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(Quatorze heures douze minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît:
Nous allons nous recueillir quelques instants.
Veuillez vous asseoir.
Il n'y a pas de déclaration ministérielle.
Dépôt de documents.
Premières décisions du Bureau de
l'Assemblée nationale
L'article 109 de la Loi sur l'Assemblée nationale fait obligation
au président de déposer les règles et règlements
adoptés par le Bureau de l'Assemblée dans les quinze jours de
leur adoption. On me permettra d'être cinq jours en retard mais,
néanmoins, de déposer les premières décisions
prises par le Bureau de l'Assemblée nationale.
Avis de la Commission de la fonction publique transmis
au Conseil du trésor
Je désire également déposer, conformément
aux dispositions de l'article 30 de la Loi sur la fonction publique, copie de
l'avis que la Commission de la fonction publique a transmis au Conseil du
trésor sur trois règlements.
Dépôt de rapports de commissions élues; il n'y en a
pas, non plus que de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement, M. le
leader parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article a) du feuilleton.
Projet de loi no 14 Première lecture
Le Président: Le ministre du Revenu propose la
première lecture du projet de loi no 14, Loi modifiant certaines
dispositions législatives d'ordre fiscal.
M. le ministre du Revenu.
M. Alain Marcoux
M. Marcoux: M. le Président, ce projet de loi a
principalement pour objet de modifier diverses lois fiscales en vue d'en
assurer une meilleure administration. Il vise, notamment, à rendre plus
concurrentielle la position des fabricants et des commerçants
québécois sur les marchés extérieurs, à
accentuer l'humanisation des relations entre le ministère du Revenu et
les contribuables et à protéger l'environnement des citoyens en
favorisant la récupération et le recyclage des contenants
d'aluminium.
D'abord, ce projet de loi modifie la Loi concernant l'impôt sur la
vente en détail en précisant les cas où l'achat ou la
fabrication au Québec de biens qui sont emportés,
expédiés ou livrés hors du Québec pour y être
utilisés ou consommés donne droit à une exemption
complète, soit un remboursement total ou partiel de la taxe
prévue par la loi. Il précise en outre que l'exemption de taxe
accordée par la loi à l'égard de l'achat d'un
aéronef utilisé aux fins prévues par la loi s'applique
lorsque cette utilisation commence dans les douze mois, non pas de la vente,
mais de la livraison de cet aéronef.
Ce projet de loi modifie, deuxièmement, la Loi sur les
impôts. Il supprime les intérêts additionnels exigibles du
contribuable qui acquitte dans un délai de trente jours un montant
dû à la suite d'un avis de cotisation.
Enfin, ce projet de loi propose d'accorder aux brasseurs de bière
ainsi qu'aux distributeurs de boissons gazeuses une exemption des droits de
0,02 $ prévus par la Loi sur les licences à l'égard des
contenants à remplissage unique de 454 millilitres ou moins, lorsque les
contenants utilisés sont recyclables.
Le Président: La première lecture de ce projet de
loi est-elle adoptée?
Des voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Deuxième lecture, prochaine
séance ou séance subséquente.
Visite de MM. Michel Le Moignan et Bertrand
Goulet
J'ai le grand plaisir de signaler la présence dans nos galeries,
avec quelque peu de retard, je m'en excuse, de deux de nos anciens
collègues, l'ancien député de Gaspé et chef
intérimaire de l'Union Nationale, M. Le Moignan, et l'ancien
député de Bellechasse, M. Goulet.
Il n'y a pas de présentation de projet de loi au nom des
députés.
Nous passons donc à la période des questions des
députés.
M. le député de Vaudreuil-Soulanges.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
La gestion de la Caisse de dépôt et
placement
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, ma
question s'adresse au premier ministre. Depuis 1965, la Caisse de
dépôt et placement du Québec s'est toujours
conformée à des objectifs multiples qu'elle a toujours
réitérés, soit celui dans ses activités de voir
à la rentabilité des placements, à leur
sécurité, tout en mettant à la disposition du
développement économique du Québec les sommes
considérables que les déposants lui confient.
C'est d'ailleurs ce que le président-directeur
général de la Caisse de dépôt répétait
le 7 avril dernier, à l'Université Laval; c'est d'ailleurs
là aussi ce qu'il répète dans son dernier rapport annuel
où il soutient que c'est toujours de façon à atteindre
sécurité et rendement tout en mettant des sommes orientées
vers le soutien économique du Québec que la caisse est
gérée.
Le premier ministre, quant à lui, semble avoir, et c'est
là l'objet de ma question, une vue différente des choses. On
pouvait voir en fin de semaine que le premier ministre croyait que les
critères qui doivent prévaloir quant à la gestion de la
Caisse de dépôt sont: prudence dans l'administration, rendement
assuré, mais, et je le cite: "même si des fois les investissements
ne sont pas maximisés, so what! pourvu qu'ils soient sécuritaires
et servent d'instrument économique."
Est-ce que le premier ministre voudrait nous dire si ce sont là
de nouvelles directives dont la Caisse de dépôt devra tenir
compte? Est-ce que le rendement, même s'il n'est pas maximisé,
devient "so what" et non important pour les déposants?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, il est
évident que la Caisse de dépôt, au moment même
où elle a été fondée, avait une double vocation. Je
pourrais citer les termes mêmes du discours de deuxième lecture,
je crois, de M. Lesage au moment où la caisse était fondée
- l'ancien premier ministre Lesage - et je pense que vous trouverez dans la
même phrase ou en tout cas dans le même paragraphe, deux choses,
c'est-à-dire l'administration prudente, l'administration la meilleure
possible, sécuritaire, évidemment, des fonds de retraite, pour
des raisons évidentes et, aussi, deuxièmement, la vocation
d'aider, de servir d'instrument de développement pour le
Québec.
Il est évident qu'entre les deux il n'y a pas toujours une
absolue convergence. C'est pour cela d'ailleurs qu'il y a des limites à
ce que peut détenir, comme la participation en actions à la
Caisse de dépôt. Il est évident aussi qu'à
l'occasion, à condition que le côté sécuritaire, que
le meilleur rendement possible de l'ensemble soit préservé,
à certains moments, il y a des participations qui impliquent
forcément certains risques -c'est d'ailleurs pour cela que c'est
limité, que c'est plafonné - ce n'est pas nécessairement
dès le départ que le rendement maximum est impliqué, mais
plutôt des perspectives et aussi une participation au
développement. Je ne vois rien là de mystérieux et je ne
vois rien là non plus d'illégitime. C'était là
depuis le début, cela a été fait avec plus ou moins de
vigueur, selon les périodes, mais c'était là depuis le
début.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ai-je bien compris quand le
premier ministre dit ne pas retenir comme critère qu'on doive rechercher
le rendement maximum tout en favorisant le développement
économique du Québec? Est-ce mutuellement exclusif?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Non, je dis simplement que ce n'est
pas nécessairement toujours au même moment la même
préoccupation de base qui doit prédominer. La Caisse s'administre
librement, je pense que tout le monde le sait. À partir de là, il
y a des éléments de risque dans des participations, ces
éléments de risque doivent être pesés par les
administrateurs de la Caisse et l'ensemble des activités de la Caisse
doit, de façon absolue, un peu comme ce qu'on appelle en bon père
de famille, donner le rendement requis aux sommes d'argent qui sont
placées en fonction de la protection des pensionnés
éventuels.
M. Levesque (Bonaventure): Question additionnelle.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
complémentaire.
M. Levesque (Bonaventure): Le premier ministre se rend-il compte
que lorsqu'il parle des épargnes qui sont confiées à la
Caisse de dépôt, il s'agit là de sommes qui sont
enlevées chaque semaine du chèque de paie des travailleurs du
Québec et que, pendant des semaines, des mois et des années, ces
travailleurs voient leur chèque de paie réduit afin que ces
épargnes soient déposées à la
Caisse de dépôt? Le premier ministre ne croit-il pas que le
critère ou l'objectif numéro un est de voir à la
sécurité des deniers des travailleurs du Québec et
à leur rendement maximal? (14 h 20)
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Cela me fait penser à
certains travaux de commission: Est-ce qu'on se rend compte..? Bien oui, on se
rend comptel Des vérités de La Palice, même si on les
répète quatre fois, on s'en rend compte.
M. Levesque (Bonaventure): So what?
M. Lévesque (Taillon): Cela me fait penser aussi à
certaines réactions de l'Opposition. Un mot devient un symbole
d'à peu près tous les péchés du monde; franchement!
Oui, on se rend compte que ce doit être sécuritaire, je l'ai dit
trois fois, sinon quatre, au député de Vaudreuil-Soulanges.
L'absolue sécurité. Est-ce que le rendement maximal,
immédiatement, peut toujours correspondre au moment où il y a
certains investissements qui comportent certains éléments de
risque? La réponse est évidemment: pas immédiatement, pas
toujours. L'ensemble, oui.
Il y a une chose que je rappellerais au député de
Bonaventure: les citoyens du Québec, en particulier les travailleurs et
les travailleuses qui voient ponctionner comme cela leur chèque de paie,
ne peuvent pas être contre l'idée que la Caisse de
dépôt, au point de vue de sa participation au
développement, de la création d'emplois, d'ouvrir des
perspectives d'avenir, se serve d'une partie de cet argent,
sécuritairement, pour assurer un meilleur élan à
l'économie du Québec.
M. Lévesque (Bonaventure): M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le premier ministre est en
train de me dire que les travailleurs du Québec doivent voir leurs
épargnes placées à des taux inférieurs, et
même que ces épargnes-là doivent être et peuvent
être utilisées par le gouvernement via la Caisse de
dépôt pour faire des . nationalisations déguisées
par la porte d'en arrière?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, tout ce que
je répondrai à cela - allusion très évidente
à Domtar, je pense - c'est ceci. Quand des compagnies qui exploitent les
richesses naturelles du Québec font, à travers plusieurs
générations même, pas mal d'argent et pas mal de profits et
qu'à un moment donné on a l'impression qu'elles sont en train de
déménager les meubles ailleurs après avoir siphonné
leur argent au Québec, je trouve, tout librement qu'elle ait agi, que la
Caisse de dépôt a sacrement bien agi dans certains cas.
Le Président: Question principale, M. le
député de Portneuf.
Le règlement de placement dans l'industrie de
la construction
M. Pagé: Merci, M. le Président. Ma question
s'adresse au ministre du Travail. Je voudrais lui demander comment le ministre
du Travail, qui, par surcroît, est député de Sherbrooke,
peut accepter qu'un travailleur de la construction qui a toutes ses cartes du
ministère du Travail et de l'OCQ, qui demeure à Sherbrooke, ne
puisse se rendre travailler à Bromont alors qu'un travailleur de
Joliette peut se rendre travailler sur les chantiers de Bromont.
Le Président: M. le ministre du Travail.
Des voix: Vive la... So what!
Des voix: So what!
Le Président: À l'ordre!
M. Fréchette: C'est un cas de comté.
Une voix: Effectivement...
M. Fréchette: M. le Président, c'est encore
à partir d'un cas particulier que le député de
Portneuf...
Une voix: II est poigné dans ses culottes.
Le Président: M. le député!
M. Fréchette: ...ouvre un dossier qui, assez curieusement,
m'avait été soumis dans mon bureau de comté il y a
à peine une dizaine de jours...
Une voix: Vous ne vous en êtes pas occupé.
M. Fréchette: ...par des gens qui étaient
préoccupés effectivement...
Une voix: Vous n'avez pas réglé.
M. Fréchette: ...par cette situation que soulève le
député de Portneuf. Il s'agit d'une
situation qui remonte, mon Dieu, à quelque cinq ans, sinon plus,
alors qu'une décision avait été prise de procéder
à établir des sous-régions par rapport à des
régions principales quant à l'application géographique du
règlement de placement.
Effectivement, pour la région de l'Estrie, à ce moment -
je ne me rappelle pas précisément de l'époque, mais c'est
assez simple de la retrouver - une décision administrative avait
été prise de détacher de la région de l'Estrie la
région de Bromont et de Granby pour la rattacher à la
région principale de Montréal et en faire une sous-région
de la région de Montréal. Je réitère simplement au
député de Portneuf que déjà le problème m'a
été soumis, que j'ai demandé qu'on revoie et
réexamine l'ensemble de cette situation pour voir quels correctifs
pourraient y être apportés parce que je suis assez porté
à penser que les gens qui m'ont fait ces représentations,
à bien des égards, ont raison de les avoir faites et ont
enclenché la nécessité de revoir la décision qui
avait été prise à ce moment.
M. Pagé: M. le Président...
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: ...ma question s'adresse toujours au ministre du
Travail. Plusieurs collègues de l'Assemblée nationale, dont les
porte-parole de l'Opposition, ont investi beaucoup de capital humain, depuis
quelques années, pour sensibiliser le gouvernement à l'obligation
que le gouvernement avait, a et aura toujours de modifier substantiellement le
règlement de placement dans l'industrie de la construction et ce,
à l'égard des injustices créées pour ceux qui se
sont qualifiés...
Le Président: M. le député, la question.
M. Pagé: ...mais qui n'ont pas le sacro-saint certificat
de l'OCQ. Comme je vous le disais aujourd'hui, c'est un règlement de
placement injuste envers les différentes régions du
Québec. Est-ce que je dois comprendre de la réponse que le
ministre du Travail vient de nous donner qu'enfin le gouvernement a compris
qu'il doit revoir dans les plus brefs délais l'application
complète du règlement de placement dans l'industrie de la
construction? Par quel mécanisme le ministre du Travail se propose-t-il
de nous faire participer à l'élaboration des nouvelles normes
applicables?
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: M. le Président, comme l'a
soulevé lui-même le député de Portneuf, il y a
beaucoup de capital humain qui a été dépensé depuis
un bon moment, depuis que le règlement de placement est là, pour
en rediscuter aussi souvent que l'occasion se présente. J'ai eu
l'occasion de dire à plusieurs reprises maintenant, autant en
réponse à des questions qui m'étaient soumises ici
qu'à l'extérieur de la Chambre, que si l'objectif de ce à
quoi on se référait était d'annuler purement et simplement
ou de faire disparaître le règlement de placement tel qu'on le
connaît actuellement, dans sa philosophie de base, je n'étais
d'aucune espèce de façon disposé à arriver à
répondre à cet espoir - si c'est cela, effectivement, qu'on
souhaite - pour deux motifs bien précis, M. le Président,
d'abord, je suis loin de penser et je suis loin d'être convaincu du fait
que, peu importe la nature des changements ou des amendements que l'on pourrait
apporter à l'actuel règlement de placement, cela nous
amènerait automatiquement, demain matin, du travail de plus dans la
construction. Cela ne créerait pas, en d'autres mots, de nouveaux
emplois si seulement le règlement de placement était
modifié. Par ailleurs - et à deux reprises - le chef de
l'Opposition est revenu avec une question d'une autre nature, cependant; il m'a
demandé si j'étais disposé à considérer les
critères en vertu desquels des travailleurs de la construction peuvent
voir leur permis renouvelé au 1er mars de chaque année. À
cet égard, j'ai répondu au chef de l'Opposition qu'effectivement,
j'étais disposé à le faire. Au moment où on se
parle, je suis en mesure aussi d'informer la Chambre que le processus est
amorcé et que, lorsque arrivera le temps, au 1er mars 1984, de
procéder au renouvellement des permis de plusieurs travailleurs, il sera
effectivement tenu compte du fait qu'à cause de cette conjoncture
économique dans laquelle nous avons vécu depuis près de
deux ans maintenant - et qui a l'air de vouloir s'estomper - plusieurs
travailleurs n'ont pu accumuler les heures nécessaires; il y aura cette
espèce de pondération qui sera faite région par
région et dont on tiendra compte, encore une fois, pour le
renouvellement du permis au 1er mars 1984.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Très brièvement, devons-nous
comprendre de la réponse du ministre du Travail que s'il s'est
décidé à bouger, c'est parce que sa région
était enfin affectée?
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: M. le Président, c'est longtemps
avant que surgisse le premier problème auquel le député de
Portneuf a fait allusion que j'avais été sensibilisé
à cette question. Cela vous ennuie peut-être que ce soit le chef
de l'Opposition qui ait soulevé la
question, mais c'est à partir du moment où le chef de
l'Opposition a soulevé la question...
Des voix: Ah!
M. Fréchette: ...avec d'autres représentations qui
ont été faites que la décision a été
prise.
Des voix: Bravo!
M. Fréchette: Je dis qu'il a soulevé la question
ici en Chambre. Il l'a fait longtemps avant le député de
Portneuf; donc, bien avant que la question soit soulevée par le chef de
l'Opposition, déjà le processus dont il a lui-même
parlé était engagé. C'est d'ailleurs l'évêque
de Hull qui a été le premier à sensibiliser les gens de la
Chambre ici. (14 h 30)
M. Lalonde: C'est Levesque de Bonaventure.
M. Fréchette: ...de Bonaventure.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, j'ai une
question additionnelle à poser au ministre. Vu qu'il semble bien
volontiers s'inspirer de certaines de mes suggestions, je lui en ferai une
autre sous forme de question additionnelle. Est-ce que le ministre pourrait
prendre note qu'il y a un nombre assez imposant de travailleurs de l'est du
Québec qui se sont associés récemment et plusieurs sont
venus me voir, encore juste avant mon départ du comté avant-hier,
me demandant d'insister auprès du ministre du Travail pour faire
modifier le règlement de placement dans l'industrie de la construction,
particulièrement en ce qui touche le zonage. C'est une question,
j'essaierai de la faire sous forme de question. Le ministre est-il conscient
que plusieurs de ces personnes, de ces travailleurs ont en main un contrat
d'engagement ou une demande d'aller prêter leurs services et qu'ils ne
peuvent pas le faire parce qu'ils sont refoulés dans l'est du
Québec, à l'est de Cacouna? Ils ne peuvent pas en sortir,
justement à cause de ce règlement de placement dans l'industrie
de la construction. Ils me prient de venir en Chambre demander au ministre de
les libérer et de leur accorder une mobilité dans leur propre
province.
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: M. le Président, le chef de
l'Opposition me demande de prendre note du dossier qu'il me soumet
actuellement; ce à quoi évidemment, je n'ai aucune espèce
d'objection. Finalement, le problème très précis qu'il
soulève rejoint, mais pour une autre région, celui que le
député de Portneuf vient précisément de soulever en
question principale. Je prends note et acte des deux questions soumises par mes
deux collègues de l'Opposition.
Le Président: Question principale, M. le
député de Hull.
Le projet Archipel
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Ma question
s'adresse au ministre délégué à
l'Aménagement et au Développement régional. Cela concerne
le projet Archipel. Est-ce que le premier ministre est là? Je ne le vois
pas.
Une voix: II s'en vient.
M. Rocheleau: Le premier ministre, M. René
Lévesque, avait déclaré, en décembre dernier, en
cette Chambre: "On est censé avoir un rapport sur l'état complet
des études des travaux entrepris d'ici quelques jours." Je me
réfère au journal des Débats du 15 décembre 1982.
Pour sa part, le ministre délégué à
l'Aménagement et au Développement régional avait
ajouté: "Dès la semaine prochaine possiblement que mes
collègues du Conseil des ministres pourront examiner les recommandations
que je vais leur faire". Ces recommandations étant censées avoir
été examinées par le Conseil des ministres depuis un bon
moment, imaginant qu'à part de traiter de l'indépendance au
Conseil des ministres on traite sûrement d'autres problèmes, le
ministre peut-il nous dire quand ces recommandations seront rendues publiques
en ce qui concerne le projet Archipel?
Le Président: M. le ministre délégué
à l'Aménagenent et au Développement régional.
M. Rocheleau: Recommandations, M. le ministre, que vous deviez
déposer dans les jours qui suivaient le 15 décembre.
Le Président: S'il vous plaît, M. le
député!
M. le ministre.
M. Gendron: Effectivement, j'aurai l'occasion, lors de
l'étude des crédits parlementaires, de faire le point sur le
dossier Archipel. Pour le bénéfice des membres de cette Chambre
je peux dire que c'est cette semaine - je crois, je n'ai pas l'heure
précise - que le comité ministériel Archipel sera
convié à une rencontre pour apprécier l'évolution
de l'ensemble du dossier suite à une première analyse qui nous
est
parvenue d'Hydro-Québec concernant le problème du
comportement des glaces. On avait indiqué au Conseil des ministres
qu'Hydro-Québec requérait une période d'hiver pour faire
l'analyse du comportement des glaces avec la nouvelle technique d'instauration
de turbine à bulbe au fil de l'eau. Il fallait attendre que l'hiver se
passe pour avoir une première appréciation de la part
d'Hydro-Québec sur cet aspect. Quant au reste, toute la question de
l'aménagement des rives, la question de la régulation des eaux ou
la qualité de l'eau, toutes les études et les travaux qui
étaient en cours continuent de se poursuivre pour arriver à une
recommandation à l'automne 1983, comme je l'avais mentionné
également à M. le député de Hull. Le Conseil des
ministres avait décidé qu'à l'automne 1983 on devrait
avoir un rapport d'appréciation globale y incluant l'aspect le plus
problématique à ce moment qui était le comportement des
glaces pour des turbines au fil de l'eau.
Je n'ai pas mon agenda, mais à ma connaissance c'est au tout
début de la semaine prochaine qu'il siège. À la suite des
échanges que j'aurai avec les collègues ministériels du
comité ministériel nous ferons une recommandation au Conseil des
ministres.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Hull.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président.
Je comprends que le ministre nous informe qu'une décision va se
prendre à l'automne 1983. Je me rends compte que lorsque le premier
ministre nous avait informés, le 15 décembre dernier, on
s'attendait à l'hiver, j'imagine, le 15 décembre.
Le Président: M. le député.
M. Rocheleau: Dans les engagements financiers il y a des contrats
qui semblent apparaître ici. Aux engagements financiers du mois de mars
1983, par exemple, pour effectuer conjointement avec Hydro-Québec...
Le Président: La question, M. le député.
M. Rocheleau: ...des études biologiques hivernales. J'ai
l'impression que cela se fera l'hiver prochain.
Le Président: M. le député.
M. Rocheleau: Est-ce que le ministre pourrait m'informer...
Le Président: Je m'excuse de vous interrompre. Vous
connaissez bien la règle qui prévaut quant aux questions
complémentaires. Je vous invite à poser la question.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président.
Est-ce que le ministre peut m'informer si ce sont des études qui
vont se faire seulement l'hiver prochain alors que vous allez avoir un rapport
à l'automne 1983?
Le Président: M. le ministre délégué
à l'Aménagenent et au Développement régional.
M. Gendron: M. le Président, je voudrais donner deux
précisions d'abord. Quand M. le premier ministre a mentionné que
le Conseil des ministres serait saisi d'un rapport, rappelez-vous que
l'échéancier qui avait été prévu pour
l'ensemble du dossier Archipel nous conduisait en 1984. La décision du
Conseil des ministres c'est de tout mettre en oeuvre pour qu'à l'automne
1983 nous puissions exiger effectivement d'Hydro-Québec d'avoir une
première appréciation de l'étude qu'elle a menée
cet hiver concernant le comportement des glaces.
Quant à l'aspect précis que vous touchez, les
études biologiques qu'Hydro-Québec voulait faire nous serviront,
bien sûr, à prendre la décision dans le dossier Archipel,
mais elles étaient requises de toute façon. Nous n'aurions
possiblement pas fait l'analyse qu'on est en train de faire pour l'ensemble des
eaux de l'île de Montréal et Hydro-Québec aurait
possiblement fait la même demande, soit d'avoir des études
biologiques plus poussées de l'ensemble du milieu aquatique pour
d'éventuelles interventions dans le bassin hydrologique de l'île
de Montréal. Il ne faut pas relier la dernière demande
spécifiquement à ce qui nous est requis pour prendre une
décision, à l'automne 1983, sur la faisabilité ou non du
projet.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. Le gouvernement a-t-il
consulté le chef Cross ou d'autres représentants du peuple mohawk
qui habitent à Caughnawaga et qui seront drôlement affectés
par le projet Archipel? Si oui, quel est leur position concernant le projet
Archipel?
Le Président: M. le ministre délégué
à l'Aménagement et au Développement régional.
M. Gendron: Dans toutes nos démarches, dans toutes les
phases de consultation avec qui que ce soit, on a toujours sensibilisé
par écrit, formellement, les gens de la réserve Kahnawake ou le
chef lui-même. La réponse a toujours été à
peu près la même: Nous sommes opposés
totalement à toute intervention de quelque nature que ce soit qui
s'approcherait de notre réserve.
Dernièrement, on a expliqué qu'en retenant des variantes
qui ont été modifiées... Ces gens nous avaient dit qu'ils
en étaient encore aux premières variantes retenues par
Hydro-Québec et, effectivement, à la face même de ces
variantes, les inconvénients - appelons cela ainsi - étaient
considérables en termes de perspectives aux gens de la réserve
Kahnawake. Ce n'est plus le cas avec les variantes sur lesquelles nous
travaillons qui ont été très sensiblement réduites;
les impacts sont beaucoup plus réduits.
Nous allons continuer, quant à nous, de les sensibiliser, de les
informer de l'évolution de ce dossier, mais on ne peut pas les forcer
à venir participer à des niveaux d'échanges qu'on a
toujours souhaité avoir avec eux. Ils ont fait le choix, pour le moment,
de s'opposer formellement à toute intervention dans les eaux du fleuve
Saint-Laurent.
Le Président: Dernière question
complémentaire, M. le député de Sainte-Anne.
M. Polak: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre
peut nous dire combien de millions de dollars ont été investis,
au total, dans ce projet? Cela comprend tous les ministères
concernés tels celui de l'Environnement, du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche, le Conseil exécutif, les organismes publics et
parapublics du Québec, à partir du début jusqu'à
maintenant. Combien de millions - je ne parle pas de dizaines de mille, mais de
millions - à ce jour, ont été investis? (14 h 40)
Le Président: M. le ministre délégué
à l'Aménagement et au Développement régional.
M. Gendron: Encore là, on aura l'occasion de faire le tour
de tout cela lors de l'étude des crédits parlementaires mais,
puisque la question est posée à ce moment-ci, le chiffre global
qui a été dépensé, toujours dans la perspective
d'un projet qui pourrait rapporter des milliards, un projet qui pourrait avoir
un impact considérable dans l'économie montréalaise
pendant une quinzaine d'années et redonner ce qu'on n'a jamais pu
donner, une plus-value aux eaux de l'île de Montréal... C'est
important de s'occuper de ces questions, Montréal est entourée
d'eau, mais je pense qu'il n'y a jamais eu d'intervention pour bonifier
davantage l'utilisation des eaux, l'utilisation des berges, augmenter la
qualité de l'eau et régler tous les problèmes
d'inondations que ces gens ont encore eus dernièrement dans le
comté de Mille-Îles. Le chiffre, c'est à peu près 18
000 000 $.
Le Président: Question principale, M. le
député de Châteauguay.
Embouteillage causé par des travaux sur le pont
Mercier
M. Dussault: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Transports. Elle concerne le problème du pont Mercier, qui
a une incidence régionale certaine puisqu'il s'agit de cinq
comtés dans le sud-ouest de Montréal. Je faisais parvenir ce
matin un télégramme au ministre des Transports qui disait entre
autres: "Le pont Mercier a connu ce matin son pire embouteillage en direction
de Montréal, entraînant une période d'attente de plus de
trois heures causée par des travaux de voirie du côté de
LaSalle et ce, en pleine heure de pointe." J'ajoutais: "Cette situation est
intolérable, car elle est désastreuse pour des milliers de
travailleurs et l'économie générale de la rive sud-ouest
de Montréal." Le télégramme évoquait en plus la
possibilité de retarder les travaux à juillet au moment où
il y a moins de circulation puisque beaucoup de travailleurs sont en
congé pour une couple de semaines.
Dans une première question au ministre, je voudrais savoir si
cette hypothèse de retarder les travaux à juillet pourrait
être envisagée?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Clair: Je ne peux que confirmer effectivement les très
sérieux inconvénients que cause la réfection des joints
sur le pont Mercier. On sait que, pour toute une région, le pont Mercier
donne accès à l'île de Montréal et tout travail
important sur le pont a nécessairement des conséquences
très importantes sur la circulation routière.
Quant à la façon de procéder à la
réfection des joints, on m'indique au ministère des Transports,
où on est en train de réévaluer quelles seraient les
mesures qu'on pourrait prendre pour réduire l'impact sur la circulation
routière, qu'on est en train d'y travailler, mais la raison
première pour laquelle on a procédé immédiatement,
c'est que, sur le plan technique, ces travaux étaient devenus urgents et
qu'il fallait procéder à ce moment-ci.
Je peux assurer le député que le sous-ministre des
Transports et le directeur régional sont en train d'évaluer
quelles seraient les mesures qui pourraient être prises pour
réduire l'impact sur la circulation automobile, mais il est bien
évident que, comme il n'y a pas beaucoup de choix pour relier
l'île de Montréal à cet endroit, tout travail important sur
un pont qui joue un
rôle essentiel, fondamental pour la liaison de cinq comtés
avec l'île de Montréal, cause nécessairement des
désagréments importants qu'on tentera de minimiser au cours des
prochains jours.
M. Dussault: Question additionnelle, M. le Président.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: Jusqu'à maintenant, nous avons
été mis dans le coup chaque fois qu'il y avait des travaux, pour
minimiser l'impact de ces travaux et cela se faisait sur la rive sud. Nous
étions présents auprès de l'administration et c'est
maintenant l'initiative du ministère des Transports, mais, du
côté de la région de Montréal, nous n'avons pas pu
influencer la méthode.
Le Président: Question, M. le député.
M. Dussault: Je voudrais savoir du ministre si, dès demain
matin, parce que je crains qu'on ait encore le même problème
demain matin, il peut nous assurer qu'au moins il y aura des policiers, des
gens qui surveilleront la circulation de façon qu'au moins les choses
soient facilitées au maximum pour ceux qui y circulent.
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Clair: Je peux assurer le député que, cet
après-midi même, au moment où on se parle, le
ministère des Transports est en train d'évaluer quels sont les
meilleurs moyens à prendre, comme je l'indiquais au
député, pour tenter de minimiser l'impact.
Il ne fait aucun doute, par ailleurs, qu'au moins un minimum
d'inconvénients demeureront au cours des prochains jours puisqu'on a
déjà procédé à l'enlèvement d'un
certain nombre de joints qu'il était important de remplacer, que les
travaux se déroulent en trois phases: d'abord la démolition des
joints existants; dans une deuxième phase, l'enlèvement de ces
joints; dans une troisième et dernière phase, le remplacement. Ce
sont des travaux essentiels pour la conservation d'une structure importante,
mais, encore une fois, que ce soit en termes d'appel aux policiers de la
Sûreté du Québec ou de toute autre signalisation opportune,
nous sommes à évaluer quels sont les meilleurs moyens à
prendre pour réduire au maximum l'impact des désagréments
qui sont causés à la population de cette région.
Le Président: Question principale, M. le
député de Pontiac.
Le dossier de la papeterie de Matane
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Ma question
s'adresse au ministre de l'Énergie et des Ressources. Dans le dossier de
la papeterie de Matane, le gouvernement du Québec semble
prétendre que les retards à construire cette papeterie sont dus
au fait que le gouvernement fédéral a refusé d'accorder
une subvention. On m'informe par contre qu'une subvention du
fédéral serait possible si le gouvernement du Québec
répondait aux trois conditions suivantes: 1) l'identité
précise des promoteurs et leur capacité financière; 2) le
projet d'entente entre les partenaires impliqués dans ce projet; 3)
l'impact du projet sur les autres producteurs oeuvrant dans ce domaine. Le
ministre peut-il nous dire s'il a donné ou s'il entend donner suite
à ces exigences du gouvernement fédéral?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: Les trois conditions que vient
d'énumérer le député dans sa question font partie,
à peu près mot à mot, du discours que nous tiennent les
ministres fédéraux dans ce dossier depuis de très longs
mois. J'ai eu l'occasion de dire à l'Assemblée nationale tout
récemment que si le dossier était paralysé à
l'instant même où j'en parle, c'est que nous attendons deux
choses: premièrement, que le gouvernement fédéral
décrète que le "ruling" du ministère du Revenu
fédéral, qui tenait jusqu'au 31 mars 1983, en ce qui est des
avantages fiscaux d'une société en commandite, soit reconduit -
et nous n'avons pas de nouvelles à cet égard - et,
deuxièmement, il y a maintenant au-delà d'un an que le
gouvernement du Québec a rendu public son volet de responsabilité
dans l'entente que j'appellerais De Bané-Bérubé, qui
remonte à presque deux ans et demi maintenant, à l'effet que les
deux gouvernements se partageraient une subvention dans une proportion de 40%
et 60%. Nous avons déjà répondu, il y a fort longtemps,
que nous étions prêts à verser notre contribution,
c'est-à-dire 40%, un montant de l'ordre de 23 000 000 $, et nous
attendons toujours une réponse du gouvernement
fédéral.
Il y a eu, bien sûr, beaucoup de correspondance. Mon
collègue à l'Aménagement, qui est responsable du dossier
dans les négociations avec le gouvernement fédéral, est,
bien sûr, au fait de ce que je viens de dire. Même s'il y avait
quinze réunions, nous ne pourrons jamais, quant à nous,
convaincre nos partenaires de continuer dans ce dossier si les avantages et les
bénéfices fiscaux d'une société en commandite sont
disparus. Deuxièmement, nous ne pourrons convaincre
aucun prêteur à long terme dans cet investissement si nous
n'avons pas non seulement un discours, mais une décision du gouvernement
fédéral que la subvention promise viendra concrétiser les
discours de M. De Bané.
Le Président: Question principale, M. le
député de Huntingdon.
M. Dubois: J'aurais eu des questions à adresser au
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, mais je
constate qu'il n'est pas présent. Est-ce que le leader parlementaire du
gouvernement pourrait nous indiquer s'il sera en Chambre bientôt?
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Bertrand: Le ministre responsable de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation sera en retard; il était à
Sept-Îles, au lancement du bateau patrouilleur Camille-Pouliot.
Le Président: Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Les ordinateurs dans les écoles
Mme Dougherty: Ma question s'adresse au ministre
délégué à la Science et à la Technologie.
Dans une entrevue publiée dans la Presse du 14 mai, à la
question: comment les enseignants vont-ils accepter les ordinateurs dans les
écoles? le ministre a répondu ceci, et je cite: "Ce n'est pas
parce qu'on leur met dans les mains des instruments qu'on va aller leur dire
comment enseigner et à quel rythme s'intéresser à cela. Ce
n'est pas nous qui allons leur dire: Vous allez vous mettre à
l'informatique et vous allez enseigner cela à partir de septembre 1983;
pas du tout, les instruments seront là et, au début, si les
enseignants ne s'y intéressent pas, les jeunes iront dans la salle
où il y a des micro-ordinateurs et vont se mettre à travailler
avec."
Par une telle déclaration, est-ce que le ministre essaie de se
laver les mains de la responsabilité du manque de planification
évident en ce qui concerne l'introduction des ordinateurs dans les
écoles?
Le Président: M. le ministre délégué
à la Science et à la Technologie. (14 h 50)
M. Paquette: C'est assez étonnant de voir certaines
personnes, de l'Opposition notamment, nous reprocher d'être trop
directifs, de ne pas tenir compte des possibilités des enseignants et en
même temps nous dire qu'on n'a pas assez planifié dans les bureaux
pour avoir le plan idéal où on imposerait une façon de
faire, une démarche et un rythme au réseau de l'enseignement. On
ne peut pas demander les deux en même temps.
Je répète ce que j'ai dit. Le rôle du gouvernement
dans ce dossier est de mettre à la disposition des étudiants et
des enseignants les outils nécessaires pour travailler, les outils
nécessaires pour préparer les jeunes au monde dans lequel ils
vont vivre. Je pense qu'il faut que les jeunes soient prêts à
utiliser l'ordinateur aussi facilement que nous utilisons le papier et le
crayon. Ce sera le monde dans lequel ils vivront.
On a annoncé l'objectif d'introduire 43 000 ordinateurs en cinq
ans. On a également annoncé - mon collègue de
l'Éducation l'a fait il y a quelques semaines - un plan de
perfectionnement des maîtres, qui se mettra en marche dès
septembre. Des mesures sont également prises pour favoriser
l'élaboration de matériel didactique approprié. À
partir de là - je le répète -c'est au dynamisme des
éducateurs que l'on devra les progrès plus ou moins rapides de
l'introduction de l'ordinateur dans les écoles. Je pense que c'est faire
preuve de volonté politique, que de faire évoluer les choses en
mettant les instruments à la disposition des éducateurs et en
même temps de respecter ceux-ci dans la démarche éducative
dont ils sont les premiers artisans.
Le Président: Question complémentaire, Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Est-ce que la réponse du ministre constitue
une admission de sa part que le projet risque d'être un échec
dès le départ?
Le Président: M. le ministre délégué
à la Science et à la Technologie.
M. Paquette: M. le Président, le moins que je puisse dire,
c'est que Mme la députée de Jacques-Cartier ne brille pas par son
optimisme, ni par sa confiance aux divers milieurs scolaires.
M. le Président, pas du tout. La réponse est non. Ce n'est
pas du tout une admission, au contraire. Nous pensons qu'en mettant les
instruments à la disposition des divers milieux scolaires, ceux-ci
sauront les utiliser, pour un certain nombre de raisons. D'abord, depuis 1975,
il y a des centaines d'enseignants qui ont appris non seulement l'informatique,
mais comment l'utiliser concrètement dans les classes avec des
étudiants. Cela fait déjà huit ans qu'il y a, dans toutes
les régions du Québec, des enseignants qui travaillent avec
l'informatique et dont le principal problème était de ne pas
avoir les instruments matériels pour travailler. Nous allons leur
donner ces instruments dès septembre 1983.
Le Président: Question principale, M. le
député de Saint-Henri.
Nouvelle vocation pour l'hôpital Reddy
Memorial
M. Hains: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Affaires sociales. Brutalement, il y a un mois, M. le ministre,
nous avons appris votre décision, définitive, semble-t-il, de
convertir l'hôpital Reddy Memorial en centre de soins prolongés.
Malgré toutes les oppositions, malgré un dossier très
fouillé du conseil d'administration, malgré toutes les
doléances des citoyens de Saint-Henri et du sud-ouest, malgré
leurs récriminations et celles de mes concitoyens de Verdun, Sainte-Anne
et Westmount, vous avez décidé, M. le ministre, d'une
façon péremptoire, de changer la vocation de notre Reddy
Memorial. Saint-Henri n'a pas d'hôpital et 75% de la clientèle de
Reddy Memorial est de chez nous et des alentours. Déjà, M. le
ministre, vous nous aviez donné le coup de l'étrier avec
Henri-Dunant et maintenant vous semblez vouloir nous donner le coup de
grâce.
L'hôpital Reddy Memorial, par ses approches faciles, près
d'une bouche de métro, par ses cliniques nombreuses et variées,
par ses soins renommés, par sa gestion reconnue comme l'une des
meilleures de Montréal, par son caractère vraiment bilingue, par
son statut de petit hôpital, est une institution vraiment de quartier qui
est au coeur et le coeur de notre population.
Ma question a un triple volet. Premièrement, M. le ministre, je
comprends très bien vos besoins dans le domaine des soins
prolongés, mais pourquoi faut-il que ce soit un comté non
privilégié dans le domaine hospitalier qui en porte les
conséquences? Deuxièmement, n'y aurait-il pas d'autres endroits
où cette conversion serait plus catholique? Troisièmement,
vous-même, M. le ministre, êtes-vous prêt à
révoquer votre décision?
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, en réponse au
préambule, la qualité de la gestion, tout comme la qualité
des services offerts au Reddy Memorial, n'est absolument pas en cause dans
cette décision. Il s'agit essentiellement de transformer une partie des
ressources que nous avons au centre-ville de Montréal pour les rendre
disponibles, pour répondre à des besoins en soins
prolongés dans l'ensemble de Montréal et, notamment, dans la
périphérie de Montréal où on voit des
absurdités dans des hôpitaux, que ce soit
Fleury, Jean-Talon, Cartierville, Sacré-Coeur, Cité de la
santé ou ceux du West Island, qui sont aux prises avec un nombre de
patients en soins prolongés nettement plus élevé, alors
que ce sont des hôpitaux qui doivent normalement donner des services en
soins aigus.
Dans les circonstances, nous avons pris la décision,
conjointement avec le Conseil régional de la santé et des
services sociaux de Montréal, de transformer la vocation de certains
établissements, dont le Reddy Memorial, où seront cependant
maintenus des services de clinique externe, de clinique de médecine
familiale, le tout répondant à près de 80% de la demande
de la médecine ambulatoire, des services réguliers en
psychiatrie, en interne comme en externe, ce qui est déjà
considérable.
À la deuxième question, c'est non.
À la troisième question, c'est non.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre
est prêt à admettre que, dans sa décision, il a
rejeté l'idée que le Reddy Memorial demeure un hôpital pour
soins aigus s'occupant d'une clientèle défavorisée sur les
plans social et économique? C'est un hôpital du sud-ouest
où les gens se trouvent chez eux, un hôpital où le
coût jour-patient est de 215 $, le plus bas dans toute la région.
Est-ce qu'il est prêt à admettre qu'au lieu d'épargner 13
000 000 $, sa décision pourrait coûter 8 000 000 $? Je demande au
ministre s'il est prêt maintenant à respecter l'opinion des
usagers, révoquer sa décision et respecter le statu quo pour au
moins une année.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, puisqu'il s'agissait
d'une question additionnelle, mais avec préambule, j'y reviendrai
rapidement. Encore une fois, il ne s'agit aucunement de mettre en doute la
qualité de la gestion de cet établissement ni des services qu'il
a rendus, ni la qualité d'implication du personnel clinique ou
paraclinique qu'on y retrouve. Cependant, il y a, pour la population de cette
sous-région de Montréal, des services qui pourront
répondre à près de 80% des demandes de services en
médecine ambulatoire, ce qui constitue l'essentiel des services
donnés aux citoyens en clinique externe. Nous pouvons donc maintenir
à la fois la qualité et la quantité des services et non
pas des soins hospitaliers. La question n'est pas là. En
conséquence, la réponse à la question que pose le
député, c'est non.
M. de Bellefeuille: M. le Président...
Le Président: Question principale, M. le
député de Deux-Montagnes.
Étude sur l'existence de BPC dans plusieurs
rivières du Québec
M. de Bellefeuille: Ma question s'adresse au ministre de
l'Environnement. La semaine dernière, dans une dépêche de
la Presse canadienne, on prétendait que les principales rivières
du sud du Québec sont contaminées par les BPC, les produits
chimiques, soit les biphényls polychlorés dont l'utilisation est
interdite au Canada depuis trois ans. Dans cette dépêche, on
affirmait que ces renseignements se trouvaient dans une étude du
ministère québécois de l'Environnement. Est-ce que le
ministre pourrait confirmer l'existence de ce rapport, de cette étude
et, si oui, si cette étude existe effectivement et qu'on porte ces
conclusions, est-ce que le ministre pourrait nous indiquer quelles dispositions
il entend prendre?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Ouellette: Oui, M. le Président, je peux confirmer
l'existence de ce document qui a été préparé par
les fonctionnaires du ministère de l'Environnement et qui nous
révèle l'existence de BPC dans plusieurs cours d'eau du
Québec.
Le Président: M. le député de
Deux-Montagnes, en complémentaire.
M. de Bellefeuille: M. le Président, c'est sans doute
parce que le temps presse, mais le ministre a omis de répondre à
la deuxième partie de la question. Quelles dispositions son
ministère et lui-même entendent-ils prendre?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Ouellette: La réponse habituelle à une telle
question consiste à dire qu'on va continuer l'étude. C'est
peut-être une façon trop facile de s'en tirer, mais il y a un
volet qui correspond à ce type de réponse en ce sens que
l'étude comme telle ou les auteurs de l'étude
révèlent que leurs données sont encore partielles et
qu'ils ont l'intention d'aller plus loin, pour voir jusqu'où la
santé des gens peut être en danger avant qu'on puisse prendre de
mesures précises pour réparer les dégâts dans
certains de ces cours d'eau. (15 heures)
Le Président: Question principale, M. le
député de Viger.
M. Maciocia: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Il était ici
tantôt.
Le Président: Le ministre de l'Industrie, du Commerce et
du Tourisme est-il... Le voilà!
La présidence de la Société du
Palais des congrès
M. Maciocia: M. le Président, tout le monde sait que le
Palais des congrès va ouvrir vendredi prochain à 10 h 30. Tout le
monde sait aussi que, depuis quelques semaines, le poste de président de
la Société du Palais des congrès est vacant. Le ministre
pourrait-il informer la Chambre aujourd'hui si ce poste va être
comblé d'ici l'ouverture du palais ou quand il va être
comblé?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: Non, M. le Président. Il ne sera pas
comblé avant l'ouverture du palais, puisque ce sera en fin de semaine.
Deuxièmement, il sera comblé après consultation avec les
principaux intervenants dans le domaine du tourisme à
Montréal.
Le Président: La période des questions est
terminée.
Aux motions non annoncées. M. le leader parlementaire du
gouvernement.
Révocation de l'ordre de
deuxième
lecture du projet de loi no 17 et avis
d'auditions en commission parlementaire
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: M. le Président, je suis en mesure - et je
pense en cela répondre à une demande qui nous avait
été faite par le député de Brome-Missisquoi, je
crois, relativement au projet de loi no 17 portant sur le Code du travail
d'avoir une commission parlementaire qui siégerait avant l'étude
du projet de loi en deuxième lecture, donc, immédiatement
après la première lecture - d'informer le député
à ce moment-ci qu'effectivement - et je pense que vous en avez
même discuté à l'extérieur de la Chambre - nous
sommes disposés à tenir une telle commission parlementaire, fort
probablement le 2 juin prochain, durant une journée, mais que nous
inviterions un certain nombre de groupes à venir en commission
parlementaire. Je crois que, là-dessus aussi, il y a eu des discussions
ou des échanges entre le député de Brome-Missisquoi et le
ministre du Travail. Il faudrait cependant, à ce moment-ci, M. le
Président, pour nous conformer au règlement, que je fasse
motion
pour faire en sorte que, malgré les délais prévus
à l'article 118a de notre règlement, nous puissions faire en
sorte que cette commission parlementaire puisse siéger le 2 juin. C'est
une question de délai pour la parution des avis dans la Gazette
officielle, etc., et comme il y a entente de part et d'autre, je pense qu'on
peut fonctionner. J'en fais donc motion, M. le Président. C'est une
question de délai pour la parution des avis dans la Gazette officielle,
etc., et comme il y a entente de part et d'autre, je pense qu'on peut
fonctionner. J'en fais donc motion, M. le Président.
Le Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: M. le Président, je remercie le leader et le
ministre du Travail d'avoir accepté la suggestion du
député de Brome-Missisquoi d'entendre plusieurs intervenants
avant la deuxième lecture. Il me semble qu'il y aurait lieu toutefois
d'accompagner la motion qui a pour but de réduire les délais de
30 jours d'une motion pour révoquer l'ordre de deuxième lecture
de ce projet de loi aussi.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Bertrand: Je fais motion, M. le Président, pour que
nous révoquions cet ordre.
Le Président: Cette motion ainsi modifiée est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté.
Il vous intéressera peut-être de savoir -c'est un calcul
rapide - que nous avons eu neuf questions principales et treize questions
complémentaires au cours de la période des questions
d'aujourd'hui et je vous en félicite.
M. le ministre délégué aux Relations avec les
citoyens.
Voeux aux aînés à l'occasion de la
semaine de l'âge d'or
M. Denis Lazure
M. Lazure: M. le Président, on me permettra de lire le
texte d'une motion non annoncée qui, sans aucun doute, va rallier
l'adhésion de nos collègues de l'Opposition: "Attendu que, depuis
1970, le gouvernement du Québec, en réponse à une demande
de la Fédération des clubs de l'âge d'or du Québec,
reconnaît le dernier dimanche du mois de mai comme jour de l'âge
d'or et la dernière semaine de mai comme la semaine de l'âge d'or;
"Attendu l'importance de cette journée et de cette semaine pour
sensibiliser la population aux besoins de nos concitoyens et concitoyennes
aînés et pour les encourager à demeurer actifs et autonomes
dans la société; "Attendu l'importance que le gouvernement actuel
accorde à la population aînée dans ses programmes, ses
services et ses politiques; "Attendu qu'il convient que l'Assemblée
nationale souligne cette journée et cette semaine et transmette les
voeux de toute la population à ceux et celles qui ont bâti le
Québec d'aujourd'hui.
Je propose la motion suivante: "Que l'Assemblée nationale invite
tous les Québécois et toutes les Québécoises
à poser un geste d'appréciation à l'égard de leurs
aînés durant cette semaine et surtout le dimanche, 29 mai."
Le Président: Je présume qu'il y a consentement. M.
le leader parlementaire de l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, on ne peut pas donner
d'explication sur un consentement ou non. Ce n'est pas la raison de mes propos.
J'aimerais savoir si c'est seulement la motion ou les attendus qui vont
être votés, parce que les attendus peuvent ouvrir un grand
débat. Si c'est seulement le corps de la motion, à ce
moment-là, nous donnons notre consentement.
Le Président: C'est effectivement, normalement, seulement
la motion. Bien qu'il y ait eu à cet égard différentes
manières de procéder, il m'apparaît bien
préférable, avant de demander le consentement, qu'on donne le
corps de la motion et non pas la liste des attendus parce qu'on entre
automatiquement dans un débat, dans bien des cas.
M. le ministre délégué aux Relations avec les
citoyens.
M. Lazure: M. le Président, je remercie l'Opposition de
son appui à cette motion. Je voudrais d'abord souligner la
présence dans nos galeries du président de la FADOQ, la
Fédération de l'âge d'or, M. Roux, et de certains membres
de son exécutif, ainsi que le directeur général de la
corporation; donc, l'exécutif, accompagné du directeur
général, M. Fraser.
Le gouvernement actuel, depuis 1976, a toujours manifesté une
grande préoccupation pour l'amélioration des conditions
économiques, des conditions sociales, des conditions culturelles de la
personne âgée. Le Québec, depuis quelques années,
voit le pourcentage de sa population âgée de plus de
65 ans augmenter de façon précipitée. Bien
sûr, nous n'en sommes pas encore rendus au point de plusieurs pays
d'Europe qui ont actuellement un pourcentage de 12%, 14% et 15% de population
âgée de 65 ans et plus. Nous sommes à environ 9%, mais ce
pourcentage ira en augmentant dans les quinze ou 20 prochaines
années.
Notre gouvernement a tenté d'être prévoyant,
à la fois de corriger des inégalités, des
disparités qui existaient depuis plusieurs années. On verra
tantôt, dans le projet de loi no 20 qui permet la retraite à 60
ans et augmente les rentes au conjoint survivant, on verra que, encore une
fois, le gouvernement procède à des corrections de situations qui
constituent une injustice pour plusieurs personnes âgées. Le
gouvernement, disais-je, fait donc preuve de prévoyance. Il fait preuve
de prévoyance, par exemple, en instituant un programme comme le
programme de Logirente, qui permet aux personnes âgées qui veulent
- et c'est le cas de la plupart des personnes âgées - demeurer
dans leur appartement, dans leur maison, dans leur maison de chambre, continuer
à le faire avec l'aide financière du gouvernement.
Le gouvernement a aussi multiplié, même si c'est encore
insuffisant, les services à domicile pour les personnes
âgées, budget qui a pratiquement quadruplé depuis six ou
sept ans. Le gouvernement a aussi construit plus de 20 000 unités de
logement, d'habitations à loyer modique pour personnes
âgées depuis 1977. Le gouvernement a aussi permis le transport
ambulancier gratuit pour les personnes âgées et les
médicaments gratuits, depuis quelques années.
En rendant hommage aux personnes âgées, à nos
aînés, je pense qu'il faut préciser de façon plus
particulière la Fédération des clubs d'âge d'or, les
1000 -ou environ - clubs de l'âge d'or dans tout le Québec qui,
eux aussi, ont connu une expansion considérable depuis quelques
années. Ces clubs répondent à des besoins précis,
des besoins sociaux, des besoins culturels, des besoins d'amitié. Chacun
de ces 1000 clubs constitue un réseau de solidarité dans beaucoup
de nos communautés. Je pense qu'il est tout à fait
approprié que notre Assemblée nationale félicite les clubs
de l'âge d'or et d'autres groupements de personnes âgées
semblables aux clubs de l'âge d'or pour cette action
bénévole qu'ils mènent dans tout le Québec. Je
pense en particulier à l'action bénévole de milliers de
personnes âgées qui aident leurs concitoyens et concitoyennes
bénévolement à se rendre à l'hôpital, en
clinique externe, par exemple, pour des traitements, aux milliers de personnes
âgées qui s'occupent de distribuer des repas chauds, aux milliers
de personnes âgées qui visitent leurs concitoyens et leurs
concitoyennes dans des centres d'accueil pour personnes âgées,
dans des hôpitaux pour soins prolongés. (15 h 10)
M. le Président, une autre fonction remplie de façon tout
à fait correcte et admirable par la Fédération des clubs
de l'âge d'or - qui ne plaît pas toujours au gouvernement, mais qui
est utile dans une société - c'est la fonction de revendication.
Les clubs de l'âge d'or assument leurs responsabilités sociales et
économiques vis-à-vis de leurs membres en se faisant des
porte-parole convaincants auprès des gouvernements. Je pense qu'il faut
les féliciter pour cette action.
En terminant, je voudrais, au nom de notre formation politique, rendre
hommage à toutes celles et tous ceux qui ont aidé à
bâtir ce Québec. Je voudrais aussi rappeler à la population
plus jeune qu'il est important de maintenir un lien avec la population plus
âgée. Il est important que non seulement des traditions, des
cultures, des techniques se transmettent de génération en
génération, mais il est surtout important que les jeunes puissent
profiter de toute cette sagesse qu'ont accumulée à travers les
années nos personnes âgées. Merci, M. le
Président.
Le Président: Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il me fait plaisir, au
nom de ma formation politique, de m'associer à la motion du ministre
délégué aux Relations avec les citoyens pour souligner la
semaine de l'âge d'or au Québec. Je voudrais rappeler, au point de
départ, que ces motions se veulent des motions non partisanes, des
motions pour souligner le travail que certains groupes font, pour rendre
hommage à l'action sociale de certains citoyens. Il faut bien le voir
une fois de plus, le ministre délégué aux Relations avec
les citoyens ne changera pas. Il profite de cette occasion pour faire encore
une sortie partisane et faire valoir les soi-disant bons coups du
gouvernement.
M. le Président, je ne voudrais pas gâter la visite des
membres de la Fédération des clubs de l'âge d'or du
Québec qui sont dans nos galeries présentement et tomber dans le
même travers que ce ministre incorrigible qui est de l'autre
côté de la Chambre. Il aurait fallu que j'apporte beaucoup de
corrections à ce qu'il vient de dire. J'ai eu l'occasion de le faire
avec le nouveau ministre des Affaires sociales la semaine dernière.
J'éviterai de revenir là-dessus parce que si on peut parler de
certaines actions prises par le gouvernement - c'est la moindre des choses,
compte tenu de l'augmentation des personnes âgées - on pourrait
parler aussi des carences extrêmement sérieuses et des omissions
qui
existent encore présentement.
C'est un plaisir pour moi, d'abord, de saluer la présence du
président, M. Roux, et des membres de son exécutif et de leur
souhaiter, au nom de ma formation politique, tout le succès possible
dans l'action extrêmement constructive qu'ils mènent auprès
de leurs concitoyens. L'âge d'or remplit un rôle social absolument
indispensable dans notre société et je pense que tout l'appui que
nous pouvons leur apporter est nécessaire. C'est avec plaisir que je
veux les assurer de notre appui le plus complet. Je leur souhaite le meilleur
succès possible dans toutes les actions qu'ils entreprennent au nom de
nos concitoyens du Québec. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: M. le Président, au moment où le
ministre convie les membres de cette Assemblée à se rallier
à la motion qu'il nous présente, il n'a pu s'empêcher de
dresser un court bilan des actions gouvernementales, depuis plusieurs
années -depuis 1976, si je me fie au bilan qu'il a
présenté - pour les personnes du troisième âge.
Présenter un bilan, cela a toujours des aspects dangereux et cela en a,
à mon sens, au moins deux. Le premier, c'est que la présentation
d'un bilan nous souligne ou nous indique par le fait même les carences du
bilan; elle nous indique aussi les choses qui n'ont pas été
faites et qui sont à faire, le progrès qui reste encore à
accomplir.
Le deuxième danger, c'est peut-être aussi, M. le
Président, de placer le focus sur la demande. Autrement dit, on a
répondu à des demandes en créant du logement particulier
pour les personnes du troisième âge, mais cela nous fait perdre de
vue l'autre aspect qui est l'apport des personnes du troisième âge
à la société du Québec. Autrement dit, il s'agit
non seulement de ce qu'on peut faire pour les personnes du troisième
âge, mais de ce qu'elles peuvent faire pour nous, ce qui est
peut-être l'aspect le plus important et celui qu'il faudrait
peut-être davantage souligner au moment où on s'apprête
à adopter cette motion.
Il s'agit de rencontrer régulièrement les personnes qui
oeuvrent au sein de mouvements, de clubs de l'âge d'or, soit ceux qui se
sont regroupés à l'intérieur de la
fédération ou qui oeuvrent à l'extérieur des cadres
de la fédération, dans d'autres types d'activité, pour
savoir tout le dynamisme que l'on constate dans ces organisations, tout
l'apport des personnes du troisième âge à une vie de
quartier, à une société.
Au moment où on s'apprête à se rallier à
cette motion du ministre, c'est peut-être l'aspect le plus important
qu'il faudrait souligner. Il faudrait les remercier pour le travail qu'ils ont
fait dans le passé, mais surtout les remercier pour leur présence
d'aujourd'hui, pour l'appui constant qu'ils nous donnent, qu'ils nous procurent
et pour l'exemple qu'ils sont, aussi, pour chacun d'entre nous. En me ralliant
à cette motion, je veux non seulement remercier et féliciter les
personnes du troisième âge, mais les assurer que cette motion n'a
pas pour effet de les courtiser, mais elle devrait avoir pour effet de
reconnaître non seulement ce qui a été fait, mais aussi ce
qui est à faire et ce qu'ils feront dans l'avenir. Merci.
Le Président: M. le député de Bourassa.
M. Patrice Laplante
M. Laplante: Merci, M. le Président. Je voudrais me
joindre à la motion. On a un exemple de plus actuellement,
vis-à-vis de nos personnes âgées, de ce qu'est la
politique. La politique, c'est les petites chicanes, les pointes entre nous,
c'est ce que les gens du troisième âge aiment souventefois. Ils
suivent leurs politiciens depuis des dizaines d'années, pour la plupart
d'entre eux, et sans ces pointes d'humour, sans ces reproches qu'on peut se
faire entre nous, je crois que ce n'aurait pas été une motion
ordinaire pour eux.
Ce que je voudrais dire dans des mots très simples aux personnes
du troisième âge, auxquelles je m'associe depuis plusieurs
années, depuis au moins quinze ans, quant aux actions des personnes
âgées, c'est merci, un merci très sincère pour ce
qu'ils ont donné au Québec au cours de leur vie, pour ce qu'ils
s'attendent aussi de recevoir de nous comme citoyens du Québec, et non
seulement comme politiciens.
Ils nous ont donné la vie, on a donné la vie à de
petits enfants nous aussi, ces petits enfants se mélangent - de plus en
plus on s'en rend compte, lorsqu'on visite les résidences ou les clubs
de l'âge d'or d'endroits différents - à la
société aujourd'hui. Dernièrement, je suis allé
à une fête, la fête des mères des gens du
troisième âge et je voyais là cinq
générations qui ont su présenter un spectacle, une
soirée durant, qui a commencé par un souper et qui s'est
terminée à 1 heure du matin. Chacun a donné son petit
numéro.
Pour une personne de mon âge, cela fait réfléchir
sur l'importance que les personnes du troisième âge peuvent avoir
pour nous et sur leur utilité chaque jour de notre vie. Ce sont ces
choses qu'il ne faudrait pas qu'on oublie comme politiciens, comme citoyens, en
les remerciant et en continuant la fête que la Fédération
de l'âge d'or a voulu donner lors du dernier
dimanche de mai, afin qu'on puisse s'associer pour les fêter, pour
penser à eux au moins une fois par année. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Johnson (Anjou): Très brièvement, M. le
Président...
M. Polak: M. le Président, excusez-moi.
Le Président: On ne fera pas de chicane aujourd'hui,
n'est-ce pas? M. le député de Sainte-Anne, si vous
préférez prendre la parole, le ministre des Affaires sociales n'a
pas d'objection à vous la céder.
M. Johnson (Anjou): Avec grand plaisir. M. Maximilien
Polak
M. Polak: Je suis très content qu'on ne commence pas
à briser le système de l'alternance.
Le Président: Parce que c'est une critique implicite, je
veux bien qu'on ne brise pas le système de l'alternance, mais encore
faut-il qu'un député se lève. (15 h 20)
M. Polak: Vous savez, M. le Président, je suis toujours
debout très vite. Je voudrais d'abord, au nom du député de
Berthier - je ne sais pas si, en vertu du système d'alternance, il
pourra encore parler sur la même motion, mais je le fais au cas où
il n'aurait pas la chance de parler - souligner la présence dans les
galeries de M. Georges Rousseau et de son épouse; il est
président du club de l'âge d'or de Saint-Barthélemy, et en
même temps directeur général.
Notre formation politique, comme mon prédécesseur l'a
déjà mentionné, souscrit entièrement aux
félicitations offertes pour son magnifique travail à ce club de
l'âge d'or. Dans mon comté, à Sainte-Anne, et dans le
sud-ouest de Montréal, ces clubs sont très importants, jouent un
rôle très important. On participe à leurs activités
presque chaque fin de semaine et je suis toujours impressionné de voir
comment les gens de l'âge d'or ont réussi à prendre des
initiatives, à faire des projets et à offrir des cours pour
développer leurs talents. On n'a qu'à voir leurs travaux
d'artisanat. Chaque fois que ma femme et moi visitons un club de l'âge
d'or, on revient d'une telle visite avec de nouvelles idées, avec un
nouvel élan et avec beaucoup de respect pour leur travail.
Je dois dire aussi que c'est bien beau de dire à ces gens qu'on
les félicite et qu'on pense à eux - ce sont des
députés ministériels qui ont dit cela - mais il faut aussi
être pratique. Je me rappelle que, quand les représentants de la
fédération sont venus ici, il y a à peu près un an
ou un an et demi, pour présenter un mémoire concernant le droit
de grève dans les hôpitaux, c'était bien beau mais,
à ce moment-là, il n'y avait pas beaucoup de sympathie à
leur égard. Le projet de loi qui a suivi n'a jamais accepté les
recommandations qui étaient carrément à l'effet de
défendre une fois pour toutes le droit de grève dans certaines
circonstances et dans certaines institutions. Je me rappelle très bien
que le mémoire de la fédération était fort bien
préparé, bien étoffé. On l'a écouté,
mais le gouvernement n'a rien fait pour le mettre en oeuvre.
M. le Président, je veux terminer en disant que ce sont ces gens
qui sont ici aujourd'hui - malheureusement, je suis situé d'une telle
manière que je ne peux pas les voir - qui ont bâti le pays, qui
ont bâti le Québec et le Canada. Nous leur devons beaucoup, mais
nous l'oublions trop souvent. J'espère que, dès le moment de la
reprise économique, on pensera à améliorer leur sort. Pour
une grande partie de ces personnes, il y en a qui vivent encore sous le seuil
de la pauvreté, et c'est scandaleux. Merci.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): Je voudrais simplement m'associer - beaucoup
de choses ont été dites et probablement l'essentiel,
jusqu'à maintenant - à ce qu'ont pu dire mes collègues
d'en face et, évidemment, le ministre responsable et le
député de Bourassa. Celui-ci, en particulier, a fort à
coeur les intérêts des personnes âgées et il est fort
actif depuis plusieurs années dans ce secteur même si
lui-même n'a pas encore atteint cet âge, malgré ses tempes
grisonnantes.
On a souvent tendance à parler du troisième âge avec
un peu de condescendance. Ce qui me touche depuis un certain nombre de mois au
ministère des Affaires sociales, c'est que les personnes
âgées, si elles ont des besoins et si elles revendiquent à
l'égard de ces besoins, ont surtout une expérience très
concrète à apporter, des opinions à exprimer, une certaine
sagesse, ma foi, dont notre société n'aura jamais assez. À
cet égard, je dirai qu'elles ont des responsabilités, dont celle
de faire partager au reste de la société, à ceux qui n'ont
pas connu certaines époques, des époques qui ont tantôt
été troublantes, tantôt exigeantes, tantôt
stimulantes, de transmettre cette connaissance des êtres humains et des
événements, de transmettre
aussi ce que sont les sentiments collectifs de leur
génération dans les périodes difficiles. Cette
époque que nous vivons en est une qui est exigeante non seulement pour
eux, mais pour l'ensemble de la société. Je pense qu'ils peuvent
y contribuer par leur sagesse et leur réflexion. Merci, M. le
Président.
Le Président: La motion de M. le ministre
délégué aux Relations avec les citoyens est-elle
adoptée?
Le Président: Adopté.
Mme la députée de L'Acadie.
Appréciation aux familles d'accueil Mme
Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais solliciter le
consentement des membres de cette Assemblée pour l'adoption de la motion
suivante: Que les membres de l'Assemblée nationale soulignent la semaine
provinciale de la famille d'accueil en exprimant, aux nombreuses familles qui
jouent ce râle social indispensable, leur appréciation et en les
assurant de leur appui.
Le Président: Y a-t-il consentement? Des voix:
Consentement.
Le Président: II y a consentement. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je vais être
très brève.
Être une famille d'accueil, c'est rendre service soit à un
enfant soit à un adulte et cela exige beaucoup de
bénévolat, de dévouement et de compréhension. Je
voudrais, brièvement, rappeler qu'il y a 24 000 familles d'accueil au
Québec qui reçoivent environ 15 000 enfants et 9000 adultes.
Pour ce qui est des enfants, ces familles doivent prendre soin d'enfants
qui ont des problèmes de mésadaptation sociale ou encore des
enfants qui ont besoin de protection, soit parce qu'ils ont été
abandonnés, soit qu'ils ont été victimes de mauvais
traitements ou encore qui connaissent des premiers symptômes de
délinquance. Dans le cas des familles d'accueil d'adultes, ce sont
souvent des adultes souffrant de déficience mentale ou d'ex-patients
d'institutions psychiatriques et aussi un bon nombre de personnes
âgées.
Le seul souhait que je ferais ici, M. le Président, c'est que
tous ensemble, à l'Assemblée nationale, nous soyons conscients du
rôle important qu'elles jouent, mais surtout de l'appui dont elles ont
besoin pour remplir ce rôle de la meilleure façon possible. Elles
oeuvrent très souvent dans l'ombre et on doit se réjouir qu'elles
se soient regroupées en une fédération qui rend leur
présence plus active et également contribue à sensibiliser
davantage l'ensemble du Québec aux responsabilités qu'elles
assument souvent vis-à-vis des êtres les plus faibles de notre
société ou en plus grand besoin de protection et
d'assistance.
M. le Président, encore une fois, au nom de ma formation
politique, je veux assurer les familles d'accueil que leur fonctionnement nous
importe beaucoup, que leur contribution est hautement appréciée.
Qu'elles soient assurées de notre gratitude pour le magnifique travail
qu'elles font. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): M. le Président, il me fait plaisir,
au nom du gouvernement, de m'associer à la motion de Mme la
députée de L'Acadie. En effet, près de 15 000 enfants,
comme Mme la députée l'a dit, sont présents dans 10 700
familles d'accueil au Québec, et près de 9000 adultes sont
présents dans environ 2500 familles d'accueil sur le territoire du
Québec.
Je rappelle que ces familles ont choisi de s'adonner à ce type
d'activité, dans l'immense majorité des cas - cela a
été l'expérience que j'ai eue à en rencontrer
plusieurs - d'abord et avant tout dans le contexte d'un sentiment de
solidarité à l'égard de la communauté, que ce soit
à l'égard des enfants et particulièrement les enfants qui
ont des problèmes d'adaptation importants, ou à l'égard
des adultes où, au-delà des handicaps physiques ou mentaux, on
retrouve aussi des personnes qui ont besoin d'un certain environnement
protégé, même si cela n'exige pas l'équivalent d'un
centre d'accueil pour leur hébergement.
Le gouvernement, très concrètement, depuis un certain
nombre d'années, il faut le dire, fait une série de choses
à l'égard de ces familles. Il les subventionne,
évidemment, sur la base de ce qu'on appelle un per diem, qui a
été heureusement, cette année, ajusté et qui le
sera maintenant régulièrement au fur et à mesure des
trimestres, ce qui devrait répondre à une des demandes de la
Fédération des familles d'accueil du Québec.
Le gouvernement a aussi mis sur pied, grâce à leur
collaboration, je le dirai, et à leur demande, l'an dernier, des cours
de formation. 55 sessions auprès d'une quinzaine de personnes chaque
fois, donc au-delà de 500 personnes ont été
impliquées dans des sessions visant à apprendre certaines des
techniques d'accueil ou comment répondre à certains des besoins
de ces personnes en difficulté, qu'elles soient des enfants ou des
adultes. Avec le résultat que, bientôt, dans le cadre de ce
qu'on appelle les ententes MAS-MEQ, ministère des Affaires sociales et
ministère de l'Éducation du Québec, on sera assuré
que, dans un certain nombre de cégeps - je crois, une quinzaine -
à compter de l'an prochain, il y aura, pour ceux qui veulent s'y
adonner, dans le cas de ceux qui sont déjà une famille d'accueil,
un cours de technique d'accueil pour les aider dans ce travail qui est
constant, qui est très exigeant et dans lequel, je crois, au-delà
des bénéfices que peuvent en retirer ceux qui y sont
hébergés, il y a aussi, chez les personnes responsables des
familles d'accueil, une certaine satisfaction dont j'ai été
à même dé constater la présence l'an dernier en
remettant ce qui a été mis sur pied l'an dernier pour la
première fois, le prix de reconnaissance aux familles d'accueil du
Québec, un peu comme le prix Persillier-Lachapelle le fait pour le
secteur des établissements. (15 h 30)
J'aurai le plaisir de rencontrer à nouveau au nom du
gouvernement, à la fin de la semaine, vendredi prochain, la
Fédération des familles d'accueil du Québec, qui regroupe
les familles d'accueil qui s'occupent de l'hébergement des enfants alors
que l'autre s'occupe des familles d'hébergement pour adultes. Je leur
transmettrai cette motion qu'a bien voulu présenter la
députée de L'Acadie à laquelle, j'en suis sûr, nous
souscrirons tous unanimement.
Le Président: La motion de Mme la députée de
L'Acadie est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Aux avis à la Chambre,
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: Aucun avis, M. le Président. Des motions,
cependant...
Le Président: Sous la rubirque générale des
avis, M. le leader.
Travaux des commissions
M. Bertrand: ...pour faire siéger deux commissions
parlementaires cet après-midi et ce soir. D'abord, au salon rouge, la
commission de l'énergie et des ressources sur le dossier du
règlement hors cour du saccage du chantier de LG 2 et, à la salle
81-A, la commission des affaires culturelles pour la poursuite des auditions
relativement au projet de loi no 3, la Loi sur les archives. Ceci, M. le
Président, de 15 h 30 à 18 heures et de 20 heures à 22
heures.
Quant à demain matin, trois commissions parlementaires
siégeraient, s'il y a consentement; celle de l'énergie et des
ressources au salon rouge, de 10 heures à 13 heures; à la salle
81-A, la commission des affaires culturelles pour poursuivre les auditions
relativement au projet de loi sur les archives; à la salle 91-A, mais de
11 heures à 13 heures et non pas de 10 heures à 13 heures, M. le
Président, la commission des finances et des comptes publics pour
l'étude article par article du projet de loi no 8.
Le Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Lalonde: Serait-il possible - j'ai oublié d'en parler
au ministre de l'Énergie et des Ressources, mais cela aurait le
même résultat si la motion était un peu modifiée
-que demain on termine à 12 h 30 au lieu de 13 heures à cause
d'une réunion que nous avons dans l'Opposition?
M. Bertrand: Toutes les commissions?
M. Lalonde: Toutes les commissions, oui. Si c'est possible, qu'on
termine à 12 h 30.
M. Bertrand: D'accord.
Le Président: La motion est donc modifiée pour se
lire 12 h 30...
M. Bertrand: Je suis prêt à intégrer cet
amendement.
Le Président: ...pour ce qui est des commissions de demain
matin. La motion est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Projet de loi no 20 Deuxième lecture
Le Président: Adopté. Nous passons donc aux
affaires du jour et à la deuxième lecture du projet de loi no 20,
Loi favorisant la retraite anticipée et améliorant la rente des
conjoints survivants. La parole est au ministre délégué
aux Relations avec les citoyens.
M. Denis Lazure
M. Lazure: M. le Président, il est particulièrement
heureux que ce projet de loi, qui va toucher aux environs de 200 000 personnes
dont l'âge varie entre 55 et 65 ans, soit débattu au cours de
cette semaine dite la semaine de l'âge d'or. Le Parti
québécois, et je vais l'évoquer encore, même si la
députée de L'Acadie dans son
intervention pourra y revenir, avait prévu dans son programme un
des aspects importants du projet de loi no 20 que nous débattons
aujourd'hui. Je cite la version 1982 du programme du Parti
québécois, parce que le Parti québécois a un
programme solidement étoffé qui est révisé tous les
deux ans. Le programme dit, à la page 29: "Faciliter la transition entre
le travail et la retraite et instaurer un régime de retraite facultative
entre 60 et 70 ans." De plus, le premier ministre, lors du discours inaugural,
le 23 mars dernier, disait ceci, à la page 13: "Par ailleurs, il est
souvent pénible pour les personnes âgées de mener une vie
de travail à plein temps jusqu'au moment de la retraite, alors que des
dizaines de milliers de jeunes sans emploi se retrouvent en même temps
dans le désarroi le plus complet. Nous entendons donc ouvrir la porte
également à la retraite anticipée à partir de 60
ans en modifiant les lois pertinentes et surtout certains règlements du
Régime de rentes du Québec. De même, une pleine rente
d'invalidité sera assurée de 60 à 64 ans aux travailleurs
et travailleuses qui, usés au travail, ne sont plus en mesure
d'accomplir leurs fonctions habituelles."
Finalement, il ajoutait ceci un peu plus loin, à la page 29:
"Dans le cadre de cette importante réforme du Régime de rentes
que j'évoquais... le gouvernement proposera de hausser la rente
mensuelle des conjoints survivants âgés de 55 à 64 ans.
Cette mesure devrait toucher environ 40 000 personnes dont 95% sont des femmes.
Dans la même foulée, on fera disparaître la clause,
franchement discriminatoire, qui entraîne la cessation - ou la coupure -
de la rente en cas de remariage."
Il est bien évident, M. le Président, que plusieurs
groupements, à commencer par la Fédération de l'âge
d'or du Québec et d'autres, réclament ce genre de modifications
que nous apportons à la loi par ce projet de loi no 20. Par exemple, la
FADOQ disait ceci, en septembre 1981: "Par contre, d'autres travailleurs,
particulièrement ceux exposés à des tâches
épuisantes, préféreraient prendre leur retraite avant
d'atteindre l'âge de 65 ans." En conclusion, la FADOQ demandait que la
retraite facultative devienne possible dès l'âge de 60 ans, avec
un ajustement actuariel. Le Forum des citoyens âgés de
Montréal disait aussi, en septembre 1981 - je cite un extrait d'un
mémoire de cet organisme - "Le droit de prendre sa retraite à
l'âge qui convient à chacun, que ce soit avant ou après 65
ans, devrait être assuré par une législation
appropriée."
Un des aspects de ce projet de loi - et j'y reviendrai tantôt - va
permettre maintenant aux veufs et aux veuves - il y en a environ 5000 - qui ont
perdu leur rente de conjoint survivant parce qu'ils se sont remariés ou
qu'elles se sont remariées... Sur cet aspect, nous avons reçu
aussi des représentations de divers groupements. Je cite, par exemple,
un extrait d'un mémoire de l'AFEAS, en août 1982. L'AFEAS, au
moment de son congrès annuel, demande: "que le conjoint survivant
reçoive la rente à laquelle il ou elle a droit, même s'il y
a remariage."
Par conséquent, ce projet de loi arrive à la suite d'une
série de mesures que notre gouvernement a prises depuis 1976-1977 qui
ont contribué à améliorer plusieurs des conditions
sociales et économiques des personnes âgées. Très
rapidement, j'évoque les principales mesures, à commencer par les
médicaments gratuits aux personnes âgées qui n'en
bénéficiaient pas au moment où nous sommes arrivés
au pouvoir, le transport ambulancier gratuit, la construction d'au-delà
de 20 000 unités de logement pour personnes âgées -
logements à prix modique, à un prix moyen de loyer d'environ 100
$ - l'aide à domicile augmentée de façon
considérable et des centres d'accueil construits dans tout le
Québec; plus de 65 centres d'accueil construits au cours des trois ou
quatre dernières années.
Toutes ces mesures signifient clairement la volonté de notre
gouvernement de rendre une certaine justice sociale à nos
aînés. Le projet de loi dont nous commençons la discussion
aujourd'hui ne prétend pas apporter la solution finale aux
problèmes économiques des personnes âgées. Il est
cependant un pas important dans cette direction. Je rappelle que ce projet de
loi, c'est la deuxième partie d'une série de réformes qui
touchent l'ensemble des régimes de rentes. La première,
adoptée par l'Assemblée nationale l'an dernier, abolissait une
fois pour toutes l'âge obligatoire de la retraite. Tel que promis au
moment du débat, il y a un an, nous arrivons aujourd'hui avec cette
deuxième partie, qui fera en sorte que la personne, à partir de
60 ans, pourra décider du moment de sa retraite. Certains appellent
cette nouvelle liberté de choix la retraite à la carte. Il est
bien sûr que les montants, qu'il s'agisse du Régime de rentes du
Québec, qu'il s'agisse de certains régimes supplémentaires
de rentes, dans plusieurs cas, ne sont pas suffisants. C'est pour cela que nous
avons dit depuis un an et demi, et je le répète aujourd'hui au
nom du gouvernement, que la principale étape, la principale
réforme est à venir, et elle viendra, aussitôt que la crise
économique nous permettra d'imposer des cotisations un peu plus
élevées et aux employés et aux employeurs.
Il me semble qu'il serait tout à fait irresponsable, dans le
climat économique actuel, d'imposer aux employeurs ou aux
employés une charge sociale additionnelle sur le chèque de paie.
C'est pourquoi la réforme
plus globale du Régime de rentes du Québec qui, cette
fois, affectera non pas 200 000, personnes non pas la population de 55 ans
à 65 ans, mais une population beaucoup plus considérable en
réalité, l'ensemble des travailleurs et des travailleuses du
Québec, c'est pourquoi, cette réforme, dis-je, viendra sous peu.
Nous devrons commencer les consultations. Le premier ministre, dans le discours
inaugural, a clairement indiqué que les principaux
intéressés seront consultés avec ce document qui indiquera
clairement les orientations que le gouvernement va privilégier autant
pour la réforme du Régime de rentes du Québec que la
réforme des régimes supplémentaires de rentes. Car cette
réforme des régimes supplémentaires de rentes est
nécessaire ne serait-ce que pour obtenir une fois pour toutes que les
régimes de retraite d'entreprises et les régimes
supplémentaires de rentes deviennent transférables. Pour que cela
devienne transférable de façon valable, il faudra
évidemment changer plusieurs règles du jeu qui seront
expliquées dans ce document de consultation.
Il y a quatre éléments à ce projet de loi que nous
discutons aujourd'hui. Le premier est de permettre à toute travailleuse
et à tout travailleur entre 60 et 65 ans d'appeler sa rente, d'appeler
sa pension, de demander sa pension au Régime de rentes du Québec.
Bien sûr, si la personne décide de retirer sa rente du
Régime de rentes du Québec quelques années avant
l'âge de 65 ans, il y aura ce que nous appelons une réduction
actuarielle, de la même façon qu'il y a une augmentation
actuarielle si la personne décide de continuer à travailler
au-delà de 65 ans. L'ajustement actuariel est de l'ordre de 6% par
année, en plus ou en moins; par exemple, la rente actuelle du
Régime de rentes du Québec, est de 345 $ au maximum par mois
actuellement; si la personne décide de se retirer à 63 ans, elle
retirera, par conséquent, 12% de moins que 345 $, soit un peu plus de
300 $. Si cette personne, au contraire, décide de continuer à
travailler jusqu'à l'âge de 67 ans, deux ans de plus, elle
commencera à retirer sa rente à 67 ans, mais une rente
bonifiée de 12% de plus, donc tout près de 400 $ par mois.
Le deuxième élément de ce projet de loi a trait
à l'invalidité. Nous changeons, par ce projet de loi, deux choses
importantes pour qu'une personne soit mise à la pension
d'invalidité du Régime de rentes du Québec.
Premièrement, la règle actuelle, qui veut que, pour obtenir la
rente d'invalidité, une personne doit avoir une invalidité
permanente et totale qui l'empêche de gagner sa vie de quelque
façon que ce soit, est modifiée pour les personnes à
partir de 60 ans. À partir de 60 ans, il suffira de démontrer,
sur certificat médical, que la santé de la personne
l'empêche de continuer à occuper sa fonction actuelle. À ce
moment-là, la personne pourra toucher la rente d'invalidité qui
se situe autour de 450 $.
Deuxième changement pour la pension d'invalidité. Dans
l'état actuel des choses, la personne, pour toucher sa rente
d'invalidité, doit avoir travaillé cinq années durant les
dix dernières années de sa carrière de travail. Pour les
gens à partir de 60 ans, nous enlevons cette clause et nous laissons
simplement la clause suivante: pour les gens de 60 ans et plus dont la
santé ne permet plus de continuer à exercer leur travail actuel,
il faudra que la personne ait contribué au Régime de rentes du
Québec pendant le tiers des années, c'est-à-dire environ 6
ans, puisque le régime date d'environ 18 ans. Il ne sera plus
nécessaire que ces années occupent cinq des dix dernières
années. Ceci pour permettre à des personnes qui ne travaillent
pas actuellement, justement à cause de leur état de santé,
qui sont rendues à 60 ans et qui n'ont pas contribué cinq
années durant les dix dernières années, de pouvoir quand
même être admissibles à cette rente d'invalidité.
Le troisième élément de ce projet de loi, c'est
l'augmentation importante de la prestation de la pension aux veuves et veufs.
Cette pension aux veufs et aux veuves est composée, je vous le rappelle,
de deux éléments. Le montant de la pension aux veufs et veuves
est constitué de deux parties: une partie qui est fixe et une partie
variable. La partie fixe est actuellement de 202 $ par mois, et la partie
variable, 37,5% de la rente qu'aurait eue le conjoint s'il n'était pas
décédé ou si elle n'était pas
décédée. Nous changeons la partie fixe pour la hausser de
202 $ à 275 $ par mois à partir de janvier 1984. Cela veut dire
que, dans sa partie fixe - c'est ça l'élément capital
à retenir - la rente au conjoint survivant sera dorénavant
toujours égale au montant de la pension de vieillesse qui est
déboursé par le gouvernement fédéral. S'ajouteront
à cela les 37,5% de la rente qu'aurait eue le conjoint
décédé.
Le troisième aspect dont je viens de parler touche environ 40 000
personnes, dont 95% sont des femmes, des veuves.
Dans le dernier aspect, le quatrième, il s'agit d'enlever une
clause dans la loi actuelle, une clause qui, selon les moeurs de
l'époque, était peut-être acceptable il y a quinze ans,
mais qui ne l'est plus aujourd'hui; c'est la clause actuelle qui fait que si
une veuve ou un veuf touchant la rente au conjoint survivant se remarie, il ou
elle perd sa rente. Nous enlevons cette clause et, par conséquent, 5000
veufs ou veuves pourront, s'ils en font la demande, revenir sur la liste
d'envoi, la liste des prestataires de la Régie des rentes du
Québec. (15 h 50)
Si nous revenons brièvement,
maintenant, à chacun de ces éléments, pour ce qui
est de cette possibilité de retirer sa rente dès l'âge de
60 ans, nous touchons à ce moment-là environ 150 000 personnes
puisque environ 150 000 personnes âgées de 60 à 65 ans se
trouvent encore sur le marché du travail, dont environ 100 000 de
façon très active.
Il est bien évident que pour la plupart de ces personnes, surtout
si leur seul revenu est constitué par la rente du Régime de
rentes du Québec, ce ne sera pas suffisant. Par contre, on sait que sur
les 100 000 travailleurs ou travailleuses actifs entre 60 et 65 ans, presque la
moitié contribuent à un régime supplémentaire de
rente, un régime d'entreprise. Ce qui fait qu'une personne contribuant
à un régime supplémentaire auquel elle peut avoir droit
dès l'âge de 60 ans dans 95% des cas - les régimes
d'entreprise permettent la retraite à 60 ans - si elle désire se
retirer, peut appeler ses deux rentes à ce moment-là. Si la
personne a le moindrement d'économies ou d'autres revenus additionnels,
il deviendra d'autant plus facile de quitter complètement le
marché du travail.
Nous sommes conscients, M. le Président, que le nombre exact
d'emplois qui peuvent ainsi être libérés et profiter
à une main-d'oeuvre peut-être plus jeune est très difficile
à évaluer. La Régie des rentes du Québec estime
qu'au cours de 1984 ce nombre pourrait aller jusqu'à 20 000. Je pense
personnellement que c'est une estimation un peu trop optimiste. Je pense que si
nous pouvions atteindre l'objectif de 10 000 emplois - ou entre 5000 et 10 000
emplois - dès 1984, nous aurions atteint un des objectifs importants de
ce projet de loi.
Il est bien sûr que la valeur pécuniaire de cette rente
venant du Régime de rentes du Québec demeure toujours discutable;
c'est pour cela qu'il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit d'un régime
d'assurance et non pas d'assistance sociale. Comme dans tout autre
régime d'assurance, la personne pourra en retirer d'autant plus qu'elle
en aura placé au fil des années, d'autant plus qu'elle aura
contribué. Or, on sait, M. le Président, que les cotisations
actuelles au Régime de rentes du Québec sont toujours les
mêmes depuis 1966. Ceci n'est pas particulier au Régime de rentes
du Québec; c'est la même chose pour le Régime de pension du
Canada. Il est bien évident qu'avec des cotisations aussi peu
élevées, la Régie des rentes n'est pas en mesure de verser
des rentes aussi élevées que certains le voudraient. C'est pour
cela qu'un des éléments de la réforme majeure dont je
parlais au tout début de mon intervention sera par conséquent de
hausser à la fois les cotisations de l'employeur et les cotisations de
l'employé. Je vous répète qu'il n'est pas question de
hausser les cotisations maintenant puisque nous sommes encore dans des
difficultés économiques trop aiguës, trop graves et qu'il
faudra attendre quelque temps.
Je voudrais ajouter quelques mots, M. le Président, sur le
deuxième volet de ce projet de loi, les rentes d'invalidité
concernant les groupements visés plus spécialement par ce projet
de loi. Il s'agit, dans bien des cas, de personnes - femmes ou hommes - qui ont
occupé des emplois à caractère pénible, des emplois
qui, souvent, que ce soit au point de vue mental ou au point de vue physique,
ont demandé des efforts considérables. C'est pour cela que nous
élargissons de beaucoup les critères d'admission à la
rente d'invalidité. Il suffira que la personne puisse démontrer,
par certificat médical, que son travail actuel, qu'il s'agisse d'un
travail dans une usine de pâtes et papiers, dans une fonderie ou dans
d'autres lieux de travail moins pénibles mais qui ont quand même
usé la santé du travailleur ou de la travailleuse, ne peut
être continué. Un certificat de cessation d'emploi sera
demandé; la personne pourra ainsi toucher sa rente d'invalidité
qui se situe autour de 450 $ par mois. Ceci n'empêchera pas cette
personne d'occuper certains emplois rémunérateurs à temps
partiel.
En 1977, j'avais eu le plaisir de piloter un projet de loi qui amendait
la loi de la Régie des rentes du Québec pour permettre aux
personnes de 65 ans et plus, aux retraités, de toucher
intégralement leurs rentes du Québec tout en ayant des revenus de
travail. Il faut se rappeler qu'avant 1976 la loi et les règlements
étaient ainsi faits que, si vous touchiez des revenus de travail, que
vous aviez au-delà de 65 ans et que vous receviez la rente du
Régime de rentes du Québec, on vous soustrayait des montants sur
votre rente du Québec. Nous avons modifié cet aspect de la loi en
1977.
J'ajouterai d'ailleurs que plusieurs modifications ont été
apportées à la loi du Régime de rentes du Québec
aussi bien qu'à la loi régissant les régimes
supplémentaires de rentes depuis 1976-1977, à tel point que
lorsqu'on compare nos deux régimes, le Régime de pension du
Canada et le Régime de rentes du Québec, il est clair, il est
évident - je pourrais en citer plusieurs exemples - que dans presque
tous les cas les différences entre les deux régimes sont à
l'avantage des contribuables du Québec. Qu'il suffise de rappeler aussi
l'amendement que nous avions fait adopter par l'Assemblée nationale, il
y a quelques années, qui permet de ne pas comptabiliser dans la
période requise les années que passe la travailleuse à
domicile à s'occuper d'enfants de moins de sept ans. Ces années
ne sont pas comptabilisées dans l'admissibilité.
Mme Lavoie-Roux: ...
M. Lazure: Je n'ai pas bien saisi la remarque de Mme la
députée de L'Acadie, elle pourra nous expliquer tantôt de
quoi il s'agit. Je lui rappelle que ses amis du gouvernement
fédéral ne songent qu'à peine à intervenir de la
même façon. Nous avons cette clause dans notre loi depuis cinq
ans. Le gouvernement fédéral va enfin céder aux pressions
des femmes des autres provinces pour ajuster sa loi sur celle du
Québec.
J'ajouterai une autre modification que nous avons apportée
à la Loi des régimes supplémentaires de rentes, il y a
aussi quelques années, il y a trois ou quatre ans. Une clause permet
maintenant à chaque employé contribuant à un régime
supplémentaire de rentes, à un régime d'entreprise,
d'obtenir des renseignements de la part de son employeur sur la gestion du plan
de retraite de l'entreprise.
Passons maintenant au troisième aspect de ce projet de loi, celui
qui touche les conjointes et les conjoints, les survivants, les veuves et les
veufs. Pourquoi intervenir et augmenter de façon aussi
appréciable, même si ce n'est pas aussi élevé que
certaines ou certains le souhaiteraient - nous l'augmentons à partir de
janvier - cette partie fixe de la rente qui était de 202 $ pour
l'augmenter à 275 $? C'est donc une augmentation de 73 $, une
augmentation de 30% à 35%. Nous sommes de plus en plus convaincus que
dans la plupart des cas, ces veuves de 55 ans à 65 ans ont
d'énormes difficultés, d'abord parce que, très souvent, le
marché du travail leur est fermé et, d'autre part, justement
parce que la partie variable de la rente, les 37,5% de la rente au conjoint
survivant, très souvent, ne donne, à toutes fins utiles,
qu'environ 100 $ à 125 $ par mois, précisément parce que
le conjoint, surtout de celles qui sont veuves depuis assez longtemps, n'avait
pas accumulé plusieurs années de travail, plusieurs années
de contribution. (16 heures)
Nous nous sommes rendu compte que la veuve de 55 à 65 ans, par
rapport à celle plus jeune ou celle plus âgée, connaissait
un creux de la vague vraiment pénible au plan économique et avait
les revenus annuels probablement les plus bas qu'on puisse imaginer. Nous avons
décidé d'augmenter le revenu de cette veuve et de ce veuf de 55
à 65 ans au même niveau de revenu qu'il ou elle aura à 65
ans lorsque la pension de vieillesse commencera à lui être
versée. De cette façon, nous pouvons dorénavant assurer le
conjoint survivant que, dès l'âge de 55 ans et pour le reste de
ses jours, cette personne aura un revenu stable.
Finalement, je pense qu'il n'est pas nécessaire d'insister sur
cette injustice, cette discrimination tout à fait inacceptable que la
société, le législateur, à l'époque, avaient
imposée au veuf ou à la veuve qui se remariait. J'ai dit
tantôt qu'entre 5000 et 6000 personnes au Québec ont vu leur rente
du Régime de rentes du Québec discontinuée, cesser,
à cause du remariage. Il est évident que le législateur
n'a pas à s'interposer dans la vie privée des gens. Cette rente
au conjoint survivant était pleinement méritée et elle
demeure tout aussi méritée, que le conjoint se remarie ou pas.
C'est pourquoi nous allons mettre fin à cette discrimination.
M. le Président, en terminant, je voudrais dire quelques mots sur
les coûts de ces actions que nous entreprenons. L'ensemble de la
première mesure est, finalement, la mesure la plus importante au plan
social, puisqu'à la fois elle ajoute un nouveau droit pour la personne
de 60 ans et plus, le droit à la retraite dès l'âge de 60
ans. Nous sommes, dans le contexte actuel du Canada, la première
province à légiférer dans ce sens. Les citoyens et les
citoyennes du Québec sont les premiers et les premières, à
partir de janvier 1984, à jouir du droit de choisir le moment de leur
retraite entre 60 ans et 70 ans.
Le coût de cette mesure avantage à la fois les personnes
d'un certain âge et, socialement et économiquement, avantage aussi
les jeunes qui sont sans emploi et qui sont susceptibles d'occuper une partie
des emplois laissés par les gens de 60 ans qui cesseront de travailler.
Ce coût, la Régie des rentes du Québec l'évalue
à environ 15 000 000 $ par année pour chaque tranche de 10 000
personnes qui décideront de prendre leur retraite à l'âge
de 60 ans.
Mais, M. le Président, il ne s'agit pas là d'un coût
véritable. Il s'agit d'un déboursé de 10 000 000 $ qui
n'aurait pas été fait dans les quelques années qui
viennent si nous n'avions pas légiféré de cette
façon. Mais, à long terme - les actuaires peuvent le
démontrer - pour la Régie des rentes du Québec, il ne
s'agit pas d'un coût véritable, puisque les
déboursés se font plus tôt, mais à des montants
moindres, ce qui fait qu'à long terme le montant total
dépensé est équivalent. C'est cela, M. le
Président, qui résulte de ce qu'on appelle l'ajustement
actuariel. Une partie de ces déboursés - je pense qu'il faut
plutôt parler de déboursés dans l'immédiat
plutôt que de coûts réels -de toute façon, se trouve
annulée parce qu'un certain nombre de citoyens, qu'il est difficile
d'évaluer là aussi - nous n'avons pas de chiffres précis -
continue maintenant de travailler au-delà de 65 ans, comme cela se
faisait auparavant, mais de plus en plus le font et bénéficient
de l'ajustement actuariel à la hausse, ne demandent leurs rentes du
Régime de rentes du Québec qu'à 66 ans, 67 ans ou 68 ans,
ce qui fait que durant ces quelques années, la Régie des rentes
n'a pas à débourser.
Quant aux trois autres aspects du projet de loi, la hausse de la rente
au
conjoint survivant, les critères plus faciles pour l'acceptation
de la rente d'invalidité et, finalement, remettre les 5000 ou 6000
veuves qui auraient perdu leur rente sur les listes des prestataires dès
janvier, l'ensemble de ces coûts représente une somme d'à
peu près 60 000 000 $. Dans ce cas, il s'agit non pas d'une avance de 60
000 000 $ que le régime peut se permettre, il s'agit d'un coût
véritable additionnel.
Si le régime peut se le permettre, c'est que la Régie des
rentes du Québec a l'assurance, de la part du gouvernement actuel, que
nous allons apporter les changements majeurs dont je parlais tantôt
à l'ensemble du Régime de rentes du Québec, valoriser,
bonifier le Régime de rentes du Québec et, par conséquent,
augmenter les entrées. Il est clair qu'avec le chômage actuel, qui
s'améliore un peu, Dieu mercil il est clair qu'avec le chômage
actuel, depuis une année, les sorties du Régime de rentes du
Québec seront, en fin d'année 1983, très
légèrement supérieures selon les prévisions, aux
entrées, de quelques dizaines de millions de dollars. Mais il faut se
souvenir, quand même, que les entrées totales aussi bien que les
sorties se situent à environ 1 000 000 000 $ par année. Il faut
se souvenir aussi que la réserve, principalement parce que cette
réserve a été sagement administrée par la Caisse de
dépôt et placement du Québec, cette réserve est
d'au-delà de 10 000 000 000 $ et rapporte un autre 1 000 000 000 $ en
intérêts chaque année.
M. le Président, les autorités de la Régie des
rentes n'ont aucunement hésité à dire au gouvernement,
bien sûr, que le Régime de rentes du Québec peut se
permettre de corriger les quelques inéquités, les quelques
anomalies dont j'ai parlé tantôt pour les conjoints survivants en
particulier et pour les invalides partiels. Bien sûr que la Régie
des rentes peut se permettre ce déboursé additionnel puisqu'il a
la garantie que tout le financement du Régime de rentes du Québec
sera révisé à la hausse d'ici un an, un an et demi, deux
ans.
Pour l'ensemble de la population - et c'est ma conclusion - tout ce
domaine des rentes et des pensions est un domaine aride, je dirais même
non seulement pour l'ensemble de la population, mais pour plusieurs de mes
collègues à l'Assemblée nationale, des deux
côtés de la Chambre, d'ailleurs, aussi bien que pour le public en
général. Il s'agit d'un domaine complexe, parfois difficile
à saisir. Ce qui n'aide pas dans cette confusion, c'est que le citoyen
ou la citoyenne doit constamment faire le partage entre deux niveaux de
gouvernement. Constamment, le citoyen ou la citoyenne a à se demander:
Si je deviens chômeur, quel niveau de gouvernement va m'apporter une
compensation économique? Si je deviens retraité, quel niveau de
gouvernement va m'apporter une compensation économique et quelle sera
cette compensation? La constitution canadienne actuelle, depuis le tout
début, a consacré ce que nous appelons la primauté
législative. (16 h 10)
La constitution actuelle a toujours reconnu qu'en matière de
pension les provinces avaient priorité sur le gouvernement
fédéral. C'est pour cette raison, M. le Président, que
nous prenons nos responsabilités, à cause de cette
priorité législative dont jouissent les provinces. Cette
responsabilité a été prise, d'ailleurs, par les
prédécesseurs des gens qui sont en face de nous, par le
gouvernement Lesage, en 1965-1966, lors de la création de la
Régie des rentes et de la Caisse de dépôt et placement.
Nous continuons à prendre nos responsabilités, mais il est bien
clair que, pour nous, le jour où nous pourrons obtenir qu'un seul
gouvernement - dans notre esprit, il est clair que ce doit être le
gouvernement du Québec - ait tous les pouvoirs quant aux lois et quant
aux impôts, non seulement nous pourrons faire disparaître une bonne
partie de la confusion dans l'esprit du public, mais surtout, en
économisant sur l'administration de ces nombreux programmes, nous
pourrons bonifier de façon encore plus importante les rentes dont
doivent profiter nos aînés au Québec. Les bonifications que
nous apportons aujourd'hui sont partielles, mais elles touchent quand
même une portion importante de la population du Québec - environ
200 000 personnes - et je répète que c'est cette population de 55
à 65 ans qui constitue la clientèle tout à fait naturelle
des clubs de l'âge d'or.
M. le Président, en terminant, je voudrais remercier tous les
groupements, les clubs de l'âge d'or et d'autres - je pense à
l'Association du Québec pour la défense des droits des
retraités et préretraités; je pense à l'AFEAS et
aux Cercles des fermières, tous ces groupements - qui, de façon
tenace et acharnée, ont demandé aux différents
gouvernements de modifier les lois pour améliorer la
sécurité du revenu de la personne âgée. Même
si nous devons répéter que les réformes les plus
fondamentales, les plus majeures doivent attendre encore un petit bout de
temps, il faut quand même se rendre compte que ce gouvernement, par
toutes les mesures qu'il a prises en 1977 et, plus particulièrement, par
ce projet de loi no 20, démontre encore une fois qu'il a à coeur
d'améliorer la condition des personnes âgées et celle des
conjoints survivants. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laurier.
M. Christos Sirros
M. Sirros: Merci, M. le Président. En l'absence de mon
collègue de Verdun, je
prendrai la parole au nom de l'Opposition.
À écouter le ministre parler, si je pouvais résumer
un peu son discours, je dirais qu'on est beau, on est fin, tout va bien et,
à la fin, un petit laïus, encore une fois, sur
l'indépendance pour rallier les troupes.
Le sujet dont nous traitons aujourd'hui, effectivement, est un sujet
important qui concerne une partie importante de notre population. L'importance
de ces mesures ne se mesure pas seulement - même si, là aussi,
c'est important - par des chiffres en termes du nombre de gens qu'on touche.
Leur importance se trouve seulement dans le fait qu'il s'agit d'une partie de
la population qui, aujourd'hui, est là où nous - les plus jeunes
-serons et qui a été là où nous sommes aujourd'hui.
Il s'agit effectivement des gens qui nous ont précédés et
qui ont oeuvré souvent avec beaucoup plus de difficultés que les
jeunes générations d'aujourd'hui afin de faire face aux exigences
de la vie. Pourtant, avant d'aller plus loin, j'aimerais relever une couple de
petites choses qui m'ont frappé dans le discours du ministre parce que
je crains de les oublier et je m'en voudrais ensuite. Je ne dirai pas que le
ministre n'a pas dit la vérité, mais je dirais pourtant qu'il y a
lieu peut-être de compléter la vérité que le
ministre a donnée tout à l'heure.
Je citerai seulement deux exemples qui m'ont particulièrement
frappé. Premièrement, le ministre a évoqué devant
les caméras tous les bons coups que son gouvernement a faits. Dans cette
foule de choses, comme si le monde avait commencé avec l'arrivée
au pouvoir du Parti québécois en 1976, il a dit que son
gouvernement avait donné la gratuité des médicaments aux
personnes âgées. J'aimerais simplement corriger les faits. Les
deux tiers des personnes âgées avaient déjà la
gratuité des médicaments avant l'arrivée au pouvoir du
Parti québécois. Je soulignerais aussi que c'étaient les
deux tiers de la population des personnes âgées qui étaient
le plus dans le besoin. Ce qui a été fait par la suite, c'est que
l'universalité de ce régime a été accordée
à tout le monde sauf que, quelques années plus tard, on s'est
rendu compte que ce geste magnanime, le gouvernement ne pouvait pas l'endosser
financièrement. Il a commencé à sabrer dans les
médicaments, mais pour toutes les populations. Voilà la
première correction.
La deuxième information, peut-être le ministre
n'était-il pas au courant, quand il a mentionné l'exemple - je
pense que c'était en comparant les régimes de retraite du Canada
et du Québec - des femmes qui pouvaient retourner élever leurs
enfants et, pourtant, continuer à contribuer au Régime de rentes
du Québec. Si ma mémoire est bonne, c'est bien le gouvernement
précédent qui a instauré - c'est-à-dire le ministre
des
Affaires sociales de l'époque, le député de
Saint-Laurent, M. Forget - ce mécanisme.
Alors, ce sont les deux éléments que je voulais
présenter comme corrections parce que, comme je le disais au tout
début, si on écoute le ministre, le monde a commencé
à tourner avec l'arrivée au pouvoir du Parti
québécois, en 1976.
En préparant ce discours sur une question qui touche la retraite
personnellement, je suis encore à une trentaine d'années,
peut-être 25 années, avec la retraite anticipée, de la
retraite - j'ai essayé de comprendre, de saisir un peu ce que cela
signifie pour une personne qui, aujourd'hui, atteint 65 ans et qui doit prendre
une décision quant à sa retraite. La première chose qui
m'a frappé, c'est que la personne qui arrive aujourd'hui à
l'âge de 65 ans est née en 1918. On peut tout de suite voir
l'impact que ce vécu peut avoir sur la vie de la personne. Je disais
tout à l'heure que ce sont des personnes qui ont oeuvré souvent
avec beaucoup plus de difficultés que nous, les plus jeunes, avons
aujourd'hui à gagner notre vie.
Au moment où cette personne, née en 1918, arrivait
à son adolescence, survenait un premier événement choc
dans le monde: la grande crise économique. On parle d'une crise
aujourd'hui, mais je pense que les personnes qui ont vécu à la
fin des années vingt et au début des années trente ont
connu quelque chose de beaucoup plus douloureux que ce que nous connaissons ici
aujourd'hui. Quelques années plus tard, quand la personne arrivait
à l'âge adulte, éclatait la deuxième guerre
mondiale. Peu importe si ces deux événements ont touché la
personne elle-même de façon directe, ils ont certainement
laissé des traces sur la société dans laquelle elle a
évolué.
Pensons aussi aux notions qu'aujourd'hui nous tenons pour acquis. Par
exemple, les personnes de ma génération qui sont ici, dans ce
Parlement, et qui traitent de ces questions tiennent souvent pour acquis des
choses qui sont là et qu'on a toujours connues, comme
l'assurance-chômage, qui est pourtant relativement récente dans
notre système social, comme partie de notre système social,
l'assurance-santé, encore moins récente. Le Régime de
rentes, quant à lui, ne date que de 18 ans. Pourtant, c'est quelque
chose et, souvent, les plus jeunes, surtout, ont tendance à penser que
les choses ont toujours été comme cela, même si les
personnes qui aujourd'hui font face à une décision quant à
la retraite savent très bien, après tout ce vécu, que cela
n'a pas toujours été comme cela. Il y a eu effectivement des
progrès par rapport au début.
Je ne veux pas dire cela en prétendant qu'on est allé
très loin et qu'on a réglé beaucoup de problèmes
parce qu'on est conscient, si on regarde les choses de près,
les chiffres, les statistiques sur les revenus des personnes, sur la
santé des personnes, etc., on se rend compte assez rapidement qu'il y a
encore un chemin énorme à faire et que, finalement, on ne
commence qu'à toucher à la solution à ces
problèmes. Alors, quand je dis que le sujet en est un qui concerne une
partie importante de notre population, je le dis avec le respect qui est
dû à ces personnes âgées qui ont oeuvré avant
nous. Je le dis également avec l'admiration qui incombe envers ces gens
qui ont vécu beaucoup plus que nous, aujourd'hui, ne pouvons
l'imaginer.
En arrivant à ce troisième âge, la vieillesse, elle
aussi, est une étape dans la vie, comme l'enfance ou l'âge adulte.
C'est une étape qui se caractérise par une diminution progressive
des capacités physiques. Les fonctions changent aussi pour la personne,
au sein de la famille, au sein de la profession, au sein de la
société. La personne qui travaillait pour subvenir à ses
besoins doit faire face à sa retraite. Si c'est maintenant entre 60 et
70 ans, tant mieux, dans le sens que cela permet un certain choix parce que,
à plusieurs égards, le véritable choix est illusoire. Il y
a bien d'autres facteurs qui déterminent la décision de prendre
sa retraite que le simple fait qu'il y ait une loi qui la permet maintenant
à partir de 60 ans ou qui permet de continuer à travailler
après 65 ans.
La retraite, c'est tout un changement pour la personne parce que,
subitement, du jour au lendemain, la personne se trouve à disposer
entièrement de son temps. L'impact du moment est énorme,
finalement. Les conséquences peuvent être heureuses tout autant
qu'elles peuvent être malheureuses. Cela dépend effectivement de
plusieurs facteurs, dont l'état de santé de la personne, ses
relations sociales, son environnement et le revenu dont elle disposera. La
décision de prendre sa retraite se base, selon beaucoup d'analyses et
d'études qui ont été faites, sur deux facteurs principaux:
la santé de la personne et le revenu dont la personne disposera une fois
à la retraite.
Le Régime de rentes du Québec a été
instauré, comme je le disais, il y a 18 ans dans le but d'assurer un
minimum de continuité dans les conditions matérielles des
personnes qui quittent le monde du travail. Ce n'était et ce n'est
toujours qu'un élément dans un ensemble de politiques qui
seraient nécessaires pour faire face au véritable problème
de la pauvreté chez les personnes âgées. C'est un fait
indiscutable que le niveau de revenu moyen des personnes âgées est
inférieur à celui de la population en général. Nous
sommes bien loin, effectivement, d'assurer une continuité dans les
conditions matérielles et sociales pour les personnes qui franchissent
le cap du troisième âge. Même si nous avons effectivement
fait des pas par rapport à l'époque dont j'ai parlé au
tout début, nous ne pouvons pas cesser de chercher des avenues
d'amélioration, et ce d'une façon constante et persistante.
Avant de passer au projet de loi comme tel et à d'autres
considérations, j'aimerais prendre le temps d'étaler devant la
population certains chiffres quant aux personnes âgées, le revenu
dont elles disposent, pour être plus en mesure de comprendre le
véritable impact qu'aura ce projet de loi, s'il en a, et pour qui.
Nous savons que, chez les quelque 170 000 familles dont le chef a plus
de 65 ans, le revenu moyen est de 42% inférieur au revenu moyen de
l'ensemble des familles. Chez les personnes qui vivent seules, qui ont 65 ans
et plus, le revenu moyen, par rapport à la population en
général qui vit seule, est de 35% moins élevé. La
différence est de taille et c'est évidemment explicable par le
fait que ces personnes n'ont plus un revenu de travail, mais se basent surtout
sur des revenus de retraite.
Il faut prendre la peine aussi de regarder quel genre de revenu de
retraite ont ces gens. Tous ceux qui ont travaillé depuis l'instauration
de la Régie des rentes du Québec ont accès aux prestations
de la Régie des rentes du Québec. Comme le ministre le soulignait
tout à l'heure, je pense que le maximum possible comme rente mensuelle
est de 340 $ par mois, ce qui ne constitue pas en soi une somme faramineuse, si
vous voulez, pour quelqu'un qui gagnait un salaire qui, normalement, aurait
été plus élevé. Il y a également la
prestation de sécurité de la vieillesse qui vient s'ajouter
à 65 ans. Fait important à retenir, c'est que, dans tous les
paiements faits aux personnes âgées, il n'y a que 13% de ces
paiements qui ont été faits à partir des régimes de
rentes supplémentaires.
Nous savons que moins de 50% des personnes qui travaillent souscrivent
à un régime de rentes privé supplémentaire
collectif. Si on soustrait les secteurs public et parapublic de ces 50% - il y
a là tout un groupe de 300 000 individus qui ont tous accès
à ce genre de régime - la proportion doit tomber autour de 30%.
Cela veut dire qu'il n'y a que 30% de la population active dans le secteur
privé, dont le gouvernement dit depuis quelque temps que c'est par ce
secteur que tout va se faire ici au Québec, qui ont accès
à autre chose que la Régie des rentes du Québec. Si on
pense à ces prestations de 340 $, on comprend pourquoi le moment de la
retraite n'est pas nécessairement joyeux pour plusieurs personnes. La
majorité des gens qui ont oeuvré non pas dans les grandes
professions, non pas dans les grandes industries, mais les petits travailleurs
qui ont oeuvré toute leur vie avec leurs moyens, qui arrivent au
moment de la retraite, et, à moins qu'ils n'aient pu faire des
épargnes personnelles, ce qui est de plus en plus difficile depuis
quelques années, le ministre évoquait lui-même que la crise
économique... Même le gouvernement est au point où il ne
peut plus procéder avec certaines choses qu'il souhaiterait voir. Donc,
à moins qu'ils aient pu mettre de côté quelques dollars ici
et là, ils se trouveront avec, comme pension de son travail, 340 $ par
mois pour vivre, en excluant pour l'instant les montants qui pourraient venir
de la sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu
garanti du gouvernement fédéral etc.
Uniquement pour ce qu'il retirera par rapport au travail qu'il a investi
dans la société, il n'aura que 340 $ maximum, dépendant de
son salaire actuellement. Comme on parle de pauvreté chez les personnes
âgées, j'aimerais souligner aussi qu'il ne faut pas confondre les
efforts, les changements ou les améliorations au Régime de
rentes, avec quelque effort de combattre la pauvreté parce que les deux
choses sont bien distinctes. Finalement, les rentes constituent une prestation
que la personne retire après avoir contribué,
épargné elle-même durant sa vie de travail; tandis que
même si quelqu'un est dans le besoin, même si quelqu'un n'a pas
d'autre source de revenu, ce n'est pas le Régime de rentes du
Québec qui déboursera quoi que ce soit pour cette personne. Il y
a peut-être d'autres programmes qui y verront, mais je pense que cela
vaut la peine de faire la distinction entre des politiques de lutte contre la
pauvreté et des politiques de refonte du Régime de rentes.
Le projet de loi que nous avons devant nous, le ministre le disait
lui-même, est tellement partiel et restreint dans son application, qu'il
y a lieu de se questionner par rapport à des déclarations qu'on a
entendues. Il y a une chose qui me frappe souvent quand j'entends les ministres
de l'autre côté faire des discours, c'est la façon qu'on a
d'exagérer les choses, ce serait une façon de le dire, mais il y
a autre chose aussi.
J'écoutais tout à l'heure le discours du ministre et je ne
pouvais pas m'empêcher de penser honnêtement, d'après ce
qu'on nous disait, que tout était magnifique, parfait et qu'il y avait
un genre de tendance à éviter d'appeler les choses par leur nom.
Effectivement les quatre éléments du projet de loi que nous avons
devant nous susciteront et devraient susciter l'appui de plusieurs personnes
âgées ainsi que de l'Opposition en Chambre. Il ne faut pourtant
pas se leurrer, il ne faut pas croire que c'est un projet de loi qui changera
le monde ou qui améliorera la condition de vie des personnes
âgées de façon extraordinaire. Il ne faut pas
prétendre que c'est quelque chose qui changera vraiment les choses pour
beaucoup de personnes âgées.
Si on prend le principe premier du projet de loi qui est de permettre la
retraite anticipée, c'est évidemment un geste louable, un geste
qui donne et offre le choix à certaines personnes âgées de
se retirer tôt du marché du travail. L'année passée
le projet de loi no 15 a permis à des personnes de continuer à
oeuvrer après l'âge de 65 ans. Mais par rapport, encore une fois,
à la grande masse des personnes âgées, seules, quivivent sous le seuil de la pauvreté, quel choix réel y a-t-il
là-dedans? Cela offre un choix réel pour les gens qui ont
déjà un autre régime de rentes privé, cela offre un
choix réel pour les gens qui ont pu arriver à cet âge en
étant assez bien nantis. Pour ces gens-là, effectivement cela
offre un choix, M. le Président. Mais je vous soumets très
respectueusement que cela ne fait absolument rien pour ceux qui sont
actuellement le plus dans le besoin.
Les gens qui ont vu leur situation qui était déjà
précaire, pendant les dernières années, prendre, avec
l'inflation, des coups l'un après l'autre, ce premier objectif de
permettre la retraite anticipée, ne répond pas aux demandes de
ces personnes-là. (16 h 30)
II y a autre chose que j'aimerais aussi souligner. Ce qui
m'étonne, dans l'approche du gouvernement à l'heure actuelle,
c'est qu'il me semble clair que c'est une approche de demi-mesure, une approche
beaucoup plus motivée par un besoin de dire quelque chose à la
population, même si c'est juste partiel, même si ce n'est qu'une
demi-mesure, même si la véritable réforme va se faire
à un autre moment. J'imagine qu'ils doivent lire les journaux comme tout
le monde, ces gens doivent regarder les sondages comme tout le monde, ils
doivent être très conscients qu'ils ont besoin de paraître
bons et fins. C'est peut-être pour cela que le ministre a pris tout ce
temps, durant son discours, pour nous dire comme ce gouvernement était
beau et fin.
De toute façon, M. le Président, je voudrais vous
soumettre quelques considérations concernant le projet de loi par
rapport à ce besoin que nous avons de réformer le régime
de retraite et de rentes. L'année passée, avec le concours de
l'Opposition, on a présenté le projet de loi no 5 pour abolir
l'âge de la retraite. Comme je le disais, nous avons voté pour le
principe. On nous a dit: II faut permettre aux personnes âgées de
maintenir leur emploi aussi longtemps qu'elles le peuvent. Cette année,
avec un autre petit morceau, on vient nous dire qu'il faut encourager les
personnes âgées à quitter leur emploi pour permettre
d'intégrer les jeunes au marché du travail. Réunis
ensemble et examinés dans l'optique de la retraite, les deux projets de
loi offrent
un certain choix aux plus âgés, comme je le disais tout
à l'heure. Un certain choix, car j'ai toujours en tête un grand
nombre de personnes pour qui ce n'est pas un choix. Le choix, la
décision de la retraite est dictée par des facteurs, entre
autres, le revenu, qui ne sont pas touchés par les projets de loi en
question.
Réunis ensemble et examinés par rapport à la
libération de l'emploi, ces deux projets de loi sont en quelque sorte
contradictoires. Si on isole le projet de loi que nous avons aujourd'hui devant
nous, le projet de loi no 20, et qu'on l'examine par rapport à son but
avoué, qui est de permettre la retraite anticipée, en premier
lieu, on verra qu'il y a des questions à se poser comme je viens de le
faire. Qui cela va-t-il servir, finalement? Tant mieux pour ces gens. Dans ce
sens, le principe est bon, mais la réalité, pour la plupart des
gens, reste inchangée.
Par rapport à l'autre objectif annoncé dans le discours
inaugural qu'a fait le premier ministre et que le ministre a cité,
savoir libérer des emplois en permettant la retraite anticipée,
on verra facilement que cette mesure demeure un élément
isolé de quelque effort réel que ce soit pour intégrer les
jeunes au travail. C'est une approche qui me laisse perplexe dans les choix que
fait le gouvernement de dire: On va essayer d'encourager les personnes
âgées à quitter le travail, on va encourager une certaine
catégorie de personnes âgées avec ce projet de loi, mais
c'est laissé un peu comme cela. On n'a pas vu d'étude d'impact de
ce projet de loi. On parlait de 5000 à 10 000 - on parlait de 20 000 il
y a quelques semaines -emplois qui seront libérés et
créés. D'où viennent ces chiffres? Est-ce qu'on peut nous
dire qu'on a fait des études, qu'on a examiné d'autres projets
ailleurs? Il y a des projets semblables ailleurs, dans d'autres parties du
monde, qui, effectivement, encouragent les personnes âgées
à prendre une retraite anticipée, mais c'est lié au fait
que des jeunes sont intégrés au marché du travail.
Il y a, par exemple, le "Job Release Program", en Angleterre, qui a
peut-être des carences, mais qui semble aussi faire son chemin. Il existe
depuis 1977. Ici, on ne nous a rien dit sur l'impact réel,
sérieusement étudié, d'un objectif avoué dans un
discours inaugural qui était d'intégrer les jeunes au
marché du travail. Il me semble qu'on a procédé
plutôt à un genre de préparation de discours qui colle un
peu avec ce qui existait dans les airs. Si on le présente, ça
paraît bien.
Le ministre a aussi dit qu'il serait irresponsable d'augmenter les taxes
sur la masse salariale des entreprises pour bonifier le Régime de
rentes. Pourtant, il nous a dit aussi que les mesures contenues dans le projet
de loi no 20 coûteront 60 000 000 $.
C'est évident que ce n'est pas gratuit et qu'il va falloir payer
ces 60 000 000 $. C'est peut-être toute la question de la Caisse de
dépôt qu'il faudrait aussi examiner, parce que nous savons que la
Caisse de dépôt a un déficit actuariel. Nous savons que,
dans quelques années... Honnêtement, je vous dis que j'ai
été surpris aujourd'hui d'apprendre les prévisions,
à savoir que ce n'était qu'en 1985 que la Caisse de
dépôt commencerait à débourser plus qu'elle retire.
On nous a dit que c'est déjà arrivé ou que cela arrivera
l'année prochaine. On sait que c'est vers 1990 que la Caisse de
dépôt sera obligée d'aller gruger dans les
intérêts accumulés pour payer les cotisations. On sait que
c'est vers l'an 2000, c'est-à-dire dans 17 ans, qu'il n'y aura plus un
cent dans la Caisse de dépôt si on ne fait rien. Mon
collègue de Vaudreuil-Soulanges l'a soulevé ce matin, même
avec des attitudes qui veulent dire, finalement, "so what", si les
investissements de la Caisse de dépôt ne donnent pas un rendement
maximal, "so what", la Caisse de dépôt, semble-t-il, avec ce
gouvernement, devient de plus en plus un instrument politique qu'un instrument
qui va gérer et sauvegarder l'épargne des
Québécois.
Mais, M. le Président, les 60 000 000 $ que cela va coûter
ne vont pas venir des taxes; c'est ce qu'on nous a dit. Il faut que cela vienne
de quelque part pourtant. Cela va venir de la Caisse de dépôt;
c'est ce qu'on nous a dit également. Cela veut dire qu'on est dans une
position où on sait que si on ne fait rien, sans parler d'augmenter les
prestations, sans parler de bonifier les régimes, sans parler
d'améliorer les conditions de retraite pour les gens qui ont
contribué au Régime de rentes du Québec, si on laisse les
choses telles quelles, il n'y aura plus de pension, il n'y aura plus d'argent
pour payer les pensions dans 20 ans. Donc, il y a une urgence d'agir, M. le
Président.
Il y a une urgence d'agir par rapport à l'ensemble de la
question, concernant la bonification du Régime de rentes du
Québec, sa valorisation, son mode de financement. Ce qu'on choisit de
faire, c'est de traiter à la Caisse de dépôt pour payer
maintenant des montants sans faire l'examen complet de ce qu'on veut comme
société, l'examen complet d'un régime de rentes. On a
procédé à la pièce, parce que cela paraît
beau. Effectivement, comme je l'ai dit tout à l'heure, les quatre
principes, les quatre sujets inclus dans le projet de loi, sont valables en
soi. C'est valable de permettre une retraite anticipée, même
à un taux actuariel réduit. C'est valable d'augmenter les
prestations, le montant fixe à des conjoints survivants, etc. Mais ce
n'est pas valable de procéder d'une manière décousue, par
des demi-mesures et d'une manière qui, finalement, ne tient pas compte
du fait que la Caisse de dépôt, ce
n'est pas la petite banque du Parti québécois, même
si le ministre Parizeau l'utilise pour financer le trésor public
à des taux préférentiels, même si ce même
ministre emprunte de la Caisse de dépôt pour payer les
intérêts qu'il doit à la Caisse de dépôt.
Il y a de sérieuses questions à se poser relativement au
fonctionnement et à l'utilisation par le gouvernement de la Caisse de
dépôt. On n'a rien fait de tout cela. On a choisi d'aller de
l'avant par des mesures qui sont valables, mais qui sont abordées, si
vous voulez, à l'envers. Cela aurait dû être des
propositions, des changements à la suite d'une révision globale
de toute la question. Si on n'est pas en mesure, aujourd'hui, de payer, comme
l'a dit le ministre, pour bonifier le Régime de rentes du Québec,
est-ce le fait que ce n'est que 60 000 000 $ qui nous permet aujourd'hui de le
faire? "What is a million?" Est-ce simplement le fait qu'il reste encore quinze
ans avant d'être à sec? Donc, on peut aller un peu plus vite et
peut-être que cela va réduire le montant à on ne sait trop
combien. Le chiffre de 60 000 000 $, qu'est-ce qui nous dit, M. le
Président, que c'est effectivement les coûts de ce projet de loi?
Est-ce qu'il y a eu des études de faites? Est-ce qu'il y a eu des
analyses? S'il y en a eu, on n'a pas été mis au courant. (16 h
40)
On a vu d'autres domaines, l'exemple que je donnais tout à
l'heure, celui des médicaments. En arrivant, le Parti
québécois a dit: L'autre tiers des personnes âgées
qui n'ont pas accès aux médicaments, on va donner des
médicaments, sauf que, quelques années plus tard, ils
étaient obligés de commencer à enlever ce
médicament-ci de la liste, etc., même si cela touchait maintenant
toute la clientèle. Je soulève cela simplement pour marquer
l'inconsistance ou l'imprévoyance, si vous voulez, de ce gouvernement.
Il n'y a rien qui garantit, à l'heure actuelle, que ce n'est pas la
même incohérence, le même désir de paraître
beau qui les pousse à aller de l'avant sans vraiment examiner d'une
façon plus globale, plus sérieuse les impacts et les coûts
de tout cela.
M. le Président, le ministre a parlé aussi d'une
consultation qui sera faite quand la grande réforme viendra. Il a
parlé dans les mêmes termes que le premier ministre dans son
discours inaugural: il y aura un document en deux volets, en deux parties, qui
sera soumis aux principaux intéressés. Je vois mal quels seraient
les principaux intéressés si ce n'est tout le monde parce qu'il
n'y a pas de principaux intéressés. J'aimerais, si vous le
permettez, vous citer un bout d'un éditorial de Jean Francoeur, dans le
Devoir du 27 mars, avec lequel je suis entièrement en d'accord, qui
parlait précisément de la consultation: "Ou cette partie de
phrase - dans le discours inaugural qui disait qu'on va soumettre un document
de consultation aux principaux intéressés - ne veut rien dire, ou
le gouvernement entend procéder à une consultation beaucoup trop
limitée qu'il faut dénoncer à l'avance. - Je pense
qu'effectivement il faut le dénoncer. -II n'y a pas - et je cite
toujours - de principaux groupes intéressés dans une affaire
qu'on aurait tort de réserver à quelque comité
consultatif. Les rentes publiques sont la chose de tous les cotisants,
syndiqués ou non, salariés ou indépendants. C'est une des
voies très larges et très ouvertes qu'il faut réclamer
sous peine de ne pouvoir discuter comme nous le faisons, d'ailleurs, depuis
quelques mois à partir de fuites, délibérées ou
non." Effectivement, M. le Président, une autre marque de commerce, si
vous voulez, c'est de préparer quelque chose, de tester les gens en
faisant quelques fuites, de faire parler les gens, de créer des espoirs,
des attentes, de créer toutes sortes d'expectatives pour finalement
arriver avec autre chose.
On l'a vu dans le projet de réforme du système scolaire.
On l'a vu ici aussi. Vous rappelez-vous, il y a, je pense, à peu
près huit, neuf mois, d'un mémoire qui a été
supposément soumis au Conseil des ministres concernant toute la
réforme des rentes du Québec? On était prêt à
aller de l'avant. Là, on a retardé pour de bonnes raisons, je
dirais, parce qu'il y a aussi toute la réforme du régime de
rentes du Canada qui doit se faire, et que, même s'ils sont
administrés séparément, on a profit à s'ajuster
à celui du fédéral. C'est pour cela aussi que je me dis
ceci: Nous savons que le gouvernement fédéral vient de commencer,
à la suite d'études, une ronde de consultations publiques. Nous
savons qu'en toute possibilité, en toute probabilité - et le
ministre le disait lui-même - ni à Ottawa, ni ici au Québec
on ne procédera avant un an et demi, deux ans peut-être à
une réforme véritable. Pourquoi le gouvernement ne commence-t-il
pas tout de suite à ouvrir le débat au grand public? Ce n'est pas
seulement, encore une fois je le répète, la notion qu'il y a des
rentes qu'il faut regarder du point de vue actuariel, etc., il y a aussi tout
le débat qui doit se faire sur son mode de financement, sur la Caisse de
dépôt et sur la façon dont on va prévoir un
système de rentes pour les générations futures.
On a trop tendance, à l'heure actuelle - je pense que le projet
de loi en est une preuve - à acheter maintenant et à payer plus
tard. Je vous rappelle simplement que plus on retarde, plus la marge de
manoeuvre est moindre, plus le coût sera élevé au moment
où il va venir. C'est de la logique. S'il faut faire aujourd'hui quelque
chose et qu'on le retarde pendant deux, trois, quatre
ans, dans quatre ans, il va falloir rattraper aussi tout ce qu'on a
manqué parce qu'en attendant cette réforme, on se paie des
traites. M. le Président, je pense que ce sont aussi des attitudes de ce
genre qu'il faut regarder dans un discours semblable.
Quant aux quatre points du projet de loi, je pense que j'ai
traité suffisamment du premier concernant la retraite anticipée.
Simplement pour résumer, je pense que le principe de ce projet de loi
est bon. Il va permettre à une partie de la population âgée
d'avoir un choix réel par rapport au moment de sa retraite. Cela me fait
penser aussi à toute la carence - je pense que c'était le
député de Sainte-Marie qui le soulignait dans une motion sur les
personnes âgées - quand on fait le bilan de quelque chose ou quand
on regarde quelque chose, à tout ce qui n'a pas été fait
encore. Je pense qu'on aurait avantage - et les personnes âgées y
auraient aussi avantage - à avoir une discussion sur une
véritable politique du vieillissement. Il y a des jalons de cette
politique qui existent, mais le tout n'a pas été mis ensemble
encore. Il ne faudrait pas croire que le projet de loi no 15 ou celui
d'aujourd'hui, le projet de loi no 20, changent quoi que ce soit par rapport
à la situation de la pauvreté des personnes âgées.
Celui-ci traite des régimes de rentes. Quant aux trois autres points qui
sont traités dans le projet de loi 20, là aussi nous sommes
d'accord avec les modifications qui sont proposées. Nos réserves
se situent surtout face à toute cette question de la réforme,
à toute la manière de procéder. Ce n'est par rapport aux
points précis qui existent dans le projet de loi comme tel que nous
avons des objections. Nous avons des réserves par rapport à la
façon de procéder de ce gouvernement, par rapport aux attitudes
qu'a ce gouvernement quant à la facilité de se payer des choses
dont les coûts devront être assumés par d'autres. Nous
aimerions voir une attitude beaucoup plus responsable, beaucoup plus
sérieuse et, surtout, plus réaliste. Comme je le disais au tout
début de mon intervention, ce serait beau de voir les choses
appelées par leur nom quand on traite de choses aussi importantes qui
touchent une partie de la population qui, au fond, est beaucoup moins
intéressée, à ce moment-ci, de savoir quels étaient
les bons coups de tel ou tel gouvernement que de savoir comment sa condition
sera améliorée.
J'aimerais arrêter là. Le débat continuera. Il y
aura aussi, évidemment, la commission parlementaire où on va
étudier ce projet de loi article par article. J'aimerais simplement dire
que le gouvernement va recevoir la collaboration de l'Opposition pour ce projet
de loi, même si on a des réserves, et c'est évident, par
rapport au comportement du gouvernement. Merci beaucoup, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Bellechasse.
M. Lachance: Merci, M. le Président. Je serai bref. Je
demanderais l'ajournement du débat sur le projet de loi no 20, Loi
favorisant la retraite anticipée et améliorant la rente des
conjoints survivants.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion
d'ajournement du débat est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: M. le Président, je vous demanderais d'appeler
l'article 14) de notre feuilleton d'aujourd'hui.
Projet de loi no 23 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, la deuxième
lecture du projet de loi no 23, Loi assurant la reprise des activités de
Ma-delipêche Inc. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, on vient de m'apprendre que
l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance du projet de loi et qu'il
en recommande l'étude à la Chambre. En cela, il partage l'avis
des pêcheurs et des travailleurs de l'usine de Madelipêche que nous
avons eu l'occasion de rencontrer hier aux Îles-de-la-Madeleine lors
d'une assemblée considérable qui regroupait plus de 500 personnes
et qui ont demandé à l'unanimité à
l'Assemblée nationale de voter le plus rapidement possible cette loi qui
va permettre la reprise des activités de Madelipêche Inc. aux
Îles-de-la-Madeleine. (16 h 50)
Normalement, les activités de pêche et de transformation de
poisson commencent en avril, aux Îles-de-la-Madeleine, dès que le
golfe a été libéré des glaces. Cette année,
parce que l'hiver a été particulièrement clément,
les chalutiers des îles auraient pu quitter le port de Cap-aux-Meules
à la mi-mars. Mais ces bateaux sont toujours attachés au quai.
Depuis le 14 avril dernier, le gouvernement du Québec a un plan pour
envoyer ces bateaux à la pêche et assurer la reprise des
activités de transformation dans les usines de la société
Madelipêche, une société dont la Fédération
coopérative des pêcheurs unis du Québec détient 51%
du
capital-actions et la Société de développement
industriel du Québec, 49%. Jusqu'à ce jour, ce plan a
été mis en échec par Pêcheurs Unis du Québec
et le gouvernement fédéral. Pêcheurs Unis du Québec
est techniquement en situation d'insolvabilité depuis des mois. Cette
coopérative doit à sa filiale, Madelipêche, une somme
d'environ 2 700 000 $ qui paralyse cette compagnie des
Îles-de-la-Madeleine et elle refuse de collaborer avec le gouvernement du
Québec à la poursuite des activités de Madelipêche.
Quant au gouvernement fédéral, il demande de maintenir le statu
quo sur la situation financière désespérée de
Pêcheurs Unis du Québec et de ses filiales en attendant que M.
Michael Kirby, originaire d'Halifax, qui a présidé un groupe
d'étude sur les pêches à Terre-Neuve et en
Nouvelle-Écosse, ne depose un rapport spécifique sur
Pêcheurs Unis.
Parlant de M. Michael Kirby, je pourrais vous dire que j'ai eu
l'occasion de le rencontrer, après ma tentative d'un mois et demi. Il a
pu trouver seulement un mercredi soir, 23 heures, dans son calendrier de
vice-président du Canadien National pour nous rencontrer à son
bureau. J'ai été surpris de constater que, venant parler des
pêches du Québec, il n'était accompagné d'aucun
fonctionnaire des Pêches et des Océans d'Ottawa, donc aucun
fonctionnaire du ministère de M. De Bané, qu'il était
accompagné de deux personnes d'Halifax, d'une de Toronto et d'un
fonctionnaire du ministère des Finances d'Ottawa. J'ai été
un peu surpris de constater que quand on parle des pêches avec M. Kirby,
il ne sent pas le besoin d'avoir des fonctionnaires du Québec dans le
dossier, pas plus que dans sa commission.
Par ailleurs, pendant que deux mandarins de Pêcheurs Unis du
Québec essaient de sauver leur peau et que le gouvernement
fédéral poursuit placidement ses cogitations sur l'avenir des
pêches au Québec, plus de 450 pêcheurs et travailleurs
d'usine des Îles-de-la-Madeleine assistent passivement à cette
tragique mascarade. Le gouvernement du Québec a décidé de
mettre fin à cette prise d'otages.
Le projet de loi qui est déposé aujourd'hui vise à
mettre fin à cet interminable tournage en rond. Il suspend les pouvoirs
du conseil d'administration de Madelipêche, dominé par
Pêcheurs Unis qui est en flagrant conflit d'intérêts. En
effet, pour sauvergarder les intérêts vitaux de Madelipêche,
les membres du conseil d'administration de Madelipêche doivent exiger de
Pêcheurs Unis le remboursement de la dette de 2 700 000 $ que cette
fédération coopérative a contractée envers
Madelipêche en 1982. De son côté, celle-ci pourrait faire
intervenir la banque qui aurait gardé les fonds à son avantage au
détriment des autres créanciers.
Cela fait des mois que Pêcheurs Unis abuse de son pouvoir
majoritaire au conseil d'administration de Madelipêche pour éviter
que prenne fin le siphonage financier de Madelipêche au profit de la
fédération coopérative et de ses créanciers. Il y a
des limites à tout abus, surtout lorsque les fonds publics sont en
cause. Ce projet de loi vise donc à remplacer temporairement et pour le
temps que cela prendra tout de même, le pouvoir de cet étrange
conseil d'administration. Il a aussi et surtout pour but d'assurer la reprise
des activités de Madelipêche. Il y a cependant lieu d'expliquer
à cette Chambre et à nos concitoyens comment une compagnie qui a
fait 700 000 $ de profit net après impôt en 1982 et plus de 1 048
000 $ avant amortissement se retrouve endettée à l'extrême
au printemps 1983 et totalement incapable de poursuivre ses activités.
C'est une situation plutôt inusitée qui exige des
éclaircissements.
Sans remonter à la nuit des temps, il faut se rappeler qu'au
milieu des années soixante, la compagnie Gorton's Canada Limited,
filiale de General Mills, a développé une industrie de
pêche et de transformation du sébaste aux
Îles-de-la-Madeleine. La compagnie a fait des affaires d'or entre 1967 et
1975 en participant, de concert avec d'autres compagnies basées surtout
en Nouvelle-Écosse, à l'exploitation massive du sébaste du
golfe Saint-Laurent. Les résultats de cette pêche ont
été si stupéfiants que les stocks de poisson ont
été complètement décimés et que le
gouvernement fédéral, se réveillant sur le tard, a
imposé à compter de 1976 des quotas très
sévères aux pêcheurs de sébaste. Ces quotas ne
permettaient pas de rentabiliser les exploitations de ces grandes compagnies
et, à la fin de 1976, Gorton's Canada Limited a décidé de
quitter les Îles-de-la-Madeleine. 300 pêcheurs et travailleurs
d'usine étaient ainsi laissés pour compte avec deux usines, une
flotte de six chalutiers et une ressource décimée.
Le gouvernement du Québec a néanmoins décidé
de venir en aide à cette population des Îles-de-la-Madeleine pour
qui la pêche représente la principale source de revenus. Le 21
avril 1977, il a acheté les usines et les bateaux de la multinationale
et il a conclu un contrat de gestion avec la Fédération
coopérative des pêcheurs unis du Québec par lequel tous les
risques financiers étaient assumés par le gouvernement du
Québec. Au printemps 1977, la pêche a repris aux
Îles-de-la-Madeleine grâce au gouvernement du Québec.
En 1978, la société Madelipêche a été
constituée. Elle est formée de Pêcheurs Unis du
Québec, qui détient 51% du capital-actions et de la
Société de développement
industriel, qui en détient 49%. Parmi les clauses des conventions
qui interviennent alors entre la Société de développement
industriel, Pêcheurs Unis et Madelipêche, il y a les dispositions
suivantes: premièrement, la mise en marché de tous les produits
de Madelipêche est confiée à Pêcheurs Unis du
Québec en considération d'une commission de 4% ou 5% selon la
nature des produits; deuxièmement, Pêcheurs Unis du Québec
offre à Madelipêche des services de gestion et d'administration en
considération de certains honoraires; troisièmement, le
gouvernement du Québec remboursera à Madelipêche, sous
forme de subvention, le déficit net consolidé pour une
période de cinq ans; quatrièmement, à la fin de la
période de cinq ans, Madelipêche remboursera à même
les profits réalisés le montant des subventions effectivement
versées pour les déficits, moins 300 000 $.
Entre 1978 et 1981, Madelipêche a été
gérée par Pêcheurs Unis du Québec et le gouvernement
du Québec a versé à cette compagnie des subventions de 2
215 810,30 $ pour le déficit d'exploitation de cette entreprise pour les
quatre dernières années, c'est-à-dire les années
1978, 1979, 1980 et 1981. Pendant cette période, Madelipêche a
diversifié sa production en adaptant une des deux usines pour la
transformation du crabe. En 1981, lorsque Madelipêche a
présenté au ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation la facture représentant le
déficit d'exploitation de cette société pour
l'année 1980, j'ai posé un certain nombre de conditions au
paiement de ce déficit qui s'élevait alors à 888 932
$.
Parmi les exigences que j'ai posées à Madelipêche,
il y avait celles-ci: premièrement, retenir les services d'une firme de
consultants afin d'analyser la structure administrative de Madelipêche,
la qualité des administrateurs et l'efficacité des
méthodes de production; deuxièmement, déposer au plus tard
le 31 décembre 1981 un plan triennal de développement illustrant
notamment les façons d'améliorer la productivité de
l'entreprise et de rentabiliser ses exploitations; troisièmement,
obtenir avant le début de chaque année financière
l'autorisation conjointe du ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation et de la Société de
développement industriel pour: a) l'établissement des taux de
commission sur les ventes; b) la fixation des honoraires de gestion
versés à Pêcheurs Unis du Québec; c) la conclusion
d'accords relatifs aux bases d'imputation se rapportant à la
rémunération des administrateurs qui travaillent à la fois
pour le compte de Pêcheurs Unis du Québec et
Madelipêche.
À l'exception de celle qui a trait au plan triennal, toutes ces
conditions ont été acceptées. La firme de consultants
retenue par Madelipêche fut Benoît, Mallette & Associés,
qui a déposé, à la fin de l'année 1981 ou au
début de l'année 1982, un rapport plutôt accablant sur la
qualité des administrateurs et des gestionnaires de Madelipêche et
de Pêcheurs Unis du Québec. Malheureusement, Pêcheurs Unis a
cette fois encore utilisé de façon démesurée son
pouvoir majoritaire au conseil d'administration de Madelipêche pour
dénaturer les grandes lignes du rapport de la firme et faire effectuer
un genre de chaise musicale aux officiers gestionnaires mis en cause
plutôt que de remplacer ceux qui avaient vraiment été
pointés comme douteusement compétents.
En 1982, les prix du sébaste se sont raffermis, les stocks de
sébaste sont nettement en meilleur état qu'en 1976 et les prix,
de même que la quantité de crabe, atteignent des sommets records.
Madelipêche émerge et fait des profits. Le gouvernement du
Québec a enfin gagné son pari. Madelipêche peut être
rentable. (17 heures)
C'est là qu'il se passe des choses étranges. Les recettes
de Madelipêche sont drainées dans le groupe financier de
Pêcheurs Unis du Québec. Madelipêche accumule, au fil des
mois, une dette de plus en plus lourde. Pêcheurs Unis du Québec
cesse de payer ses créanciers et utilise à fond une marge de
crédit. Au moment de reprendre ses activités au printemps 1983,
Madelipêche paie des intérêts sur une marge de crédit
de 1 700 000 $ et doit en plus 1 200 000 $ à plusieurs organismes
publics ou parapublics tels le ministère du Revenu pour des
impôts, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, l'Hydro-Québec, la Commission de la santé et de
la sécurité du travail, les assurances collectives et un grand
nombre de petits créanciers des Îles-de-la-Madeleine.
Au fond, dans certains cas, il s'agit de sommes qui ont
été perçues des salaires des employés pour des fins
particulières et qui n'ont pas été remises à ceux
à qui elles auraient dû être remises.
Je considère parfaitement anormal qu'on perçoive des
cotisations syndicales et qu'elles se retrouvent dans la maison-mère ou
dans la banque plutôt que dans le compte du syndicat. Je trouve
parfaitement anormal que les employés paient des primes d'assurance et
que ces primes ne se retrouvent pas auprès des assureurs, mais soient
versées dans le compte de la maison-mère ou encore dans le compte
de la banque. Je trouve parfaitement anormal que des impôts aient
été déduits des salaires des employés et ne se
retrouvent pas au gouvernement du Québec ou au gouvernement d'Ottawa,
qui doivent percevoir ces impôts
déduits en leur nom auprès d'entreprises.
En somme, au fond, au cours de cette année 1982, le poisson a
été payé aux pêcheurs, les salaires ont
été payés aux employés, mais pour le reste, on a
perçu l'argent et on n'a payé personne à toutes fins
utiles. L'argent s'est retrouvé soit à Pêcheurs Unis du
Québec, soit à la banque.
On peut utiliser tous les euphémismes pour définir ce
genre de situation. Il y a cependant une situation très nette qui se
dégage dans le présent cas. Les fonds de Madelipêche, pour
la vente des poissons de Madelipêche qui ont été vendus par
Pêcheurs Unis du Québec, sont rachetés par Pêcheurs
Unis du Québec et d'autres disent que c'est la banque qui les a
gardés. Cela est parfaitement clair et j'ai peine à croire que
ces transactions auraient pu se faire en toute légalité dans le
cours normal des affaires, parce que si c'était cela le cours normal des
affaires, il faudrait qu'il soit changé par la loi. Car il est
absolument anormal que des sommes pour les poissons qui ont été
vendus se retrouvent partout ailleurs sauf dans le compte de banque de
l'entreprise. C'est ce qu'a vécu Madelipêche au cours de
l'année 1982. Et aujourd'hui il y a des moments où le compte a
dépassé les 4 000 000 $ qui étaient dûs pour du
poisson qui avait été vendu.
Ce qu'on ne sait pas encore, M. le Président, c'est sur
l'instigation de qui le siphonage financier de Madelipêche a
été accompli. On sait que Madelipêche et Pêcheurs
Unis du Québec étaient administrés quotidiennement par les
mêmes personnes et qu'ils faisaient affaires à la même
banque. Tout le monde savait aussi qu'en 1982, Pêcheurs Unis du
Québec était rendu au bout de sa corde et que Madelipêche
était en excellente situation financière. Ceux qui ont
tripoté les comptes de Madelipêche et qui les ont indûment
associés à ceux de Pêcheurs Unis étaient
parfaitement conscients de ce qu'ils faisaient.
Le Contrôleur des finances du Québec a été
mandaté pour rechercher les documents permettant d'établir quels
sont les responsables de ces transactions et au profit de qui elles ont
été faites. Le contrôleur doit remettre son rapport la
semaine prochaine. S'il n'a pu obtenir les réponses satisfaisantes aux
interrogations troublantes que posent les événements qui se sont
passés à Madelipêche en 1982, il faudra prendre les moyens
pour obtenir nos réponses et nous les obtiendrons. Car il n'est pas
correct pour les gens des Îles-de-la-Madeleine qu'une telle situation, un
tel imbroglio se passe et que tous les gens que nous rencontrons dans ce
dossier se disent tous de bonne foi. La bonne foi a ses limites, M. le
Président.
C'est dans ce contexte que le gouvernement du Québec a
décidé de relancer Madelipêche sur une autre base que celle
qui a conduit à l'invraisemblable situation que nous déplorons
aujourd'hui. Il fallait, tout en prenant les moyens de faire la lumière
sur ces événements, tenter de récupérer les sommes
dues à Madelipêche, fournir de nouveaux capitaux à
l'entreprise, redémarrer la production et trouver des partenaires qui ne
soient pas en conflit d'intérêts comme l'ont été les
représentants de Pêcheurs Unis du Québec depuis le
printemps 1982. C'est pourquoi le gouvernement du Québec a alors
mandaté SOQUIA pour acquérir les bateaux et les actifs terrestres
afin de "repartir" la saison de pêche, comme disent les Madelinots. Au
cours de l'année, SOQUIA se serait par la suite consacrée aux
pêcheurs, aux travailleurs d'usine et aux investisseurs privés des
Îles-de-la-Madeleine pour former une société de pêche
dans laquelle les Madelinots auraient eu une participation d'à peu
près 50-50 avec SOQUIA. C'est dans le cadre de ce plan que le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a
mis en demeure Madelipêche de lui rembourser près de 350 000 $ sur
des prêts sans intérêt contractés lors de la
construction des six chalutiers de la compagnie et pour lesquels
Madelipêche n'avait effectué aucun remboursement en 1982.
Le ministère a vendu par la suite ces chalutiers à SOQUIA
conformément aux règles ou aux dispositions du droit maritime. Il
a agi à cet égard de la même façon qu'avec les
autres propriétaires de bateau qui n'effectuent pas le remboursement de
leur prêt et qui ne prennent pas entente avec le ministère
lorsqu'ils sont en défaut. La prochaine étape aurait
été franchie par la location et la vente des actifs terrestres.
Les négociations étaient déjà engagées avec
les créanciers hypothécaires lorsque le gouvernement
fédéral est intervenu.
L'effet de cette intervention impromptue et improvisée fut
d'arrêter tout le processus de reprise des activités de
Madelipêche. Le gouvernement fédéral a en effet
décidé, vraisemblablement sous l'instigation des
créanciers de Pêcheurs Unis du Québec, d'ajouter une
bonbonne d'oxygène à l'appareil qui maintenait la
fédération coopérative en vie de façon artificielle
depuis plusieurs mois. En effet, le ministre des Pêches et des
Océans, en s'appuyant sur le vide d'un rapport qui sera
hypothétiquement déposé dans quelques mois, a
décidé d'octroyer à la Fédération
coopérative des pêcheurs unis du Québec une garantie
bancaire de 3 000 000 $ sur une marge de crédit de 10 600 000 $
avancés par la Banque Nationale du Canada.
Il s'agit, dit le ministre fédéral, d'une aide ponctuelle
temporaire destinée à maintenir la fédération
coopérative à flot en attendant que M. Michael Kirby ait
déposé son rapport dans deux mois. Pour pouvoir
bénéficier de ce sursis de deux mois, Pêcheurs Unis
du Québec ne devait rien changer à son organisation et à
ses structures, y compris dans Madelipêche qui, au dire du ministre
fédéral, serait le joyau de Pêcheurs Unis. À voir ce
qui s'est passé l'an dernier, je dirais davantage que Madelipêche
est plutôt devenue la vache à lait de Pêcheurs Unis.
Autrement dit, pour satisfaire la volonté fédérale, il
faudrait simplement tout suspendre en attendant que M. Michael Kirby
s'instruise.
Je regrette, mais nous ne marchons pas à cette cadence de tortue.
Cela fait maintenant deux ans que la restructuration de Pêcheurs Unis est
engagée, il faut aboutir. La situation financière de
Pêcheurs Unis est tellement désespérée que les
pêcheurs membres de cette fédération ne veulent plus de la
fédération. La base d'une coopérative est que les membres
en veulent; ce sont les membres eux-mêmes de Pêcheurs Unis, dans
des assemblées qui ont regroupé les différentes personnes
de Pêcheurs Unis, qui ont décidé de former des
coopératives régionales et de vendre les actifs de Pêcheurs
Unis à quatre coopératives: la Coopérative des
Îles-de-la-Madeleine et surtout la Coopérative de
Rivière-au-Tonnerre et celles de Rivière-au-Renard et de Newport.
C'est avant que le fédéral n'intervienne. Les votes avaient
été pris dans chacune de ces fédérations
coopératives. Les votes avaient été pris à
Rivière-au-Tonnerre. Tous les pêcheurs ont voté en faveur
d'une coopérative régionale qui prendrait la succession des
actifs de Pêcheurs Unis de même que les travailleurs d'usine qui
voulaient s'impliquer également.
Même chose à Newport. Les gens ont voté, tant les
pêcheurs que les travailleurs. À Rivière-au-Renard, les
modalités étaient différentes et le débat
n'était pas encore terminé. En somme, au fond, les pêcheurs
eux-mêmes - et c'est là la base d'une coopérative - avaient
décidé qu'ils voulaient liquider Pêcheurs Unis au profit de
coopératives régionales parce qu'ils voulaient enfin mettre la
main sur leurs institutions qui étaient dirigées davantage par
des bureaucrates. Ils voulaient que les pêcheurs aient davantage un mot
à dire dans les pêches. Le gouvernement de Québec a dit
qu'il avait confiance en cette décision des pêcheurs et, de la
même façon que les coopératives des agriculteurs sont
dirigées par les agriculteurs eux-mêmes, il souhaitait, il
trouvait normal et il appuyait les pêcheurs qui voulaient diriger
eux-mêmes leurs coopératives. C'est cela, la base de la
coopération.
Je m'étonne de constater - un jour, la petite histoire se fera de
ce dossier - que des gens qu'on aurait dû voir davantage supporter les
pêcheurs dans ce débat ont été plutôt
mollasses. Je ne peux pas répéter tout ce qui a été
dit dans mon bureau, M. le Président, mais je vais vous dire franchement
qu'il y a des bouts que je ne comprenais pas. Les gens qui auraient dû
être les premiers à faire confiance aux membres de mouvements
coopératifs étaient les premiers à me demander pourquoi je
faisais confiance aux pêcheurs. J'ai décidé de faire
confiance aux pêcheurs et j'aurais aimé que les pêcheurs
soient petits oiseaux pour entendre ce qui se passait dans mon bureau et voir
à quel point c'est le gouvernement du Québec qui a
été obligé de dire qu'il fallait faire confiance aux
pêcheurs, qu'ils étaient capables de prendre des
responsabilités et d'assumer des fonctions de responsabilité dans
des coopératives régionales. Je pense que nous avons fait
confiance aux pêcheurs.
Nous savons qu'il y aura des problèmes et en même temps
nous sommes convaincus... Tous les gens qui ont participé à ce
dossier, du côté du gouvernement, savent qu'il y aura des
problèmes, que ce ne sera pas toujours facile et qu'il y aura des
décisions parfois douloureuses à prendre. En même temps,
comment une coopérative peut-elle exister si les pêcheurs qui sont
membres de la coopérative n'ont plus leur mot à dire, si ce sont
les bureaucrates qui décident pour eux, si les décisions sont
prises sans la réunion des conseils d'administration, si les conseils
d'administration sont là pour entériner des décisions une
fois qu'elles ont été complètement prises par des
bureaucrates? Ce n'est pas là le rôle d'une coopérative.
C'est évident que cela prend des bons directeurs et des bons
gestionnaires dans une coopérative, mais ces gestionnaires qui sont
à l'emploi des conseils d'administration formés de pêcheurs
doivent avoir un comportement normal, considérer que leurs patrons ce
sont les pêcheurs, et qu'ils ne sont pas les patrons des pêcheurs.
Je trouve personnellement un peu absurde que, dans le mouvement
coopératif des pêches au Québec, on appelle les
bureaucrates les patrons, alors que les patrons, ce sont les pêcheurs. Ce
sont les pêcheurs qui paient. Ce sont les pêcheurs qui investissent
l'argent. Ce sont eux qui doivent prendre les décisions après
avoir écouté et entendu les avis des personnes qu'ils ont
engagées. Les gestionnaires dans une coopérative sont d'abord les
employés de la coopérative. Quand les gestionnaires ne le savent
pas, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.
C'est pourquoi, M. le Président, on ne peut pas faire vivre
contre nature une organisation coopérative qui est massivement
rejetée à la base. Ce n'est pas nous qui avons fait le choix. Je
n'ai jamais, dans le dossier de Pêcheurs Unis, d'aucune façon,
décidé quoi que ce soit sans demander aux gens du milieu ce
qu'ils voulaient. Ce sont les gens du milieu eux-mêmes qui veulent une
nouvelle organisation coopérative, parce
qu'ils ont perdu confiance en Pêcheurs Unis. C'est aux
coopérateurs de décider ce qu'ils veulent faire de leur
coopérative. Dans ce dossier, nous avons essentiellement appuyé
les décisions prises librement par les pêcheurs. Ce sont
peut-être les premières décisions qu'ils prenaient
librement depuis longtemps, soit de constituer des coopératives
régionales opérant la liquidation graduelle de Pêcheurs
Unis.
D'autre part, le Québec a adopté une loi et un
règlement pour moderniser des usines de transformation.
L'échéance de cette réorganisation, c'est le 1er janvier
1985. Ce n'est pas une échéance sortie du chapeau d'un magicien,
comme on sort un lapin ou des mouchoirs, mais c'est un long processus qui a
été engagé par le gouvernement du Québec, un long
processus de consultation. En mars 1980, il y a eu le colloque de Gaspé
qui a initié tout ce mouvement avec l'ensemble des gens qui ont
discuté de ce que devrait être la modernisation du secteur des
pêches. En mars 1981, il y a eu le colloque de Sept-îles où
un brouillon de ce que serait une réglementation dans le secteur des
pêches a été rédigé et endossé par
l'ensemble du secteur des pêches au Québec. Finalement, une loi a
été adoptée par l'Assemblée nationale le 31
décembre 1981 et une réglementation a été
adoptée au printemps 1982 pour indiquer - après une
dernière consultation de tous les industriels du secteur, qu'ils soient
dans le domaine du gros ou même dans le domaine du détail, avec
les différentes associations - quelle serait la loi et tout ce qui
serait prévu dans le règlement. Nous avons fixé cette
échéance au 1er janvier 1985, parce que le secteur des
pêches au Québec va pouvoir véritablement fonctionner sur
des bases solides quand il aura assumé une véritable direction
dans le secteur, non pas de se comparer au Nouveau-Brunswick, à
Terre-Neuve et à la Nouvelle-Écosse, cela ne nous
intéresse pas. Ce n'est pas ce que nous recherchons. Nous ne recherchons
pas la comparaison avec les autres provinces maritimes qui sont dans une
situation complètement différente de la nôtre. Les
provinces maritimes qui produisent 20, 30, 40 ou 50 fois plus de poisson
qu'elles peuvent en manger vont essayer de le vendre sous d'autres formes.
Tandis que le Québec, avec 6 500 000 de population, avec des prises qui,
l'an dernier, ont été de 80 000 tonnes, peut consommer
lui-même une grande partie du poisson qu'il produit à condition de
satisfaire les demandes du marché québécois. Surtout que
cette modernisation dans les pêches au Québec, avec une
orientation vers une transformation plus poussée des produits marins au
Québec, avec le développement des élevages par la
pisciculture, peut connaître un avenir extraordinaire à condition
de décider d'une façon irrévocable que nous produirons un
poisson de qualité qui sera comparable au poisson qui jouit de la plus
grande renommée dans le monde.
C'est pour cela que quand nous avons recherché des
modèles, nous avons recherché ce qui se faisait ailleurs, nous
sommes allés voir où? Nous sommes allés voir sur la
Côte-Ouest du Pacifique, aux États-Unis, dans la région de
Seattle reconnue comme une des principales régions de production du
poisson. Nous sommes allés voir aussi du côté Ouest, en
Colombie britannique. Nous sommes allés aussi du côté des
principaux acheteurs, à Boston, dans la région de Boston,
Gloucester. Nous sommes allés également en Bretagne où il
y a des usines renommées dans le secteur des pêches. Nous sommes
allés voir aussi ce qui se passait au Danemark, là où la
plus grande renommée se trouve dans le domaine de la production
alimentaire, qu'il s'agisse de produits agricoles ou de produits marins. En
Norvège, aux îles Foeroë, en Islande, pour prendre des
modèles, voir ce qui se faisait dans les pays qui ont la plus haute
renommée dans le monde.
Aujourd'hui, parce que ce sont nos compétiteurs - à moins
qu'on veuille vivre selon des modèles traditionnels où, dans le
temps, on vendait du poisson salé aux Antilles et on rapportait du rhum,
mais cette époque est dépassée - il faut vendre sur de
nouveaux marchés différents. C'est plus payant pour un
pêcheur de la Gaspésie de vendre de la morue à
Montréal, mais selon les spécifications de Montréal. Le
consommateur québécois n'achètera pas de bloc. Il
n'achète vraiment pas de grandes quantités de poisson salé
et séché. Il achète du poisson dans des portions
individuelles, quatre onces, cinq onces, six onces. Il achète du poisson
frais, du poisson qui a été fraîchement
décongelé, mais en fonction des besoins de nos marchés. Ce
sont les marchés qui sont les plus payants. Pourquoi suivrions-nous un
modèle comme Terre-Neuve, comme la Nouvelle-Écosse qui ne
disposent pas de ces marchés? Pourquoi travaillerions-nous pour
approvisionner les grossistes des États-Unis qui vont nous faire des
bâtonnets avec du bloc en mettant un petit peu de panure dessus? Des
morceaux de poisson qui auront été préparés dans
les usines américaines? Pourquoi envisager d'abord ce marché
alors que nous devrions envisager le marché québécois?
Je peux vous dire que j'ai rencontré, en fin de semaine, des
distributeurs de service alimentaire du Québec qui me disaient: M.
Garon, on a hâte de distribuer le poisson du Québec. J'ai
rencontré encore récemment quelqu'un qui me disait que
grâce aux bateaux modernes que vous avez aidé à bâtir
au Québec avec réfrigération à bord, vos
pêcheurs viennent nous rencontrer pour nous offrir du poisson de
première qualité. Ce qu'on espère, c'est que quand on aura
fait
des contrats avec eux, s'ils obtiennent pendant une journée ou
deux dans une semaine un prix meilleur, qu'ils ne nous lâchent pas,
qu'ils nous soutiennent en approvisionnement régulier; c'est là
qu'est l'avenir du Québec dans les pêches. C'est clair comme de
l'eau de source. On doit prendre d'abord son marché et en vendant notre
poisson sur le marché québécois, on sera en mesure aussi
de satisfaire les clients les plus sophistiqués dans le monde. Parce que
les consommateurs du Québec - qu'il s'agisse de Montréal ou de
Québec - les restaurateurs du Québec - sont parmi les meilleurs
dans le monde en termes d'exigence du point de vue de la qualité.
En satisfaisant d'abord notre propre marché, nous nous mettons en
position de vendre aux clientèles les plus sophistiquées dans le
monde. C'est pour cela qu'il y avait besoin d'une réorientation.
Personnellement, je n'étais pas d'accord avec Pêcheurs Unis dans
une proportion de 12% du poisson du Québec et 88% des centres de
distribution de Pêcheurs Unis distribuaient du poisson importé. Il
faut s'orienter en fonction des besoins du marché. (17 h 20)
Cette loi de modernisation du secteur des pêches a
été conçue en fonction des besoins du Québec, en
fonction des besoins et des marchés québécois. Cette
échéance, c'est le 1er janvier 1985. Il est absolument essentiel
que Madelipêche et les coopératives qui seront issues de
Pêcheurs Unis du Québec élaborent dès cette
année les plans de modernisation de leur usine s'ils veulent poursuivre
leurs activités après le 1er janvier 1985. Nous ne pouvons pas
attendre, nous n'avons pas l'intention d'attendre et nous n'attendrons pas, M.
le Président. D'ailleurs, c'est dans le projet de loi, le mandat du
conseil provisoire, à un article précis, l'article 4. Il aura
comme tâche également, après avoir mis en place ou
après avoir pris les mesures qu'il juge appropriées, d'assurer la
reprise et le développement des activités de la compagnie ainsi
que le redressement de sa situation financière, de veiller notamment
à élaborer et à mettre en oeuvre un plan de modernisation
des usines, de manière à permettre à la compagnie de
satisfaire aux exigences prescrites pour la délivrance des permis requis
en vertu de la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les
aliments. Il ne faut pas attendre parce que M. Kirby n'est pas prêt.
C'est son problème, à Kirby. On n'a pas besoin de Kirby pour
faire notre travail au Québec dans le secteur des pêches. Ce qui
ne veut pas dire - et je veux être clair là-dessus - que si le
gouvernement fédéral, qui perçoit quand même 25% de
son argent au Québec - 50% de nos impôts sont payés
à Ottawa - a de l'argent à mettre dans le domaine des
pêches, il n'y ait pas une part qui doive revenir au Québec.
Mais au Québec, mettre de l'argent, cela veut dire le mettre
à des endroits où on en a besoin. Quand vous allez sur nos havres
de pêche ou sur les quais du Québec - et combien de quais j'ai
visités -normalement, il y a des usines autour, il y a une centaine de
bateaux de pêche, il y a 200 ou 300 employés qui gagnent leur vie.
Sur les quais, vous avez une pancarte signée Pêches et
Océans où il est écrit: Accès à vos risques.
Et ils vous disent: Regardez le plancher, ne regardez pas en l'air et ne
regardez pas la mer quand vous marchez, parce que vous allez tomber dans un
trou. Il manque des planches sur les quais. Les quais ont l'air d'être
à l'abandon. Il y a des quais qui ne sont pas assez beaux pour aller
pêcher l'éperlan. C'est le gouvernement fédéral.
J'ai dit à plusieurs reprises à M. De Bané: Mettez donc
votre argent d'abord où il doit y avoir de l'argent, dans une
juridiction qui est totalement la vôtre. Arrêtez donc de "taponner"
dans un secteur qui est le nôtre et faites donc le travail qui vous
appartient, à vous.
Regardez les différents havres de pêche du Québec et
allez faire un tour, après, à Shippegan ou à Lameque. L'an
dernier, j'ai fait 5300 kilomètres en automobile. J'ai conduit
moi-même. J'ai visité tous les ports de pêche du
Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse pour voir à quel point
nous étions traités différemment, pour voir à quel
point là-bas il y avait des havres de pêche bien faits, avec des
poutres en acier qui ceinturaient un beau havre à l'intérieur
duquel il n'y avait pas de vagues. C'était de toute beauté. Chez
nous, que fait-on? On décharge des tas de roches. On fait de
l'enrochement, et encore, quand on le fait. On considère même
l'enrochement comme quelque chose de mieux que ce qu'on a actuellement, des
vieux quais de bois qui n'ont pas été touchés depuis des
années. De temps en temps, on fait un petit programme communautaire pour
permettre aux gens de trouver quelques planches pour boucher les trous. C'est
ce qu'il faut changer et on en a le droit.
Par curiosité, j'aimerais qu'un seul journaliste fasse un
reportage - un seul -photographique sur les havres de pêche du
Québec, le havre de Sainte-Thérèse, par exemple, à
l'Anse à Beaufils, en Gaspésie -il y a différents havres
de pêche que je pourrais nommer un par un - et, ensuite, aille
photographier ceux de Shippegan et de Lameque. Il verrait la différence,
à quel point on est traité d'une façon épouvantable
au Québec dans le secteur des pêches. On ne demande pas au
gouvernement fédéral de s'occuper de la boëtte. On est
capable de s'occuper de la boëtte. On ne lui demande de s'occuper de la
glace. On est capable de s'occuper de la glace. On ne lui demande pas
d'intervenir dans les secteurs où on intervient, sauf de faire sa
part normalement dans des programmes réguliers. Mais on lui demande de
jouer son rôle dans le secteur où c'est sa responsabilité
principale. C'est lui qui bâtit les havres de pêche. C'est lui qui
bâtit des quais. C'est la responsabilité fédérale de
bâtir des quais. J'ai été élevé dans un
village où il y avait un quai, à Saint-Michel-de-Bellechasse,
où il reste un mignon de quai - un mignon, comprenez-vous? Vous pouvez
peut-être faire 20 ou 25 pas sur ce quai, aujourd'hui. Toute la baie a
été brisée parce que ce quai, qui servait de brise-lames
en même temps, a disparu. C'est la même chose tout le long de la
côte du Québec, nos quais ont disparu.
Mais en même temps, par exemple, le gouvernement
fédéral a le moyen, cette année, de dépenser plus
d'argent en Ontario. Écoutez-moi bien, en Ontario, le budget de
Pêches et Océans, cette année, va être plus gros
qu'à celui du Québec. La mer n'est pas forte en Ontario. Les
pêcheurs ne sont pas nombreux. On le sait. Nos anguilles qui reviennent
de ce lac reviennent polluées. Elles ont mangé du murex et elles
ne peuvent plus être mangées après cela. Les Allemands n'en
veulent même pas. Le gouvernement fédéral va
dépenser 27 000 000 $ cette année en Ontario, mais il
dépensera moins que cela au Québec. Les pêches, cela ne se
passe pas en Ontario. Au Québec, nous avons près de 2000 milles
de côte. C'est ce qu'on demande au gouvernement fédéral, de
faire sa "job" dans un. domaine où c'est sa "job". J'ai écrit
à M. LeBlanc pour lui demander un certain nombre de havres de
pêche et pour lui dire: Pouvez-vous faire les quais à ces
endroits? Cela presse.
D'aucuns vous diront: Vous pouvez toujours vous accommoder des
Pêcheurs Unis du Québec pendant les quelques mois de sursis que
leur accorde le gouvernement fédéral. Ce n'est pas aussi simple.
Compte tenu de ce qui s'est passé l'an dernier et de la situation de
conflit d'intérêts qui perdure, je serais totalement irresponsable
de laisser voguer Madelipêche sur ces eaux troubles. L'Opposition serait
la première à me blâmer de ne pas intervenir
d'autorité dans Madelipêche, sachant ce que je sais. Il faut aussi
penser à l'avenir. Est-ce qu'on s'imagine un instant que
Madelipêche, associée à l'agonisant Pêcheurs Unis du
Québec, sera en mesure d'insuffler une once de dynamisme dans le secteur
des pêches des Îles-de-la-Madeleine et du Québec. Les
Madelinots ont le droit d'avoir une entreprise de pêche agressive,
moderne, bien gérée et financièrement solide. Nous n'avons
pas le droit de les abandonner à une fédération
coopérative en dérive, sur laquelle le gouvernement
fédéral vient de jeter l'ancre, faute de mieux.
C'est en dernière instance que nous nous adressons à
l'Assemblée nationale pour briser l'impasse qui persiste chez
Madelipêche. Nous aurions pu tenter d'acquérir de gré
à gré une partie ou la totalité des actions que
détient Pêcheurs Unis du Québec dans Madelipêche.
Mais la fédération coopérative posait une condition
à cette vente dans son plan de restructuration. La vente au gouvernement
- je cite les paroles de leur plan - du Québec ou à d'autres
partenaires de la totalité du bloc d'actions, 51%, détenues par
la fédération dans Madelipêche Inc. pour la valeur au livre
de 153 000 $, en contrepartie de la radiation des comptes à recevoir
qu'elle détient envers Pêcheurs Unis du Québec, 2 700 000
$. On aurait été prêt à nous vendre 51% des actions,
mais à condition d'oublier un compte de 2 700 000 $ pour des actions qui
ont été payées 153 000 $ par une entreprise qui a eu, au
cours des quatre dernières années, 2 200 000 $ de déficit
que le gouvernement du Québec a payé entièrement.
Cela veut dire, au fond, qu'en plus de passer l'éponge sur les
prétendues irrégularités qui se sont passées dans
Madelipêche ou autour de cette compagnie, le gouvernement aurait
acheté une valeur de 153 000 $ pour 2 700 000 $, plus 1 700 000 $ de
marge de crédit qu'il aurait fallu rembourser, plus 1 200 000 $ de
créances ordinaires. Business as usual! La boucle était
fermée, on faisait un cycle complet, on recommençait les
subventions et, dans trois ou quatre ans, on recommencerait. Nous avons dit
non.
Vous comprendrez qu'avec une telle proposition, j'allais dire une telle
offre, Pêcheurs Unis du Québec n'était pas
particulièrement disposé à négocier
raisonnablement. Je répète que Pêcheurs Unis du
Québec a abusé de son statut dans Madelipêche et, comme
fédération coopérative, elle ne veut pas mettre fin
à son régime de privilèges qui, dans les circonstances,
sont exorbitants. C'est la raison pour laquelle, elle refuse toute
collaboration avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation du Québec.
Ses deux employés-cadres - il y a deux employés-cadres
à Pêcheurs Unis du Québec - ont même intenté
des poursuites judiciaires contre le gouvernement du Québec sans avoir
reçu le mandat du conseil d'administration. C'est fort! C'est un peu
comme Boreman dans le bunker après la mort d'Hitler. Il faut mettre fin
à ce chantage parce qu'il est odieux et parce qu'il paralyse une
industrie essentielle au développement économique des
Îles-de-la-Madeleine. Le conseil provisoire des administrateurs, qui est
proposé dans le projet de loi, n'enlèvera aucun bien à
Pêcheurs Unis du Québec, ne dépouillera
aucunement cette fédération coopérative. Il prendra
cependant les décisions dans le meilleur intérêt de
Madelipêche et des Madelinots avant de servir ceux de Pêcheurs Unis
du Québec. Il veillera aussi à moderniser Madelipêche sur
le plan financier, sur le plan de la gestion et au niveau de la production. Il
fera en sorte que Madelipêche puisse tirer profit de l'énorme
potentiel de développement qui s'offre à elle en raison de la
position stratégique des Îles-de-la-Madeleine dans le golfe
Saint-Laurent et l'Atlantique. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Nelligan.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, on se demanderait
après avoir entendu le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation... J'espère qu'il se calmera bientôt parce qu'un
de ces jours, je crois qu'il aura des problèmes de tension
artérielle. Il se met tellement en colère ici, qu'on se demande
parfois s'il commence à faire battre tous les moulins à vent
à la fois. Je me demandais parfois, en l'écoutant, si on
discutait vraiment de la loi 23. Je croyais qu'il nous présenterait des
arguments solides, des arguments raisonnables pour justifier l'introduction
d'une loi qui est un précédent, la première loi de ce
genre jamais introduite au Québec. (17 h 50)
Je pensais que le ministre nous expliquerait pourquoi il y a une telle
urgence dans les pêches. Je réalise qu'il y a une urgence, mais
est-ce une urgence telle qu'on doive prendre des décisions d'une telle
importance, avec des conséquences si importantes pour l'avenir du
Québec qu'on doive suspendre l'application de la Loi sur les compagnies?
C'est cela que fait la loi 23: elle met une compagnie privée en tutelle,
elle met un conseil d'administration en tutelle. J'aurais espéré
que le ministre nous parle de cette question, nous explique ce qui justifie une
action aussi importante dans le domaine de la Loi sur les compagnies, dans le
domaine privé des entreprises, dans le domaine des entreprises
privées. Qu'est-ce qui justifie cette décision par rapport
à une autre?
Nous sommes tous d'accord et nous cherchons un objectif commun, celui
que les gens qui sont dans le secteur des pêches, les gens qui y vivent,
les familles qui vivent de la pêche, les pêcheurs, les
travailleurs, tout ce bloc de personnes... Je pense que, de part et d'autre, on
reconnaît que tout ce que nous cherchons ensemble, c'est de permettre
l'ouverture de la pêche. Tant de travailleurs, tant de pêcheurs ont
été brimés dans leurs droits depuis plusieurs semaines
déjà, pour ne pas dire depuis plusieurs mois. Là-dessus,
nous sommes tout à fait d'accord, nous cherchons un objectif commun, la
réouverture de la pêche, la réimplication des
pêcheurs et des travailleurs dans le milieu qu'ils connaissent, dans le
milieu qui les fait vivre, la réimplication des familles pour aller
chercher le gagne-pain que ces pêcheurs et ces travailleurs leur donnent
tous les jours. Cet objectif est commun, de notre côté comme du
vôtre.
Là où nous nous posons de sérieuses questions,
c'est à savoir pourquoi nous arrivons aujourd'hui, pour la
deuxième fois en deux semaines, à faire un débat sur la
réouverture de la pêche au Québec. Je vous dis, M. le
ministre, que c'est vous le grand coupable, c'est vous le grand responsable si,
aujourd'hui, on a ce débat en Chambre pour discuter de la loi 23 qui
établit des précédents dangereux pour le Québec de
demain. Peut-être que ça va régler votre problème
à court terme, mais il y aura des conséquences importantes dans
tous les domaines, que ce soit dans le domaine économique, dans le
domaine financier, que ce soit dans le domaine de la structure des compagnies
ou des conseils d'administration des entreprises privées. Ce sont des
gestes dont on ne peut prévoir maintenant les conséquences pour
l'avenir.
C'est une question fondamentale dont j'espérais que vous alliez
traiter au lieu, encore une fois, de faire de grandes palabres sur le
fédéral, sur le Nouveau-Brunswick et sur toutes les provinces
avoisinantes en disant: Nous, au Québec, on s'occupe de nos
pêches, comme si on pouvait garder les poissons dans une enceinte. Ce ne
sont pas des poissons de bocal. Si c'étaient des poissons de bocal,
votre argument aurait été valide. Si on avait un petit bocal, on
pourrait y mettre tous les petits poissons du Québec et on dirait: Cela,
ce sont les pêcheries du Québec. Votre argument serait alors
très valable. Mais les poissons, ça nage, ça se
déplace. Les poissons, peut-être que demain il faudra aller les
pêcher dans la zone de 200 milles, qui est une zone canadienne, à
tort ou à raison, pour le moment. Il faudra aller les pêcher
là-bas, il faudra une collaboration avec ces mêmes provinces
atlantiques, il faudra voir un peu plus grand que vous ne voyez. II faudra
quitter notre petit esprit de clocher, notre petit esprit restreint. Il faudra
voir un peu plus grand, il faudra peut-être aller chercher ces poissons
qui nagent ailleurs, malgré vous. Il faudra de plus grandes politiques,
il faudra de plus gros chalutiers et il faudra voir un petit peu plus
grand.
J'aurais préféré qu'aujourd'hui on discute de la
question fondamentale qui est devant nous. Vous allez dire, comme vous l'avez
déjà dit: Les libéraux, ce sont eux qui
retardent la reprise de la pêche en ne nous donnant pas le
consentement que nous voulions obtenir la semaine dernière. Vous ne
l'avez pas dit aujourd'hui, mais je sais que cela a été dit: Les
libéraux ne nous donnent pas le consentement unanime qu'on voulait pour
faire les trois lectures de ce projet de loi, la première, la seconde et
la troisième jeudi. Mais là, le problème fondamental,
c'est que nous avons eu des réserves très importantes sur le
principe même de la solution. Nous disons que la fin ne justifie pas les
moyens. Vous cherchez une fin que nous désirons tous. Nous disons
cependant qu'il y a diverses façons d'arriver au même but.
Depuis le début de mars, soit deux mois et demi, nous vous
demandons, M. le ministre, de faire quelque chose. La réouverture de la
pêche est mise en péril. Le 8 mars, le député de
Gaspé vous a parlé des centres gaspésiens qui
étaient affectés, car l'ouverture de la pêche était
retardée.
Je vous ai demandé si vous pouviez mettre en place des garanties
bancaires transitoires, prendre des mesures transitoires, des mesures d'urgence
afin que l'ouverture de la pêche se fasse de façon tout à
fait normale dans tous les centres de pêche au Québec.
Le 10 mars, je posais la même question au premier ministre qui m'a
dit deux fois en me répondant: II ne faut pas faire trop de chahut
là-dessus, il ne faut pas prendre panique. On prendra toutes les mesures
qui s'imposent pour que l'ouverture de la pêche se fasse normalement. Et
voilà comment l'ouverture de la pêche s'est faite normalement.
À Rivière-au-Renard, l'usine était fermée, à
Newport, l'usine était fermée, à
Rivière-au-Tonnerre, l'usine était fermée, à
Madelipêche, tout était fermé, et les bateaux sont
immobiles. L'ouverture de la pêche s'est faite encore une fois dans un
climat de confrontation constitutionnelle fédérale-provinciale.
Tandis que les gens impliqués du milieu auxquels vous dites faire
confiance, les gens pour lesquels vous et nous, nous travaillons principalement
ici, députés du Québec, ces mêmes gens-là se
trouvaient sans travail. À l'ouverture de la pêche, alors que leur
assurance-chômage arrivait à la fin, ils se trouvaient sans
travail parce que vous n'avez pas fait le travail pour lequel on vous a
nommé ministre.
Gouverner, M. le ministre, c'est prévoir, c'est prévoir
des échéances, c'est prévoir des problèmes.
Avez-vous prévu les choses? Tout cela est arrivé depuis des mois.
Vous vous êtes réfugié derrière un rapport que vous
attendiez, le rapport de restructuration. Vous vous êtes
réfugié, chaque fois que je vous ai posé des questions
là-dessus, derrière ce rapport. Vous disiez: II faut attendre le
rapport avant d'agir. Mais sûrement qu'il y avait des façons
d'arriver à des solutions transitoires, à des solutions
d'urgence, à des solutions temporaires qui n'auraient aucunement
négligé l'application de ce rapport que vous avez eu vers la fin
du mois de mars.
Peut-être faut-il faire un relevé de ce qui s'est
passé depuis le début de mars, depuis le début de
l'ouverture de la pêche dans certains centres. Le 8 mars, le
député de Gaspé et moi-même avons posé des
questions au ministre. Le 10 mars, nous posions des questions au premier
ministre, qui nous a assuré que l'ouverture de la pêche se ferait
normalement. Le 29 mars, la même chose après le retour de
congé. Le 30 mars, durant les crédits provisoires des
pêcheries, je demandais au ministre, qui me répondait, chaque fois
que nous parlions de l'ouverture de la pêche, en revenant toujours
à Madelipêche, qui était une obsession pour lui.
Pêcheurs Unis du Québec et Madelipêche faisaient toujours
partie de son discours, à part le fédéral
naturellement.
Je lui ai demandé: Les Pêcheurs Unis du Québec
eux-mêmes, la société parente de Madelipêche, ont
demandé une enquête du Vérificateur général.
Qu'attendez-vous pour faire faire une enquête par le Vérificateur
général, qui établira tous les faits dans cette affaire,
qui montrera qui a eu tort, qui a eu raison, si vraiment des fonds ont
été pris par Pêcheurs Unis du Québec, par la
société parente, à l'encontre des règlements, des
lois, des ententes que ladite société a avec
Madelipêche?
Tout ce temps-là s'est passé. C'était le 8 mars, le
10 mars, le 29 mars, le 30 mars. Aujourd'hui, on est au 24 mai et comment
agit-on? On dépose des lois spéciales, parce que c'est encore une
loi spéciale. On ne l'appelle pas ainsi, mais c'est une loi de calibre,
d'envergure, de nature telle que c'est vraiment une loi spéciale, parce
qu'elle crée un précédent au Québec en
établissant des règles de conduite qui n'ont jamais
été appliquées au Québec jusqu'ici. (17 h 40)
Le 22 avril - peut-être que le ministre voulait nous montrer ce
qui allait se passer -d'après un article d'André Leclerc dans le
Journal de Québec, le ministre nous faisait entrevoir cette
possibilité d'en arriver à une solution pour Madelipêche en
faisant prendre en main par SOQUIA, la société
contrôlée par le ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, les actifs et la gestion de
Madelipêche. Il laissait entrevoir dans cet article, par ses
déclarations du 22 avril qui ont été relatées par
André Leclerc dans le Journal de Québec, que c'était la
solution qu'il envisageait.
Le 27 avril arrivait la fameuse saisie des bateaux de pêche.
C'était la première étape du plan d'attaque. Il fallait
saisir les
bateaux de pêche, nous a-t-on dit, parce que les dettes de
Madelipêche envers le gouvernement du Québec représentaient
de grosses sommes et qu'il fallait se protéger. Le ministre, en
sourdine, sans en aviser les autres créanciers, comme c'est toujours le
cas dans les affaires, en sourdine, le gouvernement du Québec faisait
une saisie de ces six bateaux de pêche, de ces six grands chalutiers
essentiels à l'ouverture de la pêche aux
Îles-de-la-Madeleine.
Là, c'est intéressant. Le ministre nous dit que les
actionnaires de Madelipêche, Pêcheurs Unis du Québec, que le
conseil d'administration de Madelipêche a été tout à
fait négligent, qu'ils ont dépensé des sommes folles et
qu'il fallait que le gouvernement du Québec agisse. On accuse
Madelipêche d'avoir pris de l'argent à tort ou à raison.
Là, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation du Québec, pour une créance qui se situe juste
au-dessus de 1 000 000 $, a saisi les actifs de ces bateaux de pêche qui
sont évalués à 8 000 000 $. C'est l'évaluation de
ces six chalutiers de pêche.
Le ministre, lui, a fait une affaire d'or par cette saisie en sourdine,
tout à fait à l'encontre des pratiques du monde des affaires,
sans en avertir les autres créanciers. Et il y a beaucoup de petits
créanciers, il n'y a pas que les grosses banques et la caisse populaire
Desjardins, comme nous le dit le ministre. Sans jamais négocier ou
consulter les créanciers, en sourdine, il est allé saisir les
bateaux de pêche. Le gouvernement du Québec a fait saisir les
bateaux de pêche et les a vendus -il appelle ça "vendre" -
à sa société, SOQUIA. C'est la première
étape du plan d'attaque du ministre.
Après cela, par la coïncidence la plus inusitée, deux
ou trois jours après, le ministre du Revenu qui, nous dit-il, n'a jamais
consulté le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation - ils n'ont jamais parlé ensemble - par la plus
étrange coïncidence, lui aussi, va saisir les actifs de la
même compagnie, Madelipêche. Cette fois, c'est une saisie sur les
comptes bancaires pour une redevance, nous dit-on, de 165 000 $ ou à peu
près. Là, nous avons une saisie des bateaux, nous avons une
saisie par le ministère du Revenu et c'est là qu'éclate
toute la querelle. Si le ministre, au lieu d'aller saisir les bateaux, avait
prévu des solutions qui auraient fait démarrer la pêche,
avait prévu des solutions constructives, si son collègue - pas
lui, mais son collègue -n'avait pas saisi certains autres actifs
terrestres de Madelipêche, toute cette grosse querelle constitutionnelle
n'aurait pas éclaté. C'est à ce moment qu'une demande fut
faite au gouvernement fédéral, qui contrôle les permis de
pêche, pour le transfert des permis de ces bateaux de pêche
à la filiale du ministre, soit SOQUIA. Le gouvernement
fédéral ayant refusé et selon nous à juste titre -
parce que les permis sont la propriété de Madelipêche tout
à fait légalement - le transfert de ces permis de pêche,
toute une querelle a éclaté, parce que les bateaux étaient
complètement immobilisés, tous les actifs de Madelipêche
étaient en fait complètement immobilisés. Sans bateaux
pour aller pêcher, les usines ne peuvent pas fonctionner; c'est
évident. C'est alors que le gouvernement fédéral a
présenté une solution transitoire, une solution temporaire, soit
d'offrir des garanties bancaires de 3 000 000 $, ce qui permettrait d'avoir un
genre de fonds de roulement temporaire de 10 000 000 $ pour que les usines
ouvrent leurs portes et que les bateaux commencent à faire la
pêche.
Cette même solution qu'a prise le gouvernement
fédéral, lors d'une réunion tenue le 28 avril,
c'était la vraie solution qu'aurait dû prendre le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation lui-même. C'est
le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
lui-même qui aurait dû prendre cette décision que,
malheureusement, pour les fins du dossier, le gouvernement
fédéral a enfin prise le 28 avril. Si le ministre avait agi au
début de mars, si le ministre avait agi à temps, si le ministre
avait su prévoir, parce que toute l'affaire qui a éclaté,
on pouvait la prévoir d'avance - on pouvait prévoir que la
réouverture de la pêche était mise en péril - si le
ministre avait donné les garanties bancaires que nous lui avions
demandé de donner, s'il avait coopéré avec tous les
intervenants du milieu en sus des pêcheurs, des travailleurs, des
créanciers de Pêcheurs Unis - il fallait dialoguer avec tout ce
monde - on aurait trouvé une solution, s'il avait fait une
réunion de tous les intervenants dans ce dossier, au lieu d'attendre ce
fameux rapport qui n'a vraiment rien réglé parce que,
après avoir trouvé une solution à la suite de ce rapport,
il n'a jamais offert de fonds de roulement aux coopératives locales pour
leur permettre de commencer la pêche. Cela a été le fond du
problème.
Les constatations sont celles-ci. Nous avons également
parlé avec beaucoup de gens du milieu, en plus, évidemment, de
tous les gens qui sont impliqués directement, tels les créanciers
et les banques, dans la question financière elle-même de
Pêcheurs Unis du Québec, et les gens de Madelipêche. Nous
avons parlé surtout au milieu même de la pêche, aux
pêcheurs, aux travailleurs d'usine, aux gérants d'entreprises
indépendantes, aux gérants de coopératives locales. Tous
nous ont dit: Tout ce que nous cherchons, c'est la réouverture de la
pêche. Tous ont été unanimes. Sur cette question, nous
sommes tout à fait d'accord.
Nous sommes aussi d'accord sur le sujet qu'a abordé le ministre,
à savoir que les coopératives locales se disaient tout à
fait fatiguées d'une grande fédération, elles se disaient
fatiguées de l'administration de Pêcheurs Unis du Québec et
je pense qu'il n'y aucune discussion sur le sujet. Je pense que Pêcheurs
Unis eux-mêmes reconnaissent que le temps d'une grande
fédération groupant les coopératives locales est
dépassé. La coopérative locale elle-même voulait un
changement d'attitude, un changement de régime. Mais là, il n'y a
aucun conflit entre ceux-là et une solution temporaire, une solution
transitoire. Je pense que la solution transitoire qui avait été
offerte, par exemple, par le gouvernement fédéral, et que le
ministre aurait dû accepter, c'était une solution qui devait
permettre à la pêche de rouvrir, malgré toutes les
réserves que nous avions sur Pêcheurs Unis, sur l'administration
de la pêche sur la mise en place de toutes ces réserves. Des
mesures à long terme auraient pu être prises une fois la
pêche réouverte dans 30, 60 ou 90 jours. Rien n'aurait
changé excepté que la pêche aurait été
réouverte dans un climat beaucoup plus sain, beaucoup plus favorable et
beaucoup plus constructif.
Là le ministre est arrivé. Au lieu de promouvoir une
solution transitoire qui permettrait l'ouverture de la pêche, il s'est
réfugié, comme nous avons dit, dans l'attente d'un rapport sur la
restructuration de trois coopératives locales de la Gaspésie et
de la Côte-Nord, soit à Newport, Rivière-au-Renard,
Rivière-au-Tonnerre. Ce rapport, moi aussi je l'ai bien lu. La
clé de ce rapport est une demande de fonds de roulement transitoire de
l'ordre de 4 900 000 $ pour les trois coopératives. La
coopérative de Newport seulement demande quelque chose comme 1 600 000 $
de fonds de roulement transitoire en 1983. Comment le ministre, dans sa
sagesse, pouvait-il croire, en faisant confiance aux pêcheurs pour
acheter leurs propres actifs de pêche, qu'ils auraient les fonds, la
liquidité nécessaire pour payer les salaires de départ,
pour acheter les prises de pêche? Le plan du ministre était un
voeu pieux voué à l'échec dès le départ. (17
h 50)
Plus que jamais nous sommes convaincus, de ce côté de la
Chambre, que s'il y avait eu des solutions raisonnables, s'il y avait eu des
solutions équitables, s'il y avait eu des solutions honorables qui
avaient été offertes, de concert avec tous les intervenants, que
ce soient les intervenants du milieu des pêcheurs, des travailleurs, du
milieu de la pêche elle-même, mais aussi du milieu de la gestion,
que ce soit Pêcheurs Unis qui était un intervenant pour certains
dans sa propre cause, les banquiers, les créanciers, le gouvernement
fédéral - et pourquoi pas? - s'il y avait eu une concertation de
tous ces milieux, s'il y avait eu des propositions raisonnables de la part du
ministre, nous sommes convaincus qu'aujourd'hui on ne serait pas devant le
projet de loi no 23, que cette question aurait été résolue
au moins d'une façon transitoire bien avant aujourd'hui. Par exemple, on
aurait pu promouvoir l'achat des actions de Pêcheurs Unis du
Québec dans Madelipêche. Je n'ai rien vu. En fait, cela m'a
été confirmé par tous les intervenants dans ce dossier. Je
n'ai rien vu jusqu'à aujourd'hui, dans les documents que j'ai lus au
sujet de Pêcheurs Unis, qui indique que Pêcheurs Unis
étaient tout à fait disposés à se
débarrasser de leurs actions dans Madelipêche, pourvu que ces
actions aient été achetées par une société
qui représentait un consensus dans le milieu. C'est la question. Et le
consensus aurait pu être fait. On aurait pu aussi mettre en vigueur la
location temporaire des bateaux et des actifs terrestres. C'était une
proposition formelle qui avait été faite au ministre. Je lui en
ai parlé moi-même plusieurs fois. Je lui ai dit: Pourquoi ne
louez-vous pas ces bateaux et les actifs pendant 30 jours, histoire de faire
démarrer la pêche, quitte à ce que vous preniez toutes les
actions nécessaires ensuite ou entretemps? Il n'y avait rien qui vous
empêchait de faire cela. Rien n'aurait été perdu, mais vous
avez refusé cela aussi. Même si Salomon lui-même avait
prononcé un jugement ou avait fait une suggestion au ministre, il ne
l'aurait jamais écouté, parce que le ministre est parti dans ce
dossier comme quelqu'un de têtu, comme quelqu'un d'entêté
qui ne voyait qu'une seule solution, la prise en charge de la pêche au
Québec, la prise en charge de Madelipêche par SOQUIA.
C'était bien cela, M. le ministre. La solution de la loi 23, qui
est la seconde étape pour vous après la saisie des bateaux, c'est
justement cela même. Vous êtes responsable d'appliquer au moyen
d'une loi ce que vous ne pouviez faire dans le contexte légal des
choses. Dans le contexte légal des choses, vous ne pouviez pas faire ce
que vous faites aujourd'hui. Vous faites adopter une loi, avec l'appui de la
majorité ministérielle qui va certainement voter pour votre loi,
pour faire ce que vous ne pouviez pas faire dans le contexte légal des
choses, dans le contexte de la Loi sur les compagnies et dans le contexte
normal du monde des affaires. Vous ne pouviez pas faire ces choses parce que,
normalement, cela aurait été illégal. Il faut adopter une
loi qui est un précédent, une loi illégale pour faire ce
que vous ne pouviez faire, pour remplacer ce que vous auriez dû faire si
vous aviez prévenu au lieu d'agir en têtu, en espèce de
dictateur qui veut tout contrôler.
Cela me fait rire quand vous dites: II faut faire confiance aux
pêcheurs. Il faut faire confiance aux gens du milieu. Vous
dites: II est temps qu'on accepte de part et d'autre que les
bureaucrates ne peuvent pas décider à la place des
pêcheurs. Les pêcheurs doivent prendre leurs affaires en main. Les
pêcheurs? Ce sont les bureaucrates qui travaillent pour les
pêcheurs et pas vis-à-vis de ce que vous nous avez dit
aujourd'hui. Mais qu'apportez-vous comme solution au problème? Vous
retirez des bureaucrates, dites-vous - ce sont sans doute des bureaucrates,
sûrement, les Pêcheurs Unis du Québec - et vous les
remplacez par des gens que vous nommez vous-même. Ce ne sera pas des
bureaucrates? Ce sera des gens bien indépendants: trois membres du
conseil d'administration nommés par le ministre lui-même selon la
loi. Ce ne sera pas des bureaucrates. Ce sera des gens tout à fait
indépendants qui vont voter en toute objectivité. Vous nous
dites: Les pêcheurs doivent se prendre en main. Ah oui! les
pêcheurs doivent se prendre en main. C'est comme cela que les
pêcheurs se prennent en main, d'après vous? Les pêcheurs se
prennent en main en cédant le contrôle des actions de
Madelipêche au gouvernement du Québec! C'est comme cela que les
pêcheurs se prennent en main d'après vous. C'est comme cela que
vous évitez l'intervention gouvernementale! C'est comme cela que vous
évitez la bureaucratie! Si c'est d'éviter la bureaucratie que de
laisser le gouvernement intervenir et nationaliser une compagnie par une loi de
tutelle, je ne sais rien de ce qu'est l'entreprise privée ou de l'action
des gens du milieu. Est-ce que vous me direz comment vous faites confiance aux
pêcheurs eux-mêmes, comment ils se prendront en charge, si vous
nationalisez la compagnie principale avec laquelle ils transigent à
Madelipêche?
Une voix: Vous parlez contre, vous allez voter contre...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Lincoln: Je vous le dirai en temps et lieu. Je n'ai pas
à discuter avec vous. D'abord, assoyez-vous, si vous voulez me poser des
questions.
Le ministre a une seule question en vue, soit d'imposer son
contrôle, d'imposer ses vues, d'imposer ses décisions, d'imposer
son optique. Il faut que ce soit SOQUIA qui prenne l'affaire en main;
autrement, s'il parlait même du gouvernement du Québec en
général, l'ironie de la chose, c'est que le gouvernement du
Québec possède déjà 49% des actions de
Madelipêche. Quatre des neuf membres du conseil d'administration qui a
été renouvelé depuis seulement une semaine
représentent le gouvernement du Québec, la Société
de développement industriel du Québec. La chose la plus ironique,
c'est que le ministre met en tutelle un conseil d'administration dont quatre
des neuf intervenants, des neuf membres sont les représentants du
gouvernement du Québec lui-même. Le gouvernement du Québec
met en tutelle ses propres membres du conseil d'administration.
Alors, il faut se poser des questions. Il faut se demander si, selon
l'optique du ministre, les gens de la Société de
développement industriel, quant à eux, ne sont pas des gens
compétents. Est-ce qu'ils n'ont pas les intérêts du
Québec en jeu? Est-ce qu'ils n'ont pas assez d'assise pour
défendre les intérêts du gouvernement du Québec dans
Madelipêche? Est-ce qu'il faut aussi les mettre en tutelle? On assiste
à cette espèce de scénario de bouffons où le
gouvernement du Québec met en tutelle quatre des administrateurs
nommés par lui-même sous le nom d'une autre corporation qui
s'appelle la Société de développement industriel.
Si on pouvait savoir les secrets du ministre, je suis sûr qu'il
nous aurait dit: Voyez, la Société de développement
industriel, la seule faute avec cela, c'est que je ne la contrôle pas.
Moi, l'empereur, il faut que je contrôle tout moi-même. Il faut que
je contrôle SOQUIA, il faut que je contrôle les bateaux, il faut
que je contrôle les PME. Il faut que je contrôle les poissons
partout où ils vont; il faut que je contrôle tout ce qui est de
mon domaine. Si ce sont les pêcheries, je contrôlerai tout quoi
qu'il arrive, bien qu'on casse des vitres; quoi qu'il arrive, il faudra qu'il
contrôle tout. C'est ça le problème. Le problème,
c'est l'attitude du ministre, c'est un problème d'attitude fondamentale
de la part du ministre, qui voit les choses d'une façon tout à
fait étriquée et à sa manière. Il ne veut dialoguer
avec personne, il ne veut écouter personne.
Le ministre veut nous faire adopter une loi qui pose certains principes
fondamentaux. Premièrement, c'est la mise en tutelle d'un conseil
d'administration. Je sais, Mme la ministre, que vous trouvez cela un peu
rigolo, mais nous ne trouvons pas cela rigolo du tout. Je pense que c'est une
question...
Mme LeBlanc-Bantey: Question de privilège, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, Mme la ministre de la Fonction publique.
Mme LeBlanc-Bantey: À entendre le député de
Nelligan, j'avoue que des bouts de son discours m'ont semblé rigolos,
mais je ne trouve pas du tout la question rigolote et j'espère bien que
l'Opposition nous montrera aujourd'hui qu'elle aussi trouve que c'est
sérieux qu'il y ait 600 chômeurs aux Îles-de-la-Madeleine
à l'heure actuelle.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: M. le Président, j'ai pensé que la
ministre souriait pendant que j'ai parlé de la question légale de
la mise en tutelle. Je m'excuse si j'ai mal vu, mais peut-être qu'elle
souriait à propos d'autre chose.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Nelligan, il est 18 heures. Est-ce que vous demandez la
suspension du débat?
M. Lincoln: Oui, je demande la suspension du débat.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
de suspension du débat est adoptée?
Des voix: Adopté.
M. Boucher: M. le Président, je demande la suspension de
nos travaux jusqu'à 20 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion de
suspension des travaux est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Nos travaux sont
suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise de la séance à 20 h 06)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît! Veuillez vous asseoir. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Fréchette: M. le Président, c'est le
député de Nelligan qui avait demandé la suspension du
débat à 18 heures, n'est-ce pas?
Le Vice-Président (M. Rancourt): D'accord.
Nous reprenons donc la deuxième lecture du projet de loi no 23,
Loi assurant la reprise des activités de Madelipêche. Lors de la
suspension de nos travaux, à 18 heures, M. le député de
Nelligan avait la parole. Il vous reste environ 30 minutes, si vous utilisez
entièrement l'heure dont vous disposiez.
M. Lincoln: Si vous vous souvenez, M. le Président, avant
la suspension du débat, à 18 heures, nous parlions de toute la
question fondamentale des pêches au Québec et de la solution
préconisée par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation, soit une loi spéciale qui créait un
précédent au Québec. Pour la première fois, on
adoptera une loi qui mettra une corporation privée sous tutelle, soit
Madelipêche qui s'occupe de la pêche aux
Îles-de-la-Madeleine. On mettra le conseil d'administration sous tutelle,
on suspendra des conventions dûment ratifiées entre Pêcheurs
Unis du Québec, la société parente de Madelipêche,
et le gouvernement lui-même sous la forme de la Société de
développement industriel. On suspendra aussi des conventions qui avaient
été ratifiées entre la société parente
Pêcheurs Unis du Québec et sa filiale de Madelipêche. Tout
cela dans l'ordre, dans la légalité.
Aujourd'hui, le ministre nous apporte ce nouveau projet de loi no 23,
qui met de côté la Loi sur les compagnies du Québec, qui
suspendra les mesures légales qu'ont les compagnies pour leur propre
survie, leur propre défense, leur propre autorité tout à
fait légale.
Le ministre nous dit qu'on ne pouvait plus attendre, que la chose se
faisait urgente. Je lui demande encore, pour la deuxième,
troisième ou quatrième fois, ce qu'il y a de nouveau aujourd'hui
le 24 mai qui n'existait pas le 8 mars, qui n'existait pas le 10 mars, qui
n'existait pas le 29 mars, qui n'existait pas durant l'étude des
crédits provisoires des pêcheries le 30 mars, qui n'existait pas
depuis toutes ces semaines où on a tergiversé, où le
ministre s'est réfugié derrière un rapport de
restructuration qu'il disait attendre. Ce rapport de restructuration a
été présenté au ministre à la fin de mars,
vers le 29 mars, je pense. Aujourd'hui, on est le 24 mai, deux mois plus tard.
Et deux mois plus tard, sa solution ultime est une loi spéciale, une loi
qui vient suspendre la Loi sur les compagnies, excepté pour certains
articles tout à fait minimes, en l'occurrence. Il faut voir quelles sont
les dispositions, quel est le principe même, le principe fondamental de
la loi 23.
Le premier principe est la suspension des droits légaux
légitimes qu'a le conseil d'administration d'une compagnie
privée. D'un jour à l'autre on dit: Vous, du conseil
d'administration, n'existez plus à partir du jour de la sanction de
cette loi. Ce conseil d'administration légalement constitué, tout
à fait légitime, n'existe plus par la parole même, le fiat
du ministre et de tous ces votes qui vont sans doute l'appuyer d'une
façon tout à fait docile et servile.
La deuxième chose est de suspendre les conventions dûment
légalisées, dûment ratifiées entre des parties,
entre des sociétés, entre une société et le
gouvernement lui-même, conventions qui ont été
signées en tout ordre, en toute légalité, en toute
légitimité en 1978. On dit: Ces conventions n'ont jamais
existé, selon nous, à
partir de l'adoption de cette loi.
La troisième chose est celle-ci: Madelipêche, une compagnie
dûment constituée selon la Loi sur les compagnies, n'a plus de
droits en vertu de la Loi sur les compagnies à partir de la sanction de
la loi 23, sauf quelques articles d'exception qui ne s'appliquent pas dans ce
cas. On dit: La Loi sur les compagnies ne s'applique plus à une
compagnie qui est censée être gérée selon la Loi sur
les compagnies. Quel non-sensl On dit: La seule exception, la seule fois
où Madelipêche aura besoin de l'assentiment du gouvernement, de ce
gouvernement si puissant qui décide tout pour les autres, c'est pour
l'application des articles 55, 57 et 58 de la Loi sur les compagnies. Ce sont
les seules exceptions, ce sont les seuls cas, ces trois articles de la Loi sur
les compagnies, qui vont maintenant s'appliquer au gouvernement qui a pris
cette compagnie en tutelle. L'article 55 de la Loi sur les compagnies a trait
à la conversion des actions. L'article 57 a trait à
l'augmentation du capital-actions. L'article 58 a trait à la
réduction du capital. Donc, ce sont toutes les exceptions qu'on permet
au nouveau conseil d'administration de Madelipêche, à qui on dit:
Dans ces circonstances, selon ces trois articles, le gouvernement aura besoin
de donner son assentiment; autrement, toutes les protections légales de
la Loi sur les compagnies sont suspendues.
Là, on vient nous dire qu'il y a urgence, qu'il faut que vous
acceptiez cette loi ou on vous demande d'accepter cette loi pour le bien des
pêcheurs, des travailleurs et pour la réouverture de la
pêche. Nous sommes entièrement pour la réouverture de la
pêche. Nous sommes entièrement pour la reprise du travail par les
travailleurs et par les pêcheurs. Nous sommes entièrement pour la
survie de toutes ces familles, ces 2000 gens dont les familles ont besoin de la
pêche pour survivre. Cependant, ce que nous disons, c'est que l'objectif,
la fin ne justifie pas tous les moyens que le gouvernement entend
déployer. Nous ne pouvons accepter comme valable la suspension des
droits mêmes que le gouvernement a institués pour protéger
cesdites compagnies.
Où s'arrêterait-on si, demain matin, on commençait
à sanctionner, dans le cas de Madelipêche, un cas soi-disant
exceptionnel, des choses qu'on ne tolérerait pas pour soi-même?
Est-ce qu'on dit que toutes les compagnies dont Madelipêche est un cas
typique, c'est-à-dire toutes les compagnies qui sont en
difficulté financière, ont, selon le point de vue du ministre et
du gouvernement, soi-disant pris des fonds et ne s'en sont pas servis à
des fins propres à elles-mêmes? Nous sommes prêts à
accepter qu'il y a peut-être eu quelque chose qui n'est pas tout à
fait correct là-dedans. Dans ces cas-là, on va décider de
suspendre de la
Loi sur les compagnies les protections, la présomption
d'innocence de ces compagnies.
Est-ce qu'une compagnie privée est différente,
philosophiquement et logiquement, d'une personne? Est-ce qu'on peut dire qu'une
personne a tous les droits de défense selon la loi? C'est pour cela
qu'on fait des chartes des droits et libertés de la personne, pour que
cette dernière puisse se défendre. C'est pour cela qu'on dit
qu'une personne est innocente jusqu'à ce qu'elle soit trouvée
coupable. Mais là, on dit d'une corporation, une personne morale telle
qu'une corporation, qui a les mêmes droits en loi qu'une personne: Si, du
jugement du gouvernement, elle a agi de telle façon que cela ne
plaît pas au gouvernement on va suspendre toutes ces protections
légales que nous avons nous-mêmes données aux compagnies.
À ce moment, c'est la loi de la jungle, parce qu'on ne peut pas dire
où commence et où finit cette protection. On ne peut pas dire
qu'un jour, si ce n'est pas le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation, ce sera un autre ministre qui va décider que telle
ou telle compagnie ne suit pas le genre de direction que le gouvernement
voudrait qu'elle suive par rapport à la gestion de son entreprise et de
ses finances. Pourquoi ne dirait-on pas, par exemple: Quebecair est une
société privée. Selon tous les aveux que nous avons
entendus en Chambre, cela ne marche pas trop bien? La gestion de cette
entreprise, à tort ou à raison, n'a pas été quelque
chose de tout à fait profitable pour les parties. À Quebecair,
cela va très mal. Le gouvernement a eu à lui verser 20 000 000 $
depuis novembre jusqu'à mars. En mars, seulement 8 000 000 $. Le fait
même que le gouvernement ait nommé un administrateur au conseil
d'administration de Quebecair veut dire que le gouvernement n'était pas
satisfait de la gestion de Quebecair.
Est-ce qu'on va dire, demain matin: Écoutez, Quebecair, cela ne
va pas, on n'aime pas la façon dont vous gérez votre entreprise
privée? On a mis des fonds dans cette compagnie. Alors, on va suspendre
votre conseil d'administration, on va vous prendre en tutelle. On va suspendre
toutes les conventions que vous avez faites déjà avec Air Canada,
avec les lignes aériennes étrangères, etc. On va suspendre
les conventions que vous avez faites ailleurs. On va prendre votre conseil
d'administration en tutelle et on va dire: La Loi sur les compagnies, cela ne
s'applique plus à vous. Cela ne vous protège plus. Vous pouvez me
dire: Non, Madelipêche c'est un cas d'exception. Ce n'est pas la
même chose que Quebecair. Pourquoi est-ce que le ministre des Transports
ne dirait pas que, selon lui, les mêmes principes qui s'appliquent
aujourd'hui, selon le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, à Madelipêche s'appliqueraient à
Quebecair et ailleurs?
L'autre jour, j'ai vu une liste de compagnies qui ont failli, des
compagnies auxquelles le gouvernement a versé déjà des
sommes très importantes. Il y avait une liste de neuf compagnies que le
ministre de l'Industrie et du Commerce a présentées au cours des
crédits. Pourquoi le même principe ne s'appliquerait-il pas
à ces compagnies? Pourquoi est-ce que le ministre de l'Industrie et du
Commerce ne dirait pas: J'ai prêté de fortes sommes à ces
compagnies, ces compagnies ont failli; pour nos raisons à nous, nous
décidons que ces compagnies ont eu tort, ont mal géré
leurs actifs, ont mal géré l'argent que le gouvernement leur
avait prêté? Là, nous allons dire: Vous ne faites pas bien
votre affaire, on va suspendre la Loi sur les compagnies dans votre cas. On va
prendre ces compagnies en tutelle. On va prendre votre conseil d'administration
en tutelle. On va suspendre toutes les conventions que vous avez signées
depuis 1977, 1978. Et ailleurs, vous dites: Cela ne peut pas arriver. C'est une
loi exceptionnelle. C'est cela que vous avez dit lorsque vous êtes
arrivés au pouvoir et que vous avez déclaré: Des lois
spéciales, jamais on n'en fera comme les libéraux en ont fait.
Mais depuis que vous êtes arrivés au pouvoir, vous avez faitdix lois spéciales. En 1982, vous en avez fait quatre pour forcer
les gens à retourner au travail. Qui nous dit que le ministre de
l'Agriculture lui-même ou un autre ministre n'aura pas la même
tentation, une fois que vous aurez créé ce
précédent très important? C'est là la question
fondamentale que nous vous posons. Nous disons: Si les objectifs sont tout
à fait acceptables d'un côté ou de l'autre, les moyens dont
vous vous servez sont tout à fait inacceptables.
Nous ne considérons pas valable la solution proposée par
le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Cela
aurait été facile pour nous, comme Opposition, de dire: Ce sera
bien accueilli par le milieu. On va accepter la proposition. On va voter pour
la loi 23, parce que les pêcheurs vont dire: Voilà! La pêche
va commencer. Vous êtes d'accord avec le gouvernement. Vous voyez la
chose d'une façon constructive. Cela aurait été bien
facile pour nous. Cela aurait été la solution aisée. Cela
aurait été la solution facile. Mais nous ne pouvons pas oublier
tous les aspects à long terme de cette politique. Si nous disons
aujourd'hui au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation: La loi 23, c'est d'accord, parce que nous cherchons le retour
au travail des pêcheurs et des travailleurs, nous disons en même
temps: On oublie toute la question à long terme que pose cette loi 23.
Nous ne pouvons pas accepter le principe de la chose.
(20 h 20)
Nous disons oui à l'ouverture de la pêche. Nous le disons
depuis le 8 mars, alors qu'on a questionné le ministre presque toutes
les semaines. On l'a questionné plusieurs fois. On lui a
suggéré des garanties bancaires temporaires. En fait, il nous
dit: Vous n'auriez pas pu instituer les garanties bancaires temporaires aux
coopératives locales, parce qu'elles n'existaient pas légalement
à ce moment-là. Existent-elles aujourd'hui? Pourtant, à
travers les garanties bancaires qu'a suggérées le ministre
fédéral, à tort ou à raison, les usines ont rouvert
à certains endroits. Il y avait des façons d'arriver à des
solutions de compromis que le ministre n'a pas acceptées. On dit oui
à l'ouverture de la pêche, mais on dit non aux moyens de le faire.
On dit non au coup de force du ministre. On dit non aux saisies en sourdine
qu'il a faites des bateaux et des actifs. On dit non à la tutelle des
conseils d'administration, que ce soit pour cette société
privée ou les sociétés privées de l'avenir qu'il va
peut-être mettre en tutelle, lui ou un autre ministre. On dit non
à la suspension des conventions légales, dûment
établies et acceptées par les parties en cause à ce
moment-là. On dit oui aux pêcheurs. On dit oui aux travailleurs.
On a souvent parlé pour eux. On n'est certainement pas contre
l'ouverture de la pêche, mais on dit non aux tactiques du ministre, on
dit non à la dictature du ministre, à sa vision des choses qui
est: Tout ce que je dis, c'est vrai; tout ce que les autres disent, c'est faux.
Il ne veut pas écouter les gens. Il me dit qu'il est à
l'écoute de tous les pêcheurs et de tous les travailleurs. Eh
bien, alors, les gens qu'on a écoutés, les gens qu'on a vus sont
sourds et aveugles parce qu'ils nous ont dit des choses tout à fait
différentes. Les gens nous disent: Le ministre fait à sa
façon, il n'écoute pas les gens, il n'est pas flexible, il ne
veut pas écouter les solutions qui ouvriraient le débat; il veut
seulement la solution qu'il a dictée. On dit non à son
entêtement, on dit non à sa rigidité dans ce dossier depuis
le départ.
Si le ministre pensait tellement qu'il y avait soudainement une grande
urgence, pourquoi n'a-t-il pas, jeudi, pris ses responsabilités?
Pourquoi n'a-t-il pas présenté une motion d'urgence? Je vais vous
dire pourquoi il n'a pas présenté une motion d'urgence, jeudi,
pour demander que notre refus de consentement pour la deuxième et la
troisième lecture soit mis de côté par une motion d'urgence
qui aurait été adoptée parce que vous avez une
prépondérance de vote. Je vais vous dire pourquoi il n'a pas
voulu présenter une motion d'urgence, jeudi. C'est que lui-même...
Si ce n'est pas lui, c'est certainement le ministre des Finances et
certainement le Conseil des ministres qui avaient certaines réserves
quant à ce projet
de loi. Ils espéraient qu'entre jeudi et aujourd'hui cette
question se règle par un compromis pour éviter cette loi
spéciale. Je suis certain que, dans vos rangs, parmi les ministres, il y
en a beaucoup qui se posent de sérieuses questions quant au
précédent que nous sommes en train de créer aujourd'hui.
C'est pourquoi le ministre, qui avait toute la latitude de le faire, n'a pas
présenté une motion d'urgence que votre grosse majorité
aurait certainement adoptée d'emblée et que nous, ici, n'aurions
pu arrêter.
Alors, vous n'avez pas présenté une motion d'urgence parce
que vous-même vous vous disiez: II y a quelque chose qui cloche
là-dedans; il y a quelque chose qui ne tourne par rond là-dedans;
il y a quelque chose là-dedans qu'il faut essayer d'éviter. Vous
espériez une solution de dernière minute, mais avec le ministre,
il n'y aura jamais une solution de dernière minute. Dès le point
de départ, depuis deux mois, deux mois et demi, il avait
déjà fixé sa politique. Autrement, il n'aurait pas saisi
les bateaux; autrement, le ministre du Revenu n'aurait pas saisi les actifs
terrestes; autrement, il n'aurait pas présenté sa stupide motion
d'urgence débattue ici en Chambre pendant des heures. Pendant tout ce
temps, les pêcheurs étaient sans travail, les travailleurs
étaient en chômage, les usines étaient fermées.
S'il avait été réellement conscient du fait que les
intervenants du milieu lui demandaient des solutions de compromis,
sûrement qu'il aurait téléphoné à quelqu'un,
il aurait fait quelque chose. Ce n'est pas la mer à boire. Il y a eu des
problèmes beaucoup plus graves auxquels le Québec a fait face
sans qu'on ait à appliquer des lois comme la loi 23. Je demande au
ministre si c'est la première fois que le Québec fait face
à une telle situation où on doit présenter une loi comme
la loi 23? C'est un précédent dans l'histoire du Québec.
Il y a sûrement eu des litiges beaucoup plus importants que celui-ci et
on n'a pas eu besoin d'une loi 23.
Ce qui arrive, c'est que le ministre manque de flexibilité, il
manque de doigté, il manque de finesse, il n'a pas le sens du compromis.
Il veut toujours faire à sa façon. Tout ce qu'il a fait, c'est
déblatérer contre Kirby, contre De Bané, contre le
fédéral, contre les poissons qui doivent rester
Québécois. Cela, c'est de la chimère. Nous disons au
ministre: Oublions les querelles fédérales-provinciales, oublions
les querelles stupides et stériles. Pour le moment, il y a une solution
simple. La solution s'impose par des liquidités bancaires, des fonds de
roulement. C'est à ça qu'il aurait dû penser depuis
longtemps; la solution aurait été là.
Le ministre nous dit: II faut faire confiance aux gens du milieu, il
faut faire confiance aux pêcheurs. Tout à l'heure, je lui faisais
comprendre que ce qu'il fait, c'est tout à fait le contraire de ce qu'il
nous dit parce qu'en mettant en tutelle un conseil d'administration le
gouvernement lui-même devient responsable du milieu. Les gens qu'il
placera à ce conseil d'administration seront des gens qui feront
exactement ce que le ministre veut qu'ils fassent.
Je vais citer quelques extraits des paroles du ministre qui est
tellement indépendant qu'il veut que les gens du milieu se prennent en
main. Le 30 mars 1983, il disait: "M. le Président, je demande au
député de Nelligan si, au nom de son parti, il souhaite que ce
soit le gouvernement qui dirige et administre lui-même les entreprises de
pêche. S'il veut que ce soit cela, cela peut être cela." Le
ministre m'a demandé si je voulais que le gouvernement prenne en main la
gestion des pêches. La question prévoit la réponse. C'est
sûr que le ministre lui-même disait non à cette question;
autrement, il ne me l'aurait pas posée. Moi aussi, je dis non à
la question et je vous dis ce qu'il fait. Il fait exactement ce qu'il
déplorait avant.
L'autre jour, durant l'étude des crédits du
ministère, le ministre me disait: On paralyse souvent le secteur
industriel quand les industriels ne veulent plus rien faire sans demander la
permission du gouvernement. De la même façon, dans le domaine
agricole, le gouvernement a aidé des gens à s'impliquer et, par
ailleurs, s'est retiré d'une foule de domaines dans lesquels ses
interventions étaient plus nuisibles que bénéfiques. Ah
oui!
De la même façon, dans le domaine agricole, le gouvernement
a aidé des gens à s'impliquer et, par ailleurs, s'est
retiré d'une foule de domaines dans lesquels ses interventions
étaient plus nuisibles que bénéfiques. Est-ce qu'il a
réfléchi à savoir si son intervention est
bénéfique aujourd'hui? Est-ce qu'il a réfléchi
aujourd'hui au fait que son intervention est directe dans un secteur qu'il ne
contrôlait pas du tout et qu'il vient contrôler maintenant par le
biais d'une sorte de détournement de toute la question de la Loi sur les
compagnies? Est-ce qu'il se demande aujourd'hui si c'est donner au milieu la
chance de se prendre en main que de dire à ce milieu: On vous prend en
charge? C'est cela la question. Le gouvernement nous dit: il faudra que les
bureaucrates ne dictent pas au milieu, mais si le gouvernement ne dicte pas aux
pêcheurs, je me demande qui dictera? Est-ce que le ministre de
l'Agriculture veut nous faire croire que lui, inflexible comme il est, avec ses
politiques tout à fait fixées dans le ciment, donnera toute la
flexibilité possible au nouveau conseil d'administration qu'il nommera?
Je suis prêt à parier qu'il nommera des gens qui feront tout ce
qu'il dira. C'est lui qui dirigera la boîte depuis son ministère.
S'il veut me faire croire que les trois nouveaux
membres du conseil d'administration seront indépendants de lui,
à ce moment-là, il nous chantera beaucoup la romance parce que ce
ne sera pas le cas.
Le 22 avril, il disait - je cherchais la référence tout
à l'heure en parlant, mais je ne l'avais pas sous la main - à
André Leclerc, du Journal de Québec: "La reprise des
activités que M. Garon prévoyait pour le début de mai - je
cite le ministre - se ferait sous une nouvelle administration en vertu des
plans d'acquisition de la société d'État." C'est cela que
le ministre avait en vue et qu'il envisageait depuis le début. Il
n'envisageait aucune solution, excepté la prise en charge du milieu par
SOQUIA, sa compagnie, celle qu'il contrôle complètement et
directement. C'est ce qu'il cherchait et c'est à cela qu'il est
arrivé.
L'autre jour, lors de nos discussions, le ministre disait: Vous n'avez
suggéré aucune solution où le milieu se prendrait en main.
Je voudrais lire les questions qu'on lui a posées le 10 mars, mettant de
côté qui a tort ou qui a raison dans la question de Pêcheurs
Unis. C'était notre approche fondamentale. On dit: On se fiche de savoir
qui a tort ou qui a raison entre le fédéral et le provincial dans
la question de Pêcheurs Unis. N'allons pas commencer des querelles, il
faut trouver des solutions. Oublions tout cela et essayons de trouver une
solution au problème. (20 h 30)
Je lui disais de donner des garanties bancaires intérimaires aux
coopératives locales afin que l'argent commence à circuler et que
la saison de la pêche s'ouvre à la date prévue, soit dans
un mois.
C'était clair, on demandait cela au ministre de l'Agriculture et
au premier ministre. Là, on me dit: Écoutez! comment pouviez-vous
suggérer cela, parce que les coopératives locales n'existaient
pas légalement à ce moment-là? Est-ce qu'elles existent
aujourd'hui? Est-ce qu'elles existaient hier lorsque le gouvernement
fédéral a produit des garanties bancaires de 3 000 000 $ et qu'il
a trouvé le moyen de faire ouvrir l'usine de Rivière-au-Renard,
l'usine de Rivière-au-Tonnerre et l'usine de Newport?
Il y a eu des façons de faire circuler l'argent par les banques
qui ont permis l'ouverture de la pêche. C'est cela que nous disions,
c'est cela que nous demandions alors au ministre. Si le ministre avait fait la
même chose que son opposant, M. De Bané, qu'il n'aime pas
beaucoup, a faite le 28 avril - et on ne prend pas position pour dire si M. De
Bané a raison ou tort - si le ministre lui-même avait
convoqué ce même genre de réunion avant le 28 avril, au
début de mars, il aurait très bien pu faire la même chose,
soit offrir des garanties bancaires du gouvernement du Québec. Ces
garanties bancaires auraient eu l'effet de débloquer des fonds de
roulement. Qu'est-ce que cela aurait donné? Cela aurait fait ouvrir
l'usine de Newport, cela aurait fait ouvrir l'usine de
Rivière-au-Renard, cela aurait fait ouvrir l'usine de
Rivière-au-Tonnerre, cela aurait fait ouvrir aussi les usines de
Madelipêche et cela aurait permis aux bateaux d'aller pêcher.
Vous allez me dire qu'il y avait une question de permis. Les permis,
légalement, étaient déjà à
Madelipêche. Si vous reprochez des actions à Pêcheurs Unis
du Québec, la société mère, vous ne les reprochez
pas directement à Madelipêche, vous n'avez pas affaire à
Madelipêche. Si vous voulez punir Pêcheurs Unis, ne punissez pas
Madelipêche qui est une filiale. Madelipêche elle-même, selon
vos propres dires, n'a rien fait de mal; c'est Pêcheurs Unis, la
société parente qui en a fait. Vous cherchez, par le biais de
cela, à punir la société parente en punissant en
même temps tout le milieu impliqué par Madelipêche.
Si le ministre avait produit des garanties bancaires, cela aurait
débloqué toute l'affaire dès le départ. Cela a
toujours été notre point de vue et nous le maintenons. Nous
continuons à le croire et nous sommes convaincus qu'il aurait fallu
insister là-dessus encore un peu plus, quoique ça n'aurait rien
changé à l'attitude du ministre qui était figée
depuis toujours.
Qu'est-ce qui arrive dans ce dossier? Le ministre nous dit que tout le
monde a tort: M. Kirby, qu'il cite tous les jours, chaque fois qu'il y a un
débat, le ministre De Bané, Pêcheurs Unis du Québec,
les administrateurs de Madelipêche. Tout le monde qui est contre lui a
tort. Tous les gens du milieu, tous les pêcheurs que nous avons
rencontrés nous disent: Le ministre est inflexible, il ne nous
écoute pas. Eux aussi ont tort. Les seuls qui ont raison sont ceux qui
sont d'accord avec le ministre.
M. le ministre, il faut penser à ceux qui sont impliqués,
il faut penser aux créanciers qui, eux aussi, avaient des droits. Il
faut penser à tous les intervenants parce que, eux aussi, avaient des
droits. Il faut penser surtout aux gens impliqués, aux gens du milieu
afin que les conséquences du geste du ministre aujourd'hui ne les
affectent pas à l'avenir. Nous disons donc au ministre: II n'est pas
encore trop tard pour suspendre la loi 23. Il n'est pas encore trop tard pour
essayer une solution de compromis. C'est ce que recherchent tous les gens, tous
les intervenants de ce milieu. Si le ministre, lui aussi, cherchait cela, il
aurait pu résoudre le problème.
Nous disons enfin au ministre: Malheureusement, M. le ministre, c'est
à vous à prendre vos responsabilités. Si vous voulez en
arriver à des solutions par des lois spéciales, des lois qui
suspendent la Loi sur
les compagnies, des lois qui suspendent les protections tout à
fait légitimes des compagnies privées, si vous voulez que ce soit
la solution, prenez-en la responsabilité vous-même, prenez ces
votes vous-même. Nous vous dirons: Prenez vos responsabilités.
Nous sommes pour l'ouverture de la pêche, nous sommes pour les
pêcheurs, nous sommes pour les travailleurs, nous l'avons dit plusieurs
fois, et nous ne pouvons accepter une solution qui constitue un
précédent dangereux, une solution, selon nous, tout à fait
inacceptable pour l'avenir.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la ministre de la
Fonction publique et députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme Denise LeBlanc-Bantey
Mme LeBlanc-Bantey: Merci, M. le Président. Je
répondrai tout de suite à une question du député de
Nelligan qui demande pourquoi le ministre n'a pas présenté ce
projet de loi il y a un mois plutôt que maintenant. D'abord, pour deux
raisons. La première raison est sa conviction de la mauvaise foi de
certains intervenants dans le dossier. Je pense en particulier, bien sûr,
à certains dirigeants de Pêcheurs Unis, à Montréal,
et, que le député de Nelligan veuille l'accepter ou non, mais
c'est quand même la réalité, à certains de ses amis
du gouvernement canadien. Deuxièmement, il y a le refus des travailleurs
des Îles-de-la-Madeleine et des pêcheurs de Madelipêche, la
semaine dernière, de retourner travailler sous l'administration actuelle
telle qu'elle existait, avec le contrôle majoritaire de Pêcheurs
Unis du Québec. C'est donc pourquoi, aujourd'hui, M. le
Président, je pense pouvoir affirmer que je parle au nom de la
très grande majorité des gens de mon comté lorsque je
remercie mon collègue, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation, d'avoir eu le courage de présenter ce projet de
loi.
Le titre du projet de loi respecte, bien sûr, les us et coutumes
juridiques et législatifs, mais il ne reflète que partiellement
la réalité. Il est vrai que ce projet de loi, une fois
adopté - j'espère que l'Opposition nous permettra de l'adopter ce
soir; c'est bien beau dire oui à l'ouverture de la pêche, oui aux
travailleurs, oui aux pêcheurs, on va voir, ce soir, s'ils nous
permettent de dire oui à l'ouverture de la pêche demain et dans
les prochains jours -permettra la reprise des activités, aux
Îles-de-la-Madeleine, de l'entreprise de Madelipêche qui, faut-il
le rappeler, est une de nos plus importantes industries. Il est vrai
également que cette reprise impliquera le retour au travail de 500
personnes et plus, des travailleurs d'usine et des pêcheurs hauturiers.
Il est vrai, enfin, que la mise en tutelle de Madelipêche constitue une
mesure tout à fait exceptionnelle par laquelle le gouvernement manifeste
sa volonté ferme de sauvegarder les intérêts du
Québec dans le secteur des pêches maritimes.
Quant à moi, j'attribue un sens plus large, à plus long
terme, si vous me permettez l'expression, au projet de loi no 23. Je parle des
implications socio-économiques pour les Madelinots et des
considérations - il faut bien en parler -d'ordre constitutionnel pour
les Québécois. Pour les gens des Îles-de-la-Madeleine, ce
projet de loi marque une étape décisive dans notre dur combat
pour réaliser une certaine autonomie dans le secteur des pêches
commerciales. En mettant Madelipêche en tutelle - je le dis comme je le
pense - le gouvernement lève, en effet, une tutelle sous laquelle nous
avons toujours vécu, aux Îles-de-la-Madeleine, depuis toujours.
Nous l'avons vécue, pour ceux que cela intéresse en face, de 1930
à 1976, sous la Gorton Pew, cette filiale de la General Mills qui
exploita le secteur et - il faut bien le dire - parfois ses pêcheurs et
ses travailleurs également.
Nous l'avons vécue aussi - je le dis -de 1977 à 1983, sous
la Fédération des pêcheurs unis du Québec. C'est un
constat triste, mais néanmoins réel. Lorsque ce gouvernement - je
le rappelle - a été élu en 1976, certains d'entre nous ont
espéré que cette entreprise pourrait passer aux mains de ceux et
celles pour lesquels elle représente le pain et le beurre quotidiens.
À ce moment-là - quelques-uns de mes collègues ainsi que
le chef de l'Opposition officielle s'en souviennent; ils s'en souviennent sans
doute, je l'espère - je me trouvais dans le camp de la minorité
non seulement aux Îles-de-la-Madeleine, je le dis, mais au sein des
députés ministériels. C'est un secret de polichinelle que
je différais d'opinion avec le ministre d'alors, M. Rodrigue Tremblay,
quant à la façon de régler ce dossier. Adjointe
parlementaire, j'ai fait de multiples représentations auprès de
lui pour qu'il donne raison aux Madelinots, mais sans succès.
Je ne crois trahir aucun secret en vous faisant part publiquement de ma
position prise en 1977. Je m'opposais à l'implication de Pêcheurs
Unis dans ce qui deviendrait plus tard l'entreprise Madelipêche. Ce n'est
pas le moment d'étaler au grand jour les raisons qui m'incitaient,
à l'époque, à m'opposer à cette solution. Disons
tout simplement que j'avais peu de confiance dans les structures
centralisées de la fédération, dans sa vision de la
coopération et dans ses méthodes de gestion. Je
préconisais, à l'époque, la création d'une
société mixte dans laquelle les pêcheurs, les travailleurs
d'usine et les gens d'affaires des Îles-de-la-Madeleine auraient
été les actionnaires majoritaires et le gouvernement, par
l'entremise d'une société d'État, l'actionnaire
minoritaire. Une telle solution aurait assuré la prise en main
par les Madelinots de ce qui fut alors et ce qui demeure encore l'industrie
clé de notre milieu. (20 h 40)
Par le projet de loi actuel, j'ai la conviction que le gouvernement pose
le premier jalon de la politique que j'avais proposée il y a six ans
avec l'appui des pêcheurs hauturiers, du syndicat des travailleurs et du
milieu des affaires des îles. Je l'affirme sans prétention, sans
fausse modestie non plus, tout simplement parce que j'estime sain que nous
possédions en tant que gouvernement le courage de corriger notre tir et
d'agir de façon décisive lorsque les circonstances l'exigent.
Voilà ce que je considère comme la marque d'un gouvernement
responsable, d'un gouvernement qui place l'intérêt public avant
toute autre considération et avant tout autre groupe
d'intérêt.
L'actuel projet de loi ne prétend pas dessiner pour
Madelipêche un avenir qui soit coulé dans le béton. Plus
modestement, il assure ce qui est fondamental, c'est-à-dire la reprise
de la pêche hauturière aux îles, en ouvrant la porte
à une restructuration globale de l'entreprise. Certes, cette
restructuration ne saurait se réaliser sans l'implication du milieu.
C'est pour cette raison que j'estime qu'en adoptant ce projet de loi nous
contribuerons - j'espère que les gens d'en face vont contribuer avec
nous - à l'émancipation économique des îles, avec
toutes les retombées que cela entraînera inévitablement sur
le plan social.
Que cette prise en main soit souhaitée par la majorité des
personnes impliquées, je n'en ai aucun doute. Hier soir - il est dommage
que le député de Nelligan n'y soit pas allé, je crois
qu'il aurait tenu un autre discours ce soir - quelque 600 personnes se sont
réunies aux îles, à Cap-aux-Meules, pour indiquer leur
appui massif à ce projet de loi. Voilà ce qui témoigne de
la volonté des Madelinots de participer activement à
l'orientation de cette entreprise, de leur volonté de ne plus être
assujettis à quelque dirigisme que ce soit de l'extérieur.
Cependant, il faut aussi l'admettre, l'importance de ce projet de loi
dépasse le territoire des Îles-de-la-Madeleine. En effet, je pense
que c'est tout l'avenir du secteur des pêches maritimes au Québec
qui sera influencé par l'adoption de la loi 23. Je n'ai pas non plus
l'intention de faire l'historique de l'évolution du dossier des
pêches maritimes au Québec. Je pense qu'il faut constater que les
gouvernements qui se sont succédé à Québec n'ont
pas, jusqu'à ces toutes dernières années, manifesté
une imagination débordante dans ce secteur. C'est comme si nous voulions
faire la preuve du mythe que nous étions, dans le milieu des
pêches maritimes, nés pour un petit pain.
Pendant que les provinces de l'Atlantique et même des pays
étrangers exploitaient les ressources de la mer, y compris celles du
golfe, nous nous contentions, d'une année à l'autre, de pratiquer
une pêche plutôt artisanale. Lorsque les compagnies
étrangères s'installèrent au Québec, les
gouvernements s'empressèrent de les accueillir non seulement à
bras ouverts, ce qui aurait été normal pour encourager
l'investissement, mais avec des subventions et une aide financière qui,
parfois, frisaient le scandale.
C'est dans le but, d'ailleurs, d'encourager une participation
québécoise accrue que le gouvernement précédent et
notre gouvernement ont engagé des fonds publics pour contribuer à
la mise sur pied de petites industries de transformation enracinées au
Québec et, bien sûr, à l'expansion du mouvement
coopératif des pêcheurs unis du Québec. Mais, comme dans
d'autres secteurs, nos gouvernements ont fait trop peu, trop tard. Les
provinces de l'Atlantique, avec l'aide du gouvernement central,
récoltèrent les fruits de notre insouciance. Après la
débâcle constitutionnelle de 1981, le gouvernement
fédéral s'est donné de tout coeur - il faut le dire,
même si c'est désagréable de se l'entendre dire -d'imposer
ses diktats au Québec ce qui, dans le secteur des pêches, nous a
valu la dénonciation unilatérale de l'entente de 1922 par
laquelle nous partageons avec Ottawa l'administration des pêcheries sur
notre territoire.
Au même moment, une conjoncture difficile dans ce secteur, comme
dans tant d'autres aussi, a incité le gouvernement fédéral
à s'immiscer davantage dans les industries de pêche de provinces
comme Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse, entre autres. Fort de ses
premiers succès et déterminé à prendre le
contrôle global des pêcheries sur la côte est du Canada,
Ottawa a mis sur pied - je sais que le nom déplaît au
député de Nelligan - une commission dirigée par le
célèbre M. Kirby, ce confident du premier ministre dont on a
beaucoup parlé, qui avait jusqu'alors si bien planifié le coup de
force constitutionnel contre le Québec.
Bien que cette commission n'ait rédigé qu'un rapport
préliminaire, au moment où je vous parle, ses orientations sont
déjà évidentes. M. Kirby veut la nationalisation des
grandes flottes de pêche de l'Atlantique. Il se pourrait qu'une telle
nationalisation fasse l'affaire des multinationales et de quelques institutions
financières des provinces de l'Atlantique, mais nous sommes convaincus
au Québec que l'emprise qui se dessine sonnerait le glas pour
l'industrie de la pêche sur notre territoire.
Dans l'esprit d'Ottawa, le Québec est marginal dans ce secteur
et, je pense, pas seulement dans l'esprit d'Ottawa, mais dans
l'esprit de beaucoup de gens dans cette Assemblée. En termes
canadiens, la nationalisation des pêches passe inévitablement,
à mon avis, par la disparition de cette industrie au Québec. Les
bureaucrates pensent efficacité et centralisation. Ils
s'intéressent peu au sort des milliers de pêcheurs et de
travailleurs pour lesquels la pêche et la transformation des produits de
la mer constituent leur seule et unique gagne-pain. M. Kirby se recycle comme
vice-président du Canadien National. Il pense sans doute que les
pêcheurs et les travailleurs québécois n'ont qu'à
suivre son exemple. Croyez-moi, je pense qu'il ne s'agit pas d'un procès
d'intention que je fais à M. Kirby. Nous l'avons rencontré - on
vous l'a dit - mon collègue de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation et moi-même. Je vous assure qu'il a, à mon avis,
à peine caché sa stratégie. Lorsque nous avons
demandé le transfert des permis des chalutiers de Madelipêche, il
n'a pas hésité à nous proférer des menaces - et
vous les avez entendues publiquement par les journalistes -à savoir que
ce n'était pas compliqué, si cela ne marchait pas, il pourrait
toujours nous envoyer les bateaux de la Nouvelle-Ecosse.
Le projet de loi no 23 vient donc, à mon avis, contrecarrer cette
vision centralisatrice. Qui plus est, le Québec réaffirme non
seulement sa volonté d'être présent dans la pêche
hauturière, mais fait en sorte que cette présence soit
étendue. La flotte de Madelipêche n'est qu'un chaînon auquel
il faudra en ajouter d'autres dans les années qui viennent et, sans trop
tarder, le Québec devrait prendre toute la place qui lui revient dans la
zone de 200 milles. On nous rappelle souvent que le Québec fait partie
du Canada. C'est un état de fait qui existe, que cela déplaise
aux Canadiens ou non pour le moment. Nous sommes obligés de vivre avec
les lacunes qu'impose notre membership actuel dans la fédération
canadienne. Il me semble qu'aussi longtemps que nous demeurerons dans ce
système, nous avons le droit d'insister sur une part équitable de
ses richesses marines. Je suis certaine que même certaines personnes qui
hochent de la tête de l'autre côté, tout
fédéralistes qu'elles soient, ne trouveront rien
d'exagéré dans mes propos.
Voilà donc les raisons principales qui m'incitent à
appuyer - avec la grande majorité des Madelinots, je le
répète - avec enthousiasme le projet de loi qui est devant nous.
J'estime que même si les circonstances qui nous obligent à
légiférer sont très malheureuses, nous avons l'occasion,
avec cette loi, de planifier un meilleur avenir pour nos travailleurs de la mer
et pour nos Québécois en général. En terminant, je
rappellerai à nos amis d'en face que si c'est vrai, s'ils sont
sincères dans leurs propos, si c'est vrai que c'est oui aux travailleurs
et oui aux pêcheurs, il faut adopter ce projet de loi ce soir, parce que
les bateaux sont prêts; les capitaines sont en train de réparer
les chaluts depuis ce matin et ils seront prêts aussi demain matin.
Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Daniel Johnson
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
Ce qui m'amène à intervenir assez brièvement sur ce projet
de loi, c'est qu'on semble confondre assez facilement les objectifs et les
moyens. Dans la mesure où on est en train de discuter du principe
même d'un projet de loi, c'est important de faire valoir quelles sont, de
toute origine, les objections qu'on peut justement faire valoir publiquement
quant à la façon dont le gouvernement veut atteindre des
objectifs qu'on partage tous. La question est de savoir comment les
pêcheurs des Îles-de-la-Madeleine vont pouvoir retourner au
travail, comment ce mode de vie traditionnel qui est le leur sera
accéléré, sera amélioré et sera
actualisé dans les heures qui suivent. La question est de savoir si
c'est par la mise en tutelle de Madelipêche ou si ce n'est pas
plutôt à la lumière des suggestions faites par mon
collègue de Nelligan à de nombreuses reprises; si ce n'est pas
plutôt par d'autres moyens qui préservent des principes
extrêmement importants qu'on ne peut pas arriver à actualiser le
désir des gens des Îles-de-la-Madeleine de travailler le plus
tôt possible à la pêche. (20 h 50)
Donc, il me semble que le gouvernement, en l'occurrence, a le fardeau de
la preuve, de nous démontrer que la mise en tutelle d'une
société privée, comme entend faire le ministre dans ce
projet de loi, c'est la seule façon, l'unique façon, la meilleure
façon d'en arriver à l'objectif qu'on souhaite tous. Il suffit de
regarder quels sont les éléments de précédent assez
nouveaux, même je dirais inédits, qui sont contenus dans le projet
de loi no 23. Il y en a au moins cinq qu'on peut relever très facilement
à la simple lecture:
Les pouvoirs du conseil d'administration d'une société
privée sont suspendus. C'est l'article 1 du projet de loi.
Deuxièmement, on nomme un conseil provisoire. C'est
évident que si on suspend les pouvoirs de quelqu'un, il faudra, si on
veut décider des choses, qu'on nomme des gens. Or, c'est le ministre qui
nommera un conseil d'administration d'une société privée
dans laquelle, étrangement, on retrouve
comme partenaire, presque à 50%, une société
d'État, la Société de développement industriel du
Québec. Dans ce sens, il me semble que c'est absolument exorbitant du
droit commun, du droit habituel que de mettre en tutelle une
société privée sous prétexte - cela en
"contusionnant", comme on dit, les objectifs et les moyens - que c'est la seule
façon de le faire et que toutes les autres suggestions qu'on a pu faire
valoir, que toutes sortes d'intervenants ont fait valoir ne sont pas les bonnes
solutions parce qu'elles ne correspondent pas au schème que le ministre
a à l'esprit depuis déjà pas mal de semaines.
Le troisième aspect. On voit que le gouvernement, dans ce projet
de loi s'est réservé ou s'est donné des pouvoirs. Il peut
garantir du paiement en capital et intérêts. Depuis quand a-t-on
besoin d'un projet de loi spécial? Il suffit de regarder dans la loi,
dans les programmes d'aides de toutes sortes qui existent. Pourquoi le
gouvernement a-t-il besoin, dans les circonstances, de se réserver, dans
ce projet de loi, le pouvoir de faire des avances, de garantir du paiement en
capital-intérêts, à avancer à la compagnie tout
montant jugé nécessaire? Ce sont des choses qui ont
déjà été faites sans projet de loi, ici à
l'Assemblée nationale.
Cela fait très rapidement cinq éléments, sans
compter la suspension d'une entente qui existait entre Pêcheurs Unis et
la SDI et un tas d'autres intervenants depuis plusieurs années. Il me
semble que c'est le genre de nouveautés qu'on introduit dans notre droit
des sociétés, dans la Loi sur les compagnies si on veut, qui fait
qu'on a perdu de vue l'objectif en voulant privilégier des moyens qui,
comme tels, n'amènent rien, à strictement parler, pour faire se
résorber le problème et les difficultés que connaît
Madelipêche.
Dans ce sens, on a réussi à confondre un peu, pour les
besoins de la discussion, le genre d'aide que l'État peut apporter
à des situations de crise comme celle qui est en train d'être
vécue là-bas.
Quel est le rôle véritable de l'État? Si on regarde
à l'égard de certains individus, les gens démunis, les
gens plus faibles, les gens qui ne sont pas protégés, il y a un
rôle que je dirais permanent de la part du gouvernement qui est de voir
à favoriser la liberté des gens, à soutenir leur vie tout
simplement, à leur donner des moyens d'être plus libres comme
citoyens. Mais quand on parle d'entreprises, il me semble que l'aide doit
être ponctuelle, conjoncturelle. Selon les circonstances, on devrait
introduire des programmes. Dans ce sens, il me semble qu'on a retenu trop
rapidement, trop facilement, avec des risques pour l'avenir, une solution qui
est, comme je le disais, exorbitante. II me semble que l'imagination qu'un
gouvernement peut faire valoir est mieux utilisée à
vérifier comment l'objectif qu'on partage tous peut être atteint
sans devenir extrêmement différent ou sans diverger
profondément et radicalement, je dirais, de la façon dont un
gouvernement doit régler les problèmes lorsqu'une entreprise
privée est en cause. Dans ce sens, il me semble qu'on a manifesté
souvent de l'imagination de l'autre côté. On confond objectif et
moyen. On se souvient que le ministre des Finances a justifié la taxe
sur l'essence par la réduction du nombre d'accidents. On se souvient
qu'il justifie la taxe de vente à 9% au lieu de 7% sous prétexte
que c'est formidable ici, étant donné qu'il y a certaines
exemptions, et en Ontario, à 7% au lieu de 9%, eh bien! les "hot dogs"
sont taxés. C'est faire preuve de beaucoup d'imagination, c'est entendu,
quand on veut justifier une intervention gouvernementale. Mais il me semble
qu'au lieu de passer beaucoup de temps ici à se demander comment une
société d'État pourrait participer au règlement
d'un problème, au lieu de passer beaucoup de temps ici à cogner
à tour de bras sur un rapport d'un comité de travail du
fédéral le rapport Kirby... Il n'y a pas si longtemps, il y a une
quinzaine de jours, on était ici en Chambre, en train de rejeter,
à la suggestion du gouvernement, les recommandations d'un rapport d'un
comité d'étude sur les pêches atlantiques. Il me semble que
toutes les heures qu'on a passées à faire cela auraient
été des heures extrêmement précieuses pour
l'imagination des gouvernants, s'il leur en reste pour autre chose que
justifier des gestes inconsidérés. Il me semble que ces heures
auraient été mieux passées à regarder si les
suggestions que mon collègue de Nelligan, entre autres, a faites depuis
des mois ne pouvaient pas être mises en marche.
De quoi parle-t-on? On parle de difficultés financières,
de fonds de roulement. On parle d'une disponibilité financière la
plus immédiate possible. On peut le faire par voie de subvention
conditionnelle. Si on veut absolument encadrer l'action du groupe
Pêcheurs Unis, Madelipêche, SDI, etc., aux
Îles-de-la-Madeleine, s'il y a des subventions ou des avances à
faire, ça se fait avec des conditions. Le plan Biron, on n'a pas eu de
loi là-dessus. Cela a démontré qu'un gouvernement peut
intervenir s'il met des conditions, et le programme existe par simple
décret d'une façon ou d'une autre. On ne met pas en péril
pour autant notre droit sur les sociétés et les compagnies et la
façon dont les gens ont décidé de faire affaires et de se
prendre en main.
Se prendre en main, quand on forme une société
privée, ce n'est pas exactement comme la tutelle; c'est exactement le
contraire. Si on veut valoriser la participation des gens des
Îles-de-la-
Madeleine à la solution des problèmes qui ont cours
là-bas, on ne réussira évidemment pas, à mon sens,
en recourant à une procédure qu'on peut voir lorsqu'il s'agit
d'un handicapé, d'un malade mental, des choses comme ça, la
curatelle ou la tutelle. Ce n'est pas ainsi qu'on va valoriser ces gens. Dire:
C'est le ministre qui va nommer trois personnes, c'est comme ça que
ça va marcher, à partir d'aujourd'hui, c'est comme ça que
ça marche, ce n'est pas valoriser 500 ou 600 personnes. Le ministre
disait tout à l'heure qu'ils souhaitent que la pêche reprenne. Ils
le souhaitent, mais ils veulent qu'elle reprenne comme résultat de leurs
propres efforts, selon les suggestions imaginatives qui ont eu cours
là-bas pendant que, de l'autre côté, au ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, entre autres, on se
demandait comment rédiger une motion qui ferait qu'on condamnerait le
fédéral puis le rapport Kirby, des choses comme ça,
à une époque, à un moment où le
téléphone ne dérougissait pas, à un moment
où les gens, là-bas, aux îles-de-la-Madeleine, se
demandaient qu'elle serait éventuellement la participation du
gouvernement au règlement de leurs problèmes.
Il me semble que des garanties bancaires, ce n'est pas si exorbitant que
ça, on en voit tous les jours, tous les ministères en font. Au
ministère de l'Éducation, au ministère des Affaires
sociales, au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, on passe son temps, à l'intérieur de
différents programmes, à garantir des emprunts bancaires que des
institutions d'un réseau ou de l'autre ou que des agriculteurs, en
l'occurrence, peuvent avoir contractés. Les emprunts qu'ils ont
contractés sont garantis par le gouvernement. Dans ce sens, il n'y a
rien de si extraordinaire là-dedans. On se donne même par projet
de loi, sous prétexte que c'est absolument nécessaire, le pouvoir
de faire des avances.
Je ne me souviens pas qu'ici, à l'Assemblée nationale, on
ait eu des projets de loi pour que le ministère des Transports ou le
ministère des Finances fasse des avances à Quebecair. Lorsqu'il y
a des problèmes de liquidité, de disponibilité de fonds
pour fonctionner, le gouvernement, s'il le désire, est parfaitement
libre d'y voir à l'intérieur de sa juridiction, de sa
discrétion, je dirais, dans ces cas, si c'est un problème de
nature financière. Si c'est un problème de nature beaucoup plus
structurelle, il faut avoir exercé son imagination depuis quand
même plusieurs semaines pour dire: Comment approche-t-on cette situation
pour modifier la qualité des rapports qui peuvent exister entre les
différentes personnes? On avait entre les mains, comme gouvernement - et
on aime se servir des sociétés d'État - une participation
substantielle à Madelipêche où 49% des actions sont
détenues par la SDI, la Société de développement
industriel.
Déjà, le gouvernement est présent dans le dossier.
Je ne vois pas en quoi on veut annuler cette participation ou la minimiser en
permettant au ministre de nommer trois tuteurs qui vont aller se promener et
prendre des décisions. Je comprends qu'il y a un imbroglio juridique,
etc., et on est encore loin d'avoir réglé le problème. Il
me semble que, malgré tout, il est important de savoir que la tutelle
est un moyen. Il faut faire attention de ne pas confondre les objectifs et les
moyens. L'objectif, c'est d'assurer le fonctionnement quotidien de
Madelipêche à partir de demain, à partir de ce soir si
c'est possible. Il me semble qu'on ne peut pas atteindre cet objectif en
passant notre temps à nous retourner rapidement et presque
instinctivement, comme le fait le gouvernement, vers les sociétés
d'État. Si ce n'est pas SOQUIA, c'est autre chose. Il me semble qu'on
est en train de mettre beaucoup de choses, beaucoup de responsabilités,
beaucoup d'occasions de faire des choses dans les mains du ministre ou dans les
mains du pouvoir exécutif. Dans ce sens-là, c'est un peu la
même chose que de passer son temps à adopter des motions de
dénonciation de ci et de rejet de ça. (21 heures)
Pendant ce temps-là, l'imagination dont on est capable de faire
preuve quand on s'enferme, qu'on se donne un délai et qu'on dit qu'on va
régler tel problème est utilisée à mauvais escient.
Il me semble qu'il est plus que temps qu'on réalise qu'on est en train
de créer, à petits pas, un ensemble de précédents
avec lesquels on sera obligé de vivre. Je suis sûr que le ministre
nous répondra: Ce n'est pas un précédent, on ne le fera
plus jamais. Oui, mais vous l'aurez fait une fois, vous aurez mis en tutelle
une société privée et ce sera dans les statuts du
Québec à tout jamais. Une fois que ce sera fait, ce sera fait.
C'est cela, un précédent; c'est là, dans les livres.
Dans ce sens-là, au niveau même du principe de
l'utilisation de ce moyen, ce n'est pas une loi, contrairement à ce que
cela pourrait dire ici. Ce projet vise à assurer la reprise des
activités de la compagnie Madelipêche, comme si c'était la
seule façon. C'est absolument exorbitant et, si le ministre insiste pour
que ce soit le moyen, donc que le principe même de la reprise des
activités de Madelipêche soit soumis à ce seul moyen
exclusif de faire revivre les choses, je n'ai d'autre choix, fondamentalement,
que de m'opposer, avec mes collègues, à l'inscription dans les
statuts du Québec d'un principe aussi faux et aussi exorbitant, quelles
que soient les circonstances.
Il me semble qu'en dernier appel le
ministre devrait considérer qu'il existe d'autres moyens. On en a
suggéré. Quelle est la nature du problème? Est-ce un
problème qui se règle par une tutelle ou un problème qui
se règle autrement? Le fardeau de la preuve repose sur le gouvernement
de nous dire que c'est la seule façon, que l'unique façon, c'est
de déroger au droit des compagnies, de déroger à la
liberté qu'ont des actionnaires ou des administrateurs de gérer
de la meilleure façon possible les activités dont ils ont le
contrôle. À défaut par le ministre de relever cette
obligation qu'il a de nous montrer que c'est la seule façon, ce projet
de loi, dans son principe, est inacceptable et l'objectif du retour des
pêcheurs à leur travail le plus tôt possible est toujours
intact. Il existe d'autres moyens, c'est au gouvernement à les trouver.
Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le chef de
l'Opposition et député de Bonaventure.
M. Gérard D. Levesque
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, nous sommes
à ce moment-ci, comme on le sait, au débat de deuxième
lecture du projet de loi no 23 qui s'intitule Loi assurant la reprise des
activités de Madelipêche Inc. Je m'arrête
immédiatement parce que, encore une fois, le gouvernement, par le titre
qu'il donne à son projet de loi, cache volontairement la
vérité. Il n'y a rien dans ce projet de loi qui assure la reprise
des activités de Madelipêche Inc., parce que le gouvernement du
Québec ne peut pas, par cette loi, nous assurer que les navires, les
bateaux de pêche auront les permis nécessaires pour être en
service car cela est de juridiction fédérale. Tant et aussi
longtemps qu'on ne m'assurera pas que les bateaux de pêche auront les
permis nécessaires on ne peut pas, dans un projet de loi comme celui-ci,
assurer la reprise des activités de Madelipêche Inc.
Deuxièmement, ce que ce projet de loi dit, substantiellement,
n'est pas que la pêche reprendra. Quand vous commencez à lire le
projet de loi, sauf pour le préambule - on a jugé
nécessaire, contrairement aux traditions de cette Chambre, d'y ajouter
un préambule... Le projet de loi lui-même est tellement
exceptionnel, tellement contraire à notre législation habituelle
qu'on a cru nécessaire de donner des explications en préambule.
Dès que vous lisez ce projet de loi, vous vous apercevez qu'il n'a pour
but et fonction que de mettre en tutelle une compagnie privée qui
s'appelle Madelipêche. Dans le préambule, on parle d'une
société mixte, mais le fait est que Madelipêche est
contrôlée par Pêcheurs Unis du Québec et, en
conséquence, est une compagnie privée. Ce que l'on fait par ce
projet de loi, c'est de dire: Nous n'aimons pas les administrateurs de
Madelipêche, ils ne pensent pas comme le gouvernement. Ce n'est pas la
première fois que le gouvernement agit de cette façon
vis-à-vis de ceux qui ne pensent pas comme lui.
Or, c'est exactement ce qu'on fait. On dit: II y a neuf administrateurs
de Madelipêche, on ne les aime pas, on n'aime pas leurs décisions.
Ce que nous allons faire par ce projet de loi, nous allons nommer trois
administrateurs nous-mêmes gouvernement du Québec, et ces trois
administrateurs seront nommés par le ministre. Seul le ministre peut -
et non pas les actionnaires - décider s'ils resteront ou ne resteront
pas en fonction. Pourquoi en nommer trois? Aussi bien nommer le ministre
lui-même, ce serait plus transparent. En fait, le but de ce projet de loi
est de donner Madelipêche en pâture au ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation. Le but de ce projet de loi est
d'avoir un "boss" qui va s'appeler M. Jean Garon. Même si je n'ai pas le
droit de nommer le ministre, il se reconnaîtra. La loi dit: II n'y aura
plus de conseil d'administration. Ce qui est assez intéressant, c'est
que, parmi les neuf administrateurs actuels, se trouvent quatre administrateurs
qui viennent d'être nommés par le gouvernement, par la
Société de développement industriel du Québec.
M. Picotte: II est encore plus hypocrite que je ne le
pensais.
M. Levesque (Bonaventure): II y a moins de dix jours, ce
gouvernement, par la Société de développement industriel,
un organisme du gouvernement du Québec, nommait quatre administrateurs.
Aujourd'hui, par cette loi, on les fait disparaître parce que le
ministre, j'imagine, n'aime pas les gens qui relèvent de son
collègue, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, il
décide de foutre ces gens à la porte. Maintenant, on aura trois
personnes nommées par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation.
Le projet de loi va plus loin que cela. Si, au moins, on respectait les
droits acquis. Non. On décide que des contrats passés entre deux
sociétés privées, même lorsqu'il y a eu un
intervenant qui s'appelait la Société de développement
industriel, n'existent plus. Je ne sais pas même si on ne dit pas qu'ils
n'ont jamais existé. Je me réfère à ce projet de
loi où on dit ceci: "Sont sans effet à compter du 19 mai 1983..."
Les contrats passés entre Pêcheurs Unis du Québec et
Madelipêche n'existent plus, c'est fini. C'est un contrôle complet
qui équivaut, de toute façon, à une nationalisation, sauf
qu'on dit: Les Pêcheurs Unis du Québec garderont leurs 51% des
parts, la Société de développement industriel en gardera
49%, mais le "boss"
sera le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation. (21 h 10)
Cela, c'est la loi que nous avons devant nous. Le titre, "Loi assurant
la reprise des activités de Madelipêche", ne veut rien dire. Vous
ne trouverez rien là-dedans qui assure la reprise, c'est simplement pour
assurer la prise en charge par le ministre d'une société qui
s'appelle Madelipêche. C'est seulement ça qu'on retrouve dans
cette loi et on nous demande de la voter. Maintenant, il ne faut pas oublier
une chose: pour nous, le sort des pêcheurs, le sort des travailleurs,
c'est ce qui nous a toujours préoccupés et qui nous
préoccupe ce soir, en particulier. D'ailleurs, mon collègue de
Nelligan qu'en passant je félicite de son exposé très
éloquent ainsi que mon collègue de Vaudreuil-Soulanges, ont
justement indiqué combien nous avons insisté, de ce
côté-ci de la Chambre - cela fait trois mois, au moment où
le gouvernement a été mis en garde contre ce qui allait arriver -
tout le mois de mars, tout le mois d'avril et tout le mois de mai. On a
demandé au premier ministre ce qu'il faisait dans ce dossier. On a
prévenu le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation que la pêche ne reprendrait pas s'il continuait son
incurie, son indifférence et ses chicanes
fédérales-provinciales. À quoi a-t-on eu droit? On a eu
droit à des réponses nous disant qu'on était dans les
patates, autrement dit, qu'on ne connaissait pas cela, qu'eux autres
s'occupaient des affaires, que le début de la pêche allait
reprendre normalement. Mais cela n'a pas repris.
Qu'est-ce qu'on nous a donné? On nous a donné en
pâture, le 5 mai, une motion du ministre. Comme le disait le
député de Vaudreuil-Soulanges, au lieu de s'occuper à
trouver des solutions, on nous présente une motion de la nature d'une
chicane fédérale-provinciale. Cela fait des heures et des heures
qu'on discute de cette motion, alors que le ministre aurait dû être
en train de régler cette affaire comme on doit la régler et non
pas par des mesures comme le projet de loi no 23.
Mais le projet de loi a été présenté jeudi
dernier. Mercredi, j'ai demandé au ministre: Mais qu'est-ce qui se
passe? Est-ce qu'on peut donner un coup de main? Est-ce qu'on peut faire
quelque chose? Il faut faire quelque chose. C'est fermé. Pas
d'inquiétude; il n'y a rien là. Mais le lendemain, un projet de
loi, pas seulement déposé avec le consentement de l'Opposition -
parce qu'il n'y avait même pas de loi - c'était un avis en
appendice au feuilleton. On a demandé notre consentement; on l'a
donné pour que la population intéressée puisse au moins
voir ce projet de loi. On nous a dit: Vous nous donnez la permission de le
déposer; vous l'adoptez en première lecture, mais on vous dit que
vous devriez l'adopter en deuxième et troisième lecture
immédiatement. Or, M. le Président, qu'est-ce que ces
gens-là ont fait?
Nous avons dit: II faut être responsables. Adopter un tel projet
de loi qui a tous les défauts d'une loi improvisée, adopté
à la suite d'un entêtement du ministre, qui touche des droits
auxquels on ne touche pas normalement, même dans une loi. C'est un projet
de loi qui essaie de contourner la Loi sur les compagnies. C'est un projet de
loi qui attaque l'entreprise privée. C'est un projet de loi qui attaque
les conseils d'administration. On dit au ministre qu'il serait beaucoup plus
prudent d'attendre la reprise des travaux au début de la semaine.
Qu'est-ce que le ministre a fait? Il s'en va à Matane. Il s'en va
à Radio-Canada, à Matane; il donne des interviews. Le lendemain
ou le surlendemain, il était rendu aux Îles-de-la-Madeleine
essayant de simuler une assemblée beaucoup plus politique que technique.
Qu'est-ce qu'il faisait pendant ce temps? Il disait: Vous savez, les
libéraux n'ont pas voulu donner leur permission pour adopter la
deuxième et la troisième lecture. Je l'ai entendu. Oui, je l'ai
entendu. Le ministre me dit non. Il a dit, à Radio-Canada: Les
libéraux, sous la direction de M. Gérard D. Levesque, n'ont pas
voulu donner leur consentement. Je l'ai entendu. Il ferait mieux de dire
oui.
Deuxièmement, M. le Président, après avoir dit
cela, il a oublié, cependant, de mentionner que si le gouvernement avait
réellement voulu adopter ce projet de loi, il avait, dans le
règlement, tout ce qu'il fallait pour le faire en deux heures. Cela
prend deux heures, faire une motion de suspension des règles. Le
gouvernement ne l'a pas fait. Le ministre ne l'a pas fait. Plusieurs
collègues du ministre n'osaient même pas penser le faire,
tellement ce projet de loi est une loi d'exception qui touche tellement de
gens, tous les intéressés, les travailleurs, les pêcheurs,
les créanciers, les institutions financières, la population
intéressée, le gouvernement fédéral et le public.
Vous allez adopter cela en trois lectures? Si vous vouliez le faire, vous
n'aviez qu'à le faire. Ne venez pas brailler que c'est le Parti
libéral qui vous a empêché de le faire. Nous vous avons
ramené à la raison. Je vous dis encore, ce soir, en
deuxième lecture, que nous n'avons pas l'intention de bousculer les
choses. Nous allons vous aider dans un sens, c'est-à-dire que nous
n'allons pas faire des discours d'obstruction concernant ce projet de loi,
parce que si vous voulez vous tromper, on va vous donner l'occasion de le
faire. Si vous voulez faire des erreurs comme celles qui sont contenues
là-dedans, vous le ferez, mais vous en porterez la
responsabilité.
M. le Président, qu'est-ce qui nous
assure la reprise des activités de Madelipêche? Est-ce que
le ministre - dans sa réplique, il pourra nous le dire - peut
répondre à ceci? Est-ce que, du moment que ce projet de loi sera
adopté, il peut m'assurer, ce soir, de la reprise des activités
de Madelipêche Inc.? Peut-il me répondre à cette seule
question? Le projet de loi no 23 dit ceci: Loi assurant la reprise des
activités de Madelipêche Inc. Est-ce que le ministre peut me dire
que ce projet de loi va assurer la reprise des activités? Peut-il
m'assurer que les bateaux vont partir en mer, et me dire à quelle date,
dans quel délai?
M. le Président, il y avait cependant des solutions de rechange
à celles utilisées par le ministre, mais son entêtement a
fait qu'il n'a pas voulu les utiliser. Entre autres, pourquoi n'a-t-il pas
accepté que SOQUIA, une société du gouvernement, de la
couronne, comme on dit, qui est sous l'emprise, sinon sous la dictée du
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, à
qui le ministre a vendu, dans la même journée où il les a
saisis, les bateaux... La même journée où le gouvernement a
saisi les six navires, il se retourne de bord et il les vend à SOQUIA.
Est-ce que SOQUIA ne pouvait pas louer les bateaux à Madelipêche,
qui aurait eu les permis immédiatement? Cela fait des semaines qu'on
aurait eu la reprise des activités de pêche. Mais le ministre a
dit non. Jamais!
M. le Président, qu'est-ce que le ministre a fait lorsqu'il a
saisi les bateaux? Des bateaux qui valaient au moins 8 000 000 $. Parce qu'il y
avait des montants dus au gouvernement de quelque 300 000 $, des
arrérages, et que la dette totale était de 1 000 000 $, il a
saisi des biens pour 8 000 000 $. Qu'est-ce qu'il a fait avec ces biens? Il
s'est tourné et il les a revendus à SOQUIA, une
société de la couronne, donnant à SOQUIA un enrichissement
sans cause au détriment de Madelipêche. On se plaint que
Madelipêche s'est fait organiser pour 2 600 000 $. D'accord, mais vous
autres vous l'avez organisée pour 6 000 000 $ au moins en faisant ce que
vous avez fait. Où sont les protections données à
Madelipêche là-dedans? Madelipêche a complètement
perdu ses bateaux. Des bateaux qui valaient au moins 8 000 000 $; il y en a qui
disent 10 000 000 $, il y en a qui disent 7 000 000 $, réglons pour 8
000 000 $. Cela valait 8 000 000 $. Pourquoi? Pour une dette de 1 000 000 $,
maximum. Avez-vous saisi cela? Vous dites: On l'a fait en vertu du droit
maritime. D'accord que sur le plan légal vous pouviez vous en tirer,
mais en le faisant en vertu du droit maritime, qu'est-ce que vous faites du
droit de Madelipêche?
Vous pleurez sur la situation de Madelipêche parce que
Pêcheurs Unis du Québec ne lui auraient pas remis l'argent qui lui
revenait. On pourrait examiner cela. On suggère même une
commission parlementaire. S'il y a des procédures, tous les tribunaux
sont là pour régler ces choses. Mais vous autres, vous avez
joué un curieux de rôle en saisissant les bateaux de
Madelipêche et en les vendant le même jour à SOQUIA pour
à peu près 1 000 000 $ alors que Madelipêche perdait ainsi
6 000 000 $ à 7 000 000 $. Qu'est-ce que vous avez à dire
là-dessus? Vous nous le direz en réplique, M. le
Président. Là, vous allez avoir les bateaux de Madelipêche.
Vous allez contrôler Madelipêche. Cela va devenir une compagnie du
gouvernement. Le ministre me dit non. Quand on contrôle à 100% une
compagnie, qu'est-ce qui arrive? Qui mène? Est-ce que c'est parce que le
ministre passe par trois autres personnes qu'il nomme et qu'il peut
révoquer à volonté que cela change la
vérité? C'est le ministre qui va avoir le contrôle de
Madelipêche. C'est le ministre que j'ai devant moi.
Il va exploiter une compagnie et les autres, à côté,
les concurrents, les indépendants, aux Îles-de-la-Madeleine, vont
avoir un beau concurrent: le gouvernement qui, à mesure qu'il y a des
problèmes, des difficultés, peut jeter de l'argent
continuellement. D'ailleurs, on a l'expérience de cela dans Quebecair,
pas besoin d'aller bien loin. La première journée, il n'y avait
rien là, quelques millions de plus. Voici qu'on est rendu à 30
000 000, 40 000 000 $ ou 50 000 000 $. (20 h 20)
M. le Président, on me permettra simplement de rappeler au
ministre, avant de terminer, qu'il y a ici un projet de loi extrêmement
dangereux dans les principes qu'il avance et dans ce qu'il fait même si,
encore une fois - j'insiste là-dessus l'objectif que nous poursuivons et
que Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine poursuit sans
doute - et je la comprends très bien -c'est de voir, d'une part, les
pêcheurs reprendre la mer et, d'autre part, les travailleurs reprendre le
travail dans les usines. C'est normal et c'est le but que nous poursuivons.
C'est pourquoi cela fait trois mois qu'on dit au ministre de se remuer et de
voir à régler ces problèmes. Il ne l'a pas fait. Il a
préféré attendre trois mois. Après avoir fait
perdre à ces gens-là des semaines de travail et de pêche,
il nous arrive avec ce bout de papier qui dit: Loi assurant la reprise, alors
qu'il ne peut pas me répondre que les activités vont reprendre
demain matin ou après demain.
À quel moment vont-elles reprendre? Le ministre peut-il me dire
si les informations que j'ai ce soir sont exactes et véridiques,
à savoir qu'un télex lui aurait été adressé
par le gouvernement fédéral lui disant que si ce projet de loi
était adopté il n'aurait pas les permis nécessaires
pour
fonctionner? Je veux savoir cela. Je veux que le ministre s'informe. Il
a le temps d'y aller pendant que je termine. Qu'il aille
téléphoner à son ministère pour savoir s'il est
exact que le ministre aurait reçu - il me semble que c'est assez
important, il doit y avoir des communications entre le gouvernement
fédéral et le gouvernement du Québec - un télex
à son bureau lui disant que si ce projet de loi était
adopté, ce serait impossible de s'entendre et qu'il n'y aurait pas de
permis d'émis par le gouvernement fédéral, mais que si le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
était prêt à négocier avec le gouvernement
fédéral l'affaire se réglerait immédiatement, sans
ce projet de loi.
Si cette information est exacte, je dis que nous n'avons pas le droit de
mettre en péril le sort des travailleurs d'usine, le sort des
pêcheurs pour contenter le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation. Je veux, avant de passer à une autre étape
du projet de loi, être rassuré, parce que ce n'est pas le titre de
ce projet de loi qui me rassure. Même si le projet de loi indique, gros
comme cela, Loi assurant la reprise des activités de Madelipêche
Inc., si j'en arrive à la conclusion, après la réponse du
ministre, qu'en adoptant ce projet de loi non seulement je n'assure pas la
reprise, mais que je consacre la non-reprise des activités, à ce
moment-là, je veux être au courant avant de me prononcer sur les
étapes à venir de ce projet de loi. C'est dans
l'intérêt des travailleurs d'usine et dans l'intérêt
des pêcheurs des Îles-de-la-Madeleine. Je suis convaincu que Mme la
députée, qui est la première intéressée dans
ce Parlement où nous sommes présentement réunis, voudra
elle aussi que ce soit une véritable reprise des activités de
Madelipêche et que ce ne soit pas simplement la consécration d'une
autre querelle fédérale-provinciale sur le dos des travailleurs
et des pêcheurs. Il va falloir éviter ces choses-là.
Encore une fois - et cela, après être revenus à la
charge pendant des semaines et des semaines - combien de fois le
député de Nelligan ne s'est-il pas levé dans cette Chambre
pour poser des questions au gouvernement, au premier ministre, au ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation? Combien de fois ne
nous sommes-nous pas levés dans cette Chambre pour poser des questions
pertinentes, mettant en garde le ministre contre des retards inouïs et des
chicanes stériles, rappelant au ministre ses responsabilités dans
le domaine des pêches et lui disant également que, s'il continuait
dans cette voie, la pêche ne reprendrait pas? C'est ce qui est
arrivé.
Je vois, M. le Président, que vous me faites signe que mon temps
est terminé, mais je demande au nom des travailleurs, au nom des
pêcheurs, au nom des créanciers, au nom de tous ceux qui sont
intéressés à cette question, au nom également d'une
loi qui doit être respectueuse des traditions dans cette Chambre, d'une
loi qui doit être respectueuse des droits de chacun, je demande au
ministre de nous renseigner, et je répète encore la question
essentielle: Est-ce que ce projet de loi, s'il est adopté ce soir ou
demain matin, permettra à lui seul la reprise des activités?
C'est cela le titre de la loi. Est-ce qu'il permettra, assurera -c'est ce qui
est marqué - la reprise des activités de Madelipêche Inc.?
Je veux le savoir et à quelle date? Combien d'heures après que la
loi aura été sanctionnée? Nous nous opposons à la
forme que cela prend, nous nous opposons à la forme de la loi, au genre.
D'ailleurs, le ministre était bien inquiet lui-même, il a dit que
c'était une loi exceptionnelle, il a émis bien des doutes
lui-même; d'autres de ses collègues m'ont même
exprimé des doutes également sur ce genre de loi nous ne pouvons
pas l'accepter comme telle, mais est-ce que l'objectif que nous poursuivons
ensemble sera atteint simplement par l'adoption de ce projet de loi?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, votre droit de
réplique.
M. Blank: Avant que le ministre ne fasse sa
réplique...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le député de Saint-Louis.
M. Blank: Je veux dire quelques mots sur ce projet de loi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur ce projet de loi?
M. Blank: Oui.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, M. le
député de Saint-Louis.
M. Harry Blank
M. Blank: Je suis un député qui représente
un comté de la ville. Je ne suis pas le député de
Nelligan, qui a le dossier des pêcheries; je ne suis pas le
député de Bonaventure, qui vient de la Gaspésie où
est le problème. Comme député de ville, comme
député dans cette Chambre, comme avocat de pratique, je trouve ce
bill aberrant, complètement à l'opposé de tout ce que j'ai
déjà appris dans ma vie. Je prends cette loi et je peux l'appeler
aussi une loi matraque. Quand on retourne des grévistes au travail, on
appelle cela une loi matraque. Ici, on prend une compagnie à ses
actionnaires et le gouvernement s'empare du contrôle, il prend
cette compagnie entre ses mains et il met de côté tous ses
actionnaires: je trouve que c'est une loi matraque. Je ne vois pas une grande
différence entre cette loi et la fameuse clause de la loi 111 où
on prive une section de la population de ses droits; ici, ce n'est pas
seulement de leurs droits qu'on les prive, mais de leurs biens. Cela va plus
loin que la loi 111. Dans la loi 111, on a pris les droits d'une certaine
section de la population. Ici, on prive de leurs droits et de leurs biens des
actionnaires d'une compagnie privée. Je me demande pourquoi, comme le
député de Bonaventure, le député de Johnson et le
député de Nelligan...
Une voix: De Vaudreuil-Soulanges.
M. Blank: ...député de Vaudreuil-Soulanges,
excusez-moi. L'autre nom est plus beau.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci.
M. Blank: Je me demande pourquoi le gouvernement avait besoin
d'une loi matraque, d'une loi anti-droits, violant tous les principes des
droits et des libertés civiles. Pourquoi? Il y avait toutes sortes
d'autres moyens d'en arriver au même objectif. L'objectif, comme on le
dit dans le texte du projet de loi, on veut que la pêche reprenne. Comme
le député de Bonaventure l'a dit, on n'est pas certain. Je trouve
toute cette opération curieuse. Je juge cela de l'extérieur. Je
ne suis pas impliqué dans les pêcheries. On procède par
étapes. Le gouvernement a saisi les bateaux et les biens de
Madelipêche pour une dette d'environ 350 000 $; ces biens d'environ 8 000
000 $, il les a transférés immédiatement à SOQUIA.
Or, SOQUIA est une compagnie d'État et le gouvernement a pensé
avoir le contrôle de ces bateaux de pêche et il a, en fait, le
contrôle de Madelipêche. Madelipêche ne peut pas exister sans
ses bateaux et ils sont dans une société d'État, encore
dans les mains du gouvernement. Je pense que cela était le but de toute
cette opération, que le gouvernement contrôle une partie de la
pêche aux Îles-de-la-Madeleine. C'est ce qu'il veut. Mais qu'est-ce
qui est arrivé? Ottawa a dit non à cette affaire. Il a
donné de bonnes raisons. Il y avait des problèmes à
Terre-Neuve, il y avait des problèmes en Nouvelle-Écosse, s'il
créait un précédent en transférant ces permis.
Alors, le gouvernement, qui voulait avoir ces bateaux entre ses mains, pour en
contrôler les opérations, aurait été frustré.
Trouvez un autre moyen; l'autre moyen, c'est une loi matraque, une loi
antiliberté, antidroits. À mon avis, c'est une solution qui
était décidée d'avance. Le gouvernement voulait
contrôler le secteur des pêcheries aux Îles-de-la-Madeleine
et en Gaspésie. Son objectif, c'est très facile, c'est son
idée depuis la création de ce parti politique qui est toujours la
même: contrôler sans utiliser l'entreprise privée. (21 h
30)
Cela, c'est leur façon de faire. Le gouvernement a
été frustré au début lorsque SOQUIA a loué
les bateaux et qu'on n'a pu renouveler les permis. Maintenant, après ce
que le député de Bonaventure a dit, c'est possible qu'il soit
frustré encore. Que fera-t-il maintenant? Est-ce qu'il va faire sortir
la Gendarmerie du Québec pour les prendre? Je ne sais pas. Il va aller
voir la garde côtière du Québec et il va entrer dans ce
jeu, je ne sais pas. On n'est pas certain que demain on verra la pêche
aux Îles-de-la-Madeleine. C'est pourquoi je voterai contre le projet de
loi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, votre droit de
réplique.
M. Jean Garon (réplique)
M. Garon: M. le Président, j'ai écouté les
discours des députés de l'Opposition avec un certain amusement
jusqu'à la dernière partie du discours du député de
Bonaventure. Dans son appel du pied au gouvernement fédéral de ne
pas émettre les permis, j'ai trouvé qu'il allait trop loin.
Une voix: ...
M. Garon: Le député de Bonaventure ne m'a pas
compris. J'ai dit: quand il a fait un appel du pied au gouvernement
fédéral pour lui dire de ne pas émettre les permis, j'ai
trouvé qu'il allait trop loin.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Je pense que j'ai mal compris. Je ne
sais pas si j'ai bien compris, mais je m'excuse auprès du ministre si
j'ai mal saisi. J'ai cru comprendre - un collègue m'a dit que c'est ce
que le ministre avait dit - que j'avais fait appel au gouvernement
fédéral pour qu'il n'émette pas les permis. C'est la plus
basse affirmation que j'aie entendue dans cette Chambre. Jamais je n'aurais pu
concevoir que l'on puisse avoir de tels propos, et je proteste avec toute mon
énergie contre une telle affirmation du ministre qui est contraire non
seulement aux faits, mais à toute ma vie de parlementaire voué
aux meilleurs intérêts du Québec et des
Québécois.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Garon: Je n'ai pas interrompu le député de
Bonaventure et j'espère qu'il aura la même gentillesse comme vieux
parlementaire. J'ai dit qu'il avait fait un appel du pied en suggérant
que j'aurais reçu un télégramme du gouvernement
fédéral, alors que je n'ai reçu aucun
télégramme. J'ai même vérifié, et je sais
à quel point le parti libéral fédéral est
connecté au bureau du chef de l'Opposition. Je sais que certaines
délégations sont venues dans son bureau avec M. Ouellet, dans le
cas des céréales; on a entendu parler de cela.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaîtl
Question de privilège, M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je n'aurais
aucune objection à recevoir des ministres fédéraux, qui
seraient toujours bienvenus s'ils voulaient me voir, mais aucun ministre
fédéral n'est venu dans mon bureau relativement à
l'affaire mentionnée par le ministre. De grâce, arrêtez
donc! Mentez, mentez, avez-vous dit, il en reste toujours quelque chose.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Celui qui a dit ça, c'est Voltaire, et il
était reconnu plutôt pour être libéral. Je vous dirai
ceci. Comme, en droit, on présume la bonne foi, j'ai
présumé, sans aucun avis contraire, que le gouvernement
fédéral émettrait des permis parce que c'est le
gouvernement fédéral lui-même qui a demandé qu'on
loue les bateaux, que SOQUIA loue les bateaux à Madelipêche. C'est
pourquoi, devant cette demande tellement forte du gouvernement
fédéral, nous avons dit: La solution de vendre les bateaux et les
actifs terrestres à SOQUIA, ça ne fait pas plaisir au
gouvernement fédéral, trouvons une formule - c'est ce que j'ai
dit à M. Kirby aussi - une troisième solution, que j'ai
annoncée dès le lendemain à la télévision,
une solution qui pourrait convenir aux deux gouvernements.
Nous nous sommes ingéniés à trouver une formule non
pas dans un esprit de confrontation, mais dans un esprit d'accompagnement qui
conviendrait aux deux gouvernements. Que les bateaux soient retournés
à Madelipêche mais, en même temps, que la manque de
confiance qu'il y avait dans le conseil d'administration de Madelipêche,
qui était dirigée par les
Pêcheurs Unis, puisse être différent. C'est cette
solution que nous avons trouvée en nous forçant. Nous avons
proposé ce projet de loi, qui n'est pas si exceptionnel que l'Opposition
veut bien le laisser entendre. Je reverrai tout à l'heure un projet de
loi identique qui était présenté par l'Opposition
libérale en décembre 1975 où, au lieu d'avoir trois
administrateurs, il y en avait un et où on changeait tout le
fonctionnement d'une compagnie privée, mais le parti de l'Opposition de
ce temps, qui s'appelait le Parti québécois, dans
l'intérêt public, avait voté pour le projet de loi. Je vous
dirai qu'il s'agissait du projet de loi no 105, Loi concernant la Compagnie de
gestion de Matane Inc., sanctionnée le 19 décembre 1975 et qui,
en plus... Le député de Bonaventure vieillit, je pense bien,
parce qu'il ne se rappelle pas les lois qu'il a adoptées. Puisqu'il
faisait partie du Conseil des ministres il a sans doute appuyé cette
résolution - à moins qu'il ne dormait - avec des attendus pour
expliquer à quel point cette loi était exceptionnelle puisque,
comme je l'ai dit, de façon régulière il n'y a pas
d'attendus. Je ne dis pas que le projet de loi no 23 que nous adoptons est une
loi routinière. C'est une loi qui comporte un caractère
d'exception, comme la loi 105 en comportait un. Parce qu'elle en comportait un
en 1975, il y avait des attendus, et parce que notre projet de loi no 23 en
comporte un aussi, il y a aussi des attendus, M. le Président.
Si vous voulez vous y référer, vous verrez que le ministre
peut, aux conditions qu'il détermine... Et vous verrez que la compagnie
doit fournir les services deux fois par semaine. Il dit même que le
service sera fourni à la compagnie privée. La compagnie ne peut
supprimer, réduire ou étendre son service sans l'autorisation
préalable du ministre.
Vous avez les dispositions spéciales qui ont été
votées par l'Assemblée nationale avec cette loi 105. Mais la
différence c'est ceci. Vous comprenez que le gouvernement de ce temps
s'autorisait à réquisitionner les services d'une compagnie
privée d'une façon autoritaire, mais le député de
ce temps, qui était critique du Parti québécois dans
l'Opposition, a dit: "De même que ce service nous apparaissait urgent et
nécessaire, nous nous rallierons à cette loi au nom de
l'intérêt public, au nom d'une population qui en a besoin."
C'est pourquoi je pense que pour les mêmes principes que
l'Opposition de ce temps avait voté pour une loi d'exception parce
qu'elle était nécessaire, de la même façon si
l'Opposition pense à l'intérêt public au lieu de penser
à ses intérêts partisans, elle pourra voter pour ce projet
de loi.
Le député de Bonaventure a dit que les bateaux valent 8
000 000 $ ou
10 000 000 $. Vous savez qu'à ce prix-là on pourrait
peut-être bien les vendre sans problème. Je peux vous dire que
quand on les a vendus en vertu du protocole d'entente le 20 décembre
1978, il y a près de cinq ans, on les avait vendus 2 116 532,45 $. Vous
voyez qu'on était loin des 8 000 000 $. Vous savez que depuis l'an
dernier on a utilisé seulement quatre bateaux sur six à
Madelipêche et que ceux-ci n'ont pas dû augmenter de valeur au
cours des années. Ils ont plutôt diminué de valeur et un
montant considérable de 375 000 $ n'avait pas été
payé au gouvernement l'an dernier.
Le député de Bonaventure pourra dire ce qu'il voudra,
pourra faire croire que le ministre fédéral a dit 10 000 000 $.
Je lui ai dit: À ce prix-là on pourrait peut-être bien
penser à vous les vendre si vous nous faites une telle offre. On
pourrait peut-être placer l'argent sur autre chose qui serait plus
productif.
Quand le député de Bonaventure dit qu'il s'agit de la
compagnie du ministre, il sait bien au fond qu'il fait du sparage, qu'il fait
des discours. Je le voyais commencer tranquillement et je me disais: II est
fatigué, la campagne à la chefferie doit le fatiguer, il n'est
pas en forme comme d'habitude. Dans les cinq dernières minutes on a vu
qu'il s'est mis sur le pilote automatique parce qu'il est parti au même
régime que d'habitude et il a dit: Allons-y aux prunes, ça va
poignerl Sauf que le monde n'est pas dupe.
(21 h 40)
Je me suis rendu à différentes reprises aux
Îles-de-la-Madeleine avec la députée des
Îles-de-la-Madeleine pour parler aux gens de leurs problèmes. Le
manque de confiance est aussi ressenti par la population des
Îles-de-la-Madeleine. La députée des
Îles-de-la-Madeleine pourra vous dire, par exemple, qu'il y a des
pêcheurs qui n'ont pas voulu aller pêcher pour Madelipêche,
telle qu'administrée, il y a quelques jours parce qu'ils ont
placé de l'argent dans la compagnie et ils n'ont pas revu leur argent.
Des fournisseurs ont refusé des services parce qu'ils n'ont pas
été payés. Des syndicats demandaient de suivre la solution
du Québec parce que les employés ont payé des cotisations
syndicales qu'on n'a pas retrouvées dans la caisse des syndicats. Il y a
aussi deux personnes qui sont décédées. Je ne sais pas si
c'est le député de Hull qui va payer les prestations
d'assurance-vie aux familles; les primes d'assurance n'ont pas
été payées. Elles avaient été payées
par les employés.
On peut trouver cela drôle, quand on n'est pas en cause. On peut
jouer à la vierge offensée, quand on n'est pas en cause. Quand il
s'agit de faire des lois spéciales sur les syndicats, il n'y a pas de
problème; quand il s'agit du transport en commun à
Montréal, pas de problème, mais quand il s'agit d'une population
rurale qui est entièrement dépendante d'une entreprise,
là, nos spécialistes du sépulcre blanchi... J'ai
même entendu le député de Vaudreuil-Soulanges, directement
venu de Power Corporation, nous dire: Le secret du voile corporatif, mes amis.
Écoutez donc, ma chère! Oui, ma chère!
II a dit ceci: De la même façon que lorsque
l'intérêt public est en cause pour le transport en commun, il faut
parfois des lois qui tiennent compte de l'intérêt public avant
toute chose, quand il n'y a pas d'autres moyens. Nous avons cherché
d'autres moyens et nous ne les avons pas trouvés. On a essayé
d'autres moyens pendant deux mois avec insuccès; les autres moyens n'ont
pas fonctionné. On se retrouve avec des poursuites d'entreprises qui
n'ont même pas de résolution du conseil d'administration parce
qu'on ne réunit pas le conseil d'administration, ça n'a pas
d'importance. On administre avec un ou deux bureaucrates qui ne se
préoccupent pas du conseil d'administration, qui décident
eux-mêmes, comme si c'était leur argent, leur entreprise, quand il
s'agit d'une coopérative ou d'une entreprise quasi coopérative.
C'est là le côté anormal.
Je suis étonné de voir le Parti libéral, qui n'a
plus de libéral que le nom, se prononcer contre une telle mesure. Il
faut être déconnecté de la population pour ne pas sentir
toutes les pressions qui viennent de la population des
Îles-de-la-Madeleine en faveur de ce projet de loi. Les gens des
Îles-de-la-Madeleine souhaitent l'adoption de ce projet de loi parce
qu'ils savent à quel point différentes solutions ont
été essayées au cours des dernières semaines, des
deux ou trois derniers mois. Ils savent à quel point nous avons fait
tout notre possible. Nous les avons tenus au courant, à chaque
étape, des différentes mesures qui ont été prises.
La députée des Îles-de-la-Madeleine est allée
régulièrement sur place pour les tenir au courant. Les gens des
Îles-de-la-Madeleine nous ont, hier, librement, fait une proposition
demandant à l'Assemblée nationale d'adopter cette loi le plus
rapidement possible. À l'assemblée publique où tout le
monde était invité, personne n'a manifesté
d'intérêt contraire.
On a aussi dit que je n'aimais pas les administrateurs. J'aimerais bien
des administrateurs qui administrent. Quand on sait que le conseil
d'administration ne s'est réuni que deux fois en 1982, est-ce qu'on peut
dire que c'est un conseil d'administration qui administre?
M. Rocheleau: Vous l'avez nommé vous-même.
M. Garon: Non. Nous n'avons pas
nommé le conseil d'administration nous-mêmes. Nous avons
demandé quatre administrateurs, mais ce n'est pas suffisant pour faire
une réunion du conseil d'administration. Le député de Hull
doit le savoir. S'il ne le sait pas, c'est grave. Au cours de l'année
1982, même après des représentations vigoureuses pour qu'il
y ait des réunions du conseil d'administration, elles n'ont pas eu lieu,
M. le Président, parce que la société Pêcheurs Unis
préférait qu'il n'y en ait pas et utilisait le contrat de gestion
pour administrer comme bon lui plaisait.
Le député de Bonaventure a demandé si on peut avoir
l'assurance qu'avec ce projet de loi les bateaux vont partir. Je le pense,
parce que la condition qui était posée par le gouvernement
fédéral sera remplie, c'est-à-dire qu'avec le nouveau
conseil d'administration provisoire, il sera possible de louer des bateaux
à Madelipêche, et Madelipêche se trouvera exactement dans la
situation que souhaitait le gouvernement fédéral, avec les
bateaux à Madelipêche, plutôt qu'à SOQUIA, par un
contrat de location qui pourra éventuellement être un contrat de
revente, si on veut, si les conditions normales sont
réalisées.
Nous sommes dans une situation particulière qui doit être
traitée d'une façon particulière, M. le Président.
C'est de cette façon que le dossier a été traité,
parce que tous ceux qui ont eu l'occasion, au cours des derniers mois, de
traiter le. dossier de Pêcheurs Unis se trouvent devant le même
problème. Même le ministre fédéral me disait, le 18
avril, devant plusieurs personnes: Je ne sais plus qui est en charge de
Pêcheurs Unis; pouvez-vous me dire qui dirige cette entreprise? Je ne le
sais plus. Nous avons les mêmes inquiétudes parce qu'il y a un
conseil d'administration qui, à toutes fins utiles, ne se réunit
plus ou rarement, et il y a deux fonctionnaires, le secrétaire de
Pêcheurs Unis et un autre qui travaille dans la comptabilité. Une
secrétaire travaille également à Pêcheurs Unis. On
me dit que la société a réengagé quelqu'un
récemment pour les aider.
Essentiellement, nous avons décidé qu'il y avait urgence
à trouver une solution immédiate. C'est évident que
plusieurs de ces questions vont se retrouver devant les tribunaux, mais on ne
peut pas, pour la question qui nous concerne, attendre un an, deux ans, trois
ans de litige devant les tribunaux pour qu'ils viennent régler la
question. Il est évident qu'il devrait y avoir des poursuites pour 2 700
000 $. Il est évident qu'il n'est pas normal que du poisson ait
été vendu par Madelipêche et que cette dernière ne
retrouve pas l'argent dans son compte de banque. Il est évident que des
poursuites devraient être intentées. Il est évident
également que, quand un conseil d'administration est dominé par
une entreprise et que cette dernière a gardé les 2 700 000 $, il
n'est pas trop agressif à prendre les mesures judiciaires qui s'imposent
pour se faire payer les 2 700 000 $. Sauf que certains disent que cela aurait
été fait par la banque et que la société
Pêcheurs Unis n'aurait pas eu le choix. C'est évident qu'une
question comme celle-là doit être tranchée par les
tribunaux. S'il ne peut pas y avoir d'entente à l'amiable, c'est
évident qu'il appartiendra aux tribunaux de trancher. Pour cela, il faut
d'abord qu'il y ait des poursuites d'engagées. Il faut aussi que la
saison de pêche commence. C'est devant ce dilemme à plusieurs
niveaux que nous avons pensé, avec raison, je suis convaincu, que la loi
23 était la meilleure solution. Des gens seront nommés
aussitôt que la loi aura été votée. Nous allons
trouver des gens qui vont administrer Madelipêche dans son meilleur
intérêt. Au cours d'une période transitoire, tout le monde
sait qu'au cours des prochaines semaines et des prochains mois, la question de
Pêcheurs Unis va être réglée, puisque Pêcheurs
Unis ne peut pas véritablement continuer ses activités, qu'elle a
été maintenue artificiellement en vie par une garantie
fédérale et, comme le disaient ses dirigeants de Newport, c'est
comme si on avait donné une piqûre de morphine à un
cadavre.
Temporairement, Pêcheurs Unis s'est maintenue, malgré la
volonté des gens. C'est pour cela qu'il est un peu anormal qu'on ait
utilisé la force alors que les choses étaient complètement
en train de se régler avec la transmission des actifs aux
coopératives régionales, que la discussion était
engagée au sujet de Madelipêche au début d'avril, alors que
tout cela est en train de se régler, qu'on ait décidé,
à ce moment, d'essayer de bloquer un document connu du
député de Nelligan. Si le député de Nelligan sait
lire, il l'a lu. Il sait que le gouvernement du Québec a marché
exactement dans ce que les gens ont voulu soutenir, des coopératives
régionales. Le seul domaine où nous avons agi, c'est que nous ne
pouvions pas dire qu'en ce qui concerne les 51% d'actions de Pêcheurs
Unis, il fallait oublier un compte de 2 700 000 $, alors que, dans
l'entreprise, Pêcheurs Unis avait mis 350 000 $ et qu'il y avait eu en
même temps une subvention de 200 000 $ du gouvernement. (21 h 50)
Au cours des dernières années, 2 200 000 $ ont
été payés pour garantir des déficits alors que,
cette année, alors qu'il y avait des bénéfices, le
gouvernement du Québec avait droit à ce déficit, à
ces avances qui avaient été faites sur des déficits d'au
moins 300 000 $, c'est-à-dire que le gouvernement du Québec avait
droit en cette année 1982 à 1 900 000 $ de retour sur le paiement
des déficits selon le protocole d'entente qui avait été
fait au
gouvernement du Québec.
C'est cela qui avait été fait. Essentiellement, il s'agit
d'une question interne aux Québécois. Quand on veut essayer de
faire, comprenez-vous, toutes sortes de questions au sujet des permis, je vais
vous dire une chose: au cours des dernières années, 64 permis ont
été effacés de la carte du Québec parce qu'on les a
laissés inactifs. Le Québec est la seule province, avec le
Nouveau-Brunswick, où le gouvernement fédéral a
laissé des permis de chalutage inopérants. La seule province
où il y a eu des permis de chalutage inopérants, c'est au
Québec. Il y a eu 64 de ces permis, la plupart aux
Îles-de-la-Madeleine, quelques-uns en Gaspésie. Quand est
arrivé le gel des permis, on a donc fait disparaître 64 permis du
Québec, alors qu'on n'avait gelé aucun permis en
Nouvelle-Écosse ni à Terre-Neuve. Si on veut parler
véritablement d'une question d'équité dans le domaine des
permis, on devrait demander immédiatement au gouvernement
fédéral d'ajouter 64 permis pour le Québec pour
rétablir la situation qui aurait dû précéder le gel
des permis, c'est-à-dire qu'on émette les permis au Québec
comme on les émettait aux autres provinces. Sauf que c'est facile, vous
savez, pour des fonctionnaires fédéraux qui, pour la plupart,
viennent de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse, de ne pas
émettre les permis. Malgré le gel, quinze permis additionnels ont
été émis à Terre-Neuve. En 1981, le ministre a fait
venir son fonctionnaire de Terre-Neuve pour lui demander si c'était
vrai. Le sous-ministre adjoint responsable du dossier a confirmé qu'il y
avait eu, malgré la directive du ministre, quinze permis additionnels
d'émis et depuis ce temps, en guise de récompense, il a eu une
promotion. Habituellement, quand on désobéit aux directives des
ministres, il n'y a pas de promotion, sauf quand il y a une certaine
complicité de la part du ministre. Quand on parle du taponnage dans les
permis, c'est cela qu'on a vécu au cours des dernières
années. Je souhaite qu'on règle cette question le plus rapidement
possible, mais en même temps, immédiatement aussi, il faudra
régler les autres questions concernant les permis. Puisque vous avez
soulevé ce point, j'ai voulu en dire un mot, M. le Président.
Je ne voudrais pas être plus long puisque mon droit de parole se
termine, mais je suis persuadé, avec tous les gens des
Îles-de-la-Madeleine qui ont voté unaniment, hier, une
résolution pour que l'Assemblée nationale adopte cette loi, que
tous ceux qui ont à coeur les intérêts du secteur des
pêches -même si je comprends que c'est un peu loin pour le
député de Hull - entendront la voix qui vient à travers
les vents des Îles-de-la-Madeleine et écouteront leur coeur...
Des voix: Oh!
M. Garon: ...en décidant de voter pour que la pêche
reprenne aux Îles-de-la-Madeleine et que l'usine de Madelipêche
commence à fonctionner immédiatement.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion de
deuxième lecture est-elle adoptée?
Des voix: Adopté. Une voix: Sur division.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté sur
division.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, si nous avions pu le faire -
mais je pense qu'à ce moment-ci, ce ne serait pas raisonnable -nous
aurions procédé à l'étude article par article de ce
projet de loi ici, en commission plénière...
Une voix: Consentement?
M. Bertrand: ...à condition - oui, évidemment -
qu'il y ait consentement pour qu'on le fasse et qu'on déborde un peu
au-delà de dix heures. Non? Dans ce contexte, M. le Président,
nous reprendrons nos travaux demain matin, à 10 heures, je l'annonce
immédiatement, par une commission plénière ici même,
à l'Assemblée nationale, pour étudier...
M. Levesque (Bonaventure): C'est-à-dire...
M. Bertrand: Je m'excuse.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): ...M. le Président, que nous
pourrions peut-être procéder immédiatement à nous
placer en "commission plénière si c'est pour être en
commission plénière. On pourrait le faire immédiatement
et, ensuite, être prêt demain matin, dès la première
heure, à commencer.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je suis tout à fait
disposé à fonctionner de cette façon. Donc, je fais motion
à ce moment-ci pour que vous quittiez votre fauteuil - en n'oubliant pas
que demain matin lorsque vous
reviendrez, M. le Président, vous devrez être assis au bout
de la petite table - et que nous puissions étudier le projet de loi no
23, article par article.
Une voix: ...demain.
M. Bertrand: Ahl c'est exact. À juste titre, le
président nous informe que de toute façon, il devra rouvrir les
travaux de l'Assemblée nationale demain à partir du trône,
mais la motion aura été faite et on peut considérer qu'on
procédera dès votre arrivée demain matin.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, je m'installe.
M. Bertrand: Vous avez cinq minutes.
Commission plénière
M. Rancourt (président de la commission
plénière): Nous sommes en commission plénière
sur le projet de loi no 23, Loi assurant la reprise des activités de
Madelipêche Inc.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, est-ce qu'on peut
considérer que le projet de loi est adopté? Non?
Une voix: Je pense que le ministre a une vérification
à faire.
M. Bertrand: Bon, très bien. M. le Président, je
fais motion pour que nous...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Bertrand: ...ajournions ce débat à demain matin,
10 heures.
Le Président (M. Rancourt): D'accord.
M. Bertrand: Je constate que Mme la députée des
Îles-de-la-Madeleine aurait bien aimé que le projet de loi soit
adopté dès ce soir en troisième lecture pour que la
pêche puisse reprendre demain, même cette nuit, aux
Îles-de-la-Madeleine. Mais cela, M. le Président...
Le Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement,
je retournerai au fauteuil. On me fera rapport que nous n'avons pas
terminé et nous pourrons reprendre là-dessus demain, à 10
heures.
M. Bertrand: Bon voyage, M. le Président:
M. LeMay (président de la commission plénière):
La commission n'a pas terminé ses travaux et demande de continuer
ses travaux demain matin.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Très bien. Tel que
prévu, nous savons maintenant que nous siégeons demain matin en
commission plénière. M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je fais motion pour que nous
ajournions nos travaux à demain matin, 10 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
d'ajournement est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, nos travaux sont
ajournés à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 58)