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(Dix heures quinze minutes)
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Moment de
recueillement. Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes. Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents. M. le premier ministre.
DÉPÔT DE DOCUMENTS
Rapport de la commission d'enquête Malouf sur le
coût des Jeux olympiques
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai
l'honneur de déposer en deux copies, le rapport de la commission
d'enquête Malouf sur le coût de la XXIe Olympiade en
complément d'un travail amorcé en 1977.
Le Président: Rapport déposé. M. le premier
ministre.
Lettres télex de MM. Trudeau et Peckford et
réponses du premier ministre
M. Lévesque (Taillon): En deux copies toujours, en deux
exemplaires, je voudrais déposer la lettre télex par laquelle le
premier ministre fédéral, M. Trudeau, m'invitait à la
réunion qui aura lieu le 9 juin prochain et la réponse que je lui
ai envoyée, de même que le télex de M. Peckford, premier
ministre de Terre-Neuve, invitant les premiers ministres qui pourraient se
rendre à une réunion le soir du 8 juin, c'est-à-dire la
veille, à Ottawa, et la réponse que je lui ai fait parvenir.
Le Président: Merci. Document déposé. M. le
ministre des Finances.
Mandats spéciaux
M. Parizeau: En vertu de l'article 42 de la Loi de
l'administration financière, je dépose l'état des
dépenses encourues sur les mandats spéciaux.
Le Président: Merci. Document déposé. M. le
ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions
financières.
Rapport annuel de la Régie de l'assurance
automobile
M. Joron: J'ai le plaisir de déposer le rapport
d'activités de la Régie de l'assurance automobile du
Québec pour l'année 1979-1980.
Le Président: Rapport déposé, merci.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Questions orales des députés. M. le député
de Saint-Laurent.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Mandat de perquisition non
exécuté
M. Forget: Ma question s'adresse au ministre de la Justice. Dans
le contexte des événements dont il a été question
hier, c'est-à-dire l'arrestation de trois personnes suivie de leur
remise en liberté, il y a eu aussi des perquisitions. Il semble que
quinze mandats de perquisition aient été émis sous
l'autorité du juge en chef Yves Mayrand et que quatorze de ces mandats
de perquisition aient été exécutés par la police
mais qu'un quinzième, dans la région de Québec, ne l'ait
pas été.
Relativement à ce quinzième, des allégations qui
sont désormais publiques font état qu'il visait le domicile d'un
membre du cabinet d'un des collègues du ministre de la Justice.
J'aimerais que le ministre de la Justice nous explique et justifie cette
providentielle coïncidence qui fait que, sur quinze mandats de
perquisition émis, par hasard, le seul qui n'ait pas été
exécuté était celui qui visait une personne très
près du gouvernement.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, tel que je l'ai dit
hier, l'enquête relative aux dommages causés à certains
panneaux-réclame a été menée et continue
d'être menée conjointement par la GRC, le service de police de la
CUM et la Sûreté du Québec. Dans le cadre de cette
enquête, comme l'a mentionné le député de
Saint-Laurent, un certain nombre de perquisitions ont été
effectuées; les policiers se sont notamment intéressés
à un certain individu et ont envisagé une perquisition à
l'adresse qu'il donnait.
Cependant, les policiers se sont aperçu que cette adresse
était celle d'une autre personne, à laquelle se
réfère probablement le député de Saint-Laurent, et
non la résidence de l'individu auquel les policiers
s'intéressaient. C'est à ce moment-là qu'ils ont
décidé tout simplement de ne pas procéder à une
perquisition. Je pense que c'est plein de bon sens que de ne pas faire de
perquisition au mauvais endroit, surtout que, selon les policiers et selon
l'enquête qui a été menée, la personne dont
l'adresse était indiquée n'était, en aucune façon,
soupçonnée par les corps policiers. (10 h 20)
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je regrette de constater que
le ministre se livre à son jeu habituel du chat et de la souris.
Le Président: M. le député de Saint-Laurent,
votre question, s'il vous plaît.
M. Forget: Nous parlons bien et je reviens à la
charge avec ma question, M. le Président de M. Claude Plante,
chef de cabinet du ministre Joron, qui a hébergé, de façon
plus qu'occasionnelle, semble-t-il, une des trois personnes
arrêtées
en relation avec les bombes sur les panneaux-réclame, un M.
Ramsay. Si mon information est exacte.
Le ministre dit qu'il s'agit d'une erreur quant aux faits. J'aimerais
qu'il nous confirme que selon lui, le juge Mayrand s'est trompé en
émettant ce mandat de perquisition relativement au domicile de M.
Plante, domicile qu'avait partagé au moins occasionnellement M. Ramsey
qui était directement visé par les enquêtes et les
investigations de la police relativement à ces bombes.
M. Bédard: M. le Président...
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard:... au niveau de cette enquête, tout s'est
fait strictement au niveau policier et à partir d'un mandat de
perquisition qu'avaient les policiers, qu'ils avaient obtenu du juge Mayrand.
Je l'ai dit tout à l'heure, au cours de leur enquête, ils se sont
aperçu que la personne qu'ils visaient n'était pas M. Plante en
aucune façon, et c'est selon les policiers. Je peux donner cette
information au député de Saint-Laurent qui, je l'espère,
va arrêter ses insinuations par rapport à des personnes et
même je dirais ses accusations par rapport à une personne
précise, M. Plante, entre autres, parce que, selon les policiers, M.
Plante n'a jamais été soupçonné en relation avec
cette affaire et ce n'est pas à lui que la police s'intéressait,
ce qui a amené de la part des policiers et c'est tout à
fait normal la décision de ne pas procéder à une
perquisition par rapport à un individu qui n'est pas M. Plante, mais qui
avait donné l'adresse de M. Plante ou qui avait pu demeurer là un
certain temps, je ne le sais pas.
M. Forget: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: ... le ministre de la Justice ne reconnaît-il
pas qu'il y a une différence essentielle entre un mandat d'arrestation
et un mandat de perquisition? Il s'agissait d'aller voir sur des lieux qui ont
été habités pendant au moins un certain temps par un des
suspects pour voir s'il n'y avait pas là des preuves incriminantes
relativement à cette personne. L'argument que le ministre de la Justice
nous sert est absolument à côté de la
réalité. Il ne s'agissait pas d'arrêter M. Plante. Il
s'agissait de visiter son domicile qui a été aussi, au moins
temporairement ou occasionnellement, le domicile de l'un des suspects. Il
était tout à fait normal d'exécuter ce mandat de
perquisition et, dans les cas où il ne se serait pas agi d'un membre
d'un cabinet de ministre, la police aurait exécuté le mandat de
perquisition et le ministre de la Justice le sait très bien.
Le Président: M. le ministre... M. Bédard:
M. le Président...
Le Président: ... de la Justice.
M. Bédard:... comme d'habitude, le député de
Saint-Laurent profère non seulement des accusations, des insinuations,
mais il tire des conclusions qu'il n'a pas à tirer lui-même
puisque c'est aux policiers qui sont chargés d'une enquête de
décider s'ils doivent ou non travailler dans le sens d'un mandat de
perquisition. On n'en est quand même pas... Le député de
Saint-Laurent nous donne simplement une image de ce que pourrait être la
justice administrée par l'autre côté de cette Chambre qui
ne tient...
Des Voix: Ah!
Une Voix: La Gestapo!
M. Bédard: ... compte en aucune façon du respect
des droits et libertés individuels, du respect du domicile des citoyens.
A partir du moment où les policiers se rendent compte qu'ils ne doivent
pas faire une perquisition à un endroit précis parce que la
personne qui habite à cet endroit n'est en aucune façon
soupçonnée, ce qui est le cas de M. Plante, ils ont le droit de
prendre, à ce moment-là, les décisions qui s'imposent dans
le plus pur respect des droits et libertés individuels. On n'en est
quand même pas pour revenir je m'interroge si ce ne serait pas le
cas s'il fallait que le député de Saint-Laurent soit de ce
côté-ci de la Chambre avec l'exécution de mandats de
perquisition et d'arrestations comme cela s'est fait en octobre 1970, sans
aucune preuve, avec des gens qui ont été arrêtés,
qui ont été gardés dans des prisons et contre lesquels on
n'a porté absolument aucune accusation. Une justice comme
celle-là, vous pouvez être sûrs d'une chose: c'est qu'elle
n'existera pas ou elle n'existera plus tant que nous serons de ce
côté-ci de la Chambre.
Des Voix: Bravo!
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Le ministre de la Justice ne con-viendra-t-il
pas...
Une Voix: Mesures de guerre.
M. Forget: ... que les mandats de perquisition n'ont pas
été émis, dans ce cas-là, en vertu d'une loi
spéciale quelconque, mais par un juge et le juge en chef de la Cour des
sessions de la paix, et qu'un juge n'émet pas de mandat de perquisition
sans être convaincu qu'il y a des raisons suffisantes pour le faire?
M. Bédard: II y a des exemples autant comme autant et vous
devriez peut-être essayer de retourner dans le passé. Je pourrais
vous donner plusieurs exemples de mandats de perquisition qui sont
demandés par des policiers, à un juge en l'occurrence, et qui ne
sont pas exécutés à la suite d'une analyse qui est faite
par les policiers sur l'opportunité ou non d'exécuter ce
mandat.
Une Voix: ...
M. Bédard: Oui, l'opportunité... D'abord, ce
travail est fait au niveau policier sans qu'aucune intervention de
l'extérieur n'ait lieu. Ce sont eux qui ont pris leurs décisions.
Ayant à l'esprit le respect des droits et libertés individuels,
le respect du domicile des citoyens, à partir du moment où des
policiers se rendent compte que la personne qu'ils soupçonnent n'est
plus reliée à l'endroit où ils devaient faire une
perquisition, je pense que le minimum de respect du droit du domicile des
citoyens, c'est de prendre la décision que les policiers ont prise.
Ce qui est intéressant et ce qui est important c'est
ça, je pense, l'élément important en dehors des
insinuations faites par le député de Saint-Laurent c'est
l'accusation ou l'insinuation qu'il semble laisser planer selon laquelle un
chef de cabinet serait impliqué. Or, ce n'est pas le cas. Au contraire,
selon les policiers, et non pas selon le ministre de la Justice, je peux vous
le dire, à partir des informations obtenues par les officiers du
ministère de la Justice, M. Plante n'a jamais été
soupçonné en rapport avec cette affaire. Ce n'est pas à
lui que la police s'intéressait et il est tout à fait normal
qu'on ait décidé de prendre la décision de respecter le
domicile de la personne en question.
Si le député de Saint-Laurent veut faire des accusations
précises à l'endroit de M. Plante... Il se permet de lancer de
mots et des noms à tort et à travers, avec les dangers pour la
réputation... Hier, le député de Saint-Laurent me
demandait de donner des noms de personnes soupçonnées ou de
personnes qui ont pu être interrogées à l'occasion de cette
enquête. M. le Président, s'il fallait qu'un ministre de la
Justice commence à porter à la connaissance de la Chambre et des
citoyens tous les noms des personnes qui ont pu être
soupçonnées par la police à l'intérieur d'une
enquête, ce ne serait plus vivable. On risquerait de briser des
réputations, on risquerait de jeter des soupçons qui sont
inacceptables sur des personnes, tel que le fait le député de
Saint-Laurent.
J'invite le député de Saint-Laurent, s'il est
sérieux, à répéter son accusation à
l'extérieur de la Chambre concernant M. Plante, avec le tort qu'il lui
fait présentement; au moins il donnera à M. Plante, qui est un
citoyen comme les autres, le droit de le poursuivre en diffamation.
Des Voix: Bravo!
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
Des Voix: Cela vous fait mal.
Une Voix: Des diffamations!
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Question de privilège, très
brièvement, M. le Président, sur deux points. Le ministre de la
Justice j'allais dire dans son plaidoyer dans sa réponse,
a dit que j'avais accusé, a impliqué que j'avais accusé M.
Plante de quoi que ce soit. Je ne l'ai pas accusé de quoi que ce soit;
il n'a donc pas à le défendre. Premier point. (10 h 30)
Deuxième point, je n'ai pas de leçon à recevoir du
ministre de la Justice ou d'aucun membre de ce gouvernement, quant à
l'utilisation des privilèges parlementaires. Le ministre des Richesses
naturelles a montré comment il comprenait l'utilisation des
privilèges et de l'immunité parlementaire et il n'a pas de
leçon à donner à personne. Il devrait plutôt en
faire à son collègue.
Le Président: M. le député de
Maisonneuve.
M. Lalande: M. le Président, en question additionnelle au
ministre. Peut-être pourra-t-il répondre par la suite, au sujet du
mandat de perquisition auquel le ministre se réfère, à la
suite d'une enquête policière. On sait qu'un mandat de
perquisition se fait toujours à la suite d'une enquête
policière que l'on présente devant un juge des sessions de la
paix ou devant un juge de paix. Or, à la suite de cette enquête
qui a été faite par les policiers, on a demandé au juge
d'émettre un mandat de perquisition. Comment se fait-il que ces
mêmes policiers ou d'autres policiers, suite à l'enquête qui
a été faite par les policiers, aient décidé de ne
pas exécuter un mandat qu'eux-mêmes avaient demandé et
après enquête? Eux, ont fait une enquête. Ils demandent au
juge d'émettre un mandat. Le juge l'émet et ces mêmes
policiers, pour des motifs que le ministre ne nous explique pas, ne vont pas
utiliser ce mandat. Il faudrait qu'il nous explique pourquoi les policiers ont
changé d'idée en cours de route, après que le juge
eût sanctionné ce mandat de perquisition.
Une Voix: "Bédardgate"
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: On essaie de faire un plat avec rien.
Peut-être qu'on essaie de faire oublier certaines conclusions du rapport
Malouf, concernant l'approvisionnement de la caisse du Parti libéral.
Mais, j'ai donné la réponse à mon collègue d'en
face tout à l'heure. Il aurait dû écouter la réponse
que j'ai donnée. C'est tout simplement que les policiers se sont rendu
compte que l'adresse qui était donnée par la personne qui
était soupçonnée n'était plus l'adresse qui
était indiquée sur le mandat de perquisition. Je pense que, c'est
très clair et très normal que les policiers n'aient pas voulu
exécuter un mandat de perquisition.
Vous, qui défendez les droits et les libertés individuels,
vous le prétendez. Il est tout à fait normal que les policiers,
probablement à partir de cette analyse, aient décidé de ne
pas exécuter à ce moment un mandat de perquisition chez une
personne qui n'était soupçonnée absolument de rien, par
rapport à cette affaire. Je crois qu'ils ont pris une décision
normale.
Pour ce qui est du député de Saint-Laurent, je serais
porté à dire qu'il est peut-être possible que
le détective du Parti libéral, le député de
Saint-Laurent, fin limier et avec l'astuce et la finesse qu'on lui
connaît, ait découvert des faits qui ont échappé aux
policiers et qui seraient susceptibles d'accélérer
l'administration de la justice. Je pense qu'il connaît son devoir. Si
c'est le cas, je l'invite à dire aux policiers, sans aucune
hésitation, les éléments de preuve qu'il peut avoir de
plus, de manière que ceux-ci inscrivent cela dans l'enquête. Ils
peuvent même rencontrer le député de Saint-Laurent et, leur
enquête étant terminée, ils feront ce qu'ils font dans
n'importe quelle autre situation ou enquête de même nature. S'il y
a des preuves, des accusations seront portées.
M. Forget: M. le Président, question de
privilège.
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Le ministre de la Justice implique que je connais des
événements que je dissimulerais volontairement à
l'administration de la justice...
M. Bédard: Question de privilège, M. le
Président.
M. Forget: C'est une suggestion indigne.
M. Levesque (Bonaventure): C'est une question de
privilège, M. le Président.
M. Forget: Je n'ai pas interrompu le ministre. C'est une
suggestion indigne.
J'ai demandé au ministre de nous expliquer un hasard providentiel
qu'il n'a pas réussi à nous expliquer malgré ses longs
développements. Un mandat de perquisition n'est pas dirigé contre
une personne, mais contre un lieu où on soupçonne que se trouvent
des preuves incriminantes. Rien, dans tout ce que le ministre a dit, ne nous
porte à croire que la police ou le juge se sont trompés en
émettant le mandat de perquisition vis-à-vis de ce lieu,
indépendamment de la culpabilité ou de la non-culpabilité
de M. Plante. Il y a là un lieu où pouvaient se trouver des
preuves incriminantes. C'est désormais considéré comme un
asile, parce qu'il s'agit d'un chef de cabinet.
M. Bédard: M. le Président...
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Si on commençait à parler des
asiles et en revenant au passé, on aurait pas mal de choses à se
dire. Mais, encore là, le député de Saint-Laurent porte
encore des accusations, fait des interprétations qui sont tout à
fait inacceptables dans le sens d'une bonne administration de la justice. Ce
n'est pas le ministère de la Justice, les officiers du ministère
de la Justice qui ont eu des décisions à prendre
là-dedans, ce sont les policiers.
Oui mais moi je vous dis que tout ce travail s'est fait au niveau
policier. Et, au contraire, si vous voulez insinuer quoi que ce soit,
levez-vous et vous savez ce que vous avez à faire. Je suis capable de
répondre à n'importe quel temps à toutes vos
interrogations. N'importe quel temps.
Des Voix: Levez-vous.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard: M. le Président.
Le Président: M. le ministre de la Justice,
brièvement s'il vous plaît!
M. Bédard: Je termine simplement en disant ce que le
député de Saint-Laurent prétend que nous n'avons pas
expliqué la décision prise, non pas par le ministère de la
Justice mais par les policiers, de ne pas faire une telle perquisition, parce
que l'individu qui y habite n'était soupçonné en aucune
façon, dans le cas de M. Plante. Je pense que cette décision a
été évaluée par les policiers chargés de
l'enquête. Si on parle vraiment du respect du domicile des citoyens, je
crois que, si tels sont les faits, les policiers ont pris une très bonne
décision.
Le Président: M. le député de Portneuf.
Conflit à l'Office de la construction
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je n'ai pas de
question pour le ministre de la Justice, je vais lui donner le temps de se
refroidir un peu. J'aurais peut-être pu lui en poser, mais je vais
m'adresser au ministre du Travail ce matin.
Il y a un conflit qui sévit présentement à l'Office
de la construction du Québec entre l'OCQ et l'Union internationale des
employés professionnels et de bureau alors que plus de 600
employés sont en grève dans le moment, ce qui cause
évidemment des problèmes dans tout le secteur de la construction,
ce qui entraîne qu'il n'y a aucun contrôle de la
sécurité dans le moment sur les chantiers de construction du
Québec et ceux de la Baie James. Vous n'êtes pas sans savoir
l'importance des contrôles de la sécurité sur les chantiers
de construction. Les régimes d'avantages sociaux pour les
employés de la construction ne sont pas en application dans le moment,
soit pour un employé qui demande une indemnité, une prestation
d'assurance ou autres, ou les payes de vacances qui s'en viennent, etc.
J'aimerais demander au ministre du Travail qu'il fasse le point sur le
conflit dans le moment. J'aimerais qu'il le fasse non pas comme ministre
responsable de l'OCQ, mais véritablement comme ministre du Travail parce
qu'il y a peut-être un danger de conflit d'intérêts chez le
ministre entre ces deux chapeaux. J'aurai, à la lumière des
informations qui nous seront données par le ministre du Travail, une
question additionnelle pour le ministre des Finances.
Le Président: Merci.
M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: II y a, en effet, une grève des
employés de l'Office de la construction du Québec membres de
l'Union des employés de commerce. Il y a, au cours de cette
grève, des perturbations normales des services qu'on connaît, de
sécurité, de placement, d'avantages sociaux et d'application du
décret. Cependant, en matière d'inspection, s'il est exact qu'il
n'y a pas d'inspection proprement dite qui est effectuée par les
salariés qui sont en grève, entre autres dans le cas des grues
à tour, les inspections continuent d'être faites comme elles le
sont en général dans les circonstances par les services
d'inspection du ministère du Travail. Il ne s'agit pas d'un
remplacement; il s'agit bel et bien de ce qui se fait de façon
générale, le ministère continue de s'en occuper.
D'autre part, le ministère a avisé les employeurs de
porter une attention particulière à la question de la
sécurité, compte tenu de l'absence d'inspection. Quant au
placement, les cadres, comme c'est prévu dans la loi, continuent
d'assumer ces fonctions pour que cela prive le moins possible les travailleurs
du droit qu'ils ont d'obtenir un service. Il en est de même pour les
avantages sociaux où l'assureur continue de donner ses services. Quant
au décret, la vérification des livres ne se fait pas actuellement
et une demande a été faite aux employeurs de continuer à
transmettre les rapports mensuels comme ils le font habituellement.
Il s'agit d'un dossier où, effectivement, il y a conciliation. Il
y a, je dois le dire, essentiellement un objet en litige. C'est une
réouverture sur les salaires, ce n'est pas l'ensemble de la convention
qui est en cause. Dans cette réouverture sur les salaires, les demandes
syndicales et les offres patronales donnent lieu à un fossé qui
est difficile à franchir. C'est ce qui se passe comme dans toute
négociation. Le temps, la conciliation, les efforts des deux parties
devraient, j'espère, nous amener à un règlement.
Le Président: M. le député de Portneuf. (10
h 40)
M. Pagé: M. le Président, une question au ministre
des Finances. Effectivement, la convention collective prévoit, à
l'article 25.01 une réouverture de la convention pour la
troisième année. Ce qui est offert par l'Office de la
construction du Québec, c'est 7% dans l'échelle et 2% forfaitaire
selon les informations que j'ai et ce qui est demandé par
les travailleurs de l'OCQ, c'est-à-dire les 4% de forfaitaire qu'ils ont
perdus en janvier et 8,5% d'augmentation, soit 12,5% d'augmentation.
J'aimerais demander au ministre des Finances s'il accepte qu'en vertu de
la situation qui prévaut actuellement, le travailleur qui, au 1er
janvier 1978, recevait $386 par semaine et qui, au 1er janvier 1979, recevait
$392 par semaine, ce même travailleur, au 1er janvier 1980,
reçoive $377 par semaine, soit une perte nette, une diminution de son
revenu pour la même semaine de travail.
On sait d'ailleurs, M. le Président le ministre des
Finances pourra le confirmer que, normalement, dans un secteur comme
celui-là, pour qu'une personne puisse être inspecteur à
l'OCQ, il lui faut cinq ans d'expérience dans le secteur de la
construction, d'où un salaire comparable avec celui du secteur de la
construction.
J'aimerais, ce matin, que le ministre nous dise ce qu'il entend faire
à cet égard. On dit que c'est bloqué au Conseil du
trésor. Est-ce que le gouvernement entend modifier les positions de
l'OCQ, déjà énoncées par l'OCQ dans le moment, et
ce, dans quel délai? Cela est important et a beaucoup de
répercussions.
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: II s'agit effectivement, comme le disait mon
collègue du Travail et comme vient de le souligner le
député de Portneuf, d'un conflit qui porte essentiellement sur
une question salariale. Je pense qu'il est normal ce n'est pas la seule
table où cela se produit une fois que les grandes phases de
négociation sont terminées, quant aux salaires pour la majeure
partie du secteur public, que quelques-uns des groupes qu'il reste à
régler cherchent ou bien à faire des pointes, ou bien à
obtenir un peu plus que les autres, en se disant: Maintenant, cela n'a pas de
conséquence sur le reste, c'est déjà signé
ailleurs.
Il est évident que le gouvernement, de son côté,
doit faire attention de ne pas donner aux derniers qui passent, aux derniers
qui négocient, une situation, des niveaux ou des rythmes de progression
qui sont tout à fait incompatibles avec ce qu'il a signé
ailleurs. L'origine du débat est là.
Nous avons déjà commencé à regarder... il y
a cependant, et là je le reconnais, un certain nombre d'anomalies dans
certaines offres qui avaient d'abord été
présentées. Un processus de correction a été
amorcé; la conciliation, je pense, devrait nous permettre d'en arriver
à quelque chose. Je ne peux pas dire ici que le Conseil du trésor
est, selon l'expression classique, dans le béton à cet
égard. Nous avons montré, depuis quelque temps, que nous
étions prêts à faire un petit bout de chemin. Maintenant,
il est évident que, comme d'habitude dans une négociation comme
celle-là, il faut que les deux parties fassent un certain bout de
chemin. Je pense que c'est à cela que la conciliation doit servir. Je
peux difficilement aller plus loin que cela, à moins vraiment qu'on se
mette à négocier à l'Assemblée, M. le
Président.
Le Président: M. le député de Bellechasse.
Le placement étudiant
M. Goulet: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre du Travail. J'ai été saisi d'un problème
concernant le placement étudiant qui touche un nombre important
d'étudiants qui avaient fondé un espoir sur un emploi
d'été. Ce problème touche aussi un nombre assez important
d'employeurs qui voulaient répondre positivement à l'invitation
du gouvernement, soit d'embaucher des étudiants au cours de la
période estivale.
Il semblerait, d'après les informations reçues, alors
qu'on est au tout début de la période des vacances et, dans
certains cas, pour différents
étudiants, elle n'est pas encore commencée, qu'une
directive aurait été donnée au placement étudiant
de ne plus accepter de demandes venant d'employeurs éventuels.
Si tel est le cas, le ministre ne trouve-t-il pas aberrant le fait que
les employeurs, au moment où ceux-ci sont prêts à
participer en ce début d'été, s'entendent dire qu'on ne
peut rien faire pour le moment. Le ministre peut-il faire le point à ce
jour sur ce dossier?
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: M. le Président, à moins que je ne
prenne avis de la question pour donner une réponse précise au
tout début de la semaine prochaine, je pourrais simplement dire qu'au
niveau des principes, le service de placement étudiant, comme on le
sait, reçoit près de 100 000 inscriptions d'étudiants qui
désirent travailler. Nous espérons permettre le placement d'une
dizaine de milliers d'étudiants, ce qui serait déjà
considérable par rapport aux années
précédentes.
Effectivement, il y a eu au cours de la semaine dernière un
ralentissement dans le traitement des données à cause des
insuffisances budgétaires étant donné disons-le
carrément le succès du programme. Les prévisions
budgétaires nous amenaient à constater en l'espace de quelques
jours que nous allions défoncer, à toutes fins utiles, nos
budgets. C'est pourquoi une demande a été faite auprès du
Conseil du trésor pour tenter de régulariser cette situation et
faire en sorte qu'on puisse compléter nos postes budgétaires qui
étaient déjà alloués et parvenir à rouvrir,
dans la mesure du possible, certains de ces dossiers pour qu'au moins on puisse
placer le nombre d'étudiants que nous avions envisagé.
M. Goulet: Question supplémentaire.
Le Président: M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Le ministre a parlé d'une directive. Il a
parlé également de ralentissement. Ne devrait-on pas plutôt
dire que, dans cette directive, on parlait d'arrêt? C'est la
première partie de ma question supplémentaire. Le ministre ne
croit-il pas que cette situation découle directement d'une mauvaise
prévision budgétaire? Le ministre est-il conscient que plusieurs
étudiants souffrent actuellement et souffriront éventuellement de
cette situation et que plusieurs employeurs auront également perdu un
temps considérable parce qu'ils ont voulu répondre positivement
à l'invitation du gouvernement? Je prends comme exemple un employeur
très important dans ma circonscription électorale qui place une
commande de 25 étudiants parce qu'on a fait énormément de
publicité là-dessus. Il a dit: Cette année, j'embauche 25
étudiants et on lui donne le droit d'en embaucher trois. Le ministre ne
trouve-t-il pas cette situation aberrante? Lorsqu'il dit, M. le
Président, qu'il a demandé un budget supplémentaire,
pourrait-on savoir du ministre des Finances si nous aurons ce budget
supplémentaire et quand nous l'aurons, parce que la période des
vacances, nous y sommes actuellement, nous sommes même au début.
Il ne faudrait pas attendre au mois de septembre pour nous fournir un rapport
là-dessus.
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: M. le Président, avant de céder la
parole à mon collègue des Finances qui fournira un
élément de réponse, je voudrais simplement dire que, dans
le cas de cet employeur dont nous parle le député de Bellechasse,
il faudrait peut-être obtenir les données précises.
Peut-être que les 25 n'étaient pas admissibles au programme. Il y
a quand même des règles. Il ne s'agit pas simplement de dire: On
va embaucher un étudiant. Il y a un minimum de règles et si le
député de Bellechasse veut me faire parvenir l'ensemble du
dossier, on verra à ce qu'il soit traité adéquatement.
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Oui, M. le Président, j'aimerais intervenir
quelques instants sur cette question puisque le député de
Bellechasse avait une question accessoire pour moi.
Je voudrais simplement dire ceci quant à l'administration de ce
programme. Depuis quelques années, on constate que beaucoup d'employeurs
annoncent au printemps qu'ils sont disposés à recevoir un assez
grand nombre d'étudiants et quand l'été commence, ils
annulent. Le résultat, c'est que depuis quelques années, on a des
montants de crédits périmés considérables dans ce
programme. On essaie d'établir un budget qui corresponde à la
performance réelle en se donnant évidemment une marge de
manoeuvre pour les annulations et je dois dire que les marges d'annulation,
depuis quelques années, étaient considérables. Il semble
que, cette année on dit "il semble" effectivement, il y a
davantage d'employeurs qui soient disposés de façon ferme
à embaucher des étudiants. Nous en sommes tous très
contents. Cela a l'air que pour une fois, cette année, davantage
d'employeurs sont sérieusement intéressés à en
embaucher. C'est dans ce sens que, il y a dix jours, le Conseil du
trésor a ajouté un budget additionnel dans ce programme. Je pense
que, normalement, cette année, les employeurs qui veulent effectivement
recruter des étudiants pourront le faire. Evidemment, je ne peux pas
ajouter autre chose, M. le Président, que de dire que je suis
très content que, cette année, les employeurs aient l'air
d'être plus fermes dans leurs convictions ou dans leurs intentions que
c'était le cas dans les dernières années.
M. Goulet: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: ... je voudrais faire préciser. Le ministre des
Finances a-t-il bien dit qu'il y avait un budget supplémentaire depuis
dix jours ou s'il y en aura un dans dix jours?
M. Parizeau: M. le Président, j'ai dit qu'il y a dix
jours, le Conseil du trésor et ce n'était pas mardi
dernier, c'était le mardi d'avant a donc... C'était bien
cela, n'est-ce pas?
Une Voix: ...
M. Parizeau: Oui, c'est cela. Cela fait dix jours exactement. Le
Conseil du trésor a ajouté $2 000 000 dans le programme.
M. Goulet: M. le Président, comment cela se fait-il...
Le Président : Une dernière question, M. le
député de Bellechasse.
M. Goulet: Certainement. Comment peut-on expliquer que le
ministre du Travail vienne nous dire qu'il demanderait un budget
supplémentaire si cela fait dix jours que le Conseil du trésor
s'est prononcé là-dessus? Deuxièmement, le ministre
peut-il, cette semaine ou au début de la semaine prochaine on ne
veut pas être trop exigeant déposer des chiffres nous
démontrant clairement le nombre d'employeurs qui ont formulé des
demandes et le nombre d'étudiants qui, au moment où nous parlons,
n'ont pas été embauchés malgré les demandes des
employeurs? (10 h 50)
En terminant, M. le Président, est-ce que la vraie cause ne
serait pas plutôt que le budget de publicité de ce programme a
été trop important ou aussi important que le budget prévu
pour l'application du programme lui-même?
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: M. le Président, effectivement, la demande de
crédits, non pas de crédits supplémentaires puisque nous
sommes en train d'adopter ces crédits à l'Assemblée
nationale, mais la demande de transfert de certains fonds et l'autorisation du
trésor pour faire les transferts d'un poste à un autre a
été effectuée il y a dix jours. Cependant, avant que cela
ne se traduise dans le champ, dans un centre de main-d'oeuvre, dans une
université ou dans un CEGEP, c'est le délai normal qu'il y a dans
l'administration publique entre le moment où c'est décidé
ici, à Québec, et le moment où un étudiant dans le
comté de Bellechasse parle à un adjoint à la polyvalente
qui s'occupe du placement étudiant et qui peut lui donner une
réponse. Il ne faut quand même pas s'attendre que cela sorte du
trésor ici et que le lendemain matin on obtienne sa réponse dans
Bellechasse.
Deuxièmement, quant à la publicité, je pense que le
ministre des Finances a clairement expliqué que le processus dans les
années précédentes faisait qu'effectivement, beaucoup
d'employeurs se désistaient. Moins d'employeurs semblent vouloir se
désister. Ils semblent plus fermes dans leur intention d'embaucher des
étudiants. Dans ces circonstances, le Conseil du trésor a
accepté de faire en sorte que, contrairement aux années
précédentes où il y avait beaucoup de crédits
périmés, on ne coupe pas $1 000 000 ou $1 500 000 puisqu'on
s'attendait qu'il y ait une péremption de crédits à ce
niveau-là.
En d'autres termes, il n'y a pas d'argent nouveau. Il y a simplement une
autorisation que les sommes antérieures soient effectivement
dépensées et, s'il faut en mettre d'autres à la marge, il
y en aura d'autres. Tant mieux s'il y a des emplois créés. En
d'autres termes, c'est le succès du programme.
Quant à l'argent qui a été dépensé
pour la publicité de ce programme, je dirai simplement au
député de Bellechasse que cela a été efficace pour
les étudiants et pour les employeurs et qu'il y en a eu beaucoup moins
que ses petits amis en ont dépensé à même les fonds
publics d'Ottawa pour des raisons politiques.
Le Président: M. le député de
Maisonneuve.
M. Goulet: Question de privilège, pour rétablir
certains faits. Le ministre dit que la directive n'est pas rendue dans le
comté de Bellechasse, je le comprends. Mais, ce matin, à 9 h 50,
elle n'était pas rendue à son ministère. J'ai parlé
à des officiers assez haut placés de son ministère et
également à la direction du Placement étudiant: cette
directive n'était pas encore rendue là. Elle est loin
d'être rendue dans le comté de Bellechasse, elle n'est même
pas rendue à votre ministère.
Le Président: M. le député de
Maisonneuve.
M. Lalande: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Transports, peut-être est-il aux alentours? A défaut
du ministre des Transports...
Une Voix: II est à Montréal.
M. Lalande: Le premier ministre n'est pas là non plus.
Une Voix: Au leader.
Enquête sur l'industrie du taxi à Montréal
M. Lalande: Au leader parlementaire. M. le Président, le 9
avril dernier, en réponse à une de mes questions concernant la
crise dans le monde du taxi à Montréal, ici devant cette Chambre
et le lendemain en commission parlementaire, le ministre des Transports
affirmait avec beaucoup d'emphase et beaucoup de conviction que, contrairement
à mes prétentions, tout allait pour le mieux dans le meilleur des
mondes dans l'industrie du taxi à Montréal. Or, le 9 mai dernier,
ce même
ministre des Transports demandait à la Commission des transports
du Québec de faire enquête dans l'industrie du taxi à
Montréal, notamment de réviser l'accréditation de la Ligue
nouvelle de taxi du secteur A-11.
Ma question a deux volets. Premièrement, qu'est-ce qui a
amené le ministre des Transports et le Conseil des ministres, j'imagine,
à se contredire à ce point qu'à l'intérieur d'un
délai d'un mois il en vienne non seulement à s'ouvrir les yeux
sur les problèmes du taxi à Montréal, mais aille
jusqu'à ordonner une enquête? C'est le premier volet de ma
question. Deuxièmement, le ministre pourrait-il nous dire quel genre
d'enquête fait la Commission des transports du Québec? Combien y
a-t-il d'enquêteurs et qui sont-ils? Quel est le mandat des
enquêteurs? Quand la commission doit-elle faire rapport devant le
ministère des Transports ou devant le Conseil des ministres? Est-ce que
la commission, au moment où on se parle, en même temps qu'elle a
été saisie de cette demande de faire enquête a eu tous les
documents requis pour pouvoir véritablement ouvrir une
enquête?
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, je prends avis de la question
et mon collègue des Transports répondra demain au
député de Maisonneuve.
Le Président: M. le député de
Rouyn-Noranda.
Tragédie à la mine Belmoral
M. Samson: M. le Président, je voudrais adresser ma
question à l'honorable ministre de l'Energie et des Ressources;
ça concerne la tragédie de la mine Belmoral de Val-d'Or qui dure
depuis une quinzaine de jours maintenant.
Je suis persuadé que le ministre se tient au courant de la
situation régulièrement; pourrait-il nous dire, ce matin,
où en est la situation à la mine Belmoral, où en sont les
opérations de sauvetage, qu'est-ce que cela a donné et quels sont
les espoirs qui demeurent pour ces huit mineurs qui sont ensevelis sous
terre?
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: M. le Président, je pense que les
travaux sont peut-être un peu à l'état stationnaire, dans
la mesure où on a abandonné effectivement l'espoir de
découvrir deux mineurs qui travaillaient dans une chambre
d'exploitation.
Au contraire, il existait de bons espoirs pour cinq autres mineurs qui,
eux, fonçaient un puits d'aération et qui avaient pu être
protégés lors de la montée des flots dans la mine.
Malheureusement, après cette longue période où ils
doivent supporter des conditions de température très basse, d'une
part, également de très fortes pressions et, possiblement,
éventuellement, même manquer d'oxygène, il est
extrêmement difficile de savoir s'il sera possible de les atteindre.
Soulignons qu'une des difficultés que rencontrent actuellement
les secouristes, c'est que la mine s'est littéralement remplie de boue
et, comme on est maintenant rendu au niveau de 350 pieds, il faut
continuellement pomper cette boue; au fur et à mesure que l'on pompe, de
la nouvelle boue accumulée dans les galeries latérales continue
à descendre, ce qui fait que l'opération est très lente et
très difficile.
Soulignons également qu'il s'agit de pomper en surface une boue
très visqueuse, très lourde et que les pompes existant
commercialement ne sont pas adéquates pour faire ce genre de travail, ce
qui veut dire qu'elles "brûlent" continuellement, il faut continuellement
les remplacer; c'est donc un travail très lent, malheureusement.
Le Président: M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, quel sens doit-on donner aux
nouvelles parues dans les journaux de ce matin? D'une pari, un journal rapporte
que trois des huit mineurs disparus ont été officiellement
déclarés morts hier, par la Sûreté du Québec
et, d'autre part, on dit que les secouristes acheminaient des aliments liquides
par un conduit de deux pouces et que cette activité a été
abandonnée sans explication. L'article continue en disant que le Dr
Gérald Lapointe, responsable de l'aspect médical de
l'opération, serait absent de la ville la semaine prochaine.
Cela nous amène-t-il à la conclusion qu'on a perdu tout
espoir ou est-ce qu'il y a des coïncidences que le ministre peut nous
expliquer?
Puisque je ne voudrais pas faire une autre question
supplémentaire, je voudrais également demander au ministre, dans
un deuxième volet de cette question supplémentaire, si cette
situation qui s'est produite à la mine Belmoral permettra d'envisager,
à la suite des études faites, à la suite des
enquêtes faites par le ministère, de nouvelles façon de
procéder, dans l'avenir, soit dans l'octroi des permis, soit dans les
méthodes d'inspection ou autres, pour tenter d'éviter que cela se
reproduise jamais.
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: Concernant l'article auquel fait
référence le député de Rouyn-Noranda, je n'ai
malheureusement pas les données techniques me permettant de
répondre à sa question, mais je vais certainement les obtenir au
cours de la journée.
Concernant les mesures à prendre pour éliminer de tels
accidents, d'une part, il y a enquête du ministère de la Justice
et du ministère de l'Energie et des Ressources, une enquête
préliminaire pour tenter de comprendre ce qui s'est passé dans la
mine et, ayant identifié les causes, de voir dans quelle mesure ces
causes étaient prévisibles. Je ne peux donc pas présumer
du résultat de l'enquête.
D'autre part, advenant évidemment le décès d'une
personne dans la mine, il y aura enquête publique du coroner et, à
ce moment, il y aura une occasion de faire la lumière sur toutes les
procédures en cours à la mine et toutes les procédures
d'inspection qui pourraient éventuellement être reliées
à l'accident qui s'est produit. (11 heures)
Cependant, je dois dire qu'un élément qui m'apparaît
déficient, c'est la connaissance que nous avons de la mécanique
des roches, qui nous permettrait de prédire ce genre d'accident. Il n'y
a malheureusement que très peu d'experts, tant au Québec qu'au
Canada, dans ce domaine de la mécanique des roches. On y va beaucoup
plus suivant les règles de l'art que suivant les véritables
connaissances scientifiques d'une façon générale et, par
conséquent, nos procédures d'inspection pourraient avoir à
être revues, de manière à peut-être incorporer les
connaissances les plus récentes dans ce domaine. Je ne vous cache pas
que nous étions à travailler à un projet de
règlement pour les exploitations sous les lacs, justement
considérant les dangers plus grands de telles exploitations
minières, considérant qu'il y aurait peut-être lieu
d'instaurer une réglementation beaucoup plus sévère pour
l'exploitation minière. Mais je pense qu'il faut reconnaître qu'il
y a une faiblesse dans notre procédure, qui est beaucoup plus
liée à notre manque de connaissances qu'à une mauvaise
volonté.
Le Président: M. le député
d'Abitibi-Est.
M. Bordeleau: M. le Président, une question additionnelle
toujours concernant cette tragédie de Belmoral et concernant
l'enquête dont le ministre vient de parler. Je sais qu'il y a une
enquête en cours conjointement par le ministère de la Justice et
par le ministère de l'Energie et des Ressources. Mais il y a quand
même des gens dans mon comté qui se posent un certain nombre de
questions, à savoir si cette enquête va vraiment faire la
lumière sur tous les aspects de la tragédie. Est-ce que le
ministre, après l'enquête déjà en cours, si cette
enquête n'était pas suffisante pour vraiment clarifier la
situation, peut s'engager ici, en Chambre, à procéder à
une enquête plus complète, soit à une enquête
publique, pour que vraiment tous les points de cette tragédie soient
clarifiés et que la situation soit claire pour tout le monde pour que
des accidents comme ça ne se reproduisent plus?
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: Je ne voudrais pas interférer
avec le mandat du ministre de la Justice pour autant que l'enquête du
coroner est concernée et, aussi, je pense que ce n'est pas à moi
de prendre position immédiatement. Toutefois, je pense qu'une chose qui
est absolument évidente, c'est qu'il va falloir que nous connaissions
les causes de cet accident, de manière que nous puissions voir dans
quelle mesure il pouvait être prévisible.
Cependant, je dois dire qu'il n'est probablement pas possible
d'éviter tout accident en exploitation minière. Alors, l'objectif
sera de rendre les accidents les plus impossible possible. Mais,
évidemment, étant donné le peu de connaissances que nous
avons dans ce domaine de la mécanique des roches, ça
m'apparaît extrêmement difficile d'anticiper toutes les conditions
naturelles qui pourraient exister dans une mine. Mais une chose est certaine,
c'est qu'il y a des conditions déjà que l'on peut observer dans
le cas d'exploitations sous l'eau ou dans des conditions semblables à
celles qui prévalaient à la mine, qui peuvent être
modifiées de manière à rendre les mines plus
sécuritaires et c'est de ce côté, en tout cas, qu'on peut
commencer à faire porter notre attention.
Le Président: Merci. Fin de la période des
questions.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: Est-ce que j'en suis aux avis à la Chambre, M.
le Président?
Le Président: Aux avis à la Chambre.
M. Charron: Oui, il n'y a pas de motions non annoncées, ce
matin, M. le Président?
Le Président: II n'y a pas de motions non annoncées
et pas d'enregistrement des noms sur les votes en suspens.
M. Levesque (Bonaventure): Un instant, M. le
Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition officielle, sur
une motion non annoncée.
Motions non annoncées Modification au
feuilleton
M. Levesque (Bonaventure): J'aurais une légère
motion à faire, avec le consentement de la Chambre. Je voudrais
suggérer une correction au feuilleton de ce jour. A la page 3, je
voudrais que le nom de M. Raynauld soit changé. Je suggère que ce
soit le mien, simplement pour la forme, qui y soit substitué. J'ai dit
que c'était pour la forme! Je suggérerais également de
rayer les dix derniers mots de la motion puisque ça devient
désuet, tout le monde sachant maintenant le résultat du
référendum du 20 mai 1980. Je pense bien que je n'ai pas à
insister sur ce voeu, à moins qu'on ne veuille en faire un débat
et, à ce moment, évidemment, on aurait facilement le consentement
de l'Opposition officielle.
M. Charron: Rayer les dix derniers mots de la motion dont vous
venez de vous faire le parrain.
M. Levesque (Bonaventure): Le parrain.
M. Charron: Oui. C'est un amendement en bonne et due forme, si je
comprends bien. Il
devrait être fait dans le cadre du débat. Vous pouvez
proposer cet amendement.
M. Levesque (Bonaventure): Si on veut le conserver, on peut le
conserver également. C'est simplement une suggestion.
M. Charron: C'est mieux.
Le Président: En ce qui concerne le changement de parrain,
est-ce que la motion sera adoptée?
M. Charron: Adopté.
Le Président: Adopté. Enregistrement des noms sur
les votes en suspens.
Les avis à la Chambre, maintenant.
Avis à la Chambre
M. Charron: M. le Président, je voudrais indiquer tout de
suite à l'Assemblée que lorsqu'elle s'ajournera à 18
heures demain soir, vendredi, ou aux alentours de 18 heures, lorsque son
travail de demain sera accompli, elle s'ajournera jusqu'à mardi 15
heures.
Il y aura toutefois réunion de trois commissions parlementaires
lundi. Je les nomme tout de suite pour que certains députés
sachent qu'ils ne bénéficieront pas d'une journée dans
leur comté, comme d'autres. C'est coutume et normal dans cette
période de fin de session. Il y aura donc, lundi, réunion de la
commission des finances j'en donne avis tout de suite, M. le
Président au salon rouge, de 15 heures à 18 heures et de
20 heures à 24 heures; pas de matinée lundi. Cela commencera
à 15 heures lundi après-midi. A 81-A, ce sera la commission des
affaires sociales pour l'étude de ses crédits, et à 91-A,
la commission des affaires culturelles pour l'étude de ses
crédits, aux mêmes heures que celle des finances,
évidemment.
Mardi matin, je puis annoncer tout de suite que, de 10 heures à
13 heures, deux de ces commissions, et peut-être qu'une troisième
s'y greffera, mais pour le moment, je confirme que la commission des finances
poursuivra l'étude de ses crédits, en matinée de mardi, et
celle des affaires sociales également. Probablement que les affaires
culturelles seront terminées lundi soir, m'a-t-on fait savoir, M. le
Président.
Au cas où ce ne serait pas terminé lundi soir, cette
commission sera invitée à continuer mardi matin. Ce qui fait que
lorsque la Chambre se retrouvera ici à 15 heures, mardi
après-midi, pour la période de questions, les crédits de
ces trois ministères devraient normalement être terminés,
sauf les affaires sociales. Nous pourrons procéder au début
d'autres crédits. J'en donne tout de suite l'avis.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce qu'on pourrait
répéter, parce qu'il y a eu un peu d'hésitation.
M. Charron: Lundi, trois commissions à compter de 15
heures: au salon rouge, les finances, à 81-A, les affaires sociales, et
à 91-A, les affaires culturelles. Ces trois commissions continueront
mardi matin de 10 heures à 13 heures si elles n'ont pas terminé
leur travail à 24 heures lundi soir. Quant à la Chambre, elle se
retrouve à 15 heures mardi après-midi pour la période de
questions.
Je donne avis que ce soir, de 20 heures à 24 heures, il y aura
trois commissions aussi qui procéderont à l'étude des
crédits. Ce sera la fin de l'étude des crédits de
l'éducation. La commission des engagements financiers, si elle n'a pas
terminé son travail d'aujourd'hui, continuerait de 20 heures à 24
heures son travail entamé. A 81-A, se réunira la commission du
revenu. Elle a un double mandat, cette fois, de faire l'étude des
crédits du ministère et l'étude article par article des
quatre projets de loi qui lui ont été
déférés, si c'était possible. Mais je suis
ouvert...
M. Levesque (Bonaventure): Si on me permet, je pense que le
leader parlementaire du gouvernement nous avait informés hier, à
la suite évidemment de conversations que nous avons eues ensemble, que
ce ne serait qu'au début de la semaine prochaine que commencerait
l'étude article par article des projets de loi au nom du ministre du
Revenu. Cela se comprend parce qu'il y a eu des changements de dernière
heure que je n'ai pas à évoquer. Je pense que ce serait
apprécié si on pouvait s'en tenir à ce qui avait
été annoncé.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: Après brève consultation avec le
ministre du Revenu, disons que nous nous contenterons d'appeler la
réunion de la commission du revenu, ce soir, pour les crédits, et
nous ferons l'étude article par article des projets de loi à une
autre séance au cours de la semaine prochaine.
Aujourd'hui, la Chambre s'occupera, jusqu'à l'expiration, aux 4 h
42 qu'il reste au discours du budget, avec la nuance suivante, c'est que le
chef de l'Opposition pourra, s'il le souhaite, comme nous en avons convenu
avant-hier, je crois, utiliser l'heure qui lui est prévue aux
règlements en deux moments différents au cours de la
journée, puisqu'il doit utiliser ce matin et il nous a
indiqué lui-même qu'il voulait utiliser cette période ce
matin pour un sujet propre qui a été évoqué
il y a deux jours. C'est le seul travail qui devrait occuper
l'Assemblée, la fin du discours du budget aujourd'hui. (11 h 10)
Je fais motion, M. le Président, pour que, pendant que
l'Assemblée s'adonnera à ce travail, se réunissent tout de
suite et jusqu'à 13 heures, au salon rouge, la commission des
corporations professionnelles afin de faire l'étude de ses
crédits et, à 91-A, la commission des engagements financiers; de
15 heures à 18 heures, au salon rouge, la commission de
l'éducation pour continuer l'étude des crédits et,
à 91-A, la commission des engagements financiers.
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté.
Le Président: Adopté. M. le leader.
M. Charron: Dernier avis, M. le Président. Je souhaiterais
j'ai déjà consulté mes collègues que
vous présidiez vous-même, M. le Président, tout à
l'heure lorsque les trois premiers opinants à la reprise du débat
sur le discours du budget se seront exprimés, une rencontre des leaders
parlementaires afin que nous regardions ensemble l'allure de cette fin de
session.
Le Président: Cela signifie avant 13 heures, M. le leader
parlementaire du gouvernement?
M. Charron: Je crois que les trois premiers opinants, M. le
Président, seront les chefs des trois formations politiques qui sont ici
officiellement connues et en conséquence, après l'expression
d'opinion des trois chefs, les leaders pourront se rencontrer.
Le Président: Très bien, je donne l'avis en
conséquence.
M. le chef de l'Union Nationale, vous avez bien entendu?
M. Le Moignan: Très bien.
Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda,
vous vouliez intevenir?
M. Samson: Oui, M. le Président. Je ne sais pas si je dois
le faire en vertu de l'article 34 car l'article 34 s'adresse au leader
parlementaire. C'est à vous, M. le Président, que je voudrais
m'adresser pour une directive. Mardi, alors que malheureusement je n'ai pu
être présent à cette séance, un débat
d'urgence vous a été demandé par le chef de l'Opposition
officielle, à savoir la position que le gouvernement
québécois entend adopter à la conférence
constitutionnelle du 9 juin prochain. Vous avez décidé, M. le
Président, à la suite des déclarations du leader du
gouvernement à l'effet qu'il appellerait le débat sur le discours
du budget aujourd'hui, que cet autre moyen s'insère dans un délai
raisonnable pour discuter de ce sujet et vous avez, en conséquence,
déclaré la motion non recevable.
Je regarde l'article 78 du règlement et il est dit à 78.2:
"La motion ne doit être accompagnée que de brèves
explications et, sans qu'il y ait de discussion, le président
décide si elle est recevable en tenant compte de son objet, des
responsabilités administratives du gouvernement, de l'urgence d'en
discuter et de la possibilité qu'elle puisse être discutée
à l'Assemblée dans un délai raisonnable par d'autres
moyens".
Voilà, M. le Président, ma question. L'autre moyen que
vous avez reconnu comme étant vala- ble et satisfaisant au délai
raisonnable se trouve à être le discours du budget; or, quand on
parle d'une motion d'urgence en vertu de l'article 78, cela devient un
débat restreint qui, normalement, permet à la présidence
d'allouer une enveloppe de minutes à chacun des partis ainsi qu'aux
députés indépendants. Si on utilise la période du
discours du budget qui, évidemment, j'en conviens, permet aux opinants
de parler de n'importe quoi, donc de pouvoir parler de ce sujet, ça
atteint l'objectif dans une proportion, mais il y a l'autre proportion à
laquelle je veux me rattacher. C'est que, étant le seul
représentant de mon parti en cette Chambre et ayant déjà
pris tout le temps qui m'était alloué sur le discours du budget
je me trouve lésé un peu; ce matin, sur le discours du budget,
les arrangements permettent au chef de l'Opposition officielle d'y revenir
à deux fois parce qu'on va discuter en même temps de cette
question de la position du gouvernement à la conférence
constitutionnelle du 9 juin prochain. Mais je représente un parti qui
n'aura pas l'occasion, dans les circonstances actuelles, de faire
connaître son point de vue sur cette question. Sur cette
question-là, je pense qu'il est normal que notre point de vue soit connu
et il est normal qu'il soit connu aussi avant le 9 juin prochain. Ma demande
est la suivante, et je termine là-dessus, M. le Président. Je ne
sais pas quel moyen vous pouvez suggérer à cette Chambre pour
qu'il me soit permis, soit par dérogation ou par consentement unanime,
d'avoir quelques minutes à ma disposition pour faire connaître
notre point de vue sur cette question.
Le Président: Je pense, M. le député de
Rouyn-Noranda, que vous aviez la réponse dans la dernière partie,
à la toute dernière fin de votre intervention. Au lieu de
rechercher une directive de la présidence, vous auriez
intérêt, il me semble c'est ce que je vous suggère
à rechercher un consentement unanime. Vous auriez plus de
chance.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, quant à
nous, nous n'avons aucune objection à consentir à une
période, évidemment, qui reste à déterminer pour
permettre au député de Rouyn-Noranda, le chef du Parti des
démocrates créditis-tes, de pouvoir faire part de l'opinion de
son parti.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
M. Brochu: M. le Président, en ce qui nous concerne,
également, nous n'avons pas d'objection, étant donné qu'on
est dans une procédure...
Le Président: Alors, l'Union Nationale consent aussi.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: M. le Président, comme le débat est
forcément très limité, vu le temps qu'il reste, nous
n'aurions pas d'objection à ce que le député ait cinq
minutes pour s'exprimer.
Le Président: Cinq minutes? Cela va.
M. Samson: M. le Président, je voudrais remercier mes
collègues qui me permettent de parler, même si ce n'est que cinq
minutes; nous sauvons un principe qui me semble être très
important pour les parlementaires.
Reprise du débat sur le discours sur le budget
et les quatre motions de censure
Le Président: J'appelle maintenant la reprise du
débat sur la motion de M. le ministre des Finances, proposant que
l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement, et
sur les motions de censure qui ont été soumises.
Je crois qu'au moment de l'ajournement de ce débat la parole
appartenait à M. le député de Beauce-Sud.
Je vous cède la parole, M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: Merci, M. le Président. Vous comprendrez
qu'afin de me conformer à l'entente intervenue il y a deux jours en
Chambre, j'accorde priorité de mon droit de parole au chef de
l'Opposition officielle, quitte à revenir plus tard dans le
débat.
Le Président: Juste un moment. Je tiens pour acquis qu'il
y a consentement unanime pour céder ce droit de parole... En
l'occurrence, oui, M. le député de Laval, et je ne veux pas
créer une nouvelle jurisprudence; c'est pourquoi j'insiste pour dire que
c'est sur la base du consentement unanime que cette Chambre a donné que,
M. le chef de l'Opposition officielle, je vous cède la parole.
Débat sur l'attitude que le
gouvernement
entend adopter à la rencontre des premiers
ministres sur la constitution
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, je remercie tout d'abord le
député de Beauce-Sud de l'amabilité avec laquelle il a
consenti à me laisser parler à ce moment-ci. Je remercie
également le leader du gouvernement de sa collaboration dans la
formulation des aménagements qui nous ont permis d'avoir ce débat
cette semaine. Je pense que nous sommes tous d'accord sur l'opportunité
du débat; je vous remercie également de l'esprit de
compréhension dans lequel vous avez accueilli ma motion l'autre
jour.
Le but de ce débat que nous voulons faire aujourd'hui est
à la fois très clair et très simple. Il s'agit, pour les
députés et pour leurs concitoyens, d'obtenir de la part du
gouvernement des précisions sur la ligne de conduite qu'entend suivre le
chef du gouvernement du Québec dans les pourparlers qui commenceront
lundi prochain, à Ottawa, en vue de préparer des changements
constitutionnels désirés par la grande majorité de la
population du Québec.
On pourrait épiloguer longtemps sur la signification du
référendum qui a eu lieu le 20 mai dernier. Mais il me semble que
l'on peut honnêtement résumer de la manière suivante les
grandes lignes qui se dégagent du verdict porté par nos
concitoyens. D'abord, le peuple a dit non au mandat de négocier la
souveraineté-association que sollicitait le gouvernement; à plus
forte raison, par voie d'implication, il a aussi dit non à la formule
constitutionnelle de la souveraineté-association que le gouvernement
voulait aller négocier avec le reste du pays.
Le premier ministre l'a d'ailleurs reconnu lui-même quand il a
dit, la semaine dernière, en conférence de presse, que les
citoyens avaient en fait voté comme s'il s'était
déjà agi du deuxième référendum
annoncé dans l'interminable question dont nous nous souvenons tous.
Ensuite, le peuple, en disant non à la question gouvernementale,
a opté pour la direction générale, la direction
fondamentale que lui proposaient les tenants du non. En d'autres termes, il a
indiqué sa volonté de voir le Québec continuer à
s'épanouir et à progresser dans le cadre du
fédéralisme canadien. (11 h 20)
En troisième lieu, le peuple québécois, en disant
non à la souveraineté-association, a du même coup dit oui,
non seulement au fédéralisme canadien, mais aussi à la
volonté de changements exprimée à maintes reprises par les
tenants du non pendant la campagne référendaire.
Et enfin, en quatrième lieu, on doit conclure que le peuple a
exprimé sa volonté ferme de voir les hommes politiques et les
gouvernants se mettre à l'oeuvre sans délai et avec
loyauté afin de préparer les changements nécessaires dans
le maintien des principes fondamentaux du fédéralisme canadien.
C'est dans ce contexte précis que se situent les questions que nous
voulons aujourd'hui poser au gouvernement avec une
célérité qui comporte sans doute certains risques
dont je parlerai plus tard dans mon exposé mais qui est en soi
irréprochable au niveau des principes.
Le gouvernement fédéral s'est empressé, dès
le lendemain du référendum, de mettre en branle le processus qui
doit préparer les changements souhaités par la population. C'est
à l'invitation du premier ministre fédéral que doit avoir
lieu lundi prochain, dans la capitale du pays, la conférence des chefs
de gouvernements à laquelle le premier ministre du Québec a
été invité et doit se rendre. Il nous importe au plus haut
point de savoir quelle ligne de conduite le chef du gouvernement
québécois entend suivre à cette occasion, ainsi que dans
les étapes qui suivront les rencontres introductoires d'Ottawa.
L'Assemblée nationale ajournera ses travaux le ou vers le 20 juin
prochain. Comme le premier ministre a laissé ouverte hier, en
réponse à des questions que je lui adressais, la
possibilité d'élections générales dès cet
automne, il se peut très bien que le débat d'aujourd'hui soit la
seule occasion qui nous ait été donnée dans cette Chambre
de débattre des implications du référendum et de
l'opération de la réforme constitutionnelle qui doit
découler du
référendum. Aussi attachons-nous de ce
côté-ci de la Chambre la plus grande importance, non seulement au
débat lui-même, mais surtout aux réponses que le chef du
gouvernement et ses collègues voudront bien apporter aux nombreuses
questions que nous allons leur poser aujourd'hui.
Au lendemain du référendum, on a surtout parlé, du
côté du gouvernement, de tactique. On a dit chez certains: La
balle est dans le camp du gouvernement fédéral. Nous allons
attendre les propositions qui viendront de ce côté-là. Nous
parlerons en temps et lieu. D'autres ont dit: II y a eu un
référendum. C'est fini. Il n'y a rien de changé. Nous
retournons au point où nous étions avant le
référendum. Tout continue comme avant.
Je pense que c'est plus compliqué et plus exigeant que cela. S'il
ne s'était agi que de cela, c'est évident que nous n'avions pas
besoin de référendum. Je pense à la signification profonde
du référendum. Il y avait un certain accord entre les deux
côtés de la Chambre là-dessus. Je me souviens que vers la
fin du débat, le ministre de la Justice avait fait un discours dans
lequel il disait que ce que le gouvernement voulait proposer au peuple,
c'était le choix d'une direction. Le premier ministre a repris ces
propos à maintes reprises. Je les ai repris à mon compte,
moi-même, le même jour où le ministre de la Justice avait
fait son discours. Il s'agissait de choisir entre deux directions qui
étaient évidemment opposées, contraires l'une à
l'autre, puisqu'on tenait un référendum là-dessus. Ce
n'était pas seulement une question de plus ou de moins, une question de
degrés. C'était un choix entre deux orientations fondamentalement
différentes quant à l'avenir qu'il incombe d'imprimer à
notre statut politique en tant que Québécois.
Comme l'une des deux directions a été choisie de
préférence à l'autre, c'était inévitable.
C'était le but de l'exercice. Je ne pense pas qu'on puisse dire: Chacun
retourne à ses oignons comme si de rien n'était. Il faut qu'on se
demande sincèrement, loyalement, quelle sorte de regard nous devons
maintenant porter sur ce pays et sur son avenir. Je pense que la signification
profonde du référendum est la suivante: Le résultat nous
invite du côté du gouvernement comme du côté des
partis d'Opposition à jeter un regard renouvelé sur ce pays et
sur son avenir.
Dans cette perspective, Mme la Présidente, je voudrais poser au
gouvernement une série de questions auxquelles nous serions très
intéressés à obtenir des réponses à compter
d'aujourd'hui. Je pense que le gouvernement sera incapable de fournir des
réponses à toutes ces questions, mais je vais les poser quand
même, avec le plus de clarté et de simplicité possible, et
j'espère que les réponses viendront en cours de route.
Les questions se groupent autour de trois titres principaux.
Premièrement-, quelle sorte de pays voulons-nous? Deuxièmement,
quelle sorte de régime fédéral voulons-nous pour ce pays?
Troisièmement, quelle sorte de statut et de rôle voulons-nous pour
le Québec à l'intérieur de ce pays et de ce régime
fédéral de l'avenir?
Le premier titre, c'est: Quelle sorte de pays voulons-nous? Ce pays, le
Canada, n'est pas parfait. Il a comporté historiquement de nombreuses
faiblesses, de multiples carences, même des injustices déplorables
que nous avons signalées abondamment à l'occasion du débat
référendaire. Nos amis d'en face l'avaient fait de manière
un peu précipitée en mars. Ils avaient oublié que la
campagne durerait jusqu'à la fin de mai. Nous les avons rejoints avec
notre pas de tortue en cours de route, mais avec des réponses auxquelles
nous n'avons pas eu de contre-réponses la plupart du temps.
De toute manière, nous convenons tous l'esprit est plus
à la cordialité maintenant qu'à une espèce de
farouche opposition; nous voulons tous servir notre peuple dans un esprit de
fraternité le plus grand possible qu'il y a eu des erreurs, mais
elles ont été portées à l'attention du peuple. Le
gouvernement aurait peut-être eu plus de résultats s'il avait
sorti toutes les preuves qu'il a gardées cachées dans les tiroirs
du ministre des Affaires intergouvernementales; c'est sa responsabilité.
De toute manière, le peuple s'est prononcé et il a dit: Nous
voulons continuer à vivre dans ce pays-là qui s'appelle le
Canada, sous un régime fédéral.
La question se pose pour nous: Quelle sorte de pays voulons-nous
construire pour l'avenir? Voulons-nous que le Canada soit un pays fort, un pays
uni ou si nous voulons que le Canada ne soit qu'une caricature de pays?
Voulons-nous que ce pays ait des structures politiques solides et
démocratiques ou si nous continuerons dé rêver de vagues et
flottantes structures confédérales où l'autorité
commune serait une autorité nominale et fragile? Est-ce que nous
voulons, en matière de droits, que tout ce qui touche les
libertés fondamentales, les grandes libertés linguistiques, soit
abandonné à la seule compétence des Législatures
tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial ou si nous voulons
que ce pays soit assis à l'avenir sur la pierre d'assise de la
liberté fondamentale qui sera reconnue à tous les citoyens, dans
toutes les parties du territoire, sur toutes les latitudes, quelle que soit
leur langue, quelle que soit leur religion, quelle que soit leur couleur
politique ou quel que soit leur statut social?
En matière économique, est-ce que nous voulons une union
économique véritable et efficace, une union économique
où existe vraiment la liberté de circulation des personnes, des
capitaux, des services, de la technologie, de la main-d'oeuvre, ou si nous
préférons un simulacre de marché commun où les
obstacles, les barrières et les difficultés artificielles seront
plus importants, finalement, que l'essence même de l'union
économique qu'on est censé désirer?
Par rapport à l'étranger, voulons-nous un pays qui soit
capable de faire front commun en présentant une politique
étrangère commune, une politique de défense commune, ou si
nous voulons encore nous perdre dans les méandres, les chicanes de tapis
rouge qui ont occupé tellement de nos énergies au cours des
dernières années?
Est-ce que nous sommes capables de concevoir un pays qui aurait une
politique étrangère commune, à l'intérieur de
laquelle les Etats constituants pourraient également avoir tout le
rayonnement, tous les contacts compatibles avec leur propre
responsabilité constitutionnelle?
En matière de chances économiques et sociales, quelle
sorte d'égalité voulons-nous pour l'avenir? Voulons-nous un
régime d'égalité où chaque citoyen se voit offrir
des garanties minimales de qualité en matière de services
publics, d'accès à des services de santé, à des
services d'hospitalisation, à des services d'éducation et
d'enseignement gratuits et universels? Quelle sera la meilleure façon de
réaliser cet objectif dans le Canada de demain? Voulons-nous un pays
ouvert à l'immigration ou un pays fermé où les
entrées et les sorties seront soumises au contrôle rigide de
bureaucrates à l'esprit étroit devant appliquer des
réglementations pointilleuses et jalouses?
Quelle sorte de constitution voulons-nous pour ce pays? Comment
entrevoyons-nous, par exemple, l'avenir des immenses territoires du Nord, des
richesses inouïes qu'ils renferment et qui, actuellement, n'ont fait
l'objet d'aucune attribution à quelque province que ce soit, demeurant
la propriété et la compétence de l'Etat
fédéral jusqu'à ce que, dans l'avenir, il en soit
décidé autrement? (11 h 30)
Ce sont quelques questions qui se posent, Mme la Présidente, au
sujet du type de pays que nous voulons et tant que nous n'aurons pas de
réponse à ces questions, des chicanes byzantines sur les
communications, sur la question de savoir si tel paragraphe va être
préféré à tel autre, si on va faire une querelle de
théologie ou de droit à propos de tel mot plutôt que de tel
autre seront des mesures dilatoires qui nous éloigneront du fond du
problème.
Deuxièmement, quel sorte de régime fédéral
voulons-nous pour l'avenir? Ce n'est pas tout de dire que nous voulons un pays
fort, un pays prospère, un pays libre, ça, nous le savons tous
très bien, mais quelle sorte de régime fédéral
voulons-nous pour l'avenir? La critique de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique a été faite à maintes reprises depuis une
vingtaine d'années. Il n'est pas nécessaire de reprendre les
critiques souvent très pertinentes qui ont été faites au
sujet de ce document parce que la nécessité d'apporter à
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique des changements substantiels
est de plus en plus reconnue à travers le pays et, de ce
côté, je serais prêt à dire comme beaucoup d'autres
que les événements que nous avons vécus depuis quelques
années auront apporté leur part de progrès dans
l'acceptation de cette évidence, mais, si nous nous entendons tous sur
la nécessité d'apporter des changements à la constitution
actuelle, nous sommes loin de nous entendre sur la nature des changements qu'il
importe d'effectuer. Je voudrais à ce sujet poser quelques questions au
gouvernement.
D'abord, est-ce que le gouvernement est prêt à accepter que
l'on cherchera une réforme constitutionnelle dans le plein respect des
principes fondamentaux du fédéralisme? Est-ce que le gouvernement
actuel est prêt à accepter que l'un des éléments
essentiels du régime fédéral de demain, comme celui
d'aujourd'hui... je n'ai jamais entendu de proposition qui m'ait incliné
à penser autrement. J'ai entendu souvent des sarcasmes, souvent des
insinuations de toutes sortes de l'autre côté de la Chambre, mais
je n'ai jamais entendu un argument rationnel m'invitant à penser
autrement. Est-ce qu'on est prêt à accepter un Parlement commun
où la représentation des citoyens sera assurée sur une
base démocratique, sur le principe fondamental de
l'égalité des personnes? Je serais intéressé
à avoir des réponses à cette question. Accepterons-nous
que ce Parlement commun doive être considéré comme notre
Parlement au moins autant que celui de tous les autres Canadiens et non, comme
on a cherché à l'insinuer trop souvent de l'autre
côté de la Chambre, comme un Parlement étranger?
Si on n'a pas cette disposition foncière, Mme la
Présidente, il sera très difficile d'entreprendre l'oeuvre de
réformes, parce que ça demande quand même certaines
dispositions intérieures. Sans quoi on fait de la réthorique, on
fait du légalisme, on fait de la procédurite, on n'avance
à rien.
Est-ce que nous acceptons que, subordonné à ce pouvoir
central, à ce Parlement commun, il doive y avoir un pouvoir central
habilité constitutionnellement à agir au nom de l'ensemble des
citoyens, de l'intérêt général en vertu d'un mandat
qu'il tiendrait du peuple souverain et non pas simplement d'une vague et
capricieuse délégation de pouvoirs, comme celle qui était
impliquée dans la formule de la souveraineté-association? Quelles
attributions législatives, fiscales et autres sommes-nous prêts
à conférer à ce pouvoir central pour qu'il ait une
signification véritable? Quelles attributions devront en retour
être réservées aux provinces?
Le Sénat actuel, la deuxième Chambre, sous sa forme
présente, est-elle acceptable? Comment entendons-nous modifier la
deuxième Chambre fédérale dans l'avenir? Comment assurer
dans les institutions fédérales la juste représentation et
la juste participation des citoyens des deux langues, des deux cultures ainsi
que des diverses régions et provinces qui forment le Canada? Comment
voulons-nous que soit aménagée dans le régime
fédéral de demain l'organisation du pouvoir judiciaire et la
protection de l'ordre public? Comment voulons-nous que soit assurée,
dans les textes et dans les faits, la juste séparation et la juste
autonomie de chacun des trois pouvoirs indispensables au fonctionnement
équilibré de notre régime de gouvernement?
Si nous acceptons un Parlement fédéral, sommes-nous
prêts à reconnaître explicitement qu'il devra avoir le
pouvoir de faire des lois devant s'appliquer au Québec et de percevoir
des impôts
au Québec, légitimement, sans qu'on passe son temps
à prétendre que ces impôts sont perçus par un
gouvernement étranger?
Dans ce Canada et ce régime fédéral de demain, quel
genre de statut, quel rôle devons-nous envisager pour le Québec?
Le premier ministre nous a dit que, dans la mise au point de la position
québécoise, il entend s'inspirer du principe de
l'égalité des deux peuples. Il est facile de dire qu'on veut
l'égalité de deux peuples, mais quelle sorte
d'égalité veut-on, en pratique? Nous sommes tous pour
l'égalité, je l'ai affirmé souvent dans cette Chambre;
rien n'est plus facile que de dire qu'on veut l'égalité. C'est la
formule passepartout par excellence de tous les démagogues. Mais quelle
forme concrète d'égalité voulons-nous? Certaines formes
purement arithmétiques d'égalité, devant s'appliquer, par
exemple, au seul plan des collectivités, seraient synonymes, en
pratique, d'inégalité pour les citoyens individuels de ce pays,
de séparatisme politique, ou encore de paralysie du système
fédéral.
La vraie question qui se pose alors est la suivante: Quelle forme
d'égalité faut-il envisager pour que celle-ci soit compatible
avec les principes de fond du fédéralisme? Le premier ministre a
toujours parlé, ainsi que son parti, d'égalité des deux
collectivités, il n'est jamais allé plus loin. Nous
préférons parler, de ce côté-ci de la Chambre,
d'égalité à plusieurs paliers différents, sans
négliger la dimension collective de l'égalité. Il y a
beaucoup d'autres formes d'égalité sur lesquelles il faudrait que
nous acceptions de nous pencher ensemble, si nous voulons que le Québec
ait une position raisonnable et défendable dans les pourparlers
constitutionnels de l'avenir.
En matière de droits fondamentaux et de droits linguistiques, par
exemple, quelle sera la ligne de conduite du Québec par rapport au reste
du Canada? Est-ce que le gouvernement acceptera d'engager le Québec dans
la voie de la reconnaissance constitutionnelle de certains droits fondamentaux?
S'il refuse de le faire, comme nous avons certaines raisons de le
soupçonner, quelles raisons valables aurons-nous de prétendre
agir autrement? Jusqu'où le Québec est-il prêt à
aller dans la reconnaissance constitutionnelle des droits minoritaires en
matière linguistique et culturelle?
Deuxièmement, de quels pouvoirs le Québec a-t-il
rigoureusement besoin pour assurer son épanouissement légitime et
plénier, tout en faisant partie, à titre de membre à part
entière, de la fédération canadienne? Il est facile de
dire que l'on ira à Ottawa défendre tout l'acquis et qu'on
cherchera à étendre l'autonomie du Québec, si possible.
C'est une position bien familière, qui était déjà
très connue dans les années 1950 et jusqu'à 1960, avec
l'avènement de la révolution tranquille. On commence à
voir les problèmes dans une perspective plus large et plus
complète; jusqu'où le Québec est-il prêt à
aller dans ce domaine? Je pense que c'est une des premières questions
qui se posera. Je souhaite vivement, M. le Président, que nous ayons
l'occasion de tenir à ce sujet un débat fon- damental dans cette
Chambre. Je pense que c'est peut-être la grande option que nous serons
appelés à prendre. Nous, nous sommes prêts à engager
le débat sur cette question à peu près n'importe quand,
parce que nous l'avons longuement examinée depuis deux ans et nous avons
des positions que vous connaissez là-dessus.
Troisièmement, quels pouvoirs le Québec se-ra-t-il
disposé à reconnaître à l'Etat fédéral
pour que celui-ci ait un sens et un contenu véritable? Si nous ne
voulons pas que cet Etat fédéral ait des pouvoirs réels,
comment concilier cette position avec l'option qui vient d'être faite par
le peuple du Québec, à l'occasion du référendum?
Comment devrons-nous concevoir la présence des Québécois
et du Québec dans les structures fédérales de demain, la
présence des Québécois et du Québec dans le
Parlement fédéral, dans la deuxième Chambre
réformée dont il est question, dans la Cour suprême, dans
les organismes fédéraux de réglementation, dans la
fonction publique fédérale, dans les institutions et
sociétés de la couronne fédérale? Nous voulons tous
que le Québec ait sa juste représentation, sa juste
présence, sa juste influence dans ces organismes. Il faudra que le
gouvernement soit prêt à dire s'il entend conserver la
responsabilité de cette opération, sous quelle forme notre
présence peut être assurée, justement, sans détruire
le principe d'égalité universel qui doit s'appliquer aussi
à l'échelle de l'ensemble du pays, que nous avons affirmé
explicitement dans la position constitutionnelle de mon parti et qu'on a
tourné en dérision, à maintes reprises, de l'autre
côté, mais que nous réaffirmons, avec une solide
tranquillité, parce que nous savons que c'est un principe de bon sens et
de justice élémentaire. (11 h 40)
Nous voulons tous que le Québec jouisse du maximum de
liberté possible dans le domaine de la politique culturelle, par
exemple. Mais est-ce qu'on peut honnêtement soutenir, dans la perspective
d'une philosophie fédérale, que l'Etat fédéral ne
devra exercer aucune forme de rôle ou de présence en
matière culturelle? Peut-on soutenir cela sérieusement,
indépendamment de toute démagogie partisane? Si oui, cela veut
dire, par exemple, qu'il faudrait conclure demain matin qu'il n'y aura plus de
place pour des organismes fédéraux comme la Bibliothèque
nationale. Je ne vois pas en quoi on aiderait la culture en décidant
arbitrairement à Québec qu'on devrait mettre la hache dans un
organisme comme la Bibliothèque nationale à Ottawa, qui est la
plus belle bibliothèque du pays à bien des égards, pour
dire que, dorénavant, il y aura seulement des bibliothèques
provinciales ou nationales si on veut employer la terminologie
québécoise. Je ne vois pas du tout en quoi cela nuit à la
culture de quelque manière que ce soit. Cela peut être une
occasion d'épanouissement pour nous, comme pour les Canadiens de toutes
les autres parties du pays. Cela voudrait dire aussi qu'une
société comme Radio-Canada, on devrait mettre la hache dans son
statut fédéral et décider qu'à l'avenir ce sera
simplement une
succursale de Radio-Québec ou la nouvelle maison mère de
Radio-Québec. C'est complètement farfelu. Il suffit d'y penser
deux moments pour se rendre compte que, si on accepte l'option
fédérale, il faudra accepter honnêtement... On n'a pas eu
le temps de faire ce débat, mais on va le faire au cours des mois
à venir, cela va être très intéressant. Vous le
direz franchement que vous voulez mettre la hache dans Radio-Canada pour que le
public le sache. On va voir où cela nous conduit. En tout cas, on
attendra vos propositions là-dessus, messieurs.
Des Voix: Cela vous fait mal, hein! Le Président: A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Ryan: Comment assurer que la primauté du Québec
puisse exister en matière culturelle sans castrer complètement le
gouvernement fédéral de tout rôle, de toute forme
d'expression en matière culturelle? Un gouvernement
fédéral qui serait castré de toute possibilité
d'expression culturelle ne serait plus un gouvernement fédéral,
autant le dire franchement et nous attendons la contrepartie de l'autre
côté. Nous considérons qu'en matière de
radiodiffusion, en particulier, la preuve a été faite qu'on peut
très bien avoir une grande institution fédérale de
radiotélévision, sans pour cela que la culture française
soit maltraitée au contraire, elle a été
très bien traitée par Radio-Canada et sans que les
prérogatives légitimes du gouvernement québécois
soient vraiment aliénées.
En matière de ressources naturelles, nous sommes tous d'accord
pour affirmer le droit de propriété, la responsabilité
prépondérante et inaliénable des provinces en
matière de ressources naturelles. On a dit bien des choses du livre
beige du Parti libéral, mais on n'a jamais cité ce passage
où l'on dit qu'une nouvelle constitution devrait énoncer plus
clairement le rôle exclusif des provinces dans la réglementation
de l'exploration, l'exploitation, la conservation et la gestion des ressources
naturelles situées sur leur territoire. Parce que nous affirmons ce
droit de propriété inaliénable des provinces, sommes-nous
prêts à soutenir que l'Etat fédéral ne devrait
jamais, en aucune circonstance et pour aucune raison, avoir aucun rôle
dans tout le vaste champ des richesses naturelles? Si oui, sommes-nous
prêts à dire que tout ce qui s'est fait depuis 1974, sous
l'autorité du gouvernement fédéral, en matière de
programmes de soutien du prix pétrolier, n'aurait pas dû
être fait et que le Québec se serait porté mieux s'il avait
dû assumer seul la charge additionnelle de quelque $8 000 000 000 qui
découlait des augmentations de prix survenues depuis 1974?
Qu'arriverait-il, à part cela, avec une proposition aussi absolue, de
toutes les richesses naturelles qui sont situées dans les territoires du
Grand-Nord canadien? Nous demandons au gouvernement de nous soumettre des
réponses précises à ces questions raisonnables et
légitimes que se posent *ous ceux qui ont fait un examen loyal des
perspectives de changements constitutionnels de l'avenir.
Sommes-nous prêts à soutenir sérieusement que l'Etat
fédéral ne devrait avoir aucun rôle, en aucune
circonstance, pour aucune considération, dans le vaste domaine des
politiques de redistribution de la richesse et de soutien du revenu? Dès
que vous affirmez cette proposition, cela veut dire que vous êtes
prêts à soutenir qu'il ne devrait avoir aucun rôle en
matière de fiscalité, parce que de plus en plus la redistribution
du revenu, le soutien du revenu s'effectue autant par des politiques fiscales
que par des programmes de versement d'allocations monétaires ou
financières à des individus. Ce sont des responsabilités
que vous devrez assumer.
Nous avons hâte de recevoir les réponses à ces
questions sur la base toujours des principes fédéraux qui sont
maintenant l'expression de la volonté nettement majoritaire de la
population québécoise en matière de grandes politiques
industrielles. Il est facile de dire que parce qu'on conçoit un
rôle nécessaire pour l'Etat fédéral, on veut tout
abandonner au pouvoir central, au gouvernement étranger. On l'a entendu
tellement souvent depuis quelques semaines. Vous savez bien que ce n'est pas
cela.
Quand il est question, par exemple, de l'avenir de l'industrie
aéronautique, c'est évident que les décisions, dans un
domaine comme celui-là, ne peuvent pas être abandonnées
exclusivement au gouvernement des dix provinces; c'est évident que les
grands contrats qui seront donnés par les autorités canadiennes
ou obtenus de l'étranger font partie, dans plus de la moitié des
cas, de programmes de défense internationale, continentale ou
intercontinentale, souvent. Il faut, par conséquent, des échanges
de toutes sortes, des négociations qui portent sur une grande
quantité d'objets. Il est absolument indispensable que le gouvernement
fédéral ait un rôle là-dedans; autant le dire
franchement. On inscrira toutes les limites qu'on voudra, mais j'ai hâte
de connaître les positions de nos amis sur des questions comme
celle-là. Qu'on fasse face de front aux vraies questions qui se posent
au lieu de continuellement chercher à les éluder. Ce sont des
questions vitales pour le Québec et pour l'ensemble du Canada. Elles
exigent que chaque partenaire y apporte, au cours des conversations, des
réponses loyales et honnêtes.
Il est impensable que le Québec, partenaire majeur à la
table des négociations, attende passivement que des réponses
soient proposées uniquement par le gouvernement fédéral et
feigne de laisser croire aux citoyens du Québec que le fardeau de la
recherche de solutions incomberait exclusivement au gouvernement
fédéral. Le gouvernement fédéral doit parler au nom
de tout le pays, à partir de préoccupations qui doivent
être celles de l'ensemble des citoyens du pays au niveau de
responsabilités constitutionnelles qui est le sien, mais c'est au
Québec et à son gouvernement, et non pas à Ottawa, qu'il
incombe de proposer des réponses proprement québécoi-
ses, partant d'une perspective québécoise, mais empreintes
de générosité suffisante pour pouvoir embrasser le bien
général du pays. Je n'ai jamais entendu parler que dans une
entreprise commune il appartenait seulement à celui qui a la
responsabilité de certaines fonctions communes de s'intéresser
à l'ensemble. C'est la responsabilité de tous les partenaires, de
toute évidence, suivant le sens commun le plus
élémentaire. Voilà quelques questions qui se posent au
niveau de la substance, au niveau du contenu de la réforme
constitutionnelle. J'aurais pu en formuler un grand nombre d'autres, mais je
pense avoir indiqué assez clairement le cadre large dans lequel nous
attendrons que le gouvernement précise sa politique au cours des jours,
des semaines et des mois à venir.
Des questions tout aussi importantes. Je pense que le ministre des
Affaires intergouvernementales qui est ici me comprendra,
particulièrement à ce niveau parce qu'il a été
mêlé à ces choses depuis de nombreuses années. Nous
avons eu l'occasion, au temps où nos rapports étaient meilleurs,
d'en parler souvent ensemble, mais je voudrais lui poser un certain nombre de
questions ainsi qu'au chef du gouvernement de qui, évidemment, nous
aimerions obtenir des réponses.
Premièrement, tout le monde est en faveur du changement, mais
quel rythme faut-il envisager? Quel échéancier raisonnable
faut-il proposer pour que l'entreprise de révision constitutionnelle
puisse s'accomplir dans les conditions les plus propices à des
résultats sérieux et durables? Le gouvernement
fédéral accrédite présentement l'impression qu'il
pourrait s'accomplir des progrès décisifs en dedans de quelques
mois à peine. Un peu comme le gouvernement du Québec, il trouve
souvent dans la presse des échotiers complaisants qui rapportent ses
volontés comme si elles étaient des choses pratiquement acquises.
Je tiens à dire que le processus sera plus long, plus compliqué,
plus laborieux que ne veulent le laisser entrevoir ceux qui se gargarisent de
changements au niveau du vocabulaire, actuellement.
Québec pense-t-il honnêtement qu'il soit possible de
marcher avec précipitation dans ce domaine? Quelle opinion le
gouvernement entend-il formuler lors de la réunion de lundi à ce
sujet? Je tiens à prévenir le gouvernement fédéral
des dangers de la précipitation et des risques qu'on ferait courir
à l'entreprise si on faisait naître dans l'esprit des citoyens des
attentes démesurées par rapport aux possibilités
réelles dont nous devons tenir compte étant donné la
situation actuelle. J'ai toujours soutenu que la révision
constitutionnelle sera une entreprise qui demandera un certain temps. On peut
prédire, sans avoir aucun mérite particulier, sans avoir aucun
don de prophétie particulier, que si on voulait procéder avec
précipitation, ce serait faire le jeu des éléments qui, du
côté du gouvernement, espèrent cyniquement que tout
changement sera rapidement établi comme étant absolument
impossible; et j'en donnerai des preuves tantôt. (11 h 50)
Alors, l'heure est à la recherche, non pas du changement pour le
changement, mais de la direction dans laquelle le changement doit être
recherché et trouvé. Autant il faut être sérieux et
appliqué dans cette recherche, autant il faut éviter la
précipitation.
Deuxièmement, on a souvent critiqué, dans le passé,
la nature même du forum emprunté pour les conférences
fédérales-provinciales sur la constitution. A ces
conférences, le gouvernement fédéral joue
traditionnellement à la fois le rôle d'interlocuteur ayant des
intérêts et des convictions propres à défendre, et
le rôle de meneur de jeu qui préside simultanément à
l'application des règles et au fonctionnement général de
l'opération. Est-ce bien là le forum idéal pour
l'entreprise très importante à laquelle les différents
gouvernements et les citoyens de ce pays seront conviés? Ne pourrait-on
pas envisager un forum plus neutre, un forum plus rigoureusement marqué
du signe de l'égalité, un forum où le gouvernement
fédéral serait sans doute un interlocuteur de choix, un
interlocuteur très important, mais où les règles du jeu
seraient appliquées sous la direction d'un ou de plusieurs arbitres
impartiaux qui pourraient être soit de grandes personnalités
canadiennes, soit même un tandem comprenant, par exemple, une grande
personnalité francophone, une grande personnalité anglophone,
acceptables à la fois aux provinces, au gouvernement
fédéral et aux principaux partis intéressés dans
cette entreprise?
Ce sont des questions que je pose au gouvernement. J'aimerais savoir
comment le gouvernement entrevoit ces questions. Nous voulons des
réponses; je pense que nous posons nos questions en toute bonne foi.
Troisièmement, on prête à Ottawa l'intention de
proposer de nouveau, comme le faisait le bill C-60, que l'on cherche d'abord un
accord sur des sujets comme les droits fondamentaux, les droits linguistiques,
la formule d'amendement, le rapatriement. On ajoute du même souffle que
ce n'est que plus tard, dans cette perspective, que devraient être
abordées les questions difficiles reliées au partage des pouvoirs
ainsi qu'à la composition et à la structure de certaines
institutions fédérales comme le Sénat et la Cour
suprême. Québec est-il prêt à souscrire à une
telle approche? Cela veut-il dire que Québec s'oppose à toute
forme de recherche de consensus sur des questions comme celles-là?
Sinon, qu'est-ce que Québec entend proposer au stade actuel?
Traditionnellement, les gouvernements québécois ont
proposé une approche plus globale devant embrasser l'ensemble des sujets
et surtout les plus importants, comme le partage des pouvoirs. Québec
maintient-il aujourd'hui cette attitude? Si oui, le gouvernement est-il
conscient que cette prise de position comporte une responsabilité
corrolaire, c'est-à-dire celle de mettre sur la table, en temps utile,
un projet complet et global aussi? On ne peut pas exiger une réforme
globale sans accepter en même temps soi-même, à titre
de partenaire majeur de l'entreprise, la responsabilité de
déposer sur la table un projet global.
Quatrièmement, en ce qui touche les sujets devant être
abordés à l'occasion des pourparlers constitutionnels, la
conférence des premiers ministres des provinces, à ses
réunions de 1976 à Toronto et Edmonton, et de 1980 à
Régina, avait établi une liste substantielle de sujets sur
lesquels, au dire de ses porte-parole autorisés, il paraissait
s'être réalisé un large consensus entre les provinces, y
compris le Québec, représenté à ces deux
réunions par le premier ministre actuel du Québec et son ministre
des Affaires intergouvernementales.
Cette liste de sujets sur lesquels un accord avait été
réalisé, au dire de MM. Lougheed et Blakeney, qui
présidaient ces deux années-là la conférence,
comportait notamment la participation accrue des provinces dans le domaine de
l'immigration, la confirmation des droits linguistiques suivant la formule de
Victoria ou quelque chose s'en rapprochant, le renforcement des pouvoirs
fiscaux et législatifs des provinces en matière de ressources
naturelles, la limitation du pouvoir déclaratoire d'Ottawa lequel,
suivant le voeu émis à ces réunions devrait être
subordonné, à l'avenir, au consentement préalable de la ou
des provinces visées: l'abolition des pouvoirs fédéraux de
réserve et de désaveu, le droit de regard des provinces sur la
mise en oeuvre des traités internationaux devant porter sur des
matières de compétence provinciale, une compétence mieux
définie des provinces en matière de pêcheries, etc.,
etc.
Le gouvernement est-il prêt à déposer tous les
documents relatifs aux travaux qui se sont accomplis au cours des innombrables
réunions de comités et de commissions qui ont eu lieu entre 1977
et la fin de 1978? Est-il prêt à déposer tous les textes
qui auraient été soumis à ces innombrables réunions
par les représentants québécois, afin que l'on puisse
comparer la qualité de l'apport du Québec à la
qualité de l'apport qui est venu des autres provinces pendant ces
travaux? Le gouvernement accepterait-il que ces sujets soient abordés
à l'occasion des réunions constitutionnelles des mois à
venir? Dans quel ordre, suivant quelles priorités voudrait-il que ces
sujets soient abordés? Y a-t-il d'autres sujets que le Québec
voudra inscrire à l'ordre du jour? Dans quel ordre et suivant quelles
priorités?
Cinquième point, la publicité. Le premier ministre a
soutenu récemment que toutes les négociations, toutes les
réunions reliées aux pourparlers contitutionnels devraient
être publiques, se dérouler au vu et au su de la population. Si le
premier ministre voulait dire par là que la population
québécoise devra être mieux informée de la marche
des travaux qu'elle ne l'a été entre 1976 et 1980, je lui dirais
volontiers que je suis d'accord sans restriction. Je me réjouirais
d'apprendre que le gouvernement québécois entend être plus
ouvert et moins cachotier dans les mois à venir qu'il ne l'a
été à propos des travaux de 1977 et de 1978, auxquels j'ai
fait allusion et au sujet desquels il m'a fallu aller à d'autres
sources, dans d'autres provinces, pour savoir ce qui s'était vraiment
passé, étant donné la disette totale de renseignements
qu'on nous fournissait dans cette Chambre.
Le premier ministre sait très bien parce qu'il est un
homme réaliste qu'il est impossible que toutes les
négociations se fassent sous les projecteurs de la
télévision et devant les caméras des journaux, car, alors,
les réunions dégénèrent immanquablement en
spectacle et en occasion de démagogie. On l'a essayé dans le
domaine des relations de travail. Tout le monde le sait ici. Quand on veut
prétendre que tout se fera dans des négociations publiques, on
implique, consciemment ou non, qu'il y aura des réunions de caucus tout
de suite après ou tout de suite avant pour préparer le
scénario sur la place publique. Qu'on nous dise donc franchement qu'on
prend l'engagement d'informer loyalement les citoyens à chaque
étape du processus et qu'on reconnaisse en même temps, sans
essayer de gagner des points dans des sondages... Vous savez ce que cela donne,
gagner des points dans des sondages. Ce sont des pertes de temps. Qu'on prenne
l'engagement, loyalement, d'informer les citoyens. Qu'on prenne l'engagement
aussi d'aller à des réunions privées, mais de ne pas
s'attacher les mains dans des réunions privées sans avoir
consulté ceux qui doivent être consultés au Québec.
A ce moment-là, il n'y a pas de danger. On peut aller à des
réunions privées tant qu'on veut. Pour ma part, je continuerai de
rencontrer qui je veux dans ce pays sans jamais demander la
bénédiction du parti qui est au pouvoir, sans m'occuper du tout
de toutes les insinuations sottes et stupides qu'on a pu entendre tellement
souvent au cours des derniers mois.
Sixième point. On pose les questions parce qu'elles n'ont pas
été posées par le gouvernement. Le gouvernement nous a
prévenus souvent pendant la campagne référendaire que la
question constitutionnelle était trop vitale pour être
abandonnée aux seuls calculs électoraux des partis politiques. Il
n'a cessé de répéter qu'il fallait en ces matières
s'élever au-dessus de l'intérêt partisan et penser à
la solidarité qui doit nous unir tous dans le service de notre peuple.
Fort bien! mais quelle démarche précise le gouvernement est-il
prêt à envisager et à mettre en oeuvre pour que sa
contribution aux pourparlers constitutionnels ait un caractère aussi
largement et authentiquement consensuel que possible? Est-il disposé,
par exemple, à laisser de côté les épithètes
de "vendu", de "traître", de "faiblard", de "colonisé ", de
"déréglé psycho-affectif", de "second Lord Durham", et
j'en passe, que se sont vu appliquer au cours des dernières
années, spécialement au cours des derniers mois, ceux qui avaient
le malheur de défendre dans cette Chambre des convictions qui
étaient partagées par au moins 60% de leurs concitoyens. (12
heures)
Le chef du gouvernement nous a dit, hier, qu'il n'a pas le temps, cette
fois-ci, de consulter les chefs des autres partis. Le premier ministre
fédéral l'a trouvé le temps. Il les a reçus
même, séparément. Mais le chef du gouvernement du
Québec est trop occupé peut-être à scruter le
rapport Malouf; c'est son droit, mais cela fait une semaine qu'il l'a pour le
lire. Il n'a pas le temps de nous rencontrer. Est-il prêt à nous
donner l'assurance que telle ne sera pas sa ligne de conduite à
l'avenir? Est-il prêt à rechercher loyalement, dans le dialogue et
la conversation, un consensus sur le fond du problème et non pas
seulement des accords circonstanciels, qui viseraient uniquement à
servir ses propres fins, et auxquels, je le préviens maintenant, nous ne
nous prêterions point?
Septièmement, nous apprenions, en lisant les journaux, ce matin
j'avais écrit ces notes hier, mais des journaux de ce matin sont
venus confirmer mes intuitions...
M. Levesque (Bonaventure): ... va rapatrier la constitution.
M. Ryan: J'en viens justement à ce point-là. Nous
apprenions, ce matin, en lisant les journaux, que le gouvernement
fédéral aurait l'intention de procéder
éventuellement, et ceci dans les délais plus brefs que
prolongés, par voie de référendum national auprès
de la population de tout le pays dans l'hypothèse où les
pourparlers entre les provinces et le gouvernement central aboutiraient
à un échec. On prête au gouvernement fédéral
l'intention de procéder notamment à un référendum
national sur les grands sujets auxquels j'ai fait allusion tantôt, en
particulier le rapatriement de la constitution, la formule d'amendement, les
droits fondamentaux et peut-être aussi les droits linguistiques. L'actuel
gouvernement du Québec a-t-il envisagé cette
éventualité? Est-ce qu'il envisage de dire non à toute
forme de référendum pancanadien et pour quelle raison? Pour
quelle raison? Je vais vous le dire. J'ai des positions claires sur tous ces
sujets. Je les ai énoncées à maintes reprises. Pour
quelles raisons l'Assemblée nationale aurait-elle le droit d'adopter une
loi décrétant la tenue d'un référendum au
Québec dans les matières de sa compétence, tandis que le
Parlement fédéral se verrait interdire, en principe, le droit de
tenir un référendum pancanadien sur des questions de sa
compétence? La question à trancher évidemment, c'est:
Quelles sont les questions qui relèvent de la...
M. Paquette: M. le Président, est-ce que le chef de
l'Opposition me permettrait une question là-dessus?
M. Levesque (Bonaventure): Non.
Une Voix: Assoyez-vous donc!
M. Levesque (Bonaventure): Assis.
Des Voix: Assis.
Une Voix: Assoyez-vous donc!
Une Voix: II l'a demandé poliment.
Une Voix: Répondez donc. M. Lavoie: M. le
ministre.
M. Ryan: Je pose des questions au gouvernement aujourd'hui. C'est
l'objet de tout l'exercice que nous faisons ensemble. Nous voulons avoir des
précisions. C'est vous qui êtes au gouvernement et non pas nous.
Nous avons bien d'autres tribunes où nous donnons nos opinions sur ces
sujets-là régulièrement. Quand le gouvernement, en
matière de fédéralisme, aura des opinions aussi
définies que celles que nous n'avons pas eu peur de mettre sur la table,
en public, il pourra prétendre nous faire des leçons et nous
poser des questions.
Pour ma part, je rappelle seulement au gouvernement
fédéral que l'initiative d'un référendum national
et unilatéral sur des questions qui relèvent de la
compétence conjointe des deux ordres de gouvernement serait une
initiative dangereuse. Je le préviens très sérieusement
contre les dangers d'une telle initiative. Si jamais on veut concevoir ce
projet de manière plus précise, nous pourrons en discuter
à ce moment-là. Mais dès aujourd'hui, je rappelle ce que
j'ai dit à plusieurs reprises. Dès le moment où,
étant journaliste, je commentais le premier projet de loi sur le
référendum fédéral qui avait été
déposé à la Chambre des communes, j'avais trouvé
que dans ce projet, quand on me parlait de questions constitutionnelles
on embrassait les questions qui, par définition, impliquent les deux
ordres de gouvernement j'ai toujours soutenu que lorsque les deux ordres
de gouvernement sont impliqués, la courtoisie fédérale, la
philosophie fédérale implique que l'on doive respecter les
responsabilités de chacun et ne pas procéder
unilatéralement. C'est pour cela même...
Une Voix: ...
M. Ryan: Pardon! Je continue. J'ai encore d'autres
développements à faire. L'attitude nécessaire. Nous avons
décrit, dans un chapitre important de notre propre document
constitutionnel, l'esprit dans lequel devrait être entreprise l'oeuvre
délicate entre toutes de la réforme du fédéralisme
canadien. On a tenté, à l'époque, à l'aide de
citations tronquées, de tourner ces pages en dérision; mais qu'on
les relise attentivement, sans préjugé, avec le respect qu'elles
méritent et on verra qu'elles sont beaucoup plus judicieuses, beaucoup
plus constructives, beaucoup plus honnêtes qu'on n'a voulu l'admettre et
beaucoup plus exigeantes aussi pour les uns et les autres, non seulement pour
nous, mais pour les autres partenaires également. Mais avant d'en venir
là, ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui, je voudrais signaler certaines
attitudes qui me paraissent dangereusement contraires à l'esprit
nécessaire au succès de la réforme.
Je veux prévenir d'abord le gouvernement contre l'attitude
cynique qui consisterait à se dire: Allons-y, ils veulent nous
entraîner dans ce guê-
pier, allons-y avec l'arrière-pensée de faire la preuve,
le plus tôt possible, que l'entreprise ne peut pas marcher. Il est de
notoriété publique que le Parti québécois, le
gouvernement actuel et ses principaux porte-parole n'accordent aucune
espèce de confiance et de foi à l'oeuvre de la réforme du
fédéralisme canadien. Je cite seulement un passage du programme
officiel du Parti québécois c'est bon que le public sache
d'où nous partons dans cette affaire édition 1980, page 6:
Le fédéralisme renouvelé est impossible, car il implique
un transfert important des pouvoirs d'Ottawa au profit de notre gouvernement
à Québec. Il revient à enlever aux Canadiens des autres
provinces une partie de leur gouvernement national pour donner un gouvernement
national incomplet aux Québécois. C'est à la fois trop
pour le Canada anglais et trop peu pour le Québec. Autrement dit, aucun
régime de type fédéral ne peut satisfaire à la fois
les aspirations des deux peuples.
Si c'est l'esprit dans lequel on entreprend la réforme, on
trouvait un texte de même venue dans le livre blanc qui a
été publié le 1er novembre dernier. De toutes ces
constatations, inutile de vous dire que les constatations étaient
empreintes de préjugés, de sectarisme, c'était un
procès unilatéral qu'on avait fait de l'expérience
fédérale canadienne. Une conclusion bien simple se dégage
et là, je laisse parler les auteurs: "S'ils voulaient à la fois
préserver le régime actuel et renouveler le
fédéralisme, les Québécois devraient accepter
d'abandonner au gouvernement central, où ils seraient toujours et de
plus en plus minoritaires, un nombre imposant d'attributions et de centres de
décision que, jusqu'ici, le Québec a toujours
réclamés. Ils devraient, par conséquent, accepter de
remettre la direction de leurs affaires parfois les plus vitales à un
gouvernement sur lequel ils ne pourraient jamais exercer qu'une influence
indirecte ou éphémère. Pour en finir avec cet impossible
fédéralisme renouvelé, etc.."
La perle de tout ceci, je la trouve dans une lettre datée du 28
mai 1980 qu'un membre du gouvernement actuel, qui signe d'ailleurs de son titre
de député de Lafontaine et de ministre de l'Environnement,
adresse aux militants de son comté qui ont participé à la
campagne du oui. Il dit ceci: "Nous sommes à 9% d'une majorité
absolue. Combien, à l'intérieur des 59% de non votaient oui
à un Québec d'abord et pour une dernière chance au
fédéralisme renouvelé de M. Trudeau? Ces non mous peuvent
rapidement se transformer en un oui massif au Québec, dès que la
preuve nous sera donnée d'une impossibilité
d'égalité des deux peuples dans le contenu que devra nous
présenter M. Trudeau."
Si c'est l'esprit dans lequel on aborde tout ça, M. le
Président, autant dételer tout de suite. Je ne prétends
pas que telle soit l'attitude du chef du gouvernement, ni même de la
majorité de ses collègues; j'ai cité un exemple
déplorable de mauvais esprit constitutionnel, mais je laisse au chef du
gouvernement le soin de préciser l'esprit de son gouvernement. Je lui
signale seulement qu'il est présentement dans une situation objec-
tivement et fondamentalement contradictoire entre les orientations de son parti
et de son gouvernement jusqu'à maintenant et l'orientation qui a
été retenue par la population du Québec. Il existe une
contradiction foncière, non pas seulement une différence de
degrés, mais une différence de nature. Il faudra résoudre
cette contradiction.
Il y a deux manières de lever l'équivoque c'est une
équivoque objective, indépendamment des questions de personnes
qui n'ont rien à voir là-dedans que le parti qui est au
pouvoir modifie son programme en accord avec le verdict du 20 mai, qu'il
affirme son acceptation de l'entreprise de renouvellement du
fédéralisme canadien, sa confiance dans cette entreprise et sa
volonté loyale de la mener à de justes et satisfaisants
résultats. L'autre possibilité, c'est que le gouvernement en
appelle au peuple dans des délais raisonnables afin que le peuple puisse
choisir librement le parti qu'il jugera le plus apte à assurer la
réalisation de ses volontés. (12 h 10)
Deuxième attitude non moins acceptable, c'est l'attitude
attentiste qu'on nous a présentée et qui est la dernière
version de l'étapisme, qui consiste à dire: Nous n'avons rien
à dire pour l'instant. Attendons ce qui va venir d'Ottawa. La balle est
dans ce camp, ne nous fatiguons pas. Cette attitude trahit une très
mauvaise interprétation de l'opération référendaire
elle-même. On est rendu qu'on veut nous faire croire que c'est une
opération qui aurait eu pour objet de créer des obligations
d'abord à Ottawa. Il me semblait que c'était une opération
québécoise, le référendum, et que les
premières obligations qui en découlaient s'adressaient au
gouvernement du Québec et aux partis qui oeuvrent au
Québec...
Mauvaise interprétation de la position historique du
Québec. Nous avons toujours été, depuis le temps que je
suis ces questions, un leader dans la famille des gouvernements canadiens.
Quand le Québec n'exerce pas son rôle de leadership en
matière constitutionnelle, les choses progressent très rarement
et beaucoup moins substantiellement. Je pense que ça trahit aussi une
mauvaise interprétation des engagements pris par le premier ministre du
Canada. J'étais là quand le premier ministre du Canada a fait ses
déclarations et j'ai pris soin, avant de parler ce matin, de lire ce
qu'il a dit en Chambre. A entendre parler le chef du gouvernement, le ministre,
qui est son voisin de droite, le leader du gouvernement à la Chambre et
quelques autres porte-parole du gouvernement, on a l'impression que tout le
fardeau reposerait désormais sur les épaules du chef du
gouvernement fédéral. Ce n'est pas ce qu'il a dit.
A la Chambre, le 21 mai, le lendemain du référendum, M.
Trudeau a parlé. Voici ce qu'il a dit réellement. "De notre
côté, nous nous engageons à faire des changements, mais
nous ne posons d'autres préalables aux changements que les deux que j'ai
énoncés à Québec dès janvier 1977,
c'est-à-dire, d'abord, que le Canada continue d'être une
véritable fédération et, deuxièmement, qu'une
charte des droits et libertés fondamentales soit
insérée dans la nouvelle constitution et que cette charte
s'étende à l'aspect collectif de ces droits, comme la
langue."
J'avais dit alors et je le répète aujourd'hui: Pour nous,
tout le reste est négociable. C'est le véritable engagement qui a
été pris par le premier ministre du Canada. Il ne s'est pas
engagé, comme un maître d'école ou un maître du jeu
unilatéral, à déposer sur la table un programme complet et
absolu. Il a pris l'engagement d'être un catalyseur qui va favoriser
l'entreprise de changements, laquelle doit être assumée par tous
les gouvernements, tous les hommes, toutes les femmes politiques du Canada.
Devant des propos comme ceux-là, on n'a pas le droit de dire: Les
propositions doivent venir, nous, nous allons attendre. Nous avons autant
l'obligation que le gouvernement fédéral de faire des
propositions et de déposer sur la table des projets concrets de
changement et d'amélioration.
Je voudrais, troisièmement, mettre le gouvernement en garde
contre l'attitude qui consiste à dire: Pas de problèmes. Nous
nous bornerons à défendre les positions traditionnelles du
Québec tant que nous serons là, et ça va faire l'affaire.
Dans la mesure où cette attitude définirait un souci
légitime de continuité, j'y souscrirais sans réserve, M.
le Président, et je ne pense pas qu'il y ait dans cette Chambre d'avocat
plus persistant et plus intransigeant que moi en matière de
continuité historique véritable. Pas une continuité
tronquée, une continuité historique véritable. Et pas
seulement dans le domaine constitutionnel. Dans tous les autres domaines, je me
suis toujours opposé aux changements procédant d'une
mentalité jacobine. Je l'ai dit souvent dans cette Chambre. Mais dans la
mesure où cette attitude trahit une mentalité de gardiens du
temple et de gardiens des tables de la loi qui vont veiller sur les virgules,
sur les accents et sur le choix des termes au lieu de s'intéresser au
fond des choses, je ne peux pas y souscrire.
Que faut-il entendre par positions traditionnelles du Québec?
C'est bien beau de s'abriter derrière ce parapluie facile, mais
qu'est-ce qu'il faut entendre par positions traditionnelles? C'est un premier
domaine où il y aura beaucoup de travail à faire et je ne pense
pas qu'un gouvernement ait le droit de se parer de cette épithète
s'il n'a pas au moins l'assentiment des autres témoins, des autres
acteurs qui ont contribué à créer cette tradition.
Deuxièmement, pourquoi faudrait-il, à l'occasion d'une
révision globale de la constitution, que l'on s'en tienne rigidement,
étroitement, jalousement et mesquinement à la lettre des
positions qui ont pu être défendues dans le passé? Il peut
très bien arriver que des positions défendues dans le
passé soient maintenant dépassées. Les problèmes
évoluent, les situations changent, la perception que nous en avons
évolue également. On ne peut pas se river... Parce que quelqu'un
a soutenu une chose il y a 20 ans, cela ne veut pas dire que c'est la
manière dont on doive défendre un point de vue aujourd'hui. Il
faut être plus intelligent que ça. Il faut avoir plus de largeur
de vue que ça.
Les positions traditionnelles du Québec n'ont toujours
abordé qu'une partie du dossier, très rarement la
totalité. On l'a fait une fois quand un comité de fonctionnaires
avait déposé un projet de réforme, en 1967. Le projet
était très complexe, mais le chef du gouvernement du temps
lui-même l'a approuvé, sans jamais émettre d'opinion
complète à ce sujet.
D'ailleurs, dans le projet qui a été soumis, il y avait un
grand nombre de questions qui étaient laissées sans
réponse. On disait: Sur cette question, nous ne sommes pas en mesure de
formuler une opinion actuellement. De toute manière, à part ces
cas, dans l'ensemble, les positions traditionnelles du Québec n'ont pas
embrassé la totalité du dossier.
Ce serait trop facile de s'ériger en gardien du temple, en
gardien des tables de la loi, nous demandons plus que cela de notre
gouvernement. C'est pourquoi nous n'accepterons pas de nous soumettre
passivement à l'argumentation suivant laquelle, une fois qu'on
défend la position traditionnelle suivant sa propre définition,
on a réglé le problème et on évolue en terrain
certain. Ce que nous sommes en droit d'exiger du gouvernement du Québec,
c'est d'abord l'abandon explicite et honnête de la situation
objectivement équivoque et ambiguë dans laquelle il se trouve
placé par suite de la contradiction fondamentale entre l'orientation
retenue par le peuple du Québec, à l'occasion du
référendum, et l'orientation qui est celle du Parti
québécois, du gouvernement actuel, et celle qu'il a voulu nous
imposer avec les subterfuges que l'on connaît.
Deuxièmement, ce que nous attendons du gouvernement, c'est un
engagement sincère à promouvoir la réforme du
fédéralisme canadien dans la défense ferme des
intérêts et des aspirations du Québec, mais aussi dans le
respect des principes fondamentaux du fédéralisme et de la
volonté des citoyens du Québec pour que nous continuions à
faire partie d'un pays qui s'appelle le Canada. C'est aussi un engagement clair
et net à participer activement, de manière positive, constructive
et créatrice, à la recherche des solutions susceptibles de rendre
le système fédéral canadien plus juste, plus
démocratique, plus dynamique, plus acceptable au Québec et aux
citoyens de toutes les autres parties du pays, plus producteur de
bien-être, de liberté, de prospérité, de
solidarité, de paix, de présence efficace sur le plan
international et toutes les autres valeurs que l'on attache à un pays
qui a de la substance et qui occupe une place respectée dans le
monde.
Ce que nous attendons également du Québec et de son
gouvernement, c'est un programme clair et complet dans la voie indiquée
par le verdict qu'ont rendu, le 20 mai dernier, les citoyens du Québec,
pas seulement des réponses passives et négatives à
d'autres; nous attendons un programme clair et complet.
Le gouvernement est-il prêt à répondre à ces
exigences? Est-il prêt à contracter solennellement devant cette
Chambre les engagements qui découlent de ces exigences? Est-il
prêt, à la lumière du verdict du 20 mai, à engager
le Québec, aussi
longtemps qu'il sera au pouvoir, dans la voie qu'ont choisie les
citoyens, et sinon, est-il prêt à tirer les conséquences
logiques, la seule conclusion qu'il puisse tirer de son attitude? Je n'ai
même pas besoin de la mentionner, tout le monde l'a devinée.
Merci.
Le Président: M. le chef de l'Union Nationale, vous avez
maintenant la parole.
M. Michel Le Moignan
M. Le Moignan: M. le Président, je crois que ce
débat d'urgence nous arrive à un moment opportun. Il est
important, avant que débute une nouvelle ronde de négociations,
que tous les partis politiques représentés en cette Chambre
fassent connaître avec clarté et aussi avec franchise leur
conception du rôle que le gouvernement du Québec se doit de jouer,
à la suite des résultats du référendum.
A la suite de ce résultat, il se dégage certaines
constatations qui jettent un éclairage nouveau sur l'enjeu des
pourparlers constitutionnels qui vont s'amorcer. Une majorité claire des
citoyens rejettent la négociation de la souveraineté-association
et optent résolument pour le maintien d'un cadre fédéral
pour le Québec et le Canada.
Le gouvernement fédéral ainsi que tous les gouvernements
provinciaux s'engagent à entamer la discussion sur le renouvellement du
fédéralisme canadien, et cela, dans les plus brefs délais.
(12 h 20)
On sait très bien que la convocation du 9 juin, qui nous est
faite par le gouvernement du Canada, fait suite à une promesse du
premier ministre Trudeau de s'engager le plus vite possible. On peut, comme on
l'a noté, craindre une certaine précipitation lorsqu'on sait que
la politique des gouvernements fédéraux dans le passé a
toujours été le festina lente hâtez-vous lentement
mais, pour une fois, nous réalisons que le gouvernement
fédéral, dans son grand désir de hâter une nouvelle
constitution, déjà, dès le lendemain du
référendum, faisait appel aux premiers ministres de toutes les
provinces.
Nous savons, par ailleurs, que le gouvernement du Parti
québécois accepte le verdict populaire et se dit disposé
à négocier de bonne foi, comme un bon gouvernement, le
renouvellement du fédéralisme canadien. Pour ce faire, il accepte
de mettre en veilleuse, pour employer l'expression du premier ministre, son
option de souveraineté-association. Nous savons que les
Québécois ont indiqué, de façon majoritaire et
aussi de façon démocratique, à leur gouvernement
l'orientation constitutionnelle qu'ils désirent et qu'ils demandent
à ce gouvernement de négocier pour eux. Etant donné que la
majorité du peuple québécois s'est prononcée, nous
savons que nous sommes dans une situation peut-être inusitée dans
notre histoire nationale: un parti souverainiste qui se voit obligé,
sous peine d'être désavoué par une majorité de
citoyens, de travailler à la défense du
fédéralisme!
Mais, au-delà peut-être du caractère cocasse de
cette situation, je crois qu'il y a un projet de fond très
sérieux qui concerne tous les membres de cette Chambre et qui fait appel
aussi à la crédibilité et à la confiance. Le
gouvernement n'est pas sans savoir qu'il marche à l'heure actuelle sur
une corde raide et que chaque geste, chaque parole officielle est
analysée forcément non seulement par les analystes politiques,
mais aussi par la population. Je crois que le désir exprimé que
les négociations fédérales-provinciales soient connues,
soient faites au su et au vu de tout le public, va peut-être dissiper une
certaine confusion et va permettre non seulement aux experts, non seulement aux
juristes de se prononcer sur les questions, mais va permettre au peuple en
général, qui est moins renseigné, de pouvoir
apprécier aussi l'oeuvre que nos hommes politiques auront à
effectuer dans les circonstances.
Je pense qu'il est possible d'affirmer qu'à ce stade-ci, le
gouvernement bénéficie, à la suite d'un engagement
récent, de ce qu'il est convenu d'appeler la chance au coureur, du moins
jusqu'à nouvel ordre. Mais cette confiance est extrêmement fragile
dans les circonstances et elle ne tient qu'à un fil qui risque de
s'amincir rapidement si les attitudes gouvernementales ne correspondent pas aux
engagements contractés. Le soir du 20 mai, devant ses militants au
Centre Paul-Sauvé, le premier ministre du Québec disait ce qui
suit: "Avec ce résultat, la balle est renvoyée dans le camp du
fédéral. Le peuple québécois vient nettement de lui
donner une autre chance et il appartiendra aux fédéralistes, et
d'abord à M. Trudeau, de mettre un contenu dans toutes ces promesses".
On a parlé d'une autre dernière chance.
Evidemment, le gouvernement du Québec ne sera pas le seul
à participer aux négociations. Pour une première fois
peut-être, on peut noter une très grande ouverture de la part des
autres provinces et, en même temps, on voit le premier ministre du Canada
nous manifester de façon aussi empressée et sans équivoque
son désir de procéder à une révision en profondeur
de la constitution.
Evidemment, les prochains jours, le 9 juin en particulier, et les autres
réunions qui suivront nous prouveront le sérieux de la
détermination du premier ministre du Canada.
Mais, depuis le 20 mai, le premier ministre nous a
répété, à plusieurs reprises, alors que nous lui
demandions de préciser le sens et la portée de son engagement de
travailler de bonne foi pour renouveler le fédéralisme canadien,
que la balle est maintenant dans le camp du fédéral et qu'il faut
attendre que le fédéral mette du contenu dans ses promesses avant
de passer à l'attaque.
Mais, le 20 mai, le premier ministre disait: Il appartiendra au
fédéralisme, et d'abord à M. Trudeau, de mettre un contenu
dans toutes ses promesses. Il est exact que M. Trudeau a une
responsabilité tout à fait particulière et M. Trudeau
s'est engagé à remplir ses responsabilités dans les plus
brefs délais. Il ne faudrait pas, tout de même, que le
Québec, après l'engagement du premier
ministre du Canada, considère qu'il n'a pas de proposition
à amener sur la table, et cela dans quelques jours.
M. le Président, je pense qu'il faut se rendre à
l'évidence. On ne peut pas se dire fédéraliste un jour et,
le lendemain, agir comme si on ne l'était plus. En prenant l'engagement
de travailler de bonne foi pour le renouvellement du fédéralisme
canadien, conformément au voeu exprimé par 60% de la population
du Québec, le gouvernement a accepté de faire partie
intégrante du camp fédéral. En disant oui au voeu
exprimé démocratiquement par une majorité des
Québécois, le gouvernement du Québec disait oui au
fédéralisme lui-même. Il doit maintenant agir en
conséquence.
Dans un article publié dans la Presse pendant la campagne
référendaire, j'ai tenu certains propos, demandant non seulement
au gouvernement du Québec mais surtout au gouvernement
fédéral de passer aux actes. Si cela est vrai pour le
gouvernement fédéral, c'est également vrai aussi pour tous
les gouvernements provinciaux, y compris le gouvernement du Québec. On
sait que, depuis douze ans, le gouvernement fédéral a toujours
agi avec beaucoup de prudence, à tel point que la réforme
constitutionnelle n'a pas tellement avancé. Mais, pour une fois que tout
le monde semble d'accord, que ce soit du côté
fédéral ou du côté de toutes les provinces, le
moment est venu au Québec aussi de faire entendre la voix des
Québécois.
Quand le premier ministre nous dit qu'il va négocier de bonne
foi, évidemment, c'est une question de crédibilité, c'est
une question de confiance, et ce que le peuple du Québec attend, c'est
de voir son gouvernement passer à des gestes concrets et cela, le plus
vite possible.
Mais, pour nous, ce n'est pas après le 9 juin. Nous voulons que
le gouvernement passe à l'attaque dès aujourd'hui. C'est
peut-être le but de la convocation, le but de cette motion d'urgence. Que
le gouvernement du Québec nous donne sa véritable conception
qu'il se fait, lui, en ce moment, du fédéralisme canadien,
puisqu'il s'est engagé, d'ici aux prochaines élections, à
travailler dans ce sens, à respecter le mandat, le désir des
Québécois, et essayer d'aller défendre là-bas les
revendications traditionnelles des gouvernements antérieurs, et cela
depuis plus de 40 ans.
Maintenant, nous, de l'Union Nationale, savons très bien que
quand nous parlons de respect constitutionnel, ce qui a
caractérisé les premiers ministres dans le passé, et
surtout Daniel Johnson, ce fut une attitude de fermeté, un dynamisme qui
tirait sa force d'une vision typiquement québécoise, une vision
d'un véritable fédéralisme canadien où les mots
décentralisation et autonomie figuraient au premier plan.
Quand le gouvernement actuel a pris l'engagement de travailler de bonne
foi au renouvellement du fédéralisme canadien, j'ai tenu pour
acquis qu'il adopterait, dès le départ, une attitude tout aussi
ferme et aussi dynamique que commande, par ailleurs, tout acte de foi
sérieux en faveur de la promotion de l'autonomie provinciale. Les
négociations, les documents, ce que les gouvernements antérieurs
ont proposé et tout ce qui est demeuré sans réponse, il
semble peut-être, pour la première fois, dans notre période
moderne, qu'il y a une possibilité de s'entendre à condition
qu'il y ait un minimum, ou peut-être un maximum, de bonne volonté
de la part de tous ceux qui auront à se rencontrer, surtout le 9 juin,
en préparation de conférences
fédérales-provinciales plus élaborées qui devraient
avoir lieu au cours des mois à venir. (12 h 30)
Nous ne concevons pas, nous nous expliquons mal l'attitude du
gouvernement du Québec qui semble un peu passif en ce moment, le
gouvernement qui ne révèle pas, qui ne nous dit pas avec
clarté quelle est la conception qu'il se fait en ce moment du
fédéralisme canadien. Je ne voudrais pas que notre gouvernement
actuel nous laisse l'impression qu'il attend un déblocage de la part
d'Ottawa. Il faudra que le gouvernement du Québec, toujours
fidèle à une longue tradition, se fasse le leader dans le domaine
de nos revendications. Si les autres premiers ministres, du moins pour un
certain nombre, ont accepté de se rencontrer la veille du 9 juin, je
crois qu'à ce moment-là il y aura certains consensus, un certain
front commun à établir sur certaines revendications que le
Québec épouse j'en suis sûr avec l'ensemble
des autres provinces. Il est clair dans notre idée que nos
revendications, celles que le Québec va défendre... Le
Québec constitue une province qui n'est pas comme les autres, le
Québec est constitué en majorité de francophones, le
Québec est un groupe, une nation tout à fait à part dans
toute l'Amérique du Nord. Ces revendications que le Québec se
doit de déposer lors des futures réunions, je crois que le
gouvernement du Québec a intérêt, a avantage d'en saisir
les autres premiers ministres, qui ne vibrent peut-être pas à tous
nos sentiments, qui ne sont pas des francophones comme nous, pour leur faire
comprendre quelles sont les aspirations véritables du peuple
québécois. Si le gouvernement du Québec réussit
dans un premier temps, à saisir les premiers ministres de l'importance
de nos revendications, qui ne sont pas exclusivement d'ordre économique,
mais quelque chose qui touche l'âme, qui touche la culture, qui touche la
vie d'un peuple, notre gouvernement va apporter des propositions, quelque chose
de très positif et je pense que c'est la seule façon d'agir dans
les circonstances.
On ne doit pas laisser au gouvernement fédéral toutes les
initiatives au cours des prochains jours. M. le Président, cette
attitude un peu attentiste du gouvernement... En somme, j'ai posé des
questions hier et avant-hier au premier ministre. Le premier ministre ne veut
pas dévoiler son jeu. Il a certainement des raisons stratégiques
pour le faire. Je voyais une caricature ce matin dans le Soleil où le
premier ministre demandait au premier ministre du Canada de déposer son
jeu. Je sais que, de part et d'autre, il y a une certaine méfiance; mais
je pense qu'une fois que cette
méfiance aura disparu, une fois qu'on pourra sentir ce que
peut-être on n'a pas senti depuis de nombreuses années, une
très grande flexibilité de la part du gouvernement du Canada,
quel que soit le premier ministre qui est là-bas en place, le jour
où le gouvernement du Canada va comprendre que la
décentralisation, c'est un fait qui s'impose, le jour où on va
revenir à l'esprit de 1867 c'est un autre problème
également et ensuite tenant compte de nombreuses réunions,
de nombreuses modifications qui ont été faites, le jour où
le gouvernement du Québec va réussir à convaincre ses
homologues des autres provinces et le gouvernement du Canada, à ce
moment-là, le Québec sera capable d'arriver là-bas en
position de force.
M. le Président, je voudrais poser certaines questions au premier
ministre face aux futures négociations. Premièrement, j'aimerais
savoir si le Québec favorise une révision globale du
fédéralisme canadien qui aboutirait éventuellement
à l'acceptation d'une nouvelle constitution canadienne, ou est-ce que le
premier ministre du Québec préfère une révision
à la pièce de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique?
Fait-on table rase, comme le disait le premier ministre Trudeau en janvier
1977, oui ou non? L'Union nationale a toujours préconisé une
révision globale de la constitution canadienne et c'est dans cet esprit
que le gouvernement du Québec n'a pas le droit de se contenter de
simples rapiéçages, de discussions à la pièce, mais
plutôt de s'engager dans une véritable révision de la
constitution en profondeur.
Deuxièmement, est-ce que le Québec favorise toujours qu'on
aborde, dans un premier temps, d'une façon concrète et
réaliste, le noeud du problème constitutionnel canadien, à
savoir un nouveau partage des compétences entre les deux ordres de
gouvernement avant d'entamer la discussion sur d'autres points? Je crois que
cette question est très importante.
On l'a vu dans le Soleil ce matin: "Trudeau expose son plan. D'abord
rapatrier la constitution". On peut peut-être lire certaines lignes qui
dégagent un certain esprit. On dit: "Trudeau raisonne que la coupure
définitive du lien ombilical qui retient depuis 1867 le Parlement
canadien sous la dépendance du Parlement de la Grande-Bretagne, en
matières constitutionnelles, peut le plus facilement faire l'objet d'un
consensus national. Une fois ce grand coup donné, les gouvernements
pourraient vraiment entreprendre la rédaction d'une nouvelle
constitution. " On ajoute ceci, dans l'article du Soleil d'aujourd'hui: "Quant
au gouvernement du Québec, Trudeau a dit qu'il s'opposerait sans doute
au rapatriement en toute priorité de la constitution, mais il a
exprimé l'opinion que la population opterait plutôt pour le bris
immédiat du lien constitutionnel avec Londres."
Quand on parle du rapatriement de la constitution, l'Union Nationale
déjà, dans un document publié il y a deux ans, disait
ceci: "Toute tentative de rapatriement de Londres de la constitution canadienne
actuelle nous apparaît prématurée, voire même inutile
aux fins de la conduction d'une nouvelle constitution canadienne. Il sera, de
toute façon, tellement plus facile de rapatrier la constitution une foi
qu'elle aura été refaite." Evidemment, tout le monde s'entend sur
le principe du rapatriement de la constitution. Marcel Pepin, dans le Soleil du
28 mai, ajoute des lignes qui sont très importantes à retenir, en
parlant du rapatriement. Il nous dit: "Une première démarche
pourrait amorcer ce déblocage que tout le monde réclame:
rapatrier la constitution. L'effet psychologique d'un tel geste provoquerait
dans la population un sentiment de confiance qui pourrait obliger les
élus à pousser plus loin leurs efforts. Il suffirait que le
Québec consente à rapatrier immédiatement le document
britannique, à la condition qu'il soit clairement entendu que la
constitution demeurerait inchangée, tant qu'une entente ne serait pas
intervenue sur une formule d'amendement. Entre-temps, tout changement devra
exiger l'accord unanime des Législatures."
Je crois que ces choses-là sont très importantes, parce
que si on veut discuter, en profondeur, de toutes ces choses-là, il faut
s'entendre d'abord sur le partage de pouvoirs, sur le partage des ressources
fiscales et, ensuite, on pourra entrer dans tous les nombreux détails
qui composent la constitution canadienne.
Maintenant, j'aurais une troisième question également:
Quel est le forum de discussions que privilégie le Québec
à l'heure actuelle? Une série de conférences
fédérales-provinciales des premiers ministres ou encore une
série de conférences entre les ministres des Affaires
gouvernementales. Il serait important de le savoir car les réponses
à ces questions préliminaires auront des conséquences
directes sur le dénouement des négociations à venir.
Une autre question: Le Québec aura-t-il des propositions
concrètes à faire sur chacun de ces points ou se contentera-t-il
uniquement de prendre acte des propositions du gouvernement
fédéral pour réagir par la suite? J'aimerais que le
premier ministre nous donne le point de vue de son gouvernement avant de se
rendre à Ottawa, lundi prochain.
L'Union Nationale, M. le Président, croit que si le gouvernement
accepte de jouer le jeu de gouvernement provincial négociant une
nouvelle constitution canadienne avec ses partenaires, il doit le faire
honnêtement avec la plus grande rigueur intellectuelle possible sans
aucune parti-sanerie, et qu'il ne peut se défiler de cette
responsabilité en prétendant que la balle est dans le camp du
fédéral. (12 h 40)
Si notre gouvernement est sérieux et s'il entend jouer son
rôle de seul gouvernement provincial représentant une
majorité francophone au Canada, il doit, dans l'intérêt des
Québécois, et ceci indépendamment de la tenue et des
résultats du référendum, accepter la suggestion que nous
lui avons faite; rechercher et obtenir, sur le plus grand nombre de points
possible, un consensus de tous les partis politiques représentés
à l'Assemblée nationale. Il ne faudrait pas que le
débat
d'aujourd'hui soit le seul qui se tienne sur cette importante
question.
Nous avons demandé un dialogue en commission parlementaire, pour
qu'on puisse arriver à un consensus de tous les partis
représentés en cette Chambre, un consensus sur une
véritable position constitutionnelle québécoise.
Premièrement, sur la négociation elle-même et,
deuxièmement, sur le fond de la question.
Pour ce faire, il faut absolument le dépôt en cette Chambre
d'un énoncé de principe sur la conception que se fait le
gouvernement du fédéralisme canadien. Sans cet
énoncé, une commission parlementaire ne donnera rien et pourra
même, avec le temps, s'avérer tout à fait inutile.
M. le Président, voilà quelques-unes des brèves
recommandations que je voulais faire ce matin, à l'appui de la motion du
chef de l'Opposition officielle. Si nous avons cette commission parlementaire
que nous avons demandée, à ce moment je crois que ce sera
beaucoup plus facile d'entrer dans les détails du partage du pouvoir, du
partage des ressources fiscales; en somme, d'analyser en profondeur les
compétences des deux ordres de gouvernement et surtout les exigences
particulières que le gouvernement du Québec entend
défendre et aussi la victoire qu'il anticipe dans cette ronde de
négociations. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: M. le député de
Rouyn-Noranda, conformément à l'entente intervenue.
M. Camil Samson
M. Samson: M. le Président, conformément à
l'entente, j'ai cinq minutes; évidemment, en cinq minutes, je ne peux
pas développer une thèse tellement longue, mais je voudrais quand
même manifester à cette Assemblée mon inquiétude
vis-à-vis du sujet sur lequel nous discutons aujourd'hui.
Dans quelques jours, le premier ministre du Québec se rendra
à Ottawa pour discuter de questions constitutionnelles. Je pense qu'il
est important qu'on se rappelle que, le 20 mai dernier, à l'occasion du
référendum, la population du Québec a, majoritairement et
très majoritairement, à raison de 60%, rejeté la seule
option constitutionnelle avancée par le gouvernement du Parti
québécois jusqu'ici.
Or, depuis ce temps-là, à la suite de cette
défaite, le gouvernement a laissé savoir qu'il serait maintenant
disposé à négocier un fédéralisme
renouvelé et à le faire de bonne foi.
M. le Président, je pense qu'il est important de lire entre les
lignes. Comment peut-on croire que le gouvernement actuel peut aller
négocier un fédéralisme renouvelé, une constitution
nouvelle, de bonne foi, alors que c'est contraire à l'option qui est la
sienne et qui est à la base même de l'existence de ce parti?
Les déclarations ultérieures qui ont été
faites par le premier ministre que les négociations devraient se faire
publiquement et que c'était là un préalable sont
déjà un signe d'un manque de bonne foi. Car, M. le
Président, je ne peux croire qu'il y ait possibilité de
négocier une constitution nouvelle devant les caméras de
télévision. D'ailleurs, le gouvernement actuel est le premier
à avoir donné l'exemple que de la négociation ne peut pas
se faire devant les caméras de télévision. Il y a eu des
négociations entre le gouvernement et les syndicats de fonctionnaires,
par exemple. Ils n'ont pas fait ça devant les caméras de
télévision. Si on leur avait demandé ça, ils nous
auraient dit que des négociations, ça ne se fait pas comme
ça.
Ce qui se fait devant les caméras de télévision,
c'est le résultat des négociations, c'est le rapport des
négociations, mais non pas tout le tralala des négociations.
Donc, il y a là un manque de bonne foi évident.
Le premier ministre a également dit que la balle est maintenant
dans le camp du fédéral. Je regrette, mais je ne partage pas ce
point de vue. M. Trudeau a clairement dit, avant le 20 mai, qu'il était
disposé à revoir la constitution canadienne, mais qu'il posait
deux préalables, soit celui de conserver une fédération
canadienne et celui de voir enchâssée, dans la nouvelle
constitution, une charte des droits et des libertés. Or, il y a
là deux conditions qui ont été posées très
clairement et auxquelles l'actuel gouvernement n'acceptera pas de se soumettre.
Non seulement il n'acceptera pas, mais, hier encore, le premier ministre
disait, en réponse à une question du chef de l'Union Nationale,
et c'est rapporté dans le journal de ce matin: "Le premier ministre
René Lévesque a soutenu à nouveau hier que l'option
souverainiste de son gouvernement demeure la meilleure garantie qu'il
n'abdiquera pas devant le gouvernement fédéral dans les
discussions constitutionnelles". Or, il a encore dans la tête son option
souverainiste et le gouvernement a encore dans la tête son option
souverainiste, alors que la population vient de lui dire: Non, on n'en veut
pas; on ne veut pas de cette option.
M. le Président, je pense que quand la population se manifeste
à 60%, comme elle l'a fait, c'est carrément un vote de
non-confiance, non seulement à l'option du gouvernement, mais un vote de
non-confiance au gouvernement, qui a une existence seulement à cause de
cette option. C'est seulement cette option souverainiste qui a fait mettre au
monde ce parti et qui a emmené ce gouvernement. Il n'y a pas d'autre
chose que ça. Or, la balle n'est pas dans le camp fédéral,
mais bien dans le camp du Parti québécois qui se doit maintenant,
non pas de zigouiller, comme il l'a fait pendant les années
passées, mais de faire des propositions concrètes et que ces
propositions soient claires et précises. Mais, encore une fois, je mets
en doute la bonne foi du gouvernement, parce que ce gouvernement voudrait que
ça se fasse vite.
Quand je vois un gouvernement qui veut qu'on puisse amender à sa
satisfaction à lui la constitution canadienne d'une façon rapide
et que ce même gouvernement a pris trois ans et demi pour composer une
question à poser à la popu-
lation à l'occasion d'un référendum... Il voudrait
que tout le monde fasse les choses vite et cela lui a pris trois ans et demi
à faire son lit comme on dit en bon français. Moi je ne peux pas
croire qu'un gouvernement comme celui-là va négocier de bonne
foi.
En conséquence, je dis que la population a donné un vote
de non-confiance à ce gouvernement et que le gouvernement actuel n'a
même pas le mandat de négocier la souveraineté-association.
Il n'a pas non plus le mandat de négocier un fédéralisme
renouvelé. Pour ce faire, il doit aller devant la population en
élection générale et, s'il demande un mandat, à ce
moment, il l'aura. Aujourd'hui, il ne l'a pas. Personne au Québec n'a le
mandat de négocier un fédéralisme renouvelé.
Je termine. Je sais que cinq minutes, ce n'est pas long, mais je termine
en demandant au gouvernement d'avoir le courage d'aller en élections
générales et de demander à la population, suivant l'option
qu'il voudra bien proposer, un mandat. A ce moment, on verra le
résultat. Je suis convaincu qu'il n'aura pas le mandat de la population
pour aller négocier le fédéralisme renouvelé, parce
que ce serait contraire à l'option fondamentale du Parti
québécois et personne ne voudrait les croire.
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.
M. Charron: Au nom du premier ministre, je demande la suspension
du débat jusqu'à 15 heures.
Le Vice-Président: Vous demandez l'ajournement du
débat?
M. Charron: La suspension du débat jusqu'à 15
heures.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Vice-Président: II y a consentement unanime pour que
les travaux de la Chambre soient suspendus avant 13 heures.
Les travaux de l'Assemblée sont suspendus jusqu'à 15
heures cet après-midi.
Suspension de la séance à 12 h 51
Reprise de la séance à 15 h 10
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. le premier ministre, vous avez la parole.
M. René Lévesque
M. Lévesque (Taillon): J'ai écouté
très attentivement ce matin le chef de l'Opposition et je dois dire que
cette écoute attentive m'a laissé un peu beaucoup
sidéré. On l'avait déjà été un
bon nombre d'entre nous, en tout cas, et pas seulement dans cette Chambre
au moment de la parution de son livre beige qui constitue
désormais, depuis un certain congrès, le programme officiel de
son parti. Je dois dire que j'ai été sidéré encore
davantage en écoutant la litanie des questions que nous a
débitée le chef de l'Opposition et peut-être plus encore en
croyant percevoir l'attitude que ça pouvait refléter dans
l'ensemble.
Dès le départ, M. le chef de l'Opposition
prétendait situer toute cette salade de questions sous trois têtes
de chapitre, trois thèmes principaux et je les énumère
dans l'ordre où il les a énoncés, parce que l'ordre qu'un
homme donne aux sujets qui le préoccupent est souvent
révélateur des priorités qui forment ses soucis
fondamentaux. L'ordre dans lequel ces thèmes ont été
évoqués par le chef de l'Opposition est le suivant: Quelle sorte
de pays voulons-nous? Quelle sorte de régime fédéral
voulons-nous? Troisièmement, quelle sorte de rôle voudrions-nous
pour le Québec dans ce régime? Donc, le Québec arrivait en
troisième lieu. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une pure
coïncidence, je crois qu'il s'agit plutôt du reflet d'une attitude
et d'une mentalité.
Là-dessus, je dois dire au chef de l'Opposition, in absentia,
que, sauf exceptions ça et là...
M. Lavoie: Où étiez-vous ce matin, vous?
M. Lévesque (Taillon): Je n'en fais pas un blâme,
j'espère que, comme moi, il écoute ou, en tout cas, qu'on lui
rapportera cela. Là-dessus, je dois dire tout simplement je le
répète au chef de l'Opposition que, sauf exceptions
ça et là, inévitablement, parce qu'il y a eu tellement de
sujets d'évoqués dans sa litanie, je ne répondrai pas
à toutes ses questions, ce serait impossible, ce serait
prématuré et je crois aussi que ce serait foncièrement
futile parce que ce qui ressortait de tout cela, c'était, entre autres
choses, une sorte de schéma terriblement abstrait, une sorte de
construction de pays en vase clos, sans beaucoup de rapport avec une
réalité qui est toujours nécessairement mouvante, sans
beaucoup de rapport avec l'interrelation terriblement complexe d'une foule de
facteurs ou de sujets qu'il faut toujours évoquer, ni beaucoup de
rapport avec l'inévitable pression des événements qui
pèsera toujours sur l'évolution de toutes les
sociétés, y compris de la nôtre.
Je remarquerai simplement, pour en terminer avec les impressions
générales, que ce qui s'est dégagé aussi, quant
à moi, de l'intervention du
chef de l'Opposition, dans l'ensemble, c'est que c'était une
sorte de panégyrique parfaitement inconditionnel du
fédéralisme en soi, du fédéralisme comme meilleure
forme de gouvernement en soi. Autrement dit, un absolu hors duquel il n'y
aurait pas de salut possible.
Bref, j'ai eu l'impression que ce à quoi visait l'exercice auquel
s'est livré le chef de l'Opposition et qui correspondait bien, sauf
erreur, à l'ordre dans lequel il avait présenté ses
têtes de chapitre, c'était non pas simplement une attitude de
bonne foi face au renouveau éventuel du régime
fédéral, mais plutôt un acte de foi total, sans retour
possible, envers un régime auquel, au besoin, on devrait même
sacrifier des intérêts collectifs du Québec pour continuer
d'y appartenir.
Quant à moi, M. le Président, ma tête de chapitre
unique sera d'abord et avant tout celle des besoins et des aspirations
essentiels du Québec et, là-dessus, d'aller voir avec les autres,
comme le résultat du référendum l'exige à nouveau,
comment et jusqu'à quel point ces besoins et ces aspirations peuvent
trouver satisfaction dans la perspective qui s'est ouverte après le 20
mai. Car une des choses qui découlent du référendum et sur
laquelle, je crois bien, tous seront d'accord, y compris nos amis d'en face,
une chose qui fait partie de ce fameux sens du référendum sur
lequel on glose beaucoup ces temps-ci, cette chose qui me semble
évidemment découler du référendum, c'est que la
perspective soi-disant nouvelle ce qui reste à voir dans
laquelle nous entrons, c'est le Québec fondamentalement et
peut-être jusqu'à un certain point le Québec seul qui en a
été le déclencheur.
Cette ronde qui est censée s'ouvrir, cette ronde de nouvelles
négociations est venue à cause du référendum
québécois. C'était implicite déjà dans les
propos qu'on rapporte de M. Trudeau, par exemple, quand il dit qu'il ne faut
pas perdre le momentum je cite le terme que j'ai vu
c'est-à-dire cette impression de mouvement, cette impression de
possibilités de changement qui s'est dégagée du climat
préréférendaire et de la campagne
référendaire elle-même. Chose certaine, c'est que c'est le
référendum, en tout cas, qui a permis d'établir
officiellement et Dieu sait avec quelle solennité dans certains
cas que le statu quo ne peut plus durer. Il est censé avoir
changé des attitudes d'esprit, au moins apparemment. C'étaient
même certains des propos que sont venus nous tenir, les uns après
les autres, certains de mes collègues, les premiers ministres des autres
provinces. Reste à voir à quel point, concrètement, ces
changements d'attitude d'esprit se matérialiseront quand viendra le
moment des pourparlers.
C'est censé être vrai aussi fondamentalement pour M.
Trudeau lui-même. Je répète ici ce texte, mot à mot,
de l'engagement qu'il prenait en s'adressant solennellement, comme il le
disait, à tous les Canadiens des autres provinces au moment où,
comme on l'a dit couramment, il mettait se tête sur le billot dans un des
discours probablement les plus déterminants de la campagne
référendaire. "Ici, disait M. Trudeau, je m'adresse
solennellement à tous les Canadiens des autres provinces. Nous mettons
notre tête en jeu, nous, députés québécois,
parce que nous disons aux Québécois de voter non et nous vous
disons à vous, des autres provinces, que nous n'accepterons pas ensuite
que ce non soit interprété par vous comme une indication que tout
va bien et que tout peut rester comme c'était auparavant. Nous voulons
du changement. Nous mettons nos sièges en jeu pour avoir du changement."
Fin de la citation.
Donc, une volonté de changement solennellement affirmée et
avec, en gage, des sièges qu'on met en jeu et également une
volonté de changement qui correspond à un contexte de sursis, non
pas un acte de foi éternel, perpétuel et inconditionnel en un
régime, mais en un sursis qui lui est accordé. Cela encore, cela
est très nettement le ton que prétend, en tout cas, maintenir le
premier ministre fédéral et qui se reflète dans
l'invitation même dont j'ai déposé copie en Chambre, qu'il
me faisait parvenir à propos de cette fameuse réunion du 9 juin,
c'est-à-dire de lundi prochain. Le premier paragraphe est clair
là-dessus: "Lors du référendum du 20 mai
écrit M. Trudeau les Québécois ont choisi
majoritairement la voie de la fidélité au Canada. Ils ont
rejeté la souveraineté-association aussi bien que le statu quo.
Et selon vos propres termes ajoute-t-il, en me répondant
ils ont décidé de donner une autre dernière chance
un sursis, autrement dit au renouveau dans le cadre de la
fédération canadienne". Alors, une autre dernière chance
et dont le Québec a été le déclencheur après
tant d'années de cercles vicieux. (15 h 20)
Je crois qu'on pourrait s'entendre sur ceci, on devrait pouvoir
s'entendre sur ceci: C'est qu'à partir de là il devrait
être indiscutable que ce sont les besoins et les aspirations essentiels
il s'agit de s'entendre là-dessus du Québec, qui,
dans l'ensemble, sont bien connus, qui doivent être au coeur des
discussions si elles doivent mener quelque part. Ce n'est jamais aussi simple
ni aussi clair que cela, cela on le sait. Il suffit d'avoir le moindrement
d'expérience dans les relations fédérales-provinciales
pour le savoir amplement, justement parce que ce n'est jamais si simple ni si
clair que cela, qu'il y a également le provincialisme,
c'est-à-dire dix gouvernements plus un gouvernement qui les coiffe dans
un régime fédéral, qu'il y a également le
régionalisme dont on a développé la dimension depuis un
certain nombre d'années, et qu'à travers tout cela, presque
infailliblement, jusqu'à présent, le Québec et ses
intérêts fondamentaux et ses besoins essentiels comme patrie d'un
peuple ont toujours fini par être marginalisés et fini par
être en danger d'être noyés. L'histoire, par exemple, de
cette illusion toujours renouvelée pendant tant d'années des
fronts communs interprovinciaux qui durent le temps même pas de ce que
durent les roses et qui, en fin de compte, finissent toujours par se disloquer
sous la pression et parfois les chantages bien conditionnés du
gouvernement central. A travers tout cela, il va fal-
loir, quant à nous, en un mot, qu'une question fondamentale se
pose, celle qui doit se poser pour le Québec dans ses
négociations: Est-ce qu'il est possible de renouveler le
fédéralisme canadien de telle façon qu'à
l'intérieur de ce système le Québec puisse exercer tous
les pouvoirs et avoir tous les leviers qui lui sont nécessaires pour
remplir son rôle fondamental de foyer et de patrie d'une des deux nations
constituantes qui forment le Canada.
Quant à nous, avec tout le respect que nous devons à tant
d'autres priorités qui vont évidemment se développer et se
définir de nouveau pendant les négociations, de l'Atlantique au
Pacifique, quant à nous, c'est là-dessus et là-dessus
essentiellement que les négociations réussiront ou qu'elles
achopperont. Tant qu'on n'aura pas répondu de façon
adéquate et concrète à cette question qui est
d'ailleurs déjà posée depuis les années lointaines
du premier rapport incisif sur la crise canadienne, qui était celui de
Laurendau et de Dunton il n'y aura pas de solution à la crise
canadienne.
Donc, il ne peut pas, en conscience, être question, pour un
gouvernement du Québec, d'arriver à quelque pourparler que ce
soit dans une attitude de fédéraliste inconditionnel et à
perpétuité, car au succès de cette autre dernière
chance, pour reprendre les termes qu'a lui-même également
adoptés M. Trudeau, il y a cette condition fondamentale, à
laquelle condition, bien sûr, se greffent des sujets bien précis
et très concrets sur lesquels je reviendrai quelques instants avant de
terminer.
Mais d'abord, si on me le permet, en quelques instants aussi, je
voudrais essayer de régler, quant à nous en tout cas, cette
histoire de l'acte de foi inconditionnel qu'on voudrait exiger d'un
gouvernement du Québec allant à de nouvelles négociations
après les échecs successifs des 20, 30 ou 40 années
déjà passées. Ce qu'il faut dire, il me semble, si on veut
sortir de l'abstraction et des principes soi disant "inamovibles", dans un
monde qui, lui, est très mouvant, c'est qu'aussi bien l'évolution
du Canada que révolution de tout le monde démocratique nous
démontre une chose, soit qu'un régime politique ce n'est jamais
un absolu, ça ne peut pas être un absolu. Ni le
fédéralisme, ni la souveraineté, ni la souveraineté
avec l'association, ni quelque autre formule d'institution politique n'est, en
soi, un absolu, cela demeure, au niveau des moyens, évidemment à
un plan extrêmement élevé, qui implique l'ensemble d'une
société, cela demeure quand même de l'ordre des moyens. Il
y a une fin à ces moyens-là, forcément, comme dans toutes
les affaires humaines. Quelle est la fin à laquelle on doit tendre? Il
me semble qu'on peut s'entendre sur ceci: c'est que la fin, c'est
nécessairement la liberté, le mieux-être et
l'épanouissement de l'homme, de la femme, des individus et que, l'une
des conditions essentielles pour réaliser cette fin, c'est le
mieux-être également et le développement le plus complet et
le plus harmonieux possible de la société et, le cas
échéant, de la nation à laquelle ces individus
appartiennent.
M. le Président, vous savez, il y a des esprits
désincarnés, ou alors il y a des gens qui ont troqué cette
appartenance naturelle contre une autre, et c'est leur droit. Seulement, il ne
faut pas refuser de le voir. Il y a de ces gens qui sont un peu
désincarnés, ou qui ont troqué leur appartenance contre
une autre, qui peuvent refuser de voir ce lien, pour ainsi dire, organique qui
existe entre ces deux plans: le plan individuel et le plan collectif. Pour
ignorer ce lien dans notre cas à nous spécifiquement les
Québécois, il faut, par exemple, ignorer du même coup tout
ce qu'ont représenté les petits pains, assez maigres, d'une
très longue survivance, tout ce qu'a pu représenter la succession
de générations d'absences forcées de la vie
économique, sauf au niveau qui n'était pas caricatural,
même quand j'étais petit gars, du porteur d'eau et du scieur de
bois. Il faut aussi ignorer la multitude de nos carrières potentielles,
mais qui sont demeurées potentielles, tronquées ou inexistantes,
et la réalité de nos revenus toujours inférieurs à
ceux des castes dominantes.
Bref, il faut ignorer que les droits et les chances des personnes, des
individus, partout dans le monde c'est vrai chez nous comme ailleurs
seront toujours d'autant plus forts que sera forte également la
société à laquelle ils appartiennent, que ces droits et
ces chances seront toujours d'autant mieux respectés que sera
également respectée la société à laquelle
ils appartiennent, que ces droits et ces chances seront d'autant plus
féconds et susceptibles de donner des résultats que la
société surtout quand il s'agit d'une
société nationale à laquelle ils appartiennent aura
également les mêmes occasions de se développer.
Vous savez, il y a un certain prélat polonais les Polonais
évidemment ont une longue expérience, beaucoup plus tragique que
la nôtre, de ce que cela peut signifier dans l'histoire qui joue
un certain rôle, actuellement, et un rôle qui, normalement, le
place au-dessus de la mêlée et qui rappelait ces jours derniers
ceci, textuellement: "Qu'il existe une souveraineté fondamentale de la
société qui se manifeste dans la culture de la nation." La
culture, cela ne vit pas en vase clos et ce n'est pas à mettre sur des
tablettes comme dans un musée, il faut que cela ait des infrastructures,
des leviers et des moyens suffisants pour se développer, pour
s'épanouir.
Donc, la fin, au-delà des moyens, que nous devons poursuivre
c'est ce qu'on peut tout simplement appeler, si on veut, le bonheur maximal
dans toutes ses dimensions, le bonheur maximal des personnes et l'un des
ingrédients des plus essentiels pour y arriver, c'est la chance maximale
de plénitude de leur communauté nationale.
Quant à nous, il nous a semblé depuis longtemps les
années qui se sont succédé, à notre avis en tout
cas, n'ont fait que confirmer cette idée que la perspective de la
souveraineté nationale, assortie d'une offre d'association avec ceux qui
nous entourent, est et demeure de loin la meilleure sinon la seule chance pour
arriver à cette fin, Cela non plus n'est pas un absolu mais, dans un
monde de moyens pour arriver à la fin, il nous semble que cela demeure
le meilleur des
moyens. C'est celui qui assure cette égalité fondamentale
je ne chinoiserai pas sur l'application de l'égalité
mais l'égalité fondamentale qu'évoquaient
déjà, encore une fois, des gens aussi lucides que Laurendeau et
Dunton. (15 h 30)
De toute façon, il s'agit là d'une option dont personne
sérieusement peut nier ni la légitimité, ni non plus la
faisabilité démocratique. Seulement, la population a
majoritairement décidé, jusqu'à nouvel ordre en tout cas,
de ne pas l'accepter lors du référendum. Le gouvernement a donc
le devoir, dans ses relations avec Ottawa et avec les autres provinces, de
chercher à nouveau la possibilité de réaliser ses
aspirations et ses objectifs fondamentaux dans la voie d'un régime
fédéral éventuellement renouvelé, un régime
qui, lui non plus, n'est pas absolu. Est-ce qu'on peut s'en servir comme d'un
moyen pour y arriver? Chose certaine, c'est que cela implique du changement et
pas du changement cosmétique, cela implique du changement qui soit
vraiment et extrêmement profond et radical.
S'il y a un commun dénominateur dans les résultats du 20
mai, il me semble que c'est justement la volonté de changement
là-dessus; c'est peut-être un point sur lequel, si j'ai bien
compris une partie de son intervention, je m'accorderais avec le chef de
l'Opposition, même si on ne s'entend pas nécessairement sur le
reste. Justement, il y a une volonté de changement, mais il faut qu'il
aille loin, ce changement. Les 40% et plus de oui au référendum,
parmi lesquels à peu près un Québécois francophone
sur deux endossait je pense n'avoir pas besoin de faire un dessin
le changement complet du régime... A la suite des sollicitations et des
engagements des porte-parole du non, et particulièrement de M. Trudeau
lui-même, il faut bien croire qu'une très grande partie aussi de
ceux qui ont voté dans ce sens-là, dans le sens du non, l'ont
également fait avec une nette volonté de changement, mais
à l'intérieur du régime.
Je le répète, il semble bien que les
Québécois, d'un côté comme de l'autre, peu importe
que cela réalise leurs aspirations ou pas, aient au moins donné
pas plus pas moins, mais pas plus qu'une autre dernière
chance au régime fédéral. Là-dessus, il nous faut
comme gouvernement, honnêtement et en toute bonne foi, aller voir avec
les autres si le fédéralisme peut enfin, ce qu'il n'a jamais
fait, on l'admettra, dans le contexte canadien, permettre à des peuples
différents de trouver et de vivre pour eux-mêmes et pour leurs
citoyens cette égalité des chances et des droits sans laquelle
rien ne sera réglé. Notre participation ne peut donc être
que conditionnelle, sans quoi elle trahirait tout simplement, quant à
nous, la cause du peuple québécois. Il faut bien dire que cette
coexistence permettant une égalité de développement, une
égalité des chances et, éventuellement, c'est
ça, la fin une égalité de réalisation de
leurs espoirs et de leurs aspirations pour les individus qui forment les deux
sociétés, cette coexistence de deux peuples dont l'axe principal
est deux nations, deux réalités nationales, ce n'est pas
seulement au Canada que ça n'a guère réussi. Le
fédéralisme, jusqu'à présent dans le monde, c'est
un succès de "melting pot"; quand ce n'est pas un succès de
"melting pot", en règle générale, ce n'est pas un
succès, c'est un déséquilibre permanent et c'est une forme
de régime dans lequel il y en a toujours un ou d'autres qui sont plus
égaux que les autres. C'est ce que nous avons vécu. Par
conséquent, il faut bien que ce soit avec un certain scepticisme, il
faudrait être irresponsable pour prétendre avoir la foi du
charbonnier, et un scepticisme qui nous paraît très sain, qu'on va
s'engager avec les autres dans ces négociations.
Je me vois obligé d'ajouter ceci: Je crois qu'une telle attitude
est une meilleure garantie de protection et de promotion des
intérêts fondamentaux du Québec que certaines abdications,
parfois par anticipation, de trop de fédéralistes inconditionnels
pour qui on dirait que le régime est une fin en soi, une fin pour
laquelle, au besoin, on doit sacrifier nos intérêts primordiaux;
encore une fois, un truc hors duquel il n'y a pas de salut. Cela nous semble
profondément malsain. Il y a une sorte de totalitarisme de l'attitude
là-dedans. On dirait qu'un simple réflexe conditioné, une
sorte de pétition de principe tient lieu de pensée et de
réflexion.
Je crois que l'expérience nous a prouvé et nous prouve
encore que ce genre d'attitude peut mener à beaucoup de compromissions.
Il y a des compromissions qui peuvent être extraordinairement
sérieuses; cela donne déjà, d'ailleurs, souvent de curieux
résultats. Il y a, par exemple, ce livre beige sur lequel on aura
l'occasion de revenir. C'est maintenant le programme officiel de nos amis d'en
face, avec lequel ils s'en iront éventuellement à des rencontres
électorales, mais déjà, pour l'instant, il y a des choses
extraordinaires là-dedans, dans le sens d'une sorte de
dégradation inconsciente, parce que, justement, on est trop
inconditionnel, de ce que représente la réalité nationale
du Québec.
On nous dit, par exemple, dans cet "incondi-tionnalisme" curieux, que le
fédéralisme est le meilleur des régimes. Pourquoi? Parce
que c'est celui qui permettrait au Québec de s'occuper ou, enfin, de
pouvoir vivre la culture de la liberté. C'est quand même quelque
chose, cela, la culture de la liberté. Autrement dit, le
fédéralisme, de toute façon, est meilleur pour la culture
de la liberté, ce qui n'est pas nécessairement prouvé par
l'expérience. Je référerais nos amis d'en face aux
héritiers de Lord Durham et à quelques autres à travers le
Canada pour se rendre compte que cela n'a pas toujours été vrai.
Donc, il n'y a pas, en soi, de garanties, ni encore davantage pour
employer le terme présomptueux du livre beige de culture de la
liberté qui soient accrochées à un régime en
soi.
Mais quant, par-dessus le marché, on vient dire cela au
Québec et à la société québécoise,
par une sorte d'allusion un peu sournoise, on l'admettra on
profère une calomnie à l'égard
d'une société qui, sur ce point, n'a sûrement pas de
leçon à recevoir des autres ou, en tout cas, des autres parties
du Canada jusqu'à nouvel ordre. Cela mène à des choses
comme cela.
Cela mène à des choses qui sont encore plus graves et qui
peuvent laisser des doutes sur certaines attitudes. Je ne croyais pas que
c'était possible; j'avais entendu, par exemple, comme tout le monde, le
premier ministre fédéral, parlant de l'éventuelle
possibilité d'une association, nous dire publiquement qu'il trouvait
qu'on pouvait établir un parallèle entre cette idée
québécoise de l'association avec le reste du Canada et ce que
serait, par exemple, un désir d'association de deux dictatures des
Antilles, Haïti et Cuba. Ensuite, cela s'est perdu dans la brume de la
campagne référendaire. Mais ce genre d'attitude vient de
loin.
Je retrouve, en 1977 et j'ai été obligé de
le relire pour y croire, parce que cela n'a pas fait beaucoup de bruit à
l'époque simplement une indication cursive, comme cela,
passagère, de ce que peut être une attitude. C'était dans
le Vancouver Province, à la suite d'une réunion où il y
avait eu un dîner avec deux douzaines d'éminents convives, autour
et alentour des préoccupations qu'on pourrait appeler
fédérales-provinciales ou constitutionnelles, et où
l'invité d'honneur était le premier ministre
fédéral actuel et de l'époque. Je cite simplement ceci, ce
n'est presque pas croyable, mais c'est cela: "In closing, Trudeau expressed
confidence that Canada would learn to deal with its French population with the
same success that the United States had learn to deal with its black citizens."
Je vais traduire: En terminant ses propos d'après-dîner,
semble-t-il M. Trudeau s'est dit confiant que le Canada apprendrait
éventuellement à traiter avec ses citoyens francophones avec le
même succès que les Etats-Unis avaient fini par apprendre dans le
traitement de leurs concitoyens noirs. Cela rappelle le titre de certains
ouvrages qui ont fait leur tour de presse et leur tour de librairie il y a
déjà pas mal d'années; je ne croyais pas que cela pouvait
revenir dans des années soixante-dix avancées.
Dans un contexte comme celui-là, qui est quand même
fondamental parce qu'il s'agit vraiment des attitudes mentales et des racines
ou des manques de racines éventuelles des intercolu-teurs, j'aime bien
qu'on parle beaucoup de crédibilité. Tout ce que je viens
d'évoquer et tout le reste qu'on pourrait ajouter me dit que, sur ce
plan, celui de la crédibilité, en ce qui concerne en tout cas les
intérêts du Québec, ses intérêts fondamentaux,
leur défense et leur promotion, je dirais que cet ensemble qui s'est
dégagé depuis un certain temps, chez nos amis d'en face comme
chez leurs amis d'à côté, de l'autre bord de l'Outaouais,
leur donne un genre de crédibilité, en ce qui concerne, encore
une fois, les intérêts du Québec, qui pourrait ressembler
dangereusement à la crédibilité d'un syndicat de boutique
qui couche d'avance avec le patron et ce n'est pas particulièrement
rassurant pour ceux qu'on prétend défendre.
Le chef de l'Opposition a dit que notre crédi- bilité dans
le contexte était plus ou moins entachée, en particulier, je
pense, pour une raison qui serait la contradiction, qui est la contradiction
fondamentale, objective, entre notre option politique comme parti et les
résultats du référendum et ce qu'ils nous dictent comme
gouvernement. (15 h 40)
Bien sûr, il y a une contradiction, mais, si nous nous sommes
engagés démocratiquement à remettre ce programme en
veilleuse au niveau du gouvernement et à aller chercher, aussi
positivement et aussi honnêtement qu'il est possible, l'éventuelle
solution à l'intérieur du régime, la chercher avec les
autres, je dis simplement et très solennellement dans cette Chambre que,
si nous nous y sommes engagés, nous le ferons.
Il me semble que le passé, parfois, est garant de l'avenir et
notre passé à ce point de vue est peut-être un peu plus
rassurant que d'autres que je pourrais mentionner. Sur ce plan comme sur celui
d'autres engagements qu'on avait pris devant nos concitoyens, je ne crois pas
que jamais, depuis bientôt quatre ans, le gouvernement que nous
constituons ait trompé les concitoyens québécois qui nous
avaient fait confiance. Je puis assurer cette Chambre et ceux qui
peut-être dans le public nous entendent que nous n'avons pas l'intention
de les tromper cette fois-ci, non plus. Eventuellement, de toute façon
et là, je rejoins le chef de l'Opposition et comme
électeurs cette fois, nos concitoyens exerceront leur jugement
là-dessus et ils diront par leur vote si les intérêts du
Québec sont en meilleure main avec des gens comme nous ou bien avec des
gens qui se proposent en partant comme des fédéralistes
inconditionnels, peu importe qu'il s'agisse d'un sursis, des
fédéralistes à perpétuité avec tous les
risques que cela comporte et, par-dessus le marché, des gens qui ont
déjà, peut-être en attendant la suite, de très
lourdes dettes à acquitter à l'égard de la machine
fédérale et de M. Trudeau lui-même.
Des Voix: Oui, oui.
M. Lévesque (Taillon): Sur ce, M. le Président,
dans le temps qu'il me reste, je voudrais, sans prétendre aller dans
tout le détail cela viendra plus tard, forcément
revenir quand même un peu sur ces besoins et ces demandes du
Québec à l'intérieur du fédéralisme, dont
j'ai déjà dit et je pense que le chef de l'Opposition l'a
répété un peu ce matin que l'ensemble en
était déjà bien connu parce que tous les gouvernements
antérieurs du Québec depuis M. Godbout, en tout cas
ont eu l'occasion de les faire valoir, ces besoins, ces demandes et ces
revendications traditionnelles, comme on disait. Ils l'ont fait et, pour
l'essentiel, ils l'ont fait sans le moindre succès. Par respect de la
vérité, je dois quand même souligner aussi que, depuis
douze ans, sous M. Trudeau, le même gouvernement qu'aujourd'hui, depuis
en fait ce qu'on a appelé le "Canada for tomorrow", c'est-à-dire
au moment du centenaire et des années qui ont suivi, 1967, 1968 et,
ensuite, jusqu'à Victoria en 1971 et tout le
long des rondes, comme on dit, de négociation diverses qui se
sont ensuivies pendant les années soixante-dix, y compris les
nôtres qu'on a accompagnées laborieusement et aussi activement que
le dictait le sujet jusqu'en 1978 et jusqu'à l'échec à peu
près total de cette liste qu'on appelait en anglais la "short list",
c'est-à-dire la quinzaine de sujets que M. Trudeau lui-même avait
mis sur la table, je dois donc au respect de la vérité de
souligner que, depuis douze ans, cela a été un fiasco dans un
contexte d'un besoin ou d'un esprit de centralisation toujours plus
poussé.
Il nous est facile et en cours de route, bien sûr, on le
fera de reprendre ces demandes en nous appuyant sur nos
prédécesseurs, mais aussi de les remettre à jour et de les
compléter au besoin, ce qu'on s'est efforcé de faire selon la
conjoncture depuis trois ou quatre ans. On peut, bien sûr, ajouter aussi,
le cas échéant, d'autres points que peuvent, que doivent nous
dicter révolution des choses et révolution du régime et de
nos sociétés elles-mêmes. Je peux me permettre de dire que,
bien avant le chef de l'Opposition, on avait découvert que s'appuyer
seulement sur des formules traditionnelles de demandes traditionnelles, cela ne
peut pas suffire pour assurer la fameuse continuité historique et qu'on
ne peut pas se contenter je cite le chef de l'Opposition
"d'être étroitement, jalousement, mesquinement les gardiens du
temple et des tables de la loi."
Seulement, là encore, entre les lignes, il y a quelque chose que
j'aimerais élucider, mais je ne pose pas la question au chef de
l'Opposition. Il trouvera le moyen d'y répondre autrement, je suppose.
Mais il y a quelque chose là. Il ne faudrait pas que cette accumulation
d'adverbes terriblement péjoratifs: "étroitement", "jalousement",
"mesquinement", ait si peu que ce soit l'intention de camoufler ou de
déguiser un recul ou une démission sur des choses importantes,
parce que cela sert souvent la fausse générosité qu'on
peut vouloir pratiquer aux dépens des siens et au profit des autres. Je
reviendrai là-dessus, de toute façon.
Cela dit, nous croyons, nous aussi, que l'évolution fait que la
continuité, c'est par en avant, et que cela doit refléter
l'évolution des choses. Ce qui n'empêche pas que certaines choses
fondamentales, la continuité ne peut pas du tout les faire balayer comme
cela en dessous du tapis comme si cela n'existait plus. Par exemple, les
demandes ou les revendications du Québec ont porté beaucoup,
pendant un bon nombre d'années et avec une insistance constante, sur les
domaines culturel et social. Par exemple, dans le domaine des droits
linguistiques, il s'agira de voir, encore une fois, comment on les
évoquera au moment de la reprise des négociations, parce que cela
a toujours été un des éléments clés. Mais
quant à nous, ces droits linguistiques, c'est la clé même
de notre identité collective; donc, c'est au coeur des
préoccupations qu'on doit avoir.
Tout près et, en fait, aussi central, se trouve toute la question
de l'exclusivité de la juridiction et des pouvoirs du Québec en
matière d'éduca- tion. On sait à quel point c'est loin
d'être complet, c'est loin d'être parfait et à quel point
cela peut coûter cher en résultats humains, et je ne parle pas
seulement de résultats financiers. En particulier, on n'a qu'à
regarder ce qui se passe et qui n'est pas encore démêlé,
loin de là, dans ce fouillis invraisemblable où se trouve
l'éducation des adultes, en particulier entre deux niveaux de
gouvernement.
Pas loin derrière je dirais pas loin derrière
dramatiquement se trouve l'ensemble du domaine des communications,
c'est-à-dire la radio, la télévision, la
câblodistribution et bientôt la télévision à
péage. Tout cela a un impact quotidien. Et ce n'est pas seulement
MacLuhan qui l'a dit, c'est également, dans la campagne
référendaire, l'orgie de publicité fédérale
audio-visuelle qui nous en a donné une preuve non seulement immorale,
mais extrêmement éloquente aussi. Autrement dit, cela pèse
lourd sur tout l'ensemble de l'identité et de son évolution d'une
société.
Le chef de l'Opposition a essayé d'englober cela assez rapidement
ce matin sous la forme de chicanes byzantines, en ce qui concerne les
communications. Je rappellerai au chef de l'Opposition un argument
d'autorité, qui vaut ce qu'il vaut, mais quand même l'occasion
était solennelle, et c'est un point marquant de l'histoire des
dernières années, d'un Canadien, extraordinairement connu
à l'échelle du monde, qui est devenu un citoyen du monde et qui
est aujourd'hui un Américain, mais qui est originaire du sud de
l'Ontario, qui est un ancien élève du Collège agricole de
Guelph, et qui s'appelle Galbraith, le fameux économiste, ex-ambassadeur
américain et une espèce de maître à penser
international. Galbraith, à qui on avait rappelé, en 1967, au
moment d'un certain centenaire, ses origines ontariennes et anglo-canadiennes,
avait consenti à faire un article pour répondre à la
question suivante qui, je crois, rejoint assez bien notre actualité. La
question était celle-ci: Le Canada célèbre un premier
centenaire de son régime fédéral; quelle serait, selon
vous, M. Galbraith, la condition essentielle pour qu'il puisse arriver à
un deuxième à peu près encore existant?
Galbraith j'ai eu l'occasion de lui en parler après, au
moment où on se trouvait ensemble à Terre-Neuve à je ne
sais pas quelle occasion m'a avoué gentiment qu'il avait
complètement oublié cette dimension-là. Il a
répondu comme un Anglo-Canadien en disant: Ce qui est essentiel
il parlait uniquement dans le contexte anglo-canadien c'est que CBC,
c'est que toute une série de choses qui existent au point de vue des
communications, vous pouvez continuer peut-être jusqu'à un certain
point Dieu sait que c'est déjà avancé
à vous satelliser au point de vue économique, à vous
laisser littéralement manger votre économie par n'importe quelle
intervention extérieure et, essentiellement, devenir dépendant de
tout le monde. Cela peut être dangereux, mais ce n'est pas cela qui est
le plus fondamental. Vous vivrez un autre siècle avec une
identité à peu près reconnaissable si vous maintenez un
régime ou un
système de communications dont vous gardez les leviers en main et
que vous tenez bien solides. Et qu'on vienne nous dire après cela
je crois que là-dessus il avait raison, sauf qu'il oubliait qu'il y
avait deux dimensions de ce genre au Canada que ce sont des chicanes
byzantines quand on se préoccupe de juridiction et de compétence
en matière de communications dans un siècle comme le nôtre,
cela me dépasse un peu, je dois l'avouer humblement au chef de
l'Opposition.
Donc, il y avait cet ensemble je n'irai pas plus dans le
détail qui correspond à des clés dans le domaine
culturel et qui se retrouvait, d'une façon ou de l'autre, lorsqu'on a
appelé les demandes, les revendications établies, insistantes et
Dieu sait combien de fois répétées du Québec depuis
des années. (15 h 50)
Dans le domaine social, c'est l'ensemble de la politique sociale
on a seulement à se rappeler Victoria et son échec qui a
fait l'objet, en gros, globalement, des revendications, parce que la politique
sociale, pour autant qu'elle mérite ce nom, c'est toujours collé,
dans n'importe quelle société civilisée, au tissu
même le plus intime de la société, c'est collé
à ses structures de populations et c'est collé à sa
façon de définir et d'établir ses priorités.
Actuellement on vit, depuis des années et c'est
répété sans arrêt, mais c'est
répété sans résultat dans un fouillis qui
est absolument inextricable, où l'inefficacité finit par
déboucher sur l'injustice trop souvent; c'est vrai dans le domaine des
pensions pour le troisième âge, comme c'est vrai pour les familles
dans le domaine des allocations qui se superposent et c'est vrai
spécifiquement, par exemple, dans le domaine du droit de la famille
où, tout en ayant des accords de principe, en 1978, on n'est pas plus
avancé en 1980 et c'est vrai aussi dans le domaine si on ne fait
pas attention de l'immigration. J'ai trouvé curieux que, ce
matin, le chef de l'Opposition nous parle de l'immigration. Un domaine dont on
s'est aperçu qu'il est devenu crucial pour l'identité même
du Québec, au point de vue collectif, dès les années
1966-1967, quand se sont heurtés en conjugaison, c'est-à-dire se
sont conjugés, mais en se heurtant forcément, en perspective,
deux facteurs qui étaient, d'une part, la dénatalité
galopante qui nous avait gagnés et, d'autre part, l'immigration qu'on ne
contrôlait absolument pas, ou à peu près pas. C'est
d'ailleurs à partir de là que s'est créé, d'abord,
comme une coquille, un symbole, un ministère de l'Immigration pour le
Québec.
Alors, moi, j'ai trouvé curieux que, parlant d'immigration ce
matin, si brièvement que ce soit, le chef de l'Opposition dise qu'il
faudrait tout de même être sûr que le Québec, quel
qu'il soit dans l'avenir, serait ouvert à l'immigration sans
contrôle bureaucratique rigide. Là, encore, je ne peux pas
m'empêcher de voir une espèce d'allusion par anticipation à
ce que le Québec pourrait faire de "méchant", de "pas correct",
s'il fallait que ce soit lui qui soit, plus qu'il ne l'est en ce moment, en
dépit des accords toujours fragiles qu'on a pu avoir avec le
fédéral, plus détenteur du contrôle des politiques
d'immigration. Il faut toujours comparer et je regarde, par exemple, comment
ont été défendus les Haïtiens, que certains
contrôles rigides et bureaucratiques, mais pas au niveau
québécois, risquaient d'exporter, comme ça, manu militari,
sans autre forme de procès. Il me semble et, là, je parle
de l'actualité récente, quand même que c'est le
gouvernement du Québec qui s'est porté à leur secours, le
plus éloquemment qu'il le pouvait, en dépit de son manque de
pouvoirs. Tout récemment mais ça dure tragiquement,
à travers le monde, depuis quelques années s'il y a
quelqu'un qui a pris l'avant-garde, s'il y a une société, parmi
les deux au Canada, qui a pris l'avant-garde, en ce qui concerne le traitement
des réfugiés, d'une attitude accueillante et justement non pas
rigidement bureaucratique, il me semble que c'est le Québec, que ce soit
dans le cas des Cambodgiens ou que ce soit dans le cas d'autres
réfugiés à travers le monde qui peuvent s'intégrer
dans de nouvelles patries. Il me semble que, là-dessus encore, s'il y a
des dangers de contrôles rigides et bureaucratiques dans la
mentalité de quelque niveau de gouvernement, reflétant quelque
société que ce soit des deux qui constituent le Canada, ce n'est
pas précisément à Québec qu'on voit ça.
Mais, partant de ces allusions qui, à mon humble avis, sont
profondément et indirectement injustes, est-ce que le chef de
l'Opposition voudrait dire qu'on doit quitter tout souci d'équilibre
démographique et culturel? Que le Québec doit être la seule
société nationale dans le monde ou à peu
près qui n'aurait pas ce souci constant de maintenir
convenablement l'équilibre démographique et culturel dans lequel
elle doit baigner pour continuer et pour avoir une chance de s'épanouir?
En tout cas, c'est une question!
Maintenant, à tout cela s'ajoutent des choses là,
je rejoins le souci d'évolution du chef de l'Opposition que nous
dictent les événements qui s'accumulent et qui, forcément,
ont leur action, ont leur effet sur les situations respectives de nos
sociétés, ici comme ailleurs. Par exemple, derrière les
préoccupations de culture fondamentales, d'identité
fondamentales, d'évolution sociale fondamentales aussi, d'un peuple,
derrière tout ça ou, en tout cas, si vous voulez, au-dessous de
tout ça, pour que ça signifie quelque chose d'autre que des
pièces de musée, il faut qu'il y ait des infrastructures
économiques, des infrastructures économiques solides dans
lesquelles le peuple concerné doit détenir suffisamment de
leviers de décision pour avoir l'impression que ça travaille pour
lui convenablement. C'est ce que nous faisons, d'ailleurs. Cette insertion de
plus en plus insistante de la préoccupation économique, de la
préoccupation de responsabilité économique et non pas de
quémandage international qui tenait lieu de politique pendant tant
d'années au Québec dans le genre: Venez donc, parachutez-vous
chez nous pour faire le développement à notre place. Que les
autres viennent compléter notre développement quand ils nous
respectent, il n'y a personne qui peut avoir d'objection à ça.
Mais l'insis-
tance primordiale qu'on doit mettre, c'est de donner à notre
société la capacité de se les faire, ses infrastructures,
de se donner ses leviers de décision et de faire son
développement au maximum, comme toute société qui se
respecte.
Depuis 1976, que ce soient les budgets du gouvernement qui
reflètent ce souci année après année, que ce soient
des programmes et politiques, comme, par exemple, celle du développement
un peu plus québécois de l'amiante, que nos amis d'en face ont si
bien combattue avec toutes sortes d'arguments où il n'y avait plus
d'avenir pour l'amiante, ou alors où le prix qu'on offrait était
tellement injuste pour cette pauvre General Dynamics, etc.. Autrement dit,
simplement reprendre en partie le contrôle, avec les possibilités
de recherche et de développement d'emplois, d'une ressource fondamentale
du Québec, c'était quelque chose d'impensable. Toujours cette
incapacité fondamentale qu'on essaie de nous rentrer dans l'esprit,
alors que la réalité a démenti ça depuis si
longtemps.
La même chose dans le domaine du zonage agricole qui est une des
seules garanties d'avenir respectable, en même temps que d'avenir
fructueux pour n'importe quelle société dans le monde
d'aujourd'hui. Finalement, je prendrais le cas de OSE, l'Opération de
solidarité économique on a peut-être
été naïf; chacun a ses scrupules où,
justement, à cause du respect qu'on devait à
l'égalité des chances, si ça avait pu être
respecté par d'autres, nous, on a candidement diminué, par
rapport à l'an dernier, la publicité qu'on faisait sur
l'Opération de solidarité économique du gouvernement
québécois, ce qui est un scrupule démocratique que
d'autres n'ont pas, disons, également manifesté.
Mais tout ça, cette insistance sur l'économie qu'on a mise
depuis trois ou quatre ans sur une économie intégrée
à sa société, ça a quand même permis cet
extraordinaire épanouissement de la performance économique du
Québec pendant les deux années complètes qu'ont
été 1978 et 1979 où ça a
précédé, je pense, à tout point de vue comparatif,
la performance d'ensemble du Canada et celle même de l'Ontario, à
côté de nous. Mais il est évident que ça n'a pas
suffi et que ça ne suffit pas encore, loin de là, à
corriger l'inégalité flagrante au point de vue économique
dont le régime nous a affligés, une inégalité qui
se reflète dans un taux de chômage qu'on a beau essayer de
réduire mais qui demeure toujours têtu et au-dessus des moyennes
qui seraient acceptables; l'autre aspect, l'autre côté de la
médaille, c'est que ça n'a pas corrigé non plus tous les
efforts qu'on a pu faire avec les moyens du bord d'une province, la
difficulté constante de maintenir un rythme suffisant de
développement et de création d'emplois. On reste toujours plus ou
moins devant cette espèce de frontière qui n'est tout de
même pas dans le testament d'Adam et Eve et qui dit que le
développement, systématiquement, est orienté à
l'ouest de l'Outaouais la plupart du temps et que, systématiquement, le
sous-développement relatif et évidemment le championnat de
l'assurance- chômage, etc., sont orientés du côté de
l'est de l'Outaouais.
Sur ce plan pas besoin de revenir dans le détail il
nous semble évident, ça fait partie des corrections qu'il va
falloir exiger, que les politiques et les programmes fédéraux ont
négligé le développement du Québec. Je veux bien
qu'on maintienne, comme le demandait ce matin, avec une grande candeur,
vigoureuse, d'ailleurs, le chef de l'Opposition, qu'on maintienne
c'était, d'ailleurs, dans nos perspectives, de toute façon
une union économique, véritable et efficace avec le reste du
Canada. Le seul adjectif qui manquait dans le vocabulaire du chef de
l'Opposition à ce point de vue, lui qui ne manque pourtant pas
d'adjectifs ni d'adverbes, en général, c'était non
seulement une association économique véritable et efficace, mais
équitable aussi. Celle-là, on ne l'a pas eue encore. Or, il
s'ajoute à ça, en ce moment, que la conjoncture économique
c'est une conjoncture qui va tellement loin que ça peut toucher
des fondements que nous traversons est dramatiquement
inquiétante, justement, au niveau fédéral avec tout ce que
ça peut impliquer, et pour les autres niveaux de gouvernement, et pour
les consommateurs et citoyens qui sont affectés. Que ce soit la
fiscalité, les prix pétroliers, le fouillis invraisemblable dans
lequel on patauge en ce moment, il y a quelque chose qui est plus
inquiétant que jamais auparavant de mémoire d'homme contemporain,
on a une situation catastrophique d'un Etat fédéral dont nous
payons tous le prix. Si ce n'était pas un Etat, il serait en faillite
depuis quelques années.
Maintenant, le ministre des Finances, je crois, pourra évoquer,
de façon très factuelle avec les comparaisons qui s'imposent,
cette situation dans sa réplique où, je suppose, on reviendra un
peu aux questions budgétaires et à la situation financière
et économique, parce que c'est un peu quand même un thème
qui s'impose, à un moment donné, dans un débat sur le
discours du budget.
Mais je me contenterai de dire ceci. L'expérience qu'on vit et
qu'on a vécue depuis quelques années rejoint directement tout ce
contexte de négociations de tel genre de régime
fédéral, de telles possibilités de développement
à l'intérieur de cela pour le Québec. Une chose est
certaine, c'est que ce sont les provinces, et cela est prouvé dans je ne
sais pas combien de secteurs, qui sont non seulement le gouvernement le plus
proche des citoyens, non seulement le gouvernement la plupart du temps qui
connaît le mieux les besoins et les solutions dans le domaine
économique en particulier, dans le domaine du développement, mais
cela implique que ces gouvernements aient également les ressources et
les leviers nécessaires pour exercer cette compétence qui est
là, de façon de plus en plus évidente partout. Cela touche
directement un des points qu'a évoqués ce matin le chef de
l'Opposition, c'est-à-dire le contrôle des richesses naturelles.
C'est une question fondamentale en effet dans toute négociation de
révision d'un régime, pour en arriver à quelque chose de
plus acceptable.
Je dois dire très simplement, au nom du gouvernement, que quel
que soit le climat des négociations, nous verrons à ce que notre
droit de propriété et les pouvoirs qui en découlent, en ce
qui concerne les richesses naturelles et tout particulièrement
l'électricité ne camouflons pas la réalité
qui pourrait susciter pas mal d'appétit à
l'extérieur, que ces pouvoirs et ce droit de propriété
seront non seulement protégés, mais également
confirmés et au-delà de tout doute possible.
Je pourrais entrer dans le détail un peu de ce qu'a dit, ce qu'a
évoqué ce matin le chef de l'Opposition qui, évidemment,
nous parlait de générosité, de partage et tout ce qu'on
voudra. Je lui rappellerai tout simplement que jusqu'ici, à travers les
fouillis successifs dans lesquels se sont déroulées les
négociations en ce qui concerne les prix pétroliers avec
l'Alberta, ce qui s'est fait jusqu'à présent, cela s'est fait
laborieusement, mais à partir d'ententes, et non pas à partir de
changements unilatéraux et qu'à part cela, en ce moment, s'il y a
justement cette espèce d'affrontement qui s'est développé,
c'est que justement il n'y a pas d'entente et qu'on est littéralement
devant, si on veut, ce qu'on appelle en anglais un peu la pression
irrésistible et l'objet inamovible, et que lui-même, dans son
livre beige, le chef de l'Opposition je ne sais pas s'il a oublié
cela parlait évidemment de situation d'urgence il s'agit
de définir ce que c'est, l'urgence dans le domaine des richesses
naturelles, mais de situation d'urgence, et non pas de situation d'enfant
gâté, de situation d'urgence véritable et aussi de
l'approbation éventuelle de cette fabrication qu'il avait
intitulée le conseil fédéral, sauf erreur. Or, comme il
n'existe pas, il faudrait peut-être trouver un substitut dans la
période assez dramatique que nous traversons.
Mais je répète ce que je disais sur l'essentiel, c'est que
le droit de propriété, la juridiction et tous les pouvoirs qui en
découlent, cela appartient aux provinces, et qu'en ce qui concerne le
Québec, et en particulier le réservoir électrique du
Québec, il n'est pas question de commencer à barguigner
là-dessus.
Maintenant, dans le domaine économique, il y a toutes sortes de
choses que je pourrais ajouter, mais je vais me contenter d'une avant de
terminer. C'est que dans le domaine international où la présence
du Québec s'affirme de plus en plus, péniblement Dieu sait
à l'occasion, depuis une quinzaine d'années, depuis 16 ans
à peu près, au début des années soixante, cela va
plus loin je m'excuse que le chef de l'Opposition ait cédé
à cette facilité que des chicanes de drapeau et de
chicanes de tapis. Cela va jusqu'à la nécessité de plus en
plus évidente, dans une économie qui devient de plus en plus
dynamique et productive, d'une meilleure marge de manoeuvre et de meilleurs
moyens aussi, en ce qui concerne l'exportation de nos produits, la
pénétration des marchés, c'est-à-dire une
connaissance internationale concrète, en ce qui concerne nos
échanges et en ce qui concerne aussi les autres relations normales sur
tous les plans où existent, soit la juridiction ou des affinités
culturelles du Québec avec d'autres peuples ou d'autres
sociétés. Cela va plus loin que des chicanes de drapeau et de
tapis.
Par exemple, tout récemment, on a été obligé
d'étaler dans les journaux le fait que d'une façon subreptice,
mais qui a paru tellement vite, c'était cousu de fil blanc, on s'est
arrangé pour que le président du Mexique, M. Portillo, passe
directement d'Ottawa à Toronto sans faire halte au Québec, son
agenda qui avait été préparé par qui?
ne le lui permettant pas. Et cela au moment même où le
Québec, à part le fédéral, est le seul endroit
et on sait que la question pétrolière et le Mexique,
ça ne fait pas deux depuis quelques années, ça ne fait
qu'un, ça va ensemble sauf erreur, au Canada où il y a,
depuis un bon nombre d'années, avec l'expérience requise, une
institution publique dans le domaine pétrolier qui s'appelle SOQUIP et
en plein au moment où on s'apprête à ouvrir et sauf
erreur, il n'y en a pas d'autre au Mexique, pour des raisons qui sont
culturelles, économiques, qui sont historiques jusqu'à un certain
point, une délégation qui serait la première dans les pays
latins de l'Amérique du Nord, la deuxième dans toute
l'Amérique latine, sur les deux continents, une délégation
générale du Québec.
J'ai trouvé cela curieux comme façon de procéder et
on n'en a pas fait une chicane de drapeau ou de tapis, mais cela montre quand
même une certaine mentalité par rapport à ce que pourrait
être la présence normale du Québec avec ses interlocuteurs
normaux ailleurs dans le monde.
Tout cela, en résumé, donne ceci: si on veut regarder
l'ensemble des moyens de développement, il nous semble que nos taxes et
nos ressources comme Québécois doivent servir d'abord
équitablement à notre propre développement et pas au
développement des autres. Encore une fois, dans l'ensemble, c'est vrai
pour les autres provinces, pour la plupart en tout cas. Ce n'est pas vrai
nécessairement pour l'Ile-du-Prince-Edouard ou d'autres qui doivent se
considérer comme des mineures perpétuelles, jusqu'à un
certain point, dans le régime actuel, mais certainement pour la plupart
des provinces et singulièrement pour le Québec, c'est vrai qu'il
lui faut ses leviers, ses ressources, ses instruments de
développement.
Le chef de l'Opposition évoquait le consensus de Régina il
y a deux ou trois ans; ce consensus de Régina rejoignait l'ensemble des
provinces, y compris le Québec, comme une espèce de minimum sur
lequel on s'entendait; il restera à voir si on s'entend toujours. Je
dois ajouter à ce consensus général des provinces, au
niveau du provincialisme, je dois ajouter ceci: Ce qui est vrai pour les autres
est encore infiniment plus vrai et plus impératif pour nous, du
Québec, à cause de ce caractère de foyer national, de
patrie d'un peuple qui n'a pas d'autre patrie et qui n'en trouvera pas d'autre
ailleurs dans le monde, à cause de cela et par-dessus le marché
à cause du fait que ce peuple a atteint sa maturité autant que
n'importe quel autre et qu'il a par conséquent un besoin
urgent d'horizon, de carrière, de développement pour des
ressources humaines qui sont également compétentes avec celles
d'ailleurs, c'est plus particulièrement vital pour le Québec.
C'est cela, dans ce domaine comme dans les autres, la dimension
particulière du Québec. Tout cela et tout le reste prendront
éventuellement la forme active et ce ton d'affirmation concrète
dont parlait le chef de l'Opposition; seulement, je ne voudrais pas qu'il
anticipe. C'est ce que doit éventuellement prendre comme ton, et
peut-être très bientôt, le gouvernement du Québec
dans ces négociations qui s'amorcent, mais il faut tout de même
revenir, pour l'instant, à cette situation de départ où
nous nous trouvons.
Nous nous trouvons dans une situation de départ qui a
été essentiellement balisée, mais comme un chèque
en blanc, par les promesses solennelles d'un premier ministre
fédéral, des promesses qui ont pesé très lourd,
d'une façon probablement déterminante dans la campagne
référendaire. C'est seulement à partir de lundi prochain,
le 9 juin, au chalet du lac Harrington, qu'on verra ce qui peut commencer
à venir sur la table, si on a quelque chose à écrire en
noir sur blanc sur ce chèque en blanc que M. Trudeau a obtenu. S'il
fallait qu'Ottawa se contente de reprendre avec ou sans emballage nouveau le
même contenu qu'au cours des douze dernières années, je
crois qu'avec raison les Québécois auraient l'impression d'avoir
été bernés et trompés.
Le chef de l'Opposition rappelait... Le premier ministre
fédéral avait d'abord réduit, à la Chambre des
communes, à deux préalables ses exigences fondamentales: que le
Canada demeure une fédération, avec une dernière chance,
le sursis que les électeurs lui ont accordé, et il y a la Charte
des droits incluant, éventuellement, au-delà des droits
fondamentaux des personnes, peut-être des droits linguistiques dans le
secteur collectif, mais cela reste à voir. (16 h 10)
C'est curieux comme se sont ajoutées d'autres choses depuis, en
quelques jours, pendant seulement quelques jours, des définitions
d'attitudes additionnelles, les unes sectorielles, les autres globales. C'est
venu du premier ministre fédéral lui-même; c'est venu aussi
de certains ministres fédéraux. Et, soit dit en passant, ce
n'étaient pas des attitudes nécessairement rassurantes, par
exemple, sur les loteries. Dieu sait que ce ne sont pas les colonnes du temple,
mais, quand même, il y avait un accord qui avait été conclu
entre les gouvernements. Ce serait remis en question. Sur les droits miniers
sous-marins, sur la recherche avec le ministre fédéral
responsable et je les passe sous silence pour l'instant, ce serait trop
long de les élaborer les propos du ministre Johnston.
Mais au-delà des deux préalables d'abord établis
à la Chambre des communes, on dirait qu'il y a d'autres
préalables qui s'ajoutent et cela donne l'impression qu'il commence
à y avoir pas mal de choses qui ne seraient plus négociables.
Puis, aujourd'hui même, certaines émanations ce sont encore
des bruits de couloir pour l'instant du caucus ministériel
à Ottawa se sont ajoutées à tout cela. Je n'ai pas besoin
de dire qu'aux deux préalables, plus aux possibles préalables qui
circulent actuellement, il s'en ajoute tout le temps; ce serait, semble-t-il
mais, enfin, cela reste à voir le rapatriement et, au
besoin, le rapatriement unilatéral de la constitution,
conformément à un certain vote presque accidentel qui avait
été pris unanimement à la Chambre des communes il y a
quelques semaines.
Cela serait et c'est un curieux choix de mots, je lis cela dans
la dépêche qui nous rapporte ces rumeurs ce matin la
première manoeuvre dans la stratégie adoptée par le
gouvernement fédéral. Cela donne déjà... En tout
cas, j'espère que cela n'indique pas, dès l'abord, qu'il
s'agirait non seulement manoeuvre, stratégie dans cette
grande occasion historique, de faire plier les provinces, à commencer
par le Québec, mais littéralement de les asservir comme jamais
auparavant. Tout cela, en essayant d'aller le plus vite possible avec
pour reprendre l'expression que M. Trudeau a employée l'effet du
momentum. Ecoutez, ce serait tout un nouveau préalable; ce serait de
mettre au début du processus ce que tout le monde a toujours
considéré sauf erreur, y compris nos amis d'en face
comme le point d'arrivée d'un processus de renouvellement.
Le Président: M. le premier ministre, je m'excuse, mais on
me fait remarquer que votre temps est écoulé.
M. Lévesque (Taillon): Est-ce que la Chambre consentirait
je pose la question à deux minutes de plus, à peu
près? Je n'empiéterai pas davantage, parce que je pense que ce
que j'ajouterais serait inutile, sauf peut-être ceci.
A travers toutes ces émanations de caucus et ces rumeurs de ces
derniers jours, je crois que se trouve confirmée, en tout cas, la
justesse non pas d'une attitude attentiste permanente, mais, au moins, qu'il
faut attendre jusqu'au 9 juin pour voir quels vont être exactement,
au-delà de ces rumeurs et de certaines attitudes, l'esprit et l'approche
de nos interlocuteurs fédéraux. Une chose certaine, en quelques
jours seulement, il y a eu déjà assez de bruit et de confusion
pour confirmer, à tout le moins je termine là-dessus
la nécessité de l'attitude fondamentale que nous avons
évoquée et que nous allons essayer de maintenir, à savoir
que tout ce qui va effectivement se dérouler se déroule, autant
qu'il est humainement possible, au vu et au su des citoyens
québécois, que, le long du chemin, par tous les moyens
légitimes je n'ai pas la naïveté, pas plus que nos
amis d'en face, d'imaginer que tout va pouvoir être devant les
caméras constamment ou devant les media d'information, on le sait
le gouvernement du Québec, en tout cas, pour sa part, tâchera de
tenir les citoyens bien au courant de ce qui se passe, de façon que,
quels que soient les résultats, ils ne puissent pas se faire passer
éventuellement le sapin ce serait un énorme
sapin, encore une fois d'un régime politique qui pourrait
les desservir et sur lequel ils n'auraient pas eu l'occasion
éclairée de se prononcer démocratiquement.
Le Président: M. le député de Saint-Laurent,
vous avez la parole.
M. Claude Forget
M. Forget: M. le Président, si j'avais à
résumer en un mot l'impression qui se dégage pour moi des paroles
du premier ministre, ce n'est pas le mot colère que j'utiliserais parce
que nous ne sommes pas, dans les semaines que nous traversons dans ce genre
d'esprit; c'est plutôt quelque chose qui ressemblerait davantage à
de la pitié. Nous avons devant nous le chef d'un gouvernement qui,
manifestement, n'a pas encore mesuré le sens de ce qui est arrivé
à lui-même, à son parti et à son gouvernement, il y
a moins de trois semaines; un premier ministre qui, aujourd'hui, nous a
donné le spectacle d'un chef de parti qui continue, en dépit du
résultat du référendum, sa campagne
référendaire, avec les mêmes attitudes, le même
langage, le même comportement qu'il nous promet pour bientôt qui a
été le sien depuis des années et particulièrement
depuis quelques semaines au moment où il s'agissait encore de
déterminer qui gagnerait du oui ou du non.
Oh, bien sûr, Mme. la Présidente, nous nous y attendions et
nous ne cherchions pas querelle à ceux qui, le soir même de la
défaite ou dans les jours qui ont suivi, trouvaient des moyens de
ressusciter ou de tenir en vie chez eux l'espoir d'un lendemain meilleur. Une
défaite de cette envergure, particulièrement, doit donner
l'occasion à ceux qui ont perdu de s'encourager les uns les autres et
c'est tout à fait normal de se flatter de la possibilité que,
dans une démocratie, effectivement, l'espoir n'est jamais perdu de
façon définitive. Dans les jours qui ont suivi, nous avons
assisté avec un certain amusement à des interprétations
plus farfelues les unes que les autres du résultat
référendaire où on s'accrochait aux moindres bribes pour
transformer une défaite en une apparence de victoire, selon le
procédé qui est connu par le Parti québécois qui,
pendant des années, s'est flatté de chacun de ses échecs
en prétendant qu'il s'agissait, pourtant, de succès
éclatants.
Une fois que ce traumatisme, que ce choc initial a été
surmonté, même si nous pouvons admettre qu'en démocratie
ceux qui ont perdu ont droit à l'espoir, le chef actuel du gouvernement
devrait également admettre que ceux qui ont gagné le
référendum ont droit, eux, au respect de la position qui a
été victorieuse. Au lieu de cela, on maintient un langage
préréférendaire, on s'exprime avec scepticisme sur les
possibilités de renouveler le fédéralisme, on joue
à un jeu de qui perd gagne en nous disant maintenant que, si le non a
gagné, ce n'est pas du tout pour le fédéralisme qui
devient ravalé au rang d'un moyen; que tout ce qui compte, c'est la
volonté de changement tel que l'interprétera le gouvernement.
Ceci revient donc à dire que, de toute façon, si le oui avait
gagné, c'était le changement interprété par le
Parti québécois et que, maintenant que le non a gagné,
c'est encore l'esprit de changement et la volonté de changement
interprétée par les mêmes individus.
Mme la Présidente, le premier ministre ne semble pas se rendre
compte et c'est en cela qu'il nous fait pitié qu'il se
place lui-même et son gouvernement dans une situation de conflit
d'intérêts qui est évidente pour tout le monde. Si jamais
il réussissait dans ses efforts de renouveler le
fédéralisme, il ferait en même temps la
démonstration qu'il a eu tort de créer le Parti
québécois et c'est pour cette raison que personne ne peut croire
qu'il va sincèrement essayer de renouveler le fédéralisme.
D'ailleurs, il nous annonce d'avance qu'il le fait avec scepticisme, qu'il le
fait avec l'esprit de ne rien céder sur rien, comme si une
négociation de bonne foi pouvait s'entreprendre avec cet esprit. (16 h
20)
Mme la Présidente, il est clair qu'on veut nous engager dans une
stratégie de duplicité. On ne se rend pas compte, de l'autre
côté, qu'on est dans un conflit d'intérêts qui met en
jeu l'existence même du Parti québécois et on demande
à la population, qui a voté majoritairement contre l'option que
ce parti représente, d'accorder sa confiance, de faire le crédit
de la bonne foi à un gouvernement qui parle de toutes sortes de
façons contradictoires, tantôt, au début du discours du
premier ministre, de l'impossibilité de changer de
fédéralisme et, à la fin de son discours, de la tentative
de le faire de façon honnête de manière à
mériter la confiance de ses compatriotes. Les deux ne peuvent pas
être vrais en même temps, Mme la Présidente, et le premier
ministre ne s'en rend pas compte. C'est pour cela que j'ai dit tout à
l'heure que ce gouvernement à la dérive, ce gouvernement qui a
subi une défaite dont il ne revient pas, mérite la pitié
beaucoup plus que la colère ou quelque autre sentiment que ce soit.
Une Voix: Bravo!
M. Forget: Mme la Présidente, ce n'est pas gratuit, ces
accusations. Il est évident que le gouvernement du Québec, dans
ses négociations, aura les moyens de saboter la négociation. Il
en a déjà donné l'avant-goût parce que le premier
ministre lui-même nous l'a révélé aujourd'hui. Le
chef de l'Opposition, dans ses remarques de ce matin, a fait allusion au
procédé même que l'on entend suivre, à l'insistance
pour que tout se déroule au grand jour et fasse l'objet d'un spectacle
continuel, d'un procès continuel, en quelque sorte, du
fédéralisme dont on vient d'assister au premier acte.
Mais ce n'est pas seulement comme cela que le gouvernement pourra
prendre le moyen de saboter les négociations constitutionnelles. Il est
clair que si le gouvernement du Québec, comme il semble en être
décidé, pour l'instant du moins, se
borne aux propositions qui seront faites par le gouvernement
fédéral dans la mesure où ces propositions se limitent aux
certains éléments mentionnés par le premier ministre
fédéral lui-même, et même si ces propositions en soi
étaient acceptables, cela débouchera sur un résultat qui,
lui, globalement, ne peut pas être acceptable ni accepté par le
Québec. En limitant la discussion aux propositions
fédérales, en s'abstenant de préciser ses intentions
dès maintenant sur les aspects les plus importants de la réforme
constitutionnelle, en jouant le jeu de l'attentisme, le gouvernement nous
permet d'annoncer d'avance qu'il a l'intention, dans quelques semaines ou dans
quelques mois, de nous dire: Le menu est insuffisant, le tableau est incomplet
et parce que le tableau est incomplet, la réforme est inacceptable. Mais
c'est lui-même qui l'aura voulu et il prépare déjà
les arguments qu'il nous servira dans quelques mois.
L'attitude qu'il veut adopter de critiquer sans suggérer de
solutions de rechange a été abondamment démontrée
par le premier ministre. Le chef de l'Opposition a présenté, ce
matin, sous une forme interrogative, un exposé des problèmes qui
doivent être résolus par quelque gouvernement que ce soit avant de
s'engager dans un processus comme celui-là. Nous n'avons obtenu que des
bribes d'indication. Aucune promesse formelle de formuler, dans un délai
raisonnable, un programme d'ensemble qui pourrait être
déposé sur cette table de négociations. Nous n'avons
même pas obtenu, à moins que nous soyons tous sourds, de
réponse à la question de savoir si les deux préalables qui
ont été posés par le premier ministre
fédéral à la négociation rencontrent ou non
l'acceptation du gouvernement du Québec. Or, parmi ces deux
préalables, il y a l'acceptation de principe que l'on doit travailler
à l'intérieur d'un régime fédéral. C'est
cela qui a fait l'objet d'une approbation, à 60% contre 40%, de la
population il y a seulement deux semaines. C'est donc non seulement une demande
qui correspond aux priorités de l'Etat fédéral, du
gouvernement fédéral, mais une demande qui découle de la
situation politique interne du Québec à la suite du
référendum. C'est là une obligation à laquelle le
gouvernement ne peut pas se dérober. Ce n'est pas suffisant de nous
dire, comme le premier ministre vient de le faire, que les régimes
politiques ne sont pas un absolu, que tout ce qui est un absolu, c'est le
bonheur, la prospérité et la liberté des individus et des
sociétés. Ce n'est pas là-dessus qu'a porté le
référendum. Le référendum a porté sur le
choix d'une formule politique. Le choix a été fait. Le
gouvernement doit désormais nous donner la preuve qu'il entend le
respecter et non pas le contester.
Un dernier point, Mme la Présidente, cette prétendue force
de négociations dont se targue le premier ministre. Il nous dit:
Fiez-vous à nous; nous avons au moins cette résolution, cette
détermination inébranlable de défendre les
intérêts du Québec; nous représentons, en quelque
sorte, son dernier recours, sa dernière chance. Cet argument nous permet
de mesurer encore une fois que le
Parti québécois et son chef n'ont pas encore pris la
mesure de la profondeur de leur défaite. Leur poudre est
mouillée. Cette menace ultime qu'ils brandissaient dans les
négociations constitutionnelles d'aller jusqu'à la
sécession a été démentie, elle a été
démentie par la population; cette menace ne tient plus, ils ne peuvent
plus la faire. Ils ne peuvent plus brandir ce spectre de la sécession,
de la souveraineté-association ou de l'indépendance, le peuple du
Québec vient de dire non. Et ce n'est pas un non qui constitue un sursis
pour le régime fédéral, contrairement à
l'interprétation frauduleuse que le premier ministre essaie
d'insérer dans les discussions; il s'agit là d'une fraude. La
question référendaire, messieurs d'en face, vous vous en souvenez
très bien, ne constituait pas un choix entre, d'une part, la
souveraineté-association et, d'autre part, le fédéralisme
en attendant mieux; elle demandait une réponse par un oui ou par un non
à votre option, qui a été rejetée. Vous ne pouvez
plus la brandir comme une menace; vous aviez un fusil à un coup, vous
avez tiré, vous avez manqué la cible, vous n'avez plus rien dans
le baril.
Mme la Présidente, sur tous les plans, ce gouvernement est
absolument à la dérive; il est à la dérive sur sa
propre interprétation du scrutin référendaire, il est
à la dérive sur les réponses à fournir aux
questions pertinentes qui ont été posées par le chef de
l'Opposition officielle et il est à la dérive également
sur sa stratégie. Il essaiera, d'ici la fin de l'été, de
s'improviser des recettes pour priver la population des fruits de la victoire
référendaire qu'elle a acquis le 20 mai 1980. On essaiera, encore
une fois, par de subtiles stratégies, de faire le tour de la
volonté populaire majoritaire, et c'est à cela, Mme la
Présidente, qu'il faut dire non de façon absolument
déterminée. Il faudra renouveler, semble-t-il, le non qui a
été dit le 20 mai et, cette fois-ci, non pas à l'option
fondamentale de ce parti, mais non à cette façon de nier, dans
les faits, par son discours, par son comportement, par ses attitudes, un
résultat qu'il avait pourtant promis de respecter et que tout indique
qu'il ne voudra pas respecter.
Mme la Présidente, je suis sidéré pour
employer ce mot soigneusement choisi par le premier ministre devant une
attitude si peu respectueuse du processus démocratique mis en branle par
ce gouvernement lui-même, par ce premier ministre lui-même. Il y a
là un message que la population lui a servi et qu'il ne veut pas
écouter. Il nous annonce d'avance qu'il lui sera infidèle.
Je pense qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter quoi que ce soit,
tout le monde qui écoutera ce débat ou qui en entendra parler
sera en mesure de tirer ses propres conclusions. Les conclusions que nous en
tirons, Mme la Présidente, c'est, bien sûr, que ce gouvernement
n'a plus rien à faire au pouvoir. Mais, s'il veut s'y accrocher, quant
à moi, je ne lui ferai pas querelle, parce qu'il est évident que,
par des discours comme ceux qu'il a tenus aujourd'hui et par les comportements
qu'il nous annonce, chaque jour qu'il demeure au pouvoir,
avec de telles attitudes, il fait insulte à nos concitoyens et il
creuse lui-même sa propre tombe. Merci.
La Vice-Présidente: M. le député de Vanier.
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: Mme la Présidente, tout le monde cherche
à donner ses interprétations du résultat du
référendum. Je pense que le premier ministre du Québec, au
nom du gouvernement, au nom du Parti québécois, au nom des
parlementaires ministériels à l'Assemblée nationale, a
bien exprimé la façon dont il nous fallait voir les
résultats, le sens et la portée du référendum du 20
mai dernier. (16 h 30)
II est évident que nous ne l'avons pas gagné! Mais il est
aussi très clair, Mme la Présidente, que nous n'avons pas tout
perdu avec ce référendum. Plutôt que d'essayer de chercher,
comme le fait le chef de l'Opposition libérale, à mettre,
après le 20 mai, les Québécois les uns contre les autres
et de tenter de maintenir une politique d'affrontement entre ceux qui ont dit
non et ceux qui ont dit oui, il m'apparaîtrait nettement plus
souhaitable, au nom justement de cette solidarité des
Québécois dont il parlait ce matin, mais qu'il oublie vite quand
il aborde son discours pour l'avenir, de voir quels sont les points de
convergence sur lesquels nous pouvons nous rassembler maintenant, quels sont
ces points qui peuvent toujours, malgré tout, faire l'unanimité,
à partir de ce que nous avons vécu au cours des dernières
années, pour alimenter les négociations qui vont être
entreprises bientôt, soit à partir du 9 juin prochain.
Or, Mme la Présidente, s'il y a une chose sur laquelle les gens
de l'Opposition voudraient nous ramener, c'est qu'il n'y aurait que 60% de la
population du Québec qui auraient pris une décision à
l'occasion de ce référendum. Ce que le chef de l'Opposition nous
dit, c'est que ces 1 500 000 Québécois et
Québécoises qui ont dit oui à la négociation de la
souveraineté-association, ces Québécois et ces
Québécoises n'existent plus depuis le 20 mai dernier. C'est qu'il
y aurait 40% de notre population québécoise qui seraient
effacés de la carte du Québec, qui n'auraient plus le droit de
parole, le droit de penser, d'agir, de revendiquer, au nom des droits et des
intérêts du Québec, et qu'il nous faudrait, nous, comme
gouvernement, parce que nous avons perdu ce référendum, dire
à ces 40%, à ces 1 500 000 Québécois et
Québécoises: Vous n'avez plus voix au chapitre. Vous n'existez
plus. Vous n'êtes plus des Québécois et des
Québécoises et cette foi que vous aviez dans le Québec,
cette conviction que vous aviez que la souveraineté-association
était ce modèle politique qui pouvait nous permettre d'atteindre
à l'égalité des peuples, à compter d'aujourd'hui,
vous n'avez plus le droit d'y croire, vous n'avez plus le droit de vous battre
en fonction de cet objectif et vous n'avez plus le droit de participer au
débat démocratique qui maintenant va se faire dans le cadre des
négociations fédérales-provinciales.
Or, s'il est un message que nous, nous retenons de ce
référendum, c'est que, bien sûr, il y a 60% des
Québécois et des Québécoises qui ont dit non
à la souveraineté-association. Mais il y a aussi 40% d'hommes et
de femmes, légitimement, démocratiquement et avec conviction, qui
ont dit leur foi dans le Québec, dans un Québec maître de
son destin, capable de s'épanouir, capable d'assurer son avenir en
contrôlant lui-même ses leviers politiques et ses leviers
économiques. Ce n'est pas l'intention de ce gouvernement d'oublier la
voix de ces 40% de Québécois et de Québécoises.
Dans l'esprit qui va présider aux négociations que nous allons
maintenant tenir avec le gouvernement fédéral et les
gouvernements provinciaux, nous n'allons pas oublier, Mme la Présidente,
ces 1 500 000 Québécois et Québécoises. Nous avons,
bien sûr, démocratiquement accepté qu'à compter de
maintenant, s'il doit y avoir négociation, ce sera à
l'intérieur d'un régime politique auquel, semble-t-il, 60% des
Québécois et des Québécoises ont dit oui.
Mais il y a quand même des points de convergence et des points de
rassemblement entre ces 60% de Québécoises et de
Québécois qui ont dit non et ces 40% de Québécoises
et de Québécois qui ont dit oui. Je crois que le rôle du
gouvernement, c'est de tenter, au cours des prochains jours, des prochaines
semaines et des prochains mois, de voir comment on peut concilier, à
l'intérieur du régime politique actuel, les aspirations qui ont
été exprimées par 1 500 000 Québécois et ces
autres aspirations qui ont été exprimées par 60% de notre
population. Quant à moi, je crois retrouver au moins, Mme la
Présidente, deux points de convergence, deux points de rassemblement,
deux points d'union entre ces Québécois et ces
Québécoises qui ont dit oui et qui ont dit non.
Le premier point, c'est celui de la volonté de changement. S'il
est un point sur lequel, semble-t-il, à partir des discours tenus
à la fois par les tenants du non et ceux du oui, il semble bien y avoir
accord, c'est que nous voulons changer le cadre constitutionnel canadien. Nous
voulons changer le mode de coexistence entre nos deux peuples. Nous voulons
modifier les relations qui ont prévalu au cours des dernières
années, pour faire en sorte que dans l'avenir nous puissions modeler un
régime politique qui soit mieux ajusté à
l'évolution de nos sociétés, qui corresponde davantage aux
besoins et aux aspirations des Québécois.
Là-dessus, Mme la Présidente, il ne semble y avoir aucun
doute: nous voulons le changement. Deuxièmement, et c'est là un
point sur lequel il nous faudrait, au cours des prochains jours, dégager
une forme de consensus, dégager une forme d'unité d'actions, une
cohésion au niveau de la pensée et des principes, et c'est sur la
volonté d'égalité entre les deux peuples du Canada. Parce
que s'il est un élément qui est ressorti du débat
référendaire, c'est que nous pourrions, si nous le
voulions, au-delà des lignes partisanes, parce qu'encore une fois
cette solidarité des Québécois doit pouvoir
présider à l'esprit des négociations, en tout cas en ce
qui concerne le rôle du gouvernement du Québec, il faudrait
justement retrouver ce point sur lequel nous avons fait l'union au moment du
débat référendaire, et c'est celui de
l'égalité des peuples.
Je voudrais là-dessus vous citer certains extraits du discours du
chef de l'Opposition officielle, chef ou non, et aussi de son partenaire de
l'Union Nationale qui, dans le cadre du débat
référendaire, nous ont dit leur volonté de parvenir
à l'égalité des peuples. Parce que sur le principe, sur
l'objectif, sur la finalité de la réforme constitutionnelle, nous
semblons être d'accord. Nous semblons reconnaître le principe de
deux nations, de l'existence de deux peuples, de deux sociétés
différentes, distinctes et capables d'harmoniser leurs rapports.
Là-dessus, nous avons eu des mots éloquents au cours du
débat référendaire. Je voudrais citer des passages du chef
de l'Opposition et du chef de l'Union Nationale qui nous permettent de nous
rejoindre au moment d'aborder les négociations avec le gouvernement
fédéral et les gouvernements provinciaux.
Le chef de l'Opposition disait, le 4 mars 1980, dans son intervention au
moment du débat référendaire: D'abord, le principe de
l'égalité des peuples, une question sur laquelle on pourrait
m'inviter à me prononcer, je n'ai pas d'objection, je répondrais
oui à cela tout de suite, oui et cela fait longtemps à part de
cela que je pratique cela. Je ne connais pas d'autres pratiques dans mon
comportement. Un fédéraliste pourrait être tenté, et
même il n'aurait aucune difficulté de répondre oui au
principe de l'égalité des deux peuples qui ont fondé ce
pays et qui lui ont donné sa personnalité propre. Il est donc
maintenant évident, pour peu qu'il soit cohérent avec
lui-même, que le chef de l'Opposition a dit, durant le débat
référendaire, oui au principe de l'égalité des
peuples, non pas oui au principe de l'égalité des individus, ce
avec quoi nous sommes tous d'accord, mais en plus de l'égalité
des individus à laquelle nous voulons atteindre, oui au principe de
l'égalité des peuples, oui au principe de l'égalité
des collectivités nationales, celles du Canada anglais et du Canada
français.
Donc, je crois que le chef de l'Opposition devrait accepter de s'unir au
gouvernement, au moins sur la base de ce principe fondamental qui est celui
d'une lutte constitutionnelle abordée à partir du principe de
l'égalité des peuples.
Le chef de l'Union Nationale aussi a tenu des propos dans le même
sens. Il disait: Nous demeurons convaincus que la
souveraineté-association n'est pas la seule voie qui s'offre aux
Québécois, pour vivre d'égal à égal avec nos
compatriotes canadiens. Il parlait plus loin de ce combat de
l'égalité qu'avait mené Daniel Johnson. Il disait: Ce
combat visait à renouveler en profondeur notre système
fédéral de manière qu'il reconnaisse spécifiquement
l'égalité de nos deux peuples fondateurs. Il ajoutait: En toute
responsabilité, nous croyons qu'avant de sonner le glas du
fédéralisme, comme le fait si cavalièrement le Parti
québécois, il faut livrer ce combat de l'égalité,
non pour vivre à l'extérieur, mais bien pour rester à
l'intérieur du Canada. 60% des Québécois semblent avoir
dit, le 20 mai dernier, qu'ils voulaient demeurer à l'intérieur
du Canada, travailler à l'amélioration d'un régime
politique connu sous le nom de fédéralisme canadien.
Mais aucun des deux partis de l'Opposition, par la voix de leur chef, ne
s'est opposé au principe de l'égalité des peuples. C'est
sur la base de ce principe de l'égalité des peuples qu'il faut
maintenant savoir s'unir pour aborder la négociation au moins en faisant
le consensus sur la base d'un principe vital pour l'avenir de la
collectivité québécoise. (16 h 40)
A partir de ce moment, il nous faut aller mener de bonne foi, avec bonne
volonté, cette négociation, à l'intérieur du cadre
constitutionnel actuel, mais au moins en s'entendant, premièrement, sur
notre volonté de changement et, deuxièmement sur notre
volonté d'arriver à l'égalité des deux peuples
à l'intérieur du fédéralisme canadien. A ce
moment-là, le chef de l'Opposition s'offusque que le premier ministre du
Canada précipite la négociation, soit pressé de convier
ses partenaires provinciaux à la table des négociations. Oh! Que
le chef de l'Opposition voudrait donc qu'on aille immédiatement en
élections générales pour qu'il puisse tenter de faire le
procès du gouvernement en disant: Ce gouvernement n'est pas
crédible, il ne peut pas négocier, il est souverainiste, il ne
peut pas, de bonne foi, aller négocier à l'intérieur du
cadre fédéral.
Justement, ce qui les choque, c'est de voir que notre gouvernement, qui
accepte démocratiquement le verdict de la population, va maintenant
aller négocier à l'intérieur du système
fédéral sur la base du principe de l'égalité des
peuples, la volonté de changement que non seulement 40% des
Québécois ont exprimée, mais aussi une bonne partie de
ceux qui ont décidé de dire non à la
souveraineté-association. Dans ce contexte-là, combien les
Québécois, justement, peuvent avoir de sagesse en reconnaissant
comme légitime le droit du gouvernement du Québec d'aller
négocier à l'intérieur de ce système politique,
alors qu'ils savent fort bien que si ce n'était pas le premier ministre
actuel du Québec qui avait à le faire, ce serait peut-être
le chef de l'Opposition qui se présenterait comme négociateur en
disant à peu près ceci: Nous sommes déjà
prêts, comme gouvernement du Québec, à vous accorder
à vous, du gouvernement fédéral, ce que vous n'avez
même pas demandé alors que nous n'exigerons même pas ce que
vous avez refusé de nous donner depuis 10, 20, 30 ou 40 ans.
Quel négociateur que celui qui est déjà prêt
à remettre au gouvernement fédéral ce que le gouvernement
fédéral n'a pas demandé et à ne pas exiger du
gouvernement fédéral ce que les gouvernements du Québec
successivement, depuis des dizaines d'années, ont réclamé
à travers les
demandes traditionnelles exprimées par les premiers ministres!
Quel négociateur que celui qui, au départ, comme un
véritable syndicat de boutique, laisse au patron le soin de prendre les
décisions majeures pour l'avenir de la collectivité
québécoise alors qu'il est à ce point indispensable que
notre interlocuteur sache très bien qu'ici, au Québec, nous avons
un porte-parole qui, s'appuyant au départ sur des positions
spécifiquement québécoises, inconditionnellement
québécoises, va aller chercher le maximum à partir des
demandes traditionnelles du Québec en essayant d'y ajouter tout ce que
l'évolution du Québec demande d'ajouter pour que nous puissions
trouver une façon claire, nette, crédible, dynamique, positive
pour l'avenir d'assurer la survie et le développement de notre
collectivité.
Cela, c'est choquant pour une Opposition qui voudrait tellement s'en
aller immédiatement vers les élections et empêcher le
gouvernement du Québec de mener à bien cette négociation.
Ceux qui, en ce moment, risquent justement de mettre du sable dans l'engrenage
de la négociation, ce sont ceux qui en face de nous refusent de
reconnaître au gouvernement élu démocratiquement par la
population le soin de prendre ses responsabilités conformément
à la décision prise par le peuple du Québec le 20 mai
dernier et d'aller négocier, bien sûr, à l'intérieur
du système actuel, mais surtout en adoptant au départ une
perspective québécoise, en adoptant au départ une attitude
de défenseur des droits et des intérêts du Québec et
non pas en laissant au départ au gouvernement fédéral le
soin de prendre toutes les initiatives et le soin de garder le contrôle
sur l'essentiel des droits et des intérêts que notre gouvernement
veut revendiquer pour nous, les Québécois.
Dans ce contexte, laissez-moi vous dire ma surprise de voir que, par
exemple, sur le sujet fondamental des droits linguistiques, alors que le
premier ministre du Canada pose deux conditions pour la négociation.
D'abord, il y a le maintien du fédéralisme, en faisant du
fédéralisme, bien sûr, une religion, inconditionnellement,
mais nous devons accepter, à cause du débat
référendaire, la décision du peuple
québécois. C'est dans le cadre du fédéralisme que
nous négocierons. La deuxième condition est celle de
l'incorporation des droits linguistiques à l'intérieur d'une
charte qui serait le fruit de toute cette discussion constitutionnelle.
Or, sur cela, je demande à la députée de
Prévost qui va se lever tout à l'heure de nous répondre.
Comment peut-elle, elle qui siège aujourd'hui comme
députée du comté de Prévost et qui, à
l'intérieur de la commission Pepin-Robarts, dans un mandat qui lui avait
été confié par le gouvernement fédéral, dans
un travail qu'elle effectuait comme fédéraliste, au moment
où elle se promenait à l'échelle canadienne et qu'elle
pouvait apprécier les problèmes de cette coexistence
Québec-Canada, de cette coexistence des deux nations, comment
pouvait-elle, elle, la députée de Prévost, être la
signataire du rapport Pepin-Robarts, entre autres, de cette fameuse page 56,
et, aujourd'hui, se sentir à l'aise et proclamer tout haut qu'elle
accepterait que ce soit le gouvernement fédéral qui puisse,
à l'intérieur d'une charte des droits, incorporer la protection
des droits linguistiques pour l'ensemble des Canadiens et des
Québécois?
Comment peut-elle, elle, proclamer que la réalité
canadienne, c'est celle de deux nations qui vivent à
égalité, "from coast to coast", alors qu'elle sait très
bien que justement ce qui a guidé la commission Pepin-Robarts, c'est
l'analyse du vrai Canada, d'un pays où coexistent deux nations, dont
l'une vit à 90% dans une seule province et l'autre est répartie
dans neuf autres provinces canadiennes?
Comment peut-elle être cohérente avec elle-même et
accepter aujourd'hui de défendre un parti politique et une philosophie
politique qui est en complète contradiction avec les écrits de la
commission Pepin-Robarts? Elle écrivait, avec bien d'autres: "II existe,
à notre avis, deux façons d'assurer la protection des droits
linguistiques des minorités. La première serait d'étendre
la portée de l'article 133 à quelques-unes ou à toutes les
provinces, la seconde serait d'écarter les garanties constitutionnelles
et d'inviter les provinces à assurer, par législation, la
protection de leur minorité. Après mûre réflexion,
nous en sommes venus à la conclusion que cette deuxième
façon de procéder s'avérera la plus sage à long
terme et la plus susceptible de réussir."
Il faudra qu'elle nous réponde, peut-être pas aujourd'hui,
dans les jours qui viendront, quand nous aborderons la discussion, dans le
cadre des négociations, il faudra qu'elle réponde à des
questions comme celles-là. Le chef de l'Opposition aussi devra
répondre, parce qu'il ne l'a pas fait ce matin, à la question du
rapatriement de la constitution canadienne. Accepte-t-il, lui, oui ou non
mon collègue, le député de Rosemont, y reviendra
tout à l'heure que ce soit là le premier pas nous
engageant dans la réforme de la constitution, alors que dans son livre
beige il en fait le dernier point de la réforme constitutionnelle?
Mme la Présidente, dans un tel contexte, quand on voit la
façon piégée qu'adopte le Parti libéral pour
aborder la réforme constitutionnelle, parce que ce qui
l'intéresse ce n'est pas d'abord et avant tout le règlement du
dossier constitutionnel, c'est la prise du pouvoir... On le sent, c'est dans
son visage, écrit en toutes lettres: Nous voulons le pouvoir. Et parce
qu'il veut ce pouvoir, il est prêt à laisser tomber les objectifs,
les droits, les intérêts du Québec, il n'est pas prêt
à se prononcer sur des objectifs comme ceux que nous lui proposons.
Qu'il nous dise donc si oui ou non il est prêt à appuyer le
gouvernement du Québec sur la base du principe de
l'égalité des peuples, si oui ou non il est prêt à
indiquer que le changement constitutionnel que nous voulons doit toujours
respecter ce principe d'égalité. Nous aimerions bien le savoir de
la bouche du chef de l'Opposition et de la bouche du chef de l'Union
Nationale.
S'il y a des points de convergence et Dieu sait qu'il y en avait
il y a quand même des points sur lesquels nous pouvons nous
rassembler
et nous réunir pour peu que nous voulions continuer de maintenir
le débat au niveau des préoccupations strictement partisanes et
tenter de faire en sorte que cette solidarité des
Québécois qui a échappé au moment du
référendum puisse maintenant se recréer autour d'objectifs
sur lesquels, tôt ou tard, en commission parlementaire, nous pourrons
dégager un certain consensus, un certain nombre d'accords.
Mme la Présidente, j'espère que les prochains jours
permettront au chef de l'Opposition, au chef de l'Union Nationale, au premier
ministre du Québec et à tous les parlementaires de
l'Assemblée nationale de voir comment, ensemble, en
Québécois, et non pas en libéraux, en péquistes ou
en unionistes, ils peuvent s'asseoir et voir comment ils peuvent aborder
positivement la réforme constitutionnelle.
La Vice-Présidente: Avant de vous donner la parole, Mme la
députée de Prévost, je tiens à vous informer que
nous devons, dans le délai qui est alloué à cette
Assemblée pour débattre le discours du budget, réserver
une heure de réplique au ministre des Finances. Vous devrez donc
terminer votre intervention à 17 h 15. (16 h 50)
M. Chevrette: Mme la Présidente, nous avons fait une
entente, si vous me le permettez, Mme la députée de
Prévost, avec le leader de l'Opposition. Il est entendu que Mme la
députée de Prévost peut parler, également que le
député de Rosemont peut parler, le député de
Beauce-Sud et, enfin, la réplique de M. le ministre des Finances.
Puisqu'il y a eu une entente, il faut qu'il y ait consentement.
La Vice-Présidente: C'est bien, M. le whip. Je veux bien.
Sans perdre plus de temps, Mme la députée, je vous donne la
parole.
Mme Solange Chaput-Rolland
Mme Chaput-Rolland: Merci, Mme la Présidente. Il me semble
que je n'ai pas de réponse à donner au député de
Vanier. La population, elle, s'en est chargée.
La question que je me pose depuis quelques semaines que je suis dans
cette Chambre, Mme la Présidente, c'est à savoir si, vraiment, il
règne ici un certain respect des autres et le climat devient si
étouffant, quand on croit que ce côté-là de la
Chambre se donne toutes les qualités et il semble nous rester à
nous quelques bribes d'humain.
Eh bien, je vais quand même poser les questions pour lesquelles je
me lève aujourd'hui et je me permettrai de demander si nous sommes
vraiment dignes, dans cette Chambre, du peuple québécois que nous
représentons et si nous sommes vraiment conscients des
événements déchirants que nous venons de vivre
démocratiquement, malgré quelques accidents de parcours qui sont
inévitables dans un climat de grande tension individuelle, mais qui au
moins mériteraient que nous situions nos divergences et nos convergences
à une hauteur de pensée que la plupart de ceux de nous qui ont
participé au débat référendaire ont
découvert dans la conscience de leurs compatriotes.
Telles sont les questions que je me pose le coeur battant, oui, depuis
que je suis revenue dans notre maison politique si profondément
divisée que nous n'osons même pas nous réjouir d'avoir
ouvertement conservé le bien canadien, sans pour autant avoir
dilapidé une parcelle du bien québécois. Au nationalisme
québécois indispensable à notre survivance s'est
collé un patriotisme canadien dont j'avais, comme beaucoup d'autres dans
cette Chambre, sous-estimé le poids, la force et la profondeur, et je
n'invente pas ce patriotisme pour susciter les sarcasmes de mes amis d'en face,
mais parce que je l'ai reçu comme un cadeau de mes compatriotes
canadiens et québécois et que j'entends le conserver comme
tel.
Le référendum a favorisé un coeur-à-coeur
avec la population du Québec qui a transformé certains de nous,
et je ne crains pas du tout d'avouer que je ne suis plus tout à fait le
même député de Prévost, élu pour prendre part
à cette lutte référendaire entre les tenants du oui ou du
non, sans pour autant détester ou rire de celui ou de celle qui ne
partageait pas cette haute idée du Canada qui a finalement
triomphé des vues pessimistes de ceux qui ne croyaient plus dans
l'héritage et dans la continuité historique. J'ai
été marquée au fer rouge ou bleu par la foi de nos
compatriotes, d'abord en leur identité québécoise, Mme la
Présidente, ensuite en leur fierté de Québécois et
ensuite en leur qualité de Canadiens capables de se colletailler avec
leurs voisins sur tout l'ensemble du continent.
J'emprunterai ici une pensée au premier ministre du Québec
qui, peut-être, me la pardonnera, pour dire sans triomphalisme, mais tout
simplement qu'à mon tour, je n'ai jamais été aussi
fière d'être une Québécoise, une Canadienne, une
femme et un député libéral, mais je ne crois pas plus
aujourd'hui qu'hier que ces allégeances qui me collent à
l'âme infirment celles de mes amis d'en face. Cependant, Mme la
Présidente, j'essaie de concevoir les sarcasmes et les injures qui
fuseraient vers ce député que je suis si, aujourd'hui, je me
levais à la suite de la victoire des membres du clan de la
souverainté-association pour la rendre à mon compte afin de
conserver un pouvoir que je sentirais me glisser entre les doigts. Comment
oserais-je faire semblant de servir par des actes et des mots une thèse
que, durant plus de 35 heures, j'aurais, avec mes collègues,
déchirée et mise en pièces parce que mes compatriotes ici
dans cette Chambre se sont entendu dire qu'ils étaient
dégradés par cette thèse. Jamais, de mémoire de
pays, aura-t-on vu un gouvernement faire une volte-face aussi rapide, aussi
instantanée et aussi amère que le café instantané
de notre imbuvable gastronomie politique.
Mme la Présidente, je reconnais au gouvernement, et je le
respecte, l'obligation morale de servir la cause du fédéralisme,
mais je me demande comment, surtout après ce que j'ai entendu cet
après-midi, il pourra le faire sans rougir de son
étonnante pantalonnade constitutionnelle. Durant 35 heures, nous
nous sommes entendu traiter de mauvais Québécois, alors que nos
amis d'en face astiquaient leurs auréoles de haute et pure vertu
politique, nous abandonnant, avec un peu de mépris, quelques minces
qualités d'être tarés à cause de nos croyances en la
possibilité de transformer un régime politique qui n'a pas
toujours bien servi le Québec le chef de l'Opposition l'a reconnu
ce matin pour qu'il serve un peu mieux nos intérêts
collectifs et nationaux. Je ne mets pas en doute l'intégrité de
ceux qui iront à Ottawa défendre une révision dans
laquelle, cependant, j'ai beaucoup de difficulté à croire qu'eux
croient. Mais je me demande comment, Mme la Présidente, ils pourront
vivre avec eux-mêmes dans un climat aussi contradictoire et aussi
paradoxal compte tenu de ce qui fut dit dans cette Chambre contre Ottawa,
contre le fédéralisme, contre le partage des pouvoirs et des
compétences et contre la duplication des services.
Mme la Présidente, la thèse du non a été
choisie, non imposée, par 60% de notre population. Cette population,
dont ce côté-ci de la Chambre a entendu la voix, n'a pas
décidé que les thèses dites traditionnelles du
Québec seraient désormais confiées à ceux qui
voulaient et qui veulent encore, de toute évidence, les mettre au
rancart au profit d'une nouvelle entente qui reposerait alors sur un
traité entre deux Etats souverains. A 60%, cette population nous a dit
clairement, sans équivoque et librement c'est cela
peut-être la culture de la liberté dont parlait le chef de
l'Opposition officielle, cette liberté dont le Canada se porte garant
qu'elle aimait son vieux pays d'alentour malgré ses
difficultés et qu'elle se sentait encore confortable dans sa robe ou son
manteau canadien. A mon avis, elle verrait fort mal que le gouvernement, qui
représentera ses intérêts, dans lesquels il ne peut
décemment croire sans renier son essence souverainiste, s'emploie
à l'aide d'une nouvelle version étapiste à durcir des
positions dites traditionnelles aux fins de démontrer la mauvaise
volonté du fédéral et des provinces anglaises
vis-à-vis de nous. On ne peut pas jouer indéfiniment avec les
sentiments, les passions et les émotions des citoyens pour les
convaincre soit de maintenir au pouvoir un gouvernement qui semble avoir perdu
sa crédibilité au point de vue de sa philosophie souverainiste
fondamentale, soit d'en élire un autre qui ne repenserait pas des
positions qui ne sont plus traditionnelles, mais nettement
dépassées pour éviter de proposer du neuf, du contemporain
et du plus conforme à nos mentalités de
l'après-référendum.
Il existe d'autres façons d'être des
Québécois en demeurant Canadiens, mais je doute fort que l'actuel
gouvernement, après ce que je viens d'entendre, cherche vraiment
à les trouver dans une optique fédérale. Voilà
pourquoi, Mme la Présidente, je suis stupéfaite d'avoir entendu
le premier ministre nous dire que la souveraineté-association, pour lui,
n'était pas un absolu. Je voudrais lui dire franchement, doucement, mais
avec tout ce que j'ai, que, pour moi, un Québec canadien, cela demeure
un absolu. Comme des centaines de milliers d'autres Canadiens et d'autres
citoyens du Québec, j'ai voté en faveur de ce pays. Ai-je
maintenant le droit d'en confier la garde à des gens qui ne croient
guère en lui, pour qui le fédéralisme renouvelé est
un cul-de-sac, disait récemment le ministre des Affaires
intergouvernementales? Mme la Présidente, la question est trop grave
pour que moi, je tente d'y répondre. Je vous remercie. (17 heures)
La Vice-Présidente: M. le député de
Rosemont.
M. Gilbert Paquette
M. Paquette: Mme la Présidente, je vais reprendre
là où Mme la députée de Prévost a
terminé. J'ai retenu une phrase du discours du chef de l'Opposition. A
un moment donné, le chef de l'Opposition s'est demandé quelle
forme d'égalité entre les deux nations était compatible
avec le régime fédéral. Voilà ce qu'on dit quand on
affirme que, en face, on fait passer un système politique avant les
intérêts du Québec. Nous pensons que
l'égalité des peuples, que les aspirations fondamentales du
peuple québécois passent avant tout régime politique, quel
qu'il soit.
Les régimes politiques qui ont été soumis à
la population, le 20 mai, la souveraineté-association et le
fédéralisme, ne sont la propriété d'aucun parti
politique. Le fédéralisme n'est pas la propriété du
Parti libéral, la souveraineté-association n'est pas la
propriété du Parti québécois. Ce sont des options
qui sont la propriété de tous les Québécois et, le
soir du 20 mai, la population du Québec a décidé, pour
quelque temps encore, de mettre ses énergies encore dans la direction du
fédéralisme. Elle a mis la souveraineté-association en
banque. Cette optique que nous avons construite, de toutes nos forces, depuis
12 ans, et en laquelle nous croyons toujours comme solution d'avenir pour le
Québec, elle est en banque, elle est disponible, elle est à la
portée des Québécois, quand ils le voudront bien.
Ce gouvernement, Mme la Présidente, a résolu d'adopter une
démarche scrupuleusement démocratique et je le comparerais, dans
la situation actuelle, à un conducteur qui doit aller là
où son patron le peuple québécois lui dit
d'aller. Bien sûr, nous pensons que la voie dans laquelle nous nous
engageons n'est pas la solution qui va permettre au peuple
québécois d'atteindre tous les objectifs, toutes les aspirations
qui sont les siennes. Mais nous sommes prêts à cheminer, de bonne
foi, dans cette direction, jusqu'à ce que le "patron" nous dise que nous
devons prendre une autre direction. Nous sommes prêts à prendre le
risque que le fédéralisme puisse être renouvelé et
que les Québécois s'en satisfassent. Nous n'affirmons pas que
nous en serons satisfaits, nous affirmons simplement que nous allons aller dans
cette voie qu'a choisie la population, le 20 mai.
Cependant, Mme la Présidente, j'ai trouvé que le
député de Saint-Laurent faisait preuve de
beaucoup d'arrogance; une arrogance qui contrastait curieusement avec
les sentiments et le climat qu'on sentait le 20 mai, à l'auditorium de
Verdun, où se réunissait le camp du non et le lendemain,
également, quand on parlait avec des gens qui avaient voté non la
veille. La majorité des gens qui ont voté non le 20 mai
n'étaient pas du tout arrogants comme le député de
Saint-Laurent; ils étaient contents que l'option de la
souveraineté-association se soit exprimée, contents qu'elle soit
encore à la disponibilité des Québécois et
également désireux de donner une dernière chance au
fédéralisme, mais pas nécessairement en changeant le
conducteur du véhicule. Le député de Saint-Laurent
s'imagine que le 20 mai a été un appui au livre beige et au parti
qui l'incarne; il m'apparaît évident que ce n'est pas le cas, Mme
la Présidente.
Je ne pense pas que les gens du Parti libéral du Québec
aient à se glorifier de la victoire du 20 mai, surtout pas de la
façon dont elle a été acquise. Quand on regarde les sommes
qui ont été dépensées du côté du non,
au-delà du triple de ce que nous avons pu dépenser respectant
scrupuleusement la loi référendaire; quand on regarde le
sauvetage qui a dû venir d'Ottawa; quand on regarde également
l'indifférence presque totale qui a accueilli les propositions
constitutionnelles, on ne viendra pas faire croire aux Québécois
que, le 20 mai, les Québécois ont choisi une espèce de
démission collective qui est contenue dans le livre beige du Parti
libéral et qu'ils pensent que le Parti libéral et son chef sont
ceux qui peuvent défendre les intérêts du Québec,
même dans le cadre du régime actuel.
Mme la Présidente, il y a un événement assez
significatif qui s'est produit ce matin. On voit poindre à l'horizon une
certaine condition qui s'ajoute aux conditions préliminaires du premier
ministre canadien et qui prend une forme par trop familière, qui
était contenue dans le document de 1968 du Parti libéral du
Canada, qui a mené à l'échec de Victoria, qui était
contenue dans le document "Le temps d'agir", qui est cette condition
préalable de rapatriement de la constitution.
Mme la Présidente, si on voulait vraiment réformer la
constitution de façon à donner au peuple québécois
et aux autres régions du pays un régime politique adapté
à leurs besoins, on se mettrait au travail sur ce nouveau régime.
Si on veut faire une nouvelle constitution, à quoi sert de rapatrier
l'ancienne? Tous les gouvernements du Québec ce n'est pas une
particularité de notre gouvernement ont toujours dit: II faut
d'abord s'entendre sur le partage des pouvoirs; le rapatriement est une
question secondaire. Le premier ministre Trudeau nous dit, encore une fois:
Cela doit commencer par le rapatriement de la constitution, et, si on n'arrive
pas à s'entendre, on fera un référendum canadien
là-dessus. Un petit peu plus loin, M. Trudeau affirme que dans le
document connu sous le nom de livre beige l'un des documents, bien
sûr, dans le paysage le Parti libéral du Québec
préconise que le rapatriement de la constitution soit, à toutes
fins utiles, la toute dernière manoeuvre des gouvernements dans le
processus de renouveau. Comme nous, comme tous les partis au Québec,
comme tous les gouvernements qui nous ont précédé, le
Parti libéral du Québec dit: Le rapatriement doit se faire
à la fin du processus.
M. Trudeau ajoute: "Toutefois, si l'opposition de M. Ryan posait
un problème, il n'était pas insoluble, car il serait
peut-être possible de "convaincre M. Ryan" de l'opportunité de la
stratégie fédérale." Cette stratégie
fédérale va amener très tôt le chef de l'Opposition
et le Parti libéral du Québec à se demander s'ils vont
défendre les intérêts du Québec ou s'ils vont
sacrifier à la stratégie fédérale pour arriver au
pouvoir. Quel est leur but? Vont-ils commencer dès maintenant à
faire des compromis même sur leurs propositions qui sont
déjà des compromis? Vont-ils accepter un référendum
canadien sur une question comme celle-là, alors que le Québec
verrait son droit à l'autodétermination complètement
nié? Sur ce point comme sur d'autres, le référendum du 20
mai n'est pas un appui au Parti libéral du Québec et à ses
thèses. Ce n'est pas un appui au chef du Parti libéral. C'est un
dernier effort que le peuple du Québec demande à son gouvernement
de faire pour donner au Québec, dans le cadre fédéral, les
pouvoirs dont il a besoin. (17 h 10)
Ce que le premier ministre a fait, tout à l'heure, ce n'est pas
un procès du fédéralisme, c'est un projet de pouvoir
minimal dont le peuple québécois a besoin pour continuer à
progresser. C'est dans cet esprit, sans renier aucunement notre option
fondamentale, mais dans la perspective d'un début d'un accroissement
d'autonomie du Québec, que nous nous sentons tout à fait à
l'aise pour participer à cette dernière tentative de
renouvellement du fédéralisme canadien. Je vous remercie.
Le Vice-Président: M. le député de
Beauce-Sud.
M. Hermann Mathieu
M. Mathieu: Merci, M. le Président. Je reprends simplement
le fil de mon discours interrompu le 10 avril dernier. Je veux faire seulement
un commentaire sur le référendum tenu le 20 mai dernier. Le
premier ministre nous dit qu'il va mettre en veilleuse la
souveraineté-association. Les Québécois ne lui ont pas
commandé de la mettre en veilleuse, mais bien de la mettre au rancart,
la souveraineté-association.
Je reprends mon discours. Je parlais d'emplois, du ministère du
Travail. Je suis content de voir le ministre en face de moi pour prendre acte
de ce que je vais lui dire. Je réclame du ministre du Travail, pour mes
concitoyens et pour ceux du Québec, l'abandon de son règlement
odieux de placement dans l'industrie de la construction. Qu'il arrête le
régime de torture et de persécution érigé par ses
tontons, par ses petits caporaux de l'OCQ. Je réclame l'abandon des
poursuites con-
tre d'honnêtes citoyens qui sont traduits en justice comme de
vulgaires criminels. Quel crime ont-ils commis? Ils ont travaillé pour
subvenir aux besoins des leurs. Le droit au travail... Je ferai remarquer
à ceux qui glossent dans l'Opposition que si vous n'avez pas ces
problèmes dans vos comtés, moi je les connais.
Le droit au travail est un droit naturel, fondamental,
inaliénable, inaltérable. Le travail est un instrument de
dignité et d'indépendance de l'homme. Tout homme possède
le droit de choisir son métier et de vivre de son travail. Sinon, l'on
crée une société d'esclaves.
Je voudrais également dire un mot sur une question brûlante
d'actualité, la question de l'avortement. Nous savons tous qu'avorter
c'est tuer. S'il est un droit fondamental, c'est bien le droit à la vie.
Les articles 345 et 608 du Code civil protègent les biens de l'enfant
conçu et non encore né. Le gouvernement méprise la vie de
cet enfant conçu, mais non encore né. Comme preuve je prends le
programme officiel du Parti québécois ce n'est pas moi qui
ai inventé ce document à la page 31 où on dit,
entre autres: II faut "assurer que la femme puisse obtenir de son
médecin un avortement dont les frais soient couverts par
l'assu-rance-maladie et l'assurance-hospitalisation, voir à la
création de services médicaux adéquats assurés dans
chacune des régions administratives du Québec par des cliniques
et/ou hôpitaux pour les cas d'avortement de moins de douze semaines, par
les hôpitaux pour les cas d'avortement de douze semaines ou plus, et
mettre sur pied des cliniques de planification familiale
intégrées qui offrent tous les services
énumérés précédemment. '
M. le Président, je trouve que ceci est une atteinte au principe
fondamental et sacré du respect de la vie. Ceci doit être
dénoncé avec beaucoup de vigueur.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Charbonneau: Question de privilège, M. le
Président.
Le Vice-Président: A l'ordre!
M. Mathieu: Je ne veux pas faire manger le temps qu'il me
reste.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Je
vais en tenir compte, M. le député de Beauce-Sud.
M. le député de Verchères sur une question de
privilège.
M. Charbonneau: M. le Président, je me demande si, en
fait, c'est une question de privilège ou une question de
règlement. Mais je voudrais savoir de votre part comment on peut
rectifier des faits qui viennent d'être allégués dans cette
Chambre et qui sont manifestement erronés. Je peux vous le prouver, M.
le Président, j'ai le programme du Parti québécois, le
même. Ce serait peut-être important de préciser que dans ce
programme-ci quand on parle d'avortement, on parle d'avortements
thérapeutiques.
M. Mathieu: Question de règlement...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre, s'il vous plaît! ... A l'ordre, s'il vous plaît!...
Effectivement, je pense que c'est une demande de directive que vous
m'adressiez, M. le député de Verchères. Une question de
règlement s'applique lorsqu'un député pense qu'un autre de
ses collègues induit, volontairement ou non, la Chambre en erreur. La
présidence n'a pas à juger si c'est le cas ou non.
M. le député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Question de directive, M. le Président. Est-ce
que ceci gruge mon temps?
Le Vice-Président: Non.
M. Mathieu: Bon, merci, M. le Président. Pour ne pas que
le député m'accuse de l'avoir tronqué, ce document, ce
n'est pas moi qui l'ai écrit, ce n'est pas un texte tronqué que
j'ai cité. A la page 31. De toute façon, j'ai
complété ce point. Je veux également faire quelques brefs
commentaires. Ce n'est pas à la gloire du gouvernement ni à la
gloire du Parti québécois.
Une Voix: Menteur!
M. Mathieu: C'est une honte!
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Mathieu: C'est une honte!
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Mathieu: Je ferai également un bref commentaire sur la
nouvelle Loi sur la protection du consommateur qui est entrée en vigueur
le 30 avril dernier, seulement pour vous rappeler que j'ai reçu par la
suite de nombreuses revendications que je trouve fort judicieuses de la part de
la Fédération des garagistes de la province de Québec qui
réclame une modification pour qu'on puisse renoncer aux garanties qui
sont imposées par cette loi. Dans le moment présent, le
consommateur n'a pas la faculté de renoncer à ses garanties. Le
but de la loi ne sera pas atteint étant donné que de par
l'évaluation qui est imposée et les garanties qui sont
imposées, auxquelles garanties le consommateur ne peut renoncer, cela
aura comme conséquence d'augmenter de 15% à 20% le coût des
réparations des automobiles. J'ai déjà, en commission
parlementaire, fait certaines recommandations, mais je veux que celle-ci soit
consignée aux Débats de l'Assemblée nationale.
Mon temps étant terminé, je conclus, M. le
Président, pour me conformer à une entente déjà
intervenue. Nous faisons face à une ingérence
indue du gouvernement dans la vie privée des citoyens, c'est la
mentalité et la marque de commerce du gouvernement. C'est une mise en
tutelle des citoyens, c'est l'érosion des droits individuels au profit
des droits collectifs. Je réclame que le gouvernement modifie sa
philosophie et laisse évoluer librement les citoyens du Québec
selon leur génie propre et leurs aspirations. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: M. le ministre des Finances.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, je comprends qu'en vertu
d'une entente intervenue entre les partis dans cette Chambre, je peux prendre
l'heure au complet qui m'était dévolue par le règlement.
Je commencerai par revenir à des questions qui, sans doute, sont terre
à terre mais qui sont néanmoins importantes. Elles concernent le
budget lui-même et la politique financière du gouvernement. Par la
suite, je voudrais poursuivre un peu dans la lancée de ce débat,
si je peux m'exprimer ainsi, post-référendaire auquel nous avons
assisté aujourd'hui.
La politique financière suivie par le gouvernement est telle
qu'elle est exprimée dans le discours du budget et basée
finalement sur un certain nombre de principes assez simples et assez clairs. Le
premier de ces principes est que les Québécois sont et restent
finalement trop taxés. Lorsque nous avons pris le pouvoir, en novembre
1976, le citoyen québécois était de loin le citoyen le
plus taxé de toutes les provinces canadiennes. (17 h 20)
Bien sûr, pour des raisons d'équilibre financier, de remise
en ordre des finances, il a fallu attendre un peu plus d'un an avant de
commencer à réduire assez systématiquement ce fardeau
fiscal. Nous l'avons fait à partir de plusieurs voies, de plusieurs
instruments. D'abord, nous avons introduit, avec un certain retard à
cause de la fameuse querelle de la taxe de vente avec Ottawa, une forme
d'indexation des exemptions personnelles dans le cas de l'impôt sur le
revenu, ce qui n'avait jamais été fait avant.
D'autre part, si nous avons accentué la progressivité de
l'impôt sur le revenu au Québec, nous avons, dans le dernier
budget, coupé tous les taux d'impôt de 3%, comme étant une
première mesure dans la voie de la réduction des échelles.
L'indexation des exemptions personnelles de l'impôt sur le revenu s'est
manifestée d'abord il y a un an par l'annonce d'une augmentation des
exemptions personnelles de 12,5% et nous avons annoncé encore 7,5% dans
le dernier budget.
D'autre part, nous avons commencé on le sait
à réduire le fardeau de la taxe de vente. C'est au moins aussi
important comme geste que ce que nous faisons dans le domaine de l'impôt
sur le revenu parce que, finalement, beaucoup de biens de première
nécessité étaient encore taxés au Québec, et
taxés lourdement. On sait que les chaussures sont maintenant,
jusqu'à $100, exemptées de la taxe de vente au Québec, que
les vêtements le sont; au dernier discours du budget, nous avons
enlevé la taxe de vente sur les meubles et nous l'avons enlevée
sur les derniers types de textile sur lesquels cette taxe existait encore.
D'autre part, nous avons cherché à trouver des mesures de
réduction fiscale qui incitent les Québécois à
investir dans les entreprises qui opèrent au Québec. Je pense
qu'il est maintenant clairement établi que le programme
d'épargne-actions est un succès considérable et qu'il se
vend, à l'heure actuelle, à peu près tous les mois au
Québec, autant de nouvelles actions d'entreprises qu'il s'en vendait
avant au cours d'une année entière.
Puis, nous avons procédé à une profonde
réforme de la fiscalité scolaire et municipale. L'impôt
normalisé scolaire est supprimé, on le sait. D'autre part, les
municipalités, en récupérant cet impôt scolaire
normalisé, sont maintenant infiniment mieux en mesure d'être
responsables devant leurs contribuables des gestes qu'elles posent. Il doit
être clairement établi, maintenant que cette réforme
fiscale municipale a trouvé, dans le dernier budget, ses
compléments finaux, que les conseils municipaux au Québec sont
maintenant largement et essentiellement responsables des gestes qu'ils posent.
De cette façon, on en a terminé avec ce système mixte
où, finalement, de municipalité à gouvernement, et de
gouvernement à municipalité, on pouvait s'accuser de tous les
péchés d'Israël.
Nous avons établi, au niveau de la fiscalité locale, un
régime de responsabilité qui devrait, pour l'avenir, augurer de
bien meilleurs contrôles de dépenses que ce que nous avons connu
jusqu'à maintenant, justement parce que les élus municipaux
seront responsables comme jamais des gestes qu'ils posent.
Tout cela a voulu dire des réductions d'impôt assez
substantielles. J'aimerais, ici, en donner quelques exemples. Je pourrais en
trouver beaucoup, mais prenons-en simplement quelques-uns. Le travailleur qui
gagne l'équivalent du salaire industriel moyen au Québec, en
trois ans, aura vu son impôt sur le revenu payable au Québec
tomber de 9,4% de son revenu à 8,6%. On me dira: Ce n'est pas
considérable. Bien sûr, mais par rapport à toutes les
années antérieures, cela montait toujours. Là, enfin, nous
avons réussi à faire en sorte que ce travailleur qui gagne le
salaire industriel moyen au Québec voie l'impôt payable au
Québec réduire, tomber en pourcentage de son revenu.
Deuxième exemple, si nous n'avions rien changé aux
impôts au Québec, chaque contribuable paierait cette année,
au Trésor québécois, à peu près $2900
d'impôt. En raison des réformes qui ont été
apportées, il va en payer $2600. On dira: Ce n'est pas
considérable, mais c'est la première fois depuis bien des
années que cela se fait.
On a fait allusion, dans le débat sur le discours sur le budget,
à la façon dont le gouvernement avait comment dire?
négligé un peu la situation de la femme mariée qui ne
travaille pas à l'extérieur de son foyer. Il faudrait souligner,
M. le Président, que l'exemption personnelle, dont évidemment le
mari profite, puisque c'est lui qui paie les impôts, pour la femme
mariée qui ne travaille pas à l'extérieur de son foyer est
passée en trois ans de $1900 à $3270, c'est-à-dire qu'elle
a été accrue de 72%. Encore une fois, on me dira: Cela pourrait
être plus rapide, mais c'est quand même la première fois que
cela se fait depuis des années.
Tout cela pour dire qu'en somme le dernier discours sur le budget et la
politique financière du gouvernement s'inscrivent dans une philosophie
de réduction graduelle des taxes et des impôts. Nous avons fait un
bon bout de chemin. Je ne disconviens pas qu'il y a un bon bout de chemin
à faire encore. Je pense que le gouvernement, en tout cas, a
montré depuis trois ans la persistance à la fois de ses objectifs
et de ses moyens.
D'autre part, et deuxième principe fondamental de la gestion
financière du gouvernement, nous avons tenté de réduire
l'expansion des dépenses du gouvernement du Québec. Lorsque nous
sommes arrivés au pouvoir, nous nous trouvions devant un gouvernement
qui avait développé des habitudes de dépenses tout
à fait remarquables. Je vous signale, par exemple, qu'au cours de
l'année 1974-1975 le gouvernement précédent avait accru
ses dépenses en une seule année de presque 26%. L'année
suivante, de 22%, et quand nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons,
par des moyens de contrôle à la dernière minute, dans les
quelques mois qui nous restaient, par des moyens de contrôle
extrêmement sévères, cherché à freiner
l'expansion des dépenses, mais même là on n'a pu faire
mieux qu'une expansion des dépenses de 16%. C'était un rythme
d'expansion des dépenses littéralement irresponsable, et nous
avons essayé, difficilement souvent, de réduire ce rythme
d'expansion des dépenses et de le rendre, au fond, un peu plus
aligné sur l'augmentation de la valeur de la production pour faire en
sorte que le gouvernement dans l'économie ne se développe pas
plus vite que l'économie elle-même. Et cela a donné les
résultats suivants: Si on tient compte et j'enlève ici
l'impact des sommes que nous avons comptabilisées dans les
régimes de retraite parce qu'il ne s'agit évidemment pas de
dépenses en biens, en salaires ou en services, c'est au fond une sorte
de provision comptable que l'on fait pour le déficit actuariel
gigantesque des fonds de pension gouvernementaux que l'ancien gouvernement nous
avait légué si on enlève cette comptabilisation des
fonds de retraite, quelle a été l'expansion des dépenses
du gouvernement du Québec depuis que nous sommes là? En
1977-1978, première année où le nouveau gouvernement
contrôle complètement son budget, les dépenses augmentent
de 12,4%, l'année suivante, de 10,8%, l'année suivante, de 9,4%,
et cette année, en 1980-1981, alors que l'économie
nord-américaine ne va pas très bien et qu'il y a un certain
nombre de corrections importantes à faire dans le budget des commissions
scolaires, cela augmente, c'est à 13,7%, ce qui reste néanmoins
très inférieur à tous les pourcentages d'augmentation
qu'on avait connus sous l'ancien gouvernement.
Bien sûr, il y a dans cette augmentation des dépenses pour
1980-1981, qui est de 13,7% je le disais tout à l'heure
deux éléments tout à fait différents. D'une part,
je pense qu'il était logique et normal que le gouvernement du
Québec ouvre davantage le robinet quand l'économie
nord-américaine commence à glisser. C'est une position
responsable d'un gouvernement qui se veut responsable à l'égard
du fonctionnement de l'économie, mais, d'autre part, s'est produit ce
problème financier assez sérieux dans le champ des commissions
scolaires et dans les coûts de l'enseignement primaire et secondaire. (17
h 30)
Je voudrais dire ici quelques mots à ce sujet parce qu'on est
revenu assez fréquemment sur cette question à la fois à
l'Assemblée nationale et dans le public.
J'aimerais souligner que, contrairement à ce que l'ancien
gouvernement nous avait fait quand il avait encouru exactement le même
genre de déficit, tout ce qui s'est dit en cette Chambre et tout ce qui
s'est dit en public à cet égard a été fourni par le
gouvernement, qu'on ne peut pas dire ici que des gens ont appris par des fuites
qu'il y avait des choses pas correctes qui se produisaient, que le gouvernement
a exposé clairement toute la situation. Il a indiqué que c'est la
deuxième fois qu'une chose comme celle-là se produisait et il a
annoncé en même temps tous les correctifs qu'il envisageait de
prendre, de façon que plus jamais une telle situation ne puisse se
produire.
J'aimerais souligner cela, parce que, dans certains milieux ou chez
certains de nos amis d'en face, cette question a pris, à un moment
donné, une allure de scandale. Il n'y a pas de scandale. Il y a
effectivement un manque de contrôle qui a fait un dommage
considérable aux finances publiques avant que nous soyons là, qui
a fait un dommage considérable aux finances publiques alors que nous
sommes là. Nous l'avons décrit pour la première fois
publiquement, dans tous ses détails, et nous avons annoncé toutes
les mesures de corrections qui étaient nécessaires. Dans ce
sens-là, il me reste à déplorer que cela se soit produit,
mais il me reste à souligner aussi que je pense que le gouvernement a eu
la franchise élémentaire, dès qu'il a constaté
cette situation, premièrement, de la décrire et,
deuxièmement, de la corriger.
La troisième question que je voudrais aborder, en termes un peu
généraux, a trait à la situation des emprunts. Là
encore, on a entendu dire: Le déficit du gouvernement, cette
année, sera considérable; c'est un déficit qui est trop
élevé. Regardons cela d'un peu plus près. Il y a deux
façons d'examiner les déficits ou les emprunts des gouvernements.
On peut regarder le gouvernement tout seul, j'allais dire tout nu, ou bien on
peut
regarder les emprunts de tout le secteur public qui relève de ce
gouvernement à un titre ou à un autre. Bien sûr, un
gouvernement peut, en un certain sens, jouer avec ses comptes d'emprunts. Il
peut faire emprunter pour lui-même. Par exemple, quand on crée la
RIO et qu'on fait emprunter la RIO, cela n'apparaît pas dans les emprunts
du gouvernement, mais c'est garanti par le gouvernement et c'est, en fait, un
emprunt du gouvernement, sauf que cela s'appelle RIO.
A l'égard d'une municipalité, on peut faire emprunter la
municipalité pour tout le montant des travaux, ou bien on peut payer une
subvention du gouvernement à la municipalité qui, elle, emprunte
moins alors que le gouvernement emprunte plus, ou on peut faire le contraire.
Il y a là des jeux de vases communicants que tout le monde, un peu
familier avec les finances publiques, connaît fort bien. Dans ces
conditions, il est important de voir justement comment nous avons
réussi, je pense, à épurer la situation financière
de tout le secteur public au Québec, non seulement le gouvernement, mais
les autorités locales, les municipalités, les commissions
scolaires, les agences du gouvernement. Ces emprunts du secteur public
québécois, cela représente... Comment cela a-t-il
évolué depuis quelques années?
Si j'établis la proportion de tous les emprunts du secteur public
québécois par rapport au produit intérieur brut, à
la production nationale du Québec, on arrive à quel
résultat? En 1975, ces emprunts-là représentent 8,5%,
presque 9% de la production nationale; en 1976, 12%; en 1977, 7,8%; ce
sont des années à nous, M. le Président en 1978,
7,5%; en 1979, 6,9%. On nous avait laissé une situation où le
secteur public québécois par rapport à la production
nationale du temps avait atteint un sommet presque deux fois plus
élevé que ce que nous avons connu en 1979, et on vient nous dire,
M. le Président, qu'on n'a pas épuré les finances! Allons
donc! En fait, le présent gouvernement aura réussi enfin à
corriger petit à petit, par une persistance de plusieurs années,
l'extraordinaire feu d'artifice qu'on nous avait légué.
On nous dit, bien sûr: Cette année, les emprunts vont
être plus élevés que l'an dernier. C'est vrai. Remarquez
qu'ils resteront beaucoup moins élevés, les besoins financiers
nets en pourcentage de nos revenus que ce que nous avons connu à
l'occasion de la dernière année qu'on nous avait
léguée. Mais, encore une fois, c'est quand l'économie ne
va pas très bien en Amérique du Nord que les gouvernements ont la
responsabilité d'ouvrir le robinet un peu, dans la mesure, bien
sûr, de leurs moyens.
Est-ce qu'on pense que nous aurons des difficultés, alors que
nous sommes justement en mesure d'ouvrir un peu le robinet, à financer
ce niveau d'emprunts cette année? Pas le moins du monde! Et j'en veux
ici comme preuve toutes ces déclarations que nous avons vues
après le discours du budget, venant de toutes espèces de maisons
financières qui nous connaissent bien. Je pense à Wood Gundy et
à Lévesque Beaubien, à la
Banque Nationale, aux analystes de chez Green-shields disant: Mais le
gouvernement du Québec n'aura aucune espèce de problème
à financer le déficit cette année. J'en donne comme
exemple simplement la déclaration de M. Michael Scott, par exemple, de
Wood Gundy, disant simplement ceci: "Le ministre Parizeau a fait ce qu'il avait
à faire, commente Michael Scott; c'est un budget que j'approuve." Autre
réaction d'un autre analyste financier: "C'est un budget expansionniste,
il en fallait un." Autre réaction de la Banque Nationale: "Ce budget a
le mérite de se justifier tant au plan des objectifs politiques du
gouvernement que sur le plan économique; il est contracyclique. M.
Parizeau fait d'une pierre deux coups." Apparemment, il n'y aura pas de
problèmes pour financer ce déficit. Ce qu'on reconnaît, en
somme, dans les milieux financiers, c'est qu'au moment où le
gouvernement devait être expansionniste, il l'a été.
J'en conclus donc, M. le Président, qu'à travers les
aléas de contrôles financiers qui ne sont pas toujours faciles,
à travers les pressions d'une société qui,
inévitablement, en demande toujours davantage; en dépit des
appétits des salariés de l'Etat qui, à certains
égards, sont justifiés, quand le taux de l'inflation est assez
fort; en dépit des discussions que nous avons avec le gouvernement
fédéral qui a toujours tendance à pelleter sa neige dans
notre cour et à nous envoyer les dépenses qu'il n'est plus
capable d'assumer; en dépit de tout cela, nous aurons réussi
jusqu'à maintenant à poursuivre un certain nombre d'objectifs
fondamentaux, c'est-à-dire à réduire le fardeau fiscal du
Québécois et, d'autre part, à assainir les finances
publiques.
Voilà à peu près ce que je voulais dire de ce
discours du budget et de cette orientation financière du gouvernement.
Il était évident, inévitable aussi que ce travail que nous
cherchons à faire sur le plan des finances publiques prépare
l'échéance politique que nous connaissons bien et qui
était ce choix que nous avions à faire à l'occasion du
référendum. Le public a tranché. On me demandera si mes
convictions ont changé. Je dirai: Non, mes convictions n'ont pas
changé. Je reste toujours persuadé que la souveraineté du
Québec est le moyen le meilleur d'assurer la prospérité du
Québec, son épanouissement, est toujours le meilleur moyen de
faire en sorte que les Québécois trouvent la voie de l'avenir qui
se révélerait la plus profondément satisfaisante. Mais le
public, la population du Québec en a décidé autrement.
Dans ces conditions, avec toutes les convictions que je garde,
profondément convaincu encore, comme indépendantiste, de l'option
qui me paraît toujours la plus souhaitable, je dois faire ce que j'ai
fait à plusieurs occasions dans ma vie, ce que nous avons tous à
faire parce que, la vie, c'est comme ça
c'est-à-dire me dire: Alors, il faut suivre manifestement la
décision démocratique de la population. (17 h 40)
J'ai appris, dans le parti politique auquel je suis fier d'appartenir
à être bon soldat et j'apprends, dans la société
à laquelle j'appartiens et à
laquelle je suis fier d'appartenir, à être bon soldat. Ceci
veut dire, donc, qu'on se recycle dans le fédéralisme. A cet
égard, ayant quelques années de discussions de cet ordre
derrière moi, il y a donc un certain nombre de choses qui me paraissent
évidentes au moment où s'amorcent les négociations.
J'aimerais en faire état, parce qu'à un moment donné, les
discussions constitutionnelles, M. le Président, ça entre dans le
concret et il faut apprendre à être concret. Et si tant est que
les modestes contributions comme fédéraliste autrefois, que j'ai
pu faire à cette machine, puissent servir maintenant, eh bien, qu'elles
servent.
Le système constitutionnel dans lequel nous vivons a ceci de
particulier qu'il peut fort bien prêter à illusion sur les
véritables enjeux. Je pense que c'est inévitable et c'est vrai
dans la plupart des pays. La constitution, c'est une chose, le fonctionnement
au jour le jour, c'en est une toute autre. Cela fait très longtemps que
nous discutons de réformes constitutionnelles au Canada. Il y a un
certain nombre de zones, il y a un certain nombre de champs où, au fond,
tout le monde s'entend sur la nécessité d'améliorer le
système. Par exemple, depuis une bonne vingtaine d'années, on
discute d'une opération qui consisterait à clarifier ce qu'on
appelle les zones grises.
Quand la constitution de 1867 a été écrite, il n'y
avait pas d'avions ou de câblodiffusion et il y avait toute une
série de choses qui n'existaient pas. D'autre part, un certain nombre de
situations économiques ou financières ne se présentaient
pas du tout de la même façon qu'à notre époque.
Donc, le résultat, c'est que des malheureux juges doivent se gratter
l'occiput pour interpréter un texte de 1867 dans la
réalité d'aujourd'hui. Ce n'est pas toujours facile. Je reconnais
que c'est une opération qui, à certains moments, peut devenir
extraordinairement pénible, simplement sur le plan de
l'interprétation des mots et des situations. Le nettoyage des zones
grises, la clarification des zones grises, ça fait à peu
près 20 ans qu'on s'entend sur la nécessité de faire
ça. Je ne dis pas que ça a fait beaucoup de progrès.
Enfin, tout le monde s'entend, au moins, sur la nécessité du
principe.
Deuxièmement, on semble s'entendre sur l'utilité de
limiter certains pouvoirs fédéraux et, au fond, trois pouvoirs
fédéraux qui sont constamment discutés: le droit de
désaveu, le pouvoir déclaratoire et le droit de dépenser.
Les deux premiers sont un peu en train de tomber en quenouilles. C'est une des
raisons pour lesquelles on n'a pas trop d'objections à limiter
ça. A toutes fins pratiques, ce n'est pas utilisé tous les jours.
D'autre part, ce ne sont pas des pouvoirs qui sont à ce point excitants
que les gens se battent dans les autobus. Le pouvoir de dépenser, lui,
est plus sérieux. Il est, jusqu'à un certain point, un des
centres importants du débat.
La troisième zone où on s'entend sur un certain nombre de
choses, un peu partout au Canada, c'est sur la restructuration des
institutions. Là, encore, ce n'est pas toujours majeur, ce qui est
proposé comme restructuration. Il y a, par exem- ple, la restructuration
de la Cour suprême. Ce débat-là doit exister depuis que la
Cour suprême a été créée. D'autre part, la
réorganisation du Sénat, sous une forme ou sous une autre, il va
falloir y passer. Cela n'a pas de sens d'entretenir une institution aussi
honorable que celle-là et, tous les ans, d'avoir des hommes politiques
qui disent: II faudrait changer ça; ça ne marche pas bien. Le
Sénat est l'organisme le plus critiqué et le plus inoffensif de
notre vie politique. Mais il faudrait quand même en faire quelque chose;
au moins, je l'admets. Mais, là encore, M. le Président, sur des
choses comme ça, on ne se battra pas dans les autobus. Le
quatrième domaine où on s'entend qu'il faut faire un certain
nombre de transformations, c'est dans l'administration d'un certain nombre de
programmes; là on entre davantage dans la viande. Il y a des programmes
où chaque gouvernement peut fort bien ne pas avoir exactement les
mêmes priorités, les mêmes orientations. Je pense, en
particulier, aux programmes sociaux. On n'a pas tous la même vue du
programme de revenu minimum garanti. Le problème consiste à
savoir qui définit le programme et qui envoie les chèques. Le
problème de savoir qui envoie les chèques est distinct de savoir
qui définit le programme. Qui définit le programme, c'est une
politique sociale; qui envoie les chèques, c'est une façon de se
rappeler au bon souvenir de l'électeur. Donc, ce n'est pas tout à
fait la même question. Mais, enfin, c'est relié, je l'admets.
Il est évident, par exemple, que les pensions de vieillesse dont
tout le monde s'imagine que cela existe de toute éternité entre
les mains du gouvernement fédéral n'ont été
concédées comme pouvoir constitutionnel au gouvernement
fédéral que depuis 1951. C'est très récent. Avant,
c'était de la compétence des provinces.
Imaginons simplement ce qui se serait passé si, en 1951, cet
amendement n'avait pas été adopté, si c'étaient les
provinces qui distribuaient les chèques de pension de vieillesse. Vous
rendez-vous compte à quel point une possibilité de chantage
serait disparue? Remarquez que c'est peut-être la meilleure façon
de faire disparaître le chantage que de transférer les pensions de
vieillesse au Québec. Il faudrait en parler, n'est-ce pas?
Ceci étant dit, une fois qu'on a défini un certain nombre
de zones comme celles-là, il faut quand même se rendre compte que
la constitution ne s'adresse pas nécessairement à la
totalité des problèmes de rapports entre les gouvernements. En
fait, les rapports entre les gouvernements sont déterminés par
bien d'autres choses, et, en particulier, la façon dont l'argent est
contrôlé, partagé et distribué. Je voudrais
simplement vous faire noter qu'à cet égard une constitution n'a
habituellement à peu près rien à dire dans ce domaine, si
on se fie à un certain nombre d'exemples historiques. Je ne veux pas
dire qu'elles ne devraient avoir rien à dire, mais enfin, historiquement
elles n'ont eu à peu près rien à dire.
Prenons, par exemple, le cas de la constitution américaine. On
pourrait imaginer un instant
que c'est une constitution très décentralisée; en
fait, c'est une des constitutions fédérales les plus
centralisées qui existent. Pourquoi? Parce que le gouvernement
fédéral s'est toujours entendu pour ne pas payer, ne pas faire de
transferts inconditionnels aux Etats. Il ne donne pas d'argent aux Etats en
disant: Dépensez cela comme vous voudrez. Il dit: Vous êtes un
Etat pauvre, le Mississippi, pour tel programme de routes, si vous acceptez mon
tracé des routes, mes critères de routes, je vous paierai 70% et
vous, Etat de New York, vous êtes un Etat riche, je vous en paierai 30%.
Il n'y a pas de péréquation aux Etats-Unis, cela n'existe pas. Il
n'y a pas de transferts inconditionnels. Il n'y a pas d'argent donné par
le fédéral aux Etats. Donc, apparemment, la constitution
américaine est tout aussi décentralisée que la
nôtre; en pratique, c'est un centralisme absolument terrifiant.
Il y a quelque chose d'un peu amusant qui s'est passé pendant la
campagne référendaire où on disait, je ne sais plus quel
premier ministre d'une province de l'Ouest: Mais si le Québec quittait
le Canada, est-ce que vous, vous entreriez aux Etats-Unis? Il dit: Malheureux,
jamais! Avec un contrôle comme celui de Washington, je
préfère Ottawa. Evidemment.
Fondamentalement, il s'agit de savoir comment le gouvernement central
peut orienter les décisions des Etats ou des provinces par la
façon dont l'argent circule. Nous avons connu au Canada une situation,
dans les années cinquante, où le gouvernement
fédéral avait organisé toute une série de
programmes à frais partagés où il disait aux provinces: Si
vous voulez suivre l'orientation que je veux donner aux priorités
nationales, je mettrai $1 pour chaque $1 que vous mettez. Si vous refusez mes
priorités à moi, gouvernement fédéral, je ne paie
pas un cent. On a eu une collection, une avalanche de programmes conjoints de
cet ordre. On a assisté, à un moment donné, à une
situation où certaines provinces des Maritimes sont passées
proche d'un Etat où leur perception d'impôt aurait servi presque
exclusivement à établir la contrepartie des programmes
fédéraux. Elles n'auraient eu à peu près plus
d'argent à dépenser, sauf pour leur Assemblée nationale et
leur café du Parlement. La totalité de leur perception
d'impôt aurait servi essentiellement à des contreparties de 50-50
des programmes fédéraux. Dans ce sens-là, le Canada a
passé dans les années cinquante, à une situation
très proche de celle qu'on connaît aux Etats-Unis.
Là, le gouvernement fédéral a décidé
de changer d'attitude; il s'est engagé, largement à cause des
pressions du Québec, des gouvernements successifs au Québec, dans
une voie où ii distribuait de l'argent aux provinces sans conditions, et
de plus en plus d'argent sans conditions: Faites-en ce que vous voudrez!
Seulement, après s'être engagé longuement dans cette voie,
il s'est rendu compte que les provinces commençaient à avoir des
contacts très étroits avec les électeurs. L'idée de
l'unité nationale du Canada est apparue dans le genre de: II faudrait
quand même qu'on ait, nous aussi, beaucoup de chèques à
distribuer chez les particuliers. Donc, le gouvernement fédéral
s'est engagé dans une phase où il se rappelait au bon souvenir
des électeurs en faisant des distributions directes aux particuliers. La
dernière que nous avons vue était les $85 de M. Chrétien,
il n'y a pas si longtemps. (17 h 50)
D'autre part, on a aussi connu une phase, au gouvernement
fédéral, où on voulait réduire les impôts, et
on les a réduits. Là, on s'est rendu compte que les provinces
commençaient à s'engager dans des tas de nouveaux programmes
où le gouvernement fédéral risquait d'être absent,
en particulier dans le domaine industriel, dans le domaine du
développement régional. Le gouvernement fédéral
s'est mis à ajouter des programmes par-dessus ceux des provinces ou
à côté de ceux des provinces. C'est ainsi qu'on est
arrivé à une collection de chevauchements absolument remarquable.
Je n'ai pas besoin de refaire ici le procès des chevauchements ou des
doubles emplois, il a été fait suffisamment souvent.
Le résultat de cette politique est que le gouvernement
fédéral s'est mis à développer des déficits
de plus en plus considérables. Voulant atteindre tous les objectifs
à la fois, voulant doubler ce que faisaient les provinces, voulant
chevaucher toutes leurs initiatives et décidant, en plus de cela, en
1974, de ne pas augmenter le prix du pétrole canadien au même
niveau que le niveau international, le gouvernement fédéral s'est
finalement trouvé dans une situation de déficit effroyable, de
déficit qui n'existe nulle part chez les provinces canadiennes.
Comprenons-nous bien! Quand j'entendais un représentant de l'Union
Nationale dans cette Chambre, à l'occasion du débat sur le
discours sur le budget, dire "le déficit est considérable au
Québec, heureusement qu'on a un gouvernement supérieur", mais
enfin, il n'a pas regardé les chiffres, le malheureux!
La situation du gouvernement fédéral, sur le plan
financier, est catastrophique. On ne peut pas en dire autant des provinces
canadiennes. Les autres provinces canadiennes, dans l'ensemble, sont
très bien gérées. Le Canada, parce que c'est ce qu'on
appelle les "junior gouvernements", est géré de façon
honnête et correcte; le fédéral s'est placé dans une
situation financière absolument désespérée. Cela ne
s'est pas trop vu au cours des moments récents parce qu'il fallait quand
même que les non puissent gagner le référendum. Il y a des
gestes qui n'ont pas été posés et qui auraient dû
être posés pour corriger une situation et qui ne l'ont pas
été parce que le référendum s'en venait au
Québec. Mais là, la période référendaire est
terminée; il faut regarder la situation telle qu'elle est. Un peu comme
dans ce conte pour enfants, il faut se placer devant le roi et dire: Le roi est
nu, parce qu'il est nu, le roi canadien. Il s'est dévêtu de toutes
les protections qu'il pouvait avoir sur le plan financier. Le strip-tease
auquel il a procédé depuis un certain nombre d'années sur
le plan financier le laisse si vous me passez l'expression
à poil.
Alors là, II est forcé de poser un certain nombre de
gestes; il faut qu'il pense à se rhabiller, parce que,
financièrement, l'hiver s'en vient. C'est urgent et cela ne peut pas se
faire de 25 façons différentes. D'autant plus que, dans
l'intervalle, et c'est peut-être un des aspects les plus sérieux
de la situation, ce gouvernement qui entrait dans des déficits
considérables a laissé une province partir avec la caisse.
L'Alberta, à l'occasion de la situation pétrolière qui est
apparue, est dans une situation financière absolument étonnante.
Je m'excuse de parler de l'Alberta dans cette Chambre mais, encore une fois, M.
le Président, comme je me recycle dans le fédéralisme, je
suis obligé de parler du système fédéral. Il y a
donc des considérations que je n'évoquais jamais mais,
j'espère que nos amis d'en face ne m'en tiendront pas rigueur. Donc, je
vais parler un peu de l'Alberta.
L'Alberta est partie littéralement avec la caisse. Le surplus
budgétaire de l'Alberta, à la fin de cette année, sera
presque deux fois supérieur à la totalité de tous les
déficits provinciaux, de Terre-Neuve jusqu'au Manitoba. L'Alberta,
à la fin de cette année, pourra supprimer tous les impôts
et taxes sur ses particuliers et cela réduirait son surplus
budgétaire d'à peu près un tiers. C'est-à-dire que
nous nous trouvons placés devant un gouvernement fédéral
qui n'a plus de moyens, qui n'est plus capable d'assurer ses
responsabilités de redistribution, qui n'est plus capable d'assurer ses
responsabilités de réduire les écarts économiques
régionaux et devant une province qui, au contraire, commence à
acquérir les moyens de jouer un rôle national, ce qui n'est pas le
moindre des paradoxes. Et advenant qu'on laisse monter le prix du
pétrole de plusieurs dollars, que fera-t-on en période de
récession? Le gouvernement national dira: II nous faudrait des
programmes de main-d'oeuvre "coast to coast", d'un océan à
l'autre. L'Alberta, vous ne pourriez pas les financer parce que c'est là
qu'est l'argent. Il faudrait un programme de travaux publics en période
de récession à travers le Canada. Le gouvernement
fédéral téléphonera à Edmonton en disant:
Auriez-vous l'obligeance de me financer mes bureaux de poste à
Terre-Neuve? Sur le plan financier, encore une fois, le Canada est dans une
situation qui est critique.
Comment peut-on rebalancer cela? Vous comprendrez, M. le
Président, que même si je veux donner toute une série de
réponses à nos amis d'en face, ce n'est quand même pas
aujourd'hui qu'on va refaire la politique fiscale du gouvernement
fédéral, d'autant plus que si j'essayais de faire cela, ils
pourraient me demander de quoi je me mêle. Mais il n'en reste pas moins
que les gestes qui vont être posés vont être payés
par quelqu'un.
Lorsque le gouvernement fédéral fait flotter
l'hypothèse d'abolir l'indexation de l'impôt, sait-on ce que cela
veut dire? Cela se prend au Québec, cet argent. C'est le contribuable
québécois qui va payer cela. Cela va coûter pour la
première année, aux contribuables québécois, $300
000 000 et au gouvernement du Québec, cela va lui coûter $125 000
000 et après, cela monte. C'est dans l'ascenseur. Se rend-on compte que
$1 d'augmentation sur le baril de pétrole de 35 gallons ce n'est
pas grand-chose, $1, surtout à notre époque cela
déplace à travers le Canada $750 000 000 par dollar
d'augmentation du baril.
Chez qui cela se prend-il? Cela se prend chez celui qui va faire faire
le plein d'essence ou bien qui remplit son réservoir d'huile à
chauffage. Seulement, à partir de là, l'argent se promène
et où va-t-il? Il revient au gouvernement du Québec? Oui, un peu,
à cause de la disposition qu'on a prise dans le dernier budget de
transformer notre taxe sur l'essence en cents en pourcentage. On va en tirer un
peu, pas grand-chose. L'essentiel de l'argent va aller à Ottawa ou en
Alberta ou aux compagnies ou les trois, mais n'importe quelle combinaison des
trois. C'est nous qui allons payer. C'est le fédéral qui va
recevoir, l'Alberta et une dizaine de compagnies.
Vous comprendrez dans ces conditions, M. le Président, que cela
nous intéresse, vitalement, comme gouvernement, si nous nous en allons
négocier à Ottawa. C'est au moins aussi important que le droit de
désaveu. C'est presque aussi important que la réforme du
Sénat parce que cela représente, en fait, la possibilité
de réduire le niveau de vie des Québécois dans des
proportions très considérables. Pensez au niveau international
pour le pétrole. A l'heure actuelle, dans certaines conditions, et
rapidement, cela va avoir une influence indiscutable, comme nos amis d'en face
l'ont répété pendant toute la campagne
référendaire.
M. le Président, j'aimerais que nous ayons de l'Opposition
officielle un certain nombre de ses idées quant à la façon
de traiter ces problèmes centraux au fonctionnement de la
fédération canadienne. Le chef de l'Opposition ne va pas beaucoup
plus loin que de dire qu'il faut avoir l'esprit ouvert, être impartial et
objectif. Je veux bien, mais cela ne me donne pas grand-chose quant à
savoir s'il est pour ou contre le retrait de l'indexation des impôts.
Est-il pour ou contre? Il nous dit que nous ne sommes pas capables de
négocier ces choses-là. Au moins, on les voit; lui n'a pas l'air
de les voir.
Qu'est-ce que le chef de l'Opposition pense du prix international pour
le pétrole? Est-il pour ou est-il contre? J'aimerais savoir cela.
Une Voix: On ne le sait pas.
M. Parizeau: Le livre beige est d'une discrétion sur les
mouvements d'argent entre les gouvernements, d'une discrétion
exemplaire. Il y a à peu près pas moyen de savoir ce que les
auteurs pensent de ce "petit" phénomène de la circulation de
milliards de dollars qui partent de la poche d'un certain nombre de
contribuables et qui circulent ensuite entre les gouvernements. Il est à
peu près muet sur cette question. (18 heures)
En fait, le chef de l'Opposition a eu des propositions précises
sur un seul sujet. Il a suggéré qu'il
y ait une agence fédérale-provinciale de perception des
impôts. C'est la seule chose claire que j'ai eue de lui depuis longtemps
sur l'ensemble de ces questions. Une agence fédérale-provinciale
de perception des impôts qui mettrait le gouvernement du Québec
littéralement à la merci d'un organisme où il serait
minoritaire pour la perception de ses fonds. Compte tenu du fait qu'il entre un
montant de $300 000 000 par semaine au gouvernement du Québec, je
tremble un peu à l'idée de mettre des sommes pareilles entre les
mains d'une agence où nous serions minoritaires. C'est la seule
suggestion précise que nous ayons eue du chef de l'Opposition sur
l'ensemble de ces questions fiscales. Et il vient dire qu'on ne peut pas
négocier dans le meilleur intérêt des
Québécois? Allons donc! On a déjà une longue avance
sur lui. Un long temps dans l'Opposition lui fera du bien pour qu'il apprenne
ces choses-là. C'est important, cela s'apprend.
En fait, à l'égard de chacun des champs dont je viens de
parler, nous pouvons avoir des réponses assez claires. Est-ce que nous
sommes d'accord avec un objectif de clarification, dont je parlais tout
à l'heure, de cette vieille constitution? Oui, on ne peut pas être
en désaccord avec ça. C'est un objectif intelligent. On ne peut
tout de même pas s'opposer à ce que, dorénavant, les cours
de justice puissent prendre des décisions plus faciles parce que la
constitution sera plus claire! Là-dessus, c'est une question d'homme de
bonne compagnie et de bon sens que de dire: Bien oui, pourquoi pas?
Est-ce qu'on est d'accord pour limiter les pouvoirs
fédéraux? Bien oui, bien sûr, surtout ceux qui tombent en
quenouille. Sur le droit de dépenser du gouvernement
fédéral, il y a plusieurs provinces qui se sont toujours
opposées à ce droit très vaste de dépenser du
gouvernement fédéral dans tous les domaines. On va se battre
comme des tigres dans ce domaine. Maintenant, on ira jusqu'où on peut,
n'est-ce pas? Quand le tigre rencontre la panthère, c'est toujours
difficile de savoir où va se situer exactement la frontière
après.
Mais il est évident que le fédéral va en vouloir le
plus possible, les provinces le moins possible et il va falloir trouver une
sorte d'arrangement. Encore une fois, c'est une question qui se discute depuis
20 ans. Il n'y a rien de particulièrement nouveau.
Est-ce qu'on sera d'accord avec la restructuration des institutions?
Moi, je ne sais pas; pourquoi pas? Cela vaut la peine de regarder. Je n'ai pas
de position très précise sur le nombre de juges qu'il doit y
avoir à la Cour suprême ou est-ce qu'un Franco-Ontarien doit y
siéger? On verra. Encore une fois, ce sont des choses, n'est-ce pas...
On ne peut pas dire qu'on refusera d'examiner ces choses. Aucun homme de bon
sens ne refuserait ça.
L'administration des programmes, oui. Je pense que l'idée que
j'ai exprimée un peu plus tôt devant cette Assemblée sur
l'administration des programmes, il y a peut-être un certain nombre de
choses auxquelles nous tiendrons. Je crois que ce serait une oeuvre pie, que ce
serait une oeuvre responsable de faire en sorte que, dorénavant, le
gouvernement de Québec distribuant tous les chèques de pension de
vieillesse, on ne puisse plus faire chanter un vieillard dans notre
société.
Et ça rejoindrait d'ailleurs des prises de position de nos amis
d'en face, de l'un ou l'autre des deux partis, qui ont toujours demandé
le rapatriement de la sécurité sociale. C'est ça que ces
messieurs demandaient, n'est-ce pas? Ce serait épatant. Pensez que,
premièrement, on pourrait faire l'unanimité dans cette Chambre
et, deuxièmement, on ne pourrait plus faire chanter les vieillards.
C'est merveilleux.
Seulement, il reste qu'il y a bien d'autres choses que nous voulons
à l'occasion de ces discussions. D'abord, on veut comprendre où
le gouvernement fédéral s'en va sur le plan de l'argent. Parce
que ça, nous avons quand même la responsabilité de
défendre nos contribuables et nos consommateurs. Il faut savoir quels
sont les plans du fédéral. Il faut qu'il explique clairement
où il s'en va et, maintenant qu'il n'a plus cette échéance
référendaire, il n'a pas raison de continuer de taponner. Ce
gouvernement n'a pas de budget depuis deux ans. Il est presque temps qu'il se
décide.
Il faut qu'il nous dise ce qu'il a l'intention de faire avec le prix du
pétrole. Qu'on ne vienne pas nous dire qu'il faudrait qu'on s'approche
de lui avec des propositions au lac Harrington, le 9. Qu'est-ce que vous
voulez, quand même, j'imagine qu'après les années qu'il a
passées à discuter de cela le gouvernement fédéral
doit avoir quelques idées sur le prix du pétrole. Enfin, je
l'espère.
Mais, d'autre part, nous, on peut difficilement admettre que toutes ces
questions d'argent se discutent bilatéralement, c'est-à-dire que
le fédéral discute le pétrole avec l'Alberta et la
Saskatchewan, le gaz naturel avec les provinces séparément,
l'électricité avec d'autres, les changements d'impôts avec
personne. Ce qui est important, c'est que tout ce qui touche à ces
mouvements d'argent qui sont essentiels au fonctionnement d'un régime
politique soit mis sur la table avec le reste, assez rapidement, pour savoir
où tous ensemble puisque, dit-on, nous devons maintenant vivre
tous ensemble nous allons.
Evidemment, il n'est pas du tout certain, M. le Président, que
cet exercice intéressant, je n'en disconviens pas, qui me rappelle mes
anciennes amours, je n'en disconviens pas non plus, puisse tourner en
quenouille assez rapidement, puisse s'arrêter assez rapidement. Et ce
serait dans le cas qui, effectivement, semble être soulevé depuis
hier, mais dont nous avons déjà eu des échos à la
Chambre des communes pendant, justement, la période
référendaire à l'occasion d'un vote qui s'y est tenu.
C'est cette histoire du rapatriement de la constitution. Le rapatriement
unilatéral de la constitution par le gouvernement fédéral
a des conséquences majeures. Il faut bien comprendre ce que cela veut
dire. Le rapatriement unilatéral de la
constitution par le gouvernement fédéral veut dire que
cette loi anglaise à l'heure actuelle, bien des gens seraient fiers de
la voir devenir une loi canadienne, sauf que cela serait une loi
fédérale et que, dans ces conditions, si le gouvernement
fédéral voulait, théoriquement, dire: L'éducation,
ce n'est plus de compétence provinciale, c'est dorénavant une
compétence fédérale, bien, il faut dire: Oui, monsieur.
C'est cela que ça veut dire, le rapatriement unilatéral de la
constitution. Cela devient une loi fédérale où le
fédéral fait ce qu'il veut dans un Parlement où nous
sommes minoritaires.
On nous dira: Le premier ministre du Canada, il ne nous fera jamais le
coup. Je comprends. Enfin, je ne sais pas, moi. Il ne faut pas lire à
travers les esprits. Mais je peux rappeler ce que disait le
général de Gaulle: "L'avenir dure longtemps".
Et le rapatriement unilatéral de la constitution,
évidemment, peut arrêter des tas d'exercices, en ce sens que
là, au fond, il n'y aurait plus de discussions sur un nouveau cadre
constitutionnel; il y aurait des consultations de provinces. Mais des
consultations de provinces, on sait bien que cela ne va jamais très loin
et que la consultation pour le gouvernement fédérai depuis des
années, cela consiste à organiser une espèce de club
social, qui a très souvent l'air d'un club social de vieux
garçons, d'ailleurs, où on prend l'opinion de chacun et
après cela, on va faire ce qu'on veut.
Alors, ou bien, effectivement, cet exercice constitutionnel peut se
poursuivre ou bien il peut s'arrêter, dépendant de la
décision que le gouvernement fédéral prendra quant au
rapatriement de la constitution, quant à la façon dont cela va
être fait et surtout quant à la façon de savoir si cela
sera fait unitaléralement ou pas.
Voilà, M. le Président, ce que je voulais dire, à
la fois sur la politique financière du gouvernement jusqu'à
maintenant, sur la politique financière du gouvernement à partir
de maintenant. Jusqu'ici, nous étions très pris par nos propres
problèmes. Préparant l'avenir que nous entrevoyions à ce
moment-là, on avait tendance à mettre l'accent bien davantage sur
les questions financières au Québec et nos rapports exclusivement
avec Ottawa. Il n'y a pas de doute que, maintenant, nous allons avoir à
discuter non pas seulement des problèmes financiers du Québec et
de ceux d'Ottawa, mais de ceux de l'ensemble des provinces. Nous chercherons
à le faire, M. le Président, en ayant à l'esprit,
fondamentalement, la protection mais la protection rigoureuse à la fois
du consommateur québécois et du contribuable
québécois.
Merci, M. le Président!
Le Président: Je crois qu'il y a eu entente pour que le
vote sur le budget et les motions de censure n'aient lieu que demain. Est-ce
que c'est d'accord?
Une Voix: D'accord.
Le Président: Alors, dans ces conditions, puisqu'il est
passé dix-huit heures, l'Assemblée va ajourner ses travaux
à demain, dix heures.
Fin de la séance à 18 h 10