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(Dix heures quinze minutes)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Quelques instants de réflexion.
Veuillez vous asseoir.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: M. le Président, selon l'article 10 du
feuilleton, je vous demanderais de quitter votre siège pour que
l'Assemblée se transforme en commission plénière aux fins
d'étudier article par article la loi 23.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion est-elle
adoptée?
M. Boucher: Adopté.
Projet de loi no 23 Commission
plénière
M. Rancourt (président de la commission
plénière): À l'ordre, s'il vous plaît!
Nous allons commencer l'étude article par article du projet de
loi no 23, Loi assurant la reprise des activités de Madeli-pêche
Inc.
M. le ministre, voulez-vous faire une intervention au départ ou
si nous commencerons immédiatement l'étude article par
article?
M. Garon: Je suis prêt à commencer l'étude
article par article, M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le chef de
l'Opposition?
Remarques générales M. Gérard D.
Levesque
M. Levesque (Bonaventure): Je voudrais tout d'abord faire une
mise au point. Hier soir, le ministre a voulu comparer l'intervention du
gouvernement actuel avec une législation qui date de 1975 relativement
à la Compagnie de gestion de Matane, COGEMA. C'est une loi de 1975. Mais
il faut bien souligner au moins les différences suivantes:
Premièrement, il ne s'agissait pas d'un projet de loi
présenté par un ministre, autrement dit il ne s'agissait pas d'un
projet de loi du gouvernement. Le ministre a oublié de nous dire
cela.
Deuxièmement, il s'agissait d'un projet de loi de nature
privée qui avait été présenté par un
député, mais il était d'abord de nature privée. Le
projet de loi n'avait pas du tout la même signification, la même
portée que le projet de loi que nous étudions
présentement.
De plus, justement parce qu'il était de nature privée, il
a donné ouverture à une commission parlementaire avant
l'étude en deuxième lecture où toutes les parties
intéressées pouvaient venir se faire entendre, contrairement
à l'attitude présente du gouvernement qui non seulement n'a pas
donné l'occasion aux intéressés de se faire entendre, non
seulement n'a pas donné de commission parlementaire, mais il a voulu
essayer de faire adopter ce projet de loi en première, deuxième
et troisième lecture, incluant l'avis au feuilleton, au cours d'une
seule séance. Je vous assure qu'il y a une différence
fondamentale non seulement dans le projet de loi lui-même mais dans la
façon qu'il a été abordé par cette
Législature.
Je pourrais citer plusieurs avis juridiques que j'ai devant moi
présentement qui justifient la présentation par le gouvernement
du temps de cette loi. Il s'agissait simplement d'une affaire qui
traînait devant la Commission des transports avec une multitude
d'interventions de nature dilatoire qui faisaient en sorte que les promoteurs
de COGEMA, qui étaient des gens du milieu en grande proportion, ont
décidé de s'adresser à la Législature. Ce n'est pas
le gouvernement qui imposait quoi que ce soit, ce sont les gens du milieu qui
s'adressaient à la Législature. Ils ont été
entendus en commission parlementaire. C'est tout un processus différent,
un processus démocratique qui a eu lieu à ce moment-là,
bien qu'on pouvait dire que l'intervention de l'Assemblée, après
la commission parlementaire, après la première lecture, et
finalement jusqu'à la dernière étape, évidemment,
modifiait le processus normal d'une cause devant une commission, en
l'occurrence la Commission des transports. Mais il n'y avait rien, dans tout ce
processus, qui puisse ressembler au genre d'intervention à laquelle nous
avons présentement à faire face.
Continuer la comparaison, je suis prêt à le faire, j'ai ici
un dossier qui serait de nature à nous faire discuter assez longuement
de cette situation si on veut faire porter la discussion sur cette question.
Mais je n'ai pas l'intention de faire retarder les travaux davantage, je n'ai
pris que cinq minutes pour faire cette mise au point. D'ailleurs, le
gouvernement est en retard ce matin de 17 minutes; ce ne sont pas cinq minutes
qui vont faire une grande différence,
pas plus qu'hier alors que j'entendais certains amis du ministre dire:
On aurait pu régler cela ce soir. Si on avait voulu réellement
régler cela, on aurait commencé par cette loi, la loi 23, hier.
On n'aurait pas commencé avec une autre loi qui a été
remise à plus tard pour une discussion éventuelle. Il fallait
absolument entendre le collègue du ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, il fallait passer à peu
près une heure et demie sur un autre projet de loi avant d'aborder le
projet de loi no 23. C'est le choix du gouvernement. Si le gouvernement avait
voulu commencer par la loi 23, elle aurait été terminée
hier soir, probablement. Au moins, elle avait une chance de l'être. Mais
avec l'attitude du gouvernement, avec sa décision hier, nous n'avons pas
pu terminer.
De toute façon, ce matin, je n'ai pas l'intention de retarder les
choses. Cependant, j'avais posé une question au ministre hier, avant
qu'il n'exerce son droit de réplique. J'ai posé au ministre une
question bien simple. Nous avons devant nous un projet de loi, le projet de loi
no 23, qui s'intitule: Loi assurant la reprise des activités de
Madelipêche Inc. J'ai posé la question bien simple au ministre:
Est-ce que notre exercice est futile ou s'il va assurer la reprise des
activités de Madelipêche Inc. demain matin ou cet
après-midi? Je lui ai demandé cela hier. Il m'a dit: Il n'y a
rien là; ce projet de loi assure la reprise des activités de
Madelipêche. Mais quelques minutes après -parce que j'avais su,
dans l'intervalle, qu'il y avait eu une intervention faite auprès du
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui
était de nature à mettre en doute sa réponse - j'ai
posé la question au ministre. Le ministre, évidemment, a
prétendu qu'il n'était pas au courant. Je lui donne le
bénéfice du doute. Je dois prendre sa parole parce qu'ici,
à l'Assemblée nationale, je pense que c'est une tradition, M. le
Président, de prendre la parole de nos collègues. Je vais donc me
conformer au règlement et je vais dire: Le ministre m'a répondu,
de la façon dont il l'a fait; je prends sa parole qu'il n'était
pas au courant d'un télégramme, d'un télex ou d'une
intervention qu'il aurait reçue du gouvernement fédéral,
à savoir que si ce projet de loi était adopté il n'y
aurait pas de permis d'accordé aux six chalutiers travaillant pour
Madelipêche Inc. Est-ce que c'est exact? J'ai posé la question au
ministre.
J'espère que, ce matin, il va pouvoir me dire s'il a reçu
une telle information. Il pourra nous faire part de toute communication qu'il
aurait pu recevoir dans ce sens-là. La raison pour laquelle, ce matin,
je pose la question, c'est qu'il faut bien être réaliste, les
permis, selon la constitution, sont donnés par le gouvernement
fédéral. Ce n'est pas de juridiction provinciale. C'est de
juridiction fédérale. Même si on mettait le conseil
d'administration de la compagnie Madelipêche en tutelle, si on n'a pas de
permis, je me demande ce que cela va donner. C'est pour cela que, depuis des
mois, on dit au ministre: Entendez-vous donc! On dit au fédéral:
Entendez-vous avec le provincial. On dit au provincial: Entendez-vous avec le
fédéral; ne faites pas de querelle et de guerre stérile
sur le dos des travailleurs d'usines, sur le dos des pêcheurs.
Le ministre a tergiversé pendant trois mois en nous disant, au
début, qu'il n'y avait rien là et en nous disant, ensuite, qu'il
y avait des questions de juridiction fédérale, en apportant ici
des motions qu'il nous fait débattre durant des heures et des heures sur
une question qui a son importance, mais qui, dans le contexte actuel,
n'était que dilatoire. Nous avons dit au ministre du Québec et au
ministre fédéral: Tâchez donc... vous êtes des grands
garçons, rencontrez-vous, arrangez-vous donc pour arriver à une
conclusion. Il semble que cela ne marchait pas. Le ministre a
préféré nous présenter le projet de loi no 23.
On disait à Radio-Canada: M. Garon arrive de Matane, ce matin, en
vainqueur -je le voyais descendre de l'avion à Matane -il a son bill 23
et demain il sera aux Îles-de-la-Madeleine, etc., pour annoncer la
reprise des activités. Est-ce que le ministre avait pris ses
précautions? Est-ce qu'il était sûr qu'en adoptant ce
projet de loi, on aurait la reprise des activités de Madelipêche,
comme l'indique le titre de la loi? Or, pour nous, les législateurs, il
est important que, quand on pose un geste législatif, on ait une
certaine assurance que cela veut dire quelque chose, que "assurant la reprise
des activités de Madelipêche", cela veut dire cela.
Cela veut dire que le ministre avait pris ses précautions avec le
gouvernement fédéral pour s'assurer que si ce projet de loi
était adopté, normalement les permis seraient accordés par
l'autre niveau de gouvernement. Quand même on voudrait se plaindre et
crier, il y a une constitution, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique
et maintenant le nouvel acte constitutionnel qui donne au gouvernement
fédéral la juridiction sur les pêcheries. Ce n'est pas moi
qui ai inventé cela. Cela existe depuis 1867. En 1922, il y a eu une
délégation par le gouvernement fédéral au
gouvernement du Québec quant à l'administration des pêches.
On sait que l'octroi des permis de pêche, l'octroi des permis pour que
les chalutiers puissent aller en mer, cela dépend du gouvernement
fédéral. Quand on apporte un projet de loi ici devant
l'Assemblée pour étude en disant aux législateurs
québécois, voulez-vous nous faire adopter ce projet de loi no 23
et vite parce que cela "assure la reprise des activités", comme
l'indique le
titre... Je n'ai pas la confirmation, mais je voudrais savoir du
ministre ce matin si c'est vrai ou pas vrai - si ce n'est pas vrai, on va
passer à autre chose - est-ce que c'est vrai que le gouvernement
fédéral ne veut pas donner de permis une fois cette loi
adoptée? Si c'est le cas, pourquoi le ministre, avant d'apporter devant
le législateur québécois ce projet de loi, ne s'est-il pas
assuré que le gouvernement fédéral, tout en
exerçant sa juridiction, accorderait les permis en question, parce que
je ne peux pas imaginer qu'on puisse mettre en tutelle le conseil
d'administration de Madelipêche et que cela va assurer la reprise des
activités, s'il n'y a pas un bateau en mer, à moins que le
ministre ait d'autres projets et qu'il y ait d'autres bateaux quelque part. Je
ne le sais pas. (10 h 30)
Comme législateurs, que ce soit celui qui vous parle, celui qui
est à côté du ministre ou un autre dans cette Chambre, je
pense qu'avant de nous faire étudier un projet de loi, on doit savoir
où l'on va. On veut savoir si le titre de la loi correspond à la
réalité, parce que le titre de cette loi est le suivant: "Loi
assurant la reprise des activités de Madelipêche Inc." Je demande
ceci au ministre: Fait-on un exercice futile ou peut-il nous assurer - cela ne
prendrait pas de temps parce que j'ai l'impression qu'à 12 heures ou 12
h 30, je ne sais pas, cela dépend des discours du ministre, mais on
pourrait, après avoir fait notre devoir en posant les questions
essentielles, ne pas retarder l'adoption de la loi inutilement, même si
nous nous opposons à cette formule - que cet exercice va
déboucher sur une reprise immédiate des activités de
Madelipêche Inc.?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, j'ai écouté le
député de Bonaventure. J'ai compris que son intérêt
n'était pas immédiat. Vise-t-il d'autre fin, par son attitude,
que celle d'assurer la reprise de la pêche aux
Îles-de-la-Madeleine? C'est à lui d'en décider.
Le Président (M. Rancourt): M. le chef de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Je demanderais au ministre
d'être très prudent et de ne pas me prêter de motif indigne
d'un député du Québec. Mes intérêts, ici - je
l'ai dit je ne sais pas combien de fois - et l'intérêt
également de toute ma formation politique sont que les travailleurs
d'usine et les pêcheurs puissent reprendre leur travail sans
délai. C'est pour cette raison que je m'inquiète. Je ne veux pas
que l'exercice soit futile et qu'une fois qu'on passe cela, on ne soit pas plus
avancé qu'avant. C'est la question que je pose au ministre. C'est
normal.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, je suis d'autant plus inquiet
de l'attitude du député de Bonaventure...
M. Levesque (Bonaventure): Ce n'est pas cela qui est
l'affaire.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Levesque (Bonaventure): Je lui demande simplement de
répondre.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Garon: ...qu'il se reporte à un
télégramme que je n'avais pas reçu, hier soir, au moment
où je parlais et que lui, connecté directement au Parti
libéral fédéral, connaissait.
M. Levesque (Bonaventure): Il va y avoir de la chicane.
M. Garon: Il savait qu'un télégramme avait
été envoyé, hier soir, au moment où il parlait. Il
a fait allusion à un télégramme que j'aurais reçu,
je me suis enquis si j'avais reçu un télégramme à
mon bureau; j'ai fait appeler ma secrétaire chez elle; qui était
partie du bureau à 17 h 45 et, à ce moment, il n'y avait pas de
télégramme d'entré à mon bureau. Quelqu'un a eu la
curiosité d'aller voir sur le télex, la machine qui envoie les
télex et qui est au ministère de l'Énergie et des
Ressources et un télégramme de M. De Bané, daté du
24 mai, était arrivé; il avait commencé à
être rédigé à 19 h 30 hier soir. Donc, je n'avais
aucune façon de savoir qu'un télégramme avait
été envoyé. Mais, chose curieuse, cela
révèle un peu les liaisons douteuses dont parlent les
écrivains et qui faisaient que le député de Bonaventure
était au courant, connecté directement avec sa ligne directe avec
le gouvernement fédéral
C'est ce qui m'explique un peu ses paroles de jeudi quand il disait: Je
ne veux pas donner mon accord pour qu'on adopte les première,
deuxième et troisième lectures jeudi parce qu'il pourrait se
passer des événements d'ici la semaine prochaine qui pourraient
faire en sorte que la loi serait inutile.
M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège.
Le Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition,
question de privilège.
M. Levesque (Bonaventure): Je n'ai pas l'intention de laisser le
ministre faire de telles élucubrations et donner la suite d'une
série de pensées qui sont le fruit d'une imagination fertile; je
ne peux pas accepter cela. Il n'y a rien là-dedans. Lorsque nous avons
décidé de procéder jeudi à donner notre
consentement...
M. Garon: Je pense que j'avais la parole, M. le
Président.
M. Levesque (Bonaventure): Mais je ferai ma question de
privilège.
Le Président (M. Rancourt): Question de privilège,
M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): C'est le ministre qui retarde les
choses présentement en essayant de fabriquer de toutes pièces et
d'inventer des choses qui sont fausses...
M. Garon: Ce sont vos paroles exactes.
M. Levesque (Bonaventure): Jeudi dernier, nous avons donné
notre consentement sur un projet de loi qui n'était même pas au
feuilleton, qui était en appendice et nous avons accepté qu'il
soit déposé et qu'il soit adopté en deuxième
lecture, mais nous avons dit, et c'est notre responsabilité de le faire:
Nous préférons que les intéressés soient mis au
courant avant de procéder davantage. Mais vous autres - et je l'ai dit -
si le gouvernement est convaincu de la justesse de son attitude et de sa
démarche, qu'il dépose une motion de suspension des règles
et, au bout de deux heures, l'affaire est réglée. Le gouvernement
n'a pas voulu le faire; qu'il ne vienne pas nous reprocher cela. Mais, quant
à jeudi dernier, il n'y a pas de ligne directe, c'est simplement notre
sens des responsabilités qui nous faisait agir. Je n'avais aucune
idée à ce moment-là - je le dis de mon siège - que
le ministre recevrait ce genre de télégramme dont il ne nous fait
pas part présentement. Je pense que l'important, c'est de nous dire ce
que contient ce télégramme et si, oui ou non, la loi que nous
étudions... C'est ça qui est important pour les travailleurs et
les pêcheurs. Ce n'est pas un procès d'intention comme celui que
le ministre essaie injustement de me faire.
Le Président (M. Rancourt): Ayant entendu la question de
privilège, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation.
M. Garon: Je ne fais pas de procès d'intention, M. le
Président, je relate les faits tels que je les ai vécus. Le
député de Bonaventure disait lui-même, jeudi:
Peut-être que des événements auront lieu d'ici la semaine
prochaine qui feront en sorte que la loi ne sera plus nécessaire. Hier
soir, il était très heureux de me dire: Vous n'auriez pas
reçu un petit télégramme d'Ottawa? On sait qu'Ottawa
travaille plutôt la nuit et le télégramme a
été expédié hier soir, à 19 h 30, alors que
les bureaux sont fermés. La machine qui reçoit les
télégrammes chez nous est située dans un autre
ministère que le mien et je n'avais aucune raison de le savoir.
Tous ceux qui sont au courant des règles normales des relations
gouvernementales savent qu'il n'est pas normal quand un ministre
fédéral m'envoie un télégramme, que le chef de
l'Opposition en soit mis au courant avant que je l'aie reçu
moi-même. Je pense que le député de Bonaventure admettra au
moins qu'il n'est pas normal...
M. Levesque (Bonaventure): Je n'admets absolument rien.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Garon: ...qu'il connaisse les correspondances que je peux
recevoir d'un ministre fédéral alors que je ne les ai pas
reçues. Je ne suis pas au courant que des documents me sont
expédiés, mais lui est au courant, et même plus, il est au
courant de la teneur de ce document. J'en suis un peu estomaqué et je
pense que tous ceux qui ne sont pas obnubilés par l'esprit partisan
seront aussi estomaqués du comportement du gouvernement
fédéral dans cette affaire et de celui du député de
Bonaventure.
Je ne veux pas être plus long que cela, je veux dire simplement
qu'hier le député de Bonaventure s'est
référé à la loi 105. Je ne ferai pas de
procès. Tout le monde sait que le gouvernement Bourassa n'avait pas le
courage pour marque de commerce. Qu'on ait présenté une loi au
nom d'un député, j'imagine que le député ne l'a pas
adoptée seul, il a dû y avoir de ses collègues qui ont
voté pour la loi, il a dû y avoir des membres du gouvernement qui
ont voté pour la loi et le député libéral a
dû être autorisé par le gouvernement pour présenter
sa loi. Qu'on intervienne, dans ce cas, dans la vie d'une compagnie
privée par l'intermédiaire d'un seul député, je
trouve que c'est encore plus odieux que quand c'est une décision
gouvernementale dans l'intérêt public.
Quant à nous, le gouvernement a pris une décision
exceptionnelle, mais les circonstances justifiaient une telle action. Je laisse
aux gens le soin de regarder la loi 105
qui a été adoptée avec le concours de l'Opposition
de l'époque puisque le Parti québécois formait
l'Opposition. Il n'était pas réputé pour faire la vie
facile au gouvernement, à l'époque, et il avait voté pour
le projet de loi dans l'intérêt public. (10 h 40)
J'ai cité hier les paroles de celui qui parlait au nom de
l'Opposition officielle, en 1975, et qui disait: "De même que ce service
nous apparaissait urgent et nécessaire, nous nous rallierons à
cette loi au nom de l'intérêt public, au nom d'une population qui
en a besoin." Ce qui démontre au fond que lorsque le Parti
québécois était dans l'Opposition, il était capable
de s'élever au-dessus des querelles partisanes et de voter pour
l'intérêt public, pour un projet de loi qui était
même exceptionnel, qui intervenait dans la vie d'une compagnie
privée pour dicter les façons de fonctionner; il le faisait parce
qu'il ne voulait pas faire de chicane au gouvernement sur des choses qui
auraient été inutiles et qui n'auraient pas été
dans l'intérêt public. C'est cela se comporter de façon
responsable. Maintenant, que voulez-vous, l'Opposition actuelle ne peut pas
faire la même chose, il y a des concours à la chefferie, il y a
des libéraux fédéraux qui interviennent et chacun veut
montrer patte blanche pour avoir le maximum de support de ce
côté-là. Je comprends qu'on n'ait pas la même
latitude du côté de l'Opposition...
M. Levesque (Bonaventure): Écoutez-le, là:
M. Garon: Concernant le télégramme, je vous dirai
ceci. Il y a des règles de droit. On n'est pas actuellement dans une
république de bananes. Je comprends que certaines actions peuvent nous
faire penser parfois qu'il y a des gestes qui ressemblent à cela, mais
je vous dirai que nous agissons dans la continuité de ce qui a
été fait jusqu'à maintenant.
En 1977 et en 1978 les permis de pêche ont été
émis par le gouvernement fédéral à Gestion
Pêcheurs Unis du Québec pour des bateaux qui appartenaient en
totalité au gouvernement du Québec; le gouvernement
fédéral a émis des permis en faveur du gestionnaire qui
avait été nommé par le gouvernement du Québec pour
des bateaux qui appartenaient totalement au gouvernement du Québec. Le
ministre fédéral cherche toutes sortes d'entourloupettes pour
intervenir dans la vie des entreprises au Québec, domaine qui n'est pas
de sa juridiction... La vie interne des compagnies au Québec est sous la
juridiction du gouvernement du Québec. La vie des coopératives
est sous la juridiction du gouvernement du Québec. Le gouvernement
fédéral peut émettre ou non les permis, mais le pouvoir
discrétionnaire n'est pas un pouvoir discriminatoire, n'est pas un
pouvoir total, un pouvoir de vie ou de mort comme au Moyen Âge.
Avant que des permis ne soient délivrés la
discrétion est assez large, mais une fois qu'ils ont été
délivrés, pour le transfert des permis et le renouvellement des
permis, la discrétion est beaucoup moins large.
Que le ministre fédéral veuille parler de
télégrammes... Je me rappelle, quand je lis la bible, que le
Christ a dit que la vérité est une. Elle est simple
habituellement. Et vous remarquerez que les Évangiles n'ont jamais 50
pages, c'est court parce que la vérité est simple.
Les coûts n'ont pas d'importance quand il y a un déficit de
31 000 000 000 $ à Ottawa, mais quand les télégrammes ont
trois pieds c'est parce que la vérité devient compliquée.
Le droit n'est plus aussi simple. Je vous dis M. le Président qu'il y a
telle chose que l'abus de discrétion. Quand un permis est
délivré, son renouvellement ne peut plus se faire d'une
façon discrétionnaire.
Je vous dirai que le projet de loi que nous présentons devant
l'Assemblée ce matin a essentiellement pour but de rencontrer les
conditions que posait le ministre fédéral qui disait: Je ne veux
pas transférer les permis à SOQUIA, je voudrais que les bateaux
soient loués à Madelipêche.
Nous avons dit: parfait! Je comprends qu'en délivrant des permis
à SOQUIA, le ministre a une plus grande liberté parce qu'il
s'agirait de nouveaux permis, mais quand il s'agit de renouvellement de permis
à Madelipêche, là la discrétion du ministre est
beaucoup plus faible. Ce n'est pas n'importe quel argument que peut invoquer le
ministre fédéral pour ne pas émettre les permis. Il s'agit
d'un renouvellement, des investissements ont été faits pour faire
appliquer ces permis et le ministre n'a pas la même
discrétion.
Évidemment, le ministre fédéral a l'habitude de
consulter des biologistes avant de donner des opinions juridiques. Je lui
suggérerais de consulter des avocats. Je le sais, j'ai
déjà eu des discussions avec le ministre fédéral
sur les droits que donnent les permis, sur les quotas. J'ai souvent
remarqué qu'il consultait des biologistes pour avoir des opinions. Je
lui ai dit à quelques reprises que son droit serait plus solidement
assis s'il consultait des avocats plutôt que des biologistes quant au
droit maritime.
Je ne veux pas être plus long. Je serai bien franc avec vous, je
ne sais plus ce que veut le ministre fédéral. Le
télégramme qu'il m'a fait parvenir est tellement
emberlificoté que je ne sais plus ce qu'il veut. Tout ce que je sais,
c'est qu'aussitôt la loi adoptée et les administrateurs
nommés, nous ferons une demande de permis au ministre des Pêches
et des Océans. Ce sera la première
démarche basée sur des faits réels, sur la
réalité.
M. Levesque (Bonaventure): J'aurais une question.
Le Président (M. Rancourt): M. le chef de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Le ministre aurait-il objection -
peut-être qu'on pourrait l'aider - à déposer en cette
Chambre une copie du télégramme pour que nos collègues
puissent en prendre connaissance et qu'on sache de quoi on parle?
Le Président (M. Rancourt): Il n'y a pas de
dépôt possible, mais si le ministre y consent...
M. Levesque (Bonaventure): S'il le veut, s'il y consent...
Le Président (M. Rancourt): ...s'il le veut bien, il peut
faire distribuer le document.
M. Levesque (Bonaventure): Cela ne doit pas être secret.
Est-ce que cela va contre l'intérêt public? Je ne le sais pas.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Ce n'est pas contre l'intérêt public, mais
je n'ai pas l'habitude...
Mme LeBlanc-Bantey: Vous ne l'avez pas? Vous nous en avez
parlé hier soir.
M. Garon: C'est vous qui en avez parlé.
M. Levesque (Bonaventure): Je suis au courant d'un
télégramme. Je veux avoir la copie du télégramme
reçu par le ministre. S'il ne veut pas la donner, c'est son affaire,
mais il en prendra la responsabilité. Comment pourra-t-on en parler?
M. Garon: Qui vous a mis au courant de ce
télégramme?
Le Président (M. Rancourt): M. le chef de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Je vais vous le dire bien franchement,
lorsque le ministre donnera toutes ses sources à cette Chambre, je suis
prêt à lui donner les miennes. Mais le ministre est tellement
cachottier que la veille même du dépôt de ce projet de loi
en catastrophe, le ministre n'a même pas voulu me donner un signe, une
indication de ses intentions. Il m'a envoyé paître. Ce matin,
j'envoie paître le ministre.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Je n'ai pas envoyé paître le
député de Bonaventure parce que, à ce moment-là, je
ne savais pas qu'il pouvait être mouton.
M. Levesque (Bonaventure): C'est pas pire!
Mme LeBlanc-Bantey: Elle est bonne?
M. Levesque (Bonaventure): Elle est bonne.
M. Garon: Aujourd'hui, je m'aperçois qu'il faudrait que je
l'envoie paître parce qu'il s'est déjà fait tondre.
M. Levesque (Bonaventure): Là, c'est moins
drôle.
M. Garon: Ce serait peut-être nécessaire pour se
remplumer.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de
privilège.
Le Président (M. Rancourt): Question de privilège,
M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Si on commence à faire des
comparaisons et des parallèles avec des animaux domestiques, le ministre
m'inviterait peut-être à employer des termes non parlementaires ou
qu'il n'aimerait pas.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M. le
ministre...
M. Garon: On aurait un bon président, c'est un expert
agriculteur.
Le Président (M. Rancourt): Ne me mettez pas en cause.
M. Garon: Je peux bien déposer le
télégramme.
Le Président (M. Rancourt): Vous pouvez le faire
distribuer, M. le ministre, mais il n'y a pas de dépôt ici, en
commission plénière.
M. Garon: Je peux bien le faire distribuer.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce qu'il y a des mots d'amour?
M. Garon: Hein?
M. Levesque (Bonaventure): Y a-t-il des
qu'il fait avec très peu de succès. Par ailleurs,
concernant la gestion des usines et les permis d'usine, c'est la
responsabilité totale du gouvernement du Québec. Je n'admets pas
que le ministre fédéral intervienne dans la gestion interne des
usines en s'arrogeant un droit que nous ne lui avons pas demandé
d'exercer.
Si l'Opposition libérale est prête, nous sommes prêts
à procéder à l'adoption du projet de loi article par
article.
Le Président (M. Rancourt): Avant de commencer
l'étude article par article, Mme la ministre de la Fonction publique et
députée des Îles-de-la-Madeleine m'a demandé la
parole.
Mme Denise LeBlanc-Bantey
Mme LeBlanc-Bantey: Très brièvement, M. le
Président. Compte tenu des interrogations qu'a le chef de l'Opposition,
ce matin, à l'égard des permis, compte tenu que tout le monde
sait qu'il y a - il faut le répéter au cas où des gens
voudraient bien l'oublier - quand même plus de 550 travailleurs et
pêcheurs qui sont en chômage depuis un mois - l'usine serait
déjà rouverte si M. De Bané n'était pas venu
mêler les cartes à la dernière minute - compte tenu qu'il y
a un appui total de la part des pêcheurs et des travailleurs des
Îles-de-la-Madeleine au projet de loi qui vise à assurer la
reprise des activités de Madelipêche, compte tenu qu'on n'a pas
trouvé d'autre moyen pour assurer la reprise des activités,
est-ce que le chef de l'Opposition - je lui fais une demande
particulière - qui, tout à l'heure, disait que les premiers
intérêts de l'Opposition et les siens sont les
intérêts du Québec - le chef de l'Opposition, qui est aussi
un Gaspésien, a, bien sûr, à coeur les
intérêts des Gaspésiens et des Madelinots -ne pourrait pas
nous assurer, dès maintenant, que, dès que le projet de loi sera
adopté -je l'espère, d'ici 13 heures, cet après-midi -il
va nous aider à ramener le ministre fédéral des
Pêches et des Océans à la raison et lui demander
d'émettre les permis solidairement avec le gouvernement et les
Madelinots pour que les bateaux puissent partir pour la pêche dès
demain, si c'est possible.
Le Président (M. Rancourt): M. le chef de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je suis
heureux que Mme la ministre souligne l'intérêt premier que nous
avons quant au sort réservé aux travailleurs d'usine et aux
pêcheurs. Je lui sais gré au moins de reconnaître que nous
partageons le même objectif. La question n'est pas née
aujourd'hui, ce matin, le 25 mai 1983. Depuis mots d'amour là-dedans,
quoi?
M. Garon: Non, c'est tellement emberlificoté, c'est
typique de la part du ministre fédéral des Pêches. Ce n'est
jamais direct, c'est toujours en circonvolution. Moi, j'aime un débat
plus franc et plus direct. Avec lui, ce sont toujours des "sparages". Je n'aime
pas beaucoup les chicanes, personnellement. Je trouve malheureux que le
ministre fédéral, responsable de la région, ait
trouvé le moyen, sur le territoire gaspésien, de faire une
chicane sur la mine de sel, de faire une chicane sur une papeterie à
Matane, ce qui prive Matane d'une papeterie et, actuellement, tente d'amorcer
une chicane sur Madelipêche, inutilement. (10 h 50)
Je pense que les gens de la Gaspésie commencent à se
rendre compte que le député de Matane s'est fait un
spécialiste de la chicane en Gaspésie alors qu'il refuse de
collaborer à des ententes fédérales-provinciales. C'est
lui qui, dans le fond, ne collabore pas. La mine de sel sera bâtie, sauf
que le gouvernement fédéral n'y aura pas contribué. La
papeterie de Matane, je ne le sais pas, parce que le gouvernement
fédéral, là encore, pose toujours ses conditions pour
rendre les projets irréalisables et, concernant Madelipêche, il
essaie de faire la même chose.
Madelipêche, par ailleurs, il s'agit de permis et il faudra
peut-être faire appel aux tribunaux et leur demander d'évaluer la
discrétion du ministre dans le renouvellement des permis. Jusqu'à
maintenant, nous avons dû, concernant les permis, aller devant les
tribunaux, en Cour fédérale, et nous avons gagné. Il
faudra peut-être y aller encore une fois devant les circonvolutions du
ministre fédéral. Nous avons voulu régler un
problème en acquiesçant à sa demande. C'est lui-même
qui a demandé, pendant des jours, qu'on loue les bateaux à
Madelipêche. Nous sommes prêts à louer les bateaux à
Madelipêche. Nous sommes même prêts à vendre les
bateaux à Madelipêche, mais pour ce faire, par ailleurs, nous
n'avons plus confiance à l'administration actuelle et c'est la
responsabilité du gouvernement du Québec d'intervenir dans ce
dossier, parce que le gouvernement a une certaine responsabilité
vis-à-vis de cette compagnie qu'il a lui-même mise sur pied. C'est
sa responsabilité.
Maintenant, le ministre des Pêches et des Océans, à
Ottawa, n'a pas de responsabilité vis-à-vis des usines. Il tente
-je sais que c'est son projet puisqu'il en a parlé encore à la
conférence fédérale-provinciale, le 18 avril dernier - de
s'immiscer dans la gestion des usines. Je pense qu'il a le droit de donner des
permis d'exportation. Actuellement, en vertu d'une entente avec le
Québec, il a le droit de faire l'inspection des aliments, inspection
le début de mars, nous assiégeons littéralement le
gouvernement, particulièrement le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, lui demandant de poser des gestes qui
seraient de nature à assurer l'ouverture normale de la pêche. Nous
sommes même allés au premier ministre qui nous a dit,
pratiquement, que c'est cela qui va se passer. Personne n'est inquiet
jusqu'à ce qu'on arrive en Gaspésie, sur la Côte-Nord, aux
Îles-de-la-Madeleine, où l'ouverture de la pêche est
compromise.
Des solutions de rechange ont été
présentées. Entre autres, on sait que le ministre a
décidé de procéder, au mois d'avril, à la saisie
des bateaux de Madelipêche. C'est le gouvernement actuel qui a
décidé de cela. Ce n'est pas nous. C'est le gouvernement actuel
qui a décidé de saisir ces bateaux alors que les autres
créanciers dans l'Est du pays attendaient en Nouvelle-Écosse, par
exemple, et à Terre-Neuve; il y avait apparemment encore des dettes, des
obligations de l'ordre de 150 000 000 $, me dit-on. Les créanciers ont
attendu sachant que si un remuait, peut-être que les autres sauteraient
sur les entreprises de pêche. Il semblait y avoir un "gentlemen's
agreement", d'après ce que j'ai compris, que personne ne bougerait.
Or, le seul qui a bougé, à ma connaissance,
vis-à-vis de Pêcheurs Unis, vis-à-vis de Madelipêche,
vis-à-vis de l'ensemble des industriels de la pêche, c'est le
gouvernement du Québec. Le gouvernement du Québec a bougé
vis-à-vis des bateaux et je pense, par le truchement du ministre du
Revenu du Québec. Ils ont posé des gestes, mais il faut savoir
qu'il y a des conséquences aux gestes que l'on pose.
Malgré cela, il semblait y avoir une formule de compromis qui
aurait permis aux bateaux de partir il y a peut-être deux ou trois
semaines de cela, peut-être un mois, je ne me rappelle pas exactement la
date, lorsque le ministre fédéral a dit: Très bien, nous
allons donner des permis à Madelipêche à condition que les
bateaux qui sont maintenant la propriété de SOQUIA soient
loués à Madelipêche. Le gouvernement a dit non. Le
gouvernement du Québec a dit non. On pouvait demander au gouvernement du
Québec, à ce moment: Aidez donc les travailleurs d'usine et les
pêcheurs à reprendre leurs activités. Il y a trois semaines
ou un mois - je n'ai jamais compris pourquoi le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation et le gouvernement dans son ensemble, je
ne sais pas si c'était solidaire, mais enfin cela doit - le gouvernement
refusait à SOQUIA de louer les bateaux à Madelipêche qui,
apparemment, toujours d'après mes renseignements... Je ne suis pas au
dossier comme le ministre peut l'être. C'est sa responsabilité.
Apparemment, les bateaux seraient en mer, les travailleurs seraient au travail
mais, ce que le ministre n'aimait pas là-dedans, c'est que le conseil
d'administration ne faisait pas comme il aurait aimé qu'il fasse.
Je vais terminer tout de suite pour permettre au ministre
peut-être de me corriger, s'il y a lieu. En répondant à
madame, je dis ceci: Cela fait trois ou quatre semaines - je ne veux pas
être très précis dans les dates parce que je ne les ai pas
devant moi, mais il y a environ trois ou quatre semaines - qu'on aurait pu voir
l'ouverture normale de la pêche si le gouvernement du Québec
l'avait voulu. Le gouvernement du Québec a préféré
choisir une autre voie, la voie de l'affrontement représentée par
le projet de loi no 23, une loi qui est, comme le dit le ministre
lui-même, il l'admet, très exceptionnelle, qui est contraire
à l'économie de notre droit, normalement parlant. (11 heures)
Je peux assurer Mme la ministre que tout geste que je pourrai poser
comme chef de l'Opposition, comme député de Bonaventure - et je
suis convaincu que mes collègues doivent être dans les mêmes
sentiments - qui serait de nature positive pour réellement faire en
sorte que les travailleurs puissent travailler dans les usines et que les
pêcheurs puissent aller pêcher, nous allons les poser. Mais nous ne
pouvons pas poser des gestes... C'est pour cette raison que j'ai posé la
question tout à l'heure. J'ai dit: Fait-on un exercice futile ou
avez-vous pris vos précautions avec le gouvernement
fédéral pour vous assurer que les permis seraient accordés
si ce projet de loi était adopté? Je n'ai pas eu cette assurance.
Je ne peux pas m'associer à quelque chose d'absolument futile et
d'irresponsable si votre travail n'est pas fait. Mais chose certaine c'est que,
lorsque je regarde - je remercie d'ailleurs le ministre de me l'avoir
finalement remis - le texte du télégramme, je vois ce qui suit:
"En résumé, le gouvernement du Canada est prêt à"...
D'abord, si je vois bien ici, on est toujours prêt à une entente.
Le gouvernement fédéral dit, dans ce que je lis devant moi: "Nous
sommes toujours...
M. Garon: ...
M. Levesque (Bonaventure): Je le lis... Voulez-vous que je lise
les trois pages en entier? Je peux bien le faire, mais je pense que ce
serait... Ce que je lis présentement, c'est qu'on ne donne pas les
permis, mais on est prêt à une entente. Et qu'elle est cette
entente? "En résumé - je lis ce que le ministre vient de
déposer, cela doit être ce qu'il a reçu - le gouvernement
du Canada est prêt à: a) fournir une assistance financière
immédiate à Madelipêche Inc...."
M. Garon: On ne l'avait pas demandée.
M. Levesque (Bonaventure): En tout cas! Il faut que je regarde
cela, non? Le ministre vient de le déposer. "b) Le gouvernement du
Canada est prêt à garantir le paiement des loyers des dix bateaux
saisis par votre gouvernement..." Je pensais que c'était six.
Maintenant, c'est rendu à dix. Est-ce six ou dix?
Mme LeBlanc-Bantey: Cela prouve qu'ils ne connaissent pas le
dossier! C'est six.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Garon: C'est six. Cela démontre...
Mme LeBlanc-Bantey: Cela démontre leur connaissance du
dossier.
M. Garon: Ils disent n'importe quoi.
M. Levesque (Bonaventure): "...par votre gouvernement si les
bateaux sont loués à Madelipêche Inc." Mais il pourrait y
avoir une faute de frappe, évidemment - je ne le sais pas - sauf que
c'est marqué dix. "c) Le gouvernement du Canada est prêt à
travailler avec vous à la solution des problèmes financiers de
Madelipêche Inc.; d) le gouvernement du Canada est prêt à
collaborer avec vous pour nous assurer que les gens des
Îles-de-la-Madeleine ne sont pas privés de l'opportunité de
travailler aux pêcheries. Aucune des offres
énumérées ci-haut ne sera possible si le projet de loi no
23 devient loi. Il est urgent que votre réponse nous parvienne le plus
tôt possible."
M. le Président, y a-t-il là une solution acceptable par
le ministre? C'est un des gestes que nous posons ce matin de poser cette
question, car s'il est vrai qu'on peut avoir une entente sans avoir à
adopter cette loi, ou que si on adopte cette loi cela met en danger l'entente,
il faut le savoir à ce moment-ci. Mais je peux encore assurer Mme la
ministre que je n'essaie pas actuellement par mon propos de diluer la question
qu'elle m'a posée. Elle peut compter que nous allons poser des gestes
positifs, que nous pouvons poser ou que nous aurons à poser, afin que
les travailleurs puissent travailler et que les pêcheurs puissent
pêcher.
Le Président (M. Rancourt): Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: M. le Président, le chef de
l'Opposition, en bon parlementaire expérimenté, est entré
dans une fenêtre ouverte pour en faire une énorme porte et faire
un long discours. Il a refait tout l'historique. On pourrait le faire nous
aussi de ce côté-ci, en commençant par les 2 700 000 $
qu'il nous manque toujours dans les caisses de Madelipêche. Mais je crois
que l'objectif que j'ai et l'objectif de mon collègue, c'est que le
projet de loi soit adopté le plus rapidement possible. Il a dit devant
les membres de cette Chambre qu'effectivement, il nous assure de son appui pour
tenter de faire rouvrir les usines le plus rapidement possible et, en ce sens,
respecter la volonté des Madelinots. Je lui répète que la
volonté de l'ensemble des Madelinots est l'appui du projet de loi qui
est là. La question est très simple: Est-ce que, oui ou non, sur
la question des permis - parce qu'on en est rendu là et c'est ce qui
l'inquiète ce matin - l'Opposition libérale du Québec est
prête à prendre la défense des Madelinots et des
Québécois?
Le Président (M. Rancourt): M. le chef de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): C'est clair, M. le Président,
que nous voulons que les bateaux aient des permis parce que, autrement, ils ne
fonctionneraient pas, mais il y a des offres de part et d'autre qu'il faut
examiner.
M. Garon: M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Il faut quand même arrêter de tournailler
et d'essayer de mêler les gens. On est dans une compagnie,
Madelipêche, qui est formée à 51% par Pêcheurs Unis,
49% par la Société de développement industriel. Pendant
cinq ans, le gouvernement du Québec s'est engagé. Le
fédéral n'est pas là du tout; il a émis les permis,
grâce à M. Jean Fréchette, en 1977 et 1978, aux bateaux de
Madelipêche. Il arrive cette année alors qu'il devrait y avoir
autour de 1 048 000 $ avant amortissement ou après impôt, 700 000
$ de bénéfices dans Madelipêche. Là-dessus, le
gouvernement qui a avancé 2 200 000 $ pour payer les déficits
pendant quatre ans, a droit au remboursement de 2 200 000 $ moins 300 000 $,
soit 1 900 000 $. Mais au lieu d'avoir l'argent dans les caisses, l'argent se
retrouvait ailleurs. Le gouvernement intervient dans le cours normal de ses
affaires, de son administration. Nous n'avons pas demandé l'intervention
du gouvernement fédéral dans Madelipêche. Nous n'avons pas
besoin de l'argent du gouvernement fédéral pour exploiter
Madelipêche.
Mme LeBlanc-Bantey: Il n'en a pas d'argent de toute
façon.
M. Garon: D'ailleurs, il n'en a pas. Il
dit: Je garantirai 3 000 000 $ pour Pêcheurs Unis. D'ailleurs, au
point de départ, il n'associait même pas Madelipêche
à cette garantie de 3 000 000 $. C'est seulement récemment que le
gouvernement du Québec lui a dit: Je mets 2 000 000 $ en partant pour
Madelipêche et davantage si c'est nécessaire, seulement pour
Madelipêche parce qu'on ne peut pas parler de fonctionnement sur quinze
jours, trois semaines, un mois ou deux mois. C'est une administration normale
de ses affaires de protection des fonds publics que le gouvernement a faite
dans le fonctionnement de Madelipêche et, en même temps, faire
fonctionner la pêche. Le ministre fédéral prend
prétexte de la même façon qu'il avait pris prétexte
dans la raffinerie de sucre, c'est lui qui avait imposé d'interdire
qu'on fasse du raffinage à Saint-Hilaire. Il préférait
qu'on le fasse faire en Ontario. Il nous obligeait à le faire faire en
Ontario en nous mettant dans une souricière par des conditions, encore
là, farfelues. C'est lui qui a imposé ce même genre de
condition. Aujourd'hui, il vient s'immiscer dans un dossier où on ne lui
a pas demandé d'intervenir; on n'a pas besoin de lui dans
Madelipêche. Les pêcheurs n'ont pas demandé qu'il
intervienne; personne n'a demandé qu'il intervienne dans
Madelipêche, que je sache. Madelipêche est une compagnie à
parts. Il a voulu intervenir dans Pêcheurs Unis, il intervient dans
Pêcheurs Unis au niveau de la fédération contre les
décisions des pêcheurs. À tel point, qu'actuellement, le
danger, c'est que les pêcheurs abandonnent la formule coopérative.
Les pêcheurs sont tannés de ce jeu. Des pêcheurs me
demandent: M. Garon, pouvons-nous trouver une autre formule que la formule
coopérative, parce qu'il semble, avec tout le jeu qu'est en train de
faire le gouvernement fédéral avec Pêcheurs Unis, que
former une coopérative sera impossible; alors pourquoi ne se
regrouperait-on pas pour former une compagnie à parts? C'est le
cheminement que font les pêcheurs actuellement, parce que le gouvernement
fédéral intervient dans un dossier où ce sont
essentiellement les financiers - vous connaissez cela des financiers;
habituellement, ce sont les bailleurs des caisses électorales
libérales -qui ont demandé au gouvernement fédéral
d'intervenir. Demandez donc qui est allé voir M. De Bané, qui est
allé lui demander d'intervenir essentiellement? Avec qui a-t-il
communiqué?
Quand vous parlez du dossier des Maritimes, Nouvelle-Écosse et
Terre-Neuve, c'est un dossier complètement différent. Dans les
provinces maritimes, ce sont les gouvernements provinciaux qui lui ont
demandé d'intervenir parce qu'ils ne pouvaient régler un
problème qui était devenu trop gros. C'est un problème
considérable dans les Maritimes, Nouvelle-
Écosse et Terre-Neuve. On dit qu'il y aurait 150 000 000 $ dans
le rouge de la part d'une banque dans les provinces maritimes.
J'étais présent à la conférence
fédérale-provinciale où la province de la
Nouvelle-Écosse, par son ministre, a demandé au ministre
fédéral d'intervenir. C'était M. Roméo LeBlanc dans
le temps, ce n'était pas M. De Bané. Mais dans le cas de
Madelipêche, nous ne voulons pas... C'est un peu comme Hitler qui voulait
aider la Pologne malgré elle; comme Mussolini qui voulait aider
l'Éthiopie, malgré elle. Il y a ainsi des gens qui veulent vous
aider jusqu'au bout de votre sang. Nous n'avons pas demandé l'aide du
gouvernement fédéral dans Madelipêche; nous n'avons pas
besoin de l'aide du gouvernement fédéral dans Madelipêche.
Il essaie tout simplement de brouiller les cartes en mettant toutes sortes de
débats autres que celui-là. Vous savez que si le gouvernement
fédéral n'était pas venu soutenir la
fédération moribonde de Pêcheurs Unis, le problème
serait réglé actuellement puisque les activités auraient
repris avec des coopératives régionales. (11 h 10)
C'est ça qu'est le dossier, il ne faut pas essayer de faire des
entourloupettes, c'est essentiellement ça qu'est le dossier. Je n'en
reviens pas, je suis estomaqué de voir qu'on dit: C'est
compliqué, on va essayer de mêler les gens. C'est un dossier
simple, au fond. Si Pêcheurs Unis ou la banque ne remettent pas l'argent
à Madelipêche, il faudra aller devant les tribunaux pour le faire.
C'est clair parce qu'il y a 2 700 000 $ qui devraient être à
Madelipêche et qui ne s'y trouvent pas.
Il n'est pas normal qu'après tous ces mois les administrateurs du
conseil d'administration aient laissé faire cela impunément et ne
se soient pas sentis plus obligés que cela de faire valoir leurs droits.
C'est pour ça que nous sommes intervenus. Quand il a été
question de prendre la succession de Gorton's en 1977, c'est le gouvernement du
Québec qui l'a fait. Il a senti qu'il avait cette responsabilité.
C'est pour ça que j'aimerais qu'on procède à l'adoption du
projet de loi plutôt que de faire des circonvolutions comme le fait le
député de Bonaventure.
Étude article par article
Le Président (M. Rancourt): J'appelle l'article 1. Est-ce
qu'il y aura des interventions ou si l'article 1 est adopté?
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Président (M. Rancourt): M. le chef de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): C'est simplement pour remarquer que ce
projet de loi présenté par un ministre, un projet de loi du
gouvernement, contient un préambule. Je l'ai dit hier, le ministre a
dit: Il y en avait un dans l'affaire de COGEMA. Ce n'est pas la même
nature de projet de loi. Il faut éviter ces choses. C'est simplement une
indication qu'on a affaire à un projet de loi où le gouvernement
est mal à l'aise. Encore là, le préambule ne dit pas tout:
"Attendu que les activités de la compagnie sont présentement
paralysées et qu'il est impérieux d'assurer sans délai la
reprise de ses activités." Encore là, dans le préambule,
on a le mot "assurer", dans le titre, on a le mot "assurant", mais on
s'aperçoit que la loi n'assure pas.
De toute façon, l'article 1 dit: "À compter du 19 mai
1983, les pouvoirs du conseil d'administration de "Madelipêche Inc." sont
suspendus." Est-ce que c'est la date retenue par le ministre?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Oui, M. le Président, parce que nous ne voulons
pas qu'il y ait des imbroglios juridiques. On s'est posé la question:
Est-ce qu'on devrait laisser la date telle que mentionnée au
dépôt? La loi avait été faite pour être
adoptée dans la même journée, mais nos conseillers
juridiques nous disent, pour ne pas qu'il y ait de problème sur le plan
juridique, que c'est mieux de rester ainsi avec la date qui était
inscrite au moment du dépôt.
Le Président (M. Rancourt): M. le chef de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): J'ai deux questions.
Premièrement, en maintenant cette date, le 19 mai, ça devient une
loi rétroactive. Est-ce qu'il y a des gestes qui, à la
connaissance du ministre, ont été posés et qui l'obligent
présentement à utiliser cette formule de
rétroactivité? Autrement dit, peut-il l'éviter? S'il y a
des raisons, des gestes qui ont été posés, très
bien. Est-ce qu'il peut répondre à cela? J'aurai une
deuxième question.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: À notre connaissance, non. Comme on n'a pas
accès aux livres de la compagnie et aux procès-verbaux, on n'a
pas d'assurance totale. C'est seulement par prudence que nous voulons laisser
le projet de loi tel qu'il a été déposé. On a
pensé faire des changements, mais nos conseillers juridiques nous disent
que ce serait plus prudent de laisser la loi telle qu'elle a été
présentée.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: M. le ministre, c'est prudent par rapport à
qui? Vous avez des administrateurs qui ont été nommés,
quatre administrateurs représentant le gouvernement et cinq
représentant Pêcheurs Unis. Il y a des administrateurs qui ont
été nommés légalement, de bonne foi. Vous pouvez
secouer la tête, ça ne change rien aux choses. Depuis le 19 mai,
ces administrateurs agissent en bonne et due forme, en légale et due
forme. Peut-être qu'ils ont posé des gestes, vous ne pouvez pas
nous assurer qu'il n'ont pas posé des gestes, mais disons qu'ils ont
posé des gestes contraires à ce que vous pensez. Du 19 mai au 24
ou 25 mai, il n'y a que cinq ou six jours. En fait, ils sont suspendus.
Qu'arrive-t-il de leur protection légale? Ils ont agi comme membres
suspendus du conseil d'administration. Si vous étiez un membre du
conseil d'administration qui aviez posé des gestes et vous êtes
suspendu rétroactivement, quelle est votre protection juridique? Vous
dites qu'on a fait cela par sécurité juridique. Quelle est leur
sécurité juridique?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Le député de Nelligan sait bien que, si
les administrateurs ont agi correctement, le projet de loi déposé
jeudi prévoyait qu'à compter du 19 mai les pouvoirs du conseil
d'administration de Madelipêche étaient suspendus; des
administrateurs prudents n'auraient pas posé de gestes. On sait qu'il y
avait un contrat de gestion entre Pêcheurs Unis et Madelipêche qui
est annulé par le projet de loi et on sait que, dans le passé,
Pêcheurs Unis ne s'est pas privé de poser des gestes pour
Madelipêche, puisque, à toutes fins utiles, le conseil
d'administration de Madelipêche ne se réunissait pas. Comme on ne
sait pas ce qui a pu se passer au cours des derniers jours, par prudence, on
préfère laisser le projet de loi tel qu'il est.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Plus je vous écoute, M. le ministre, plus je
suis surpris. Vous me dites que si c'étaient des gens raisonnables, des
gens prudents, ils n'auraient fait aucune action du 19 mai jusqu'au
dépôt du projet de loi. Selon vous, un projet de loi
déposé est adopté. Si le projet de loi n'était pas
adopté avant quinze jours, vous voulez dire qu'ils ne devraient rien
faire, vous voulez dire que légalement ils n'en ont pas le droit? Le
fait
est que, légalement, ils ont tous les droits de poser des gestes
jusqu'à l'adoption de ce projet de loi. De leur point de vue, est-ce que
vous croyez que c'est équitable de mettre le 19 mai, quand cela aurait
dû partir du moment de la sanction de la loi? Si vous étiez membre
du conseil d'administration, est-ce que vous voudriez que cela se passe
ainsi?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Quand vous mettez quelqu'un en tutelle par une loi,
vous ne lui donnez pas l'occasion, pendant les jours qui
précéderont l'adoption de cette loi, de poser des gestes qui
contreviendront à l'acte que vous vous préparez à poser.
C'est évident que tout cela se tient. Je comprends que le
député de Nelligan veut bien faire croire que, sur neuf
administrateurs, quatre sont nommés par la Société de
développement industriel. J'ai répondu là-dessus, à
satiété, que même si vous avez quatre administrateurs sur
neuf, vous ne dirigez pas l'entreprise. Il y a des actes qui sont posés
en vertu du contrat de gestion qu'il y avait entre Pêcheurs Unis et
Madelipêche, nous n'avons pas les moyens de savoir tout ce qui s'est
passé. J'ai souvent appris des choses tellement longtemps après
le fait qu'à cause des événements passés je ne peux
prendre trop de risques que des actes ne soient posés. Ils peuvent
être de bonne foi ou non, je ne le sais pas. C'est pour cela qu'il est
plus prudent de laisser: "à compter du 19 mai 1983" dans le projet de
loi.
Le Président (M. Rancourt): M. le chef de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, j'ai dit qu'il
y avait deux points. Justement, mon collègue de Nelligan vient de
soulever le deuxième point que j'avais à souligner. Le ministre
se contredit parce qu'il dit, d'une part: Nous avons indiqué le 19 mai
parce que nous pensions que le projet de loi serait adopté le même
jour. Quelques minutes après, il dit: Le 19 mai est là et doit
rester là parce que, même si c'est deux ou trois semaines, il faut
que cela reste comme cela pour les raisons qu'il a données. Franchement,
je pense que le ministre se contredit, il ne pouvait pas présumer. Je
pense que la deuxième réponse est peut-être plus valable,
mais la première m'inquiète lorsqu'il dit: J'ai donné un
avis un jeudi matin et mon projet de loi a été fait de sorte que
je présume que l'avis donnera suite à un consentement pour la
première lecture, que la première lecture donnera un consentement
pour la deuxième, sans audition de témoins, sans commission
parlementaire, et on passera ensuite à la commission
plénière, pour ensuite faire la troisième lecture et la
sanction. C'est donc pour cela que j'ai mis le 19 mai. Je pense qu'il
exagérait beaucoup.
Dans sa deuxième réponse, il dit: Non, il est important
que, pendant tout le temps que dure l'étude de la loi, aucun geste ne
puisse être posé. J'accepte cela parce qu'il y a
déjà eu rétroactivité dans d'autres lois, ce n'est
pas la première fois, mais qu'il admette qu'il pose ici un geste encore
une fois de rétroactivité. C'est la question qu'on a
posée. Est-ce qu'il pose un geste de rétroactivité
volontairement et non pas, comme il l'a laissé entendre au début,
parce qu'il pensait que cela passerait le même jour? Décidez-vous!
(11 h 20)
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Le député de Bonaventure, qui est avocat,
sait qu'on est toujours obligé de présumer que les gens sont de
bonne foi; on est toujours obligé de présumer que l'Opposition
est de bonne foi et on doit lui prêter les meilleures intentions au monde
même si, dans mon for intérieur, j'ai de grandes réserves
et de grands doutes. Je n'ai pas la naïveté de croire que
l'Opposition est là pour nous aider, mais je suis obligé de
présumer de sa bonne foi. En droit, dans le Code civil, il y a un
article qui dit que tout le monde est présumé être de bonne
foi. Il faut toujours présumer de la bonne foi des gens. Alors, que
voulez-vous? La population, qui n'est pas naïve non plus, sait bien que la
bonne foi n'est pas toujours existante.
Dans ce cas-ci, il s'agit véritablement d'une mise en tutelle,
c'est évident; il ne s'agit pas d'une expropriation, il s'agit d'une
mise en tutelle de Madelipêche. Le député de Bonaventure a
déjà vu des lois de mise en tutelle adoptées par son
gouvernement. Entre autres, en 1975, dans la loi pour la mise en tutelle de
certains syndicats ouvriers, il y avait l'article 10 portant sur la
rétroactivité. Il est dans la nature des choses, lors d'une mise
en tutelle, de ne pas permettre à ceux que vous mettez en tutelle d'agir
pendant que vous vous préparez à les mettre en tutelle. C'est
dans la nature des choses. Je suis un peu étonné d'entendre le
député de Bonaventure. Je me demande, bonne mère,
qu'est-ce qui se passait quand il siégeait au Conseil des ministres.
Est-ce qu'il écoutait ou comprenait ce qui s'y passait? C'est son
gouvernement qui a adopté des lois de même nature, avec des
dispositions qu'on retrouve dans des lois de cette nature, et il a
toujours l'air estomaqué quand il retrouve ces dispositions dans une loi
de même nature, la loi de mise en tutelle de Madelipêche. Il a
l'air estomaqué et je ne
comprends pas; je ne sais pas si le député de Bonaventure
est de bonne foi ce matin ou s'il l'était lorsque le Conseil des
ministres dont il faisait partie adoptait de telles mesures. Je ne comprends
plus.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Président (M. Rancourt): M. le chef de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): ...lorsque, récemment, y a eu
une mise en tutelle d'un syndicat par le gouvernement, il n'y a pas eu la
même réaction du côté de l'Opposition. Il s'agit ici
de quelque chose de bien différent. Lorsque le ministre parle ainsi, il
fait de la démagogie. Il était professeur de droit, il doit voir
la différence entre la loi que son gouvernement a déposée
en Chambre il y a peu de temps, sa loi spéciale, et ce genre de loi que
lui-même juge très exceptionnelle. C'est lui-même qui l'a
dit.
Passons donc à l'étude article par article de ce projet de
loi. Je pense que ce serait dans l'intérêt des pêcheurs et
des travailleurs d'usine qu'on ne philosophe pas ce matin. Il n'y a qu'une
question que je poserais: Est-ce que notre exercice est utile, oui ou non? Le
ministre n'a pas répondu. J'ai pris connaissance du
télégramme qu'il a reçu et il semble que le gouvernement
fédéral, qui a juridiction sur l'octroi des permis, demande de ne
pas adopter la loi mais plutôt de négocier ce matin. On offre une
négociation rapide. Est-ce que le ministre accepte cela ou s'il veut
tout mettre en péril? Je ne sais pas. S'il nous demande de terminer
l'exercice, on va le terminer, on va le faire et il en prendra la
responsabilité. Il doit savoir où il va, là.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Il n'y a pas de lien entre les deux.
M. Levesque (Bonaventure): Allons-y.
M. Garon: Il n'y a pas de lien entre les permis et la mise en
tutelle de Madelipêche. Sur le plan administratif, il y a des choses
inacceptables qui se sont passées à Madelipêche. Il n'y a
pas de lien entre les deux. Le ministre fédéral ne peut pas
établir de lien entre les deux.
Le Président (M. Rancourt): M. le chef de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Comment pourrait-il ne pas y avoir de
lien quand on a le projet de loi no 23 qui dit: Loi assurant la reprise des
activités de Madelipêche?... Comment peut-il y avoir des
activités si on n'a pas de permis pour travailler?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Le ministre fédéral prendra ses
décisions au moment opportun. Hier soir, il a été
avisé qu'on adopterait le projet de loi no 23. Est-ce que c'est à
la suite d'une demande du Parti libéral provincial ou à la suite
d'un avis? Je ne le sais pas. Est-ce qu'ils ont concocté quelque chose
ensemble? Ce que nous voulons essentiellement, c'est régulariser la
situation. Le projet de loi no 23 va dans le sens de la régularisation
de la situation, pour tous d'ailleurs.
Je ne comprends pas que le député de Bonaventure soit
à peu près le seul à ne pas comprendre. Je suis
allé en territoire maritime volontairement depuis jeudi dernier. Je suis
allé à Matane. Je suis allé en Gaspésie, sur la
Côte-Nord et aux Îles-de-la-Madeleine. Je peux vous dire que,
partout, j'ai recontré des gens. J'ai rencontré les
médias. J'ai rencontré tout le monde. Pour tout le monde, la
situation était réglée. On a essayé, même
à Matane, contrairement à ce que vous dites, de me poser le
débat. Quelqu'un m'a demandé: Est-ce qu'en termes de victoire du
Québec sur Ottawa... Je n'ai pas voulu entrer là-dedans. J'ai
dit: Non, je ne peux pas parler en ces termes-là.
Le gouvernement fédéral a demandé que les bateaux
soient loués à Madelipêche. J'ai dit: Nous, par ailleurs,
n'avons pas confiance au conseil d'administration. On a essayé de
trouver une troisième solution qui conviendrait à tout le monde.
Même que les gens voyaient la situation réglée. Lisez les
journaux de ce matin. Par exemple, le Devoir de ce matin titre: "Les chalutiers
des Îles peuvent reprendre la mer." Tout le monde voyait même la
situation réglée. Voyez-vous, même ils ne pouvaient pas
traverser cette ligne rouge directe entre Québec et Ottawa, au sein du
Parti libéral fédéral et du Parti libéral
provincial.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition,
sur une question de...
M. Garon: Il y a une ligne entre Moscou et...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le
chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Je m'oppose encore à ce genre
de petite politique de la part du ministre. Qu'il prenne ses
responsabilités. Si nous allons aux renseignements à
Québec, si nous allons aux renseignements à Ottawa, si nous
allons aux renseignements à Matane, si nous allons aux renseignements
aux Îles-de-la-Madeleine, c'est parce qu'on s'occupe de notre affaire.
Que le ministre s'occupe de son affaire et qu'il voie à donner suite
à ce projet de loi si ce dernier est capable d'assurer la reprise des
activités, sinon que le ministre, avant de procéder à la
sanction de ce projet de loi, c'est-à-dire avant de le porter chez le
lieutenant-gouverneur, explore les possibilités d'entente avec le
gouvernement fédéral. En l'espace de quelques heures
peut-être, il peut le faire. Est-ce qu'il refuse présentement de
le faire? Est-ce qu'il veut faire sanctionner le projet de loi, qu'il devienne
loi et qu'il devienne un obstacle à une entente
fédérale-provinciale? Est-ce que le ministre sera assez prudent
au moins pour vérifier, avant que ce projet de loi ne soit
sanctionné, les possibilités d'une entente qui respecterait les
objectifs du ministre, du gouvernement, de l'Opposition, de tout le monde, en
faveur des travailleurs et des pêcheurs? Est-ce qu'il est capable, au
moins, de faire une démarche qui va lui prendre peut-être quinze
minutes, avant de procéder à la sanction du projet de loi, pour
voir s'il n'y a pas moyen d'arriver à une entente sans avoir à
adopter ce projet de loi? C'est la question que je lui pose.
Je dois, à cause d'engagements, quitter la commission. Je sais
que le député de Nelligan pourra compléter les travaux.
J'espère qu'on pourra le faire dans une atmosphère de
coopération étant donné l'importance du sujet. C'est un
appel que je fais au ministre avant de quitter, qu'il tâche de mettre
l'intérêt des travailleurs d'usine et l'intérêt des
pêcheurs avant ses intérêts partisans ou avant ses
intérêts personnels dans le sens d'un entêtement ou la peur
de perdre la face. Je pense que c'est son devoir d'examiner toutes les avenues
dans l'intérêt, encore une fois, des travailleurs et des
pêcheurs.
Pour nous autres, vous et moi ainsi que les autres collègues ici,
la vie va continuer demain. Mais les travailleurs et les pêcheurs veulent
savoir ce qui va se -passer. Quand même vous auriez le plus beau papier
avec les plus belles estampes, si cela ne marche pas, ce n'est pas dans leur
intérêt. C'est donc la responsabilité du ministre et du
gouvernement de poser les gestes qui seraient de nature à assurer la
reprise des activités, non pas un titre de loi, mais une
réalité.
Le Président (M. Rancourt): Je vous rappelle que nous en
sommes à l'article 1 et que Mme la ministre de la Fonction publique veut
intervenir. (11 h 30)
Mme LeBlanc-Bantey: Le chef de l'Opposition, en quittant la
commission, s'il va aux renseignements, parce qu'il a parlé beaucoup
d'aller aux renseignements, va apprendre qu'à l'heure où l'on se
parle, aux Îles-de-la-Madeleine, les pêcheurs et les travailleurs
de Madelipêche sont en train de manifester devant les édifices
fédéraux demandant au gouvernement canadien d'émettre les
permis. Je le souligne parce que le chef de l'Opposition a voulu nous voir
arrêter cet exercice qui vise à voter aujourd'hui la loi. Je
souligne que les pêcheurs et les travailleurs de Madelipêche, je le
répète, veulent rentrer dans leur usine non sur des bases
temporaires, des bases floues, avec toutes sortes d'insécurités
tel que le propose M. De Bané, mais ils veulent entrer sur une base
durable dans une usine dont ils seront sûrs qu'elle va fonctionner toute
la saison et aussi se tourner vers l'avenir. Dès que ce projet de loi
sera adopté, avec le nouveau conseil d'administration, avec les
Madelinots, nous ferons en sorte qu'éventuellement le plus rapidement
possible ces gens puissent eux autres aussi participer à la gestion de
leur usine.
J'espère que le député de Nelligan, qui prend la
place du chef de l'Opposition, va nous aider à adopter la loi le plus
rapidement possible et va nous aider lui aussi à faire des pressions de
la même façon que les pêcheurs et les travailleurs de
Madelipêche sont en train de le faire aux Îles, pour que le
gouvernement canadien revienne à la raison et qu'il accepte
d'émettre les permis sur Madelipêche.
Le Président (M. Rancourt): Est-ce que l'article 1 est
adopté?
M. Lincoln: Parce que Mme la ministre...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: ...a mentionné mon nom. Tout ce que je veux
dire, c'est que je pense que le chef de l'Opposition a été
très clair. Tout ce qu'il a demandé au ministre et tout ce qu'on
demande au ministre et à sa collègue, c'est qu'avant la sanction
de la loi il y ait au moins un dialogue qui se passe, que vous fassiez au moins
un coup de téléphone pour essayer d'arriver à un compromis
parce que là, on va se retrouver devant une autre impasse au sujet des
permis. C'est tout ce qu'on demande. Vous pouvez dire: On peut tous formuler
des souhaits, on peut tous formuler de grands objectifs. S'il n'y a pas d'appel
téléphonique, s'il n'y a pas de dialogue, s'il n'y a pas un
compromis, rien ne va se passer. Cela va être la confrontation encore une
fois. C'est tout ce que le chef de l'Opposition a dit.
Nous on n'a aucune raison. Je crois que le chef de l'Opposition a dit
tout à fait clairement qu'il n'a pas envie de faire de "filibuster"
là-dessus. 43 députés auraient pu parler. On aurait pu
retarder la loi. On veut l'adopter. En même temps c'est notre devoir de
poser des questions qui sont tout à fait raisonnables.
Je vais proposer un amendement pour les raisons que j'ai données
à l'article 1. Je trouve que c'est tout à fait moralement
inéquitable pour les membres du conseil d'administration. Si vous nous
aviez donné l'assurance qu'il y avait eu des gestes de posés
depuis; vous ne pouvez pas nous donner cette assurance quant à des gens
qui ont été nommés en toute bonne foi, neuf membres du
conseil d'administration. Je ne vois aucune raison pour la
rétroactivité. J'aurais voulu faire un amendement: à
compter de la date de la sanction de la loi, les pouvoirs du conseil
d'administration de Madelipêche Inc. sont suspendus. Je ne veux pas faire
de débat là-dessus comme j'aurais pu le faire. Je n'ai pas envie
de retarder les choses. On a déjà discuté la question. Je
trouve qu'il n'y a aucune raison valable que vous avez avancée - surtout
que vous n'avez pas pu nous assurer qu'il y a eu des gestes posés -qu'on
ne fasse pas cela à compter de la sanction de la loi. Les gens qui sont
nommés au conseil d'administration sont des gens raisonnables, des gens
honorables. Je trouve qu'ils ont besoin de cette protection.
Le Président (M. Rancourt): Est-ce que vous avez
l'amendement, M. le député de Nelligan?
M. Lincoln: Je n'ai pas d'amendement écrit. C'est tout
à fait simple: "À compter de la date de la sanction de la loi."
M. le Président, j'espère que vous allez vous rappeler de cela
parce que je n'ai pas...
Le Président (M. Rancourt): Donc, sur l'amendement au
projet de loi, M. le ministre.
M. Garon: Je pense que le débat s'est fait avant que le
député de Nelligan présente l'amendement. Nous sommes
prêts à voter immédiatement là-dessus.
Le Président (M. Rancourt): Nous allons voter sur
l'amendement. Quels sont ceux qui sont pour l'amendement? Ceux qui sont contre?
Amendement rejeté. Est-ce que l'article 1 est adopté?
M. Lincoln: Sur division.
Le Président (M. Rancourt): Adopté sur division.
J'appelle l'article 2. M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: L'article 2, "jusqu'à ce que la suspension
prenne fin". Quand le ministre estime-t-il que la suspension va prendre
fin?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Lincoln: Sûrement qu'on a pensé à
cela.
M. Garon: J'espère que cela va être le plus
tôt possible.
M. Lincoln: Le plus tôt possible, c'est...
M. Garon: C'est pour cela que je dis, par exemple, si on peut
régulariser toutes les choses. Vous savez, si les 2 700 000 $ sont
versés, cela va régler bien des choses. Il faut faire valoir les
droits des gens là-dedans. La reprise des activités, on va
commencer immédiatement, j'espère, et la suspension des pouvoirs
du conseil d'administration peut être faite assez rapidement.
Actuellement, les Pêcheurs Unis sont dans une période de
réorganisation. Il ne faut pas qu'elle se fasse au détriment de
Madelipêche non plus. J'espère que cela va être le plus
rapidement possible. Tout cela aurait déjà pu être
réglé s'il n'y avait pas eu un poumon artificiel donné
à Pêcheurs Unis récemment.
M. Lincoln: Là vous parlez de 2 700 000 $ qui vous sont
dus. En même temps vous avez des bateaux que vous avez saisis qui ont
certainement une valeur quelconque. On dit une valeur de 7 000 000 $,
peut-être 8 000 000 $, peut-être 10 000 000 $. Là vous avez
pris les bateaux. Maintenant, vous demandez 2 700 000 $ et vous reliez cela
à la condition de la fin de la suspension. Je crois que ces deux choses
ne sont pas connexes. Il faudrait que vous... Sûrement que vous avez une
estimation dans la tête. Sûrement que vous avez un
échéancier quelconque. Faites-vous une tutelle
complètement ouverte? Cela sera une tutelle de quoi, de quelques mois,
de quelques semaines, d'un an, de deux ans ou de trois ans? Sûrement que
vos experts ont dû penser à toutes ces questions et à
toutes ces conséquences. Sûrement que vous avez prévu toute
la chose. Sûrement que vous avez discuté avec les intervenants
avec lesquels vous pouviez discuter. Sûrement que vous avez une
idée dans la tête et que vous pourriez nous dire: On achète
une espèce de temps global. Cela peut être six mois. Cela peut
être un an. Cela peut être trois ans. C'est combien de temps?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Le temps qui va être
nécessaire. Je vais vous dire une chose. Quand vous dites de
discuter avec les intervenants, ce n'est pas facile de discuter avec les
intervenants. Je demande, par exemple, à Pêcheurs Unis: Pourquoi
l'argent n'est-il pas dans le compte de Madelipêche? Ils me disent: C'est
parce que la banque a gardé l'argent. Quand vous appelez la banque, elle
se défend en disant qu'elle ne pouvait pas faire ce qu'elle voulait avec
Pêcheurs Unis, parce qu'ils ne respectaient pas leurs engagements. C'est
comme un chien qui court après sa queue. À un moment
donné, il y a quelqu'un qui doit trancher là-dedans. Qui va
trancher? Les tribunaux vont avoir à trancher si l'argent n'entre pas.
Il y a 2 700 000 $ qui devraient appartenir à Madelipêche. Est-ce
que c'est Pêcheurs Unis qui les a pris ou la banque?
M. Lincoln: Mais c'est ce qu'on vous a demandé. Faites une
enquête publique du Vérificateur général. Cela
aurait été beaucoup plus rapide. Vous auriez eu...
M. Garon: Il y en a une en cours...
M. Lincoln: Non, il y en a une du Contrôleur des finances,
c'est une affaire bien différente.
M. Garon: ...du Contrôleur des finances.
M. Lincoln: Si vous aviez fait faire une enquête publique
par le Vérificateur général, vous auriez su toutes ces
choses, tandis que là, vous nous dites que tout cela est relié
à la suspension du conseil d'administration. Qu'arrive-t-il? Vous allez
dire tout le temps: Tout cela n'est pas réglé. Cela va
traîner et traîner parce que vous avez saisi les bateaux. Il y a
une époque de confrontation. Vous pensez qu'en mettant le conseil
d'administration en tutelle vous allez avoir toutes les réponses que
vous n'avez pas eues avant. Vous allez les avoir moins que jamais, parce qu'il
y a presque une situation de confrontation qui s'est créée. Vous
mettez un conseil d'administration en tutelle et vous pensez que ces gens vont
collaborer avec vous plus qu'avant. Mais c'est tout le contraire! Vous dites:
Tant que tout cela ne sera pas réglé, selon votre jugement
à vous, et vous admettez vous-même qu'il n'y a pas de dialogue
d'amorcé. Ce que cela veut dire, en fait, c'est une espèce de
suspension du conseil d'administration, plutôt sine die. C'est une
affaire qui pourra durer des mois et des années, selon votre bon
plaisir. C'est ce qui nous fait peur. Est-ce bien cela? Est-ce une affaire sine
die? N'avez-vous même pas une idée du temps que cela va prendre
pour régler toutes ces choses?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Cela peut être très rapide. Cela peut
prendre plus de temps. C'est évident que je n'ai pas tout le
contrôle dans les mains. C'est évident. Contrairement à ce
que vous dites, je contrôle très peu de chose dans cette affaire,
sauf qu'il y a des... Je vais vous dire une chose. On a demandé un
rapport du Contrôleur des finances. Pourquoi, un rapport du
Contrôleur des finances? Parce que dans l'entente qui lie la
Société de développement industriel et Madelipêche
il est prévu que, quand arrivent des questions d'imbroglio, c'est le
Contrôleur des finances qui doit être appelé à venir
fouiller la question. C'est pour cette raison qu'on a demandé le
Contrôleur des finances.
Personnellement, j'irais plus loin. Je serais favorable à ce
qu'il y ait une enquête publique dans ce dossier pour qu'on s'interroge
sur le comportement des banques quand des entreprises sont en
difficulté. Les banques - si c'est ce qui s'est passé
-peuvent-elles accaparer tous les fonds d'une entreprise en difficulté,
même les fonds que l'entreprise perçoit à titre de
fiduciaire? Quand, par exemple, je suis un employé d'une entreprise en
difficulté, j'encaisse mon salaire et qu'il y a des déductions
faites sur mon chèque de paie pour ma cotisation syndicale, pour mes
assurances, pour mes cotisations de sécurité du revenu, pour
différentes choses, la banque peut-elle s'approprier ces fonds et ne pas
payer l'entreprise qui devrait avoir l'argent qui a été
déduit de mon salaire? Ont-ils le droit de faire cela? Le seul recours
des gens est-il d'aller devant les tribunaux pendant des années
là-dedans? Je pense que le dossier de Madelipêche est un dossier
qui a beaucoup plus de conséquences qu'on pense. Je ne sais pas si tout
cela est vrai. Est-il vrai que la décision a été prise par
la banque ou a-t-elle été prise par Pêcheurs Unis? Je
n'étais pas là. Je n'ai pas accès aux documents qui me
permettraient de le savoir. C'est l'un ou l'autre. Si c'est Pêcheurs
Unis, c'est odieux et si c'est la banque, c'est aussi odieux. (11 h 40)
M. Lincoln: Puisque c'est tellement odieux et que vous avez tous
les pouvoirs, faites votre enquête publique. Nous sommes tous pour une
enquête. On vous a demandé en fait de faire une enquête
publique, faites votre enquête publique, c'est à vous de
décider; ce n'est pas à nous dans l'Opposition de décider.
Faites l'enquête publique, qu'est-ce que vous attendez? Faites
l'enquête publique depuis l'année dernière, faites
l'enquête publique depuis des mois, qu'est-ce que vous attendez? Au lieu
de dire que c'est odieux de la part des Pêcheurs Unis et que c'est odieux
de la part des banques, faites l'enquête publique, mettez les banques sur
le tapis et Pêcheurs Unis, ils ont eux-mêmes
demandé une enquête publique. Alors, faites l'enquête
publique; qu'est-ce que vous attendez alors, au lieu d'en parler. Faites
l'enquête publique. On vous met au défi de faire l'enquête
publique demain, après demain, qu'on en finisse avec cette affaire; au
lieu de faire des accusations à droite et à gauche sans preuve.
Alors, qu'on fasse une enquête publique, c'est simple.
Vous avez dit auparavant: Je n'ai pas tout le contrôle
là-dessus, je ne peux pas vous dire. Alors, vous aurez le contrôle
des bateaux, vous aurez le contrôle du conseil d'administration; vous
aurez le contrôle de tous les actifs; quel contrôle voulez-vous en
plus? Vous avez tous les contrôles possibles; vous seul aurez tous les
contrôles. Vous allez faire une suspension et vous ne savez même
pas combien de temps elle durera.
Je vous pose une question: est-ce que vous avez des critères?
Sûrement que vous avez un critère pour évaluer la fin de la
suspension. Il y a sûrement des critères que vous avez
utilisés.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Je pense que le député de Nelligan peut
bien avoir un raisonnement d'enfant, sauf qu'il sait aussi bien que moi que
quand je lui dis que le Contrôleur des finances fait actuellement une
enquête et qu'il fera rapport... Le Contrôleur des finances, c'est
quand même un personnage public; c'est quand même quelqu'un qui a
un rôle important à jouer au gouvernement du Québec. C'est
lui qui fait enquête actuellement; à partir de là, est-ce
qu'on en saura assez ou si on n'en saura pas assez, c'est là qu'on le
saura. Je n'ai pas encore eu ce rapport du Contrôleur des finances. Dans
le comportement administratif, le sous-ministre du ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a demandé au
Contrôleur des finances de faire une enquête et de nous faire un
rapport. C'est cela qu'il était régulier de faire. Maintenant, si
ce n'est pas suffisant, il faudra d'autre chose. Est-ce que ce sera suffisant?
Il faut attendre le rapport pour le savoir. C'est dans le cadre normal des
choses, c'est comme cela qu'il faut procéder dans un gouvernement
responsable.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Dans un gouvernement responsable, si vous avez
demandé un rapport, vous attendez les conclusions du rapport avant de
lancer des accusations prématurées. Si c'est vrai, attendez le
rapport. Si, justement, vous dites: On attendra le rapport pour savoir ce qui
en est, ne dites pas que c'est odieux de la part de celui-ci, que c'est odieux
de la part de celui-là. Attendez le rapport pour faire toutes vos
accusations. Attendez le rapport, déposez-le. Rendez la chose publique.
Mais cessez les insinuations continuelles que vous faites, comme si les gens
avaient tous les défauts ou quoi que ce soit. Attendez le rapport; si
c'est le cas, qu'on fasse une enquête où qu'on traduise les gens
en cour. C'est comme cela que ça se fait. On ne lance pas des
insinuations dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, à droite
et à gauche, avant même d'avoir le rapport. S'il y a des
accusations à porter, portez-les en temps et lieu, mais ne les faites
pas avant, attendez le rapport. La question que je vous ai posée, c'est:
Quels sont les critères dont vous vous servez pour estimer le temps de
la suspension du conseil d'administration? Quels sont les critères? Il y
a sûrement des critères. Vous ne pouvez pas me dire si c'est un
mois, deux mois, quatre mois ou un an? D'accord, quels sont les critères
dont vous vous servez?
M. Garon: M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Le député de Nelligan ne comprend
vraiment pas ou bien il ne veut pas comprendre. Mais je vous dirai une chose:
Le syndicat qui a eu des cotisations syndicales perçues en son nom par
Madelipêche et qui n'a pas reçu l'argent, pensez-vous qu'il a
besoin... Il sait qu'il y a quelque chose d'irrégulier; comment cela
s'est-il passé? il ne le sait pas sans doute, mais il sait qu'il y a
quelque chose d'irrégulier. Les employés qui ont payé des
primes d'assurance qui ne sont pas allées pour les assurer auprès
des compagnies ou de la compagnie qui devait les assurer ne savent pas comment
cela se fait, mais ils savent qu'il y a quelque chose de pas correct. Le
gouvernement du Québec, qui sait que le poisson de Madelipêche a
été vendu et payé et que l'argent n'est pas dans le compte
de banque de Madelipêche, sait qu'il y a quelque chose de pas correct,
mais il ne sait pas comment cela se fait que cela s'est passé de
même.
Je dis au député de Nelligan: c'est justement parce qu'on
ne sait pas comment certaines choses se sont faites pour arriver à ce
résultat - on sait que le résultat n'est pas correct, mais on ne
sait pas comment cela s'est fait exactement - qu'on fait faire une
enquête par le Contrôleur des finances. Il me semble que c'est
simple à comprendre.
M. Lincoln: D'accord, je suis tout à fait d'accord.
M. Garon: Pardon?
M. Lincoln: C'est très simple à comprendre. Tout ce
que je vous dis, c'est qu'avant d'avoir les conclusions de cette enquête
que vous faites - vous me dites vous-même qu'on ne fera rien d'autre
comme enquête publique avant d'avoir les conclusions du rapport - tout ce
que je vous dis: N'allons pas mettre tout cela sur la place publique, tout ce
qui a été fait, tout ce qui n'a pas été fait; on
n'a pas besoin de lancer des accusations avant d'avoir le rapport. Laissez cela
pour plus tard. Si vous voulez que votre loi soit adoptée, nous allons
l'adopter ou ne pas l'adopter, pour le moment, selon ses mérites
mêmes. Tout ce je vous ai demandé, quant au conseil
d'administration, c'est les critères que vous allez utiliser pour
décider si la suspension sera appliquée ou non. Quels sont les
critères? Vous avez sûrement des critères en tête. Ne
passons pas par toutes les accusations à Madelipêche, nous
attendrons le rapport. C'est ça que je vous demande. Quand le rapport
sera prêt, vous nous ferez part des conclusions et si les conclusions
sont négatives, je suis sûr que vous nous les communiquerez bien
fort.
Voici ce qu'on vous demande: Quels sont les critères que vous
allez utiliser? Est-ce que ce sera le rapport du Contrôleur des finances
qui va décider de la fin de la suspension? C'est ça qu'on vous
demande.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Non, ce ne sera pas nécessairement le rapport du
Contrôleur des finances. Ce sera quand la situation sera
régularisée à Madelipêche et à Pêcheurs
Unis.
M. Lincoln: Régularisée d'après votre
optique personnelle, naturellement.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: C'est évident que, quand un gouvernement agit,
il agit selon son optique. C'est aux électeurs à juger par la
suite s'il a bien agi ou non. Est-ce que vous voudriez que, quand on
décide quelque chose au gouvernement, ce soit selon votre opinion? On a
décidé, au gouvernement du Québec, d'agir selon l'opinion
du gouvernement du Québec. Que voulez-vous que je fasse? C'est un peu le
bon sens. Maintenant, la population jugera si on a pris de bonnes ou de
mauvaises décisions, excepté qu'on va prendre des
décisions selon notre propre jugement plutôt que selon le
vôtre.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: M. le Président, en entendant le ministre,
toutes les craintes que j'ai exposées, hier soir, dans mon discours
viennent d'être prouvées. J'avais mentionné, hier soir, que
le but de cette affaire, c'était la nationalisation d'une partie de
l'industrie des pêcheries en Gaspésie et aux
Îles-de-la-Madeleine. Le ministre a répondu qu'il ne sait pas
quand il va mettre fin à cette tutelle, il ne sait pas quand, selon
quels critères, comme lui demande le député de Nelligan,
il ne le sait pas, ce sera selon la volonté du gouvernement. Qu'est-ce
que ça veut dire? Cela veut dire que le gouvernement prend le
contrôle ad infinitum et ça finit là. Ce n'est pas une
tierce personne ou une personne qui fait enquête sur des choses
malheureuses qui sont survenues et que le ministre a
énumérées. Toutes ces choses, en passant, il peut les
faire par des enquêtes privées, policières ou
financières sans mettre la compagnie en tutelle.
Cela veut dire que n'importe quelle compagnie privée dans la
province qui a des problèmes internes, le gouvernement va la
nationaliser pour savoir ce qui s'est passé. C'est ça. Le
ministre ne nous dit pas aujourd'hui quand prendra fin cette tutelle, selon
quels critères, quand la compagnie commencera à faire des
profits, quand il va retourner l'argent aux syndicats, au fonds de retraite.
Quand? Quand une compagnie fait 1 000 000 $ de profits, comme la SAQ, il les
fait transférer au trésor de la province. Est-ce que c'est
ça qu'il veut? Il fera avec les pêches ce qu'il fait avec
l'alcool. Ici, c'est plus cher, on fait des profits pour le
bénéfice du gouvernement. Est-ce que c'est ça qu'il veut?
Il ne dit rien aujourd'hui, on ne sait pas quand prendra fin cette tutelle et
selon quels critères.
Le Président (M. Rancourt): Est-ce que l'article...
M. Lincoln: M. le Président...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Pour reprendre le débat sur l'article 2, je
présenterai un amendement qui se lit comme suit: "Jusqu'au 30 septembre
1983, les pouvoirs du conseil d'administration sont exercés par un
conseil provisoire."
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, sur
l'amendement.
M. Garon: On est prêt à voter. Le débat vient
d'avoir lieu.
M. Lincoln: Je suis d'accord, on va
voter.
Le Président (M. Rancourt): J'appelle le vote sur
l'amendement.
Une voix: On vote à main levée. Des voix:
Pour. Une voix:Quatre.
Le Président (M. Rancourt): Ceux qui sont contre?
L'amendement est adopté.
M. Garon: Quatre à quatre; ce n'est pas adopté.
M. Lincoln: Ce n'est pas quatre à quatre.
M. Blank: Est-ce que le président va voter?
Le Président (M. Rancourt): Un instant, nous allons
compter. Quatre à quatre. Il y a une coutume qui veut que le
président vote, bien sûr, je vote contre l'amendement.
M. Blank: Les coutumes veulent le contraire. Pour faire
fonctionner le Parlement, c'est la coutume. (11 h 50)
M. Bélanger: Trop tard, messieurs, vous pouvez retourner
à vos occupations.
M. Blank: D'accord. Faites venir vos députés parce
qu'on va procéder au vote.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! L'article 2 a été adopté.
M. Lincoln: Non, sur division.
Le Président (M. Rancourt): L'article 2 est adopté
sur division.
M. Lincoln: Je vois que des députés auront des
problèmes. Le ministre a plus d'un petit problème. Il a des
problèmes avec le conseil d'administration.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Lincoln: Oui, excusez-moi.
Le Président (M. Rancourt): J'appelle l'article 3.
M. Lincoln: Article 3. "Le conseil provisoire est formé
d'au plus trois membres dont un président." Je voudrais demander au
ministre quelles consultations il aura avec le milieu pour la nomination des
trois membres du conseil d'administration. Les cadres du parti?
M. Garon: Pardon?
M. Lincoln: Quels sont les critères? Les cadres du parti,
les gens du milieu, les membres en règle du parti ou quoi? Des gens
très dociles, serviles, qui vous obéiront sans...
Mme LeBlanc-Bantey: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président (M. Rancourt): Question de
privilège.
Mme LeBlanc-Bantey: Les gens des Îles ne sont pas reconnus
comme étant des gens dociles et serviles, et le député de
Nelligan s'en rendra compte bientôt.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Lincoln: Sérieusement, M. le ministre, est-ce que vous
consulterez? Quelles consultations aurez-vous ou avez-vous eues? Est-ce que les
gens sont déjà nommés dans votre tête? Est-ce que
les membres du conseil d'administration seront des gens du milieu? Est-ce que
ce seront des Madelinots?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: C'est évident que nous allons nommer des gens
comme membres du conseil d'administration provisoire qui sont capables d'agir
en bon père de famille, c'est-à-dire de préserver les
intérêts de l'entreprise. Ce sera le critère principal et
c'est ce qu'il faut toujours rechercher lorsqu'on nomme des administrateurs
d'entreprise. Des gens qui se comporteront vis-à-vis de l'entreprise
comme si c'était leur propre famille.
M. Lincoln: C'est très beau, cela me fait presque pleurer.
Ce sont des sentiments vraiment touchants mais tout ce que je vous ai
demandé ce n'est pas si c'étaient des pères de famille ou
des gens qui allaient agir en bon père de famille, je vous ai
demandé quelles consultations vous allez avoir avec le milieu auquel
vous dites faire tellement confiance, avant de nommer ces trois membres du
conseil d'administration. C'est cela la question.
M. Garon: Je peux vous dire que jusqu'à maintenant j'ai eu
pas mal de consultations. À chaque reprise je suis allé aux
Îles-de-la-Madeleine rencontrer les gens pour discuter avec eux,
rencontrer tout le groupe pour que les gens puissent exprimer ce qu'ils
pensaient. Je peux vous dire que les discussions que j'ai eues jusqu'à
maintenant
m'indiquent quel genre d'administrateurs seraient souhaités aux
Îles-de-la-Madeleine.
M. Lincoln: Avez-vous déjà choisi les trois
membres?
M. Garon: Non, ils ne sont pas choisis. J'ai une liste de noms
d'administrateurs possibles. Je pense qu'ils pourraient bien jouer le
rôle mais on a voulu aussi faire un conseil de trois personnes
plutôt qu'une seule comme souvent dans les tutelles pour que les
différents aspects des pêches puissent être
représentés au conseil provisoire, c'est-à-dire l'aspect
de la production en usine, l'aspect de la gestion, l'aspect de la modernisation
de l'entreprise, afin que les différents aspects soient
représentés au sein d'un conseil provisoire. Le mandat est clair
dans le projet de loi à savoir, ce que ces administrateurs du conseil
provisoire auront à faire.
M. Lincoln: Pouvez-vous nous dire dans cette liste que vous avez
de dix, onze, quinze noms quels sont les critères que vous prendrez pour
sélectionner les trois derniers membres et qui fera cela? Vous seul?
Est-ce que ce sera un comité de sélection? Cela peut
paraître farfelu mais je pose la question tout de même.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. le ministre.
M. Garon: Je fais beaucoup de consultations avant de prendre une
telle décision.
M. Lincoln: Est-ce qu'il y aura des Madelinots, des gens des
Îles parmi les trois personnes?
M. Garon: Il faudrait bien qu'il y en ait, ce serait une bonne
chose.
M. Lincoln: Je l'espère. Est-ce qu'il y aura des
gestionnaires de SOQUIA?
M. Garon: Non, pas dans mon esprit.
M. Lincoln: Pouvez-vous nous assurer qu'il n'y aura aucune
personne de SOQUIA au conseil d'administration?
M. Garon: Dans mon esprit, actuellement en tout cas, il n'y a
aucune personne de SOQUIA.
M. Lincoln: Est-ce que vous pouvez nous donner l'assurance qu'il
n'y aura personne de SOQUIA?
M. Garon: Je ne peux pas vous en donner l'assurance et je vais
vous dire pourquoi. Je n'ai voulu demander personne officiellement, avant que
la loi soit adoptée. J'ai voulu attendre l'adoption du projet de loi
avant de demander des gens officiellement. S'il y a des gens qui refusaient
pour différentes raisons, je devrai demander d'autres personnes. Dans
mon esprit, il n'y a pas de gens de SOQUIA qui seront approchés.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Sur votre liste présente, y a-t-il des gens de
SOQUIA?
M. Garon: Sur ma liste présente, il n'y a personne de
SOQUIA.
M. Lincoln: Très bien.
M. Garon: Mais je ne m'engage pas à ce qu'il n'y en ait
pas. Je peux vous dire que si je trouve tous les gens qu'il faut en dehors de
SOQUIA je le ferai.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Qui va payer les honoraires de ces gens? Seront-ils
payés par le gouvernement qui les a mis en tutelle? Quelle est la base
des honoraires? Y a-t-il des honoraires spéciaux? Comment se passe cette
affaire?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Les conditions ne sont pas fixées puisqu'il faut
en discuter avec chacune des personnes. Comme il s'agit d'un conseil
provisoire, ce ne seront pas des gens à temps plein, ce seront des gens
qui vont siéger le nombre de fois qu'il faut siéger. Je pense
plutôt à quelque chose comme un per diem, une allocation de base
ou un per diem. Ce sera discuté avec les gens. Maintenant, ce pourrait
être aux frais de Madelipêche.
M. Lincoln: Vous dites qu'ils fixeront leurs conditions de
travail. Vous avez fait ce projet de loi sans jamais penser comment tout cela
s'arrangerait? Vous pouvez dire: J'attendais l'adoption de la loi. Mais quand
on fait une loi, quand on fixe les conditions de travail, on a sûrement
déjà à l'esprit si ces gens seront employés
à temps partiel ou à temps plein, si c'est Madelipêche ou
si c'est le gouvernement qui paiera les honoraires et sur quelle base. Il me
semble que c'est tout à fait normal.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Vous savez comme moi que le gouvernement nomme un grand
nombre de personnes à des conseils d'administration; il y a des
règles suivies de façon régulière là-dedans.
Ce sont les règles habituelles pour des gens qui siègent à
des conseils d'administration. Ce ne seront pas des règles
exceptionnelles, ce seront les règles habituelles. La
rémunération des membres d'un conseil d'administration est
habituellement de tant par jour.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: De ces trois membres, il y en a un qui sera
président. Est-ce que lui, le président, sera à temps
plein?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Je ne m'attends pas qu'il y ait qui que ce soit
à temps plein, mais il peut y avoir des gens qui, pendant une
période d'une semaine ou de quinze jours, travaillent à temps
plein, pendant cette brève période, parce qu'ils devront engager
des gens.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Qu'est-ce qui va arriver des officiers
présents de Madelipêche: le président, le secrétaire
et le trésorier? Est-ce que cette loi est silencieuse là-dessus?
Est-ce qu'ils seront licenciés automatiquement? Comment cela va-t-il se
passer? La loi ne stipule rien de tout cela. Vous nommez un président,
mais il y a déjà un président de Madelipêche; il y a
déjà un secrétaire et un trésorier. Qu'est-ce qui
va arriver d'eux?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Il faut distinguer deux choses. Le conseil provisoire,
c'est une chose. Il y a les administrateurs, qui forment le conseil
d'administration, et les gestionnaires qui sont engagés par le conseil
d'administration pour diriger les activités courantes. Par exemple,
j'imagine qu'il va y avoir un gérant de production, un gérant
d'usine. Il va y avoir sans doute quelqu'un responsable de la
comptabilité ou du contrôle de la qualité. Ce sera le
rôle du conseil provisoire.
Maintenant, des gens ont annoncé leur démission
récemment. Je n'ai pas voulu me mêler de ces questions parce que
je pense qu'il appartiendra au conseil provisoire d'affecter les gens qu'il
faut pour diriger les activités quotidiennes de Madelipêche dans
les meilleurs intérêts de la compagnie. Le député a
une vision étroite des choses. Il pense que je veux tout diriger.
M. Lincoln: Mettre en tutelle.
M. Garon: Au contraire. Si je voulais tout diriger, j'aurais des
réponses à toutes ces questions. Il faut justement que le conseil
provisoire, dont ce sera la tâche de diriger Madelipêche, ait la
marge de manoeuvre qu'il faut.
M. Lincoln: Ah, oui!
M. Garon: Je n'ai pas l'intention de lui tenir la main, comme
l'ont fait M. Pépin et M. Gilson, ou comme M. Kirby fait avec M. De
Bané. Je n'ai pas l'intention de faire cela. (12 heures)
M. Lincoln: Là, on revient à Kirby, De Bané,
Gilson; la grande obsession, la petite obsession, l'obsession de toujours. Cela
ne nous intéresse pas. On n'a pas envie de parler de Kirby. On a envie
de parler de votre conseil d'administration. Je ne crois pas que ce soient des
vues étroites. Ce sont des questions qu'il faut poser parce que
l'article du projet de loi dit: Le conseil provisoire est formé de plus
de trois membres dont un président. Vous me dites qu'on va employer des
gestionnaires, des gens qui vont faire la comptabilité. Nous sommes tous
d'accord pour employer des gens qui vont faire fonctionner l'usine, mais, dans
tous les conseils d'administration, il y a aussi un président, un
secrétaire et un trésorier. Ces gens-là sont des
employés à temps partiel ou à temps plein. J'ai envie de
savoir. Il y a maintenant un président. Il y a maintenant un
trésorier. Il y a maintenant un secrétaire. Est-ce que, par la
loi, ils seront limogés? Est-ce que vous les remplacez? Est-ce que le
même président demeure? Ce sont des questions tout à fait
valables.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Il y a des distinctions que vous ne faites pas
actuellement. Le secrétaire de la compagnie peut être un membre du
conseil d'administration et il peut être quelqu'un qui n'est pas membre
du conseil d'administration.
M. Lincoln: Je suis tout à fait d'accord.
M. Garon: Alors, qu'est-ce que vous voulez savoir?
Le Président (M. Rancourt): M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: Ce que je vous demande, c'est ce qui arrive aux
officiers de la compagnie? Ce sont des officiers, le président, le
secrétaire et le trésorier. S'ils sont des officiers de la
compagnie, comme je pense qu'ils le sont maintenant selon les statuts de
Madelipêche, qu'est-ce qui leur arrive? C'est ce que je vous demande. Je
sais qu'ils peuvent être un ou l'autre.
M. Garon: Ce qui est enlevé, c'est le conseil
d'administration actuel, mais pas les officiers de la compagnie.
M. Lincoln: Mais vous dites "dont un président".
M. Garon: Oui.
M. Lincoln: Vous en parlez vous-même dans le projet de
loi.
M. Garon: Le président du conseil d'administration.
M. Lincoln: Ah bon! Le président du conseil
d'administration. Alors, les officiers de Madelipêche qui sont maintenant
en place, le président de la compagnie, le secrétaire et le
trésorier qui sont en place maintenant, qu'est-ce qui arrive avec
eux?
M. Garon: Ils ne sont pas affectés par le conseil
d'administration. C'est le conseil d'administration.
M. Lincoln: Parmi ces trois officiers, vous allez nommer un
président du conseil d'administration et tous seront employés
à temps partiel. Est-ce bien cela?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Essentiellement, oui, ils vont être à
temps partiel.
M. Lincoln: Et ils vont prendre des décisions quant
à tous le officiers de la compagnie: le président, le
secrétaire et le trésorier de la compagnie qui sont là
maintenant.
M. Garon: M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Je vais vous dire une chose. En 1982, le conseil
d'administration de Madelipêche s'est réuni deux fois. Il ne sera
pas difficile de faire mieux pour le conseil provisoire qui sera formé
par ce projet de loi.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Cela n'a rien à voir avec ma question. Tout ce
que je vous ai demandé, c'est une question très précise.
Qu'est-ce qui arrive avec les officiers de Madelipêche qui ont
été nommés au présent conseil d'administration? Il
y a des officiers qui ont été nommés, qui signent des
chèques, qui ont tous les pouvoirs des officiers d'une compagnie. Est-ce
qu'ils seront limogés? Quelle est votre intention? N'auriez-vous
même pas pensé à cela? C'est cela qu'on veut savoir? Je
crois que c'est une question pertinente.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Ils ne seront pas limogés par le projet de loi.
Qu'est-ce que le projet de loi dit? Voyons tous les articles.
M. Lincoln: D'accord.
M. Garon: J'espère que vous l'avez lu jusqu'au bout.
M. Lincoln: J'ai envie de savoir.
M. Garon: Il n'est pas tellement long. Il y a treize articles.
C'est seulement le conseil d'administration qui est remplacé...
Une voix: Qui est suspendu provisoirement.
M. Garon: ...qui est suspendu provisoirement. Mais les autres
personnes ne sont pas affectées à l'heure actuelle. Si le conseil
provisoire estime qu'il y a des gens qui n'ont pas les qualifications
nécessaires, il lui appartiendra de prendre les décisions. Je
n'ai pas l'intention d'évaluer à l'avance les gens qui sont dans
la compagnie.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Est-ce que vous pouvez me dire si, dans le mandat du
nouveau conseil d'administration, cela ne pourrait pas provoquer la faillite de
Pêcheurs Unis du Québec? Il serait bien facile pour le conseil
d'administration de Madelipêche de provoquer la faillite de
Pêcheurs Unis. Est-ce que ce sera une des conséquences directes du
projet de loi no 23?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Pourquoi?
M. Lincoln: Si le conseil
d'administration de Madelipêche, par exemple, laissait toutes les
dettes. Il y a maintenant une espèce de protection fictive des dettes.
C'est sûr qu'il n'y a pas assez d'actifs dans Madelipêche et
Pêcheurs Unis ensemble pour survivre sans aides fictives. Est-ce que ce
sera une des choses dans votre idée?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Non. S'il y avait une faillite de Pêcheurs Unis,
ce sont les actions de Pêcheurs Unis qui tomberaient dans la
faillite...
M. Lincoln: C'est sûr.
M. Garon: ...actions que Pêcheurs Unis détient dans
Madelipêche.
M. Lincoln: C'est sûr.
M. Garon: À ce moment-là... Madelipêche est
une entité à part. Nous ne souhaitons pas que la faillite de
Pêcheurs Unis entraîne celle de Madelipêche, si faillite il y
a.
Le Président (M. Rancourt): M. le
député.
M. Lincoln: Est-ce que vous souhaitez la faillite de
Pêcheurs Unis?
M. Garon: Je ne me suis jamais prononcé sur Pêcheurs
Unis comme tel parce que je considère que la décision relative
à Pêcheurs Unis appartient aux coopérateurs. Si les
coopérateurs décident de faire vivre Pêcheurs Unis, je
travaillerai avec Pêcheurs Unis. S'ils décident de ne pas faire
vivre Pêcheurs Unis, je travaillerai avec ce qu'ils vont décider.
J'ai enseigné le droit des coopératives à
l'Université Laval. Je suis peut-être un de ceux qui ont fait le
plus de travail pour que le droit des coopératives soit une
matière d'examen au barreau pour que les futurs avocats connaissent le
droit des coopératives. Je suis le premier qui ai offert un cours de 45
heures sur le droit des coopératives à l'Université Laval.
Il y a une base dans le droit des coopératives, une loi fondamentale,
c'est que les décisions, ce sont les membres qui les prennent. Je ne
choisis pas les gens. Je ne choisis pas à la place des
coopérateurs ce qu'ils vont faire. Quand on donne une aide
financière, on peut poser des conditions. Quand les gens sont venus me
voir au bureau, ils ont parlé d'une fédération. J'ai dit:
Là-dessus, je ne veux pas me prononcer. Les pêcheurs me l'ont
demandé: Seriez-vous prêt à ceci? Qu'est-ce que vous pensez
de cela? C'est votre décision, ai-je dit. Vous voulez former des
coopératives régionales, vous voulez avoir une
fédération, c'est à vous de décider cela. Si vous
voulez avoir une coopérative régionale, c'est à vous de
décider, ce n'est pas à moi. Si vous décidez que vous
allez en faire une, on peut vous donner un coup de main, ou on peut refuser
selon... et on a fait une lettre d'offre avec des conditions d'aide
financière à une coopérative qu'ils avaient
décidé de former. Maintenant, si un certain nombre de
coopératives décident de faire une fédération, ce
n'est pas à moi de décider cela, c'est aux pêcheurs. J'ai
toujours été très clair là-dessus. J'ai dit
à plusieurs reprises aussi que je ne devais en aucune façon
décider de l'avenir de Pêcheurs Unis. Ce n'était pas
à moi de décider. Je veux que cela soit très clair. Je ne
prends pas de décision à la place de Pêcheurs Unis.
M. Lincoln: Excepté de mettre en tutelle ses actions dans
Madelipêche.
M. Garon: Oui, parce que c'est différent.
Mme LeBlanc-Bantey: ...les travailleurs des Îles.
M. Garon: C'est différent. Je ne sais pas si vous
connaissez bien les Îles-de-la-Madeleine. Je peux vous dire une chose et
mon jugement vaut ce qu'il vaut, mais en tout cas. Mon sentiment personnel,
pour être allé plusieurs fois aux Îles-de-la-Madeleine et
avoir parlé avec beaucoup de personnes et avec les dirigeants
mêmes de Pêcheurs Unis: Pêcheurs Unis n'attire pas beaucoup
d'adhésions aux Îles-de-la-Madeleine. Je ne le pense pas. C'est
déplorable, parce que j'aimerais même qu'il y ait un mouvement
coopératif plus fort aux Îles-de-la-Madeleine, sauf que je n'ai
jamais senti une adhésion populaire à Pêcheurs Unis aux
Îles-de-la-Madeleine. Il y a d'autres coopératives. Il y a la
coopérative de Gros-Cap, une coopérative de homard. J'ai
rencontré des gens, et j'ai senti un sentiment d'appartenance à
cette coopérative, des gens qui en sont membres. Auprès de
Pêcheurs Unis, il faut dire que les gens de Pêcheurs Unis
eux-mêmes m'ont déjà demandé en réunion
pourquoi il n'y avait pas plus de sentiment d'adhésion des gens des
Îles-de-la-Madeleine en faveur de Pêcheurs Unis.
Cette coopérative aurait aimé avoir un plus grand appui
populaire; mais les intéressés sentaient qu'ils n'avaient pas un
grand appui populaire à l'endroit de Pêcheurs Unis aux
Îles-de-la-Madeleine. C'est une réalité. C'est mon
évaluation. Je pense que c'est la réalité, le mouvement
des pêcheurs unis n'a pas suscité l'adhésion des
Madelinots. À tort ou à raison, ce n'est pas à moi de
décider. On peut prendre cela comme un fait. Dans les faits, le
mouvement
coopératif des pêcheurs unis, je ne parle pas des autres,
n'a pas suscité l'adhésion des gens. Cela ne veut pas dire que la
coopération est mal vue aux Îles-de-la-Madeleine. Il y a d'autres
types de coopératives. Si vous regardez, il y a des coopératives
de consommation. Il y a quatre magasins coopératifs de détail. Il
y a une coopérative de transport. Il y a une coopérative qui met
du homard en boîte. Il y a les caisses populaires. Il y a des
coopératives.
Mais, vis-à-vis de Pêcheurs Unis, il n'y a jamais eu de
sentiment d'adhésion depuis 1980, depuis que je suis ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, je n'ai jamais senti
cela.
Le Président (M. Rancourt): Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Très rapidement, j'avais dit que je
corrigerais mon collègue s'il ne reflétait pas bien l'opinion des
Madelinots. Ce que je vais dire, c'est que non seulement le mouvement de la
coopération existe encore aux Îles, mais il a été
très fort, il a été à la base de l'économie
des Îles dans la consommation, dans le transport et dans les
pêches. Si Pêcheurs Unis ne suscite pas d'adhésion -
là-dessus mon collègue a entièrement raison -s'il y a une
profonde méfiance chez les Madelinots par rapport à
Pêcheurs Unis du Québec, c'est qu'il y a déjà trois
ou quatre décennies, Pêcheurs Unis s'est installé aux
Îles et les Madelinots se sont fait faire des coups comme celui que
Pêcheurs Unis nous a fait, encore une fois, dans Madelipêche. C'est
vrai qu'il y a énormément de réticence aux Îles
à l'égard de Pêcheurs Unis et une des raisons pour
lesquelles les travailleurs et les pêcheurs sont entièrement
d'accord avec ce projet de loi, c'est parce qu'ils ne voulaient plus de
Pêcheurs Unis du Québec dans leur usine. Ils s'en méfiaient
déjà, mais leurs dernières actions ont confirmé
qu'ils avaient raison de se méfier. (12 h 10)
Cela étant dit, M. le Président, on aura l'occasion - j'en
suis sûre - de régler le mieux possible le problème de
Pêcheurs Unis en dehors des Îles et mêmes aux Îles si
les pêcheurs veulent relancer une coopérative, mais j'aimerais
bien qu'on revienne à Madelipêche, parce que c'est l'urgence
d'aujourd'hui.
M. Lincoln: Mme la ministre, je...
M. Garon: Je voudrais ajouter quelque chose, M. le
Président.
M. Lincoln: M. le Président...
Le Président (M. Rancourt): Oui, M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: ...je serais tout à fait d'accord avec Mme la
ministre. J'aurais voulu revenir au projet de loi, mais essayer de
séparer Pêcheurs Unis de Madelipêche et dire que ce sont
deux animaux tout à fait séparés quand l'un possède
le contrôle de l'autre, c'est rêver en couleur. L'un possède
l'autre. Tout ce que je veux dire, c'est que je n'ai aucune intention de dire
ici qu'on défend ou qu'on ne défend pas Pêcheurs Unis. Tout
ce que je veux, c'est assurer les protections que chaque corporation au Canada
et au Québec a selon la loi, la Loi sur les compagnies, qui
protège toutes les sociétés, incluant Pêcheurs Unis
du Québec, incluant Madelipêche; c'est cela, notre point de vue.
On dit: S'il y a quelque chose qui ne va pas, qu'on se serve des tribunaux,
qu'on se serve de la légalité. C'est ce que j'ai voulu dire. Je
n'ai pas envie de défendre Pêcheurs Unis ici plutôt que
n'importe quelle autre corporation. J'aurais voulu qu'on revienne à
l'article 3 et qu'on en finisse.
Le Président (M. Rancourt): Bien. J'y suis. Donc...
M. Garon: Nous sommes prêts à voter sur l'article
3.
Le Président (M. Rancourt): ...l'article 3 est-il
adopté?
M. Lincoln: Sur division.
Le Président (M. Rancourt): Adopté sur
division.
Mme LeBlanc-Bantey: ...toute la division qu'on vous
connaît.
M. Lincoln: Sur division.
Le Président (M. Rancourt): Donc, j'appelle l'article 4.
L'article 4 est-il adopté?
M. Lincoln: Qu'allez-vous faire avec "le conseil provisoire peut
prendre toutes les mesures qu'il juge appropriées"? Est-ce que le
conseil provisoire - parce que vous allez contrôler pour le conseil
provisoire... C'est sûr que vous pouvez nous dire qu'il est
indépendant. Le fait est qu'il n'est pas indépendant. Il est en
tutelle. Il fera ce que vous voudrez. Que va-t-on faire pour la protection des
intérêts des créanciers, surtout les petits
créanciers là-dedans?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Je pense que c'est plutôt plus loin qu'on parle
de cette question, à l'article 7 surtout, quand on parle de
l'exécution de toute obligation de la compagnie
Madelipêche. À l'article 4...
M. Lincoln: On dit: "Le redressement de sa situation
financière". Il pourrait peut-être prendre des décisions
qui vont aller à l'encontre des intérêts financiers par la
perception des choses qu'on...
M. Garon: Non. Je pense qu'une des premières
tâches...
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: ...du conseil d'administration va être de prendre
action pour se payer 2 700 000 $, je veux dire de reprendre les
activités de pêche. La première tâche est de
reprendre les activités de pêche, louer les bateaux, demander les
permis, ouvrir l'usine et, en même temps, confier un mandat à un
avocat - d'abord, si c'est possible, sans poursuite judiciaire et, si ce n'est
pas possible, avec poursuite judiciaire - pour se faire payer l'argent qui lui
est dû.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Allez-vous faire - dans ce plan de redressement de la
situation financière - une évaluation tout à fait
objective de la valeur des six chalutiers que vous avez saisis? C'est
sûrement un actif. Vous l'avez pris. Vous l'avez saisi. Là, vous
dites: Cela ne vaut pas 8 000 000 $. Cela vaut 2 300 000 $ de l'achat. Cela
vaut quelque chose. Va-t-on situer cette chose? Va-t-on la prendre en
considération, parce qu'aujourd'hui on dit que ces chalutiers valent 7
000 000 $, 8 000 000 $ ou 10 000 000 $? Dans le cas où on ferait une
poursuite, allez-vous prendre cela en considération? Êtes-vous
prêt à faire des évaluations objectives sur la valeur de
ces bateaux? Sûrement que cela compte sur l'échiquier. Vous avez
pris des actifs.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Je peux vous dire, si cela peut vous rassurer, que si
la situation de Madelipêche devient régulière on va
revendre les bateaux à Madelipêche au même prix. On n'a pas
fait une vente de bateaux pour faire une piastre. Ce n'est pas cela. C'est
parce que les bateaux n'étaient pas payés depuis un an. On ne
faisait aucun paiement. Il y avait au-dessus de 300 000 $ qui étaient
dus. Le but de la vente des bateaux à SOQUIA n'était pas de faire
de l'argent en revendant les bateaux, mais plutôt d'essayer de faire une
reprise des activités d'une façon différente, parce que
Madelipêche n'était pas dans la situation financière pour
le faire. À moyen terme ou même à court terme, selon ce qui
va se passer dans les relations avec Pêcheurs Unis et avec la perception
des 2 700 000 $, il n'est pas impossible aussi que les bateaux soient tout
simplement retournés à Madelipêche.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Ma question était bien simple, M. le
ministre....
M. Garon: Oui.
M. Lincoln: ...et j'aimerais que vous y répondiez. Est-ce
que vous êtes prêt à faire une évaluation objective
de la valeur de ces bateaux actuellement pour qu'on sache où on se situe
par rapport à votre saisie, par rapport à la valeur de cet actif.
C'est un actif qui compte beaucoup d'argent ou peu d'argent, d'après
vous, alors il faudrait savoir où on se situe.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: En temps utile, oui.
M. Lincoln: Mais est-ce que le temps n'est pas utile
maintenant?
M. Garon: Non, cela ne donnerait rien de plus.
M. Lincoln: Cela donnerait beaucoup de choses aux gens qui
possédaient des bateaux avant de savoir si, par exemple, ces bateaux
valent 8 000 000 $ ou 10 000 000 $ par rapport au....
M. Garon: Non, non.
M. Lincoln: Si vous avez peur, pourquoi n'en faites-vous pas une
évaluation objective?
M. Garon: Bien oui, mais...
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Devenons sérieux. Les bateaux ne sont pas des
arbres; ils ne grandissent pas avec les années.
M. Lincoln: Ah! Je ne savais pas. Excusez, merci de me l'avoir
dit.
M. Garon: Alors, en 1976, on a acquis les bateaux avec les actifs
terrestres pour 2 000 000 $. On les a revendus environ 2 000 000 $ en 1978, au
même prix qu'on les avait acquis en 1977. Les bateaux n'ont pas pris de
valeur, voyons donc! Les bateaux
s'usent avec le temps.
M. Lincoln: M. le ministre, le coût de construction des
bateaux...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Lincoln.
M. Nelligan: ...a monté en flèche.
M. Garon: Si je peux vous dire une chose, les gens des Îles
savent que dans l'administration de Madelipêche ils ont rouillé
davantage que dans le temps de Gorton. Alors un bateau, cela s'use; c'est comme
un être humain; cela vieillit et, à un moment donné, le
bateau est fini. Alors des bateaux qui valaient 2 000 000 $ en 1977, qui ont
été vendus 2 000 000 $ en 1978, ne valent pas plus en 1983...
M. Lincoln: C'est votre évaluation des choses.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Garon: Non, non; ce n'est pas mon évaluation des
choses. Il y a quand même...
M. Lincoln: Je ne suis pas prêt à accepter votre
évaluation parce qu'il y a d'autres gens qui disent que le coût de
construction des gros chalutiers aujourd'hui a monté en flèche,
que ces bateaux valent beaucoup plus maintenant. Alors, tout ce qu'on vous
demande, c'est de faire une évaluation pour qu'on sache où on se
situe. Ce n'est pas une affaire qui coûtera de grandes fortunes. C'est
une affaire que beaucoup d'experts maritimes peuvent faire bien vite. C'est ce
qu'on vous demande comme partie de toute cette affaire de plan de redressement
financier. Sûrement que ce n'est pas quelque chose d'impossible à
faire ou à vous demander.
M. Garon: M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Le député peut peut-être
vérifier auprès d'un autre propriétaire de bateaux qui a
des seines à hareng à vendre. Vous lui demanderez combien cela
coûte pour en faire bâtir un. Actuellement, il essaie de les vendre
depuis un an et demi. Combien peut-il obtenir pour les seines à hareng
qu'il possède? Vous verrez qu'entre la valeur de remplacement et la
valeur marchande, dans le domaine maritime, il y a une grande
différence. Vous avez vu le Sieur-D'Amours qui a été vendu
par la Société des traversiers du Québec pour très
peu d'argent. Quant à la valeur de remplacement, si on rebâtissait
ce bateau aujourd'hui, cela coûterait beaucoup plus cher que le prix
auquel il a été vendu. Tout le monde sait qu'une valeur marchande
et une valeur de remplacement, ce sont deux choses complètement
différentes. Les bateaux, en termes de valeur de remplacement, c'est
évident qu'ils valent plus cher que le montant auquel ils ont
été vendus, mais en termes de valeur marchande, c'est une autre
affaire.
Je vais vous dire une chose. Le ministre fédéral a dit
qu'ils valaient 10 000 000 $. Si on avait une offre de 10 000 000 $, on la
considérerait très sérieusement.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Ce serait intéressant, si vous aviez une offre
de 10 000 000 $, de voir ce que vos conseillers en tutelle feraient.
M. Garon: Pas les permis, mais les bateaux tout seuls...
M. Lincoln: Oui, les bateaux.
M. Garon: ...une offre de 10 000 000 $, je peux vous dire qu'on
peut être vendeur assez rapidement.
M. Lincoln: Dans le deuxième paragraphe de l'article 4,
quel besoin y a-t-il d'insérer ce deuxième paragraphe dans la loi
de toute façon. Selon la loi 36, la compagnie doit faire cela de toute
façon parce que vous avez un plan de modernisation qui la force, au 1er
janvier 1985, à faire ces choses. Qu'est-ce que vous avez à nous
répéter cela dans la loi? C'est déjà la loi qui
contrôle toutes les entreprises.
M. Garon: C'est parce qu'on ne sait pas - je l'ai dit
tantôt - combien de temps exactement durera la tutelle et que les
exigences de la loi doivent être appliquées à partir du 1er
janvier 1985. Si les gens qui seront au conseil d'administration provisoire
pensent qu'ils sont là uniquement pour exercer une tutelle, sans aucun
autre mandat, on pourrait se retrouver avec une usine qui ne se conformerait
pas aux normes au 1er janvier 1985. Rien n'aurait été
préparé dans ce sens. C'est pourquoi, dans le mandat prévu
par la loi, il y a la modernisation des usines de Madelipêche pour
satisfaire les objectifs de la loi. C'est fondamental, c'est aussi l'une des
raisons de cette action. Je vais vous dire une chose, je l'ai dit aussi dans le
cas de Madelipêche et dans le cas des usines de Pêcheurs Unis: Nous
n'attendrons pas. C'est clair? M. Kirby n'est pas plus fort que
l'Assemblée nationale.
Il y a une loi qui a été votée qui dit que le 1er
janvier 1985 les usines doivent être modernisées. (12 h 20)
M. Blank: Ce n'est pas dans cette loi-ci.
M. Garon: Nous n'attendrons pas que M. Kirby s'instruise. On va
agir clairement par la loi. La modernisation des pêches au Québec
ne sera pas mise en échec parce que... Les pêcheurs le savent
à tel point qu'actuellement ils discutent pour l'acquisition des actifs
de Pêcheurs Unis dans les coopératives régionales. Si c'est
non, ils reviennent et on discute de projets de construction neuve et on laisse
les actifs de côté.
M. Lincoln: Vous revenez toujours à M. Kirby. On va
terminer votre affaire. Je vous ai posé une question très
précise parce que la modernisation est indiquée à
l'article 4. Ne revenez pas sur Kirby, sur De Bané et tout le reste,
ça ne nous intéresse pas du tout votre obsession de Kirby. Tout
ce qu'on vous demande, c'est si le fait même d'inclure ce paragraphe est
un indicatif de la durée du conseil provisoire. Est-ce que vous pensez
garder en place le conseil provisoire jusqu'à la date d'entrée en
vigueur du plan de modernisation, le 1er janvier 1985? Est-ce que cela indique
un peu vos vues? Est-ce que les deux sont reliés?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Non. Le premier objectif, c'est d'ouvrir les usines
pour que la pêche commence immédiatement; ensuite, qu'on se fasse
payer ce qui est dû à Madelipêche et, en même temps,
qu'on commence à préparer les plans de modernisation de
l'entreprise. Ce que je souhaiterais, je vais vous le dire très
franchement, c'est que les travaux de modernisation commencent à
l'automne. Quand l'entreprise va fermer à l'automne, il faudrait qu'on
commence la construction. J'espère qu'entre-temps tout le débat
avec Pêcheurs Unis va être réglé et j'ai de bonnes
raisons de croire qu'il va l'être.
Je sais que les gens de Rivière-au-Tonnerre et de Newport n'ont
pas l'intention d'attendre. Ils veulent diriger leur entreprise. Je n'ai pas eu
de rapport encore, mais on m'a dit qu'il y avait eu des réunions aussi
à Rivière-au-Renard en fin de semaine. Les gens veulent diriger
leur entreprise et ils savent que le gouvernement du Québec est d'accord
avec eux dans ce sens.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Vous dites qu'une des premières choses que le
conseil provisoire fera, ce sera d'engager un avocat pour essayer de
récupérer les 2 700 000 $ de Pêcheurs Unis. Cela peut
prendre un peu de temps parce que je suis certain que, de l'autre
côté, il y aura des avocats. En attendant, est-ce que le ministre
peut nous dire quel est le montant des dettes de la compagnie dues à des
créanciers ordinaires? Combien la compagnie doit-elle au "trade", comme
on dit, aux créanciers ordinaires?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Les créances ordinaires? Environ 1 200 000
$.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Qu'arriverait-il si un ou plusieurs créanciers
prenaient une requête en faillite contre la compagnie. - Il n'y a rien
dans la loi qui empêche cela - ou effectuaient des saisies
d'équipements, d'usines? Quelle garantie a-t-on pour des gens qui ont
droit à leur argent, comme la compagnie a droit à de l'argent de
Pêcheurs Unis... Il n'y a pas un article dans la loi qui empêche
des procédures contre la compagnie par de tierces parties qui ont droit
à leur argent? Qu'arriverait-il? Vos 2 000 000 $ ne seraient pas
suffisants. Vous ne pouvez pas avoir un fonds de roulement et aussi payer ces
créanciers. Toute l'affaire peut tomber en faillite, comme l'a
mentionné le député de Nelligan, ou peut-être est-ce
l'intention du comité provisoire de faire une proposition suivant la loi
des faillites, je ne sais pas?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: C'est évident qu'un des rôles du conseil
d'administration sera de discuter avec les créanciers.
M. Blank: Si les créanciers ne veulent pas conclure une
entente? Si les créanciers ne veulent pas accepter la proposition et
réclament leur argent?
Mme LeBlanc-Bantey: Le problème... M. Garon: Oui,
mais...
M. Blank: C'est le gouvernement qui investira encore de l'argent
comme dans le cas de Quebecair?
Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce que ce sont les pêcheurs qui
vous intéressent ou les créanciers?
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le
ministre.
M. Garon: Je dirai au député de... M. Blank:
Saint-Louis.
M. Garon: ...Saint-Louis, qui s'intéresse soudainement aux
pêches...
M. Blank: Oui, dans mon comté, j'ai le plus grand magasin
de pêche au Canada.
Mme LeBlanc-Bantey: Pas aux pêches, aux
créanciers.
M. Garon: C'est justement pour éviter cela que nous
voulions transférer les bateaux et les actifs terrestres à une
nouvelle compagnie avec SOQUIA. C'est le gouvernement fédéral qui
l'a empêché, M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: M. le ministre, vous êtes avocat, vous savez
qu'il y a dans le Code civil une action...
M. Garon: Oui.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Blank: Cela va déranger votre affaire de transfert.
Le Président (M. Rancourt): Est-ce que l'article 4 est
adopté?
Des voix: Adopté.
M. Blank: Sur division.
Le Président (M. Rancourt): Adopté sur division.
J'appelle l'article 5. M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: Qu'est-ce qui nuirait à votre loi de tutelle
d'aviser les actionnaires ou de demander l'approbation des actionnaires?
Après tout, à la SDI, ce sont des actionnaires à 49%.
Pourquoi mettez-vous cela dans le projet de loi? Est-ce que vous visez purement
Pêcheurs Unis par l'article 5?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Lincoln: M. le ministre, est-ce qu'on continue ou si on
arrête là?
M. Garon: Oui.
M. Lincoln: Je vous ai posé une question sur l'article
5.
M. Garon: Je suis en train de lire l'article 5.
M. Lincoln: Ah bon!
M. Garon: Je veux répondre intelligemment à votre
question.
M. Lincoln: Vous ne l'avez pas encore lu?
M. Blank: Vous n'avez pas encore lu le projet de loi?
M. Garon: Quand vous me posez une question sur un article, je
commence par le lire.
Mme LeBlanc-Bantey: La question est intelligente.
M. Lincoln: Il n'y a que trois ou quatre lignes et vous ne l'avez
pas encore lu.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Garon: Vous comprenez le problème au fond. Une
assemblée d'actionnaires... 51% des actions appartiennent à
Pêcheurs Unis mais, dans le fond, c'est le gouvernement du Québec
qui a mis tout l'argent dans cette entreprise. C'est le gouvernement du
Québec qui a consenti des prêts sans intérêt pour les
bateaux. C'est le gouvernement du Québec qui a payé les
déficits pendant quatre ans. C'est le gouvernement du Québec qui
s'est occupé de tout le fonctionnement. C'est le gouvernement du
Québec qui avancera l'argent pour le fonds de roulement.
Essentiellement, en 1978, Pêcheurs Unis a acheté 153 000 $
d'actions. Le gouvernement du Québec a mis des millions de dollars dans
l'entreprise. Aujourd'hui, on ne peut pas considérer qu'on est devant
une entreprise, une compagnie normale. C'est une compagnie qui a
été créée par le gouvernement du Québec et
on a confié la gestion à Pêcheurs Unis en lui donnant 51%
des actions, mais le comportement qu'elle a eu vis-à-vis de
Madelipêche n'est pas un comportement de bon père de famille.
C'est évident que si on nomme un conseil d'administration
provisoire et qu'en même temps on se retrouve dans la même
situation par des réunions d'actionnaires, il faut y avoir une
disposition qui prévoit que le conseil provisoire pourra fonctionner et
faire des réorganisations possibles dans l'entreprise. Tout cela ne
pourra se faire que sur l'approbation du gouvernement cependant.
M. Lincoln: Quand vous parlez de
l'approbation du gouvernement, c'est le gouvernement qui met en tutelle
les administrateurs. Les administrateurs ont tous les pouvoirs dans votre
ministère de faire ce qu'ils veulent. De quelle approbation du
gouvernement parlez-vous?
M. Garon: Pardon?
M. Lincoln: De quelle approbation du gouvernement parlez-vous? Le
conseil d'administration est nommé par...
M. Garon: "Toutefois un règlement adopté suivant
l'article 55, 57 ou 58 de la Loi sur les compagnies ne peut entrer en vigueur
sans l'approbation du gouvernement."
M. Lincoln: Ah bon! Que voulez-vous? Avez-vous regardé les
articles 55, 57 ou 58? Cela concerne les changements d'actions ou la
réduction du capital de la compagnie. Cela veut dire que tout le reste
de la Loi sur les compagnies est suspendu. Pouvez-vous me dire pourquoi, si
cela dit: "Toutefois un règlement adopté suivant..."
M. Garon: La Loi sur les compagnies s'applique
complètement...
M. Blank: Sauf que les trois administrateurs peuvent faire ce
qu'ils veulent. Ils n'ont pas besoin de demander aux actionnaires qui
étaient les vrais propriétaires. C'est-à-dire que
maintenant, ce sont trois personnes qui ont 100% du vote et qui peuvent faire
ce qu'elles veulent contrairement à la Loi sur les compagnies. Selon la
Loi sur les compagnies, les actionnaires sont les patrons du conseil
d'administration. Le conseil d'administration suit les instructions des
détenteurs d'actions. Ici les trois personnes suivent les instructions
du gouvernement parce qu'elles sont vraiment propriétaires des actions
à 100%.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Vous savez comme moi, M. le Président et le
député de Saint-Louis aussi, qui fait baroud d'honneur, que dans
les entreprises, ceux qui ont le pouvoir, ce sont les gens du conseil
d'administration et qu'essentiellement...
M. Blank: Nommé par les actionnaires.
M. Garon: ...le rôle des actionnaires, c'est de les
nommer.
M. Blank Ou de les destituer s'ils ne suivent pas leurs
instructions.
M. Garon: C'est cela. (12 h 30)
M. Lincoln: Je suis très étonné d'entendre
le ministre dire que dans les corporations le pouvoir soit détenu par le
conseil d'administration. Généralement, le conseil
d'administration suit les directives des actionnaires contrôleurs des
actions. Vous allez me dire que, dans n'importe quelle compagnie, le conseil
d'administration contrôle. À ce moment-là, il faudrait
peut-être voir si, à Domtar, le conseil d'administration
contrôle la Caisse de dépôt et placement et le gouvernement
du Québec ou vice versa. C'est une phrase que vous dites, M. le
ministre, parce que, en fait, les actionnaires contrôleurs
contrôlent toutes les compagnies. Ce sont eux qui nomment le conseil
d'administration, comme vous l'avez bien dit, et ils le destituent aussi quand
il ne fait pas leur affaire. Les actionnaires sont maîtres. C'est
là la clé.
Vous dites que la Loi sur les compagnies s'applique. Elle s'applique
sauf sur le point fondamental de la Loi sur les compagnies qui dit que les
actionnaires sont maîtres de leurs actions, qu'ils sont maîtres de
nommer le conseil d'administration, qu'ils sont maîtres de nommer les
officiers de la compagnie, qu'ils sont maîtres de changer les objectifs
de la compagnie, de changer sa charte, de changer sa direction, de tout faire.
C'est exactement cela, le noeud du litige: vous suspendez le pouvoir des
actionnaires. Pouvez-vous me dire si vous allez au moins aviser les
actionnaires? Là, vous visez Pêcheurs Unis, vous ne visez pas la
SDI, c'est le gouvernement. Allez-vous, au moins, aviser les actionnaires de
toutes les décisions que vous allez prendre par le conseil en
tutelle?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Ce n'est pas moi qui vais prendre les décisions,
c'est le conseil d'administration provisoire.
M. Lincoln: On parle de la loi. "Un règlement
adopté par le conseil provisoire ne requiert pas la ratification ou
l'approbation des actionnaires." Vous allez me dire: Ce n'est pas moi, c'est le
conseil provisoire. Le conseil provisoire, c'est vous. C'est vous qui le
nommez, le conseil provisoire. Est-ce que le conseil provisoire va agir
contrairement à vos intentions? C'est sûr que c'est vous, le
conseil provisoire. Vous pouvez le changer quand vous voulez, vous pouvez en
nommer d'autres s'ils ne font pas votre affaire. C'est vous et le conseil
provisoire. Ils seront vos représentants. Ce ne sera pas
vous-même, personnellement, mais ils vous représenteront.
Au moins, le conseil provisoire va-t-il aviser les actionnaires des
décisions qu'il va prendre par rapport aux actifs des
actionnaires? C'est ce que je vous demande. Si vous n'êtes pas
prêt à leur demander leur ratification ou leur approbation,
allez-vous, au moins, les aviser avant de prendre des décisions qui vont
toucher leurs actifs? C'est ce qu'on vous demande.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Au fond, il y a deux actionnaires: Pêcheurs Unis
et la Société de développement industriel. Le but de la
loi est de protéger Madelipêche contre des décisions
malencontreuses que pourrait prendre Pêcheurs Unis vis-à-vis de
Madelipêche qu'il était en train de siphonner. C'est un peu le but
de la loi. À toutes fins utiles, Pêcheurs Unis serait actuellement
en liquidation si le gouvernement fédéral n'était pas venu
dire: Je vais vous donner une garantie de prêt en attendant que M. Kirby
ait fait son rapport. C'est cela, la réalité. N'essayons pas de
dire qu'on est dans une situation normale, où tout fonctionne
normalement: Pêcheurs Unis a un compte en banque, un fonds de roulement,
etc.
Je m'étonne un peu. Vous avez vu le télégramme de
M. De Bané. On vient de nommer un tuteur à Pêcheurs Unis;
ce n'est pas son rôle. Il parle d'une garantie de 3 000 000 $. Il n'a pas
donné un cent, il a garanti 3 000 000 $. Il vient de nommer un tuteur.
Il vient de nommer le directeur général de Pêcheurs Unis,
une coopérative. Là, l'Opposition ne dit rien. On intervient dans
la direction... Écoutez, c'est écrit dans le
télégramme.
Une voix: Où cela?
M. Garon: On vient de nommer un M. Laferrière ou
Laperrière.
M. Lincoln: Est-ce qu'on va faire le procès de M. De
Bané et son télégramme ou si on parle de la loi? Si le
ministre recommence avec Kirby et De Bané, on va faire traîner
cette loi et, après, c'est lui qui en subira les conséquences. Je
n'ai pas envie de discuter de M. Kirby, de M. De Bané, du gouvernement
fédéral, c'est leur affaire. Ce qu'ils font, eux, ce n'est pas
nous qui le faisons. Je n'ai pas envie de discuter de M. Kirby et de M. De
Bané. Je n'ai même pas encore lu son télégramme. Je
ne sais pas ce qu'il a dit, cela ne m'intéresse pas du tout, son
affaire. S'il pose des gestes et qu'il a tort, cela ne vous donne pas raison
à vous de faire la même chose. Ce n'est pas ce qu'on discute. On
discute si vous avez le droit, vous, de prendre une compagnie et de la mettre
en tutelle. Que cette compagnie soit en faillite ou dans un état normal,
s'il fallait faire la même chose pour toutes les compagnies au
Québec, des compagnies qui ont des problèmes ou qui ont fait des
choses que vous n'acceptez pas ou qui sont anormales, selon vous, à ce
moment-là, il faudrait les aligner et il n'y aurait pas assez de place
sur ces banquettes. Il doit y avoir des milliers de ces compagnies au
Québec et on ne les met pas toutes en tutelle. Ces compagnies ont des
droits légaux, c'est ce qu'on vous dit.
Donc, on vous pose des questions tout à fait normales. Si vous
n'êtes pas prêt à demander l'approbation ou la ratification
de ces actes à Pêcheurs Unis, on vous demande si vous êtes
prêt à les aviser des décisions que vous allez prendre et
qui touchent leurs actifs qui impliquent leurs actifs. Cela n'a rien à
voir avec De Bané et Kirby. On se fout de De Bané et Kirby pour
le moment. On parle du projet de loi no 23.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Je pense que le projet de loi parle par lui-même.
L'article 5 dit: "Un règlement adopté par le conseil provisoire
ne requiert pas la ratification ou l'approbation des actionnaires. Toutefois un
règlement adopté suivant l'article 55, 57 ou 58 de la Loi sur les
compagnies ne peut entrer en vigueur sans l'approbation du gouvernement."
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Cela ne change rien, en fait, M. le ministre. Cela
prend l'approbation du gouvernement parce qu'à l'article 2 vous avez le
droit de destituer ces administrateurs à n'importe quel moment.
M. Garon: C'est cela.
M. Blank: Cela veut dire que vous contrôlez tous les autres
règlements qui ne sont pas soumis à l'approbation du gouvernement
aux articles 55, 57 et 58. C'est-à-dire que vous contrôlez tous
les règlements. Je ne sais même pas pourquoi vous avez
écrit cela, parce que cela ne vaut pas la peine d'être
écrit. En fait, vous contrôlez tous les règlements.
Le Président (M. Rancourt): Est-ce que nous sommes
prêts à adopter l'article 5?
M. Lincoln: J'ai envie d'une réponse catégorique du
ministre. Je lui demande: Est-ce que vous êtes prêt à aviser
les actionnaires de Pêcheurs Unis et les actionnaires contrôleurs
de cette compagnie des décisions que vous allez prendre et qui vont
avoir des implications quant à leurs actifs?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Je n'avais pas l'intention de donner des ordres au
conseil d'administration provisoire. Ce que le député de Nelligan
me reproche, c'est que je vais donner des ordres au conseil d'administration
provisoire. Mais j'ai dit que je ne veux pas lui donner des ordres.
Comprenez-vous?
M. Blank: Vous faites cela avec une "straight face".
M. Garon: Une fois nommé, il va agir comme est
censé agir un conseil d'administration.
Le Président (M. Rancourt): Est-ce que l'article 5 est
adopté?
M. Lincoln: Adopté sur division.
Le Président (M. Rancourt): Adopté sur
division.
J'appelle l'article 6. M. le député de Nelligan.
Une voix: Adopté.
M. Lincoln: Sur division.
Le Président (M. Rancourt): L'article 6 est adopté
sur division.
J'appelle l'article 7. M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: J'aurais voulu discuter des articles 7, 8 et 9 et on
pourrait les adopter, évidemment, séparément après,
parce que les trois touchent le même sujet.
Le Président (M. Rancourt): D'accord. Nous allons discuter
des articles 7, 8 et 9 ensemble et nous les adopterons un après l'autre.
M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: Vous faites une avance de fonds jusqu'à
concurrence de 2 000 000 $. Il y a des prévisions de garanties de
paiement, en fait, illimitées, parce que cela n'est pas indiqué.
Pourrait-on savoir s'il va y avoir un genre de rapport périodique
à l'Assemblée nationale sur les activités du conseil
provisoire? Comment va-t-on savoir de quelle façon l'argent aura
été dépensé? Est-ce que ce sera une autre affaire
de Quebecair où on va se réveiller après et on va savoir
que 20 000 000 $ ont été dépensés en quatre mois?
Quel contrôle va-t-on avoir sur le conseil provisoire, qui est
vous-même, malgré tout ce que vous me dites? C'est vous qui pouvez
les destituer, les nommer. Vous pouvez faire tout ce que voulez avec eux.
Alors, ils vont être indépendants selon vous, mais, selon nous,
ils ne seront sûrement pas indépendants de vous. Quel
contrôle aura-t-on sur ces dépenses? Quel rapport aura-t-on de ces
dépenses? Quand pourra-t-on savoir comment cet argent a
été dépensé et quel montant? Vous avez
jusqu'à concurrence de 2 000 000 $ de fonds avancés à la
compagnie, mais en même temps vous êtes prêt à
garantir le paiement, capital et intérêts, de tout emprunt de la
compagnie. Si c'est une compagnie qui est branlante, quel sera le montant,
quels seront les barèmes? Quel contrôle a-t-on?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, je pense que le
député n'a pas lu le projet de loi au complet, encore une
fois.
M. Lincoln: Je l'ai lu.
M. Garon: Je suis un peu étonné. L'article 9 y
répond entièrement: "Les sommes que le ministre des Finances ou
le gouvernement peut être appelé à payer en vertu des
articles 7 ou 8 sont prises sur le fonds consolidé du revenu."
M. Lincoln: Qu'est-ce que cela a à faire avec cela?
M. Garon: Vous avez le droit de poser toutes les questions que
vous voulez concernant le fonds consolidé du revenu, à savoir
où va l'argent, où est allé l'argent. Vous posez toutes
les questions que vous voulez.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: M. le ministre, si je lis la même chose que
vous avez lue, peut-être que c'est vous qui n'avez pas bien lu votre
projet de loi. Il dit que "le gouvernement peut, en outre, aux conditions qu'il
détermine: garantir le paiement en capital et intérêts de
tout emprunt de la compagnie." Cela ne va pas sortir du fonds consolidé
de la province.
Une voix: C'est jusqu'à concurrence...
M. Lincoln: Cela pourrait être, par exemple, comme vous
l'avez fait avec Quebecair. Vous avez prêté 4 000 000 $ par la
Caisse de dépôt que le gouvernement a garantis. C'est après
qu'on sait la chose.
M. Garon: C'est toujours comme cela.
M. Lincoln: À un moment donné, on est devant. C'est
toujours comme cela. Mais c'est cela qui nous fait peur, parce
qu'après
tout, quand on se réveille, on voit que des millions ont
été engloutis. Alors, cela peut sortir du fonds consolidé
du revenu. On peut poser des questions. Tout ce que je vous demande: Est-ce que
le conseil provisoire va vous faire des rapports périodiques que vous
allez déposer à l'Assemblée nationale pour voir quel genre
de garanties bancaires on donne, combien d'argent est impliqué, ce qui
se passe dans cette affaire, ou si, un jour, on va se réveiller et on va
voir que des millions sont impliqués? C'est cela qu'on veut savoir.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre. (12 h 40)
M. Garon: Le gouvernement ne donne jamais d'avis
antérieurs à l'Opposition ou à l'Assemblée
nationale quand il prend des décisions sur des avances de fonds ou des
garanties de prêts. Nous en avons fait des garanties de prêts. On
en a fait en 1980 dans le crabe. Les usines auraient fermé. On a fait
une garantie pour maintenir des inventaires élevés. Cela n'a pas
coûté un sou au gouvernement. Cela a très bien
marché rendu à l'automne et les gars ont fait de l'argent. On l'a
fait déjà. Occasionnellement, pour régler des situations
temporaires, le gouvernement donne des garanties de prêts. Ce n'est pas
la règle. C'est exceptionnel, mais il le fait occasionnellement. Il n'y
a rien de plus exceptionnel que ce qu'on fait habituellement à ce point
de vue. L'article 7 permet au ministre des Finances, et pas à n'importe
quelle condition... une minute, ce n'est pas de l'argent de "Monopoli" - c'est
marqué: "Le ministre des Finances est autorisé jusqu'à
concurrence de 2 000 000 $ à avancer à la compagnie à un
taux d'intérêt pour la durée et aux conditions qu'il
détermine tout montant jugé nécessaire pour la
réalisation de ses objets et à garantir aux conditions qu'il
détermine le paiement en capital et intérêts de tout
emprunt de la compagnie ou l'exécution de toute obligation de cette
dernière." Il peut, mais il va poser des conditions.
M. Lincoln: Là ce sont 2 000 000 $.
M. Garon: C'est seulement jusqu'à 2 000 000 $.
M. Lincoln: Mais en plus, M. le ministre, si vous continuez
à lire - c'est probablement pourquoi on a mis ces trois articles
ensemble - l'article 8 et si vous lisez l'alinéa 2 de l'article 8, cela
veut dire: "En outre, en plus des 2 000 000 $, le gouvernement peut autoriser
le ministre des Finances à avancer à la compagnie tout montant
jugé nécessaire", c'est-à-dire que cela peut ne pas
être seulement 2 000 000 $; cela peut être 2 000 000 $, 4 000 000
$, 5 000 000 $, 10 000 000 $, 15 000 000 $, comme c'est le cas avec Quebecair
où on a englouti 20 000 000 $ en quatre mois. À ce moment, on se
réveille un jour, c'est aux engagements financiers qu'on le sait... Le
ministre lui-même ne savait pas que 8 000 000 $ avaient été
dépensés en mars; il ne savait pas que c'était en mars
quand on lui a posé des questions. C'est cela qu'on veut savoir. Quel
genre de contrôle, quel genre de rapport il y aura à
l'Assemblée nationale de ces dépenses. Car là ce n'est pas
une situation normale; c'est une situation de compagnie privée que vous
avez mise en tutelle pour la première fois au Québec.
C'est pourquoi on pose ces questions. On a le droit de les poser. Je
pense que ce sont des questions valables. Sûrement que vous avez un ordre
de grandeur. Si le député de Terrebonne n'est pas tout à
fait satisfait, s'il n'est pas satisfait des débats, qu'il prenne son
droit de parole et me pose des questions. Si monsieur est impatient et qu'il
commence à cogner sur le pupitre, cela ne va pas m'effrayer du tout, M.
le ministre.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Blais: M. le Président...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: Je faisais un commentaire -Je m'excuse auprès du
député de Nelligan -que personne n'entendait, qui n'était
pas enregistré. Cependant, vu que vous me demandez de le dire à
haute voix, je vais le faire: c'est que vous dites à peu près
n'importe quoi et n'importe comment, juste pour attirer l'attention pendant que
vous êtes devant la caméra. Vous dites que le ministre des
Transports ne savait même pas quelles étaient les dépenses
de Quebecair. Il l'a dit à peu près 56 fois à la Chambre
et l'a expliqué en détail. Si pendant ce temps vous dormiez, vous
n'écoutiez pas, n'allez pas dire qu'il ne savait pas ce qu'il
disait...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Lincoln: Question de privilège.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît. Il n'y
a pas de...
M. Lincoln: J'ai raconté quelque chose de tout à
fait spécifique. Il m'a traité...
Le Président (M. Rancourt): Je m'excuse, M. le
député de Nelligan. Je m'excuse, M. le député de
Nelligan. Il n'y a pas de question de privilège ici.
M. Lincoln: Il y a une question de règlement, alors. Le
député de Terrebonne a mis des choses dans ma bouche que je n'ai
pas dites du tout. S'il va consulter le journal des Débats, il verra que
c'était lui qui était endormi ce jour là ou qui a mal
écouté.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Lincoln: Parce que le ministre des Transports a admis, et
c'est au journal des Débats, à la suite d'une question tout
à fait spécifique, que 8 000 000 $ avaient été
dépensés en mars alors qu'il croyait qu'ils avaient
été dépensés en avril. C'est pour vous montrer que
ces choses se dépensent bien facilement et sans que le ministre le
sache. C'est là la portée de ma question. Si vous croyez que je
fais du show devant la télévision, le public jugera. J'ai lu
cette loi plus que vous et j'ai le droit de poser les questions que je
veux.
Le Président (M. Rancourt): J'aimerais revenir, s'il vous
plaît, aux articles 7, 8 et 9. S'il vous plaît.
M. Lincoln: C'est une machine à voter.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Blais: Et vous, vous êtes une machine à
roter.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Mme LeBlanc-Bantey: Une machine à De Bané.
Le Président (M. Rancourt): Je pense qu'il nous faut
revenir maintenant aux articles du projet de loi no 23.
M. Blank: Je pense que le député de Terrebonne
comprend le rôle des députés des deux côtés de
la Chambre ici. On est ici pour protéger l'argent des contribuables.
Ici, on donne carte blanche au gouvernement de dépenser jusqu'à
la limite et se on pose des questions à savoir comment on va faire
rapport à la Chambre, à nous les députés, vous et
moi, des deux côtés de la Chambre et comment nous pouvons
contrôler les dépenses de l'État. Ici, on donne un
chèque en blanc. On pose des questions au moins sur la façon de
le savoir. On ne dit pas comment le dépenser. On dit: Au moins,
dites-nous quand vous le dépensez et pour quelle raison? C'était
la question du député de Nelligan et c'est notre devoir des deux
côtés de la Chambre, le vôtre et le mien.
Le Président (M. Rancourt): Sur les articles, s'il vous
plaît.
M. Garon: D'après les règles habituelles, il y a la
commission des engagements financiers aussi où l'Opposition peut poser
toutes les questions qu'elle veut concernant les dépenses du
gouvernement. Si le député de Saint-Louis dit que sa
préoccupation, c'est vraiment les fonds publics, il doit être
content qu'on s'occupe de Madelipêche, parce que si l'argent revient
à Madelipêche, il y a des avances qui ont été faites
pour payer des déficits. Elles vont pouvoir entrer dans les fonds
publics. Elles vont entrer au gouvernement du Québec, parce que c'est
une des raisons pour lesquelles il faut s'occuper de Madelipêche. Des 2
700 000 $, il y a une partie qui revient au gouvernement.
M. Blank: On va voir. On va voir. M. Garon: C'est cela. On
va voir.
Mme LeBlanc-Bantey: Le député de Saint-Louis est
mélangé...
Le Président (M. Rancourt): Mme la
députée.
M. Levesque (Bonaventure): ...entre son appui aux
créanciers et l'argent des contribuables. Espérons
qu'entre-temps, il va se brancher.
M. Blank: Non. J'ai peur parce que quand j'ai parlé...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: J'ai peur que les créanciers détruisent
tout votre projet ici. Il n'y a rien dans la loi qui les empêchent de le
faire. C'est possible qu'un des créanciers puisse détruire la
compagnie et mettre tout le monde dans la rue avec votre projet de loi. Votre
projet de loi est incomplet. Si vous voulez accomplir ce que vous dites, c'est
incomplet.
Mme LeBlanc-Bantey: Les créanciers n'ont aucun
intérêt à faire cela.
M. Lincoln: Sûrement que vous avez un ordre de grandeur du
montant. Vous avez parlé de 7 000 000 $ à l'article 8. Pourquoi
mettez-vous une clause additionnelle à l'article 7? Vous parlez d'un
maximum de 2 000 000 $. À l'article 8, alinéa 2, vous donnez
presque carte blanche pour ajouter les montants. Pourquoi est-ce que ce n'est
pas resté simplement à l'article 7 et, après cela, s'ils
ont besoin des montants additionnels, vous apporter des amendements à la
loi? Sûrement que vous avez un ordre
de grandeur. De combien avez-vous besoin dans cette affaire, pour que ce
ne soit pas une affaire illimitée?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Oui. C'est parce que vous allez partir en vacances cet
été et nous, on va continuer à travailler; les
pêcheurs vont continuer à pêcher.
M. Lincoln: Here we go!
M. Blank: Il a des mandats de gouverneur.
M. Garon: Les travailleurs d'usine vont continuer à
fileter le poisson et l'entreprise va continuer.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Garon: Si on a besoin d'argent avant l'ouverture de la session
à l'automne, si on n'a pas été prévoyant, on peut
se retrouver comme la cigale et la fourmi. On veut être prévoyant.
Si c'est nécessaire, en plus des 2 000 000 $, d'avancer d'autres sommes
d'argent, le gouvernement pourra le faire, mais en posant des conditions qu'il
va déterminer, en évaluant la situation. On ne peut pas la
déterminer. Il s'agit simplement de donner un pouvoir au gouvernement de
le faire éventuellement, si c'est nécessaire.
M. Lincoln: N'avez-vous aucune idée aujourd'hui - la
pêche va durer jusqu'à la fin de l'été ou de
l'automne - sur le montant d'argent qui va être impliqué d'ici
là? Sûrement que vous aviez une idée quelconque quand vous
vous êtes aventuré là-dedans.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Je pense que le permis... Il est très important
qu'on commence la pêche le plus rapidement possible. La pêche au
sébaste vient de commencer. Les bateaux sont plutôt
équipés pour le sébaste. La pêche au sébaste
vient de commencer. Cette année sera sans doute une année
considérable pour le sébaste. C'est pour cette raison que la
population n'admettra pas un retard d'une seule journée de la part du
ministre fédéral des Pêches et des Océans pour
l'émission des permis. Je peux vous dire cela. Les quotas seront sans
doute augmentés cette année parce que les ressources biologiques
nous indiquent...
M. Blank: Ce n'est pas la question.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Blank: Il a demandé un montant, un chiffre, pas un
discours.
Mme LeBlanc-Bantey: Cela ne vous intéresse pas de savoir
qu'il y aura beaucoup de poisson.
M. Blank: Il a demandé un chiffre.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le
député de Saint-Louis, M. le ministre répondait à
une question.
M. Garon: Au cours de l'année, comme il y aura des prises
importantes de sébaste cette année, selon ce que prévoient
les biologistes, il faudra sans doute, selon le montant des prises... Il y aura
une certaine variation dans les inventaires parce que la vente n'est pas
nécessairement la journée même où le poisson a
été pris. Il faut prévoir que cela peut être
nécessaire de faire ce financement de façon temporaire. Ce n'est
pas un financement automatique à l'article 8, c'est un financement si
c'est nécessaire, que le gouvernement pourra accepter, mais en posant
ses conditions, ou encore autoriser le ministre des Finances à avancer
à la compagnie des montants jugés nécessaires pour la
réalisation de ses objets, à un taux d'intérêt, pour
la durée et aux autres conditions que détermine le
gouvernement.
M. Lincoln: M. le ministre, tout ce que je vous ai
demandé...
M. Garon: C'est un peu standard.
M. Lincoln: Est-ce que vous avez une idée de l'importance,
est-ce que vous parlez de 2 000 000 $, de 10 000 000 $, 15 000 000 $, 20 000
000 $? Sûrement que vous avez des chiffres, vous avez fait des calculs,
vous avez discuté avec vos sous-ministres, sûrement que vous
pouvez nous donner une idée de combien d'argent vous pensez
dépenser aux articles 7, 8 et 9.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le
ministre.
M. Garon: Il y a beaucoup de choses à considérer,
la marge de crédit, il y a aussi: Est-ce que les pêcheurs de crabe
reviendront à Madelipêche, parce qu'ils sont allés
ailleurs? Combien de gens qui actuellement ont commencé à livrer
ailleurs reviendront livrer à Madelipêche? Tout cela, ce sont des
facteurs difficiles à évaluer. C'est pour cela qu'il faut laisser
une marge de manoeuvre pour pouvoir autoriser des crédits additionnels
si c'est nécessaire.
M. Blank: Ce n'est pas cela qu'il demande.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Nous sommes prêts à adopter cet article
éventuellement sur division. Vous aurez le droit de dépenser
votre argent. D'accord?
M. Garon: C'est cela.
M. Blank: Vous avez besoin de notre approbation, l'approbation de
l'Assemblée nationale pour faire cela. La seule question qu'on vous
demande: Combien pensez-vous que cela vous coûtera? C'est seulement cela.
Je suis certain, M. le ministre, quand vous avez proposé cette loi ici,
que vous aviez un chiffre, une limite dans votre tête. Vous ne
réglez pas l'affaire de Madelipêche pour 50 000 000 $ ou 25 000
000 $; vous avez un chiffre en tête et vous pourriez aller jusqu'à
cette limite. C'est cela qu'on vous demande. Jusqu'où pensez-vous devoir
aller cet été avec cette affaire? 2 000 000 $, 3 000 000 $, 4 000
000 $, 5 000 000 $? On ne vous tient pas à cinq cents près, on
veut une idée. C'est seulement cela qu'il vous demande. (12 h 50)
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: L'idée est dans l'article 7.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est cela.
M. Blank: Combien?
M. Garon: L'idée est dans l'article 7.
Mme LeBlanc-Bantey: C'est cela, lisez.
M. Blank: Pourquoi l'article 8?
M. Garon: Et la soupape est dans l'article 8.
M. Blank: D'accord, mais combien?
M. Garon: 2 000 000 $, c'est marqué dans l'article 7, vous
ne l'avez pas lu?
M. Blank: C'est donc dire que le ministre demande ici qu'on
adopte une loi pour dépenser de l'argent et il ne sait pas combien il
dépensera.
M. Garon: Non, non.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Dans l'article 7, c'est marqué que le ministre
des Finances...
M. Blank: C'est la marque de commerce de ce gouvernement.
M. Garon: ...peut aller jusqu'à concurrence de 2 000 000
$. On pense que 2 000 000 $ seront nécessaires; s'il y a des sommes
additionnelles nécessaires, il y a une soupape à l'article 8 qui
permet au gouvernement de venir jouer son rôle de soupape.
M. Blank: D'accord.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: On met de côté les 2 000 000 $; combien
pour le "si"?
M. Garon: Pardon?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Blank: Combien pour le "si"? "Si" on a besoin... Combien cela
coûtera-t-il, pensez-vous, si...?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce qu'il y aura des avaries de bateaux ou
pas? Il y a bien des choses qui ne peuvent pas être prévues.
M. Garon: Au moment où on se parle, je pense qu'on n'aura
pas besoin de l'article 8.
M. Blank: D'accord.
M. Lincoln: C'est tout ce qu'on vous a demandé, pourquoi
vous ne l'avez dit depuis le début?
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Blank D'accord, c'est tout ce qu'on vous demande.
Le Président (M. Rancourt): Donc, nous appellerons les
articles 7, 8 et 9.
M. Garon: Il y a un proverbe latin qui dit: "Qui potest capere
capiat". Que celui qui peut comprendre comprenne.
M. Lincoln: Oui, justement.
M. Blank: Si on répond...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Blank: Si on répond, on pourra comprendre, mais si on
ne répond pas, on ne comprendra jamais.
M. Lincoln: Vous ne voulez pas qu'on comprenne ici.
M. Garon: Vous ne pouvez pas m'obliger à mettre 12 onces
de liquide dans un verre de 4 onces.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Nous
allons appeler l'article 7. Est-ce qu'il est adopté?
M. Blank: Sur division.
Le Président (M. Rancourt): Adopté sur
division.
L'article 8?
M. Blank: Sur division.
Le Président (M. Rancourt): Adopté sur division.
L'article 9?
M. Lincoln: Même chose.
M. Blank: On n'a pas besoin de l'adopter.
Le Président (M. Rancourt): J'appelle maintenant l'article
10. M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: Comment allez-vous fixer le prix du poisson
maintenant que vous avez suspendu les conventions à Pêcheurs Unis
et Madelipêche? Qu'est-ce qui va arriver pour fixer les prix? Qu'est-ce
qui va arriver des ententes qui ont déjà été
prises?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: On va fixer le prix du poisson au prix du
marché.
Mme LeBlanc-Bantey: Voilà, c'est très simple.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Toutes les ententes qui sont intervenues avant, je
sais qu'elles seront suspendues d'après votre loi, légalement.
Est-ce que vous allez vous inspirer de ces ententes ou si ces ententes sont
complètement désuètes?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: À toutes fins utiles, on dit: Contrat de gestion
avec Pêcheurs Unis. Il n'y a plus de gestionnaires à
Pêcheurs Unis véritablement. Il y avait le secrétaire, qui
est un sociologue, il y avait également un comptable et une
secrétaire. Je viens d'apprendre, dans le télégramme de M.
De Bané, qu'il vient de faire engager un directeur
général. C'est tout ce qu'il y a à Pêcheurs Unis. Il
n'y a plus de monde. À toutes fins utiles, ces ententes existaient pour
ne pas garder d'ambiguïté, elles n'avaient plus beaucoup de valeur.
Le soutien de gestion, Madelipêche paie un montant pour la gestion qui,
à toutes fins utiles, n'est pas là.
M. Blank: Ne pensez-vous pas, M. le ministre, que cette partie
est plus qu'un article, c'est toute la loi? Si on prend un contrat conclu entre
deux compagnies privées et qu'on l'annule... Vous me donnez des raisons
de croire qu'il était nul. D'accord, mais pourquoi n'allez-vous pas
devant les tribunaux pour le faire annuler? Pourquoi pas? Vous serez juge et
partie en même temps.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Je vais vous dire plus que cela, M. le
Président. Le service de mise en marché de Pêcheurs Unis
n'existe plus.
M. Blank: D'accord, mais c'est une raison pour annuler le
contrat.
M. Garon: M. Urgel Blais, qui dirigeait le service, a
quitté Pêcheurs Unis et vient de former sa compagnie. Il n'est
plus là, il n'y a plus de service de mise en marché à
Pêcheurs Unis, que je sache.
M. Blank: C'est vous qui dites ça, mais c'est possible que
Pêcheurs Unis dise autre chose. C'est la raison pour laquelle on a des
tribunaux pour régler ces problèmes, on ne le fait pas par
décret gouvernemental pour dire: Le contrat est terminé. Dans mon
bureau d'avocat, est-ce que le gouvernement va venir dire: On annule le bail et
on ne vous donne pas de chauffage à vous, M. Blank, on annule le bail.
C'est ce que vous faites ici. Vous annulez ce contrat. Ce n'est pas
nécessaire. Vous pouvez passer par les tribunaux si vous pensez vraiment
avoir raison.
Je me souviens qu'il n'y a pas très longtemps, avec ce
gouvernement-ci, on a refusé de donner un accord à un projet de
loi privé où on essayait d'annuler le contrat d'une dame de
l'hôpital Charles-Lemoyne qui tenait le restaurant. La commission des
affaires sociales a refusé d'annuler ce contrat parce que c'était
un contrat entre
des tierces parties et le gouvernement n'était pas dans... Ici le
même gouvernement fait le contraire. Il n'y a aucun principe pour ce
gouvernement. Aujourd'hui c'est une question de principe et demain il n'y a
plus de principe.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: On n'est pas dans les principes, on est dans la
réalité, M. le Président.
M. Blank: C'est pour cela qu'on a des cours, monsieur.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Blank: C'est la raison pour laquelle on a des cours et des
juges.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. le ministre.
M. Bélanger: C'est la réalité qu'on
veut.
M. Garon: La réalité c'est qu'il n'y a plus de gens
pour effectuer les ventes chez Pêcheurs Unis. Celui qui s'occupait de
cela a quitté l'entreprise. Il n'y a plus personne pour faire ce service
de gestion chez Pêcheurs Unis. Pourquoi maintenir en force des sections
du protocole d'entente qui prévoient ces choses-là alors que ce
n'est plus réel?
M. Blank: D'accord.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Si ce n'est plus réel, n'y touchez pas. Cela ne
fait rien, cela ne fait aucun dommage. Ici, dans le texte du projet de loi vous
faites quelque chose qui est contre tous les principes de justice et de
liberté. Si ce n'est pas nécessaire ne le mettez pas.
Le Président (M. Rancourt): Est-ce que l'article 10 est
adopté?
M. Lincoln: Attendez, M. le Président!
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Pour les mêmes raisons que l'article 1 je vais
proposer un amendement qui dira que la dernière ligne sera sans effet
à compter de la date de la sanction de la loi. Pour les mêmes
raisons qu'on a expliquées à l'article 1.
Le Président (M. Rancourt): Est-ce que cet amendement est
adopté?
Une voix: Non. Une voix: Oui.
Le Président (M. Rancourt): Nous allons prendre le
vote.
Amendement rejeté. L'article 10 est-il adopté?
M. Lincoln: Sur division.
Le Président (M. Rancourt): Adopté sur
division.
J'appelle l'article 11.
M. Blank: Sur division.
Mme LeBlanc-Bantey: Adopté.
M. Garon: À l'article 11, êtes-vous d'accord?
Le Président (M. Rancourt): Adopté sur
division.
J'appelle l'article 12.
M. Garon: Avez-vous un autre ministre à
suggérer?
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Mme LeBlanc-Bantey: La partisanerie aveugle.
Le Président (M. Rancourt): L'article 12 est
appelé.
M. Blank: Contre. Une voix: Adopté. M. Lincoln:
Contre.
Le Président (M. Rancourt): Adopté sur
division.
M. Blank: Pas sur division, contre.
M. Garon: Comme père de famille vous avez connu cela:
À deux ans, un enfant dit non pour prouver qu'il existe.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Est-ce que l'article 13 est adopté?
Mme LeBlanc-Bantey: Adopté.
Une voix: Sur division.
Le Président (M. Rancourt): Adopté sur
division.
Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce qu'on fait la troisième lecture
maintenant?
M. LeMay (président de la commission plénière):
M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que la
commission plénière a adopté tous les articles du projet
de loi no 23.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que ce rapport est
adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Adopté.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: M. le Président, je demanderais que l'on
procède aux écritures et, avec le consentement de l'Opposition,
que l'on adopte la troisième lecture immédiatement.
Je propose que la troisième lecture soit adoptée.
Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette
proposition de troisième lecture est adoptée?
M. Lincoln: M. le Président, très
brièvement...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: ...on a dit qu'on n'allait pas intervenir pour
retarder le projet de loi, mais j'ai envie de réitérer
très brièvement que nous sommes fondamentalement opposés
au principe de ce projet de loi, c'est pourquoi on a adopté sur division
chacun de ses articles. Nous considérons que c'est une solution
néfaste à cause des conséquences qu'on a
déjà soulignées. On est prêt à donner notre
consentement à la troisième lecture qu'on adoptera sur division
de notre côté.
M. Boucher: Adopté sur division.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette
troisième lecture est adoptée?
M. Lincoln: Sur division.
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Adopté sur division.
La troisième lecture est adoptée sur division.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: M. le Président, je fais motion pour que nous
suspendions nos travaux jusqu'à 15 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Adopté. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise de la séance à 15 h 13)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez prendre vos places.
Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclarations
ministérielles.
Au dépôt de documents, M. le président du Conseil du
trésor, par M. le leader du gouvernement.
Document sessionnel no 142
M. Bertrand: M. le Président, au nom du ministre
délégué à la Réforme administrative, je
voudrais déposer le document sessionnel no 142 concernant le document
sessionnel no 86.
Le Président: Document déposé. M. le
ministre du Travail.
M. Bertrand: M. le Président.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Bertrand: Simplement pour préciser qu'il s'agit de
dispositions qui modifient les dispositions constituantes des conventions
collectives, tel que déposé à l'Assemblée
nationale.
Le Président: Document déposé. M. le
ministre du Travail.
Copie d'un décret concernant
l'application de l'article 23 de la loi 111
M. Fréchette: M. le Président, je voudrais
déposer en double exemplaire copie d'un décret gouvernemental
adopté à la séance du Conseil des ministres de ce matin,
le 25 mai 1983, et confirmant une décision prise en vertu de l'article
23 de la loi no 111.
Le Président: Document déposé. M. le
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
Rapport actuariel de la Régie des
rentes
M. Marois: M. le Président, dans le cadre de la
réforme proposée au Régime de rentes du Québec, la
Régie des rentes du Québec doit faire préparer par un
actuaire, en vertu des articles 217 et 218 de la loi, un rapport indiquant dans
quelle mesure les amendements proposés à l'Assemblée
nationale modifient les estimations de la plus récente analyse
actuarielle. J'ai donc le plaisir de vous transmettre en double copie le
rapport actuariel préparé par les actuaires de la Régie
des rentes du Québec.
Le Président: Rapport déposé. M. le
député d'Orford.
Pétition de détaillants d'essence
demandant une réduction de taxe
M. Vaillancourt (Orford): M. le Président, j'ai une
pétition à déposer. "Nous, détaillants d'essence de
la ville de Coaticook, à environ quinze kilomètres des
frontières américaines, demandons d'avoir la même
réduction de taxe que ceux près de l'Ontario et du
Nouveau-Brunswick."
Le Président: Pétition déposée.
Il n'y a pas de dépôt de rapports des commissions
élues, ni du greffier en loi sur les projets de loi privés.
Au dépôt de projets de loi au nom du gouvernement, M. le
leader parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article b) du feuilleton.
Projet de loi no 22 Première lecture
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme propose la première lecture du projet de loi no 22, Loi
modifiant la Loi sur l'aide au développement touristique.
M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: M. le Président, ce projet de loi a pour objet
de permettre une accessibilité plus étendue à l'aide
financière prévue à la loi, notamment par l'augmentation
du nombre d'institutions de crédit aptes à consentir des
prêts. Le projet de loi autorise l'octroi d'une aide financière
pour un projet touristique indépendamment des activités
principales de l'entreprise qui réalise le projet. À l'avenir,
cette aide financière ne sera plus accordée selon un ordre de
priorités basé sur la situation géographique de
l'entreprise.
Le projet de loi prévoit également de nouvelles formes
d'aide financière qui pourront être accordées aux
entreprises telles une subvention, une exemption partielle du remboursement
d'un prêt consenti par la SDI ou une acquisition par cette
société d'actions d'une entreprise exploitant un projet
touristique.
Enfin, le projet de loi vise à faciliter l'administration de la
loi. La Société de développement industriel du
Québec recevra, dans les régions, les demandes d'aide
financière. Les rôles du ministre et de la société
sont précisés dans l'étude des demandes et l'octroi de
l'aide financière.
Le Président: La première lecture de ce projet de
loi est-elle adoptée?
Des voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Deuxième lecture, prochaine
séance ou séance subséquente.
Il n'y a pas de projet de loi au nom des députés. La
période des questions, M. le chef de l'Opposition.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Le prochain scrutin général et
l'indépendance du Québec
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ma question
s'adresse à l'honorable premier ministre. Malgré le verdict
très clair rendu par la population du Québec, le 20 mai 1980, le
premier ministre a annoncé à diverses reprises et s'est
engagé à ce que la prochaine élection
générale au Québec porte sur la question de la
souveraineté ou de l'indépendance du Québec. Est-ce que le
premier ministre considère qu'il s'agit là d'un engagement
formel? Est-ce qu'il peut imaginer les circonstances qui feraient que cet
engagement ne serait pas tenu? Le troisième volet de ma question: Est-ce
que le premier ministre croit qu'une telle consultation pourrait se faire sans
avoir de changement sur le bulletin de vote, c'est-à-dire qu'en votant
pour tel parti cela voudrait dire qu'on vote pour ou contre
l'indépendance du Québec?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, quant
à nous, c'est un engagement formel que ce sera pour nous le sujet
central des prochaines élections. Il est évident qu'il peut
y avoir des circonstances - on ne fait pas de scénario futuriste
- qui feraient dériver quelque peu l'intérêt. On ne peut
pas éviter les autres questions, mais quant à nous, ce sera un
sujet central. Pour ce qui est de la mécanique et de la façon
dont cela se présentera, à savoir si cela peut amener des
changements au bulletin de vote ou des additions, etc., on nous permettra de
préparer soigneusement et de la façon la plus démocratique
possible le genre de consultation dont il s'agira.
Le Président: Question complémentaire, M. le chef
de l'Opposition. (15 h 20)
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, si je
comprends bien la réponse du ministre - je m'excuse, du premier ministre
-il est possible qu'à cette élection générale, en
plus du bulletin de vote qui est là pour juger de l'administration du
gouvernement et pour juger les autres circonstances qui entourent cette
élection, il pourrait y avoir un autre bulletin ou une annexe au
bulletin sur l'avenir constitutionnel du Québec.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, il peut y
avoir beaucoup d'hypothèses de travail. Une chose est certaine, c'est
que dès qu'on aura étudié cela - parce qu'on a encore, je
dois le dire au député de Bonaventure, sauf erreur, un certain
temps qui devrait nous permettre de travailler à tête
reposée - plutôt que d'évoquer toutes sortes
d'hypothèses, on trouvera très certainement l'hypothèse la
plus démocratique, la plus acceptable de façon que tout le monde
ait une chance de s'exprimer clairement.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, le premier
ministre maintient-il le principe qu'il a déjà
évoqué lui-même qu'il était essentiel que le statut
ou l'avenir du Québec, cette question très importante, soit
traité d'une façon privilégiée et que cette
question ne soit pas mêlée dans l'ensemble des autres? Pour
être plus explicite, je le réfère à son conseiller
d'antan - peut-être son conseiller d'aujourd'hui - l'ancien ministre des
Affaires intergouvernementales, M. Claude Morin, qui disait au sujet de la
tenue d'une élection référendaire, et je le cite: "Je
serais pas mal d'accord que ce serait suicidaire." Il ajoutait: "Si la
population peut se prononcer sur ce sujet, il faudrait que ce soit fait
clairement, à l'exclusion des autres sujets." Quelle est l'opinion du
premier ministre là-dessus? A-t-il changé d'idée?
Le Président: M. le premier ministre. M.
Lévesque (Taillon): M. le Président, je voudrais d'abord
souligner qu'il y avait beaucoup plus de nuances dans la transcription de cette
interview de M. Morin à l'émission de M. Pierre Nadeau, à
Radio-Québec. Il y avait beaucoup plus de nuances que ce qu'un certain
titre de journal lui a attribuées; le mot "suicidaire", il ne l'avait
même pas prononcé lui-même, mais enfin ce sont des choses
qui arrivent assez couramment par les temps qui courent.
Pour ce qui est du reste, je renvoie le député de
Bonaventure à la réponse que j'ai donnée il y a quelques
instants. Tout cela forcément comme il s'agit du statut d'une
collectivité nationale et comme il s'agit très évidemment
d'avoir une réponse démocratiquement aussi claire que possible,
on fera tous les efforts sur toutes les hypothèses qui paraissent
valables, je suis sûr qu'on a le temps. En temps et lieu, ce sera clair
et on pourra dire: Voici dans quelle direction on s'en va
précisément.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: On aimerait voir le premier ministre expliquer plus
clairement le cheminement qu'il a suivi pour trouver que la loi sur les
référendums ne vaut plus rien. Vous avez fait adopter une loi des
référendums par cette Chambre, la grande justification,
c'était la tenue d'un référendum sur l'avenir
constitutionnel du Québec. Maintenant que vous l'avez utilisée et
que cela n'a pas marché, est-ce que c'est pour cela que vous voulez
changer?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Non, M. le Président. La
réponse, c'est non, absolument pas. Vous vous souviendrez
peut-être, M. le député d'Argenteuil, que la loi s'appelle,
si j'ai bonne mémoire, la Loi sur la consultation populaire. C'est un
instrument qui, quant à nous, doit être permanent. Il y a
peut-être des amendements à y apporter de façon que ce soit
un peu moins laborieux comme cheminement. Mais une chose certaine, il n'est pas
exclu du tout que cela fasse partie de notre réflexion.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le premier ministre qui
vient de parler de la Loi sur la consultation populaire est au courant de
l'article 15 de cette loi qu'il a lui-même amenée devant cette
Chambre, qu'il a fait approuver par sa majorité ministérielle?
Est-ce qu'il est au courant de
l'article 15, de son contenu? Ne sait-il pas qu'il y a là une
disposition qui fait que lorsqu'il y a une élection
générale en cours, on ne peut pas utiliser cette Loi sur la
consultation populaire? Comment pourrait-il concilier cette disposition de la
loi avec ses intentions à peine voilées de vouloir poser une
question double lors de la prochaine élection? Qu'on soit donc clair!
Que le gouvernement réponde donc et qu'il cesse de faire des engagements
du genre partisan comme il le fait!
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président.
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Lévesque (Taillon): Le chef de l'Opposition ne devrait
quand même pas oublier que des lois, à moins de penser chaque fois
qu'elles sont adoptées pour l'éternité, à l'usage,
cela peut s'amender.
Une voix: Voilà! Bien oui.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.
Le Président: Question complémentaire, M. le chef
de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Question additionnelle. Je pourrais
essayer de faire une grimace pour essayer de répondre au premier
ministre. Mais je pense qu'on touche un sujet extrêmement important. Je
voudrais poser une dernière question additionnelle; je reviendrai sans
doute sur cette question une autre fois étant donné qu'elle est
si importante. Est-ce que le premier ministre pourrait dissiper cette
ambiguïté qu'il cultive vis-à-vis de cette question
très importante qui a d'ailleurs déjà été
réglée par la population du Québec le 20 mai 1980? Est-ce
qu'il pourrait être moins ambigu sur l'engagement de son gouvernement
vis-à-vis des prochaines élections? Est-ce qu'elles vont porter
essentiellement et d'une façon significative sur l'indépendance
du Québec? Est-ce que ce sera une nouvelle réponse de la
population à cette question?
M. Lalonde: C'est la vérité qu'on veut. Le
Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, ce que je
peux dire au chef de l'Opposition, c'est qu'il n'y aura pas de cachette. Quant
à nous, le sujet sera central, il a toujours été central
dans notre option et il sera central dans notre campagne électorale. Je
pense que l'Opposition a appris à ses dépens que, parfois, on
anticipe des résultats, mais que la population, dans sa sagesse, peut en
décider autrement. Tout le monde sait qu'il peut être
légitime de maintenir un vieux régime éculé, mais
qui est là dans le paysage, qui est le régime
fédéral. Il faut être quelque peu totalitaire ou alors
dangereusement émasculé pour ne pas comprendre que l'option de la
liberté collective et de la souveraineté d'un peuple, c'est
également légitime. Quant à nous, ce sera au centre de la
prochaine élection, et si les citoyens se prononcent massivement ou
majoritairement en faveur, je pense qu'il n'y aura pas d'ambiguïté
dans l'esprit de personne.
Le Président: En complémentaire, M. le chef de
l'Opposition.
M. Lévesque (Bonaventure): Si le premier ministre veut
répondre simplement à la question sans ambiguïté au
lieu de faire partir ses troupes sur un "trip" indépendantiste, est-ce
que le premier ministre pourrait faire cesser cette ambiguïté?
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le premier ministre
pourrait répondre à la question? Il me semble qu'elle
était claire. Est-ce que la prochaine élection portera sur
l'indépendance du Québec? Autrement dit, est-ce qu'il y aura un
vote par citoyen ou deux votes? Est-ce que ce sera séparé?
Autrement, on n'aura pas une élection référendaire. Je
demande: Est-ce qu'on va avoir une élection référendaire
ou une élection plus un référendum?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je
répète, en réduisant à l'essentiel, ce que j'ai dit
au moins deux ou trois fois dans les diverses questions additionnelles du chef
de l'Opposition. Quant à nous, c'est une question qui sera centrale.
Elle ne sera pas exclusive, c'est sûr; dans une élection, cela ne
peut jamais être complètement exclusif, mais elle sera au coeur de
notre campagne électorale. Ce sera clair et démocratique et on
rentrera dans les hypothèses - c'est la troisième fois que je le
dis au chef de l'Opposition - en temps et lieu.
Le Président: Question principale, M. le
député de Maskinongé.
Les crédits consacrés à l'emploi
agricole
M. Picotte: Merci, M. le Président. Malgré que le
gouvernement essaie de faire
croire à la population du Québec et à tous les
Québécois, aux chômeurs comme aux
bénéficiaires de l'aide sociale, qu'il fait tout en son pouvoir
pour créer de l'emploi, malgré les voeux pieux lors du discours
inaugural du premier ministre à savoir qu'il créera de l'emploi,
malgré les voeux pieux lors du discours sur le budget du ministre des
Finances qu'il créera de l'emploi, le monde agricole est obligé
de se rendre compte que le ministre de l'Agriculture n'est pas sur la
même longueur d'onde.
Est-ce que le ministre de l'Agriculture pourrait m'indiquer et indiquer
à cette Chambre, selon les documents qu'il a lui-même fournis
à la commission parlementaire, qu'en 1982-1983 il y avait un budget de 3
215 000 $ consacré au soutien à l'emploi agricole, pour
créer de l'emploi dans le milieu agricole, et que cette année,
dans le budget qu'il propose à cette Chambre, il y a une diminution de
117 000 $? Est-ce qu'il prétend créer beaucoup d'emplois pour
tâcher de concrétiser les voeux pieux et le "bluff" de ce
gouvernement à l'endroit des travailleurs, des assistés sociaux
et des chômeurs du Québec? (15 h 30)
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, le député de
Maskinongé doit savoir qu'il y a un budget au ministère de
l'Agriculture et un autre au ministère de la Main-d'Oeuvre et que nous
avons tous les budgets voulus pour tous ceux qui veulent engager de la
main-d'oeuvre. En plus, cette année, on a augmenté les
pourcentages puisque, dans le cas de l'engagement de
bénéficiaires de l'aide sociale ou de chômeurs qui
recevaient de l'aide sociale l'an dernier mais qui sont devenus chômeurs
parce qu'ils ont été engagés l'an dernier, le
remboursement aux agriculteurs sera de 60% plutôt que de 50% comme l'an
dernier. Le pourcentage de remboursement sera encore plus fort cette
année que l'an dernier.
Il y a des budgets à deux ministères, le nôtre et
celui de la Main-d'Oeuvre, et nous sommes assurés de ne pas manquer
d'argent.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Comment le ministre de l'Agriculture explique-t-il
qu'avec moins d'argent et un remboursement plus élevé il
créera plus d'emplois? À moins qu'il ne sache pas compter et
qu'il n'ait aucune notion des mathématiques. Le ministre pourrait-il
nous expliquer cela?
D'autre part, comment explique-t-il que l'an passé, au lieu
d'être au service des agriculteurs, il a été au service du
fonds consolidé de la province en retournant 1 244 000 $ en fonds
périmés du côté du soutien de l'emploi agricole?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Cette année, il y aura deux sources de revenus
pour la main-d'oeuvre. Au ministère de la Main-d'Oeuvre et au
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation,
dans les deux cas, il va y avoir deux sources de revenus. Ce n'est pas
difficile à comprendre. C'est facile, il y aura deux sources de revenus.
Donc, tous ceux qui vont demander des programmes de main-d'oeuvre vont pouvoir
en bénéficier. Maintenant, il peut arriver que des gens
décident d'investir leur argent différemment. Je ne sais pas
d'avance à quel point les agriculteurs vont se prévaloir de ces
programmes mais je suis convaincu, parce que je connais la philosophie du
gouvernement quant aux programmes de main-d'oeuvre, que nous ne manquerons pas
d'argent. S'il n'y en avait pas assez du montant que nous avons actuellement,
s'il n'y en avait pas assez dans les deux sources, je suis convaincu qu'on
pourrait avoir recours au budget supplémentaire à l'automne.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, question additionnelle au
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, cette
fois-ci. Le ministre pourrait-il indiquer à cette Chambre quelle partie
du budget il va consacrer à la main-d'oeuvre agricole? Ce budget est-il
illimité et combien d'emplois cela contribuera-t-il à
créer dans le secteur agricole spécifiquement?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Marois: Ce que je peux dire à ce moment-ci au
député c'est, d'une part, on se souviendra que les budgets de
création d'emplois administrés au ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, en concertation avec
toute une série de ministères, incluant le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, était en
début d'année, l'année dernière, de 62 000 000 $;
c'était le budget qu'on pouvait engager ou autoriser. En fin
d'année, on avait un budget autorisé d'environ 160 000 000 $.
Cette année, nous démarrons l'année avec 235 000 000 $.
Dans le cas de toute une batterie de ministères, incluant le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, il
y a 36 600 000 $ pour commencer l'année. Il y a un bloc particulier de
quelques millions de dollars. Je n'ai malheureusement pas le chiffre ici avec
moi,
mais je pourrais le fournir au député de façon
très précise en ce qui concerne l'agriculture, sans compter, en
plus, le budget spécifique du programme de placement étudiant
agricole, administré conjointement par les deux ministères.
Le résultat net de cela jusqu'à présent donne deux
chiffres très simples. Pour l'année qui s'est terminée, 42
000 emplois ont pu être ouverts; là-dessus, plus de 50% pour des
hommes et des femmes qui étaient des bénéficiaires de
l'aide sociale. Quand on regarde les chiffres de Statistique Canada pour la
période de janvier à mars inclusivement, il s'est
créé au Canada 55 000 emplois dont 23 000 au Québec,
c'est-à-dire plus de 40%; et en avril, il s'est créé au
Canada 46 000 nouveaux emplois à temps plein dont 21 000 au
Québec, c'est-à-dire près de 46%.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Est-ce que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu est en train de me mentionner que les
agriculteurs peuvent s'adresser au centre de main-d'oeuvre pour autre chose que
la sélection et qu'advenant le cas où il n'y aurait plus de
budget au ministère de l'Agriculture, comme cela s'est
déjà vu dans le passé, ou que les normes faites par le
ministre de l'Agriculture ne soient pas acceptables par les agriculteurs, le
fonctionnaire aura le pouvoir de verser des montants d'argent à son
ministère même pour la création d'emplois au niveau
agricole? Est-ce que c'est cela?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre.
M. Marois: M. le Président, il y a un certain nombre de
programmes que les agriculteurs connaissent qui sont administrés, les
uns directement par le ministère de l'Agriculture, d'autres
conjointement par les deux ministères; les agriculteurs savent
très bien où s'adresser pour l'un ou l'autre de ces programmes.
Dans la mesure où les budgets sont disponibles, le gouvernement vient de
donner une indication de l'importance première qu'il accorde au
problème du chômage en haussant de façon aussi
substantielle les budgets visant à créer de l'emploi dans la
mesure où les demandes correspondent aux normes qui sont de plus en plus
réduites pour que ce soient des normes minimales minimales. Dans la
mesure où ces personnes sont admissibles, elles peuvent très bien
faire leur demande, elles seront reçues et admises.
Le Président: Une dernière question additionnelle,
M. le député de Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, une dernière question
additionnelle au ministre de l'Agriculture. Comment le ministre de
l'Agriculture peut-il expliquer le sérieux de son programme quand, pour
la création d'emplois en milieu agricole pour les
bénéficiaires de réadaptation sociale, il consacre 1000 $
et que pour la création d'emplois en milieu agricole pour les
détenus il consacre une somme de 13 000 $? Comment peut-il expliquer le
sérieux de son programme? Cela coûte déjà plus cher
de publiciser ces deux points que les 14 000 $ qu'il met au niveau
provincial.
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.
M. Garon: Quand on fait un programme, c'est évident qu'on
ne choisit pas les demandes à la place des gens. Le programme de
réadaptation sociale m'a été demandé par un groupe
d'adolescents. Ils m'ont demandé s'il n'était pas possible
d'avoir un programme dans le but de faire engager des jeunes gens en voie de
réadaptation sociale par les agriculteurs.
Le programme a été adopté. Cette année, des
fonctionnaires m'ont dit: Il n'a pas fonctionné beaucoup l'an dernier,
allez-vous l'abandonner? J'ai dit: Non. S'il y a des agriculteurs qui veulent
engager une personne en voie de réadaptation sociale et que cela permet
la réadaptation sociale d'une personne, eh bien! le programme aura
joué son rôle pour cette personne. C'est clair?
C'est ce qui est important. Quant au budget, je vais vous dire une
chose: On pige dans le ministère de l'Agriculture des montants d'argent
et c'est un bon truc d'aller prendre aussi de l'argent dans le ministère
de la Main-d'Oeuvre, on en prend dans l'OPDQ, on en prend dans
l'extrabudgétaire. Avec la complicité du ministre responsable du
trésor, je vais aller en chercher dans tous les ministères si
c'est possible pour l'agriculture.
Le Président: Question principale, M. le
député de Huntingdon.
L'entente entre Redpath et la Raffinerie de sucre du
Québec
M. Dubois: Ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation. Le ministre dit
apprécier...
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, un député est en train de
vous poser une question principale et, plutôt que de la faire
répéter, je préférerais que vous
l'écoutiez.
Une voix: Très bien.
M. Dubois: M. le Président, le ministre dit
apprécier la franchise, l'honnêteté et les choses simples.
Le ministre n'a jamais nié, depuis mes premières questions en
cette Chambre, avoir acheté la clientèle de Provigo et de
Métro pour la somme d'environ 1 400 000 $ et, par le fait même,
avoir littéralement volé les deux principaux clients de Sucre
Saint-Laurent. J'ai également indiqué en cette Chambre que
Redpath, de Toronto, avait intérêt à raffiner, à
n'importe quel prix, du sucre pour le compte de la Raffinerie de sucre du
Québec.
Ma question est la suivante: Le ministre peut-il expliquer à
cette Chambre les raisons précises pour lesquelles Redpath, de Toronto,
vendrait son sucre blanc à la Raffinerie de sucre du Québec 120 $
la tonne moins cher qu'à son meilleur client de l'Ontario, soit Dominion
Stores?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, d'abord, nous n'achetons pas de
sucre de Redpath tout simplement à cause d'une condition en vigueur
jusqu'au mois d'octobre 1985 qui a été imposée par le
ministre de l'Expansion économique régionale à
l'époque, M. Pierre De Bané. Nous ne pouvons pas, à la
raffinerie de sucre, faire du raffinage final jusqu'au détail. Nous
pouvons faire du sucre brut, mais pas du sucre qui va aller jusqu'au
détail. Nous avons un contrat de raffinage temporaire pour
réaliser des ventes de sucre que nous avons fait. Mais nous n'achetons
pas de sucre de Redpath, comme vous le dites.
Le Président: En complément, M. le
député de Huntingdon. (15 h 40)
M. Dubois: M. le Président, je pourrais soulever une
question de privilège étant donné que le ministre a des
contrats de 43 000 tonnes de sucre et qu'il en fait raffiner 16 000. La
différence, c'est du sucre certainement acheté de Redpath.
M. le Président, ma question additionnelle est la suivante. Le
ministre peut-il indiquer pourquoi, de connivence évidente avec Redpath,
de Toronto, il encourage cette politique de dumping, politique par laquelle le
ministre devient l'agent et la collaborateur de Redpath pour mieux
écraser et fermer la seule raffinerie privée au Québec?
C'est la question que je pose au ministre.
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Je n'ai pas compris. Qu'est- ce qu'il a dit?
Des voix: ...
Une voix: Il ne comprend pas.
Le Président: M. le député, pourriez-vous
répéter votre question complémentaire?
M. Dubois: M. le Président, j'ai demandé au
ministre pourquoi il est de connivence évidente avec Redpath, de
Toronto, pour encourager cette politique de dumping, politique par laquelle le
ministre devient l'agent et le collaborateur de Redpath pour mieux
écraser et fermer la compagnie Sucre Saint-Laurent, de
Montréal?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, le député n'est
pas au courant du dossier du sucre. C'est cela le problème.
Des voix: Ah!
M. Garon: Essentiellement, M. le Président, il pourrait
s'informer auprès des compagnies Provigo ou Métro-Richelieu et il
verrait que, dans ces soumissions-là, il n'y a pas que Sucre
Saint-Laurent et la Raffinerie de sucre du Québec qui ont
soumissionné. D'autres raffineries ont soumissionné. Que je
sache, Redpath a même soumissionné. Nous avons obtenu le contrat
même avec une soumission de Redpath. Que je sache, Redpath a
également soumissionné. Je peux le vérifier, si vous
voulez, plus amplement, mais les informations indiquent que Redpath a
également soumissionné. Qu'est-ce que vous voulez que je vous
dise de plus? Vous auriez préféré que ce soit Redpath qui
ait le contrat?
M. Dubois: M. le Président.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Huntingdon.
M. Dubois: Il est question de la fermeture d'une usine
québécoise. Alors, M. le Président, le ministre n'est-il
pas conscient que, dans l'éventualité de la fermeture de la
compagnie Sucre Saint-Laurent, tout l'odieux de cette machination reposera sur
le dos du ministre et de son gouvernement puisque cette politique de dumping
fera perdre 400 emplois dans le comté de Maisonneuve, à
Montréal, et elle fera perdre une contribution de 25 000 000 $ à
l'économie du Québec?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
Je ne sais trop si on peut amplifier le son pour les
bénéfices des deux côtés de la Chambre, mais une
chose est certaine, une façon de comprendre les questions, c'est de
faire en sorte que les autres membres de l'Assemblée se taisent pendant
qu'elles sont posées. M. le député, encore une fois,
pouvez-vous répéter votre question?
M. Dubois: Étant donné que le ministre ne
répond jamais aux questions, je retire ma troisième question.
M. Picotte: Question additionnelle, M. le Président.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation - comprenez-vous, M.
le ministre? - pourrait me dire quel rôle SOQUIA a joué dans cette
attribution de contrat, dans ce vol, comme l'a dit mon collègue, du
marché chez Métro-Richelieu, chez Provigo, à la compagnie
Sucre Saint-Laurent, avec ou sans directive du ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation parce que le ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation a déjà dit qu'il avait
donné des directives...
Le Président: Sans commentaire. M. le
député, votre question est posée. M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, ce qui démontre un peu
l'ignorance de l'Opposition, c'est que SOQUIA n'a rien à faire
là-dedans. C'est la raffinerie de sucre. SOQUIA n'est pas actionnaire de
la raffinerie de sucre. C'est tout simplement la Raffinerie de sucre du
Québec qui a soumissionné et SOQUIA n'est pas partie à
l'affaire.
Le Président: Dernière question
complémentaire, M. le député de Maskinongé.
M. Picotte: Pour faire comprendre le ministre davantage, si ce
n'est pas SOQUIA, quel rôle a joué son président, M.
Marier, de connivence avec votre M. Tremblay, chef de cabinet à votre
ministère? C'est cela que je vous demande, au sujet de M. Marier,
président de SOQUIA.
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: M. Tremblay, mon chef de cabinet, est un excellent chef
de cabinet, c'est un excellent cultivateur qui a un jugement
dépareillé, comme on dirait chez nous. Je vais vous dire une
chose, M. le Président, il n'a rien eu à faire lui non plus dans
la transaction puisqu'il s'agit essentiellement de soumissions qui ont
été faites. Métro-Richelieu fait des appels d'offres
auprès d'entreprises pour ses livraisons de sucre. Il y a
différentes entreprises qui soumissionnent. La raffinerie de sucre a
soumissionné. Sucre Saint-Laurent a soumissionné et il y a
d'autres entreprises qui ont soumissionné. Celui qui a obtenu le
contrat, apparemment, par une mince marge, c'est la Raffinerie de sucre du
Québec.
Par après, il y a eu aussi une offre de soumissions par Provigo
et j'ai rencontré récemment le président de Provigo qui me
disait: Vous savez, ces contrats sont beaucoup plus serrés que les gens
ne le pensent; quand les gens parlent de ristourne de 1 000 000 $, j'aimerais,
s'il vous plaît, avoir ce 1 000 000 $, M. Garon, parce qu'il n'est pas
question de 1 000 000 $ de ristourne, pas du tout. Il s'agit de transactions
normales dans le cours des affaires.
Maintenant, il arrive que le président de SOQUIA et le
président de la raffinerie soient la même personne - cela n'a rien
à voir - mais il ne s'agit pas des mêmes conseils
d'administration. Il s'agit d'un conseil d'administration et je peux vous dire
que le président de SOQUIA est membre de plusieurs conseils
d'administration. C'est une bonne affaire, à part cela, parce que le
rôle de SOQUIA, c'est d'être présent et de jouer un
rôle dans le monde agroalimentaire; il faut le jouer au maximum pour le
développement économique du Québec. Je vais vous dire une
chose, avant longtemps...
Le Président: Conclusion, M. le ministre.
M. Garon: ...on va vouloir lui faire jouer un rôle encore
plus grand que celui qu'il joue actuellement parce que c'est important pour le
développement économique du Québec.
Le Président: Question principale, M. le
député de Gaspé.
Télégramme de M. De Bané au sujet
des permis de pêche à Madelipêche
M. LeMay: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Ce matin,
nous adoptions, malgré le désaccord de l'Opposition, la loi 23
assurant la reprise des activités de Madelipêche. Ce matin
également - et seulement ce matin - vous preniez connaissance d'un
télégramme de M. De Bané concernant les permis de
pêche de Madelipêche. Qu'entendez-vous faire à la suite de
ce télégramme et surtout, que
contenait ce télégramme, M. le ministre?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, je dois rectifier une chose.
J'ai pris connaissance du télégramme hier soir puisque le chef de
l'Opposition, le député de Bonaventure, m'a dit que j'avais
dû recevoir un télégramme du gouvernement
fédéral. J'ai vu que la ligne rouge avait joué; il
était au courant d'un télégramme que je devais recevoir,
alors que je ne l'avais pas reçu. J'ai communiqué avec ma
secrétaire, qui est partie du bureau à 17 h 45 et elle n'avait
pas reçu de télégramme. Finalement, on est allé
voir sur l'appareil qui envoie des télex au ministère de
l'Énergie et des Ressources, parce qu'on occupe la bâtisse
conjointement avec le ministère de l'Énergie et des Ressources;
il y a un seul appareil de télex pour économiser et il se trouve
à l'Énergie et Ressources. Le télégramme est
entré à 19 h 30 hier soir et c'est vers 21 h 45 hier soir que le
député de Bonaventure a fait allusion au fait que j'aurais
reçu un télégramme du gouvernement fédéral.
J'ai dit: Je n'ai pas reçu de télégramme. Mais j'ai fait
vérifier et c'est après la période de débat qu'on
m'a dit que j'avais reçu un télégramme au ministère
de l'Énergie et des Ressources. J'ai été surpris de cette
communauté de communication entre le Parti libéral
fédéral et le Parti libéral du Québec. À ce
moment-là, j'ai lu le télégramme. Il est long. Il a
quasiment trois pieds.
Des voix: Ah! Ah!
M. Garon: C'est un télégramme pour homme.
Des voix: Ah! Ah! Une voix: Aïe! Denise!
M. Garon: Loin de moi l'idée de tenir un propos sexiste en
disant cela, dans le sens qu'il est long.
Des voix: Ah! Ah!
M. Garon: Dans le télégramme, il y a deux points
qui ont attiré mon attention. Le ministre fédéral des
Pêches dit qu'il n'a pas l'intention de délivrer des permis. "Si
le projet de loi devient loi, je n'émettrai pas les permis à
Madelipêche et, tel que je l'ai déjà dit, ne permettrai
leur transfert." En même temps, il nous dit qu'il vient de voir à
ce qu'un directeur général soit nommé à
Pêcheurs Unis et que cette personne pourra aussi jouer le rôle de
directeur général de Madelipêche. De sorte que je suis un
peu estomaqué de voir que le ministre fédéral des
Pêches est en train de voir à faire nommer des directeurs
généraux dans des coopératives qui ne relèvent pas
du gouvernement fédéral. Essentiellement, M. le Président,
le ministre fédéral a surtout juridiction sur les bateaux, mais
il n'a pas juridiction sur les usines qui sont la totale responsabilité
du Québec. L'administration des coopératives est aussi de la
responsabilité totale du Québec. De sorte que je ne comprends pas
trop pourquoi il nous envoie un télégramme de cette nature. Mais
je peux vous dire que la loi a été adoptée ce...
Le Président: M. le ministre, veuillez terminer.
M. Garon: Elle a été sanctionnée aussi tout
à l'heure et la ministre députée des
Îles-de-la-Madeleine y a assisté. Nous avons immédiatement
nommé des personnes au conseil d'administration, lesquelles vont faire
la demande de permis au gouvernement fédéral
régulièrement.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Compte tenu que le
ministre vient de mentionner Madelipêche aux Îles-de-la-Madeleine
et compte tenu aussi qu'il y a implication du gouvernement
fédéral et du gouvernement du Québec dans d'autres usines
que celle de Madelipêche, le ministre pourrait-il faire le point, en
particulier sur le dossier de Rivière-au-Tonnerre,
Rivière-au-Renard et Newport en rapport avec les problèmes que
nous avons vécus depuis deux semaines? (15 h 50)
M. Garon: M. le Président, à
Rivière-au-Tonnerre...
Le Président: On proteste à bon droit signifiant
qu'il ne s'agit pas là d'une question complémentaire. Une
question complémentaire, au sens strict, doit porter sur la
réponse fournie par le ministre, mais à coup sûr, doit
porter sur le sujet de la question principale et non pas sur un sujet qui s'y
rattache. Dans ce cas, il s'agirait davantage d'une question principale qui
sera peut-être possible, selon le déroulement de la période
des questions.
M. Lavigne: M. le Président...
Le Président: Non. Mme la députée... En
complémentaire?
M. Lavigne: Non, non, en principale.
Le Président: Mme la députée de
Chomedey.
Mme Bacon: M. le Président.
Le Président: Oui, une question de privilège, M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Je ne veux en aucune façon discuter la
décision que vous venez de rendre.
Une voix: Et je voudrais reposer ma question.
M. Perron: Je connais très bien les quatre dossiers qui
sont interreliés, à la suite des problèmes que nous vivons
dans le domaine des pêches. Il ne faut pas oublier qu'il y a quatre
usines qui sont touchées. Ces usines sont reliées à une
décision qui a été prise par le gouvernement
fédéral. Je voudrais que le ministre fasse le point sur la
question.
Le Président: M. le député, pour bien me
faire comprendre, la question principale portait sur Madelipêche, la loi
qui a été adoptée ce matin et sanctionnée
tantôt, et sur un télégramme à ce sujet que le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
était censé avoir reçu et qu'il a effectivement
reçu du ministre fédéral des Pêches et des
Océans. Par conséquent, compte tenu que la question principale
portait sur ce sujet très spécifiquement, l'élargir en
complémentaire à l'ensemble du problème, m'apparaît
effectivement être une extension de la notion de question
complémentaire. Je vous réfère d'ailleurs à ce
sujet à la décision que j'avais rendue sur les préambules
qui touchent notamment cette question, si ma mémoire est bonne.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, sur la question qui a
été soulevée par le député de Duplessis, il
me semble que l'esprit de la question du député de Duplessis...
Non, c'est simplement pour clarifier un peu certaines choses. Selon l'esprit de
la question du député de Duplessis, il voulait savoir si le sens
du télégramme envoyé par le ministre fédéral
au ministre québécois de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation pouvait avoir un effet, et dans quel sens, sur le plan de la
réorganisation, entre autres, qui est en cours dans trois centres
régionaux de la Gaspésie.
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
règlement. Voulez-vous reconnaître Mme la députée de
Chomedey s'il vous plaît?
Une voix: Assis l'avocat!
Le Président: Si tel était le sens de la question,
telle n'était pas la question que j'ai comprise au moment où le
député de Duplessis l'a formulée. Faire le point sur
l'ensemble du dossier, c'est en prendre singulièrement plus large que le
cadre restreint de la question principale. En ce sens, si tel se voulait
être la question complémentaire, elle aurait dû être
formulée en de tels termes, ce qui n'était pas le cas. Mme la
députée de Chomedey.
Une voix: Question complémentaire s'il vous
plaît.
Le Président: Mme la députée de Chomedey en
question principale.
L'existence de BPC dans des cours d'eau du
Québec
Mme Bacon: M. le Président, le ministre de
l'Environnement, à une question qui lui a été
posée, confirmait l'existence des BPC dans plusieurs cours d'eau du
Québec, selon une étude de son ministère. De plus,
vis-à-vis des dispositions que le ministère de l'Environnement
devait prendre, il ajoutait que les données sont encore partielles et
qu'il a l'intention d'aller plus loin pour voir jusqu'où la santé
des gens peut être en danger avant qu'on puisse prendre des mesures
précises pour réparer les dégâts dans certains de
ces cours d'eau. Autrement dit, attendons que la santé des gens soit
menacée et même altérée avant de réagir.
C'est plutôt paradoxal. Pourtant, un article de Québec Science de
janvier 1977 disait ceci: "Les BPC donnent lieu à une concentration
progressive le long de la chaîne alimentaire, si bien que des
quantités infimes dans le milieu ambiant peuvent quand même
provoquer bientôt une intoxication majeure des êtres vivants
supérieurs qui se voient souvent menacés d'une façon toute
particulière. Parmi ces derniers, il y a évidemment les hommes.
On mentionnait un peu plus loin que déjà la situation revêt
un caractère d'urgence. J'aimerais faire remarquer que dès 1977,
on savait que la santé de l'homme était menacée et que, de
plus, cela revêtait un caractère d'urgence, il y a
déjà six ans.
Le ministre nous dit qu'il faut attendre d'autres études avant de
prendre les mesures nécessaires. Est-ce que le ministre peut nous dire
quand il entend prendre ces mesures nécessaires, des mesures
précises pour réparer les dégâts causés par
le BPC? Est-ce que le ministre ne trouve pas qu'il serait bon de commencer
maintenant les travaux pour l'assainissement de ces cours d'eau sans
empêcher, évidemment, la poursuite des études?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Ouellette: M. le Président, loin de moi l'intention de
contester les dires de Québec Science en ce qui a trait à la
chaîne alimentaire. En ce qui regarde les études auxquelles Mme la
députée de Chomedey fait allusion, je lui ferai remarquer que ces
études ont été conduites à partir
d'éléments pris dans la chaîne alimentaire puisqu'il s'agit
d'études qui ont porté sur des poissons, et que les
résultats nous démontrent que la quantité de BPC
décelée dans le foie de ces poissons, notamment, est
inférieure aux normes sécuritaires du ministère de
l'Environnement.
Le Président: Mme la députée de Chomedey, en
complémentaire.
Mme Bacon: Qu'entendait le ministre lorsqu'il a dit
"jusqu'où la santé des gens peut être en danger avant qu'on
puisse prendre des mesures précises"? Est-ce que le ministre ne trouve
pas aberrant de prendre une telle attitude de réaction plutôt que
de prévention lorsqu'il s'agit de la santé des gens?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Ouellette: Les études qui ont été faites
récemment par le ministère de l'Environnement démontrent,
comme je viens de le dire, que les normes sont respectées en ce sens que
la gravité du problème n'est pas au-delà des normes qui
pourraient mettre en danger la santé des Québécois. Nous
allons donc poursuivre ces études pour nous assurer que les
résultats dont nous disposons aujourd'hui sont corrects. Si jamais nous
décelions une présence trop grande de BPC dans ces poissons ou
dans les cours d'eau en question, nous envisagerions des mesures de correction.
À ce stade-ci, rien ne nous indique qu'un tel risque est encouru par les
citoyens de ces régions.
Le Président: Question complémentaire, Mme la
députée de Chomedey.
Mme Bacon: Si j'ai bien compris, M. le Président, le
ministre nous dit qu'il ne commencera pas maintenant l'assainissement de ces
cours d'eau.
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Ouellette: C'est-à-dire que l'assainissement des cours
d'eau est commencé depuis longtemps via le programme d'assainissement
des eaux qui touche les secteurs urbain, municipal et industriel. Si Mme la
députée fait allusion à du dragage dans certains cours
d'eau en vue de récupérer les BPC, ce n'est pas envisagé
actuellement compte tenu du fait que nous n'avons pas de preuve que les
concentrations sont telles qu'elles puissent mettre en danger la santé
des citoyens.
M. Lavigne: M. le Président...
M. Vaillancourt (Orford): M. le Président...
Le Président: Question principale, M. le
député d'Orford, et, par la suite, M. le député de
Beauharnois.
La taxe sur l'essence dans les régions
frontalières
M. Vaillancourt (Orford): M. le Président, j'aurais voulu
poser ma question au ministre des Finances ou au premier ministre, mais,
étant donné leur absence, je vais la poser au ministre du Revenu.
Lors du discours sur le budget, le ministre des Finances annonçait une
nouvelle formule de taxation concernant l'essence dans les régions
frontalières. En ce qui concerne les régions frontalières
du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario, il avait une formule décroissante.
Il annonçait que, dans les régions frontalières de
l'Ontario, l'aide maximale serait de 50% du niveau de la taxe sur les
carburants, avec le tableau qui nous indique le taux de décroissance par
tranche de cinq kilomètres. Quant aux régions frontalières
des États-Unis, la réduction est fixée à seulement
20%.
La question que je veux poser au ministre est la suivante: Pourquoi deux
poids deux mesures? Dans les régions frontalières des
États-Unis, on accorde une décroissance de 20% au lieu de 50% et
il n'y a pas de tableau décroissant comme dans les régions
frontalières du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario. Pourquoi deux poids
deux mesures? Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer pour quelle raison
on n'accorde pas le même privilège aux régions
frontalières américaines qu'aux régions
frontalières du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario?
Le Président: M. le ministre du Revenu.
M. Marcoux: Je veux indiquer au député d'Orford
qu'à la suite de la décision du ministre des Finances de
maintenir la taxe sur les carburants à 40% j'avais pris l'engagement
d'étudier les problèmes particuliers qui étaient
posés sur certains territoires, en particulier dans trois secteurs,
Témiscouata, Papineau, ce qu'on appelle le secteur de la Petite Nation,
et également des représentations nous ont été
faites en ce qui concerne la frontière américaine. Normalement,
dans la première ou la deuxième semaine de juin, des
décisions pourraient être prises dans ces cas, y
compris le cas que vous soulevez où, évidemment, comme
vous l'avez indiqué, la réduction est de 20% au lieu de 50%.
À ce moment-là, une décision définitive sera prise
pour l'ensemble des cas particuliers que nous devions examiner une fois la
décision essentielle prise de maintenir la taxe sur les carburants
à 40%. (16 heures)
Le Président: Question complémentaire, M. le
député d'Orford.
M. Vaillancourt (Orford): Vous disiez dans votre réponse,
tout à l'heure, qu'il n'y avait pas eu de représentations
concernant les régions frontalières des États-Unis, mais
je pense que la pétition que j'ai déposée, si elle ne
contient pas beaucoup de noms...
Le Président: M. le député d'Orford, puis-je
vous rappeler qu'une question complémentaire ne doit pas comporter de
préambule et vous inciter à poser votre question
complémentaire?
M. Vaillancourt (Orford): Merci, M. le Président. Est-ce
que le ministre pourrait prendre cette demande en considération et
accorder justice à tous les détaillants d'essence des
régions frontalières des États-Unis, avec le même
tableau décroissant que celui qui existe dans les autres régions
frontalières?
Le Président: M. le ministre du Revenu.
M. Marcoux: Tantôt, je n'ai pas dit que nous n'avions pas
eu de représentations, j'ai dit que c'était à la suite de
la décision centrale du maintien du taux de la taxe sur l'essence que
nous avions décidé d'examiner les trois cas problèmes qui
nous avaient été signalés, dont celui de la
frontière américaine. En ce sens-là, vous pouvez
être assuré qu'on tiendra compte des représentations qui
nous ont été faites et auxquelles vous avez fait allusion
tantôt.
Le Président: Question principale, M. le
député de Beauharnois.
M. Lavigne: Merci, M. le Président...
M. Vallières: Question additionnelle sur le même
sujet, M. le Président...
Le Président: Courte et dernière question
additionnelle, M. le député de Richmond.
M. Vallières: ...au ministre du Revenu toujours. Compte
tenu que, dans le budget, on annonçait simplement un ajustement de neuf
dixièmes de cent concernant l'essence régulière pour les
villes frontalières, est-ce que vous prenez l'engagement de rencontrer
les représentants des détaillants des villes frontalières
qu'on retrouve dans la région d'Orford afin d'établir avec eux
une formule qui serait à leur satisfaction? Quand comptez-vous les
rencontrer?
Le Président: M. le ministre du Revenu.
M. Marcoux: Que je sache, je n'ai pas eu de demande - quitte
à vérifier - de rencontre, à titre de ministre du Revenu,
contrairement au secteur de la Petite Nation ou de Témiscouata où
les groupes avaient demandé à me rencontrer. J'ai
rencontré les deux groupes, du comté de Papineau comme de
Témiscouata. Si j'ai eu des demandes de rencontre dans le cas de la zone
frontalière avec les États-Unis, j'essaierai de prendre les
mesures pour rencontrer les intéressés, quoique je puis vous
assurer que compte tenu des représentations qui nous ont
été faites, et je sais qu'il y en a eu, la description du
problème est connue au ministère.
Le Président: M. le député de Beauharnois,
question principale sans complémentaire.
Mouvement pour la réduction des importations de
vêtement
M. Lavigne: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. On pouvait lire, M. le
ministre, dans le Devoir de ce matin que l'industrie du textile, le monde du
textile, les syndicats et les employeurs, tous réclament une baisse des
importations du gouvernement fédéral dans le domaine du
vêtement et du textile.
On peut lire dans l'article qu'en 1981 il y avait 28% d'importations de
vêtements et de textile au Québec, qu'en 1983 ces importations
sont montées à 40%, ce qui a donné comme résultat
que dans le textile, M. le ministre, 8000 personnes ont connu le chômage
à cause de ces importations massives et 5000 autres dans le textile, ce
qui veut dire 13 000 emplois perdus à cause des importations massives
qui nous viennent des pays étrangers.
On sait que, l'an passé, le même gouvernement a
touché au domaine de la chaussure, a fait des importations massives dans
la chaussure de cuir et cela a donné 2000 chômeurs de plus. Je
sais que le gouvernement du Québec, par votre ministère, est
intervenu et a pu régler un tant soit peu le problème de
l'importation massive de la chaussure au Québec. Est-ce que vous avez
l'intention, en dépit des ententes GATT signées avec les pays
étrangers pour l'importation du vêtement et du textile,
d'intervenir pour faire modifier les ententes? Je pense que les ententes du
GATT permettent une diminution des
importations massives de textile et de vêtements au
Québec.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, c'est exact qu'on a perdu,
depuis au-delà de deux ans, tout près de 15 000 emplois au
Québec dans le domaine du textile et des vêtements à cause
de la levée des quotas d'importation. On importe, au Canada, environ 40%
de nos besoins en vêtements alors que les États-Unis, eux, ont un
plafond de 15% d'importations. On voit que la politique fédérale
là-dessus est complètement irresponsable, d'autant plus que c'est
70% de la production du vêtement qui est au Québec, donc, ce sont
les entreprises du Québec et les travailleurs et les travailleuses du
Québec qui sont pénalisés par l'irresponsabilité du
gouvernement fédéral dans le domaine d'une politique raisonnable
d'importation du textile et du vêtement.
On en a discuté à plusieurs reprises, à l'occasion
de rencontres avec les industriels, les travailleurs et les
représentants syndicaux du domaine du vêtement et du textile. Nous
avons fait plusieurs réclamations au gouvernement fédéral
pour avoir une politique beaucoup plus responsable et protéger au moins
les 15 000 emplois qu'on a perdus au Québec et essayer de les
récupérer. Chaque fois, on a reçu des réponses du
fédéral disant: Cela ne presse pas, ce n'est pas trop important
et on y verra avec le temps.
La dernière démarche, je l'ai menée personnellement
auprès de M. Lumley. Je l'ai rencontré à bonne heure
à Montréal il y a deux ou trois semaines. Il m'a
référé à M. Reagan, qui est ministre du Commerce
extérieur fédéral. Mon collègue, le ministre du
Commerce extérieur du Québec, lui en a parlé aussi et,
finalement, j'ai reçu une lettre de M. Reagan, sans saveur, inodore, qui
ne veut à peu près rien dire, qui veut dire: Que les travailleurs
et les travailleuses du Québec perdent leur job, ça ne nous
dérange pas trop, pourvu que ce ne soit pas en Ontario. C'est à
peu près de cette façon qu'on nous a répondu. C'est
complètement irresponsable de la part du gouvernement
fédéral.
Nous appuyons les travailleurs et les travailleuses du vêtement,
nous appuyons les industriels du vêtement, nous voulons des quotas
d'importation qui soient raisonnables, qui soient à la limite des quotas
de 1980. Si on faisait cela, si on avait seulement la volonté à
Ottawa - cela ne coûte rien -d'imposer les mêmes quotas qu'on avait
en 1980, c'est de 10 000 à 15 000 emplois de plus que nous pourrions
avoir au Québec. Le gouvernement du Québec continue ses
démarches pour appuyer les entreprises et les travailleurs du
vêtement et du textile.
Le Président: La période des questions est
terminée.
M. le leader parlementaire de l'Opposition.
M. Lalonde: La période des questions, d'après vos
services, devait se terminer à 16 h 02. Vous avez permis une autre
question à un député ministériel. Si une
période de messages publicitaires était prévue avant ou
après la période des questions, il faudrait qu'elle soit
prévue par le règlement.
M. le Président, je vous soumets que, d'après l'usage
établi ici, le parti de l'Opposition a les trois premières
questions principales et ensuite, bon an mal an, bon jour mal jour, une
question est prévue pour les ministériels.
Généralement, c'est une question plantée. Ensuite, nous
revenons, nous, de l'Opposition. Nous n'avons eu que deux questions principales
avant que vous ne retourniez, en dehors de la période des questions, qui
se terminait à 16 h 02, aux ministériels. Quoiqu'un grand nombre
de questions additionnelles aient été accordées, c'est sur
les questions principales qu'on doit, je pense, fonder les droits des
parlementaires de l'Opposition. Je vous invite simplement à
reconnaître nos droits.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition,
je pense qu'aujourd'hui est une bien mauvaise journée à choisir
pour vous plaindre que le président ne reconnaît pas vos droits.
J'ai fait le relevé des questions et je vous l'ai d'ailleurs fait
parvenir, vous l'avez devant vous. Il y a eu en tout et partout, de la part de
l'Opposition officielle aujourd'hui, cinq questions principales et amplement de
questions complémentaires, ce qui fait qu'en tout et partout,
l'Opposition officielle a pu poser aujourd'hui 21 questions au
gouvernement.
De leur côté, les députés ministériels
ont eu très exactement 2 questions principales et aucune question
complémentaire. À 21 contre 2, M. le leader parlementaire de
l'Opposition, je soumets que les droits de l'Opposition sont bien loin
d'être brimés.
M. Lalonde: Je reconnais, M. le Président, qu'il y a eu
beaucoup de questions additionnelles, mais je vous demande simplement, à
l'avenir, de tenir compte des questions principales d'abord. On peut conclure,
avec le même calcul que vous venez de faire, qu'aujourd'hui l'Opposition,
avec 43 députés, a eu cinq questions principales et le parti
ministériel a passé deux messages publicitaires.
Des voix: Oh!
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition,
je ne vois vraiment pas en quoi... Si vous voulez qu'on réorganise
l'agencement de la période des questions, je veux bien. Pour l'instant,
l'usage fait qu'effectivement les trois premières questions principales
sont données à l'Opposition, ce que j'ai toujours maintenu.
D'ordinaire, la quatrième va au côté ministériel. Il
faut évidemment que le président tienne compte dans
l'évolution de la période des questions du nombre de questions
complémentaires qui sont posées. Il est trop facile de dire qu'il
n'y a pas eu beaucoup de questions principales alors qu'il y a eu une grande
quantité de questions complémentaires. Ce sont néanmoins
des questions.
Dans l'évolution de la période des questions, si nous
avions eu aujourd'hui, à titre d'exemple, dix questions principales et
très peu de questions complémentaires, je n'aurais probablement
eu aucune protestation de votre côté à l'effet que des dix
questions principales, il y en aurait eu deux aux ministériels. Cette
fois-ci, j'ai pondéré en tenant compte de la très grande
quantité de questions complémentaires. Je pense que c'est une
chose imminente et équitable et qu'on est malvenu de m'en faire le
reproche aujourd'hui en particulier.
M. Lalonde: M. le Président, je ne vous en fais pas de
reproche. Je ne voudrais pas que vous preniez cela comme un reproche. Je veux
simplement vous inviter à protéger, à l'avenir, davantage
ou à tenir compte davantage des droits de l'Opposition. C'est mon devoir
de le faire. Je le fais dans l'ordre. Je le fais conformément au
règlement et je le fais avec tout le respect que nous devons à la
présidence.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, je m'engage
à continuer à protéger les droits de l'Opposition, comme
je pense l'avoir fait sagement jusqu'à maintenant et à
protéger également les droits de tous les députés
à intervenir en cette Chambre.
Aux avis à la Chambre, M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais faire
motion...
Une voix: J'ai une motion non annoncée.
Le Président: Je m'excuse. Aux motions non
annoncées, M. le député de Laprairie.
Journée internationale 1983 de Montréal
M. Jean-Pierre Saintonge
M. Saintonge: M. le Président, je solliciterais le
consentement de cette
Assemblée pour proposer une motion afin de souligner cette
journée du 25 mai qui a été proclamée, par la
Chambre de commerce de Montréal, journée internationale 1983 de
Montréal.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix: Consentement.
Le Président: Consentement. M. le
député.
M. Saintonge: Chacun de nous connaît le dynamisme qui anime
cette grande ville qu'est Montréal, ville qui a su se tailler une place
de choix à plus d'un titre par l'excellence de ses contributions au
niveau international. Tout le long de son histoire, Montréal a su
relever de grands défis et ainsi contribuer à l'essor de
l'activité économique, industrielle, financière et
culturelle de l'ensemble du Québec. Montréal est devenue ainsi le
moteur du Québec.
Par cette journée, on viendra stimuler davantage l'esprit
d'initiative et de création de l'industrie montréalaise afin
qu'elle se fasse connaître partout dans le monde et fasse ainsi rejaillir
ses succès sur l'ensemble de la collectivité montréalaise
et québécoise.
Un prix d'excellence offert par la Banque Royale sera remis afin de
couronner les efforts de l'entreprise montréalaise qui s'est
distinguée par sa contribution au rayonnement international de
Montréal.
Je fais donc motion, M. le Président, pour que cette
Assemblée félicite les organisateurs de cette journée
internationale 1983 de Montréal, soit les membres de la Chambre de
commerce de Montréal. Je félicite également les artisans
de cette journée et les Montréalais qui, par leur enthousiasme et
leur ténacité, ont fait de Montréal une ville
internationale.
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: M. le Président, je m'associe au
député de l'Opposition pour féliciter Montréal, ses
habitants, ses élus, pour cette journée internationale, et
souligner aussi tous les succès qu'a remportés Montréal
depuis des décennies dans son rôle de métropole du
Québec en particulier. On le fait aujourd'hui sur les plans industriel,
commercial et économique en général par le biais de la
Chambre de commerce de Montréal.
Je soulignerai, par ailleurs, que Montréal a aussi un rôle
à jouer sur le plan international. En particulier, nous avons eu
l'occasion, en fin de semaine, de souligner la
signature d'un accord de jumelage entre l'Île-de-France et la
Communauté urbaine de Montréal qui remettait en lumière ce
rôle international de Montréal. Je soulignerai aussi que l'an
prochain, à l'occasion du congrès international de la
Fédération mondiale des villes jumelées, Montréal
sera encore à l'honneur et toute l'île de Montréal y
sera.
Je m'associe donc à cette motion de l'Opposition, M. le
Président.
Le Président: La motion du député de
Laprairie est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: En vertu de l'article 34, M. le
Président.
Le Président: Cela viendra plus tard. Aux avis à la
Chambre, M. le leader parlementaire du gouvernement.
Avis à la Chambre
M. Bertrand: M. le Président, j'aurais quelques motions
à faire, premièrement, pour faire siéger des commissions
parlementaires cet après-midi. Au salon rouge, la commission de
l'énergie et des ressources, concernant le dossier LG 2, siégera
de 16 h 15 à 18 heures. À la salle 81-A, la commission des
affaires culturelles poursuivra les auditions relativement au projet de loi sur
les archives.
Je voudrais aussi faire motion pour que, demain matin, de 10 heures
à 12 h 30, au salon rouge, la commission de l'énergie et des
ressources poursuive ses travaux concernant le dossier LG 2 et qu'à la
salle 91-A la commission des engagements financiers se réunisse pour
faire l'étude des engagements financiers.
Le Président: La motion est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Aux questions en vertu de
l'article 34, M. le député de Laporte.
Recours à l'article 34
M. Bourbeau: M. le Président, ma question s'adresse au
leader du gouvernement. Est-ce que le gouvernement entend donner suite,
bientôt, à la promesse maintes fois faite par le ministre des
Transports de légaliser le covoiturage et s'il entend déposer
sous peu un projet de loi à cet égard?
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, promesse faite, promesse
tenue. Il y aura effectivement un projet de loi qui sera déposé,
mardi, à l'Assemblée nationale.
Le Président: Nous passons donc aux affaires du jour qui
commencent par une réponse à une question inscrite au feuilleton.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
Réponses aux questions inscrites au
feuilleton
M. Bertrand: M. le Président, c'est avec beaucoup de
plaisir que je donne réponse, au nom du ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, à une question qui est à
l'article 1 du feuilleton d'aujourd'hui, question posée par M. Houde au
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Je fournis
la réponse. Je voudrais faire remarquer, en passant, qu'effectivement
les questions des députés qui sont inscrites au feuilleton ont
toutes trouvé une réponse, du moins les questions des
députés de l'Opposition ont toutes trouvé une
réponse, sauf le député de Sainte-Marie qui attend
toujours après la sienne. Je pense qu'il s'agit quand même d'un
rendement meilleur que ce qu'on connaissait dans le passé.
Le Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Lalonde: À tout seigneur, tout honneur.
L'honnêteté et la sincérité m'obligent de le
reconnaître lorsque le leader du gouvernement fait bien les choses.
Malheureusement, je n'ai pas l'occasion très souvent de me lever pour le
faire. Qu'à cela ne tienne, je dois reconnaître qu'à cause
d'un système qui s'est installé, qui s'est imposé
lui-même, nous avons maintenant, au-delà de nos espérances,
des réponses aux questions au feuilleton. Je ne le fais pas par
flagornerie. Dans le passé, on a vu des fois le petit nombre de
questions au feuilleton vu le temps que cela prenait, des fois six mois, un an,
pour obtenir une réponse; cela décourageait les
députés d'inscrire une question au feuilleton. Nous allons
maintenant, je pense, recourir davantage à cet instrument de travail
prévu par nos règlements et j'invite le leader du gouvernement
à poursuivre son travail.
Motion proposant que l'Assemblée
se prononce en faveur de l'abrogation
immédiate de la loi 111
Le Président: Ce sur quoi nous passons à la motion
du député d'Argenteuil, en vertu de l'article 91 du
règlement: Que
l'Assemblée nationale se prononce en faveur de l'abrogation
immédiate de la loi 111, Loi assurant la reprise des services dans les
collèges et les écoles du secteur public, et invite le
gouvernement à prendre sans délai les mesures nécessaires
à cette fin. La parole est au député d'Argenteuil.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, la motion que je présente
aujourd'hui est conçue dans un esprit impartial et objectif. Je
n'entends pas ressusciter les débats qui ont entouré l'adoption
de la loi 111. Je veux plutôt demander que nous acceptions ensemble,
députés ministériels, députés de
l'Opposition et député indépendant, de faire un geste
inspiré uniquement par le souci des droits de la personne et par le
souci du bon renom du Québec à l'extérieur de ses
frontières.
L'Assemblée nationale adoptait, le 17 février dernier, la
loi 111, laquelle allait bien au-delà de tout ce que nous avions vu
jusqu'alors en fait de sanctions contre un groupe de travailleurs
syndiqués. Les quelque 85 000 enseignants des secteurs primaire,
secondaire et collégial publics s'étaient mis en grève de
manière illégale pour protester contre les effets de la loi 105,
laquelle, on s'en souvient, dictait jusque dans le détail les conditions
de travail de ce groupe de salariés pour une période de trois
années. Pour obliger les enseignants à reprendre le travail, le
gouvernement adoptait la loi 111. Cette loi, par la
sévérité inusitée des sanctions qu'elle comportait,
a justement soulevé un concert très large de réprobation
non seulement au Québec, mais aussi au Canada et même à
l'étranger.
Pour se rendre compte de la gravité des réactions
suscitées par cette loi, il faut rappeler, d'abord, la gravité
des sanctions qu'elle comportait. Tout d'abord, elle faisait disparaître
d'un trait de plume un principe sacré de notre droit, la
présomption d'innocence lorsqu'une personne est accusée d'avoir
commis un délit de caractère pénal. Dans un paragraphe, on
faisait disparaître la présomption d'innocence dans le cas des
enseignants qui ne se seraient pas présentés au travail un bon
matin. Le seul fait d'avoir été absent créait contre eux
une présomption de culpabilité. La même présomption
cessait de s'exercer en faveur des associations de travailleurs. Des syndicats,
des confédérations et des groupes de travailleurs étaient
mis dans le même sac que n'importe quel individu qui aurait
décidé de son seul gré de violer la loi. (16 h 20)
Ces deux dispositions de la loi 111 -les articles 17 et 18 -
étaient contraires à la Charte des droits des Nations-Unies, la
Déclaration universelle des droits de la personne, au Pacte
international des droits civiques et politiques - document auquel a souscrit le
Canada et qui nous engage moralement au Québec, sinon
nécessairement de façon légale - à la Charte
canadienne des droits et aussi à l'article 33 de la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne.
La loi 111 comportait en outre des sanctions individuelles d'une
sévérité inusitée en cas d'absence d'enseignants au
travail. Par exemple, toutes les lois spéciales que nous avons
adoptées jusqu'à maintenant prévoyaient qu'une personne
qui refusait de se présenter au travail cessait de toucher son salaire.
Avec la loi 111, c'était la sanction en double; c'était la perte
de son salaire pour la journée manquée plus une journée
additionnelle de salaire qui était enlevée à
l'intéressé; la perte de droits d'ancienneté aussi. Chaque
journée d'absence entraînait la perte de droits
d'ancienneté chèrement acquis au prix d'années de
travail.
Enfin, la loi 111 comporte des amendes plus élevées que
celles qui sont définies dans le Code du travail. On créait des
sanctions spéciales dans le cas de cette loi, toujours à
l'endroit des enseignants. Même chose à l'endroit des associations
d'enseignants. On prévoyait des sanctions d'une
sévérité absolument inconnue jusqu'alors. Par exemple, la
retenue de la cotisation syndicale était suspendue dès qu'une
association était présumée coupable d'avoir
été partie à l'absence d'une personne ou d'un groupe
d'enseignants au travail. À ce moment-là, la retenue des
cotisations syndicales devait cesser. Les libérations de dirigeants
syndicaux pour affaires syndicales qui sont longuement définies dans les
conventions collectives - maintenant dans les décrets -cessaient
également de s'appliquer et les dispositions relatives au paiement des
frais d'arbitrage étaient modifiées de manière que le
syndicat en assume une part plus élevée.
La loi 111 comporte également des changements à nos
procédures judiciaires ordinaires, dont parlera sans doute tantôt
le député de D'Arcy McGee. Enfin, elle met en veilleuse la charte
québécoise des droits et la charte canadienne des droits, au cas
où elle ne l'aurait pas été déjà par la loi
62. En tout cas, c'était un article précis de la loi 111 en vertu
duquel la charte québécoise des droits cessait de s'appliquer
aussi longtemps que cette loi était en vigueur.
Ses effets, M. le Président, sont très graves et
très inquiétants. Ils nous ont obligés, dès le mois
de février dernier, à nous opposer vigoureusement à
l'adoption de la loi 111 et, depuis ce temps, ils ont soulevé
l'inquiétude - justifiée, à mon point de vue - des milieux
internationaux les plus autorisés. Pour la première fois depuis
très longtemps, le gouvernement du Québec a reçu une
lettre de la Fédération internationale des droits de l'homme qui
a
son siège social à Paris et dont fait partie, si mes
informations sont exactes, la Ligue québécoise des droits de
l'homme. Cette fédération, par la voie de son président,
écrivait au premier ministre du Québec, en mars, la lettre
suivante que je voudrais verser au dossier: "La Fédération
internationale des droits de l'homme a été saisie du dossier se
rapportant à la loi 111, sanctionnée par votre gouvernement le 17
février dernier. L'analyse de cette loi nous conduit à conclure
que les droits et libertés d'un groupe de vos concitoyens sont remis en
question." Je pense que je vais sauter pardessus le reste. Je demanderais de la
déposer au dossier, peut-être en annexe au texte de mon discours,
mais j'en remettrai volontiers une copie aux représentants du
gouvernement qui sont en cette Chambre au cas où ils n'en auraient point
pris connaissance.
Cette loi fut justifiée dans le temps par le gouvernement au nom
d'une situation créée par la grève des enseignants,
à la suite de l'adoption de la loi 105. Nous avons soutenu dans le temps
- et nous continuons évidemment de le soutenir du côté de
l'Opposition - que la situation créée par la grève des
enseignants dans l'éducation ne justifiait pas une loi aussi
sévère, ne justifiait pas, en particulier, la mise en veilleuse
des droits garantis par la Charte québécoise des droits et
libertés de la personne, par la Charte canadienne des droits de la
personne et par la Déclaration universelle des droits de l'homme. Nous
avons trouvé la justification de notre position dans une disposition du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, document
adopté par de nombreux gouvernements de manière à
favoriser l'application concrète des dispositions de la
Déclaration universelle des droits de l'homme. À l'article 4 de
ce pacte international auquel a souscrit le Canada en 1976, on lit ceci: "Dans
un cas où un danger public exceptionnel menace l'existence de la nation,
il est proclamé par un acte officiel, les états parties au
présent pacte peuvent prendre dans la stricte mesure où la
situation l'exige des mesures dérogeant aux obligations prévues
dans le présent pacte sous réserve que ces mesures ne soient pas
incompatibles avec les autres obligations que leur imposent le droit
international."
La situation à laquelle nous faisions face en février
était très sérieuse. Nous n'en disconvenons aucunement,
mais elle n'était pas de celles qui justifient la mise en veilleuse de
droits fondamentaux garantis par une charte des droits humains. La seule
exception que prévoit le Pacte international relatif aux droits civiques
et politiques, c'est une situation qui met en danger l'existence même de
la nation. Personne ne serait assez cinglé pour oser soutenir en cette
Chambre que l'existence de la nation québécoise était mise
en danger en février dernier, par le fait que les enseignants
s'étaient mis en grève pendant quelques jours. C'est pourquoi
d'ailleurs dans la lettre qu'il a adressée au premier ministre, le
président de la Fédération internationale des droits de
l'homme lui demandait d'expliquer les raisons qui ont justifié le
gouvernement de faire adopter cette loi dans les circonstances que l'on sait.
Il lui disait que la Fédération internationale des droits de
l'homme s'inquiétait grandement de constater la facilité avec
laquelle la sauvergarde des droits et libertés au Canada avait
été écartée à cette occasion.
À plus forte raison, si en février dernier, la situation
à laquelle nous faisions face ensemble ne justifiait pas un recours
aussi extrême, en est-il de même aujourd'hui, alors que
l'arrêt de travail des enseignants est terminé depuis
déjà plusieurs mois fort heureusement? L'arrêt de travail
prit fin presque immédiatement et tous ceux qui avaient suivi cette
situation de près s'étaient rendus compte qu'elle ne durerait pas
longtemps. On voulait faire une manifestation dont les auteurs et les
dirigeants des organismes concernés ont pris et doivent assumer
l'entière responsabilité. Mais de toute manière, la
situation qui a pu exister à l'époque n'existe plus aujourd'hui,
les enseignants ont repris le travail. Il y a eu une commission parlementaire
à laquelle leurs organisations syndicales ont participé. Cette
commission parlementaire fut suivie d'une conciliation à laquelle le
gouvernement a consenti à participer avec la partie syndicale, le
gouvernement à titre d'élément dominant de la partie
patronale, c'était très bien. Ensuite des ententes ont
été signées dans certains secteurs. Autant de
développements qui nous portent à conclure que la situation
d'alors, même si nous ne trouvions pas qu'elle justifiait encore une fois
des conclusions aussi extrêmes, n'existe plus aujourd'hui et que cela
doit constituer pour le gouvernement une invitation à se corriger dans
les meilleurs délais.
Le ministre du Travail a déposé cet après-midi en
Chambre un décret en vertu duquel, suivant l'article 23 de la loi 111,
le gouvernement a décidé - je pense que c'est aujourd'hui
même - nous sommes bien contents que ce soit arrivé juste avant le
débat que nous avions proposé au gouvernement pour cet
après-midi, je pense qu'il y a eu à tout le moins une rencontre
de pensées fort heureuse - que le loi cesse de s'appliquer au groupe de
syndiqués qui en sont venus à une entente avec le gouvernement.
J'en suis très heureux, mais je suis convaincu que les porte-parole du
gouvernement conviendront avec moi qu'un décret, c'est toujours
dangereux. On l'a vu quand cette masse de décrets nous a
été soumise au mois de décembre dernier. Je
pense que le gouvernement lui-même reste gêné de tous
les problèmes techniques et autres qui ont découlé de
cette façon de procéder. Dans ce cas, le décret ne peut
être au mieux qu'une mesure transitoire. (16 h 30)
Le décret est adopté aujour'dhui. La loi reste dans les
statuts; elle continue de peser sur la tête des intéressés
à la manière d'une épée de Damoclès qui
pourrait toujours être invoquée dans une situation
imprévisible. Je pense que le ministre du Travail, qui m'écoute
avec attention - je l'en remercie -qui a une longue expérience de ces
choses sait très bien que, sur une période de trois ans, il
pourrait survenir toutes sortes d'accidents de parcours que nous ne souhaitons
aucunement, mais qui pourraient être imputables à toute autre
raison et survenir dans de tout autres circonstances que celles que nous avons
connues en février dernier.
C'est pourquoi il me semble que la véritable solution devrait
consister, pour le gouvernement, à présenter à cette
Assemblée nationale un projet de loi très court, un projet de loi
très concis, très clair, qui nous inviterait à proclamer
tous ensemble, dans un geste d'unanimité - comme le gouvernement les
aime parfois et comme nous aussi, de l'Opposition, les aimons de temps à
autre -que le Québec veut effacer de son souvenir, au moins de ses
livres de loi, de ses textes législatifs, cette pièce que les
historiens jugeront à son mérite, que les
générations futures pourront discuter, mais dont je souhaiterais
vivement qu'entre nous il ne soit plus jamais question.
À sa face même, la loi 111 reste dans mon esprit une mesure
énorme, une mesure tout à fait disproportionnée par
rapport à la situation à laquelle nous faisions face à
l'époque. Elle a entraîné en conséquence des suites
injustes, inhumaines et odieuses pour des milliers de travailleurs,
au-delà de 85 000 travailleurs qui méritent notre respect et
notre compréhension, même si nous ne sommes pas obligés
d'être toujours d'accord avec eux dans toutes les choses qu'ils font. Je
fais appel cet après-midi à la majorité gouvernementale
pour qu'avec nous, et je dirais avec tous les citoyens de bonne volonté
du Québec, avec les observateurs internationaux, avec tous les amis des
droits de l'homme qui se comptent nombreux, d'ailleurs, chez les membres de la
majorité ministérielle également, dans un geste
d'engagement renouvelé envers le service prioritaire des libertés
et des droits fondamentaux de la personne, cette Chambre décide cet
après-midi, en adoptant la motion que nous lui avons soumise, que la loi
111 devrait être retirée des statuts du Québec dans les
plus brefs délais, de manière que les enseignants visés
par cette loi puissent recommencer, à compter de maintenant, à
fonctionner sous l'empire de nos lois régulières du travail.
Les enseignants ne sont pas une catégorie plus difficile que les
autres, ils ne sont pas une catégorie de travailleurs qui doit
être infiniment astreinte à un statut particulier aussi odieux que
celui-là. Je pense que c'est le moment pour tous, surtout si le
gouvernement veut être conséquent avec lui-même, de poser un
geste de confiance à l'endroit des enseignants, surtout un geste de
respect à l'endroit de leurs libertés fondamentales, en faisant
disparaître cette loi de nos statuts.
Je termine, M. le Président, en rendant hommage aux enseignants.
On a dit toutes sortes de choses à leur sujet, mais il m'a
été donné de les connaître d'un peu plus près
au cours des derniers mois. Je voudrais assurer mes collègues dans cette
Chambre et aussi mes concitoyens que les enseignants sont des citoyens aussi
respectueux des lois, aussi amoureux de leur travail, aussi consacrés
à la recherche du bien commun que n'importe quelle autre classe de
citoyens au Québec. Je dois constater, en observant ce qui s'est
passé depuis le mois de février, qu'ils ont repris le travail
dans des circonstances extrêmement difficiles. Ils l'ont repris avec
dignité, ils l'ont repris avec une conscience professionnelle qui,
à mon point de vue, est remarquable. Je pense que s'il y avait cette
nouvelle étape, ce nouveau développement que propose cette
motion, encore une fois, dans un esprit bien au-delà de la partisanerie,
nous poserions tous ensemble un geste salutaire pour la démocratie et le
respect des libertés et des droits au Québec. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader
parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, si j'avais le consentement
de l'Assemblée nationale -je m'excuse, j'aurais dû le faire tout
à l'heure avant que le député d'Argenteuil ne prenne la
parole - on m'indique qu'il serait important qu'on puisse procéder
immédiatement, et je crois savoir qu'il n'y a pas de discours
prévus ni d'un côté ni de l'autre à l'adoption des
projets de loi 112 et 113 en troisième lecture. Je fais donc motion pour
qu'ils soient adoptés.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce qu'il y a
consentement?
M. Levesque (Bonaventure): Oui, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la
troisième...
M. Bisaillon: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui, M. le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Est-ce que cette demande du leader du gouvernement
pourrait venir dans une demi-heure? Est-il essentiel de donner maintenant le
consentement? Pourvu que le leader ait son consentement avant la fin de la
séance, est-ce que ce serait suffisant pour lui? Cela lui permettrait
peut-être de me consulter, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Je le fais séance tenante. Nous pourrions
simplement procéder à la sanction royale immédiatement.
Donc, cela nous faciliterait les choses.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Est-ce qu'on pourrait demander au leader d'attendre
environ cinq minutes? Le temps de venir me rencontrer et après cela, on
procédera. Après la prochaine intervention, est-ce que cela
pourrait être suffisant?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Chicoutimi et ministre de la Justice.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: M. le Président, je pense que ceux et
celles qui nous écoutent présentement ont été
à même de constater que le député d'Argenteuil,
représentant de l'Opposition, avait presque omis de parler des
circonstances qui ont amené l'adoption de la loi 111. À
écouter l'Opposition, on serait porté à croire que, dans
les mois qui ont précédé l'adoption de la loi 111,
adoption qui n'a pas été faite de gaieté de coeur par le
gouvernement, comme toute loi spéciale n'est pas adoptée de
gaieté de coeur par quelque gouvernement que ce soit, le Québec
était très calme, qu'il n'y avait aucun problème de
relations du travail, qu'il n'y avait aucune violation de la loi, à un
point tel que je pense que l'Opposition se retient presque pour ne pas nous
dire même qu'une loi spéciale n'était pas
nécessaire.
On dirait que l'Opposition a l'impression que la loi 111 est
arrivée comme cela, sans qu'il y ait une nécessité qui
était commandée par des circonstances. Si l'Opposition ne se le
rappelle pas, la population, qui a eu à en subir les effets, se souvient
de ces circonstances, dans les mois qui ont précédé
l'adoption de la loi 111.
La loi 111 n'est pas arrivée comme cela. Ce n'est pas un
gouvernement ou le gouvernement qui s'est levé un matin avec le
goût d'adopter une loi, qui était extrêmement
sévère, il faut en convenir. S'il en a été ainsi,
c'est parce qu'il y avait des circonstances que, je pense, il est important de
rappeler.
L'Opposition sait très bien que cela faisait presque un mois que
des syndiqués, des instances syndicales et des autorités de ce
milieu organisaient des grèves illégales et incitaient les
membres des associations accréditées et les instances syndicales
à ne pas respecter les lois en vigueur et, ce faisant, à brimer
les droits de ceux qui voulaient néanmoins enseigner ou recevoir
l'enseignement, à brimer les droits des enfants et les droits des
parents de ces enfants.
L'Opposition n'y a fait aucune allusion, comme si rien n'était,
comme si c'était presque l'effet du hasard que cette loi spéciale
ait été adoptée par le gouvernement. Pourtant, pendant
presque un mois, plus de 60 000 enseignants étaient en grève, il
faut s'en rappeler. Cela faisait presque un mois que les enseignants et les
autres travailleurs du secteur de l'éducation, qui désiraient
accomplir leur travail et respecter la loi, ne pouvaient le faire en raison de
lignes de piquetage qui, plus souvent qu'autrement, ne pouvaient être
franchies qu'avec l'aide des policiers qui ont fait, dans les circonstances, un
travail remarquable, je pense, en termes de respect par rapport à
l'ensemble des parties concernées dans ces conflits auxquels nous
faisons allusion. (16 h 40)
Je passe également sous silence le harcèlement et
l'ostracisme que devaient subir ces personnes et l'existence de commandos
spéciaux chargés de les rappeler à l'ordre. Cela,
l'Opposition ne l'a pas mentionné, mais je pense qu'il faut le rappeler,
ne serait-ce que pour réaffirmer la nécessité qu'il y
avait qu'une loi spéciale très sévère soit
adoptée. Non seulement la loi n'était-elle pas respectée,
malgré les milliers de plaintes pénales qui étaient
portées, mais, on le sait, de nombreux enseignants faisaient
également fi des injonctions qui avaient été émises
par les tribunaux, les enjoignant de demeurer ou de rentrer au travail. Une
telle situation, où perdurait une grève illégale de cette
envergure, était sans précédent. Selon nous,
c'était bien dans cette situation qu'il fallait identifier l'atteinte la
plus directe et concrète au bon fonctionnement de nos institutions
démocratiques.
Le droit à l'instruction, qui est aussi, dois-je le rappeler, un
droit prévu dans notre Charte des droits et libertés de la
personne, était également gravement compromis pour des centaines
de milliers d'élèves. Dans de telles circonstances, une loi
visant à assurer le retour au travail de milliers de personnes
déjà en grève illégale, ne pouvait que
proposer un aménagement différent des droits et obligations des
contrevenants éventuels à la loi par rapport aux règles
usuelles de droit que nous connaissons. C'était effectivement une loi
très sévère qui a été adoptée, avec
des dispositions rigides, ayant des conséquences très importantes
pour ceux qui pouvaient décider de violer les dispositions de cette loi.
Je pense qu'il est important de rappeler ces faits, ne serait-ce que pour bien
faire ressortir la nécessité qu'il y avait pour le gouvernement,
au nom des intérêts de la population, de procéder à
l'adoption d'une loi spéciale, en l'occurrence, la loi 111.
L'Opposition, avec sa motion d'aujourd'hui, ne prend pas le gouvernement
par surprise puisque déjà, dans la loi 111, il y avait une
disposition, faut-il le rappeler, à l'effet de rendre inopérantes
les dispositions de cette loi très sévère à partir
du moment où il y aurait une normalisation dans le domaine des relations
du travail, à partir du moment où des associations syndicales qui
étaient concernées en arriveraient à des ententes avec le
gouvernement. Donc, l'abrogation de certains articles ou l'abrogation de la loi
111, que demande l'Opposition par sa motion, s'inscrit dans un processus
logique qui était déjà contenu à l'article 23 du
projet de loi. Cet article était le suivant, je cite: "Sauf à
l'égard des infractions déjà commises, la présente
loi cesse de s'appliquer à une association de salariés et aux
salariés qu'elle représente à compter de la date
fixée par décret du gouvernement si ce dernier l'estime
appropriée, compte tenu de la conclusion d'une entente entre les
parties." Donc, cette loi visait deux objectifs: non pas d'ostraciser les
enseignants, mais d'essayer d'en arriver à ce qu'il y ait un retour au
travail, ce qui s'est produit, une fois la loi 111 adoptée.
Elle avait également pour but de normaliser les relations du
travail à partir d'ententes signées, ce qui s'est produit
également. La meilleure preuve en est que le ministre du Travail a
déposé aujourd'hui un décret où il est fait
état que, conformément à l'application de l'article 23, la
loi 111 cesse de s'appliquer à compter du 25 mai 1983 aux associations
de salariés qui ont conclu des ententes avec le gouvernement
après l'adoption de la loi 111. Cette disposition, ce décret vise
les ententes qui ont été signées avec les commissions
scolaires, c'est-à-dire entre le Comité patronal de
négociation des commissions scolaires et la Centrale de l'enseignement
du Québec, l'entente conclue le 17 avril 1983 entre le Comité
patronal de négociation des commissions scolaires catholiques et la
Provincial Association of Catholic Teachers et également une autre
entente signée avec l'Association provinciale des enseignants
protestants du Québec.
Donc, M. le Président - c'était l'esprit de la loi -
conformément à cette loi 111 dont parle le député
d'Argenteuil, aujourd'hui, parce qu'il y a eu des ententes signées, nous
sommes en mesure de dire que cette loi ne s'applique plus pour ces
associations.
M. le Président, c'est pour cela que nous serons très
disposés à voter pour la résolution, pour la motion qui
est présentée par le député d'Argenteuil au nom de
l'Opposition, encore une fois parce que cette motion s'inscrit dans l'esprit,
dans la logique de la loi 111, à savoir que cette dernière ne
s'applique pas à partir du moment où des ententes sont
signées. Évidemment, s'il n'y a pas d'entente de signée,
la loi s'applique et je pense qu'une situation telle qu'elle existait dans les
mois qu'on vient de vivre ne pouvait pas continuer.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre, veuillez
conclure.
M. Bédard: M. le Président, cependant, je ne peux
pas accepter la résolution du député d'Argenteuil, telle
qu'elle est libellée, parce qu'il est important - je terminerai avec un
amendement, M. le Président - je pense que l'Opposition le
réalise, il ne faut pas que l'Assemblée nationale pose un geste,
quel qu'il soit, qui soit de nature à mettre en péril les
plaintes qui ont été portées en vertu de la loi 111. Je
pense qu'il faut s'assurer que toutes les plaintes qui ont été
portées ou qui pourraient être portées en vertu de ces lois
ne soient pas affectées, parce qu'il y a eu une violation de loi et il
est important que des sanctions soient prises et que ces plaintes trouvent leur
aboutissement devant les tribunaux.
Motion d'amendement
C'est pourquoi, M. le Président, je terminerai avec un amendement
à l'effet de rayer le mot "immédiate" dans la proposition. Je
propose donc l'amendement suivant: À la deuxième ligne de la
motion, enlever, après les mots "l'abrogation", le mot
"immédiate", afin que la motion se lise comme suit: "Que
l'Assemblée nationale se prononce en faveur de l'abrogation de la loi
111..." Je donne simplement, en terminant, les motifs.
Il m'est impossible de donner suite immédiatement à la
motion. En effet, il faut que nos légistes - je pense que l'Opposition
sera très sensible à ces arguments -examinent, parmi les
dispositions de la loi 111, les articles qui doivent demeurer et qui concernent
les plaintes prises sous l'empire du Code du travail, qu'il s'agisse de
transfert de juridiction du Tribunal du travail à la Cour des sessions
de la paix ou encore de l'article traitant de la délégation
de
signatures et également l'obligation d'étudier les
dispositions de concordance.
Par ailleurs, comme il n'est pas question de retirer les plaintes prises
en vertu de la loi 111 contre les syndicats, leurs dirigeants et leurs
délégués, je dois faire examiner les effets de
l'abrogation de la loi sur ces plaintes pour déterminer si, sur le plan
de la technique législative, il y a lieu d'introduire un article
spécial pour préserver ces poursuites. (16 h 50)
Enfin, il y a lieu également de conserver des dispositions pour
poursuivre sous la loi 111 les syndicats et les dirigeants syndicaux qui ne
l'ont pas été pour les raisons que vous connaissez.
C'est l'essentiel des remarques que j'aurais à faire à la
suite de la motion de l'Opposition. Nous sommes d'accord avec cette motion
à condition qu'on accepte l'amendement proposé. Nous croyons que
la motion de l'Opposition s'inscrit dans l'esprit et la logique de la loi 111
qui était de rendre cette loi ou les dispositions de cette loi
inopérantes à partir du moment où les relations du travail
sont normalisées, à partir du moment où il y a des
ententes signées entre les parties impliquées dans le conflit.
Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de L'Acadie.
M. Bisaillon: M. le Président, vous voudrez bien m'excuser
deux secondes.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui, M. le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Je pense que le leader du gouvernement attend mon
consentement sur les lois 112 et 113. Comme on a eu le temps de se consulter
effectivement, on peut procéder à 112 et 113 et considérer
les deux lois adoptées.
Le Vice-Président (M. Rancourt):
D'accord. Il y a consentement sur la demande du leader, mais comme le
leader n'est pas là pour l'instant, nous allons donner la parole
à Mme la députée de L'Acadie.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je suis
très heureuse de pouvoir appuyer la motion du député
d'Argenteuil qui propose à cette Assemblée l'abrogation de la loi
111. Il y a maintenant plus de six ans que je siège à
l'Assemblée nationale et, à ma connaissance, c'est la
première fois que l'Opposition se lève pour demander l'abrogation
d'une loi. La raison en est très simple. C'est que cette loi, dans ses
conséquences, est tellement sérieuse que nous croyons qu'elle
doit disparaître de nos statuts comme l'indiquait tout à l'heure
mon collègue d'Argenteuil. Il a commencé ses remarques en disant
qu'il faisait cette motion dans un esprit non partisan. Je pense que la
meilleure preuve en est que si cette loi devait demeurer dans nos statuts, elle
serait d'abord une tache pour le gouvernement. C'est quand même le
gouvernement du Parti québécois qui a présenté et
fait adopter avec sa majorité une loi qui suspend l'ensemble des droits
et libertés reconnus par la charte québécoise.
Je pense également que pour l'ensemble de mes concitoyens du
Québec, il est extrêmement important que cette loi disparaisse de
nos statuts. J'aurais voulu moi aussi éviter de faire une genèse
des événements qui ont amené l'adoption de la loi 111 pour
justement, comme le signalait tout à l'heure mon collègue, ne pas
faire de cette motion une motion partisane, mais vraiment la situer au niveau
où elle doit l'être. Nous intervenons parce que nous croyons
qu'une telle loi est dangereuse. La seule autre fois, à ma connaissance,
où on avait soustrait à l'application de la Charte des droits et
libertés de la personne une loi du Québec, c'était dans le
cas de la loi, qui était la Charte de la langue française.
À la suite des protestations générales qui
s'étaient fait entendre par l'ensemble des citoyens du Québec,
elle avait finalement été retirée. C'est donc la
deuxième fois que cela arrive. Nous croyons qu'il est tout aussi
important que nous multipliions les interventions et les protestations
auprès du gouvernement et ce, au nom de nos concitoyens. C'est
très rare que je prétends parler au nom de l'ensemble des
concitoyens, mais il faut avoir entendu et lu tous les reproches et la
réprobation générale de la population et d'organismes
très représentatifs de la population comme la Commission des
droits de la personne, le Barreau du Québec, la Conseil consultatif de
la justice, qui doit conseiller le ministre de la Justice, qui ont
été unanimes à dire qu'il n'y avait aucune justification
pour qu'une loi de retour au travail prévoie des dispositions aussi
importantes que celles de la loi 111.
Le ministre nous faisait le reproche suivant: À la façon
dont le député d'Argenteuil s'est prononcé, on a
l'impression que cette loi a été imposée par le
gouvernement un bon matin sans qu'il y ait de faits précis. C'est vrai
que la situation dans le monde scolaire était extrêmement
difficile, et cela a été signalé par le
député d'Argenteuil, mais elle ne justifiait pas une loi qui
allait aussi loin dans ses sanctions et surtout qui impliquait une
dérogation à la Charte des droits et libertés de la
personne. Dans ce sens, si on voulait refaire la genèse de la loi 111,
il faudrait - et je ne voudrais pas m'y arrêter longtemps - recommencer
à rappeler l'escalade des lois extrêmement
autoritaires que le gouvernement a imposées tout au long de cette
dernière négociation sans même qu'il ait permis que
s'exerce le droit à la libre négociation. Les décrets sont
arrivés. Les lois spéciales sont arrivées et on n'avait
même pas commencé à négocier que,
déjà, le gouvernement intervenait par décret, si bien que
lui-même, en renonçant à sa propre signature - on se
rappellera la loi 70 - a sans aucun doute contribué à mener les
syndicats à l'illégalité. Ceci ne justifiait pas
l'illégalité des syndicats - et je tiens à le dire - mais
il ne faudrait pas dissocier la loi 111 de tous les actes antérieurs qui
l'ont amenée et pour lesquels le gouvernement doit assumer toutes ses
responsabilités.
Le ministre de la Justice nous a dit: Nous y avions pensé en
même temps que vous autres puisque, aujourd'hui, nous avons ce
décret qui, justement, indique que la loi 111 ne s'appliquera plus aux
syndicats qui ont déjà signé une entente avec le
gouvernement. Mais je tiens à dire qu'il y a encore des collèges
qui n'ont pas signé d'entente avec le gouvernement. Le décret ne
s'applique pas à eux et de plus - il faut bien le rappeler - un
décret pourrait être remodifié demain matin, la loi
existant toujours. Le décret est un acte transitoire et ne vient pas
faire disparaître la loi. Évidemment, le décret est un
geste positif, il faut bien le reconnaître, mais ce que nous demandons,
à cause des conséquences importantes de cette loi, c'est
l'abrogation de la loi même.
Nous avons en cette Chambre, au moment de l'adoption de la loi 62 qui
voulait soustraire la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec de l'application de la Charte canadienne des droits et
libertés de la Loi constitutionnelle du Canada, longuement
discuté de la valeur de la Charte des droits et libertés de la
personne. On se rappelle à cet effet que le ministre de la Justice nous
avait dit: "Ces droits et libertés sont déjà fort bien
protégés depuis 1975 par la Charte des droits et libertés
de la personne et les Québécois - on le sait -peuvent
s'enorgueillir d'une charte qui passe pour être l'une des meilleures et
des plus complètes au monde. Notre Charte des droits et libertés
de la personne - je le répète -protège mieux et davantage
les droits et libertés des Québécois." Sans aucun doute,
certains se souviendront du débat qui avait été fait
autour d'une charte des droits et libertés qui était
imbriquée dans la constitution et d'une charte des droits et
libertés qui faisait partie des lois statutaires et combien la seconde
était beaucoup plus exposée aux aléas et aux caprices du
Parlement qu'une loi constitutionnelle. Malheureusement, le gouvernement, peu
de mois après - puisque cette déclaration remonte à mai
1982 - nous donnait raison puisque, pris de panique - et à cause de
toutes les circonstances sur lesquelles je ne veux pas revenir - il trouvait
déjà très facile de soustraire une loi à
l'application de la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec.
Quand le gouvernement a adopté cette loi, il a sans doute
pensé qu'il avait derrière lui l'opinion publique et je crois
qu'il pouvait y avoir la tentation chez un certain nombre de concitoyens de
dire: Enfin! que le gouvernement mette de l'ordre là-dedans. Cela fait
trop de rondes de négociations dont nous faisons les frais, que ce soit
dans le domaine de l'éducation, que ce soit dans le domaine de la
santé ou des affaires sociales. Je peux comprendre les citoyens d'avoir
cette réaction presque viscérale de dire: Enfin, qu'on
règle les choses, qu'on prenne les moyens pour les régler! Mais
je pense que jamais les citoyens n'ont demandé au gouvernement qui est
en face de nous d'aller aussi loin dans le retrait de l'exercice des droits
fondamentaux. (17 heures)
Nous sommes habitués ici, au Québec, comme au Canada
d'ailleurs - c'est ce que tout le monde nous envie - à un grand climat
de liberté où justement le respect des opinions, le droit
d'association, le droit de se défendre en justice, le droit de se former
en syndicat ou associations diverses sont reconnus et ne sont jamais
contestés. On les tient pour acquis. La loi 111 nous donne une
démonstration de combien sont fragiles ces libertés, de combien
sont fragiles ces droits. Peut-être parce que je suis une optimiste, le
seul bon côté de la loi 111 aura été de rappeler
à l'opinion publique la fragilité des droits et libertés
des citoyens - que ce soit ici ou ailleurs - le fait qu'il faut constamment la
vigilance des Parlements et surtout la vigilance des citoyens, parce que ce
sont eux qui ont un pouvoir d'influencer encore plus grand que celui des
parlementaires, et combien il est important de dire chaque jour: La
liberté tant qu'on l'exerce, on ne se pose pas de question, mais elle
est sans cesse menacée. À cet égard, la loi 111 aura
permis ce débat qui m'apparaît important et qui, je pense, aura
été un avertissement aux parlementaires des deux
côtés de cette Chambre si, un jour ou l'autre, les rôles
devaient être renversés.
Je voudrais terminer en souhaitant... J'ai entendu l'amendement du
ministre et je sais ici qu'il est coutumier dans les motions du mercredi de
discuter à la fois de l'amendement et de la proposition principale. Je
laisserai à mon collègue de D'Arcy McGee, qui doit intervenir
après moi, le soin de revenir sur la question de l'amendement. Je sais
que le ministre a fait valoir qu'il voulait s'enquérir auprès de
ses conseillers. Est-ce que si nous procédions à une abrogation
rapidement, ceci annulerait d'une certaine façon les plaintes ou
rendrait
caduques les plaintes qui ont été portées en vertu
de la loi 111? Je ne suis pas juriste moi-même, mais j'ose espérer
qu'il devrait quand même y avoir un moyen juridique pour que les plaintes
déjà prises puissent être plaidées, mais que ceci
n'empêche pas néanmoins que dans les plus brefs délais - je
sais qu'il faudra que le gouvernement présente un autre projet de loi
puisqu'il s'agira de modifier ou d'abroger une loi - si ce n'est pas demain, si
ce n'est pas après demain, le gouvernement revienne avec un projet de
loi qui assurera l'abrogation de cette loi qui, comme je le disais la semaine
dernière, a été un affront à l'ensemble de nos
concitoyens et qui, d'ailleurs, a reçu la réprobation
générale non seulement au Québec, mais également
à l'extérieur du Québec. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, s'il y a
alternance, je reconnaîtrai...
M. Fréchette: M. le Président...
M. Bisaillon: M. le Président, il faudrait s'entendre sur
l'alternance.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cela va. M. le...
M. Fréchette: Dans un tel esprit de
sérénité, je n'ai aucune objection à ce que vous
reconnaissiez le député de Sainte-Marie.
Une voix: Oui, mais cela mettra fin à la
sérénité.
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Consentement. Donc, M. le député de Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: Si j'étais le ministre président du
Conseil du trésor, j'ajouterais une petite phrase en disant que ce
consentement n'est pas une acceptation d'un droit. Je ne voudrais pas faire de
débat de procédure, je prends votre consentement comme il se
présente, mais il faudra régler une fois pour toutes cette
question qui se pose dans les débats restreints. Il me semblait qu'on
l'avait réglée une fois pour toutes.
Je commencerai mon intervention là où Mme la
députée avait terminé la sienne. Elle soulignait, en
concluant, que la loi 111 nous aura apporté, des enseignements. L'un des
enseignements de la loi 111 aura été d'apprendre non seulement
aux membres de cette Assemblée, mais aussi à l'ensemble des
citoyens du Québec combien un certain nombre de droits que l'on tenait
trop souvent pour acquis, étaient mis en danger ou étaient
fragiles, finalement.
Je pourrais souligner qu'il y aurait peut-être un deuxième
enseignement qui, lui, s'appliquerait davantage aux parlementaires pour montrer
jusqu'à quel point - c'est peut-être la réflexion qu'on
peut faire sur la loi 111 et ce qui l'a entourée - nous nous trouvons
souvent de bonnes raisons pour balayer ou pour mettre de côté des
choses auxquelles nous croyions dans le passé et que nous
défendions dans le passé. Je me souviens de très beaux
discours de membres du côté ministériel qui s'opposaient
à l'abolition d'un certain nombre de droits pendant la crise d'octobre,
par exemple, pendant les années soixante-dix. Je ne peux pas
m'empêcher de faire un certain parallèle entre ce que nous avons
vécu ici en cette Chambre au moment où on a voté la loi
111. La différence essentielle - c'est peut-être ça qu'il
faudrait qu'on retienne comme réflexion - c'est que là, ce sont
eux qui étaient au bon bout du bâton.
Il me semble que c'est une réflexion qui devrait nous inciter
à être beaucoup plus prudents dans les gestes que l'on pose comme
législateurs. Je voudrais vous donner la citation suivante: "Tout ce qui
peut retarder l'adoption d'une loi spéciale nous paraît digne
d'être soutenu parce que cela marquera ainsi notre profonde
réprobation pour ces lois d'exception qui sont présentées
trop souvent dans cette Chambre depuis quelques années et qui
constituent, au fond, une violation par le gouvernement lui-même des lois
qu'il a acceptées par la passé. Jamais nous n'insisterons assez
pour blâmer un gouvernement de passer outre aux lois que les
gouvernements antérieurs ou que ce gouvernement lui-même a
adoptées."
Cette citation était de M. Camille Laurin, qui était alors
chef de l'Opposition en 1972, au moment où on discutait une des
premières lois spéciales que ce Parlement a été
amené à voter. Le ministre de la Justice, qui lui aussi a
été amené à tenir de semblables propos au moment
où des lois spéciales ont été adoptées, nous
rappelait tantôt que l'objectif essentiel de la loi 111 était
d'assurer la reprise des services d'enseignement dans le secteur public. Il a
convenu que ceci était réalisé. Il a indiqué que
ça visait aussi à appliquer des conditions de travail dans les
secteurs public et parapublic, ce qui est fait. Quel est donc l'objectif de
cette motion qui est devant nous, sinon de rétablir, et ce de
façon définitive, un climat qui ne pourra jamais être le
même que celui qu'on a pu connaître dans le passé, si on ne
procède pas à l'abrogation de la loi 111? D'une part,
rétablir un climat et, d'autre part, peut-être rétablir une
image que le Québec et que le gouvernement du Québec, par
l'adoption de cette loi, a amochée quelque peu.
Déjà, les milieux internationaux - le député
d'Argenteuil y a référé tantôt - ont
été alertés au fait que cette loi que nous avons
adoptée, la loi 111, allait à l'encontre de droits fondamentaux
qui avaient déjà été reconnus, que ça
entachait la réputation non seulement du Québec, mais du Canada
entier, qui était pourtant réputé... On se souviendra
jusqu'à quel point nous du Québec, en particulier, avons mis de
l'avant la charte des droits que nous avions, en essayant d'expliquer
jusqu'à quel point elle se présentait comme la meilleure de
toutes celles qui pouvaient exister au Canada, comme celle qui garantissait le
maximum de droits et de libertés aux citoyens du Québec. Des
organismes internationaux se sont inquiétés du fait que des lois
aussi fondamentales soient balayées du revers de la main, soient mises
de côté et que des droits aussi fondamentaux que la
présomption d'innocence, un argument qu'on a entendu ici même dans
cette Chambre invoqué pour d'autres circonstances... On invoquait, pour
préserver les individus, le droit à la présomption
d'innocence. Ce droit, on l'a enlevé par la loi 111. (17 h 10)
Le décret partiel dont parlait le ministre de la Justice, qui ne
vise qu'à enlever l'application de la loi 111 à ceux qui ont
été assez gentils pour signer une entente, pour signer le
décret modifié, cela ne règle pas fondamentalement le
problème. Le problème, c'est que tout en assurant la reprise des
services, on est allé au-delà et on a fait en sorte que
jusqu'à la fin de la convention collective ou de ce qui en tient lieu -
le projet de loi no 8 qui est devant nous aujourd'hui est une confirmation de
ce que je dis - les décrets qui ont été votés par
le Parlement sont des conventions collectives qu'il y ait eu par la suite
signature ou non. Donc, les deux objectifs majeurs du gouvernement ont
été atteints. Il y a eu reprise des services et il y a des
conditions de travail fixées dans des conventions collectives ou dans
des décrets qui en tiennent lieu et ce, jusqu'à la fin.
Quelle serait la raison qui pourrait nous inciter à maintenir
cette loi en place? Présumer que parce qu'un syndicat n'a pas
signé d'entente écrite et qu'il se contente du décret,
présumer qu'il y aura peut-être quelque chose dans un an? M. le
Président, on pourrait peut-être passer le même
raisonnement, même pour quelqu'un qui a signé une entente. Est-ce
qu'il n'arrive pas régulièrement que des gens, après avoir
signé une entente, disent: On veut la réviser. Cela pourrait
arriver aussi et cela ne nous aurait pourtant pas empêchés ni de
signer l'entente ni de passer le décret auquel se reportait le ministre
de la Justice tantôt.
Donc, on n'a aucune raison fondamentale de maintenir cette loi 111 dans
le décor du Parlement, de maintenir cette loi 111 dans l'ensemble des
lois qui auraient été adoptées par ce gouvernement. Il
faut donc procéder immédiatement à son retrait, à
son abrogation. Procéder non seulement dans les plus brefs
délais, je pense qu'on peut s'entendre sur un délai raisonnable
qui pourrait être la semaine prochaine, mais rien ne peut nous inciter
à maintenir cette loi en place.
L'article 10 du projet de loi no 8 qui est devant l'Assemblée
nationale et qui est discuté actuellement en commission parlementaire
confirme tout ce que je viens de dire et est une acceptation, dans le fond, du
fait que le problème qui avait été présenté
à ce Parlement au moment de la loi 111 est maintenant
réglé. Ce qui ne le sera pas cependant, c'est l'application qui
pourrait en être faite localement, régionalement ou nationalement
à l'égard d'un certain nombre de membres des syndicats qui ne
seraient pas couverts par le décret dont parlait le ministre. Ce qui ne
pourra pas être enlevé, si on n'abroge pas cette loi, c'est la
présomption d'innocence qui ne s'appliquera pas à un certain
nombre de citoyens du Québec. Ce qui ne pourra pas être
enlevé, c'est les mesures de congédiements arbitraires qui
pourraient survenir à n'importe quel moment alors qu'au Québec
tout semble réglé pour l'ensemble des citoyens, cette situation,
par laquelle un certain groupe de citoyens, une minorité de nos
concitoyens et de nos concitoyennes se sentiraient appliquer un traitement
particulier, comme s'ils étaient devenus, par le seul fait que nous en
avons décidé, par le seul fait que nous nous sommes sentis le
droit divin à adopter cette loi 111, tout à coup, des citoyens de
seconde zone.
C'est cela qu'il faut enlever du décor. Faire en sorte que
l'ensemble de la situation se rétablisse. Le député
d'Argenteuil s'est reporté tantôt à une lettre que la
Fédération internationale des droits de l'homme avait
adressée au premier ministre du Québec. Je voudrais dire qu'on
n'a pas eu encore, au moment où on se parle, l'assurance que le premier
ministre du Québec avait répondu au président de cet
organisme international. De la même façon qu'on ne sait pas non
plus si le ministre de la Justice a répondu à la Ligue des droits
et libertés du Québec qui lui adressait les mêmes
commentaires.
Je termine en vous indiquant, M. le Président, que je viens de
recevoir le texte d'une lettre du directeur des opérations juridiques du
ministère des Affaires extérieures du Canada. Il répond au
président de la Fédération internationale des droits de
l'homme au nom du premier ministre du Canada, auquel la
fédération avait expédié, en même temps
qu'elle envoyait sa lettre à M. Lévesque, premier ministre du
Québec, copie de cette lettre. J'ai donc la réponse à
cette lettre qui se lit comme suit: "J'accuse réception... - je passerai
les détails. Je saute
au deuxième paragraphe - "Nous sommes actuellement en
communication avec les autorités québécoises,
particulièrement au sujet de l'article 28 de cette loi. J'espère
être en mesure, dans un avenir rapproché, de communiquer de
nouveau avec vous à ce sujet."
Il semble donc qu'il y ait des communications actuellement entre le
ministère des Affaires extérieures du Canada et un
ministère ou des représentants du gouvernement du Québec
afin de faire au moins retirer l'article 28 de la loi 111. Ce gouvernement a
toujours voulu présenter aux Québécois l'image d'un
Québec qui voulait s'ouvrir aux autres, d'un Québec qui voulait
faire les choses dans le respect et dans un cadre démocratique, ce
gouvernement pourrait déjà corriger la situation au niveau
international en abrogeant la loi 111 et aussi en donnant justice et en
répondant au voeu des 36 000 citoyens du Québec qui ont
déposé ici, dans cette Chambre, une pétition demandant
l'abrogation de la loi 111, des citoyens et des groupes qui
représentaient 500 000 Québécois. Si ce sont des paroles
qu'on ne peut plus entendre, qui ne nous atteignent plus, si 500 000
Québécois ne peuvent plus nous atteindre ici, je ne sais pas
où on en est rendu.
J'espère donc que tous ensemble nous accepterons, dans les plus
brefs délais et immédiatement, de faire lever, d'enlever,
d'abroger, de faire disparaître cette loi 111 qui aura été
trop longtemps dans notre décor parlementaire.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du
Travail.
M. Raynald Fréchette
M. Fréchette: Je vous remercie, M. le Président.
Pour plusieurs motifs, et peut-être pour l'implication que j'ai eue dans
le processus d'adoption de cette loi, vous allez comprendre
l'intérêt que je porte au débat que suscite la motion du
député d'Argenteuil. Ce débat, qui, jusqu'à
maintenant, a gardé ce caractère de calme et de
sérénité auquel je référais tout à
l'heure, se situe à un niveau que je tiens à respecter quant
à moi, afin qu'on puisse continuer dans le même sens la discussion
telle qu'elle a été amorcée jusqu'à maintenant.
Je voudrais relever une affirmation de Mme la députée de
L'Acadie qui, en fouillant dans ses souvenirs, croyait se rappeler, au niveau
des précédents, que c'était au moment de l'adoption de la
loi 1 qu'une dérogation à la charte des droits avait
été introduite dans une loi. Toujours dans son évaluation
à elle, il n'existerait pas d'autres semblables précédents
dans nos lois.
Je crois me souvenir - à cet égard, je dois, moi aussi,
faire appel à ma mémoire - assez fidèlement qu'au moment
où on a procédé à l'étude de la loi 111,
particulièrement en commission plénière, j'ai fait
référence à une loi adoptée en 1976 par le
gouvernement qui a précédé l'actuel gouvernement. Encore
une fois, je cite tout cela de mémoire. J'avais donc fait
référence à une loi adoptée par le gouvernement qui
nous a précédés et qui ordonnait le retour au travail des
infirmiers et des infirmières du Québec qui étaient en
conflit depuis un bon moment.
La seule différence qui existait entre cette loi de 1976,
à laquelle je réfère - et dont je n'ai malheureusement pas
les spécifications précises pour la retrouver tout de suite dans
nos statuts - et cette loi 111, qui a été adoptée par
l'actuel gouvernement, c'était strictement et uniquement dans les termes
qui ont été utilisés. Cette loi de 1976 disait presque au
texte ce qui suit: Nonobstant les dispositions du chapitre - là, je n'ai
pas le numéro en mémoire - la présente loi s'applique. Ce
chapitre, c'était précisément l'ensemble de toutes les
dispositions de la charte des droits et libertés qui venait à
peine d'être adoptée par le gouvernement
précédent.
Or, quand Mme la députée de L'Acadie, de bonne foi,
très certainement, informe le Parlement que ce serait seulement au
moment de la loi 1 qu'il y aurait eu une semblable dérogation... (17 h
20)
Une voix: Une dérogation générale.
M. Fréchette: Oui, une dérogation
générale, je soutiens, encore une fois, M. le Président,
que cette loi de 1976 ordonnant le retour au travail d'infirmiers et
d'infirmières contenait également une dérogation
générale à la Charte des droits et libertés de la
personne. Enfin, c'est peut-être une question d'interprétation. Je
vois que le député de D'Arcy McGee va intervenir à cet
égard. Mais, encore une fois, lorsqu'en commission
plénière le sujet a été abordé, je me
souviens très bien avoir référé la Chambre à
cette loi.
Quoiqu'il en soit, M. le Président, et dépassant le stade
de l'interprétation stricte des lois, je voudrais vous signaler, le plus
brièvement possible, que la motion du député d'Argenteuil
fait suite à un grand nombre de questions et à un grande nombre
d'observations également qui ont pu être constatées au
cours des derniers mois, au cours des dernières semaines, soit dans les
médias d'information, soit à partir des instances qui sont
particulièrement touchées par cette loi ou à partir
d'autres instances, telles la Ligue des droits de l'homme ou autres
associations dont les objectifs sont essentiellement les mêmes. Mais la
question qui revient toujours est celle qui est posée essentiellement
par la motion du député
d'Argenteuil: À quel moment le gouvernement du Québec
abrogera-t-il la loi no 111?
M. le Président, le ministre de la Justice a souligné cet
aspect de l'ensemble de la question qu'on est en train de débattre. Il
me semble - cela se reflète dans le texte même de la loi - qu'au
moment où il a déposé la loi, au moment où la
discussion s'est engagée et au moment où la loi a
été adoptée, déjà, l'intention du
gouvernement était fort claire et ce par les dispositions de l'article
23 de la loi no 111. Le ministre de la Justice y a fait référence
tout à l'heure. Il a procédé à la lecture des
dispositions de l'article 23 et il est clair que la conclusion que l'on doit
tirer de cette disposition, c'est qu'au moment même où il a
procédé au dépôt de la loi, au moment où il a
procédé à la faire adopter, déjà, le
gouvernement avait en tête le souci d'arriver à la retirer
à un moment donné ou à l'abroger, purement et
simplement.
D'ailleurs, M. le Président, on dira bien ce qu'on voudra, le
député de Sainte-Marie évaluera la situation comme bon lui
semble, mais il me semble que le geste posé par le gouvernement
aujourd'hui, la décision prise aujourd'hui par le Conseil des ministres
de soustraire de l'application de la loi no 111 les associations qui ont
convenu d'une entente, c'est un premier pas dans le sens suggéré,
bien sûr, par le député d'Argenteuil, mais un premier pas
également dans le sens de l'intention gouvernementale au moment
même où le projet de loi était déposé.
Toujours dans ce sens-là, je suis en mesure de dire à
cette Assemblée que la loi no 111 pourra être abrogée
dès que les ententes entre toutes les associations de salariés
visées par la loi no 111 auront été signées,
assurant ainsi les objectifs principaux de la loi, c'est-à-dire le
retour au travail jusqu'en décembre 1985. Il est évident que,
dès que ces ententes auront été conclues, le gouvernement
complétera son travail par voie de décret quant aux associations
qui sont visées. Quand toutes les associations qui sont visées
auront conclu ces ententes, il est également évident qu'il faudra
procéder au dépôt d'une loi dont l'objectif sera d'amener
l'abrogation pure et simple de la loi no 111 et cela, cependant, M. le
Président - il faut le dire, il faut le répéter - aux
conditions et réserves que le ministre de la Justice a soulignées
tout à l'heure.
Je suis tout à fait d'accord avec l'argumentation qu'on a
développée tout à l'heure et en vertu de laquelle la
conclusion, c'est que l'abrogation de la loi no 111 fera disparaître des
sanctions spéciales, des sanctions d'une extrême rigueur, personne
ne l'a jamais nié, mais qui étaient, me semble-t-il,
commandées par l'arrêt de travail, qui était
carrément illégal, et à deux égards, je ne
reviendrai pas sur les circonstances qui existaient à l'époque,
des différentes associations et il y avait également aussi -et
cela encore une fois procède de l'évaluation que les uns et les
autres on peut en faire - à cette époque, dans les circonstances
que l'on connaît, un risque sérieux de déstabilisation de
la société québécoise. M. le Président, vous
me signalez que mon temps, à toutes fins utiles, est
écoulé. Je respecterai effectivement l'avertissement que vous me
donnez pour simplement vous réitérer, en conclusion, que c'est
effectivement l'intention du gouvernement de procéder à
l'abrogation de cette loi lorsque, encore une fois, les conditions
prévues à l'article 23 auront été
réalisées.
Le ministre de la Justice a proposé à l'évaluation
de la Chambre un amendement qui ferait en sorte que le terme "immédiat"
ou "immédiatement" disparaîtrait de la motion. Je ne sais pas quel
sort l'Opposition réservera à la motion d'amendement du
député de Chicoutimi et ministre de la Justice, mais il est
certain que si l'Opposition, après avoir évalué,
apprécié la portée de la proposition d'amendement du
ministre de la Justice, décidait de l'accueillir et de procéder
à l'amendement, de modifier la motion du député
d'Argenteuil pour y introduire cet amendement, il est certain, dis-je, que,
sans aucune hésitation, le gouvernement, le parti ministériel
accepteraient de voter pour la motion si cet amendement était
reçu.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, M. le Président. Il va sans dire que je
m'associe et que j'appuie la motion déposée par notre
porte-parole, le député d'Argenteuil. La loi 111 a posé et
pose encore la question de fond: Quelle est la philosophie, quelle est
l'attitude de ce gouvernement vis-à-vis des droits de la personne?
Depuis quelques semaines, depuis quelques mois, le ministre de la Justice est
en train de nous proposer une nouvelle théorie des libertés
publiques. Par exemple, aujourd'hui, il a dit: Durant la grève des
enseignants, il y avait deux sortes de droits en présence. Il y avait
les droits des enfants à l'instruction et les droits des enseignants de
faire la grève. Il a dit: L'instruction est plus importante que la
grève, donc, on peut diminuer les droits des enseignants pour favoriser
les droits des étudiants. Si c'est sa théorie des libertés
publiques, on peut dire que le droit à la vie est plus important que les
droits juridiques d'un meurtrier. On peut enlever les droits juridiques d'un
meurtrier, toutes les protections qu'il a quand il va devant la cour, parce que
le droit à la vie
est plus important.
Un autre élément de cette nouvelle théorie, c'est
que le ministre de la Justice a dit: La clause d'égalité hommes
et femmes, dans la Charte canadienne des droits et libertés, va diminuer
les droits des Québécoises. Il n'a jamais expliqué comment
ou pourquoi. Je pense, M. le Président, qu'il n'y a pas même un
étudiant en première année de droit qui prendrait au
sérieux cette nouvelle théorie des libertés publiques
énoncée par le ministre de la Justice. La loi 111 marque la
première fois, et j'insiste, que l'Assemblée nationale ait exclu
toute une loi de l'application de la charte québécoise. Le
ministre du Travail avait tort de dire que la députée de L'Acadie
a fait une erreur. Ce n'est pas vrai, parce que, en commission parlementaire,
quand on a étudié la loi 111, j'ai demandé au ministre de
la Justice si c'était la première fois qu'on procédait de
cette façon. Après consultation avec son conseiller juridique, il
a dit oui. Donc, c'est la première fois qu'on a exclu toute une loi de
l'application de la charte québécoise. (17 h 30)
L'effet de la loi 111, c'est que s'il y a un conflit entre la loi 111 et
la charte québécoise ou la charte canadienne, c'est la loi 111
qui aura préséance. En passant, je peux mentionner que dans la
charte de la Saskatchewan, il y a aussi une clause "nonobstant", mais elle n'a
jamais été utilisée par la Législature de cette
province. Dans la déclaration canadienne des droits, nous avons une
clause "nonobstant" et elle a été, bien sûr,
utilisée une fois par le gouvernement fédéral lors de la
crise d'octobre, en 1970.
Depuis le début du mandat du gouvernement péquiste, nous
avons subi une érosion de nos droits et libertés. La
députée de L'Acadie a bien mentionné que c'est dans le
premier projet de loi de ce gouvernement - le projet de loi no 1 - qui a
porté sur la Charte de la langue française, qu'on a voulu
modifier la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec pour mettre la Charte de la langue française au-dessus de
la charte des droits. Cela a été refusé à cause de
l'Opposition et un tollé général dans la population. Vous
savez bien, M. le Président, que la loi 101 est subordonnée
à la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec.
Après ce premier projet de loi du gouvernement péquiste,
il y a eu aussi la charte canadienne des droits qui a été
adoptée il y a maintenant un an. Nous avons adopté ici - parce
que le gouvernement a, bien sûr, la majorité - la loi 62 pour
exempter toute loi du Québec de l'application de la charte canadienne en
ce qui concerne les droits fondamentaux, les garanties juridiques et les droits
à l'égalité. Le ministre de la Justice - c'est un autre
élément de sa nouvelle théorie sur les libertés
publiques - a dit: On adopte la loi 62 parce que ces droits fondamentaux, ces
garanties juridiques et ces droits à l'égalité
empiètent sur les compétences de l'Assemblée nationale.
Mais c'est tout à fait faux; ces droits n'empiètent pas sur les
pouvoirs de l'Assemblée nationale parce qu'elle peut se soustraite de
l'application de ces droits dans la charte canadienne. Donc, la charte
canadienne a posé la question sur le fond: Le gouvernement
péquiste est-il prêt à accepter la
prépondérance des droits fondamentaux, des garanties juridiques
et des droits à l'égalité dans la charte canadienne sur
les lois québécoises? Étant donné - je le
répète - qu'on peut se soustraire de l'application de ces
articles dans la charte canadienne, on ne peut pas parler d'un
empiètement de cette charte sur les droits et privilèges de
l'Assemblée nationale.
Le ministre de la Justice a aussi dit à maintes reprises que la
charte québécoise était meilleure que la charte
canadienne. C'est une fausse comparaison. Premièrement, une charte
constitutionnelle a plus de poids qu'une charte qui n'est qu'une loi ordinaire
comme la charte québécoise. Cela a été dit par le
juge en chef Laskin, de la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt
Curr, et aussi par le juge en chef Deschênes, de la Cour
supérieure du Québec. La charte québécoise est une
loi ordinaire qui peut être modifiée par une autre loi ordinaire,
quoique la charte constitutionnelle peut seulement être modifiée
par un amendement constitutionnel.
Il y a aussi un autre exemple: l'exemption, la clause "nonobstant" dans
la charte canadienne est limitée dans le temps pour cinq ans, alors que
la même clause dans la charte québécoise est
illimitée dans le temps. Comme je l'ai dit, les juges ont dit clairement
qu'une charte constitutionnelle a plus de poids et qu'on donnerait plus de
poids à une charte constitutionnelle qu'à une charte qui n'est
qu'une loi ordinaire. Mais j'insiste sur le fait que la charte
québécoise est essentielle, parce qu'il y a des articles qui
traitent de la discrimination. Il y a une Commission des droits de la personne,
au Québec. Donc, la charte québécoise a sa raison
d'être et elle est essentielle. Même si on accepte la charte
canadienne, il est nécessaire d'avoir une charte
québécoise, tout comme l'État de la Californie, par
exemple, qui a deux chartes. La Californie a le Bill of Rights
américain, mais elle a son propre Bill of Rights pour l'État de
la Californie.
La loi 111 est la réalisation de ce que ce gouvernement a voulu
faire dans son premier projet de loi, c'est-à-dire de mettre une loi
au-dessus de la charte québécoise des droits de la personne. Avec
ce gouvernement, la charte québécoise est à la
merci du gouvernement. Le gouvernement est entaché par cette
philosophie, par cette attitude qu'il a prise depuis son premier projet de loi.
Le gouvernement ne peut pas effacer cette tache par le décret qu'il a
déposé aujourd'hui. Le ministre du Travail ne peut dire, comme il
a dit, sans connaissance de cause, que nous avons déjà dans cette
Chambre adopté une loi semblable à la loi 111. C'est faux. Il a
admis cela lui-même en commission parlementaire quand on a
étudié la loi 111. En cela, nous avons subi une érosion de
nos droits et libertés sous ce gouvernement du Parti
québécois. Je pense qu'il faudrait un autre gouvernement pour
rétablir les droits et libertés des Québécois dans
nos lois. Pour faire un pas au moins dans le rétablissement de nos
droits et libertés au Québec, le gouvernement, les membres du
caucus péquiste devraient voter pour cette motion et le gouvernement
doit prendre les mesures nécessaires pour abroger cette loi 111 qu'ils
ont adoptée à la vapeur il y a quelques mois. Merci, M. le
Président.
Mme Harel: M. le Président... Je pense avoir
été la première à me lever, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Vous me mettez
dans...
M. Gauthier: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Deux personnes se sont levées en même temps, mais il y a une
personne qui m'a nommé en premier. Si j'applique le règlement tel
qu'il est indiqué... J'aimerais bien à l'avenir que chacun des
parlementaires de cette Assemblée quand il veut parler, s'en tienne au
règlement qui se lit: "Pour parler, un député doit se
lever et demander la parole au président en le désignant par son
titre." Deux personnes se sont levées en même temps... Oui, M. le
député sur une question de règlement?
M. Gauthier: Question de règlement, M. le
Président, oui. Il y a un usage dans cette Chambre qui veut, bien
sûr, qu'en général il y ait une certaine ordonnance qui se
fait parmi les orateurs. Conformément à cette habitude, j'ai
signifié au whip du parti l'intention de prendre la parole dans
l'équipe ministérielle et ceci a été
autorisé. Je me suis conformé à une première
règle qui est une règle en usage chez nous.
Deuxièmement, je me suis levé immédiatement
après l'intervenant de l'Opposition, tel que je dois le faire, et j'ai
dit: M. le Président; je vous ai interpellé. Peut-être que
la voix perçante de ma collègue de Maisonneuve vous a
frappé davantage et je vous comprends, elle est en face de vous. Mais je
me suis conformé à l'ensemble des directives et, en plus,
j'étais celui normalement prévu dans l'ordre établi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! S'il vous plaît!
Effectivement, j'ai reçu une liste dans laquelle votre nom, M. le
député de Roberval, était inclus. En même temps que
vous vous êtes levé, il est évident que j'ai entendu Mme la
députée de Maisonneuve me nommer par mon nom. J'aimerais bien,
dans une situation semblable, qu'au parti ministériel, puisque ce sont
deux personnes du côté ministériel qui me demandent la
parole, on en arrive à une entente. Si je m'en tiens à la liste
déposée par le whip du gouvernement - ...je m'excuse, madame...
S'il vous plaît! S'il vous plaît!... - c'est le
député de Roberval qui doit avoir la parole. Si vous pouviez vous
entendre, je le préférerais; sinon, je vais être
obligé d'appliquer le règlement tel qu'il existe, tel que
l'article 92 le stipule, mais j'aimerais, dans la mesure du possible...
M. le whip du gouvernement.
M. Brassard: M. le Président, vous connaissez les usages
en cette Chambre, le député de Roberval les a rappelés. Ce
n'est pas inscrit dans le règlement, c'est bien évident. Quand on
demande à un député de se préparer pour intervenir,
il me semble normal - d'ailleurs, on avise la présidence à cette
fin - que le député en question ne se soit pas
préparé inutilement. J'ai demandé au député
de Roberval d'intervenir sur cette motion, il s'y est préparé et
j'aimerais que vous le reconnaissiez.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Je suis dans une
situation vraiment difficile, surtout qu'il s'agit du même
côté de la Chambre. Actuellement, j'ai l'obligation de
reconnaître la personne que j'ai entendue de façon très
spécifique, quoique je sache très bien que le
député de Roberval voulait parler sur cette motion du
député d'Argenteuil.
M. Gauthier: M. le Président, je demande une
directive.
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Demande de directive, M. le député de Roberval.
M. Gauthier: M. le Président, votre jugement est rendu et
je ne voudrais pas le contester, mais je veux simplement avoir une information.
C'est donc dire que tout ce qui est usage habituel dans cette Chambre pour son
fonctionnement n'a aucune valeur, si je comprends bien votre décision.
C'est donc dire, comme le règlement prévoit le principe de
l'alternance - on me corrigera si ce n'est pas exact - que dorénavant,
pour prendre la
parole dans cette Chambre, il faudra, faisant fi de cette habitude, pour
la bonne marche de nos travaux, qu'on se lève et qu'on crie le plus fort
possible, et celui que vous entendrez crier le plus fort, vous le
reconnaîtrez. C'est cela?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le whip de
l'Opposition.
M. Pagé: M. le Président, je sympathise beaucoup
avec la majorité quant à l'imbroglio qui persiste de son
côté. Le but de ma démarche, c'est d'assurer que les droits
du député d'Argenteuil et de l'Opposition seront respectés
et être certain qu'à compter de 17 h 50 la parole sera au
député d'Argenteuil pour son droit de réplique.
M. Ryan: Simplement une chose, si vous me permettez, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je consentirais volontiers que la députée
de Maisonneuve prenne les dix minutes qui lui sont attribuées si le
gouvernement veut consentir à ce que nous allions cinq minutes
au-delà du temps réglementaire de 18 heures. Je souhaiterais que
cette décision soit prise de l'autre côté dans le
même esprit de courtoisie et de souci des droits fondamentaux qui a
été central dans tout ce débat-ci depuis le
début.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Je suis obligé
d'appliquer le règlement. En réponse à votre demande de
directive, il est effectivement arrivé à cette Assemblée
que quelques députés, d'un côté ou de l'autre, se
lèvent en même temps pour exercer un droit de parole et le
président au fauteuil a toujours décidé de donner la
parole à celui ou à celle qui avait interpellé le
président par son titre. Ceci ne veut pas dire que je n'accepte pas de
répartir le temps avec une alternance mais, surtout du côté
gouvernemental, j'espère qu'on pourra en arriver à une
entente.
Mme la députée de Maisonneuve a cinq minutes.
M. Gauthier: Question de privilège, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Question de privilège.
M. Gauthier: Je regrette, mais ces usages qui ont normalement
cours lors de la période des questions et qui ont cours pour l'ensemble
des travaux de l'Assemblée nationale, vous les reconnaissez lors de la
période des questions parce que s'il nous arrive de nous lever et de
vous interpeller, M. le Président, vous donnez, selon une espèce
d'ordre établi, la parole aux personnes qui voudront bien
intervenir.
Je voudrais savoir s'il est écrit quelque part que ces
règles en usage lors de la période des questions ne sont pas les
mêmes que celles établies pour l'ensemble des débats.
Deuxièmement, je voudrais vous faire remarquer la crainte soudaine, que
je ne comprends pas, du Parti libéral de me voir intervenir sur cette
question.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! S'il vous plaît!
Question de règlement, Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Je ne pense pas qu'il y ait eu de réponse
à la question de savoir si cinq minutes allaient être
allouées en supplément du temps accordé à cette
Chambre pour le débat de cette motion. Si c'était le cas, je
pense qu'il vaudrait la peine d'intervenir maintenant. Sinon, par des mesures
dilatoires, il me semble qu'on ait écarté toute
possibilité d'intervention puisqu'il sera bientôt 17 h 50 et qu'il
est tout à fait inapproprié que je commence une intervention qui
durera 30 secondes, M. le Président.
Est-ce qu'on peut avoir réponse à la question, à
savoir si le temps alloué pourra être utilisé pour
permettre deux interventions?
M. Pagé: M. le Président, nous avons
déjà évoqué sur cette question que l'Opposition est
prête à permettre à Mme la députée de
Maisonneuve d'intervenir à la condition, toutefois, que les
règles de bon entente et de consentement prévoient que M. le
député d'Argenteuil pourra prendre son droit de réplique
par la suite et dépasser 18 heures de quelques minutes.
Le Vice-Président (M. Rancourt): À la demande du
député d'Argenteuil au gouvernement, à savoir s'il donnait
son consentement pour dépasser 18 heures, j'ai bien entendu qu'il n'y
avait pas consentement pour dépasser 18 heures.
Dans les circonstances, puisqu'il reste deux minutes, ou je donne
à M. le député d'Argenteuil ou à Mme la
députée de Maisonneuve une ou deux minutes, ou je donne tout de
suite la parole au député d'Argenteuil pour son droit de
réplique.
Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Très rapidement, M. le Président.
J'aurai l'occasion d'y revenir, je l'espère, lors du débat sur le
projet de loi qui nous a été annoncé pour abroger
cette
loi 111. Je vous donnerai simplement les conclusions de cette
intervention que j'entendais faire durant tout le temps qui doit m'être
imparti comme parlementaire. Je vous donnerai simplement les conclusions
très brèves, trop brèves pour tout ce que j'aurais
souhaité et aimé dire ici, dans cette Assemblée.
Les conclusions sont les suivantes: Cela ne me convainc pas de savoir
que des précédents similaires, par exemple, des
précédents sur le renversement du fardeau de la preuve - on les a
invoqués un peu plus tôt - sur le renversement de la
présomption d'innocence, ont pu être utilisés par des
gouvernements qui nous ont précédés. Je n'ai pas
été élue ici pour agir comme les gouvernements
antérieurs. Je ne vois pas pourquoi, maintenant, j'aurais à les
prendre en exemple.
D'autre part - et je termine là-dessus -ce n'est pas quand
ça va mal dans un ménage qu'il est temps de signer un contrat;
bien au contraire, c'est quand ça va mal qu'il faut avoir un bon
contrat. C'est quand il y a une crise dans la société qu'il faut
avoir une bonne charte.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Maisonneuve...
Mme Harel: Il ne faut surtout pas que soit
accréditée cette impression que le Québec a la meilleure
Charte des droits et libertés, mais que cette charte protège peu
ses citoyens puisqu'on en écarte l'application dès que se
présente un problème social...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Maisonneuve...
Mme Harel: ...de quelque importance. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député d'Argenteuil, votre droit de réplique.
M. Claude Ryan (réplique)
M. Ryan: M. le Président, je regrette les incidents qui
ont empêché cette Assemblée d'entendre au complet
l'intervention de la députée de Maisonneuve. J'espère que
nous pourrons disposer du texte de cette intervention pour en faire notre
profit. Cela m'intéresserait beaucoup d'en prendre connaissance. (17 h
50)
À la suite du débat que nous avons entendu, je voudrais
tirer quelques rapides conclusions. Tout d'abord, je pense que le gouvernement,
à son insu, a fait la démonstration, en blanc sur noir, de la
supériorité d'une charte sur les lois statutaires en
matière de droits fondamentaux. Nous l'avions prévenu, l'an
dernier, lors du débat autour de la loi 62, de ce qui allait arriver
avec la loi 111. Nous ne connaissions pas les modalités précises
que revêtirait cette preuve, mais le gouvernement l'a administrée
d'une manière extraordinairement éloquente. J'espère que
le plus tôt possible nous pourrons convenir entre nous qu'une charte
constitutionnelle des droits est un instrument infiniment plus stable, plus
précieux et plus solide pour la protection des droits fondamentaux
qu'une loi statutaire que le gouvernement peut modifier à sa
volonté, suivant le contrôle qu'il a d'une simple majorité
de députés dans cette Chambre.
Deuxièmement, lorsque nous traitons d'une charte, la pratique
internationale, confirmée par le pacte international des droits en
matière de droits civiques et politiques, confirme qu'on ne peut
déroger à une charte que pour une raison très grave:
l'existence d'une situation mettant en péril l'existence même de
la nation. C'est clair. Je n'ai entendu, dans les discours de cet
après-midi, aucune réponse à cet argument. C'est la norme
internationale vers laquelle non seulement nous devons tendre, mais que nous
devrions accepter.
J'entendais le ministre de la Justice évoquer les
événements de février dernier. Nous les avons vécus
tous ensemble et nous savons très bien - je l'ai dit moi-même -que
c'était une situation très sérieuse, mais ce
n'était pas le genre de situation qui crée un péril pour
l'existence même de la nation. C'est pourquoi on s'est
inquiété à juste titre non seulement au Québec,
mais également à l'étranger, de ce qui se passait ici.
J'ai entendu les porte-parole du gouvernement nous dire qu'ils seraient
prêts à envisager l'abrogation de la loi 111 pourvu que les
syndicats qui traînent encore de la patte acceptent de signer des
ententes. Cela n'a rien à voir. Le député de Sainte-Marie
l'a signalé avec beaucoup de justesse: signature d'une entente n'a rien
à voir avec le sujet que nous discutons aujourd'hui. Ce n'est pas parce
que les enseignants des collèges n'ont pas encore signé d'entente
qu'on doit présumer qu'ils sont hors la loi et qu'ils sont dignes du
genre de sanctions qui sont imposées par la loi no 111. Il me semble que
c'est un ordre de considérations complètement
différent.
Je m'étonne et je m'inquiète à la fois de constater
que ces propos ont été tenus cet après-midi par les deux
ministres qui sont les principaux responsables du dossier en ce qui touche le
gouvernement, c'est-à-dire le ministre de la Justice et le ministre du
Travail. Je pense qu'aussi longtemps que le gouvernement voudra subordonner
l'abrogation de la loi à la signature d'ententes, cela n'aura rien
à voir avec l'objet initial de la loi. Il peut très bien arriver
que des syndiqués - nous savons que c'est le cas dans
d'autres secteurs, dans le secteur des affaires sociales - aient
préféré subir le poids d'airain de décrets
très sévères plutôt que de donner au gouvernement
l'impression qu'ils approuveraient sa manière de faire en signant des
ententes qui viennent améliorer ou atténuer quelque peu les
décrets. C'est la décision des syndiqués, des associations
de syndiqués. Le gouvernement n'a pas de jugement à passer
là-dessus et cela ne devrait avoir rien à faire avec la
décision que nous devons prendre dans ce cas-ci.
Le décret est une mesure complètement inadéquate
par rapport au problème que nous avons soulevé. Nous avons
soulevé un problème très grave, un problème qui est
d'importance internationale et qui est de nature à affecter notre
réputation comme pays qui a toujours été à
l'avant-garde en matière de respect des droits fondamentaux. Et on nous
présente un décret en nous disant: Mais voici, le Conseil de Sa
Majesté a siégé ce matin et il a décidé,
dans sa bonté, que les décrets ne s'appliqueraient plus à
des gens qui, de toute manière, ne sont pas affectés
immédiatement par les décrets. Ce qui pèse, c'est
l'épée de Damoclès qui est là avec la loi. Nous
savons très bien que le gouvernement a adopté un décret
aujourd'hui. Il pourra en adopter un autre demain. À ce
moment-là, la menace que nous dénonçons, cette menace que
nous trouvons absolument digne de notre réprobation la plus profonde,
continuerait d'exister. C'est pourquoi, comme première étape,
nous n'avons pas d'objection. Si c'est la première étape, la
première démarche que le gouvernement entend suivre vers
l'abrogation, vers la présentation en cette Chambre d'un projet de loi
visant l'abrogation de la loi no 111, nous attendrons le projet de loi avec
infiniment d'intérêt.
En ce qui touche l'amendement proposé par le gouvernement, nous
ne pouvons pas l'accepter pour une raison très simple. Je comprends
très bien ce qu'a dit le ministre de la Justice, à savoir que
notre motion ne pourrait pas, même si elle était adoptée,
s'appliquer cet après-midi. Je pense qu'il faudra au moins quelques
heures, peut-être même quelques jours, pour mettre en place tous
les mécanismes permettant de disposer des poursuites qui sont
déjà devant les tribunaux, permettant d'assurer que ces
poursuites pourraient peut-être être maintenues. Je pense qu'en
principe elles devraient l'être, mais moyennant peut-être
l'abrogation des violations de droits qui étaient dans la loi no 111,
comme la présomption de culpabilité. Maintenant que ce
danger est passé, est-ce qu'on va la laisser là? C'est un cas
où, je pense, le gouvernement a un examen très sérieux
à faire des décisions qu'il devra prendre au cours des prochains
jours. Il me semble que l'abrogation permettra peut-être d'inclure, dans
le projet de loi éventuel, une clause prévoyant que si les
poursuites sont maintenues, elles devront être entendues par les
tribunaux à la lumière de nos normes de justice ordinaires, de
nos normes garanties par la charte des droits et non pas des normes d'exception
absolument indignes d'une société civilisée qu'on avait
dans la loi 111.
La motion amputée du mot immédiatement pourrait servir de
prétexte au gouvernement pour maintenir sa loi 111 encore des semaines.
Nous tenons à ce que le mot immédiatement reste là. Encore
une fois, nous ne l'interprétons pas de manière littérale.
J'ai fait venir un dictionnaire tantôt pour savoir ce que cela voulait
dire. Ce serait trop long à cette heure-ci d'entrer dans les exercices
d'étymologie. Je dis au gouvernement que ce que nous voulons, c'est la
disparition de cette loi 111 de nos statuts dans les meilleurs délais.
Je suis parfaitement prêt à comprendre que cela prenne quelques
jours, mais je ne voudrais pas que cette décision politique que doit
prendre le gouvernement soit liée à la signature d'une entente
par les enseignants du secteur collégial comme l'ont laissé
entrevoir deux porte-parole importants du gouvernement cet
après-midi.
Ce lien ne doit pas être établi, en l'occurrence. Je pense
que nous devons viser l'objectif. Qu'on règle les problèmes
techniques et je pense que la collaboration de l'Opposition sera acquise au
gouvernement, mais qu'on procède sans délai pour que cette page
regrettable de l'histoire des relations du travail, l'histoire des droits tout
court au Québec disparaisse de nos statuts. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
d'amendement du ministre de la Justice est adoptée?
M. Ryan: Vote enregistré.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Votre enregistré.
Donc, la motion d'amendement du même coup?
M. Bertrand: Vous êtes combien? Cela prend cinq
députés.
M. Marx: ...qu'on prenne un vote, on sonne les cloches. Qu'on
sonne les cloches maintenant, on va avoir le vote tout de suite.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader
parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: Il faudrait qu'on se rappelle qu'effectivement il
faut un minimum de cinq députés pour demander un enregistrement
du vote. Deuxièmement...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît!
M. Bertrand: Deuxièmement, M. le Président, le
leader parlementaire du gouvernement peut demander que le vote soit
reporté à la séance suivante. C'est ce que je fais pour
que nous soyons plus nombreux pour voter sur cet important amendement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, le vote est
reporté...
M. Marx: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Le leader parlementaire du gouvernement a mal
compté. Il y a au moins dix députés en Chambre et on est
prêt à voter.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, M. le leader
parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: Bien! M. le Président, je voudrais signaler
que j'ai eu une longue conversation, avec le député de
Sainte-Marie, que je dois consulter fréquemment pour obtenir des
consentements en cette Chambre. Il se sent moins isolé comme cela. Dans
ce contexte, je...
M. Bisaillon: Ce sont de petites phrases dangereuses, M. le
Président.
M. Bertrand: Des menaces. Dans ce contexte, je pense que nous
pourrions procéder à l'adoption des projets de loi 112 et 113 en
troisième lecture.
Projet de loi no 112 Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): La troisième
lecture du projet de loi no 112, Loi modifiant la Loi favorisant
l'amélioration des fermes est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Projet de loi no 113 Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. La
troisième lecture du projet de loi no 113, Loi modifiant la Loi
favorisant le crédit à la production agricole est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Donc, M.
le leader parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: Avant de faire motion pour que nous ajournions nos
travaux à demain, M. le Président, je voudrais indiquer, et en
faire motion en même temps, que demain, la commission de l'industrie, du
commerce et du tourisme siégera à la salle 81-A, à compter
de 10 heures, pour l'étude des crédits de ce
ministère.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député d'Argenteuil.
M. Bertrand: Oui, d'accord.
M. Ryan: M. le leader du gouvernement, si vous avez autre chose
à ajouter, je vais attendre cependant.
M. Bertrand: Non.
M. Ryan: La commission des finances, qui a commencé ce
matin l'étude du projet de loi no 8, siégera-t-elle de nouveau
cette semaine ou la semaine prochaine?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader
parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: Je ne crois pas, M. le Président, que ce soit
demain puisque trois commissions parlementaires vont siéger en
même temps. En tout cas, demain après-midi, je pourrai
peut-être donner l'information, au moment des questions en vertu de
l'article 34, après la période des questions ou au moment des
motions que je ferai, évidemment, ou des avis que je donnerai pour la
semaine prochaine. Je sais que le député d'Argenteuil a des
engagements aussi. On va en tenir compte.
Je fais donc motion pour que nous ajournions nos travaux à
demain, 14 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion
d'ajournement est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Adopté. Nos travaux sont ajournés à demain, 14
heures.
(Fin de la séance à 18 heures)