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(Quinze heures cinq minutes)
Le Président: À l'ordre, mesdames et messieurs!
Nous allons nous recueillir quelques instants.
Veuillez vous asseoir.
Voeux à M. Henri Réthoré, consul
général de france
Je désire saluer la présence aujourd'hui dans les
galeries, du consul général de France à Québec, M.
Henri Réthoré, qui termine son mandat.
Au cours des années qu'il a passées à
Québec, nous avons appris à connaître et à
apprécier la compétence professionnelle de M.
Réthoré, mais au-delà, c'est un réseau
d'amitié que M. Réthoré va emporter bientôt avec lui
à Paris.
Durant son mandat, les liens entre notre Assemblée nationale et
l'Assemblée nationale française se sont renforcés,
notamment, par la mise sur pied d'une commission mixte de coopération
entre nos deux institutions.
Parallèlement, les rapports entre les gouvernements de Paris et
de Québec se sont approfondis. C'est avec la satisfaction d'avoir bien
servi la France que son consul général nous quitte; c'est aussi
avec regret que nous le voyons partir, mais ainsi va la vie diplomatique.
J'espère qu'à la faveur d'un voyage ou de vacances nous
aurons le plaisir de le revoir. En tout état de cause, en mon nom et au
nom de l'Assemblée nationale, je vais lui souhaiter nos meilleurs voeux
pour l'avenir.
M. le leader du gouvernement.
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais me joindre
à vous pour souligner le départ imminent de celui qui est devenu
un bon ami de tous les Québécois et de toutes les
Québécoises, M. Henri Réthoré.
Pour les gens qui nous écoutent, il est peut-être bon de
rappeler le profil de carrière qu'a suivi jusqu'à maintenant M.
Réthoré. Il est certifié d'études
supérieures de lettres, bachelier en droit breveté de
l'École nationale de la France d'outre-mer et aussi conseiller des
affaires étrangères de première classe.
Il a servi outre-mer de 1955 à 1961. Il a été
affecté à l'administration centrale du ministère des
Affaires étrangères avant d'être nommé a Alger,
comme premier secrétaire, puis deuxième conseiller d'ambassade
jusqu'en 1971. Sous-directeur de la coopération technique de 1971
à 1977, M. Réthoré était premier conseiller
d'ambassade à Abidjan depuis juillet 1977.
Il a été nommé consul général de
France à Québec, par décret du président de la
République, en date du 9 novembre 1979. De plus, dois-je souligner que
M. Réthoré est aussi chevalier de la Légion d'honneur et
chevalier de l'Ordre national du mérite. Je voudrais indiquer, pour
avoir eu le privilège, le bonheur, de rencontrer en plusieurs occasions
M. Réthoré, qu'il s'est distingué au cours des quatre
dernières années à Québec, au Québec comme
un consul serein, calme, mais combien efficace. Il a su, par de profondes
qualités humaines, créer avec tous nos amis du Québec des
liens qui ont permis à la fois à la France et au Québec
d'améliorer leurs relations, de les intensifier dans des secteurs
où, jusqu'à maintenant, nous n'avions pas poussé assez
loin nos efforts. Je dois dire que c'est tout à son honneur d'avoir
réussi comme consul, ici, à Québec, d'accomplir cette
transition qui, forcément, n'est jamais facile lorsqu'un gouvernement
succède à un autre, entre un gouvernement du Québec et
deux gouvernements français, de telle sorte que les relations non
seulement se sont encore intensifiées, mais se sont
améliorées sur des plans où jusqu'à maintenant les
efforts avaient été de part et d'autre relativement timides.
Donc, M. le Président, je voudrais me joindre à ces bonnes
paroles que vous avez eues à l'endroit de M. Réthoré et le
remercier pour l'efficacité toute calme et sereine de son travail et
d'avoir facilité, pour le gouvernement du Québec,
l'amélioration et l'intensification de fructueuses relations entre le
Québec et la France.
Le Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: M. le Président, vous me permettrez seulement
quelques mots pour joindre notre voix à la vôtre et à celle
du leader du gouvernement à l'occasion du départ de M.
Réthoré. J'ai eu le privilège d'assister, à midi,
au déjeuner que vous avez offert à l'occasion de son
départ. Ce qui m'a frappé, c'est les paroles que M.
Réthoré a prononcées. Elles témoignaient de son
attachement au Québec et à son peuple
après ces quatre années de service bien remplies au nom de
son pays, la France. Je voudrais simplement lui témoigner la
reconnaissance qui nous anime à l'occasion de son départ et aussi
lui souhaiter une carrière longue et fructueuse, car on sait, comme vous
l'avez dit, que cette carrière diplomatique est truffée de
départs et d'arrivées. Je pense que M. Réthoré a
bien mérité, ici au Québec, à l'occasion de son
mandat comme consul général à Québec et nous lui
souhaitons une très fructueuse carrière à l'avenir. Merci,
M. le Président.
Le Président: Aux affaires courantes, il n'y a pas de
déclaration ministérielle ni dépôt de documents ni
dépôt de rapports de commissions. En fait, pour tout dire, cela
nous mène à la période de questions des
députés. M. le député de Viger.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
M. Maciocia: M. le Président, ma question s'adresserait au
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, mais je vois qu'il est
absent. Pourrait-on savoir s'il est présent aujourd'hui ou non?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Je voudrais dire au député de Viger
que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme sera normalement
à l'Assemblée nationale demain.
Le Président: M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: Je m'excuse...
M. Brouillet: M. le Président, je me suis levé bien
avant que j'aperçoive un membre de l'Opposition. À tantôt
normalement?
Le Président: Subséquemment, M. le
député.
M. Brouillet: Très bien, merci.
Le Président: M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: Je m'excuse, j'étais dans la lune,
temporairement!
Est-ce que le ministre délégué aux Relations avec
les citoyens sera présent aujourd'hui, M. le leader, s'il vous
plaît?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je n'ai pas d'information
à savoir que le ministre délégué aux Relations avec
les citoyens ne serait pas à la période de questions aujourd'hui.
Normalement, il devrait être ici et probablement arrivera-t-il d'une
minute à l'autre. Je n'ai pas d'information à savoir qu'il soit
absent.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Ma question s'adresse au ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Quant au ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, vous surprendra-t-il d'apprendre qu'il se
trouve en ce moment à Ottawa pour une conférence
fédérale-provinciale sur les pêcheries?
Le Président: M. le député de Nelligan, M.
le ministre délégué aux Relations avec les citoyens est
parmi nous, vous pouvez poser votre question.
La hausse du prix de l'essence
M. Lincoln: Je voudrais poser une question au ministre
délégué aux Relations avec les citoyens pour faire suite
à la question qui a été posée l'autre jour par mon
collègue de Jeanne-Mance au ministre de l'Habitation et de la Protection
du consommateur au sujet du prix de l'essence. Nous voudrions vous demander, M.
le ministre, si vous, comme ministre délégué aux Relations
avec les citoyens, ou votre collègue de l'Habitation et de la Protection
du consommateur, avez fait quelque pression que ce soit sur les compagnies
d'essence pour protester contre le prix inéquitable de l'essence qui a
à peine changé depuis la réduction de la taxe ascenseur du
ministre des Finances.
Le Président: M. le ministre délégué
aux Relations avec les citoyens.
M. Lazure: M. le Président, tout en estimant la
gravité de la situation pour les consommateurs qui sont, jusqu'à
un certain point, les victimes d'une certaine pratique, le député
de Nelligan va sûrement comprendre que l'objet premier de mon action ou
de mon mandat consiste non pas à agir comme superviseur des pratiques
commerciales, mais plutôt comme un membre du Conseil des ministres qui
travaille avec ses collègues dans le but d'améliorer les services
gouvernementaux. Je veux bien me rendre disponible pour offrir le plus de
services
possible aux citoyens, mais vous comprendrez que notre action doit
d'abord et avant tout porter sur la qualité des services gouvernementaux
aux citoyens, ce à quoi je m'emploie avec mes collègues.
M. Lincoln: M. le Président.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: Le ministre de l'Habitation et de la Protection du
consommateur n'est pas présent aujourd'hui. On apprend qu'il est en
dehors du Québec. L'autre jour, nous lui avons posé une question
spécifique. Il n'avait pris aucune mesure auprès des compagnies
pétrolières. Peut-on vous demander de faire vous-même en
son nom et en votre nom personnel - puisque vous avez à coeur les
intérêts des citoyens, je l'espère - des
représentations auprès du Conseil des ministres pour que des
pressions soient faites le plus tôt possible sur les compagnies
pétrolières pour nous assurer que cette situation tout à
fait inéquitable puisse être rectifiée le plus tôt
possible?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Relations avec les citoyens.
M. Lazure: M. le Président, je m'engage volontiers
à discuter de la question avec mon collègue aussitôt qu'il
sera de retour et, s'il le faut, à débattre la question avec les
autres collègues du Conseil des ministres.
M. Lincoln: Pourriez-vous nous dire si vous ou le ministre des
Finances ou le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur
avez discuté jusqu'à maintenant de la question au Conseil des
ministres ou vous êtes-vous préoccupés de présenter
cette question très importante pour les citoyens ou les consommateurs
devant le Conseil des ministres jusqu'à présent?
Le Président: M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, je ne pense pas que ce soit la
coutume dans cette Chambre de faire rapport ou de faire des commentaires sur
les sujets discutés au Conseil des ministres. Je peux simplement assurer
le député de Nelligan et les consommateurs qui se sentent
lésés que je vais discuter de la question avec mon
collègue aussitôt qu'il sera revenu. S'il le faut, nous en
discuterons avec nos autres collègues qui sont touchés par cette
situation que nous souhaitons tous voir corriger.
M. Pagé: M. le Président.
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Question additionnelle sur le sujet. Vous
comprendrez qu'on doive adresser aujourd'hui nos questions au ministre
délégué aux Relations avec les citoyens car le premier
ministre est absent, le vice-premier ministre est absent, le ministre
chargé de la Protection du consommateur est absent...
M. Lalonde: II est en Egypte.
M. Pagé: II est apparemment parti en Égypte. Et,
vous, vous n'avez pas payé l'augmentation sur l'essence, votre essence
est fournie par le gouvernement. Pouvez-vous donner une assurance aux milliers
de citoyens et de citoyennes qui se sont vu infliger une hausse substantielle
du coût de leur essence depuis une semaine? On a posé des
questions, mais on n'a eu aucune réponse. Qu'est-ce que vous vous
engagez à faire?
Une voix: Allez donc à Ottawa!
M. Pagé: À Ottawa, c'est vous qui voulez y
aller!
Le Président: À l'ordre!
M. Pagé: Ma question au ministre est la suivante. On exige
du gouvernement qu'il communique dans les meilleurs délais avec les
compagnies pétrolières et qu'il intervienne dans la
défense des intérêts des consommateurs du Québec.
Est-ce que le ministre délégué aux Relations avec les
citoyens peut prendre l'engagement de soumettre cette question au Conseil des
ministres qui, je le présume, va se réunir quand même
mercredi? Il ne faut pas attendre que tout le monde soit revenu d'Europe;
pendant ce temps, on paie. Qu'allez-vous faire, quand, et quand allez-vous nous
fournir un rapport, ici même, à l'Assemblée nationale du
Québec?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Relations avec les citoyens.
M. Lazure: Cela faisait un petit bout de temps qu'on n'avait pas
entendu le député de Portneuf.
Une voix: II est porno.
Une voix: II est meilleur dans les scandales.
Une voix: II fait des films, lui.
Une voix: Le pornographe des libéraux.
M. Lazure: L'Opposition a mauvaise grâce d'essayer de
blâmer le gouvernement pour des pratiques qui sont d'abord et avant tout
reconnues dans le commerce. L'Opposition est la première à
blâmer le gouverne-
ment lorsque nous commettons trop d'actes d'ingérence dans la
libre entreprise et dans le libre commerce. C'est une pratique connue, courante
au Québec comme ailleurs en Amérique du Nord. Il se trouve que,
dans certaines de ces situations, plusieurs citoyens et citoyennes sont
victimes de ces pratiques commerciales.
Je vous répète, prenant bonne note des questions
posées par les deux députés de l'Opposition, que je vais
en discuter avec les collègues intéressés. (15 h 20)
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: J aimerais tout simplement demander au ministre de
répondre à la question du député de Portneuf.
Est-ce qu'il entend soumettre cette question au prochain Conseil des ministres
qui sera tenu soit demain ou après-demain?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Relations avec les citoyens.
M. Lazure: Je ne sais pas si on a une série de questions
supplémentaires aujourd'hui pour le ministre
délégué aux Relations avec les citoyens. Je n'ai aucune
espèce d'objection. Je répète pour la troisième
fois - je ne sais pas si le député de Marguerite-Bourgeoys
était distrait - que je vais soumettre la question à mes
collègues du Conseil des ministres dès la prochaine occasion,
c'est-à-dire demain.
M. Laplante: Question additionnelle.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Je voudrais demander au ministre s'il est au courant
que les distributeurs d'essence ont obtenu, en échange de l'augmentation
de 0,10 $ ou 0,12 $ le gallon, une compensation de 0,005 $ le litre pour la
vente de l'essence.
Le Président: M. le ministre délégué
aux Relations avec les citoyens. À l'ordre!
M. Lazure: Je suis au courant, mais depuis très peu de
temps.
Le Président: Question principale, Mme la
députée de Jacques-Cartier.
La Maison des sciences et de la technologie
Mme Dougherty: Ma question s'adresse au ministre de la Science et
de la
Technologie. Il y a deux semaines, le premier ministre a annoncé
la création de la Maison des sciences et de la technologie, à
Montréal. Quelles sont les démarches que le ministre entend
prendre pour donner suite à cet énoncé?
Le Président: M. le ministre de la Science et de la
Technologie.
M. Paquette: M. le Président, d'abord je suis heureux de
voir que ma collègue, critique officielle de l'Opposition, est en
Chambre, contrairement aux deux tiers de nos collègues de l'Opposition.
Ce projet de Maison des sciences et de la technologie est en préparation
au ministère et à la ville de Montréal par le biais de
deux comités communs, depuis un an et demi. J'aurai le plaisir de rendre
publiques les études quant au concept muséologique, aux
études techniques également quant à l'emplacement du site,
quant aux coûts et quant aux retombées économiques,
dès que le rapport sortira de l'impression. En fait, nous avons le
rapport sous forme polycopiée depuis le mois de septembre, mais le
rapport définitif est encore à l'impression. J'ai l'intention,
une fois que ce rapport sera rendu public, d'ouvrir un mécanisme de
consultation de façon que toutes les personnes intéressées
et impliquées dans ce dossier puissent nous faire connaître leurs
projets, leurs orientations, afin de compléter ce projet dans les
meilleurs délais.
Une voix: Très bien.
Une voix: M. le Président.
Le Président: Question complémentaire, Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Étant donné l'intérêt
que ce centre a déjà suscité et va susciter dans le
public, est-ce que le ministre pourrait nous assurer qu'il y aura des audiences
publiques afin d'entendre les avis de tous les intéressés sur le
concept et sur le site de ce centre?
Le Président: M. le ministre de la Science et de la
Technologie.
M. Paquette: M. le Président, je peux très
certainement assurer mes collègues de cette Chambre qu'il y aura des
audiences publiques. C'était notre intention; cela va de soi. Je pense
que c'est un projet très important pour la diffusion de la culture
scientifique et essentiel au virage technologique. Il faut que l'ensemble de la
population, particulièrement les jeunes, connaissent davantage les
enjeux à l'aide de cet équipement essentiel que constitue la
Maison des sciences et de la technologie. Ce
sont des investissements entre 60 000 000 $ et 120 000 000 $, selon
l'option qui pourrait être retenue. Donc, il y a des retombées
économiques considérables. Il y a également des
retombées sur le plan de notre politique touristique puisqu'il s'agit
d'un équipement culturel majeur. Donc, il y aura des auditions
publiques.
Quant au choix du site, le rapport que je rendrai public montre que, sur
une douzaine de sites qui ont été étudiés, les deux
plus importants qui ressortent, les deux plus intéressants, ce sont
l'île Sainte-Hélène et le Vieux-Port. Le rapport conclut
légèrement pour l'île Sainte-Hélène, et le
premier ministre a annoncé, comme vous le savez, dans le plan de
relance, que le choix du gouvernement du Québec et de la ville de
Montréal portait sur l'île Sainte-Hélène. Pour nous,
c'est une décision qui est prise. À moins d'une position unanime
qui nous amènerait à réviser cette décision, c'est,
évidemment, la position du gouvernement et celle de la ville de
Montréal.
Une voix: Très bien.
Une voix: M. le Président.
Une voix: Question additionnelle.
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Dougherty: Question supplémentaire, M. le
Président.
Le Président: Question supplémentaire, Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Étant donné le conflit qui existe
déjà entre l'opinion qui favorise l'île
Sainte-Hélène et celle favorable au Vieux-Port, pouvons-nous
être assurés que la création de ce centre se fera en
collaboration avec les autres paliers de gouvernement et non pas dans un esprit
de confrontation afin qu'il ne soit pas utilisé comme un autre
"football" politique dans le but de justifier votre déclaration que le
virage technologique passe par l'indépendance.
Le Président: M. le ministre de la Science et de la
Technologie.
M. Paquette: M. le Président, je n'ai pas très bien
compris la dernière partie de la question. C'est vrai que
l'indépendance pourrait aider les Québécois à
prendre pleinement le virage techonologique; là-dessus, je pense qu'on
pourrait ouvrir une discussion, mais effectivement c'est une question qu'il
faudra que les Québécois tranchent à un moment
donné, en temps et lieu.
En ce qui concerne la collaboration avec les autres paliers de
gouvernement, je vous souligne que cette collaboration est offerte à
tous les paliers de gouvernement. J'aimerais vous rappeler que, pour les
centres de recherche, nous avons offert au gouvernement fédéral
d'élaborer des projets conjoints. Il y avait même un certain
centre de recherche où il y avait 10 000 000 $ sur la table; ces 10 000
000 $ ont été refusés parce qu'on voulait un seul drapeau
devant le centre de recherche. Peu importe. Nous allons bâtir d'autres
centres de recherche. Le Québec et le Canada ont en
général, mais le Québec, en particulier, des retards
tellement grands dans ce domaine qu'il n'est pas question de faire de querelles
de drapeau, mais de développer le plus rapidement possible tout le
potentiel scientifique du Québec pour qu'il prenne sa place parmi les
nations qui sont à la pointe dans ce secteur.
D'autre part, j'aimerais simplement dire que la collaboration avec le
palier municipal est engagée, comme je l'ai dit, depuis un an et demi.
Il y a eu un comité de mis sur pied au sein de mon ministère dans
lequel il y avait des représentants de la ville de Montréal et,
inversement, un comité au niveau de la SIDEM à la ville de
Montréal où on avait des représentants. Ce que je vais
déposer avec la ville de Montréal, c'est un rapport conjoint de
ces deux comités. On espère, bien sûr, que, comme il l'a
fait pour tous les musées scientifiques au Canada, le gouvernement
fédéral prendra la moitié des impôts qui lui revient
chaque année pour investir dans cet équipement comme il l'a fait,
par exemple, à Toronto, à l'Ontario Science Center.
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Ma question s'adressait au premier ministre, M. le
Président, mais, parce qu'il n'est pas ici, ni le vice-premier ministre,
ni d'ailleurs le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, le
ministre de l'Énergie et des Ressources et le ministre de l'Habitation
et de la Protection du consommateur...
Une voix: ...le ministre de la Justice.
M. Scowen: S'ils ne reviennent pas avant Noël, permettez-moi
de leur souhaiter un joyeux Noël, de toute façon...
M. Bertrand: M. le Président, sur une question de
règlement.
Le Président: Sur une question de rappel au
règlement. M. le leader du gouvernement fait un rappel au
règlement. M. le
leader du gouvernement.
Une voix: Cela fait cinq jours qu'il n'est pas ici.
M. Bertrand: Oui, M. le Président. Le député
de Notre-Dame-de-Grâce, plutôt que de poser une question à
un ministre nommément, fait l'inventaire des présences et des
absences à l'Assemblée nationale. Je veux simplement souligner,
M. le Président, qu'il y a 17 libéraux présents sur 46 et
38 péquistes présents sur 70. Je pense que, au bâton, notre
moyenne est meilleure que la vôtre aujourd'hui.
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Lalonde: M. le Président, je ne sais pas...
J'aimerais...
M. Mailloux: Cela prend plusieurs péquistes...
Le Président: M. le député de Sainte-Marie
me souligne que son caucus est présent. M. le leader de l'Opposition. M.
le leader de l'Opposition. (15 h 30)
M. Lalonde: Je veux simplement vous demander, M. le
Président, en vertu de quel article du règlement vous avez permis
au leader du gouvernement de faire son "show". J'aimerais lui demander
où sont les ministres délégué à
l'Aménagement et au Développement régional, de la Justice,
du Travail, le whip en chef et le ministre des Transports? Où sont les
ministres?
Une voix: Où est le député de
Marie-Victorin?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Question de règlement, M. le
Président. J'ai ici la liste des absences des ministres en Chambre qui
avaient des raisons valables.
Une voix: On vient de "sauver" les meubles.
M. Bertrand: M. Clair est à Ottawa. C'est ce qu'on me
signale en ce moment.
Une voix: Ah!
M. Bertrand: C'est peut-être mauvais d'entretenir des
relations avec le gouvernement fédéral, mais il y a deux
ministres à Ottawa aujourd'hui.
Le Président: M. le leader.
M. Scowen: Une question, M. le Président.
M. Bertrand: M. Tardif est en mission commerciale importante en
Égypte. M. Lévesque est en Europe.
Le Président: M. le leader du gouvernement!
M. Bertrand: Je ne vous ferai pas de cachette, M. le
Président, j'ai l'impression qu'il y a certainement 29
députés libéraux absents aujourd'hui et on ne nous dira
pas où ils sont.
Une voix: Mégantic-Compton.
M. Bertrand: Nous avons un ministre, M. Fréchette, dans
Mégantic-Compton.
Le Président: Peut-on mettre fin à la
récréation? Ce n'était évidemment pas une question
de règlement, M. le leader du gouvernement. M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce, votre question, s'il vous plaît!
M. Scowen: Félicitons le ministre des Finances de sa
présence aujourd'hui.
Le Président: M. le député!
Le projet de loi sur le Vérificateur
général
M. Scowen: Je veux lui demander si le gouvernement a l'intention
de déposer, d'ici à Noël, un projet de loi sur le
Vérificateur général et, sinon, pourquoi pas?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, je présente au
député de Notre-Dame-de-Grâce mes compliments pour
être ici aujourd'hui. Je lui réponds essentiellement que nous
sommes à examiner un document qui pourrait servir de projet de loi pour
le Vérificateur général. Il a donné lieu à
des examens au Conseil du trésor et au ministère des Finances; il
est accepté par les deux ministres en cause, mais il doit maintenant, je
pense, être examiné par le vérificateur lui-même pour
voir dans quelle mesure cela correspond à certains des objectifs dont il
a dit lui paraître importants et, bien sûr, passer par le Conseil
des ministres. Donc, je ne peux mettre de date précise quant au moment
où ce projet de loi serait déposé en Chambre. Bien
sûr, s'il l'est avant le 21 décembre, il sera trop tard pour
l'adopter cet automne ou cet hiver, mais en tout état de cause je pense
qu'il va falloir, ou bien avant le 21 décembre ou tout de suite
après l'ouverture de la Chambre, au printemps, que ce projet de loi soit
déposé et suive son
processus normal ici.
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Le ministre des Finances est-il conscient qu'en 1977
le premier ministre a pris l'engagement formel d'amender cette loi; qu'en 1982,
à une commission parlementaire, il a dit qu'à sa courte honte il
n'avait rien fait et qu'il avait l'intention d'agir immédiatement; qu'en
décembre 1982, à la suite d'une question posée par mon
collègue, le député de Vaudreuil-Soulanges, le premier
ministre disait qu'il attendait immédiatement un avant-projet de loi sur
le Vérificateur général - depuis un an maintenant - et
qu'immédiatement après la réception de ce projet de loi il
avait l'intention d'agir? Cela aurait pu être le début de
1983.
Le ministre des Finances est-il au courant que cela fait maintenant un
an que le premier ministre a fait cette déclaration et que le ministre
des Finances est encore obligé de dire: Je ne peux pas vous donner une
date. Le ministre des Finances est-il conscient que, jusqu'à il y a
quelques années, le Parti québécois se vantait
d'être un gouvernement qui respectait ses engagements?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, est-ce que le
député de Notre-Dame-de-Grâce est conscient que la notion
même de vérification dans les gouvernements a évolué
un peu partout au Canada de façon extrêmement nette depuis trois
ou quatre ans et que c'est à la suite, justement, de ces changements
dans la définition même de la fonction de Vérificateur
général qu'un bon nombre de propositions, de modifications dans
le statut de ces vérificateurs ont été
présentées depuis trois ou quatre ans? Ne pense-t-il pas que
c'est justement à la suite de l'évolution de ces concepts que ce
qu'on aurait peut-être pu faire dans une atmosphère de
stabilité rapidement on prend un peu plus de temps pour le faire, mais
en mettant toutes les chances de son côté afin de le faire
bien?
M. Scowen: Question additionnelle.
Le Président: Complémentaire, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: II y a des occasions où la stabilité
équivaut à la mort. Je demande au ministre des Finances de me
dire si l'avant-projet de loi, qui a été présenté
par le Vérificateur général, il y a à peu
près un an, sera présenté à tous les membres de
l'Assemblée nationale pour leur considération. Il sera d'accord
qu'en principe la loi sur le Vérificateur général doit
relever de l'Assemblée nationale. Est-ce qu'il y a une raison pour
laquelle on ne peut pas avoir, cette semaine, l'avant-projet de loi pour que
tous les élus puissent l'étudier?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Non, M. le Président, je ne peux pas
m'engager à cela pour une raison très simple, c'est que
l'initiative des lois dans notre système parlementaire vient de
l'exécutif. Or, l'exécutif présentera un projet de loi et,
à l'occasion de son examen en commission, on pourra demander tous les
renseignements utiles et tous les témoignages utiles. Mais, encore une
fois, nous n'allons pas changer le système parlementaire britannique
parce que le député de Notre-Dame-de-Grâce tiendrait
à regarder un document.
M. Scowen: Une courte additionnelle.
Le Président: L'un ou l'autre. M. le leader parlementaire
de l'Opposition.
M. Lalonde: Excusez-moi. Est-ce que le ministre est conscient que
l'exécutif ne présentera aucun projet de loi à moins que
lui-même ne prenne l'initiative de le lui présenter? Pourquoi
s'est-il complu dans l'immobilisme, depuis sept ans, alors que
l'évolution de la fonction de Vérificateur général
a été très grande? Comment se fait-il que cela fait
déjà un an qu'il a un avant-projet de loi et qu'il n'a rien fait
jusqu'à maintenant?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, le député de
Marguerite-Bourgeoys n'a pas compris ce que j'ai dit dans ma première
réponse. Il y a eu, effectivement, un avant-projet de loi qui a
été remis par le Vérificateur général. Il a
été longuement examiné et de façon très
précise, parce que ce sont des choses importantes. J'ai eu l'occasion de
dire que, à la suite d'une étude faite à la fois au
Conseil du trésor et au ministère des Finances, un rapport avait
été préparé qui peut servir de base à un
projet de loi qui a été accepté et par le président
du Conseil du trésor et par moi-même. À l'heure actuelle,
il s'agit de lui faire suivre, dans les mois ou les semaines qui viennent, le
cheminement normal aboutissant à la présentation d'un projet de
loi ici.
Je rappellerai que la Loi sur l'administration financière, nous
n'y touchons pas tous les jours. Quand on parle de la loi sur le
Vérificateur général, il s'agit en fait
d'un chapitre de la Loi sur l'administration financière. Nous
avons décidé de sortir ce chapitre de la Loi sur l'administration
financière et d'en faire une loi sur le Vérificateur
général. Je répète ce que je disais tout à
l'heure. Les concepts à ce sujet sont extrêmement discutés
un peu partout en Amérique du Nord, à l'heure actuelle, pour
déterminer justement le degré d'élargissement des mandats.
Il s'agit de quelque chose de tout à fait fondamental. 11 vaut mieux
prendre son temps pour arriver à quelque chose de correct plutôt
que de fonctionner avec précipitation.
M. Scowen: Question additionnelle.
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Après six ans de promesses non
respectées, est-ce que le ministre des Finances peut, aujourd'hui, nous
donner une date limite avant laquelle il s'engage à déposer ce
projet de loi?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Je n'irai pas plus loin que ce que j'ai dit
dès ma première réponse. C'est-à-dire qu'au mieux,
ce sera déposé en cette Chambre avant l'ajournement de Noël,
sinon au début de la prochaine session, c'est-à-dire au
début du printemps.
M. Lalonde: M. le Président....
Le Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Lalonde: J'aimerais savoir du ministre s'il est conscient que
s'il présente ce projet de loi avant Noël, même si nous
sommes, d'après notre règlement, après la période
durant laquelle le projet de loi ne peut être adopté sans
consentement, est-il conscient que l'Opposition, vu qu'elle réclame
cette loi depuis longtemps, est prête à l'étudier de
façon rapide pour qu'il soit adopté le plus tôt possible
avant l'entrée en vigueur de la réforme parlementaire au
début de l'année prochaine?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, je serais navré que
l'Opposition cherche, en quelques jours, à passer à travers un
projet de loi comme celui-là; cela me paraîtrait imprudent et, au
fond, de la poudre aux yeux. Il s'agit d'un projet de loi qui a une trop grande
importance pour le fonctionnement de l'État pour que, simplement pour
satisfaire l'évolution d'une période de questions, on s'engage
à l'adopter en deux jours.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, à partir de ce que
le ministre des Finances vient de nous indiquer et compte tenu du fait qu'il y
a une commission parlementaire qui étudie actuellement la Loi sur la
fonction publique, est-ce que le ministre des Finances peut nous indiquer si,
d'une part, pour aider les travaux de cette commission, on pourrait avoir un
aperçu du projet avant qu'on adopte la Loi sur la fonction publique et,
d'autre part, est-ce qu'au moins il pourrait nous indiquer si la Loi sur
l'administration financière sera retouchée au même moment,
étant donné qu'on en profite pour sortir le chapitre sur le
Vérificateur général? Est-ce que cela ira dans le sens des
recommandations de la commission spéciale sur la fonction publique,
c'est-à-dire la vérification intégrée?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Non, je pense que ces activités se feront en
parallèle. Il est clair qu'il n'y a pas de projet immédiat pour
la révision de la Loi sur l'administration financière. Au
contraire, il y a une perspective de révision de ce chapitre de la Loi
sur l'administration financière qui porte sur les fonctions du
Vérificateur général, mais, quant à la Loi sur la
fonction publique, c'est un troisième volet. D'ores et
déjà je ne peux pas m'engager quant au contenu de la Loi sur le
Vérificateur général puisque, encore une fois, ce n'est
pas passé par le Conseil des ministres. Or, il est hors de question
qu'avant que cela passe par le Conseil des ministres j'annonce quelque contenu
que ce soit.
M. Brouillet: M. le Président.
Le Président: M. le député de Chauveau.
M. Brouillet: J'ai encore ma question. Le Président:
Posez-la, M. le député.
Crédits favorisant l'accès aux
études universitaires
M. Brouillet: Elle s'adresserait au ministre de
l'Éducation. M. le ministre, vous avez annoncé, vendredi dernier,
l'octroi de sommes d'argent importantes pour favoriser l'accès des
étudiants et des étudiantes aux études universitaires. La
première partie de ma question est la suivante: Est-ce que ces
investissements annoncent la fin des compressions dans le secteur
universitaire et, deuxièmement, quelles sont les raisons qui
amènent le ministère à privilégier, dans l'octroi
de ces crédits supplémentaires, certaines disciplines
plutôt que d'autres?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Laurin: M. le Président, effectivement, dans le cadre
du plan de relance annoncé par le premier ministre, j'ai eu le plaisir
d'annoncer aux institutions d'enseignement supérieur que, d'ici à
trois ans, le gouvernement injecterait près de 110 000 000 $ nouveaux au
cours des trois prochaines années.
Des voix: ...
M. Laurin: Non, ce ne sont pas des mots, ce sont des chiffres
très précis. La plus grande partie ira au financement des
clientèles additionnelles dans les secteurs du virage technologique,
c'est-à-dire sciences pures, sciences appliquées, génie et
administration. En 1984-1985, 22 400 000 $ et, comme c'est une dépense
récurrente, à la fin des trois années, cela fera 66 000
000 $. J'ai annoncé aussi les crédits nécessaires pour
l'instauration, au sein des universités, au cours des trois prochaines
années, de 40 équipes de recherche qui seront réparties
sur l'ensemble du territoire et non seulement dans les disciplines du virage
technologique cette fois, mais dans toutes les disciplines. Et enfin
l'injection de 15 000 000 $ nouveaux, au cours des trois prochaines
années, pour la modernisation et le renouvellement de
l'équipement surtout destiné à ces recherches dans les
nouveaux secteurs, les nouveaux créneaux du virage technologique, ce
qui, au cours des trois prochaines années, fera à peu près
110 000 000 $ nouveaux.
Est-ce la fin des compressions? En très grande partie, M. le
Président, parce que tout ce qu'il nous reste à faire,
après les efforts que nous avons faits au cours des dernières
années, c'est un dernier effort de rationalisation, d'augmentation de la
productivité afin d'éliminer le chevauchement, augmenter la
concertation afin que nous consacrions toutes nos ressources nouvelles à
nos impératifs d'accessibilité et également de rattrapage
dans le domaine de la restructuration industrielle du Québec. C'est donc
la fin des compressions, à toutes fins utiles.
Pourquoi avons-nous privilégié ces secteurs nouveaux?
C'est d'abord parce que c'est là que les demandes sont les plus fortes.
Par exemple, l'an dernier, 90% des inscriptions nouvelles aux
universités se sont situées dans le domaine des sciences pures et
appliquées, le génie et l'administration. Donc, nous ne faisons
que répondre à la demande. Deuxièmement, c'est là
où le besoin est le plus vif et c'est là où le besoin pour
le Québec d'effectuer un rattrapage et un développement qui
mettra le Québec dans le peloton de tête des provinces et des pays
environnants se révèle le plus important. Donc, je pense que
c'est la fin des compressions, d'une part, mais aussi et surtout une relance du
développement de l'enseignement universitaire et, par voie de
conséquence, du développement économique du
Québec.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je ne veux pas commenter tout le
verbiage qui a entouré les explications du ministre. Je veux simplement
lui demander ceci: II y a quelque temps, il a reçu un rapport du Conseil
des universités l'informant de l'anarchie qui existe dans le secteur
universitaire en matière d'initiatives de toutes sortes et lui
soumettant des propositions précises. Je voudrais lui poser deux
questions dans cette perspective. Premièrement, a-t-il consulté
le Conseil des universités avant d'annoncer les mesures qui ont
été rendues publiques vendredi et, deuxièmement, entend-il
donner suite à la recommandation du Conseil des universités
demandant que chaque université soit invitée à soumettre
un plan triennal de développement au conseil afin qu'on sache un peu
où on s'en va de ce côté-là et qu'on puisse mieux
situer ensuite les initiatives comme celles qu'annonce le ministre?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Laurin: M. le Président, il me fait plaisir de
répondre au député d'Argenteuil. J'ai pris connaissance de
tous les avis que le Conseil consultatif des universités m'a
envoyés. J'ai eu l'occasion aussi de m'entretenir avec les
autorités du conseil consultatif et je peux l'assurer que ce que j'ai
annoncé vendredi va tout à fait dans le sens de ce que me
recommandait le Conseil consultatif des universités.
Deuxièmement, il est vrai que le Conseil des universités disait
que chaque université devait se donner un plan de développement
et, précisément dans l'annonce que je faisais vendredi, j'ai dit
que les équipes de recherche de même que tout cet effort
additionnel sur le plan des équipements devaient s'inscrire dans un plan
de développement que chaque université devrait se donner.
D'ailleurs, dans chaque budget ou dans chaque enveloppe budgétaire que
nous consentons aux universités, il y a toujours dans cette enveloppe de
base une
partie de fonds que l'université peut consacrer aux
infrastructures de recherche et il en sera de même dans l'avenir. C'est
la raison pour laquelle nous demandons aux universités de s'associer
à cet effort que nous faisons, par exemple afin de financer d'ici
à cinq, six ou sept ans, une partie de ces équipes de recherche
que nous mettons en place et pour lesquelles nous fournissons le capital
initial. Nous avons également demandé - et c'est
déjà fait, nous avons déjà recueilli ces plans
triennaux de développement - à chaque université de nous
faire un plan triennal de développement. Nous sommes en train de les
étudier à l'heure actuelle et c'est justement à la
lumière de ces plans triennaux de développement que nous
essaierons d'accorder ensemble leurs priorités de même que les
priorités du gouvernement et particulièrement du ministère
de l'Éducation.
M. Fallu: M. le Président, question
complémentaire.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Groulx.
M. Fallu: J'aimerais demander au ministre, qui nous dit que ces
sommes répondent aux attentes des universités, si elles sont
déjà ventilées, d'une part, et, si oui, y a-t-il des fonds
qui pourraient éventuellement être recyclés pour
répondre aux demandes de ce qu'on appelle la rive nord -
c'est-à-dire Laval-Basses-Laurentides -qui ont été
exprimées au cours de l'été et de l'automne?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Laurin: Elles sont ventilées dans la mesure où
elles peuvent l'être. Par exemple - je l'ai dit tout à l'heure -
si un étudiant s'inscrit dans les créneaux du virage
technologique, sciences pures ou sciences appliquées, comme je l'ai
annoncé, l'université pourra demander un remboursement au
coût réel de cette inscription. On ne peut pas aller plus loin.
(15 h 50)
En ce qui concerne les équipes de recherche, évidemment,
c'est un programme étalé sur trois ans, là aussi, nous
dépendrons des demandes que nous feront les diverses universités.
Nous établirons des critères ou des normes, mais il restera
à juger chaque demande des universités à son mérite
et nous mettrons en place les organismes à cet effet. Il est tout
probable que ce sera le Fonds de formation des chercheurs et d'aide à la
recherche qui aura à évaluer scientifiquement ces demandes.
Quant à la demande que me fait le député de Groulx,
il s'agit d'un problème différent. C'est celui de
l'établissement d'une nouvelle université. Il faudra
prévoir, pour cette nouvelle demande, comme dans tous les cas, un avis
du Conseil des universités, qui est consultatif, et advenant que cet
avis soit favorable il nous faudra ensuite, au gouvernement, étudier
s'il est à propos d'émettre à cette nouvelle
université les lettres patentes requises pour qu'elle commence à
exister et, ensuite, prévoir son budget de fonctionnement.
Le Président: En complémentaire, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je pense que le ministre n'a pas bien saisi ce que je
lui demandais tantôt. Je lui ai demandé si le projet d'aide
spéciale aux universités, qu'il a rendu public vendredi, avait
été soumis à l'avis du Conseil des universités. Le
ministre a répondu qu'il avait parlé à certaines personnes
au conseil, ce n'est pas la même chose. Je veux savoir s'il a
demandé l'avis du conseil quant à l'orientation
générale du plan et quant à la ventilation des subventions
éventuelles. S'il a reçu un avis, est-ce qu'il pourrait nous
faire l'honneur de nous en informer?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Laurin: Le projet s'inspire étroitement des avis et des
rapports soumis au gouvernement par le Conseil des universités, mais je
ne pense pas qu'il soit obligatoire, avant qu'un gouvernement annonce des
politiques, qu'il les soumette à l'avis des conseils.
Le Président: En complémentaire, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Question additionnelle. Le ministre connaît-il le
texte de la Loi sur le Conseil des universités? Il dit explicitement:
"Le ministre de l'Éducation est tenu de soumettre à l'avis du
conseil tout plan qu'il entend mettre en oeuvre pour le développement de
l'enseignement supérieur et de la recherche universitaire à
chaque phase majeure de son élaboration." Par conséquent,
à la première phase...
M. Laurire Je pense que ceci n'interdit aucunement au
gouvernement de faire des propositions de relance de l'économie
auxquelles les universités doivent s'associer.
Le Président: En complémentaire, Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: En ce qui concerne la nouvelle clientèle,
pourriez-vous nous expliquer l'énoncé qui a été
reproduit dans le Devoir, pendant le week-end, voulant que le
gouvernement subventionne les nouvelles clientèles jusqu'à
70% du coût réel. Cela m'a étonnée parce qu'il y a
quelques mois le ministre délégué à la Science et
à la Technologie a assuré les universités qu'elles
recevraient 100% des coûts réels, et cela, en dépit d'une
directive émise par votre ministère en juin qui assurait les
universités que les nouvelles clientèles seraient
financées à 100% du coût moyen disciplinaire du
réseau universitaire. Pourriez-vous nous expliquer cet écart?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Laurin: Quand nous disons que les nouvelles clientèles
seront financées à 70% du coût moyen, cela veut dire
très exactement que nous les financerons au coût réel parce
que, dans les enveloppes budgétaires que nous donnons aux
universités, il est prévu qu'une partie ira pour les frais
administratifs généraux de l'université. Quand nous disons
70% du coût moyen, cela veut dire que nous allons financer, par exemple,
le soutien direct à l'enseignement, qu'il s'agisse des
bibliothèques, de l'audiovisuel, des laboratoires, alors que les 30% qui
restent vont au financement de ces superstructures générales qui
touchent toutes les clientèles universitaires. Donc, c'est
peut-être une explication qu'il faut donner: un financement à 70%
des clientèles additionnelles correspond exactement au coût
réel de ces clientèles.
Le programme d'aide à l'édition
Le Président: Question principale, M. le
député de Saint-Henri.
M. Mains: Ma question s'adresse au ministre des Affaires
culturelles.
Des voix: Ah!
M. Hains: Elle est relative aux récents échanges de
correspondance entre la maison d'édition Victor-Lévy Beaulieu et
vous-même. Je passe par-dessus le ton parfois sévère de ces
échanges, depuis la mi-novembre dernier, pour me limiter au contenu
même du programme d'aide à l'éditeur administré par
le ministère des Affaires culturelles.
Je demande simplement au ministre si les chiffres fournis par la maison
Victor-Lévy Beaulieu sont exacts. L'éditeur aurait reçu le
même montant du Conseil des arts du Canada, mais aurait perdu cette
année 20 000 $ de la part du ministère des Affaires
culturelles.
Puis-je savoir si ces données sont réelles et si le
ministre peut les justifier?
Le Président: M. le ministre des
Affaires culturelles.
M. Richard: M. le Président, je suis heureux de saluer le
retour du député de Saint-Henri et surtout heureux de saluer sa
question pertinente. Je voudrais rappeler qu'il y a environ trois ans, le
ministère des Affaires culturelles a conçu un nouveau programme
d'aide à l'édition après que le gouvernement
fédéral, par le biais du ministère des Communications, ait
annoncé et mis sur pied un programme d'aide à l'édition.
Il a donc fallu ajuster le programme du ministère des Affaires
culturelles sur le nouveau programme d'aide à l'édition du
gouvernement fédéral. Ce programme prévoit un certain
nombre de critères pour l'attribution des subventions, notamment un
critère basé sur le volume de vente de chacun des
éditeurs.
Je voudrais rappeler au député de Saint-Henri que ce
programme a été préparé en concertation, en
consultation avec les éditeurs, qu'il a fait l'unanimité des
éditeurs au moment où il a été
élaboré et que même Victor-Lévy Beaulieu
était tout à fait d'accord avec l'essence même de ce
programme puisqu'à certaines occasions c'est lui qui avait
recommandé les normes qui s'y appliquent.
Les chiffres cités par Victor-Lévy Beaulieu, en ce qui a
trait aux subventions du ministère des Affaires culturelles, sont
exacts, sauf qu'il ne dit pas ce qu'il a reçu totalement, depuis trois
ans, du ministère des Communications, comme il ne dit pas ce qu'il a
reçu totalement du ministère des Affaires culturelles, ni cette
année, ni dans le passé.
D'autre part, ce qui fausse tout le problème, c'est qu'il ne dit
pas sur quoi reposent les subventions, c'est-à-dire sur le chiffre
d'affaires et le volume de vente. C'est pourquoi les subventions peuvent varier
d'une année à l'autre.
C'est un programme qui fait l'unanimité des éditeurs au
Québec, sauf Victor-Lévy Beaulieu, parce que ce programme lui est
moins favorable cette année que par les années
passées.
Le Président: La période des questions est
terminée. Ce qui nous mène aux motions à la Chambre.
M. le leader du gouvernement.
Travaux des commissions
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais faire motion
pour que, cet après-midi, de 16 heures à 18 heures et ce soir si
nécessaire, de 20 heures à 24 heures, la commission du loisir, de
la chasse et de la pêche siège au salon rouge pour poursuivre
l'étude du projet de loi 9, Loi sur la conservation de la faune et que,
ce soir, de
20 heures à 24 heures, à la salle 81-A, la commission de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation poursuive
l'étude article par article du projet de loi 48.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté.
Y a-t-il des questions sur les travaux de la Chambre?
Cela nous mène aux affaires du jour, à la deuxième
lecture du projet de loi 3, Loi sur les archives.
M. Pagé: M. le Président...
Le Président: M. le whip de l'Opposition.
M. Pagé: ...une très brève question au
leader du gouvernement, s'il le permet. On s'interroge sur deux aspects: Qui
est premier ministre par interim en l'absence du premier ministre? Est-il exact
que ce serait Mme LeBlanc-Bantey?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Ce serait une excellente idée, toujours
faudrait-il que je sache... En remplacement du premier ministre, bien
sûr, c'est toujours le vice-premier ministre qui est... (16 heures)
Une voix: II n'est pas là.
M. Bertrand: Le vice-premier ministre est également retenu
à l'extérieur. Cela dit, M. le Président, je vais
m'informer...
Une voix: ...
M. Bertrand: Ah! Très bien.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Bertrand: Vous serez heureux d'apprendre que le...
M. Pagé: ...M. le Président. Des voix: Ah!
Ah! Ah! Une voix: Vous ne le savez pas. Une voix: II ne sait pas
qui c'est.
M. Pagé: On ne sait pas qui est le premier ministre du
Québec.
M. Bertrand: ...remplaçant...
Le Président: À l'ordre!
M. Bertrand: ...du premier ministre est le ministre de la
Justice.
Une voix: Voilà.
Une voix: Tu l'as poigné.
Des voix: II n'est pas là.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Une voix: Oui, il est là.
Une voix: II est au Québec.
Le Président: À l'ordre!
Une voix: II est tout là, à part cela.
M. Bertrand: II est au Québec, il est dans
Jonquière et il est tout là. Je peux vous le garantir.
Une voix: II va revenir de bonne heure.
Projet de loi 3 Deuxième lecture
Le Président: Nous pouvons maintenant passer aux affaires
du jour et à la deuxième lecture du projet de loi 3, Loi sur les
archives. Je cède la parole à M. le ministre des Affaires
culturelles.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. le ministre, je m'excuse. On va permettre à ceux qui doivent
partir de le faire puisque c'est très bruyant.
À l'ordre, s'il vous plaît!
Puisque l'ordre est revenu, M. le ministre, vous avez la parole.
M. Clément Richard
M. Richard: M. le Président, nous amorçons
aujourd'hui le débat de deuxième lecture du projet de loi 3, Loi
sur les archives, que j'ai déposé devant l'Assemblée
nationale le 31 mars dernier. Depuis lors, de nombreux citoyens et plusieurs
représentants d'organismes gouvernementaux et publics ont eu l'occasion
de se prononcer sur les divers aspects de ce projet de loi,
particulièrement lors des audiences de la commission parlementaire
élue permanente des affaires culturelles tenues les 25 et 26 mai
dernier. À cette occasion, 63 intervenants ont présenté
des mémoires et, tout en se réjouissant de notre intention
d'encadrer législativement la gestion des archives
québécoises, ont fait ressortir certaines faiblesses de notre
projet qui étaient
manifestes. Leurs interventions nous ont permis de bonifier le projet de
loi sur les archives, de lever certaines ambiguïtés par l'inclusion
de définitions claires, de préciser davantage les
responsabilités du ministre des Affaires culturelles et du Conservateur
des archives nationales dans la gestion des archives publiques, et de clarifier
nos intentions eu égard aux archives détenues par des organismes
privés ou par des individus.
Les correctifs apportés ont fait l'objet de consultations
auprès d'experts des milieux concernés qui, d'ailleurs, nous ont
manifesté leur accord. Ces modifications ont également
été soumises aux membres du Comité de législation
et au Conseil des ministres pour approbation et j'entends les porter à
l'attention de la commission parlementaire chargée d'étudier le
projet de loi article par article.
M. le Président, le projet de loi sur les archives soumis
aujourd'hui pour étude devant les membres de cette Assemblée a
pour but premier de doter les organismes publics et les détenteurs
d'archives privées d'un outil qui leur permette de gérer
efficacement leurs archives. Il vise en outre à protéger les
archives québécoises actuelles et à venir et à en
faciliter l'accès ou l'utilisation.
Ces archives que nous voulons protéger sont, à certains
égards, uniques au monde. En effet, le peuple québécois
est le seul à posséder tous les renseignements sur la vie et la
mort de tous ses ancêtres, depuis que les premiers à
connaître l'écriture ont fait souche sur ce coin de terre il y a
quatre siècles. Aucun autre peuple sur terre ne possède tout son
état civil comme nous, depuis ses origines; aucun ne possède tous
ses actes notariés, depuis la signature des premiers, au milieu du XVIIe
siècle. Nous seuls, Québécois, pouvons, grâce
à ces sources, reconstituer l'histoire intégrale des familles, et
non seulement des familles, mais aussi des terres, depuis la venue des tout
premiers voiliers, M. le Président.
L'intégralité de nos archives attire sur nous et sur notre
histoire l'attention de chercheurs du monde entier. Par exemple, depuis que la
démographie historique a pris son essor, soit depuis les années
cinquante, la population québécoise a fréquemment fait
l'objet d'études comparatives menées tantôt par des
chercheurs québécois, tantôt par des chercheurs
français, anglais, américains ou autres. D'ailleurs, nos
spécialistes en ce domaine se sont taillé une réputation
tout è fait enviable, aussi bien aux États-Unis qu'en Europe.
En outre, le fait que nos archives aient été à
l'abri des cataclysmes et aussi, disons-le, de la négligence permet
aujourd'hui à nos généticiens de faire des observations
fort intéressantes et de faire progresser les recherches
médicales au profit de toute la population.
D'autre part, les mormons sont sur le point d'investir - c'est assez
intéressant, M. le Président - plus de 1 000 000 $ pour nous
aider à assurer la protection de nos greffes de notaires anciens - cela
va faire plaisir au greffier et au greffier adjoint -tellement ils sont
importants et riches pour l'histoire du Québec et de l'Amérique
du Nord.
Le présent projet de loi veut d'abord accorder une protection
accrue à ces archives particulièrement précieuses. Il veut
aussi assurer la conservation de toutes les autres, particulièrement de
celles de l'administration publique. Il serait regrettable que nos successeurs
doivent constater que le Québec possède les meilleures archives
en Amérique pour les XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, mais que,
malheureusement le XXe n'aurait pas été à la hauteur.
Pour atteindre le double objectif que nous nous sommes fixé, soit
fournir une aide à la gestion des archives, tout en favorisant leur
utilisation, nous avons dû apporter quelques modifications à notre
projet initial. C'est ainsi que des définitions claires ont
été ajoutées. Cela avait été
réclamé par plusieurs intervenants en commission parlementaire.
Puis des mesures ont été prévues à trois paliers
d'intervention, d'abord, au niveau des documents actifs et semi-actifs des
organismes publics, à celui des documents inactifs, puis en regard des
archives et services d'archives du secteur privé. Enfin, nous avons
inscrit une série de dispositions relatives à l'administration de
la loi.
Malgré les orientations méthodologiques actuelles des
spécialistes de la logistique et en dépit des difficultés
que représente parfois l'insertion dans un texte de loi de
définitions ponctuelles, il nous est apparu absolument
nécessaire, dans ce cas-ci, de bien camper les termes. C'est que
d'abord, l'emploi même des mots "archive" et "document" prête, il
faut bien le reconnaître, à une certaine confusion.
De plus, la compréhension du texte et l'utisation de termes
scientifiques dans les milieux spécialisés de l'archivistique
exigeaient que soit clairement établi le sens de certains mots ou
concepts. (16 h 10)
II fallait d'abord, au premier chef, bien cerner l'objet même du
présent projet de loi. Dans le langage courant, on attribue au mot
"archives" trois significations différentes. Souvent, nous l'utilisons
pour dénommer une institution dont le mandat est d'assurer la garde et
l'exploitation des documents. Donc, dans certains cas, il s'agit de
dénommer une institution. Parfois, le mot désigne le lieu
où sont entreposés les documents. Enfin, lorsqu'on parle
d'archives, l'on fait aussi référence aux documents
conservés par des institutions ou des individus.
Cette dernière signification est la plus communément
acceptée chez les archivistes et les utilisateurs d'archives. C'est
ainsi qu'au sens de notre projet de loi, conformément d'ailleurs
à une définition qu'en donne l'UNESCO, les archives sont
l'ensemble des documents réunis par une personne physique ou morale dans
le cadre de ses activités, utilisés à des fins
administratives ou juridiques et conservés pour leur valeur
d'information générale. La notion d'archives couvre donc tous les
documents, tous les compléments d'information de toute nature, qu'ils
soient détenus par un organisme public, par une institution
privée ou encore par un individu.
Cela dit, cependant, les documents qui composent la masse des archives
n'ont pas, évidemment, tous le même statut. Au départ, tous
ces documents aussi bien que les données qu'ils contiennent sont actifs
et, à ce titre, ils sont utilisés régulièrement
dans le cours quotidien des activités de ceux qui les produisent ou
encore les reçoivent. Dès qu'ils ne sont plus requis pour
l'administration courante, ces documents deviennent semi-actifs. Ils sont alors
conservés à titre de preuve, conformément aux
prescriptions administratives et légales prévues.
Enfin, lorsque ces documents ne sont plus requis aux fins pour
lesquelles ils ont été produits, on dit qu'ils deviennent
inactifs. C'est alors que bon nombre d'entre eux, ne présentant plus
aucun intérêt, sont éliminés par voie de destruction
ou de recyclage. D'autres, cependant, qui représentent environ 5% de la
masse documentaire produite, comportent des informations essentielles à
la compréhension du devenir de notre société et sont donc
conservés de manière permanente.
Ces notions, M. le Président, il était important qu'elles
soient précisées devant les membres de cette Assemblée et
qu'elles soient définies en tête de notre projet de loi, car elles
expliquent l'économie du texte en même temps qu'elles sous-tendent
toute l'approche archivistique véhiculée dans ce projet de loi
sur les archives.
J'en viens maintenant au corps de notre projet de loi sur les archives,
c'est-à-dire aux diverses dispositions relatives à
l'administration même des stocks documentaires qui composent les
archives. Une première série d'articles - c'est là le
premier niveau d'intervention touché par ce projet de loi - se
rapportent à la gestion des documents actifs et semi-actifs. Ici, il
était absolument essentiel que les responsabilités des
intervenants soient clairement exprimées. Il fallait, notamment, que
soit prise en compte la compétence du Conseil du trésor en
matière de gestion des documents du gouvernement. Il fallait
également que soit considéré le double principe de
l'équilibre et de la séparation des pouvoirs, qui régit
les rapports de cette Assemblée avec le pouvoir exécutif et aussi
avec le pouvoir judiciaire.
Il fallait, enfin, que soient considérés les besoins des
pouvoirs publics décentralisés, c'est-à-dire les
municipalités, les commissions scolaires, les établissements
d'enseignement et les institutions régies par la Loi sur les services de
santé et les services sociaux. Par ailleurs, il était important,
voire nécessaire, d'envisager la constitution d'un outil de gestion
commun efficace et qui puisse garantir une certaine cohérence à
la gestion des stocks documentaires de plus en plus considérables et
complexes.
C'est ainsi que le ministre des Affaires culturelles se voit confier le
mandat de préparer et de soumettre à l'approbation du Conseil du
trésor une politique de gestion des documents actifs et semi-actifs du
gouvernement, non seulement du gouvernement, mais aussi de ses
ministères et des organismes qui en relèvent.
C'est ainsi également qu'en son nom, le Conservateur des archives
nationales du Québec veillera à l'application de cette politique
et pourra même, à la demande du Conseil du trésor, assurer
la garde des documents actifs et semi-actifs réunis dans les
ministères et les divers organismes gouvernementaux.
Par ailleurs, en ce qui regarde les tribunaux, le lieutenant-gouverneur,
l'Assemblée nationale, ainsi que les institutions répondant de
leurs activités devant elle, elles pourront compter sur nous pour leur
soumettre une politique de gestion de leurs documents actifs et semi-actifs,
voire pour assurer, mais après entente, la conservation de leurs
documents semi-actifs.
Enfin, eu égard aux pouvoirs publics décentralisés,
en vertu de ce projet de loi, ces derniers demeurent entièrement
maîtres de l'élaboration et de l'application de leur politique de
gestion documentaire en phase active et semi-active.
Cependant, les organismes publics ou reconnus d'intérêt
public, en vertu de ce projet de loi, disposeront d'un calendrier de
conservation, et seront tenus de préparer cet outil administratif
universellement reconnu dans les milieux spécialisés comme
étant la clef de voûte d'un système cohérent et
efficace de gestion documentaire, outil qui facilitera singulièrement
l'application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics
et sur la protection des renseignements personnels. Essentiellement, le
calendrier de conservation se présente comme un cahier ou comme un
tableau dans lequel sont enregistrés les titres et descriptions des
documents ou grandes séries documentaires produits ou reçus par
les diverses unités administratives d'un organisme. Il comprend
également des indications sur les délais d'utilisation ou de
conservation des documents à leur phase
active ou semi-active, délais qui sont avant tout fonction des
besoins des organismes visés et des prescriptions administratives ou
légales qui les régissent.
Enfin, le calendrier de conservation prévoit le sort des
documents dès lors qu'ils ont atteint le seuil de l'inactivité.
Il précise lesquels sont voués à la destruction et
identifie ceux qui doivent être gardés en permanence en raison de
leur intérêt historique, de leur valeur de preuve ou de
témoignage ou simplement de leur valeur d'information
générale.
Ici, M. le Président, à la lumière de ces
explications, on comprend mieux l'extrême importance non seulement de
l'outil que représente le calendrier de conservation, mais
également de l'approche globalisante de ce projet de loi sur les
archives qui prévoit des interventions ponctuelles et ordonnées
aux diverses étapes de l'évolution des documents pour nous
permettre, en définitive, de constituer une mémoire collective
valable et vraiment révélatrice de notre devenir collectif. (16 h
20)
Afin d'assurer une coordination des efforts dans l'application de ces
diverses dispositions relatives aux documents actifs et semi-actifs, des
mesures ont été prévues pour que tout organisme public
soumette son calendrier de conservation à l'approbation du ministre des
Affaires culturelles. Cependant, le lieutenant-gouverneur, l'Assemblée
nationale et les organismes en relevant ne sont pas tenus à cette
obligation en raison même de l'autonomie de ces institutions au sein de
l'appareil de l'État. Néanmoins, afin de permettre au ministre
des Affaires culturelles d'atteindre à une vision complète de
l'état du patrimoine archivistique québécois ces
organismes seront tenus de lui transmettre, pour information, une copie de leur
calendrier qui, comme tous les autres organismes publics, les liera dès
son adoption et leur interdira, notamment, d'aliéner ou
d'éliminer des pièces autrement que selon les dispositions ou les
prescriptions prévues à ce calendrier.
Enfin, M. le Président, je ne saurais terminer la
présentation de ce chapitre portant sur les documents actifs et
semi-actifs sans attirer votre attention sur l'article 12 qui fait interdiction
à tout titulaire d'un emploi au sein d'un organisme public de
s'approprier, au moment de son départ, les documents qu'il a produits ou
reçus en sa qualité de titulaire d'une fonction publique. Cette
pratique nous a malheureusement coûté très cher par le
passé et est à l'origine de lacunes parfois irréparables
dans notre patrimoine documentaire sans compter que, encore aujourd'hui, elle
nous contraint d'investir à nouveau des deniers publics dans la
récupération de séries qui sont jugées
essentielles. Cependant, les membres de l'Assemblée nationale ne seront
pas tenus à cette obligation. Plusieurs intervenants présents
à la commission parlementaire de mai dernier ont soulevé cette
question et ont finalement admis avec nous que les députés
reçoivent des documents à ce point personnels et confidentiels
que les rendre publics tromperait la confiance de leurs concitoyens et se
comparerait pour ainsi dire à une violation du secret professionnel.
Tous les membres de cette Assemblée savent que certains secrets leur
sont confiés pour qu'ils en soient à jamais les seuls
dépositaires.
Par ailleurs, tous mes collègues savent également que la
plus grande partie de leurs archives ne revêtent pas ce caractère
particulier et que rien ne s'oppose à ce qu'elles soient un jour
accessibles aux chercheurs. Quelques-uns parmi nos prédécesseurs
et nos collègues ont compris que l'histoire politique ne peut se faire
sans les archives des principaux agents politiques et ont pris la peine de
remettre leurs documents aux Archives nationales. Ainsi, au cours des derniers
mois - et on doit s'en féliciter - les Archives nationales ont acquis
les fonds Jean-Jacques Bertrand, Jean-Noël Lavoie, Denis Vaugeois et
Jacques-Yvan Morin. Les historiens se pencheront sur la façon dont nous
avons rempli nos fonctions de représentants du peuple. Aussi bien leur
laisser la matière qui leur permettra de vérifier leurs
hypothèses plutôt que de les forcer à nous juger par
défaut.
Les Archives nationales sont ouvertes et chacun des membres de cette
Assemblée peut négocier avec elles les conditions
d'accessibilité et les délais de communication des archives qu'il
y déposera. Je ne saurais trop encourager tous les membres actuels de
l'Assemblée nationale à déposer tôt ou tard leurs
archives auprès des Archives nationales du Québec, et je salue le
député de Saint-Henri qui m'affirme de son siège
là-bas qu'il le fera très bientôt. Les Archives nationales
s'en réjouissent, M. le député de Saint-Henri.
Une voix: Cela va avoir beaucoup de valeur.
M. Richard: La masse de documents inactifs constitue le second
palier d'intervention du projet de loi sur les archives. Ici, la
responsabilité revient entièrement au ministre des Affaires
culturelles chargé, en l'occurrence, d'adopter une politique de gestion
des documents inactifs des organismes publics. Là encore, le ministre ne
saurait agir seul et c'est aux Archives nationales qu'incombe la charge de
coordonner la mise en oeuvre de cette politique, d'en surveiller l'application,
voire de conseiller les organismes visés en matière de gestion de
leurs documents inactifs.
D'abord, il importe de bien garder en
tête que le ministre des Affaires culturelles n'entend pas ici
intervenir et régir le processus de destruction des documents ne
présentant pas d'intérêt particulier et voués
à la destruction soit après leur phase active ou leur
étape de vie semi-active. À ce chapitre, le projet de loi sur les
archives vise essentiellement les documents inactifs destinés à
une conservation permanente soit, au dire des spécialistes, de 5%
à 10% de la masse documentaire générée dans nos
administrations publiques.
Ici, les responsabilités de mise en valeur de ce patrimoine
documentaire seront partagées. D'abord, c'est au ministère des
Affaires culturelles que reviendra la garde des archives gouvernementales et
judiciaires. Quant aux institutions proprement législatives, des
dispositions sont prévues pour qu'elles puissent conclure des ententes
avec les Archives nationales en vue soit d'y déposer ou d'y verser leurs
archives.
Cette centralisation des responsabilités, eu égard aux
archives de l'appareil d'État, marque, à mon sens, un
progrès principalement en ce qu'elle permettra aux citoyens de mieux
exercer leur droit d'accès à l'information contenue dans les
archives de l'État. Par ailleurs, les organismes publics
décentralisés, énumérés aux paragraphes 4
à 7 de l'annexe du projet de loi 3, gardent l'entière
responsabilité de la gestion de leurs documents inactifs.
Il nous apparaît, en effet, que ces organismes doivent assurer
eux-mêmes la garde de leurs archives et en garantir l'accès
d'abord parce que - et nous en sommes convaincus - au nombre de leurs
responsabilités sociales, se trouve celle de participer activement
à la préservation du patrimoine culturel de notre
collectivité et, ensuite, parce que, proches des milieux qui ont
contribué a créer les archives qu'ils détiennent, ils sont
généralement seuls en mesure de mettre à la disposition de
ceux qu'ils servent ou représentent l'héritage documentaire
communautaire. Enfin, parce que la conservation de leurs archives leur garantit
l'autonomie dont ils ont besoin dans leur rapport de force avec les autres
institutions publiques ou privées.
À ces dispositions, relatives au partage des
responsabilités de conception et d'application de notre politique
archivistique québécoise, s'en ajoutent d'autres touchant plus
spécifiquement les documents eux-mêmes. Certaines font
interdiction, cela va de soi, d'éliminer des documents destinés
à la conservation permanente; d'autres mesures concernent
l'accessibilité à ces témoignages de notre
évolution et précisent certains délais
particulièrement en ce qui regarde les documents comportant des
renseignements nominatifs au sens de la Loi sur l'accès aux documents
des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels
adoptés, comme on le sait, par cette Assemblée au cours de
l'année dernière.
Enfin, toujours dans la même veine, des conditions
particulières sont prévues pour l'exercice du droit de
rectification des documents inactifs concernant une personne
décédée, de sorte que puissent être
évitées l'altération de pièces jugées de
valeur permanente et la perte d'information nécessaire à la
compréhension de notre cheminement collectif. (16 h 30)
Troisième secteur d'activité touché par le projet
de loi sur les archives: les archives privées et les services qui en
assurent la garde et la diffusion. D'entrée de jeu, la
responsabilité du ministre des Affaires culturelles est clairement
affirmée et c'est sur lui que repose la charge de promouvoir la
conservation et l'accessibilité des archives privées. À ce
chapitre cependant notre approche diffère quelque peu de celle
adoptée à l'égard des archives publiques et des organismes
publics. Notre démarche procède, en fait, des mêmes
principes qui nous ont guidés dans le processus de
régionalisation enclenché il y a plus de deux ans au
ministère des Affaires culturelles. Elle vise, en quelque sorte,
à laisser aux intervenants du milieu la marge de manoeuvre dont ils ont
besoin pour satisfaire aux exigences de leur mandat, mais également
à leur apporter l'appui nécessaire à l'atteinte de leurs
objectifs.
À certains égards, elle tend à favoriser la mise en
place d'un véritable réseau de centres privés d'archives,
capables d'offrir à leur clientèle des services de grande
qualité. Elle conduit enfin le ministre des Affaires culturelles et son
institution désignée, les Archives nationales du Québec,
à s'associer des partenaires et à collaborer avec eux à la
promotion de la conservation et de l'accessibilité des archives
privées.
C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre la notion
d'agrément mentionnée une première fois à l'article
14 et développée au chapitre III du projet de loi. Le concept, il
faut le rappeler, n'est pas nouveau. Il est connu depuis un certain nombre
d'années déjà dans les milieux des librairies et aussi
dans les milieux des musées. Il y a, en effet, des librairies
agréées comme il y a des musées
accrédités.
Essentiellement, l'agrément confère à son
détenteur un statut spécial qui atteste d'un certain niveau de
développement et qui le place au nombre des services d'archives dont le
fonctionnement est conforme aux exigences scientifiques de l'archivistique. Les
projets de règlement prévoient en effet que
l'admissibilité à l'agrément sera essentiellement fonction
de la qualité des équipements et méthodes de conservation,
des conditions d'accessibilité et de diffusion et de la
compétence des personnes affectées
aux diverses opérations du service demandeur.
Ces critères de base sont d'autant plus nécessaires que,
dans une perspective de régionalisation et d'action concertée en
vue de laisser les archives dans leur milieu naturel, nous envisageons de
pouvoir confier à ces services d'archives, après analyse des
besoins des clientèles, bien sûr, des lots d'archives publiques
susceptibles d'enrichir les mémoires collectives locales ou
régionales.
Au chapitre des archives privées, de façon plus
générale, le projet de loi soumis à votre intention
prévoit, pour le ministère des Affaires culturelles, un triple
rôle de soutien, de collaboration et de suppléance. C'est ainsi
que le ministère des Affaires culturelles pourra continuer d'apporter
aux gardiens d'archives privées une aide technique ou financière.
C'est ainsi également qu'il collaborera lui-même à la garde
d'archives privées et qu'il entend, à cette fin, participer
à l'élaboration de plans d'action concertée visant
à partager le mandat global et à définir le plus
clairement possible les champs d'intervention des partenaires
impliqués.
Enfin, toujours en matière d'archives privées, des
dispositions sont prévues qui définissent le statut d'archives
privées confiées à un organisme public et qui en
régissent l'accessibilité. De plus, des interdictions sont faites
quant au fractionnement de ces archives à des fins commerciales, une
autre pratique malheureuse qui, par le passé, a entraîné
d'irrémédiables pertes de corpus documentaires riches
d'information et qui, souvent, étaient fort précieux.
Je ne saurais, M. le Président, terminer la présentation
de ce projet de loi sur les archives sans faire état des dispositions
conformes à nos pratiques législatives et traitant de
l'administration de cette loi, des pouvoirs de réglementation en
découlant et des dispositions transitoires et finales.
Une première série de mesures apportent des
précisions quant à la marge de manoeuvre du ministre et des
personnes qu'il aura déléguées pour voir à
l'application de ce projet de loi sur les archives. Elles encadrent, à
toutes fins utiles, les pouvoirs administratifs de sorte que les gestionnaires
impliqués puissent jouir de la liberté nécessaire à
la saine administration des archives québécoises, dans le
respect, cependant, des besoins des organismes visés et aussi dans le
respect des droits des citoyens.
En outre, le gouvernement se réserve, ainsi que le veut la
pratique, le pouvoir de réglementer l'application de la loi. À
cet effet, les projets de règlements fournissent à ceux qui
auront à appliquer cette loi des indications précises sur les
normes de compilation, de rédaction et d'approbation des calendriers de
conservation. Ils indiquent les procédures à suivre dans les cas
de remise, de dépôt, d'élimination et de conservation
d'archives publiques. Eu égard aux services privés d'archives
agréées, ils précisent la marche à suivre pour la
demande d'agrément, les conditions d'éligibilité et les
exigences opérationnelles pour le maintien du statut. Ce ne sont
là -je tiens à le répéter - que des projets de
règlements. Le cas échéant, ils seront adaptés en
fonction des résultats des discussions lors de l'étude article
par article de ce projet de loi.
Enfin, des sanctions sont prévues contre ceux qui contreviendront
aux obligations de dresser des calendriers de conservation, qui modifieront ou
détruiront des documents contrairement aux prescriptions de la Loi sur
les archives, qui fractionneront, à des fins commerciales, des fonds
d'archives privées et qui entraveront les personnes responsables de
l'application de la loi dans l'exercice de leurs fonctions. Puis, comme dans
tout autre texte législatif, des clauses modifiant certaines lois
existantes en fonction des principes énoncés dans la future Loi
sur les archives ont été préparées et
insérées au dernier chapitre du projet soumis aujourd'hui
à l'analyse de l'Assemblée nationale.
J'attirerai votre attention, en terminant, sur deux dispositions
transitoires qui auront pour effet de ne pas bloquer les activités en
cours dans les divers organismes visés et de leur permettre de consacrer
davantage d'efforts à la mise en ordre de leur stock documentaire
actuel. En effet, nous avons prévu, eu égard aux documents
anciens et périmés, c'est-à-dire provenant de services
disparus, mais encore conservés par les organismes publics, de ne pas en
exiger l'inscription dans les calendriers de conservation. Considérant
que nous voulons d'abord et avant tout repérer les séries
intéressantes et les protéger, il nous est apparu suffisant de
demander aux organismes de produire des listes à partir desquelles les
personnes responsables pourront effectuer la sélection et poser les
gestes appropriés.
Voilà donc pour l'essentiel de ce projet de loi 3 sur les
archives, une première dans l'histoire législative du
Québec. Après bientôt quatre siècles de
présence continue de notre collectivité sur cette portion du
continent nord-américain, le temps, il me semble, est venu d'agir,
d'investir, à l'instar de nombreux pays et sociétés, des
énergies dans la garde et la diffusion de ces archives qui
témoignent de notre vécu et qui expliquent ce que nous sommes
devenus. À première vue, les efforts à consentir peuvent
apparaître importants. Pourtant, à les regarder de plus
près, ils rapporteront gros et non seulement du seul point de vue de la
préservation de notre héritage documentaire. Ils permettront de
surcroît aux détenteurs
d'archives et particulièrement aux gardiens d'archives publiques
de mettre de l'ordre dans leur stock documentaire, de dégager le
mort-terrain qui, présentement, cache les filons d'information de valeur
permanente et, partant, de rationaliser l'allocation des ressources. (16 h
40)
Par ailleurs, alors que l'ordinateur a déjà
commencé à bouleverser singulièrement notre gestion des
écritures et de l'information, il devient urgent de consolider l'acquis
avant qu'il ne soit trop tard et, bien sur, d'appréhender l'avenir. Ici,
le défi sera d'autant plus facile à surmonter que nous aurons
prévu de bons outils de gestion de l'information actuelle, information
porteuse de données historiques précieuses pour l'avenir. Nous
serions d'autant plus impardonnables de ne rien faire pour nos archives que le
public québécois est en droit d'exiger le libre accès
à l'information qui le concerne et que ceux qui ont pour loisir ou
métier de comprendre les fondements de notre société
doivent avoir en main des données justes qui nous renvoient une image
fidèle de ce que nous sommes devenus.
Avec d'autres interventions, la présentation de ce projet de loi
constitue la preuve que le ministère des Affaires culturelles entend
assumer tous les volets de sa mission.
Après avoir présenté au public, il y a quelques
mois, un programme d'action axé sur la création, je soumets
aujourd'hui à votre discussion un document portant sur la conservation.
Le lien entre ces deux aspects de la vie culturelle est pourtant très
étroit. En effet, nos créateurs méritent tout le
crédit pour leur vitalité et leur originalité, mais il est
permis de croire que, s'ils sont si différents des autres
créateurs nord-américains, c'est d'abord parce qu'ils sont issus
d'un peuple qui a une histoire particulière qu'il connaît par ses
archives. Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Saint-Henri.
M. Roma Hains
M. Hains: M. le Président, nous en voici donc venus
à l'étude en deuxième lecture du projet de loi 3 sur les
archives. L'annonce de ce projet de loi en première lecture avait
déclenché une campagne de protestations. À qui mieux
mieux, à cor et à cri, nos archivistes avaient
décrié ce projet de loi. Offusqués qu'ils étaient
par la notion exclusive de documents inactifs, l'absence criante de
définitions, l'effort de centralisation, souvent au détriment des
historiens régionaux, des professionnels du milieu demandaient une
révision en profondeur, sinon le retrait de ce projet de loi
écrit, en grande partie, dans l'oubli des principes de l'archivistique
moderne. Et l'on passa à la commission parlementaire.
Plus d'une soixantaine d'organismes présentèrent des
mémoires. Ce furent des moments de vérité. Dès le
début des présentations, l'on sentit que le projet de loi ne
pourrait résister aux remarques loyales mais sévères des
différents participants. Même le terme "archives publiques", du
chapitre III, avait fait appeler humoristiquement le projet de loi de projet de
loi de l'âge d'or et du troisième âge, compte tenu que l'on
ne parlait que de documents historiques, alors que, dans le milieu des
archivistes, on doit se référer aux trois âges d'un
document, c'est-à-dire actif, semi-actif et inactif.
En fait, M. le Président, chaque document passe par une
période active où il est d'usage courant pour l'organisme qui l'a
produit ou reçu. Vient ensuite la phase semi-active où le
document n'est utilisé que sporadiquement. En dernier lieu, c'est la
période inactive où se retrouvent les documents
d'intérêt historique.
Il va sans dire que le passage d'une étape à une autre
implique un tri et l'élimination d'un certain nombre de documents. Le
rôle de l'archiviste consiste alors à déterminer
judicieusement un plan de conservation en fonction de ces trois âges, des
besoins et des contraintes des organismes. Il est donc important, dans cette
optique, de pouvoir suivre un document dès sa création
jusqu'à son élimination ou sa conservation à des fins
d'information générale et historique.
Il y avait aussi le point délicat aux articles 10 et 19 qui
dispensent les personnes élues, notamment les parlementaires, de verser
les documents concernant l'exercice de leurs fonctions. C'est clair que des
règles d'accessibilité pourront peut-être offrir un jour
des garanties suffisantes de confidentialité pour permettre que les
élus soient obligés ou du moins très fortement
conseillés de conserver leurs archives. Dans le projet de loi 109 sur le
cinéma, comme dans le projet de loi 3 sur les archives, j'avais
dénoncé l'omniprésence et l'omnipotence du ministre. En
risquant une boutade, je disais au ministre des Affaires culturelles qu'avec
une autre loi et tous ces omnis, il serait un des premiers candidats au futur
temple de la renommée québécoise.
Cette autre loi est déjà déposée et cesera bientôt la loi 35 sur les musées. Une des facettes les
plus aiguës de cette plénitude ministérielle du pouvoir,
c'était l'article 21 où le ministre se réservait le droit,
sur la foi de son seul jugement, d'éliminer les archives ne
présentant plus pour lui d'intérêt historique. Une
autre
expression de ce pouvoir excessif était le droit, toujours du
ministre, d'agréer un service d'archives privées. Même les
journaux annonçaient par le projet de loi 3 l'abolition des Archives
nationales, affirmation que le ministre avait niée avec
véhémence. Je maintenais dans mon discours d'allocution à
la commission parlementaire qu'il était presque malséant au
chapitre VI du projet de loi de voir les huit articles 38 à 46 commencer
par les mêmes mots: Le ministre élabore, le ministre assure, le
ministre peut déléguer, certifier, publier, etc.
Il y avait aussi les articles 33, 34 et 35 qui avaient soulevé un
tollé sur les documents anciens, certains intervenants n'hésitant
point à dire que ces articles enfreignaient les droits et
libertés de la personne, car ils enjoignaient aux détenteurs de
certains documents anciens l'obligation de remettre ces biens au
ministère des Affaires culturelles ou du moins de ne pas en disposer
à leur gré. J'en saute, M. le Président, pour
m'arrêter, cependant, à l'article 60, qui traitait des
délais d'application de la loi. Il prévoit que des organismes
publics devront transmettre leurs calendriers de conservation pour approbation
au ministre dans l'année qui suivra la date d'entrée en vigueur
de la loi, selon une réglementation encore inconnue et qui servira de
mesure. Ce qui signifie qu'environ 5000 calendriers se retrouveraient sur le
bureau du ministre. C'est clair que ce laps de temps est insuffisant pour de
nombreux organismes et, de plus, devant l'abondance de ces calendriers, les
délais d'acceptation risquent d'être fort longs. Il est
évident que c'est une question de catastrophe et d'une noyade presque
collective. Pourquoi cette précipitation, qui est si souvent l'ennemi de
la perfection? Si j'ai insisté quelque peu sur cette première
édition du projet de loi, c'est pour en faire ressortir l'imperfection,
le manque de consultation et le bébé difforme qui est né
de cette douloureuse gestation. (16 h 50)
Aussi, l'accueil de ce premier projet fut-il froid, malheureux et
même répulsif. Comment expliquer les mésaventures subies
par ce projet de loi dès sa première sortie officielle, le 31
mars 1982, sinon que ce fut un mauvais plat cuisiné en catimini? Manque
de menu législatif véritable, on dirait parfois que ce
gouvernement est prêt à présenter n'importe quelle loi,
même si elle est à demi-cuite. Pour eux et pour le ministre, on
dirait parfois que la consultation est un aveu de faiblesse, une atteinte
à leur génie et à leur autorité. Souverains
pontifes législatifs, ils se croient parfois vraiment dotés de
l'infaillibilité parlementaire.
Pourtant, une véritable consultation de la gent archivistique
aurait évité les erreurs grossières de cette
première ébauche de loi, car, disaient MM. Chouinard, Couture
et
Rousseau, il s'agit d'un projet de loi qui confirme la très
faible volonté politique du gouvernement en matière de patrimoine
archivistique du Québec. En fait, les 60 organismes qui ont
défilé devant la commission parlementaire entonnèrent
tristement le même refrain, excepté quelques adulateurs
inconditionnels qui acceptent souvent des ruades au postérieur comme des
caresses.
Sur les 79 articles de la loi, 48 au moins amenèrent des
contestations, des demandes d'amendement ou de suppression. Comme je le disais
précédemment, pourquoi ne pas avoir consulté ces
chercheurs professionnels, les gens du métier qui oeuvrent dans le plus
grand respect des archives qu'on appelle souvent les mémoires de notre
histoire?
Malgré ses avatars et ses faiblesses, la loi 109 sur le
cinéma avait été précédée du travail
de Guy Fournier sur l'excellence et la survie du cinéma. Or, dans le
projet de loi initial sur les archives, aucune consultation du milieu qui ne
demandait pourtant qu'à aider et à collaborer pour sertir un
bijou de loi dans un cadre législatif agréé par ce monde
érudit, consciencieux et fort progressif.
Vous vous rappelez peut-être que j'avais terminé mon
allocution en vous disant quelque chose comme ceci: M. le ministre, c'est le
professeur qui vous parle, vous avez mal fait votre devoir, il faut le
recommencer. Il fallait vraiment réimprimer cette loi, la remodeler,
l'amender et la revitaliser. Les pontages et les rafistolages étaient
trop nombreux et dangereux, il fallait vraiment un coeur neuf. Ces gens du
milieu, remplis d'intérêt et de sympathie, ne demandent
qu'à vous aider pour bâtir et rédiger un projet de loi qui
fera leur bonheur et l'envie des connaisseurs archivistes.
Cette déclaration prémonitoire, M. le Président,
avait fait dresser les oreilles de M. le ministre, mais, après
l'audition des 60 mémoires, il en venait à la même
conclusion. Au journal des Débats, il disait: "M. le Président,
conformément aux dispositions de l'article 119 de notre
règlement, je voudrais proposer qu'avant la deuxième lecture le
projet de loi soit réimprimé. Je voudrais proposer la
réimpression de ce projet de loi." Vous le savez, M. le ministre, c'est
avec plaisir que j'avais appuyé votre motion à ce sujet.
En fait, la première version de la loi 3 sur les archives est
vraiment déjà passée aux archives et est devenue un
document inactif. C'est sur un nouveau texte revu et corrigé,
réimprimé, que nous travaillerons, espérant qu'il saura
colmater les fissures et les brèches et même les trous
béants que nous avions découverts dans la première
édition.
Ici, M. le Président, je veux rendre à César ce qui
est à César, au ministre des Affaires culturelles l'hommage qui
lui est dû.
II a su faire montre de clairvoyance, de souplesse et de courage. Ce ne
sont pas tous les ministres qui feraient marche arrière en
piétinant sur leur orgueil et sur leur fierté pour poser un geste
qui accuse peut-être une faiblesse ou une erreur, mais qui par ailleurs,
magnifie l'auteur par sa droiture et son honnêteté. On dit de la
culture, M. le Président, que c'est ce qui vous reste quand vous avez
tout oublié. Ici, M. le ministre a montré qu'il était
vraiment digne des Affaires culturelles en gardant une belle ouverture
d'esprit, en corrigeant une oeuvre imparfaite et en pensant au bien des gens du
milieu et de ses concitoyens au lieu de s'enfermer dans une fausse tour
d'autorité et de prestige. Le ministre a reculé pour mieux
réussir et je crois que cette stratégie a été
vraiment bénéfique.
La nouvelle réimpression sur laquelle nous travaillerons en
deuxième lecture et à l'étude article par article est
vraiment améliorée et semble bien perçue par le milieu,
mais pour moi, après ces fleurs, l'épine persiste et me pique
singulièrement. Je ne cesse de m'interroger. Pourquoi toujours et
partout ce manque de consultation et de dialogue avec les gens concernés
avant d'élaborer un projet de loi? J'avais fait un long prologue sur ce
sujet lors de l'adoption du projet de loi 109 sur le cinéma et je l'ai
répété avec le projet de loi 3 sur les archives. Que de
problèmes n'auraient pas surgi et que de satisfaction aurait
semée autour d'elle cette consultation!
J'appréhende déjà de recommencer ces mêmes
doléances pour le prochain projet de loi 35 portant sur les
musées dont nous ferons bientôt la deuxième lecture. Pas de
commission parlementaire. Mais pourquoi? Il aurait été si facile
d'entendre au moins les directeurs des deux musées puisque ce projet de
loi ne concerne que le Musée de Québec et le Musée
contemporain de Montréal. Les autres muséologues aussi auraient
eu certes un mot à dire. Le ministre m'avait dit que nous ferions une
commission parlementaire sur les archives et il avait estimé qu'elle
serait courte et rapide. Les archives, le sujet pouvait paraître anodin
et pourtant plus de 60 mémoires ont été lus et
discutés avec profit de part et d'autre. Alors, pourquoi encore cette
absence de consultation? Encore aujourd'hui, elle est possible et serait tout
à fait bénéfique. Qu'y a-t-il donc? Cette consultation
n'est pourtant par un aveu de faiblesse et la promulgation d'une loi n'est pas
essentiellement un coup de force.
On m'a dit, avant la réimpression de ce projet de loi sur les
archives, que le ministre aurait consulté quelques membres influents de
ce métier. C'est logique et rassurant, surtout quand ces gens disent que
le projet de loi est vraiment bonifié et qu'ils en acceptent grosso modo
l'esprit et la rédaction. Sur ce sujet, puis-je attirer l'attention du
ministre sur le mémoire quelque peu tardif, mais non moins important, de
Marie Leclerc, de l'Association pour les études sur la
radiotélévision canadienne, mémoire portant sur la
conservation et l'exploitation des archives audiovisuelles d'origine
québécoise? Il y a là des remarques très
pertinentes auxquelles nous nous devons certes d'apporter des réponses
adéquates avant l'adoption finale du projet de loi.
M. le Président, c'est donc avec joie et satisfaction que nous
entreprendrons l'étude article par article du projet de loi sur les
archives. De part et d'autre, je crois que nous avons fait notre devoir,
même s'il est quelquefois difficile à remplir. Porter l'attaque
à l'escrime est souvent aussi pénible et aussi périlleux
que d'esquiver les coups. Ici, nous avons réussi une lutte qui se
termine par une victoire des deux parties, mais surtout pour la plus grande
joie et la plus grande satisfaction des connaisseurs et des travailleurs
archivistes. Merci. (17 heures)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Trois-Rivières.
M. Denis Vaugeois
M. Vaugeois: Merci, M. le Président. Je me lève
avec plaisir, comme député, pour parler de ce projet de loi. Je
dois avouer que j'ai en même temps un peu de nostalgie, un peu de regret,
presque un peu d'envie. J'aurais aimé me lever pour parler sur ce projet
de loi à titre de ministre des Affaires culturelles; je l'avoue
simplement, j'aurais aimé être à la place du
député de Montmorency, de mon collègue et ami
Clément Richard, de l'actuel ministre des Affaires culturelles. Mais je
lui reconnais ce mérite d'avoir su rendre à terme ce que moi,
après plusieurs autres, j'avais tenté de mener à terme.
C'était à se demander d'ailleurs si, un jour, un ministre des
Affaires culturelles réussirait à déposer dans cette
Chambre, enfin, un projet de loi sur les archives. Notre collègue l'a
réussi et d'une façon qui n'agrée pas, qui ne plaît
pas totalement à l'Opposition.
Le député de Saint-Henri me fait signe que oui mais, dans
son discours, il a eu quelques petites méchancetés bien
tournées pour reprocher au gouvernement et au ministre le manque de
consultation et quelques petites vétilles qui auraient entouré la
première version du projet de loi.
Il n'y a pas de projet de loi étudié dans cette Chambre,
du moins dans l'époque moderne, qui auront fait l'objet d'autant de
discussions et d'autant de consultations. Je me permettrai aujourd'hui de faire
quelques indiscrétions. Ce projet de loi sur les archives a
été voulu par le premier sous-ministre des Affaires culturelles
et voulu
ardemment par le premier ministre des Affaires culturelles. M. Lapalme
et M. Frégault se sont bagarrés pendant des années pour
pouvoir venir déposer devant cette Chambre ce projet de loi.
Guy Frégault était historien. Il faut comprendre qu'il ne
pouvait pas ne pas souhaiter ardemment laisser aux siens, à ses
collègues professionnels, cette pièce législative
extrêmement précieuse. Après Frégault, il y a eu au
moins, de mémoire, un autre sous-ministre qui était, à
l'origine, également un historien de formation; M. Noël Vallerand.
M. Vallerand, alors que j'étais aux Affaires culturelles, y a
travaillé comme sous-ministre. Je peux témoigner de la
priorité qu'il a donnée à cette démarche
législative et, disons-le, il travaillait en équipe avec un
ministre qui, lui-même, avait pratiqué un peu ce métier
d'historien. Et pourtant, Frégault, Vallerand et plusieurs ministres,
certains y croyant davantage, d'autres n'y croyant peut-être pas beaucoup
-en tout cas, je peux témoigner des efforts que j'ai faits - tous ces
gens sont restés en panne.
Manque de consultation, manque de discussion avec le milieu,
caractère hâtif des démarches, mépris de l'opinion
publique, mépris du point de vue des professionnels du secteur?
Certainement pas. Les indiscrétions que je commettrai, je les
résumerai seulement en disant que c'était à
l'intérieur que se trouvaient les obstacles. Le député de
Saint-Henri a quelques distractions en ce moment, c'est peut-être
préférable parce que je dis des choses qu'on ne doit pas trop
développer.
Dans ce projet de loi que nous avons devant nous, nous avons la
clé des difficultés qu'ont vécues les 15, 20 ou 25 projets
de loi, entre autres, à l'article 4. La clé se trouve un peu
à l'article 4. Je peux dire que lorsque j'ai quitté le Conseil
des ministres, à la séance à laquelle je devais assister
le lendemain de mon départ, j'étais à l'ordre du jour avec
le projet de loi sur les archives. Je peux dire que j'y étais à
la dernière séance, également, qui a
précédé le déclenchement des élections. Les
séances, pendant la période électorale et celle qui a
suivi, avant la formation du nouveau cabinet, n'étaient pas des
séances normales. J'étais donc rendu, après toutes les
étapes que cela suppose, avec une bonne pièce législative
au Conseil des ministres.
J'ai quitté. Est-ce qu'il faut lier cela à la bataille que
j'ai livrée sur le projet de loi sur les archives? Je ne crois pas, mais
je pense que c'était lié à un certain nombre de batailles
comme celle-là.
Celui qui m'a succédé a repris patiemment le travail en
tenant compte des obstacles et des objections qu'on manifestait à
l'intérieur vis-à-vis de ce projet de loi et de façon
habile, de façon prudente, de façon mesurée, avec la
volonté de se rendre au bout de la démarche, en faisant des
concessions que moi je n'avais pas voulu faire, M. le Président, et que
je ne pouvais pas accepter de faire. Je le dis, au fond, le ministre actuel
avait sur moi l'avantage de ne pas être du métier. Il pourrait
donc faire quelques concessions qu'on lui pardonnait à lui mais que je
ne crois pas qu'on m'aurait pardonnées à moi.
Je suis d'accord avec les concessions qu'il a pu faire et qu'il a faites
parce que l'important, c'était de nous mener à l'étape
d'aujourd'hui. Elles ont été faites avec la première
version du projet de loi et, de grâce! n'en imputons pas au ministre les
imperfections. Il n'a pas pu me le dire aujourd'hui, mais le ministre
était probablement le plus heureux des hommes que le milieu dise ce
qu'il avait dit à l'intérieur, que le milieu exige ce qu'il avait
osé demandé à l'intérieur, qu'enfin le milieu se
levait pour soutenir une position qu'un ministre des Affaires culturelles avait
défendue vainement à l'intérieur, parce que, disons-le, un
ministre des Affaires culturelles est assez solitaire dans les gouvernements.
Et même dans cette Chambre d'ailleurs, un ministre des Affaires
culturelles a souvent l'impression de ne pas exister, parce que son secteur
semble laisser l'Opposition assez indifférente. Je n'en fais pas grief
au député de Saint-Henri, qui collabore bien en
général, mais il faudrait reconnaître que les
périodes des questions ne sont pas très achalandées dans
le secteur culturel. Il y a quand même un vide assez désolant.
Le ministre a donc dû faire face à un milieu exigeant, un
milieu qui exigeait, par exemple, qu'on maintienne la fonction de conservateur
des archives. Je suis certain que dans l'administration publique il y a des
gens qui sont tombés de leur chaise. Pour eux, ce devait être
quelque chose de réglé. Mais non. Le ministre a donc repris sa
pièce législative à la faveur, entre autres, de la
disparition du ministère des Travaux publics. Le ministre est ici en
cette Chambre, il pourrait témoigner que le fait que son
ministère soit appelé à disparaître a
facilité la démarche du ministre des Affaires culturelles. Il ne
faut pas oublier que ce ministère était responsable de la
conservation d'une partie des documents et, maintenant que nous allons vers une
société d'État, il y a des fonctions jadis remplies par le
ministère des Travaux publics qui doivent aller quelque part. C'est
à ce moment-ci que le ministère des Affaires culturelles arrive
avec quelque chose d'intéressant, d'autant plus que ce ministère
est capable de faire le travail.
Pour que ce soit clair, rappelons qu'il n'y avait pas de rivalité
entre le ministère des Affaires culturelles et le ministère des
Travaux publics, ces deux ministères s'enten-
daient bien. C'est ailleurs, si vous voulez, que l'inquiétude
régnait et que le pouvoir se trouvait. Le ministère des Travaux
publics et le ministère des Affaires culturelles se sont donné la
main, ces dernières années - depuis 1976, M. le
député de Saint-Henri - pour relocaliser les Archives nationales.
Avant cette loi, il y a au moins eu des gestes concrets qui ont pu être
faits dans le domaine des archives. Avant cette loi il y a eu le recyclage de
la chapelle du Grand Séminaire de l'Université Laval, qui a
été un travail admirable. J'invite d'ailleurs les gens à
passer à l'occasion visiter ce bâtiment. Ceux qui hésitent
à remettre leurs documents aux Archives nationales seraient
rassurés s'ils se rendaient visiter ce bâtiment où
travaillent des gens extrêmement compétents. On se rendrait compte
que le Québec n'a pas à avoir honte.
Si, sur le plan législatif, nous avons beaucoup tardé, au
moins au niveau physique, nous avions bien progressé ces
dernières années. Depuis bien longtemps, le Québec a des
gens compétents dans le domaine des archives mais, aujourd'hui, il faut
le dire, l'équipe est plus large et contient donc plus de gens
compétents et qui devraient d'ailleurs rassurer tout à fait les
éléments de l'administration publique qui s'inquiètent
encore sur les capacités de ce secteur des Affaires culturelles à
prendre charge de la gestion documentaire. En même temps qu'à
Québec on installait correctement - en fait, je dois le dire, mieux que
n'importe quelle autre province au Canada - les Archives nationales, on les
rendait présentes sur le territoire également. Toutes les
régions du Québec ont maintenant leur dépbt d'archives
bien organisé et fréquenté. Je crois qu'il y avait cette
réalité physique qui rendait encore plus possible le
dépôt de ce projet de loi et qui en permettra la réussite.
(17 h 10)
J'ai fait allusion, tout à l'heure, à la gestion
documentaire. Il faut dire, M. le Président, que l'étape qui est
franchie actuellement avec ce projet de loi, c'est une étape beaucoup
plus importante qu'on le croit. Je suis certain que, demain, les journaux ne
parleront pas de l'échange que nous avons. Ils ne mentionneront
probablement pas le projet de loi. Ils ne feront pas allusion à ce qui
s'y trouve. Pourtant, cette démarche s'inscrit dans les grandes
réformes que l'État québécois a menées
à terme. Je ne parle pas pour le gouvernement actuel; je ne fais pas
l'apologie simpliste d'un gouvernement. Je parle de l'État
québécois et des gouvernements qui se sont succédé
et qui ont entrepris de moderniser l'appareil gouvernemental et l'appareil
étatique.
Cela a été commencé par les libéraux qui ont
travaillé dans le sens de l'approche budgétaire. On a
travaillé dans le sens de l'approche de la fonction publique. On est
encore en train de remettre en question certaines choses au niveau de la
fonction publique et des travaux publics. Mais il y a une réforme qu'on
n'avait jamais osé toucher, qu'on n'avait jamais osé
entreprendre. C'est celle de la gestion documentaire. Dieu sait qu'il s'en
brasse des papiers dans un gouvernement. D'ailleurs, cela prend la forme d'un
papier. Cela prend la forme de films et de microfilms. Cela prend maintenant la
forme de rubans d'ordinateur. Tout cela s'amoncelle et c'était devenu
synonyme de problèmes: problèmes en termes de coûts de
stockage, de rangement, d'accessibilité ou, disons-le,
d'inaccessibilité.
Une loi comme celle qui est étudiée aujourd'hui, qui
amorce une réforme de la gestion documentaire, est, à mon avis,
synonyme d'économie: économie d'espace, économie de temps.
Les documents seront mieux classés. On conservera ceux qui devront
être conservés, le moment où ils devront être
conservés. Le soutien documentaire sera celui qui convient pour ce genre
de documents. Ils seront davantage accessibles. Cela devient, à ce
moment-là, M. le Président, synonyme d'efficacité
administrative. Je suis convaincu que quand cette loi aura été
menée à terme, avec des bons règlements et avec la
capacité pour le reste de l'administration publique de faire confiance
en la capacité des Affaires culturelles et des Archives nationales de
gérer les documents, tout cela deviendra synonyme d'économie et
d'efficacité, également pour l'administration publique et pour
les hommes politiques, synonyme de prudence, de qualité dans la
gestion.
Le jour où on saura que non seulement certains documents sont
accessibles immédiatement, tel que le rend maintenant possible la loi
concernant l'accès à l'information, mais dès qu'on saura
que les documents qui n'ont pas été accessibles
immédiatement seront conservés, lorsqu'on prendra conscience que
les traces de la gestion, tant au niveau politique qu'au niveau administratif,
seront conservées, on comprendra que, tôt ou tard, hommes
politiques et gestionnaires rendront des comptes. Je pense que ce moment est le
début d'une plus grande sagesse, d'une plus grande qualité dans
l'administration. Cette expérience a été faite ailleurs et
j'ose croire qu'elle aura le même effet chez nous.
Il y a des choses que nous aurons l'occasion de discuter quand nous
considérerons le projet de loi article par article. Il y a des
éléments qui viendront plus tard. J'aimerais qu'on reprenne
encore, à un moment donné, cette question que le ministre a
effleurée quant aux documents que traitent les membres de cette Chambre,
ceux qui sont au Conseil du trésor et au Conseil des ministres. Je suis
partisan de la
plus grande ouverture possible. Je suis partisan de conserver les traces
des gestes, les traces des décisions prises par les gouvernements. Je
suis d'ailleurs partisan pour que ces traces, ces documents qui relatent le
cheminement soient accessibles le plus rapidement possible. Je pense que le
plus tôt les gouvernements ont à rendre des comptes, le mieux
c'est.
On l'a déjà évoqué, il y a des gens qui
restent en cette Chambre pendant de nombreuses années et il faudrait
quand même respecter les premiers documents qu'ils ont eu à
traiter. C'est un point de vue, M. le Président. Mais je peux vous dire
que le jour où j'ai quitté le ministère des
Communications, le Conseil du trésor, le Conseil des ministres ou le
ministère des Affaires culturelles, j'ai demandé à mes
fonctionnaires de ne rien toucher aux dossiers qui étaient dans les
classeurs. J'avais encore en mémoire le souvenir d'un ministre qui
s'était fait photographier le lendemain de son départ en train de
charger des caisses dans des camions. Il partait avec les documents du
ministère des Finances, du moins ceux qu'il avait traités en tant
que ministre.
À mon avis, l'administration publique, ce n'est pas cela.
L'administration publique, c'est une continuité et les documents que je
traite comme ministre ne sont pas des documents qui m'appartiennent en propre.
Ce sont des documents qui portent ma marque, mon empreinte, qui ont quelque
chose de moi, mais à mon avis, qui appartiennent à l'État
ou que je me dois de rendre à l'État. Je serais peut-être
justifié de faire le ménage, de dire: Cela est à
l'État, cela est à moi; oui, effectivement, mais ce n'est pas mon
approche. Mon approche, c'est de remettre à l'État les documents
que j'ai eu à traiter comme homme politique. En ce qui me concerne, je
n'ai fait aucune réserve, je n'ai demandé aucune prescription.
Quand on m'appelle - c'est fréquent - pour avoir des renseignements sur
des choses qui se sont passées quand j'étais là - cela ne
m'arrive pas tous les jours, mais presque toutes les semaines - je
réfère les gens aux Archives nationales. Souvent, on est
étonné d'ailleurs. On dit: Où? Avez-vous
déjà envoyé cela aux Archives nationales? Je dis: Oui. On
me dit: Avez-vous l'intention de quitter? Je dis C'est une autre question.
Les documents qui correspondent à mon travail au cabinet, pour
une période donnée, quand cette période est
terminée, selon moi, sont en meilleure place, en meilleures mains aux
Archives nationales que n'importe où ailleurs. Le jour où les
autres lois, les autres règlements permettront de les ouvrir à la
recherche, quant à moi, il n'y aura aucune restriction. Dès que
les autres lois le permettront, dès que les documents que j'aurai
traités comme ministre et membre du
Conseil des ministres deviendront du domaine public, on pourra avoir
accès à ces documents. Quant à moi, j'invite le premier
ministre et ceux qui le conseillent, ainsi que les membres du Conseil des
ministres, à regarder cela à nouveau et, dans l'esprit qui a
toujours animé ce gouvernement, à avoir les prescriptions les
plus courtes possible.
On peut prendre l'exemple sur des pays qui ont été en
guerre et qui, dans des périodes relativement courtes, ouvrent à
la recherche les archives de guerre. Le Vatican, qui ne passe par pour
l'institution la plus transparente qui soit, ouvre, de façon
raisonnable, ses archives à la consultation et aux chercheurs et
respecte les documents confiés aux chercheurs, parce qu'il ne s'agit pas
de faire le ménage la veille. D'ailleurs, le projet de loi que nous
allons adopter empêchera un gouvernement de faire le ménage. C'est
le conservateur des archives qui, au dernier moment, sera le gardien, si vous
voulez, de la documentation. Ce n'est d'ailleurs pas le ministre à ce
moment-là, parce que le ministre lui-même pourra être dans
une situation délicate, mais c'est le conservateur, avec la Commission
des biens culturels, qui devra s'assurer qu'une administration publique ne fera
pas disparaître des documents. Certains documents n'ont pas à
être conservés, mais il appartiendra aux gens responsables et
compétents du secteur des archives de le décider et non pas aux
hommes publics.
S'il m'était permis, après avoir fait une invitation au
premier ministre et au Conseil de ministres, d'en faire une à mes
collègues de cette Chambre. Je trouve infiniment regrettable que, depuis
1791, depuis qu'il y a des députés au Québec, il y en ait
eu si peu qui aient fait confiance aux Archives nationales. Je crois
qu'à cet égard nous sommes un des coins de la planète
où la performance est la plus faible. Peu d'hommes politiques ici ont
remis leurs documents aux archives. Les documents qu'on retrouve sur eux aux
archives sont des documents qui ont été attrapés à
gauche et à droite, qui se trouvaient dans d'autres fonds documentaires,
qui ont été ramassés un peu par hasard, même ceux
sur les premiers ministres du Québec. C'est un sujet sur lequel j'ai
beaucoup travaillé avec d'autres. On a été absolument
étonnés que, sur certains premiers ministres, il n'y ait aucun
document ou à peu près aucun document pour ainsi dire, si ce
n'est des traces de papiers administratifs, mais pas de correspondance ou de
papiers ayant une certaine signification. Il y a une très faible
proportion d'hommes politiques pour lesquels on retrouve des documents un peu
significatifs aux archives.
Je ne comprends pas trop cela, M. le Président. On ne vient pas
en politique pour se bourrer les poches, pour le salaire, pour soi. On vient en
politique avec un peu
d'idéal, pour faire des choses pour la collectivité et, au
fond, admettons-le, M. le Président, on est un peu vaniteux. On aime
être vu à la télévision parfois, on aime avoir sa
photo dans les journaux, on aime être connu. Des fois, on aimerait mieux
ne pas l'être, mais, en général, on apprécie un peu
certains aspects de la démarche publique qui est la nôtre.
Secrètement, on voudrait avoir fait des choses importantes pour le
comté, le ministère où on travaille. On rêve
secrètement de passer à l'histoire, n'est-ce pas, M. le ministre?
Nous rêvons tous un peu de passer à l'histoire et nous prenons
bien garde de confier aux archives et aux historiens les traces de notre
passage en politique. Il faudra choisir, M. le Président, si on veut un
peu passer à l'histoire et laisser pour les générations
à venir... Vous venez de découvrir la vérité ou
quoi?
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est qu'il vous reste une
minute, mon cher. (17 h 20)
M. Vaugeois: Ah! c'est un peu court. Je termine donc sur ce
point, en lançant une invitation à mes collègues, à
ceux qui nous ont précédés. Je me souviens de contacts que
j'avais faits auprès de Robert Burns, par exemple, qui a eu une
présence extraordinaire dans ce Parlement. Je le prends en exemple, mais
Robert a des documents extraordinaires qu'il conserve péniblement.
Probablement qu'à chaque déménagement il reprend ses
caisses et il repart avec cela. Pourquoi ne viendrait-il pas confier ces
documents aux archives? S'il veut les avoir à Montréal, on peut
les conserver à Montréal. Si on veut les avoir dans la
région de Trois-Rivières, on peut les conserver à
Trois-Rivières. Si on veut les avoir dans n'importe quelle région
du Québec, il se trouve des dépôts d'archives aptes,
capables de recevoir et de prendre soin des documents qui correspondent
à notre activité.
Il y a des documents qui ont un caractère confidentiel. C'est un
point de vue. De toute façon, à mon avis, c'est une question de
temps. Même si ce sont des documents assez intimes qui relatent des
expériences personnelles parfois douloureuses que des gens sont venus
nous confier, conservons les traces des témoins d'une époque
où une certaine misère pouvait exister, où des
difficultés pouvaient exister. C'est cela, l'histoire, M. le
Président. Les spécialistes, les archivistes
détermineront... Dans 50 ans, dans 90 ans, peu importe le délai,
ces choses seront conservées et, lorsque des experts le jugeront
approprié, seront accessibles aux chercheurs.
Je termine, puisque mon temps est écoulé, en
félicitant le ministre, en félicitant le gouvernement d'avoir su
rendre à terme cette démarche législative. Je me doute
qu'elle va plutôt passer inaperçue, je le regrette un peu, mais
j'invite ceux qui ont été associés à cette
réflexion des dernières années, ceux qui restent encore
liés à cette démarche, de rapidement nous donner les
règlements qui permettront l'application de la loi.
J'invite tous ceux qui, dans l'administration, se sont beaucoup
méfiés des capacités des archives nationales, de leur
personnel et du ministère de tutelle, à faire honnêtement
confiance à cette institution. J'invite ceux qui siègent dans
cette Chambre, ceux qui nous ont précédés dans cette
Chambre, ceux qui sont les dépositaires de documents qui ont appartenu a
des disparus qui ont siégé dans cette Chambre, à
communiquer avec le ministre, à communiquer avec leur
député, à communiquer avec le directeur ici présent
dans les galeries, M. Robert Garon, à communiquer avec le directeur des
archives dans leur région pour confier à la garde de
l'État des documents qui peuvent être utiles pour les
générations qui nous suivront. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, votre
droit de réplique.
M. Clément Richard (réplique)
M. Richard: M. le Président, très
brièvement, je voudrais d'abord remercier mon collègue, le
député de Saint-Henri, et, bien sûr, mon collègue et
ami, le député de Trois-Rivières. J'aurais toutefois deux
observations à faire. L'une à l'égard du
député de Saint-Henri, pour lui dire que je saisis mal qu'il
veuille toujours me reprocher les amendements que j'apporte après une
commission parlementaire qui, justement, est l'instrument tout à fait
privilégié de consultation puisque la consultation, à ce
moment, est de nature publique. Il a utilisé sensiblement le même
discours au moment de la Loi sur le cinéma. Il utilise encore le
même discours pour me reprocher d'apporter des amendements après
consultation, en disant que c'est à défaut de consultation.
Précisément, une commission parlementaire a pour objet
d'apporter, de bonifier un projet de loi. Il ne faudrait quand même pas
qu'on me le reproche.
Quant à l'observation que je voudrais faire à
l'égard de mon collègue, le député de
Trois-Rivières, c'est simplement pour reconnaître ceci. Sans les
énergies qu'il avait lui-même investies dans ce projet de loi, une
étape essentielle n'aurait jamais été franchie et si,
aujourd'hui, nous sommes à l'étude de ce projet de loi, c'est
parce que mon prédécesseur y avait déployé tant
d'efforts et d'énergies.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la
deuxième lecture du projet de loi 3,
Loi sur les archives, est adoptée? Des voix:
Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission des affaires
culturelles
M. Boucher: Je fais motion pour que ce projet de loi soit
déféré à la commission des affaires
culturelles.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader adjoint.
M. Boucher: Je vous demanderais d'appeler l'article 10) du
feuilleton d'aujourd'hui.
Projet de loi 18 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): J'appelle la
deuxième lecture du projet de loi 18, Loi sur la Société
immobilière du Québec. La parole est au ministre des Travaux
publics et de l'Approvisionnement. M. le ministre.
M. Alain Marcoux
M. Marcoux: M. le Président, le lieutenant-gouverneur en
conseil a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'étude
à l'Assemblée nationale.
Le projet de loi dont nous abordons l'étude en deuxième
lecture a pour objet de transformer le ministère des Travaux publics et
de l'Approvisionnement du Québec en une société
d'État qui aura pour but de gérer et d'administrer les actifs
immobiliers du gouvernement du Québec ou, une autre façon de
l'exprimer, ce projet de loi propose ou a comme conséquence l'abolition
du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement et son
remplacement par une société d'État chargée
d'administrer les actifs immobiliers du gouvernement du Québec.
Je dirais que l'objectif central de ce projet de loi est de permettre au
gouvernement de faire administrer de façon plus efficace et avec un
meilleur rendement l'ensemble de ses propriétés, d'atteindre cet
objectif de rendement et d'efficacité de façon plus facile dans
le cadre d'une société d'Etat.
Je reviendrai tantôt sur l'ensemble des objectifs qui m'ont
amené à recommander au gouvernement et qui ont fait retenir par
le gouvernement cette proposition d'abolir le ministère des Travaux
publics et de l'Approvisionnement et de créer la Société
immobilière du Québec.
Je pense qu'il faut d'abord très bien comprendre les fonctions
actuelles du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement. En
somme, le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement loue
des espaces, fait de la location d'espaces pour les besoins des
ministères du gouvernement du Québec. Il achète des
propriétés pour loger un certain nombre de ministères ou
de services gouvernementaux ou il procède à des projets de
construction qu'il réalise aux fins de satisfaire les besoins des
ministères ou des organismes parapublics ou péripublics. De plus,
pour ce qui regarde l'approvisionnement, le Service général des
achats, jusqu'à maintenant, dépend du ministère des
Travaux publics et de l'Approvisionnement. Si cette loi est adoptée,
évidemment le Service général des achats ne fera pas
partie de cette Société immobilière, puisque ses fonctions
sont tout autres, c'est de voir à l'administration des règles
d'achat du gouvernement du Québec. Il sera plutôt
transféré sous la responsabilité du président du
Conseil du trésor.
Qu'en est-il de cette fonction de gestion immobilière? Il faut
savoir que le parc immobilier du gouvernement c'est 2 000 000 de mètres
carrés, moitié en propriété, moitié en
location. En somme, les palais de justice nous appartiennent, des centres de
détention nous appartiennent, les postes de la Sûreté du
Québec nous appartiennent ou sont loués, les édifices pour
loger l'ensemble des fonctionnaires nous appartiennent ou sont loués;
aussi des édifices nous appartiennent soit pour y installer des
laboratoires gouvernementaux ou sont loués pour y installer des
laboratoires de différents ministères. Ce sont ces services -
décrits bien simplement - que le ministère des Travaux publics et
de l'Approvisionnement donne actuellement aux différents
ministères du gouvernement.
Lorsque je suis arrivé au ministère des Travaux publics et
de l'Approvisionnement, en avril 1981, il y a deux ans, j'ai pu constater que
ce ministère avait déjà atteint deux grands objectifs,
soit l'objectif de la compétence et celui de la transparence.
Quant à la compétence du ministère des Travaux
publics et de l'Approvisionnement, j'en veux deux exemples que la population du
Québec connaît. C'est nous qui avons construit le Palais des
congrès de Montréal, une oeuvre de 80 000 000 $; nous avons
construit cet édifice à l'intérieur des délais
prévus et au coût prévu, alors que c'était un projet
ambitieux, construire un centre des congrès
au-dessus d'une voie d'autoroute et réussir à faire cette
construction avec le moins de dérangement possible, en atteignant les
objectifs de notre client, le ministère de l'Industrie, du Commerce et
du Tourisme. (17 h 30)
Un autre exemple que les citoyens de la région de Québec
ont pu voir, c'est la construction récente de la Place de la justice, du
nouveau palais de justice de Québec, une oeuvre de 55 000 000 $ qui a
été faite pour répondre aux besoins du ministère de
la Justice. Je crois que l'objectif de la compétence était
largement atteint lorsque je suis devenu ministre des Travaux publics et de
l'Approvisionnement.
Il en est de même pour l'objectif de la transparence. On sait
qu'au cours des années l'État québécois est devenu
de plus en plus transparent dans l'octroi de ses contrats. C'est ainsi qu'au
cours des années soixante et des années soixante-dix on a
procédé de plus en plus par appels d'offres publics pour les
grandes constructions gouvernementales, mais ce mouvement s'est
considérablement accentué avec l'arrivée au pouvoir du
gouvernement du Parti québécois. C'est ainsi que nous avons
commencé à faire des appels d'offres publics pour la location -
pas seulement pour la construction - d'espaces pour satisfaire les besoins du
gouvernement. Nous avons aussi décidé d'instaurer un fichier
central des fournisseurs de services professionnels, des services de
génie, des services d'architecture, des services d'administration,
d'audiovisuel et de publicité, en somme les différents services
professionnels auxquels recourt un gouvernement. Nous avons
décidé de faire un fichier central où des firmes ou des
individus pourraient s'inscrire pour offrir leurs services au gouvernement et
décidé d'instaurer des méthodes objectives
d'évaluation de la qualité de ces services professionnels. En
somme, en 1981, lorsque j'ai assumé la responsabilité de ce
ministère, en plus de l'objectif de compétence, l'objectif de
transparence dans l'activité gouvernementale du ministère des
Travaux publics et de l'Approvisionnement était largement atteint.
Il restait un troisième défi à relever pour ce
ministère, soit celui d'améliorer considérablement son
service à la clientèle. Je crois que ce n'est pas faire injure
aux employés - j'y reviendrai - que de dire que ce ministère
avait la réputation d'être le ministère des travaux pas
vite plutôt que d'être le ministère des Travaux publics.
Personnellement, après que les deux autres défis eurent
été relevés - celui de la compétence et de la
transparence - le défi que j'ai voulu relever avec l'équipe qui
était au ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement
était celui d'améliorer l'efficacité de nos services
à la clientèle; à la fois donner des services plus
efficaces, plus rapides et avec une économie accrue de ressources. Je
dois dire que nous avons fait des efforts importants depuis deux ans dans ce
sens, auxquels ont pleinement collaboré -je dois le souligner
très clairement l'ensemble des employés du ministère des
Travaux publics. C'est ainsi que, sur une période de deux ans, nous
sommes en train de réduire de 10% le personnel du ministère des
Travaux publics sans réduire la qualité des services
donnés à la clientèle. Au contraire, nous avons
augmenté la qualité des services donnés à la
clientèle en donnant des responsabilités plus grandes à
nos représentants régionaux et à nos gérants
d'édifice, en décentralisant les responsabilités, en
déléguant des pouvoirs de gestion et de signature pour que nos
fonctionnaires qui ont la compétence puissent prendre des
décisions pour accélérer la qualité des services
donnés à la population.
Nous avons aussi été le premier ministère du
gouvernement à instaurer un programme de motivation, de
productivité et de performance visant à accroître, d'une
part, la motivation de notre personnel et, d'autre part, sa productivité
et sa performance dans les services à fournir à nos clients. Nous
avons aussi accompli une régionalisation de l'action du ministère
en déplaçant peu de personnes vers les régions et en
ouvrant peu de postes dans les régions. Nous avons surtout donné
des responsabilités aux personnes qui étaient là. Dans
cette perspective d'améliorer notre efficacité, nous avons
conçu un vaste plan de gestion de l'espace pour la région de
Québec et nous sommes en train de terminer un plan semblable de gestion
de l'espace pour la région métropolitaine. Celui de Québec
est plus connu parce que - vous le savez - nous avons proposé un plan de
gestion de l'espace qui a été approuvé par le Conseil des
ministres et qui fera que, sur une période de cinq ans, nous allons
réduire de 70 000 mètres carrés l'espace en location dans
la région de Québec, c'est-à-dire qu'environ 15% de
l'espace que nous louons dans la région de Québec sera
réduit ou ne sera plus loué parce qu'il ne correspond plus
à nos besoins. À cause de la réduction de
l'activité gouvernementale, à cause des trop grands espaces
loués dans le passé, nous devons réduire ces espaces
loués dans une meilleure gestion de nos ressources.
Dans cette perspective d'accroître l'efficacité, nous avons
décidé de faire faire à contrat par l'entreprise
privée le maximum de travaux, quitte à ce que le ministère
des Travaux publics mette davantage l'accent sur la planification des besoins
de nos clients et sur le contrôle de la satisfaction du besoin de ces
clients, ce qui ne signifie pas que nous n'aurons plus certains services
à rendre en régie, mais nous voulons accroître cettetendance vers des contrats de services
professionnels dans le domaine de l'architecture, du génie, des
services d'administration, de l'entretien et de l'exploitation de nos
édifices. Nous voulons de plus en plus donner ces services à
contrat tout en continuant d'en gérer une certaine partie
nous-mêmes.
Vous allez me dire: Pourquoi proposez-vous la création d'une
société immobilière du Québec si vous avez fait des
efforts, si vous avez réussi, en bonne partie, à accroître
la qualité des services que vous fournissez à votre
clientèle? J'ai dû poursuivre ma réflexion plus loin et
voir ce qu'il faudrait faire pour améliorer, pour franchir d'autres
étapes dans l'amélioration de nos services à la
clientèle. Cette réflexion nous a amenés à
consulter l'expérience qui a été menée en Colombie
britannique depuis sept ans déjà. En Colombie britannique, il y a
déjà sept ans que le ministère des Travaux publics a
été aboli et remplacé par une société
d'État, BCBC, British Columbia Building Corporation, qui administre
l'ensemble des actifs immobiliers du gouvernement. À la lumière
de cette expérience et de la réflexion sur l'évolution du
ministère des Travaux publics du Québec, nous en sommes
arrivés à la conclusion que si nous voulions franchir d'autres
étapes dans l'amélioration de ces services à la
clientèle, il faudrait procéder à la transformation du
ministère en une société immobilière.
En somme, l'objectif de la création de cette
société immobilière est d'accroître
l'efficacité. Cela constitue un meilleur moyen pour gérer les
espaces gouvernementaux, produire les biens de service des différents
organismes gouvernementaux. Dire ceci, ce n'est pas faire injure aux
fonctionnaires membres du ministère des Travaux publics. Je crois
fondamentalement que la fonction publique développe davantage des
gestionnaires de programmes que des gestionnaires d'entreprises. Et ceci me
paraît très normal. Quand quelqu'un adhère à la
fonction publique, il adhère à un organisme, à une
fonction d'État qui est d'abord de fournir des services à
l'ensemble de la population. On sait que ces services sont fournis à
travers des programmes qui comportent de multiples normes, de multiples
règles. Or, la culture de la fonction publique, du fonctionnaire comme
tel le rend davantage apte à gérer des programmes qu'à
gérer des immeubles, qu'à gérer dans une perspective de
gestion d'entreprise. C'est cette mentalité de gestionnaire d'entreprise
que nous voulons développer dans le cadre de cette société
immobilière du Québec.
Actuellement, le premier réflexe d'un agent, face à un
client qui demande un service au ministère des Travaux publics, est de
voir si cette demande correspond à certaines normes et à certains
critères. Il faudra qu'à la société
immobilière on s'intéresse de savoir quelle est la façon
la plus rapide et la moins coûteuse de répondre aux besoins
exprimés par ce client.
Un autre motif qui m'a amené à conclure à
l'utilité de cette société immobilière du
Québec est que le ministère des Travaux publics en soi n'est pas
un ministère politique. C'est un ministère qui n'établit
pas de politique au sens où un ministère peut créer des
politiques sociales, des politiques économiques, des politiques
culturelles. Ce n'est pas un ministère qui fait des lois pour mieux
régir notre vie en société, soit dans le secteur culturel,
soit dans le secteur économique, soit dans le secteur social. Le
ministère des Travaux publics n'est pas un ministère qui
administre des programmes qui donnent des services à la population. Ce
n'est pas non plus un ministère qui réglemente notre vie en
société. En somme, le ministère des Travaux publics n'a
à élaborer ni politique au sens noble du terme ni d'objectifs
qu'une société doit poursuivre. Il n'a pas de loi à
développer ou à mettre en oeuvre. Il n'a pas de
réglementation à développer pour encadrer notre
société. Il n'a pas non plus de programme à administrer au
bénéfice des citoyens du Québec.
En ce sens-là, le ministère des Travaux publics est bien
d'avantage, et c'est ma conclusion essentielle, un ministère
administratif. Je crois donc que pour améliorer au maximum cette
administration il valait mieux le faire dans le cadre d'une
société d'État, d'une société qui
gérera les immeubles du gouvernement comme on gère des immeubles
dans l'entreprise privée. En ce sens-là, le cadre de
référence de cette société immobilière doit
devenir les modes de gestion des immeubles dans l'entreprise privée. (17
h 40)
Un des objectifs supplémentaires que nous visons par la
création de cette société immobilière, c'est de
responsabiliser les ministères clients. Il est facile, dans le cadre
actuel, pour un ministère, d'exprimer constamment ses besoins, de faire
des demandes sans toujours en mesurer le poids financier, d'en mesurer le temps
à réaliser, mais à partir du moment où nous allons
facturer les ministères clients, ils devront assumer le coût
correspondant 6 la qualité de services qu'ils demanderont, au type de
services qu'ils demanderont, au type de baux qu'ils demanderont. S'ils nous
demandent de signer des baux dans un centre-ville, ils devront accepter que le
coût de ces baux soit plus élevé que ceux qui
étaient à un mille ou à un demi mille du centre-ville et
pas nécessairement sur les axes principaux.
C'est la même chose dans d'autres services que nous avons à
fournir à ces ministères. Nous voulons, par cette
société immobilière, rendre plus transparent pour chacun
des ministères, le coût des services
que nous leur rendons. Nous voulons responsabiliser les
ministères clients par rapport à l'analyse de leurs besoins, par
rapport à la planification de leurs besoins, exactement comme si ces
services leur étaient fournis par une entreprise privée. Nous
voulons aussi rentabiliser au maximum les investissements du gouvernement dans
ce secteur.
Quels sont brièvement les avantages que le gouvernement compte
tirer de la création de cette société immobilière?
C'est d'abord d'entraîner un changement de mentalité et de climat
de travail dans cette entreprise pour qu'il soit plus compatible avec les modes
de gestion d'une société immobilière en
général, non pas, comme je l'ai dit brièvement
tantôt, que nous soyons contre ou que nous craignions la
mentalité, la culture propre à la fonction publique. Nous croyons
que cette culture et cette mentalité vont de soi avec la gestion de
programmes qui sont là pour servir la population. Nous croyons que dans
le cadre d'une société immobilière, qui est d'abord une
société d'administration d'actifs immobiliers, il est possible,
il sera utile de développer un autre climat de travail, une autre
mentalité de gestion du personnel lui-même.
Un autre objectif, c'est d'en arriver à la rentabilisation des
investissements du gouvernement; en somme, à une plus grande
efficacité dans la gestion de ses équipements.
Nous voulons également développer une mentalité
axée sur les résultats à atteindre, parce que, dans le
cadre d'une gestion immobilière, tout est facilement mesurable et tout
est facilement pondérable. Il est facile de savoir le temps qu'on
prendra pour réaliser telle chose. Il est facile de prévoir le
coût pour la réalisation de tels services à donner à
nos clients. Je crois qu'en ce sens, il sera plus facile, dans le cadre d'une
société immobilière, d'arriver à développer
cet esprit de gestion par les résultats, où les individus ont
davantage de responsabilités, où on confie davantage de place
à l'initiative personnelle dans le cadre du travail même de cette
Société immobilière, à l'ensemble des
employés qui en seront membres.
Nous croyons aussi qu'un autre avantage qui en sera tiré, c'est
que le gouvernement pourra distinguer plus nettement le rôle d'intendance
face à ses immeubles par rapport au rôle plus politique, celui du
Conseil des ministres, qui est de décider de construire ou de ne pas
construire, de satisfaire tels besoins ou de ne pas les satisfaire. À ce
moment-là, nous croyons que les ministères devront assumer
directement leurs responsabilités par rapport à la
définition de leurs besoins et par rapport à la
disponibilité financière pour satisfaire ces besoins.
Un autre avantage, ce sera que chaque service aura un prix. Àpartir du moment où on indique que chaque service aura un prix, le
client devra faire des choix. Le client devra établir des
priorités dans les services qu'il veut qu'on lui rende.
Un autre avantage, c'est que nous ne serons plus assujettis aux
règles de fonctionnement de l'ensemble de l'administration publique et
à la Loi sur l'administration financière et ses contraintes
nombreuses qui sont normales dans le cadre de ministères, dans la vie de
ministères, mais qui nous apparaissent moins utiles dans le cadre de la
gestion des actifs immobiliers du gouvernement, soit ceux dont il est
propriétaire, soit ceux dont il est locataire.
Un autre avantage de la création de cette Société
immobilière, c'est qu'elle facilitera la gestion de nos projets de
construction puisque plutôt que la dépense de nos projets de
construction soit incluse dans notre budget, nous procéderons par voie
d'emprunts et le prix sera fixé sous forme de loyer, dans les
années à venir, au ministère client, au lieu d'avoir
à arrimer nos projets de construction dans le cadre des années
financières du gouvernement. Nous pourrons réaliser nos projets
de construction dans le cadre d'emprunts qui nous permettront, en somme, de
pondérer, d'activer nos réalisations, non au rythme de
l'évolution temporaire ou passagère des budgets gouvernementaux,
mais davantage à celui des besoins de nos clients.
Également, nous ferons une économie du profit du locateur
puisque étant, comme Société immobilière,
responsable de l'ensemble de la gestion de nos immeubles, le profit du
locateur, de celui qui est propriétaire, nous en ferons
bénéficier le gouvernement en lui payant les redevances
normalement prévues par le gouvernement.
Je l'ai indiqué tantôt, nous pensons ainsi que cette
Société immobilière devra se comparer bien davantage aux
sociétés immobilières de l'entreprise privée pour
arriver à atteindre son degré d'efficacité et de
rentabilité.
Quelques éléments que je voudrais ajouter à cet
énoncé des objectifs, des avantages de la création de
cette société immobilière, c'est que cette
société devra s'autofinancer et rentabiliser ses activités
en assumant, en faisant payer à ses clients le prix de ses services. La
Loi sur la fonction publique ne s'appliquera pas à cette
société immobilière, comme pour la plupart des
sociétés d'Etat qui oeuvrent en concurrence avec le secteur
commercial et le secteur industriel, puisqu'elle sera, dans le fond, une
société commerciale. Nous ne voyons pas l'utilité,
à ce moment-là, de l'assujettir à la Loi sur la fonction
publique non plus qu'à la Loi sur l'administration financière qui
lui imposeraient des règles qui ne sont pas
l'habitude de ce milieu.
Quant aux impacts sur les relations du travail, nous n'en
prévoyons pas de négatifs. Au contraire, vu la façon dont
cette décision du gouvernement a été accueillie par le
personnel du ministère des Travaux publics, je suis convaincu que
l'ensemble du personnel de ce ministère va collaborer au maximum
à la mise en place de cette société immobilière,
d'autant plus que nous avons décidé, pour faciliter cette
transition, d'inviter tout le personnel syndiqué du ministère
à adhérer à la Société immobilière du
Québec. En fait, tout le personnel syndiqué qui voudra devenir
membre de la Société immobilière du Québec pourra
le devenir en gardant la totalité de ses droits acquis, ce qui signifie
que quelqu'un qui adhérera à la Société
immobilière du Québec pourra se présenter à des
concours de mutation de la fonction publique, à des concours de
promotion de la fonction publique et faire évaluer son expérience
acquise au sein de la société durant le. temps où il
travaillera au sein de la Société immobilière, ce qui fait
que l'ensemble des droits acquis des fonctionnaires, leurs droits acquis
actuels leur seront maintenus. (17 h 50)
Évidemment, les nouveaux employés de la
Société immobilière, ceux que cette société
engagera au fur et à mesure des années, ne seront pas assujettis
à la Loi sur la fonction publique et n'auront donc pas le statut de
fonctionnaires.
J'ai parlé, au tout début, de tranparence. Nous avons
voulu faire en sorte que cette société, même si nous
voulons qu'elle se compare le plus possible à l'entreprise
privée, maintienne les caractéristiques de la transparence de la
gestion gouvernementale, puisque, essentiellement, ce sont des fonds publics
qui seront administrés par cette société. C'est ainsi
qu'elle devra avoir recours au fichier central des fournisseurs de services
lorsqu'elle aura besoin de services professionnels. C'est ainsi qu'elle devra
procéder par appels d'offres, selon les règles habituelles qui
sont les siennes actuellement, et c'est ainsi qu'elle sera assujettie à
la politique d'achat du gouvernement. Cette société devra
également recourir au Service général des achats pour ses
achats.
En somme, les acquis de notre histoire au niveau du gouvernement du
Québec, les acquis de transparence du ministère des Travaux
publics sont complètement protégés par ces trois
décisions, à savoir que cette Société
immobilière devra avoir recours au fichier central des fournisseurs de
services, qu'elle devra procéder par appel d'offres et,
également, qu'elle devra avoir recours au Service général
des achats pour faire ses achats.
En terminant, M. le Président, je voudrais remercier tout le
personnel du ministère des Travaux publics qui, je le pense, a
pleinement collaboré depuis deux ans à atteindre l'objectif
d'accroissement de l'efficacité et d'amélioration du service
à la clientèle du ministère. Si nous avons pensé
créer cette Société immobilière, c'est pour fournir
à ces personnes un cadre encore meilleur pour atteindre cet objectif
tout en protégeant la totalité de leurs droits. En ce sens, je
suis convaincu que c'est grâce à eux, grâce à leur
travail que la société pourra relever les défis qu'elle se
donnera et le défi que le gouvernement lui propose, que le gouvernement
souhaite qu'elle atteigne.
Je voudrais profiter aussi de cette occasion pour rassurer les
entrepreneurs en construction qui craignaient qu'avec la création de
cette Société immobilière le gouvernement ne devienne un
entrepreneur en construction. Je voudrais éliminer toute confusion
à ce sujet. Il n'est pas de l'intention du gouvernement de devenir un
entrepreneur en construction. Cette Société immobilière
recourra aux appels d'offres publics pour les constructions qu'elle voudra
faire, recourra aux appels d'offres publics pour les locations
d'édifices, de bureaux et, en ce sens, le choix qui a été
fait déjà depuis plusieurs années par les
différents gouvernements de recourir à des appels d'offres pour
la construction des édifices gouvernementaux sera maintenu.
En conclusion, M. le Président, ce que nous voulons
développer dans cette Société immobilière, c'est
une nouvelle mentalité, une nouvelle culture axée sur des
objectifs d'efficacité, de performance, de rentabilité et de
service à la clientèle. Nous voulons aussi accroître
l'autonomie dans la gestion des actifs immobiliers du gouvernement. Une autre
conséquence, puisque j'ai indiqué qu'à notre sens le
ministère des Travaux publics n'en était pas un où
s'élaboraient des politiques, où s'élaboraient des
programmes, où s'élaboraient des réglementations,
où s'élaboraient des lois, c'est de permettre, en abolissant le
ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement, de
libérer des ressources humaines gouvernementales pour répondre
aux nouvelles priorités du gouvernement dans d'autres secteurs
d'activité qui, aujourd'hui, sont plus mobilisatrices par rapport aux
problèmes que vivent nos concitoyens et aux solutions qu'ils veulent que
nous leur apportions.
M. le Président, je souhaite que l'Opposition concoure à
l'adoption de cette loi qui, je pense, correspond aux objectifs
généraux que nous visons tous, c'est-à-dire
l'amélioration de l'efficacité du gouvernement comme des services
que nous offrons à l'ensemble de la population. Nous croyons bien
sincèrement que, par la création de cette Société
immobilière, nous pourrons mieux servir les différents
ministères qui, à leur
tour, ainsi mieux servis par la Société immobilière
du Québec, pourront donner de meilleurs services directement à la
population. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: M. le Président, vu l'heure
avancée, pourrais-je demander la suspension du débat
jusqu'à 20 heures ou 20 h 15?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, avant que les gens ne se
mettent à croire qu'il y a eu des réalignements de forces
politiques au cours des dernières secondes, je voudrais faire motion
pour que nous suspendions nos travaux jusqu'à 20 heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Suspension
des travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 57)
(Reprise de la séance à 20 h 01)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Je crois qu'à la suspension de nos travaux, le
député de Robert-Baldwin avait demandé la parole sur la
deuxième lecture du projet de loi 18, Loi sur la Société
immobilière du Québec. M. le député de
Robert-Baldwin.
M. John O'Gallagher M. O'Gallagher: Merci, M. le
Président.
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît!
Des voix: II cherche...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît!
M. O'Gallagher: C'est vrai que les bureaux de scrutin viennent de
fermer dans les deux comtés libéraux de Mégantic-Compton
et de Jonquière.
M. le Président, je prends la parole sur le projet de loi 18, Loi
sur la Société immobilière du Québec. Les
principaux objectifs visés par le ministre des Travaux publics et de
l'Approvisionnement, en nous présentant ce projet de loi, sont d'imposer
une gestion plus rentable et plus efficace des immeubles logeant les
différents ministères et organismes publics du Québec.
L'image que se fait le ministre de la Société
immobilière du Québec, société qui héritera
des services immobiliers de l'actuel ministère des Travaux publics et de
l'Approvisionnement, en est une d'une entité administrative autonome,
préoccupée d'abord et avant tout de la rentabilisation de ses
investissements et de ses activités. C'est tout à fait dans
l'optique du Parti libéral d'imposer aux sociétés
d'État des objectifs de productivité, de rendement et
d'efficacité. Or, le ministre prétend que la fonction publique
forme davantage des gestionnaires de programmes que des gestionnaires
d'entreprises, comme il l'a dit cet après-midi et il semble convaincu
que son ministère pourrait atteindre un niveau de compétence
égal à celui que pourrait donner l'entreprise privée
à ces ministères et organismes. Le ministre a affirmé en
conférence de presse qu'il croit - et je le cite - qu'il serait plus
facile de développer une mentalité et une culture axées
sur des objectifs dans une entreprise qui fonctionnera sur le modèle de
l'entreprise privée. Cependant, après une étude plus
approfondie du projet de loi 18, l'Opposition s'inquiète quant à
la sincérité des intentions du ministre. D'abord, notons
l'absence totale de quelque étude de rentabilité efficace d'une
telle agence. Le ministre, pourtant enrichi de l'expérience de la
British Columbia Building Corporation, mieux connue sous le nom de la BCBC, n'a
jamais présenté un plan de développement pour la nouvelle
société ni aucun objectif de rentabilité.
L'Opposition constate que le ministre ne dispose sur ce point que de
bonnes intentions et d'un rapport de planification des tâches du
comité de gestion et de transformation du ministère. Le ministre
ne peut même pas nous dire qui sera le ministre responsable de la
nouvelle société immobilière du Québec. Il ne peut
pas non plus nous dire combien des 2200 employés de son ministère
seront nécessaires à la gestion efficace et rentable de la
nouvelle société.
De plus, comment compte-t-il atteindre un niveau de compétence et
de rentabilité compatible au secteur privé de l'immeuble s'il
entend transférer à la nouvelle société le fardeau
de garantir aux employés du ministère des Travaux publics et de
l'Approvisionnement les droits acquis et les conditions de travail actuelles
que nous
savons bien supérieures à celles du secteur
privé?
La Société immobilière du Québec
deviendra-t-elle propriétaire des biens meubles et immeubles qui font
partie du domaine public et qui sont présentement administrés par
le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement? Cette
nouvelle société sera dorénavant responsable de la
construction, de l'exploitation et de la gestion des immeubles du
gouvernement.
Pourquoi le ministre tient-il à se soumettre à l'exercice
discutable qu'est l'évaluation des biens immeubles? Pourquoi ne
préfère-t-il pas tout simplement effectuer un transfert des
titres et du passif de chacun des immeubles impliqués? Cette
évaluation sera-t-elle basée sur la valeur marchande des biens
immeubles ou simplement sur la valeur aux livres?
Le projet de loi stipule, à l'article 19, que le gouvernement
déterminera par décret une liste de tous les ministères et
organismes publics qui devront faire affaires exclusivement avec la
société. Nous sommes très intéressés
à prendre connaissance des critères qui détermineront la
composition de cette liste. Nous sommes anxieux de voir quels seront ces
ministères et organismes publics.
Les besoins de chacun en matière d'immeubles seront-ils
réévalués par la société dans le but
d'atteindre une plus grande efficacité? Si un ministère ou un
organisme quelconque n'aime pas les conditions imposées par la
société pour ses services d'immeubles ou d'entretien, pourra-t-il
aller en appel d'offres, tout au moins pour s'assurer que la
Société d'immeubles du Québec soit effectivement en
concurrence avec le secteur privé?
Nous demandons donc au ministre de nous fournir une liste des
ministères et des organismes qui seront obligés de faire affaires
exclusivement avec la société préposée.
Peut-être le gouvernement n'a-t-il pas encore rédigé une
telle liste, ce qui, évidemment, mettra en doute tout espoir de
rentabilité. De plus, nous demandons au ministre de nous faire part des
critères de base de la composition d'une telle liste.
M. le Président, cette société, dont le
capital-actions fera partie du domaine public et est attribué au
ministère des Finances, devra verser ses profits à son unique
actionnaire, le ministère des Finances, sous forme de dividendes
fixés par le gouvernement. (20 h 10)
Une question très importante nous vient tout de suite à
l'esprit quant à cet élément du projet de loi. Est-ce que
le ministre des Finances va partager les bonnes intentions du ministre des
Travaux publics et de l'Approvisionnement de faire de cette nouvelle
société une société efficace et compétitive
avec le secteur privé? Le ministre des Finances, c'est bien connu, donne
un sens qui lui est propre à la notion de rendement efficace. Le
gouvernement fixera-t-il au début de l'exercice financier des dividendes
que la Société immobilière du Québec devra verser,
comme il le fait, par exemple, avec la Société des alcools du
Québec? Le niveau des loyers imposés aux locataires obligatoires
de la société tiendra-t-il compte du marché ou
plutôt des attentes du ministre des Finances? Pourquoi le gouvernement ne
laisse-t-il pas au conseil d'administration de la société la
responsabilité de fixer des dividendes qu'elle va verser au gouvernement
pour que l'objectif en soit un, d'abord, d'efficacité et non seulement
de rentabilité pour son actionnaire gourmand qui est le ministre des
Finances? Voilà encore une autre question, M. le Président,
à laquelle le ministre devra répondre s'il veut l'appui de
l'Opposition à ce projet de loi.
Ce projet de loi est basé sur l'expérience acquise dans ce
domaine par la Colombie britannique qui, en 1976, a entrepris la transformation
de son ministère des Travaux publics en société
d'État, soit la British Columbia Building Corporation, BCBC. C'est
d'ailleurs la même équipe de consultants, soit Peat Marwick, de
Montréal, qui avait été impliquée dans la
création de BCBC, qui aide aujourd'hui, au Québec, le ministre
à effectuer la transformation du ministère en
société d'État. Deux grandes différences semblent
se faire valoir toutefois entre la BCBC et la Société
immobilière du Québec, telle que proposée par le projet de
loi 18.
D'abord, la BCBC relève d'un comité de direction
nommé par le lieutenant-gouverneur, comité autonome et
responsable des activités de la BCBC, tel que décrit par la loi.
La Société immobilière du Québec ne jouira pas du
même niveau d'autonomie, puisque plusieurs de ses activités
devront être préalablement approuvées par le
lieutenant-gouverneur. L'autre grande différence est que le gouvernement
de la Colombie britannique, au moment de la création de la BCBC,
transféra tout simplement ses droits de propriété ainsi
que le passif à la nouvelle société, tandis qu'au
Québec, comme nous l'avons mentionné plus tôt, le
gouvernement veut plutôt et d'abord déterminer la valeur des biens
qui feront l'objet du transfert. C'est à l'article 27.
Ce qui nous intéresse dans l'étude de la loi
légiférant sur la British Columbia Building Corporation et de son
dernier rapport annuel, c'est le niveau d'autonomie de la société
et les politiques de gestion de la BCBC. La British Columbia Building
Corporation fonctionne d'après un plan de développement
quinquennal. Elle détermine ses prix d'après le prix du
marché. Elle est sous l'autorité absolue de son conseil
d'administration. La
BCBC a des programmes de développement, de construction, de
conservation d'énergie, d'économie d'espace, de diminution de la
fréquence des accidents du travail et d'absentéisme, ainsi que
plusieurs autres programmes. Le ministre ne fait aucune mention de tels projets
dans son projet de loi.
Enfin, il est évident que le ministre considère que pour
atteindre des objectifs de rentabilité et d'efficacité, la
société devra tailler son image sur celle du secteur
privé. Il devra accorder toute l'autonomie de l'opération
à cette société proposée qu'elle aurait si elle
appartenait au secteur privé non seulement en apparence, mais en
réalité. Le projet de loi prévoit à l'article 26
que l'Hôtel du Parlement, ici en cette Chambre et l'édifice
Pamphile-Lemay, édifice voisin, ne seront pas soumis à cette
nouvelle loi. Le projet de loi n'explique aucunement quels seront les rapports
entre ces deux édifices et la société puisque
l'Hôtel du Parlement et l'édifice Pamphile-Lemay ne sont pas
autonomes en ce qui concerne leur chauffage, leur électricité,
les deux étant alimentés par l'édifice
André-Laurendeau.
Quel type d'entente existera-t-il aussi entre ces deux édifices
et la société en ce qui a trait à leur entretien?
Existera-t-il un système parallèle d'entretien pour ces deux
édifices? Une telle solution ne sera évidemment pas très
rentable du point de vue administratif, vu le dédoublement des services.
Pourquoi, d'ailleurs, l'Hôtel du Parlement et l'édifice
Pamphile-Lemay sont-ils exempts de la transparence administrative que devait
apporter cette nouvelle loi? L'article 21 du projet de loi mandate la nouvelle
société à réaliser la construction et
l'aménagement d'un Palais des congrès à Montréal.
Comme tout le monde le sait, ce palais est déjà construit. Ce
même article stipule également que la société
devrait participer à la construction, à l'aménagement et
à l'exploitation de la Place Desjardins à Montréal. C'est
déjà construit. Nous sommes déjà
propriétaires à 49%, en plus de participer activement au
financement de celle-ci.
Quoique ce soit normal que le ministre veuille bien transférer
les objectifs et les pouvoirs de la Société immobilière du
Québec, tel que prévu dans la loi gouvernant la nouvelle
société créée par ce projet de loi, il ne semble
pourtant pas irréaliste que le ministre amende quelques articles datant
de 1971, afin de refléter davantage la réalité
d'aujourd'hui. Cette négligence du ministre, confirmée par le
fait que les responsables de ce projet de loi au sein de son cabinet ne
prévoient aucun amendement à ces articles, indique clairement le
manque de sérieux du ministre envers cette partie du projet de loi. (20
h 20)
En effet, l'article 21 du projet de loi 18 reprend presque mot pour mot
les articles 17 et 18 de la Loi sur la Société de
développement immobilier du Québec, deux articles datant de 1971,
qui sont tout à fait désuets aujourd'hui. Il est évident
que des amendements s'imposent quant aux fonctions attribuées à
la Société immobilière du Québec.
Le projet de loi ne fait aucune mention de la Société parc
auto. La Société parc auto, comme vous le savez sans doute, est
une société sans but lucratif détenue majoritairement par
le gouvernement du Québec, qui a un contrat avec elle pour la gestion de
ses espaces de stationnement. Cette société, qui n'est toutefois
pas propriétaire de ces espaces de stationnement, paie des redevances au
gouvernement à partir de ses revenus d'exploitation.
La Société parc auto n'est visiblement pas touchée
par le projet de loi 18. Nous voulons savoir si ce sera désormais la
Société immobilière du Québec qui sera responsable
de ce contrat avec la Société parc auto. Ce contrat sera-t-il
renouvelé ou la société compte-t-elle plutôt prendre
en main la gestion des espaces de stationnement pour ainsi éviter que
nous ayons deux sociétés, une qui administre les espaces de
bureaux et d'entrepôts et l'autre qui administre les espaces de
garages?
Revenons maintenant, M. le Président, à la question des
employés visés dans ce projet de loi, quoique je laisserai
à mon collègue, le député de Louis-Hébert,
le soin de parler de ce problème aigu affectant de nombreux
employés de son comté. Il va sans doute faire des remarques sur
ce problème particulier lors de la troisième lecture. Il va en
traiter avec beaucoup plus de détails plus tard. Je voudrais cependant
soulever deux éléments. Le ministre a annoncé en
conférence de presse que les employés qui choisiront de
travailler pour la nouvelle société ne feront plus partie de la
fonction publique, mais qu'ils conserveront tout de même leurs droits
acquis. Le ministre n'est sans doute pas sans savoir que pour être aussi
rentable et efficace que le secteur privé, la Société
immobilière ne pourra évidemment pas offrir des conditions de
travail semblables à celles offertes par la fonction publique qui sont -
c'est bien connu - nettement supérieures à celles que l'on
retrouve dans le secteur privé.
Deuxièmement, le ministre peut-il assurer les employés de
son ministère qui décideront de se joindre à la
société proposée que leurs services seront toujours requis
dans deux, trois ou quatre ans et même plus tard? Reprenons l'exemple de
la British Columbia Building Corporation. Cette société qui sert
de modèle à la Société immobilière du
Québec et qui avait un effectif de 1674 employés au moment de sa
création en 1976 a seulement à l'heure
actuelle, en 1983, 1134 employés, une diminution de 32,3% en cinq
ans.
Quant à la question d'une rationalisation de la performance de
l'effectif du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement,
il nous semble bizarre que ce même gouvernement, sous lequel on a
assisté au Québec, entre 1976 jusqu'à maintenant, à
une augmentation de 71 000 employés dans le secteur public, alors que le
secteur manufacturier a perdu 55 000 employés, le même
gouvernement, songe aujourd'hui, à la rentabilité et à
l'efficacité. It is about time.
Il est important de vous dire que l'Opposition est, en grande partie
d'accord avec le principe de ce projet de loi, mais nous insistons sur le fait
que plusieurs points restent encore à clarifier avant que nous puissions
l'appuyer pleinement. Plusieurs points concernent les objectifs de la
société, concernent le ministre responsable que ce soit de la
Société immobilière du Québec ou du service
général des achats, concernent les rapports entre la
Société immobilière du Québec et les structures
existantes et, enfin, plusieurs questions sont encore sans réponse quant
aux employés. C'est le devoir du ministre de répondre à
ces questions avant de demander à l'Assemblée nationale de
sanctionner un tel projet de loi.
En terminant, je voudrais demander au ministre de déposer ici en
Chambre, avant d'entreprendre l'étude du projet de loi article par
article, une liste complète de tous les édifices publics ou sous
contrat de location qui sont présentement administrés par le
ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement. Cette
information doit sans doute être disponible assez facilement dans vos
banques de données ou dans vos ordinateurs. Cela nous permettra de
suivre l'actuel débat et surtout le progrès de la nouvelle
société que vous proposez par ce projet de loi. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Richelieu.
M. Maurice Martel
M. Martel: Nous sommes très heureux, de ce
côté-ci de la Chambre, de l'accord de principe que vient de nous
donner le député de Robert Baldwin. Malgré ses multiples
questions, nous nous efforcerons, à l'occasion de ce débat en
deuxième lecture de la loi 18, d'y apporter les réponses
exigées pour avoir ce vote unanime.
Nous assistons, par la présentation de ce projet de loi qui a
pour but de créer des structures modernes qui correspondront à
des services efficaces de gestion dans le domaine de l'immobilier au
Québec, à l'abolition du ministère des Travaux publics.
Nous ne pouvons passer sous silence la période de 1976 à 1983,
qui a vu des réalisations importantes se manifester à
l'intérieur de ce ministère. Tout le monde savait que ce
ministère, dans les années antérieures, était un
peu La Mecque, c'est-à-dire le lieu de pèlerinage de nombreux
professionnels qui venaient à Québec - c'était la seule
façon de procéder dans le temps - pour offrir leurs services au
gouvernement.
Depuis ce temps, depuis que le Parti québécois a pris le
pouvoir, nous avons vu des modifications importantes s'effectuer à
l'intérieur de ce ministère, ne serait-ce, par exemple, que la
création de ce fichier central qui permet dorénavant à
tous les professionnels du gouvernement qui ont des services à offrir
d'avoir l'égalité des chances pour obtenir ces fameux contrats.
Cependant, la vocation d'un ministère à l'intérieur de ce
gouvernement est de définir et d'administrer des politiques et
également les règlements qui en découlent. (20 h 30)
De plus, la vocation d'un ministère est de surveiller ou de
contrôler différents secteurs de l'activité sociale,
économique et culturelle, comme, par exemple, au ministère des
Affaires sociales, il s'agit de mettre en évidence de nouvelles
politiques et de voir également à ce que les règlements
permettent une application facile. Il s'agit également, à
l'intérieur de différents ministères, de contrôler
ses activités économiques, comme cela se fait au ministère
des Affaires sociales, par exemple, de voir à ce que la Régie de
l'assurance-maladie du Québec fonctionne efficacement, de voir à
ce que son réseau hospitalier donne également des services
adéquats à la population.
C'est le rôle d'un ministère, c'est-à-dire un
rôle d'administrer des programmes, de faire des politiques et de
surveiller. Le ministère de la Fonction publique forme également
des gestionnaires de programmes et non pas des administrateurs d'immeubles. Ce
sont les raisons qui font que nous sommes ce soir à discuter du projet
de loi 18 qui a pour but d'établir de nouvelles structures pour
répondre efficacement à ces besoins que nous constatons.
Le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement a
été' jusqu'à maintenant une entreprise de production de
services. Des services de soutien, il va de soi, des services de gestion en
immobilisation, des services de construction, des services d'entretien
d'édifices et, également, des services d'achat de biens de
services. Mais ce n'est pas là la véritable vocation d'un
ministère. C'est pour cette raison que ce projet de loi crée
cette Société immobilière du Québec, qui
possédera un personnel mieux intégré, qui répondra
à des besoins spécifiques de gestion d'immeubles, et cela de la
façon la plus proche possible du secteur privé,
c'est-à-dire
avec de l'efficacité.
Nous avons entendu le ministre cet après-midi dire que
dorénavant les ministères auront à comptabiliser une
facture qu'ils auront à payer à cette société
immobilière qui mettra en échange des services à la
disposition des ministères et aussi à des organismes publics et
parapublics. Pour répondre au député de Robert Baldwin,
qui se demandait à qui cette société offrirait des
services, c'est, évidemment, à tous les ministères, cela
va de soi, et je crois que ce sera aussi efficace pour les organismes publics
et parapublics d'avoir recours à cette nouvelle
société.
Cette société offrira ce que le ministère offre
actuellement: des services de gestion, des services en immobilier, des services
d'entretien d'immeubles, des services d'achat en ce qui a trait à ces
immeubles, et également des services de construction. Cette
société, contrairement à d'autres
sociétés... J'avais un point d'interrogation. Lorsqu'on parlait
de créer un autre organisme, je me disais: Comment cela va-t-il se
financer? De quelle façon le gouvernement va-t-il être
obligé de mettre une mise de fonds là-dedans? Pour
répondre également aux questions que se posait le
député de Robert Baldwin, je tiens à lui rappeler que la
mise de fonds du gouvernement dans cette nouvelle société
d'État est composée au départ des biens meubles et
immeubles qui lui sont transférés.
Donc, le gouvernement n'aurait pas à lui voter un budget. La
société fera ses frais, donc, l'impact sur les finances publiques
sera neutre. Il n'y aura pas de mise de fonds de la part du gouvernement. Les
sommes que cette société recueillera des différents
ministères, des différents organismes paragouvernementaux seront
suffisantes pour assurer les services de cette nouvelle structure. Cette
société sera évidemment soumise à la Loi sur le
Service des achats de même qu'à la procédure du fichier
central des fournisseurs et à la politique d'achat du gouvernement. Ce
sont des mécanismes qui ont été mis en place à
l'intérieur du ministère des Travaux publics depuis 1976 et qui
ont donné d'excellents résultats. C'est donc normal que cette
société soit soumise à ces règles.
La société conservera, cependant, certains pouvoirs qui
sont maintenant dévolus aux Travaux publics. À ses propres fins,
pour ses édifices, elle conservera ce droit d'expropriation, toujours
dans le cadre bien spécifique de son mandat. Pour ce qui a trait aux
autres expropriations, c'est le ministère des Transports qui en
héritera et elles se feront en dehors du mandat de cette
société d'État.
Les taxes que le gouvernement du Québec est maintenant le seul
à contribuer aux municipalités seront assumées par
cette
Société immobilière sur les immeubles qui seront sa
propriété. Cela va se faire par le biais du ministère des
Affaires municipales qui versera leur dû aux municipalités tandis
que la taxe scolaire sera payée directement aux commissions scolaires
par cette Société immobilière du Québec.
La section de l'Approvisionnement et le Service général
des achats relèveront, cependant, du ministre
délégué à la Réforme administrative,
c'est-à-dire celui qui est responsable du Conseil du trésor.
Ainsi, le fichier central relèvera, dorénavant, du Conseil du
trésor. Dans mon esprit, on devrait profiter de cette occasion pour se
donner, au Québec, une véritable politique d'achat qui
contrôlerait non seulement les achats à l'intérieur de nos
ministères, mais également ceux à l'intérieur du
réseau hospitalier et du système de l'éducation. Je pense
qu'avec un pouvoir d'achat d'environ 2 000 000 000 $ nous devrions mettre
l'accent sur cette véritable politique d'achat qui aura sans doute des
retombées économiques importantes pour le Québec.
M. le Président, avec ces structures mieux adaptées
à cette vocation de gestion des services, la nouvelle
Société immobilière du Québec devra avoir une
productivité, une performance aussi bonne que celle que l'on retrouve
dans l'entreprise privée. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Le gouvernement nous
propose d'instituer, de créer la Société
immobilière du Québec qui deviendra propriétaire, par voie
de transferts, des meubles et immeubles qui font partie du domaine public et
qui sont présentement administrés par le ministère des
Travaux publics et de l'Approvisionnement. Ce sera une nouvelle
société d'État. Le but, selon les représentations
que le gouvernement nous fait, c'est de rendre plus efficace l'administration
des immeubles dans lesquels le gouvernement est impliqué, soit par
location, soit en en étant propriétaire.
Évidemment, il y a deux façons de procéder, deux
voies possibles. Il y a la voie de la société d'État que
le gouvernement nous propose aujourd'hui, dont un exemple a été
donné, celui de la Colombie britannique qui a créé une
société d'État pour administrer les immeubles du
gouvernement. L'autre voie, ce serait de continuer à gérer,
à administrer les immeubles par l'entremise du ministère des
Travaux publics et de l'Approvisionnement.
Quant à l'efficacité, ce n'est pas une question de voie,
on peut opter soit pour une société d'État, soit pour le
ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement.
Par exemple, en Ontario, présentement, cela est administré
par le ministère des Travaux publics. Parlons plutôt du contenu.
Comment le gouvernement va-t-il administrer, gérer ses immeubles? Si la
société d'État que le gouvernement propose ne remplit pas
les conditions essentielles pour assurer une administration efficace,
évidemment, ce n'est pas le seul fait d'avoir créé une
société d'État qui va nous assurer cette administration
efficace des immeubles du gouvernement. (20 h 40)
D'autre part, s'il y a des critères, des normes, des
façons de fonctionner qui sont assez restreints, stipulés et
mentionnés par le gouvernement, ils pourraient être donnés
aussi efficacement, je crois, par l'entremise du ministère des Travaux
publics. Cependant, si le gouvernement choisit de procéder par la voie
d'une société d'État, nous ne nous opposerons pas à
cette façon de procéder, pourvu qu'on ait les conditions, les
garanties nécessaires pour nous assurer qu'il y aura des
contrôles, une administration efficace et qu'il y aura quelqu'un qui
pourra répondre à l'Assemblée nationale des gestes
posés par cette société, parce que, quand il y a un
problème dans un des édifices, on sait qu'on peut poser une
question au ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement à
l'Assemblée nationale et qu'il doit y répondre. Dans le projet de
loi, ce n'est pas assez spécifique, pas assez clair pour savoir qui va
répondre de l'administration de cette société.
Nous savons, M. le Président, qu'il y a plusieurs
sociétés d'État. C'est difficile pour nous, comme membres
de l'Assemblée nationale, de poser des questions, d'avoir des
informations. Le gouvernement nous dit: C'est une société
autonome. Les administrateurs en sont responsables. Ils nous fournissent leur
rapport annuel tous les ans. Des fois, nous le recevons en retard, et nous
devons nous fier au rapport annuel pour pouvoir poser certaines questions.
C'est la première question, il faut s'assurer qu'il y ait un ministre
responsable et qu'un contrôle nécessaire soit inclus dans le
projet de loi afin de permettre aux élus de l'Assemblée nationale
de poser les questions nécessaires pour faire une supervision, comme on
pourrait dire, des fonds publics qui seront administrés par cette
société d'État.
Quand on nous parle d'abolir le ministère des Travaux publics et
de l'Approvisionnement, soyons un peu plus nuancés, soyons plus exacts.
On abolit peut-être, par l'adoption du projet de loi, le ministère
des Travaux publics et de l'Approvisionnement, mais ce n'est pas une
réduction dans la machine gouvernementale; on le remplace par une
société d'État qui aura des employés, un conseil
d'administration, etc. Ce n'est pas vraiment une réduction de la machine
gouvernementale, parce que ces édifices doivent être
gérés et administrés et cela prendra le personnel requis.
Dans le projet de loi, on n'a pas fait un tracé; on ne nous a pas
donné un plan, une idée de ce que cela représentera si
tous ces édifices sont gérés par la société
d'État plutôt que par le ministère des Travaux publics et
de l'Approvisionnement. On ne nous a pas dit: Voici, les Travaux publics
comptent maintenant un nombre X d'employés. Cela coûte un nombre X
de dollars. Nous prévoyons, par cette société
d'État, pouvoir économiser un montant X de dollars. Ce sera plus
efficace, etc. On nous donne un peu les grandes lignes, les lignes directrices
de cette société d'État sans entrer dans les
détails, mais une question me préoccupe beaucoup et j'aimerais
que le ministre puisse y répondre.
On prévoit, dans le projet de loi, que les
propriétés qui existent maintenant, qui sont la
propriété du gouvernement seront transférées
à la société d'État par décret. Le
gouvernement va décréter un nombre X de dollars pour leurs
transferts. Il y a un danger si on n'établit pas les critères sur
lesquels ces propriétés seront transférées. Est-ce
que ce sera selon la valeur marchande, la valeur des livres? La valeur selon
laquelle ces propriétés seront transférées va
affecter le loyer. Il ne faudrait pas ouvrir la porte à une manipulation
par le gouvernement des loyers, des dividendes, des sommes qui seront
recevables par le gouvernement.
N'oublions pas, soyons réalistes qu'éventuellement - si ce
n'est pas l'année prochaine, ce sera l'année suivante - il y aura
des élections et il ne faudrait pas que, par l'entremise de cette
société d'État, le gouvernement ait un compte recevable de
100 000 000 $, 200 000 000 $ ou 300 000 000 $, parce que c'est lui-même
qui va déterminer le prix de ces bâtisses. C'est lui-même
qui va déterminer que la Société immobilière doit
au gouvernement 100 000 000 $ ou 200 000 000 $. Sur les budgets du
gouvernement, cela peut paraître très respectable, cela peut
permettre au gouvernement de donner des "candies" pour les élections,
parce qu'il aura des propriétés d'une valeur de 150 000 000 $ ou
200 000 000 $ et, nous les élus, nous ne saurons pas vraiment si cela
vaut 100 000 000 $, 50 000 000 $, 150 000 000 $. C'est une porte ouverte pour
le gouvernement pour jouer un peu avec les livres. C'est censé
être illégal. On doit établir des critères. Si des
comptables, des individus dans la population essaient de jouer avec les livres,
le ministère du Revenu tout de suite les prend, c'est une offense. Il y
a des critères pour comptabiliser les prix, la valeur marchande, la
dépréciation, tout le reste. Il faudrait que le ministre nous
explique comment on procédera pour transférer ces
propriétés du gouvernement à la société
d'État.
Comment allons-nous établir les critères des loyers? Parce
qu'il y a une clause dans ce projet de loi et il faut se méfier. Ce sont
les fonds publics que nous ne voulons pas voir utilisés pour des fins
politiques. On veut l'efficacité. On veut avoir le meilleur rendement.
On veut payer les loyers les plus bas, mais on ne veut pas ouvrir la porte
à la manipulation par le gouvernement des fonds publics que le
gouvernement administre. Par exemple, on vous dit, ici à l'article 37:
"Les dividendes payés par la société sont fixés par
le gouvernement et non par les administrateurs." Cela est très
dangereux. Normalement, les administrateurs fixent les dividendes basés
sur le profit qu'ils font. Mais, ici, ce n'est pas à cela qu'ils veulent
arriver. Cela va être comme avec la Société des alcools du
Québec. Le ministre des Finances, s'il a besoin de 200 000 000 $
à la fin de l'année, dicte ses ordres à la
Société des alcools du Québec: Les dividendes cette
année vont être de 200 000 000 $. Qu'est-ce qui arrive? Les prix
augmentent, parce que la société d'État est
obligée, par la loi, de fournir les dividendes que le gouvernement
lui-même impose. Cela veut dire qu'il va falloir augmenter les loyers. Il
va falloir faire quelque chose pour s'assurer que le gouvernement va recevoir
un montant X de dividendes. C'est jouer avec les livres.
Normalement, les dividendes sont déterminés par le conseil
d'administration. Mais l'article 37 va ouvrir la porte à un genre d'abus
grâce auquel le gouvernement peut décider d'imposer des
dividendes, de recevoir, de percevoir des sommes qui ne sont pas vraiment
là, mais pour des fins de comptabilité, pour des fins politiques,
pour démontrer que le gouvernement n'a pas un déficit de 4 000
000 000 $, mais seulement un déficit de 3 000 000 000 $, il va jouer
avec ces chiffres, il va jouer avec les dividendes, mais cela n'aidera pas
l'administration des fonds publics. Cela n'aidera pas à enrayer le
gaspillage. Cela ne nous donnera pas la réponse exacte à ce que
cela coûte à cette société d'État
d'administrer les biens publics, les immeubles du gouvernement.
Cela, M. le Président, c'est un danger qui existe dans ce projet
de loi. Nous allons le discuter en commission parlementaire. Le projet de loi
devrait stipuler les critères par lesquels les ventes, les transferts
seront faits par le gouvernement à la société
d'État pour éviter les abus, pour éviter la manipulation,
pour éviter que le gouvernement crée des fonds qui n'existent
pas. Cela se fait. On l'a vu souvent dans d'autres domaines. Je ne veux pas
mentionner de cas spécifiques, mais si une compagnie veut augmenter ses
parts, ses actions sur le marchés, elle a plusieurs filiales, c'est bien
simple. Elle fait des ventes, des transferts à des prix
élevés. Aussi longtemps qu'elle ne se fait pas prendre par les
comptables, par les Bourses, par ceux qui examinent ces choses, cela devient un
gain fictif.
Il ne faudrait absolument pas que le gouvernement soit dans une position
où il peut abuser des fonds publics de cette façon. Il y a aussi
le contrôle de l'Assemblée nationale sur toute l'administration de
cette société d'État. Il faudrait savoir quel
ministère, quel ministre sera responsable pour répondre à
l'Assemblée nationale de cette loi. Je n'ai pas vu, à moins que
je me trompe, qu'il y ait une clause dans le projet de loi pour dire que ce
sera le ministre des Travaux publics, le ministre des Finances ou le
président du Conseil du trésor. Il faut absolument stipuler qui
va être responsable de cette société d'Etat, autrement on
va perdre tout contrôle. Les élus du peuple ne pourront pas poser
les questions nécessaires. (20 h 50)
II aurait été préférable, de plus, de
mentionner quel ministre est responsable pour cette loi et inclure dans le
projet de loi que les administrateurs de cette société aient
l'obligation, au moins une fois par année, de comparaître devant
une commission parlementaire pour se faire interroger sur leur administration.
Il me semble que ce soit essentiel. On parle de centaines de millions de
dollars de fonds publics, d'immeubles, on parle de loyers dans tout le
Québec, on parle de contrats qui vont être négociés,
qui vont être administrés par une société
d'État dans un domaine très sensible, qui est ouvert à des
abus et il faut absolument avoir ces contrôles. Il me semble que ce
serait essentiel que le gouvernement inclue dans le projet de loi une clause
disant que les administrateurs de cette société vont
comparaître devant une commission parlementaire. Cela est vraiment avoir
un contrôle sur les fonds publics et cela va vraiment montrer un
intérêt de la part du gouvernement de vouloir imposer le
contrôle de l'Assemblée nationale, d'avoir une ouverture et de
pouvoir vraiment examiner les travaux, les décisions que ce conseil
d'administration va être tenu de prendre.
Je remarque aussi qu'il y a certains aspects du projet de loi qui
pourraient donner une fausse impression à la population quant aux
obligations du gouvernement et de la société d'État. Par
exemple, on dit que la société d'État, en termes de taxes
scolaires, va payer les montants qui auraient été perçus
si la propriété n'était pas celle de la
société d'État. À première vue, cela semble
être très clair et ce l'est pour la taxe scolaire. Mais quand on
vient à la taxe foncière on ne dit pas la même chose. Le
gouvernement essaie toujours de nous faire croire qu'il paie sa portion de
taxes municipales, de taxes foncières, qu'il ne veut pas
pénaliser les municipalités. Mais si on examine le projet de loi,
nous voyons que la
société est tenue de verser au ministère des
Affaires municipales un montant égal à la somme d'argent que ce
dernier verse annuellement aux corporations municipales pour tenir lieu de
taxes municipales.
Ce qu'on devrait dire - si le gouvernement veut être
cohérent avec ses politiques et veut vraiment être clair dans ses
obligations de payer des taxes municipales -c'est que le gouvernement va payer
les taxes municipales comme si ces propriétés n'étaient
pas la propriété d'une société d'État.
Autrement dit, qu'il va payer vraiment la valeur locative ou la valeur
municipale telle qu'évaluée par les différents bureaux
d'évaluation des différentes municipalités et des
différentes communautés urbaines. Là, cela laisse
entièrement à la discrétion du gouvernement la somme des
taxes municipales qui sera payée. Si on prend que le gouvernement peut
décider le montant des taxes municipales, le gouvernement va
décider le prix auquel il transfère les propriétés;
le gouvernement va décider le montant des dividendes. Qu'est-ce que cela
laisse pour la population? Vous voulez nous donner l'impression que vous allez
administrer d'une façon efficace et vous laissez la porte ouverte
à toutes sortes de manipulation de la part du gouvernement sur les fonds
publics. Ce n'est pas tout à fait honnête de nous dire cela. Vous
auriez été mieux de ne pas faire adopter ce projet de loi et
laisser l'administration au ministère des Travaux publics et de
l'Approvisionnement jusqu'à ce que vous ayez établi tous ces
critères, les critères de location, les critères de vente,
les critères de taxes municipales, les critères de dividendes
parce que, comme c'est là, il n'y a pas grand-chose qui change. C'est
encore totalement sous le contrôle et à la discrétion du
gouvernement; c'est lui qui va déterminer ce qui va se passer et
même, c'est un outil additionnel pour créer des fonds qui
n'existent pas, des fonds fictifs, recevables par le gouvernement pour des fins
fiscales.
M. le Président, ce n'est pas la meilleure façon de
démontrer que le gouvernement veut être efficace, honnête et
transparent et qu'il fait cela pour le mieux-être des contribuables. Les
contribuables vont se faire passer des choses qu'ils ne pourront pas
contrôler. Ils peuvent se retrouver dans une situation où cela va
leur coûter plus cher que l'administration actuelle, mais cela va
permettre au gouvernement de donner l'impression qu'il a créé des
fonds, qu'il a des dividendes et des revenus afin de pouvoir utiliser ces
sommes additionnelles, qui vont faire partie du budget global du Québec,
à des fins politiques. Je déplore cela. Si le gouvernement est
vraiment sérieux, sincère, s'il veut vraiment avoir une
administration efficace, il va enlever tous ces petits sapins, toutes ces
petites ouvertures, tous ces petits abus, les clauses dans le projet de loi qui
vont lui permettre de manipuler les fonds publics. Il va restreindre cela. II
va poser des gestes concrets, des restrictions et des critères qui vont
lier les administrateurs, car ce n'est pas le gouvernement qui devrait
décider de tout.
J'entendais l'orateur du Parti québécois avant moi dire
que cette société sera soumise à la politique d'achat du
gouvernement. Quelqu'un qui écoute cela trouve que cela a bien du bon
sens. La société va être soumise à la politique
d'achat du gouvernement. Ce n'est pas ce que dit le projet de loi. Le projet de
loi nous dit que c'est le gouvernement qui va décider des mesures et des
conditions auxquelles la société sera assujettie à la Loi
sur le Service des achats du gouvernement. Franchementl Le gouvernement se
donne ici une ouverture qui peut être abusive et je me pose la question
suivante: Qu'est-ce que le gouvernement a derrière la tête quand
il se donne ces pouvoirs, quand il refuse de mettre des critères et des
restrictions?
M. le Président, vous m'avez indiqué que mon temps
était écoulé. En conclusion, comme l'a indiqué mon
collègue, le député de Robert Baldwin, nous ne sommes pas
contre le fait qu'une société d'État soit
créée. Nous pouvons approuver la création d'une
société d'État pour administrer les immeubles du
gouvernement, mais il va falloir que le gouvernement nous assure que cette loi
n'aura pas les ouvertures vagues et abusives qu'elle contient maintenant. Il va
falloir établir des critères. Il va falloir établir des
restrictions. Il va falloir établir de quelle façon les
propriétés seront vendues à la Société
immobilière du Québec. Il va falloir éclaircir et
établir les conditions de travail des employés. Il va falloir
établir si cela va être assujetti à la Loi sur le Service
des achats du gouvernement.
Nous demandons au gouvernement de clarifier toutes ces questions. Ce ne
sont pas des questions mineures. Ce sont des clauses très importantes.
Nous demandons au gouvernement d'apporter des réponses qui devront
être contenues dans le projet de loi, à moins qu'il n'y ait des
changements à cet égard qui imposeront des restrictions
nécessaires, non pas pour restreindre le fonctionnement de la
société d'État, mais pour permettre au gouvernement et au
public d'être protégés. La façon dont le projet de
loi est présentement rédigé ouvre la porte à trop
d'abus. Nous devons avertir le gouvernement de ces abus possibles et nous lui
demandons d'y apporter les corrections nécessaires. Merci. (21
heures)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Vimont s'est levé en premier. M. le
député de Vimont.
M. Jean-Guy Rodrigue
M. Rodrigue: M. le Président, à écouter le
député de Mont-Royal, il m'est venu une réflexion à
l'esprit: il y a des gens qui se font de grosses peurs et qui finissent par y
croire eux-mêmes. À l'entendre, le gouvernement aurait des
intentions absolument malveillantes dans la présentation de ce projet de
loi. On voudrait jouer avec l'administration, on voudrait siphonner la
société par des dividendes, on voudrait manipuler les fonds
publics. Il doute de la transparence car on voudrait l'utiliser à des
fins politiques, et j'en passe'.
Je pense que la sagesse populaire a déjà reconnu ce qui
suit: on n'a jamais rencontré un voleur qui puisse s'imaginer que tous
ne sont pas des voleurs. De la même façon, on n'a jamais
rencontré des politiciens ratou-reurs qui pouvaient comprendre ou
s'imaginer que les autres politiciens n'étaient pas ratou-reurs. Pour
eux, cela leur paraît un peu contre nature. À ce moment-là,
ils sont portés à voir des intentions malveillantes dans tous les
gestes que les autres peuvent poser.
C'est une attitude qui, à mon sens, découle
peut-être des pratiques qu'a connues ce député au moment
où il était député dans le gouvernement Bourassa.
Je pense que ceux qui ont pu suivre le présent gouvernement, depuis
qu'il a pris le pouvoir en 1976, savent que nous avons fait des efforts
considérables et pris des mesures importantes pour nous assurer et
assurer la population aussi que la gestion des fonds publics, même si,
à l'occasion, il a pu se glisser quelques bavures - et nous sommes bien
conscients que nous ne sommes pas à l'abri de cela - se fasse avec toute
la rigueur et l'honnêteté possibles. Je ne veux donner comme
exemple que la mise sur pied du fichier central pour le choix des fournisseurs
de biens et services à l'État qui est actuellement
administré par le ministère des Travaux publics et de
l'Approvisionnement.
On se rappelle comment cela fonctionnait auparavant. Le gouvernement
Bourassa, si on veut se rappeler des choses, avait accordé des contrats
à la société Paragon sans soumissions publiques,
société qui était administrée, comme par hasard,
par des parents immédiats de l'ancien premier ministre qui, aujourd'hui,
est à nouveau le chef du Parti libéral, parti qui aspire à
prendre le pouvoir. Mais je me demande dans quelles conditions, si jamais cela
devait se faire. Il semble que, de l'autre bord, on a une certaine nostalgie de
cette belle époque.
Le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement est un
ministère qui est fort différent des autres
ministères.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Messieurs!
M. Rodrigue: En fait, c'est un ministère qui regroupe
actuellement 2300 employés et qui gère, pour le compte du
gouvernement, un parc d'espaces qui atteint présentement et qui
dépasse même 2 000 000 de mètres carrés dont la
moitié sont en location. Ce ministère gère plus de 1000
baux à un coût total d'environ 105 000 000 $ en dollar de 1983 et
il possède et administre 819 immeubles dont la valeur dépasse les
500 000 000 $.
C'est donc un ministère qui a essentiellement une vocation de
service envers les autres ministères du gouvernement du Québec de
même qu'envers certains organismes du gouvernement. Son rôle est de
construire, de gérer, d'équiper et d'entretenir des immeubles.
À cet égard, il doit faire l'inventaire des besoins d'espaces que
lui soumettent les différents ministères. Il doit acheter,
construire, louer les espaces requis, il doit gérer les projets de
construction, administrer les baux, meubler et équiper les espaces soit
pour des bureaux ou encore pour des laboratoires ou pour des garages en ce qui
concerne le ministère des Travaux publics; il doit gérer et
exploiter les immeubles du gouvernement et également s'occuper de
l'entretien et de la conservation de ces immeubles. Bref, c'est un
ministère dont la vocation est essentiellement de fournir les services
d'immeubles, de bureaux, d'espaces de location aux autres
ministères.
Comme on peut le constater, ces activités ne sont pas de la
nature de celles qui font généralement l'objet d'enjeux et de
discussions politiques au sens élevé du terme. En examinant cette
situation, ceci a conduit le gouvernement du Québec à
s'interroger sur le cadre administratif qui serait le plus approprié
pour ce genre d'activité, pour ce genre de services qui sont rendus aux
autres ministères du gouvernement.
À la suite de l'examen approfondi de cette question, le
gouvernement en est justement venu à la conclusion qu'il fallait
modifier la structure organisationnelle, trouver une autre façon ou un
autre organisme qu'un ministère dont c'est normalement la vocation
d'administrer des programmes, de les implanter et de les administrer par la
suite, qui soit mieux adapté aux services qu'est appelé à
rendre actuellement le ministère des Travaux publics et de
l'Approvisionnement. C'est ce qui nous amène au dépôt du
projet de loi qui est devant nous ce soir, qui a pour objets principaux
d'abolir le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement et
de créer, pour le remplacer, une société d'État, la
Société immobilière du Québec. Étant
donné que le ministère des Travaux publics et de
l'Approvisionnement administre actuellement le service général
des achats et qu'il s'agit là d'une fonction un peu différente de
sa vocation principale, le projet
de loi transfère également au Conseil du trésor le
soin d'administrer ce service général des achats dont
dépend entre autres notre fameuse Rosalie, c'est-à-dire
l'ordinateur qui est chargé de donner des indications au gouvernement
quant aux firmes auxquelles les contrats doivent être octroyés, en
particulier pour des services de génie-conseil, de conseillers en
administration et de conseillers de toutes sortes.
Le gouvernement a opté pour une société
d'État parce qu'il recherchait une structure organisationnelle qui se
rapproche un peu de ce qu'on retrouve dans l'entreprise privée. En fait,
nous voulions une structure qui soit plus souple et également plus
efficace. Dans l'administration publique, il y a de nombreuses étapes
à franchir lorsqu'on veut qu'une décision soit prise. C'est
nécessaire parce que cela implique des services rendus aux citoyens et,
à ce moment-là, il est fort utile et indispensable même que
cela donne lieu à un débat politique qui se déroule ici
dans cette Assemblée ou encore à des débats qui peuvent se
dérouler à l'extérieur de cette Assemblée, soit
à l'occasion d'assemblées publiques ou de discussions avec des
organismes représentatifs du milieu.
Une fois que les décisions sont prises, il y a tout un processus
à mettre en branle pour faire en sorte que cela se répercute en
actions efficaces sur le terrain. Qu'on pense seulement à la gestion de
projets de construction. Du seul fait qu'actuellement le ministère des
Travaux publics soit un ministère et qu'il doive faire adopter des
crédits pour des travaux de construction, cela amène souvent la
situation un peu loufoque qu'on peut constater entre autres ici,
peut-être pas récemment, mais qu'on a pu constater il y a quelques
années autour de l'Assemblée nationale où, à un
moment donné au cours de l'année... Je veux faire une
parenthèse ici pour rappeler que l'Assemblée nationale est en
réfection depuis plusieurs années et qu'il s'agit là de
travaux difficiles à évaluer d'avance, parce qu'il s'agit de
travailler dans du vieux et, à ce moment-là, il est
extrêmement difficile de faire des devis précis et surtout de
faire des estimations précises. C'est une situation où il y a
plusieurs inconnues auxquelles on fait face. Dans un contexte comme
celui-là, on a donc vu à quelques reprises des travaux s'amorcer
à l'Assemblée nationale et, à un moment donné,
parce qu'il y a des inconnues qui se présentent, c'est une vieille
structure et il faut faire plus de travaux qu'on l'avait prévu, cela
coûte plus cher, on épuise les crédits plus rapidement et,
comme il reste trois mois, quatre mois, cinq mois à courir sur
l'année financière, on arrête les travaux et on attend
à l'année suivante. (21 h 10)
C'est un peu le genre de contraintes auxquelles est soumis un
ministère. Si on était plutôt dans la structure de
société d'État comme le propose le projet de loi, il y
aurait beaucoup plus de souplesse. Les gens qui font face à ce genre de
problème pourraient tout simplement virer des crédits et
s'assurer que les travaux se poursuivent. Vous savez, quand on arrête des
travaux et qu'on les reprend trois mois plus tard, et qu'on fait cela deux ou
trois fois, cela coûte beaucoup plus cher en fin de compte que quand on
commence des travaux et qu'on les finit. Mobiliser et démobiliser des
chantiers, ceux qui travaillent dans le domaine de la construction savent ce
que cela peut signifier en termes de perte de temps et en termes de coûts
additionnels.
Donc, à l'intérieur d'un ministère, il y a une
lourdeur qui est intrinsèque à ce genre de structure
organisationnelle qu'on va pouvoir éviter en mettant sur pied une
société d'État.
Un autre objet du projet de loi, c'est d'améliorer la
productivité, le rendement et l'efficacité du personnel, mais
d'améliorer cette productivité, ce rendement et cette
efficacité en fournissant au personnel les moyens pour y parvenir.
Souvent, on entend des critiques sur le dos des fonctionnaires. Dans certains
cas, c'est justifié; je pense qu'il faut le reconnaître.
Cependant, ceux qui ont pu travailler avec les fonctionnaires à
plusieurs reprises savent que, de façon générale, les
fonctionnaires sont des gens dévoués, des gens qui veulent
travailler convenablement, mais on se rend compte aussi qu'à plusieurs
reprises, c'est souvent la structure et la lourdeur de la structure
décisionnelle d'un gouvernement qui les écrase et qui refroidit
les meilleures volontés. Dans une société d'État,
dont le processus de décisions est beaucoup plus allégé,
ceux qui ont vraiment envie de faire quelque chose - je pense que c'est une
majorité - vont pouvoir faire valoir leurs talents, leur dynamisme et
aller de l'avant dans des conditions convenables qui font faciliter leur
travail.
Le projet de loi a également pour but d'assurer une meilleure
gestion du parc immobilier du gouvernement. La société qui va
être formée va facturer aux ministères les coûts
réels de ce que représentent les espaces requis par les
ministères. Ces ministères qui font appel aux services de la
société vont donc devoir s'interroger sur la
nécessité d'avoir des espaces. Ils vont être plus
rationnels dans les demandes, parce que cet argent va être pris à
même leur propre budget, ce qui n'est pas le cas présentement.
Cela va permettre une utilisation optimale des équipements, parce que
les ministères vont surveiller, vont s'assurer, avant de décider
de les louer, que tous les espaces loués sont bien requis, et ils vont
s'occuper de les utiliser à pleine capacité lorsqu'ils les
auront loués. Enfin, M. le Président, les mesures que je
viens d'énoncer permettront d'atteindre le plus haut taux possible de
rentabilité de ses investissements.
À l'instar des autres sociétés d'État, la
Société immobilière du Québec créée
par le présent projet de loi va, d'autre part, devoir respecter la
politique du gouvernement du Québec en matière d'achat de biens
et services. Cette société devra continuer à accorder une
certaine préférence aux biens produits au Québec et aux
services offerts au Québec avant d'avoir recours à des biens ou
à des services provenant de l'extérieur. Cette
société va devoir également se conformer, pour l'octroi
des contrats de services professionnels, à la politique du Service des
achats actuel qui, par l'ordinateur Rosalie, comme on l'appelle, assure une
certaine rotation dans l'octroi des contrats, de façon que tous ceux qui
ont la capacité de faire des travaux puissent, un jour ou l'autre,
obtenir un contrat du gouvernement et pour éviter que ce soit toujours
les mêmes qui, par favoritisme, comme cela s'est déjà
produit dans le passé, obtiennent constamment les contrats au
détriment des autres.
La société devra également continuer à
procéder par soumissions publiques de façon à s'assurer
que les biens et les immeubles acquis par l'État le sont au meilleur
coût possible. Il me semble que ces mesures offrent les garanties
nécessaires pour rassurer ceux qui nous écoutent. Je ne voudrais
pas m'employer à rassurer le député de Mont-Royal, parce
que je pense que c'est peine perdue; il est vraiment dans un état de
grande noirceur sur ce plan. Mais ces mesures-là devraient, je pense,
rassurer ceux qui nous écoutent sur les intentions du gouvernement. Nous
avons démontré, dans le passé, que nous avions une grande
rigueur dans l'application de ces mesures, il s'agit tout simplement de
continuer les politiques que nous avons poursuivies, depuis 1976, à cet
effet.
Bien sûr, lorsqu'on chambarde ainsi les structures
administratives, il y a des gens inquiets et, en particulier, les
employés qui, actuellement, travaillent au ministère des Travaux
publics. Le changement suscite toujours une certaine inquiétude, et
c'est normal. Le projet de loi veut répondre à ces
inquiétudes. Les employés du ministère des Travaux publics
et de l'Approvisionnement seront protégés. Ce ministère
compte actuellement 2300 employés, dont un bon nombre sont
syndiqués. Ces derniers continueront de profiter des dispositions
incluses actuellement dans leur convention collective de travail. Autant les
cadres que ces employés conserveront leurs droits dans la fonction
publique, ce qui veut dire que, d'une part, ils peuvent choisir
immédiatement d'être mutés à d'autres postes dans la
fonction publique. D'autre part, s'ils décident d'aller travailler pour
la Société immobilière du Québec, ils auront le
droit, en tout temps, de demander plus tard une mutation à
l'intérieur de la fonction publique ou encore de participer à des
concours de recrutement, comme c'est leur droit présentement.
M. le Président, ce projet de loi se situe dans la trame de la
politique du gouvernement du Québec qu'avait annoncée le premier
ministre à l'occasion du discours inaugural, je crois, en 1982. Il s'est
donné comme objectif de rationaliser les services de l'État
québécois, d'en diminuer les coûts, d'en augmenter
l'efficacité, en un mot, d'en réduire la taille. Vous savez,
aujourd'hui, dans la fonction publique du Québec, il y a moins de
fonctionnaires qu'il n'y en avait en 1976, lorsque nous avons pris le pouvoir.
Il n'y a pas beaucoup d'organismes publics ici au Québec, ou encore au
Canada ou aux États-Unis, qui, sans des chambardements majeurs, sans
effectuer de mises à pied, sans mettre en cause la
sécurité d'emploi de ceux qui sont au service des citoyens dans
la fonction publique, sont parvenus quand même à réduire
leur taille de façon aussi appréciable.
Le gouvernement du Québec l'a fait et il poursuit ce travail de
façon à s'assurer que les employés qui restent à
son emploi sont utilisés de façon adéquate, efficace et
rendent les services pour lesquels ils sont payés. Je pense que, pour
les employés eux-mêmes, c'est plus satisfaisant. Je me rappelle,
à l'époque de mes activités syndicales, une des
récriminations majeures qu'on entendait souvent de la part des
employés qui travaillent dans la fonction publique, c'est qu'ils
étaient mal utilisés. Ils avaient des idées, ils avaient
la volonté d'agir, ils voulaient faire preuve de dynamisme; pourtant, la
lourdeur de l'administration et l'encadrement faisaient qu'ils se sentaient
sous-utilisés. Pour eux, c'était une grande cause de
frustration.
Nous avons fait des efforts pour tenter d'améliorer la situation.
Je suis persuadé, M. le Président, qu'il en reste encore à
faire. La perfection n'est pas de ce monde, mais, au moins, nous allons dans la
bonne direction. La disparition du ministère des Travaux publics et de .
l'Approvisionnement s'inscrit dans cet effort de rationalisation de la
même façon que, l'an dernier, en 1982, nous avons aboli, à
toutes fins utiles, l'Office des autoroutes du Québec et que nous nous
apprêtons bientôt à faire disparaître le
ministère de la Fonction publique. Nous nous étions
engagés à réduire la taille de l'État; aujourd'hui,
nous livrons la marchandise. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Saint-Laurent. (21 h 20)
M. Germain Leduc
M. Leduc (Saint-Laurent): Merci, M. le Président. Je
serais peut-être tenté de vous parler de quelque chose
d'actualité, deux victoires retentissantes, mais je suis certain que
vous allez m'arrêter immédiatement. Je ne serais pas pertinent.
Bien sûr, la loi 18 c'est une loi importante. Je voudrais communiquer
certaines réflexions sur le projet de loi 18, soit la Loi sur la
Société immobilière du Québec. En fait, la
création de cette Société immobilière du
Québec signifie la disparition du ministère des Travaux publics
et de l'Approvisionnement ainsi que de la Société de
développement immobilier du Québec.
Ce ministère n'avait qu'à administrer les biens meubles et
immeubles qui appartenaient à l'État, au domaine public. La
Société immobilière du Québec devient, elle,
réellement propriétaire des biens meubles et immeubles qui
étaient administrés auparavant par le ministère des
Travaux publics et de l'Approvisionnement. Première question: Pourquoi
l'abolition de ce ministère et pourquoi confier la gestion de ces biens
meubles et immeubles à une société d'État? Est-ce
qu'on reconnaît expressément ici l'incapacité du
ministère et du ministre à administrer d'une façon
efficace et rentable ces meubles et immeubles de l'État? Est-ce que le
ministre reconnaît son impuissance et surtout est-ce qu'il
reconnaît que ces biens étaient mal gérés, mal
administrés? Est-ce que le fait, simplement, de passer ces biens meubles
et immeubles sous l'administration d'une société d'État,
est une garantie que ces biens vont être mieux administrés? Je ne
suis pas convaincu du tout. Est-ce que le ministre reconnaît qu'il
était un mauvais mandataire? Ce sont, je pense, des questions qu'il faut
se poser.
Il faut peut-être également se poser la question à
savoir qui a évalué qu'il y avait mauvaise gestion dans ce
ministère? Toutes ces questions sont pertinentes. Une autre question qui
me vient immédiatement à l'esprit, c'est: Est-ce que cette
mauvaise gestion ne pourrait pas se retrouver, exister également dans
d'autres ministères? En fait, qui est en mesure d'évaluer qui
peut nous renseigner? Quand on constate le genre d'administration, la
façon dont les biens de l'État sont administrés, quand on
voit que cette énormité qu'est la législation
déléguée, une véritable législation
oligarchique, on peut sûrement se poser des questions.
Également, on doit se poser des questions quand on voit
l'échec lamentable de ce gouvernement en matière sociale,
économique et constitutionnelle. Je pense que ce sont des questions
à se poser. Qu'il suffise de mentionner ici en matière
économique, le nombre de chômeurs que nous connaissons au
Québec, le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale, 400
000 chômeurs, 375 000 bénéficiaires de l'aide sociale, tout
près de 600 000 personnes dépendent actuellement de l'aide
sociale au Québec. On connaît un taux de chômage absolument
inacceptable, 14,5%. Également, qu'il suffise de mentionner
l'échec du gouvernement en matière sociale. Qu'on se rappelle les
lois 70, 105, 111. Bien sûr, l'échec constitutionnel. Ici, M. le
Président, je voudrais vous référer à la perte du
droit de veto. En fait, un gouvernement qui voulait donner au Québec une
place majeure, alors, on perd le droit de veto.
Également, une question à se poser, est-ce que le ministre
a fait faire des études de rentabilité et d'efficacité de
la future Société immobilière du Québec? Je n'ai
pas eu de réponse. Je pense qu'on peut déduire que la
réponse, c'est non. Il n'y a eu aucune enquête, aucune
étude de faite quant à la rentabilité parce que,
apparemment, on crée cette société pour
générer une rentabilité, pour générer des
revenus. Pas d'étude rendue publique à la suite de l'introduction
de cette loi. Est-ce que le ministre s'est fié uniquement sur les
performances de la British Columbia Building Corporation qui existe depuis cinq
ans en Colombie britannique? Est-ce qu'on peut penser que la
Société immobilière du Québec sera aussi
performante que cette British Colombia Building Corporation? Est-ce que ce qui
est bon en Colombie britannique, sera bon ici? Des questions que l'on peut se
poser.
Enfin, le ministre, constatant son impuissance à bien administrer
les biens meubles et immeubles dont il avait la gestion, confie cette gestion
à une société d'État qui sera administrée
dorénavant par neuf administrateurs, tous nommés par
l'État, y compris, bien sûr, le président-directeur
général. À quelles sortes de nominations aurons-nous
droit, M. le Président? Est-ce que ce seront des nominations comme on en
a connues récemment, des nominations de MM. Michaud en ligne? Est-ce
qu'on retrouvera les accusations de favoritisme, de népotisme que nous
avons connues? Le député de Vimont tantôt a fait
état de Paragon. Je peux vous dire que quand M. Robert Bourassa a
constitué la fameuse commission Cliche, on n'a pas retrouvé un
seul libéral siégeant à cette commission. Je ne pense pas
que nous ayons de leçon à donner à M. Robert Bourassa ou
au Parti libéral. S'il y a du favoritisme, du népotisme, il faut
regarder de l'autre côté de la Chambre. On le mentionnait
tantôt, les nominations de MM. Michaud en ligne récemment.
Le ministre va demander à cette société
d'État d'accomplir ce que lui, avec toutes les ressources humaines et
financières dont dispose le ministère, a été
incapable d'accomplir, soit bien administrer son ministère. Il
reconnaît expressément qu'il a
été dans l'impossibilité, dans l'incapacité
d'administrer ce ministère d'une façon normale, d'une
façon rentable. Au lieu de créer cette nouvelle
société, est-ce qu'il n'aurait pas été mieux de
changer le titulaire du ministère? Je pense que c'est une question qu'on
doit se poser. Le ministre a deux ministères, peut-être est-ce
au-delà de ses forces. Peut-être aurait-il fallu confier un des
deux ministères à quelqu'un d'autre.
Le ministre responsable de cette nouvelle société - on
ignore qui, on ne sait pas qui, parmi les ministres, sera responsable de cette
nouvelle société - aura la tâche d'administrer d'une
façon rentable et efficace les meubles et immeubles qui étaient
administrés auparavant par le ministère des Travaux publics et de
l'Approvisionnement et qui l'étaient - on doit le reconnaître,
puisque le ministre lui-même le reconnaît - d'une façon
inadéquate.
Bien sûr, la tâche sera énorme, puisque la
Société immobilière du Québec devra le faire en
tenant compte des handicaps, des inconnues et, parmi ces handicaps et ces
inconnues, nous pouvons retenir d'abord que cette société devra
garantir aux employés de l'ancien ministère qui seront
transférés à la nouvelle société leurs
droits acquis et leurs conditions actuelles de travail, qui sont nettement
supérieurs à ceux du secteur privé.
Deuxième question qu'il faut se poser, elle devra
nécessairement transiger avec les ministères et organismes du
gouvernement. Elle devra donc louer à ces organismes et à ces
ministères les locaux qu'elle aura en gérance. Si donc les
conditions sont inacceptables pour ces ministères et ces organismes, on
suppose que la Société immobilière du Québec
pourrait à ce moment-là demander trop pour la location de ces
locaux, est-ce qu'il y aura un arbitrage? Est-ce qu'il y aura une intervention
du gouvernement du Québec? Est-ce qu'on a affaire à un
marché captif? Ce sont des questions qu'il faut se poser,
particulièrement quand on parcourt l'article 33 qui dit: "La
société ne peut, sans l'autorisation du gouvernement -au
paragraphe 2 - conclure un contrat pour une durée et pour un montant
supérieurs à ceux déterminés par le gouvernement."
Également au paragraphe 4 on dit: "La société ne peut,
sans l'autorisation du gouvernement, acquérir un immeuble, le
céder à bail ou autrement en disposer pour un montant
supérieur au montant déterminé par le gouvernement." Je
suppose donc, M. le Président, que les dés sont pipés et
qu'à ce moment c'est le gouvernement qui, comme dans un
ministère, va déterminer les conditions de location. Je pense
qu'on n'avance pas, on ne bouge pas. On fait des changements pour faire des
changements. (21 h 30)
Autre inconnue. S'il y a transfert du déficit accumulé de
l'actuelle Société de développement immobilier du
Québec, est-ce que cette charge ne sera pas trop lourde pour
rentabiliser la nouvelle société? Il faut savoir si la nouvelle
société devra assumer le déficit accumulé par la
Société immobilière du Québec. Autre inconnue
également l'article 37 de la loi stipule que les dividendes payés
par la société sont fixés par le gouvernement et non par
les administrateurs. La même chose se produit au niveau de la SAQ, la
Société des alcools du Québec et également au
niveau d'Hydro-Québec. Il y a une question à se poser, encore la:
Les dés ne sont-ils pas pipés? En fait, qui va déterminer?
C'est l'Etat. C'est l'État qui va dire à la
société: Vous devez payer tant en dividendes. Les administrateurs
n'auront rien à dire. Je pense que si on veut créer une
société, il faut également donner les pouvoirs qui vont
avec elle.
De plus, le ministre des Finances, à qui on attribue le capital
et les actions - en vertu de l'article 25, "les actions de la
société font partie du domaine public et sont attribuées
au ministre des Finances - va-t-il se satisfaire de peu ou bien ne sera-t-il
pas trop gourmand? C'est le ministre des Finances; c'est une question qu'on
peut sûrement se poser. En fait, quelle sorte de rentabilité le
ministre peut-il exiger? Quelle sorte de retour pourra-t-il exiger de cette
société?
Autre inconnue, l'article 19 stipule qu'à compter de la date
d'entrée en vigueur du présent article, tout ministère ou
tout organisme public qui apparaît dans une liste établie par
décret du gouvernement doit faire affaires exclusivement avec la
société. La question à se poser est la suivante: Quel
organisme, quel ministère devront nécessairement faire affaires
avec cette société et quelles seront les contraintes
imposées à ces ministères, à ces organismes et
à la société également? Ces contraintes
n'empêcheront-elles pas toute rentabilité à lasociété? La sixième inconnue est l'article 22 qui
stipule ce qui suit: "La société doit également
exécuter tout autre mandat connexe aux objets de la
société que lui confie le gouvernement et dont les frais sont
supportés en tout ou en partie par ce dernier." Quel sera ce mandat
connexe? S'agit-il encore ici d'une autre contrainte? Il faudra répondre
à cette question. Septième handicap ou inconnue, l'article 27 qui
stipule que le gouvernement détermine, par décret, la valeur des
biens meubles et immeubles ainsi transférés, à l'exception
des sommes à recevoir et des sommes à payer, lesquelles sont
transférées à leur valeur comptable à la date du
transfert. Donc, il s'agit d'un décret provenant du gouvernement. Encore
là, la patte du gouvernement, mais - et c'est une question qui vient
immédiatement à l'esprit - de quelle façon et
à quelles fins le ministère compte-t-il déterminer la
valeur des biens meubles et immeubles qui feront l'objet du transfert? Pourquoi
établir cette valeur? De quelle façon et, bien sûr,
à quelles fins? Il y a sûrement des fins qu'il faudrait
peut-être nous les indiquer.
Huitième inconnue: La Société immobilière du
Québec sera-t-elle assujettie à la politique d'achat du
gouvernement ou à la procédure du fichier central des
fournisseurs? Question sûrement pertinente. Encore là,
s'agira-t-il d'une contrainte additionnelle qui pourrait affecter la
rentabilité de la société. Il y a également une
question qu'on peut se poser. Quand on soustrait à l'application de la
loi à l'article 26 l'Hôtel du Parlement et l'édifice
Pamphile-LeMay, on peut se poser la question suivante: Quelle sorte d'entente
aura à être conclue en ce qui concerne le service
d'électricité et de chauffage? Il n'y a pas de service puisque
ces deux bâtisses, l'Hôtel du Parlement et l'édifice
Pamphile-LeMay ne possèdent pas de service d'électricité
et de chauffage autonome. Il faudra qu'il y ait une entente de faite.
M. le Président, je pense que si on veut faire de cette
société une société dynamique et rentable, il va
falloir la laisser respirer, lui donner de l'oxygène. Il va falloir que
le gouvernement enlève son gros pied de la "hose". Il va falloir que
cette société ait beaucoup plus d'autonomie sans quoi le
remède risque d'être pire que le mal que le ministre a
décelé dans son propre ministère. C'est lui qui l'a
décelé. En regardant la loi, je n'en vois pas
nécessairement l'obligation, l'utilité. Le ministère
était sous sa responsabilité et il devrait nous expliquer son
échec. Ce projet de loi devrait donc être amendé à
plusieurs égards. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, votre
droit de réplique.
M. Alain Marcoux (réplique)
M. Marcoux: M. le Président, j'ai apprécié
la teneur du débat concernant cette loi qui vise à créer
la Société immobilière du Québec en faisant
disparaître le ministère des Travaux publics et de
l'Approvisionnement. Je me réjouis que les principes fondamentaux
proposés dans cette loi rejoignent la faveur de l'Opposition, qui a
manifesté clairement qu'elle approuverait le projet de loi, qu'elle
accordait son appui à l'objectif essentiel du projet de loi qui est de
donner un cadre administratif à la gestion des biens immobiliers du
gouvernement, favorisant ainsi un accroissement de l'efficacité, du
rendement et de la rentabilité dans l'usage de ces actifs et dans la
façon dont ils sont exploités.
Je n'ai jamais dit, contrairement au dernier intervenant, que le
ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement n'avait pas
satisfait, pour l'essentiel, à son travail et ce, de la bonne
façon. Ce que j'ai dit, c'est que nous voulions lui fournir un contexte
pour accroître cette efficacité, accroître ce rendement. Au
contraire, j'ai précisé que, par rapport aux objectifs de
compétence et de transparence, le ministère des Travaux publics
et de l'Approvisionnement avait dépassé, pourrais-je dire, les
objectifs que le gouvernement lui avait fixés au cours des
années.
Quant à l'objectif d'améliorer le service à la
clientèle, d'améliorer son efficacité et son rendement, on
l'a fait progressivement dans les récentes années, plus
particulièrement depuis deux ans. Mais il y a d'autres pas à
franchir et il s'agissait de savoir quel était le contexte juridique par
lequel on pouvait le mieux atteindre cet objectif. Tout au cours de cette
deuxième lecture, malgré que l'Opposition soit d'accord sur
l'essentiel, elle a posé plusieurs questions concernant des articles
précis du projet de loi. On se serait cru davantage à
l'étude article par article du projet de loi dans plusieurs des discours
de deuxième lecture.
Je voudrais quand même donner quelques réponses. Non pas
répondre à l'ensemble de ces interrogations dans le cadre de
cette réplique, puisque la plupart des questions relèvent bien
davantage d'une analyse article par article, mais je vais donner des
éléments de réponse pour prouver que nous avons ces
réponses et nous les fournirons à l'Opposition. Nous avons aussi
quelques projets d'amendement que nous soumettrons à la commission
parlementaire.
Un exemple de question qui a été posée: Qu'est-ce
qu'on entend par mandat connexe? Le gouvernement pourra confier des mandats
connexes à cette société. Je vais vous donner un exemple
précis que nous vivons actuellement. Le gouvernement vient de
décider de construire un Musée d'art contemporain à
Montréal, qui sera situé tout près de la Place des Arts et
qui sera géré par un conseil d'administration par la suite. Il
appartiendra a la Place des Arts et sera géré par elle. Puisque
la Place des Arts n'a pas d'expertise particulière en termes de
construction, le gouvernement a décidé de confier le mandat de
construction au ministère des Travaux publics. Quand on parle de mandat
connexe, c'est un exemple précis qui illustre que le gouvernement pourra
confier des mandats, soit de gestion immobilière, soit de construction,
à cette société immobilière à l'occasion de
décisions qu'il prendra.
On a soulevé d'autres questions. Par exemple, l'Hôtel du
gouvernement. Qu'arriver a-t-il à l'Assemblée nationale, a
l'édifice où nous travaillons actuellement?
Qu'arrivera-t-il à l'édifice Pamphile-Le May, à
l'édifice occupé par le ministère des Finances,
actuellement? Ces édifices continueront d'appartenir au gouvernement
parce qu'on trouve normal que le siège de l'Assemblée nationale
continue d'appartenir au gouvernement mais, exactement comme cela se fait en
Colombie britannique, avec un contrat de gestion, d'exploitation de cet
immeuble. La Société immobilière du Québec va
facturer l'Assemblée nationale, comme les autres ministères du
gouvernement, pour les services rendus. D'ailleurs, je suis convaincu que le
président de l'Assemblée nationale apprécie cette nouvelle
attitude, cette nouvelle façon de procéder puisque, depuis
quelques mois, nous avons fait l'impossible au ministère des Travaux
publics pour répondre avec la plus grande rapidité, la plus
grande efficience, aux demandes pressantes de l'Assemblée nationale,
à la fois en termes de construction de cet édifice et en termes
d'exploitation. Et c'est le mode que nous adopterons à l'avenir avec la
société immobilière.
D'autres exemples de questions soulevées Qu'arrive-t-il de la
Société parc auto? La Société parc auto est un
organisme sans but lucratif qui administre les stationnements du gouvernement,
les stationnements de la ville de Québec et retourne les profits, dans
la même proportion, à ses mandants. Alors, la
Société parc auto, il n'en est pas question dans cette loi, parce
que ce n'est pas une société qui appartient au gouvernement.
Cette société a un contrat d'exploitation avec le
ministère des Travaux publics et en aura sans doute un avec la
Société immobilière du Québec.
Le représentant de l'Opposition, le député de
Robert Baldwin, a demandé de rassurer les employés du
ministère et je l'avais fait, je crois, dans mon discours de
deuxième lecture. Je tiens à le répéter, parce que
je pense que c'est essentiel, que c'est important. Il a dit: Que va-t-il
arriver? En cinq ans, en Colombie britannique, la société de
travaux publics là-bas, BCBC, a réduit de 1600 à 1300 le
nombre de ses employés. Nous, nous l'avons fait durant les deux
dernières années. Nous avons réduit de 10% à 11% -
on aura les résultats complets au 31 mars prochain - en l'espace de deux
ans, le nombre d'employés du ministère. Et cela s'est fait avec
la pleine collaboration de ces employés, en accroisssant même leur
productivité et leur efficacité et la qualité des services
donnés aux clients. Dans cette perspective, nous avons
décidé de ne pas choisir les employés syndiqués qui
viendraient à la Société immobilière du
Québec. Au contraire, nous avons décidé d'inviter tous les
employés syndiqués du ministère des Travaux publics
à devenir membres de la Société immobilière du
Québec. Évidemment, parmi les postes d'encadrement, nous allons
faire certains choix pour inviter une majorité des cadres actuels
à faire partie de cette société immobilière. Mais
je peux à nouveau assurer les employés que l'ensemble, la
totalité de leurs droits acquis seront respectés, leur
possibilité de retour dans la fonction publique, en somme, la
totalité de leurs droits acquis seront respectés et en ce sens,
nous préciserons les articles de loi... C'est déjà dans la
loi; des amendements seront apportés pour correspondre
véritablement et entièrement à cet esprit.
D'autres questions plus fondamentales ont été
abordées concernant la marge d'autonomie qu'aura cette
société. Il est bien sûr que, comme cette
société aura un seul actionnaire, le gouvernement du
Québec, c'est le gouvernement du Québec comme tel qui va lui
donner l'essentiel de ses autorisations sur les grandes orientations que devra
poursuivre cette société. C'est pourquoi, comme pour l'ensemble
des sociétés d'État, nous avons cru bon introduire dans
cette loi le pouvoir de directive pour le gouvernement de telle façon
que, si le gouvernement veut, par exemple, appliquer la politique du 1% dans le
domaine des arts à cette société immobilière, il
aura le pouvoir de la fixer. Si le gouvernement veut que cette
société respecte l'ensemble de son programme de conservation
énergétique, il exigera que cette société y soit
astreinte. Alors, ce pouvoir de directive permettra au gouvernement, entre
autres, évidemment, de faire en sorte que la société dont
il est le seul et unique actionnaire respecte les grandes orientations
gouvernementales.
Quant à l'autonomie, c'est bien sûr que la création
de cette société ne change pas -ce n'est pas une création
à partir de rien -du tout au tout la réalité des choses.
C'est simplement un contexte juridique, un contexte organisationnel, un
contexte de structure qui, à notre point de vue, peut permettre
davantage d'atteindre les objectifs qui sont les objectifs de base de cette
société, soit de développer un esprit, une culture ou une
mentalité de gestion immobilière semblable à celle qui
existe dans l'entreprise privée, évidemment avec un minimum de
contraintes - certains diront un maximum - qui doivent s'appliquer à une
société qui est la propriété de l'ensemble des
Québécois et qui est sous la juridiction du gouvernement du
Québec.
Quant aux acquis dans le domaine de la transparence, dans le domaine du
Service général des achats, j'ai déjà
indiqué, dans mon discours de deuxième lecture, que cette
société devrait recourir au fichier central des fournisseurs et
qu'elle devrait recourir au Service général des achats pour
l'essentiel de ses approvisionnements.
M. le Président, plusieurs autres points pourraient être
abordés puisque les députés
de l'Opposition en particulier ont soulevé des questions
très précises sur plusieurs des articles du projet de loi, mais
je crois qu'au moment de l'étude article par article, nous pourrons
continuer de répondre à ces questions. J'ai voulu donner quelques
exemples simplement pour illustrer que les différents points qui ont
été soulevés ont été examinés et nous
avons des réponses à fournir à l'Opposition, ce qui, je
l'espère, lui permettra d'appuyer le projet de loi en troisième
lecture, comme elle a manifesté son intention de l'appuyer en
deuxième lecture. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la
deuxième lecture du projet de loi 18, Loi sur la Société
immobilière du Québec, est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission des travaux
publics
et de l'approvisionnement
M. Boucher: M. le Président, je fais motion pour que ce
projet de loi soit déféré à la commission
parlementaire des travaux publics et de l'approvisionnement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion
est adoptée? M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: Sur cette motion, M. le Président, je voudrais
demander au leader adjoint du gouvernement s'il ne préférerait
pas discuter du résultat des élections partielles où le
gouvernement s'est fait battre dans Jonquière et dans...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la motion est
adoptée?
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: M. le Président, nous poursuivons nos travaux
- je crois que nous sommes en Chambre - et je vous demanderais d'appeler
l'article 2) et de reconnaître le député de
Mille-Îles.
Reprise du débat sur le discours
sur le complément aux politiques
budgétaires et la motion de censure
Le Vice-Président (M. Jolivet): L'article 2 est la reprise
du débat sur la motion du ministre des Finances proposant que
l'Assemblée approuve le complément aux politiques
budgétaires du gouvernement pour 1983-1984, et sur la motion de censure
du député de Vaudreuil-Soulanges qui se lit comme suit: "Que
cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement
qui, dans son énoncé complémentaire au budget de
1983-1984, n'a rien ajouté de précis ou de concret aux mesures
mal définies évoquées par le premier ministre le 13
novembre dernier, qui a maintenu les deux tiers des taxes soi-disant
temporaires en place depuis deux ans, compromettant ainsi davantage une reprise
économique déjà incertaine et qui, par conséquent,
a trompé les attentes qu'il avait lui-même fait naître
auparavant pour tenter de justifier sa décision de retarder d'un mois la
reprise des travaux parlementaires."
La parole est au député de Mille-Îles.
M. Jean-Paul Champagne
M. Champagne (Mille-Îles): Merci, M. le Président.
C'est avec beaucoup d'intérêt que j'interviens ce soir en regard
du discours sur le budget du ministre des Finances qui a été
présenté il y a quelques semaines. C'est aussi dans
l'intérêt de la population qui doit se demander - enfin, on vient
d'un peu loin -ce qu'il advient des taux d'intérêt exorbitants
qu'on a connus il y a deux ans, ce qu'il advient de la crise économique
qu'on a connue et de laquelle on en sort au moment où on se parle, ce
qui est arrivé des compressions budgétaires, ce que cela a
donné. Je pense que, ce soir, les gens sont intéressés
à savoir ce que le plan d'urgence a aussi donné, le plan de
relance économique. À la fois, il y va de l'intérêt
de tous et on peut dire qu'on peut voir l'avenir avec beaucoup plus
d'optimisme.
Je pense que le gouvernement a fait un effort assez sérieux pour
consolider la fonction publique. Il y a quelques années, plus de 52% du
budget étaient consacrés aux salaires des fonctionnaires de la
fonction publique et à tout le secteur public et parapublic qui avait
aussi des avantages sociaux. Je pense que, comme État responsable, nous
devions faire en sorte, pour aider la relance économique, de consolider
nos effectifs de la fonction publique. Je suis content de savoir ce soir que
nous avons peut-être atteint notre objectif avec à peu près
le même nombre de fonctionnaires ou avec environ 2000 fonctionnaires de
moins qu'en 1976. Si on se rappelle l'histoire, de 1970 à 1976, la
fonction publique a augmenté de 4000 employés d'année en
année jusqu'en 1976. On avait le devoir de consolider, de rendre plus
efficace la fonction publique et nous avons réussi jusqu'à
maintenant. (21 h 50)
Dans le domaine des affaires sociales, autrefois, les hôpitaux,
selon l'habitude et selon la tradition, faisaient en sorte que, si on
dépassait le budget, on arrivait au déficit
et, automatiquement, c'est le gouvernement, par l'entremise du
ministère des Affaires sociales, qui comblait la différence, qui
épongeait le déficit. M. le Président, depuis l'an
dernier, on a obligé les hôpitaux à une rigueur
administrative, à équilibrer leur budget. Nous sommes contents de
voir que, l'an dernier, sur 152 hôpitaux, 146 ont équilibré
leur budget. C'était de la rigueur administrative, et on le prouve.
Dans le domaine de l'éducation, les commissions scolaires sont
financées à 100% par le gouvernement, et certaines commissions
scolaires réussissaient à avoir un surplus budgétaire ou
un déficit budgétaire. On demande maintenant l'équilibre
du budget. Je pense que le gouvernement, les municipalités, même
l'entreprise privée ont fait un effort de rigueur administrative depuis
la crise, et actuellement, considérant la consolidation des effectifs
ainsi que la consolidation budgétaire des entreprises, du gouvernement
et des municipalités, je pense qu'il y a espoir et, on le sent dans la
population, il y a reprise économique.
M. le Président, en 1976, la différence entre les
impôts de l'Ontario et du Québec était supérieure
à 19% pour le Québec. Les impôts et les taxes
étaient de 19% supérieurs au Québec qu'en Ontario, en
1976. Au moment où on se parle, en 1983, l'écart a
été réduit à 11%. On payait 19% de plus de taxes et
d'impôts, en 1976 et, aujourd'hui même, nous payons 11% de plus.
L'écart diminue et, dans quelques années, nous espérons
qu'il n'y aura plus d'écart.
Hélas, nos amis d'en face, comme on les appelle, disent, d'une
façon assez irresponsable, que nous payons plus de taxes et
d'impôts, mais il faut comparer les mêmes choses. Jamais nous ne
disons que ceux qui gagnent 25 000 $ et plus paient beaucoup plus
d'impôt, mais ceux qui gagnent 25 000 $ et moins paient beaucoup moins
d'impôt que ceux de l'Ontario. Jamais on ne fait cette différence.
Les hauts salariés doivent aider les bas salariés. Je pense que
c'est une justice distributive, et jamais on ne fait la différence. On
ne fait jamais aussi la différence pour savoir quels sont les services
qu'on a de plus si on paie un peu plus d'impôt. Jamais on ne dit qu'en
Ontario, entre autres, pour l'assurance-maladie, on doit payer une assurance
privée qu'on appelle la Croix bleue. Chacun des Ontariens doit payer de
500 $ à 600 $ par année de plus. Nous, au Québec, c'est le
gouvernement qui paie pour l'ensemble. En Ontario, on n'ajoute jamais cela
comme impôt. C'est pour cela qu'il faut comparer les "comparables"
à ce moment-la.
On ne fait jamais aussi de comparaison au sujet de la taxation. Il y en
a qui seraient surpris de voir qu'en Ontario, par exemple, même pour une
tasse de café ou une tablette de chocolat, on est taxés, mais ici
au Québec, les repas de 3,25 $ ou moins, les meubles, les
vêtements d'enfants, les appareils ménagers ne sont pas
taxés. On ne parle pas beaucoup de cela. Je pense qu'il faut être
honnête et comparer les "comparables". Une étude a prouvé
que le dollar dépensé à Montréal vaut beaucoup plus
que le dollar dépensé à Ottawa, Calgary ou Vancouver. Je
pense que c'est ce qu'il faut comparer.
M. le Président, j'ai quelques tableaux assez
révélateurs de nos besoins financiers nets ici au Canada, et dans
la province de Québec. C'est un tableau assez révélateur.
Il y en a qui se demandent où va le Québec dans cette crise
économique. Quelle est la situation financière ici au
Québec?
Nous avons ici un tableau assez révélateur des besoins
financiers nets des provinces par habitant en 1983. En Ontario, chaque personne
coûte 309 $ en besoins financiers nets à la province. Au
deuxième rang vient le Québec qui doit payer, en besoins
financiers, 342 $. Ensuite, il y a l'Alberta, 359 $;
l'île-du-Prince-Édouard, 515 $; la Colombie britannique, 631 $; le
Manitoba qui doit payer, par tête d'habitant, 825 $ en besoins
financiers. Enfin, il y a la Saskatchewan qui doit payer 1002 $ en besoins
financiers par habitant.
C'est la situation financière dans l'ensemble du Canada et nos
besoins financiers, par tête de Québécois, sont seulement
de 342 $. Je pense qu'on a avantage, des fois, à se comparer pour se
rassurer. J'ajouterai au tableau des besoins financiers du Canada un
déficit de 31 000 000 000 $ pour une population de 24 000 000 ou de 25
000 000 d'habitants. Nous arrivons ici à des besoins financiers, par
habitant, d'à peu près 1300 $ par Canadien. C'est le
résultat de la rigueur administrative dont on a fait preuve dans le
passé; on le voit ici devant nous.
J'aimerais aussi montrer un autre tableau qui parle de
l'évolution des besoins financiers nets en millions de dollars. Bien
sûr, on connaît l'inflation et la valeur du dollar en 1977 n'est
pas la même qu'en 1983. Les besoins financiers nets de 1977
étaient de 1 171 000 000 $. Nous avons traversé la crise, nous
avons repris l'économie en main un peu plus et, actuellement, en
1983-1984, en dollars constants, les besoins financiers sont à peu
près identiques à ceux de 1977-1978. Ils sont de 1 290 000 000 $.
Nous faisons preuve à ce moment-ci de rigueur administrative; nous
voyons le bout du tunnel et je pense que c'est tout à l'avantage du
gouvernement du Québec, du secteur privé et du secteur public qui
marchent la main dans la main pour essayer de relancer l'économie. La
confiance vient de plus en plus.
M. le Président, on aime se comparer. Il y a quelques
années, on parlait de l'Alberta. L'Alberta, actuellement, a 12% de
chômeurs. Ce n'est peut-être pas à envier. Nous en
avons 13%. Mais ceux qui étaient très prospères, il y a
quelques années, ont connu aussi la crise économique. Nous, on
s'en sort assez bien. Ici, on fait une évolution du chômage
canadien. Au Canada, qu'est-ce qui se passe dans le domaine du chômage?
Au Québec, qu'est-ce qui se passe dans le domaine du chômage?
En 1968, nous avions à peu près 34% du chômage
canadien au Québec. En 1969, cela a été le record, 37% du
chômage canadien au Québec. Si je prends d'autres chiffres, en
1972, 31%; en 1974, 32%; en 1976, il y avait 32% du chômage. Nous avons
monté à 33%. Durant le pire de la crise, nous avons connu
jusqu'à 34,6% de chômage au Québec, à comparer au
Canada. Or, actuellement, nous connaissons des plans de relance, des plans
d'urgence. En voici le résultat. Actuellement, en 1983, nous n'avons que
28,8% du chômage canadien. C'est bien sûr que c'est encore trop,
mais jamais, depuis que nous avons des statistiques, le Québec n'a
été en bas des 30% de chômeurs, nous l'avons cette
année, nous n'avons que 28% de chômeurs. (22 heures)
C'est une preuve, M. le Président, que nos plans de relance, que
nos plans d'urgence ont été efficaces. Nous avons connu des
moments pénibles, des compressions budgétaires, nous avons
appliqué une rigueur administrative et, aujourd'hui, je pense qu'on est
bien servi. J'ai tout lieu de croire qu'en 1984 - je vais l'espérer avec
vous - on aura encore les 25%, mais que ce sera avantageux à comparer
aux autres provinces du Canada qui, elles aussi font un effort, mais ne
réussissent pas autant que nous.
Je pense aussi à l'autre tableau. Que faisons-nous, ici au
Québec, pour essayer de sortir de cette crise économique? Que
faisons-nous au point de vue de relance? J'ai ici toutes les provinces du
Canada, nous avons toutes les enveloppes provinciales d'aide au commerce et
à l'industrie, de 1976 à 1980, et on a pris une moyenne
d'enveloppes provinciales d'aide au commerce et à l'industrie. Qu'est-ce
qu'on voit? Le Québec a injecté en moyenne 120 000 000 $ dans la
relance économique. Pour aider l'industrie, pour aider le commerce on a
fait un effort assez important et on le voit par le schéma ici. Que fait
l'Ontario pendant ce temps, de 1976 à 1980? Elle fournit une aide
d'environ 80 000 000 $ par année; Terre-Neuve a à peu près
85 000 000 $; le Manitoba, une aide de 15 000 000 $; la Saskatchewan, une aide
d'environ 18 000 000 $; l'Alberta, environ 10 000 000$; la Colombie
britannique, environ 25 000 000 $, moyenne annuelle d'aide au commerce et
à l'industrie.
M. le Président, le gouvernement a pris les choses en main et
pour nous, l'industrie et le commerce sont très importants. On voit la
part du gouvernement, une part de 125 000 000 $ en moyenne par année
injectée dans le commerce et l'industrie. Je pense que c'est tout
à l'honneur du Québec qui est à l'avant-garde pour la
relance économique.
Depuis quelques années nous avons connu deux plans d'urgence.
Nous avons connu ce qu'on appelle le plan Biron, un programme administré
par la Société de développement industriel qui a fait en
sorte que nous avons garanti les prêts des petites et moyennes
entreprises du Québec alors que les taux d'intérêt
étaient exorbitants et inacceptables. Des taux d'intérêt de
24% et de 25%. Qu'a fait le plan Biron? Le plan Biron a aidé à
environ 700 entreprises manufacturières au Québec et avec cela on
a réussi à sauver plus de 32 000 emplois. À cause de notre
imagination, de notre audace et l'esprit de concertation que nous avons dans le
milieu québécois, on se met ensemble et on s'en sort. Les preuves
sont là. Actuellement, 28% du chômage canadien à comparer
aux 37% que nous avons déjà connus, à comparer au tant de
pour cent qu'on n'a jamais obtenu, mais qu'on avait toujours au-dessus.
Autre plan d'urgence. Nous avons connu des programmes de création
d'emplois. Vous allez peut-être me dire que ce sont des programmes de
création d'emplois temporaires. Je suis d'accord avec vous, mais je
pense que lorsqu'on traverse une crise, on prend tous les moyens du bord. Entre
autres, on a lancé pour les jeunes le bon d'emploi qui valait un montant
de 3000 $ pour aider les jeunes à se trouver un premier emploi. Nous
avons connu un autre programme, Chantier-Québec, qui a aidé
énormément de jeunes dans des emplois communautaires. Nous avons
connu aussi le programme PECEC, pour les petites et moyennes entreprises, et
nous avons injecté en 1983, uniquement dans des programmes de
création d'emplois, plus de 265 000 000 $, ce qui a donné 64 000
emplois. M. le Président, il y en a qui l'ont reconnu. Je ne demande pas
aux gens d'en face de reconnaître ce que le gouvernement a fait, mais .
le Conference Board du Canada disait, et je cite: "Le Québec bat la
marche de la reprise économique et prévoit pour 1984 une
performance surprenante pour le Québec."
Fantastique! Je pense que les plans d'urgence ont été
efficaces. Les plans de création d'emplois ont été
efficaces. Notre rigueur administrative, nos compressions budgétaires
ont été efficaces et on le reconnaît. Le Conference Board
du Canada le reconnaît. C'est grâce à notre imagination.
C'est grâce à notre audace. C'est grâce à notre
esprit de concertation.
Il n'y a pas que le Conference Board du Canada qui voit ce que le
Québec fait.
J'ai ici d'autres titres de journaux: "Résultat d'une
étude de la Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante" - et le titre - "La PME créerait 75 000 emplois au
Québec en 1984."
Il y en a qui aimeraient de l'autre côté qu'on soit
pessimiste. Ils aimeraient qu'on montre un peu le Québec d'une
façon très négative et très noire, mais il y en a
qui reconnaissent ce qu'on fait. Ici, je regarde: "Le Québec mène
le bal pour la création d'emplois à comparer au Canada, 73 000
nouveaux postes." Je vois ici dans le Soleil: "Une reprise qui se confirme." Et
c'est signé Jacques Dumais. Je pense qu'il faut être optimiste.
Ici, dans le journal Le Quotidien, un éditorialiste, Bertrand Tremblay,
citait le président de la Bourse de Montréal, M. Pierre Lortie,
qui disait: "Québec offre, et de loin, le meilleur environnement sur le
plan fiscal pour le financement des entreprises". Et c'est M. Pierre Lortie, de
la Bourse de Montréal, qui disait cela, il y a quelque temps. Je prends
ici un autre titre dans le Journal de Québec: "L'économie du
Québec a le vent dans les voiles." Nous avons tout lieu de croire que
nous allons nous en sortir, parce que nous avons fait la preuve de notre
capacité. Nous avions un programme qu'on a appelé
Corvée-habitation. C'est cela, de la concertation. Nous avons
demandé aux banquiers, aux financiers, aux municipalités, aux
travailleurs et aux professionnels de se mettre ensemble pour aider à la
reprise de la construction, parce que tant va l'habitation, tant va aussi
l'économie.
Qu'est-il arrivé avec cet esprit de concertation et cet esprit
audacieux de la part du gouvernement? Cela a été un succès
phénoménal. Nous avons mis en chantier 26 000 logements, de
janvier à août. Qu'est-il arrivé dans le reste du Canada?
Au Québec, entre autres, nous avons eu 135% de plus de construction que
l'année dernière, 135% de plus de construction cette année
que l'an dernier à cause de Corvée-habitation. Pendant ce temps,
en Ontario, cela a été 73% de plus et, dans le reste du Canada -
l'ensemble du Canada - cela a été 44%. Je pense qu'avec l'esprit
de concertation, l'esprit de dynamisme, avec le programme de
Corvée-habitation qui a été mis sur pied, il y a quelques
années, nous avons ici des résultats tangibles. En parlant de
concertation, nous avons créé avec la Fédération
des travailleurs du Québec, la FTQ, un fonds de solidarité, un
fonds d'investissement constitué de cotisations des travailleurs. Je
pense que c'est une autre initiative qui fait en sorte qu'on pourra donner le
moyen à des syndiqués, à des travailleurs d'aider et de
soutenir l'entreprise, quelle soit publique ou privée. (22 h 10)
Dans le dernier discours, on a parlé de déductions
fiscales à la source pour ceux qui veulent aider au Fonds de
solidarité des travailleurs. On voit que la confiance renaît.
Dernièrement, j'ai fait le tour des caisses populaires, comme
l'année dernière. Les gens étaient prudents,
l'année dernière; on avait, entre autres, un fonds qu'on
conservait dans des coffres et on ne dépensait pas du tout. Il y avait
des caisses populaires qui accumulaient des épargnes de 10 000 000 $.
Or, cette année, les gens se sont mis à avoir confiance et les 10
000 000 $ ont été lancés dans l'entreprise, dans
l'industrie et aussi dans des commerces. La confiance renaît et on le
constate aussi dans les grands investissements.
Une de nos richesses est bien l'électricité. Le
Québec est à la veille de devenir la capitale... Enfin...
Reynolds a investi plus de 500 000 000 $ dans l'aluminium. C'est la capitale de
l'aluminium dont je voulais parler. Pechiney a investi 1 500 000 000 $ dans
l'aluminium. Alcan vient d'annoncer 1 000 000 000 $ d'investissement dans
l'aluminium. C'est ça, la confiance qu'on donne au Québec. Le
Québec deviendra sûrement la capitale de l'aluminium dans quelques
années.
Une voix: La capitale mondiale.
M. Champagne (Mille-Îles): On pourrait même dire la
capitale mondiale de l'aluminium.
J'aimerais parler aussi de la relance économique à Laval,
qui fait partie du comté de Mille-Îles, que je représente.
Je suis content de voir que Laval adhère au plan de relance
économique qui vient d'être mis sur pied par le gouvernement du
Québec. En effet, la semaine dernière, la ville de Laval
annonçait qu'elle adhérait au programme triennal
d'immobilisations de l'assainissement des eaux. Elle a porté son montant
d'investissement à 95 000 000 $ et cela va permettre de créer
plus de 2280 emplois directs et indirects durant les deux prochaines
années à Laval.
Je veux souligner le dynamisme du conseil exécutif de la ville de
Laval qui a pris en main ce que le gouvernement offrait; on a investi 95 000
000 $ dans l'assainissement des eaux. L'assainissement des eaux, c'est une
priorité. On a peut-être, hélas, trop souvent dans le
passé, négligé notre environnement et on doit corriger
cette erreur. Ces travaux de 95 000 000 $ vont permettre d'éliminer les
déversements d'égouts dans la rivière des Prairies. On va
aussi voir à ce que, à Lapinière, on ait une usine
d'épuration des eaux. Alors, chapeau à la ville de Laval qui a
contribué à créer des emplois et à relancer
l'économie par l'assainissement des eaux.
Un deuxième élément du discours sur le budget de M.
Parizeau était la suppression
de l'augmentation de la taxe sur l'essence pour les commissions de
transport du Québec. Qu'est-il arrivé avec la Commission de
transport de Laval? La semaine dernière, la CTL a décidé
de remettre aux usagers les 500 000 $ à 600 000 $ qu'elle avait de moins
à payer en taxe sur l'essence. C'est un autre exemple qui va faire que
les usagers vont payer moins cher leur laissez-passer mensuel.
Lors du discours sur le budget de M. Parizeau on a peut-être,
comme Lavallois, jeté momentanément un soupir de soulagement en
entendant dire que le péage sur les autoroutes était gelé.
J'espère que ce n'est qu'une étape. Moi, comme Lavallois, je vais
toujours défendre l'abolition, je vais toujours viser à ce qu'on
en arrive à l'abolition totale du péage sur les autoroutes, que
ce soit à Laval, dans les Laurentides, dans Lanaudière ou dans
les Cantons de l'Est. M. le Président, je l'ai dit, c'est
peut-être une taxe déguisée; c'est arbitraire et c'est
discrétionnaire. Pourquoi, ailleurs au Québec, sur les autoroutes
ne paie-t-on pas? Je m'engage ce soir, comme Lavallois et comme
député du comté de Mille-Îles qui représente
la ville de Laval, à faire en sorte qu'on en vienne à l'abolition
du péage sur les autoroutes.
M. le Président, j'ai une responsabilité comme
député de Mille-Îles, comme député de la
ville de Laval, celle du dossier culturel. Nous avons, à Laval, de
nombreuses associations culturelles et c'est très important. On a
constitué dernièrement un conseil consultatif de la culture. Il y
a eu aussi la formation d'une fondation des arts. Nous avons aussi comme projet
une maison des arts, à Laval. Je pense que la population a des besoins
culturels; elle a besoin d'espace. Je m'engage à faire pression, pour
mes concitoyens de Laval, auprès du gouvernement, auprès du
ministère des Affaires culturelles, pour aider à l'implantation
de cette maison des arts, pour aider aux arts d'interprétation, aux arts
de création, aux arts visuels, que dis-je, aux arts en
général.
Il y a aussi un dossier qui me tient à coeur
énormément. C'est celui de la rivière des Prairies. En
effet, il y a 50 ans, en 1929, on a bâti un barrage sur la rivière
des Prairies et on défendait la libre circulation sur cette
rivière. Avec l'Association de l'aménagement de la rivière
des Prairies, avec des comités de citoyens, avec la chambre de commerce,
avec la ville de Laval, avec d'autres associations, nous avons fait pression
pour qu'on puisse construire une écluse, pour qu'on puisse retrouver la
libre circulation sur cette rivière.
Dans une politique de loisir, de plein air, dans une politique de
respect de notre environnement, je pense qu'il est tout à fait normal
qu'on redonne l'usage de la rivière des Prairies aux Lavallois et aux
Montréalais et je suis assez optimiste. Il y a quelques mois,
Hydro-Québec déposait un rapport de faisabilité d'une
écluse. Les coûts sont raisonnables et on dit que, techniquement,
c'est faisable. Dans un esprit de relance économique et de
création d'emplois, je pense qu'il serait de bon aloi, et même
indispensable, de construire une écluse. Je m'engage à demander
au gouvernement fédéral, au gouvernement provincial et aux
gouvernements municipaux de faire en sorte qu'on puisse réaliser ce
projet. Bien sûr, c'est une question de coût. Combien cela va-t-il
coûter et qui va payer? Mais tous ces paliers de gouvernement devront
s'asseoir à la même table pour essayer de réconcilier les
Lavallois et les Montréalais et redonner la libre circulation à
notre rivière.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mille-Îles, veuillez, s'il vous plaît,
conclure.
M. Champagne (Mille-Îles): Voici, je dirai simplement que
le nautisme est très important. Il y a 114 000 embarcations dans la
région métropolitaine; 400 000 personnes font du nautisme et cela
injecte 100 000 000 $ au point de vue économique. C'est bien beau, les
grands voiliers en 1984. Je vais espérer que nous allons faire le tour
de l'île très prochainement.
M. le Président, rigueur administrative, relance
économique, on a donné l'exemple. L'entreprise privée
prend l'exemple du gouvernement. Je pense qu'il y a un effort de la part de
tous, il y a une concertation, il y a de la confiance et notre principal
défi, actuellement, c'est de donner de l'ouvrage à tout le monde,
c'est d'aider particulièrement les jeunes. Mais si on s'y met tous
ensemble, on arrivera à faire de tous les Québécois des
Québécois heureux dans un Québec heureux. Merci, M. le
Président. (22 h 20)
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Joan Dougherty
Mme Dougherty: M. le Président, tout le monde parle de la
crise économique. Chaque mois, on lit dans les journaux de nouvelles
analyses de Statistique Canada qui révèlent un triste tableau:
des milliers de chômeurs, des milliers de bénéficiaires de
l'aide sociale qui ont épuisé leur droit à
l'assurance-chômage.
Si on analyse ces chiffres, on constate que c'est le Québec qui a
été le plus frappé par la crise et même si le
Québec a bénéficié dernièrement de quelques
retombées de la reprise économique canadienne, la reprise de
l'économie du Québec comme telle n'a pas même
commencé.
Chacun de nous connaît quelqu'un qui a
perdu son poste et plusieurs jeunes qui ont cherché en vain un
job. Chacun de nous est sensible au fait qu'être sans travail, c'est se
sentir inutile, se sentir dévalorisé.
Donc, pour apprécier l'ampleur de la crise, il faut ajouter aux
chiffres économiques des indicateurs de la crise morale et sociale,
comme le nombre croissant des suicides chez les jeunes, des maladies physiques
et mentales qui glonflent la clientèle de nos hôpitaux et de nos
services sociaux. Quelles sont les raisons de cette situation tragique et
comment peut-on sortir de cette crise? Let us see what the people who are in a
position to know say about the situation.
M. Rodrigue Tremblay, who was the former Minister of Industry of
Québec from 1976 to 1979 - he is now teaching at the University of
Montreal - said these things in an article in the Wall Street Journal, in
February the 11th, 1982. He said: "The most critical threat to Québec's
prosperity arises not from its cultural differences but from a more or less out
of control public sector. Québec's public sector is crushing the
vitality and competitiveness of the productive side of our economy.
Québec has become a very high cost economy and is faced today with a
dire choice: either reverse the 20 year pendulum movement of the so-called
quiet revolution which has gone too far and is turning into a financial and
economic nightmare, or loose more of its population, especially the young, to
faster growing regions elsewhere in Canada. "Over the last five years, twice as
many people have left Québec as have entered, with the result that there
has been a net outflow of 25 000 people each year. "One should add to all this
a wasteful political guerilla warfare between Québec and Ottawa, and the
highest legally imposed minimum wage in North America. Furthermore - I am still
citing Rodrique Tremblay - while Québec has 26% of the Canadian
population, it has 35% of the Canadian unemployed persons and it has close to
50% of all Canada's days lost in industrial relations difficulties."
Mr. Tremblay concluded that nothing less than a revolution in political
and social thinking is needed. Increased productivity in the public sector is a
must if the social progress of the last 20 years is to be continued but, even
more important, a lower tax burden in the private economy and more investments
to restore Québec's competitiveness and to create the new employment
which the public sector can no longer provide.
Le Conseil du patronat has recently summarized their opinion as follows:
"Pour créer un climat favorable à l'investissement privé,
seule source véritable d'emplois productifs et permanents, il faut
créer un climat général favorable à
l'investissement, réduire le fardeau fiscal des particuliers,
réduire les dépenses gouvernementales, réduire le
rôle de l'État, laisser respirer les entreprises, refuser la
négociation sectorielle, faire preuve de réalisme dans les lois
du travail et arrêter de parler de l'indépendance.
L'Ordre des ingénieurs du Québec a déclaré
récemment: "II y a une chose que la récente récession nous
a enseignée, c'est qu'il n'existe aucune garantie de
prospérité ou même de sécurité dans ce monde.
Nous sommes tous soumis aux lois fondamentales de l'économie, qui sont
simplement qu'avant de distribuer la richesse il faut d'abord la créer.
L'acquisition d'une dimension technologique nous apparaît comme la seule
voie dans laquelle notre pays puisse s'engager pour se maintenir et
progresser."
L'Ordre des ingénieurs a dit: "La notion de profit est un
stimulant essentiel pour notre créativité, notre esprit
d'innovation, notre rendement et notre productivité. Quant à
l'excellence, elle doit être un objectif. Nous devons avoir l'ambition et
la combativité pour devenir meilleurs que les autres."
The Canadian Manufacturers Association has recently said: "II est
maintenant largement reconnu que nous sommes dans une guerre mondiale, une
guerre de "survival of the fittest", où les gagnants seront ceux qui
manifestent les meilleures idées, les meilleures capacités
créatrices, la plus grande adresse à exploiter leurs idées
pour des fins utiles. Notre qualité de vie en dépend."
Vincent Prince, dans le journal La Presse, le 17 mai 1982, disait:
"L'exemple japonais est absolument convaincant. L'avenir n'est pas
nécessairement à ceux qui disposent d'abondantes richesses
naturelles, mais à ceux qui sauront devenir compétitifs en
recourant au maximum à la technique la plus perfectionnée.
"L'économie, pour se développer, suppose un contexte favorable
aux investissements. De plus, le domaine des relations du travail est d'une
importance également capitale. Si le Québec continue de maintenir
son championnat des grèves idéologiques et interminables, les
plus beaux plans de redressement ne sauraient mener nulle part."
Dominique Clift, observateur très attentif de la
réalité québécoise, déclarait
récemment dans le Globe and Mail, le 22 mars 1983, dans un article
intitulé "Beyond Nationalism in Québec": "There comes a moment
when leaders must focus on pressing requirements of productivity and economic
growth, and this is the point where liberation politics break down. The problem
is that existential victims are not achievers and they are not proned to the
kind of action
required in the prosaic and workaday world. The core of the matter is
right there. The Pequiste political speech is coming under growing criticism
because it is more and more out of place, discordant in a world where the true
liberation can only come from personal or collective achievement of another
kind: economic, social and cultural excellence." (22 h 30)
And finally, Claude Hamel, le président de la Conférence
des recteurs et des principaux des universités du Québec, a dit,
dans un article paru dans le Devoir, le 5 octobre 1983: "Les universités
ne font plus partie des priorités gouvernementales." On veut prendre le
virage technologique? L'apport universitaire y est essentiel. Si les
compressions budgétaires devaient continuer d'affaiblir l'infrastructure
de la recherche, le danger guette que se démembrent rapidement des
équipes de recherche qu'on a pris de 10 à 20 ans à
constituer. L'enseignement de la recherche universitaire doit compter
désormais parmi les plus grandes priorités du gouvernement, sans
quoi on renonce à investir dans l'avenir."
En résumé, quelles sont les voies prometteuses pour
l'avenir? Il est évident qu'il y a un consensus important dans ces
témoignages. Ce consensus pourrait être résumé comme
suit: Si nous voulons créer des emplois, il faut augmenter notre
capacité d'être concurrentiels. Premièrement, il faut
réduire le poids de l'État pour laisser respirer le secteur
privé qui est le véritable moteur de l'économie et la
source des revenus dont nous avons tellement besoin.
Deuxièmement, le rôle de l'Etat doit être
réorienté afin de créer de meilleures conditions fiscales,
sociales et politiques, propices à attirer l'investissement et à
permettre à nos entreprises d'être concurrentielles dans
l'économie mondiale. Cela veut dire qu'il faut réduire les taxes,
il faut réduire les réglementations gouvernementales, il faut
assainir les relations entre nos travailleurs et nos employeurs afin de les
réorienter sur une base de responsabilité mutuelle et non pas sur
une base de confrontation. Finalement, il faut rétablir la
stabilité politique en cessant de parler de l'indépendance.
Troisièmement, dans la révolution technologique, le
gouvernement doit assumer un rôle de leadership et non pas un rôle
de gérance, les rôles d'encouragement et d'appui pour
l'innovation, pour l'esprit d'entrepre-neurship qui est au coeur de notre
capacité d'être concurrentiels. Ce qui est primordial, c'est que
le gouvernement trouve le courage de s'engager dans une stratégie
à long terme. Les stratégies improvisées à court
terme sont souvent plus populaires auprès de certains électeurs,
mais ne nous assureront pas le succès dans la guerre économique
mondiale.
Quatrièmement, le gouvernement doit s'engager dans une
stratégie globale en ce qui concerne le développement de nos
ressources humaines. C'est une véritable révolution des valeurs
qui s'impose, mais une révolution qui demande qu'on fasse notre possible
pour libérer et maximiser notre potentiel. Il faut réorienter nos
énergies, toutes les activités de nos institutions publiques,
parapubliques et privées pour qu'elles puissent favoriser l'excellence
de nos ressources humaines, l'excellence des idées, des produits et des
services que nous offrons à notre société et au monde
entier.
Pendant le temps qu'il me reste, M. le Président, j'aimerais
parler du quatrième élément, le développement de
nos ressources humaines, parce que je suis convaincue que notre meilleure
ressource est notre capital humain. Si nous ne faisons pas un effort massif
pour équiper nos citoyens des meilleurs outils pour survivre dans la
course technologique, pour maximiser et libérer leur potentiel
créateur, le fameux virage technologique ne sera qu'un voeu pieux qui ne
se réalisera jamais au Québec, faute de courage et de
détermination de réussir, faute de compétence à
relever le défi de la révolution des connaissances
technologiques.
Pour bâtir nos ressources humaines, il faut commencer à
l'école. It is time to stop fooling ourselves about the importance of
language. First of all, first language. As the world becomes more
sophisticated, it is absolutely essential that all of our citizens be literate.
You would think that this was self-evident, but the truth is that we have
hundreds of thousands of Quebecers who read, write and speak very poorly. A
large number of our children and adults cannot read at all.
A feature article in the Gazette, last Saturday, reported that Concordia
University, which is deeply concerned about the situation, has introduced
literacy tests as a requirement for graduation. The first test was administered
two weeks ago to 59 students; the result: only 22 passed. It is time to ask
ourselves: How did we get into this situation? How did it come about? How did
these students ever get through school? And what is the Government prepared to
do about it?
The Government's response seems to be to change the system which we use
to teach our children to read. The fact is that most children learn to read no
matter what the system. It is the 15% to 20% who have difficulty that we have
to worry about, the 15% to 20% who need special help and special teaching.
Everybody knows they have a problem all through school, but the special help
that they need so much does not seem to be available. In fact, successive
budget cuts in our school systems have made these
critical teaching resources less and less available to our children.
L'apprentissage d'une langue seconde est d'égale importance. Il
est impensable que tous les enfants du Québec ne puissent avoir la
chance de bien apprendre le français et l'anglais. Une des
réalités de la révolution technologique est que c'est une
chose internationale et que le succès appartiendra à ceux qui
peuvent fonctionner dans un contexte international multilingue.
Nous devons vendre une grande quantité de nos produits et de nos
services en dehors du Québec si nous voulons survivre. Nous devons
rechercher de nouvelles idées et de nouvelles technologies à
travers le monde entier, si nous voulons que nos industries et nos compagnies
soient concurrentielles. La grande tristesse de la loi 101, c'est que le
gouvernement a vendu l'illusion à des multitudes de
Québécois qu'ils pouvaient vivre en français seulement,
surprotégés par la loi 101. Il est encourageant de voir que
certains parents se réveillent et demandent un meilleur apprentissage de
la langue seconde pour leurs enfants, et en plus bas âge.
It is urgent that the Government listen and respond to these demands;
otherwise, a whole generation of Quebecers will rendered incompetent to meet
the challenges of functioning in the larger world. (22 h 40)
J'ai aussi de sérieuses questions sur les faiblesses de
l'éducation dans le domaine des sciences et des mathématiques
dans nos écoles. Il me semble que la philosophie même qui est
à la base de notre système d'éducation publique diminue le
climat d'excellence qu'on veut nourrir. L'accent sur l'égalitarisme
risque de mener à la médiocrité. Le problème est
accentué par le fait que la plupart de nos enseignants ont une faible
formation en sciences et en mathématiques. Un urgent recyclage s'impose
à cet égard. Pis encore, j'ai peur que le nouveau régime
pédagogique n'aille institutionnaliser la médiocrité. Le
régime qui met l'accent sur l'acquisition des connaissances selon des
objectifs minimums va jouer contre nos étudiants, nos esprits
créateurs, nos futurs leaders dans la révolution scientifique et
technologique. Même si l'intention exprimée par le ministre de
l'Éducation est bonne, à savoir d'augmenter les standards de fond
en comble, je prévois des résultats graves pour ceux qui aspirent
au défi de l'excellence. En effet, la preuve que mes craintes sont
justifiées est déjà évidente dans les nouveaux
programmes des cégeps. Pour compléter le malheureux cercle
vicieux, le gouvernement a l'intention de diluer les matières dans les
cours de sciences et de mathématiques au cégep pour accommoder le
nouveau régime pédagogique au niveau secondaire. Cette
façon d'agir est totalement inacceptable pour un gouvernement qui
prêche l'importance de relever le défi du virage
technologique.
Si les problèmes au niveau secondaire et au cégep sont
graves, la situation au niveau universitaire est pire. Au cours des cinq
dernières années, ce sont les universités qui ont subi les
plus grandes coupures budgétaires par rapport aux autres secteurs de
l'éducation, 270 000 000 $ en cinq années et ceci en dépit
d'une augmentation substantielle de leur clientèle. Le niveau
général de financement de nos universités est rendu au
point où on risque de sacrifier leur mission primordiale, la poursuite
de l'excellence. Pendant que le gouvernement prêche l'importance de la
recherche et la nécessité d'encourager une formation plus
poussée, le gouvernement siphonne 20 000 000 $ additionnels des budgets
actuels, malgré les fortes protestations du Conseil des
universités et de la Conférence des recteurs et des principaux
des universités du Québec.
Je viens de compléter une tournée des universités.
Partout, j'ai entendu la même triste histoire: des laboratoires
désuets, une pénurie de professeurs dans les secteurs de pointe,
une formule de financement peu favorable au développement des
deuxième et troisième cycles, le vieillissement inquiétant
du corps professoral, un manque d'argent pour remplacer ceux qui partent, une
détérioration générale de l'infrastructure, des
bibliothèques inadéquates, des salaires non compétitifs
avec le secteur industriel - en génie, par exemple - un manque d'espace
pour répondre aux demandes dans le domaine de la
micro-électronique, etc.
Dans la Presse du samedi 3 décembre, M. Lacoste, recteur de
l'Université de Montréal, a déclaré: "Nous ne
pouvons plus être résolument tournés vers l'avenir comme
nous devrions l'être pour répondre à des besoins urgents et
manifestes de développement, notamment dans certains secteurs de pointe.
Une société ne peut envisager de prendre sérieusement le
virage technologique sans considérer prioritaires la recherche et les
études universitaires."
La gravité de la situation pour l'avenir de la recherche est
longuement analysée dans le récent rapport du Conseil des
universités, intitulé L'impasse du financement
fédéral sur le développement du réseau
universitaire. Le ministre de l'Éducation a demandé ce rapport en
mai 1981 pour justifier sa conviction que le gouvernement fédéral
doit se retirer de ce champ d'intervention et consentir aux provinces les
transferts fiscaux qui leur permettent d'assumer leurs responsabilités.
Le rapport fait aujourd'hui boomerang. Ce n'est pas l'alarme constitutionnelle
qu'il faut sonner, dit-il, puisqu'il y aurait moyen de mieux contrôler
l'influence fédérale. Le vrai problème est que les centres
d'excellence
décollent ou se consolident au pays, tandis que le Québec
francophone, mal préparé à prendre le virage, traîne
lamentablement de l'arrière.
Il est vrai que le Québec ne reçoit pas sa part des fonds
pour la recherche universitaire, mais il ne s'agit pas là de
discrimination. Le problème ressemble à celui de la poule et de
l'oeuf. Sur plus de 2000 étudiants de maîtrise et de doctorat en
sciences naturelles et en génie au Québec, la moitié
seulement sont inscrits dans une institution de langue française. Cette
sous-productivité vient-elle de la faiblesse de l'infrastructure de
recherche ou est-elle elle-même à l'origine du maigre taux de
participation québécoise à la recherche? Le
résultat, de toute façon, est assez catastrophique.
Les énoncés récents du premier ministre et du
ministre Laurin ne constituent pas une réponse satisfaisante. Il est
urgent qu'on regarde le problème d'une façon globale et non pas
pièce par pièce et de façon improvisée. La
même situation existe en ce qui concerne l'éducation des adultes.
Le gouvernement parle de l'importance de la formation professionnelle et du
recyclage qui s'impose pour les femmes qui sont les plus touchées par la
révolution micro-électronique et par l'automatisation de nos
entreprises. L'objectif est bon, mais est-ce réaliste d'attendre que nos
institutions aient la capacité de répondre à ces besoins
étant donné que, chaque année, le gouvernement coupe
sévèrement le budget consacré à l'éducation
permanente?
Combien de temps me reste-t-il? Trois minutes. Merci.
Je n'ai pas le temps de discuter une autre situation déplorable,
celle des "dropouts", mais je crois qu'une société qui aspire
à prendre le virage technologique ne peut pas tolérer un taux de
décrochage de 30%. C'est une manifestation flagrante de la faiblesse de
notre système d'éducation.
It is urgent, Mr. Speaker, that we address all of these problems now. We
are already very late. It is urgent now that we develop a global strategy to
allow our citizens to recycle and retrain themselves on an ongoing basis. It is
time for industry, education, government and unions to sit down together to
work this out. Job security in future will not come from job protection clauses
in labour contracts, it can only come from the provision of retraining and
upgrading opportunities. We must devise a global plan not of unemployment
insurance, but of skilled training insurance; this is our best hedge against
the unknowns of the future.
Je considère qu'un gouvernement qui veut prendre le virage
technologique devrait nourrir l'excellence, devrait établir, comme
première priorité, la qualité de ses ressources humaines.
Dans la révolution technologique, ce sont les connaissances qui vont
nous donner le pouvoir. "Knowledge is power". Si on sacrifie nos
universités et nos autres organismes éducatifs, on risque de
manquer le bateau faute de compétences pour relever le défi
d'être concurrentiels dans l'économie mondiale. Il faut investir
aujourd'hui dans notre capital humain, c'est la seule façon d'assurer un
avenir sain et prospère pour le Québec. (22 h 50)
Pour toutes ces raisons, M. le Président, j'appuie la motion de
mon collègue, le député de Vaudreuil-Soulanges, qui se lit
comme suit: "That this Assembly firmly condemns the Government for having
presented a supplementary budget for 1983-1984 which has nothing concrete or
specific to the vague measures outlined by the Prime Minister on November
13th." Thank you, Mr. Chairman.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci, M. le député de
Trois-Rivières. M. le Président, tout d'abord, un geste
parlementaire: féliciter les deux élues de l'élection
complémentaire de ce soir dans Jonquière et dans
Mégantic-Compton. Bien sûr que je le dis avec un peu d'amertume,
mais je les félicite, quand même. C'est le jeu de la
démocratie.
C'était une petite phrase gentille envers les gens de
l'Opposition, malgré un discours tonitruant, choquant, choquant,
extrêmement choquant, qui manque totalement de réalisme, de la
part de la députée qui m'a précédé, Mme la
députée de Jacques-Cartier. C'est malheureux d'avoir un
comté qui a un aussi beau nom et de le "maganer" avec une telle
représentation.
Une voix: Cela, c'est vrai.
M. Blais: Cela me fait penser aux années 1967-1968
où il y avait des gens qui voulaient aller sauver le Canada. De la
façon dont les gens de l'Opposition parlent, ils le font comme si tout
était médiocre au Québec, y compris les gens du
gouvernement et ils se posent comme les grands sauveurs de ce Québec
dans une élection générale qui viendrait. Je me souviens,
M. le Président, et vous aussi, des trois colombes qui se sont
envolées calmement vers Ottawa, toutes de blanc vêtues, parce
qu'en 1966 il y avait un premier ministre, qui était de l'Union
Nationale au Québec, qui disait: "Égalité ou
indépendance." Et on voyait à l'époque le RIN essayer de
prendre en main le pouvoir pour la nation québécoise. Et on a vu
aussi, dans les années 1968, se former le Parti
québécois. Un premier ministre au Québec,
réaliste, qui disait: Souveraineté ou indépendance. Alors,
c'était l'oeuf et la poule tantôt. À l'époque,
c'étaient les trois colombes pour aller sauver le Canada. Je crois
qu'une autre fois on veut faire faire encore un parcours aux
Québécois. On veut essayer de ramener des anciens sauveurs que le
peuple a éliminés lors d'une certaine élection, dont le
slogan était "Non aux séparatistes". Imaginez-vous.
On nous dit qu'au référendum on a réglé le
problème parce qu'on a perdu à 40-60. Mais, en 1976, il y avait
un premier ministre qui a fait une élection. Son slogan, c'était
"Non aux séparatistes". Il a perdu. Donc, ce doit être
réglé; on lui a dit non. On revient avec des oeufs, des poules.
Cela va finir en omelette encore, c'est sûr. Il y a deux écoles et
c'est cela qui est malheureux pour la nation francophone du Québec. Nous
avons quelqu'un à Ottawa qui est francophone, qui est une personne
très capable, très très capable. Et nous avons au
Québec un premier ministre francophone, puissant, solide et capable. Et
le peuple du Québec regarde ces deux hommes qu'il admire et se demande
lequel des deux il doit écouter. En 1976, à l'élection
générale, et en 1981, à l'élection
générale il a dit: Au Québec, c'est la politique et
l'idéologie du premier ministre actuel que le peuple
québécois veut choisir. S'il y avait une élection
générale aujourd'hui, il est fort possible que nous aurions des
difficultés.
Ces deux hommes sont des gens que j'admire beaucoup. L'un cependant, me
prêche, comme citoyen du territoire québécois, la
soumission totale. Le premier ministre actuel du Canada dit: Toi, comme
individu au Québec, tu fais partie d'une tribu, tu ne fais pas partie
d'une nation. L'autre à cûté, qui est notre chef actuel,
nous dit: Renaissance et espoir! Renaissance et espoir dans notre nation! Je
préfère l'espoir de notre chef actuel à la soumission du
premier ministre du Canada.
En 1954, dans Cité libre, M. Trudeau écrivait - je le cite
à peu près textuellement - Les francophones au Québec sont
une tribu qui fume le calumet de paix sous des wigwams et ils envoient à
Ottawa des sorciers pour les représenter. Un seul homme, dit-il un peu
plus tard, encore dans Cité libre, vers 1961 ou 1962, Wilfrid Laurier,
est un francophone valable à Ottawa. Tous les autres n'étaient
que des sorciers. Il est là maintenant, avec son groupe.
S'il désire que nous fumions le calumet de paix, M. le
Président, sous le wigwam, je m'y refuse. J'aime mieux le laisser avec
son groupe, de l'autre côté, édifier une tente et je les
laisse s'enfumer seuls. Je préfère, entre les deux hommes que
j'admire, celui qui représente l'idéologie que notre parti
défend, cette fierté, ce respect du peuple francophone
québécois, qui se veut - c'est l'article no 1 de notre programme
- la souveraineté de notre territoire, le Québec.
Quand j'entends un discours défaitiste comme celui-là,
où les ressources humaines et les moyens pris pour améliorer la
situation ont comme équivalents la médiocrité, M. le
Président, cela me laisse pensif, cela m'horripile, cela me fâche,
pour ne pas dire plus parce que ce ne serait pas parlementaire. Je m'excuse de
cette introduction, mais la façon dont on nous a parlé, de
l'autre côté, demandait une réponse au moins un peu
acerbe.
Une voix: Vigoureuse.
M. Blais: J'ai essayé d'être le plus poli
possible...
Une voix: Trop.
M. Blais: ...même si le langage que vous avez tenu à
notre endroit était extrêmement blessant.
Une voix: C'est vrai.
M. Blais: Chaque parole était un glaive à travers
notre corps. Je m'excuse, mais j'avais à le dire et je l'ai dit. C'est
malheureux, mais c'est ainsi.
M. le Président, on nous dit de l'autre côté: Tout
est médiocre. Tout ce que nous faisons de ce côté-ci est
médiocre, stupide, vide de sens, incohérent. Vous ne dites que
cela. Quand on répète ce qu'ils ont dit, ils se "bourrent"
à cela. Ils applaudissent et ils aiment cela.
Une voix: Ils se "bourrent" à ça? Bourassal
M. Blais: Oui, monsieur. Je tiens à vous dire, M. le
Président, que, de ce côté-ci de la Chambre, il y avait,
à cause de la crise économique et à cause du contexte dans
lequel nous vivions, quelques oui et quelques non à dire comme
gouvernement. Ces non et ces oui, nous les avons dits à temps, au
détriment de notre popularité, et nous le savons. Avant de poser
les gestes, nous le savions. (23 heures)
Tout d'abord, la crise économique, elle était mondiale. Le
Québec, à ce que je sache, fait encore partie de cette
planète et est attaché à ce pays que nous appelons Canada.
Le gouvernement, pour mater la crise budgétaire engendrée par la
crise économique, a dû, en 1980-1981 et ou 1981-1982, prendre des
mesures très impopulaires parce qu'il a le sens des
responsabilités comme gouvernement. Nous avons fait faire des sacrifices
à nos 322 000 employés.
Je me souviens de quelqu'un - il n'est plus député, on
peut le nommer aujourd'hui, M. Forget - qui était là à
l'époque et qui avait dit qu'il quittait les rangs du Parti
libéral parce que l'Opposition n'était pas assez positive,
l'Opposition ne voulait pas faire passer une de ses idées qui
était celle-ci: il faut absolument, dans l'année qui vient,
couper 1 000 000 000 $ dans les salaires de la fonction publique. Il a dit cela
le lendemain de sa démission: Je suis avec des gens irresponsables. Je
fous le camp, mais, malgré tout, je reste libéral. Cette
dernière phrase, je ne l'ai pas comprise. Je suis avec des
irresponsables, je fous le camp, mais je demeure dans leur clique. Il a dit: II
faut couper 1 000 000 000 $.
De l'autre côté, on a maugréé contre ce geste
rationnel que nous devions poser. Nous n'avons pas coupé 1 000 000 000
$, M. le Président. Il y avait dans la convention collective, si je me
rappelle bien les chiffres, 899 000 000 $ à verser en augmentations.
Nous avons demandé à nos employés de couper 521 000 000 $.
Cela faisait mal, nous le savons. Nous avons arrangé cela après
pour que ce soit 400 000 000 $. On a redonné 121 000 000 $.
C'était tout de même important. Dans les budgets suivants,
c'était récurrent. Nous l'avons imposé et nos
employés, aujourd'hui, on se doit de les féliciter. Ils avaient
le droit de faire une lutte contre nous là-dessus. Ils l'ont faite.
Aujourd'hui, on voit qu'ils commencent à accepter, pas de gaieté
de coeur, mais, eux aussi, avec leur raison, cette coupure un peu draconienne
qu'on a dû faire à cause des circonstances. Un geste.
Deuxième geste, on a fait des coupures dans les frais de service
et on a imposé de nouvelles taxes. On dit: Ces taxes sont là
jusqu'à ce que la reprise économique recommence. Eh bien, cela
veut dire à peu près 1 000 000 000 $ à chaque palier. Nous
avons donc fait des coupures d'environ 3 000 000 000 $. C'est pour cela que
notre déficit est de 3 280 000 000 $ actuellement, avec le dernier
discours sur le budget, plutôt que de 6 300 000 000 $ à peu
près; c'est ce qu'on appelle un gouvernement qui veut gérer les
finances de l'État de façon rationnelle.
On voit qu'il y a quelqu'un à l'extérieur de la Chambre
qui part de très loin, qui n'ira peut-être pas très loin et
qui vous revient. Après la main de Dieu, le défenseur des gueux.
Il nous revient et il dit: Je veux retourner au gouvernement pour assainir les
finances de l'État. Nous avons un degré de popularité qui
a descendu, justement, parce que nous avons été assez
responsables dans nos budgets depuis 1980 pour vraiment assainir, dans la
crise, les finances de l'État. Je ne vois pas quelle leçon
d'administration ce nouveau champion d'une sorte de libération de la
nation veut venir donner, à la tête de la population.
Voilà.
Nous avons réagi à la crise économique après
ces coupures. Il y a eu le plan Biron. Il y a eu le lac Sainte-Anne.
M. Vaugeois: Le mont Sainte-Anne.
M. Blais: Le mont Sainte-Anne. Merci, M. le député
de Trois-Rivières. Ensuite, le nouveau budget. Le gouvernement endosse 2
000 000 000 $ pour toutes les compagnies du Québec, un total de 2 000
000 000 $. Cela ne coûte pas très cher, vous allez me dire, mais,
au moins, nos banquiers ont une certitude que, si jamais une de ces PME vient
à faire faillite, ce que nous ne souhaitons pas, le gouvernement est
là pour un remboursement de 66%.
Il y a aussi l'assainissement des eaux. Il y a les installations et les
supports de tous nos gros projets et nous avons fait tout cela et nous avons
aussi, depuis un an, créé le plus d'emplois dans tout le Canada.
C'est donc dire que, par son sens administratif, sa décision de couper
les dépenses, son habileté à gérer de façon
scrupuleuse les finances de l'État, notre gouvernement a pris ses
responsabilités de façon fort satisfaisante, malgré le
négativisme d'Ottawa, le S-31, les F-18, le rapatriement de la
constitution, le Nid-de-Corbeau, la formation de la commission Macdonald.
On nous prend sur tous les fronts, du côté culturel, du
côté économique. Du côté culturel, on a dit:
II faut absolument que le gouvernement fédéral investisse plus
dans la culture, comme si cela le regardait. Du côté
économique, malgré le S-31, malgré les fausses
retombées du F-18, on fait la commission Macdonald pour essayer, encore
une fois, de serrer davantage, de déstabiliser autant que faire se peut
les finances de la nation québécoise.
Il arrive aussi - parce qu'ils sont beaucoup plus bas en
popularité que nous -que les députés
fédéraux se promènent dans nos comtés avec 1 000
000 $, 2 000 000 $ ou 3 000 000 $ qu'ils distribuent à qui mieux mieux
ou qu'ils essaient de distribuer à qui mieux mieux aux
municipalités. Elles sont très rares, M. le Président, les
municipalités qui ont osé poser une geste anticonstitutionnel;
elles sont très rares et on doit ici féliciter les
municipalités du Québec. On nous accuse, nous, de ne pas aimer
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, mais, au moins, tout en le
détestant, nous le respectons, tandis que le gouvernement
fédéral, par ses gestes, veut que les municipalités ne le
respectent pas.
Après les discours que nous avons entendus de l'autre
côté, j'aimerais beaucoup que ces gens pensent qu'un jour ils
seront peut-être au pouvoir. Je ne le souhaite pas, mais, à tenir
des propos d'éteignoirs
économiques comme ceux qu'ils tiennent, ils contribuent à
saper la confiance des investisseurs et, si jamais ils prennent le pouvoir, ils
en subiront eux-mêmes les conséquences. Ils nous demandent
même de ne pas parler de souveraineté. Là-dessus, vous
repasserezl Nous parlons ici de souveraineté comme on respire et,
à ce que je sache, le Parti québécois a de très
bons poumons.
Les taxes commencent déjà à baisser parce que la
reprise économique se fait. Dans le budget supplémentaire que M.
le ministre des Finances vient de déposer, il y a une baisse de 10% de
la taxe sur l'essence, il y a 20% de réduction sur l'essence pour les
transports en commun, il y a 0,04 $ le litre pour les taxis, mais il faut dire
qu'il y a 500 $ déductibles; cela veut donc dire que les taxis sont
considérés comme du transport en commun et c'est à peu
près l'équivalent de 20%.
Une voix: Transport collectif.
M. Blais: M. le Président, on me fait remarquer que c'est
du transport collectif.
Je tiens à dire que, comme gouvernement, nous voulons la relance,
nous faisons en sorte qu'elle se fasse, elle est recommencée. Je suis
persuadé que le peuple québécois, petit à petit,
dans les mois qui viennent, comprendra que le gouvernement qui est ici est un
gouvernement responsable et qu'aux prochaines élections
générales nous serons encore là et que je vous appellerai
encore M. le Président. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Charlevoix.
M. Mailloux: M. le Président, m'étant entendu avec
ma collègue de l'autre côté de la Chambre, je demanderais
l'ajournement du débat, s'il vous plaît;
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Boucher: Adopté, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Cette
motion d'ajournement est adoptée.
M. Boucher: Je ferais motion pour que nous ajournions nos travaux
à demain, 10 heures, alors que nous terminerons l'étude du projet
de loi sur le taxi et entreprendrons l'étude du projet de loi 38.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion
d'ajournement de nos travaux est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Nos
travaux sont ajournés à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 11)