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Version finale

31e législature, 6e session
(5 novembre 1980 au 12 mars 1981)

Le mardi 10 mars 1981 - Vol. 23 N° 27

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures dix-huit minutes)

Le Président: À l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement, s'il vous plaît.

Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes.

À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

M. Charron: M. le Président, en vertu de l'article 180 du règlement, le premier ministre aurait le dépôt d'une pétition à présenter à l'Assemblée.

Pétition s'opposant à la démarche

fédérale sur le rapatriement

de la constitution

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je voudrais déposer cette pétition en déposant d'abord en deux exemplaires, si on me le permet, le texte qui a servi a la remise de la pétition en question le 12 février 1981. C'est une pétition qui, je crois, est connue de tout le monde, qui a été soutenue - sauf une exception - par tous les partis politiques du Québec et qui a recueilli 715,180 signatures. Je crois que le spectacle qu'on a devant nous, par son ampleur, montre quand même ce que cela a pu représenter de motivation, de dévouement aussi et de conviction de la part des Québécois et des Québécoises qui ont signé cette pétition. C'est avec fierté que je dépose ce texte de la présentation et la Chambre peut voir le résultat.

Copie de la lettre transmise a M. Trudeau et autres

M. le Président, j'ai un deuxième dépôt à faire pour l'information de cette Chambre. C'est, en deux exemplaires, copie de la lettre que j'ai transmise à M. Trudeau, premier ministre fédéral. J'ai également les copies - mais je ne les ai pas apportées - de lettres équivalentes, si on veut, à M. Clark et M. Broadbent et également à tous les députés et sénateurs qui sont au Parlement d'Ottawa, représentants du Québec. Je dépose la lettre par laquelle je transmettais le résultat de la pétition au premier ministre fédéral.

Le Président: Documents déposés.

Lettre de démission de M. Jacques Couture

Avant de continuer, le président aurait plusieurs dépôts de documents à faire. J'aimerais tout d'abord déposer, en deux exemplaires, copie d'une lettre que M. Jacques Couture me faisait parvenir en date du 30 janvier 1981 et qui se lit ainsi: "M. le Président, j'ai le regret de vous faire connaître ma démission à titre de député du district électoral de Saint-Henri et de membre de l'Assemblée nationale à compter de ce jour. Veuillez agréer, M. le Président, l'expression de mes meilleurs sentiments." C'est signé Jacques Couture.

Par la suite: "Nous, députés de l'Assemblée nationale, avons pris connaissance de cette lettre et avons signé, à Québec, ce 30e jour de janvier 1981. Guy Chevrette, témoin, député de Joliette-Montcalm, et Pierre de Bellefeuille, député de Deux-Montagnes."

Lettre de démission de M. Guy Joron

En second lieu, j'aimerais faire état d'une deuxième lettre que j'ai reçue, datée du 26 février 1981, de M. Guy Joron: "M. le Président, j'ai le regret de vous faire part de ma démission à compter de ce jour à titre de député du district électoral de Mille-Îles et membre de l'Assemblée nationale. Veuillez agréer, M. le Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs." C'est signé Guy Joron. "Nous, députés de l'Assemblée nationale, avons pris connaissance de cette lettre et avons signé, à Québec, ce 26e jour de février 1981. Jacques Brassard, député de Lac-Saint-Jean, et Jean-Paul Bordeleau, député d'Abitibi-Est."

M. Michel LeMoignan,

chef parlementaire

de l'Union Nationale

En troisième lieu, j'aimerais faire état d'une lettre datée du 10 mars 1981, signée du chef de l'Union Nationale, qui est d'ailleurs, je pense, dans les galeries, adressée au président: "M. le Président, j'ai l'honneur de vous informer qu'à compter de ce jour, le député de Gaspé, M. Michel LeMoignan, siégera à l'Assemblée nationale en tant que chef parlementaire de l'Union Nationale. Veuillez agréer, M. le Président, l'expression de mes sentiments distingués." C'est en deux exemplaires également.

Des voix: Bravo!

M. Jean Alfred, député du Parti québécois

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. J'aimerais également déposer, en deux exemplaires, une lettre que j'ai reçue de M. le premier ministre, datée du 10 mars, et qui se lit ainsi: "M. le Président, auriez-vous l'obligeance de reconnaître dès aujourd'hui M. Jean Alfred, député de Papineau, comme membre de la députation ministérielle." À l'ordre, s'il vous plaît. "Je vous remercie à l'avance et vous pris d'agréer, M. le Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs." C'est signé René Lévesque.

J'ai encore des documents...

M. Levesque (Bonaventure): Oui, justement...

Le Président: M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): ... étant donné que vous venez de donner lecture d'un message du premier ministre, est-ce qu'on ne pourrait pas en profiter pour féliciter M. Alfred, car c'est son anniversaire de naissance aujourd'hui?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Cette heureuse idée, et fraternelle, à part ça, du député de Bonaventure m'a pris complètement au dépourvu, mais inutile de dire, parce qu'on a eu beaucoup de préoccupations, sans compter celle qu'a pu représenter le député depuis quelque temps, que nous souscrivons de tout coeur à ce rappel.

Résolution sur les allocations des députés

Le Président: Conformément aux dispositions de l'article 83 de la Loi sur la Législature, j'ai l'honneur de déposer, en deux exemplaires, pour information des membres de cette Assemblée, copie de la résolution 684-81 adoptée par la commission de la régie interne, le 4 février 1981, laquelle a pour effet de modifier le règlement intitulé Allocations des députés en vue notamment d'ajuster ledit règlement à la nouvelle répartition des circonscriptions électorales. Ce dépôt est fait en deux exemplaires.

Avis de la Commission de la fonction publique sur onze règlements

Conformément aux dispositions de l'article 30 de la Loi sur la fonction publique, je dépose copie des avis de la

Commission de la fonction publique au

Conseil du trésor sur onze règlements.

J'aimerais qu'on me dispense de la lecture, mais, si on veut, je peux les lire. Copie déposée de ces onze règlements en deux exemplaires chacun.

M. Lévesque (Bonaventure): M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce qu'on pourrait nous dire, au moins succinctement, de quoi il s'agit?

Le Président: Le premier règlement modifiant le règlement concernant le classement des fonctionnaires; 2, règlement de classification no 239 concernant les inspecteurs en tuyauterie; 3, règlement de classification no 248 concernant les pilotes d'aéronefs; 4, règlement modifiant le règlement de classification no 400 concernant le personnel ouvrier; 5, règlement concernant certains aspects de l'admission aux classes d'emploi de la fonction publique; 6, règlement concernant les conditions de travail du personnel de maîtrise et de direction; 7, règlement modifiant le règlement concernant les emplois occasionnels et leur titulaire; 8, règlement modifiant le règlement de classification no 030 concernant les agents de maîtrise du personnel de bureau, techniciens et assimilés; 9, règlement modifiant le règlement concernant la rémunération et certaines conditions de travail du personnel de maîtrise et de direction; 10, règlement modifiant le règlement concernant la rémunération, les avantages sociaux et les autres conditions de travail de certains hauts fonctionnaires; enfin, 11, règlement concernant l'intégration dans la fonction publique de certains employés de la Commission de protection du territoire agricole du Québec. Ce sont les onze règlements sur lesquels porte ce dépôt.

Dépôt de documents.

M. le ministre de la Justice.

Rapport de la commission d'enquête sur des opérations policières

M. Bédard: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission d'enquête sur des opérations policières en territoire québécois.

Le Président: Document déposé. M. le ministre de la Justice.

Avis juridique de Me Yves Pratte sur

les conséquences possibles de l'application de la charte fédérale projetée

M. Bédard: Également, M. le Président, avec votre permission, je veux déposer deux

copies de l'avis juridique qui a été donnée au gouvernement par Me Yves Pratte sur les conséquences possibles de l'application de la charte fédérale telle que contenue dans le projet de M. Trudeau.

Le Président: Merci.

M. le ministre de l'Éducation.

Rapport de l'Ordre des opticiens d'ordonnances

M. Laurin: M. le Président, à titre de ministre responsable des corporations professionnelles, j'ai le plaisir de déposer le rapport de l'Ordre des opticiens d'ordonnances du Québec pour l'année 1979-1980.

Le Président: Rapport déposé.

Rapport de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec

M. Laurin: Également le rapport de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec pour l'année 1979-1980.

Le Président: Rapport déposé.

Rapport annuel de l'Université du Québec

M. Laurin: Cette fois, à titre de ministre de l'Éducation, j'ai le plaisir de déposer le rapport de l'Université du Québec pour l'année 1979-1980...

Le Président: Rapport déposé.

Rapport statistique de l'UQ Rapport du Conseil supérieur de l'Éducation Rapport annuel du ministère de l'Éducation

M. Laurin: ... ainsi que le rapport statistique de l'Université du Québec pour l'année 1979-1980, le rapport du Conseil supérieur de l'Éducation pour l'année 1979-1980, et le rapport du ministère de l'Éducation pour l'année 1979-1980.

Le Président: Rapports déposés.

M. le ministre des Affaires sociales.

Rapport annuel de la Commission des affaires sociales

M. Lazure: M. le Président, j'ai le plaisir de déposer le rapport annuel 1979-1980 de la Commission des affaires sociales du Québec.

Le Président: Rapport déposé. Dépôt de rapports de commissions élues.

M. Charron: M. le Président, j'ai le plaisir d'apprendre à l'Assemblée qu'il y a un nombre assez élevé de rapports de commissions élues du fait que toutes les commissions qui ont été appelées pendant l'intersession à siéger ont effectivement terminé leur travail, donc sont rendues à l'étape du rapport des commissions.

Le Président: Merci.

M. le député de Joliette-Montcalm, au nom du député de Lac-Saint-Jean. (14 h 30)

Télédiffusion des travaux de certaines commissions

M. Chevrette: M. le Président, permettez-moi de déposer le rapport de la commission élue permanente de l'Assemblée nationale qui a siégé le mardi 27 janvier 1981 aux fins d'étudier la télédiffusion des travaux de la commission de la présidence du conseil et de la constitution sur le projet de résolution du gouvernement fédéral concernant la constitution du Canada et également de la commission de l'énergie et des ressources relativement au plan d'équipement et de développement 1981-1990 d'Hydro-Québec.

Le Président: Rapport déposé. M. le. député de Vanier.

Audition d'organismes sur un avis de l'Office des professions

M. Bertrand: M. le Président, qu'il me soit permis, conformément aux dispositions de notre règlement, de déposer le rapport de la commission élue permanente des corporations professionnelles qui a siégé le 17 février 1981 aux fins d'entendre certains organismes relativement à l'avis émis le 5 juin 1980 par l'Office des professions à l'intérieur duquel se trouve le problème de qualification des actes exclusifs.

Le Président: Rapport déposé. M. le député de Taschereau.

Étude des projets de loi nos 222, 238, 259, 258 et 221

M. Guay: Oui, M. le Président. Vous me permettrez de soumettre à l'Assemblée et de déposer le rapport de la commission élue permanente de la justice qui a étudié les projets de loi privés suivants: loi 222, Loi concernant certains lots de la partie révisée du cadastre officiel du canton de York, division d'enregistrement de Gaspé; loi 238, Loi concernant Place Notre-Dame de Hull Ltée; loi 259, Loi concernant un immeuble du cadastre de la paroisse de Sainte-Anne, division d'enregistrement de Montréal; loi

258, Loi concernant un immeuble de l'Église Unie St. Andrew de Lachine; loi 221, Loi concernant la succession de J. Donat Langelier, et les a adoptés avec amendements.

Le Président! Ce rapport sera-t-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente. M. le député de Rosemont.

Audition de personnes et organismes

sur le projet de résolution fédéral

concernant la constitution

M. Paquette: M. le Président, qu'il me soit permis, conformément aux dispositions de notre règlement, de déposer le rapport de la commission élue permanente de la présidence du conseil et de la constitution qui a siégé les 9 et 10 décembre 1980 et les 3, 4, 5, 11 et 19 février 1981 aux fins d'entendre les personnes ou organismes relativement au projet de résolution du gouvernement fédéral concernant la constitution du Canada.

Le Président: Rapport déposé. M. le député de Viau.

Audition d'associations concernant

les modifications au décret

de la construction

M. Lefebvre: M. le Président, qu'il me soit permis, conformément aux dispositions de notre règlement, de déposer le rapport de la commission élue permanente du travail et de la main-d'oeuvre qui a siégé le 27 janvier 1981 aux fins d'entendre les associations convoquées quant aux raisons motivant l'impossibilité de parvenir à une entente relativement aux modifications à apporter au décret de la construction, adopté par décret 3938-80 du 17 décembre 1980 et publié à la Gazette officielle du Québec du 30 décembre 1980 en vertu de l'article 51 de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction.

Le Président: Merci. Rapport déposé. M. le député de Beauce-Nord.

Étude des projets de loi nos 223, 239 et 241

M. Ouellette (Beauce-Nord): M. le Président, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des affaires municipales qui s'est réunie le 19 février 1981 aux fins d'étudier les projets de loi privés suivants: 223, Loi concernant la ville de Bedford; 239, Loi concernant la ville de Clermont; 241, Loi concernant la ville de Sainte-Foy. Le projet de loi no 223 a été adopté tel qu'édicté. Le projet de loi no 239 a été rejeté. Le projet de loi no 241 a été adopté tel qu'amendé.

Le Président: Rapport déposé. Est-ce que ce rapport sera adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. le député de Duplessis.

Audition de personnes et organismes sur le plan d'équipement et de développement d'Hydro-Québec

M. Perron: M. le Président, qu'il me soit permis, conformément aux dispositions de notre règlement, de déposer le rapport de la commission élue permanente de l'énergie et des ressources qui a siégé les 24, 25, 26 et 27 février et les 2 et 3 mars 1981 aux fins d'entendre les personnes ou organismes qui voulaient faire des représentations relativement au plan d'équipement et de développement 1981 à 1990 de la société Hydro-Québec.

Le Président: Rapport déposé. M. le député de Joliette-Montcalm, au nom du député d'Arthabaska

Étude du projet de loi no 4

M. Chevrette: Oui, M. le Président, qu'il me soit permis, au nom du député d'Arthabaska, de déposer le rapport de la commission élue permanente des transports qui a siégé les 3, 4 et 5 février 1981 aux fins d'étudier article par article le projet de loi no 4, Code de la sécurité routière et l'a adopté avec des amendements.

Le Président: Rapport déposé.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Le député de Rimouski propose la première lecture du projet de loi no 228, Loi concernant la ville de Matane. Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

M. Charron: Non, M. le Président, pas aujourd'hui, parce que je dois d'abord retoucher à un aspect de la loi avant de la présenter. Probablement demain.

Le Président: D'accord.

Période de questions orales des députés.

M. le chef de l'Opposition officielle.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS Les dépenses gouvernementales

M. Ryan: M. le Président, nous sommes dans une période assez spéciale vu que le gouvernement vit ses derniers jours, selon toute apparence, et ce climat agonisant se manifeste à plusieurs points de vue.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. À l'ordre, s'il vous plaît.

M. Ryan: C'est vous qui avez peur.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: Ce climat de fin de régime se traduit par un nombre très élevé de décisions administratives qui engagent l'avenir pour de nombreuses années. On dirait que le gouvernement, sachant que ses jours achèvent, se dépêche de multiplier les décisions que sera responsable d'exécuter le gouvernement issu de la prochaine élection.

Par exemple, dans le domaine du transport en commun à Montréal, on prend des engagements d'une valeur de $1 milliard qui portent sur l'avenir, de toute évidence.

Des décisions qui ont traîné pendant des années arrivent soudain à maturité, alors qu'ils n'ont plus le pouvoir de les exécuter.

Dans le domaine de l'assainissement des eaux, dans le domaine routier, on pourrait en parler tout l'après-midi, soudain le ministre se réveille et s'aperçoit qu'il y a des projets qui ont traîné pendant des années et des années; dans le domaine de l'implantation industrielle, c'est la même chose.

En matière de nominations...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: En matière de nominations, M. le Président, on multiplie les nominations de dernière heure. En matière de publicité, le dévergondage dont nous avons été témoin depuis quatre ans et demi s'accentue en ce qui regarde la lutte constitutionnelle pour nous inonder de slogans enfantins. On est rendu à des dépenses d'au-delà de $2,5 millions.

En matière de transport, je voudrais simplement porter à votre attention un encart qui va paraître dans les journaux de Montréal ces jours-ci, un encart publicitaire du ministre des Transports du Québec, qui doit paraître dans la Presse. Je vois que le premier ministre n'est pas au courant. Il y a bien des choses qu'il ne connaît pas dans son administration. Ceci doit paraître dans la Presse le 11 mars...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: ... et dans le Journal de Montréal le 14 mars, après le déclenchement présumé des élections. Le ministre des Transports va distribuer à travers le Québec des feuillets publicitaires conçus pour chaque région où il se vante...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Excusez-moi, s'il vous plaît, M. le chef de l'Opposition officielle, les préambules semblent s'être allongés depuis le 19 décembre. Il est bien évident que lorsque les préambules seront longs, la présidence devra être clémente pour les réponses également. Je demanderais d'être...

M. Ryan: M. le Président, les préambules sont à la mesure de l'aggravation du mal. Ici, on prend une colonne pour vous dire le peu qui s'est fait pendant les trois dernières années et, ensuite, deux colonnes pour vous dire l'hypothèque qu'on veut placer sur les épaules du futur gouvernement. Je demande au premier ministre, bien simplement, de nous indiquer ceci: D'abord, est-ce la politique du gouvernement agonisant qui siège encore de l'autre côté par respiration artificielle d'user jusqu'à la fin du peu de pouvoir qui lui reste pour lier, pour les années à venir, le futur gouvernement qui sera élu lors de l'élection prochaine? (14 h 40)

Deuxièmement, des normes ont-elles été établies par le chef du gouvernement et son cabinet pour régir et baliser la publicité et l'information gouvernementales pendant la période qui doit s'écouler d'ici le jour de l'élection? Je vous dis, M. le Président, qui si on continue au rythme où on va, toute cette affaire de loi de financement des partis politiques devient une vaste comédie et une fraude.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je laisserai au chef de l'Opposition la responsabilité de son discours préambule. Je dois simplement lui dire que des excès d'agressivité aussi hargneux, c'est plutôt un signe d'inquiétude qu'un signe de confiance. Enfin, comme le chef de l'Opposition aime à le dire: On se retrouvera bientôt sur le terrain. En attendant, nous essayons d'agir comme un gouvernement responsable jusqu'à la dernière minute. Le ministre des Transports pourra parler, s'il le veut bien, de ce plan de transport en commun sur lequel le député d'Argenteuil a voulu faire un plat, qui représente des années de travail et qui est l'aboutissement - non pas en quelques semaines ou en quelques jours - d'un travail qui a demandé des efforts absolument sans précédent. On sait le fouillis dans lequel se

trouvait l'ensemble du transport dans la région métropolitaine.

Il y a une chose que le chef de l'Opposition a mentionnée - avant de répondre à sa question - que je voudrais souligner. J'aurais cru que, par ce que je pourrais appeler de la décence, il s'abstiendrait d'évoquer ça. Il a repris des propos allusifs qu'il a tenus récemment sur des nominations du gouvernement depuis quelque temps. D'ici la fin de la séance... Je crois que cette déclaration qui a semé un malaise compréhensible dans la fonction publique lui est retombée sur le nez directement. C'était une déclaration à la fois partisane et irresponsable. Je dois le dire comme je le pense. Maintenant, je vais déposer - et ça c'est sur le sujet - avant la fin de la période des questions - je n'ai pas pensé à l'apporter parce que je ne croyais pas que le chef de l'Opposition ferait l'erreur et s'enfoncerait dans cette erreur -la liste de toutes et chacune des nominations qui ont été effectuées depuis le 1er janvier 1981 par le gouvernement actuel qui doit continuer à agir comme un gouvernement responsable et remplir des postes qui sont ouverts là où c'est sa responsabilité. Et je défie l'Opposition très simplement de trouver autre chose là-dedans que des gens responsables, des gens compétents et des gens dont la nomination respecte leur droit de carrière dans la fonction publique.

M. Rivest: On verra.

M. Lévesque (Taillon): Je ferai remarquer au député de Jean-Talon, qui essaie de faire un peu de "fafinasseries" là, que lui-même, avec son expérience de l'administration publique, pourrait peut-être scruter ces nominations et dire à son chef...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Jean-Talon.

M. Lévesque (Taillon): ...de se conduire non pas comme un prétendant irresponsable, mais comme un homme public qui a le sens du devoir.

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. de Belleval: M. le Président, en ce qui concerne le plan de transport en commun de la région de Montréal, en particulier de la Communauté urbaine de Montréal, je veux signaler au chef de l'Opposition que ce plan sera mis en vigueur à la suite, d'abord, de nombreuses études qui se déroulent depuis plusieurs années...

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, une question de règlement.

Le Président: M. le leader de l'Opposition officielle, sur une question de règlement.

M. Levesque (Bonaventure): Je voudrais, M. le Président, que vous rappeliez le ministre des Transports à l'ordre. La question posée par le chef de l'Opposition porte sur la publicité et la propagande qui accompagnent le plan et non pas sur le plan lui-même. Il ne faudrait pas, à ce moment-ci, que vous permettiez au ministre des Transports d'utiliser encore cette tribune pour multiplier la propagande dont nous l'accusons présentement. Qu'il réponde en nous disant quels fonds publics sont utilisés pour cette propagande et pourquoi ce genre de publicité.

M. Charron: M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Le ministre des Transports est justifié d'intervenir à ce moment-ci, parce que, dans le libellé même de la longue question du chef de l'Opposition, celui-ci a dit que la parution d'informations aux citoyens sur ce que veut dire ce nouveau plan de transport intégré sur le territoire de l'île de Montréal arrive à la dernière minute. Pour répondre à cette qualification qu'a faite le chef de l'Opposition, je crois que le ministre des Transports a raison d'expliquer pourquoi cela arrive à ce moment-ci, d'autant plus que cela a pris des années de travail pour pouvoir le réussir.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de règlement.

Le Président: Sur le même sujet?

M. Levesque (Bonaventure): Sur un sujet dont je vais vous informer dans un instant.

Le Président: M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): Je pensais bien, M. le Président, que vous céderiez à cette invitation très chaleureuse que je vous faisais de me laisser parler.

M. le Président, je voudrais simplement faire remarquer que s'il y a, dans le préambule du chef de l'Opposition, quelque chose qui puisse affecter l'un des privilèges du ministre des Transports, autrement dit, s'il y a là quelque chose qui attaque, d'une façon ou d'une autre, la vérité qui le concerne...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît.

M. le leader de l'Opposition et M. le leader du gouvernement, je connais votre longue expérience parlementaire à tous deux. La présidence a écouté la question du chef de l'Opposition officielle, a écouté également le préambule ordinaire à une question, et je pense que le ministre des Transports a le droit de répondre à la question du leader de l'Opposition, puisque, même si la question a été adressée au premier ministre, il a été effectivement question, dans la question du chef de l'Opposition, d'un plan de transport. Je pense que, décemment, je dois permettre au ministre des Transports de répondre à la question, brièvement, s'il vous plaît. M. le ministre des Transports.

M. de Belleval: M. le Président, comme je le disais, ce plan est le fruit de plusieurs années d'efforts. Je veux juste rappeler qu'en 1976, le précédent gouvernement avait interrompu, entre autres, la réalisation du métro de Montréal, soi-disant parce qu'on procédait sans plan de développement à long terme du transport en commun dans la région de Montréal.

En collaboration avec, entre autres, mon collègue des Affaires municipales maintenant à l'Aménagement du territoire, le député de Crémazie, nous avons repris ce dossier qui a abouti, je veux le rappeler au chef de l'Opposition, en décembre 1979, et qui a été concrétisé à la suite de rencontres intensives et de pourparlers laborieux avec les maires des municipalités de la communauté urbaine, des villes de banlieue et, en particulier, de la ville de Montréal. Cela a quand même abouti à un accord qui est survenu il y a à peine quelques jours. Les maires de ces municipalités, dont celles d'une bonne partie du West Island de Montréal et le maire de Montréal, ne sont pas, que je sache, des membres ou des représentants du Parti québécois. Ce sont des membres élus dans leur municipalité, qui ont travaillé pour les intérêts de leur municipalité et qui ont conclu une entente avec le gouvernement du Québec il y a à peine quelques jours.

Donc le chef de l'Opposition n'a pas raison de voir dans ce geste un geste purement opportuniste, mais tout simplement le résultat de nombreux efforts qui se sont enfin concrétisés avec succès pour l'intérêt de l'ensemble de l'île de Montréal.

Si le chef de l'Opposition est contre le plan de transport et veut le dénoncer, il aura toute la campagne électorale pour le faire, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle. (14 h 50)

M. Ryan: Je vois que le ministre n'a aucune notion de ce que doit être l'usage judicieux des fonds publics dans le domaine...

Des voix: ...

M. Ryan: Non, vous autres non plus. Une voix: Non, pas vous autres certain!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Question additionnelle, M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Ryan: Je crois que les collègues du ministre ne comprennent pas plus que lui. Je vais essayer de prendre d'autres exemples plus simples. Cet exemple est apparemment trop gros pour l'intelligence du ministre, je vais essayer d'en prendre de plus simples.

Des voix: ...

M. Ryan: M. le Président, avez-vous déjà vu une bande de...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je m'attendais à cette période des questions parce que cela fait longtemps qu'on n'en a pas eu. C'est normal. Je ne voudrais pas vous rappeler le règlement, mais je vous demanderais, M. le chef de l'Opposition, de poser une question additionnelle et, à tous les députés de l'Assemblée, d'écouter la question et la réponse qui viendra. M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Merci, M. le Président. Je vais prendre deux autres exemples que je porte à l'attention du premier ministre. Il pourra me donner des explications. Nous avons reçu une lettre de son bureau récemment du maître des hautes oeuvres, M. Jean-Roch Boivin, qui nous informe que les budgets de dépenses de voyage du personnel politique des ministres ont été augmentés du tiers pour la durée de la campagne électorale...

Des voix: Ah!

M. Ryan: ...sans consultation avec les partis d'Opposition. Vous pourrez peut-être nous donner des justifications à une chose comme celle-là, mais cela me semble un autre exemple très intéressant.

Il faut regarder dans les notes de la commission permanente des engagements financiers. J'ai un exemple ici: des contrats de services pour la réalisation d'études de réhabilitation des "régouts d'égaux", des réseaux d'égout.

Des voix: Ah!

M. Ryan: Des réseaux d'égout.

Une voix: Des ragots.

M. Ryan: Des réseaux d'égout. Cela vous va bien. Cela vous convient bien.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition, brièvement, s'il vous plaît!

Des voix: Consentement.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: M. le Président.

Une voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: En fait de ragots, si vous en voulez une saloperie, vous lirez la feuille de chou que le Parti québécois publie dans la région de Québec. Tissu de mensonges et de déformations typiques de cette formation à l'esprit tout de travers.

M. le Président, vous me faites signe, mais je regrette infiniment. Ce sont eux qui m'empêchent de poser ma question depuis tantôt et je vais la poser librement.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: Consentement, cela ne paraît pas. Je consulte le cahier des engagements financiers soumis à la commission permanente des engagements financiers pour le mois de janvier. Vous avez ces contrats de services pour la réalisation d'études de réhabilitation des réseaux d'égouts...

Des voix: Ah!

M. Ryan: ...dans trois comtés qui sont pas mal péquistes (Chambly, Taillon et Terrebonne, que vous essayez de garder). Vous avez des engagements pour un total de $3,190,000. Écoutez bien cela! Imputation pour l'exercice budgétaire actuel: $20,000.

Des voix: Ah!

M. Ryan: Année suivante: $3,170,000, mes chers amis. Des bonnes études à des amis qui pourront vivre pendant un an, deux ans, trois ans.

Des voix: Ah!

M. Ryan: Voyons donc!

M. Levesque (Bonaventure): C'est sérieux.

Le Président: M. le chef de l'Opposition. S'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition, s'il vous plaît, votre question additionnelle.

M. Ryan: M. le Président, c'est rempli...

M. Charron: M. le Président, on va permettre au chef de l'Opposition de sortir des égouts.

M. Ryan: Pardon?

Des voix: Ah!

Le Président: Question, s'il vous plaît!

M. Ryan: On va s'occuper de celui-là dans Saint-Jacques; ne vous inquiétez pas. J'en ai un autre ici. C'est bourré d'engagements comme ceux-là pour lesquels on ne verse absolument rien à même le budget de l'exercice actuel et pour lesquels on engage les budgets à venir. On a même donné des contrats, ces derniers temps, dans lesquels on oblige l'entrepreneur à signer un engagement en vertu duquel il doit commencer les travaux dès le mois de janvier ou février mais pour lesquels il ne touchera aucun paiement avant le mois d'avril.

Je demande au premier ministre: Est-ce ça la politique d'un gouvernement qui se dit responsable?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Pour ce qui est du sujet qui a amené un lapsus révélateur de la part du chef de l'Opposition, parce que c'est vraiment chercher des ragots désespérément, pour ce qui concerne les égouts - je voudrais en sortir le plus vite possible - je demanderai demain au ministre de l'Environnement, qui est obligé d'être absent aujourd'hui, de donner la réponse que mérite la question que semble avoir posée en cours de route le chef de l'Opposition.

Pour ce qui est des dépenses de voyage du personnel politique, je trouve un peu indécente l'intervention du chef de l'Opposition. Pendant la campagne référendaire on s'est rendu compte, après des représentations de l'Opposition libérale en particulier, que la règle n'était pas assez généreuse, en particulier pour l'Opposition qui, elle aussi, se sert de son personnel politique, comme c'est justifié pour tous les partis. À ce moment-là, on a établi un régime spécial qui avantageait convenablement - pas plus mais convenablement - le personnel politique de l'Opposition qui, autrement, aurait été traité, aurait pu se croire traité inéquitablement. Cette fois-ci, le Conseil du trésor a augmenté quelque peu, et je dois dire que mon chef de cabinet a demandé des commentaires à l'Opposition pour voir si c'était normal que ça s'applique à elle aussi. Je ne vois vraiment pas l'utilité de

l'intervention, ni, non plus, la bonne foi de l'intervention du chef de l'Opposition. Maintenant...

M. Ryan: Question de privilège.

Le Président: À l'ordre! M. le chef de l'Opposition, sur une question de privilège.

M. Ryan: M. le Président, j'affirme qu'il n'y a pas eu de consultation auprès de mon bureau à ce sujet-là.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, il peut arriver que le chef de l'Opposition, qui se promène, comme c'est normal, comme une queue de veau depuis quelque temps, ne soit pas au courant de tout, mais des commentaires ont été demandés quelque part en tout cas dans son entourage. À ceux qui probablement s'en occupent.

Pour ce qui est de ce que le chef de l'Opposition appelle un tissu de mensonges, c'est-à-dire une publication de notre parti pour la région de Québec, je dirai simplement ceci... Feuille de chou, si le chef de l'Opposition le veut, mais cette feuille de chou, à supposer que cela en soit une, est identifiée, signée par des gens responsables, et s'il y a des choses qui ne sont pas correctes, ils en porteront la responsabilité.

Moi, j'ai commencé à recevoir en avalanches, très évidemment originant de nos amis d'en face, toute une série de feuilles de chou anonymes, mal identifiées et qui, déjà, sont pleines de calomnies.

Le Président: Question principale, M. le député de Maisonneuve.

Réduction des dépenses à l'Éducation

M. Lalande: M. le Président, le déluge des promesses péquistes in extremis a aussi gagné le ministre de l'Éducation, ces derniers mois et ces dernières semaines. En effet, le ministre de l'Éducation - le nouveau, j'entends, pas celui qui a été dégommé, mais l'autre - au cours des dernières semaines, a réussi à retenir l'attention des gens de la presse sur plusieurs aspects, notamment sur son indécision chronique à s'engager sur le projet de règlement des CEGEP. On sait que depuis quatre ans ça tergiverse, on étudie, mais on n'accouche sur rien. Il s'est aussi manifesté, dans son engagement de dernière minute, pour les six années à venir au niveau des régimes pédagogiques du primaire et du secondaire. Mais il a surtout retenu l'attention concernant les coupures draconiennes qu'il a l'intention de faire, qu'il a d'ailleurs faites dans certains cas, dans certains secteurs cibles de l'éducation, notamment dans le financement des universités. On sait que c'est le seul secteur qui est en expansion au Québec au niveau de l'éducation; 2,5%, et c'est là qu'on vise, c'est la proie du ministre de l'Éducation qui va faire des coupures à ce niveau-là. (15 heures)

II y a aussi eu des coupures au niveau des OVEP, des organismes volontaires d'éducation populaire. Il y a eu des coupures également dans les classes d'accueil. Dans les classes d'accueil je soulignerais le titre de Jean-Pierre Proulx dans le Devoir du 23 février, à savoir que c'est "une gaffe à éviter, discriminatoire." Comme le dirait le député de Saint-Jacques, le masque coule dans la figure du ministre de l'Éducation quand il nous parle d'ouverture aux groupes ethniques alors qu'il vient justement de bloquer l'intégration nécessaire au niveau des classes d'accueil.

Je finis là-dessus mon préambule, M. le Président, avant de poser ma question. Je pense qu'on a tort de se marrer, de rire de cela en face, surtout quand on vient de comtés de travailleurs.

Des voix: Question!

Le Président: Question, s'il vous plaît!

M. Lalande: Le ministre de l'Éducation s'acharne à couper dans le secteur de l'enseignement aux adultes.

Des voix: Question!

M. Lalande: Des coupures de $24 millions!

M. Tardif: C'est sa dernière!

M. Lalande: Je reviendrai sur ces conséquences, s'il faut les expliquer davantage. Est-ce que le ministre est conscient de la mauvaise gestion administrative de son ministère au cours des quatre dernières années? Ce fameux trou de $500 millions, on en mesure les conséquences à l'heure actuelle. Cette mauvaise gestion nous amène à faire des coupures aussi importantes...

M. Charron: À l'ordre!

M. Lalande: ... que celles subies par les travailleurs. Je demande au ministre s'il est à même de comprendre le constat d'échec du PQ en matière d'éducation et ce qu'il entend faire, finalement, pour corriger les principales gaffes, lourdes, du ministre en matière d'administration.

M. Charron: Question de règlement.

Le Président: M. le leader du

gouvernement sur une question de règlement.

M. Charron: M. le Président, vous aurez noté, comme moi, que ce préambule n'a aucun bon sens. Je veux bien croire que c'est bon pour Louise Harel, mais ce n'est pas bon pour lui, certain!

Le Président: Avez-vous terminé, M. le député de Maisonneuve?

M. Lalande: M. le Président, si le pauvre député de Saint-Jacques avait écouté, la question est là: Qu'est-ce que le ministre entend faire pour réparer ces gaffes effrayantes, surtout au niveau de l'éducation des adultes?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Garon: On va faire des élections! Une voix: C'est excellent, ça! Le Président: M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, il s'agit d'une question à de très multiples volets. J'avoue que j'ai eu de la difficulté à la suivre et j'aimerais beaucoup que le député me répète sa question.

M. Lalande: M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Maisonneuve, le président a bien compris et le président pense que le ministre n'a pas compris la question, mais a saisi le préambule; donc, seulement la question.

M. Lalande: M. le Président, je note que nos amis d'en face me donnent leur consentement pour que je reprenne ma question. Je soulignerai de façon particulière les problèmes aigus au niveau des classes d'accueil. Qu'est-ce que le ministre a l'intention de faire pour corriger ce qui nous apparaît complètement abusif envers un milieu, des groupes ethniques comme les groupes anglophones au Québec qui veulent s'intégrer à la communauté francophone? Pourquoi le ministre fait-il du blocage systématique et psychanalytique, psychédélique et tout ce que vous voudrez?

Deuxièmement, au niveau des travailleurs - je veux le répéter pour le ministre, au cas où il n'aurait pas compris -je veux souligner les conséquences de cette aberration que constituent ces coupures au niveau de l'éducation aux adultes. Les services d'accueil, c'est-à-dire le service d'orientation scolaire des adultes, déjà mis en place dans cinq commissions scolaires seront fermés. Deuxièmement, les structures administratives permettant l'accès aux langues secondes seront réduites; les services de formation sur mesure, permettant aux institutions de dépasser les formats standards en vogue depuis 1970, seront démantelés. Je demande au ministre de nous répondre là-dessus. M. Bélanger, président des commissions scolaires régionales, nous dit que c'est d'abord le secteur de la formation socioculturelle et populaire qui sera frappé de façon draconienne, ainsi que la formation générale à temps partiel et les activités d'alphabétisation des commissions scolaires régionales. Or, ce sont ces secteurs qu'on vise. Je peux le répéter au ministre, s'il a encore des problèmes.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: M. le Président, je vous avoue qu'il m'est très difficile de me retrouver dans le discours-fleuve que je viens d'entendre, surtout qu'on me parle de psychanalytisme et de psychédélisme. Je pense qu'on m'offre une tentation à laquelle j'aurais le goût de succomber, mais à laquelle je ne succomberai pas.

Plus sérieusement, M. le Président, en réponse à cette question, je dois avouer qu'il m'est très difficile à ce moment-ci de commenter une question qui s'appuie sur des chiffres qui ne sont pas officiels et qui ne seront officiels que ce soir, après le discours sur le budget. Je pense qu'il est opportun de situer chacune de ces sept ou huit ou neuf questions qu'a soulevées le député de Maisonneuve dans le cadre général du budget du Québec. Par exemple, il importe de situer la diminution de la croissance des dépenses par rapport à la diminution de la croissance des revenus. Je pense qu'il est important aussi de situer toutes ces questions à l'intérieur de l'impact que nous avons analysé, des conventions collectives que nous avons signées, sur l'effet qui peut s'ensuivre pour les autres personnels ou pour les services qu'il s'agit de maintenir ou qu'il s'agit de diminuer ou qu'il s'agit d'augmenter.

De la même façon, il importe de situer cette question à l'intérieur d'un autre paramètre qui est celui du maintien ou de l'augmentation du pouvoir d'achat par rapport à la croissance des dépenses affectées aux services. Je pense que c'est seulement lorsqu'on aura le tableau global de la situation économique et financière totale du Québec que nous pourrons revenir d'une façon valable à l'analyse sectorielle et détaillée de chacun des points qui a été soulevé. Mais sans vouloir empiéter à l'avance sur le discours que mon collègue va prononcer ce soir, je voudrais quand même apporter quelques commentaires sur deux des points que je retiens dans le discours du

député de Maisonneuve.

Parlons d'abord des classes d'accueil. Nous savons qu'il y avait des classes d'accueil qui étaient en fait des prématernelles, dans le secteur anglophone de Montréal, en particulier, alors qu'il n'y avait pas de prématernelle dans le secteur francophone. Il nous est apparu qu'il y avait là une situation qui désavantageait une certaine clientèle par rapport à une autre. En même temps, il nous a semblé que les classes d'accueil situées dans des écoles uniquement anglaises pouvaient ne pas favoriser les objectifs que poursuit la loi 101, c'est-à-dire non seulement la connaissance de la langue de la majorité, mais également l'intégration des nouveaux arrivants au courant majoritaire québécois. Ce sont là deux des critères que nous avons retenus pour les priorités que nous avons choisies pour l'année budgétaire qui s'en vient. Par ailleurs, je rappelle au député de Maisonneuve que ces décisions que nous avons cru devoir prendre ont été faites en fonction également d'analyses et d'études qui avaient été menées dans le milieu et même dans le milieu anglophone. J'entendais hier encore le directeur général de la Commission scolaire anglophone du Lakeshore se féliciter de la décision du gouvernement en ce sens qu'elle permettra maintenant à sa commission scolaire, en particulier, de promouvoir un meilleur enseignement du français, langue seconde, pour la communauté anglophone de Montréal.

En ce qui concerne l'éducation des adultes, il est vrai que cette éducation des adultes, particulièrement en milieu défavorisé, a connu un essor remarquable au cours des dernières années et je pense qu'il faut en féliciter les agents du milieu qui se sont pris en main, qui ont voulu devenir responsables de leur situation concrète et en particulier de leurs besoins d'éducation. Je pense qu'il faut se féliciter de cet essor qui s'inscrit dans le développement économique aussi bien que social et culturel de notre société. Mais il faut quand même remarquer que cet essor même a fait intervenir un très grand nombre de groupes de personnes dans le champ de l'éducation et, en particulier, de l'éducation des adultes. Comme tout progrès apporte également des problèmes, nous faisons face, depuis quelques années, à un certain nombre de ces problèmes, par exemple, la concurrence entre les divers secteurs, niveaux de l'éducation, entre l'universitaire et le collégial, d'une part, entre le collégial et les commissions scolaires, de l'autre. Par ailleurs, comme il s'agit d'opérations nouvelles qui n'ont pas pour elles la tradition et qui n'ont pas pour elles une rationalisation des ressources, il a pu s'ensuivre - et, de fait, ceci est arrivé -une augmentation très forte des dépenses dues à des efforts insuffisants de gestion et de rationalisation. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons mis en place la commission Jean sur l'éducation des adultes. Mais nous avons quand même identifié un certain nombre de points sur lesquels il est possible d'en arriver immédiatement à certains correctifs que nous entendons mettre en place dans le prochain budget, sans que ceci ne mette en cause en rien le maintien et même le développement des services, mais, encore une fois, nous y reviendrons. (15 h 10)

M. Lalande: M. le Président...

Le Président: Une dernière question additionnelle, M. le député de Maisonneuve.

M. Lalande: Oui. Le ministre nous a parlé de la commission Jean. Je voudrais lui demander comment il explique le fait que le gouvernement du Québec se prépare à réduire de $24,000,000 au niveau de l'éducation aux adultes, alors que le gouvernement fédéral - et on n'en parle pas - paie $105,000,000 qui sont affectés à ce régime. Je voudrais demander au ministre pourquoi le gouvernement du Québec, qui se veut le défenseur des travailleurs, s'en va vers une réduction au niveau de la formation de ceux qui n'ont pas pu l'avoir plus jeunes, alors que le gouvernement fédéral, lui, maintient à $105,000,000 ses subventions au niveau de l'éducation aux adultes.

M. Laurin: M. le Président, nous savons très bien que le fédéral ne s'embarrasse pas, quand il s'agit des dépenses, d'augmenter régulièrement son déficit maintenant rendu à $15 milliards. C'est le gouvernement le plus irresponsable que le pays ait jamais eu. Ce n'est pas un exemple que nous voulons pour notre part imiter. Nous voulons être responsables dans la gestion des fonds publics et nous voulons allier le développement des secteurs qui en ont besoin avec une saine gestion des fonds publics. C'est la raison pour laquelle nous en arrivons à ces décisions responsables qui seront annoncées ce soir.

Quant au chiffre de $24,000,000, je l'ai dit tout à l'heure, je ne veux pas le commenter. C'est un chiffre non officiel et le ministre des Finances devra situer ce problème à l'intérieur des problèmes généraux du Québec. Par ailleurs, les chiffres que semble tirer de son chapeau le député de Maisonneuve viennent probablement de règles budgétaires qui sont actuellement étudiées pour l'implantation des programmes.

M. Lalande: M. le Président, question de privilège!

M. Laurin: Ces règles budgétaires font actuellement l'objet de...

M. Lalande: Question de privilège!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Maisonneuve, sur une question de privilège.

M. Lalande: Oui. Le ministre dit que je viens de tirer des chiffres de mon chapeau. Je n'ai pas le chapeau du ministre des Finances, moi! Je ne suis pas capable d'en sortir autant!

Le Président: À l'ordre! Question principale, M. le député de Nicolet-Yamaska.

L'option constitutionnelle du Parti québécois

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je vais adresser ma question au premier ministre. Elle porte sur une question fondamentale qui, je pense, va être un des thèmes principaux de la prochaine campagne électorale. Le conseil général du Parti québécois, lors de ses deux dernières réunions, s'est prononcé en faveur de mettre en veilleuse l'option fondamentale du Parti québécois qui est la souveraineté-association ou l'indépendance.

Depuis ce temps, plusieurs porte-parole du Parti québécois, des députés, des candidats éventuels se promènent également dans tout le Québec et disent que le Parti québécois a mis son option en veilleuse. D'un autre côté, certains députés, certains ministre ou certains ex-ministres, même, démissionnent du Parti québécois parce que le Parti québécois veut mettre son option en veilleuse. Je prends le programme du Parti québécois, la dernière édition - et, s'il y en a une autre, j'espère que le premier ministre pourra me le dire - et je regarde la présentation du programme. On y lit une phrase signée par M. René Lévesque lui-même qui dit: La souveraineté nationale, voilà un des principes moteurs auquel le parti ne saurait renoncer sans se trahir.

Une voix: Ah!

M. Fontaine: Je regarde les deux chapitres suivants. On y parle d'accession à l'indépendance et de souveraineté-association. M. le Président, pour éclairer la population du Québec qui va avoir à écouter cette question pendant la période électorale, le premier ministre est-il en mesure de nous dire aujourd'hui si oui ou non, et sans ambages, de façon claire, le Parti québécois a mis en veilleuse son option indépendantiste et s'il accepte de trahir son programme?

M. Marx: O'Neill va répondre à cette question.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président... Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): Je voudrais d'abord, si le député me le permet - c'est le premier moment disponible où je puisse le faire - soulever une question de privilège, rapidement, par rapport à une question de privilège que le chef de l'Opposition officielle et député d'Argenteuil a soulevée lui-même il y a quelques instants. Il s'agissait de ces dépenses du personnel politique. Soulevant une question de privilège, le chef de l'Opposition officielle a mis en doute ce que j'avais dit, à savoir qu'on avait averti son cabinet.

J'ai ici copie - je vais la déposer -d'une lettre expédiée par M. Boivin, chef de mon cabinet, à M. Pierre Pettigrew, directeur de cabinet du chef de l'Opposition officielle, le 3 mars 1981. Il serait temps que le chef de l'Opposition sache ce qui arrive chez lui. La lettre se lit comme suit: "Cher collègue, le Conseil du trésor, à ses séances des 3 et 17 février 1981, a jugé opportun de modifier la directive no C-74 concernant les frais de voyage des cadres supérieurs, des adjoints aux cadres supérieurs ainsi que du personnel des cabinets. Ces modifications plutôt substantielles touchent principalement les dépenses de voyage encourues pendant une période électorale ou référendaire. Je joins pour votre information copie du texte en vigueur avant les amendements de février, copie de la nouvelle rédaction. N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires, je suis à votre entière disposition. Espérant le tout à votre satisfaction, etc."

Si M. Pettigrew est revenu de Londres, où il est allé tardivement montrer que ça intéressait quand même l'Opposition officielle ce qui pouvait se passer au point de vue constitutionnel, depuis le 3 mars il a été averti, et je répète au chef de l'Opposition que je lui donnais l'information dont je disposais tout à l'heure. Je dépose la lettre.

M. Ryan: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Ryan: Non seulement je ne retire pas mes paroles, mais je les maintiens. J'ai dit tantôt que je n'avais pas été consulté.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. Fontaine: Question de règlement!

Le Président: Sur une question de règlement, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, on est à la période de questions.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Vous comprendrez que je ne peux juger au préalable d'une question de privilège sans l'avoir entendue.

M. le chef de l'Opposition officielle, sur une question de privilège.

M. Ryan: M. le Président...

M. Goulet: M. le Président, je vous demande une directive.

Le Président: M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: J'aimerais savoir, M. le Président, comment interpréter les articles 48 et suivants. Après une question qu'a posée le député de Nicolet-Yamaska, on arrive avec une question de privilège. Je pense qu'on pourrait consentir à la question de privilège immédiatement après la période des questions, tel que l'avait demandé le premier ministre. On est en train de noyer le poisson, M. le Président, quant à la question du député de Nicolet-Yamaska.

Le Président: Consentement. M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je m'excuse si le député d'Argenteuil se sent brimé de quelque façon que ce soit, mais c'est lui-même qui avait soulevé la question.

M. Ryan: M. le Président, je proteste formellement, il y a toujours des limites!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Disons que l'incident est clos, mais j'espère que le chef de l'Opposition aura des meilleurs rapports de son entourage désormais.

M. Ryan: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, sur une question de privilège.

M. Ryan: Je crois avoir compris que vous réservez mon privilège pour tantôt.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, avec mes excuses au député de Nicolet-Yamaska, je voudrais répondre à sa question parce que c'est une question importante. Ce n'est pas aller chercher les ragots comme on l'a fait tout à l'heure. Le député de Nicolet-Yamaska, dans sa question, a parlé de mise en veilleuse; c'est un mot qui a fait son tour de presse. Je voudrais dire simplement ce dont il s'agit.

Premièrement, la position fondamentale du Parti québécois, de celui qui vous parle et de tous ceux qui y travaillent depuis douze ans maintenant, en ce qui concerne ce que nous espérons pour l'avenir du Québec n'a pas changé et on continuera d'y croire. Cela implique la pleine maîtrise de nos affaires le jour où, démocratiquement, la population sera d'accord. On ne fera pas de chicane de sémantique.

Maintenant, pour ce qui est de nos positions actuelles, elles sont aussi claires et aussi nettes qu'elles l'étaient en 1976 alors que, pour la première fois, la population nous a fait confiance. Nous ne quitterons pas - il n'en est pas question - nos positions fondamentales, mais nous n'abandonnerons pas non plus le respect que nous avons toujours démontré vis-à-vis de nos engagements, sur ce plan comme sur les autres, le respect de la population et des volontés majoritaires de la population. En 1976, on avait bien dit que la population serait consultée, que personne n'essaierait de parachuter quoi que ce soit sur le dos de citoyens qui n'auraient pas été consultés démocratiquement. C'est ce qui est arrivé. (15 h 20)

Maintenant, nous avons à prendre ou à renouveler un engagement; cela a été fait l'automne dernier, après le référendum. Il est évident que, si une période électorale arrive moins d'un an ou, en tout cas, à peine un an après un référendum qui a donné les résultats qu'on sait, ce serait littéralement, je crois, abuser de la situation que de prétendre lancer de nouveau, à si brève échéance, la population dans un tel débat. Donc, on a pris l'engagement - ce n'est pas une mise en veilleuse - de ne tenir ni une élection référendaire, bien sûr, ni de référendum pendant la durée d'un deuxième mandat. Nous tenons nos engagements.

Il y en a d'autres à Ottawa, il y en a même en face de nous qui pourraient difficilement en dire autant, depuis et pendant et après le référendum de mai 1980. Parmi nos engagements dans l'avenir immédiat, dans le contexte où nous sommes qui est celui d'un système fédéral, il y a celui de défendre et de promouvoir, comme on l'a fait sans arrêt depuis 1976, les droits et les intérêts fondamentaux du Québec. Cela s'est reflété, d'ailleurs - je le soulignerais pour le député - dans une motion que j'ai fait inscrire au feuilleton d'aujourd'hui et qui résume ce qui serait notre perspective essentielle pour le deuxième mandat, si les citoyens nous font confiance.

Cela signifie vraiment des exigences fondamentales et rivées exclusivement aux intérêts du Québec. Nous ne serons jamais

des gens qui diront à qui que ce soit à Ottawa: "Boss", invitez-nous, patron, à venir vous trouver à table. Nous demandons, parce que c'est son devoir, au gouvernement libéral d'Ottawa de revenir à la table négocier honnêtement et en respectant les aspirations fondamentales du Québec. Nous ne dirons pas au "boss" comment se comporter vis-à-vis de nous.

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, le premier ministre essaie de noyer le poisson en parlant d'un autre gouvernement alors que je lui parle de questions fondamentales de son propre parti. Le premier ministre nous dit dans sa réponse qu'il va défendre l'autonomie du Québec alors que dans son propre programme on parle d'indépendance, de souveraineté-association.

Quant à nous, M. le Président, nous disons qu'autonomie et fédéralisme sont indissociables. Comment peut-on, sans hypocrisie, se présenter devant la population comme des autonomistes et garder la thèse souverainiste? M. le premier ministre, êtes-vous prêt aujourd'hui à nous dire que vous êtes prêt à renier ou à abolir l'article 1 de votre programme? Quand vous ferez cela, vous pourrez avoir de la crédibilité.

M. Lévesque (Taillon): Si le député de Nicolet-Yamaska s'était donné la peine de lire convenablement, il aurait vu que c'est un programme qui dit que jamais quoi que ce soit de changement fondamental - même celui qu'on espère de tout notre coeur et pour lequel on va continuer de travailler par la persuasion, c'est normal - ne se fera autrement que par des moyens démocratiques. Il n'est pas question de renier un idéal, ni un objectif. Il est question de dire: On va respecter l'attitude de la population. On a droit à nos convictions, comme le député a droit aux siennes, mais une chose que je sais et que je peux répéter ici en toute confiance, c'est qu'on a été fiables dans nos engagements en 1976; on avait les mêmes convictions, les citoyens le savent. À certains moments, cela nous a déchiré le coeur d'être obligés de dire - il y a des gens qui se sont révoltés, c'est normal - Il faut respecter la décision majoritaire qui a été prise au référendum. On continue d'être aussi fiables maintenant, mais personne ne nous arrachera nos convictions, par exemple.

M. Fontaine: M. le Président, dernière question additionnelle, très brève.

Le Président: Dernière, puisque la période des questions est terminée. Dernière additionnelle.

M. Fontaine: M. le Président, comment peut-on à la fois garder l'option indépendantiste et aller négocier le fédéralisme renouvelé, si on n'y croit pas?

M. Marx: Honnêtement.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je dirai ceci, très simplement, que le député va comprendre très vite. Qui veut le plus et tient, un jour si possible, à avoir le plus, est probablement - je pense que les Québécois s'en rendent compte - le meilleur défenseur du moins, en attendant.

Le Président: Fin de la période des questions.

M. le chef de l'Opposition, très brièvement, sur une question de privilège. J'espère que cela n'entraînera pas un débat.

Question de privilège

Budgets de déplacement des attachés politiques des ministres

M. Ryan: M. le Président, vous avez affirmé tantôt que le gouvernement avait pris la décision d'augmenter du tiers les budgets de déplacement des attachés politiques des ministres pendant la campagne électorale. J'ai dit que nous n'avions pas été consultés à ce sujet. Je maintiens ce que j'ai dit et j'affirme que la lettre dont le premier ministre a donné lecture confirme mes propos et non pas les siens.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est sur une autre question. Je ne crois pas que cela mérite un débat. Les faits sont devant la Chambre.

Nominations effectuées par le gouvernement

Je voudrais simplement compléter l'information que je donnais tout à l'heure. J'ai fait venir, en deux copies, la liste des nominations effectuées par le gouvernement, en Conseil des ministres, celles qui dépendent de nous, depuis le 1er janvier 1981 jusqu'au 9 mars inclusivement. Je dépose cette information. Comme je l'ai dit tout à l'heure, si l'Opposition ou les oppositions veulent en scruter la teneur et la qualité, libre à elles, on sera prêt à répondre à toutes les questions, le cas échéant.

Le Président: Document déposé.

M. Lévesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que le premier ministre pourrait répondre rapidement à cette question: Est-ce que cette liste comprend les

occasionnels engagés par le gouvernement?

M. Lévesque (Taillon): Non. Il s'agit de nominations. Les occasionnels ne sont pas nommés par le Conseil des ministres. Ils sont engagés un peu partout dans le gouvernement. S'il y a des cas qui paraissent extraordinairement intéressants au député de Bonaventure, il nous en parlera. Ce dont le chef de l'Opposition, sauf erreur, a parlé récemment, à travers son chapeau - je m'excuse de le dire - c'était des nominations que le Conseil des ministres ou que le gouvernement faisait. Elles sont toutes là.

M. Levesque (Bonaventure): Simplement une précision au premier ministre. Est-ce que la liste comprend les contractuels, je ne dis pas les occasionnels, parce qu'on sait que le gouvernement a cette discrétion de pouvoir engager des contractuels?

M. Lévesque (Taillon): Ce ne sont pas des nominations au sens précis du terme. Ce sont des choses que vous avez tout le loisir de scruter, soit par vos questions, si vous n'y avez pas pensé avant, ou alors aux engagements financiers pour chaque ministère.

Le Président: Motions non annoncées. Enregistrement des noms sur les votes en suspens.

Avis à la Chambre.

M. le leader du gouvernement.

Avis à la Chambre

M. Charron: M. le Président, je voudrais indiquer immédiatement l'horaire pour confirmer ce qui a déjà été annoncé sur l'horaire des travaux d'aujourd'hui, si ce n'est pas de toute la semaine. Nous aurons une réunion de la commission de l'Assemblée nationale, durant quelques minutes à peine, afin de ratifier des décisions du comité de régie interne ou de les modifier en conséquence, en tout cas, de les adopter après que la séance de la Chambre aura été suspendue, cet après-midi. Je dis donc tout de suite aux députés qui sont présents ici qu'ils seront invités immédiatement à se rendre en commission à la salle 81, sous nos pieds, pour une courte séance de la commission de l'Assemblée nationale.

Ici, cet après-midi, à la suite des consultations que j'ai eues - je ne le proposerais pas si je n'étais pas assuré d'une unanimité de l'Assemblée, parce que ces choses doivent être adoptées à l'unanimité, il me semble - nous aurons à débattre une motion, que je présenterai dans quelques instants, visant à faire du règlement sessionnel de notre Assemblée, avec lequel nous vivons depuis trois ans maintenant à titre d'essai, un règlement permanent. Donc, après discussion des membres de l'Assemblée, tous ceux qui voudront y participer pourront le faire, mais j'ose espérer que le débat sera rapide, nous suspendrons la séance de l'Assemblée nationale et nous ne reviendrons qu'à 20 heures très précises. Je dis très précises parce que le discours du budget du ministre des Finances, comme, d'ailleurs, les répliques de l'Opposition qui, elles, auront lieu jeudi, est radiodiffusé et télédiffusé pour l'ensemble des citoyens du Québec. Cela astreint nos travaux parlementaires à une ponctualité qui n'est pas coutumière, mais qui, ce soir, devra être dans l'esprit de chacun puisque le discours du budget constitue, avec les répliques de dix minutes que le règlement prévoit, le menu de la soirée.

Il n'y a pas de séance de l'Assemblée nationale demain matin, pour permettre aux différents partis de préparer leur réplique sur le budget. Demain après-midi, c'est une motion qui est inscrite au nom d'un député de l'Opposition, je laisserai au député de Bonaventure le soin de nous indiquer laquelle. Et la réplique, qui aurait pu normalement avoir lieu dès 10 heures demain matin, ce qui nous paraissait invraisemblable, M. le Président, a été du gré de tout le monde reportée à la séance de jeudi après-midi. La séance de jeudi sera donc consacrée aux premières heures du débat sur le discours du budget pour ensuite ajourner la Chambre à la semaine prochaine. (15 h 30)

Je voudrais indiquer tout de suite, M. le Président, que...

Des voix: Les élections?

M. Charron: Je n'en suis pas maître. Je voudrais simplement indiquer, M. le Président, en conclusion, parce que j'ai oublié de le mentionner, que, pour pouvoir procéder au débat sur la motion visant à faire de notre règlement un règlement permanent, il me faudra préalablement solliciter le consentement pour appeler cette motion, puisqu'elle est en avis simplement au feuilleton actuellement.

Le Président: En vertu de l'article 34, M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Lévesque (Bonaventure): M. le Président, tout d'abord une précision. Demain, le leader parlementaire du gouvernement a indiqué que ce sera la journée de l'Opposition et une motion doit être indiquée par nous aujourd'hui, c'est-à-dire que ce sera cette motion qui apparaissait à mon nom, je crois, oui, et que l'on retrouve à la page 7 du feuilleton. Je tiens simplement à rappeler, M. le Président, qu'en avis aujourd'hui il y a quatre motions de l'Opposition officielle, au moins quatre,

sinon cinq, et les trois autres que je ne lirai pas, parce que je ne pense pas que nous puissions les passer toutes demain. L'une évidemment concerne la fiscalité municipale, mais je le dis simplement en passant; l'autre, les grèves - vous savez combien c'est important d'en parler, M. le Président - et l'autre, c'est le règlement de placement dans la construction, mais la motion que nous allons débattre demain se lit comme suit: "Que cette Assemblée est d'avis que ce gouvernement dont l'orientation demeure centrée sur la souveraineté-association et sur une conception interventionniste de l'État ne peut renouveler le fédéralisme canadien et promouvoir la véritable relance de l'économie québécoise." Voilà la motion, M. le Président, que nous avons l'intention de débattre demain et la première précision que je voulais demander au leader parlementaire du gouvernement...

Une voix: Une motion séparatiste.

M. Levesque (Bonaventure): ... c'était celle-ci: Vu les rumeurs persistantes d'élection, d'un appel au peuple cette semaine et vu que le droit de réplique appartient au parrain de la motion et qu'il est possible que nous ne puissions pas nous rendre à mercredi prochain, est-ce qu'on peut solliciter un consentement pour exercer le droit de réplique demain...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Levesque (Bonaventure): évidemment sur la motion?

M. Charron: M. le Président, il n'y a rien qui me permet de présumer que nous n'aurons pas le plaisir de nous retrouver ensemble la semaine prochaine.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ceci m'amène à mon autre question, en vertu des dispositions de l'article 34. Avec les rumeurs persistantes d'élection - d'ailleurs, des rumeurs persistantes d'élection, nous en avons eu l'automne dernier - qu'est-ce que cela veut dire? Premièrement, cela veut dire qu'on s'accroche au pouvoir depuis ce temps-là. Cela veut dire cela, oui, M. le Président.

M. Ryan: Là, ils commencent à avoir les doigts fatigués.

M. Levesque (Bonaventure): Devant ces rumeurs persistantes d'élection, M. le Président, puis-je demander au leader du gouvernement, au cas où il y aurait un appel au peuple cette semaine ou même la semaine prochaine, s'il pourrait nous dire...

Une voix: Qui va gagner.

M. Levesque (Bonaventure): Qui va gagner, oui, c'est une bonne chose, parce que vous ne le savez pas, mais nous le savons par exemple qui va gagner. Vous devriez vous en douter à force de reculer l'échéance des élections. C'est parce que vous avez peur de faire face à l'électorat québécois. Vous avez peur et vous avez raison d'avoir peur. M. le Président, je vais revenir à la question en vertu de l'article 34.

Une voix: Dans deux semaines.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, il y a là une échéance importante. C'est qu'à partir du 1er avril 1981, c'est-à-dire dans deux semaines à peu près, à ce moment-là commence un nouvel exercice financier. Cette Chambre n'a pas adopté de crédits provisoires, comme elle le fait régulièrement avant l'adoption des crédits. Le leader du gouvernement ne nous a indiqué, au cours justement de la présentation des travaux qu'il a faite en dehors de la Chambre et en Chambre, aucune disposition, au moins son silence l'indique, quant à l'étude de crédits provisoires. Ma question est celle-ci: Est-ce que le gouvernement, qui s'accroche au pouvoir auquel il a pris un goût sinon maladif du moins non équivoque, d'où la frustration très grande qui l'attend, a décidé de déposer en Chambre ce projet de loi qu'on pourrait adopter après, je crois, cinq heures de débat et, ensuite, première lecture, deuxième lecture, troisième lecture, ou est-ce que le gouvernement ou le leader du gouvernement a décidé, dans sa sagesse, à moins qu'il en sache beaucoup plus sur la date des élections que nous, ou a prévu qu'il y aurait adoption de crédits provisoires afin que le gouvernement puisse fonctionner même en campagne électorale?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Le député de Bonaventure sait très bien que si, effectivement, le budget n'était pas adopté avant le 31 mars à minuit, il y a deux façons de procéder à la permission de dépenser et d'utiliser cet argent. Il y a celle qu'il indique lui-même. Cela veut donc dire qu'entre aujourd'hui et le 31 mars, l'Assemblée aura tenu un débat minimum de cinq heures sur des crédits provisoires, peut-être pas cette semaine, mais peut-être au cours des semaines prochaines. Jusqu'au 31 mars, il reste 21 jours. Ou, si jamais la Chambre n'était pas en réunion au cours de cette période ou s'ajournait sans que ce débat de cinq heures

n'ait eu lieu, la Loi sur l'administration financière prévoit que, par mandat spécial, pour une durée très limitée, le Conseil des ministres peut décider d'autoriser les dépenses gouvernementales sur la base du précédent budget. Ces choses sont dans les lois québécoises depuis des années. C'est donc un double recours et, dans l'hypothèse qu'avance le député de Bonaventure, ce sera l'un ou l'autre qui sera utilisé.

Si le député de Bonaventure insiste pour qu'on ait un débat de cinq heures des crédits provisoires cette semaine, dans les jours qui vont suivre le discours du budget lui-même, tout ce que je pourrais lui proposer, ce sont les trois heures de demain matin et les deux heures de jeudi après-midi, mais, ça recule la réplique de l'Opposition officielle. Ce pourquoi je ne l'ai pas mis dans le menu de la Chambre, c'est que ça ne m'apparaissait pas respectueux de l'Opposition. En conséquence, j'ai préféré retarder ce débat de cinq heures à une autre semaine.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): ...je dirai simplement au leader parlementaire du gouvernement que si on avait voulu agir d'une façon démocratique, surtout s'il y a un appel au peuple, on aurait dû convoquer la Chambre avant le 10 mars et permettre de discuter des crédits provisoires. Les mandats spéciaux, voilà une procédure qu'on utilise uniquement lorsqu'on n'a pu prévoir la situation. Mais lorsqu'on a pu la prévoir, comme on l'a fait présentement, s'il y a un appel au peuple cette semaine, je pense qu'on aurait pu siéger, même hier.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Je ne suis pas figé dans le béton quant à ma stratégie, M. le Président. Si le député demande qu'on ait un débat de trois heures demain matin et de deux heures jeudi après-midi, je suis bien prêt à réfléchir sur cette question.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Nous ne mettons de côté aucune possibilité, mais il est clair que nous voulons donner priorité au discours du critique financier de l'Opposition a la suite du budget.

M. Charron: C'est ce que j'avais pensé, M. le Président, c'est pour ça que j'ai fait le menu de cette façon.

Le Président: Affaires du jour. Est-ce qu'il y a... Oui, en vertu de l'article 34?

Recours à l'article 34

M. Mathieu: Oui, M. le Président, en vertu de l'article 34.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: J'avais posé une question au ministre du Travail au mois de mars. Elle fut sans réponse. Je l'ai reposée en novembre, j'ai eu une réponse partielle en décembre. C'est une question qui a trait aux poursuites intentées en vertu des lois sur la formation et la qualification professionnelle et également de...

Le Président: Malheureusement, ce n'est pas une question en vertu de l'article 34. C'est une question de fond et non pas sur les travaux de l'Assemblée, et les réponses écrites aux questions, c'est le mercredi, M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Je n'ai pas posé ma question, comment pouvez-vous tirer la conclusion?

Le Président: C'est parce que l'article 34...

M. Mathieu: C'est au leader.

Le Président: Question au leader, d'accord.

M. Mathieu: Oui, une question au leader.

Le Président: Sur les travaux de l'Assemblée.

M. Mathieu: J'ai eu une réponse partielle et j'avais demandé, entre autres choses, les nom et adresse des personnes condamnées, le nombre de jours d'emprisonnement, amendes, tout ça. On m'a seulement donné une liste qui m'a permis de constater qu'il y a 7000 personnes par année qui furent condamnées, traduites devant les tribunaux. Je n'ai pas la liste. Est-ce que je peux m'attendre à un complément de réponse? (15 h 40)

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Je ferai tout mon possible

pour la fournir au député la semaine prochaine.

M. Mathieu: Merci.

Le Président: Affaires du jour.

Motion visant à adapter de façon permanente le règlement sessionnel régissant les travaux de la Chambre

Est-ce qu'il y a consentement unanime pour que la motion du leader du gouvernement, qui est en appendice au feuilleton, soit étudiée lors de cette présente séance, c'est-à-dire: "Que cette Assemblée adopte, de façon permanente, le règlement sessionnel qui régit présentement ses travaux"? Est-ce qu'il y a consentement?

M. Levesque (Bonaventure):

Consentement.

Le Président: Consentement. M. le leader du gouvernement.

M. Claude Charron

M. Charron: M. le Président, je serai très bref puisque, au besoin, je répondrai aux questions qui seront posées au cours du débat lors du droit de réplique qui m'est prévu. Pour les citoyens qui nous écoutent - il faut toujours avoir cette dimension à l'esprit -il s'agira d'un jargon bien particulier, mais pour les députés qui sont ici il s'agit de questions très précises. En effet, il s'agit non seulement de nos droits et privilèges comme le nouveau règlement que nous avons à l'essai a voulu les établir, mais il s'agit très concrètement aussi de nos conditions de travail et du déroulement des travaux de l'Assemblée qui ont été modifiés par le règlement qui est à l'essai depuis trois ans.

En gros, M. le Président - pour faire une très courte histoire, quand je suis entré ici, en 1970 - le député de Bonaventure en sait quelque chose, parce qu'il vivait dedans depuis plusieurs années - il y avait un règlement de l'Assemblée nationale qui était épouvantable, qui contenait 800 quelques articles dont certains remontaient à peu près au déluge et n'avaient plus rien à faire avec la réalité d'un Parlement moderne comme l'était déjà celui du Québec de 1970.

Le président de l'époque, le député de Laval, et les députés se sont mis à l'oeuvre sur un règlement qui est aujourd'hui le règlement en vigueur de l'Assemblée depuis 1972, si ma mémoire est fidèle. Je dirais que ma motion aujourd'hui vise à compléter le travail de ce groupe de 1972, les années qui ont passé nous ayant permis de vivre le règlement de 1972 et, je le dis très légitimement, de le parfaire. Si je me permets cette expression, c'est que je n'y suis pour rien. On ne pourra, donc, prétendre que c'est de l'exagération en ma faveur. Au contraire, c'est mon prédécesseur et ami, Robert Burns, qui était ici à cette époque, qui, en 1977, avait proposé aux députés - et tout le monde avait été d'accord - d'essayer un nouveau mode de fonctionnement de l'Assemblée.

Ce nouveau mode, je laisserai à l'Opposition le soin de nous en montrer les mauvais côtés; sans aucun doute, et c'est légitime, il y en a, M. le Président. Mais si nous sommes sur le point d'avoir l'unanimité, je crois, pour faire de cet essai la règle normale et habituelle de l'Assemblée nationale, c'est que les bons côtés l'ont emporté sur les mauvais côtés.

Par exemple, les députés ont décidé de siéger, je ne dirais pas à date fixe, mais presque. Les citoyens qui nous écoutent se rappellent sans doute avoir lu, parfois en plein coeur d'été, que l'Assemblée nationale se permettait des marathons de dix heures, quinze heures, vingt heures de débats, le samedi comme la semaine, en plein milieu de juillet. Je me dis que l'ensemble des citoyens qui regardaient cela devaient avoir un drôle de doute sur la qualité des lois que nous votions à cette époque. Je ne dis pas qu'ils avaient raison de penser qu'elles étaient mauvaises, mais ils avaient sans doute raison de penser qu'elles n'étaient pas étudiées comme il faut. Des lois présentées la veille de l'ajournement étaient adoptées à la vapeur. Bref, c'est tout cela qu'on a décidé ensemble, soit que l'Assemblée ne dépasserait pas le 21 juin et le 21 décembre, pour ces deux bouts de session; que si un gouvernement veut faire adopter quelque chose dans les derniers jours, il doit donner au moins 21 jours d'avis à l'Assemblée sur les lois qu'il veut faire adopter, avant chacune de ces fins de session, de moitiés de session annuelle.

Je crois, pour l'avoir entendu dire tellement de fois et par expérience personnelle pour avoir vécu les deux régimes, Mme la Présidente, que c'est une amélioration non seulement très heureuse pour notre vie à nous et notre travail, mais, très franchement, sur la qualité de législation que nous avons aussi.

Je dirais que l'essai de ce nouveau règlement a duré assez longtemps, trois ans, et dans plusieurs circonstances, à part ça. C'est quand même un essai légitime et loyal qui nous permet aujourd'hui, au moment où -si je reprends les rumeurs que véhiculait le député de Bonaventure - cette Législature pourrait être dans ses derniers jours de session, de nous dire, entre nous: Cette Assemblée nationale, cette Législature ayant fait cet essai, il est bon d'en faire notre règlement permanent. Cela veut dire que le gouvernement nouveau sera appelé à fonctionner comme celui dont je suis le

représentant dans cette Assemblée a été appelé à le faire, que tous les partis politiques qui postulent le poste de gouvernement du Québec, par l'adoption d'aujourd'hui, acceptent de vivre dans ces règles et disent d'avance, à l'élection générale, qu'ils s'apprêtent à vivre dans ces règles.

Cela veut dire que toutes les équipes de députés, les équipes de ministres et les cabinets ministériels fonctionneront avec ces échéances désormais rigoureuses de notre règlement. Je crois que c'est pour le bien de tout le monde, de nous, d'abord, puisqu'il s'agit de nos conditions de travail, très légitimement, mais aussi du produit qui sort de cette Assemblée.

Je m'en voudrais de ne pas signaler que ceux qui ont eu le courage, à l'époque, et l'imagination de mettre ce règlement à l'essai, en 1977, à commencer par mon ami, Robert Burns, mais aussi les députés de l'Opposition - je pense que le député de Laval était le leader de l'Opposition officielle, à l'époque, et le député de Richmond, je crois, était le leader parlementaire de l'Union Nationale - ont fait un bon choix à cette époque-là, puisque nous concluons ensemble aujourd'hui que, l'essai étant fait, nous pouvons l'adopter d'une manière permanente.

Sans entrer dans les détails de tuyauterie, je propose donc, comme la motion l'indique, que ce règlement à l'essai, tel qu'il a été modifié, même en cours d'essai, devienne le règlement permanent de l'Assemblée nationale.

La Vice-Présidente: Sur cette motion, M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Gérard-D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, je voudrais, au nom de l'Opposition officielle, dire quelques mots seulement sur cette motion présentée par le leader parlementaire du gouvernement. Je pense bien que mon collègue, le député de Laval, serait l'homme tout désigné pour s'inscrire dans ce court débat, étant donné la contribution énorme qu'il a apportée à ce qu'on appelle maintenant le Code Lavoie.

Si, Mme la Présidente, le député de Laval avait formulé des objections à ce que ce règlement sessionnel devienne permanent, je suis convaincu qu'il aurait eu beaucoup d'influence sur la décision de notre caucus.

Ceci étant dit, Mme la Présidente, ce que l'on fait présentement, c'est rendre permanent une façon de vivre, quant à ces amendements, qui est la nôtre depuis bientôt quatre ans. Il semble que ces amendements, tels que nous les avons vécus, n'ont pas réellement causé de problèmes sérieux; au contraire, ils ont permis peut-être une meilleure planification, quant à la vie des parlementaires.

Je me rappelle que, dans le passé, nous ne pouvions pas faire de pronostics sur notre présence en Chambre, même lorsqu'il s'agissait de la période entre Noël et le Jour de l'An - d'heureux souvenirs pour le leader parlementaire du gouvernement - ou encore pour la période de juillet et août où nous nous sommes retrouvés encore, assez souvent, dans cette noble enceinte. Ce règlement est une façon de pouvoir un peu mieux planifier la vie de chacun, et cause, cependant, certaines obligations au gouvernement en particulier. En effet, comme l'a évoqué, il y a quelques instants, le leader parlementaire du gouvernement, au mois de juin et au mois de décembre, il est impossible au gouvernement, à moins de plaider l'urgence absolue et de présenter une motion à cet effet, de faire adopter des projets de loi qui n'ont pas été déposés avant le 1er décembre ou avant le 1er juin.

On sait ce qui se passe au comité de législation, qu'on pense aux retards inévitables qui se multiplient pour une raison ou pour une autre; il y a, après tout, combien de ministères, Mme la Présidente, et combien d'organismes gouvernementaux? On peut s'attendre qu'à la toute dernière minute il y ait des retards. Le gouvernement, s'il veut faire adopter une loi, d'après ce règlement, doit absolument être prêt à déposer cette loi; s'il veut la faire adopter, encore une fois, durant ces mois de fin de session, il doit le faire au moins trois semaines à l'avance.

Mais, il y a aussi, Mme la Présidente, un autre aspect que je voudrais noter, c'est que le gouvernement, lui, par contre doit avoir devant lui une Opposition responsable et une Opposition suffisamment réaliste pour tenir compte des contingences, tenir compte de certaines circonstances particulières. Et je vous donne un exemple: c'est qu'à la fin de toute session ou avant tout ajournement, vous voyez l'Opposition donner des consentements qui sont nécessaires, évidemment, si on veut adopter les lois. Autrement, si l'Opposition, à la veille de Noël ou à la veille de la Saint-Jean, commence à exiger que l'on suive le règlement à la lettre, à ce moment, le gouvernement se trouve dans une situation impossible, surtout si les débats ont été prolongés, de sorte que le gouvernement ne pourrait pas faire adopter ses lois.

Mme la Présidente, je tiens à souligner que depuis 1977 vous avez, à votre gauche ici, une opposition généralement responsable - j'emploie le mot "généralement", parce que je veux être modeste - j'allais dire toujours responsable, et je n'exagère rien. Le leader parlementaire du gouvernement sait que nous avons accordé notre collaboration et que c'est à cause de notre collaboration et de

notre sens des responsabilités que ces amendements sont demeurés vivables et que le gouvernement a pu faire adopter ses lois. Autrement dit, qu'est-ce que c'est que ce règlement que nous avons, le code Lavoie? Cela permet, comme tout règlement, au gouvernement de gouverner, mais cela permet également à l'Opposition de pouvoir se faire entendre. Or, si ces amendements avaient pour but d'empêcher le gouvernement de pouvoir gouverner, ou si cela empêchait l'Opposition de pouvoir s'exprimer, à ce moment, il faudrait rejeter ces amendements. Nous allons les accepter simplement parce que nous allons faire confiance à la prochaine Opposition. Nous ne voulons pas que la prochaine Opposition soit comme celle d'avant 1976, parce qu'à ce moment nous devrons revenir au règlement actuel, nous devrons, autrement dit, retirer les amendements que nous adoptons aujourd'hui.

D'ailleurs, lorsque je parle de la future Opposition, je les vois déjà sourire, pas beaucoup, seulement ceux qui pensent pouvoir se faire réélire. Mme la Présidente, ce que je voulais simplement dire, c'est que, lorsque cette Opposition de 1981 sera devant nous, j'espère qu'on se rappellera les propos que j'ai tenus aujourd'hui.

Je voudrais simplement terminer en rappelant une chose au leader parlementaire du gouvernement et le féliciter, parce que c'est un homme prévoyant. Il a prévu à l'automne qu'il y aurait des élections, comme tout le monde un peu, et à ce moment il nous a parlé du règlement sessionnel. Il prévoyait déjà, à ce moment, que le règlement sessionnel l'aiderait dans l'Opposition. Il a oublié cela par la suite, il est revenu encore tout récemment avec le règlement sessionnel parce qu'il voulait préparer ses jours d'Opposition, évidemment, s'il est réélu, un peu comme tout le monde. Tout le monde va passer devant le grand verdict de l'électorat.

Mme la Présidente, je ne veux pas prolonger ces propos, mais simplement assurer le gouvernement que nous allons appuyer cette motion; ces amendements provisoires, nous allons les rendre permanents, mais toujours avec cette réserve - que nous devons conserver - que nous devons avoir affaire à une Opposition et à un gouvernement qui tiennent compte de l'importance de maintenir l'esprit de ces amendements, parce que, si on s'en tient à la lettre, la vie parlementaire peut devenir impossible; la vie du gouvernement, quel qu'il soit, peut devenir impossible et, à ce moment, je pense bien qu'on ne pourrait pas vivre avec ces amendements qui, pourtant, sont faits dans le meilleur intérêt des citoyens, dans le meilleur intérêt des parlementaires et qui sont des amendements raisonnables avec lesquels nous avons vécu pendant déjà plus de trois ans.

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Union Nationale.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Merci, Mme la Présidente. Les députés de l'Union Nationale sont également d'accord pour accepter la motion du leader du gouvernement pour rendre permanent le règlement sessionnel que nous avons adopté il y a déjà trois sessions, je pense.

Cette expérience s'est avérée extrêmement positive pour les députés de l'Opposition et également pour les députés du gouvernement, ainsi que pour le personnel politique qui nous aide, ici, à l'Assemblée nationale.

Ce calendrier a sans doute permis une meilleure planification de nos travaux et a, jusqu'à un certain point, forcé le gouvernement à également mieux planifier le dépôt de ses projets de loi et les mesures législatives qu'il voulait voir adoptées au cours d'une même session. Malheureusement, le calendrier n'a pas réussi à mettre fin à la folie du rouleau compresseur que nous devons vivre et subir à la fin de chacune des sessions, tant au mois de juin qu'au mois de décembre.

Nous, de l'Union Nationale, nous déplorons le peu de progrès qui a été fait dans ce domaine et nous croyons que la commission de l'Assemblée nationale devrait se pencher le plus rapidement possible sur cet aspect de nos travaux parlementaires, afin que nous trouvions le moyen d'alléger le fardeau de travail des députés en fin de session. Je pense que tout le monde se rappelle les longues heures de travail que nous devons fournir à la fin de la session parlementaire, que ce soit au mois de juin ou au mois de décembre; parfois, nous commençons à travailler à dix heures le matin pour terminer très tard la nuit; j'ai déjà vu des matins où il faisait clair quand nous sommes rentrés chez nous et nous devions revenir pour dix heures le même matin.

Je pense qu'on devrait trouver une solution à ce plan de travail quasiment infernal, et ce le plus rapidement possible, pour le bien-être de tous les députés, qu'ils soient de l'Opposition ou du gouvernement.

Lorsque nous sommes forcés de siéger jusqu'aux petites heures du matin pour étudier, très souvent, des projets de loi d'une importance majeure pour le bien-être économique et social des Québécois et que, quelques heures plus tard, nous sommes tenus de recommencer la même ritournelle pendant plusieurs semaines, il va de soi que le rendement du député se trouve diminué et, par le fait même, certainement moins efficace.

Ceci dit, Mme la Présidente, il faut

néanmoins admettre que l'expérience d'un calendrier fixe, qui divise les travaux de session parlementaire en deux périodes bien déterminées, constitue une amélioration par rapport à ce qui existait antérieurement. Nous sommes d'avis qu'il faut maintenir ce calendrier fixe, tout en cherchant à améliorer la situation qui prévaut à la fin des sessions.

Quant aux heures de séance, les députés de l'Union Nationale sont d'accord pour qu'on maintienne les heures de séance telles qu'elles existent à l'heure actuelle, en vertu de notre règlement sessionnel. Nous croyons que c'est une bonne chose de concentrer les travaux parlementaires proprement dits sur une période de trois jours: c'est-à-dire les mardi, mercredi et jeudi. Cela permet aux députés de bénéficier non seulement du lundi pour s'occuper des problèmes de son comté, mais également de disposer d'une journée additionnelle, soit celle du vendredi, pour se concentrer sur les tâches administratives qui font également partie de son mandat de député. (16 heures)

Pour les gens qui nous écoutent, je pense qu'il est important de mentionner qu'un député a plusieurs rôles. Tout d'abord, le député a un rôle de législateur. Il doit, ici à l'Assemblée nationale, participer aux travaux en élaborant des projets de loi, en les étudiant, en faisant en sorte de les améliorer parce que, bien souvent, les projets de loi que le gouvernement nous présente ne sont pas satisfaisants. Alors, il faut essayer de les améliorer chaque fois qu'on nous en présente et cela se fait tant à l'Assemblée nationale qu'en commission parlementaire. Le travail en commission parlementaire, les gens ne le suivent pas beaucoup parce que ce n'est pas télévisé, mais il faut quand même souligner qu'il y a de nombreuses heures de travail qui sont dispensées en commission parlementaire. Également, ces commissions et ce travail à l'Assemblée nationale, il faut les préparer. On n'arrive pas ici en Chambre pour lancer un discours sans avoir une certaine préparation, sans avoir fait une certaine étude du projet de loi en question.

Également, le député, surtout dans les milieux ruraux, a une espèce de rôle d'ombudsman. Il doit recevoir les gens à son bureau pour essayer de régler les problèmes auxquels ils font face avec l'administration gouvernementale. Il doit également participer aux activités sociales de son comté. Dans les milieux ruraux, je pense que cela est encore plus prononcé que dans les villes. Cela demande également beaucoup de temps.

Les députés jouent également un rôle à l'intérieur de chacune de leurs formations politiques. Bien souvent, ils prennent des engagements dans leur parti politique qui demandent des heures de travail considérables. Si on met tout cela ensemble, je pense que le fait de concentrer le travail parlementaire sur une période de trois jours permet aux députés de passer plus de temps dans leur circonscription électorale.

Quant au vendredi, avec la question avec débat, il y a un certain travail qui se fait ici à l'Assemblée nationale par quelques députés, chaque vendredi, alors qu'on étudie une question particulière pendant que d'autres députés sont occupés dans leur comté. Nous sommes d'avis qu'il y a lieu de maintenir ces séances d'information et d'interrogation qui ont lieu le vendredi matin. Pour les membres de l'Opposition, ces questions avec débat constituent une occasion d'interpeller un ministre sur une question spécifique pendant plusieurs heures. Cela permet d'avoir un éclairage d'ensemble* sur une question importante qui est en discussion.

Mme la Présidente, nous, de l'Union Nationale, sommes en faveur de la motion qui est présentée par le gouvernement aujourd'hui afin de rendre permanent ce règlement sessionnel que nous connaissons depuis trois sessions. On ne manquera pas de souligner, cependant, le fait que ce soit aujourd'hui que le gouvernement nous propose cette motion. Il faut, bien sûr, se rendre à l'évidence que, si le gouvernement le fait, c'est qu'il a probablement à l'esprit que, les jours prochains, peut-être dans un mois, il sera sans doute rendu sur les banquettes de l'Opposition et qu'à ce moment-là il pourra bénéficier de la clémence de ce règlement.

M. Le Moignan: C'est cela. Merveilleux.

La Vice-Présidente: M. le député de Sainte-Marie.

M. Shaw: Madam President...

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: Mme la Présidente, je voudrais tout de suite rassurer le leader du gouvernement. Je me prononce, moi aussi, en faveur de la motion qui est devant nous. Si je sens le besoin de m'exprimer sur cette motion du leader du gouvernement, c'est peut-être pour remettre un certain nombre de choses à leur place et pour rendre à César ce qui appartient à César.

Il est normal, je pense, lorsqu'on parle de règlement, que les leaders se congratulent, se tapent sur l'épaule et se félicitent du travail qu'ils ont pu faire et de l'amélioration qu'ils ont apportée au règlement de notre Assemblée. Dans le cas qui nous préoccupe, je voudrais quand même souligner que ces amendements qu'on a mis à l'essai pendant trois ans ont été le fruit du travail d'un groupe de députés de l'ensemble des partis de cette Assemblée, des représentants du Parti libéral qui étaient le

député de Saint-Laurent et le député de Gatineau, du représentant de l'Union Nationale qui était le député de Richmond, qui n'était pas leader à ce moment-là, et des représentants du parti gouvernemental, du parti ministériel, le député d'Abitibi-Ouest, qui n'était pas ministre à l'époque non plus, et moi-même ainsi que le député indépendant de l'époque, Fabien Roy.

Ce groupe de députés avait travaillé pendant près de trois mois à non seulement consulter leur caucus, mais ils avaient travaillé ensemble sur l'amélioration des règlements. La question avec débat dont on vient de parler, c'est justement une suggestion du député de Saint-Laurent. C'était, je pense, la première expérience vécue à l'Assemblée nationale d'un travail conjoint des parlementaires au-delà des partis politiques. Cela s'est poursuivi avec le comité Dussault responsable d'un certain nombre d'autres mesures qui ont été étudiées par les parlementaires dans des comités de travail, en dehors des commissions parlementaires.

Je tenais, Mme la Présidente, à souligner cette participation des députés à l'amélioration de leur rôle d'abord à l'Assemblée nationale et à l'amélioration du règlement de l'Assemblée nationale pour qu'on sache qu'il n'y a pas seulement les meneurs de jeu qui s'en préoccupent, mais aussi ceux qui le subissent.

M. Shaw: Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: M. le député de Pointe-Claire.

M. William Frederic Shaw

M. Shaw: In an effort to attempt to show unanimity to the motion presented by the Leader today concerning the rendering permanent of the temporary regulations as to the rules of procedure of the House, I wish to add my personal support as well, Madam President.

I feel that this particular change in the schedule of the time used in this House has been a definite improvement and has most certainly helped all members, certainly those of us who, being independents, carry an additional role, by providing us with the time to do our research and to cover the many areas of responsibility we also must cover.

Obviously, the strength of this lies in the fact that there is a determined period of time, that we know exactly when the work will be done. It also has improved the work of the House by making more accountable ministers through the Friday morning question period, the specific question period which is also covered by television, allowing the public to become more aware of some of the problems the Government is facing in being forced to meet and answer the questions of those members of the House who are interested in that particular problem.

I would also like to say, Madam President, that it has also improved those roles that we must perform, that require time with our constituents in our constituency. Each and every member in this House has a significant role to play in order to meet the requirements of his constituents and to meet with the constituents as well, and I assure you that the time has been used by the members to better prepare themselves for the work they are doing in the House and to better serve their constituencies.

Therefore, Madam President, I would like to join with the Leader of the Liberal Party, the Leader of the Union Nationale, and the honorable Member for Sainte-Marie, and support the motion of the Minister.

La Vice-Présidente: M. le député de Laval.

M. Jean-Noël Lavoie

M. Lavoie: Mme la Présidente, des propos très brefs sur cette motion. Je me rappelle lorsque l'ex-député de Maisonneuve Robert Burns avait apporté cette modification. Si je me rappelle bien, c'est à la fin de 1977 ou au début de la session de 1978. Ces règlements sessionnels n'existaient pas en 1977, parce que je me rappelle trop bien qu'on avait siégé sur la loi 101 jusqu'à la fin du mois d'août. Cela veut dire, sans vérifier, je crois, que ça date du début de 1978 et toutes les Oppositions, autant le Parti libéral que l'Union Nationale, ont donné leur accord depuis 1978, 1979, 1980 et 1981.

C'est une amélioration importante, spécialement en ce qui concerne les heures de séance. On se rappelle que la Chambre siégeait du mardi au vendredi auparavant et, maintenant, on ne siège plus. C'était une période de trois heures uniquement le vendredi, de 10 heures à 13 heures, qui a été reportée un peu au mercredi matin. Cela donne une journée additionnelle au gouvernement et aux ministres pour voir à l'administration de leur ministère et, aux députés, pour vaquer à leurs occupations dans leur comté ou auprès des ministères à Québec.

Je crois que c'est dû au mérite de Robert Burns qui avait apporté ces modifications au règlement. (16 h 10)

Comme le mentionnait le leader du gouvernement, c'est la formule normale, lorsqu'on apporte des changements assez importants au règlement, aux règles du jeu de l'Assemblée nationale - cela a toujours été fait dans le passé - qu'il y ait une période de rodage, une période de probation.

Le règlement qui existe ici, à l'Assemblée nationale depuis 1973, avait été mis en rodage, si je me rappelle bien, en 1972; d'autres articles avaient été éprouvés dans le temps de M. Bertrand, de M. Pierre Laporte, de M. Daniel Johnson, de M. Jean Lesage et autres. C'est une évolution normale. D'ailleurs, un règlement ne doit jamais être dans le béton; ça, le leader le sait. Un règlement de l'Assemblée nationale doit être en perpétuel mouvement.

Même encore aujourd'hui, si la présidence, si le leader du gouvernement ou la commission de l'Assemblée nationale se penchait sur l'ensemble du règlement et sur les amendements que nous y apportons, nous savons qu'il existe encore certains trous, certaines lacunes; j'imagine que le prochain président ou d'autres, dans un prochain Parlement, se pencheront sur cette question pour encore améliorer notre règlement. Comme le disait le nouveau ministre des Communications, alors qu'il était président, le règlement que nous pratiquons ici, à l'Assemblée nationale, a été considéré à travers le Canada comme un règlement non pas meilleur que les autres, mais un règlement d'avant-garde qui permet, surtout lorsqu'on considère que les gouvernements, aujourd'hui, avec la masse (trop forte) des interventions trop fréquentes de l'État dans l'activité des individus, des sociétés et des corporations, cette masse législative - je vois devant moi l'ex-ministre du Travail qui a vécu cette situation pendant quelques années - et également l'importance des budgets...

On se rappelle qu'il y a à peine quelques années le budget du Québec, en 1960, était de $600,000,000 ou $700,000,000; 20 ans après, il est de $17,000,000,000 ou $18,000,000,000. Les budgets doivent être approuvés et il faut que ce règlement soit constamment modernisé pour permettre au législateur d'expédier, dans un temps convenable, la législation et l'étude des crédits.

Par contre, je voudrais souligner également un autre engagement que M. Burns avait pris avant son départ et qui, malheureusement, n'a pas eu de suite. Cela date déjà de deux ou trois ans. On aurait dû avoir une loi ou un amendement au règlement créant une commission spéciale de l'Assemblée nationale pour que les parlementaires, les élus de la population aient un droit de regard sur la réglementation, sur la masse de réglementation que nous avons. C'est vraiment inconcevable et c'est un appel que je fais aux parlementaires pour que dans les meilleurs délais - pendant la Législature actuelle ou la prochaine - on se penche sur la suggestion que les élus de la population puissent scruter et approuver, ou du moins donner leur opinion sur les milliers de points de réglementation qui existent à la suite de l'adoption de lois "chèques en blanc" que le Parlement adopte. On sait que souvent les règlements ont plus d'importance, plus de poids, plus d'implications, ils créent encore plus d'embêtements pour la population que les lois elles-mêmes. C'est vraiment inconcevable que le Parlement adopte les lois et qu'il n'ait plus aucun droit de regard sur la réglementation. Je pense que c'est une priorité sur laquelle le Parlement devra se pencher.

Je termine en disant - je pense que c'est implicite - que je suis tout à fait d'accord sur cette amélioration, sur cette bonification du règlement. Mais sur un petit point technique, j'aurais une suggestion à faire. Je n'en ferai pas un débat de fond. Je crois que l'avis mentionné au feuilleton, que le règlement sessionnel devienne règlement permanent, n'est pas suffisant, à mon point de vue. Je crois qu'il aurait fallu que les modifications soient récitées au long, en avis, mais on peut corriger cela. Je ne ferai pas d'opposition à l'adoption de la motion. Au procès-verbal de la séance d'aujourd'hui, la motion d'adoption de ces règlements devrait être réellement dans les archives du Parlement et elle devrait être inscrite au long; autrement, ce n'est pas dans un règlement sessionnel, ce n'est nulle part. Autant au feuilleton que dans le procès verbal, il n'y aurait que le règlement sessionnel mais qui n'aurait aucune force de loi parce qu'il n'est pas en annexe, il n'est nulle part. Je crois qu'il faudrait qu'elle soit récitée au long dans le procès-verbal de la séance d'aujourd'hui. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le leader parlementaire du gouvernement et ministre des Affaires parlementaires.

M. Claude Charron (réplique)

M. Charron: Mme la Présidente, je souscris à l'intervention du député et je propose que le secrétaire général de l'Assemblée prenne les mesures pour qu'au procès-verbal figure effectivement le règlement sessionnel qui deviendra dans quelques instants le règlement permanent de l'Assemblée. Je vous remercie de l'unanimité qui était indispensable et essentielle pour un règlement de cette nature. Nous l'avons obtenue avec la collaboration de tous. J'aurai bon souvenir, dans quelques semaines, lorsque nous serons sur les champs de bataille de ces moments d'unanimité. Mme la Présidente, je crois que les oppositions se sont montrées suffisamment responsables aujourd'hui pour qu'elles reçoivent à nouveau la confiance, dans l'Opposition, de la population lors de la prochaine élection. On ne peut pas se départir d'aussi loyaux services, Mme la Présidente. Je propose donc que nous

adoptions cette motion.

La Vice-Présidente: La motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: La motion est adoptée.

Projets de loi nos 223, 241, 222, 238, 259, 258 et 221

Deuxième lecture

M. Charron: Avant que nous n'ajournions jusqu'à 20 heures et que nous nous retrouvions en commission parlementaire pour quelques minutes, puis-je proposer que les projets de loi privés dont nous avons reçu les rapports cet après-midi - je les nomme, madame, pour éviter le carrousel - les projets de loi no 223, Loi concernant la ville de Bedford; no 241, Loi concernant la ville de Sainte-Foy; no 222, Loi concernant certains lots de la partie révisée du cadastre officiel du canton de York, division d'enregistrement de Gaspé; no 238, Loi concernant Place Notre-Dame de Hull Ltée; no 259. Loi concernant un immeuble du cadastre de la paroisse de Sainte-Anne, division d'enregistrement de Montréal; no 258, Loi concernant un immeuble de l'Église Unie St-Andrew de Lachine, et no 221, Loi concernant la succession de J. Donat Langelier, franchissent, à ce moment-ci, avec le consentement de tous, l'étape de la deuxième lecture?

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, nous sommes encore une fois amenés à faire la paix temporaire, la trêve un peu, mais très courte, et c'est évidemment à cause du fait qu'il s'agit de projets de loi qui ont recueilli l'unanimité une fois qu'ils ont été amendés en commission. Nous sommes heureux, Mme la Présidente, d'apporter notre modeste contribution à l'adoption de ces projets de loi.

La Vice-Présidente: Les deuxièmes lectures sont-elles adoptées?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté.

La Vice-Présidente: Les projets de loi 223, 241, 222, 238, 259, 258, 221 sont adoptés en deuxième lecture.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ces projets de loi.

M. Charron: Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: Troisième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. Charron: Mme la Présidente, je propose la suspension...

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Oui, M. le leader.

M. Levesque (Bonaventure): Je m'excuse auprès du leader parlementaire du gouvernement qui allait présenter une motion fort importante d'ajournement, débattable, d'ailleurs, Mme la Présidente, mais puis-je offrir au leader parlementaire du gouvernement que nous puissions, maintenant qu'il m'a assuré que nous allons pouvoir, au cours de la semaine, au moins mercredi et jeudi, procéder tel que prévu, peut-être épargner quelques dollars à l'administration en adoptant la troisième lecture des projets de loi immédiatement?

M. Charron: Volontiers, Mme la Présidente, j'allais faire la proposition. Très bien comme ça.

M. Fontaine: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Union Nationale.

M. Fontaine: Nous donnons également notre consentement. Je pense qu'il y a là-dedans des projets de loi fort importants pour certaines municipalités et je pense que nous devons donner notre consentement pour les adopter immédiatement.

Troisième lecture

La Vice-Présidente: Tous les projets de loi que nous venons d'adopter en deuxième lecture sont maintenant adoptés en troisième lecture?

M. Levesque (Bonaventure): On pourrait peut-être donner les numéros pour l'intelligence du journal des Débats.

La Vice-Présidente: Certainement. Les projets de loi nos 223... Est-ce que vous voulez que je dise de quoi il s'agit aussi pour chacun?

M. Levesque (Bonaventure): Oui.

La Vice-Présidente: Le projet de Loi no 223. Loi concernant la ville de Bedford; le projet de loi privé no 241, Loi concernant la ville de Sainte-Foy; le projet de loi privé no 222, Loi concernant certains lots de la partie révisée du cadastre officiel du canton de York, division d'enregistrement de Gaspé; le projet de loi privé no 238, Loi concernant

Place Notre-Dame de Hull Ltée; le projet de loi privé no 259, Loi concernant un immeuble du cadastre de la paroisse de Sainte-Anne, division d'enregistrement de Montréal; le projet de loi privé no 258, Loi concernant un immeuble de l'Église Unie St-Andrew de Lachine, et le projet de loi privé no 221, Loi concernant la succession de J. Donat Langelier, avec le consentement unanime de l'Assemblée nationale, seront-ils adoptés en troisième lecture?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Mme la Présidente, je propose la suspension des travaux de la

Chambre jusqu'à 20 heures ce soir pour le discours sur le budget.

La Vice-Présidente: Motion adoptée? Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. Suspension des travaux de l'Assemblée jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 16 h 21) (Reprise de la séance à 20 h 06)

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

En application de l'article 127 de notre règlement, j'accorde la parole à M. le ministre des Finances. M. le ministre des Finances.

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

Discussion de procédure

M. Levesque (Bonaventure): Je m'excuse auprès du ministre des Finances, mais je lui avais indiqué avant le début de la séance que j'aurais une question à lui poser. La question que j'ai à lui poser, j'en fais une question de règlement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le leader, vous conviendrez avec moi - et je pense que vous êtes rompu à la connaissance du règlement que nous avons, je ne vois pas de précédent à ce que je vous dis maintenant - que chaque fois que ce fut le moment du discours du budget, la tradition a toujours été la même, nous avons immédiatement, dans cette Assemblée, donné la parole au ministre des Finances. Je vous demanderais de retenir votre intervention et de permettre au ministre de prendre la parole maintenant. M. le ministre des Finances.

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, je m'excuse.

La Vice-Présidente: M. le leader, s'il vous plaît. M. le leader, est-ce que vous en appelez de ma décision? Est-ce que vous en appelez de ma décision?

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, j'invoque le privilège qui est le mien en même temps que je veux simplement soulever une question de règlement, puisque vous ne semblez pas vouloir donner suite à ce que j'avais indiqué au ministre des Finances, que j'allais lui poser une question au début de ses remarques. Maintenant, si ce n'est pas le cas, j'invoque mon privilège de député.

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition officielle, vous me placez dans une situation très difficile. Vous le savez très bien et vous reconnaîtrez avec moi que, même au moment où vous avez déjà été le leader du gouvernement, vous n'auriez pas accepté, je crois, un accroc à cette tradition qui a toujours été la même et à laquelle, à mon sens, on n'a jamais fait de précédent. J'ai déjà accordé la parole à M. le ministre des Finances.

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, je n'accepte pas votre décision parce qu'elle ne correspond pas...

La Vice-Présidente: M. le leader...

M. Levesque (Bonaventure): ...aux critères et aux droits des membres de cette Assemblée.

La Vice-Présidente: Je ne vous rappellerai pas à l'ordre, M. le leader de l'Opposition officielle. Je sais que vous connaissez le règlement et j'admets... S'il vous plaît! Je pense que, si quelqu'un dans cette Assemblée connaît bien le règlement, c'est M. le député de Laval et peut-être bien aussi M. le député de Jean-Talon. M. le ministre.

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, je suis obligé d'intervenir à ce moment-ci en vertu du règlement.

La Vice-Présidente: M. leader! Si vous en appelez maintenant de ma décision, M. le leader, vous savez fort bien qu'il y a des dispositions dans notre règlement qui vous permettent d'intervenir à un autre moment

et j'espère que vous le ferez à ce moment-là. M. le ministre.

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, je m'excuse, mais j'ai devant moi le règlement.

La Vice-Présidente: S'il vous plaît! Vous en appelez actuellement de ma décision, M. le leader de...

M. Levesque (Bonaventure): Vous auriez pu au moins décider de me faire continuer...

La Vice-Présidente: Vous connaissez fort bien, M. le leader de l'Opposition, le règlement et je me dois maintenant de vous rappeler à l'ordre. Je vous ai déjà dit que je ne vous accorderais pas la parole maintenant.

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, j'essaie simplement de faire...

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition officielle... M. le leader de l'Opposition officielle, je vous rappelle à l'ordre une deuxième fois.

S'il vous plaît, je n'accorderai pas la parole à qui que ce soit maintenant, puisque le règlement m'empêche de le faire, mais je suspendrai pour trois minutes.

(Suspension de la séance à 20 h 13)

(Reprise de la séance à 20 h 16)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais m'excuser auprès des membres de cette Assemblée de ne pas avoir été capable d'inaugurer la séance de ce soir, étant donné que des rumeurs extrêmement importantes, qui circulaient entre 19 h 55 et 20 h 05 à l'intérieur de l'Assemblée nationale, m'ont obligé, pour m'acquitter de mes responsabilités, à en vérifier l'exactitude ou non. Je m'en excuse auprès des membres de l'Assemblée.

Mais, malgré tout cela, j'ai entendu par le perroquet et j'ai vu à la télévision ce qui s'était passé à l'Assemblée nationale. Je me dois, à ce stade-ci, de respecter et de confirmer la décision qui a été rendue par la députée de Vaudreuil-Soulanges et vice-présidente de l'Assemblée nationale, selon laquelle il est de tradition en cette Chambre, lors d'un discours du budget, de céder immédiatement la parole au ministre des Finances, ce que je fais immédiatement.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, avec tout le respect que je vous dois, je vous demande la directive suivante. Loin de moi, d'abord, l'idée de retarder le moindrement le discours du budget, mais je vous demande ceci: Comment peut-on, à ce moment-ci, poser une question bien simple au ministre des Finances relativement aux fuites qui ont eu lieu sur le budget? Ceci a déjà eu comme effet la démission d'un ministre des Finances dans plus d'un Parlement.

Le Président: Je vous répondrai, M. le leader de l'Opposition officielle, que les articles 68 et 24 de notre règlement prévoient des motions de blâme. À ma connaissance, l'Opposition officielle a encore des motions de blâme à son crédit; elle peut les utiliser quand elle le voudra. Mais en ce qui concerne la décision qui a été prise et que je confirme, je pense que ce soir n'est pas l'occasion privilégiée pour poser ladite question, mais que demain, à la période des questions ou jeudi, si vous mettez une motion en appendice, vous pourrez porter une motion de blâme contre la personne que vous voudrez, et c'est le règlement qui vous le permet. Mais à ce stade-ci, ce soir...

M. Levesque (Bonaventure): C'est une question...

Le Président: ... et compte tenu de l'existence de ces articles de notre règlement, je pense que l'Opposition et tous les députés de cette Chambre ont à leur disposition tous les moyens pour condamner soit la conduite d'un ministre, d'un président, d'un vice-président ou de tout député de cette Chambre. Je ne pense pas qu'une simple question au ministre des Finances soit la réponse à vos interrogations.

Je sais que l'article 43 existe. Je sais que vous pouvez en appeler de la décision qui a déjà été rendue et que je confirme. Vous pouvez, si vous le voulez, demander à l'Assemblée d'en appeler de la décision du président. Mais connaissant votre expérience parlementaire et votre gentilhommerie, je suis assuré que vous permettrez au ministre des Finances de prononcer son discours, quitte, par la suite, à ce que, demain ou après-demain, tous les moyens qui peuvent être mis à votre disposition le soient et la présidence les respectera. Il respectera le règlement de notre Assemblée.

M. le ministre des Finances.

M. Lavoie: M. le Président. Le Président: M. le député.

M. Lavoie: Une directive, s'il vous plaît.

Des voix: ...

(20 h 20)

M. Lavoie: Alors que vous étiez absent - une seule directive très simple que je voudrais vous demander - si je me rappelle bien, le leader parlementaire de l'Opposition a voulu soulever une question de privilège

qui lui a été refusée, et je vous demanderais en vertu de quel article du règlement le droit d'un parlementaire de soulever les privilèges de cette Chambre ou ses propres privilèges est suspendu à l'occasion du discours du budget.

Le Président: M. le député, même si je n'ai pas, il est vrai, votre expérience parlementaire - je le déplore en certaines occasions - je vous répondrai, tout en disant que je n'ai pas l'intention de donner une conférence de presse sur ce sujet, que c'est la tradition. Après avoir regardé au moins les sept derniers discours du budget, parce que je me suis préparé pour ce soir, les sept dernières années m'ont démontré qu'à aucun moment il n'y a eu de question de privilège ou de règlement...

Des voix: II n'y a pas eu d'occasion.

Le Président: ...et que la présidence a toujours reconnu, lors du discours du budget, le ministre des Finances, et je vous donne la parole, M. le ministre des Finances.

Dépôt des crédits pour l'année financière se terminant le 31 mars 1982

M. Parizeau: M. le Président, un message de l'honorable lieutenant-gouverneur, signé de sa main.

Le Président: Message de Son Honneur le lieutenant-gouverneur de la province, M. Jean-Pierre Côté. L'honorable lieutenant-gouverneur de la province de Québec transmet à l'Assemblée nationale les crédits pour l'année financière se terminant le 31 mars 1982, conformément aux dispositions de l'article 54 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique 1867, et recommande ces crédits à la considération de la Chambre.

M. le ministre des Finances.

M. Charron: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: D'abord, si vous me le permettez, conformément à l'article 128.1 du règlement, je propose que l'étude des crédits de chacun des ministères soit confiée aux commission élues appropriées, sauf celle des crédits de l'Assemblée nationale et toute autre que l'Assemblée jugera opportun de confier à la commission plénière de l'Assemblée.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que cette motion est débattable?

M. Charron: Non, sans débat ni amendement, selon l'article 128.

M. Lavoie: Depuis quand êtes-vous président, vous, là?

Le Président: Je m'apprêtais à donner la même réponse, mais compte tenu de l'expérience et de l'habileté des deux leaders parlementaires, et à ma droite et à ma gauche, je savais que l'un des deux se lèverait avant la présidence. Or, elle est sans débat ni amendement. Est-ce qu'elle sera adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Oui, M. le Président, mais normalement on pourrait exiger un vote enregistré. Simplement pour montrer notre esprit... Et pour bien indiquer au ministre des Finances que nous n'avons jamais voulu retarder son discours, nous ne demanderons pas de vote enregistré, M. le Président.

Le Président: M. le ministre des Finances, je vous cède la parole.

Discours sur le budget M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: Merci, M. le Président. L'année 1980 restera probablement marquée comme étant celle où l'économie nord-américaine a atteint le creux d'une vague dont on voit mieux maintenant qu'elle avait commencé avec l'année 1976.

Pendant cinq ans, en effet, le rythme d'expansion de la production aux États-Unis a régulièrement baissé jusqu'à devenir nul en 1980. On a assisté à l'aboutissement d'une longue contraction et, en début d'année, à un affaissement soudain de la demande des consommateurs américains comme pour marquer la dernière phase du glissement.

Au Canada le cheminement a été plus irrégulier, plus fluctuant, mais finalement analogue. On avait retrouvé au début de 1976 un rythme d'expansion important, voisin de 7%, une bonne performance, somme toute, qu'on ne retrouve plus ensuite jusqu'à ce que, en 1980, la production cesse de progresser complètement.

En un certain sens la performance de l'économie canadienne aura été plus décevante que celle des États-Unis, encore que bien évidemment influencée par elle. En effet la chute prononcée de la valeur du dollar canadien qui touchera à la fin de 1980 un creux historique et la résistance à laisser monter le prix du pétrole auraient dû donner à l'économie du Canada plus de solidité que l'économie américaine ne pouvait en

manifester.

Encore faut-il reconnaître que les disparités régionales ont atteint, au cours de ces années, une grande ampleur. Alors qu'au creux de la vague générale l'Alberta et la Colombie-Britannique gardent un rythme de croissance de l'ordre de 3%, la production ontarienne baisse de 1% et celle du Québec augmente légèrement.

En réalité, cela fait quatre ans que la performance économique du Québec est supérieure ou égale à celle de l'Ontario. Il ne fait pas de doute que les petites et moyennes entreprises du Québec prennent graduellement la relève de certaines grandes entreprises plus traditionnellement installées. Elles apprennent à profiter du bas taux de change du dollar canadien. Elles ont aussi été fortement appuyées par les politiques du gouvernement québécois.

Tout cela se manifeste davantage à l'égard des exportations que vis-à-vis des investissements. Les ventes québécoises à l'étranger ont gardé, en 1980, une vigueur qui dépasse celle des exportations du reste du Canada. En trois ans, elles auront en effet plus que doublé. Les investissements des entreprises privées connaissent une croissance de l'ordre de 15%, ce qui est appréciable, même si on tient compte de l'inflation. Néanmoins, l'ensemble des investissements au Québec augmente nettement moins en raison du plafonnement des immobilisations d'Hydro-Québec. Cette société d'État fait à elle seule plus du quart de tous les investissements productifs au Québec; or, les travaux à la Baie James ont maintenant atteint un plateau. Cela se sent déjà et se fera davantage sentir avant que d'autres grands travaux du même genre ne prennent la relève.

L'aspect le plus faible de l'économie québécoise en 1980 aura été, comme aux Etats-Unis, la réduction des achats des consommateurs. On s'attendait, l'an dernier, à un tassement de la demande; on ne l'attendait pas aussi prononcé.

Quant à la construction domiciliaire, on aurait pu croire qu'après avoir longuement ralenti, elle redémarrerait vers la fin de 1980. C'était compter sans les soubresauts de la politique monétaire nord-américaine qui dépassèrent tout ce qu'on avait vu jusque là.

Sans doute, les pressions inflationnistes s'intensifient-elles aux États-Unis, au fur et à mesure que tombe le rythme de croissance de l'économie. Il s'en faut de beaucoup que l'on comprenne à quoi une telle divergence est due. Depuis plusieurs années, cependant, la cure a été mise au point. À la fin de 1979, on décida de l'appliquer. En la caricaturant un peu, la cure monétariste consiste à tenter de contenir la hausse des prix en réduisant graduellement l'expansion de la masse monétaire à l'intérieur de bornes de plus en plus contraignantes. L'idée n'est pas nouvelle, mais jamais on en avait fait à ce point une idée-force, pour ne pas dire une idée fixe.

En tout cas, une telle politique peut provoquer des variations fabuleuses des taux d'intérêt. C'est à cela qu'on assiste depuis quinze mois. Une première flambée a porté le taux préférentiel des banques à plus de 19% au début de 1980. Il est tombé à 11% au cours de l'été et est remonté à plus de 20% avant Noël.

Complètement intégré aux circuits financiers américains, le Canada a suivi, se permettant simplement des décalages de quelques semaines qui se paient par une faiblesse récurrente du taux de change.

On ne sait pas encore si la cure guérira le malade. Pour le moment, comme la saignée ou la purge d'autrefois, elle l'affaiblit. On espère qu'en 1981 l'inflation sera un peu réduite aux États-Unis. Il est d'ores et déjà assuré qu'au Canada elle sera plus forte, en raison surtout de la hausse du prix des produits pétroliers qui dépassera 21%.

On ne peut, en tout cas, s'étonner, dans de telles conditions, du peu de vigueur de la construction domiciliaire et des achats de biens durables de consommation.

À travers ces phénomènes d'ampleur continentale, un dernier aspect de l'économie du Québec en 1980 mérite d'être décrit. La population totale n'augmente plus guère; par contre, la population active continue à progresser assez rapidement à cause du fort taux de naissances qui a prévalu jusqu'au début des années soixante et de la hausse de la participation des femmes sur le marché du travail. Le premier phénomène achève, le second va petit à petit se stabiliser. Mais, en 1980, la main-d'oeuvre s'est accrue de près de 3%, ce qui, par rapport aux années précédentes, est exceptionnel. Ce n'est pas le moindre sujet d'étonnement que de constater que, même avec une croissance de la production d'un tiers de 1%, l'économie du Québec aura absorbé une hausse du nombre de travailleurs employés de 2,5%, presque égale, donc, à celle du nombre de ceux qui se présentaient sur le marché du travail. On voit, là encore, un signe de résistance assez remarquable de l'économie québécoise à un environnement difficile. (20 h 30)

La situation des finances publiques du Québec au cours de l'année qui se terminera le 31 mars prochain aurait correspondu à peu près à ce qu'on pouvait attendre du discours sur le budget de l'an dernier, compte tenu d'une situation économique un peu plus faible que prévue, d'une inflation un peu plus rapide et de taux d'intérêt plus élevés, n'eussent été deux grands programmes qui coûtent nettement plus cher qu'on ne l'avait envisagé, soit l'aide sociale et l'assurance-maladie.

Les revenus budgétaires du gouvernement sont de $185 millions inférieurs à ce qui était prévu, soit 1,2%. L'impôt sur le revenu des particuliers sera exactement au niveau escompté. L'impôt sur les sociétés produira $35 millions de moins que prévu; cela est dû, pour moitié, à un niveau de profits un peu inférieur aux prévision et, pour l'autre, à une accélération des remboursements aux sociétés. La taxe sur les ventes au détail est de $38,000,000 au-dessous des prévisions. Dans ce cas, on aurait pu s'attendre à pire, compte tenu de la baisse des demandes des consommateurs, un peu partout en Amérique du Nord.

Les autres revenus autonomes tombent de $49,000,000. Pour un tiers, il s'agit d'un artifice comptable qui provient du transfert du Bureau des véhicules automobiles à la Régie de l'assurance automobile. Le reste se partage surtout entre des recettes inférieures à ce qui était prévu à la Société des alcools, à cause, en particulier, des changements apportés par le gouvernement fédéral à la taxation des vins et spiritueux, et une réduction des recettes prévues d'enregistrement des véhicules automobiles.

Le dernier poste relatif aux revenus du gouvernement du Québec a trait aux sommes qui lui proviennent du gouvernement fédéral. Ces transferts rapporteront, en 1980-1981, $60,000,000 de moins que prévu. Dans ces conditions, par rapport à l'année précédente, les transferts fédéraux n'augmenteront donc que de 3,8 pour cent. J'aurai l'occasion de souligner plus loin l'importance, pour les finances publiques du Québec, d'une aussi faible progression.

Quant aux dépenses budgétaires, malgré tous les efforts que nous avons faits pour en contrôler la croissance, elles seront de $490,000,000 plus élevées que prévu au dernier discours sur le budget, soit près de 3 pour cent.

En moyenne, de 1977-1978 à 1979-1980, nous avons réussi à maintenir l'expansion des dépenses à environ 12 pour cent par an, ce qui était à peu près le rythme d'expansion de la production nationale. Il s'agit là d'une discipline remarquable. À cause de la situation économique prévue en 1980-1981, on pouvait imaginer de passer à un rythme temporaire d'expansion de 14,5 à 15 pour cent. Mais 16,6 pour cent est nettement trop élevé.

À cause de la situation économique, certains postes de dépenses ont été volontairement augmentés en cours d'année de façon substantielle. Tel est le cas, par exemple, de plusieurs des programmes d'aide a l'emploi.

On doit aussi, avant d'expliquer d'autres dépassements qui sont survenus, noter le succès obtenu dans le contrôle des coûts pour la plupart des secteurs. C'est ainsi que le contrôle des dépenses des hôpitaux, amorcé il y a trois ans, s'est maintenu. Celui des dépenses des commissions scolaires, qui avait créé une telle commotion, il y a un an, a fort bien fonctionné. À preuve, les dépenses dans ce secteur seront inférieures de $3,000,000 au montant prévu en début d'année. Le contrôle des paiements aux universités, aux collèges, aux établissements de santé autres que les hôpitaux s'est maintenu. De même, le contrôle rigide du nombre des fonctionnaires du gouvernement a à ce point bien fonctionné que le nombre des employés permanents est tombé de 1400 en un an, alors que celui des occasionnels ne s'est accru que de 400. Nous n'en sommes plus à l'objectif de croissance zéro. La réduction est maintenant amorcée.

Tout cela est bel et bien, sauf que les coûts de deux programmes importants ont augmenté, en 1980-1981, bien plus que prévu.

Le premier a trait à l'ensemble des dépenses payées par la Régie de l'assurance-maladie. Les dépenses qui devront être assumées pour 1980-1981 seront de $150,000,000 supérieures à celles inscrites aux crédits d'il y a un an. Sur cette somme, $90,000,000 doivent être payés aux membres des fédérations médicales et n'étaient budgétés qu'en 1981-1982. Ces fédérations ont en effet proposé au gouvernement un moratoire sur l'ensemble des ententes jusqu'en juin 1981, contre l'augmentation intérimaire des tarifs pour une période de 18 mois. Jamais, de mémoire de négociateur, n'aura-t-on vu une opération pareille s'amorcer et se conclure aussi rapidement. Évidemment, ce que l'on paie cette année n'aura pas à être payé l'an prochain.

Il n'en reste pas moins que, même sans ce geste inattendu, le coût des divers programmes de santé qui sont gérés par la Régie de l'assurance-maladie déborde les prévisions initiales d'une soixantaine de millions de dollars. Il risque fort d'augmenter plus rapidement que notre capacité de payer. Des mesures devront donc être prises, notamment dans le renouvellement des ententes avec les professionnels de la santé, pour mettre en place des balises qui résistent mieux à la pression.

En ce qui a trait à l'aide sociale, la situation est très différente. Il faut ajouter environ $160,000,000 à ce qui avait été inscrit aux crédits de l'an dernier. Ainsi que j'ai eu l'occasion de l'expliquer dans le précédent discours sur le budget, un train de mesures a été mis au point pour permettre à un certain nombre d'assistés sociaux de retourner au travail, pour récupérer les pensions alimentaires payables a des personnes divorcées ou séparées qui, bien souvent, sans cela, ne peuvent qu'émarger à l'aide sociale et, enfin, pour contrôler les abus.

Il a fallu un certain temps pour mettre en vigueur les dispositions législatives et

réglementaires nécessaires. Les échanges de renseignements entre les ministères, la mise en place d'équipement complexe, des changements dans les habitudes de travail de l'administration, tout cela ne se fait pas en un jour. Néanmoins, des innovations intéressantes sont apparues. C'est ainsi que, pour la première fois, une centaine d'agents de l'aide sociale ont travaillé dans les centres de main-d'oeuvre pour faciliter la conjugaison des efforts.

Il n'en reste pas moins que ce n'est qu'entre les mois d'octobre et de janvier que les mesures envisagées ont vraiment démarré. Les résultats obtenus au cours de ces quelques derniers mois ne sont pas encore spectaculaires. Même si les crédits nécessaires à la réinsertion d'un grand nombre d'assistés sociaux sur le marché du travail ont été rendus disponibles, il s'en faut de beaucoup qu'ils aient encore été tous utilisés.

Il y a en effet beaucoup de résistance au rodage des opérations que nous avons lancées. Résistance compréhensible sans doute, mais dont on ne peut pas faire abstraction. C'est ainsi que bien des employeurs hésitent à embaucher des assistés sociaux et gardent à leur égard des préventions tenaces. Certains assistés sociaux, de leur côté, invoquent parfois les motifs les plus saugrenus pour refuser du travail. Les mesures qui sont maintenant en vigueur vont prendre du temps avant de produire tous les résultats qu'on en attend. Ce n'est pas une raison pour ne pas les poursuivre énergiquement.

Ajoutons enfin que le resserrement des règlements d'application de l'assurance-chômage ne nous a pas aidés en ce sens qu'il a provoqué une hausse des allocations d'aide sociale de $50,000,000 en 1980-1981.

Enfin, deux autres postes du budget des dépenses coûtent cette année nettement plus cher que prévu. D'une part, des besoins financiers accrus et des taux d'intérêt bien plus élevés qu'on ne le prévoyait ont augmenté le service de la dette de $112,000,000. D'autre part, un taux d'inflation de 1% plus élevé qu'estimé a ajouté $65,000,000 à la masse salariale des secteurs public et parapublic. (20 h 40)

Pour ce qui a trait aux opérations non budgétaires, les nouvelles sont excellentes. On avait, à l'occasion du dernier discours sur le budget, annoncé que, dorénavant, les opérations de prêts de la Société de développement industriel et de la Société d'habitation du Québec seraient assumées par les institutions financières privées, comme nous l'avions fait précédemment pour l'Office du crédit agricole, le gouvernement se contentant de payer les remises d'intérêt et les subventions. Cela a été fait.

En outre, les nombreuses mesures que nous avons prises pour rentabiliser nos sociétés d'État ont commencé à donner des résultats tangibles. Ces sociétés, qui font maintenant pratiquement toutes des profits, sauf SIDBEC, n'ont pas eu besoin de recourir au fonds consolidé du revenu autant que par le passé. C'est une des raisons pour lesquelles le surplus des opérations non budgétaires qui, comme on le sait, compense une partie du déficit budgétaire, augmente de $100,000,000, soit une hausse de près de 20%.

Le tableau qui suit résume tout ce qui vient d'être décrit et établit les soldes. Je le dépose, M. le Président, en deux copies, comme faisant partie intégrante du discours sur le budget.(Voir annexe A)

Il ressort de ce tableau que le déficit des opérations budgétaires s'établira, pour 1980-1981, à $2,975,000,000; le surplus des opérations non budgétaires est de $630,000,000 et doit être déduit du déficit budgétaire pour que l'on puisse établir les besoins financiers nets qui sont, en conséquence, de $2,345,000,000.

De tels niveaux de besoins financiers de déficit sont élevés, cela ne fait pas de doute. Et, bien sûr, ils ne sauraient être maintenus indéfiniment.

Encore faut-il bien en comprendre les causes. Si le déficit budgétaire est à ce point élevé, c'est que nous avons décidé de révéler, depuis quelques années, l'ampleur des engagements du gouvernement, notamment à l'égard de ses fonds de pension.

Si l'on dresse un état des opérations financières sur la base des recettes et des déboursés, tel qu'il apparaît en pages 8 et 9 de l'annexe II du présent discours, ce qui est une formulation comptable sensiblement comparable à celle qui est utilisée par plusieurs provinces canadiennes, le déficit de 1980-1981 tomberait de près de $600,000,000, soit à $2,394,000,000.

D'autre part, une bonne partie de ce déficit est due aux réductions d'impôts et de taxes réalisées par le présent gouvernement. Imaginons que nous ayons perpétué la structure des taxes et des impôts héritée du précédent gouvernement et que nous n'ayons pas procédé à la réforme de la fiscalité municipale, à quel niveau serait le déficit aujourd'hui? Aux environs de $1,000,000,000, presque au même niveau qu'il y a quatre ans, alors que les prix ont augmenté de 40%.

Il n'est pas question de revenir sur les baisses d'impôt que le présent gouvernement a consenties depuis trois ans et il n'est pas question non plus de rétablir l'impôt foncier scolaire normalisé.

La seule solution, c'est de couper les dépenses. C'est ce que nous avons fait, d'abord par de nombreux gels de crédits pour la fin de 1980-1981 et par les coupures pour l'année qui vient.

En tout cas, pour ce qui a trait à la

dette en cours du gouvernement du Québec, on doit reconnaître que la dette à long terme représente actuellement environ 15% du produit intérieur brut du Québec. En lui-même, ce chiffre n'a pas de signification véritable, car le gouvernement peut emprunter lui-même ou faire emprunter des corps publics, des sociétés d'État ou des gouvernements locaux à sa place. Si l'on veut vraiment savoir quel est le poids réel de la dette publique portée par la société, c'est donc la totalité des sommes dues par les secteurs public et parapublic qu'il faut examiner.

Si l'on tient compte des emprunts à long terme du gouvernement du Québec, des institutions d'enseignement et de santé, d'Hydro-Québec, des autres sociétés d'État, des municipalités et de communautés urbaines, les émissions d'emprunt chaque année, depuis six ans, se présentent de la façon suivante. Elles représentaient 8,5% du produit intérieur brut du Québec en 1975, presque 12% en 1976, 7,7% en 1977, 7,4% en 1978, 6,9% en 1979, et se situent à 8,8% en 1980.

Dans ce sens, tous déficits considérés et tous besoins d'emprunts entrés en ligne de compte, il est vrai que l'année 1980 se solde par une situation à peu près du même ordre qu'en 1975, nettement mieux qu'en 1976, mais moins bonne que pendant nos trois premières années de gouvernement.

Incidemment, une question se pose depuis six mois à laquelle il convient de répondre: Est-il exact que le Québec emprunte pour payer ses dépenses courantes? Remarquons, en premier lieu qu'advenant que cela se produise il n'y aurait pas lieu de s'en offusquer si vraiment la situation économique l'exigeait. Plutôt s'endetter temporairement que de jeter des gens dans la rue. Mais, est-ce vraiment le cas?

Pour répondre correctement, il faut, une fois de plus, considérer toute la dette des secteurs public et parapublic québécois. Le gouvernement garantit la dette d'Hydro-Québec et en autorise les tarifs; il paie la totalité du service de la dette des commissions scolaires et des établissements de santé; il paie de 60% à 100%, selon les cas, des investissements dans l'épuration des eaux et le transport en commun. On comprendra alors qu'il faut comparer chaque année le montant des emprunts nets totaux du gouvernement du Québec, de ses sociétés d'État et de toutes les autorités scolaires, municipales ou institutionnelles qui en dépendent, d'une part, et, d'autre part, tous les investissements qui en proviennent. C'est une telle comparaison qui est vraiment significative. Or, que nous démontre l'annexe financière du discours sur le budget, pages 11 à 14?

D'abord qu'en 1976, dernière année d'une administration dont les membres aspirants ou survivants nous reprochent de payer nos dépenses courantes avec des emprunts, effectivement les emprunts nets ont légèrement dépassé les investissements, soit $4,400,000,000 contre $4,200,000,000. Dès 1977, sous le présent gouvernement, la situation est renversée; on investit $1 milliard de plus que les emprunts nets. En 1978, l'écart passe à presque $1,300,000,000. En 1979, il est de $1,600,000,000. En 1980, pour les raisons qu'on a déjà énoncées, l'écart n'est plus que d'une centaine de millions de dollars, mais il reste que les investissements du secteur public dépassent toujours ces emprunts.

On n'emprunte donc toujours pas pour payer des dépenses courantes. Il n'y a qu'une année récente où cela a été fait. Il y a cinq ans, en 1976, sous le gouvernement qui nous a précédés.

Encore faut-il reconnaître qu'en 1980 on a beaucoup emprunté, qu'il est temps de resserrer les robinets et de mieux répartir les sources de revenus entre les éléments du secteur public; c'est le sens de plusieurs des propositions qui seront annoncées ce soir.

Les taux d'intérêt élevés des quelques derniers mois, l'augmentation persistante du prix du pétrole et la prudence qui caractérise aussi bien les entreprises que les consommateurs n'augurent rien de très bon pour 1981. De fait, la plupart des pays du monde industriel occidental s'attendent à des taux de croissance qui ressemblent fort à moins de 1% ou à des taux de chute du même ordre, et connaîtront probablement une douce stagnation. De tous les pays industrialisés, seul le Japon devrait voir sa croissance se poursuivre à un taux réduit à 3,8%, ce qui pour lui est un affaissement, mais dont le reste du monde se contenterait volontiers.

Aux États-Unis, on prévoit une croissance d'une fraction de 1%, dans l'hypothèse, évidemment, où les docteurs Diafoirus de la politique monétaire ne remontent pas les taux d'intérêt à plus de 20%. (20 h 50)

Ce qui se produit au Canada peut, sans doute, globalement refléter ce qui se passe ailleurs dans le monde. Il n'en reste pas moins que c'est le résultat de mouvements discordants, opposés, où les agencements de politiques économiques ne sont que le résultat de coïncidences. Il n'y a plus, à vrai dire, de coordination des politiques économiques au Canada. L'attention qui n'est pas saisie par le débat constitutionnel est tout entière engagée dans le cul-de-sac des prix du pétrole et du gaz. Les gouvernements font ce qu'ils peuvent avec les moyens qu'ils ont. Le gouvernement fédéral ne peut pas, compte tenu de l'énorme déficit auquel il a à faire face, procéder autrement qu'en augmentant, comme il l'a fait l'automne

dernier, ses impôts, ses taxes, les taux de cotisation d'assurance-chômage, d'autant plus que la décision de l'Alberta de réduire ses livraisons de pétrole accroît encore l'ampleur des accroissements de taxes.

Une telle politique, alors que la croissance est nulle, est navrante. On ne voit pas, cependant, comment le gouvernement fédéral pourrait faire autrement sans modifier profondément sa gestion. Et, en décidant d'appliquer sa politique de canalisation des entreprises pétrolières en plein creux de la vague, il accroît encore la nécessité d'augmenter les impôts.

En Ontario, on commence à saisir ce qui est en train de se produire. Si on a fait longuement état de ce qu'au Québec, en 1979-1980, il est parti 78,000 personnes, on a moins souligné que 143,000 Ontariens avaient quitté leur province au cours de la même période. L'Ouest du Canada connaît un démarrage fulgurant. L'Ontario vient de comprendre que sa politique, à d'autres égards tout à fait remarquable, de compression des dépenses publiques, jointe à l'impuissance du gouvernement fédéral et à l'explosion dans l'Ouest, risquait de l'amener sur la pente du déclin. Il est donc compréhensible que le gouvernement de l'Ontario renverse sa politique budgétaire dans le sens de l'expansion et des déficits accrus.

Pendant ce temps, l'Alberta, avec ses 2,000,000 d'habitants, dispose, sur une base comparable, d'un surplus budgétaire du même ordre que le déficit combiné de l'Ontario et du Québec. En pratique, l'Alberta pourrait abolir tous ses impôts et toutes ses taxes, sauf les redevances sur le pétrole et le gaz, et continuer à payer toutes ses dépenses budgétaires.

En somme, alors même que le gouvernement fédéral met l'accent sur le marché commun canadien, le Canada, comme entité économique, perd rapidement de sa cohérence. On achète Pétrofina pour oublier qu'il n'y a plus de politique économique canadienne.

Pour le Québec, le problème financier majeur vient de ce que les revenus provenant du gouvernement central, qui représentent près de 30% de son budget, augmentent et augmenteront dans un avenir prévisible, si rien n'est changé, à un taux qui, en moyenne, serait environ le tiers de celui de l'inflation, alors que les conventions collectives, l'aide sociale, les allocations familiales et tant d'autres postes de dépenses sont liés directement au taux d'inflation.

Nous en sommes arrivés, dans nos rapports fiscaux et financiers avec le gouvernement fédéral, à un point où les efforts de développement économique que tente le gouvernement du Québec, et dont on conviendra qu'il les réussit souvent, servent surtout à réduire les paiements du gouvernement fédéral au Québec. Un dollar dépensé par le Québec pour faire travailler un chômeur inscrit à l'assurance-chômage se traduit par un gain de $0.70 pour le Trésor fédéral, une récupération de $0.05 par le Trésor québécois, et seulement $0.25 d'augmentation du pouvoir d'achat des citoyens.

De fait, le plus clair des efforts du gouvernement du Québec pour accroître la résistance de notre économie à la récession ou pour en accélérer la croissance sert à réduire, ou tout au moins à ralentir, la croissance du déficit fédéral.

C'est pourquoi les arrangements fiscaux entre les provinces et le gouvernement d'Ottawa qui viendront à échéance le 31 mars 1982 et auront à être renégociés dans le courant de l'année devront être améliorés pour garantir au Québec qu'il pourra mieux profiter de sa croissance économique. Nous avons commencé à faire des suggestions dans ce sens et à préparer des propositions.

Encore ne faut-il pas se faire d'illusion sur les résultats. On ne peut attendre de miracles d'un gouvernement qui annonce $14 milliards de déficit. Dans ces conditions, nous devons d'abord et avant tout nous occuper de nos propres affaires tout en essayant d'éviter, si possible, que, d'année en année, les contributions fédérales qui, avec les subventions au prix du pétrole, ont joué un tel rôle pendant la campagne référendaire ne se ratatinent. Il faut, en particulier, préparer le Québec à un réaménagement fiscal qui lui permettra, d'une part, de respirer un peu et, d'autre part, en dépit de toutes les contraintes actuelles, de profiter au maximum de la reprise de l'économie lorsqu'elle se produira.

Quant au budget pour le prochain exercice financier, nous avons adopté certaines règles de base que je voudrais d'abord énoncer. En premier lieu, on devrait éviter de dépasser le niveau de déficit actuel même si cela implique qu'il faille prendre des mesures de contrôle inédites et même si l'on doit, en 1981-1982, ajouter environ $200 millions aux sommes déjà consacrées aux fonds de pension pour en assurer le service.

En second lieu, les besoins financiers nets du gouvernement, c'est-à-dire ses appels nets d'emprunts sur les marchés financiers et à la Caisse de dépôt et placement du Québec, devraient être réduits par rapport à 1980. C'est là, je pense, une règle de prudence.

Troisièmement, le niveau des emprunts, y compris les remboursements, devrait rester en deçà de $3 milliards. Dans un contexte de restriction de la masse monétaire où les taux d'intérêt atteignent des sommets, nous devons diminuer notre volume d'emprunts pour préserver une saine gestion des fonds publics.

Finalement, le gouvernement ne doit

pas renoncer à la politique qu'il s'est fixée depuis trois ans de réduire chaque année les impôts des particuliers. Le Québécois, avons-nous dit déjà, il y a quatre ans, est trop taxé. Depuis ce temps, une forme d'indexation des exemptions personnelles a été introduite. L'échelle même des impôts, après avoir été modifiée, a été réduite de 3%. Les taxes de vente ont été abolies sur les vêtements, les chaussures, les textiles, les meubles ainsi que sur le prix des chambres d'hôtel. On a inauguré un régime d'épargne-actions qui a multiplié de façon spectaculaire les émissions d'actions au Québec en réduisant en même temps les impôts à payer de ceux qui en achètent. Le crédit d'impôt foncier pour le paiement d'une partie des taxes municipales a profité à plus de 600,000 Québécois. Dans l'ensemble, toutes ces réformes, sauf sans doute le régime d'épargne-actions, ont avantagé le citoyen dont les revenus sont faibles ou moyens. Pour la première fois depuis 20 ans, le citoyen du Québec imposé comme marié et qui gagne moins de $17,000 est moins taxé au Québec qu'en Ontario.

Le présent gouvernement poursuivra donc la baisse graduelle du fardeau fiscal des particuliers. Nous avons hérité d'une situation intenable et coriace. Nous l'avons petit à petit renversée. Nous continuerons dans cette voie, c'est le quatrième objectif.

Dans ces conditions, il faut à la fois modifier la structure des revenus pour qu'elle rapporte davantage et couper sérieusement le rythme d'augmentation des dépenses. Ce sont ces deux tâches que vise le présent budget. Nous verrons ensuite ce que nous pouvons nous payer en termes de réduction des impôts ou d'augmentation des allocations pour l'ensemble de la population.

Sur le plan des revenus, deux changements majeurs interviendront: l'un à l'égard des sociétés d'État et l'autre à l'égard de l'imposition des entreprises québécoises.

Comme on vient de l'indiquer, la quasi-totalité des sociétés d'État, à l'exception de Sidbec, sont maintenant rentables. Les leviers dont la société québécoise s'est dotée graduellement depuis 20 ans sont prêts à se mesurer à l'aune des règles que l'on applique à toute compagnie dans le genre de système économique où nous vivons. Cela implique d'abord qu'elles soient astreintes à la plupart des taxes que le gouvernement du Québec applique aux entreprises privées. En outre, les sociétés d'État doivent maintenant être amenées à une politique de dividendes qui corresponde à leur situation réelle. Il n'y a pas de raison pour que l'accumulation des profits ne serve qu'à perpétuer les mêmes orientations. Dans la mesure où les outils que possèdent les Québécois sont maintenant efficaces, ils doivent contribuer au fonctionnement de la société, comme les entreprises privées contribuent au fonctionnement du système d'actionnaires qui les a engendrées.

Parmi ces sociétés d'État, il y a plusieurs catégories. Il y a d'abord des monopoles fiscaux qui doivent rendre la totalité de leurs profits au trésor public. Telles sont la Société des alcools et Loto-Québec. À leur égard, rien ne sera changé dans l'obligation qu'elles ont de remettre leurs profits à l'État.

En second lieu, plusieurs sociétés d'État ont un caractère commercial et industriel qui les place en concurrence directe avec le secteur privé. Telles sont, par exemple, la Société générale de financement, Rexfor, Soquem, Soquia, etc. Ces sociétés font maintenant, pour la plupart, des profits significatifs. En plus de payer les mêmes taxes que celles portées par les sociétés privées, sauf l'impôt sur les profits lorsque le gouvernement contrôle plus de 90% de l'équité, elles seront soumises au paiement d'un dividende de 20% de leurs profits ordinaires dont, le cas échéant, elles pourront déduire la perte encourue au cours des deux années précédentes. En vertu de ce cadre d'instructions, dès cette année, plusieurs sociétés d'État auront à payer des dividendes.

Il demeure que le cas d'Hydro-Québec est bien plus important, en lui-même, que tout le reste. Ce que communément nous appelons l'Hydro a été créé dans sa forme actuelle sous l'impulsion de l'actuel premier ministre, à la suite du rachat des compagnies privées d'électricité. Contre $300,000,000 d'emprunts en 1963, les Québécois ont ainsi acquis à la fois le contrôle de leur principale richesse naturelle et une source de revenus de plus en plus massifs.

La plupart des compagnies gouvernementales d'électricité sont, en Amérique du Nord, chargées de centrales thermiques ou nucléaires qui leur coûtent les yeux de la tête. Hydro-Québec est placée dans une situation fort différente. Ayant sextuplé ses profits en dix ans, elle est maintenant menacée, si l'on peut dire, de payer ses barrages comptant.

Or, pendant les quatre ou cinq prochaines années, Hydro-Québec n'investira guère plus en dollars que ce qu'elle investit aujourd'hui, ce qui veut dire qu'elle investira en ciment et en salaires beaucoup moins qu'aujourd'hui. On peut bien vouloir accélérer ses projets, mais, en termes de dépenses effectivement réalisées, la hausse ne peut apparaître que dans quelques années. Les plans et devis prennent ce temps.

Jusque-là, si on laisse le prix du courant électrique suivre le rythme de l'inflation, on arrivera à une situation où, dans quelques années, Hydro-Québec autofinancera 60% de tous ses investissements, ce qui serait vraiment

exceptionnel parmi les sociétés d'État du même genre en Amérique du Nord. Payer comptant des investissements qui vont durer 50 ans ou davantage ne serait d'ailleurs pas le moindre des paradoxes.

Les profits d'Hydro-Québec atteignent actuellement $700,000,000 et pourraient approcher, dans quelques années, $2,000,000,000. D'aucuns diront alors qu'il faudrait stabiliser ou même réduire le prix de l'électricité. Mais il serait contraire au sens commun que notre électricité soit vendue à aussi bon compte par rapport aux autres types d'énergie. Cela conduirait, en effet, à un gaspillage de nos ressources hydro-électriques, qui, bien qu'abondantes, ne sont pas illimitées. En particulier, alors que les coûts d'énergie augmentent rapidement et que le taux d'inflation est vif, comment va-t-on persuader les citoyens qu'il faut économiser l'énergie si, pour ce qui a trait à l'électricité, c'est le seul prix qui baisse ou, en tout cas, n'augmente pas?

Il faut donc considérer, ce qui est d'ailleurs manifeste, que la nationalisation de l'électricité est le meilleur placement qu'ait jamais fait la collectivité québécoise et qu'il est maintenant temps que les $300,000,000 ainsi investis en 1963 commencent à rapporter à l'ensemble de la population. C'est-à-dire qu'à partir du début de 1982, Hydro-Québec, qui ne paie pas d'impôt sur ses profits, paiera au gouvernement une redevance.

Le montant de cette redevance ne doit toutefois pas être établi arbitrairement au gré des demandes du ministre des Finances. Il faut qu'en établissant ce montant, on tienne rigoureusement compte des assurances que, comme emprunteur majeur, Hydro-Québec doit fournir à ses créanciers.

Je propose donc que la loi d'Hydro-Québec soit modifiée non seulement pour prévoir le paiement d'une telle redevance, mais en outre pour établir que le montant devra satisfaire deux exigences: en premier lieu, les réserves constituées devront, en tout temps, représenter au minimum le quart de la somme des réserves et de la dette à long terme; en second lieu, les bénéfices d'exploitation moins la redevance devront représenter au moins l'équivalent des intérêts à payer sur la dette. Ces garanties pourraient être rehaussées si jamais un accroissement substantiel des investissements d'Hydro-Québec entraînait des niveaux d'emprunts qui exigeraient de procéder ainsi.

Les garanties que je viens d'énoncer sont, toutes les deux, plus sérieuses que n'importe quelle autre fournie par la plupart des compagnies d'électricité gouvernementales. Elles devraient donc amplement suffire.

À quoi servira la redevance payée par Hydro-Québec au gouvernement? Dans certaines provinces de l'Ouest du Canada, une partie des redevances sur le pétrole ou le gaz est placée dans un fonds spécial, tel le "Heritage Fund" en Alberta. Cela se comprend, puisqu'il s'agit de richesses non renouvelables. Une fois épuisés, les puits ne rendront plus rien. Encore faut-il noter que l'Alberta elle-même affecte à son fonds consolidé 70% de toutes les ressources qu'elle tire du pétrole et du gaz.

Puisque les redevances que nous tirerons d'Hydro-Québec proviennent de ressources perpétuellement renouvelables, il est normal qu'elles soient versées au trésor public. Nous en affecterons dorénavant une partie à deux types d'opérations reliées directement au développement économique: d'une part, aux programmes de modernisation des entreprises privées qui prennent de plus en plus de place dans nos budgets et qui doivent se développer bien plus encore, et, d'autre part, aux souscriptions au capital-actions des sociétés d'État au fur et à mesure de l'évolution de leurs plans d'expansion.

J'ai déjà indiqué que les sociétés de l'État québécois, qui, dorénavant, paieront des dividendes, paieront aussi leurs taxes et contributions comme toute entreprise, à part l'impôt sur les profits, bien sûr. Cela m'amène à décrire une réforme en profondeur de la fiscalité des entreprises qui va entrer en vigueur au cours de l'année qui vient.

Cette transformation de la structure des impôts des sociétés est la troisième des réformes majeures de la fiscalité entreprises par le présent gouvernement. En 1978, nous avons modifié profondément la structure de l'impôt sur le revenu des particuliers. En 1979 et 1980, c'était le tour de la fiscalité municipale et scolaire. En 1981, nous terminons avec les sociétés.

Dans un pays comme le Canada où un grand nombre d'entreprises fonctionnent dans plusieurs provinces, sinon dans toutes, la taxation des profits par chaque gouvernement provincial présente des problèmes considérables. La déclaration des profits attribuables à chaque province individuellement n'a guère de signification. On se débrouille, sans doute, avec des formules empiriques et approximatives. C'est ainsi qu'en prenant la moyenne arithmétique des salaires et des ventes dans chaque province on pense avoir une bonne idée des profits qu'on peut lui attribuer. Encore est-il enfantin de contourner les effets de ces gymnastiques. À l'occasion du dernier discours sur le budget, j'ai décrit la situation comptable des sociétés pétrolières dont les profits atteignaient des sommets sans précédent, mais qui, pour ce qui a trait à leurs raffineries montréalaises, ne déclaraient presque aucun profit au Québec.

De même, d'autres sociétés vendent leur production à une filiale située hors du

Québec dans des conditions telles que c'est la filiale qui fait l'essentiel des profits. Tout cela est parfaitement légal. Le ministère du Revenu arrive à modifier des comportements clairement abusifs, mais il faut reconnaître que le dépistage est malaisé et que toute loi provinciale de l'impôt sur les corporations présente en elle-même des carences fondamentales qui ne peuvent être éliminées.

L'idéal serait d'abolir l'impôt sur les profits et de le remplacer par autre chose, par exemple, par une taxe à la valeur ajoutée, comme il en existe dans plusieurs pays d'Europe ou comme, plus près de nous, l'État du Michigan vient d'en établir l'équivalent. Il s'agit manifestement d'une taxe indirecte dont le champ, on le sait, est fermé aux provinces. Le problème, donc, c'est qu'une telle taxe serait inconstitutionnelle.

Dans ces conditions, et en nous servant des instruments à notre disposition, nous procéderons à trois changements majeurs dans chacun des trois champs de perception qui s'appliquent aux entreprises: soit la contribution des employeurs au fonds de l'assurance-maladie, la taxe sur le capital et l'impôt sur les profits.

À partir du 1er avril, la contribution des employeurs au financement des programmes de santé passera de 1,5% à 3% de la feuille de paie. Dorénavant, cette contribution ne servira pas seulement à payer une partie du coût de l'assurance-hospitalisation. Le tout sera versé à un "fonds des services de santé".

Une telle contribution est facile à administrer. Elle est déductible du revenu imposable, ce qui en réduit le poids pour les entreprises, et est plus facilement absorbable dans une situation inflationniste où les salaires augmentent déjà d'environ 10% par année. Elle joue enfin dans le sens de l'accroissement de la productivité des entreprises, ce qui, dans le cadre de marchés de moins en moins protégés, est excellent. (21 h 10)

Ce sera la deuxième fois que cette contribution est augmentée. En effet, au début de 1976, le gouvernement qui nous a précédé l'avait fait passer de 0,7% à 1,5%, c'est-à-dire l'avait déjà doublée, sans donner de compensation aux entreprises, alors que, comme on le verra, j'ai l'intention, cette fois-ci, de compenser. Ajoutons que, dans le cas des municipalités dont le budget est maintenant fermé pour 1981, la hausse de la contribution d'employeur ne prendra effet que le 1er janvier 1982.

Nous avions hérité d'un assemblage de taxes sur le capital et sur les places d'affaires inutilement compliqué et dont certains éléments étaient plus remarquables par leur caractère de nuisance que par une intention fiscale intelligible. Nous avons, il y a deux ans, remplacé tout cela par une taxe sur le capital de 0,3% pour la plupart des entreprises, et de 0,6% pour les institutions financières.

J'annonce qu'à partir du 1er juillet, cette taxe passera à 0,45% et à 0,90% respectivement. Elle sera dorénavant payable par toutes les sociétés publiques à caractère industriel et commercial, au même titre que les entreprises privées. Les entreprises coopératives étaient, cependant, jusqu'à maintenant, exemptées de cette taxe et le resteront.

Si l'on suppose qu'un rendement normal sur le capital, à notre époque, est de l'ordre de 15%, une taxe de 3% sur ce rendement donnerait effectivement une taxe de 0,45% sur le stock de capital. C'est l'origine du chiffre.

Les contributions d'employeurs et la taxe sur le capital étant dorénavant de 3% sur la masse salariale et le rendement du capital, cela veut-il dire que l'impôt sur les profits devrait aussi être ramené à 3%? Effectivement, à partir du 1er juillet, l'impôt sur les profits de toutes les petites et moyennes entreprises, au sens de la Loi fédérale de l'impôt sur les corporations, sera réduit d'un crédit d'impôt de 10%, c'est-à-dire que leur taux nominal d'impôt sur les profits inférieurs à $150,000 par an tombera de 13% à 3%.

Pour les entreprises de plus grande taille, l'objectif est théoriquement le même, mais les modalités doivent en être ajustées. Il faut tenir compte du caractère déductible du revenu imposable à la fois des contributions d'employeurs et de la taxe sur le capital, des besoins financiers du gouvernement, et du fait qu'en ramenant leur taux d'impôt à 3%, elles économiseraient, au net, près de $185,000,000 par rapport à la situation actuelle. Cela est un peu riche.

Dans ces conditions, j'annonce que pour toutes ces entreprises, un crédit d'impôt de 5% sera applicable le 1er janvier 1982 et qu'il sera porté à 7,5% le 1er janvier 1983. Par la suite, on verra.

Il n'en reste pas moins qu'avec un pareil système de taxation des entreprises, le Québec sera, de toutes les provinces canadiennes, celle où le taux d'impôt sur les profits sera le plus bas, et de loin. Il sera intéressant de voir ce qu'une telle situation provoquera quant à l'affectation ou à l'imputation des profits par les entreprises. Mais plus encore, il sera intéressant de voir dans quelle mesure ces modifications pourront devenir un facteur important de développement économique et de localisation pour de nouvelles entreprises au Québec. Enfin, compte tenu du très bas taux d'impôt sur les profits, il ne sera plus utile de maintenir le fonds de relance industrielle. Mais ceux qui ont accumulé des sommes dans ce fonds pourront les retirer, dorénavant, à un rythme de 50% des investissements plutôt

que de 25%.

Parallèlement à la réforme générale de l'impôt et des contributions des entreprises, des modifications plus spécifiques du mode de taxation s'appliqueront à certaines catégories d'entreprises, pour harmoniser les pratiques et les obligations. C'est ainsi que les entreprises minières et les entreprises qui paient des droits hydrauliques devront les verser selon les mêmes modalités que celles qui s'appliquent au paiement d'impôt sur le revenu des sociétés ou à la taxe sur le capital. Une telle mesure les met sur le même pied que les autres entreprises à l'égard des impôts généraux. De même, les taxes payées à Québec par les entreprises d'électricité, de gaz et de télécommunications et qui sont versées ensuite aux municipalités comme "en-lieu" de taxe foncière sur les propriétés de ces entreprises seront maintenant payables dans les deux mois qui suivent la fin de l'année financière de ces entreprises.

L'impact financier de toutes les mesures que je viens d'annoncer, à l'égard des sociétés d'État et des entreprises, est considérable. On trouvera en annexe du présent discours sur le budget la décomposition des effets financiers et fiscaux prévus. Nous y reviendrons, cependant, brièvement à l'occasion des équilibres budgétaires pour l'année 1981-1982.

On aura noté que, jusqu'à maintenant, je n'ai pas discuté des impôts et des taxes qui s'appliquent aux particuliers. Il y a une raison à cela. Nous examinerons d'abord la situation des dépenses, et seulement ensuite on indiquera dans quelle mesure et jusqu'où l'on pense pouvoir pousser la réduction du fardeau fiscal des contribuables que nous poursuivons depuis trois ans.

L'orientation des dépenses, pour 1981-1982, a été, depuis quelques mois, fortement marquée par des opérations de compression. On a vu que la croissance des dépenses, en 1980-1981, a été nettement plus forte que celle des années précédentes. Il a donc été décidé d'en réduire la progression. Les décisions qui ont été prises, affectant tous les ministères du gouvernement, ont été vite connues du public.

Il faut d'abord saisir la raison de telles compressions. En première étape de la préparation du budget, on projette sur l'année suivante le coût des opérations et des programmes existants, sans rien y changer, mais en les ajustant simplement en fonction des taux prévus de salaires, d'inflation et d'intérêt. Puis on tient compte, selon le cas, des projections de clientèles et du coût, pour une année entière, des mesures prises au cours de l'année précédente.

Cette vaste opération de projection purement mécanique aurait produit, en 1981-1982, une augmentation de plus de 18% des dépenses par rapport à 1980-1981. Comme il apparaît nécessaire de réduire la progression des dépenses de 16,6% observée en 1980-1981, il va de soi qu'une augmentation de 18% était carrément inacceptable. Dans la mesure où la production courante du Québec va augmenter, cette année, de 11% à 12%, une hausse des dépenses de 12,5% à 13% serait raisonnable. Le secteur public resterait légèrement expansionniste, mais ne taxerait pas indûment les ressources du secteur privé.

Pourquoi la projection mécanique donne-t-elle quand même un aussi fort taux d'expansion?

Il y a à cela plusieurs explications. D'abord l'environnement économique a rapidement changé. C'est ainsi, par exemple, que, depuis deux ans, les perspectives du taux d'inflation à venir se sont singulièrement accrues. La combinaison de la hausse des prix du pétrole et du gaz, de la baisse du taux de change canadien et de l'effet sur les produits alimentaires de la sécheresse de l'été dernier aux États-Unis augmente de 2% à 3% la hausse des prix par rapport à ce qui était prévu lorsque les conventions collectives des secteurs public et parapublic ont été préparées.

Conséquemment, les clauses de protection du revenu des employés déclenchent des hausses de salaires.

Pour les mêmes raisons, il faut ajuster les subventions payées aux institutions d'enseignement et de santé pour ce qui a trait au coût de l'énergie et des aliments.

D'autre part, il apparaît d'ores et déjà que les taux d'intérêt vont rester, en 1981, à un taux très élevé, non pas par rapport à certains mois de 1980, où ils ont battu tous les records, mais par rapport à ce qu'on avait l'habitude de voir jusqu'ici.

Le gouvernement du Québec ne peut pas faire grand-chose à l'égard du taux d'inflation ou des taux d'intérêt, sauf adapter ses politiques en conséquence.

Dans d'autres cas, il doit payer des factures que des gouvernements précédents lui ont laissées. C'est ainsi qu'à l'égard des fonds de pension le gouvernement qui nous a précédé avait été à la fois prodigieusement généreux et fort imprévoyant. Maintenant, il faut payer. Assurer, sans rien y changer, le service des fonds de pension des secteurs public et parapublic implique qu'en 1981-1982 une hausse de 25% est nécessaire, soit près de un quart de milliard de dollars.

Enfin, des augmentations rapides de dépenses sont directement liées aux priorités du présent gouvernement, et il nous semble qu'elles doivent être sans doute contrôlées, mais néanmoins maintenues, même si cela veut dire que l'on coupe ailleurs dans des domaines moins essentiels. Deux exemples, parmi d'autres, peuvent être cités à cet égard. Le coût des subventions aux intérêts payés sur les emprunts des agriculteurs à l'Office du crédit agricole et des entreprises

à la Société de développement industriel augmentent depuis quelques années d'une façon saisissante. Il s'agit là, cependant, de politiques dont l'effet de levier sur la croissance économique est certain. (21 h 20)

En somme, en 1981-1982, il faut satisfaire deux objectifs à la fois. Limiter la hausse des dépenses globales à 12,5% ou 13%, d'une part, et, d'autre part, satisfaire les exigences combinées de l'environnement, économique dans lequel nous vivons, continuer de payer les factures dont nous avons hérité et poursuivre la réalisation des grandes priorités du gouvernement. Il faut donc réexaminer toutes les dépenses. .

Une voix: La dette olympique n'est pas éteinte.

M. Parizeau: La décision a été prise d'opérer des coupures de $1 milliard dans l'ensemble des dépenses. L'objectif, grâce à la collaboration de tous les ministères, a été à peu près atteint. Les ministères de l'Éducation et des Affaires sociales, étant les deux plus importants en termes de dépenses, sont aussi ceux qui ont fourni les plus fortes contributions, soit $500 millions. "Il faut noter, en outre, que 12 ministères sur 24 ont accepté un taux de croissance inférieur à 5%, alors que le taux d'inflation est de 12%. Voilà la preuve qu'il existe une certaine souplesse dans l'appareil gouvernemental et qu'il est possible d'y réaliser des économies tout en maintenant un niveau de services plus que satisfaisant.

Il, va de soi que les coupures ainsi opérées sont très nombreuses et touchent une. foule de secteurs. Certaines, même si elles choquent quelques spécialistes, n'auront guère d'effet sur le public. De même, des services fournis par le gouvernement sont payés à des prix ridiculement bas, dont certains n'ont pas été modifiés depuis des années. Il est temps de les ramener à un niveau plus en accord avec les prix de notre époque.

Dans certains cas, une sorte de rigueur s'impose. Ainsi, les établissements de santé et d'éducation ont été invités à resserrer les règles de recrutement et d'affectation de leurs employés au moins aussi rigoureusement que le gouvernement l'a fait à l'égard de ses propres fonctionnaires. Les sommes ainsi économisées permettront au gouvernement de ne pas indexer l'ensemble des autres dépenses, à l'exception de celles engagées pour l'énergie et la nourriture.

Dans d'autres cas, où l'on juge que le personnel est trop nombreux, les budgets seront bloqués de façon à laisser l'attrition jouer fortement. La plupart des employés des secteurs public et parapublic ont la permanence d'emploi. Mais, sur 330,000 salariés, 20,000 disparaissent chaque année. On n'est pas forcé de les remplacer tous.

Enfin, des choix difficiles ont dû être faits. C'est ainsi, par exemple, que la hausse rapide du coût du transport en commun attribuable, entre autres, à la généralisation de la carte d'abonnement mensuel, si profitable aux usagers, ne permet pas, cette année, d'affecter autant d'argent qu'on le voudrait à l'expansion du réseau routier. Lorsque, l'an prochain, la progression du coût du transport en commun se sera un peu ralentie, on pourra reprendre un programme plus vigoureux de construction de routes.

De même, puisque le gouvernement fédéral a maintenant dépensé la totalité des sommes qu'il prévoyait affecter à la construction de silos à la ferme, il est clair que le gouvernement du Québec ne peut pas ramasser à sa place les factures à venir. Cela veut dire que ces projets sont toujours admissibles aux prêts subventionnés par l'Office du crédit agricole, mais que le programme spécial fédéral-provincial ne peut être remplacé par un programme exclusivement provincial. Nous n'en avons pas les moyens, à défaut d'un nouvel accord avec Ottawa.

Le secteur qui a le plus réagi aux coupures est celui des universités. Je souhaiterais soumettre, à ceux qui se font les défenseurs de la qualité de l'enseignement universitaire, les considérations suivantes. Les universités au Québec embauchent 28,000 personnes, soit un nombre équivalent à plus de 40% des employés de l'ensemble de la fonction publique. Est-ce déraisonnable de leur demander de procéder comme les hôpitaux, les commissions scolaires et les ministères, c'est-à-dire surveiller la ligne et contrôler le poids?

Une voix: Weight Watchers.

M. Parizeau: Face au contribuable, il n'y a pas de programmes qui soient des vaches sacrées. Il n'y a qu'un gouvernement qui choisit le mieux possible avec les moyens dont il dispose en ne perdant jamais de vue les intérêts de ceux qui paient les impôts.

Malgré l'importance des coupures effectuées, il n'en demeure pas moins que la croissance rapide et continue des sommes devant être affectées aux fonds de pension est préoccupante. Avant longtemps, ces sommes représenteront près de 10% de tout le budget du Québec. Jusqu'à maintenant, le gouvernement actuel a tenu à respecter les obligations contractées par ceux qui l'avaient précédé. Mais la situation devient insupportable. Elle est parfois même aberrante. Un employé marié peut actuellement, à certains niveaux de salaire, prendre sa retraite à des conditions qui sont telles que, compte tenu des allocations de sécurité de vieillesse, des dispositions de

l'impôt, de la Régie des rentes et des pensions du gouvernement, il disposera, dès l'âge de 65 ans, d'un pouvoir d'achat supérieur à celui qu'il avait à l'époque où il travaillait. Cela dépasse un peu les bornes du raisonnable.

Sans doute, par des mesures administratives, peut-on, en partie, rectifier la situation. Globalement, toutefois, nous admettons qu'on ne peut remettre en cause des droits véritablement acquis. Il faut, en tout cas, arrêter l'hémorragie. J'annonce donc qu'à partir du 1er janvier prochain tous ceux qui entreront dans les secteurs public et parapublic devront accepter les conditions de pension suivantes: en premier lieu, leur pension sera indexée au coût de la vie au-delà seulement d'un certain seuil qui sera annoncé plus tard, mais qui sera probablement de l'ordre de 3%. En second lieu, le coût de ce programme de pension sera partagé moitié-moitié entre employeur et employé. La plupart de ceux qui travaillent dans le secteur privé, où les pensions ne sont souvent pas indexées du tout, trouveront sans doute ces conditions encore très favorables. Elles permettront, en tout cas, au gouvernement, au fur et à mesure du renouvellement de la main-d'oeuvre, de réduire l'ampleur de ses obligations et, donc, celles de l'ensemble de la population.

Après avoir modifié la structure des impôts et des contributions des sociétés d'État et des entreprises, et après avoir ralenti la croissance des dépenses, il nous reste à déterminer ce qui arrivera quant aux impôts qui s'appliquent aux particuliers. Après tout, c'est à cela que doit aboutir n'importe quel budget d'un gouvernement qui a fait de la réduction du fardeau fiscal des particuliers une de ses principales priorités.

Encore faut-il reconnaître que le premier geste que nous poserons ne les avantage pas. Il découle du lourd héritage olympique laissé sans financement adéquat par l'administration précédente. Il nous faut trouver, en effet, un moyen de refinancer le Fonds spécial olympique. Il est maintenant apparent que la dette encourue pour financer les installations olympiques, ou bien ne sera pas remboursée avant l'an 2000, si les taux d'intérêt baissent par rapport à ce qu'ils sont aujourd'hui, ou alors ne sera jamais remboursée, s'ils demeurent à un niveau élevé. Loto-Canada, qui devait servir à financer une partie de la dette, a rapporté $175 millions de moins que prévu. La taxe spéciale sur le tabac a aussi rapporté $80 millions de moins que prévu. Les emprunts contractés par le précédent gouvernement sont à taux d'intérêt variables, c'est-à-dire coûtent beaucoup plus cher aujourd'hui que quand ils ont été conclus.

Il faut tout de même que l'on finisse par payer le stade. Si on fixait à dix ans, par exemple, l'échéance du remboursement de cette dette, il manquerait environ $50 millions par an, en moyenne, dans le Fonds spécial olympique.

Pour pallier cette carence, j'annonce qu'à partir de ce soir, minuit, les taxes sur le tabac sont portées de 40% à 45%, ce qui voudra dire environ $0.04 le paquet de 25 cigarettes. 30% du produit de la taxe seront, dorénavant, affectés au Fonds spécial olympique et l'on pourra ainsi espérer en finir avec cette dette.

Passons maintenant aux choses plus sérieuses.

La réforme de l'impôt sur le revenu établie il y a trois ans, c'est-à-dire en 1978, comportait trois éléments distincts: une nouvelle échelle d'impôts favorisant les contribuables à revenus moyens et modestes, mais augmentant le fardeau fiscal des revenus les plus élevés; deuxièmement, l'augmentation de certaines exemptions personnelles, en particulier celles des personnes mariées, des personnes âgées et des enfants à charge de 18 ans et plus; et, en troisième lieu, la mise en place d'un système d'indexation annuelle des exemptions personnelles.

L'indexation a dû être retardée jusqu'au début de 1980, le gouvernement du Québec ayant dû d'abord éponger les résultats de la décision du gouvernement fédéral de jouer à sa guise avec l'argent qu'il devait au trésor public québécois dans l'affaire de la taxe de vente. Finalement, tout a été mis en place et l'on a pu, en outre, introduire, l'été dernier, une réduction de 3% de toute l'échelle des impôts.

Nous allons poursuivre la même politique un an de plus. Dès le 1er janvier 1982, toutes les exemptions personnelles seront augmentées de 7,5%. En outre, à à la même date, la réduction de 3% de l'impôt des particuliers annoncée l'an dernier sera portée à 5%. (21 h 30)

Si on cherche à faire le point de la situation engendrée par la réforme de l'impôt au Québec, on peut maintenant l'évaluer de la façon suivante. Avant que nous arrivions au pouvoir, les exemptions personnelles n'étaient qu'occasionnellement augmentées et la structure générale des taux modifiée.

En pratique, cela voulait dire qu'au fur et à mesure que les revenus montaient en réponse à l'inflation, chaque contribuable voyait son revenu imposable atteindre un taux marginal d'impôt plus élevé. L'impôt à payer augmentait donc beaucoup plus vite que le revenu et dépossédait graduellement les contribuables de leur pouvoir d'achat. Le Québec était la seule province à agir ainsi. C'est pourquoi le fardeau fiscal des Québécois est devenu le plus lourd de toutes les provinces canadiennes. C'est aussi la raison pour laquelle le gouvernement du

Québec, à l'époque, pouvait accroître ses dépenses de 20% ou 22% par an. La correction et l'indexation des exemptions personnelles que nous avons mises en place donnent maintenant les résultats suivants, en incluant ce que je viens d'annoncer. L'exemption personnelle de base aura été haussée de 30%, celle de personne mariée est passée de $1900, avant la réforme, à $3510 à partir du 1er janvier prochain, c'est-à-dire a augmenté de 85%. Les exemptions additionnelles pour les personnes de 65 ans et plus sont passées de $1000 avant la réforme à $1950 l'an prochain.

En pratique, cela veut dire qu'un couple de personnes âgées ne paiera aucun impôt sur le revenu au Québec l'an prochain si son revenu est inférieur à $13,460. Enfin, les exemptions pour les enfants à charge de 18 ans et plus auront augmenté de plus de 110%.

On peut se rendre compte, à partir des chiffres suivants, à quel point le gouvernement a fait une priorité de la réduction du fardeau fiscal des contribuables à revenu moyen ou modeste. Un individu, taxé comme marié, gagnant $10,000, aurait payé $443 d'impôt en 1979; il en paiera $138 en 1982. Mieux que cela, puisque les revenus augmentent, le contribuable taxé comme marié, qui gagnait $15,000 en 1979, a payé 9% de son revenu en impôt au Québec. S'il gagne $20,000 en 1982, le pourcentage d'impôt à payer est à peu près le même. Si l'ancien système, qui existait lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, était encore en vigueur, le même contribuable aurait payé un peu plus d'impôt en 1979, soit 10,8%, et presque la moitié plus d'impôt en 1982, soit 13,3%.

De même, s'il gagnait $20,000 en 1979, et s'il en gagne $26,000 en 1982, avec la formule actuelle, ses impôts payables au Québec restent en pourcentage au même niveau, soit 12%. L'ancien système l'aurait forcé à payer 13,3% en 1979, et 15,3% en 1982.

Et si l'on ajoute à ces mesures les exemptions de taxe de vente sur les vêtements et textiles, chaussures et meubles, le gouvernement peut considérer, à la fin de son premier mandat, qu'il a effectivement fait un bon bout de chemin pour ralentir et puis arrêter l'alourdissement insensé du fardeau fiscal du citoyen ordinaire.

Des voix: Bravo!

M. Parizeau: On peut maintenant faire un pas de plus. La fiscalité familiale en est encore, chez nous, à ses premiers balbutiements. Il s'en faut de beaucoup que le régime des impôts applicable à la femme mariée soit à la fois assez généreux et assez flexible pour s'adapter correctement aux circonstances de la vie au foyer et de la vie au travail.

Nous avons néanmoins posé jusqu'à maintenant quelques gestes significatifs. C'est ainsi que, pour la femme mariée qui travaille à l'extérieur, nous avons augmenté de $240 les paiements consentis par l'assurance-chômage à l'occasion d'un congé de maternité. De plus, il y a quatre ans, nous avons établi qu'une femme qui se retire temporairement du marché du travail pour élever ses enfants obtient un crédit de rente pour tout enfant de 0 à 6 ans. De même, l'an dernier, nous avons permis à un conjoint de déduire de son revenu imposable le salaire qu'il verse à l'autre conjoint lorsqu'ils travaillent ensemble. Enfin, comme je le soulignais précédemment, l'exemption personnelle de la femme mariée qui ne travaille pas à l'extérieur a été augmentée de 85%. Il reste cependant bien du chemin à faire. Quoique l'état des finances publiques soit serré, le gouvernement a décidé de franchir encore une étape. Il s'agit du paiement de frais de garde des enfants d'âge préscolaire. Une femme qui travaille à l'extérieur peut déjà déduire de son revenu imposable $2000 par an par enfant jusqu'à concurrence de $6000 par an. Cette déduction existe depuis quelques années et nous avons eu l'occasion de l'augmenter à son niveau actuel, il y a deux ans. Il faut reconnaître, cependant, les imperfections de la formule. La déduction a d'autant plus de valeur que le salaire est élevé. Beaucoup de femmes travaillent à temps partiel et sont peu rémunérées pour leurs travaux. D'autres font garder leurs enfants selon des arrangements qui se prêtent mal à l'obtention de déductions aux fins de l'impôt. Tout cela est finalement bien rigide.

Dans ces conditions, je propose qu'à partir de l'année d'imposition 1981, le système applicable aux frais de garde soit modifié. Tous les bénéficiaires actuels d'allocations familiales qui ont des enfants de moins de six ans pourront réclamer une allocation de disponibilité tenant lieu de crédit d'impôt. Cette allocation sera de $400 pour un enfant de moins de six ans, de $600 pour deux enfants de cet âge, de $700 pour trois enfants et de $100 de plus pour chaque enfant additionnel de moins de six ans. Cette allocation sera payée en un seul versement annuel, sur demande, en retournant un court formulaire inclus dans l'envoi des chèques d'allocations familiales de février prochain.

La femme qui travaille régulièrement à l'extérieur pourra utiliser ce chèque pour défrayer une partie du coût des frais de garde. La femme qui ne travaille pas à l'extérieur ou qui ne travaille qu'occasionnellement utilisera le montant du chèque comme elle l'entend.

Quant aux exemptions actuelles pour les frais de garde, elles continueront de s'appliquer aux enfants de six ans et plus.

Ainsi s'amorce avec les moyens modestes dont nous disposons un système d'aide aux familles qui est neutre, en ce sens qu'il ne cherche pas à favoriser un mode de vie plutôt qu'un autre. On reconnaît simplement que, dans la détermination de l'aide financière aux familles, l'État n'a pas à juger s'il est préférable ou non que les deux membres d'un couple travaillent à l'extérieur. Tous et toutes seront, autant que faire se peut, traités sur le même pied. Cette mesure coûtera en 1982 environ $185 millions, et les chèques arriveront en même temps que les remboursements d'impôt. Encore une fois, la femme qui n'a pas de revenu personnel et qui ne paie pas d'impôt le recevra comme toute autre.

Cette année encore, le gouvernement du Québec va poursuivre sa politique de réduction sélective de la taxe de vente. L'an dernier, nous avions enlevé la taxe sur les meubles. Cette année, on aborde les équipements ménagers. En reconnaissant que l'équipement de base de tout logement, à notre époque, comporte au moins un réfrigérateur et une cuisinière, j'annonce qu'à partir de ce soir, minuit, la taxe de vente est supprimée sur ces deux types d'appareils.

En outre, dans le cas des chaussures et des bottes, on a supprimé la taxe de vente pour tous les achats de moins de $100, il y a deux ans. À cause de la hausse des prix, j'annonce qu'à partir de minuit ce soir le plafond est relevé jusqu'à $125. Il n'y aura donc plus de taxes sur les achats de chaussures et de bottes jusqu'à ce prix.

Enfin, deux modifications mineures, mais néanmoins intéressantes, seront apportées à la Loi de l'impôt pour corriger des anomalies existantes. C'est ainsi qu'à certaines conditions les intérêts payés à l'occasion d'un emprunt sur une police d'assurance pourront être déduits du revenu, lorsque le prêt est utilisé pour gagner un revenu. De même, on assouplira certaines dispositions de l'impôt sur les dons concernant le prêt d'un actionnaire à sa corporation. Enfin, le gouvernement paiera dorénavant les intérêts sur les remboursements d'impôt en adaptant la formule qu'il applique sur les autres comptes, c'est-à-dire à partir de 60 jours après réception de la déclaration, mais sans en imputer pour la période qui précède la date statutaire de production. (21 h 40)

Voilà, en somme, les principales dispositions des modifications apportées à la fiscalité des particuliers. Les baisses d'impôt ne seront pas très coûteuses pour le Trésor public en 1981-1982. Elles le seront bien davantage l'année suivante et confirmeront, une fois de plus, la préoccupation du présent gouvernement d'atténuer la charge fiscale des contribuables, tout en ouvrant une nouvelle voie à la fiscalité familiale.

Il nous reste, pour terminer cette section du discours sur le budget, à nous poser la question suivante. Imaginons que depuis qu'il est au pouvoir, le gouvernement ait simplement maintenu la structure de l'impôt sur le revenu telle qu'elle existait alors. De combien plus élevé serait l'impôt sur le revenu des particuliers en 1981 par rapport au régime tel que nous l'avons modifié? La réponse est $1,300,000,000, soit près de $500 par contribuable. De plus, la hausse des exemptions personnelles et la baisse des taux d'impôt qui s'appliqueront en 1982 réduiront le fardeau des contribuables, cette année-là, de $420 millions. Enfin, l'abolition d'un grand nombre de taxes de vente a réduit de $350 millions par année la charge fiscale des consommateurs. Voilà le résultat de quatre années de persistance.

Des voix: Bravo!

Passons, enfin, à l'examen des équilibres financiers pour l'année 1981-1982.

Avant d'aborder le tableau de l'équilibre des comptes du gouvernement pour 1981-1982, il faut résumer brièvement le genre de stratégie qui est mise en place aujourd'hui, aussi bien à l'égard des revenus que des dépenses, et souligner l'impact financier de la plupart des grandes mesures qui ont été annoncées.

Les paiements du gouvernement fédéral au gouvernement du Québec ont augmenté, on l'a vu, de moins de quatre pour cent en 1980-1981. Ils n'augmenteront pas plus, en moyenne, si rien n'est changé, au cours des deux prochaines années. On peut facilement se rendre compte de l'énorme manque à gagner que cela représente pour le Québec. Si les paiements fédéraux augmentaient au même rythme que l'inflation, le Québec aurait reçu $230 millions de plus en 1980-1981, recevrait $460 millions de plus 'en 1981-1982, et environ $940 millions de plus en. 1982-1983. Faire perdre au Québec des sommes pareilles, c'est le placer dans un étau financier. Un des appâts utilisés pour maintenir le Québec dans la fédération, c'est-à-dire la péréquation, servirait maintenant à le prendre au piège. Tant que le Québec n'aura pas atteint à sa souveraineté, un tel danger existera.

Des voix: Bravo!

M. Parizeau: Quoi qu'il en soit...

Une voix: Bravo, Jacques!

M. Parizeau: ...on a modifié la taxation des entreprises publiques et privées et leurs contributions aux régimes de santé, ce qui rapportera au gouvernement du Québec $460 millions en 1981-1982, $420 millions l'année suivante et environ $350 millions la troisième

année.

Pour les entreprises privées dans leur ensemble l'opération n'est pas pénible, au contraire. Elles paieront nettement moins d'impôt, l'augmentation de leurs contributions et celle de la taxe sur le capital étant en partie compensées par le fait qu'elles sont déductibles du revenu imposable. Lorsque le crédit d'impôt accordé aux grandes compagnies atteindra 7,5 pour cent le 1er janvier 1983, elles paieront globalement $85 millions de moins d'impôt qu'aujourd'hui. Si on poursuit le crédit d'impôt jusqu'à 10 pour cent, l'ensemble de leurs charges fiscales baisserait, comme on l'a déjà signalé, de $183 millions.

Les dividendes des sociétés d'État rapporteront, en 1981-1982, $165 millions environ. Dans l'hypothèse d'une hausse des tarifs d'électricité du même ordre que le taux d'inflation prévu, ces dividendes augmenteraient assez vivement d'ici quelques années, alors même que le changement du régime de taxation des entreprises deviendra moins avantageux pour le trésor public.

Finalement, la réduction des impôts des particuliers se poursuivra. Les mesures annoncées ce soir coûtent une centaine de millions de dollars en 1981-1982, mais elles représentent un allégement de plus de $550 millions au fardeau fiscal en 1982-1983. Et ces mesures, comme je le disais précédemment, annoncent un mouvement graduel pour faciliter la vie des familles au Québec.

Quant à la réforme de la fiscalité municipale, en vigueur depuis plus d'un an, elle aura permis au gouvernement de transférer plus de $400 millions aux municipalités et aux communautés urbaines. On se souviendra que le gouvernement paie maintenant toutes les taxes foncières sur ses propres immeubles, 80% des taxes sur les immeubles destinés aux services de santé, sur les universités et les CEGEP et 40% des taxes sur les écoles primaires et secondaires. Il n'y aura pas de transfert additionnel en 1981-1982; la réforme est trop récente et ses avantages encore trop palpables. En tout cas, les versements des "en-lieu" de taxes par le gouvernement seront faits, à partir de l'an prochain, en deux versements, à dates fixes. À partir de 1982-1983, on devrait commencer à augmenter les pourcentages de façon que, quatre ans plus tard, les taxes soient pleinement payées sur tous les immeubles des réseaux. Plût au ciel que le gouvernement fédéral fasse de même. Mais le freinage des ressources qu'il applique au gouvernement du Québec, il le prolonge à l'égard des municipalités.

Une voix: C'est vrai, cela.

M. Parizeau: Quoi qu'il en soit, voilà la stratégie à l'égard des impôts, tel qu'on peut en projeter les effets sur les quelques années qui viennent.

Quant aux dépenses, les compressions faites cette année devraient permettre à la fois le maintien de la qualité des services et le prolongement des politiques suivies par le gouvernement, sans dépasser les bornes d'une augmentation raisonnable. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, si on fait abstraction de la hausse des contributions d'employeur au titre des services de santé, les dépenses devraient augmenter de 12,8%, ce qui est tout à fait raisonnable dans le contexte actuel. Encore faut-il être en mesure de respecter un tel objectif. Il faut donc améliorer nettement les mesures de contrôle. Déjà, on a noté que les dispositions prises à l'égard des dépenses des commissions scolaires par le ministère de l'Éducation ont produit d'excellents résultats. Un tel succès ouvre la voie à d'autres mesures du même genre ailleurs. Les budgets fermés ont un indiscutable mérite. En outre, le Conseil du trésor a mis un an à établir un mode de contrôle mensuel dés dépenses des ministères. On pourra maintenant rectifier le tir tout au long de l'année et non pas seulement à la fin, quand des dépassements sont devenus inévitables.

De même, le ministère des Finances a amélioré les techniques de projection mensuelle des opérations de caisse, qui servira de double contrôle aux déboursés qui seront scrutés par le Conseil du trésor. Dans ce sens, on peut penser que l'encadrement du budget des dépenses permettra d'atteindre les objectifs visés.

Voici alors comment se présentent les équilibres financiers pour 1981-1982. Je dépose, en deux copies, le tableau sur l'état des opérations financières 1981-1982. (Voir annexe B).

Le déficit des opérations budgétaires à $2,970,000,000 sera à peu près le même que celui qui a été atteint en 1980-1981. Le surplus des opérations non budgétaires, qui doit être déduit du déficit budgétaire pour déterminer les besoins d'argent du gouvernement, atteindra $980 millions, soit 55% de plus qu'en 1980-1981. Dans ces conditions, les besoins financiers nets devraient être de $1,990,000,000, soit $355 millions de moins que cette année. Enfin, si l'on tient compte de remboursements d'emprunts de $750 millions, les emprunts totaux devraient être de $2,740,000,000, soit un niveau inférieur de près de $550 millions à ceux de 1980-1981. . .

Compte tenu d'un taux d'inflation de 12%, de tels résultats représenteront donc un fardeau nettement moins lourd que pour l'année qui s'achève. Le financement des emprunts sera, comme d'habitude, assuré pour une part par la Caisse de dépôt et placement du Québec, dont j'attends environ $1,100,000,000, soit environ 45% des fonds

dont elle disposera. D'autre part, après l'énorme émission d'obligations d'épargne de l'an dernier qui, je le rappelle, a rapporté plus de $900 millions, il faudra cette année en faire une autre au moins pour assurer les remboursements. On essaiera, cependant, d'en limiter le montant à moins de $400 millions. Le reste des emprunts nécessaires, soit environ $1,200,000,000, sera emprunté sur les marchés financiers conventionnels. (21 h 50)

M. le Président, le Québec aura rarement connu une conjugaison de circonstances difficiles comme celle qu'il vit aujourd'hui. L'économie nord-américaine, à laquelle il appartient si étroitement, traverse une phase de stagnation générale. D'autre part, nous sommes aux prises avec une tentative délibérée du gouvernement fédéral de nous transférer une partie du déficit considérable qu'il a tellement de difficulté à maintenir dans les bornes de l'acceptable. Enfin, le coup de force constitutionnel d'Ottawa menace d'enlever au Québec des droits aussi traditionnels que fondamentaux.

Et, pourtant, les Québécois peuvent être fiers de la façon dont ils font face à ces difficultés. Sur le plan économique, le remarquable dynamisme des entreprises, appuyé par les politiques du gouvernement, permet au Québec de passer l'ère de stagnation, que l'Amérique du Nord connaît, bien mieux que d'autres régions.

Pour ce qui a trait aux finances publiques, sans renoncer aux priorités et aux orientations fondamentales que nous nous sommes fixées, nous sommes en mesure, maintenant et pour les quelques années qui viennent, de ne pas avoir à accepter n'importe quel règlement avec Ottawa, qui chercherait à nous mettre aux abois. L'effort de redressement des finances publiques du Québec, lancé depuis quatre ans par le présent gouvernement, se poursuit.

Sur le plan politique, le Québec, dix mois après le référendum, non seulement n'est pas isolé, mais, face à la crise constitutionnelle que nous connaissons, a réussi, grâce à son gouvernement, à trouver les appuis extérieurs qu'il lui fallait.

C'est donc dans une position de force que nous voulons aborder les années qui viennent et que nous avons bon espoir d'y réussir, jusqu'à ce que, à nouveau, après des luttes que nous avons si souvent connues dans le passé et dont nous voyons qu'on veut encore nous les imposer, nous puissions proposer à nos concitoyens, calmement, et avec la confiance en soi qui vient des défis bien relevés, la forme définitive de notre avenir national.

Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Parizeau: M. le Président, en vertu des coutumes, je dois maintenant faire la motion suivante: je propose que cette

Chambre approuve la politique budgétaire du gouvernement.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition officielle.

Commentaires de l'Opposition M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, avant d'exercer le droit de parole que me confèrent les règlements de cette Chambre, je voudrais de nouveau signaler les graves incidents qui se sont produits en rapport avec le budget dont nous venons d'entendre la présentation ce soir. Les privilèges des membres de cette Chambre me semblent avoir été violés de manière ouverte et expresse par la publication, dans le journal de Montréal et de Québec, ce matin, sous la signature de M. Normand Girard, d'un article dans lequel on indiquait, avec beaucoup de précision, la plupart des mesures budgétaires qui ont été confirmées par le ministre des Finances ce soir.

Je pourrais donner des exemples, je pense que ça vaut la peine que je les donne, parce que autrement, le public ne sera pas au courant de ce que nous voulons dire. M. Girard annonçait ce matin, en toutes lettres, que le ministre des Finances, dans son discours du budget, accorderait un crédit d'impôt gradué pour tous les enfants de moins de six ans, qu'il abolirait la taxe de vente de 8% sur les cuisinières et les réfrigérateurs, qu'il augmenterait pour la énième fois le prix de la cartouche de cigarettes, qu'il annoncerait un déficit qui serait tout près de $3 milliards. Franchement, le budget était presque complètement présenté dans l'article de ce matin. Je ne veux pas insinuer que je voudrais blâmer le journaliste qui a eu l'habileté de se procurer ces renseignements, mais il me semble que le ministre des Finances a gravement failli au devoir de discrétion qui lui incombe dans de pareilles circonstances. Dans tout autre Parlement que celui-ci, un événement aussi grave de conséquences possibles aurait été un sujet d'inquiétude profonde. J'ai constaté que du côté gouvernemental, on prend ces événements à la légère, comme on le fait trop souvent quand on soulève les privilèges de cette Chambre.

Je veux porter à votre attention, avec toute la gravité qui s'impose, le caractère tout à fait inusité de cette fuite de renseignements qui indique que le ministre des Finances a très peu de contrôle sur les documents qui circulent dans son bureau.

Si on n'était pas si proche d'une élection, on attendrait que le premier

ministre nous fasse peut-être part des mesures qu'il entend prendre devant de tels développements, mais je pense que cela ne servirait à rien à ce stade tardif. Il est bon que nos concitoyens sachent que nous avons assez de respect pour les privilèges des membres de cette Chambre pour ne pas être scandalisés de ce qui s'est produit.

Je voudrais maintenant, dans les quelques minutes qui me sont accordées par le règlement, communiquer quelques impressions sur le budget que nous venons d'entendre. J'ai remarqué que le ministre des Finances n'avait pas cette fois-ci l'assurance entière et altière qu'il avait coutume de professer dans ses discours du budget antérieurs. Cette espèce de modestie retenue jusque vers les dernières pages en tout cas qu'il a manifestée nous le rend plus sympathique, même s'il demeure le principal artisan des maux avec lesquels il se débat aujourd'hui. Nous avons entendu nos amis du gouvernement applaudir à plusieurs reprises vers la fin du discours, mais avant d'en venir à l'examen des mesures qui nous ont été annoncées, je pense qu'un examen de la crédibilité du témoin s'impose à la lumière de sa performance passée.

Le ministre, à la veille du présent exercice, s'était engagé à comprimer les dépenses, à stimuler l'économie, à continuer de chercher à assainir les finances de l'État. Or, sur chaque front, il a lamentablement failli à la tâche. Les dépenses ont excédé les prévisions qu'il nous avait soumises en mars dernier par plus de $450 millions, et les revenus qu'il avait anticipés ont été inférieurs de $150 millions à ses prédictions, ce qui explique que le déficit semble devoir être supérieur pour le présent exercice de 30% aux prévisions du ministre. C'est assez conforme à la moyenne qu'il a maintenue au cours des quatre dernières années. Jamais on n'a vu un ministre des Finances présenter des prévisions aussi éloignées de la réalité. Contrairement à ce qu'a soutenu le ministre des Finances, il faut dire que le Québec continue de financer une part beaucoup trop importante de ses dépenses courantes à même l'endettement. Pour le présent et pour l'exercice à venir, la part des dépenses courantes qui sera financée à même l'endettement sera de l'ordre de $2 milliards à $2 milliards et demi, quoi qu'en prétende le ministre. Je souligne que nous avions dit l'an dernier, le soir du budget, que le déficit de l'exercice, mais du côté gouvernemental on ne nous a pas crus, évidemment, serait de $3 milliards.

Une voix: Prévu à $2,300,000,000.

M. Ryan: Le ministre avait prévu un déficit de $2,300,000,000 et le déficit est de l'ordre de $3 milliards. À toutes fins utiles, c'est environ $2,900,000,000. Le ministre a eu de la pudeur. Il n'a pas voulu employer le chiffre de $3 milliards, mais c'est ce chiffre qu'il faut retenir.

Le ministre avait promis de stimuler l'économie. Tous les indices qu'on peut invoquer pour examiner la performance de l'économie indiquent que là aussi le ministre s'était dangereusement trompé.

L'augmentation du produit intérieur brut avait été fixé autour de 1,5%, elle a été de cinq fois inférieure, c'est-à-dire de 0,3%. (22 heures)

Le chômage a monté de 9,6% à 9,9%. Il a augmenté de 16,000. Il est à tout près de 300,000 actuellement. On donne le chiffre de 292,000, mais c'est très près de 300,000.

Si on regarde le mouvement des investissements, surtout dans le secteur privé, on constate que le Québec a continué de traîner la patte dans ce domaine, comme il l'a fait d'ailleurs depuis les quatre années et demie que le gouvernement péquiste est au pouvoir.

La dette publique aura augmenté de $3 milliards au cours du dernier exercice. Je n'insiste pas là-dessus, parce que j'y reviendrai à propos du budget de l'exercice à venir.

J'entendais tantôt nos amis du gouvernement applaudir, quand le ministre des Finances s'est vanté d'entrevoir des besoins financiers pour le prochain exercice de l'ordre d'à peu près $2 milliards. L'an dernier, il nous avait annoncé, avec son assurance d'autrefois, des besoins financiers de l'ordre de $1,770,000,000. Or, les vrais besoins financiers ont été de $2,345,000,000, c'est-à-dire une légère différence de 32,5%. Toute personne, tout chef d'entreprise, M. le Président, qui conduirait son entreprise avec de telles marges d'écart serait en liquidation depuis longtemps.

Le ministre des Finances avait entrevu des emprunts de l'ordre de $2,220,000,000. Or, les emprunts ont été en fait de $3,285,000,000 bien sonnés; $1 milliard d'erreur, ce n'est pas grand-chose pour nos amis d'en face. Ils applaudissent autant les déficits de $3 milliards.

Quand on pense maintenant à l'exercice à venir, il est évident que le gouvernement, s'il allait rester en place, continuerait à entraîner le Québec sur la pente glissante où il l'a engagé dès la deuxième année du gouvernement péquiste. La première année, je l'ai dit à maintes reprises dans cette Chambre, la performance du ministre avait été très respectable, mais depuis ce temps-là, les déficits n'ont cessé de s'accroître et l'endettement du Québec n'a cessé de s'aggraver. Il prévoit pour le prochain exercice un déficit de $2,970,000,000. Encore la même pudeur! Ne mentionnons pas le chiffre 3: $2,970,000,000. Je lui prédis tout de suite que, si le gouvernement actuel reste au pouvoir, le déficit réel sera de

$3,500,000,000 à $4 milliards.

Ce que le ministre n'a pas indiqué dans son discours, c'est le coût de la dette publique qui était de $500,000,000 par année, quand il a pris la charge des finances publiques, qu'il s'était engagé à assainir. Ce sont seulement les intérêts qu'il faut payer pour financer les emprunts qu'on devra rembourser plus tard. Pour l'exercice 1981-1982, le coût de la dette sera de $1,500,000,000, c'est-à-dire trois fois plus, trois fois plus cher que quand M. le ministre des Finances a pris la charge des finances publiques avec l'engagement solennel de les assainir. C'est assez formidable comme résultat. Un critère qu'on emploie très souvent pour mesurer l'importance d'un déficit, c'est le rapport entre le déficit et le montant total des dépenses. En 1976-1977, dernière année de l'administration précédente et la plus mauvaise au point de vue financier - le ministre le souligne souvent, mais il oublie de parler des six années qui avaient précédé celle-là - le rapport entre le déficit et les dépenses totales était de 9,3%. En 1981-1982, le rapport entre le déficit et les . dépenses totales sera de 16% à 17%.

Au point de vue de la fiscalité - on a applaudi beaucoup tantôt...

Une voix: Ça applaudit moins fort.

M. Ryan: Oui, ça applaudit moins fort, M. le Président. C'est vrai et je défie qui que ce soit de contredire ces chiffres. Au point de vue de la fiscalité, on a applaudi de l'autre côté de manière compréhensible à certaines mesures ponctuelles annoncées par le ministre et qui apporteront certains allégements ici ou là. Mais ce qu'on n'a pas compris, apparemment, c'est que la ponction fiscale globale exercée par le gouvernement pour le prochain exercice va continuer d'être très élevée. Si j'ai bien lu les chiffres qui sont dans le document du ministre, l'augmentation des revenus autonomes, pour le prochain exercice, sera de l'ordre de 19%. Le ministre aura beau donner une petite allocation ici et couper ceci, s'il va le chercher dans la poche du même contribuable par d'autres moyens, s'il va le chercher en augmentant les charges d'Hydro-Québec, les charges de la Commission de santé et de sécurité du travail ou ce qu'on voudra, ça revient au même. Ce qu'il est important de souligner ce soir, c'est que le ministre ne dit pas la vérité quand il nous fait croire que nous avons des charges fiscales et parafiscales moins lourdes aujourd'hui qu'autrefois. Le fardeau réel et additionnel qu'il faut envisager pour le prochain exercice, il est de l'ordre de 19%.

En ce qui concerne l'impôt sur le revenu des particuliers, l'augmentation entrevue des revenus que le gouvernement compte tirer de cette source, si je compte bien, est de l'ordre de 14%. On peut bien couper ici ou couper là, mais l'augmentation globale est de l'ordre de 14%, et c'est de ça qu'il faut se souvenir au bout de la ligne.

Je reçois avec beaucoup d'intérêt le projet qu'annonce le ministre de verser des allocations spéciales aux mères de famille qui ont des enfants en bas âge afin de les aider à procurer des services de garde à ces enfants au cas où la mère travaille ou afin qu'elle puisse utiliser ces sommes à bon escient si elle reste à la maison. Le principe de non-discrimination qu'invoque le ministre est un principe qui est très intéressant. Je souligne qu'on touche à peine à une fraction du problème. Je rappelle au ministre, au cas où il l'aurait oublié, que les charges qu'une famille doit encourir pour ses enfants qui sont âgés de six à quinze ans sont encore beaucoup plus lourdes que celles qu'elle doit encourir pour des enfants qui sont âgés de zéro à six ans. Par conséquent, avec ceci, on touche à la frange du problème. On aborde très peu de choses. Je le dis pour qu'on ne... Pardon?

M. Chevrette: On peut augmenter les déficits.

M. Ryan: Non, vous savez ce que sera la ponction globale, je n'ai pas besoin d'insister.

Maintenant, l'indexation de l'impôt. Je tiens à souligner qu'elle demeure bien inférieure au Québec à ce qu'elle est dans les autres provinces du Canada. Ici, on indexe les exemptions à un taux qui est inférieur au taux véritable de l'inflation et seulement pour l'exercice 1980-1981. Nous estimons, de ce côté de la Chambre, que les contribuables québécois auront payé $125,000,000 de plus à cause de l'indexation incomplète, insuffisante et je dirais arbitraire qui est accordée par le ministre des Finances. Et ce même jeu va continuer au cours du prochain exercice.

Le ministre introduit une philosophie nouvelle en matière de taxation des sociétés, des compagnies. Je souligne que les principes qu'invoque le ministre sont des principes qui doivent être scrutés de très près. Pour le prochain exercice, il va faire beaucoup d'argent avec cela. Il nous annonce un ajustement des impôts sur les profits des sociétés pour le début de l'année 1982, si j'ai bien compris. En attendant, il va aller chercher pas mal d'argent de ce côté-là, mais je le préviens que, dans la mesure où la taxation à même la feuille de paie prendra le pas sur la taxation à même les profits, c'est une taxation sur le travail qui est imposée et les conséquences de cette forme de taxation sur le mouvement de l'emploi risquent d'être considérables. Et je tiens à le souligner avec force. Si on allait généraliser cette philosophie, je suis loin

d'être sûr que ce serait bon pour le dynamisme de l'économie.

La taxation d'Hydro-Québec, c'est une manière indirecte, à peine voilée, M. le Président, d'augmenter les tarifs d'Hydro-Québec. Il ne faut pas être naïf à ce point-là. On a déjà enduré, sous le gouvernement actuel, des augmentations de tarifs de plus de 80%, avec celles qui viennent d'intervenir au début de l'année. Le ministre nous annonce, en termes à peine voilés, qu'on s'en va rapidement vers d'autres augmentations de taxes, M. le Président.

Je termine. Le déficit pour 1981-1982 sera de plus de $3 milliards, très probablement entre $3,500,000,000 et $4,000,000,000, ce qui veut dire que pour les cinq années d'administration péquiste nous aurons eu un déficit annuel moyen de $2 milliards, alors que le ministre des Finances se scandalisait, il y a quelques années à peine, d'un déficit de l'ordre de $1 milliard qu'allait encourir le gouvernement précédent. La dette du Québec, sous le gouvernement actuel, aura passé, dans l'espace de cinq ans, de $5 milliards à $15 milliards au 31 mars 1982, c'est-à-dire trois fois plus. Elle aura augmenté de trois fois dans l'espace de cinq ans, c'est-à-dire beaucoup plus que pendant toutes les années qui s'étaient écoulées depuis le début de la Confédération jusqu'à l'arrivée du gouvernement actuel au pouvoir.

Le coût de la dette. Ce n'est pas mauvais qu'on sache exactement ce que c'est. La dette a augmenté, sous votre administration, messieurs, de $7000 par famille de quatre personnes au cours des cinq dernières années. Et le coût de la dette sera, cette année, de $1000 par famille de quatre personnes; seulement le coût de la dette, $1000 par famille de quatre personnes. Vous pouvez bien dire que vous réduisez le fardeau fiscal. C'est une immense fumisterie! (22 h 10)

Nous notons enfin, M. le Président, que l'un des passages les plus applaudis du discours du ministre des Finances fut celui où il a confirmé la volonté souverainiste et séparatiste du gouvernement péquiste. C'est là qu'on l'a vu. On peut lui demander bien loyalement, aussi longtemps que nous aurons un gouvernement imbu de cette mentalité souverainiste et séparatiste, comment envisager qu'il puisse faire des négociations dans un esprit de loyale et franche collaboration avec le reste du pays.

Le Président: M. le député de Bellechasse.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Merci, M. le Président. Comme tous les Québécois, j'ai entendu le ministre des Finances nous livrer le sixième - j'ai bien dit le sixième - discours de sa carrière de ministre des Finances. Nous avions eu droit - vous vous le rappelez - en 1973, au budget de l'an I et, ce soir, le ministre en a profité pour nous livrer le budget que je qualifierais de fin de pouvoir.

Le premier budget a été basé sur des hypothèses. Ce premier budget, celui de l'an I, a été le seul qu'on dit qui fut équilibré. Or, celui de ce soir est semblable aux autres qui se sont concrétisés; il a, le budget de ce soir, comme tous les autres, la désagréable manie de battre le record des déficits. D'année en année, ce déficit s'accentue. Le seul budget qui n'ait pas été déficitaire, c'est le budget qui, en réalité, n'a jamais été déposé officiellement, qui n'a donc jamais été administré par le ministre des Finances. C'est le fameux budget de l'an I, un budget purement hypothétique. Mais, quand il s'agit de la réalité, M. le Président, c'est tout autre chose.

Ce budget décevra la quasi-totalité des Québécois, du seul fait qu'il ne répond pas aux interrogations et aux réelles attentes des Québécois. Nous étions en droit de nous attendre à des mesures concrètes qui s'attaquent aux problèmes majeurs de notre société québécoise contemporaine. Quels sont-ils, ces problèmes? L'augmentation constante du taux de chômage. Que retrouve-t-on dans ce budget pour contrer l'augmentation de ce fléau? Rien, M. le Président.

On devait s'attendre à l'augmentation des dépenses en capital, c'est-à-dire des dépenses créatrices d'emplois, plutôt que de celles de nature sociale. C'est exactement le contraire qui se produit. Que retrouve-t-on dans ce budget qui aiderait à relancer l'économie, et cela à brève échéance, M. le Président? Rien, moins que rien. Augmente-t-on le pouvoir d'achat des Québécois? Non, au contraire. Pour ce qui est de l'année en cours, on aura même de la difficulté à maintenir ce pouvoir d'achat.

On nous avait pourtant promis une réduction d'impôt. Que se passe-t-il, si on se fie aux chiffres inscrits dans ce budget? Rien; au contraire, au seul chapitre de l'impôt sur le revenu et au chapitre de la taxe à la consommation, presque $2 milliards de plus comme revenus autonomes, revenus gouvernementaux.

Vous voulez un exemple, M. le Président? Prenons un contribuable moyen qui, en 1981, aurait eu un revenu net de $15,000; il aurait payé tout près de $1215 d'impôt, soit, selon mes calculs, 8,1% de son revenu. Ce même contribuable, en 1982, pour conserver le même pouvoir d'achat, donc, ajoutant 10%, ce qui est à peu près le taux de l'inflation - je dis bien pour maintenir son pouvoir d'achat - si le revenu net de ce contribuable se situe à $16,500, il paiera environ $1370 d'impôt, soit 8,3% de son revenu. Jugez par vous-même, M. le

Président, s'il y a là matière à diminution. Moi, je dis qu'il y a augmentation d'impôt.

Tout le monde parle d'équilibre budgétaire de ce temps-ci et le budget de ce soir nous confirme un déficit prévu, un déficit record prévu de $3 milliards. Si l'on tient compte du coefficient d'erreur moyen des quatre dernières années administrées par ce gouvernement, ce coefficient d'erreur se situe à plus de 30%, ce qui veut dire concrètement que cette année, si ce pourcentage se maintient, nous devrions atteindre le cap record de $3,800,000,000 à $4,000,000,000 de déficit. Et dire que, tout à l'heure, on a applaudi à de telles mesures.

L'an passé, on se le rappellera, le ministre des Finances avait prévu un déficit de $2,300,000,000 . Et le soir même, j'avais l'occasion justement de parler sur ce budget - et c'est vérifiable au journal des Débats -j'avais prédit un déficit de $2,800,000,000. Ce soir, il affirme que le chiffre réel est bien de $2,970,000,000.

M. le Président, nous avions raison l'an passé et, si le passé est garant de l'avenir, nous aurons encore raison cette année; ce déficit sera de l'ordre de $4 milliards cette année. C'est scandaleux! Nous sommes déjà, nous, les Québécois, les plus taxés au Canada, nous continuerons d'être les plus taxés au Canada. Ce qui est pire, nous sommes et nous serons malheureusement les plus endettés des Canadiens. Et dire que, tout à l'heure, on a applaudi à ça. Moi, je me demande si c'est rassurant d'entendre des applaudissements à la suite de l'annonce d'un tel déficit.

En effet, avec ce gouvernement, la dette publique est passée de $3 milliards, qu'elle était en 1976, à $15 milliards à la fin de cette année; 15,000 millions de dollars de déficit, de dette, M. le Président.

Le premier ministre a clairement dit qu'il s'engageait à maintenir le pouvoir d'achat des Québécois. Comment s'y prend-il pour maintenir ce pouvoir d'achat? Voilà ce qui se passe; il me fait penser à un père de famille qui annonce à son épouse et à ses enfants qu'ils peuvent dépenser tant qu'ils le veulent, sans égard au revenu. Le ministre des Finances nous fait un peu penser à cela ce soir. Cependant, à l'épouse qui demanderait: As-tu gagné le gros lot? le père de famille répondrait non; as-tu eu une augmentation de salaire? le père de famille répondrait non. Alors, que s'est-il passé? M. le Président, la réponse est bien simple: notre homme a rencontré, durant la journée, son gérant de compagnie de finance et s'est fait consentir un cinquième prêt sur hypothèque, prêt qui servira à rembourser les intérêts de la première hypothèque et aussi, bien sûr, à payer sa commande d'épicerie; un prêt sur hypothèque qui servirait à payer une commande d'épicerie. Voilà la logique de ce gouvernement et dire que, tout à l'heure, j'ai entendu des applaudissements à l'annonce de telles mesures; c'est vraiment décourageant, M. le Président.

La dette accumulée du gouvernement -et ajoutons celle du secteur public, parce que les Québécois paient également pour la dette du secteur public - coûtera cette année - tenez-vous bien - entre $5 millions et $7 millions d'intérêt par jour, entre $5 millions et $7 millions d'intérêt par jour que les Québécois devront payer cette année pour la dette publique. Est-ce possible, M. le Président? Bien oui, c'est possible, et tout à l'heure j'ai entendu des applaudissements à l'annonce de telles mesures.

On se rappellera, M. le Président, que ce gouvernement a vidé la Caisse de dépôt pour financer une partie de son administration et on l'a dénoncé l'année dernière, ainsi que les années précédentes. Ce soir, malheureusement, on constate qu'il n'hésite pas un instant à agir de la même façon avec Hydro-Québec. Il a vidé la Caisse de dépôt et là il va vider les coffres d'Hydro-Québec; il se sert de ça pour payer ses déficits. M. le Président, croyez-le ou non - vous étiez dans cette Chambre tout à l'heure - j'ai entendu des applaudissements à l'annonce de telles mesures.

Nous aurions aimé que le ministre des Finances nous propose des mesures concrètes pour, par exemple, baisser le taux de chômage. Il veut un exemple? Je m'attendais, ce soir, à ce qu'il propose une véritable politique qui favoriserait l'accessibilité à la propriété, telle que préconisée par l'Union Nationale. L'année que nous commençons sera catastrophique au chapitre de la construction et on dit: Quand la construction ne marche pas, il n'y a rien qui marche. Dorénavant, il sera quasi impossible de comparer également le taux d'imposition des compagnies, des sociétés du Québec avec ceux des autres provinces, dû au seul fait que dorénavant le ministre ne peut plus supporter la comparaison. Le ministre ne croit tellement plus que l'entreprise québécoise puisse réaliser des profits qu'il a décidé de taxer leurs dépenses et leurs emprunts plutôt que de taxer leurs revenus.

Des voix: Ah!

M. Goulet: S'il fallait, M. le Président, que l'on décide de taxer les emprunts et les déficits du gouvernement, nous aurions droit à une deuxième catastrophe. Le ministre des Finances agit de cette façon avec les compagnies.

En conclusion, M. le Président, nous constatons malheureusement que ce budget ne répond pas, mais pas du tout aux préoccupations du monde ordinaire. Au contraire, il n'aura comme effet que d'empirer la situation économique déjà très

mal en point au Québec. À ce chapitre, on devait s'attendre à au moins un pansement, mais au contraire, M. le Président, on agrandit et on infecte davantage la plaie. C'est ce qu'on nous annonce ce soir dans le discours du budget.

Voilà, M. le Président, une analyse rapide de ce budget que je qualifie de très décevant. Dix minutes, vous en conviendrez avec moi, c'est très peu, mais dès demain, si l'occasion nous en est donnée, nous ferons part d'une évaluation encore plus élaborée de ce budget et nous démontrerons aux Québécois qu'il n'y a aucune raison, je dis bien absolument aucune raison d'applaudir un tel budget.

Voilà, M. le Président, mes commentaires pour ce soir et je me charge de revenir demain pour faire part aux Québécois d'autres interrogations à l'intérieur de ce budget.

Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Ryan: M. le Président, je demande l'ajournement du débat.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Charron: Oui, M. le Président. Le Président: Adopté.

Une voix: Le critique financier du Parti libéral...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Je propose l'ajournement de l'Assemblée à demain après-midi, 15 heures.

Le Président: Les travaux de l'Assemblée sont ajournés à demain, 15 heures.

(Fin de la séance à 22 h 21)

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