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Version finale

30e législature, 3e session
(18 mars 1975 au 19 décembre 1975)

Le jeudi 11 décembre 1975 - Vol. 16 N° 76

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures six minutes)

M. Lavoie (président): A l'ordre, messieurs!

M. Bellemare (Johnson): M. le Président...

M. Burns: M. le Président, j'ai demandé l'ajournement du débat; je n'ai pas d'objection, cependant, à céder ma priorité, qui me serait normalement reconnue, au député de Johnson qui n'a pas eu l'occasion de s'exprimer encore.

M. Tetley: C'est le même député qui a insisté pour avoir mon consentement, vous l'avez.

M. Bellemare (Johnson): Pour autant, M. le Président, que cela ne lui fait pas perdre son droit de parole en vertu du règlement.

Le Président: Avec ce gracieux consentement, qui n'était pas nécessaire, en vertu de notre règlement, avant de passer aux affaires du jour, je voudrais aviser l'Assemblée qu'il y a une légère erreur au feuilleton. A l'article 4), on voit troisième lecture du projet de loi no 250; cette troisième lecture a effectivement été adoptée hier. La correction au feuilleton se fera en conséquence.

M. Levesque: On pourrait en profiter pour faire une autre troisième lecture. Article 3).

Le Président: Troisième lecture, article 3). M. Burns: Oui.

Projet de loi no 252 Troisième lecture

Le Président: L'honorable leader parlementaire du gouvernement, pour l'honorable ministre des Transports, propose la troisième lecture du projet de loi no 252, Loi modifiant le Code de la route. Cette motion est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté, M. le Président. Le Président: Adopté.

M. Levesque: II y en a peut-être d'autres où on pourrait avancer d'une étape. On pourra le faire cet après-midi.

M. Burns: Les rapports qui ont été déposés hier?

M. Levesque: Oui, cela ne me fait rien. On peut le faire cet après-midi, si on préfère, ou on peut le faire tout de suite.

M. Burns: Je n'ai pas d'objection à le faire maintenant. Avez-vous des suggestions?

M. Levesque: Les suggestions sont les suivantes: article 18), deuxième lecture.

Projet de loi no 95 Deuxième lecture

Le Président: L'honorable député de Taschereau propose la deuxième lecture du projet de loi no 95, Loi modifiant la Loi concernant la Fédération de Québec des Unions régionales des caisses populaires Desjardins. Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté, M. le Président. Le Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Le Président: Référé... M. Levesque: ... en commission plénière.

Commission plénière

M. Burns: Oui, oui, oui. Les écritures pour la commission plénière.

Le Président: On pourrait faire les écritures de la commission plénière; par contre, on m'informe qu'il faudrait, dans ces écritures, tenir compte des amendements qui ont été apportés lorsque la commission a siégé après la première lecture.

M. Levesque: D'accord.

Le Président: Rapport de la commission plénière, adopté?

M. Burns: Adopté.

M. Levesque: II y a les articles 19), 20), 21) et 22), qui sont quatre projets de loi privés qui avaient été déférés en commission parlementaire de la justice et que l'on pourrait adopter en deuxième lecture et avec les écritures.

M. Burns: D'accord, M. le Président.

Projets de loi privés nos 113, 123, 170 et 211

Deuxième lecture

Le Président: L'honorable député de Témiscamingue, pour l'honorable député de Saint-Louis, propose la deuxième lecture du projet de loi no 113, Loi concernant certains lots du cadastre de la cité de Montréal, quartier Saint-Antoine. Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

Une Voix: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Le Président: L'honorable député de Papineau, pour l'honorable député de Saint-Henri, propose la deuxième lecture du projet de loi no 123, Loi concernant la succession de Charles Séraphin Rodier. Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Le Président: L'honorable député de Pointe-Claire, pour l'honorable député de Verdun, propose la deuxième lecture du projet de loi no 170, Loi concernant certains terrains dans la cité de Westmount. Cette motion est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté. Le Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Le Président: L'honorable député de Jeanne-Mance propose la deuxième lecture du projet de loi no 211, Loi concernant certains immeubles de Peel-Sherbrooke Holdings Limited. Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Commission plénière

Le Président: On pourrait faire les écritures de la commission plénière pour ces quatre projets de loi.

M. Levesque: Sur les quatre projets de loi, il y en a trois d'amendés.

Le Président: Bon. Il faudrait tenir compte des amendements apportés à trois de ces projets de loi. Le secrétaire général pourrait tenir compte de ces amendements pour faire les écritures de la commission plénière. Adoption du rapport de la commission plénière des quatre projets de loi nos 113, 123, 170 et 211. Cette motion est-elle adoptée?

M. Levesque: Adopté. M. Burns: Adopté. Le Président: Adopté. M. Levesque: Article 8).

Le Président: Affaires du jour. L'honorable député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je voudrais...

M. Choquette: C'est pour montrer que c'était cordial.

Projet de loi no 253

Deuxième lecture (suite)

M. Maurice Bellemare

M. Bellemare (Johnson): Je voudrais remercier l'honorable député de Maisonneuve d'avoir bien voulu ajourner à la fin des travaux pour que je puisse faire mon intervention ce matin.

Je pense qu'il serait bon de rappeler au ministre des Affaires sociales certains principes de base. Et, celui qui me préoccupe le plus dans ce débat, c'est encore une loi spéciale qui ne couvre qu'un seul domaine, celui de la santé publique, dans un temps où on est actuellement en négociation et qui sert peut-être de paravent à une loi matraque.

Ces deux préliminaires posées, j'essaierai d'expliquer au ministre comment cela c'est passé. D'abord, je voterai en faveur de la loi, parce qu'un petit pain vaut mieux que rien du tout. Le Code du travail, qui date de 1964, a été toute une révélation dans le temps. On avait vécu, de 1939 à 1945, sur les mesures de guerre. Après que la guerre fut terminée, on s'est adapté à un certain genre de négociation où le patron est devenu plus flexible dans l'acceptation de certaines normes au sujet des conventions collectives. En 1964, est arrivé le Code du travail qui a modifié les relations patronales-ouvrières, mais particulièrement l'accréditation et surtout la négociation qui devait se produire.

Mais, de 1964 à 1974, il y a eu une évolution plus rapide que pendant les 20 années qui ont précédé le Code du travail de 1964, d'où la nécessité de refaire le Code du travail pour qu'au point de vue de services essentiels on puisse véritablement avoir une législation cohérente mais qui s'appliquerait dans tous les domaines, pas seulement dans un domaine exclusif comme celui d'aujourd'hui, la santé. Surtout qu'on le fait en pleine période de négociation, pour dire: Nous allons nous donner une arme qui pourrait être très utile et qui, sans affecter les services essentiels que nous sommes obligés de distribuer, pourrait peut-être amener plusieurs personnes à réfléchir.

J'ai entendu l'autre soir le député de Saint-Jacques prévenir votre auguste personne, en disant: On ne voudrait pas répéter l'erreur de 1972 où le gouvernement, après des voeux pieux, avait, mon cher monsieur, le lendemain qu'il avait affirmé dans cette Chambre que tous les services essentiels étaient assurés, fait adopter une loi matraque.

De cela, vous avez entendu l'honorable député de Saint-Jacques nous parler pendant une heure et surtout avec les applications pratiques du temps où cela s'est fait. Là, on nous arrive avec

une loi qui remplace une autre loi. Si je regarde un peu la statistique qui m'a été donnée — je n'étais pas en Chambre à ce moment-là — en 1973 on a parlé de la Loi assurant le bien-être de la population en cas de conflit de travail, la loi 89. En 1974, on a présenté le projet de loi no 24 qui modifiait le Code du travail et les dispositions législatives. Après, cela a été le bill 31. Le bill 31, dans ses buts, avait le même effet que celui qu'on a aujourd'hui, mais on a ajouté, dans celui qui est en discussion présentement, certaines pénalités qui sont très fortes et qui légifèrent dans un seul domaine. On précise les modalités d'application et on nous indique, d'une manière assez déterminée, les pénalités qui sont excessives, qui sont très fortes.

Je ne suis pas contre le respect de la loi, au contraire, mais j'ai rarement vu, dans une loi, des pénalités qui vont aussi loin. Ce sont des pénalités qui vont certainement faire réfléchir bien des gens, mais qui sait l'avenir? Encore là, même les pénalités ne changeront pas la mentalité des gens. On a vu dernièrement, à la suite d'un jugement qui vient d'être rendu, des gens qui avaient fait de la casse malgré la loi. Le jugement a été rendu hier et vous avez vu les suites. Bien que nous reconnaissions la nécessité bien évidente d'assurer certains services essentiels et nécessaires au bien-être de la population en temps, surtout, de conflit de travail, nous nous posons plusieurs questions qui semblent peut-être un peu drôles à expliquer. Le projet de loi no 31 ne visait que les établissements suivants: un centre local des services communautaires, un centre hospitalier, un centre de services sociaux ou un centre d'accueil.

Le projet de loi no 253, M. le Président, en plus de viser ces établissements, vise aussi ce qu'on appelle les organismes assimilés, c'est-à-dire toutes les entreprises qui fournissent des services aux établissements qui relèvent du ministère des Affaires sociales, dans le domaine de la santé. C'est un terme extrêmement dangereux et global. Cela comprend tous les services, tous les organismes assimilés qui peuvent toucher des gens. Cela élargit énormément la portée de la loi et surtout ses effets.

Je pense que, d'une manière très significative, on ne l'a pas mis là pour rien. Tous les organismes assimilés: cela peut être dans le domaine de l'opération matérielle, pas seulement dans l'opération administrative, tous les services assimilés.

Le ministre pourra nous préciser probablement dans sa réponse quels sont les effets directs, dans l'application de cette nouvelle ioi, des services assimilés. Seulement, il faudrait aussi que le ministre nous dise jusqu'où peut aller cette prescription de la loi. Est-ce que dans les services assimilés il y aura une certaine discrétion ou bien si ce sera global? Ira-t-on jusqu'à toucher certaines choses matérielles qui sont des fournisseurs? Cela aussi, ce sont des services assimilés quand on parle de fournisseurs, que ce soit des médicaments, que ce soit des produits pharmaceutiques ou autres. Un service assimilé cela peut être aussi de la lingerie. Est-ce que cela va jusque-là? Est-ce que cela peut comprendre aussi jusqu'au service de l'huile à chauffage, ces services assimilés? Cela comprend tout ce qui est service assimilé. La loi est générale et dans le préambule de la loi, il n'y a aucune définition de ce qu'est un service assimilé. Cela, je pense que c'est extrêmement important.

Nous nous sommes aussi interrogés sur la façon de déterminer les services essentiels et, particulièrement, de les maintenir. Ces besoins diffèrent extraordinairement d'établissement à établissement. Le ministre sait ce que je veux dire. En effet, dans un article d'un des journaux les plus populaires de la province et qui, dans notre région, a une importance capitale, le Nouvelliste, vous lirez ce qui suit au sujet des services essentiels. Je réfère le ministre à l'article "Affaires sociales; Québec entend assurer les services essentiels, dans le Nouvelliste du 6 décembre 1975. On dit par exemple:

La loi ne cherchera pas à appliquer des normes rigides et préfabriquées à des structures profondément différentes les unes des autres. C'est le texte de l'article. Je pense, M. le Président, qu'il y a là un domaine de discrétion. La loi ne cherchera pas à appliquer d'une manière rigide et préfabriquée des structures profondément différentes d'un établissement à l'autre.

M. le Président, on peut comprendre que ces services essentiels seront peut-être déterminés pour chaque établissement en fonction des caractéristiques et des besoins particuliers qui lui sont propres. La loi n'est pas claire sur ce sujet, surtout au niveau de l'expression, et c'est très important quand on parle, dans la loi, des parties. Je ne veux pas, parce que cela ne m'est pas permis, vous citer les articles de la loi, mais le ministre me comprend, c'est sûr; il parle, à trois ou quatre endroits différents, des parties dans la négociation. Je pense que cela est très important parce qu'il est question que, dans l'organisme assimilé, toute entreprise qui fournit des services à un établissement est déclarée par le lieutenant-gouverneur en conseil être assimilée à cet établissement.

Donc, M. le Président, c'est défini, un organisme assimilé, mais avec une juridiction limitée. Quand on parle des parties, je ne vois rien dans la loi qui me donne l'assurance de la définition. Est-ce que c'est en vertu des négociations qui ont déjà été faites? Est-ce que les parties aux conventions collectives dans le domaine de la santé sont de nature provinciale ou si elles devront être, à ce moment, reconnues comme des parties locales? On dit dans un article, que je viens de vous citer, qu'on ne cherchera pas à appliquer des normes rigides et préfabriquées à des structures profondément différentes les unes des autres.

En lisant le projet 253, nous ne trouvons aucune précision quant à ia détermination des services essentiels au niveau local. Cela est très important parce qu'à ce moment comment allons-nous appliquer une loi générale qui ne prévoit pas, dans la localité par exemple — parce que les services sont extrêmement différents les uns des autres — le niveau local?

Il y a une certaine ambiguïté, M. le Président.

qui devrait nécessairement être éclaircie par le ministre. Le projet de loi interdit le droit de grève et de lock-out dans les services de santé et les services sociaux essentiels, et cela à moins que les parties — voilà les mots — aient déterminé par entente préalable les services essentiels et la façon de les maintenir ou, à défaut d'une telle entente entre les parties, par le commissaire des services essentiels.

Mais, M. le Président, tout le monde connaît le Code du travail. Tout le monde sait qu'on peut négocier, par exemple, 30 jours avant la fin d'un contrat de convention collective et qu'on peut aussi négocier 30 jours après l'expiration d'une convention, de bonne foi, entre les parties. Si cela ne réussit pas, il y a là, en vertu de l'article 42, huit jours d'avis qu'on doit donner aux parties et les 60 jours de délai. Tout le monde comprend cela, d'accord. Le ministre nous dit que pendant les 30 premiers jours, le commissaire aux services essentiels, qui sera un juge du tribunal du travail, devra essayer de trouver avec les parties la définition et particulièrement l'orientation que devraient prendre les services essentiels, ceux qui devront être requis et la manière dont cela devra fonctionner. S'il n'y a pas entente après 30 jours, le commissaire aux services essentiels, qui est un juge du tribunal du travail, a 30 jours pour rendre une décision qui sera finale et exécutoire. C'est la loi telle qu'elle est.

Ces 60 jours, M. le Président, sont toujours dans le délai prévu à l'article 42 où il y a négociation avant d'avoir la grève. Mais je me demande sincèrement pourquoi on a pensé à cette loi à la toute dernière minute. On a eu le bill 31, qui a déjà été présenté en cette Chambre, qui a été remplacé par le bill 253, mais il serait, à mon sens, préférable que la détermination de ces ententes au niveau local se fasse avant l'expiration de la convention collective parce que la loi prévoit qu'on peut négocier 30 jours avant la fin de la convention collective, particulièrement au point de vue local.

Là, M. le Président, voici ce qu'on dit: Vous suivrez le Code du travail qui prévoit une autre période de 30 jours après la convention collective, les huit jours d'avis et les 60 jours, pour les services essentiels. Mais pendant tout ce temps, M. le Président, voyez-vous le brouhaha, voyez-vous le malaise dans la population? On se questionne.

Les hôpitaux commencent à restreindre les admissions. Demain matin, une autre section commence à faire une espèce de lobbying pour se faire accepter dans les services essentiels; d'autres sont contre. Pourquoi ne pas les négocier avant la fin de la convention? Mais pas aujourd'hui alors que la convention n'est pas signée, alors que la convention est devant nous pour être approuvée par le Parlement. Mais, M. le Président, qu'est-ce qui va se produire? Des pénalités?

Ecoutez, nous sommes rendus, je pense, à une limite raisonnable. Je n'accuse pas le gouvernement de vouloir se servir de cela comme une arme, non, mais je dis que cela sent la menace.

On va dire qu'il faut protéger la santé publique, pour être ferme, pour dire qu'on est quelqu'un et on va faire cela. Pourquoi ne le fait-on pas dans l'éducation? Pourquoi ne le fait-on pas dans l'électricité? Pourquoi ne le fait-on pas dans le métro? Ce sont des services essentiels aussi et ce sont des services dont la population a besoin, des services publics. On ne le fait que dans un endroit spécifique, la santé.

Je dis, M. le Président, je répète qu'on devrait amender la Code du travail. Il est plus temps que jamais. Après dix ans, de 1964 à 1974, le Code du travail est devenu vieillot. On lui a ajouté des parties, particulièrement en ce qui regarde les commissaires-enquêteurs pour l'accréditation. On a organisé le Tribunal du travail en 1968, qui a rendu de grands services, d'accord, mais quel est son pouvoir, le Tribunal du travail? On commence à lui donner des responsabilités administratives, on commence à lui en donner, et certaines étaient prévues quand on l'a adopté en 1968. Le Tribunal devrait devenir, avec des services administratifs qu'on pourrait lui ajouter, véritablement un instrument, au lieu de laisser décider par le gouvernement, par des lois matraques, qui passent pardessus le Code du travail, malgré que la loi le lui défende. Il passe une loi spéciale, on l'a encore vu cette année dans la CTCUM. Huit jours de grève et la loi matraque est arrivée, passant par-dessus tous les droits qu'avaient acquis de bonne foi les employés. Alors on arrive avec une loi matraque, c'est le gouvernement qui, lui, a l'odieux de voter une loi comme celle-là.

Le Tribunal du travail est spécifiquement institutionnalisé pour faire cela, avec des pouvoirs sûrement élargis au point de vue administratif. Au point de vue judiciaire, il remplit admirablement son rôle et interprète la loi. Il dit aux commissaires-enquêteurs et à ceux qui se plaignent des décisions rendues, quant à l'accréditation et d'autres griefs, voici la décision. Très bien, au point de vue judiciaire. Mais le Tribunal du travail devrait être, puisqu'on l'a aujourd'hui, un instrument pour remplacer le gouvernement. Le gouvernement n'aurait pas d'affaire à voter de lois spéciales quand on a un Tribunal du travail qui, lui, pourrait, avec des pouvoirs administratifs, rendre des décisions finales, exécutoires et appliquer des sanctions. Il aurait le pouvoir, si on le lui donnait, bien entendu.

C'est là, M. le Président, que je dis que le Code du travail est vieillot, malgré qu'il y ait eu un avancement considérable. Mais dans dix années. 1964 à 1974, il y a eu une évolution extraordinaire dans le domaine du travail. Les conventions collectives ne tiennent plus, tout le monde sort pour n'importe quelle raison, et les contrats, signés de bonne foi par les parties, ne sont plus respectés. Qu'est-ce que c'est? Où va-t-on? Autant monsieur le patron a donné de mauvais exemples de mésentente, aujourd'hui les unions en donnent. Il faut qu'on ait une limite à cela. Ce sera quoi, demain matin? C'est pour cela que la commission royale d'enquête, que j'ai demandée, dans une motion, devrait siéger pour entendre ceux qui ont des idées nouvelles, ceux qui peuvent améliorer le système des relations patronales-ouvrières.

II n'y a pas seulement ceux qui veulent détruire le système; il y a des gens qui sont intensément, profondément imbus de nouvelles idées dans les relations patronales-ouvrières. On ne les entend pas, on entend plutôt certains planificateurs, certains grands gars et bla, bla, bla. Ces gens sont souvent contre les unions ouvrières d'avance; comment voulez-vous qu'on conserve la paix industrielle chez nous? Comment voulez-vous que les unions soient satisfaites de la législation qu'on leur apporte?

Alors, M. le Président, je dis et je répète donc que le Code du travail devrait être refait. On ne doit pas légiférer seulement en partie sur un domaine particulier comme on le fait dans la santé. Je dis que ce n'est pas raisonnable en 1975. On a adopté quatre projets de loi, dont je viens de vous donner les numéros, qui parlaient des services essentiels. M. le Président, il ne faudrait pas non plus, parce que c'est la fin d'une session, que l'on adopte ce projet de loi très important à la vapeur. Non! Pour ma part, je serais heureux si le ministre consentait à entendre les parties intéressées.

Vous avez probablement lu les journaux, comme moi, vous avez peut-être reçu des télégrammes, comme moi et tous les membres de cette Assemblée nationale, sur l'importance qu'il y aurait d'entendre en commission parlementaire les intéressés. Ce serait bon pour le ministre et ce serait une bonne leçon à recevoir pour tout le monde, de gens qui vivent dans le milieu et qui ont véritablement fait des grèves de zèle ou des grèves d'usure ou des grèves sauvages, peut-être. Il faudrait les entendre, leur donner la chance de venir en commission parlementaire et de nous dire: Messieurs, voici pourquoi il y a des choses dans votre projet qui devraient être améliorées.

Les unions ouvrières, M. le Président, j'en ai été et j'en suis encore un membre actif. Ce ne sont pas tous des gens qui ont des idées moroses, des idées de destruction.

M. Choquette: Sortez votre carte de membre. C'est le mot actif, là.

M. Bellemare (Johnson): Actif, disons, M. le Président, que je suis devenu un membre honoraire de mon association. Les "brakemen", comme on les appelle, sont bien honorés d'avoir à la Chambre un de leurs membres de la "brotherhood" comme c'était autrefois; aujourd'hui, ce sont les transports unis.

M. Burns: Vous ne pensez pas qu'il est content?

M. Bellemare (Johnson): Alors, M. le Président, les unions ouvrières, c'est vrai, on en a accusé dernièrement publiquement. Elles ont eu un congrès depuis ce temps et avez-vous remarqué qu'elles ont fait le ménage discrètement, sans aller sur les tribunes? Dans la construction, il a été battu; dans les postes, il a été battu; dans l'alimentation, il a été battu. Dans quatre domaines bien différents, M. le Président, tranquillement la FTQ a fait son ménage. Elle n'est pas venue demander quoi que ce soit au gouvernement et elle n'a pas donné d'instructions à ses membres de quelle façon voter. Mais, forte d'une expérience qu'elle venait de vivre, la FTQ s'est donné de nouveaux officiers.

Je dis que les unions ouvrières pourraient être entendues ou tous les intéressés pourraient être entendus. Il y a là un domaine qui devient exclusif, parce que le Code du travail n'est pas amendé pour prévoir tous les services essentiels. Je dis donc, M. le Président, que, si ce projet de loi est adopté à la vapeur, à la fin d'une session, ce serait mauvais. On ferait mieux de prendre encore quelques jours et d'entendre ces messieurs à une commission parlementaire. Je pense que ce projet, qui propose des modifications assez significatives dans les relations patronales-ouvrières, exige, surtout entre employeurs et employés, des conditions tout à fait différentes de ce qui existait.

C'est pour cela que, dans l'intérêt de ces groupes, le ministre devrait se porter garant, en assurant cette Chambre que les intéressés seront appelés à donner leur opinion. Je pense que nous ne pouvons faire autrement que de voter en faveur de ce projet de loi, mais nous regrettons sincèrement que le gouvernement n'ait pas présenté un projet qui toucherait véritablement la détermination de tous les services essentiels dans tous les secteurs, public et parapublic.

M. le Président, l'épineuse question de détermination des services essentiels, cela n'est pas facile à faire, surtout dans un domaine aussi vaste que celui de la santé. On le fait par une loi spéciale, une loi qui correspond peut-être à un besoin immédiat, parce qu'il y a une négociation qui va peut-être achopper, mais je pense que cela devrait être fait dans un esprit assez large, puisque c'est une loi d'exception. On devrait toujours profiter de l'expérience de ceux qui vivent actuellement dans ces mouvements ouvriers et même parmi les patrons pour savoir comment on pourra avoir un certain guide. Le juge qui va être appelé comme commissaire va rendre une décision finale. Après 30 jours d'essai loyal entre les parties, si on ne s'entend pas, c'est le juge seul qui va déterminer quels sont les services essentiels, et sa décision est finale. Il y a des amendes jusqu'à $20,000.

Ecoutez, je comprends que le ministre a mis des dents à sa loi, c'est cela qu'il va me répondre. Je suis convaincu que le ministre va me dire: Pourquoi est-ce que vous ne l'avez pas fait, vous, quand vous étiez ministre? Le ministre va me dire: Vous auriez pu faire cela. Oui, c'est vrai. Les temps évoluent, les situations changent et le ministre, qui sera demain dans l'Opposition, très prochainement, dira peut-être...

M. Burns: S'il est élu.

M. Bellemare (Johnson): Si vous êtes élu, bien entendu — dira peut-être: Quand j'étais ministre j'ai fait des grandes choses. Mais je lui souhaite que l'expérience qu'il acquiert au ministère lui servira un peu dans l'Opposition, parce que c'est à la veille, à la toute veille qu'il change de siège.

M. Burns: S'il est élu.

M. Bellemare (Johnson): S'il est élu bien entendu. Mais, vous savez, il va faire des efforts lui aussi et puis il y a deux organisateurs de son parti que je connais très très bien qui disent: On a de la misère à le garder en vie, parce qu'il ne sait pas sourire souvent et la bonne humeur c'est quasiment un antidote contre la maladie; mais depuis quelques jours, je ne sais pas si c'est Noël qui approche, il a le sourire un peu plus large.

M. Burns: En somme, ce n'est pas une promotion que de passer de sous-ministre à ministre. Il y en a deux qui connaissent ce problème-là.

M. Bellemare (Johnson): Mais il y a deux de ses organisateurs qui m'ont dit: On a de la misère à le tenir en vie, mais en tout cas. Le ministre me répond que je n'ai pas tout fait dans mon temps. C'est cela qu'il va prendre comme gros argument. Le député de Johnson s'est élevé avec véhémence pour changer le Code du travail. Oui, on l'a changé le Code du travail, M. Lesage, le ministre du Travail du temps l'a changé, le juge Carrier Fortin l'a amélioré le Code du travail en 1964; mais, en 1966, 1967, 1968, regardez les lois que j'ai apportées.

J'ai été le ministre du Travail qui a apporté le plus de lois dans le domaine du travail, depuis de nombreuses années. Merci, je parle, le député frappe par connaissance de cause, il sait.

M. Choquette: Oui, mais moi j'étais là, je l'ai vu. C'est vrai, je peux souscrire à ce qu'il dit.

M. Bellemare (Johnson): Bon, encore un autre témoignage, M. le Président; ce n'est pas d'un "back-bencher" non plus. Alors, il y a eu de la législation du travail, pendant les quatre années où j'ai été ministre du Travail, dans tous les domaines. J'ai essayé, conscient du rôle que j'avais à jouer, de faire l'impossible, et je n'ai pas tout réglé moi non plus, mais je dis qu'il serait grand temps qu'on améliore le Code du travail. On dit que les programmes politiques cela ne sert pas à grand-chose, sauf pour se faire élire, puis des fois après cela pour se faire battre; cela arrive, M. le Président.

Nous aussi, nous avions mis cela dans notre programme en 1973. "Pour ce qui est de la détermination des services essentiels dans les secteurs public et parapublic en cas de grève, l'Union Nationale préconise la solution suivante:" Dans notre programme, nous ne parlions pas d'un commissaire, d'un juge du Tribunal du travail, mais d'un groupement, d'un conseil qui aurait, préalablement à l'expiration de la convention collective — préalablement — dans les secteurs public et parapublic obligé les parties en cause de déterminer, par entente au niveau local, les services essentiels et la façon de les maintenir.

A défaut d'une telle entente entre les parties, et après un certain délai fixé par les parties elles-mêmes ou à la demande de l'une ou l'autre des parties, un médiateur nommé par le conseil national du travail, recommandait-on dans notre programme, sera habilité à déterminer ces services et la façon de les maintenir. Sa décision sera finale et obligatoire.

C'est presque du plagiat que fait le ministre, c'est presque du copiage. Il nous a volé l'idée que l'on avait dans notre programme. Je n'ai pas d'objection à ce qu'il la prenne comme bonne. C'est quasiment au texte, sauf que c'est un juge qui devient commissaire des services essentiels au lieu d'une personne nommée par le conseil national du travail. Il copie bien. Pour dire qu'il copie, il copie très bien. Au moins, il nous donne un exemple qu'il y a des bonnes idées, quelquefois, chez nous aussi. En prenant cette idée, qui est merveilleuse, il l'applique aujourd'hui en disant: Moi, du Parti libéral, je l'ai fait passer. Vous autres, vous l'avez mise dans un programme; moi, je l'ai mise dans la loi. Très bien, on va vous donner le mérite de la loi et on va garder le mérite de la suggestion, cela nous appartient.

Je termine en résumant mes propos. Au service local, il y a un danger de ne pas déterminer avant la fin d'une convention collective les services essentiels. Il y a une définition dans la loi qui est, je pense, explicitée d'une manière... Quand on parle des organismes assimilés, je voudrais savoir du ministre jusqu'où cela peut s'étendre. On dit: "b) "organisme assimilé," toute entreprise qui fournit des services à un établissement est déclaré par le lieutenant-gouverneuren conseil être assimilée à un établissement." Il y a aussi que le Code du travail devrait être refait. Mais à cause de ce q ue contient ce projet de loi, du point de vue de l'intérêt public, je serai pour la deuxième lecture. Merci.

Le Vice-Président (M. Blank): Le député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. Burns: Nous sommes en face d'un projet de loi qui vise à déterminer, si je comprends bien le but du projet de loi, les services essentiels qui doivent être assurés en cas de grève. En ce qui me concerne, le principe s'arrête là. En ce qui me concerne, il ne s'agit pas de dire de quelle façon on va assurer ces services essentiels en période de conflit de travail ou, si vous voulez, dans les domaines hospitaliers ou les domaines de la santé. C'est à cause de cela que je pourrai voter pour le projet de loi, parce que je ne veux pas qu'à ce stade-ci on comprenne mon appui au projet de loi comme étant un appui aux modalités qui y apparaissent. Il était clair, depuis 1971 au moins, que le Parti québécois désirait et même incitait le gouvernement — je vous référerai, par exemple, aux crédits qui ont été discutés avec l'ex-ministre du Travail, M. Cournoyer, lorsqu'il était ministre du Travail, en 1971 — demandait carrément et clairement, dis-je, une loi en matière de services essentiels dans les services publics au cas où il y aurait une grève, et on n'a pas l'intention de changer no-

tre attitude là-dessus. Il n'y a aucun problème, nous serons d'accord avec un projet de loi qui se préoccupe de voir à ce qu'il y ait une méthode pour établir les services essentiels, en particulier dans un domaine très restreint des services publics, celui qui nous concerne actuellement, celui de la santé.

Cela ne veut pas dire que je partage entièrement les vues du gouvernement relativement à cette méthode.

Il est important de dire que le projet de loi, tel que conçu, est un projet de loi qui amenuise, selon l'expression d'un commentateur ou, si vous voulez, d'un éditorialiste qui qualifiait cette loi d'amenuisante du droit de grève. Je pense que c'est cela effectivement qu'il fait.

Il est peut-être bon de se rappeler comment on en est arrivé à avoir le droit de grève dans les services publics. En 1964, le Code du travail a été amendé, sous un gouvernement libéral, pour donner aux employés des services publics le droit de grève. Pourquoi en est-on arrivé là? C'est que du côté syndical, on s'est rendu compte — je ne le nie pas, ce sont des pressions syndicales qui ont amené le gouvernement du temps à adopter une réglementation du droit de grève, pour les services publics — que la méthode qui existait auparavant pour régler les conflits de travail dans les services publics, soit l'arbitrage obligatoire, ne réglait absolument rien. C'est important, je pense, qu'à ce stade-ci on se rappelle cela. On s'est rendu compte que les arbitrages qui étaient imposés obligatoirement à tous les employés de services publics, en cas de conflit ou de différend en matière de négociation, non seulement ne réglaient rien, mais faisaient en sorte, dans la pratique, que les employés des services publics perdaient constamment de la distance avec les gens de l'entreprise privée. C'est cela qui est arrivé dans les faits. Ce qui est arrivé également dans les faits, c'est qu'on s'est mis, du côté syndical, à contester même cette technique de règlements des différends, en matière de services publics.

Je n'ai besoin que de vous rappeler la grève des infirmières de l'hôpital Sainte-Justine à Montréal, totalement illégale, dans le cadre de la loi du temps. Les infirmières, pas plus que quelque autre employé que ce soit du domaine des services publics, n'avaient pas le droit de faire une grève, sauf qu'elles ont dit, à un moment donné, selon une expression bien connue: Assez, c'est assez; cela n'a aucun sens qu'on se fasse encarcaner dans un système qui fait que les gens des services publics perdent constamment de la distance avec l'entreprise privée. C'était cela la situation en 1964.

Il y a eu un gouvernement — je n'ai pas de crainte de le dire — suffisamment généreux, en 1964, pour reconnaître cet état de fait, et pour dire: Cela n'a aucun bon sens qu'on place les employés des services publics dans une situation où ils prennent constamment du retard par rapport à l'ensemble des travailleurs. La technique est bien simple, il y a une demande qui est syndicale, il y a une opposition qui est patronale, on soumet cela à l'arbitrage, évidemment, la tendance normale est de tenter de trancher entre les deux. C'était cela la situation d'avant 1964. Et je répète qu'il y a eu un gouvernement qui a eu la générosité de reconnaître ce fait, même si cette décision pouvait éventuellement arriver à lui causer des problèmes. C'est pour cela que je parle de générosité d'un gouvernement.

Depuis ce temps, on a précisé le droit de grève dans les services publics, entre autres, tel que l'article 99 du Code du travail le précise. On a imposé — et c'était normal — aux employés de services publics d'aviser, tout au moins, le ministre du Travail huit jours avant de faire une grève. J'ai toujours prétendu que c'était tout à fait normal que le ministre du Travail sache, au moins, qu'il y a un problème très sérieux, qui est à la veille de prendre la forme d'un conflit de travail. Je n'ai jamais, d'autre part, été d'accord sur les conséquences de cet avis, c'est-à-dire la possibilité qu'il y ait une injonction pour empêcher l'exercice de ce droit de grève.

C'est là que je reviens au projet de loi: Tout au long de l'argumentation que j'ai soutenue tant comme syndicaliste que comme parlementaire, j'ai toujours apporté comme réponse à cette injonction, prévue à l'article 99, la détermination des services essentiels.

Les syndicats, j'en parle en connaissance de cause, j'ai été probablement un des premiers négociateurs syndicaux à participer à une grève dans les services publics après 1964. Je vous réfère en particulier à la grève de la Commission de transport de Montréal, en 1965. C'est une des premières fois où on a utilisé ce droit de façon parfaitement légale et en donnant les avis prévus par la loi, etc. En 1965, les trois syndicats que je représentais, à ce moment, ont donné l'avis requis et ont effectivement fait une grève le 8 juin 1965. Je suis en mesure de vous dire — et cela je l'ai vécu — qu'il y a eu des services essentiels négociés dans ce cas. Ils ont été négociés à la demande de qui? Pas à la demande de la Commission de transport, mais à la demande des syndicats concernés en 1965. Et en 1967, M. le Président, je participais également à cette même grève des employés de la Commission de transport de Montréal et, à ce moment, se regroupaient cinq syndicats différents que je représentais.

Je peux vous dire, encore une fois, qu'on a négocié des services essentiels à la demande du syndicat, en échange de quoi, M. le Président? Je vais vous le dire: En échange d'une reconnaissance du fait qu'il s'agissait d'un droit parfaitement légal qui était exercé par les travailleurs, et comment se concrétisait cette échange qu'on demandait? C'était de dire: On va négocier des services essentiels, mais vous, du côté patronal, allez admettre une chose. C'est qu'on exerce un droit strict, un droit fondamental qui s'appelle le droit de grève et vous n'essaierez pas de faire fonctionner les services autres que les services essentiels que nous accordons pendant cette grève.

Cela a peut-être l'air de rêver en couleur que de dire cela, mais à partir du moment où on se met à être sérieux tout le monde ensemble et à dire

que le droit de grève existe et que c'est un droit collatéral ou, si vous voulez, attaché au droit d'association, à partir du moment où on est sérieux quand on dit cela, il faut le reconnaître totalement.

Bien sûr, je voterai en faveur d'une loi qui vise à déterminer les services essentiels, mais je vais en demander pas mal plus au gouvernement, à partir du moment où on va se lancer dans cela. Je vais demander, entre autres, que le gouvernement dise carrément qu'une telle loi veut dire que plus jamais, plus jamais il n'y aura de loi spéciale quand il y aura des grèves dans les services publics. C'est la conséquence du geste que vous vous apprêtez à poser. C'est la générosité que je vous demande d'appliquer comme je l'ai constatée à l'endroit du gouvernement qui était en place en 1964. Ce sont des conséquences normales. Vous allez être obligés, premièrement, d'admettre que plus jamais il n'y aura des lois spéciales quand on se sera conformé aux règlements concernant les services essentiels. Il va falloir également que vous alliez un peu plus loin pour affirmer que cela veut dire qu'en dehors des services essentiels il n'y aura pas de tentatives de "scabbing", il n'y aura pas de tentatives de faire entrer en place des briseurs de grève. Autrement, le "deal" ne marche plus, autrement vous demandez aux syndicats de vous livrer la situation complètement sans qu'ils puissent exercer le droit le plus clair qui est attaché au droit d'association, c'est-à-dire le droit de grève.

Ce n'est pas plus que cela et ce n'est pas moins que cela que veut dire ce projet de loi. C'est pour cela que je ne me prononce pas a ce stade-ci directement sur les dispositions mêmes du projet de loi.

Bien sûr, M. le Président, il y a des dispositions qui me déplaisent dans le projet de loi; entre autres, le fait que l'employeur — parce que c'est cela, le gouvernement, il change de chaise, il change de chapeau, dites-le comme vous le voudrez, mais il devient, de gouvernement législateur, employeur dans ce projet de loi — ce législateur, changeant de siège, décide qui, en cas de conflit quant à la négociation même des services essentiels, va régler, va trancher le problème. Personnellement, j'ai énormément de réticence à cette formule, de la façon, en tout cas, dont elle est exposée.

J'ai particulièrement des réticences parce que je pense que la technique même qu'on utilise dans le projet de loi vise à ce qu'il n'y ait pas d'entente en négociation entre les parties concernées, c'est-à-dire les syndicats et les administrations locales. Je m'explique.

Prenons un cas très concret et revenons à ce cas que je vous citais tout à l'heure, la Commission de transport de Montréal. Je vous avoue que, comme représentant des syndiqués de la Commission de transport de Montréal en 1965 et en 1967, je n'aurais jamais, mais vraiment jamais, eu l'ouverture d'esprit que j'avais en vue de négocier les services essentiels. Le directeur de grève en question, qui était nommé d'avance, n'aurait pas eu l'ouverture d'esprit que nous avons eue dans nos négociations, si nous avions su qu'il y avait quelqu'un, qui était présent à la table, qui pouvait, à un moment donné, trancher le problème.

Pourquoi n'aurions-nous pas eu cette ouverture d'esprit? Il faut avoir plaidé de temps à autre pour se rendre compte de cela. Bien sûr, si je me fais imposer un conciliateur qui, éventuellement, sera également le juge qui va trancher, je ne lui dévoilerai pas toutes mes batteries. C'est un fait, c'est humain. Ce sont des techniques de négociation. Il faut être aveugle pour ne pas reconnaître que c'est comme cela que cela se fait.

C'est sûr que, lorsqu'un syndicat ouvrier demande $1.50 d'augmentation l'heure, peut-être il pense à $1.25, peut-être il pense à $1.10. C'est sûr. C'est bien sûr que, lorsque quelqu'un passe un marché en matière financière, lorsqu'il offre une maison à $50,000, il pense peut-être à $45,000. C'est normal et c'est humain. Le projet de loi, cependant, ne reconnaît pas cela. Le projet de loi s'imagine que tout le monde va se déculotter complètement devant le conciliateur, va arriver à dire: Je pense, du côté de l'hôpital en question, que les services essentiels sont ceux-ci; l'urgence, telle affaire, la salle d'opération, etc. Il ne pense pas, par exemple, que l'hôpital va demander tout ou à peu près tout.

Je vous cite un autre exemple que nous avons vécu ici, à l'Assemblée nationale. Quand l'Hydro-Québec a subi une grève en 1973, je crois, ou aux alentours, nous avons été appelés à intervenir. Je me rappelle que j'ai eu à intervenir autrement qUe comme parlementaire. Je me rappelle, cependant, que ce qui avait été demandé par l'Hydro-Québec, c'était à peu près tout comme services, alors que tout le monde sait fort bien que les services essentiels de l'Hydro-Québec, c'est le maintien du courant, de l'électricité. Eh bien! croyez-le ou non, M. le Président, une injonction a été émise par la Cour supérieure dans la grève de l'Hydro-Québec et nous avons entériné, à toutes fins pratiques, cette injonction par le projet de loi que nous avons adopté, en forçant le retour au travail même des employés de la facturation, même des liseurs de compteurs. Sont-ce des services essentiels, cela, M. le Président?

Est-ce que ce n'est pas cela la force des travailleurs, à un moment donné, de s'attaquer directement au côté économique de l'employeur? Est-ce que ce n'est pas cela, le vrai sens d'une grève?

Pourquoi les employés font-ils une grève, M. le Président? Ils la font pour dire à l'employeur: Pour que ton affaire marche, il te faut deux affaires, selon le vieil adage du dix-neuvième siècle, que notre serpent de mer de Montréal a repris, récemment, le capital et le travail... Tout le monde peut brailler là-dessus, mais effectivement si on le traduit en langage moderne, ce capital et travail, c'est que vous avez, quand même, un intérêt économique chez un employeur, et cet intérêt économique ne peut pas fonctionner sans l'aspect travail. C'est là la valeur et le sens d'une grève.

A partir du moment où je me fais dire que comme services essentiels à l'Hydro-Québec, les liseurs de compteurs, les gens de la facturation et

les employés de bureau sont dans des services essentiels, je vous dis que j'ai de sérieuses craintes quant à l'application du projet de loi qui nous concerne actuellement. C'est cela la mentalité, actuellement, dans le domaine des services publics. Comme disait le député de Saint-Jacques...

M. Bonnier: Est-ce que le député de Maisonneuve me permettrait une question?

M. Burns: Certainement.

M. Bonnier: Est-ce qu'il accepterait cependant que sa définition, voulant que ce soit essentiellement une bataille économique ou un conflit économique entre employeur et travailleurs, est cependant susceptible de recevoir certaines modifications en ce qui regarde les services publics? Il y a un addendum tout de même un peu plus important.

M. Burns: J'arrivais justement à ce point-là, parce que la difficulté, dans le domaine des services publics, c'est de faire cette distinction. Dans le fond, admettons-le, dans le domaine des services publics, la grève a un caractère politique, et c'est cela l'aspect économique. C'est cela l'aspect économique dans les services publics.

Je vous ai donné des cas où il est facile de trancher l'aspect économique, c'est-à-dire la Commission de transport de Montréal. Si, à un moment donné, il n'y a pas de tickets qui tombent dant les boîtes des autobus ou du métro, c'est bien sûr qu'il y a un effet économique. C'est bien sûr qu'à l'Hydro-Québec il y a un effet économique s'il n'y a pas de gens qui vont faire la vérification des compteurs et s'il n'y a pas de facturation. Là où c'est moins facile à déterminer, c'est dans le domaine des hôpitaux. Et l'aspect économique, je vous le dis, c'est l'aspect politique; c'est tout, ce n'est pas autre chose que cela. C'est parce que le "boss" est assis là, il est en face de nous ici en Chambre. C'est ce qui arrive et vous serez obligés de l'accepter, cette situation, vous serez obligés de l'accepter ou bien d'avoir l'honnêteté de dire que vous ne croyez plus à la grève dans les services publics. Dans les services publics où l'aspect économique n'est pas évident, où l'aspect économique est remplacé par l'aspect politique, c'est ce que nous serons obligés de faire, à un moment donné.

Moi, je ne suis pas prêt à le faire, personnellement. Je considère qu'il est essentiel qu'on maintienne le droit de grève dans les services publics, parce que, autrement, la personne "économiquement" affectée par cela c'est la personne politique. Actuellement, c'est le député de Saint-Laurent. Ce pourrait être un autre député, mais je le prends comme exemple, c'est le député de Saint-Laurent, actuellement, qui est affecté par une grève dans les services publics, dans les hôpitaux. C'est cela l'aspect économique.

M. Bonnier: II y a aussi une troisième personne qui est les gens eux-mêmes. Il y a un aspect social, sans doute.

M. Burns: Pour la troisième personne, justement, vous avez bien raison, remarquez je suis votre raisonnement complètement. Vous me précédez d'ailleurs, d'une minute à l'autre.

M. Bonnier: Je m'excuse.

M. Burns: Non, non, cela va bien, c'est parfait. Pour une fois que je me sens écouté en cette Chambre.

M. Bédard (Montmorency): Religieusement.

M. Burns: Remarquez que je ne le dis pas à l'adresse du ministre, parce que je sais que le ministre m'écoute très sérieusement depuis le début.

M. Bédard (Montmorency): Religieusement.

M. Burns: Mais c'est sûr qu'il y a cette troisième personne, et cette troisième personne, celle qui n'est pas affectée économiquement comme telle, celle qui n'est pas réclamante dans le dossier, c'est évidemment le patient.

C'est là que je rejoins le projet de loi et c'est là que je suis en mesure de dire que je suis entièrement d'accord sur l'idée, le principe du projet de loi, c'est-à-dire d'assurer au moins les services essentiels. C'est le compromis qu'on est obligé de faire, si on veut que cela continue à se tenir debout. Et c'est dans ce sens que je donnerai mon appui au projet de loi.

Cependant, M. le Président — je vais terminer, je pense que j'ai même dépassé. Merci, vous êtes bien gentil — je pense qu'il serait dangereux, à cause des réticences que j'ai et que je vous ai exprimées à l'endroit du projet de loi lui-même, à l'endroit de la facture du projet de loi, à l'endroit des détails du projet de loi, connaissant ce qu'on sait et sachant d'où vient ce droit de grève dans les services publics, il me semble que ce serait imprudent de l'adopter dans sa forme actuelle. Je pense que, même avec l'expérience que l'ancien ministre du Travail, le député de Johnson, peut avoir dans ce domaine, avec l'expérience que je peux avoir aussi mais qui date quand même d'avant 1970 et à peu près, il serait imprudent pour nous, parlementaires, d'adopter un projet de loi comme celui-là sans consulter...

M. Bellemare (Johnson): D'accord.

M. Burns: ... les gens qui sont directement concernés. Je pense que le député de Johnson l'a soulevé.

M. Bellemare (Johnson): D'accord. Motion d'amendement de M. Burns

M. Burns: De sorte que je me sentirais tout à fait autorisé, sans vouloir, comme on dit, "scraper" le projet de loi, sans vouloir mettre le projet de loi de côté, je me sentirais tout à fait autorisé, et je le fais, à proposer un amendement à la mo-

tion que nous examinons actuellement en enlevant le mot "maintenant" et en le remplaçant par les mots "dans une semaine". Sur le plan technique parlementaire, tout le monde me comprend. Ce que je veux tout simplement c'est qu'on retarde l'adoption de la deuxième lecture jusqu'au moment où on aura entendu les gens qui sont immédiatement concernés, c'est-à-dire en particulier les centrales syndicales qui représentent les salariés de ce secteur. Je pense qu'actuellement cela se résume à peu près à la FTQ, à la CSN et peut-être à des groupes individuels d'infirmières. Je ne sais pas si la CSD est concernée par le dossier, peut-être l'est-elle. Si elle l'est, il me semble qu'elle devrait avoir le droit de venir dire, comme les deux autres centrales, ce qu'elle en pense.

Il me semble, M. le Président, qu'on devrait — tout en me disant d'accord sur le principe — quand même, avant d'adopter définitivement ce projet de loi, entendre les centrales syndicales. J'en fais motion, M. le Président, et je termine là-dessus mon intervention.

M. Forget: M. le Président, si le député de Maisonneuve me permet...

Le Président: Vous parlez sur la motion d'amendement?

M. Forget: Oui, sur la motion d'amendement ou alors comme réplique s'il n'y a pas d'autres orateurs.

Le Président: Bien, un instant. Non, non, non, non.

M. Forget: II faut disposer de la motion d'amendement.

Le Président: Ah oui! il faut disposer de la motion d'amendement.

M. Forget: Alors, sur cette motion, M. le Président, j'aimerais apporter la précision suivante à l'Assemblée. J'ai reçu, comme l'a d'ailleurs indiqué le député de Johnson, comme probablement tous les membres de l'Assemblée ont reçu, un télégramme me demandant et nous demandant d'entendre les représentants des mouvements syndicaux sur ce projet de loi et comme nous invite à le faire la motion du député de Maisonneuve.

J'ai, dès ce matin, indiqué par télégramme et par téléphone aux personnes impliquées qu'il nous serait possible de les entendre — m'étant entendu à ce sujet avec le leader du gouvernement — dès demain. Dans les circonstances, si cela s'avère possible — je pense que cela s'avère possible — il serait peut-être approprié de ne pas considérer davantage cette motion puisque cela va avoir lieu de toute manière.

M. Bellemare (Johnson): Pour autant que cela ne dépassera pas demain.

M. Lessard: ... la même chose pour les assistés sociaux.

M. Burns: M. le Président, devant l'affirmation du ministre et devant l'assurance qu'il nous donne — je pense que c'est une assurance qu'il nous a donnée, je ne veux pas me faire fourrer non plus...

M. Forget: Non, vous pouvez avoir ma parole que ces invitations sont désormais, au moment où je parle, faites.

M. Bellemare (Johnson): Pour demain? M. Forget: Pour demain.

M. Burns: Alors, M. le Président, je suis satisfait, je suis même...

M. Bellemare (Johnson): Demain matin ou demain après-midi?

M. Burns: ... prêt à retirer ma motion. Ma motion visait ce but. Je n'ai pas d'objection, si l'Assemblée nationale est d'accord que je le fasse, à retirer ma motion.

Le but n'était pas de retarder l'application du projet de loi; c'était simplement de permettre cette période où on pourrait entendre les parties concernées. Devant l'assurance du ministre, je ne pense pas que j'aie besoin de maintenir ma proposition, à moins que le député de Johnson n'ait quelque chose à dire là-dessus.

M. Bellemare (Johnson): Non, c'est simplement une précision, parce que, demain, à Montréal, comme le premier ministre, le chef de l'Union Nationale a des rendez-vous. Alors, écoutez, je suis bien prêt à annuler cela. C'est pour me faire une espèce de programme que je veux savoir si c'est demain matin, demain après-midi ou demain soir. Tout dépendra de ce que me dira le ministre.

M. Forget: On m'indique qu'il serait question de demain matin. Evidemment, tout cela est entre les mains de l'Assemblée, mais on m'indique qu il serait question de demain matin.

Retrait de la motion de M. Burns

Le Président: Si je comprends bien, la motion d'amendement du député de Maisonneuve est retirée,...

M. Burns: Avec la permission de la Chambre.

Le Président: ... avec le consentement unanime de la Chambre.

M. Bienvenue: Si on me le permet, M. le Président, je voudrais me justifier. Si j'ai pressé le pas tout à l'heure, en parlant de réplique, c'est que. connaissant le sens démocratique du ministre des Affaires sociales, j'avais anticipé sur ce genre de

réponse favorable qu'il a donnée au député de Maisonneuve.

M. Bellemare (Johnson): Pourquoi n'avez-vous pas fait un discours? Cela aurait été bien mieux.

M. Samson: Pourquoi est-ce que vous n'anticipez pas plus souvent que cela?

M. Bienvenue: Parce que je suis un petit gars gêné.

Le Président: S'il n'y a pas d'autres intervenants sur cette motion de deuxième lecture, est-ce que le ministre entend exercer son droit de réplique, ce qui mettra fin au débat de deuxième lecture?

M. Forget: Oui, M. le Président, je vous remercie. En tout premier lieu, je désire informer cette Assemblée que le lieutenant-gouverneur en conseil a pris connaissance de ce projet de loi et qu'il en recommande l'étude à l'Assemblée nationale.

M. Burns: M. le Président, quand en a-t-il pris connaissance?

M. Forget: II en a pris connaissance la semaine dernière.

M. Bienvenue: The queen can do no wrong. M. Claude Forget

M. Forget: M. le Président, j'aimerais relever dans les propos qu'ont tenus les différents orateurs sur ce projet de loi, un certain nombre d'éléments. Les commantaires que nous avons entendus n'étaient pas tellement des critiques, puisque, fort heureusement et à ma grande satisfaction, les porte-parole de chacun des partis représentés à cette Assemblée ont indiqué qu'ils étaient en faveur du principe de ce projet de loi. Ils ont exprimé, naturellement, des réserves quant à certaines stipulations particulières. Mais nous aurons l'occasion d'examiner ces stipulations particulières et je ne ferai pas de commentaires sur cette partie de leurs remarques.

Cependant, tout en notant, comme je l'indiquais tantôt avec beaucoup de satisfaction, leur concours dans l'approbation du principe de ce projet, il m'apparaît important que certains de ces commentaires, qui sont presque des questions, reçoivent des réponses à ce moment-ci. J'ai noté en particulier, dans les remarques du député de Saint-Jacques, qui exerçait le droit de parole de l'Opposition officielle et que je dois donc considérer comme parlant au nom de son groupe, une reprise au compte de l'Opposition d'une certaine propagande syndicale dans les négociations qui se poursuivent actuellement.

Mon but n'est pas d'intervenir dans des négociations qui se déroulent tant bien que mal à l'heure actuelle, mais de faire certaines constatations relativement à ce processus de négociation. En effet comme, je pense, l'a senti le député de Saint-Jacques, on ne peut pas dissocier à ce moment-ci l'adoption du principe d'un tel projet d'un certain jugement sur la façon dont les négociations sont amorcées et la façon dont elles se déroulent. En particulier, l'Opposition, par son porte-parole officiel sur cette question, a repris la propagande et la position des centrales syndicales, en répétant que ces offres que nous avons faites sont des offres déraisonnables, ridicules et ne méritent pas la considération.

Seulement à titre de parenthèse, j'aimerais dire que, sur le plan du niveau des offres comme sur leur structure, nous sommes en présence d'offres qui sont tout à fait justifiables et que nous pouvons d'ailleurs justifier, ce que nous avons fait, ce que le ministre de la Fonction publique a fait en observant, par exemple, quant à leur...

M. Burns: Est-ce que le ministre me permet, M. le Président? Je salue la présence du député de Chicoutimi. Est-ce que le ministre me permet une question?

M. Forget: Oui.

M. Burns: Vous semblez actuellement porter un jugement sur les offres qui ont été faites. Puis-je aller plus loin et demander si ces offres sont définitives, finales, qu'elles ne peuvent pas être modifiées, qu'elles sont parfaites à un point tel que vous croyez qu'elles ne doivent pas être améliorées?

NI. Forget: J'anticipais un peu cette question du député de Maisonneuve et je lui demande un peu de patience. Le but, comme je l'indiquais tantôt, qui est le mien en en parlant, n'est pas, bien évidemment, de décrire en détail des offres qui sont très compliquées, ne serait-ce que par le grand nombre de classifications et de clauses affectées, mais, dans le même esprit que l'a fait le député de Saint-Jacques, de reprendre cette argumentation parce qu'elle joue un rôle dans l'évaluation de ce projet de loi. Avec un peu de patience, le député de Maisonneuve verra que j'apporte une réponse — j'espère qu'il la trouvera satisfaisante — à la question qu'il me posait tantôt.

Donc, je reprends sur la question du niveau des offres. Si l'on veut apporter une description d'ensemble de la situation — on sait qu'il y a quelques centaines de catégories d'emploi dans le seul secteur des affaires sociales — il n'y a, sur une période de trois ans, puisque les offres sont faites dans ce cadre, presque aucune augmentation pour un employé, un salarié, qui soit inférieure à 60%. Il n'y a presque pas de catégories, il n'y a presque pas de personnes qui soient actuellement salariées dans notre réseau et qui, en vertu même des offres qui ont été déposées, ne verraient pas leur rémunération augmenter de près de 60% ou davantage dans certains cas.

On peut se demander si ça devrait être 70%,

80% ou 90%; il reste que 60% d'augmentation, sur une période de trois ans, c'est une augmentation qui peut à peine être qualifiée de ridicule, de misérable, de mesquine. On peut, bien sûr, ne pas être d'accord, encore une fois, sur ces chiffres, mais il demeure que la qualification, que cherche à accréditer la partie syndicale sur ces offres, a, en elle-même, une signification qu'il est très important de saisir dans le présent contexte. Les disparités que l'on observe dans les taux de rattrapage découlent tout simplement de la constatation que nous avons faite que, durant la période de validité des ententes précédentes, beaucoup de choses ont changé. Le député de Johnson le disait tantôt relativement au climat économique, etc.; c'est vrai également pour la rémunération de certains corps d'emploi. Beaucoup de choses ont changé dans le monde qui se situe à l'extérieur du réseau des affaires sociales et il a fallu dans certains cas, et dans deux cas en particulier, faire des rattrapages particulièrement significatifs. Je pense, par exemple, aux ouvriers, qui ont vu effectivement dans l'ensemble de notre économie, leur taux de rémunération progresser à un rythme exceptionnel depuis trois ou quatre ans.

Pour maintenir une certaine équité, une certaine comparabilité entre le statut de cette catégorie d'emploi, à l'intérieur de nos établissements, avec ce que l'on retrouve à l'extérieur de nos établissements dans le secteur privé, un rattrapage particulièrement significatif s'imposait. La même constatation a été faite relativement aux infirmières, et on sait qu'il y a là des raisons bonnes et valables pour attribuer aux infirmières une rémunération qui dépasse, en termes de rattrapage, ce qui est fait pour les autres. D'ailleurs, c'est un phénomène qui existe partout au Canada et partout en Amérique du Nord que ce mouvement qui a permis aux infirmières de s'éloigner de la masse des travailleurs de la santé parce qu'elles ont à faire face à des conditions de vie et de travail particulièrement difficiles à notre époque, c'est-à-dire qu'elles doivent accepter — et ceci fait partie inhérente de leurs responsabilités professionnelles — les implications quant à leur horaire de travail d'une présence continue auprès du malade, sept jours par semaine et 24 heures par jour.

Cela est une obligation que n'ont pas d'autres groupes qui, même au niveau de la formation académique, peuvent se comparer en termes d'années d'études. Mais c'est une obligation qui est exorbitante à ce que l'on demande à la plupart des autres travailleurs de la santé et qui doit nécessairement se retrouver à un moment ou l'autre reflété par un certain différentiel. C'est en réalisant qu'il en était ainsi que les aspirations légitimes des infirmières pour des heures de loisirs mieux aménagées nous amenaient à faire ces recommandations.

Je pourrais parler longuement de la contrepartie à ces offres, qui n'est pas moins essentielle à nos yeux, qui est celle d'une productivité dans le secteur public qui soit comparable à la productivité observée dans d'autres régimes hospitaliers des autres provinces. Nous avons là, puisqu'on a si longtemps parlé de la parité des salaires, une disparité extraordinaire, une disparité gigantesque qui favorise le personnel au Québec et qui lui a permis, au cours des années, de bénéficier d'un fardeau de travail immensément moins lourd que celui que l'on observe à l'extérieur de nos frontières. C'est donc là une contrepartie qu'il faut nécessairement, tôt oi tard, faire entrer en ligne de compte, puisque finalement c'est la richesse collective des Québécois que nous utilisons de façon massive dans la distribution des services de santé. Il n'est que normal que nous cherchions, comme gouvernement, à faire en sorte que ces services de santé ne soient pas plus onéreux pour le Québécois moyen, qui n'a pas la richesse de certains autres Canadiens, qu'il ne l'est pour ses voisins.

Tout ceci pour dire que les offres que nous avons faites sont dans un contexte où on peut, avec seulement une très grande injustice à la réalité, les proclamer de ridicules, de déraisonnables, de dérisoires. C'est pourtant ce que l'on entend. Je prétends que cette façon d'aborder le problème des négociations n'est pas simplement de la rhétorique, mais que c'est également une tentative pour peut-être déplacer quelque peu l'objet de la négociation et son résultat éventuel. C'est là que nous allons un peu plus près de la substance de ce projet de loi, parce que, essentiellement, si l'on dit à qui veut l'entendre que les offres déposées sont ridicules, dérisoires, on se croit immédiatement justifié de ne pas les négocier, de ne pas négocier sur cette base. C'est cela, dans le fond, le but véritable que l'on poursuit en disant que des offres sont dérisoires, qu'elles sont ridicules. C'est se donner une bonne conscience pour ne pas les négocier franchement, ne pas les négocier efficacement, par une discussion ouverte, une discussion réaliste et qui viserait à faire des réaménagements qui sont possibles.

La négociation que nous suggérons et que nous offrons, elle, est réelle. Elle porte sur un tas de réaménagements qu'il est imaginable d'envisager, dans un cadre cependant bien défini, par une masse monétaire qu'il n'est pas possible de considérer, de livrer à un arbitrage ou un arbitraire imprévisible, puisqu'il s'agit de sommes trop importantes. Le gouvernement, sur cet appect — mais j'y reviendrai — a bien fait connaître sa position. Il n'est pas possible d'envisager que la négociation débouche sur une majoration de 10% ou 20% dans des offres qui, déjà, taxent à sa limite la capacité de payer du contribuable québécois.

C'est dans cette optique, je pense, qu'il faut évaluer à la fois la rhétorique actuellement utilisée par la partie syndicale et la signification de ce projet de loi.

J'ai remarqué et j'ai relevé dans les propos du député de Saint-Jacques une affirmation qui me paraît extrêmement significative et extrêmement grave aussi. On a dit, et je cite presque à la lettre, que l'on peut respecter la loi quand la loi sert nos intérêts.

On a dit et c'est le député de Saint-Jacques qui parlait: — Je respecte la loi quand je crois que la loi ne me fera rien perdre, me fera gagner ou

servira mes intérêts. Je pense que c'est traiter la loi et toute loi de façon extrêmement désinvolte, non seulement désinvolte, mais de façon à prendre les lois pour des "deals" — c'était le mot qui a été utilisé par le député de Saint-Jacques — pour des arrangements, pour des accommodements.

Or, M. le Président, c'est donner aux travaux de cette Assemblée une signification bien mince que de considérer que les lois ne sont que des "deals", des arrangements que l'on peut respecter seulement tant et aussi longtemps qu'elles font notre affaire. Je crois que ce n'est pas du tout conforme à la tradition démocratique. Ce n'est pas du tout conforme à nos institutions de traiter les lois de cette façon.

Or, cette affirmation venant tout de suite après la première, c'est-à-dire ce jugement rapide, ce jugement simpliste sur le caractère supposément dérisoire des offres patronales, nous amène dans un contexte extrêmement délicat. Si, effectivement, parce que les offres sont soi-disant dérisoires et déraisonnables, on n'a pas l'intention de négocier et si effectivement on n'a pas l'intention de respecter les lois, parce que, temporairement et pour les fins particulières que l'on poursuit, elles ne font pas notre affaire, je pense que l'on a une situation extrêmement grave dans ces négociations et je pense que nous avons des raisons d'être inquiets.

Un autre aspect sur lequel j'aimerais revenir et qui se dégage des remarques qui ont été faites, c'est la relation qui existe entre le projet de loi que nous proposons et le droit de grève. On a dit et redit que l'expérience passée nous enseignait que le patron ne pouvait pas être le juge. On aurait pu, pour porter ce jugement, me citer presque littéralement puisque c'est dans ces termes que j'ai justifié l'introduction du présent projet de loi. Il est clair qu'il est difficile d'envisager un règlement pacifique dans une situation où une des parties s'arroge des droits qui n'appartiennent pas à l'autre.

Le gouvernement, qui est à la fois l'auteur des lois, et le patron, et une des parties à la négociation, a donc une position très difficile s'il veut maintenir, d'une part, ses objectifs et, d'autre part, la crédibilité d'un processus de négociations où, pourtant, il s'engage avec une bonne foi complète.

C'est conscients des leçons du passé à cet égard et conscients aussi des difficultés inhérentes à un tel exercice que nous introduisons un projet de loi qui vise précisément à assurer que celui qui devra juger du caractère essentiel des services ne soit pas un émissaire, un mandataire de l'une des parties, c'est-à-dire de la partie patronale. La suggestion précise, que contient le projet de loi dans sa forme actuelle et qui vise à faire assumer cette responsabilité par un des juges du Tribunal du travail, est une formule qui nous paraît rencontrer cette préoccupation assurément légitime.

Après tout, nous ne voyons pas en quoi la désignation d'un juge parmi d'autres serait un geste si significatif d'une intention gouvernementale. Est-ce que ces juges n'ont pas, de par leur statut, de par le fait qu'ils sont nommés à ce tribunal pour intervenir non seulement dans ce conflit en particulier, mais dans tous les conflits de travail, un certain statut qui les rend acceptables aux deux parties de façon générale? Tous ces juges ne sont-ils pas également acceptables, également indépendants du pouvoir exécutif? Est-ce qu'on peut sérieusement prétendre que cette nomination nous donnerait un pouvoir de décision comme patrons dans la décision relative aux services essentiels?

Je ne le crois pas, M. le Président, à première vue. Je sais que nous en discuterons en commission. Je ne sais pas, par ailleurs, si des recommandations plus valables pourraient être faites lors de l'étude en commission, de cette disposition.

Mais il m'apparaît qu'au moins dans sa formulation actuelle, s'il y a des risques, ils sont extrêmement minces et j'ai peine à me persuader qu'ils existent vraiment.

D'autre part, M. le Président, que vient faire ce projet de loi dans l'attitude du gouvernement vis-à-vis d'une loi spéciale pour mettre fin à un conflit de travail dans le secteur des affaires sociales? Cette question a été posée par le député de Rouyn-Noranda, par le député de Saint-Jacques et par le député de Maisonneuve. Là aussi, j'aurais cru que mon discours de deuxième lecture était suffisamment explicite pour indiquer que l'option que nous prenons actuellement, par le projet de loi no 253, de prévenir et d'aménager un régime qui permettra, même en cas de grève et même en cas de lock-out, la fourniture des services essentiels sans interruption est une indication de notre désir de voir ce moyen de pression qu'ont les syndicats, dans le cadre des services publics, généralement, être exercé, le cas échéant, si les syndiqués se convainquent que c'est là le seul recours qu'il leur reste, le seul moyen qu'ils ont de faire prévaloir leur point de vue.

Ce n'est pas, cependant, une invitation à exercer ce droit de grève mais c'est une mesure qui rend son exercice possible parce que son exercice, à ce moment-là, ne fait pas courir des dangers à la population. Elle incommode sans aucun doute la population, incommode sans aucun doute le patron, mais rend possible un exercice responsable du droit de grève sans retour de manivelle, sans devoir craindre automatiquement une réaction qui ne manquerait pas de suivre un exercice du droit de grève qui ne serait pas assorti de pareilles précautions, de pareilles garanties.

Donc, nous envisageons que si le droit de grève est exercé, son exercice ne mettra pas en danger de façon irrémédiable la santé du public. Si cette loi est observée, si généralement on peut être satisfait de la façon dont elle est appliquée puisqu'il faudra juger à l'expérience du succès de cette mesure dans les faits mais à ces réserves près sur l'efficacité de la mesure qui est actuellement débattue à l'Assemblée nationale, la grève pourra donc suivre son cours jusqu'à ce que l'une ou l'autre des parties s'avise que la situation ainsi créée a assez duré et change sa position, dans le cadre, toujours, d'une négociation et non pas

dans le cadre d'une loi spéciale imposant des conditions de retour au travail.

M. le Président, on peut faire cette affirmation et donc répondre par l'affirmative à la question que nous posait en tout dernier lieu le député de Maisonneuve, à savoir qu'effectivement l'aménagement de ce droit de grève, l'assurance que nous donne le maintien des services essentiels nous permettra d'envisager cette éventualité déplorable mais, malgré tout, nous permettra de l'envisager avec une sécurité suffisante pour laisser s'exercer ce droit de grève sans interférence jusqu'à ce que, par son exercice, ce conflit de travail en vienne à un aboutissement normal et négocié. Je crois que cette indication positive à la question qui nous est posée doit malgré tout être vue dans le contexte des négociations actuelles.

C'est à ce moment-ci que je retourne aux propos que je tenais au tout début de mes remarques à savoir que nous avons fait des offres qui nous paraissent raisonnables. Nous ne pouvons pas imaginer que le jugement péremptoire que le député de Saint-Jacques posait, ainsi que quelques-uns de ses collègues, à savoir qu'il s'agissait là d'offres tellement ridicules qu'elles ne méritaient pas d'être négociées, nous ne pouvons croire qu'il s'agit là d'une attitude défendable ou justifiable.

Nous sommes disposés, bien évidemment, dans l'optique où les syndicats qui nous font face à la table de négociation le seraient eux-mêmes, à négocier des aménagements dans les offres qui ont été déposées. Ces offres sont négociables dans le double sens qu'elles méritent d'être négociées, qu'elles sont assez sérieuses pour l'être et qu'elles peuvent, malgré tout, être modifiées pour réaménager, pour réorganiser certaines des dispositions.

Malgré tout et encore une fois, même si je l'ai affirmé précédemment, je désire réitérer la notion suivante: Le gouvernement a défini sa position relativement à la masse totale qu'il était prêt à consentir comme majoration dans le secteur public et parapublic. Sa position, il l'a fait connaître clairement sur ce sujet; il n'est pas question d'une majoration substantielle, il n'est pas question de défoncer, en quelque sorte, non pas un plafond, mais cette enveloppe qui a été ainsi définie. Si l'hésitation actuelle que l'on observe du côté syndical à négocier vraiment, si cette rhétorique qui tend à faire croire à l'opinion publique que nos offres sont déraisonnables, qu'elles sont ridicules visent tout simplement à produire une situation telle que l'on mettra, finalement, au test de la grève, de l'arrêt de travail cette enveloppe gouvernementale, alors je dis tout de suite à nos vis-à-vis, à nos partenaires dans cette négociation, ou à nos adversaires, si l'on peut dire, qu'ils s'aventurent dans une voie qui est sans issue.

Peut-être voudront-ils, effectivement, tester cette hypothèse qu'ils formulent ainsi! Peut-être voudront-ils, éventuellement, même aller jusqu'à la grève pour la tester. Mais il serait plus sage, pour toutes les parties en cause, d'accepter dès maintenant de négocier dans le cadre ainsi défini et à l'intérieur d'une enveloppe qui est susceptible d'aménagements nombreux, d'aménagements substantiels, mais qui ne peut, globalement et massivement, être remise en question.

J'ai dit, tout à l'heure, que j'avais des raisons d'être inquiet d'une stratégie qui vise à discréditer des offres comme raison de ne pas les négocier et nous avons des indications nombreuses que c'est peut-être là, effectivement, l'hypothèse que fait la partie syndicale.

Je cite ici un article publié dans la Presse du 26 novembre dernier, intitulé "Hôpitaux: Les syndicats vont faire la grève des nerfs", et où on rapporte les délibérations du Conseil fédéral de la Fédération des affaires sociales, qui est une des fédérations de la CSN particulièrement importante dans le secteur des affaires sociales. Parmi les choses que contient cet article, on retrouve la proposition qui, effectivement, se réalise dans les faits, où après avoir obtenu des offres pécuniaires alors que les offres normatives étaient déjà connues de la partie syndicale, après avoir réclamé à cor et à cri le dépôt des offres pécuniaires, maintenant qu'on les a, on dit: Maintenant, on n'est plus intéressé à négocier cette partie, on veut négocier les offres normatives.

C'est là un jeu et une stratégie qui semblent démontrer — je n'irai pas plus loin que cela — un désir de ne pas vraiment négocier et d'employer par ailleurs des tactiques, intitulées dans cet article la guerre des nerfs, qui ont pour but de créer une situation de malaise, une situation de crise qui se substitue effectivement à la négociation, pour vous faire déboucher dans quelques mois vers une grève dont le but n'est pas d'obtenir des modifications et des aménagements à l'intérieur des offres qui ont été déposées ou même des demandes qui ont été formulées par la partie syndicale, mais de mettre au test l'intention gouvernementale vis-à-vis de la masse totale qu'il est disposé à consacrer aux secteurs public et parapublic.

M. le Président, je dis que si c'est cela l'hypothèse qu'il faut faire, effectivement, il faudra le faire ce test, par malheur.

Dans ce contexte, la loi qui est devant nous s'avère, pour les deux parties, un instrument essentiel pour aller jusqu'au bout de leurs intentions. Il est clair que s'il faut faire la grève, s'il faut en venir là, il est impératif de protéger la santé du public, il est impératif de disposer de moyens efficaces pour protéger ce public qui n'est pas une partie prenante dans ces négociations et qui ne peut être qu'une victime. C'est le but de ce projet. On nous a dit: Bah! les services essentiels peuvent être négociés, et pourquoi ne pas négocier d'avance la fourniture et le maintien des services essentiels durant une période de grève? Je rappellerai aux membres de cette Assemblée qu'effectivement nous avons négocié dans le secteur de la fonction publique — le ministre de la Fonction publique en a fait état, d'ailleurs — une entente sur les services essentiels dans ce cadre.

Malheureusement, dans le cadre qui est celui des affaires sociales, une telle entente n'a pas été possible. Non seulement n'a-t-elle pas encore été

possible, mais une des parties a ouvertement dit, nous a explicitement déclaré qu'il n'y aurait pas d'entente sur les services essentiels et que ce n'était pas la voie dans laquelle cette partie s'engageait. Si une des parties syndicales, puisque nous faisons affaires avec plusieurs syndicats dans le secteur des affaires sociales, s'est déclarée allergique à la possibilité de négocier les services essentiels, il est évident qu'il faut avoir le moyen de recourir à d'autres solutions.

Cependant, même s'il était possible de négocier les services essentiels, on sait très bien que ce n'est pas la seule condition qui est nécessaire pour que ces services soient effectivement maintenus. L'expérience nous a montré — j'en ai parlé plus tôt au cours de ce débat — que même dans les endroits où il y avait, en 1972, entente sur les services essentiels, dans la moitié des cas ces ententes n'ont pas été respectées. Je ne ferai pas de commentaires sur la façon dont cette négociation a pu avoir lieu dans certains cas où la négociation se faisait au jour le jour avec la tentation, à laquelle forcément on cédait souvent, d'utiliser cette négociation sur les services essentiels comme levier pour obtenir sur le fond des concessions qu'on ne pourrait pas obtenir autrement.

M. le Président, nous sommes donc devant la nécessité d'agir et de prévoir des mécanismes d'application, même dans les cas où il existe des ententes. Malheureusement, comme je l'ai indiqué, ces ententes sont impossibles pour une partie au moins des salariés dans le secteur des affaires sociales. Ce qu'il faut retenir de tout ceci, c'est que nous aurons par cette loi le moyen d'assurer au public la protection qui lui est indispensable et que nous pourrons envisager toutes les éventualités. Celle que la partie patronale et celle que le gouvernement préfèrent, c'est bien évidemment que la négociation se fasse. Qu'elle se fasse de manière que les choses qu'il est possible de régler à l'avantage mutuel des deux parties, à l'intérieur même des offres déjà déposées, et ces choses-là sont nombreuses, elles sont importantes pour les parties, elles sont demandées par les parties elles-mêmes et par la partie syndicale en particulier... Je pense à l'aménagement des heures de travail et des horaires de travail. Il s'agit là d'une demande qui a été formulée par tous les syndicats et à laquelle nous avons répondu de façon responsable, de façon raisonnable et de façon qui mérite une véritable négociation. C'est là la voie que nous privilégions, en avertissant toutefois la partie syndicale que les offres gouvernementales sont, tout en étant raisonnables, des offres qu'il ne saurait être question de livrer à une espèce de loterie. Si l'intention du gouvernement, malgré la fermeté avec laquelle nous l'avons exprimée du côté gouvernemental depuis plusieurs semaines, si cette fermeté est mise en doute, s'il faut effectivement passer par cette crise que constitue un arrêt de travail dans le secteur des services de santé et des services sociaux, au moins nous aurons la possibilité de le faire de façon civilisée, si on peut appeler civilisée dans un pays comme le nôtre la fermeture totale ou partielle de certains centres hospitaliers, de certains centres d'accueil.

Nous aurons l'occasion, malheureusement, de mettre à l'épreuve la détermination du gouvernement et celle de la partie syndicale. Mais est-il vraiment nécessaire de faire ce test-là? Et ne serait-il pas plus sage d'aller sérieusement aux tables de négociation et de cesser cette quasi-démagogie qui cherche à nous faire croire que les offres qui permettront, encore une fois, de majorer, dans l'ordre de 60%, la rémunération de tous ceux qui sont actuellement salariés dans notre secteur, sur une période de trois ans, que ces offres sont ridicules, qu'elles ne méritent pas l'attention et qu'on n'a pas besoin de les négocier, parce que, de toute façon, on va pouvoir renverser cette politique et qu'on va pouvoir obtenir par les moyens de pression ce que l'on ne pourrait pas obtenir par une franche négociation?

Je crois que c'est là une erreur, que c'est une erreur dont, j'espère, nous n'aurons pas à payer tous les frais et les conséquences. Mais si nous en venons là, au moins donnons-nous les instruments, par cette loi, pour y faire face et protéger les intérêts essentiels du public. Alors, voilà, M. le Président, tout ce que j'ai à dire à ce moment-ci dans l'étude du projet, et j'exhorte l'Assemblée nationale à adopter le plus rapidement possible cette mesure.

M. Levesque: M. le Président, nous allons demander un vote enregistré sur cette motion de deuxième lecture et je suggère que ce vote ait lieu à midi et quarante-cinq.

M. Bellemare (Johnson): Est-ce que le leader du gouvernement ne demanderait pas le vote enregistré de ce matin? C'est parce qu'il y en a peut-être qui vont voter contre.

M. Levesque: On va attendre pour voir comment chacun va se comporter.

M. Bellemare (Johnson): Dans mon caucus, je pense bien être unanime.

M. Bédard (Chicoutimi): D'accord, de retarder...

M. Levesque: M. le Président, no 10, peut-être, non. Le député de Maisonneuve est ici, je pense que nous pourrions disposer immédiatement du no 13.

Projet de loi no 84 Deuxième lecture

Le Président suppléant (M. Gratton): Le leader du gouvernement propose la deuxième lecture du projet de loi no 84, Loi modifiant la Loi de la Commission de contrôle des permis d'alcool.

M. Gérard-D. Levesque

M. Levesque: M. le Président, je sais que les membres de cette Assemblée sont au courant du contenu de ce projet de loi qui autorise la

Commission de contrôle des permis d'alcool à délivrer des permis spéciaux au Parc olympique et au Stade olympique de Montréal, et autorise le gouvernement à réglementer l'exploitation de ces permis. Il s'agit d'un permis de nature plutôt permanente dans le cas du stade, pour la vente de bière en fût, et, pour tout le Parc olympique, d'un permis pour la durée des Jeux.

Alors, s'il y a des questions à poser, elles pourraient l'être sans doute en commission.

M. Robert Burns

M. Burns: M. le Président, en ce qui me concerne, je suis prêt à suivre l'indication que vient de me donner le leader du gouvernement. Je n'ai pas d'objection à ce que ce projet de loi soit discuté davantage en commission plutôt qu'en deuxième lecture. Je m'en voudrais, cependant, de ne pas—au niveau de la deuxième lecture—faire simplement la remarque suivante: Lorsque le député de Saint-Jacques en particulier s'est opposé à ce que cette mesure soit introduite dans un autre projet de loi, il faut comprendre le contexte où cela se présentait. Ce n'était pas qu'on était contre la mesure proposée mais nous trouvions un peu bizarre qu'à l'occasion de l'étude du projet de loi concernant la Régie des Jeux olympiques, à la toute dernière minute, on nous insère une telle mesure.

Je pense que la mesure en soi est acceptable. On l'a fait au cours de la période de l'Expo 1967. Je voulais simplement dire cette chose, pour qu'on ne dise pas: Le député de Saint-Jacques a dit certaines choses en commission et le député de Maisonneuve vient corriger la situation en adoptant le projet de loi. C'est la façon dont c'était amené à l'époque qui nous a déplu, mais cela ne nous empêchait pas d'être en faveur de cette mesure.

M. Levesque: M. le Président, en réplique je dois dire que je partage les vues du député de Maisonneuve, parce que nous-mêmes nous avons été surpris de voir arriver, sur la table de la commission, cet amendement.

Nous avons cru que celui qui avait eu cette idée géniale aurait pu nous en parler un peu à l'avance et on aurait sûrement suggéré que cette disposition, si acceptable soit-elle, vienne en son temps.

M. Bellemare (Johnson): N'y a-t-il pas un comité de législation, comme autrefois?

M. Levesque: Pardon?

M. Bellemare (Johnson): N'existe-t-il pas chez vous, comme dans notre temps, un comité de législation?

M. Levesque: Oui, il existe un comité de législation que je préside. Justement, les paroles du député de Johnson m'inspireraient quelque chose à ce moment-ci, mais je me tairai plutôt que condamner une procédure que je n'approuve pas.

M. Bellemare (Johnson): Le comité de législation?

M. Levesque: Non, d'arriver à la dernière minute avec...

M. Bellemare (Johnson): Ah bon! D'accord.

M. Levesque: ... un amendement qui n'était pas passé par les voies normales.

M. Bellemare (Johnson): D'accord. Qui n'avait pas été soumis au comité de législation. D'accord.

Le Président suppléant (M. Gratton): Est-ce que cette motion de deuxième lecture du projet de loi no 84, Loi modifiant la Loi de la Commission de contrôle des permis d'alcool, est adoptée?

M. Burns: Adopté.

Le Président suppléant (M. Gratton): Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. Levesque: Je propose que ce projet de loi soit maintenant déféré à la commission parlementaire de la justice.

Le Président suppléant (M. Gratton): Cette motion est-elle adoptée?

M. Burns: Pardon?

Le Président suppléant (M. Gratton): La motion de déférence.

M. Levesque: A la commission parlementaire de la justice.

M. Burns: Oui, oui, la commission parlementaire.

M. Levesque: J'en profite, à ce moment-ci, pour indiquer que la commission parlementaire de la justice siégera, cet après-midi, à partir de quatre heures, pour étudier, article par article, ce projet de loi que nous venons de lui déférer, en plus du projet de loi no 80, Loi prolongeant et modifiant la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires. Ces deux projets de loi seront étudiés en commission parlementaire de la justice. Je voudrais demander le consentement unanime de la Chambre, vu que nous serons réunis, pour terminer l'étude qui est présentement en commission plénière de deux projets de loi où il reste quelques amendements dont nous pouvons disposer: le projet de loi no 38, Loi modifiant le Code de procédure civile, et le projet de loi no 79, Loi constituant la Société québécoise d'information

juridique. Dans ces deux cas, nous pourrions terminer l'étude déjà entamée en commission plénière, et cela en commission élue, et faire rapport selon les règles de la commission plénière.

M. Burns: Cela me paraît tout à fait logique, cette demande, surtout que déjà les deux projets de loi en question ont été amplement discutés en commission plénière. Ce que nous attendons actuellement, à toutes fins pratiques, c'est la réponse du ministère de la Justice sur certains amendements. Cela me paraît tout à fait logique de concevoir que, comme on se réunit cet après-midi à la commission parlementaire de la justice, qu'on prenne l'occasion de discuter de ces projets de loi, tout en n'imposant pas, si vous voulez, les formalités de rapport, etc., puisque déjà le travail a été fait en commission plénière.

Le Président suppléant (M. Gratton): Cette motion est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté.

Le Président suppléant (M. Gratton): Adopté.

M. Levesque: Article 10).

Projet de loi no 83

Deuxième lecture

Le Président suppléant (M. Gratton): L'honorable ministre des Affaires municipales propose la deuxième lecture du projet de loi no 83, Loi concernant le canton de Chicoutimi.

M. Victor Goldbloom

M. Goldbloom: Ce projet de loi est fort simple et corrige une petite anomalie qui s'était glissée dans l'administration municipale de la province. En 1920, une municipalité a été créée par le chapitre 108 des Lois de 1919-1920 et porte le nom de Saguenay. Effectivement, depuis de nombreuses années, cette municipalité, tout en existant sur papier, n'a aucune administration municipale. Il y a des gestes qui ont été posés à l'égard du territoire de cette municipalité par les autorités municipales du canton de Chicoutimi. Or, le but du projet de loi est de faire disparaître cette municipalité qui, à toutes fins pratiques, est disparue depuis un bon moment, d'englober son territoire dans celui du canton de Chicoutimi et de reconnaître comme valides les actes posés dans l'intérim par les autorités municipales de ce canton.

Le Président suppléant (M. Gratton): Le député de Chicoutimi.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard (Chicoutimi): Nous savons que ce projet de loi s'impose, c'est une correction technique et d'autant plus nécessaire avec la grande ville qui commence en 1976. A ce moment, nous n'avons pas de remarques spéciales à faire.

Le Président suppléant (M. Gratton): Cette motion de deuxième lecture du ministre des Affaires municipales est-elle adoptée?

M. Bédard (Chicoutimi): Adopté, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Gratton): Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Commission plénière

M. Levesque: Est-ce qu'on pourrait faire les écritures en commission plénière, en ce cas?

M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce qu'on passe au projet de loi sur l'évaluation foncière tout de suite?

M. Levesque: Immédiatement après. On pourrait faire les écritures en commission plénière pour le canton de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): Pas d'objection.

Le Président suppléant (M. Gratton): Les écritures en commission plénière et troisième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. Levesque: Article no 12.

Projet de loi no 254 Deuxième lecture

Le Président suppléant (M. Gratton): Le ministre des Affaires municipales propose la deuxième lecture du projet de loi no 254, Loi modifiant la Loi sur l'évaluation foncière.

M. Victor Goldbloom

M. Goldbloom: M. le Président, le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à la Chambre.

C'est un projet de loi qui fait partie d'une série. Nous avons, depuis un certain temps, une Loi sur l'évaluation foncière qui a déjà effectué certaines modifications dans le régime de l'évaluation foncière au Québec. Le but de cette loi était et demeure celui de moderniser et d'uniformiser l'évaluation foncière au Québec. Une telle tâche est énorme. On connaît la variété très grande des rôles d'évaluation quant à leur qualité, quant à la technique utilisée pour leur confection. Et puisque l'identification d'une propriété et la mesure de sa valeur constituent pour une administration municipale, pour une administration provinciale des éléments indispensables, des éléments d'administration qui touchent à la planification, qui concer-

nent la comparaison entre municipalités, il est évident que nous ne pouvions vivre plus longtemps sous un régime aussi incohérent que celui que nous avions et que nous avons encore au Québec. A ce problème se greffe un autre qui est de taille. C'est qu'il y a présentement deux autorités en évaluation foncière; une autorité municipale et une autorité scolaire, et surtout au cours de cette année, 1975, nous poursuivons un examen serré de ce que l'on doit appeler un conflit entre ces deux milieux. Et, l'on constate, en examinant la situation, que c'est l'autorité municipale qui a la première responsabilité, celle de confectionner le rôle. Ensuite, le conseil municipal, dans chaque cas, détermine un taux de taxe général et il y a des taxes spéciales qui peuvent être appliquées à ce rôle d'évaluation ou à une partie de ce rôle. Le conseil municipal ayant un choix quant au taux de taxe, il peut ajuster le fardeau réel supporté par le contribuable, de façon à lui rendre justice, tout en permettant à la municipalité commanditée de poursuivre les activités normales et faire les investissements qu'elle doit faire.

Mais ce rôle passe ensuite entre les mains des autorités scolaires et là il y a une transformation qui s'effectue, qui s'appelle redressement. La nécessité de ce redressement découle du fait que nous n'avons pas l'uniformité des rôles d'évaluation à travers le territoire du Québec. Ce qui arrive, c'est que — le problème se pose depuis la constitution des commissions régionales — quand il y avait de nombreuses commissions locales qui avaient chacune la responsabilité de l'imposition d'une taxe scolaire, le territoire de chacune ne comprenait pas un grand nombre de municipalités, mais aujourd'hui les commissions scolaires régionales touchent sur leur territoire de nombreux rôles d'évaluation présentés par les municipalités.

Puisque ces rôles varient considérablement en qualité et en niveaux par rapport à ce que l'on peut déterminer comme étant la valeur réelle des propriétés, la commission scolaire dit: Nous devons imposer d'une façon uniforme le même principe que nous visons depuis l'adoption de la loi sur l'évaluation foncière, qui a subi certaines modifications par la suite.

L'objectif fondamental demeure, mais la commission scolaire, pour faire cela, prend le rôle et l'analyse par catégories: maisons résidentielles, commerces, lots vacants, ainsi de suite. Elle attribue à chaque catégorie une valeur en pourcentage par rapport à la valeur réelle et fait une moyenne de ces pourcentages pour déterminer un pourcentage global pour le rôle. Il est évident que ce qui arrive en général, c'est que les rôles qui sont faits de façon scientifique subissent un redressement qui est minime. Les autres qui constituent un écart considérable avec la valeur réelle subissent un redressement important. Mais s'il y a, à l'intérieur d'un rôle, des écarts entre les propriétés, des injustices à cause d'une mauvaise évaluation de l'une ou l'autre des propriétés, si l'on augmente la valeur globale du rôle, on augmente les écarts qui existent entre les propriétés et l'on augmente les injustices.

Il y a plus que cela dans la situation. C'est que les commissions scolaires, imposant une taxe qui est déterminée de façon globale pour toute la province, n'ont pas la liberté de modifier ce taux pour soulager les contribuables dans l'une ou l'autre des municipalités sur leur territoire. Enfin, il y a le fait que là où l'évaluation est bien faite, il y a augmentation des valeurs, parce qu'après tout les valeurs ont tendance à augmenter avec l'inflation générale qui est plus rapide, depuis un certain temps, mais même quand il n'y a pas d'inflation galopante, il y a une tendance vers l'augmentation des prix, l'augmentation donc du coût de remplacement d'une maison ou des éléments de cette maison, et cela veut dire que la valeur a tendance à augmenter. Si le rôle n'est pas refait régulièrement, les valeurs traînent à un niveau relativement bas et le redressement fait par la commission scolaire augmente ce qui paraît comme valeur de la propriété sur le compte de taxes. Entretemps, si le rôle est augmenté sur le plan municipal, le conseil municipal peut diminuer le taux, mais la commission scolaire ne peut pas toucher au taux.

C'est un taux normalisé que le gouvernement a baissé au cours des récentes années, dans un effort réel non seulement de compenser ce phénomène mais aussi de déplacer vers le secteur municipal une masse monétaire qui a appartenu au secteur scolaire.

Dans cette situation, là où le rôle est bien fait, est fait sur le plan scientifique, il y a tendance quand même, malgré le redressement, à faire payer proportionnellement davantage aux contribuables dans les municipalités où le rôle est bien fait. Or, il faut arriver à un régime qui non seulement est scientifique et uniforme mais aussi à un régime qui évite, une fois pour toutes, la nécessité du redressement des rôles par les commissions scolaires. C'est vers cet objectif que nous progressons et le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui constitue un pas en avant vers cet objectif.

Il est évident qu'il faut plus que cela pour pouvoir atteindre l'objectif. Il faut des outils techniques utilisés de façon uniforme par tous les éva-luateurs dans toutes les municipalités. Or, nous avons maintenant en main les premiers volumes du manuel d'évaluation et ce manuel est maintenant en utilisation ici même dans la région de la capitale. Nous poursuivons, depuis le 1er décembre, une série de cours de perfectionnement pour les évaluateurs. Avec les volumes du manuel entre leurs mains, ils seront dorénavant, ceux qui auront suivi les cours — et les cours se continueront pendant une période de 23 mois pour nous permettre de rejoindre tous les évaluateurs du Québec — en mesure de faire l'évaluation convenablement selon le manuel.

Il est déjà possible de dire que le rôle fait selon le manuel, selon les principes scientifiques que contient ce manuel, ne sera plus sujet à un redressement par le système scolaire.

M. le Président, le projet de loi que nous étudions aujourd'hui comprend des éléments techniques et de concordance surtout. Il y a quand

même certaines choses que je voudrais mettre en relief pour vous indiquer ce que l'on vise par ce projet de loi.

Il y a le fait que la loi, jusqu'à maintenant, parle de ce qu'il convient d'appeler un rôle quinquennal, c'est-à-dire que la notion est transmise que c'est une fois par cinq ans que l'on refait au complet le rôle d'évaluation d'une municipalité, et que cette refonte quinquennale implique la visite de chacune des propriétés et une évaluation nouvelle et scientifique à chaque fois.

Mais, M. le Président, quand on examine la loi, on voit que le principe le plus fondamental de tous, c'est que chaque propriété doit être citée au rôle d'évaluation en tout temps à sa valeur réelle, et sa valeur réelle va certainement changer dans une période de cinq années. Donc, nous faisons disparaître, comme n'étant pas vraiment utile, cette notion quinquennale pour insister sur la tenue à jour annuellement du rôle pour assurer que la justice distributive se fera à l'intérieur du rôle. C'est pour moi le plus important dans les modifications que nous apportons par ce projet de loi.

Cela ne veut pas dire que la visite de chaque propriété devra se faire chaque année.

Ce ne serait pas logique et ce serait une dépense absolument exagérée. Mais je ne voudrais pas que la notion de rôle quinquennal demeure pour donner l'impression que ce ne serait qu'une fois par cinq ans que la propriété devrait être visitée. Il y aurait lieu, dans certains cas, de revoir une propriété après deux ou trois années, parce qu'il y aurait eu des changements qu'il n'y aurait pas moyen d'évaluer autrement que par une visite. C'est le jugement professionnel de l'estimateur qui doit déterminer cela.

Deuxième point, par rapport au premier, s'il s'agit de visiter des propriétés dans nos municipalités d'importance moyenne et grande quant à leur population, quant au nombre de propriétés à évaluer, ce n'est pas en une seule semaine que l'on peut tout visiter. Le temps nécessaire pour voir toutes les propriétés et en faire l'examen serait considérable. Il y aurait donc des municipalités où des propriétés seraient visitées dans la première semaine de janvier et d'autres propriétés, dans la même municipalité, auraient été visitées dans la dernière semaine de décembre; en principe, dans la même année, mais avec un décalage qui, surtout en une année comme celle que nous vivons présentement ou l'année dernière, pourrait représenter une différence importante, si l'on veut faire une comparaison juste entre les deux propriétés.

Pour cette raison, M. le Président, nous établissons dans la loi une date effective d'évaluation. Même si l'évaluation est faite à un autre moment, ce serait par rapport à une date précise que toutes les propriétés devront être inscrites au rôle pour que la justice soit véritable.

Enfin, M. le Président, il y a deux pouvoirs d'intervention qui sont donnés au ministre. Un pouvoir de connaître l'état de l'évaluation des biens-fonds dans une corporation municipale donnée, c'est-à-dire que le ministre peut mandater une personne pour aller examiner le rôle et en ap- précier la valeur globale et détaillée. Ce n'est pas une substitution du ministre au bureau de révision de l'évaluation foncière qui doit entendre les plaintes des propriétaires et en juger; c'est quand même un pouvoir d'intervention qui n'existe pas présentement dans la loi, qui permet au ministre, par un mandataire, de faire l'examen du rôle.

Le deuxième pouvoir est un pouvoir plus direct d'intervention, c'est-à-dire que le ministre peut, s'il le juge nécessaire, se substituer à la municipalité et à l'estimateur. Cela veut dire que le ministre pourra non seulement constater des anomalies possibles dans le rôle, mais, en se substituant aux autorités en place, effectuer la correction de ces injustices. Cela me semble nécessaire; il y a des exemples de problèmes, que nous connaissons en ce moment où nous parlons, qui justifient l'attribution au ministre d'un tel pouvoir d'exception, mais quand même un pouvoir qui, à mon sens, doit exister.

Or, M. le Président, le projet de loi vise à l'application réelle de ces mesures d'uniformisation, sur une base scientifique, des rôles d'évaluation à travers le Québec. Puisque la loi existe depuis un bon moment et que certaines personnes semblent croire que ce fait a eu pour effet de retarder l'amélioration des rôles, je voudrais dire que tel n'est pas le cas.

Nous avons, en vertu de la loi, amené des municipalités et des conseils de comté à effectuer d'importantes améliorations dans leur rôle et nous avons donné une aide financière à cela. Nous allons continuer dans la mesure de nos moyens et nos moyens sont déterminés annuellement par le Conseil du trésor, par le ministre des Finances et enfin par le conseil des ministres. Je ne suis donc pas en mesure de savoir aujourd'hui quel sera le contenu du budget de la province qui sera déposé au printemps. Je ne suis donc pas en mesure de dire aux municipalités: Vous aurez tant. Je peux leur dire quand même que la logique nous commande de poursuivre un programme d'aide aux municipalités pour que la mise à jour qui s'effectue présentement devienne plus que cela, devienne la véritable mise en place de rôles scientifiques partout dans la province.

Nous nous donnons, pour toute l'opération, une période de huit ans. C'est à la fin de 1983 que tous les rôles devront avoir été faits en vertu de la loi et du manuel. Cela nous semble une période nécessaire à cause du nombre d'entités qui doivent être touchées. Le ministre, selon la loi, peut déterminer par où commencer. Là, il y a des demandes qui sont déjà formulées par des municipalités et par des conseils de comté. Je voudrais les assurer que je prendrai en sérieuse considération les demandes qui ont déjà été envoyées parce qu'il serait logique que celles qui se sentent prêtes soient les premières à procéder, à une condition, M. le Président. Et c'est par cette condition que je voudrais terminer.

Tout l'esprit de la loi vise l'entreprise privée dans le domaine de l'évaluation foncière. Nous aurions pu, à l'instar de l'Ontario, constituer une importante équipe de fonctionnaires et charger cette

équipe d'aller faire sur tout le territoire du Québec l'évaluation foncière. Nous aurions eu, dans un sens, une meilleure garantie d'uniformité. Mais nous aurions en même temps diminué considérablement la possibilité pour une classe de citoyens professionnels de gagner leur vie. Et nous avons voulu leur faire confiance. La condition que j'impose en me préparant à émettre des ordonnances à l'endroit de municipalités et de conseils de comté, c'est qu'il y ait en place un mécanisme qui assurera la poursuite du travail sur le plan professionnel, dans la mesure du possible. Et c'est une des raisons pour lesquelles nous avons identifié, pour la première fois de l'histoire du Québec, les conseils de comté comme entités pour les fins de l'évaluation foncière. C'est parce que nous croyons que dans toute la mesure du possible l'entité qui se charge de cette évaluation doit avoir à son service une personne professionnelle qui pourra suivre l'application du rôle. Il ne suffit pas de retenir les services d'une personne, si compétente soit-elle, pour la confection du rôle s'il n'y a pas de suite professionnelle qui est donnée. Parce qu'un rôle est une chose dynamique, c'est une chose qui change d'un jour à l'autre et les changements doivent être appréciés et les modifications doivent être introduites dans le rôle chaque année.

Alors, il faudra que, d'une manière ou d'une autre, cette continuité de compétence professionnelle soit assurée. Et nous allons viser cela en choisissant les premiers destinataires des ordonnances que nous allons émettre.

Les premières ordonnances seront émises dans les toutes premières semaines de 1976.

M. le Président, les retouches que nous apportons ici nous semblent nécessaires pour assurer la bonne mise en vigueur d'une loi qui est, sans exagération, une des plus importantes de l'histoire du Québec.

Le Président suppléant (M. Gratton): Le député de Chicoutimi.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, je conçois difficilement que le ministre puisse qualifier cette loi comme étant l'une des plus importantes de l'histoire du Québec — sûrement pas celle qui est devant l'Assemblée nationale — ...

M. Goldbloom: La loi originale.

M. Bédard (Chicoutimi): ... et puis en même temps dire que ce n'est qu'un pas vers un objectif qui est à atteindre, à savoir l'uniformisation des rôles d'évaluation. Sur le principe et la nécessité d'uniformiser les rôles d'évaluation, je pense que l'Opposition, depuis deux ans, a suffisamment réclamé une action du gouvernement dans ce domaine pour être d'accord sur le principe de la loi, mais il est également clair que, du point de vue de l'Opposition, les amendements qui sont proposés sont quand même d'ordre mineur par rapport à l'objectif à atteindre.

Maintenant, nous nous apercevons que le ministre s'est donné un délai de huit ans. Il aime beaucoup les délais; plus ils sont longs, mieux c'est. C'est la cinquième modification à la Loi de l'évaluation foncière depuis 1971. C'est la deuxième au cours de l'année 1975. Quand on regarde la piètre législation concernant les affaires municipales au cours de cette session, c'est à se demander, M. le Président, si pour le ministre l'évaluation foncière est le principal problème au ministère des Affaires municipales.

Cette année, sur 27 lois municipales étudiées ou qui sont devant nous, quinze concernent les chartes privées de petites villes, sept concernent les chartes privées de grosses villes ou de communautés urbaines et il n'y a eu que cinq lois générales sur les affaires municipales, c'est-à-dire cinq sur vingt-sept. En 1974, nous avons eu droit à cinq lois générales en affaires municipales sur dix-neuf lois et, en 1973, huit lois générales sur vingt-sept qui ont été présentées par le ministère des Affaires municipales.

Encore faut-il voir l'importance "fulgurante" de ces lois. En outre de l'évaluation foncière, le ministre, je pense, est en train de devenir un spécialiste de la modification aux modifications des fonds de retraite pour les maires et les conseillers. Après avoir fait, comme vous le savez, adopter une loi à ce sujet en décembre 1974, le feuilleton actuel comporte une autre loi sur le régime des pensions des maires.

En fait, M. le Président, il faut presque se rendre à l'évidence que la seule contribution législative du présent ministre a été la modification du système de référendums municipaux en juin 1975, puisque, encore une fois, les modifications qui sont apportées par le présent projet de loi ne sont quand même que de petits éléments en fonction d'un objectif à atteindre et pour lequel on s'est fixé un délai de huit années.

Ce bilan pitoyable, ce maigre bilan du ministère des Affaires municipales et du ministre des Affaires municipales, reflète assez bien, je pense, comme j'ai eu l'occasion de le lui dire déjà, le manque d'envergure de politiques globales du ministre, reflète aussi le manque de pensée directrice, de ligne de force, et donne l'impression d'un ministre qui se laisse quand même ballotter. Si bien que quand nous ne sommes pas en train de modifier la Loi de l'évaluation foncière ou celle du Régime de pension des maires, nous discutons, pendant des heures, des tuyaux de Bécancour, des bouts de terrains de Malartic ou des subtilités comptables de la ville de Hull. En termes d'heures, les affaires municipales ne s'occupent plus des lois générales, des politiques qui indiquent des pensées directrices, mais s'occupent plutôt de choses particulières telles que je viens de mentionner.

Au rythme où ça va, je pense qu'avant longtemps chaque ville du Québec aura sa petite charte privée. Quand nous ne sommes pas sur un bill privé ou l'équivalent d'un bill privé, nous fusionnons ou nous annexons; le tout forcé, bien entendu. Les regroupements, fusions ou an-

nexions faits selon les lois, qui ont déjà été votés par le ministre en titre, deviennent presque des exceptions. La tendance nette est prise de passer par-dessus la tête des citoyens et de trancher ex cathedra, et même pour certains cas de faire fi de toute consultation des citoyens par voie de référendum ou de s'approcher presque de lois indiquant ou signifiant une intrusion du pouvoir législatif dans le pouvoir judiciaire; intrusion heureusement, qui a été corrigée en temps et lieu.

Cette Loi de l'évaluation foncière, coincée entre des lois de fusion forcée et des chartes privées, constitue toute l'activité du ministre des Affaires municipales, comme s'il n'y avait pas d'autres problèmes que ceux-là en affaires municipales. Si le ministre semble impuissant à se fixer des priorités, nous allons nous permettre de lui dire des choses qui urgent quand même en affaires municipales. Que des modifications soient nécessaires pour ramener au plus vite l'uniformisation des rôles d'évaluation, personne n'aura à redire là-dessus. Nous aurons, d'ailleurs, des remarques à faire lors de l'étude du projet de loi article par article. Mais il y a d'autres priorités qui, à l'heure actuelle, s'imposent au niveau des affaires municipales et qui semblent complètement passer pardessus la tête du ministre en titre.

Prenez une priorité, vous le savez, on attend toujours la réforme générale des lois municipales. Cette réforme est prête puisque, nous le savons, la première tranche de la commission de refonte des lois municipales date, non pas de 1975, mais de juillet 1974. En seize mois, le ministre n'a pas trouvé le moyen de convoquer la commission des affaires municipales pour étudier cette réforme et, depuis, deux autres rapports ont été déposés.

Le ministre avait même promis, il y a deux mois, lors de la première commission — vous étiez présent — sur la charte de Hull, que la partie du rapport de la Commission de refonte des lois municipales sur les élections municipales serait étudiée avant Noël. C'était évidemment de la foutaise et il faut croire que, entre-temps, étudier une charte pour Bécancour ou Chibougamau est plus urgent que se pencher, tel que cela avait été promis et tel que cela s'impose, sur l'étude en commission parlementaire des rapports qui ont été fournis par la Commission de refonte des lois municipales. Je soumets respectueusement que c'est une négligence impardonnable qui s'assortit bien, je crois, de l'immobilisme qui caractérise le ministre pour toutes les choses importantes, quand on sait que la réforme générale doit entre autres permettre aux municipalités de venir beaucoup moins souvent à Québec pour demander des articles de loi spéciaux. La situation est d'autant plus ridicule.

Une autre priorité qui s'imposait et qui n'a pas vu de réalisation jusqu'à maintenant, c'est la nécessité de la réforme générale du régime municipal; en ce sens, M. le Président, nous attendons toujours une loi pour contrer la spéculation foncière en milieu urbain. Depuis déjà deux ans le ministre négligent, nous répète qu'il examine les résultats de la loi ontarienne. Nous avons eu d'ail- leurs l'occasion d'en discuter assez longuement lors de l'étude des crédits, et le ministre nous avait promis qu'il en arriverait assez rapidement à une définition de ce que représente la spéculation, au moins définir le terme de "spéculation foncière", ce qui n'est pas encore fait.

Comme faux-fuyant, pour couvrir une inertie qui, je le crois, est de plus en plus pénible pour la collectivité, on aurait pu trouver mieux, surtout lorsque l'on parle de la spéculation foncière. Quant à s'intéresser à l'Ontario, le ministre devrait s'intéresser au régime de taxation foncière onta-rien, administré par Toronto et déductible sous forme de crédit d'impôt. Evidemment, c'est autre chose que changer le prix des amendes pour nuisance envers les estimateurs municipaux.

Il y a également, outre ce projet de loi, qui, encore une fois, représente des amendements mineurs, une autre priorité qui s'impose et sur laquelle le ministre ne semble pas encore s'être penché avec efficacité. Qu'il étudie le problème, d'accord, mais de là à passer à l'action, c'est autre chose. Un sujet sur lequel le ministre devrait s'activer en toute priorité est celui, vous le savez, de la nécessité du zonage des terres agricoles dont le ministre est soi-disant préoccupé. Je pense que le zonage des terres agricoles, quand on pense à la spéculation, quand on pense aux autres aspects de ce problème, est au moins aussi important que de transformer les éléments à inscrire au rôle d'évaluation. Cette loi devrait être adoptée avant Noël.

Cette loi du zonage des terres agricoles on l'annonce, vous le savez, dans le discours inaugural depuis 1971.

M. le Président, il faut croire également qu'il est plus important et plus urgent pour le ministre de faire déboucher l'imbroglio à la Communauté urbaine de Montréal plutôt que de remodeler ou de repenser complètement le système fiscal municipal. Entretemps, on se ramasse avec des petites pièces de législation telles que le projet de loi que nous avons à étudier.

A ce sujet, face à la nécessité de remodeler le système fiscal municipal, je pense que la négligence du ministre atteint quand même des limites. Au lieu de débloquer le système, de le faire évoluer, il ne réussit qu'à retarder l'éclatement en augmentant les subventions et en se cachant la tête dans le sable; en dissimulant les informations, comme d'ailleurs le conseil de presse vient de le lui reprocher à propos de l'environnement.

Ainsi, il a fallu apprendre d'une firme privée de courtage, la firme Pitfield, Mackay & Ross, et non du ministère des Affaires municipales, que jusqu'à cet été les municipalités du Québec ont emprunté pas loin d'un milliard huit cent deux millions à court terme, en comparaison à $308 millions empruntés par les municipalités de l'Ontario.

En deux mots, la progression des prêts municipaux à court terme, qui effectivement démontre vraiment la misère financière extrême des municipalités, a été six fois plus rapide au Québec qu'en Ontario, quinze fois plus rapide, plus forte qu'en Nouvelle-Ecosse. Devant ces problèmes cruciaux,

de toute première importance, où sont les lois pour les corriger, où sont les lois qui ont été apportées par le ministre des Affaires municipales afin d'essayer de remédier à cette situation? Il n'y en a aucune. On se ramasse à la fin de la présente session avec des promesses non réalisées de la part du ministre. Que ce soit au niveau de lois pour contrer la spéculation foncière, au niveau de lois nécessaires pour le zonage agricole ou de lois qui vont au coeur du problème, à savoir qui apportent des correctifs à la misère dans laquelle se trouvent les municipalités, de ce côté, nous n'avons eu absolument aucune loi d'importance. Nous nous ramassons en fin de session, encore une fois, avec ce projet de loi de seconde importance.

Je pourrais vous parler aussi de promesses non réalisées par le ministre des Affaires municipales, vous parler de l'évaluation foncière, de sa promesse de faire siéger la commission de refonte des lois municipales, qui n'a pas été remplie. On nous avait promis une loi sur l'urbanisme, M. le Président. On va être encore obligé d'attendre à la prochaine session. Je pourrais parler également de tout le problème de l'aménagement du territoire où le gouvernement et le ministre végètent et piétinent depuis 1970, sans aucune loi en préparation, mais je n'en parlerai pas.

Le ministre doit forcément, du moins on est obligé de le conclure, ignorer ce qu'est l'aménagement du territoire et son importance, puisque sa spécialité est nettement d'étudier — c'est ce que nous faisons depuis deux ans — des amendements continuels à des chartes de villes ou des chartes de municipalités. On a passé notre temps à étudier plutôt les fonds de pension municipaux, l'évaluation foncière, avec les petites modifications qui nous sont apportées; également, on a passé notre temps à étudier des fusions ou des annexions, forcées de préférence.

Durant ce temps, M. le Président, pas de véritable loi générale de la part du ministère et du ministre, qui indique des lignes directrices de la part du ministère et du ministre en matière municipale.

Je ne veux pas dire, M. le Président, que le ministre des Affaires municipales est un homme qui ne travaille pas, mais le ministre des Affaires municipales devrait savoir que le nombre d'heures qu'il passe à son bureau n'a pas de rapport avec l'immobilisme, l'inertie et la négligence incrustée qui caractérisent ses actions municipales.

A ce compte, l'ancien ministre des Affaires municipales, le ministre Tessier, avait au moins essayé de faire avancer la chose municipale au Québec avec son projet de communautés municipales, malgré les lacunes qu'on y trouvait. Au moins le ministère, sinon le ministre, avait une vraie politique, une vraie pensée municipale.

M. le Président, c'est ce que nous aimerions retrouver chez le ministre des Affaires municipales. Nous voudrions avoir la preuve qu'à part de jouer dans les petites lois d'ordre mineur le ministre a un commencement de pensée municipale et, dans ce sens, qu'il nous fasse connaître les lignes directrices de son action.

Autrement dit, dans bien des cas, que ce soit la spéculation, que ce soit le zonage agricole, que ce soit l'aménagement du territoire, que ce soit le domaine de l'urbanisme, nous demanderions peut-être au ministre un peu moins d'études et, une fois pour toutes, un peu d'action.

Que le ministre des Affaires municipales soit très gentil, personne n'en doute, mais il reste — je vous le dis très respectueusement — qu'il fait preuve, devant le manque de législation importante, de législation générale en matière municipale, d'une négligence qui inquiète et qu'il est en train vraiment de s'affirmer surtout comme un spécialiste du retard à apporter des projets de loi qui s'imposent.

Il est clair que le projet de loi no 254, qui tend à apporter certains amendements à l'effet de s'orienter vers un but, qui est bien lointain encore, à savoir, le ministre l'a dit, 1983, il est clair que nous sommes d'accord sur le principe du projet de loi. Nous aurions aimé qu'il soit beaucoup plus substantiel, puisque cela s'impose. A bien des reprises, depuis deux ans, nous l'avons mentionné au ministre des Affaires municipales, puisque cela s'impose qu'il y ait une action énergique du gouvernement afin d'en arriver, le plus vite possible, à l'uniformisation des rôles d'évaluation, au redressement de certains rôles d'évaluation pour les commissions scolaires.

M. le Président, ce sont les remarques que nous voulions faire au niveau de la deuxième lecture et j'espère que le ministre en prendra bonne note.

Le Président suppléant (M. Gratton): L'honorable ministre des Affaires municipales exercera son droit de réplique et mettra fin à ce débat.

M. Goldbloom: M. le Président, l'honorable député de Chicoutimi n'a pas beaucoup parlé de ce projet de loi; il a parlé d'autre chose. Je voudrais lui dire, simplement, qu'il a mal compris au moins une chose, que j'ai entendue de sa bouche. Il est clair que nous devrons attendre, sauf pour une partie, le rapport complet de la commission de refonte des lois municipales pour être en mesure de voir, globalement, ce que recommande cette commission, avec toutes les concordances entre les divers éléments de son rapport. Et ce ne sera que d'ici une année, ou à peu près, que nous aurons le tout.

M. Bédard (Chicoutimi): Encore un autre retard.

M. Goldbloom: Mais, M. le Président, ce que j'avais promis — et cela se fera — c'est que, pour la partie qui concerne les élections municipales, qui peut se séparer des autres éléments, nous ferons siéger la commission parlementaire. Cela n'a pas été possible jusqu'à aujourd'hui, mais nous aurons, dans l'intersession, toute la possibilité de faire cela et nous le ferons.

Quant au projet de loi, je pense qu'il était clair dès le début que mes dernières remarques, qui mentionnaient une loi parmi les plus importantes

de l'histoire du Québec, ne portaient pas sur ce projet de loi, mais bien sur la loi elle-même, sur l'évaluation foncière. Cette loi demeure importante; sa mise en vigueur demeure importante et ce sont des moyens additionnels d'assurer sa mise en vigueur qui sont contenus dans le projet de loi qui est devant nous et dont, M. le Président, je recommande l'adoption par la Chambre, en deuxième lecture.

Le Président suppléant (M. Gratton): Cette motion de deuxième lecture de l'honorable ministre des Affaires municipales, projet de loi no 254, Loi modifiant la Loi sur l'évaluation foncière, est adoptée?

M. Bédard (Chicoutimi): Adopté, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Gratton): Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. Levesque: M. le Président, je propose que ce projet de loi soit maintenant déféré à la commission parlementaire des affaires municipales pour étude article par article.

Le Président suppléant (M. Gratton): Cette motion est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté.

Le Président suppléant (M. Gratton): Si je comprends bien, nous en sommes maintenant rendus au vote.

M. Levesque: Vote sur le projet de loi qui a été étudié antérieurement.

Le Président suppléant (M. Gratton): Qu'on appelle les députés.

Projet de loi no 253 (suite) Vote de deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre, messieurs! Que ceux qui sont en faveur de la motion de deuxième lecture du projet de loi no 253, Loi visant à assurer les services de santé et les services sociaux essentiels en cas de conflit de travail, veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre, Berthiaume, Cournoyer, Goldbloom, Quenneville, Tetley, Lacroix, Bienvenue, Forget, Vaillancourt, Cadieux, Houde (Fabre), Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Perreault, Brown, Fortier, Kennedy, Bacon, Lamontagne, Bédard (Montmorency), Brisson, Séguin, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Fraser, Picard, Gratton, Gallienne, Assad, Carpentier, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault, Boutin, Chagnon, Caron, Côté, Denis, Déziel, Dufour, Lapointe, Lecours, Massicotte, Mercier, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tremblay, Vallières, Verreault, Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Samson, Bellemare (Johnson), Choquette, Leduc.

Le Secrétaire: Pour: 70 — Contre: 0

Le Vice-Président adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Le Vice-Président (M. Blank): La Chambre suspend ses travaux...

M. M. Levesque: Un instant, s'il vous plaît. Je propose que ce projet de loi soit maintenant déféré à la commission parlementaire des affaires sociales.

Le Vice-Président (M. Blank): Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Burns: Adopté.

Le Vice-Président (M. Blank): Adopté.

M. Levesque: On va suspendre les travaux jusqu'à quinze heures.

Le Vice-Président (M. Blank): La Chambre suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

Reprise de la séance à 15 h 5

Le Président: A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Le député de Beauce-Nord.

Rapport sur le projet de loi no 8

M. Sylvain: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer, au nom du député de Portneuf, le rapport de la commission élue permanente de la justice qui a étudié article par article le projet de loi no 8, Loi modifiant la Loi de la division territoriale, et l'a adopté avec des amendements.

Le Président: Le député de Matane.

Rapport sur les projets de loi privés nos 205 et 213

M. Côté: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des affaires municipales qui a étudié article par article les projets de loi privés nos 205 et 213 et les a adoptés avec amendements.

Le Président: Rapport déposé.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de motions non annoncées. Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

M. Levesque: Article m).

Projet de loi no 257 Première lecture

Le Président: Le leader parlementaire du gouvernement, pour le ministre des Affaires municipales, propose la première lecture de la Loi concernant l'installation de stations au sol transportables à l'occasion des Jeux olympiques de Montréal.

M. Levesque: M. le Président, ce projet autorise la ville de Montréal à délivrer des permis spéciaux pour l'installation de stations au sol transportables aux fins des Jeux olympiques.

Le Président: Cette motion de première lecture est-elle adoptée?

M. Burns: Vote enregistré, M. le Président.

Le Président: Qu'on appelle les députés.

Vote de première lecture

Le Président: Que ceux qui sont en faveur de cette motion de première lecture, proposée par l'honorable ministre des Affaires municipales, veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa, Levesque, Blank, Parent (Hull), Mailloux, Saint-Pierre, Lachapelle, Berthiaume, Giasson, Goldbloom, Simard, Quenneville, Mme Bacon, MM. Lapointe.Tetley, Lacroix, Bienvenue, L'Allier, Vaillancourt, Cadieux, Arsenault, Houde (Fabre), Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Massé, Perreault, Brown, Fortier, Bacon, Lamontagne, Bédard (Montmorency), Saint-Hilaire, Brisson, Séguin, Saindon, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Fraser, Picard, Gratton, Gallienne, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Pepin, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault, Boutin, Chagnon, Marchand, Caron, Côté, Denis, Déziel, Dufour, Lachance, Lapointe, Lecours, Malépart, Massicotte, Mercier, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Verreault, Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Samson, Bellemare (Johnson), Roy, Leduc.

Le Secrétaire: Pour: 85 — Contre: 0 Le Président: Cette motion est adoptée.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Projet de loi no 258 Première lecture

Le Président: Le ministre des Affaires culturelles pour le ministre des Communications propose la première lecture de la Loi concernant certaines installations d'utilité publique et modifiant la Loi d'Hydro-Québec, la Loi de la Régie de l'électricité et du gaz et la Loi de la Régie des services publics.

Le ministre des Affaires culturelles.

M. L'Allier: M. le Président, l'article 1 de ce projet de loi définit, pour les fins du projet, l'expression "installation d'utilité publique ".

L'article 2 autorise la Régie des services publics à rendre des ordonnances pour l'utilisation en commun d'installations d'utilité publique à certaines fins prévues à l'article.

L'article 3 édicte la procédure à laquelle est astreinte la régie au cas d'application de l'article 2.

Les articles 4 à 6 ainsi que 8 et 9 sont de concordance.

L'article 7 prévoit que la Régie de l'électricité et du gaz a juridiction sur les entreprises dont l'objet principal ou secondaire est la production, la transmission, la distribution ou la vente de vapeur, de chaleur, de lumière ou de force motrice produites autrement que par l'électricité.

L'article 10 est une précision de texte visant à en élargir la portée.

Les articles 11 à 14 sont des dispositions transitoires et l'article 15 est une disposition interprétative.

Le Président: La première lecture est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté. Le Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

Le Président: Deuxième lecture prochaine séance ou séance subséquente.

Est-ce qu'il y a d'autres projets de loi au nom du gouvernement?

M. Levesque: Avec le consentement, celui au nom du ministre des Transports.

M. Burns: D'accord, M. le Président.

Projet de loi no 259 Première lecture

Le Président: Avec le consentement de la Chambre, le ministre des Transports propose la première lecture de la Loi constituant la Société du port ferroviaire de Baie-Comeau-Hauterive.

Le ministre des Transports.

M. Mailloux: M. le Président, le projet de loi no 259 vise à constituer une corporation sans but lucratif sous le nom de Société du port ferroviaire de Baie-Comeau-Hauterive et à lui confier l'aménagement, l'administration et l'amélioration d'un port ferroviaire à Baie-Comeau.

Le Président: Cette motion de première lecture est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

Le Président: Deuxième lecture prochaine séance ou séance subséquente.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles. Dépôt de documents. Questions orales des députés. Le député de Lafontaine.

QUESTIONS DES DEPUTES

Intérêt sur les cartes de crédit

M. Léger: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Consommateurs et j'aurais besoin d'un court préambule. Le 25 novembre dernier, le ministre avait répondu à une de mes questions en affirmant bien clairement, au moins à deux reprises, qu'à son avis l'article 26 de la Loi de la protection du consommateur empêchait les compagnies qui administrent des systèmes de cartes de crédit d'exiger de l'intérêt sur les sommes qui n'avaient pas pu être facturées à cause de la grève des postes.

Le ministre avait ajouté qu'elle avait demandé à l'Office de la protection du consommateur d'étudier en profondeur ce problème et que, si une action devait être prise contre les compagnies, cette action serait prise.

M. le Président, j'ai des preuves en main, des comptes Chargex, adressés le 5 décembre dernier, pour lesquels Chargex impose un intérêt illégal. D'autre part, comme point d'information, je signale au ministre que, lorsque les clients se plaignent par téléphone à Chargex, à Montréal, celle-ci avoue que les clients n'ont pas à payer l'intérêt même si celui-ci est indiqué sur les comptes. En deux mots, ceux qui ne se plaignent pas doivent payer.

Ma question est la suivante: Le ministre a-t-il demandé à l'Office de la protection du consommateur de donner une directive formelle aux compagnies de cartes de finance pour exiger le respect intégral de l'article 26 de la loi? Deuxièmement, étant donné que les citoyens ont commencé à recevoir leurs comptes, le ministre envisage-t-il de prendre une injonction contre les compagnies de cartes de crédit pour les forcer à respecter la loi?

Mme Bacon: M. le Président, j'ai, en effet, demandé à l'Office de protection du consommateur de travailler sérieusement au dossier que je lui avais confié à l'occasion de la question du député de Lafontaine, ce qu'il a fait et il émet aujourd'hui un communiqué donnant les informations pertinentes à la population.

Entre-temps, j'ai demandé à l'Office de la protection du consommateur de communiquer avec les principaux émetteurs de cartes de crédit afin de leur demander de respecter l'article 26 de la Loi de la protection du consommateur.

M. Léger: Question supplémentaire, M. le Président. Le ministre pourrait-il donner à la Chambre les directives que l'Office de la protection du consommateur doit donner à la population? Deuxièmement, le ministre est-il prêt à s'engager devant la Chambre à utiliser tous les moyens nécessaires pour forcer les compagnies de cartes de crédit à rembourser tout intérêt qui aurait pu être perçu sur le crédit qui n'a pas été facturé conformément à l'article 26 de la loi?

Mme Bacon: M. le Président, je dois référer le député de Lafontaine au communiqué qui sera émis aujourd'hui. Je lui en ferai parvenir une copie dès qu'il arrivera ici à l'Assemblée nationale.

Le Président: Dernière question.

M. Léger: Le ministre veut-il dire par là qu'il n'est pas au courant du communiqué de l'Office de la protection du consommateur? Deuxièmement, le ministre peut-il s'engager, puisque, la dernière fois, le ministre nous a dit qu'il voulait que l'affirmation qu'il faisait en Chambre puisse convaincre les citoyens... Aujourd'hui, M. le Président, je demande au ministre s'il peut affirmer qu'il va prendre tous les moyens nécessaires pour obliger les compagnies à rembourser ce qu'elles auraient perçu illégalement.

Mme Bacon: Je pense, M. le Président, que le député de Lafontaine n'a rien compris de ma réponse. Quand j'ai dit que nous avons communiqué avec tous les principaux émetteurs de cartes de crédit au Québec, c'est que nous l'avons fait à travers le Québec et dans toutes les régions et nous leur avons demandé de suivre les directives telles que stipulées par la Loi de la protection du consommateur.

J'ai pris connaissance du communiqué de l'Office de la protection du consommateur, M. le Président. Je suis au courant de ce qui se passe dans mon ministère, pour l'information du député de Lafontaine. Dès qu'il y aura une copie qui sera apportée à l'Assemblée nationale, je demanderai immédiatement qu'on me l'envoie et je la ferai parvenir au député de Lafontaine.

M. Léger: ... motion.

M. Charron: Une question additionnelle, M. le Président.

Le Président: Une question additionnelle.

M. Charron: Si nous avons la preuve — comme chaque député peut en avoir la preuve à partir de son comté — que des entreprises de cartes de crédit perçoivent illégalement des intérêts sur des comptes qui datent d'avant la grève des postes, est-ce que le ministre s'engage à faire respecter l'article 26? Est-ce que le ministre peut avertir dès aujourd'hui qu'il prendra des procédures judiciaires contre chacune des entreprises qui aura refusé de se soumettre à une loi votée par l'Assemblée nationale?

Mme Bacon: Si des gens se sentent lésés dans leurs droits, M. le Président, ils n'ont qu'à avoir recours à l'Office de la protection du consommateur, qui est là pour protéger le consommateur, et nous suivrons le dossier.

Le Président: Dernière.

M. Charron: Dernière question additionnelle. Est-ce que vous indiquez, autrement dit, par votre réponse que, si chacun des citoyens découvre une perception d'intérêt illégale sur son compte émanant d'une carte de crédit, il doit de lui-même recourir à l'Office de la protection du consommateur mais que le gouvernement, lui, se refuse à prendre une mesure collective? Autrement dit, l'Office de la protection peut recevoir de 250,000...

Des Voix: Ah! Ah!

Le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Charron: ... à 300,000 plaintes individuelles...

Le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Charron: ... et le gouvernement, lui, se refuse à prendre les mesures judiciaires pour faire respecter une loi votée par l'Assemblée nationale? Est-ce ce que vous venez de me répondre?

Mme Bacon: Je vais essayer de répondre de façon intelligente à une question qui est posée d'une façon moins intelligente, M. le Président!

M. Léger: Ah! Partisanerie! Etes-vous ministre responsable de la protection du consommateur ou pas?

Le Président: A l'ordre, à l'ordre!

M. Lessard: II n'y en a qu'une et elle est bête. Mme Bacon: La voulez-vous la réponse?

M. Charron: Oui, je la veux la réponse. Donnez-la.

Mme Bacon: M. le Président, si nous avons voté des lois en cette Chambre c'est pour qu'elles soient respectées. Je fais plus confiance aux consommateurs du Québec que le député de Saint-Jacques.

M. Léger: ... qu'au gouvernement.

Le Président: S'il vous plaît, messieurs! Un peu de tenue.

M. Léger: On est choqué, on est choqué!

M. Charron: On va bouder dans son coin et les consommateurs se feront fourrer pendant ce temps-là.

M. Burns: M. le Président, question additionnelle.

Le Président: Un instant, un instant. M. Bellemare (Rosemont): ... directive.

Le Président: Un instant, ce n'est pas le temps des directives.

M. Bellemare (Rosemont): C'est une directive, M. le Président...

Le Président: A l'ordre, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous sommes à la période des questions. Après la période des questions.

M. Burns: Est-ce que le ministre pourrait terminer sa réponse et cesser de bouder dans son coin, comme elle le fait actuellement? M. le Président, je pense que la question qui a été posée par le député de Saint-Jacques mérite une réponse, peu importe le fait qu'il y a eu des échanges en Chambre, au cours de cette réponse. Je demanderais au ministre, en tout cas, comme question additionnelle, de continuer sa réponse, à cause particulièrement de la gravité de cette situation. C'est important que l'on connaisse le point de vue du gouvernement là-dessus.

Mme Bacon: M. le Président, je disais tout à l'heure, avant d'avoir les interruptions de l'Opposition, que la loi a été votée pour être respectée. Je m'étais engagée à ce qu'elle soit respectée et je continue à le faire.

Le Président: L'honorable député de Chicoutimi.

Démission de M. Keyserlingk

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, ma question s'adresse au Solliciteur général, concernant la Société des alcools du Québec. Hier et avant-hier, j'ai posé au Solliciteur général certaines questions au sujet de l'enquête de la Société des alcools du Québec, auxquelles je n'ai pu avoir de réponse puisque le ministre en a pris avis, comme d'ailleurs c'était son droit. Je voudrais savoir si le Solliciteur général est en mesure, aujourd'hui, de nous dire, premièrement, s'il peut déposer la lettre de démission de Me Keyserlingk auprès de la CECO? Et deuxièmement, si cette démission de Me Keyserlingk est reliée au sort fait à l'enquête sur la Société des alcools du Québec? Egalement, j'avais demandé au ministre, et j'espère qu'il me répondra aujourd'hui, quel est le nombre de policiers qui travaillent sous les ordres du lieutenant Chartrand? Et quels sont les résultats de cette enquête, après quatre mois de travail additionnel à l'enquête à huis clos qui a été poursuivie dans ce dossier?

M. Lalonde: M. le Président, j'ai demandé au président de la CECO de me faire rapport sur la démission de M. Henry Von Keyserlingk, démission qui a été faite à l'intérieur de la CECO, c'est-à-dire que Me Keyserlingk était et est encore un procureur de la couronne au bureau de Montréal, qui avait été détaché pour travailler au niveau de la CECO pendant un certain temps. Je dois recevoir le rapport du juge Dutil dans les prochains jours.

Quant au nombre de policiers qui travaillent au complément d'enquête relié au projet Z, le directeur de la Sûreté m'informe aujourd'hui qu'ils sont un groupe d'environ six ou sept qui en couvrent les différents aspects. L'enquête n'est pas encore terminée. J'ai d'ailleurs organisé une réunion pour lundi prochain afin d'avoir un rapport d'étape sur cette enquête et d'autres enquêtes, réunion qui doit être tenue à mon bureau, à Mont- réal. Les indications sérieuses que la Sûreté peut nous donner à ce stade-ci, c'est que l'enquête devrait normalement être terminée le mois prochain. Maintenant, on sait ce qui arrive: si on découvre d'autres éléments, d'autres filons, l'enquête peut être retardée, indépendamment des résultats que la Sûreté obtient en cours de route.

M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que le ministre pourrait nous dire, premièrement quand il a demandé ces renseignements à M. Dutil? Lorsque le ministre fait état du fait que cette enquête n'est pas terminée, que cela peut prendre encore un mois et peut-être plus si on trouve de nouveaux filons, je dois comprendre qu'on en a déjà un en main, ou encore d'autres éléments, que vous avez déjà des éléments importants d'enquête en main. Je voudrais donc savoir comment le ministre peut nous expliquer que cela prenne tant de temps à compléter une enquête qui, à toutes fins pratiques, a été complétée à la fin de juillet à la CECO, à l'occasion d'une enquête à huis clos, après quoi le rapport a été remis par la CECO au gouvernement. Pourquoi tant de temps?

M. Lalonde: Oui, c'est une bonne question. Je pense avoir indiqué, lors d'une réponse à une question précédente, il y a quelques jours, que le rapport, le document qui a été remis au ministère de la Justice, en juillet, contenait des éléments d'enquête. Ce rapport, nous l'avions soumis à un procureur de la couronne de Québec, Me François Tremblay, qui nous a recommandé les actions à prendre. Certains aspects étaient plus avancés que d'autres, mais on nous a aussi fortement recommandé d'attendre la conclusion de toutes les enquêtes avant de prendre des procédures contre quiconque.

M. Bédard (Chicoutimi): Une dernière question supplémentaire.

Le Président: Dernière question supplémentaire.

M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que le ministre pourrait me préciser ce qu'il entend lorsqu'il nous affirme que Me François Tremblay lui a recommandé certaines actions à prendre? Est-ce que le ministre peut nier que la CECO a quand même tenu une enquête très élaborée sur ce sujet, qu'elle y a consacré plusieurs séances et qu'elle a interrogé sous serment plusieurs personnes à ce sujet?

Je voudrais, d'une part, que le ministre élabore sur certaines actions à prendre qui lui ont été conseillées par Me François Tremblay et également qu'il nous dise, si c'est possible, combien de personnes ont été interrogées et combien de séances ont été tenues par la CECO.

M. Lalonde: De mémoire, je pense que c'est plusieurs dizaines de personnes qui avaient été interrogées par la CECO, mais je ne sais pas si je ne décris pas suffisamment clairement l'état du dos-

sier lorsqu'il nous a été soumis. On avait des éléments de preuve et, normalement, nous, lorsqu'on les reçoit, on les soumet aux conseillers juridiques qui sont les plus habilités à nous conseiller, naturellement. C'est ce que nous avons fait et on nous a suggéré, on nous a conseillé de faire des compléments d'enquête, parce que les éléments qui étaient contenus au document n'étaient pas suffisants. Je parle non seulement du document qui nous a été soumis, mais, lorsque Me François Tremblay a été requis d'étudier le document en question, nous avons fait en sorte qu'il ait accès à tous les autres documents, à la transcription des témoignages à huis clos qui avaient été faits par la CECO, ce qui a été fait, et aussi il y a eu consultation avec ceux, à la CECO, qui avaient pris charge du dossier.

M. Charron: Question additionnelle. Dans la réponse que le ministre vient de donner au député de Chicoutimi, voulez-vous dire que, dans le rapport remis par la CECO en juillet dernier, il n'y avait aucune conclusion formelle qui puisse permettre, dès ce moment, au Solliciteur général d'entreprendre des actions et qu'autrement dit toutes les conclusions de la CECO, lors de la remise du dossier, nécessitaient une enquête ultérieure?

M. Lalonde: Non. Non, j'ai indiqué tantôt que certains aspects étaient beaucoup plus avancés que d'autres et que, pour ne pas nuire à la bonne marche de l'enquête... C'est, d'ailleurs, pour cela qu'actuellement — j'espère que je ne donne pas l'impression de vouloir cacher quoi que ce soit; c'est une enquête qui doit se continuer — je n'ai pas la possibilité de parler librement, de donner des noms, jusqu'à ce que les enquêtes soient complétées.

Lorsque les enquêtes seront complétées, les dispositions seront prises, soit pour prendre des poursuites devant les cours criminelles, le cas échéant, si la preuve est suffisante, ou pour fermer les dossiers si la preuve n'est pas suffisante.

Pour en venir à la réponse, certains éléments étaient plus avancés que d'autres, mais on nous a suggéré, et nous avons accepté cette suggestion, de ne pas prendre de poursuite immédiatement, jusqu'à ce que toutes les enquêtes soient terminées pour ne pas nuire aux autres enquêtes.

M. Burns: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: Dernière. C'est la dernière question additionnelle.

NI. Burns: Une très brève.

Le Président: C'était déjà la dernière pour le député de Chicoutimi, mais pour un autre député, je vais vous l'accorder.

M. Burns: D'accord. Est-ce que le Solliciteur général peut nous dire ceci? En dehors de la réfé- rence qu'il a faite aux plaintes ou, en tout cas, aux problèmes soumis à Me Tremblay, est-ce que des recommandations ont été faites par la CECO ou par ses procureurs de porter des plaintes devant les tribunaux contre des personnes identifiées précisément? Si oui, quel a été le sort de ces recommandations?

M. Lalonde: Je devrai me référer au document, que je n'ai pas à la mémoire, pour me souvenir s'il y avait des recommandations précises, c'est-à-dire particulières. Il y avait sûrement une recommandation sinon expresse du moins sous-entendue de donner suite. Je suis pas mal sûr qu'elle était expresse, mais, à savoir si la recommandation désignait des personnes en particulier, je devrai consulter les documents.

M. Burns: Est-ce que, par exemple... Une Voix: C'était la dernière.

M. Burns: ... Me Keyserlingk aurait participé à ces recommandations? C'est une autre question que vous pourriez peut-être vérifier lorsque vous me donnerez la réponse.

M. Lalonde: Je vérifierai.

Le Président: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

Achat de roulottes pour la baie James

M. Samson: Ma question s'adresse à l'honorable premier ministre. Malgré que je lui aie entendu dire dernièrement que certaines coupures de budget, concernant les travaux de la baie James, n'affecteraient pas les travailleurs du Québec, est-ce qu'il est au courant que suite à ces coupures les Industries L'Islet Limitée ont dû mettre à pied 80 travailleurs pour une période d'un mois parce que le contrat des roulottes quelles devaient construire pour la baie James a été annulé?

M. Bourassa: Je ne suis pas au courant des cas particuliers, des annulations de contrat. Je ne peux que référer le député à ce que j'ai dit, que les prévisions initiales seraient respectées, sauf qu'on ne poursuivrait pas, dans certains cas, l'avance qui avait déjà été acquise. Ne poursuivant pas cette avance déjà acquise, cela permettrait d'éliminer certaines dépenses immédiates.

M. Samson: Est-ce que cela ne va pas en contradiction avec ce qu'a dit le premier ministre dernièrement? Le contrat des Industries L'Islet Limitée, qui était de $4 millions et demi, a été réduit à $800,000; c'est quand même une coupure et cela provient du budget de la baie James. Est-ce que cela ne va pas en contradiction avec ce que le premier ministre a déjà dit?

M. Bourassa: J'ai dit que les prévisions initiales, en tenant compte des besoins du Québec, ne seraient pas modifiées. La Société de la baie James, étant donné le resserrement des marchés financiers, a décidé de ne pas continuer l'avance dans certains cas, c'est-à-dire de ne pas accélérer les travaux qui étaient déjà avancés étant donné la productivité accrue.

M. Samson: Est-ce que le premier ministre... Le Président: Dernière.

M. Samson:... a également pris connaissance du fait que pendant le même temps le COJO a, lui, donné un contrat pour la construction de roulottes à la compagnie AMF Suncamper Trailors de l'Ontario? N'aurait-il pas mieux valu, pour compenser ce que la compagnie L'Islet vient de perdre, qu'on donne au moins ce contrat à une entreprise du Québec?

M. Bourassa: Je peux vérifier et je dirai, en même temps, au COJO que le député de Lafontaine est le seul qui arbore le drapeau olympique parmi les membres du Parti québécois. Il est dissident au sein du parti. Non, il y en a deux; deux sur six.

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. Bourassa: Ils sont divisés, M. le Président.

M. Léger: C'est parce qu'on ne veut pas cacher le gouvernement.

M. Burns: C'est parce qu'on n'aime pas ça avoir l'air de grands bouffons.

M. Bourassa: Oui, mais il y en a qui aiment cela derrière vous. Le député de Lafontaine n'est pas d'accord avec son leader.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! L'honorable député de Johnson.

M. Samson: M. le Président, M. le Président...

Le Président: Quoi?

M. Samson: Je suis obligé de soulever...

Le Président: Votre question est une question d'appréciation: Est-ce que le premier ministre ne penserait pas qu'il aurait mieux valu...

M. Samson: Non, non, non, M. le Président.

Le Président: Ecoutez, je me rappelle votre question.

M. Samson: M. le Président, vous m'avez mal interprété, vous m'avez mal compris ou je me suis mal exprimé.

Le Président: C'est fort possible.

M. Samson: Disons que je me suis mal exprimé, cela va me permettre de...

Le Président: Formulez votre question.

M. Samson: ... demander au premier ministre pourquoi on permet d'acheter des roulottes en Ontario alors qu'on annule des contrats au Québec pour la même chose. C'est clair puis c'est acceptable cette question.

M. Bourassa: Le député, sans même me donner avis, me pose des questions sur des contrats qui sont donnés par l'une des 200 agences gouvernementales ou paragouvemementales. COJO n'est même pas une agence paragouvernementale. Comment veut-il que je lui réponde? Il aurait dû me donner avis de la question. Je ne suis pas au courant des milliers de contrats qui se donnent. Pour quelle raison...

M. Samson: Quelles sont les directives?

M. Bourassa: ... avec quelle économie de coût...

M. Samson: Quelles sont les directives qui sont données pour encourager les industries du Québec plutôt que celles de l'Ontario avec les taxes des citoyens du Québec? A ce que je sache, ce sont les citoyens québécois qui vont payer le déficit du COJO, pas ceux de l'Ontario.

M. Bourassa: M. le Président, quand le député parle des taxes des citoyens du Québec, évidemment, les citoyens du Québec sont intéressés à ne pas payer des taxes plus élevées parce que les coûts sont plus élevés. C'est toujours la même question: rechercher le meilleur équilibre entre l'encouragement aux entreprises québécoises — je pense qu'on a donné l'exemple au Québec —...

M. Samson: Oh! non! Oh! non! Ne charriez pas, c'est en Ontario cela.

Le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Bourassa:... et les économies de coûts qui peuvent être réalisées, étant donné les soumissions qui sont demandées. Est-ce qu'on doit uniquement dans tous les cas, limiter les soumissions aux entreprises québécoises? Je pense que le député est conscient des représailles qui peuvent être possibles, parce que nous sommes quand même dans un marché commun où l'intégration économique est extrêmement poussée. Donc, il s'agit — je ne suis pas au courant du cas particulier — quand même de rechercher le meilleur équilibre entre l'encouragement maximal aux entreprises québécoises et les coûts les plus avantageux pour les contribuables québécois.

M. Samson: Est-ce que le premier ministre peut m'assurer...

Le Président: Je m'excuse, c'était la dernière. M. Samson: M. le Président...

Le Président: Vous avez posé trois questions supplémentaires.

M. Samson: De l'autre côté, il y en a eu cinq.

Le Président: Je m'excuse, je dois donner la chance au plus grand nombre de députés possible de poser des questions dans notre limite de trente minutes. Je m'excuse, vous pourrez revenir à une autre séance.

Le député de Johnson.

Suspension de contrôleurs aériens

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, ma question s'adresse au Solliciteur général. Dans l'affaire du congédiement des deux contrôleurs aériens parce qu'ils avaient utilisé la langue française, deux faits nouveaux se sont produits hier. M. le premier ministre du pays a donné une réponse, qu'a dû lire le Solliciteur général, disant qu'il y avait eu beaucoup de progrès réalisé dans le bilinguisme, mais qu'il ne toucherait pas à ce sujet.

Le deuxième, le plus important, c'est que le ministre des Transports a dit que le comité qui avait été constitué pour étudier l'affaire ne siégeait plus. Il a dit en Chambre textuellement ces paroles...

Le Président: Question, s'il vous plaît.

M. Bellemare (Johnson): Oui. Je veux simplement citer les paroles de M.Lang, pour ne pas mal l'interpréter. Il a rappelé que le comité chargé d'étudier cette question de l'usage du français dans les aéroports avait dû interrompre tous ses travaux. Ma question s'adresse au ministre qui nous a dit, hier et avant-hier, que des pourparlers avaient été entamés, qu'il y avait eu progrès, qu'il y aurait peut-être même une réinstallation, parce que c'était simplement une suspension. Je voudrais savoir où en est le dossier présentement.

M. Bourassa: Je m'excuse, mais j'ai lu une nouvelle contraire selon laquelle M. Lang avait dit qu'un comité spécial examinait la question.

M. Bellemare (Johnson): Ecoutez...

M. Bourassa: On n'a pas les mêmes informations.

M. Bellemare (Johnson): ... je pense que la Presse est un journal assez fidèle quand il rapporte les choses du gouvernement fédéral. Je lis, M. le Président...

M. Bourassa: J'ai lu Montréal-Matin qui est une ancienne propriété de l'Union Nationale et qui est également un journal fidèle.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je pense que le journal Le Jour aussi est un journal qui est... Voyons donc.

Le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Bellemare (Johnson): Ne soyez donc pas, à la veille des Fêtes, si "suspects", voyons donc! Il a rappelé que le comité chargé d'étudier la question de l'usage du français dans les aéroports avait dû interrompre ses travaux à la suite de mésentente entre les représentants des différents groupes siégeant au sein de ce comité. Je pense, M. le Président, que la citation qui est là dans le journal me donne l'occasion d'une question.

Si le premier ministre, avec ses avis d'Ottawa qui assurent un fédéralisme rentable, a d'autres informations...

Le Président: Est-ce que le ministre désire répondre?

M. Lalonde: Le député de Johnson ou, enfin, le ministre des Transports du gouvernement fédéral doit nécessairement se référer au comité consultatif qui avait été constitué pour étudier le rapport Bilcom, comité qui a avorté, on le sait, quelques jours avant le 17 octobre dernier où devait avoir lieu la grève des pilotes d'Air Canada. Ce comité, en effet, avait avorté par le retrait de la représentation des gens de l'air du Québec qui n'avaient pas pu obtenir du comité les assurances fondamentales nécessaires pour continuer les discussions.

Donc, c'est déjà de l'histoire ancienne la façon dont je comprends le communiqué auquel se réfère le député de Johnson. Le travail qui se fait actuellement se fait au niveau du ministère, dirigé par le sous-ministre et le ministre lui-même. A ce que je comprends, il ne s'agit plus d'un comité où toutes les parties sont représentées. On a vu, dans le passé, que cette façon de travailler avait avorté. Alors, le ministère compte maintenant consulter les différentes parties de façon séparée et non plus à travers un comité.

Maintenant, quant à la référence du premier ministre, c'est une question d'opinion personnelle de sa part. Quant à moi, je pense que les assurances que nous avons eues au niveau du ministère des Transports, du ministre des Transports lui-même, sont suffisamment sérieuses pour qu'on puisse s'attendre à des développements favorables.

Le Président: Deux dernières questions. L'honorable chef de l'Opposition officielle et le député de Beauce-Sud.

Investissements étrangers

M. Morin: Ma question est destinée au premier ministre et porte sur le rapport qui a été déposé hier en Chambre, lequel traite des investissements étrangers et d'une éventuelle politique québécoise dans ce domaine. Je dirai, à titre de préambule, M.

le Président, que ce rapport fourmille de points de vue, de suggestions intéressantes, fort utiles, mais on sent qu'il y manque quelque chose. J'espère que le premier ministre l'a lu.

M. Bourassa: Oui.

M. Morin: Alors, j'aimerais lui demander...

Le Président: Question.

M. Morin: ... pourquoi le gouvernement a extirpé, a supprimé les 96 recommandations précises du rapport, notamment en ce qui concerne les richesses naturelles et le contrôle des institutions financières. Pourquoi avez-vous émasculé le rapport? Aviez-vous peur que les Québécois en prennent connaissance?

Le Président: A l'ordre, messieursl

M. Bourassa: Je ne comprends pas. Je sais que le chef de l'Opposition avait dit, à l'occasion des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales, qu'il avait les moyens d'épier tous les ministères. Ces informations...

M. Morin: Qu'est-ce que c'est que cette histoire?

M. Bourassa: Non, mais je veux dire, M. le Président...

M. Morin: Qu'est-ce que c'est que cette histoire?

M. Bourassa: Je veux référer le chef de l'Opposition... mais je ne comprends pas pourquoi le chef de l'Opposition...

M. Morin: Répondez plutôt à ma question.

M. Bourassa: Oui, mais vous posez une question. Comment répondre sérieusement quand le chef de l'Opposition pose des questions sur un ton extrêmement partisan: Pourquoi avez-vous extirpé, aviez-vous peur de ceci ou de cela. Le gouvernement n'a peur de rien, il l'a démontré depuis six ans.

M. Morin: M. le Président, je ne sais si je dois poser une question supplémentaire. J'hésite.

Le Président: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

M. Morin: J'hésite parce que je n'ai pas eu de réponse à ma première question.

M. Bourassa: C'est parce que le chef de l'Opposition...

M. Morin: En tout cas, il est inacceptable que vous ayez procédé de la sorte. C'est simple.

M. Bourassa: Non, ce n'est pas une question,

M. le Président, c'est qu'il y avait des recommandations. Le chef de l'Opposition parle de 96 recommandations. Il y en avait qui ne paraissaient aucunement appuyer le texte du rapport, comme la division de l'Hydro-Québec, je crois, en trois sections. Après discussion avec les fonctionnaires qui ont examiné ces questions et avec les ministres responsables, nous avons décidé de ne pas inclure certaines recommandations qui n'étaient pas appuyées par le texte. C'est quand même nous qui décidons en dernier ressort, nous sommes élus pour gouverner, nous sommes élus pour décider et nous allons continuer à gouverner.

M. Morin: Vous ne faites pas confiance aux gens; ils peuvent juger par eux-mêmes.

M. Bourassa: Nous allons continuer à décider. Nous ne sommes quand même pas pour prendre conseil sur le budget de l'an 1 ou de l'an 2 du Parti québécois.

M. Léger: II faudrait l'indépendance pour cela.

M. Bellemare (Johnson): Cela, c'est moins partisan!

Le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Morin: C'est un procédé inacceptable. C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant.

Le Président: Question, s'il vous plaît. Question!

M. Morin: Nous y reviendrons. Le rapport fait état d'un certain nombre de suggestions. Vous n'avez pas réussi à l'émasculer complètement. J'aimerais demander au premier ministre, devant ce rapport, devant les suggestions concrètes qu'il contient, quelles mesures son gouvernement entend prendre — pas le flot de belles paroles habituel — par exemple à l'égard de l'une des suggestions qui lui est faite d'imposer législativernent des exigences aux compagnies étrangères et notamment une proportion obligatoire de propriété autochtone. On vous donne même des exemples, dans le rapport, de pays qui exigent 51%, 60% voire 90% de participation autochtone. J'aimerais savoir du premier ministre ce qu'il compte faire de façon concrète pour donner suite à cette recommandation du rapport.

M. Bourassa: M. le Président, hier, le chef de l'Opposition me demandait: Qu'est-ce que le gouvernement entend faire pour créer de nouveaux emplois? Aujourd'hui, il me demande: Qu'est-ce que le gouvernement entend faire pour établir des contraintes additionnelles aux investissements étrangers? C'est un peu ce qu'il demande avec les contraintes qu'il suppose.

M. Léger: Cela fait pitié! Réellement, cela fait pitié!

M. Bourassa: Le gouvernement, selon ses priorités et la conjoncture, doit...

M. Morin: Vous ne pensez pas, d'ailleurs, qu'il existe un lien entre les deux questions?

Le Président: A l'ordre, à l'ordre! Terminez votre réponse.

M. Bourassa: ... faire des choix.

M. Burns: II faut être mal pris pour répondre de même! Il faut être mal pris.

M. Bourassa: Non, non. Laissez-moi terminer ma réponse.

M. Léger: C'est déprimant! Vous êtes déprimant.

Le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Saint-Pierre: Relisez votre propre programme et vous allez voir que vous n'avez pas grand-chose.

M. Bourassa: M. le Président, je pense bien que c'est assez décourageant de voir la démagogie du chef de l'Opposition sur des questions importantes comme celle-là. Ce sont toujours les mêmes questions, les mêmes rengaines qu'il apporte continuellement.

M. Morin: C'est toujours la même impuissance de votre côté!

Le Président: S'il vous plaît, messieurs! M. Morin: L'absence de politiques! Le Président: S'il vous plaît.

M. Bourassa: Nous avons, comme à l'habitude, d'une façon réaliste, puisque nous avons la responsabilité du pouvoir...

Le Président: S'il vous plaît, messieurs! M. Bourassa: ... à Francfort...

M. Burns: Le premier gouvernement dans l'histoire du Québec à avoir fait ça.

Le Président: S'il vous plaît, messieurs! M. Bourassa: Oui, oui. On peut vous citer...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! ... A l'ordre! Je vais passer immédiatement à l'autre question. Je m'excuse mais... Ecoutez, si vous voulez continuer à causer, on peut se retirer! Bon.

M. Morin: M. le Président, nous consentons à écouter le baratinage du premier ministre!

Le Président: A l'ordre! Eh bien! je vous demanderais de ne pas l'interrompre. Il y en a eu trois ou quatre de suite qui ont causé des interruptions.

A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bourassa: Ils ne s'entendent même pas sur la question du drapeau des Jeux olympiques!

Des Voix: Ha! Ha!

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Revenons à la question.

M. Bourassa: M. le Président, je vais faire parvenir au chef de l'Opposition copie des discours du ministre de l'Industrie et du Commerce et du mien que nous avons faits à Francfort, établissant d'une façon réaliste... Avec 200,000 chômeurs, le gouvernement ne doit pas multiplier les contraintes. Je comprends que c'est très désirable à moyen terme, mais je pense qu'il est essentiel, actuellement, d'accorder la priorité à la lutte contre le chômage.

M. Morin: Le discours de Francfort va à l'en-contre de ce rapport, justement.

M. Bourassa: Le rapport ne demande pas que ce soit appliqué dans six mois. Si nous multiplions plus que nos concurrents...

M. Lessard: Les rapports sont faits pour être sur les tablettes!

M. Bourassa: M. le Président...

Le Président: Je rappelle à l'ordre le député de Saguenay.

M. Lessard: Merci, M. le Président.

Le Président: Je vous rappelle à l'ordre pour une deuxième fois.

M. Bourassa: C'est très difficile de répondre d'une façon responsable à des questions aussi partisanes. Je dis que le chef de l'Opposition devrait savoir que nous sommes soumis, au Québec, étant donné le contexte où nous sommes, à une concurrence très vive de nos voisins sur le plan économique, sur le plan de l'attrait des investissements étrangers.

Hier, le chef de l'Opposition se plaignait d'un taux de chômage très élevé. Nous avons besoin, pour le combattre, d'être accueillants — à certaines conditions — aux investissements étrangers.

M. Morin: Alors, ce rapport ne sert à rien!

Le Président: L'honorable député de Beauce-Sud.

M. Bourassa: Non, je me suis référé à Francfort.

M. Morin: La dernière, M. le Président.

M. Burns: C'est la première fois dans l'histoire du Québec que c'est arrivé, cela!

Le Président: A la vitesse où nous avançons actuellement, je passe à la prochaine question.

L'honorable député de Beauce-Sud.

Je n'ai pas de médaille à donner, ni d'un côté, ni de l'autre.

L'honorable député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, je n'interrogerai sûrement pas le premier ministre parce que j'espère avoir une réponse.

Ma question s'adresse à l'honorable ministre des Terres et Forêts.

Le Président: A l'ordre, messieurs!

Loi des trois chaînes

M. Roy: J'aimerais demander au nouveau ministre des Terres et Forêts s'il a examiné le dossier relativement à la loi des trois chaînes, étant donné...

Des Voix: Ha! Ha!

Le Président: S'il vous plaît, messieurs!

M. Roy: S'il y en a qui brillent, M. le Président, ce n'est certainement pas par leur intelligence!

M. le Président, j'aimerais poser au ministre, de façon très sérieuse, une question, étant donné que ce dossier est toujours en suspens et qu'il y a un grand nombre de petits propriétaires au Québec qui sont inquiets, vu qu'il ne semble pas y avoir eu de consensus de fait jusqu'ici. J'aimerais demander au nouveau ministre s'il a examiné ce dossier, étant donné que l'ancien ministre avait promis qu'il y aurait un rapport de fait et qu'il serait déposé avant le 31 décembre 1974, rapport qui n'a pas été fait et dont nous n'avons pas pris connaissance. J'aimerais savoir si le ministre a examiné cette question et quelles sont les décisions ou les politiques que le gouvernement entend annoncer ou entend prendre à ce sujet.

M. Toupin: Oui, M. le Président, j'ai examiné les trois chaînes, le dossier...

Le Président: ... s'il vous plaît!

M. Toupin: Deuxièmement, la politique que nous avons établie est la suivante; un comité interministériel est présentement au travail.

M. Burns: Un autre comité pour attendre deux ou trois ans.

Le Président: S'il vous plaît, messieurs!

M. Toupin: Une politique sur la gestion des terres publiques sera annoncée en temps et lieu à la suite des études de ce comité interministériel.

M. Roy: M. le Président, je constate que le nouveau ministre a apporté avec lui les vieilles cassettes de l'ancien ministre.

J'aimerais poser au ministre au moins une question, à savoir s'il est au courant actuellement que des petits propriétaires, des petits exploitants forestiers sont poursuivis par le ministère des Terres et Forêts relativement au droit de coupe sur des terrains qui bordent les lacs et rivières du Québec. Pourquoi les compagnies papetières qui exploitent les terres de la couronne ne sont-elles pas soumises, elles, aux mêmes obligations? J'aimerais demander au ministre, dans un premier temps, pourquoi on continue de poursuivre des petits propriétaires de petites exploitations de boisés de ferme, alors que de l'autre côté on n'oblige pas les compagnies papetières à se soumettre aux mêmes réglementations.

Je l'ai répété deux fois, M. le Président, il y a du bruit dans l'Assemblée nationale aujourd'hui, je ne sais pas de quoi cela dépend, mais je voudrais être sûr que le ministre m'a bien compris pour avoir une bonne réponse.

M. Toupin: M. le Président, la réponse est très nette; c'est que nous appliquons les lois présentement en vigueur et je ne vois pas, à ma connaissance en tout cas, qu'il y ait eu des poursuites depuis que je suis au ministère des Terres et Forêts. Il est possible, remarquez, je peux faire des enquêtes là-dessus, mais nous appliquons les lois présentement en vigueur et, tant que ces lois demeureront ce qu'elles sont, il faudra les appliquer. Cela vaut autant pour les grandes compagnies que pour les propriétaires de boisés privés.

M. Roy: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: Dernière question additionnelle.

M. Roy: Le ministre...

Le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Roy: ... ne semble pas au courant de la question. Le ministre est-il au courant que les compagnies papetières, actuellement, ne sont pas soumises, elles, à ces mêmes exigences? Pourquoi, d'un côté, oblige-t-on les petits proriétaires, eux, à payer, alors qu'on n'oblige pas les grandes compagnies papetières, à cause de cette vieille loi que le gouvernement vient de sortir depuis deux ans de ses vieux dossiers, dans les vieilles archives? J'aimerais demander au ministre s'il a l'intention d'apporter des modifications incessamment à cette demande de la population. C'est une demande qui, d'ailleurs, a été appuyée fortement au congrès libéral — je dis bien bien au congrès libéral même si ce n'est pas tellement une bonne référence — mais qui a quand même été appuyée par un groupe de députés du côté ministériel à la suite de pressions qu'ils ont reçues de la population de différentes régions du Québec.

Le Président: A l'ordre, messieurs! S'il vous plaît.

M. Toupin: M. le Président, la loi des trois chaînes s'applique à ceux à qui elle doit s'appliquer. Elle ne peut pas s'appliquer à ceux à qui elle ne doit pas s'appliquer. Les compagnies forestières qui ont des propriétés privées, qui ont des terrains privés doivent s'astreindre aux mêmes exigences que les propriétaires, les petits propriétaires de boisés privés. C'est l'état actuel des lois. Les compagnies forestières sont, par ailleurs, contraintes à respecter d'autres réglementations et d'autres lois qui ne sont pas nécessairement respectées par les propriétaires de boisés privés, parce qu'elles ne s'appliquent pas aux propriétaires de boisés privés.

C'est ce que je voulais dire tantôt quand j'ai dit: On applique les lois actuelles pour chacun des groupes, dans la mesure où les uns et les autres sont impliqués.

Quant à savoir si des lois seront amendées, je déplore avec le député de Beauce-Sud que les politiques antérieures, qui datent de plusieurs années, d'ailleurs, en ce qui concerne les trois chaînes, aient causé préjudice à certains individus ou privent...

M. Burns: Du dernier siècle.

M. Toupin: ... certains individus du droit de propriété qu'ils croyaient avoir. C'est tout le problème des terres publiques qu'il faut regarder et de la gestion des terres publiques. Quand la politique sera établie là-dessus, si des amendements aux lois sont requis, y compris à celle-là, bien, on apportera les amendements requis.

Le Président: Question supplémentaire. M. Roy: Dernière question, M. le Président.

Le Président: L'honorable député de Saguenay, question supplémentaire. A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lessard: M. le Président, est-ce que le ministre sait que les compagnies forestières ne se préoccupent aucunement de cette loi puisqu'elles n'ont jamais été poursuivies par le gouvernement? Est-ce que le ministre sait que le problème des trois chaînes a été soulevé par le député de Beauce-Sud il y a deux ans et que cela fait deux ans qu'on nous promet une solution, alors que le ministre nous promet encore un comité interministériel? A quand une décision sur cela, comme sur d'autres choses? Cela va-t-il venir, des décisions dans ce gouvernement?

M. Bourassa: On a 600 lois. M. Toupin: Oui, M. le Président. M. Lessard: Oui, quand?

M. Toupin: Ecoutez, la réponse que j'ai donnée au député de Beauce-Sud...

M. Lessard: En temps et lieu!

M. Toupin: ... vaut pour le député de Saguenay. Mais j'aimerais bien que le député de Saguenay réfléchisse avant de faire de telles affirmations.

M. Lessard: Je les fais et je les prouverai à la commission parlementaire.

Le Président: A l'ordre! A l'ordre!

M. Lessard: Faites donc vos recherches un peu.

Le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Toupin: Vous allez vous faire rappeler à l'ordre pour une troisième fois, c'est ça qui va vous arriver. Le député de Saguenay devrait faire attention avant d'affirmer de telles choses. Je sais que ses collègues n'affirment pas de telles choses. Il est le seul au Parti québécois qui fasse des affirmations, je dirais, parfois intempestives. Lorsqu'il dit que les compagnies forestières sont favorisées à ce chapitre, c'est faux. C'est faux!

M. Lessard: Je vais vous le montrer. M. Toupin: Ce n'est pas vrai, cela. Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Toupin: Vous pouvez bien le crier sur tous les toits si vous voulez, mais ce n'est pas vrai. Les compagnies forestières sont soumises aux mêmes normes et aux mêmes règles dans la mesure où les lois s'appliquent. Quand les lois ne s'appliquent pas, elles ne s'appliquent pas.

M. Lessard: ... pas.

Le Président: Messieurs! Affaires du jour. Non, je vous avais prévenu que c'était la dernière. A l'ordre! ... A l'ordre, messieurs! ... Demain, je donnerai la préférence, après les questions de l'Opposition, au député de Rosemont.

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, question de privilège.

Le Président: II n'y a pas de question de privilège. Affaires du jour. Affaires du jour.

M. Levesque: M. le Président...

Le Président: A l'ordre, messieurs! Affaires du jour.

M. Levesque: M. le Président...

M. Bellemare (Rosemont): ... question de privilège.

Le Président: II n'y a pas de question de privilège sur cela. Il ne s'est rien...

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président...

Le Président: A l'ordre! Affaires du jour. Est-ce que c'est clair? Veuillez prendre... Je suis debout.

M. Marchand: M. le Président...

Le Président: Je suis debout. Il ne s'est rien passé à l'instant qui ait ouvert la porte à une question de privilège. ... A l'ordre! Affaires du jour.

M. Levesque: Alors, M. le Président...

Le Président: J'ai appelé les affaires du jour.

M. Marchand: M. le Président...

Le Président: Je rappelle à l'ordre l'honorable député de Laurier pour la première fois. ... je vous rappelle à l'ordre pour la deuxième fois. Veuillez vous asseoir.

Affaires du jour.

Travaux parlementaires

M. Levesque: M. le Président, avec le consentement de la Chambre, puis-je revenir aux rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés? Il s'agit d'un rapport du greffier en loi relativement au projet de loi no 109, Loi concernant une donation à l'Institution royale pour l'avancement des sciences. Le greffier indique que l'avis est régulier et suffisant et que le projet déposé est conforme à l'avis. En effet, le projet a été déposé au secrétariat des commissions avant le jour de l'ouverture de la session. Au moins un avis a été publié avant le dépôt au secrétariat des commissions; il y a la date de publication des avis dans la Gazette officielle du Québec, dans la Gazette de Montréal, La Presse; la preuve de publication des avis a été faite par production de coupures.

Tout semble conforme, d'après le greffier en loi de la Législature, et je dépose son projet. Il n'y a donc pas de motion de suspension des règles.

J'ai ici le projet, si on me permet de le déposer et de le déférer a la commission parlementaire de l'éducation. Alors, je vais vous apporter le proiet.

Le Président: Le député de Saint-Louis propose la première lecture du projet de loi no 109, Loi concernant une donation à l'Institution royale pour l'avancement des sciences. Est-ce que cette motion Je première lecture est adoptée?

M. Burns: Adopté, M. le Président.

Le Président: Adopté.

Le Greffier adjoint: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

M. Levesque: M. le Président, je propose que ce projet de loi soit immédiatement déféré à la commission parlementaire de l'éducation, des affaires culturelles et des communications, et que les règles de pratique quant aux avis soient suspendues.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté.

Le Président: Adopté.

M. Levesque: M. le Président, je fais motion, pour que la commission parlementaire de la justice puisse siéger immédiatement au salon rouge, pour étudier, article par article, les quatre projets de loi suivants: le projet de loi no 38, Loi modifiant le Code de procédure civile et autorisant l'usage du courrier certifié à certaines fins; le projet de loi no 79, Loi constituant la Société québécoise d'information juridique; le projet de loi no 84, Loi modifiant la Loi de la Commission de contrôle des permis d'alcool; le projet de loi no 80, Loi prolongeant et modifiant la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires. Dans les deux premiers cas, ils s'agit de deux projets de loi qui étaient déjà devant la commission plénière, mais nous avons convenu, au cours de la présente séance, de poursuivre en commission élue cette étude, quitte à revenir ici pour faire rapport, selon les règles de la commission plénière.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée? M. Burns: Adopté.

Le Président: Cette commission peut siéger immédiatement.

M. Levesque: Article 1.

Le Président: Le député de Lafontaine.

Motion privilégiée de M. Léger sur la qualité de l'enseignement

Cette motion se lit comme suit:

Que cette Assemblée blâme le gouvernement d'avoir négligé de prendre les mesures nécessaires pour corriger la situation déplorable de l'éducation au Québec, notamment en ce qui concerne la détérioration de la qualité de l'enseignement et la dégradation du climat de travail dans les écoles.

M. Léger: M. le Président, j'ai fait motion pour que cette Assemblée blâme le gouvernement d'avoir négligé de prendre les mesures nécessaires...

Le Président: En ce qui concerne le partage du temps, nous avons environ 250 minutes. Nous avons un exemple ici, du mois de novembre 1974, où il y a eu 95 minutes à l'Opposition officielle. On pourrait peut-être arrondir les chiffres, mettre cela à 100 minutes pour l'Opposition officielle.

Le Ralliement créditiste n'entend pas utiliser son temps de parole...

M. Samson: Je le cède à quelqu'un d'autre.

Le Président: ... on pourrait peut-être mettre 120 minutes au parti ministériel, dix minutes au député de Beauce-Sud. Si on pouvait se diriger vers un partage d'environ 100 minutes pour l'Opposition officielle, 120 minutes pour le gouvernement et dix minutes pour l'honorable député de Beauce-Sud, cela irait.

M. Burns: Je vous rappelle l'entente que nous avons eue le 13 novembre 1975, qui est sensiblement la même que celle du 31 octobre 1974, en vertu de laquelle le Parti québécois, comme auteur de la motion, avait 100 minutes, dans l'un et l'autre cas. Le gouvernement avait, dans le cas du mois de novembre 1975, 120 minutes par rapport à 125 l'année dernière, mais le tout s'accommodant d'un certain nombre d'ajustements.

Personnellement, je serais prêt à donner mon consentement pour ce type d'entente.

M. Bienvenue: 120 minutes, cela nous va. M. Burns: 100 et 120.

Le Président: Donc, 100 minutes pour l'Opposition officielle, 120 pour le gouvernement et une quinzaine de minutes pour le député de Beauce-Sud et, s'il y a lieu, pour l'Union Nationale et le Ralliement créditiste.

M. Bienvenue: Est-ce que le député de Maisonneuve a une montre pour calculer le temps?

M. Burns: Tout en se disant que si jamais des gens, de part et d'autre, n'utilisent pas leur temps, il me semble qu'à ce moment-là ça ne devrait pas empêcher d'autres représentants de l'Assemblée nationale d'intervenir. En tout cas, il me semble que cela a toujours été dans ce cadre.

M. Bienvenue: On verra.

M. Burns: On n'est pas, si vous voulez, bloqué à cela.

M. Bienvenue: On verra.

Le Président: Je ne suis pas prêt à trancher cela. S'il y a consentement, d'accord.

M. Bienvenue: Non. Des Voix: Non.

Le Président: Je ne peux pas trancher cette question.

M. Bienvenue: Nous verrons bien.

M. Burns: On verra. On va laisser aller le débat et on verra.

M. Bienvenue: Qui vivra verra!

Le Président: L'honorable député de Lafontaine.

M. Marcel Léger

M. Léger: La motion que j'ai soumise se lit comme suit: "Que cette Assemblée blâme le gouvernement d'avoir négligé de prendre les mesures nécessaires pour corriger la situation déplorable de l'éducation au Québec, notamment en ce qui concerne la détérioration de la qualité de l'enseignement et la dégradation du climat de travail dans les écoles".

La plus grande richesse naturelle des Québécois, c'est leurs enfants. Ce sont ces enfants qui, à l'intérieur des écoles, doivent recevoir la formation nécessaire pour jouer leur rôle d'adultes de demain et remplir les charges importantes et essentielles qui leur sont destinées dans la création de la société de demain. De plus en plus, la préoccupation des parents, la préoccupation des enseignants, la préoccupation des milieux de l'éducation et du Conseil supérieur de l'éducation tournent autour de la détérioration grave de la qualité de l'éducation. Tous se rejoignent et sont arrivés à un point commun où ils sont conscientisés au fait que le gouvernement doit faire quelque chose pour changer le système actuel dans lequel vivent tous ces partenaires de l'éducation.

Cette occasion de corriger une situation aussi détériorée que celle que nous retrouvons dans nos écoles était toute trouvée, c'était celle des négociations entre le gouvernement et les représentants du milieu de l'éducation. Je dois blâmer le gouvernement aujourd'hui d'avoir raté cette occasion de prendre les mesures pour, d'abord, améliorer le climat dans les écoles; deuxièmement, pour améliorer la qualité de l'enseignement, notamment en allégeant le fardeau de travail des professeurs, c'est la clef de l'amélioration du climat dans les écoles et de l'amélioration de la qualité de l'enseignement. Notamment, le gouvernement aurait dû fixer un maximum d'élèves par classe, d'une façon officielle et juridique.

Il aurait dû fixer un nombre de périodes d'enseignement permettant ainsi aux professeurs d'être suffisamment en mesure d'améliorer cette qualité de l'enseignement, c'est-à-dire une meilleure préparation des cours et une période suffisante de correction permettant que la période de formation ou de transmission de l'enseignement soit faite dans des conditions idéales.

M. le Président, si les professeurs doivent mettre un meilleur contenu pédagogique, si les professeurs doivent avoir une meilleure relation entre eux et leurs élèves, il faut nécessairement que les normes de fonctionnement, les normes de ratio et de quota soient changées et disparaissent, permettant au professeur de réellement remplir son rôle à l'intérieur d'une école humanisée, à l'intérieur d'une école où tous se sentiront chez eux, et non pas à l'intérieur d'institutions qui sont des manufactures d'enfants où on a dépersonnalisé et les enfants et les professeurs.

Le gouvernement est à blâmer pour ne pas

avoir suivi les avis de son Conseil supérieur de l'éducation. Le gouvernement est à blâmer pour ne pas avoir répondu à l'attente du milieu de l'enseignement, soit les parents qui sont inquiets, les éducateurs qui sont impuissants à régler le problème et les commissions scolaires qui sont prises entre le gouvernement et le problème qu'elles voient à l'intérieur de leurs écoles. Au contraire, le gouvernement a présenté des règles administratives rigides qui sont du chinois pour l'ensemble des parents du Québec et qui sont inapplicables pour permettre une compatibilité avec l'éducation dans laquelle il y a une relation humaine entre l'éducateur et l'éduqué.

Le gouvernement, au contraire, s'est livré à de la provocation auprès des enseignants pour essayer de faire porter le fardeau sur les enseignants, en faire des boucs émissaires devant les problèmes et devant l'impuissance d'un gouvernement qui a laissé se détériorer la situation. Les professeurs vivent à l'intérieur d'un décret qui leur a été imposé depuis trois ans, à l'intérieur de normes qui ont été imposées et sur lesquelles ils n'ont jamais été consultés. Et on veut faire porter le blâme de la qualité de l'enseignement sur les professeurs!

Il est inacceptable qu'un gouvernement responsable essaie de faire des professionnels de l'éducation des responsables d'un système que eux n'ont pas voulu mais qui a été imposé par les technocrates qui voulaient simplement établir sur des tableaux des chiffres qui ne correspondaient pas à la réalité des besoins humains dans leur milieu.

Le gouvernement doit arrêter de jouer avec le monde de l'éducation. Nous sommes de plus en plus en accord avec les commissions scolaires, avec les comités de parents, avec la Fédération des commissions scolaires, avec le Conseil supérieur de l'éducation, avec les professeurs enseignants sur le fait que la seule base valable de négociation est celle des enseignants qui tient compte, d'abord, de la tâche qui est dévolue au professeur de façon qu'il puisse donner réellement une formation aux enfants et qu'il puisse donner dans son milieu le maximum de ses possibilités à l'intérieur de l'objectif premier que tout éducateur a dans le Québec, celui de transmettre à l'enfant, non seulement une instruction, mais aussi une formation.

Depuis quinze ans, les Québécois ont payé, et même plus que cela, des taxes pour bâtir des écoles, on a fait de la construction, on a fait du béton, on a fait de l'administration. Il est grand temps qu'un gouvernement aussi impuissant que celui que nous avons devant nous se penche maintenant sur le problème de l'éducation et pense à mettre maintenant, à l'intérieur de ce contenant sur lequel on s'est penché depuis tant d'années, un contenu, une éducation et aussi une formation.

La plus grande richesse naturelle des Québécois, comme je le disais tantôt, ce sont nos enfants. Je pense qu'un gouvernement responsable se doit d'abord de ne pas provoquer ses partenaires de l'éducation — et quand je dis partenaires, je ne parle pas uniquement des commissions scolaires, qui ont à s'occuper de l'aspect administratif, je parle des parents et je parle des éducateurs et je parle des enfants.

Rares sont les sujets au Québec mis à part la hausse des prix et des biens à la consommation ou la corruption des moeurs politiques qui touchent autant de gens que celui de la qualité de l'enseignement au Québec. Tous les parents qui ont des enfants à l'école ainsi que souvent les étudiants eux-mêmes ont à coeur que l'enseignement prodigué au Québec soit de bonne qualité et ce, 365 jours par année.

Malheureusement, depuis quelques années, à cette recherche constante d'un enseignement de qualité s'est greffé un sentiment profond de la population que celui-ci s'est considérablement détérioré, et cette population impuissante n'est qu'une spectatrice de cette lente détérioration. Le ministère de l'Education a beaucoup grossi depuis sa création en 1964. Les commissions scolaires aussi. Nous sommes à l'heure des mécanismes administratifs compliqués, des concepts de haute voltige et tout parent qui est un peu mêlé dans tout le système complexe risque de passer, s'il fait quelques critiques, pour rétrograde, ou réactionnaire s'il ne parle pas sur la même longueur d'onde que les techniciens de I éducation. Résultat: la plupart des gens se taisent et patientent en silence. Mais si vous prenez la peine d'aller les visiter, de faire des tournées dans le Québec, comme les députés du Parti québécois ont eu l'occasion de le faire dernièrement, vous vous rendrez compte que, depuis longtemps, ce problème, les Québécois l'ont à coeur. Cela ne prend pas grand-chose pour qu'une fois mis en confiance ils vous parlent longuement et souvent même avec colère de ce problème d'éducation.

La polémique sur la pauvreté du français parlé et écrit dans les écoles, la fermeture des écoles publiques élémentaires et secondaires causée par le phénomène de dénatalité et d'exode vers l'extérieur des centre-ville, la perte de clientèle scolaire du secteur public au profit du secteur privé et du secteur anglophone, ce sont tous des facteurs, M. le Président, qui ne font que renforcer l'impression de détérioration de la qualité du système public, et d'accentuer la préoccupation de ce que plusieurs se plaisent à appeler la majorité silencieuse au Québec.

J'aimerais également analyser brièvement les états d'âme d'un autre groupe important concerné directement par ce problème dont je n'ai pas encore parlé, c'est-à-dire les enseignants. Dans ce contexte, il n'est que normal que l'un des groupes les plus directement impliqués partage cette inquiétude. Le sondage de la commission d'étude de la tâche des enseignants de l'élémentaire et du secondaire, le CETES, annexe A du rapport de mai 1975, auprès des enseignants de l'élémentaire et du secondaire, a en effet démontré que 81% des enseignants poursuivent des objectifs permettant à l'élève de développer son potentiel.

Qu'on ne vienne pas me dire que, du côté du gouvernement, les professeurs n'ont pas comme

objectif l'intérêt de l'élève. Qu'on ne vienne pas me dire cela. Il y a un sondage qui prouve que 81% des enseignants ont intérêt à développer le potentiel de leurs élèves. Si cet objectif n'est pas toujours réalisé c'est, selon 60% des enseignants, à cause du trop grand nombre d'élèves par groupe. Dans ce même sondage, 43% des enseignants identifiaient un horaire trop chargé comme étant l'autre facteur, empêchant l'éducateur de remplir ses objectifs.

Je pense que la surcharge de travail est un des problèmes majeurs qui doit être envisagé au niveau des négociations actuelles. C'est pourquoi depuis 1972, la plupart des mesures proposées par les principaux interlocuteurs de ces milieux d'éducation, c'est-à-dire le Conseil supérieur de l'éducation ainsi que les autres milieux, visent à stopper cette détérioration et à renverser la vapeur. Ainsi, le conseil supérieur, dans son rapport annuel de 1973/74, a cru bon d'indiquer au ministère que des changements majeurs devraient être apportés dans l'administration des secteurs secondaire et élémentaire, plus spécialement en ce qui a trait à la charge du travail des professeurs et à la fixation du ratio maître-élèves.

En mars 1975, le rapport de la commission d'étude de la tâche des enseignants de l'élémentaire et du secondaire et le même mandat pour le collégial, la CETES, en juin 1975, de nombreuses recommandations étaient adressées au ministère de l'Education dans le même but que celui poursuivi par le Conseil supérieur de l'éducation: une amélioration générale de la qualité de l'enseignement par une meilleure définition de la tâche de l'enseignant, l'allégement de celle-ci, une amélioration du système des normes maître-élèves, une meilleure évaluation des clientèles scolaires réelles et l'engagement de spécialistes aux niveaux élémentaire et secondaire.

Le ministère de l'Education a également en main le rapport du groupe COMMEL, publié au mois d'octobre 1974, sur l'organisation et le fonctionnement des commissions scolaires dispensant l'enseignement élémentaire à 3,000 élèves et moins. Ce rapport a émis 56 recommandations au ministère concernant une réévaluation complète des structures de l'enseignement élémentaire, son mode d'administration de la vie pédagogique et du personnel ainsi que des méthodes de financement.

Ainsi, M. le Président, à la recommandation no 39, le groupe COMMEL demande que le ministère de l'Education prenne toutes les dispositions pour que des spécialistes dans l'enseignement d'une langue seconde, de la musique et de l'éducation physique soient engagés dans ces commissions scolaires en plus des enseignants déjà existants, rejoignant ainsi les recommandations formulées par un autre groupe de travail, soit celui du sous-ministre Claude Beauregard, sur l'éducation physique et le sport à l'école.

Le ministère de l'Education — et, partant, le gouvernement — connaissait donc depuis longtemps les failles principales du système québécois d'éducation et les principales causes de la détérioration de l'enseignement ressentie par l'ensemble des personnes préoccupées par ce problème. Il aurait dû saisir la première occasion qui s'offrait à lui pour s'attaquer de front au problème et au moins amorcer des réformes. Cette occasion lui a été fournie par le renouvellement de la convention collective des enseignants.

Or, le gouvernement n'a pas saisi cette chance. Il a refusé de modifier sa vision technocratique de l'éducation, perdant ainsi de vue l'objectif évident de toute négociation dans ce secteur, soit l'amélioration de la qualité de l'enseignement.

M. le Président, le gouvernement a refusé de remettre en question ses normes administratives.

A la page 155 du rapport COMMEL, recommandation no 100, il est déclaré — cette recommandation mérite d'être citée en entier — "que le ministère de l'Education du Québec, par une étude systématique, repense globalement, avec la participation du milieu, le système de financement des commissions scolaires dans l'esprit d'une péréquation provinciale en tenant compte des services à offrir à la clientèle, des ressources humaines et matérielles nécessaires pour dispenser ces services dans le contexte des conditions géographiques, démographiques, culturelles et autres qui prévalent dans les différentes régions du Québec".

M. le Président, les enseignants demandaient une humanisation du climat de travail dans les écoles, un allégement de la charge de travail afin qu'ils puissent mieux préparer le contenu pédagogique des cours dispensés. Pour réaliser ces objectifs, il fallait que l'essence même de toutes les négociations vise à une remise en question des normes administratives qui existent entre les commissions scolaires et le ministère de l'Education, comme le ratio maître-élèves.

M. le Président, ce langage administratif n'est qu'une façon mathématique de distribuer des ressources humaines et physiques au niveau provincial et au niveau régional mais ne correspond absolument pas à la relation humaine quotidienne qui s'établit entre les élèves, l'école et ses enseignants. Si on n'a pas encore compris cela dans le gouvernement, que la relation maître-élèves, dans une école, est la base même de la formation d'un enfant, la dépersonnalisation de l'enfant à l'intérieur de l'école amène des conséquences graves au niveau du fonctionnement et de la motivation autant de l'étudiant que du professeur.

Pour illustrer toute l'importance de cette profonde remise en question et de cette nouvelle mentalité à acquérir, il est bon de noter que de nombreux problèmes connexes à ceux se rapportant à la charge de travail des enseignants, celui de la sécurité d'emploi, par exemple, s'estompent d'eux-mêmes, si elle s'effectue, et que, dans la négative, c'est-à-dire en l'absence d'un principe directeur commun aux négociations, chaque problème se sépare des autres et une solution administrative, une solution "patchée" apportée à l'un n'entraîne pas la solution des autres.

Il s'agissait donc de quantifier une fois pour

toutes l'élément prestations, c'est-à-dire correction, préparation, et d'intégrer au système d'enseignement les garanties nécessaires à son développement qualitatif. M. le Président, pour cela, il fallait qu'au niveau élémentaire le système de ratio soit abandonné et que le nombre maximum d'élèves par groupe soit d'environ 20 élèves pour le premier cycle de l'élémentaire et de 22 pour le deuxième cycle. Le gouvernement, par ses offres, a refusé d'amorcer complètement une remise en question des schèmes administratifs; il est encore demeuré à 1/24 au lieu d'aller dans le sens de la demande des enseignants.

Au niveau secondaire, les enseignants ont également demandé que les ratios soient abandonnés et qu'un nombre d'élèves fixe par classe soit donné, ce chiffre maximum devant être pour eux de 24 pour le secteur général et de 17 pour le travail en atelier au secteur professionnel.

Comme résultat, une commission scolaire, avec plus d'étudiants, actuellement, dans un secteur professionnel, peut augmenter son total d'enseignants au secteur général, selon la proposition du gouvernement; ce qui est impensable, c'est que cela, quand même, ramène le ratio au niveau où il était auparavant.

Le résultat de cette opération présentée par le gouvernement au niveau collégial des périodes-étudiants versus le quotient de 360 qui n'est que l'expression de la situation actuelle, c'est-à-dire 24 périodes par 15 étudiants, au niveau du CEGEP, donne un facteur qui divise la charge totale des étudiants, elle-même obtenue par la multiplication d'un nombre d'étudiants par 24. Ce serait dorénavant le nombre de cours pris par un élève au niveau collégial et non pas le nombre d'élèves qui déterminerait le nombre de professeurs.

Cette préoccupation technocratique et schématique est du chinois pour les parents et n'accorde absolument pas de réponse aux préoccupations profondes des professeurs au niveau des écoles.

M. le Président, je pense qu'il est grand temps qu'aux niveaux élémentaire et secondaire on repense la charge de travail d'un professeur qui est actuellement, en moyenne, de 22.5 périodes de 45 minutes. Les professeurs ont demandé 20 périodes, ce qui équivaut à 900 minutes. Cette revendication, avec toutes ses ramifications, constitue—et ceci est important— la future clé de voûte d'un système d'éducation utilisant le plus efficacement et humainement possible ses ressources humaines et donnant un enseignement plus humain et de qualité.

M. le Président, elle s'inscrit dans la lignée des principales recommandations remises au ministère de l'Education et constitue, à notre avis, un excellent point de départ pour des négociations fructueuses.

Le gouvernement a répliqué en ignorant complètement cet aspect fondamental des demandes des enseignants. Il propose, plutôt, une augmentation des heures et une augmentation de présence pour augmenter les charges des professeurs et, ainsi, continuer la détérioration du climat dans les écoles et la détérioration de la qualité de l'enseignement.

Sur l'engagement de spécialistes en éducation physique, musique, expression corporelle, arts plastiques, demandé par les enseignants et par les différents comités qui ont soumis des rapports au gouvernement, aucune précision véritable. Sur l'engagement de spécialistes en information scolaire, d'enseignants bibliothécaires, en enfance inadaptée, en animation, aucune réponse. C'est à se demander si les parties en cause parlent bel et bien du même sujet! Sont-elles ensemble? Sont-elles des partenaires de l'éducation ou si le gouvernement veut absolument avoir un bouc émissaire sur qui il peut mettre tous les péchés d'Israël pour essayer de cacher sa propre impuissance?

Parce que le gouvernement a des problèmes financiers, parce que le gouvernement a mis de l'argent à la baie James, parce que le gouvernement a mis de l'argent dans les Jeux olympiques en ne demandant pas la part du fédéral là-dedans, il a asséché sa caisse, M. le Président. Il n'ose pas dire que ses choix politiques ont été mauvais et qu'il n'a plus la possibilité de donner de l'argent dans un secteur aussi important que celui de l'éducation.

Et comme le premier ministre le sait fort bien, on n'emprunte pas sur le marché pour le paiement des salaires, comme on fait à New York; on n'emprunte pas sur le marché, personne ne va vouloir prêter à un gouvernement dont la caisse est vide parce qu'il a fait des mauvais choix politiques et qu'il démontre ses préoccupations. On ne fait pas cela, M. le Président. On ne veut pas emprunter parce qu'on ne lui prêtera pas. Le problème est là; le gouvernement a fait son choix politique et, comme il n'a pas d'argent pour s'occuper de l'éducation, il n'a pas d'argent à présenter aux éducateurs et aux commissions scolaires, à ses partenaires de l'éducation. C'est aussi simple que cela. Le gouvernement a fait son choix politique mais ce qu'il cherche, par exemple — et c'est cela qui n'est pas acceptable pour tous les citoyens du Québec — c'est de faire passer les professeurs comme étant les responsables de ce problème qu'il vit. Le gouvernement aurait dû corriger ses propositions pour aller selon les besoins de la population, selon les demandes des comités de parents, selon les demandes du Conseil supérieur de l'éducation, selon les demandes des différents groupes et milieux concernés par l'éducation. Suivre ces recommandations, ce serait partir de la base des demandes des éducateurs et aboutir à une meilleure qualité de l'enseignement.

Le gouvernement, pour lui, la qualité de l'enseignement est secondaire. C'est un gouvernement technocratique qui est absolument impuissant, qui ne peut rien faire parce qu'il s'est mis les deux pieds dans le ciment en ayant d'autres priorités ailleurs et en laissant la partie la plus importante, la qualité de l'enseignement au Québec, de côté comme étant une quantité négligeable. Il est absolument impensable que ceci ne soit pas dit aux parents, M. le Président. Les éducateurs sont

les partenaires des parents dans l'éducation de leurs enfants et ils se doivent d'être ensemble pour faire bouger ce gouvernement absolument immobile, ce gouvernement absolument impuissant. Il faut que les parents appuient les éducateurs, qui ont les mêmes objectifs: l'éducation et la formation de ce qui est la richesse naturelle la plus importante au Québec, nos enfants, M. le Président.

Mais le gouvernement veut passer sur le dos des professeurs en leur disant: Vous êtes des gens qui ne veulent pas faire leur travail, vous êtes des gens paresseux, vous êtes des gens qui demandent trop. C'est beau, c'est de la démagogie pure. Mais les enseignants ne sont pas dupes et leur proposition a été acceptée au niveau de la tâche de l'enseignement — au milieu de la dégradation qui se passe à l'intérieur des écoles — par un groupe de plus en plus important de commissions scolaires, de comités de parents à travers les écoles. Même la Fédération québécoise des commissions scolaires, partenaire du gouvernement, a fait des recommandations au gouvernement. Le gouvernement est le seul à ne pas vouloir régler le problème de l'éducation au Québec. L'ensemble des citoyens l'a compris, M. le Président.

Je pense qu'il est important que la situation soit corrigée rapidement et le gouvernement a manqué sérieusement à son travail et à son devoir en ne prenant pas, à l'intérieur des négociations, l'occasion rêvée pour corriger cela.

Au chapitre de la sécurité d'emploi, les enseignants demandaient la permanence pour chaque membre du personnel enseignant d'une commission scolaire, au renouvellement de son premier contrat de travail. M. le Président, le gouvernement n'offre aucune sécurité d'emploi. Pire que cela, on est rendu en période de repêchage; un professeur qui est maintenant en trop dans une école passe pendant cinq jours au niveau du repêchage régional. S'il n'est pas repêché, il va peut-être par la suite être repêché en dedans de cinq jours au niveau d'un repêchage national. M. le Président, on se penserait dans le monde du hockey. Nous croyons que, si le gouvernement veut absolument, par ses offres, assimiler le monde de l'éducation au monde du hockey, il faudrait qu'il aille jusqu'au bout car, même au hockey, les joueurs sont protégés contre ce genre d'abus.

M. le Président, au chapitre des congés de maternité, les enseignants ont demandé que ce congé soit d'une durée de 20 semaines avec plein salaire. Ils ont également demandé qu'au retour de son congé l'enseignante puisse réintégrer le poste qu'elle détenait avant de quitter et que le temps d'ancienneté et d'expérience continue de courir pendant son absence.

Il est assez étonnant de constater qu'un gouvernement dont le slogan, pour l'année 1975, est "La famille dans la société québécoise" n'ait pas encore daigné répondre à ces demandes, alors que 92% des enseignants au niveau élémentaire sont des femmes et que 50% environ au niveau secondaire sont des femmes. C'est là qu'on voit la différence entre le slogan et la réalité, dans le gouvernement Bourassa, la différence entre ses déclarations, ses promesses et ses réalisations.

M. le Président, à l'occasion des négociations des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic, le gouvernement avait l'occasion en or de faire d'une pierre deux coups. D'un côté, profiter du phénomène de la dénatalité au Québec, qui provoque la baisse des effectifs scolaires dans les commissions dans tout le Québec, pour faire en sorte que les services aux étudiants soient améliorés, dans chaque école, afin que ceux-ci puissent directement bénéficier de ce phénomène; de l'autre côté, enrayer le phénomène de la fermeture des écoles de quartier qui ne fait qu'accentuer l'impression d'inhumanité du système public d'enseignement dans la population.

M. le Président, il y a quelque temps, j'ai parlé en Chambre d'un problème qui se rapportait justement à la détérioration et à la disparition, une à une, de plusieurs écoles au niveau élémentaire et secondaire, et j'avais intitulé cela: Pour aérer l'école. A ce moment, nous avions dénoncé cette politique qui veut que, dès que le seuil d'utilisation d'une école descend en dessous de 60%, l'école soit condamnée, accentuant ainsi l'exode vers les banlieues, la perte de la clientèle du secteur public vers le secteur privé et le secteur anglophone, ainsi que l'augmentation des voyages en autobus pour les écoliers.

Nous avions cité plusieurs exemples d'écoles de quartier condamnées à la fermeture, comme les écoles Sainte-Rose, François-de-Bienville, à Lon-gueuil, Saint-Norbert, Vinet, à Laval, Saint-Jean-Baptiste, Notre-Dame-de-la-Garde, Sacré-Coeur, Saints-Martyrs, Saint-Dominique, à Québec. La situation s'assombrit de plus en plus, puisque je vais vous donner d'autres exemples. A Montréal, pour la Commission des écoles catholiques de Montréal, la région 5 couvre tout le nord de la ville, soit les comtés de Saint-Laurent, L'Acadie, Bourassa, Crémazie et Sauvé. Les écoles qu'on va fermer dans un avenir rapproché sont au nombre de douze: Sainte-Odile, Ecole Dujarié, Saint-André-Apôtre, Saint-Charles-Garnier, Ville-Marie, Ville-Marie annexe, Nicolas-Viel, Saint-Vital, Saint-Vital annexe, Notre-Dame-de-la-Merci, Notre-Dame-de-la-Merci annexe, Bienville. M. le Président, ce qui frappe le plus dans les écoles que je viens de mentionner, c'est la date récente de la construction de la moitié d'entre elles. Il devenait donc nécessaire pour le gouvernement si, d'une part, il voulait faire preuve de cohérence dans rétablissement de ses politiques à long terme et vraiment mettre un terme à ces fermetures qui déshumanisent les quartiers et si, d'autre part, il voulait améliorer la qualité de l'enseignement au Québec, de profiter de ces négociations pour mettre de l'avant de nouvelles formules, ce que mathématiquement il n'a pas fait.

Le Conseil supérieur de l'éducation avant demandé par un avis, le 12 décembre 1974, pages 34 et 35, que les négociations entre le gouvernement et les professeurs ne se fassent pas d'une façon

cachée, qu'on mettre la population dans le coup, qu'on ouvre les négociations. Je cite ce qu'on disait à la page 48: Que la négociation locale (selon le conseil, toutes les conditions de travail devraient être négociées au niveau local) se fasse non dans le contexte de simple louage de services des enseignants, mais dans un contexte où l'on cherche un vrai partage, avec les commissions scolaires locales, les parents et les étudiants, des responsabilités globales de l'éducation dans le milieu. Même là, M. le Président, on veut que les parents et les professeurs soient des partenaires responsables dans une continuité de l'éducation des enfants.

Mais le gouvernement, lui, veut avoir le vote des parents et pour cela il veut que les professeurs soient des boucs émissaires. Devant son impuissance, il veut blâmer les professeurs, avant même qu'ils aient fait des gestes, pour dire aux parents: Quand cela va aller mal, préparez-vous, ce sera à cause des professeurs. M. le Président, il est temps que la vérité soit dite et que les parents comprennent et réalisent de plus en plus que les professeurs ont fini de jouer le rôle de boucs émissaires parce que cela fait l'affaire des députés libéraux, parce que cela leur fait avoir des votes.

Les parents ne seront pas longtemps bernés, M. le Président. Ils sont de plus en plus conscients, ils sont de plus en plus impliqués dans les comités d'école et dans les comités de parents pour faire réaliser que le gouvernement va se retrouver bientôt seul à ne pas comprendre qu'il doit réaliser quelque chose au niveau de l'éducation et corriger un système, renverser la vapeur avant qu'il ne soit trop tard.

Le milieu de l'éducation étant extrêmement sensibilisé au problème de la qualité de l'enseignement au Québec, et ce pour les diverses raisons que nous avons énumérées, nous sommes heureux de nommer ceux qui ont déjà donné leur appui aux recommandations de base. Je ne dis pas qu'il faut appuyer tout ce que les professeurs demandent, non, il faut faire attention a cela. C'est une base, c'est une négociation, c'est sûr.

M. Bédard: Ah!

M. Léger: Une chose importante...

M. Bérard: De la paternité, parlez-en donc!

M. Léger: ... les commissions scolaires de La-keshore, Henri-Bourassa, Laurentides, Tardivel, Portneuf, du Golfe, Côte-Nord, du Bas-du-fleuve, La Neigette, Métis, Beauport, Lotbinière, Mille-Iles, Rivière-du-Loup, Jean-Talon, Tilly, Honoré-Mercier ont déjà exprimé publiquement leur désaccord aux offres gouvernementales. Le Protestant School Board of Greater Montreal a fait de même. La Commission des écoles catholiques de Montréal, par la voix de sa présidente Mme Thérèse Lavoie-Roux, a exprimé encore des réserves sur ces mêmes offres gouvernementales. L'Association des directeurs d'écoles de Montréal, l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires de Montréal, l'Association des cadres scolaires du Québec, le Conseil d'administration du CEGEP Sainte-Foy appuient les revendications des enseignants.

Plusieurs comités de parents à travers tout le Québec, dont celui de l'école Saint-Alphonse à Montréal...

M. Lessard: Question de règlement. Sans doute parce qu'il y a beaucoup de députés qui ont subi la paternité, nous n'avons pas quorum. Ils sont probablement en vacances.

Le Président suppléant (M. Pilote): Qu'on appelle les députés!

L'honorable député de Maisonneuve.

M. Léger: On parle de choses sérieuses, on parle d'éducation. D'accord?

Plusieurs comités de parents à travers tout le Québec, dont celui de l'école Saint-Alphonse de Montréal, celui de l'école Jean-François-Perreault à Québec, celui de la polyvalente Pierre-Dupuys à Montréal, celui de la commission scolaire Jérôme LeRoyer de mon comté, le comité central des parents de la Commission des écoles catholiques de Montréal font également de même. Le président de la Fédération des commissions scolaires catholiques de Québec, M. Hubert Lavigne, a déclaré que les demandes des enseignants constituaient une très bonne base de négociation. Tous ces organismes, dans un nombre jamais vu au Québec, nombre qui s'accroît de jour en jour, jusqu'au moment où le gouvernement sera seul, appuient les principes directeurs guidant les revendications des enseignants, quand ce ne sont pas carrément les revendications elles-mêmes, dans leur moindre détail. Il y a vraiment de quoi laisser songeur.

Pour toutes ces raisons, nous croyons que les demandes des enseignants, concernant la charge de travail, constituent — je pèse mes mots et j'espère que le ministre m'écoute actuellement — un objectif réaliste que l'on doit chercher à atteindre le plus rapidement possible. D'ailleurs, l'appui populaire qui leur est donné est un gage de leur sérieux et de leur caractère valable. Le gouvernement, à notre avis, devrait reconnaître comme étant la seule base valable de négociation et comme conséquence de cette reconnaissance le fait de modifier substantiellement le contenu de ses propres offres. Cette opinion que nous mettons de l'avant, à l'effet que les demandes des enseignants constituent la seule base valable d'une négociation fructueuse pour l'amélioration de la qualité de l'enseignement, est considérablement renforcée dans notre esprit par un rapide tour d'horizon de la situation prévalant dans les écoles de diverses régions du Québec.

Il est facile, parfois, de maintenir une discussion au niveau des principes; c'est autre chose de prendre la peine d'aller voir. Au niveau de la réalité quotidienne, vécue par le monde ordinaire, à travers tout le Québec, nous avons donc choisi des écoles au hasard dans la province pour voir ce qu'étaient, en pratique, les problèmes de l'éduca-

tion au Québec. J'aimerais bien que le ministre fasse la même chose. Or, chaque fois que nous avons examiné une région et ses écoles, que ce soit la Côte-Nord, Québec, Montréal, Chicoutimi, nous avons découvert, par ces échantillons, les multiples raisons qui, multipliées par cent, par mille, par dix mille font que l'enseignement se porte mal au Québec.

De ces exemples pratiques, nous aimerions citer les suivants qui sont dans le cadre de ce que je viens de mentionner. La demande des enseignants voulant qu'un nombre maximum d'élèves soit dans une classe de 20 ou 22, par exemple, à l'élémentaire, n'a rien de révolutionnaire et ne vise qu'à revenir à la situation qui a toujours prévalu dans l'éducation jusqu'en 1967/68, année où le ministère a commencé à mettre de l'avant de nouvelles méthodes de calcul utilisant des ratios pour répartir les ressources humaines.

La revendication des enseignants à cet égard est loin d'être farfelue. Nous l'appuyons parce qu'il faut remédier à cette situation comme à Montréal où à la Commission scolaire régionale Jérôme-LeRoyer — je vous donne des exemples dans mon comté à l'élémentaire 37 écoles anglaises sur 38 ont plus que 24 élèves par professeur; 133 classes sur 172 ont plus de 24 élèves par professeur. Dans le deuxième cycle, 18 classes anglaises sur 38 ont plus de 30 élèves par professeur et 51 classes sur 172, dans le deuxième cycle à l'école française, ont plus de 30 élèves par professeur. Est-ce qu'on peut s'imaginer qu'un professeur qui a de la préparation, qui a de la correction à faire est capable d'améliorer la qualité de son enseignement quand il a tant d'élèves que cela? Pire que cela, au deuxième cycle de l'élémentaire, 142 classes sur 177, il y a plus de 26 élèves par professeur et dix écoles anglaises sur 41 dans mon comté ont plus de 30 élèves par professeur. Au niveau secondaire, M. le Président, la situation est à peu près la même qu'à l'élémentaire et la moyenne varie de 30, 35 jusqu'à 45 élèves par professeur. Et on veut parler de qualité de l'enseignement! Ce n'est pas une préoccupation du gouvernement.

A Montréal également, à la polyvalente Anjou, secondaire II à V, le cours de sciences laboratoire est prévu pour 32 élèves et la moitié de groupes qui assistent dépassent ce chiffre. Dans cette polyvalente la moyenne d'élèves par classe est de 35 élèves et le quart de celle-ci c'est entre 37 et 38. Les professeurs comptent tout simplement sur l'absence des élèves pour être capables de donner leurs cours. Là encore on compte également sur les absences au niveau des classes de français dont la majorité des groupes comptent 35, 38 et 39 élèves par classe. En classe d'écologie, le professeur a 42 élèves sur sa liste; les 32 premiers arrivés trouvent une place, puis on ferme tout simplement la porte. Il faut aller voir ce qui se passe dans le domaine de l'éducation. Cela ne prend pas des gros technocrates pour cela; il faut aller voir ce qui se passe. Cela est à Anjou.

A Montréal, à l'école Félix-Leclerc, à Pointe-aux-Trembles, le ratio maître-élèves est passé de 1/28 à 1/26, à cause de l'engagement d'un spécialiste en éducation physique. A Chicoutimi, à l'école Saint-Joachim et à l'Institut de technologie, deux établissements à vocation orthopédique, c'est-à-dire établissements voués à la rééducation d'enfants inadaptés, ce qu'on appelle des socio-affectifs profonds, les cours se donnent à 21 élèves par groupe, alors que le ratio est de 1/8 et 1/12 selon le cas. A Chicoutimi aux écoles Charles-Gravel et Lafontaine, des classes ont déjà contenu jusqu'à 41 élèves. A Lévis, dans la région de Québec — ce n'est pas loin, le ministre peut aller voir cela — où la Commission scolaire de Pointe-Lévy, à l'école Saint-Louis-de-Pintendre, les maternelles accueillent 48 élèves pour la classe qui, normalement, devrait en contenir seulement 20. A Sainte-Anne, les classes de débiles légers contiennent quinze ou seize élèves par classe alors que ce nombre devrait être de huit à douze. Ce sont là les conséquences des ratios et des quotas. A Québec, à la polyvalente Samuel-de-Champlain, à Giffard, les cours d'anglais se sont donnés pendant deux mois et demi dans le laboratoire de chimie où il n'y avait pas de place pour asseoir tout le monde. La demande des enseignants voulant que leur tâche soit allégée ou mieux répartie afin qu'ils puissent passer plus de temps à préparer le contenu de leurs cours est parfaitement légitime, si l'on tient compte qu'il faut, à un bon professeur, 45 minutes pour préparer un cours de 45 minutes. La demande syndicale de fixation de périodes moyennes de cours à 20 périodes, c'est-à-dire 900 minutes par semaine, constitue évidemment un idéal qu'il ne serait pas facile d'atteindre du jour au lendemain, on l'admet. Le ministre lui, je ne sais pas s'il a l'intention de l'atteindre un jour, on sait que cela ne se fait pas du jour au lendemain. Mais, ce qui est important, c'est dans ce sens qu'il faut se diriger, si l'on veut vraiment améliorer la qualité de l'enseignement.

M. Garneau: Le député de Lafontaine me permet-il une question?

M. Léger: ... actuellement prodigué au Québec. Pardon?

M. Garneau: Me permettez-vous une question?

M. Léger: Oui.

M. Garneau: Lorsque vous vous dites d'accord avec les 900 minutes, j'ai cru comprendre dans votre texte qu'il s'agissait de 900 minutes d'enseignement. C'est cela qui est...

M. Léger: Non, c'est tout compris dans la semaine.

M. Garneau: A la demande.

M. Léger: A la demande. Et à la demande, il y avait un surplus.

M. Garneau: Alors, puis-je vous suggérer d'employer les mêmes termes; pas dire 900 minutes d'enseignement.

M. Léger: D'accord, mais si le ministre essaie de m'accrocher sur des erreurs d'expression ou des lapsus...

M. Garneau: Mais c'est parce que...

M. Léger: ... je pense que c'est plus important que cela.

M. Garneau: ... c'est le jour et la nuit ce que vous dites et ce que vous semblez vouloir dire.

M. Léger: Le ministre sait fort bien de quoi je parle.

M. Garneau: II y a une différence entre ce que vous dites et ce que vous semblez vouloir dire.

M. Léger: M. le Président, c'est dans ce sens qu'il faut se diriger si l'on veut vraiment améliorer la qualité de l'enseignement actuellement prodigué au Québec car les enseignants y sont pour la plupart réellement surchargés de travail.

Quant à l'autre revendication des enseignants qui se traite globalement avec celle concernant la charge de travail, soit l'engagement de spécialistes en éducation physique, musique, arts plastiques, etc., qu'il suffise de dire que c'est le gouvernement lui-même qui a ouvert la voie à cette revendication. Aucune demande des enseignants ne saurait être aussi légitime que celle-là quand on sait, par exemple que le rapport Beauregard, sur l'implantation de l'éducation physique aux niveaux élémentaire, secondaire et collégial en fait mention.

M. le Président, nous appuyons donc les revendications dans ce sens des enseignants au chapitre de la charge de travail et de l'engagement de spécialistes parce qu'il faut mettre fin une fois pour toutes à une situation comme celle qui existe à la polyvalente Anjou, par exemple. Si un professeur fait la classe à 136 élèves, soit quatre groupes de 32 et qu'il leur donne une composition française d'une page, il peut mettre 20 minutes de correction par page, mais si, en vertu des offres gouvernementales, le nombre de périodes qu'il doit effectuer passe de 22 à 25, c'est cinq groupes de 32 élèves qu'on lui donne, ce qui aura pour effet de porter les heures de correction qu'il devra effectuer au nombre incroyable de 50, ce qui est impossible dans un système d'enseignement normal.

A l'école Félix-Leclerc, a Pointe-aux-Trembles, souvent, dans le passé, les spécialistes d'éducation physique qui avaient été engagés ont été affectés à un travail d'animation, ce qui a eu pour effet de faire en sorte que ce sont les professeurs eux-mêmes qui préparent les cours d'éducation physique, ajoutant ainsi à leur charge de travail. Présentement, au niveau élémentaire de cette école, il est question d'ajouter la musique à la grille des cours. Les professeurs doivent donc, en plus de leur travail hebdomadaire, se recycler en prenant des cours de musique non crédités.

Ce sont là des problèmes concrets qu'on vit tous les jours. C'est la même chose pour l'implantation projetée de cours de théâtre et de nouveaux cours de sciences de la nature. De même le recyclage en système international métrique se fait en dehors des heures de travail, souvent même des journées pédagogiques flottantes. A la polyvalente Fréchette, Anse Saint-Jean, un enseignant donne 24 périodes de cours par semaine à six groupes différents. Deux niveaux différents, le tout en vertu de trois programmes différents. Ce sont toutes des choses qu'on vit quotidiennement.

Au chapitre de la sécurité d'emploi, nous estimons que la situation actuelle d'instabilité de l'emploi de professeur ne peut cadrer — et là je pèse mes mots — à long terme avec une politique de meilleure qualité de l'enseignement. Qu'on y pense deux fois. Aucun professeur ne peut avoir envie de poursuivre une carrière et essayer de poursuivre un idéal de perfectionnement si, à tout moment, en vertu de la fluctuation constante des clientèles scolaires et la diffusion de prévisions de celles-ci, il peut être remis en disponibilité, comme d'ailleurs des milliers le sont chaque année au cours de l'été.

Un enseignant qui n'a pas travaillé pour le même employeur et de façon continue pendant trois ans, n'a droit en principe à rien du tout. Comment voulez-vous qu'un enseignant se fasse une carrière, ait un idéal de perfectionnement s'il n'a pas de sécurité d'emploi; s'il doit être, comme je le disais tantôt en caricaturant, soumis au repêchage régional pour cinq jours et national pour cinq autres jours et après ne plus avoir de "job"?

M. le Président, il faut penser que si l'on confie nos enfants à des personnes qui sont des professionnels de l'éducation, qui ont entre leurs mains ce que je qualifiais tantôt de la plus grande richesse naturelle du Québec, si on les leur confie, il faut leur donner les moyens de réaliser les objectifs qu'on a en commun, les professeurs comme les parents: celui de faire de nos enfants des adultes avec une maturité, une formation, avec un sens civique et une connaissance des valeurs que véhicule notre société québécoise.

Pour cela, il faut que les partenaires de l'éducation s'entendent. Il est grand temps que le gouvernement comprenne cela.

Nous aurions pu, au cours de cet exposé, parler également de la situation déplorable de l'enseignement prodigué pour cette catégorie, qu'on appelle la catégorie fourre-tout, l'enfance inadaptée. Nous aurions pu également traiter de l'éducation des adultes, dont le budget fédéral-provincial vient d'être réduit de 25%, ou du triste sort réservé à l'enseignement professionnel dans nos écoles, dénoncé d'ailleurs au gouvernement par la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, dans son mémoire du 13 septembre 1973.

Si nous avons choisi de volontairement circonscrire le débat à certains grands thèmes, c'est

que nous croyons que leur acceptation de principe par toutes les parties concernées par la convention collective des enseignants est véritablement la clé d'un nouveau départ pour l'éducation au Québec et que c'est véritablement à ce niveau que se joue l'avenir d'un enseignement de qualité au Québec. Si, d'un autre côté, nous avons choisi d'illustrer ces thèmes par des petits cas vécus par quelques centaines d'individus au Québec, c'est pour démontrer qu'une fois ces milliers de petits cas mis ensemble, il est assez fascinant de voir qu'ils peuvent, dans toute leur matérialité banale, projeter la même image que celle résultant de grands problèmes théoriques.

Nous demandons donc au gouvernement qu'il modifie le contenu de ses offres aux enseignants le plus rapidement possible afin que ce débat tant attendu concernant l'amélioration de la qualité de l'enseignement commence à avoir lieu au Québec.

Voilà, M. le Président, ce qui devrait faire réfléchir sérieusement le gouvernement du Québec et lui ouvrir les yeux. Quant à nous, nous croyons que les demandes des enseignants concernant la charge de travail sont un objectif réaliste que l'on doit chercher à atteindre le plus rapidement possible. D'ailleurs, l'appui populaire qui leur est donné est un gage de leur sérieux et de leur caractère valable.

Le gouvernement, à notre avis, devrait reconnaître les demandes syndicales comme étant la seule base valable de négociation et, comme conséquence de cette reconnaissance, modifier substantiellement le contenu de ses propres offres. Nous avons trop longtemps parlé, au Québec, de construction, de béton et d'administration. Il est temps qu'on parle maintenant et qu'on ouvre le débat sur l'éducation et sur la formation. Merci, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Pilote): L'honorable ministre de l'Education.

M. Raymond Garneau

M. Garneau: M. le Président, en vertu de l'article 24 du règlement de l'Assemblée nationale, l'Opposition déposait, il y a quelques jours, une motion privilégiée dont vient de nous parler le député de Lafontaine.

Bien qu'il soit de bonne guerre pour l'Opposition officielle d'essayer d'embêter le gouvernement, je trouve que cette motion est mal à propos et fait preuve d'irresponsabilité de la part des membres du parti séparatiste.

On aurait dû être conscient, de ce côté-là de la Chambre, qu'au moment où on tente de franchir les premiers pas d'une négociation avec les dirigeants syndicaux de la CEQ il est loin d'être certain qu'un débat, à ce stade-ci, puisse aider au règlement de ce qui est à l'origine de la motion, à savoir le renouvellement des conventions collectives.

Situé hors de son contexte, un tel énoncé pourrait laisser croire — je me réfère à la motion du député de Lafontaine — que le système d'éducation, au Québec, est dans un état de sous- développement prononcé, que l'enseignement dispensé dans nos écoles est d'une qualité déplorable et que, de façon générale et permanente, le climat de travail est intenable.

Mais tel n'est pas le cas. Pour bien comprendre la motion déposée, il faut la situer dans le contexte bien particulier qui prévaut depuis quelques semaines et qui fait appel aux différents phénomènes qui entourent les négociations de conventions collectives et, en particulier, celles du secteur de l'enseignement. Puisqu'il n'est pas possible de comprendre autrement la motion déposée par l'Opposition, je vais m'employer à faire le point sur la qualité de l'enseignement et sur le climat qui prévaut dans les écoles au moment où le gouvernement et ses partenaires, c'est-à-dire la Fédération des commissions scolaires et la Fédération des CEGEP, tentent de négocier des conventions collectives avec le personnel du monde scolaire.

Personne n'ignore les efforts extraordinaires qui ont été faits depuis près de quinze ans, au Québec, pour améliorer la qualité de l'éducation. Pour bien illustrer cette évolution, voire même cette révolution scolaire, il faudrait longuement passer en revue les principaux développements survenus depuis la création de la commission Parent.

Je n'ai pas l'intention de dresser aujourd'hui un bilan de cette réforme scolaire, puisque la mention de la commission Parent évoque à elle seule des souvenirs récents et des faits que ne saurait détruire une motion circonstanciée ou une affirmation ou une série d'affirmations à l'emporte-pièce, comme vient de le faire le député de Lafontaine.

Il n'est cependant pas inutile de rappeler que, depuis plusieurs années, le Québec consacre plus du quart de son budget à l'éducation; que des équipements modernes et adaptés à l'évolution de la pédagogie ont été mis en place; que les structures de l'organisation scolaire ont évolué rapidement pour tenir compte des besoins nouveaux des élèves.

En dehors des structures, de la modernisation des écoles et de l'adaptation de la pédagogie, des efforts considérables ont été faits pour favoriser la formation académique des maîtres et leur perfectionnement. Au début de cette réforme de l'éducation, non seulement fallait-il parler en termes de structure, mais il fallait aussi parler en termes d'accroissement du nombre de ceux qui travaillent dans le monde de l'éducation.

Que cette évolution rapide ait connu des heurts, qu'elle ait bouleversé des habitudes, qu'elle ait provoqué périodiquement des remous dans les écoles, c'est là une évidence. Tout en regrettant que de telles choses se produisent et tout en essayant de les éviter, il ne faut quand même pas dramatiser et évoquer, de façon puérile, des perspectives de faillite. Il reste clair que la démocratisation de l'enseignement a été réalisée et que la population du Québec a maintenant atteint un taux de scolarisation qui traduit bien les efforts déployés.

Une étude réalisée au ministère de l'Education

et publiée en juin dernier, dans la revue Statistiques du Québec, permettait d'affirmer qu'en 1971 tous les enfants acquièrent une formation élémentaire; près de 90% des élèves inscrits au secondaire parviennent au diplôme; le tiers des finissants du secondaire V ont reçu une formation professionnelle et entrent sur le marché du travail; la moitié des finissants du secondaire V ou un peu plus de 40% des jeunes, s'inscrivent au collégial où ils se répartissent, à peu près également, entre les secteurs général et professionnel; la majorité des finissants du collégial général entrent à l'université où la plupart d'entre eux terminent au moins le diplôme de premier cycle.

Les auteurs de cette étude concluent en disant: "C'est là un tableau assez réjouissant, si on songe qu'au début du siècle la scolarité moyenne n'excédait vraisemblablement pas la septième année d'étude".

Personnellement j'ajoute que cette situation est fort différente de celle qu'ont connue la plupart de ceux qui dépassent 35 ans aujourd'hui. Ceux-là se souviennent que, pour atteindre l'université, la seule voie d'accès possible était le collège classique, collège que l'on retrouvait presque uniquement dans les villes et dont, de toute façon, le nombre limité ne permettait pas de recevoir beaucoup plus que quelques milliers d'étudiants.

Tout à l'heure j'écoutais le député de Lafontaine parler du transport scolaire; cela me rappelait les meilleurs discours de Gilberte Côté-Mercier. Lorsqu'il parle du transport scolaire, je lui demanderais de réfléchir quelques minutes et de mettre en parallèle la situation qui prévalait avant la réforme de l'éducation et la situation qui prévaut aujourd'hui. Lorsqu'un nombre très limité de maisons d'enseignement pouvait dispenser cette éducation qui donnait accès à l'université, il n'y avait pas uniquement des questions de transport, c'était le pensionnat et dans des conditions difficiles. Aujourd'hui, nous avons réussi quand même à mettre sur pied, à travers le Québec, non seulement des éooles élémentaires, secondaires, mais également, dans les différentes régions, des niveaux de scolarité qui permettent l'accès jusqu'aux études universitaires et je pense que c'est là un point extrêmement positif. La population du Québec, par ses efforts, a permis de démocratiser renseignement et d'en porter l'accessibilité non seulement à toutes les classes de la population mais aussi dans toutes les régions du Québec.

Ces constatations qui portent sur le niveau de la formation scolaire de la population du Québec en 1971 indiquent donc une tendance qui a continué de s'accentuer au cours des quatre dernières années. De plus, des études réalisées pendant ces années ont permis de mesurer le niveau de satisfaction des étudiants du secondaire et du collégial, et les résultats qui en découlent sont très satisfaisants. Ils ne permettent en aucune façon de parler de la situation déplorable du système d'éducation au Québec de la façon dont en a parlé le député de Lafontaine.

S'il fallait encore ajouter à ce bref aperçu de la situation scolaire chez nous, on pourrait largement citer le rapport préliminaire de l'étude que l'OCDE a réalisée cette année sur les politiques et sur la situation de l'éducation au Québec. Comme il va de soi, on traitait de la situation de l'éducation non seulement au Canada, mais au Québec et dans chacune des provinces canadiennes.

J'ai cependant retenu pour les soumettre à votre attention trois passages de ce rapport, qui sont particulièrement éclairants sur la situation de notre système scolaire. Je cite, M. le Président, quelques extraits d'un rapport qui a été préparé par les examinateurs de l'OCDE, qui sont venus ici, au Québec, et dans les provinces canadiennes pour étudier le système, faire rapport et le comparer à ce qui existe ailleurs dans le monde. "Un changement sans précédent s'est produit au Québec. Tout un système d'éducation est passé d'une structure fermée, fragmentée et élitiste à une structure ouverte et unifiée; d'un programme d'enseignement classique, archaïque et étroit d'esprit à un modèle moderne et polyvalent; d'une philosophie restrictive et à tendance cléricale à une approche ouverte et permissive. Ce développement a accompagné et a aussi déclenché un remous de toute la société qui, dans ce processus, a été profondément changée. "Vu de la lorgnette d'une politique sociale, l'enseignement postsecondaire complexe, diversifié, axé sur la communauté régionale et s'inscrivant dans une perspective d'ouverture représente plus qu'un enrichissement quantitatif du paysage global du monde de l'éducation, bien que nombre d'édifices neufs que les examinateurs de l'OCDE ont visités étaient impressionnants et que ces établissements disposaient d'un équipement et d'un ameublement abondant. Cela témoigne à un degré encore plus élevé de l'implication de la base d'une société démocratique et ouverte dans le projet éducatif, implication qui va largement au-delà de ce qu'on rencontre habituellement dans les pays membres de l'OCDE. "Les examinateurs de l'OCDE n'ont pas été surpris de constater que l'idée audacieuse de collèges polyvalents n'a pas pu être implantée en si peu d'années sans engendrer une bonne dose de frictions et de critiques. On peut cependant espérer, toutefois, que ceux qui sont responsables des politiques éducatives, que les professeurs et les étudiants des CEGEP réussiront à surmonter les difficultés. Le CEGEP constitue un modèle éducatif et sociopolitique qui revêt une importance internationale. L'abandon maintenant de cette entreprise très prometteuse constituerait une défaite qui véhiculerait des conséquences fâcheuses non seulement pour le Canada, mais pour plusieurs autres pays."

Ce témoignage des examinateurs de l'OCDE, qui sont venus au Québec analyser notre système d'éducation, est fort éloquent. Les mérites, s'il y en a, reviennent aux premiers responsables de cette évolution positive, les parents qui ont accepté la réforme de l'éducation, les administra-

teurs scolaires qui l'ont implantée et aussi les milliers d'éducateurs. C'est à ceux-là que revient tout le mérite et à qui le témoignage des examinateurs de l'OCDE doit être rendu.

C'est dans des perspectives de cette nature qu'il faut situer les critiques que l'on formule sur notre système scolaire. Il ne s'agit pas, bien sûr, de masquer la réalité et de vouloir nier que la qualité de l'enseignement puisse encore être améliorée. Ce que je reproche à la position séparatiste, c'est d'utiliser un incident de parcours, soit la négociation collective, pour dire que tout va mal, et d'essayer de discréditer le système d'enseignement et cela, uniquement pour des fins électorales, pour obtenir le vote de ceux qui pourraient être mécontents.

Quoiqu'il en soit des intentions de l'Opposition séparatiste, il me semble évident que tous ceux qui s'intéressent à la chose scolaire au Québec poursuivent les mêmes objectifs: améliorer encore davantage la qualité de l'enseignement. Mais, si tous tiennent un discours analogue au plan des objectifs, il y a encore des divergences sérieuses au plan des moyens et le contexte actuel de négociation de conventions collectives nous permet de mieux mesurer ces divergences. La qualité de l'enseignement est fondée sur de nombreux paramètres et je n'ai pas l'intention de les analyser tous ici.

Cependant, à mes yeux, la qualité de l'enseignement passe d'abord et avant tout par les relations que le maître établit avec l'élève. Les fruits de cette rencontre sont les plus permanents, ceux qui contribuent le plus à former un homme. Quand on fait un retour en arrière et qu'on se remémore les années passées à l'école, ce qui revient le plus facilement à la mémoire et ce qui apparaît le plus marquant reste invariablement l'année ou les années que l'on a vécues dans telle classe avec tel ou tel professeur.

Chacun se souvient de ses années d'étude par le biais des professeurs qu'ils l'ont marqué. Or, je doute que dans quelques années les élèves d'aujourd'hui se souviendront de ceux parmi leurs professeurs qui auront invité leurs collègues, en période de négociation, à se déclarer malades, à boycotter les examens, à refuser de remettre les bulletins scolaires, à mettre de la colle dans les serrures, etc.

La qualité de l'enseignement, je le répète, passe par les relations qui se développent entre les élèves et leurs maîtres, dans un contexte de formation, d'éducation où le maître garde le respect professionnel et moral de ses élèves. Cette qualité de l'éducation est aussi favorisée par l'encadrement des enseignants et des élèves. Des discussions sont en cours pour assurer que, par le biais des normes budgétaires et de la politique administrative et salariale, cet encadrement soit rendu plus efficace et plus productif.

Si tous sont d'accord pour développer encore davantage la qualité de l'éducation, tous conviendront également que cela n'est pas possible à n'importe quel prix. A la limite, certains diront que la relation maître-élèves serait probablement meil- leure s'il y avait un maître pour chaque élève. Je suis loin de croire que ce soit vrai cependant. Comme de toute façon cela n'est pas possible, il faut donc essayer, de façon évolutive, de mettre à la disposition des élèves des maîtres en nombre suffisant pour que soient atteints les objectifs poursuivis aux différents niveaux du système scolaire.

Des efforts marqués ont été faits en ce sens au Québec depuis plusieurs années et la partie patronale a continué dans cette voie dans les offres qu'elle a déposées aux tables de négociation au mois de novembre dernier. Parmi les enjeux de la négociation, trois points majeurs rassortent de façon particulière. Il s'agit de la charge de travail, ce qu'on a appelé la tâche, la sécurité d'emploi et la rémunération. Au sujet de la charge de travail, M. le Président, je voudrais déposer, à l'intention des députés, un tableau qui établit de façon schématique les demandes syndicales, l'offre patronale et des commentaires.

M. le Président, je suggère qu'à ce niveau-ci de mon intervention on puisse inclure dans le journal des Débats ce tableau, pour faciliter la compréhension du lecteur au fur et à mesure des explications que je donnerai par la suite, et je voudrais le déposer sur la table du greffier. En même temps, je demande aux pages de passer le tableau concernant la charge de travail de telle sorte que les membres de l'Assemblée nationale puissent en prendre connaissance. (Voir annexe)

M. le Président, sur la charge de travail, une donnée de base ne semble pas contestée...

M. Lessard: Question de directive, si le ministre me permet. M. le Président...

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Le député de Saguenay.

M. Lessard: ... je pense que vous étiez à ce moment-là président de l'Assemblée nationale, lorsque j'avais eu l'occasion de demander d'inscrire des tableaux à l'intérieur d'une intervention que je faisais à l'Assemblée nationale. Vous aviez cru bon, je pense, si je me rappelle bien, de demander l'unanimité de la Chambre. Le ministre voulant que des tableaux soient inscrits à l'intérieur de son intervention, est-ce que vous avez l'intention de suivre cette même politique?

M. Garneau: M. le Président, cela m'est arrivé à un certain nombre de reprises de faire cette demande; je pense que d'autres personnes l'ont faite également et qu'elle a été acceptée. S'il faut une motion j'en fais la motion pour qu'elle soit inscrite à ce moment-là...

M. Bédard (Chicoutimi): ... au député de Saguenay par exemple.

M. Lessard: Je demandais au président s'il avait l'intention d'appliquer la même politique, parce que je voudrais simplement indiquer au ministre des Finances qu'à ce moment-là on m'avait refusé l'unanimité. Quant à moi...

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît. Pour plus de sûreté, je vais demander le consentement unanime pour que ce soit inscrit, quand le tableau sera inscrit au journal des Débats.

M. Lessard: C'est justement la différence, M. le Président. La différence c'est que vous m'aviez obligé à lire mes tableaux, ce qui change complètement bien souvent l'intervention qu'on a à faire, ou ce qui aurait pu changer l'intervention du ministre. C'est simplement pour vous le souligner. Nous donnons quand même la permission au ministre d'inscrire ce tableau, mais j'espère que cette politique sera acceptée lorsque nous vous demanderons la même chose aussi, qu'on n'aura pas deux poids deux mesures.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Le ministre de l'Education.

M. Garneau: M. le Président, je remercie les députés de cette Chambre de le permettre et j'espère que nous aurons ce même échange de bons procédés, non seulement là-dessus, mais aussi sur le vote des députés qui arrivent des fois quelques minutes en retard à l'occasion des votes.

Sur la charge de travail, une donnée de base ne semble contestée par aucune des parties à la négociation. La commission d'étude sur la tâche des enseignants à l'élémentaire et au secondaire a demandé aux enseignants combien d'heures par semaine ils travaillaient. Les déclarations obtenues, qui ont été compilées, donnaient comme résultat que les enseignants déclaraient travailler entre 37 et 42 heures par semaine pendant l'année scolaire, c'est-à-dire 200 jours entre le 1er septembre et le 30 juin.

Utilisons donc comme référence utile la donnée de 40 heures par semaine — qui se situe entre 37 et 42 — à l'intérieur desquelles un enseignant s'acquitte de l'ensemble de ses tâches, y compris la préparation des cours et la correction des examens. Quand je me réfère à 40 heures, évidemment, je me réfère à 40 heures par semaine pendant l'année scolaire, c'est-à-dire de septembre à juin. La principale question qui est débattue entre les parties à la négociation est celle de l'allocation de ces 40 heures entre des activités spécifiées et des activités libres de travail personnel.

A l'élémentaire, les enseignants titulaires de classe peuvent travailler jusqu'à 25 heures par semaine en présence des élèves soit pour de l'enseignement, soit pour d'autres activités éducatives. En fait, le nombre d'heures de présence des élèves à l'élémentaire varie entre 20 heures, 1,250 minutes, et 25 heures, 1,500 minutes.

Je m'aperçois que ce que les pages distribuent n'est pas le tableau dont je viens de parler. On en distribue d'autres. Je ne voudrais certainement pas qu'ils soient tous inscrits à ce moment-ci de mon intervention. Celui que vous avez, M. le greffier, est juste. Le tableau que j'avais demandé de distribuer est celui concernant la charge de travail et je m'aperçois qu'on en distribue d'autres.

Ils viendront un peu plus tard, mais je ne voudrais pas que les députés soient mêlés.

Je reprends les propos que je tenais. A l'élémentaire, les enseignants titulaires de classes peuvent donc travailler — c'est le cas actuellement et c'était le cas l'an dernier — à peu près 25 heures par semaine en présence des élèves, comme je l'ai mentionné, soit pour de l'enseignement, soit pour d'autres activités scolaires. En fait, le nombre d'heures de présence des élèves à l'école élémentaire varie entre 20 et 25 par semaine, le programme variant entre 1,250 et 1,500 minutes. L'horaire des enseignants titulaires correspond donc à celui des élèves, mais les titulaires sont remplacés par des spécialistes pendant une ou deux périodes par semaine, ce qui, en pratique, les dégage d'autant.

La partie patronale propose d'améliorer cette situation. Elle offre d'augmenter le nombre d'enseignants à l'élémentaire en abaissant l'équivalent du ratio 1/26 à 1/23.8 étudiants, ce qui aura pour effet, en pratique, d'alléger la tâche de prestation d'enseignement soit en diminuant le nombre d'élèves par classe, soit en permettant l'embauche de plus de spécialistes lesquels, évidemment, donneront des cours qui dégageront, pour un certain nombre de périodes par semaine, les professeurs titulaires. Le rapport d'un professeur par 23.8 élèves est obtenu en utilisant un rapport de 1/24 pour les trois premières années de l'élémentaire, en maintenant 1/26 pour les trois dernières années et en ajoutant un professeur de plus pour chaque 20 professeurs ainsi obtenus. Cette opération aurait ajouté quelque 2,000 enseignants au contingent des 24,800 enseignants de l'élémentaire, suivant les statistiques de la clientèle scolaire 1974/75.

Tout à l'heure, le député de Lafontaine parlait des fameux ratios, qui étaient du chinois, etc. Je préférerais, personnellement, qu'il n'y ait pas, dans les conventions collectives de travail, de ratios. Je serais le premier heureux si ce qui est administratif et normatif et qui a des aspects financiers n'était pas dans une convention collective de travail. Je préférerais cela et de beaucoup, mais les enseignants veulent savoir combien ils seront pour accomplir la fonction d'enseigner à un certain nombre d'élèves. Ce qui est arrivé, c'est qu'avec le temps, dans le cadre des négociations ou des lois spéciales qui ont été présentées au cours des années, cette norme budgétaire a servi de base pour déterminer le nombre d'enseignants qui pouvait être utilisé par les commissions scolaires pour dispenser l'enseignement à un nombre donné d'élèves.

La proposition d'augmenter de 2,000 enseignants, sur la base de 1974/75, les professeurs qui se dévouent à l'élémentaire me paraît raisonnable. Par contre, la demande syndicale me paraît nettement extravagante. Elle aurait pour effet d'ajouter quelque 24,000 enseignants à l'élémentaire, c'est-à-dire de doubler purement et simplement le nombre des enseignants à l'élémentaire.

Et là, je reviens à la proposition du député de Lafontaine qui, tout à l'heure, approuvait 100% la

demande de M. Charbonneau et de la CEQ. Je demanderais aux gens de l'Opposition, si on disait oui à la demande de la CEQ, où prendrait-on les enseignants, en 1976-1977, pour remplir les fonctions d'enseignement au niveau élémentaire, alors qu'il faudrait doubler en une seule année le nombre de professeurs? C'est cela la demande de la CEQ: doubler le nombre de professeurs à l'élémentaire dans une seule année. Même si on voulait, même si c'était possible financièrement, on ne pourrait pas avoir les enseignants. Il faudrait ramasser les promotions de toutes les universités canadiennes, puis je ne suis pas sûr qu'on en aurait encore assez, uniquement pour l'élémentaire.

M. Léger: Est-ce que le ministre me permet une question?

M. Garneau: Appliquer aux inscriptions...

M. Léger: Est-ce que le ministre me permet une question?

M. Garneau: Oui, certainement.

M. Léger: Le ministre sait fort bien qu'il est en train de négocier. C'est sûr que la demande d'éducateurs est très forte, et que si cela répondait à cela, cela ne demanderait peut-être pas autant que vous dites, mais un certain nombre. Est-ce que vous ne pensez pas que le principe lui-même d'une sécurité d'emploi et d'un nombre limité d'élèves par classe permettrait une distribution et une sécurité d'emploi beaucoup plus efficaces? Donc, il y a un juste milieu entre les deux. Est-ce que, honnêtement, le ministre ne pense pas qu'il y a un juste milieu entre l'extrême qu'il vient de dire et l'extrême qui est demandé par les professeurs?

M. Garneau: M. le Président, en écoutant la question du député de Lafontaine, je me suis dit: Est-ce que je dois me fâcher ou ne pas me fâcher? Je dois lui répondre sur un ton calme et serein ou l'engueuler? Je pourrais l'engueuler uniquement en prenant ce qu'il a dit, tout à l'heure, dans son discours pour lui répondre. Je ne le ferai pas, parce que je trouve que le sujet est trop sérieux. Je pourrais lui dire: Branchez-vous, vous l'appuyez la CEQ ou vous ne l'appuyez pas. Ne commencez pas à flotter sur deux tableaux.

M. Léger: Ce n'est pas la question d'appuyer tout ce qu'ils demandent, j'ai demandé le principe de base de limite d'élèves.

M. Garneau: M. le Président, écoutez, c'est lui qui va se fâcher alors que moi je ne me suis pas fâché, je me retiens.

M. Lessard: Devant des niaiseries comme cela, à un moment donné il faut se fâcher.

M. Léger: Vous déformez ce que je dis.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît.

Une Voix: C'est vous qui dites des conneries, par exemple.

M. Lessard: Vos enfants sont à l'école privée aussi.

M. Garneau: Je ne savais pas, M. le Président, après avoir écouté...

M. Léger: C'est un bon truc cela pour ne pas répondre à une question, on dit une affaire de côté pour faire choquer l'autre.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Léger: Vous ne voulez pas répondre, d'accord.

M. Garneau: M. le Président, je ne suis pas intervenu quand le député de Lafontaine a parlé. J'aurais pu le faire à plusieurs reprises, je l'ai laissé aller. J'ai voulu lui poser une question, il me l'a permis, je l'ai posée, il a répondu et je n'ai pas dit un mot. Qu'il fasse donc la même affaire! Je ne lui demande pas plus que cela.

Je ne pouvais pas savoir M. le Président, après avoir écouté pendant une heure le député de Lafontaine, que je l'insulterais et que j'insulterais ses collègues d'une façon aussi directe en disant qu'il appuie la CEQ. Je ne savais pas cela.

M. Léger: C'est de la démagogie pure.

M. Garneau: Ecoutez, j'ai entendu ce que vous avez dit puis j'en conclus cela. On va lire le journal des Débats ensemble.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est vraiment rien comprendre au problème.

M. Lessard: C'est ça que vous faites.

M. Garneau: De toute façon, ce n'est pas cela le problème. Quand le député de Lafontaine me demande si, en principe, on est d'accord pour améliorer la qualité de l'enseignement et à diminuer la tâche à l'élémentaire, je réponds: C'est cela qu'on fait. Quand on augmente de 2,000 enseignants, sur la base 1974/75, les clientèles pouvaient varier, quand on dit qu'on augmente de 2,000 professeurs à l'élémentaire, c'est exactement cela qu'on fait. Quand on augmente de 2,000 professeurs, on donne encore plus de force à la clause de sécurité d'emploi que nous proposons, sur laquelle je reviendrai tout à l'heure, dans l'offre patronale au niveau de cette sécurité, non seulement des enseignants mais également des autres personnes qui travaillent dans le secteur de l'éducation.

M. le Président, cette demande de la CEQ aurait donc pour effet d'ajouter quelque 24,000 enseignants à l'élémentaire, c'est-à-dire de doubler purement et simplement le nombre des enseignants à l'élémentaire. Appliquée aux inscriptions de 1974/75, puisque nous avons les chiffres pré-

cis, la demande syndicale ferait passer le nombre d'enseignants à l'élémentaire de 24,800 à plus de 49,000. Non seulement cela n'est pas raisonnable, mais impossible à réaliser en termes d'effectif et de locaux disponibles, sans parler de l'aspect financier. Je viens de dire que pour trouver les 24,000 enseignants de plus que nous demande la CEQ, il faudrait qu'on ramasse à peu près toutes les promotions des facultés de formation de maîtres à travers le pays et il en manquerait. Mais en plus de cela, il faudrait bien, si on avait autant de professeurs, ou autant de groupes, il faudrait bien augmenter le nombre des écoles. Tout cela, sans exagérer, uniquement en calculant le nombre de groupes que cela représente de diviser les étudiants à travers la province, cela prendrait entre 500 et 800 écoles nouvelles. Mais cela, je ne l'invente pas, s'il y a deux fois plus de professeurs, puis deux fois plus de groupes, qui travaillent...

M. Lessard: II y a des écoles qui sont fermées depuis des années. Vous avez des écoles fermées depuis des années.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre! A l'ordre!

M. Bienvenue: M. le Président, une question de règlement.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Le leader adjoint du gouvernement.

M. Bienvenue: Le député de Lafontaine a parlé dans un silence absolu tout à l'heure, nous l'avons écouté...

M. Lessard: ...

M. Bienvenue: Taisez-vous et laissez-moi parler.

M. Lessard: C'est correct, vas-y donc!

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

Une Voix: Dites-lui donc qu'il retourne aux Iles.

M. Bienvenue: M. le Président, nous l'avons écouté et nous l'avons respecté sans nécessairement partager ses opinions. Le ministre des Finances et de l'Education tient des propos extrêmement sérieux qui peuvent fort bien ne pas recevoir l'approbation de nos collègues d'en face, mais il faut qu'un jour ils apprennent qu'on a le droit de parler de l'autre côté de la Chambre, qu'on doit les écouter et qu'on doit nous écouter, même si on ne partage les opinions émises. Je vous demande de les rappeler à l'ordre proprio motu, M. le Président, et s'ils ne sont pas sages, nous allons être obligés d'appeler le député de Maisonneuve.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable ministre de l'Education.

M. Garneau: M. le Président, cette demande de la CEQ, de M. Charbonneau, de 24,000 enseignants de plus à l'élémentaire est basée sur la fixation d'un nombre maximum d'élèves par classe de 20 pour les trois premières années et de 22 pour les trois dernières. De plus, et c'est à souligner, la CEQ demande de réduire la tâche à 15 heures par semaine ou 900 minutes, et non seulement pour l'enseignement. Tout à l'heure, j'ai posé ma question au député de Lafontaine. Ce n'est pas 900 minutes d'enseignement, mais c'est 900 minutes comprenant l'enseignement, la surveillance, les activités à l'horaire des élèves, les rencontres entre enseignants et professionnels non ensei-nants, avec les parents, la planification des travaux de l'année, le perfectionnement, le recyclage, la collaboration avec les enseignants stagiaires, et j'en passe.

Tout cela, 900 minutes. Quinze heures par semaine, c'est trois heures par jour pour faire ce que je viens de mentionner. C'est écrit dans la demande syndicale, dans le document qui a été déposé, à la clause — je pense que tous les gens connaissent ce document — concernant la charge de travail. Quand on demande 900 minutes par semaine, trois heures par jour, ce n'est pas uniquement pour de l'enseignement, mais c'est pour faire tout ce que je viens de dire. Quinze heures par semaine, trois heures par jour. En fait, si on devait accepter cela tel quel, non seulement nous serions irresponsables, mais je me demande s'il resterait du temps aux enseignants pour s'occuper des élèves. Je me demande surtout, et c'est plus grave, si les enseignants sont au courant du fait que la CEQ a déposé une telle demande en leur nom. Je serai surpris que ce soit pour la promotion d'une telle demande que certains enseignants se sont sentis justifiés de poser toutes sortes de gestes de harcèlement au cours des dernières semaines.

Abordons maintenant la tâche au niveau secondaire. Dans le document que j'ai fait distribuer, aux niveaux élémentaire et secondaire, vous allez retrouver les clauses telles qu'elles sont spécifiées à l'offre patronale et les commentaires tant pour la charge de travail à l'élémentaire qu'au secondaire, que je vais maintenant aborder.

Ici encore, la demande syndicale fixe un maximum de quinze heures par semaine pour l'enseignement, la surveillance, les activités à l'horaire des élèves, les rencontres avec les enseignants, avec les professionnels non enseignants, avec les parents, etc.

De nouveau, donc, la demande syndicale est de quinze heures par semaine au maximum, soit trois heures par jour. Peut-on demander mieux? Je pense que oui puisque la CEQ demande mieux encore en exigeant des maximums d'élèves par classe qui vont de 24 à 6, selon le type d'enseignement.

L'effet combiné de ces demandes est d'ajouter 18,000 professeurs au secondaire, c'est-à-dire que sur la base du nombre d'élèves de 1974/75, dernière année de la convention collective, le nombre de professeurs passerait de 35,800 à

54,000 enseigants qui auraient trois heures par jour de tâches assignées.

Encore une fois je serais curieux de vérifier si les enseignants du secondaire sont d'accord sur de telles exigences de la CEQ. La partie patronale, dans son offre, établit ses propositions sur la base d'une semaine d'environ 40 heures de travail, tel que l'a constaté la commission d'enquête à laquelle faisait allusion le député de Lafontaine, et que j'ai citée antérieurement.

Sur ces 40 heures de travail globales que l'enseignant reconnaît faire durant l'année scolaire, l'offre patronale considère que 32.5 heures devraient être mises à la disponibilité de la Commission scolaire et que, selon les circonstances, les entretiens locaux pourraient amender un peu cette considération. Elle reconnaît que la moyenne provinciale actuelle d'heures de prestations — et c'est là notre offre; nous disons actuellement qu'il se donne entre 22 et 23 périodes d'enseignement de 45 minutes par semaine, soit entre seize heures et demie et dix sept heures de cours par semaine.

C'est la situation actuelle dans la province de Québec. Il y a entre 22 et 23 périodes, en moyenne, d'enseignement au niveau secondaire.

Cela pourrait vous surprendre, mais l'offre patronale, contrairement à ce qu'ont charrié certains agents syndicaux et qu'a semblé indiquer tout à l'heure le député de Lafontaine, ne demande pas d'augmenter le nombre de périodes d'enseignement aux professeurs. Elle le tient pour acquis et comme étant une donnée provinciale. Ce que l'offre propose aux enseignants, c'est de reconnaître que leur présence à l'école secondaire ne doit pas se limiter uniquement à la prestation de cours et que, pour la qualité du climat des écoles, les enseignants consacrent au total, en contact direct avec les étudiants, y compris l'enseignement, 25 périodes de 45 minutes par semaine, soit 18 heures 45 minutes.

Ce nombre de 25 périodes de 45 minutes par semaine, suivant l'offre patronale et établi suivant la moyenne provinciale, est constitué, d'une part, de 22 à 23 périodes, en moyenne, d'enseignement et, d'autre part, de 2 à 3 périodes, toujours en moyenne provinciale, d'autres activités éducatives, tels l'encadrement des élèves, la surveillance, la suppléance, etc. Pour la qualité du climat des écoles secondaires, je ne trouve pas que cette offre soit farfelue.

Quant à la question du nombre d'élèves par classe, elle n'est pas contenue comme telle dans l'offre déposée par la partie patronale. Cependant, l'offre patronale abolit le ratio 1/17 pour le remplacer par des facteurs de pondération qui tiennent compte du poids de l'enseignement professionnel par rapport à l'enseignement général. C'est justement un des aspects dont a parlé tout à l'heure le proposeur de la motion de blâme à l'endroit du gouvernement, le député de Lafontaine.

Justement, nous croyions que, du côté de l'enseignement professionnel, il y avait lieu d'apporter une amélioration et d'assurer une meilleure pondération dans les commissions scolaires où l'enseignement professionnel était important ver- sus d'autres commissions scolaires où l'enseignement professionnel n'existait pas.

Sans entrer dans le détail de ces calculs de pondération, je n'hésite pas à affirmer que cette proposition corrigera les inégalités dues au degré différent du développement de l'enseignement professionnel entre les commissions scolaires. Cela aura, évidemment, un impact sur l'organisation de l'enseignement et sur la distribution de la tâche d'enseignement entre les enseignants.

Cette offre est-elle raisonnable? Je crois qu'elle l'est. Mais, de toute façon, elle fournit une base de négociation plus réaliste que la demande de la CEQ. Cette offre est-elle juste? Si on la compare avec la tâche des enseignants du secondaire de l'Ontario, on doit reconnaître qu'elle est avantageuse et, pour dire le moins, elle n'est pas provocante.

En Ontario, d'après les données fournies par le ministère de l'Education de cette province, la tâche typique d'un enseignant est de 40 périodes de 40 minutes par semaine ou 1,600 minutes ou encore 26.6 heures par semaine. De ces 40 périodes, 5 sont libres ou non assignées, 5 sont consacrées à des activités éducatives autres que l'enseignement et 30 sont consacrées à l'enseignement. 30 périodes de 40 minutes d'enseignement, soit 1,200 minutes, donnent 20 heures d'enseignement par semaine; 5 périodes de 40 minutes pour autres activités éducatives donnent 200 minutes, soit 3 heures 20 minutes par semaine. Au total, donc, ce sont les 23 heures 20 minutes d'enseignement et d'autres activités éducatives de l'Ontario qu'il faut comparer aux 18 heures 45 minutes ou aux 25 périodes de 45 minutes par semaine de l'offre patronale déposée au Québec.

Nous proposons — je reviens là-dessus — une charge de travail qui correspond à 18 heures 45 minutes au Québec, contre ce qui est observé en moyenne en Ontario actuellement, soit 23 heures 20 minutes par semaine.

M. le Président, si notre offre est provocante, je me demande comment réagirait M. Charbonneau, le président de la CEQ, s'il devait enseigner dans la province voisine.

M. Dufour: II ne l'accepterait pas!

M. Garneau: M. le Président, toute comparaison a ses limites, j'en conviens volontiers. Ainsi, pourrait-on nous faire valoir que nos enseignants du Québec, au secondaire, peuvent compter sur moins de personnel de soutien professionnel, technique et administratif que leurs collègues de l'Ontario.

Ici encore, nous avons vérifié auprès de la commission scolaire du Toronto métropolitain, qui n'est pas la moins dépourvue. Nous avons envoyé une équipe de personnes du ministère de l'Education et du ministère de la Fonction publique pour aller sur place rencontrer les gens, discuter avec les dirigeants pour s'assurer qu'on parlait des mêmes choses, qu'on comparait les mêmes données, pour voir si on était complètement en dehors de la coche, pour voir si on était si méchant que

cela, au Québec, de proposer ce que nous proposions.

Voici ce qu'ont donné les analyses comparatives; si l'on fait le ratio entre le nombre de professeurs et le personnel, dont le personnel enseignant plus le personnel professionnel rattaché aux écoles, cela donne un pour 16.7 étudiants à Toronto contre un sur 15.3 au Québec. Nous sommes encore dans une meilleure situation, il y a plus de monde. Si on ajoute à cela l'aide technique à l'enseignant, on s'aperçoit qu'à Toronto cela donne un sur 16.6; au Québec un sur 15.2. Là aussi nous sommes dans une situation avantageuse, il y a plus de monde au Québec.

Troisièmement, même personnel qu'en a) et b), plus le personnel de soutien administratif, cela donne un sur 15.2 à Toronto contre un sur 13.9 au Québec; là aussi nous sommes mieux placés.

Encore une fois ces éléments ne sont que des points de référence et ne constituent pas une comparaison complète et détaillée. Je suis prêt à considérer que le climat des écoles, l'organisation scolaire, le curriculum, par exemple, sont autant d'éléments supplémentaires qui peuvent ajouter à la charge de travail. Voilà des comparaisons entre ce que nous offrons et ce qui se fait dans la province voisine, qui est plus riche que nous, où le système d'enseignement n'est pas, à ce que je sache, dans une situation de délabrement lamentable. Si on fait ces comparaisons, le moins qu'on peut dire lorsque M. Charbonneau parle des offres patronales, celles qui ont été faites par la Fédération des commissions scolaires et le gouvernement, c'est que ces offres, ce n'est pas vrai qu'elles sont provocantes, ce n'est pas vrai qu'elles sont déraisonnables.

Les seules conclusions que je me permettrai de tirer, à ce moment-ci, c'est donc que les offres patronales, quant à la charge au secondaire, constituent une proposition extrêmement raisonnable en négociations et qu'en aucune façon, je le répète, en aucune façon elles ne justifient les actes illégaux, intempestifs, injustes et incompréhensibles qui ont été posés par certains enseignants comme mesures de harcèlement.

M. le Président, je pourrais faire également une présentation chiffrée sur toutes ces comparaisons. Tout à l'heure je ferai distribuer le texte de mon intervention et j'attire l'attention des députés sur le tableau qu'il y a à la page 16 A, qui résume assez bien cette comparaison que j'ai tenté de faire.

M. le Président, je ne peux pas croire que les enseignants, s'ils avaient été informés objectivement par leur syndicat, auraient posé les gestes de harcèlement que nous avons connus. Je ne peux pas croire non plus que des comités d'école et des comités de parents auraient soutenu ces actions.

Les demandes syndicales, par une diminution du nombre d'heures de travail et une réduction du nombre d'élèves par groupe, amèneraient les commissions scolaires et les collèges à engager au moins — tout à l'heure j'ai parlé de l'élémentaire, j'ai parlé des professeurs au secondaire; si on additionne tout cela, à l'élémentaire et au se- condaire et qu'on respecte les demandes de la CEQ, dans le sens que le député de Lafontaine mentionnait tout à l'heure, il faudrait engager dans une seule année 50,000 nouveaux professeurs, une augmentation de plus de 60% par rapport à ce qu'il y a présentement.

M. Léger: II dit cela sans rire.

M. Garneau: Cinquante mille professeurs, il en sort à peu près... M. le Président, je ne crois pas, malgré ce qu'en pense le député de Lafontaine, faire de démagogie en disant qu'il sort à peu près deux mille et quelques centaines de diplômés des universités du Québec spécialisés dans le domaine de l'enseignement. Il en sort à peu près 2,000 à 2,500 par année.

Si on dit qu'on veut respecter la demande de la CEQ, cela prendrait 20 ans avant d'être capable de répondre à cette demande. Quand je dis, M. le Président, qu'on ne peut pas considérer la demande que nous fait la CEQ, que nous fait M. Charbonneau, comme étant une demande sérieuse, objective, pouvant être considérée comme une chose réalisable, même si on voulait, même si on mettait les centaines de millions que cela prend, même si on construisait les 500 ou 800 écoles que cela prendrait, on n'aurait pas les professeurs au Québec. Il faudrait aller les chercher je ne sais où. J'ai essayé de savoir combien il sortait de diplômés des universités, au niveau de la formation des maîtres, en Amérique du Nord; je suis à me demander, je vais avoir les chiffres à un moment donné, s'il en sort autant que cela sur tout le territoire de l'Amérique du Nord dans une seule année et c'est ce qu'on nous demande.

M. le Président, devant de telles exigences, on peut se demander en quoi la partie syndicale peut prétendre être sérieuse. La qualité de l'enseignement devrait donc représenter une dépense additionnelle de plus de $650 millions au seul chapitre des salaires des nouveaux enseignants et ce, uniquement pour la première année de la nouvelle convention collective que nous sommes à négocier. On peut donc se demander si les syndicats cherchent vraiment à améliorer la qualité de l'enseignement. Si oui, les contribuables québécois sont-ils prêts à payer la note que représente la demande syndicale? J'ajoute: Est-ce qu'il y a un nombre suffisant de jeunes Québécois qui veulent se lancer dans l'éducation pour remplir tous ces postes?

J'aborderai maintenant la sécurité d'emploi et je voudrais également déposer sur la table du greffier un tableau qui met en comparaison le texte intégral des demandes syndicales, celui des offres patronales et les commentaires. Si le consentement unanime de la Chambre l'exige, je demanderais qu'il soit inséré ici dans mon intervention pour que les lecteurs du journal des Débats puissent comprendre quelque chose dans ces données. (Voir annexe)

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Je vais demander le consentement unanime?

M. Dufour: On l'a eu tantôt. Une Voix: D'accord.

M. Garneau: Merci. M. le Président, j'ai donc ce tableau qui va être distribué sur la sécurité d'emploi et qui met en parallèle la demande syndicale et l'offre patronale. Comme je l'ai mentionné, ce tableau va vous être distribué et vous pourrez sans doute mieux comprendre les explications ou les commentaires que je vais faire.

La partie patronale a donc accepté — et quand je dis la partie patronale, je veux dire le ministère de l'Education, le gouvernement du Québec et la Fédération des commissions scolaires et la Fédération des CEGEP — d'accorder non seulement aux enseignants mais à tout le personnel syndiqué de l'éducation la sécurité d'emploi selon des modalités comparables à celles qui existent dans les réseaux des affaires sociales, de la fonction publique, telles qu'on les connaît aujourd'hui. C'est là une importante amélioration, surtout si on tient compte que les travailleurs de l'enseignement des autres provinces ne bénéficient pas d'un régime général de sécurité d'emploi. Que cette sécurité soit assortie d'une mobilité régionale et provinciale, cela me paraît aller de soi. En effet, comment les commissions scolaires et le gouvernement pourraient-ils être justifiés de payer en trop des enseignants d'une région donnée alors que les commissions scolaires ou les CEGEP embaucheraient, dans une autre région, de nouveaux enseignants ayant les mêmes qualifications.

L'expérience observée au cours des dernières années a démontré que plus de 80% des enseignants mis en disponibilité ont trouvé un nouvel emploi dans la commission scolaire qui les employait antérieurement ou dans les commissions scolaires limitrophes. j'aborderai maintenant les offres salariales pour les comparer aux demandes que nous a faites la CEQ. Chez les enseignants, l'augmentation de la masse salariale demandée par les syndicats pour la première année est de 63%, alors que l'offre gouvernementale est de 29.8% pour l'ensemble des enseignants.

Chez les professionnels, la demande d'augmentation de la masse pour la première période est de 39.1%, alors que nous offrons 31.39%. Chez le personnel de soutien, ces pourcentages sont les suivants: 74.9% dans la demande syndicale et 32.9% dans l'offre patronale. Enfin, chez les ouvriers, les syndicats réclament des traitements qui entraîneraient une augmentation de 61.4% de la masse pour la première année, alors que le gouvernement offre 39.41%.

Au total, à la masse salariale, qui était de $1,108 millions au 30 juin 1975, les syndicats voudraient ajouter $696 millions dès la première année, plus $650 millions pour l'addition de nouveaux professeurs, c'est-à-dire tout près de $1,300 millions de plus. Avant de dire que les offres patronales sont inacceptables, il serait sans doute utile que les membres de la CEQ les analysent et regardent bien les montants additionnels qui leur seront versés, en regard des échelles qui étaient en vigueur au 30 juin 1975.

A cet effet, je fais distribuer aux députés — je demanderais aux membres de l'Assemblée nationale de les distribuer— et à ceux de la Tribune de la presse qui sont là, des tableaux qui représentent pour toutes les catégories de travailleurs et pour tous les corps d'emploi, les salaires effectivement versés pour les trois années de la convention collective, si l'on suivait en entier les offres patronales. (voir annexe)

De l'ensemble des données, on peut dégager les augmentations des échelles de traitement de la façon suivante. Dans le cas des enseignants, par exemple, on obtient, pour la première année, 26.5% pour ceux qui sont au maximum des échelles, qui ont quinze ans d'expérience. Plus de 30% pour la première année, pour la majorité des enseignants qui bénéficient d'un avancement annuel d'échelon. Plus de 40% pour ceux qui ont treize ans de scolarité et, enfin, plus de 50% pour ceux qui ont douze ans de scolarité. Ce sont là les taux de croissance de leur salaire pour la première année de la convention, suivant l'offre patronale.

En ajoutant 8% pour la deuxième année de la convention et 6% pour la troisième, et en comptant le pourcentage de 4% pour l'avancement annuel d'échelon qui est automatique, on obtient les pourcentages suivants pour toute la durée de la convention. Pour les trois ans de la convention, cela signifie donc 44.8% pour ceux qui sont au maximum des échelles, c'est-à-dire ceux qui ont quinze ans d'expérience; 60% pour ceux qui bénéficient d'avancement d'échelon; environ 74% pour ceux qui ont treize ans de scolarité et qui bénéficient d'avancement d'échelon et 89% d'augmentation pour ceux qui ont douze ans de scolarité et qui peuvent bénéficier d'avancement d'échelon.

Ce sont là les offres patronales pour les trois années de la convention collective. Prenons des exemples pour bien illustrer ces données. Un agent de bureau classe I, qui au 4e échelon gagnait $6,314 selon l'échelle du 30 juin 1975, recevra $9,027 à la première année de la convention — donc il passe de $6,300 à $9,027 — $10,119 à la deuxième année, $11,157 à la troisième année. Cette comparaison entre les échelles amène donc une augmentation de $4,843 ou 76.7% en trois ans.

Un ingénieur au troisième échelon de la classe II, son échelle était de $13,183 au 30 juin 1975 et elle devient $24,628 à la troisième période de la convention, une augmentation de 86%.

Un enseignant, douze ans de scolarité, au 30 juin 1975, qui était au septième échelon avait $7,189 selon l'échelle de traitement du 30 juin 1975. Cette échelle passe successivement pour lui de $7,189 à $11,089, puis à $12,403 et, enfin, à $13,600, ce qui représente pour lui une augmentation de 89%. On nous dit que ce sont là des offres provocantes!

Prenons, enfin, un autre enseignant à 17 ans de scolarité, au 30 juin 1975, qui était aussi à l'échelon 7. L'échelle, pour lui, passe successive-

ment de $11,176 à $14,636 à $16,343, à $17,882, pour une augmentation de 60%. J'ai de la difficulté à croire que la CEQ est sérieuse lorsqu'elle déclare que de telles offres sont inacceptables et qu'elles constituent, je le répète, des provocations. Ce sont là quelques exemples. On pourra trouver des données de cette nature pour tous les corps d'emploi dans les documents que j'ai fait distribuer. Les données que je viens de fournir, tant sur la charge de travail que sur la sécurité d'emploi et le traitement, indiquent clairement que la partie patronale croit en la qualité de l'enseignement et qu'elle est prête à traiter de façon équitable ceux qui y travaillent.

Je n'ai parlé, jusqu'à maintenant, que des trois aspects les plus fondamentaux. Il existe, évidemment, une kyrielle de demandes, de revendications contenues dans la proposition que nous ont faite les membres de la CEQ. Venons-en maintenant au climat dans les écoles. En période de négociation, il n'est pas surprenant que les parties utilisent différents moyens pour faire valoir leur point de vue et pour attirer les sympathies de l'opinion publique. Ces moyens doivent cependant se situer à l'intérieur des règles du jeu qui régissent les relations du travail. C'est ainsi que les employés et les employeurs ont un recours ultime de pression et de sensibilisation de l'opinion publique, c'est la grève et le lock-out. Encore ici, le Code du travail précise bien les modalités d'exercice de ce droit. Dans la situation actuelle, les parties négociantes n'ont pas encore acquis ce droit.

Les syndicats, lors du dépôt des offres patronales et même avant, ont brisé les règles du jeu en refusant de négocier à partir d'offres qu'ils qualifiaient d'inacceptables et qu'ils identifiaient à un mouvement de provocation. Les règles du jeu auraient voulu que les syndicats répliquent par des contre-propositions et qu'ils acceptent de négocier en attendant, le cas échéant, de recourir à la grève. Ce n'est pas ce qu'ils ont fait, ils ont plutôt entrepris un mouvement de harcèlement dont les premières victimes sont les enfants eux-mêmes.

Ces mesures ont pris la forme de dépôt de colle dans les serrures, de maladies simulées, de refus de remettre les bulletins aux élèves, d'arrêts illégaux de travail, etc. Au demeurant, il ne peut aucunement être question que le gouvernement et ses partenaires tolèrent la désorganisation du monde scolaire encore longtemps si cela devait mettre en danger l'année scolaire des élèves.

Le gouvernement et ses partenaires avaient et ont encore trois instruments pour faire face à de telles situations. Ils peuvent faire appel au pouvoir judiciaire pour demander des injonctions. Deuxièmement, le gouvernement, avec ses partenaires, peut aussi, par le pouvoir législatif, adopter une loi décrétant les conditions de travail pour les travailleurs de l'éducation. Troisièmement, le gouverne- ment et ses partenaires peuvent enfin tout mettre en oeuvre pour inviter les parties syndicales à négocier.

Jusqu'à maintenant, nous avons mis l'accent sur la troisième façon de faire et nous avons multiplié les appels aux syndicats pour qu'ils cessent leurs mesures de harcèlement et qu'ils viennent négocier. Ceci n'a évidemment pas empêché les commissions scolaires et les CEGEP de couper, comme il se devait, les traitements des enseignants qui, d'une façon ou d'une autre, n'ont pas accompli leurs obligations professionnelles.

La partie patronale est tout à fait disposée à déployer les efforts nécessaires pour que l'essentiel du litige soit liquidé avant Noël, de telle sorte qu'un règlement global puisse intervenir dès le début de la prochaine année. Pour ma part, j'ai toujours souhaité — et je souhaite encore — en arriver à un règlement négocié. Si la partie syndicale veut collaborer, je suis convaincu que le gouvernement et la Fédération des commissions scolaires pourront en arriver avec le syndicat, et dans des délais relativement courts, à une entente véritablement négociée.

Si des conventions collectives ont pu être agréées par les parties récemment dans d'autres secteurs, je ne vois pas pourquoi la même chose ne pourrait pas se produire en éducation. Inutile de vous dire que je voterai contre la motion du député de Lafontaine.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Le député de Saguenay.

M. Lessard: M. le Président, est-ce qu'il est possible de considérer qu'il est six heures, et je demanderais la suspension du débat?

Travaux parlementaires (suite)

M. Bienvenue: M. le Président, avant qu'il soit six heures, dans deux minutes, puis-je donner avis que la commission parlementaire de la justice se réunira le mardi, 16 décembre prochain, à compter de dix heures ou onze heures si la Chambre siège à dix heures, au salon rouge, aux fins d'étudier les deux projets de loi privés suivants: le projet de loi no 109, Loi concernant une donation à l'Institution royale pour l'avancement des sciences et le projet de loi no 158, Loi concernant la succession de Joseph David Rodolphe Forget. Je demande la suspension des travaux jusqu'à ce soir, vingt heures quinze.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

Reprise de la séance à 20 h 21

Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre, messieurs!

L'honorable ministre de l'Immigration.

M. Bienvenue: Je voudrais faire une mise au point importante, M. le Président, une correction qui s'impose, à la suite d'une erreur du leader du gouvernement.

M. Levesque: Question de privilège.

M. Bienvenue: Juste avant la suspension des travaux à six heures, j'ai donné avis de la tenue d'une séance de commission, sans faire d'erreur, pour l'étude du projet de loi no 109, Loi concernant une donation à l'Institution royale pour l'avancement des sciences.

Une Voix: Très bien.

M. Bienvenue: Or, le leader du gouvernement, et j'arrive à son erreur, lorsqu'il a fait motion pour déférer l'étude du même projet de loi aujourd'hui a parlé de la commission parlementaire de l'éducation, des affaires culturelles et des communications, alors qu'il aurait dû parler d'une commission dont il connaît bien le sujet, M. le Président, qui est celle de la justice.

Cette erreur étant corrigée avec le consentement de la Chambre, le pardon étant accordé au leader du gouvernement, je me rassois.

M. Levesque: M. le Président, question de privilège. Sans vouloir retarder les travaux de cette Chambre, je tiens à faire remarquer à mon honorable collègue que, lorsque je fais des erreurs, je suis le premier à l'admettre. Dans ce cas-ci, il s'agit simplement d'un projet de loi qui aurait pu être déféré soit à la commission de l'éducation, soit à la commission de l'agriculture, soit à la commission de la justice. Or, nous avons trouvé qu'il était préférable que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire de la justice, vu que cette commission siégera pour d'autres sujets.

Alors, c'est dans un souci d'efficacité que ceci a été fait et je tiens à le souligner bien modestement.

M. Charron: M. le Président, je croyais que la référence aux affaires culturelles était due à la mention du mot "royale" dans le titre du projet de loi.

M. Lacroix: M. le Président, je suis heureux de constater que le leader a commis une erreur parce que cela nous prouve encore une fois qu'il est le plus humain des députés.

M. Levesque: Très bien.

Le Président suppléant (M. Lafrance): L'erreur...

M. Levesque: II semble bien que je devrai porter ma croix, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Lafrance): L'erreur étant commise et corrigée, nous revenons aux débats.

Le député de Saguenay.

Motion de M. Léger (suite) M. Lucien Lessard

M. Lessard: M. le Président, en parlant du fait que le leader parlementaire du gouvernement soit le plus humain des députés, je souhaiterais que les parlementaires soient aussi un peu plus humains lorsqu'ils discutent de la situation de l'enseignement et de la situation de l'enseignant au Québec.

Une Voix: Surtout le ministre de l'Education.

M. Lessard: Particulièrement le ministre de l'Education dont je regrette l'absence ce soir. Contrairement à lui, je dois dire que je connais un peu ce qu'est la situation dans l'enseignement puisque j'ai eu l'occasion d'enseigner pendant dix ans et de connaître un peu la situation. D'autant plus que je puis dire, comme député, que j'envoie mes enfants à l'école publique et non pas à l'école privée.

M. Dufour: Qu'est-ce que cela prouve?

M. Lessard: M. le Président, lorsque j'entendais le ministre de l'Education faire le panégyrique de l'école publique cet après-midi, je me posais certaines questions. Lui-même n'a pas accepté ou n'a pas continué d'envoyer ses enfants à l'école publique. Donc, nous sommes en train d'avoir deux systèmes: un système pour les ministres ou un système pour les députés, bien établi, et un système pour l'ensemble de la population.

M. Massicotte: ...

M. Lessard: Cependant, M. le Président, je dois dire que j'ai rarement entendu autant de so-phismes au cours d'une intervention. Ou bien le ministre de l'Education est de mauvaise foi, ou bien il ne comprend absolument rien à l'enseignement, ou encore il n'a pas très bien lu le projet de convention collective tel que demandé par les enseignants.

J'ai plutôt l'impression que le ministre n'a rien compris. J ai l'impression aussi que cela semble être le cas de beaucoup de députés, ici, à l'Assemblée nationale. Pourtant, il y a des enseinants, ici, à l'Assemblée nationale. J'espère qu'ils pourront avoir l'occasion de se faire entendre au cours du débat sur cette motion de blâme qui est présentée par le député de Lafontaine. Je pense que même si cette motion de blâme est actuellement présentée contre le gouvernement actuel, elle devrait aussi être présentée contre les anciens gouvernements.

M. le Président, pour vous exposer très concrètement ce que peuvent être un certain nombre de sophismes qui ont été présentés par le ministre de l'Education ce soir, je voudrais vous donner deux ou trois exemples que vous connaissez très bien, vous qui êtes notaire. L'autre jour, à mon bureau, un individu venait me voir pour avoir des explications. Il me disait ceci: M. Lessard, j'ai eu l'occasion de faire plaider une cause par un avocat, et il m'a présenté immédiatement le compte, soit la somme de $1,800. Il m'a expliqué que cet avocat en question...

Une Voix: Est-ce que c'était le député de Chicoutimi?

M. Lessard: ... n'avait plaidé qu'environ une heure devant le juge.

L'individu, normalement, me dit: M. Lessard, pouvez-vous comprendre qu'on me demande $1,800 pour avoir plaidé une heure devant un juge? Est-ce qu'on doit payer ces gens-là $1,800 l'heure?

M. Dufour: II s'est fait fourrer.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! L'honorable député de Charlesbourg, qui n'est pas à son siège!

M. Lessard: M. le Président, il m'a donc fallu — je pense que le ministre de l'Immigration, comme avocat, connaît très bien les explications que nous avons pu donner à cet individu — communiquer avec l'avocat en question pour lui demander le détail du compte. C'est alors que j'ai constaté que, dans le détail du compte, entraient toutes sortes de frais, par exemple, communications avec d'autres avocats, enregistrement de plainte, ainsi de suite, et préparation de la plaidoirie. Ceci, en fait, démontrait que l'avocat en question n'avait pas travaillé une heure seulement devant le juge, mais avait dû, pour préparer sa cause, travailler un certain nombre d'heures, ce qui permettait de conclure que l'avocat ne réclamait pas $1,800 l'heure, mais bien un montant qui était prévu selon, justement, la Loi du Barreau.

J'ai eu, l'autre jour, un autre cas où un avocat réclamait $7,500 pour un compte; en fait, il s'agissait d'un montant de $15,000 qui avait été obtenu de la part de l'avocat. Encore là, il m'a fallu expliquer que ce n'était pas $7,500 l'heure que l'avocat demandait, mais qu'il y avait bien un ensemble de causes qui faisaient que l'avocat avait travaillé beaucoup plus que le nombre d'heures où l'individu l'avait vu directement au travail.

La même chose peut se faire au niveau de l'ingénieur. Figurez-vous, M. le Président, que l'ingénieur vient chez vous; vous lui demandez de préparer le cadastre de votre terrain. Il vient une heure sur le terrain, prend quelques mesures et, par la suite, vous réclame un montant de $2,000 ou $2,500, je ne le sais pas.

Une Voix: C'est impossible.

M. Lessard: Je connais des médecins, M. le Président, qui ont défendu... Je pense qu'il ne faudrait pas...

M. Dufour: Nommez-les, vos médecins!

M. Lessard: ... démontrer tellement une solidarité de classe...

M. Dufour: Nommez-les vos médecins, M. le Président.

M. Lessard: ... et on se rappelle... M. Dufour: Nommez-les.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lessard: Je voudrais prendre ces exemples pour démontrer que l'enseignant peut aussi être un professionnel. Et quand ici, à l'Assemblée nationale, on discute du problème de l'enseignant, on discute des enseignants, eh bien! on le fait comme si c'était autant de boucs émissaires sur lesquels il faudrait tomber comme des chacals. Mais, M. le Président, je voudrais vous souligner quand même qu'il y a quelque temps un certain nombre de médecins ont commencé à se désengager du système.

M. Dufour: ... excellent.

M. Lessard: Cela allait mal dans certaines régions du Québec, dont la région du Lac-Saint-Jean. Il y avait des individus qui devaient payer, de pauvres individus, directement de leur poche pour obtenir des soins médicaux. Je me rappelle que le Dr Dufour, le député de Vanier, défendait la cause de ces médecins ici à l'Assemblée nationale et qu'on trouvait, semble-t-il, tout à fait normal que les médecins prennent des moyens nécessaires pour se faire entendre auprès du ministre des Affaires sociales.

M. Dufour: Mais on continuait à travailler quand même. Veux-tu le dire?

M. Lessard: Mais, M. le Président, ce que je veux souligner, c'est que peut-être les médecins ont d'excellentes raisons de réclamer certaines choses, que peut-être les avocats ont d'excellentes raisons de réclamer certaines choses, mais que peut-être aussi les enseignants — et il y en a ici à l'Assemblée nationale...

M. Dufour: Cela n'a pas de fondement, ton affaire.

M. Lessard: ... ont d'excellentes raisons aussi de faire un certain nombre de revendications. Parce que j'ai l'impression qu'ici, à l'Assemblée nationale, on comprend très mal la situation de l'enseignement comme de l'enseignant actuellement. Un exemple — sur lequel je reviendrai, M. le Président, pour le démontrer de façon plus parti-

culière — de ce qui s'est passé ou des sophismes que le ministre de l'Education a faits cet après-midi, c'est lorsqu'il nous a parlé de l'article 81.04 selon lequel les enseignants ne voudraient travailler que 900 minutes par semaine. M. le Président...

Une Voix: Vous avez honte de donner cela en heures.

M. Lessard:... le ministre de l'Education disait que les demandes syndicales comprenaient 900 minutes devant les étudiants.

Des Voix: Minute!

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre s'il vous plaît!

M. Lessard: ... tout compris, y compris les préparations, y compris l'enseignement, y compris les corrections comme la surveillance, comme les activités à l'horaire des élèves, les rencontres avec les enseignants, planification des travaux, etc.

M. le Président, pour vous démontrer encore une fois la mauvaise foi du ministre de l'Education, cette affirmation est complètement fausse et prouvée par l'article 81.04. En effet, M. le Président, dans les 900 minutes, ne sont aucunement comprises, selon les demandes des enseignants, la préparation et la correction, soit la préparation des cours et la correction des examens. Ce n'est pas compris. De même, pour un bureau d'avocats ou pour un avocat, il faut, avant de se présenter devant la cour, préparer notre plaidoirie, de même aussi faut-il, pour des enseignants, avant de se présenter devant leurs étudiants, faire la préparation de leurs cours. De même faut-il aussi, pour des enseignants, une fois que leurs cours ont été préparés, une fois que les examens ont été préparés et soumis aux étudiants, de même faut-il aussi, prévoir des heures de correction. Contrairement à ce qu'a affirmé le ministre cet après-midi, les préparations et les corrections ne sont pas comprises dans les 900 minutes telles que demandées en vertu de l'article 81.04 de la convention collective. M. le Président, je soumets très respectueusement que le ministre de l'Education qui, toujours, envoie ses enfants à l'école privée, a trompé la Chambre. Je pense que ceci est grave et je pense que ceci est de la provocation. Lorsqu'on discute de la situation de l'enseignement et de la situation des enseignants, on ne joue pas avec n'importe quoi. On joue avec l'une des ressources humaines les plus fondamentales dans la société québécoise, à savoir les enfants du Québec, à savoir l'éducation qui devrait être, je pense, beaucoup plus que les Jeux olympiques, qui devrait être la préoccupation fondamentale non seulement de tous les députés mais de l'ensemble des citoyens québécois. Il est extrêmement important d'être très prudent.

Je voudrais, au cours de cette intervention, non pas vous parler de tuyauterie mais vous donner une expérience personnelle, que j'ai vécue comme enseignant. Je voudrais vous dire ce qu'un enseignant ressent aujourd'hui, après plusieurs années de tracasseries administratives et plusieurs années de décrets qui nous ont été imposés constamment par les gouvernements.

Je voudrais vous rappeler quelques citations du rapport Parent, où on souligne, à plusieurs reprises, non seulement l'importance du maître dans la réforme de l'éducation mais aussi dans la société. Il faudrait quand même que chacun des députés, que chacun d'entre nous prenions conscience qu'avant d'être ici à l'Assemblée nationale il a fallu qu'un maître, qu'un professeur, qu'un enseignant commence à faire le travail d'éclairage, ou le travail de renseignement, ou le travail d'éducation comme tel. Je ne sache pas qu'il y ait ici, à cette Assemblée nationale, des avocats et des médecins, qu'ils sont actuellement, sans avoir au préalable passé devant un enseignant. "Le maître — disait la commission Parent — est le personnage central de toute entreprise de réforme de l'enseignement. C'est de lui surtout que dépend la qualité de l'école. C'est à lui, pour une bonne part, qu'il appartient de sauvegarder et de développer les valeurs fondamentales de notre univers culturel et de notre organisation démocratique et de tracer ensuite le portrait du véritable maître et de sa mission éducative et sociale." Parce que, chez les enseignants, on parle toujours de mission, on parle toujours de sacerdoce; on ne parle pas de ça pour les députés. Chez les enseignants, encore à ce moment-là, au moins en 1963, au moment de la commission Parent, on parlait du sacerdoce de l'enseignant. "On ne saurait être trop sévère — écrivait la commission Parent — dans le choix de futurs maîtres. L'honneur d'une carrière aussi importante ne doit être accordé qu'aux meilleurs candidats, à ceux seulement qui manifestent vitalité intellectuelle — peut-être qu'il n'y aurait pas beaucoup de députés — humanisme et désir de servir. L'éducateur professionnel est chargé d'une fonction éminente. Sa mission, c'est de représenter devant la jeunesse l'homme à son meilleur. L'enseignant, tel que nous venons de le décrire, est entouré d'un respect particulier. On est spécialement exigeant pour le maître, pour sa conduite, pour sa tenue."

Voilà la fonction idyllique du maître, telle qu'elle fut d'ailleurs enseignée jusqu'à ces dernières années au sein des institutions de formation des maîtres. C'était d'ailleurs celle que je partageais lorsque, en 1962, je délaissais un emploi, qui était peut-être beaucoup plus lucratif, qui m'était offert au sein de la fonction publique, pour me diriger vers l'enseignement après 19 ans d'études, tant au niveau primaire, secondaire qu'universitaire.

Le salaire de base qui m'était offert, $6,000 par année. Il faut vous souligner aussi, car je calcule que c'est quand même important dans la décision qu'un enseignant a à prendre, que je m'étais endetté pour payer mes études d'une somme de $7,000 à $8,000 et, heureusement, j'avais été aidé par mes parents.

Le choix de cette profession m'avait non seulement attiré une certaine disgrâce au sein de ma famille, mais aussi les sarcasmes de certains de mes confrères plus ambitieux ou peut-être moins naïfs qui s'étaient dirigés, eux, vers le droit, la médecine, le génie ou autres professions beaucoup plus lucratives, le notariat en particulier. Choisir l'enseignement après avoir fait un cours classique, comme on le désignait dans le temps, nous attirait le qualificatif qui se répand de plus en plus; nous étions des ratés. Le respect que nous reconnaissait la société libérale capitaliste était loin de celui que nous avions lu dans les livres, car, dans cette société, le respect accordé aux fonctions est d'abord basé sur le salaire gagné. Après quelques années, j'avais l'air bien miteux à côté de mes confrères, médecins ou avocats, propriétaires de leur maison, alors que je n'étais que locataire, et se baladant dans leur grosse automobile de l'année.

Mais nous commencions à être structurés sur le plan syndical. En effet, vous vous rappelez que, depuis 1946, malgré les pressions constantes du milieu, les enseignants avaient commencé à se regrouper sur le plan professionnel. Un peu comme le disait le ministre de l'Education cet après-midi, on nous soulignait, à ce moment, que les enseignants ne devaient pas être des syndiqués, que, si les enseignants voulaient être de véritables professionnels, ils ne devaient pas se syndiquer. On nous disait que les étudiants allaient blâmer les enseignants qui se syndiquaient. Il aurait fallu continuer dans le système qu'on voulait bien nous imposer, être des moutons, se faire manger la laine sur le dos et ne rien faire pour garder justement cette idée ou ce symbole de l'enseignant idyllique qu'on nous avait prôné au moment où nous étions dans des institutions de formation des maîtres.

Notre force commençait à s'imposer auprès des commissions scolaires car c'était l'époque des négociations locales. Je pense, M. le Président, que le député de Saint-Jean va se rappeler ces époques presque historiques, au cours desquelles nous avons dû faire des efforts considérables pour obtenir le minimum de choses à l'intérieur d'une convention collective.

On nous a reconnu le droit de grève. Il nous a été à peu près impossible de l'utiliser. En 1966, on nous imposait la négociation provinciale et, en 1967, au moment où nous entreprenions pour la première fois une action collective pour revendiquer de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail, le projet de loi 25 nous tombait sur la tête et gelait les salaires d'une grande partie des enseigants du Québec, particulièrement des régions de la Côte-Nord, car nous avions réussi, au cours des années précédentes, à obtenir de meilleures conditions salariales que d'autres régions.

On décidait donc d'uniformiser par le bas et de geler les salaires de ceux qui gagnaient plus pour permettre à ceux qui gagnaient moins de rattraper ces gens. De 1967 à 1970 nous vivions donc sous le saint décret du gouvernement du Québec. Résultat: en 1970, après huit ans dans l'enseigne- ment, avec dix-neuf ans de scolarité, je gagnais la jolie somme de $9,700 par année. J'enseignais 23 périodes de 45 minutes à dix groupes de 28 à 37 étudiants et je devais non seulement préparer mes cours, mais aussi les dactylographier, sans avoir appris la dactylo, donc doigt par doigt, de même que passer les stencils à la Gestetner. Je pense que le député de Saint-Jean se rappelle cette période, car nous n'avions aucun personnel de soutien à notre disposition.

A ce sujet, je voudrais simplement vous citer un rapport du ministère de l'Education, soit le rapport CETEES, la Commission d'étude de la tâche des enseignants de l'élémentaire et du secondaire, qui dit à la page 38, concernant la tâche de l'enseignant: "Toutes proportions gardées, l'emploi de l'enseignant ressemble à celui de banquier dans une ville moyenne, il y a 50 ans. Le banquier était responsable de tout et assurait tous les services. Il se devait d'accomplir lui-même des tâches reliées à la comptabilité, à la promotion, au placement, au prêt, à l'ordre et à l'entretien des lieux, à l'établissement et à la rédaction des rapports. Aujourd'hui, cet emploi a donné naissance, de façon fonctionnelle et ordonnée, à des emplois de gérants de banque, comptables, agents de relations extérieures, courtiers, secrétaires, évalua-teurs.

Mais pour l'enseignant, cette évolution ne s'est pas encore faite et, bien souvent, l'enseignant est obligé de faire toutes ces fonctions, à savoir fonction de dactylographie, fonction d'impression, etc.

En plus, M. le Président, je devais dispenser mes cours dans trois matières académiques. Ajoutez à cela les heures de correction de travaux et vous pouvez être convaincu que mes 50 heures-semaine de travail étaient largement dépassées.

Je voudrais ici donner certaines explications. Lorsque le ministre de l'Education nous parle toujours d'heures de travail, encore là, c'est une situation fausse. Ce n'est pas vrai. Ce que les enseignants donnent, ce sont des périodes d'enseignement. Il faudrait aussi prendre conscience qu'une période de 45 minutes d'enseignement donné devant 30 ou 35 étudiants nécessite non seulement une préparation des cours mais donne une tension chez l'enseignant qui n'existe pas particulièrement dans d'autres fonctions. Je dois vous dire bien sincèrement — je suis assuré que les députés ici à l'Assemblée nationale qui ont déjà fait de l'enseignement le comprendront — qu'après cinq périodes d'enseignement dans une journée à des groupes de 30 ou 35 étudiants, la journée de travail est fort bien remplie.

Vous comprendrez en même temps qu'avec ce salaire, pour joindre les deux bouts, il me fallait et il nous fallait — non seulement moi mais d'autres enseignants — faire du travail supplémentaire, particulièrement vers le mois d'avril. Bien souvent, pour aider un certain nombre de personnes, il m'arrivait de faire des rapports d'impôt pour des travailleurs journaliers à l'Hydro-Québec. Je vous avoue bien honnêtement que j'ai souhaité à plusieurs reprises être journalier à l'Hydro-Québec,

car les salaires qui étaient faits par ces gens étaient passablement supérieurs à celui qui m'était accordé.

En 1970, les enseignants entreprennent leur deuxième négociation collective à l'échelle provinciale. Encore une fois, vous le savez, selon les circonstances que tout le monde connaît, c'est l'imposition d'un deuxième décret. L'arrêté en conseil no 381172 du 15 décembre 1972 détermine les conditions de travail des enseignants à l'emploi des commissions scolaires et des commissions régionales jusqu'au 1er juillet 1975.

C'est dans ce cadre que nous devons analyser non seulement la négociation collective dans le secteur de l'enseignement mais aussi la situation même de l'enseignement au Québec. J'aimerais expliciter un peu quelles ont été les conséquences non seulement d'une situation malsaine au niveau de l'enseignement qui était créée par l'imposition de décrets qui étaient plus ou moins acceptés par les enseignants mais je voudrais vous préciser un peu quelle était la situation de l'enseignant à ce moment.

Depuis huit ans, les enseignants n'ont pas choisi leurs conditions de travail. Ces conditions leur ont été imposées et les enseignants n'ont pas la même possibilité que les députés à l'Assemblée nationale. Ils ne peuvent pas négocier eux-mêmes leurs conditions de travail; ils ne peuvent pas négocier eux-mêmes leurs salaires. Il faut, justement, qu'il passent par la négociation et, bien souvent, ils sont dans l'obligation non seulement de vendre leur marchandise au gouvernement du Québec, mais particulièrement de la vendre à la population québécoise. Parce que vous comprendrez que ce sont toujours les citoyens québécois qui paient pour le salaire des enseignants.

Il est très facile pour le gouvernement du Québec, comme d'ailleurs l'avait fait M. Jean Cournoyer en 1969, par quelques sophismes, comme nous en a exprimé le ministre de l'Education cet après-midi, de réussir à obtenir l'accord de la population pour forcer les enseignants à accepter des conventions collectives qui non seulement ne sont pas à leur avantage, bien souvent, mais particulièrement ne sont pas à l'avantage des étudiants québécois.

Les conséquences néfastes de cette situation n'ont cessé de se développer. C'est la dégradation constante du climat dans l'enseignement. D'abord, nous constatons que les meilleurs éléments quittent l'enseignement pour un travail plus rémunérateur et dont les conditions sont meilleures. Les meilleurs enseignants quittent l'enseignement public pour se diriger vers l'enseignement privé. Quant à ceux qui restent, ils ont perdu tout intérêt et n'ont d'autre choix, en général, que de s'installer dans une sorte de résistance passive.

Il faudrait aussi se rappeler que, lorsque — je ne voudrais pas faire tout l'historique — le gouvernement du Québec a décidé de nous imposer la négociation provinciale, nous avions, dans des régions du Québec, été dans l'obligation de suivre un certain nombre de cours. Pour suivre ces cours, les commissions scolaires régionales avaient accepté de payer une partie de ces cours et de nous reconnaître un certain nombre d'années de scolarité ou de demi-années de scolarité.

Lorsque la négociation provinciale nous a été imposée, tous ces avantages que nous avions obtenus au niveau de la négociation régionale nous ont été enlevés, de telle façon que nous avions des enseignants à qui on avait reconnu, au niveau de la négociation régionale, 14 ou 15 ans de scolarité et qui se voyaient, sinon baissés, du moins gelés à des salaires qui correspondaient, pendant X temps, à 15 ans de scolarité. Il faudrait dire aussi que les cours de recyclage, qui avaient été imposés par certaines commissions scolaires, qui étaient reconnus et qui nous permettaient d'obtenir un salaire supplémentaire, étaient annulés par suite de la convention collective et n'étaient plus reconnus par la convention collective qui nous avait été imposée par le décret de 1967.

Ce désintéressement des enseignants — il faut bien le comprendre — s'est particulièrement accentué du fait que l'enseignant est devenu le bouc émissaire du système. En effet, pour la première fois, les enseignants s'étaient regroupés; pour la première fois, les enseignants avaient formé des structures syndicales; pour la première fois, des enseignants commençaient à contester. Je voudrais bien que des députés me donnent des moyens de contester qui ne nuisent pas, comme tels, à l'enfant. On dit: II ne faut pas utiliser l'enfant pour forcer le gouvernement à négocier, mais qu'on me donne d'autres mesures qui pourraient être utilisées. Nous demandons souvent aux médecins de ne pas utiliser les malades pour obtenir certaines choses du gouvernement.

C'est drôle qu'à ce moment-là les députés à l'Assemblée nationale trouvent cela normal que les médecins utilisent bien souvent, comme otages, les malades pour réussir à obtenir certaines choses. Quand il s'agit des enseignants, nous constatons que les députés...

M. Lacroix: Les médecins continuaient à travailler.

M. Lessard: ... deviennent autant de chacals qui se jettent sur la proie parce qu'il s'agit d'enseignants. En effet, les enseignants sont devenus des boucs émissaires. Si l'enfant ne réussit pas à l'école, cela dépend de l'enseignant. C'est un enseignant incompétent qui lui enseigne. Si l'enfant a des problèmes de comportement, soit que l'enfant prenne de la drogue, c'est encore l'enseignant qui a probablement vendu de la drogue à l'intérieur de l'école.

M. Lacroix: C'est prouvé qu'ils en vendent aussi.

M. Lessard: Justement, M. le Président, ce sont des gens comme le député des Iles-de-la-Madeleine qui contribuent à créer un climat malsain alors que lui-même a certainement des enfants qui, peut-être, vont à l'école publique, ou peut-être vont-ils à l'école privée. Lui peut se per-

mettre, étant donné le salaire qu'on lui accorde à l'Assemblée nationale, d'envoyer ses enfants à l'école privée.

M. Lacroix: II va à l'école publique; il est écoeuré, et il a onze ans, de se faire parler de syndicalisme au lieu d'apprendre à écrire son français.

M. Lessard: M. le Président, ce n'est pas à cause des programmes que les étudiants ne connaissent pas leur français, c'est encore parce que les enseignants sont des incompétents. Je dis, M. le Président...

M. Lacroix: ... dans une grande majorité.

M. Lessard: ... que les enseignants ne sont pas plus incompétents que les députés. Je dis, M. le Président, que les enseignants ne sont pas plus incompétents que les avocats ou que les médecins. Je pense que mon ami, député de Matane, qui a été lui aussi un enseignant devrait répondre à l'argumentation qui semble être celle du député des Iles-de-la-Madeleine. Il est vrai, il est sans doute possible que nous ayons dans le système des enseignants qui soient incompétents mais, au salaire qu'on leur accorde, qu'est-ce qu'on peut leur demander de plus?

M. le Président, j'ai dit tout à l'heure qu'avec les conditions de négociation collective qu'on leur avait imposées depuis 1967 on ne devait pas demander de miracles des enseignants. C'est d'ailleurs pourquoi nous présentons cette motion de blâme. C'est parce qu'il faut absolument retourner la vapeur. Nous croyons que le gouvernement du Québec doit profiter de la situation qui lui est donnée au cours de cette négociation pour renverser la vapeur. Parce que c'est vrai que la situation est devenue difficile à l'intérieur de l'enseignement. Il y a encore d'excellents enseignants mais des enseignants qui sont écoeurés, des enseignants qui ont leur voyage, des enseignants qui ne sont plus motivés.

M. Lacroix: ... à cause des syndicats.

M. Lessard: Et, si on continue, la première chose ou le premier diplôme qu'on devra donner à l'enseignant, c'est un cours de judo parce qu'on a complètement détruit l'enseignant et ceci provient même de l'Assemblée nationale. Ceci provient même de nos députés à l'Assemblée nationale qui ont détruit cette profession qui est quand même une des professions de base de toute société, quelle qu'elle soit. Je disais que l'enseignant est devenu le bouc émissaire non seulement des parents mais le bouc émissaire aussi des hommes politiques. Le système qu'on a, ce ne sont pas les enseignants qui ont imposé le système des polyvalentes; les enseignants ont dû s'intégrer forcément à ces systèmes de polyvalentes de 1,500, 2,000, 3,000, 3,500 élèves. Ce ne sont pas les enseignants qui ont choisi cela, c'est le Parti libéral qui l'a imposé. Il ne faudrait quand même pas, M. le Président...

M. Lacroix: ... vos revenus améliorés par quatre et votre rendement diminué par quatre.

M. Lessard: ... donner tous les torts à l'enseignant. Dans le rapport Parent, il y avait une chose bien importante dont on parlait, l'établissement de tuteurs, qui permettait à un professeur de s'occuper d'un certain groupe d'élèves et d'être constamment en contact avec ce groupe d'élèves. M. le Président, les enseignants, à maintes et maintes reprises, ont réclamé que ce système de tuteurs soit établi au niveau des polyvalentes. C'est le gouvernement québécois qui a refusé que soit établi ce système de tuteurs parce que, disait-on, nous n'avions pas les moyens nécessaires de le faire.

Nous avions les moyens de construire des polyvalentes et dépenser pour le béton, mais nous n'avions pas les moyens de rendre humain un système qui était inhumain à la base même. Un système qui nous empêchait d'avoir tout contact avec les étudiants, parce qu'à quatre heures, si on voulait garder un étudiant avec qui on avait un certain nombre de problèmes, il fallait que l'étudiant prenne l'autobus et parte immédiatement. Nous avions tout simplement cinq minutes pour changer de classe ou les étudiants n'avaient que cinq minutes pour changer de classe.

Comment vouliez-vous que les enseignants aient un contact dans ce système avec les étudiants sinon par le système de tuteur? Jamais, malgré les pressions des enseignants, jamais — et le député de Matane peut en témoigner — ce système de tuteurs ne nous a été accordé. Les conséquences de tout cela, c'est qu'on a établi, M. le Président, ou on a concrétisé un mépris de l'enseignant au niveau de la population québécoise, un mépris de l'enseignant de la part des parents, un mépris de l'enseignant de la part des enfants, un mépris de l'enseignant de la part des hommes politiques.

Je voudrais vous citer un exemple. Tout dernièrement — je comprends que nous sommes dans une situation critique — je rencontrais quelqu'un, entre deux avions, qui me parlait du problème de l'enseignement et qui me disait que son garçon était arrivé de l'école en disant que l'enseignant était une espèce de fou, une espèce de détraqué, une espèce de malade. Et la personne de me dire: J'ai été dans l'obligation d'appuyer mon enfant. Et là, je lui ai demandé ceci: Madame, si l'étudiant était arrivé à l'école et avait dit, en parlant de ses parents, de son père ou de sa mère, qu'ils étaient des espèces de fous, des espèces de détraqués ou des espèces de malades et que l'enseignant aurait dit: Vous avez raison, qu'est-ce que vous auriez dit en retour?

Or, nous en sommes rendus au point, M. le Président, où l'enseignant est non seulement détruit au niveau de l'Assemblée nationale, mais l'est au niveau de la famille même. Comment voulez-vous que l'enseignant puisse avoir une certaine autorité au niveau de l'école, quand ce sont les parents mêmes qui détruisent cette respectabilité qui devrait être nécessaire au niveau de l'enfant pour au moins lui imposer un certain respect?

Je comprends que, comme parents, nous vivons des problèmes. Il faudrait quand même se mettre à la place de l'individu. Je pense que c'est devenu une urgence nationale, une urgence pour l'ensemble du Québec. Je ne veux pas, parce que moi j'y crois, à cette fonction, je ne veux pas, dans cette intervention, faire de la partisanerie; je pense que ce n'est pas cela que j'ai essayé de faire ce soir. J'ai essayé de vous exposer ce qu'était un enseignant.

Ce n'est pas avec quelques articles de peu de valeur tels que les congés de paternité de quinze jours, qui sont quand même secondaires dans cette chose-là, qu'on va régler le problème de la situation de l'enseignement au Québec.

C'est vrai que cela peut paraître ridicule, exactement comme lorsque nous avons commencé à négocier en 1969 — parce qu'avec le député de Saint-Jean, j'ai été un négociateur aussi — et nous avons commencé à demander des congés de maternité. Figurez-vous qu'on a fait rire de nous, et c'était quand même plus légitime, je l'admets. Mais il y a une chose sur laquelle on doit être d'accord. C'est qu'il s'agit d'une négociation et, quand on négocie, on en demande plus que moins, parce qu'en négociation, on va arriver à un moment donné à un certain juste milieu, et je suis assuré que ces articles peuvent être négociés pour autre chose.

En terminant, je voudrais souligner ce soir que nous avons peut-être la dernière possibilité, au Québec, de s'adjoindre l'enseignant comme un travailleur, non seulement au niveau de l'école mais au niveau de l'ensemble de la société québécoise, comme un professionnel de l'éducation. Et je pense que l'enseignant est un professionnel exactement de la même façon que le ministre de l'Immigration était un professionnel comme avocat, et non pas dans le sens péjoratif. Je l'ai expliqué tout à l'heure. On a voulu confondre le député de Lafontaine, cet après-midi, alors que c'est le député de Lafontaine qui avait entièrement raison. La fonction d'enseignant ne se termine pas à la fin de la journée scolaire. Si je suis journalier, je travaille de neuf heures à cinq heures. Mais l'enseignant — c'est bien compris dans l'article 81.04 — sa fonction, quand on demande 900 minutes de travail, c'est 20 périodes de 45 minutes. Et quand le ministre des Finances nous charrie avec les heures de travail, ce n'est pas comme ça que cela fonctionne. Le ministre de l'Education ne comprend absolument rien dans l'enseignement et c'est ce qui est grave, parce qu'il n'a jamais enseigné, parce qu'il n'est jamais entré dans une école.

M. Garneau: Le député de Saguenay ne sait peut-être pas que j'ai enseigné pendant quatre ans.

M. Lessard: Parce que lui, il peut se permettre d'envoyer ses enfants à l'école privée, sous prétexte qu'il veut protéger ses enfants.

Alors, le ministre ne comprend absolument rien.

M. Garneau: ... télévision, c'est bon ça, c'est bon.

M. Lessard: C'est 20 périodes de 45 minutes. Et le ministre, cet après-midi, a trompé la Chambre, je le répète. Il a trompé la Chambre. Dans les 900 minutes, qui sont comprises à 81.04...

M. Garneau: J'invoque une question de privilège.

M. Lessard: M. le Président, il utilisera l'article 96...

M. Garneau: J'invoque une question de privilège.

M. Lessard: ... après.

Le Président suppléant (M. Lafrance): Question de privilège.

L'honorable ministre des Finances.

M. Garneau: M. le Président...

Le Président suppléant (M. Lafrance): De l'Education.

M. Garneau: ... le député de Saguenay m'accuse d'avoir trompé la Chambre. Je dis que cette assertion est complètement fausse et sans fondement.

M. Léger: Une question de règlement, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Lafrance): Une question de règlement.

Le député de Lafontaine.

M. Léger: Le ministre apprendra que la question de règlement pour rétablir les faits, selon l'article 96, se fait après que l'intervenant a terminé et non pas pendant que l'intervenant est en train de parler.

M. Garneau: M. le Président, une question de règlement. Je n'ai pas demandé d'intervenir en vertu de l'article qui permet de rétablir les faits, j'ai demandé d'intervenir en vertu d'une question de privilège alors que le député de Saguenay m'accusait d'avoir trompé la Chambre.

M. Lessard: II n'y a pas de question de règlement là-dedans. Vous le ferez après. Vous avez trompé la Chambre lorsque vous avez dit...

M. Bienvenue: Sur le règlement?

M. Lessard: M. le Président, voici...

M. Bienvenue: Sur la question de règlement?

M. Lessard:... sur la question de règlement.

M. Bienvenue: Le ministre des Finances et de l'Education, M. le Président, s'est levé non pas, comme il vient de le dire, sur l'article du règlement qui permet de rétablir...

M. Lessard: II s'est levé sur le mauvais article. M. Bienvenue: Non, non.

Le Président suppléant (M. Lafrance): L'honorable ministre de l'Immigration.

M. Bienvenue: II s'est levé sur le bon article, M. le Président, qui est l'article 99, qui, au paragraphe... je l'ai lu avant de le citer et c'est la première fois, effectivement, que je lis cet article. Je suis député depuis six mois. Alors, le ministre, en vertu du paragraphe 9 de l'article 99, invoque son privilège parce qu'il prétend qu'on ne peut pas imputer des motifs indignes à un député.

Des Voix: Ah!

M. Bienvenue: Ah! Dire que l'on trompe la Chambre, si ce n'est pas un motif indigne, M. le Président, j'attends vos éclaircissements.

M. Lessard: M. le Président, je dis — vous lirez l'intervention du ministre des Finances — que le ministre de l'Education a trompé la Chambre et je m'explique. Si le ministre veut réfuter les faits, il utilisera l'article 96 des règlements et non pas l'article 99. Je n'impute pas de motifs au ministre de l'Education, je dis qu'il a trompé la Chambre lorsqu'il a voulu démontrer que les enseignants ne voulaient travailler que trois heures par jour. Je dis que le ministre des Finances a trompé la Chambre, exactement comme le gars qui était venu me voir dans mon bureau pour dire que l'avocat, qui l'avait défendu pendant une heure devant le juge, lui réclamait $1,800 l'heure.

Cet individu s'il était parti de mon bureau sans explications, aurait trompé la population en disant que tel avocat lui réclamait $1,800 l'heure, parce que, lorsque nous regardions les détails de ce compte d'avocat, nous constations que ce n'était pas $1,800. Le ministre de l'Immigration comprend très bien ce dont je veux parler. Ce n'était pas $1,800 l'heure, mais il y avait des heures de préparation non seulement pour la plaidoirie, mais de préparation de toute la série de documents et qu'il y avait même des comptes qui avaient dû être payés à d'autres personnes par le bureau d'avocat.

Or, je dis que le ministre de l'Education ou bien ne comprend absolument rien dans l'éducation ou bien n'a pas lu la convention collective telle que proposée par les enseignants, ou bien le ministre a été de mauvaise foi. En effet, dans l'article 81.04 où on précise que la commission ne peut requérir d'un enseignant qu'il consacre plus de 900 minutes par semaine aux occupations décrites, les occupations décrites ne comprennent pas la préparation de cours et les corrections. Cet après-midi, le ministre a tenté de confondre le député de Lafontaine en disant que la préparation de cours était comprise dans ces 900 minutes et que les corrections étaient comprises dans les 900 minutes.

M. Garneau: C'est complètement faux, M. le Président. C'est complètement faux.

M. Lessard: Cela est de la mauvaise foi.

M. Garneau: Ce n'était pas le sens de ma question et vous le savez, à part cela.

M. Lessard: M. le Président, actuellement, les enseignants ont une moyenne de 22.5 périodes d'enseignement devant les étudiants et ce sont, dans l'ensemble, des périodes de 45 minutes. La demande syndicale est de 20 périodes de 45 minutes, donc une diminution de 2.5 périodes. Ce n'est pas nécessairement la décision comme telle des enseignants; c'est en négociation, cela peut très bien...

M. Garneau: Est-ce que le député de Saguenay me permet de poser une question?

M. Lessard: M. le Président, du tout. Il me reste quelques minutes.

M. Garneau: Alors, si vous ne trompez pas la Chambre en disant ce que vous dites là, vous ne savez pas de quoi vous parlez.

M. Lessard: M. le Président, je fais la différence, je sais ce que c'est, l'enseignement.

M. Garneau: Dites-la la différence, ne vous cachez pas.

Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre! A l'ordre!

M. Lessard: Et le malheur de l'enseignement au Québec, c'est qu'on a toujours eu des ministres qui ne connaissent rien dans l'enseignement secondaire et dans l'enseignement primaire.

M. Garneau: Si vous connaissez quelque chose, dites la vérité.

M. Lessard: On a toujours eu des technocrates qu'on est allé chercher à l'université pour aller dire aux enseignants des niveaux élémentaire et secondaire quoi faire. C'est cela le problème au niveau de l'enseignement. Il faudrait quand même enlever la technostructure et la technocratie dans l'enseignement. Demandez un peu aux enseignants ce qu'ils pensent ou ce que c'est la véritable situation au niveau de l'enseignement.

M. Lacroix: Ce serait beau si on avait Char-bonneau comme ministre de l'Education.

M. Lessard: Je sais que je ne convaincrai personne ici ce soir, mais je pense qu'il est quand même important que certaines choses soient dites.

M. Cadieux: Quand je sais que je ne convaincs personne, je me ferme, moi.

M. Léger: II faut convaincre ceux qui sont dé-bouchables.

M. Lessard: M. le Président, ce que je voudrais souligner — je pense qu'il y a des enseignants ici, à l'Assemblée nationale — c'est qu'on est en train de pourrir une situation.

M. Lacroix: M. le Président, je voudrais vous signaler que le temps de l'Opposition est écoulé. Il a été convenu qu'on aurait 120 minutes pour le Parti libéral, 100 minutes pour le Parti québécois. Le député de Lafontaine a parlé 51 minutes, le député de Saguenay a commencé à 8 h 24, il est 9 h 14; le temps est écoulé. Si on s'est amusé à dire des balivernes et à dire des choses qui sont inexactes, je crois qu'il est temps que, de notre côté, nous soyons en mesure de rétablir les faits. Je vous demande, M. le Président, de céder la parole à un autre député.

Le Président suppléant (M. Lafrance): Les officiers m'informent que le temps du député de Saguenay se termine à 9 h 14. Je vous demande de faire extrêmement rapidement pour terminer.

M. Cadieux: Sur la question de règlement soulevée par le député des Iles-de-la-Madeleine, si le secrétaire vous informe que son temps est terminé, je vous demande de lui demander de terminer.

Le Président suppléant (M. Lafrance): Je suis obligé aussi de tenir compte de quelques interruptions qui ont eu lieu, il y a quelques minutes.

M. Cadieux: S'il fallait tenir compte des siennes, lui.

Le Président suppléant (M. Lafrance): Alors, on sera aussi vigilant pour les interruptions, s'il y en a tout à l'heure.

M. Lessard: M. le Président, je pense que le ministre des Finances en est témoin, j'ai eu l'occasion de donner mon consentement cet après-midi à deux ou trois reprises. On pourrait au moins me donner deux ou trois minutes, et je terminerais très brièvement en disant...

Le Président suppléant (M. Lafrance): On va négocier; au lieu de vous en donner deux, on va vous en donner une.

M. Lessard: M. le Président, cela ne dépend pas du président, si on me donne le consentement.

Le Président suppléant (M. Lafrance): En théorie, on peut vous arrêter immédiatement.

M. Lacroix: Je voudrais qu'il n'y en ait pas du tout.

Le Président suppléant: Terminez s'il vous plaît.

M. Lessard: M. le Président, je n'ai pas eu le temps de parler de sécurité d'emploi et de conditions de travail, mais je voudrais quand même rappeler au député, en terminant, d'abord qu'il faut négocier dans un climat de bonne foi, deuxièmement que nous avons peut-être la dernière chance d'établir un climat sain à l'intérieur des écoles au Québec.

Je voudrais — et vous pourrez voir les offres salariales telles qu'elles sont offertes par le ministre des Finances — très brièvement souligner que la compagnie Steinberg vient d'accorder à ses 800 employés...

M. Cadieux: Question de privilège. M. Lessard: ... la somme de $11,758.

M. Lacroix: Question de règlement, M. le Président.

M. Cadieux: Question de règlement, M. le Président.

M. Lessard: ... vient d'accorder à ses caissières la somme de $11,758.

M. Cadieux: Question de règlement, M. le Président.

M. Lessard: $11,758 pour une caissière, $8,000 pour un...

M. Cadieux: Question de règlement, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!

La question de règlement a été appelée. Vous n'aviez qu'à écouter. Alors asseyez-vous. Question de règlement, le député de Beauharnois.

M. Cadieux: M. le Président...

M. Léger: J'invoque le règlement, M. le Président. Je pense que... M. le Président, un peu de calme. Vous avez un siège important...

Le Président suppléant (M. Lafrance): II y a une question de règlement là-bas prioritaire à la vôtre. Asseyez-vous.

M. Léger: ... il faut avoir un peu d'ordre.

Le Président suppléant (M. Lafrance): Vous aussi, vous en avez un important, asseyez-vous.

La question de règlement du député de Beauharnois est prioritaire.

Le député de Beauharnois.

On sait votre jeu, vous voulez empêcher les libéraux de parler. Votre temps est terminé. Le député de Beauharnois sur la question de règlement.

M. Lessard: C'est un président fanatique et libéral, on le voit.

M. Cadieux: M. le Président, immédiatement, sur une première question de règlement, je voulais rappeler le député à l'ordre. Il a dit que vous étiez incompétent, que vous étiez un libéral partisan. Suivant le règlement, parce que vous êtes le président, il n'y a pas un député dans cette Chambre qui a le droit de s'adresser à la présidence comme le député — je ne connais même pas son comté, il est trop petit comme député pour que je connaisse son comté — il n'a pas le droit de s'adresser à la présidence comme il vient de le faire en disant que vous êtes partisan, que vous êtes un libéral et que vous conduisez les débats comme cela.

M. Lessard: Je constate les faits.

M. Cadieux: M. le Président, c'est une question de règlement. J'en appelle à vous et j'en appelle à la présidence. Si on ne fait pas respecter la présidence dans cette Chambre, chaque fois qu'il y aura un...

M. Lessard: Vous devriez donner l'exemple.

Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Cadieux: Je parle sur ma question de règlement. La présidence vient de se faire insulter et je demande au député de retirer les paroles qu'il vient de prononcer. Non seulement je lui demande de ne plus adresser la parole sur la motion qui est devant nous, mais je lui demande de retirer les paroles qu'il vient de prononcer.

M. Morin: Sur le point de règlement.

M. Lessard: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président suppléant (M. Lafrance): Sur le même point de règlement, le chef de l'Opposition.

M. Morin: Sur le point de règlement, je conçois que, pour la présidence, c'est une très grave insulte que de se faire traiter de libéral.

M. Cadieux: Un instant! Question de règlement, M. le Président.

M. Lacroix: Cela ne sert à rien de s'amuser avec cet imbécile, ils veulent nous faire perdre du temps. Allez-y l'imbécile!

M. Morin: M. le Président, je voudrais attirer votre attention sur un point.

Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Morin: Peut-être le moment est-il venu de mettre un peu de baume sur les plaies.

M. Lacroix: II serait temps, M. le Président, que quelqu'un mène dans cette Chambre...

M. Morin: Je vous ai entendu, vous-même, vous lever...

M. Lacroix: ... et non l'Opposition et surtout pas celui qui parle.

M. Morin: ... et attaquer l'Opposition en disant que ce que nous tentions de faire taire les députés ministériels...

M. Lacroix: ... votre professeur!

M. Morin: ...c'était de faire taire les libéraux. Vous savez très bien, M. le Président, qu'il n'en est rien. J'ai été étonné d'entendre ces mots dans votre bouche. Et, s'il vous plaît, voulez-vous tout simplement trancher le débat en renvoyant les deux côtés dos à dos. Et reprenons le débat, ce sera plus simple.

Le Président suppléant (M. Lafrance): Ce sont les paroles les plus sages que j'entends depuis plusieurs minutes.

Alors, le député de Saint-Maurice.

M. Marcel Bérard

M. Bérard: M. le Président, j'ai pris connaissance des offres patronales qui ont été déposées il y a quelques semaines pour le secteur de l'éducation. Je dois vous avouer qu'à mon avis, si certains points de ces offres méritent discussion, d'ailleurs les autorités gouvernementales sont prêtes à en discuter dans le cadre des négociations aux tables sectorielles, je dis que ces offres sont loin d'être provocantes comme l'ont prétendu certains chefs syndicaux.

Si on analyse soigneusement le contenu de ces offres, on constate que des améliorations majeures sont apportées tant au niveau élémentaire que secondaire.

On constate que des améliorations majeures sont apportées tant au niveau élémentaire que secondaire. Qu'il me suffise de mentionner l'allégement de la tâche de l'enseignant à l'élémentaire. En effet, les offres proposent une augmentation de 2,000 enseignants pour l'enseignement élémentaire au niveau provincial. Le rapport maître-élèves passe de 1/26 à 1/24 dans les trois premières années de l'élémentaire et demeure 1/26 pour les trois dernières années, ce qui produit une diminution de moyenne de 1/26 à 1/25 pour tout le secteur élémentaire provincial.

De plus, M. le Président, au nombre d'enseignants ainsi obtenu, on ajoute un enseignant par 20 enseignants, ce qui permettra aux commissions scolaires d'engager des spécialistes et de diminuer le nombre d'élèves par classe. Voilà, je pense, une mesure qui permettra une meilleure qualité de l'enseignement car c'est bien au niveau élémentaire que le jeune étudiant a besoin d'étroites relations avec ses éducateurs. Cet accroissement du nombre de professeurs et de spécialistes

au niveau élémentaire apportera inévitablement une amélioration dans la formation et l'éducation de nos jeunes élèves.

Au niveau secondaire, on propose l'abolition du rapport maître-élèves pour le remplacer par une formule de pondération. Cette mesure n'a pas pour but d'augmenter le nombre total d'enseignants au secondaire mais de répartir les professeurs d'une façon différente afin de tenir compte des exigences particulières de l'enseignement général et professionnel. Cette nouvelle formule est également offerte au niveau des collèges. Je suis parfaitement d'accord qu'on apporte une attention particulière au secteur professionnel mais il ne faudrait pas que cela se fasse au détriment du secteur général. J'admets bien volontiers que l'enseignement professionnel exige un rapport maître-élèves plus bas que l'enseignement général mais il ne faudrait pas que la nouvelle formule de pondération amène une surcharge des groupes du général.

Je pense qu'il y a là un juste équilibre à obtenir et c'est à une table de négociation que l'on pourra discuter franchement et honnêtement afin d'obtenir une solution qui respecte les critères d'un enseignement de qualité.

On a beaucoup parlé, M. le Président, de la présence de 32 1/2 heures par semaine à l'école pour l'enseignant. On a prétendu, en certains milieux, qu'en dehors de leurs heures de cours certains enseignants ne pouvaient être rejoints à l'école alors que la direction avait besoin de leurs services.

J'admets bien volontiers que certains enseignants peuvent avoir manqué à leur devoir en n'étant plus disponibles, sans raison valable, après leurs heures de cours. Mais il faut ajouter aussi qu'un grand nombre d'enseignants quittent l'école après leurs périodes de cours parce qu'ils ne peuvent trouver un local où ils pourraient effectuer convenablement leur travail de correction ou de préparation de cours. Ce genre de travail intellectuel exige beaucoup de concentration des enseignants et, souvent, ce n'est qu'à leur bureau à domicile qu'ils peuvent trouver les conditions indispensables nécessaires à l'accomplissement de leurs fonctions.

Je suggérerais donc plutôt une formule qui permettrait une entière disponibilité du professeur sans nécessairement qu'il soit tenu de demeurer 32 1/2 heures par semaine à l'école. Je pense que l'immense majorité des enseignants pourraient souscrire à une telle formule et cela démontrerait qu'on les traite comme des véritables professionnels de l'enseignement.

M. Lessard: C'est cela.

M. Bédard: En ce qui concerne la charge d'enseignement de l'instituteur au secondaire, il est bien évident que le point chaud est les 25 périodes de 45 minutes par semaine ou l'équivalent pour l'instituteur à temps plein. Je pense qu'on aurait intérêt à expliciter davantage cet article 83.01 car, en 1974/75, au niveau secondaire, la moyenne du nombre de périodes par semaine, pour les enseignants, était de 22.5 périodes. Or, les offres patronales spécifient bien que, pour un nombre X d'élèves, il y aura le même nombre de professeurs qu'en 1974/75. Il n'y a aucun doute que cet article a créé tout un émoi chez les professeurs du secondaire et qu'il serait approprié, dans les futures négociations, d'apporter une clarification de façon à éviter toute ambiguïté.

De toute façon, M. le Président, quand on compare les offres salariales, les charges d'enseignement, etc. du gouvernement du Québec avec les offres du Toronto métropolitain, on en vient rapidement à la conclusion qu'en général les offres du gouvernement sont justes et raisonnables. Je suis persuadé que des négociations sérieuses pourraient apporter des améliorations sur certains points et alléger considérablement les tensions qui existent actuellement.

Je sais que l'immense majorité des enseignants veulent une convention signée.

Je leur dis que c'est également le grand désir du ministre de l'Education, à qui je rends hommage ce soir pour son magnifique travail depuis qu'il est titulaire du ministère de l'Education.

Je fais appel à la bonne volonté des enseignements et de leurs dirigeants pour que cesse immédiatement le désordre qui existe dans certaines de nos écoles dans la province de Québec. Je puis assurer les enseignants que c'est la ferme volonté du gouvernement d'en arriver à une solution qui soit acceptable de part et d'autre.

La population du Québec a trop fait de sacrifices pour obtenir le système d'éducation que nous avons actuellement, même avec tous ses défauts, pour que des gestes irréfléchis risquent de détruire ce qui a été si laborieusement bâti.

Le temps n'est pas au blâme inutile, mais à la discussion et aux négociations. Je voterai donc contre la motion du député de Lafontaine. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Lafrance): L'honorable député de Richmond.

M. Yvon Vallières

M. Vallières: M. le Président, n'eût été le caractère démagogique des propos du député de Lafontaine, je me serais contenté de voter contre la motion de blâme qu'il a présentée, voulant que le gouvernement ait négligé de prendre les mesures nécessaires pour corriger la situation déplorable de l'éducation au Québec, notamment en ce qui concerne la détérioration de la qualité de l'enseignement et la dégradation du climat de travail dans les écoles.

J'éviterai d'employer mon temps de parole à démantibuler le fouillis dont nous a fait part le député de Lafontaine et essaierai plutôt de faire preuve de plus de modération en ce qui a trait à notre système éducatif au Québec.

M. le Président, le député de Lafontaine, par sa motion, nous démontre de façon on ne peut plus éloquente jusqu'à quel point il est absent du

milieu et, par voie de conséquence, jusqu'à quel point il est ignorant de la situation et de l'évolution de la pédagogie au Québec.

Je ne croyais vraiment pas que mon collègue de Lafontaine en était rendu au point critique de déclarer à l'Assemblée nationale du Québec que les enseignants de notre province ne sont qu'un groupe d'incompétents. Peut-être ne s'en est-il pas rendu compte, mais en déblatérant comme il l'a fait sur notre système d'éducation, il s'en dégage un genre de non-confiance et de blâme envers les enseignants du Québec. Ceux-ci seraient tellement faibles qu'ils auraient accepté d'évoluer dans un système qu'ils jugent complètement inadéquat pour eux et pour les enfants.

M. Léger: Est-ce qu'ils avaient le choix?

M. Vallières: Qui plus est, M. le Président, après tant d'efforts et d'énergie déployés par les enseignants du Québec, après plusieurs années de travail ardu, il faudrait conclure à la faillite totale de notre système. C'est ce qui inspire les propos de mon collègue de Lafontaine. Peut-être ne s'en rend-il pas compte, et je l'en excuse, mais en voulant faire de la politique de politicailleur avec l'éducation, en voulant exagérer pour décrire une situation qu'il veut critiquer, il déprécie et porte un jugement d'inefficacité sur l'ensemble du corps professoral au Québec. C'est ce qui arrive aux politiciens qui veulent déloger un gouvernement coûte que coûte; ils tombent dans la démagogie et souvent celle-ci se retourne contre eux-mêmes.

Si le député de Lafontaine persiste dans ce domaine et accumule maladresse par-dessus maladresse, le Parti québécois n'aura même plus le vote des enseignants. Peut-être celui de leur chef M. Charbonneau, mais pas celui de la majorité des enseignants au Québec.

M. le Président, j'ai oeuvré dans le domaine de l'éducation à titre d'enseignant et à titre de conseiller pédagogique. J'ai également vu travailler les enseignants. Croyez-moi, ils méritent plus de respect que ne leur en accorde le député de Lafontaine.

Pourquoi blâmer le gouvernement de n'avoir rien fait, alors que dans le milieu de l'enseignement on nous dit qu'il en a trop fait? En effet, le ministère de l'Education a beaucoup fait; tellement que j'estime qu'un recul est nécessaire afin de réévaluer toute la situation et apporter les correctifs qui s'imposent à certains niveaux.

Il ne faudrait quand même pas charroyer, M. le Président. Il faudrait vraiment être atteint d'une myopie très avancée pour ne pas voir le genre d'enseignement auquel étaient soumis les enfants il y a quelques années et pouvoir comparer, de façon très avantageuse, l'enseignement qui est dispensé aujourd'hui.

Je ne dis pas, cependant, qu'il n'existe pas un danger de tomber dans les excès contraires à ceux que nous avons voulu corriger. C'est pour cette raison que je mentionnais tout à l'heure la nécessité de réexaminer la réforme dans laquelle nous nous sommes lancés. Je me garde bien, ce- pendant, de conclure au désastre, comme veut le laisser entendre mon collègue, le député de Lafontaine.

M. le Président, quand le député de Lafontaine nous parle de la qualité de l'enseignement dans sa motion, sait-il vraiment ce que cela signifie? Permettez-moi d'en douter très fortement. En effet, il suffit de regarder toutes les mesures que le gouvernement a mises en place afin d'améliorer la qualité de l'enseignement au Québec. Plus que jamais l'enseignement au Québec est centré sur l'enfant. Cela ne signifie pas que certaines choses ne restent pas à améliorer, mais les parents seront les premiers à admettre que l'enseignement qui est dispensé à leur enfant tient compte plus que jamais de la personnalité de celui-ci. Heureusement pour notre gouvernement, les parents n'ont pas la mémoire courte comme le député de Lafontaine et se souviennent, eux, du temps où ils sont passés sur les bancs de nos écoles. Ils sont mieux que quiconque en mesure de porter un jugement sur l'efficacité et la performance du gouvernement actuel dans ce secteur. Bien mieux que le député de Lafontaine, les parents jugeront du souci du gouvernement actuel de doter leurs enfants de tous les instruments, de tous les outils qui leur sont nécessaires pour un développement harmonieux et intégral de leur personne.

Par sa motion, le député de Lafontaine fait preuve de ce que j'appellerais du masochisme. Il s'en prend à un système, à son système, qu'il a fallu des années à construire. Il s'en prend à un domaine que les parents veulent intouchable et garder loin des gens qui désirent tout révolutionner, pour ne pas dire tout détruire. Le jeu qu'essaie de jouer le député de Lafontaine en présentant sa motion de blâme peut lui coûter cher, car les parents seront très sévères à l'endroit de ceux qui veulent se servir de leur sentiment d'amour profond pour les êtres qu'ils ont créés et en qui ils voient toutes les possibilités d'avenir. C'est d'abord pour eux et leur éducation que les parents québécois acceptent de faire certains sacrifices que seul un très grand respect de la personne humaine peut motiver.

Celui qui a présenté la motion de blâme a semblé s'enquérir de chiffres très précis dans certaines écoles de son milieu. Aurait-il oublié qu'il n'y a pas que des chiffres? Au moment où il a poursuivi ses études, le député de Lafontaine pouvait-il bénéficier d'une pédagogie comme celle dont les étudiants bénéficient aujourd'hui au Québec? M. le Président, comment ce collègue peut-il être aussi dérouté? Des enseignants du Québec font le maximum afin de trouver les moyens les plus près de l'enfant pour lui permettre d'acquérir les notions dont il aura besoin. Comment ignorer que tant de gestes concrets sont posés dans nos écoles afin d'en arriver à un enseignement plus individualisé, axé sur les qualités et sur les possibilités de l'étudiant? Comment ignorer tous les moyens mis en oeuvre afin de mieux respecter le rythme d'apprentissage de chaque enfant dans le but d'en arriver à un progrès continu de l'étudiant? Comment ignorer que le gouvernement met

tout en oeuvre afin d'offrir le maximum d'épanouissement à tous les niveaux de la personnalité de l'enfant? Le député de Lafontaine fait beaucoup d'oublis, M. le Président.

Je pourrais également m'étendre longuement sur les commodités qui sont offertes à nos étudiants et enseignants. Qu'il suffise de mentionner les gymnases, les laboratoires, le matériel didactique, les bibliothèques, les locaux d'arts plastiques, les équipements sportifs et combien d'autres. M. le Président, ou bien le député de Lafontaine a oublié consciemment ou bien je devrai conclure à son inconscience.

Le député de Lafontaine nous parle, dans sa motion, du climat de travail dans les écoles. Je vais me permettre, avant de terminer ma brève allocution, de faire quelques commentaires sur ce point de vue. Il fallait entendre tout à l'heure le député de Lafontaine nous entretenir sur un ton pathétique des enseignants qui, pour cause de surplus de personnel, devront s'exiler et n'auront que cinq jours pour donner leur approbation à leur mutation. Mais on jurerait que le député sait à l'avance que le gouvernement et la CEQ ne pourront en arriver à une entente négociée! Le député doit être dans les secrets des dieux, à moins qu'il ne soit plutôt dans le secret de Charbonneau et compagnie. Cette dernière hypothèse est plutôt à retenir. En effet, il semble que le président de la CEQ ait décidé qu'il ne fallait pas en arriver à un règlement négocié.

Ce serait mauvais pour l'image de la CEQ, qui doit être perçue comme un syndicat casseur de système.

M. le Président, il semble que M. Charbonneau soit à la base du malaise que l'on ressent chez les enseignants. Les enseignants ont raison d'être inquiets, car tous les mouvements qu'effectue M. Charbonneau sont orientés de telle sorte qu'ils ne peuvent que conduire à un affrontement. M. Charbonneau, plutôt qu'être un spécialiste négociateur, est devenu un spécialiste provocateur et il se sert de la couverture d'un syndicat pour vendre une idéologie politique. Quel courage de pouvoir faire de la politique sans avoir à faire face à l'électorat! C'est vraiment digne d'une mention tout à fait particulière.

M. le Président, un chef syndical qui demande que le gouvernement lui accorde au-delà de 50,000 nouveaux postes, au-delà de 50,000 nouveaux enseignants ne peut être qualifié que de très mauvaise foi. Si le gouvernement du Québec décidait d'accorder, tel que le demande la CEQ, mais cachée par le député qui a présenté la motion de blâme, un congé de paternité de deux semaines aux enseignants qui deviennent pères, je serais le premier à blâmer le gouvernement pour son attitude irresponsable.

Ce n'est pas avec ce genre de demandes folichonnes que M. Charbonneau réussira à améliorer le sort des enseignants au Québec et à créer un climat de travail plus serein. Ce n'est pas non plus dans la rue que les enseignants amélioreront leurs conditions de travail. Si les enseignants... Non, on n'a pas suffisamment de temps.

M. Lessard: Est-ce que je pourrais poser une question?

Une Voix: On ne veut pas.

M. Vallières: II y a d'autres gens qui veulent se faire entendre.

Le Président suppléant (M. Lafrance): Le député... A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! Le député de Saguenay demande la permission de poser une question; est-ce que vous acceptez ou non?

M. Vallières: On n'a pas le temps.

Le Président suppléant (M. Lafrance): Non. A l'ordre s'il vous plaît!

M. Vallières: Si les enseignants exigeaient de leurs dirigeants syndicaux qu'ils consacrent moins d'énergie à faire de la politique et un peu plus à faire du syndicalisme, leur situation serait certainement meilleure. Les offres du gouvernement sont réalistes et tiennent compte de la capacité de payer du gouvernement du Québec; elles sont aussi négociables, mais encore faut-il accepter de négocier.

M. le Président, il est vrai qu'au cours de la négociation actuelle certaines tensions existent, mais il est faux de prétendre qu'en dehors de cette période de climat soit du même genre. Je pense, M. le Président, que le député de Lafontaine généralise trop facilement et qu'il y a beaucoup d'exagération dans la motion de blâme qu'il a présentée et défendue.

M. le Président, aux propos que j'ai dû entendre de mes collègues séparatistes, je ne peux qu'être très déçu. Je le suis au nom des électeurs de mon comté. A les entendre, un gouvernement séparatiste se transformerait en gouvernement providence, mais la providence gouvernementale ce sont les poches des contribuables, et je ne crains pas de dire que ceux de mon comté sont encore loin de l'option séparatiste. A en juger par la motion qui est devant nous ce soir, je ne peux que regretter que tous mes électeurs n'aient la possibilité d'en prendre connaissance pour mieux connaître le caractère fondamental du Parti québécois, soit l'irréalisme.

Je voterai donc, M. le Président, contre la motion du député de Lafontaine.

Le Président suppléant (M. Lafrance): Le député de Laurentides-Labelle.

M. Roger Lapointe

M. Lapointe: M. le Président, je ne puis m'en-pêcher, comme ex-enseignant, comme exprésident d'un syndicat d'enseignants, de prendre la parole sur la motion de blâme du député de Lafontaine et vous dire mon étonnement devant l'attitude démagogique du parti séparatiste, qui tente de se faire du capital politique sur des questions qui exigent une attitude objective et modérée,

compte tenu du contexte actuel des négociations dans les secteurs public et parapublic.

Je m'explique difficilement cet appui inconditionnel et sans discernement du député de Lafontaine aux demandes irréalistes des chefs syndicaux de la CEQ. Je dis bien des chefs syndicaux, parce qu'un bon nombre d'enseignants qualifient eux-mêmes plusieurs demandes de la CEQ de farfelues et d'irréalistes. Par cette attitude, le parti séparatiste démasque à la population son vrai visage, plus préoccupé qu'il est de faire de l'électoralisme que d'analyser objectivement les situations et tenter de proposer des solutions réalistes.

J'ai eu l'occasion, depuis quelques semaines, de suivre de près l'évolution du dossier des négociations dans le monde de l'éducation et d'apporter des recommandations positives par les voies normales pour améliorer la qualité de l'enseignement et éviter une détérioration plus grande du climat actuel dans les écoles du Québec.

J'ai eu l'occasion aussi de rencontrer bon nombre d'enseignants et de parents et j'ai été en mesure de constater jusqu'à quel point une information objective et précise leur manquait pour évaluer à sa juste valeur la situation actuelle. J'ai pu me rendre compte jusqu'à quel point bon nombre d'enseignants se laissent souvent trop manipuler par un petit groupe de chefs syndicaux qui n'ont pour seul objectif que de combattre le régime politique actuel et de détruire la société actuelle.

Je n'accepte pas, commeex-enseignant, qu'une centrale syndicale comme le CEQ fasse de l'action politique sa principale préoccupation plutôt que de représenter démocratiquement ses membres. Je sais pertinemment que bon nombre d'enseignants s'opposent à cette action politique; malheureusement, ils n'ont pas toujours la possibilité ou le courage de s'exprimer sur le sujet.

Je regrette que cette attitude de certains chefs syndicaux ait comme conséquence de déprécier les enseignants dans l'opinion publique alors que la grande majorité des enseignants — j'en suis convaincu — ne doivent pas être identifiés à cette attitude négative de certains chefs syndicaux.

Cette lutte politique menée par la CEQ, est bien décrite dans le manuel dir 1er mai, à la page 74, dans un paragraphe intitulé "Ne pas se limiter à l'école". On y dit: "Puisque l'école ne peut changer fondamentalement que si la société change et lui donne un nouveau rôle, les militants ne peuvent se limiter à se battre à l'intérieur de l'appareil scolaire mais doivent aussi travailler avec la classe ouvrière pour créer les conditions nécessaires pour la formation d'une organisation politique ouvrière révolutionnaire, indispensable à la destruction du système capitaliste".

Je pense que cette lutte politique, menée par la CEQ, est l'une des causes importantes du climat malsain ressenti dans certains milieux scolaires du Québec. Je ne crois pas que ce soit la pédagogie de conscientisation, proposée par la CEQ dans son Manuel du 1er mai, qui contribuera à améliorer la qualité de l'enseignement et le climat dans nos écoles.

Cette action menée par une petite minorité de révolutionnaires, appuyée par le parti séparatiste, ne peut qu'être néfaste au maintien d'un bon climat dans nos écoles. Puis-je souhaiter que la majorité silencieuse, cette majorité d'enseignants qui ne partagent pas tous nécessairement notre idéologie politique mais qui ont assez de conscience professionnelle pour mener à bien et honnêtement la tâche qu'on leur a confiée, se lève et fasse connaître à ses dirigeants syndicaux ce qu'elle attend d'eux?

J'accepte, M. le Président, qu'un organisme syndical comme la CEQ puisse se prononcer sur des problèmes politiques, économiques ou sociaux. Cependant, je ne crois pas que son action puisse être axée presque exclusivement vers une lutte politique comme c'est le cas actuellement, ce qui est loin de recevoir l'assentiment de tous les enseigants.

Si le président de la CEQ, M. Charbonneau, désire tellement, par voie démocratique, faire passer ses idées et obtenir une tribune politique, je l'invite, M. le Président, à se porter candidat dans Laurentides-Labelle à la prochaine élection.

M. le Président, je crois que certaines revendications des enseignants sont valables, afin d'améliorer la qualité de l'enseignement au Québec. Cependant, l'ensemble des demandes syndicales déposées par la CEQ me paraissent exagérées et irréalistes. Quant aux offres gouvernementales, elles me paraissent sérieuses et basées sur des études objectives de la situation. Certains aspects des offres doivent être améliorés. Cependant, je crois que c'est dans le cadre de négociations sérieuses et honnêtes qu'il sera possible de trouver des terrains d'entente, et non par des moyens de pression illégaux qui contribuent à détériorer le climat des écoles et dont les enfants ont à subir le contrecoup. J'émets le voeu que le Parti québécois fasse preuve de plus de discernement et d'objectivité vis-à-vis du problème des négociations actuelles. Peut-être pourrait-il, de cette façon, contribuer positivement à un règlement négocié, ce que nous souhaitons tous et ainsi nous éviterons des situations que nous avons connues en 1972, et le climat des écoles en sera d'autant amélioré. Merci.

Le Président suppléant (M. Lafrance): Le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: M. le Président, à en juger par les propos que je viens d'entendre, par les trois qui m'ont précédé, je serais porté à me demander si le ministre de l'Education n'est pas précisément le député de Lafontaine, parce qu'on a semblé vouloir s'attaquer d'une façon toute particulière à l'auteur de cette motion.

Le gouvernement dans tout cela, par sa publicité, la propagande qu'on entend un peu partout, veut se donner une image, veut créer l'impression qu'il est victime, alors qu'on oublie l'essentiel, la base du problème. Tout le monde admet, au-

jourd'hui, dans tous les domaines, dans tous les milieux, qu'on a créé un monstre avec l'éducation au Québec, un monstre de technocrates et de bureaucrates. Tout le monde est "enfargé" dans les normes, dans les règlements, personne n'est en mesure de trouver une autorité vraiment responsable, trouver quelqu'un capable de prendre des décisions.

Mais qui l'a créé ce monstre de l'éducation au Québec? Qui l'a créé, ce monstre, sinon le gouvernement du Québec? On ne peut quand même pas s'en prendre aux autres. C'est le gouvernement lui-même qui l'a créé, malgré tout ce qu'on a dit, malgré tout ce qui a été dit, toutes les remarques qui ont été faites, toutes les mises en garde qui ont été faites. On ne voulait entendre personne, non, il fallait aller de l'avant, puis aujourd'hui, on se retrouve avec tous les problèmes puis on cherche évidemment des solutions pour savoir de quelle façon on va en sortir.

M. le Président, je regrette, mais jamais je ne pourrai admettre que le gouvernement est victime, même avec toute la publicité qu'il peut faire. Les premières victimes de cet état de fait, ce sont ceux pour lesquels justement on devait faire cette grande réforme de l'éducation au Québec, c'est-à-dire les étudiants, c'est-à-dire nos enfants. C'étaient les premiers qui devaient bénéficier de cette grande réforme de l'éducation au Québec, puis aujourd'hui, on constate que ce sont nos enfants qui sont victimes du système, victimes de ce monstre gouvernemental.

M. le Président, je suis quand même surpris de constater le manque d'objectivité de mes collègues qui refusent de voir la réalité telle qu'elle est, de voir la situation telle qu'elle est, et qui cherchent plutôt à faire de la petite politique en essayant de trouver des boucs émissaires, puis d'accuser tantôt l'un et d'accuser tantôt l'autre, mais en se fermant les yeux, par exemple, sur les véritables responsables et les premiers responsables de l'éducation au Québec.

Il n'y a pas beaucoup de ministères au Québec qui, depuis 1970, ont eu quatre ministres. C'est pourtant le cas du ministère de l'Education. Ce n'est certainement pas un critère que tout va bien dans ce domaine.

M. le Président, si on fait un bref résumé de ce qu'on peut voir dans les journaux et de ce qu'on a pu voir un peu des reportages et des nouvelles que nous avons eues un peu partout au Québec, et je ne remonte pas tellement loin, à partir du 11 novembre, voici ce qu'on dit: 2,000 étudiants catholiques anglophones de la CECM sont en journée d'études et privent de cours quelque 40,000 élèves de l'élémentaire et du secondaire. Les 350 membres de l'Association des enseignants protestants des Cantons de l'Est les imitent.

Est-ce que le gouvernement lui-même a été affecté par cet arrêt de travail, sinon les 40,000 étudiants? Il en est de même pour les 450 professeurs anglophones de la région de Chambly. Le 25 novembre c'est la majorité des 3,000 étudiants de l'école polyvalente Mgr Parent à Saint-Hubert. Demandons-nous d'abord si c'est intelligent et si c'est humain d'avoir une école de 3,000 étudiants. Ils sont retournés chez eux prendre la carte d'identité que normalement on ne leur avait jamais demandée auparavant. A quatorze heures, ces étudiants n'étaient pas revenus en classe, l'école était fermée. Les étudiants de la polyvalente de Charlesbourg, de la régionale Jean-Talon refusent en grande partie d'assister à leurs cours. Le 26 novembre, le lendemain, une centaine de professeurs de la commission scolaire de Sainte-Foy sont absents de leurs cours soit pour la journée, soit pour une partie de la journée...

M. Harvey (Charlesbourg): Pourquoi refusaient-ils?

M. Roy: Quelque 4,000 étudiants et employés de soutien de Vaudreuil, Terrebonne, Sainte-Thérèse, Saint-Eustache, Deux-Montagnes, l'Ile Perrot, Soulanges tiennent des journées d'études, fermant ainsi l'école pour la journée.

La tactique qui consiste à se déclarer absent pour cause de maladie a été aussi employée du côté de la régionale Jean-Talon. La maladie. Oui, M. le Président, il s'est découvert une nouvelle sorte de grippe cet automne, un nouveau virus. On a eu la grippe asiatique, on a eu la grippe espagnole, il y a fort longtemps, mais cet automne, dans l'éducation, il y a eu la grippe Garneau, une nouvelle sorte de virus dans le domaine de l'éducation. Je pourrais continuer. Le 3 décembre, les 6, 7, 10 décembre, je pourrais y aller encore aujourd'hui, M. le Président.

Tout cela pour dire que rien ne va plus et qu'actuellement les élèves du Québec souffrent de cet état de fait. Avant de blâmer les enseignants, comme on semble vouloir le faire actuellement, qu'on se demande quelles sont actuellement les possibilités qu'ils ont. Je ne suis pas d'accord avec les méthodes qu'on utilise quand on se sert des enfants en quelque sorte comme pouvoir de négociation, comme outil de marchandage. C'est une chose que je n'accepte pas, mais il y a une question qu'il faut se poser cependant: Quels moyens ont-ils actuellement pour se faire entendre, pour faire pencher le gouvernement, pour qu'il plie un peu l'échiné, pour qu'il écoute leurs revendications? Quel est l'autre moyen que les enseignants ont actuellement?

On a tenté de faire croire que c'est seulement de questions salariales qu'il s'agit. Ce n'est aucunement la question, M. le Président, les tables sectorielles, les tables de négociations n'ayant pas encore commencé à étudier les questions de salaire.

J'ai fait deux vérifications aujourd'hui même auprès de personnes responsables dans ce secteur. Toutes les discussions qui se font actuellement sont au niveau des clauses normatives qui ont trait précisément à la qualité de l'enseignement. C'est là le véritable débat; c'est là le véritable conflit. La question que je peux me poser à ce moment-ci et que plusieurs se posent au Québec est celle-ci: Pourquoi le gouvernement du Québec agit-il de cette façon? Quelle est la stratégie der-

rière tout cela? Veut-on faire un débat politique, comme les trois que je viens d'entendre et qui sont en train de vouloir faire déboucher tout cela sur un débat politique dans le Québec? Le gouvernement voudrait-il, par hasard, provoquer une confrontation? Voudrait-il provoquer une grève pour peut-être se justifier de déclarer des élections prématurées pour masquer — je dis bien pour masquer — la situation économique et la situation financière dans lequel le Québec se trouve à l'heure actuelle, face aux projets grandioses et aux ambitions démesurées de ce gouvernement qui n'a pas tenu compte de la réalité et des possibilités réelles du Québec, dans des conditions normales et dans des conditions voire même difficiles?

Qu'est-ce qui se retrouve derrière tout cela, M. le Président? Ce n'est pas une stratégie purement politique partisane qui vise à faire un conflit politique sur cette question, encore sur le dos des étudiants du Québec. On ne pourra pas se moquer impunément de la politique du Québec et de nos jeunes de cette façon. N'oublions pas que demain ce sont eux qui seront à notre place.

Ils se souviendront de la situation dans laquelle ils ont été placés par ceux qui, justement, avaient des responsabilités dans la province, par ceux qui avaient la responsabilité de gouverner le Québec, par ceux qui avaient la responsabilité de voir à prendre les meilleures décisions, de façon que le système d'enseignement au Québec soit au service des étudiants, soit au service de nos enfants pour les mieux préparer à assumer leurs responsabilités de demain.

Au lieu de cela, qu'on prenne le soin d'examiner, actuellement, quelles sont les conséquences, parce que le gouvernement n'a pas pris ses responsabilités, et ce que les étudiants, les jeunes pensent, actuellement, de la situation qui leur est faite.

M. le Président, ceux qui sont pères de famille savent, parce que leurs enfants leur en font des remarques, ce qui se passe. On voit des jeunes de neuf ans, de dix ans, de onze ans se faire manipuler parce que le gouvernement n'a pas su prévenir, n'a pas su prendre ses responsabilités quand c'était le temps de les prendre. Il n'a pas vu à apporter des correctifs pour désorganiser ce gigantisme épouvantable, ce monstre qu'est l'éducation au Québec, de façon que les responsabilités puissent descendre dans les milieux — la décentralisation administrative dans les régions — pour que les gens vraiment représentatifs d'une population, les gens du milieu soient capables de prendre des décisions et de régler les problèmes de leur milieu, à eux.

Au lieu de cela, M. le Président, on crée des monstres et on essaie de tout amener à un niveau supérieur. Là, justement, on se retrouve avec des conflits et des situations comme celle où on est à l'heure actuelle. Là, on cherche la norme qui pourra satisfaire à la fois les gens du Nord-Ouest, les gens de la Beauce et les gens de la Gaspésie en même temps, en ne tenant pas compte qu'il y a pourtant, dans chacune de ces régions, d'énormes différences, des problèmes différents. On ne tient pas compte de cela.

On veut une grande norme qu'on place sur ordinateurs; on fait fonctionner ces ordinateurs et on astreint tout le système aux conditions que les normes imposent à la population, au lieu de faire en sorte que le système s'adapte aux besoins des individus.

M. le Président, malheureusement, le temps que j'ai à ma disposition se termine. Je dis au gouvernement, encore une fois, qu'il y a un défi à relever au niveau de l'éducation au Québec. Cette motion de blâme, je l'appuie parce que le gouvernement est à blâmer et pour démontrer qu'il y a un défi de taille à relever au Québec au niveau de l'éducation. Pour cela, le gouvernement devra commencer par donner l'exemple. Il devra faire appel à de tels sentiments seulement après qu'il aura commencé par donner l'exemple et manifesté des intentions réelles de bonne volonté, de bonne foi. J'insiste sur la bonne volonté et la bonne foi, pour qu'on cesse de jouer à la stratégie politique purement électorale, de façon à créer des conflits dans le Québec pour, par la suite, permettre au gouvernement de venir dire: Nous avons maté tel domaine, pour montrer que le gouvernement est fort.

M. le Président, tant et aussi longtemps que le gouvernement ne fera pas preuve d'initiative véritable, tant et aussi longtemps que le gouvernement ne prendra pas le taureau par les cornes et que le gouvernement ne prendra pas ses responsabilités, il ne pourra pas apporter la vraie réforme de l'éducation pour qu'on revienne au bon sens. Revenir au bon sens, ce n'est quand même pas sorcier. Il n'est quand même pas nécessaire d'avoir des rapports d'experts et des études, et des études, qui coûtent des dizaines et des dizaines de milliers de dollars, voire même des millions. Il faut revenir au bon sens dans le domaine parce qu'on a franchi les limites du bon sens et qu'on est rendu dans un gigantisme épouvantable.

M. le Président, ce sont les propos que j'avais à tenir sur cette motion. J'appuie la motion du député de Lafontaine.

M. Dufour: Ah! Qu'il est fini.

Le Président suppléant (M. Lafrance): L'honorable député de Saint-Jean.

M. Jacques Veilleux

M. Veilleux: M. le Président, j'étais absent cet après-midi lorsque le député de Lafontaine a défendu sa motion dans laquelle il reproche au gouvernement de détériorer la qualité de l'enseignement et de dégrader le climat de travail dans les écoles. Mais je me suis informé auprès de mes collègues et on m'a dit que je n'avais absolument rien manqué. Rien manqué parce que, paraît-il, le député de Lafontaine a parlé uniquement du climat de travail dans les écoles et des conventions collectives, mais s'est abstenu de parler de la qualité de l'enseignement.

Je pensais que le député de Saguenay, dans son introduction — il faut dire que son introduc-

tion était assez longue, il nous a dit pendant au moins cinq à dix minutes qu'il nous parlerait de la qualité de l'enseignement. Ce que j'ai compris de l'intervention du député de Saguenay concernait uniquement les négociations; ou, si j'ai bien compris le député de Saguenay, qualité de l'enseignement égale signe de piastre uniquement.

Je viens d'écouter le député de Beauce-Sud; lui au moins je l'en félicite, il a parlé de la qualité de l'enseignement. Il a parlé du climat dans les écoles, mais je ne suis pas d'accord avec sa solution. Pour lui, il faudrait revenir aux petites écoles de rang, comme vient de me le dire mon collègue du Lac-Saint-Jean; ce serait revenir, M. le Président, au feu Département de l'instruction publique.

J'ai connu, au début de mon enseignement, à la fois les écoles de rang et le Département de l'instruction publique; que Dieu me préserve de revenir à cette période.

Le député de Beauce-Sud aurait avantage à consulter son nouveau chef; j'ai la très nette impression que son nouveau chef ne serait pas tout à fait d'accord pour revenir et aux écoles de rang et au feu Département de l'instruction publique.

J'essaierai, M. le Président, quant à moi, de parler et de la qualité de l'enseignement et du climat de travail dans les écoles. J'essaierai d'en parler à partir de ma petite expérience de huit ans, deux ans de moins que le député de Saguenay, ma petite expérience d'enseignement à l'école secondaire, de secondaire I à secondaire V. Je dois dire d'abord, pour replacer les faits, que ce que j'ai pu entendre des collègues de mon parti qui m'ont précédé — et je peux vous dire que cela dénote exactement la pensée de l'ensemble de tous les députés libéraux — c'est que, pour nous, il n'est pas question de dire que l'immense majorité des enseignants ne sont pas consciencieux. Au contraire, d'après ce que j'ai pu entendre de mes collègues, ce que j'ai pu lire du discours du ministre de l'Education cet après-midi, nous disons que l'immense majorité des enseignants sont consciencieux; que l'immense majorité des enseignants accomplissent professionnellement leur tâche. C'est la pensée de tous les députés libéraux, y compris, quoi qu'en pense le député de Saguenay, le député des Iles-de-la-Madeleine.

M. le Président, lorsqu'on parle de qualité de l'enseignement, il faut parler de la tâche de l'enseignant à l'école. On ne peut pas s'en sortir, c'est la première condition, la tâche de l'enseignant à l'intérieur de ses 32 1/2 heures de présence à l'école; c'est là qu'on voit véritablement, d'abord et avant tout, la qualité de l'enseignement. Le député de Saguenay le sait.

Il y a différentes matières qui s'enseignent dans les écoles: l'histoire, la géographie, le français, les mathématiques, la physique, la chimie, la morale, aujourd'hui, à la place de la religion. Il y a des professeurs dans ces matières qui donnent des cours théoriques, il y en a d'autres qui travaillent en laboratoire; la tâche n'est pas identique pour tous ces enseignants.

Un professeur qui travaille en laboratoire dans une matière comme l'histoire ou la géographie c'est différent du professeur qui travaille en laboratoire en physique, en chimie, en biologie. Un professeur qui enseigne en laboratoire ou qui donne en laboratoire les cours de dactylographie, c'est complètement différent des professeurs qui travaillent en laboratoire dans les matières que je viens de mentionner.

Lorsqu'on arrive et qu'on veut délimiter, sans exception, pour tous les professeurs, quelle que soit la matière qu'ils enseignent, quel que soit le secteur dans lequel ils enseignent, qu'ils enseignent la théorie ou qu'ils enseignent en laboratoire, quand on demande 900 minutes pour chacun de ces enseignants, je doute sincèrement qu'on veuille la qualité de l'enseignement.

Pour les différences que je vous ai montrées tout à l'heure, si je lis bien — et je convie le député de Saguenay à lire attentivement les offres gouvernementales — pour répartir cette tâche, qu'est-ce qu'on dit dans les offres? On se sert d'abord d'un facteur de pondération pour délimiter un nombre d'enseignants par commission scolaire. On prévoit dans un autre article une charge maximum; si je comprends bien, on prévoit une charge maximum, c'est-à-dire que la charge de l'enseignant pourrait aller jusqu'à 25 périodes, que ce soit pour enseigner la théorie, que ce soit pour enseigner en laboratoire, que ce soit pour faire de la surveillance, que ce soit pour certaines activités parascolaires telles que participer à une classe de neige ou différentes choses comme ça. Cela n'empêche pas, à ma connaissance, les offres gouvernementales de donner une qualité de l'enseignement. En d'autres mots, cela n'empêche pas un syndicat local qui s'en tiendrait au facteur de pondération par le nombre d'élèves d'aller au niveau local et de négocier un aménagement de périodes pour les enseignants, compte tenu de la matière, compte tenu du laboratoire ou de la théorie, compte tenu du nombre d'activités parascolaires, compte tenu du nombre de périodes de surveillance.

A ma connaissance, si je comprends bien les offres gouvernementales, cela n'empêche pas un arrangement de cette nature qui pourrait réellement améliorer la qualité de l'enseignement. Enseigner, par exemple, l'histoire, la géographie — le député de Saguenay connaît ces matières-là, M. le Président — à sept ou huit classes de niveau secondaire III ou secondaire IV, en d'autres mots, permettre à un professeur d'histoire — le député de Matane connaît aussi cette matière — d'enseigner la théorie de l'histoire dans sept ou huit classes différentes, c'est moins de travail que d'enseigner l'histoire au niveau du laboratoire.

Je peux vous citer un exemple que j'ai vécu personnellement. J'étais professeur de français, avec trois de mes collègues, au niveau de secondaire IV, à l'école Beaulieu, à la Commission scolaire régionale Honoré-Mercier, en 1968, 1969 notamment — je me souviens, M. le Président...

M. Morin: ... M. le Président...

M. Veilleux: Je demande au député de Sauvé

d'écouter attentivement ce que je vais lui dire. M. Morin: J'écoute...

M. Veilleux: Je vais lui prouver, M. le Président...

Une Voix: ... intéressant.

M. Veilleux: ... qu'à l'intérieur d'une convention collective qui établit des normes générales, on est capable de faire un réaménagement sans pour autant excéder ces normes mais, M. le Président, un réaménagement qui peut permettre de donner un meilleur enseignement, notamment en français, dans la matière qu'on appelle le français, donc d'améliorer la qualité de l'enseignement. Nous nous étions entendus, les quatre enseignants en question, pour nous répartir la tâche dans le français. Un, entre autres, se spécialisait dans l'enseignement de la grammaire parce que, imaginez-vous, M. le Président, on était obligé d'enseigner la grammaire française au niveau du secondaire IV.

Alors, un s'est spécialisé là-dedans, un autre faisait du laboratoire avec les élèves, notamment en composition, en dissertation. Il est entendu que celui qui enseignait la grammaire française avait une tâche différente de celui qui enseignait en laboratoire. Moi, j'ai enseigné le français à deux groupes d'élèves; donc, j'avais devant moi 70 élèves. Par contre, d'autres de mes collègues, qui enseignaient la même matière, mais un autre programme de cette matière, n'avaient, eux, que 25 ou 30 élèves.

Ce n'est pas nécessairement le nombre d'élèves par classe qui fait que la matière peut être meilleure ou pire; c'est la matière elle-même qui peut être répartie différemment compte tenu que c'est de la théorie ou de la pratique. C'est de cette façon, M. le Président, qu'on pourra améliorer la qualité de l'enseignement dans les écoles. Nécessairement, il faut une bonne connaissance de la matière dès le départ. Aujourd'hui, avec la réforme de l'enseignement que nous avons connue dans les années 1962 et 1963, ce début de réforme, cette attirance d'une plus grande partie de la population étudiante vers le secteur du CEGEP et de l'université, on peut dire qu'au départ quelqu'un qui entre en 1975 dans l'enseignement est nécessairement mieux préparé qu'un autre auparavant; donc, il a de meilleures connaissances.

A Saint-Jean, notamment dans le secteur de l'enfance inadaptée, j'ai eu la visite, il y a trois semaines, d'un professeur en enfance inadaptée. Malgré la convention collective, le décret dont parlait le député de Saguenay, ils sont à faire ce qu'on appelle un "team teaching" dans le secteur de l'éducation de l'enfance inadaptée. Ils sont heureux de l'expérience qu'ils tentent présentement. Ils sont capables, à l'intérieur des normes prévues, d'expérimenter ce qu'on appelle le "team teaching". On améliore, à ce moment-là, l'enseignement par équipe. On améliore, à ce moment-là, la qualité de l'enseignement à des élèves qui sont peut-être les plus démunis à l'heure actuelle au Québec, c'est-à-dire démunis mentalement. Malgré ces fameuses normes qui sont censées, à écouter le député de Lafontaine ou le député de Saguenay, détruire la qualité de l'enseignement, à l'intérieur de cela, il y a une tentative honnête qui est faite présentement par des enseignants de mon comté. Je dois non seulement en mon nom, mais au nom de tous mes collègues du Parti libéral les féliciter pour cette initiative qu'ils ont prise, parce qu'ils font partie de la très grande majorité des enseignants qui ont le souci de s'améliorer et, partant, d'améliorer la qualité de leur enseignement.

C'est important, M. le Président, aussi de mentionner que, si on veut améliorer la qualité de l'enseignement, si on veut améliorer le climat à l'intérieur des écoles, une autre des caractéristiques de tout enseignant, c'est la disponibilité vis-à-vis de ses élèves. Malgré l'immense travail que peut avoir un enseignant en dehors de la présence avec ses élèves — admettons, comme l'a dit le député de Saguenay, qu'on se contentait, M. le Président, de dire: Oui, 900 minutes d'enseignement, on vous l'accorde, parce que vous avez une immense tâche en dehors de cela — cela prend plus pour créer un véritable climat à l'intérieur d'une école, pour améliorer la qualité de l'enseignement. Cela prend, d'abord et avant tout, la disponibilité des enseignants vis-à-vis des étudiants. Je retourne, pas 50 ans mais six ans en arrière pour vous dire que, dans l'école où j'enseignais à Saint-Jean, il y avait des professeurs qui acceptaient de passer, sans rémunération, une heure ou deux par semaine avec nos groupes d'élèves pour jouer entre autres au vollev-ball.

C'est là qu'on avait l'occasion de rencontrer nos élèves, de discuter d'autre chose que de matières pédagogiques. On se connaissait mieux. Donc, cela permettait à l'enseignant de créer un meilleur climat à l'intérieur de sa classe et de donner un meilleur enseignement, donc, une meilleure qualité de l'enseignement. Ce sont ces choses qu'il ne faut pas oublier lorsqu'on parle de qualité de l'enseignement.

Et la question que l'on doit se poser aujourd'hui c'est: Est-ce que les offres gouvernementales, les offres faites dernièrement par le gouvernement du Québec aux enseignants peuvent permettre un réaménagement, une disponibilité, comme je viens de le mentionner? Le ministre de l'Education me fait signe que oui, M. le Président! Je ne dis pas — le ministre de l'Education l'a dit lui-même aussi — que cela ne peut pas être sujet à amélioration mais pour que ce soit sujet à amélioration, pas dans tous les secteurs... Ce qu'ils oublient de dire, dans l'Opposition officielle, c'est que les offres du gouvernement améliorent nettement la condition de l'enseignant au niveau de l'élémentaire, donc lui permettent de diminuer sa tâche, lui permettent d'améliorer la qualité de son enseignement. Je dois le dire, jamais, le député de Saguenay le sait, la Corporation des enseignants du Québec n'a eu comme souci premier, d'essayer d'améliorer les conditions de travail des professeurs de l'élémentaire.

Une Voix: Oh!

M. Veilleux: Là, c'est une nette avance sur toutes les propositions...

M. Lessard: Qui est-ce... Est-ce que je peux vous poser une question?

M. Veilleux: Non, M. le Président.

M. Lessard: Est-ce que je peux vous poser une question?

Des Voix: Non.

M. Veilleux: M. le Président...

M. Lessard: Qu'est-ce que vous faisiez...

Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lessard: ... quand vous étiez...

Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lessard: Est-ce que je peux lui poser une question? Qu'est-ce que...

Le Président suppléant (M. Lafrance): L'honorable député de Saguenay demande la permission de poser une question au député de Saint-Jean.

M. Lessard: Est-ce que je pourrais...

M. Veilleux: Non. Mon temps est limité, M. le Président.

M. Lessard: ... demander au député de Saint-Jean...

Le Président suppléant (M. Lafrance): Permission refusée.

M. Lessard: ... qu'est-ce qu'il faisait...

Le Président suppléant (M. Lafrance): Permission refusée.

M. Lessard: ... quand il était au Conseil provincial, comme négociateur?

Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre! ... A l'ordre! Vous avez invoqué l'article 96 tout à l'heure, il s'applique encore à cette heure-ci. Alors, assoyez-vous.

L'honorable député de Saint-Jean.

M. Veilleux: M. le Président, les offres gouvernementales...

M. Lessard: Vous auriez dû, à ce moment-là, appliquer l'article 96.

M. Veilleux: ... il ne me l'a pas dit, M. le Président...

M. Lessard: Et vous ne savez pas de quoi vous parlez.

M. Veilleux:... ils ne le disent pas... M. Lessard: ... en parler.

Le Président suppléant (M. Lafrance): Al'ordre!

M. Veilleux: ...améliorent l'enseignement dans le secteur professionnel au niveau secondaire. C'est un pas en avant, ça. Là où on doit s'interroger, et c'est normal qu'on s'interroge, c'est normal qu'on retourne à la table de négociation pour le négocier, c'est dans le secteur général et dans le secteur commercial. Je suis d'accord que les offres gouvernementales ne répondent peut-être pas à toutes les aspirations des enseignants dans ce secteur-là, mais c'est à eux, sincèrement, consciencieusement, de retourner à la table des négociations et de discuter de ces conditions de travail, pour leur permettre, à eux aussi, je le concède, d'avoir une meilleure qualité d'enseignement.

Je les ai rencontrés moi aussi — je termine là-dessus parce que je sais que l'ex-ministre de l'Education a des paroles à prononcer sur cette motion de blâme — les enseignants de mon comté, dimanche soir passé. J'en ai convoqué un et je lui ai demandé de choisir sept à huit autres enseignants. C'est lui qui les a choisis. Ils sont venus chez moi. Pendant deux heures et demie ou trois heures, nous avons discuté sincèrement des offres gouvernementales et des demandes syndicales. SaVez-vous quelle est la grande surprise...

M. Charron: Ils ont signé la convention.

M. Veilleux: ... que j'ai eue?

M. Lessard: ... organisateurs libéraux.

M. Veilleux: Savez-vous quelle est la grande surprise? Les enseignants du Syndicat des enseignants d'Honoré-Mercier ne connaissaient même pas les demandes syndicales et ils ne connaissaient les offres gouvernementales que par ce que le ministre de la Fonction publique et le ministre de l'Education leur avaient dit, soit à la radio ou à la télévision.

Une Voix: Cela est vrai.

M. Veilleux: C'est pourquoi il serait peut-être bon...

M. Léger: Etes-vous au courant des offres?

M. Veilleux: Demandez donc au député de Lafontaine d'être moins nerveux.

Une Voix: Ah! C'est mieux de les sortir de même.

M. Veilleux: D'être moins nerveux.

M. Léger: Est-ce que tous les membres vont assister à vos assemblées? Voyons donc!

M. Veilleux: D'être tranquille, de ne pas s'énerver. Moi, je n'étais pas mieux que les autres à l'époque où j'étais président du syndicat. J'avais au moins le courage...

J'ai été un des rares présidents au Québec, lorsqu'en 1969 nous avions à nous prononcer sur les offres gouvernementales, à avoir invité à mon assemblée de syndicat, le directeur du personnel de la Commission scolaire Honoré-Mercier, Pierre Prévost, à venir expliquer les offres gouvernementales et patronales à mes enseignants, en pleine assemblée syndicale, puis il y avait 900 enseignants à mon assemblée.

M. Lessard: Parce que vous n'étiez pas capable de les expliquer.

M. Veilleux: Les enseignants ont très bien reçu, ont reçu poliment le représentant de la commission scolaire. Je n'ai pas peur de le dire: Si le président du syndicat de Saint-Jean veut faire une assemblée, je suis prêt à aller n'importe quand expliquer les offres gouvernementales comme, à l'époque, Pierre Prévost, de la régionale, était venu les expliquer. Même s'il y a des enseignants qui ne sont pas d'accord politiquement avec moi, même s'il y a des enseignants de Saint-Jean qui ne sont pas d'accord sur les offres gouvernementales, je suis persuadé qu'ils vont bien me recevoir, parce que les gens de Saint-Jean reçoivent bien et leurs représentants syndicaux et les représentants soit de la table du gouvernement ou des commissions scolaires. Dans le conflit des prêts-bourses, j'ai été rencontrer 1,200 enseignants de mon CEGEP. Ils ne m'ont pas sorti dehors; ils m'ont permis de leur expliquer la position du ministère de l'Education.

M. Lessard: 1,200 étudiants, pas enseignants.

M. Veilleux: Je suis persuadé que les enseignants me feraient une réception identique et je suis disponible pour aller leur expliquer la position du ministère n'importe quand. Mais je demande au ministre de l'Education s'il n'y aurait pas lieu de penser sérieusement à faire parvenir aux enseignants du Québec et les offres gouvernementales et les demandes syndicales pour qu'ils se rendent compte, parallèlement, exactement des demandes syndicales et des offres gouvernementales.

En terminant, je demande aux représentants des syndicats de retourner à la table de négociations et de négocier. Pas se contenter d'interroger, pas se contenter de contester, mais d'aller véritablement négocier pour en arriver à une entente entre les enseignants et le gouvernement, pour assainir le climat de travail dans les écoles.

Merci.

M. Lessard: M. le Président...

Le Président suppléant (M. Lafrance): Le député de Saguenay.

M. Lessard: Est-ce que ce serait possible de poser une question au député de Saint-Jean?

M. Veilleux: Si ce n'est pas pris sur le temps de mon collègue, oui, mais, si c'est pris sur son temps, non.

M. Lessard: D'accord, M. le Président, ce ne sera pas pris sur son temps. On sait que le député de Saint-Jean a déjà été au niveau de la négociation...

Une Voix: Cela prend le consentement et il ne l'a pas.

Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lessard: En tous cas vous avez peur. Vous avez peur.

Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Veilleux: Je ne lui permets pas.

M. Lessard: Je vais y aller quand le député de Saint-Jean rencontrera les enseignants.

M. Veilleux: La parole est au ministre de l'Industrie et du Commerce.

Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous plaît! Etant donné que le débat est limité...

M. Lessard: Un autre qui ne connaît rien!

Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous plaît!

Le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Lessard: Vous avez peur, hein. M. Guy Saint-Pierre

M. Saint-Pierre: M. le Président, je suis heureux de participer à la discussion sur la motion qui a été présentée, puisqu'il me semble que, peu importent les préoccupations d'un parlementaire dans cette Chambre et ses champs de spécialisation, le monde de l'éducation, à cause de son importance dans toutes les sociétés modernes, ne peut laisser personne indifférent. Même si, depuis deux ou trois ans, on m'a confié d'autres secteurs de l'administration gouvernementale, je regarde toujours avec beaucoup d'intérêt ce qui se passe dans le secteur de l'éducation. C'est un volet important non seulement parce que nous y consacrons plus de $2 milliards de nos ressources et

que nos resssources ne sont pas illimitées, mais également parce que, dans ce processus par lequel toute société tente d'améliorer ses méthodes de vie, et les rapports qui relient les hommes entre eux, on ne saurait négliger la fonction importante qu'a l'éducation de permettre à chacun, par un processus continu, de mieux comprendre son rôle dans nos sociétés et de mieux être en fonction d'aider les autres à comprendre leur rôle dans la société.

Nous avons connu au Québec une réforme nécessaire dans ce secteur, qui a fait que, dans l'espace des quinze dernières années, il nous a fallu prendre les bouchées doubles. Le travail n'a pas été fait par Dieu le Père, le travail n'a pas été trouvé dans l'encyclopédie Larousse ou autre, mais ce fut un travail d'hommes. Des gens, partant du rapport Parent ou partant d'autres qui avaient décelé les lacunes de nos systèmes d'éducation, ont tenté de nous suggérer des éléments de réforme. Des gens, par la suite, que ce soient des fonctionnaires, que ce soient des ministres, que ce soient des professeurs, que ce soient des étudiants, ont tenté de vivre les réformes et de les mettre au point. Bien sûr, dans ce travail si complexe de l'éducation, lorsqu'en une période si courte il nous a fallu faire tant de choses, il a pu se commettre ici et là sur le parcours des erreurs.

Mais globalement pouvons-nous identifier du doigt que seul le gouvernement doit assumer cette responsabilité, puisque c'est le sens un peu de la motion, que seul le gouvernement pouvait faire de cette réforme un succès ou éviter qu'elle soit sujet à des critiques?

La réforme de l'éducation — et c'est ce qui est peut-être fondamental dans le débat, il faut se le rappeler, comme la réforme en matière des affaires sociales — est un dur test pour la société québécoise. Dans d'autres secteurs, particulièrement le secteur économique, nous avons plusieurs voies pour nous dire que nos problèmes, c'est la faute des autres, c'est la faute des Anglais, c'est la faute des compagnies multinationales, c'est la faute du système capitaliste. Mais s'il y a deux secteurs, M. le Président, où nous sommes collectivement maîtres de ce que nous tentons de faire, c'est bien le secteur des affaires sociales et de l'éducation.

Si, dans ces deux secteurs, on veut dire que tout va mal, il faut bien se donner un mea culpa collectivement, si on veut donner ce verdict. J'estime que dans le secteur de l'éducation, nous avons visé deux objectifs très importants. Premièrement une accessibilité de plus de Québécois à l'enseignement même. Je souligne que, possiblement, un des problèmes que nous pouvons avoir aujourd'hui, non seulement sur la difficulté dans tous les secteurs, que ce soit le leadership syndical, le leadership patronal ou le leadership gouvernemental, vient peut-être que sur le groupe d'hommes qui, normalement, dans des sociétés, doit assumer beaucoup de responsabilités, ceux qui ont entre 35 et 50 ans, si on tient compte, au Québec, que nombre d'entre eux lorsqu'ils étaient à l'école et qui ont frappé aux portes de l'univer- sité se sont destinés vers la prêtrise et ont abandonné en cours de route, c'est peut-être une très faible proportion de la population québécoise qui a eu cette chance de l'éducation et qui se retrouve actuellement avec les données du problème.

Le problème de l'éducation visait également un système de péréquation qui faisait que le niveau de l'éducation n'était pas relié au nombre de cheminées industrielles qu'on avait dans son milieu, ce qui faisait que Noranda n'était pas capable de se payer, dans un nouveau système, le luxe que Rouyn ne pouvait pas se payer.

Sur ces deux points, accessibilité et péréquation, il faut bien admettre que beaucoup a été accompli, que des régions qui hier, devaient se contenter de payer mal des professeurs, d'avoir un système d'éducation complètement inadéquat, peuvent aujourd'hui, indépendamment de la richesse de leur milieu — et le député de Saguenay devrait en convenir — être capables de se payer des normes qui font qu'eux, même s'ils ne sont pas riches, sont capables d'avoir les mêmes normes en termes de traitements, de salaires, de qualité d'enseignement, de nombre de professeurs, que des banlieues plus cossues comme les villes de Mont-Royal, de Sillery et autres.

J'y vais très rapidement, il ne faudrait pas avoir un jugement uniquement négatif sur ce qui s'est fait dans le secteur de l'enseignement. A l'école élémentaire, il faut convenir que les élèves, actuellement, font preuve de beaucoup plus de créativité personnelle que cela pouvait être la cas il y a vingt ans. Autant l'école du rang pouvait faire respecter l'ordre, je pense qu'il faut admettre que l'école élémentaire d'aujourd'hui, à très peu d'exceptions près, a été capable de donner à l'élève un sens de la créativité personnelle qui mérite d'être signalée.

Les statistiques, au niveau d'un degré plus poussé de scolarisation, sont également éloquentes. La scolarisation, le nombre de diplômes équivalent-ils nécessairement à une connaissance plus poussée? La preuve en serait difficile, mais les statistiques montrent que la scolarisation est beaucoup plus poussée. Au niveau des CEGEP au lieu d'avoir les types de cours que nous avions avant qui ne débouchaient sur absolument rien, nous avons quand même toute une gamme d'options qui permettent à des jeunes de trouver, dans le secteur professionnel comme dans le secteur général, une satisfaction personnelle de pouvoir apporter quelque chose à des problèmes ou une société.

Finalement, au niveau des structures, il ne faudrait pas les négliger, il faut rappeler que, par la loi 27, non seulement nous avons tenté d'instaurer une véritable participation des parents qui n'existait absolument pas avant, mais nous avons également réduit nos structures administratives de plus de 2,000 à des structures qui permettent un niveau de compétence sur le plan tant de la direction pédagogique que sur le plan de la direction administrative de nos commissions scolaires locales et régionales.

Mais l'oeuvre de l'éducation ne peut être sim-

plement reposée sur les épaules d'un ministre, sur les épaules des 1,000 ou 2,000 fonctionnaires d'un ministère ou sur le Conseil supérieur de l'éducation ou sur les cadres scolaires ou sur les professeurs eux-mêmes.

Finalement, l'oeuvre de l'éducation touche tous les Québécois. Elle concerne, à la rentrée scolaire, directement près d'un tiers des Québécois.

Un Québécois sur trois est touché à la rentrée scolaire d'une façon directe. C'est donc un engrenage complexe qui peut, dans tous les milieux, avoir des faiblesses mais qui demande, de la part de ceux qui le critiquent et de ceux qui voudraient l'améliorer, un minimum de retenue, un minimum de modération. Il ne faut pas tenter par des débats publics, par les media de s'insulter mutuellement mais tenter concrètement de trouver des solutions aux problèmes et surtout de prouver, dans cette démarche, qu'on recherche le bien commun des élèves.

Or, si j'étais le premier à dire que la motivation se retrouve toujours aujourd'hui dans nombre de professeurs, il me semble que le syndicalisme, lui, et particulièrement l'"establishment" syndical, fait preuve dans nombre de cas d'un irrespect total du bien commun en ce qui touche l'éducation.

Je m'en voudrais d'abuser du temps de la Chambre, de donner des exemples qui sont arrivés dans mon comté encore tout récemment et qui sont tellement déplorables qu'ils ne servent qu'à élargir le fossé qui, de plus en plus, sépare la population de I' "establishment" syndical du côté des enseignants.

A la régionale Chambly, il y a encore quelques semaines, sans aucun préavis et sous prétexte que la commission scolaire avait dit que les règlements devaient être observés, on a décelé qu'un règlement disait que, pour être à l'intérieur de l'école, il fallait avoir sa carte d'identité de la commission scolaire. Sans aucun préavis, on a mis à la porte, à dix heures le matin, un lundi, plus de 2,000 étudiants d'une polyvalente. On voit la désorganisation complète. Des gestes comme cela ne peuvent se justifier, il me semble, lorsqu'on a le moindre souci vis-à-vis du bien commun.

D'ailleurs, M. le Président, je n'ai personnellement aucune arrière-pensée vis-à-vis du fait qu'on puisse porter le complet de Mao ou la barbiche de Ho Chi Minh; je pense que plusieurs mériteraient cependant de vivre véritablement comme les travailleurs de Mao. Malheureusement, nos travailleurs de l'enseignement, s'ils avaient en Chine ou en Russie les mêmes comportements qu'on retrouve ici, plusieurs auraient pris le chemin de la Mongolie ou de la Sibérie. Cette guérilla urbaine, qu'on est en train d'instaurer dans plusieurs de nos écoles publiques, menée par ('"establishment" syndical — je suis très sérieux dans mes propos — est en train de tuer l'école publique au Québec, de tuer l'école publique francophone au Québec.

M. le Président, comment expliquer autrement l'engouement de tous les parents, et, pire, incluant les professeurs, pour l'école privée au Québec si ce ne sont les perturbations constantes et répétées que doit subir l'école publique?

L'école privée, M. le Président — qu'on ne s'en cache pas — n'est pas le fait d'une élite. Qu'on examine les statistiques. Les ouvriers se saignent à blanc pour envoyer leurs enfants à l'école privée dans nombre de régions puisqu'ils en ont soupé de voir le progrès des enfants constamment perturbé par des journées d'étude, des professeurs qui ne se présentent pas aux cours, des perturbations constantes dans le secteur de l'école publique.

M. Léger: N'est-ce pas le signe des malaises?

M. Saint-Pierre: M. le Président, on pourrait faire une analyse détaillée de bien des transferts linguistiques au Québec. J'en ai connu dans mon propre comté. Une des raisons — j'aimerais bien que des études poussées soient faites là-dedans — est justement la perturbation de l'école polyvalente française. Quand celle-ci, depuis cinq ou six ans, à chaque année, subit les secousses de contestation de toutes sortes, faut-il se surprendre que des parents francophones, qui ont à coeur l'école française, décident d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise?

M. le Président, nous sommes constamment en face de scènes déplorables, de violence. J'en ai vu encore récemment. Je prends à témoin le député de Saint-Jacques qui était le conférencier à l'assemblée générale de l'Association du Parti québécois de Chambly, devant 66 ou 70 membres, et qui a vu là des gens qui ont tenté de se servir d'une chapelle du Parti québécois pour appuyer quelques professeurs à la polyvalente de Mortagne qui depuis plusieurs mois, empêchent littéralement un véritable climat sain de s'installer à l'intérieur d'une école polyvalente.

M. le Président, il nous faut comprendre de plus en plus que le fardeau d'avoir une éducation de qualité au Québec ne peut reposer uniquement sur le gouvernement ou sur le ministère de l'Education. Il doit être l'oeuvre de tous les Québécois. Dans ce secteur plus que dans tout autre, on ne peut trouver d'alibi, on ne peut trouver de bouc émissaire chez les Anglais, chez le gouvernement fédéral ou chez les entreprises multinationales.

Peut-être qu'il a lieu de décentraliser, peut-être y a-t-il lieu de redonner aux commissions scolaires plus de responsabilités, mais également la responsabilité d'aller chercher dans le milieu plus d'efforts, sur le plan fiscal, si on veut se payer des services additionnels. Ce sont peut-être des thèses à examiner, mais dans le contexte actuel on s'explique mal les rejets catégoriques que fait "l'establishment" syndical des offres patronales.

Je pense que le ministre de l'Education, aujourd'hui, nous a donné des chiffres éloquents qui montrent que les professeurs auraient tort de penser que dans la société québécoise ils ont été abandonnés. D'ailleurs selon les statistiques — et le député de Saguenay connaît "Statistique Canada" — ses recherchistes lui diront qu'aucun groupe dans la société québécoise n'a fait autant de progrès sur le plan de la rémunération que le

groupe des professeurs.

M. Charron: M. le Président, j'invoque le règlement. Je pense que le temps du ministre est expiré.

M. Lessard: II y a les députés qui en ont fait plus.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Le temps est écoulé? Je vais vérifier.

M. Charron: Je pense que le temps est expiré, effectivement.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Oui, le temps est expiré.

M. Léger: J'avais des questions à lui poser, mais...

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Comme on m'informe que le temps des parties respectives est terminé, j'appelle le vote.

M. Léger: Vote enregistré, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Vote enregistré.

Vote sur la motion

Le Président: A l'ordre, messieurs! Que ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable député de Lafontaine veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi).

Le Président: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque, Blank, Mailloux, Saint-Pierre, Garneau, Lachapelle, Berthiaume, Giasson, Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Tetley, Lacroix, Bienvenue, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Cadieux, Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Perreault, Brown, Kennedy, Bacon, Lamontagne, Bédard (Montmorency), Veilleux, Séguin, Saindon, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Fraser, Gratton, Carpentier, Faucher, Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Bérard, Bonnier, Boutin, Chagnon, Ostiguy, Caron, Côté, Denis, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe, Lecours, Malépart, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Vallières, Verreault, Leduc.

Le Secrétaire: Pour: 6 — Contre: 64

Le Président: Cette motion est rejetée.

M. Burns: On n'en fera plus de motion. Vous n'êtes pas assez fins, on n'en fera plus de motion.

M. Lessard: On ne joue plus, on perd tout le temps.

M. Levesque: M. le Président, avec le consentement unanime de la Chambre, est-ce qu'on peut passer au dépôt de rapports de commissions élues?

Le Président: Le député de Nicolet-Yamaska.

Rapport sur le projet de loi privé no 214

M. Faucher: M. le président, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des transports, des travaux publics et de l'approvisionnement, qui a étudié le projet de loi no 214, Loi concernant la compagnie de gestion de Matane Inc., qu'elle a adopté avec un amendement.

Le Président: Est-ce qu'il s'agit d'un rapport déposé ou s'il y a consentement à ce qu'il soit adopté?

M. Burns: Que le rapport soit adopté, M. le Président? Oui, pas de problème.

Le Président: Le député de Nicolet-Yamaska propose que ce rapport soit agréé ou adopté.

M. Burns: Adopté.

Le Président: Adopté. Il y en a d'autres?

M. Levesque: II y en avait deux autres, mais je ne pense pas qu'ils soient arrivés. Oui? Excusez-moi.

Le Président: Le député de Gatineau.

Rapports sur les projets de loi nos 38 et 79

M. Gratton: Conformément à l'ordre de la Chambre, qu'il me soit permis de faire rapport que la commission de la justice a étudié le projet de loi no 38, Loi modifiant le Code de procédure civile et autorisant l'usage du courrier certifié à certaines fins, ainsi que le projet de loi no 79, Loi constituant la Société québécoise d'information juridique, et en a adopté tous les articles avec amendements.

Le Président: Ce rapport est-il adopté? M. Burns: Adopté, M. le Président.

Le Président: Adopté.

Il faudrait faire les écritures, si vous n'avez pas d'objection, parce que pour ces deux projets de loi, on avait commencé l'étude en commission plénière. Il faudrait faire les écritures, je crois, de la commission plénière. Il y aurait plus de continuité.

M. Burns: D'accord, M. le Président.

Le Président: Rapport de la commission plénière, adopté.

M. Levesque: Troisième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. Burns: C'est ça.

M. Levesque: Alors, M. le Président, je propose l'ajournement des travaux de la Chambre à demain, dix heures.

Le Président: L'Assemblée ajourne ses travaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 22 h 53)

Référer à la version PDF ANNEXE page 2602 à 2659

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