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(Dix heures six minutes)
M. Lavoie (président): A l'ordre, messieurs!
M. Bellemare (Johnson): M. le Président...
M. Burns: M. le Président, j'ai demandé
l'ajournement du débat; je n'ai pas d'objection, cependant, à
céder ma priorité, qui me serait normalement reconnue, au
député de Johnson qui n'a pas eu l'occasion de s'exprimer
encore.
M. Tetley: C'est le même député qui a
insisté pour avoir mon consentement, vous l'avez.
M. Bellemare (Johnson): Pour autant, M. le Président, que
cela ne lui fait pas perdre son droit de parole en vertu du
règlement.
Le Président: Avec ce gracieux consentement, qui
n'était pas nécessaire, en vertu de notre règlement, avant
de passer aux affaires du jour, je voudrais aviser l'Assemblée qu'il y a
une légère erreur au feuilleton. A l'article 4), on voit
troisième lecture du projet de loi no 250; cette troisième
lecture a effectivement été adoptée hier. La correction au
feuilleton se fera en conséquence.
M. Levesque: On pourrait en profiter pour faire une autre
troisième lecture. Article 3).
Le Président: Troisième lecture, article 3). M.
Burns: Oui.
Projet de loi no 252 Troisième lecture
Le Président: L'honorable leader parlementaire du
gouvernement, pour l'honorable ministre des Transports, propose la
troisième lecture du projet de loi no 252, Loi modifiant le Code de la
route. Cette motion est-elle adoptée?
M. Burns: Adopté, M. le Président. Le
Président: Adopté.
M. Levesque: II y en a peut-être d'autres où on
pourrait avancer d'une étape. On pourra le faire cet
après-midi.
M. Burns: Les rapports qui ont été
déposés hier?
M. Levesque: Oui, cela ne me fait rien. On peut le faire cet
après-midi, si on préfère, ou on peut le faire tout de
suite.
M. Burns: Je n'ai pas d'objection à le faire maintenant.
Avez-vous des suggestions?
M. Levesque: Les suggestions sont les suivantes: article 18),
deuxième lecture.
Projet de loi no 95 Deuxième lecture
Le Président: L'honorable député de
Taschereau propose la deuxième lecture du projet de loi no 95, Loi
modifiant la Loi concernant la Fédération de Québec des
Unions régionales des caisses populaires Desjardins. Cette motion de
deuxième lecture est-elle adoptée?
M. Burns: Adopté, M. le Président. Le
Président: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi. Second reading of this bill.
Le Président: Référé... M.
Levesque: ... en commission plénière.
Commission plénière
M. Burns: Oui, oui, oui. Les écritures pour la commission
plénière.
Le Président: On pourrait faire les écritures de la
commission plénière; par contre, on m'informe qu'il faudrait,
dans ces écritures, tenir compte des amendements qui ont
été apportés lorsque la commission a siégé
après la première lecture.
M. Levesque: D'accord.
Le Président: Rapport de la commission
plénière, adopté?
M. Burns: Adopté.
M. Levesque: II y a les articles 19), 20), 21) et 22), qui sont
quatre projets de loi privés qui avaient été
déférés en commission parlementaire de la justice et que
l'on pourrait adopter en deuxième lecture et avec les
écritures.
M. Burns: D'accord, M. le Président.
Projets de loi privés nos 113, 123, 170 et
211
Deuxième lecture
Le Président: L'honorable député de
Témiscamingue, pour l'honorable député de Saint-Louis,
propose la deuxième lecture du projet de loi no 113, Loi concernant
certains lots du cadastre de la cité de Montréal, quartier
Saint-Antoine. Cette motion de deuxième lecture est-elle
adoptée?
Une Voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi. Second reading of this bill.
Le Président: L'honorable député de
Papineau, pour l'honorable député de Saint-Henri, propose la
deuxième lecture du projet de loi no 123, Loi concernant la succession
de Charles Séraphin Rodier. Cette motion de deuxième lecture
est-elle adoptée?
M. Burns: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi. Second reading of this bill.
Le Président: L'honorable député de
Pointe-Claire, pour l'honorable député de Verdun, propose la
deuxième lecture du projet de loi no 170, Loi concernant certains
terrains dans la cité de Westmount. Cette motion est-elle
adoptée?
M. Burns: Adopté. Le Président: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi. Second reading of this bill.
Le Président: L'honorable député de
Jeanne-Mance propose la deuxième lecture du projet de loi no 211, Loi
concernant certains immeubles de Peel-Sherbrooke Holdings Limited. Cette motion
de deuxième lecture est-elle adoptée?
M. Burns: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi. Second reading of this bill.
Commission plénière
Le Président: On pourrait faire les écritures de la
commission plénière pour ces quatre projets de loi.
M. Levesque: Sur les quatre projets de loi, il y en a trois
d'amendés.
Le Président: Bon. Il faudrait tenir compte des
amendements apportés à trois de ces projets de loi. Le
secrétaire général pourrait tenir compte de ces
amendements pour faire les écritures de la commission
plénière. Adoption du rapport de la commission
plénière des quatre projets de loi nos 113, 123, 170 et 211.
Cette motion est-elle adoptée?
M. Levesque: Adopté. M. Burns: Adopté. Le
Président: Adopté. M. Levesque: Article 8).
Le Président: Affaires du jour. L'honorable
député de Johnson.
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je
voudrais...
M. Choquette: C'est pour montrer que c'était cordial.
Projet de loi no 253
Deuxième lecture (suite)
M. Maurice Bellemare
M. Bellemare (Johnson): Je voudrais remercier l'honorable
député de Maisonneuve d'avoir bien voulu ajourner à la fin
des travaux pour que je puisse faire mon intervention ce matin.
Je pense qu'il serait bon de rappeler au ministre des Affaires sociales
certains principes de base. Et, celui qui me préoccupe le plus dans ce
débat, c'est encore une loi spéciale qui ne couvre qu'un seul
domaine, celui de la santé publique, dans un temps où on est
actuellement en négociation et qui sert peut-être de paravent
à une loi matraque.
Ces deux préliminaires posées, j'essaierai d'expliquer au
ministre comment cela c'est passé. D'abord, je voterai en faveur de la
loi, parce qu'un petit pain vaut mieux que rien du tout. Le Code du travail,
qui date de 1964, a été toute une révélation dans
le temps. On avait vécu, de 1939 à 1945, sur les mesures de
guerre. Après que la guerre fut terminée, on s'est adapté
à un certain genre de négociation où le patron est devenu
plus flexible dans l'acceptation de certaines normes au sujet des conventions
collectives. En 1964, est arrivé le Code du travail qui a modifié
les relations patronales-ouvrières, mais particulièrement
l'accréditation et surtout la négociation qui devait se
produire.
Mais, de 1964 à 1974, il y a eu une évolution plus rapide
que pendant les 20 années qui ont précédé le Code
du travail de 1964, d'où la nécessité de refaire le Code
du travail pour qu'au point de vue de services essentiels on puisse
véritablement avoir une législation cohérente mais qui
s'appliquerait dans tous les domaines, pas seulement dans un domaine exclusif
comme celui d'aujourd'hui, la santé. Surtout qu'on le fait en pleine
période de négociation, pour dire: Nous allons nous donner une
arme qui pourrait être très utile et qui, sans affecter les
services essentiels que nous sommes obligés de distribuer, pourrait
peut-être amener plusieurs personnes à
réfléchir.
J'ai entendu l'autre soir le député de Saint-Jacques
prévenir votre auguste personne, en disant: On ne voudrait pas
répéter l'erreur de 1972 où le gouvernement, après
des voeux pieux, avait, mon cher monsieur, le lendemain qu'il avait
affirmé dans cette Chambre que tous les services essentiels
étaient assurés, fait adopter une loi matraque.
De cela, vous avez entendu l'honorable député de
Saint-Jacques nous parler pendant une heure et surtout avec les applications
pratiques du temps où cela s'est fait. Là, on nous arrive
avec
une loi qui remplace une autre loi. Si je regarde un peu la statistique
qui m'a été donnée je n'étais pas en Chambre
à ce moment-là en 1973 on a parlé de la Loi
assurant le bien-être de la population en cas de conflit de travail, la
loi 89. En 1974, on a présenté le projet de loi no 24 qui
modifiait le Code du travail et les dispositions législatives.
Après, cela a été le bill 31. Le bill 31, dans ses buts,
avait le même effet que celui qu'on a aujourd'hui, mais on a
ajouté, dans celui qui est en discussion présentement, certaines
pénalités qui sont très fortes et qui
légifèrent dans un seul domaine. On précise les
modalités d'application et on nous indique, d'une manière assez
déterminée, les pénalités qui sont excessives, qui
sont très fortes.
Je ne suis pas contre le respect de la loi, au contraire, mais j'ai
rarement vu, dans une loi, des pénalités qui vont aussi loin. Ce
sont des pénalités qui vont certainement faire
réfléchir bien des gens, mais qui sait l'avenir? Encore
là, même les pénalités ne changeront pas la
mentalité des gens. On a vu dernièrement, à la suite d'un
jugement qui vient d'être rendu, des gens qui avaient fait de la casse
malgré la loi. Le jugement a été rendu hier et vous avez
vu les suites. Bien que nous reconnaissions la nécessité bien
évidente d'assurer certains services essentiels et nécessaires au
bien-être de la population en temps, surtout, de conflit de travail, nous
nous posons plusieurs questions qui semblent peut-être un peu
drôles à expliquer. Le projet de loi no 31 ne visait que les
établissements suivants: un centre local des services communautaires, un
centre hospitalier, un centre de services sociaux ou un centre d'accueil.
Le projet de loi no 253, M. le Président, en plus de viser ces
établissements, vise aussi ce qu'on appelle les organismes
assimilés, c'est-à-dire toutes les entreprises qui fournissent
des services aux établissements qui relèvent du ministère
des Affaires sociales, dans le domaine de la santé. C'est un terme
extrêmement dangereux et global. Cela comprend tous les services, tous
les organismes assimilés qui peuvent toucher des gens. Cela
élargit énormément la portée de la loi et surtout
ses effets.
Je pense que, d'une manière très significative, on ne l'a
pas mis là pour rien. Tous les organismes assimilés: cela peut
être dans le domaine de l'opération matérielle, pas
seulement dans l'opération administrative, tous les services
assimilés.
Le ministre pourra nous préciser probablement dans sa
réponse quels sont les effets directs, dans l'application de cette
nouvelle ioi, des services assimilés. Seulement, il faudrait aussi que
le ministre nous dise jusqu'où peut aller cette prescription de la loi.
Est-ce que dans les services assimilés il y aura une certaine
discrétion ou bien si ce sera global? Ira-t-on jusqu'à toucher
certaines choses matérielles qui sont des fournisseurs? Cela aussi, ce
sont des services assimilés quand on parle de fournisseurs, que ce soit
des médicaments, que ce soit des produits pharmaceutiques ou autres. Un
service assimilé cela peut être aussi de la lingerie. Est-ce que
cela va jusque-là? Est-ce que cela peut comprendre aussi jusqu'au
service de l'huile à chauffage, ces services assimilés? Cela
comprend tout ce qui est service assimilé. La loi est
générale et dans le préambule de la loi, il n'y a aucune
définition de ce qu'est un service assimilé. Cela, je pense que
c'est extrêmement important.
Nous nous sommes aussi interrogés sur la façon de
déterminer les services essentiels et, particulièrement, de les
maintenir. Ces besoins diffèrent extraordinairement
d'établissement à établissement. Le ministre sait ce que
je veux dire. En effet, dans un article d'un des journaux les plus populaires
de la province et qui, dans notre région, a une importance capitale, le
Nouvelliste, vous lirez ce qui suit au sujet des services essentiels. Je
réfère le ministre à l'article "Affaires sociales;
Québec entend assurer les services essentiels, dans le Nouvelliste du 6
décembre 1975. On dit par exemple:
La loi ne cherchera pas à appliquer des normes rigides et
préfabriquées à des structures profondément
différentes les unes des autres. C'est le texte de l'article. Je pense,
M. le Président, qu'il y a là un domaine de discrétion. La
loi ne cherchera pas à appliquer d'une manière rigide et
préfabriquée des structures profondément
différentes d'un établissement à l'autre.
M. le Président, on peut comprendre que ces services essentiels
seront peut-être déterminés pour chaque
établissement en fonction des caractéristiques et des besoins
particuliers qui lui sont propres. La loi n'est pas claire sur ce sujet,
surtout au niveau de l'expression, et c'est très important quand on
parle, dans la loi, des parties. Je ne veux pas, parce que cela ne m'est pas
permis, vous citer les articles de la loi, mais le ministre me comprend, c'est
sûr; il parle, à trois ou quatre endroits différents, des
parties dans la négociation. Je pense que cela est très important
parce qu'il est question que, dans l'organisme assimilé, toute
entreprise qui fournit des services à un établissement est
déclarée par le lieutenant-gouverneur en conseil être
assimilée à cet établissement.
Donc, M. le Président, c'est défini, un organisme
assimilé, mais avec une juridiction limitée. Quand on parle des
parties, je ne vois rien dans la loi qui me donne l'assurance de la
définition. Est-ce que c'est en vertu des négociations qui ont
déjà été faites? Est-ce que les parties aux
conventions collectives dans le domaine de la santé sont de nature
provinciale ou si elles devront être, à ce moment, reconnues comme
des parties locales? On dit dans un article, que je viens de vous citer, qu'on
ne cherchera pas à appliquer des normes rigides et
préfabriquées à des structures profondément
différentes les unes des autres.
En lisant le projet 253, nous ne trouvons aucune précision quant
à ia détermination des services essentiels au niveau local. Cela
est très important parce qu'à ce moment comment allons-nous
appliquer une loi générale qui ne prévoit pas, dans la
localité par exemple parce que les services sont
extrêmement différents les uns des autres le niveau
local?
Il y a une certaine ambiguïté, M. le Président.
qui devrait nécessairement être éclaircie par le
ministre. Le projet de loi interdit le droit de grève et de lock-out
dans les services de santé et les services sociaux essentiels, et cela
à moins que les parties voilà les mots aient
déterminé par entente préalable les services essentiels et
la façon de les maintenir ou, à défaut d'une telle entente
entre les parties, par le commissaire des services essentiels.
Mais, M. le Président, tout le monde connaît le Code du
travail. Tout le monde sait qu'on peut négocier, par exemple, 30 jours
avant la fin d'un contrat de convention collective et qu'on peut aussi
négocier 30 jours après l'expiration d'une convention, de bonne
foi, entre les parties. Si cela ne réussit pas, il y a là, en
vertu de l'article 42, huit jours d'avis qu'on doit donner aux parties et les
60 jours de délai. Tout le monde comprend cela, d'accord. Le ministre
nous dit que pendant les 30 premiers jours, le commissaire aux services
essentiels, qui sera un juge du tribunal du travail, devra essayer de trouver
avec les parties la définition et particulièrement l'orientation
que devraient prendre les services essentiels, ceux qui devront être
requis et la manière dont cela devra fonctionner. S'il n'y a pas entente
après 30 jours, le commissaire aux services essentiels, qui est un juge
du tribunal du travail, a 30 jours pour rendre une décision qui sera
finale et exécutoire. C'est la loi telle qu'elle est.
Ces 60 jours, M. le Président, sont toujours dans le délai
prévu à l'article 42 où il y a négociation avant
d'avoir la grève. Mais je me demande sincèrement pourquoi on a
pensé à cette loi à la toute dernière minute. On a
eu le bill 31, qui a déjà été
présenté en cette Chambre, qui a été
remplacé par le bill 253, mais il serait, à mon sens,
préférable que la détermination de ces ententes au niveau
local se fasse avant l'expiration de la convention collective parce que la loi
prévoit qu'on peut négocier 30 jours avant la fin de la
convention collective, particulièrement au point de vue local.
Là, M. le Président, voici ce qu'on dit: Vous suivrez le
Code du travail qui prévoit une autre période de 30 jours
après la convention collective, les huit jours d'avis et les 60 jours,
pour les services essentiels. Mais pendant tout ce temps, M. le
Président, voyez-vous le brouhaha, voyez-vous le malaise dans la
population? On se questionne.
Les hôpitaux commencent à restreindre les admissions.
Demain matin, une autre section commence à faire une espèce de
lobbying pour se faire accepter dans les services essentiels; d'autres sont
contre. Pourquoi ne pas les négocier avant la fin de la convention? Mais
pas aujourd'hui alors que la convention n'est pas signée, alors que la
convention est devant nous pour être approuvée par le Parlement.
Mais, M. le Président, qu'est-ce qui va se produire? Des
pénalités?
Ecoutez, nous sommes rendus, je pense, à une limite raisonnable.
Je n'accuse pas le gouvernement de vouloir se servir de cela comme une arme,
non, mais je dis que cela sent la menace.
On va dire qu'il faut protéger la santé publique, pour
être ferme, pour dire qu'on est quelqu'un et on va faire cela. Pourquoi
ne le fait-on pas dans l'éducation? Pourquoi ne le fait-on pas dans
l'électricité? Pourquoi ne le fait-on pas dans le métro?
Ce sont des services essentiels aussi et ce sont des services dont la
population a besoin, des services publics. On ne le fait que dans un endroit
spécifique, la santé.
Je dis, M. le Président, je répète qu'on devrait
amender la Code du travail. Il est plus temps que jamais. Après dix ans,
de 1964 à 1974, le Code du travail est devenu vieillot. On lui a
ajouté des parties, particulièrement en ce qui regarde les
commissaires-enquêteurs pour l'accréditation. On a organisé
le Tribunal du travail en 1968, qui a rendu de grands services, d'accord, mais
quel est son pouvoir, le Tribunal du travail? On commence à lui donner
des responsabilités administratives, on commence à lui en donner,
et certaines étaient prévues quand on l'a adopté en 1968.
Le Tribunal devrait devenir, avec des services administratifs qu'on pourrait
lui ajouter, véritablement un instrument, au lieu de laisser
décider par le gouvernement, par des lois matraques, qui passent
pardessus le Code du travail, malgré que la loi le lui défende.
Il passe une loi spéciale, on l'a encore vu cette année dans la
CTCUM. Huit jours de grève et la loi matraque est arrivée,
passant par-dessus tous les droits qu'avaient acquis de bonne foi les
employés. Alors on arrive avec une loi matraque, c'est le gouvernement
qui, lui, a l'odieux de voter une loi comme celle-là.
Le Tribunal du travail est spécifiquement
institutionnalisé pour faire cela, avec des pouvoirs sûrement
élargis au point de vue administratif. Au point de vue judiciaire, il
remplit admirablement son rôle et interprète la loi. Il dit aux
commissaires-enquêteurs et à ceux qui se plaignent des
décisions rendues, quant à l'accréditation et d'autres
griefs, voici la décision. Très bien, au point de vue judiciaire.
Mais le Tribunal du travail devrait être, puisqu'on l'a aujourd'hui, un
instrument pour remplacer le gouvernement. Le gouvernement n'aurait pas
d'affaire à voter de lois spéciales quand on a un Tribunal du
travail qui, lui, pourrait, avec des pouvoirs administratifs, rendre des
décisions finales, exécutoires et appliquer des sanctions. Il
aurait le pouvoir, si on le lui donnait, bien entendu.
C'est là, M. le Président, que je dis que le Code du
travail est vieillot, malgré qu'il y ait eu un avancement
considérable. Mais dans dix années. 1964 à 1974, il y a eu
une évolution extraordinaire dans le domaine du travail. Les conventions
collectives ne tiennent plus, tout le monde sort pour n'importe quelle raison,
et les contrats, signés de bonne foi par les parties, ne sont plus
respectés. Qu'est-ce que c'est? Où va-t-on? Autant monsieur le
patron a donné de mauvais exemples de mésentente, aujourd'hui les
unions en donnent. Il faut qu'on ait une limite à cela. Ce sera quoi,
demain matin? C'est pour cela que la commission royale d'enquête, que
j'ai demandée, dans une motion, devrait siéger pour entendre ceux
qui ont des idées nouvelles, ceux qui peuvent améliorer le
système des relations patronales-ouvrières.
II n'y a pas seulement ceux qui veulent détruire le
système; il y a des gens qui sont intensément,
profondément imbus de nouvelles idées dans les relations
patronales-ouvrières. On ne les entend pas, on entend plutôt
certains planificateurs, certains grands gars et bla, bla, bla. Ces gens sont
souvent contre les unions ouvrières d'avance; comment voulez-vous qu'on
conserve la paix industrielle chez nous? Comment voulez-vous que les unions
soient satisfaites de la législation qu'on leur apporte?
Alors, M. le Président, je dis et je répète donc
que le Code du travail devrait être refait. On ne doit pas
légiférer seulement en partie sur un domaine particulier comme on
le fait dans la santé. Je dis que ce n'est pas raisonnable en 1975. On a
adopté quatre projets de loi, dont je viens de vous donner les
numéros, qui parlaient des services essentiels. M. le Président,
il ne faudrait pas non plus, parce que c'est la fin d'une session, que l'on
adopte ce projet de loi très important à la vapeur. Non! Pour ma
part, je serais heureux si le ministre consentait à entendre les parties
intéressées.
Vous avez probablement lu les journaux, comme moi, vous avez
peut-être reçu des télégrammes, comme moi et tous
les membres de cette Assemblée nationale, sur l'importance qu'il y
aurait d'entendre en commission parlementaire les intéressés. Ce
serait bon pour le ministre et ce serait une bonne leçon à
recevoir pour tout le monde, de gens qui vivent dans le milieu et qui ont
véritablement fait des grèves de zèle ou des grèves
d'usure ou des grèves sauvages, peut-être. Il faudrait les
entendre, leur donner la chance de venir en commission parlementaire et de nous
dire: Messieurs, voici pourquoi il y a des choses dans votre projet qui
devraient être améliorées.
Les unions ouvrières, M. le Président, j'en ai
été et j'en suis encore un membre actif. Ce ne sont pas tous des
gens qui ont des idées moroses, des idées de destruction.
M. Choquette: Sortez votre carte de membre. C'est le mot actif,
là.
M. Bellemare (Johnson): Actif, disons, M. le Président,
que je suis devenu un membre honoraire de mon association. Les "brakemen",
comme on les appelle, sont bien honorés d'avoir à la Chambre un
de leurs membres de la "brotherhood" comme c'était autrefois;
aujourd'hui, ce sont les transports unis.
M. Burns: Vous ne pensez pas qu'il est content?
M. Bellemare (Johnson): Alors, M. le Président, les unions
ouvrières, c'est vrai, on en a accusé dernièrement
publiquement. Elles ont eu un congrès depuis ce temps et avez-vous
remarqué qu'elles ont fait le ménage discrètement, sans
aller sur les tribunes? Dans la construction, il a été battu;
dans les postes, il a été battu; dans l'alimentation, il a
été battu. Dans quatre domaines bien différents, M. le
Président, tranquillement la FTQ a fait son ménage. Elle n'est
pas venue demander quoi que ce soit au gouvernement et elle n'a pas
donné d'instructions à ses membres de quelle façon voter.
Mais, forte d'une expérience qu'elle venait de vivre, la FTQ s'est
donné de nouveaux officiers.
Je dis que les unions ouvrières pourraient être entendues
ou tous les intéressés pourraient être entendus. Il y a
là un domaine qui devient exclusif, parce que le Code du travail n'est
pas amendé pour prévoir tous les services essentiels. Je dis
donc, M. le Président, que, si ce projet de loi est adopté
à la vapeur, à la fin d'une session, ce serait mauvais. On ferait
mieux de prendre encore quelques jours et d'entendre ces messieurs à une
commission parlementaire. Je pense que ce projet, qui propose des modifications
assez significatives dans les relations patronales-ouvrières, exige,
surtout entre employeurs et employés, des conditions tout à fait
différentes de ce qui existait.
C'est pour cela que, dans l'intérêt de ces groupes, le
ministre devrait se porter garant, en assurant cette Chambre que les
intéressés seront appelés à donner leur opinion. Je
pense que nous ne pouvons faire autrement que de voter en faveur de ce projet
de loi, mais nous regrettons sincèrement que le gouvernement n'ait pas
présenté un projet qui toucherait véritablement la
détermination de tous les services essentiels dans tous les secteurs,
public et parapublic.
M. le Président, l'épineuse question de
détermination des services essentiels, cela n'est pas facile à
faire, surtout dans un domaine aussi vaste que celui de la santé. On le
fait par une loi spéciale, une loi qui correspond peut-être
à un besoin immédiat, parce qu'il y a une négociation qui
va peut-être achopper, mais je pense que cela devrait être fait
dans un esprit assez large, puisque c'est une loi d'exception. On devrait
toujours profiter de l'expérience de ceux qui vivent actuellement dans
ces mouvements ouvriers et même parmi les patrons pour savoir comment on
pourra avoir un certain guide. Le juge qui va être appelé comme
commissaire va rendre une décision finale. Après 30 jours d'essai
loyal entre les parties, si on ne s'entend pas, c'est le juge seul qui va
déterminer quels sont les services essentiels, et sa décision est
finale. Il y a des amendes jusqu'à $20,000.
Ecoutez, je comprends que le ministre a mis des dents à sa loi,
c'est cela qu'il va me répondre. Je suis convaincu que le ministre va me
dire: Pourquoi est-ce que vous ne l'avez pas fait, vous, quand vous
étiez ministre? Le ministre va me dire: Vous auriez pu faire cela. Oui,
c'est vrai. Les temps évoluent, les situations changent et le ministre,
qui sera demain dans l'Opposition, très prochainement, dira
peut-être...
M. Burns: S'il est élu.
M. Bellemare (Johnson): Si vous êtes élu, bien
entendu dira peut-être: Quand j'étais ministre j'ai fait
des grandes choses. Mais je lui souhaite que l'expérience qu'il acquiert
au ministère lui servira un peu dans l'Opposition, parce que c'est
à la veille, à la toute veille qu'il change de siège.
M. Burns: S'il est élu.
M. Bellemare (Johnson): S'il est élu bien entendu. Mais,
vous savez, il va faire des efforts lui aussi et puis il y a deux organisateurs
de son parti que je connais très très bien qui disent: On a de la
misère à le garder en vie, parce qu'il ne sait pas sourire
souvent et la bonne humeur c'est quasiment un antidote contre la maladie; mais
depuis quelques jours, je ne sais pas si c'est Noël qui approche, il a le
sourire un peu plus large.
M. Burns: En somme, ce n'est pas une promotion que de passer de
sous-ministre à ministre. Il y en a deux qui connaissent ce
problème-là.
M. Bellemare (Johnson): Mais il y a deux de ses organisateurs qui
m'ont dit: On a de la misère à le tenir en vie, mais en tout cas.
Le ministre me répond que je n'ai pas tout fait dans mon temps. C'est
cela qu'il va prendre comme gros argument. Le député de Johnson
s'est élevé avec véhémence pour changer le Code du
travail. Oui, on l'a changé le Code du travail, M. Lesage, le ministre
du Travail du temps l'a changé, le juge Carrier Fortin l'a
amélioré le Code du travail en 1964; mais, en 1966, 1967, 1968,
regardez les lois que j'ai apportées.
J'ai été le ministre du Travail qui a apporté le
plus de lois dans le domaine du travail, depuis de nombreuses années.
Merci, je parle, le député frappe par connaissance de cause, il
sait.
M. Choquette: Oui, mais moi j'étais là, je l'ai vu.
C'est vrai, je peux souscrire à ce qu'il dit.
M. Bellemare (Johnson): Bon, encore un autre témoignage,
M. le Président; ce n'est pas d'un "back-bencher" non plus. Alors, il y
a eu de la législation du travail, pendant les quatre années
où j'ai été ministre du Travail, dans tous les domaines.
J'ai essayé, conscient du rôle que j'avais à jouer, de
faire l'impossible, et je n'ai pas tout réglé moi non plus, mais
je dis qu'il serait grand temps qu'on améliore le Code du travail. On
dit que les programmes politiques cela ne sert pas à grand-chose, sauf
pour se faire élire, puis des fois après cela pour se faire
battre; cela arrive, M. le Président.
Nous aussi, nous avions mis cela dans notre programme en 1973. "Pour ce
qui est de la détermination des services essentiels dans les secteurs
public et parapublic en cas de grève, l'Union Nationale préconise
la solution suivante:" Dans notre programme, nous ne parlions pas d'un
commissaire, d'un juge du Tribunal du travail, mais d'un groupement, d'un
conseil qui aurait, préalablement à l'expiration de la convention
collective préalablement dans les secteurs public et
parapublic obligé les parties en cause de déterminer, par entente
au niveau local, les services essentiels et la façon de les
maintenir.
A défaut d'une telle entente entre les parties, et après
un certain délai fixé par les parties elles-mêmes ou
à la demande de l'une ou l'autre des parties, un médiateur
nommé par le conseil national du travail, recommandait-on dans notre
programme, sera habilité à déterminer ces services et la
façon de les maintenir. Sa décision sera finale et
obligatoire.
C'est presque du plagiat que fait le ministre, c'est presque du copiage.
Il nous a volé l'idée que l'on avait dans notre programme. Je
n'ai pas d'objection à ce qu'il la prenne comme bonne. C'est quasiment
au texte, sauf que c'est un juge qui devient commissaire des services
essentiels au lieu d'une personne nommée par le conseil national du
travail. Il copie bien. Pour dire qu'il copie, il copie très bien. Au
moins, il nous donne un exemple qu'il y a des bonnes idées, quelquefois,
chez nous aussi. En prenant cette idée, qui est merveilleuse, il
l'applique aujourd'hui en disant: Moi, du Parti libéral, je l'ai fait
passer. Vous autres, vous l'avez mise dans un programme; moi, je l'ai mise dans
la loi. Très bien, on va vous donner le mérite de la loi et on va
garder le mérite de la suggestion, cela nous appartient.
Je termine en résumant mes propos. Au service local, il y a un
danger de ne pas déterminer avant la fin d'une convention collective les
services essentiels. Il y a une définition dans la loi qui est, je
pense, explicitée d'une manière... Quand on parle des organismes
assimilés, je voudrais savoir du ministre jusqu'où cela peut
s'étendre. On dit: "b) "organisme assimilé," toute entreprise qui
fournit des services à un établissement est déclaré
par le lieutenant-gouverneuren conseil être assimilée à un
établissement." Il y a aussi que le Code du travail devrait être
refait. Mais à cause de ce q ue contient ce projet de loi, du point de
vue de l'intérêt public, je serai pour la deuxième lecture.
Merci.
Le Vice-Président (M. Blank): Le député de
Maisonneuve.
M. Robert Burns
M. Burns: Nous sommes en face d'un projet de loi qui vise
à déterminer, si je comprends bien le but du projet de loi, les
services essentiels qui doivent être assurés en cas de
grève. En ce qui me concerne, le principe s'arrête là. En
ce qui me concerne, il ne s'agit pas de dire de quelle façon on va
assurer ces services essentiels en période de conflit de travail ou, si
vous voulez, dans les domaines hospitaliers ou les domaines de la santé.
C'est à cause de cela que je pourrai voter pour le projet de loi, parce
que je ne veux pas qu'à ce stade-ci on comprenne mon appui au projet de
loi comme étant un appui aux modalités qui y apparaissent. Il
était clair, depuis 1971 au moins, que le Parti québécois
désirait et même incitait le gouvernement je vous
référerai, par exemple, aux crédits qui ont
été discutés avec l'ex-ministre du Travail, M. Cournoyer,
lorsqu'il était ministre du Travail, en 1971 demandait
carrément et clairement, dis-je, une loi en matière de services
essentiels dans les services publics au cas où il y aurait une
grève, et on n'a pas l'intention de changer no-
tre attitude là-dessus. Il n'y a aucun problème, nous
serons d'accord avec un projet de loi qui se préoccupe de voir à
ce qu'il y ait une méthode pour établir les services essentiels,
en particulier dans un domaine très restreint des services publics,
celui qui nous concerne actuellement, celui de la santé.
Cela ne veut pas dire que je partage entièrement les vues du
gouvernement relativement à cette méthode.
Il est important de dire que le projet de loi, tel que conçu, est
un projet de loi qui amenuise, selon l'expression d'un commentateur ou, si vous
voulez, d'un éditorialiste qui qualifiait cette loi d'amenuisante du
droit de grève. Je pense que c'est cela effectivement qu'il fait.
Il est peut-être bon de se rappeler comment on en est
arrivé à avoir le droit de grève dans les services
publics. En 1964, le Code du travail a été amendé, sous un
gouvernement libéral, pour donner aux employés des services
publics le droit de grève. Pourquoi en est-on arrivé là?
C'est que du côté syndical, on s'est rendu compte je ne le
nie pas, ce sont des pressions syndicales qui ont amené le gouvernement
du temps à adopter une réglementation du droit de grève,
pour les services publics que la méthode qui existait auparavant
pour régler les conflits de travail dans les services publics, soit
l'arbitrage obligatoire, ne réglait absolument rien. C'est important, je
pense, qu'à ce stade-ci on se rappelle cela. On s'est rendu compte que
les arbitrages qui étaient imposés obligatoirement à tous
les employés de services publics, en cas de conflit ou de
différend en matière de négociation, non seulement ne
réglaient rien, mais faisaient en sorte, dans la pratique, que les
employés des services publics perdaient constamment de la distance avec
les gens de l'entreprise privée. C'est cela qui est arrivé dans
les faits. Ce qui est arrivé également dans les faits, c'est
qu'on s'est mis, du côté syndical, à contester même
cette technique de règlements des différends, en matière
de services publics.
Je n'ai besoin que de vous rappeler la grève des
infirmières de l'hôpital Sainte-Justine à Montréal,
totalement illégale, dans le cadre de la loi du temps. Les
infirmières, pas plus que quelque autre employé que ce soit du
domaine des services publics, n'avaient pas le droit de faire une grève,
sauf qu'elles ont dit, à un moment donné, selon une expression
bien connue: Assez, c'est assez; cela n'a aucun sens qu'on se fasse encarcaner
dans un système qui fait que les gens des services publics perdent
constamment de la distance avec l'entreprise privée. C'était cela
la situation en 1964.
Il y a eu un gouvernement je n'ai pas de crainte de le dire
suffisamment généreux, en 1964, pour reconnaître cet
état de fait, et pour dire: Cela n'a aucun bon sens qu'on place les
employés des services publics dans une situation où ils prennent
constamment du retard par rapport à l'ensemble des travailleurs. La
technique est bien simple, il y a une demande qui est syndicale, il y a une
opposition qui est patronale, on soumet cela à l'arbitrage,
évidemment, la tendance normale est de tenter de trancher entre les
deux. C'était cela la situation d'avant 1964. Et je répète
qu'il y a eu un gouvernement qui a eu la générosité de
reconnaître ce fait, même si cette décision pouvait
éventuellement arriver à lui causer des problèmes. C'est
pour cela que je parle de générosité d'un
gouvernement.
Depuis ce temps, on a précisé le droit de grève
dans les services publics, entre autres, tel que l'article 99 du Code du
travail le précise. On a imposé et c'était normal
aux employés de services publics d'aviser, tout au moins, le
ministre du Travail huit jours avant de faire une grève. J'ai toujours
prétendu que c'était tout à fait normal que le ministre du
Travail sache, au moins, qu'il y a un problème très
sérieux, qui est à la veille de prendre la forme d'un conflit de
travail. Je n'ai jamais, d'autre part, été d'accord sur les
conséquences de cet avis, c'est-à-dire la possibilité
qu'il y ait une injonction pour empêcher l'exercice de ce droit de
grève.
C'est là que je reviens au projet de loi: Tout au long de
l'argumentation que j'ai soutenue tant comme syndicaliste que comme
parlementaire, j'ai toujours apporté comme réponse à cette
injonction, prévue à l'article 99, la détermination des
services essentiels.
Les syndicats, j'en parle en connaissance de cause, j'ai
été probablement un des premiers négociateurs syndicaux
à participer à une grève dans les services publics
après 1964. Je vous réfère en particulier à la
grève de la Commission de transport de Montréal, en 1965. C'est
une des premières fois où on a utilisé ce droit de
façon parfaitement légale et en donnant les avis prévus
par la loi, etc. En 1965, les trois syndicats que je représentais,
à ce moment, ont donné l'avis requis et ont effectivement fait
une grève le 8 juin 1965. Je suis en mesure de vous dire et cela
je l'ai vécu qu'il y a eu des services essentiels
négociés dans ce cas. Ils ont été
négociés à la demande de qui? Pas à la demande de
la Commission de transport, mais à la demande des syndicats
concernés en 1965. Et en 1967, M. le Président, je participais
également à cette même grève des employés de
la Commission de transport de Montréal et, à ce moment, se
regroupaient cinq syndicats différents que je représentais.
Je peux vous dire, encore une fois, qu'on a négocié des
services essentiels à la demande du syndicat, en échange de quoi,
M. le Président? Je vais vous le dire: En échange d'une
reconnaissance du fait qu'il s'agissait d'un droit parfaitement légal
qui était exercé par les travailleurs, et comment se
concrétisait cette échange qu'on demandait? C'était de
dire: On va négocier des services essentiels, mais vous, du
côté patronal, allez admettre une chose. C'est qu'on exerce un
droit strict, un droit fondamental qui s'appelle le droit de grève et
vous n'essaierez pas de faire fonctionner les services autres que les services
essentiels que nous accordons pendant cette grève.
Cela a peut-être l'air de rêver en couleur que de dire cela,
mais à partir du moment où on se met à être
sérieux tout le monde ensemble et à dire
que le droit de grève existe et que c'est un droit
collatéral ou, si vous voulez, attaché au droit d'association,
à partir du moment où on est sérieux quand on dit cela, il
faut le reconnaître totalement.
Bien sûr, je voterai en faveur d'une loi qui vise à
déterminer les services essentiels, mais je vais en demander pas mal
plus au gouvernement, à partir du moment où on va se lancer dans
cela. Je vais demander, entre autres, que le gouvernement dise carrément
qu'une telle loi veut dire que plus jamais, plus jamais il n'y aura de loi
spéciale quand il y aura des grèves dans les services publics.
C'est la conséquence du geste que vous vous apprêtez à
poser. C'est la générosité que je vous demande d'appliquer
comme je l'ai constatée à l'endroit du gouvernement qui
était en place en 1964. Ce sont des conséquences normales. Vous
allez être obligés, premièrement, d'admettre que plus
jamais il n'y aura des lois spéciales quand on se sera conformé
aux règlements concernant les services essentiels. Il va falloir
également que vous alliez un peu plus loin pour affirmer que cela veut
dire qu'en dehors des services essentiels il n'y aura pas de tentatives de
"scabbing", il n'y aura pas de tentatives de faire entrer en place des briseurs
de grève. Autrement, le "deal" ne marche plus, autrement vous demandez
aux syndicats de vous livrer la situation complètement sans qu'ils
puissent exercer le droit le plus clair qui est attaché au droit
d'association, c'est-à-dire le droit de grève.
Ce n'est pas plus que cela et ce n'est pas moins que cela que veut dire
ce projet de loi. C'est pour cela que je ne me prononce pas a ce stade-ci
directement sur les dispositions mêmes du projet de loi.
Bien sûr, M. le Président, il y a des dispositions qui me
déplaisent dans le projet de loi; entre autres, le fait que l'employeur
parce que c'est cela, le gouvernement, il change de chaise, il change de
chapeau, dites-le comme vous le voudrez, mais il devient, de gouvernement
législateur, employeur dans ce projet de loi ce
législateur, changeant de siège, décide qui, en cas de
conflit quant à la négociation même des services
essentiels, va régler, va trancher le problème. Personnellement,
j'ai énormément de réticence à cette formule, de la
façon, en tout cas, dont elle est exposée.
J'ai particulièrement des réticences parce que je pense
que la technique même qu'on utilise dans le projet de loi vise à
ce qu'il n'y ait pas d'entente en négociation entre les parties
concernées, c'est-à-dire les syndicats et les administrations
locales. Je m'explique.
Prenons un cas très concret et revenons à ce cas que je
vous citais tout à l'heure, la Commission de transport de
Montréal. Je vous avoue que, comme représentant des
syndiqués de la Commission de transport de Montréal en 1965 et en
1967, je n'aurais jamais, mais vraiment jamais, eu l'ouverture d'esprit que
j'avais en vue de négocier les services essentiels. Le directeur de
grève en question, qui était nommé d'avance, n'aurait pas
eu l'ouverture d'esprit que nous avons eue dans nos négociations, si
nous avions su qu'il y avait quelqu'un, qui était présent
à la table, qui pouvait, à un moment donné, trancher le
problème.
Pourquoi n'aurions-nous pas eu cette ouverture d'esprit? Il faut avoir
plaidé de temps à autre pour se rendre compte de cela. Bien
sûr, si je me fais imposer un conciliateur qui, éventuellement,
sera également le juge qui va trancher, je ne lui dévoilerai pas
toutes mes batteries. C'est un fait, c'est humain. Ce sont des techniques de
négociation. Il faut être aveugle pour ne pas reconnaître
que c'est comme cela que cela se fait.
C'est sûr que, lorsqu'un syndicat ouvrier demande $1.50
d'augmentation l'heure, peut-être il pense à $1.25,
peut-être il pense à $1.10. C'est sûr. C'est bien sûr
que, lorsque quelqu'un passe un marché en matière
financière, lorsqu'il offre une maison à $50,000, il pense
peut-être à $45,000. C'est normal et c'est humain. Le projet de
loi, cependant, ne reconnaît pas cela. Le projet de loi s'imagine que
tout le monde va se déculotter complètement devant le
conciliateur, va arriver à dire: Je pense, du côté de
l'hôpital en question, que les services essentiels sont ceux-ci;
l'urgence, telle affaire, la salle d'opération, etc. Il ne pense pas,
par exemple, que l'hôpital va demander tout ou à peu près
tout.
Je vous cite un autre exemple que nous avons vécu ici, à
l'Assemblée nationale. Quand l'Hydro-Québec a subi une
grève en 1973, je crois, ou aux alentours, nous avons été
appelés à intervenir. Je me rappelle que j'ai eu à
intervenir autrement qUe comme parlementaire. Je me rappelle, cependant, que ce
qui avait été demandé par l'Hydro-Québec,
c'était à peu près tout comme services, alors que tout le
monde sait fort bien que les services essentiels de l'Hydro-Québec,
c'est le maintien du courant, de l'électricité. Eh bien!
croyez-le ou non, M. le Président, une injonction a été
émise par la Cour supérieure dans la grève de
l'Hydro-Québec et nous avons entériné, à toutes
fins pratiques, cette injonction par le projet de loi que nous avons
adopté, en forçant le retour au travail même des
employés de la facturation, même des liseurs de compteurs. Sont-ce
des services essentiels, cela, M. le Président?
Est-ce que ce n'est pas cela la force des travailleurs, à un
moment donné, de s'attaquer directement au côté
économique de l'employeur? Est-ce que ce n'est pas cela, le vrai sens
d'une grève?
Pourquoi les employés font-ils une grève, M. le
Président? Ils la font pour dire à l'employeur: Pour que ton
affaire marche, il te faut deux affaires, selon le vieil adage du
dix-neuvième siècle, que notre serpent de mer de Montréal
a repris, récemment, le capital et le travail... Tout le monde peut
brailler là-dessus, mais effectivement si on le traduit en langage
moderne, ce capital et travail, c'est que vous avez, quand même, un
intérêt économique chez un employeur, et cet
intérêt économique ne peut pas fonctionner sans l'aspect
travail. C'est là la valeur et le sens d'une grève.
A partir du moment où je me fais dire que comme services
essentiels à l'Hydro-Québec, les liseurs de compteurs, les gens
de la facturation et
les employés de bureau sont dans des services essentiels, je vous
dis que j'ai de sérieuses craintes quant à l'application du
projet de loi qui nous concerne actuellement. C'est cela la mentalité,
actuellement, dans le domaine des services publics. Comme disait le
député de Saint-Jacques...
M. Bonnier: Est-ce que le député de Maisonneuve me
permettrait une question?
M. Burns: Certainement.
M. Bonnier: Est-ce qu'il accepterait cependant que sa
définition, voulant que ce soit essentiellement une bataille
économique ou un conflit économique entre employeur et
travailleurs, est cependant susceptible de recevoir certaines modifications en
ce qui regarde les services publics? Il y a un addendum tout de même un
peu plus important.
M. Burns: J'arrivais justement à ce point-là, parce
que la difficulté, dans le domaine des services publics, c'est de faire
cette distinction. Dans le fond, admettons-le, dans le domaine des services
publics, la grève a un caractère politique, et c'est cela
l'aspect économique. C'est cela l'aspect économique dans les
services publics.
Je vous ai donné des cas où il est facile de trancher
l'aspect économique, c'est-à-dire la Commission de transport de
Montréal. Si, à un moment donné, il n'y a pas de tickets
qui tombent dant les boîtes des autobus ou du métro, c'est bien
sûr qu'il y a un effet économique. C'est bien sûr
qu'à l'Hydro-Québec il y a un effet économique s'il n'y a
pas de gens qui vont faire la vérification des compteurs et s'il n'y a
pas de facturation. Là où c'est moins facile à
déterminer, c'est dans le domaine des hôpitaux. Et l'aspect
économique, je vous le dis, c'est l'aspect politique; c'est tout, ce
n'est pas autre chose que cela. C'est parce que le "boss" est assis là,
il est en face de nous ici en Chambre. C'est ce qui arrive et vous serez
obligés de l'accepter, cette situation, vous serez obligés de
l'accepter ou bien d'avoir l'honnêteté de dire que vous ne croyez
plus à la grève dans les services publics. Dans les services
publics où l'aspect économique n'est pas évident,
où l'aspect économique est remplacé par l'aspect
politique, c'est ce que nous serons obligés de faire, à un moment
donné.
Moi, je ne suis pas prêt à le faire, personnellement. Je
considère qu'il est essentiel qu'on maintienne le droit de grève
dans les services publics, parce que, autrement, la personne
"économiquement" affectée par cela c'est la personne politique.
Actuellement, c'est le député de Saint-Laurent. Ce pourrait
être un autre député, mais je le prends comme exemple,
c'est le député de Saint-Laurent, actuellement, qui est
affecté par une grève dans les services publics, dans les
hôpitaux. C'est cela l'aspect économique.
M. Bonnier: II y a aussi une troisième personne qui est
les gens eux-mêmes. Il y a un aspect social, sans doute.
M. Burns: Pour la troisième personne, justement, vous avez
bien raison, remarquez je suis votre raisonnement complètement. Vous me
précédez d'ailleurs, d'une minute à l'autre.
M. Bonnier: Je m'excuse.
M. Burns: Non, non, cela va bien, c'est parfait. Pour une fois
que je me sens écouté en cette Chambre.
M. Bédard (Montmorency): Religieusement.
M. Burns: Remarquez que je ne le dis pas à l'adresse du
ministre, parce que je sais que le ministre m'écoute très
sérieusement depuis le début.
M. Bédard (Montmorency): Religieusement.
M. Burns: Mais c'est sûr qu'il y a cette troisième
personne, et cette troisième personne, celle qui n'est pas
affectée économiquement comme telle, celle qui n'est pas
réclamante dans le dossier, c'est évidemment le patient.
C'est là que je rejoins le projet de loi et c'est là que
je suis en mesure de dire que je suis entièrement d'accord sur
l'idée, le principe du projet de loi, c'est-à-dire d'assurer au
moins les services essentiels. C'est le compromis qu'on est obligé de
faire, si on veut que cela continue à se tenir debout. Et c'est dans ce
sens que je donnerai mon appui au projet de loi.
Cependant, M. le Président je vais terminer, je pense que
j'ai même dépassé. Merci, vous êtes bien gentil
je pense qu'il serait dangereux, à cause des réticences
que j'ai et que je vous ai exprimées à l'endroit du projet de loi
lui-même, à l'endroit de la facture du projet de loi, à
l'endroit des détails du projet de loi, connaissant ce qu'on sait et
sachant d'où vient ce droit de grève dans les services publics,
il me semble que ce serait imprudent de l'adopter dans sa forme actuelle. Je
pense que, même avec l'expérience que l'ancien ministre du
Travail, le député de Johnson, peut avoir dans ce domaine, avec
l'expérience que je peux avoir aussi mais qui date quand même
d'avant 1970 et à peu près, il serait imprudent pour nous,
parlementaires, d'adopter un projet de loi comme celui-là sans
consulter...
M. Bellemare (Johnson): D'accord.
M. Burns: ... les gens qui sont directement concernés. Je
pense que le député de Johnson l'a soulevé.
M. Bellemare (Johnson): D'accord. Motion d'amendement de M.
Burns
M. Burns: De sorte que je me sentirais tout à fait
autorisé, sans vouloir, comme on dit, "scraper" le projet de loi, sans
vouloir mettre le projet de loi de côté, je me sentirais tout
à fait autorisé, et je le fais, à proposer un amendement
à la mo-
tion que nous examinons actuellement en enlevant le mot "maintenant" et
en le remplaçant par les mots "dans une semaine". Sur le plan technique
parlementaire, tout le monde me comprend. Ce que je veux tout simplement c'est
qu'on retarde l'adoption de la deuxième lecture jusqu'au moment
où on aura entendu les gens qui sont immédiatement
concernés, c'est-à-dire en particulier les centrales syndicales
qui représentent les salariés de ce secteur. Je pense
qu'actuellement cela se résume à peu près à la FTQ,
à la CSN et peut-être à des groupes individuels
d'infirmières. Je ne sais pas si la CSD est concernée par le
dossier, peut-être l'est-elle. Si elle l'est, il me semble qu'elle
devrait avoir le droit de venir dire, comme les deux autres centrales, ce
qu'elle en pense.
Il me semble, M. le Président, qu'on devrait tout en me
disant d'accord sur le principe quand même, avant d'adopter
définitivement ce projet de loi, entendre les centrales syndicales. J'en
fais motion, M. le Président, et je termine là-dessus mon
intervention.
M. Forget: M. le Président, si le député de
Maisonneuve me permet...
Le Président: Vous parlez sur la motion d'amendement?
M. Forget: Oui, sur la motion d'amendement ou alors comme
réplique s'il n'y a pas d'autres orateurs.
Le Président: Bien, un instant. Non, non, non, non.
M. Forget: II faut disposer de la motion d'amendement.
Le Président: Ah oui! il faut disposer de la motion
d'amendement.
M. Forget: Alors, sur cette motion, M. le Président,
j'aimerais apporter la précision suivante à l'Assemblée.
J'ai reçu, comme l'a d'ailleurs indiqué le député
de Johnson, comme probablement tous les membres de l'Assemblée ont
reçu, un télégramme me demandant et nous demandant
d'entendre les représentants des mouvements syndicaux sur ce projet de
loi et comme nous invite à le faire la motion du député de
Maisonneuve.
J'ai, dès ce matin, indiqué par télégramme
et par téléphone aux personnes impliquées qu'il nous
serait possible de les entendre m'étant entendu à ce sujet
avec le leader du gouvernement dès demain. Dans les
circonstances, si cela s'avère possible je pense que cela
s'avère possible il serait peut-être approprié de ne
pas considérer davantage cette motion puisque cela va avoir lieu de
toute manière.
M. Bellemare (Johnson): Pour autant que cela ne dépassera
pas demain.
M. Lessard: ... la même chose pour les assistés
sociaux.
M. Burns: M. le Président, devant l'affirmation du
ministre et devant l'assurance qu'il nous donne je pense que c'est une
assurance qu'il nous a donnée, je ne veux pas me faire fourrer non
plus...
M. Forget: Non, vous pouvez avoir ma parole que ces invitations
sont désormais, au moment où je parle, faites.
M. Bellemare (Johnson): Pour demain? M. Forget: Pour demain.
M. Burns: Alors, M. le Président, je suis satisfait, je
suis même...
M. Bellemare (Johnson): Demain matin ou demain
après-midi?
M. Burns: ... prêt à retirer ma motion. Ma motion
visait ce but. Je n'ai pas d'objection, si l'Assemblée nationale est
d'accord que je le fasse, à retirer ma motion.
Le but n'était pas de retarder l'application du projet de loi;
c'était simplement de permettre cette période où on
pourrait entendre les parties concernées. Devant l'assurance du
ministre, je ne pense pas que j'aie besoin de maintenir ma proposition,
à moins que le député de Johnson n'ait quelque chose
à dire là-dessus.
M. Bellemare (Johnson): Non, c'est simplement une
précision, parce que, demain, à Montréal, comme le premier
ministre, le chef de l'Union Nationale a des rendez-vous. Alors,
écoutez, je suis bien prêt à annuler cela. C'est pour me
faire une espèce de programme que je veux savoir si c'est demain matin,
demain après-midi ou demain soir. Tout dépendra de ce que me dira
le ministre.
M. Forget: On m'indique qu'il serait question de demain matin.
Evidemment, tout cela est entre les mains de l'Assemblée, mais on
m'indique qu il serait question de demain matin.
Retrait de la motion de M. Burns
Le Président: Si je comprends bien, la motion d'amendement
du député de Maisonneuve est retirée,...
M. Burns: Avec la permission de la Chambre.
Le Président: ... avec le consentement unanime de la
Chambre.
M. Bienvenue: Si on me le permet, M. le Président, je
voudrais me justifier. Si j'ai pressé le pas tout à l'heure, en
parlant de réplique, c'est que. connaissant le sens démocratique
du ministre des Affaires sociales, j'avais anticipé sur ce genre de
réponse favorable qu'il a donnée au député
de Maisonneuve.
M. Bellemare (Johnson): Pourquoi n'avez-vous pas fait un
discours? Cela aurait été bien mieux.
M. Samson: Pourquoi est-ce que vous n'anticipez pas plus souvent
que cela?
M. Bienvenue: Parce que je suis un petit gars
gêné.
Le Président: S'il n'y a pas d'autres intervenants sur
cette motion de deuxième lecture, est-ce que le ministre entend exercer
son droit de réplique, ce qui mettra fin au débat de
deuxième lecture?
M. Forget: Oui, M. le Président, je vous remercie. En tout
premier lieu, je désire informer cette Assemblée que le
lieutenant-gouverneur en conseil a pris connaissance de ce projet de loi et
qu'il en recommande l'étude à l'Assemblée nationale.
M. Burns: M. le Président, quand en a-t-il pris
connaissance?
M. Forget: II en a pris connaissance la semaine
dernière.
M. Bienvenue: The queen can do no wrong. M. Claude Forget
M. Forget: M. le Président, j'aimerais relever dans les
propos qu'ont tenus les différents orateurs sur ce projet de loi, un
certain nombre d'éléments. Les commantaires que nous avons
entendus n'étaient pas tellement des critiques, puisque, fort
heureusement et à ma grande satisfaction, les porte-parole de chacun des
partis représentés à cette Assemblée ont
indiqué qu'ils étaient en faveur du principe de ce projet de loi.
Ils ont exprimé, naturellement, des réserves quant à
certaines stipulations particulières. Mais nous aurons l'occasion
d'examiner ces stipulations particulières et je ne ferai pas de
commentaires sur cette partie de leurs remarques.
Cependant, tout en notant, comme je l'indiquais tantôt avec
beaucoup de satisfaction, leur concours dans l'approbation du principe de ce
projet, il m'apparaît important que certains de ces commentaires, qui
sont presque des questions, reçoivent des réponses à ce
moment-ci. J'ai noté en particulier, dans les remarques du
député de Saint-Jacques, qui exerçait le droit de parole
de l'Opposition officielle et que je dois donc considérer comme parlant
au nom de son groupe, une reprise au compte de l'Opposition d'une certaine
propagande syndicale dans les négociations qui se poursuivent
actuellement.
Mon but n'est pas d'intervenir dans des négociations qui se
déroulent tant bien que mal à l'heure actuelle, mais de faire
certaines constatations relativement à ce processus de
négociation. En effet comme, je pense, l'a senti le député
de Saint-Jacques, on ne peut pas dissocier à ce moment-ci l'adoption du
principe d'un tel projet d'un certain jugement sur la façon dont les
négociations sont amorcées et la façon dont elles se
déroulent. En particulier, l'Opposition, par son porte-parole officiel
sur cette question, a repris la propagande et la position des centrales
syndicales, en répétant que ces offres que nous avons faites sont
des offres déraisonnables, ridicules et ne méritent pas la
considération.
Seulement à titre de parenthèse, j'aimerais dire que, sur
le plan du niveau des offres comme sur leur structure, nous sommes en
présence d'offres qui sont tout à fait justifiables et que nous
pouvons d'ailleurs justifier, ce que nous avons fait, ce que le ministre de la
Fonction publique a fait en observant, par exemple, quant à leur...
M. Burns: Est-ce que le ministre me permet, M. le
Président? Je salue la présence du député de
Chicoutimi. Est-ce que le ministre me permet une question?
M. Forget: Oui.
M. Burns: Vous semblez actuellement porter un jugement sur les
offres qui ont été faites. Puis-je aller plus loin et demander si
ces offres sont définitives, finales, qu'elles ne peuvent pas être
modifiées, qu'elles sont parfaites à un point tel que vous croyez
qu'elles ne doivent pas être améliorées?
NI. Forget: J'anticipais un peu cette question du député
de Maisonneuve et je lui demande un peu de patience. Le but, comme je
l'indiquais tantôt, qui est le mien en en parlant, n'est pas, bien
évidemment, de décrire en détail des offres qui sont
très compliquées, ne serait-ce que par le grand nombre de
classifications et de clauses affectées, mais, dans le même esprit
que l'a fait le député de Saint-Jacques, de reprendre cette
argumentation parce qu'elle joue un rôle dans l'évaluation de ce
projet de loi. Avec un peu de patience, le député de Maisonneuve
verra que j'apporte une réponse j'espère qu'il la trouvera
satisfaisante à la question qu'il me posait tantôt.
Donc, je reprends sur la question du niveau des offres. Si l'on veut
apporter une description d'ensemble de la situation on sait qu'il y a
quelques centaines de catégories d'emploi dans le seul secteur des
affaires sociales il n'y a, sur une période de trois ans, puisque
les offres sont faites dans ce cadre, presque aucune augmentation pour un
employé, un salarié, qui soit inférieure à 60%. Il
n'y a presque pas de catégories, il n'y a presque pas de personnes qui
soient actuellement salariées dans notre réseau et qui, en vertu
même des offres qui ont été déposées, ne
verraient pas leur rémunération augmenter de près de 60%
ou davantage dans certains cas.
On peut se demander si ça devrait être 70%,
80% ou 90%; il reste que 60% d'augmentation, sur une période de
trois ans, c'est une augmentation qui peut à peine être
qualifiée de ridicule, de misérable, de mesquine. On peut, bien
sûr, ne pas être d'accord, encore une fois, sur ces chiffres, mais
il demeure que la qualification, que cherche à accréditer la
partie syndicale sur ces offres, a, en elle-même, une signification qu'il
est très important de saisir dans le présent contexte. Les
disparités que l'on observe dans les taux de rattrapage découlent
tout simplement de la constatation que nous avons faite que, durant la
période de validité des ententes précédentes,
beaucoup de choses ont changé. Le député de Johnson le
disait tantôt relativement au climat économique, etc.; c'est vrai
également pour la rémunération de certains corps d'emploi.
Beaucoup de choses ont changé dans le monde qui se situe à
l'extérieur du réseau des affaires sociales et il a fallu dans
certains cas, et dans deux cas en particulier, faire des rattrapages
particulièrement significatifs. Je pense, par exemple, aux ouvriers, qui
ont vu effectivement dans l'ensemble de notre économie, leur taux de
rémunération progresser à un rythme exceptionnel depuis
trois ou quatre ans.
Pour maintenir une certaine équité, une certaine
comparabilité entre le statut de cette catégorie d'emploi,
à l'intérieur de nos établissements, avec ce que l'on
retrouve à l'extérieur de nos établissements dans le
secteur privé, un rattrapage particulièrement significatif
s'imposait. La même constatation a été faite relativement
aux infirmières, et on sait qu'il y a là des raisons bonnes et
valables pour attribuer aux infirmières une rémunération
qui dépasse, en termes de rattrapage, ce qui est fait pour les autres.
D'ailleurs, c'est un phénomène qui existe partout au Canada et
partout en Amérique du Nord que ce mouvement qui a permis aux
infirmières de s'éloigner de la masse des travailleurs de la
santé parce qu'elles ont à faire face à des conditions de
vie et de travail particulièrement difficiles à notre
époque, c'est-à-dire qu'elles doivent accepter et ceci
fait partie inhérente de leurs responsabilités professionnelles
les implications quant à leur horaire de travail d'une
présence continue auprès du malade, sept jours par semaine et 24
heures par jour.
Cela est une obligation que n'ont pas d'autres groupes qui, même
au niveau de la formation académique, peuvent se comparer en termes
d'années d'études. Mais c'est une obligation qui est exorbitante
à ce que l'on demande à la plupart des autres travailleurs de la
santé et qui doit nécessairement se retrouver à un moment
ou l'autre reflété par un certain différentiel. C'est en
réalisant qu'il en était ainsi que les aspirations
légitimes des infirmières pour des heures de loisirs mieux
aménagées nous amenaient à faire ces recommandations.
Je pourrais parler longuement de la contrepartie à ces offres,
qui n'est pas moins essentielle à nos yeux, qui est celle d'une
productivité dans le secteur public qui soit comparable à la
productivité observée dans d'autres régimes hospitaliers
des autres provinces. Nous avons là, puisqu'on a si longtemps
parlé de la parité des salaires, une disparité
extraordinaire, une disparité gigantesque qui favorise le personnel au
Québec et qui lui a permis, au cours des années, de
bénéficier d'un fardeau de travail immensément moins lourd
que celui que l'on observe à l'extérieur de nos
frontières. C'est donc là une contrepartie qu'il faut
nécessairement, tôt oi tard, faire entrer en ligne de compte,
puisque finalement c'est la richesse collective des Québécois que
nous utilisons de façon massive dans la distribution des services de
santé. Il n'est que normal que nous cherchions, comme gouvernement,
à faire en sorte que ces services de santé ne soient pas plus
onéreux pour le Québécois moyen, qui n'a pas la richesse
de certains autres Canadiens, qu'il ne l'est pour ses voisins.
Tout ceci pour dire que les offres que nous avons faites sont dans un
contexte où on peut, avec seulement une très grande injustice
à la réalité, les proclamer de ridicules, de
déraisonnables, de dérisoires. C'est pourtant ce que l'on entend.
Je prétends que cette façon d'aborder le problème des
négociations n'est pas simplement de la rhétorique, mais que
c'est également une tentative pour peut-être déplacer
quelque peu l'objet de la négociation et son résultat
éventuel. C'est là que nous allons un peu plus près de la
substance de ce projet de loi, parce que, essentiellement, si l'on dit à
qui veut l'entendre que les offres déposées sont ridicules,
dérisoires, on se croit immédiatement justifié de ne pas
les négocier, de ne pas négocier sur cette base. C'est cela, dans
le fond, le but véritable que l'on poursuit en disant que des offres
sont dérisoires, qu'elles sont ridicules. C'est se donner une bonne
conscience pour ne pas les négocier franchement, ne pas les
négocier efficacement, par une discussion ouverte, une discussion
réaliste et qui viserait à faire des réaménagements
qui sont possibles.
La négociation que nous suggérons et que nous offrons,
elle, est réelle. Elle porte sur un tas de réaménagements
qu'il est imaginable d'envisager, dans un cadre cependant bien défini,
par une masse monétaire qu'il n'est pas possible de considérer,
de livrer à un arbitrage ou un arbitraire imprévisible, puisqu'il
s'agit de sommes trop importantes. Le gouvernement, sur cet appect mais
j'y reviendrai a bien fait connaître sa position. Il n'est pas
possible d'envisager que la négociation débouche sur une
majoration de 10% ou 20% dans des offres qui, déjà, taxent
à sa limite la capacité de payer du contribuable
québécois.
C'est dans cette optique, je pense, qu'il faut évaluer à
la fois la rhétorique actuellement utilisée par la partie
syndicale et la signification de ce projet de loi.
J'ai remarqué et j'ai relevé dans les propos du
député de Saint-Jacques une affirmation qui me paraît
extrêmement significative et extrêmement grave aussi. On a dit, et
je cite presque à la lettre, que l'on peut respecter la loi quand la loi
sert nos intérêts.
On a dit et c'est le député de Saint-Jacques qui parlait:
Je respecte la loi quand je crois que la loi ne me fera rien perdre, me
fera gagner ou
servira mes intérêts. Je pense que c'est traiter la loi et
toute loi de façon extrêmement désinvolte, non seulement
désinvolte, mais de façon à prendre les lois pour des
"deals" c'était le mot qui a été utilisé par
le député de Saint-Jacques pour des arrangements, pour des
accommodements.
Or, M. le Président, c'est donner aux travaux de cette
Assemblée une signification bien mince que de considérer que les
lois ne sont que des "deals", des arrangements que l'on peut respecter
seulement tant et aussi longtemps qu'elles font notre affaire. Je crois que ce
n'est pas du tout conforme à la tradition démocratique. Ce n'est
pas du tout conforme à nos institutions de traiter les lois de cette
façon.
Or, cette affirmation venant tout de suite après la
première, c'est-à-dire ce jugement rapide, ce jugement simpliste
sur le caractère supposément dérisoire des offres
patronales, nous amène dans un contexte extrêmement
délicat. Si, effectivement, parce que les offres sont soi-disant
dérisoires et déraisonnables, on n'a pas l'intention de
négocier et si effectivement on n'a pas l'intention de respecter les
lois, parce que, temporairement et pour les fins particulières que l'on
poursuit, elles ne font pas notre affaire, je pense que l'on a une situation
extrêmement grave dans ces négociations et je pense que nous avons
des raisons d'être inquiets.
Un autre aspect sur lequel j'aimerais revenir et qui se dégage
des remarques qui ont été faites, c'est la relation qui existe
entre le projet de loi que nous proposons et le droit de grève. On a dit
et redit que l'expérience passée nous enseignait que le patron ne
pouvait pas être le juge. On aurait pu, pour porter ce jugement, me citer
presque littéralement puisque c'est dans ces termes que j'ai
justifié l'introduction du présent projet de loi. Il est clair
qu'il est difficile d'envisager un règlement pacifique dans une
situation où une des parties s'arroge des droits qui n'appartiennent pas
à l'autre.
Le gouvernement, qui est à la fois l'auteur des lois, et le
patron, et une des parties à la négociation, a donc une position
très difficile s'il veut maintenir, d'une part, ses objectifs et,
d'autre part, la crédibilité d'un processus de
négociations où, pourtant, il s'engage avec une bonne foi
complète.
C'est conscients des leçons du passé à cet
égard et conscients aussi des difficultés inhérentes
à un tel exercice que nous introduisons un projet de loi qui vise
précisément à assurer que celui qui devra juger du
caractère essentiel des services ne soit pas un émissaire, un
mandataire de l'une des parties, c'est-à-dire de la partie patronale. La
suggestion précise, que contient le projet de loi dans sa forme actuelle
et qui vise à faire assumer cette responsabilité par un des juges
du Tribunal du travail, est une formule qui nous paraît rencontrer cette
préoccupation assurément légitime.
Après tout, nous ne voyons pas en quoi la désignation d'un
juge parmi d'autres serait un geste si significatif d'une intention
gouvernementale. Est-ce que ces juges n'ont pas, de par leur statut, de par le
fait qu'ils sont nommés à ce tribunal pour intervenir non
seulement dans ce conflit en particulier, mais dans tous les conflits de
travail, un certain statut qui les rend acceptables aux deux parties de
façon générale? Tous ces juges ne sont-ils pas
également acceptables, également indépendants du pouvoir
exécutif? Est-ce qu'on peut sérieusement prétendre que
cette nomination nous donnerait un pouvoir de décision comme patrons
dans la décision relative aux services essentiels?
Je ne le crois pas, M. le Président, à première
vue. Je sais que nous en discuterons en commission. Je ne sais pas, par
ailleurs, si des recommandations plus valables pourraient être faites
lors de l'étude en commission, de cette disposition.
Mais il m'apparaît qu'au moins dans sa formulation actuelle, s'il
y a des risques, ils sont extrêmement minces et j'ai peine à me
persuader qu'ils existent vraiment.
D'autre part, M. le Président, que vient faire ce projet de loi
dans l'attitude du gouvernement vis-à-vis d'une loi spéciale pour
mettre fin à un conflit de travail dans le secteur des affaires
sociales? Cette question a été posée par le
député de Rouyn-Noranda, par le député de
Saint-Jacques et par le député de Maisonneuve. Là aussi,
j'aurais cru que mon discours de deuxième lecture était
suffisamment explicite pour indiquer que l'option que nous prenons
actuellement, par le projet de loi no 253, de prévenir et
d'aménager un régime qui permettra, même en cas de
grève et même en cas de lock-out, la fourniture des services
essentiels sans interruption est une indication de notre désir de voir
ce moyen de pression qu'ont les syndicats, dans le cadre des services publics,
généralement, être exercé, le cas
échéant, si les syndiqués se convainquent que c'est
là le seul recours qu'il leur reste, le seul moyen qu'ils ont de faire
prévaloir leur point de vue.
Ce n'est pas, cependant, une invitation à exercer ce droit de
grève mais c'est une mesure qui rend son exercice possible parce que son
exercice, à ce moment-là, ne fait pas courir des dangers à
la population. Elle incommode sans aucun doute la population, incommode sans
aucun doute le patron, mais rend possible un exercice responsable du droit de
grève sans retour de manivelle, sans devoir craindre automatiquement une
réaction qui ne manquerait pas de suivre un exercice du droit de
grève qui ne serait pas assorti de pareilles précautions, de
pareilles garanties.
Donc, nous envisageons que si le droit de grève est
exercé, son exercice ne mettra pas en danger de façon
irrémédiable la santé du public. Si cette loi est
observée, si généralement on peut être satisfait de
la façon dont elle est appliquée puisqu'il faudra juger à
l'expérience du succès de cette mesure dans les faits mais
à ces réserves près sur l'efficacité de la mesure
qui est actuellement débattue à l'Assemblée nationale, la
grève pourra donc suivre son cours jusqu'à ce que l'une ou
l'autre des parties s'avise que la situation ainsi créée a assez
duré et change sa position, dans le cadre, toujours, d'une
négociation et non pas
dans le cadre d'une loi spéciale imposant des conditions de
retour au travail.
M. le Président, on peut faire cette affirmation et donc
répondre par l'affirmative à la question que nous posait en tout
dernier lieu le député de Maisonneuve, à savoir
qu'effectivement l'aménagement de ce droit de grève, l'assurance
que nous donne le maintien des services essentiels nous permettra d'envisager
cette éventualité déplorable mais, malgré tout,
nous permettra de l'envisager avec une sécurité suffisante pour
laisser s'exercer ce droit de grève sans interférence
jusqu'à ce que, par son exercice, ce conflit de travail en vienne
à un aboutissement normal et négocié. Je crois que cette
indication positive à la question qui nous est posée doit
malgré tout être vue dans le contexte des négociations
actuelles.
C'est à ce moment-ci que je retourne aux propos que je tenais au
tout début de mes remarques à savoir que nous avons fait des
offres qui nous paraissent raisonnables. Nous ne pouvons pas imaginer que le
jugement péremptoire que le député de Saint-Jacques
posait, ainsi que quelques-uns de ses collègues, à savoir qu'il
s'agissait là d'offres tellement ridicules qu'elles ne méritaient
pas d'être négociées, nous ne pouvons croire qu'il s'agit
là d'une attitude défendable ou justifiable.
Nous sommes disposés, bien évidemment, dans l'optique
où les syndicats qui nous font face à la table de
négociation le seraient eux-mêmes, à négocier des
aménagements dans les offres qui ont été
déposées. Ces offres sont négociables dans le double sens
qu'elles méritent d'être négociées, qu'elles sont
assez sérieuses pour l'être et qu'elles peuvent, malgré
tout, être modifiées pour réaménager, pour
réorganiser certaines des dispositions.
Malgré tout et encore une fois, même si je l'ai
affirmé précédemment, je désire
réitérer la notion suivante: Le gouvernement a défini sa
position relativement à la masse totale qu'il était prêt
à consentir comme majoration dans le secteur public et parapublic. Sa
position, il l'a fait connaître clairement sur ce sujet; il n'est pas
question d'une majoration substantielle, il n'est pas question de
défoncer, en quelque sorte, non pas un plafond, mais cette enveloppe qui
a été ainsi définie. Si l'hésitation actuelle que
l'on observe du côté syndical à négocier vraiment,
si cette rhétorique qui tend à faire croire à l'opinion
publique que nos offres sont déraisonnables, qu'elles sont ridicules
visent tout simplement à produire une situation telle que l'on mettra,
finalement, au test de la grève, de l'arrêt de travail cette
enveloppe gouvernementale, alors je dis tout de suite à nos
vis-à-vis, à nos partenaires dans cette négociation, ou
à nos adversaires, si l'on peut dire, qu'ils s'aventurent dans une voie
qui est sans issue.
Peut-être voudront-ils, effectivement, tester cette
hypothèse qu'ils formulent ainsi! Peut-être voudront-ils,
éventuellement, même aller jusqu'à la grève pour la
tester. Mais il serait plus sage, pour toutes les parties en cause, d'accepter
dès maintenant de négocier dans le cadre ainsi défini et
à l'intérieur d'une enveloppe qui est susceptible
d'aménagements nombreux, d'aménagements substantiels, mais qui ne
peut, globalement et massivement, être remise en question.
J'ai dit, tout à l'heure, que j'avais des raisons d'être
inquiet d'une stratégie qui vise à discréditer des offres
comme raison de ne pas les négocier et nous avons des indications
nombreuses que c'est peut-être là, effectivement,
l'hypothèse que fait la partie syndicale.
Je cite ici un article publié dans la Presse du 26 novembre
dernier, intitulé "Hôpitaux: Les syndicats vont faire la
grève des nerfs", et où on rapporte les
délibérations du Conseil fédéral de la
Fédération des affaires sociales, qui est une des
fédérations de la CSN particulièrement importante dans le
secteur des affaires sociales. Parmi les choses que contient cet article, on
retrouve la proposition qui, effectivement, se réalise dans les faits,
où après avoir obtenu des offres pécuniaires alors que les
offres normatives étaient déjà connues de la partie
syndicale, après avoir réclamé à cor et à
cri le dépôt des offres pécuniaires, maintenant qu'on les
a, on dit: Maintenant, on n'est plus intéressé à
négocier cette partie, on veut négocier les offres
normatives.
C'est là un jeu et une stratégie qui semblent
démontrer je n'irai pas plus loin que cela un désir
de ne pas vraiment négocier et d'employer par ailleurs des tactiques,
intitulées dans cet article la guerre des nerfs, qui ont pour but de
créer une situation de malaise, une situation de crise qui se substitue
effectivement à la négociation, pour vous faire déboucher
dans quelques mois vers une grève dont le but n'est pas d'obtenir des
modifications et des aménagements à l'intérieur des offres
qui ont été déposées ou même des demandes qui
ont été formulées par la partie syndicale, mais de mettre
au test l'intention gouvernementale vis-à-vis de la masse totale qu'il
est disposé à consacrer aux secteurs public et parapublic.
M. le Président, je dis que si c'est cela l'hypothèse
qu'il faut faire, effectivement, il faudra le faire ce test, par malheur.
Dans ce contexte, la loi qui est devant nous s'avère, pour les
deux parties, un instrument essentiel pour aller jusqu'au bout de leurs
intentions. Il est clair que s'il faut faire la grève, s'il faut en
venir là, il est impératif de protéger la santé du
public, il est impératif de disposer de moyens efficaces pour
protéger ce public qui n'est pas une partie prenante dans ces
négociations et qui ne peut être qu'une victime. C'est le but de
ce projet. On nous a dit: Bah! les services essentiels peuvent être
négociés, et pourquoi ne pas négocier d'avance la
fourniture et le maintien des services essentiels durant une période de
grève? Je rappellerai aux membres de cette Assemblée
qu'effectivement nous avons négocié dans le secteur de la
fonction publique le ministre de la Fonction publique en a fait
état, d'ailleurs une entente sur les services essentiels dans ce
cadre.
Malheureusement, dans le cadre qui est celui des affaires sociales, une
telle entente n'a pas été possible. Non seulement n'a-t-elle pas
encore été
possible, mais une des parties a ouvertement dit, nous a explicitement
déclaré qu'il n'y aurait pas d'entente sur les services
essentiels et que ce n'était pas la voie dans laquelle cette partie
s'engageait. Si une des parties syndicales, puisque nous faisons affaires avec
plusieurs syndicats dans le secteur des affaires sociales, s'est
déclarée allergique à la possibilité de
négocier les services essentiels, il est évident qu'il faut avoir
le moyen de recourir à d'autres solutions.
Cependant, même s'il était possible de négocier les
services essentiels, on sait très bien que ce n'est pas la seule
condition qui est nécessaire pour que ces services soient effectivement
maintenus. L'expérience nous a montré j'en ai parlé
plus tôt au cours de ce débat que même dans les
endroits où il y avait, en 1972, entente sur les services essentiels,
dans la moitié des cas ces ententes n'ont pas été
respectées. Je ne ferai pas de commentaires sur la façon dont
cette négociation a pu avoir lieu dans certains cas où la
négociation se faisait au jour le jour avec la tentation, à
laquelle forcément on cédait souvent, d'utiliser cette
négociation sur les services essentiels comme levier pour obtenir sur le
fond des concessions qu'on ne pourrait pas obtenir autrement.
M. le Président, nous sommes donc devant la
nécessité d'agir et de prévoir des mécanismes
d'application, même dans les cas où il existe des ententes.
Malheureusement, comme je l'ai indiqué, ces ententes sont impossibles
pour une partie au moins des salariés dans le secteur des affaires
sociales. Ce qu'il faut retenir de tout ceci, c'est que nous aurons par cette
loi le moyen d'assurer au public la protection qui lui est indispensable et que
nous pourrons envisager toutes les éventualités. Celle que la
partie patronale et celle que le gouvernement préfèrent, c'est
bien évidemment que la négociation se fasse. Qu'elle se fasse de
manière que les choses qu'il est possible de régler à
l'avantage mutuel des deux parties, à l'intérieur même des
offres déjà déposées, et ces choses-là sont
nombreuses, elles sont importantes pour les parties, elles sont
demandées par les parties elles-mêmes et par la partie syndicale
en particulier... Je pense à l'aménagement des heures de travail
et des horaires de travail. Il s'agit là d'une demande qui a
été formulée par tous les syndicats et à laquelle
nous avons répondu de façon responsable, de façon
raisonnable et de façon qui mérite une véritable
négociation. C'est là la voie que nous privilégions, en
avertissant toutefois la partie syndicale que les offres gouvernementales sont,
tout en étant raisonnables, des offres qu'il ne saurait être
question de livrer à une espèce de loterie. Si l'intention du
gouvernement, malgré la fermeté avec laquelle nous l'avons
exprimée du côté gouvernemental depuis plusieurs semaines,
si cette fermeté est mise en doute, s'il faut effectivement passer par
cette crise que constitue un arrêt de travail dans le secteur des
services de santé et des services sociaux, au moins nous aurons la
possibilité de le faire de façon civilisée, si on peut
appeler civilisée dans un pays comme le nôtre la fermeture totale
ou partielle de certains centres hospitaliers, de certains centres
d'accueil.
Nous aurons l'occasion, malheureusement, de mettre à
l'épreuve la détermination du gouvernement et celle de la partie
syndicale. Mais est-il vraiment nécessaire de faire ce test-là?
Et ne serait-il pas plus sage d'aller sérieusement aux tables de
négociation et de cesser cette quasi-démagogie qui cherche
à nous faire croire que les offres qui permettront, encore une fois, de
majorer, dans l'ordre de 60%, la rémunération de tous ceux qui
sont actuellement salariés dans notre secteur, sur une période de
trois ans, que ces offres sont ridicules, qu'elles ne méritent pas
l'attention et qu'on n'a pas besoin de les négocier, parce que, de toute
façon, on va pouvoir renverser cette politique et qu'on va pouvoir
obtenir par les moyens de pression ce que l'on ne pourrait pas obtenir par une
franche négociation?
Je crois que c'est là une erreur, que c'est une erreur dont,
j'espère, nous n'aurons pas à payer tous les frais et les
conséquences. Mais si nous en venons là, au moins donnons-nous
les instruments, par cette loi, pour y faire face et protéger les
intérêts essentiels du public. Alors, voilà, M. le
Président, tout ce que j'ai à dire à ce moment-ci dans
l'étude du projet, et j'exhorte l'Assemblée nationale à
adopter le plus rapidement possible cette mesure.
M. Levesque: M. le Président, nous allons demander un vote
enregistré sur cette motion de deuxième lecture et je
suggère que ce vote ait lieu à midi et quarante-cinq.
M. Bellemare (Johnson): Est-ce que le leader du gouvernement ne
demanderait pas le vote enregistré de ce matin? C'est parce qu'il y en a
peut-être qui vont voter contre.
M. Levesque: On va attendre pour voir comment chacun va se
comporter.
M. Bellemare (Johnson): Dans mon caucus, je pense bien être
unanime.
M. Bédard (Chicoutimi): D'accord, de retarder...
M. Levesque: M. le Président, no 10, peut-être, non.
Le député de Maisonneuve est ici, je pense que nous pourrions
disposer immédiatement du no 13.
Projet de loi no 84 Deuxième lecture
Le Président suppléant (M. Gratton): Le leader du
gouvernement propose la deuxième lecture du projet de loi no 84, Loi
modifiant la Loi de la Commission de contrôle des permis d'alcool.
M. Gérard-D. Levesque
M. Levesque: M. le Président, je sais que les membres de
cette Assemblée sont au courant du contenu de ce projet de loi qui
autorise la
Commission de contrôle des permis d'alcool à
délivrer des permis spéciaux au Parc olympique et au Stade
olympique de Montréal, et autorise le gouvernement à
réglementer l'exploitation de ces permis. Il s'agit d'un permis de
nature plutôt permanente dans le cas du stade, pour la vente de
bière en fût, et, pour tout le Parc olympique, d'un permis pour la
durée des Jeux.
Alors, s'il y a des questions à poser, elles pourraient
l'être sans doute en commission.
M. Robert Burns
M. Burns: M. le Président, en ce qui me concerne, je suis
prêt à suivre l'indication que vient de me donner le leader du
gouvernement. Je n'ai pas d'objection à ce que ce projet de loi soit
discuté davantage en commission plutôt qu'en deuxième
lecture. Je m'en voudrais, cependant, de ne pasau niveau de la
deuxième lecturefaire simplement la remarque suivante: Lorsque le
député de Saint-Jacques en particulier s'est opposé
à ce que cette mesure soit introduite dans un autre projet de loi, il
faut comprendre le contexte où cela se présentait. Ce
n'était pas qu'on était contre la mesure proposée mais
nous trouvions un peu bizarre qu'à l'occasion de l'étude du
projet de loi concernant la Régie des Jeux olympiques, à la toute
dernière minute, on nous insère une telle mesure.
Je pense que la mesure en soi est acceptable. On l'a fait au cours de la
période de l'Expo 1967. Je voulais simplement dire cette chose, pour
qu'on ne dise pas: Le député de Saint-Jacques a dit certaines
choses en commission et le député de Maisonneuve vient corriger
la situation en adoptant le projet de loi. C'est la façon dont
c'était amené à l'époque qui nous a déplu,
mais cela ne nous empêchait pas d'être en faveur de cette
mesure.
M. Levesque: M. le Président, en réplique je dois
dire que je partage les vues du député de Maisonneuve, parce que
nous-mêmes nous avons été surpris de voir arriver, sur la
table de la commission, cet amendement.
Nous avons cru que celui qui avait eu cette idée géniale
aurait pu nous en parler un peu à l'avance et on aurait sûrement
suggéré que cette disposition, si acceptable soit-elle, vienne en
son temps.
M. Bellemare (Johnson): N'y a-t-il pas un comité de
législation, comme autrefois?
M. Levesque: Pardon?
M. Bellemare (Johnson): N'existe-t-il pas chez vous, comme dans
notre temps, un comité de législation?
M. Levesque: Oui, il existe un comité de
législation que je préside. Justement, les paroles du
député de Johnson m'inspireraient quelque chose à ce
moment-ci, mais je me tairai plutôt que condamner une procédure
que je n'approuve pas.
M. Bellemare (Johnson): Le comité de
législation?
M. Levesque: Non, d'arriver à la dernière minute
avec...
M. Bellemare (Johnson): Ah bon! D'accord.
M. Levesque: ... un amendement qui n'était pas
passé par les voies normales.
M. Bellemare (Johnson): D'accord. Qui n'avait pas
été soumis au comité de législation. D'accord.
Le Président suppléant (M. Gratton): Est-ce que
cette motion de deuxième lecture du projet de loi no 84, Loi modifiant
la Loi de la Commission de contrôle des permis d'alcool, est
adoptée?
M. Burns: Adopté.
Le Président suppléant (M. Gratton):
Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi. Second reading of this bill.
Projet de loi déféré à la
commission
M. Levesque: Je propose que ce projet de loi soit maintenant
déféré à la commission parlementaire de la
justice.
Le Président suppléant (M. Gratton): Cette motion
est-elle adoptée?
M. Burns: Pardon?
Le Président suppléant (M. Gratton): La motion de
déférence.
M. Levesque: A la commission parlementaire de la justice.
M. Burns: Oui, oui, la commission parlementaire.
M. Levesque: J'en profite, à ce moment-ci, pour indiquer
que la commission parlementaire de la justice siégera, cet
après-midi, à partir de quatre heures, pour étudier,
article par article, ce projet de loi que nous venons de lui
déférer, en plus du projet de loi no 80, Loi prolongeant et
modifiant la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et
propriétaires. Ces deux projets de loi seront étudiés en
commission parlementaire de la justice. Je voudrais demander le consentement
unanime de la Chambre, vu que nous serons réunis, pour terminer
l'étude qui est présentement en commission plénière
de deux projets de loi où il reste quelques amendements dont nous
pouvons disposer: le projet de loi no 38, Loi modifiant le Code de
procédure civile, et le projet de loi no 79, Loi constituant la
Société québécoise d'information
juridique. Dans ces deux cas, nous pourrions terminer l'étude
déjà entamée en commission plénière, et cela
en commission élue, et faire rapport selon les règles de la
commission plénière.
M. Burns: Cela me paraît tout à fait logique, cette
demande, surtout que déjà les deux projets de loi en question ont
été amplement discutés en commission
plénière. Ce que nous attendons actuellement, à toutes
fins pratiques, c'est la réponse du ministère de la Justice sur
certains amendements. Cela me paraît tout à fait logique de
concevoir que, comme on se réunit cet après-midi à la
commission parlementaire de la justice, qu'on prenne l'occasion de discuter de
ces projets de loi, tout en n'imposant pas, si vous voulez, les
formalités de rapport, etc., puisque déjà le travail a
été fait en commission plénière.
Le Président suppléant (M. Gratton): Cette motion
est-elle adoptée?
M. Burns: Adopté.
Le Président suppléant (M. Gratton):
Adopté.
M. Levesque: Article 10).
Projet de loi no 83
Deuxième lecture
Le Président suppléant (M. Gratton): L'honorable
ministre des Affaires municipales propose la deuxième lecture du projet
de loi no 83, Loi concernant le canton de Chicoutimi.
M. Victor Goldbloom
M. Goldbloom: Ce projet de loi est fort simple et corrige une
petite anomalie qui s'était glissée dans l'administration
municipale de la province. En 1920, une municipalité a été
créée par le chapitre 108 des Lois de 1919-1920 et porte le nom
de Saguenay. Effectivement, depuis de nombreuses années, cette
municipalité, tout en existant sur papier, n'a aucune administration
municipale. Il y a des gestes qui ont été posés à
l'égard du territoire de cette municipalité par les
autorités municipales du canton de Chicoutimi. Or, le but du projet de
loi est de faire disparaître cette municipalité qui, à
toutes fins pratiques, est disparue depuis un bon moment, d'englober son
territoire dans celui du canton de Chicoutimi et de reconnaître comme
valides les actes posés dans l'intérim par les autorités
municipales de ce canton.
Le Président suppléant (M. Gratton): Le
député de Chicoutimi.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard (Chicoutimi): Nous savons que ce projet de loi
s'impose, c'est une correction technique et d'autant plus nécessaire
avec la grande ville qui commence en 1976. A ce moment, nous n'avons pas de
remarques spéciales à faire.
Le Président suppléant (M. Gratton): Cette motion
de deuxième lecture du ministre des Affaires municipales est-elle
adoptée?
M. Bédard (Chicoutimi): Adopté, M. le
Président.
Le Président suppléant (M. Gratton):
Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi. Second reading of this bill.
Commission plénière
M. Levesque: Est-ce qu'on pourrait faire les écritures en
commission plénière, en ce cas?
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce qu'on passe au projet de
loi sur l'évaluation foncière tout de suite?
M. Levesque: Immédiatement après. On pourrait faire
les écritures en commission plénière pour le canton de
Chicoutimi.
M. Bédard (Chicoutimi): Pas d'objection.
Le Président suppléant (M. Gratton): Les
écritures en commission plénière et troisième
lecture, prochaine séance ou séance subséquente.
M. Levesque: Article no 12.
Projet de loi no 254 Deuxième lecture
Le Président suppléant (M. Gratton): Le ministre
des Affaires municipales propose la deuxième lecture du projet de loi no
254, Loi modifiant la Loi sur l'évaluation foncière.
M. Victor Goldbloom
M. Goldbloom: M. le Président, le lieutenant-gouverneur a
pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude
à la Chambre.
C'est un projet de loi qui fait partie d'une série. Nous avons,
depuis un certain temps, une Loi sur l'évaluation foncière qui a
déjà effectué certaines modifications dans le
régime de l'évaluation foncière au Québec. Le but
de cette loi était et demeure celui de moderniser et d'uniformiser
l'évaluation foncière au Québec. Une telle tâche est
énorme. On connaît la variété très grande des
rôles d'évaluation quant à leur qualité, quant
à la technique utilisée pour leur confection. Et puisque
l'identification d'une propriété et la mesure de sa valeur
constituent pour une administration municipale, pour une administration
provinciale des éléments indispensables, des
éléments d'administration qui touchent à la planification,
qui concer-
nent la comparaison entre municipalités, il est évident
que nous ne pouvions vivre plus longtemps sous un régime aussi
incohérent que celui que nous avions et que nous avons encore au
Québec. A ce problème se greffe un autre qui est de taille. C'est
qu'il y a présentement deux autorités en évaluation
foncière; une autorité municipale et une autorité
scolaire, et surtout au cours de cette année, 1975, nous poursuivons un
examen serré de ce que l'on doit appeler un conflit entre ces deux
milieux. Et, l'on constate, en examinant la situation, que c'est
l'autorité municipale qui a la première responsabilité,
celle de confectionner le rôle. Ensuite, le conseil municipal, dans
chaque cas, détermine un taux de taxe général et il y a
des taxes spéciales qui peuvent être appliquées à ce
rôle d'évaluation ou à une partie de ce rôle. Le
conseil municipal ayant un choix quant au taux de taxe, il peut ajuster le
fardeau réel supporté par le contribuable, de façon
à lui rendre justice, tout en permettant à la municipalité
commanditée de poursuivre les activités normales et faire les
investissements qu'elle doit faire.
Mais ce rôle passe ensuite entre les mains des autorités
scolaires et là il y a une transformation qui s'effectue, qui s'appelle
redressement. La nécessité de ce redressement découle du
fait que nous n'avons pas l'uniformité des rôles
d'évaluation à travers le territoire du Québec. Ce qui
arrive, c'est que le problème se pose depuis la constitution des
commissions régionales quand il y avait de nombreuses commissions
locales qui avaient chacune la responsabilité de l'imposition d'une taxe
scolaire, le territoire de chacune ne comprenait pas un grand nombre de
municipalités, mais aujourd'hui les commissions scolaires
régionales touchent sur leur territoire de nombreux rôles
d'évaluation présentés par les municipalités.
Puisque ces rôles varient considérablement en
qualité et en niveaux par rapport à ce que l'on peut
déterminer comme étant la valeur réelle des
propriétés, la commission scolaire dit: Nous devons imposer d'une
façon uniforme le même principe que nous visons depuis l'adoption
de la loi sur l'évaluation foncière, qui a subi certaines
modifications par la suite.
L'objectif fondamental demeure, mais la commission scolaire, pour faire
cela, prend le rôle et l'analyse par catégories: maisons
résidentielles, commerces, lots vacants, ainsi de suite. Elle attribue
à chaque catégorie une valeur en pourcentage par rapport à
la valeur réelle et fait une moyenne de ces pourcentages pour
déterminer un pourcentage global pour le rôle. Il est
évident que ce qui arrive en général, c'est que les
rôles qui sont faits de façon scientifique subissent un
redressement qui est minime. Les autres qui constituent un écart
considérable avec la valeur réelle subissent un redressement
important. Mais s'il y a, à l'intérieur d'un rôle, des
écarts entre les propriétés, des injustices à cause
d'une mauvaise évaluation de l'une ou l'autre des
propriétés, si l'on augmente la valeur globale du rôle, on
augmente les écarts qui existent entre les propriétés et
l'on augmente les injustices.
Il y a plus que cela dans la situation. C'est que les commissions
scolaires, imposant une taxe qui est déterminée de façon
globale pour toute la province, n'ont pas la liberté de modifier ce taux
pour soulager les contribuables dans l'une ou l'autre des municipalités
sur leur territoire. Enfin, il y a le fait que là où
l'évaluation est bien faite, il y a augmentation des valeurs, parce
qu'après tout les valeurs ont tendance à augmenter avec
l'inflation générale qui est plus rapide, depuis un certain
temps, mais même quand il n'y a pas d'inflation galopante, il y a une
tendance vers l'augmentation des prix, l'augmentation donc du coût de
remplacement d'une maison ou des éléments de cette maison, et
cela veut dire que la valeur a tendance à augmenter. Si le rôle
n'est pas refait régulièrement, les valeurs traînent
à un niveau relativement bas et le redressement fait par la commission
scolaire augmente ce qui paraît comme valeur de la
propriété sur le compte de taxes. Entretemps, si le rôle
est augmenté sur le plan municipal, le conseil municipal peut diminuer
le taux, mais la commission scolaire ne peut pas toucher au taux.
C'est un taux normalisé que le gouvernement a baissé au
cours des récentes années, dans un effort réel non
seulement de compenser ce phénomène mais aussi de déplacer
vers le secteur municipal une masse monétaire qui a appartenu au secteur
scolaire.
Dans cette situation, là où le rôle est bien fait,
est fait sur le plan scientifique, il y a tendance quand même,
malgré le redressement, à faire payer proportionnellement
davantage aux contribuables dans les municipalités où le
rôle est bien fait. Or, il faut arriver à un régime qui non
seulement est scientifique et uniforme mais aussi à un régime qui
évite, une fois pour toutes, la nécessité du redressement
des rôles par les commissions scolaires. C'est vers cet objectif que nous
progressons et le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui constitue un
pas en avant vers cet objectif.
Il est évident qu'il faut plus que cela pour pouvoir atteindre
l'objectif. Il faut des outils techniques utilisés de façon
uniforme par tous les éva-luateurs dans toutes les municipalités.
Or, nous avons maintenant en main les premiers volumes du manuel
d'évaluation et ce manuel est maintenant en utilisation ici même
dans la région de la capitale. Nous poursuivons, depuis le 1er
décembre, une série de cours de perfectionnement pour les
évaluateurs. Avec les volumes du manuel entre leurs mains, ils seront
dorénavant, ceux qui auront suivi les cours et les cours se
continueront pendant une période de 23 mois pour nous permettre de
rejoindre tous les évaluateurs du Québec en mesure de
faire l'évaluation convenablement selon le manuel.
Il est déjà possible de dire que le rôle fait selon
le manuel, selon les principes scientifiques que contient ce manuel, ne sera
plus sujet à un redressement par le système scolaire.
M. le Président, le projet de loi que nous étudions
aujourd'hui comprend des éléments techniques et de concordance
surtout. Il y a quand
même certaines choses que je voudrais mettre en relief pour vous
indiquer ce que l'on vise par ce projet de loi.
Il y a le fait que la loi, jusqu'à maintenant, parle de ce qu'il
convient d'appeler un rôle quinquennal, c'est-à-dire que la notion
est transmise que c'est une fois par cinq ans que l'on refait au complet le
rôle d'évaluation d'une municipalité, et que cette refonte
quinquennale implique la visite de chacune des propriétés et une
évaluation nouvelle et scientifique à chaque fois.
Mais, M. le Président, quand on examine la loi, on voit que le
principe le plus fondamental de tous, c'est que chaque propriété
doit être citée au rôle d'évaluation en tout temps
à sa valeur réelle, et sa valeur réelle va certainement
changer dans une période de cinq années. Donc, nous faisons
disparaître, comme n'étant pas vraiment utile, cette notion
quinquennale pour insister sur la tenue à jour annuellement du
rôle pour assurer que la justice distributive se fera à
l'intérieur du rôle. C'est pour moi le plus important dans les
modifications que nous apportons par ce projet de loi.
Cela ne veut pas dire que la visite de chaque propriété
devra se faire chaque année.
Ce ne serait pas logique et ce serait une dépense absolument
exagérée. Mais je ne voudrais pas que la notion de rôle
quinquennal demeure pour donner l'impression que ce ne serait qu'une fois par
cinq ans que la propriété devrait être visitée. Il y
aurait lieu, dans certains cas, de revoir une propriété
après deux ou trois années, parce qu'il y aurait eu des
changements qu'il n'y aurait pas moyen d'évaluer autrement que par une
visite. C'est le jugement professionnel de l'estimateur qui doit
déterminer cela.
Deuxième point, par rapport au premier, s'il s'agit de visiter
des propriétés dans nos municipalités d'importance moyenne
et grande quant à leur population, quant au nombre de
propriétés à évaluer, ce n'est pas en une seule
semaine que l'on peut tout visiter. Le temps nécessaire pour voir toutes
les propriétés et en faire l'examen serait considérable.
Il y aurait donc des municipalités où des
propriétés seraient visitées dans la première
semaine de janvier et d'autres propriétés, dans la même
municipalité, auraient été visitées dans la
dernière semaine de décembre; en principe, dans la même
année, mais avec un décalage qui, surtout en une année
comme celle que nous vivons présentement ou l'année
dernière, pourrait représenter une différence importante,
si l'on veut faire une comparaison juste entre les deux
propriétés.
Pour cette raison, M. le Président, nous établissons dans
la loi une date effective d'évaluation. Même si
l'évaluation est faite à un autre moment, ce serait par rapport
à une date précise que toutes les propriétés
devront être inscrites au rôle pour que la justice soit
véritable.
Enfin, M. le Président, il y a deux pouvoirs d'intervention qui
sont donnés au ministre. Un pouvoir de connaître l'état de
l'évaluation des biens-fonds dans une corporation municipale
donnée, c'est-à-dire que le ministre peut mandater une personne
pour aller examiner le rôle et en ap- précier la valeur globale et
détaillée. Ce n'est pas une substitution du ministre au bureau de
révision de l'évaluation foncière qui doit entendre les
plaintes des propriétaires et en juger; c'est quand même un
pouvoir d'intervention qui n'existe pas présentement dans la loi, qui
permet au ministre, par un mandataire, de faire l'examen du rôle.
Le deuxième pouvoir est un pouvoir plus direct d'intervention,
c'est-à-dire que le ministre peut, s'il le juge nécessaire, se
substituer à la municipalité et à l'estimateur. Cela veut
dire que le ministre pourra non seulement constater des anomalies possibles
dans le rôle, mais, en se substituant aux autorités en place,
effectuer la correction de ces injustices. Cela me semble nécessaire; il
y a des exemples de problèmes, que nous connaissons en ce moment
où nous parlons, qui justifient l'attribution au ministre d'un tel
pouvoir d'exception, mais quand même un pouvoir qui, à mon sens,
doit exister.
Or, M. le Président, le projet de loi vise à l'application
réelle de ces mesures d'uniformisation, sur une base scientifique, des
rôles d'évaluation à travers le Québec. Puisque la
loi existe depuis un bon moment et que certaines personnes semblent croire que
ce fait a eu pour effet de retarder l'amélioration des rôles, je
voudrais dire que tel n'est pas le cas.
Nous avons, en vertu de la loi, amené des municipalités et
des conseils de comté à effectuer d'importantes
améliorations dans leur rôle et nous avons donné une aide
financière à cela. Nous allons continuer dans la mesure de nos
moyens et nos moyens sont déterminés annuellement par le Conseil
du trésor, par le ministre des Finances et enfin par le conseil des
ministres. Je ne suis donc pas en mesure de savoir aujourd'hui quel sera le
contenu du budget de la province qui sera déposé au printemps. Je
ne suis donc pas en mesure de dire aux municipalités: Vous aurez tant.
Je peux leur dire quand même que la logique nous commande de poursuivre
un programme d'aide aux municipalités pour que la mise à jour qui
s'effectue présentement devienne plus que cela, devienne la
véritable mise en place de rôles scientifiques partout dans la
province.
Nous nous donnons, pour toute l'opération, une période de
huit ans. C'est à la fin de 1983 que tous les rôles devront avoir
été faits en vertu de la loi et du manuel. Cela nous semble une
période nécessaire à cause du nombre d'entités qui
doivent être touchées. Le ministre, selon la loi, peut
déterminer par où commencer. Là, il y a des demandes qui
sont déjà formulées par des municipalités et par
des conseils de comté. Je voudrais les assurer que je prendrai en
sérieuse considération les demandes qui ont déjà
été envoyées parce qu'il serait logique que celles qui se
sentent prêtes soient les premières à procéder,
à une condition, M. le Président. Et c'est par cette condition
que je voudrais terminer.
Tout l'esprit de la loi vise l'entreprise privée dans le domaine
de l'évaluation foncière. Nous aurions pu, à l'instar de
l'Ontario, constituer une importante équipe de fonctionnaires et charger
cette
équipe d'aller faire sur tout le territoire du Québec
l'évaluation foncière. Nous aurions eu, dans un sens, une
meilleure garantie d'uniformité. Mais nous aurions en même temps
diminué considérablement la possibilité pour une classe de
citoyens professionnels de gagner leur vie. Et nous avons voulu leur faire
confiance. La condition que j'impose en me préparant à
émettre des ordonnances à l'endroit de municipalités et de
conseils de comté, c'est qu'il y ait en place un mécanisme qui
assurera la poursuite du travail sur le plan professionnel, dans la mesure du
possible. Et c'est une des raisons pour lesquelles nous avons identifié,
pour la première fois de l'histoire du Québec, les conseils de
comté comme entités pour les fins de l'évaluation
foncière. C'est parce que nous croyons que dans toute la mesure du
possible l'entité qui se charge de cette évaluation doit avoir
à son service une personne professionnelle qui pourra suivre
l'application du rôle. Il ne suffit pas de retenir les services d'une
personne, si compétente soit-elle, pour la confection du rôle s'il
n'y a pas de suite professionnelle qui est donnée. Parce qu'un
rôle est une chose dynamique, c'est une chose qui change d'un jour
à l'autre et les changements doivent être appréciés
et les modifications doivent être introduites dans le rôle chaque
année.
Alors, il faudra que, d'une manière ou d'une autre, cette
continuité de compétence professionnelle soit assurée. Et
nous allons viser cela en choisissant les premiers destinataires des
ordonnances que nous allons émettre.
Les premières ordonnances seront émises dans les toutes
premières semaines de 1976.
M. le Président, les retouches que nous apportons ici nous
semblent nécessaires pour assurer la bonne mise en vigueur d'une loi qui
est, sans exagération, une des plus importantes de l'histoire du
Québec.
Le Président suppléant (M. Gratton): Le
député de Chicoutimi.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, je
conçois difficilement que le ministre puisse qualifier cette loi comme
étant l'une des plus importantes de l'histoire du Québec
sûrement pas celle qui est devant l'Assemblée nationale
...
M. Goldbloom: La loi originale.
M. Bédard (Chicoutimi): ... et puis en même temps
dire que ce n'est qu'un pas vers un objectif qui est à atteindre,
à savoir l'uniformisation des rôles d'évaluation. Sur le
principe et la nécessité d'uniformiser les rôles
d'évaluation, je pense que l'Opposition, depuis deux ans, a suffisamment
réclamé une action du gouvernement dans ce domaine pour
être d'accord sur le principe de la loi, mais il est également
clair que, du point de vue de l'Opposition, les amendements qui sont
proposés sont quand même d'ordre mineur par rapport à
l'objectif à atteindre.
Maintenant, nous nous apercevons que le ministre s'est donné un
délai de huit ans. Il aime beaucoup les délais; plus ils sont
longs, mieux c'est. C'est la cinquième modification à la Loi de
l'évaluation foncière depuis 1971. C'est la deuxième au
cours de l'année 1975. Quand on regarde la piètre
législation concernant les affaires municipales au cours de cette
session, c'est à se demander, M. le Président, si pour le
ministre l'évaluation foncière est le principal problème
au ministère des Affaires municipales.
Cette année, sur 27 lois municipales étudiées ou
qui sont devant nous, quinze concernent les chartes privées de petites
villes, sept concernent les chartes privées de grosses villes ou de
communautés urbaines et il n'y a eu que cinq lois
générales sur les affaires municipales, c'est-à-dire cinq
sur vingt-sept. En 1974, nous avons eu droit à cinq lois
générales en affaires municipales sur dix-neuf lois et, en 1973,
huit lois générales sur vingt-sept qui ont été
présentées par le ministère des Affaires municipales.
Encore faut-il voir l'importance "fulgurante" de ces lois. En outre de
l'évaluation foncière, le ministre, je pense, est en train de
devenir un spécialiste de la modification aux modifications des fonds de
retraite pour les maires et les conseillers. Après avoir fait, comme
vous le savez, adopter une loi à ce sujet en décembre 1974, le
feuilleton actuel comporte une autre loi sur le régime des pensions des
maires.
En fait, M. le Président, il faut presque se rendre à
l'évidence que la seule contribution législative du
présent ministre a été la modification du système
de référendums municipaux en juin 1975, puisque, encore une fois,
les modifications qui sont apportées par le présent projet de loi
ne sont quand même que de petits éléments en fonction d'un
objectif à atteindre et pour lequel on s'est fixé un délai
de huit années.
Ce bilan pitoyable, ce maigre bilan du ministère des Affaires
municipales et du ministre des Affaires municipales, reflète assez bien,
je pense, comme j'ai eu l'occasion de le lui dire déjà, le manque
d'envergure de politiques globales du ministre, reflète aussi le manque
de pensée directrice, de ligne de force, et donne l'impression d'un
ministre qui se laisse quand même ballotter. Si bien que quand nous ne
sommes pas en train de modifier la Loi de l'évaluation foncière
ou celle du Régime de pension des maires, nous discutons, pendant des
heures, des tuyaux de Bécancour, des bouts de terrains de Malartic ou
des subtilités comptables de la ville de Hull. En termes d'heures, les
affaires municipales ne s'occupent plus des lois générales, des
politiques qui indiquent des pensées directrices, mais s'occupent
plutôt de choses particulières telles que je viens de
mentionner.
Au rythme où ça va, je pense qu'avant longtemps chaque
ville du Québec aura sa petite charte privée. Quand nous ne
sommes pas sur un bill privé ou l'équivalent d'un bill
privé, nous fusionnons ou nous annexons; le tout forcé, bien
entendu. Les regroupements, fusions ou an-
nexions faits selon les lois, qui ont déjà
été votés par le ministre en titre, deviennent presque des
exceptions. La tendance nette est prise de passer par-dessus la tête des
citoyens et de trancher ex cathedra, et même pour certains cas de faire
fi de toute consultation des citoyens par voie de référendum ou
de s'approcher presque de lois indiquant ou signifiant une intrusion du pouvoir
législatif dans le pouvoir judiciaire; intrusion heureusement, qui a
été corrigée en temps et lieu.
Cette Loi de l'évaluation foncière, coincée entre
des lois de fusion forcée et des chartes privées, constitue toute
l'activité du ministre des Affaires municipales, comme s'il n'y avait
pas d'autres problèmes que ceux-là en affaires municipales. Si le
ministre semble impuissant à se fixer des priorités, nous allons
nous permettre de lui dire des choses qui urgent quand même en affaires
municipales. Que des modifications soient nécessaires pour ramener au
plus vite l'uniformisation des rôles d'évaluation, personne n'aura
à redire là-dessus. Nous aurons, d'ailleurs, des remarques
à faire lors de l'étude du projet de loi article par article.
Mais il y a d'autres priorités qui, à l'heure actuelle,
s'imposent au niveau des affaires municipales et qui semblent
complètement passer pardessus la tête du ministre en titre.
Prenez une priorité, vous le savez, on attend toujours la
réforme générale des lois municipales. Cette
réforme est prête puisque, nous le savons, la première
tranche de la commission de refonte des lois municipales date, non pas de 1975,
mais de juillet 1974. En seize mois, le ministre n'a pas trouvé le moyen
de convoquer la commission des affaires municipales pour étudier cette
réforme et, depuis, deux autres rapports ont été
déposés.
Le ministre avait même promis, il y a deux mois, lors de la
première commission vous étiez présent sur
la charte de Hull, que la partie du rapport de la Commission de refonte des
lois municipales sur les élections municipales serait
étudiée avant Noël. C'était évidemment de la
foutaise et il faut croire que, entre-temps, étudier une charte pour
Bécancour ou Chibougamau est plus urgent que se pencher, tel que cela
avait été promis et tel que cela s'impose, sur l'étude en
commission parlementaire des rapports qui ont été fournis par la
Commission de refonte des lois municipales. Je soumets respectueusement que
c'est une négligence impardonnable qui s'assortit bien, je crois, de
l'immobilisme qui caractérise le ministre pour toutes les choses
importantes, quand on sait que la réforme générale doit
entre autres permettre aux municipalités de venir beaucoup moins souvent
à Québec pour demander des articles de loi spéciaux. La
situation est d'autant plus ridicule.
Une autre priorité qui s'imposait et qui n'a pas vu de
réalisation jusqu'à maintenant, c'est la nécessité
de la réforme générale du régime municipal; en ce
sens, M. le Président, nous attendons toujours une loi pour contrer la
spéculation foncière en milieu urbain. Depuis déjà
deux ans le ministre négligent, nous répète qu'il examine
les résultats de la loi ontarienne. Nous avons eu d'ail- leurs
l'occasion d'en discuter assez longuement lors de l'étude des
crédits, et le ministre nous avait promis qu'il en arriverait assez
rapidement à une définition de ce que représente la
spéculation, au moins définir le terme de "spéculation
foncière", ce qui n'est pas encore fait.
Comme faux-fuyant, pour couvrir une inertie qui, je le crois, est de
plus en plus pénible pour la collectivité, on aurait pu trouver
mieux, surtout lorsque l'on parle de la spéculation foncière.
Quant à s'intéresser à l'Ontario, le ministre devrait
s'intéresser au régime de taxation foncière onta-rien,
administré par Toronto et déductible sous forme de crédit
d'impôt. Evidemment, c'est autre chose que changer le prix des amendes
pour nuisance envers les estimateurs municipaux.
Il y a également, outre ce projet de loi, qui, encore une fois,
représente des amendements mineurs, une autre priorité qui
s'impose et sur laquelle le ministre ne semble pas encore s'être
penché avec efficacité. Qu'il étudie le problème,
d'accord, mais de là à passer à l'action, c'est autre
chose. Un sujet sur lequel le ministre devrait s'activer en toute
priorité est celui, vous le savez, de la nécessité du
zonage des terres agricoles dont le ministre est soi-disant
préoccupé. Je pense que le zonage des terres agricoles, quand on
pense à la spéculation, quand on pense aux autres aspects de ce
problème, est au moins aussi important que de transformer les
éléments à inscrire au rôle d'évaluation.
Cette loi devrait être adoptée avant Noël.
Cette loi du zonage des terres agricoles on l'annonce, vous le savez,
dans le discours inaugural depuis 1971.
M. le Président, il faut croire également qu'il est plus
important et plus urgent pour le ministre de faire déboucher l'imbroglio
à la Communauté urbaine de Montréal plutôt que de
remodeler ou de repenser complètement le système fiscal
municipal. Entretemps, on se ramasse avec des petites pièces de
législation telles que le projet de loi que nous avons à
étudier.
A ce sujet, face à la nécessité de remodeler le
système fiscal municipal, je pense que la négligence du ministre
atteint quand même des limites. Au lieu de débloquer le
système, de le faire évoluer, il ne réussit qu'à
retarder l'éclatement en augmentant les subventions et en se cachant la
tête dans le sable; en dissimulant les informations, comme d'ailleurs le
conseil de presse vient de le lui reprocher à propos de
l'environnement.
Ainsi, il a fallu apprendre d'une firme privée de courtage, la
firme Pitfield, Mackay & Ross, et non du ministère des Affaires
municipales, que jusqu'à cet été les municipalités
du Québec ont emprunté pas loin d'un milliard huit cent deux
millions à court terme, en comparaison à $308 millions
empruntés par les municipalités de l'Ontario.
En deux mots, la progression des prêts municipaux à court
terme, qui effectivement démontre vraiment la misère
financière extrême des municipalités, a été
six fois plus rapide au Québec qu'en Ontario, quinze fois plus rapide,
plus forte qu'en Nouvelle-Ecosse. Devant ces problèmes cruciaux,
de toute première importance, où sont les lois pour les
corriger, où sont les lois qui ont été apportées
par le ministre des Affaires municipales afin d'essayer de remédier
à cette situation? Il n'y en a aucune. On se ramasse à la fin de
la présente session avec des promesses non réalisées de la
part du ministre. Que ce soit au niveau de lois pour contrer la
spéculation foncière, au niveau de lois nécessaires pour
le zonage agricole ou de lois qui vont au coeur du problème, à
savoir qui apportent des correctifs à la misère dans laquelle se
trouvent les municipalités, de ce côté, nous n'avons eu
absolument aucune loi d'importance. Nous nous ramassons en fin de session,
encore une fois, avec ce projet de loi de seconde importance.
Je pourrais vous parler aussi de promesses non réalisées
par le ministre des Affaires municipales, vous parler de l'évaluation
foncière, de sa promesse de faire siéger la commission de refonte
des lois municipales, qui n'a pas été remplie. On nous avait
promis une loi sur l'urbanisme, M. le Président. On va être encore
obligé d'attendre à la prochaine session. Je pourrais parler
également de tout le problème de l'aménagement du
territoire où le gouvernement et le ministre végètent et
piétinent depuis 1970, sans aucune loi en préparation, mais je
n'en parlerai pas.
Le ministre doit forcément, du moins on est obligé de le
conclure, ignorer ce qu'est l'aménagement du territoire et son
importance, puisque sa spécialité est nettement d'étudier
c'est ce que nous faisons depuis deux ans des amendements
continuels à des chartes de villes ou des chartes de
municipalités. On a passé notre temps à étudier
plutôt les fonds de pension municipaux, l'évaluation
foncière, avec les petites modifications qui nous sont apportées;
également, on a passé notre temps à étudier des
fusions ou des annexions, forcées de préférence.
Durant ce temps, M. le Président, pas de véritable loi
générale de la part du ministère et du ministre, qui
indique des lignes directrices de la part du ministère et du ministre en
matière municipale.
Je ne veux pas dire, M. le Président, que le ministre des
Affaires municipales est un homme qui ne travaille pas, mais le ministre des
Affaires municipales devrait savoir que le nombre d'heures qu'il passe à
son bureau n'a pas de rapport avec l'immobilisme, l'inertie et la
négligence incrustée qui caractérisent ses actions
municipales.
A ce compte, l'ancien ministre des Affaires municipales, le ministre
Tessier, avait au moins essayé de faire avancer la chose municipale au
Québec avec son projet de communautés municipales, malgré
les lacunes qu'on y trouvait. Au moins le ministère, sinon le ministre,
avait une vraie politique, une vraie pensée municipale.
M. le Président, c'est ce que nous aimerions retrouver chez le
ministre des Affaires municipales. Nous voudrions avoir la preuve qu'à
part de jouer dans les petites lois d'ordre mineur le ministre a un
commencement de pensée municipale et, dans ce sens, qu'il nous fasse
connaître les lignes directrices de son action.
Autrement dit, dans bien des cas, que ce soit la spéculation, que
ce soit le zonage agricole, que ce soit l'aménagement du territoire, que
ce soit le domaine de l'urbanisme, nous demanderions peut-être au
ministre un peu moins d'études et, une fois pour toutes, un peu
d'action.
Que le ministre des Affaires municipales soit très gentil,
personne n'en doute, mais il reste je vous le dis très
respectueusement qu'il fait preuve, devant le manque de
législation importante, de législation générale en
matière municipale, d'une négligence qui inquiète et qu'il
est en train vraiment de s'affirmer surtout comme un spécialiste du
retard à apporter des projets de loi qui s'imposent.
Il est clair que le projet de loi no 254, qui tend à apporter
certains amendements à l'effet de s'orienter vers un but, qui est bien
lointain encore, à savoir, le ministre l'a dit, 1983, il est clair que
nous sommes d'accord sur le principe du projet de loi. Nous aurions aimé
qu'il soit beaucoup plus substantiel, puisque cela s'impose. A bien des
reprises, depuis deux ans, nous l'avons mentionné au ministre des
Affaires municipales, puisque cela s'impose qu'il y ait une action
énergique du gouvernement afin d'en arriver, le plus vite possible,
à l'uniformisation des rôles d'évaluation, au redressement
de certains rôles d'évaluation pour les commissions scolaires.
M. le Président, ce sont les remarques que nous voulions faire au
niveau de la deuxième lecture et j'espère que le ministre en
prendra bonne note.
Le Président suppléant (M. Gratton): L'honorable
ministre des Affaires municipales exercera son droit de réplique et
mettra fin à ce débat.
M. Goldbloom: M. le Président, l'honorable
député de Chicoutimi n'a pas beaucoup parlé de ce projet
de loi; il a parlé d'autre chose. Je voudrais lui dire, simplement,
qu'il a mal compris au moins une chose, que j'ai entendue de sa bouche. Il est
clair que nous devrons attendre, sauf pour une partie, le rapport complet de la
commission de refonte des lois municipales pour être en mesure de voir,
globalement, ce que recommande cette commission, avec toutes les concordances
entre les divers éléments de son rapport. Et ce ne sera que d'ici
une année, ou à peu près, que nous aurons le tout.
M. Bédard (Chicoutimi): Encore un autre retard.
M. Goldbloom: Mais, M. le Président, ce que j'avais promis
et cela se fera c'est que, pour la partie qui concerne les
élections municipales, qui peut se séparer des autres
éléments, nous ferons siéger la commission parlementaire.
Cela n'a pas été possible jusqu'à aujourd'hui, mais nous
aurons, dans l'intersession, toute la possibilité de faire cela et nous
le ferons.
Quant au projet de loi, je pense qu'il était clair dès le
début que mes dernières remarques, qui mentionnaient une loi
parmi les plus importantes
de l'histoire du Québec, ne portaient pas sur ce projet de loi,
mais bien sur la loi elle-même, sur l'évaluation foncière.
Cette loi demeure importante; sa mise en vigueur demeure importante et ce sont
des moyens additionnels d'assurer sa mise en vigueur qui sont contenus dans le
projet de loi qui est devant nous et dont, M. le Président, je
recommande l'adoption par la Chambre, en deuxième lecture.
Le Président suppléant (M. Gratton): Cette motion
de deuxième lecture de l'honorable ministre des Affaires municipales,
projet de loi no 254, Loi modifiant la Loi sur l'évaluation
foncière, est adoptée?
M. Bédard (Chicoutimi): Adopté, M. le
Président.
Le Président suppléant (M. Gratton):
Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi. Second reading of this bill.
Projet de loi déféré à la
commission
M. Levesque: M. le Président, je propose que ce projet de
loi soit maintenant déféré à la commission
parlementaire des affaires municipales pour étude article par
article.
Le Président suppléant (M. Gratton): Cette motion
est-elle adoptée?
M. Burns: Adopté.
Le Président suppléant (M. Gratton): Si je
comprends bien, nous en sommes maintenant rendus au vote.
M. Levesque: Vote sur le projet de loi qui a été
étudié antérieurement.
Le Président suppléant (M. Gratton): Qu'on appelle
les députés.
Projet de loi no 253 (suite) Vote de deuxième
lecture
Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre, messieurs! Que
ceux qui sont en faveur de la motion de deuxième lecture du projet de
loi no 253, Loi visant à assurer les services de santé et les
services sociaux essentiels en cas de conflit de travail, veuillent bien se
lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa, Levesque, Mailloux,
Saint-Pierre, Berthiaume, Cournoyer, Goldbloom, Quenneville, Tetley, Lacroix,
Bienvenue, Forget, Vaillancourt, Cadieux, Houde (Fabre), Houde (Abitibi-Est),
Desjardins, Perreault, Brown, Fortier, Kennedy, Bacon, Lamontagne,
Bédard (Montmorency), Brisson, Séguin, Cornellier, Houde
(Limoilou), Lafrance, Pilote, Fraser, Picard, Gratton, Gallienne, Assad,
Carpentier, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Bellemare
(Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault, Boutin, Chagnon, Caron,
Côté, Denis, Déziel, Dufour, Lapointe, Lecours, Massicotte,
Mercier, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tremblay, Vallières,
Verreault, Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard
(Chicoutimi), Samson, Bellemare (Johnson), Choquette, Leduc.
Le Secrétaire: Pour: 70 Contre: 0
Le Vice-Président adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi. Second reading of this bill.
Le Vice-Président (M. Blank): La Chambre suspend ses
travaux...
M. M. Levesque: Un instant, s'il vous plaît. Je propose que
ce projet de loi soit maintenant déféré à la
commission parlementaire des affaires sociales.
Le Vice-Président (M. Blank): Est-ce que cette motion est
adoptée?
M. Burns: Adopté.
Le Vice-Président (M. Blank): Adopté.
M. Levesque: On va suspendre les travaux jusqu'à quinze
heures.
Le Vice-Président (M. Blank): La Chambre suspend ses
travaux jusqu'à quinze heures.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
Reprise de la séance à 15 h 5
Le Président: A l'ordre, messieurs!
Affaires courantes.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Le député de Beauce-Nord.
Rapport sur le projet de loi no 8
M. Sylvain: M. le Président, qu'il me soit permis de
déposer, au nom du député de Portneuf, le rapport de la
commission élue permanente de la justice qui a étudié
article par article le projet de loi no 8, Loi modifiant la Loi de la division
territoriale, et l'a adopté avec des amendements.
Le Président: Le député de Matane.
Rapport sur les projets de loi privés nos 205
et 213
M. Côté: M. le Président, qu'il me soit
permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des
affaires municipales qui a étudié article par article les projets
de loi privés nos 205 et 213 et les a adoptés avec
amendements.
Le Président: Rapport déposé.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de motions non annoncées. Présentation
de projets de loi au nom du gouvernement.
M. Levesque: Article m).
Projet de loi no 257 Première lecture
Le Président: Le leader parlementaire du gouvernement,
pour le ministre des Affaires municipales, propose la première lecture
de la Loi concernant l'installation de stations au sol transportables à
l'occasion des Jeux olympiques de Montréal.
M. Levesque: M. le Président, ce projet autorise la ville
de Montréal à délivrer des permis spéciaux pour
l'installation de stations au sol transportables aux fins des Jeux
olympiques.
Le Président: Cette motion de première lecture
est-elle adoptée?
M. Burns: Vote enregistré, M. le Président.
Le Président: Qu'on appelle les députés.
Vote de première lecture
Le Président: Que ceux qui sont en faveur de cette motion
de première lecture, proposée par l'honorable ministre des
Affaires municipales, veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa, Levesque, Blank,
Parent (Hull), Mailloux, Saint-Pierre, Lachapelle, Berthiaume, Giasson,
Goldbloom, Simard, Quenneville, Mme Bacon, MM. Lapointe.Tetley, Lacroix,
Bienvenue, L'Allier, Vaillancourt, Cadieux, Arsenault, Houde (Fabre), Houde
(Abitibi-Est), Desjardins, Massé, Perreault, Brown, Fortier, Bacon,
Lamontagne, Bédard (Montmorency), Saint-Hilaire, Brisson, Séguin,
Saindon, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Fraser, Picard,
Gratton, Gallienne, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg),
Larivière, Pelletier, Pepin, Bellemare (Rosemont), Bérard,
Bonnier, Boudreault, Boutin, Chagnon, Marchand, Caron, Côté,
Denis, Déziel, Dufour, Lachance, Lapointe, Lecours, Malépart,
Massicotte, Mercier, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif,
Tremblay, Verreault, Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard,
Bédard (Chicoutimi), Samson, Bellemare (Johnson), Roy, Leduc.
Le Secrétaire: Pour: 85 Contre: 0 Le
Président: Cette motion est adoptée.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi. First reading of this bill.
Le Président: Deuxième lecture, prochaine
séance ou séance subséquente.
Projet de loi no 258 Première lecture
Le Président: Le ministre des Affaires culturelles pour le
ministre des Communications propose la première lecture de la Loi
concernant certaines installations d'utilité publique et modifiant la
Loi d'Hydro-Québec, la Loi de la Régie de
l'électricité et du gaz et la Loi de la Régie des services
publics.
Le ministre des Affaires culturelles.
M. L'Allier: M. le Président, l'article 1 de ce projet de
loi définit, pour les fins du projet, l'expression "installation
d'utilité publique ".
L'article 2 autorise la Régie des services publics à
rendre des ordonnances pour l'utilisation en commun d'installations
d'utilité publique à certaines fins prévues à
l'article.
L'article 3 édicte la procédure à laquelle est
astreinte la régie au cas d'application de l'article 2.
Les articles 4 à 6 ainsi que 8 et 9 sont de concordance.
L'article 7 prévoit que la Régie de
l'électricité et du gaz a juridiction sur les entreprises dont
l'objet principal ou secondaire est la production, la transmission, la
distribution ou la vente de vapeur, de chaleur, de lumière ou de force
motrice produites autrement que par l'électricité.
L'article 10 est une précision de texte visant à en
élargir la portée.
Les articles 11 à 14 sont des dispositions transitoires et
l'article 15 est une disposition interprétative.
Le Président: La première lecture est-elle
adoptée?
M. Burns: Adopté. Le Président:
Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi. First reading of this bill.
Le Président: Deuxième lecture prochaine
séance ou séance subséquente.
Est-ce qu'il y a d'autres projets de loi au nom du gouvernement?
M. Levesque: Avec le consentement, celui au nom du ministre des
Transports.
M. Burns: D'accord, M. le Président.
Projet de loi no 259 Première lecture
Le Président: Avec le consentement de la Chambre, le
ministre des Transports propose la première lecture de la Loi
constituant la Société du port ferroviaire de
Baie-Comeau-Hauterive.
Le ministre des Transports.
M. Mailloux: M. le Président, le projet de loi no 259 vise
à constituer une corporation sans but lucratif sous le nom de
Société du port ferroviaire de Baie-Comeau-Hauterive et à
lui confier l'aménagement, l'administration et l'amélioration
d'un port ferroviaire à Baie-Comeau.
Le Président: Cette motion de première lecture
est-elle adoptée?
M. Burns: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi. First reading of this bill.
Le Président: Deuxième lecture prochaine
séance ou séance subséquente.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Déclarations ministérielles. Dépôt de
documents. Questions orales des députés. Le député
de Lafontaine.
QUESTIONS DES DEPUTES
Intérêt sur les cartes de crédit
M. Léger: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Consommateurs et j'aurais besoin d'un court préambule. Le
25 novembre dernier, le ministre avait répondu à une de mes
questions en affirmant bien clairement, au moins à deux reprises,
qu'à son avis l'article 26 de la Loi de la protection du consommateur
empêchait les compagnies qui administrent des systèmes de cartes
de crédit d'exiger de l'intérêt sur les sommes qui
n'avaient pas pu être facturées à cause de la grève
des postes.
Le ministre avait ajouté qu'elle avait demandé à
l'Office de la protection du consommateur d'étudier en profondeur ce
problème et que, si une action devait être prise contre les
compagnies, cette action serait prise.
M. le Président, j'ai des preuves en main, des comptes Chargex,
adressés le 5 décembre dernier, pour lesquels Chargex impose un
intérêt illégal. D'autre part, comme point d'information,
je signale au ministre que, lorsque les clients se plaignent par
téléphone à Chargex, à Montréal, celle-ci
avoue que les clients n'ont pas à payer l'intérêt
même si celui-ci est indiqué sur les comptes. En deux mots, ceux
qui ne se plaignent pas doivent payer.
Ma question est la suivante: Le ministre a-t-il demandé à
l'Office de la protection du consommateur de donner une directive formelle aux
compagnies de cartes de finance pour exiger le respect intégral de
l'article 26 de la loi? Deuxièmement, étant donné que les
citoyens ont commencé à recevoir leurs comptes, le ministre
envisage-t-il de prendre une injonction contre les compagnies de cartes de
crédit pour les forcer à respecter la loi?
Mme Bacon: M. le Président, j'ai, en effet, demandé
à l'Office de protection du consommateur de travailler
sérieusement au dossier que je lui avais confié à
l'occasion de la question du député de Lafontaine, ce qu'il a
fait et il émet aujourd'hui un communiqué donnant les
informations pertinentes à la population.
Entre-temps, j'ai demandé à l'Office de la protection du
consommateur de communiquer avec les principaux émetteurs de cartes de
crédit afin de leur demander de respecter l'article 26 de la Loi de la
protection du consommateur.
M. Léger: Question supplémentaire, M. le
Président. Le ministre pourrait-il donner à la Chambre les
directives que l'Office de la protection du consommateur doit donner à
la population? Deuxièmement, le ministre est-il prêt à
s'engager devant la Chambre à utiliser tous les moyens
nécessaires pour forcer les compagnies de cartes de crédit
à rembourser tout intérêt qui aurait pu être
perçu sur le crédit qui n'a pas été facturé
conformément à l'article 26 de la loi?
Mme Bacon: M. le Président, je dois référer
le député de Lafontaine au communiqué qui sera émis
aujourd'hui. Je lui en ferai parvenir une copie dès qu'il arrivera ici
à l'Assemblée nationale.
Le Président: Dernière question.
M. Léger: Le ministre veut-il dire par là qu'il
n'est pas au courant du communiqué de l'Office de la protection du
consommateur? Deuxièmement, le ministre peut-il s'engager, puisque, la
dernière fois, le ministre nous a dit qu'il voulait que l'affirmation
qu'il faisait en Chambre puisse convaincre les citoyens... Aujourd'hui, M. le
Président, je demande au ministre s'il peut affirmer qu'il va prendre
tous les moyens nécessaires pour obliger les compagnies à
rembourser ce qu'elles auraient perçu illégalement.
Mme Bacon: Je pense, M. le Président, que le
député de Lafontaine n'a rien compris de ma réponse. Quand
j'ai dit que nous avons communiqué avec tous les principaux
émetteurs de cartes de crédit au Québec, c'est que nous
l'avons fait à travers le Québec et dans toutes les
régions et nous leur avons demandé de suivre les directives
telles que stipulées par la Loi de la protection du consommateur.
J'ai pris connaissance du communiqué de l'Office de la protection
du consommateur, M. le Président. Je suis au courant de ce qui se passe
dans mon ministère, pour l'information du député de
Lafontaine. Dès qu'il y aura une copie qui sera apportée à
l'Assemblée nationale, je demanderai immédiatement qu'on me
l'envoie et je la ferai parvenir au député de Lafontaine.
M. Léger: ... motion.
M. Charron: Une question additionnelle, M. le
Président.
Le Président: Une question additionnelle.
M. Charron: Si nous avons la preuve comme chaque
député peut en avoir la preuve à partir de son
comté que des entreprises de cartes de crédit
perçoivent illégalement des intérêts sur des comptes
qui datent d'avant la grève des postes, est-ce que le ministre s'engage
à faire respecter l'article 26? Est-ce que le ministre peut avertir
dès aujourd'hui qu'il prendra des procédures judiciaires contre
chacune des entreprises qui aura refusé de se soumettre à une loi
votée par l'Assemblée nationale?
Mme Bacon: Si des gens se sentent lésés dans leurs
droits, M. le Président, ils n'ont qu'à avoir recours à
l'Office de la protection du consommateur, qui est là pour
protéger le consommateur, et nous suivrons le dossier.
Le Président: Dernière.
M. Charron: Dernière question additionnelle. Est-ce que
vous indiquez, autrement dit, par votre réponse que, si chacun des
citoyens découvre une perception d'intérêt illégale
sur son compte émanant d'une carte de crédit, il doit de
lui-même recourir à l'Office de la protection du consommateur mais
que le gouvernement, lui, se refuse à prendre une mesure collective?
Autrement dit, l'Office de la protection peut recevoir de 250,000...
Des Voix: Ah! Ah!
Le Président: A l'ordre, messieurs!
M. Charron: ... à 300,000 plaintes individuelles...
Le Président: A l'ordre, messieurs!
M. Charron: ... et le gouvernement, lui, se refuse à
prendre les mesures judiciaires pour faire respecter une loi votée par
l'Assemblée nationale? Est-ce ce que vous venez de me
répondre?
Mme Bacon: Je vais essayer de répondre de façon
intelligente à une question qui est posée d'une façon
moins intelligente, M. le Président!
M. Léger: Ah! Partisanerie! Etes-vous ministre responsable
de la protection du consommateur ou pas?
Le Président: A l'ordre, à l'ordre!
M. Lessard: II n'y en a qu'une et elle est bête. Mme Bacon:
La voulez-vous la réponse?
M. Charron: Oui, je la veux la réponse. Donnez-la.
Mme Bacon: M. le Président, si nous avons voté des
lois en cette Chambre c'est pour qu'elles soient respectées. Je fais
plus confiance aux consommateurs du Québec que le député
de Saint-Jacques.
M. Léger: ... qu'au gouvernement.
Le Président: S'il vous plaît, messieurs! Un peu de
tenue.
M. Léger: On est choqué, on est choqué!
M. Charron: On va bouder dans son coin et les consommateurs se
feront fourrer pendant ce temps-là.
M. Burns: M. le Président, question additionnelle.
Le Président: Un instant, un instant. M. Bellemare
(Rosemont): ... directive.
Le Président: Un instant, ce n'est pas le temps des
directives.
M. Bellemare (Rosemont): C'est une directive, M. le
Président...
Le Président: A l'ordre, à l'ordre, s'il vous
plaît! Nous sommes à la période des questions. Après
la période des questions.
M. Burns: Est-ce que le ministre pourrait terminer sa
réponse et cesser de bouder dans son coin, comme elle le fait
actuellement? M. le Président, je pense que la question qui a
été posée par le député de Saint-Jacques
mérite une réponse, peu importe le fait qu'il y a eu des
échanges en Chambre, au cours de cette réponse. Je demanderais au
ministre, en tout cas, comme question additionnelle, de continuer sa
réponse, à cause particulièrement de la gravité de
cette situation. C'est important que l'on connaisse le point de vue du
gouvernement là-dessus.
Mme Bacon: M. le Président, je disais tout à
l'heure, avant d'avoir les interruptions de l'Opposition, que la loi a
été votée pour être respectée. Je
m'étais engagée à ce qu'elle soit respectée et je
continue à le faire.
Le Président: L'honorable député de
Chicoutimi.
Démission de M. Keyserlingk
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, ma
question s'adresse au Solliciteur général, concernant la
Société des alcools du Québec. Hier et avant-hier, j'ai
posé au Solliciteur général certaines questions au sujet
de l'enquête de la Société des alcools du Québec,
auxquelles je n'ai pu avoir de réponse puisque le ministre en a pris
avis, comme d'ailleurs c'était son droit. Je voudrais savoir si le
Solliciteur général est en mesure, aujourd'hui, de nous dire,
premièrement, s'il peut déposer la lettre de démission de
Me Keyserlingk auprès de la CECO? Et deuxièmement, si cette
démission de Me Keyserlingk est reliée au sort fait à
l'enquête sur la Société des alcools du Québec?
Egalement, j'avais demandé au ministre, et j'espère qu'il me
répondra aujourd'hui, quel est le nombre de policiers qui travaillent
sous les ordres du lieutenant Chartrand? Et quels sont les résultats de
cette enquête, après quatre mois de travail additionnel à
l'enquête à huis clos qui a été poursuivie dans ce
dossier?
M. Lalonde: M. le Président, j'ai demandé au
président de la CECO de me faire rapport sur la démission de M.
Henry Von Keyserlingk, démission qui a été faite à
l'intérieur de la CECO, c'est-à-dire que Me Keyserlingk
était et est encore un procureur de la couronne au bureau de
Montréal, qui avait été détaché pour
travailler au niveau de la CECO pendant un certain temps. Je dois recevoir le
rapport du juge Dutil dans les prochains jours.
Quant au nombre de policiers qui travaillent au complément
d'enquête relié au projet Z, le directeur de la
Sûreté m'informe aujourd'hui qu'ils sont un groupe d'environ six
ou sept qui en couvrent les différents aspects. L'enquête n'est
pas encore terminée. J'ai d'ailleurs organisé une réunion
pour lundi prochain afin d'avoir un rapport d'étape sur cette
enquête et d'autres enquêtes, réunion qui doit être
tenue à mon bureau, à Mont- réal. Les indications
sérieuses que la Sûreté peut nous donner à ce
stade-ci, c'est que l'enquête devrait normalement être
terminée le mois prochain. Maintenant, on sait ce qui arrive: si on
découvre d'autres éléments, d'autres filons,
l'enquête peut être retardée, indépendamment des
résultats que la Sûreté obtient en cours de route.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que le ministre pourrait
nous dire, premièrement quand il a demandé ces renseignements
à M. Dutil? Lorsque le ministre fait état du fait que cette
enquête n'est pas terminée, que cela peut prendre encore un mois
et peut-être plus si on trouve de nouveaux filons, je dois comprendre
qu'on en a déjà un en main, ou encore d'autres
éléments, que vous avez déjà des
éléments importants d'enquête en main. Je voudrais donc
savoir comment le ministre peut nous expliquer que cela prenne tant de temps
à compléter une enquête qui, à toutes fins
pratiques, a été complétée à la fin de
juillet à la CECO, à l'occasion d'une enquête à huis
clos, après quoi le rapport a été remis par la CECO au
gouvernement. Pourquoi tant de temps?
M. Lalonde: Oui, c'est une bonne question. Je pense avoir
indiqué, lors d'une réponse à une question
précédente, il y a quelques jours, que le rapport, le document
qui a été remis au ministère de la Justice, en juillet,
contenait des éléments d'enquête. Ce rapport, nous l'avions
soumis à un procureur de la couronne de Québec, Me
François Tremblay, qui nous a recommandé les actions à
prendre. Certains aspects étaient plus avancés que d'autres, mais
on nous a aussi fortement recommandé d'attendre la conclusion de toutes
les enquêtes avant de prendre des procédures contre quiconque.
M. Bédard (Chicoutimi): Une dernière question
supplémentaire.
Le Président: Dernière question
supplémentaire.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que le ministre pourrait me
préciser ce qu'il entend lorsqu'il nous affirme que Me François
Tremblay lui a recommandé certaines actions à prendre? Est-ce que
le ministre peut nier que la CECO a quand même tenu une enquête
très élaborée sur ce sujet, qu'elle y a consacré
plusieurs séances et qu'elle a interrogé sous serment plusieurs
personnes à ce sujet?
Je voudrais, d'une part, que le ministre élabore sur certaines
actions à prendre qui lui ont été conseillées par
Me François Tremblay et également qu'il nous dise, si c'est
possible, combien de personnes ont été interrogées et
combien de séances ont été tenues par la CECO.
M. Lalonde: De mémoire, je pense que c'est plusieurs
dizaines de personnes qui avaient été interrogées par la
CECO, mais je ne sais pas si je ne décris pas suffisamment clairement
l'état du dos-
sier lorsqu'il nous a été soumis. On avait des
éléments de preuve et, normalement, nous, lorsqu'on les
reçoit, on les soumet aux conseillers juridiques qui sont les plus
habilités à nous conseiller, naturellement. C'est ce que nous
avons fait et on nous a suggéré, on nous a conseillé de
faire des compléments d'enquête, parce que les
éléments qui étaient contenus au document n'étaient
pas suffisants. Je parle non seulement du document qui nous a été
soumis, mais, lorsque Me François Tremblay a été requis
d'étudier le document en question, nous avons fait en sorte qu'il ait
accès à tous les autres documents, à la transcription des
témoignages à huis clos qui avaient été faits par
la CECO, ce qui a été fait, et aussi il y a eu consultation avec
ceux, à la CECO, qui avaient pris charge du dossier.
M. Charron: Question additionnelle. Dans la réponse que le
ministre vient de donner au député de Chicoutimi, voulez-vous
dire que, dans le rapport remis par la CECO en juillet dernier, il n'y avait
aucune conclusion formelle qui puisse permettre, dès ce moment, au
Solliciteur général d'entreprendre des actions et qu'autrement
dit toutes les conclusions de la CECO, lors de la remise du dossier,
nécessitaient une enquête ultérieure?
M. Lalonde: Non. Non, j'ai indiqué tantôt que
certains aspects étaient beaucoup plus avancés que d'autres et
que, pour ne pas nuire à la bonne marche de l'enquête... C'est,
d'ailleurs, pour cela qu'actuellement j'espère que je ne donne
pas l'impression de vouloir cacher quoi que ce soit; c'est une enquête
qui doit se continuer je n'ai pas la possibilité de parler
librement, de donner des noms, jusqu'à ce que les enquêtes soient
complétées.
Lorsque les enquêtes seront complétées, les
dispositions seront prises, soit pour prendre des poursuites devant les cours
criminelles, le cas échéant, si la preuve est suffisante, ou pour
fermer les dossiers si la preuve n'est pas suffisante.
Pour en venir à la réponse, certains
éléments étaient plus avancés que d'autres, mais on
nous a suggéré, et nous avons accepté cette suggestion, de
ne pas prendre de poursuite immédiatement, jusqu'à ce que toutes
les enquêtes soient terminées pour ne pas nuire aux autres
enquêtes.
M. Burns: Question additionnelle, M. le Président.
Le Président: Dernière. C'est la dernière
question additionnelle.
NI. Burns: Une très brève.
Le Président: C'était déjà la
dernière pour le député de Chicoutimi, mais pour un autre
député, je vais vous l'accorder.
M. Burns: D'accord. Est-ce que le Solliciteur
général peut nous dire ceci? En dehors de la réfé-
rence qu'il a faite aux plaintes ou, en tout cas, aux problèmes soumis
à Me Tremblay, est-ce que des recommandations ont été
faites par la CECO ou par ses procureurs de porter des plaintes devant les
tribunaux contre des personnes identifiées précisément? Si
oui, quel a été le sort de ces recommandations?
M. Lalonde: Je devrai me référer au document, que
je n'ai pas à la mémoire, pour me souvenir s'il y avait des
recommandations précises, c'est-à-dire particulières. Il y
avait sûrement une recommandation sinon expresse du moins sous-entendue
de donner suite. Je suis pas mal sûr qu'elle était expresse, mais,
à savoir si la recommandation désignait des personnes en
particulier, je devrai consulter les documents.
M. Burns: Est-ce que, par exemple... Une Voix:
C'était la dernière.
M. Burns: ... Me Keyserlingk aurait participé à ces
recommandations? C'est une autre question que vous pourriez peut-être
vérifier lorsque vous me donnerez la réponse.
M. Lalonde: Je vérifierai.
Le Président: L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
Achat de roulottes pour la baie James
M. Samson: Ma question s'adresse à l'honorable premier
ministre. Malgré que je lui aie entendu dire dernièrement que
certaines coupures de budget, concernant les travaux de la baie James,
n'affecteraient pas les travailleurs du Québec, est-ce qu'il est au
courant que suite à ces coupures les Industries L'Islet Limitée
ont dû mettre à pied 80 travailleurs pour une période d'un
mois parce que le contrat des roulottes quelles devaient construire pour la
baie James a été annulé?
M. Bourassa: Je ne suis pas au courant des cas particuliers, des
annulations de contrat. Je ne peux que référer le
député à ce que j'ai dit, que les prévisions
initiales seraient respectées, sauf qu'on ne poursuivrait pas, dans
certains cas, l'avance qui avait déjà été acquise.
Ne poursuivant pas cette avance déjà acquise, cela permettrait
d'éliminer certaines dépenses immédiates.
M. Samson: Est-ce que cela ne va pas en contradiction avec ce
qu'a dit le premier ministre dernièrement? Le contrat des Industries
L'Islet Limitée, qui était de $4 millions et demi, a
été réduit à $800,000; c'est quand même une
coupure et cela provient du budget de la baie James. Est-ce que cela ne va pas
en contradiction avec ce que le premier ministre a déjà dit?
M. Bourassa: J'ai dit que les prévisions initiales, en
tenant compte des besoins du Québec, ne seraient pas modifiées.
La Société de la baie James, étant donné le
resserrement des marchés financiers, a décidé de ne pas
continuer l'avance dans certains cas, c'est-à-dire de ne pas
accélérer les travaux qui étaient déjà
avancés étant donné la productivité accrue.
M. Samson: Est-ce que le premier ministre... Le Président:
Dernière.
M. Samson:... a également pris connaissance du fait que
pendant le même temps le COJO a, lui, donné un contrat pour la
construction de roulottes à la compagnie AMF Suncamper Trailors de
l'Ontario? N'aurait-il pas mieux valu, pour compenser ce que la compagnie
L'Islet vient de perdre, qu'on donne au moins ce contrat à une
entreprise du Québec?
M. Bourassa: Je peux vérifier et je dirai, en même
temps, au COJO que le député de Lafontaine est le seul qui arbore
le drapeau olympique parmi les membres du Parti québécois. Il est
dissident au sein du parti. Non, il y en a deux; deux sur six.
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous
plaît! M. Bourassa: Ils sont divisés, M. le Président.
M. Léger: C'est parce qu'on ne veut pas cacher le
gouvernement.
M. Burns: C'est parce qu'on n'aime pas ça avoir l'air de
grands bouffons.
M. Bourassa: Oui, mais il y en a qui aiment cela derrière
vous. Le député de Lafontaine n'est pas d'accord avec son
leader.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
L'honorable député de Johnson.
M. Samson: M. le Président, M. le Président...
Le Président: Quoi?
M. Samson: Je suis obligé de soulever...
Le Président: Votre question est une question
d'appréciation: Est-ce que le premier ministre ne penserait pas qu'il
aurait mieux valu...
M. Samson: Non, non, non, M. le Président.
Le Président: Ecoutez, je me rappelle votre question.
M. Samson: M. le Président, vous m'avez mal
interprété, vous m'avez mal compris ou je me suis mal
exprimé.
Le Président: C'est fort possible.
M. Samson: Disons que je me suis mal exprimé, cela va me
permettre de...
Le Président: Formulez votre question.
M. Samson: ... demander au premier ministre pourquoi on permet
d'acheter des roulottes en Ontario alors qu'on annule des contrats au
Québec pour la même chose. C'est clair puis c'est acceptable cette
question.
M. Bourassa: Le député, sans même me donner
avis, me pose des questions sur des contrats qui sont donnés par l'une
des 200 agences gouvernementales ou paragouvemementales. COJO n'est même
pas une agence paragouvernementale. Comment veut-il que je lui réponde?
Il aurait dû me donner avis de la question. Je ne suis pas au courant des
milliers de contrats qui se donnent. Pour quelle raison...
M. Samson: Quelles sont les directives?
M. Bourassa: ... avec quelle économie de coût...
M. Samson: Quelles sont les directives qui sont données
pour encourager les industries du Québec plutôt que celles de
l'Ontario avec les taxes des citoyens du Québec? A ce que je sache, ce
sont les citoyens québécois qui vont payer le déficit du
COJO, pas ceux de l'Ontario.
M. Bourassa: M. le Président, quand le
député parle des taxes des citoyens du Québec,
évidemment, les citoyens du Québec sont intéressés
à ne pas payer des taxes plus élevées parce que les
coûts sont plus élevés. C'est toujours la même
question: rechercher le meilleur équilibre entre l'encouragement aux
entreprises québécoises je pense qu'on a donné
l'exemple au Québec ...
M. Samson: Oh! non! Oh! non! Ne charriez pas, c'est en Ontario
cela.
Le Président: A l'ordre, messieurs!
M. Bourassa:... et les économies de coûts qui
peuvent être réalisées, étant donné les
soumissions qui sont demandées. Est-ce qu'on doit uniquement dans tous
les cas, limiter les soumissions aux entreprises québécoises? Je
pense que le député est conscient des représailles qui
peuvent être possibles, parce que nous sommes quand même dans un
marché commun où l'intégration économique est
extrêmement poussée. Donc, il s'agit je ne suis pas au
courant du cas particulier quand même de rechercher le meilleur
équilibre entre l'encouragement maximal aux entreprises
québécoises et les coûts les plus avantageux pour les
contribuables québécois.
M. Samson: Est-ce que le premier ministre peut m'assurer...
Le Président: Je m'excuse, c'était la
dernière. M. Samson: M. le Président...
Le Président: Vous avez posé trois questions
supplémentaires.
M. Samson: De l'autre côté, il y en a eu cinq.
Le Président: Je m'excuse, je dois donner la chance au
plus grand nombre de députés possible de poser des questions dans
notre limite de trente minutes. Je m'excuse, vous pourrez revenir à une
autre séance.
Le député de Johnson.
Suspension de contrôleurs aériens
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, ma question
s'adresse au Solliciteur général. Dans l'affaire du
congédiement des deux contrôleurs aériens parce qu'ils
avaient utilisé la langue française, deux faits nouveaux se sont
produits hier. M. le premier ministre du pays a donné une
réponse, qu'a dû lire le Solliciteur général, disant
qu'il y avait eu beaucoup de progrès réalisé dans le
bilinguisme, mais qu'il ne toucherait pas à ce sujet.
Le deuxième, le plus important, c'est que le ministre des
Transports a dit que le comité qui avait été
constitué pour étudier l'affaire ne siégeait plus. Il a
dit en Chambre textuellement ces paroles...
Le Président: Question, s'il vous plaît.
M. Bellemare (Johnson): Oui. Je veux simplement citer les paroles
de M.Lang, pour ne pas mal l'interpréter. Il a rappelé que le
comité chargé d'étudier cette question de l'usage du
français dans les aéroports avait dû interrompre tous ses
travaux. Ma question s'adresse au ministre qui nous a dit, hier et avant-hier,
que des pourparlers avaient été entamés, qu'il y avait eu
progrès, qu'il y aurait peut-être même une
réinstallation, parce que c'était simplement une suspension. Je
voudrais savoir où en est le dossier présentement.
M. Bourassa: Je m'excuse, mais j'ai lu une nouvelle contraire
selon laquelle M. Lang avait dit qu'un comité spécial examinait
la question.
M. Bellemare (Johnson): Ecoutez...
M. Bourassa: On n'a pas les mêmes informations.
M. Bellemare (Johnson): ... je pense que la Presse est un journal
assez fidèle quand il rapporte les choses du gouvernement
fédéral. Je lis, M. le Président...
M. Bourassa: J'ai lu Montréal-Matin qui est une ancienne
propriété de l'Union Nationale et qui est également un
journal fidèle.
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je pense que le
journal Le Jour aussi est un journal qui est... Voyons donc.
Le Président: A l'ordre, messieurs!
M. Bellemare (Johnson): Ne soyez donc pas, à la veille des
Fêtes, si "suspects", voyons donc! Il a rappelé que le
comité chargé d'étudier la question de l'usage du
français dans les aéroports avait dû interrompre ses
travaux à la suite de mésentente entre les représentants
des différents groupes siégeant au sein de ce comité. Je
pense, M. le Président, que la citation qui est là dans le
journal me donne l'occasion d'une question.
Si le premier ministre, avec ses avis d'Ottawa qui assurent un
fédéralisme rentable, a d'autres informations...
Le Président: Est-ce que le ministre désire
répondre?
M. Lalonde: Le député de Johnson ou, enfin, le
ministre des Transports du gouvernement fédéral doit
nécessairement se référer au comité consultatif qui
avait été constitué pour étudier le rapport Bilcom,
comité qui a avorté, on le sait, quelques jours avant le 17
octobre dernier où devait avoir lieu la grève des pilotes d'Air
Canada. Ce comité, en effet, avait avorté par le retrait de la
représentation des gens de l'air du Québec qui n'avaient pas pu
obtenir du comité les assurances fondamentales nécessaires pour
continuer les discussions.
Donc, c'est déjà de l'histoire ancienne la façon
dont je comprends le communiqué auquel se réfère le
député de Johnson. Le travail qui se fait actuellement se fait au
niveau du ministère, dirigé par le sous-ministre et le ministre
lui-même. A ce que je comprends, il ne s'agit plus d'un comité
où toutes les parties sont représentées. On a vu, dans le
passé, que cette façon de travailler avait avorté. Alors,
le ministère compte maintenant consulter les différentes parties
de façon séparée et non plus à travers un
comité.
Maintenant, quant à la référence du premier
ministre, c'est une question d'opinion personnelle de sa part. Quant à
moi, je pense que les assurances que nous avons eues au niveau du
ministère des Transports, du ministre des Transports lui-même,
sont suffisamment sérieuses pour qu'on puisse s'attendre à des
développements favorables.
Le Président: Deux dernières questions. L'honorable
chef de l'Opposition officielle et le député de Beauce-Sud.
Investissements étrangers
M. Morin: Ma question est destinée au premier ministre et
porte sur le rapport qui a été déposé hier en
Chambre, lequel traite des investissements étrangers et d'une
éventuelle politique québécoise dans ce domaine. Je dirai,
à titre de préambule, M.
le Président, que ce rapport fourmille de points de vue, de
suggestions intéressantes, fort utiles, mais on sent qu'il y manque
quelque chose. J'espère que le premier ministre l'a lu.
M. Bourassa: Oui.
M. Morin: Alors, j'aimerais lui demander...
Le Président: Question.
M. Morin: ... pourquoi le gouvernement a extirpé, a
supprimé les 96 recommandations précises du rapport, notamment en
ce qui concerne les richesses naturelles et le contrôle des institutions
financières. Pourquoi avez-vous émasculé le rapport?
Aviez-vous peur que les Québécois en prennent connaissance?
Le Président: A l'ordre, messieursl
M. Bourassa: Je ne comprends pas. Je sais que le chef de
l'Opposition avait dit, à l'occasion des crédits du
ministère des Affaires intergouvernementales, qu'il avait les moyens
d'épier tous les ministères. Ces informations...
M. Morin: Qu'est-ce que c'est que cette histoire?
M. Bourassa: Non, mais je veux dire, M. le
Président...
M. Morin: Qu'est-ce que c'est que cette histoire?
M. Bourassa: Je veux référer le chef de
l'Opposition... mais je ne comprends pas pourquoi le chef de
l'Opposition...
M. Morin: Répondez plutôt à ma question.
M. Bourassa: Oui, mais vous posez une question. Comment
répondre sérieusement quand le chef de l'Opposition pose des
questions sur un ton extrêmement partisan: Pourquoi avez-vous
extirpé, aviez-vous peur de ceci ou de cela. Le gouvernement n'a peur de
rien, il l'a démontré depuis six ans.
M. Morin: M. le Président, je ne sais si je dois poser une
question supplémentaire. J'hésite.
Le Président: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
M. Morin: J'hésite parce que je n'ai pas eu de
réponse à ma première question.
M. Bourassa: C'est parce que le chef de l'Opposition...
M. Morin: En tout cas, il est inacceptable que vous ayez
procédé de la sorte. C'est simple.
M. Bourassa: Non, ce n'est pas une question,
M. le Président, c'est qu'il y avait des recommandations. Le chef
de l'Opposition parle de 96 recommandations. Il y en avait qui ne paraissaient
aucunement appuyer le texte du rapport, comme la division de
l'Hydro-Québec, je crois, en trois sections. Après discussion
avec les fonctionnaires qui ont examiné ces questions et avec les
ministres responsables, nous avons décidé de ne pas inclure
certaines recommandations qui n'étaient pas appuyées par le
texte. C'est quand même nous qui décidons en dernier ressort, nous
sommes élus pour gouverner, nous sommes élus pour décider
et nous allons continuer à gouverner.
M. Morin: Vous ne faites pas confiance aux gens; ils peuvent
juger par eux-mêmes.
M. Bourassa: Nous allons continuer à décider. Nous
ne sommes quand même pas pour prendre conseil sur le budget de l'an 1 ou
de l'an 2 du Parti québécois.
M. Léger: II faudrait l'indépendance pour cela.
M. Bellemare (Johnson): Cela, c'est moins partisan!
Le Président: A l'ordre, messieurs!
M. Morin: C'est un procédé inacceptable. C'est tout
ce que j'ai à dire pour l'instant.
Le Président: Question, s'il vous plaît.
Question!
M. Morin: Nous y reviendrons. Le rapport fait état d'un
certain nombre de suggestions. Vous n'avez pas réussi à
l'émasculer complètement. J'aimerais demander au premier
ministre, devant ce rapport, devant les suggestions concrètes qu'il
contient, quelles mesures son gouvernement entend prendre pas le flot de
belles paroles habituel par exemple à l'égard de l'une des
suggestions qui lui est faite d'imposer législativernent des exigences
aux compagnies étrangères et notamment une proportion obligatoire
de propriété autochtone. On vous donne même des exemples,
dans le rapport, de pays qui exigent 51%, 60% voire 90% de participation
autochtone. J'aimerais savoir du premier ministre ce qu'il compte faire de
façon concrète pour donner suite à cette recommandation du
rapport.
M. Bourassa: M. le Président, hier, le chef de
l'Opposition me demandait: Qu'est-ce que le gouvernement entend faire pour
créer de nouveaux emplois? Aujourd'hui, il me demande: Qu'est-ce que le
gouvernement entend faire pour établir des contraintes additionnelles
aux investissements étrangers? C'est un peu ce qu'il demande avec les
contraintes qu'il suppose.
M. Léger: Cela fait pitié! Réellement, cela
fait pitié!
M. Bourassa: Le gouvernement, selon ses priorités et la
conjoncture, doit...
M. Morin: Vous ne pensez pas, d'ailleurs, qu'il existe un lien
entre les deux questions?
Le Président: A l'ordre, à l'ordre! Terminez votre
réponse.
M. Bourassa: ... faire des choix.
M. Burns: II faut être mal pris pour répondre de
même! Il faut être mal pris.
M. Bourassa: Non, non. Laissez-moi terminer ma
réponse.
M. Léger: C'est déprimant! Vous êtes
déprimant.
Le Président: A l'ordre, messieurs!
M. Saint-Pierre: Relisez votre propre programme et vous allez
voir que vous n'avez pas grand-chose.
M. Bourassa: M. le Président, je pense bien que c'est
assez décourageant de voir la démagogie du chef de l'Opposition
sur des questions importantes comme celle-là. Ce sont toujours les
mêmes questions, les mêmes rengaines qu'il apporte
continuellement.
M. Morin: C'est toujours la même impuissance de votre
côté!
Le Président: S'il vous plaît, messieurs! M. Morin:
L'absence de politiques! Le Président: S'il vous plaît.
M. Bourassa: Nous avons, comme à l'habitude, d'une
façon réaliste, puisque nous avons la responsabilité du
pouvoir...
Le Président: S'il vous plaît, messieurs! M.
Bourassa: ... à Francfort...
M. Burns: Le premier gouvernement dans l'histoire du
Québec à avoir fait ça.
Le Président: S'il vous plaît, messieurs! M.
Bourassa: Oui, oui. On peut vous citer...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! ... A
l'ordre! Je vais passer immédiatement à l'autre question. Je
m'excuse mais... Ecoutez, si vous voulez continuer à causer, on peut se
retirer! Bon.
M. Morin: M. le Président, nous consentons à
écouter le baratinage du premier ministre!
Le Président: A l'ordre! Eh bien! je vous demanderais de
ne pas l'interrompre. Il y en a eu trois ou quatre de suite qui ont
causé des interruptions.
A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourassa: Ils ne s'entendent même pas sur la question du
drapeau des Jeux olympiques!
Des Voix: Ha! Ha!
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Revenons
à la question.
M. Bourassa: M. le Président, je vais faire parvenir au
chef de l'Opposition copie des discours du ministre de l'Industrie et du
Commerce et du mien que nous avons faits à Francfort, établissant
d'une façon réaliste... Avec 200,000 chômeurs, le
gouvernement ne doit pas multiplier les contraintes. Je comprends que c'est
très désirable à moyen terme, mais je pense qu'il est
essentiel, actuellement, d'accorder la priorité à la lutte contre
le chômage.
M. Morin: Le discours de Francfort va à l'en-contre de ce
rapport, justement.
M. Bourassa: Le rapport ne demande pas que ce soit
appliqué dans six mois. Si nous multiplions plus que nos
concurrents...
M. Lessard: Les rapports sont faits pour être sur les
tablettes!
M. Bourassa: M. le Président...
Le Président: Je rappelle à l'ordre le
député de Saguenay.
M. Lessard: Merci, M. le Président.
Le Président: Je vous rappelle à l'ordre pour une
deuxième fois.
M. Bourassa: C'est très difficile de répondre d'une
façon responsable à des questions aussi partisanes. Je dis que le
chef de l'Opposition devrait savoir que nous sommes soumis, au Québec,
étant donné le contexte où nous sommes, à une
concurrence très vive de nos voisins sur le plan économique, sur
le plan de l'attrait des investissements étrangers.
Hier, le chef de l'Opposition se plaignait d'un taux de chômage
très élevé. Nous avons besoin, pour le combattre,
d'être accueillants à certaines conditions aux
investissements étrangers.
M. Morin: Alors, ce rapport ne sert à rien!
Le Président: L'honorable député de
Beauce-Sud.
M. Bourassa: Non, je me suis référé à
Francfort.
M. Morin: La dernière, M. le Président.
M. Burns: C'est la première fois dans l'histoire du
Québec que c'est arrivé, cela!
Le Président: A la vitesse où nous avançons
actuellement, je passe à la prochaine question.
L'honorable député de Beauce-Sud.
Je n'ai pas de médaille à donner, ni d'un
côté, ni de l'autre.
L'honorable député de Beauce-Sud.
M. Roy: M. le Président, je n'interrogerai sûrement
pas le premier ministre parce que j'espère avoir une réponse.
Ma question s'adresse à l'honorable ministre des Terres et
Forêts.
Le Président: A l'ordre, messieurs!
Loi des trois chaînes
M. Roy: J'aimerais demander au nouveau ministre des Terres et
Forêts s'il a examiné le dossier relativement à la loi des
trois chaînes, étant donné...
Des Voix: Ha! Ha!
Le Président: S'il vous plaît, messieurs!
M. Roy: S'il y en a qui brillent, M. le Président, ce
n'est certainement pas par leur intelligence!
M. le Président, j'aimerais poser au ministre, de façon
très sérieuse, une question, étant donné que ce
dossier est toujours en suspens et qu'il y a un grand nombre de petits
propriétaires au Québec qui sont inquiets, vu qu'il ne semble pas
y avoir eu de consensus de fait jusqu'ici. J'aimerais demander au nouveau
ministre s'il a examiné ce dossier, étant donné que
l'ancien ministre avait promis qu'il y aurait un rapport de fait et qu'il
serait déposé avant le 31 décembre 1974, rapport qui n'a
pas été fait et dont nous n'avons pas pris connaissance.
J'aimerais savoir si le ministre a examiné cette question et quelles
sont les décisions ou les politiques que le gouvernement entend annoncer
ou entend prendre à ce sujet.
M. Toupin: Oui, M. le Président, j'ai examiné les
trois chaînes, le dossier...
Le Président: ... s'il vous plaît!
M. Toupin: Deuxièmement, la politique que nous avons
établie est la suivante; un comité interministériel est
présentement au travail.
M. Burns: Un autre comité pour attendre deux ou trois
ans.
Le Président: S'il vous plaît, messieurs!
M. Toupin: Une politique sur la gestion des terres publiques sera
annoncée en temps et lieu à la suite des études de ce
comité interministériel.
M. Roy: M. le Président, je constate que le nouveau
ministre a apporté avec lui les vieilles cassettes de l'ancien
ministre.
J'aimerais poser au ministre au moins une question, à savoir s'il
est au courant actuellement que des petits propriétaires, des petits
exploitants forestiers sont poursuivis par le ministère des Terres et
Forêts relativement au droit de coupe sur des terrains qui bordent les
lacs et rivières du Québec. Pourquoi les compagnies
papetières qui exploitent les terres de la couronne ne sont-elles pas
soumises, elles, aux mêmes obligations? J'aimerais demander au ministre,
dans un premier temps, pourquoi on continue de poursuivre des petits
propriétaires de petites exploitations de boisés de ferme, alors
que de l'autre côté on n'oblige pas les compagnies
papetières à se soumettre aux mêmes
réglementations.
Je l'ai répété deux fois, M. le Président,
il y a du bruit dans l'Assemblée nationale aujourd'hui, je ne sais pas
de quoi cela dépend, mais je voudrais être sûr que le
ministre m'a bien compris pour avoir une bonne réponse.
M. Toupin: M. le Président, la réponse est
très nette; c'est que nous appliquons les lois présentement en
vigueur et je ne vois pas, à ma connaissance en tout cas, qu'il y ait eu
des poursuites depuis que je suis au ministère des Terres et
Forêts. Il est possible, remarquez, je peux faire des enquêtes
là-dessus, mais nous appliquons les lois présentement en vigueur
et, tant que ces lois demeureront ce qu'elles sont, il faudra les appliquer.
Cela vaut autant pour les grandes compagnies que pour les propriétaires
de boisés privés.
M. Roy: Question additionnelle, M. le Président.
Le Président: Dernière question additionnelle.
M. Roy: Le ministre...
Le Président: A l'ordre, messieurs!
M. Roy: ... ne semble pas au courant de la question. Le ministre
est-il au courant que les compagnies papetières, actuellement, ne sont
pas soumises, elles, à ces mêmes exigences? Pourquoi, d'un
côté, oblige-t-on les petits proriétaires, eux, à
payer, alors qu'on n'oblige pas les grandes compagnies papetières,
à cause de cette vieille loi que le gouvernement vient de sortir depuis
deux ans de ses vieux dossiers, dans les vieilles archives? J'aimerais demander
au ministre s'il a l'intention d'apporter des modifications incessamment
à cette demande de la population. C'est une demande qui, d'ailleurs, a
été appuyée fortement au congrès libéral
je dis bien bien au congrès libéral même si ce n'est
pas tellement une bonne référence mais qui a quand
même été appuyée par un groupe de
députés du côté ministériel à la suite
de pressions qu'ils ont reçues de la population de différentes
régions du Québec.
Le Président: A l'ordre, messieurs! S'il vous
plaît.
M. Toupin: M. le Président, la loi des trois chaînes
s'applique à ceux à qui elle doit s'appliquer. Elle ne peut pas
s'appliquer à ceux à qui elle ne doit pas s'appliquer. Les
compagnies forestières qui ont des propriétés
privées, qui ont des terrains privés doivent s'astreindre aux
mêmes exigences que les propriétaires, les petits
propriétaires de boisés privés. C'est l'état actuel
des lois. Les compagnies forestières sont, par ailleurs, contraintes
à respecter d'autres réglementations et d'autres lois qui ne sont
pas nécessairement respectées par les propriétaires de
boisés privés, parce qu'elles ne s'appliquent pas aux
propriétaires de boisés privés.
C'est ce que je voulais dire tantôt quand j'ai dit: On applique
les lois actuelles pour chacun des groupes, dans la mesure où les uns et
les autres sont impliqués.
Quant à savoir si des lois seront amendées, je
déplore avec le député de Beauce-Sud que les politiques
antérieures, qui datent de plusieurs années, d'ailleurs, en ce
qui concerne les trois chaînes, aient causé préjudice
à certains individus ou privent...
M. Burns: Du dernier siècle.
M. Toupin: ... certains individus du droit de
propriété qu'ils croyaient avoir. C'est tout le problème
des terres publiques qu'il faut regarder et de la gestion des terres publiques.
Quand la politique sera établie là-dessus, si des amendements aux
lois sont requis, y compris à celle-là, bien, on apportera les
amendements requis.
Le Président: Question supplémentaire. M. Roy:
Dernière question, M. le Président.
Le Président: L'honorable député de
Saguenay, question supplémentaire. A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lessard: M. le Président, est-ce que le ministre sait
que les compagnies forestières ne se préoccupent aucunement de
cette loi puisqu'elles n'ont jamais été poursuivies par le
gouvernement? Est-ce que le ministre sait que le problème des trois
chaînes a été soulevé par le député de
Beauce-Sud il y a deux ans et que cela fait deux ans qu'on nous promet une
solution, alors que le ministre nous promet encore un comité
interministériel? A quand une décision sur cela, comme sur
d'autres choses? Cela va-t-il venir, des décisions dans ce
gouvernement?
M. Bourassa: On a 600 lois. M. Toupin: Oui, M. le
Président. M. Lessard: Oui, quand?
M. Toupin: Ecoutez, la réponse que j'ai donnée au
député de Beauce-Sud...
M. Lessard: En temps et lieu!
M. Toupin: ... vaut pour le député de Saguenay.
Mais j'aimerais bien que le député de Saguenay
réfléchisse avant de faire de telles affirmations.
M. Lessard: Je les fais et je les prouverai à la
commission parlementaire.
Le Président: A l'ordre! A l'ordre!
M. Lessard: Faites donc vos recherches un peu.
Le Président: A l'ordre, messieurs!
M. Toupin: Vous allez vous faire rappeler à l'ordre pour
une troisième fois, c'est ça qui va vous arriver. Le
député de Saguenay devrait faire attention avant d'affirmer de
telles choses. Je sais que ses collègues n'affirment pas de telles
choses. Il est le seul au Parti québécois qui fasse des
affirmations, je dirais, parfois intempestives. Lorsqu'il dit que les
compagnies forestières sont favorisées à ce chapitre,
c'est faux. C'est faux!
M. Lessard: Je vais vous le montrer. M. Toupin: Ce n'est
pas vrai, cela. Le Président: A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Toupin: Vous pouvez bien le crier sur tous les toits si vous
voulez, mais ce n'est pas vrai. Les compagnies forestières sont soumises
aux mêmes normes et aux mêmes règles dans la mesure
où les lois s'appliquent. Quand les lois ne s'appliquent pas, elles ne
s'appliquent pas.
M. Lessard: ... pas.
Le Président: Messieurs! Affaires du jour. Non, je vous
avais prévenu que c'était la dernière. A l'ordre! ... A
l'ordre, messieurs! ... Demain, je donnerai la préférence,
après les questions de l'Opposition, au député de
Rosemont.
M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, question de
privilège.
Le Président: II n'y a pas de question de
privilège. Affaires du jour. Affaires du jour.
M. Levesque: M. le Président...
Le Président: A l'ordre, messieurs! Affaires du jour.
M. Levesque: M. le Président...
M. Bellemare (Rosemont): ... question de privilège.
Le Président: II n'y a pas de question de privilège
sur cela. Il ne s'est rien...
M. Bellemare (Rosemont): M. le Président...
Le Président: A l'ordre! Affaires du jour. Est-ce que
c'est clair? Veuillez prendre... Je suis debout.
M. Marchand: M. le Président...
Le Président: Je suis debout. Il ne s'est rien
passé à l'instant qui ait ouvert la porte à une question
de privilège. ... A l'ordre! Affaires du jour.
M. Levesque: Alors, M. le Président...
Le Président: J'ai appelé les affaires du jour.
M. Marchand: M. le Président...
Le Président: Je rappelle à l'ordre l'honorable
député de Laurier pour la première fois. ... je vous
rappelle à l'ordre pour la deuxième fois. Veuillez vous
asseoir.
Affaires du jour.
Travaux parlementaires
M. Levesque: M. le Président, avec le consentement de la
Chambre, puis-je revenir aux rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés? Il s'agit d'un rapport du greffier en loi relativement au projet
de loi no 109, Loi concernant une donation à l'Institution royale pour
l'avancement des sciences. Le greffier indique que l'avis est régulier
et suffisant et que le projet déposé est conforme à
l'avis. En effet, le projet a été déposé au
secrétariat des commissions avant le jour de l'ouverture de la session.
Au moins un avis a été publié avant le dépôt
au secrétariat des commissions; il y a la date de publication des avis
dans la Gazette officielle du Québec, dans la Gazette de
Montréal, La Presse; la preuve de publication des avis a
été faite par production de coupures.
Tout semble conforme, d'après le greffier en loi de la
Législature, et je dépose son projet. Il n'y a donc pas de motion
de suspension des règles.
J'ai ici le projet, si on me permet de le déposer et de le
déférer a la commission parlementaire de l'éducation.
Alors, je vais vous apporter le proiet.
Le Président: Le député de Saint-Louis
propose la première lecture du projet de loi no 109, Loi concernant une
donation à l'Institution royale pour l'avancement des sciences. Est-ce
que cette motion Je première lecture est adoptée?
M. Burns: Adopté, M. le Président.
Le Président: Adopté.
Le Greffier adjoint: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
M. Levesque: M. le Président, je propose que ce projet de
loi soit immédiatement déféré à la
commission parlementaire de l'éducation, des affaires culturelles et des
communications, et que les règles de pratique quant aux avis soient
suspendues.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée?
M. Burns: Adopté.
Le Président: Adopté.
M. Levesque: M. le Président, je fais motion, pour que la
commission parlementaire de la justice puisse siéger
immédiatement au salon rouge, pour étudier, article par article,
les quatre projets de loi suivants: le projet de loi no 38, Loi modifiant le
Code de procédure civile et autorisant l'usage du courrier
certifié à certaines fins; le projet de loi no 79, Loi
constituant la Société québécoise d'information
juridique; le projet de loi no 84, Loi modifiant la Loi de la Commission de
contrôle des permis d'alcool; le projet de loi no 80, Loi prolongeant et
modifiant la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et
propriétaires. Dans les deux premiers cas, ils s'agit de deux projets de
loi qui étaient déjà devant la commission
plénière, mais nous avons convenu, au cours de la présente
séance, de poursuivre en commission élue cette étude,
quitte à revenir ici pour faire rapport, selon les règles de la
commission plénière.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée? M.
Burns: Adopté.
Le Président: Cette commission peut siéger
immédiatement.
M. Levesque: Article 1.
Le Président: Le député de Lafontaine.
Motion privilégiée de M. Léger
sur la qualité de l'enseignement
Cette motion se lit comme suit:
Que cette Assemblée blâme le gouvernement d'avoir
négligé de prendre les mesures nécessaires pour corriger
la situation déplorable de l'éducation au Québec,
notamment en ce qui concerne la détérioration de la
qualité de l'enseignement et la dégradation du climat de travail
dans les écoles.
M. Léger: M. le Président, j'ai fait motion pour
que cette Assemblée blâme le gouvernement d'avoir
négligé de prendre les mesures nécessaires...
Le Président: En ce qui concerne le partage du temps, nous
avons environ 250 minutes. Nous avons un exemple ici, du mois de novembre 1974,
où il y a eu 95 minutes à l'Opposition officielle. On pourrait
peut-être arrondir les chiffres, mettre cela à 100 minutes pour
l'Opposition officielle.
Le Ralliement créditiste n'entend pas utiliser son temps de
parole...
M. Samson: Je le cède à quelqu'un d'autre.
Le Président: ... on pourrait peut-être mettre 120
minutes au parti ministériel, dix minutes au député de
Beauce-Sud. Si on pouvait se diriger vers un partage d'environ 100 minutes pour
l'Opposition officielle, 120 minutes pour le gouvernement et dix minutes pour
l'honorable député de Beauce-Sud, cela irait.
M. Burns: Je vous rappelle l'entente que nous avons eue le 13
novembre 1975, qui est sensiblement la même que celle du 31 octobre 1974,
en vertu de laquelle le Parti québécois, comme auteur de la
motion, avait 100 minutes, dans l'un et l'autre cas. Le gouvernement avait,
dans le cas du mois de novembre 1975, 120 minutes par rapport à 125
l'année dernière, mais le tout s'accommodant d'un certain nombre
d'ajustements.
Personnellement, je serais prêt à donner mon consentement
pour ce type d'entente.
M. Bienvenue: 120 minutes, cela nous va. M. Burns: 100 et
120.
Le Président: Donc, 100 minutes pour l'Opposition
officielle, 120 pour le gouvernement et une quinzaine de minutes pour le
député de Beauce-Sud et, s'il y a lieu, pour l'Union Nationale et
le Ralliement créditiste.
M. Bienvenue: Est-ce que le député de Maisonneuve a
une montre pour calculer le temps?
M. Burns: Tout en se disant que si jamais des gens, de part et
d'autre, n'utilisent pas leur temps, il me semble qu'à ce
moment-là ça ne devrait pas empêcher d'autres
représentants de l'Assemblée nationale d'intervenir. En tout cas,
il me semble que cela a toujours été dans ce cadre.
M. Bienvenue: On verra.
M. Burns: On n'est pas, si vous voulez, bloqué à
cela.
M. Bienvenue: On verra.
Le Président: Je ne suis pas prêt à trancher
cela. S'il y a consentement, d'accord.
M. Bienvenue: Non. Des Voix: Non.
Le Président: Je ne peux pas trancher cette question.
M. Bienvenue: Nous verrons bien.
M. Burns: On verra. On va laisser aller le débat et on
verra.
M. Bienvenue: Qui vivra verra!
Le Président: L'honorable député de
Lafontaine.
M. Marcel Léger
M. Léger: La motion que j'ai soumise se lit comme suit:
"Que cette Assemblée blâme le gouvernement d'avoir
négligé de prendre les mesures nécessaires pour corriger
la situation déplorable de l'éducation au Québec,
notamment en ce qui concerne la détérioration de la
qualité de l'enseignement et la dégradation du climat de travail
dans les écoles".
La plus grande richesse naturelle des Québécois, c'est
leurs enfants. Ce sont ces enfants qui, à l'intérieur des
écoles, doivent recevoir la formation nécessaire pour jouer leur
rôle d'adultes de demain et remplir les charges importantes et
essentielles qui leur sont destinées dans la création de la
société de demain. De plus en plus, la préoccupation des
parents, la préoccupation des enseignants, la préoccupation des
milieux de l'éducation et du Conseil supérieur de
l'éducation tournent autour de la détérioration grave de
la qualité de l'éducation. Tous se rejoignent et sont
arrivés à un point commun où ils sont conscientisés
au fait que le gouvernement doit faire quelque chose pour changer le
système actuel dans lequel vivent tous ces partenaires de
l'éducation.
Cette occasion de corriger une situation aussi
détériorée que celle que nous retrouvons dans nos
écoles était toute trouvée, c'était celle des
négociations entre le gouvernement et les représentants du milieu
de l'éducation. Je dois blâmer le gouvernement aujourd'hui d'avoir
raté cette occasion de prendre les mesures pour, d'abord,
améliorer le climat dans les écoles; deuxièmement, pour
améliorer la qualité de l'enseignement, notamment en
allégeant le fardeau de travail des professeurs, c'est la clef de
l'amélioration du climat dans les écoles et de
l'amélioration de la qualité de l'enseignement. Notamment, le
gouvernement aurait dû fixer un maximum d'élèves par
classe, d'une façon officielle et juridique.
Il aurait dû fixer un nombre de périodes d'enseignement
permettant ainsi aux professeurs d'être suffisamment en mesure
d'améliorer cette qualité de l'enseignement, c'est-à-dire
une meilleure préparation des cours et une période suffisante de
correction permettant que la période de formation ou de transmission de
l'enseignement soit faite dans des conditions idéales.
M. le Président, si les professeurs doivent mettre un meilleur
contenu pédagogique, si les professeurs doivent avoir une meilleure
relation entre eux et leurs élèves, il faut nécessairement
que les normes de fonctionnement, les normes de ratio et de quota soient
changées et disparaissent, permettant au professeur de réellement
remplir son rôle à l'intérieur d'une école
humanisée, à l'intérieur d'une école où tous
se sentiront chez eux, et non pas à l'intérieur d'institutions
qui sont des manufactures d'enfants où on a dépersonnalisé
et les enfants et les professeurs.
Le gouvernement est à blâmer pour ne pas
avoir suivi les avis de son Conseil supérieur de
l'éducation. Le gouvernement est à blâmer pour ne pas avoir
répondu à l'attente du milieu de l'enseignement, soit les parents
qui sont inquiets, les éducateurs qui sont impuissants à
régler le problème et les commissions scolaires qui sont prises
entre le gouvernement et le problème qu'elles voient à
l'intérieur de leurs écoles. Au contraire, le gouvernement a
présenté des règles administratives rigides qui sont du
chinois pour l'ensemble des parents du Québec et qui sont inapplicables
pour permettre une compatibilité avec l'éducation dans laquelle
il y a une relation humaine entre l'éducateur et
l'éduqué.
Le gouvernement, au contraire, s'est livré à de la
provocation auprès des enseignants pour essayer de faire porter le
fardeau sur les enseignants, en faire des boucs émissaires devant les
problèmes et devant l'impuissance d'un gouvernement qui a laissé
se détériorer la situation. Les professeurs vivent à
l'intérieur d'un décret qui leur a été
imposé depuis trois ans, à l'intérieur de normes qui ont
été imposées et sur lesquelles ils n'ont jamais
été consultés. Et on veut faire porter le blâme de
la qualité de l'enseignement sur les professeurs!
Il est inacceptable qu'un gouvernement responsable essaie de faire des
professionnels de l'éducation des responsables d'un système que
eux n'ont pas voulu mais qui a été imposé par les
technocrates qui voulaient simplement établir sur des tableaux des
chiffres qui ne correspondaient pas à la réalité des
besoins humains dans leur milieu.
Le gouvernement doit arrêter de jouer avec le monde de
l'éducation. Nous sommes de plus en plus en accord avec les commissions
scolaires, avec les comités de parents, avec la Fédération
des commissions scolaires, avec le Conseil supérieur de
l'éducation, avec les professeurs enseignants sur le fait que la seule
base valable de négociation est celle des enseignants qui tient compte,
d'abord, de la tâche qui est dévolue au professeur de façon
qu'il puisse donner réellement une formation aux enfants et qu'il puisse
donner dans son milieu le maximum de ses possibilités à
l'intérieur de l'objectif premier que tout éducateur a dans le
Québec, celui de transmettre à l'enfant, non seulement une
instruction, mais aussi une formation.
Depuis quinze ans, les Québécois ont payé, et
même plus que cela, des taxes pour bâtir des écoles, on a
fait de la construction, on a fait du béton, on a fait de
l'administration. Il est grand temps qu'un gouvernement aussi impuissant que
celui que nous avons devant nous se penche maintenant sur le problème de
l'éducation et pense à mettre maintenant, à
l'intérieur de ce contenant sur lequel on s'est penché depuis
tant d'années, un contenu, une éducation et aussi une
formation.
La plus grande richesse naturelle des Québécois, comme je
le disais tantôt, ce sont nos enfants. Je pense qu'un gouvernement
responsable se doit d'abord de ne pas provoquer ses partenaires de
l'éducation et quand je dis partenaires, je ne parle pas
uniquement des commissions scolaires, qui ont à s'occuper de l'aspect
administratif, je parle des parents et je parle des éducateurs et je
parle des enfants.
Rares sont les sujets au Québec mis à part la hausse des
prix et des biens à la consommation ou la corruption des moeurs
politiques qui touchent autant de gens que celui de la qualité de
l'enseignement au Québec. Tous les parents qui ont des enfants à
l'école ainsi que souvent les étudiants eux-mêmes ont
à coeur que l'enseignement prodigué au Québec soit de
bonne qualité et ce, 365 jours par année.
Malheureusement, depuis quelques années, à cette recherche
constante d'un enseignement de qualité s'est greffé un sentiment
profond de la population que celui-ci s'est considérablement
détérioré, et cette population impuissante n'est qu'une
spectatrice de cette lente détérioration. Le ministère de
l'Education a beaucoup grossi depuis sa création en 1964. Les
commissions scolaires aussi. Nous sommes à l'heure des mécanismes
administratifs compliqués, des concepts de haute voltige et tout parent
qui est un peu mêlé dans tout le système complexe risque de
passer, s'il fait quelques critiques, pour rétrograde, ou
réactionnaire s'il ne parle pas sur la même longueur d'onde que
les techniciens de I éducation. Résultat: la plupart des gens se
taisent et patientent en silence. Mais si vous prenez la peine d'aller les
visiter, de faire des tournées dans le Québec, comme les
députés du Parti québécois ont eu l'occasion de le
faire dernièrement, vous vous rendrez compte que, depuis longtemps, ce
problème, les Québécois l'ont à coeur. Cela ne
prend pas grand-chose pour qu'une fois mis en confiance ils vous parlent
longuement et souvent même avec colère de ce problème
d'éducation.
La polémique sur la pauvreté du français
parlé et écrit dans les écoles, la fermeture des
écoles publiques élémentaires et secondaires causée
par le phénomène de dénatalité et d'exode vers
l'extérieur des centre-ville, la perte de clientèle scolaire du
secteur public au profit du secteur privé et du secteur anglophone, ce
sont tous des facteurs, M. le Président, qui ne font que renforcer
l'impression de détérioration de la qualité du
système public, et d'accentuer la préoccupation de ce que
plusieurs se plaisent à appeler la majorité silencieuse au
Québec.
J'aimerais également analyser brièvement les états
d'âme d'un autre groupe important concerné directement par ce
problème dont je n'ai pas encore parlé, c'est-à-dire les
enseignants. Dans ce contexte, il n'est que normal que l'un des groupes les
plus directement impliqués partage cette inquiétude. Le sondage
de la commission d'étude de la tâche des enseignants de
l'élémentaire et du secondaire, le CETES, annexe A du rapport de
mai 1975, auprès des enseignants de l'élémentaire et du
secondaire, a en effet démontré que 81% des enseignants
poursuivent des objectifs permettant à l'élève de
développer son potentiel.
Qu'on ne vienne pas me dire que, du côté du gouvernement,
les professeurs n'ont pas comme
objectif l'intérêt de l'élève. Qu'on ne
vienne pas me dire cela. Il y a un sondage qui prouve que 81% des enseignants
ont intérêt à développer le potentiel de leurs
élèves. Si cet objectif n'est pas toujours réalisé
c'est, selon 60% des enseignants, à cause du trop grand nombre
d'élèves par groupe. Dans ce même sondage, 43% des
enseignants identifiaient un horaire trop chargé comme étant
l'autre facteur, empêchant l'éducateur de remplir ses
objectifs.
Je pense que la surcharge de travail est un des problèmes majeurs
qui doit être envisagé au niveau des négociations
actuelles. C'est pourquoi depuis 1972, la plupart des mesures proposées
par les principaux interlocuteurs de ces milieux d'éducation,
c'est-à-dire le Conseil supérieur de l'éducation ainsi que
les autres milieux, visent à stopper cette détérioration
et à renverser la vapeur. Ainsi, le conseil supérieur, dans son
rapport annuel de 1973/74, a cru bon d'indiquer au ministère que des
changements majeurs devraient être apportés dans l'administration
des secteurs secondaire et élémentaire, plus spécialement
en ce qui a trait à la charge du travail des professeurs et à la
fixation du ratio maître-élèves.
En mars 1975, le rapport de la commission d'étude de la
tâche des enseignants de l'élémentaire et du secondaire et
le même mandat pour le collégial, la CETES, en juin 1975, de
nombreuses recommandations étaient adressées au ministère
de l'Education dans le même but que celui poursuivi par le Conseil
supérieur de l'éducation: une amélioration
générale de la qualité de l'enseignement par une meilleure
définition de la tâche de l'enseignant, l'allégement de
celle-ci, une amélioration du système des normes
maître-élèves, une meilleure évaluation des
clientèles scolaires réelles et l'engagement de
spécialistes aux niveaux élémentaire et secondaire.
Le ministère de l'Education a également en main le rapport
du groupe COMMEL, publié au mois d'octobre 1974, sur l'organisation et
le fonctionnement des commissions scolaires dispensant l'enseignement
élémentaire à 3,000 élèves et moins. Ce
rapport a émis 56 recommandations au ministère concernant une
réévaluation complète des structures de l'enseignement
élémentaire, son mode d'administration de la vie
pédagogique et du personnel ainsi que des méthodes de
financement.
Ainsi, M. le Président, à la recommandation no 39, le
groupe COMMEL demande que le ministère de l'Education prenne toutes les
dispositions pour que des spécialistes dans l'enseignement d'une langue
seconde, de la musique et de l'éducation physique soient engagés
dans ces commissions scolaires en plus des enseignants déjà
existants, rejoignant ainsi les recommandations formulées par un autre
groupe de travail, soit celui du sous-ministre Claude Beauregard, sur
l'éducation physique et le sport à l'école.
Le ministère de l'Education et, partant, le gouvernement
connaissait donc depuis longtemps les failles principales du
système québécois d'éducation et les principales
causes de la détérioration de l'enseignement ressentie par
l'ensemble des personnes préoccupées par ce problème. Il
aurait dû saisir la première occasion qui s'offrait à lui
pour s'attaquer de front au problème et au moins amorcer des
réformes. Cette occasion lui a été fournie par le
renouvellement de la convention collective des enseignants.
Or, le gouvernement n'a pas saisi cette chance. Il a refusé de
modifier sa vision technocratique de l'éducation, perdant ainsi de vue
l'objectif évident de toute négociation dans ce secteur, soit
l'amélioration de la qualité de l'enseignement.
M. le Président, le gouvernement a refusé de remettre en
question ses normes administratives.
A la page 155 du rapport COMMEL, recommandation no 100, il est
déclaré cette recommandation mérite d'être
citée en entier "que le ministère de l'Education du
Québec, par une étude systématique, repense globalement,
avec la participation du milieu, le système de financement des
commissions scolaires dans l'esprit d'une péréquation provinciale
en tenant compte des services à offrir à la clientèle, des
ressources humaines et matérielles nécessaires pour dispenser ces
services dans le contexte des conditions géographiques,
démographiques, culturelles et autres qui prévalent dans les
différentes régions du Québec".
M. le Président, les enseignants demandaient une humanisation du
climat de travail dans les écoles, un allégement de la charge de
travail afin qu'ils puissent mieux préparer le contenu
pédagogique des cours dispensés. Pour réaliser ces
objectifs, il fallait que l'essence même de toutes les
négociations vise à une remise en question des normes
administratives qui existent entre les commissions scolaires et le
ministère de l'Education, comme le ratio
maître-élèves.
M. le Président, ce langage administratif n'est qu'une
façon mathématique de distribuer des ressources humaines et
physiques au niveau provincial et au niveau régional mais ne correspond
absolument pas à la relation humaine quotidienne qui s'établit
entre les élèves, l'école et ses enseignants. Si on n'a
pas encore compris cela dans le gouvernement, que la relation
maître-élèves, dans une école, est la base
même de la formation d'un enfant, la dépersonnalisation de
l'enfant à l'intérieur de l'école amène des
conséquences graves au niveau du fonctionnement et de la motivation
autant de l'étudiant que du professeur.
Pour illustrer toute l'importance de cette profonde remise en question
et de cette nouvelle mentalité à acquérir, il est bon de
noter que de nombreux problèmes connexes à ceux se rapportant
à la charge de travail des enseignants, celui de la
sécurité d'emploi, par exemple, s'estompent d'eux-mêmes, si
elle s'effectue, et que, dans la négative, c'est-à-dire en
l'absence d'un principe directeur commun aux négociations, chaque
problème se sépare des autres et une solution administrative, une
solution "patchée" apportée à l'un n'entraîne pas la
solution des autres.
Il s'agissait donc de quantifier une fois pour
toutes l'élément prestations, c'est-à-dire
correction, préparation, et d'intégrer au système
d'enseignement les garanties nécessaires à son
développement qualitatif. M. le Président, pour cela, il fallait
qu'au niveau élémentaire le système de ratio soit
abandonné et que le nombre maximum d'élèves par groupe
soit d'environ 20 élèves pour le premier cycle de
l'élémentaire et de 22 pour le deuxième cycle. Le
gouvernement, par ses offres, a refusé d'amorcer complètement une
remise en question des schèmes administratifs; il est encore
demeuré à 1/24 au lieu d'aller dans le sens de la demande des
enseignants.
Au niveau secondaire, les enseignants ont également
demandé que les ratios soient abandonnés et qu'un nombre
d'élèves fixe par classe soit donné, ce chiffre maximum
devant être pour eux de 24 pour le secteur général et de 17
pour le travail en atelier au secteur professionnel.
Comme résultat, une commission scolaire, avec plus
d'étudiants, actuellement, dans un secteur professionnel, peut augmenter
son total d'enseignants au secteur général, selon la proposition
du gouvernement; ce qui est impensable, c'est que cela, quand même,
ramène le ratio au niveau où il était auparavant.
Le résultat de cette opération présentée par
le gouvernement au niveau collégial des périodes-étudiants
versus le quotient de 360 qui n'est que l'expression de la situation actuelle,
c'est-à-dire 24 périodes par 15 étudiants, au niveau du
CEGEP, donne un facteur qui divise la charge totale des étudiants,
elle-même obtenue par la multiplication d'un nombre d'étudiants
par 24. Ce serait dorénavant le nombre de cours pris par un
élève au niveau collégial et non pas le nombre
d'élèves qui déterminerait le nombre de professeurs.
Cette préoccupation technocratique et schématique est du
chinois pour les parents et n'accorde absolument pas de réponse aux
préoccupations profondes des professeurs au niveau des
écoles.
M. le Président, je pense qu'il est grand temps qu'aux niveaux
élémentaire et secondaire on repense la charge de travail d'un
professeur qui est actuellement, en moyenne, de 22.5 périodes de 45
minutes. Les professeurs ont demandé 20 périodes, ce qui
équivaut à 900 minutes. Cette revendication, avec toutes ses
ramifications, constitueet ceci est important la future clé
de voûte d'un système d'éducation utilisant le plus
efficacement et humainement possible ses ressources humaines et donnant un
enseignement plus humain et de qualité.
M. le Président, elle s'inscrit dans la lignée des
principales recommandations remises au ministère de l'Education et
constitue, à notre avis, un excellent point de départ pour des
négociations fructueuses.
Le gouvernement a répliqué en ignorant complètement
cet aspect fondamental des demandes des enseignants. Il propose, plutôt,
une augmentation des heures et une augmentation de présence pour
augmenter les charges des professeurs et, ainsi, continuer la
détérioration du climat dans les écoles et la
détérioration de la qualité de l'enseignement.
Sur l'engagement de spécialistes en éducation physique,
musique, expression corporelle, arts plastiques, demandé par les
enseignants et par les différents comités qui ont soumis des
rapports au gouvernement, aucune précision véritable. Sur
l'engagement de spécialistes en information scolaire, d'enseignants
bibliothécaires, en enfance inadaptée, en animation, aucune
réponse. C'est à se demander si les parties en cause parlent bel
et bien du même sujet! Sont-elles ensemble? Sont-elles des partenaires de
l'éducation ou si le gouvernement veut absolument avoir un bouc
émissaire sur qui il peut mettre tous les péchés
d'Israël pour essayer de cacher sa propre impuissance?
Parce que le gouvernement a des problèmes financiers, parce que
le gouvernement a mis de l'argent à la baie James, parce que le
gouvernement a mis de l'argent dans les Jeux olympiques en ne demandant pas la
part du fédéral là-dedans, il a asséché sa
caisse, M. le Président. Il n'ose pas dire que ses choix politiques ont
été mauvais et qu'il n'a plus la possibilité de donner de
l'argent dans un secteur aussi important que celui de l'éducation.
Et comme le premier ministre le sait fort bien, on n'emprunte pas sur le
marché pour le paiement des salaires, comme on fait à New York;
on n'emprunte pas sur le marché, personne ne va vouloir prêter
à un gouvernement dont la caisse est vide parce qu'il a fait des mauvais
choix politiques et qu'il démontre ses préoccupations. On ne fait
pas cela, M. le Président. On ne veut pas emprunter parce qu'on ne lui
prêtera pas. Le problème est là; le gouvernement a fait son
choix politique et, comme il n'a pas d'argent pour s'occuper de
l'éducation, il n'a pas d'argent à présenter aux
éducateurs et aux commissions scolaires, à ses partenaires de
l'éducation. C'est aussi simple que cela. Le gouvernement a fait son
choix politique mais ce qu'il cherche, par exemple et c'est cela qui
n'est pas acceptable pour tous les citoyens du Québec c'est de
faire passer les professeurs comme étant les responsables de ce
problème qu'il vit. Le gouvernement aurait dû corriger ses
propositions pour aller selon les besoins de la population, selon les demandes
des comités de parents, selon les demandes du Conseil supérieur
de l'éducation, selon les demandes des différents groupes et
milieux concernés par l'éducation. Suivre ces recommandations, ce
serait partir de la base des demandes des éducateurs et aboutir à
une meilleure qualité de l'enseignement.
Le gouvernement, pour lui, la qualité de l'enseignement est
secondaire. C'est un gouvernement technocratique qui est absolument impuissant,
qui ne peut rien faire parce qu'il s'est mis les deux pieds dans le ciment en
ayant d'autres priorités ailleurs et en laissant la partie la plus
importante, la qualité de l'enseignement au Québec, de
côté comme étant une quantité négligeable. Il
est absolument impensable que ceci ne soit pas dit aux parents, M. le
Président. Les éducateurs sont
les partenaires des parents dans l'éducation de leurs enfants et
ils se doivent d'être ensemble pour faire bouger ce gouvernement
absolument immobile, ce gouvernement absolument impuissant. Il faut que les
parents appuient les éducateurs, qui ont les mêmes objectifs:
l'éducation et la formation de ce qui est la richesse naturelle la plus
importante au Québec, nos enfants, M. le Président.
Mais le gouvernement veut passer sur le dos des professeurs en leur
disant: Vous êtes des gens qui ne veulent pas faire leur travail, vous
êtes des gens paresseux, vous êtes des gens qui demandent trop.
C'est beau, c'est de la démagogie pure. Mais les enseignants ne sont pas
dupes et leur proposition a été acceptée au niveau de la
tâche de l'enseignement au milieu de la dégradation qui se
passe à l'intérieur des écoles par un groupe de
plus en plus important de commissions scolaires, de comités de parents
à travers les écoles. Même la Fédération
québécoise des commissions scolaires, partenaire du gouvernement,
a fait des recommandations au gouvernement. Le gouvernement est le seul
à ne pas vouloir régler le problème de l'éducation
au Québec. L'ensemble des citoyens l'a compris, M. le
Président.
Je pense qu'il est important que la situation soit corrigée
rapidement et le gouvernement a manqué sérieusement à son
travail et à son devoir en ne prenant pas, à l'intérieur
des négociations, l'occasion rêvée pour corriger cela.
Au chapitre de la sécurité d'emploi, les enseignants
demandaient la permanence pour chaque membre du personnel enseignant d'une
commission scolaire, au renouvellement de son premier contrat de travail. M. le
Président, le gouvernement n'offre aucune sécurité
d'emploi. Pire que cela, on est rendu en période de repêchage; un
professeur qui est maintenant en trop dans une école passe pendant cinq
jours au niveau du repêchage régional. S'il n'est pas
repêché, il va peut-être par la suite être
repêché en dedans de cinq jours au niveau d'un repêchage
national. M. le Président, on se penserait dans le monde du hockey. Nous
croyons que, si le gouvernement veut absolument, par ses offres, assimiler le
monde de l'éducation au monde du hockey, il faudrait qu'il aille
jusqu'au bout car, même au hockey, les joueurs sont
protégés contre ce genre d'abus.
M. le Président, au chapitre des congés de
maternité, les enseignants ont demandé que ce congé soit
d'une durée de 20 semaines avec plein salaire. Ils ont également
demandé qu'au retour de son congé l'enseignante puisse
réintégrer le poste qu'elle détenait avant de quitter et
que le temps d'ancienneté et d'expérience continue de courir
pendant son absence.
Il est assez étonnant de constater qu'un gouvernement dont le
slogan, pour l'année 1975, est "La famille dans la société
québécoise" n'ait pas encore daigné répondre
à ces demandes, alors que 92% des enseignants au niveau
élémentaire sont des femmes et que 50% environ au niveau
secondaire sont des femmes. C'est là qu'on voit la différence
entre le slogan et la réalité, dans le gouvernement Bourassa, la
différence entre ses déclarations, ses promesses et ses
réalisations.
M. le Président, à l'occasion des négociations des
conventions collectives dans les secteurs public et parapublic, le gouvernement
avait l'occasion en or de faire d'une pierre deux coups. D'un
côté, profiter du phénomène de la
dénatalité au Québec, qui provoque la baisse des effectifs
scolaires dans les commissions dans tout le Québec, pour faire en sorte
que les services aux étudiants soient améliorés, dans
chaque école, afin que ceux-ci puissent directement
bénéficier de ce phénomène; de l'autre
côté, enrayer le phénomène de la fermeture des
écoles de quartier qui ne fait qu'accentuer l'impression
d'inhumanité du système public d'enseignement dans la
population.
M. le Président, il y a quelque temps, j'ai parlé en
Chambre d'un problème qui se rapportait justement à la
détérioration et à la disparition, une à une, de
plusieurs écoles au niveau élémentaire et secondaire, et
j'avais intitulé cela: Pour aérer l'école. A ce moment,
nous avions dénoncé cette politique qui veut que, dès que
le seuil d'utilisation d'une école descend en dessous de 60%,
l'école soit condamnée, accentuant ainsi l'exode vers les
banlieues, la perte de la clientèle du secteur public vers le secteur
privé et le secteur anglophone, ainsi que l'augmentation des voyages en
autobus pour les écoliers.
Nous avions cité plusieurs exemples d'écoles de quartier
condamnées à la fermeture, comme les écoles Sainte-Rose,
François-de-Bienville, à Lon-gueuil, Saint-Norbert, Vinet,
à Laval, Saint-Jean-Baptiste, Notre-Dame-de-la-Garde,
Sacré-Coeur, Saints-Martyrs, Saint-Dominique, à Québec. La
situation s'assombrit de plus en plus, puisque je vais vous donner d'autres
exemples. A Montréal, pour la Commission des écoles catholiques
de Montréal, la région 5 couvre tout le nord de la ville, soit
les comtés de Saint-Laurent, L'Acadie, Bourassa, Crémazie et
Sauvé. Les écoles qu'on va fermer dans un avenir rapproché
sont au nombre de douze: Sainte-Odile, Ecole Dujarié,
Saint-André-Apôtre, Saint-Charles-Garnier, Ville-Marie,
Ville-Marie annexe, Nicolas-Viel, Saint-Vital, Saint-Vital annexe,
Notre-Dame-de-la-Merci, Notre-Dame-de-la-Merci annexe, Bienville. M. le
Président, ce qui frappe le plus dans les écoles que je viens de
mentionner, c'est la date récente de la construction de la moitié
d'entre elles. Il devenait donc nécessaire pour le gouvernement si,
d'une part, il voulait faire preuve de cohérence dans
rétablissement de ses politiques à long terme et vraiment mettre
un terme à ces fermetures qui déshumanisent les quartiers et si,
d'autre part, il voulait améliorer la qualité de l'enseignement
au Québec, de profiter de ces négociations pour mettre de l'avant
de nouvelles formules, ce que mathématiquement il n'a pas fait.
Le Conseil supérieur de l'éducation avant demandé
par un avis, le 12 décembre 1974, pages 34 et 35, que les
négociations entre le gouvernement et les professeurs ne se fassent pas
d'une façon
cachée, qu'on mettre la population dans le coup, qu'on ouvre les
négociations. Je cite ce qu'on disait à la page 48: Que la
négociation locale (selon le conseil, toutes les conditions de travail
devraient être négociées au niveau local) se fasse non dans
le contexte de simple louage de services des enseignants, mais dans un contexte
où l'on cherche un vrai partage, avec les commissions scolaires locales,
les parents et les étudiants, des responsabilités globales de
l'éducation dans le milieu. Même là, M. le
Président, on veut que les parents et les professeurs soient des
partenaires responsables dans une continuité de l'éducation des
enfants.
Mais le gouvernement, lui, veut avoir le vote des parents et pour cela
il veut que les professeurs soient des boucs émissaires. Devant son
impuissance, il veut blâmer les professeurs, avant même qu'ils
aient fait des gestes, pour dire aux parents: Quand cela va aller mal,
préparez-vous, ce sera à cause des professeurs. M. le
Président, il est temps que la vérité soit dite et que les
parents comprennent et réalisent de plus en plus que les professeurs ont
fini de jouer le rôle de boucs émissaires parce que cela fait
l'affaire des députés libéraux, parce que cela leur fait
avoir des votes.
Les parents ne seront pas longtemps bernés, M. le
Président. Ils sont de plus en plus conscients, ils sont de plus en plus
impliqués dans les comités d'école et dans les
comités de parents pour faire réaliser que le gouvernement va se
retrouver bientôt seul à ne pas comprendre qu'il doit
réaliser quelque chose au niveau de l'éducation et corriger un
système, renverser la vapeur avant qu'il ne soit trop tard.
Le milieu de l'éducation étant extrêmement
sensibilisé au problème de la qualité de l'enseignement au
Québec, et ce pour les diverses raisons que nous avons
énumérées, nous sommes heureux de nommer ceux qui ont
déjà donné leur appui aux recommandations de base. Je ne
dis pas qu'il faut appuyer tout ce que les professeurs demandent, non, il faut
faire attention a cela. C'est une base, c'est une négociation, c'est
sûr.
M. Bédard: Ah!
M. Léger: Une chose importante...
M. Bérard: De la paternité, parlez-en donc!
M. Léger: ... les commissions scolaires de La-keshore,
Henri-Bourassa, Laurentides, Tardivel, Portneuf, du Golfe, Côte-Nord, du
Bas-du-fleuve, La Neigette, Métis, Beauport, Lotbinière,
Mille-Iles, Rivière-du-Loup, Jean-Talon, Tilly, Honoré-Mercier
ont déjà exprimé publiquement leur désaccord aux
offres gouvernementales. Le Protestant School Board of Greater Montreal a fait
de même. La Commission des écoles catholiques de Montréal,
par la voix de sa présidente Mme Thérèse Lavoie-Roux, a
exprimé encore des réserves sur ces mêmes offres
gouvernementales. L'Association des directeurs d'écoles de
Montréal, l'Association des directeurs généraux des
commissions scolaires de Montréal, l'Association des cadres scolaires du
Québec, le Conseil d'administration du CEGEP Sainte-Foy appuient les
revendications des enseignants.
Plusieurs comités de parents à travers tout le
Québec, dont celui de l'école Saint-Alphonse à
Montréal...
M. Lessard: Question de règlement. Sans doute parce qu'il
y a beaucoup de députés qui ont subi la paternité, nous
n'avons pas quorum. Ils sont probablement en vacances.
Le Président suppléant (M. Pilote): Qu'on appelle
les députés!
L'honorable député de Maisonneuve.
M. Léger: On parle de choses sérieuses, on parle
d'éducation. D'accord?
Plusieurs comités de parents à travers tout le
Québec, dont celui de l'école Saint-Alphonse de Montréal,
celui de l'école Jean-François-Perreault à Québec,
celui de la polyvalente Pierre-Dupuys à Montréal, celui de la
commission scolaire Jérôme LeRoyer de mon comté, le
comité central des parents de la Commission des écoles
catholiques de Montréal font également de même. Le
président de la Fédération des commissions scolaires
catholiques de Québec, M. Hubert Lavigne, a déclaré que
les demandes des enseignants constituaient une très bonne base de
négociation. Tous ces organismes, dans un nombre jamais vu au
Québec, nombre qui s'accroît de jour en jour, jusqu'au moment
où le gouvernement sera seul, appuient les principes directeurs guidant
les revendications des enseignants, quand ce ne sont pas carrément les
revendications elles-mêmes, dans leur moindre détail. Il y a
vraiment de quoi laisser songeur.
Pour toutes ces raisons, nous croyons que les demandes des enseignants,
concernant la charge de travail, constituent je pèse mes mots et
j'espère que le ministre m'écoute actuellement un objectif
réaliste que l'on doit chercher à atteindre le plus rapidement
possible. D'ailleurs, l'appui populaire qui leur est donné est un gage
de leur sérieux et de leur caractère valable. Le gouvernement,
à notre avis, devrait reconnaître comme étant la seule base
valable de négociation et comme conséquence de cette
reconnaissance le fait de modifier substantiellement le contenu de ses propres
offres. Cette opinion que nous mettons de l'avant, à l'effet que les
demandes des enseignants constituent la seule base valable d'une
négociation fructueuse pour l'amélioration de la qualité
de l'enseignement, est considérablement renforcée dans notre
esprit par un rapide tour d'horizon de la situation prévalant dans les
écoles de diverses régions du Québec.
Il est facile, parfois, de maintenir une discussion au niveau des
principes; c'est autre chose de prendre la peine d'aller voir. Au niveau de la
réalité quotidienne, vécue par le monde ordinaire,
à travers tout le Québec, nous avons donc choisi des
écoles au hasard dans la province pour voir ce qu'étaient, en
pratique, les problèmes de l'éduca-
tion au Québec. J'aimerais bien que le ministre fasse la
même chose. Or, chaque fois que nous avons examiné une
région et ses écoles, que ce soit la Côte-Nord,
Québec, Montréal, Chicoutimi, nous avons découvert, par
ces échantillons, les multiples raisons qui, multipliées par
cent, par mille, par dix mille font que l'enseignement se porte mal au
Québec.
De ces exemples pratiques, nous aimerions citer les suivants qui sont
dans le cadre de ce que je viens de mentionner. La demande des enseignants
voulant qu'un nombre maximum d'élèves soit dans une classe de 20
ou 22, par exemple, à l'élémentaire, n'a rien de
révolutionnaire et ne vise qu'à revenir à la situation qui
a toujours prévalu dans l'éducation jusqu'en 1967/68,
année où le ministère a commencé à mettre de
l'avant de nouvelles méthodes de calcul utilisant des ratios pour
répartir les ressources humaines.
La revendication des enseignants à cet égard est loin
d'être farfelue. Nous l'appuyons parce qu'il faut remédier
à cette situation comme à Montréal où à la
Commission scolaire régionale Jérôme-LeRoyer je vous
donne des exemples dans mon comté à l'élémentaire
37 écoles anglaises sur 38 ont plus que 24 élèves par
professeur; 133 classes sur 172 ont plus de 24 élèves par
professeur. Dans le deuxième cycle, 18 classes anglaises sur 38 ont plus
de 30 élèves par professeur et 51 classes sur 172, dans le
deuxième cycle à l'école française, ont plus de 30
élèves par professeur. Est-ce qu'on peut s'imaginer qu'un
professeur qui a de la préparation, qui a de la correction à
faire est capable d'améliorer la qualité de son enseignement
quand il a tant d'élèves que cela? Pire que cela, au
deuxième cycle de l'élémentaire, 142 classes sur 177, il y
a plus de 26 élèves par professeur et dix écoles anglaises
sur 41 dans mon comté ont plus de 30 élèves par
professeur. Au niveau secondaire, M. le Président, la situation est
à peu près la même qu'à l'élémentaire
et la moyenne varie de 30, 35 jusqu'à 45 élèves par
professeur. Et on veut parler de qualité de l'enseignement! Ce n'est pas
une préoccupation du gouvernement.
A Montréal également, à la polyvalente Anjou,
secondaire II à V, le cours de sciences laboratoire est prévu
pour 32 élèves et la moitié de groupes qui assistent
dépassent ce chiffre. Dans cette polyvalente la moyenne
d'élèves par classe est de 35 élèves et le quart de
celle-ci c'est entre 37 et 38. Les professeurs comptent tout simplement sur
l'absence des élèves pour être capables de donner leurs
cours. Là encore on compte également sur les absences au niveau
des classes de français dont la majorité des groupes comptent 35,
38 et 39 élèves par classe. En classe d'écologie, le
professeur a 42 élèves sur sa liste; les 32 premiers
arrivés trouvent une place, puis on ferme tout simplement la porte. Il
faut aller voir ce qui se passe dans le domaine de l'éducation. Cela ne
prend pas des gros technocrates pour cela; il faut aller voir ce qui se passe.
Cela est à Anjou.
A Montréal, à l'école Félix-Leclerc,
à Pointe-aux-Trembles, le ratio maître-élèves est
passé de 1/28 à 1/26, à cause de l'engagement d'un
spécialiste en éducation physique. A Chicoutimi, à
l'école Saint-Joachim et à l'Institut de technologie, deux
établissements à vocation orthopédique,
c'est-à-dire établissements voués à la
rééducation d'enfants inadaptés, ce qu'on appelle des
socio-affectifs profonds, les cours se donnent à 21 élèves
par groupe, alors que le ratio est de 1/8 et 1/12 selon le cas. A Chicoutimi
aux écoles Charles-Gravel et Lafontaine, des classes ont
déjà contenu jusqu'à 41 élèves. A
Lévis, dans la région de Québec ce n'est pas loin,
le ministre peut aller voir cela où la Commission scolaire de
Pointe-Lévy, à l'école Saint-Louis-de-Pintendre, les
maternelles accueillent 48 élèves pour la classe qui,
normalement, devrait en contenir seulement 20. A Sainte-Anne, les classes de
débiles légers contiennent quinze ou seize élèves
par classe alors que ce nombre devrait être de huit à douze. Ce
sont là les conséquences des ratios et des quotas. A
Québec, à la polyvalente Samuel-de-Champlain, à Giffard,
les cours d'anglais se sont donnés pendant deux mois et demi dans le
laboratoire de chimie où il n'y avait pas de place pour asseoir tout le
monde. La demande des enseignants voulant que leur tâche soit
allégée ou mieux répartie afin qu'ils puissent passer plus
de temps à préparer le contenu de leurs cours est parfaitement
légitime, si l'on tient compte qu'il faut, à un bon professeur,
45 minutes pour préparer un cours de 45 minutes. La demande syndicale de
fixation de périodes moyennes de cours à 20 périodes,
c'est-à-dire 900 minutes par semaine, constitue évidemment un
idéal qu'il ne serait pas facile d'atteindre du jour au lendemain, on
l'admet. Le ministre lui, je ne sais pas s'il a l'intention de l'atteindre un
jour, on sait que cela ne se fait pas du jour au lendemain. Mais, ce qui est
important, c'est dans ce sens qu'il faut se diriger, si l'on veut vraiment
améliorer la qualité de l'enseignement.
M. Garneau: Le député de Lafontaine me permet-il
une question?
M. Léger: ... actuellement prodigué au
Québec. Pardon?
M. Garneau: Me permettez-vous une question?
M. Léger: Oui.
M. Garneau: Lorsque vous vous dites d'accord avec les 900
minutes, j'ai cru comprendre dans votre texte qu'il s'agissait de 900 minutes
d'enseignement. C'est cela qui est...
M. Léger: Non, c'est tout compris dans la semaine.
M. Garneau: A la demande.
M. Léger: A la demande. Et à la demande, il y avait
un surplus.
M. Garneau: Alors, puis-je vous suggérer d'employer les
mêmes termes; pas dire 900 minutes d'enseignement.
M. Léger: D'accord, mais si le ministre essaie de
m'accrocher sur des erreurs d'expression ou des lapsus...
M. Garneau: Mais c'est parce que...
M. Léger: ... je pense que c'est plus important que
cela.
M. Garneau: ... c'est le jour et la nuit ce que vous dites et ce
que vous semblez vouloir dire.
M. Léger: Le ministre sait fort bien de quoi je parle.
M. Garneau: II y a une différence entre ce que vous dites
et ce que vous semblez vouloir dire.
M. Léger: M. le Président, c'est dans ce sens qu'il
faut se diriger si l'on veut vraiment améliorer la qualité de
l'enseignement actuellement prodigué au Québec car les
enseignants y sont pour la plupart réellement surchargés de
travail.
Quant à l'autre revendication des enseignants qui se traite
globalement avec celle concernant la charge de travail, soit l'engagement de
spécialistes en éducation physique, musique, arts plastiques,
etc., qu'il suffise de dire que c'est le gouvernement lui-même qui a
ouvert la voie à cette revendication. Aucune demande des enseignants ne
saurait être aussi légitime que celle-là quand on sait, par
exemple que le rapport Beauregard, sur l'implantation de l'éducation
physique aux niveaux élémentaire, secondaire et collégial
en fait mention.
M. le Président, nous appuyons donc les revendications dans ce
sens des enseignants au chapitre de la charge de travail et de l'engagement de
spécialistes parce qu'il faut mettre fin une fois pour toutes à
une situation comme celle qui existe à la polyvalente Anjou, par
exemple. Si un professeur fait la classe à 136 élèves,
soit quatre groupes de 32 et qu'il leur donne une composition française
d'une page, il peut mettre 20 minutes de correction par page, mais si, en vertu
des offres gouvernementales, le nombre de périodes qu'il doit effectuer
passe de 22 à 25, c'est cinq groupes de 32 élèves qu'on
lui donne, ce qui aura pour effet de porter les heures de correction qu'il
devra effectuer au nombre incroyable de 50, ce qui est impossible dans un
système d'enseignement normal.
A l'école Félix-Leclerc, a Pointe-aux-Trembles, souvent,
dans le passé, les spécialistes d'éducation physique qui
avaient été engagés ont été affectés
à un travail d'animation, ce qui a eu pour effet de faire en sorte que
ce sont les professeurs eux-mêmes qui préparent les cours
d'éducation physique, ajoutant ainsi à leur charge de travail.
Présentement, au niveau élémentaire de cette école,
il est question d'ajouter la musique à la grille des cours. Les
professeurs doivent donc, en plus de leur travail hebdomadaire, se recycler en
prenant des cours de musique non crédités.
Ce sont là des problèmes concrets qu'on vit tous les
jours. C'est la même chose pour l'implantation projetée de cours
de théâtre et de nouveaux cours de sciences de la nature. De
même le recyclage en système international métrique se fait
en dehors des heures de travail, souvent même des journées
pédagogiques flottantes. A la polyvalente Fréchette, Anse
Saint-Jean, un enseignant donne 24 périodes de cours par semaine
à six groupes différents. Deux niveaux différents, le tout
en vertu de trois programmes différents. Ce sont toutes des choses qu'on
vit quotidiennement.
Au chapitre de la sécurité d'emploi, nous estimons que la
situation actuelle d'instabilité de l'emploi de professeur ne peut
cadrer et là je pèse mes mots à long terme
avec une politique de meilleure qualité de l'enseignement. Qu'on y pense
deux fois. Aucun professeur ne peut avoir envie de poursuivre une
carrière et essayer de poursuivre un idéal de perfectionnement
si, à tout moment, en vertu de la fluctuation constante des
clientèles scolaires et la diffusion de prévisions de celles-ci,
il peut être remis en disponibilité, comme d'ailleurs des milliers
le sont chaque année au cours de l'été.
Un enseignant qui n'a pas travaillé pour le même employeur
et de façon continue pendant trois ans, n'a droit en principe à
rien du tout. Comment voulez-vous qu'un enseignant se fasse une
carrière, ait un idéal de perfectionnement s'il n'a pas de
sécurité d'emploi; s'il doit être, comme je le disais
tantôt en caricaturant, soumis au repêchage régional pour
cinq jours et national pour cinq autres jours et après ne plus avoir de
"job"?
M. le Président, il faut penser que si l'on confie nos enfants
à des personnes qui sont des professionnels de l'éducation, qui
ont entre leurs mains ce que je qualifiais tantôt de la plus grande
richesse naturelle du Québec, si on les leur confie, il faut leur donner
les moyens de réaliser les objectifs qu'on a en commun, les professeurs
comme les parents: celui de faire de nos enfants des adultes avec une
maturité, une formation, avec un sens civique et une connaissance des
valeurs que véhicule notre société
québécoise.
Pour cela, il faut que les partenaires de l'éducation
s'entendent. Il est grand temps que le gouvernement comprenne cela.
Nous aurions pu, au cours de cet exposé, parler également
de la situation déplorable de l'enseignement prodigué pour cette
catégorie, qu'on appelle la catégorie fourre-tout, l'enfance
inadaptée. Nous aurions pu également traiter de
l'éducation des adultes, dont le budget fédéral-provincial
vient d'être réduit de 25%, ou du triste sort
réservé à l'enseignement professionnel dans nos
écoles, dénoncé d'ailleurs au gouvernement par la
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec, dans son mémoire du 13 septembre 1973.
Si nous avons choisi de volontairement circonscrire le débat
à certains grands thèmes, c'est
que nous croyons que leur acceptation de principe par toutes les parties
concernées par la convention collective des enseignants est
véritablement la clé d'un nouveau départ pour
l'éducation au Québec et que c'est véritablement à
ce niveau que se joue l'avenir d'un enseignement de qualité au
Québec. Si, d'un autre côté, nous avons choisi d'illustrer
ces thèmes par des petits cas vécus par quelques centaines
d'individus au Québec, c'est pour démontrer qu'une fois ces
milliers de petits cas mis ensemble, il est assez fascinant de voir qu'ils
peuvent, dans toute leur matérialité banale, projeter la
même image que celle résultant de grands problèmes
théoriques.
Nous demandons donc au gouvernement qu'il modifie le contenu de ses
offres aux enseignants le plus rapidement possible afin que ce débat
tant attendu concernant l'amélioration de la qualité de
l'enseignement commence à avoir lieu au Québec.
Voilà, M. le Président, ce qui devrait faire
réfléchir sérieusement le gouvernement du Québec et
lui ouvrir les yeux. Quant à nous, nous croyons que les demandes des
enseignants concernant la charge de travail sont un objectif réaliste
que l'on doit chercher à atteindre le plus rapidement possible.
D'ailleurs, l'appui populaire qui leur est donné est un gage de leur
sérieux et de leur caractère valable.
Le gouvernement, à notre avis, devrait reconnaître les
demandes syndicales comme étant la seule base valable de
négociation et, comme conséquence de cette reconnaissance,
modifier substantiellement le contenu de ses propres offres. Nous avons trop
longtemps parlé, au Québec, de construction, de béton et
d'administration. Il est temps qu'on parle maintenant et qu'on ouvre le
débat sur l'éducation et sur la formation. Merci, M. le
Président.
Le Président suppléant (M. Pilote): L'honorable
ministre de l'Education.
M. Raymond Garneau
M. Garneau: M. le Président, en vertu de l'article 24 du
règlement de l'Assemblée nationale, l'Opposition déposait,
il y a quelques jours, une motion privilégiée dont vient de nous
parler le député de Lafontaine.
Bien qu'il soit de bonne guerre pour l'Opposition officielle d'essayer
d'embêter le gouvernement, je trouve que cette motion est mal à
propos et fait preuve d'irresponsabilité de la part des membres du parti
séparatiste.
On aurait dû être conscient, de ce
côté-là de la Chambre, qu'au moment où on tente de
franchir les premiers pas d'une négociation avec les dirigeants
syndicaux de la CEQ il est loin d'être certain qu'un débat,
à ce stade-ci, puisse aider au règlement de ce qui est à
l'origine de la motion, à savoir le renouvellement des conventions
collectives.
Situé hors de son contexte, un tel énoncé pourrait
laisser croire je me réfère à la motion du
député de Lafontaine que le système
d'éducation, au Québec, est dans un état de sous-
développement prononcé, que l'enseignement dispensé dans
nos écoles est d'une qualité déplorable et que, de
façon générale et permanente, le climat de travail est
intenable.
Mais tel n'est pas le cas. Pour bien comprendre la motion
déposée, il faut la situer dans le contexte bien particulier qui
prévaut depuis quelques semaines et qui fait appel aux différents
phénomènes qui entourent les négociations de conventions
collectives et, en particulier, celles du secteur de l'enseignement. Puisqu'il
n'est pas possible de comprendre autrement la motion déposée par
l'Opposition, je vais m'employer à faire le point sur la qualité
de l'enseignement et sur le climat qui prévaut dans les écoles au
moment où le gouvernement et ses partenaires, c'est-à-dire la
Fédération des commissions scolaires et la
Fédération des CEGEP, tentent de négocier des conventions
collectives avec le personnel du monde scolaire.
Personne n'ignore les efforts extraordinaires qui ont été
faits depuis près de quinze ans, au Québec, pour améliorer
la qualité de l'éducation. Pour bien illustrer cette
évolution, voire même cette révolution scolaire, il
faudrait longuement passer en revue les principaux développements
survenus depuis la création de la commission Parent.
Je n'ai pas l'intention de dresser aujourd'hui un bilan de cette
réforme scolaire, puisque la mention de la commission Parent
évoque à elle seule des souvenirs récents et des faits que
ne saurait détruire une motion circonstanciée ou une affirmation
ou une série d'affirmations à l'emporte-pièce, comme vient
de le faire le député de Lafontaine.
Il n'est cependant pas inutile de rappeler que, depuis plusieurs
années, le Québec consacre plus du quart de son budget à
l'éducation; que des équipements modernes et adaptés
à l'évolution de la pédagogie ont été mis en
place; que les structures de l'organisation scolaire ont évolué
rapidement pour tenir compte des besoins nouveaux des élèves.
En dehors des structures, de la modernisation des écoles et de
l'adaptation de la pédagogie, des efforts considérables ont
été faits pour favoriser la formation académique des
maîtres et leur perfectionnement. Au début de cette réforme
de l'éducation, non seulement fallait-il parler en termes de structure,
mais il fallait aussi parler en termes d'accroissement du nombre de ceux qui
travaillent dans le monde de l'éducation.
Que cette évolution rapide ait connu des heurts, qu'elle ait
bouleversé des habitudes, qu'elle ait provoqué
périodiquement des remous dans les écoles, c'est là une
évidence. Tout en regrettant que de telles choses se produisent et tout
en essayant de les éviter, il ne faut quand même pas dramatiser et
évoquer, de façon puérile, des perspectives de faillite.
Il reste clair que la démocratisation de l'enseignement a
été réalisée et que la population du Québec
a maintenant atteint un taux de scolarisation qui traduit bien les efforts
déployés.
Une étude réalisée au ministère de
l'Education
et publiée en juin dernier, dans la revue Statistiques du
Québec, permettait d'affirmer qu'en 1971 tous les enfants
acquièrent une formation élémentaire; près de 90%
des élèves inscrits au secondaire parviennent au diplôme;
le tiers des finissants du secondaire V ont reçu une formation
professionnelle et entrent sur le marché du travail; la moitié
des finissants du secondaire V ou un peu plus de 40% des jeunes, s'inscrivent
au collégial où ils se répartissent, à peu
près également, entre les secteurs général et
professionnel; la majorité des finissants du collégial
général entrent à l'université où la plupart
d'entre eux terminent au moins le diplôme de premier cycle.
Les auteurs de cette étude concluent en disant: "C'est là
un tableau assez réjouissant, si on songe qu'au début du
siècle la scolarité moyenne n'excédait vraisemblablement
pas la septième année d'étude".
Personnellement j'ajoute que cette situation est fort différente
de celle qu'ont connue la plupart de ceux qui dépassent 35 ans
aujourd'hui. Ceux-là se souviennent que, pour atteindre
l'université, la seule voie d'accès possible était le
collège classique, collège que l'on retrouvait presque uniquement
dans les villes et dont, de toute façon, le nombre limité ne
permettait pas de recevoir beaucoup plus que quelques milliers
d'étudiants.
Tout à l'heure j'écoutais le député de
Lafontaine parler du transport scolaire; cela me rappelait les meilleurs
discours de Gilberte Côté-Mercier. Lorsqu'il parle du transport
scolaire, je lui demanderais de réfléchir quelques minutes et de
mettre en parallèle la situation qui prévalait avant la
réforme de l'éducation et la situation qui prévaut
aujourd'hui. Lorsqu'un nombre très limité de maisons
d'enseignement pouvait dispenser cette éducation qui donnait
accès à l'université, il n'y avait pas uniquement des
questions de transport, c'était le pensionnat et dans des conditions
difficiles. Aujourd'hui, nous avons réussi quand même à
mettre sur pied, à travers le Québec, non seulement des
éooles élémentaires, secondaires, mais également,
dans les différentes régions, des niveaux de scolarité qui
permettent l'accès jusqu'aux études universitaires et je pense
que c'est là un point extrêmement positif. La population du
Québec, par ses efforts, a permis de démocratiser renseignement
et d'en porter l'accessibilité non seulement à toutes les classes
de la population mais aussi dans toutes les régions du
Québec.
Ces constatations qui portent sur le niveau de la formation scolaire de
la population du Québec en 1971 indiquent donc une tendance qui a
continué de s'accentuer au cours des quatre dernières
années. De plus, des études réalisées pendant ces
années ont permis de mesurer le niveau de satisfaction des
étudiants du secondaire et du collégial, et les résultats
qui en découlent sont très satisfaisants. Ils ne permettent en
aucune façon de parler de la situation déplorable du
système d'éducation au Québec de la façon dont en a
parlé le député de Lafontaine.
S'il fallait encore ajouter à ce bref aperçu de la
situation scolaire chez nous, on pourrait largement citer le rapport
préliminaire de l'étude que l'OCDE a réalisée cette
année sur les politiques et sur la situation de l'éducation au
Québec. Comme il va de soi, on traitait de la situation de
l'éducation non seulement au Canada, mais au Québec et dans
chacune des provinces canadiennes.
J'ai cependant retenu pour les soumettre à votre attention trois
passages de ce rapport, qui sont particulièrement éclairants sur
la situation de notre système scolaire. Je cite, M. le Président,
quelques extraits d'un rapport qui a été préparé
par les examinateurs de l'OCDE, qui sont venus ici, au Québec, et dans
les provinces canadiennes pour étudier le système, faire rapport
et le comparer à ce qui existe ailleurs dans le monde. "Un changement
sans précédent s'est produit au Québec. Tout un
système d'éducation est passé d'une structure
fermée, fragmentée et élitiste à une structure
ouverte et unifiée; d'un programme d'enseignement classique,
archaïque et étroit d'esprit à un modèle moderne et
polyvalent; d'une philosophie restrictive et à tendance cléricale
à une approche ouverte et permissive. Ce développement a
accompagné et a aussi déclenché un remous de toute la
société qui, dans ce processus, a été
profondément changée. "Vu de la lorgnette d'une politique
sociale, l'enseignement postsecondaire complexe, diversifié, axé
sur la communauté régionale et s'inscrivant dans une perspective
d'ouverture représente plus qu'un enrichissement quantitatif du paysage
global du monde de l'éducation, bien que nombre d'édifices neufs
que les examinateurs de l'OCDE ont visités étaient
impressionnants et que ces établissements disposaient d'un
équipement et d'un ameublement abondant. Cela témoigne à
un degré encore plus élevé de l'implication de la base
d'une société démocratique et ouverte dans le projet
éducatif, implication qui va largement au-delà de ce qu'on
rencontre habituellement dans les pays membres de l'OCDE. "Les examinateurs de
l'OCDE n'ont pas été surpris de constater que l'idée
audacieuse de collèges polyvalents n'a pas pu être
implantée en si peu d'années sans engendrer une bonne dose de
frictions et de critiques. On peut cependant espérer, toutefois, que
ceux qui sont responsables des politiques éducatives, que les
professeurs et les étudiants des CEGEP réussiront à
surmonter les difficultés. Le CEGEP constitue un modèle
éducatif et sociopolitique qui revêt une importance
internationale. L'abandon maintenant de cette entreprise très
prometteuse constituerait une défaite qui véhiculerait des
conséquences fâcheuses non seulement pour le Canada, mais pour
plusieurs autres pays."
Ce témoignage des examinateurs de l'OCDE, qui sont venus au
Québec analyser notre système d'éducation, est fort
éloquent. Les mérites, s'il y en a, reviennent aux premiers
responsables de cette évolution positive, les parents qui ont
accepté la réforme de l'éducation, les administra-
teurs scolaires qui l'ont implantée et aussi les milliers
d'éducateurs. C'est à ceux-là que revient tout le
mérite et à qui le témoignage des examinateurs de l'OCDE
doit être rendu.
C'est dans des perspectives de cette nature qu'il faut situer les
critiques que l'on formule sur notre système scolaire. Il ne s'agit pas,
bien sûr, de masquer la réalité et de vouloir nier que la
qualité de l'enseignement puisse encore être
améliorée. Ce que je reproche à la position
séparatiste, c'est d'utiliser un incident de parcours, soit la
négociation collective, pour dire que tout va mal, et d'essayer de
discréditer le système d'enseignement et cela, uniquement pour
des fins électorales, pour obtenir le vote de ceux qui pourraient
être mécontents.
Quoiqu'il en soit des intentions de l'Opposition séparatiste, il
me semble évident que tous ceux qui s'intéressent à la
chose scolaire au Québec poursuivent les mêmes objectifs:
améliorer encore davantage la qualité de l'enseignement. Mais, si
tous tiennent un discours analogue au plan des objectifs, il y a encore des
divergences sérieuses au plan des moyens et le contexte actuel de
négociation de conventions collectives nous permet de mieux mesurer ces
divergences. La qualité de l'enseignement est fondée sur de
nombreux paramètres et je n'ai pas l'intention de les analyser tous
ici.
Cependant, à mes yeux, la qualité de l'enseignement passe
d'abord et avant tout par les relations que le maître établit avec
l'élève. Les fruits de cette rencontre sont les plus permanents,
ceux qui contribuent le plus à former un homme. Quand on fait un retour
en arrière et qu'on se remémore les années passées
à l'école, ce qui revient le plus facilement à la
mémoire et ce qui apparaît le plus marquant reste invariablement
l'année ou les années que l'on a vécues dans telle classe
avec tel ou tel professeur.
Chacun se souvient de ses années d'étude par le biais des
professeurs qu'ils l'ont marqué. Or, je doute que dans quelques
années les élèves d'aujourd'hui se souviendront de ceux
parmi leurs professeurs qui auront invité leurs collègues, en
période de négociation, à se déclarer malades,
à boycotter les examens, à refuser de remettre les bulletins
scolaires, à mettre de la colle dans les serrures, etc.
La qualité de l'enseignement, je le répète, passe
par les relations qui se développent entre les élèves et
leurs maîtres, dans un contexte de formation, d'éducation
où le maître garde le respect professionnel et moral de ses
élèves. Cette qualité de l'éducation est aussi
favorisée par l'encadrement des enseignants et des élèves.
Des discussions sont en cours pour assurer que, par le biais des normes
budgétaires et de la politique administrative et salariale, cet
encadrement soit rendu plus efficace et plus productif.
Si tous sont d'accord pour développer encore davantage la
qualité de l'éducation, tous conviendront également que
cela n'est pas possible à n'importe quel prix. A la limite, certains
diront que la relation maître-élèves serait probablement
meil- leure s'il y avait un maître pour chaque élève. Je
suis loin de croire que ce soit vrai cependant. Comme de toute façon
cela n'est pas possible, il faut donc essayer, de façon
évolutive, de mettre à la disposition des élèves
des maîtres en nombre suffisant pour que soient atteints les objectifs
poursuivis aux différents niveaux du système scolaire.
Des efforts marqués ont été faits en ce sens au
Québec depuis plusieurs années et la partie patronale a
continué dans cette voie dans les offres qu'elle a
déposées aux tables de négociation au mois de novembre
dernier. Parmi les enjeux de la négociation, trois points majeurs
rassortent de façon particulière. Il s'agit de la charge de
travail, ce qu'on a appelé la tâche, la sécurité
d'emploi et la rémunération. Au sujet de la charge de travail, M.
le Président, je voudrais déposer, à l'intention des
députés, un tableau qui établit de façon
schématique les demandes syndicales, l'offre patronale et des
commentaires.
M. le Président, je suggère qu'à ce niveau-ci de
mon intervention on puisse inclure dans le journal des Débats ce
tableau, pour faciliter la compréhension du lecteur au fur et à
mesure des explications que je donnerai par la suite, et je voudrais le
déposer sur la table du greffier. En même temps, je demande aux
pages de passer le tableau concernant la charge de travail de telle sorte que
les membres de l'Assemblée nationale puissent en prendre connaissance.
(Voir annexe)
M. le Président, sur la charge de travail, une donnée de
base ne semble pas contestée...
M. Lessard: Question de directive, si le ministre me permet. M.
le Président...
Le Vice-Président (M. Lamontagne): Le député
de Saguenay.
M. Lessard: ... je pense que vous étiez à ce
moment-là président de l'Assemblée nationale, lorsque
j'avais eu l'occasion de demander d'inscrire des tableaux à
l'intérieur d'une intervention que je faisais à
l'Assemblée nationale. Vous aviez cru bon, je pense, si je me rappelle
bien, de demander l'unanimité de la Chambre. Le ministre voulant que des
tableaux soient inscrits à l'intérieur de son intervention,
est-ce que vous avez l'intention de suivre cette même politique?
M. Garneau: M. le Président, cela m'est arrivé
à un certain nombre de reprises de faire cette demande; je pense que
d'autres personnes l'ont faite également et qu'elle a été
acceptée. S'il faut une motion j'en fais la motion pour qu'elle soit
inscrite à ce moment-là...
M. Bédard (Chicoutimi): ... au député de
Saguenay par exemple.
M. Lessard: Je demandais au président s'il avait
l'intention d'appliquer la même politique, parce que je voudrais
simplement indiquer au ministre des Finances qu'à ce moment-là on
m'avait refusé l'unanimité. Quant à moi...
Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous
plaît. Pour plus de sûreté, je vais demander le consentement
unanime pour que ce soit inscrit, quand le tableau sera inscrit au journal des
Débats.
M. Lessard: C'est justement la différence, M. le
Président. La différence c'est que vous m'aviez obligé
à lire mes tableaux, ce qui change complètement bien souvent
l'intervention qu'on a à faire, ou ce qui aurait pu changer
l'intervention du ministre. C'est simplement pour vous le souligner. Nous
donnons quand même la permission au ministre d'inscrire ce tableau, mais
j'espère que cette politique sera acceptée lorsque nous vous
demanderons la même chose aussi, qu'on n'aura pas deux poids deux
mesures.
Le Vice-Président (M. Lamontagne): Le ministre de
l'Education.
M. Garneau: M. le Président, je remercie les
députés de cette Chambre de le permettre et j'espère que
nous aurons ce même échange de bons procédés, non
seulement là-dessus, mais aussi sur le vote des députés
qui arrivent des fois quelques minutes en retard à l'occasion des
votes.
Sur la charge de travail, une donnée de base ne semble
contestée par aucune des parties à la négociation. La
commission d'étude sur la tâche des enseignants à
l'élémentaire et au secondaire a demandé aux enseignants
combien d'heures par semaine ils travaillaient. Les déclarations
obtenues, qui ont été compilées, donnaient comme
résultat que les enseignants déclaraient travailler entre 37 et
42 heures par semaine pendant l'année scolaire, c'est-à-dire 200
jours entre le 1er septembre et le 30 juin.
Utilisons donc comme référence utile la donnée de
40 heures par semaine qui se situe entre 37 et 42 à
l'intérieur desquelles un enseignant s'acquitte de l'ensemble de ses
tâches, y compris la préparation des cours et la correction des
examens. Quand je me réfère à 40 heures,
évidemment, je me réfère à 40 heures par semaine
pendant l'année scolaire, c'est-à-dire de septembre à
juin. La principale question qui est débattue entre les parties à
la négociation est celle de l'allocation de ces 40 heures entre des
activités spécifiées et des activités libres de
travail personnel.
A l'élémentaire, les enseignants titulaires de classe
peuvent travailler jusqu'à 25 heures par semaine en présence des
élèves soit pour de l'enseignement, soit pour d'autres
activités éducatives. En fait, le nombre d'heures de
présence des élèves à l'élémentaire
varie entre 20 heures, 1,250 minutes, et 25 heures, 1,500 minutes.
Je m'aperçois que ce que les pages distribuent n'est pas le
tableau dont je viens de parler. On en distribue d'autres. Je ne voudrais
certainement pas qu'ils soient tous inscrits à ce moment-ci de mon
intervention. Celui que vous avez, M. le greffier, est juste. Le tableau que
j'avais demandé de distribuer est celui concernant la charge de travail
et je m'aperçois qu'on en distribue d'autres.
Ils viendront un peu plus tard, mais je ne voudrais pas que les
députés soient mêlés.
Je reprends les propos que je tenais. A l'élémentaire, les
enseignants titulaires de classes peuvent donc travailler c'est le cas
actuellement et c'était le cas l'an dernier à peu
près 25 heures par semaine en présence des élèves,
comme je l'ai mentionné, soit pour de l'enseignement, soit pour d'autres
activités scolaires. En fait, le nombre d'heures de présence des
élèves à l'école élémentaire varie
entre 20 et 25 par semaine, le programme variant entre 1,250 et 1,500 minutes.
L'horaire des enseignants titulaires correspond donc à celui des
élèves, mais les titulaires sont remplacés par des
spécialistes pendant une ou deux périodes par semaine, ce qui, en
pratique, les dégage d'autant.
La partie patronale propose d'améliorer cette situation. Elle
offre d'augmenter le nombre d'enseignants à l'élémentaire
en abaissant l'équivalent du ratio 1/26 à 1/23.8
étudiants, ce qui aura pour effet, en pratique, d'alléger la
tâche de prestation d'enseignement soit en diminuant le nombre
d'élèves par classe, soit en permettant l'embauche de plus de
spécialistes lesquels, évidemment, donneront des cours qui
dégageront, pour un certain nombre de périodes par semaine, les
professeurs titulaires. Le rapport d'un professeur par 23.8
élèves est obtenu en utilisant un rapport de 1/24 pour les trois
premières années de l'élémentaire, en maintenant
1/26 pour les trois dernières années et en ajoutant un professeur
de plus pour chaque 20 professeurs ainsi obtenus. Cette opération aurait
ajouté quelque 2,000 enseignants au contingent des 24,800 enseignants de
l'élémentaire, suivant les statistiques de la clientèle
scolaire 1974/75.
Tout à l'heure, le député de Lafontaine parlait des
fameux ratios, qui étaient du chinois, etc. Je
préférerais, personnellement, qu'il n'y ait pas, dans les
conventions collectives de travail, de ratios. Je serais le premier heureux si
ce qui est administratif et normatif et qui a des aspects financiers
n'était pas dans une convention collective de travail. Je
préférerais cela et de beaucoup, mais les enseignants veulent
savoir combien ils seront pour accomplir la fonction d'enseigner à un
certain nombre d'élèves. Ce qui est arrivé, c'est qu'avec
le temps, dans le cadre des négociations ou des lois spéciales
qui ont été présentées au cours des années,
cette norme budgétaire a servi de base pour déterminer le nombre
d'enseignants qui pouvait être utilisé par les commissions
scolaires pour dispenser l'enseignement à un nombre donné
d'élèves.
La proposition d'augmenter de 2,000 enseignants, sur la base de 1974/75,
les professeurs qui se dévouent à l'élémentaire me
paraît raisonnable. Par contre, la demande syndicale me paraît
nettement extravagante. Elle aurait pour effet d'ajouter quelque 24,000
enseignants à l'élémentaire, c'est-à-dire de
doubler purement et simplement le nombre des enseignants à
l'élémentaire.
Et là, je reviens à la proposition du député
de Lafontaine qui, tout à l'heure, approuvait 100% la
demande de M. Charbonneau et de la CEQ. Je demanderais aux gens de
l'Opposition, si on disait oui à la demande de la CEQ, où
prendrait-on les enseignants, en 1976-1977, pour remplir les fonctions
d'enseignement au niveau élémentaire, alors qu'il faudrait
doubler en une seule année le nombre de professeurs? C'est cela la
demande de la CEQ: doubler le nombre de professeurs à
l'élémentaire dans une seule année. Même si on
voulait, même si c'était possible financièrement, on ne
pourrait pas avoir les enseignants. Il faudrait ramasser les promotions de
toutes les universités canadiennes, puis je ne suis pas sûr qu'on
en aurait encore assez, uniquement pour l'élémentaire.
M. Léger: Est-ce que le ministre me permet une
question?
M. Garneau: Appliquer aux inscriptions...
M. Léger: Est-ce que le ministre me permet une
question?
M. Garneau: Oui, certainement.
M. Léger: Le ministre sait fort bien qu'il est en train de
négocier. C'est sûr que la demande d'éducateurs est
très forte, et que si cela répondait à cela, cela ne
demanderait peut-être pas autant que vous dites, mais un certain nombre.
Est-ce que vous ne pensez pas que le principe lui-même d'une
sécurité d'emploi et d'un nombre limité
d'élèves par classe permettrait une distribution et une
sécurité d'emploi beaucoup plus efficaces? Donc, il y a un juste
milieu entre les deux. Est-ce que, honnêtement, le ministre ne pense pas
qu'il y a un juste milieu entre l'extrême qu'il vient de dire et
l'extrême qui est demandé par les professeurs?
M. Garneau: M. le Président, en écoutant la
question du député de Lafontaine, je me suis dit: Est-ce que je
dois me fâcher ou ne pas me fâcher? Je dois lui répondre sur
un ton calme et serein ou l'engueuler? Je pourrais l'engueuler uniquement en
prenant ce qu'il a dit, tout à l'heure, dans son discours pour lui
répondre. Je ne le ferai pas, parce que je trouve que le sujet est trop
sérieux. Je pourrais lui dire: Branchez-vous, vous l'appuyez la CEQ ou
vous ne l'appuyez pas. Ne commencez pas à flotter sur deux tableaux.
M. Léger: Ce n'est pas la question d'appuyer tout ce
qu'ils demandent, j'ai demandé le principe de base de limite
d'élèves.
M. Garneau: M. le Président, écoutez, c'est lui qui
va se fâcher alors que moi je ne me suis pas fâché, je me
retiens.
M. Lessard: Devant des niaiseries comme cela, à un moment
donné il faut se fâcher.
M. Léger: Vous déformez ce que je dis.
Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous
plaît.
Une Voix: C'est vous qui dites des conneries, par exemple.
M. Lessard: Vos enfants sont à l'école
privée aussi.
M. Garneau: Je ne savais pas, M. le Président,
après avoir écouté...
M. Léger: C'est un bon truc cela pour ne pas
répondre à une question, on dit une affaire de côté
pour faire choquer l'autre.
Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre! A l'ordre,
s'il vous plaît!
M. Léger: Vous ne voulez pas répondre,
d'accord.
M. Garneau: M. le Président, je ne suis pas intervenu
quand le député de Lafontaine a parlé. J'aurais pu le
faire à plusieurs reprises, je l'ai laissé aller. J'ai voulu lui
poser une question, il me l'a permis, je l'ai posée, il a répondu
et je n'ai pas dit un mot. Qu'il fasse donc la même affaire! Je ne lui
demande pas plus que cela.
Je ne pouvais pas savoir M. le Président, après avoir
écouté pendant une heure le député de Lafontaine,
que je l'insulterais et que j'insulterais ses collègues d'une
façon aussi directe en disant qu'il appuie la CEQ. Je ne savais pas
cela.
M. Léger: C'est de la démagogie pure.
M. Garneau: Ecoutez, j'ai entendu ce que vous avez dit puis j'en
conclus cela. On va lire le journal des Débats ensemble.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est vraiment rien comprendre au
problème.
M. Lessard: C'est ça que vous faites.
M. Garneau: De toute façon, ce n'est pas cela le
problème. Quand le député de Lafontaine me demande si, en
principe, on est d'accord pour améliorer la qualité de
l'enseignement et à diminuer la tâche à
l'élémentaire, je réponds: C'est cela qu'on fait. Quand on
augmente de 2,000 enseignants, sur la base 1974/75, les clientèles
pouvaient varier, quand on dit qu'on augmente de 2,000 professeurs à
l'élémentaire, c'est exactement cela qu'on fait. Quand on
augmente de 2,000 professeurs, on donne encore plus de force à la clause
de sécurité d'emploi que nous proposons, sur laquelle je
reviendrai tout à l'heure, dans l'offre patronale au niveau de cette
sécurité, non seulement des enseignants mais également des
autres personnes qui travaillent dans le secteur de l'éducation.
M. le Président, cette demande de la CEQ aurait donc pour effet
d'ajouter quelque 24,000 enseignants à l'élémentaire,
c'est-à-dire de doubler purement et simplement le nombre des enseignants
à l'élémentaire. Appliquée aux inscriptions de
1974/75, puisque nous avons les chiffres pré-
cis, la demande syndicale ferait passer le nombre d'enseignants à
l'élémentaire de 24,800 à plus de 49,000. Non seulement
cela n'est pas raisonnable, mais impossible à réaliser en termes
d'effectif et de locaux disponibles, sans parler de l'aspect financier. Je
viens de dire que pour trouver les 24,000 enseignants de plus que nous demande
la CEQ, il faudrait qu'on ramasse à peu près toutes les
promotions des facultés de formation de maîtres à travers
le pays et il en manquerait. Mais en plus de cela, il faudrait bien, si on
avait autant de professeurs, ou autant de groupes, il faudrait bien augmenter
le nombre des écoles. Tout cela, sans exagérer, uniquement en
calculant le nombre de groupes que cela représente de diviser les
étudiants à travers la province, cela prendrait entre 500 et 800
écoles nouvelles. Mais cela, je ne l'invente pas, s'il y a deux fois
plus de professeurs, puis deux fois plus de groupes, qui travaillent...
M. Lessard: II y a des écoles qui sont fermées
depuis des années. Vous avez des écoles fermées depuis des
années.
Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre! A
l'ordre!
M. Bienvenue: M. le Président, une question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Lamontagne): Le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bienvenue: Le député de Lafontaine a
parlé dans un silence absolu tout à l'heure, nous l'avons
écouté...
M. Lessard: ...
M. Bienvenue: Taisez-vous et laissez-moi parler.
M. Lessard: C'est correct, vas-y donc!
Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Une Voix: Dites-lui donc qu'il retourne aux Iles.
M. Bienvenue: M. le Président, nous l'avons
écouté et nous l'avons respecté sans nécessairement
partager ses opinions. Le ministre des Finances et de l'Education tient des
propos extrêmement sérieux qui peuvent fort bien ne pas recevoir
l'approbation de nos collègues d'en face, mais il faut qu'un jour ils
apprennent qu'on a le droit de parler de l'autre côté de la
Chambre, qu'on doit les écouter et qu'on doit nous écouter,
même si on ne partage les opinions émises. Je vous demande de les
rappeler à l'ordre proprio motu, M. le Président, et s'ils ne
sont pas sages, nous allons être obligés d'appeler le
député de Maisonneuve.
Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable ministre de
l'Education.
M. Garneau: M. le Président, cette demande de la CEQ, de
M. Charbonneau, de 24,000 enseignants de plus à
l'élémentaire est basée sur la fixation d'un nombre
maximum d'élèves par classe de 20 pour les trois premières
années et de 22 pour les trois dernières. De plus, et c'est
à souligner, la CEQ demande de réduire la tâche à 15
heures par semaine ou 900 minutes, et non seulement pour l'enseignement. Tout
à l'heure, j'ai posé ma question au député de
Lafontaine. Ce n'est pas 900 minutes d'enseignement, mais c'est 900 minutes
comprenant l'enseignement, la surveillance, les activités à
l'horaire des élèves, les rencontres entre enseignants et
professionnels non ensei-nants, avec les parents, la planification des travaux
de l'année, le perfectionnement, le recyclage, la collaboration avec les
enseignants stagiaires, et j'en passe.
Tout cela, 900 minutes. Quinze heures par semaine, c'est trois heures
par jour pour faire ce que je viens de mentionner. C'est écrit dans la
demande syndicale, dans le document qui a été
déposé, à la clause je pense que tous les gens
connaissent ce document concernant la charge de travail. Quand on
demande 900 minutes par semaine, trois heures par jour, ce n'est pas uniquement
pour de l'enseignement, mais c'est pour faire tout ce que je viens de dire.
Quinze heures par semaine, trois heures par jour. En fait, si on devait
accepter cela tel quel, non seulement nous serions irresponsables, mais je me
demande s'il resterait du temps aux enseignants pour s'occuper des
élèves. Je me demande surtout, et c'est plus grave, si les
enseignants sont au courant du fait que la CEQ a déposé une telle
demande en leur nom. Je serai surpris que ce soit pour la promotion d'une telle
demande que certains enseignants se sont sentis justifiés de poser
toutes sortes de gestes de harcèlement au cours des dernières
semaines.
Abordons maintenant la tâche au niveau secondaire. Dans le
document que j'ai fait distribuer, aux niveaux élémentaire et
secondaire, vous allez retrouver les clauses telles qu'elles sont
spécifiées à l'offre patronale et les commentaires tant
pour la charge de travail à l'élémentaire qu'au
secondaire, que je vais maintenant aborder.
Ici encore, la demande syndicale fixe un maximum de quinze heures par
semaine pour l'enseignement, la surveillance, les activités à
l'horaire des élèves, les rencontres avec les enseignants, avec
les professionnels non enseignants, avec les parents, etc.
De nouveau, donc, la demande syndicale est de quinze heures par semaine
au maximum, soit trois heures par jour. Peut-on demander mieux? Je pense que
oui puisque la CEQ demande mieux encore en exigeant des maximums
d'élèves par classe qui vont de 24 à 6, selon le type
d'enseignement.
L'effet combiné de ces demandes est d'ajouter 18,000 professeurs
au secondaire, c'est-à-dire que sur la base du nombre
d'élèves de 1974/75, dernière année de la
convention collective, le nombre de professeurs passerait de 35,800
à
54,000 enseigants qui auraient trois heures par jour de tâches
assignées.
Encore une fois je serais curieux de vérifier si les enseignants
du secondaire sont d'accord sur de telles exigences de la CEQ. La partie
patronale, dans son offre, établit ses propositions sur la base d'une
semaine d'environ 40 heures de travail, tel que l'a constaté la
commission d'enquête à laquelle faisait allusion le
député de Lafontaine, et que j'ai citée
antérieurement.
Sur ces 40 heures de travail globales que l'enseignant reconnaît
faire durant l'année scolaire, l'offre patronale considère que
32.5 heures devraient être mises à la disponibilité de la
Commission scolaire et que, selon les circonstances, les entretiens locaux
pourraient amender un peu cette considération. Elle reconnaît que
la moyenne provinciale actuelle d'heures de prestations et c'est
là notre offre; nous disons actuellement qu'il se donne entre 22 et 23
périodes d'enseignement de 45 minutes par semaine, soit entre seize
heures et demie et dix sept heures de cours par semaine.
C'est la situation actuelle dans la province de Québec. Il y a
entre 22 et 23 périodes, en moyenne, d'enseignement au niveau
secondaire.
Cela pourrait vous surprendre, mais l'offre patronale, contrairement
à ce qu'ont charrié certains agents syndicaux et qu'a
semblé indiquer tout à l'heure le député de
Lafontaine, ne demande pas d'augmenter le nombre de périodes
d'enseignement aux professeurs. Elle le tient pour acquis et comme étant
une donnée provinciale. Ce que l'offre propose aux enseignants, c'est de
reconnaître que leur présence à l'école secondaire
ne doit pas se limiter uniquement à la prestation de cours et que, pour
la qualité du climat des écoles, les enseignants consacrent au
total, en contact direct avec les étudiants, y compris l'enseignement,
25 périodes de 45 minutes par semaine, soit 18 heures 45 minutes.
Ce nombre de 25 périodes de 45 minutes par semaine, suivant
l'offre patronale et établi suivant la moyenne provinciale, est
constitué, d'une part, de 22 à 23 périodes, en moyenne,
d'enseignement et, d'autre part, de 2 à 3 périodes, toujours en
moyenne provinciale, d'autres activités éducatives, tels
l'encadrement des élèves, la surveillance, la suppléance,
etc. Pour la qualité du climat des écoles secondaires, je ne
trouve pas que cette offre soit farfelue.
Quant à la question du nombre d'élèves par classe,
elle n'est pas contenue comme telle dans l'offre déposée par la
partie patronale. Cependant, l'offre patronale abolit le ratio 1/17 pour le
remplacer par des facteurs de pondération qui tiennent compte du poids
de l'enseignement professionnel par rapport à l'enseignement
général. C'est justement un des aspects dont a parlé tout
à l'heure le proposeur de la motion de blâme à l'endroit du
gouvernement, le député de Lafontaine.
Justement, nous croyions que, du côté de l'enseignement
professionnel, il y avait lieu d'apporter une amélioration et d'assurer
une meilleure pondération dans les commissions scolaires où
l'enseignement professionnel était important ver- sus d'autres
commissions scolaires où l'enseignement professionnel n'existait
pas.
Sans entrer dans le détail de ces calculs de pondération,
je n'hésite pas à affirmer que cette proposition corrigera les
inégalités dues au degré différent du
développement de l'enseignement professionnel entre les commissions
scolaires. Cela aura, évidemment, un impact sur l'organisation de
l'enseignement et sur la distribution de la tâche d'enseignement entre
les enseignants.
Cette offre est-elle raisonnable? Je crois qu'elle l'est. Mais, de toute
façon, elle fournit une base de négociation plus réaliste
que la demande de la CEQ. Cette offre est-elle juste? Si on la compare avec la
tâche des enseignants du secondaire de l'Ontario, on doit
reconnaître qu'elle est avantageuse et, pour dire le moins, elle n'est
pas provocante.
En Ontario, d'après les données fournies par le
ministère de l'Education de cette province, la tâche typique d'un
enseignant est de 40 périodes de 40 minutes par semaine ou 1,600 minutes
ou encore 26.6 heures par semaine. De ces 40 périodes, 5 sont libres ou
non assignées, 5 sont consacrées à des activités
éducatives autres que l'enseignement et 30 sont consacrées
à l'enseignement. 30 périodes de 40 minutes d'enseignement, soit
1,200 minutes, donnent 20 heures d'enseignement par semaine; 5 périodes
de 40 minutes pour autres activités éducatives donnent 200
minutes, soit 3 heures 20 minutes par semaine. Au total, donc, ce sont les 23
heures 20 minutes d'enseignement et d'autres activités éducatives
de l'Ontario qu'il faut comparer aux 18 heures 45 minutes ou aux 25
périodes de 45 minutes par semaine de l'offre patronale
déposée au Québec.
Nous proposons je reviens là-dessus une charge de
travail qui correspond à 18 heures 45 minutes au Québec, contre
ce qui est observé en moyenne en Ontario actuellement, soit 23 heures 20
minutes par semaine.
M. le Président, si notre offre est provocante, je me demande
comment réagirait M. Charbonneau, le président de la CEQ, s'il
devait enseigner dans la province voisine.
M. Dufour: II ne l'accepterait pas!
M. Garneau: M. le Président, toute comparaison a ses
limites, j'en conviens volontiers. Ainsi, pourrait-on nous faire valoir que nos
enseignants du Québec, au secondaire, peuvent compter sur moins de
personnel de soutien professionnel, technique et administratif que leurs
collègues de l'Ontario.
Ici encore, nous avons vérifié auprès de la
commission scolaire du Toronto métropolitain, qui n'est pas la moins
dépourvue. Nous avons envoyé une équipe de personnes du
ministère de l'Education et du ministère de la Fonction publique
pour aller sur place rencontrer les gens, discuter avec les dirigeants pour
s'assurer qu'on parlait des mêmes choses, qu'on comparait les mêmes
données, pour voir si on était complètement en dehors de
la coche, pour voir si on était si méchant que
cela, au Québec, de proposer ce que nous proposions.
Voici ce qu'ont donné les analyses comparatives; si l'on fait le
ratio entre le nombre de professeurs et le personnel, dont le personnel
enseignant plus le personnel professionnel rattaché aux écoles,
cela donne un pour 16.7 étudiants à Toronto contre un sur 15.3 au
Québec. Nous sommes encore dans une meilleure situation, il y a plus de
monde. Si on ajoute à cela l'aide technique à l'enseignant, on
s'aperçoit qu'à Toronto cela donne un sur 16.6; au Québec
un sur 15.2. Là aussi nous sommes dans une situation avantageuse, il y a
plus de monde au Québec.
Troisièmement, même personnel qu'en a) et b), plus le
personnel de soutien administratif, cela donne un sur 15.2 à Toronto
contre un sur 13.9 au Québec; là aussi nous sommes mieux
placés.
Encore une fois ces éléments ne sont que des points de
référence et ne constituent pas une comparaison complète
et détaillée. Je suis prêt à considérer que
le climat des écoles, l'organisation scolaire, le curriculum, par
exemple, sont autant d'éléments supplémentaires qui
peuvent ajouter à la charge de travail. Voilà des comparaisons
entre ce que nous offrons et ce qui se fait dans la province voisine, qui est
plus riche que nous, où le système d'enseignement n'est pas,
à ce que je sache, dans une situation de délabrement lamentable.
Si on fait ces comparaisons, le moins qu'on peut dire lorsque M. Charbonneau
parle des offres patronales, celles qui ont été faites par la
Fédération des commissions scolaires et le gouvernement, c'est
que ces offres, ce n'est pas vrai qu'elles sont provocantes, ce n'est pas vrai
qu'elles sont déraisonnables.
Les seules conclusions que je me permettrai de tirer, à ce
moment-ci, c'est donc que les offres patronales, quant à la charge au
secondaire, constituent une proposition extrêmement raisonnable en
négociations et qu'en aucune façon, je le répète,
en aucune façon elles ne justifient les actes illégaux,
intempestifs, injustes et incompréhensibles qui ont été
posés par certains enseignants comme mesures de harcèlement.
M. le Président, je pourrais faire également une
présentation chiffrée sur toutes ces comparaisons. Tout à
l'heure je ferai distribuer le texte de mon intervention et j'attire
l'attention des députés sur le tableau qu'il y a à la page
16 A, qui résume assez bien cette comparaison que j'ai tenté de
faire.
M. le Président, je ne peux pas croire que les enseignants, s'ils
avaient été informés objectivement par leur syndicat,
auraient posé les gestes de harcèlement que nous avons connus. Je
ne peux pas croire non plus que des comités d'école et des
comités de parents auraient soutenu ces actions.
Les demandes syndicales, par une diminution du nombre d'heures de
travail et une réduction du nombre d'élèves par groupe,
amèneraient les commissions scolaires et les collèges à
engager au moins tout à l'heure j'ai parlé de
l'élémentaire, j'ai parlé des professeurs au secondaire;
si on additionne tout cela, à l'élémentaire et au se-
condaire et qu'on respecte les demandes de la CEQ, dans le sens que le
député de Lafontaine mentionnait tout à l'heure, il
faudrait engager dans une seule année 50,000 nouveaux professeurs, une
augmentation de plus de 60% par rapport à ce qu'il y a
présentement.
M. Léger: II dit cela sans rire.
M. Garneau: Cinquante mille professeurs, il en sort à peu
près... M. le Président, je ne crois pas, malgré ce qu'en
pense le député de Lafontaine, faire de démagogie en
disant qu'il sort à peu près deux mille et quelques centaines de
diplômés des universités du Québec
spécialisés dans le domaine de l'enseignement. Il en sort
à peu près 2,000 à 2,500 par année.
Si on dit qu'on veut respecter la demande de la CEQ, cela prendrait 20
ans avant d'être capable de répondre à cette demande. Quand
je dis, M. le Président, qu'on ne peut pas considérer la demande
que nous fait la CEQ, que nous fait M. Charbonneau, comme étant une
demande sérieuse, objective, pouvant être considérée
comme une chose réalisable, même si on voulait, même si on
mettait les centaines de millions que cela prend, même si on construisait
les 500 ou 800 écoles que cela prendrait, on n'aurait pas les
professeurs au Québec. Il faudrait aller les chercher je ne sais
où. J'ai essayé de savoir combien il sortait de
diplômés des universités, au niveau de la formation des
maîtres, en Amérique du Nord; je suis à me demander, je
vais avoir les chiffres à un moment donné, s'il en sort autant
que cela sur tout le territoire de l'Amérique du Nord dans une seule
année et c'est ce qu'on nous demande.
M. le Président, devant de telles exigences, on peut se demander
en quoi la partie syndicale peut prétendre être sérieuse.
La qualité de l'enseignement devrait donc représenter une
dépense additionnelle de plus de $650 millions au seul chapitre des
salaires des nouveaux enseignants et ce, uniquement pour la première
année de la nouvelle convention collective que nous sommes à
négocier. On peut donc se demander si les syndicats cherchent vraiment
à améliorer la qualité de l'enseignement. Si oui, les
contribuables québécois sont-ils prêts à payer la
note que représente la demande syndicale? J'ajoute: Est-ce qu'il y a un
nombre suffisant de jeunes Québécois qui veulent se lancer dans
l'éducation pour remplir tous ces postes?
J'aborderai maintenant la sécurité d'emploi et je voudrais
également déposer sur la table du greffier un tableau qui met en
comparaison le texte intégral des demandes syndicales, celui des offres
patronales et les commentaires. Si le consentement unanime de la Chambre
l'exige, je demanderais qu'il soit inséré ici dans mon
intervention pour que les lecteurs du journal des Débats puissent
comprendre quelque chose dans ces données. (Voir annexe)
Le Vice-Président (M. Lamontagne): Je vais demander le
consentement unanime?
M. Dufour: On l'a eu tantôt. Une Voix: D'accord.
M. Garneau: Merci. M. le Président, j'ai donc ce tableau
qui va être distribué sur la sécurité d'emploi et
qui met en parallèle la demande syndicale et l'offre patronale. Comme je
l'ai mentionné, ce tableau va vous être distribué et vous
pourrez sans doute mieux comprendre les explications ou les commentaires que je
vais faire.
La partie patronale a donc accepté et quand je dis la
partie patronale, je veux dire le ministère de l'Education, le
gouvernement du Québec et la Fédération des commissions
scolaires et la Fédération des CEGEP d'accorder non
seulement aux enseignants mais à tout le personnel syndiqué de
l'éducation la sécurité d'emploi selon des
modalités comparables à celles qui existent dans les
réseaux des affaires sociales, de la fonction publique, telles qu'on les
connaît aujourd'hui. C'est là une importante amélioration,
surtout si on tient compte que les travailleurs de l'enseignement des autres
provinces ne bénéficient pas d'un régime
général de sécurité d'emploi. Que cette
sécurité soit assortie d'une mobilité régionale et
provinciale, cela me paraît aller de soi. En effet, comment les
commissions scolaires et le gouvernement pourraient-ils être
justifiés de payer en trop des enseignants d'une région
donnée alors que les commissions scolaires ou les CEGEP embaucheraient,
dans une autre région, de nouveaux enseignants ayant les mêmes
qualifications.
L'expérience observée au cours des dernières
années a démontré que plus de 80% des enseignants mis en
disponibilité ont trouvé un nouvel emploi dans la commission
scolaire qui les employait antérieurement ou dans les commissions
scolaires limitrophes. j'aborderai maintenant les offres salariales pour les
comparer aux demandes que nous a faites la CEQ. Chez les enseignants,
l'augmentation de la masse salariale demandée par les syndicats pour la
première année est de 63%, alors que l'offre gouvernementale est
de 29.8% pour l'ensemble des enseignants.
Chez les professionnels, la demande d'augmentation de la masse pour la
première période est de 39.1%, alors que nous offrons 31.39%.
Chez le personnel de soutien, ces pourcentages sont les suivants: 74.9% dans la
demande syndicale et 32.9% dans l'offre patronale. Enfin, chez les ouvriers,
les syndicats réclament des traitements qui entraîneraient une
augmentation de 61.4% de la masse pour la première année, alors
que le gouvernement offre 39.41%.
Au total, à la masse salariale, qui était de $1,108
millions au 30 juin 1975, les syndicats voudraient ajouter $696 millions
dès la première année, plus $650 millions pour l'addition
de nouveaux professeurs, c'est-à-dire tout près de $1,300
millions de plus. Avant de dire que les offres patronales sont inacceptables,
il serait sans doute utile que les membres de la CEQ les analysent et regardent
bien les montants additionnels qui leur seront versés, en regard des
échelles qui étaient en vigueur au 30 juin 1975.
A cet effet, je fais distribuer aux députés je
demanderais aux membres de l'Assemblée nationale de les distribuer
et à ceux de la Tribune de la presse qui sont là, des tableaux
qui représentent pour toutes les catégories de travailleurs et
pour tous les corps d'emploi, les salaires effectivement versés pour les
trois années de la convention collective, si l'on suivait en entier les
offres patronales. (voir annexe)
De l'ensemble des données, on peut dégager les
augmentations des échelles de traitement de la façon suivante.
Dans le cas des enseignants, par exemple, on obtient, pour la première
année, 26.5% pour ceux qui sont au maximum des échelles, qui ont
quinze ans d'expérience. Plus de 30% pour la première
année, pour la majorité des enseignants qui
bénéficient d'un avancement annuel d'échelon. Plus de 40%
pour ceux qui ont treize ans de scolarité et, enfin, plus de 50% pour
ceux qui ont douze ans de scolarité. Ce sont là les taux de
croissance de leur salaire pour la première année de la
convention, suivant l'offre patronale.
En ajoutant 8% pour la deuxième année de la convention et
6% pour la troisième, et en comptant le pourcentage de 4% pour
l'avancement annuel d'échelon qui est automatique, on obtient les
pourcentages suivants pour toute la durée de la convention. Pour les
trois ans de la convention, cela signifie donc 44.8% pour ceux qui sont au
maximum des échelles, c'est-à-dire ceux qui ont quinze ans
d'expérience; 60% pour ceux qui bénéficient d'avancement
d'échelon; environ 74% pour ceux qui ont treize ans de scolarité
et qui bénéficient d'avancement d'échelon et 89%
d'augmentation pour ceux qui ont douze ans de scolarité et qui peuvent
bénéficier d'avancement d'échelon.
Ce sont là les offres patronales pour les trois années de
la convention collective. Prenons des exemples pour bien illustrer ces
données. Un agent de bureau classe I, qui au 4e échelon gagnait
$6,314 selon l'échelle du 30 juin 1975, recevra $9,027 à la
première année de la convention donc il passe de $6,300
à $9,027 $10,119 à la deuxième année,
$11,157 à la troisième année. Cette comparaison entre les
échelles amène donc une augmentation de $4,843 ou 76.7% en trois
ans.
Un ingénieur au troisième échelon de la classe II,
son échelle était de $13,183 au 30 juin 1975 et elle devient
$24,628 à la troisième période de la convention, une
augmentation de 86%.
Un enseignant, douze ans de scolarité, au 30 juin 1975, qui
était au septième échelon avait $7,189 selon
l'échelle de traitement du 30 juin 1975. Cette échelle passe
successivement pour lui de $7,189 à $11,089, puis à $12,403 et,
enfin, à $13,600, ce qui représente pour lui une augmentation de
89%. On nous dit que ce sont là des offres provocantes!
Prenons, enfin, un autre enseignant à 17 ans de scolarité,
au 30 juin 1975, qui était aussi à l'échelon 7.
L'échelle, pour lui, passe successive-
ment de $11,176 à $14,636 à $16,343, à $17,882,
pour une augmentation de 60%. J'ai de la difficulté à croire que
la CEQ est sérieuse lorsqu'elle déclare que de telles offres sont
inacceptables et qu'elles constituent, je le répète, des
provocations. Ce sont là quelques exemples. On pourra trouver des
données de cette nature pour tous les corps d'emploi dans les documents
que j'ai fait distribuer. Les données que je viens de fournir, tant sur
la charge de travail que sur la sécurité d'emploi et le
traitement, indiquent clairement que la partie patronale croit en la
qualité de l'enseignement et qu'elle est prête à traiter de
façon équitable ceux qui y travaillent.
Je n'ai parlé, jusqu'à maintenant, que des trois aspects
les plus fondamentaux. Il existe, évidemment, une kyrielle de demandes,
de revendications contenues dans la proposition que nous ont faite les membres
de la CEQ. Venons-en maintenant au climat dans les écoles. En
période de négociation, il n'est pas surprenant que les parties
utilisent différents moyens pour faire valoir leur point de vue et pour
attirer les sympathies de l'opinion publique. Ces moyens doivent cependant se
situer à l'intérieur des règles du jeu qui
régissent les relations du travail. C'est ainsi que les employés
et les employeurs ont un recours ultime de pression et de sensibilisation de
l'opinion publique, c'est la grève et le lock-out. Encore ici, le Code
du travail précise bien les modalités d'exercice de ce droit.
Dans la situation actuelle, les parties négociantes n'ont pas encore
acquis ce droit.
Les syndicats, lors du dépôt des offres patronales et
même avant, ont brisé les règles du jeu en refusant de
négocier à partir d'offres qu'ils qualifiaient d'inacceptables et
qu'ils identifiaient à un mouvement de provocation. Les règles du
jeu auraient voulu que les syndicats répliquent par des
contre-propositions et qu'ils acceptent de négocier en attendant, le cas
échéant, de recourir à la grève. Ce n'est pas ce
qu'ils ont fait, ils ont plutôt entrepris un mouvement de
harcèlement dont les premières victimes sont les enfants
eux-mêmes.
Ces mesures ont pris la forme de dépôt de colle dans les
serrures, de maladies simulées, de refus de remettre les bulletins aux
élèves, d'arrêts illégaux de travail, etc. Au
demeurant, il ne peut aucunement être question que le gouvernement et ses
partenaires tolèrent la désorganisation du monde scolaire encore
longtemps si cela devait mettre en danger l'année scolaire des
élèves.
Le gouvernement et ses partenaires avaient et ont encore trois
instruments pour faire face à de telles situations. Ils peuvent faire
appel au pouvoir judiciaire pour demander des injonctions. Deuxièmement,
le gouvernement, avec ses partenaires, peut aussi, par le pouvoir
législatif, adopter une loi décrétant les conditions de
travail pour les travailleurs de l'éducation. Troisièmement, le
gouverne- ment et ses partenaires peuvent enfin tout mettre en oeuvre pour
inviter les parties syndicales à négocier.
Jusqu'à maintenant, nous avons mis l'accent sur la
troisième façon de faire et nous avons multiplié les
appels aux syndicats pour qu'ils cessent leurs mesures de harcèlement et
qu'ils viennent négocier. Ceci n'a évidemment pas
empêché les commissions scolaires et les CEGEP de couper, comme il
se devait, les traitements des enseignants qui, d'une façon ou d'une
autre, n'ont pas accompli leurs obligations professionnelles.
La partie patronale est tout à fait disposée à
déployer les efforts nécessaires pour que l'essentiel du litige
soit liquidé avant Noël, de telle sorte qu'un règlement
global puisse intervenir dès le début de la prochaine
année. Pour ma part, j'ai toujours souhaité et je souhaite
encore en arriver à un règlement négocié. Si
la partie syndicale veut collaborer, je suis convaincu que le gouvernement et
la Fédération des commissions scolaires pourront en arriver avec
le syndicat, et dans des délais relativement courts, à une
entente véritablement négociée.
Si des conventions collectives ont pu être agréées
par les parties récemment dans d'autres secteurs, je ne vois pas
pourquoi la même chose ne pourrait pas se produire en éducation.
Inutile de vous dire que je voterai contre la motion du député de
Lafontaine.
Le Vice-Président (M. Lamontagne): Le député
de Saguenay.
M. Lessard: M. le Président, est-ce qu'il est possible de
considérer qu'il est six heures, et je demanderais la suspension du
débat?
Travaux parlementaires (suite)
M. Bienvenue: M. le Président, avant qu'il soit six
heures, dans deux minutes, puis-je donner avis que la commission parlementaire
de la justice se réunira le mardi, 16 décembre prochain, à
compter de dix heures ou onze heures si la Chambre siège à dix
heures, au salon rouge, aux fins d'étudier les deux projets de loi
privés suivants: le projet de loi no 109, Loi concernant une donation
à l'Institution royale pour l'avancement des sciences et le projet de
loi no 158, Loi concernant la succession de Joseph David Rodolphe Forget. Je
demande la suspension des travaux jusqu'à ce soir, vingt heures
quinze.
Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'Assemblée
suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
Reprise de la séance à 20 h 21
Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre,
messieurs!
L'honorable ministre de l'Immigration.
M. Bienvenue: Je voudrais faire une mise au point importante, M.
le Président, une correction qui s'impose, à la suite d'une
erreur du leader du gouvernement.
M. Levesque: Question de privilège.
M. Bienvenue: Juste avant la suspension des travaux à six
heures, j'ai donné avis de la tenue d'une séance de commission,
sans faire d'erreur, pour l'étude du projet de loi no 109, Loi
concernant une donation à l'Institution royale pour l'avancement des
sciences.
Une Voix: Très bien.
M. Bienvenue: Or, le leader du gouvernement, et j'arrive à
son erreur, lorsqu'il a fait motion pour déférer l'étude
du même projet de loi aujourd'hui a parlé de la commission
parlementaire de l'éducation, des affaires culturelles et des
communications, alors qu'il aurait dû parler d'une commission dont il
connaît bien le sujet, M. le Président, qui est celle de la
justice.
Cette erreur étant corrigée avec le consentement de la
Chambre, le pardon étant accordé au leader du gouvernement, je me
rassois.
M. Levesque: M. le Président, question de
privilège. Sans vouloir retarder les travaux de cette Chambre, je tiens
à faire remarquer à mon honorable collègue que, lorsque je
fais des erreurs, je suis le premier à l'admettre. Dans ce cas-ci, il
s'agit simplement d'un projet de loi qui aurait pu être
déféré soit à la commission de l'éducation,
soit à la commission de l'agriculture, soit à la commission de la
justice. Or, nous avons trouvé qu'il était
préférable que ce projet de loi soit déféré
à la commission parlementaire de la justice, vu que cette commission
siégera pour d'autres sujets.
Alors, c'est dans un souci d'efficacité que ceci a
été fait et je tiens à le souligner bien modestement.
M. Charron: M. le Président, je croyais que la
référence aux affaires culturelles était due à la
mention du mot "royale" dans le titre du projet de loi.
M. Lacroix: M. le Président, je suis heureux de constater
que le leader a commis une erreur parce que cela nous prouve encore une fois
qu'il est le plus humain des députés.
M. Levesque: Très bien.
Le Président suppléant (M. Lafrance):
L'erreur...
M. Levesque: II semble bien que je devrai porter ma croix, M. le
Président.
Le Président suppléant (M. Lafrance): L'erreur
étant commise et corrigée, nous revenons aux débats.
Le député de Saguenay.
Motion de M. Léger (suite) M. Lucien
Lessard
M. Lessard: M. le Président, en parlant du fait que le
leader parlementaire du gouvernement soit le plus humain des
députés, je souhaiterais que les parlementaires soient aussi un
peu plus humains lorsqu'ils discutent de la situation de l'enseignement et de
la situation de l'enseignant au Québec.
Une Voix: Surtout le ministre de l'Education.
M. Lessard: Particulièrement le ministre de l'Education
dont je regrette l'absence ce soir. Contrairement à lui, je dois dire
que je connais un peu ce qu'est la situation dans l'enseignement puisque j'ai
eu l'occasion d'enseigner pendant dix ans et de connaître un peu la
situation. D'autant plus que je puis dire, comme député, que
j'envoie mes enfants à l'école publique et non pas à
l'école privée.
M. Dufour: Qu'est-ce que cela prouve?
M. Lessard: M. le Président, lorsque j'entendais le
ministre de l'Education faire le panégyrique de l'école publique
cet après-midi, je me posais certaines questions. Lui-même n'a pas
accepté ou n'a pas continué d'envoyer ses enfants à
l'école publique. Donc, nous sommes en train d'avoir deux
systèmes: un système pour les ministres ou un système pour
les députés, bien établi, et un système pour
l'ensemble de la population.
M. Massicotte: ...
M. Lessard: Cependant, M. le Président, je dois dire que
j'ai rarement entendu autant de so-phismes au cours d'une intervention. Ou bien
le ministre de l'Education est de mauvaise foi, ou bien il ne comprend
absolument rien à l'enseignement, ou encore il n'a pas très bien
lu le projet de convention collective tel que demandé par les
enseignants.
J'ai plutôt l'impression que le ministre n'a rien compris. J ai
l'impression aussi que cela semble être le cas de beaucoup de
députés, ici, à l'Assemblée nationale. Pourtant, il
y a des enseinants, ici, à l'Assemblée nationale. J'espère
qu'ils pourront avoir l'occasion de se faire entendre au cours du débat
sur cette motion de blâme qui est présentée par le
député de Lafontaine. Je pense que même si cette motion de
blâme est actuellement présentée contre le gouvernement
actuel, elle devrait aussi être présentée contre les
anciens gouvernements.
M. le Président, pour vous exposer très
concrètement ce que peuvent être un certain nombre de sophismes
qui ont été présentés par le ministre de
l'Education ce soir, je voudrais vous donner deux ou trois exemples que vous
connaissez très bien, vous qui êtes notaire. L'autre jour,
à mon bureau, un individu venait me voir pour avoir des explications. Il
me disait ceci: M. Lessard, j'ai eu l'occasion de faire plaider une cause par
un avocat, et il m'a présenté immédiatement le compte,
soit la somme de $1,800. Il m'a expliqué que cet avocat en
question...
Une Voix: Est-ce que c'était le député de
Chicoutimi?
M. Lessard: ... n'avait plaidé qu'environ une heure devant
le juge.
L'individu, normalement, me dit: M. Lessard, pouvez-vous comprendre
qu'on me demande $1,800 pour avoir plaidé une heure devant un juge?
Est-ce qu'on doit payer ces gens-là $1,800 l'heure?
M. Dufour: II s'est fait fourrer.
Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous
plaît! L'honorable député de Charlesbourg, qui n'est pas
à son siège!
M. Lessard: M. le Président, il m'a donc fallu je
pense que le ministre de l'Immigration, comme avocat, connaît très
bien les explications que nous avons pu donner à cet individu
communiquer avec l'avocat en question pour lui demander le détail du
compte. C'est alors que j'ai constaté que, dans le détail du
compte, entraient toutes sortes de frais, par exemple, communications avec
d'autres avocats, enregistrement de plainte, ainsi de suite, et
préparation de la plaidoirie. Ceci, en fait, démontrait que
l'avocat en question n'avait pas travaillé une heure seulement devant le
juge, mais avait dû, pour préparer sa cause, travailler un certain
nombre d'heures, ce qui permettait de conclure que l'avocat ne réclamait
pas $1,800 l'heure, mais bien un montant qui était prévu selon,
justement, la Loi du Barreau.
J'ai eu, l'autre jour, un autre cas où un avocat réclamait
$7,500 pour un compte; en fait, il s'agissait d'un montant de $15,000 qui avait
été obtenu de la part de l'avocat. Encore là, il m'a fallu
expliquer que ce n'était pas $7,500 l'heure que l'avocat demandait, mais
qu'il y avait bien un ensemble de causes qui faisaient que l'avocat avait
travaillé beaucoup plus que le nombre d'heures où l'individu
l'avait vu directement au travail.
La même chose peut se faire au niveau de l'ingénieur.
Figurez-vous, M. le Président, que l'ingénieur vient chez vous;
vous lui demandez de préparer le cadastre de votre terrain. Il vient une
heure sur le terrain, prend quelques mesures et, par la suite, vous
réclame un montant de $2,000 ou $2,500, je ne le sais pas.
Une Voix: C'est impossible.
M. Lessard: Je connais des médecins, M. le
Président, qui ont défendu... Je pense qu'il ne faudrait
pas...
M. Dufour: Nommez-les, vos médecins!
M. Lessard: ... démontrer tellement une solidarité
de classe...
M. Dufour: Nommez-les vos médecins, M. le
Président.
M. Lessard: ... et on se rappelle... M. Dufour:
Nommez-les.
Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lessard: Je voudrais prendre ces exemples pour
démontrer que l'enseignant peut aussi être un professionnel. Et
quand ici, à l'Assemblée nationale, on discute du problème
de l'enseignant, on discute des enseignants, eh bien! on le fait comme si
c'était autant de boucs émissaires sur lesquels il faudrait
tomber comme des chacals. Mais, M. le Président, je voudrais vous
souligner quand même qu'il y a quelque temps un certain nombre de
médecins ont commencé à se désengager du
système.
M. Dufour: ... excellent.
M. Lessard: Cela allait mal dans certaines régions du
Québec, dont la région du Lac-Saint-Jean. Il y avait des
individus qui devaient payer, de pauvres individus, directement de leur poche
pour obtenir des soins médicaux. Je me rappelle que le Dr Dufour, le
député de Vanier, défendait la cause de ces
médecins ici à l'Assemblée nationale et qu'on trouvait,
semble-t-il, tout à fait normal que les médecins prennent des
moyens nécessaires pour se faire entendre auprès du ministre des
Affaires sociales.
M. Dufour: Mais on continuait à travailler quand
même. Veux-tu le dire?
M. Lessard: Mais, M. le Président, ce que je veux
souligner, c'est que peut-être les médecins ont d'excellentes
raisons de réclamer certaines choses, que peut-être les avocats
ont d'excellentes raisons de réclamer certaines choses, mais que
peut-être aussi les enseignants et il y en a ici à
l'Assemblée nationale...
M. Dufour: Cela n'a pas de fondement, ton affaire.
M. Lessard: ... ont d'excellentes raisons aussi de faire un
certain nombre de revendications. Parce que j'ai l'impression qu'ici, à
l'Assemblée nationale, on comprend très mal la situation de
l'enseignement comme de l'enseignant actuellement. Un exemple sur lequel
je reviendrai, M. le Président, pour le démontrer de façon
plus parti-
culière de ce qui s'est passé ou des sophismes que
le ministre de l'Education a faits cet après-midi, c'est lorsqu'il nous
a parlé de l'article 81.04 selon lequel les enseignants ne voudraient
travailler que 900 minutes par semaine. M. le Président...
Une Voix: Vous avez honte de donner cela en heures.
M. Lessard:... le ministre de l'Education disait que les demandes
syndicales comprenaient 900 minutes devant les étudiants.
Des Voix: Minute!
Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre s'il vous
plaît!
M. Lessard: ... tout compris, y compris les préparations,
y compris l'enseignement, y compris les corrections comme la surveillance,
comme les activités à l'horaire des élèves, les
rencontres avec les enseignants, planification des travaux, etc.
M. le Président, pour vous démontrer encore une fois la
mauvaise foi du ministre de l'Education, cette affirmation est
complètement fausse et prouvée par l'article 81.04. En effet, M.
le Président, dans les 900 minutes, ne sont aucunement comprises, selon
les demandes des enseignants, la préparation et la correction, soit la
préparation des cours et la correction des examens. Ce n'est pas
compris. De même, pour un bureau d'avocats ou pour un avocat, il faut,
avant de se présenter devant la cour, préparer notre plaidoirie,
de même aussi faut-il, pour des enseignants, avant de se présenter
devant leurs étudiants, faire la préparation de leurs cours. De
même faut-il aussi, pour des enseignants, une fois que leurs cours ont
été préparés, une fois que les examens ont
été préparés et soumis aux étudiants, de
même faut-il aussi, prévoir des heures de correction.
Contrairement à ce qu'a affirmé le ministre cet
après-midi, les préparations et les corrections ne sont pas
comprises dans les 900 minutes telles que demandées en vertu de
l'article 81.04 de la convention collective. M. le Président, je soumets
très respectueusement que le ministre de l'Education qui, toujours,
envoie ses enfants à l'école privée, a trompé la
Chambre. Je pense que ceci est grave et je pense que ceci est de la
provocation. Lorsqu'on discute de la situation de l'enseignement et de la
situation des enseignants, on ne joue pas avec n'importe quoi. On joue avec
l'une des ressources humaines les plus fondamentales dans la
société québécoise, à savoir les enfants du
Québec, à savoir l'éducation qui devrait être, je
pense, beaucoup plus que les Jeux olympiques, qui devrait être la
préoccupation fondamentale non seulement de tous les
députés mais de l'ensemble des citoyens québécois.
Il est extrêmement important d'être très prudent.
Je voudrais, au cours de cette intervention, non pas vous parler de
tuyauterie mais vous donner une expérience personnelle, que j'ai
vécue comme enseignant. Je voudrais vous dire ce qu'un enseignant
ressent aujourd'hui, après plusieurs années de tracasseries
administratives et plusieurs années de décrets qui nous ont
été imposés constamment par les gouvernements.
Je voudrais vous rappeler quelques citations du rapport Parent,
où on souligne, à plusieurs reprises, non seulement l'importance
du maître dans la réforme de l'éducation mais aussi dans la
société. Il faudrait quand même que chacun des
députés, que chacun d'entre nous prenions conscience qu'avant
d'être ici à l'Assemblée nationale il a fallu qu'un
maître, qu'un professeur, qu'un enseignant commence à faire le
travail d'éclairage, ou le travail de renseignement, ou le travail
d'éducation comme tel. Je ne sache pas qu'il y ait ici, à cette
Assemblée nationale, des avocats et des médecins, qu'ils sont
actuellement, sans avoir au préalable passé devant un enseignant.
"Le maître disait la commission Parent est le personnage
central de toute entreprise de réforme de l'enseignement. C'est de lui
surtout que dépend la qualité de l'école. C'est à
lui, pour une bonne part, qu'il appartient de sauvegarder et de
développer les valeurs fondamentales de notre univers culturel et de
notre organisation démocratique et de tracer ensuite le portrait du
véritable maître et de sa mission éducative et sociale."
Parce que, chez les enseignants, on parle toujours de mission, on parle
toujours de sacerdoce; on ne parle pas de ça pour les
députés. Chez les enseignants, encore à ce
moment-là, au moins en 1963, au moment de la commission Parent, on
parlait du sacerdoce de l'enseignant. "On ne saurait être trop
sévère écrivait la commission Parent dans le
choix de futurs maîtres. L'honneur d'une carrière aussi importante
ne doit être accordé qu'aux meilleurs candidats, à ceux
seulement qui manifestent vitalité intellectuelle peut-être
qu'il n'y aurait pas beaucoup de députés humanisme et
désir de servir. L'éducateur professionnel est chargé
d'une fonction éminente. Sa mission, c'est de représenter devant
la jeunesse l'homme à son meilleur. L'enseignant, tel que nous venons de
le décrire, est entouré d'un respect particulier. On est
spécialement exigeant pour le maître, pour sa conduite, pour sa
tenue."
Voilà la fonction idyllique du maître, telle qu'elle fut
d'ailleurs enseignée jusqu'à ces dernières années
au sein des institutions de formation des maîtres. C'était
d'ailleurs celle que je partageais lorsque, en 1962, je délaissais un
emploi, qui était peut-être beaucoup plus lucratif, qui
m'était offert au sein de la fonction publique, pour me diriger vers
l'enseignement après 19 ans d'études, tant au niveau primaire,
secondaire qu'universitaire.
Le salaire de base qui m'était offert, $6,000 par année.
Il faut vous souligner aussi, car je calcule que c'est quand même
important dans la décision qu'un enseignant a à prendre, que je
m'étais endetté pour payer mes études d'une somme de
$7,000 à $8,000 et, heureusement, j'avais été aidé
par mes parents.
Le choix de cette profession m'avait non seulement attiré une
certaine disgrâce au sein de ma famille, mais aussi les sarcasmes de
certains de mes confrères plus ambitieux ou peut-être moins
naïfs qui s'étaient dirigés, eux, vers le droit, la
médecine, le génie ou autres professions beaucoup plus
lucratives, le notariat en particulier. Choisir l'enseignement après
avoir fait un cours classique, comme on le désignait dans le temps, nous
attirait le qualificatif qui se répand de plus en plus; nous
étions des ratés. Le respect que nous reconnaissait la
société libérale capitaliste était loin de celui
que nous avions lu dans les livres, car, dans cette société, le
respect accordé aux fonctions est d'abord basé sur le salaire
gagné. Après quelques années, j'avais l'air bien miteux
à côté de mes confrères, médecins ou avocats,
propriétaires de leur maison, alors que je n'étais que locataire,
et se baladant dans leur grosse automobile de l'année.
Mais nous commencions à être structurés sur le plan
syndical. En effet, vous vous rappelez que, depuis 1946, malgré les
pressions constantes du milieu, les enseignants avaient commencé
à se regrouper sur le plan professionnel. Un peu comme le disait le
ministre de l'Education cet après-midi, on nous soulignait, à ce
moment, que les enseignants ne devaient pas être des syndiqués,
que, si les enseignants voulaient être de véritables
professionnels, ils ne devaient pas se syndiquer. On nous disait que les
étudiants allaient blâmer les enseignants qui se syndiquaient. Il
aurait fallu continuer dans le système qu'on voulait bien nous imposer,
être des moutons, se faire manger la laine sur le dos et ne rien faire
pour garder justement cette idée ou ce symbole de l'enseignant idyllique
qu'on nous avait prôné au moment où nous étions dans
des institutions de formation des maîtres.
Notre force commençait à s'imposer auprès des
commissions scolaires car c'était l'époque des
négociations locales. Je pense, M. le Président, que le
député de Saint-Jean va se rappeler ces époques presque
historiques, au cours desquelles nous avons dû faire des efforts
considérables pour obtenir le minimum de choses à
l'intérieur d'une convention collective.
On nous a reconnu le droit de grève. Il nous a été
à peu près impossible de l'utiliser. En 1966, on nous imposait la
négociation provinciale et, en 1967, au moment où nous
entreprenions pour la première fois une action collective pour
revendiquer de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail, le
projet de loi 25 nous tombait sur la tête et gelait les salaires d'une
grande partie des enseigants du Québec, particulièrement des
régions de la Côte-Nord, car nous avions réussi, au cours
des années précédentes, à obtenir de meilleures
conditions salariales que d'autres régions.
On décidait donc d'uniformiser par le bas et de geler les
salaires de ceux qui gagnaient plus pour permettre à ceux qui gagnaient
moins de rattraper ces gens. De 1967 à 1970 nous vivions donc sous le
saint décret du gouvernement du Québec. Résultat: en 1970,
après huit ans dans l'enseigne- ment, avec dix-neuf ans de
scolarité, je gagnais la jolie somme de $9,700 par année.
J'enseignais 23 périodes de 45 minutes à dix groupes de 28
à 37 étudiants et je devais non seulement préparer mes
cours, mais aussi les dactylographier, sans avoir appris la dactylo, donc doigt
par doigt, de même que passer les stencils à la Gestetner. Je
pense que le député de Saint-Jean se rappelle cette
période, car nous n'avions aucun personnel de soutien à notre
disposition.
A ce sujet, je voudrais simplement vous citer un rapport du
ministère de l'Education, soit le rapport CETEES, la Commission
d'étude de la tâche des enseignants de l'élémentaire
et du secondaire, qui dit à la page 38, concernant la tâche de
l'enseignant: "Toutes proportions gardées, l'emploi de l'enseignant
ressemble à celui de banquier dans une ville moyenne, il y a 50 ans. Le
banquier était responsable de tout et assurait tous les services. Il se
devait d'accomplir lui-même des tâches reliées à la
comptabilité, à la promotion, au placement, au prêt,
à l'ordre et à l'entretien des lieux, à
l'établissement et à la rédaction des rapports.
Aujourd'hui, cet emploi a donné naissance, de façon fonctionnelle
et ordonnée, à des emplois de gérants de banque,
comptables, agents de relations extérieures, courtiers,
secrétaires, évalua-teurs.
Mais pour l'enseignant, cette évolution ne s'est pas encore faite
et, bien souvent, l'enseignant est obligé de faire toutes ces fonctions,
à savoir fonction de dactylographie, fonction d'impression, etc.
En plus, M. le Président, je devais dispenser mes cours dans
trois matières académiques. Ajoutez à cela les heures de
correction de travaux et vous pouvez être convaincu que mes 50
heures-semaine de travail étaient largement dépassées.
Je voudrais ici donner certaines explications. Lorsque le ministre de
l'Education nous parle toujours d'heures de travail, encore là, c'est
une situation fausse. Ce n'est pas vrai. Ce que les enseignants donnent, ce
sont des périodes d'enseignement. Il faudrait aussi prendre conscience
qu'une période de 45 minutes d'enseignement donné devant 30 ou 35
étudiants nécessite non seulement une préparation des
cours mais donne une tension chez l'enseignant qui n'existe pas
particulièrement dans d'autres fonctions. Je dois vous dire bien
sincèrement je suis assuré que les députés
ici à l'Assemblée nationale qui ont déjà fait de
l'enseignement le comprendront qu'après cinq périodes
d'enseignement dans une journée à des groupes de 30 ou 35
étudiants, la journée de travail est fort bien remplie.
Vous comprendrez en même temps qu'avec ce salaire, pour joindre
les deux bouts, il me fallait et il nous fallait non seulement moi mais
d'autres enseignants faire du travail supplémentaire,
particulièrement vers le mois d'avril. Bien souvent, pour aider un
certain nombre de personnes, il m'arrivait de faire des rapports d'impôt
pour des travailleurs journaliers à l'Hydro-Québec. Je vous avoue
bien honnêtement que j'ai souhaité à plusieurs reprises
être journalier à l'Hydro-Québec,
car les salaires qui étaient faits par ces gens étaient
passablement supérieurs à celui qui m'était
accordé.
En 1970, les enseignants entreprennent leur deuxième
négociation collective à l'échelle provinciale. Encore une
fois, vous le savez, selon les circonstances que tout le monde connaît,
c'est l'imposition d'un deuxième décret. L'arrêté en
conseil no 381172 du 15 décembre 1972 détermine les conditions de
travail des enseignants à l'emploi des commissions scolaires et des
commissions régionales jusqu'au 1er juillet 1975.
C'est dans ce cadre que nous devons analyser non seulement la
négociation collective dans le secteur de l'enseignement mais aussi la
situation même de l'enseignement au Québec. J'aimerais expliciter
un peu quelles ont été les conséquences non seulement
d'une situation malsaine au niveau de l'enseignement qui était
créée par l'imposition de décrets qui étaient plus
ou moins acceptés par les enseignants mais je voudrais vous
préciser un peu quelle était la situation de l'enseignant
à ce moment.
Depuis huit ans, les enseignants n'ont pas choisi leurs conditions de
travail. Ces conditions leur ont été imposées et les
enseignants n'ont pas la même possibilité que les
députés à l'Assemblée nationale. Ils ne peuvent pas
négocier eux-mêmes leurs conditions de travail; ils ne peuvent pas
négocier eux-mêmes leurs salaires. Il faut, justement, qu'il
passent par la négociation et, bien souvent, ils sont dans l'obligation
non seulement de vendre leur marchandise au gouvernement du Québec, mais
particulièrement de la vendre à la population
québécoise. Parce que vous comprendrez que ce sont toujours les
citoyens québécois qui paient pour le salaire des
enseignants.
Il est très facile pour le gouvernement du Québec, comme
d'ailleurs l'avait fait M. Jean Cournoyer en 1969, par quelques sophismes,
comme nous en a exprimé le ministre de l'Education cet
après-midi, de réussir à obtenir l'accord de la population
pour forcer les enseignants à accepter des conventions collectives qui
non seulement ne sont pas à leur avantage, bien souvent, mais
particulièrement ne sont pas à l'avantage des étudiants
québécois.
Les conséquences néfastes de cette situation n'ont
cessé de se développer. C'est la dégradation constante du
climat dans l'enseignement. D'abord, nous constatons que les meilleurs
éléments quittent l'enseignement pour un travail plus
rémunérateur et dont les conditions sont meilleures. Les
meilleurs enseignants quittent l'enseignement public pour se diriger vers
l'enseignement privé. Quant à ceux qui restent, ils ont perdu
tout intérêt et n'ont d'autre choix, en général, que
de s'installer dans une sorte de résistance passive.
Il faudrait aussi se rappeler que, lorsque je ne voudrais pas
faire tout l'historique le gouvernement du Québec a
décidé de nous imposer la négociation provinciale, nous
avions, dans des régions du Québec, été dans
l'obligation de suivre un certain nombre de cours. Pour suivre ces cours, les
commissions scolaires régionales avaient accepté de payer une
partie de ces cours et de nous reconnaître un certain nombre
d'années de scolarité ou de demi-années de
scolarité.
Lorsque la négociation provinciale nous a été
imposée, tous ces avantages que nous avions obtenus au niveau de la
négociation régionale nous ont été enlevés,
de telle façon que nous avions des enseignants à qui on avait
reconnu, au niveau de la négociation régionale, 14 ou 15 ans de
scolarité et qui se voyaient, sinon baissés, du moins
gelés à des salaires qui correspondaient, pendant X temps,
à 15 ans de scolarité. Il faudrait dire aussi que les cours de
recyclage, qui avaient été imposés par certaines
commissions scolaires, qui étaient reconnus et qui nous permettaient
d'obtenir un salaire supplémentaire, étaient annulés par
suite de la convention collective et n'étaient plus reconnus par la
convention collective qui nous avait été imposée par le
décret de 1967.
Ce désintéressement des enseignants il faut bien le
comprendre s'est particulièrement accentué du fait que
l'enseignant est devenu le bouc émissaire du système. En effet,
pour la première fois, les enseignants s'étaient
regroupés; pour la première fois, les enseignants avaient
formé des structures syndicales; pour la première fois, des
enseignants commençaient à contester. Je voudrais bien que des
députés me donnent des moyens de contester qui ne nuisent pas,
comme tels, à l'enfant. On dit: II ne faut pas utiliser l'enfant pour
forcer le gouvernement à négocier, mais qu'on me donne d'autres
mesures qui pourraient être utilisées. Nous demandons souvent aux
médecins de ne pas utiliser les malades pour obtenir certaines choses du
gouvernement.
C'est drôle qu'à ce moment-là les
députés à l'Assemblée nationale trouvent cela
normal que les médecins utilisent bien souvent, comme otages, les
malades pour réussir à obtenir certaines choses. Quand il s'agit
des enseignants, nous constatons que les députés...
M. Lacroix: Les médecins continuaient à
travailler.
M. Lessard: ... deviennent autant de chacals qui se jettent sur
la proie parce qu'il s'agit d'enseignants. En effet, les enseignants sont
devenus des boucs émissaires. Si l'enfant ne réussit pas à
l'école, cela dépend de l'enseignant. C'est un enseignant
incompétent qui lui enseigne. Si l'enfant a des problèmes de
comportement, soit que l'enfant prenne de la drogue, c'est encore l'enseignant
qui a probablement vendu de la drogue à l'intérieur de
l'école.
M. Lacroix: C'est prouvé qu'ils en vendent aussi.
M. Lessard: Justement, M. le Président, ce sont des gens
comme le député des Iles-de-la-Madeleine qui contribuent à
créer un climat malsain alors que lui-même a certainement des
enfants qui, peut-être, vont à l'école publique, ou
peut-être vont-ils à l'école privée. Lui peut se
per-
mettre, étant donné le salaire qu'on lui accorde à
l'Assemblée nationale, d'envoyer ses enfants à l'école
privée.
M. Lacroix: II va à l'école publique; il est
écoeuré, et il a onze ans, de se faire parler de syndicalisme au
lieu d'apprendre à écrire son français.
M. Lessard: M. le Président, ce n'est pas à cause
des programmes que les étudiants ne connaissent pas leur
français, c'est encore parce que les enseignants sont des
incompétents. Je dis, M. le Président...
M. Lacroix: ... dans une grande majorité.
M. Lessard: ... que les enseignants ne sont pas plus
incompétents que les députés. Je dis, M. le
Président, que les enseignants ne sont pas plus incompétents que
les avocats ou que les médecins. Je pense que mon ami,
député de Matane, qui a été lui aussi un enseignant
devrait répondre à l'argumentation qui semble être celle du
député des Iles-de-la-Madeleine. Il est vrai, il est sans doute
possible que nous ayons dans le système des enseignants qui soient
incompétents mais, au salaire qu'on leur accorde, qu'est-ce qu'on peut
leur demander de plus?
M. le Président, j'ai dit tout à l'heure qu'avec les
conditions de négociation collective qu'on leur avait imposées
depuis 1967 on ne devait pas demander de miracles des enseignants. C'est
d'ailleurs pourquoi nous présentons cette motion de blâme. C'est
parce qu'il faut absolument retourner la vapeur. Nous croyons que le
gouvernement du Québec doit profiter de la situation qui lui est
donnée au cours de cette négociation pour renverser la vapeur.
Parce que c'est vrai que la situation est devenue difficile à
l'intérieur de l'enseignement. Il y a encore d'excellents enseignants
mais des enseignants qui sont écoeurés, des enseignants qui ont
leur voyage, des enseignants qui ne sont plus motivés.
M. Lacroix: ... à cause des syndicats.
M. Lessard: Et, si on continue, la première chose ou le
premier diplôme qu'on devra donner à l'enseignant, c'est un cours
de judo parce qu'on a complètement détruit l'enseignant et ceci
provient même de l'Assemblée nationale. Ceci provient même
de nos députés à l'Assemblée nationale qui ont
détruit cette profession qui est quand même une des professions de
base de toute société, quelle qu'elle soit. Je disais que
l'enseignant est devenu le bouc émissaire non seulement des parents mais
le bouc émissaire aussi des hommes politiques. Le système qu'on
a, ce ne sont pas les enseignants qui ont imposé le système des
polyvalentes; les enseignants ont dû s'intégrer forcément
à ces systèmes de polyvalentes de 1,500, 2,000, 3,000, 3,500
élèves. Ce ne sont pas les enseignants qui ont choisi cela, c'est
le Parti libéral qui l'a imposé. Il ne faudrait quand même
pas, M. le Président...
M. Lacroix: ... vos revenus améliorés par quatre et
votre rendement diminué par quatre.
M. Lessard: ... donner tous les torts à l'enseignant. Dans
le rapport Parent, il y avait une chose bien importante dont on parlait,
l'établissement de tuteurs, qui permettait à un professeur de
s'occuper d'un certain groupe d'élèves et d'être
constamment en contact avec ce groupe d'élèves. M. le
Président, les enseignants, à maintes et maintes reprises, ont
réclamé que ce système de tuteurs soit établi au
niveau des polyvalentes. C'est le gouvernement québécois qui a
refusé que soit établi ce système de tuteurs parce que,
disait-on, nous n'avions pas les moyens nécessaires de le faire.
Nous avions les moyens de construire des polyvalentes et dépenser
pour le béton, mais nous n'avions pas les moyens de rendre humain un
système qui était inhumain à la base même. Un
système qui nous empêchait d'avoir tout contact avec les
étudiants, parce qu'à quatre heures, si on voulait garder un
étudiant avec qui on avait un certain nombre de problèmes, il
fallait que l'étudiant prenne l'autobus et parte immédiatement.
Nous avions tout simplement cinq minutes pour changer de classe ou les
étudiants n'avaient que cinq minutes pour changer de classe.
Comment vouliez-vous que les enseignants aient un contact dans ce
système avec les étudiants sinon par le système de tuteur?
Jamais, malgré les pressions des enseignants, jamais et le
député de Matane peut en témoigner ce
système de tuteurs ne nous a été accordé. Les
conséquences de tout cela, c'est qu'on a établi, M. le
Président, ou on a concrétisé un mépris de
l'enseignant au niveau de la population québécoise, un
mépris de l'enseignant de la part des parents, un mépris de
l'enseignant de la part des enfants, un mépris de l'enseignant de la
part des hommes politiques.
Je voudrais vous citer un exemple. Tout dernièrement je
comprends que nous sommes dans une situation critique je rencontrais
quelqu'un, entre deux avions, qui me parlait du problème de
l'enseignement et qui me disait que son garçon était
arrivé de l'école en disant que l'enseignant était une
espèce de fou, une espèce de détraqué, une
espèce de malade. Et la personne de me dire: J'ai été dans
l'obligation d'appuyer mon enfant. Et là, je lui ai demandé ceci:
Madame, si l'étudiant était arrivé à l'école
et avait dit, en parlant de ses parents, de son père ou de sa
mère, qu'ils étaient des espèces de fous, des
espèces de détraqués ou des espèces de malades et
que l'enseignant aurait dit: Vous avez raison, qu'est-ce que vous auriez dit en
retour?
Or, nous en sommes rendus au point, M. le Président, où
l'enseignant est non seulement détruit au niveau de l'Assemblée
nationale, mais l'est au niveau de la famille même. Comment voulez-vous
que l'enseignant puisse avoir une certaine autorité au niveau de
l'école, quand ce sont les parents mêmes qui détruisent
cette respectabilité qui devrait être nécessaire au niveau
de l'enfant pour au moins lui imposer un certain respect?
Je comprends que, comme parents, nous vivons des problèmes. Il
faudrait quand même se mettre à la place de l'individu. Je pense
que c'est devenu une urgence nationale, une urgence pour l'ensemble du
Québec. Je ne veux pas, parce que moi j'y crois, à cette
fonction, je ne veux pas, dans cette intervention, faire de la partisanerie; je
pense que ce n'est pas cela que j'ai essayé de faire ce soir. J'ai
essayé de vous exposer ce qu'était un enseignant.
Ce n'est pas avec quelques articles de peu de valeur tels que les
congés de paternité de quinze jours, qui sont quand même
secondaires dans cette chose-là, qu'on va régler le
problème de la situation de l'enseignement au Québec.
C'est vrai que cela peut paraître ridicule, exactement comme
lorsque nous avons commencé à négocier en 1969
parce qu'avec le député de Saint-Jean, j'ai été un
négociateur aussi et nous avons commencé à demander
des congés de maternité. Figurez-vous qu'on a fait rire de nous,
et c'était quand même plus légitime, je l'admets. Mais il y
a une chose sur laquelle on doit être d'accord. C'est qu'il s'agit d'une
négociation et, quand on négocie, on en demande plus que moins,
parce qu'en négociation, on va arriver à un moment donné
à un certain juste milieu, et je suis assuré que ces articles
peuvent être négociés pour autre chose.
En terminant, je voudrais souligner ce soir que nous avons
peut-être la dernière possibilité, au Québec, de
s'adjoindre l'enseignant comme un travailleur, non seulement au niveau de
l'école mais au niveau de l'ensemble de la société
québécoise, comme un professionnel de l'éducation. Et je
pense que l'enseignant est un professionnel exactement de la même
façon que le ministre de l'Immigration était un professionnel
comme avocat, et non pas dans le sens péjoratif. Je l'ai expliqué
tout à l'heure. On a voulu confondre le député de
Lafontaine, cet après-midi, alors que c'est le député de
Lafontaine qui avait entièrement raison. La fonction d'enseignant ne se
termine pas à la fin de la journée scolaire. Si je suis
journalier, je travaille de neuf heures à cinq heures. Mais l'enseignant
c'est bien compris dans l'article 81.04 sa fonction, quand on
demande 900 minutes de travail, c'est 20 périodes de 45 minutes. Et
quand le ministre des Finances nous charrie avec les heures de travail, ce
n'est pas comme ça que cela fonctionne. Le ministre de l'Education ne
comprend absolument rien dans l'enseignement et c'est ce qui est grave, parce
qu'il n'a jamais enseigné, parce qu'il n'est jamais entré dans
une école.
M. Garneau: Le député de Saguenay ne sait
peut-être pas que j'ai enseigné pendant quatre ans.
M. Lessard: Parce que lui, il peut se permettre d'envoyer ses
enfants à l'école privée, sous prétexte qu'il veut
protéger ses enfants.
Alors, le ministre ne comprend absolument rien.
M. Garneau: ... télévision, c'est bon ça,
c'est bon.
M. Lessard: C'est 20 périodes de 45 minutes. Et le
ministre, cet après-midi, a trompé la Chambre, je le
répète. Il a trompé la Chambre. Dans les 900 minutes, qui
sont comprises à 81.04...
M. Garneau: J'invoque une question de privilège.
M. Lessard: M. le Président, il utilisera l'article
96...
M. Garneau: J'invoque une question de privilège.
M. Lessard: ... après.
Le Président suppléant (M. Lafrance): Question de
privilège.
L'honorable ministre des Finances.
M. Garneau: M. le Président...
Le Président suppléant (M. Lafrance): De
l'Education.
M. Garneau: ... le député de Saguenay m'accuse
d'avoir trompé la Chambre. Je dis que cette assertion est
complètement fausse et sans fondement.
M. Léger: Une question de règlement, M. le
Président.
Le Président suppléant (M. Lafrance): Une question
de règlement.
Le député de Lafontaine.
M. Léger: Le ministre apprendra que la question de
règlement pour rétablir les faits, selon l'article 96, se fait
après que l'intervenant a terminé et non pas pendant que
l'intervenant est en train de parler.
M. Garneau: M. le Président, une question de
règlement. Je n'ai pas demandé d'intervenir en vertu de l'article
qui permet de rétablir les faits, j'ai demandé d'intervenir en
vertu d'une question de privilège alors que le député de
Saguenay m'accusait d'avoir trompé la Chambre.
M. Lessard: II n'y a pas de question de règlement
là-dedans. Vous le ferez après. Vous avez trompé la
Chambre lorsque vous avez dit...
M. Bienvenue: Sur le règlement?
M. Lessard: M. le Président, voici...
M. Bienvenue: Sur la question de règlement?
M. Lessard:... sur la question de règlement.
M. Bienvenue: Le ministre des Finances et de l'Education, M. le
Président, s'est levé non pas, comme il vient de le dire, sur
l'article du règlement qui permet de rétablir...
M. Lessard: II s'est levé sur le mauvais article. M.
Bienvenue: Non, non.
Le Président suppléant (M. Lafrance): L'honorable
ministre de l'Immigration.
M. Bienvenue: II s'est levé sur le bon article, M. le
Président, qui est l'article 99, qui, au paragraphe... je l'ai lu avant
de le citer et c'est la première fois, effectivement, que je lis cet
article. Je suis député depuis six mois. Alors, le ministre, en
vertu du paragraphe 9 de l'article 99, invoque son privilège parce qu'il
prétend qu'on ne peut pas imputer des motifs indignes à un
député.
Des Voix: Ah!
M. Bienvenue: Ah! Dire que l'on trompe la Chambre, si ce n'est
pas un motif indigne, M. le Président, j'attends vos
éclaircissements.
M. Lessard: M. le Président, je dis vous lirez
l'intervention du ministre des Finances que le ministre de l'Education a
trompé la Chambre et je m'explique. Si le ministre veut réfuter
les faits, il utilisera l'article 96 des règlements et non pas l'article
99. Je n'impute pas de motifs au ministre de l'Education, je dis qu'il a
trompé la Chambre lorsqu'il a voulu démontrer que les enseignants
ne voulaient travailler que trois heures par jour. Je dis que le ministre des
Finances a trompé la Chambre, exactement comme le gars qui était
venu me voir dans mon bureau pour dire que l'avocat, qui l'avait défendu
pendant une heure devant le juge, lui réclamait $1,800 l'heure.
Cet individu s'il était parti de mon bureau sans explications,
aurait trompé la population en disant que tel avocat lui
réclamait $1,800 l'heure, parce que, lorsque nous regardions les
détails de ce compte d'avocat, nous constations que ce n'était
pas $1,800. Le ministre de l'Immigration comprend très bien ce dont je
veux parler. Ce n'était pas $1,800 l'heure, mais il y avait des heures
de préparation non seulement pour la plaidoirie, mais de
préparation de toute la série de documents et qu'il y avait
même des comptes qui avaient dû être payés à
d'autres personnes par le bureau d'avocat.
Or, je dis que le ministre de l'Education ou bien ne comprend absolument
rien dans l'éducation ou bien n'a pas lu la convention collective telle
que proposée par les enseignants, ou bien le ministre a
été de mauvaise foi. En effet, dans l'article 81.04 où on
précise que la commission ne peut requérir d'un enseignant qu'il
consacre plus de 900 minutes par semaine aux occupations décrites, les
occupations décrites ne comprennent pas la préparation de cours
et les corrections. Cet après-midi, le ministre a tenté de
confondre le député de Lafontaine en disant que la
préparation de cours était comprise dans ces 900 minutes et que
les corrections étaient comprises dans les 900 minutes.
M. Garneau: C'est complètement faux, M. le
Président. C'est complètement faux.
M. Lessard: Cela est de la mauvaise foi.
M. Garneau: Ce n'était pas le sens de ma question et vous
le savez, à part cela.
M. Lessard: M. le Président, actuellement, les enseignants
ont une moyenne de 22.5 périodes d'enseignement devant les
étudiants et ce sont, dans l'ensemble, des périodes de 45
minutes. La demande syndicale est de 20 périodes de 45 minutes, donc une
diminution de 2.5 périodes. Ce n'est pas nécessairement la
décision comme telle des enseignants; c'est en négociation, cela
peut très bien...
M. Garneau: Est-ce que le député de Saguenay me
permet de poser une question?
M. Lessard: M. le Président, du tout. Il me reste quelques
minutes.
M. Garneau: Alors, si vous ne trompez pas la Chambre en disant ce
que vous dites là, vous ne savez pas de quoi vous parlez.
M. Lessard: M. le Président, je fais la différence,
je sais ce que c'est, l'enseignement.
M. Garneau: Dites-la la différence, ne vous cachez
pas.
Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre! A
l'ordre!
M. Lessard: Et le malheur de l'enseignement au Québec,
c'est qu'on a toujours eu des ministres qui ne connaissent rien dans
l'enseignement secondaire et dans l'enseignement primaire.
M. Garneau: Si vous connaissez quelque chose, dites la
vérité.
M. Lessard: On a toujours eu des technocrates qu'on est
allé chercher à l'université pour aller dire aux
enseignants des niveaux élémentaire et secondaire quoi faire.
C'est cela le problème au niveau de l'enseignement. Il faudrait quand
même enlever la technostructure et la technocratie dans l'enseignement.
Demandez un peu aux enseignants ce qu'ils pensent ou ce que c'est la
véritable situation au niveau de l'enseignement.
M. Lacroix: Ce serait beau si on avait Char-bonneau comme
ministre de l'Education.
M. Lessard: Je sais que je ne convaincrai personne ici ce soir,
mais je pense qu'il est quand même important que certaines choses soient
dites.
M. Cadieux: Quand je sais que je ne convaincs personne, je me
ferme, moi.
M. Léger: II faut convaincre ceux qui sont
dé-bouchables.
M. Lessard: M. le Président, ce que je voudrais souligner
je pense qu'il y a des enseignants ici, à l'Assemblée
nationale c'est qu'on est en train de pourrir une situation.
M. Lacroix: M. le Président, je voudrais vous signaler que
le temps de l'Opposition est écoulé. Il a été
convenu qu'on aurait 120 minutes pour le Parti libéral, 100 minutes pour
le Parti québécois. Le député de Lafontaine a
parlé 51 minutes, le député de Saguenay a commencé
à 8 h 24, il est 9 h 14; le temps est écoulé. Si on s'est
amusé à dire des balivernes et à dire des choses qui sont
inexactes, je crois qu'il est temps que, de notre côté, nous
soyons en mesure de rétablir les faits. Je vous demande, M. le
Président, de céder la parole à un autre
député.
Le Président suppléant (M. Lafrance): Les officiers
m'informent que le temps du député de Saguenay se termine
à 9 h 14. Je vous demande de faire extrêmement rapidement pour
terminer.
M. Cadieux: Sur la question de règlement soulevée
par le député des Iles-de-la-Madeleine, si le secrétaire
vous informe que son temps est terminé, je vous demande de lui demander
de terminer.
Le Président suppléant (M. Lafrance): Je suis
obligé aussi de tenir compte de quelques interruptions qui ont eu lieu,
il y a quelques minutes.
M. Cadieux: S'il fallait tenir compte des siennes, lui.
Le Président suppléant (M. Lafrance): Alors, on
sera aussi vigilant pour les interruptions, s'il y en a tout à
l'heure.
M. Lessard: M. le Président, je pense que le ministre des
Finances en est témoin, j'ai eu l'occasion de donner mon consentement
cet après-midi à deux ou trois reprises. On pourrait au moins me
donner deux ou trois minutes, et je terminerais très brièvement
en disant...
Le Président suppléant (M. Lafrance): On va
négocier; au lieu de vous en donner deux, on va vous en donner une.
M. Lessard: M. le Président, cela ne dépend pas du
président, si on me donne le consentement.
Le Président suppléant (M. Lafrance): En
théorie, on peut vous arrêter immédiatement.
M. Lacroix: Je voudrais qu'il n'y en ait pas du tout.
Le Président suppléant: Terminez s'il vous
plaît.
M. Lessard: M. le Président, je n'ai pas eu le temps de
parler de sécurité d'emploi et de conditions de travail, mais je
voudrais quand même rappeler au député, en terminant,
d'abord qu'il faut négocier dans un climat de bonne foi,
deuxièmement que nous avons peut-être la dernière chance
d'établir un climat sain à l'intérieur des écoles
au Québec.
Je voudrais et vous pourrez voir les offres salariales telles
qu'elles sont offertes par le ministre des Finances très
brièvement souligner que la compagnie Steinberg vient d'accorder
à ses 800 employés...
M. Cadieux: Question de privilège. M. Lessard: ...
la somme de $11,758.
M. Lacroix: Question de règlement, M. le
Président.
M. Cadieux: Question de règlement, M. le
Président.
M. Lessard: ... vient d'accorder à ses caissières
la somme de $11,758.
M. Cadieux: Question de règlement, M. le
Président.
M. Lessard: $11,758 pour une caissière, $8,000 pour
un...
M. Cadieux: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre,
s'il vous plaît! A l'ordre!
La question de règlement a été appelée. Vous
n'aviez qu'à écouter. Alors asseyez-vous. Question de
règlement, le député de Beauharnois.
M. Cadieux: M. le Président...
M. Léger: J'invoque le règlement, M. le
Président. Je pense que... M. le Président, un peu de calme. Vous
avez un siège important...
Le Président suppléant (M. Lafrance): II y a une
question de règlement là-bas prioritaire à la vôtre.
Asseyez-vous.
M. Léger: ... il faut avoir un peu d'ordre.
Le Président suppléant (M. Lafrance): Vous aussi,
vous en avez un important, asseyez-vous.
La question de règlement du député de Beauharnois
est prioritaire.
Le député de Beauharnois.
On sait votre jeu, vous voulez empêcher les libéraux de
parler. Votre temps est terminé. Le député de Beauharnois
sur la question de règlement.
M. Lessard: C'est un président fanatique et
libéral, on le voit.
M. Cadieux: M. le Président, immédiatement, sur une
première question de règlement, je voulais rappeler le
député à l'ordre. Il a dit que vous étiez
incompétent, que vous étiez un libéral partisan. Suivant
le règlement, parce que vous êtes le président, il n'y a
pas un député dans cette Chambre qui a le droit de s'adresser
à la présidence comme le député je ne
connais même pas son comté, il est trop petit comme
député pour que je connaisse son comté il n'a pas
le droit de s'adresser à la présidence comme il vient de le faire
en disant que vous êtes partisan, que vous êtes un libéral
et que vous conduisez les débats comme cela.
M. Lessard: Je constate les faits.
M. Cadieux: M. le Président, c'est une question de
règlement. J'en appelle à vous et j'en appelle à la
présidence. Si on ne fait pas respecter la présidence dans cette
Chambre, chaque fois qu'il y aura un...
M. Lessard: Vous devriez donner l'exemple.
Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre,
s'il vous plaît!
M. Cadieux: Je parle sur ma question de règlement. La
présidence vient de se faire insulter et je demande au
député de retirer les paroles qu'il vient de prononcer. Non
seulement je lui demande de ne plus adresser la parole sur la motion qui est
devant nous, mais je lui demande de retirer les paroles qu'il vient de
prononcer.
M. Morin: Sur le point de règlement.
M. Lessard: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président suppléant (M. Lafrance): Sur le
même point de règlement, le chef de l'Opposition.
M. Morin: Sur le point de règlement, je conçois
que, pour la présidence, c'est une très grave insulte que de se
faire traiter de libéral.
M. Cadieux: Un instant! Question de règlement, M. le
Président.
M. Lacroix: Cela ne sert à rien de s'amuser avec cet
imbécile, ils veulent nous faire perdre du temps. Allez-y
l'imbécile!
M. Morin: M. le Président, je voudrais attirer votre
attention sur un point.
Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre,
s'il vous plaît!
M. Morin: Peut-être le moment est-il venu de mettre un peu
de baume sur les plaies.
M. Lacroix: II serait temps, M. le Président, que
quelqu'un mène dans cette Chambre...
M. Morin: Je vous ai entendu, vous-même, vous lever...
M. Lacroix: ... et non l'Opposition et surtout pas celui qui
parle.
M. Morin: ... et attaquer l'Opposition en disant que ce que nous
tentions de faire taire les députés ministériels...
M. Lacroix: ... votre professeur!
M. Morin: ...c'était de faire taire les libéraux.
Vous savez très bien, M. le Président, qu'il n'en est rien. J'ai
été étonné d'entendre ces mots dans votre bouche.
Et, s'il vous plaît, voulez-vous tout simplement trancher le débat
en renvoyant les deux côtés dos à dos. Et reprenons le
débat, ce sera plus simple.
Le Président suppléant (M. Lafrance): Ce sont les
paroles les plus sages que j'entends depuis plusieurs minutes.
Alors, le député de Saint-Maurice.
M. Marcel Bérard
M. Bérard: M. le Président, j'ai pris connaissance
des offres patronales qui ont été déposées il y a
quelques semaines pour le secteur de l'éducation. Je dois vous avouer
qu'à mon avis, si certains points de ces offres méritent
discussion, d'ailleurs les autorités gouvernementales sont prêtes
à en discuter dans le cadre des négociations aux tables
sectorielles, je dis que ces offres sont loin d'être provocantes comme
l'ont prétendu certains chefs syndicaux.
Si on analyse soigneusement le contenu de ces offres, on constate que
des améliorations majeures sont apportées tant au niveau
élémentaire que secondaire.
On constate que des améliorations majeures sont apportées
tant au niveau élémentaire que secondaire. Qu'il me suffise de
mentionner l'allégement de la tâche de l'enseignant à
l'élémentaire. En effet, les offres proposent une augmentation de
2,000 enseignants pour l'enseignement élémentaire au niveau
provincial. Le rapport maître-élèves passe de 1/26 à
1/24 dans les trois premières années de
l'élémentaire et demeure 1/26 pour les trois dernières
années, ce qui produit une diminution de moyenne de 1/26 à 1/25
pour tout le secteur élémentaire provincial.
De plus, M. le Président, au nombre d'enseignants ainsi obtenu,
on ajoute un enseignant par 20 enseignants, ce qui permettra aux commissions
scolaires d'engager des spécialistes et de diminuer le nombre
d'élèves par classe. Voilà, je pense, une mesure qui
permettra une meilleure qualité de l'enseignement car c'est bien au
niveau élémentaire que le jeune étudiant a besoin
d'étroites relations avec ses éducateurs. Cet accroissement du
nombre de professeurs et de spécialistes
au niveau élémentaire apportera inévitablement une
amélioration dans la formation et l'éducation de nos jeunes
élèves.
Au niveau secondaire, on propose l'abolition du rapport
maître-élèves pour le remplacer par une formule de
pondération. Cette mesure n'a pas pour but d'augmenter le nombre total
d'enseignants au secondaire mais de répartir les professeurs d'une
façon différente afin de tenir compte des exigences
particulières de l'enseignement général et professionnel.
Cette nouvelle formule est également offerte au niveau des
collèges. Je suis parfaitement d'accord qu'on apporte une attention
particulière au secteur professionnel mais il ne faudrait pas que cela
se fasse au détriment du secteur général. J'admets bien
volontiers que l'enseignement professionnel exige un rapport
maître-élèves plus bas que l'enseignement
général mais il ne faudrait pas que la nouvelle formule de
pondération amène une surcharge des groupes du
général.
Je pense qu'il y a là un juste équilibre à obtenir
et c'est à une table de négociation que l'on pourra discuter
franchement et honnêtement afin d'obtenir une solution qui respecte les
critères d'un enseignement de qualité.
On a beaucoup parlé, M. le Président, de la
présence de 32 1/2 heures par semaine à l'école pour
l'enseignant. On a prétendu, en certains milieux, qu'en dehors de leurs
heures de cours certains enseignants ne pouvaient être rejoints à
l'école alors que la direction avait besoin de leurs services.
J'admets bien volontiers que certains enseignants peuvent avoir
manqué à leur devoir en n'étant plus disponibles, sans
raison valable, après leurs heures de cours. Mais il faut ajouter aussi
qu'un grand nombre d'enseignants quittent l'école après leurs
périodes de cours parce qu'ils ne peuvent trouver un local où ils
pourraient effectuer convenablement leur travail de correction ou de
préparation de cours. Ce genre de travail intellectuel exige beaucoup de
concentration des enseignants et, souvent, ce n'est qu'à leur bureau
à domicile qu'ils peuvent trouver les conditions indispensables
nécessaires à l'accomplissement de leurs fonctions.
Je suggérerais donc plutôt une formule qui permettrait une
entière disponibilité du professeur sans nécessairement
qu'il soit tenu de demeurer 32 1/2 heures par semaine à l'école.
Je pense que l'immense majorité des enseignants pourraient souscrire
à une telle formule et cela démontrerait qu'on les traite comme
des véritables professionnels de l'enseignement.
M. Lessard: C'est cela.
M. Bédard: En ce qui concerne la charge d'enseignement de
l'instituteur au secondaire, il est bien évident que le point chaud est
les 25 périodes de 45 minutes par semaine ou l'équivalent pour
l'instituteur à temps plein. Je pense qu'on aurait intérêt
à expliciter davantage cet article 83.01 car, en 1974/75, au niveau
secondaire, la moyenne du nombre de périodes par semaine, pour les
enseignants, était de 22.5 périodes. Or, les offres patronales
spécifient bien que, pour un nombre X d'élèves, il y aura
le même nombre de professeurs qu'en 1974/75. Il n'y a aucun doute que cet
article a créé tout un émoi chez les professeurs du
secondaire et qu'il serait approprié, dans les futures
négociations, d'apporter une clarification de façon à
éviter toute ambiguïté.
De toute façon, M. le Président, quand on compare les
offres salariales, les charges d'enseignement, etc. du gouvernement du
Québec avec les offres du Toronto métropolitain, on en vient
rapidement à la conclusion qu'en général les offres du
gouvernement sont justes et raisonnables. Je suis persuadé que des
négociations sérieuses pourraient apporter des
améliorations sur certains points et alléger
considérablement les tensions qui existent actuellement.
Je sais que l'immense majorité des enseignants veulent une
convention signée.
Je leur dis que c'est également le grand désir du ministre
de l'Education, à qui je rends hommage ce soir pour son magnifique
travail depuis qu'il est titulaire du ministère de l'Education.
Je fais appel à la bonne volonté des enseignements et de
leurs dirigeants pour que cesse immédiatement le désordre qui
existe dans certaines de nos écoles dans la province de Québec.
Je puis assurer les enseignants que c'est la ferme volonté du
gouvernement d'en arriver à une solution qui soit acceptable de part et
d'autre.
La population du Québec a trop fait de sacrifices pour obtenir le
système d'éducation que nous avons actuellement, même avec
tous ses défauts, pour que des gestes irréfléchis risquent
de détruire ce qui a été si laborieusement bâti.
Le temps n'est pas au blâme inutile, mais à la discussion
et aux négociations. Je voterai donc contre la motion du
député de Lafontaine. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président suppléant (M. Lafrance): L'honorable
député de Richmond.
M. Yvon Vallières
M. Vallières: M. le Président, n'eût
été le caractère démagogique des propos du
député de Lafontaine, je me serais contenté de voter
contre la motion de blâme qu'il a présentée, voulant que le
gouvernement ait négligé de prendre les mesures
nécessaires pour corriger la situation déplorable de
l'éducation au Québec, notamment en ce qui concerne la
détérioration de la qualité de l'enseignement et la
dégradation du climat de travail dans les écoles.
J'éviterai d'employer mon temps de parole à
démantibuler le fouillis dont nous a fait part le député
de Lafontaine et essaierai plutôt de faire preuve de plus de
modération en ce qui a trait à notre système
éducatif au Québec.
M. le Président, le député de Lafontaine, par sa
motion, nous démontre de façon on ne peut plus éloquente
jusqu'à quel point il est absent du
milieu et, par voie de conséquence, jusqu'à quel point il
est ignorant de la situation et de l'évolution de la pédagogie au
Québec.
Je ne croyais vraiment pas que mon collègue de Lafontaine en
était rendu au point critique de déclarer à
l'Assemblée nationale du Québec que les enseignants de notre
province ne sont qu'un groupe d'incompétents. Peut-être ne s'en
est-il pas rendu compte, mais en déblatérant comme il l'a fait
sur notre système d'éducation, il s'en dégage un genre de
non-confiance et de blâme envers les enseignants du Québec.
Ceux-ci seraient tellement faibles qu'ils auraient accepté
d'évoluer dans un système qu'ils jugent complètement
inadéquat pour eux et pour les enfants.
M. Léger: Est-ce qu'ils avaient le choix?
M. Vallières: Qui plus est, M. le Président,
après tant d'efforts et d'énergie déployés par les
enseignants du Québec, après plusieurs années de travail
ardu, il faudrait conclure à la faillite totale de notre système.
C'est ce qui inspire les propos de mon collègue de Lafontaine.
Peut-être ne s'en rend-il pas compte, et je l'en excuse, mais en voulant
faire de la politique de politicailleur avec l'éducation, en voulant
exagérer pour décrire une situation qu'il veut critiquer, il
déprécie et porte un jugement d'inefficacité sur
l'ensemble du corps professoral au Québec. C'est ce qui arrive aux
politiciens qui veulent déloger un gouvernement coûte que
coûte; ils tombent dans la démagogie et souvent celle-ci se
retourne contre eux-mêmes.
Si le député de Lafontaine persiste dans ce domaine et
accumule maladresse par-dessus maladresse, le Parti québécois
n'aura même plus le vote des enseignants. Peut-être celui de leur
chef M. Charbonneau, mais pas celui de la majorité des enseignants au
Québec.
M. le Président, j'ai oeuvré dans le domaine de
l'éducation à titre d'enseignant et à titre de conseiller
pédagogique. J'ai également vu travailler les enseignants.
Croyez-moi, ils méritent plus de respect que ne leur en accorde le
député de Lafontaine.
Pourquoi blâmer le gouvernement de n'avoir rien fait, alors que
dans le milieu de l'enseignement on nous dit qu'il en a trop fait? En effet, le
ministère de l'Education a beaucoup fait; tellement que j'estime qu'un
recul est nécessaire afin de réévaluer toute la situation
et apporter les correctifs qui s'imposent à certains niveaux.
Il ne faudrait quand même pas charroyer, M. le Président.
Il faudrait vraiment être atteint d'une myopie très avancée
pour ne pas voir le genre d'enseignement auquel étaient soumis les
enfants il y a quelques années et pouvoir comparer, de façon
très avantageuse, l'enseignement qui est dispensé
aujourd'hui.
Je ne dis pas, cependant, qu'il n'existe pas un danger de tomber dans
les excès contraires à ceux que nous avons voulu corriger. C'est
pour cette raison que je mentionnais tout à l'heure la
nécessité de réexaminer la réforme dans laquelle
nous nous sommes lancés. Je me garde bien, ce- pendant, de conclure au
désastre, comme veut le laisser entendre mon collègue, le
député de Lafontaine.
M. le Président, quand le député de Lafontaine nous
parle de la qualité de l'enseignement dans sa motion, sait-il vraiment
ce que cela signifie? Permettez-moi d'en douter très fortement. En
effet, il suffit de regarder toutes les mesures que le gouvernement a mises en
place afin d'améliorer la qualité de l'enseignement au
Québec. Plus que jamais l'enseignement au Québec est
centré sur l'enfant. Cela ne signifie pas que certaines choses ne
restent pas à améliorer, mais les parents seront les premiers
à admettre que l'enseignement qui est dispensé à leur
enfant tient compte plus que jamais de la personnalité de celui-ci.
Heureusement pour notre gouvernement, les parents n'ont pas la mémoire
courte comme le député de Lafontaine et se souviennent, eux, du
temps où ils sont passés sur les bancs de nos écoles. Ils
sont mieux que quiconque en mesure de porter un jugement sur
l'efficacité et la performance du gouvernement actuel dans ce secteur.
Bien mieux que le député de Lafontaine, les parents jugeront du
souci du gouvernement actuel de doter leurs enfants de tous les instruments, de
tous les outils qui leur sont nécessaires pour un développement
harmonieux et intégral de leur personne.
Par sa motion, le député de Lafontaine fait preuve de ce
que j'appellerais du masochisme. Il s'en prend à un système,
à son système, qu'il a fallu des années à
construire. Il s'en prend à un domaine que les parents veulent
intouchable et garder loin des gens qui désirent tout
révolutionner, pour ne pas dire tout détruire. Le jeu qu'essaie
de jouer le député de Lafontaine en présentant sa motion
de blâme peut lui coûter cher, car les parents seront très
sévères à l'endroit de ceux qui veulent se servir de leur
sentiment d'amour profond pour les êtres qu'ils ont créés
et en qui ils voient toutes les possibilités d'avenir. C'est d'abord
pour eux et leur éducation que les parents québécois
acceptent de faire certains sacrifices que seul un très grand respect de
la personne humaine peut motiver.
Celui qui a présenté la motion de blâme a
semblé s'enquérir de chiffres très précis dans
certaines écoles de son milieu. Aurait-il oublié qu'il n'y a pas
que des chiffres? Au moment où il a poursuivi ses études, le
député de Lafontaine pouvait-il bénéficier d'une
pédagogie comme celle dont les étudiants
bénéficient aujourd'hui au Québec? M. le Président,
comment ce collègue peut-il être aussi dérouté? Des
enseignants du Québec font le maximum afin de trouver les moyens les
plus près de l'enfant pour lui permettre d'acquérir les notions
dont il aura besoin. Comment ignorer que tant de gestes concrets sont
posés dans nos écoles afin d'en arriver à un enseignement
plus individualisé, axé sur les qualités et sur les
possibilités de l'étudiant? Comment ignorer tous les moyens mis
en oeuvre afin de mieux respecter le rythme d'apprentissage de chaque enfant
dans le but d'en arriver à un progrès continu de
l'étudiant? Comment ignorer que le gouvernement met
tout en oeuvre afin d'offrir le maximum d'épanouissement à
tous les niveaux de la personnalité de l'enfant? Le député
de Lafontaine fait beaucoup d'oublis, M. le Président.
Je pourrais également m'étendre longuement sur les
commodités qui sont offertes à nos étudiants et
enseignants. Qu'il suffise de mentionner les gymnases, les laboratoires, le
matériel didactique, les bibliothèques, les locaux d'arts
plastiques, les équipements sportifs et combien d'autres. M. le
Président, ou bien le député de Lafontaine a oublié
consciemment ou bien je devrai conclure à son inconscience.
Le député de Lafontaine nous parle, dans sa motion, du
climat de travail dans les écoles. Je vais me permettre, avant de
terminer ma brève allocution, de faire quelques commentaires sur ce
point de vue. Il fallait entendre tout à l'heure le député
de Lafontaine nous entretenir sur un ton pathétique des enseignants qui,
pour cause de surplus de personnel, devront s'exiler et n'auront que cinq jours
pour donner leur approbation à leur mutation. Mais on jurerait que le
député sait à l'avance que le gouvernement et la CEQ ne
pourront en arriver à une entente négociée! Le
député doit être dans les secrets des dieux, à moins
qu'il ne soit plutôt dans le secret de Charbonneau et compagnie. Cette
dernière hypothèse est plutôt à retenir. En effet,
il semble que le président de la CEQ ait décidé qu'il ne
fallait pas en arriver à un règlement négocié.
Ce serait mauvais pour l'image de la CEQ, qui doit être
perçue comme un syndicat casseur de système.
M. le Président, il semble que M. Charbonneau soit à la
base du malaise que l'on ressent chez les enseignants. Les enseignants ont
raison d'être inquiets, car tous les mouvements qu'effectue M.
Charbonneau sont orientés de telle sorte qu'ils ne peuvent que conduire
à un affrontement. M. Charbonneau, plutôt qu'être un
spécialiste négociateur, est devenu un spécialiste
provocateur et il se sert de la couverture d'un syndicat pour vendre une
idéologie politique. Quel courage de pouvoir faire de la politique sans
avoir à faire face à l'électorat! C'est vraiment digne
d'une mention tout à fait particulière.
M. le Président, un chef syndical qui demande que le gouvernement
lui accorde au-delà de 50,000 nouveaux postes, au-delà de 50,000
nouveaux enseignants ne peut être qualifié que de très
mauvaise foi. Si le gouvernement du Québec décidait d'accorder,
tel que le demande la CEQ, mais cachée par le député qui a
présenté la motion de blâme, un congé de
paternité de deux semaines aux enseignants qui deviennent pères,
je serais le premier à blâmer le gouvernement pour son attitude
irresponsable.
Ce n'est pas avec ce genre de demandes folichonnes que M. Charbonneau
réussira à améliorer le sort des enseignants au
Québec et à créer un climat de travail plus serein. Ce
n'est pas non plus dans la rue que les enseignants amélioreront leurs
conditions de travail. Si les enseignants... Non, on n'a pas suffisamment de
temps.
M. Lessard: Est-ce que je pourrais poser une question?
Une Voix: On ne veut pas.
M. Vallières: II y a d'autres gens qui veulent se faire
entendre.
Le Président suppléant (M. Lafrance): Le
député... A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! Le
député de Saguenay demande la permission de poser une question;
est-ce que vous acceptez ou non?
M. Vallières: On n'a pas le temps.
Le Président suppléant (M. Lafrance): Non. A
l'ordre s'il vous plaît!
M. Vallières: Si les enseignants exigeaient de leurs
dirigeants syndicaux qu'ils consacrent moins d'énergie à faire de
la politique et un peu plus à faire du syndicalisme, leur situation
serait certainement meilleure. Les offres du gouvernement sont réalistes
et tiennent compte de la capacité de payer du gouvernement du
Québec; elles sont aussi négociables, mais encore faut-il
accepter de négocier.
M. le Président, il est vrai qu'au cours de la négociation
actuelle certaines tensions existent, mais il est faux de prétendre
qu'en dehors de cette période de climat soit du même genre. Je
pense, M. le Président, que le député de Lafontaine
généralise trop facilement et qu'il y a beaucoup
d'exagération dans la motion de blâme qu'il a
présentée et défendue.
M. le Président, aux propos que j'ai dû entendre de mes
collègues séparatistes, je ne peux qu'être très
déçu. Je le suis au nom des électeurs de mon comté.
A les entendre, un gouvernement séparatiste se transformerait en
gouvernement providence, mais la providence gouvernementale ce sont les poches
des contribuables, et je ne crains pas de dire que ceux de mon comté
sont encore loin de l'option séparatiste. A en juger par la motion qui
est devant nous ce soir, je ne peux que regretter que tous mes électeurs
n'aient la possibilité d'en prendre connaissance pour mieux
connaître le caractère fondamental du Parti
québécois, soit l'irréalisme.
Je voterai donc, M. le Président, contre la motion du
député de Lafontaine.
Le Président suppléant (M. Lafrance): Le
député de Laurentides-Labelle.
M. Roger Lapointe
M. Lapointe: M. le Président, je ne puis
m'en-pêcher, comme ex-enseignant, comme exprésident d'un syndicat
d'enseignants, de prendre la parole sur la motion de blâme du
député de Lafontaine et vous dire mon étonnement devant
l'attitude démagogique du parti séparatiste, qui tente de se
faire du capital politique sur des questions qui exigent une attitude objective
et modérée,
compte tenu du contexte actuel des négociations dans les secteurs
public et parapublic.
Je m'explique difficilement cet appui inconditionnel et sans
discernement du député de Lafontaine aux demandes
irréalistes des chefs syndicaux de la CEQ. Je dis bien des chefs
syndicaux, parce qu'un bon nombre d'enseignants qualifient eux-mêmes
plusieurs demandes de la CEQ de farfelues et d'irréalistes. Par cette
attitude, le parti séparatiste démasque à la population
son vrai visage, plus préoccupé qu'il est de faire de
l'électoralisme que d'analyser objectivement les situations et tenter de
proposer des solutions réalistes.
J'ai eu l'occasion, depuis quelques semaines, de suivre de près
l'évolution du dossier des négociations dans le monde de
l'éducation et d'apporter des recommandations positives par les voies
normales pour améliorer la qualité de l'enseignement et
éviter une détérioration plus grande du climat actuel dans
les écoles du Québec.
J'ai eu l'occasion aussi de rencontrer bon nombre d'enseignants et de
parents et j'ai été en mesure de constater jusqu'à quel
point une information objective et précise leur manquait pour
évaluer à sa juste valeur la situation actuelle. J'ai pu me
rendre compte jusqu'à quel point bon nombre d'enseignants se laissent
souvent trop manipuler par un petit groupe de chefs syndicaux qui n'ont pour
seul objectif que de combattre le régime politique actuel et de
détruire la société actuelle.
Je n'accepte pas, commeex-enseignant, qu'une centrale syndicale comme le
CEQ fasse de l'action politique sa principale préoccupation plutôt
que de représenter démocratiquement ses membres. Je sais
pertinemment que bon nombre d'enseignants s'opposent à cette action
politique; malheureusement, ils n'ont pas toujours la possibilité ou le
courage de s'exprimer sur le sujet.
Je regrette que cette attitude de certains chefs syndicaux ait comme
conséquence de déprécier les enseignants dans l'opinion
publique alors que la grande majorité des enseignants j'en suis
convaincu ne doivent pas être identifiés à cette
attitude négative de certains chefs syndicaux.
Cette lutte politique menée par la CEQ, est bien décrite
dans le manuel dir 1er mai, à la page 74, dans un paragraphe
intitulé "Ne pas se limiter à l'école". On y dit: "Puisque
l'école ne peut changer fondamentalement que si la société
change et lui donne un nouveau rôle, les militants ne peuvent se limiter
à se battre à l'intérieur de l'appareil scolaire mais
doivent aussi travailler avec la classe ouvrière pour créer les
conditions nécessaires pour la formation d'une organisation politique
ouvrière révolutionnaire, indispensable à la destruction
du système capitaliste".
Je pense que cette lutte politique, menée par la CEQ, est l'une
des causes importantes du climat malsain ressenti dans certains milieux
scolaires du Québec. Je ne crois pas que ce soit la pédagogie de
conscientisation, proposée par la CEQ dans son Manuel du 1er mai, qui
contribuera à améliorer la qualité de l'enseignement et le
climat dans nos écoles.
Cette action menée par une petite minorité de
révolutionnaires, appuyée par le parti séparatiste, ne
peut qu'être néfaste au maintien d'un bon climat dans nos
écoles. Puis-je souhaiter que la majorité silencieuse, cette
majorité d'enseignants qui ne partagent pas tous nécessairement
notre idéologie politique mais qui ont assez de conscience
professionnelle pour mener à bien et honnêtement la tâche
qu'on leur a confiée, se lève et fasse connaître à
ses dirigeants syndicaux ce qu'elle attend d'eux?
J'accepte, M. le Président, qu'un organisme syndical comme la CEQ
puisse se prononcer sur des problèmes politiques, économiques ou
sociaux. Cependant, je ne crois pas que son action puisse être
axée presque exclusivement vers une lutte politique comme c'est le cas
actuellement, ce qui est loin de recevoir l'assentiment de tous les
enseigants.
Si le président de la CEQ, M. Charbonneau, désire
tellement, par voie démocratique, faire passer ses idées et
obtenir une tribune politique, je l'invite, M. le Président, à se
porter candidat dans Laurentides-Labelle à la prochaine
élection.
M. le Président, je crois que certaines revendications des
enseignants sont valables, afin d'améliorer la qualité de
l'enseignement au Québec. Cependant, l'ensemble des demandes syndicales
déposées par la CEQ me paraissent exagérées et
irréalistes. Quant aux offres gouvernementales, elles me paraissent
sérieuses et basées sur des études objectives de la
situation. Certains aspects des offres doivent être
améliorés. Cependant, je crois que c'est dans le cadre de
négociations sérieuses et honnêtes qu'il sera possible de
trouver des terrains d'entente, et non par des moyens de pression
illégaux qui contribuent à détériorer le climat des
écoles et dont les enfants ont à subir le contrecoup.
J'émets le voeu que le Parti québécois fasse preuve de
plus de discernement et d'objectivité vis-à-vis du
problème des négociations actuelles. Peut-être pourrait-il,
de cette façon, contribuer positivement à un règlement
négocié, ce que nous souhaitons tous et ainsi nous
éviterons des situations que nous avons connues en 1972, et le climat
des écoles en sera d'autant amélioré. Merci.
Le Président suppléant (M. Lafrance): Le
député de Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: M. le Président, à en juger par les propos
que je viens d'entendre, par les trois qui m'ont précédé,
je serais porté à me demander si le ministre de l'Education n'est
pas précisément le député de Lafontaine, parce
qu'on a semblé vouloir s'attaquer d'une façon toute
particulière à l'auteur de cette motion.
Le gouvernement dans tout cela, par sa publicité, la propagande
qu'on entend un peu partout, veut se donner une image, veut créer
l'impression qu'il est victime, alors qu'on oublie l'essentiel, la base du
problème. Tout le monde admet, au-
jourd'hui, dans tous les domaines, dans tous les milieux, qu'on a
créé un monstre avec l'éducation au Québec, un
monstre de technocrates et de bureaucrates. Tout le monde est "enfargé"
dans les normes, dans les règlements, personne n'est en mesure de
trouver une autorité vraiment responsable, trouver quelqu'un capable de
prendre des décisions.
Mais qui l'a créé ce monstre de l'éducation au
Québec? Qui l'a créé, ce monstre, sinon le gouvernement du
Québec? On ne peut quand même pas s'en prendre aux autres. C'est
le gouvernement lui-même qui l'a créé, malgré tout
ce qu'on a dit, malgré tout ce qui a été dit, toutes les
remarques qui ont été faites, toutes les mises en garde qui ont
été faites. On ne voulait entendre personne, non, il fallait
aller de l'avant, puis aujourd'hui, on se retrouve avec tous les
problèmes puis on cherche évidemment des solutions pour savoir de
quelle façon on va en sortir.
M. le Président, je regrette, mais jamais je ne pourrai admettre
que le gouvernement est victime, même avec toute la publicité
qu'il peut faire. Les premières victimes de cet état de fait, ce
sont ceux pour lesquels justement on devait faire cette grande réforme
de l'éducation au Québec, c'est-à-dire les
étudiants, c'est-à-dire nos enfants. C'étaient les
premiers qui devaient bénéficier de cette grande réforme
de l'éducation au Québec, puis aujourd'hui, on constate que ce
sont nos enfants qui sont victimes du système, victimes de ce monstre
gouvernemental.
M. le Président, je suis quand même surpris de constater le
manque d'objectivité de mes collègues qui refusent de voir la
réalité telle qu'elle est, de voir la situation telle qu'elle
est, et qui cherchent plutôt à faire de la petite politique en
essayant de trouver des boucs émissaires, puis d'accuser tantôt
l'un et d'accuser tantôt l'autre, mais en se fermant les yeux, par
exemple, sur les véritables responsables et les premiers responsables de
l'éducation au Québec.
Il n'y a pas beaucoup de ministères au Québec qui, depuis
1970, ont eu quatre ministres. C'est pourtant le cas du ministère de
l'Education. Ce n'est certainement pas un critère que tout va bien dans
ce domaine.
M. le Président, si on fait un bref résumé de ce
qu'on peut voir dans les journaux et de ce qu'on a pu voir un peu des
reportages et des nouvelles que nous avons eues un peu partout au
Québec, et je ne remonte pas tellement loin, à partir du 11
novembre, voici ce qu'on dit: 2,000 étudiants catholiques anglophones de
la CECM sont en journée d'études et privent de cours quelque
40,000 élèves de l'élémentaire et du secondaire.
Les 350 membres de l'Association des enseignants protestants des Cantons de
l'Est les imitent.
Est-ce que le gouvernement lui-même a été
affecté par cet arrêt de travail, sinon les 40,000
étudiants? Il en est de même pour les 450 professeurs anglophones
de la région de Chambly. Le 25 novembre c'est la majorité des
3,000 étudiants de l'école polyvalente Mgr Parent à
Saint-Hubert. Demandons-nous d'abord si c'est intelligent et si c'est humain
d'avoir une école de 3,000 étudiants. Ils sont retournés
chez eux prendre la carte d'identité que normalement on ne leur avait
jamais demandée auparavant. A quatorze heures, ces étudiants
n'étaient pas revenus en classe, l'école était
fermée. Les étudiants de la polyvalente de Charlesbourg, de la
régionale Jean-Talon refusent en grande partie d'assister à leurs
cours. Le 26 novembre, le lendemain, une centaine de professeurs de la
commission scolaire de Sainte-Foy sont absents de leurs cours soit pour la
journée, soit pour une partie de la journée...
M. Harvey (Charlesbourg): Pourquoi refusaient-ils?
M. Roy: Quelque 4,000 étudiants et employés de
soutien de Vaudreuil, Terrebonne, Sainte-Thérèse, Saint-Eustache,
Deux-Montagnes, l'Ile Perrot, Soulanges tiennent des journées
d'études, fermant ainsi l'école pour la journée.
La tactique qui consiste à se déclarer absent pour cause
de maladie a été aussi employée du côté de la
régionale Jean-Talon. La maladie. Oui, M. le Président, il s'est
découvert une nouvelle sorte de grippe cet automne, un nouveau virus. On
a eu la grippe asiatique, on a eu la grippe espagnole, il y a fort longtemps,
mais cet automne, dans l'éducation, il y a eu la grippe Garneau, une
nouvelle sorte de virus dans le domaine de l'éducation. Je pourrais
continuer. Le 3 décembre, les 6, 7, 10 décembre, je pourrais y
aller encore aujourd'hui, M. le Président.
Tout cela pour dire que rien ne va plus et qu'actuellement les
élèves du Québec souffrent de cet état de fait.
Avant de blâmer les enseignants, comme on semble vouloir le faire
actuellement, qu'on se demande quelles sont actuellement les
possibilités qu'ils ont. Je ne suis pas d'accord avec les
méthodes qu'on utilise quand on se sert des enfants en quelque sorte
comme pouvoir de négociation, comme outil de marchandage. C'est une
chose que je n'accepte pas, mais il y a une question qu'il faut se poser
cependant: Quels moyens ont-ils actuellement pour se faire entendre, pour faire
pencher le gouvernement, pour qu'il plie un peu l'échiné, pour
qu'il écoute leurs revendications? Quel est l'autre moyen que les
enseignants ont actuellement?
On a tenté de faire croire que c'est seulement de questions
salariales qu'il s'agit. Ce n'est aucunement la question, M. le
Président, les tables sectorielles, les tables de négociations
n'ayant pas encore commencé à étudier les questions de
salaire.
J'ai fait deux vérifications aujourd'hui même auprès
de personnes responsables dans ce secteur. Toutes les discussions qui se font
actuellement sont au niveau des clauses normatives qui ont trait
précisément à la qualité de l'enseignement. C'est
là le véritable débat; c'est là le véritable
conflit. La question que je peux me poser à ce moment-ci et que
plusieurs se posent au Québec est celle-ci: Pourquoi le gouvernement du
Québec agit-il de cette façon? Quelle est la stratégie
der-
rière tout cela? Veut-on faire un débat politique, comme
les trois que je viens d'entendre et qui sont en train de vouloir faire
déboucher tout cela sur un débat politique dans le Québec?
Le gouvernement voudrait-il, par hasard, provoquer une confrontation?
Voudrait-il provoquer une grève pour peut-être se justifier de
déclarer des élections prématurées pour masquer
je dis bien pour masquer la situation économique et la
situation financière dans lequel le Québec se trouve à
l'heure actuelle, face aux projets grandioses et aux ambitions
démesurées de ce gouvernement qui n'a pas tenu compte de la
réalité et des possibilités réelles du
Québec, dans des conditions normales et dans des conditions voire
même difficiles?
Qu'est-ce qui se retrouve derrière tout cela, M. le
Président? Ce n'est pas une stratégie purement politique
partisane qui vise à faire un conflit politique sur cette question,
encore sur le dos des étudiants du Québec. On ne pourra pas se
moquer impunément de la politique du Québec et de nos jeunes de
cette façon. N'oublions pas que demain ce sont eux qui seront à
notre place.
Ils se souviendront de la situation dans laquelle ils ont
été placés par ceux qui, justement, avaient des
responsabilités dans la province, par ceux qui avaient la
responsabilité de gouverner le Québec, par ceux qui avaient la
responsabilité de voir à prendre les meilleures décisions,
de façon que le système d'enseignement au Québec soit au
service des étudiants, soit au service de nos enfants pour les mieux
préparer à assumer leurs responsabilités de demain.
Au lieu de cela, qu'on prenne le soin d'examiner, actuellement, quelles
sont les conséquences, parce que le gouvernement n'a pas pris ses
responsabilités, et ce que les étudiants, les jeunes pensent,
actuellement, de la situation qui leur est faite.
M. le Président, ceux qui sont pères de famille savent,
parce que leurs enfants leur en font des remarques, ce qui se passe. On voit
des jeunes de neuf ans, de dix ans, de onze ans se faire manipuler parce que le
gouvernement n'a pas su prévenir, n'a pas su prendre ses
responsabilités quand c'était le temps de les prendre. Il n'a pas
vu à apporter des correctifs pour désorganiser ce gigantisme
épouvantable, ce monstre qu'est l'éducation au Québec, de
façon que les responsabilités puissent descendre dans les milieux
la décentralisation administrative dans les régions
pour que les gens vraiment représentatifs d'une population, les gens du
milieu soient capables de prendre des décisions et de régler les
problèmes de leur milieu, à eux.
Au lieu de cela, M. le Président, on crée des monstres et
on essaie de tout amener à un niveau supérieur. Là,
justement, on se retrouve avec des conflits et des situations comme celle
où on est à l'heure actuelle. Là, on cherche la norme qui
pourra satisfaire à la fois les gens du Nord-Ouest, les gens de la
Beauce et les gens de la Gaspésie en même temps, en ne tenant pas
compte qu'il y a pourtant, dans chacune de ces régions, d'énormes
différences, des problèmes différents. On ne tient pas
compte de cela.
On veut une grande norme qu'on place sur ordinateurs; on fait
fonctionner ces ordinateurs et on astreint tout le système aux
conditions que les normes imposent à la population, au lieu de faire en
sorte que le système s'adapte aux besoins des individus.
M. le Président, malheureusement, le temps que j'ai à ma
disposition se termine. Je dis au gouvernement, encore une fois, qu'il y a un
défi à relever au niveau de l'éducation au Québec.
Cette motion de blâme, je l'appuie parce que le gouvernement est à
blâmer et pour démontrer qu'il y a un défi de taille
à relever au Québec au niveau de l'éducation. Pour cela,
le gouvernement devra commencer par donner l'exemple. Il devra faire appel
à de tels sentiments seulement après qu'il aura commencé
par donner l'exemple et manifesté des intentions réelles de bonne
volonté, de bonne foi. J'insiste sur la bonne volonté et la bonne
foi, pour qu'on cesse de jouer à la stratégie politique purement
électorale, de façon à créer des conflits dans le
Québec pour, par la suite, permettre au gouvernement de venir dire: Nous
avons maté tel domaine, pour montrer que le gouvernement est fort.
M. le Président, tant et aussi longtemps que le gouvernement ne
fera pas preuve d'initiative véritable, tant et aussi longtemps que le
gouvernement ne prendra pas le taureau par les cornes et que le gouvernement ne
prendra pas ses responsabilités, il ne pourra pas apporter la vraie
réforme de l'éducation pour qu'on revienne au bon sens. Revenir
au bon sens, ce n'est quand même pas sorcier. Il n'est quand même
pas nécessaire d'avoir des rapports d'experts et des études, et
des études, qui coûtent des dizaines et des dizaines de milliers
de dollars, voire même des millions. Il faut revenir au bon sens dans le
domaine parce qu'on a franchi les limites du bon sens et qu'on est rendu dans
un gigantisme épouvantable.
M. le Président, ce sont les propos que j'avais à tenir
sur cette motion. J'appuie la motion du député de Lafontaine.
M. Dufour: Ah! Qu'il est fini.
Le Président suppléant (M. Lafrance): L'honorable
député de Saint-Jean.
M. Jacques Veilleux
M. Veilleux: M. le Président, j'étais absent cet
après-midi lorsque le député de Lafontaine a
défendu sa motion dans laquelle il reproche au gouvernement de
détériorer la qualité de l'enseignement et de
dégrader le climat de travail dans les écoles. Mais je me suis
informé auprès de mes collègues et on m'a dit que je
n'avais absolument rien manqué. Rien manqué parce que,
paraît-il, le député de Lafontaine a parlé
uniquement du climat de travail dans les écoles et des conventions
collectives, mais s'est abstenu de parler de la qualité de
l'enseignement.
Je pensais que le député de Saguenay, dans son
introduction il faut dire que son introduc-
tion était assez longue, il nous a dit pendant au moins cinq
à dix minutes qu'il nous parlerait de la qualité de
l'enseignement. Ce que j'ai compris de l'intervention du député
de Saguenay concernait uniquement les négociations; ou, si j'ai bien
compris le député de Saguenay, qualité de l'enseignement
égale signe de piastre uniquement.
Je viens d'écouter le député de Beauce-Sud; lui au
moins je l'en félicite, il a parlé de la qualité de
l'enseignement. Il a parlé du climat dans les écoles, mais je ne
suis pas d'accord avec sa solution. Pour lui, il faudrait revenir aux petites
écoles de rang, comme vient de me le dire mon collègue du
Lac-Saint-Jean; ce serait revenir, M. le Président, au feu
Département de l'instruction publique.
J'ai connu, au début de mon enseignement, à la fois les
écoles de rang et le Département de l'instruction publique; que
Dieu me préserve de revenir à cette période.
Le député de Beauce-Sud aurait avantage à consulter
son nouveau chef; j'ai la très nette impression que son nouveau chef ne
serait pas tout à fait d'accord pour revenir et aux écoles de
rang et au feu Département de l'instruction publique.
J'essaierai, M. le Président, quant à moi, de parler et de
la qualité de l'enseignement et du climat de travail dans les
écoles. J'essaierai d'en parler à partir de ma petite
expérience de huit ans, deux ans de moins que le député de
Saguenay, ma petite expérience d'enseignement à l'école
secondaire, de secondaire I à secondaire V. Je dois dire d'abord, pour
replacer les faits, que ce que j'ai pu entendre des collègues de mon
parti qui m'ont précédé et je peux vous dire que
cela dénote exactement la pensée de l'ensemble de tous les
députés libéraux c'est que, pour nous, il n'est pas
question de dire que l'immense majorité des enseignants ne sont pas
consciencieux. Au contraire, d'après ce que j'ai pu entendre de mes
collègues, ce que j'ai pu lire du discours du ministre de l'Education
cet après-midi, nous disons que l'immense majorité des
enseignants sont consciencieux; que l'immense majorité des enseignants
accomplissent professionnellement leur tâche. C'est la pensée de
tous les députés libéraux, y compris, quoi qu'en pense le
député de Saguenay, le député des
Iles-de-la-Madeleine.
M. le Président, lorsqu'on parle de qualité de
l'enseignement, il faut parler de la tâche de l'enseignant à
l'école. On ne peut pas s'en sortir, c'est la première condition,
la tâche de l'enseignant à l'intérieur de ses 32 1/2 heures
de présence à l'école; c'est là qu'on voit
véritablement, d'abord et avant tout, la qualité de
l'enseignement. Le député de Saguenay le sait.
Il y a différentes matières qui s'enseignent dans les
écoles: l'histoire, la géographie, le français, les
mathématiques, la physique, la chimie, la morale, aujourd'hui, à
la place de la religion. Il y a des professeurs dans ces matières qui
donnent des cours théoriques, il y en a d'autres qui travaillent en
laboratoire; la tâche n'est pas identique pour tous ces enseignants.
Un professeur qui travaille en laboratoire dans une matière comme
l'histoire ou la géographie c'est différent du professeur qui
travaille en laboratoire en physique, en chimie, en biologie. Un professeur qui
enseigne en laboratoire ou qui donne en laboratoire les cours de
dactylographie, c'est complètement différent des professeurs qui
travaillent en laboratoire dans les matières que je viens de
mentionner.
Lorsqu'on arrive et qu'on veut délimiter, sans exception, pour
tous les professeurs, quelle que soit la matière qu'ils enseignent, quel
que soit le secteur dans lequel ils enseignent, qu'ils enseignent la
théorie ou qu'ils enseignent en laboratoire, quand on demande 900
minutes pour chacun de ces enseignants, je doute sincèrement qu'on
veuille la qualité de l'enseignement.
Pour les différences que je vous ai montrées tout à
l'heure, si je lis bien et je convie le député de Saguenay
à lire attentivement les offres gouvernementales pour
répartir cette tâche, qu'est-ce qu'on dit dans les offres? On se
sert d'abord d'un facteur de pondération pour délimiter un nombre
d'enseignants par commission scolaire. On prévoit dans un autre article
une charge maximum; si je comprends bien, on prévoit une charge maximum,
c'est-à-dire que la charge de l'enseignant pourrait aller jusqu'à
25 périodes, que ce soit pour enseigner la théorie, que ce soit
pour enseigner en laboratoire, que ce soit pour faire de la surveillance, que
ce soit pour certaines activités parascolaires telles que participer
à une classe de neige ou différentes choses comme ça. Cela
n'empêche pas, à ma connaissance, les offres gouvernementales de
donner une qualité de l'enseignement. En d'autres mots, cela
n'empêche pas un syndicat local qui s'en tiendrait au facteur de
pondération par le nombre d'élèves d'aller au niveau local
et de négocier un aménagement de périodes pour les
enseignants, compte tenu de la matière, compte tenu du laboratoire ou de
la théorie, compte tenu du nombre d'activités parascolaires,
compte tenu du nombre de périodes de surveillance.
A ma connaissance, si je comprends bien les offres gouvernementales,
cela n'empêche pas un arrangement de cette nature qui pourrait
réellement améliorer la qualité de l'enseignement.
Enseigner, par exemple, l'histoire, la géographie le
député de Saguenay connaît ces matières-là,
M. le Président à sept ou huit classes de niveau
secondaire III ou secondaire IV, en d'autres mots, permettre à un
professeur d'histoire le député de Matane connaît
aussi cette matière d'enseigner la théorie de l'histoire
dans sept ou huit classes différentes, c'est moins de travail que
d'enseigner l'histoire au niveau du laboratoire.
Je peux vous citer un exemple que j'ai vécu personnellement.
J'étais professeur de français, avec trois de mes
collègues, au niveau de secondaire IV, à l'école Beaulieu,
à la Commission scolaire régionale Honoré-Mercier, en
1968, 1969 notamment je me souviens, M. le Président...
M. Morin: ... M. le Président...
M. Veilleux: Je demande au député de
Sauvé
d'écouter attentivement ce que je vais lui dire. M. Morin:
J'écoute...
M. Veilleux: Je vais lui prouver, M. le Président...
Une Voix: ... intéressant.
M. Veilleux: ... qu'à l'intérieur d'une convention
collective qui établit des normes générales, on est
capable de faire un réaménagement sans pour autant excéder
ces normes mais, M. le Président, un réaménagement qui
peut permettre de donner un meilleur enseignement, notamment en
français, dans la matière qu'on appelle le français, donc
d'améliorer la qualité de l'enseignement. Nous nous étions
entendus, les quatre enseignants en question, pour nous répartir la
tâche dans le français. Un, entre autres, se spécialisait
dans l'enseignement de la grammaire parce que, imaginez-vous, M. le
Président, on était obligé d'enseigner la grammaire
française au niveau du secondaire IV.
Alors, un s'est spécialisé là-dedans, un autre
faisait du laboratoire avec les élèves, notamment en composition,
en dissertation. Il est entendu que celui qui enseignait la grammaire
française avait une tâche différente de celui qui
enseignait en laboratoire. Moi, j'ai enseigné le français
à deux groupes d'élèves; donc, j'avais devant moi 70
élèves. Par contre, d'autres de mes collègues, qui
enseignaient la même matière, mais un autre programme de cette
matière, n'avaient, eux, que 25 ou 30 élèves.
Ce n'est pas nécessairement le nombre d'élèves par
classe qui fait que la matière peut être meilleure ou pire; c'est
la matière elle-même qui peut être répartie
différemment compte tenu que c'est de la théorie ou de la
pratique. C'est de cette façon, M. le Président, qu'on pourra
améliorer la qualité de l'enseignement dans les écoles.
Nécessairement, il faut une bonne connaissance de la matière
dès le départ. Aujourd'hui, avec la réforme de
l'enseignement que nous avons connue dans les années 1962 et 1963, ce
début de réforme, cette attirance d'une plus grande partie de la
population étudiante vers le secteur du CEGEP et de l'université,
on peut dire qu'au départ quelqu'un qui entre en 1975 dans
l'enseignement est nécessairement mieux préparé qu'un
autre auparavant; donc, il a de meilleures connaissances.
A Saint-Jean, notamment dans le secteur de l'enfance inadaptée,
j'ai eu la visite, il y a trois semaines, d'un professeur en enfance
inadaptée. Malgré la convention collective, le décret dont
parlait le député de Saguenay, ils sont à faire ce qu'on
appelle un "team teaching" dans le secteur de l'éducation de l'enfance
inadaptée. Ils sont heureux de l'expérience qu'ils tentent
présentement. Ils sont capables, à l'intérieur des normes
prévues, d'expérimenter ce qu'on appelle le "team teaching". On
améliore, à ce moment-là, l'enseignement par
équipe. On améliore, à ce moment-là, la
qualité de l'enseignement à des élèves qui sont
peut-être les plus démunis à l'heure actuelle au
Québec, c'est-à-dire démunis mentalement. Malgré
ces fameuses normes qui sont censées, à écouter le
député de Lafontaine ou le député de Saguenay,
détruire la qualité de l'enseignement, à
l'intérieur de cela, il y a une tentative honnête qui est faite
présentement par des enseignants de mon comté. Je dois non
seulement en mon nom, mais au nom de tous mes collègues du Parti
libéral les féliciter pour cette initiative qu'ils ont prise,
parce qu'ils font partie de la très grande majorité des
enseignants qui ont le souci de s'améliorer et, partant,
d'améliorer la qualité de leur enseignement.
C'est important, M. le Président, aussi de mentionner que, si on
veut améliorer la qualité de l'enseignement, si on veut
améliorer le climat à l'intérieur des écoles, une
autre des caractéristiques de tout enseignant, c'est la
disponibilité vis-à-vis de ses élèves.
Malgré l'immense travail que peut avoir un enseignant en dehors de la
présence avec ses élèves admettons, comme l'a dit
le député de Saguenay, qu'on se contentait, M. le
Président, de dire: Oui, 900 minutes d'enseignement, on vous l'accorde,
parce que vous avez une immense tâche en dehors de cela cela prend
plus pour créer un véritable climat à l'intérieur
d'une école, pour améliorer la qualité de l'enseignement.
Cela prend, d'abord et avant tout, la disponibilité des enseignants
vis-à-vis des étudiants. Je retourne, pas 50 ans mais six ans en
arrière pour vous dire que, dans l'école où j'enseignais
à Saint-Jean, il y avait des professeurs qui acceptaient de passer, sans
rémunération, une heure ou deux par semaine avec nos groupes
d'élèves pour jouer entre autres au vollev-ball.
C'est là qu'on avait l'occasion de rencontrer nos
élèves, de discuter d'autre chose que de matières
pédagogiques. On se connaissait mieux. Donc, cela permettait à
l'enseignant de créer un meilleur climat à l'intérieur de
sa classe et de donner un meilleur enseignement, donc, une meilleure
qualité de l'enseignement. Ce sont ces choses qu'il ne faut pas oublier
lorsqu'on parle de qualité de l'enseignement.
Et la question que l'on doit se poser aujourd'hui c'est: Est-ce que les
offres gouvernementales, les offres faites dernièrement par le
gouvernement du Québec aux enseignants peuvent permettre un
réaménagement, une disponibilité, comme je viens de le
mentionner? Le ministre de l'Education me fait signe que oui, M. le
Président! Je ne dis pas le ministre de l'Education l'a dit
lui-même aussi que cela ne peut pas être sujet à
amélioration mais pour que ce soit sujet à amélioration,
pas dans tous les secteurs... Ce qu'ils oublient de dire, dans l'Opposition
officielle, c'est que les offres du gouvernement améliorent nettement la
condition de l'enseignant au niveau de l'élémentaire, donc lui
permettent de diminuer sa tâche, lui permettent d'améliorer la
qualité de son enseignement. Je dois le dire, jamais, le
député de Saguenay le sait, la Corporation des enseignants du
Québec n'a eu comme souci premier, d'essayer d'améliorer les
conditions de travail des professeurs de l'élémentaire.
Une Voix: Oh!
M. Veilleux: Là, c'est une nette avance sur toutes les
propositions...
M. Lessard: Qui est-ce... Est-ce que je peux vous poser une
question?
M. Veilleux: Non, M. le Président.
M. Lessard: Est-ce que je peux vous poser une question?
Des Voix: Non.
M. Veilleux: M. le Président...
M. Lessard: Qu'est-ce que vous faisiez...
Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre,
s'il vous plaît!
M. Lessard: ... quand vous étiez...
Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre,
s'il vous plaît!
M. Lessard: Est-ce que je peux lui poser une question? Qu'est-ce
que...
Le Président suppléant (M. Lafrance): L'honorable
député de Saguenay demande la permission de poser une question au
député de Saint-Jean.
M. Lessard: Est-ce que je pourrais...
M. Veilleux: Non. Mon temps est limité, M. le
Président.
M. Lessard: ... demander au député de
Saint-Jean...
Le Président suppléant (M. Lafrance): Permission
refusée.
M. Lessard: ... qu'est-ce qu'il faisait...
Le Président suppléant (M. Lafrance): Permission
refusée.
M. Lessard: ... quand il était au Conseil provincial,
comme négociateur?
Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre!
... A l'ordre! Vous avez invoqué l'article 96 tout à l'heure, il
s'applique encore à cette heure-ci. Alors, assoyez-vous.
L'honorable député de Saint-Jean.
M. Veilleux: M. le Président, les offres
gouvernementales...
M. Lessard: Vous auriez dû, à ce moment-là,
appliquer l'article 96.
M. Veilleux: ... il ne me l'a pas dit, M. le
Président...
M. Lessard: Et vous ne savez pas de quoi vous parlez.
M. Veilleux:... ils ne le disent pas... M. Lessard: ... en
parler.
Le Président suppléant (M. Lafrance): Al'ordre!
M. Veilleux: ...améliorent l'enseignement dans le secteur
professionnel au niveau secondaire. C'est un pas en avant, ça. Là
où on doit s'interroger, et c'est normal qu'on s'interroge, c'est normal
qu'on retourne à la table de négociation pour le négocier,
c'est dans le secteur général et dans le secteur commercial. Je
suis d'accord que les offres gouvernementales ne répondent
peut-être pas à toutes les aspirations des enseignants dans ce
secteur-là, mais c'est à eux, sincèrement,
consciencieusement, de retourner à la table des négociations et
de discuter de ces conditions de travail, pour leur permettre, à eux
aussi, je le concède, d'avoir une meilleure qualité
d'enseignement.
Je les ai rencontrés moi aussi je termine là-dessus
parce que je sais que l'ex-ministre de l'Education a des paroles à
prononcer sur cette motion de blâme les enseignants de mon
comté, dimanche soir passé. J'en ai convoqué un et je lui
ai demandé de choisir sept à huit autres enseignants. C'est lui
qui les a choisis. Ils sont venus chez moi. Pendant deux heures et demie ou
trois heures, nous avons discuté sincèrement des offres
gouvernementales et des demandes syndicales. SaVez-vous quelle est la grande
surprise...
M. Charron: Ils ont signé la convention.
M. Veilleux: ... que j'ai eue?
M. Lessard: ... organisateurs libéraux.
M. Veilleux: Savez-vous quelle est la grande surprise? Les
enseignants du Syndicat des enseignants d'Honoré-Mercier ne
connaissaient même pas les demandes syndicales et ils ne connaissaient
les offres gouvernementales que par ce que le ministre de la Fonction publique
et le ministre de l'Education leur avaient dit, soit à la radio ou
à la télévision.
Une Voix: Cela est vrai.
M. Veilleux: C'est pourquoi il serait peut-être bon...
M. Léger: Etes-vous au courant des offres?
M. Veilleux: Demandez donc au député de Lafontaine
d'être moins nerveux.
Une Voix: Ah! C'est mieux de les sortir de même.
M. Veilleux: D'être moins nerveux.
M. Léger: Est-ce que tous les membres vont assister
à vos assemblées? Voyons donc!
M. Veilleux: D'être tranquille, de ne pas s'énerver.
Moi, je n'étais pas mieux que les autres à l'époque
où j'étais président du syndicat. J'avais au moins le
courage...
J'ai été un des rares présidents au Québec,
lorsqu'en 1969 nous avions à nous prononcer sur les offres
gouvernementales, à avoir invité à mon assemblée de
syndicat, le directeur du personnel de la Commission scolaire
Honoré-Mercier, Pierre Prévost, à venir expliquer les
offres gouvernementales et patronales à mes enseignants, en pleine
assemblée syndicale, puis il y avait 900 enseignants à mon
assemblée.
M. Lessard: Parce que vous n'étiez pas capable de les
expliquer.
M. Veilleux: Les enseignants ont très bien reçu,
ont reçu poliment le représentant de la commission scolaire. Je
n'ai pas peur de le dire: Si le président du syndicat de Saint-Jean veut
faire une assemblée, je suis prêt à aller n'importe quand
expliquer les offres gouvernementales comme, à l'époque, Pierre
Prévost, de la régionale, était venu les expliquer.
Même s'il y a des enseignants qui ne sont pas d'accord politiquement avec
moi, même s'il y a des enseignants de Saint-Jean qui ne sont pas d'accord
sur les offres gouvernementales, je suis persuadé qu'ils vont bien me
recevoir, parce que les gens de Saint-Jean reçoivent bien et leurs
représentants syndicaux et les représentants soit de la table du
gouvernement ou des commissions scolaires. Dans le conflit des
prêts-bourses, j'ai été rencontrer 1,200 enseignants de mon
CEGEP. Ils ne m'ont pas sorti dehors; ils m'ont permis de leur expliquer la
position du ministère de l'Education.
M. Lessard: 1,200 étudiants, pas enseignants.
M. Veilleux: Je suis persuadé que les enseignants me
feraient une réception identique et je suis disponible pour aller leur
expliquer la position du ministère n'importe quand. Mais je demande au
ministre de l'Education s'il n'y aurait pas lieu de penser sérieusement
à faire parvenir aux enseignants du Québec et les offres
gouvernementales et les demandes syndicales pour qu'ils se rendent compte,
parallèlement, exactement des demandes syndicales et des offres
gouvernementales.
En terminant, je demande aux représentants des syndicats de
retourner à la table de négociations et de négocier. Pas
se contenter d'interroger, pas se contenter de contester, mais d'aller
véritablement négocier pour en arriver à une entente entre
les enseignants et le gouvernement, pour assainir le climat de travail dans les
écoles.
Merci.
M. Lessard: M. le Président...
Le Président suppléant (M. Lafrance): Le
député de Saguenay.
M. Lessard: Est-ce que ce serait possible de poser une question
au député de Saint-Jean?
M. Veilleux: Si ce n'est pas pris sur le temps de mon
collègue, oui, mais, si c'est pris sur son temps, non.
M. Lessard: D'accord, M. le Président, ce ne sera pas pris
sur son temps. On sait que le député de Saint-Jean a
déjà été au niveau de la négociation...
Une Voix: Cela prend le consentement et il ne l'a pas.
Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre! A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lessard: En tous cas vous avez peur. Vous avez peur.
Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre,
s'il vous plaît!
M. Veilleux: Je ne lui permets pas.
M. Lessard: Je vais y aller quand le député de
Saint-Jean rencontrera les enseignants.
M. Veilleux: La parole est au ministre de l'Industrie et du
Commerce.
Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre,
s'il vous plaît! Etant donné que le débat est
limité...
M. Lessard: Un autre qui ne connaît rien!
Le Président suppléant (M. Lafrance): A l'ordre,
s'il vous plaît!
Le ministre de l'Industrie et du Commerce.
M. Lessard: Vous avez peur, hein. M. Guy Saint-Pierre
M. Saint-Pierre: M. le Président, je suis heureux de
participer à la discussion sur la motion qui a été
présentée, puisqu'il me semble que, peu importent les
préoccupations d'un parlementaire dans cette Chambre et ses champs de
spécialisation, le monde de l'éducation, à cause de son
importance dans toutes les sociétés modernes, ne peut laisser
personne indifférent. Même si, depuis deux ou trois ans, on m'a
confié d'autres secteurs de l'administration gouvernementale, je regarde
toujours avec beaucoup d'intérêt ce qui se passe dans le secteur
de l'éducation. C'est un volet important non seulement parce que nous y
consacrons plus de $2 milliards de nos ressources et
que nos resssources ne sont pas illimitées, mais également
parce que, dans ce processus par lequel toute société tente
d'améliorer ses méthodes de vie, et les rapports qui relient les
hommes entre eux, on ne saurait négliger la fonction importante qu'a
l'éducation de permettre à chacun, par un processus continu, de
mieux comprendre son rôle dans nos sociétés et de mieux
être en fonction d'aider les autres à comprendre leur rôle
dans la société.
Nous avons connu au Québec une réforme nécessaire
dans ce secteur, qui a fait que, dans l'espace des quinze dernières
années, il nous a fallu prendre les bouchées doubles. Le travail
n'a pas été fait par Dieu le Père, le travail n'a pas
été trouvé dans l'encyclopédie Larousse ou autre,
mais ce fut un travail d'hommes. Des gens, partant du rapport Parent ou partant
d'autres qui avaient décelé les lacunes de nos systèmes
d'éducation, ont tenté de nous suggérer des
éléments de réforme. Des gens, par la suite, que ce soient
des fonctionnaires, que ce soient des ministres, que ce soient des professeurs,
que ce soient des étudiants, ont tenté de vivre les
réformes et de les mettre au point. Bien sûr, dans ce travail si
complexe de l'éducation, lorsqu'en une période si courte il nous
a fallu faire tant de choses, il a pu se commettre ici et là sur le
parcours des erreurs.
Mais globalement pouvons-nous identifier du doigt que seul le
gouvernement doit assumer cette responsabilité, puisque c'est le sens un
peu de la motion, que seul le gouvernement pouvait faire de cette
réforme un succès ou éviter qu'elle soit sujet à
des critiques?
La réforme de l'éducation et c'est ce qui est
peut-être fondamental dans le débat, il faut se le rappeler, comme
la réforme en matière des affaires sociales est un dur
test pour la société québécoise. Dans d'autres
secteurs, particulièrement le secteur économique, nous avons
plusieurs voies pour nous dire que nos problèmes, c'est la faute des
autres, c'est la faute des Anglais, c'est la faute des compagnies
multinationales, c'est la faute du système capitaliste. Mais s'il y a
deux secteurs, M. le Président, où nous sommes collectivement
maîtres de ce que nous tentons de faire, c'est bien le secteur des
affaires sociales et de l'éducation.
Si, dans ces deux secteurs, on veut dire que tout va mal, il faut bien
se donner un mea culpa collectivement, si on veut donner ce verdict. J'estime
que dans le secteur de l'éducation, nous avons visé deux
objectifs très importants. Premièrement une accessibilité
de plus de Québécois à l'enseignement même. Je
souligne que, possiblement, un des problèmes que nous pouvons avoir
aujourd'hui, non seulement sur la difficulté dans tous les secteurs, que
ce soit le leadership syndical, le leadership patronal ou le leadership
gouvernemental, vient peut-être que sur le groupe d'hommes qui,
normalement, dans des sociétés, doit assumer beaucoup de
responsabilités, ceux qui ont entre 35 et 50 ans, si on tient compte, au
Québec, que nombre d'entre eux lorsqu'ils étaient à
l'école et qui ont frappé aux portes de l'univer- sité se
sont destinés vers la prêtrise et ont abandonné en cours de
route, c'est peut-être une très faible proportion de la population
québécoise qui a eu cette chance de l'éducation et qui se
retrouve actuellement avec les données du problème.
Le problème de l'éducation visait également un
système de péréquation qui faisait que le niveau de
l'éducation n'était pas relié au nombre de
cheminées industrielles qu'on avait dans son milieu, ce qui faisait que
Noranda n'était pas capable de se payer, dans un nouveau système,
le luxe que Rouyn ne pouvait pas se payer.
Sur ces deux points, accessibilité et péréquation,
il faut bien admettre que beaucoup a été accompli, que des
régions qui hier, devaient se contenter de payer mal des professeurs,
d'avoir un système d'éducation complètement
inadéquat, peuvent aujourd'hui, indépendamment de la richesse de
leur milieu et le député de Saguenay devrait en convenir
être capables de se payer des normes qui font qu'eux, même
s'ils ne sont pas riches, sont capables d'avoir les mêmes normes en
termes de traitements, de salaires, de qualité d'enseignement, de nombre
de professeurs, que des banlieues plus cossues comme les villes de Mont-Royal,
de Sillery et autres.
J'y vais très rapidement, il ne faudrait pas avoir un jugement
uniquement négatif sur ce qui s'est fait dans le secteur de
l'enseignement. A l'école élémentaire, il faut convenir
que les élèves, actuellement, font preuve de beaucoup plus de
créativité personnelle que cela pouvait être la cas il y a
vingt ans. Autant l'école du rang pouvait faire respecter l'ordre, je
pense qu'il faut admettre que l'école élémentaire
d'aujourd'hui, à très peu d'exceptions près, a
été capable de donner à l'élève un sens de
la créativité personnelle qui mérite d'être
signalée.
Les statistiques, au niveau d'un degré plus poussé de
scolarisation, sont également éloquentes. La scolarisation, le
nombre de diplômes équivalent-ils nécessairement à
une connaissance plus poussée? La preuve en serait difficile, mais les
statistiques montrent que la scolarisation est beaucoup plus poussée. Au
niveau des CEGEP au lieu d'avoir les types de cours que nous avions avant qui
ne débouchaient sur absolument rien, nous avons quand même toute
une gamme d'options qui permettent à des jeunes de trouver, dans le
secteur professionnel comme dans le secteur général, une
satisfaction personnelle de pouvoir apporter quelque chose à des
problèmes ou une société.
Finalement, au niveau des structures, il ne faudrait pas les
négliger, il faut rappeler que, par la loi 27, non seulement nous avons
tenté d'instaurer une véritable participation des parents qui
n'existait absolument pas avant, mais nous avons également réduit
nos structures administratives de plus de 2,000 à des structures qui
permettent un niveau de compétence sur le plan tant de la direction
pédagogique que sur le plan de la direction administrative de nos
commissions scolaires locales et régionales.
Mais l'oeuvre de l'éducation ne peut être sim-
plement reposée sur les épaules d'un ministre, sur les
épaules des 1,000 ou 2,000 fonctionnaires d'un ministère ou sur
le Conseil supérieur de l'éducation ou sur les cadres scolaires
ou sur les professeurs eux-mêmes.
Finalement, l'oeuvre de l'éducation touche tous les
Québécois. Elle concerne, à la rentrée scolaire,
directement près d'un tiers des Québécois.
Un Québécois sur trois est touché à la
rentrée scolaire d'une façon directe. C'est donc un engrenage
complexe qui peut, dans tous les milieux, avoir des faiblesses mais qui
demande, de la part de ceux qui le critiquent et de ceux qui voudraient
l'améliorer, un minimum de retenue, un minimum de modération. Il
ne faut pas tenter par des débats publics, par les media de s'insulter
mutuellement mais tenter concrètement de trouver des solutions aux
problèmes et surtout de prouver, dans cette démarche, qu'on
recherche le bien commun des élèves.
Or, si j'étais le premier à dire que la motivation se
retrouve toujours aujourd'hui dans nombre de professeurs, il me semble que le
syndicalisme, lui, et particulièrement l'"establishment" syndical, fait
preuve dans nombre de cas d'un irrespect total du bien commun en ce qui touche
l'éducation.
Je m'en voudrais d'abuser du temps de la Chambre, de donner des exemples
qui sont arrivés dans mon comté encore tout récemment et
qui sont tellement déplorables qu'ils ne servent qu'à
élargir le fossé qui, de plus en plus, sépare la
population de I' "establishment" syndical du côté des
enseignants.
A la régionale Chambly, il y a encore quelques semaines, sans
aucun préavis et sous prétexte que la commission scolaire avait
dit que les règlements devaient être observés, on a
décelé qu'un règlement disait que, pour être
à l'intérieur de l'école, il fallait avoir sa carte
d'identité de la commission scolaire. Sans aucun préavis, on a
mis à la porte, à dix heures le matin, un lundi, plus de 2,000
étudiants d'une polyvalente. On voit la désorganisation
complète. Des gestes comme cela ne peuvent se justifier, il me semble,
lorsqu'on a le moindre souci vis-à-vis du bien commun.
D'ailleurs, M. le Président, je n'ai personnellement aucune
arrière-pensée vis-à-vis du fait qu'on puisse porter le
complet de Mao ou la barbiche de Ho Chi Minh; je pense que plusieurs
mériteraient cependant de vivre véritablement comme les
travailleurs de Mao. Malheureusement, nos travailleurs de l'enseignement, s'ils
avaient en Chine ou en Russie les mêmes comportements qu'on retrouve ici,
plusieurs auraient pris le chemin de la Mongolie ou de la Sibérie. Cette
guérilla urbaine, qu'on est en train d'instaurer dans plusieurs de nos
écoles publiques, menée par ('"establishment" syndical je
suis très sérieux dans mes propos est en train de tuer
l'école publique au Québec, de tuer l'école publique
francophone au Québec.
M. le Président, comment expliquer autrement l'engouement de tous
les parents, et, pire, incluant les professeurs, pour l'école
privée au Québec si ce ne sont les perturbations constantes et
répétées que doit subir l'école publique?
L'école privée, M. le Président qu'on ne
s'en cache pas n'est pas le fait d'une élite. Qu'on examine les
statistiques. Les ouvriers se saignent à blanc pour envoyer leurs
enfants à l'école privée dans nombre de régions
puisqu'ils en ont soupé de voir le progrès des enfants
constamment perturbé par des journées d'étude, des
professeurs qui ne se présentent pas aux cours, des perturbations
constantes dans le secteur de l'école publique.
M. Léger: N'est-ce pas le signe des malaises?
M. Saint-Pierre: M. le Président, on pourrait faire une
analyse détaillée de bien des transferts linguistiques au
Québec. J'en ai connu dans mon propre comté. Une des raisons
j'aimerais bien que des études poussées soient faites
là-dedans est justement la perturbation de l'école
polyvalente française. Quand celle-ci, depuis cinq ou six ans, à
chaque année, subit les secousses de contestation de toutes sortes,
faut-il se surprendre que des parents francophones, qui ont à coeur
l'école française, décident d'envoyer leurs enfants
à l'école anglaise?
M. le Président, nous sommes constamment en face de scènes
déplorables, de violence. J'en ai vu encore récemment. Je prends
à témoin le député de Saint-Jacques qui
était le conférencier à l'assemblée
générale de l'Association du Parti québécois de
Chambly, devant 66 ou 70 membres, et qui a vu là des gens qui ont
tenté de se servir d'une chapelle du Parti québécois pour
appuyer quelques professeurs à la polyvalente de Mortagne qui depuis
plusieurs mois, empêchent littéralement un véritable climat
sain de s'installer à l'intérieur d'une école
polyvalente.
M. le Président, il nous faut comprendre de plus en plus que le
fardeau d'avoir une éducation de qualité au Québec ne peut
reposer uniquement sur le gouvernement ou sur le ministère de
l'Education. Il doit être l'oeuvre de tous les Québécois.
Dans ce secteur plus que dans tout autre, on ne peut trouver d'alibi, on ne
peut trouver de bouc émissaire chez les Anglais, chez le gouvernement
fédéral ou chez les entreprises multinationales.
Peut-être qu'il a lieu de décentraliser, peut-être y
a-t-il lieu de redonner aux commissions scolaires plus de
responsabilités, mais également la responsabilité d'aller
chercher dans le milieu plus d'efforts, sur le plan fiscal, si on veut se payer
des services additionnels. Ce sont peut-être des thèses à
examiner, mais dans le contexte actuel on s'explique mal les rejets
catégoriques que fait "l'establishment" syndical des offres
patronales.
Je pense que le ministre de l'Education, aujourd'hui, nous a
donné des chiffres éloquents qui montrent que les professeurs
auraient tort de penser que dans la société
québécoise ils ont été abandonnés.
D'ailleurs selon les statistiques et le député de Saguenay
connaît "Statistique Canada" ses recherchistes lui diront qu'aucun
groupe dans la société québécoise n'a fait autant
de progrès sur le plan de la rémunération que le
groupe des professeurs.
M. Charron: M. le Président, j'invoque le
règlement. Je pense que le temps du ministre est expiré.
M. Lessard: II y a les députés qui en ont fait
plus.
Le Vice-Président (M. Lamontagne): Le temps est
écoulé? Je vais vérifier.
M. Charron: Je pense que le temps est expiré,
effectivement.
Le Vice-Président (M. Lamontagne): Oui, le temps est
expiré.
M. Léger: J'avais des questions à lui poser,
mais...
Le Vice-Président (M. Lamontagne): Comme on m'informe que
le temps des parties respectives est terminé, j'appelle le vote.
M. Léger: Vote enregistré, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lamontagne): Vote
enregistré.
Vote sur la motion
Le Président: A l'ordre, messieurs! Que ceux qui sont en
faveur de la motion de l'honorable député de Lafontaine veuillent
bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Morin, Burns, Léger,
Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi).
Le Président: Que ceux qui sont contre cette motion
veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque, Blank, Mailloux,
Saint-Pierre, Garneau, Lachapelle, Berthiaume, Giasson, Goldbloom, Quenneville,
Mme Bacon, MM. Tetley, Lacroix, Bienvenue, Harvey (Jonquière),
Vaillancourt, Cadieux, Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Perreault, Brown,
Kennedy, Bacon, Lamontagne, Bédard (Montmorency), Veilleux,
Séguin, Saindon, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Fraser,
Gratton, Carpentier, Faucher, Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg),
Larivière, Pelletier, Bérard, Bonnier, Boutin, Chagnon, Ostiguy,
Caron, Côté, Denis, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc),
Lachance, Lapointe, Lecours, Malépart, Massicotte, Mercier, Pagé,
Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Vallières, Verreault,
Leduc.
Le Secrétaire: Pour: 6 Contre: 64
Le Président: Cette motion est rejetée.
M. Burns: On n'en fera plus de motion. Vous n'êtes pas
assez fins, on n'en fera plus de motion.
M. Lessard: On ne joue plus, on perd tout le temps.
M. Levesque: M. le Président, avec le consentement unanime
de la Chambre, est-ce qu'on peut passer au dépôt de rapports de
commissions élues?
Le Président: Le député de
Nicolet-Yamaska.
Rapport sur le projet de loi privé no
214
M. Faucher: M. le président, qu'il me soit permis de
déposer le rapport de la commission élue permanente des
transports, des travaux publics et de l'approvisionnement, qui a
étudié le projet de loi no 214, Loi concernant la compagnie de
gestion de Matane Inc., qu'elle a adopté avec un amendement.
Le Président: Est-ce qu'il s'agit d'un rapport
déposé ou s'il y a consentement à ce qu'il soit
adopté?
M. Burns: Que le rapport soit adopté, M. le
Président? Oui, pas de problème.
Le Président: Le député de Nicolet-Yamaska
propose que ce rapport soit agréé ou adopté.
M. Burns: Adopté.
Le Président: Adopté. Il y en a d'autres?
M. Levesque: II y en avait deux autres, mais je ne pense pas
qu'ils soient arrivés. Oui? Excusez-moi.
Le Président: Le député de Gatineau.
Rapports sur les projets de loi nos 38 et 79
M. Gratton: Conformément à l'ordre de la Chambre,
qu'il me soit permis de faire rapport que la commission de la justice a
étudié le projet de loi no 38, Loi modifiant le Code de
procédure civile et autorisant l'usage du courrier certifié
à certaines fins, ainsi que le projet de loi no 79, Loi constituant la
Société québécoise d'information juridique, et en a
adopté tous les articles avec amendements.
Le Président: Ce rapport est-il adopté? M.
Burns: Adopté, M. le Président.
Le Président: Adopté.
Il faudrait faire les écritures, si vous n'avez pas d'objection,
parce que pour ces deux projets de loi, on avait commencé l'étude
en commission plénière. Il faudrait faire les écritures,
je crois, de la commission plénière. Il y aurait plus de
continuité.
M. Burns: D'accord, M. le Président.
Le Président: Rapport de la commission
plénière, adopté.
M. Levesque: Troisième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M. Burns: C'est ça.
M. Levesque: Alors, M. le Président, je propose
l'ajournement des travaux de la Chambre à demain, dix heures.
Le Président: L'Assemblée ajourne ses travaux
à demain, dix heures.
(Fin de la séance à 22 h 53)
Référer à la version PDF ANNEXE page 2602 à
2659