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(Dix heures douze minutes)
Le Président: À l'ordre, mesdames et messieurs!
Un moment de recueillement.
Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes.
Déclarations ministérielles.
M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
Entente-cadre au sujet
de la pêche au saumon
chez les Amérindiens
M. Lucien Lessard
M. Lessard: M. le Président, j'ai le plaisir d'informer
cette Assemblée que, suivant le mandat que m'a confié le Conseil
des ministres, je viens de conclure une entente-cadre avec le Conseil
Attikamek-Montagnais qui agit au nom des cinq bandes montagnaises sur la
Côte-Nord, au sujet de la pêche au saumon par ces
Amérindiens.
Cette entente-cadre ouvre la porte à la conclusion d'ententes
bilatérales entre mon ministère et chacune des cinq bandes pour
la pêche au saumon, pour fins d'alimentation par les membres de ces
bandes.
Une entente de même nature sera signée prochainement avec
la bande de Sept-Îles. Le gouvernement du Québec reconnaît
aux Indiens, résidant sur son territoire, l'exercice du droit de
pêche au saumon aux fins d'alimentation, là où la ressource
le permet, et signe avec les divers conseils de bande concernés des
ententes à cette fin.
Ces ententes établissent et assurent un équilibre entre la
récolte de cette espèce et son partage équitable entre les
différents utilisateurs. Ces ententes garantissent enfin la survie de
cette espèce dont les intéressés savent la très
grande fragilité.
Cependant, depuis 1975, et particulièrement depuis 1978,
certaines de ces ententes se sont avérées de plus en plus
aléatoires, puisqu'un nombre grandissant d'incidents sont venus remettre
en cause le sens même de ces ententes. Soulignons en particulier, M. le
Président, le barrage et l'occupation du pont Interprovincial entre le
Québec et le Nouveau-Brunswick par les bandes de Restigouche durant
plusieurs jours, à l'été 1980. Tandis que sur la
Côte-Nord, aucun désaccord sérieux n'est à entrevoir
pour la saison, la situation a malheureusement atteint un point critique
à Maria et à Restigouche dans la Baie des Chaleurs.
À la suite d'analyses de la situation étalées sur
plusieurs semaines, nous croyons donc avoir atteint un point critique car
l'intransigeance des positions de ces deux bandes de la Baie des Chaleurs n'a
jamais permis de véritables négociations avec le gouvernement du
Québec. De plus, M. le Président, pendant ces pourparlers, les
deux bandes n'ont cessé d'augmenter le nombre de filets tendus
illégalement dans les rivières Restigouche et
Grande-Cascapédia.
En conséquence, en vertu des responsabilités
ministérielles dont j'ai à m'acquitter, je n'ai, pour le moment,
aucun autre choix que de donner aux conseils de bande de Restigouche et de
Maria l'avertissement solennel de cesser toute pêche au filet et de
retirer tous les filets actuellement tendus dans les rivières
mentionnées avant minuit, ce soir, ce mercredi 10 juin 1981.
Cet avertissement solennel que je lance est contenu dans un
télégramme que j'ai déjà expédié aux
intéressés et que je dépose ici, M. le Président,
à l'Assemblée nationale, si on me le permet. À
l'expiration du délai, si la situation n'a pas été
corrigée, j'aurai atteint la limite des pouvoirs que la loi me
confère et je devrai en référer au ministre de la
Justice.
Le Président: Merci, M. le ministre. M. le leader de
l'Opposition.
M. Gérard-D. Levesque
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, nous venons
d'entendre une déclaration ministérielle qui, d'une part, nous
indique qu'il y a eu certaines ententes de conclues, particulièrement
sur la Côte-Nord, et qui, en même temps, constitue un constat
d'échec quant aux négociations qui ont pu avoir lieu entre le
gouvernement et deux groupes qui se situent dans le comté de
Bonaventure, que j'ai l'honneur de représenter ici à
l'Assemblée nationale. Il s'agit, évidemment, d'une question fort
délicate qui n'est pas d'aujourd'hui, mais qui a, depuis quelque temps,
pris des proportions relativement inquiétantes.
M. le Président, je crois qu'il est important de souligner,
à ce moment-ci, les droits historiques des Indiens. Nous l'avons
nous-mêmes reconnu d'une façon très concrète lorsque
nous avons négocié toute l'entente de la Baie-James. J'en
profite, encore une fois, aujourd'hui, pour rendre hommage à mon
collègue - vous me le permettrez - le député de Mont-Royal
qui a travaillé d'une façon très ferme, très
vigoureuse, d'une manière efficace pour en arriver à la
conclusion
d'une entente avec les Indiens de la Baie-James et également avec
les Inuits.
Je dois dire cependant - nous devons le constater - que les relations
entre le gouvernement actuel et les peuples autochtones semblent se
détériorer. D'ailleurs, les réactions que nous avons de
part et d'autre du Québec semblent confirmer cette constatation, mais
là n'est pas mon propos ce matin. Je voudrais m'en tenir à la
question soulevée par la déclaration ministérielle du
ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
Je comprends qu'il y a eu des négociations. J'aurais aimé
que le ministre explicite un peu plus afin que cette Chambre puisse voir
réellement si le ministre, son ministère et le gouvernement ont
épuisé tous les moyens de négociation. Je pense qu'il n'y
a qu'un paragraphe qui dit qu'il y a eu des négociations et qu'elles
aboutissent à un échec; j'aurais aimé voir quels sont les
efforts véritables que le gouvernement a pu faire pour que nous soyons
bien saisis du fait que le gouvernement, autrement dit, aurait fait tout ce qui
est humainement possible pour en arriver à une entente. (10 h 20)
Je pense que le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche ne
devrait pas être le seul qui soit réellement
préoccupé par cette question. Je ne pense pas que la question se
situe uniquement dans le domaine du saumon; je pense que la question des
relations avec le monde autochtone est une question beaucoup plus vaste. Il y a
peut-être d'autres raisons qui font qu'on est rendu à cette
situation, particulièrement à Restigouche et maintenant à
Maria. Je me demande, encore une fois, si le gouvernement devrait situer ce
problème à l'intérieur d'un problème plus vaste de
relations du gouvernement avec les aborigènes.
Je voudrais, à ce moment-ci, encore une fois rappeler
l'importance de l'industrie du saumon, que ce soit du côté de
l'alimentation, par exemple pour les Indiens, que ce soit du côté
des pêches commerciales ou des pêches sportives, de l'importance de
la ressource pour toute la région. Donc, évidemment, M. le
Président, je pense bien qu'il faut en arriver à une solution.
Autrement, on mettrait en péril cette ressource extrêmement
importante pour tout l'Est du Québec et l'ensemble du Québec.
Je voudrais cependant, M. le Président, avant de terminer, faire
un appel et au gouvernement et à mes concitoyens, les Indiens du
comté de Bonaventure, en particulier, pour qu'à la suite de cet
appel du ministre, on en arrive le plus tôt possible à un modus
vivendi, à une entente qui serait de nature à respecter les
droits de chacun. Il faut faire en sorte que le climat social, qui a
été perturbé à quelques reprises, depuis quelques
années, puisse demeurer aussi sain que possible. Je ne veux pas
être alarmiste, mais il s'agit ici d'une question explosive,
inquiétante. J'espère qu'on y mettra toute la bonne
volonté de part et d'autre, que les moyens employés tiendront
compte de l'importance de maintenir, encore une fois, un climat qui soit
respirable et qu'on évite toute violence de part et d'autre.
Prenant conscience des responsabilités qui sont les miennes ce
matin, je demande, encore une fois, au gouvernement et aux populations
autochtones du comté de Bonaventure, en particulier, qui sont
directement impliquées, de faire en sorte que nous puissions en arriver
à une entente et à une entente qui tienne compte, encore une
fois, des droits de chacun. M. le Président, je voudrais rappeler
l'importance - et cela, je pense bien que, de part et d'autre, on doit s'en
rendre compte - de la protection de cette ressource, de la conservation de
cette ressource, mais, en même temps, tenir compte des droits de chacun,
et ces droits, évidemment, pour les mettre de l'avant, doivent tenir
compte des droits de chacun. Je vous remercie infiniment, M. le
Président.
Le Président: Merci. M. le ministre. M. Lucien
Lessard
M. Lessard: Très brièvement, M. le
Président. Je voudrais d'abord remercier le député de
Bonaventure pour son excellente collaboration et le sens de ses
responsabilités. Je pense que le député de Bonaventure,
qui a eu justement à s'occuper de la pêche commerciale et de la
pêche au saumon, connaît très bien ce problème
délicat des relations entre les autochtones, l'ensemble des Blancs et le
gouvernement du Québec.
Concernant les négociations, M. le Président, il serait
certainement trop long d'énumérer l'ensemble des
négociations qui ont eu lieu depuis plusieurs semaines avec les deux
bandes concernées. Ce que je dois dire, cependant, c'est que nous avons
tenté l'impossible pour en arriver à une solution puisque - nos
négociations avec d'autres bandes l'ont démontré - nous
avons réussi à avoir des ententes avec les bandes
particulièrement celles de la rive nord. Les négociations en ce
qui concerne Restigouche se sont faites, d'abord, sur un quota
déterminé, soit d'augmenter le quota de 25 000 livres qu'il
était l'an dernier à 35 000 livres. Nous étions d'accord
pour augmenter ce quota à 35 000 livres.
Cependant, là où les négociations ont
achoppé, c'est lorsque nous avons voulu désigner un nombre de
jours définis, délimités, pour la pêche au saumon.
On comprendra qu'il est impossible de permettre pendant une période de
sept jours, 24 heures par jour, qu'il y ait un nombre illimité de
filets à l'embouchure d'une rivière, puisque cela
empêche le saumon, particulièrement le géniteur, de monter
la rivière, et cela risque de mettre en cause la reproduction. Tout cela
est dans l'intérêt même des autochtones, c'est-à-dire
d'assurer la pérennité de l'espèce et la reproduction. Or,
on sait que l'an dernier, même si on a négocié, nous
n'avons pas réussi à empêcher l'augmentation du nombre de
filets; même dans certaines rivières on pouvait calculer une
centaine de filets tendus sept jours par semaine, 24 heures par jour, ce qui a
certainement eu des conséquences sur la pêche au saumon. C'est sur
ce point que les négociations ont achoppé.
En terminant, M. le Président, soyez convaincu - j'assure le
leader de l'Opposition - que si, au cours de ce délai que nous avons
fixé, des négociations de bonne foi pouvaient s'ouvrir,
j'accepterai d'y participer.
Le Président: Merci.
Dépôt de documents.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
M. le leader du gouvernement.
Rapport sur le projet de loi no 255
M. Charron: M. le Président, j'aimerais communiquer
à l'Assemblée les notes du greffier en loi qui concernent le
projet de loi no 255 concernant la ville de Gatineau. Plus de six mois se sont
écoulés depuis la publication des avis; je dois donc, pour qu'on
puisse étudier ce projet de loi, solliciter le consentement et faire
motion pour que cette dérogation soit permise au dépôt du
projet de loi.
Le Président: Cette motion de dérogation
sera-t-elle adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté.
Le Président: Adopté.
M. Charron: Je voudrais donner tout de suite avis, pendant que
j'y suis, que lorsque ce projet de loi sera déposé tout à
l'heure, ainsi que les autres de même nature, c'est-à-dire les
projets de loi privés qui ont été
déférés à la commission des affaires municipales -
ils sont au nombre de quatre ou cinq, je crois - dès aujourd'hui, par
télégramme, les autorités municipales concernées
seront convoquées à une commission parlementaire à ce
sujet le mercredi 17 juin, vers 11 h 30.
Le Président: Merci.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
M. Charron: Je dois d'abord solliciter le consentement pour
déposer le projet de loi conernant la ville de Gatineau qui
apparaît en appendice au feuilleton aujourd'hui.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement unanime?
M. Levesque (Bonaventure): Consentement.
Le Président: Consentement.
M. Charron: Je vous prierais d'appeler ce projet de loi, M. le
Président.
Projet de loi no 255 Première lecture
Le Président: M. le député de Gatineau
propose la première lecture du projet de loi privé no 255, Loi
concernant la ville de Gatineau. Est-ce que cette motion de première
lecture sera adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté. Le Président:
Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Renvoi à la commission des affaires
municipales
M. Charron: M. le Président, je propose de
déférer ce projet de loi à la commission des affaires
municipales.
Le Président: Est-ce que cette motion de
déférence sera adoptée? Adopté. Questions orales
des députés. M. le chef de l'Opposition.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Les anomalies relevées par le
Vérificateur général
M. Ryan: M. le Président, le rapport du
Vérificateur général des comptes, qui a été
rendu public ces jours derniers, contient une abondance assez extraordinaire de
renseignements sur les méthodes administratives du gouvernement, sur la
qualité des conventions comptables qui président à
l'inscription des données dans les livres rendus publics à la fin
de l'année. Cela soulève évidemment une foule de
questions, il y en a pour des jours, et même des semaines, et pourtant le
Vérificateur
général dispose d'un mandat très limité
comparativement à celui qui est donné au vérificateur au
plan fédéral et dans d'autres provinces. Il vérifie
seulement l'exactitude des transactions, il n'est pas appelé à se
prononcer sur la qualité de la gestion. Cette fois-ci, c'a
été plus fort que lui, dans bien des départements ou
ministères, il a été obligé de laisser percer des
opinions sur la qualité de la gestion parce que le dossier était
trop évident.
Pour ce matin, je voudrais m'en tenir à un point qui me semble
assez fondamental et qui a été soulevé à maintes
reprises dans cette Chambre et sur lequel il est important que nous ayons tous
des précisions. Le ministre des Finances, dans un discours sur le budget
antérieur, nous avait déjà prévenus qu'un trou de
quelque 500 000 000 $ avait été trouvé un peu soudainement
au ministère de l'Éducation. Ce trou, comme on s'en souvient,
consistait en des paiements différés qui devaient être
versés aux commissions scolaires et qui n'avaient pas été
enregistrés dans les livres du gouvernement à la clôture de
l'exercice parce que le gouvernement n'était pas au courant des
obligations qu'il avait accumulées au cours des mois
précédents et parfois des années
précédentes. (10 h 30)
Cela a été discuté. On pensait que tout
était clarifié, mais le rapport du vérificateur nous
montre que le problème avait peut-être encore plus d'ampleur qu'on
ne nous l'avait révélé à l'époque et je
voudrais que le ministre des Finances, ce matin, nous donne des
précisions sur la situation comme elle lui apparaît actuellement
au point de vue des problèmes suivants qui sont soulevés par le
vérificateur.
D'abord, au déficit de 500 000 000 $ qui s'était
accumulé dans le secteur des commissions scolaires, il faut ajouter une
somme d'au moins 100 000 000 $ qui consiste en des paiements de même
nature qui devaient être versés à d'autres institutions
d'enseignement, ce qui fait que le trou dans le secteur de l'enseignement, au
lieu d'être de 500 000 000 $, était plutôt de 625 000 000 $
à la fin de l'exercice 1979-1980. Je pense que le ministre conviendra de
ça, c'est a la page 5 du rapport.
Maintenant, en plus, une politique était pratiquée par le
gouvernement et cette politique consistait à obliger les institutions
hospitalières à accumuler des déficits au plan de leur
budget de fonctionnement sans que ces déficits soient inscrits dans les
états financiers du gouvernement du Québec. À la fin de
l'exercice 1979-1980, il y en avait pour 101 000 000 $; 101 000 000 $ de
déficits de nos institutions hospitalières, en particulier, qui
n'étaient comptabilisés nulle part, comme nous le dit le
vérificateur: À cet égard, aucun passif n'avait
été inscrit aux états financiers du ministère
des
Affaires sociales en date du 31 mars 1980. De plus, il y avait des
comptes payables pour une valeur de 106 000 000 $.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Une voix: 1 000 000 000 $, c'est un trou!
M. Ryan: En plus, au chapitre des régimes de retraite
à propos desquels nous croyions, après avoir entendu le ministre
se vanter à maintes reprises des actions prises par le gouvernement dans
ce secteur, que la situation avait été réglée, on
s'aperçoit que la situation était extrêmement critique au
moment où ce rapport a été rédigé en ce qui
touche le régime de retraite des employés du gouvernement et des
organismes publics, le RREGOP. Il y avait même les frais
d'intérêts qui n'étaient pas couverts.
Le montant mentionné au rapport ne couvrait pas 174 000 000 $
d'intérêts non comptabilisés au 31 mars 1980 et ne couvrait
pas non plus un passif établi à 480 000 000 $ au 31
décembre 1978 et qui s'est accru depuis.
Quant aux autres régimes de retraite, on sait que les
entrées aux livres étaient bien inférieures...
Des voix: Question.
Le Président: Question, s'il vous plaît.
M. Ryan: Très bien. Je comprends que le gouvernement n'a
pas d'intérêt à ce qu'on joue trop avec ces chiffres, je le
comprends très bien.
Des voix: Question.
M. Ryan: Si on veut me permettre de formuler la question, je vais
l'adresser au ministre des Finances.
Des voix: Ah, ah!
M. Ryan: Ce qui nous intéresse, c'est de savoir où
nous en sommes aujourd'hui. Est-ce que le ministre des Finances peut nous
donner une idée précise, à propos de chacun des principaux
montants qui ont été mentionnés, de la situation où
nous en sommes aujourd'hui?
En lisant le rapport du Vérificateur général, nous
constatons qu'il y avait à peu près 1 000 000 000 $ de
dépenses qui auraient dû être imputées à
l'exercice terminé le 31 mars 1980 et qui ne l'ont pas
été. Est-ce qu'on doit s'attendre à la même chose
pour l'exercice qui s'est terminé le 31 mars dernier? Quelles sont les
perspectives de ce côté?
Le Président: M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, le nombre de questions, en
fait, de points soulevés par le chef de l'Opposition est suffisant, je
pense, pour qu'on me donne quelques minutes pour y répondre, comment
dire, aussi longuement, parce que effectivement, il y a une formidable
ambiguïté qui est en train d'apparaître au sujet du rapport
du Vérificateur général entretenue, je pense, par un
premier article de journal, il y a deux jours, reprise ce matin par un autre
quotidien et que je soulève essentiellement pour la raison suivante: le
chef de l'Opposition utilise justement des termes qui ne paraissent pas du tout
dans le rapport du Vérificateur général, mais qui
paraissent dans ces articles.
Est-ce qu'effectivement, il y aurait un trou, puisqu'il parlait de trou,
supérieur aux 500 000 000 $ de l'Éducation? Bien non, pas du
tout. Il ne s'agit pas du tout de la même chose. Quand on a
constaté - et le chef de l'Opposition en faisait état - qu'il y
avait effectivement des dépenses des commissions scolaires qui avaient
donné lieu à des emprunts bancaires, je l'ai
révélé immédiatement à l'occasion d'un
discours sur le budget et j'ai annoncé les mesures correctrices que nous
allions prendre. Ce dont le Vérificateur général parle
maintenant n'a rien du tout à voir avec cela.
Je vais essayer de le montrer à la lumière de certaines
des choses que vient de dire le chef de l'Opposition et qui, en un certain
sens, représentent exactement le genre de confusion qu'on voit
paraître dans les journaux à l'heure actuelle. Prenons, par
exemple, ce que le chef de l'Opposition disait, c'est-à-dire que des
dépenses, soi-disant à la suite du rapport du Vérificateur
général, ne seraient pas inscrites aux états financiers du
gouvernement. Je pense que je cite le chef de l'Opposition à peu
près au texte. Ce n'est pas cela que dit le Vérificateur
général. Ce que le Vérificateur général dit
et que le chef de l'Opposition ne semble pas tout à fait saisir - je ne
le blâme pas parce qu'à la suite de l'avalanche d'articles de
journaux, on comprend très bien qu'on passe de l'un à l'autre; il
n'a jamais dit cela - c'est qu'un certain nombre de dépenses ne sont pas
inscrites aux livres des ministères, mais elles le sont aux états
financiers du gouvernement, avec une note aux états financiers du
gouvernement qui indique spécifiquement à chaque programme les
montants de comptes à payer.
Pour les références, voudriez-vous regarder les comptes
publics à la page 19 et la nomenclature des comptes à payer
à la page 5-93. Qu'on ne vienne pas dire que ce sont des dépenses
cachées ou non inscrites. Ce que le Vérificateur
général dit, c'est que ces comptes à payer devraient
être inscrits dans les livres des ministères et non pas seulement
sur les états consolidés du gouvernement avec des notes
explicatives au bilan. C'est-à-dire que ce dont le Vérificateur
général parle, c'est de pratiques comptables. Voici ce que dit
essentiellement le Vérificateur général: Nous pensons que
les pratiques comptables du gouvernement devraient être modifiées
pour que ces comptes à payer soient inscrits aux livres des
ministères. C'est tout à fait autre chose. Cela peut se
discuter.
M. Ryan: Question de privilège, M. le
Président.
Une voix: Voilà.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: Le ministre me reproche d'avoir mal lu ou mal compris le
rapport du Vérificateur général. Je veux dire que je crois
l'avoir lu comme il faut...
Le Président: M. le chef de l'Opposition, je pense
qu'à ce stade-ci, vous pourriez procéder à une question
additionnelle.
M. Ryan: Mais le ministre est en train de compléter. Je le
ferai à la question additionnelle, si vous me le permettez.
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, quand le chef de
l'Opposition officielle disait tout à l'heure qu'il semblerait
qu'au-delà des engagements des commissions scolaires pour les
années antérieures, c'est-à-dire le trou de 500 000 000 $,
enfin 486 700 000 $, il y aurait une centaine de millions de dollars à
inscrire auprès d'autres institutions d'enseignement. D'où
tire-t-il cela? Il tire cela du rapport du Vérificateur
général et il pourrait le tirer, s'il le désirait, de la
page 5-93 des comptes publics du gouvernement du Québec. Cela
apparaît aux deux endroits. Donc, le gouvernement ne les cache pas. Ce
que le Vérificateur général dit, c'est: Passez-le à
la page 5-93, si vous voulez, mais, d'autre part, il faudrait que vous
inscriviez cela aux livres de chaque ministère. Je ne disconviens pas
qu'on puisse avoir une discussion très intéressante
là-dessus, mais ne charrions pas. Ne commençons pas à dire
que le gouvernement cache quoi que ce soit. Disons simplement que, sur le plan
des conventions comptables, le Vérificateur général nous
fait une série de recommandations en disant: Effectivement, vous
devriez, pour chacun des ministères, mieux révéler la
situation, individuellement,
ministère par ministère, plutôt que de passer cela
en annexe aux états financiers. Bon, je veux bien. (10 h 40)
La deuxième question concerne les fonds de retraite. Je
répète ici brièvement que quand nous sommes arrivés
au pouvoir, rien n'était fait à l'égard de deux grands
fonds de retraite du gouvernement, c'est-à-dire le fonds de retraite des
enseignants et celui des fonctionnaires. Au contraire, pour le RREGOP, le
précédent gouvernement s'était fort bien conduit, mais il
avait laissé deux trous béants sur les deux plus gros
déficits actuariels que nous ayons, c'est-à-dire le fonds de
retraite des enseignants et le fonds de retraite des fonctionnaires. J'ai
commencé, à partir de 1978, avec les moyens dont on disposait,
à pallier ce trou -parce que, là, parlons de trou justement -que
nous avait laissé l'ancien gouvernement, un déficit actuariel
qui, déjà, à ce moment-là, atteignait 6 000 000 000
$ et pour lequel aucune somme n'avait jamais été vraiment mise de
côté pour pallier ce trou, pour le réduire et, au moins, le
plafonner. À partir de 1978, et avec les moyens dont nous disposions -
cela, le Vérificateur le reconnaît, d'ailleurs - nous avons
commencé à rectifier la situation. Ce que le Vérificateur
nous dit aujourd'hui, c'est que nous ne l'avons pas rectifié
complètement. Oui, en effet, M. le Président. Je ne pense pas, en
trois ans, avoir réussi à rectifier complètement des
dizaines d'années d'incurie précédente. Merci.
Le Président: M. le chef de l'Opposition
M. Ryan: Tout d'abord, le ministre des Finances a laissé
entendre tantôt que j'aurais mal lu ou mal compris le rapport du
Vérificateur général. Je vais le citer pour que ce soit
bien clair pour tout le monde. À la page 5, il dit en toutes lettres:
"Au 31 mars 1980, les dépenses de transferts non imputées aux
dépenses du gouvernement pour des frais de fonctionnement encourus avant
le 1er avril 1980 s'établissaient à environ 762 000 000 $, soit
625 000 000 $ pour le secteur des commissions scolaires et des institutions
d'enseignement et 101 000 000 $..."
Plus loin, à la page 27, il nous dit en toutes lettres, au sujet
de ce fameux montant de 486 000 000 $: "Ce passif n'est pas inscrit aux livres
du ministère à cette date". C'est clair, aux livres du
ministère.
Des voix: Ministère!
M. Ryan: Oui, c'est ça. Mais, à la page 5, il dit
que ce n'est pas inscrit dans les comptes du gouvernement. Il le dit
clairement, c'est ce qui est dit à la page 5.
Ce que je voudrais surtout savoir, c'est où nous en sommes
à la fin du dernier exercice, les perspectives que nous devons
envisager.
Le Président: M. le ministre des Finances,
brièvement, s'il vous plaît.
M. Parizeau: Brièvement, M. le Président, je vais
essayer. On me cite la page 5 et la page 26. D'abord, éliminons la page
26 car c'est clair, dans la page 26, que c'est l'inscription dans les comptes
du ministère. Je reviens à ce que je disais tout à l'heure
et je ne veux pas reprendre cela.
À la page 5, il ne s'agit pas de cela, il s'agit des
dépenses de transferts. C'est-à-dire que nous payons à
chacun des organismes des subventions, des transferts chaque année. Ces
transferts se font selon des formules qui varient d'une institution à
l'autre, mais prenons les commissions scolaires. Nous payons 15% des
dépenses d'il y a deux ans, 15% des dépenses d'il y a un an, 70%
des dépenses de l'année courante. Dans d'autres cas, c'est
10%-90%. Donc, au cours de chacune des années, quand nous votons les
crédits en Chambre, nous votons les montants nécessaires pour
assurer une partie des dépenses antérieures et une majeure partie
des dépenses de l'année courante avec une partie, donc, des
dépenses de transferts qui s'appliquent l'année suivante. C'est
ce qu'il veut dire, le Vérificateur. Bien oui, c'est ça,
effectivement.
C'est une pratique comptable que nous suivons. Nous l'avons fait varier
dans le temps, d'un gouvernement à l'autre; cela fait très
longtemps que le gouvernement de Québec fonctionne de cette
façon. Le Vérificateur dit: II faudrait peut-être
réviser cette façon de penser les choses. C'est un débat
que nous pouvons avoir, c'est une discussion intéressante, mais encore
une fois nous ne cachons rien. La formule 70-15-15 pour les commissions
scolaires est connue de tout le monde, elle est publique. Je pense que dans les
cégeps, sauf erreur, c'est 90-10; 10% de l'année
antérieure et 90% de l'année courante. Tout le monde est au
courant qu'il y a des conventions comme celle-là. Cela donne comme
résultat, cependant, que dans une année donnée, il y a des
transferts qui auront lieu l'année suivante. Il en fait état et
il n'y a pas à s'en étonner outre mesure.
Quant aux perspectives, la deuxième partie de la question, les
perspectives n'ont pas à être modifiées sur la base des
états financiers du gouvernement dans la mesure où ils sont
complets. Quand on inscrit dans le passif du gouvernement un certain nombre de
comptes à payer et qu'on en donne la nomenclature, qu'on ne dit pas
quelles sont les perspectives, c'est ça. C'est parfaitement
véridique. Il y a, à l'heure actuelle, des comptes à
recevoir du gouvernement et des comptes à payer. Dans les comptes
à payer,
cela correspond à ce qui est inscrit aux livres. Y en aura-t-il
plus que ça en 1979-1980? Non, il n'y en aura pas plus que ça
pour 1979-1980, les livres sont fermés. Il n'y a pas de perspectives sur
le passé. Sur 1980-1981, ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire, je
pense, je crois que c'était le chef de l'Opposition officielle qui
posait cette question, non, excusez-moi, je pense que c'était le
député de Notre-Dame-de-Grâce qui posait une question quant
à savoir quand paraîtrait la dernière révision des
comptes pour 1980-1981, je lui ai indiqué que le contrôleur des
finances était au travail et que j'aurais à indiquer à un
moment donné quand la dernière synthèse de l'année
passerait pour donner un certain nombre d'indications à ce sujet.
L'état des travaux est le suivant: les livres sont fermés
partout, le contrôleur des finances est en train de faire une
vérification qénérale comme il le fait chaque
année, et, normalement, d'ici à quelques semaines, la
synthèse paraîtra. La première impression que nous avons,
à l'heure actuelle, c'est que la situation réelle est à
peu près celle que j'avais annoncée dans le discours sur le
budqet, et peut-être, mais cela, je ne le garantis pas, j'ai eu
l'occasion de le dire en commission parlementaire, un peu meilleure.
Le Président: Question principale, M. le
député de Nelligan.
Le projet Stablex à Blainville
M. Lincoln: Je voudrais poser une question au ministre de
l'Environnement sur le projet de l'usine pour contrôler les mauvaises
odeurs, le projet Stablex. Aujourd'hui, on va parler un petit peu des faveurs.
L'autre jour, j'avais dit que j'avais demandé au ministre s'il ne
pensait pas qu'il y avait un conflit d'intérêts très
malsain dans le fait que celui qui a proposé la motion au conseil
municipal pour installer l'usine à Blainville, M. Claude Vallée,
était à la fois conseiller municipal, gros contractuel du
ministère, ami du ministre, organisateur politique du Parti
québécois, etc. M. le ministre, n'est-il pas vrai que, le 26
juillet 1979, M. Claude Vallée, sous l'égide de la
société de consultants Claude Vallée et associés
Inc., aurait obtenu un contrat sans soumissions de 61 050 $...
M. Léger: Sans soumissions!
M. Lincoln: ...puis, dans l'espace de seulement six mois et plus,
peut-être sept mois, février 1980, un autre contrat sans
soumissions, celui-là pas pour 100 000 $, remarquez, comme Steinberg et
Eaton, 99 909,37 $. Car 100 000 $, ce n'est pas trop joli. Deux contrats, dans
l'espace de quelques mois seulement, au total de 160 959,37 $, sans
soumissions.
Une voix: Cela ne se peut pas!
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Léger: M. le Président, j'aimerais
vérifier les affirmations du député.
Nécessairement, il donne des dates, des chiffres. On va aller voir
ça, parce que c'est bien important de replacer les choses dans leur
contexte et, M. le Président, je remercie le député de me
permettre de répondre à des parties de questions, ce que je n'ai
pas pu faire hier, dans le même dossier. J'aimerais déposer ici
une lettre du conseil municipal de Blainville, où il y a des paragraphes
qui expliquent exactement le style de relations que M. Claude Vallée a
pu avoir avec le conseil municipal et je citerai un passage ici, où le
maire de la municipalité dit: "Je me dois de témoigner que, dans
son rôle de conseiller municipal, M. Vallée a toujours
poussé jusqu'au scrupule le souci de ne tirer aucun avantage personnel
de son mandat. Par ailleurs, sa compétence professionnelle...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! Vous pouvez continuer, M. le
ministre.
Une voix: Un autre "lazy boy"... (10 h 50)
M. Léger: "Par ailleurs, sa compétence
professionnelle et son souci passionné du bien public font de lui un
membre éminent de notre conseil de ville. Puis-je exprimer le voeu que
la passion politique en Chambre n'ait pas pour effet de nuire à la
réputation de cet homme intègre et compétent?"
Deuxièmement, M. le Président, pour dégonfler un
peu plus la balloune du député de Nelligan, je dois ajouter que,
dans cette lettre que je dépose, on fait mention de la fameuse
pétition sur laquelle repose toute la plaidoirie du député
de Nelligan, qui dit être pour le principe du projet Stablex, mais ne pas
être pour le site, que la pétition - et le maire l'explique dans
sa lettre - a toujours été accompagnée d'un
dépliant qui faussait complètement le débat et manipulait
l'opinion publique, puisque, tout le long, on disait aux citoyens: "Ensemble,
il faut empêcher la venue du dépotoir." On ne parlait pas d'une
usine de traitement et de transformation de déchets, on parlait d'un
dépotoir. Toutes les pages parlaient continuellement d'un
dépotoir: "Non, au dépotoir. Le dépotoir doit être
éloigné, etc." C'est de la fausse représentation et c'est
avec cela qu'on est allé chercher une pétition.
M. le Président, si le député de Nelligan ne veut
sortir que des ragots, ne
veut pas trouver de fondement à ses affirmations, je dois dire
qu'il commence mal sa carrière...
Des voix: Oh!
M. Léger: ...et sa crédibilité comme
défenseur de l'environnement va être en cause. J'aimerais, M. le
Président, déposer...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
Une voix: II est mieux de la commencer ainsi que de la finir
comme...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre.
M. Léger: M. le Président, je dois même dire
qu'on a essayé de pousser la peur des citoyens, la panique,
jusqu'à mentionner l'exemple de Love Canal, du dépotoir
d'Elizabeth Town, de Mississauga, Ontario, pour créer un climat de peur.
C'est entendu; moi-même, après avoir lu cela, j'aurais
signé! Je vais déposer ce document, M. le Président. Je
vais déposer aussi le rapport qui a servi de base - c'est le rapport
final, global de l'ensemble du ministère de l'Environnement qui a permis
au Conseil des ministres de prendre sa décision - et je vais
déposer le rapport du bureau d'audiences publiques en mentionnant au
député de Nelligan de bien lire les mesures 542, 542.4, 545, 547,
552, 561, 555, 564 et 565 qui démontreront que le Conseil des ministres
a posé onze conditions à l'obtention du permis qui correspondent
aux demandes du bureau d'audiences publiques.
Je voudrais terminer en disant que M. Claude Vallée n'a jamais
touché, à l'intérieur du ministère, au dossier de
Stablex. Il est au service d'assainissement des eaux comme contractuel. Il
n'est pas au service qui s'occupe des déchets toxiques. Il n'a jamais
participé au processus de décision et je ne l'ai jamais
consulté pour ce projet. Je dépose ces documents, M. le
Président, et j'invite même le député - qui ne
remarque peut-être pas que c'est une décision très
importante, l'installation d'une usine de traitement des déchets
toxiques pour l'ensemble du Québec, en tenant compte des
particularités de la région - puisque je ne puis pas
déposer les 42 rapports, je l'invite, sous le sceau de la
confidentialité, pour prouver jusqu'à quel point il est
responsable, à venir voir les 42 dossiers que j'ai à mon bureau;
à ce moment-là, s'il juge que ce n'était pas la bonne
décision, il pourra le dire, mais je lui demande la
confidentialité. C'est impensable qu'on puisse mettre des professionnels
dans un ministère pour combattre un autre professionnel et qu'ils aient
chacun des opinions différentes; à ce moment-là, la
carrière des professionnels d'un ministère serait de courte
durée. Il faut que le député démontre plus de
responsabilité, sinon, je pourrais dire qu'il pensait se promener en
"Lincoln", mais qu'il s'est fait charrier sur un camion de vidanges par des
gens qui ont des intérêts à Blainville.
Des voix: Bravo!
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Nelligan.
Une voix: Question confidentielle.
M. Lincoln: Je remercie le ministre pour sa courte
réponse, sa courte non-réponse à ma question. Comme
d'habitude, il a évité la réponse pour faire un discours
sur le projet Stablex.
Est-ce que le ministre peut nous dire, après nous avoir fourni la
réponse quant aux deux contrats sans soumissions obtenus par M.
Vallée pour la somme de 160 000 $, s'il est vrai qu'il a eu des
discussions au sujet de Stablex avant la proposition de M. Vallée au
conseil municipal le 8 septembre 1980?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Léger: M. le Président, c'est entendu
qu'à l'intérieur de mon ministère, la plupart des
personnes qui y travaillent se parlent entre elles. Est-ce que je peux dire si,
le 8 septembre, j'ai parlé à M. Vallée? Je ne le sais pas.
Le député passe son temps à dire que je ne réponds
pas à sa question. Comme je l'ai dit tantôt, je vais
vérifier ses allégations et j'apporterai une réponse. Tout
ce que je peux vous dire, c'est que le Conseil du trésor a
déjà autorisé un contrat de deux ans, le 1er avril 1980,
dans le but d'engager un professionnel contractuel. Si c'est là-dessus
qu'il se base, je vais vérifier, j'apporterai les réponses
à cet égard, et tout sera clair. J'espère que le
député va recouvrer sa crédibilité, parce qu'il est
en train de la perdre.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: Je vous ai demandé bien clairement, M. le
ministre, s'il est vrai que vous avez discuté du projet Stablex avec M.
Vallée avant le 8 septembre 1980, date à laquelle il a fait sa
proposition au conseil municipal. C'est là ma question.
Des voix: Répondez.
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Léger: M. le Président, je ne sais
pas quelles sont les dates où j'en ai parlé, j'en ai
parlé avec beaucoup de gens, il se peut que j'en aie parlé avec
le député. Que voulez-vous que je vous réponde? Est-ce que
je lui en ai parlé à cette date? Je ne le sais pas.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Groulx.
M. Fallu: M. le Président, il semble évident qu'on
est en train de passer à côté de l'objet essentiel,
c'est-à-dire la création d'une première entreprise
industrielle de dépollution, une installation industrielle basée
sur onze exigences très techniques et qui, de plus, sera l'usine la plus
propre du Québec.
Tout à l'heure, le député de Nelligan a
laissé entendre - ma question s'adresse au ministre - sous la forme
d'une mauvaise blague peut-être, qu'il s'aqissait d'une usine de mauvaise
odeur, laissant donc ainsi croire à la population qu'il s'agissait d'un
dépotoir.
Le Président: Question, s'il vous plaît.
M. Fallu: M. le Président, le ministre peut-il nous dire
s'il s'agit d'un dépotoir ou d'une usine propre, de bonne odeur?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Léger: M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre.
M. Léger: M. le Président, le besoin du
Québec d'avoir une usine de traitement des déchets industriels
qui sont actuellement stockés dans la plupart des 5000 usines du
Québec est un besoin essentiel. Il s'agit d'une usine de
dépollution qui devra d'abord respecter les normes de l'environnement,
puisque le ministère de l'Environnement sera aussi propriétaire
du terrain. C'est donc un besoin essentiel.
C'est un dossier qui demande une décision courageuse de la part
du gouvernement parce que c'est sûr que tous les citoyens sont d'accord;
comme le député l'a dit très gentiment, il est d'accord
sur le principe de l'usine Stablex, sauf sur le choix de l'emplacement. C'est
entendu que jamais tous les citoyens, à 100%, seront d'accord sur le
choix de l'emplacement. C'est pourquoi il y aura toujours des opposants. Mais
cette usine va respecter toutes les normes de l'environnement et elle
correspond au besoin exprimé par les citoyens qui sont venus aux
audiences publiques. C'est un atout, un avantage pour la
municipalité.
Le Président: Question principale, M. le
député...
M. Fallu: Question additionnelle...
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Groulx.
M. Fallu: M. le Président, on vient de nous dire à
l'instant que personne ne veut de cette usine. Or, il s'agit d'une usine
propre. Est-ce qu'il s'agit uniquement des ragots du
député...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Question additionnelle, très brièvement, M. le
député de Groulx. (11 heures)
M. Fallu: M. le Président, j'aimerais savoir du ministre
s'il s'agit de simples ragots, colportés par une Opposition en mal de
sujets de questions ce matin, ou s'il s'agit d'une usine qui peut être
installée avec sécurité n'importe où, y compris
dans votre cour ou dans ma cour.
M. Léger: C'est bien certain que c'est un dossier que nous
avons étudié en long et en large. Toutes les mesures que nous
avons prises tiennent compte de la protection de l'environnement et, au
départ, de la protection de tout le Québec, parce que c'est un
besoin. Deuxièmement, elles tiennent compte des besoins de
qualité d'environnement des gens de Blainville. D'ailleurs, les onze
recommandations qui appuient ce permis correspondent aux demandes des citoyens.
Il y a donc des avantages pour les citoyens aussi.
Le Président: Question principale, M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Bélanger: M. le Président, ma question s'adresse
au ministre de l'Agriculture. Malheureusement, je dois déplorer son
absence. Je l'ai informé à deux reprises que j'avais une question
non seulement urgente, mais très importante à lui poser.
Peut-être que je n'aurais pas dû l'en informer. Est-ce que je peux
poser la question à l'adjoint parlementaire?
Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, quand on sait le bonheur et
le plaisir que ressent le ministre de l'Agriculture à répondre
aux questions de l'Opposition, je doute qu'il soit absent ce matin pour une
raison autre que très sérieuse. Dans les circonstances, si le
député préférait attendre à demain, on
pourra vérifier entre-temps si le ministre sera présent ou
non.
Le Président: M. le député de
Mégantic-Compton.
Transferts de quotas de lait
M. Bélanger: Avec votre permission, je vais poser ma
question au premier ministre. J'ai l'intention de mener ma question à
bon port, mais je vous rassure, M. le premier ministre, il ne s'agit pas du
tout du porc. Il s'agit plutôt de transferts très douteux de
quotas laitiers au Québec. Nous savons que l'Office des producteurs de
lait du Québec interdit le transfert de quotas laitiers sauf lorsqu'un
détenteur transfère son exploitation à son fils, à
un membre immédiat de la famille ou vend la ferme tout entière, y
compris le troupeau.
Je voudrais savoir, M. le premier ministre, si vous êtes
informé actuellement que, tout au moins dans la région de
l'Estrie, certains commerçants ont trouvé des façons assez
douteuses de contourner la loi tout simplement en faisant deux transactions
simultanées, c'est-à-dire, d'une part, on achète la ferme
tout entière, avec le troupeau, et on fait immédiatement, dans le
même bureau et avec le même notaire, une autre transaction
où on revend la ferme sauf le quota laitier.
Il n'est pas surprenant, M. le Président, que de cette
façon le nombre des producteurs laitiers au Québec ait
diminué, de 1976 à 1980, de 8500. J'espère, M. le premier
ministre, que vous pourrez nous donner plus d'éclaircissements sur cette
question.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, de
façon très efficace, sauf qu'il devra quand même attendre
à demain, le député vient de donner préavis au
ministre de l'Agriculture qui pourra préparer soigneusement, comme
d'habitude, sa réponse que, fort probablement, le député
obtiendra demain.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Bélanger: II y a quelque chose qui se passe au Conseil
des ministres. Je crois qu'on ne se parle pas beaucoup.
Le Président: Question additionnelle.
M. Bélanger: M. le Président, j'y arrive. La
Sûreté du Québec enquête présentement sur ces
transactions, mais ce qui est le plus alarmant, c'est qu'elle n'enquête
pas pour le ministère de l'Agriculture mais pour le ministère du
Revenu, afin de tenter de récupérer quelques dollars qu'auraient
acquis maladroitement ou malhonnêtement certains commerçants.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): On vient de m'aviser que, s'il peut
arriver avant la fin de la période des questions - il reste encore
combien de temps?
Le Président: II reste environ dix minutes.
M. Lévesque (Taillon): Probablement que ç'a
stimulé le ministre de l'Agriculture, il est en route et le
député obtiendra, je pense, toutes les réponses et
peut-être plus qu'il n'en désire.
Le Président: M. le député de Rousseau.
Grève à la compagnie d'autobus
Gilber
M. Blouin: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu ou à son adjoint parlementaire.
Je rappelle à cette Assemblée, M. le Président, que
depuis le 17 février 1981 les autobus qui appartiennent à la
compagnie Gilber ont cessé de fonctionner et que, conséquemment,
plus de 2000 étudiants sont privés de transport scolaire dans le
comté de Rousseau. En plus de priver les étudiants du transport
scolaire, cette situation est un fardeau pécuniaire
supplémentaire pour les parents qui doivent souvent débourser des
dizaines de dollars par semaine pour assurer le transport des enfants depuis
leur domicile jusqu'à l'école.
Je rappelle aussi, M. le Président, que cette situation
empêche certains élèves de se rendre à leurs cours
et que cela peut, dans certains cas, retarder leur évolution
pédagoqique. Le 26 mai dernier, le ministre du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu me précisait
qu'il allait demander à son conciliateur de convoquer de façon
péremptoire les parties afin d'essayer de rapprocher ces parties. Des
citoyens m'ont informé qu'effectivement le conciliateur aurait
convoqué les parties et qu'elles se seraient rencontrées jeudi
dernier, le 4 juin.
Ce que je demande au ministre ou à son adjoint, c'est d'abord de
me confirmer la tenue de cette rencontre de conciliation et,
deuxièmement, de m'indiquer si, effectivement, des progrès
substantiels ont été réalisés afin de contribuer au
règlement de ce conflit.
Le Président: M. l'adjoint parlementaire au ministre du
Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
Règlement de la grève au Devoir
M. Dean: M. le Président, si vous me permettez, avant de
répondre à la question
du député de Rousseau, il me fait plaisir d'annoncer
à cette Chambre, pour son information, et pour ceux ou celles qui ne
seraient pas déjà au courant, le règlement du conflit du
Devoir.
L'assemblée syndicale des journalistes a ratifié hier soir
une entente de principe. Les journalistes sont au travail aujourd'hui et, selon
nos renseignements, le Devoir paraîtra à compter de vendredi
matin.
Grève à la compagnie d'autobus Gilber
(suite)
Maintenant, pour ce qui est de la question du député de
Rousseau, à la suite de sa question en Chambre, le ministre a
effectivement demandé au conciliateur de convoquer les parties. À
ce moment, il y avait un écart important entre les deux parties dans ce
conflit. La rencontre a eu lieu et il s'est fait énormément de
progrès dans le dossier, à tel point qu'une entente de principe
entre les parties a été recommandée par l'exécutif
syndical à une assemblée des membres, le 4 juin.
Malheureusement, les syndiqués ont rejeté le projet
d'entente de principe à une majorité de 57%. Le conciliateur
demeure à la disposition des parties. Mon expérience syndicale me
dit que, dans une situation du genre, il y a quand même de fortes chances
de reprise prochaine des négociations et de règlement. On n'a pas
à juger la sagesse des membres du syndicat, c'est leur droit
démocratique, ils ont voté le rejet à 57%. Nous
espérons que, très bientôt, avec un peu de bonne
volonté de part et d'autre, le conflit se réglera dans les plus
brefs délais.
M. Gratton: Question additionnelle, M. le Président.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, puisqu'on discute du
problème des grèves dans le secteur du transport
d'écoliers, pourrais-je demander, soit au ministre, soit à son
adjoint parlementaire, quelle est la position du ministère dans le
conflit qui prive certains étudiants dans l'Outaouais de transport
scolaire depuis...
Le Président: À ce stade-ci, je déclare
qu'il ne s'agit pas d'une question additionnelle. Par contre, je permettrai au
député de Mégantic-Compton de reprendre sa question pour
le ministre de l'Agriculture, qui est maintenant arrivé.
M. Gratton: Est-ce qu'il s'occupe de mes étudiants?
Le Président: M. le député de
Mégantic-Compton.
Transferts de quotas de lait (suite)
M. Bélanger: Merci, M. le Président. Ma question
s'adresse au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation. Je déplorais tout à l'heure votre absence, M. le
ministre. Je suis très rassuré de voir que vous êtes
revenu.
Ma question concerne le transfert douteux de quotas laitiers. Vous savez
que l'Office des producteurs de lait du Québec interdit le transfert de
quotas laitiers, sauf à un membre immédiat de la famille du
producteur ou avec la vente complète de la ferme, du troupeau, etc.,
etc.
Je voudrais savoir si vous êtes informé de certaines
transactions plus que douteuses, tout au moins dans la région de
l'Estrie, où des commerçants ont trouvé une façon
de contourner cette loi en faisant simplement deux transactions
simultanées. C'est-à-dire que, d'une part, on achète la
ferme entière, le troupeau, et, dans le même bureau, avec le
même notaire, l'acquéreur revend au vendeur la ferme, sauf le
quota laitier. Ce qui m'inquiète, M. le Président, c'est le
nombre de producteurs laitiers qui sont disparus au Québec depuis 1976
et qui s'élève à plus de 8500. Je voudrais savoir si le
ministre peut nous éclairer un peu sur ce sujet.
Le Président: M. le ministre.
M. Garon: Si on parle de la diminution du nombre des producteurs
laitiers, M. le Président, on peut remonter à 1960, car il en est
disparu 40 000 depuis 1960. Il y avait 60 000 producteurs laitiers et,
aujourd'hui, il y en a environ 21 000. C'est évident que les fermes ont
tendance à se consolider parce que, aujourd'hui, l'équipement est
plus mécanisé. Un cultivateur, qui gagnait sa vie et qui faisait
vivre une famille avec une dizaine de vaches et un peu d'agriculture
diversifiée, pouvait vivre il y a 40 ans. Mais aujourd'hui il ne vivrait
pas. En 1981, voir l'agriculture comme on la voyait il y a 40 ans, c'est une
erreur. On ne retournera pas à la voiture à cheval, on ne
retournera pas à ce temps-là.
Deuxièmement, concernant les transferts de quotas, si des
règlements de transferts de quotas, des règlements concernant les
quotas sont adoptés au cours d'assemblées générales
de producteurs, ils doivent aller à la Régie des marchés
agricoles pour être acceptés ou approuvés et, ensuite, ils
sont administrés par la Régie des marchés agricoles. S'il
y a quelque chose qu'on pense incorrect, on peut simplement porter plainte
à la Régie des marchés agricoles qui va faire
enquête et qui va réagir immédiatement s'il y a quelque
chose
d'incorrect. Pour autant que je sache, je n'ai pas entendu parler de ce
dont vous parlez. Occasionnellement, j'entends dire une chose ou l'autre, mais
sous forme de rumeur. Chaque fois qu'il y a eu quelque chose qui m'a
été fourni, un minimum de données, j'ai demandé un
rapport à la Régie des marchés agricoles.
Vous me donnez cela d'une façon un peu générale. Il
faudrait savoir d'abord s'il s'agit de transferts de quotas de lait nature ou
de lait industriel. Dans le cas du lait industriel, il s'agit d'encans
mensuels, où aucun producteur ne peut acheter plus de 500 livres de
quotas...
Une voix: Matières grasses.
M. Garon: ...de matières grasses par mois. Ce n'est pas la
même réglementation. Il faudrait savoir de quoi il s'agit, au
fond.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Bélanger: M. le Président, le ministre a tout
simplement évité de répondre à ma question. Je vais
l'éclairer davantage. La Sûreté du Québec
enquête présentement sur ces transactions douteuses. Mais ce qui
me fait le plus de peine, ce n'est pas pour protéger les agriculteurs.
C'est tout simplement pour remplir les coffres du ministre du Revenu parce
qu'on tente de récupérer une certaine somme d'impôt que ces
commerçants n'auraient pas payée.
Maintenant, dans la Gazette officielle du 3 décembre 1980, on dit
qu'il est interdit de transférer un quota sauf avec la vente, comme je
vous l'ai mentionné. Alors, je demande au ministre s'il est prêt
à faire enquête, mais, cette fois-ci, pour les agriculteurs et
d'informer cette Chambre dans le plus bref délai possible.
Le Président: M. le ministre.
M. Garon: M. le Président, j'ai répondu clairement.
Je ne sais pas s'il est au courant des institutions, mais il y a une
Régie des marchés agricoles qui administre tous les
règlements concernant ces matières-là. Ces
réglementations sont adoptées en vertu de la Loi sur les produits
agricoles. À ce moment-là, s'il y a une plainte à
formuler, qu'on la fasse à la Régie des marchés agricoles
qui est l'institution mandatée pour surveiller l'application de ces
règlements.
Le Président: Fin de la période des questions.
Une voix: Question additionnelle, M. le Président.
Le Président: Fin de la période des questions,
malheureusement.
M. Léger: M. le Président. Le Président:
Motions non annoncées. Le projet Stablex (suite)
M. Léger: Je voudrais donner un complément de
réponse à une question qui a été posée
tantôt. J'ai maintenant la réponse.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour que le
ministre donne un complément de réponse...
Une voix: Oui.
Le Président: ...avec une question additionnelle? M. le
ministre.
Une voix: ...dossier confidentiel...
M. Léger: Non, ce n'est pas confidentiel. C'est pour
répondre à la question un peu insinuante du député
de Nelligan afin d'enlever tout doute. Je dois dire que le premier chiffre dont
le député a parlé tantôt concerne un contrat de 59
325 $ qui a été signé pour les honoraires du contractuel
Claude Vallée, du 18 avril 1979 au 30 novembre 1980. Donc,
c'était le contrat pour cette partie de ses services au niveau de
l'assainissement des eaux. La deuxième question concerne un contrat de
quelque 99 000 $, dont 93 000 $ d'honoraires pour un an et demi, du 1er avril
1980 au 30 septembre 1981. Contrairement à ce que vous avez dit,
c'était à la demande du Conseil du trésor, autorisé
par le Trésor; donc, tout est régulier. Essayez de fouiller dans
d'autres poubelles, ailleurs, car il n'y a pas d'autres choses.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: Donc, les chiffres, à 2000 $ près, sont
corrects, n'est-ce pas? Mais pouvez-vous me dire s'il y a eu des appels
d'offres?
Le Président: M. le ministre.
M. Léger: J'ai l'impression que le député
n'écoute jamais les réponses. Il passe son temps à dire
que je n'ai pas répondu. Je viens de lui dire que c'est sur
l'autorisation du Conseil du trésor et à la demande même du
Conseil du trésor.
Des voix: Ce n'est pas ça. Soumissions, appels
d'offres.
M. Léger: Peut-être que le député va
apprendre son rôle. Quand on engage des
contractuels pour faire des tâches précises, demandant une
compétence précise et qu'on ne veut pas augmenter la fonction
publique pour ne pas avoir trop de fonctionnaires selon les normes de la
sécurité d'emploi, c'est la procédure normale.
J'espère que le député de Nelligan va être
satisfait, mais il continuera encore a fouiller dans les poubelles, demain.
Le Président: Fin de la période des questions.
Motions non annoncées.
Enregistrement des noms sur les votes en suspens.
Avis à la Chambre.
M. le leader du gouvernement.
Avis à la Chambre
M. Charron: Voici le tout premier avis que je veux donner
à l'Assemblée. Le projet de loi, actuellement en discussion
devant la Chambre, au nom du ministre des Finances, devrait connaître son
aboutissement en deuxième lecture au cours de la journée.
J'inviterais donc chacun des députés à mettre à son
horaire un vote possible sur la deuxième lecture du projet de loi vers
la fin de l'après-midi.
Je donne tout de suite avis que, ce soir, il y aura étude en
commission parlementaire de ce même projet de loi article par article qui
se tiendra à la salle 91-A. À la salle 81-A, ce soir, ce sera
l'étude des crédits du ministère des Affaires
intergouvernementales. Au salon rouge, ce soir, ce sera l'étude des
crédits du ministère du Travail. Donc, trois commissions
parlementaires ce soir. Après le vote, vers 17 h 45 ou 17 h 50, la
Chambre ajournera ses travaux jusqu'à demain matin.
Cet après-midi, je fais motion pour que, pendant que la Chambre
s'adonnera à l'étude du projet de loi no 11, puissent
siéger, de 15 heures à 18 heures, au salon rouge, la commission
du travail et, à 81-A, la commission des affaires
intergouvernementales.
Ce matin, de 11 h 15 à 13 heures, la commission du travail, de la
main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu commence l'étude
de ses crédits.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que ces motions
sont adoptées?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
Recours à l'article 34
Le Vice-Président (M. Jolivet): En vertu de l'article 34,
M. le député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: M. le Président, j'ai une question à
poser au leader du gouvernement. J'ai reçu une demande de la part des
autorités du Séminaire de Saint-Georges-de-Beauce qui voudraient
se faire entendre brièvement à l'occasion de la commission
parlementaire de jeudi soir relativement au problème de l'enseignement
privé. Je me permettrais d'insister pour que ma demande soit
acceptée, s'il y a possibilité.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Charron: Je regrette, M. le Président, la consultation
à ce sujet a été très ouverte, elle a eu lieu d'une
manière publique depuis que ces auditions sont annoncées. Nous
n'accepterons pas d'exception à la liste déjà
complète qui a été présentée.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Sans faire d'exception, comme le dit
le leader parlementaire du gouvernement, n'y aurait-il pas lieu de permettre
à cette institution, au moins, d'être présente et s'il
restait - le député a dit que ce serait fait brièvement
-trois, quatre ou cinq minutes, de pouvoir s'exprimer?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Charron: Je laisserai la commission parlementaire, lors de sa
séance de demain, décider elle-même, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Les affaires du jour.
M. le leader du gouvernement.
M. Charron: M. le Président, je propose que vous rappeliez
le projet de loi inscrit au feuilleton. Auparavant, à moins que
l'Assemblée n'ait d'objection, je proposerais la considération
d'un certain nombre de rapports qui sont entrés depuis quelques jours,
ce qui nous permettrait d'avancer notre menu législatif.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition. (11 h 20)
M. Levesque (Bonaventure): Si on voulait faire exception pour 8
et 11, on pourrait peut-être disposer de 9, 10 et 12.
M. Charron: À l'article 8, aucun amendement n'a
été annoncé depuis le dépôt
du rapport. Le seul rapport qui a subi des amendements, c'est le rapport
concernant la loi 10, celui qui apparaît à l'article 11 du
feuilleton d'aujourd'hui. Je ne vois pas pourquoi on ne ferait pas la prise en
considération de la Loi sur la fonction publique.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je suis
d'accord avec le leader parlementaire du gouvernement qu'il n'y a pas eu
d'amendement de déposé à la suite du rapport. Cependant,
il est possible que nous ayons une brève intervention à ce
moment. Comme il s'agit aujourd'hui d'un menu préparé et
annoncé, d'ailleurs, par le leader parlementaire du gouvernement, je
pense que dès demain matin nous pourrions coopérer pour passer
cet article, mais nous préférons attendre un renseignement qui
nous arrivera incessamment. C'est pour cela que je suggère que nous
disposions des articles 9, 11 et 12, quitte à brièvement disposer
des deux autres à la prochaine occasion.
M. Charron: M. le Président, j'indique tout de suite, en
me rendant à cette demande, que la prise en considération de ce
rapport concernant cette loi aura lieu demain et que sa troisième
lecture aura lieu vendredi matin.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Parfait. Il y est donc
question de l'article 11 et de l'article 8, si je comprends bien.
M. Charron: Je vous prierais d'abord d'appeler l'article 12 du
feuilleton.
Prise en considération de rapports de
commissions parlementaires
Étude du projet de loi no 14
Le Vice-Président (M. Jolivet): L'article 12, prise en
considération du rapport de la commission permanente de la
présidence du conseil et de la constitution qui a étudié
le projet de loi no 14, Loi concernant le recensement des électeurs pour
l'année 1981 et modifiant la Loi sur la consultation populaire. Est-ce
que ce rapport est adopté?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté. Le
Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
M. Charron: Je vous prierais d'appeler l'article 9.
Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Troisième lecture,
prochaine séance.
M. Charron: Est-ce qu'on a des objections à la
troisième lecture?
M. Levesque (Bonaventure): Aucune objection, M. le
Président, dans un esprit de grande collaboration.
M. Charron: Merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Donc, est-ce qu'il y a
consentement pour que la troisième lecture soit faite?
M. Levesque (Bonaventure): Oui, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
M. Charron: L'article 9 du feuilleton, M. le
Président.
Étude du projet de loi no 2
Le Vice-Président (M. Jolivet): Prise en
considération du rapport de la commission permanente de l'industrie, du
commerce et du tourisme qui a étudié le projet de loi no 2, Loi
sur la Société du Palais des congrès de Montréal.
Ce rapport est-il adopté?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
Troisième lecture, prochaine séance?
M. Levesque (Bonaventure): Prochaine séance. Ou
séance subséquente.
M. Charron: L'article 10 du feuilleton, s'il vous plaît, M.
le Président.
Étude du projet de loi no 8
Le Vice-Président (M. Jolivet): Prise en
considération du rapport de la commission permanente de la protection de
l'environnement qui a étudié le projet de loi no 8, Loi modifiant
la Loi sur la qualité de l'environnement. Le rapport est-il
adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
Troisième lecture, prochaine séance ou séance
subséquente? M. le leader.
M. Charron: L'article 11 du feuilleton, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): L'article 11. Prise en
considération du rapport de la commission...
M. Charron: Oui, mais ce n'est pas long. Un amendement. Alors,
demain?
Une voix: Demain.
M. Charron: Demain.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader. Un
instant.
M. Charron: Je voudrais tout de suite indiquer, M. le
Président - je m'excuse -avant de vraiment entrer dans le menu du jour,
que si nous terminons le programme tel que prévu aujourd'hui, la
journée de demain sera consacrée au discours sur le budget. Donc,
les députés qui s'étaient préparés pour
intervenir aujourd'hui, conformément à la première
organisation des travaux de la semaine, doivent prévoir que demain, la
journée entière, au moins jusqu'à 18 heures, en tout cas,
sera consacrée au débat sur le discours sur le budget. Je vous
prierais d'appeler l'article 3 du feuilleton.
Reprise du débat sur la deuxième lecture
du projet de loi no 11
Le Vice-Président (M. Jolivet): Article 3. Reprise du
débat sur la motion de M. Parizeau proposant que le projet de loi no 11,
Loi modifiant certaines dispositions législatives pour donner suite
à la politique budgétaire du gouvernement pour l'exercice
1981-1982, soit maintenant lu la deuxième fois. Au moment de
l'ajournement du débat nous étions au député de
Hull.
M. le député de Hull.
M. Gilles Rocheleau
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Cela fait suite aux
discussions que nous avons eues hier soir concernant le projet de loi no 11 et
plus particulièrement en ce qui touche les écoles privées
au Québec, mais le projet de loi no 11 contient plusieurs modifications
à plusieurs lois qui ont une certaine importance dans plusieurs domaines
et, dans le domaine des municipalités, entre autres, M. le
Président, il y a énormément de particularités que
vient toucher le projet de loi no 11.
Avant de commencer mon exposé, M. le Président, j'aimerais
mentionner à cette Chambre que le gouvernement actuel était un
bon gouvernement ou était possiblement un bon gouvernement. Du 15
novembre 1976 au 13 avril 1981, le gouvernement du Québec s'est
contenté de donner des bonbons à la population du Québec.
Depuis le 13 avril 1981, on commence à retirer les bonbons aux citoyens
du Québec. La loi sur la fiscalité, adoptée en 1979,
devait donner aux municipalités du Québec une autonomie dans leur
propre gestion; elle devait leur donner un pouvoir de gestion à
l'intérieur de l'impôt foncier municipal, impôt foncier qui
venait d'être donné au gouvernement municipal, c'est-à-dire
l'impôt foncier scolaire. En 1979, le ministre du temps, M. Tardif, et le
ministre des Finances, M. Parizeau, informaient l'Union des
municipalités du Québec qu'ils allaient, dans les années
à venir, honorer à 100% les subventions que devait accorder le
gouvernement aux municipalités dans le domaine du réseau de
l'éducation et du réseau des affaires sociales.
Dans le discours sur le budget de M. Parizeau et dans le projet de loi
no 11, on ne voit pas d'allégements ni de subventions additionnelles aux
municipalités. Au contraire, M. le Président, on n'en parle pas
du tout. De plus, on vient chercher en 1982 chez les municipalités 17
000 000 $ qui vont s'appliquer au Régime d'assurance-maladie du
Québec pour lequel les Québécois ne reçoivent rien
de plus. C'est 17 000 000 $ en 1982 et 11 000 000 $ pour les quatre prochaines
années, M. le Président. Dans le même projet de loi no 11,
afin d'encourager les PME - petites et moyennes entreprises -il y a une
augmentation de la taxe sur le capital. Je pense, M. le Président, que,
tenant compte du fait que le Régime d'assurance-maladie du Québec
touche non seulement les municipalités, non seulement les commissions
scolaires, non seulement le réseau social, mais touche aussi
l'entreprise privée, c'est aller chercher des profits additionnels pour
le gouvernement, tout en sachant que l'entreprise au Québec
connaît actuellement des difficultés particulières. (11 h
30)
En ce qui concerne plus particulièrement ce dont on a
parlé hier soir et ce que cela laissait dénoter de l'autre
côté de la Chambre on y avait l'air de vierges offensées,
M. le Président, de vierges offensées, parce qu'on osait prendre
parti pour l'école privée au Québec. On s'est fait accuser
de faire profiter encore une fois les riches, de faire profiter l'entreprise
privée. Au contraire, M. le Président, l'enseignement
privé est actuellement accessible à tous et plusieurs parents au
Québec font même des efforts importants pour envoyer leurs enfants
à l'école privée. Avec l'adoption du projet de loi no 11,
ce qui va arriver, c'est que l'école privée va être
réservée aux riches. Si c'est cela, votre
social-démocratie, je pense qu'elle fait défaut actuellement, et
le présent gouvernement devrait réviser ses positions, surtout si
c'est simplement pour corriger certaines erreurs que le gouvernement a commises
l'an dernier, quelques mois avant le référendum, alors qu'il
signait une convention dans le domaine scolaire, plus particulièrement
avec les enseignants. L'irresponsabilité avec laquelle le gouvernement a
signé sa convention collective l'oblige aujourd'hui à couper des
crédits au ministère de l'Éducation, oblige les
commissions scolaires à réviser leurs positions et, dans
plusieurs cas, même à fermer des écoles. Je donne comme
exemple le cas du comté de Hull où, en septembre
1982, il y aura exactement trois écoles de fermées.
M. le Président, si on tient compte des engagements du
gouvernement face à l'école privée... Hier soir, on
mentionnait justement des engagements que le premier ministre, M.
Lévesque, avait pris et qu'il ne semble pas vouloir tenir aujourd'hui,
alors qu'il a été réélu le 13 avril dernier. Dans
le domaine de l'éducation, je pense qu'il est relativement important de
considérer que l'école privée appartient aux valeurs des
Québécois, au patrimoine et qu'elle doit continuer d'être
active au Québec, sans pour autant créer des problèmes
particuliers et des coûts additionnels aux parents qui, actuellement,
utilisent l'école privée pour toutes sortes de bonnes raisons. Je
considère qu'actuellement l'école privée au Québec
agit aussi comme maintien de l'équilibre à l'école
publique, et c'est un facteur très important.
Le ministre des Affaires municipales nous annonçait, il y a
quelques jours, que l'augmentation apportée, pour les
municipalités, au Régime d'assurance-maladie du Québec de
1,5% à 3% ne créait pas de nouvelles responsabilités pour
les municipalités. Je n'ai pas compris cette intervention du ministre
des Affaires municipales puisque ça créera des
responsabilités additionnelles de 17 000 000 $ en 1982. Dans le
réseau scolaire et le réseau des affaires sociales, c'est le
gouvernement lui-même qui absorbe, pour les employés,
l'augmentation de 1,5% à 3%. Le gouvernement, depuis le 13 avril, semble
vouloir rejeter totalement ou en quasi-totalité sa mauvaise gestion des
quatre dernières années sur le dos des organismes telles les
municipalités. J'ose souhaiter que l'Union des municipalités du
Québec, l'Union des conseils de comté feront des
représentations au gouvernement du Québec pour qu'il respecte les
engagements que le ministre des Affaires municipales avait pris lors des
rencontres avec le comité Québec-municipalités concernant
la loi sur la fiscalité municipale, c'est-à-dire la loi 57.
Le ministre des Affaires municipales semble dire que la loi 57 a
réglé tous les problèmes et tous les bobos que les
municipalités du Québec ont et auront pour les prochaines
années. La loi 57 a soulagé les municipalités de leur
fardeau fiscal et de l'impôt foncier des citoyens, et ce pour quelques
années, c'est-à-dire l'année 1980 et l'année 1981.
Si le gouvernement continue d'imposer de nouveaux fardeaux par le biais de
modifications à certaines de ses lois, à ce moment-là, je
pense que c'est fausser le jeu, je pense que c'est rejeter sur le dos des
municipalités les responsabilités du gouvernement du
Québec. Plus particulièrement quand on prend connaissance d'un
document important, ce rapport que le Vérificateur général
déposait hier, on peut se poser énormément de questions
sur la gestion que le gouvernement du Québec a donnée aux
Québécois et aux Québécoises au cours des quatre
dernières années. Cela m'inquiète d'autant plus, M. le
Président, que l'on tente aujourd'hui de combler les trous du
gouvernement en allant imposer et en utilisant les fonds publics des
municipalités, les crédits des municipalités, pour les
financer.
En passant, je tiens à souligner un autre point qui touche de
très près la fiscalité. C'est l'assainissement des eaux.
J'y ai fait allusion l'autre jour. Le ministre de l'Environnement a
laissé sous-entendre que le gouvernement du Québec subventionnait
90% des coûts. Je pense que c'est faux. Nous aurons sûrement
l'occasion d'y revenir dans les prochaines semaines. Mais le ministre de
l'Environnement semble avoir suffisamment de difficultés actuellement
à se débattre sur d'autres points.
En terminant, M. le Président, je tiens à mentionner que
je suis tout à fait déçu des agissements du gouvernement,
surtout au début d'une nouvelle session, au début d'un nouveau
mandat, alors que les Québécois et les Québécoises
ont été choyés par certaines lois au cours des quatre
dernières années. Au début de ce nouveau mandat, on semble
commencer à retirer plusieurs de ces privilèges. On semble
vouloir imputer le coût et les responsabilités à d'autres
paliers de gouvernement, entre autres, aux commissions scolaires et aux
municipalités. J'ose souhaiter que le gouvernement révisera, dans
les plus brefs délais ses positions étant donné qu'il ne
donne plus aux Québécois et aux Québécoises
l'administration qu'ils attendent de sa part.
Je trouve d'autant plus malheureux qu'on n'ait pas eu le rapport du
vérificateur il y a quelques mois ou qu'on n'ait pas attendu quelques
mois pour déclencher l'élection. On a caché à la
population du Québec les erreurs véhiculées par le
gouvernement actuel et on tente aujourd'hui de les faire avaler par les autres.
Je trouve que c'est totalement malheureux. Sûrement que la transparence
du gouvernement aurait besoin d'être lavée, parce que cette
politique, ces engagements que le gouvernement a pris dans le passé ne
sont plus transparents.
En terminant, j'ose espérer que le gouvernement va modifier sa
politique en tenant compte de l'école privée et qu'il va aussi
modifier sa politique en tenant compte du Régime d'assurance-maladie du
Québec. Je l'ai mentionné tantôt, c'est une nouvelle taxe
aux municipalités, c'est un nouveau coût aux municipalités.
Les municipalités, dans leur budget de 1982, ne pourront pas se
permettre d'imposer davantage leurs contribuables.
M. le Président, je vous remercie. J'ose souhaiter que, avant ce
soir, avant l'heure du vote, le gouvernement pourra apporter
certains amendements à la loi telle que
déposée.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Brome-Missiquoi.
M. Pierre-J. Paradis
M. Paradis: M. le Président, j'ai attendu vainement que
quelqu'un de l'autre côté de la Chambre manifeste son
intérêt envers les coupures draconiennes dont la population est
victime. Malheureusement, il semble que pendant ce deuxième mandat, ces
gens du gouvernement soient plus occupés ailleurs que dans cette
Assemblée à défendre les intérêts de la
population.
M. le Président, nous en sommes à l'étude d'une loi
très importante. Nous en sommes à l'étude du projet de loi
no 11 qui s'intitule: Loi modifiant certaines dispositions législatives
pour donner suite à la politique budgétaire du gouvernement pour
l'exercice financier 1981-1982. Cette politique budgétaire du
gouvernement va affecter chacun des Québécois et des
Québécoises dans ses activités quotidiennes. (11 h 40)
Suivant les notes explicatives qu'on nous a transmises, ce projet de loi
donne suite au discours sur le budget du 10 mars 1981 et contient la plupart
des mesures annoncées concernant les lois suivantes - et cela
n'intéresse pas les gens de l'autre côté - la Loi sur les
impôts, la Loi sur les stimulants fiscaux au développement
industriel, la Loi sur le remboursement d'impôts fonciers, la Loi sur le
ministère du Revenu, la Loi concernant l'impôt sur la vente en
détail, la Loi concernant l'impôt sur le tabac - je penserais que
de l'autre côté, il y aurait au moins quelques protestations
là-dessus - la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du
Québec et la Loi sur la fiscalité municipale et modifiant
certaines dispositions législatives.
C'est là que cela devient intéressant, parce que
jusqu'à maintenant il s'agit de modifications mineures et tout à
fait inoffensives. Voyons maintenant ce que vise vraiment ce projet de loi. Il
contient également, nous dit le ministre des Finances, certaines mesures
annoncées dans la déclaration ministérielle du ministre
des Finances du 12 décembre 1980, relativement à la Loi
concernant l'impôt sur la vente en détail ainsi que des
modifications à la Loi sur l'enseignement privé et la Loi sur
l'aide sociale.
Donc, on modifie substantiellement des lois qui touchent le domaine de
l'éducation et le domaine de l'aide sociale au Québec à
travers un discours sur le budget. Le ministre des Finances a été
suffisamment conscient de l'importance de ces modifications pour donner,
à l'occasion de l'introduction de cette loi en Chambre, un droit de
parole privilégié, pour céder son droit de parole au
ministre de l'Éducation. Cela fait des années, cela fait
maintenant cinq ans que ce gouvernement nous promet une politique de
l'éducation. Son ministre de l'Éducation ayant abdiqué ses
responsabilités, c'est le ministre des Finances qui nous en fournit une
politique de l'éducation. Quelle est-elle cette politique de
l'éducation qui est contenue dans le projet de loi no 11?
Comme toutes les politiques de ce gouvernement c'est une politique de
division. Après avoir divisé dans cette province les anglophones
et les francophones, après avoir divisé les locateurs et les
locataires, après avoir divisé les employés et les
employeurs, on tente maintenant de diviser, à l'intérieur du
système scolaire, les institutions privées et les institutions
publiques. On n'a pas compris que francophones comme anglophones comme
allophones sont tous des Québécois. On n'a pas compris que les
locateurs et les locataires sont tous des gens qui doivent
bénéficier d'une politique d'habitation saine pour l'ensemble. On
n'a pas compris qu'employeurs et employés sont les
générateurs de notre économie, ceux qui nous permettent de
vivre et de manger tous les jours. On n'a pas compris non plus de l'autre
côté de la Chambre qu'au niveau éducation, qu'un enfant
soit dans le système scolaire qu'on appelle privé, mais qu'on
qualifie également d'intérêt public, ou qu'il soit dans le
système public, il est cette matière première dont le
Québec a besoin pour justement assurer son resplendissement dans les
années qui vont venir. C'est cette matière première qui va
bâtir le Québec.
Non, au lieu de tenter d'améliorer ce système scolaire, au
lieu de tenter d'analyser au mérite le système scolaire du
Québec, on tente plutôt de le diviser. On coupe partout, on coupe
le secteur public, on coupe le secteur privé. Là, on dit: Oui,
mais les gens de l'Opposition, qu'est-ce que vous avez? Vous vous opposez
strictement aux coupures dans le système privé. Pour qu'on se
comprenne un peu mieux, et on comprendra peut-être le premier ministre,
on va essayer d'analyser ces coupures. Les coupures dans le secteur
privé et les coupures dans le secteur public, c'est un peu comme si on
disait au ministre des Finances, M. Parizeau: On va vous mettre au
régime, on va vous enlever 50 livres. Il y a peut-être des gens
qui nous diraient: Vous coupez dans le gras. Les coupures dans le secteur
privé, c'est un peu comme si on prenait le président du Conseil
du trésor, M. Bérubé, et qu'on lui disait: On va vous
enlever 100 livres. Il y a des gens, de l'autre côté, qui
penseraient qu'on se propose d'assassiner littéralement, de
détruire, d'anéantir le président du Conseil du
trésor.
M. le Président, je vous soumets que
certaines coupures effectuées dans le domaine de
l'éducation sont des coupures qui, effectivement, ont été
effectuées dans le gras. Ce que l'Opposition dénonce, ce sont les
coupures qui sont effectuées dans des parties vitales de notre
système, des coupures qui vont faire en sorte que les parents de mon
comté, le comté de Brome-Missisquoi, comme d'autres
comtés, qui réussissent, à titre de travailleurs, à
titre de salariés, salariés syndiqués dans certains cas,
à envoyer leurs enfants dans des écoles privées au
même titre que les médecins, les ministres, les adjoints
parlementaires, ces parents-là qui réussissent, à force de
sacrifices, à envoyer leurs enfants dans ces institutions
privées, n'y auront plus l'accès.
Ce que le gouvernement tente de faire, c'est de créer des
collèges privés que seulement une classe d'élite, une
classe qui est issue de parents qui sont plus fortunés, pourra
fréquenter. Ce que l'Opposition réclame, M. le Président,
c'est un statut égal pour le domaine privé et pour le domaine
public, pour que tous et chacun des Québécois puissent choisir
d'envoyer leurs enfants dans le système de leur choix. On demande au
gouvernement d'avoir confiance dans le jugement des parents. Est-ce trop vous
demander que d'avoir confiance dans le jugement des parents du Québec ou
si vous tenez à tout prix à réserver l'école
privée à une élite? Peut-être que vous vous proposez
de rester au gouvernement assez longtemps pour que seuls les enfants des
ministres aillent là. Mais moi, je veux que mes enfants y allent aussi
et je veux que les enfants des travailleurs du comté de Brome-Missisquoi
et du reste de la province puissent y avoir accès, si c'est mon choix et
si c'est le choix de ces parents. C'est cela qu'on vous demande.
Il y a pire, M. le Président, parce que ce n'est pas pour des
raisons d'économie qu'on nous présente un tel projet de loi. Si
les députés d'en face s'étaient attardés à
vérifier ce que coûte l'enseignement à un enfant dans une
institution privée ou dans une institution publique, ils auraient
découvert qu'au niveau collégial général, le
coût moyen annuel d'un étudiant au secteur public est de 4400 $,
que le coût moyen d'un étudiant au secteur privé est de
2680 $. Donc, au collégial, il y a une différence de 39,1%, M. le
député de Rosemont. Au secondaire, le coût est de 3600 $ au
secteur public et 2100 $ au secteur privé, une différence de 41%;
au primaire, 2400 $ au secteur public et 1145 $ au secteur privé, une
différence de 40,8%. Au bout de tout cela, pas de trou de 500 000 000 $.
Qu'est-ce qu'on a à reprocher à ces gens-là qui
administrent le secteur privé? Finalement, la différence entre le
secteur privé et le secteur public, c'est tout simplement un mode
d'incorporation, c'est tout simplement un mode de gestion. Ce qui est important
au niveau gouvernemental - et c'est le rôle de tous les
députés qui ont été élus en cette Chambre -
c'est d'assurer que tous les citoyens du Québec aient le libre choix
entre ces institutions.
Mais ce que les parlementaires de l'autre côté de la
Chambre n'ont pas compris, c'est que ce projet de loi va vraiment dans ce qu'il
y a à peu près de plus atroce dans notre société.
Pour un gouvernement qui était censé avoir un
préjugé favorable envers les plus démunis, qu'est-ce qu'il
a fait ou qu'est-ce qu'il tente de faire avec ce projet de loi? II tente tout
simplement de fermer onze institutions privées
spécialisées en enfance inadaptée. Est-ce qu'il y a des
citoyens qui ont plus besoin de notre protection pour cette Chambre que cette
enfance inadaptée? Lorsque vous voterez sur ce projet de loi, je veux
que vous pensiez, vous, les députés de l'autre côté
de la Chambre, à ce que vous faites. (11 h 50)
Ces institutions privées, est-ce que vous vous êtes
interrogés sur les raisons pour lesquelles elles existaient et
fonctionnaient dans notre société et demandé d'où
venaient les enfants qui fréquentaient ces institutions pour l'enfance
inadaptée. Ils viennent de tous les milieux, messieurs de l'autre
côté de la Chambre, et ils sont référés
à ces institutions privées pour l'enfance inadaptée par
une foule de gens: premièrement, par nos commissions scolaires publiques
qui sont incapables de dispenser les services spécialisés requis
par ces enfants; ils sont référés aussi par des
hôpitaux; ils sont référés par nos directeurs de la
protection de la jeunesse; ils sont référés par nos
travailleurs sociaux; ils sont référés par nos centres de
services sociaux.
Vous aurez à voter pour assurer l'abolition de ces onze centres
de services pour l'enfance inadaptée. À ce moment-là, je
vais surveiller attentivement la réaction des députés de
l'autre côté, des régions de l'Estrie et de la rive sud.
Surtout mes voisins. Je vais surveiller très attentivement les votes du
député de Shefford et du député d'Iberville. Je
vais voir quelle réponse ils vont donner à ces milliers de
parents des comtés avoisinants et de mon comté qui nous ont
adressé une lettre commune; ils vont voir d'où vient l'action,
finalement, lorsque l'intérêt de la population compte et qu'on
coupe dans le vif.
Ces parents ont adressé une lettre à Jacques
Beauséjour, comté d'Iberville, Pierre Paradis, comté de
Brome-Missisquoi, et Roger Paré, comté de Shefford. Ils ont tout
simplement procédé par ordre alphabétique, c'était
apolitique. Et puis, ils ont attiré l'attention des
députés dans cette Chambre sur les points suivants. Ils ont dit
que le
secteur privé accepte, comme tes autres secteurs, de supporter
les coupures budgétaires nécessaires. On ne peut pas les accuser
d'être des irresponsables, comme on pourra peut-être le faire, si
ce gouvernement adopte cette loi, pour ceux qui voteront pour.
Ils ont également mentionné dans cette lettre: Nous ne
voulons pas être coupés plus que les autres car cela nous
empêcherait de survivre. Ce qu'ils ont demandé, c'est que les
coupures, qui s'appliquent finalement au secteur public, soient les mêmes
coupures qui s'appliquent au secteur privé, de façon que ce ne
soit pas le gouvernement qui choisisse pour les parents et pour les enfants
quel régime d'éducation ils auront mais que ce soient les parents
de la province de Québec qui puissent choisir pour leurs enfants.
Ils ont ajouté: Nous acceptons mal le fait que le ministre se
serve de la conjoncture actuelle pour changer les règles du jeu et ce,
sans consulter les institutions impliquées. Les ministériels vont
nous répondre: II va y avoir consultation. Oui, une heure et demie de
consultation quand il s'agit de l'avenir des enfants de l'ensemble de la
population du Québec. On est gâté par ce bon gouvernement!
Une heure et demie de consultation sur l'avenir de mon enfant, sur l'avenir de
vos enfants, messieurs, de l'autre côté de la Chambre, et sur
l'avenir des enfants de tous ceux qui nous ont élus ici. Je pense que
l'éclairage qui sera apporté par ces gens, par l'attitude que
vous allez adopter dans le dossier de l'éducation, va faire en sorte
que, la prochaine fois que vous vous présenterez devant eux, ils auront
peut-être un jugement sévère à porter.
Vous n'avez pas besoin de réserver les écoles
privées à des classes d'élite si vous voulez abolir les
institutions privées au Québec. Vous n'avez pas besoin de
procéder par étapes comme vous le faites dans beaucoup de
dossiers; annoncez donc aujourd'hui que vous ne voulez qu'un seul
système d'éducation au Québec. Si c'est ce que vous
pensez, si c'est ce que vous préconisez de l'autre côté de
la Chambre, levez-vous et dites-le: II n'est plus question de subventionner du
tout le secteur privé d'intérêt public. Avez-vous le
courage de vos opinions, de l'autre côté de la Chambre? À
ce moment-là, on saura que vous voulez un seul système, que vous
avez peur qu'avec deux systèmes, il y ait une certaine émulation
qui fasse en sorte que l'éducation progresse, que l'éducation
avance, que l'éducation se dirige vers ce degré d'excellence qui,
seul, va pouvoir permettre a nos enfants de devenir des citoyens à part
entière et de bâtir un Québec dont on rêve tous dans
cette Assemblée nationale.
Ayez le courage de vos convictions et dites: On ne veut plus du secteur
privé. Mais ne venez pas, dans cette Chambre, dire à la
population du Québec que vous voulez un secteur privé strictement
pour les élites, strictement pour vos petits amis bourgeois parce
qu'à ce moment-là, du côté de l'Opposition, on va se
lever et on va réclamer la possibilité pour les parents de
choisir ce qu'ils jugent être le meilleur système pour leur
enfant.
En terminant, avant qu'on condamne à mort le système
privé et les écoles qui accueillent de jeunes inadaptés,
j'aimerais rappeler à cette Chambre que la mort d'une école
jugée mauvaise n'a rien d'une tragédie, mais la mort d'une
école jugée bonne appauvrit au contraire le système dans
son ensemble. À cet égard, ceux de l'autre côté de
la Chambre qui décréteront la disparition de bonnes écoles
signeront du même coup la mort de l'école tout court et auront
à vivre avec les conséquences. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
d'Arthabaska.
M. Jacques Baril
M. Baril (Arthabaska): M. le Président, il y a
bientôt cinq heures que nous discutons ici du projet de loi no 11, ce
projet de loi qui a différentes incidences financières sur divers
ministères. Ce projet de loi est la suite réaliste du discours
sur le budget prononcé en cette même Chambre au mois de mars. Ce
discours sur le budget qui a été annoncé au mois de mars
dernier avait été jugé par la majorité des
commentateurs, comme un budget réaliste, un budget prudent dans les
circonstances actuelles. C'est évident que nous-mêmes aurions
préféré avoir une marge de manoeuvre assez large pour ne
faire aucune coupure dans aucun ministère et même augmenter
considérablement les services ou l'aide, que ce soit aux
municipalités, aux entreprises ou aux individus. Mais, si nous en sommes
rendus là, si nous sommes obligés d'imposer certaines
restrictions, c'est à cause d'abord des conséquences d'une
administration qui nous a précédés, d'une administration
qui a été juqée par la population en 1976, dont nous avons
fait mention à plusieurs reprises ici dans cette Chambre.
Le ministre des Finances, a fait allusion ce matin encore en parlant de
l'administration du Parti libéral, des années avant 1976, qui
nous avait laissé un déficit de 5 000 000 000 $ à 6 000
000 000 $ dans les fonds de retraite administrés par le gouvernement.
C'est quand même quelque chose, 5 000 000 000 $ à 6 000 000 000 $
dans seulement un domaine. Il y avait également 400 000 000 $ à
500 000 000 $ qui manquaient au niveau des commissions scolaires, mais que ces
gens ne déclaraient pas, parce qu'on considérait cette somme
comme des comptes à percevoir. Donc, cela ne faisait pas un trou.
Également, on pourrait ajouter les Jeux olympiques et tout le coulage de
fonds qu'il y avait dans l'administration gouvernementale comme telle.
Également, il faut regarder les conséquences des politiques du
gouvernement fédéral depuis quelques années face aux
provinces et, entre autres, face au Québec.
On nous annonçait, tout à l'heure, en parlant du
député de Beauce-Sud au niveau de l'agriculture, qu'il y avait
des coupures rigoureuses de l'aide à la main-d'oeuvre agricole. Quant au
programme d'aide à la main-d'oeuvre agricole, cette année, les
seules restrictions qui ont été imposées, c'est que les
personnes bénéficiant actuellement de l'assurance-chômage
ne sont plus admissibles à l'aide à la main-d'oeuvre agricole.
Pourquoi ne sont-elles plus admissibles? C'est évident qu'avec nos
propres moyens, il faut toujours se souvenir que dans les circonstances
actuelles, les Québécois et les Québécoises
envoient encore à Ottawa 50% de leurs taxes et de leurs impôts.
(12 heures)
Sur ce point, l'aide à la main-d'oeuvre agricole, en embauchant
un chômeur, il est évident qu'on enlève un fardeau au
gouvernement fédéral et que ce sont les Québécois
et les Québécoises qui en prennent la responsabilité.
J'invite les agriculteurs à oublier cette vieille mentalité
disant qu'un assisté social, ce n'est pas un bon travailleur, ce n'est
pas une personne fiable, c'est un gars qui ne veut pas travailler, parce que
avec les coupures que le gouvernement fédéral fait dans
l'assurance-chômage, beaucoup d'anciens chômeurs se retrouvent des
assistés sociaux. Donc, le mythe qui dit que les assistés sociaux
ne veulent pas travailler, il faudrait l'ajouter également aux
chômeurs parce que, de plus en plus, il y a des anciens ou des
exchômeurs ou des personnes qui bénéficiaient de
l'assurance-chômage qui n'y sont plus admissibles à cause des
restrictions budgétaires du gouvernement fédéral et ces
personnes tombent sous la responsabilité des
Québécois.
On parlait également de coupures draconiennes au niveau des
politiques du drainage des travaux mécanisés. C'est
complètement faux. Il n'y a aucune coupure au niveau de ces deux
programmes. Ces deux programmes existent tels qu'ils étaient les
années précédentes. Il faut dire également que le
gouvernement fédéral, dans le domaine des pêcheries, s'est
pratiquement retiré de l'aide à la construction de notre flotte
de pêche. Avant, le gouvernement fédéral finançait
à 35% le coût de construction de nos bateaux de pêche; il a
diminué cette participation à 15% et on ne sait pas, d'un mois
à l'autre, s'il ne se retirera pas complètement. Malgré
cela, les citoyens et citoyennes n'ont eu aucune diminution d'impôt, de
taxes d'Ottawa. Pourtant, nous sommes obligés de payer plus cher.
Une autre preuve: au niveau du nouveau programme d'aide aux producteurs
de porc annoncé dernièrement par le gouvernement
fédéral, on accuse le gouvernement du Québec de ne pas
accorder assez aux producteurs de porc, mais c'est évident que nous
avons un choix à faire. Avec le programme annoncé par le ministre
Whelan, le ministre de l'Agriculture au fédéral, plus le
Québec donnera, moins Ottawa donnera. Donc, encore une fois, cela nous
coûtera encore plus cher.
L'an dernier, il y a eu 76 000 000 $ de prêtés aux
agriculteurs québécois par le biais de la Société
du crédit agricole à un taux d'intérêt d'environ
14,75%. Sur ces 14,75%, on sait que le gouvernement du Québec compense
pour les premiers 150 000 $ le remboursement du taux d'intérêt
entre 8% et 14%. L'Office du crédit agricole du Québec a
prêté à lui seul 500 000 000 $ l'an dernier à un
taux de 8%. Avec l'augmentation du taux d'intérêt que nous
connaissons actuellement, ce programme va coûter cette année
environ 100 000 000 $ au gouvernement du Québec. Que fait Ottawa
là-dedans? Il ne fait rien. Nos impôts et nos taxes restent
toujours les mêmes quand ils n'augmentent pas. L'agriculture est le
secteur économique le plus important, où il y a eu le plus
d'investissements. C'est celui qui crée le plus d'emplois.
Il y avait un programme l'an dernier, une entente
fédérale-provinciale sur le programme d'aide aux
équipements communautaires. C'est un programme qui fut très
populaire. Plusieurs municipalités ont bénéficié de
ce programme pour améliorer leur bâtisse à
intérêt communautaire. On sait que, vers la fin de l'année
dernière, le gouvernement fédéral a encore annoncé
dans ce même programme qu'il se retirait complètement. Donc, c'est
un autre programme qui est coupé et, seul encore, le Québec doit
assumer ses responsabilités en ayant toujours seulement la moitié
de ses moyens financiers.
Il y a un autre dossier qui traîne depuis bientôt trois ans
et c'est la décision du gouvernement fédéral de couper la
construction du chantier La Prade à Gentilly. C'est un dossier qu'on
nous dit bien politique. C'est un dossier qui a été mené
au début par le ministre de l'injustice... excusez! le ministre
fédéral de la Justice avec les conséquences qu'on
connaît pour toute la région 04: nous avons perdu 1500 emplois
dans le domaine de la construction et 450 emplois permanents qui auraient pu
être assurés lors de l'étape
finale de ce projet, de ce dossier.
Pourtant, différents intervenants ont contesté cette
décision du fédéral de couper ce projet, mais, ce qui me
surprend toujours, chaque fois que le fédéral effectue des
coupures, c'est que, dans la population, la contestation n'est pas aussi forte
que lorsque c'est le gouvernement du Québec qui coupe quelque chose.
Dans mon comté, comme dans toute la région 04, la coupure dans le
projet de La Prade a eu des conséquences économiques
extraordinaires en créant du chômage pour des périodes
indéfinies pour les personnes qui travaillaient là et qui
espéraient faire partie des 450 postes permanents que ce chantier devait
créer lors de l'étape finale, après sa construction, pour
le fonctionnement.
On se lance la balle continuellement, on nous dit que le Québec
n'a pas de projet à présenter pour récupérer les
200 000 000 $ qui nous seraient alloués selon une entente qui a
été signée, et ça fait trois ans que ce dossier
traîne en longueur et pourrit. J'ose croire que nous pourrons arriver
à un règlement final dans l'intérêt des
Québécois et des Québécoises au cours des semaines
qui viendront.
Il y avait un autre dossier sur lequel on dit que le gouvernement
fédéral se penche -il doit être rendu pas mal bas - c'est
celui concernant les ententes avec les autres pays pour l'importation du
textile. On sait que tout le domaine du textile connaît actuellement une
période difficile. Le gouvernement du Québec a un programme
d'investissements pour la modernisation de nos entreprises, mais, encore
là, si le fédéral ne renouvelle pas les ententes avec les
autres pays, ce qui aurait comme conséquence que le textile entrerait au
Canada comme n'importe qui peut entrer dans une grange, toutes nos politiques
de modernisation, toutes les sommes que le gouvernement du Québec aurait
investies dans ce programme ce serait à peu près comme jeter de
l'argent à l'eau.
Il faut se souvenir également, de la chicane qu'il y avait eu
lors de l'abolition de la taxe de vente entre le gouvernement du Québec
et le gouvernement d'Ottawa. On retrouve encore ici ce défenseur des
Canadiens français, ce cher M. Chrétien, ministre
fédéral de la Justice qui, pour essayer de sauver la face, a
décidé d'envoyer à chaque Québécois qui
avait déjà payé de l'impôt une somme de 85 $, ce qui
veut dire que les personnes moins nanties et qui ne paient pas d'impôt
n'ont pas bénéficié de ces 85 $. Cela a eu comme
conséquence un manque à gagner pour le gouvernement du
Québec d'environ 200 000 000 t.
Avec l'augmentation du taux d'intérêt, qui est maintenant
de plus de 20% et le fédéral ne semble avoir aucune tentation de
remédier à la situation - c'est évident que les
investissements ont diminué de beaucoup. Je connais chez moi plusieurs
industriels et hommes d'affaires, que j'approuve, d'ailleurs, qui retardent
à faire leurs investissements parce que, vous savez, quelqu'un qui
investit 200 000 000 $ à 20% d'intérêt, ça fait 40
000 $ à rembourser avant que ça lui rapporte 0,01 $ et avant
d'avoir diminué son capital. Donc, c'est évident que la
rentabilité de l'entreprise est mise en cause, et je sais que, ces
jours-ci, deux ministres fédéraux rencontrent les banques pour
connaître les conséquences que cela peut avoir pour les PME, ils
semblent encore l'ignorer. (12 h 10)
Au niveau de l'augmentation du coût du pétrole, c'est un
peu extraordinaire de voir que le gouvernement de M. Clark avait
été remercié, dénoncé par le Parti
libéral fédéral, parce qu'il s'était engagé
à augmenter d'environ 0,18 $, pas plus que 0,18 $, le prix du
pétrole pour la première année. Il y a un peu plus d'un an
que le gouvernement de M. Trudeau est retourné au pouvoir et nous en
sommes rendus à subir une hausse du pétrole de plus de 0,50 $ le
gallon. Pourtant, à 0,18 $, on a renversé l'autre, c'était
pratiquement la fin du monde; maintenant, tout le monde va à la pompe,
paie et tu n'entends pratiquement pas de mécontentement. Les gens
parlent entre eux, mais il n'y a pas de mouvement de contestation.
Donc, on s'en va au niveau fédéral. Il ne semble y avoir
aucune planification avec des retombées désastreuses sur les
provinces et ça va un peu à la va-comme-je-te-pousse;
l'augmentation du coût des transports, il est évident qu'il y a
une grande répercussion au niveau des transports, au niveau du chauffage
de différentes bâtisses, et tout ça n'est rien pour aider
à remonter l'économie du Québec. Avec les moyens
financiers, toujours la moitié des moyens financiers dont le
Québec dispose, nous essayons d'aider les industries de
différentes façons et d'aider les citoyens en gardant ici, au
Québec, une politique sociale, une politique économique à
la hauteur, au moins, de nos besoins.
Il est évident que ce n'est pas en finançant ou en aidant
au financement de Massey-Ferguson que le gouvernement fédéral va
remonter l'économie. Une autre chose qui est un peu surprenante, c'est
que le seul pays qui a osé aider Massey-Ferguson, c'est le gouvernement
du Canada. Quand on sait que seulement 17% de la main-d'oeuvre de
Massey-Ferguson travaille au Canada, le Canada a cru bon d'aider cette
multinationale qui est implantée dans tous les pays du monde et qu'aucun
pays n'a voulu aider financièrement. De bon gré, le gouvernement
fédéral a décidé de l'aider parce que cette pauvre
est établie en Ontario.
Ottawa nous annonce actuellement que, pour diminuer son déficit
d'environ
15 000 000 000 $, il doit absolument couper dans les montants qui sont
retournés aux provinces. Si on recule un peu, au 20 mai 1980,
souvenons-nous de toute cette publicité qu'on a faite lors du
référendum. On appelait ça la péréquation.
Comme c'était avantageux de rester dans ce beau grand pays, avec les
sommes d'argent qui nous revenaient en tant que Canadiensi Bien, voilà
que ces sommes, qui ont toujours été dénoncées
d'ailleurs de ce côté-ci de la Chambre, voilà que ces
sommes diminuent maintenant de plus en plus et, sur les prochaines ententes
qu'il y aura, le gouvernement fédéral veut couper 1 500 000 000 $
pour les deux prochaines années. Il ne parle absolument pas ici de
diminuer les impôts, de diminuer les taxes. Mais il va encore couper les
revenus des provinces et le Québec souffrira encore d'un manque à
gagner d'environ 1 500 000 000 $.
Les raisons pour lesquelles le fédéral coupe ce revenu qui
nous est dû, parce que ce sont nos taxes et nos impôts qui vont
là, c'est parce qu'à son dire, à l'intérieur des
programmes à participation financière, le gouvernement central ne
tire aucun profit politique, parce que c'est de l'argent administré par
le gouvernement du Québec et que nous en disposons selon des ententes,
selon des programmes qui sont donnés. Mais il est évident que le
gouvernement fédéral, lors de la construction ou lors de
l'émission des chèques, ne met pas le petit drapeau à
feuille d'érable dans le coin gauche.
Donc, il est évident qu'ils se soucient toujours plus de
l'intérêt politique que de l'intérêt
économique du Québec. Vous savez, depuis toujours, Ottawa
enlève des pouvoirs législatifs, enlève des pouvoirs
financiers et on s'apprête maintenant, avec le rapatriement
unilatéral de la constitution, à enlever à peu près
tous les pouvoirs qui appartenaient jadis aux gouvernements des provinces. Au
printemps 1980, le peuple québécois a manqué une belle
occasion d'affirmer son mécontentement au fédéral et,
comme je l'ai toujours dit, la colère gronde maintenant beaucoup plus
dans l'Ouest que dans l'Est, parce qu'il y a au moins une chose que j'ai
apprise des provinces anglophones, c'est que, lorsqu'elles en ont un pouce,
n'allons pas leur en enlever une ligne, parce que c'est à elles et c'est
acquis. Nous, les gens du Québec, les Québécois et
Québécoises, avons toujours été habitués -
on est modérateur - de plier, d'en céder un peu et d'en
concéder un peu. Dans toute l'histoire, ce sont toujours les
anglophones, ici au Canada, qui ont devancé les francophones. Ce sont
toujours eux qui nous ont tracé le chemin.
Encore une fois, dans ce même dossier du rapatriement de la
constitution, vous verrez si je n'ai pas raison, ce seront encore les
anglophones - je suis fier pour eux, je le dis - qui nous montreront à
nous,
Québécois... qui nous feront regretter le geste que nous
avons posé le 20 mai. Dans l'Ouest, actuellement, il y a un mouvement
indépendantiste qui grandit de plus en plus. Probablement, que les
provinces de l'Ouest se dissocieront de cette Confédération avant
le Québec.
En terminant, M. le Président, j'aimerais dire que si au moins
ces restrictions budgétaires pouvaient servir à revaloriser
l'efficacité des travailleurs parce que dans le contexte actuel, nous
étions habitués à un laisser-aller au niveau des
travailleurs, au niveau des cadres, au niveau des personnes dirigeantes -
pouvaient nous permettre de se redéfinir en tant que citoyens et de
participer au nouveau mode de fonctionnement qui nous attend dans les
années à venir, ce serait déjà une grande
étape de franchie. Il fallait avoir le courage de le faire, et c'est
encore le gouvernement du Parti québécois qui en a eu le courage.
Nous appliquons ce qui avait été annoncé dans le discours
sur le budget et aujourd'hui, nous le concrétisons dans une loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Maskinongé.
M. Yvon Picotte
M. Picotte: M. le Président, on trouve que les
applaudissements ne sont pas forts, c'est que nous, nous attendons que les gens
aient quelque chose à dire et qu'ils l'aient dit pour applaudir, non pas
avant qu'ils soient vides de sens, comme certains discours que nous
entendons.
M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): ...provocation.
M. Picotte: Les mélodies à saveur western du
député d'Arthabaska ne sont sans doute guère
intéressantes à écouter de la part des milliers
d'auditeurs qui auront ou qui ont dû entendre en direct son discours. Cet
important discours fort érudit et fort recherché du
député d'Arthabaska prouve hors de tout doute qu'il s'agit bien
d'un bill omnibus.
Lorsqu'on regarde le projet de loi que nous avons à
étudier, le projet de loi no 11, force nous est donnée de
reconnaître la marque de commerce de ce gouvernement qui, depuis son
accession au pouvoir, a réussi à camoufler les vrais
problèmes en les enrobant de toutes sortes d'autres mesures, mesures
qui, dans certains cas, sont anodines, mais qui, par la suite, lorsque le
projet de loi est adopté, y ont caché des choses fort importantes
pour l'avenir.
Il s'agit - des gens l'ont dit avant moi - de la Loi modifiant certaines
dispositions législatives pour donner suite à la politique
budgétaire du gouvernement pour l'exercice 1981-1982. Comme
titre, ce n'est vraiment pas impressionnant et cela ne semble pas dommageable
non plus. Vous savez que le ministre des Finances légifère
à l'Assemblée nationale quelques mois après avoir
annoncé qu'il y a eu une augmentation de taxes sur les cigarettes. Tout
le monde en cette Chambre trouve cela normal qu'on légifère
là-dessus et qu'on inscrive à l'intérieur d'un projet de
loi cette hausse de taxe. (12 h 20)
Que le ministre des Finances nous dise qu'il s'agit tout simplement de
rendre légale la loi sur le remboursement d'impôts fonciers,
encore là, il n'y a pas tellement de problème. Cela a
été annoncé dans le discours sur le budget. La Loi
concernant l'impôt sur la vente en détail, c'est la même
chose. Mais il ne faut pas que les gens s'y méprennent parce que, dans
ce projet de loi, il y a beaucoup d'autres choses qui nous invitent à
dire à cette population: Voici ce que va donner comme résultat
l'adoption de ce projet de loi qui paraît inoffensif, mais qui, en
réalité, dans six mois, huit mois, un an, va démontrer
hors de tout doute qu'on est embarqué dans un engrenage qui va faire en
sorte que vont disparaître certaines choses non pas au bout de six mois
et de huit mois, mais au bout de quatre ou cinq ans.
Ces choses-là sont appelées à disparaître ou
devront disparaître obligatoirement parce qu'on aura adopté une
mesure, il y a trois ou quatre ans, à cette Assemblée nationale,
et on l'aura adoptée bien innocemment. Cela arrive tellement souvent.
Plusieurs de mes collègues, des deux côtés de la Chambre,
seront d'accord avec moi. Combien de fois sommes-nous appelés à
faire du bureau de comté et, pour ceux qui en font - vous-même,
parce que vous êtes dans ma région - à profusion et qui
reçoivent bien leurs électeurs, combien de fois sommes-nous
confrontés à des problèmes? On dit: Regarde donc cela, la
loi qu'on a adopté fait en sorte que ces citoyens-là sont
lésés. On dit: Ce n'est pas cela qu'on avait dans l'esprit quand
on a adoptée la loi. C'était caché dans le projet de loi
et on n'a pas vu cela parce que, évidemment, on a une foule de projets
de loi à voter. Les nouveaux voient cela depuis qu'ils sont
entrés à l'Assemblée nationale; c'est à profusion,
de 10 heures à minuit, qu'on vote des lois.
Vous savez que c'est quand même un genre de mini-session dans le
sens qu'elle est courte et qu'on adopte seulement l'essentiel, mais attendez
l'automne, où on aura des dizaines de projets de loi et que cela
défoulera. On va voter ces projets de loi tellement rapidement, M. le
Président, et tellement innocemment, dans certains cas, que dans deux
ans des citoyens viendront nous dire: Voici, la loi que vous avez votée
nous a donné cela. Ce n'est pas cela qu'on voulait comme
législature. On efface. Je ne sais pas si c'est sciemment ou
inconsciemment-et je ne veux prêter d'intention à personne - mais
je vous dis que, face à ce projet de loi, il y a des dangers et je vais
vous en énumérer.
Commençons par les coupures budgétaires dans le secteur
public, puisque cela fait plus plaisir à nos amis d'en face de parler du
secteur public; ensuite, on pourra parler du secteur privé
d'intérêt public. Il est aussi important de dire qu'il y a un
secteur privé d'intérêt public. Mais parlons du secteur
public.
Le gouvernement a décidé - c'était son choix - de
procéder à des coupures budgétaires dans deux domaines
précis qui s'appellent la santé des citoyens et
l'éducation des enfants de ces mêmes citoyens. C'était un
choix politique de procéder de cette façon et je ne le discute
pas. Le ministre des Finances a le droit de procéder comme il l'entend.
Intelligemment parlant, les ministères concernés, le
ministère des Affaires sociales et le ministère de
l'Éducation, sont les deux ministères qui ramassent, qui aspirent
- pour prendre l'exemple du leader du gouvernement avec sa balayeuse - le plus
de deniers, les deniers principaux de tout l'ensemble budgétaire du
gouvernement, et il est bien évident qu'on ne peut pas procéder
à des coupures sans toucher au ministère des Affaires sociales et
au ministère de l'Éducation. Mais vous savez, il y a plusieurs
façons de couper dans un budget. Un individu peut couper dans son panier
de provisions, pour autant qu'il coupe les choses les moins
intéressantes, les moins dommageables à sa survie et à la
survie de sa famille; c'est officiel. Le gouvernement, le ministre des Finances
peut faire exactement la même chose. Est-ce qu'il doit couper dans les
services de nos enfants à l'école? J'imagine que non. Pour avoir
vécu et travaillé à l'intérieur d'écoles
polyvalentes au Québec, je peux vous dire qu'il y a bien autre chose
à couper au niveau du ministère de l'Éducation que les
services à nos enfants. Je peux vous dire cela. Il y a une foule de
dépenses inutiles, il y a une foule de dépenses qui, si elles ne
sont pas inutiles, peuvent être enrayées momentanément ou
sur une période X pour aider à la compression des dépenses
budgétaires sans affecter l'éducation de mon enfant et de vos
enfants.
Oui, ce sont des commissions scolaires et c'est très facile, de
la façon que vous gérez, avec le "tordage" de bras que vous
faites depuis que vous êtes au pouvoir, de rencontrer les commissions
scolaires. Le ministre des Finances est un gars qui a beaucoup de
responsabilités et qui donne des ordres sévères comme il
en a donné dans le
passé. C'est facile. Il dit aux commissions scolaires: C'est
maintenant ça, point final, à la ligne. C'est comme cela qu'il a
fait avec son premier ministre au sujet du président du Conseil du
trésor. Ce ne sera pas ça, René, ça sera ça.
S'il est capable de faire ça avec son premier ministre, il devrait
être capable de le faire avec les commissions scolaires du
Québec.
Là, on va couper une foule de dépenses on en serait
surpris - sans toucher nécessairement à l'éducation ou aux
services offerts à nos enfants. Dans les affaires sociales, c'est
sensiblement la même chose, quand on regarde cela objectivement. Il y a
une foule de choses qu'on peut couper au niveau des hôpitaux, dans
l'administration. Oui, dans l'administration. C'est du parapublic et il suffit
que le ministre des Finances se foute le nez là-dedans comme il se fout
le nez dans toutes les poches du citoyen depuis qu'il est là en disant:
C'est ça. Quand on le fait pour le citoyen, on ne lui donne pas de
choix. On le fait et ça vient de s'éteindre. Qu'on le fasse aussi
pour le parapublic, pour les administrations parapubliques; c'est aussi simple
que ça.
Le ministre des Finances, ce grand gars de la finance, du temps qu'il
conseillait les autres gouvernements, n'avait aucune solution. Maintenant, il
est capable de faire tourner la terre dans sa petite poche depuis qu'il est
ministre des Finances; il devrait avoir les pouvoirs de le faire, j'imagine. Ce
grand financier, ce grand gérant des finances publiques aurait les
moyens de faire cela.
Il y aurait moyen aussi... Il me semble que ce serait bon comme saveur
auprès des citoyens si on disait: On va maintenant couper du
côté de tout ce qui s'appelle la publicité du gouvernement.
Vous allez dire: C'est tellement minime dans le budget de la province.
Écoutez, 3 000 000 $ ou 4 000 000 $ ici, 5 000 000 $ ou 6 000 000 $
là... Quand j'ai décidé de couper dans mon budget
personnel au sujet de l'épicerie, si j'ai coupé tel d'article,
même si c'est seulement 0,38 $, j'ai déjà effectué
une coupure qui me permettra d'être plus à l'aise. Je ne peux pas
couper seulement sur les choses que j'achète et qui coûtent 5 $ et
plus, il faut que je coupe des choses...
Qu'on coupe, qu'on coupe encore une fois des choses comme il ne faut pas
se faire avoir" et autres du genre. Si on procédait à des
coupures là-dedans, quelques millions ici et quelques millions là
en services de moins, on serait peut-être surpris, on n'aurait
peut-être pas besoin de procéder à ce qu'on fait
présentement, à la Régionale des Vieilles Forges. C'est
malheureux, mais c'est vrai que mon ami le député de
Trois-Rivières est fort affairé de ce temps-là à la
revalorisation du rôle du député, et je l'en
félicite. C'est sûrement un travail plus accaparant que celui
qu'il effectuait avant les élections de 1976. Tout le monde a hâte
d'en connaître l'issue et tout le monde veut aussi collaborer avec le
député de Trois-Rivières. Je lui offre donc mes meilleurs
voeux. (12 h 30)
Le député de Trois-Rivières aurait peut-être
le temps, malgré ses nombreux travaux, de venir dire à cette
Chambre que les coupures annoncées par M. Parizeau, le ministre des
Finances, qui a dit qu'elles ne dépasseront pas 3% et 4% et, dans
certains cas, 7% et 8%... Il faudrait, par exemple, qu'on dise que, dans la
régionale des Vieilles-Forges vous allez dire que je parle de la
régionale où les étudiants, où les enfants de mes
électeurs vont à l'école - dans la régionale des
Vieilles-Forges, entre autres, les coupures chez les enseignants, c'est 20%.
Pas 3% et 4% comme peuvent le laisser prévoir ou peuvent le laisser dire
certaines personnes dans cette Chambre; 20%. Ce n'est pas 20% coupé sur
du tapis ou bien sur certaines choses qui sont du mobilier à
l'intérieur d'une école polyvalente, c'est sur les enseignants.
C'est du personnel directement affecté à l'éducation de
mon enfant et des vôtres. 20%, M. le Président, pour les
employés du service public, soutien scolaire, qu'on appelle.
L'Association des professionnels non enseignants du Québec, c'est quand
même assez important d'avoir des professionnels à
l'intérieur de nos polyvalentes, là, on coupe chez nous seulement
de 47%; c'est-à-dire que je vous dis tout de suite que, quand on parle
de 4%, déplacez le point, ajoutez un 7, cela fait 47%. Le
député de Trois-Rivières... J'allais dire encore le
ministre des Affaires culturelles. Mon Dieu parfois, chassez le naturel et il
revient au galop, que, quand je vois la performance du ministre de
l'Environnement, j'ai quasiment le goût de dire au premier ministre:
Envoyez le ministre de l'Environnement à la revalorisation du rôle
du député et amenez-nous le député de
Trois-Rivières à l'Environnement. J'ai quasiment l'idée de
dire cela quand on voit ce qui se déroule à la période des
questions et le genre d'administration du ministre de l'Environnement. En tout
cas, 47% chez nous, M. le Président. Les professionnels des services
éducatifs, maintenant, 50%.
Ce qui fait que, chez nous, quand on additionne cela, dans la
régionale des Vieilles-Forges, cela fait des coupures non pas de 4%, ni
de 5% ou 7%, ce n'est pas 10% comme étant une commission scolaire
vraiment touchée, cela fait 22%. C'est ça que ça fait.
Qu'on ne vienne pas faire accroire à la population que c'est minime. Ce
ne sont pas des coupures, vous savez, pour modifier des travaux de menuiserie
dans une polyvalente ou changer un escalier de place ou faire un bureau
à l'intérieur. Ce
sont des coupures de personnel touchant directement l'éducation
de mon enfant. C'est pareil dans le domaine social, vous viendrez voir dans nos
hôpitaux. Sortez un peu, venez faire un tour. Allez sur place voir ce qui
se passe. Je ne vous demande pas d'être malade, je vous demande d'aller
voir dans les hôpitaux. Ne vous montrez pas trop, de peur qu'ils
prétendent que vous êtes malades, avec certaines choses que vous
faites, mais allez voir dans les hôpitaux ce qui se passe.
Je vais parler quelque peu, M. le Président, en terminant, du
secteur que les gens d'en face se plaisent à appeler privé, mais
qui s'appelle le secteur privé d'intérêt public. Je vais
prendre une seule école et le député de
Trois-Rivières pourrait venir me donner un coup de main
là-dedans, il y en a plusieurs dans son comté. Il y en a
plusieurs pour lesquelles d'ailleurs il s'est déjà
prononcé favorablement. C'est peut-être pour cela d'ailleurs,
parce qu'il s'est déjà prononcé favorablement, ce qui fait
que maintenant il revalorise son propre rôle. C'est peut-être pour
ça. En tout cas, j'aimerais cela que le député de
Trois-Rivières nous dise ici dans cette Chambre exactement ce qu'il
pense des écoles privées; il y en a tellement. Ce qu'il dit aux
directeurs de ces écoles privées en privé, qu'il vienne le
dire ici en public, a l'Assemblée nationale; c'est un excellent
forum.
M. le Président, mon collègue de Brome-Missisquoi,
à juste titre, a parlé... Vous savez, on fête
l'année des handicapés, nous autres, au Parlement. On va faire en
sorte qu'avec les coupures budgétaires, onze institutions privées
spécialisées pour les handicapés vont fermer leurs portes.
Cela s'appelle fêter l'année des handicapés,
québécoisement vôtre. C'est comme ça que ça
s'appelle. C'est de même qu'on fête cela, M. le Président,
l'année des handicapés. Ce n'est pas de la science fiction, c'est
de la réalité. Cela veut dire quoi? Je prendrai le cas, en
terminant, d'une école de mon comté qui est une école
privée d'intérêt public. Cela veut dire ceci. Le coût
de base de la subvention, M. le Président, était de 2424 $.
L'indexation au coût de la vie, avec la loi 56 pour vous faire une
comparaison, était de 11,59%, ce qui faisait 2809,11 $ plus 199 $ de
frais, valeur locative. On donnait 80% de cela, ce qui faisait 2406,72 $
multipliés par l'école de mon comté qui avait 150
élèves environ, cela donnait environ 350 000 $. Avec la loi no
11, inoffensive, que l'on va adopter hypocritement dans ce bill omnibus qui va
parler de la boucane, du tabac et de la hausse de taxe sur le tabac, à
l'intérieur de cela, ils vont passer des restrictions budgétaires
au niveau de l'enseignement... ce qui va faire qu'avec la loi no 11, on a dit:
Désormais, on fixe cela à 2000 $. On ne donne pas d'indexation.
On donne 199 $ de valeur locative et cela fait 2199 $, une différence
tout simplement d'environ 250 $. Ah, ce n'est pas grand-chose, 250 $. Comme le
disait hier un député, cela fait 25 $ par mois. Ce n'est pas
grave, seulement 25 $ par mois. Mais l'an prochain, par exemple, on aura
calculé avec la loi 56 un pourcentage d'indexation sur 2406 $ ce qui
approche les 3000 $, tandis que là, on va toujours revenir à 2000
$, ce qui fait que l'écart entre cette année qui est seulement de
35 000 $ pour une école privée va être l'année
prochaine de 55 000 $, et dans trois ans, de 75 000 $ possiblement. Là,
on va voir les gens d'en face venir chanter la chanson habituelle parce qu'il y
a seulement dans cette école, des riches qui vont pouvoir se payer cet
enseignement d'école privée d'intérêt public.
Là, on viendra nous dire: Ce sont tous des riches qui envoient leurs
enfants à l'école privée et c'est ce qu'on reproche, nous,
à ce gouvernement social-démocrate. C'est ce qu'on va venir nous
dire.
M. le Président, et je vous connais comme représentant de
la Mauricie et je vous regarde agir depuis un certain bout de temps. Vous
êtes assez intelligent pour savoir que l'adoption du projet de loi no 11,
par l'Assemblée nationale, si inoffensif soit-il, si insignifiant
soit-il, voté par des gens paraissant si innocents, va faire en sorte,
qu'on sonne le glas et qu'on enterre certaines écoles privées
d'intérêt public. Il va faire en sorte que dans mon propre milieu,
ma propre fille, vos propres enfants -pensez-y donc, à part ceux qui
n'en ont pas - vont avoir des services...
Une voix: ...
M. Picotte: Vous devez être content que je vous dise
publiquement que vous n'en avez pas.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, en terminant.
M. Picotte: Va faire en sorte que vos propres enfants vont
amoindrir les services qu'ils sont en droit d'avoir. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la
députée de Chomedey.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Merci, M. le Président.
Depuis quelque temps, nous avons été témoins dans
cette Chambre du peu de respect du parti ministériel pour le
parlementarisme québécois. Nous avons aussi été
témoins du peu de respect du parti gouvernemental pour la
démocratie.
Nous avons reçu un mandat de la
population et nous avons l'intention de jouer pleinement notre
rôle d'Opposition vigilante en faisant un travail acharné et
constructif. Personnellement, M. le Président, je n'ai pas l'intention
d'ajuster mes préoccupations et les préoccupations des
commettants de la région et de mon comté aux désirs du
parti ministériel.
Quand on a à blâmer quelqu'un pour les faiblesses du
présent gouvernement, on trouve immédiatement le Parti
libéral fédéral, le gouvernement fédéral; et
aussi, on trouve le moyen, après tant d'années de gouvernement et
tant d'années d'exercice des pouvoirs du gouvernement, de blâmer
l'ancien gouvernement. Quand je pense aux gens qui sont assis sur les
banquettes...
Une voix: II n'y en a pas beaucoup. (12 h 40)
Mme Bacon: ... aujourd'hui, il n'y en a pas tellement, mais il y
en a quelques-uns sur ces banquettes qui étaient auparavant des
conseillers du gouvernement précédent, à la place de
quelques nouveaux députés qui se servent de cet argument, j'y
penserais deux fois avant de commencer à trouver de telles
stupidités et de se servir de ces stupidités pour camoufler ou
changer un peu les faiblesses du gouvernement actuel. Est-ce que les gens qui
servaient de conseillers au précédent gouvernement ont
tenté de saboter ce gouvernement par goût du pouvoir, au lieu du
goût du Québec? Il y a quand même des questions. Je
m'interroge sur le bien-fondé de ces accusations qu'on nous sert chaque
jour - j'essaie d'être aussi présente que possible à ces
travaux parlementaires - et je pense qu'il faudra cesser et prendre ses propres
responsabilités comme gouvernement, comme gens exerçant un
pouvoir depuis déjà quatre ans et demi ou cinq ans. Je serais
même tentée de dire que j'aime mes adversaires, M. le
Président, parce que ces adversaires me font sortir le meilleur de
moi-même, et j'ai l'intention de continuer à le faire.
Comme bien des députés de cette Chambre, j'ai reçu
de nombreuses communications de la part des électeurs de mon
comté, me demandant d'intervenir et d'exercer toute la pression
nécessaire sur le gouvernement au titre de l'enseignement privé.
On sait que, par son programme, le Parti québécois s'est
engagé à faire disparaître graduellement l'enseignement
privé au Québec. Par ailleurs, le premier ministre, à
plusieurs reprises - on n'a qu'à retourner en 1976 - a dit que,
contrairement au programme du Parti québécois, le gouvernement
n'entendait pas faire disparaître l'enseignement privé et qu'il
allait préparer une politique de relance de l'enseignement privé.
Cette politique de relance, nous l'attendons toujours en 1981.
Il est vrai que ce gouvernement nous a presque habitués à
toutes ces paroles et ces gestes contradictoires. Croyez-moi, je le
déplore tout autant que bien des concitoyens. S'il y a des conflits
à l'intérieur du Conseil des ministres ou entre les ministres sur
l'existence même de l'enseignement privé au Québec - ce que
je présume et c'est ce qui, j'imagine, a causé des retards, dans
la mesure où le programme du Parti québécois propose la
disparition de l'enseignement privé - il y a sûrement un arrimage
qui est un peu difficile à faire.
Est-il besoin de signaler que tout délai dans la prise de
décisions cause un tort considérable aux maisons d'enseignement
privées et les parents des enfants qui fréquentent ces
institutions sont inquiets. Dans la population, il y a une demande au titre de
la participation financière que le gouvernement pourrait apporter dans
le domaine de l'enseignement privé.
Malheureusement, pour répondre à cette attente, tout ce
que le gouvernement péquiste a trouvé comme solution, c'est de
couper ses dépenses de façon draconienne, affectant gravement
tout le secteur de l'enseignement privé au Québec.
M. le Président, cette situation est un net recul à tous
les points de vue puisque, à moyen terme, les institutions
privées n'auront d'autre recours que d'accroître
exagérément la contribution des parents ou de fermer purement et
simplement leurs portes, ce qui aurait pour effet d'augmenter
singulièrement les dépenses du secteur public.
Nous aurions aimé que le ministre des Finances reconnaisse la
nécessité de réduire les dépenses gouvernementales
au cours des dernières années en tenant compte de la performance
administrative passée des secteurs devant être soumis aux coupures
budgétaires. Ceci l'aurait empêché de prendre des
décisions antisociales et foncièrement injustes.
Je m'interroge aussi, M. le Président, quant aux
véritables intentions de ce gouvernement. A-t-il décidé
d'intégrer progessivement le secteur privé au secteur public?
A-t-il décidé de forcer les institutions privées à
accroître la contribution des parents d'une façon tellement
exagérée en augmentant ou en doublant les frais de
scolarité? A-t-il décidé, ce même gouvernement, de
créer de toutes pièces une école pour les riches, pour une
classe de privilégiés?
M. le Président, il est clair que la situation actuelle est tout
autre. On sait que 75% des élèves fréquentant les
institutions privées proviennent de familles à revenu moyen, des
parents se saignant à blanc, trimant dur, acceptant de faire
d'énormes sacrifices pour permettre à leurs enfants de recevoir
une éducation qui peut répondre à leurs convictions et
à leurs préférences. Il me semble que ceci est un droit
sacré dans
une société qu'on veut encore appeler une
société démocratique.
L'émulation entre le secteur public et le secteur privé
est une source de qualité. Il est inacceptable pour la population de
voir le gouvernement tenter subtilement d'étouffer le secteur
privé. C'est comme si on voulait changer les règles du jeu
pendant la partie. De plus, ces changements sont imposés par un ministre
qui n'est même pas responsable du dossier de l'éducation.
M. le Président, les institutions privées d'enseignement
ont pendant longtemps assuré seules la formation de la jeunesse
québécoise. En ce sens, elles font partie de notre patrimoine
culturel et de notre patrimoine social. Malgré le développement
et la qualité grandissante du secteur public, bien des parents
québécois choisissent toujours l'école privée parce
qu'ils la croient mieux adaptée aux besoins de leurs enfants ou parce
qu'elle correspond mieux à leurs croyances ou à leurs
convictions. L'on ne saurait nier, par ailleurs, l'effet d'émulation
extrêmement bénéfique créé par la
présence concurrente de deux réseaux d'enseignement: privé
et public. Dans l'optique libérale, l'accessibilité à
l'école publique et le développement de la qualité de ses
services pédagogiques et d'encadrement demeurent prioritaires. Ceci ne
doit cependant pas empêcher le soutien et le développement d'un
secteur privé concurrentiel pour autant que cette vie parallèle
corresponde à une bonne gestion des fonds et des édifices publics
et que ces écoles privées soient accessibles à l'ensemble
de la population.
En présentant son projet de loi no 11, le gouvernement change
d'une façon draconienne, de dernière heure, des règles du
jeu du mode de financement de l'enseignement privé. Il brime
effectivement le droit des personnes et des groupes. Il force les maisons
d'enseignement privé à ne pas respecter des engagements
déjà pris à l'endroit de leur personnel et de leurs
étudiants pour 1981-1982. Il compromet aussi sérieusement
l'existence et le développement de l'enseignement privé au
Québec. Il détruit une valeur culturelle indispensable du
patrimoine québécois.
Le projet de loi no 11 remet aussi en cause l'existence même des
institutions spécialisées. Ma collègue de Jacques-Cartier
a plaidé la cause de ces institutions d'une façon intelligente et
bien plus éloquente que je ne pourrais le faire. Il est de notre devoir
de sensibiliser le public québécois à cette difficile et
délicate question. Les onze institutions privées qui, au
Québec, sont spécialisées en enfance inadaptée
reçoivent au total environ 1500 enfants et adolescents qui tous
présentent, à des degrés divers, des troubles
d'apprentissage ou des troubles de comportement. Pourquoi sont-ils
regroupés dans ces institutions? Pourquoi ces enfants ne sont-ils pas
accueillis au secteur public? La réponse est tragiquement simple.
L'immense majorité de ces enfants est envoyée à ces
institutions par des organismes de toutes sortes, organismes
généralement publics, commissions scolaires incapables de
dispenser les services spécialisés, hôpitaux, direction de
la protection de la jeunesse, travailleurs sociaux, centres de services
sociaux. (12 h 50)
On peut donc constater que l'existence même de ces onze
institutions, loin d'être un luxe, constitue un service public absolument
irremplaçable au sein de la société
québécoise. Le gouvernement du Québec, en gelant à
toutes fins utiles les ressources de ce secteur à moins de 11 000 000 $,
en profite également pour geler automatiquement la clientèle de
ces institutions, mais il va encore plus loin. Le ministère de
l'Éducation gèle aussi les ratios
maître-élèves comme s'il décidait à l'avance
du type de services et d'encadrement dont ces enfants ont besoin.
Mais le gouvernement ne s'arrête pas en si bon chemin. Plusieurs
de ces institutions, au cours des années, ont réussi à
mettre sur pied des fondations grâce auxquelles elles devenaient en
mesure d'améliorer quelque peu les services dispensés à
ces enfants et sans qu'il en coûte un sou de plus aux finances publiques.
Par exemple, une institution qui pouvait engager à mi-temps un
spécialiste additionnel grâce à sa fondation avait la
possibilité de le faire; dorénavant, cela sera interdit aux
institutions spécialisées en enfance handicapée.
Il s'agit là de mesures aberrantes et surtout de la part d'un
gouvernement qui parle du même souffle de frais modérateurs pour
réduire la consommation des services gouvernementaux. Nous constatons
donc que, non seulement le gouvernement gèle et diminue dans les faits
les sommes qu'il contrôle, mais qu'en plus, au nom des sacro-saintes
normes et aussi d'un égalitarisme absurde entre le privé et le
public, ce même gouvernement étend son emprise sur des sommes qui
ne sont pas à lui et qui sont le fruit de l'altruisme et de la
générosité des citoyens.
Au nom des 1500 enfants parmi les plus démunis de tous les
enfants du Québec, au nom de centaines d'enfants tout aussi
démunis qui ne pourront recevoir les services spécialisés
auxquels ils ont droit, dans toute société civilisée,
parce qu'ils ne pourront être admis dans ces institutions, je demande au
gouvernement du Québec de revoir ses positions, le plus rapidement
possible sur les coupures budgétaires dans le secteur de l'enfance
inadaptée.
M. le Président, ce serait mal jouer notre rôle que de
taire de tels besoins. Comme je le disais au début de mes
remarques, comme Opposition représentant 46% des gens qui nous
ont témoigné leur respect et leur confiance, qui nous ont
désignés ici pour les représenter, malgré les
railleries du parti ministériel, malgré leur incapacité
d'accepter une Opposition comme la nôtre, j'ai l'intention de continuer
comme mes collègues à faire part à cette Chambre des
besoins de la population et de traduire ici, au nom des citoyens, au nom des
citoyennes, les besoins et les aspirations de cette population. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Limoilou.
M. Gravel: Est-ce que je peux vous demander, vu l'heure
avancée, M. le Président, de suspendre le débat?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion de suspension
est-elle adoptée.
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Les travaux
sont suspendus jusqu'à 15 heures, cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 54)
(Reprise de la séance à 15 h 10)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Assoyez-vous.
Reprise du débat sur la motion de M. Parizeau proposant que le
projet de loi no 11 soit lu à nouveau.
La parole était à M. le député de
Limoilou.
M. Raymond Gravel
M. Gravel: Merci, M. le Président. Puisqu'il s'agit de la
première occasion qui s'offre à moi de prendre la parole en cette
Assemblée depuis ma réélection comme député
de Limoilou, permettez-moi d'abord de remercier publiquement l'équipe de
bénévoles de mon organisation qui ont accompli un magnifique
travail durant ces derniers mois, de même que les électrices et
les électeurs de mon comté qui ont bien voulu m'accorder leur
confiance pour un second mandat. Je puis vous assurer que je ferai tout ce qui
est humainement possible pour être à la hauteur de cette confiance
et je continuerai d'être disponible et d'être à
l'écoute des travailleurs de mon comté.
Depuis quelques années, il y a des oiseaux de malheur qui
aimeraient nous faire croire que l'économie du Québec est mal en
point par rapport à celle des autres provinces canadiennes. Que ce soit
par des manoeuvres politiques ou en raison de leur mentalité de
colonisés, ces gens voudraient, semble-t-il, nous faire croire qu'un
Québec administré par des Québécois et pour des
Québécois, ça ne peut pas fonctionner rondement. Pourtant,
les faits prouvent le contraire. Au cours du premier mandat du gouvernement du
Parti québécois, l'économie du Québec, loin de se
détériorer, a pris du mieux.
M. le Président, permettez-moi de vous référer,
entre autres, à un article du journaliste Richard Daigneault qui citait,
le 20 mai dernier, dans le journal Le Soleil, des extraits de la revue
L'investisseur étranger publiée, soit dit en passant, par
l'Agence d'examen de l'investissement étranger du gouvernement
fédéral. Cela, c'est sérieux! On y mentionne notamment que
dans un rapport publié récemment, le Conseil économique du
Canada note que le Québec est, avec l'Alberta, la seule province
canadienne où la productivité n'a pas fléchi au cours des
six dernières années. On mentionne aussi - et je cite - que
"malgré la persistance du chômage élevé, l'industrie
et le gouvernement ont créé pas moins de 180 000 emplois au cours
des trois dernières années.
Au niveau de l'agriculture, on indigue qu'à première vue
on ne s'attendait pas que le Québec réalise des progrès
aussi spectaculaires puisque le gel se montre durant 200 nuits par
année. Néanmoins, le degré d'autosuffisance en
matière de produits alimentaires a grimpé de 51% à 60% au
cours des cinq dernières années.
L'économie québécoise n'est donc pas si mal en
point, M. le Président. Bien au contraire, elle est de plus en plus
saine et ce n'est pas par hasard. Depuis 1976, ce gouvernement a
multiplié les mesures afin d'utiliser au maximum les leviers dont nous
disposons pour améliorer les choses.
M. le Président, le point de départ de cette série
de mesures était peut-être l'abolition des caisses
électorales secrètes. Pour la première fois, en effet, un
gouvernement prenait à Québec des décisions sans
être lié aux intérêts des compagnies et des bailleurs
de fonds. Pour la première fois, un gouvernement pouvait se permettre de
légiférer dans l'intérêt supérieur de la
collectivité, sans être pris au piège d'une caisse
électorale secrète garnie par des financiers.
Avant 1976, M. le Président, lorsqu'un parti politique
était élu, c'étaient les bâilleurs de fonds qui
contrôlaient le pouvoir. Ce sont eux qui intervenaient dans les prises de
décisions relatives à l'économie de la province et, bien
sûr, ils s'organisaient pour que les actions gouvernementales n'affectent
pas leurs intérêts. Quand le Parti québécois a
formé le gouvernement en 1976, il n'avait à répondre que
devant les électeurs québécois et non devant les
compagnies.
Pourquoi? Parce que le Parti québécois s'est toujours
financé par ses membres.
Qu'on songe, par exemple, à la Loi sur la protection des terres
agricoles, législation essentielle pour sauvegarder la vocation
première de nos bonnes terres. Grâce à cette loi et aux
autres mesures du gouvernement en matière d'agriculture et
d'alimentation, nous pouvons, dans les années à venir,
accroître substantiellement notre autosuffisance en ce domaine. Les
investissements sur les fermes ont d'ailleurs pratiquement doublé depuis
1976.
On parlait de cette mesure essentielle depuis des années et des
années dans les milieux gouvernementaux, mais jamais aucun gouvernement
n'avait eu le courage d'intervenir dans ce domaine. Est-il utile de se demander
pourquoi, M. le Président? Comment les gouvernements
précédents auraient-ils pu s'attaquer directement aux
intérêts des spéculateurs fonciers qui faisaient de
véritables fortunes en spéculant sur les terres agricoles du
Québec? La même situation prévaut dans le secteur de
l'amiante où nous pourrons bientôt, avec l'acquisition d'autres
mines, orienter l'exploitation de cette richesse naturelle pour le plus grand
profit des Québécois. Ce n'est pas d'hier que tous les
Québécois sont au courant de l'exploitation abusive de ces
richesses naturelles de chez nous. Les compagnies faisaient l'extraction ici et
la transformation ailleurs. Pourtant, les gouvernements
précédents n'ont jamais osé intervenir dans ce domaine. M.
le Président, on ne mord pas la main qui nous nourrit et les politiciens
ne s'attaquent pas à leurs bailleurs de fonds. L'intervention de notre
gouvernement dans le domaine de l'amiante sera une autre mesure
génératrice d'emplois chez nous.
Par ailleurs, avec la politique d'achat au Québec, la part
d'achats gouvernementaux effectués auprès de manufacturiers
québécois est passée de 55% à plus de 75%. Cet
accroissement représente quelque 400 000 000 $ réinjectés
dans l'économie du Québec. Une telle politique aurait
été difficile d'application pour un gouvernement qui est
obligé de favoriser dans ses achats les compagnies qui garnissent sa.
caisse électorale. C'est encore une mesure de notre gouvernement qui va
engendrer plus d'emplois chez nous. Dans le cadre des différents projets
OSE, des millions de dollars ont été investis dans la petite et
moyenne entreprise depuis 1976 et des milliers d'emplois permanents ont
été créés. Dans le domaine de l'environnement, un
véritable ministère a enfin été créé
en 1979 et des sommes importantes ont été consenties pour
accélérer l'épuration des eaux tout en créant des
emplois. Dans la seule région de Québec, une entente
récente avec la Communauté urbaine de Québec va permettre
des investissements de quelque 36 000 000 $, dont 30 000 000 $ provenant des
coffres du gouvernement. Il s'agit d'un investissement nécessaire qui
va, lui aussi, être générateur d'emplois.
Les gouvernements précédents, liés à des
caisses électorales secrètes garnies par les grandes compagnies,
auraient-ils osé imposer des mesures adéquates aux industriels
pour empêcher la pollution éhontée de notre environnement?
Ils ne l'ont pas fait et on comprend facilement pourquoi.
Voilà peut-être pourquoi, dans l'article que je mentionnais
tout à l'heure, on affirme que l'économie du Québec est
à l'aube d'une ère nouvelle dans les années quatre-vingt.
C'est l'effet de l'administration honnête d'un gouvernement qui
n'était pas lié à des intérêts financiers
particuliers et qui a eu le courage de mettre en oeuvre les réformes qui
s'imposent. Une nouvelle série de mesures énoncées dans le
présent budget va poursuivre et consolider cette approche du
développement économique québécois. Avec un
programme comme celui favorisant l'accession à la
propriété, par exemple, nous répondons directement
à un besoin de nos concitoyens tout en stimulant l'économie.
M. le Président, malgré les oiseaux de malheur et les gens
qui voudraient nous faire croire que tout va mal chez nous, l'économie
du Québec a subi un sérieux redressement au cours du premier
mandat du gouvernement du Parti québécois, et ce, tout en
permettant de diminuer les impôts, ce qui représente une
excellente performance. En poursuivant cette gestion des fonds publics avec des
méthodes saines et innovatrices, nous allons effectivement vers une
ère nouvelle, et ce, pour le mieux-être des
Québécois. Tout ce que je souhaite personnellement, c'est que,
dans un avenir rapproché, les Québécois nous donnent le
mandat clair d'administrer nous-mêmes tous les leviers qui nous
permettraient d'assurer notre développement dans notre
intérêt, sans ingérence extérieure et sans les
contraintes d'un palier supérieur de gouvernement, soumis aux
impératifs d'une autre nation.
M. le Président, nous avons mis résolument le cap sur
l'avenir et cet avenir, j'en suis persuadé, est très prometteur
pour les Québécois. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Jeanne-Mance.
M. Michel Bissonnet
M. Bissonnet: M. le Président, je me serais bien
adressé à MM. les ministres, mais comme il n'y en a pas un seul
présent...
M. Chevrette: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le whip.
M. Chevrette: Le député devrait savoir que le
mercredi, il y a une réunion du Conseil des ministres; ce qu'il dit est
même mesquin.
M. Vaugeois: De plus, M. le Président, il n'a qu'à
regarder les gens en face de lui, la qualité est ici.
M. Bissonnet: Ce n'est pas une question de règlement. Je
voudrais quand même saluer mes deux collègues qui sont d'anciens
ministres...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député, vous avez la parole. M. le député de
Jeanne-Mance, s'il vous plaît.
M. Bissonnet: Je voudrais faire quelques remarques sur le projet
de loi no 11. À l'intérieur de ce projet, M. le Président,
il y a des dispositions relatives à une taxe sur la vente en
détail du tabac, soit 45%. Depuis que je suis député dans
cette Assemblée, j'ai remarqué que, parmi mes amis d'en face, il
y en a un qui connaît le tabac, il s'agit du ministre M. Parizeau, ancien
conseiller du gouvernement sous l'Union Nationale et ancien conseiller du
gouvernement libéral. Aujourd'hui, M. Parizeau, à la
période des questions, lorsqu'on parlait d'un trou de 1 000 000 000 $,
implique le gouvernement du Parti libéral, avant 1976.
M. Parizeau était le conseiller...
M. Vaugeois: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Trois-Rivières.
M. Vaugeois: Je ne suis pas très fort concernant le
règlement, mais je vais me forcer, étant adjoint au leader
aujourd'hui. Je sais que l'article 99 de notre règlement, au
sixième point, précise: "II est interdit à un
député qui a la parole de désigner le président ou
un député par son nom."
En l'occurrence, je pense qu'il faudrait parler de M. le ministre des
Finances.
M. Bissonnet: Très bien.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Jeanne-Mance.
M. Bissonnet: Je remercie, M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Jeanne-Mance.
M. Picotte: M. le Président, avant que mon collègue
de Trois-Rivières quitte, j'aimerais lui souligner que j'espère
que ce n'est pas la seule réforme parlementaire à laquelle il va
s'attaquer.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Jeanne-Mance, vous avez la parole.
M. Bissonnet: M. le Président, j'ai remarqué la
brillante intervention du député de Trois-Rivières, mais
j'ai l'impression qu'il devrait plutôt s'occuper de la Commission
scolaire régionale des Vieilles-Forges. Je pense que cela serait
peut-être plus profitable pour ses concitoyens dans son comté.
Dans ce projet de loi, on retrouve des dispositions variables en ce qui
a trait à l'enseignement privé, relativement à une
augmentation de 1,5% à 3% de la contribution des employeurs et des
municipalités à la Régie de l'assurance-maladie. En ce qui
concerne l'assurance-maladie, on constate que dans ce projet de loi, une
augmentation de 100% force les employeurs à donner au gouvernement 100%
du montant donné l'année dernière.
Nous assistons à une réorientation peut-être vers
l'automatisation dans certaines entreprises, parce qu'une entreprise qui a un
chiffre d'affaires de 6 000 000 $ pour des employés devra payer un
montant de 90 000 $ additionnels au gouvernement. C'est une moyenne de cinq
à six employés.
Concernant la Commission municipale du Québec, le ministre nous a
dit: "Je pense que les élus municipaux doivent expliquer a la
population, et les gens doivent s'attendre a ça, s'il y a un taux
d'inflation de 12% et qu'on veut garder les mêmes services, que le compte
de taxes devrait suivre d'une augmentation de 12%, comme le coût des
services municipaux va suivre à 12%, et il faut l'expliquer."
Ce que je veux dire, M. le Président, c'est que les
municipalités ont subi une réforme fiscale en 1979. La plupart
des municipalités se sont servies d'une disposition que le gouvernement
a adoptée à la fin de 1980, pour permettre, par la loi 12, aux
municipalités de permettre à leurs concitoyens une
réduction de taxes d'environ 10% pour 1981, et de 5% pour 1982.
Il faut considérer que les municipalités qui ont
donné cet allégement du fardeau fiscal à leurs
contribuables devront le diminuer de 5% d'un taux qui était de 10%.
À la suite de l'augmentation du coût d'inflation, certaines
municipalités au Québec se sont servies de ce crédit
d'impôt pour favoriser toujours le petit contribuable. Nous assisterons,
M. le Président, à une augmentation prochaine, pour 1981, du
coût d'évaluation, qui est normale, selon le ministre des Affaires
municipales, et à une
diminution de taxes de 5% au lieu de 10%. Il faut donc présumer
d'une augmentation possible de 17% sur les taxes municipales dans la
Communauté urbaine de Montréal.
Je veux souligner que l'augmentation de 1,5% à 3% du montant que
les municipalités devront payer au gouvernement du Québec est une
augmentation d'impôt directe que les municipalités devront faire
subir à leurs contribuables.
En ce qui a trait à l'enseignement privé au Québec,
je voudrais, dans les quelques minutes qui suivent, parler de la façon
dont le Parti québécois a agi dans ce dossier.
Nous avons une loi et on nous fait actuellement beaucoup de
représentations. Moi, j'en ai beaucoup du collège Marie-Victorin,
dont plusieurs étudiants résident dans mon comté et qui
sont de classe moyenne, dont les parents ont des revenus moyens; j'en ai
beaucoup aussi qui sont au collège des Eudistes.
En 1976, dans le programme du Parti québécois, on lit
ceci: "Un gouvernement du Parti québécois s'engage à
consacrer aux seules institutions publiques les sommes actuellement
dépensées pour l'enseignement élémentaire,
secondaire et colléqial." En 1977, le Parti québécois
modifie l'article 4, paragraphe 16, du chapitre Vie culturelle du programme du
Parti québécois et le nouvel article se lit comme suit, M. le
Président: "Un gouvernement du Parti québécois s'engage
à élaborer, dans les plus brefs délais possible, une
planification financière et pédagogique dans les secteurs public
et privé et des normes d'admission qui éliminent toute forme de
discrimination sociale, à réaliser cette planification dans une
perspective d'intégration progressive du secteur privé au secteur
public, dans le respect du choix libre garanti par la diversité des
écoles et, en ce sens, adopter une loi de l'enseignement privé
qui instaure un contrôle rigoureux de l'émission des permis, de la
qualité des services offerts et de la fréquentation réelle
des institutions et qui soumettent les institutions privées à des
normes identiques à celles qui régissent les institutions
publiques, et réduire progressivement les subventions de l'État
aux écoles privées non intégrées sur une
période de cinq ans."
Un moratoire suspend l'émission de nouveaux permis
d'écoles privées d'enseignement général et
professionnel au niveau primaire, secondaire ou collégial. Il n'autorise
pas de nouveaux enseignants, au général ou au professionnel, aux
écoles qui détenaient déjà un statut dans les
niveaux mentionnés ci-haut. Le gouvernement du Québec crée
une commission d'étude ayant pour mandat d'étudier la situation
de l'enseignement privé depuis l'année 1968. On parle de 1976 et
1977, M. le Président. Une pétition de 546 097 signatures de
parents est remise au premier ministre du Québec. Elle demande à
l'État de respecter la liberté des parents d'envoyer leurs
enfants à l'école de leur choix.
Depuis 1977, le gouvernement du Québec retarde d'année en
année l'annonce de sa politique à l'égard de
l'enseignement privé. On attend encore, M. le Président, mais on
arrive avec un projet de loi sur des mesures de dispositions budgétaires
et on implique, en profondeur, la question relative au système de
l'enseignement privé. (15 h 30)
En 1977, le 19 mai, le ministre de l'Éducation, M. Jacques-Yvan
Morin, répondait à mon collègue, le député
de Bonaventure, et affirmait: "D'autre part, j'ai l'intention, au cours des
semaines qui viennent - nous sommes le 19 mai 1977, M. le Président - de
déposer devant cette Chambre un rapport sur l'avenir de l'école
privée au Québec, lequel a fait l'objet de longues études
dans mon ministère depuis déjà quelques mois, document qui
pourra pleinement renseigner le chef de l'Opposition - M. le
député de Bonaventure était le chef de l'Opposition
à l'époque - et servir de fondement à un
débat."
Le 8 décembre 1977, M. le Président, le ministre de
l'Éducation, M. Jacques-Yvan Morin, répondait à notre
ex-collègue, le député de Beauce-Sud, M. Fabien Roy, et
affirmait: "La politique à cet égard sera sans doute
annoncée au printemps." On est en 1977. On va vite au Parti
québécois, vous allez voir ça, M. le Président. Le
18 mai 1978, le ministre de l'Éducation, M. Jacques-Yvan Morin,
répondait encore au député de Beauce-Sud, notre
ex-collègue M. Fabien Roy, et affirmait: "Cette politique est
discutée non seulement chez les fonctionnaires, mais au niveau des
ministres et des députés. Demain matin, j'aurai l'occasion,
à la commission parlementaire, qui doit se pencher sur l'enseignement
privé, à la demande du député de Gaspé, de
donner des indications plus précises sur l'état de ce
dossier."
Le 19 mai 1978, à la même commission parlementaire, le
ministre de l'Éducation répondait au député de
Gaspé, notre excollègue M. Le Moignan - que nous saluons cet
après-midi - et affirmait ce qui suit: "Effectivement, comme l'a
mentionné le député, une étude en profondeur a
été effectuée depuis plus d'un an maintenant et se trouve
en ce moment sur le point d'aboutir - cela s'en vient, M. le Président
-devant le comité ministériel de développement culturel et
devant le Conseil des ministres. Au terme des études en cour9 et des
conclusions du groupe chargé du dossier, qui vont nous être
transmises au début de juin, le gouvernement a l'intention de faire
connaître sa politique. Ce sera
vraisemblablement dans le courant de juin 1978."
Le 15 décembre 1978, le premier ministre, M. Lévesque,
député du comté de Taillon, pour faire plaisir à
mon collègue le député de Trois-Rivières,
répondait à la place du ministre de l'Éducation - quand
ça n'avance pas vite, le premier ministre vient toujours à la
charge - au député de Gaspé, M. Le Moignan: "Une chose est
certaine, le plus vite possible, en 1979, je l'espère à temps
pour que des projets légitimes puissent se réaliser, il y aura
des éclaircissements." On attend encore.
M. Fortier: On vient de les avoir.
M. Bissonnet: Le 14 février 1979, le ministre de
l'Éducation, M. Jacques-Yvan Morin, répondait encore au
député de Gaspé: "Je n'ai rien à ajouter pour
l'instant." On est rendu au 14 février 1979. La réponse que
donnait le premier ministre au député de Gaspé au mois de
décembre; du moins, il se rappelait ça. "Je puis simplement
informer le député de Gaspé que la rédaction du
document faisant état de la nouvelle politique du gouvernement à
l'égard de l'enseignement privé est sur le point d'être
terminée. Mon collègue, le ministre d'État au
Développement culturel, qui est également partie à ce
dossier et que je viens de consulter à l'instant, me dit que dans une
dizaine de jours nous aurons devant nous un document qui suivra le cheminement
qu'ont connu, par exemple, le livre vert sur l'enseignement primaire et
secondaire ainsi que l'énoncé de politique sur les
collèges. Nous devrions certainement aboutir avec un document qui serait
rendu public dans le cours du printemps."
M. Fortier: À la naissance...
M. Bissonnet: Bien oui. Le 25 avril 1979, le ministre de
l'Éducation répondait toujours au député de
Gaspé: Nous croyons être en mesure, d'ici quelques semaines, de
déposer devant cette Chambre l'énoncé politique, qu'on a
aujourd'hui... les gens ne peuvent pas tous venir nous parler - parce qu'on est
là pour parler avec nos concitoyens - pour nous dire le malaise qu'ils
ressentent à la suite de cette disposition.
Je reviens au 25 avril. Ces gens-là attendent depuis cinq ans.
Quelles sont les règles du jeu? Toujours au mois d'avril 1979, quelles
sont les règles du jeu et quelles seront les modalités de
financement de l'enseignement privé? Le 30 mai 1979, le ministre de
l'Éducation, M. Jacques-Yvan Morin, député du comté
de Sauvé - là, il s'est sauvé à Londres -
répondait au député de Jean-Talon - on y reviendra,
là-dessus, M. le député - notre collègue, M.
Rivest: "Je n'ai pas l'intention de donner une date précise parce
qu'à l'heure actuelle je ne sais pas combien de temps il faudra pour
procéder à ces simulations et à ces consultations. Je puis
assurer cette Chambre d'une chose, c'est qu'aussitôt que la politique
sera prête et qu'elle aura fait l'objet d'un débat au Conseil des
ministres - il commence à être temps que cela arrive là, M.
le Président - elle sera rendue publique."
Le 17 octobre 1979, le ministre de l'Éducation répondait
à M. le député de Gaspé: "Le député
me demande où nous en sommes. À l'heure actuelle, le texte est
presque prêt." Le député n'aurait certainement pas fait un
bon maire, parce qu'il faut toujours être prêt à
répondre à nos concitoyens, M. le Président. Alors je
répète. "Le député me demande où nous en
sommes. À l'heure actuelle, le texte est presque prêt. Je compte
aller devant le comité ministériel du développement
culturel, présidé par mon collègue le Dr Laurin,
député du comté de Bourget, d'ici deux ou trois semaines
au maximum. Après quoi, le dossier prendra le chemin du Conseil des
ministres, puis il aboutira sans doute devant cette Chambre et devant la
population."
Franchement, M. le Président, on arrive aujourd'hui avec un
projet de loi no 11, on va faire une commission parlementaire à laquelle
on limite l'accès parce qu'il y a des ententes et que cette Chambre doit
terminer ses travaux pour la fin de juin, le 19 juin. Tous les
députés veulent aller en vacances, ils viennent d'être
élus, on a passé une dure élection, et ils veulent aller
en vacances, mais ces gens ont un droit légitime, comme
Québécois, de se faire entendre par nous qui sommes leurs
représentants.
J'insiste pour que ce projet de loi qui a trait à l'enseignement
privé soit reporté et j'espère que le ministre de
l'Éducation et le ministre des Finances sont assez conscients de leurs
actes et de leurs gestes, M. le Président, pour reporter et scinder ce
projet de loi au niveau de l'enseignement privé, afin de permettre
à tous nos commettants qui sont impliqués, les milliers et les
milliers de parents - j'en ai beaucoup dans mon comté et je pense qu'il
y en a dans la plupart des comtés des députés qui sont ici
-d'être entendus dans un temps minimal. Je retourne à mon dossier
qui est inquiétant.
M. le Président, je suis rendu au mois de décembre 1979.
Le ministre de l'Éducation affirmait à M. le député
de Gaspé: "L'essentiel de la politique relative à l'enseignement
privé et à son financement est maintenant prêt. La
politique a été acheminée à l'état de projet
au comité permanent interministériel de développement
culturel depuis maintenant deux ou trois semaines. Après en avoir
débattu au sein du comité interministériel, il y a des
retouches à apporter au dossier. Une fois prêt, il ira directement
au Conseil des ministres.
J'imagine que ce sera au cours des semaines qui viennent."
Le 31 mars 1980, M. le Président, le ministre des Finances,
député du comté de L'Assomption, répondait au
député de Jean-Talon: "Ce n'est pas à moi que doit
s'adresser sa question pour savoir quand le document en question sera
déposé. Je n'ai rien à ajouter à ce que le ministre
de l'Éducation et le premier ministre ont déjà dit
à ce sujet les années antérieures, M. le Président.
Je voudrais simplement donner les renseignements les plus récents que je
viens d'avoir sur l'état de la nouvelle politique d'enseignement
privé. On me dit qu'elle a été présentée au
comité ministériel du développement culturel qui a
demandé au ministre de l'Éducation d'approfondir certaines de ses
hypothèses de financement avant de se prononcer. Donc, il faut que le
comité ministériel pour le développement culturel se
prononce sur ce dossier une fois que le ministre de l'Éducation aura
procédé à certaines révisions. Le ministre de
l'Éducation est en train de travailler là-dessus et c'est dans
quelques semaines que la question viendra devant le Conseil des ministres."
Quand je vois tout cela, M. le Président, une réponse du
ministre des Finances comme ça, je comprends très bien qu'il y
ait, à un moment donné, dans le rapport du Vérificateur
général des lacunes administratives. On s'envoie le dossier d'une
place à l'autre, M. le Président. Je pense qu'il faut
arrêter au Québec de jouer avec les citoyens. (15 h 40)
Le 5 juin 1980, M. le Président, le ministre de
l'Éducation, en réponse au député de Jean-Talon
affirmait: "Au cours des derniers mois, le dossier n'a pas progressé
beaucoup. Depuis six mois en particulier, nous avons, personnellement, ainsi
que les sous-ministres, été fort accaparés par les
négociations. Le dossier est resté longtemps au CMPDC - je vous
avoue humblement que je ne sais pas ce que cela veut dire - où on l'a
examiné." Ce doit être le conseil interministériel. "On a
fait un premier tour de table et certains des principes sont déjà
acquis, mais nous nous sommes heurtés à des difficultés,
pour ce qui est des formules de financement, parce qu'il existe au moins cinq
solutions possibles dans le financement et le CMPDC et le gouvernement m'ont
fait savoir que l'état du dossier sur ce point laissait à
désirer. "Quand nous aurons terminé au ministère les
études qui s'imposent, je devrai retourner devant le CMPDC, qui m'a
demandé de lui présenter un nouveau rapport plus complet, plus
circonstancié, surtout sur le plan financier, parce que je dois dire
que, sur les orientations générales, l'accord est à peu
près acquis. C'est le financement, ce sont les formules de financement
qui sont très complexes. Est-ce qu'on doit tenir compte du coût
des salaires moyens, du public? Pour les investissements, comment doit-on
procéder pour ce qu'on appelle la valeur locative? Est-ce que les
formules retenues jusqu'ici sont satisfaisantes? Autrement dit, ce n'est pas au
point financièrement."
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Jeanne-Mance, le temps qui vous était
alloué est épuisé.
M. Bissonnet: J'ai terminé, M. le Président.
J'aurais pu continuer pendant une heure. La prochaine fois, j'y reviendrai.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Vous pouvez terminer.
Vous pouvez terminer, s'il vous plaît!
M. Bissonnet: Je peux conclure, M. le Président? Je vais
conclure.
En ce qui a trait à l'enseignement privé
d'intérêt public au Québec, c'est nécessaire
à l'épanouissement de tous les Québécois de
permettre aux parents un libre choix de l'institution qu'ils
préfèrent. L'analyse que je vous ai exposée dans les 20
dernières minutes nous éclaire bien sur les agissements du
gouvernement péquiste, sur le temps qu'il a pris à s'envoyer, M.
le Président, le rapport de ministre à "interministre", à
comité interministériel, au Conseil des ministres, au CMPDC. Je
crois, M. le Président, que les parents, que les collèges
privés ont droit à être tous entendus sur ce projet de loi,
à l'intérieur d'un projet de loi où il y a plusieurs
dispositions financières qui touchent plusieurs dossiers.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Saint-Henri.
M. Hains: M. le Président...
M. Levesque (Bonaventure): Excusez-moi, M. le Président.
Je m'excuse auprès de mon collègue, le député de
Saint-Henri, mais je comprends mal les protestations de nos amis d'en face tout
à l'heure, qui surveillaient l'horloge pour s'assurer que notre
collègue ne dépasse pas le temps mis à sa disposition.
J'aurais cru, à ce moment-là, qu'on était pressé
d'intervenir de l'autre côté, mais, devant le silence des
ministériels qui se perpétue, M. le Président, j'en prends
simplement note.
M. Chevrette: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement.
M. Chevrette: M. le Président, vous savez pertinemment que
l'Opposition a choisi de faire son spectacle. C'est agréable de la
laisser aller. Je pense que le député de Rosemont, en tout cas, a
bel et bien répondu aux allégations de l'Opposition et, en temps
et lieu, on rivera les clous qui s'imposent.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader, je vous
ferais remarquer que j'ai personnellement avisé le député,
sans aucune demande d'aucune part, que son temps était terminé,
que le temps alloué était bien terminé.
M. le député de Saint-Henri.
M. Roma Hains
M. Hains: M. le Président, mon intervention sera
brève, mais, comme professeur et directeur d'école, je veux unir
ma voix au tollé de protestations qui s'élève au sujet des
coupures budgétaires dans le domaine de l'école privée,
mais d'intérêt public. Déjà, mes collègues
ont dévoilé toutes les facettes décevantes et arbitraires
de ce projet de loi no 11 qui brime et étrangle le secteur privé
de l'enseignement.
J'interviens, M. le Président, pour défendre toutes ces
institutions menacées de mort lente, mais sûre, institutions
fréquentées par la classe moyenne de notre société.
J'interviens surtout pour défendre un collège en particulier, le
Collège Sainte-Anne, situé dans le comté de Marquette,
mais qui reçoit beaucoup d'étudiantes de mon comté de
Saint-Henri, surtout dans les secteurs de Côté Saint-Paul et de
Ville Émard. C'est une institution qui compte 120 ans d'existence et qui
a été fréquentée par des milliers
d'étudiantes. Elle est dirigée avec expérience,
compétence et dévouement par des religieuses et des professeurs
qui enseignent encore les vraies valeurs de l'éducation. Ces valeurs
s'enracinent dans un passé plus que séculaire, mais elles
s'adaptent très bien à la vie moderne et elles sont ouvertes sur
l'avenir.
Lors du dernier gala, la semaine dernière, des 141 finissantes de
cette institution, la directrice disait à son auditoire: "Ce soir, je
vous parle avec une certaine angoisse. Sans doute avez-vous pris connaissance
du projet de loi no 11 déposé à l'Assemblée
nationale, projet de loi qui tend à modifier la loi 56 de l'enseignement
privé pour donner suite, souligne-t-on, à la coupure
budgétaire du gouvernement. Permettez-moi de vous dire que les
modalités de financement prévues sont tout à fait
inacceptables parce qu'elles fixent d'une façon arbitraire,
antidémocratique, un montant de base qui signifierait des coupures non
seulement au niveau des services auxiliaires, mais aussi au niveau des services
pédagogiques. Un tel projet de loi menace directement l'existence de
l'enseignement privé. Nous laisserons-nous étrangler? Je vous
demande de réagir et de défendre les droits fondamentaux du libre
choix de l'école, de nous appuyer dans la défense de
l'enseignement privé en posant des gestes concrets contre ce projet de
loi. La cause de l'enseignement privé, c'est notre cause à tous,
car nous croyons aux libertés fondamentales. Dans un pays
démocratique, c'est une cause gagnée d'avance, pourvu qu'elle
soit défendue avec courage et détermination."
C'est pour répondre à cet appel que j'ai voulu intervenir
brièvement dans ce dossier, demandant aux ministres des Finances et de
l'Éducation d'apporter des amendements à cette loi qui
étranglera tôt ou tard l'enseignement privé, lequel,
pourtant, ne demande qu'à être traité comme les autres.
Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, un débat sur un
projet de loi comme le projet de loi no 11, lequel comporte diverses mesures
sur divers sujets, est fort intéressant parce que c'est l'occasion, en
quelque sorte, pour les partis politiques de révéler leurs
priorités, de mettre en évidence leurs centres
d'intérêts ou, tout simplement, leurs intérêts tout
court, de faire ressortir leurs préoccupations. C'est ainsi que, si on
se bornait à entendre les discours de l'Opposition, on en arriverait
très vite à la conclusion qu'il n'y a dans ce projet de loi que
deux mesures importantes: celle qui concerne le financement des écoles
privées et celle qui porte sur la contribution des entreprises au
financement des services de santé. À entendre les derniers
intervenants de l'Opposition, on se rend compte que le projet de loi no 11 ne
semble comporter qu'une seule mesure, celle portant sur l'enseignement
privé. (15 h 50)
Or, à propos des écoles privées, je ne veux pas m'y
étendre très longuement, mais je me permettrais quand même
de constater que le Parti libéral du Québec n'a pas
changé. L'élection du 13 avril ne lui a fait subir aucun
changement. Comme dans le cas, on se le rappellera, de l'assurance automobile,
comme dans le cas de la Loi sur la protection du territoire agricole, on se
rend compte aujourd'hui que, dans le cas des écoles privées, le
Parti libéral du Québec fait la même chose, se comporte de
la même façon qu'autrefois, il s'efforce, je dirais, de
perpétuer l'injustice. Parce qu'il serait injuste, je dis bien: II
serait injuste, au moment même où on impose certaines
restrictions, certaines compressions
budgétaires au secteur scolaire public, de ne pas astreindre
à des mesures similaires le secteur privé.
Ce ne sont donc pas les mesures contenues dans le projet de loi no 11
qui sont injustes, comme le prétendent les députés de
l'Opposition. Ce qui serait injuste, ce serait que le secteur privé soit
exclu de l'opération compressions budgétaires qui s'effectue
présentement dans le secteur public. C'est cela qui serait injuste. Le
Parti libéral du Québec, je me rends compte, n'a pas
changé. Il continue de vouloir perpétuer l'injustice en voulant,
dans le cas présent, soustraire l'école privée aux
compressions budgétaires, aux restrictions budgétaires. Il est
donc contre le principe équitable, en admettant qu'on puisse discuter
des modalités, mais il est contre - c'est du moins ce qui ressort des
interventions de l'Opposition - le principe éminemment équitable
qui veut que le secteur privé participe lui aussi au mouvement de
restrictions budgétaires mis en branle par le gouvernement.
De même - rappelons-le-nous - il a été contre le
principe fort équitable de la mise en place du Régime d'assurance
automobile au Québec et contre le principe fort équitable aussi
de la protection du territoire agricole. Le Parti libéral du
Québec n'a pas changé, et le 13 avril, il semble bien, ne l'a pas
fait changer non plus.
On les voit encore, comme c'était le cas dans le débat sur
l'assurance automobile ou dans le débat de la Loi sur la protection du
territoire agricole, faire diversion, essayer de faire croire à la
population que le gouvernement s'apprête à faire disparaître
les écoles privées ou s'apprête à supprimer
carrément et complètement les subventions gouvernementales au
secteur privé, ce qui est tout à fait faux. Ce qu'on
s'apprête simplement à faire, c'est que le secteur privé
lui aussi s'impose des restrictions budgétaires que nous imposons
à juste titre au secteur public.
Cela dit, il faut dire aussi, dans le cadre de ce débat sur le
projet de loi no 11, ce que les libéraux, par aveuglement partisan sans
doute, se refusent à dire au sujet de ce projet de loi, et qui est
pourtant essentiel, fondamental, c'est même un des grands principes du
projet de loi no 11. On n'en entend pas parler du tout du côté de
l'Opposition. Ce projet de loi, il faut le dire, vise à poursuivre
l'opération réduction du fardeau fiscal du contribuable
québécois. C'est un des principes de base de ce projet de loi. On
n'en parle pas du tout de ce côté-là. Je me permets donc
d'en parler quelque peu. Car il faut le reconnaître - je comprends que
les libéraux soient muets sur ce sujet - ce projet de loi s'inscrit dans
la politique générale d'allégement fiscal que le
gouvernement du Parti québécois applique depuis maintenant plus
de quatre ans. C'est cela dont il faut se rendre compte. Il serait utile de le
rappeler; il serait utile de rappeler que, pour la première fois, un
gouvernement du Québec baisse les impôts quatre fois
d'affilée en quatre ans. C'était notre priorité, au
départ, ce l'est demeuré, et on l'a fait. Pour la première
fois, un gouvernement du Québec a mis en oeuvre une politique
systématique d'abolition sélective de la taxe de vente. On a vu,
par exemple, en 1978, abolition de la taxe de vente sur les vêtements et
sur les chaussures. En 1980, abolition de la taxe de vente sur les meubles et
le textile. En 1981, abolition de la taxe de vente sur les
réfrigérateurs et les cuisinières. Pour la première
fois, un gouvernement du Québec baisse systématiquement
l'impôt sur le revenu des particuliers. En 1980, baisse
générale du taux d'imposition de 3%. Le premier janvier prochain,
une autre baisse générale du taux d'imposition de 2%; c'est
l'article 10 du projet de loi no 11, M. le Président, baisse
générale du taux d'imposition de 2%, au 1er janvier 1982.
L'article 10, l'a-t-on lu de l'autre côté? C'est un des principes
de base de ce projet de loi.
On pourrait également ajouter que, pour la première fois,
un gouvernement du Québec a indexé les exemptions personnelles
à plusieurs reprises et on va le refaire de nouveau au 1er janvier 1982
pour 7,5%. Les résultats, la population les connaît; les
résultats sont que, par rapport au système libéral d'avant
1976, chaque contribuable québécois, en 1981, paie 600 $ de moins
sous forme d'impôt et de taxes de vente; c'est ça le
résultat. En 1982, ça va se traduire par 778 $ de moins pour
chaque contribuable québécois. Au total, pour 1981, c'est une
économie de 1 600 000 000 $ pour les Québécois et, en
1982, ça va se traduire par 2 177 000 000 $ d'économie, donc
d'accroissement du pouvoir d'achat du citoyen québécois.
Pour la première fois, un contribuable marié avec deux
enfants et gagnant moins de 23 000 $ au Québec paiera moins
d'impôt qu'en Ontario. Pour la première fois, un couple de
personnes âgées ayant des revenus de moins de 14 460 $ ne paiera
pas d'impôt. C'est ça la politique d'allégement fiscal du
gouvernement du Québec.
Les résultats sont là, les conclusions s'imposent aussi.
Si nous avions conservé les structures fiscales que nous ont
léguées les libéraux en 1976, c'est, pour 1981, 1 600 000
000 $ de plus d'impôt que paieraient les contribuables
québécois et, l'an prochain, c'est 2 177 000 000 $ d'impôt
de plus que paieraient les contribuables québécois. Je pense que
c'est important de le souligner, M. le Président. C'est donc un pouvoir
d'achat moindre, si on avait perpétué
les structures fiscales que nous ont léguées les
libéraux; les contribuables québécois auraient un pouvoir
d'achat nettement moindre. C'est à cause de cette politique
d'allégement du fardeau fiscal du contribuable québécois,
associée à d'autres politiques économiques
également. Je pense au programme de modernisation de l'industrie des
pâtes et papiers, à la politique de relance des secteurs
traditionnels, au programme OSE, à l'ensemble des politiques
économiques du Québec. C'est à cause de cette politique
d'allégement fiscal, associée aux autres politiques
économiques du gouvernement du Québec, que l'on peut constater
que depuis trois ans la performance économique du Québec est
relativement bonne, compte tenu du contexte nord-américain et
international.
C'est important de souligner, je pense, ce qu'il y a derrière la
phraséologie du projet de loi. Quand on lit le projet de loi, on peut
bien parler de phraséologie assez compliquée, on peut même
parler de jargon juridique. Personnellement, je ne suis pas très
habitué à ce jargon, il a fallu que je gratte un peu pour trouver
l'essentiel mais, derrière ce jargon juridique que l'on retrouve dans le
projet de loi no 11, il y a la volonté politique ferme,
inébranlable et constante du gouvernement du Québec de
réduire substantiellement le fardeau fiscal des contribuables
québécois. (16 heures)
L'autre aspect, il me semble, important de ce projet de loi, c'est,
comme le soulignait le ministre des Finances, une réforme de la
fiscalité des entreprises. C'est un élément important du
discours sur le budget et on le retrouve forcément dans ce projet de loi
no 11. Là, on voit les libéraux faire vraiment ce qu'on peut
appeler de la démagogie facile en isolant les augmentations de taxes de
cette fiscalité des entreprises et en ignorant, volontairement, bien
sûr, les baisses d'impôt que comporte cette réforme de la
fiscalité des entreprises. Car, s'il est vrai que ce projet de loi et
que cette réforme de la fiscalité des entreprises comportent une
hausse de 1,5% à 3% de la contribution des entreprises au nouveau fonds
des services de santé, il faut aussi, pour être honnête,
ajouter que le taux de l'impôt sur les profits des PME, des petites et
moyennes entreprises, sera réduit de 13% à 3%. Quant aux grandes
entreprises, elles bénéficieront d'un crédit d'impôt
de 5% au 1er janvier 1982. Autrement dit, il faut examiner tous les volets,
tous les éléments de cette réforme de la fiscalité
des entreprises.
Bien sûr, comme le soulignait le ministre des Finances
récemment, cela permet au Québec de tirer davantage d'argent des
entreprises, des corporations. Mais, comme une bonne part de ces charges
additionnelles sont déductibles de l'impôt fédéral,
c'est, tout compte fait et dans l'ensemble, car c'est l'ensemble qu'il faut
considérer, bien sûr, l'ensemble des charges assumées par
l'entreprise, avantageux pour les corporations, avantageux pour les
entreprises.
Le Québec y gagne, il a plus d'argent. Les entreprises y gagnent,
elles paient moins. C'est le fédéral, admettons-le, qui y perd
dans l'opération. Cela ne nous attriste pas beaucoup, je dois vous dire,
et ce n'est que juste, M. le Président, que le fédéral y
perde dans cette opération. Quand on considère, par exemple, que
le resserrement des règles d'accès à
l'assurance-chômage, on se le rappellera, a eu pour effet de gonfler
substantiellement le budget de l'aide sociale, qui dépasse maintenant 1
000 000 000 $ -on sait les effets que cette réforme de
l'assurance-chômage au niveau fédéral a eus - quand on
considère, de plus, que le taux de croissance des transferts
fédéraux, qui constituent quand même près de 30% des
revenus du Québec, ne fut que de 3,8% en 1980-1981 et sera sensiblement
le même en 1981-1982, moins de 4%, alors que le taux d'inflation, comme
tout le monde le sait, dépasse les 10%, dans ce cas, en particulier, le
Québec y perd très nettement avec le fédéral, dans
le cas de l'assurance-chômage et au chapitre des transferts de
ressources.
En 1980-1981, si on avait ajusté, si l'on veut, le taux de
croissance des transferts fédéraux au taux d'inflation, le
Québec aurait obtenu en plus 230 000 000 $ et, en 1981-1982, c'est 460
000 000 $ qu'il aurait obtenus de plus, mais qu'il n'a pas, parce que le taux
de croissance des transferts fédéraux est nettement
inférieur au taux d'inflation. Je dis donc, M. le Président,
qu'il n'est que juste que, dans le cas de la réforme de la
fiscalité des entreprises, le Québec y gagne. Je félicite
le ministre des Finances d'avoir su mettre au point une pareille politique.
C'est tout à son honneur.
Je terminerai, M. le Président, en disant que le budget a
été déposé, comme on le sait, quelques jours avant
le décret électoral, quelques jours avant le début de la
campagne électorale; on avait à peine amorcé à ce
moment-là le débat sur le discours sur le budget. De plus, les
mesures qui y sont contenues ont fait l'objet de discussions et de
débats - je pense que tout le monde en conviendra et s'en souviendra -au
cours de la campagne électorale. Cela a été un des
thèmes de la campagne électorale. Compte tenu de ces faits, je
pense qu'on doit et qu'on peut légitimement considérer que, le 13
avril dernier, la population du Québec, en reportant au pouvoir le Parti
québécois, a du même coup approuvé implicitement le
budqet du ministre des Finances, le budget du gouvernement et les mesures qui
en découlent.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Avant d'aborder les trois points dont je
discuterai en relation avec la loi 11, je voudrais prendre peut-être deux
minutes pour au moins corriger ce que, pour être très indulgente,
j'appellerai les demi-vérités du député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Du royaume du Saguenay.
Mme Lavoie-Roux: Oui, de Lac-Saint-Jean. Non seulement celles du
député de Lac-Saint-Jean, mais aussi celles du
député qui l'a précédé, peut-être
celui de Limoilou. On répète à satiété que
l'économie du Québec est florissante, qu'il n'y a pas de
problème, elle n'a jamais si bien été. Savez-vous ce qui
intéresse les gens quand ils discutent de l'économie? Les gens
qui doivent apporter le pain et le beurre à la maison, savez-vous ce qui
les intéresse? C'est d'avoir un emploi. Pourtant, les statistiques sont
sorties pas plus tard qu'il y a trois jours et la seule province où le
chômage augmente, alors que partout ailleurs le chômage descend,
c'est le Québec.
Vous avez beau dire aux jeunes: On est à l'avant-garde dans
l'économie, compte tenu du contexte économique actuel. Quand vous
savez qu'il y a au moins 250 000 jeunes de 16 ans à 25 ans qui se
cherchent de l'emploi, je voudrais qu'on me fasse la démonstration que
l'économie du Québec est aussi florissante que le
répètent à satiété les députés
du côté ministériel. Je suis même à me
demander si on est vraiment responsable. On entend toujours
répéter: L'économie va bien, l'économie va bien!
Pourtant, l'économie va bien quand les gens travaillent.
En Alberta, il y a un chômage de 3,2%. Je pense qu'en Alberta les
gens sont en droit de dire que l'économie va bien, mais, quand le plus
haut taux de chômage du Canada se trouve au Québec, qu'il est de
10% et qu'il est à la hausse alors que partout ailleurs il descend, je
serais un peu moins arrogante vis-à-vis de la santé de
l'économie au Québec.
J'ai entendu le député de Lac-Saint-Jean dire tout ce
qu'ils ont fait: Nous avons indexé les exemptions personnelles pour
l'impôt. Ce gouvernement, alors qu'il était dans l'Opposition,
condamnait le gouvernement libéral du temps parce qu'il n'indexait pas
les impôts. Pourtant, ce que le gouvernement actuel fait, c'est
simplement d'indexer les exemptions personnelles, il n'indexe jamais les tables
d'impôts. Ceci fait une grande différence entre la formule
utilisée par le gouvernement du Québec et celle utilisée
par le gouvernement fédéral ou les autres gouvernements
provinciaux. Je pense que la vérité a ses droits et il me
faudrait prendre une heure - ce à quoi je n'ai pas droit - pour
réfuter toutes les erreurs ou les demi-vérités que le
député de Lac-Saint-Jean a dites. J'aurai l'occasion de revenir
sur d'autres. Ce n'est pas l'objet de mes propos, mais on ne peut pas laisser
indéfiniment les gens dire des choses qui sont inexactes.
Il y a trois points particuliers que je veux toucher, forcément
d'une façon brève, dans ce projet de loi. Le premier point touche
l'augmentation de la contribution de l'employeur au fonds des programmes de
santé. Encore une fois, le député de Lac-Saint-Jean s'en
réjouit fort bien parce que, de toute façon, c'est le
fédéral qui, dans une certaine mesure, va assumer ces
tâches puisqu'il y a une partie qui sera déductible de
l'impôt fédéral pour les corporations; c'est exact, mais ce
qu'il ne dit pas, c'est qu'il va également y avoir une partie que les
corporations du Québec vont devoir assumer. Qu'on le veuille ou non,
cela va se refléter dans les prix. (16 h 10)
Quand les prix augmentent, c'est l'effet de certains facteurs.
Celui-là en est un, entre autres. Quand on va chercher des taxes de
cette sorte, les prix augmentent. C'est assez drôle, quand on parle de
toutes les bontés de ce gouvernement, on tait bien soigneusement le fait
qu'il y a beaucoup de taxes indirectes, dont les contribuables sont plus ou
moins conscients, et on parle continuellement de cette soi-disant charge
fiscale qui demeure très lourde au Québec comparativement
à l'ensemble du Canada. On n'entend pas souvent, de l'autre
côté de la Chambre, dire que depuis 1976, les taux
d'électricité que tout le monde doit payer, les petits, les plus
riches et les très riches ont augmenté de 77%. C'était
peut-être justifié, mais qu'on ne vienne pas nous faire accroire
que ce gouvernement ne fait que de bonnes choses.
Puisqu'on veut faire de la petite histoire, en remontant en 1978, on a
enlevé la taxe sur les vêtements et les chaussures. Je suis
d'accord, c'est excellent. Je me réjouis; qu'on l'enlève aussi
sur les fournitures scolaires, c'est excellent. Mais si on veut faire de la
petite histoire, on peut peut-être rappeler aussi que le ministre des
Finances, dans le temps, a appris à ses dépens qu'il ne fallait
pas mettre de taxe sur les vêtements d'enfants. Vous souvenez-vous de la
taxe des enfants, comme on l'appelait dans le temps? Si on veut faire le
panégyrique du gouvernement du Parti québécois, il
faudrait peut-être donner tous les éléments et pas
seulement ceux qui font notre affaire.
Mais quant à cette question de l'augmentation de la contribution
de l'employeur à ce fonds de santé, il pourrait
être justifié, mis à part les éléments
économiques dont mes collègues plus versés dans ce domaine
parleront tout à l'heure, si au moins on était convaincu qu'ils
serviront à améliorer les programmes de santé et les
programmes de services sociaux.
Mais, au même moment où on commence à
prélever cette taxe, parce qu'elle sera prélevée - je me
demande si elle n'est pas déjà prélevée,
d'ailleurs, depuis le 1er avril, en tout cas, elle le sera sûrement au
moment de l'adoption de la loi d'ici la fin juin - on commence à
récupérer des sommes supplémentaires, parce que ce n'est
pas la Régie de l'assurance-maladie qui a besoin de cet argent. On sait
qu'elle n'a même pas de déficit. Cette année, elle en a un
de 45 000 000 $ à la suite d'une obligation supplémentaire que le
gouvernement lui a imposée. Normalement, elle aurait même un
surplus. C'est 648 000 000 $ qu'on va aller prélever par le biais de
cette taxe. À quoi vont servir ces 648 000 000 $? Certainement pas pour
l'année en cours, pour améliorer les services de santé et
les services sociaux puisqu'on y coupe d'une façon arbitraire. On n'a
même pas été capable, hier, à l'étude des
crédits des Affaires sociales, de donner les critères selon
lesquels on avait décidé de couper dans un domaine plutôt
que dans l'autre.
On connaît aussi les difficultés auxquelles les centres
hospitaliers ont à faire face. Le ministre des Affaires sociales l'a
admis, l'augmentation qui était prévue pour le fonctionnement des
centres hospitaliers ne correspond même pas aux nouvelles obligations qui
leur sont créées par l'inflation. Tout au plus, elle couvre les
frais des conventions collectives que, j'espère, le gouvernement doit
respecter et assumer.
M. le Président, si le gouvernement prélève ces 648
000 000 $ puisque c'est ainsi qu'on l'évalue pour cette année,
j'aimerais au moins qu'il révise certaines décisions arbitraires
qu'il a prises au sujet de coupures dans le domaine des affaires sociales et
des services de santé. On n'a aucune indication dans ce sens. Faut-il en
conclure que ce que l'on prélève au nom d'une amélioration
des soins de santé et des services sociaux, va simplement être
redistribué dans le fonds consolidé de la province pour couvrir
des dépenses de tous ordres?
Voilà pour le premier point. Quant au deuxième, il touche
la fameuse question de l'école privée. Je suis heureuse d'en
parler. Je ne veux pas revenir sur tous les détails qu'on a
donnés tout à l'heure, mais je dois vous dire que la soi-disant
transparence du gouvernement en prend pour son rhume quand ce gouvernement
tente de poursuivre des objectifs idéologiques qui sont bien davantage
ceux des militants du Parti québécois que ceux de la
majorité de la population.
Tout à l'heure, le député de Lac-Saint-Jean disait:
Le Parti libéral n'a rien appris, laissant entendre qu'on s'était
peut-être fait battre parce qu'on était pour l'école
privée, enfin parce qu'on n'était pas contre l'école
privée. M. le Président, vous savez fort bien, comme moi, que
cela n'a jamais fait l'objet d'un débat durant la campagne
électorale et que le Parti québécois s'est bien
gardé d'en parler, comme le mentionnaient d'ailleurs tout à
l'heure mes collègues qui m'ont précédée. Nous
avons là un autre exemple de la transparence du gouvernement. 11 a
tardé pendant cinq ans à faire connaître sa politique sur
l'enseignement privé, et aujourd'hui, il ne la fait pas connaître
davantage mais, par un biais qui est celui de la restriction budgétaire,
on ne sait pas où il s'en va.
Cela dit, M. le Président, je voudrais quand même vous dire
exactement quelle est ma position quant à l'école privée.
Je souhaiterais que les gens de l'autre côté puissent se lever,
ceux qui sont contre l'école privée et ceux qui sont pour, mais
ne craignez point, on n'a pas voulu en parler durant la campagne
électorale et je doute fort que vous sachiez quelle est aujourd'hui leur
position. Pour ma part, M. le Président - et je pense que la population
le sait - j'ai été à la tête d'une administration
scolaire, la plus grande au Québec et au Canada. À tous ces
moments-là, et même depuis que je suis à l'Assemblée
nationale, j'ai toujours dit que la priorité devait être
accordée à l'école publique. Pourquoi je le dis? C'est que
je ne veux pas qu'il y ait d'ambiguïté. J'aimerais que les gens de
l'autre côté aussi, au lieu d'errer et de procéder par des
manoeuvres vraiment peu transparentes, nous disent quel est leur point de
vue.
Par contre, je pense que l'école privée a aussi le droit
d'exister. Notre Charte des droits et libertés de la personne la
prévoit. Nous savons également qu'elle répond aux
désirs, quelles que soient les raisons, d'un grand nombre de parents. On
a fait beaucoup état, par exemple, de la pétition de
Solidarité-Québec qui avait réuni 700 000 signatures. On
fait peu état dans cette Chambre d'une autre pétition qui nous
est parvenue de parents qui se prononçaient en faveur de l'école
privée et qui, elle, contenait 500 000 signatures, M. le
Président.
Ce qui est encore plus grave, c'est que devant ce désir
affirmé par quand même une partie importante de la population, si
on compte le nombre d'élèves qui sont dans les institutions
privées, si on compte le nombre de personnes qui ont signé cette
pétition, on s'étonne vraiment que le gouvernement n'ait pas
prévu... Ce soir, probablement entre deux articles, on va trouver du
temps pour tout à coup entendre quelques institutions et les
institutions, j'en suis, mais avec ce
gouvernement qui nous parle de la participation des parents à
tout moment, à tout instant, où seront-ils, ces parents, ce soir
pour se faire entendre? Où seront-ils, ces parents? Ils n'y seront pas.
On fait fi de toutes ces considérations quand il s'agit de faire passer
sa propre idéologie et qu'on est loin d'être certain qu'elle soit
celle de la population.
M. le Président, si ce soir on nous fait la démonstration
que la diminution que devront subir les écoles privées est
identique à celle que doit subir le secteur public, j'appuierai le
gouvernement de tout coeur, parce que je pense qu'il ne doit pas, dans un
contexte de restrictions budgétaires, y avoir deux poids deux mesures,
particulièrement quand il s'agit de l'école publique. Je veux que
ce soit très clair. Le député de Lac-Saint-Jean lance des
accusations absolument non fondées et dit: Vous n'avez rien compris.
Vous êtes contre l'école publique. Nous ne sommes pas contre
l'école publique, M. le Président, je le répète. Je
suis pour l'école publique, mais je ne suis pas contre l'école
privée, parce qu'elle répond aux désirs d'un grand nombre
de parents. Mais je me suis toujours assurée, à
l'Assemblée nationale et là où j'étais avant, que
jamais le développement de l'école privée ne se ferait au
détriment de l'école publique et je tiens à le
répéter. (16 h 20)
M. le Président, un dernier mot sur le troisième volet que
je veux aborder, celui de l'aide sociale. II y a dans cette loi des
dispositions qui viennent modifier la Loi de l'aide sociale, et elles
m'apparaissent extrêmement importantes, même si j'ai entendu peu de
personnes en parler; peut-être en a-t-on parlé hier. Je suis
d'accord, et j'ai eu l'occasion de le dire au mois d'août l'an dernier,
quand le gouvernement a dit: Nous allons tenter de récupérer des
sommes qui ont été acquises frauduleusement à même
des prestations d'aide sociale. Je le répète, je suis pour cela.
Mais on se souviendra qu'au mois d'août, l'an dernier, on avait agi
unilatéralement.
Je pense qu'au moins, aujourd'hui, c'est plus clair, on agit d'une
façon plus ouverte, et je pense que les erreurs, dans certains cas,
assez dramatiques que l'action unilatérale du ministère des
Affaires sociales avait occasionnées l'été dernier ne se
répéteront pas ici aujourd'hui. Mais je voudrais quand même
attirer votre attention sur un point. On prévoit, quand on propose ces
modifications à l'aide sociale, que, par exemple, certains
règlements...
M. Picotte: Je m'excuse auprès de ma collègue. Y
a-t-il moyen de demander au gouvernement, s'il veut tenir un caucus, de se
déplacer à la salle 91 ou 81?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Votre question de
règlement est pertinente, M. le député; je devais en faire
la demande, mais je pense que ça va se rétablir.
Mme la députée de L'Acadie, vous avez la parole.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ce qui est prévu
dans le projet de loi no 11 vient modifier la Loi de l'aide sociale, ce sont
des changements importants à la réglementation. J'espère
que vous ne m'en voudrez pas, M. le Président, si je lis un seul petit
paragraphe d'un article, même si on n'y a pas droit: "Le mode de
remboursement de l'aide sociale, le montant minimum des versements
réclamés, les conditions, cas et circonstances dans lesquels ce
montant est augmenté et l'époque à laquelle le
remboursement commence"... Enfin, il y a une réglementation nouvelle qui
sera préparée afin de répondre à ces exigences.
J'aimerais faire une proposition au gouvernement, puisqu'il ne semble
pas clair que ceci sera mis en oeuvre. On dit que la présente loi entre
en vigueur le jour de sa sanction, et les règlements se trouvent
à l'intérieur de la Loi de l'aide sociale. Je voudrais demander
au gouvernement qu'il y ait une prépublication de ces règlements?
On fait une prépublication dans la Gazette officielle quand une loi ou
des règlements touchent un grand nombre de personnes. Dans le cas
précis qui nous occupe, ça touche au moins 300 000 personnes, et
même davantage. Si on compte les enfants, ça va toucher les 500
000 personnes. J'aimerais bien que le parti ministériel prenne cette
demande en considération, parce qu'on éviterait les erreurs et
les heurts vraiment très durs qu'on a commis l'été dernier
lorsqu'on a procédé de la façon qu'on connaît. Je
pense qu'il est important que ces gens ou ceux qui les représentent
aient l'occasion de se faire entendre.
M. le Président, en terminant, je veux simplement poser trois
questions au gouvernement. La première: Qu'entend-il faire avec les 648
000 000 $ qu'il ira chercher cette année à titre de contribution
aux programmes de santé et de services sociaux, alors que le budget qui
a été adopté et qui sera en vigueur prévoit des
coupures qui feront mal à la population en termes de services de
santé et de services sociaux? La deuxième question, c'est:
Pourquoi ne montre-t-il pas plus de transparence à l'endroit de ces
modifications qui affecteront le réseau du secteur privé? Ou
encore, peut-il nous donner l'assurance que les restrictions qui seront
imposées au secteur privé seront identiques à celles
imposées au secteur public? Si tel n'est pas le cas, il faudra
finalement que le gouvernement dévoile son jeu. Veut-il, à plus
ou moins long terme, par
des détours pour le moins sinueux, arriver à contrer la
volonté, ce qui me paraît être encore la volonté d'un
qrand nombre de parents, y compris un grand nombre d'éducateurs qui sont
dans le secteur public et qui envoient leurs enfants à l'école
privée? On tentera peut-être de nous dire: Les qens du secteur
public sont totalement contre l'école privée. Je Dense
qu'à ce moment, il faudrait qu'ils nuancent leurs paroles.
Finalement, je rappelle au gouvernement qu'il y a eu des erreurs
importantes commises dans le cas de la perception des trop-versés en
matière d'aide sociale et qu'il doit s'assurer qu'il prend toutes les
mesures nécessaires pour que ces erreurs ne se répètent
pas. Je pense qu'à ce moment-ci, ce projet de loi - et je n'ai
même pas touché à toute la partie qui est vraiment plus
économique - touche probablement plusieurs millions de citoyens du
Québec. Je pense qu'on ne saurait ménager les efforts pour
s'assurer qu'il s'applique dans les meilleures conditions possible et en
respectant le plus possible la volonté de tous et chacun des citoyens et
citoyennes du Québec.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Joliette.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, à écouter
l'Opposition depuis une journée et demie, on croirait que ces gens
ignorent le contenu du projet de loi. On a l'impression qu'ils n'ont absolument
pas compris le contenu de ce projet de loi qui vise d'abord et avant tout
à répondre à un de leurs objectifs les plus chers, la
réduction du déficit. J'ai entendu cette même formation
politique, pendant deux ou trois mois, parler d'énormité du
déficit, parler de trou béant, revenir à la charge, faire
campagne électorale, se faire battre avec des arguments
quétaines, bien sûr, mais essayer de dramatiser au maximum
l'état des finances publiques.
Au moment où le ministre des Finances apporte des correctifs,
présente un projet de loi qui vise essentiellement à restreindre
les dépenses, à comprimer le rythme des dépenses, ces gens
prennent une voie d'évitement. Les voilà partis avec beaucoup de
partisanerie politique sur l'école privée. Là, c'est-y
épouvantable, le gouvernement va faire disparaître les
écoles privées, parce que, disent-ils, on coupe, on comprime les
dépenses dans le secteur privé. Ils oublient de comparer, bien
sûr, les compressions budgétaires du secteur privé par
rapport aux compressions budgétaires du secteur public. Mais,
personnellement, si j'ai les moyens comme individu, comme père de
famille d'envoyer mes enfants dans une école privée, je dois en
assumer la facture. C'est ma conception, si vous voulez et je vais me
démasquer. Je ne me gênerai pas pour vous dire que c'est
inconcevable que l'État paie pour un système parallèle qui
ne fait que dispenser exactement le même programme que celui du secteur
public. Ce sera la position que je tiendrai au sein de mon caucus en temps et
lieu. On aura le couraqe aussi, MM. de l'Opposition, de demander aux parents du
secteur public et du secteur privé de venir s'exprimer en commission
parlementaire, lorsque viendra le temps de déterminer carrément
et définitivement notre politique sur l'enseignement privé. Il ne
faut pas avoir honte de le dire. Je n'ai pas honte de l'affirmer. Ce n'est pas
au petit travailleur de la Gypsum à 210 $ par semaine, comme ce n'est
pas au travailleur de Firestone ou des papiers Scott dans mon comté,
comme ce n'est pas au travailleur de Ciment indépendant ou à des
mères de famille qui travaillent à peine au salaire minimum dans
les usines de couture, à payer un système parallèle.
Je ne dirais pas la même chose, je ne tiendrais pas les
mêmes propos si vous me parliez d'écoles privées qui
assument une certaine complémentarité au secteur public.
Là, par exemple, je dirais non seulement: On doit les subventionner
à 80%, mais on doit les subventionner, à mon avis, à 100%.
Qu'on pense, par exemple, aux troubles auditifs. Peu d'écoles sont
spécialisées dans ce domaine. À ce moment, je pense que
l'État doit subventionner, et ce à 100%, ce type d'écoles
qui assument une complémentarité au secteur public. Mais de
là, par exemple, à se payer le luxe de subventionner en
parallèle deux systèmes qui dispensent exactement les mêmes
programmes, c'est trop coûteux pour une population qui est
déjà surcharqée de taxes. (16 h 30)
Voilà ma conviction bien personnelle. On devra intégrer
ces écoles au réseau du système public. Nous, comme
gouvernants, qui que nous soyons, de l'Opposition ou du gouvernement, notre
premier souci est d'améliorer d'abord et avant tout la qualité de
l'enseignement dans le secteur public, non pas nous faire les défenseurs
à tout prix et inconsidérés de l'école
privée. Cela m'apparaît tout à fait aberrant comme
situation et comme propos que vous tenez depuis le début des discussions
sur le projet de loi no 11.
De grâce, tachez de réaliser qu'on est déjà
dans une province où l'école privée, par rapport aux
autres provinces canadiennes, assume le plus de responsabilités dans ce
domaine. Qu'on pense qu'on a 5,7% de nos effectifs étudiants au niveau
des écoles privées, alors qu'en Ontario - on aime les
comparaisons - 2,5% de la population
étudiante se retrouvent dans les écoles privées et
aucune subvention n'est accordée aux écoles privées dans
la province d'Ontario. Il n'y a que l'Alberta et la Saskatchewan qui donnent
certaines formes de subventions aux écoles privées, toutes les
autres provinces canadiennes, aucune subvention. La moyenne canadienne est de
3,1%, alors que celle qui nous approche le plus, au Manitoba, indique 2,8% de
clientèle scolaire qui fréquente les écoles
privées.
Donc, cessons de faire de la démagogie là-dessus. Il n'est
pas question de faire disparaître l'école privée, ce n'est
pas ça qui est dit dans la loi; on parle de compressions
budgétaires. Le jour viendra où le gouvernement déposera
sa politique sur l'enseignement privé et vous verrez ce qu'elle sera,
mais vous ne pouvez pas présumer présentement. Ce que vous
faites, c'est de la présomption; vous présumez que nous allons
faire disparaître l'école privée, c'est de la pure et
simple démagogie. Vous vous êtes liés à des
clientèles, j'ignore lesquelles, vous pourriez nous le dire, si vous
voulez qu'on se démasque, ce n'est pas gênant de se
démasquer. Personnellement, mes deux garçons vont à
l'école publique présentement. S'ils vont à l'école
privée en septembre, je suis prêt à en assumer la note.
Mais, comme responsable public, comme élu du peuple, je ne peux pas
demander à un citoyen qui gagne 200 $ ou 250 $ par semaine de payer une
surtaxe, de payer des impôts additionnels pour me payer un luxe
spécial, moi, individu. Non. Ce n'est pas ça du
collectivisme.
Dans une société, qu'on veut tout au moins la plus
égalitaire possible, on veut au moins donner chance égale
à tout le monde. Chance égale, il me semble que vous devriez y
réfléchir un peu, MM. de l'Opposition, et penser qu'au
Québec, il y a 94,7% de la clientèle qui va à
l'école publique. Le gouvernement doit se soucier, d'abord et avant
tout, de la qualité de l'enseignement dans nos écoles publiques.
Dieu sait si on est obligé de comprimer cette année même,
au niveau de l'enseignement. Les écoles publiques ont connu la
dénatalité, ont connu tous les problèmes de fermeture
d'options, parce qu'il n'y avait pas assez de clientèle pour offrir tel
type d'option professionnelle. Au privé, c'est le contraire qui s'est
produit. En 1970, vous aviez 3,7% d'étudiants québécois
dans le secteur privé; en 1979, on se retrouve avec 7%. Au contraire,
ils ont réussi, dans un courant inverse, à améliorer leur
situation. Grâce à qui? Grâce à l'insouciance
gouvernementale. Il est temps qu'un gouvernement pense à une politique
vraiment globale sur l'enseignement public et privé à la
fois.
En ce qui me concerne, chaque fois qu'on pourra me démontrer
qu'il y a une forme de complémentarité, qu'il y a une forme de
qualité supérieure, à cause de tel facteur, ou de telle
condition, j'y adhérerai, mais non pas en partie, en totalité.
Mais qu'on ne vienne pas me dire que les petits et les moyens salariés
peuvent se payer le luxe de payer pour deux systèmes
parallèles.
La loi 11 ne parle pas de politique quant à l'enseignement
privé et à l'enseignement public, elle ne parle que de
compressions budgétaires. Si on a l'audace, comme gouvernement, de
couper dans le secteur public, on doit avoir le même culot de couper dans
le secteur privé. Merci,
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Nelligan.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, dans son discours inaugural,
le grand thème de M. Lévesque était la transparence. Nous
nous sommes demandé si c'était la transparence des années
passées, qui avait été très opaque, ou s'il y avait
un nouveau thème, un renouveau dans le Parti québécois et
qu'on chercherait la transparence pour les années futures. La
transparence, selon moi, c'est échanger, c'est partager avec les
citoyens, c'est dire les choses comme elles sont, c'est expliquer, c'est
exprimer, c'est échanger. La transparence, ce n'est pas tout cacher. La
transparence, c'est ne pas mettre ses convictions en veilleuse. C'est ne pas
mettre ses convictions sous le tapis, les balayer comme la poussière. Le
député qui m'a précédé, le
député de Joliette, a parlé de ses convictions
personnelles concernant l'enseignement privé. Pourtant, ses propres
chefs n'ont pas eu autant de courage depuis cing ans. Le député
de Jeanne Mance, tout à l'heure, nous a expliqué que, depuis cinq
ans, les ministres se sont lancé la balle et personne, aucun d'eux n'a
voulu proclamer ses vues profondes, ses convictions sur l'enseignement
privé. Le premier ministre lui-même a fait des déclarations
en disant que l'enseignement privé comptait pour le Parti
québécois et qu'il ne serait jamais brimé et jamais
désavantagé. Les chefs n'ont jamais eu le courage d'exprimer
leurs convictions comme l'a fait, aujourd'hui, le député de
Joliette. Est-ce cela la transparence?
En fait, c'est une tactique bien connue. Lors du
référendum, la guestion qui a été posée aux
citoyens avait été conçue de façon qu'elle soit le
plus floue possible, afin de les emberlificoter dans un langage qui serait le
plus confus possible, espérant qu'ils n'en retiendraient pas le message
principal.
L'autre jour, nous avons discuté ici du projet de loi sur
l'accès à la propriété. Comme on ne nous avait
jamais présenté le projet de loi, on a fait une espèce de
petit détournement. On nous a dit: Bon, on va
vous présenter un projet de loi, adoptez-le et, plus tard, on
vous dira ce que cette loi veut dire. On va donner à la
Société d'habitation du Québec le pouvoir d'exprimer ce
que la loi aurait dû exprimer en premier lieu.
Pendant la période électorale dont le député
de Joliette a fait état, certes, le Parti québécois qui a
gagné, mais il a gagné, encore une fois, en cachant ses couleurs.
Le parti souverainiste qui se targue d'être fier de la
souveraineté du Québec future, de l'indépendance, du
séparatisme, etc., ne s'est jamais affiché. Il a eu peur de ses
convictions encore une fois.
Cette fois-ci, qu'est-ce qu'on fait? On nous présente un projet
de loi qui est censé être un projet de loi fiscal qui englobe
toutes sortes de mesures. Au milieu de cela, on fait un changement
idéologique du point de vue de l'enseignement privé. Les
députés ministériels veulent nous persuader que toute la
question repose sur l'enseignement privé, du point de vue des
libéraux, et que nous défendons purement l'enseignement
privé contre l'enseignement public. Or, comme Mme la
députée de L'Acadie l'a si bien exprimé, nous sommes
prioritairement, à 100%, pour l'enseignement public, mais en même
temps nous réalisons qu'il y a un secteur de l'école
privée qui est là depuis des centaines d'années. Ce qu'on
dit: Revoyons toute la question ensemble, revoyons toute la question avant que
nous adoptions une loi qui, soi-disant, sous le couvert d'une mesure fiscale,
va rendre la vie de ces écoles privées si difficile qu'en fait
elles vont pratiquement disparaître. Nous disons que s'il faut une
discussion idéologique sur ce point, nous sommes d'accord, mais que nous
le fassions de façon ouverte, que nous le fassions, d'accord, avec les
gens qui sont eux-mêmes concernés, les parents dont les enfants
vont à l'école privée, les enseignants de ce secteur
privé. (16 h 40)
M. le Président, pourriez-vous demander à ces gens de
tenir leur caucus ailleurs, s'il vous plaît?
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
Allez, M. le député.
M. Lincoln: Ils sont tellement ouverts aux idées que nous
les écoutons en silence, mais eux ne nous font pas la même
politesse. Ils sont tellement ouverts aux nouvelles idées,
justement!
Je dis au député de Joliette que je ne suis pas
principalement pour l'école privée ou l'école publique, je
suis 100% pour la priorité des écoles publiques, mais je dis que
si on fait une mesure qui va affecter les écoles privées, qu'on
les consulte avant le coup, qu'on ne fasse pas une espèce de loi, une
loi subterfuge avec un petit article dedans.
Ensuite, quand la loi aura été adoptée en
deuxième lecture, on va aller en commission parlementaire, quand tout
aura été fait, sachant qu'on a une grosse majorité, de
toute façon, et que la loi sera adoptée telle quelle. Ce n'est
pas la façon de consulter les gens, ce n'est pas la façon d'aller
près du peuple, ce n'est pas la façon d'être
transparent.
Le fait même que cette loi a pour un de ses articles fondamentaux
et principaux un changement de direction par rapport aux écoles du
secteur privé d'intérêt public démontre que le
ministre des Finances lui-même a passé la balle à son
collègue de l'Éducation pour parler de cette question. Je
comprends très bien que cette loi ne concerne pas seulement le secteur
de l'école privée. Je veux parler du principe qui veut qu'on nous
passe des choses fondamentales, idéologiques, sous le couvert d'autres
choses. On fait croire au public que c'est une loi d'intérêt
fiscal, que c'est une mesure fiscale; quand, vraiment, ce qu'on vise dans cette
loi, c'est le changement du système d'écoles privées.
On dit: Les écoles privées, on ne veut pas les
éliminer. Nous sommes d'accord, la loi ne dit pas ça, mais si
vous les grevez de réductions de subventions à un tel point
qu'elles ne peuvent plus fonctionner, évidemment, c'est sûr
qu'à la longue elles vont s'éteindre. Comme l'a souligné
la députée de L'Acadie, on doit faire une comparaison entre les
réductions qui se font au secteur public et les réductions qui
vont se faire au secteur privé. Si les réductions sont
comparables, nous sommes d'accord; mais, justement, nous mettons le
gouvernement au défi de nous prouver que les réductions qui vont
affecter le secteur privé ne seront pas beaucoup plus
sévères que celles qui vont affecter le secteur public.
Le député de Joliette a apporté cet argument: Je ne
suis pas pour l'école privée, on ne peut pas tenir deux secteurs
parallèles en même temps, ça nous coûte beaucoup trop
cher. D'abord, l'école privée coûte 40% moins cher que
l'école publique. Deuxièmement, pour tous ces enfants qui seront
déversés à l'école publique, est-ce qu'il n'y a pas
un ratio du nombre d'élèves par professeur? Qu'est-ce qu'on va
faire? Est-ce que l'école publique ne va pas avoir justement à
assumer les charges qui sont maintenant assumées par le secteur
privé? Est-ce que le député de Joliette est assez
naïf pour penser que si demain matin on fermait toutes ces écoles,
les écoles publiques continueraient comme par le passé, sans
aucune dépense additionnelle? Il faudra qu'il repense ses chiffres.
Dans la tradition péquiste, on nomme l'Ontario, l'Alberta, la
Saskatchewan surtout quand les comparaisons sont favorables au
Québec, ce qui n'arrive pas souvent. Mais quand il faut regarder
les choses qui sont tout à fait défavorables, à ce
moment-là, on dit: Écoutez, vous êtes toujours à
citer l'Ontario, l'Alberta. En fait, le député de Lac-Saint-Jean
a fait toute une péroraison sur notre paradis fiscal. Il a
félicité le ministre des Finances, il faut croire, pour nous
avoir donné le plus fort déficit de toutes les provinces
canadiennes depuis la Confédération; une accumulation de
déficits de 10 000 000 000 $, qui va passer à 14 000 000 000 $
l'année prochaine, et on le félicitel II nous dit: Nous avons
fait tellement de mesures formidables: on a enlevé la taxe indirecte sur
les chaussures, on a enlevé la taxe indirecte sur ceci et sur cela.
L'autre jour, je voyais dans les journaux - il y a quelques jours de
cela seulement -une comparaison. En fait, c'est Revenu-Québec et
Revenu-Canada; alors, on ne peut pas accuser le gouvernement
fédéral encore une fois, et cela disait: Une personne avec un
salaire imposable de 10 000 $, au Québec, paie en impôt 3006 $. En
Ontario, dans la province justement où on ne donne pas de subventions
à l'école privée, peut-être qu'il n'y a pas besoin
d'en donner puisque là, les parents paient des taxes de 2278 $. Le
Québec est de beaucoup, pour une personne au salaire imposable de 10 000
$, non pas une personne très fortunée justement, la province
où on paie le plus de taxes, plus qu'à Terre-Neuve, plus que dans
toutes les autres provinces du Canada. Que monsieur ne vienne pas me dire
justement quel gouvernement fantastique nous avons eu depuis les derniers
quatre ans.
Ce que nous regrettons, dans ce projet de loi, M. le Président,
c'est la façon détournée, la façon peureuse, la
peur de s'afficher qui se perçoit encore dans ce projet de loi comme
dans le projet de loi sur l'habitation et l'accès à la
propriété, peur qui a régné pendant la
période électorale au sujet de la souveraineté ou dans la
question si floue qu'on a présentée au référendum;
c'est la marque de fabrique du Parti québécois. Ils ont peur de
s'afficher. Si le député de Joliette veut s'afficher, pourquoi ne
fait-on pas une consultation populaire sur cette question? Pourquoi n'a-t-on
pas parlé de cela à l'élection? Nous, on n'a pas eu peur
de s'afficher dans notre programme électoral; on a dit: On est pour
l'enseignement public prioritairement, mais, tout de même, nous pensons
que le secteur privé a droit d'existence, il est reconnu par les droits
universels de l'homme, il a un droit d'existence, il faut qu'il continue d'une
façon équitable. S'il y a des coupures au secteur public, qu'il y
ait des coupures semblables et parallèles au secteur privé, mais
pas des coupures beaucoup plus fortes et beaucoup plus lourdes.
Le député de Joliette a aussi parlé des
écoles spécialisées, des écoles pour les enfants
qui ont des problèmes auditifs, des écoles pour les enfants
inadaptés. Mais, ce qu'il n'a pas dit dans son discours, c'est comment
il s'attaquera à ce projet de loi qui englobe ces onze écoles et
plus qui justement se spécialisent dans ce travail. Cette loi ne fait
pas de distinction. Cette loi ne fait pas de distinction non plus comme le
député, mon confrère, l'a dit l'autre jour, pour les gens
plus âgés qui vont suivre un système éducatif le
soir après le travail et qui seront aidés justement d'un
système d'écoles privées qui donnent ces
possibilités. Cette loi ne fait aucune distinction. Si donc le
député de Joliette voulait vraiment qu'une distinction se fasse
pour que ces écoles soient subventionnées à 100%, que le
gouvernement le dise. J'ai travaillé à un comité de
parents d'une école privée, je n'en rougis pas du tout. J'ai
travaillé à un comité de parents d'une école
privée où toutes les races, toutes les classes se rencontraient.
Ce n'était pas une école de snobs, une école distinctive.
C'était une école comme toutes les écoles. Certains
parents cherchent ces écoles pour justement revoir des mesures
peut-être plus disciplinaires, peut-être un accent plus grand sur
certaines questions religieuses, morales ou quoi que ce soit.
Mais c'est leur droit fondamental de le faire. Si, par exemple, on pense
que les écoles privées ne sont pas assez démocratiques, si
on pense que les écoles privées sont trop restrictives, qu'on
examine cette question à fond. Cela, je le veux bien. Qu'on fasse une
consultation avec ce secteur, avec les parents dont les enfants appartiennent
à ces écoles. Mais qu'on le fasse avant qu'on nous
présente des projets de loi détournés. Un des
députés a dit, du côté libéral, qu'il luttait
contre la façon dont ce projet de loi était
présenté. On nous a dit qu'on faisait un spectacle. Alors,
maintenant, essayer comme Opposition de dire nos vues, de nous opposer aux
principes, aux mesures sur lesquelles nous ne sommes pas d'accord, c'est donner
un spectacle. Mais pourquoi est-ce qu'on est ici, nous? (16 h 50)
Ils nous disent qu'on a peur de s'afficher. Je n'ai pas peur de
m'afficher. Mes collègues n'ont pas peur de s'afficher, mais
peut-être ont-ils, eux, peur de s'afficher, parce que je remarque ici que
pour deux libéraux qui parlent, il n'y a qu'un seul péquiste qui
a le courage de se lever pour dire ses convictions. Ah, cela vous fait rire.
C'est le cynisme qui a voulu, justement, que le projet de loi sur l'habitation
soit présenté d'une façon détournée et
qu'aujourd'hui, on ne sache pas ce qui se passe. C'est le cynisme qui veut que
cette même loi englobant soi-disant des mesures fiscales, fasse un
détournement idéologique
du point de vue de la scolarité et c'est pour cela qu'on se bat
ici. J'espère que le gouvernement aura le courage de ses convictions,
pour la première fois depuis que je suis ici, laissera ce projet de loi
tomber et fera une consultation générale avec les parties
impliquées pour qu'on revoie toute la question en profondeur. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, il me fait plaisir de
participer, cet après-midi, a ce débat traitant du projet de loi
no 11 qui est le sommaire, le condensé de toutes les mesures
budgétaires annoncées par le ministre des Finances dans le
discours sur le budget du 10 mars dernier. On peut se poser plusieurs questions
sur ce projet de loi qui est très complexe. Les mesures proposées
sont-elles acceptables et équitables? Sont-elles adéquates en
fonction des besoins de l'État? Comme on le sait, M. le
Président, le budget, cette année, atteindra quelque 20 000 000
000 $, c'est-à-dire quelque 12 000 $ par famille et les besoins de
l'État sont quasiment un gouffre.
Les mesures proposées sont-elles adéquates en fonction des
besoins du citoyen et de sa capacité de payer? Sont-elles
adéquates en fonction de la conjoncture économique,
c'est-à-dire vis-à-vis de la situation économique du
Québec? Le ministre des Finances, il y a deux jours, nous a dit oui.
Nous, de l'Opposition, disons: Nous ne sommes pas si sûrs. Certaines
mesures, en effet, seront néfastes pour l'entreprise et pour les
individus. On peut se poser la question à savoir si les mesures
budgétaires appellent de nouvelles politiques ou de nouvelles
orientations. Ont-elles été discutées en public? Plusieurs
de mes collègues ont tenté de répondre à ces
questions.
Pour ma part, M. le Président, je traiterai brièvement de
deux de ces dernières questions, à savoir si les mesures
proposées sont adéquates en fonction de la conjoncture
économique et si ces mesures budgétaires appellent des politiques
qui ne sont pas déclarées ouvertement. Cette dernière
question appelle la transparence du pouvoir. Si on se limitait à des
coupures qui ont été bien discutées et bien
proposées, je ne crois pas que l'Opposition serait en mesure aujourd'hui
de prononcer autant d'allocutions et de s'opposer à certaines de ces
coupures. Mais, de fait, je ne crois pas que le ministre des Finances ou le
gouvernement ait voulu suivre les directives qui ont été
données par le premier ministre lui-même lors du discours
inaugural. Je voudrais le citer, M. le Président. Dans le discours
inaugural du 19 mai dernier, M. Lévesque nous disait ceci: "II va donc
falloir naviguer avec beaucoup de précaution sur ces eaux
traîtresses des années quatre-vingt." Et il continuait en disant:
"On devra aussi choisir désormais avec le plus grand soin chacun de nos
programmes nouveaux et plus que jamais, ces choix parfois douloureux devront
être transparents, clairement établis et expliqués et
justifiés. C'est à cette condition seulement, qu'une
société démocratique peut consentir à une telle
discipline, si nécessaire soit-elle."
C'est là qu'est le débat. Le pouvoir est-il transparent
dans ce débat? De la part du premier ministre, ce furent de belles
paroles, parce qu'il était bien conscient du projet de loi no 11 que le
ministre des Finances devait nous proposer. Plusieurs de mes collègues
ont donné plusieurs exemples à cet égard. Le premier
exemple touche les institutions privées d'enseignement. Je ne voudrais
pas répéter ici ce que plusieurs ont dit à ce sujet. Comme
on l'a noté, le député de Jeanne-Mance en a fait
état, compte tenu du fait que le ministre de l'Éducation avait
proposé à plusieurs reprises une politique touchant les
institutions du secteur privé, on peut se poser la question: Pourquoi le
gouvernement tente-t-il de faire un coup de force alors même qu'il n'a
pas eu le courage de déposer sa politique sur ce sujet? C'est une
parodie de la démocratie et je crois qu'il faut la dénoncer.
Ce gouvernement, qui n'est pas capable de transparence, apporte des
changements profonds aussi dans d'autres domaines. J'aurai l'occasion d'y
revenir demain, ou après demain, dans une allocution que je ferai
concernant le discours sur le budget parce qu'il y a des changements profonds
qui seront apportés touchant Hydro-Québec et la politique
énergétique du Québec. Le ministre de l'Énergie,
pourtant, nous avait dit en commission parlementaire, au mois de
février, qu'il n'y avait pas de changement important dans le domaine
énergétique, qu'il n'y avait pas de changement dans la politique
énergétique. Les journalistes avaient alors fait état d'un
changement de politique qui aurait permis à Hydro-Québec ou au
gouvernement d'augmenter la tarification rapidement pour faire en sorte que,
éventuellement, l'État puisse se servir dans les coffres
d'Hydro-Québec. Pourtant, à ce moment-là, le ministre de
l'Énergie avait dit qu'il n'en était pas question. Voilà
maintenant que, dans le discours sur le budqet on fait état de mesures
très importantes qui feront en sorte que la politique visant à
produire l'électricité et la vendre à un meilleur
coût sera modifiée à l'avenir.
Nous comprenons bien sûr les raisons qui motivent le gouvernement
et le ministre des Finances à agir ainsi. Ces besoins étant ce
qu'ils sont, la conjoncture financière du
gouvernement étant ce qu'elle est, il faut qu'il aille chercher
l'argent là où il se trouve. J'aurai quand même l'occasion
d'y revenir parce que cette mesure, en particulier, aura des
répercussions considérables, et pour l'entreprise, et pour les
individus.
J'aimerais aujourd'hui dénoncer une communication qu'a faite le
ministre des Finances à la presse dernièrement, dans laquelle il
disait, à peu de mots près, que les tarifs d'Hydro-Québec
suivraient l'inflation, comme ils ont suivi l'inflation dans les quatre ou cinq
dernières années. Pour être plus précis, j'aimerais
faire état de quelques chiffres. De 1977 jusqu'à la fin de 1981,
l'inflation, à Montréal, aura augmenté de quelque 54%.
Pourtant, durant ces mêmes années, l'augmentation de la
tarification de l'électricité a augmenté de quelque 75%.
La question que nous allons poser au ministre des Finances est celle-ci: Est-ce
que les tarifs d'Hydro-Québec, à l'avenir, vont suivre
l'inflation ou s'ils vont suivre la marche ascendante qu'ils ont suivie depuis
quatre ou cinq ans? Ces deux exemples, je crois, illustrent très bien le
manque de transparence du gouvernement dans des politiques cachées qui
se retrouvent dans le projet de loi no 11 et dans le discours sur le budget et
qui n'ont pas eu l'occasion d'être discutées en public.
L'autre question - j'en traiterai très brièvement, M. le
Président - tient aux mesures budgétaires et fiscales qui ont
été annoncées. La question est celle-ci: Est-ce qu'elles
sont adéquates en fonction de la situation économique
présente? La situation économique du Canada, et du Québec
dans l'ensemble, n'est pas très bonne présentement, et il est
vrai que la conjoncture nationale et internationale, nord-américaine,
est loin d'être bonne également. Mais nous sommes quand même
en droit de demander et d'exiger, je crois, que la position économique
du Québec soit aussi bonne que la moyenne canadienne. Si on examine
quelques indicateurs, on se rend bien compte, malgré ce que nous disent
nos amis d'en face, que l'économie du Québec tire de
l'arrière. Le produit intérieur brut au Canada, de 1976 à
1980, a augmenté en moyenne de 10,8%; au Québec, il n'a
augmenté que de 10,4%. Les immobilisations totales au Canada, en
moyenne, ont augmenté de 10,9%; au Québec, ce n'était que
de 6,6%. (17 heures)
La population, bien sûr, n'a pas augmenté beaucoup, il y a
eu une saignée qui a fait en sorte qu'au Canada, la population a
augmenté de 1%, alors que la population québécoise n'a
augmenté que de 0,3%. Quant à l'emploi, il a augmenté, au
Canada, de 3%, alors qu'au Québec, il n'était que de 2,1%. Bien
sûr, ces chiffres, tout le monde les connaît indirectement, nous en
faisons l'expérience chaque jour, et ils dénotent une conjoncture
extrêmement difficile pour le Québec présentement. Nous
savons que la faiblesse dans l'emploi vient du fait qu'il y a une faiblesse des
investissements. C'est un autre championnat pour le Québec.
Les immobilisations, c'est-à-dire les nouveaux investissements,
ont connu un rythme d'augmentation très en deçà du rythme
canadien depuis 1976. Plus que jamais, le Québec est tributaire des
investissements publics alors que les investissements privés sont
nettement insuffisants. À ce moment, je vous citerai quelques chiffres
dans l'évolution des immobilisations au Canada. Au Canada, de 1976
à 1980, comme je le disais tantôt, elles augmentaient de 10,9%,
c'est-à-dire 11,8% dans le secteur privé et 8,5% dans le secteur
public, alors qu'au Québec elles n'augmentaient que de 6% de 1976
à 1980, c'est-à-dire de 4,5% dans le secteur privé
seulement comparé à 11,8% pour le Canada en moyenne, et de 9,9%
pour le secteur public, comparé au chiffre de 8,5% dans le secteur
public en moyenne au Canada.
Quant au chômage, il est néfaste. Il y avait au
Québec, en avril dernier, quelque 118 000 chômeurs de moins de 25
ans, soit un taux de chômage de 16,3%. De ce nombre, la moitié
étaient sans emploi depuis plus de 14 semaines. Toujours en avril 1981,
128 000 autres jeunes Québécois ont déclaré qu'ils
n'étaient pas présentement à la recherche d'un emploi
puisque, ayant cherché en vain, ils avaient décidé de
faire autre chose ou d'attendre patiemment des jours meilleurs.
Pour décrire cette conjoncture, il faudrait évoquer en
plus le dernier rapport du Vérificateur général qui, tout
au long 250 pages, dénote des déficiences dans l'administration
du gouvernement de la province de Québec. Il n'est donc pas surprenant
aujourd'hui que l'on fasse face à une situation difficile. C'est une
situation que le gouvernement a créée lui-même dans une
très grande mesure en ce qui concerne la dette de la province.
Parlons-en de cette dette. L'intérêt sur la dette publique
directe du gouvernement provincial, qui était de 11 600 000 000 $ au 28
février 1981, deviendra de 14 000 000 000 $ à la fin de
l'exercice 1981-1982, sera d'environ 1 575 000 000 $ cette année, c'est
donc environ 1000 $ par famille.
On peut également dire que le gouvernement doit dépenser
un peu plus de 4 000 000 $ par jour seulement pour faire face au paiement de la
dette. Devant cette conjoncture économique, devant cette situation
financière du gouvernement, qu'est-ce que le ministre des Finances
nous
propose? Il nous propose ce projet de loi no 11 et, sans vouloir en
résumer toutes les modalités, j'aimerais attirer l'attention sur
deux ou trois de ses aspects. Il y a des taxes régressives, j'en ai
mentionné quelques-unes, dont la tarification d'Hydro-Québec, qui
deviendra une taxe indirecte avant très longtemps et que comme l'a dit
lui-même le ministre des Finances, il aura le bonheur d'apporter dans les
coffres de l'État environ 300 000 000 $ dans un an ou deux.
Mais ce qu'il y a de plus néfaste, je crois que c'est la taxe sur
la main-d'oeuvre. Vous savez, la taxe pour payer supposément les
services de santé augmentera de 1,5% à 3%. Plusieurs de mes
collègues ont fait état du fait que cette taxe pénalisera
justement la main-d'oeuvre, parce que les employeurs à l'avenir verront
à diminuer autant que faire se peut la quantité de la
main-d'oeuvre dont ils auront besoin de façon à minimiser le
paiement de cette taxe.
En plus de cela, il faudrait rappeler la taxe sur l'essence qui a
été décrétée, pas cette fois-ci, mais l'an
dernier, qui est maintenant proportionnelle à l'augmentation du
coût de l'essence et qui fera en sorte que, désormais, comme l'a
dit le ministre des Finances, nous sommes dans l'ascenseur. Aussitôt que
le gouvernement fédéral ou que les fournisseurs de pétrole
augmentent leurs prix, la taxe sur l'essence et sur le pétrole augmente
automatiquement.
Il faut donc en conclure que, parmi les mesures annoncées que je
viens d'expliciter, il y en a plusieurs, quelques-unes, en tout cas, qui auront
des effets néfastes sur la santé de l'économie du
Québec. À ce sujet, j'aimerais ajouter qu'en plus, le ministre
des Finances ne se contente pas d'annoncer des mesures comme celle-là,
mais il se prend des mesures administratives qui, dans une très grande
mesure, vont nuire à l'exportation.
Mon collègue, le député de Vaudreuil-Soulanges, a
posé une question au ministre des Finances, l'autre jour, à
savoir pourquoi le ministre des Finances avait décidé de modifier
les règles administratives et de pénaliser les gens qui sont
impliqués dans l'exportation?
Personnellement, M. le Président, ayant été
impliqué pendant plusieurs années dans l'exportation de services
à l'extérieur du Québec et du Canada, j'ai beaucoup de
difficulté à comprendre la pénalité que le ministre
des Finances tente d'imposer à cette industrie.
Je voudrais invoquer ici un mémoire sur la fiscalité
canadienne et québécoise, qui a été
présenté au ministre du Revenu et au ministre des Finances, en
mars dernier, mémoire présenté par l'Association des
ingénieurs-conseils du Québec et qui faisait état du fait
que cette décision administrative avait un impact extrêmement
négatif. Je peux vous en citer quelques lignes: "Comme effet secondaire,
l'impact de ces interférences et de la législation prévue
est, en premier lieu, de décourager la main-d'oeuvre disposée
à travailler à l'étranger. Comme effets secondaires, on
peut identifier la perte de représentants sur les marchés
internationaux et, par la suite, une perte de présence du Québec;
la perte d'emplois directs et indirects; le freinage d'acquisitions
technologiques; une contribution diminuée dans l'équilibre de la
balance des paiements et un effet d'entraînement réduit dans la
vente des biens d'équipements."
Il faut se rappeler, M. le Président, que l'ensemble des bureaux
de génie-conseil - et on ajoute à ça tous les bureaux qui
fournissent des services de toutes sortes -ont un effet très
bénéfique sur l'économie du Québec. J'ai voulu
donner cet exemple simplement pour indiquer qu'il faudrait bien que le ministre
des Finances s'arrête et qu'il pense un peu à aider les gens qui
cherchent à développer l'économie.
Si vous prenez le secteur du génie-conseil, de 1967 à
1976, il y a une valeur de 8 500 000 000 $ de matériaux et
d'équipements qui ont été produits au Québec, pour
des projets réalisés par l'entremise des
ingénieurs-conseils. De ce total une valeur de 2 600 000 000 $ de
matériaux et d'équipements ont été produits
directement ou indirectement au Québec pour des projets
réalisés à l'étranger, par l'entremise de
consultants québécois.
Je crois que ces quelques chiffres dénotent la raison pour
laquelle, nous de l'Opposition, nous avons beaucoup de réserves
vis-à-vis du projet de loi no 11 et pour laquelle nous avons
dénoncé le manque de transparence du gouvernement qui,
contrairement à ce que disait justement le premier ministre, René
Lévesque, dans le discours inaugural... Il disait que, lorsque
l'État fera des choix décisifs, il faudra bien qu'il les explique
à la population. Nous disons que c'est un budget qui manque de
transparence et nous disons également que c'est un budget qui nuira
à l'économie du Québec. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Trois-Rivières.
M. Denis Vaugeois
M. Vaugeois: Merci, M. le Président. J'avais pensé
d'abord faire un peu le point en réaction à certains propos tenus
dans cette Chambre, ce matin, sur l'avenir de l'école privée,
mais, auparavant, j'aimerais réagir aux propos du député
d'Outremont et de son prédécesseur, le député de
Nelligan.
Le député d'Outremont nous a signalé d'abord ce
qu'on savait déjà, c'est-à-dire que le projet de loi no 11
est assez complexe. Effectivement, il est assez complexe et
d'ailleurs les discours que l'on entend sur ce projet de loi montrent la
complexité, la difficulté peut-être de saisir certains
aspects de la loi qui est devant nous, mais il n'en reste pas moins que les
contradictions sont nombreuses. On voudrait qu'on réduise le
déficit, on voudrait réduire le service de la dette, on voudrait
réduire les dépenses, mais, en même temps, on voudrait en
mettre un peu plus ici et là.
Le député d'Outremont vient d'insister sur l'endettement
des Québécois à partir du service de la dette qui est le
nôtre, depuis le budget qui est présenté ou l'ancien
budget. Bien sûr, on évite de parler de l'augmentation des
dépenses du Québec dans les années 1970 à 1976,
mais on retient surtout - c'est ce qui est susceptible de frapper l'imagination
des gens l'endettement par tête d'habitant ou par famille ou par
unité familiale. Je ne veux pas m'étendre là-dessus, mais
j'aimerais bien rappeler aux gens d'en face que ces chiffres, on peut les
mettre à côté de ceux du gouvernement
fédéral, on peut montrer le degré d'endettement du
Québec par rapport à celui d'Ottawa et on voit qu'un peu partout,
c'est le double. S'ils nous disent, avec leur façon de calculer, que
c'est 1000 $ par tête; avec Ottawa, c'est 2000 $ par tête. S'ils
nous disent que c'est 1500 $, 2000 $ ou 2500 $ par famille ou par regroupement,
ce sera exactement ou à peu près le double pour Ottawa. Le
service de la dette pour le Québec doit être rendu actuellement
à environ 10%. C'est le double à Ottawa. Alors s'il y a quelqu'un
qui nous endette de façon dangereuse, de façon
inquiétante, de façon troublante, c'est bien le gouvernement
fédéral, et pour des services que nous n'avons pas toujours,
d'ailleurs. Au moins, il y a une chose qui est certaine: avec les
dépenses québécoises, c'est pour nous autres, cela nous
sert, tandis que quand on regarde aller l'argent du gouvernement
fédéral, on n'est pas toujours certain que cela nous revient. (17
h 10)
Le député de Nelligan nous a reproché un certain
nombre de choses, entre autres, de ne pas l'écouter quand il parlait.
C'est ce qu'il fait à ce moment-ci, il est en intense conversation avec
son voisin d'en arrière. Ah! II vient d'enlever ses lunettes,
peut-être qu'il va me comprendre, M. le Président.
Une voix: Ce sont des lunettes auditives.
M. Vaugeois: Le député de Nelligan, qui est un
nouveau venu et qui n'a pas assisté à tous nos discours et qui,
peut-être, se désintéressait de la politique
québécoise il n'y a pas tellement longtemps, nous faisait le
reproche d'avoir souvent fait des comparaisons avec les autres provinces, mais
toujours quand elles étaient à notre avantage. Je lui en veux un
peu d'avoir manqué un certain nombre de mes discours. J'ai
été un de ceux à qui on peut reprocher de
fréquentes comparaisons avec d'autres provinces et
particulièrement avec l'Ontario parce que, dans les domaines dont
j'étais responsable, la comparaison était à l'avantage de
l'Ontario. J'ai aimé souvent comparer les institutions culturelles de
Toronto, par exemple, pour constater nos retards du côté des
musées, du côté des bibliothèques, du
côté des équipements culturels en général.
Pour des Québécois qui se croyaient à l'avant-garde du
développement culturel en Amérique du Nord, dans le monde
atlantique, sinon dans l'univers entier, je pense que c'est une bonne
leçon que de constater l'effort fait et les résultats obtenus par
nos voisins de l'Ontario.
Un autre domaine dans lequel les gens de l'Ontario nous donnent encore,
à mon avis, un exemple qu'il faudra suivre bientôt, c'est du
côté de l'aménagement, du côté du
développement urbain, du côté de la densification urbaine.
Le projet de loi que nous avons devant nous propose des modifications à
nombre de petites lois, par exemple la Loi sur les stimulants fiscaux au
développement industriel. J'aurais aimé lire, en fait, Loi sur
les stimulants fiscaux au développement culturel. J'espère qu'un
jour ou l'autre, le ministre des Finances pensera à des stimulants
fiscaux au développement culturel.
On nous parle de remboursement d'impôts fonciers. On nous parle de
la Loi sur la fiscalité municipale. Cette Chambre a travaillé
pendant des mois à la réforme de la fiscalité municipale.
On a concédé aux municipalités l'intégrité
de la taxe foncière. On a concédé aux municipalités
l'exclusivité de la taxe foncière. À ce moment-ci, on
constate ensemble qu'il faut comprimer les dépenses, qu'il faut faire
attention, mais qu'il faut, dans ce contexte, respecter l'autonomie des
élus municipaux. Nous leur avons donné une certaine autonomie
financière à partir de cette réforme sur la
fiscalité municipalité. L'étape à venir, à
mon avis, c'est d'accroître la valeur foncière, d'améliorer
l'assiette fiscale des municipalités.
L'exemple viendra peut-être encore de l'Ontario. L'Ontario a mis
au point, ces derniers mois - ils ont repris un vieux programme qu'ils avaient
- un programme d'intervention dans les centre-ville. Le gouvernement de
l'Ontario prête aux municipalités des sommes d'argent à de
bonnes conditions, leur permet de faire des regroupements de terrains parce
que, très souvent, ceux qui s'installent le font dans les banlieues
où les terrains sont regroupés et ils sont facilement
négociables. Mais au même moment, vous avez un
phénomène
d'étalement qui nous coûte de plus en plus cher. Nous le
vivons actuellement à Québec même. Alors que Eaton,
à Toronto, s'est installée au centre-ville, alors que M. Eaton,
à Montréal, a décidé d'investir dans le
centre-ville, ici, à Québec, on s'en va à
l'extrémité de la ville, aux limites de la ville. Alors que nous
n'avons pas d'arqent pour des choses élémentaires, nous en avons
pour raccorder par des égouts et des aqueducs, des bretelles, des petits
bouts d'autoroute, nous en avons pour accorder des centres commerciaux.
À cet égard, mon point de vue, c'est qu'il faudrait
peut-être tendre l'oreille aux propos du président du Conseil
exécutif de Montréal, M. Lamarre, et du maire de Québec,
M. Pelletier, qui ont demandé un moratoire là-dessus.
Actuellement, nous sommes un peu coincés. Il y a des choses qu'on
n'a pas pu faire, mais peut-être qu'on pourrait faire. Cela me fait
plaisir de dire au député de Nelligan que cela ne me gêne
pas que l'exemple nous vienne de l'Ontario. L'Ontario s'est ressaisi, on y
favorise la densification urbaine, l'aménagement urbain; on se bat
contre l'étalement urbain qui est extrêmement coûteux,
tandis que nous, on hésite encore. C'est un discours que je n'entends
jamais, des gens d'en face. S'il y a un endroit où nous pourrions
comprimer les dépenses, s'il y a un endroit où on pourrait
économiser de l'argent et améliorer en même temps la
qualité de vie, je pense que c'est par des politiques
d'aménagement. Chaque fois qu'on est venu dans cette Chambre avec des
lois sur l'aménagement, que ce soit la loi du zonage agricole, que ce
soit la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, cela a été
vivement combattu par les gens d'en face au nom d'une certaine liberté,
une liberté à laquelle on adhère, mais quand c'est une
liberté qui nous fait faire des dépenses un peu folles, qui brise
nos villes, qui étire notre territoire, qui gâche l'ensemble de
notre développement, il faut savoir réagir. Un gouvernement et
des élus doivent prendre leurs responsabilités.
À venir, donc, au niveau de la réforme de la
fiscalité municipale, pour moi, il y a une politique
d'aménagement urbain, il y a des politiques pour favoriser une
densification, un resserrement, une qualité de vie. Je le
répète: Pour ma part, je serais favorable au moratoire
demandé par le président de l'exécutif de Montréal
et le maire de Québec et par plusieurs élus municipaux. Je pense
qu'il faut se préoccuper des centre-ville.
C'est là que je trouve la porte d'entrée pour parler
pendant quelques minutes de l'enseignement privé. L'enseignement
privé pour nous, aujourd'hui, d'après ce que nous propose le
ministre des Finances, semble devoir faire l'objet de petites compressions
budgétaires qui me paraissent, pour le peu que j'en ai, comme vous, sous
les yeux, moins graves, moins odieuses que ce que nous avons demandé au
secteur public. Mais il n'en reste pas moins que les gens sont inquiets et ils
se demandent quelles sont les volontés du gouvernement. Pourquoi les
gens sont-ils inquiets? Pourquoi y a-t-il des gens qui tiennent à
l'école privée?
La question, bien sûr, on se l'est souvent posée. Plusieurs
d'entre nous, plusieurs d'entre vous sont le produit de l'école
privée. Ceux de mon âge, par exemple, ne pouvaient pas aller
à un certain niveau d'études sans passer par l'école
privée. Sommes-nous des ingrats? Est-ce qu'aujourd'hui nous
méprisons l'école privée ou crachons sur elle? Est-ce que
nous voulons la fermer? Pas du tout, sauf que nous nous sommes
préoccupés de développer le secteur public, celui qui est
d'abord accessible à tout le monde, celui qui a été
réformé par les libéraux au début des années
soixante pour s'ouvrir, pour l'ensemble de la population, vers les niveaux
supérieurs, le niveau collégial, le niveau universitaire. Cette
réforme qui est la vôtre, nous n'avons jamais voulu la remettre en
question, nous avons toujours cherché à l'améliorer et,
aujourd'hui, notre principal problème demeure l'amélioration du
système public.
Si vous nous faites reproche aujourd'hui d'avoir tardé à
clarifier nos positions sur le rapprochement que nous souhaitons entre
l'école privée et l'école publique, c'est justement devant
les difficultés d'améliorer le système public.
L'explication est là, finalement; l'école privée se
défend assez bien, elle fait preuve d'une qualité qui est assez
remarquable. Souvent, l'école publique, d'ailleurs, peut tenir la
comparaison, absolument, sauf qu'il reste que l'ensemble du système
demande à être ajusté, à être soutenu.
Le ministre de l'Éducation qui a précédé
l'actuel ministre a proposé un certain nombre de choses parfois
très coûteuses; il va falloir apprendre à proposer des
réformes moins coûteuses. Parmi les facteurs d'appréciation
des parents, il y a, à mon avis, la stabilité de l'école
privée, stabilité souvent tout simplement physique. Il y a des
parents dans mon comté qui ont choisi l'école privée - je
l'ai choisie, à un certain moment, pour mes enfants parce que
c'était l'école la plus près de la maison que j'habitais;
je l'ai choisie ici, à Québec, pour les mêmes raisons,
à cause de sa localisation et de sa stabilité. Dans mon
comté, des enfants de l'élémentaire ont changé six
fois d'école. Quand le deuxième ou le troisième
commençait son école élémentaire, les parents
avaient leur leçon. Ils se tournaient vers l'école privée
pour y inscrire leur enfant avec la certitude qu'il serait là pendant
six ans.
Est-ce que l'école est nécessairement
meilleure? Parfois, mais pas nécessairement. Elle est parfois
moins bonne, mais au moins elle est toujours à la même place, elle
a toujours les mêmes méthodes, avec une stabilité - j'ai
envie de le dire et d'ouvrir une parenthèse là-dessus - qui,
parfois, est centenaire ou plusieurs fois centenaire. Cela me plaît de
rappeler que ces institutions d'enseignement sont très souvent
nées avec la Nouvelle-France, avec le Québec a ses origines. Chez
nous, ces institutions privées sont celles des Franciscains, autrefois
les Récollets, qui sont arrivés avec les premiers habitants,
accueillis par nos Amérindiens. Même le séminaire, à
l'origine, est là au tout début de la colonie. Les Filles de
Jésus sont arrivées au début du siècle et ont
formé des générations très importantes.
On a eu, l'autre jour, une réunion à Trois-Rivières
- on soulignait un événement que je ne rappellerai pas
aujourd'hui - et on s'est rendu compte que le maire, le curé de la
cathédrale, l'ancien évêque et ainsi de suite
étaient tous des gens qui étaient passés par le Jardin de
l'enfance et, bien sûr, par le séminaire. Donc, les Filles de
Jésus, les Ursulines, les prêtres du séminaire, les
Franciscains ou les Récollets, autant d'institutions privées dont
nous avons hérité, qui ont formé des
générations de Québécois et qu'aujourd'hui on ne
veut pas remettre en question. (17 h 20)
Nous avons dans notre programme une position là-dessus. Nous ne
nous sommes jamais écartés de cette position. Nous voulons
rapprocher les écoles privées des écoles publiques.
À ce moment-ci, nous travaillons intensément à
améliorer la qualité de l'école publique. Je vois arriver
le ministre de l'Éducation et je le vois acquiescer à cette
préoccupation qui est la nôtre d'améliorer l'école
publique, de la rendre compétitive, quand elle ne l'est pas, parce que,
encore une fois, souvent elle l'est. Donc, M. le Président, nous sommes
en face d'écoles extrêmement méritantes des
Québécois. Si, un jour, nous pouvons vraiment réaliser
cette partie du programme qui consisterait à un rapprochement des deux
systèmes, qui consisterait à une accessibilité pour tous
selon leur choix à ces différentes écoles, à une
complémentarité que souhaitait le député de
Joliette, nous en sommes tous.
D'ailleurs, je suis de ceux qui souhaiteraient, le plus tôt
possible, pour l'école privée, des subventions à 100%. Je
sais que je ne suis pas le seul à souhaiter cette chose. À 100%.
Je sais que certaines écoles n'en veulent pas. À ce moment, par
exemple, il faut se poser la question: Pourquoi ces écoles n'en
veulent-elles pas? C'est à ce moment, je pense, que la Chambre va se
diviser. Les raisons pour lesquelles on ne veut pas de la subvention à
100%, c'est parce actuellement il y a un élément de
discrimination. Là il y a des choix de faits. Ce n'est pas dans ce
débat que je voudrais entrer aujourd'hui. Je dis, M. le
Président, que nous avons une position là-dessus qui passe par le
maintien de l'école privée aussi longtemps que nous n'aurons pas
réussi à rapprocher ces écoles privées des
écoles publiques et à donner à tous les parents
l'accès aux écoles de leur choix parce que, finalement, c'est
l'argument principal. On veut protéger le choix de tout le monde. Je
dis, encore une fois, que très souvent le choix est simplement un choix
physique. Une école qui est là et qui restera à cet
endroit.
C'est assez dramatique ce qui nous arrive. J'ai fait allusion tout
à l'heure au coût de l'étalement urbain. Au niveau
scolaire, le coût de l'étalement urbain, c'est des écoles
encore neuves, des polyvalentes construites dans le champ, construites loin du
monde. Des écoles qui sont à peine terminées tellement on
a eu à taponner sur certains éléments de la construction,
on est à la veille de les fermer. On les a mises un peu partout. Des
écoles élémentaires, on en a ouvert un peu partout. On en
ouvre encore un peu partout. On n'a pas de politique d'aménagement de
territoire. Les enfants sont loin des écoles et les écoles sont
loin des enfants. Peu importe, de toute façon, cela nous coûte
quelque chose comme 250 000 000 $.
Cela, on ne le dit pas assez souvent dans cette Chambre. À mon
avis, là encore, il y a une action à entreprendre assez
rapidement sur le coût du transport scolaire, sur la localisation des
écoles, sur l'aménagement des quartiers, sur l'aménagement
et le réaménagement des villes. C'est là que sont les
économies à faire, M. le Président. Des économies
à faire pour le pétrole, des économies à faire pour
la distance à parcourir, pour toutes sortes de choses. Quand on autorise
un nouveau centre commercial, à tous les jours, tous les contribuables
s'endettent un peu plus pour permettre cette circulation d'automobiles, au
niveau des égouts, au niveau des aqueducs, au niveau du réseau
routier, mais au niveau aussi de la subvention sur l'essence.
Le député d'Outremont a insisté sur notre taxe qui
montait avec celle du fédéral. On ne peut pas nous reprocher de
toute façon d'être à l'origine de la hausse. La hausse
vient de là-bas. Nous, on a eu l'intelligence de se placer dans
l'ascenseur. Je pense que c'est un des bons coups du ministre des Finances. Il
reste que l'essence est subventionnée. À chaque fois qu'on en
brûle, à chaque fois qu'on en consomme, et à chaque fois
qu'on demande un rallongement routier on se coûte à soi-même
une petite fortune. Au niveau de l'école, je pense qu'il faut savoir
maintenant se poser la question. Le ministre de l'Éducation ne sera
pas
surpris de m'entendre tenir ces propos parce que je me bats sans compter
actuellement pour le maintien des dernières écoles. À
Outremont, vieille ville de Montréal, M. le député
d'Outremont, à Sillery, vieille ville de Québec, à
Trois-Rivières, deuxième plus vieille ville au Québec, au
Canada - j'allais dire en Amérique du Nord, mais ce n'est pas tout a
fait exact, deuxième plus vieille ville au Canada - nous sommes en train
de voir fermer nos dernières écoles.
Par le phénomène de l'étalement urbain; par le fait
que des gens se sont déplacés vers Trois-Rivières-Ouest,
vers Pointe-du-Lac, où on leur donne de nouvelles écoles, nous,
on est en train de voir fermer nos dernières écoles. La
population élémentaire est passée de 9000 à 3000
jeunes. La population secondaire, pour une énorme régionale, est
passée de 15 000 à 9000. Nous sommes en chute libre à cet
égard. Et les dernières écoles qu'on a des chances de
conserver sont celles de la banlieue, celles où les enfants des villes
auront demain à se rendre en autobus jaune, M. le Président. Ce
sera bientôt le cas dans Outremont, si on ne fait pas attention. Ce sera
bientôt le cas dans Sillery, si on ne fait pas attention. Ce sera
bientôt le cas dans Trois-Rivières, si on ne fait pas
attention.
Qu'est-ce qui restera à Trois-Rivières? À ce titre,
M. le Président, je ne serai pas gêné de prendre la
défense des écoles privées, parce que bientôt dans
Trois-Rivières, si on ne fait pas attention, les dernières
écoles accessibles pour les Trifluviens et les dernières
écoles accessibles pour moi, là où j'habite dans
Trois-Rivières, ce sont des écoles privées. Il n'y a plus
pour mes enfants à Trois-Rivières d'écoles publiques
accessibles à pied. Et j'habite le centre-ville! Je suis prêt
à défendre les dernières écoles de quartier. Je
suis prêt à défendre les dernières écoles
élémentaires et secondaires de nos vieilles villes et de nos
vieux quartiers. Il faut aussi savoir placer le débat là-dessus
et si, momentanément, les écoles privées jouent ce
rôle, je suis un de leurs défenseurs. Mais à ce moment-ci,
il ne faut pas dramatiser outre mesure notre situation. Nous en sommes quand
même à des compressions budgétaires qui touchent tout le
monde, qui font mal partout. Font-elles plus mal aux écoles
privées à ce moment-ci qu'au secteur public? Je ne crois pas.
Là-dessus, je suis obligé de faire confiance au ministre de
l'Éducation et au ministre des Finances. Le ministre de
l'Éducation me dit bien que, finalement, le traitement est égal.
Le traitement est égal, mais l'avenir des choses, c'est se
préoccuper davantage d'aménagement, de la localisation de ces
écoles, des choix à faire et du maintien d'une concurrence entre
les deux types d'école. C'est le plaidoyer que font les gens d'en face.
Nous sommes prêts à les suivre là-dessus, mais non pas sur
une base de discrimination.
Les écoles privées ont su s'ouvrir et, dans la mesure
où elles continueront de vouloir s'ouvrir, le gouvernement du
Québec sera fier de les soutenir.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Merci, M. le Président. Je ne sais pas si les
gens d'en face sont pour l'école privée, l'école publique
ou les deux, mais une chose est certaine. Une fois sortis de l'école,
les gens sont devant la nécessité de trouver de l'emploi.
Cependant les quelques minutes qui sont mises à ma disposition,
j'aimerais parler avec plus de détails du changement fondamental
proposé par le ministre des Finances dans la fiscalité des
entreprises.
Ces mesures, jusqu'à maintenant, n'étaient pas assez
comprises par la population et surtout, par les chefs syndicaux et par les
chefs d'entreprises. J'aimerais expliquer les intentions du ministre avec un
peu plus de détails qu'il ne l'a fait lui-même pendant son
discours sur le budget et poser quelques questions auxquelles j'espère
il répondra.
Le ministre a dit dans le discours sur le budget que c'était un
changement fondamental dans la Loi des corporations. Il a dit ceci: "C'est une
refonte en profondeur de la fiscalité des entreprises."
Effectivement, il y a trois volets. Premièrement, il y a une
augmentation importante de la contribution des employeurs au fonds de
l'assurance-maladie. En effet, c'est une augmentation de 100%.
Deuxièmement, il y a une augmentation importante de la taxe sur le
capital des entreprises, une augmentation de 50%. Finalement, il y a une baisse
dans l'impôt sur les profits de ces mêmes entreprises qui varie
selon l'envergure des profits. Pourquoi cette réforme? Dans son
discours, le ministre n'a mentionné qu'une seule raison. Il
n'était pas question d'équité. Il n'était pas
question de stimuler l'investissement. Il a proposé cette réforme
en profondeur essentiellement parce que c'était une façon plus
facile pour lui de percevoir des revenus. Il a dit ceci: "La taxation des
profits par chaque gouvernement provincial présente des problèmes
considérables. La déclaration des profits attribuable à
chaque province individuellement n'a guère de signification." Il veut
rendre plus facile la recherche impitoyable des gouvernements auprès des
entreprises québécoises.
Avant de poser quelques questions, je veux passer très vite
à travers ces trois éléments. Premièrement, le 1er
avril, cette
année, la contribution des employeurs passera de 1,5% à 3%
de la feuille de paie. Cela va augmenter les revenus du gouvernement de 508 000
000 $ par année. Une compagnie d'une centaine d'employés va payer
environ 25 000 $ de plus par année. Deuxièmement, la taxe sur le
capital va augmenter de 0,03% à 0,45%. Les chiffres ne semblent pas
être très importants en pourcentage, mais effectivement, c'est un
autre montant de 156 000 000 $ de prévu pour la caisse gouvernementale.
Finalement, on propose une baisse des impôts qui sont maintenant à
un niveau de 13%, à 3% pour les petites et moyennes entreprises
dès le 1er juillet de cette année et, pour les plus grandes
entreprises, à 8% l'an prochain seulement et, pour la troisième
année, à 5,5%. (17 h 30)
Je voudrais faire quelques observations, et j'espère que le
ministre pourra me renseigner dans sa réplique. Premièrement,
c'est clair que cette réforme de la fiscalité va augmenter le
fardeau fiscal des entreprises québécoises. Si vous prenez les
chiffres du ministre lui-même, vous avez une augmentation des recettes
gouvernementales, cette année, de 523 000 000 $, l'an prochain, de 328
000 000 $ et, pour la troisième année, de 230 000 000 $.
Même pour la troisième année, quand le système sera
en marche complètement, l'augmentation du fardeau fiscal des entreprises
québécoises sera de l'ordre de 250 000 $, en dollars de 1981.
Plusieurs députés ont proposé que le gouvernement
fédéral paie peut-être la note parce que ces
dépenses sont déductibles pour les fins de l'impôt
fédéral. C'est vrai, mais si vous faites le calcul, vous verrez
très vite que l'impôt fédéral, pour les petites et
moyennes entreprises, du moins, est de 25%. Alors, ces entreprises vont payer 1
$ de plus au gouvernement du Québec et elles vont épargner 0,25 $
quant à l'impôt fédéral. Ce n'est pas le
fédéral qui va payer toute la note, loin de là.
Avant de passer à la deuxième observation que je voulais
faire, je veux répéter qu'au moment où on doit tout faire
pour amener les entreprises à s'installer ici et à créer
de l'emploi, ce projet du ministre aura l'effet contraire. Je veux souligner en
passant le taux de chômage au Québec. Les chiffres les plus
récents ont été publiés durant la fin de semaine
dernière et, comme vous l'avez peut-être vu, le taux de
chômage au Québec est grimpé à 302 000 personnes.
Les performances de ces derniers mois sont de loin les pires de tout le Canada.
De plus, au Québec, le nombre de personnes qui ont terminé leurs
études cette année et qui se déclarent incapables de
trouver un emploi est de 30%. 30% des étudiants ayant terminé
leurs études cette année se déclarent incapables de
trouver un emploi, comparativement à 13% en Ontario. Cette question de
création d'emplois est importante.
Pour en revenir à mes observations, le ministre a dit: Je veux
changer ce système parce que l'autre sera plus facile. Je veux lui
rappeler qu'il existe, depuis quelques années maintenant, un
système d'allocation au revenu pour fins d'impôt entre les
provinces dans nos lois et dans les lois des autres provinces. C'est la moyenne
en pourcentage des ventes réalisées au Québec
comparativement à celles du Canada et le montant des salaires
versés au Québec en comparaison de ceux versés au Canada.
Par exemple, si une compagnie réalise 20% de ses ventes au Québec
et y verse 30% de ses salaires, elle paiera la moyenne, soit 25% de ses
impôts, au gouvernement du Québec.
Ce n'est pas un système qui a été
créé par des fous, M. le ministre, c'est un système qui
existe depuis longtemps. J'admets que, dans certains cas, il est possible de le
contourner, mais, en qénéral, c'est un système qui est
basé sur les profits des compagnies, qui peuvent varier, et les
compagnies qui ont les moyens de payer sont obligées de le faire. Je
veux souligner au ministre que ce système est le même que celui en
vigueur pour les fins du calcul de la taxe sur le capital; le ministre n'a pas
l'intention de le changer. Effectivement, pour les fins du calcul de cette taxe
sur le capital qu'il propose d'augmenter, il utilisera exactement la même
formule que celle utilisée pour le système qu'il vient de laisser
tomber. Pour prouver que c'est la vérité, il a donné comme
exemple les raffineries de Montréal qui ne payaient pas de taxes. Si ce
système a vraiment pour effet de corriger cette situation, je propose au
ministre qu'il enlève la taxe qu'il a mise sur les raffineries l'an
passé, parce que les deux ne seront pas nécessaires, si sa
réforme est vraiment justifiée.
Troisièmement, l'augmentation du fardeau des impôts qui
aura lieu sera très difficile pour les compagnies qui ne font pas de
profits, les compagnies marginales quant aux profits seront obligées de
payer des frais extrêmement plus lourds. Je cite l'exemple de
Paquet-Syndicat, un magasin de Québec qui est menacé par la
faillite et qui a 1000 employés. Si les 1000 employés de
Paquet-Syndicat gagnent en moyenne 15 000 $ par année, je pense que ce
n'est pas excessif, d'après mes calculs cette année, cette
compagnie va recevoir une facture du ministre des Finances d'à peu
près 225 000 $ de plus que celle qu'elle a reçue l'an
passé. Le ministre des Finances va dire: Écoutez, oui, la facture
pour l'assurance-maladie est plus élevée de 250 000 $, mais vous
avez une baisse dans vos impôts sur les profits. Ce n'est pas très
drôle. Comme vous le savez, Paquet-Syndicat n'a pas fait de profits. Je
demande au député de Taschereau
- c'est dans son comté - de poser cette question au ministre. De
plus, il va certainement y avoir une taxe sur le capital de Paquet-Syndicat,
une compagnie qui n'a pas les moyens de payer.
Ce n'est peut-être pas un bon exemple, parce que c'est une
compagnie au bord de la faillite. Il y a beaucoup de petites et moyennes
entreprises aujourd'hui qui ne font pas beaucoup de profits, qui n'auront
guère d'incitation à en faire et qui seront aux prises avec des
coûts administratifs liés directement au nombre de leurs
employés et à des investissements qu'elles ne sont pas capables
de payer pendant la première année, parce qu'elles n'ont pas de
profits.
On peut dire à tout le monde, je pense, que c'est une taxe
régressive. Normalement, on a une règle bien établie selon
laquelle les impôts doivent être payés par ceux qui font des
profits, ceux qui ont le moyen de payer plus doivent payer plus. Mais ce
système doit exiger très souvent de ceux qui ne font pas de
profits de payer sur la base de leur coût d'exploitation.
Le quatrième et avant-dernier point que je veux soulever, c'est
que, par ce système, les compagnies qui emploient beaucoup de
travailleurs, par rapport à leurs investissements, seront les plus
pénalisées. Dans sa déclaration, le ministre a dit: C'est
bon, parce que ce sera une incitation à la modernisation, au
remplacement des gens par des machines, pour fins de productivité.
Je pense que, dans le contexte actuel au Québec, c'est un peu
dangereux de jouer avec cette passion pour la productivité quand nous
avons 302 000 chômeurs et quand nous avons 30% de nos jeunes qui sont
incapables de trouver un emploi. Je ne dis pas qu'à long terme ce n'est
pas une bonne idée, mais, franchement, c'est très délicat
ces jours-ci.
Deuxièmement, il y a beaucoup d'industries de pointe, d'autres
technologies qui emploient beaucoup de main-d'oeuvre, de matière grise
et ont très peu d'investissements. Comme d'autres de mes
collègues l'ont soulevé, ce projet de loi va avoir pour effet de
décourager l'installation ici de compagnies qui dépendent surtout
de la matière grise plus que de l'investissement.
Je vais terminer, mais je veux soulever un dernier point. Le ministre a
développé dans son texte un argument pour la baisse des
impôts à 3% pour les petites et moyennes entreprises. Quand il est
arrivé aux autres compagnies, la baisse n'est pas en accord avec la
cohérence de son système. Il a dit tout simplement: Si je donne
la même baisse aux compagnies qui gagnent au-dessus de 50 000 $ qui ne
sont pas des petites et moyennes entreprises, d'après la loi, cela fera
un peu riche, parce que cela va leur donner une épargne de 185 000 000 $
par année. Mais si 185 000 000 $ par année c'est de la richesse,
c'est sûr que les 600 000 000 $ qu'elles sont obligées de verser
de plus, c'est de l'opulence beaucoup plus que de la richesse. Je pense que les
arguments du ministre pour ne pas donner le même bénéfice
aux grandes compagnies québécoises manque un peu de rigueur
intellectuelle. (17 h 40)
En terminant, je n'ai pas le temps d'analyser ce projet de loi plus en
profondeur, mais je propose fortement au ministre que les chefs syndicaux, que
les chefs d'entreprise, que les chambres de commerce regardent de très
près ce projet de loi et ses conséquences. J'ai l'impression que,
depuis le dépôt du budget, ça n'a pas été
fait et je pense que c'est essentiel qu'avant que cette loi soit adoptée
le ministre s'assure auprès et des syndicats et des entrepreneurs que
cet aspect de ce projet de loi n'aura pas pour effet de réduire
davantage les chances de création d'emplois, ici, au Québec.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre, votre
droit de réplique.
M. Jacques Parizeau (réplique)
M. Parizeau: M. le Président, je comprends que, dans
l'échelonnement des travaux de cette Chambre, au fur et à mesure
que nous nous rapprochons de la fin de la session, des ententes interviennent
quant à la façon de conduire nos travaux et que nous devons
prendre le vote en deuxième lecture sur ce projet de loi avant six
heures. On me permettra donc, en réplique, de ne dire que quelques mots,
compte tenu de l'heure qu'il est.
Je vais donc me contenter d'un certain nombre de
généralités, mais qui me semblent être utiles au
point où nous en sommes dans notre débat.
Les mesures qui sont prévues par le projet de loi no 11
s'inscrivent dans un cadre général qu'on me permettra de tracer,
puisqu'on y a fait souvent allusion pendant le débat en deuxième
lecture.
Dans un premier temps, beaucoup de ces mesures poursuivent - comme j'ai
eu l'occasion de le dire au moment de l'ouverture du débat - cette
politique du gouvernement de chercher à réduire les impôts
des particuliers. Cela veut dire que, bien sûr, pour reprendre les
argumentations que nous avons souvent entendues, le déficit du
Québec actuellement pourrait facilement être plus bas. Il y aurait
une façon élémentaire de faire disparaître la
quasi-totalité du déficit actuel: ça consisterait tout
simplement à revenir à la structure d'impôts que nos amis
d'en face nous avaient laissée. On enlèverait, d'un seul coup,
plus de la moitié du déficit, bien sûr.
d'impôts que nos amis d'en face nous avaient laissée. On
enlèverait, d'un seul coup, plus de la moitié du déficit,
bien sûr.
Il y aurait une deuxième façon de réduire encore le
déficit et de le faire presque complètement disparaître, en
reliant ça à la première mesure. Cela consisterait
à faire ce que mon collègue, le ministre des Finances à
Ottawa, a annoncé, lui qui est pris avec un déficit bien plus
considérable que le nôtre, non pas seulement en dollars, mais en
proportion. Il nous disait récemment: Pour être capable de
réduire mon déficit, moi, ministre fédéral des
Finances, je vais couper les transferts ou les subventions que nous payons aux
provinces, dans une première année, de 500 000 000 $, de
façon que, dans une deuxième année, on atteigne 1 500 000
000 $.
Je pourrais faire cela avec les municipalités au Québec.
Je pourrais fort bien réduire le déficit en faisant en sorte
simplement d'annuler les effets de la réforme fiscale municipale que
nous avons entreprise et qui a canalisé vers les municipalités un
transfert net de l'ordre de 500 000 000 $. Je pourrais l'annuler. Si je
revenais à la structure des impôts que nos amis d'en face nous ont
laissée, si j'agissais comme le ministre fédéral des
Finances nous indique qu'il voudrait agir à l'égard des
municipalités, le déficit au Québec serait ridiculement
bas. Il disparaîtrait presque. Nous ne le faisons pas parce que notre
objectif a été, pendant plusieurs années, de faire en
sorte que les impôts des particuliers baissent. Cela a été
pendant plusieurs années de régler des problèmes dans la
fiscalité des municipalités qui traînaient depuis des
années. À cet égard, oui, effectivement, le projet de loi
no 11, par un certain nombre de ses aspects, prolonge cette politique que nous
pratiquons depuis fort longtemps. (17 h 45)
On y ajoute un certain nombre de dispositions à l'égard de
la fiscalité des entreprises dont je suis, comme je l'ai dit, un peu
étonné de constater qu'on en ait si peu parlé pendant si
longtemps. À la suite de mon invite au début de ce débat
d'en parler davantage, je vois qu'un certain nombre de nos collègues en
ont parlé. Grâce au ciel, il était temps. J'étais un
peu étonné de voir que quelque chose d'aussi fondamental que
cette réforme de la fiscalité des entreprises prenne autant de
temps à lever de terre, mais, enfin, nous avons eu un débat,
intéressant d'ailleurs. Ce n'est pas certain que je sois d'accord avec
tout ce qui s'est dit. Il me paraît un peu étonnant de voir, par
exemple, que l'on hésite à reconnaître que toute mesure
destinée à encourager l'augmentation de productivité de
l'industrie au Québec peut être dommageable à
l'égard du chômage. J'ai toujours pensé, avec une certaine
candeur, mais, j'imagine, que la plupart des hommes d'affaires comprennent
bien, que l'augmentation de la productivité des entreprises au
Québec joue dans le sens d'une réduction graduelle du
chômage et qu'aucune société n'a un intérêt
quelconque à restreindre l'augmentation de la productivité. C'est
un peu le débat qui existe dans toutes les sociétés depuis
fort lontemps. J'ai été un peu étonné de voir ce
débat réapparaître chez nos amis d'en face.
Tout à l'heure, le député de
Notre-Dame-de-Grâce m'incitait à consulter des hommes d'affaires
à ce sujet. J'ai presque le goût de lui renvoyer la balle. Il
serait peut-être mieux de consulter, effectivement, des hommes d'affaires
- et, Dieu sait, j'imagine, qu'il en connaît beaucoup - pour leur
demander si, vraiment, ils sont d'accord avec ce genre de thèse,
à savoir qu'une fiscalité qui encourage les entreprises à
se mécaniser, à accroître leur degré
d'efficacité par davantage, constamment davantage d'équipements
de façon à augmenter la productivité, cela leur fait mal.
Moi, j'avais toujours pensé le contraire.
Non, effectivement, les mesures que nous avons prises et dont un bon
nombre se retrouvent dans le projet de loi no 11 correspondent à un
certain nombre d'objectifs que nous avons en tête depuis
déjà un certain temps.
Il y a d'autres dispositions du projet de loi no 11 qui s'adressent plus
spécifiquement à ce qu'on appelle généralement
maintenant des compressions budgétaires et, dans certains cas,
essentiellement au contrôle des dépenses, à un meilleur
contrôle des dépenses. Il s'en faut de beaucoup, d'ailleurs, que
le projet de loi no 11 couvre l'ensemble des compressions budgétaires.
Cela ne l'aborde que par un certain nombre d'aspects, peu nombreux d'ailleurs,
par rapport à l'ensemble de l'opération.
Mais certains des commentaires qui ont été faits en cette
Chambre, je pense, appellent, de ma part, en réplique, un certain nombre
de commentaires aussi. Plusieurs des mesures qui sont prévues par ce
projet de loi sont destinées à assurer un meilleur contrôle
administratif, et Dieu sait s'il est important, dans toute espèce de
domaine, à faire en sorte que ces monstres que sont devenus les
gouvernements améliorent la façon de contrôler à la
fois la manière dont les dépenses se font et les montants des
dépenses, et à s'assurer que ceux qui ont accès à
certains programmes, par exemple, sont vraiment admissibles à ces
programmes.
Deuxièmement, on a beaucoup fait état et je pense à
juste titre - des compressions budgétaires qui s'appliquent à
l'enseignement privé; on en a même fait une sorte de débat
de fond et, évidemment, je crois que c'était l'occasion d'en
faire une
l'enseignement privé depuis deux jours a été
finalement assez élevé dans son ton. Je voudrais simplement faire
remarquer ceci, comme ministre des Finances. Il me paraît normal et
raisonnable que, demandant à toute espèce d'institutions
publiques, aussi bien dans le domaine de l'éducation que dans le domaine
des services de santé, de surveiller de très près
l'augmentation de leurs dépenses, nous nous tournions vers un autre
groupe, celui des institutions privées d'enseignement, en disant: Chacun
fait sa part, faites-la aussi.
Ce que nous demandons, de la part de ces organismes qui sont des
ministères, comme contrôle sur l'expansion des dépenses, ce
que nous demandons des commissions scolaires, ce que nous demandons des
hôpitaux, ce que nous demandons de chacun des organismes de
réseau, comme on les appelle dans notre société, vous,
comme organisme privé d'enseignement, on vous demande ce même
genre d'effort. Et pourquoi on demande ce même genre d'effort? Parce que
je crois que les Québécois en sont rendus au point de comprendre
que le Québec est jusqu'à un certain point menacé de vivre
au-delà de ses moyens. Dans ces conditions, l'expansion des
dépenses au Québec doit se ralentir.
Je voudrais dire quelques mots à ce sujet, et en terminant, de
l'expansion des dépenses du gouvernement de Québec, depuis un
certain nombre d'années. J'ai toujours l'impression que, par une sorte
de phénomène d'amnésie de quelques mois en quelques mois,
on oublie l'évolution du rythme des dépenses au Québec,
depuis un certain nombre d'années. Au cours des années qui ont
précédé l'arrivée du présent gouvernement au
pouvoir, l'augmentation moyenne des dépenses du gouvernement de
Québec était de 21% par an. Cela a développé un peu
partout, évidemment et très normalement, dans la population en
général, des appétits. On ne se paie pas le luxe
d'augmenter les dépenses d'un gouvernement de 21% par année sans
développer des tas d'expectatives dans le public.
Nous sommes arrivés au pouvoir et l'une des premières
tâches à laquelle nous nous sommes attelés a
été de réduire l'expansion des dépenses à un
rythme très inférieur. C'est ainsi que, pendant trois ans, nous
avons réussi à maintenir un rythme d'augmentation des
dépenses annuelles pas de 21%, pas de 19%, pas de 17%, mais dans les
environs de 12%. On voit à quel point la société dans
laquelle nous vivons, comme n'importe quelle société d'ailleurs,
est assez fragile sur le plan psychologique, à cet égard.
L'an dernier, parce que le chômage avait augmenté assez
rapidement, et pour satisfaire un certain nombre d'ajustements
budgétaires qu'il fallait faire, on a laissé les dépenses
augmenter non pas à 21%, comme c'était le cas autrefois, mais
dans une moyenne de 12% à 16%. Déjà cette simple
augmentation a créé à nouveau des expectatives. Dans le
présent budget, on ramène le rythme de progression des
dépenses au Québec à 13%, et à 13% d'augmentation
des dépenses, on nous dit: compressions, coupures. Nous disons aussi:
compressions, coupures, inévitablement, par rapport aux expectatives
qu'on a, par rapport à certaines structures qui se sont établies,
par rapport à des rythmes de croissance qui se sont installés.
Mais, quand on en arrive à considérer, dans une
société, des compressions ou des coupures comme étant
dramatiques quand les dépenses augmentent encore de 13%, je pense qu'il
est temps d'y voir et qu'il est temps, comme tout gouvernement responsable, de
rappeler, dans la société dans laquelle nous vivons, qu'on ne
peut pas vivre au-delà de ses moyens et qu'il faut assurer un rythme
d'expansion des dépenses raisonnable.
Voilà un peu l'état d'esprit qui sous-tend beaucoup des
mesures qui apparaissent dans le projet de loi no 11. En terminant, je fais
motion pour que ce projet de loi soit lu une deuxième fois et j'indique
que l'honorable lieutenant-gouverneur en a pris connaissance et qu'il en
recommande l'adoption.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion de
deuxième lecture est-elle adoptée?
M. Lévesque (Bonaventure): Vote enregistré.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Qu'on appelle les
députés.
(Suspension de la séance à 17 h 54)
(Reprise de la séance à 18 h 2)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît, M. le député de Vachonî S'il vous
plaît! S'il vous plaît! M. le député de Charlesbourg,
s'il vous plaît!
Je mets aux voix la motion proposant la deuxième lecture du
projet de loi no 11, Loi modifiant certaines dispositions législatives
pour donner suite à la politique budgétaire du gouvernement pour
l'exercice 1981-1982. Que ceux et celles qui veulent voter pour se
lèvent, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Charron, Mme Marois, MM. Bédard, Parizeau, Laurin, Bérubé,
Landry, Lazure, Gendron, Mme LeBlanc-Bantey, MM. Lessard, Marcoux, Godin,
Rancourt, Léger, Clair, Richard, Chevrette, Bertrand, Marois, Duhaime,
Tardif, Ouellette, Dussault, Gagnon,
Mme Lachapelle, MM. Vaugeois, de Belleval, Proulx, de Bellefeuille,
Guay, Baril (Arthabaska), Dean, Fallu, Mme Juneau, MM. Leduc, Marquis, Boucher,
Lavigne, Beauséjour, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata),
Gauthier, Blais, Lemay, Desbiens, Perron, Bordeleau, Gravel, Brassard,
Laplante, Charbonneau, Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Blouin,
Rochefort, Brouillet, Champagne, Rodrigue, Payne, Tremblay, Beaumier, LeBlanc,
Lafrenière, Lachance, Paré, Dupré.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Que ceux et celles qui
sont contre veuillent bien se lever!
Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure),
O'Gallagher, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Lalonde, Vaillancourt (Orford), Mme
Bacon, MM. Marx, Bélanger, Bourbeau, Blank, Caron, Mathieu, Assad,
Vallières, Lincoln, Scowen, Picotte, Pagé, Gratton, Rivest,
Fortier, Rocheleau, Bissonnet, Polak, Dauphin, Cusano, Hains, Saintonge,
Johnson (Vaudreuil-Soulanges), French, Mme Dougherty, MM. Kehoe,
Middlemiss.
Le Secrétaire: Pour: 66
Contre: 35
Abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette deuxième
lecture est donc adoptée.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
Renvoi à la commission des finances
M. Charron: M. le Président, je propose que ce projet de
loi soit déféré à la commission parlementaire des
finances.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, sur la motion
du leader parlementaire du gouvernement, puis-je vous demander une directive,
tout en faisant une suggestion au leader parlementaire du gouvernement, et
peut-être au parrain du projet de loi? Il s'agit, comme je l'ai dit il y
a quelques jours, d'un projet de loi omnibus. Ce projet de loi - c'est une des
premières fois à ma connaissance - contient différentes
dispositions qui auraient dû faire l'objet de projets de loi
différents. Tout en demandant une directive, est-ce qu'il ne serait pas
possible, même à ce moment-ci, de songer à diviser ce
projet de loi au lieu de l'avoir présenté comme un projet de loi
omnibus? Il y a sans doute, dans ce projet de loi, certaines choses que nous
aurions pu approuver, d'autres que nous ne pouvons pas approuver.
M. le Président, si on ne peut pas le faire cette fois-ci,
j'espère que c'est la dernière fois que le ministre des Finances
présente un projet de loi comme celui-là où il y a toute
une série des pommes et d'oranges, si vous voulez, et même des
pommes un peu trop mûres, ce qui nous force à discuter, comme nous
allons le faire en commission ce soir, pièce par pièce. Mais
comme il s'agit d'un bill omnibus, nous devrons voter contre certaines
dispositions. Je pense que c'est une mauvaise tactique législative, je
le soumets respectueusement et je vous demande une directive. Puisque, en
deuxième lecture, nous n'avons pas le droit d'apporter d'autres
amendements que le report du projet de loi...
Nous avons déjà demandé cela à votre
précédesseur, M. le Président, et nous n'avons pas
reçu de réponse satisfaisante, parce que le règlement
n'est pas tellement clair sur la division permise en deuxième lecture.
Si l'ancien président veut intervenir, je lui permettrai d'intervenir,
nous allons lui donner le consentement. Je vois que le leader parlementaire du
gouvernement n'est pas d'accord, je le comprends.
Ceci étant dit, nous allons voter pour la motion pour
déférer ce projet de loi à une bonne étude en
commission parlementaire.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader parlementaire
du gouvernement.
M. Charron: M. le Président, je crois que le
député de Bonaventure s'est un peu répondu en disant que,
s'il y a des aspects du projet de loi sur lesquels les députés du
Parti libéral ont choisi de s'opposer, l'appel article par article du
projet de loi leur permettra de manifester cette opposition. Si, par ailleurs,
ils sont d'accord avec certaines autres modalités comprises dans le
projet de loi, l'appel article par article leur permettra également d'en
faire part. C'est la sagesse de notre gouvernement qui a permis, dans des
situations un peu confuses comme celle dans laquelle se trouve l'Opposition
actuellement, de quand même avoir un minimum de clarté.
Avis à la Chambre (suite)
Je veux indiquer également que, sachant que ce projet de loi
effectivement est un peu omnibus, comme on dit dans notre vocabulaire
législatif habituel, c'est-à-dire qu'il couvre plusieurs
terrains, je me suis assuré que, dans l'organisation de la commission ce
soir, les ministres sectoriels impliqués seraient présents, ce
qui fait que -j'en donnerai avis immédiatement - puisque l'Opposition a
consenti - je l'en remercie - à nous permettre d'ajuster notre
calendrier, en particulier celui du ministre des Finances, et d'avoir une
séance à des heures un peu irrégulières, cette dite
commission des
finances qui se réunira à la salle 91-A le fera à
19 h 30 et non pas 20 heures, mais s'arrêtera à 22 heures
plutôt qu'à minuit. Nous avons convenu de commencer par les
articles du projet de loi qui concernent le ministre des Affaires municipales
et le ministre des Affaires sociales; donc, l'un et l'autre devraient
normalement être présents à cette commission ce soir, et
évidemment le parrain du projet, le ministre des Finances,
jusqu'à 22 heures, à la salle 91-A.
Au salon rouge, ce sera la suite et la fin de l'étude des
crédits du ministère du Travail, et à la salle 81-A, suite
et fin de l'étude des crédits du ministère des Affaires
intergouvernementales.
Je voudrais donner avis aussi que, dès cet après-midi,
nous avons fait parvenir convocation par télégramme aux
différents intéressés à certains projets de loi
privés pour mercredi prochain le 17. Je donne tout de suite avis que,
mercredi prochain le 17, après la période des questions, vers 11
heures ou 11 h 15, au salon rouge, il y aura l'étude des projets de loi
privés qui concernent le ministère de la Justice, et ce,
jusqu'à midi, puisqu'il n'y en a qu'un ou deux. À midi, ce sera
la commission des institutions financières qui veillera aux projets de
loi privés qui relèvent de son domaine. À 15 heures, ce
seront les projets de loi qui concernent les Affaires municipales. Sur ce,
à moins qu'il n'y ait d'autres questions de la part de mon homologue, de
mon vis-à-vis, je propose l'ajournement de la Chambre à demain,
10 heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader, avant de
vous permettre cette motion d'ajournement, il faudrait d'abord adopter la
motion de déférence en commission parlementaire en disant
qu'à la demande de directives du leader de l'Opposition, nous nous
fierons à ce qui a été la jurisprudence du passé,
en suggérant peut-être qu'à ce niveau, entre les
représentants de chaque parti de cette Assemblée, on puisse
discuter d'une autre façon de présenter ces projets de loi.
Donc, la directive étant donnée, cette motion
d'ajournement des travaux à demain, 10 heures, est-elle adoptée?
Adopté.
La Chambre ajourne ses travaux à demain 10 heures.
(Fin de la séance à 18 h 12)