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(Dix heures neuf minutes)
M. LAMONTAGNE (Vice-président): A l'ordre, messieurs!
Affaires courantes.
Dépôt de rapports de commissions élues.
L'honorable député de Lotbinière.
Rapport sur le projet de loi no 20
M. MASSICOTTE: M. le Président, qu'il me soit permis de
déposer le rapport de la commission élue permanente de
l'agriculture et de la colonisation qui a étudié le projet de loi
no 20, Loi sur l'assurance récolte, dont elle a adopté tous les
articles avec leurs amendements.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Rapport déposé.
Dépôt du rapport du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de motions non annoncées.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Déclarations ministérielles.
Dépôts de documents.
DÉPÔT DE DOCUMENTS
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives.
Malartic Hygrade Gold Mines
M. TETLEY: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le
rapport d'enquête concernant Malartic Hygrade Gold Mines (Quebec)
Limited, lequel rapport a été demandé par le
député de Saguenay. Le rapport est daté du 18
décembre et lors de la période des questions, je répondrai
à la question du député de Saguenay.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Questions orales des
députés.
QUESTIONS DES DÉPUTÉS
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable chef de l'Opposition
officielle.
Uranium enrichi
M. MORIN: Ma question est destinée au premier ministre, M. le
Président. Hier le ministre fédéral de l'Energie a fait
savoir que les gouver- nements du Québec et de la France ont
été prévenus qu'ils ne pourraient conclure aucun accord au
sujet des projets d'uranium enrichi sans l'approbation expresse d'Ottawa. Le
premier ministre était-il au courant de cela, a-t-il été
consulté, a-t-il quelque chose à déclarer?
M. BOURASSA: M. le Président, je vois bien que le chef de
l'Opposition n'a pas beaucoup de questions à poser ce matin. J'ai
déjà dit, à de nombreuses reprises, que le commerce
international relevait du gouvernement fédéral.
J'ai dit, dans une interview dans le journal Le Monde, que, d'une
certaine façon, le gouvernement fédéral jouait un
rôle de douanier, en ce sens qu'il fallait la permission du gouvernement
fédéral pour exporter de l'uranium. Il n'y a absolument rien de
nouveau. La mise au point de M. Macdonald, qui répète, à
toutes fins pratiques, ce qu'il avait dit il y a un mois, veut tout simplement
dire que, pour exporter l'uranium, nous avons besoin de la permission du
gouvernement fédéral. Il n'y a rien de nouveau là-dedans;
j'en avais discuté avec le premier ministre.
M. MORIN: M. le Président, je ne comprends pas que le premier
ministre connaisse si mal la loi fédérale sur la question. Je
vais lui demander...
UNE VOIX: Vous, vous ne connaissez pas la Loi de la
Législature.
M. MORIN: II y en a plusieurs qui ne la connaissent pas,
apparemment...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!
M. MORIN: ... cette Loi de la Législature.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. MORIN: M. le Président, je veux demander au premier ministre
s'il sait que non seulement le Québec ne peut pas exporter, mais que le
gouvernement ou qui que ce soit au Québec ne peut être
propriétaire, ne peut être en possession, ne peut utiliser, ne
peut raffiner l'uranium sans ce soumettre à l'autorisation et aux
règlements fédéraux. Le premier ministre sait-il cela?
M. BOURASSA: M. le Président, le chef de l'Opposition... Je sais
bien, il faut remplir la période des questions. Tout cela a
été discuté, tout cela est bien connu.
M. MORIN: Est-ce que c'est cela, un "douanier"?
M. BOURASSA: II y a une entente actuellement entre la
Société de développement de la baie James, l'entreprise
fédérale, Eldorado Mi-
ning, et l'entreprise SERU, une entente française, pour faire de
la recherche d'uranium sur le territoire de la baie James. Si nous en trouvons,
il y a quand même un représentant du gouvernement
fédéral. Si une société d'Etat
fédéral s'associe à une société
française et à une société québécoise
pour faire de la recherche ou de l'exploitation aux fins de trouver de
l'uranium, c'est donc que, de part et d'autre, on est conscient de cette
situation.
M. MORIN: En question supplémentaire, M. le Président: Le
premier ministre est-il conscient du fait qu'Ottawa vient d'adopter de
"nouvelles mesures" réglementaires au sujet de l'uranium enrichi et de
son exportation?
Le premier ministre sait-il que M. MacDonald a décrit ces
nouvelles mesures comme étant "les plus rigoureuses du monde" et que ces
mesures visent à restreindre l'exportation? Elles sont faites, on le
voit, pour s'appliquer en particulier au cas du Québec et de la France.
Le premier ministre a-t-il pris connaissance de ces nouvelles mesures? A-t-il
été consulté au sujet de cette réglementation et
est-ce là un cas de fédéralisme rentable? Ne serait-ce pas
un nouveau cas d'impuissance du Québec devant Ottawa?
M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition prend un ton professoral ce matin.
Comme le chef de l'Opposition...
M. MORIN: Enseignez-moi ce que je vous ai demandé.
M. BOURASSA: Comme le chef de l'Opposition, j'ai pris connaissance des
nouveaux règlements qui, d'ailleurs, ont reçu une assez large
diffusion dans le public.
M. MORIN: Quoi?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! A l'ordre, messieurs.
M. BOURASSA: Ces règlements ont été annoncés
publiquement il y a plusieurs jours. Vous êtes en retard dans vos
questions.
M. MORIN: M. le Président, je regrette, mais le premier ministre
ne s'en tirera pas si facilement. Ce sont des règlements...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous avez une
question?
M. MORIN: Oui, je veux lui demander s'il a été
consulté à ce sujet; question bien précise. Oui ou non,
avez-vous été consulté?
M. BOURASSA: Personnellement, non. Il est possible qu'au niveau des
fonctionnaires il y ait eu des discussions, mais personnellement, M. MacDonald
ne m'a pas appelé pour me donner le contenu technique de ces
règlements.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Lafontaine.
M. MORIN: C'est bien ce que je pensais.
M. MASSE: On laisse l'impression que le ministère des Richesses
naturelles n'a pas été consulté, n'a pas participé
à une discussion avec le fédéral. Il l'a
été.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre messieurs!
M. SAMSON: Vous vous êtes dit bonjour?
Coût des Jeux olympiques
M. LEGER: Ma question s'adresse au premier ministre. Maintenant que le
premier ministre nous a affirmé ici, en Chambre, qu'il y aurait la
convocation de la commission parlementaire pour entendre M. Drapeau, ainsi que
la ville de Montréal et les représentants des Jeux olympiques,
est-ce que le premier ministre peut nous dire aujourd'hui, maintenant qu'on
apprend que les jeux ont réellement doublé de coût, tel que
je l'avais mentionné dans ma question, est-ce que le premier ministre
peut, aujourd'hui, nous déterminer la date de cette convocation de cette
réunion, de façon que les parlementaires soient
préparés en conséquence et qu'ils ne se retrouvent pas
comme lors de la dernière commission parlementaire sur le village
olympique.
Deuxièmement, le premier ministre pourrait-il demander à
M. Drapeau et à son groupe d'apporter tous les documents concernant les
différents contrats de télévision, les différentes
méthodes de fonctionnement de contrats sans soumission de construction
et les ententes complètes sur le village olympique ainsi que les
contrats allant jusqu'à celui avec M. Taillibert au début des
Jeux olympiques?
M. BOURASSA: II y a eu une inflation dans les coûts des Jeux
olympiques comme il y a de l'inflation dans les accusations du
député de Lafontaine. A ma connaissance, le député
de Lafontaine n'a pas relevé le défi de M. Jean-Pierre Goyer pour
dire à l'extérieur de la Chambre les accusations qu'il y a
portées. Je ne sais pas si on doit le féliciter pour le courage
dont il a fait preuve dans les accusations à l'endroit du ministre
fédéral.
M. LEGER: Le premier ministre est-il capable de répondre à
ma question? Le premier ministre a-t-il le courage de nier...
M. LACROIX: Ne faites par le pitre plus que vous ne l'êtes.
M. LEGER: ... les faits que je lui ai mentionnés à l'effet
que les coûts étaient le double? Le premier ministre va-t-il
maintenant se cacher pour ne pas répondre à la question que je
lui pose, soit la date de la commission et qu'on ait tous les contrats devant
les yeux?
M. BOURASSA: C'est bien le député de Lafontaine qui se
cache derrière son immunité parlementaire pour porter des
accusations extrêmement sérieuses contre des parlementaires d'un
autre Parlement. Je pense que...
M. LEGER: Voulez-vous répondre à ma question?
M. BOURASSA: Non, mais je dis...
M. LEGER: En temps et lieu, j'aurai d'autres commentaires plus
importants à faire là-dessus.
M. BOURASSA: Ayez donc le courage de répéter à
l'extérieur de la Chambre les accusations que vous avez faites à
l'intérieur de la Chambre.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre !
M. BOURASSA: Vous ne répondez pas à cela.
M. LEGER: ... question.
M. BOURASSA: J'ai déjà répondu à votre
question en disant que les autorités municipales étaient
prêtes à venir en commission parlementaire au cours du mois de
janvier, entre le 15 et le 30 janvier. Quant à fixer la date ce matin,
je ne crois pas qu'il y ait urgence, mais je peux dire au député
de Lafontaine que cela se situera très, très probablement entre
le 15 et le 30 janvier.
M. LEGER: Et concernant les documents que j'ai mentionnés?
M. BOURASSA: Je prends avis de la question là-dessus.
M. BELLEMARE (Johnson): Ma question s'adresse...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Johnson.
Question additionnelle?
Assignation de journalistes
M. BELLEMARE (Johnson): Non. Je voyais il y a un instant le
député de Crémazie, ministre de l'Immigration. Ma question
s'adresse dans ce cas au leader du gouvernement.
Si c'est l'intention du gouvernement de faire comparaître à
la barre de l'Assemblée nationale un journaliste afin d'expliciter ses
écrits, est-ce que c'est l'intention du gouvernement de prendre toutes
les mesures qu'avait prises, dans le temps, M. Alexandre Taschereau dans le cas
de M. Roberts, un éditorialiste qui avait écrit un article assez
compromettant vis-à-vis des membres de la Législature? Et
à ce moment, M. le Président, la Législature, le
gouvernement avait pris beaucoup de précautions avant de convoquer
à la barre le journaliste. Je pense que c'est rapporté dans un
journal qui est un peu vieillot, comme le député de Johnson, mais
c'est rapporté dans le journal Le Soleil, le 3 novembre 1922. Ce n'est
pas d'hier, c'est un précédent, M. le Président, qu'il ne
faudrait pas oublier, parce que dans cela il y a des précautions bien
élémentaires et surtout parlementaires que le gouvernement
devrait prendre avant de convoquer à la barre un journaliste.
M. LEVESQUE: Est-ce que le député pourrait préciser
quel journaliste et quel journal?
M. BELLEMARE (Johnson): Pardon?
M. LEVESQUE: Est-ce que le député peut préciser
quel journal?
M. BELLEMARE (Johnson): C'était M. John H. Roberts qui est venu
s'expliquer...
M. LEVESQUE: Non, non, mais aujourd'hui.
M. BELLEMARE (Johnson): C'était dans le journal qui s'appelait
dans ce temps-là The Axe.
DES VOIX: Aujourd'hui, là.
M. LEVESQUE: De quel journal et de quel journaliste?
M. BELLEMARE (Johnson): Celui qui a été menacé hier
de comparaître à la barre.
M. LEVESQUE: Je ne sais pas qui.
M. BELLEMARE (Johnson): Par un certain ministre du gouvernement.
M. LEVESQUE: Lequel?
M. BELLEMARE (Johnson): Vous lirez le procès-verbal, le
débat.
M. BOURASSA: On le lira et on vous répondra après.
UNE VOIX: II n'y a pas de question.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Beauce-Sud.
M. BELLEMARE (Johnson): C'en était une bonne, il s'agit de la
trouver.
Saisie d'oeufs
M. ROY: Je poserais une question au ministre de l'Agriculture. Il y a
une dizaine de jours, j'avais demandé au ministre de l'Agriculture s'il
était au courant que des producteurs d'oeufs s'étaient fait
saisir leur production et que l'association demandait la disparition de Fedco,
l'Association des producteurs d'oeufs du Québec demandait, d'autre part,
la disparition de Fedco. Le ministre avait dit qu'il prenait avis de la
question, qu'il ferait le point de la situation et qu'il en informerait la
Chambre. J'aimerais savoir, après près de deux semaines, ce qu'il
en est au juste? Quelles sont les décisions qui ont été
prises par le ministère de l'Agriculture? Et s'il n'y a pas de
décision prise, qu'est-ce que le ministère entend faire?
M. TOUPIN: M. le Président, nous avons effectivement
examiné la situation et nous en arrivons à la conclusion que ces
deux groupes de producteurs, soit ceux qui sont à l'intérieur de
la fédération et ceux qui font partie d'une association
indépendante, ont des manières différentes de penser la
commercialisation, au Québec, de cette production agricole.
Les uns soutiennent qu'il est nécessaire que la
fédération continue avec son système actuel d'agence de
vente. Les autres disent que ce sont des coûts additionnels
attribués tant aux producteurs qu'aux consommateurs de conserver le
système.
A la suite des observations et des études que nous avons
menées jusqu'à maintenant, je ne puis dire si l'une ou l'autre
des thèses est fondée. Mais je puis vous dire, par ailleurs, que
les études se poursuivent. Si, toutefois, il s'avère que
certaines situations sont anormales, nous n'hésiterons sûrement
pas à prendre les décisions qu'il faudra prendre. Je
n'hésiterai pas, non plus, à demander aux producteurs de venir
s'expliquer devant une commission parlementaire pour que l'ensemble des
députés de cette Chambre soit mis au courant de cette
décision.
M. ROY: M. le Président, c'est la troisième fois que
j'interviens sur cette question. Je suis intervenu lors de l'étude des
crédits. Je suis intervenu, il y a quinze jours, à
l'Assemblée nationale. Nous avons toujours la même réponse
du ministre. Nous nous retrouvons toujours vis-à-vis du même
problème.
Actuellement, à cause de certains privilèges qui ont
été accordés en vertu d'arrêtés en conseil
je dis bien en vertu d'arrêtés en conseil qui permettaient
aux grandes chaînes d'alimentation de s'approvisionner en dehos de FEDCO
est-ce que le ministre est au courant qu'il y a des producteurs qui se
voient dans l'obligation de passer à côté de FEDCO et de
tenter de prendre des mesures pour mettre leurs produits sur le marché
eux-mêmes afin de ne pas faire faillite? C'est un problème qui
dure. C'est un problème qui concerne les producteurs actuellement, qui
les met dans des situations impossibles, ce qui fait en sorte que la situation
s'aggrave continuellement.
J'aimerais savoir du ministre s'il aurait d'autres nouvelles à
nous donner, ce matin, que ce qu'il a répété lors de
l'étude des crédits, au mois de juin dernier, à ce sujet.
Quand le gouvernement de la province entend-il intervenir pour tâcher de
mettre un terme à ce système néfaste pour les petits
producteurs d'oeufs du Québec?
M. TOUPIN: M. le Président, c'est une réglementation qui
s'applique. Ce sont des contingents de production qui ont été
fixés par les producteurs eux-mêmes, en ce qui concerne tout au
moins la production. En ce qui concerne les ententes intervenues entre la
fédération et l'association des distributeurs, je pense, de
denrées alimentaires le nom précis m'échappe, mais
cela concerne tous ceux qui sont dans la distribution ce n'est pas un
arrêté en conseil.
C'est une entente, c'est un contrat intervenu entre la
fédération des producteurs et l'association des distributeurs. Je
ne vois pas pourquoi le député de Beauce-Sud insiste tellement
pour soutenir qu'il s'agit là d'un arrêté en conseil. C'est
une entente normale qui est intervenue là comme cela intervient entre
deux autres parties.
Donc, ce problème me parait relever beaucoup plus des parties en
cause, pour le moment, que du gouvernement.
En ce qui concerne l'application des contingents, notamment un certain
nombre de producteurs qui ne se sont pas conformés aux règlements
et à la loi, la fédération et la Régie des
marchés agricoles du Québec appliquent cette
réglementation et appliquent présentement la loi.
Comme je vous le disais tantôt, le problème a
déjà été examiné, en 1970 ou 1971, je pense.
Nous en avons conclu, à ce moment, qu'il fallait continuer dans cette
perspective et, présentement, nous sommes à réexaminer
cette situation dans le cadre d'une assurance de soutien des revenus, dans le
cadre d'une meilleure organisation de la distribution et de la mise en
marché de ce produit au Québec.
Je ne puis, présentement, en dire davantage. Est-ce que je
pourrais vous dire, par exemple, que tel groupe aura un permis de distribution
alors qu'il n'en a pas, que tel autre qui en a, on le lui enlèvera? Non,
je ne peux pas dire cela tout de suite. C'est simplement à la suite
d'examens plus profonds que nous serons en mesure de le dire, mais pas
maintenant.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Charlesbourg.
M. HARVEY (Charlesbourg): M. le Président, j'avais une question
pour le ministre des Transports mais je m'aperçois qu'il nous a
quitté. Je pense que de toute façon, même en 1975, la
question sera toujours d'actualité. Il arrive? Bon.
M. le Président, je voudrais demander au
ministre des Transports, relativement au projet qui a été
annoncé par lui-même dans le comté de Charlesbourg, selon
lequel l'autoroute qui, actuellement, conduit en direction de la route
Chicoutimi-Québec serait prolongée à partir de
Notre-Dame-des-Laurentides jusqu'à la section du lac Delage. Cette
annonce a été faite par le ministre l'an dernier et les appels
d'offres devaient être faits récemment. Je pense qu'il y a un
changement en cours de route et j'aimerais que le ministre, avant Noël, de
toute façon, puisque j'ai des rencontres, au cours de la période
des Fêtes, avec les conseils de ville du secteur nord de mon
comté, apporte des précisions relativement à ce
projet.
M. MAILLOUX: M. le Président, je pense qu'il sera possible au
ministère des Transports de se prononcer aussitôt que je
connaîtrai les sommes dont on disposera pour le prochain budget. Une
telle annonce pourrait être éventuellement faite au mois de
janvier.
Il y a eu quelques retards, à la fin de l'année, qui sont
compréhensibles par les augmentations constantes que l'on a
rencontrées en cours de route cette année. Quand on sait que la
construction des routes a coûté entre 20 p.c. et 50 p.c. de plus,
il est assez facile de comprendre qu'en fin d'année quelques projets ont
dû être quelque peu retardés.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Chicoutimi.
Taxe d'eau à Montréal
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Affaires sociales. Comme le ministre le sait, à maintes
reprises nous avons attiré son intention, nous lui avons
mentionné que la taxe spéciale pour l'eau qui est perçue
directement des locataires pénalise les assistés sociaux de la
ville de Montréal.
Tout récemment plusieurs d'entre eux ont brûlé une
mise en demeure que la ville leur avait fait parvenir. Je voudrais savoir du
ministre s'il oppose toujours une fin de non-recevoir à cette demande,
qui, à notre opinion, réparerait l'injustice que crée aux
assistés sociaux de Montréal le mode de taxation qui est
particulier à la ville de Montréal.
M. FORGET: M. le Président, en effet, le député de
Chicoutimi et d'autres ont souligné dans le passé cette question
de la taxe d'eau à la ville de Montréal. Les réponses qui
ont été données alors, je crois du moins, permettraient au
député de Chicoutimi de trouver lui-même une réponse
à sa question. Les faits n'ont pas changé depuis. Je tiens
à souligner, encore une fois, qu'il ne s'agit pas là d'un nouveau
phénomène que cette taxe d'eau dans la ville de Montréal.
Elle a toujours été payée à même les
allocations normales versées aux assistés sociaux de la ville de
Montréal et selon les tarifs uniformes à travers le
Québec. La situation actuelle n'en est pas une où nous nous
trou-vrions en face d'une nouvelle imposition mais seulement une où nous
nous trouvons en face d'une nouvelle méthode de perception qui respecte
davantage le caractère d'autonomie des assistés sociaux
plutôt que de leur imposer une déduction à la source, comme
c'était le cas dans le passé.
Ce n'est pas non plus une situation unique à la ville de
Montréal puisque des taxes locatives sont imposées de la
même manière par certaines autres municipalités et ont
été perçues selon la méthode qui est actuellement
utilisée à Montréal depuis plusieurs années sans
créer de difficulté particulière.
Pour ce qui est de cette question, la réponse continue
d'être la même. Cependant, dans un passé tout récent,
nous avons eu des conversations très nombreuses au niveau des
fonctionnaires du ministère des Affaires sociales et des fonctionnaires
de la ville de Montréal de manière à nous assurer que les
méthodes de perception utilisées étaient les plus souples
possible pour permettre d'étaler dans le temps ces perceptions. Tout
récemment, encore hier, des discussions avaient encore lieu de
manière à éliminer certaines difficultés de
parcours à cet égard.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Question supplémentaire,
l'honorable député de Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): Le ministre sait très bien que le
problème ne réside pas dans les méthodes de perception
mais plutôt dans des modes d'imposition différents qui font
qu'à l'intérieur même de l'ensemble des assistés
sociaux certains sont traités d'une façon différente par
rapport aux autres. Je voudrais savoir du ministre, étant donné
ce traitement, je ne dirai pas de faveur, mais différent à
l'intérieur d'une même classe qui est celle des assistés
sociaux, comment le ministre peut-il expliquer la possibilité pour un
assisté social de payer tout d'un coup le montant qui est
réclamé par la ville de Montréal, à cause d'un mode
de taxation différent? C'est la même chose en dehors de
Montréal.
M. FORGET: M. le Président, je viens d'expliquer au
député de Chicoutimi et aux membres de cette Chambre qu'il ne
s'agit pas nécessairement de payer tout d'un coup cette taxe. Je ne
voudrais pas, par ailleurs, M. le Président, que mes remarques soient
mal interprétées dans le sens au moins où j'ai
déjà, dans le passé, exprimé des réserves
sur cette forme de taxation municipale qui ne tient peut-être pas
suffisamment compte des conditions diverses dans lesquelles les personnes a
faible revenu sont situées. Ceci vaut non seulement pour les
bénéficiaires de l'aide sociale mais également pour les
personnes âgées.
Cependant, il s'agit là non pas d'un problème de l'aide
sociale mais d'un problème de fiscalité municipale et d'un
problème que différentes municipalités ont abordé
différemment. Il y a certaines municipalités de Montréal
et, en particulier, je crois que le député de Verdun ici
pourrait en témoigner qui ont adopté vis-à-vis de
cette question mais ce n'est pas la seule municipalité une
attitude, en vertu de leur propre autorité et dans l'exercice de leurs
propres responsabilités, une attitude peut-être encore plus souple
que celle qu'il nous est seule possible de recommander et qui a seulement trait
aux modalités de paiement. Ces modalités de paiement peuvent
s'étaler sur un certain nombre de mois de manière justement
à répondre aux objections que soulève le
député de Chicoutimi.
M. CHARRON: Additionnelle, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: Le ministre admettrait-il que l'incapacité de payer
des assistés sociaux tient au fait que l'inflation, dans le domaine
alimentaire, a été largement supérieure à
l'indexation qui a accompagné, en janvier 1974, le chèque des
assistés sociaux? De fait, le montant réservé normalement
par les assistés sociaux pour payer la taxe d'eau a été
littéralement envahi par l'inflation des denrées alimentaires et,
de ce fait, se trouve à justifier le slogan des assistés sociaux
de Montréal qui disent : Les 8 p.c. de la taxe d'eau, on les a
mangés.
M. FORGET: M. le Président, je crois qu'une mise au point
s'impose relativement à cette question. J'ai déclaré
à cette Chambre et je suis toujours du même avis qu'on peut
envisager, on peut souhaiter, on peut vouloir, et c'est dans cette optique que
je me suis inscrit, une majoration dans les niveaux de soutien du revenu pour
les assistés sociaux de même que pour d'autres clientèles,
si vous voulez, qui dépendent de l'Etat pour leurs sources de revenus.
Cependant, deux remarques s'imposent: d'une part, le niveau moyen des
prestations de l'aide sociale a été majoré de façon
très sensible durant cette période d'inflation et l'on
découvrira que durant la période encore une fois ce sont
des chiffres que la Chambre connaît de fin 1972 au début de
1974, il y a eu une augmentation de la prestation moyenne de l'ordre de 25 p.c.
dans le cas des familles, de l'ordre de 50 p.c. dans le cas des personnes
seules et que, durant 1974, de janvier 1974 à janvier 1975, on
constatera une augmentation de près de 20 p.c. dans le niveau moyen des
prestations. C'est donc une majoration, sur une période de 1972 à
1975, qui dépasse l'augmentation du coût de la vie, si rapide qu
'elle ait été. La deuxième observation qu'il est important
de faire, c'est que cette taxe d'eau, qui devient un point de fixation, si vous
voulez, des préoccupations relativement aux assistés sociaux,
manifeste malgré tout, dans les municipalités où elle
existe, un choix de ces municipalités quant à la distribution de
leurs sources de revenu, quant à l'importance qu'elles donnent à
différentes sources de revenu. Il est clair que, dans les
municipalités qui n'ont pas de taxe locative, il y a de fortes chances
que les taxes foncières générales soient d'autant plus
élevées. Cela étant, ces taxes foncières se
répercutent d'une façon analogue sur le budget de toutes les
familles, des familles d'assistés sociaux comme des autres, par les
loyers qu'elles paient et d'autres façons. Donc, il serait inexact
d'affirmer que le problème de la taxe d'eau est absolument unique et
sans précédent. Il existe dans d'autres municipalités
aussi des charges municipales qui sont assumées autrement et qui
trouvent leur chemin dans les budgets des familles locataires par des
mécanismes ordinaires, c'est-à-dire par les loyers qui doivent
refléter ces charges fiscales au niveau municipal.
M. BEDARD (Chicoutimi): Dernière question supplémentaire.
Malgré la hausse de 10 p.c. qui a été annoncée pour
janvier et dont a fait état le ministre des Affaires sociales, est-ce
que le ministre n'est pas d'accord sur le fait que les revenus des familles
d'assistés sociaux représentent, quand même, un montant
inférieur au plus bas seuil de pauvreté qui puisse exister?
M. FORGET: Non seulement je le reconnais, mais c'est en vertu des
chiffres dont j'ai fait moi-même état à cette
Assemblée qu'on peut l'affirmer avec certitude. J'ai indiqué, M.
le Président et ceci n'est pas sans importance que ces
seuils de pauvreté représentent, dans la guerre en vue de
l'élimination de la pauvreté, les objectifs que nous nous sommes
fixés et à la réalisation desquels nous devons travailler.
Le gouvernement peut déjà faire état sur ce point, depuis
deux ans, de progrès substantiels, progrès que nous avons
l'intention de poursuivre, mais qui, malgré tout, sont des objectifs. Il
est évident qu'on peut nous faire le reproche de ne pas les avoir tous
réalisés immédiatement; il reste que des progrès
ont été enregistrés.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Rouyn-Noranda. Une dernière question après lui, l'honorable chef
de l'Opposition officielle.
Chantiers coopératifs de Taschereau
M. SAMSON: M. le Président, je voudrais poser une question
à l'honorable ministre des Terres et Forêts. Je veux lui demander
s'il y a des développements dans les négocaitions entre son
ministère, REXFOR et la Fédération des chantiers
coopératifs de Taschereau en ce qui concerne la possibilité de
conserver leur scierie en activité pour éviter les nombreuses
mises à
pied. Le ministre, ce matin, est-il en mesure de nous faire des annonces
concernant ce projet?
M. DRUMMOND: M. le Président, je ne suis pas en mesure de faire
une annonce définitive, mais je peux faire rapport que la réunion
qui a eu lieu hier a semblé très fructueuse, selon mes
informations. J'ai toutes les raisons de croire que, dans un assez bref
délai, on sera en mesure d'annoncer une entente qui fera l'affaire de
tout le monde.
M. SAMSON: Supplémentaire, M. le Président. Compte tenu du
fait que ces négociations se poursuivent déjà depuis
longtemps, est-ce que le ministre n'aurait pas au moins quelques indices
à nous donner sur les ententes qui seraient, en ce moment, convenues et
sur ce qui reste à conclure?
M. DRUMMOND: Grosso modo, je ne veux pas trop faire d'annonces avant que
les choses ne soient réglées, mais je pense que, selon mes
informations, les points à régler ne sont pas vraiment des points
majeurs.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Dernière question.
Le chef de l'Opposition officielle.
Conference Board of Canada
M. MORIN: J'ai une autre question pour le premier ministre. A-t-il pris
connaissance des dernières prévisions de l'organisme qui
s'appelle le "Conference Board of Canada", qui vient compléter
l'exposé si "brillant" du ministre de l'Industrie et du Commerce,
dimanche dernier, sur les principaux indicateurs économiques et qui
prédit je cite "... un avenir économique sombre,
dominé par un chômage plus répandu et des prix montant en
flèche pour la première moitié de 1975"?
M. BOURASSA: Pour le Québec?
M. MORIN: Le premier ministre a-t-il pris connaissance de ces
prévisions qui sont fondées sur une croissance économique
presque nulle du PNB au Canada? On prévoit tout au plus 1 p.c. de
croissance et, encore, cela n'est pas sûr. Si oui, le premier ministre
peut-il nous dire s'il entend prendre des mesures de relance de
l'économie pour faire face au chômage et à l'inflation et,
en fait, à la "stagflation" puisque c'est le phénomène qui
s'empare du Québec à l'heure actuelle.
M. BOURASSA: J'écoutais le chef de l'Opposition il y a quelques
jours mentionner deux mesures pour faire face à la récession
économique qui s'en vient. Première mesure: l'indexation qui
était proposée par le chef de l'Opposition alors que le chef de
l'Opposition connaît mon opinion sur l'indexation. Il sait fort bien
qu'il n'est pas du tout assuré dans les sommes qui sont remises,
notamment aux contribuables les plus riches, seront dépensées au
Québec. Je l'ai dit à la télévision dimanche
dernier. Si on donne à un contribuable qui gagne $50,000, par exemple,
$737 en vertu de l'indexation, ou $800, environ...
M. MORIN: Combien y en a-t-il qui gagnent un tel montant?
M. BOURASSA: Laissez-moi terminer. Si on donne à un contribuable
qui gagne $50,000, une somme de $800, ce sur quoi: le Parti
québécois est d'accord en vertu de sa résolution au
congrès national du 15 novembre résolution votée
par le Parti québécois il n'est pas assuré que ce
contribuable ne dépensera pas ces $800 dans un autre pays, surtout
l'hiver, dans un pays du sud. Donc, il n'est pas assuré que l'indexation
profitera à l'économie québécoise ou à
l'économie canadienne, alors que si nous réservons ces montants,
comme nous le faisons en vertu du dernier budget du ministre des Finances, pour
les petits salariés, je crois que les chances que l'économie
québécoise ou que l'économie canadienne en profite sont
beaucoup plus grandes. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous nous
opposons à ces cadeaux aux contribuables les plus riches, contrairement
au Parti québécois.
Quant aux grands projets qui étaient proposés, sans
détail, évidemment, par le chef de l'Opposition, le gouvernement,
dans son budget, fera connaître sa position là-dessus.
Mais on n'a qu'à voir la croissance des budgets, depuis trois
ans, on n'a qu'à constater que les investissements dans le secteur
manufacturier, je crois, ont augmenté de 43 p.c. je comprends
qu'il y a une partie qui est due à l'inflation mais, dans un an,
43 p.c. d'augmentation. C'est quand même un résultat concret qui
est éloquent, 75,000 nouveaux emplois en 1973, 128,000 l'an dernier,
cela fait une moyenne de 100,000 sur deux ans et une moyenne de 71,000 pour les
quatre années de notre mandat. C'est ce que proposait votre chef comme
objectif, le 20 septembre, à Trois-Rivières, au congrès de
la Chambre de commerce, en disant qu'un gouvernement qui pourrait
réussir à créer une moyenne d'environ 75,000 nouveaux
emplois atteindrait l'objectif nécessaire au Québec. On l'a
atteint, nous, malgré des circonstances très difficiles. Je
demande au chef de l'Opposition de faire confiance au gouvernement. Je pense
que, dans le domaine social, dans le domaine culturel, dans le domaine
économique, nous avons fait nos preuves. Nous avons fait tellement nos
preuves que l'Opposition n'a rien à nous reprocher, elle est
obligée de nous reprocher des balivernes. Si le chef de l'Opposition a
des solutions un peu plus efficaces que celles qu'il a proposées, il y a
quelques jours, pour faire face à la récession économique,
je suis prêt à l'entendre, mais je ne pense pas
que l'indexation serait un moyen de relancer l'économie au
Québec.
Il y a des moyens beaucoup plus efficaces pour relancer
l'économie.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Dernière question
additionnelle.
M. MORIN: Oui, je le veux bien. Le premier ministre sait que la
croissance des budgets doit tenir compte de ce caractère artificiel que
lui donne l'inflation. La Conference Board fait remarquer que les mises en
chantier de...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! posez votre question.
M. MORIN: Le ministre est-il conscient du fait que les mises en chantier
dans l'habitation, par exemple, vont tomber de 229,000 cette année,
d'après les prévisions, à 183,000 l'année
prochaine, que cela va créer du chômage? C'est la raison pour
laquelle je demande au premier ministre: Devant une situation sombre pour
l'année qui vient, plutôt que de faire "l'homme fort" au sujet de
1973 et 1974, pourquoi ne met-il pas en route immédiatement les mesures
pour faire face à la situation que tous les économistes
s'entendent à prédire? Le premier ministre sait très bien
que dans toute l'Amérique du Nord...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question brève.
M. MORIN: La question est celle-ci: Compte tenu du fait que, dans toute
l'Amérique du Nord, on prévoit une situation très
difficile, le gouvernement du Québec ne devrait-il pas
immédiatement et sans attendre le prochain budget qui ne viendra
que dans plusieurs mois prendre immédiatement des mesures
d'urgence, notamment en organisant de grands travaux?
M. BOURASSA: M. le Président, je suis heureux que le chef de
l'Opposition pose ce genre de question...
M. MORIN: Vous passez votre temps à être heureux que je
soulève des questions, mais répondez-y donc !
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît.
M. BOURASSA: II nous manquerait, M. le Président, s'il fallait
qu'il soit forcé à démissionner, il nous manquerait.
M. MORIN: II vous en manquera plusieurs!
M. BOURASSA: Est-ce que le député de Maisonneuve, qui vous
a recommandé pour aller à Bruxelles; va vous manquer?
M. MORIN: II y en a quelques-uns autour de vous...
M. BOURASSA: Je ne sais pas s'il s'en souvient...
M. BURNS: Non, mais on va vous aider dans votre remaniement
ministériel.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! ... A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. BOURASSA: Complice.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre ! ... Est-ce que vous
pouvez répondre à la question, s'il vous plaît?
M. BOURASSA: Oui, M. le Président. Je dis au chef de l'Opposition
qu'aujourd'hui même cela va être un test de la
volonté de l'Opposition de collaborer positivement avec le
gouvernement...
M. MORIN: Pour augmenter le salaire des députés?
M. BOURASSA: Non, non! L'autre! M.MORIN: Ah!
M. BOURASSA: Cela va être un test aujourd'hui. Tantôt, le
ministre du Travail va présenter la deuxième lecture de la loi
sur la construction. C'est important pour la prochaine année. C'est le
problème le plus important pour faire face à la récession
économique au Québec. Vous parlez des grands projets en question.
Si le malaise de la construction n'est pas résolu je comprends
qu'on se donne des pouvoirs énormes, le député de
Maisonneuve va probablement les critiquer mais je pense qu'après
tout ce qui est arrivé dans le domaine de la construction, et dans les
circonstances, c'est la seule solution et c'est la solution réaliste
pour le gouvernement.
Alors, je dis au chef de l'Opposition que, dans ce cas-là, s'il
veut manifester positivement son appui pour permettre au gouvernement de faire
face à la possibilité d'une récession alors
qu'actuellement, dans la région de Montréal, des chantiers sont
compromis, d'autres sont annulés, je l'ai dit...
M. MORIN: On vous demande d'organiser de grands travaux...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. MORIN: ... pas de matraquer les travailleurs.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
C'est une période des questions tout de même.
M. BOURASSA: Matraquer les travailleurs!
M. MERCIER: C'est la période des questions, messieurs!
M. BOURASSA: M. le Président, on a lancé le projet de la
baie James il y a trois ans; il y a 3,000 travailleurs actuellement. Si nous
adoptions les théories de l'Opposition, il y aurait beaucoup moins
d'emplois qui seraient créés parce qu'on sait fort bien que, dans
le domaine des ressources hydrauliques, le nombre d'emplois, qui est
créé pour un certain nombre d'années, est
extrêmement élevé.
C'est précisément à l'occasion de ces années
que nous avons besoin d'emplois, étant donné le taux de
croissance de la main-d'oeuvre. Alors, je demande au chef de l'Opposition, en
étant tout à fait conscient du sérieux de la situation,
s'il veut collaborer avec le gouvernement et avec les Québécois
pour réduire toute possibilité de récession au cours de
l'année 1975, qu'il adopte rapidement le projet de loi que nous avons
déposé hier, de manière à résoudre les
problèmes de la construction au Québec. Tant que ces
problèmes de la construction ne seront pas résolus, c'est
évident qu'il y aura des problèmes économiques qui seront
très sérieux, notamment pour la région de
Montréal.
J'attends le test à l'occasion du débat de cet
après-midi. J'attends de voir l'attitude de l'Opposition. C'est
là qu'on va voir s'ils sont aussi partisane qu'ils donnent l'impression
de l'être, depuis quelques jours, ou s'ils sont capables de
s'élever au-dessus de la partisanerie pour nous aider à
résoudre les véritables problèmes des
Québécois.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives m'a informé qu'il
désire répondre à une question.
Malartic Hygrade Gold Mines
M. TETLEY: Merci, M. le Président. Le député de
Saguenay m'a posé une question au sujet de la compagnie Malartic Hygrade
Gold Mines (Québec) Ltée.
J'ai reçu le rapport d'enquête sur les accusations d'un M.
Gérard Paquet, président de Malartic Hygrade Gold Mines
(Québec) Ltée, à l'endroit de la Commission des valeurs
mobilières du Québec. Je viens de le déposer.
Cette enquête a été menée par le service
général d'inspection du ministère, un service
indépendant de la Commission des valeurs mobilières et relevant
directement du sous-ministre des Institutions financières.
Le ministère de la Justice a prêté son concours
à cette enquête en analysant la preuve recueillie et donné
son accord aux conclusions. M. Paquet avait soutenu que certains officiers de
la Commission des valeurs mobilières avaient agi de façon abusive
et discriminatoire à l'égard de sa compagnie. Il reprochait aussi
à la commission d'avoir suspendu malicieusement la transaction des
actions de Malartic sur le parquet de la Bourse de Montréal.
J'ai déposé ce rapport à l'Assemblée
nationale, et je cite la conclusion: "L'étude des faits nous oblige
à conclure que M. Gérard Paquet n'est pas de bonne foi et que les
accusations qu'il porte ne sont pas fondées".
On se souvient que cette affaire avait été rendue publique
par M. Paquet lors d'une conférence de presse qu'il donnait à
Montréal, le 25 septembre dernier. Les irrégularités dont
il se plaignait se rapportaient à une émission de
débentures de sa compagnie à la British Fidelity Bank and Trust
de Nassau, pour une somme de $1.2 million.
Le principal grief de M. Paquet s'adressait au directeur de la division
de la surveillance de la comission et au conseiller juridique qui l'assistait
dans ce dossier. Lors d'une entrevue avec M. Paquet, le 23 avril dernier, les
représentants de la commission auraient indûment tenté de
forcer la compagnie à conclure une entente d'exploitation avec Kanflo
Mines Ltd. Après étude des témoignages, faits et
circonstances, les enquêteurs conclurent qu'il n'y a eu ni chantage ou
menace pour favoriser Kanflo au détriment de Malartic. Les
déclarations de M. Paquet ne sont, d'ailleurs, pas corroborées
par son procureur, qui assistait à cette réunion.
M. Paquet reprochait aussi à la commission d'avoir abusé
de ses droits en considérant de sa juridiction l'émission de ces
débentures. Les enquêteurs ont conclu qu'il ne leur appartient pas
de trancher cette question de nature légale. Toutefois, ils soulignent
le fait que Malartic Hygrade ne s'est pas prévalu des mécanismes
de révision prévus à la Loi des valeurs mobilières.
Au contraire, elle s'est adressée aux tribunaux et serait
présentement en appel d'une décision en première instance
qui lui serait défavorable.
Le président de Malartic Hygrade prétendait de plus que la
commission avait posé un geste de vengeance en suspendant les
transactions des actions de la compagnie après la conférence de
presse du 25 septembre. A cette occasion, il avait révélé
que les débentures avaient effectivement été
émises. Les enquêteurs ont établi clairement que ni la
Bourse de Montréal, ni la Commission des valeurs mobilières ne
soupçonnaient l'émission illégale de ces
débentures. La suspension est d'ailleurs, à leur avis, normale
dans de pareilles circonstances.
M. Paquet met aussi en cause un commissaire, tendant ainsi à
laisser croire à une véritable conspiration. A l'analyse, il se
révèle que ces insinuations sont de la plus haute fantaisie et
qu'à elles seules elles suffiraient à compromettre la
crédibilité de M. Paquet.
M. le Président, je réitère mon entière
confiance dans la Commission des valeurs mobilières et son personnel. Je
souligne l'excellent travail qu'elle accomplit en vue de rendre plus efficaces
les marchés financiers et d'assurer une meilleure protection aux
investisseurs. Je vous remercie.
M. BOUTIN: Question de privilège, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député
d'Abitibi-Ouest, question de privilège.
M. BOUTIN: M. le Président, tout à l'heure, le
député de Rouyn-Noranda a laissé, par sa question,
peut-être supposer que les événements concernant la
Fédération des chantiers coopératifs est un dossier qui me
concerne depuis longtemps, surtout depuis le mois d'août dernier. Je ne
sais pas s'il veut laisser planer le fait que je ne m'en occupe pas, mais je
voudrais simplement souligner ceci.
M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement !
DES VOIX: Ah! Ah!
M. SAMSON: II n'est pas question de soulever une question de
privilège, à moins que mon honorable ami ne se soit senti
visé et qu'il ne l'ait fait immédiatement. Cela ne se fait pas
après une période de questions, M. le Président.
Non, non, ne vous énervez pas, les "boys" ce matin. Il va passer
au règlement comme les autres. S'il a une question de privilège
à soulever, M. le Président, qu'il vous en avertisse avant le
début de la prochaine séance...
M. ROY: Une heure avant.
M. SAMSON: ... une heure avant le début de la prochaine
séance et, là, il soulèvera sa question de
privilège.
M. CHOQUETTE: M. le Président, sur la question de
règlement, il est manifeste que le député de Rouyn-Noranda
est dans l'erreur. Le député a le droit de soulever une question
de privilège...
M. SAMSON: II n'y a pas de danger, ce n'est pas vrai!
M. CHOQUETTE: ... à l'occasion de choses que vous avez dites ce
matin.
M. SAMSON: Non, M. le Président. M. CHOQUETTE: Bien oui!
M. SAMSON: Si le député avait une question de
privilège à soulever, il devait le faire
immédiatement.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. SAMSON: C'est passé, cela fait une demi-heure, cela. Qu'il
avertisse le président une heure avant la prochaine séance.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Question de règlement,
l'honorable ministre d'Etat aux Transports.
M. BERTHIAUME: Je suis d'accord avec le député de
Rouyn-Noranda que le député d'Abitibi-Ouest devait soulever sa
question immédiatement. Il l'a fait, d'ailleurs. C'est vous, M. le
Président, qui ne l'avez pas reconnu. J'en suis témoin.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Pour bien rétablir les faits,
j'ai entendu un député dire: Question de privilège, mais
j'ai fait le tour, je ne savais pas d'où venait la voix,
malheureusement.
UNE VOIX: Je l'ai mentionné trois fois, vous n'avez pas
compris.
M. BURNS: Sur la question de règlement, je suis
entièrement d'accord avec le député de Rouyn-Noranda,
surtout qu'il y a eu des décisions de rendues par la présidence
à plusieurs reprises. Je me suis moi-même fait dire, à une
occasion, qu'il était trop tard. Imaginez-vous, M. le Président,
je n'étais pas en Chambre quand cela s'est dit, j'étais à
mon bureau. Je l'ai entendu. Juste le temps de descendre pour soulever ma
question de privilège, on m'a dit: Vous n'êtes pas brimé
dans vos droits, il y a une autre façon de soulever la question de
privilège. Comme le dit le député de Rouyn-Noranda, il n'a
qu'à vous donner avis régulièrement, une heure avant la
séance, et il pourra soulever sa question de privilège.
Je pense que le règlement doit s'appliquer à tout le
monde.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je pense qu'il n'y a pas de
problème là-dedans. Evidemment, les députés de
Rouyn-Noranda et de Maisonneuve ont raison, mais je pense que nous sommes tous
conscients, comme vient de le confirmer l'honorable ministre d'Etat aux
Transports, qu'effectivement le député d'Abitibi-Ouest avait
soulevé une question de privilège. Je n'ai pas de
problème. Personnellement, si on veut être toute la journée
très "réglementaires", à toutes les fois qu'on voudrait
invoquer le règlement, on voudra bien m'indiquer le numéro de
l'article, de quoi il traite, avec beaucoup de précision...
UNE VOIX: M. le Président...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaft! Je
demande tout simplement votre collaboration. J'ai l'impression, à
moins de me tromper beaucoup, que si certains députés
soulevaient des questions de privilège même un petit peu
sur les bords, comme l'a fait le député d'Abitibi-Ouest et
que cela leur était refusé, j'ai l'impression, dis-je, qu'on
attirerait l'attention des collègues sur le fait que leurs droits sont
brimés.
L'honorable député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, sur le point de règlement,
l'article 49 est très clair. Il est de votre devoir de faire appliquer
le règlement pour la bonne marche des travaux à
l'Assemblée nationale: "Lorsqu'un député désire
soulever une question de privilège, il doit, avant l'appel des affaires
du jour, à la suite d'un avis écrit donné au
président au moins une heure avant l'ouverture de la séance...
"Il y a un deuxième paragraphe qui dit: "Un député peut
toujours soulever une question de privilège immédiatement
après qu'ont été prononcées les paroles ou que se
sont déroulés les événements qui ont eu lieu."
Le député n'avait qu'à se lever, demeurer debout et
dire: Question de privilège, et vous étiez obligé de
l'écouter. Il est trop tard maintenant.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Evidemment, je suis d'accord
là-dessus.
Question de privilège
Motion d'accusation contre certains membres de la
Chambre
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Avant de passer aux affaires du jour,
l'honorable député de Maisonneuve m'a donné avis d'une
question de privilège qu'il fera suivre, selon son intention, d'une
motion. Je voudrais l'informer dès immédiatement que je vais lui
donner la parole sur sa question de privilège suivie de sa motion, mais
que je prendrai le tout en délibéré et qu'à la
reprise de la session, cet après-midi à trois heures, je rendrai
ma décision.
L'honorable député de Maisonneuve.
M. Robert Burns
M. BURNS: D'accord, M. le Président. Comme vous l'avez dit, je
vous ai donné un avis, en date d'hier. Les faits sur lesquels se base ma
question de privilège remontent au 26 juillet 1974. Simplement pour
mettre devant la Chambre ces faits, je vous donne ce que j'ai de mieux dans le
moment pour les exposer, c'est-à-dire l'extrait des minutes d'une
séance du comité de régie interne de l'Assemblée
nationale tenue le 26 juillet 1974 au cabinet du président: "Sur la
proposition de l'honorable Jean-Noël Lavoie, président de
l'Assemblée nationale, il est résolu que les
députés dont les noms suivent ainsi que M. Roberto Wilson,
directeur des relations interparlementaires, soient autorisés à
se rendre à l'assemblée générale de l'AIPLF dont
les assises se tiendront à Bruxelles, Belgique du 14 au 21 septembre
1974: M. Robert Lamontagne, député de Roberval, M. Julien
Giasson, député de Montmagny-l'Islet, M. Louis-Philippe Lacroix,
député des Iles-de-la-Madeleine, M. André Marchand,
député de Laurier, M. Jacques-Yvan Morin, député de
Sauvé, M. Fabien Roy, député de Beauce-Sud, M. Lucien
Caron, député de Verdun, M. Lucien Lessard, député
de Saguenay.
Par dérogation aux normes et modalités déjà
établies par le comité de régie interne, il est convenu
d'accorder à chaque délégué un montant forfaitaire
de $1,796 qui couvre les frais de transport et de séjour". Le document
que je cite est signé par M. Raymond Desmeules, qui affirme que c'est
une vraie copie, Raymond Desmeules, secrétaire de la commission de
régie interne.
M. le Président, mon argumentation est très simple: S'il
s'avérait, à la suite de l'enquête que tiendra la
commission de l'Assemblée nationale je devrais dire,
peut-être, avant de terminer ce document que les trois commissaires qui
siégeaient à cette occasion étaient M. Gérard-D.
Levesque, ministre des Affaires intergouvernementales, à titre de
commissaire régulier, M. Gérald Harvey, ministre du Revenu,
à titre de commissaire suppléant, M. Oswald Parent, ministre de
la Fonction publique, à titre de commissaire régulier. Je disais
donc que, s'il s'avérait, à la suite de l'enquête que
tiendra la commission de l'Assemblée nationale en vertu du mandat qui
lui a été confié hier, que le chef de l'Opposition a
reçu une allocation qui le rend inhabile à siéger, tous
ceux qui sont à l'origine de cette allocation, qui sont les seuls qui
pouvaient autoriser cette allocation, ceux qui ont fixé les conditions,
les barèmes et les modalités en vertu desquels cette allocation a
été versée sont parties, à mon avis, à cette
infraction puisqu'elle ne pouvait avoir lieu sans leur concours.
Je dis même, M. le Président, qu'ils sont les premiers
responsables puisque le texte même de la Loi de la Législature sur
lequel s'est appuyé celui qui a présenté la motion
adoptée hier, l'article 96, parle d'une allocation accordée et
non pas d'une allocation reçue. Les premiers visés par cet
article sont ceux qui ont autorité pour accorder l'allocation. Ce sont
eux qui ont l'initiative et, s'ils ne posent pas les premiers gestes, rien ne
peut s'exécuter par la suite, M. le Président. D'ailleurs, je
tiens à souligner que, dans son intervention d'hier, le
député de Crémazie a mentionné le fait qu'il
était possible que cette allocation ait été
accordée non pas par erreur mais par malice, pour tendre un piège
au chef de l'Opposition et surprendre sa bonne foi. M. le Président, je
cite...
DES VOIX: Ah! Ah!
M. BIENVENUE: M. le Président, je soulève une question de
privilège.
M. BURNS: Je vais le citer au complet. M. BIENVENUE: Non, non,
mais...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de
l'Immigration, question de privilège.
M. BIENVENUE: Je ne peux pas attendre une seconde de plus, M. le
Président.
UNE VOIX: C'est vous, le malicieux.
M. BIENVENUE: J'ai cru que tout le monde en cette Chambre, les pages,
les non-avocats, etc., avaient compris que je procédais dans mon
raisonnement par hypothèse, disant des choses telles que: Même si
on imaginait le cas que, etc.
M. BURNS: Non, non, je suis d'accord...
M. BIENVENUE: Je suis sûr que le député de
Maisonneuve a compris.
M. BURNS: J'ai très bien compris. J'ai tellement bien compris que
je vais vous citer au complet pour vous rendre justice. D'accord? Alors, je
cite. D'ailleurs, M. le Président, quand j'ai dit c'est possible, et
qu'il disait que c'est possible, je ne disais pas qu'il donnait cela comme une
chose qui est arrivée. Vous allez voir que, par le texte, il dit: "Dieu
nous protège contre cette situation". Je vais le citer au complet.
Je cite R/5231, page 2, où le ministre de l'Immigration dit ceci:
"Or, le chèque encaissé par le député de
Sauvé, accepté, encaissé, dépensé par le
député de Sauvé, non seulement n'est pas et je
pense que c'est le mot qui donne bien la notion que je recherche non
seulement ce chèque n'est pas protégé par l'article 76
mais en plus il est formellement interdit, ce chèque, à l'article
96. Qu'on ait et j'anticipe eu tort de le verser, qu'on l'ait
versé par erreur, par négligence j'irai plus loin, Dieu
merci j'espère qu'on comprendra bien que c'est seulement pour les fins
d'une hypothèse qu'il ait été versé par
malice, par perversité, comme un piège, comme une trappe, comme
une source d'embêtement, de façon volontaire et vicieuse, cela ne
justifiait pas et cela ne peut jamais justifier son acceptation, son
encaissement et son usage".
Il est donc évident, M. le Président, qu'il y a un lien
étroit entre la motion que je présente aujourd'hui et celle qui a
été adoptée hier. Pour que l'enquête soit
complète, il faut que la motion que je présente aujourd'hui soit
elle aussi acceptée, M. le Président. En terminant, je voudrais
dire simplement un mot, M. le Prési- dent, puisqu'à mon sens la
décision que vous avez rendue hier s'applique en tous points à la
motion que je présente aujourd'hui.
Comme vous m'avez dit que vous prendriez le tout en
délibéré et que vous rendriez une décision à
trois heures cet après midi, je pense qu'il n'est pas inutile que je
vous rappelle un passage de votre décision d'hier que je voudrais bien
voir s'appliquer à cette décision d'aujourd'hui de la même
façon. Et je vous cite, M. le Président, au rouleau 5225, page 1:
"II faut d'abord établir ce que le Président n'a pas le pouvoir
de faire. Il ne peut juger de la motion à son mérite. C'est
évident. Il n'a pas le pouvoir non plus de juger des questions de droit.
Le droit parlementaire le confirme. Les questions de droit comme celles qui
concernent les faits doivent être débattues devant l'organisme qui
aura à se prononcer sur le mérite de la cause, soit la Commission
de l'Assemblée nationale. C'est une question de droit, par exemple, que
de décider si quelqu'un qui enfreint l'article 96 de la Loi de la
Législature se rend coupable ou non d'une atteinte aux privilèges
de la Chambre ou à son indépendance". M. le Président,
j'allègue qu'il y a eu infraction à l'article 96 de la Loi de la
Législature, et je vous demande de tenir, à l'endroit de cet
allégué-là, exactement la même décision ou le
même raisonnement que vous avez formulé hier.
En terminant, M. le Président, j'ai l'intention de faire une
motion. Je ne sais pas, je ne connais pas les intentions du gouvernement
là-dessus, mais hier j'avais compris que j'aurais au moins, de la part
du leader du gouvernement, la recommandation d'un consentement unanime.
Là encore, je pense que ça vaut la peine de le citer, au rouleau
5250, à la page 1, le leader du gouvernement nous dit: "Je suis
prêt à demander à mon groupe ministériel de donner
le consentement unanime de la Chambre pour passer par-dessus les étapes
mentionnées d'avis de motion, etc... et que le leader parlementaire de
l'Opposition officielle mette son siège en jeu et porte
immédiatement des accusations contre mes collègues et
moi-même en vertu de la Loi de la Législature".
Si le leader du gouvernement, M. le Président, est toujours
prêt à faire cette recommandation-là à ses
collègues j'espère qu'ils ne lui feront pas l'affront
qu'ils lui ont fait hier de passer outre à sa recommandation je
serai prêt, M. le Président, à vous soumettre, dès
cet après-midi, la motion suivante: "Je propose que la Commission de
l'Assemblée nationale se réunisse en vue de procéder
à une enquête sur les faits suivants qui, s'ils sont
fondés, rendront M. Jean-Noël Lavoie, président de
l'Assemblée nationale, M. Gérard-D. Levesque, leader du
gouvernement et commissaire nommé en vertu de l'article 54 de la Loi de
la Législature, M. Gérald Harvey, ministre du Revenu, et
commissaire nommé en vertu de l'article 54 de la Loi de la
Législature, et M. Oswald Parent, ministre de la Fonction publi-
que et commissaire nommé en vertu de l'article 54 de la Loi de la
Législature, indignes de siéger à l'Assemblée
nationale parce qu'inhabiles, en vertu des articles 96 et 75 et suivants de la
Loi de la Législature, savoir: avoir accordé une allocation sous
forme de chèque du gouvernement du Québec, daté du 28
août 1974, portant le numéro 813025, et au montant de $1,796 pour
indemniser le chef de l'Opposition des dépenses encourues pour les fins
d'une mission officielle qu'il a accomplie à Bruxelles, en Belgique, du
16 au 22 septembre 1974, à la demande du Président agissant sur
la recommandation des commissaires nommés en vertu de l'article 54 de la
Loi de la Législature, et qui lui a été versée aux
conditions et selon les barèmes et les modalités établis
par ces commissaires, contrairement aux articles 96 et 75 et suivants de la Loi
de la Législature. "Qu'instructions soient données à cette
commission de tenir cette enquête concurremment à celle qu'elle
tiendra à l'égard du député de Sauvé, que
cette commission soit autorisée à faire, de temps à autre,
des rapports exprimant ses observations et ses vues sur cette affaire, à
convoquer devant elle et envoyer chercher les personnes, les pièces et
les dossiers dont elle aura besoin".
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Evidemment, je voudrais m'adresser
à l'honorable député de Maisonneuve. Tel que convenu, je
voudrais étudier à tête reposée votre question de
privilège suivie de la motion. Mais quant au consentement,
j'apprécierais que vous fassiez après ma décision, la
demande que vous vous proposez de faire.
M. Gérard-D. Levesque
M. LEVESQUE: M. le Président, on me permettra, cependant...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable leader du
gouvernement.
M. LEVESQUE: ... de dire quelques mots parce qu'on semble avoir
mentionné mon nom quelque part. M. le Président, je dirai
simplement ceci: je pense qu'il faut rétablir très
brièvement les faits.
Je crois qu'il y a eu un dépôt hier, par le
président, de ce dossier du fameux voyage de parlementaires à
Bruxelles. J'aimerais référer l'Assemblée nationale
à une lettre, datée du 18 mai, du président du
Sénat de Belgique, M. Harmel, adressée à M. Lavoie, le
président de l'Assemblée nationale, et qui invitait, au nom de la
section belge de l'Association internationale des parlementaires de langue
française, une délégation du Québec. Il y avait,
par la suite, une réponse, le 31 mai 1974 de M. Jean-Noël Lavoie
qui acceptait l'invitation.
Par la suite, on verra dans le dossier diverses lettres, en particulier
une lettre du président de l'Assemblée nationale, à M.
Robert Burns, leader parlementaire de l'Opposition officielle, lui faisant part
de ce voyage projeté et demandant au leader parlementaire de
l'Opposition officielle, le député de Maisonneuve, de
désigner quelqu'un de son groupe pour faire partie de cette mission.
M. le Président, je tiens à souligner que c'est le leader
parlementaire de l'Opposition lui-même, député de
Maisonneuve, qui, dans une lettre du 21 juin 1974, adressée à M.
Jean-Noël Lavoie, disait ceci: "Cher collègue, en réponse
à votre lettre du 18 juin, il me fait plaisir de vous communiquer les
décisions prises par le caucus de l'Opposition officielle. Le chef de
l'Opposition, Me Jacques-Yvan Morin, et le député de Saguenay, M.
Lucien Lessard, sont désignés pour participer à la 5e
assemblée générale de l'AIPLF à Bruxelles. Le
leader parlementaire et député de Maisonneuve a été
désigné pour participer à la délégation
parlementaire qui se rendra à l'Assemblée nationale de France.
Veuillez agréer, cher collègue, l'expression de mes sentiments
les plus distingués. Le leader parlementaire de l'Opposition, Robert
Burns."
M. BURNS: Est-ce que l'infraction reprochée au chef de
l'Opposition est d'être allé à Bruxelles ou d'avoir
encaissé le chèque?
M. LEVESQUE: Le leader parlementaire de l'Opposition officielle voudrait
peut-être ajouter son nom à la longue liste. Il faudrait
peut-être commencer le 21 juin, parce que c'est à ce moment... Ce
n'est pas le président de l'Assemblée nationale, ce n'est pas la
commission de régie interne qui a désigné...
M. BURNS: Vous pouvez amender la motion si vous voulez.
M. LEVESQUE: ... Me Jacques-Yvan Morin.
M. BURNS: M. le Président, question de règlement.
M. LEVESQUE: Est-ce que je peux terminer?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Maisonneuve. Question de règlement.
M. BURNS: On argumente au mérite, je pense.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. BURNS: Cela pourrait très bien être un discours que le
leader du gouvernement pourrait faire en vertu des règlements lorsque la
motion sera faite. Je dis ceci, M. le Président, et je le dis beaucoup
plus gentiment que le leader du gouvernement me l'a dit hier; je ne le mets pas
au défi: Si, à un certain moment, cette motion vient en
discussion et qu'il croit que
mon nom doit être ajouté à la liste, il pourra le
faire par voie d'amendement.
M. BOURASSA: Bien oui, mais arrêtez donc!
M. LEVESQUE: M. le Président, je prends note de l'admission du
député de Maisonneuve. Evidemment, c'est difficile pour lui de ne
pas admettre que, dès le 21 juin 1974...
M. BURNS: Bien oui! Je l'ai la lettre, moi aussi.
M. LEVESQUE: Mais elle n'a pas été déposée
au journal des Débats. Il est important... Je n'ai pas entendu parler de
cela dans la presse. J'ai vu bien des reportages depuis hier. J'en ai entendu,
mais je n'ai pas entendu dire que l'initiative venait du député
de Maisonneuve...
M. BOURASSA: C'est vrai?
M. LEVESQUE: ... candidat possible à la succession.
M. BOURASSA: Surveillez-le! Surveillez-le!
M. LEVESQUE: Qu'est-il arrivé après le 21 juin 1974? On
continue dans ce dossier, fort intéressant...
M. LESSARD: II fait un discours...
M. BURNS: Question de règlement, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Maisonneuve. Question de règlement.
M. BOURASSA: Cela fait mal!
M. BURNS: C'est au mérite. On est en train de discuter de la
motion au mérite et vous nous aviez bien mis en garde contre cela. Je
vous demanderais d'appliquer le règlement pour le leader du gouvernement
aussi.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Effectivement...
M. LEVESQUE: Je vais laisser le dossier, parce qu'on pourra maintenant
s'y référer.
M. BURNS: Oui, d'accord.
M. LEVESQUE: Parce que là les gens vont être
intéressés à aller voir le reste de l'histoire.
M. BURNS: Oui, faites-en donner une copie à la Tribune de la
presse, je suis bien d'accord, entièrement d'accord.
M. LEVESQUE: M. le Président, vous me permettrez simplement, pour
le respect de la vérité, deux petits points. Le premier, c'est
qu'il ne s'agit pas, à sa face même, d'une question de
privilège. J'ai le droit de dire cela. Vous devez rendre une
décision bientôt là-dessus. J'ai le droit de dire cela.
Pour vous aider, si vous avez besoin d'assistance, et je sais que vous
n'en avez pas besoin mais lorsque l'on voit que ce que l'on nous
reproche c'est en vertu de l'article 75 de la Loi de la Législature, je
tiens simplement à vous rappeler que l'article 75 défend de
recevoir des sommes, des émoluements. La commission de régie
interne, M. le Président, a simplement tenu une réunion de
routine, le 26 juillet 1974, et a fait deux choses; a approuvé qu'une
mission officielle aille à Bruxelles, ensuite une autre à Paris
et les autres de l'ordre du jour et a accepté ce que le président
nous avait proposé comme tarif forfaitaire pour le
délégué...
M. BURNS: Pour tous les délégués que j'ai
mentionnés tout à l'heure.
M. LEVESQUE: ... pour chaque délégué. M. BURNS:
C'est cela.
M. LEVESQUE: Mais chaque délégué, qui y avait
droit, M. le Président, c'est évident.
M. BURNS: Ah! regarde donc cela! M. LEVESQUE: Et la surprise du...
M. BURNS: C'est-tu drôle qu'on ne voit pas cela dans la
minute.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. LEVESQUE: C'est parce qu'il me pose une question, j'aimerais lui
répondre.
M. BURNS: II discute du mérite encore, M. le
Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Là, j'ai l'impression que cela
dépasse de beaucoup...
M. MORIN: II tente de se disculper.
M. LEVESQUE: M. le Président, je terminerai simplement en disant
ceci, si je ne peux pas parler de la véritable question...
M. BOURASSA: Une partielle dans Maisonneuve.
M. BURNS: Attendez qu'elle soit recevable et vous parlerez tant que vous
voudrez là-dessus.
M. LEVESQUE: M. le Président, je dis simplement que nous avons
agi, comme nous agissons toujours, avec objectivité...
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. LEVESQUE: Bien... J'ai le droit...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Maisonneuve, sur une question de règlement.
M. BURNS: M. le Président, je suis entièrement d'accord
que ce débat puisse avoir lieu cet après-midi...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît.
M. BURNS: Si ce débat doit avoir lieu, qu'il ait lieu cet
après-midi, selon votre suggestion, je suis entièrement d'accord,
et je ne couperai même pas la parole au leader, je m'engage d'avance.
M. LEVESQUE: M. le Président... Un instant.
M. BURNS: II y a une chose que je n'accepte pas, M. le Président,
c'est qu'on fasse deux poids deux mesures.
M. LEVESQUE: D'accord, c'est justement ce que je veux dire, pas deux
poids deux mesures.
M. BURNS: Je n'accepte pas deux poids, deux mesures, M. le
Président. Si moi je me suis limité à soulever le
problème et que vous me dites à moi: Je vais examiner la
recevabilité de votre motion, bien il me semble que cela doit
s'appliquer au leader aussi.
M. LEVESQUE: Un instant...
M. BURNS: Tout ce qu'il a dit jusqu'à maintenant, il tente de
justifier le comité.
M. LEVESQUE: J'ai le droit sur la question de règlement.
M. BURNS: II pourra le faire cet après-midi.
M. LEVESQUE: Sur la question de règlement.
M. le Président, je tiendrais à rappeler au
député de Maisonneuve que lorsqu'une motion a été
présentée, au début de la semaine, cela a d'abord
été une question de privilège, et à ce moment, on a
permis, si ma mémoire est fidèle, au député de
Sauvé, au chef de l'Opposition... Oui, oui, qu'on retourne au journal
des Débats. Il a pris la parole, à ce moment, pour expliquer ou
se justifier, je ne me rappelle pas ce qu'il a fait, mais, enfin, il a eu
l'occasion d'avoir une intervention sur le fond. Le lendemain...
M. BURNS: Ce n'est pas cela dont il s'agit.
M. LEVESQUE: Le lendemain, alors que l'avis de motion était au
feuilleton, la question de privilège ayant été
considérée comme telle, il y a eu un avis de motion le lendemain.
Le député de Maisonneuve s'est levé, si ma mémoire
est fidèle, et là il a parlé de la recevabilité de
la motion. Je me suis opposé et le député de Maisonneuve a
dit: Non, cela va sauver du temps, je pense, pour demain, et le
président lui a donné raison et l'a laissé parler sur la
question de la recevabilité. Est-ce vrai cela?
M. BURNS: Sur la recevabilité seulement. M. LEVESQUE: De la
motion. M. BURNS: Oui.
M. LEVESQUE: Tandis que, présentement, on n'est pas sur la
recevabilité de la motion, on est sur la question de
privilège.
M. BURNS: Elle n'est même pas reçue, la motion, encore.
M. LEVESQUE: C'est-à-dire la question de privilège n'est
pas encore décidée.
M. BURNS: Bien oui.
M. LEVESQUE: C'est ça.
M. BURNS: C'est ça.
M. LEVESQUE: Qu'est-ce qu'on a à cacher?
M. BURNS: Rien à cacher, je veux que cela se fasse au bon
moment.
M. LESSARD: Faites l'enquête.
M. LEVESQUE: Laissez-moi terminer.
M. BURNS: Faites une enquête, cela va être parfait.
M. LESSARD: On n'a rien à cacher, faites l'enquête.
M. BURNS: Acceptez la motion.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. LEVESQUE: Je termine, M. le Président, en disant...
M. BURNS: Acceptez-la, la motion.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. LESSARD: Ne vous cachez pas derrière des
procédures.
M. LEVESQUE: ... que cette question de
privilège n'en est pas une, qu'à la face même de la
motion qu'on veut faire par suite de cette question de privilège, si
elle était une question de privilège, à la face même
de cette motion, elle est évidemment irrecevable et surtout ridicule et
un prétexte...
M. BURNS: Oui.
M. LEVESQUE: ... de procédure de diversion.
M. MORIN: Plaidoyer pro domo.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre du Revenu.
M. Gérald Harvey
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, j'ai cru
également entendre citer mon nom. Si la motion est
présentée, laissez-moi vous dire que mon seul commentaire est que
je la trouverais ridicule parce que si, toutes les fois qu'un trop-payé
versé par un ministère quelconque aurait conduit à
l'introduction d'une motion semblable en Chambre, il ne resterait plus de
ministre dans aucun gouvernement, non seulement au Québec mais à
travers le monde entier.
M. BURNS: Belle admission! Belle admission!
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais...
M. BURNS: Belle admission!
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): ... pour le bénéfice de
tous les membres de l'Assemblée, rappeler quel va être mon
rôle au cours des prochaines heures. J'ai pris connaissance de votre
question de privilège, que je vais étudier. Evidemment, pour que
la motion puisse venir au feuilleton éventuellement, il faut que
j'accepte votre question de privilège comme telle et, ensuite, si je
l'accepte que je regarde la motion elle-même pour permettre qu'elle soit
au feuilleton à titre d'avis ou non. C'est ce qui, au cours des
prochaines heures, va se passer.
J'espère que tous ceux qui ont voyagé ont fait un bon
voyage.
M. BURNS: Y compris vous-même, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Affaires du jour.
Questions inscrites au feuilleton
M. LEVESQUE: M. le Président, en réponse à des
questions au feuilleton... The show must go on. Article no 9, question de M.
Bellemare (Johnson), je fais motion pour que cette question...
M. BELLEMARE (Johnson): Quel numéro?
M. LEVESQUE: No 9. ... soit transformée en motion pour
dépôt de document.
M. BELLEMARE (Johnson): Un instant, M. le Président.
M. LEVESQUE: Motion pour dépôt de document.
M. BELLEMARE (Johnson): No 9, Bellemare...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Document déposé.
Cette motion est-elle adoptée?
M. LEVESQUE: Adopté.
M. LEGER: On demande un vote enregistré, M. le
Président.
M. BURNS: Vote enregistré, M. le Président.
M. LEVESQUE: Pour?
M. BURNS: Vote enregistré.
M. LEVESQUE: Bien, on va aller en commission.
M. BURNS: Ah, vous allez en commission? D'accord, adopté.
M. LEVESQUE: On va simplement finir ça. Alors...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Excusez-moi, j'ai perdu...
Vous...
M. LEVESQUE: Non, non, cela va bien!
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): ... répondez à des
questions du feuilleton? Ah bon! Bon!
M. LEVESQUE: Réponse de M. L'Allier, pour M. L'Allier, document
déposé.
UNE VOIX: Quel numéro?
M. LEVESQUE: No 9, pour la vingtième fois.
M. BELLEMARE (Johnson): L'autre, c'était quoi?
M. LESSARD: Quel numéro est-ce que c'était?
M. BELLEMARE (Johnson): C'est le premier. D'accord.
M. LEVESQUE: Article no 13, question de M. Bellemare (Johnson),
réponse de M. Hardy.
M. HARDY: Lu et répondu. (voir annexe)
M. LEVESQUE: Article no 18, question de M. Roy, réponse de M.
Toupin.
M. BELLEMARE (Johnson): Le 21 décembre.
M. TOUPIN: Lu et répondu. (voir annexe)
M. LEVESQUE: Article no 29, question de M. Bellemare (Johnson), je fais
motion pour que cette question soit transformée en motion pour
dépôt de document.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion est-elle
adoptée?
M. LEVESQUE: Adopté.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Adopté.
M. LEVESQUE: Réponse de M. Toupin. M. TOUPIN: Document
déposé.
Motion pour faire siéger la commission sur le
projet de loi no 98
M. LEVESQUE: M. le Président, je fais motion pour que la
commission parlementaire des affaires municipales siège
immédiatement au salon rouge afin de poursuivre l'étude sereine
et objective, efficace et rapide du projet de loi... Quel numéro?
M. LEGER: No 98.
M. LEVESQUE: ... no 98.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion est-elle
adoptée?
M. LEGER: Vote enregistré, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les
députés.
Vote sur la motion
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!
Que ceux qui sont en faveur de la motion proposée par l'honorable
leader du gouvernement veuillent bien se lever s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bouras- sa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre,
Choquette, Garneau, Lachapelle, Berthiaume, Cournoyer, Goldbloom, Simard,
Quenneville, Mme Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue,
Forget, Toupin, Massé, Harvey (Jonquière), Arsenault, Desjardins,
Giasson, Brown, Bossé, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson, Cornellier,
Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Picard, Gratton, Assad, Dionne, Faucher,
Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Shanks, Springate,
Pepin, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault, Boutin,
Chagnon, Marchand, Caron, Côté, Denis, Dufour, Harvey (Dubuc),
Lachance, Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier,
Pagé, Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières, Verreault,
Morin, Burns, Léger, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Samson, Roy,
Bellemare (Johnson).
LE SECRETAIRE: Pour: 80 Contre : 0
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La motion est adoptée. La
commission des affaires municipales peut siéger immédiatement, au
salon rouge.
Affaires du jour.
M. LEVESQUE: Nous pourrons revenir, au cours de la journée, avec
des motions de troisième lecture; on pourra avoir une certaine
consultation pour ce que nous pourrions adopter aujourd'hui. Mais, pour le
moment, M. le Président, j'appelle l'articlelO.
Projet de loi no 87
Deuxième lecture
Motion de report à six mois
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Reprise du débat sur
l'amendement de M. Léger à la motion de M. Levesque, proposant
que le projet de loi no 87, Loi modifiant la loi de la Législature et la
loi de l'Exécutif...
L'honorable député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, j'ai parlé.
DES VOIX: Vote! Vote!
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): C'était sur la motion
d'amendement pour le reporter à six mois?
M. LEVESQUE: Le temps du député était
expiré.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Maisonneuve.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, mes collègues ont
été assez clairs sur ça que c'est pratiquement par devoir
que je sens le besoin d'intervenir pour ajouter à ce qu'ils ont dit,
hier, à l'appui de la motion pour reporter l'étude du projet de
loi à six mois.
Il est évident on a tenté de faire des gorges
chaudes sur cela, de l'autre côté de la Chambre que, dans
le passé, nous avons tous admis que le salaire du député,
comme tout autre salaire au Québec, a, depuis 1971/72, perdu de sa
valeur eu égard au pouvoir d'achat qu'il commande. Je ne tenterai pas de
vous dire que, lors de l'étude des crédits de l'Assemblée
nationale, le député de Saint-Jacques et moi-même n'avons
pas admis cela; bien au contraire, et je maintiens toujours cette position.
Nous sommes d'accord qu'il y a eu érosion du pouvoir d'achat du salaire
des députés, comme il y a eu érosion du pouvoir d'achat de
l'ensemble des travailleurs au Québec, de ceux qui n'ont pas
été indexés, en tout cas.
Ce qui motive notre attitude cependant, M. le Président, c'est
que nous jugeons cette demande d'augmentation par voie d'un projet de loi
et le mot n'est pas trop fort indécente en l'occurrence.
Indécente pour une pure et simple raison: c'est nous, les
législateurs, qui détenons entre nos mains le pouvoir de changer
notre propre situation. J'admets que le projet de loi, à un certain
égard, corrigera cela pour l'avenir, mais ce qu'il y a
d'indécent, M. le Président, c'est quand tout autour de nous vous
avez des gens au salaire minimum, à qui on a donné des miettes
depuis des années. On leur a donné cela à coup de $0.10,
et même quand on a présenté la motion de hausser le salaire
minimum à $2.50 c'est-à-dire même pas au seuil de la
pauvreté et je ne reprendrai pas toute l'argumentation que je
vous avais soumise à ce moment-là me basant sur des
statistiques fédérales et en particulier sur les recherches du
comité sénatorial à ce sujet, tout le monde admettait,
pour l'année 1973, que même un salaire annuel de $5,200
n'était pas suffisant. Je vous avais même soumis, à ce
moment, M. le Président, des statistiques qui avaient été
préparées d'ailleurs par le groupe de recherche et d'information
de Saint-Henri, le GRIP, qui démontraient que même avec $100 par
semaine, une famille normale n'était pas capable d'arriver. Donc, que
notre demande de $2.50 prévus sur une période de 40 heures
pouvait normalement apporter un revenu de $100 par semaine, mais que même
cela n'allait pas jusqu'à ce qu'on appelle le seuil de la
pauvreté.
M. le Président, qui sommes-nous aujourd'hui, après avoir
pris ces attitudes, pour dire que les gens qui sont au salaire minimum,
c'est-à-dire actuellement $2.30 l'heure, qui ne sont pas indexés
au coût de la vie... Même la motion qui avait été
proposée, celle à laquelle je me référais, de
$2.50, avait été amendée je m'en souviens
très bien par le ministre du
Travail et, sous l'angle de l'indexation, on laissait une latitude
absolue au gouvernement de tenir compte des circonstances, mais ce
n'était pas automatique. Ce n'est tellement pas automatique, M. le
Président, que le cabinet des ministres n'a pas bougé sur
l'indexation du salaire minimum depuis ce temps-là.
Et nous, M. le Président, on ne jugera pas cela indécent
de se servir les premiers? Nous qui sommes censés être les
serviteurs? C'est cela, M. le Président, qui motive, je pense, la motion
du député de Lafontaine...
M. VEILLEUX: Saguenay.
M. BURNS: C'est le député de Lafontaine, non?
M. VEILLEUX: De reporter à six mois? M. BURNS: Oui.
M. VEILLEUX: M. le Président, question de règlement. Je
sais que le député de Maisonneuve était occupé
à une autre commission hier, mais nous ne sommes pas sur la motion de
fond, nous sommes sur la motion de report à six mois du
député de Saguenay.
M. BURNS: Oui, d'accord.
M. VEILLEUX: Alors, il faudrait s'en tenir aux six mois.
M. BURNS: Excusez-moi, je croyais que c'était le
député de Lafontaine qui l'avait formulée.
M. VEILLEUX: Non, non!
M. BURNS: En tout cas, je vais parler tout simplement de la motion du
report à six mois, peu importe qu'elle ait été faite par
le député de Lafontaine ou de Saguenay, j'étais absent
lorsqu'elle a été faite hier, c'est pour cela que je ne pouvais
pas identifier exactement l'auteur de la motion.
Mais ça ne m'empêche pas, M. le Président, quel que
soit le député qui l'a faite cette motion-là, de vous
dire, comme je le mentionnais il y a une minute: Nous qui sommes censés
être les serviteurs du peuple, je ne vois pas comment et en vertu de
quelle logique nous serions les premiers à nous servir. Je suis
prêt à atténuer cette affirmation-là:
Peut-être pas les premiers. C'est sûr que les employés de la
fonction publique bénéficient d'une certaine forme d'indexation.
C'est sûr qu'il y a déjà un certain nombre de travailleurs
à travers le Québec qui ont réussi, à force de
bras, à faire rouvrir leurs conventions collectives. Quand je dis
à force de bras, c'est qu'on les a laissés se débattre
tout seuls avec le problème sans qu'il y ait un projet de loi du
ministère du Travail qui permettrait de rouvrir les conventions
collectives auxquelles il reste au moins un an à faire, à
courir. Non, on n'a pas fait ça. Alors, je vois mal, M. le
Président, qu'aujourd'hui on se dise capable, sans aucune honte, de
faire cette modification-là au salaire du député avant
qu'on la fasse pour l'ensemble des gens qui en ont, disons-le et soyons
honnêtes, beaucoup plus besoin que les députés.
Quand vous indexez un salaire de $15,600, ou de $21,000 en l'occurrence
comme le propose le projet de loi, vous n'indexez pas un salaire qui est dans
le paupérisme total. Vous n'indexez pas un salaire qui est en bas du
seuil de la pauvreté. Et on ferait cela sans crainte et sans aucune
difficulté, sans gêne surtout? C'est pour cela, M. le
Président, que la motion de six mois est faite. C'est pour donner le
temps au gouvernement, s'il est sérieux, de démontrer que, ce
qu'il veut faire à l'endroit des députés, il veut aussi
que ça s'applique à l'ensemble de la population. Il veut aussi
réviser, entre autres, la forme d'indexation imparfaite des prestations
en vertu de la Commission des accidents du travail. Il veut tenter de trouver
une formule d'indexation, après avoir haussé le salaire à
un minimum normal, mais un vrai strict minimum de $2.50, il veut trouver une
formule, un moment donné, pour indexer le salaire minimum. Il veut
trouver une formule pour ne pas laisser les travailleurs qui sont
emprisonnés dans une convention collective qu'ils ont signée avec
des prévisions économiques qui ne se sont pas
avérées exactes dans les faits. Qu'est-ce qu'on fait pour eux? On
les laisse à leur sort et nous autres on règle notre
problème à nous? Je dis, M. le Président, c'est ça
que j'appelle indécent comme attitude.
Par contre le gouvernement démontrerait qu'il serait très
sérieux s'il acceptait notre suggestion de reporter ce projet de loi
à six mois, pas pour le tuer définitivement, comme je l'ai dit
tout à l'heure, je l'ai admis, pas pour tuer le projet de loi
définitivement. On pourra débattre au fond sur les
barèmes, on ne sera pas nécessairement d'accord sur les
mêmes chiffres, mais on va être d'accord sur un principe, par
exemple. C'est que le salaire des députés, comme celui de tout le
monde, a besoin d'être indexé. Mais je dis, M. le
Président, qu'avant de le faire pour nous trouvons les moyens de le
faire pour l'ensemble de la population.
Si le député voit son pouvoir d'achat disparaître
graduellement au fur et à mesure de l'augmentation du coût de la
vie, imaginez-vous donc que c'est vrai pour tout le monde de la
société. On n'est pas des bibites rares dans le sens que nous
seuls souffrons de l'augmentation du coût de la vie.
Je dirais même qu'on est peut-être parmi les derniers
à en souffrir, et celui qui en souffre le plus est habituellement celui
qui a encore moins de moyens que le salaire de $15,600 que le
député reçoit actuellement, et c'est ce qui est important
de retenir.
Posez les gestes normaux, ouvrez les conventions collectives, haussez le
salaire minimum, indexez-le et, après cela, nous serons prêts nous
aussi à parler d'indexation de nos propres salaires.
A ce moment, je ne serai pas gêné de le faire. A ce
stade-ci, je vous dis que je le suis. Je suis dans une position
privilégiée comme député, celui des rares
travailleurs au Québec, probablement les seuls travailleurs qui peuvent
décider de leur salaire. C'est assez incroyable, M. le
Président.
Je ne connais pas de travailleurs, véritablement de travailleurs
je ne parle pas de gens qui s'auto-emploient, qui sont à leur
propre emploi qui ont la chance et le privilège, parce que c'est
un privilège, de décider de leur propre salaire. Mes dix minutes
sont terminées, M. le Président?
Alors, je termine là-dessus. Je dis: Posez les gestes. Posez-les
sérieusement et revenons dans six mois et réexaminons toute
l'affaire. Nous verrons, à ce moment, si le gouvernement a posé
des gestes concrets pour régler le problème de l'ensemble de la
population. Et si c'est exact, si, dans les faits, c'est cela qui sera
arrivé dans six mois, à ce moment je ne serai pas
gêné de parler d'indexer mon propre salaire parce que je n'aurai
pas l'impression que je m'accorde un privilège que le gouvernement
refuse de donner à l'ensemble des travailleurs.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition.
M. MORIN: Si je ne m'abuse, j'ai droit à une demi-heure?
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Oui.
M. Jacques-Yvan Morin
M. MORIN: M. le Président, je voudrais donner mon opinion sur
cette motion qui tend à reporter à six mois l'étude de ce
projet de loi. Dans notre esprit, dans l'esprit de l'Opposition, il s'agit de
prendre tout le temps nécessaire pour étudier les
conséquences de ce projet de loi ainsi que les raisons qui militent en
sa faveur.
Il s'agit encore davantage d'informer la population de la portée
du geste que nous nous apprêtons à poser. Le Comité
consultatif sur les indemnités et allocations des parlementaires du
Québec, dans son rapport, qui nous a été soumis il y a
à peine deux semaines maintenant, au plus trois semaines, nous dit qu'il
faut que le public comprenne bien la situation dans laquelle se trouve le
député au Québec. Les observations se trouvent à la
page 32 et sont suivies de quelques commentaires tendant à montrer
pourquoi il faut que l'opinion comprenne la situation, afin que les
députés ne soient pas les seuls à décider de leur
salaire.
Si nous posions un geste unilatéral, hâtif, en fin de
session, à la sauvette, profitant du fait que bientôt les
députés vont devoir rentrer chez
eux pour les Fêtes, profitant du fait que beaucoup de
Québécois vont avoir l'esprit ailleurs, j'estime que nous
manquerions à notre devoir à l'égard des
Québécois. "Il faut, disait le comité consultatif sur les
indemnités et allocations des parlementaires du Québec,
comité consultatif composé de M. J.-C. Bonenfant,
président, ainsi que de Mme Yvette Rousseau et de M. Lucien Cliche,
comme membres. Je cite textuellement un extrait qui se trouve à la page
32. "Il faut, autant que possible, éviter que ceux-ci il s'agit,
bien entendu, des députés s'ils doivent être mieux
payés, en décident d'eux-mêmes directement. Le grand
public, en effet, éprouve des difficultés à comprendre que
les députés soient à la fois juges et parties dans leur
propre cause et il est facile parfois, avec démagogie, de
répéter que la plupart des travailleurs doivent négocier
péniblement leur augmentation de salaires, alors que les
députés, eux, peuvent, sans tractations et sans opposition,
décider des leurs. C'est pour cela que, depuis un certain nombre
d'années, dans plusieurs pays, on recherche des moyens de fixer
l'indemnité parlementaire sans que les députés
interviennent directement".
M. le Président, je pense que ces propos sont fort sages.
Cependant, si nous devons éviter de décider, nous-mêmes,
unilatéralement, de ce qui est bon pour nous et si nous devons surtout
augmenter nos salaires de 50 p.c, car c'est bien le chiffre... Je sais que,
dans les journaux, le leader du gouvernement a donné à entendre
qu'il s'agissait d'une augmentation de seulement 25 p.c. Mais M. le
Président, la population doit savoir. C'est pour cela qu'il faut prendre
le temps nécessaire, qu'il faut retarder ce projet de loi pendant
quelque temps.
Le public doit savoir que ces chiffres résultent d'un truc qui se
trouve à l'article 5 du projet de loi. En effet, si l'article 92 semble
accorder à chaque député une indemnité annuelle de
$21,000, l'article 92a) qui suit immédiatement et qui est
rédigé en des termes techniques difficiles à comprendre
pour le public, augmente, dès le 1er janvier 1975, dans quelques jours,
grâce à une formule alambiquée dont je parlerai
peut-être tout à l'heure, si j'en ai le temps, le salaire des
députés en réalité de 50 p.c. J'ai donné les
chiffres hier. Je ne reviens pas sur tous ces détails aujourd'hui, pour
ne pas faire perdre le temps de la Chambre, mais il faut que l'opinion publique
soit saisie de cela. Nous avons jusqu'ici, M. le Président,
trompé l'opinion publique, en prétendant qu'il s'agissait d'une
augmentation de seulement 25 p.c. En réalité, c'est bien 50 p.c.
Je mets quiconque au défi dans cette Chambre, de me prouver le
contraire.
On n'a qu'à lire l'article 92a): "Le montant de
l'indemnité visée à l'article 92 c'est-à-dire
$21,000 doit, à compter du 1er janvier 1975
c'est-à-dire dans quelques jours être augmenté
annuellement du pourcentage que représente le rapport entre le salaire
de base pour l'année précédente et le salaire de base pour
l'année antérieure à cette dernière". On prend donc
un rapport en pourcentage, en comparant l'année 1973 avec l'année
1974. Ce pourcentage d'augmentation s'applique dès le 1er janvier 1975,
ce qui donne en réalité une augmentation de plus de $7,000 pour
un salaire qui, actuellement, est de $15,600.
On pourra faire les calculs; cela représente bien 50 p.c.
d'augmentation et c'est ce qu'il faut faire savoir à l'opinion
publique.
L'article 92 a), que nous nous aprêtons à ajouter
car il ne se trouve rien de semblable à l'heure actuelle dans la loi
ajoute que le salaire de base, pour une année, est calculé
d'après la moyenne des traitements et salaires hebdomadaires pour
l'ensemble des activités économiques au Canada au cours de chaque
mois de l'année, tel que le publie Statistique Canada en vertu de la Loi
sur la statistique.
J'aurai l'occasion, dans un discours subséquent, d'expliquer
comment cette méthode de calcul est injuste pour les
Québécois. Elle gonfle encore danvantage le salaire des
députés parce que l'augmentation qui va s'ajouter annuellement
est calculée par rapport à l'ensemble des revenus canadiens,
alors que les revenus québécois sont inférieurs. Le
Québec pourra se trouver dans la stagnation économique. Nous
pourrons en être au point de croissance zéro pour le PNB avec une
inflation de 10 p.c. Ce qui comptera pour augmenter le salaire de ces
Messieurs, notre salaire, Messieurs, ce sont des statistiques applicables
à l'ensemble du pays, qui sont invariablement supérieures
à celles du Québec. En sorte que, non seulement serons-nous les
premiers servis, mais nous serons mieux servis que les citoyens ordinaires,
dont nous avons pourtant pour mission d'assurer le bien-être, dont c'est
pourtant notre tâche de nous assurer qu'ils soient, eux, les premiers
servis.
Nous sommes en train de donner un bien mauvais exemple à la
population. Je voudrais que nous prenions ces quelques mois pour y
réfléchir; nous avons besoin de réfléchir au geste
que nous allons poser. Si tant est que nous ayons besoin d'une augmentation, ce
qui peut être le cas pour certains d'entre nous, sûrement pas tous,
si tant est que cela soit justifié, alors il nous faut aussi
réfléchir à l'état de l'économie et à
la condition dans laquelle se trouvent nos concitoyens québécois.
Cela signifie deux choses: Premièrement, nous devons nous voter des
montants qui soient raisonnables et non pas des augmentations de 50 p.c. d'un
coup, avec, par-dessus le marché, comme glaçage sur le
gâteau, un montant de plus de $4,000 à titre rétroactif. Je
trouve que nous exagérons. Je pense que nous ne nous comportons pas en
bons citoyens. Nous donnons le mauvais exemple à la population. On
viendra ensuite dire aux Québécois: Serrez-vous la ceinture,
l'économie en 1975 va connaître des difficultés. Le PNB va
être au point zéro, il y a du chômage, annoncent tous les
économistes, mais, serrez-vous la ceinture; il faut se montrer
réaliste. Il faut tenir compte que c'est dur de faire partie du
monde
occidental où l'inflation est galopante, où le
chômage gagne de plus en plus les diverses économies. Il faut
être réaliste, il faut se serrer la ceinture.
Qu'est-ce que les Québécois vont nous répondre? Ils
vont répondre: Messieurs les députés, il fallait donner
l'exemple. Il fallait, au moment où vous saviez déjà que
l'économie était sur la pente descendante, ne pas donner
l'exemple de sangsues qui se collent aux fonds publics, parce que nous sommes
les gardiens de ces fonds publics.
Quelle honte de ne pas tenir compte des besoins de nos concitoyens et
d'être les premiers à nous servir à même des fonds
dont nous avons la garde. Si nous étions des fiduciaires dans
l'entreprise privée, si nous avions la garde de fonds privés, on
nous appellerait des dilapi-dateurs. Il y a des peines prévues pour cela
dans la loi.
Mais nous sommes les gardiens des fonds publics, et nous risquons de
devenir les dilapida-teurs des fonds publics. Contre cela, il n'y a pas de
peine prévue dans la loi. C'est grave, M. le Président. Cela veut
dire il faut y réfléchir au cours des mois qui viennent,
c'est pour cela qu'il faut remettre ce projet de loi à six mois
que le geste, l'acte irresponsable que nous nous apprêtons à poser
ne comporte pas de sanction. Nous sommes à l'abri de tout, sauf de
l'opinion des Québécois. Nous pouvons nous penser au-dessus du
commun des mortels. C'est nous qui sommes les gardiens des fonds publics, alors
bien malin qui pourra prendre des procédures contre les gardiens qui
sont les seuls à décider, en dernier ressort, ce qu'il adviendra
de ces fonds. Nous sommes là, assis dans nos fauteuils, bien
carrés, à nous dire: Nous pouvons faire ce que nous voulons.
M. le Président, je crains bien qu'il y ait des retours de
bâtons, surtout à une époque où l'économie du
Québec prend un mauvais tournant. J'estime, comme je l'ai dit hier, que
ce geste posé dans les circonstances actuelles de l'économie, ce
geste posé à la sauvette, en fin de session, pour que les gens
n'aient pas le temps de voir ce qui se passe, ce tour de prestidigitation,
peuvent nous valoir de graves ennuis par la suite.
Je salue le retour du député de Louis-Hébert, qui
sait de quoi je parle. L'opinion publique est peut-être endormie par les
Fêtes, c'est possible, mais elle ne sera pas endormie tout le temps.
Quand, dans quelques mois, les indicateurs économiques vont commencer
à décliner, quand nous allons faire face à du
chômage, au Québec, quand le salaire minimum ne suffira plus
à nourrir une famille ordinaire, quand les usines commenceront à
fermer leurs portes, M. le Président, alors les Québécois
vont nous demander des comptes.
Nous allons leur dire: Que voulez-vous? Nous aussi, nous faisons face
à la hausse du coût de la vie; nous aussi, il faut que nous ayons
l'indexation que beaucoup de Québécois ont déjà
obtenue. M. le Président, c'est parce que nous devons informer les
Québécois de cela et c'est parce que nous devons les amener
à y réfléchir que nous demandons cette motion de report
à six mois, puisqu'il me faut constamment revenir à la
motion.
M. le Président, il faut renseigner les Québécois,
il faut leur expliquer le geste que nous nous apprêtons à poser
parce que demain, quand l'économie ira mal et que nous nous tournerons
vers eux et que nous tenterons de leur dire: II faut se serrer la ceinture,
concitoyens, il faut, dans des temps durs, faire, contre mauvaise fortune, bon
coeur: il faut même peut-être renoncer à l'indexation parce
qu'il n'y a pas assez d'argent pour indexer, les Québécois vont
se tourner vers nous et dire: Que ne donniez-vous l'exemple ! Et nous serons
aux prises avec des problèmes sociaux insolubles. Chaque fois que nous
nous tournerons vers des citoyens, dans quelque secteur que ce soit, qu'il
s'agisse du ministre de l'Agriculture, qui aura à aller expliquer aux
agriculteurs que désormais, malgré qu'ils aient
déjà la ceinture sur les reins, il va falloir la serrer encore
davantage, que ce soit le ministre des Affaires sociales ou le ministre d'Etat
aux Affaires sociales qui devront tant bien que mal, aller expliquer à
travers le Québec qu'il n'y a pas assez d'argent pour couvrir les
besoins de première nécessité d'une nombre croissant de
Québécois qui se trouveront en chômage ou à
l'assistance sociale.
Les Québécois vont-ils prendre cela sans sourciller? Il
vont nous demander des comptes et surtout ils vont nous dire: Vous vous
êtes disqualifiés. Vous n'avez pas le droit de venir nous demander
de nous serrer la ceinture.
Avant que les six mois pour lesquels nous demandons cette motion de
report ne se soient écoulés, il y aura des négociations
dans la fonction publique et dans de nombreux secteurs. Si l'économie
est à la baisse et si le gouvernement est obligé de mettre le
frein et d'expliquer à ses fonctionnaires, aux travailleurs que c'est
bien malheureux mais qu'il faut être réalistes, alors les
Québécois nous diront: Etiez-vous réalistes, autour de
Noël 1974, quand vous vous êtes voté une augmentation de 50
p.c? Avez-vous tenu compte de l'état de l'économie? Avez-vous
examiné les indicateurs économiques? Ne saviez-vous pas que les
économistes prédisaient un avenir sombre pour l'année
1975?
C'est pour ces raisons qu'il faut reporter ce projet de loi à six
mois. C'est pour ces raisons: informer les Québécois de
l'état de l'économie et du geste que nous nous apprêtons
à poser et des techniques que nous utilisons pour augmenter nos salaires
d'année en année. J'ai attiré l'attention là-dessus
déjà, j'y reviendrai en détail lorsque nous examinerons ce
projet de loi article par article, nous allons l'examiner longuement article
par article. Nous allons proposer des modifications à tous les articles,
parce que ce projet de loi n'est pas bien fait, parce qu'il dissimule les
hausses qu'il accorde aux députés. Nous allons faire valoir,
à cette occasion, un très grand nombre d'arguments et en
particulier...
M. BOSSE: M. le Président, question de privilège.
M. MORIN: ... les faits... M. le Président... M. LESSARD: II
n'est même pas à sa place.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Un instant. A l'ordre! A l'ordre!
J'inviterais l'honorable député de Dorion, s'il veut soulever une
question de privilège, à prendre son siège.
M. BOSSE: Vous avez raison.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): L'honorable député
de Sauvé.
M. MORIN: Ce que le député de Dorion devrait
comprendre...
M. BOSSE: M. le Président, je désirerais soulever une
question de privilège.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Sur une question de
privilège, l'honorable député de Dorion.
M. BOSSE: De mon siège. Le chef de l'Opposition actuellement nous
parle sur le fond...
M. LESSARD: M. le Président...
M. BOSSE: Je regrette mais il est hors du sujet.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Ce n'est pas une question de
privilège, c'est une question de règlement. Est-ce que vous
voulez parler sur une question de règlement?
M. LESSARD: Le député vient de comprendre.
M. BOSSE: C'est une question de règlement, M. le
Président, ei je pense que le chef de l'Opposition devrait s'en tenir
à l'amendement qui a été proposé et non pas nous
parler sur le fond. Ceci étant dit de mon siège.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Je voudrais mentionner au
député de Sauvé qu'à certains moments il
dépasse peut-être un petit peu la motion. Je lui demanderais de
revenir à la motion en cours, c'est-à-dire de reporter à
six mois l'étude du projet de loi. Je demande votre collaboration
là-dessus et de parler sur la motion du député de
Lafontaine.
M. LESSARD: M. le Président, sur la question de règlement,
je voudrais...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): L'honorable député
de Saguenay.
M. LESSARD: ... vous rappeler aussi, M. le Président, l'article
120 et surtout les derniers mots concernant l'article 120.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): L'article 120.
M. LESSARD: Oui, M. le Président.
M. MORIN: Pourriez-vous le lire, M. le député?
M. LESSARD: M. le Président, "Le débat sur toute motion de
deuxième lecture et à ce que je sache, nous sommes encore
en deuxième lecture sur une motion secondaire doit être
restreint à la portée, à l'à-propos, aux principes
fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de loi ou
à toute autre méthode d'atteindre ces fins...
Voici, M. le Président, une minute...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Oui, allez-y.
M. LESSARD: ... à toute autre méthode d'atteindre ces
fins." Je pense qu'il est tout à fait normal que, sur la motion en
discussion, le député, le chef parlementaire explique les
conséquences de ce projet de loi puisque, justement, c'est à
cause des conséquences de ce projet de loi que nous proposons la motion
de renvoi à six mois.
Ce dont le député de Sauvé parle, ce sont les
implications du projet de loi et ces implications nous ont amenés, nous
de l'Opposition officielle, à proposer le renvoi à six mois.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): II y a aussi l'article 121 qui
dit: "Un seul amendement est possible à la motion de deuxième
lecture. I! ne peut viser qu'à la retarder. Il ne peut être
l'objet d'un sous-amendement". C'est là-dessus justement qu'on est; on
est en train d'étudier la motion qui a été
présentée de renvoi à six mois. Alors, je demanderais au
chef de l'Opposition de s'en tenir à cette motion, quoiqu'on ait
accordé une certaine latitude jusqu'à présent sur la
question de fond.
M. MORIN: M. le Président, je ne faisais pas autre chose,
à mon avis, parce que j'ai bien dit, à plusieurs reprises, qu'il
s'agit d'informer les Québécois des faits dont je fais
état. Il s'agit de nous expliquer devant l'opinion publique. C'est pour
cela que nous avons fait la motion de report à six mois. Peut-être
le député de Dorion ne suivait-il pas mon argumentation.
M. BOSSE: M. le Président...
M. MORIN: Peut-être était-il temporairement absent de
l'Assemblée...
M. BOSSE: M. le Président, ce que j'entendais...
M. MORIN: ... du moins en esprit. M. BOSSE: Ce que j'entendais...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): A l'ordre, à l'ordre!
M. BOSSE: ... si vous le permettez...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): A l'ordre! Vous invoquez quoi, une
question de règlement ou une question de privilège?
M. BOSSE: Une question de règlement. Ce que j'entendais de la
part du chef de l'Opposition, c'était ceci: Nous étudierons
article par article, nous ferons des amendements article par article...
M. CHARRON: Pendant six mois.
M. BOSSE: ... en fait, dans les six mois.
M. CHARRON: C'est ce que disait le chef de l'Opposition.
M. BOSSE: Quand même, il ne faudrait pas charrier. Que la mesure
dilatoire soit permise, que le chef de l'Opposition l'utilise, c'est pertinent,
mais de là à entrer dans les détails; je pense qu'il est
à court d'expressions, à court d'idées, et cela me
surprend de la part d'un professeur si brillant de l'université, de la
tour d'ivoire.
M. LESSARD: Très brièvement, M. le Président, sur
une question de règlement.
M. ROY: Sur la question de règlement.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Sur une question de
règlement, l'honorable député de Saguenay.
M. LESSARD: Je voudrais, M. le Président, féliciter le
député de Dorion d'être en Chambre ce matin, et de
s'être inscrit au journal des Débats.
M. BOSSE: Ce n'est pas une question de règlement, M. le
Président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): L'honorable député
de Beauce-Sud, sur une question de règlement.
M. ROY: Sur la question de règlement.
M. BOSSE: Je regrette, M. le Président, c'est une insulte...
M. ROY: Sur la même question de règlement, M. le
Président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran- ce): A l'ordre! A l'ordre! Sur une
question de règlement, l'honorable député de Beauce-Sud
m'avait demandé la parole avant.
L'honorable député de Beauce-Sud.
M. ROY: Je pense que, s'il y en a un, M. le Président...
M. BOSSE: ... de la part du député.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): A l'ordre! Vous soulèverez
une question de privilège. A l'ordre!
M. ROY: Je pense que, s'il y en a un, M. le Président, à
l'Assemblée nationale, qui devrait avoir la décence de se taire
à l'occasion de ce débat, qui est un exemple d'absentéisme
chronique à l'Assemblée nationale, c'est bien le
député de Dorion.
M. BOSSE: Je pense que le député...
M. ROY: C'est justement, M. le Président, des exemples comme le
vôtre...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre! A l'ordre! ... A
l'ordre! ... A l'ordre! ...A l'ordre! ...A l'ordre!
M. BOSSE: Je soulève une question de privilège.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Sur une question de
privilège, l'honorable député de Dorion.
M. BOSSE: Ayant été attaqué par le
député de Beauce-Sud, je le mets au défi, lui, de venir,
dans le comté où je suis, avec le type de services qu'on a
à donner. Alors, en ce qui a trait à ma présence et
à l'absentéisme en Chambre, je n'ai pas de leçon à
recevoir de sa part. S'il est là, c'est parce qu'ils ne sont que deux.
Quand ils étaient plusieurs, je m'en souviens, j'étais tout
près d'eux...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): A l'ordre ! A l'ordre!
M. BOSSE: ... ils étaient...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): A l'ordre! ... A l'ordre!
M. ROY: Vous passez votre temps à faire du patronage, on le
savait.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Nous revenons à la motion
du député de Lafontaine.
L'honorable député de Sauvé.
M. MORIN: M. le Président, je n'en veux pas personnellement au
député de Dorion d'être
intervenu dans le débat. Ce n'est pas une grosse contribution
jusqu'ici, mais, tout de même, il montre qu'il est
intéressé au débat. Il montre qu'il s'interroge sur la
portée sociale du projet de loi.
M. BOSSE: Sur votre pertinence.
M. MORIN: II se montre excellent député. Peut-être
même finira-t-il par en conclure qu'une augmentation de 50 p.c. est
exagérée, lui le député de Dorion, dont je
reconnais qu'il est un de ceux qui, dans cette Chambre, connaissent les
problèmes du peuple québécois et, en particulier, de ceux
qui ont des bas salaires. M. le Président, le député de
Dorion m'honore en intervenant dans ce débat; je ne demande pas mieux
que de l'entendre. J'espère qu'il nous fera un long discours sur la
condition économique des Québécois,
particulièrement des défavorisés.
M. BACON: Pertinence.
M. MORIN: M. le Président, tout cela pour dire que les
Québécois ont besoin d'être informé
complètement sur tous les aspects de ce projet de loi. Je ne sais pas si
les membres de cette Chambre ont eu l'occasion de suivre la controverse dans la
presse, à l'occasion de l'augmentation proposée pour les
députés au niveau fédéral.
Cette augmentation était également de 50 p.c. M. le
Président, nous devrions prendre le temps de suivre cette controverse.
Nous devrions prendre quelques mois pour nous mettre au fait de ce que pensent
les Québécois du geste qu'on s'apprêtait à poser
à Ottawa et pour prendre connaissance, évaluer, soupeser le geste
que nous nous apprêtons également à poser à
Québec, sauf que je dois vous dire qu'il n'est pas encore en
vigueur.
M. le Président, je lisais l'autre jour, sous la signature de M.
Charles Lynch, un argument qui pourrait être soupesé pendant ces
six mois de répit que nous accorderions, non pas à nous, mais
à nos concitoyens québécois: "There is nothing anybody can
do to prevent the shocking le mot est fort, M. le Président, dans
la langue anglaise, surtout pour les Britanniques the shocking increase
members of Parliament are about to vote in their own salaries and allowances".
Le mot "shocking", je pense, on pourrait le rendre par "scandaleux". C'est le
mot que j'utilisais hier dans mon exposé d'introduction. "They cannot be
accused of ransacking the public purse because they are the custodian of it.
They cannot be impeached." C'est vrai, M. le Président, il vaut la peine
de s'y arrêter pendant quelques mois, de réfléchir à
la portée de ces accusations implicites que l'opinion publique porte
contre nous.
On ne peut pas nous mettre en cause, on ne peut nous accuser devant
aucun tribunal, nous sommes les gardiens ultimes des fonds publics.
M. le Président, cela comporte une bien lourde
responsabilité et en ce qui me concerne, je pense que nous devrions
prendre ces six mois pour méditer longuement les controverses qui ont eu
lieu dans la Presse au sujet de l'augmentation tout à fait scandaleuse
que les députés et ministres fédéraux
s'apprêtaient à se voter. Et comme je l'ai dit tout à
l'heure, malgré les tours de passe-passe... ai-je utilisée mon
temps? Je dois donc conclure. Malgré les tours de passe-passe du
ministre des Affaires intergouvernementales, parrain de ce projet de loi
inique, malgré la supercherie qu'il utilise à l'article 92, ce
n'est pas une augmentation de 25 p.c. que comporte ce projet de loi, c'est une
augmentation de salaire de 50 p.c. M. le Président, les
Québécois doivent avoir tout le temps d'apprendre cela, de le
méditer et de nous faire connaître leur opinion. C'est pourquoi
cette motion de report à six mois est amplement justifiée.
M. LEVESQUE: M. le Président, je voudrais invoquer l'article 96,
je crois, on ne l'invoque pas souvent. Le chef de l'Opposition officielle a
voulu me citer et citer les chiffres que j'ai donnés. Je voudrais qu'il
ait l'honnêteté intellectuelle de bien préciser qu'il prend
seulement une partie du portrait, qu'il a laissé tomber les $7,000 dans
ses calculs, les $7,140 qui deviendraient dans ce projet de loi, $7,000. Qu'il
n'y a pas de rattrapage ou d'ajustement à la hausse dans ces $7,000,
mais à la baisse. Il n'a pas mentionné cela. Parce que s'il le
mentionnait, il serait obligé d'additionner l'allocation avec
l'indemnité et à ce moment-là, ce ne serait pas les
chiffres qu'il a donnés. Il devrait avoir l'honnêteté
intellectuelle de prendre les mêmes chiffres et ensuite de faire des
comparaisons. C'est tout ce que j'ai à dire.
M. MORIN: Nous reparlerons de vos méthodes de calculs.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): L'honorable député
de Saint-Jacques.
M. Claude Charron
M. CHARRON: M. le Président, ce n'est pas la première fois
que l'Opposition utilise cette unique possibilité d'amendement en
deuxième lecture pour proposer un report de l'étude de la loi
à une date ultérieure. Comme toutes les autres fois
précédentes où nous l'avons fait encore
dernièrement sur le projet de loi 98, qui concernait les fusions
forcées et obligatoires de certaines municipalités le
motif premier qui milite toujours en faveur d'un tel report milite de
façon plus forte dans le projet de loi qui nous concerne aujourd'hui.
C'est celui de la nécessité, au moment d'un projet de loi
important, contentieux, et qui, à sa face même on n'a
qu'à lire les journaux soulève plusieurs débats, la
nécessité de prendre le temps de
consulter la population, de remettre la discussion de ce projet, de la
philosophie qui l'entoure, de ses modalités mêmes, a ceux qui nous
ont élus, de ne jamais bousculer dans des projets majeurs l'opinion
publique parce qu'elle ne nous a pas mandatés ici pour qu'on se fiche
d'elle.
Dans des projets de moindre importance, comme par exemple ceux qu'a
parrainés le ministre de l'Industrie et du Commerce dans cette Chambre,
nous avons à l'occasion, aussi mineurs qu'ils soient, aussi
insignifiants qu'ils soient dans le développement économique du
Québec ou d'une région, quand même demandé que ces
projets reçoivent l'assentiment d'une population au moins
consultée par les organismes qu'elle s'est donnés pour parler en
son nom.
S'il est vrai que nous l'avons fait dans ces occasions, alors
sommes-nous d'autant plus justifiés, ce matin, d'adopter la proposition
du député de Lafontaine et d'obtenir ce délai de six mois
que nous voulons pour aller demander à la population son avis, son
assentiment, sa façon de penser. Ce ne sont pas d'autres que ceux qui
nous ont élus, il faut leur demander ce qu'ils pensent de ce projet
d'augmentation de 50 p.c. contenue dans le projet de loi que nous sommes en
train de discuter.
Si ce motif était valable pour les autres projets de loi, il le
devient d'autant plus aujourd'hui. Témoin de cette
nécessité, témoin par l'absurde, témoin par le
contraire, comme il le devient quotidiennement en cette Chambre, le conseil des
ministres a choisi cette fin de session, ces avant-jours de Noël pour
proposer ce projet de loi, sans consultation, sans véritable assentiment
populaire.
M. le Président, deuxième raison qui milite en faveur du
report à six mois de ce projet de loi, c'est qu'il donnera au moins au
gouvernement le temps d'agir d'une façon plus considérable sur la
nécessité de présenter des moyens de
récupération et de rattrapage pour l'ensemble de nos concitoyens,
face à l'inflation galopante dont il est le premier à
bénéficier, comme gouvernement, et comme ils veulent être
maintenant les premiers à bénéficier comme membres du
gouvernement.
L'actif de ce gouvernement au chapitre de la lutte contre l'inflation
n'est pas lourd. On est encore aujourd'hui la seule province canadienne, ou
à peu près, à ne pas avoir accepté d'indexer
l'impôt sur le revenu.
Aucune mesure réelle n'est intervenue dans cette session ou
même la précédente pour dire que ce gouvernement entend
lutter de façon sérieuse contre l'inflation.
Puisse les six mois que propose le député de Lafontaine
être une occasion de revenir avec un possible projet de
réajustement de salaire des membres de cette Assemblée. Mais
avant de procéder à cette question de nous servir
nous-mêmes, comme disait le chef de l'Opposition, que cette
Assemblée ait fait la preuve qu'elle était prête d'abord
à servir la population pour laquelle elle a été
élue.
Puisse les six mois que nous nous accorderions en adoptant la motion du
député de Lafontaine servir à ce gouvernement pour
augmenter de façon considérable son action contre l'inflation et
son action en faveur des plus défavorisés.
Encore ce matin, M. le Président, le député de
Chicoutimi, lors de la période des questions, soulevait ce cas des
assistés sociaux de Montréal, démunis face à
l'inflation, qui doivent actuellement faire face à une taxe d'eau qu'ils
sont, pour la première fois, appelés à relever de leur
propre pitance qu'ils reçoivent des Affaires sociales. Quel est le
dossier des Affaires sociales dans ce domaine? Quels sont les moyens de plus
qu'a donnés le ministère des Affaires sociales à ses
concitoyens? Quand, dans six mois, il aura fait preuve qu'il est capable de
soulager ceux qui sont les plus défavorisés dans la
période de difficulté économique qu'a couronnée le
ministre de l'Industrie et du Commerce dans son allocution, dimanche dernier,
cette période de récession qu'il est le premier à avouer
au nom de son gouvernement; quand, dans six mois, ce gouvernement aura fait la
preuve qu'il a posé des gestes concrets à l'égard des plus
défavorisés, alors il pourra se permettre, comme nous l'avons
déjà signalé, d'apporter les projets de rajustement de
salaire des membres de cette Assemblée nationale, mais pas avant. Le
délai de six mois que nous propose le député de Lafontaine
devrait permettre à un gouvernement qui a été, contre
l'inflation, d'une lenteur de tortue d'être enfin un peu plus vigilant,
puisqu'il est nettement manifeste, simplement par le projet de loi en
discussion, qu'il a d'ores et déjà l'intention de se servir
lui-même.
Troisième motivation qui peut servir à l'appui de la
motion du député de Lafontaine: nous ne savons pas s'il
faut se fier aux indications que nous donnait le ministre de l'Industrie et du
Commerce, il ne le sait pas, non plus, lui-même ce que sera la
situation économique du Québec dans six mois. Peut-être que
l'aspect scandaleux qu'a signalé le chef de l'Opposition du geste
contenu dans le projet de loi en discussion deviendra encore pire dans six
mois. Peut-être que la décision que le gouvernement veut faire
prendre par cette Chambre, actuellement, deviendra encore plus difficile
à prendre dans six mois. Dans ce cas, il s'agirait donc volontairement,
M. le Président, d'une concertation évidente de la part du
gouvernement pour intervenir à un moment où la conjoncture n'est
pas favorable cela, tout le monde en conviendra mais l'est encore
plus qu'elle ne le sera dans six mois. En effet, la période
économique que nous traverserons au milieu de l'été 1975
sera probablement l'une des plus difficiles et l'incapacité d'agir du
gouvernement du Québec, face à son développement
économique et à la protection de ses citoyens, sera encore
plus
douloureuse pour l'ensemble de la collectivité. Attendons donc
les six mois que nous propose le député de Lafontaine, ne
serait-ce que pour voir s'il y a un bien-fondé encore plus profond au
geste que s'apprête à poser le gouvernement, au nom de la
collectivité québécoise.
Ce délai de six mois nous paraît convenable pour une
quatrième raison, et c'est la dernière que j'ajouterai, M. le
Président: c'est pour que ce débat se fasse au grand jour, pour
que ce débat se fasse dans les heures régulières de
session de l'Assemblée nationale; non pas à une époque
où l'ensemble de nos concitoyens sont en train de constater comment leur
bourse est serrée pour faire face aux dépenses annuelles des
Fêtes, mais à une époque où, en juin, avant
même le début des vacances, chacun de nos concitoyens ait
l'occasion de mesurer, de peser le geste que nous allons poser, de sorte que,
si nous le décidons, si nous le votons, ce ne soit pas en cachette, mais
face à nos concitoyens. Ce délai de six mois, qui reporterait le
débat aux premiers jours de juin, montrera notre volonté de ne
pas adopter le projet de loi en cachette, quatre ou cinq jours avant Noël,
mais vraiment, M. le Président, à un moment où on peut
dire que l'opinion publique sera attentive aux décisions de ceux qu'elle
a élus pour la servir et non pas pour se servir eux-mêmes.
Merci, M. le Président.
DES VOIX: Vote.
M. LEVESQUE: Vote, vote.
LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.
M. Marc-André Bédard
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, je suis d'accord sur la
motion qui est présentée à l'effet de reporter à
six mois l'étude de ce projet de loi.
Il est d'autant plus nécessaire de le faire que la situation dans
laquelle sont placés les députés est quand même une
situation qui ne se compare pas à celle des autres. En effet, nous
sommes à peu près la seule classe, le seul groupe de la
société qui a la responsabilité de se voter à
lui-même un salaire.
Ceci peut sûrement comporter des avantages mais comporte
également des responsabilités. Puisqu'un tel privilège est
donné aux membres de l'Assemblée nationale de décider de
leur salaire, il est clair que, dans un esprit de responsabilité, on
fait d'avance confiance à cette Assemblée, aux élus de la
population, et la population leur fait confiance qu'en usant de ce
privilège, ils en useront d'une façon qui soit acceptable, qui
soit responsable et qui soit justifiée.
Je crois que l'Assemblée nationale et que les
députés ne peuvent, étant donné la situation
économique dans laquelle est placée une grande partie sinon la
presque totalité de nos citoyens, prendre cette décision à
la légère. Il est clair qu'il est temps de régler cette
situation délicate qui fait que les membres de l'Assemblée
nationale ont à se voter eux-mêmes leur salaire et que, dans ce
sens, le projet de loi a un aspect positif lorsqu'il propose de rattacher ce
salaire des députés à la Fonction publique de telle
façon que les députés n'auront plus à se voter,
à eux mêmes, un salaire.
Lorsque le leader du gouvernement a présenté le projet de
loi, il a textuellement dit et, en cela, il avait raison: "La question du
salaire des députés a toujours constitué un sujet
délicat".
Si c'est un sujet aussi délicat que l'a affirmé le leader
du gouvernement, il y a avantage à ne pas en disposer par une discussion
à la vapeur, de ne pas en discuter à la fin d'une session
où des mesures tout à fait particulières de pression sont
utilisées par le gouvernement afin de pouvoir faire passer ses projets
de loi. Si c'est aussi justifié que cela, l'augmentation du salaire des
députés, j'imagine qu'on n'aura pas objection à profiter
de ces six mois pour informer la population sur la condition des
députés, sur leur travail et sur le bien-fondé que cette
population accepte que leur salaire soit rehaussé.
Le leader du gouvernement a dit, textuellement: Les citoyens qui
occupent une fonction publique, qui est devenue maintenant une fonction
à plein temps, doivent s'attendre à une
rémunération qui leur permette de rencontrer leurs obligations
familiales et sociales". En cela, il a raison et je crois que la population
n'est pas en désaccord avec le fait que les députés aient
des salaires raisonnables pour pouvoir remplir leurs obligations publiques et
leurs obligations sociales.
Mais ce seul argument à l'effet que les députés,
étant maintenant à temps plein, doivent se donner une
augmentation de salaire exagérée ne tient pas, M. le
Président, et ne peut être suffisante pour amener
l'adhésion des membres de l'Opposition. Les travailleurs aussi, M. le
Président, sont à temps plein. Les travailleurs aussi ont des
familles et des obligations à respecter. Cependant, nous savons
jusqu'à quel point le salaire moyen des travailleurs ne peut se
comparer, ni de près ni de loin, avec le salaire que se donneraient les
députés s'il fallait se voter une augmentation de salaire telle
que celle qui est proposée par le projet de loi.
Cette seule argumentation du besoin des députés de
répondre à leurs obligations publiques et familiales n'est pas
suffisante, parce que toute la société doit donner tous ces
moyens dont on a parlé à tous les citoyens, sinon sur un pied
d'égalité, du moins en tenant compte des charges auxquelles
chacun de ces citoyens a à faire face.
M. le Président, le leader du gouvernement a également
allégué, lors de la présentation du projet de loi, que ce
projet de loi était présenté dans un but de protection de
l'inté-
grité des élus et "dans le but d'éviter
d'éloigner de cette fonction des candidats valables".
M. le Président, concernant l'intégrité des
élus, de la même manière que nous l'avons dit lors du
débat sur les juges, je ne crois pas et je continue à ne pas
croire que le salaire est l'assurance de la protection de
l'intégrité de ceux qui le reçoivent. Je pense que
l'intégrité des élus réside dans beaucoup plus que
le montant du salaire qu'ils peuvent avoir présentement ou qu'ils
pourraient avoir, si ce projet de loi était accepté.
M. le Président, je crois que si le gouvernement voulait retarder
à six mois l'étude de ce projet de loi, il y aurait la
possibilité de profiter de cette période pour procéder
systématiquement à une véritable information de la
population afin de régler définitivement ce problème du
salaire des députés.
On a beau dire et affirmer que les députés sont à
temps plein, il reste, M. le Président, qu'une grande partie de la
population ne partage pas cet avis. Il y aurait sûrement avantage
à ce que le gouvernement retarde de six mois son projet de loi pour
justement faire la preuve aux citoyens que le député, pour
remplir adéquatement son devoir, se doit d'être à plein
temps au service de ses électeurs.
Si nous réussissions, durant cette période d'information,
à convaincre la population de cette réalité, je suis
convaincu que la population regarderait d'un autre oeil ou aurait des
critères d'analyse différents qui lui permettraient de mieux
juger du projet de loi que nous avons devant nous.
On parle souvent de justice distributive et elle doit se faire pour tout
le monde. On parle souvent de paix sociale, je crois qu'il faut y mettre le
prix. Cette paix sociale tient pour autant que chaque classe de la
société a l'impression de ne pas être exploitée par
d'autres classes de la société. Nous avons l'occasion, je crois,
de montrer à la population que l'augmentation des salaires des
députés, telle que celle qui est proposée, qui est
extravagante, n'est pas une décision de dernière minute qu'on se
vote toujours à la fin d'une session.
Dans ce sens...
LE PRESIDENT: Votre droit de parole est épuisé. Est-ce
qu'il y a consentement unanime?
DES VOIX: Non! Vote!
M. BURNS: Vote enregistré.
LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.
Vote sur la motion
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Que ceux qui sont en faveur de la
motion d'amendement de l'honorable député de Lafontaine veuillent
bien se lever, s'il vous plaît!
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard,
Bédard (Chicoutimi).
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cet amendement veuillent bien se
lever, s'il vous plaît!
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre,
Garneau, Lachapelle, Berthiaume, Cournoyer, Goldbloom, Simard, Quenneville,
Mlle Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Massé,
Harvey (Jonquière), Cadieux, Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson,
Brown, Bossé, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson, Cornellier, Houde
(Limoilou), Lafrance, Pilote, Lamonta-gne, Picard, Gratton, Assad, Carpentier,
Faucher, Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Shanks,
Springate, Pepin, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault,
Boutin, Chagnon, Caron, Côté, Denis, Harvey (Dubuc), Lachance,
Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé,
Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières, Verreault.
LE PRESIDENT: Que ceux qui désirent s'abstenir veuillent bien se
lever, s'il vous plaît !
LE SECRETAIRE ADJOINT: Abstention: MM. Samson, Roy, Bellemare
(Johnson).
LE SECRETAIRE: Pour: 6
Contre: 69 Abstention : 3
LE PRESIDENT: Cet amendement est rejeté.
M. LESSARD: Puis-je demander la suspension, M. le Président?
Reprise du débat de deuxième lecture
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.
M. Lucien Lessard
M. LESSARD: M. le Président, lors du dernier congrès du
Parti québécois, les délégués avaient
l'occasion de se prononcer sur une résolution qui nous apparaissait fort
importante. En effet, unanimement, les délégués ont
appuyé la résolution concernant l'indexation de tous les
salaires. C'est donc dire que, lorsque aujourd'hui nous entreprenons cette
lutte, nous ne le faisons pas contre le fait que nous nous opposons à
l'indexation réelle des salaires des députés, mais nous le
faisons, M. le Président, parce que nous y mettons une condition
primordiale, une condition importante. Nous
croyons que pour respecter, encore une fois, de façon
démocratique, les décisions d'un congrès et d'un
véritable congrès du Parti québécois, nous avons
aussi l'obligation, comme députés, de dire aux hommes de cette
Chambre que, si nous sommes d'accord, M. le Président, avec l'indexation
des salaires des députés, nous sommes aussi d'accord et d'abord,
M. le Président, avec l'indexation de tous les salaires. Et nous disons
qu'avant de s'engager dans une bataille concernant l'indexation des salaires
des députés, nous devons exiger de ce gouvernement l'indexation
de tous les salaires.
M. le Président, je ne me suis pas caché hier soir, comme
je ne me cacherai pas aujourd'hui, lorsque j'ai affirmé que ce
n'était pas de gaieté de coeur que nous commencions ce
débat. Et d'ailleurs les journalistes en ont fait mention, et je cite
ici La Presse, de Montréal, lundi le 16 décembre 1974. En effet,
j'ai pris position, lors de mon dernier Conseil national, en faveur de
l'indexation réelle des salaires des députés. J'ai
expliqué, comme je l'ai entendu hier soir, j'ai expliqué que le
salaire des députés actuellement n'était pas tout à
fait convenable.
J'ai expliqué que lorsqu'en 1971, les députés du
Parti québécois avaient voté un salaire de $15,000 par
année, c'est parce qu'en 1971, ce salaire nous était
nécessaire pour faire notre travail; parce qu'en 1971, nous avions
jugé et nous avions été unanimes à ce moment
que ce salaire était nécessaire pour faire notre travail.
Je dis qu'en vertu des mêmes principes, nous avons jugé, lors du
dernier conseil national, qu'un salaire équivalant à $18,243,
c'est-à-dire un salaire indexé, serait un salaire raisonnable
pour les députés, pour tous les députés de cette
Chambre. La Presse du 16 décembre disait ceci: "Chose certaine, par la
voix de leur porte-parole..." je terminerai sur cela, M. le
Président, pas mon intervention "... le député de
Saguenay, M. Lucien Lessard, les députés ont laissé savoir
qu'ils auraient été favorables à une certaine formule
d'indexation ainsi qu'à un autre mécanisme au terme duquel le
salaire des députés aurait dorénavant augmenté au
même rythme que celui d'une certaine classe de fonctionnaires
gouvernementaux".
J'aurai l'occasion d'expliciter ce que je disais et ce que nous avons
dit, à ce moment, et d'expliciter après la suspension les deux
conditions importantes que nous fixons pour permettre cette augmentation du
salaire des députés.
M. le Président, puis-je demander la suspension des travaux?
LE PRESIDENT: A quelle heure?
M. LEVESQUE: A quinze heures, s'il vous plaît.
LE PRESIDENT: L'assemblée suspend ses travaux jusqu'à
quinze heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
Reprise de la séance à 15 h 7
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!
Vous me permettrez, sans aucun doute, de signaler la présence
dans nos galeries de notre ex-collègue et ex-député de
Montmagny, M. Jean-Paul Cloutier, qui nous visite aujourd'hui.
Question de privilège Motion
d'accusation Décision de M. le vice-président Lamontagne
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Avant de procéder aux affaires
du jour, tel que convenu ce matin, je voudrais rendre ma décision
concernant la motion de privilège présentée par
l'honorable député de Maisonneuve, à laquelle était
greffée une motion en vertu de l'article 80.
Je dois dire en toute honnêteté et sincérité
que cette motion de privilège a soulevé de multiples
interrogations et j'ai dû, au cours de la fin de la matinée et cet
après-midi, faire de nombreuses recherches et également consulter
différents auteurs concernant une telle motion de privilège.
Dans la décision que je rends, cet après-midi, je dois
dire qu'une seule chose me guide et même pas deux. C'est que, si je la
refusais, j'aurais l'impression de brimer des droits et également de
brimer une action, tant en accusation qu'en défense, qui pourrait
être tenue à l'occasion d'une motion, laquelle est greffée
à cette motion de privilège, et cela peut-être causerait un
certain préjudice de part et d'autre.
C'est dans ce seul esprit de rendre justice à toutes les parties
intéressées dans cette question de privilège, à
laquelle est greffée une motion, que je déclare reçue la
motion de privilège de l'honorable député de
Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, je vous remercie de votre
décision. J'ai un autre point de vue à soulever. Normalement, le
règlement je l'admets d'avance pour ne pas qu'on me dise que
j'essaie de passer outre au règlement devrait, maintenant que
votre décision est rendue, me permettre de faire inscrire la motion au
feuilleton de lundi. Cela retarderait la discussion de la motion et celle-ci ne
serait débattable que mardi.
Je réitère donc ma demande à l'endroit, pas
tellement du leader, parce que je me fie entièrement à sa parole
et je me fie également à son intégrité, même
si je l'accuse. Pas plus que le député de Crémazie a mis
en doute l'intégrité du chef de l'Opposition, je ne mets pas en
doute l'intégrité du leader du gouvernement, pas plus,
d'ailleurs, que celle du président de l'Assemblée nationale et
des deux autres membres qui sont impliqués dans la demande.
Je ne veux pas, d'ailleurs, baratiner sur ce sujet, je n'ai pas le droit
de le faire. Si on ne met pas en doute l'intégrité du chef de
l'Opposition, je ne me sens pas non plus en droit de
mettre en doute l'intégrité des quatre personnes que
j'accuse. Mais, par contre, si c'est une offense technique dans le cas du chef
de l'Opposition, c'est une offense technique dans le cas des autres aussi.
Je reviens à mon propos. Je dis tout simplement qu'hier, j'ai
cité le texte ce matin, le leader du gouvernement m'avait assuré
qu'il était prêt à demander à son groupe
ministériel de sauter les étapes de l'avis de motion, etc.
Si...
M. LEVESQUE: Je n'ai pas changé d'idée.
M. BURNS: Je sais que vous n'avez pas changé d'idée. C'est
d'ailleurs pour ça que j'ai parlé d'intégrité.
M. LEVESQUE: Rien que pour ça?
M. BURNS: Pardon?
M. LEVESQUE: Rien que pour ça?
M. BURNS: Pas seulement pour ça; pour rétablir vraiment le
portrait. Et je dis tout simplement que le leader du gouvernement, ayant dit
qu'il était prêt, lui, à recommander à son groupe
ministériel de mettre de côté ces étapes, je demande
actuellement l'unanimité de la Chambre pour que ma motion n'ait pas
besoin d'être inscrite au feuilleton puisque déjà les gens
concernés ont été avertis hier par ma proposition
d'amendement. Deuxièmement, que je puisse mettre la motion en
délibération immédiatement.
Si c'est le consensus de la Chambre, je suis prêt à...
M. LEVESQUE: II faudrait...
M. BURNS: ... mettre ma motion en délibération...
M. LEVESQUE: ... avoir le consentement... M. BURNS: ...
immédiatement. M. LEVESQUE: ... des autres aussi.
M. BURNS: Sinon, M. le Président, je devrai suivre les
procédures, ce qui retardera normalement le débat sur la motion
d'une couple de jours.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de
l'Immigration.
M. BIENVENUE: M. le Président, comme le dit effectivement le
député de Maisonneuve, le leader et c'est dans le journal
des Débats du gouvernement a dit que, quant à lui, il
dispenserait des étapes et il s'est engagé à essayer de
convaincre ses collègues.
Comme le leader a beaucoup d'occupations, on le sait, j'occupe des
fonctions non reconnues par la loi mais, en pratique, j'essaie de l'aider. Je
l'ai aidé...
M. BURNS: Comme mon collègue de Saguenay, qui occupe des
fonctions, non reconnues par la loi, de leader adjoint, mais qui le fait quand
même.
M. BIENVENUE: Que nous reconnaissons.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous voulez proposer des
amendements à certaines lois?
DES VOIX: Ha! Ha!
M. BURNS: Oui, j'en ai bien des lois, M. le Président. Il y a la
formule Rand, par exemple. J'aimerais vous proposer cela aujourd'hui. Est-ce
que cela vous tente? N'importe quand, c'est au feuilleton.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de
l'Immigration.
M. BIENVENUE: M. le Président, je vous rappelle à l'ordre.
Par vos digressions, vous nous faites sortir du débat principal.
DES VOIX: Ha! Ha!
M. BIENVENUE: M. le Président j'ai aidé le leader du
gouvernement à faire le tour des collègues et je pense que si
vous demandez aux collègues s'ils sont prêts à nous
accorder cette dispense et à être unanimes, ils donneront une
réponse affirmative.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce qu'il y a consentement unanime
pour que la motion greffée à la motion de privilège de
l'honorable député de Maisonneuve soit débattue
immédiatement?
DES VOIX: Oui.
LE VICE PRESIDENT (M. Lamontagne): Adopté. Maintenant,
évidemment il faudrait organiser le débat.
M. BURNS: M. le Président, je pense ne pas violer de secrets.
J'ai rencontré monsieur je n'ai pas le droit de le nommer
le ministre de l'Immigration, le leader adjoint, à l'heure du lunch.
Nous nous sommes dit que, pour le cas où la motion serait recevable
j'espère ne pas trahir, s'il m'écoute, les conversations
que j'ai eues avec le leader adjoint du gouvernement et également
pour le cas où le consentement unanime serait acquis comme il l'est
actuellement, de part et d'autre, on essaierait de limiter le débat
à sa plus simple expression, puisque, déjà, beaucoup de
choses qui pourraient être dites aujourd'hui ont été dites
hier. De toute façon, on se mettait un maximum d'une heure par parti. Je
ne sais pas si cela rencontre... Est-ce que le leader adjoint est prêt
à accepter cela?
M. BIENVENUE: Oui, M. le Président, et
nous avions même convenu, pour continuer au chapitre des
indiscrétions, que, si on pouvait éviter le "une heure maximum",
tous les efforts seraient faits.
M. BURNS: D'accord.
LE VICE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais rappeler le deuxième
paragraphe de l'article 80, pour l'honorable ministre du Revenu et l'honorable
leader du gouvernement. Evidemment, à l'intérieur du partage du
temps, les députés concernés ont le droit, pour employer
le terme exact, de s'expliquer et, par la suite, nous devrons malheureusement
nous priver de votre présence pendant quelques minutes.
M. LEVESQUE: C'est un congé, un petit congé !
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais m'adresser directement au
Ralliement créditiste pour connaître son intention.
Vous n'intervenez pas dans ce débat-là?
M. ROY: Non, M. le Président, nous ne sommes pas intervenus dans
l'autre débat, nous n'interviendrons pas dans celui-ci non plus.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Johnson.
M. BELLEMARE (Johndon): M. le Président, je dis non.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, mes remarques seront très
brèves parce que je ne veux...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Un instant, excusez-moi, c'est parce
que vous avez le droit de vous expliquer. Vous pouvez rester avec nous quelque
temps.
M. LEVESQUE: Avant de partir?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): En vertu des règlements, je
vais relire l'article: "Lorsque la motion est appelée, celui qui l'a
proposée doit préciser ses accusations et le député
dont la conduite est mise en cause doit se retirer mais, auparavant, il peut
s'expliquer".
Ce qui veut dire que nous allons permettre à l'honorable
député de Maisonneuve de préciser ses accusations et, par
la suite, l'honorable leader du gouvernement et également le
président de l'Assemblée nationale, qui n'a pas de siège,
j'occupe le sien actuellement, auront même privilège.
M. BURNS: Je lui prête le mien, M. le Président, il pourra
venir prendre le mien.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le même privilège est
accordé à tout le monde. L'honorable député de
Maisonneuve.
Débat sur la motion M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, tout tourne autour, si vous voulez, de
l'accusation qui a été formulée hier à l'endroit du
chef de l'Opposition par une motion faite par le ministre de l'Immigration.
L'essence de cette accusation, c'est que le chef de l'Opposition...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): S'il vous plaît, je voudrais
préciser quelque chose à l'attention des membres de
l'Assemblée nationale. Lorsqu'on parle de se retirer de la Chambre,
évidemment, s'il y a une commission parlementaire qui siège, ceux
qui se retirent d'ici peuvent, par contre, être fort utiles ailleurs.
L'honorable député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, il n'y aura pas d'autre interruption
là?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Excusez-moi, recommencez.
M. BURNS: D'accord. M. le Président, je disais qu'hier nous avons
eu à voter de façon presque unanime, avec l'abstention des neuf
députés de l'Opposition qui étaient présents, une
motion qui donnait un mandat à la commission parlementaire de
l'Assemblée nationale.
Ce mandat consistait à examiner le cas qui avait
été soulevé par le fait que le chef de l'Opposition
et ce n'est pas nié de notre côté, le chef de l'Opposition
n'a pas tenté de le nier, je n'ai pas tenté de le nier non plus
avait encaissé un chèque de $1,796, avec sept autres
députés que j'ai mentionnés ce matin, lors de leur
délégation au congrès de l'Association internationale des
parlementaires de langue française à Bruxelles, au mois de
septembre dernier.
J'ai cité, M. le Président, la minute ou l'extrait de la
minute qui si vous voulez reproduisait les décisions de la
séance du 26 juillet. A cette séance, M. le Président, on
remarque que le président de l'Assemblée nationale a
lui-même fait une proposition pour les députés
concernés, et peut-être est-il nécessaire de reformuler la
proposition que le président de l'Assemblée nationale, M.
Jean-Noël Lavoie, a faite: "Que les députés dont les noms
suivent, ainsi que M. Roberto Wilson, directeur des relations
interparlementaires, soient autorisés à se rendre à
l'assemblée générale de l'AIPLF dont les assises se
tiendront à Bruxelles, Belgique, du 14 au 21 septembre 1974: MM. Robert
Lamontagne, Julien Giasson, Louis-Philippe La-
croix, André Marchand, Jacques-Yvan Morin, Fabien Roy, Lucien
Caron, Lucien Lessard. Par dérogation aux normes et modalités
déjà établies par le comité de régie
interne, il est convenu d'accorder à chaque délégué
un montant forfaitaire de $1,796, qui couvre les frais de transport et de
séjour."
M. le Président, tout le problème est né dans le
fond par la motion qui a été faite par le ministre de
l'Immigration parce que, parmi ces huit noms que je viens de citer, il y en a
un, qui est celui du chef de l'Opposition, le député de
Sauvé, à qui on reproche d'avoir encaissé un chèque
qui lui a été accordé lors de cette réunion du
comité de régie interne et où, en vertu de l'article 54,
les commissaires présents étaient le ministre des Affaires
intergouvernementales, le leader du gouvernement, le ministre de la Fonction
publique, le député de Hull, et le ministre du Revenu, le
député de Jonquière, commissaire adjoint.
Et comme je le disais hier ç'aurait pu être
intéressant, M. le Président, si à la suite de la motion
qui a été faite hier, on n'avait pas remplacé le
député de Crémazie, le ministre de l'Immigration, qui,
lui-même, est commissaire. J'aurais trouvé cela un peu drôle
de le voir dans sa position d'accusateur, hier, à l'endroit du chef de
l'Opposition alors qu'il aurait été présent, comme
commissaire, pour autoriser justement ce paiement-là. Et la liste, M. le
Président, ce n'est pas moi qui l'ai faite, la liste que je vous ai lue
de l'extrait des minutes de cette séance-là, je pense qu'elle a
été faite par le Comité de régie interne, avec son
secrétaire, M. Raymond Desmeules.
Toute la question, M. le Président, tourne autour de l'article
96, paragraphe 2. Après avoir parlé des allocations de voyages
que les députés peuvent se voir rembourser, on a un paragraphe 2
qui nous dit ceci: "En outre de l'allocation prévue à l'article
99, il est aussi accordé à tout député, pour
l'indemniser des dépenses qu'il encourt pour les fins d'une mission
officielle qu'il a accepté d'accomplir à la demande du
Président, agissant sur la recommandation des commissaires nommés
en vertu de l'article 54, une allocation qui lui est versée aux
conditions et selon les barèmes et les modalités qui sont
établis par les commissaires".
Tout cela, M. le Président, a été fait. Un
chèque a été émis au nom du chef de l'Opposition;
ce chèque-là a été endossé et
encaissé par le chef de l'Opposition. On n'a nullement tenté de
le nier. Mais comment ce chèque-là est-il arrivé entre les
mains du chef de l'Opposition? C'est l'article 96, paragraphe 2, qui nous le
dit, et c'est, en plus de cela, la séance de la Commission de
régie interne du 26 juillet dernier qui nous le dit également. Ce
chèque est arrivé entre les mains du chef de l'Opposition par des
étapes très précises qui s'appellent une proposition du
Président de l'Assemblée nationale à cette Commission de
régie, et une acceptation de recommander le paiement de ce
chèque-là au chef de l'Opposition, comme aux sept autres
députés mentionnés dans la résolution, soit une
somme de $1,796 pour un voyage à Bruxelles.
Quand j'ai entendu, hier, le ministre de l'Immigration nous dire que
c'était une très grave faute de la part du chef de l'Opposition
d'avoir encaissé imaginez-vous, il a encaissé ce
chèque qu'il n'avait même pas sollicité, qu'on lui avait
recommandé d'encaisser sur proposition du président de
l'Assemblée nationale et sur l'acceptation des trois commissaires
ce chèque, je me suis étonné que, dans son argumentation,
il n'ait pas plus insisté sur le deuxième paragraphe de
l'alinéa 2) de l'article 96 qui est la base de notre motion. Tout est
là.
On y lit, M. le Président: "Aucune allocation ne peut
être..." vous vous attendez que je dise "reçue"; ce n'est
pas ce que dit le texte. Je me reprends et je dis: "Aucune allocation ne peut
être accordée en vertu de la présente disposition aux
députés qui sont membres du Conseil exécutif donc
des ministres et au député qui occupe le porte reconnu de
chef de l'Opposition".
L'obligation ou, à toutes fins pratiques, je devrais dire
plutôt la prohibition de l'article 96 n'est pas à l'endroit du
chef de l'Opposition; elle est à l'endroit de ceux qui permettent
d'accorder ce chèque qu'on reproche au chef de l'Opposition d'avoir
encaissé. Si le raisonnement ce que j'admets uniquement pour les
fins du présent débat, mais ce que je n'admets pas en fait
du ministre de l'Immigration est exact à l'endroit du chef de
l'Opposition, il ne peut qu'être encore plus exact à l'endroit de
ceux qui ont placé le chef de l'Opposition dans une situation où
il pourrait être victime d'une erreur, donc les auteurs de l'erreur.
C'est cela qui justifie la motion. Ce matin, on a voulu faire de la
prose autour du fait que j'avais moi-même recommandé, en tant que
leader de l'Opposition, le chef de l'Opposition comme l'une des personnes qui
devaient être présentes lors de ce voyage. C'est vrai, je ne le
nie pas. J'espère que, depuis ce matin, le leader du gouvernement a
suivi ma suggestion et a fait faire des copies du dossier de la
correspondance...
M. LEVES QUE: II est rendu.
M. BURNS: ... que nous avons entre les mains et qu'il en a
distribué à la Tribune de la presse. Moi, je ne l'ai pas encore
fait, mais, si vous pensez que je doive le faire, je vais le faire. Je n'ai
aucune objection. D'ailleurs, s'il y a un journaliste qui me le demande, je
vais lui livrer mon dossier là-dessus.
Je ne nie pas, M. le Président, qu'à la suite d'une lettre
du président de l'Assemblée nationale qui m'était
adressée le 18 juin et qui me demandait quels seraient les
délégués, deux pour Bruxelles et un pour Paris, lors de
ces deux voyages ou de ces deux missions officiel-
les, je ne nie pas avoir répondu, trois jours plus tard, soit le
21 juin, qu'après consultation du conseil des députés du
Parti québécois ou du caucus, nous avions désigné
le chef de l'Opposition et le député de Saguenay pour la
délégation à l'AIPLF et que j'avais été
désigné pour la délégation France-Québec,
relations parlementaires. Je ne nie pas cela.
De façon un peu farfelue, le leader du gouvernement me disait ce
matin: Pourquoi n'ajouterions-nous pas votre nom en parlant de moi
à la liste des accusés? Ce que j'ai fait, c'est que j'ai
recommandé, au nom du caucus j'en prends la
responsabilité, aucune espèce de doute, c'est bien ma signature
qui est sur cette lettre le chef de l'Opposition et le
député de Saguenay, mais ce que la Loi de la Législature
défend, si elle défend quelque chose, ce n'est pas au chef de
l'Opposition d'aller en mission officielle. Cela n'est nulle part dans la loi.
Il n'était aucunement défendu au chef de l'Opposition d'aller
à Bruxelles. Et, encore une fois, uniquement pour les fins de la
discussion, s'il y a un reproche puisque l'Assemblée nationale a
pensé qu'il y avait un reproche qui méritait une commission
parlementaire qui pourrait être fait au chef de l'Opposition,
c'est d'avoir encaissé un chèque. C'est comme cela que j'ai
compris le vote d'hier. C'est uniquement comme cela, ce n'est pas le fait d'y
être allé, à Bruxelles.
Or, si c'est cela le coeur de l'accusation, je me dis que vous vous
devez d'être logiques avec vous-mêmes. L'Assemblée nationale
se doit d'être logique avec elle-même. Je me dis que celui qui a
encaissé un chèque, si on peut lui faire un reproche parce que ce
chèque lui est remis illégalement, imaginez-vous quel reproche on
peut faire à ceux qui demandent que ce chèque lui soit
adressé. C'est encore pire quand les gens qui adressent ce
chèque, qui l'autorisent, qui incitent à le recevoir la personne
qui soi-disant n'a pas le droit de recevoir ce chèque sont des personnes
en autorité et dont la première fonction est de voir à ce
que des paiements illégaux ne se fassent pas, dont la première
fonction est de voir qu'il n'y ait pas dilapidation des fonds.
C'est ça au fond, M. le Président, le rôle que je
conçois du comité ou de la commission de régie interne de
l'Assemblée nationale. Elle veut tout simplement voir comment les fonds
qui sont mis à la disposition des députés sont
utilisés. La meilleure preuve, d'ailleurs, c'est le dernier paragraphe
de la résolution qui a été faite le 26 juillet
dernier.
Il est assez intéressant de voir que le comité de
régie, les commissaires Levesque, Harvey, comme suppléant, et
Oswald Parent, ces trois commissaires ont décidé, sur proposition
du président de l'Assemblée nationale, ce qui suit. Les premiers
mots sont très importants: "Par dérogation j'insiste
aux normes et modalités déjà établies par le
comité de régie interne, il est convenu d'accorder à
chaque délégué les délégués
sont énumérés dans le paragraphe précédent,
dont le chef de l'Opposition un montant forfaitaire de $1,796 qui couvre
les frais de transport et de séjour".
Si j'insiste beaucoup sur ça les commissaires qui
ont siégé ont adopté ceci par dérogation ce
n'est pas moi qui le dit, c'est la minute qui le dit aux règles
de la commission de régie interne, qu'ils ne viennent pas me dire qu'ils
ont posé un geste purement administratif et qu'ils n'ont pas su ce
qu'ils passaient. Parce que, sans ça, et c'est ça le but de la
motion, tous les reproches que le ministre de l'Immigration a faits à
l'endroit du chef de l'Opposition, hier, doivent être directement et
immédiatement et encore plus adressés à ceux qui ont
incité et autorisé le chef de l'Opposition à recevoir ces
reproches.
C'est ça, par dérogation aux règles de la
commission de régie interne de l'Assemblée nationale, on a
adopté une résolution. Bien moi, il n'y a personne qui va me
vendre l'idée que, lorsque l'on adopte une résolution par
dérogation, c'est un pur et simple geste administratif. Autrement, j'ai
peur de ces administrateurs. Ils me font peur à mort. Et les
contribuables québécois devraient avoir pas mal plus peur que
moi. Par dérogation, c'est parce qu'on a mentionné, lors de cette
réunion je n'ai pas besoin de faire une étude de quinze
ans en droit et de faire un doctorat ou n'importe quoi pour comprendre que,
quand je vois dans une résolution "par dérogation aux
règles et aux normes", c'est qu'il y a quelqu'un, à un moment
donné, qui a dit: Ce qu'on vous demande de faire actuellement, c'est de
faire autre chose que ce qui se fait normalement.
C'est ça, tout l'objet est là. Si le chef de l'Opposition,
ce que je n'admets pas encore mais l'Assemblée nationale l'a
admis hier et c'est là qu'elle devrait être conséquente
si le chef de l'Opposition est reprochable, je dis, M. le
Président, sont encore plus reprochables ceux qui l'ont incité et
ceux qui ont recommandé qu'il pose un geste dont maintenant on lui fait
reproche.
Je m'en excuse personnellement auprès des individus parce que je
n'aurais pas, personnellement, cru qu'on ait eu de ce côté de la
Chambre l'indécence de soulever un problème comme
celui-là. Mais si on veut être logique, et c'est là-dessus
que ma motion est faite, on va traiter du cas du chef de l'Opposition en
commission parlementaire mais on va traiter du cas aussi de Gérard-D.
Levesque, ministre des Affaires intergouvernementales, mon bon ami le leader du
gouvernement. Je le dis et ce n'est pas facile ce que je fais là. Mais
je demande simplement à la Chambre d'être honnête.
On va traiter également du cas de Jean-Noël Lavoie,
également mon bon ami, président de l'Assemblée nationale,
on va traiter du cas de M. Gérald Harvey, un ami...
DES VOIX: Ha! Ha!
M. BURNS: ... ministre du Revenu, et on va traiter du cas de M. Oswald
Parent...
M. LEVESQUE: Une connaissance! M. BURNS: ... point. DES VOIX: Ha!
Ha!
M. BURNS: M. le Président, je veux être très
sérieux, et je pense que l'Assemblée nationale se doit de
l'être aussi, avec tous les regrets que j'ai, que je pourrais
émettre longuement, ce que je ne ferai pas, à l'endroit d'une
telle motion que je suis forcé de faire. S'il y a un dossier qui doit
être mis sur la table, il va être mis au complet. C'est dans ce
sens que notre motion est faite.
Si on n'a pas mis en doute l'intégrité du chef de
l'Opposition dans le cas qui a été soumis hier puisqu'on a dit
que c'était une offense technique, je suis même prêt
à dire, comme je l'ai dit tout à l'heure, qu'il n'est pas
question de mettre en doute l'intégrité non plus du moins
pas à ce stade-ci, à moins qu'une preuve vraiment inattendue nous
arrive ce n'est pas du tout l'intention du député de
Maisonneuve de mettre en doute l'intégrité des quatre personnes
que je mentionne dans ma motion.
Mais cependant, M. le Président, il faut être logiques avec
nous-mêmes, être logiques par rapport à la décision
qui a été prise hier. Je pense qu'en résumé, ce
qu'il faut se dire, ici, c'est que, maintenant que vous avez jugé
recevable la motion, il n'y a pas, dans cette Chambre, deux poids, deux
mesures: un poids et une mesure s'appliquant au chef de l'Opposition, et un
poids et une mesure s'appliquant aux quatre personnes qui sont intimement
liées au geste qu'on reproche au chef de l'Opposition.
Si tel était le cas, M. le Président, à ce
moment-là, je considère qu'encore une fois, on serait en mesure
d'avoir une adoption au moins quasi unanime et presque aussi unanime qu'hier,
relativement à la motion que je propose.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable leader du
gouvernement.
M. Gérard-D. Lévesque
M. LEVESQUE: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier
nom bon ami, le leader parlementaire de l'Opposition officielle, pour la
célérité avec laquelle il a fait un devoir ou un pseudo
devoir dont il se croyait obligataire.
M. le Président, je veux immédiatement rassurer le chef de
l'Opposition et je serai d'aussi bon compte que l'a été le leader
parlementaire de l'Opposition officielle, quant à qualifier le genre
d'offense technique, et tout en reconnaissant, comme l'a dit le leader
parlementaire de l'Opposition officielle, l'intégrité de mon ami
d'en face.
Mais là n'est pas la question, M. le Président, à
ce moment-ci.
Nous avons devant nous une motion qui n'est, à sa face
même, fondée ni en fait, ni en droit. Nous avons une motion
je l'ai déjà dit qui est de nature à créer
une sorte de diversion et à jeter quelques noms dans l'information.
Cette motion, si je la regarde dans son texte, veut que le président de
l'Assemblée nationale et que les membres de la commission de
régie interne de l'Assemblée nationale aient enfreint les
articles 96 et 75 de la Loi de la Législature. C'est ce que ça
dit. Cela dit plus spécifiquement pour avoir accordé une
allocation sous forme de chèque, enfin, au chef de l'Opposition.
Eh bien, M. le Président, disons, tout d'abord, qu'en ce qui
concerne l'article 96 il faut bien lire ce qui est écrit. Le leader
parlementaire de l'Opposition officielle mentionne: "II est aussi
accordé à tout député et, finalement, dans l'autre
paragraphe, c'est "aucune allocation ne peut être accordée au
député qui occupe le poste reconnu de chef de l'Opposition. Le
leader parlementaire de l'Opposition officielle s'est attardé sur le mot
"accordée". Il verra que ce n'est pas indiqué "versée",
mais bien "accordée"... Un instant.
Justement, parce que je suis invité par le député
de Saint-Jacques à lire la traduction en langue anglaise, j'oserai
souligner quelque chose d'assez intéressant. En effet, à
l'article 96, 2e, lorsqu'on lit le texte en anglais, il est indiqué: "In
addition to the allowance provided for in section 99, there shall also be
allowed to each member".
M. le Président, justement, ce que nous avons fait à la
commission de régie interne, c'est "allow", c'est-à-dire fixer un
montant forfaitaire à chacun des délégués. "We did
not grant but we allowed" Nous avons fixé l'indemnité. C'est
justement ça qui est intéressant et je remercie le
député de Saint-Jacques de m'avoir donné l'occasion de
bien le préciser. La commission de régie interne n'est pas une
commission qui verse des chèques, comme semble le dire et le dit
pratiquement la motion lorsqu'on la lit: "Avoir accordé une allocation
sous forme de chèque". C'est clair que la commission de régie
interne n'a fait qu'autoriser la mission officielle et, deuxièmement,
établir le montant qui serait accordé pour chacun des
délégués à cette mission; évidemment, il
s'agit des délégués qui avaient droit à une telle
allocation. Cela, c'est pour l'article 96.
Mais ce qui, à sa face même, rend cette motion non
seulement, à mon sens, irrecevable, mais farfelue et qui,
évidemment, si elle était acceptée, enlèverait tout
naturellement son siège au député de Maisonneuve, c'est
que l'article 75 est bien clair.
C'est là la sanction: "Sauf les dispositions spéciales
ci-après, nul, s'il accepte ou occupe une charge, un office ou un emploi
de nature permanente ou temporaire sous le gouvernement de la province, auquel
un traitement ou
salaire annuel ou des honoraires, allocations, émoluments ou
profits, etc... M. le Président, il faut qu'il y ait, c'est clair,
d'après l'article 75, et c'est cela qui est invoqué par le leader
de l'Opposition officielle, il faut qu'il y ait émoluments.
M. le Président, je vous assure que le devoir d'être
commissaire à la régie interne est un des nombreux devoirs que
nous accomplissons dans l'exercice de nos fonctions et je vous assure que je
n'ai pas reçu de chèque particulier ou d'émoluments pour
autoriser le voyage ou les voyages des parlementaires qui s'en allaient
à Bruxelles ou à Paris.
M. le Président, je me demande ce que fait cette accusation qui
n'est basée sur absolument rien. Ce qui est un fait, M. le
Président, c'est que, à la commission de régie interne,
à la suite d'une proposition du président qui, lui, avait
reçu la proposition du leader parlemenaitre de l'Opposition officielle,
nous avons donné suite aux voeux du député de Maisonneuve
et nous avons, pour tous les autres députés également,
pour tous les parlementaires qui sont allés en mission, d'une part
autorisé l'émission et, en même temps, nous avons
fixé le tarif forfaitaire qui revenait à chacun des
délégués, mais les délégués qui y
avaient droit.
Nous ne sommes pas, M. le Président, le vérificateur
général. M. le Président, n'oubliez pas que c'était
le 26 juillet, cette réunion de la commission de régie interne.
Le voyage a eu lieu deux mois après. M. le Président, si le chef
de l'Opposition, d'après le voeu du conseil national du Parti
québécois, avait été relégué aux
banquettes arrières, s'il n'avait plus été chef de
l'Opposition, disons, au mois d'août, il aurait pu fort bien faire son
voyage et recevoir la somme désignée par la commission de
régie interne, "allowed by". Mais, à ce moment-là, il
aurait normalement reçu un chèque auquel il avait droit. C'est la
différence fondamentale.
Supposons, M. le Président, que le député de
Saguenay, qui était de la mission, ait été nommé,
d'après le voeu du conseil national, chef de l'Opposition officielle au
mois d'août, eh bien, en septembre, s'il avait encaissé le
député de Saguenay ce chèque, alors, M. le
Président, c'est lui qui serait normalement la victime des circonstances
actuelles.
M. le Président, supposons qu'un député bien
oui, vous êtes victime, que voulez-vous ministériel, au
mois d'août, ait été promu au cabinet, parmi la liste des
délégués, à ce moment-là, il n'aurait pas le
droit, lui, à un chèque. C'est à lui de ne pas accepter
cette allocation parce qu'il n'y a plus droit. Supposons, M. le
Président, qu'un de ces députés à la veille de
partir en voyage au mois de septembre, ait eu un contretemps et n'ait pu faire
le voyage, même si la commission de régie interne avait
fixé le montant, il ne pouvait pas recevoir cette somme; il ne le
pouvait pas. S'il l'avait reçue, il ne pouvait pas blâmer la
commission de régie interne, M. le Président, d'avoir fixé
le montant. C'est cela la différence essentielle que j'essaie de
souligner.
Tout ce que la commission de régie interne fait là-dedans,
c'est d'autoriser la mission et, deuxièmement, de fixer l'allocation.
Mais quand, ensuite, arrive le temps de payer, de verser des sommes et de les
recevoir, il s'agit d'un mécanisme qui est absolument hors du
contrôle de la commission de régie interne. D'ailleurs, le
chèque reçu par l'honorable chef de l'Opposition, s'il s'en
rappelle, ne venait pas de la commission de régie interne, ne venait pas
de l'Assemblée nationale, mais venait de la foule des centaines de
millions de chèques émis par le ministère des Finances. Il
faut bien savoir que lorsque l'on parle des sommes versées par la
commission de régie interne, c'est absolument faux, c'est inexact.
Alors, M. le Président, je dis qu'à sa face même,
cette motion ne tient pas debout. Nous, à la commission de régie
interne, avons fait notre devoir.
Nous avons donné nos indications et nos autorisations tel que le
demande la loi. Mais quant au mécanisme de paiement, quant à
savoir si un tel a le droit de recevoir ou non, quant à savoir si la
personne a gardé, conservé ou perdu la qualité d'obtenir
cette compensation, là cela dépasse complètement la
responsabilité de la commission de régie interne.
Alors, M. le Président, je répète que nous avons
fait notre devoir parmi tous les nombreux devoirs que comporte notre charge.
Nous l'avons fait objectivement, nous n'avons pas choisi les membres de la
mission ou des missions, ces membres ont été
désignés par leur parti respectif. Tout ce que nous avons fait
fut de bonne foi et en toute objectivité, simplement dans le sens du
devoir que nous essayons de remplir du mieux possible chaque jour pendant
l'exercice de nos fonctions. Nous avons simplement rempli cette charge en
autorisant ces missions et en indiquant les conditions auxquelles devaient
souscrire ceux qui devaient profiter ou bénéficier ou se rendre
en devoir, si l'on veut, à Bruxelles ou à Paris. Mais à
partir de ce moment-là, M. le Président, les règles du
jeu, eh ! bien cela dépend de questions administratives, de questions
qui regardent ceux qui versent le chèque, si vous voulez. Ceux qui le
reçoivent, ça c'est en dehors absolument. M. le Président,
de notre responsabilité.
Je dis donc que cette motion n'est fondée ni en fait ni en
droit.
M. CHARRON: Cela revient ici. Cela revient ici.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Lisez l'article 80.
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président... M. CHARRON:
Pardon?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'article 80, deuxième
paragraphe.
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre... c'est un des
mis en cause dans la présente...
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, afin de laisser le
plus de temps possible aux membres de cette Chambre de débattre cette
motion, je répète ce que j'ai dit ce matin, et je fais miennes
les paroles que vient de prononcer si éloquemment le ministre des
Affaires intergouvernementales, mon collègue, le député de
Bonaventure.
M. CHARRON: Est-ce qu'il y en a un autre, M. le Président,
visé par la motion, qui veut se prévaloir de son droit...
M. BIENVENUE: Si l'on me permet, M. le Président, pour
répondre à la question du député de Saint-Jacques,
le président de la Chambre, l'honorable Jean-Noël Lavoie,
évidemment, n'a aucun fauteuil en Chambre à partir duquel il peut
s'exprimer autre que son fauteuil présidentiel. Par ailleurs, il n'a pas
le droit de participer au débat. Il m'a donc chargé de dire
à cette Chambre qu'il n'a aucune explication à fournir en raison
de ce que je viens de dire, mais que, s'il en avait, il nierait absolument
toute responsabilité, négligence ou quoi que ce soit relativement
à ce qui fait l'objet de la présente accusation.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Saint-Jacques.
M. BIENVENUE: Je m'excuse. Est-ce que je dois comprendre qu'on
reconnaîtra que je ne me suis pas servi de mon droit de parole pour me
faire le porte-parole d'un autre?
M. CHARRON: D'accord.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Saint-Jacques.
M. Claude Charron
M. CHARRON: M. le Président, le patinage astucieux auquel vient
de se livrer le leader du gouvernement ne peut pas suffire puisqu'il nous a
invités lui-même à faire abstraction de ce que la loi
qui est peut-être dure, mais c'est la loi dit à
l'article 54. Ce comité de régie existe en vertu de l'article 54
de la Loi de la Législature. J'admets toutes les distinctions subtiles
empruntées à l'occasion à la langue anglaise ou à
la langue française dont s'est servi le leader du gouvernement pour dire
que, bien sûr, ce n'est pas ce comité de régie, M. le
Président, qui a versé le chèque. Comme ce n'est pas ce
comité de régie qui a imprimé le chèque. Comme ce
n'est pas ce comité de régie qui a coloré le
chèque.
Ce n'est pas ce qu'a dit le député de Maisonneuve, non
plus et ce n'est pas ce que dit l'article 54 de la Loi de la
Législature. L'article 54 de la Loi de la Législature
reconnaît à ce comité l'autorisation des dépenses,
en vertu de la Loi de la Législature. Et ce dont l'accuse la motion du
député de Maisonneuve, c'est d'avoir autorisé
voilà l'acte condamnable l'émission d'un chèque
qui, selon la version du député de Crémazie et qui a
prévalu à l'adoption de la motion d'hier, était
illégal.
Les trois ministres concernés qui ont autorisé
l'émission d'un chèque, sur la proposition de l'Assemblée
nationale, agissaient, a dit le député de Maisonneuve, autant
dans l'illégalité, sinon plus, que celui qui a reçu ce
chèque.
Mais, M. le Président, si le fait d'autoriser un chèque
illégal, par ces trois ministres, en vertu de l'article 54 de la Loi de,
la Législature, n'est pas condamnable par l'Assemblée, quel
contrôle allons-nous avoir sur le comportement de ces trois hommes?
M. le Président, si ces trois ministres décidaient, demain
matin, d'émettre à chacun des députés de
l'Assemblée nationale, sans que la loi ne les y autorise, un
chèque de $500 à chacun, est-ce que les 110 députés
de l'Assemblée nationale seraient poursuivis et devraient être
démis de leur fonction parce qu'on a autorisé, à un autre
niveau, l'émission d'un chèque illégal que personne
n'avait demandé et qui leur est remis, en toute bonne foi, avec
l'assentiment du président de l'Assemblée nationale et de la
commission de régie interne, selon l'article 54 de la Loi de la
Législature? Est-ce que chacun serait incité à
comparaître devant la commission de l'Assemblée nationale sans que
ces messieurs, qui auraient dilapidé les fonds publics parce qu'aucun
article ne leur permettait d'émettre ces chèques, n'aient aucun
compte à rendre à personne, ni à la commission de
l'Assemblée nationale?
Est-ce dans ce raisonnement absurde, de fou, où veut nous
entraîner le leader du gouvernement, que toute l'Assemblée devrait
plonger cet après-midi. Si cette commission m'autorisait à
recevoir seize chèques de voyages annuels pour mon transport entre
Montréal et Québec au lieu de quinze, comme le prévoit la
Loi de la Législature, et si je recevais ce chèque, M. le
Président, est-ce que je devrais mettre mon siège en jeu parce
que ces trois messieurs, par dérogation, comme le disait le
député de Maisonneuve, auraient décidé de m'envoyer
un $50 de plus? A cause de cela, mon siège serait en jeu, mon
intégrité serait mise sur la place publique sans qu'eux n'aient
de compte à rendre? Je veux bien rendre un compte si j'ai reçu un
chèque de plus, mais ceux qui me l'ont envoyé sans que je ne le
demande, s'en sortiront-ils et s'en sauveront-ils? C'est la question.
Je ne dis pas qu'ils l'ont versé. Je ne dis pas qu'ils l'ont
imprimé. Ils l'ont autorisé, et c'est le geste condamnable. Ils
ne devaient pas autoriser l'émission de ce chèque. Si on prend la
façon du ministre de l'Immigration d'interpréter l'article 96,
paragraphe 2) de la Loi de la Législature, il est interdit au chef de
l'Opposition de recevoir ce chèque. Nul n'est censé ignorer la
loi, encore plus les trois messieurs qui, en vertu de l'article 54, veillent
aux dépenses de la fonction publique. Ni le ministre du Revenu, ni le
ministre des Affaires intergouvernementales, ni le ministre de la Fonction
publique ne devaient ignorer le fait qu'ils n'avaient pas le droit d'autoriser
l'émission d'un chèque à l'endroit du député
de Sauvé. Ils ne peuvent pas l'ignorer, ou bien alors ils sont
complètement irresponsables et ils devraient être démis des
fonctions qui leur sont données en vertu de l'article 54.
S'ils commencent à faire fi de la loi, des interdictions de la
loi et qu'ils envoient des chèques quand même, quel moyen de
contrôle aurons-nous? S'ils commencent à dilapider les fonds que
nous votons, à chaque année, à l'Assemblée
nationale, et qu'ils envoient cela, aux députés, comme bon leur
semble, sans norme, sans critère, en dehors de la loi, nous n'avons pas
de moyen de dire à ces messieurs: Qu'est-ce que vous faites là?
Comme le dit le député de Crémazie, l'article 96,
paragraphe 2) vous interdit d'envoyer un chèque au député
et chef de l'Opposition. Vous l'envoyez quand même, personne ne va vous
demander des comptes et on accusera ensuite le chef de l'Opposition qui l'a
reçu sans le demander. Est-ce une justice à deux faces qu'on est
en train de faire dans cette Assemblée? Recevoir un chèque que je
n'ai pas demandé...
Est-ce qu'à chaque fois que je reçois mon allocation,
à la fin de chaque mois, je vais me mettre maintenant à
vérifier et à compter pour voir si on ne m'a pas ajouté un
mille de plus à $0.14 et qu'en vertu des $0.14 supplémentaires
que j'aurai reçus parce que la loi ne m'en permet pas plus, si j'avais
reçu un mille de plus d'allocation, $0.14 de plus à la fin de
mois, je devrais mettre mon siège en jeu, sans que ceux qui ont
trafiqué ce chèque par dérogation, comme le dit le texte
qu'a lu le député de Maisonneuve, n'aient aucun compte à
rendre à l'Assemblée nationale? Jamais, M. le
Président.
Si c'est cela la décision de cette Assemblée, cette
Assemblée serait hypocrite, cette Assemblée n'accuserait que
celui qui reçoit et n'accuserait pas celui qui a manqué à
la loi en émettant ce chèque. Ce que nous demandons, aujourd'hui,
c'est que l'Assemblée soit conséquente à son choix d'hier.
Cette Assemblée a décidé, hier, de tramer en commission le
chef de l'Opposition, qui n'avait jamais demandé ce chèque, qui
l'a reçu parce qu'il avait été reconnu en vertu de
l'article 54 de la Législature. Ce que nous demandons simplement, c'est
que ceux qui l'ont émis tout aussi illégalement, et nul n'est
censé ignorer la loi... Le ministre du
Revenu devait bien savoir que l'article 96, paragraphe 2, interdisait
l'émission d'un chèque à celui qui est chef de
l'Opposition. Le leader du gouvernement devait savoir qu'il ne lui était
pas permis d'autoriser ce chèque. Le ministre de la Fonction publique
n'a pas le droit, en vertu de notre loi, d'émettre des chèques
à des personnes qui n'ont pas le droit de les recevoir, sinon c'est de
la dilapidation de fonds publics.
M. le Président, ces gens ont à s'expliquer quelque part.
Surtout que le chef de l'Opposition ne l'avait jamais demandé, ce
chèque. Le député de Maisonneuve avait recommandé
le chef de l'Opposition dans la délégation parlementaire, mais il
n'a jamais dit, dans sa lettre, qu'il fallait payer le chef de l'Opposition
pour ses dépenses. Ce sont eux qui ont pris la décision de payer
le chef de l'Opposition. Regardez la lettre du député de
Maisonneuve. Il dit: C'est le député de Saguenay, c'est le
député de Sauvé qui représenteront le Parti
québécois. Est-ce qu'il a dit dans sa lettre, le
député de Maisonneuve: II faut verser un paiement au
député, chef de l'Opposition, même si c'est illégal?
Jamais, M. le Président. La décision de payer le chef de
l'Opposition illégalement, ce n'est ni le député de
Maisonneuve qui l'a recommandée, ni le député de
Sauvé qui l'a demandée, ce sont les trois ministres responsables,
en vertu de l'article 54, qui en ont pris l'initiative. Le chèque est
parti, le chèque a existé et le chèque a été
encaissé, par celui qui l'a reçu, parce qu'à l'origine,
à l'origine du geste illégal, il y avait trois ministres qui
l'ont cautionné.
Si cette Assemblée a le front, l'audace et l'hypocrisie de
n'accuser que le chef de l'Opposition sans que ceux qui l'ont autorisée
à émettre ce chèque n'aient à s'expliquer devant la
même commission de l'Assemblée nationale, M. le Président,
nous aurons des conséquences à tirer sur cette façon et
sur tout le sous-entendu et le clair-obscur qui accompagnent cette motion. Si
cette Assemblée refuse cette motion du député de
Maisonneuve, si elle veut camoufler, cacher les trois ministres qui ont
émis le chèque, alors il faudra que quelqu'un m'explique ce que
veut dire "par dérogation" dans la résolution. Quelle
était la dérogation? On était conscient qu'on faisait une
dérogation, est-ce qu'on en a prévenu le chef de l'Opposition
qu'il recevait ce chèque par dérogation? Lorsqu'on a
décidé que c'était une dérogation, a-t-on
osé, a-t-on pris la peine de prévenir celui qui était
l'objet de cette dérogation? Jamais, M. le Président! Savez-vous
quand on l'a prévenu de cette dérogation au règlement?
Dans la motion du député de Crémazie, l'autre matin. Et
pourtant, qui avait autorisé la dérogation? Qui savait qu'il
commettait un geste illégal, à ce moment? Qui a eu la
délicatesse je vais plus loin, M. le Président
l'honnêteté de prévenir le chef de l'Opposition que s'il
recevait un chèque, c'était par dérogation? Cette
honnêteté n'a pas existé.
Au contraire, et là toutes les hypothèses comme celles que
soulevait la Gazette sont permissibles à ce stade, non seulement elles
sont permissibles, elles deviendront parfaitement fondées si cette
Chambre refuse la motion du député de Maisonneuve. C'est clair,
M. le Président. Si quelqu'un se lève, se met à dire que
non seulement il y a eu "frame-up", mais que la décision de
l'Assemblée nationale en rejetant la motion du député de
Maisonneuve équivaut à un "cover-up", personne ne pourra
interdire cette interprétation. Cela deviendra trop clair. On accuse, on
trame, on salit celui qui reçoit le chèque et on blanchit, on
n'ose même pas demander des explications normales à ceux qui ont
profité de leur pouvoir, à l'article 54, pour émettre des
chèques illégaux.
Voilà donc tout ce qui est en jeu alentour de la motion du
député de Maisonneuve. Ce ne sont pas des patinages et des
fantaisies, comme en a fait le leader du gouvernement avant de se retirer,
comme notre règlement l'oblige à le faire lorsqu'il est
accusé, qui vont expliquer l'attitude du gouvernement, si ce
gouvernement décide de battre la motion du député de
Maisonneuve. Merci, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M.Lamontagne): L'honorable ministre de la
Justice.
M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais aborder ce
débat sur un ton qui soit dénué de passion, parce que, en
fait, la motion présentée par le député de
Maisonneuve pose des problèmes sur le plan juridique beaucoup plus que
sur le plan passionnel, ton sur lequel nous a parlé le
député de Saint-Jacques.
Je crois que, si le député de Saint-Jacques s'est permis
d'adopter un ton aussi emporté et aussi passionné dans un
débat qui est, au fond, technique et qui porte principalement sur
l'interprétation de la Loi de la Législature, c'est qu'il a pu se
sentir autorisé de le faire par son ignorance des principes juridiques
en cause.
Vous savez, je ne veux pas décrier ou diminuer le
député de Saint-Jacques. C'est un député pour
lequel nous avons de l'estime. C'est un jeune député enthousiaste
qui parle avec beaucoup de fougue et d'emportement parfois, sans doute avec
conviction toujours. Mais il me semble que le ton qu'il a adopté devrait
tout de suite nous mettre la puce à l'oreille sur le fait qu'il ignore
le sens du débat actuel et qu'il ne perçoit pas exactement
quelles sont les questions qui sont en cause.
Je me permets de tenter de le ramener à la réalité
et moi-même d'adopter un ton beaucoup plus pondéré,
c'est-à-dire celui de son leader parlementaire qui, en présentant
cette motion, ne s'est pas senti dans l'obligation d'imputer aux ministres
commissaires reconnus en vertu de l'article 54, je crois, de la Loi de la
Législature, des motifs en ayant émis le chèque.
Car c'est bien là le sens de l'argumentation du député de
Saint-Jacques. Il plaide comme si les ministres, qui avaient autorisé
l'émission d'un chèque à l'égard du chef de
l'Opposition, savaient et étaient parfaitement conscients de
l'illégalité du geste qui était posé, alors que je
pense que le député de Maisonneuve a eu la prudence, au cours de
ce débat, de ne jamais imputer ni au président de
l'Assemblée nationale, ni aux collègues membres du conseil des
ministres qui agissaient comme commaissaires la connaissance au moment de
l'émission de ce chèque ou, enfin, de l'autorisation
donnée à certains députés de faire un voyage aux
dépens de l'Assemblée nationale, du fait que le montant
payé au chef de l'Opposition était reçu par lui dans des
conditions illégales. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il y a
discordance dans la position de nos honorables collègues de
l'Opposition, discordance qui devrait être de nature à nous
éclairer sur le fait qu'on se situe à deux niveaux
différents pour faire une attaque contre certains membres du
gouvernement et surtout contre le président de cette
Assemblée.
La première position, évidemment, est celle, assez facile,
du député de Saint-Jacques, de parler au nom d'une
prétendue complicité entre les ministres concernés et le
président de l'Assemblée nationale et, possiblement, imputant par
là une complicité non moindre au chef de l'Opposition. J'aurai
l'occasion, tout à l'heure, au cours de mon exposé sur les
principes de droit, d'expliquer en quoi, dans ce domaine, il ne peut absolument
pas être question de ces notions de droit auxquelles fait appel le
député de Saint-Jacques sur un ton excessivement passionnel,
comme s'il y avait dans l'acte reproché au chef de l'Opposition ou
encore dans la motion du député de Maisonneuve à
l'égard du président de l'Assemblée nationale ou de nos
collègues ministres la moindre imputation d'une intention
criminelle.
En somme, le député de Saint-Jacques, c'est là
où il fait fausse route, se situe au niveau, d'une certaine façon
peut-on dire, de la corruption alors que le député de
Maisonneuve, qui en connaît passablement plus long que son
collègue en droit, n'a pas situé, en aucune façon, le
débat à ce niveau.
Je prends la motion du député de Maisonneuve à sa
face même, puisqu'en fait le député de Maisonneuve attaque
le président de la Chambre et les trois ministres concernés en
vertu des articles 96 et 75 de la Loi de la Législature.
Je dirai tout d'abord que je me rallie complètement à ce
que le leader du gouvernement a dit tout à l'heure, au cours de son bref
exposé. C'est que, dans le deuxième alinéa du paragraphe 2
de l'article 96 de la Loi de la Législature, le mot "accordée",
quand on dit: "Aucune allocation ne peut être accordée en vertu de
la présente disposition", doit se lire dans le contexte de l'article 96.
Lorsqu'on
prend l'ensemble de l'article 96, on note ceci: "II est accordé
à chaque député pour au plus quinze voyages", "cette
allocation est aussi accordée", "l'allocation accordée par les
alinéas", "cette allocation n'est pas accordée". En somme,
l'article 96 traite de ce qu'il est permis à un député de
recevoir en termes d'allocations et de ce qu'il ne lui est pas permis de
recevoir en termes d'allocations. C'est dans ce sens qu'il faut lire
l'expression du deuxième alinéa du paragraphe 2 de l'article
96.
C'est en termes de savoir: Est-ce que le chef de l'Opposition
était autorisé à recevoir la somme de $1,700 environ qu'il
a reçue par chèque?
Mais le député de Maisonneuve a également inclus
dans sa motion la mention de l'article 75; je pense qu'il le fallait, M. le
Président, parce que c'est l'article 75 qui édicte les sanctions
pour avoir accepté des allocations non autorisées par la Loi de
la Législature. Or, l'article 75 dit que lorsqu'une personne accepte des
paiements, ou des honoraires, ou des émoluments, ou des traitements, ou
des allocations non reconnus par la Loi de la Législature et, en
particulier, par la section de la Loi de la Législature qui s'intitule
De l'indépendance de la Législature, la sanction est
l'inéligibilité ou l'inhabilité ou l'indignité,
peut-être, à siéger à l'Assemblée nationale.
Ainsi, même en se fondant sur la motion du député de
Maisonneuve, qui invoque à la fois l'article 96 et l'article 75, il
faut, premièrement, conclure que la sanction, ce n'est pas à
l'égard de celui qui pourrait donner une de ces allocations, un de ces
traitements, un de ces honoraires, un de ces émoluments. La seule
sanction, c'est à l'égard de celui qui reçoit et cette
sanction est décrétée en vertu de l'article 75, à
l'effet qu'il devient alors inhabile à siéger dans
l'Assemblée nationale.
Donc, M. le Président, lorsque nous prenons ce chapitre, dans son
ensemble, de la Loi de la Législature, il faut conclure que l'objet de
ce chapitre, c'est de défendre aux députés d'accepter un
certain nombre d'émoluments, de traitements ou d'allocations qui ne sont
pas compatibles avec leurs fonctions parlementaires. Le but du chapitre est de
sanctionner l'acceptation de ces sommes par l'inégibilité
à siéger dans cette Assemblée. Mais en aucune partie de ce
chapitre ne lit-on qu'il y a des sanctions à l'égard des
personnes qui pourraient avoir donné quelque somme dont il est question,
émoluments, traitements, etc.
Donc, M. le Président, il faut conclure que l'argumentation du
député de Maisonneuve, n'a aucun support concret dans la Loi de
la Législature. La Loi de la Législature n'apporte aucune
sanction quelconque. J'aimerais bien, plus tard, en réplique, que le
député de Maisonneuve nous indique où il trouve une
sanction à l'égard de la personne qui pourrait avoir donné
une des sommes ou... Non, non, plus tard!
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement.
J'invoque le règlement parce que le ministre de la Justice est en
train d'en appeler d'une de vos décisions qui a été rendue
hier à l'effet qu'à ce stade-ci vous n'avez pas, M. le
Président, à considérer le droit, c'est la commission
parlementaire qui aura à le considérer à partir du
moment...
M. CHOQUETTE: M. le Président.
M. BURNS: Voulez-vous que je vous cite la décision?
M. CHOQUETTE: Ah! Laissez faire.
M. BURNS: Je peux la citer, si vous voulez, in extenso. Mais je l'ai
citée ce matin, je ne veux pas recommencer, et le président sait
fort bien de quoi je parle. Hier, le président nous a dit: Ce n'est pas
à ce stade-ci que le droit doit s'examiner. S'il y a le moindrement une
prima facie, quelque chose dans ça, je n'ai pas à
l'interpréter. L'Assemblée nationale votera ou ne votera pas
cette résolution, et le droit, cela c'est dans la décision du
président, ce sera décidé au niveau de la commission
parlementaire.
Ce que le ministre de la Justice est en train de faire, c'est de
contredire la décision du président d'hier.
M. CHOQUETTE: M. le Président, si on me permet, sur la question
de règlement, je suis en train d'exposer en quoi la motion du
député de Maisonneuve ne peut conclure à aucune sanction
réelle contre les collègues de cette Chambre qui ont
été attaqués. Je suis en train de démontrer
comment, en vertu de la Loi de la Législature, en admettant même
les faits allégués dans la motion du député de
Maisonneuve, cette motion ne pourrait pas trouver un support quelconque
à déterminer une sanction.
Ceci, à mon sens, est suffisant pour faire tomber la motion du
député de Maisonneuve qui ne peut pas tenir à sa face
même. Si le député de Maisonneuve avait des motifs de
reproche à l'égard des trois ministres en question et même
du président de la Chambre, il aurait très bien pu utiliser
l'article 68 de notre règlement qui est une motion de non confiance
à l'égard de l'un ou l'autre membre de cette Assemblée et
même du président. Mais il n'a pas basé sa motion sur
l'article 68 et, par conséquent, M. le Président...
M. BURNS: L'un n'exclut pas l'autre.
M. CHOQUETTE: ... je m'oppose à ce que le député de
Maisonneuve m'interrompe constamment. Je suis en train de faire un
plaidoyer...
M. BURNS: C'est la première fois que je vous interrompts.
M. CHOQUETTE: Je dis que lorsqu'une motion d'un député
n'est pas susceptible de trouver une sanction quelconque parce qu'elle n'est
pas supportée par les articles de la Loi de la Législature,
à ce moment-là, cette motion n'est pas recevable à sa face
même, elle n'a pas l'appui juridique voulu.
Maintenant, je pense que j'ai assez démontré que, dans la
Loi de la Législature, ce qui est prohibé à cette
deuxième partie de la section 4, ce sont l'acceptation par des
députés de certains paiements quelconques et non pas l'octroi de
certains paiements par une autorité politique ou un fonctionnaire ou une
administration quelconque.
Ici, je pense que je vais tenter d'éclairer quelque peu la
lanterne du député de Saint-Jacques pour lui dire que la motion
de son leader et son argumentation comportent l'importation, dans le droit
statutaire, de notions qui appartiennent au droit criminel, au droit civil.
Je vais, brièvement, expliquer ce que j'ai en vue, en parlant de
ce sujet. En droit statutaire, il s'agit d'un droit de responsabilité
stricte, exemple: Une personne conduit une voiture automobile et passe sur un
feu rouge. A ce moment-là, il y a infraction et le juge ne se pose pas
la question de savoir est-ce qu'il y avait intention coupable ou intention
criminelle? Il y a eu infraction à la loi dans le sens que
l'automobiliste est passé sur le feu rouge, et le juge, constatant
l'infraction, condamne l'automobiliste, quels qu'aient été les
motifs de l'accusé dans ces circonstances.
Dans la Loi de la Législature, nous sommes en droit strict et il
n'est pas possible, si je prêtais, par exemple, ma voiture à
quelqu'un qui a l'habitude de fréquemment passer sur des feux rouges,
par exemple, il ne serait pas possible de me tenir coupable parce que, sachant
que cette personne était pour passer sur des feux rouges, je lui aurais
prêté ma voiture. Le seul coupable serait celui qui a passé
sur le feu rouge. Un autre exemple: Prenons la Loi de la chasse et de la
pêche. Supposons que la saison de la chasse est prohibée, est
fermée, et que je prête une carabine à un chasseur et que
je sais que ce chasseur s'en va chasser illégalement.
Il n'est pas possible de tenir le prêteur de la carabine coupable,
car la loi ne défend pas explicitement et spécifiquement le
prêt d'une carabine; elle défend de chasser en période
illégale. Or, M. le Président...
M. BURNS: Sans chien.
M. CHOQUETTE: ... quand nous examinons...
M. BURNS: Est-ce qu'il chasse sans son chien?
M. CHOQUETTE: ... la question de l'application du chapitre de
l'indépendance de la Législature, nous sommes en droit
statutaire, nous sommes en droit strict. On ne peut pas, M. le
Président, introduire dans ce chapitre des notions de droit qui
appartiennent au droit criminel, par exemple la question de la
complicité, du complot. On ne peut pas même y introduire des
notions qui appartiennent au droit civil, comme la notion de la
solidarité qui, M. le Président, a lieu en droit civil lorsque
plusieurs personnes participent à une action fautive sur le plan
civil.
Donc, lorsqu'on tente, M. le Président, en disant que
l'émission du chèque était illégale, d'en imputer
la responsabilité à ceux qui l'auraient autorisé, eh bien,
on importe en droit statutaire une notion qui n'appartient pas du tout à
ce chapitre du droit. On cherche, en somme, à étendre la
responsabilité stricte qui se trouve à ce chapitre. Comme je l'ai
dit tout à l'heure, cette responsabilité découle de
l'application de l'article 75 qui, dans son essence, prohibe l'acceptation de
certains montants d'argent par des députés, mais ne mentionne
aucune espèce de sanction à l'égard de ceux qui pourraient
les accorder.
Si on devait, du jour au lendemain, faire abstraction de toutes ces
notions de droit statutaire et tenter d'introduire dans notre droit statutaire
toutes sortes de notions qui appartiennent au droit criminel ou à la
responsabilité civile, eh bien, je dis, M. le Président, qu'il
serait pour ainsi dire impossible d'administrer le gouvernement, de faire
fonctionner une administration gouvernementale. Car, comment pourrait-on, dans
chaque circonstance, démontrer l'intention coupable, la mens rea, ou la
faute en droit civil, pour amener des gens à se conformer à la
loi? Le droit statutaire, par conséquent, ampute de la preuve la
responsabilité d'intention criminelle ou la preuve de la faute et il
défend la commission de certains actes. A partir du moment où cet
acte a été commis, eh bien, il y a infraction et le tribunal peut
trouver un coupable. Il ne permet pas, par contre, d'associer d'autres
personnes dans la commission de l'acte, alors qu'elles n'y ont pas
participé ou que leur conduite n'est pas prohibée par le texte
même de la loi.
Je sais, M. le Président, que ce développement sur le plan
juridique pourra paraître certainement aride et peut-être manquer
d'intérêt dans une Assemblée qui n'est pas habituellement
le théâtre d'un exposé sur le plan juridique. Mais, M. le
Président, je pense qu'il faut quand même examiner les textes
invoqués par le leader de l'Opposition à l'égard des trois
ministres commissaires et du président de l'Assemblée nationale.
Il faut, je pense, conclure, à la lumière de cet examen, que,
dans la Loi de la Législature, premièrement, il n'y a aucune
défense au versement de cette somme. Deuxièmement, il faut
conclure que cela est contraire à la nature même du droit
statutaire d'imputer une responsabilité quelconque, même à
une personne qui aurait collaboré à la commission d'un acte, par
ailleurs, prohibé.
Voilà, M. le Président, ce que le député de
Saint-Jacques peut avoir un peu de difficulté à percevoir;
voilà ce que le député de Saint-Jacques ne peut pas
deviner parce que, pour lui, le droit, c'est un tout uniforme et que, comme en
matière de corruption, celui qui donne est aussi coupable que celui qui
reçoit. Or, M. le Président, nous ne sommes pas ici en
matière de corruption; il ne s'agit pas d'un acte de corruption. S'il
s'agissait d'un acte de corruption, il faudrait, M. le Président, aller
à l'article 66.
M. BURNS: J'invoque le règlement. Je n'ai aucune espèce
d'objection à laisser le ministre de la Justice continuer même
s'il a dépassé son temps. Je vous le dis tout de suite, je n'ai
pas d'objection. Cependant, M. le Président, si on laisse le ministre de
la Justice continuer, il faudra que la même règle s'applique
à l'endroit de l'Opposition. C'est la seule condition que je pose. Si on
ne me donne pas, M. le Président, ce consentement, le ministre de la
Justice a déjà dépassé son temps de plusieurs
minutes.
M. CHOQUETTE: Bien, M. le Président, je vais me hâter de
conclure sans...
M. BURNS: M. le Président, je demande un consentement avant.
UNE VOIX: Vous avez une heure.
M. CHOQUETTE: Pardon? Non, je n'avais pas une heure. Nous avons une
heure, le parti dans son ensemble. Je vais conclure dans deux minutes.
UNE VOIX: Consentement pour nous autres.
M. BURNS: Combien est-ce qu'il a, le parti? Bien oui, mais il ne leur
reste pas une heure.
UNE VOIX: Une heure en tout.
M. CHOQUETTE: Une heure en tout. Quel que soit le temps pris par chaque
orateur, M. le Président, ce que...
M. BURNS: M. le Président, je demande simplement là de
"straighten out the whole thing with the" secrétaire adjoint de la
Chambre. D'accord?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Si je comprends, il y avait une heure pour
le Parti libéral et une heure pour le Parti québécois.
M. BURNS: C'est cela, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): II peut diviser cela comme il veut.
M. BURNS: Oui, ah! je n'ai pas d'objection.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Mais il n'a pas parlé une heure...
Je ne crois pas qu'il y ait une heure de prise par...
M. BURNS: Tout le temps qui a été pris actuellement par le
côté ministériel...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je ne sais pas.
M. BURNS: II en reste combien? UNE VOIX: Ça dépasse une
heure? M. CHOQUETTE: Non, non, non.
M. BURNS: II en reste combien? C'est cela que je veux savoir. Est-ce
qu'il en reste? Il l'a pris... ah! bien, il vous reste encore du temps,
allez-y.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je disais donc que si on voulait
du côté de l'Opposition, introduire dans tout cela une idée
de corruption, eh ! bien, à ce moment-là il aurait fallu se
fonder sur l'article 70 qui défend la commission de certains actes. Mais
je suis sûr que l'Opposition n'avait pas l'intention d'introduire cette
notion et ne l'a pas introduite dans la motion qui est présentement
devant la Chambre, de telle sorte que nous sommes forcés, suivant
l'option que l'Opposition a faite, de retourner aux articles 96 et 75 et de
prendre ces articles à leur face même, qui ne requièrent en
aucune façon une intention criminelle ou coupable ou même une
faute sur le plan civil. Ici, je me permets de soulever justement, par
analogie, le cas de l'ancien député de Johnson. On a
laissé soupçonner beaucoup de choses à l'égard de
l'ancien député de Johnson, mais l'accusation était
fondée sur les mêmes articles qui concernent le
député de Sauvé, qui concernent les accusations contre les
députés... bien oui, sur l'article 75, cela est clair...
UNE VOIX: Y avait-il une autorisation du comité de la
régie?
M. CHOQUETTE: ... l'accusation contre le député de Johnson
était fondée sur l'article 75, tout comme l'accusation du
député de Crémazie contre le chef de l'Opposition est
fondée sur le même chapitre, tout comme l'accusation portée
par le député de Maisonneuve contre les trois ministres et le
président de l'Assemblée nationale est fondée sur le
même chapitre. Dans chacune de ces accusations, est-ce qu'il y a une
imputation de corruption, une intention criminelle ou coupable, sinon la
commission d'un acte défendu par le chapitre en question?
Alors, on ne peut pas, M. le Président, imputer à la
faveur de la motion du député de Maisonneuve, une intention
coupable quelconque de la part des trois ministres commissaires
et de la part du président de l'Assemblée nationale, quel
que soit, M. le Président, le ton adopté par le
député de Saint-Jacques et aussi quel que soit le ton
adopté par certains édito-riaux dans des journaux. Quel que soit
le ton qui peut être adopté dans ces motions, il s'agit
d'infractions à la loi, d'infractions qui ne requièrent pas
d'intention criminelle ou coupable. Il s'agit tout simplement de constater par
l'Assemblée nationale qu'il y a eu ou qu'il n'y a pas eu d'infraction.
Donc, M. le Président, je conclus en disant ceci: Comme nous sommes en
droit statutaire, comme il ne s'agit pas d'une matière où il
faille, pour trouver un accusé coupable, démontrer sa
culpabilité dans le sens de démontrer son intention coupable, eh
bien, M. le Président, je cherche partout dans ce chapitre où il
est défendu aux trois personnes en question ainsi qu'au président
de l'Assemblée nationale d'avoir autorisé l'émission d'un
chèque au chef de l'Opposition.
Je ne trouve aucune défense et je ne trouve aucune sanction
à leur égard, de telle sorte qu'il faut conclure que l'acte
qu'ils auraient posé n'est pas prohibé, et ceci, je le dis,
quelle que soit leur bonne foi évidente dans les circonstances. Et,
cette bonne foi, elle appert amplement de la correspondance
échangée avec le leader de l'Opposition puisque le
président de l'Assemblée nationale avait écrit au leader
de l'Opposition pour lui demander quels étaient les
délégués du caucus du Parti québécois
à ce voyage.
Le président de l'Assemblée nationale n'avait, en aucune
façon, influencé le caucus du Parti québécois. Il a
demandé le nom de ces délégués. Remarquez que,
contrairement à ce qui a été écrit dans un article
dans The Gazette, là lettre envoyée au député de
Maisonneuve datait d'avant le moment où le député de
Maisonneuve avait fait éclater l'affaire Boutin dans cette Chambre.
Par conséquent, du côté du président de la
Chambre, d'après la correspondance qui se trouve au dossier
déposé par le président, et du coté des ministres
commissaires, il est évident qu'ils ont agi en toute bonne foi. Leur
conduite n'est réprouvée par aucun règlement et même
la motion du Parti québécois ne démontre aucune
allégation de mauvaise foi. Il faut bien le dire, cette motion, suivant
les articles sur lesquels elle est fondée, n'impute aucune mauvaise
foi.
Alors, on aurait tort de l'importer dans un débat où elle
n'a rien à faire. Mais je tenais à dire ceci étant
donné que nous pouvons raisonner ces problèmes sur un plan assez
juridique ici, mais, une fois qu'ils sont transposés dans la presse et
dans les media d'information, ils prennent une extension beaucoup plus
considérable que strictement la commission d'infractions ou la
perpétration d'actions qui sont précisément interdites par
le règlement. Je tenais à mentionner qu'en fait, dans tous ces
débats, il ne s'agissait pas d'accuser qui que ce soit de mauvaise foi,
qu'il fallait contenir le débat dans des limites justes et raisonnables
et ne pas imputer à nos collègues de la mauvaise foi et des
manoeuvres pour provoquer des coups montés. Il fallait, je pense, rester
au niveau des principes du droit qui s'appliquent dans ce domaine. Je conclus
en disant qu'il est regrettable qu'on abuse ainsi d'une procédure
à l'égard des membres du gouvernement et à l'égard
du président de la Chambre, surtout. Les membres du gouvernement, nous
sommes capables de nous défendre.
Mais le président de la Chambre doit bénéficier et
doit recevoir, je pense, la créance de tous les membres de cette
Assemblée, incluant les membres de l'Opposition; le président de
la Chambre, en droit de parlementaire britannique, doit
bénéficier du sentiment d'impartialité dans sa conduite
des débats de cette Chambre.
Et je pense que le député de Maisonneuve a fait une erreur
grave et sérieuse en imputant au président de la Chambre certains
actes qui, à la face même de la correspondance, ont
été faits d'une façon complètement innocente par
lui. Je mentionnerais aussi une chose plus grave. Dans certains journaux, par
exemple, surtout dans un récent éditorial de la Gazette on a
imputé des motifs très graves à l'égard du
président. Je trouve que vraiment on a dépassé les bornes
de la critique décente de la conduite des hommes publics. Je pense qu'on
a perdu le nord dans certains milieux. Je pense qu'on est arrivé
à un point où n'importe quel argument, n'importe quel motif est
employé. Surtout lorsque cela s'adresse au président de la
Chambre, cela est extrêmement répréhensible.
LE VICE PRESIDENT (M. Blank): Le député de Saguenay.
M. Lucien Lessard
M. LESSARD: A ce stade-ci, si je comprends bien l'article 80, nous avons
à préciser les accusations qui sont portées en vertu de la
motion qui est devant cette Chambre. Le ministre de la Justice nous a dit tout
à l'heure, et je le cite à peu près textuellement: Dans la
Loi de la Législature il n'y a aucune défense au versement de
cette somme. Or, M. le Président, c'est là le point fondamental.
Dans la Loi de la Législature, en vertu de l'article 96, M. le
Président, il y a justement une défense au versement de la somme
en question, parce qu'à l'article 96 paragraphe 2, il est dit ceci:
"Aucune allocation ne peut être accordée en vertu de la
présente disposition aux députés qui sont membres du
Conseil exécutif ou au député qui occupe le poste reconnu
de chef de l'Opposition". Il y a donc explicitement un article dans la Loi de
la Législature qui s'oppose au versement de la somme en question.
Maintenant, qui est responsable de l'application de la Loi de la
Législature? C'est l'article 54 de cette loi qui nous le précise,
à savoir qu'un comité de régie interne est
constitué par
le président de l'Assemblée nationale et trois
députés membres du Conseil exécutif, choisis par le
lieutenant-gouverneur en conseil, qui sont nommés et constitués
commissaires aux fins de remplir les devoirs qui leur seront confiés par
la présente loi. Donc, j'affirme ici que ceux qui sont responsables de
l'application de la Loi de la Législature, ce sont les commissaires qui
sont choisis par le lieutenant-gouverneur en conseil et c'est le
président de l'Assemblée nationale.
Or il est dit, dans l'extrait des minutes d'une séance tenue le
26 juillet 1974 au cabinet du président, ceci: "Par dérogation
aux normes et modalités déjà établis par le
comité de régie interne, il est convenu d'accorder à
chaque délégué un montant forfaitaire de $1,796 qui couvre
les frais de transport et de séjour". Si je comprends bien, M. le
Président, lorsqu'on dit par dérogation, ceci veut dire, à
l'exception des règles et des normes ordinaires prévues par ce
comité interne, à l'exception de ce qui est prévu à
l'intérieur de la Loi de la Législature.
Maintenant, M. le Président, à qui s'appliquait ce terme
"par dérogation"? Est-ce que cela s'appliquait à Robert
Lamontagne, député de Roberval? Non, M. le Président,
parce que Robert Lamontagne avait le droit de recevoir le montant forfaitaire
prévu. Est-ce que cela s'appliquait à Julien Giasson,
député de Montmagny-L'Islet? Non, parce que le
député de Montmagny-L'Islet avait le droit de recevoir le montant
de $1,796. Est-ce que cela s'appliquait à Louis-Philippe Lacroix,
député des Iles-de-la-Madeleine? Non, M. le Président,
parce qu'encore là, Louis-Philippe Lacroix avait le droit de recevoir ce
montant. Est-ce que cela s'appliquait à André Marchand,
député de Laurier? Encore là, non. Est-ce que cela
s'appliquait à Fabien Roy? Non, M. le Président. Est-ce que cela
s'appliquait à Lucien Caron? Non, M. le Président. Est-ce que
cela s'appliquait à Lucien Lessard? Non, M. le Président. Le 26
juillet, lors de la réunion de ce comité, il y avait un seul gars
qui était reconnu comme chef parlementaire de l'Opposition. Ce
n'était pas Lucien Lessard qui était chef parlementaire de
l'Opposition, c'était Jacques-Yvan Morin. Et les trois commissaires en
question et le président de l'Assemblée nationale savaient que
Jacques-Yvan Morin était chef parlementaire de l'Opposition.
A qui, maintenant, s'appliquait cette dérogation? En disant "par
dérogation aux normes et modalités déjà
établies par le comité de régie interne", est-ce qu'on n'a
pas explicitement désigné Jacques-Yvan Morin comme exception
à ces règles, comme exception à ces normes? A ce moment,
on savait très bien que Jacques-Yvan Morin, étant chef
parlementaire, n'avait pas le droit, en vertu de l'article 96, paragraphe 2, de
recevoir le montant en question. Mais qui est responsable? Qui est responsable
de l'application de cette loi? Est-ce Jacques-Yvan Morin qui était
responsable de l'application de cette loi? Est-ce que c'était Lucien
Lessard, responsable de l'application de cette loi? C'était le
comité de régie interne qui était responsable de cette
loi.
Je dis, M. le Président, qu'en relation avec le
procès-verbal qui nous est soumis actuellement, nous avions
explicitement permis, justifié à l'encontre de la Loi de la
Législature, que Jacques-Yvan Morin puisse recevoir un montant pour se
rendre à Bruxelles.
Nous l'avions justifié, soit qu'à ce moment-là nous
décidions d'aller au-delà des normes et des modalités
déjà établies par le comité de régie interne
ou soit encore que nous avions décidé de monter un "frame-up"
contre Jacques-Yvan Morin. S'il s'agit d'un "frame-up", les trois personnes en
question, dont le président de l'Assemblée nationale, sont
responsables de ce "frame-up" et devront également, comme Jacques-Yvan
Morin, payer pour le "frame-up".
Je dis plus que cela, et ceci est grave: S'il fallait que la motion que
nous avons à discuter actuellement soit refusée par les
députés au pouvoir; s'il fallait que vous votiez contre la
motion, parce que nous voulons faire la lumière complète...
M. BIENVENUE: M. le Président...
M. LESSARD: ... sur toute cette affaire...
M. BIENVENUE: ... est-ce que le député me permettrait une
courte question?
M. LESSARD: Non, du tout! M. BIENVENUE: Ah!
M. LESSARD: ... s'il fallait que les députés responsables
indirectement, par l'entremise de l'Exécutif, des deniers publics, s'il
fallait que les députés de cette Chambre responsables aussi de
l'intégrité des hommes publics en cette Chambre, votent contre la
motion que le député de Maisonneuve a inscrite au feuilleton, non
seulement nous pourrions affirmer qu'il s'agit d'un "frame-up", mais nous
pourrons affirmer qu'il s'agit d'un "cover-up".
M. Jean Bienvenue
M. BIENVENUE: M. le Président, les questions que j'aurais
posées au député de Saguenay, s'il me l'avait permis,
auraient été les suivantes. Je lui aurais d'abord demandé
s'il savait ce qu'était un "frame-up".
M. LESSARD: Je sais ce que c'est un "frame-up".
M. BIENVENUE: Non, non, vous pouvez...
M. LESSARD: Mais vous, vous savez ce que c'est un "frame-up".
M. BIENVENUE: Non, non!
M. LESSARD: Vous, vous savez ce qu'est un "frame-up".
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! ... A l'ordre! ... A l'ordre! A
l'ordre, s'il vous plaît! ... A l'ordre, s'il vous plaît! ...
UNE VOIX: Aie! Aie! Les nerfs.
M. BIENVENUE: Je n'invoquerai même pas une question de
privilège sur ce que vient de dire le jeune député, parce
qu'il n'est pas en possession de ses moyens et je ne fais pas d'allusion
malveillante en disant ça. Il a tout intérêt, lui et
d'autres, à imiter le calme et le sang-froid du député de
Maisonneuve, qui est beaucoup plus en cause que lui et qui contrôle ses
moyens.
L'autre question que je lui aurais posée il est trop tard
pour qu'il y réponde parce qu'il a refusé ma question
c'était: Réalise-t-il l'implication de ce qu'il a dit en mettant
en relation les mots "frame-up" et les personnalités qui sont
accusées en vertu de la présente motion? Que le
député reste où il est et qu'il se taise; c'est à
mon tour de parler.
Je n'ai pas l'intention de répéter ce que j'ai dit au
cours des deux derniers jours au sujet de l'article 75 qui est très
clair et qui, je pense, justifiait la motion que j'ai faite au sujet du
député de Sauvé. L'article 75, c'est clair, énonce
qu'un député n'a droit à rien comme député,
à aucun salaire, à aucun traitement, à aucun
émolument, à aucune allocation, sauf si ce même
député, à un titre ou à un autre, se retrouve
ailleurs plus loin, que ce soit à l'article 75 ou à l'un de ceux
qui suivent, et cela jusqu'à la fin de la loi, soit à l'article
142.
Tout cela est clair. La sanction est prévue, soit celle de
l'inhabilité, et cela ne se discute pas. Il y a une sanction
prévue dans le cas de celui qui a fait l'objet de la motion d'hier. Tout
cela, je l'ai dit et je le répète brièvement, a pour but
de protéger les députés, de les rendre
indépendants, protégeant de la même façon ceux qui
les ont élus, à l'encontre de la réception de toutes
sommes d'argent auxquelles ils n'ont pas droit.
Pour avoir droit à de l'argent comme député, il
faut se retrouver à l'un ou l'autre, je le répète, des
articles mentionnés, nos 76 et suivants.
Dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, celui d'une motion contre
quatre collègues de cette Chambre, le président et trois
ministres, comme l'a dit avec combien d'à-propos le ministre de la
Justice, il n'y a aucune sanction de prévue contre les "payeurs", ceux
que j'appelle les "payeurs", qu'il s'agisse de nos quatre collègues ou
qu'il s'agisse du comptable ou de l'assistant-comptable de l'Assemblée
nationale. Il n'y a aucune sanction de prévue contre eux dans la Loi de
la Législature. Si sanction il y a, elle est ailleurs que dans notre loi
et on ne peut, nous, aller devant une commission parlementaire de
l'Assemblée nationale qu'en vertu d'une des dispositions de notre loi ou
d'une infraction ou d'une offense ou d'une prohibition s'appliquant à un
membre de la Chambre, en vertu de cette loi, ou envers un tiers. J'y
reviendrai.
Par conséquent, M. le Président, je défie qui que
ce soit de me trouver quelque part dans cette loi je dis bien dans cette
loi une sanction à l'article 96, deuxièmement. Contre les
"payés", cependant, à l'article 96, pas de sanction contre
les "payeurs" il y a sanction, je l'ai indiqué, article 75.
On ne peut pas ne pas faire un parallèle, M. le Président,
avec ce que l'on a appelé l'affaire Boutin. Dans le cas de l'affaire
Boutin, je dis si parce qu'on ne saura jamais ce qu'il y avait dans
l'affaire Boutin et on ne l'a jamais su s'il y avait des erreurs
administratives des ministères concernés, elles n'ont jamais
été soulevées par l'Opposition, ni n'étaient
davantage soulevables à la commission parlementaire de
l'Assemblée nationale. Je l'ai dit hier. On ne pouvait impliquer comme
complices ou accusés ni les ministres concernés, ni la machine
IBM ou toute autre machine de toute autre marque qui aurait effectué les
paiements en question.
La seule différence que je verrais, M. le Président
et je ferme le rideau sur l'affaire Boutin pour les fins de cette discussion
c'est que dans le cas de l'affaire Boutin, le principal
intéressé avait envoyé une lettre aux "payeurs" pour leur
dire qu'il n'acceptait plus de mandat et, dans le cas actuel, le chèque
dont il s'agit n'a pas été retourné.
M. le Président, le député de Maisonneuve a fait
grand état mais avec calme et je lui en rends hommage; d'autres
en ont fait grand état, mais avec nervosité et abus de langage,
et je ne leur en rends pas hommage de cette lettre qui fait partie du
dossier déposé par le président, lettre qui, en fait, est
l'extrait de la minute du 26 juillet 1974 et là je dis qu'on est
en plein dans de la pure malhonnêteté intellectuelle et
dont je lis la fin: "Par dérogation aux normes et modalités
déjà établies par le comité de régie
interne, il est convenu d'accorder à chaque délégué
un montant forfaitaire de $1,796 qui couvre les frais de transport et de
séjour". Je dis malhonnêteté intellectuelle quand on dit
dérogation aux modalités au moment où on veut insinuer que
par dérogation, on entendait le fait qu'on incluait le chef de
l'Opposition, qui n'y avait pas droit.
La vraie dérogation, M. le Président, quand on ne fend pas
les cheveux en quatre, on la retrouve dans un extrait des minutes beaucoup plus
anciennes, en 1967, qui expliquait que dans le cas de telles missions, les
députés avaient droit à une allocation maximale de $50 par
jour. Or, dans le cas actuel, l'allocation était de $100 par jour. Donc,
elle dérogeait à ce qui avait été convenu il y a
plusieurs années, et on payait même deux jours avant et deux
jours
après la durée du séjour. C'était cela la
dérogation.
Je suis surpris devant cette Chambre que l'on ait accepté avec
autant de facilité une dérogation doublant le montant alors qu'on
accepte avec beaucoup moins de facilité ce qu'on appellera, entre
guillemets, "une dérogation" pour améliorer le salaire des
députés après dix ans. On était beaucoup plus large
à ce moment-là, quand il s'agissait de soi-même.
Je continue, M. le Président. Lorsque, de la même
façon, et je pense toujours à ce système, je pense
toujours à cette intention que l'on prête à ceux que j'ai
appelé les "payeurs" dans le cas actuel, qui forcent la main, qui
prennent l'initiative, qui balaient la loi, qui sont les gardiens de la loi
j'en ai parlé hier, et je ne veux pas y revenir davantage
on a été jusqu'à tenter une demande de CT à
laquelle on n'avait pas droit pour amener dans ce même voyage un
personnage qui n'avait pas le droit de le faire. "Enough is enough" M. le
Président, et j'y reviendrai au moment opportun.
Lorsque le législateur, dans ce projet de loi, décide de
punir ceux qui enfreignent, je pense aux payeurs, à ceux qui tentent de
corrompre. Quand je dis "tentent de corrompre", je me reporte toujours aux
motifs qu'on nous impute de l'autre côté. Lorsque le
législateur veut les viser, veut les sanctionner, il le dit. Et
lorsqu'il ne veut pas les sanctionner, il ne le dit pas. Je prends, à
titre d'exemple, l'article 86 qui est clair à ce sujet et qui se lit
comme suit. C'est le cas des récompenses interdites. On dit: "II est
interdit à un député d'accepter ou de recevoir,
directement ou indirectement, quelques frais, honoraires ou récompenses
quelconques au sujet d'un projet de loi, d'une résolution ou d'une
matière quelconque soumis ou qui doit être soumis à la
considération de l'Assemblée nationale ou de l'une de ses
commissions, etc." Il est interdit à un député de le
faire. Nulle part, et je défie qui que ce soit en cette Chambre de
trouver l'endroit où ce serait. Nulle part il n'est prévu la
sanction pour le tiers qui participe, c'est-à-dire pour le payeur. Et
pourquoi on ne le trouve pas dans notre Loi de la Législature? Parce
qu'on le retrouve dans le code criminel. "Celui qui achète, corrompt ou
tente de corrompre un député". En vertu de cette disposition, le
payeur, on a prévu une sanction pour lui.
Dans le cas acutel, je l'ai dit combien de fois depuis deux jours, c'est
le payé que l'on guette, c'est le payé que l'on veut rendre
indépendant, que l'on veut empêcher d'être payé.
Est-ce assez clair et combien de fois faudra-t-il encore le dire?
A l'article 87, même chose. On interdit à l'associé
d'un député, on peut penser facilement à un avocat, de
signer en son nom un avis concernant un projet de loi de comparaître,
etc. Voici un cas a contrario où il y a une interdiction formelle contre
le payeur, celui que j'assimilerai au payeur parce qu'il n'est plus le
député lui-même mais bien celui qui intervient. La loi l'a
prévu, mais dans l'article 96, la loi ne l'a pas prévu. Pourquoi?
Parce que l'Assemblée nationale et sa commission parlementaire ne sont
pas un tribunal administratif. Ce n'est pas l'endroit pour punir les actes
administratifs, les erreurs administratives.
On a fait état de la minute, elle n'est même pas
adressée au chef de l'Opposition, elle est adressée à M.
Jacques-Yvan Morin, député de Sauvé, comme tous les autres
députés qui sont énumérés là.
Les exemples sont combien nombreux où se retrouve la
théorie que j'essaie de faire comprendre depuis quelques jours où
il faut faire toute la distinction entre le payeur et le payé, ou
lorsque la loi indique que le payé a une sanction, doit être puni.
C'est toujours 75, elle ne l'indique pas dans le cas de 96. Pensons à ce
fonctionnaire de l'impôt qui effectuerait le paiement d'un remboursement
en trop. Celui qui fait cette erreur administrative sera l'objet des sanctions
administratives de son ministre, si jamais il y a négligence. Mais celui
qui l'a reçu en trop n'a pas le droit, de ce chef, de l'encaisser en
disant: l'impôt m'envoie $10,000 en trop, tant pis pour son erreur, je
l'encaisse. Non.
Enfin, moi, ce n'est pas ma moralité. Il en est de même
pour l'assurance-chômage, les prestations d'assistance sociale. Celui qui
en reçoit en trop et décide de les empocher et de ne pas les
remettre est poursuivi devant les tribunaux de droit commun. On ne poursuit pas
devant le même tribunal le fonctionnaire qui a fait l'erreur. Il sera
l'objet de sanctions administratives.
Le député de Saint-Jacques, au plus haut ton de son
intervention passionnée, a proposé ce qui suit: Si chacun de
nous, les députés de cette Chambre, recevions $500 à
l'occasion des fêtes en cadeau, est-ce que ça signifierait que
nous devrions tous démissionner? Moi je réponds oui, nous
devrions tous démissionner. Nous ne devrions pas mettre nos
sièges en jeu, ils le seraient automatiquement...
M. LESSARD: Question...
M. BIENVENUE: Taisez-vous, assoyez-vous et laissez moi continuer. Ils le
seraient automatiquement...
M. LESSARD: Question de privilège.
M. BIENVENUE: Assoyez-vous. Assoyez-vous.
M. LESSARD: Question de privilège.
UNE VOIX: II n'y a pas de question de privilège.
M. LESSARD: ... au nom du député de Saint-Jacques. J'ai le
droit en vertu de l'article 49. Je regrette, M. le Président, je vous
lis
l'article 49. C'est plutôt l'article 48: "Une violation des droits
de l'Assemblée ou d'un de ses membres constitue une question de
privilège".
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Mais le député est ici.
M. LESSARD: Au nom, M. le Président, du député de
Saint-Jacques.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Saint-Jacques
est ici. S'il veut soulever une question de privilège, il peut le
faire.
M. LESSARD: Je regrette, le député de Saint-Jacques
n'était pas ici au moment où ont été
prononcées les paroles du député de Crémazie.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Mais quelles remarques?
M. LESSARD: M. le Président, je dis que le député
de Saint-Jacques a été brimé dans ses droits parce que le
député de Saint-Jacques, M. le Président, n'a jamais dit
dans son intervention: Si je recevais un cadeau de $500 pour Noël; le
député de Saint-Jacques a dit: Si, par erreur, M. le
Président...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Ce n'est pas une question de
privilège, cela, c'est l'article 96.
M. LESSARD: ... il recevait un mille de plus à $0.14 que ce qui
lui est permis...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! A l'ordre! Ce n'est pas une
question de privilège.
M. BIENVENUE: Bon, très bien, M. le Président. Je
reprends...
M. LESSARD: Enervez-vous pas trop.
M. BELLEMARE (Rosemont): Tu charries, toi.
M. BIENVENUE: Assoyez-vous. J'accepte la correction que vous avez faite
au nom du député de Saint-Jacques et je m'excuse si j'ai mal
interprété, parce que ce n'est pas mon habitude de le faire.
Alors, je prends telle quelle la correction. Si nous recevons, chacun de nous,
par erreur, $500 de trop à la période présente, tous nos
sièges sont en jeu, M. le Président. Est-ce assez clair? La loi
est formelle. La loi dit qu'on a droit à tant, pas un cent de plus, je
l'ai dit hier. Or, ma réponse à cela est claire. Nous sommes tous
payés en trop, nous sommes donc devenus inhabiles en vertu de la Loi de
la Législature.
M. le Président, lorsque le législateur prévoit une
sanction dans la loi pour un acte dérogatoire, il le dit
expressément. Si le législateur décide que ceux qui ont
enfreint l'article 96 paragraphe 2 comme payeurs ont commis un acte
dérogatoire et doivent être punis en vertu de notre loi, il doit
le dire. Mais il ne le dit pas. Je prends, à titre d'exemple, les
articles 70 et 71 où l'on voit il ne s'agit pas d'un
député à ce moment-là que le
législateur a prévu la sanction. A l'article 70: "Quiconque
commet une infraction aux dispositions du présent paragraphe devient
passible d'un emprisonnement pour telle période n'excédant pas un
an, etc." L'article 71: "Toute les infractions aux dispositions du
présent paragraphe peuvent être l'objet d'une investigation
sommaire de la part de l'Assemblée nationale de la manière et en
la forme qu'elle juge à propos, etc."
Ces infractions quelqu'un d'autre y a fait allusion sont
les suivantes: chercher à corrompre un député je
dis bien chercher à corrompre un député et ce n'est pas le
cas qui nous intéresse commettre des voies de fait sur la
personne des officiers; suborner ou tenter de suborner un témoin.
Lorsque le législateur est-ce nécessaire de le rappeler une
dernière fois même dans cette loi, combien mal faite
je l'ai dit il y a six mois et elle reste encore mal faite aujourd'hui
a prévu une sanction contre l'auteur d'un acte, il le dit. Si la
sanction ne se trouve pas dans la loi, elle se trouve ailleurs. Comme elle
n'est pas dans la présente loi, M. le Président, je dis que cette
motion ne peut tenir et, même sous le prétexte de ne pas vouloir
passer pour le rouleau à vapeur qui écrase avec 101
députés contre six ou contre huit, nous ne verserons pas dans
l'illégalité.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Chicoutimi.
M. Marc-André Bédard
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, j'ai
écouté avec beaucoup d'attention les argumentations tant du
côté de l'Opposition que du côté ministériel
concernant l'interprétation de la Loi de la Législature à
laquelle nous avons à faire face. Une chose est certaine, c'est que le
législateur, selon l'esprit de la loi, ne légifère pas
pour rien. Le législateur ne peut, en aucune façon
là-dessus, je suis convaincu que le ministre de la Justice sera d'accord
avec moi légiférer pour consacrer une
illégalité.
Or, dans le cas qui nous occupe, si nous suivions le raisonnement du
ministre de l'Immigration, nous en viendrions à la conclusion que le
législateur a voulu légiférer pour consacrer une
illégalité. Il nous dit qu'étant donné qu'il n'y a
aucune sanction concernant celui qui paie illégalement il n'y aurait
aucune disposition à prendre en vertu de la loi. Mais il dit qu'il n'y a
de sanction que pour celui qui est payé illégalement.
M. le Président, si on acceptait ce raisonnement-là, on
accepterait que le législateur a voulu consacrer un payeur qui le fait
illégale-
ment, et c'est ce qui a été fait on le
reconnaît à l'heure actuelle c'est ce qui a
été fait par les membres de la commission de régie
interne. Ils ont payé illégalement. Ils ont payé par
dérogation aux lois qu'ils étaient astreints de suivre. Le
législateur dit très clairement à 54 les il est
défini très clairement à 54 devoirs des membres de
la commission de régie interne. L'article 54, ce n'est pas un article
qui a été rédigé pour la frime, j'imagine. Quand le
législateur l'a fait, il l'a fait pour une raison très
précise. Or, l'article 54 dit très clairement: le
président de l'Assemblée nationale et trois députés
membres du Conseil exécutif, choisis par le lieutenant-gouverneur en
conseil sont nommés et constitués commissaires pas pour la
frime, M. le Président pour une raison bien précise
à savoir aux fins de remplir les devoirs qu'il leur sont confiés
par la présente loi. Quel est le devoir spécifique très
clairement exprimé par le législateur dans cette loi envers les
commissaires de la commission de régie interne? Il y en a plusieurs et
entre autres un qui est très clair, M. le Président, et qui est
exprimé à l'article auquel on a fait référence,
l'article 96, qui dit ceci: "Aucune allocation ne peut être
accordée en vertu de la présente disposition aux
députés qui sont membres du Conseil exécutif et au
député qui occupe le poste reconnu de chef de l'Opposition".
Alors, M. le Président, il me semble que la loi est claire. Il me
semble que le législateur a été très clair. Il a
nommé trois commissaires et le président de l'Assemblée
nationale pour faire respecter la loi et, dans la loi, il leur dit très
clairement qu'ils ne peuvent accorder aucune allocation tant aux membres du
Conseil exécutif qu'au député qui occupe le poste reconnu
de chef de l'Opposition. Or, il est clair qu'ils ont contrevenu à la
loi. Il est clair qu'ils ont violé la loi. Il est clair qu'ils ne l'ont
pas fait respecter, M. le Président. A ce moment-là on en
viendrait à la conclusion que, même si ces commissaires n'ont pas
fait respecter la loi, il n'y a aucune sanction contre eux? On en viendrait
à la conclusion qu'on ne peut absolument rien contre ces commissaires et
ce président de l'Assemblée nationale qui a le devoir de
respecter la loi, qu'on ne pourrait absolument rien contre eux s'ils ont
contrevenu aux devoirs qui leur sont clairement explicités dans cette
loi à l'article 54?
M. le Président, si c'était cela l'interprétation
de la loi, cela équivaudrait à dire que, concernant les
commissaires et le président de l'Assemblée nationale, le
législateur a légiféré pour rien.
Il leur a donné des devoirs à remplir, mais autrement dit,
s'il faut suivre le raisonnement du ministre de la Justice et du ministre de
l'Immigration, s'ils ne les remplissent pas, ce n'est pas grave. Il n'y a
aucune sanction contre eux.
Alors quoi? La loi consacrerait une illégalité? Parce que
c'est illégal pour ces membres qui sont nommés de ne pas faire
respecter la loi. En conséquence, le geste est illégal, le geste
qu'ils ont posé, lorsqu'ils ont accordé une allocation au chef de
l'Opposition.
Au-dessus de tous les principes, il y en a un qui est
général. C'est que lorsque le législateur
légifère, ce n'est pas pour ne rien dire, et je ne peux
comprendre par quels artifices légaux le ministre de l'Immigration et le
ministre de la Justice en viennent à dire qu'il faut traiter
différemment celui qui a payé illégalement de celui qui
aurait été payé illégalement.
Le ministre de l'Immigration nous a donné, tout à l'heure,
son interprétation des mots "par dérogation". Je vous soumets
respectueusement qu'il avait le droit de donner une interprétation
différente de celle que nous avons donnée, mais il reste quand
même qu'à ce moment, le ministre de l'Immigration ne plaide pas
sur le fond même de la motion, mais plaide tout simplement un argument de
défense qui pourrait être allégué en commission
parlementaire.
D'ailleurs, c'est ce qu'a fait le leader du gouvernement dans son
intervention. Le leader a donné des raisons qui, selon lui, seraient
telles qu'on ne peut accepter la motion présentée par le
député de Maisonneuve. Il a dit qu'il faut savoir comment
fonctionne une commission de régie interne, que les membres ont une
grande quantité de chèques à émettre, qu'à
ce moment, ils n'ont pas l'occasion de regarder tous les chèques qui
sont émis et qu'en conséquence, il ne voit pas comment ils
pourraient être accusés.
M. le Président, si c'est l'argumentation du leader du
gouvernement, ou sa défense, il la donnera en commission parlementaire,
mais ce ne sont pas des arguments qui en aucune façon affectent ou
peuvent influencer les membres de l'Assemblée nationale pour voter en
faveur de la motion du député de Maisonneuve.
Le ministre de l'Immigration s'est permis d'apporter l'exemple de celui
qui recevrait de la part de l'impôt une remise d'impôt de $10,000
de plus que celle à laquelle il aurait droit. Je trouve que c'est
vraiment un argument démagogique parce que ce ne sont pas du tout les
circonstances dans lesquelles était placé le chef de
l'Opposition. De la même manière que c'est un argument ad nominem
qu'a employé le ministre de l'Immigration lorsqu'il a essayé de
comparer l'affaire Boutin avec le cas qui nous occupe concernant le chef de
l'Opposition. Il nous a dit qu'on ne saurait jamais ce qu'il y avait dans
l'affaire Boutin. Chose certaine, M. Boutin le savait parce qu'il a cru bon de
démissionner, tandis que le chef de l'Opposition ira jusqu'au bout, j'en
suis convaincu, et sera appuyé à 100 p.c. par tous les membres de
l'Opposition.
M. le Président, au nom de ce principe général
qu'un législateur ne peut légiférer pour rien, qu'il ne
peut consacrer une illégalité, c'est ce qu'il ferait à
l'heure actuelle si l'Assemblée nationale rejetait la motion du
député de Maisonneuve. Cela équivaudrait à dire
à ses
membres, au président de l'Assemblée nationale et aux
membres de la commission de la régie interne de poser n'importe quel
geste, qu'il n'y a aucun danger, qu'ils ne peuvent être poursuivis en
vertu de la Loi de la Législature.
Dans ce sens, je crois que la motion du député de
Maisonneuve doit être acceptée. S'il y a une défense, celle
qu'a apportée tout à l'heure le leader du gouvernement, il la
donnera en commission parlementaire, comme le chef de l'Opposition donnera sa
défense lors de la commission parlementaire. Le leader du gouvernement a
reconnu l'intégrité du chef de l'Opposition; il est même
allé plus loin en parlant du chef de l'Opposition, il a regretté
qu'il soit la victime de la situation.
M. le Président, je me demande comment on peut dire de pareilles
choses parce que comment peut-on condamner une victime? On dit au chef de
l'Opposition: Vous êtes victime d'une situation qui a été
créée par une illégalité commise par des
commissaires et on ajoute: Excusez-nous, M. le chef de l'Opposition, de vous
avoir placé dans cette situation, d'avoir fait une victime avec vous.
C'est ça la défense. Depuis quand condamne-t-on? La
défense du gouvernement, pour ne pas être cité au
même titre que le chef de l'Opposition, c'est de dire: Excusez-nous, et
de demander à cette Assemblée, selon les propres mots du leader
du gouvernement, de condamner une victime. Je termine là-dessus, M. le
Président; le leader du gouvernement s'est permis de dire, au
début de son intervention, que le député de Maisonneuve
faisait cette motion pour le simple plaisir de jeter quelques noms dans le
public. Je trouve que c'est bien cavalier de la part du leader du gouvernement
d'affirmer cela, puisqu'il sait très bien que, suite à un
défi qu'il lui a lancé, le député de Maisonneuve a
accepté de mettre en jeu son siège à l'Assemblée
nationale.
M. le Président, je ne vois pas comment on peut condamner une
victime, le chef de l'Opposition, et je ne vois pas comment les commissaires
qui ont commis très clairement une dérogation n'accepterait pas
au moins d'être jugés sur un pied d'égalité avec ce
qu'ils appellent une victime de la situation qu'ils ont créée de
toutes pièces.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, on m'indique qu'il me reste sept
minutes pour mon droit de réplique. Je vais probablement me limiter
à moins.
Je veux simplement relever un certain nombre de choses qui ont
été dites dans le présent débat. La première
qui m'a frappé, et qu'il est important de corriger immédiatement,
c'est l'énoncé qui a été fait par le leader du
gouvernement, quand il disait que le député de Maisonneuve avait
du plaisir à jeter quelques noms de plus dans l'information. M. le
Président, je tiens à vous dire tout de suite que le leader n'a
pas pris conscience de l'accusation que je portais contre lui, ni pris
conscience de la responsabilité que je prenais en la faisant.
L'importance de l'accusation contre lui, M. le Président, je n'ai pas
l'impression que le leader du gouvernement, avec toute l'estime que je peux
avoir pour lui, s'en soit rendu compte. Tout au long de ce débat, M. le
Président, nous avons dit et le député de
Chicoutimi vient de l'expliciter de façon merveilleuse et très
claire que, si quelqu'un était victime d'une erreur, et cela a
été confirmé par les propos mêmes du leader du
gouvernement, si le chef de l'Opposition était victime d'une erreur,
comment penser à condamner une victime sans condamner les auteurs de
cette erreur qui provoquent le fait qu'il y ait une victime. Ce n'est pas moi
qui l'ai dit, M. le Président, c'est le leader du gouvernement
lui-même qui a parlé du chef de l'Opposition en tant que victime
de cette situation.
M. le Président, c'est ça le lien, le lien est exactement
là. Moi je n'ai jamais vu de cas de victime condamnée par la
suite. Je n'ai jamais vu cela.
Il y a peut-être les cas de tentatives de suicide, qui sont
absolument aberrantes comme situations et anormales dans notre droit. C'est
peut-être le seul cas où une victime risque d'être
condamnée si elle ne réussit pas son acte criminel.
Mais cela, je pense qu'il est important qu'on le dise. D'une part, je
suis convaincu que le leader n'est pas conscient de l'importance de
l'accusation qu'on pose et, d'autre part, le deuxième volet que je veux
faire valoir à ce stade-ci, il n'a pas conscience du fait que moi j'en
suis conscient, de l'importance de l'accusation que je porte, que moi, je sais
fort bien j'invite tous les députés libéraux en
Chambre à bien écouter mes mots je suis fort conscient des
conséquences que je pose en faisant cette motion. Je suis fort conscient
du fait que si vous votez en faveur de la motion et que je suis incapable
d'obtenir une décision dans le sens que je le veux à la
commission, je risque mon siège. Je vous le dis. Je suis parfaitement
conscient de ça.
Là, je vous mets tous au défi d'avoir cette même
conscience que moi. Le défi que je vous pose, c'est de tout simplement
avoir la même logique qu'hier et de prendre le risque, savez-vous de
quoi? Savez-vous quel risque vous prenez? Vous prenez le risque que je perde
mon siège. C'est ça que vous prenez, comme risque. Il ne faut pas
se le cacher. Moi, je n'ai pas peur de le faire, de prendre ce risque. Votre
vote va nous indiquer comment vous, vous avez peur ou pas peur. C'est ça
qu'on va savoir.
M. LACROIX: Chantage.
M. BURNS: Exactement, M. le Président. Ces deux choses
étant posées, je vais m'atta-quer à certaines
facéties du ministre de la
Justice et du leader du gouvernement. D'abord, le leader du gouvernement
nous disait, tout à l'heure, lorsque le député de
Saint-Jacques l'a référé au texte anglais qui parlait de
"to allow",... Je pense qu'on utilise le verbe, si ce n'est pas le verbe, on
parle de "allowance". Je réfère le leader du gouvernement et les
autres députés à Castles New French Dictionary, je vais
essayer de vous donner l'édition pour que vous ayez la même
version que nous. On parle de "no allowance shall be granted", dans l'article
96. Alors, je vous réfère à l'édition de Castles
New French-English Dictionary, completely revised by Denis Girard. Et à
la page qui concerne les mots "to allow", on se rend compte que la traduction
du mot "allow" ou "allowance" qui vient du mot "allow" veut dire: Permettre,
autoriser accorder, allouer, admettre, reconnaître. Tout est là.
Les trois ministres et le président de l'Assemblée nationale ont
tout simplement, par leur geste, contrairement à l'article 96, permis,
autorisé, accordé, alloué, admis et reconnu le versement
qui devait être payé au chef de l'Opposition.
Cela, on est obligé d'en tenir compte. Comme le disait le
député de Chicoutimi, dans les pouvoirs qui sont prévus
pour ce groupe de commissaires par cette commission de régie interne,
prévus à l'article 54, ils ont des obligations. Comment peut-on
admettre, d'une part, qu'on va accuser le chef de l'Opposition d'un geste, du
geste d'avoir encaissé un chèque, que, du côté
gouvernemental, on prétend illégal, sans lier à ça
ceux qui sont les auteurs de ce geste? Je reviens à ce que je disais
tout à l'heure, et je reprends les paroles du leader du gouvernement qui
parle du chef de l'Opposition comme d'une victime d'un erreur. Comment peut-on,
encore une fois, condamner une victime d'une erreur, si erreur il y a? Cela
reste à prouver, et ce n'est pas à ce stade-ci, je vous le
mentionne, qu'on va le décider, selon votre décision d'hier.
Alors, M. le Président, je vous demande tout simplement de tenir
compte de ce phénomène. Je le demande surtout à
l'endroit...
M. LACROIX: M. le Président, son temps est
écoulé.
M. BURNS: D'accord.
M. LACROIX: Je regrette, c'est la même règle pour tout le
monde.
M. BURNS: Je demande tout simplement, M. le Président je
termine en deux secondes aux députés libéraux,
lorsqu'ils prendront la peine de se lever pour ou contre ma motion, de tenir
compte des deux choses que je leur ai mentionnées, du sérieux que
moi, j'accorde à l'accusation et de la logique qui devrait normalement
se présenter dans leur vote par rapport au vote d'hier.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne) : Le débat est maintenant clos.
Nous allons procéder au vote.
Qu'on appelle les députés!
Vote sur la motion de M. Burns
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!
La motion qui sera mise aux voix, présentée par
l'honorable député de Maisonneuve, se lit comme suit: "Que la
commission de l'Assemblée nationale se réunisse en vue de
procéder à une enquête sur les faits suivants qui, s'ils
sont fondés, rendront M. Jean-Noël Lavoie, président de
l'Assemblée nationale, M. Gérard-D. Levesque, leader du
gouvernement et commissaire nommé en vertu de l'article 54 de la Loi de
la Législature, M. Gérald Harvey, ministre du Revenu et
commissaire nommé en vertu de l'article 54 de la Loi de la
Législature, et M. Oswald Parent, ministre de la Fonction publique et
commissaire nommé en vertu de l'article 54 de la Loi de la
Législature indignes de siéger à l'Assemblée
nationale parce qu'inhabiles en vertu des articles 96 et 75 et suivants de la
Loi de la Législature, savoir: Avoir accordé une allocation sous
forme de chèque du gouvernement du Québec, daté du 29
août 1974, portant le no 813025 et au montant de $1,796, pour indemniser
le chef de l'Opposition des dépenses encourues pour les fins d'une
mission officielle qu'il a accomplie à Bruxelles, en Belgique, du 16 au
22 septembre 1974, à la demande du président, agissant sur la
recommandation des commissaires nommés en vertu de l'article 54 de la
Loi de la Législature et qui lui a été versé aux
conditions et selon les barèmes et les modalités établis
par ces commissaires, contrairement aux articles 96 et 75 et suivants de la Loi
de la Législature. "Qu'instructions soient données à cette
commission de tenir cette enquête concurremment à celle qu'elle
tiendra à l'égard du député de Sauvé. Que
cette commission soit autorisée à faire, de temps à autre,
des rapports exprimant ses observations et ses vues sur cette affaire, à
convoquer devant elle et à envoyer chercher les personnes, les
pièces et les dossiers dont elle aura besoin".
Que ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable
député de Maisonneuve veuillent bien se lever, s'il vous
plaît!
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Burns, Léger, Charron, Lessard,
Bédard (Chicoutimi).
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Que ceux qui sont contre veuillent
bien se lever, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Mailloux, Saint-Pierre, Choquette,
Garneau,
Lachapelle, Berthiaume, Cournoyer, Goldbloom, Simard, Mme Bacon, MM.
Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Toupin, Massé,
Cadieux, Arsenault, Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Brown,
Bossé, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson, Cornellier, Houde (Limoilou),
Lafrance, Pilote, Picard, Gratton, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Harvey
(Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Shanks, Springate, Pepin,
Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boutin, Chagnon, Marchand, Caron,
Côté, Denis, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe, Lecours,
Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain,
Tardif, Tremblay, Vallières, Verreault.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Que ceux qui désirent
s'abstenir veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Samson, Roy, Bellemare (Johnson).
LE SECRETAIRE: Pour: 5
Contre: 71
Abstention : 3
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La motion est rejetée.
M. BURNS: M. le Président, je veux tout simplement je ne
sais pas si je dois le faire sur une question de privilège, vous me le
direz, ou si je dois le faire sur une question de règlement seulement
mentionner que l'honorable chef de l'Opposition en ce qui me
concerne c'est une épithète que je n'utilise pas souvent
l'honorable chef de l'Opposition a préféré ne pas voter
sur cette motion, même s'il n'était pas concerné par la
motion, mais il était concerné par le problème. Je
remercie très sincèrement nos collègues libéraux
d'avoir prouvé, une fois pour toutes, qu'il y avait deux poids deux
mesures.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! A l'ordre!
L'honorable ministre d'Etat aux Transports, question de
privilège.
M. BERTHIAUME: M. le Président, le leader de l'Opposition n'a pas
à commenter le vote que nous avons pris. D'ailleurs, si nous, nous
n'avons pas de conseil national pour nous dire comment voter, on a voté
selon notre conscience.
M. BURNS: C'est deux poids deux mesures. On est bien fier, c'est
parfait.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!
M. MORIN: Question de privilège, M. le Président.
UNE VOIX: L'accusé est encore...
Question de privilège M. Jacques-Yvan
Morin
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs. L'honorable
chef de l'Opposition officielle, question de privilège.
M. MORIN: Maintenant que...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Mais maintenant, justement je vais
employer le même terme que vous, le seul fait qu'on emploie le mot
question de privilège ça ne veut pas dire que c'en est une.
M. MORIN: J'ai une question de privilège...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Parce qu'il y a véritablement
un abus...
M. BURNS: M. le Président, il va vous l'expliquer.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Non, non! je vais la laisser
commencer mais... Non, mais tout à l'heure, je voudrais rappeler
à l'honorable député de Maisonneuve... Un instant s'il
vous plaît ne perdons pas les pédales! C'est bien clair.
Tantôt, je voudrais rappeler à l'honorable député de
Maisonneuve que je lui ai permis qu'à un moment donné il
continue, mais quand je me lève, il faut tout de même respecter la
présidence, pour le moins.
L'honorable chef de l'Opposition officielle.
M. BURNS: M. le Président, si vous me le permettez, je ne vous ai
pas dit que je faisais une question de privilège, tout à l'heure.
J'ai dit; je me lève, vous déciderez si c'est une question de
privilège...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. BURNS: ... ou si c'est une question de règlement. Je voulais
expliquer l'absence du chef de l'Opposition, et j'ai mentionné
l'honorable chef de l'Opposition.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je suis d'accord là-dessus.
Evidemment, en vertu des règlements, on a droit à des questions
de privilège. Mais il faut éviter que ces questions de
privilège engendrent des débats. Je préviens
immédiatement que je ne voudrais pas que la question de privilège
que s'apprête à poser l'honorable chef de l'Opposition officielle
engendre un débat.
M. MORIN: M. le Président, c'est vraiment la première fois
que je prends la parole et je ne pense pas que ma question de privilège
engendre de débat. La majorité de cette Assemblée a
maintenant décidé de disculper ce n'est pas un
terme péjoratif ceux qui sont responsables d'avoir
autorisé le geste du président. J'entends employer des termes
neutres et n'affronter personne.
Maintenant qu'on a discuté de ceux qui sont responsables d'avoir
autorisé le paiement qui m'a été remis, ainsi d'ailleurs
qu'à tous ceux qui participaient à cette assemblée
à Bruxelles, et que cette décision a pour effet de me
désigner, pour employer les termes mêmes du leader du gouvernement
ce matin, comme seule victime, j'aurais quelques droits à faire valoir
sous forme de question de privilège.
On a dit, ce matin: Dura lex, sed lex. Ce sont des mots qui se
trouvaient dans la bouche du député de Crémazie.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! Je vous préviens
immédiatement que, si vous voulez, par une question de privilège,
discuter sur une motion qui a été adoptée par
l'Assemblée nationale... En tout cas, je vous ai invité à
la prudence.
M. BURNS: Sur la question de règlement, ce n'est pas cela. Je
vous prie d'écouter le chef de l'Opposition et d'écouter moins
les aboyeurs de l'arrièbe-ban.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je pense que, le samedi
après-midi, à 6 heures moins 24, il faut être plus
tolérant. Je le comprends personnellement, mais tous ensemble, je vous
invite à être très prudents. Ce ne sont pas des heures
faciles cet après-midi et ce soir. Dans cet esprit, je vous inviterais
à beaucoup de prudence dans les interventions sur le règlement
et, quant aux autres, nous allons écouter.
M. MORIN: La situation délicate, pour ne pas dire impossible,
dans laquelle le vote écrasant de la majorité libérale me
place n'est pas seulement celle du député de Sauvé
c'est pour cela que je me lève sur cette question de privilège
cette situation est également celle du chef de l'Opposition. Elle
touche directement le chef de l'Opposition; donc, une institution de notre
système parlementaire. Peut-être le gouvernement ne s'est-il pas
rendu compte de cela. Je ne sais, mais...
M. LEVESQUE: Quelle est la question de privilège?
M. MORIN: M. le Président, j'ai une requête importante
à faire...
M. BURNS: Ecoutez-le. Il a une requête à faire.
M. MORIN: ... et je ne voudrais pas que cette Assemblée me donne
déjà l'impression d'être une sorte de "Kangaroo court".
Qu'on me laisse énoncer ma demande.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Pour la dernière fois, je vais
vous laisser formuler votre demande, mais je pense que, autant vous que moi,
vous vous apercevez de ce qui s'en vient. Je vous invite à une
très très grande prudence.
M. BURNS: M. le Président, depuis le début, le chef de
l'Opposition est d'une prudence extrême.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Les derniers mots qu'il a
prononcés étaient de nature à...
M. BURNS: II n'a pas soulevé de débat par quoi que ce soit
de ce qu'il a dit. Il vous dit qu'il a une requête à formuler en
vertu d'une question de privilège. Est-ce clair? A-t-il le droit de vous
dire pourquoi il formulera cette requête? C'est seulement cela qu'on vous
demande. Cela ne sera pas long. Ne vous inquiétez pas. Cela ne durera
pas cinq heures. Cela va durer une ou deux minutes. En vertu du vote qui vient
juste d'être fait, c'est immédiatement qu'il doit soulever sa
question de privilège.
M. BOURASSA: En vertu de quel article?
M. BURNS: En vertu de l'article 49. Lisez-le donc. D'accord?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le chef de l'Opposition
officielle.
M. BURNS: En vertu des articles 49, 79 et 80. Lisez-les tous. Ils sont
tous là.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
Présentez votre requête le plus succinctement possible.
M. MORIN: M. le Président...
M. MARCHAND: M. le Président, sur une question de directive.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question de directive.
M. MARCHAND: Je voudrais vous demander, M. le Président, si le
chef de l'Opposition a été tellement mal défendu qu'il est
obligé de se défendre lui-même.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! Le chef de l'Opposition
officielle sur une question de privilège.
M. MORIN: M. le Président, est-ce que j'ai vraiment la
parole?
M. BEDARD (Chicoutimi): ... qui rendait jugement.
M. MORIN: Ai-je vraiment la parole?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Sur votre question de
privilège.
M. MORIN: M. le Président, j'estime, étant donné
que ce n'est pas seulement ma modeste personne qui est en jeu, mais
l'institution... Non, c'est sérieux! Etant donné que
l'institution, et j'allais dire aussi une certaine conception que nous nous
faisons du parlementarisme au Québec sont en jeu, j'estime qu'il faut
vider la question immédiatement, avant la Noël. On ne peut laisser
tramer une situation qui permet d'exercer des pressions, du chantage sur celui
qui exerce la fonction de chef de l'Opposition. Est-ce assez important?
M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. MORIN: M. le Président...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît
!
M. BOURASSA: Quelle salade encore?
M. LEVESQUE: J'invoque le règlement. Je regrette infiniment, M.
le Président, mais il y a une motion qui a été
adoptée par cette Chambre. Et la motion qui a été
adoptée par cette Chambre dit que la commission parlementaire de
l'Assemblée nationale sera convoquée sur avis du leader
parlementaire du gouvernement.
M. MORIN: D'où ma question de privilège.
M. LEVESQUE: Nous avions, à ce moment, convenu d'une date. Nous
avions parlé du 14 ou du 15 janvier 1975. Le leader de l'Opposition
officielle a alors dit: D'accord, mais j'aime mieux consulter le chef de
l'Opposition, si je me rappelle bien...
UNE VOIX: II a dit: Je ne suis pas sûr que cela va lui
convenir.
M. LEVESQUE: Pardon?
UNE VOIX: II a dit: Je ne suis pas sûr que cela va lui
convenir.
M. LEVESQUE: Oui. On a mentionné, si ma mémoire est
fidèle : Je ne suis pas sûr si cela va lui convenir. J'ai
mentionné à ce moment que le leader de l'Opposition officielle
pourrait m'en parler. Je ne vois pas qu'il s'agisse ici de soulever une
question de privilège qui aurait pour effet, je ne sais quoi, mais qui
ne peut, en aucune façon, changer le résultat de la motion qui a
été adoptée par l'Assemblée nationale.
M. MORIN: On commence à comprendre pourquoi j'ai soulevé
la question.
M. BURNS: Sur la question de règlement, M. le
Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Sur la question de règlement, je confirme une partie
des propos du leader du gouvernement. C'est un fait qu'hier il est bien
important de se rappeler que c'était hier j'ai confirmé
que je ne savais pas si la date suggérée par le leader du
gouvernement, le 14 ou le 15 janvier, ferait l'affaire du chef de l'Opposition.
Je ne savais pas s'il était disponible et je me sentais le devoir de le
consulter avant. Mais la question de privilège c'est ça
que je veux vous dire, M. le Président, simplement sur la question de
règlement du chef de l'Opposition n'est pas faite pour des choses
qui ont eu lieu hier, mais eu égard à la situation de maintenant,
c'est-à-dire d'il y a quelque cinq ou dix minutes, depuis qu'il y a eu
un vote qui change complètement le tableau. C'est uniquement
là-dessus que le chef de l'Opposition veut vous entretenir par sa
question de privilège. La situation d'hier, alors que je me proposais de
faire la motion que j'ai faite cet après-midi, n'est plus la même
que celle qu'on a actuellement devant nous, maintenant que le vote sur ma
motion a été négatif. Le chef de l'Opposition, il me
semble, est en train de vous expliquer pourquoi il veut soulever une question
de privilège.
Je vous prie, M. le Président, d'empêcher les gens de
l'interrompre et je pense que le chef de l'Opposition n'a provoqué
personne depuis le début. Je vous demande simplement de
l'écouter. Cela va être bref si on le laisse terminer. Cela va
être très bref.
M. LEVESQUE: M. le Président, sur cette question de
règlement, que l'on tente de superposer sur une question de
privilège, je ferai remarquer qu'il y a une décision prise par
l'Assemblée nationale. C'est un ordre de l'Assemblée nationale.
Cet ordre mentionne que ce sera sur avis du leader parlementaire du
gouvernement que la date...
M. BURNS: C'est ça.
M. LEVESQUE: ... sera choisie.
M. BURNS: On va vous parler de ça, justement.
M. LEVESQUE: II n'y a pas une question...
M. MORIN: M. le Président...
M. BURNS: Attendez qu'il finisse.
M. LEVESQUE: M. le Président, il n'y a pas de privilège
d'affecté lorsqu'un ordre de la Chambre est suivi.
M. BURNS: Une question de règlement, M. le Président. Vous
ne pouvez pas vous rendre compte, du côté gouvernemental, qu'il y
a un privilège à soulever par le chef de l'Opposition,
eu égard à la décision qui vient juste d'être
rendue et eu égard à la situation qu'on envisageait hier.
M. LEVESQUE: Non, absolument pas.
M. BURNS: M. le Président, je vous dis simplement ceci. Je ne
veux pas et le chef de l'Opposition non plus, encore moins, ne veut pas
enlever les prérogatives du leader du gouvernement. Il veut tout
simplement, à un moment donné, dire pourquoi il se sent
justifié de soulever sa question de privilège et peut-être
de formuler une requête à l'endroit du leader du gouvernement.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La question de privilège, soit
une requête, je pense que cela me paraît assez important de
l'entendre pour l'accepter personnellement. Cela n'enlève aucun
privilège et droit du leader du gouvernement de refuser ou d'accepter la
requête de l'honorable chef de l'Opposition officielle.
M. MORIN: Je vous remercie, M. le Président. Il faut bien
comprendre que ce n'est pas seulement la personne du député de
Sauvé qui est en cause. Etant donné que cette décision de
convoquer la commission ou de ne pas la convoquer est entre les mains du
gouvernement, le chef de l'Opposition est entre les mains du leader du
gouvernement.
M. LACROIX: Le gouvernement va être entre les mains du chef de
l'Opposition, lui?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre !
M. MORIN: C'est un point fondamental de droit constitutionnel. C'est une
situation tout à fait exceptionnelle et c'est pour cela que
j'interviens. Le chef de l'Opposition, dont le rôle est fondemental dans
notre système démocratique, est entre les mains du leader du
gouvernement.
M. MARCHAND: Professeur de droit.
M. MORIN: M. le Président, il n'est pas besoin d'être
professeur de droit pour comprendre cela. Il suffit d'avoir du gros bon
sens.
M. MARCHAND: Vous auriez dû le comprendre avant.
M. MORIN: La personne du chef de l'Opposition, avec toutes les pressions
et tout le chantage qui pourraient s'exercer sur lui, est entre les mains du
gouvernement. C'est une situation inédite, je n'en disconviens pas, mais
ce sont les gouvernementaux qui l'ont créée et maintenant j'ai le
droit de faire valoir le privilège du chef de l'Opposition. Si ce n'est
celui du député de Sauvé, que ce soit, à tout le
moins, celui du chef de l'Opposition.
J'ai pu me rendre compte depuis hier que déjà des
pressions et des menaces ont été exercées à mon
endroit. Je tiens à le dire, c'est fort important.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. MORIN: Et je ne veux pas provoquer de débat, je ne
mentionnerai personne.
UNE VOIX: Par qui?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre !
M. MORIN: Hier soir, pendant le débat, j'ai mentionné
l'une de ces pressions. Oui, à la suite de l'une de mes interventions
sur la question du salaire des députés, un député,
brandissant son poing vers moi, m'a dit: "Tu nous paieras ça". J'ai tout
lieu de m'inquiéter.
M. VEILLEUX: Question de privilège, M. le Président.
M. MORIN: M. le Président...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Question de...
M. MORIN: ... j'ai tout lieu de m'inquiéter du sort du chef de
l'Opposition.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Question de privilège,
l'honorable député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: Question de privilège.
L'honorable chef de l'Opposition n'a nommé personne aujourd'hui
mais il a dit qu'il fait mention d'une personne qu'il a nommée hier, et
la personne qu'il a nommée hier, c'est moi, M. le Président.
M. le Président, après l'ajournement de la Chambre, six
heures cinq ou six heures six, je suis venu ici, au coin de ce bureau et j'ai
dit, de cette façon, au chef de l'Opposition, qu'il paierait pour les
paroles qu'il venait de dire et qu'il dira ce soir.
M. le Président, j'ai fait une intervention et je
considère qu'au moment de l'intervention, je lui ai fait ravaler les
paroles qu'il avait dites hier, Et quand j'ai été, moi aussi, M.
le Président, au coin, là-bas, et cela n'a pas
été enregistré parce qu'à ce moment-là,
j'étais à l'extérieur, où se trouve
présentement le député de Montmagny-L'Islet j'ai
reçu, M. le Président, moi aussi, de la part de l'honorable chef
de l'Opposition, une menace semblable à celle, paraît-il, que je
lui aurais faite.
M. MORIN: C'est faux! Menteur!
M. VEILLEUX: Si, M. le Président, le genre de menace que j'aurais
faite à l'honorable chef
de l'Opposition c'est une menace, je dis, M. le Président, que
vous pouvez considérer les paroles qu'il a prononcées sur le
même ton et avec le même geste que moi ici, à six heures
cinq, hier, considérer cela aussi comme étant quelque chose de
provocateur vis-à-vis du député de Saint-Jean.
Moi, M. le Président, je ne considère pas le geste ou les
paroles qu'a pu prononcer le chef de l'Opposition au coin, là-bas, comme
étant de la provocation. Il n'a pas, M. le Président, à
interpréter les paroles que j'ai prononcées hier comme
étant un geste de provocation. Je les ai expliquées hier soir, M.
le Président, et le règlement est clair là-dessus. Si le
chef de l'Opposition croit que je l'ai menacé, qu'il applique le
règlement et qu'il porte une motion de blâme contre le
député de Saint-Jean et je me défendrai à ce
moment-là.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! Juste un instant, si vous
permettez. C'est simplement un commentaire. Vous savez, comme président,
que ce soit moi ou mes collègues, lorsque nous présidons, si nous
donnions suite à tous les mots de provocation que nous entendons, cela
prendrait une Assemblée nationale à sécurité
maximum.
M. MORIN: M. le Président, je me demande, par moments, si cela ne
deviendra pas nécessaire.
M. le Président, je ne voulais pas nommer le
député, je voulais donner cela comme exemple du type de pressions
qui peut être exercé sur le député de Sauvé,
chef de l'Opposition, tant et aussi longtemps qu'il est entre les mains du
gouvernement. C'est le genre de pression qui peut s'exercer en particulier au
sujet du projet de loi sur l'augmentation de salaires des
députés.
DES VOIX: Ah! Ah!
M. MORIN: M. le Président, j'ai une requête à faire
et je tiens à vous expliquer pourquoi j'entends la faire.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui mais, écoutez, une
question de privilège, malgré les interventions, cela fait
déjà passablement long. Je vous inviterais... Je pense que tout
le monde sait, ici, ce que c'est que le chef de l'Opposition, comme
institution.
Oui, mais là, je les comprends. Je voudrais que vous vous
dispensiez de décrire ce qu'est un chef de l'Opposition. On a des
institutions parlementaires, on le connaît. Mais faites votre
requête. Tenez pour acquis que vos collègues ont un peu
d'intelligence. Faites votre requête. Je vous ai accordé votre
requête mais faites-la.
M. MORIN: Bien.
M. BOURASSA: Hier, vous avez accepté.
M. MORIN: En conséquence de ce qui précède, M. le
Président...
M. BOURASSA: Vous avez accepté hier.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. MORIN: ... je ne demande pas, j'exige du leader du gouvernement, pour
que je ne sois plus entre les mains du gouvernement...
DES VOIX: Ah! Ah!
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!
M. MORIN: J'exige qu'il convoque dès ce soir la commission
parlementaire qui doit se prononcer sur la motion du député de
Crémazie. Et, s'il ne le fait pas, je serai amené à
m'interroger sur les motifs qui ont dicté le comportement du
député de Crémazie.
M. LACROIX: Vous auriez dû vous interroger sur votre propre
comportement.
M. BOURASSA: Le Père Noël s'en vient.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable leader du
gouvernement.
M. LEVESQUE: M. le Président...
M. LACROIX: Vous n'avez qu'à ramasser des enveloppes.
M. LEVESQUE: ... je dis et je répète ce que je mentionnais
il y a quelques instants: II y a un ordre de la Chambre suite à une
motion dont on a disposé ici, à l'Assemblée nationale,
hier, et dans laquelle la Chambre s'est prononcée pour qu'il y ait
convocation de l'Assemblée nationale sur avis du leader parlementaire du
gouvernement. C'est dans l'esprit de notre règlement, c'est dans la
lettre de notre règlement.
M. MORIN: En attendant, je suis comme une victime entre vos mains.
M. LEVESQUE: Un instant. M. MORIN: Voilà ce que c'est.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. LEVESQUE: J'ai même offert de préciser la date; je l'ai
offert à l'Assemblée nationale et particulièrement en
m'adressant au leader parlementaire de l'Opposition officielle. Je l'ai fait en
toute objectivité afin que chacun puisse se préparer suffisamment
pour protéger les droits et privilèges particulièrement du
député de
Sauvé, en lui donnant le temps nécessaire. J'ai offert le
14 ou 15 janvier 1975, parce qu'on se posait la question: Cela va prendre trois
mois, quatre mois ou quoi? J'ai dit non, dans le plus court délai. On
parlait du 14 ou 15 janvier 1975. On sait le travail législatif qu'il
reste à faire dans la présente session. Il y a environ au moins
huit ou neuf projets de loi sans compter ceux qui sont en troisième
lecture.
Je crois, M. le Président, qu'il est important de disposer de
notre législation et ensuite nous pourrons aborder les autres questions.
Mais nous devons donner priorité à ce moment-ci à la
législation et...
M. MORIN: Non.
M. LEVESQUE: C'est votre opinion, mais la Chambre a
décidé, M. le Président. Il y a un ordre de la
Chambre.
M. LESSARD: La majorité a décidé.
M. LEVESQUE: Et lorsque j'ai suggéré le 14 ou le 15
janvier, je vous avoue bien objectivement que j'ai senti chez le leader
parlementaire de l'Opposition officielle un acquiescement; un acquiescement tel
qu'il semblait y avoir une entente, jusqu'à ce qu'il y ait eu un peu
d'hésitation de la part du leader parlementaire de l'Opposition
officielle. Il s'est ravisé en disant: Un instant, j'aime mieux
consulter le chef de l'Opposition car, peut-être...
UNE VOIX: II préparait...
UNE VOIX: II y a un voyage qui est possible.
M. LEVESQUE: II n'a pas parlé de voyage. Il a...
UNE VOIX: Oui, il a parlé de voyage.
M. BOURASSA: II préparait la stratégie d'aujourd'hui.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. BURNS: Pas du tout, j'ai dit que je ne savais pas si...
M. LEVESQUE: S'il serait disponible...
M. LACROIX: ... possibilité de voyage.
M. BURNS: ... le chef de l'Opposition serait disponible.
M. LEVESQUE: S'il serait disponible à ce moment-là.
M. BURNS: Un instant, là.
M. LEVESQUE: Non, non, mais c'est cela que vous avez...
M. BURNS: Un instant. Si vous voulez qu'on rétablisse des faits,
on va en rétablir. Quand on a parlé, vous et moi... vous voulez
parler de nos conversations privées? Quand on a parlé vous et
moi...
UNE VOIX: Cela s'est fait en Chambre. DES VOIX: En Chambre.
M. BURNS: Ouais, mais on a parlé d'autres choses aussi.
M. LACROIX: Ce qu'on vous rappelle là, cela s'est passé en
Chambre.
M. LEVESQUE: Moi, je rappelle ce que... M. BURNS: J'ai posé
deux... M. LEVESQUE: ... le député...
M. BURNS: ... conditions. On va mettre le problème clairement sur
la table. J'ai posé deux conditions à l'acceptation du 14 ou du
15, lorsque le leader et moi nous nous sommes rencontrés.
M. LEVESQUE: Je parle de ce qui s'est dit ici en Chambre...
M. BURNS: J'ai...
M. LEVESQUE: ... et qui est enregistré au journal des
Débats.
M. BURNS: On parlait de la motion, le leader du gouvernement va s'en
souvenir très bien, on parlait de la motion du ministre de l'Immigration
hier et... bon, et c'est dans ce cadre-là qu'on a discuté du 14
ou du 15.
M. LEVESQUE: Non, ... ici en Chambre.
M. BURNS: En Chambre, c'est là M. le Président,
qu'à un moment donné, quand une des conditions que je posais
à l'amendement de la motion n'a pas été accepté
et on l'a dit, c'est public, on l'a dit ensemble hier que nous ne nous
étions pas entendus sur des possibilités d'amender c'est
là qu'une seule des conditions qui avaient été
discutées avec le leader du gouvernement m'arrivait sur la table et que
je me suis dit: Peut-être que je devrais consulter davantage le chef de
l'Opposition sur sa disponibilité. Ce n'est pas plus que cela. Ce n'est
rien de plus grave que cela. Mais ce que le chef de l'Opposition vous demande
actuellement, ce n'est pas vous priver de vos droits, M. le leader du
gouvernement. Je sais bien que c'est vous qui devez convoquer les commissions
parlementaires.
II veut tout simplement mettre votre éthique d'hommes politiques
devant la Chambre et dire qu'il n'est pas normal que le chef de l'Opposition
soit entre les mains du gouvernement. Il vous demande...
M. LEVESQUE: Je pense, M. le Président, que l'interruption
suffit.
M. BURNS: ... et vous exige, puis je pense qu'il a des raisons d'exiger
cela que cela...
M. BOURASSA: Assez de spectacle.
M. BURNS: ... se fasse dès ce soir cette commission
d'enquête-là.
M. BOURASSA: Assez de spectacle pour aujourd'hui.
M. BURNS: Bien, vous êtes habitué à en faire du
spectacle, vous. Vous devriez le savoir.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Revenons aux affaires du jour.
M. LEVESQUE: Article 10,
M. BURNS: M. le Président, je m'excuse.
M. LEVESQUE: L'article est appelé.
M. BOURASSA: L'article est appelé, assoyez-vous.
M. BURNS: Est-ce que j'ai le droit de poser une question au leader du
gouvernement?
M. LEVESQUE: Non, ce n'est pas la période des questions.
M. BURNS: Non, je n'ai pas le droit?
M. LEVESQUE: Vous en avez assez posé aujourd'hui.
M. BURNS: Je n'ai plus le droit, M. le Président, de poser des
questions?
M. BOURASSA: Article 10, M. le Président. M. LEVESQUE: L'article
10 est appelé.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'article 10 est appelé.
M. BURNS: ... une question au leader du gouvernement.
Projet de loi no 87 Deuxième lecture
(suite)
M. LEVESQUE: L'article 10 est appelé, M. le Président, ce
n'est pas la période des questions.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
Qui avait la parole à l'article 10?
UNE VOIX: Le député de Saguenay.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Saguenay.
M. Lucien Lessard
M. LESSARD: Puis-je considérer, M. le Président, qu'il est
six heures et demander la suspension du débat?
DES VOIX: Non!
M. LESSARD: Alors, M. le Président, je ferai encore le
deuxième épisode de mon discours dans l'espoir que je puisse le
terminer à 8 h 15 à la reprise de nos travaux.
Je disais que les députés du Parti québécois
n'étaient pas contre, de façon absolue, l'augmentation des
salaires des députés, tout en tenant compte, par exemple, d'une
certaine indexation qui soit réelle et non pas d'un rattrapage qui est
absolument exorbitant.
UNE VOIX: Vote!
M. LESSARD: Et j'ai eu d'ailleurs l'occasion de le préciser dans
un questionnaire que nous avait fait parvenir la commission Bonenfant. J'ai eu
l'occasion de dire dans ce questionnaire que j'estimais, sans tenir compte des
dépenses de $7,000 qui sont allouées, qu'il serait tout à
fait normal, en tenant compte des autres classes de la société
québécoise, qu'il puisse y avoir un rajustement du salaire des
députés autour de $20,000, et je tiens encore aujourd'hui
à dire que ceci me paraissait raisonnable.
Cependant, il faut tenir compte de deux conditions précises que
nous fixons et nous en parlerons tout à l'heure.
Il est six heures, je l'espère, cette fois.
M. BURNS: M. le Président, je demande la suspension du
débat.
M. LEVESQUE: Vingt heures.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'Assemblée suspend ses
travaux jusqu'à vingt heures.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
Reprise de la séance à 20 h 5
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! L'honorable député de
Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, nous avons donc fixé deux
conditions à l'indexation du salaire des députés. L'une
des conditions, c'est l'augmentation du salaire minimum à $2.50 à
partir du 1er janvier. La deuxième condition, c'est de permettre
à ceux qui ont négocié, il y a quelques mois, des
conventions collectives et qui n'ont pas prévu l'augmentation
considérable du coût de la vie d'avoir une clause de
réouverture des conventions collectives. Nous savons qu'il est possible,
pour ce gouvernement, par une modification du code du travail, de permettre
à ces personnes d'avoir cette clause.
En effet, M. le Président, je constate, à partir des
discours que j'ai entendus hier, que nous avons donc la larme facile lorsque
nous discutons des problèmes qu'affrontent les députés,
que nous avons donc la larme facile lorsque nous parlons des difficultés
des députés. Mais lorsqu'il s'agit de parler des gars qui sont en
grève depuis plusieurs mois, ceux de la United Aircraft, de parler des
gars de la Canadian Gypsum qui sont en grève depuis nombre et nombre de
mois, de cela on n'en entend pas parler ici à cette Assemblée
nationale.
J'aurais voulu retrouver à l'intérieur de cette
Assemblée nationale la même énergie et le même
courage pour défendre les gars de Québec Téléphone
qui ont dû se battre pendant trois mois pour obtenir ou pour tenter
d'obtenir la réouverture de leur convention collective. Malheureusement,
nous n'avons rien entendu ici à cette Assemblée nationale.
Personne ne s'est levé dans cette Chambre pour se battre à
côté des gars de la compagnie Québec
Téléphone pour qu'on leur permette au moins d'avoir une certaine
indexation de leur salaire.
Qu'est-il arrivé à des gars et à des femmes de
Québec Téléphone, après trois mois de bataille pour
tenter d'obtenir la réouverture de leur convention collective?
Une injonction leur est tombée sur la tête, pour exiger des
gars comme des femmes de Québec-Téléphone d'entrer,
presque saris condition, au travail. Nous avons, nous autres, la
possibilité, comme députés, de négocier
nous-mêmes nos conventions collectives. Mais nous croyons qu'il faut
quand même être prudents. Nous croyons qu'avant de se servir il
faut penser à d'autres problèmes qui existent à
l'intérieur de la société québécoise. Nous
croyons, M. le Président, qu'avant d'augmenter le salaire des
députés de $7,600 par année il faut quand même
considérer qu'il y a des gens qui ne gagnent même pas cela
actuellement. Il faut quand même considérer que ce gouvernement,
qui réclame pour les députés une augmentation de $7,600
par année, a été le même gouvernement qui a
refusé de donner à ses fonctionnaires une garantie de $100 par
semai- ne. Oui, le même gouvernement qui nous propose, ce soir, le 21
décembre, une augmentation de $7,600 ou de $146 par semaine, a
refusé à des gens, à des fonctionnaires d'avoir un salaire
garanti de $100 par semaine. Ce même gouvernement a refusé,
malgré les protestations, des membres du Parti québécois,
d'accorder un salaire minimum de $2.50 l'heure, soit $100 par semaine, si on
calcule cela sur une base de 40 heures.
M. LACROIX: Soyez donc sérieux!
M. LESSARD: C'est ce même gouvernement, qui a accepté, M.
le Président, de réduire les allocations aux
bénéficiaires de l'aide sociale, sous prétexte que les
allocations familiales étaient maintenant augmentées, qui nous
demande, aujourd'hui, de voter une augmentation de $7,600 par année. Ce
même gouvernement...
M. LACROIX: Dites-nous donc que vous êtes pour.
M. LESSARD: ... qui, malgré les protestations encore des membres
de l'Opposition officielle, par l'intermédiaire de façon plus
particulière du député de Chicoutimi, a accepté, M.
le Président, de réduire les allocations aux personnes qui
avaient le désavantage d'avoir un handicapé dans leur
famille.
Ce même gouvernement a accepté de faire payer des montants
supplémentaires, des montants supérieurs aux montants
précédents à des personnes qui avaient des
handicapés dans leur famille. Ce même gouvernement, qui refuse
d'accorder un supplément aux personnes âgées qui demeurent
dans les maisons d'hébergement, malgré l'indexation du
gouvernement fédéral, et qui prend justement cette indexation, ce
montant d'indexation pour remplir les coffres du Trésor... N'est-ce pas
quand même un scandale ce soir comme le disait le chef de
l'Opposition de décider de se voter $7,600 d'augmentation sans
tenir compte quand même du contexte social...
M. LACROIX: M. le Président, une question de
privilège.
M. LESSARD: ... dans lequel nous vivons? M. LACROIX: Question de
règlement. LE PRESIDENT: Question de règlement.
M. LACROIX: Question de règlement, M. le Président. Il y a
toujours une limite. Là, le député est en train de tomber
dans une démagogie qui n'est pas acceptable dans cette Chambre. Quand on
connaît surtout la faim du député de Saguenay, quand on
sait que dans des conversations non seulement privées ...
M. LESSARD: M. le Président, à l'ordre!
M. LACROIX: ... si c'était une conversation de personne à
personne ...
M. LESSARD: A l'ordre, M. le Président.
M. LACROIX: ... mais entre plusieurs personnes ...
M. LESSARD: A l'ordre, M. le Président!
M. LACROIX: ... alors qu'il a dit qu'il voulait l'augmentation...
M. LESSARD: A l'ordre!
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! ... A l'ordre! ... A l'ordre,
messieurs! ... A l'ordre! J'ai voulu interrompre le député des
Iles-de-la-Madeleine avant que cela puisse donner ouverture à un
débat.
Il y a habileté et habileté. C'est sûr que vous
pouvez parler. Là, je vous écoute, vous me regardez et je vous
regarde. Mais nous ne sommes quand même pas dans une motion de censure
contre le gouvernement. On peut se permettre de juger habile, à
l'occasion d'un discours sur l'augmentation de salaire des
députés, de faire un procès de toute la
société du Québec et même du Tiers-Monde et
même d'ailleurs. Je ne veux pas aller au fond de la question.
Si vous considérez que c'est habile ce que vous faites, cela peut
respecter le règlement. Mais ce n'est pas un discours d'apartés
ou de digression que je veux. Essayez, le plus possible, de vous rattacher au
bill actuellement et nous parler peut-être plus du rôle de
député que du rôle des assistés sociaux ou des
autres.
M. LESSARD: Oui, M. le Président,...
LE PRESIDENT: Et critiquez ma décision si vous voulez.
M. LESSARD: M. le Président ...
LE PRESIDENT: De toute façon, il vous reste sept minutes.
M. LESSARD: D'accord, M. le Président... LE PRESIDENT: Bon.
M. LESSARD: ... et je vais les prendre. Le rôle du
député, ce n'est pas de se servir d'abord. Je pense que c'est
quand même important dans le contexte social, actuellement, de se poser
des questions sur la société québécoise.
C'est quand même important, lorsque nous discutons du salaire des
députés, de prendre en considération aussi les autres qui
sont directement impliqués dans cette société. Je pense,
M. le Président, qu'il est impossible d'analyser non seulement le
rôle du député mais d'analyser aussi la situation
financière des députés sans tenir compte de notre contexte
social. Ce serait, je pense, tout simplement de l'hypocrisie de ne pas
l'admettre.
M. le Président, lorsque nous avons discuté de
l'augmentation des salaires des juges, nous avons dit à cette Chambre
qu'il était scandaleux d'augmenter le salaire des juges, en tenant
compte du contexte social; de même nous disons actuellement que, dans les
circonstances, il devient scandaleux de permettre une augmentation de $7,600
aux députés alors qu'on a refusé, il y a quelques mois, de
garantir à des individus un salaire de $100 par semaine.
Si c'est cela, M. le Président, faire de la démagogie, je
dis que c'est là la différence entre les députés
libéraux et les députés du Parti québécois.
C'est là la différence, M. le Président, entre...
DES VOIX: Ah! Ah!
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. LESSARD: ... la vraie social-démocratie...
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. CADIEUX: ... qui vaut pas cher et il ne peut pas être
payé plus cher que cela.
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs!
M. LESSARD: En tout cas, on vaut pas mal plus cher...
LE PRESIDENT: Si vous n'êtes pas d'accord sur les propos de
l'honorable député de Saguenay, vous demanderez la parole
après lui et vous aurez tout le loisir de lui répondre.
M. LESSARD: En tout cas, il y a une chose, M. le Président. C'est
qu'on vaut, chacun d'entre nous autres, pas mal plus cher que le
député de Beauharnois au point de vue du travail qu'on peut faire
en cette Assemblée nationale.
M. CADIEUX: ...
M. LESSARD: M. le Président, si c'est là faire de la
démagogie, je pense que cela nous démontre, tel que le dit le
député des Iles-de-la-Madeleine, exactement la différence
entre les députés du Parti québécois, entre le
Parti québécois et le Parti libéral. C'est là la
différence, M. le Président, entre faire de la véritable
social-démocratie et tout simplement tenter de tromper les gens
derrière des mots de paravent en disant que ce Parti libéral, M.
le Président, est un parti de social-démocratie. Non, c'est un
parti...
M. LACROIX: M. le Président, une question de
privilège.
LE PRESIDENT: Une question de privilège.
M. LACROIX: Le député de Saguenay a mêlé le
nom du député des Iles-de-la-Madeleine à je ne sais pas
quel propos.
Il n'y avait aucune relation commune. Mais je voudrais bien que le
député de Saguenay sache qu'il est facile pour les
députés de son parti de faire de la démagogie. Je voudrais
M. le Président,... Je demanderais au député de Saguenay
de s'asseoir...
M. LESSARD: Ce n'est pas une question de règlement.
M. LACROIX: ... d'attendre que j'aie terminé ma question de
privilège. Il est très facile pour le Parti
québécois, avec un budget de recherche de $65,000, avec une loi
électorale qu'on...
LE PRESIDENT: Je m'excuse. A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre,
messieurs!
Je m'excuse, j'inviterai, à l'occasion, l'honorable
député des Iles-de-la-Madeleine à participer au
débat mais ce n'est pas l'occasion. Par contre, j'inviterais l'honorable
député de Saguenay à ne pas provoquer ses
collègues, ni le député de Beauharnois ou celui des
Iles-de-la-Madeleine. Vous ouvrez la porte au désordre en provoquant et
en faisant de la personnalité et ce n'est pas permis dans les limites
normales d'un parlementarisme acceptable. S'il y a des accrocs, vous les
invitez, je m'excuse.
M. LESSARD: M. le Président ...
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. LESSARD: Je ne pense pas qu'il vous appartienne, quand même, de
déterminer de quelle façon je devrai faire mon discours, en
autant que je me soumets au règlement.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
M. LESSARD: Je dis, M. le Président. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE (Rosemont): M. le Président, question de
privilège.
Il y a des limites à tout. Si le Parti
québécois...
LE PRESIDENT: A l'ordre s'il vous plaît! Il ne s'agit pas, je vous
invite et je compte vite, je m'excuse, ce n'est pas une question de
privilège. Si vous voulez intervenir, vous demanderez la parole
après que l'honorable député de Saguenay aura fini son
discours. Actuellement...
M. BELLEMARE (Rosemont): M. le Prési- dent, est-ce que vous
permettez que je vous demande une directive?
LE PRESIDENT: A l'ordre! Non, non, après le discours, pas au
milieu d'un discours. Après.
M. LESSARD: Alors, je dis, M. le Président, que j'accepte
certains éléments qui ont été apportés sur
la fonction du député par soit le député de
Johnson, soit le député de Beauce-Sud, soit aussi le ministre de
l'Industrie et du Commerce. Il est vrai que cette fonction est difficile, il
est vrai que nous sommes soumis, dans cette fonction, à quantité
d'attaques qui peuvent parvenir tant des citoyens que des journalistes. Mais il
ne faudrait quand même pas charrier sur la difficulté de ce
travail. Ce n'est pas parce que nous serons payés $7,000 de plus par
année que cela va nous faire oublier les attaques auxquelles nous
pouvons être sujets.
Mais je dis, M. le Président, que l'ouvrier qui se bat
actuellement, qui est en grève à la United Aircraft, lui aussi a
un travail difficile. Le gars qui est bûcheron chez nous, qui se
lève à cinq heures du matin pour aller travailler, lui aussi a
une "job" qui est difficile et il n'a pas les compensations du
député. M. le Président, il ne faudrait quand même
pas nous faire pleurer!
Il est vrai que le travail du député est devenu de plus en
plus complexe, de plus en plus difficile et qu'il exige de plus en plus de
temps des personnes qui se présentent à ce poste. Il est vrai, M.
le Président, que nous devons être capables de payer un salaire
qui nous permette d'avoir des hommes publics qui sont des personnes
compétentes. Mais il y a une chose que je dis: II est assez curieux
qu'il y ait toujours plus de personnes battues que de personnes élues.
C'est assez curieux qu'à chaque convention, on retrouve quatre, cinq ou
six personnes qui se présentent pour être députés
dans les comtés. Il ne faudrait quand même pas charrier, M. le
Président. Ce n'est pas nécessairement parce que nous allons
accorder une augmentation de $7,600 par année que nous allons avoir des
personnes plus compétentes. Ce n'est pas une condition sine qua non.
Je pense, M. le Président, que, quand nous avons assisté
à la séance de cet après-midi, ce n'est certainement pas
un moyen pour revaloriser le rôle du député. Il faudrait
quand même, comme le disait le député de Lafontaine, se
demander pourquoi les gens, pourquoi les citoyens du Québec protestent
tant contre l'augmentation du salaire des députés. Ce n'est pas
tant.
UNE VOIX: A l'ordre! Fini.
M. LESSARD: .. que nous ne le méritons pas. Je termine, M. le
Président...
LE PRESIDENT: Finissez votre phrase. Fi-
nessez. A l'ordre, messieurs! Pour le bénéfice du journal
des Débats terminez votre phrase.
M. LESSARD: ... en disant qu'il faudra peut-être, M. le
Président, avant de penser à l'augmentation du salaire des
députés, se poser des questions...
M. LACROIX: M. le Président... LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESSARD: ... et apporter des solutions pour revaloriser le rôle
du député.
LE PRESIDENT: A l'ordre! UNE VOIX: Vote.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Roberval.
M. Robert Lamontagne
M. LAMONTAGNE: M. le Président, j'ai déjà eu
l'occasion de dire récemment qu'il ne nous appartenait pas, au
président comme aux vice-présidents, d'intervenir souvent dans
les débats de l'Assemblée nationale.
Cependant, ce soir, je crois qu'il est de mon devoir d'intervenir dans
ce débat, compte tenu que plus tôt cette année, à
l'occasion de l'étude des crédits de la Commission de
l'Assemblée nationale, j'avais porté à l'attention des
collègues de l'Assemblée nationale le problème des
députés. Il me paraît normal qu'un jour ou l'autre nous
soyons appelés à parler du problème des
députés qui forment un élément, à mon avis,
fort important dans la société québécoise.
A cette commission de l'Assemblée nationale, à peu
près tous les partis politiques, à ma souvenance, étaient
intervenus pour justement signifier et rappeler à l'Assemblée
qu'il était temps de regarder de près le rôle du
député au sein de la société. Je tiens à
souligner ici aux honorables collègues, parce que le Président ne
peut pas le faire lui-même, que c'est à son instigation, à
la suite des travaux de la commission, que le comité indépendant
formé à la suggestion des partis représentant
l'Assemblée nationale a été formé, respectant deux
choses qui, à mon avis, sont absolument primordiales.
Premièrement, il est temps plus que jamais qu'une fois pour
toutes l'Assemblée nationale du Québec soit appelée
à confier à d'autres la question du salaire des
députés de l'Assemblée nationale. Je pense que c'est la
première chose, le premier critère qu'il faut considérer;
plusieurs collègues avant moi sont intervenus pour souligner
l'importance de ce fait.
La deuxième chose qui m'est apparue, je pense, comme à
tout le monde, c'est qu'il n'y a jamais un bon temps pour parler du salaire des
députés. Si c'est au printemps, c'est trop tôt; si c'est
à l'automne, c'est trop tard. Il n'y a pas de bonne année, mais
pendant ce temps-là, évidemment, le salaire des
députés reste le même.
Donc, j'étais personnellement convaincu que ce n'était
jamais le bon temps d'en parler, mais qu'il fallait prendre le temps tout de
même de le faire. Et la meilleure façon d'en parler était
encore de confier la question à des personnes reconnues pour leur
objectivité et également leur compétence et leur
connaissance du milieu pouvant rendre un rapport objectif. Je pense que nous
avons été fort bien servis de ce côté. Egalement, si
on avait à choisir un mauvais temps pour présenter un tel
débat, je pense que nous ferions l'unanimité pour dire que le
temps que nous choisissons est à peu près le plus mauvais temps.
En effet, depuis quelques semaines, malheureusement, on a choisi de
décrier de différentes façons, à tort ou à
raison, le rôle du député. J'eusse espéré
pour ma part, depuis les cinq ans ou presque, que je siège
à l'Assemblée nationale, qu'on se soit intéressé de
plus près au rôle du député.
Bien sûr, lorsque je m'adresse aux membres de l'Assemblée
nationale ce soir, ma seule façon de faire connaître mes paroles,
c'est par le journal des Débats ou par les media d'information, qui
pourront ou ne pourront pas s'intéresser aux propos que nous tenons.
C'est donc important de faire connaître le député
tel qu'il est, avec ses qualités et également ses défauts.
Mais le rôle d'un député, sans y mettre un nom, quel qu'il
soit, est important au Québec. C'est tout de même vers les
députés que nous nous tournons lorsque nous avons des
problèmes importants au Québec.
Lorsqu'il arrive une crise dans un secteur donné de notre
économie, qui en est le responsable? Ce sont toujours les
députés ou le gouvernement dans son ensemble. C'est donc dire que
ceux et celles qui forment le gouvernement, les parlementaires, sont
appelés à jouer un rôle extrêmement important dans
l'avenir et dans le présent du Québec. Ce sont des gens à
qui on confie le mandat de participer à l'économie
québécoise et voir à son meilleur
développement.
Si l'on présente ces hommes, qui sont appelés à
s'occuper par exemple d'un budget de plus de $6 milliards, comme des hommes qui
une journée sont des voleurs, l'autre journée possèdent
à peu près tous les défauts, inconsciemment l'on
crée parmi la société québécoise, je ne
dirais pas une peur du parlementaire et du député, mais une
méfiance qui devient collective.
A la fin d'une année comme nous y serons d'ici quelques jours, il
est important de revivre les moments joyeux que nous avons passés cette
année, mais également les moments difficiles. Et à titre
de parlementaire et pour tous ceux qui, de près ou de loin,
s'intéressent à la vie des parlementaires, il est important de
faire un tour d'horizon ou un retour sur soi-même pour regarder si on a
vraiment montré à la population du Québec le rôle du
parlementaire.
Si on essaie de démontrer ses faiblesses,
évidemment les gens, avec raison, penseront que le parlementaire
c'est un faible avec tous ses défauts. Si on présente à la
fois ses faiblesses et les qualités que doit posséder un
parlementaire pour porter une opinion valable au cours d'une étude d'un
dossier important ou au cours d'un conflit, c'est différent. Tout
à l'heure, ou plus tard au cours des prochains jours, nous serons
appelés à parler d'une loi fort importante dans le domaine de la
construction; je pense que ceux qui participeront à ce débat
devront avoir certaines connaissances de ce milieu.
Pour ma part, je viens d'un comté rural, je ne voudrais pas
commencer ce soir: Moi, je suis un député rural, je travaille
plus qu'un député urbain. Non. Je parle ici en mon nom personnel
et au nom de tous les parlementaires du Québec. Si l'on vient d'un
comté urbain, d'autres qualités et préoccupations sont
requises dans le milieu donné. Lorsque j'ai choisi pour ma part
d'être candidat pour un parti dans un comté rural, je savais fort
bien ce que je faisais. Mais je trouve absolument incroyable que l'on accepte
que certaines personnes disent: Quand tu t'es présenté
député, tu savais quel salaire tu aurais, contentes-t'en
maintenant.
Je pense que nos fonctionnaires au gouvernement ou toute personne dans
l'industrie privée, évidemment, lorsqu'ils sont engagés
savent le salaire qu'ils ont. Mais qui ne veut pas ou n'exige pas, même,
un salaire qui s'ajuste aux préoccupations ou même à
l'inflation que l'on connaît dans le moment? Je pense que c'est
absolument normal. Aujourd'hui, se comparer et à l'un et à
l'autre ne respecte pas la réalité parlementaire. On a dit, hier
soir, et j'entendais plusieurs collègues en faire mention, que le
parlementaire ne peut être comparé à quiconque. Le rapport
Bonenfant suggérait de comparer à un fonctionnaire classe IV le
parlementaire du Québec, et je pense que c'est avec raison que le projet
de loi, qui est actuellement à l'étude, n'a pas retenu cette
suggestion.
Le parlementaire, il faut le répéter, c'est important de
le faire, n'est pas un homme du neuf heures à cinq heures, n'est pas
celui qui a une sécurité d'emploi avec 32 1/2 heures qu'on tente,
malgré tout encore, à diminuer. C'est l'homme qui doit être
à la disposition de tout le monde dans son comté, et qui,
lorsqu'il arrive à Québec, doit également participer, en
plus des travaux requis par les citoyens de son comté, à tout ce
qui préoccupe l'ensemble des Québécois. Cela demande un
bagage de compétence et d'expérience qu'on ne retrouve pas chez
la majorité des Québécois. C'est un mandat que, dans le
comté de Roberval, plus de 32,000 ou 33,000 électeurs confient
à leur député, c'est donc un mandat fort important.
C'est un mandat également fort recherché. On a
souligné plus tôt que plus de 400 personnes, à l'occasion
des élections d'octobre 1973, avaient tenté de
représenter, au mieux de leur capacité, le comté où
ils se présentaient. C'est donc dire, à la fois, que c'est une
position recherchée pour tous ceux et celles qui désirent de plus
en plus au Québec jouer un rôle prépondérant. Mais
quand on parle de problèmes au Québec et de l'importance de les
résoudre, il y est joint l'importance de trouver les hommes
compétents pour le faire.
On a mentionné également que l'ouvrier ne gagne pas le
salaire adéquat. Evidemment, le fait de régler les salaires des
parlementaires ne règle pas les problèmes du monde entier. Les
problèmes des parlementaires sont des problèmes comme plusieurs
autres mais je pense qu'il est tout simplement décent, en trois ans, de
s'occuper d'un problème qui n'a eu aucune retouche depuis trois ans. Je
voudrais m'interroger avec vous tous ce soir, également, pour savoir
qui, au cours des trois dernières années, n'a pas vu son salaire
modifié de quelque manière que ce soit. Je pense qu'il est normal
que l'Assemblée nationale du Québec se préoccupe de ceux
qui la forment actuellement.
Si l'on souhaite revaloriser l'Assemblée nationale et les
parlementaires qui la composent, il faut d'abord savoir y attirer les hommes
qui seront à la fois compétents mais qui n'auront d'autres
préoccupations que les travaux de l'Assemblée nationale et du
Québec tout entier.
J'aimerais, pour ma part, rappeler peut-être les paroles du
député de Beauce-Sud, hier soir, lorsqu'il disait: Pour
intervenir dans un débat comme celui-ci, il faut le faire avec beaucoup
de franchise, d'honnêteté, d'objectivité. Je me souviens,
pour ma part, cela fait déjà quelques années, en 1970,
j'étais notaire et j'avais à décider si je me
présenterais comme député du comté de Roberval. Me
présenter et gagner mes élections, cela représentait pour
moi une décision capitale dans ma vie, au bout de quinze ans de
pratique, de sacrifices énormes. Ayant laissé le comté de
Roberval, j'étais allé m'installer à Chibougamau, dans le
Nord-Ouest québécois avec ma famille. Après beaucoup de
difficultés, j'avais réussi à devenir le notaire
attitré de toutes les compagnies minières du Nord-Ouest
québécois, ce qui m'assurait une clientèle excellente, en
plus d'avoir un bureau dans le comté de Roberval. Par la suite, en
prenant cette décision, au cours du mois de mars 1970, j'ai dû
abandonner ce traitement des compagnies minières et abandonner
complètement mon bureau de notaire, parce que dans le comté de
Roberval, on ne peut être à la fois député et
notaire. C'est donc dire que ma décision personnelle impliquait mon
avenir et celle de ma famille.
Lorsqu'on m'a expliqué les traitements qu'un député
avait à l'Assemblée nationale, évidemment je dois vous
dire que mon épouse et mes amis intimes me demandaient ce que j'allais
faire là.
Bien, j'avais, comme d'autres et comme vous, sans aucun doute, le
goût d'être utile à mes concitoyens et également
à ma province. Mais je n'ai jamais pensé que le fait d'être
utile aux miens et à l'ensemble des Québécois met-
trait en péril la situation financière de ma famille.
C'est avec la bonne volonté que, je pense, vous avez tous de servir vos
concitoyens que j'ai accepté de le faire moi-même.
Mais, en même temps, j'ai cru que nous serions traités
à l'égal d'autres citoyens du Québec, ni plus, ni moins
cependant. J'ai pensé que les traitements connaîtraient des
hausses normales, même plus basses que d'autres pour donner un meilleur
exemple.
C'est donc dire que je trouve un peu malheureux, vous me permettrez de
le dire, M. le Président, que ce débat n'ait pas pu s'inscrire,
comme nous l'aurions souhaité, lors de l'étude des crédits
de l'Assemblée nationale. Nous avions, à mon avis, fait tous les
efforts pour qu'une fois en 100 ans l'Assemblée nationale du
Québec ne soit plus appelée à régler les
problèmes des députés. Egalement, pour être bien
sûr que le sujet ne porterait pas à discussion inutilement, la
proposition que l'ensemble des journalistes croyaient raisonnable, le projet de
loi la propose même plus basse. Dans certains domaines je pense
à tous les parlementaires ici qui ont un ajustement de salaire, qui
était non imposable et qui, aujourd'hui, devient imposable
même si cela paraît une augmentation de salaire, le
député en fait ne recevra aucune somme d'argent additionnelle ou
presque pas.
A titre d'exemple, comme vice-président, je recevais $2,040 non
imposables. En vertu du projet de loi, on augmente cette indemnité que
j'ai comme vice-président, mais on la rend imposable, ce qui veut dire
que, personnellement, je ne recevrai, pour cette partie d'allocation, aucun
bénéfice additionnel. Mais pour la population, si on n'explique
pas les faits comme il faut, cela va paraître que je reçois
effectivement un montant additionnel. Mais moi, je n'en profiterai pas.
J'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, tant à
l'Assemblée nationale que dans mon comté ou dans ma
région, de parler du rôle important que jouent les parlementaires
au Québec. J'ai souhaité, récemment, à l'occasion
d'une conférence de presse au Saguenay-Lac-Saint-Jean, qu'on essaie de
mieux faire connaître le parlementaire; non pas le vanter, de lui trouver
seulement ses qualités, mais de le présenter exactement comme il
est, comme je l'ai dit plus tôt, avec ses faiblesses et également
avec ses connaissances et ses capacités.
Je souhaite que ce soit le dernier débat à
l'Assemblée nationale sur le salaire des parlementaires. Et si ce projet
de loi n'avait que cela comme conséquence, pour ma part, j'en serais
pleinement satisfait. Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.
M. Marc-André Bédard M. BEDARD (Chicoutimi): M. le
Président, je sais que ce n'est pas facile de parler d'un sujet comme
celui dont nous avons à parler, à savoir l'augmentation de
salaire des députés. Je peux vous dire que je suis très
à l'aise pour en parler, parce que le travail de député ne
représente pas, pour moi, une augmentation de salaire. Je pourrais
très bien faire le raisonnement que, gagnant un salaire plus
élevé avant d'être élu, ce ne serait que justice
d'accepter une augmentation.
On a eu, déjà, à se prononcer sur un sujet qui
ressemble pas mal à la situation à laquelle nous avons à
faire face présentement, lorsque nous avons eu à décider
du bien-fondé de l'augmentation du salaire des juges.
Je suis bien à l'aise, encore une fois, d'en parler, puisque lors
de cette discussion sur le salaire des juges, j'avais exprimé
l'idée que si j'étais contre l'augmentation du salaire des juges,
ce n'était pas dû au fait que j'avais la conviction qu'il ne
devait pas être augmenté, mais que je croyais que les
circonstances sociales étaient telles qu'on ne pouvait se le permettre
décemment.
Egalement, M. le Président, lors de ce débat, je
m'étais engagé du point de vue du salaire des
députés, puisque, si je me réfère aux notes du
journal des Débats du temps, je peux constater et n'importe qui
pourra le constater que j'avais également formulé
l'opinion que si, à ce moment-là, un projet de loi avait
demandé l'augmentation du salaire des députés, je m'y
serais également opposé, non pas parce que je croyais que les
députés n'avait pas un rôle assez astreignant à
remplir pour ne pas mériter d'une certaine façon une augmentation
de salaire, mais parce que, encore une fois, les conditions sociales
étaient telles qu'on pouvait difficilement se l'accorder.
M. le Président, si je suis aujourd'hui contre l'augmentation du
salaire des députés, c'est tout simplement non pas pour le
plaisir de faire un "filibuster", non pas pour le plaisir de donner suite
à une résolution du conseil national de mon parti, mais parce que
je crois très sincèrement remarquez que certains me diront
que je me trompe qu'une augmentation du salaire des
députés de l'ordre qui est proposé dans le projet de loi
n'est pas acceptable.
UNE VOIX: Ce n'est pas assez?
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, c'est extravagant. C'est
aussi simple que cela.
M. le Président, autrement dit, si nous sommes, personnellement,
contre l'augmentation du salaire des députés, c'est
sérieusement et dans un esprit de logique. Les membres de
l'Assemblée nationale, on le sait, ont un privilège qu'aucun
groupe de citoyens n'a, à savoir celui de pouvoir se voter
eux-mêmes une augmentation de salaire. C'est un redoutable
privilège qui amène des avantages, mais qui comporte aussi des
responsabilités. Je crois que la population, lorsqu'elle nous
élit, lorsqu'elle continue d'accepter que le salaire des
députés
soit décidé par l'Assemblée nationale, c'est
qu'elle a la conviction que ceux qu'elle a élus n'abuseront pas de ce
privilège, mais en useront d'une façon raisonnable et
acceptable.
Il est évident que c'est difficile d'être bon juge dans sa
propre cause, et c'est ce que nous impose ce projet de loi. Il nous oblige,
nous, chacun des députés, à être juge dans notre
propre cause, à savoir si, dans les circonstances actuelles, il est
normal ou décent de se voter une augmentation telle que celle qui est
proposée?
M. le Président, je crois que face à cela il y a une
première responsabilité que nous devons avoir, celle de consulter
avant de décider dans notre propre cause.
En ce qui nous concerne, nous, du Parti québécois, nous
n'avons pas eu peur de consulter les instances de notre parti. D'une part, nous
avons consulté l'exécutif national de notre parti; d'autre part,
nous n'avons pas hésité une seconde avant de
référer et c'est nous qui avons pris la décision
cette décision finale au conseil national du parti.
Nous savions ou tout au moins nous avions une bonne appréhension
de la décision qui pouvait être prise par le conseil national
à ce moment-là. Cependant, nous avons consulté. Et, encore
une fois, je crois que ceux qui se votent les yeux fermés un salaire
sans avoir consulté autour d'eux remarquez que, s'ils pensent
qu'ils ont raison, c'est leur problème ne suivent pas le
cheminement qu'on doit suivre.
Nous n'avons pas eu peur d'aller...
M. LACROIX: Vous êtes en tutelle, comme les gars de la
FTQ-construction.
M. BEDARD (Chicoutimi): Le député des Iles-de-la-Madeleine
a beau dire ce qu'il voudra; je peux lui dire que dès le début,
j'ai toujours été très ferme à l'idée que
nous ne devions pas avoir d'augmentation.
M. LESSARD: C'est vrai.
M. BEDARD (Chicoutimi): Vous m'oubligez à le dire mais je peux
vous le dire très sincèrement.
M. LACROIX: J'aime cela hypocrite comme ça.
M. BEDARD (Chicoutimi): Si j'ai exprimé une fausseté, je
permets à n'importe qui de mes collègues de l'Opposition, et
même je le leur demanderai, de rectifier. C'est à ce
point-là. Je peux vous affirmer que cette décision est
très personnelle.
M. LACROIX: ... le plus hypocrite.
M. BEDARD (Chicoutimi): Nous n'avons pas eu peur de consulter le conseil
national du parti, ce qui veut dire consulter au moins 110 représentants
de chacun des comtés du Québec qui, lors d'une discussion
très ouverte, ont exprimé leurs opinions. A l'occasion de cette
réunion, des opinions dans un sens comme dans l'autre ont pu être
exprimées, avec le résultat que ce conseil national s'est
prononcé contre l'augmentation du salaire des députés.
Mais il aurait dit oui à l'indexation, conditionnelle-ment à des
assurances que nous devions'avoir de la part du gouvernement, à savoir
que, s'il permettait une indexation pour les députés, à ce
moment-là il se devait de permettre la réouverture des
conventions collectives pour donner l'occasion aux travailleurs du
Québec de pouvoir réclamer eux aussi cette indexation sans
être astreints à des grèves illégales, ou à
la réclamer d'une façon illégale.
Egalement, le conseil national a posé une autre condition, celle
d'obtenir que le salaire minimum soit augmenté. C'est mon opinion
personnelle mais je puis vous dire que je suis fier de la décision qui a
été prise par le conseil national de mon parti et je suis fier de
suivre la recommandation de ce conseil national, de cette instance
suprême du parti entre les congrès. Je sais que ça surprend
beaucoup les libéraux.
Ils ne peuvent pas comprendre, eux, que des députés
puissent respecter et reconnaître surtout qu'il y a, à
l'intérieur de leur parti, une instance qui est au-dessus d'eux,
même s'ils ont été élus par la population, mais qui
leur permet...
M. BOURASSA: Vous êtes les valets.
M. BEDARD (Chicoutimi): Allez-y, si vous voulez faire une remarque,
allez-y.
M. LESSARD: On n'est pas les valets de la haute finance.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre! ... A l'ordre! ... A
l'ordre! La parole est à l'honorable député de
Chicoutimi.
M. LESSARD: Valets de la haute finance.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre!
M. BEDARD (Chicoutimi): J'aime mieux, en tout cas, être le
serviteur du conseil national de mon parti que le serviteur de la haute
finance, soyez-en sûrs.
M. LESSARD: C'est cela.
M. BEDARD (Chicoutimi): II n'y a pas d'inquiétude de ce
côté.
M. LESSARD: Les valets.
UNE VOIX: Le député de Chicoutimi...
M. BEDARD (Chicoutimi): Je sais, M. le Président, que cela
surprend les libéraux...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. BEDARD (Chicoutimi): ... de voir que des...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre!
M. BEDARD (Chicoutimi): ... députés acceptent de suivre
une recommandation faite par une instance de leur parti.
UNE VOIX: Vous êtes bons comme...
M. BEDARD (Chicoutimi): Cela montre, M. le Président, d'une
façon très claire que dans le Parti québécois,
quand on parle d'une instance, quand on parle de participation et quand on
parle d'instance de décision, on n'en parle pas juste pour le plaisir.
Ce ne sont pas des conseils nationaux dans le genre du Parti libéral, M.
le Président. Ce sont des conseils nationaux qui, d'une certaine
façon, peuvent lier, sur des choses raisonnables, les
députés qui ont à les représenter ici en cette
Chambre.
M. le Président, je le répète, même si les
libéraux en cette Chambre ont l'air de murmurer pour rien, je suis fier
de la décision qui a été prise par les membres du conseil
national du parti parce qu'ils ont tenu compte... Ce n'était pas leur
cas qu'ils avaient à juger, c'était le cas d'autres personnes.
Nous, nous jugeons notre propre cas et, à ce moment-là, je le
répète, nous sommes de mauvais juges au départ, M. le
Président. Qu'on ne vienne pas nous dire, comme je l'ai entendu tout
à l'heure, que si on augmente le salaire des députés, cela
va amener de meilleurs candidats, plus valables pour les prochaines
élections. Augmentez-les pour le 1er janvier, est-ce qu'il y en a dans
cette Chambre qui sont prêts à donner leur siège à
un candidat plus valable qui accepterait de venir siéger à leur
place parce que le salaire sera augmenté? Est-ce qu'il y en a...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. BEDARD (Chicoutimi): ... qui vont accepter de ne pas se
représenter? Est-ce qu'il y a des nouilles qui vont accepter de ne pas
se présenter à la prochaine élection, parce que le salaire
ayant été augmenté ils ont la possibilité qu'un
candidat plus valable puisse...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. BEDARD (Chicoutimi): ... se présenter?
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre! ... A l'ordre, s'il
vous plaît! ... A l'ordre! Un peu de calme. Un peu de calme, s'il vous
plaît! Point de règlement, l'honorable député de
Johnson.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, en vertu de notre
règlement, il y a des expressions qu'on ne doit pas employer. Quelle est
la nouille?
M. LESSARD: Est-ce que c'est antiparlementaire? Précisez-le donc,
si c'est antiparlementaire.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): La parole est à
l'honorable député de Johnson.
M. BEDARD (Chicoutimi): Vous participiez...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre, s'il vous plaft!
L'honorable député de Johnson.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre!
M. BELLEMARE (Johnson): Cela ne me ferait rien le moyen âge.
Insultez-moi, comme vous voudrez, mais cela ne changera pas ma gentilhommerie
à l'endroit de tous les députés.
M. LESSARD: Vous êtes bien payé, cela va vous faire oublier
cela.
M. BELLEMARE (Johnson): Je n'ai pas besoin de cela, j'ai
accepté...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): L'honorable député
de Johnson.
M. BELLEMARE (Johnson): ...j'avais $21,000 et j'ai accepté
$15,000. Voyons donc, soyez donc raisonnables!
M. LESSARD: Là, cela va vous donner le salaire...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. BELLEMARE (Johnson): Voyons donc! Voyons donc! Ce n'est pas pour cela
que je me bats, pas du tout. Je dis ce soir qu'on n'a pas le droit
d'employer...
M. LESSARD: Ce n'est pas ce que vous avez dit l'autre jour.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre!
M. BELLEMARE (Johnson): Je dis, M. le
Président, qu'on n'a pas le droit d'employer à l'endroit
des parlementaires ici l'expression "nouilles". M. le Président, ce
n'est pas raisonnable, ce n'est pas parlementaire. Quand bien même vous
voudriez m'insulter, cela ne changera pas mon impression.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): La parole est à
l'honorable député de Chicoutimi et j'aimerais que l'honorable
député s'en tienne à la pertinence du débat. Et
surtout...
M. BEDARD (Chicoutimi): Ah! bien écoutez, M. le Président,
je ne suis pas d'accord...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre! ... A l'ordre! ... A
l'ordre! Je vous demande de prendre bien note de ce que je vais vous dire,
c'est de faire attention aux expressions que vous allez employer. La parole est
à l'honorable député de Chicoutimi.
M. LESSARD: Est-ce que c'est de la menace?
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): Autrement, je vais être
obligé de vous faire retirer vos paroles.
M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce que vous avez une parole à me
faire retirer dans ce que j'ai dit jusqu'à maintenant?
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): Si vous recommencez, je vous le
ferai retirer.
M. BEDARD (Chicoutimi): En avez-vous une à me faire retirer
jusqu'à maintenant?
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): Je vous dis de continuer et
dépêchez-vous pour ne pas écouler votre temps.
M. BEDARD (Chicoutimi): Comment, dépêchez-vous! Je vais
prendre le temps que j'ai à ma disposition.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): L'honorable député
de Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): Tantôt on a eu un président qui
commence à nous conseiller sur la façon d'intervenir à
savoir si on intervient habilement ou pas, là maintenant on va avoir un
président qui nous donne des directives sur ce qu'on a à dire. On
n'acceptera pas cela.
M. LESSARD: Des présidents libéraux.
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, on a, tout à
l'heure, fait un tableau de l'importance du député dans la
société. Mais oui, il est important le député dans
la société.
D'accord, mais cela ne lui donne pas tous les droits. Ce n'est pas parce
qu'il a un rôle responsable à remplir qu'il doit, au nom de cette
même responsabilité, se permettre de se voter n'importe quelle
sorte de salaire, M. le Président. Mais oui, il est important le
rôle de député dans la société
québécoise, mais il est important aussi le rôle de
député dans la société ontarienne, dans la
société des dix provinces du Canada, et pourtant, nous nous
apercevons que le salaire du député du Québec ne fait pas
pitié par rapport à celui des députés des autres
provinces du Canada. Au contraire, c'est l'un des plus
élevés.
M. le Président, si le gouvernement dit non à
l'augmentation du salaire des députés, ce ne sera pas la
première fois qu'il dit non à des demandes qui peuvent être
justifiées. Je pense que lorsque les travailleurs demandent l'indexation
de leurs salaires, c'est une demande justifiée et pourtant on dit non.
Je pense que lorsque les personnes âgées demandent à
pouvoir au moins recueillir le bénéfice de l'indexation de leur
pension de vieillesse, plutôt que de voir cette indexation-là
aller à la maison ou à l'institution où ils sont
hébergés, je pense que c'est une bonne demande, c'est une demande
justifiée. Pourtant le gouvernement dit non. Lorsque les assistés
sociaux de Montréal demandent que l'excédent de leur taxe d'eau
soit payé par le gouvernement, il me semble que c'est une demande
justifiée.
Vous allez me dire, M. le Président, que l'augmentation des
députés est justifiée elle aussi, mais même
justifiée, je crois, étant donné la situation qu'on doit
prendre la responsabilité de dire non à cette
augmentation-là même si, dans l'esprit de plusieurs, elle serait
justifiée.
Nous avons, comme parlementaires, comme élus de la population,
pas seulement des avantages à recueillir, nous avons aussi un exemple
à donner. Je pense que cette occasion qui nous est fournie par ce projet
de loi est une occasion que ne devraient pas rater les membres de
l'Assemblée nationale. Les membres de l'Assemblée nationale ne
devraient pas mettre de côté la possibilité de remettre
à plus tard cette augmentation de salaire, mais avant de
présenter un projet dans ce sens-là, on devrait procéder
à une période d'information de la population sur le rôle du
député, sur le rôle astreignant, le rôle quand
même difficile, le rôle à temps plein, j'en conviens, d'un
grand nombre de députés de cette Assemblée nationale.
Ce sujet étant si délicat, à savoir: se voter
soi-même une propre augmentation de salaire, il me semble que ce ne doit
pas être une décision qu'on prend à la vapeur en profitant
des mesures de fin de session. Il ne faut pas se surprendre si la population a
toujours l'impression d'une "gang" d'hypocrites qui se votent un salaire. C'est
tout simplement qu'on emploie toujours les fins de session pour amener de
telles mesures qui, on le sait d'avance, vont être discutées au
niveau de la population et qui vont recueillir des protestations.
C'est normal que la population proteste, parce qu'elle n'est pas assez
informée sur le rôle du député. On ne peut pas faire
grief à la population, qui regarde dans quelle situation elle est,
d'avoir un mouvement de protestation vis-à-vis des gens...
M. VEILLEUX: Vingt minutes, M. le Président. C'est assez.
M. BEDARD (Chicoutimi): ... qui se votent un salaire...
LE PRESIDENT: Finissez votre phrase.
M. BEDARD (Chicoutimi): ... en donnant l'impression de ne pas avoir
réfléchi suffisamment avant de le faire. Merci, M. le
Président.
M. BOURASSA: Vote. DES VOIX: Vote.
M. MARCHAND: M. le Président, question de règlement, s'il
vous plaît. Celui qui vient de parler a dit: Une bande d'hypocrites qui
se votent des salaires.
M. BEDARD (Chicoutimi): Non, ce n'est pas ça.
M. MARCHAND: Je trouve beaucoup plus hypocrites ceux qui vont prendre le
salaire et qui n'osent pas le voter.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président...
M. BEDARD (Chicoutimi): Vous n'avez qu'à le retirer, votre projet
de loi, et nous n'en aurons pas.
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Je rappelle à
l'ordre les députés de cette Chambre et j'accorde la parole
à l'honorable député de Saint-Jacques.
M. Claude Charron
M. CHARRON: M. le Président, lors de la période des
questions hier matin et dans son discours de deuxième lecture hier
après-midi, le premier ministre et le leader du gouvernement m'ont fait
l'honneur de référer à une intervention que j'ai faite
lors de l'étude de vos crédits, au mois de juin dernier.
Evidemment, ce collégien au "scrap-book" qui nous sert de premier
ministre a eu bien soin, comme habitude, de se référer à
une seule partie de l'intervention.
M. BELLEMARE (Johnson): Un peu de respect.
M. CHARRON: De la même façon, le leader du gouvernement, si
je n'étais...
M. MALOUIN: Cela n'a pas de bon sens.
M. CHARRON: ... intervenu lors d'une affirmation catégorique de
sa part, se serait contenté de citer certaines affirmations, que je suis
prêt à reprendre ce soir, sans aller jusqu'à la fin de mon
intervention.
Je profite donc du fait que vous m'avez reconnu, M. le Président,
pour reprendre littéralement cette position que j'avais affirmée
le 7 juin dernier et qui est actuellement encore la position que je
défends à l'Assemblée nationale, sans intervention autre
que celle que j'avais déjà exprimée à ce
moment.
M. BOURASSA: Cela fait mal.
M. CHARRON: C'est vrai qu'en juin dernier j'avais affirmé que la
possibilité de rajustement du salaire des membres de l'Assemblée
nationale était à considérer. Je réaffirme ce soir
qu'il est encore possible et éventuel de réévaluer le
salaire des députés de l'Assemblée nationale.
J'avais dit à ce moment et je me cite, ce que n'ont pas
fait le premier ministre et le leader du gouvernement hier comparant le
salaire des membres de cette Assemblée à ce qui se donne
actuellement dans l'industrie privée: Un salaire de $15,000 dans
l'industrie actuellement, c'est très souvent un salaire de cadre moyen.
Un cadre moindrement supérieur va facilement atteindre $20,000 et les
entreprises c'est plutôt les postes de direction vont
facilement monter à $25,000. Donc, encore une fois pour reprendre les
propos du député de Roberval je pourrais dire la
même chose ce soir, puisque j'interviens encore une fois à la
suite de l'intervention du député de Roberval si notre
comparaison ne devait tenir qu'à cette échelle les justifications
en faveur d'une correction du traitement à la hausse pour les
députés pourraient éventuellement être
considérées et retenues. Mais là n'est pas la question.
Nous ne savons pas sur quels critères évaluer le traitement des
individus dans la société capitaliste dans laquelle nous vivons.
Devons-nous prendre le critère des heures de travail et de la charge?
Devons-nous prendre le critère des responsabilités? Devons-nous
prendre comme critère la façon dont on assume des
responsabilités, disant que quelqu'un qui assume mal ses
responsabilités se verrait retenir son salaire et que quelqu'un qui se
dévoue amplement aurait droit à être augmenté? Je
disais: "Non. Dans la société libérale dans laquelle nous
vivons, il n'y a pas de critère quant au revenu qui soit basé sur
l'intelligence, le dévouement, la disponibilité ou même la
formation technique. Rien de cela n'a été établi comme
critère de revenu" dans notre société. "Dans la
société marquée par le profit dans laquelle nous vivons,
n'importe qui, s'il a les
quelques qualités suffisantes pour devenir un profiteur
quelqu'un qui fait du profit peut se retirer avec un revenu
supplémentaire alors que des gens tout aussi intelligents mais moins
dotés, au départ, de chance vont continuellement demeurer au
même niveau de revenu. "Cette absence de critère fondamental dans
l'établissement des revenus dans une société capitaliste
et cette concurrence ouverte, cet appel "au plus fort la poche" qui a
été dénoncé par tellement de gens, à
commencer par les gens d'en bas qui en font les frais, des gens comme ceux que
je représente à l'Assemblée nationale, que le
député de Sainte-Marie représente, que bien d'autres
collègues représentent à l'Assemblée nationale, que
le premier ministre représente à l'Assemblée nationale.
Ces gens-là ils ont fait les frais de cette course
effrénée aux profits dont le résultat est un écart
de revenu entre le plus gros et plus petit, qui porte en soi une injustice
inacceptable".
Je continue, M. le Président, cette intervention du 7 juin
dernier. "Si je suis de ce côté de la Chambre, si j'ai opté
pour cette position sociale et politique que véhicule le Parti
québécois auquel j'ai adhéré, c'est parce que je
sentais en lui un engagement à combattre cette injustice, qui est propre
à la société libérale, de l'écart des
revenus. Cet écart des revenus, les députés du Parti
québécois l'ont combattu à chaque occasion. D'abord, nous
avons combattu des hausses de ceux qui étaient déjà en
haut. Rappelons-nous simplement ce débat sur le salaire des juges, que
nous avons eu en décembre dernier". En même temps, nous avons
exigé que ceux qui sont en bas remontent vers ceux qui occupent un plus
haut niveau et qu'on diminue cet écart d'une société
économiquement divisée comme la nôtre, que ce soit par nos
propositions, celle faite par le député de Maisonneuve, sur le
salaire minimum, en mai dernier, par les remarques que nous avons faites sur
l'indexation de l'impôt, qui est toujours refusé par le
gouvernement d'en face, par exemple, ou les remarques que nous avons faites,
lors de l'étude de la Loi de l'aide sociale, par les remarques encore
pertinentes du député de Maisonneuve sur les ajustements
nécessaires pour les accidentés du travail et encore pour tous
ceux qui dans le simple milieu de travail réussissent à peine
à suivre l'évolution du coût de la vie. "C'est aussi
important, je dirais, que l'idée d'indépendance du Québec
qui est liée au parti que je représente, dans le programme social
et économique, cet engagement que nous avons et que les membres de notre
parti nous ont donné de combattre par tous les moyens l'écart des
revenus, ou tenons-nous en à cela, M. le Président, de ne pas
l'augmenter, parce qu'il est à nos yeux source
d'inégalités, source d'injustices, source de problèmes et,
en quelque sorte, amène des conséquences inhumaines sur la vie de
certains de nos concitoyens. "La société dans laquelle nous
vivons a pour effet, dans une spirale, d'enrichir les riches et d'appauvrir
quotidiennement les pauvres. Si, bien sûr, la classe moyenne obtient une
certaine hausse de revenu, elle n'obtient cette hausse qu'après que ceux
qui occupent le sommet se sont déjà servi une considérable
et substantielle hausse à leur profit, le mot ne peut pas être
mieux employé, à l'occasion," vous disais-je le 7 juin dernier,
M. le Président. "Quant à cet écart de revenu dans les
sociétés, je ne rêve pas en couleurs. Je ne pense pas que
ce soit un jour pensable et même souhaitable, pourrais-je aller
jusque-là, d'imaginer que tout le monde, dans toute la
société, du président de la république jusqu'au
travailleur le plus humble et le plus occasionnel, je dirais, reçoive
mensuellement, comme on a aimé caricaturer certains régimes
à l'occasion, la même paye, soit habillé de la même
façon, mange aux mêmes endroits et aient le même niveau de
vie. Cela c'est de la folie furieuse". Et ceux qui prétendent que c'est
cette version de la société que nous prétendons sont des
démagogues. "D'ailleurs il n'y a pas de société au monde
qui nous donne un exemple pour nous prouver le contraire; donc partons de cela.
Dans une société, quelle qu'elle soit, il existera des
écarts de revenu qui seront toujours basés d'ailleurs sur des
facteurs impondérables. Jamais, je ne pense qu'une société
arrivera à établir ses échelles de revenu selon
l'intelligence, par exemple, ou bien selon le dévouement ou selon
l'honnêteté. Tous ces facteurs sont absolument en dehors de
l'analyse quand on vient à fixer les revenus. Non, la nôtre, la
société dans laquelle on vit, quand il vient le temps de fixer
ses échelles de revenu, emploie le critère le plus sauvage, je
dirais. C'est la force utilisée par la force uniquement et les faibles
n'ont de force que le nombre et encore ce nombre-là ne joue-t-il
qu'à certaines occasions. "Le seul domaine c'est peut-être
la fin de mon intervention mais je la voudrais la plus précise possible,
vous disais-je, M. le Président dans cette économie
libérale où nous vivons, où aucun facteur rationnel ne
vient jouer pour expliquer les échelles de revenu... s'il est un
régulateur qui doit jouer dans la vie économique de cette
société, c'est l'Etat, c'est le pouvoir politique".
Le développement du rôle politique de l'Etat comme
régulateur de l'économie, je pense, a marqué le
XXème siècle. Même dans les sociétés les plus
libérales, et prenons celle de nos voisins du Sud, la plus capitaliste,
l'Etat intervient de plus en plus.
Je crois, vous disais-je, le 7 juin, que ce rôle régulateur
du politique contre l'économique dans une société, c'est
à nous, les premiers, de l'assumer. Le fait que nous avons choisi, nous
personne ne nous a obligés à venir ici ce soir, personne
ne nous a forcés à quémander le rôle qu'aujourd'hui
on voudrait présenter comme une torture, si on se fie aux descriptions
folkloriques et caricaturales du député de John-
son le fait que nous avons pris soin, nous, d'intervenir dans le
domaine politique pour transformer cette société, plutôt
que de nous diriger dans le champ économique, devrait avoir sur nous
tous les conséquences du rôle que nous avons à sssumer.
Le seul pouvoir qui puisse, aujourd'hui, contrer les effets, je dirais,
naturels du système économique que nous avons,
c'est-à-dire l'écart dans l'échelle des revenus, c'est le
pouvoir politique. C'est ici que cela doit commencer, vous disais-je le 7 juin.
Par une déclaration de principe des députés de
l'Assemblée nationale, comme quoi nous refusons d'allonger inutilement
cette échelle de revenus et d'augmenter l'écart entre les classes
sociales, que ce soit d'ici que cela parte et que, par la suite, cela se
réflète dans les lois que nous voterons, que plus jamais ne
réapparaissent, une fois que nous aurons pris cet engagement de
principe, des lois qui viendront, encore une fois, augmenter le salaire des
privilégiés, qui permettront, encore une fois, par des exemptions
fiscales, que certains gros dirigeants d'entreprises remplissent leurs poches
et que certaines grosses compagnies pétrolières évitent
par exemple les rigueurs du fisc.
Que le premier engagement que nous prendrions soit en même temps
un engagement que nous irons annoncer dans tout le Québec. Que
l'Assemblée nationale s'engage, je ne dis pas à combattre, le mot
serait peut-être encore trop fort pour les députés d'en
face, mais au moins à ne plus favoriser les écarts de revenus
entre les citoyens.
M. BOURASSA: Avec l'indexation?
M. CHARRON: Encore une fois, sans viser le modèle
complètement égalitaire, je crois et je vous disais ceci
le 7 juin que si nous devions avoir un jour un débat sur un
projet de loi que le gouvernement se déciderait à apporter, c'est
dans ces termes aussi précis que ceux que j'ai employés ce matin
que nous devrions l'aborder.
Je n'interviens pas de cette façon, vous le voyez, parce que le
conseil national du Parti québécois a
réitéré en fin de semaine dernière une position que
je vous énonçais le 7 juin dernier. Si j'interviens ici, ma
conduite n'est dictée par personne d'autre que ceux qui m'ont élu
et qui exigent de l'Assemblée nationale une conduite exemplaire dans
cette période d'inflation. Qu'est-il intervenu? Qu'est-il arrivé
depuis le 7 juin où je m'adressais à vous dans les termes que je
viens de citer?
Il est arrivé que l'inflation a continué à galoper,
avec le sourire béat et le contentement de tous ceux qui dirigent le
gouvernement québécois actuellement. Il y a eu...,
M. BOURASSA: On n'est pas content!
M. CHARRON: ... à moult reprises, le refus d'indexer
l'impôt des citoyens. Toutes les suggestions de l'Opposition pour
combattre l'inflation ont été refusées par le
gouvernement, mais c'est aujourd'hui que les paroles que je vous disais le 7
juin dernier ont encore plus de poids. Non seulement a-t-on refusé cette
proposition que nous avons faite maintes fois et qui est conditionnelle,
à notre avis, avant que nous envisagions tout réajustement de
salaire des députés, a cette ouverture des conventions
collectives, qui en ont encore pour au moins un an à exister et dans
lesquelles sont enfermés des travailleurs, véritable provocation
à des grèves illégales, eux qui doivent subir sans
protection la hausse du coût de la vie.
Nous avons aujourd'hui, sans que les correctifs à l'endroit de
nos plus faibles concitoyens aient été soumis, non seulement un
dépôt de projet de loi qui a oublié ces concitoyens mais
qui exagère en même temps. Car on a beau présenter le
projet de loi comme un seul rattrapage, c'est inexact. $21,000 au 1er avril
1974, selon les termes du projet de loi, ce n'est pas un rattrapage. C'est une
augmentation de $3,000 qui aurait été un rattrapage.
Puis-je vous signaler certaines des propositions carrément
inacceptables dans ce projet de loi qui font que, non seulement il arrive
après que le gouvernement eut été symbolisé par son
inaction devant l'inflation, non seulement arrive-t-il comme une provocation
sociale mais il contient des dispositions absolument dégoûtantes
et dégueulasses, M. le Président.
Si le règlement me le permettait, je pourrais vous
référer à l'article 8 du projet de loi que nous sommes
à discuter. Voyez-vous cette disposition, M. le Président, qui
n'a sans doute pas échappé à l'attention de quelques-uns
de mes collègues et qui a certainement contribué à leur
évaluation du projet de loi? Non seulement dit-on que les chefs de
partis reconnus à l'Assemblée nationale recevront maintenant une
allocation supplémentaire de $9,450, en plus des $8,000 d'augmentation
de salaire et des $4,000 de rétroactivité, M. le
Président, mais, on la verse aux chefs écoutez ceci
de partis qui ont été reconnus sous la présente
Législature ou "lors de la Législature précédente",
M. le Président.
Quelle est la justification, aujourd'hui, de leur accorder un statut
privilégié sinon celle de vouloir sauver des partis qui ont
littéralement été balayés de la carte? Quelle est
la justification? Quel ministre me fournira la justification de vouloir sauver
la face à trois députés qui sont ici les vestiges de
partis politiques disparus, qui ne sont pas des partis reconnus? Où est
la justification d'accorder au député de Rouyn-Noranda, au
député de Johnson, en plus des $8,000 d'augmentation que tous les
députés auront, en plus des $4,000 que tous les
députés auront de rétroactivité, une allocation
supplémentaire parce qu'ils étaient des partis reconnus lors de
la précédente Législature? C'est honteux! C'est de l'achat
public, face à tout le monde, M. le Président! Le
député de Rouyn-Noranda et le député de Johnson se
sont bien gardés d'intervenir dans ce domaine.
Que penser de cette autre disposition qui
touche les leaders des partis anciennement reconnus, comme s'il n'y
avait pas eu de décision de la population, le 29 octobre 1973, comme si
la population n'avait pas dit qu'il fallait limiter à leur plus simple
expression ces vestiges politiques du 19e siècle, comme si le peuple ne
s'était pas prononcé, à un moment donné. On
décide de maintenir au leader d'un ancien parti reconnu une allocation
de .40 de l'indemnité, ce qui signifie $8,400, M. le Président.
Pour nos honorables collègues de l'Opposition, c'est toute une somme qui
se trouve en jeu derrière ce projet de loi.
Et c'est cela, aujourd'hui, qu'on veut présenter comme une
justification, à cause de la charge énorme de travail? Le
député de Johnson, hier, qui voulait nous émouvoir et nous
ébranler sur la charge du député, ne nous a pas
signalé comment il s'était intéressé au paragraphe
3 de l'article 8 du projet de loi, M. le Président. Lui qui disait la
difficulté des hommes publics d'être constamment attaqués,
d'être des cibles dans leur conduite, il ne nous a pas dit comment il
était entré à l'Assemblée nationale, M. le
Président. Les députés libéraux, qui l'acclamaient
parce qu'il venait à leur rescousse, ne nous ont pas rappelé la
campagne électorale de Johnson, contre qui le député de
Johnson a fait sa campagne et en quels termes il a fait cette campagne. Ce
collègue que vous avez perdu, le député de Johnson ne l'a
pas ménagé et il était député, le Boutin en
question, au moment de l'élection.
M. le Président, tous ces appels folkloriques du passé,
toute cette démagogie qu'on fait autour du rôle du
député ne peuvent pas faire ignorer que nous sommes vraiment des
privilégiés dans cette société. Personne ne nous a
forcés à aller en politique. Chaque fois que j'ai entendu des
députés dire: Je ne vois pas ma famille, je ne vois pas ma femme,
j'élève mes enfants par téléphone, M. le
Président, jamais...
M. HARDY: Ce n'est pas un problème pour vous, n'est-ce pas?
M. CHARRON: Personne n'a forcé quiconque à entrer en
politique. Nous y sommes allés parce que nous avions la conviction que
nous avions quelque chose à y faire.
Je suis d'accord, M. le Président...
M. LEVESQUE: Une question de privilège. Le député
de Saint-Jacques pourrait-il en rester à la pertinence du débat
ou, au moins, à la pertinence de ce qui le regarde personnellement?
DES VOIX: Ha! Ha!
M. CHARRON: Est-ce que je peux vous demander, à moins que vous ne
soyez un hypocrite, de me donner la même latitude que vous avez
accordée en vous bidonnant, hier soir, au...
M. BELLEMARE (Rosemont): Question de règlement.
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! ... A l'ordre!
Question de règlement, l'honorable député de
Rosemont.
M. BELLEMARE (Rosemont): Un point de règlement.
M. LEVESQUE: Je veux simplement répondre à la question
un instant, s'il vous plaît du député de
Saint-Jacques. Je suis bien prêt à lui laisser de la latitude et
nous écoutions avec grand intérêt son intervention,
mais...
UNE VOIX: Un bon "show"!
M. LEVESQUE: ... lorsqu'il a commencé à parler des charges
de famille, des femmes, des enfants et de tout cela, j'ai dit: Laissez donc
cela aux autres.
DES VOIX: Ha!
M. CHARRON: Mais, M. le Président...
M. BELLEMARE (Rosemont): Point de règlement, M. le
Président.
Je demanderais à l'honorable député de
Saint-Jacques de retirer le mot "hypocrite" qu'il a prononcé.
M. BURNS: M. le Président, c'est une question qui a
été posée: Est-ce que nous serions des hypocrites?
M. SAINT-PIERRE: C'est la façon du PQ.
M. HARDY: Cela démontre qui vous en êtes quand vous
utilisez cette formule.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
M. BELLEMARE (Rosemont): Je demande encore une fois au
député de Saint-Jacques de retirer le mot "hypocrite".
LE PRESIDENT: Excusez-moi...
M. CHARRON: Je le retire de moi-même parce que, surtout à
l'égard du député de Bonaventure, je n'aime pas
l'employer. A l'égard du député de Rosemont, je ne
l'aurais pas retiré.
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plait. A l'ordre! A l'ordre,
messieurs! Un instant. Un instant s'il vous plaît, tout le monde, un peu
de calme. Je pense que je ne l'aurais pas fait retirer parce que lorsque vous
l'avez prononcé au départ, il ne s'adressait pas à un
député en particulier. J'ai bien apprécié que vous
disiez
qu'il ne s'adressait pas à l'honorable député de
Bonaventure, leader du gouvernement. Mais j'ai maintenant des craintes lorsque
vous l'adressez à l'un de vos collègues et je vous demanderais
d'avoir la même gentillesse que tout à l'heure et de le retirer
une deuxième fois.
M. CHARRON: Bien sûr, M. le Président, bien sûr.
LE PRESIDENT: D'accord. Maintenant, je vous préviens, votre temps
étant écoulé, je suis prêt à vous accorder
encore une minute.
M. CHARRON: Bien, M. le Président.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
M. CHARRON: Le show, $9,450...
LE PRESIDENT: A l'ordre! Ne provoquez personne. A l'ordre,
messieurs!
M. CHARRON: Si vous me permettez. LE PRESIDENT: Soixante secondes.
M. CHARRON: Nous sommes demeurés sur cette position que je vous
énonçais le 7 juin dernier. Nous considérons toujours
possible de réévaluer et de rajuster le salaire des
députés parce que moi aussi, comme mes collègues vous
l'ont énoncé, je considère improbable de continuer avec le
revenu actuel jusqu'à la fin de notre mandat, prévisible en
1977.
La position du Parti québécois est aujourd'hui ce qu'elle
était le 7 juin lorsque je vous l'ai annoncée. Envisageons des
correctifs. Je vous mentionnais, à ce moment-là, la charge des
bureaux de comté qui nous paraissait excessive par rapport à
l'allocation; je peux y revenir. Mais nous disons toujours, en vertu de cette
position que la place privilégiée que nous occupons dans la
société nous donne des obligations que nous ne pouvons pas
refuser du revers de la main.
Merci, M. le Président.
DES VOIX: Vote...
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Transports.
M. Raymond Mailloux
M. MAILLOUX: M. le Président, je vous avouerai bien franchement
qu'en date du 21 décembre, ce n'est pas de gaieté de coeur que
j'interviens dans ce débat et ce n'est pas mon intention de revenir sur
les sujets dont a parlé mon collègue le ministre de l'Industrie
et du Commerce sur l'argumentation qu'a également apportée le
leader parlementaire.
Si je dis que je n'aime pas parler en date du 21 décembre, c'est
que je suis de ceux qui, dans le Parlement, depuis 13 ans, ont toujours
contesté le fait que les Parlements soient obligés de
siéger après le 15 décembre parce que l'on sent davantage
à ce moment-là combien le parlementaire est coupé de sa
famille, des joies familiales dans une période de l'année
où chacun devrait s'y retremper un peu.
Je suis peut-être l'aîné du conseil des ministres et,
à mon arrivée en cette Chambre, il y avait un parlementaire qui
fut élu, au même moment, l'honorable député de
Montmagny, M. Jean-Paul Cloutier. Je me suis toujours efforcé d'imiter
ce parlementaire qui, à travers les injures des deux côtés
de la Chambre, est toujours resté l'homme digne qu'on a
rencontré. Je pense que dans le climat d'invectives que l'on
connaît présentement, à cette période qui s'en
vient, il serait peut-être sage que les parlementaires fassent un examen
de conscience et se demandent si le langage dont ils se servent à
l'endroit les uns des autres est un langage qui convient à des
parlementaires.
Je représente un comté qui est peut-être le plus
poli du Québec et je m'en serais toujours voulu d'apporter ici en cette
Chambre un langage que mes concitoyens m'auraient, par la suite,
reproché.
Mon prédécesseur en cette Chambre, le docteur Arthur
Leclerc, je pense, avait été également un digne
représentant de Charlevoix et s'identifiait bien à notre
population.
Dans le débat qui nous anime actuellement, qui veut que les
parlementaires se votent eux-mêmes des augmentations de salaire, je vous
dirai honnêtement et le plus franchement du monde que je serai toujours
prêt à défendre devant mes commettants l'augmentation qui
est, actuellement, sollicitée de la Chambre. Je crois avoir toujours et
en continuité répondu à l'appel de mes électeurs,
non pas seulement par instant mais à chacun des moments où les
plus démunis dont parle tellement le Parti québécois, les
assistés sociaux et les classes les plus démunies de la
société, paradent à longueur de journée dans nos
bureaux. Je n'ai aucune honte d'exiger le salaire qui convient à la
responsabilité qui est celle d'un législateur qui, en Chambre,
dans son comté, dans les tâches qui lui sont confiées, se
doit au moins d'avoir le nécessaire pour éviter toutes les
tentations dont un politicien peut être victime. Jamais un concitoyen ne
m'a reproché d'exiger un salaire valable.
M. le Président, je parle à bâtons rompus;
peut-être que mes propos ne se suivront pas mais ils viennent du fond du
coeur. Je me rappelle qu'à mon élection en 1962 j'étais
dans le commerce, j'avais une agence d'assurance. J'avais fait la promesse
formelle à mes électeurs que sans cesse, tant qu'ils me
donneraient leur confiance, je m'efforcerais, au meilleur de moi-même,
avec la relativité de mes moyens, de défendre les
intérêts de Charlevoix. Et je pense que, par la suite, le vote qui
m'a été donné, de
600 voix, de 1,200 voix, de 2,500, de 10,000, l'a prouvé
largement. A travers les cinq ou six augmentations de salaire que nous avons
obtenues, jamais personne ne m'a reproché d'exiger pour le travail que
je donnais un salaire convenable pour ma famille.
M. le Président, je disais qu'à mon arrivée en
politique, en 1962, avec le salaire de $8,000 que nous gagnions, il
n'était pas possible de faire vivre une famille. Et je rappelle un peu
à la mémoire de mes collègues, tels le
député de Johnson, le député de Bonaventure, les
conditions qui nous étaient faites dans les quatre premières
années, alors que chaque député rural, dans son
comté, se devait d'appeler à Québec à longueur de
journée. On s'est ramassé, après trois ans, avec $5,000 de
frais d'interurbains qu'il nous a fallu rembourser. C'étaient les
conditions qui nous étaient faites à ce moment-là. Ce
n'est pas Jean Lesage qui nous a remboursé; c'est Daniel Johnson,
à son arrivée au pouvoir, et celui qui est ici, le
député de Johnson, qui ont fait le nécessaire dans le but
de donner un traitement convenable aux députés. A ce
moment-là, j'avais dû vendre un chalet que j'avais bâti
à la force de mes bras, j'avais dû vendre une agence d'assurance
pour tâcher de faire vivre ma famille. C'étaient les conditions
d'alors.
Et vous pensez que, par la suite, je me serais gêné
d'exiger du Parlement qu'on puisse au moins me donner les moyens de faire vivre
ma famille? Jamais je n'ai été gêné, M. le
Président, d'obtenir, de demander et de signer la déclaration
qu'on nous fait faire. Et quand tantôt j'ai signé ma
déclaration pour retirer mes chèques de paye, j'ai marqué
zéro d'absence. Chacun qui signe, s'il était dans cette position,
aucun reproche ne lui serait fait nulle part dans la population.
M. le Président, quelqu'un a fait référence hier
soir au travail occasionnel que chacun de nous a à faire dans cette
Assemblée. Rares sont les parlementaires, dans l'avenir, tel le
député de Johnson, tel le député de Bonaventure ou
le député de Charlevoix, qui réussiront à passer
à travers d'une élection à l'autre et à obtenir une
pension qui permettra que le temps qu'ils ont passé dans la vie publique
puisse leur assurer au moins un revenu convenable pour se retremper ou
continuer leurs activités. J'ai fait, avant cette présente
session, un court voyage à Miami pour refaire mes forces, neuf jours. En
débarquant à l'aéroport de Miami, j'ai retracé une
personne à l'aéroport, peut-être mal habillée, un
travailleur qui forcément doit peiner pour gagner sa vie. Et j'ai
retracé quelqu'un qu'on a bien connu ici pendant quatre ans. On disait
souvent : On veut Audet. J'ai retracé l'ex-député
d'Abitibi-Ouest à l'aéroport, méconnaissable,
démuni. C'est le sort des politiciens avec des familles qui, dans un
courant comme celui qui a balayé la province la dernière fois, ne
comptant pas les valeurs, a renversé n'importe qui.
Je disais, hier, au député de Rouyn-Noranda, le conseil
que j'avais donné à ce moment-là à M. Audet: Aussi
démuni que vous l'êtes, ne vous gênez pas de venir au
gouvernement pour tâcher d'exiger de l'aide de la politique à
laquelle vous avez donné le meilleur de vous-même. Avec la
relativité des moyens qu'on connaissait du député Audet,
quand on connaît le sort qui est fait à ceux qui sont
rejetés immédiatement, on doit exiger que celui qui va dans la
politique, mais qui y va avec le meilleur de lui-même, ait au moins le
nécessaire pour faire face à ses obligations.
M. le Président, je n'ai pas l'habitude de faire de
personnalité dans cette Chambre. Je vous avertis d'avance, M. le
Président, que les paroles que je vais prononcer seront peut-être
dures. Elles ne s'adressent pas à des membres en particulier du Parti
québécois, elles s'adressent à la collectivité du
Parti que vous représentez. L'attitude que prend actuellement le Parti
québécois en associant l'augmentation des députés
québécois à l'impossibilité qu'a le gouvernement
d'augmenter, autant que le voudrait l'administration, le sort des
assistés sociaux et des démunis de la société, je
dis, moi, au Parti québécois, que c'est la plus basse
démagogie qu'on peut faire et le pire électoralisme.
M. le Président, dans le cours des mois derniers, il m'a
été donné de marier la dernière de mes filles. Elle
avait sept ans quand je suis entré en politique. Elle s'est
mariée à dix-neuf ans. Elle avait affronté, comme bien
d'autres enfants de politiciens, les réflexions qui sont faites dans
tous les collèges du Québec sur les hommes publics. C'est
celle-là de ma famille qui m'a le plus questionné depuis quelques
années sur toutes les attaques que l'on fait sur les hommes publics dans
les journaux, partout. A longueur de fin de semaine, chaque fois que j'arrivais
à la maison, questions sans arrêt. Pourquoi? Pourquoi?
Après le mariage, en soirée, en revenant dans ma chambre, elle
avait laissé un message qu'elle n'avait pas osé me laisser dans
la journée. Dans le message il était dit ceci: "J'espère
que mon époux, mon futur époux, réussira à
atteindre les sommets que mon père à atteints, ce fut un
idéal pour moi". Mais, plus loin c'était indiqué dans la
lettre, ceci: "Ce que je regrette davantage, c'est que ce père soit un
inconnu pour moi". Un inconnu pour moi! Toutes les femmes des
députés, qui ne demeurent pas précisément dans la
ville de Québec, ou dans la banlieue, elles ont à affronter
seules...
M. BELLEMARE (Johnson): C'est vrai!
M. MAILLOUX: ... toutes les difficultés qui arrivent dans la
maison. Et nos enfants ne sont pas exempts des accidents, ne sont pas exempts
de la maladie. Cela m'est arrivé dans mon cas des fils qui ont
laissé la classe parce que le père n'était pas en mesure
de donner les
directives; le dernier qui n'est pas marié, qui reprend la classe
après deux ans de chômage, d'assurance-chômage. C'est le lot
des politiciens, ça.
M. le Président, en terminant, je peux vous dire ceci.
L'augmentation qui est demandée par les parlementaires, je n'ai pas de
honte, moi, à ce qu'un député soit payé le salaire
qui est exigé. La semaine dernière, on m'a demandé, comme
ministre des Transports, comme ministre des Travaux publics, de verser,
à compter du 1er janvier, à des secrétaires, qui sont des
permanents ceux-là jusqu'à 65 ans et je ne leur en fait
pas grief $21, $22 et $23,000, ils n'auront jamais la
responsabilité d'un député qui voudra faire son ouvrage
dans un comté électoral.
En terminant, M. le Président, je ferai peut-être un grief
à l'endroit de certains des membres du parti ministériel, cela
pourrait s'adresser à eux, peut-être, si c'était 50-50 dans
cette Chambre, mais actuellement je sais que des députés
désoeuvrés ne sont pas intéressés à
être trop souvent à leur siège.
Il ressort que tout député qui est absent de la Chambre ne
fait pas son devoir. J'imagine qu'un député qui est en
liberté à compter du vendredi midi jusqu'au lundi soir et qui ne
se représente pas en Chambre, pour toute journée
supplémentaire à une journée, où il ne serait pas
ici, devrait être pénalisé, mais pénalisé au
complet. Cela suppose qu'une telle pénalité ne soit pas absoute
par une résolution de dernière instance, à la fin de la
session. Cela suppose ça.
M. le Président, c'étaient quelques paroles à
bâtons rompus. Je dis en terminant que, quel que soit le salaire que vous
vous voterez vous-mêmes, il y aura un juge et ce juge, il revient
souvent, à chaque élection, ce sont les électeurs. Ce
n'est pas toujours un courant qui fait élire les gens; c'est le
résultat et le rendement que le gars a donné.
M. LACROIX: Est-ce que le député de Saint-Jacques a
quelque chose à ajouter?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! Est-ce que la Chambre est
prête à se prononcer sur la deuxième lecture du bill
87?
DES VOIX: Vote.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, j'aurais quelques mots à dire.
Je dois dire que je suis très heureux, même si ce n'était
pas prévu ainsi, d'avoir à parler immédiatement
après le ministre des Transports, qui est sans aucun doute et je
n'ai aucune crainte de le dire l'un des ministres que j'estime dans ce
gouvernement et qui, sans doute, devrait être un exemple pour les autres
ministres de ce cabinet et devrait peut-être servir de portrait-robot au
premier ministre en vue de son remaniement ministériel qui doit
venir.
Ce que le ministre des Transports nous a dit et qui m'a
particulièrement touché et que je reconnais c'est
le problème que la situation parlementaire actuelle pose au
député. Je n'avais aucunement l'intention d'en parler, mais
puisque le ministre en a parlé, je pense que je vais m'attarder pendant
quelques minutes sur ce sujet.
Le ministre des Transports a dit je l'endosse entièrement
là-dessus que le parlementaire, dans la situation actuelle, est
une personne qui est coupée de sa famille. Et c'est assez fantastique
qu'on soit capable d'en parler à ce moment. Mais j'aimerais ne pas
laisser passer cette occasion d'imposer à qui de droit la
responsabilité de ça.
M. BOURASSA: Adoptez le projet de loi.
M. BURNS: Ne faites pas de farces avec ça, M. le premier
ministre; vous êtes le premier responsable! Par votre inertie ...
M. BOURASSA: Qui bloque l'adoption du projet de loi?
M. BURNS: ... par vos petites tactiques de fin de session, vous
êtes le premier responsable de la situation qui vient d'être
décrite par le ministre des Transports. D'accord?
M. BOURASSA: Vos "filibusters" à part ça?
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BURNS: M. le Président, je pense qu'il est essentiel de dire
que je suis entièrement d'accord sur cette partie du discours du
député de Charlevoix, ministre des Transports. J'ai
été de ceux vous le savez qui, lors de
l'étude de la réforme de nos règlements, de ce qu'on
appelle maintenant le code Lavoie qui disaient... Je ne nommerai pas les
autres participants à cette réunion, parce que, peut-être,
ils ont changé d'idée depuis.
Il y en a d'autres qui sont ici présents dans cette Chambre et
qui partageaient mon idée, tant du côté ministériel,
et je dirais même parmi des ministres actuels, que parmi des membres de
l'Opposition d'autres partis qui ont dit au gouvernement: II est temps que des
conditions de travail normales soient données aux députés.
La façon simple, M. le Président, que nous suggérions,
vous vous en souviendrez, c'était simplement d'avoir des sessions
à date fixe. C'était simplement de commencer des sessions
à certaine période, pour les finir à telle autre
période. Mais il y avait aussi un autre volet à cela. L'autre
volet et c'est là que le premier ministre devrait se sentir
visé et ne devrait surtout pas me faire des balivernes pendant que je
dis des choses sérieuses je vous parle de la
même façon que le ministre des Transports, je vous parle
simplement de quelque chose que je ressens depuis bientôt cinq ans
à cette Assemblée nationale, c'est la façon absolument
stupi-de et aberrante dont votre gouvernement mène ses sessions.
Si le ministre des Transports dit qu'il est absolument
incompréhensible qu'une catégorie de citoyens qui s'appellent des
députés d'accord, comme le dit le député de
Saint-Jacques qui ont voulu être élus, parce qu'ils se sont
présentés se fassent faire des conditions de travail absolument
impossibles, j'endosse ce que dit le ministre des Transports. Mais à qui
la faute, M. le Président? A qui la faute? Le premier ministre,
blagueur, nous dit: Réglez, adoptez le projet de loi puis cela va
être fini. Bien non ! Imaginez-vous donc que ce n'est pas notre
rôle de faire cela. Ce n'est pas notre rôle de nous plier en
dessous des tapis. Ce n'est pas notre rôle de nous plier devant tous les
petits désirs du gouvernement. Nous n'avons aucun désir de le
faire et nous avons surtout la volonté de faire exactement le contraire,
soit ce que nous envisageons comme étant notre devoir. Notre devoir, en
l'occurrence, c'est de rappeler aux députés ministériels
qui vont sans aucun doute, après toutes les conversations que j'ai eues
avec le premier ministre et le leader du gouvernement, qui vont, sans aucun
doute, j'en suis convaincu, l'adopter ce projet de loi, qui vont nous le forcer
dans la gorge, oui, oui.
M. BOURASSA: Cela vous tente aussi. Vous avez hâte qu'on l'adopte,
dans le fond.
LE PRESIDENT: A l'ordre! messieurs, s'il vous plaît.
M. BURNS: Ne faites pas de farce avec des affaires sérieuses.
Vous savez que je parle d'une affaire sérieuse... qui vont nous imposer,
avec leur majorité, ce projet de loi. Je suis le dernier de l'Opposition
officielle qui a droit de parole. C'est évident qu'une fois que mon
temps sera écoulé, il y aura un vote, il y aura une
deuxième lecture. Peu importe la façon selon laquelle nous
voterons, je suis convaincu que de l'autre côté, malgré
tout le sérieux avec lequel mes collègues et moi-même avons
tenté de vous poser le problème, vous n'avez rien entendu. Je dis
cela tout en admettant que tout ce que le ministre des Transports a dit est
parfaitement vrai. Tout ce qu'il a dit est parfaitement vrai.
M. BOURASSA: La basse démagogie du Parti québécois
comprise.
M. BURNS: M. le Président, je dois dire ceci, sauf cet aspect que
j'avais oublié, parce que je ne trouvais pas que c'était un
aspect essentiel de son discours. Mais quant au reste, c'est-à-dire le
fond de son intervention, je trouve, personnellement, que j'aurais pu
très bien le dire. Je trouve aussi que pendant qu'on s'apitoie sur le
sort des députés, pendant qu'on s'apitoie sur cette situation
absolument impossible qui, je l'admets est faite aux députés,
mais grâce à qui, grâce à l'incurie du gouvernement,
cela peut-être le ministre des Transports aurait dû le dire. Au
lieu de préparer les sessions de cette façon, on devrait dire:
Cette session-ci il y aura des projets de loi litigieux de telle, telle et
telle nature, et on les présente à des périodes normales,
plutôt que de les présenter en fin de session, et on est dans un
projet de loi qui est le plus bel exemple de cette attitude gouvernementale.
Puis, je n'ai qu'à retourner à toutes les fins de session que
j'ai connues à cette Assemblée-ci et cela a toujours
été ainsi.
Ce n'est pas le ministre des Transports que j'attaque là-dessus
mais c'est le premier ministre, qui, lui, devrait agir comme chef du
gouvernement...
M. BOURASSA: ...
M. BURNS: ... et enfin, pour une fois, montrer que c'est lui qui est le
chef de ce gouvernement et non pas des intérêts extérieurs
à ce gouvernement qui disent à quel moment tel projet de loi doit
être déposé, de quelle façon on va l'enfoncer dans
la gorge de l'Opposition et avec quelle tactique on va réussir à
user l'Opposition, si peu nombreuse soit-elle.
Je n'ai qu'à vous citer des exemples. Le plus proche qu'on a,
c'est le projet de loi no 22. A quel moment nous l'a-t-on amené
celui-là? On nous l'a amené en fin de session. On s'est dit:
l'Opposition va se tanner. L'Opposition va lâcher. Quand a-t-on
amené le projet de loi no 50, la Loi de développement de la baie
James? On a amené ça au mois de juin, M. le Président, en
fin de session.
M. BOURASSA: En juillet.
M. BURNS: Cela nous a permis de terminer à la fête...
M. BOURASSA: C'était en juillet. UNE VOIX: Le 14.
M. BURNS: ... du premier ministre. Je ne sais pas si c'était son
but. Mais, pendant ce temps, on imposait aux députés les
conditions impossibles que décrivait le ministre des Transports tout
à l'heure. Qui les imposait? C'est l'absence de décision et
surtout l'absence d'éthique parlementaire de ce gouvernement, qui, quand
il a un problème particulier, qu'il sait d'avance litigieux, attend une
fin de session pour l'amener, pour écoeurer tout le monde. Et, ce que je
trouve plus grave, le premier ministre ne semble pas s'en rendre compte, il
écoeure aussi ses propres députés.
Ce ne sont pas seulement les membres de l'Opposition qui sont
écoeurés par ça. Nous, on n'a qu'à le subir. Les
autres se font passer ça
devant les yeux en faisant semblant d'être d'accord, ce qui est
encore pire et encore plus frustrant.
Si nous nous opposons au projet de loi et je n'ai pas à
répéter tout ce qu'a dit le député de Saint-Jacques
à ce sujet c'est pour toutes les raisons que nous vous avons
mentionnées lorsque nous avons formulé notre motion de reporter
le projet de loi à six mois. C'est parce qu'on a dit: Peut-être le
gouvernement aura-t-il la décence après avoir admis tout
ce que le député de Charlevoix, le ministre des Transports, a
dit de dire que, lorsqu'il y aura des choses à changer dans la
société à cause de l'augmentation du coût de la vie,
on ne soit pas les premiers à le faire, on ne soit même pas les
deuxièmes ou les troisièmes à le faire, quand il en reste
dix, quinze et vingt encore.
Parce que ce qu'il y a d'indécent dans le projet de loi actuel,
c'est que c'est nous, en tant que législateurs c'est
là-dessus que je disais tout à l'heure que, malheureusement, du
côté ministériel, on n'a peut-être pas
écouté nos arguments. Du côté ministériel, on
devrait être gêné de présenter ce projet de loi, non
seulement de le présenter mais de le faire en fin de session, parce
qu'on fait d'une pierre deux coups, du côté ministériel. On
amène le projet de loi, on règle un problème qu'on sait
qui n'est pas le véritable problème au Québec,
actuellement, au point de vue de l'érosion du pouvoir d'achat. Et,
deuxièmement, on dit: Cela a des chances de passer dans le temps des
Fêtes et d'écoeurer tout le monde et cela a des chances de passer
vite.
Bien, je vous dis que cela ne passera pas vite. Cela va être bien
long.
M. BOURASSA: D'accord, on va être ici.
M. BURNS: Et, en ce qui nous concerne, on vous l'annonce,
j'espère que vous vous en doutiez que vous êtes actuellement
enlignés dans un "filibuster", dans une obstruction systématique
et nous allons tout faire pour bloquer le projet de loi. Savez-vous
pourquoi?
M. BOURASSA: La plus basse démagogie.
M. BURNS: Pas à cause de la plus basse démagogie. C'est
parce que vous ne semblez pas comprendre, actuellement, qu'il est
indécent qu'on soit les premiers à se servir, nous qui avons le
pouvoir de décider, les seuls dans la société
québécoise...
M. MERCIER: Le grand pur!
M. BURNS: ... qui ont le pouvoir de décider de leur salaire.
Je trouve cela indécent, M. le Président.
Je suis prêt à dire et à répéter ce
que le député de Saint-Jacques a dit ce soir, ce que moi j'ai dit
également, ce que le premier ministre nous a cité partiellement
en se bidonnant au début de ce débat, ce que le leader
parlementaire du gouvernement nous a cité en se bidonnant
également. Nous avons dit, le député de Saint-Jacques et
moi, au moment de l'étude des crédits de l'Assemblée
nationale, que c'est un fait que le salaire des députés avait
perdu de son pouvoir d'achat, que c'est un fait que ce salaire, tôt ou
tard, devrait être rajusté. On ne retire rien de ce qu'on a dit,
rien du tout. Mais nous vous disons et je n'ai pas besoin
d'élaborer là-dessus que quand on fera cela, il faudra
qu'on ait au moins l'impression de ne pas être les premiers à se
servir, nous, les serviteurs de la population. C'est cela le
problème.
M. BOURASSA: C'est un slogan. C'est faux!
M. BURNS: C'est rien de plus que cela.
M. BOURASSA: II y a 230,000 fonctionnaires.
M. BURNS: Vous vous y connaissez, vous, en slogans, M. le premier
ministre, vous qui répondez à d'autres questions, vous qui
répondez à des questions qui ne vous ont même jamais
été posées en cette Chambre. C'est assez extraordinaire.
On n'a jamais vu cela. Vous ne répondez pas aux questions qu'on vous
pose et vous répondez à des questions qu'on ne vous a jamais
posées. Vous décidez de passer vos petits messages. Vous
êtes un beau spécialiste en slogans !
M. BOURASSA: J'ai le droit de donner les réponses que je
veux!
M. BURNS: Oui. Ah bon! J'espère qu'il y a des journalistes qui
entendent cela. Ils sauront comment vous interviewer à l'avenir.
M. MERCIER: Ils suivent bien cela.
M. MALOUIN: Ils sont suspendus à vos lèvres !
M. BURNS: En somme, M. le Président, ce que je dis, c'est qu'au
fond, au mérite, on ne se fait pas de querelles. Il n'y a pas de
problème.
M. BOURASSA: Votons!
M. BURNS: On est d'accord sur une forme d'indexation. Je ne vous dis pas
qu'on est d'accord sur le salaire que vous mettez dans le projet de loi, loin
de là. Le salaire qu'on met actuellement dans le projet de loi, qui
paraît comme $21,000, effectivement, est de $23,205 à compter du
1er janvier. Il ne faut pas se le cacher.
M. BOURASSA: C'est une indexation.
M. BURNS: C'est une augmentation, M. le Président, quand
même assez substantielle
quand vous partez de $15,600 de salaire actuel, pour le
député. Je n'en connais pas beaucoup des travailleurs, dans la
société, qui bénéficient dans une même
année de $8,500 d'augmentation. Je n'en connais pas tellement. Je ne
connais pas non plus de travailleurs qui bénéficient de ce type
d'augmentation, de cette importance d'augmentation alors que ce sont eux qui
décident de leur augmentation.
Si vous n'êtes pas capables d'être logiques, si vous
êtes trop émotifs, du côté ministériel, est-ce
que je peux vous demander d'être au moins un peu gênés de
temps à autre? Est-ce que vous êtes capables d'être
gênés par une situation comme cela?
M. BOURASSA: Vous devriez être gêné d'avoir
été désavoué par votre conseil national!
M. BURNS: Est-ce que vous êtes capables, du côté
ministériel, de vous rendre compte que c'est absolument indécent?
Le premier ministre citait des chiffres, l'autre jour, et disait: Le salaire
minimum a augmenté de 53 p.c. Est-ce que vous êtes capables de
voir la disproportion entre ces deux situations?
Etes-vous capables, M. le Président je le demande surtout
au premier ministre d'examiner la progression du salaire minimum que
nous vous demandons de porter à un niveau normal et d'indexer avant de
nous indexer?
M. BOURASSA: M. le Président, est-ce...
M. BURNS: Est-ce que vous êtes capables, M. le Président,
de vous rappeler...
M. BOURASSA: Est-ce que le député me permettrait une
question?
M. BURNS: Laissez-moi terminer et vous me poserez toutes les questions
que vous voudrez.
LE PRESIDENT: II reste enciron trois minutes au député de
Maisonneuve. Vous pourrez poser votre question après.
M. BURNS: C'est cela, M. le Président. Il me posera la question
après mon intervention.
Etes-vous capable, M. le Président, et en particulier, le premier
ministre est-il capable de se rappeler que le salaire minimum, il n'y a pas
tellement longtemps, il y a moins de treize ans, en 1961, était de $0.70
l'heure? C'est de là qu'ils partent, ses 53 p.c.
M. BOURASSA: Ah! c'est faux.
M. BURNS: M. le Président, voulez-vous que je vous donne la
progression? Bien oui, on va en parler.
M. BOURASSA: Proposer l'indexation, ce serait pire!
M. BURNS: II est passé à $1.40 savez-vous quand, M. le
Président? En 1971. Ensuite, depuis 1972, le salaire minimum a
été haussé en mai et en novembre de chaque année,
passant successivement des chiffres suivants, de $1.50 à $1.60, $1.65,
$1.70, $1.85, $2.10, $2.30 et finalement, là, $2.30 au mois de novembre
dernier.
Les plus démunis de la société, et ne nous le
cachons pas, ce sont les gens qui sont au salaire minimum, en plus des autres
qui sont dans toutes les autres catégories de revenus à
l'intérieur de notre société. Ce n'est pas de la
démagogie, ce sont des faits clairs. On leur donne cela à coup de
$0.10 et $0.15 et nous, on nous "pitchs" ça par la tête sous
prétexte que notre pouvoir d'achat a été
dévalué, on nous "pitchs" ça par la tête à
coup de $8,000 par année.
Je n'ai pas le droit d'être gêné d'être un des
députés qui vont subir cela? Le premier ministre n'a pas le droit
d'être gêné? C'est ça, dans le fond, ce que je vous
demande. Je ne vous demande pas de réagir avec vos tripes, je le sais.
Vous et moi, tout le monde, il n'y a personne dans la société qui
est capable, à un moment donné, de ne pas être content de
recevoir une augmentation de salaire.
Mais, c'est ce que je vous dis, y a-t-il moyen, pendant qu'on parle de
l'augmentation de salaire qu'on va se donner, d'être gêné
aussi, en même temps? Ce n'est que ça la question que nous nous
posons. Y a-t-il moyen d'être gêné en voyant cette
progression de 53 p.c. que le premier ministre citait dans le salaire minimum?
Oui, le gars est encore payé $2.30 avec ses 53 p.c. d'augmentation
l'heure.
M. BOURASSA: Si on avait pris votre formule, c'aurait été
25 p.c.
M. BURNS: M. le Président, je vous demande simplement ceci. Y
a-t-il moyen d'essayer d'examiner une espèce...
LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demanderais au journaliste d'éteindre
sa cigarette ou de quitter la salle. Ce qui n'est pas permis aux
députés n'est pas permis aux journalistes. Continuez.
M. BURNS: Je demanderais simplement, M. le Président, que devant
ce projet de loi que nous sommes prêts à examiner, à un
moment donné, quand le gouvernement aura posé les gestes qu'on
pense être un minimum actuellement, c'est-à-dire l'augmentation du
salaire minimum et l'indexation de ce salaire; deuxièmement,
empêcher qu'un nombre grandissant de travailleurs se placent dans
l'illégalité vis-à-vis de la loi parce qu'ils sentent
qu'ils ont perdu leur pouvoir d'achat, en leur permettant de rouvrir leur
convention collective... Ce n'est rien que cela et entre-temps, quant à
nous, je demande tout
simplement qu'on se pose la question, vraiment, à savoir s'il n'y
a pas ne disproportion entre deux attitudes à l'égard de deux
catégories de personnes dans la société, soit les gens qui
sont les plus démunis et les députés.
M. BOURASSA: M. le Président, est-ce que je pourrais poser
simplement une question au député de Maisonneuve?
M. BURNS: Oui, M. le Président. Maintenant, cela va.
M. BOURASSA: Quand il a conclu que l'indexation du salaire minimum
serait préférable, se rend-il compte que si nous avions
appliqué cela il y a deux ans et demi, la formule du Parti
québécois, ce serait 25 p.c. d'augmentation et non pas 53
p.c?
M. BURNS: Qu'est-ce que ça change? M. BOURASSA: Cela change
que...
M. BURNS: On vous a demandé... M. le Président, on m'a
posé la question, donc, j'imagine que le premier ministre me permet de
répondre. On vous a demandé, il n'y a pas tellement longtemps
peut-être que nous n'allions pas assez loin, peut-être qu'il
aurait fallu demander $3 nous vous avons demandé $2.50, et
qu'avez-vous fait? Vous avez voté contre et vous avez "scrapé"
notre motion...
M. MALOUIN: C'est facile de demander.
M. BURNS: ... complètement et même, sur l'indexation, vous
avez posé des conditions telles que l'indexation qu'on est censé
avoir votée n'a plus aucun sens et le ministre du Travail ne peut pas me
contredire là-dessus. C'est lui-même qui a soutenu que ce
n'était pas sûr, que peut-être le rapport Castonguay...
M. MALOUIN: A l'ordre!
M. BURNS: ... peut-être qu'à un moment donné le
rapport Castonguay va nous dire que nous avions tort de demander $2.50, que
c'était peut-être $3 qu'il fallait demander. A ce
moment-là, je vais vous demander où vous étiez quand nous
demandions $2.50. Et je vais vous demander aussi...
M. BOURASSA: Rien qu'un mot.
M. BURNS: ... une chose. C'est une question qui m'a été
posée. Le premier ministre m'a posé une question, c'est bien de
valeur, j'ai attendu à la fin mais là, la voilà.
Je vais demander au premier ministre ce qu'il a fait avec le pouvoir
entièrement discrétionnaire...
LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous
plaît!
Si vous, vous vous lancez la balle à vous poser des questions,
ça ne finira plus.
M. BOURASSA: J'ai entendu les députés du Parti
québécois, ce soir, je suis resté à mon
siège. J'ai une conclusion sur cette question du salaire des
députés. C'est le parti politique le plus hypocrite de l'histoire
du Québec.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. Camille Samson
M. SAMSON: M. le Président, ce soir, si nous étions en
mesure de dire que tous les députés de l'Assemblée
nationale sont rémunérés l'équivalent de gens comme
Marcel Pepin de la CSN, Louis Laberge de la FTQ, M. Charbonneau de la CEQ, ou
encore s'ils recevaient l'équivalent des revenus d'un René
Lévesque, qui reçoivent ces montants pour détruire la
société, je vous dirais que je ne me serais pas levé.
M. le Président, avant d'arriver en cette Chambre, j'étais
reconnu pour dire ce que je pense sans arrière-pensée.
UNE VOIX: Vous avez changé depuis ce temps-là.
M. SAMSON: Cela comptait avant mon élection, cela a compté
jusqu'à maintenant et pour l'information de certains sépulcres
blanchis, cela va compter dans l'avenir aussi. Je n'ai pas l'intention de jouer
les vierges offensées, encore moins les courtisanes à la
recherche de trottoirs roulants. Je n'ai pas été élu pour
faire de la politicaillerie, mais pour faire mon devoir et, à ce
chapitre, M. le Président, je n'ai de leçon à recevoir de
personne. Je ne me suis jamais caché derrière quiconque pour
prendre mes responsabilités ou encore pour dire ma façon de
penser. Ceci veut dire, M. le Président, que je ne suis pas candidat
à me cacher derrière un quelconque conseil national.
Bien sûr...
M. MALOUIN: Ecoute Burns!
M. SAMSON: ... il serait plus facile, à ce moment-ci, de faire de
la politicaillerie. Cela paraît donc bien, M. le Président, les
deux mains jointes pour dire : Non, Seigneur, ne nous la donnez pas et ils vont
se dépêcher de ramasser le chèque en sortant.
M. le Président, je n'ai pas été élu pour
jouer à ce jeu et je ne le jouerai pas non plus. Seule la population qui
m'a élu est en droit de me juger. Je peux vous dire, M. le
Président, que c'est debout et la tête haute que je me
représenterai devant elle la prochaine fois, si je décide de le
faire. Je n'aurai pas honte et je ne serai pas gêné non plus.
C'est la population de mon comté de Rouyn-Noranda qui sera seule juge.
Je peux vous dire que, si elle a à choisir entre un politicailleur et
quelqu'un qui a fait son devoir,
je lui fais confiance à l'avance et sais ce qu'elle choisira.
M. le Président, si nous devions étudier ce projet de loi
seulement en fonction de la rentabilité électorale, bien
sûr nous serions peut-être tentés de jouer les grands
offensés. Mais, M. le Président, c'est nous qui devons
décider. J'irai plus loin, c'est à peu près la seule
décision qui se prenne uniquement par les députés et non
en grande partie par des fonctionnaires qu'on ne retrouve pas sur la place
publique. C'est nous qui devons nous faire élire, M. le
Président.
C'est nous qui devons investir de notre temps, de notre santé; ce
ne sont pas les fonctionnaires à $38,000 par année. C'est nous
qui devons le faire. M. le Président, dans ce projet de loi, nous
retrouvons un article qui nous intéresse particulièrement et je
ne suis pas gêné pour en parler. Le premier jour de notre
entrée à l'Assemblée nationale, en novembre 1973, l'une
des premières questions que nous avons posées au gouvernement a
été concernant la reconnaissance du Parti créditiste. Cela
fait un an qu'on mène la bataille à l'Assemblée nationale
et sur la place publique et on ne s'est jamais gêné pour dire que
nous valions autant que ceux qui siègent à ma gauche. On va
continuer à répéter la même chose.
M. le Président, je me rappelle trop bien 1970. Quand nous sommes
arrivés en cette Chambre, le Ralliement créditiste, nous
étions le seul des tiers partis qui rencontrait les exigences des
traditions parlementaires quant à la reconnaissance d'un parti
politique. Nous avions douze députés. L'autre parti, le Parti
québécois, ne rencontrait pas ces exigences. Nous avons
été consultés, M. le Président. Nous avons
été consultés par le gouvernement, qui a voulu faire une
loi spéciale pour les reconnaître et nous avons donné de
bon gré notre consentement.
M. LESSARD: C'est faux, c'est faux! Il y avait juste l'Union
Nationale.
M. SAMSON: Je n'ai entendu aucun de ces illustres membres du PQ se lever
contre le projet de loi qui leur permettait d'obtenir leur reconnaissance en
Chambre. Au contraire, M. le Président, quand le projet de loi a
été déposé, ils ont voté en faveur. Je leur
dis, s'ils veulent être conséquents, de faire la même chose
aujourd'hui. C'est la même chose qui est présentée devant
eux autres.
M. le Président, bien sûr qu'il y a des problèmes
socio-économiques, il y en a de toutes les sortes, mais jamais nous
n'avons reculé devant nos responsabilités pour batailler en
faveur de la population. L'argument massu du Parti québécois des
$2.50 l'heure, on a voté pour, le Ralliement créditiste. On ne
s'est pas gêné. Cela a défait leur argument parce qu'ils
n'ont pas été les seuls à voter en faveur.
L'exclusivité de penser à la population, ce n'est pas eux qui
l'ont. Bien sûr, dans la philosophie communiste ou socialiste du Parti
québécois, on ramènerait tout le monde sur le même
pied, dans le même trou. Au lieu d'ajuster les chapeaux sur les
têtes, on ajusterait les têtes aux chapeaux.
Mais, M. le Président...
M. LACROIX: ... chapeau!
M. SAMSON: ... ce n'est pas en brûlant la maison de son voisin
qu'on règle son problème quand on vit dans une cabane. Je pense
que c'est assez clair, même les péquistes peuvent comprendre cela.
Le salaire d'un député c'est un chiffre d'affaires. Ce n'est pas
un salaire ordinaire. C'est un revenu contre lequel il y a des dépenses.
Même si un épicier au coin de la rue a $200,000 de chiffre
d'affaires par année, s'il a $198,000 de dépenses, M. le
Président, il lui reste $2,000 de salaire. La même chose peut
s'appliquer aux députés, tout dépend de ce qui reste.
C'est la paie nette qui compte. En parlant de paie nette, M. le
Président, je suis allé chercher la mienne aussi aujourd'hui
comme les autres; sur $1,895 bruts, une fois que les gouvernements ont
fouillé dedans cela compte pour le gouvernement
fédéral comme le gouvernement provincial il me reste
$1,232, M. le Président. Savez-vous qu'avant de me donner mon
chèque, il y en a pas mal qui ont fouillé avant moi. Savez-vous,
M. le Président, que cela fait $663 par mois de déduction. Est-ce
que vous savez également qu'avec les obligations que nous avons cela
nous coûte en tout cas dans mon cas $150 par semaine? Ce
sont mes obligations.
Savez-vous que, si vous enlevez cela, il ne reste pas grand chose pour
la maison privée, hein? Ouais! Puis la dépréciation de
l'automobile avec cela. J'en ai déjà vendu et je sais compter
cela la dépréciation de l'auto moi. Ouais! Je pense qu'il y en a
d'autres qui savent compter aussi, mais ils ont intérêt à
ne pas compter de ce temps-là.
Ah ! oui, nous allons nous donner en exemple comme disait le chef de
l'obstruction officielle hier. C'est donc facile. Il a dit: C'est honteux. Oui,
M. le Président, c'est honteux quand on reçoit $41,400 par
année. Cela fait $18,660 de plus qu'un député et c'est le
gars qui s'est levé pour dire: Je vais donner l'exemple. Il l'a
donné aussi.
M. LACROIX: II avait les deux doigts dans le nez. Il ne se met pas
seulement un doigt lui.
M. SAMSON: II n'a pas de problème de dépréciation
d'automobile, parce qu'il a la limousine fournie, lui. Et c'est la
première chose qu'il est allé chercher quand il est arrivé
ici. Mais si c'est honteux, s'il est sincère, le chef de l'obstruction
officielle, je lui dis de regarder la Loi de l'impôt sur le revenu
provinciale, ainsi que la Loi de l'impôt sur le revenu
fédérale, à
l'article 532, pour la loi provinciale: "Un contribuable peut
déduire l'ensemble des dons qu'il fait au cours de l'année,
auxquels s'ajoutent les dons qu'il a faits au cours de l'année
précédente, dans la mesure où le montant de ces dons
n'était pas alors admissible à Sa Majesté du chef du
Canada ou du chef des provinces". Et c'est la même chose dans la loi
fédérale.
Si c'est honteux, si ça le dérange et s'il est
sincère, moi je le croirai quand il aura fait son chèque au chef
de Sa Majesté de la province pour $18,660, mais pas une minute
avant.
M. LACROIX: II ne rembourse pas $1,796, il ne remboursera pas
$18,000.
M. SAMSON: Oh! ça me fait donc comprendre des choses. Avant-hier
on parlait sur le bill 59 et je le regardais faire, c'était beau, la Loi
des affaires intergouvernementales à l'article 11. D'abord, il y a eu
une guerre de virgules qui a duré près d'une journée. Et
à un moment donné, je suis sorti, il était en train de se
chamailler avec le leader du gouvernement parce qu'à l'article 11, on
écrivait québécois avec un petit q, il fallait faire un
grand Q.
Non, mais j'insiste, M. le Président, j'insiste, il fallait
agrandir le Q, et je comprends pourquoi il l'a fait agrandir. Mais, M. le
Président, je continue. J'ai lâché le bill 59, ne vous en
faites pas.
LE PRESIDENT: Je voudrais qu'il y ait un peu moins de
personnalité également. A l'ordre!
M. LESSARD: II n'y a pas de problème, c'est le clown de
l'Assemblée nationale.
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. SAMSON: M. le Président, ce n'est pas de la
personnalité, c'est de la vérité.
Je continue en vous disant que j'ai quand même pitié d'eux,
car ils sont actuellement victimes du soviet suprême qu'est leur conseil
national, qui est composé de types de la catégorie de René
Lévesque, qui a $14,070 par année en pension, plus indexation;
composé d'un Claude Morin, qui a une pension de $15,043
déférée à 65 ans; victimes du soviet suprême
composé de Jacques Parizeau, qui a reçu un montant forfaitaire
comptant de $2,608 de pension; de Yves Michaud qui a fait transférer sa
pension aux caisses populaires Desjardins pour la somme de $6,431.
J'ai pitié de ces gens parce qu'ils ont reçu les ordres,
comme ça se fait dans pas trop de pays au monde, où ce n'est pas
le peuple qui donne des ordres aux politiciens, mais le conseil du parti, comme
le soviet suprême, aux dépens des élus du peuple.
Bien sûr, je suis d'accord qu'un député qui ne
travaille pas est toujours trop payé. Mais je suis d'accord
également que celui qui fait son devoir doit être mieux
payé.
La solution, c'est quoi? Couper des têtes? Non, M. le
Président. La solution, c'est de s'arranger pour qu'ils travaillent tous
plus, pour ceux qui ne travaillent pas assez, et foutons donc la paix à
ceux qui font leur devoir. C'est ça, la solution.
Nous avons en tant que députés des obligations multiples.
Je n'ai pas besoin de faire la liste de toutes ces obligations. Mais je peux
vous dire une chose, c'est que le député n'est pas un type avec
une permanence garantie. La sécurité d'emploi, nous ne l'avons
pas. D'ailleurs, je ne me gêne pas pour réclamer que nous revoyons
la Loi de la Législature aux fins que tout député, une
fois qu'il aura terminé son mandat, qu'il veuille ou non se
représenter, qu'il soit ou non défait, ait une garantie dans la
loi lui assurant un emploi au même titre que les dizaines et dizaines de
milliers de fonctionnaires qui sont au service du gouvernement du
Québec. Que cela se fasse par une protection législative, de
sorte que, lorsqu'un député sortira, s'il se retrouve au service
du gouvernement, il ne se voie pas attaqué, en disant qu'il a
reçu un privilège. Non, mettons-le dans la loi et
protégeons donc non seulement ces gens, mais aussi leur famille, M. le
Président.
Je peux vous dire une chose: Nos risques sont multiples. L'an dernier,
parce que j'ai osé me lever en Chambre et dénoncer le projet des
"Galaxies éducatives" dans le domaine de l'éducation, qui
existaient déjà dans ma ville chez nous, M. le Président,
sans qu'on ne puisse faire de preuve facilement, il demeure que mes trois
enfants ont été victimes de ma position. J'ai été
pris, M. le Président, entre mon devoir ou bien ne pas faire mon devoir
pour avoir la paix. J'ai choisi de faire mon devoir; mes enfants ont
été bafoués par des professeurs, organisateurs
pé-quistes. J'ai été obligé, M. le
Président, de les changer d'école. Il a fallu que je paie pour
cela.
M. le Président, en terminant, puisqu'il ne me reste que quelques
secondes, j'ai consulté également mes électeurs. Dimanche
dernier, j'étais chez nous et il y a eu une assemblée
générale. Personne ne m'a fait grief de cela. Il y en a un qui a
eu une remarque que je me rappellerai, toujours. D'abord, avant ça,
j'avais vu mon gérant de banque, parce qu'il fait partie de mes nombreux
conseillers. En tant que conseiller, parce qu'il connaît mon compte de
banque, il m'a dit: Prends-là. Mais un de mes électeurs m'a dit
ceci, M. le Président: Cela prendrait seulement un fou ou un
imbécile pour refuser un ajustement de salaire. Je lui ai
répondu: Je ne suis et n'ai pas l'intention d'être ni l'un ni
l'autre. Merci.
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.
M. Raymond Garneau
M. GARNEAU: M. le Président, je n'ai pas l'intention de faire un
discours sous le couvercle
de la passion. Je voudrais prendre seulement quelques minutes, du temps
qui m'est alloué pour analyser cette question soumise à notre
attention, beaucoup plus d'un point de vue technique que d'un point de vue
émotionnel.
Un grand nombre avant moi ont eu l'occasion d'exposer dans un sens
positif ou négatif face à ce projet de loi no 87, les conditions
dans lesquelles se trouvent les députés et les difficultés
que comporte l'exercice de cette fonction et également les
responsabilités qui incombent à un député.
En ce qui me concerne, ayant, avec plusieurs de mes collègues,
collaboré très étroitement à trouver une solution
au dernier conflit de travail qui avait confronté le gouvernement et les
syndicats de la Fonction publique, les syndicats des enseignants et du secteur
social, je me suis fait un devoir, en analysant la portée du bill 87, de
voir comment se comparaît ce que nous nous apprêtions à
faire pour les députés avec ce que nous avions accepté de
faire il y a déjà trois ans pour le personnel qui est à
l'emploi de l'Etat.
Je n'aurais pas accepté qu'à la veille d'entreprendre une
nouvelle série de conventions collectives, le gouvernement se place
et j'aurais certainement attiré l'attention de mes
collègues sur ce point dans une situation embarrassante au
début de la négociation. C'est pourquoi tout l'effort a
été non pas de déterminer ce que pourrait ou ce que
devrait être le rythme de croisière de la Fonction publique au
cours de la prochaine négociation à partir de ce que les
députés recevraient, mais plutôt de donner aux élus
du peuple ce que la Fonction publique, ce que les fonctionnaires, qu'ils soient
à l'emploi du gouvernement, du secteur de l'éducation ou des
affaires sociales, ce que ces gens ont eu, soit à travers des
négociations collectives, soit à travers des ententes
négociées pour les gens qui ne sont pas syndiqués ou
encore à travers des décisions administratives prises par le
conseil des ministres concernant les adjoints aux cadres et les cadres
supérieurs du gouvernement.
Qu'on regarde ce qui s'est fait au cours des années 1972, 1973 et
1974, trois années au cours desquelles la convention collective s'est
appliquée, les trois dernières années
écoulées depuis le temps où les députés ont
reçu un ajustement de traitement.
En 1972, les fonctionnaires ont reçu, comme augmentation de
traitement, un forfaitaire de 5.3 p.c, des augmentations d'échelons,
à cause de l'expérience qui s'additionne avec les années
qui passent, de 2.8 p.c. et un forfaitaire de 0.5 p.c. comme indexation au
coût de la vie, ce qui faisait, au total, 8.6 p.c, en moyenne. Il y a des
classes où on a eu beaucoup plus que ça et,
particulièrement, les classes de fonctionnaires qui étaient dans
les échelles de traitement les plus basses.
Le 1er juillet 1963, taux minimum d'augmentation, 3 p.c; forfaitaire,
qui avait été négocié par...
M. BELLEMARE (Johnson): 1963?
M. GARNEAU: Pardon?
M. BELLEMARE (Johnson): 1963?
M. GARNEAU: 1973, excusez-moi. 1973, 3 p.c. d'augmentation minimum, le
forfaitaire qui a été négocié dans la convention
collective, 6 p.c, l'indexation, 1.7 p.c, total, 10.71 p.c.
Le 1er juillet 1974, encore la même augmentation minimum, le
forfaitaire de 6 p.c. qui a été négocié comme
rythme d'augmentation, comme le rythme de croisière dans l'augmentation
des salaires des fonctionnaires, plus l'indexation à titre forfaitaire,
8 p.c, total 17 p.c.
Si j'additionne ces trois augmentations au cours des trois
dernières années, qui correspondent aux trois années
où les députés n'ont pas eu d'ajustement de traitement,
cela fait 36.3 p.c.
J'arrête à ce moment-ci mais, dans le fond, je ne devrais
pas arrêter. Je devrais continuer pour ajouter ce qui est
déjà en caisse pour l'ensemble des fonctionnaires des secteurs
public et parapublic, c'est-à-dire 16 p.c. d'augmentation forfaitaire
pour ce qui est de l'année 1974/75. Si je ramène ça au 31
décembre sur le montant qu'ils ont gagné, cela fait au moins 8
p.c. puisqu'on a la moitié d'une année de faite, ce qui ferait 44
p.c. d'augmentation.
Quand j'entendais dire le député de Maisonneuve, à
l'endroit de cette Chambre, qu'on se sert d'abord avant de penser aux autres,
je dis que le député de Maisonneuve est dans l'erreur puisque
nous nous donnons, trois ans après, ce que nous avons nous-mêmes,
comme Assemblée nationale ou comme gouvernement, accordé aux
fonctionnaires, au secteur parapublic, aux enseignants et au secteur
hospitalier.
Je dis donc, et ceci s'applique, M. le Président, à
au-delà de 250,000 personnes, 250,000 citoyens québécois
qui ont bénéficié de ces augmentations. Je ne voudrais pas
laisser passer sous silence cette accusation du député de
Maisonneuve, qui, dans un geste extrêmement pathétique, comme pour
inciter les gens à la prière, pour nous inciter à une
certaine compassion, disait: On se sert d'abord. Ce n'est pas vrai, M. le
Président. On ne se sert pas d'abord. On a servi les autres serviteurs
de la fonction publique et, afin qu'on ne nous accuse pas d'avoir
exagéré, nous n'avons pas suggéré, en tant que
gouvernement, cette augmentation de 44 p.c. Nous avons été bien
en deçà de cela. Si je fais abstraction de ce qui est en caisse
au 31 décembre, sur la base du paiement forfaitaire
c'est-à-dire si je fais abstraction de cela, cela fait 36 p.c. ce
n'est pas $21,000 que nous aurions dû inscrire dans la loi, c'est
$21,216. Ceci aurait été non pas un paiement fait sur la base de
se servir avant de servir les autres mais uniquement un paiement qui ajuste le
salaire des députés à ce qui a été fait
depuis trois ans pour les autres classes de serviteurs de l'Etat
québécois.
Si j'ajoute, M. le Président, les 8 p.c. de l'indexation
gagné au 31/12/74, évidemment je dépasse, et très
largement, le montant qui a été mis dans ce projet de loi, qui a
été suggéré aux membres de cette Assemblée,
projet de loi no 87 qui est à l'étude présentement.
On a fait état également, M. le Président, de
l'augmentation du salaire minimum. On a suggéré on en
faisait même une condition d'acceptation du projet de loi no 87, encore
là pour peut-être camoufler ou tenter de tirer quelque avantage ou
quelque bénéfice politique on a posé comme
condition, parce qu'il semble bien que, dans ce parti, il n'y a rien qui se
fait en dehors d'une certaine forme de chantage, qu'on augmente le salaire
minimum et qu'on l'indexe.
M. le Président, en mai 1972 d'autres avant moi l'ont
cité le salaire minimum était de $1.50; en mai 1974, il
était $2.10 et, le 1er novembre dernier, $2.30. M. le Président,
dans l'espace de deux ans, une augmentation de 53 p.c. du salaire minimum. Si
je prends l'indice des prix à la consommation, sur la même
période de temps, l'indice était de Montréal, en mai 1972,
130.7; en novembre 1974, c'était 162.1; augmentation de 24 p.c. Le
premier ministre avait raison de dire tout à l'heure que, si nous
acceptions la formule proposée par le Parti québécois,
nous irions à l'encontre des meilleurs intérêts de ceux
qui, par la force des choses, par les circonstances qui ne les ont pas
avantagés, doivent accepter de travailler sur la base du salaire
minimum.
Je dis, M. le Président, que les véritables
défenseurs des intérêts de la classe la moins
avantagée de notre société, ce ne sont pas les gens qui,
sous le couvercle, jouent les vierges offensées en disant: II faut
indexer le salaire minimum avant d'accepter de donner aux députés
ce que le Parlement a donné à tous ses fonctionnaires. Je dis que
ce ne sont pas ces gens parce que, si nous suivions leurs conseils, nous
aurions tout simplement trompé les gens qui vivent à partir de ce
revenu qui est appelé le salaire minimum.
M. le Président, le député de Maisonneuve, aussi, a
fait longuement allusion, en plus d'avoir, à mon sens, tenté de
faire dévier le débat en disant que les députés
voulaient se servir avant de servir les autres; je pense que j'ai largement
démontré ce point. Le député de Maisonneuve,
faisait appel aux sentiments plutôt qu'à la raison, a dit à
tous les députés de cette Chambre: Vous n'êtes pas
gênés de demander ou de suggérer une augmentation de
traitement?
M. le Président, dans le cadre du Parti québécois,
il y a six députés. Le leader parlementaire du Parti
créditiste a longuement souligné le revenu qui est alloué
au chef de l'Opposition officielle, le député de Sauvé,
soit $41,400, le même salaire qu'un ministre, même si je suis
porté à croire que la responsabilité n'est pas tout
à fait la même.
M. le Président, le député de Maisonneuve a
demandé aux députés libéraux s'ils n'étaient
pas gênés de prendre une augmentation comme celle qui est
suggérée dans le projet de loi no 87.
La loi actuelle prévoit que, pour l'Opposition officielle, le
leader parlementaire reçoit des émoluments additionnels qui font
que le député de Maisonneuve retire, et suivant les termes de la
loi actuelle, un peu plus que $29,000, je crois que c'est $29,980.
Encore en vertu de la Loi de la Législature, il y a ce qu'on
appelle les whips de parti. Le député de Lafontaine, qui a
longuement parlé, également, sur ce projet de loi no 87, retire,
lui, $27,910, semble-t-il.
M. HOUDE (Abitibi-Est): Indexé.
M. GARNEAU: En vertu des règles de la Loi de l'Assemblée
nationale, les présidents de commission ont également le droit de
recevoir des montants additionnels qui sont de l'ordre de $2,000, et c'est le
cas du député de Chicoutimi.
C'est donc dire que sur six députés...
M. LESSARD: ... le député de Saint-Jacques.
M. GARNEAU: Je vais venir à votre cas tout à l'heure. Je
ne vous oublierai pas. Je ne vous oublierai pas. Le Parti
québécois vous a oublié en ne vous donnant pas une fiole,
je ne vous oublierai pas.
M. le Président, sur six députés, il y en a quatre
qui reçoivent à partir du double. Il y a le chef de l'Opposition
qui reçoit presque deux fois le salaire d'un député. Il y
a le leader parlementaire qui reçoit un montant largement substantiel,
le député de Lafontaine et le député de Chicoutimi,
qui, me dit-on, a présidé des commissions pour un nombre de
minutes qui dépasse à peine les 90 minutes. Si l'on calcule
ça sur une base horaire, c'est $2,000 pour 90 minutes. M. le
Président, s'il y en a qui sont gênés, c'est...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre!
M. BURNS: M. le Président, j'invoque une question de
privilège.
J'ai laissé le ministre des Finances vomir sur tous les autres
membres de l'Opposition...
M. CHOQUETTE: Les gros mots.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. BURNS : J'ai laissé le ministre des Finances vomir sur tous
les autres membres de l'Opposition. De toute façon, ça ne me
touche pas...
Là, je pense que le ministre des Finances exagère, et cela
montre le peu de connaissance
qu'il a des travaux parlementaires et j'en appelle à vous, M. le
Président, qui connaissez comment les travaux parlementaires se font. Le
député de Chicoutimi a été nommé dans un
"pool" de sept présidents de commissions...
M. CHOQUETTE: ...
M. BURNS: ... et il appartient à la présidence, comme vous
le savez, de désigner les présidents. Et peu importe le nombre
d'heures ou de minutes où le député de Chicoutimi a pu
siéger, il a toujours été à la disposition de la
présidence lorsqu'elle le lui a demandé. J'ai même eu
connaissance, toujours dans cette question de privilège au nom du
député de Chicoutimi, qu'à un moment donné il avait
accepté de présider certaines commissions...
M. BELLEMARE (Rosemont): Point de règlement, M. le
Président.
Est-ce que le député de Maisonneuve est en train de
dénier les propos du ministre?
M. BURNS: Oui.
M. BELLEMARE (Rosemont): On a parlé de salaire. Le
député de Maisonneuve est-il en train de dénier ce que le
ministre a avancé?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, avant ce vague bruit que j'ai entendu,
j'étais en train de vous dire... un autre bruit, tiens. Il vient de plus
haut et de plus profond. C'est encore pire. M. le Président,
j'étais en train de dire que j'ai même eu connaissance qu'à
certaines occasions le député de Chicoutimi avait
été désigné pour présider certaines
commissions, mais à cause du caractère un peu litigieux ou
contentieux de cette commission, eu égard au fait qu'on savait
l'attitude que l'Opposition devait tenir à cette commission, on a
demandé au député de Chicoutimi de céder sa place
à un autre.
Alors, je veux tout simplement, sur cette question de privilège,
rétablir, au nom du député de Chicoutimi, un
collègue de l'Assemblée nationale, les faits. Par contre, tout le
reste était absolument exact. Alors vous pouvez continuer à
déblatérer tant que vous voudrez, M. le ministre des
Finances.
M. GARNEAU: M. le Président, lorsque... M. SAINT-PIERRE: Etait-ce
90 minutes?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre!
M. SAINT-PIERRE: 90 minutes!
M. BURNS: Je ne le sais pas.
M. LAMONTAGNE: Vous me permettrez,
M. le Président, d'intervenir à l'occasion du cas du
député de Chicoutimi. Comme président de commission
parlementaire, je dois dire d'abord que l'honorable président de
l'Assemblée nationale m'a confié le choix pour certaines
commissions parlementaires, des députés à travers la
banque des présidents. Je dois dire et je profite de l'occasion
vu que cela a été soulevé qu'il est
extrêmement difficile pour un membre de l'Opposition officielle
d'être président d'une commission parlementaire. Je dois dire
également que j'ai demandé régulièrement à
l'honorable député de Chicoutimi quand il pourrait
présider. Je comprends qu'il ne puisse pas le faire, et cela pose
peut-être un problème particulier dont il n'est pas
nécessairement la cause, mais qui est là et qu'on a à
l'occasion de l'intervention du ministre des Finances. Peut-être me
permettrez-vous, M. le Président, de suggérer d'étudier
â nouveau cette question lors d'une prochaine assemblée de la
commission municipale.
M. GARNEAU: M. le Président...
M. HARDY: II pense salaire quand même.
M. GARNEAU: ... je ne crois pas avoir...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. GARNEAU: ... vomi sur aucun des membres de l'Opposition officielle en
indiquant le salaire qu'ils gagnent. M. le Président, je trouve...
M. BURNS: C'est la mesquinerie avec laquelle vous le faites.
M. GARNEAU: ... de la plus grande la bassesse les propos du
député de Maisonneuve. M. le Président, tout à
l'heure j'ai enduré de mon siège tous les propos qu'il a tenus.
J'ai enduré même les intentions que, à peine
voilées, il prêtait aux députés ministériels
au cours de cette motion et au cours de la motion qui a
précédé et sur laquelle il y a eu un vote. Je n'y
reviendrai pas. M. le Président, je n'endurerai pas...
M. LESSARD: Ce ne sont pas des intentions, ce sont des faits.
M. GARNEAU: ... que parce que je cite...
M. LESSARD: Ce ne sont pas des intentions, c'est la
réalité.
M. GARNEAU: ... le salaire que gagne le député de
Lafontaine, parce que je dis à cette Chambre le salaire que gagne le
député de Maisonneuve, qu'il n'a pas volé parce que c'est
inscrit dans la loi. Je dis, M. le Président, que lorsque je cite ces
salaires, je ne crois pas vomir sur aucun des membres de l'Opposition
officiel-
le. Mais lorsque, par exemple, le député de Maisonneuve
vient en vierge offensée, dire aux députés
ministériels: Vous n'êtes pas gênés? Bien, je dis au
député de Maisonneuve, M. le Président, que quand on est
servi comme eux autres, avec la responsabilité qu'ils ont, on devrait
être bien plus gêné de venir dire peut-être à
60 députés libéraux qui sont à $15,600 par
année: "Vous devriez être gênés, non pas de vous
servir les premiers, non pas de demander plus, mais de demander via cette
Assemblée une augmentation qui est en-deça de ce que ce
même gouvernement, de ce que ce même Parlement a donné aux
fonctionnaires, ce que ce même Parlement a donné aux enseignants,
ce que ce même Parlement a donné à tous les travailleurs
dans le secteur hospitalier". M. le Président, je ne veux pas savoir si
les raisons sont bonnes ou non pour le député de Chicoutimi. Je
ne veux pas savoir s'il a accepté ou non. Ce que je dis, M. le
Président, c'est que s'il est vrai que le député de
Chicoutimi a siégé seulement pendant une couple d'heures et qu'il
a reçu $2,000, ce ne sont pas les députés libéraux
qui devraient être gênés, c'est le député de
Chicoutimi. Et si, par hasard, M. le Président, la fonction de
député dans un parti qui ne comporte que six membres
l'empêche de présider une commission parlementaire à cause
de la répartition des tâches à l'intérieur d'un
groupe d'Opposition de seulement six membres, qu'on ne vienne pas nous parler
de gens gênés. Qu'on démissionne tout simplement et qu'on
dise: Je ne peux pas, parce que les services que me demande mon parti ne me le
permettent pas. Mais qu'on ne vienne pas, comme le député de
Maisonneuve, parler de vomissage sur l'Opposition parce que je cite leurs
salaires. M. le Président, ils n'ont pas volé ce
salaire-là; je n'ai dit à personne qu'ils avaient obtenu des
montants d'argent auxquels ils n'avaient pas droit en occupant les fonctions
qu'ils occupent. Mais, M. le Président, quand on est six
députés et qu'il y a un chef de l'Opposition, un leader
parlementaire, un whip, un président de commission, qu'on ne vienne pas
dire après ça qu'on est gêné. En plus de cela, M. le
Président...
M. BACON: La limousine.
M. GARNEAU: ... le député de Saguenay et le
député de Saint-Jacques, si j'étais à leur place,
évidemment, je me sentirais mal à l'aise étant
donné que je n'ai pas de fiole, mais ils savent bien, ces deux
députés, par exemple, que malgré les débats, ils
savent bien qu'à la fin de la semaine, ou la semaine prochaine, ou
à la fin de janvier, si la loi est adoptée, ils vont encaisser
comme tout le monde, M. le Président, le même traitement que les
autres. Ils le savent fort bien eux aussi. Ils savent qu'ils pourront encaisser
ces sommes, qu'ils l'approuvent ou qu'ils votent contre la loi.
Je vais conclure, M. le Président, puisque mon temps
achève. Je voulais, dans cet entre- tien, et n'eût
été des propos complètement déplacés du
député de Maisonneuve, je ne me serais pas emporté parce
que ce n'était pas là mon objectif.
Je sais qu'en parlant aujourd'hui les propos que j'ai tenus en tant que
ministre des Finances pourront m'être répétés
lorsque nous recommencerons la négociation collective dans le secteur
public et que je donnerai peut-être une opinion sur les montants qui
seront en cause, mais je veux dire ceci: Actuellement, tout ce que nous avons
fait, ce n'est pas gagner en avant; c'est essayer de rattraper un peu et moins
que ce qui a été versé à ces mêmes
fonctionnaires, qu'ils soient de la Fonction publique, du secteur de
l'éducation ou du secteur des affaires sociales. Pour ce qui est de
l'avenir, M. le Président, nous n'avons pas choisi des index
basés sur la moyenne des salaires des avocats ou des ingénieurs.
Nous n'avons pas choisi une indexation basée sur les salaires des
classes les plus avantagées de la société. Nous avons
choisi la moyenne des salaires dans l'ensemble du Canada. Je le dis
aujourd'hui; Si les centrales syndicales de tout le Québec sont
prêtes à régler dans l'avenir sur cette base-là,
"any time", M. le Président: on signe la convention collective demain
matin.
LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres députés qui
désirent participer à ce débat?
DES VOIX: Vote. Vote.
LE PRESIDENT: Vote enregistré, j'imagine?
M. BURNS: S'il vous plaît, M. le Président.
LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!
Vote de deuxième lecture
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la deuxième lecture
du projet de loi no 87, Loi modifiant la loi de la Législature et la loi
de l'exécutif, veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre,
Choquette, Garneau, Lachapelle, Berthiaume, Cournoyer, Goldbloom, Simard, Mme
Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Toupin, Harvey
(Jonquière), Cadieux, Arsenault, Houde (Abibiti-Est), Desjardins,
Giasson, Perreault, Brown, Bossé, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson,
Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Lamontagne, Gratton, Assad,
Carpentier, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Larivière,
Pelletier, Shanks, Springate, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier,
Boutin, Chagnon, Marchand, Caron, Côté, Denis,
Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe, Lecours, Malépart,
Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tremblay,
Verreault, Samson, Roy, Bellemare (Johnson).
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard,
Bédard (Chicoutimi).
LE SECRETAIRE: Pour: 73
Contre: 6
LE PRESIDENT: La motion est adoptée.
Motion pour déférer le projet de loi
à la commission
M. LEVESQUE: M. le Président, je fais motion pour que ce projet
de loi soit maintenant déféré à la commission
parlementaire de l'Assemblée nationale pour étude article par
article.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M.BURNS: M. le Président, je demande un vote
enregistré.
LE PRESIDENT: Est-ce qu'on pourrait avoir le même vote?
M. BURNS: Non, M. le Président.
LE PRESIDENT: Est-ce qu'on peut voter immédiatement ?
DES VOIX: Vote.
Vote sur la motion
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de cette motion veuillent bien
se lever s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre,
Choquette, Garneau, Lachapelle, Berthiaume, Cournoyer, Goldbloom, Simard, Mme
Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Toupin, Harvey
(Jonquière), Cadieux, Arsenault, Houde (Abitibi-Est), Desjardins,
Giasson, Perreault, Brown, Bossé, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson,
Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Lamontagne, Gratton, Assad,
Carpentier, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Larivière,
Pelletier, Shanks, Springate, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier,
Boutin, Chagnon, Marchand, Caron, Côté, Denis, Dufour, Harvey
(Dubuc), Lachance, Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte,
Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tremblay, Verreault, Samson, Roy,
Bellemare (Johnson).
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard,
Bédard (Chicoutimi).
LE SECRETAIRE: Pour: 73
Contre: 6
LE PRESIDENT: Cette motion est adoptée.
M. LEVESQUE: Adopté! Alors, M. le Président, article
25.
LE PRESIDENT: La commission des affaires municipales peut continuer
à siéger immédiatement.
M. LEVESQUE: En effet, oui, oui. LE PRESIDENT: Continuer son
travail.
M. LEVESQUE: De façon objective, sereine et efficace.
LE PRESIDENT: Article? M. LEVESQUE: 25.
Projet de loi no 201 Deuxième lecture
LE PRESIDENT: 25. L'honorable ministre du Travail propose la
deuxième lecture du projet de loi no 201, Loi modifiant la loi sur les
relations du travail dans l'industrie de la construction.
L'honorable ministre du Travail.
M. Jean Cournoyer
M. COURNOYER: L'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris
connaissance de ce bill et il recommande l'étude à la
Chambre.
M. LEVESQUE: Pas vrai, il est absent.
M. COURNOYER: Cela doit être vrai. De toute façon, je leur
ai "répond"!
M. le Président, depuis un certain nombre de mois, le
gouvernement du Québec a pris dans l'industrie de la construction des
mesures pour le moins draconiennes. Compte tenu des difficultés que nous
avons pu déceler, nous avons eu le privilège de former la
commission Cliche, qui étudie couramment les différents
comportements dans l'industrie de la construction et qui découvre, de
jour en jour, une situation que l'on peut qualifier d'intolérable.
Depuis quelques mois également, nous pouvons constater un climat
qui se détériore
toujours davantage depuis que les travailleurs de la construction,
à l'instar d'autres travailleurs dans l'industrie au Québec, ont
commencé de manifester leur intention de modifier les termes du
décret pour obtenir, ce dont vous avez parlé tellement depuis
déjà deux jours, l'indexation de leurs salaires compte tenu de la
progression imprévisible du coût de la vie.
Je ne m'entends pas parler. Est-ce que je parle assez fort?
DES VOIX: Oui.
M. COURNOYER: Daccord.
LE PRESIDENT: Mais il y en a d'autres qui parlent un peu plus fort que
vous.
M. COURNOYER: Je peux donc être interprété comme un
ministre moins faible qu'avant! Il s'agit de parler fort!
Donc, depuis que les travailleurs de la construction, par leurs
représentants autorisés que je n'ai pas eu le bonheur de choisir,
ont manifesté leur intention de demander la réouverture du
décret, nous avons assisté à un refus systématique
de la part des associations patronales de rouvrir de quelque manière que
ce soit les termes de ce décret.
Depuis quelques années, nous avons assisté
également à une réduction extrêmement
considérable de la productivité sur les chantiers de
construction. J'imagine qu'il s'agit là de tout un concours de
circonstances que la commission Cliche pourra découvrir davantage que le
ministre du Travail ne peut le faire, mais nous sommes aujourd'hui en face
d'une situation qui nous place dans l'obligation de constater que les parties
en présence ne semblent pas en mesure d'absorber les
responsabilités que le législateur leur avait confiées en
adoptant le bill 290 et qu'il avait réduites jusqu'à un certain
point en adoptant le bill 9.
La situation dans l'industrie de la construction est pour le moins
chaotique et il est très facile pour tout le monde de remettre la
responsabilité de ce chaos sur le ministre du Travail.
C'est assez simple, lorsqu'on négocie les termes d'un
décret, que le ministre du Travail n'a pas l'heur de pouvoir en changer
un iota, de blâmer par la suite le ministre d'avoir approuvé un
décret qu'il ne pouvait pas désapprouver, de le blâmer de
la situation chaotique qu'une négociation a pu amener.
Je ne peux pas contester, au moment où je vous parle, le
désir légitime des travailleurs de demander une
réouverture de leur décret, tant d'autres travailleurs au
Québec l'ayant obtenue. Je dois condamner les gestes qu'ils posent, mais
je ne peux pas condamner la demande qu'ils font de réviser les salaires
du décret.
Je ne peux pas cependant non plus condamner certains entrepreneurs de ne
pas avoir la possibilité de faire face à ce genre de nouvelles
responsabilités. Nous ne sommes pas dans une industrie de "cannes de
bines", nous sommes dans une industrie de la construction. Les entrepreneurs
ont l'habitude de soumissionner pour obtenir des contrats et ils ont
également l'habitude de soumissionner à prix fixe. Parce qu'ils
ont cette habitude, ils ont créé eux-mêmes, depuis 1934,
l'application, pour avoir les conditions de travail
décrétées, non modifiées pendant la durée
des décrets. Cela a été la tradition universellement
suivie. C'est également vrai dans le domaine des conventions
collectives.
Habituellement, une convention collective avait le caractère de
l'immuabilité pendant sa durée. On pouvait cependant,
habituellement, prévoir les différents avatars de l'inflation ou
de l'augmentation du coût de la vie. Ce qui s'est produit en 1974, nous
l'avons subi et d'autres personnes l'ont subi en même temps que nous.
Quand un entrepreneur a soumis son prix, cependant, on peut légitimement
penser qu'il se plaçait dans la situation traditionnelle
vis-à-vis du propriétaire qui achetait ses services, et cette
situation traditionnelle, c'était qu'un prix cela ne change pas et que
ses coûts à lui, étant prévus pour une
période de temps qui expire en 1976, il est tout à fait
légitime de constater que cet entrepreneur a aujourd'hui des
difficultés à faire face à ce à quoi
l'employé, par ailleurs, lui, fait face à tous les jours.
C'est donc un domaine où les deux parties ont
énormément de difficulté à subir le stress, les
difficultés non prévisibles du coût de la vie. Un autre
employeur peut toujours penser faire payer rapidement au consommateur ou
transporter chez le consommateur le prix additionnel causé par
l'augmentation des salaires qu'il peut consentir, compte tenu de
l'imprévision possible du côut de la vie, et il peut se refaire.
Ce n'est pas toujours le cas des entrepreneurs. Les entrepreneurs n'ont pas la
facilité de se refaire sur leurs clients, étant donné
qu'ils ne sont pas dans un marché captif.
M. le Président, je suis, bien sûr, le grand responsable
des relations de travail au Québec. La situation qui se développe
actuellement ou qui s'est développée au cours des mois ou des ans
qui ont précédé la date où nous sommes aujourd'hui
est telle que, quand le ministre de l'Industrie et du Commerce affirme ce qu'il
a affirmé la semaine passée et que, d'autre part, sur les tables
de différents conseils municipaux, nous sommes informés qu'il y a
une réduction très marquée du nombre de projets de
construction pour l'année qui vient et que l'une des raisons
invoquées pour cette décision n'est pas nécessairement
l'inflation, mais une diminution remarquée et remarquable de la
productivité, il nous appartient, je pense, comme gouvernement, de
prendre des mesures énergiques pour régler ce qui ne semble pas
être réglable, compte tenu des intérêts divergents
des parties en présence.
Je n'ai pas à répéter les divergences de ces
parties. Vous avez, d'un côté, je le répète
même si je n'ai pas à le répéter pour les
besoins des dossiers des groupements patronaux en lutte avec
eux-mêmes, en concurrence avec eux-mêmes et, du côté
syndical, également des groupements syndicaux en lutte avec
eux-mêmes et en concurrence avec eux-mêmes.
Le fait que nous requérions par la loi actuelle le consentement
de tout ce beau monde en majorité du côté patronal ou en
majorité du côté syndical, pour faire progresser
économiquement le Québec et l'empêcher de retourner dans
l'état de stagnation dans lequel il se trouvait il y a
déjà un certain temps, place le gouvernement du Québec
dans la douloureuse situation d'être assujetti à des
intérêts divergents du côté patronal et à des
intérêts divergents du côté syndical pour l'avenir
économique du Québec.
Nous avons tenté par tous les moyens de confier aux parties
contractantes au décret de la construction ce que le législateur,
en votant le bill 290, espérait leur confier.
Cela n'a pas été possible. Pendant toute la durée
du bill 290, et depuis qu'il existe, même si certains de mes
collègues péquistes vont critiquer ce bill, il n'a pas
reçu d'application, non pas parce qu'il n'est pas bon, mais parce que
les parties n'ont pas su vivre à l'intérieur des
responsabilités qu'on leur avait confiées.
Depuis le début, une seule convention collective a
été signée en vertu du bill 290; c'est celle qui a
été signée en 1969, qui ne constituait, en
définitive, que des prolongements de décrets jusqu'au mois de mai
1970, à condition, bien sûr, qu'on ait réglé le
problème de ces divergences d'opinions.
C'était le problème suivant. Tous les employés de
la province de Québec doivent faire partie des syndicats de la FTQ ou de
la CSN et, deuxièmement, tous les employeurs du Québec doivent
faire partie d'associations représentatives: la Fédération
des constructeurs du Québec, la Corporation des électriciens, la
Corporation des plombiers, l'Association des constructeurs d'habitations et
l'Association des constructeurs de routes et grands travaux. Tous les
entrepreneurs sont assujettis à ce groupement du côté
patronal, ils doivent être là. C'est la résultante
première de la seule négociation signée en vertu du bill
290, depuis 1968, tel qu'il existait.
Cela, c'est bien sûr, avec tout le respect que je dois à
mon prédécesseur au ministère du Travail, avec la force du
poignet du bonhomme. Parce que, s'il n'avait pas été là,
il n'y en a pas un désespoir qui aurait signé ça.
C'est avec des vaches et des veaux en face de l'hôtel Windsor.
C'est avec des écoeurements continuels comme on en fait actuellement au
ministre du Travail du Québec. On veut tout simplement l'écoeurer
et le décourager. Ils ne réussiront pas plus qu'ils ont
réussi à vous décourager, M. le député de
Johnson.
La seule différence qu'il y a actuellement c'est qu'ils ont la
collaboration patronale main- tenant. Dans votre temps, c'était pareil,
M. Bellemare. Je m'excuse d'utiliser votre nom en Chambre, apparemment on n'a
pas le droit. M. le député de Johnson.
Cette seule convention collective signée, je ne cacherai à
personne que j'y ai participé du côté patronal; donc qu'on
ne m'accuse pas d'y avoir participé, j'étais là.
M. BELLEMARE (Johnson): Intensément.
M. COURNOYER: Intensément, à la demande de l'Association
des constructeurs de routes. Cette seule convention signée en vertu du
bill 290 a d'abord et avant tout réglé les problèmes des
associations et des syndicats.
Elle s'est d'abord préoccupée de cela, pas des
problèmes des entrepreneurs et des problèmes des travailleurs;
d'abord et avant tout, les problèmes des organisations patronales et des
organisations syndicales.
Une fois ceci réglé, M. le Président, mai 1970
arrive et le gouvernement du Québec, après une grève dans
l'industrie de la construction, adopte le bill 38. Il est tenu de mettre fin
à une situation chaotique dans le domaine de la construction. Bill 38:
C'est le nouveau gouvernement qui vient à peine d'arriver et une des
premières lois, pour laquelle d'ailleurs il a été souvent
blâmé, a été de remettre de l'ordre dans l'industrie
de la construction.
Dans le bill 38, on dit: Ecoutez, vous allez négocier, les gars.
On retourne les gens à une période de conciliation. On les fait
comparaître de nouveau devant une commission parlementaire. L'ancien
ministre du Travail, M. Laporte, décède, et le nouveau ministre
du Travail arrive pour amener à sa conclusion, passer un décret
dans l'industrie de la construction puisque les parties n'ont pas pu
s'entendre. Deuxième expérience du bill 290.
Troisième expérience du bill 290: En 1973, j'ai eu des
discussions avec les députés de l'Opposition en 1973 parce que
j'ai été obligé d'adopter le bill 9. Quand je dis
obligé, c'est qu'en conscience je devait adopter le bill 9, non parce
que quelqu'un m'a forcé la main. J'ai été tenu, pour
éviter que ces espèces d'associations patronales et syndicales,
qui s'occupent d'abord de leurs intérêts, continuent de jouer leur
petit rôle de protéger d'abord leurs intérêts, leur
prestige d'associations avant de penser au bien-être des
travailleurs.
M. le Président, en 1973, j'ai fait adopter le bill 9 si je ne
l'avais pas fait, c'eût été la première fois au
Québec qu'on aurait eu une grève parce qu'on avait une convention
collective. Pourquoi? Le 28 avril, M. le Président, on se demandait
encore quelle forme la table devait avoir et la grève était
prévue pour le 1er mai. Le 28 avril, je suis informé par mon
conciliateur qu'on va peut-être décider d'avoir des
télévisions en circuit fermé parce que le gros Desjardins
ne veut pas avoir Bourdon à côté de lui. Et le 1er mai, il
y a une grève générale dans
l'industrie de la construction. La Fédération de
l'industrie de la construction, qui a expulsé de ses rangs l'Association
de la construction de Montréal, ne veut pas non plus l'avoir à la
même table qu'elle, et elle se demande elle aussi comment elle va faire
pour être assise à une table comme ça du côté
patronal. Je n'accuserai donc pas seulement le côté syndical.
M. CHARRON: Qui était votre conciliateur à ce
moment-là?
M. COURNOYER: Mon conciliateur s'appelait M. Dansereau, il a fait ce
qu'il a fait et, monsieur, quand vous aurez quelque chose de précis
contre M. Dansereau, vous l'accuserez formellement. Et que Bourdon fasse la
même chose que vous, qu'il l'accuse formellement.
M. BURNS: Le député vous a demandé qui
c'était. Il a demandé qui c'était.
M. COURNOYER: C'était M. Dansereau qui était mon
conciliateur.
M. BURNS: D'accord.
M. COURNOYER: Et il cherchait des télévisions en circuit
fermé pour pouvoir faire la forme de la table. Cela, c'était une
situation qui laisse les parties amener toute une province dans le marasme.
J'allais dire une autre affaire qui commençait par M aussi, je me suis
forcé, je me suis retenu.
M. LACROIX: Pas Morin, toujours?
M. COURNOYER: De toute façon, M. le Président, j'ai
voulu... vous en mangez? J'ai voulu, M. le Président, refaire cet
historique. J'ai consenti, à l'époque, à permettre que ces
droits de veto de la minorité ne l'emportent pas sur la décision
de la majorité du côté patronal ou du côté
syndical. J'ai donc enlevé les situations de monopoles qui existaient en
vertu du bill 290. Quand on a adopté le bill 290, M. le
député de Johnson, on a décidé, ceux qui se
connaissaient, de se partager un gâteau.
M. BELLEMARE (Johnson): II y en avait qui avaient de gros morceaux.
M. COURNOYER: Oui, monsieur. C'est ce qu'on a fait dans ce
temps-là.
Et on a peut-être, sans insister parce que je connais le
député de Johnson; il ne se laissait pas imposer n'importe quoi
conditionné l'acceptation paisible du bill 290 à
l'inclusion dans la loi des noms de ceux qui se partageraient le gâteau
de la construction. En même temps le législateur du temps, comme
le législateur de 1973, confiait à ces gens le soin de
rétablir et de mettre de l'ordre dans l'industrie de la construction,
puisque c'était d'abord et avant tout leur industrie.
M. le Président...
M. BELLEMARE (Johnson): II y avait "unanimité" ou
"majorité"; c'est la seule différence.
M. COURNOYER: Cette unanimité, j'essaie de le prouver, M. le
Président n'a jamais été atteinte, sauf quand il
s'agissait des intérêts réciproques de tout le monde.
M. BELLEMARE (Johnson): D'accord, mais dans 290, c'est
"unanimité" et, dans le 9, "majorité". Je sais que vous viendrez
à cela.
M. COURNOYER: Majorité dans le bill 9, qui nous a permis d'avoir
une convention collective en 1973 impossible en vertu de l'ancien bill 290 qui
nécessitait l'unanimité. Cette convention collective
après le bill 9, bien sûr, la CSD a été reconnue,
elle est maintenant partie contractante et l'Association de la construction de
Montréal est partie contractante n'a pas en soi
réglé tous les problèmes de l'industrie de la
construction, bien au contraire. Elle n'a pas été la source, non
plus, des problèmes de l'industrie de la construction.
En 1974, lorsqu'on découvre la situation inflationniste dans
laquelle nous vivons on la découvre tous les jours et que
cela cause chez les individus qui représentent normalement les
travailleurs de la construction un souci bien légitime de demander ce
que d'autres travailleurs demandent par leur syndicat, je trouve cela
parfaitement normal. Que cela cause chez les employeurs, comme je le disais au
début de cet exposé, une réaction ils ne sont pas
habitués à cela, et qu'ils ne peuvent pas faire cela c'est
encore parfaitement normal du côté des employeurs. Mais, à
un moment donné, après une grève de quinze jours qui ne
s'est pas réglée, une fois que le monde est retourné au
travail, là on a donc baissé la productivité. On
était payé pour ne rien faire sur les chantiers de construction.
Pas nécessairement les individus. Apparemment, il y a quelqu'un qui les
invitait à prendre cette méthode de pression et je pense bien que
la commission Cliche découvrira ceux qui les invitaient à prendre
cette méthode de pression. Ils ont fait cela, M. le Président,
depuis quatre mois. Depuis quatre mois, la productivité dans l'industrie
de la construction a subi une baisse encore plus considérable que celle
qu'elle avait subie depuis les deux dernières années. Et, depuis
quatre mois, c'est toujours autour du même problème qu'on tourne:
l'indexation des salaires des gars de la construction. La situation qui s'est
créée face à ce genre de pression plus fort chez ceux qui
sont capables de payer et chez ceux qui avaient la possibilité de
refiler rapidement cela aux consommateurs de leurs biens, est extrêmement
difficile, M. le Président.
Il existe présentement des ententes, qui ne sont pas mini, mais
qui existent sans être signées, en vertu desquelles, depuis
qu'elles sont convenues, si elles ne sont pas signées, certains
travailleurs de la construction reçoivent $0.50
de plus l'heure que le taux prévu au décret. A compter du
1er janvier, ces mêmes sortes d'arrangements comportent une autre
augmentation de $0.25 l'heure, ce qui fait en tout $0.75, et, à compter
du 1er janvier 1976, un autre $0.25, ce qui fait un dollar. Cela est
payé actuellement par un certain nombre d'entrepreneurs.
Légalement ou illégalement? M. le Président, je n'ai pas
à juger cela; je laisse aux tribunaux le soin de juger ce genre
d'arrangements. Mais c'est payé. Dernièrement, les ferrailleurs,
à Montréal, sur les chantiers olympiques et ailleurs, ont
demandé, eux, le même traitement qui était consenti
à certains de leurs confrères de l'industrie de la
construction.
Pour arriver à leurs fins devant le refus, ils ont
décidé de se réunir en séance d'étude.
J'affirme qu'au moment où on se parle il ne s'agit pas de la
responsabilité organisationnelle ni de la CSN, ni de la FTQ. Il ne me
semble pas compte tenu de l'information que je possède que
ce soit une chose organisée de l'extérieur. Il semble que ce soit
spontané.
Mais j'ai tellement vu de choses spontanées dans l'industrie de
la construction, que lors de l'écoute de bandes
téléphoniques nous découvrons que la
spontanéité était inspirée par des
procédés que maintenant nous connaissons, mais que nous ne
connaissions pas auparavant.
Quand M. Desjardins venait me voir dans mon bureau et disait: Ti-Jean,
je ne suis plus capable de les retenir, moi je ne savais pas, Ti-Jean, qu'il y
avait autre chose qui poussait. J'ai le droit d'affirmer dans cette Chambre que
je ne peux pas tout savoir ce qui se passe sur les chantiers de construction.
La spontanéité actuelle, je ne veux pas en douter, mais je me
permets de me poser un certain nombre de questions, compte tenu de ce qui se
produit.
La semaine dernière, M. Fernand Daoust qui est le tuteur du
Conseil des métiers de la construction se trouvait probablement
comme par hasard dans mon bureau parce qu'apparemment je ne peux pas
parler maintenant à une centrale syndicale sans avoir les deux autres
à la porte, et je ne peux pas non plus parler à une association
patronale sans avoir les sept autres sur le dos et nous lui avons
suggéré que pour amender le décret il y avait une
procédure, qu'il pouvait demander aux associations patronales
représentatives de les rencontrer conformément à la loi
actuelle, le bill 9, qui est en fait un complément du bill 290,
l'unanimité mise à part.
M. Daoust a trouvé que cette procédure était
probablement la seule qui pouvait conduire à des amendements au
décret, c'est-à-dire la discussion. Remarquez que les
associations patronales m'avaient personnellement refusé toute
discussion à la suite de la fin de la grève au mois de juin.
Oublions ce point de départ.
M. Daoust envoie donc un télégramme aux différentes
associations patronales, qui sont des associations patronales
représentatives, leur demandant de le rencontrer. Quatre associations
lui répondent mais l'astuce arrive, il s'agit de la
Fédération de la construction du Québec, l'Association de
la construction de Montréal, l'Association des constructeurs de grands
travaux et en plus l'Association des constructeurs d'habitations
qu'elles sont bien prêtes à le rencontrer, mais à condition
qu'elles soient assises avec la CSN et la CSD.
Comprenons-nous bien, M. Daoust dit: Moi, dans les circonstances
actuelles, je me sens mal à l'aise d'inviter la CSN et la CSD. Et le
ministre du Travail essaie par ses gens d'organiser une rencontre. Mais comme
tout le monde doit être là et que la FTQ dit: Si je dois
être avec la CSN et la CSD, je ne vois pas pourquoi les deux corporations
d'électriciens et de plombiers ne seraient pas là du
côté patronal. Parfait. Mais qui va les inviter? Ils se naissent
comme ils ne peuvent pas se hair. Ce sont des gens en compétition les
uns avec les autres.
J'ai donc pris sur moi comme ministre de les convoquer et de les inviter
au ministère du Travail dans une salle que je mettrais à leur
disposition. Je ne les ai pas convoqués pour agir entre eux. J'ai dit:
Si vous ne savez pas qui va appeler qui et qu'on a un problème de cette
nature, le ministre va les appeler et prenez donc une salle, et j'agis non pas
comme intermédiaire, mais j'essaie d'éviter encore cette
discussion de forme de table. Va-t-on se voir ou ne se verra-t-on pas? Ils se
sont vus hier matin et hier matin nous avons discuté, sans discuter de
ce que nous voulions discuter. Nous nous sommes dit que nous voulions discuter
de la productivité sans discuter des augmentations de salaire, et nous
nous sommes dit que nous voulions discuter des augmentations de salaire et que
la productivité suivrait.
Un certain nombre a dit: Nous n'avons pas de problème, nous
n'avons pas d'affaire à rien rouvrir. Et un certain nombre a dit: Je
pense bien qu'il y aurait lieu d'être raisonnable dans ça. Ce sont
les mêmes qui disaient qu'il y aurait lieu d'être raisonnable au
mois de juillet. Mais comme ceux-là avaient dit ça au mois de
juillet, les autres, n'ayant pas été d'accord dans ce temps, ne
peuvent pas être d'accord aujourd'hui. C'était à
prévoir que la situation tomberait d'elle-même et qu'à la
fin de la réunion on constaterait l'échec, l'impossibilité
pour les parties de considérer leurs problèmes et de tenter de
les résoudre.
Leurs problèmes sont souvent de deux ordres. Les salariés
demandant une indexation et les employeurs s'attendant à une
productivité accrue, et voulant discuter et ne voulant pas discuter du
problème de l'autre, ayant l'air de vouloir en discuter, le ministre a
dit: C'est assez. Le premier ministre m'a demandé de faire en sorte que
ce soit assez, parce que ce qui subit les conséquences de ces avatars de
disputes interpatronales et intersyndicales, c'est toute l'économie du
Québec. Il faut arriver au bout. Puis, pour arriver au bout et
arrêter de remettre la responsabilité sur la tête du
ministre et du gouvernement pour des actes que le Parlement a confiés
à la responsabilité des parties patronale
et syndicale, et effectivement faire absorber par le gouvernement les
conséquences de cette absence de prise de responsabilité d'un
problème collectif par ceux qui se partagent ce monde, il n'y a qu'une
conclusion, M. le Président. Si nous devons avoir la
responsabilité, nous devons avoir le pouvoir de régler les
situations qui se développent continuellement dans cette industrie.
Voilà pourquoi, M. le Président, nous avons
décidé de présenter cette demande au Parlement de
consentir au gouvernement le pouvoir qui accompagne normalement la
responsabilité. Quel que soit ce que diront les entrepreneurs et ce que
diront les travailleurs, on retournera toujours la responsabilité au
gouvernement. Je sais bien que c'est une loi, en soi, qui est extrêmement
onéreuse. Elle est onéreuse d'abord pour le ministre du Travail,
pour le gouvernement encore plus, parce qu'en définitive le nerf de
l'évolution du Québec reste la construction. Tant et aussi
longtemps que c'est chaotique et que le gouvernement n'a pas les pouvoirs de
régler les situations chaotiques, on peut s'attendre que ce nerf de
l'industrie au Québec, ce nerf de l'évolution au Québec
cause, à toutes fins utiles, une dépréciation de la valeur
des Québécois sur le continent nord-américain. C'est cette
industrie qui a le plus préoccupé le législateur depuis
dix ans, c'est cette industrie qui a le plus évolué depuis dix
ans. Les lois que le législateur est obligé de voter et qu'il a
consenties sont les meilleures sur le continent nord-américain.
Il va falloir cependant que les parties comprennent une fois pour toutes
que, quand le législateur confie des responsabilités à des
gens, cela implique qu'ils prennent leurs responsabilités. Et quand ces
gens transfèrent leurs responsabilités au législateur, qui
les leur a confiées auparavant, qu'ils s'attendent que le
législateur les reprenne ces responsabilités et qu'il assume
pleinement le pouvoir correspondant pour régler les problèmes
qu'ils n'ont pas été, eux, capables de régler.
M. le Président, je m'arrête, je ne veux pas continuer
l'histoire. Je suis accusé de tous bords et tous côtés, par
ces mêmes personnes de l'industrie de la construction, de manquer
à mon devoir de ministre. Je manquerais gravement à mon devoir de
ministre en ne présentant pas la loi que j'ai présentée,
dans les circonstances dans lesquelles nous sommes, comme j'aurais
manqué à mon devoir de ministre en ne présentant pas la
loi 9 lorsque j'ai décidé de la présenter.
M. le Président, je laisse la parole à ceux qui vont
s'opposer.
LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, je vois que le ministre du Travail a
lu dans ma pensée en disant qu'il laisse la parole à ceux qui
vont s'opposer.
M. BOURASSA: C'est ça. M. BURNS: Pardon? M. BOURASSA: Parlez.
M. BURNS: Vous avez quelque chose à dire?
M. BOURASSA: Je vous répondrai tantôt.
M. BURNS: C'est cela, laissez-moi faire en attendant, d'accord?
A première vue, c'est un simple projet de loi qui ne comporte
à peine que quatre articles dont l'un est l'article de la mise en
vigueur, c'est-à-dire celui de la date de sa sanction, et les deux
autres, ce sont des articles de concordance avec l'article premier.
Sans me référer spécifiquement à un des
articles et sans le discuter à ce stade-ci, ce qui devra être
discuté un peu plus loin, je suis obligé de me rendre compte que
le seul et unique but de ce projet de loi, c'est de prendre des pouvoirs qui
appartiennent, à toutes fins pratiques, déjà, en partie,
au lieutenant-gouverneur en conseil, avec le consentement des associations
représentatives, et de remettre ce pouvoir entre les mains de ce
même lieutenant-gouverneur en conseil sans le consentement des
associations représentatives et, en particulier, d'ajouter le pouvoir de
modifier le décret.
Je pense que lorsqu'on voit l'importance des pouvoirs que le
lieutenant-gouverneur en conseil, soit le gouvernement, c'est-à-dire le
cabinet, veut se réserver dans le présent cas, je pense qu'il est
important d'examiner cela avec la toile de fond existante, actuellement, avec
la commission Cliche, sur laquelle je n'élaborerai pas, selon vos
propres directives. Mais on est obligé d'en tenir compte avec les
révélations qui sortent à la commission Cliche, avec ce
qu'on sait de la participation du gouvernement à des négociations
illégales pour accorder le monopole à une centrale à la
baie James, avec la participation d'un conseil spécial du premier
ministre à ce type de négociation, avec cela aussi fait
partie de la toile de fond la réprobation à peu
près unanime de toutes les associations, tant patronales que syndicales,
dans le domaine de la construction du ministre du Travail.
C'est ça la toile de fond dont on est obligé de tenir
compte à ce stade-ci, avant de dire qu'on va être d'accord ou pas
d'accord avec ce type de projet de loi.
Si j'ai bien écouté le ministre du Travail, ce qu'il veut,
dans le fond, c'est de régler le fameux problème des $0.50. Il y
a un syndicat qui pousse plus que les autres pour obtenir une hausse de $0.50
l'heure, ce qui, selon ce syndicat, serait un reflet de sa perte de pouvoir
d'achat ou, si vous voulez, le rembourserait ou rembourserait ses
membres de sa perte de pouvoir d'achat, vu l'augmentation du coût de la
vie.
Si c'est ça que le ministre du Travail veut avoir comme pouvoir
de décréter, qu'il le dise dans son projet de loi, et sur cela,
on va être d'accord. Mais je ne serai pas d'accord avec la toile de fond,
que je vous ai mentionnée tout à l'heure, de donner un pouvoir
absolument extraordinaire au cabinet des ministres, un pouvoir qu'aucun autre
gouvernement ne s'est donné dans quelque domaine que ce soit des
relations patronales-ouvrières.
Encore une fois, on nous revient avec un projet de loi, et le ministre
du Travail en a cité quelques-uns, qu'on nous a présenté
exactement dans la même forme. C'est pour ça que je ne suis pas
convaincu, cette fois-ci, après la troisième ou quatrième
reprise, mais dont les principales, à mon avis, sont les suivantes:
Lorsqu'on a présenté le projet de loi no 290, sous une autre
administration gouvernementale, je l'avoue, on l'a présenté comme
étant une solution aux problèmes de la construction.
Je dois dire, à la décharge du ministre du Travail du
temps, que c'était une tentative sérieuse de vouloir changer la
situation dans le domaine de la construction.
Avant cela, M. le Président, il n'y avait aucune
possibilité de stabilité syndicale dans le domaine de la
construction, parce que les syndicats procédaient en vertu des lois
générales en matière d'accréditation syndicale. Un
syndicat qui voulait être accrédité dans la construction
présentait une demande d'accréditation pour un chantier en
particulier, parce que l'ancienne Commission des relations du travail avait
tout simplement décidé que les accréditations provinciales
n'étaient pas acceptables pour un employeur en particulier. Ainsi, quand
arrivait le temps où l'accréditation devait être
accordée, très souvent, le travail sur un chantier en particulier
pour lequel on demandait l'accréditation était terminé, de
sorte que cela ne donnait strictement rien de faire des procédures
devant l'ancienne Commission des relations du travail.
Le projet de loi no 290 a tenté de régler, au moins, ce
problème en fixant la représentativité au niveau
provincial et en tenant compte, du côté patronal et du
côté syndical, de l'importance des associations; ensuite, en
fixant un certain nombre de mécanismes que je n'ai pas à
réexaminer. Mais tous et chacun de ces mécanismes sont
basés sur la participation des parties intéressées,
participation que le projet de loi actuel veut venir nous dire qu'il faut
strictement enlever, c'est-à-dire qu'on le laisse pour la forme. On le
laisse pour la forme en donnant au lieutenant-gouverneur en conseil le pouvoir,
sur la recommandation du ministre du Travail, de prolonger, d'abroger ou de
modifier le décret sans le consentement des associations
représentatives concernées.
Cela fait tellement de fois, M. le Président, qu'on nous dit...
On nous l'a dit dans le cas du bill 38, quand la grève
générale de la construction a eu lieu. C'était une
étape que le ministre du Travail citait tout à l'heure. Lorsque
l'ex-ministre du Travail avait présenté, dès les premiers
mois de 1970, à la suite de l'élection de ce gouvernement, le
projet de loi no 38 qui voulait régler la grève dans le domaine
de la construction, il nous l'avait présenté comme une
façon de remettre de l'ordre dans l'industrie de la construction.
On a fait la même chose quand, à Sept-Iles, on se fendait
le crâne entre centrales syndicales rivales. On a adopté une loi
spéciale encore ici. Encore une fois, on nous a dit: C'est pour remettre
de l'ordre. J'ai entendu le ministre actuel du Travail nous dire: Je ne suis
quand même pas pour les laisser faire. Il faut que je remette de l'ordre
là-dedans. Quand on a adopté, M. le Président, bien contre
notre gré, en 1973, le projet de loi no 9 qui, à toutes fins
pratiques, en plein milieu des négociations, venait changer les
règles du jeu, on nous dit aussi, que c'était un projet de loi
qui venait remettre de l'ordre dans l'industrie de la construction.
Là, on va nous dire encore une fois, M. le Président, que
ces pouvoirs excessifs que le lieutenant-gouverneur en conseil veut se donner,
c'est pour remettre de l'ordre dans l'industrie de la construction, alors qu'on
n'a rien fait quand il était temps. Dès les premiers mois, M. le
Président c'est pour cela que j'ai
délibérément mentionné ces étapes de la mise
en vigueur de la loi 290, Loi sur les relations du travail dans l'industrie de
la construction dès la première convention collective
qu'on a tenté de négocier pour venir au premier décret,
presque toutes les parties concernées, patronales et syndicales, ont
dit: Cette loi a besoin d'être ajustée à nos besoins.
Qu'est-ce qu'on a fait, M. le Président? On n'a rien fait, on a attendu.
On a attendu que les problèmes en viennent à un point tel qu'on
dise:
II y a désordre total dans le domaine de la construction. Il est
temps de remettre de l'ordre. On a eu le bill 38, et même après le
bill 38, les parties sont venues devant nous en commission parlementaire pour
venir nous expliquer certains de leurs problèmes. Je dois dire que
certaines aussi de ces séances de la commission parlementaire n'ont pas
été aussi calmes qu'elles auraient dû l'être,
à cause de l'intervention de personnes, non pas de l'intérieur du
parlement, mais de l'extérieur. Mais n'empêche qu'on s'est
laissé intimider à ce moment-là parce qu'on était
en voie de tenter de trouver une solution, pas nous autres, une solution nous
autres avec les gens concernés. Il n'y aura jamais de solution qui va
soi-disant remettre de l'ordre dans l'industrie de la construction si cette
solution n'est pas recherchée avec les gens du milieu de l'industrie de
la construction.
J'entends déjà le ministre du Travail, dans
son droit de réplique, me dire: Mais le député de
Maisonneuve rêve en couleurs. Il pense que c'est possible. Oui, c'est
possible. C'est possible si à un moment donné on est capable, par
l'autorité de l'Assemblée nationale, d'amener ces gens devant
nous, et même s'il y a des gens qui se bousculent quand ils viendront
devant nous, ce n'est pas grave.
J'aime mieux qu'ils se bousculent devant nous en commission
parlementaire, j'aime mieux voir certains députés se dire
outrés d'entendre les gros mots que les gars de la construction peuvent
venir nous dire que de les voir se casser la gueule toute l'année sur
les chantiers.
M. BOURASSA: Sauter par-dessus la rampe.
M. BURNS: M. le Président, si on n'est pas capable de maintenir
l'ordre ici, imaginez-vous comment on va le maintenir avec des projets de loi
comme ça. C'est ça qu'est, à mon avis,
l'inconséquence totale du ministre du Travail et du gouvernement qui le
laisse présenter ce projet de loi. On n'est pas capable de maintenir
l'ordre en commission parlementaire lorsque les gens de la construction
viennent nous voir et ils font peur à quelques députés en
sautant pardessus les barrières et on dit: On ne leur parle plus, on ne
les invite plus parce que ce sont des gens qui brassent le camarade.
On va faire une loi qui va prendre tous les pouvoirs, qui va les mettre
entre les mains du gouvernement et on va s'imaginer naïvement, j'allais
même dire niaiseusement qu'on règle le problème alors que
de façon répétée, constamment, d'une fois l'autre,
on nous amène des bouts de projets de loi soi-disant pour remettre de
l'ordre dans l'industrie de la construction. Voyons donc! Ne nous leurrons pas,
ne nous contons pas d'histoires. Il y a beaucoup de choses, il y a une
côte à remonter dans la construction, je l'admets. Ecoutez, je ne
suis pas à ce point naîf de ne pas constater que le domaine de la
construction est assez, je dirais, bizarre au point de vue des relations
patronales-syndicales.
M. CHOQUETTE: C'est un euphémisme.
M. BURNS: Je suis capable de constater ça, M. le
Président. Je suis capable de constater aussi qu'il y a un historique
assez spécial dans le domaine de la construction. Je ne vous ferai pas
tout cet historique parce que probablement qu'il me manquerait des bouts. Je
risquerais de ne pas vous donner l'image complète, mais je suis capable
de constater le résultat que le ministre de la Justice lui-même a
pu constater parce qu'il a été obligé de porter des
plaintes et il va être obligé d'en porter encore d'autres.
Je n'ai pas de leçon à recevoir ni du ministre de la
Justice ni d'autres.
M. CHOQUETTE: Non, ce n'est pas une leçon que je veux vous
servir, c'est surtout parce que le ministre de la Justice l'a dit, ce que
c'était, ce milieu-là, il y a quelques années.
M. BURNS: M. le Président...
M. CHOQUETTE: Vous l'admettez.
M. BURNS: M. le Président, je l'ai dit quand on a adopté
le projet de loi no 38, projet de loi qui forçait le retour au travail
des employés de la construction en grève en 1970. Je l'ai dit que
c'était une jungle assez particulière, au point de vue des
relations patronales-ouvrières, le domaine de la construction. Je l'ai
dit bien avant que le ministre de la Justice le constate. Je le savais
même, M. le Président, avant d'être membre de cette
Assemblée nationale. Je ne le nie pas.
Ce que je dis, par exemple, M. le Président, c'est que, devant
une situation aussi cancéreuse, je comprends mal qu'un gouvernement
vienne poser des cataplasmes sur des jambes de bois. Ce n'est pas plus que cela
qu'on est en train de faire. On se dit: On va le régler le
problème, on va prendre tous les pouvoirs. Bien oui, mais je demande au
premier ministre...
M. BOURASSA: Ce n'est pas un cataplasme, c'est un gain de pouvoirs.
M. BURNS: ... quand vous aurez tous les pouvoirs, est-ce que c'est vous
qui allez, à un moment donné, faire la finition dans certains
chantiers de construction quand les gars de la finition vont lâcher?
Est-ce que c'est vous qui allez faire les formes lorsque, à un moment
donné, les menuisiers et les manoeuvres décideront que
même, malgré cela, ça ne marche pas? Est-ce que c'est vous
qui allez faire les liens électriques? Je ne connais pas les termes du
métier mais vous savez fort bien ce que je suis en train de dire. Est-ce
que c'est vous...
M. BOURASSA: Lisez le décret.
M. BURNS: ... M. le premier ministre, qui allez remplacer, avec les
pouvoirs que vous vous donnez, les gens qui vont dire: On nous a
encarcané encore une fois dans une loi qui n'est pas adaptée
à nous? Je vous dis non, M. le Président. Ce n'est sûrement
pas le premier ministre qui va aller le faire; je sais ce que le premier
ministre va faire ou le ministre du Travail actuel ou futur, à cette
époque-là. Je le sais, il va faire comme aujourd'hui, il va
revenir devant nous et il va dire, tranquillement, pas vite: II faut mettre de
l'ordre dans l'industrie de la construction. Bien moi, je suis tanné
d'entendre cela, M. le Président. C'est pour cela que, d'abord et avant
tout, en principe, je suis contre un type de projet de loi comme
celui-là, qui se veut une solution magique, qui n'a jamais
été discuté véritablement avec les gens. Oh! je
sais, sans aucun doute, qu'il a été donné comme une
espèce d'avertissement ou comme une sorte de
menace aux gens de la construction. Je suis convaincu, sans avoir
participé aux discussions, que dans les rencontres on a montré
des avant-projets aux gens de la construction, comme on le fait souvent dans le
domaine du travail et qu'on leur a dit: Vous savez, il faut être gentil,
il faut être fin, parce que, là, on va vous enlever bien des
pouvoirs.
C'est ce qu'on a fait peut-être. Mais cela, je n'appelle pas cela
de la consultation. La véritable consultation, cela va être,
à un moment donné, de rencontrer les gens de la construction,
tant du côté patronal que syndical, et de leur faire une loi qui
va être un habit sur mesures, et qui n'aura pas de couture qui va
dépasser, ni de pantalons trop longs et de manches trop courtes. C'est
cela, M. le Président, qu'il va falloir qu'on fasse, et il va falloir
qu'on ait le courage de le faire, avec les difficultés que cela
comporte. Cela ne sera pas, M. le Président, en faisant des solutions de
"repatchage" comme celle-là qu'on va réussir à
régler le problème dans l'industrie de la construction.
J'ajoute ceci, c'est peut-être très méchant ce que
j'ai à dire, M. le Président, mais l'unanimité avec
laquelle le ministre du Travail est répudié dans le domaine de la
construction...
Cela, c'est de notoriété publique et, quand je dis
l'unanimité, je veux dire tant du côté patronal que
syndical. Pas plus tard que ce matin, il y avait trois associations patronales
qui disaient: Le problème ne sera jamais réglé tant que
Cournoyer va être là.
M. BOURASSA: Facile à dire.
M. BURNS: La CSN et la FTQ l'ont dit et redit, je ne sais combien de
fois.
M. MERCIER: Ce n'est pas des références.
M. BURNS: M. le Président, quand vous rencontrez une
unanimité telle du côté patronal et du côté
syndical, je vous dis ceci... Cela me fait un peu de peine de le dire parce
que, sur le plan personnel, c'est quelqu'un que j'aime bien.
M. BOURASSA: II sert de bouc émissaire, c'est tout.
M. BURNS: Je suis content que le premier ministre soit là pour
l'entendre: II est temps, tout simplement, de changer d'interlocuteur, parce
que, si dans le domaine de la construction votre ministre du Travail est
répudié de façon unanime d'un côté comme de
l'autre, c'est simple, M. le Président, faites toutes les lois que vous
voudrez, vous n'avez plus d'interlocuteur gouvernement-syndicats ou
gouvernement-patrons. Cela, c'est important qu'on se le dise. C'est
peut-être méchant que je le dise, mais je serais malhonnête
si je ne le disais pas, parce que je le pense. Je ne vois pas pourquoi je le
dirais à la Chambre de commerce de Montréal, si je ne suis pas
capable de revenir le dire ici. Je l'ai dit à la Chambre de commerce de
Montréal et je reviens le dire ici, M. le Président.
M. BOURASSA: C'est une sottise que vous avez dite là.
M. BURNS: Vous les jugerez et vous les accumulerez mes sottises, puis
vous les présenterez à mes électeurs la prochaine fois;
ils jugeront, eux.
M. le Président, je pense très sincèrement qu'avant
de penser à améliorer une loi comme celle-là, il y a au
moins deux étapes à franchir. La première au point de vue
délai, c'est de changer l'interlocuteur du gouvernement. Il est
essentiel que le ministre du Travail soit remplacé. Est-ce clair, cela?
C'est mon opinion. Bon. Vous avez le droit de ne pas être de mon avis.
Vous êtes le seul, comme je l'ai dit, qui le défendez au
Québec. Qu'est-ce que vous voulez? Continuez, M. le premier ministre.
Continuez. Mais, tant que vous ne comprendrez pas cela, vous ne réglerez
pas le problème de la construction. Encore une fois, quand je vous dis
qu'il est temps que vous changiez d'interlocuteur, je ne veux pas m'imposer
dans votre cabinet, je ne dis pas que le ministre du Travail ne pourrait pas
être utile ailleurs. C'est vous qui le déciderez; ce n'est pas
à moi de le juger, à ce moment-ci. Mais il y a quelque chose de
clair; d'abord et avant tout, avant de régler le problème de
l'industrie de la construction, il va falloir que vous ayez un gars capable
d'avoir suffisamment de crédibilité auprès des
associations patronales, auprès des associations syndicales, peu
importent les problèmes qu'elles traversent actuellement, pour pouvoir
véritablement discuter avec ces gens-là. Cela, M. le
Président, je pense que c'est une priorité.
Deuxièmement, une fois que vous aurez fait cela, une fois que
vous vous serez retrouvé un interlocuteur valable dans ce
domaine-là, vous serez en mesure, et nous tous ici nous le serons de
rencontrer les gens du milieu de la construction et de leur créer cet
habit sur mesure qu'ils veulent. Ce ne sera peut-être pas un habit sur
mesure unanimement dessiné, mais ce sera sûrement quelque chose de
mieux que ce qui existe actuellement, malgré tous les efforts qu'on a
mis dans la loi 290 lorsqu'on l'a adoptée.
M. le Président, si, après avoir fait ces
efforts-là, on sent que c'est absolument impossible d'en arriver
à une solution, j'envisagerai d'accepter de donner des pouvoirs
exceptionnels au gouvernement dans ce domaine-là, parce que, là
on dira:
On a vraiment tout fait. Mais là on n'a vraiment rien fait, et on
nous demande, après n'avoir strictement rien fait, d'accorder au
lieutenant-gouverneur en conseil ces pouvoirs excessifs. Encore une fois, je le
répète, pour ne pas qu'on m'interprète mal et que le
premier ministre parte sur une chire comme il le fait
habituellement et qu'il dise: Burns a dit qu'il ne fallait pas mettre de
l'ordre dans l'industrie de la construction. Burns est contre ce fait que vous
ayez, les gars de la construction, $0.50 d'augmentation l'heure. Je le sais, le
premier ministre, dans ses émissions le dimanche, c'est probablement ce
qu'il va dire.
Si c'est ça qu'il dit, il mentira effrontément.
J'espère qu'il ne le fera pas. Parce que je l'avertis d'avance que ce
n'est pas ça que je dis. Je dis que, si c'est pour leur donner leurs
$0.50 l'heure, mettez-le donc dans la loi et nous sommes d'accord que vous ayez
le pouvoir de modifier le décret pour ça. Mais, si vous avez
besoin d'un marteau, ne nous demandez pas une masse. C'est ça que vous
faites actuellement.
Vous dites: Nous avons besoin d'accorder une augmentation de salaire aux
gars de la construction. Il faut absolument régler ce problème.
Et je suis d'accord, j'ai même posé des questions au premier
ministre, en l'absence répétée du ministre du Travail. Et
je n'ai pas eu de réponse encore là-dessus.
La seule réponse que j'ai eue, c'est qu'une bonne journée
j'ai vu un projet de loi apparaître en avis au feuilleton. Et l'autre
réponse que j'ai eue, ça a été une demande du
premier ministre de sauter l'étape, parce qu'on avait refusé,
pour probablement de bonnes raisons, de déposer le projet de loi le
matin même et on a voulu le déposer l'après-midi, soit
hier. Et j'ai accepté, j'ai donné mon consentement.
Tant et aussi longtemps que vous allez demander une masse alors que
c'est d'un marteau que vous avez besoin, je ne serai pas d'accord. Moi je ne
sais pas ce qu'il y a derrière les pouvoirs et les intentions du
gouvernement qui paraissent dans ce projet de loi. Je ne sais pas ce que
ça veut dire moi le pouvoir de modifier, même sans le consentement
des parties, le décret. Je ne sais pas jusqu'où ça peut
aller.
Si c'est pour aller jusqu'à $0.50 d'augmentation l'heure, je dis:
Parfait, mettez-le, on l'accepte et votre projet de loi, vous allez l'avoir
avant minuit, je vais lâcher tout de suite.
M. BOURASSA: II n'y a pas que cela dans le décret.
M. BURNS: II n'y a pas que cela dans le décret, mais moi je veux
savoir, par exemple, ce à quoi j'expose les gens de la construction
alors qu'on n'a pas véritablement je vous le dis pris la
peine de savoir comment on peut faire un règlement qui est à la
mesure de la construction. C'est pour cela que je vais voter contre le projet
de loi.
M. le Président, j'espère que le gouvernement, en cours de
route, va se raviser. Quand le projet de loi no 9 a été
adopté c'est peut-être bon de le rappeler le
député de Saint-Jacques et moi-même, on s'est fait
critiquer même par une certaine partie syndicale pour les attitudes que
nous avons prises. A l'époque, il y a beaucoup de monde qui s'est
bidonné du côté ministériel, disant: Tiens, les
défenseurs des travailleurs qui se font critiquer par les travailleurs.
Mais qu'est-ce que nous avons dit, M. le Président, à
l'époque du projet de loi no 9? Alors qu'en pleine négociation,
il y avait un dead-lock complet, qu'il y avait difficulté même de
se rencontrer à une même table de négociation. Le
gouvernement a décidé, pendant la partie de hockey, de changer
les règles du jeu. Nous avons dit: Ce n'est pas possible, cette
approche. Cette attitude est indéfendable et vous ne réglerez pas
le problème. Je vous réfère au journal des Débats,
je n'ai pas le texte devant moi, je ne me relis pas constamment, comme certains
le font, mais je me rappelle cependant que le député de
Saint-Jacques et moi-même nous avons dit: Cela nous fait de la peine de
vous le dire, parce qu'on aimerait bien que vous le régliez, le
problème, dans la construction, mais vous ne le réglerez pas en
faisant cela. M. le Président, il y a presque deux ans de cela, un an et
demi, plus exactement, mais je pense qu'on a eu raison de le dire, parce que,
justement, on revient cette année nous dire, au député de
Saint-Jacques et à moi: On s'excuse, on ne l'a pas réglé,
le problème, dans la construction, mais on va essayer de le
régler, là. Donnez-nous la masse, donnez-nous quelque chose qui
va assommer tout le monde et on va le régler.
M. COURNOYER: C'est le temps de les assommer.
M. BURNS: A ce moment-là, M. le Président, c'est ça
que je dis, vous prenez des mesures dont je ne suis même pas
assuré qu'elles vont régler votre problème, je vous le
répète...
M. COURNOYER: C'était la même chose dans le cas du bill
15.
M. BURNS: Je l'ai dit dans le cas du bill 15, je l'ai dit dans le cas du
bill 38, avant que vous soyez là.
M. COURNOYER: ... prenait des mesures.
M. BURNS: C'est le seul type de loi que le ministre du Travail est
capable d'apporter apparemment devant ce Parlement-ci.
M. COURNOYER: Je vais continuer pareil.
M. BURNS: Vous allez continuer pareil et vous allez continuer à
travailler contre les travailleurs. C'est ça que vous faites
actuellement. Et, ce qui est pire, c'est que vous continuez...
M. COURNOYER: Je vais continuer à parler...
M. BURNS: ... par votre inertie à travailler...
M. COURNOYER: ... la même affaire.
M. BURNS: ... non seulement contre les travailleurs mais contre tout le
milieu des relations patronales-syndicales.
M. COURNOYER: ... parler contre ces espèces de sépulcres
blanchis qu'on appelle des chefs syndicaux.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! ... Il est minuit. ... Il est
minuit, messieurs. ... Il est minuit. ... Est-ce que vous faites d'autres
choses après? Oui?
M. BURNS: Je propose l'ajournement du débat, M. le
Président.
LE PRESIDENT: Alors, s'il n'y a que cela, ce n'est pas
nécessaire.
M. BURNS: C'est parce que je n'ai pas fini, M. le Président, j'ai
droit à une heure.
M. BOURASSA: Avez-vous des...
LE PRESIDENT: Vous avez automatiquement droit à la parole; le
débat est ajourné sans motion.
M. BURNS: D'accord, M. le Président.
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la
Chambre à lundi, dix heures.
LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à lundi, dix
heures.
(Fin de la séance à 23 h 59)
ANNEXE
Question de M. Bellemare (Johnson) 1. Par qui, à quelle
date et à quel traitement, M. Marc Picard a-t-il été
nommé ou désigné coordonnateur des travaux de
reconstruction de Place Royale à Québec? 2. Qui était son
supérieur immédiat et de qui prenait-il ses directives; du
sous-ministre, du cabinet du ministre, du ministre lui-même ou de
d'autres? 3. A quelle date son mandat ou ses responsabilités lui ont-ils
été retirés? 4. Par qui et pour quels motifs? 5. Quelles
sont les fonctions qu'il occupe depuis ce temps et quel est son traitement
actuel? 6. Qui a-t-on désigné comme successeur?
Réponse de M. Hardy 1. M. Marc Picard a été
nommé par le ministre des Affaires culturelles, M. François
Cloutier, le 8 juillet 1970, au traitement annuel de $18,000. 2. Son
supérieur immédiat était le ministre lui-même. 3.
Ses responsabilités lui ont été retirées le 1er
septembre 1972. 4. Par le ministre, madame Claire Kirkland-Casgrain, pour des
motifs d'ordre administratif. 5. Chef de projets spéciaux à la
Direction générale de l'aménagement (Ministère des
Travaux publics). Son traitement est de $22,000. 6. Son successeur a
été M. P.-H. Roy, ex-directeur du Service des Monuments
historiques.
Question de M. Roy 1. Pour la dernière année
complète, quelle était en livres: a) la consommation; b) la
production; du poulet à griller au Québec, en Ontario, au
Manitoba, au Nouveau-Brunswick et dans l'ensemble du Canada? 2. Pour la
dernière année complète, combien de livres de poulet ont
été: a) importées au Canada: b)exportées du
Canada.
Réponse de M. Toupin 1. a) Consommation de poulet à
griller, 1973
(millions livres, poids éviscéré) Québec
160.3
Ontario 209.3
Manitoba 26.3
Nouveau-Brunswick 17.1
Canada 582.7 b) Production de poulet à griller, 1973 (millions
livres, poids éviscéré) Québec 209.1
Ontario 207.6
Manitoba 23.7
Nouveau-Brunswick 14.8
Canada 591.6 2. Commerce extérieur, viande de poulet, Canada
1973
(milliers livres, poids éviscéré) a) Importations
7,644 b) Exportations 4,045