-Royal - le cas du West Island ou de la région de Québec.

À la lumière de ces exemples, soumettait-on, le comité est d'avis qu'il faut retenir l'argument des usagers et des organismes qui soutiennent que la politique actuelle de financement du réseau autoroutier du Québec est discrétionnaire et inéquitable pour les usagers soumis au péage. Le comité constate que le gouvernement actuel n'est pas l'unique ni le principal responsable de cet état de fait. Tout à

l'heure, le ministre des Transports et mon collègue de Vimont l'ont démontré. L'analyse des décisions des différents gouvernements qui se sont succédé à Québec depuis l'entrée en vigueur de la première autoroute à péage, sur l'autoroute Montréal-Laurentides, qui passe chez moi, démontre une absence de cohérence dans l'approche du financement du réseau autoroutier du Québec dès les premières années de sa mise en service, c'est-à-dire notamment le fait qu'on ait baissé les taux en I960 de 0,25 $ à 0,10 $ aux heures de pointe. Le comité est d'avis qu'il faut mettre fin à cette incohérence et, en conséquence, nous recommandions que le gouvernement du Québec se donne une politique uniforme de financement de son réseau autoroutier.

Immédiatement après, nous soulignions que ce mode de perception d'une taxe était à très faible rendement. Nous l'illustrions de la façon suivante: chaque fois que l'usager dépense 120 $, il dépense 20 $ pour de l'essence, 20 $ pour la collecte du péage, alors il ne rentre dans les coffres de l'État que 80 $. Il est manifeste que c'est une taxe à très faible rendement. En conséquence, le comité recommande que le péage soit aboli comme mode de financement du réseau autoroutier.

Ces gens, ces membres du comité venaient donc du gouvernement, c'est-à-dire des gens qui doivent prendre les responsabilités collectives de l'État, et les maires de la région, c'est-à-dire des élus habitués à faire des budgets, habitués à faire de la gestion publique, des gens responsables.

Après avoir étudié un certain nombre de modalités de financement de remplacement du réseau autoroutier à péage, le comité était par ailleurs d'avis que l'abolition du péage ne doit pas avoir pour effet de priver le gouvernement de revenus nécessaires au maintien et à l'amélioration du réseau autoroutier du Québec. C'était donc un constat de pleine responsabilité de nos signatures.

S'il s'avérait que les revenus nets produits par le péage soient indispensables à l'atteinte de cet objectif, etc., et entre autres, comme scénario, nous avions avancé qu'il pourrait en coûter 0,06 $ le litre d'essence en termes de remplacement des péages autoroutiers, c'est à dire - c'était la recommandation que nous faisions au gouvernement - qu'à l'occasion de la prochaine baisse de la taxe spéciale, le gouvernement pourrait maintenir les 0,06 $ temporairement ou encore - et voilà le sens de notre recommandation - que le péage soit remplacé par une ou plusieurs formes de taxe à l'usager de la route si les revenus actuellement produits par cette source sont requis pour le maintien et l'amélioration des routes du Québec.

Les maires, vous le savez, M. le Président, sont des gens responsables, habitués à faire des budgets annuels et très serrés d'ailleurs, parce que la loi les oblige à avoir un équilibre entre les recettes et les dépenses. Toutefois nous soupçonnions déjà, à la fin de l'été, que la reprise économique pourrait être suffisante, permettre de nouvelles entrées dans les caisses de l'État et qu'on n'aurait peut-être pas à maintenir ceci que nous avions néanmoins inscrit dans notre proposition.

Qu'est-ce que nous avions recommandé d'une façon centrale? Vous me permettrez de lire en entier notre quatrième recommandation. Il s'agit d'hypothèses de financement du réseau autoroutier du Québec: "Afin de bien cerner toute la problématique du financement des autoroutes du Québec, le comité a décidé de faire une analyse détaillée de huit hypothèses de financement allant de l'abolition totale et immédiate du péage à son extension à l'ensemble du réseau autoroutier en passant par le maintien du péage comme mode de financement temporaire ou partiel. Les avantages et inconvénients présentés pour chacune de ces hypothèses ont été analysés en détail et ont été exposés dans ce rapport. Le comité est d'avis que, parmi les scénarios analysés, seuls les scénarios 1, 2 et 8 présentent des caractères d'équité et d'uniformité recherchés, c'est-à-dire: abolition immédiate, abolition progressive ou uniformisation des péages. Toutefois, la recommandation était la suivante: "En conséquence, le comité recommande que le scénario no 1 comportant l'abolition totale et immédiate du péage soit retenu." (17 h 40)

M. le Président, après avoir travaillé pendant plusieurs mois avec mes collègues et les élus régionaux, je maintiens toujours, après 625 pages de texte, que le péage doit être aboli immédiatement.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Nous avons donc à débattre de la motion du député de Mont-Royal qui incite cette Assemblée à rejeter la thèse qui voudrait que le gouvernement veuille étendre le péage sur les autoroutes du Québec à l'ensemble des autoroutes du Québec. Le député de Mont-Royal conclut dans sa motion qu'on devrait plutôt abolir le péage sur les autoroutes.

Cette motion nous donne l'occasion de discuter, d'une façon sommaire, je dois l'avouer, d'un problème extrêmement important: le péage sur les autoroutes. On se

souviendra qu'il y a une vingtaine d'années, quand le gouvernement du Québec a commencé à construire des autoroutes, principalement l'autoroute des Laurentides, on avait instauré un tarif de 0,25 $ aux principaux postes de péage. Subséquemment, d'autres autoroutes, dont l'autoroute des Cantons de l'Est, ont été construites et on a encore instauré un système de péage. Un peu plus tard, sous un gouvernement libéral, il faut bien le dire, le péage a été diminué aux heures de pointe de façon à permettre aux travailleurs d'utiliser les autoroutes sans être trop pénalisés. Le système a duré ainsi pendant un certain temps. Un peu plus tard, le gouvernement a décidé de construire d'autres autoroutes et, à ce moment-là, on n'a pas instauré de péage. C'est à partir de ce moment que le problème s'est posé, un problème de justice à l'endroit de tous les citoyens du Québec. Pourquoi, dans certains cas, y a-t-il des péages et pourquoi n'y en a-t-il pas dans d'autres?

Subséquemment, nous avons eu droit, il y a deux ans, à un déluge d'augmentation de la part du gouvernement du Parti québécois. Le ministre des Transports, à l'époque, a décidé, un bon jour, d'augmenter et de doubler les péages de 0,25 $ à 0,50 $ sur les quelques autoroutes existantes où il y avait des postes de péage. On a aboli le tarif préférentiel aux heures de pointe et on nous a annoncé, pour les prochaines années, une augmentation de 0,10 $ par année, de sorte qu'on aurait dû, au mois d'avril dernier, augmenter le tarif de 0,10 $. Le gouvernement s'est rendu compte que cela n'avait pas de sens et, depuis deux ans, il s'asseoit sur ce qu'il appelle un moratoire sachant qu'il a déjà poussé à la limite la taxation sur les autoroutes.

Je pense que cette attaque en règle du gouvernement du Québec contre l'automobiliste est un bon indice de la politique et de la philosophie de ce gouvernement. Le gouvernement du Parti québécois est un gouvernement qui a fait en sorte d'égorger l'automobiliste. Cela me rappelle cette fable de Lafontaine où on parlait des animaux malades de la peste. Je puis dire que nous avons eu un ministre quelque peu clair qui a prouvé par sa harangue qu'il fallait sacrifier ce maudit animal, ce pelé, ce galeux d'où venait tout le mal. On parle évidemment de l'automobiliste. La fable de se terminer en disant que seule la mort pouvait permettre d'expier son forfait. Et on le lui fit bien voir.

C'est exactement ce que le gouvernement cherche, la mort de l'automobiliste. On l'a taxé et surtaxé depuis deux ou trois ans. On a doublé le péage des autoroutes. On a augmenté la taxe sur l'essence avec la taxe ascenseur du ministre Parizeau. Il l'a diminuée quelque peu récemment, mais il ne l'a jamais ramenée au niveau où elle était auparavant. Nous sommes encore les plus taxés sur l'essence en Amérique et de beaucoup. Il faut se promener en dehors du Québec pour s'en rendre compte. On a augmenté les droits sur les enregistrements, sur les plaques, sur les assurances. On a tout augmenté. Dans un projet qui avait été déposé l'an dernier à l'Assemblée nationale dans un livre blanc, on a proposé de mettre une taxe additionnelle sur le stationnement dans le centre-ville de Montréal.

Voilà un gouvernement qui s'est acharné sur les automobilistes et on ne sait pas pourquoi. L'automobiliste c'est quelqu'un, c'est vous, c'est moi, c'est tout le monde qui a le droit comme tout le monde de voyager comme il l'entend. Nous sommes entièrement en faveur du transport en commun. Le Parti libéral est celui qui, pour la première fois, a subventionné le transport en commun. Par contre, on ne peut pas forcer tout le monde à prendre le transport en commun. Il y a des gens pour qui cela ne convient pas, des gens qui doivent circuler pour aller travailler à des endroits où cela ne peut pas marcher. Je ne vois pas pourquoi on pénaliserait les gens qui décident d'utiliser leurs voitures pour se transporter eux-mêmes. Et en instaurant des mesures comme celles qu'on voit présentement, comme celles qu'on a vues, on a créé des injustices à l'endroit de ces gens.

Qu'est-ce qu'on doit faire avec le péage sur les autoroutes? Si on veut être juste envers tous les Québécois, il y a deux solutions. Ou bien, comme l'aurait suggéré dans une de ses hypothèses le comité de députés péquistes, on l'étend à toutes les autoroutes du Québec, ou bien on est logique et on l'abolit. On fait l'un ou l'autre, mais on ne continue pas à pénaliser dûment une partie de la population alors que l'autre partie de la population n'est pas du tout taxée pour les mêmes services. Le Parti libéral a fait une étude aussi de cette question et récemment le porte-parole du parti en cette matière, le député de Mont-Royal, donnait une conférence de presse dans laquelle il donnait les conclusions de cette étude. Les conclusions sont simples. Pour toutes les raisons que le député de Mont-Royal lui-même a énoncées plus tôt, on en est venu à la conclusion que, étant donné les coûts de perception et d'administration, les coûts sociaux, la pollution, l'environnement, nous en sommes venus à la conclusion qu'il valait mieux abolir tout simplement, le péage sur les autoroutes, de façon que nous obtenions cet idéal de justice distributive dont je vous parlais tout à l'heure. C'est la première conclusion: abolir immédiatement le péage sur les autoroutes du Québec.

Deuxièmement: préparer une politique de développement et d'entretien des

autoroutes, dont le financement devrait s'encadrer dans des politiques générales de fiscalité, donc, payées par le fonds consolidé du Québec.

Troisièmement, procéder à une révision majeure de la Loi sur la voirie. Voilà une position qui est claire, non équivoque, et qui a l'avantage d'être équitable par les Québécois. Avantage additionnel, je pense que ce n'est pas peu, nous aurons à ce moment la possibilité de voir le trafic se faire beaucoup plus rapidement sur les autoroutes du Québec. Il faut venir d'une région comme la mienne, la rive sud de Montréal pour savoir comment cela peut être fastidieux, le matin, d'attendre sur les ponts - et à Laval aussi il y a des ponts - lorsque ces ponts sont bloqués par le péage. Sur la rive sud nous avons un péage sur lé pont Champlain et cela retarde la circulation. Mais à Laval, c'est encore pire: il y a deux autoroutes, et il y a plusieurs postes sur chacune de ces autoroutes. En ce qui concerne la rive sud, nous avons, bien sûr, l'autoroute des Cantons de l'Est où il y a plusieurs postes de péage. Quand il y a une circulation importante, les postes de péage retardent encore plus la circulation et les travailleurs qui veulent se rendre à leur travail sont pénalisés, sans compter les problèmes de pollution que cela apporte.

Il m'apparaît évident qu'on est rendu à un point où on doit abolir le péage sur les autoroutes. D'ailleurs, le Québec est la seule province canadienne qui impose un péage sur les autoroutes. On connaît quelques péages aux États-Unis, mais le Québec impose des taux beaucoup plus élevés que partout ailleurs en Amérique du Nord. Il y a un endroit - je dois vous le dire - où le péage est plus élevé qu'au Québec, c'est en France. Il faut se rendre en France pour savoir combien les autoroutes sont onéreuses. Cela n'a pas de bon sens. On sait que le Parti québécois a cette manie de copier tout ce qui se fait en France. On s'ennuie de la France et on veut faire en sorte que le Québec... D'ailleurs, l'ancien vice-premier ministre voulait qu'on ait la double citoyenneté, française et canadienne. Cette manie va jusqu'à vouloir copier ce qu'il y a de plus mauvais en France. Et en France, les autoroutes sont très onéreuses. Tellement d'ailleurs que bien des gens ne peuvent même pas les utiliser.

J'en conclus que le député de Mont-Royal a parfaitement raison. L'étude qu'il a faite, je pense, est assez substantielle, ainsi que ses arguments, pour prouver le bien-fondé de son énoncé. Dans ces conditions, il me fait plaisir d'appuyer la proposition du député de Mont-Royal et de recommander l'abolition du péage sur toutes les autoroutes du Québec. Je vous remercie. (17 h 50)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Pierre de Bellefeuille

M. de Bellefeuille: M. le Président, je me demande dans quelle mesure nous sommes en train d'éclairer la population sur cette question du péage sur les autoroutes. Vous vous souvenez comme moi que l'année dernière, lorsque Me Claude Forget a démissionné comme député de Saint-Laurent, il a déploré le poids de la ligne de parti qui fait que les députés sont amenés à soutenir des querelles partisanes qui n'ont peut-être pas beaucoup de rapport avec les problèmes qu'ils sont censés discuter.

Vous savez comme moi que nous sommes en train de traverser une époque importante dans la vie de notre Parlement, cette période de réforme parlementaire. Il me semble qu'un aspect important de la réforme parlementaire - ce n'est peut-être pas dit dans les textes, puisque la réforme dans les textes parle surtout des structures -c'est une réforme des mentalités qui ferait en sorte que nous ferions plus d'efforts pour mettre de côté l'esprit de parti, plus d'efforts pour travailler ensemble comme parlementaires, pour discuter des problèmes et chercher à découvrir de meilleures solutions.

À propos du péage sur les autoroutes, il est absolument évident que c'est le Québec dans son ensemble, la société québécoise, qui a eu à faire face au cours des années à un problème difficile, le problème de l'aménagement des autoroutes et le problème de leur financement. C'est un problème difficile. La société québécoise a eu à y faire face et ses gouvernements successifs également. Les autoroutes, cela a commencé sous l'Union Nationale; ensuite, cela a été le Parti libéral; cela a été de nouveau l'Union Nationale et ensuite, cela a été le Parti québécois. Les gouvernements de trois partis ont eu à faire face à ces problèmes difficiles. Qu'on se mette à s'engueuler d'un côté et de l'autre de la Chambre pour dire: C'est ta faute. Non, c'est ma faute. Non, c'est ta faute. Je pense que ce n'est pas vraiment prendre la population très au sérieux. C'est penser que la population va tomber dans ce genre de piège partisan.

Le dernier intervenant qui m'a précédé et qui était bien parti - la fin, c'était moins bien, mais enfin! - avait résumé assez bien les circonstances à la suite desquelles on s'est trouvé dans une situation un peu incohérente. Il y avait un principe qui devait guider le gouvernement du Québec pour savoir où il y aurait des péages sur les autoroutes, à l'origine. C'était la question de savoir si l'autoroute était bâtie avec une parallèle, près d'une route parallèle réunissant les mêmes points. Lorsqu'il y avait

une parallèle tout près et que, par conséquent, l'automobiliste et le camionneur avaient le choix entre l'autoroute et l'autre route, le péage permettait de financer la construction de l'autoroute. S'il n'y avait pas de parallèle rapprochée de l'autoroute, il n'y avait pas de péage.

C'était cela, le principe, mais le principe n'a pas été suivi. Ce n'est pas un gouvernement plus qu'un autre. On regarde depuis 1958 à peu près, il y a eu beaucoup d'incohérences. Le péage réduit de 0,10 $ qui a été introduit d'abord sur l'autoroute des Laurentides aux heures d'affluence a été une mesure très populaire, mais c'était une mesure assez contraire à l'idée même du péage autoroutier qui voulait que ce soient les gens qui utilisent les autoroutes les plus fréquemment qui portent une part plus grande du fardeau. C'était cela, le principe du péage. Cela a été une première incohérence. Ensuite, il y a eu bien d'autres incohérences. On a bâti, par exemple, l'autoroute 40 qui est presque terminée, l'autoroute de la rive nord. Il y a du péage jusqu'au comté de Berthier et ensuite, il n'y a plus de péage. On n'a jamais donné d'explication raisonnable pour justifier une telle situation. Donc, M. le Président, il s'est créé à travers ces diverses incohérences une situation dans laquelle la région de Montréal était victime d'une injustice.

Il y a bientôt deux ans, lorsque le gouvernement a décidé d'augmenter les péages. Ce qu'on faisait, c'est qu'on était face à une injustice régionale multipliée. C'est pour cette raison que les gens ont protesté. C'est pour cette raison qu'il y a eu un mouvement antipéage. Le gouvernement a mis sur pied un comité dont il a été beaucoup question cet après-midi, composé de trois députés et adjoints parlementaires et de cinq maires des Laurentides. On a bien indiqué dans le débat quelle a été la recommandation essentielle de ce comité. C'était l'abolition immédiate des postes de péage. Cela ne règle pas tout le problème. Parce qu'il y a un certain nombre de questions qui demeurent. Comment allons-nous continuer de respecter le principe qui veut que ceux qui utilisent souvent les autoroutes doivent payer une plus grande part du fardeau que les contribuables qui n'utilisent jamais les autoroutes? Cela demeure un objectif valable. Comment allons-nous faire en sorte que notre politique fiscale va continuer de freiner l'étalement urbain? Freiner l'étalement urbain est un objectif qui demeure valable. Mais il y a des moyens.

J'ai lu dans la Presse d'aujourd'hui une lettre adressée au ministre des Finances, M. Jacques Parizeau, signée par une personne que je n'ai pas l'honneur de connaître mais qui s'appelle Jacques Dagenais, de la ville de Lorraine, qui donne un exemple extrêmement intéressant: "Les Suisses ont décidé par référendum d'un péage annuel d'environ 30 $ pour les automobiles et d'environ 800 $ pour les camions pour utiliser le réseau autoroutier de la Suisse". Cela se fait par l'émission d'une vignette qu'on accole sur la voiture ou sur le camion, pour ceux qui veulent utiliser régulièrement les autoroutes en Suisse. C'est une méthode de perception qui, je pense, est plus rentable, plus efficace et moins coûteuse que le péage.

Il y a une des conclusions du rapport de députés et de maires qui dit que, comme méthode de financement, le péage n'est pas très efficace. Cela coûte trop cher de récupérer l'argent que cela rapporte. Là, il y a cet exemple d'une autre méthode qui a aussi pour effet de freiner l'étalement urbain, qui a aussi pour effet de faire payer aux usagers fréquents des autoroutes une plus grande part du fardeau. Donc, c'est une bonne méthode et c'est une méthode qui permet de supprimer totalement les péages des autoroutes, comme cela a été recommandé par le comité.

Ce comité a présenté son rapport il y a cinq mois et une semaine. Je trouve que cinq mois et une semaine, c'est long. C'est long, étant donné que le mouvement antipéage s'est mis sur pied il y aura très bientôt deux ans. Cela fera bientôt deux ans que la population de ma région proteste, qu'elle réclame l'abolition des péages sur les autoroutes. Pourquoi le gouvernement n'agit-il pas? Je ne le comprends pas. C'est une injustice dont la région montréalaise est victime. Devons-nous croire qu'aux yeux de certains, une injustice dont la victime est la région montréalaise est une bonne injustice? Qu'est-ce que cela voudrait dire? Cela voudrait-il dire que les régions qui se plaignent d'avoir été négligées voudraient maintenant que, pour ne plus les négliger, on pénalise injustement la région de Montréal? Cela voudrait dire un Québec balkanisé et je n'accepte pas cette façon de voir le Québec.

On n'est pas en train de se chicaner entre régions, on ne veut pas déclencher non plus ce genre de chicane entre régions du Québec. On a un Québec et, dans ce Québec, la région montréalaise est une région absolument essentielle, c'est le principal moteur économique du Québec. Une injustice dont la région montréalaise est victime, c'est une mauvaise injustice comme toute injustice est une mauvaise injustice, et il est impérieux de la corriger.

Je crois que, depuis huit ans bientôt, j'ai été membre d'une formation politique représentant le gouvernement du Québec et que ce gouvernement est à l'écoute de la population. Je voudrais qu'il le manifeste aujourd'hui dans ce dossier des péages d'autoroute; il est à l'écoute de la population. Il est urgent d'agir et là, je deviens un peu partisan. Chaque jour qui

passe et qui voit l'inaction du gouvernement dans le dossier du péage sur les autoroutes, ce sont, je le crains, des centaines, sinon des milliers de votes que nous perdons dans ma région. Je n'aime pas voir ce phénomène se dérouler sous nos yeux et, par conséquent, je presse le gouvernement - je sens sur mes épaules le mandat que la population me donne - de multiplier les réunions et de faire tout ce qu'il faudra pour que, d'ici une semaine ou deux, il puisse nous annoncer l'abolition immédiate des péages d'autoroute.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Orford.

M. Vaillancourt: M. le Président, étant donné l'heure, je demande l'ajournement du débat.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion d'ajournement du débat est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

M. le leader adjoint du gouvernement.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

M. Blouin: Merci, M. le Président. Conformément à l'engagement qu'avait pris le leader du gouvernement, à la suite des demandes du leader de l'Opposition, j'indique que, demain, aux affaires du jour, vers 16 heures, nous procéderons à la reprise du débat sur l'adoption du principe du projet de loi 65, Loi modifiant la Loi sur l'aide sociale. Par la suite, nous reprendrons le débat sur la prise en considération du rapport de la commission relative au projet de loi 48, Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales. À compter de 20 heures, nous prendrons en considération le rapport de la Commission des affaires sociales sur le projet de loi 60, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et, si le temps nous le permet, nous poursuivrons le débat sur la prise en considération du rapport relatif au projet de loi 48 sur les pêcheries.

Sur ce, M. le Président, je propose l'ajournement des débats à demain, 14 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion d'ajournement est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

Nos travaux sont ajournés à demain, 14 heures.

(Fin de la séance à 18 h 1)

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