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(Dix heures six minutes)
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!
Affaires courantes.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Rapport sur les projets de loi 61, 62 et 63
M. MARCHAND: M. le Président, au nom du député des
Mille-Iles, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission
élue permanente de la fonction publique qui a étudié les
projets de loi suivants: no 61, Loi modifiant le régime de retraite des
employés du gouvernement et des organismes publics; no 62, Loi modifiant
le régime de retraite des fonctionnaires; no 63, Loi modifiant le
régime de retraite des enseignants, et les a adoptés avec des
amendements.
DES VOIX: Vote.
LE PRESIDENT: Rapport déposé.
Messieurs !
Rapport déposé.
L'honorable député de Rivière-du-Loup.
Rapport sur le projet de loi 39
M. LAFRANCE: M. le Président, pour M. Malouin, qu'il me soit
permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des
corporations professionnelles qui a siégé, le mardi 3
décembre et le mercredi 4 décembre 1974, aux fins
d'étudier le projet de loi no 39, Loi modifiant le code des professions
et d'autres dispositions législatives article par article, qu'elle a
adopté avec des amendements.
LE PRESIDENT:
Rapport déposé.
Rapport du greffier en loi sur les projets de loi privés.
Présentation de motions non annoncées.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
M. LEVESQUE: M. le Président, avec le consentement de la Chambre,
je suggérerais, me référant à l'appendice, que l'on
puisse passer immédiatement à la première lecture du
projet de loi au nom du ministre des Affaires sociales.
LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement pour déposer un
projet de loi en première lecture?
M. BURNS: Consentement.
Projet de loi no 93 Première lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la
première lecture de la Loi modifiant la loi de l'assurance-maladie et la
loi de la Régie de l'assurance-maladie du Québec.
L'honorable ministre des Affaires sociales.
M. FORGET: M. le Président, ce projet de loi contient un assez
grand nombre de dispositions dont les principales ont pour but d'étendre
la couverture de l'assurance-médicaments aux personnes
âgées qui reçoivent le supplément du revenu garanti.
D'autres dispositions introduisent des modifications quant aux modalités
de paiement et de remboursement des prothèses et orthèses qui
sont payées par la Régie de l'assurance-maladie comme partie de
son régime.
D'autres dispositions permettront aux ententes conclues entre les
professionnels de la santé et le ministre des Affaires sociales de
limiter le nombre de nouveaux professionnels dans une région ou un
établissement, de façon à réaliser une meilleure
répartition géographique des professionnels.
Un autre article de ce projet oblige la Régie de
l'assurance-maladie à transmettre aux assurés, chaque
année, des relevés faisant état du nom des professionnels
de la santé qui lui ont fourni des services assurés, des dates
auxquelles ils ont été fournis, du montant payé par la
régie pour chaque type de services et de la somme totale ainsi
payée pour ces services.
Un autre article permet au ministre des Affaires sociales
d'émettre des directives à l'adresse de la Régie de
l'assurance-maladie, portant sur les objectifs et l'orientation de la
régie dans l'exécution des fonctions qui lui sont confiées
par la loi à l'égard de l'utilisation des deniers publics, de la
santé du public, des droits des bénéficiaires des services
assurés et du respect des ententes auxquelles le ministre est partie.
Ces directives, une fois approuvées par le gouvernement, lient la
régie. Elles doivent être déposées à
l'Assemblée nationale.
Enfin, M. le Président, la loi contient un assez grand nombre
d'autres dispositions de concordance ou des dispositions visant à
améliorer le fonctionnement du régime ou celui de la Régie
de l'assurance-maladie elle-même.
LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle
adoptée?
M. MORIN: Adopté. UNE VOIX: Vote.
LE PRESIDENT: Vote? Qu'on appelle les députés.
Vote de première lecture
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Parent (Hull), Mailloux,
Saint-Pierre, Choquette, Cloutier, Phaneuf, Lachapelle, Berthiaume, Goldbloom,
Simard, Quenneville, Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget,
Toupin, Harvey (Jonquière), Arsenault, Houde (Fabre), Desjardins,
Giasson, Perreault, Fortier, Blank, Bédard (Montmorency), Veilleux,
Saint-Hilaire, Saindon, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Picard,
Gallienne, Assad, Faucher, Pepin, Bérard, Bonnier, Chagnon, Marchand,
Leduc, Caron, Ciaccia, Lapointe, Lecours, Malépart, Massicotte, Picotte,
Sylvain, Tardif, Tremblay, Verreault, Morin, Burns, Léger.
LE SECRETAIRE: Pour: 60 Contre: 0
LE PRESIDENT: La motion est adoptée.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading
of this bill.
LE PRESIDENT: Dexième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents.
DÉPÔT DE DOCUMENTS
LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre.
Nouvelle charte de la coopération
franco-québécoise
M. BOURASSA: M. le Président, je voudrais déposer deux
documents sur ce qui a été signé entre le premier ministre
de France, M. Chirac, et moi-même, et présenté, par M.
Chirac, comme la nouvelle charte de la coopération
franco-québécoise.
LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education.
Régime de prêts-bourses
M. CLOUTIER: M. le Président, je voudrais déposer une mise
à jour du document que j'ai déjà déposé sur
le régime de prêts-bourses et sa révision pour les
années à venir.
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières,
Compagnies et Coopératives.
Conseil de la protection du consommateur
M. TETLEY: M. le Président, je voudrais déposer le rapport
annuel 1973/74 du Conseil de la protection du consommateur, en français
et en anglais.
LE PRESIDENT: Questions orales des députés.
QUESTIONS DES DÉPUTÉS
LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.
Société Régent Knitting à
Saint-Jérôme
M. MORIN: Ma question est destinée au ministre de l'Industrie et
du Commerce, M. le Président. Le ministre est sûrement au courant
de l'expérience d'autogestion qui est en marche à l'usine de la
Société Régent Knitting à
Saint-Jérôme. Les travailleurs de cette usine, dont 400 ont
été mis à pied en juin dernier, ont décidé
de terminer la production qui avait été laissée en plan
lors de la fermeture de l'usine et ils sont en train de démontrer,
effectivement, qu'ils peuvent organiser la production eux-mêmes.
L'expérience va maintenant entrer dans une deuxième
phase.
LE PRESIDENT: Question. Un instant! Je crois que votre préambule
est suffisant. S'il vous plaît! Je n'ai pas besoin d'aide, tellement.
S'il vous plaît!
M. MORIN: J'allais dire, M. le Président, que l'expérience
entre maintenant dans une autre étape et j'aimerais demander au
ministre, à cette occasion, s'il peut nous dire si son ministère
compte aider le Comité de reclassement des travailleurs dans ses
recherches sur la réorganisation de l'usine et sur la possibilité
de l'intégrer éventuellement au secteur public
québécois en accordant les deux subventions qui ont
été demandées par ce comité, soit une subvention de
$20,000 pour une étude de gestion et une subvention de $30,000 sur
l'intégration au secteur public?
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, dans la question, il y a des
affirmations gratuites que je dois, puisqu'elles sont reprises par les
médias, corriger. Je ne pense pas que pour ce qui est de
l'expérience actuelle on puisse parler d'une expérience de
cogestion.
M. MORIN: Autogestion.
M. SAINT-PIERRE: D'autogestion. Effectivement, c'est plutôt un
groupe d'employés qui ont accepté de faire, pour un montant
forfaitaire et suivant les termes d'une entente contractuelle avec la
compagnie, par contrat, un certain lot de travail qui était
inachevé à la Régent Knitting. Je pense quand même
qu'il y a des correctifs à apporter.
Nous avons déjà apporté notre aide aux
employés de la Régent Knitting depuis déjà beaucoup
de temps. Nous avons établi la distinction entre les
responsabilités du ministère du Travail et les nôtres. Nous
n'avons pas voulu, au ministère de l'Industrie et du Commerce,
être impliqués dans l'aspect des relations de travail du conflit
de la Régent Knitting, mais nous avons pris toutes les mesures pour
tenter de trouver soit de nouveaux propriétaires, soit d'aider le
syndicat à trouver une façon de relancer l'activité
manufacturière à l'usine de Saint-Jérôme.
Déjà, nous avons accordé, dans le passé, une
aide financière substantielle, compte tenu de ce que nous accordons
généralement, pour permettre de faire des études
préliminaires. Je rappelle que ces études étaient loin
d'être extrêmement concluantes sur la rentabilité de
l'entreprise, particulièrement compte tenu du fait qu'au cours des
derniers mois, il y a eu une détérioration sensible dans
l'industrie du textile au Québec. D'ailleurs, vous en faisiez
état dans vos questions, vendredi. On peut se poser des questions
à savoir si le temps est bien propice pour relancer l'usine alors que
l'ensemble de l'industrie connaît des difficultés.
J'ai cependant exprimé très clairement aux
représentants de la FTQ que le secteur public québécois,
notamment la filiale de la SGF qui est dans le secteur du textile, n'a
absolument rien à offrir pour former la base d'un secteur du textile. Je
pense qu'on aura au moins le bon jugement de reconnaître que nous sommes
modestes. L'entreprise Les Tricots LaSalle va faire des profits raisonnables,
cette année, mais nous considérons n'avoir ni l'expertise, ni les
possibilités, en partant des Tricots LaSalle pour bâtir un empire
du textile au Québec, comme l'ont suggéré certains
documents des syndicats.
Cependant, nous n'hésiterons pas à retrouver et à
travailler avec les gens de la FTQ pour identifier des entrepreneurs,
identifier des hommes d'affaires, identifier des groupes quelconques, comme les
syndicats puisqu'il semble, dans ce secteur, qu'il y en a qui ont beaucoup
d'argent, qui seraient prêts à investir dans le capital de
risque.
J'ai dit aux gens de la FTQ qu'une fois que nous aurions
identifié les propriétaires futurs de l'usine et que la
rentabilité de l'opération sera garantie, nous serions
prêts, par le biais de la Société de développement
industriel, à faire le maximum au niveau du financement à long
terme pour permettre la relance des activités.
M. MORIN: Pourrais-je demander au ministre la précision suivante:
Son ministère compte- t-il donner suite aux deux demandes de subventions
qui, justement, ont pour but de faire étudier les questions dont il
vient de parler par des experts engagés par le comité de
reclassement?
M. SAINT-PIERRE: Quant à la première question, c'est
à l'étude dans le moment. Je dois dire que c'est un prolongement
de ce que nous avons déjà fait dans le passé. Mais en
fait, c'est à l'étude. Une décision sera rendue avant la
fin de la semaine.
A la deuxième demande, l'aide de $30,000 pour l'intégrer
au secteur public, ma réponse est négative dans ce secteur.
LE PRESIDENT: L'honorable député de...
M. MORIN: Je m'excuse, j'ai une...
LE PRESIDENT: Dernière.
M. MORIN: ... question supplémentaire...
LE PRESIDENT: Dernière.
M. MORIN: ... j'aimerais demander au ministre s'il a fait étudier
le dossier du fonds de roulement qui va être nécessaire pour la
réouverture de l'usine on nous dit vers le mois d'avril en
vue de faire fonctionner cette entreprise pendant douze à dix-huit mois,
pour démontrer précisément qu'il est possible de la rendre
rentable. Le ministre a-t-il étudié ce dossier? Est-il prêt
à nous donner des éclaircissements là-dessus, ce
matin?
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, le fonds de roulement est un
concept économique dans toutes les entreprises, mais ce n'est qu'un
volet de la rentabilité de l'entreprise. Nous allons
étudier...
Mais je pense que le problème fondamental que nous avons
rencontré, c'est beaucoup plus de trouver quelqu'un qui est prêt
à remplir les fonctions de gérance, les fonctions de capital de
risque, les fonctions d'équité à l'intérieur de
l'entreprise, que ce soit avec ou sans les syndicats. Tant que nous n'avons pas
trouvé cette personne, nous risquons de faire des études
uniquement théoriques en tentant de simuler quelle pourrait être
la rentabilité de l'entreprise, puisque nous n'avons aucune assurance
que celui qui acceptera de s'associer aux syndicats partagera avec eux leur
désir de fabriquer tel produit au lieu de tel autre, leur
intérêt de conclure une entente avec les propriétaires
actuels pour la distribution des profits ou pour la mise en marché des
profits.
Alors, tant que nous n'avons pas réglé ce premier
problème de trouver quelqu'un qui va s'associer avec eux au niveau du
capital-actions, je pense que les études de rentabilité seraient
prématurées. Nous allons les faire après. Et le fonds de
roulement n'est qu'un volet de ces études de rentabilité.
M. MORIN: Vous ne concevez pas qu'ils puissent faire fonctionner l'usine
par eux-mêmes?
LE PRESIDENT: L'honorable député de...
M. SAINT-PIERRE: Si la FTQ est prête à prendre cela
n'en prend pas beaucoup une petite somme d'argent pour investir dans le
capital-actions et prendre les risques mêmes du capitalisme... C'est beau
de dénoncer le capitalisme mais, lorsqu'on a l'argent et qu'on pense
qu'on peut le faire fonctionner mieux que ceux qui prennent des risques, il ne
faut pas hésiter à investir soi-même dans cela. C'est la
question qui est posée.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.
75,000 étudiants en grève
M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de
l'Education. Suite au vote des étudiants d'hier, 75,000 étudiants
en grève et 34 institutions paralysées, premièrement,
est-ce que le ministre doute toujours de la représentativité et
du sérieux des négociateurs et délégués
étudiants?
DES VOIX: Ah! Ah!
M. LEGER: Deuxièmement, est-ce que le ministre pourrait nous dire
s'il a l'intention de mettre un peu d'eau dans son vin et de relancer
positivement les négociations en donnant aux étudiants un
engagement plus formel sur les modifications que son ministère entend
apporter concernant le régime d'évaluation, de contribution des
parents, d'une part, et des étudiants, d'autre part, le tout afin que le
comité conjoint puisse être crée...
LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! ... A l'ordre! Oui, oui! Je
m'en rends compte. Je crois que où vous en êtes, actuellement, il
s'agit d'une question, et le ministre a la liberté de
répondre.
M. CLOUTIER: M. le Président, cette question est remplie
d'insinuations, elle est remplie de jugements de valeur. Je me demande si je
n'attendrai pas que d'autres m'en posent sur le même sujet. Parce
qu'après tout...
M. LEGER: ... vous en faire poser une par quelqu'un de votre parti?
M. CLOUTIER: ... je veux éclairer l'opinion publique. Je vais
donc attendre que quelqu'un me pose une question sur un autre ton et je
répondrai avec plaisir.
M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement.
Peut-être que le ministre a eu de la difficulté à la
comprendre. Si j'avais pu la rendre jusqu'au bout, il aurait pu la comprendre.
Je demande au ministre s'il a l'intention, M. le Président, de permettre
une nouvelle ronde de négociations en éclairant la partie
importante, c'est-à-dire la contribution des parents et des
étudiants. Si le ministre montrait qu'il est capable de mettre un peu
d'eau dans son vin, peut-être que les négociations reprendraient.
C'est pour le bien général de la collectivité, autant les
étudiants, pour leurs années d'études, qu'au point de vue
financier, ce que cela va coûter à la collectivité.
M. CLOUTIER: II y a une amélioration, M. le Président.
DES VOIX: Ah! Ah!
M. LEGER: Alors, j'espère...
M. CLOUTIER: Dans les circonstances, je pense que...
M. LEGER: Descendez des rideaux et envoyez fort!
M. CLOUTIER: ... je peux peut-être faire le point. Mais vous
comprendrez qu'il n'y a pas lieu de répondre à des questions qui
ne visent qu'à exciter les esprits ou à faire de la
démagogie.
LE PRESIDENT: Réponse, s'il vous plaît.
M. CLOUTIER: M. le Président, la position que j'ai adoptée
est claire et précise. Je viens de la déposer à
l'Assemblée nationale et j'ai eu l'occasion d'en faire état
à maintes reprises devant l'opinion publique.
C'est une position d'ouverture mais c'est une position qui tient compte
des possibilités financières de l'Etat et qui tient compte
également de la justice sociale qui nous oblige à respecter un
certain équilibre en ce qui concerne les différents groupes qui
constituent la société.
M. le Président, il n'est pas question de bouger de cette
position pour toutes les raisons que je viens de vous dire et il n'y a pas
là d'intransigeance, bien au contraire; nous avons, dans un premier
temps, je me dois de le répéter, apporté des correctifs
qui ont permis de corriger ce que la révision de l'année
dernière avait connu de difficile dans son cheminement. Nous avons,
à la suite de discussions avec les étudiants, été
capables également d'assouplir considérablement le programme pour
cette année sur plusieurs points majeurs comme, par exemple, l'extension
de la période de demandes de prêts-bourses, la possibilité
de donner des prêts maximums, sans formalité, par des fonds de
dépannage, la possibilité également de verser les bourses
sans retard et en un seul versement, une décentralisation
désormais acquise.
Ce sont là des éléments qui seront
réalisés quelle que soit l'attitude des étudiants
parce
qu'elle correspond aux orientations du ministère. De plus, nous
avons également ouvert la porte à une refonte en profondeur qui
est impensable sur le plan administratif cette année mais qui est
parfaitement pensable pour l'an prochain et l'année suivante. Nous avons
suggéré la formation de comités conjoints qui nous
permettraient de nous pencher sur cette réforme.
Voilà où nous en sommes. J'ai rencontré, samedi,
les directeurs généraux des différents CEGEP et j'ai revu,
avec ces derniers, la situation dans chacune de leurs institutions. Il en
découle, premièrement, qu'à toutes fins utiles, la
question des prêts-bourses est réglée au niveau local en ce
sens que les correctifs ont donné, quoi qu'on dise, les résultats
escomptés et il s'agit là de témoignages unanimes de la
part des directeurs généraux. Par conséquent, on peut tout
de même conclure que si la lutte continue actuellement, c'est que des
prêts-bourses servent de prétexte à une confrontation,
à un affrontement qui est souhaité pour d'autres raisons. Je ne
commente pas davantage parce que je ne veux justement pas être provocant
aujourd'hui mais je peux vous affirmer que j'aurai des choses à dire
très bientôt et pas mal de choses à dire encore sur les
aboutissants de ce mouvement que l'on cherche actuellement à
propager.
Un deuxième élément qui est né de cette
réunion, c'est qu'il est actuellement possible, bien que le point de non
retour arrive rapidement, de faire des réaménagements aux
sessions déjà compromises. Ces réaménagements
amèneront très certainement des modifications du calendrier
scolaire qui peuvent être mineures à certains endroits, majeures
ailleurs, mais il est encore possible de sauver l'essentiel.
Un troisième élément, c'est qu'il y a une
variabilité de situation d'un CEGEP à l'autre et qu'on ne peut
pas, par conséquent, arriver avec des ukases et qu'on ne peut pas non
plus arriver avec des décisions qui seraient valables pour l'ensemble du
territoire, qui seraient valables pour toutes les institutions.
Nous avons décidé, parce que je dois rappeler que le
gouvernement ne peut pas et ne veut pas agir de façon unilatérale
dans un dossier comme celui-là, étant donné l'autonomie
des institutions scolaires ici au Québec, que, pour quelques jours, les
directeurs généraux, avec leur conseil d'administration et avec
les comités pédagogiques de chacun des CEGEP, verraient à
évaluer la session et à s'interroger sur sa validité,
verraient également à tenter de régler des conflits sur le
plan local parce qu'il est évident que s'il y a une minorité
d'étudiants qui occupent actuellement et qui, par conséquent, ne
rendent pas les CEGEP accessibles, il y a une majorité qui veut
étudier et une majorité qui considère très
sérieusement les démarches qui ont été
tentées par le gouvernement actuellement. Voilà où nous en
sommes.
Je fais confiance, M. le Président, au dynamisme local; je fais
confiance aux administrateurs locaux et je fais confiance, dans les
différents CEGEP, aux étudiants pour prendre en main leur
véritable destin, pas celui qui est télécommandé
par un petit groupe, mais celui de la majorité québécoise.
J'ajoute que les étudiants prennent une responsabilité
considérable, ceux qui actuellement veulent mener le jeu. Cette
responsabilité est vis-à-vis de leurs collègues qui voient
leur session compromise, mais elle est également vis-à-vis de
toute la société québécoise qui a consenti en
éducation des investissements considérables.
Pour l'instant, M. le Président, je m'arrête. Que chaque
milieu règle son problème, tant sur le plan administratif qu'en
faisant appel à la participation et à toutes les instances
locales. D'ici deux à trois jours, je rencontrerai à nouveau les
directeurs généraux des différents CEGEP et, je pense, les
présidents des différents CEGEP. A ce moment-là, nous
évaluerons la situation et nous prendrons toutes les décisions
requises, mais après avoir été jusqu'au bout sur le plan
de la souplesse et sur le plan du dynamisme local. A ce moment-là, M. le
Président, j'aurai une déclaration à faire.
LE PRESIDENT: Je vais accorder une question supplémentaire au
député de Saint-Jacques étant donné...
M. VEILLEUX: M. le Président...
LE PRESIDENT: Un instant, c'est la première question
supplémentaire. J'accorderai après une question
supplémentaire aux députés de Saint-Jean et de
Rivière-du-Loup. Question supplémentaire.
M. VEILLEUX: On passe en deuxième et en troisième.
M. CHARRON: M. le Président, je veux demander au ministre de
l'Education, qui a énuméré encore une fois les mêmes
concessions que le ministère a faites au tout début de ce conflit
qui dure quand même, comment il explique que, malgré ces
nombreuses concessions qu'il nous a émises, la grève non
seulement dure, mais s'est intensifiée.
M. CLOUTIER: Encore là, je m'explique, M. le Président.
Eh, bien, c'est extrêmement simple: parce que la question des
prêts-bourses est devenue un prétexte et elle l'était
même avant. Je pourrais mais je préfère m'abstenir
pour l'instant précisément parce que je veux que les
problèmes se règlent au niveau local vous apporter toutes
les preuves que l'on attendait uniquement une raison pour, comme le disait
d'ailleurs le leader des étudiants hier à la
télévision, "mobiliser", et c'est entre guillemets.
Alors, je m'arrête là et je pense que le
député de Saint-Jacques connaît peut-être mieux la
réponse que quiconque dans cette Chambre.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: M. le Président...
M. CHARRON: Question de privilège.
LE PRESIDENT: Question de privilège.
M. CHARRON: L'insinuation que vient de faire le ministre de l'Education,
M. le Président...
M. LACROIX: II n'y a pas d'insinuation là-dedans, c'est la
vérité.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. CHARRON: ... ou bien il la retire ou bien il la complète.
M. VEILLEUX: M. le Président... M. CLOUTIER: M. le
Président...
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: M. le Président, hier, de midi à trois heures
de l'après-midi, je rencontrais 1,000 étudiants de mon CEGEP pour
discuter des problèmes de prêts-bourses. On m'a posé cinq
questions que je pose au ministre pour pouvoir leur transmettre les
réponses. La première: Quelle est la position du ministère
quant à accorder à tous les étudiants qui sont dans le
besoin ou qui en ont besoin, du niveau collégial, un prêt de $500
pour les années à venir? Deuxième...
M. CLOUTIER: Est-ce que je peux répondre au fur et à
mesure, brièvement?
LE PRESIDENT: Cela pourrait être greffé ensemble; je
préférerais cela.
M. CLOUTIER: Bon, je vais essayer.
LE PRESIDENT: Parce qu'accorder cinq questions supplémentaires,
là, j'aime autant que ce soit groupé dans la même
question.
M. VEILLEUX: Vous admettrez, M. le Président, que c'est assez
important. J'ai rencontré les étudiants; ils m'ont posé
les questions et j'ai dit que je les poserais. Deuxièmement, quelle est
la position du service des prêts-bourses quant au fait de ne plus tenir
compte du revenu des parents dans les critères d'obtention de bourses?
Troisièmement, de tenir compte d'un certain pourcentage de revenus
découlant du travail estival d'un étudiant pour juger de la
validité d'une demande de prêt-bourse, compte tenu qu'à
l'heure actuelle le système semble pénaliser les étudiants
qui veulent travailler l'été et qui trouvent du travail?
Quatrième question: De ne réclamer le remboursement d'un
prêt que six mois après l'arrivée sur le marché du
travail d'un étudiant qui a emprunté.
Finalement, on m'a posé la question et je vous la repose: Y
aurait-il eu de la part des négociateurs du MEQ ou des
représentants du MEQ, vis-à-vis des neuf représentants du
monde étudiant, des menaces de représailles s'ils continuaient
à discuter, dialoguer avec le ministère?
M. CLOUTIER: M. le Président, sauf pour la cinquième
question, toutes les réponses sont contenues dans le document que j'ai
déposé. Je vais y revenir très, très rapidement et
très brièvement. En ce qui concerne les $500 prêt maximum,
c'est acquis. C'est une chose que nous avons pu discuter et que nous avons pu
incorporer dans les changements de cette année.
En ce qui concerne le revenu des parents, c'est une chose que nous
pouvons considérer, mais il faut bien se rendre compte qu'il faudrait y
consacrer instantanément $70 millions et, si nous devions évoluer
vers l'indépendance des étudiants, la somme serait d'à peu
près $250 millions.
J'ai à maintes reprises dit qu'il serait parfaitement
irresponsable de céder sur un principe comme celui-là. J'ai
d'ailleurs indiqué qu'il fallait sortir du système de
prêts-bourses tel qu'il existe, de sa dialectique basée sur
l'évaluation des besoins et l'évaluation des ressources pour
envisager un système beaucoup plus souple qui permettrait de dissocier
les prêts des bourses et que, pour ma part, je serais parfaitement
d'accord pour que, dès l'an prochain, on puisse le faire. Mais il faut
comprendre, M. le Président, que le ministère de l'Education
serait incapable d'administrer des changements autres que ceux que nous avons
incorporés pour l'année 1973/74. En revanche, pour 197 1/75,
à la condition que nous commencions à travailler
immédiatement, nous pourrons déboucher sur des avenues nouvelles.
Je crois que c'est là la voie du bon sens.
En troisième lieu, il y a la question du revenu des
étudiants. La réforme de l'année dernière,
réforme qui ne constituait qu'une première phase de la
démarche entreprise et qui revenait à une espèce de
modernisation des critères, sans changement de la base même du
programme de prêts-bourses, a déjà apporté une
amélioration de ce point de vue, mais il y a des questions
délicates qui se posent.
Faut-il favoriser tout le monde, quitte à favoriser les nantis et
les moins bien nantis? Faut-il faire disparaître le stimulus
nécessaire pour le travail d'été? Vous savez que si on
pousse à l'absurde le raisonnement des étu-
diants actuellement, nous en arrivons à consacrer entre un demi
milliard et un milliard par année uniquement à leurs demandes. Il
faut quand même se rendre compte qu'on est venu réclamer un revenu
garanti pour les étudiants. Ceci vous montre bien dans quel type
d'escalade on rentre actuellement. Je vous affirme sur mon honneur que ce que
nous faisons actuellement est le maximum que nous pouvons faire et nous voulons
non pas pour céder aux pressions, mais déboucher sur des
réformes valables.
J'ai tenté de faire comprendre aux étudiants
qu'après tout, le ministère de l'Education n'était pas son
ennemi peut-être l'est-il pour d'autres, mais nous y reviendrons
mais était au contraire l'instance qui tentait d'administrer un
système que s'est donné toute la société et
souhaitait également faire collaborer les étudiants à des
modifications et à des réformes.
En ce qui concerne, M. le Président, la demande de permettre des
remboursements six mois après l'obtention d'un emploi, c'est une chose
qui peut parfaitement être considérée. C'est une option
qu'une société peut faire, mais je vais rapidement vous en
montrer les conséquences, après vous avoir rappelé
qu'actuellement le gouvernement absorbe les intérêts pendant toute
la durée des études et qu'ensuite les étudiants doivent
rembourser mais doivent rembourser sur une base d'intérêt
préférentiel, ce qui les distingue des autres groupes sociaux, de
la plupart des autres groupes sociaux.
Demander que le remboursement ne se fasse qu'après l'obtention
d'un emploi, c'est changer toute la structure sociale et je suis
étonné d'entendre là-dessus des gens qui se
prétendent révolutionnaires et qui au fond ne sont que des
néo-bourgeois. Garantir l'emploi dans une société moderne,
c'est totalement impensable. C'est précisément la raison pour
laquelle notre système scolaire est axé vers la polyvalence et
vers le recyclage. Il n'y a pas une société au monde qui peut
dire que tous les étudiants qui vont sortir d'un système scolaire
démocratisée vont avoir nécessairement un emploi dans leur
spécialité.
Par conséquent, M. le Président, il faut quand même
dénoncer ce nouveau mythe. En revanche, il est probablement possible de
trouver des formules qui permettraient des remboursements
échelonnés.
En ce qui concerne les représailles, il n'en a jamais
été question à ma connaissance, et je tiens à le
déclarer. J'ai parfaitement confiance en mes hauts fonctionnaires.
J'ai suivi cette affaire de très près et je ne permettrai
pas que le mot représailles soit utilisé entre le
ministère de l'Education et les administrateurs de la chose scolaire et
les étudiants.
En revanche, quand un CEGEP décide de débrayer
jusqu'à Noël, je vous dis que ce ne sont pas les administrateurs
qui décident d'annuler la session, ce n'est pas le ministère de
l'Education qui décide d'annuler la session, ce sont, si telle chose
devait se produire, les étudiants eux-mêmes.
M. VEILLEUX: Question supplémentaire, M. le Président, sur
deux points. Sans enlever le principe de considérer le revenu des
parents, est-ce dans les vues du ministère de l'Education de revoir les
motifs qui font qu'à un certain moment le service des prêts et
bourses accepte ou n'accepte pas tel revenu des parents plutôt que tel
autre, compte tenu de certaines situations particulières qui peuvent
survenir à ce moment-là?
Sur le dernier point, six mois après l'arrivée sur le
marché du travail, à l'heure actuelle, un étudiant qui a
reçu des prêts du ministère et qui doit les rembourser, qui
n'a pas présentement de travail peut-il prendre des arrangements avec le
service des prêts et bourses?
M. CLOUTIER: Pour la dernière question, la réponse est
oui. En fait, les performances sont très bonnes de ce point de vue, la
très grande majorité des prêts sont remboursés et le
ministère a toujours montré la plus grande souplesse. C'est
d'ailleurs la raison pour laquelle, si nous évoluions vers une
espèce de crédit étudiant analogue au crédit
agricole, je crois, moi, que nous pourrions faire confiance au milieu.
En ce qui concerne la question précédente, qui touche le
travail de l'étudiant, la contribution des parents, il y a
déjà eu, l'année dernière, une amélioration
considérable qui a été apportée puisqu'on a tenu
compte du taux d'imposition des parents et des déductions dont les
parents ont besoin. Là encore, c'est une opération
extrêmement complexe. Il y a deux ans que nous y travaillons pour en
arriver au résultat que nous avons présenté cette
année. Il est évidemment déplorable que des erreurs
administratives soient venues entacher, jusqu'à un certain point, le
succès de cette première phase de la réforme. Il est donc
parfaitement possible d'aller plus loin mais encore faut-il que nous le
fassions dans l'ordre. Je peux vous assurer, M. le Président je
l'ai dit et je le répète que je ne prendrai jamais, tant
que j'occuperai cette place, une décision irresponsable.
LE PRESIDENT: Question principale, l'honorable député de
Frontenac.
Incendie de l'usine King Beaver
M. LECOURS: M. le Président, à la suite de l'incendie de
l'usine de la mine King Beaver à Thetford Mines, causant des dommages de
$30 millions et provocant une mise à pied de 800 mineurs, j'aimerais
demander au premier ministre s'il entend donner suite à ma demande et
déclarer la ville de Thetford Mines zone sinistrée.
M. BOURASSA: M. le Président, hier, j'ai demandé à
l'un de mes collaborateurs de me faire rapport sur la situation. Je vais
examiner très sérieusement la suggestion du
député.
LE PRESIDENT: Supplémentaire, oui.
M. MORIN: En question supplémentaire. Je vois que le ministre de
l'Industrie et du Commerce n'est pas là... Si, il est là!
M. LEVESQUE: II est là, il est là.
M. MORIN: J'aimerais lui demander, au sujet précisément de
l'incendie qui est survenu à la King Beaver, s'il peut nous expliquer
comment il se fait qu'il n'y a eu aucune déclaration de son
ministère ou de tout autre ministère du Québec
alors que, dès hier, un porte-parole du gouvernement
fédéral, plus précisément du ministre de l'Energie,
M. Macdonald, a promis l'aide de son gouvernement, du gouvernement
fédéral, pour la reconstruction; il a même
déclaré que ce gouvernement s'attendait à ce que la
reconstruction ait lieu dans des délais très courts. Comment se
fait-il que vous n'avez pas pris l'initiative, dans les circonstances?
M. SAINT-PIERRE: Corne il s'agit du secteur minier, peut-être que
la question aurait dû être adressée au ministre des
Richesses naturelles, le député d'Arthabaska.
M. MORIN: II s'agit également d'une industrie.
M. MASSE: M. le Président, je pense qu'il faut déplorer,
comme chacun des députés dans cette Assemblée, cet
incident. Je pense que c'était des plus importants pour une ville comme
Thetford Mines. En ce qui concerne mon ministère, il n'est pas
prévu, pour l'ouverture de mines ou pour des désastres semblables
survenant dans des mines, des subventions ou de l'aide financière sous
toute forme.
D'autre part et d'ailleurs, cela a déjà
été fait auprès des autorités de cette mine
sur le plan technique, si mon ministère pouvait, de quelque
façon, aider cette entreprise et les syndiqués qui sont mis
à pied, je pense que mon ministère est grandement ouvert.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.
Rapport Chaloux
M. BURNS: M. le Président, c'est avec beaucoup de plaisir que
j'ai écouté le ministre de la Justice, dimanche, à
l'émission Politique Atout. Je le félicite.
M. CHOQUETTE: Merci.
M. BURNS: Je le félicite de partager mes vues sur des points tels
que l'étendue de la corruption au Québec et la
non-rentabilité du fédéralisme de M. Trudeau. Maintenant,
M. le Président, puisqu'il est assez clair que le minis- tre de la
Justice n'a pas l'intention de rendre public le rapport Chaloux, puisqu'il est
devenu clair aussi, par une des réponses du ministre, lors de cette
émission, que des procédures seraient prises, j'aimerais savoir
du ministre s'il est en mesure de nous dire à quel moment, à
toutes fins pratiques, il entend prendre ces procédures?
M. CHOQUETTE: M. le Président, comme la question du
député de Maisonneuve est moins empoisonnée que ses
questions récentes, il me fera plaisir de lui répondre.
Je lui dirai, M. le Président, que dans l'émission de
plaintes ou dans la façon de porter des accusations qui peuvent provenir
du ministère public, il y a quand même une certaine
stratégie. Je ne crois pas qu'il soit dans l'intérêt public
de dévoiler la stratégie du ministère de la Justice dans
la façon de traduire des personnes qui méritent d'être
traduites devant les tribunaux. Par conséquent, je ne peux pas annoncer
au député de Maisonneuve un échéancier, fixer des
dates, en somme, prendre des engagements vis-à-vis de lui ou
vis-à-vis de la Chambre quant aux mesures judiciaires que le
ministère de la Justice va mettre en action. Mais il peut être
sûr que je prends en considération le fait qu'actuellement une
enquête préliminaire examine les accusations portées
à l'égard d'un nommé Roger Gagnon. Je dois prendre ce
facteur en considération ainsi que d'autres facteurs qui sont pertinents
à ce dossier, facteurs qui sont connus de mes conseillers, des avocats
du ministère et de moi-même. Je tiens à lui dire et
à répéter ce que j'ai dit, dimanche: Je n'ai personne
à protéger et la justice suivra son cours dans ce cas comme dans
tous les autres cas.
M. BURNS: M. le Président, une question additionnelle. Je prends
la parole du ministre qu'il n'a personne à protéger, sauf que je
lui demande ceci: A-t-il envisagé la possibilité de prendre
conseil, auprès d'avocats de l'extérieur de son ministère,
sur les procédures à prendre? Retenant qu'il n'a personne
à protéger, je pose cette question simplement parce qu'il est
possible, étant donné certaines rumeurs, qu'à un moment
donné, le ministre soit divisé entre son intérêt
partisan et son intérêt de ministre. Je le dis non pas de
façon péjorative, je le dis comme une question de fait: est-ce
qu'il a envisagé, comme cela se fait, d'ailleurs, aux Etats-Unis, de
demander l'opinion à un avocat de l'extérieur du
ministère, étant donné le caractère peut-être
politique de certaines accusations, sur la possibilité de porter des
plaintes?
M. CHOQUETTE: M. le Président, je tiens à dire au
député je tiens à le rassurer que je ne suis
pas divisé. Je place la justice au-delà de toute
considération politique. Par conséquent, je ne me sens nullement
en situation de conflit d'intérêts. Cependant, il n'y a pas de
doute qu'il
y a lieu d'être prudent dans ce genre de choses, et je le
reconnais aisément. Je tiens à dire au député de
Maisonneuve que dans cette cause de Roger Gagnon, comme dans d'autres causes
qui peuvent résulter de ce dossier, non seulement je suis
conseillé par mes substituts permanents du procureur
général qui, eux, n'ont aucune espèce
d'intérêt politique, mais en plus de cela, je suis
conseillé par des avocats de l'extérieur qui ont mené les
procédures durant la préenquête et qui continuent à
agir comme avocats-conseils auprès du ministère de la Justice et
auprès de nos procureurs permanents de la couronne.
Par conséquent, M. le Président, toutes les garanties ont
été prises pour faire en sorte que ce cas soit traité
comme n'importe quel autre cas qui vient à l'attention du
ministère de la Justice et qui requiert une action sur le plan des
tribunaux.
LE PRESIDENT: Dernière question additionnelle.
M. BURNS: Dernière, très brève, M. le
Président.
Je comprends que le ministre ne veuille pas dévoiler son
calendrier des procédures. Mais est-ce qu'on est en droit d'assumer
qu'après l'enquête préliminaire dans l'affaire Gagnon le
ministère sera en mesure de dévoiler son calendrier?
M. CHOQUETTE: M. le Président, il est prématuré,
pour moi, de dévoiler ce que je ferai à cette époque. Tout
pourra dépendre des circonstances. Pour le moment, je ne peux rien dire
d'autre que ce que j'ai dit. Je conclus simplement en disant au
député de Maisonneuve que ce cas, quant à nous, sera
traité d'une façon absolument objective et impartiale, sans aucun
favoritisme à l'égard de qui que ce soit et que les
décisions que nous prendrons seront prises en fonction des
impératifs de la justice et sans autre considération.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Louis.
Démolition d'immeubles historiques
M. BLANK: J'ai une question à poser au ministre des Affaires
municipales. Voyant que, dans le coeur de Montréal et peut-être
dans d'autres villes, il y a des menaces de démolitions massives dans
certains secteurs, est-ce que le ministre pourrait étudier la
possibilité de présenter une loi pour donner le droit à la
ville de Montréal ou aux municipalités de geler les
démolitions ou de les régler par un moyen plus simple que ce que
nous avons maintenant?
M. GOLDBLOOM: M. le Président, j'ai discuté de cette
question avec l'honorable ministre des Affaires culturelles, parce qu'en
principe ce genre de problème devrait être réglé par
l'appli- cation de la Loi sur les biens culturels. Mais nous constatons que le
nombre de demandes est assez élevé et qu'il est difficile pour le
ministère des Affaires culturelles de répondre assez rapidement
à toutes ces demandes.
Pour cette raison, nous avons effectivement ensemble envisagé la
possibilité d'une loi pour modifier la Loi des cités et villes et
pour accorder aux municipalités le pouvoir de refuser, pour une
période d'une année, les permis de démolition.
Il y a aussi le fait que, dans certains cas, il ne s'agit
peut-être pas de biens à caractère absolument historique,
mais quand même d'immeubles que la ville voudrait conserver pour garder
son cachet.
Alors, nous espérons pouvoir présenter une telle loi, si
possible, avant l'ajournement pour les Fêtes.
LE PRESIDENT: Une dernière courte question, l'honorable
député des Iles-de-la-Madeleine.
Conflit de pêcheurs aux
Iles-de-la-Madeleine
M. LACROIX: M. le Président, ma question s'adresse à
l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce. Est-ce que le ministre
pourrait informer cette Chambre de l'état actuel du conflit opposant les
membres d'équipage des chalutiers de pêche et la compagnie Gorton
Canada Ltée aux Iles-de-la-Madeleine?
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, on m'informe, par mes services,
que la grève a été réglée hier et que deux
bateaux de la compagnie Gorton doivent prendre la mer aujourd'hui, après
avoir fait le nécessaire pour la glace et d'autres fins
d'opération. Donc, ce conflit, qui paralysait une partie de
l'économie des Iles-de-la-Madeleine, est réglé depuis hier
et le travail reprend.
LE PRESIDENT: J'inviterais l'honorable ministre des Affaires municipales
à apporter, si possible, une courte réponse à une question
de l'honorable député de Lafontaine.
Subvention à la ville de Bromont
M. GOLDBLOOM: Merci, M. le Président. L'honorable
député de Lafontaine, vendredi dernier, m'a posé une
question sur une subvention d'équilibre budgétaire
accordée à la ville de Bromont.
Je voudrais donner les explications pertinentes. C'est une ville qui a
été conçue par un gouvernement antérieur pour
être un centre industriel pour sa région et elle a
été dotée d'un aéroport. Ce n'est donc pas une
ville que l'on peut facilement laisser tomber.
Dès 1973, quelques jours avant mon arrivée
au ministère, il y avait des échanges de notes de service
à l'intérieur du ministère pour exprimer des
inquiétudes quant à la situation financière de cette
ville.
Effectivement, à la fin de 1973, il y avait un déficit
accumulé. Il nous a été suggéré de donner
une subvention d'équilibre budgétaire. Nous ne l'avons pas fait.
Nous avons préféré chercher à aider à
renflouer les revenus, à réduire les dépenses. Mais il n'y
a pas eu de succès et, effectivement, il y a un déficit
accumulé, à la fin de 1974, qui est prévu à
$1,200,000.
J'ai dit que nous avons des normes et que c'est selon ces normes que
nous évaluons les demandes de subvention. Le député a
posé la question: Qui a demandé et de quelle façon la
demande a-t-elle été formulée? La demande est contenue
dans une note de service, datée du 19 juillet, qui commence ainsi: "A la
demande du ministre, j'apprécierais que l'on procède dans les
meilleurs délais à une étude financière
complète de la situation qui prévaut à Bromont".
Or, M. le Président, nous avons trouvé, par cette analyse
que j'ai demandée moi-même, que le fardeau que nous jugeons
excessif quand il commence à dépasser 10 p.c.
c'est-à-dire que, quand les taxes foncières, municipales et
scolaires, dépassent 10 p.c. du revenu moyen dans la municipalité
et que la Commission municipale du Québec nous indique qu'il est
probablement excessif dans la ville de Bromont, il est à 14.4
p.c.
Si nous exigeons que ce déficit soit éliminé d'un
seul coup, cela portera le fardeau à 27 p.c. Si nous exigeons une
consolidation de ce déficit, le fardeau sera porté à 15.9
p.c. Or, avec la subvention que nous nous sommes trouvés dans
l'obligation de donner, parce que les 3,000 personnes qui habitent Bromont sont
celles qui doivent payer, on le maintient à 14.4 p.c. On ne le diminue
même pas.
M. LEGER: Une question supplémentaire, M. le
Président.
LE PRESIDENT: Une courte question supplémentaire.
M. LEGER: Est-ce que les $1.2 millions seront uniquement pour
l'équilibre budgétaire ou s'il y a des projets particuliers?
Deuxièmement, est-ce que le ministre peut nous dire s'il y a d'autres
municipalités, dans le Québec, qui dépassent les 10 p.c.
comme seuil?
M. GOLDBLOOM: Oui, M. le Président, il y a d'autres
municipalités et, à chaque fois que nous rencontrons un tel
dossier, nous en faisons l'étude, nous tirons les conclusions qui
s'imposent et nous posons des gestes.
Quant à la première question supplémentaire, c'est
pour régler le problème du déficit et nous allons
surveiller de très très près le fonctionnement financier
de la municipalité au cours de 1975. C'est pour régler une
situation dans l'espoir que l'implantation industrielle espérée,
attendue, vienne corriger la situation.
LE PRESIDENT: Avant de passer aux affaires du jour, je donnerai la
parole au leader parlementaire du gouvernement, sur une question de
privilège.
Question de privilège Article de journal
M. Gérard-D. Levesque
M. LEVESQUE: Merci, M. le Président. Je voudrais très
brièvement me référer à un article paru à la
une dans le Soleil du samedi 7 décembre 1974. Une manchette disait que,
sous le nez du vice-premier, la Compagnie internationale de papier
détruit une autre rivière", et, parlant des travaux qui se
faisaient sur cette rivière, on ajoutait que "cela se faisait sous
l'oeil paternel du ministre Gérard-D. Levesque".
M. le Président, je n'ai pas l'intention de faire une grande
histoire avec cela, malgré qu'il y en ait une grande qui parait à
la une, comme on dit, dans le journal Le Soleil, mais je voudrais simplement,
M. le Président, si on me le permet, faire la mise au point suivante.
"Sous le nez du vice-premier ministre". D'ailleurs, cela se passant à 75
milles de mon domicile de Paspébiac et à 350 milles de mon bureau
du Parlement, vous pourrez juger de la longueur du nez!
DES VOIX: Ah! Ah!
M. LEVESQUE: Deuxièmement, M. le Président, "sous l'oeil
paternel du ministre". Je voudrais faire état très
brièvement des faits. Ces événements ont été
portés à la connaissance de mon secrétaire de comté
par le secrétaire de l'Association des chasseurs et pêcheurs
Gasparo Inc. durant la matinée du 29 novembre 1974.
A 11 h 30 de la matinée, mon secrétaire de comté
communique avec mon chef de cabinet, à Québec, pour l'informer de
cette plainte provenant de M. Jean-Noël Landry,
secrétaire-trésorier de l'assocaition susdite. A 11 h 45, soit
quinze minutes plus tard, mon chef de cabinet communique avec le Dr Etienne
Corbeil, du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche,
pour savoir si le ministère avait été saisi de la
situation.
Le Dr Corbeil confirme que le ministère des Richesses naturelles
et le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche avaient
été saisis du problème et qu'une enquête sera
faite.
Mon chef de cabinet demande qu'enquête soit faite effectivement
mais qu'on cesse les travaux en attendant de voir les résultats de cette
enquête.
A une heure trente de l'après-midi, le même jour, 29
novembre, mon chef de cabinet communique avec M. Gilles Coulombe, qui lui
confirme les propos du docteur Corbeil, du
ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, que le
ministère des Richesses naturelles attend le rapport du ministère
du Tourisme de la Chasse et de la Pêche. A une heure quarante-cinq, le 29
novembre, je m'enquiers de nouveau de la situation auprès du chef de
cabinet. Le même après-midi, le ministère des Richesses
naturelles enjoint la Compagnie internationale de papier de cesser toute
activité en attendant qu'enquête soit faite.
Tout cela s'est passé le même jour que l'information nous
est parvenue. C'était le vendredi. Le lundi suivant, 2 décembre,
mon chef de cabinet me confirme une vérification auprès de M.
Etienne Poirier, du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche, qui a reçu une information directe de M. Romuald Jolicoeur,
de Nouvelle, vérification qui indique que, de fait, de visu, les travaux
avaient été interrompus sur la rivière Nouvelle.
M. le Président, je tenais simplement à rétablir
les faits. On pourrait peut-être dire: Sous l'oeil vigilant du
vice-premier ministre ou du député de Bonaventure, ce qui avait
été dénoncé dans la matinée du 29 novembre
avait reçu une suite au cours de la même journée et une
suite très efficace de la part des ministères du Tourisme, de la
Chasse et de la Pêche, et des Richesses naturelles. Je ne voudrais pas
que ces paroles soient interprétées comme voulant blâmer
l'Association des chasseurs et pêcheurs Gasparo Inc.; au contraire, je
suis très heureux de la coopération qui provient de mon
comté, des citoyens vigilants. Je les félicite et je voudrais
qu'ils continuent à surveiller de près ceux qui pourraient
toucher aux richesses naturelles, pour la protection desquelles et au profit
des Gaspésiens, je le souligne, je me suis présenté en
politique en 1956. C'était justement, en 1956, la raison pour laquelle
je suis venu en politique, la première raison, c'était de voir
à ce que les richesses naturelles des Gaspésiens soient
exploitées au profit des Gaspésiens.
M. MORIN: M. le Président, est-ce que je pourrais, avec le
consentement de la Chambre, poser une ou deux questions au ministre, au sujet
de la déclaration qu'il vient de faire?
M. BURNS: Est-ce que le ministre est d'accord?
M. LEVESQUE: Je n'ai pas d'objection.
M. MORIN: Bien. M. le Président, j'aimerais demander au ministre
s'il est conscient du fait que les travaux entrepris par la compagnie, sur la
rivière Nouvelle, ne datent pas du 29 novembre; cela fait dix ans que
ces travaux durent. Le ministre est-il conscient de cela?
M. LEVESQUE: M. le Président, le chef de l'Opposition me force
maintenant... Allons, M. le Président, c'est cela, il me force
maintenant à me référer à une lettre dont il a sans
doute eu copie ou à l'article, peut-être, qui a visiblement
été inspiré par la lettre du 29 novembre du
président de l'Association des chasseurs et pêcheurs Gasparo Inc.
Or, cette lettre a été traitée par le journaliste de la
façon que vient d'indiquer le chef de l'Opposition.
Je pourrais également m'élever contre cela. Ce que la
lettre dit, ce n'est pas que les travaux avaient lieu depuis dix ans, le
journaliste a interprété cela comme ça. Ce que dit la
lettre du président de l'association nouvellement formée, c'est
que: "Vous êtes sans doute au courant des multiples démarches
effectuées depuis plus de dix ans auprès des autorités
gouvernementales par plusieurs corps intermédiaires du comté de
Bonaventure à propos de l'aménagement et de la protection de la
rivière Nouvelle."
Evidemment, j'ai tout un dossier d'interventions, mais pas dans la
question des travaux qui sont des travaux d'automne en vue de la drave du
printemps. C'est la question de la protection des berges, etc. J'ai tout un
dossier d'interventions que j'ai faites continuellement. Il y a eu des travaux
de protection d'accomplis.
C'est toute une histoire que la rivière Nouvelle, M. le
Président. Mais la question des travaux de la CIP n'a rien...
M. BURNS: Ce n'est pas une histoire nouvelle.
M. LEVESQUE: ... à voir avec l'aménagement pendant dix ans
d'une rivière qui a besoin, évidemment, de travaux de protection,
qui a connu des inondations, etc. Depuis dix ans, depuis toujours, M. le
Président, la rivière Nouvelle comme les autres rivières
de la province a besoin des soins du ministère des Richesses naturelles,
de la surveillance du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche et de la vigilance du député de Bonaventure, M. le
Président.
M. MORIN: Une dernière question. LE PRESIDENT:
Dernière.
M. MORIN: Puisque le ministre a obtenu la suspension des travaux,
j'aimerais lui demander s'il peut s'engager, aussitôt qu'il aura le
rapport sur la question, dès que l'enquête aura été
terminée, à déposer ce rapport devant la Chambre. Et comme
toute dernière question, j'aimerais lui demander s'il a l'intention de
faire appliquer les pénalités prévues par la loi s'il y a
eu détérioration de la rivière Nouvelle. Dans le cas de la
rivière Pentecôte, où il y avait eu également
détérioration des lieux, en 1968, je ne sache pas qu'il y ait eu
de sanction. Le ministre sait que, dans ce domaine, quand il n'y a pas de
sanction, il est bien difficile de faire respecter la loi.
M. LEVESQUE: M. le Président, pour répondre à la
première partie de la question du chef
de l'Opposition, je veux l'assurer que je suis encore plus
intéressé que lui, quant au fond de l'affaire, à ce que
cette enquête soit poursuivie, que des sanctions soient prises s'il y a
lieu, et que l'on voie à protéger cette rivière
complètement, adéquatement et sans aucune réserve. C'est
clair? Et j'ai hâte de voir ce rapport, si rapport il y a; je demande
publiquement à mes collègues, le ministre des Richesses
naturelles ou le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, ou le
ministre des Terres et Forêts, s'ils ont un rapport j'aimerais qu'on
connaisse au moins la substance de ce rapport.
M. MORIN: Qu'il soit déposé.
M. LEVESQUE: Bien, le dépôt, là c'est leur affaire,
M. le Président. S'ils veulent le déposer, ils le
déposent. S'ils veulent en donner la substance, parce qu'il peut y avoir
des rapports internes, je ne sais pas, je n'ai pas l'intention de
répondre pour eux. Je le leur demanderai.
Quant à moi, je suis aussi intéressé, et encore
plus que vous, à connaître le résultat de cette
enquête. Je voudrais, s'il y a des actes répréhen-sibles de
commis, qu'ils soient punis. Mais je ne voudrais pas présumer de cette
enquête. Il se peut également, et là c'est une
hypothèse parce que je ne suis pas allé voir, que ce soient des
travaux comme il se fait dans toutes les rivières à l'automne en
vue du nettoyage pour la drave du printemps. Je n'ai pas l'intention de
condamner qui que ce soit avant que les résultats de l'enquête ne
soient connus.
M. le Président, en terminant, je me pose une question sans
méchanceté. L'hospitalité que j'ai reçue dans le
journal Le Soleil de samedi, le 7 décembre 1974, sera-t-elle
répétée avec la même chaleur pour la mise au point
vu ce qui aurait pu être perçu par le public de ce genre de
manchette et d'analyse d'une information? Merci.
LE PRESIDENT: Affaires du jour.
Travaux parlementaires
M. BURNS: En vertu de l'article 34, M. le Président...
LE PRESIDENT: 34.
M. BURNS: ... j'aimerais savoir du leader du gouvernement, étant
donné que je lui posais une question, vendredi, dont il a pris avis,
question relative au problème sur le site des jeux olympiques de
Montréal, s'il a eu le temps de consulter le ministre du Travail pour
nous donner une réponse. La raison pour laquelle je la pose, M. le
Président, en vertu de l'article 34, c'est qu'il y a, je pense, urgence
constamment, et même aujourd'hui, à ma connaissance, les travaux
sont bloqués par les travailleurs du fer et toujours à cause de
cette fameuse augmentation de $0.50 l'heure.
M. LEVESQUE: M. le Président, je suis prêt à donner
mon consentement pour revenir à la période des questions.
LE PRESIDENT: Ecoutez! je suis obligé de faire une
réserve. Je n'ai pas d'objection s'il y a consentement de la Chambre. Ce
n'est certainement pas en vertu de l'article 34...
M. BURNS: Je demande simplement... LE PRESIDENT: Je m'excuse.
M. BURNS: ... au leader s'il a eu le temps de consulter le ministre du
Travail sur cela.
LE PRESIDENT: Bien moi, je demande à la Chambre, s'il y a
consentement.
DES VOIX: Non.
LE PRESIDENT: S'il n'y a pas consentement, on va passer...
M. COURNOYER: Je tiens à dire que, dans ce domaine comme dans
d'autres domaines, je fais mon travail.
M. LEVESQUE: Article...
M. MORIN: En vertu de l'article 34, M. le Président, je vous ai
demandé une directive l'autre jour. J'aimerais y revenir.
LE PRESIDENT: Sur quoi?
M. MORIN: II s'agit de la convocation des intéressés au
sujet du projet de loi sur les droits de l'homme.
Vous n'avez pas encore donné cette directive.
LE PRESIDENT: A l'ordre! Je n'ai pas donné cette directive pour
la raison bien simple qu'il y a eu consultation, du moins j'ai
été l'intermédiaire entre les leaders. Vous pouvez le
demander au député de Maisonneuve et au député de
Bonaventure.
M. MORIN: II y a un point technique, M. le Président, sur lequel
je vous ai demandé une directive.
LE PRESIDENT: Ecoutez! s'il y a entente, je n'aurai pas de directive
à donner. Je n'en donnerai pas s'il y a entente entre les partis, parce
que la Chambre est certainement supérieure aux directives du
président.
M. MORIN: II semble qu'il n'y ait pas eu d'entente. La directive que je
voulais vous demander porte sur...
LE PRESIDENT: Ecoutez! A l'ordre!
M. MORIN: ... un point technique; et je
pense qu'il serait intéressant que le président le
tranche. Est-ce que des avis de convocation peuvent être publiés
dans la Gazette officielle, sans qu'il y ait un ordre de la Chambre?
LE PRESIDENT: Je n'ai pas l'intention de donner de directive aujourd'hui
à la suite de la parole qui m'avait été donnée par
le député de Bonaventure et le député de
Maisonneuve sur cette question. Les deux m'ont donné leur parole et il
n'y a pas eu de contre-ordre à cet effet.
M. BURNS: Sur la date, M. le Président, mais, sur la technique,
je pense que cela a été flou dans les discussions.
M. HARDY: Essayez donc de vous parler, tous les deux, vous et votre
chef.
LE PRESIDENT: A l'ordre ! Messieurs, messieurs, s'il vous
plaît.
M. BURNS: C'est parfait, on s'entend très bien.
M. LEGER: Parlez aux cinéastes. M. BURNS: Parlez aux
cinéastes.
LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a lieu d'adopter la motion en vertu du
projet de loi 50? Cela réglerait cette question.
M. LEGER: Va faire des vues.
M. LEVESQUE: Je n'y ai pas d'objection, M. le Président. J'avais
même suggéré qu'on puisse la rédiger. Cependant,
pourrait-on avoir au moins quelque temps pour la rédiger?
M. BURNS: C'est ça.
LE PRESIDENT: Dans le courant de la séance?
M. LEVESQUE: Oui, je n'ai pas d'objection.
M. BURNS: D'accord.
LE PRESIDENT: Affaires du jour.
M. LEVESQUE: M. le Président, je suggère que nous
procédions à la deuxième lecture des projets de loi
d'ordre fiscal, nos 67 à 74. Mais, avant ça, peut-être que
nous pourrions suggérer qu'une commission siège, la commission de
l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche,
pour l'étude du projet de loi sur les agents de voyages,
immédiatement; j'en fais motion, M. le Président.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté. Cette commission peut siéger
immédiatement.
M. BURNS: Adopté, M. le Président. M. LEVESQUE: Salle
81-A).
LE PRESIDENT: Cela fait partie de la motion.
M. LEVESQUE: Alors, M. le Président...
M. BURNS: Simplement une question; je précède
peut-être, mais c'est tout simplement en vue d'agencer des choses. Le
chef de l'Opposition représente l'Opposition à la commission du
revenu sur ces projets de loi, mais il est aussi le représentant de
l'Opposition si on est obligé d'étudier les crédits du
ministère des Finances ce matin. Je précède
peut-être, mais, s'il y a conflit entre les deux, je le signale au leader
du gouvernement.
M. LEVESQUE: Entre l'étude en commission des finances et
l'autre?
M. BURNS: Oui, c'est parce qu'il serait possible, techniquement, que la
commission élue des finances siège en bas et que la commission
plénière siège pour l'étude des crédits du
ministère des Finances, auquel cas le chef de l'Opposition ne pourra pas
être aux deux.
M. LEVESQUE: Non, non, il n'est pas question que nous siégions ce
matin en commission plénière sur les subsides.
M. BURNS: Oui, mais à quel ministère?
M. LEVESQUE: Une fois que nous aurons disposé des projets de loi
d'ordre fiscal, nous avons l'intention d'appeler le projet de loi du
ministère de l'Industrie et du Commerce sur la société
Inter-Port.
M. BURNS: C'est le même problème. M. LEVESQUE: Le
même problème. M. BURNS: Oui.
M. LEVESQUE: Est-ce que l'agriculture? Le projet de loi de
l'assurance-récolte?
M. BURNS: Même problème.
M. LEVESQUE: Même problème. Vous voyez, ça arrive
des absents chez vous aussi.
M. BURNS: Oui, oui, ça arrive et vous voyez, ce sont nos
députés les plus éloignés qui sont absents.
LE PRESIDENT: S'il vous plaît, messieurs!
M. LEVESQUE: Ecoutez, on va commencer et j'aurai une rencontre avec le
leader de l'Opposition.
M. BURNS: D'accord.
M. LEVESQUE: Alors, si on veut procéder aux projets de loi nos 67
à 74.
LE PRESIDENT: Projets de loi nos 67 à 74 inclus?
M. LEVESQUE: Oui, est-ce qu'on peut faire une deuxième lecture
commune?
LE PRESIDENT: On peut les grouper. M. BURNS: On peut faire ça,
oui.
LE PRESIDENT: On peut grouper la deuxième lecture.
M. LEVESQUE: Grouper.
Projets de loi de 67 à 74 Deuxième
lecture
LE PRESIDENT: Le ministre du Revenu propose la deuxième lecture
du projet de loi no 67, Loi modifiant la loi du ministère du Revenu et
la Loi de l'impôt sur la vente en détail.
Le même ministre propose la deuxième lecture du projet de
loi no 68, Loi modifiant la loi sur les impôts et la Loi concernant
l'application de la loi sur les impôts. Le même ministre propose la
deuxième lecture du projet de loi no 69, Loi modifiant la loi favorisant
le développement industriel au moyen d'avantages fiscaux. Le même
ministre propose la deuxième lecture du projet de loi no 70, Loi
modifiant la loi autorisant le paiement d'allocations à certains
travailleurs autonomes. Le même ministre du Revenu propose la
deuxième lecture du projet de loi no 71, Loi modifiant la loi de
l'assurance-maladie. Est-ce une erreur?
M. LEVESQUE: C'est une disposition fiscale. Cela va.
LE PRESIDENT: Le même ministre propose la deuxième lecture
du projet de loi no 72, Loi modifiant la loi des droits sur les successions. Le
même ministre propose la deuxième lecture du projet de loi no 73,
Loi modifiant la loi de la taxe sur les repas et l'hôtellerie. Enfin, le
même ministre propose la deuxième lecture du projet de loi no 74,
Loi modifiant la loi de la taxe sur les carburants.
L'honorable ministre du Revenu.
M. Gérald Harvey
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, d'abord, je
remercie l'Opposition d'avoir bien voulu consentir à regrouper les
projets de loi 67 à 74 inclusivement, ce qui nous permettra d'aller plus
rapidement en commission élue.
J'aurai, à ce moment-là, un document de base à leur
remettre pour faciliter la discussion. Ce matin, je suis heureux de
présenter, à travers ces lois, la loi qui permettra de verser
à la ville de Montréal, à la ville de Laval et à la
ville de Québec un montant total de près de $16 millions et demi,
fruit d'une loi amendant la Loi de la taxe sur les repas et l'hôtellerie
perçue dans le territoire de chacune de ces municipalités.
En leur remettant 50 p.c. du produit de cette taxe perçue dans
leur territoire, le gouvernement est conscient que ces pôles de
croissance populeux ont besoin de sources de revenu nouvelles afin de leur
permettre de faire face à des obligations toujours croissantes.
L'amendement à cette loi me permettra, dès la sanction de cette
loi, de pouvoir expédier les montants dus jusqu'à maintenant et
basés sur les revenus de la dernière année
financière. Comme c'est le cas pour la redistribution des 2 p.c. de la
taxe sur la vente en détail, nous ferons des paiements à tous les
quinze jours, y compris un 25e paiement pour donner la différence
après que les chiffres définitifs seront connus pour les revenus
de la taxe sur les repas et l'hôtellerie, comme c'est le cas pour la taxe
sur la vente en détail.
J'aurai le plaisir également de donner plus de détails en
commission élue sur les avantages que comporte l'amendement à la
Loi sur les droits de succession réduisant de 40 p.c. les montants qui
étaient exigés il y a quelques années. Cette sortie
graduelle du champ des droits de succession permettra aux citoyens de
récupérer des montants appréciables. C'est grâce
à l'impôt qui a été créé sur le gain,
en profit de capital qu'il nous est possible de sortir graduellement de
l'impôt sur les droits de succession. L'amendement que j'apporterai
réduira de 40 p.c. les droits de succession.
Nous apporterons également des amendements à la Loi sur
les impôts afin de sortir des rôles d'impôt au-delà de
250,000 personnes. Il s'agit de ceux dont les revenus sont inférieurs
à $5,200 s'ils sont mariés et à $2,600 s'ils sont
célibataires. Il y aura également une disposition spéciale
pour éviter de faire payer trop d'impôts à d'autres en
modifiant et en améliorant ce que nous appelons communément la
"notch provision". Je proposerai également un amendement à la Loi
favorisant le développement industriel au moyen d'avantages fiscaux,
puisque les industries en profitent présentement. Le ministre des
Finances ayant fait une déclaration en cette Chambre, lors du discours
du budget, il faut absolument amender le texte législatif.
En ce qui concerne la Loi sur les carburants, il est bien sûr que
l'entrée en vigueur de cette loi, le 1er juillet 1973, nous a permis,
après une année, de décider d'inscrire, dans ce texte de
loi, certaines dispositions que nous avions appliquées par voie de
règlements. Après un an de fonctionnement, nous sommes convaincus
que ce que nous introduisons dans la Loi des carburants est de nature à
améliorer le contrôle
de cette loi et également fera l'affaire autant des importateurs
que des producteurs québécois.
M. le Président, je recommande l'adoption en deuxième
lecture de ces projets de loi, quitte à faire une présentation de
chacune d'elle de façon beaucoup plus détaillée dans
quelques minutes, alors que nous serons en commission élue.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce qu'il y a d'autres opinants? Est-ce
que le ministre veut un droit de réplique?
La motion de deuxième lecture des projets de loi no 67 à
74 est-elle adoptée?
DES VOIX: Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ces projets de loi.
Second reading of these bills.
M. LEVESQUE: Deuxième lecture.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Adopté.
Projets de lois déférés à
la commission
M. LEVESQUE: Adopté. Je propose que ces projets de loi nos 67
à 74 soient déférés à la commission
élue des finances, des comptes publics et du revenu, pour étude
article par article.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que cette motion de
déférence est adoptée? Adopté.
M. LEVESQUE: M. le Président, vu qu'une commission siège
présentement, nous aviserons aussitôt que possible de l'endroit et
de l'heure où se tiendra la commission qui vient d'être
affectée à l'étude de ces huit projets de loi.
M. le Président...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Mais est-ce que vous faites une motion
pour que cette commission siège à telle et telle heure, ou...? La
motion que nous avons adoptée, c'est seulement pour la
déférence en commission.
M. LEVESQUE: Oui, c'est simplement pour information.
M. le Président, article no 2.
Projet de loi no 4 Deuxième lecture
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La reprise du débat sur la motion
du ministre de l'Industrie et du Commerce proposant la deuxième lecture
du projet de loi no 4, Loi constituant la Société Inter-Port de
Québec.
Le député de Maisonneuve a la parole.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, cela va être très bref.
J'avais proposé l'ajournement simplement pour sauvegarder le droit de
certains députés ministériels qui, m'avait-on dit, avaient
l'intention d'intervenir sur le projet de loi no 4. Personnellement, je n'ai
pas d'intervention particulière à faire à ce sujet. Les
députés concernés peuvent maintenant qu'ils sont
présents, intervenir; c'était uniquement dans le but de
sauvegarder leur droit que j'ai demandé l'ajournement.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de
Rivière-du-Loup.
M. Paul Lafrance
M. LAFRANCE: II convient, M. le Président, avant d'entrer dans le
vif du sujet qui nous préoccupe, de faire les mises au point suivantes:
D'abord, il va de soi que nous ne pouvons être contre le principe d'un
développement industriel et de son complément portuaire de la
région de Québec.
Cependant, nous ne pouvons nous empêcher d'exprimer certaines
réserves quant au bien-fondé du choix de ce site et ce, pour des
raisons plus graves encore que le préjudice qu'un tel choix causerait
à nos régions. En effet, Québec, en tant que site exclusif
pour le transport de marchandises, ne saurait être à la hauteur de
la situation, en raison de son incapacité physique de le faire. Par voie
de conséquence, cette faible capacité concurrentielle devrait,
logiquement, transférer vers les Maritimes la majeure partie de ce
commerce indispensable à l'économie québécoise.
Bien sûr, il ne saurait être question d'affirmer
gratuitement de tels avancés sans que nous y revenions
ultérieurement. Auparavant, toutefois, une autre mise au point s'impose
pour bien établir au départ que le projet envisagé pour la
région de Québec est bien fortement axé sur le
développement portuaire, quelle qu'ait été l'impression
sur laquelle on a bien voulu nous laisser.
En effet, il a été souligné à maintes
reprises, lors de la présentation en Chambre du projet de loi no 4, que
celui-ci différait de l'ancien projet de loi no 23 en ce que l'accent
n'était plus mis sur le développement portuaire mais plutôt
sur le développement industriel. A ce sujet, je voudrais revenir sur
quelques-unes des paroles prononcées et je cite: "Faire de Québec
un centre portuaire majeur du front altantique-nord et nous lui fournirons tout
l'appui nécessaire de façon à faire de la région
administrative de Québec un grand port international et le centre de
rayonnement économique qu'il peut et doit être." Aussi, on
considère que la lutte se fait entre Québec et Halifax.
Prenant, dorénavant, pour acquis qu'il s'agit bien là de
développement portuaire et que,
mieux encore, on veut en faire un complexe d'importance majeure
susceptible de concurrencer Halifax, nous sommes à présent
d'accord pour amorcer la discussion sur ce thème.
La notion même de concurrence implique que les parties en
présence possèdent les facilités et moyens sensiblement
égaux. Or, entre Québec et Halifax, la lutte se fait à
armes inégales et ce principalement pour trois raisons.
Au chapitre de la profondeur d'eau du port et des facilités
d'accès, Halifax est assez bien dotée et peut recevoir des
navires de tonnage relativement imposant. Québec, même une fois
les travaux de dragage terminés, ne pourra, à cause des 40
à 43 pieds de profondeur en moyenne, accueillir des navires
excédant 70,000 à 80,000 tonnes ou environ. Donc, pas de
concurrence possible si le volume des marchandises manipulées n'est pas
le même.
Pas de concurrence non plus au niveau de la durée
d'opération du port qui est un des facteurs déterminants de la
capacité et de la rentabilité d'un port. Chacun sait qu'Halifax
est un port ouvert à longueur d'année, alors que Québec,
en raison des rigueurs de l'hiver, doit subir de longs mois
d'inactivité.
Il y a aussi la contrainte du temps jouant en défaveur du port de
Québec puisque, avant que la société ait
présenté ses plans et programmes, avant que ceux-ci soient mis en
exécution et que le port ne devienne effectif, la nouvelle
génération de navires transporteurs aura fait son apparition et
déjà le port de Québec, avant même de fonctionner,
ne pourra plus répondre aux besoins de l'heure.
Même si les voies d'accès étaient draguées
à 48 pieds, permettant alors le passage de 100,000 tonneaux, ce qui
vraisemblablement ne sera pas fait, ce tonnage ne correspondrait pas encore au
volume des navires de cette nouvelle génération dont nous
parlions précédemment.
A ce sujet, il importe de bien saisir tout l'impact que
représente cette révolution au niveau des transports et qui doit
se concrétiser par l'apparition prochaine de transporteurs en vrac de la
classe de 250,000 tonnes. Ces navires doivent devenir sous peu d'une
utilisation généralisée en raison des coûts de
construction qui sont à moitié moindres à la tonne, et des
économies de transport qui peuvent être de 50 p.c.
supérieures à celles des navires conventionnels.
La construction projetée pour ces bâtiments, pour les cinq
prochaines années, s'élève à près de $30
milliards et, répétons-le, le Québec ne pourra pas en
tirer de bénéfice. Un port de transbordement, par
définition, implique que l'on transporte de la marchandise d'un gros
navire dans un plus petit. Or, compte tenu, comme nous l'avons dit
déjà, de la limitation imposée à la taille des
navires devant se rendre à Québec, on conçoit mal un
navire de 70,000 tonneaux délestant sa cargaison dans un autre à
peine plus petit de 40,000 tonneaux. Les économies ainsi
réalisées seraient alors quantité négligeable ou
presque.
De fait, le port de transbordement a été conçu pour
un tout autre usage, à savoir celui d'accueillir de très gros
navires, les seuls qui puissent permettre une économie de transport
substantielle sur une distance donnée.
Depuis les débuts que l'on parle de la possibilité, pour
Québec, d'accueillir des bâtiments de 70,000 tonneaux, ceci ne
sera pourtant vrai qu'en autant que seront effectués les travaux de
dragage requis pour le port et que seront terminés ceux qui sont
déjà en cours dans le chenal. Mais il y a des objections au
dragage. Une étude faite pour le compte du Département du
commerce américain indique clairement que les solutions requérant
le moins de dragage possible sont les meilleures. Toutefois, nous nous devons
de mettre ces objectifs quelque peu en sourdine puisque, d'une part, les
opérations de dragage du chenal sont pratiquement choses faites, et que
les travaux de cet ordre qu'il reste à accomplir dans le port
lui-même sont de moindre envergure que les précédents.
Par ailleurs, nous serions mal venus de contester ces pratiques puisque
nous avons déjà donné notre accord de principe au projet.
Cependant, il importe, étant donné le sérieux de ces
objections et pour conserver quelque intelligence au débat, de
présenter succinctement quelques-uns des désavantages
soulevés par cette étude.
Atteinte au seuil de non-rentabilité économique.
Les économies de transport vont être absorbés par le
coût exorbitant de ces travaux et les conséquences sur
l'environnement: l'érosion cô-tière, l'envasement excessif
dans les canaux dragués et la remontée à la surface de
dépôts solides ou boueux de sédiments toxiques
présentement ensevelis.
Le rapport ABBDL est une étude de la firme
d'ingénieurs-conseils Asselin, Benoit, Boucher, Ducharme, Lapointe,
effectuée pour le compte du ministère de l'Expansion
économique régionale et portant sur le développement de la
zone industrielle et portuaire de la région de Québec.
Cette étude, dont il a été question dans le
discours de présentation du projet de loi et qui constitue un document
de base ayant présidé à la conception de la
société Inter-Port, n'a pas que des éloges à
l'endroit du choix préétabli du site de Québec.
Le rapport souligne le fait qu'avec un chenal d'accès de 41 pieds
de profondeur les navires de 100,000 tonnes devront nécessairement
utiliser la marée pour leur passage. "Si l'on examine les
possibilités de réalisation et je cite toujours le
rapport, M. le Président d'une zone industrielle portuaire
nouvelle mitoyenne de l'extension du port sur les battures de Beauport, on
constate qu'il n'est pas possible de trouver des surfaces de l'ordre de
grandeur nécessaire pour construire en particulier un complexe
raffinerie-pétrochimie", et ce indépendamment de l'impact sur
l'environnement.
Ce manque d'espace obligera à une dispersion des zones d'accueil
d'industries et représente une contrainte qui ne favorise ni les
économies d'échelle, ni la simplification des structures de
gestion de ces zones.
La société Inter-Port de Québec, du moins en ce qui
concerne sa vocation présumée de port de transbordement majeur et
de point désigné comme devant faire concurrence au port
d'Halifax, constitue en quelque sorte un projet quasi mort-né au
départ, principalement en raison de son peu d'accessibilité.
Aussi, nous parait-il lourd de conséquences de vouloir à tout
prix et par tous les moyens disponibles la mettre sur pied.
Ceci revient, dans les faits, à confier au port d'Halifax tout le
transbordement majeur sur l'Atlantique devant l'impossibilité physique
pour le port de Québec de livrer une concurrence valable aux Maritimes.
Cette prédominance d'Halifax devrait nécessairement conduire au
dépérissement de la voie maritime du Saint-Laurent, à la
perte de la possibilité, pour les ports du Québec, de desservir
les importants marchés des Grands Lacs et, par voie de
conséquence, amener un ralentissement notable de l'économie
québécoise tout entière.
Le concept même d'un port de transbordement est soumis à
des normes rigides exigeant accessibilité, profondeur des eaux, services
connexes et de très grands espaces industriels disponibles. A notre
avis, nul site mieux que ceux du Bas-du-Fleuve ne correspondent de façon
optimum à ces critères.
Au chapitre des avantages liés à l'emplacement, il est
à noter que Gros Cacouna, par exemple, représente le point
intérieur le plus avancé où des navires de grande
dimension peuvent manoeuvrer de façon sécuritaire; que Gros
Cacouna aussi a des abords immédiats d'une profondeur se situant aux
environs de 90 pieds, ce qui permettrait de recevoir des navires de 200,000
à 300,000 tonnes et que Gros Cacouna possède aussi des
qualités de port d'hiver en raison principalement de la protection
offerte par l'Ile-Verte et l'Ile aux Lièvres.
A ces avantages naturels viennent se greffer un certain nombre
d'avantages connexes qui sont d'une incidence majeure dans la
détermination du choix d'un site: proximité immédiate d'un
chemin de fer d'une capacité portante de 260,000 livres par wagon;
infrastructure routière adéquate se situant dans l'axe de
rencontre de la route 185 et de la route no 20 à quatre voies, vers la
Gaspésie; terrains peu accidentés, propices à la mise en
place d'un pipe-line pouvant relier ce port à la région de
Montréal; vastes espaces pouvant convenir à la mise sur pied d'un
imposant complexe industriel.
En terminant, je voudrais que vous me permettiez de tracer un bref
parallèle entre la manière de procéder pour
l'établissement de ce port dans la région de Québec par
rapport à ce qui s'est fait pour les autres sites en
général et Gros Cacouna en particulier.
D'une part, un projet que l'on crée de toutes pièces, avec
l'intention avouée d'y dépenser toute somme jugée
nécessaire à la réalisation de ce complexe industriel et
portuaire, et ce avant même que soient arrêtés et
élaborés les plans et programmes, comme en fait foi l'article 14
du projet de loi en question.
D'autre part, existe depuis nombre d'années un projet dont les
plans sont depuis longtemps établis, dont certaines études sont
venues confirmer et le potentiel, et la rentabilité
présumés, projet qui se réfère à un site
jouissant d'avantages naturels indéniables et projet pour lequel
existent des clients et des groupes intéressés depuis un bon
moment et qui ont même satisfait aux conditions et restrictions normales
exigées d'eux.
Dans un autre ordre d'idées, on nous dira que les deux ports ne
s'excluent pas mutuellement et qu'ils peuvent même être
complémentaires.
Cependant, nous avouons mal comprendre que deux ports de transbordement
puisque c'est là leur vocation première à tous deux
puissent subsister tout en étant à une distance d'à
peine plus de cent milles l'un de l'autre. Quoi qu'il en soit, avant que le
port de Québec ne soit mis en place et que quelques années
d'exploitation aient pu dûment prouver son inefficacité, tous ces
délais ne manqueront pourtant pas de retarder d'autant la mise en place
d'un port dans le Bas-Saint-Laurent, qui soit véritablement
opérationnel de par son accessibilité meilleure, correspondant
davantage aux besoins nouveaux de ce type de commerce.
Aussi, compte tenu de ces délais par trop considérables,
compte tenu des obligations qui nous lient à nos électeurs et
compte tenu de la mise en fonction inévitable de cette
Société Inter-Port de Québec, nous souhaiterions que le
ministre nous redise les intentions qu'entretient le gouvernement à
l'endroit d'un des sites possibles du Bas-Saint-Laurent. Ces sites, on nous l'a
déjà dit, peuvent être complémentaires de celui de
Québec en accueillant les 100,000 tonneaux et plus, et à ce titre
seulement le Québec sera en mesure d'opposer une concurrence valable et
significative à celle qui nous viendra de l'extérieur. Si, ce
faisant, on parvenait du même coup à relever économiquement
une région dont les besoins ne sont plus à démontrer, nul
ne saurait s'en plaindre. Merci, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce qu'il y a d'autres opinants sur ce
projet de loi? Le député de Rimouski.
M. Claude Saint-Hilaire
M. SAINT-HILAIRE: M. le Président, quelques minutes,
peut-être, pour expliquer ici, devant cette Chambre, le pourquoi de mon
abstention lors de la motion du Parti québécois pour retarder la
période d'étude du bill no 4. C'est qu'à ce
moment-là il me manquait cer-
tains renseignements que j'ai pu avoir par la suite. Je pense que je
n'ai pas besoin de m'éterniser longuement sur le sujet pour dire devant
cette Chambre que je suis pleinement d'accord quant au développement du
port de Québec. Seulement, j'aurai, lors de l'étude en
commission, quelques restrictions à faire à certains des
articles, et je préfère attendre ce moment pour émettre
mes opinions à ce sujet. Je voterai donc avec plaisir en deuxième
lecture, quitte à revenir, lorsque nous serons en commission, sur
certains points pouvant être éclaircis. Je vous remercie.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que quelqu'un d'autre désire
parler sur le bill 4?
M. Guy Saint-Pierre
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, dans mon droit de
réplique, je vais être très bref. Sans abuser du temps de
la Chambre, je voudrais ajouter quelques éléments à la
discussion. Il me paraît assez difficile de répondre à
plusieurs des points qui ont été soulevés et je pense que
les interventions de plusieurs nous permettent de voir le sens qu'on veut que
le gouvernement donne à ce projet de loi no 4.
Au début de mon intervention, je voudrais en particulier,
m'excuser pour avoir peut-être induit la Chambre, malgré moi, en
erreur. Je parlais sans texte en deuxième lecture, sur le projet de loi,
et il m'est arrivé malheureusement, de confondre le tonnage des bateaux
et les tirants d'eau, réellement sans aucune mauvaise volonté de
ma part.
Effectivement, il est faux, comme je l'ai dit en deuxième lecture
de dire que le port de Québec peut recevoir des navires ayant un tirant
d'eau de 100 pieds, comme il est également peut-être douteux de
dire que des navires de 100,000 tonnes peuvent venir au port de Québec.
Il y a des effets de dragage, de marées qui peuvent jouer dans cela, et
on sait bien, comme l'ont soulevé les deux derniers opinants, que le
port de Québec ne peut recevoir des bateaux de tirant de 100 pieds.
Bien que le projet de loi no 4 vise surtout au développement d'un
complexe industriel qui favoriserait la région de Québec, dans
l'étude article par article, il s'agira peut-être de replacer dans
leur propre contexte les montants que nous entendons accorder pour la
région de Québec.
Il faut peut-être, M. le Président, dire quelques mots sur
la situation des ports dans le Saint-Laurent. C'est un champ qui relève,
dans un premier temps de juridiction fédérale, toute
l'administration des ports au Canada, mais c'est un champ qui, comme les
aéroports, a tellement d'incidences sur le développement
économique de certaines régions que le gouvernement
québécois serait mal avisé de s'en
désintéresser totalement. Effectivement, au cours des
derniè- res années, particulièrement au cours de
l'année qui s'écoule, nous avons mené à bien
plusieurs études. Certaines nous avaient été
suggérées par la Chambre de commerce du district de
Montréal touchant les problèmes particuliers du port de
Montréal, mais d'autres venaient d'une visée plus globale des
phénomènes économiques à l'échelle
nord-américaine, particulièrement des ralentissements qu'on
pouvait ressentir ou des déplacements dans le transport des marchandises
qui ont pu, à des périodes ou d'autres, favoriser un port, celui
des provinces atlantiques, plus que celui du Saint-Laurent.
Les études qui ont été terminées nous
permettent d'affirmer sans ambages qu'il y a des complémentarités
de fonction entre certains ports, partant de celui de Montréal, tenant
compte des ports existants à Valleyfield, à
Trois-Rivières, à Bécancour, tenant compte du port de
Québec et tenant compte des possibilités de ce qui a
déjà été fait en aval de Québec,
particulièrement à Sept-Iles, mais également les
possibilités à Baie-Comeau, à Gros Cacouna et d'autres
sites le long du Bas-du-Fleuve.
Des études récentes, d'ailleurs, faites par le
ministère fédéral de l'Expansion économique
régionale avaient examiné quelques sites possibles pour
l'implantation d'une aciérie, donc un complexe industriel fort
important, une aciérie de plus de 4,000,000 de tonnes de
capacité, visant des marchés d'exportation. Or, deux parmi les
six sites étudiés étaient justement des sites au
Québec, c'est-à-dire Gros Cacouna et Sept-Iles. Il était
intéressant de remarquer qu'au niveau des frais de fonctionnement, au
niveau des frais d'investissement le port de Sept-Iles se situait constamment
en première place parmi les six sites envisagés, sur le plan de
l'économie et de la rentabilité des chiffres. Nous savons
qu'à Sept-Iles dans le moment il n'y a pas de chômage réel.
Face aux développements formidables qui ont eu lieu dans ces
régions, particulièrement favorisés par l'existence d'un
réseau hydro-électrique important, face également aux
mines de fer, face au déblocage sur nombre d'autres secteurs, il serait
peut-être avantageux pour le gouvernement du Québec de se pencher
sur un deuxième port, qui avait été suggéré
dans cette étude, celui de Gros Cacouna.
Il ne m'appartient pas, M. le Président, de dévoiler la
politique qu'entend suivre le gouvernement vis-à-vis de l'avenir des
ports du Bas-Saint-Laurent mais je voudrais rassurer tous les membres de cette
Chambre. L'ensemble de ces vocations ont fait l'objet d'études
particulières au cours des derniers mois et il me semble probable
qu'avant la fin de la session, par la voix même du premier ministre du
Québec, le gouvernement fera connaître sa politique, ses
priorités, l'effort qu'il entend consacrer pour non seulement maintenir
cette complémentarité entre les différents ports mais
également faire toutes les démarches nécessaires pour
assurer le plein épanouissement, la réalisation du potentiel de
ports en aval de Québec. Ceci, sans pour autant limiter nos efforts
et je suis certain
que les gens du Bas-du-Fleuve le comprendront pour tenter de
sortir les ports de Montréal et Québec, particulièrement
au niveau de la promotion, d'un certain marasme qui les touche depuis quelques
années.
Cette complémentarité voudra certainement dire que, pour
des navires qui demanderaient des centaines de pieds de tirant d'eau et plus,
la vocation ne peut être remplie efficacement par le port de
Québec. Enfin, c'est même à des profondeurs plus petites
que cela puisque le port de Québec, suivant les marées, sera
peut-être dans les environs de 50 pieds de 44 pieds qu'on me
signale à cause du problème du chenal sud près de
l'île d'Orléans et d'autres îles en aval. Ces
complémentarités veulent bien dire, M. le Président, que
nous aurons des politiques à plusieurs volets qui viseront à
tirer le potentiel maximum de ce que peuvent nous offrir certains sites. En
particulier, même si le port d'Halifax peut avoir certains avantages
immédiats, il nous appartiendra de démontrer autant de dynamisme
pour faire valoir l'intérêt que pourrait avoir le Bas-du-Fleuve,
particulièrement à cause de sa proximité des
marchés, particulièrement avec son réseau relié
à des marchés fort importants, la province de Québec, sur
le plan de la population, représentant beaucoup plus que les Maritimes,
étant reliée à nombre de projets importants qui se passent
dans l'Est du Canada ou dans le Canada central, c'est-à-dire l'Ontario
et la province de Québec.
Donc, comme je le disais, le premier ministre aura, avant la fin de la
session, l'occasion d'énoncer les grandes lignes d'action du
gouvernement à ce sujet. Le projet no 4 devant nous ne sera pas du tout
un handicap à l'énoncé de ces politiques; il sera tout au
plus un élément qui vise à retirer sur le plan industriel
les avantages que nous n'avons pas eus jusqu'ici pour le port de Québec
mais qui ne portera préjudice en rien au potentiel ou aux ambitions que
nous entretenons nous-mêmes pour d'autres ports en aval de la ville de
Québec.
D'ailleurs, des études entreprises récemment seront
dévoilées dans quelques semaines qui montrent que les ports du
Bas-Saint-Laurent et les ports qui avaient été alors
étudiés étaient Québec et Montréal, pour le
transport en vrac par des bateaux demandant des tirants d'eau de 34 pieds et
moins, pour le port de Montréal et de 43 pieds et moins pour le port de
Québec montrent quant au temps, quant au coût, à la
fois pour les transporteurs, pour les usagers, pour les clients, des avantages
supérieurs au port d'Halifax et qu'il nous faut absolument, par un
programme approprié, par peut-être des structures nouvelles, nous
associer au développement de ces ports. C'est ce que nous entendons
faire.
Donc, M. le Président, il faut, je pense bien, considérer
le projet de loi no 4 dans son sens réel. Ce n'est pas, comme certains
ex-fonctionnaires ou fonctionnaires actuels ou représen- tants de partis
politiques l'ont déclaré, des ballons politiques que nous
lançons. Je pense que ceux qui ont analysé le dossier savent que
c'est un geste concret qui est posé pour redonner à la ville de
Québec un meilleur équilibre sur le plan de l'emploi,
c'est-à-dire une moins forte dépendance sur l'industrie tertiaire
et sur l'industrie touristique, et un meilleur équilibre en ayant un
contenu d'industries secondaires que la ville de Québec n'a pas
jusqu'ici.
Il faut se rappeler je n'ai pas les chiffres pour vous les citer
mais si on prend la région administrative de Québec, que
dans une large mesure, le phénomène d'industrialisation,
c'est-à-dire le phénomène d'industrie secondaire n'est pas
dans la ville de Québec même, n'est pas dans la région
immédiate de la ville de Québec, mais beaucoup plus dans des
régions, comme la Beauce, qui sont très excentriques à
Québec, de telle sorte qu'il nous faut poser des gestes qui pourraient
aider à corriger cette situation.
Le projet de loi Inter-Port en est un. Peut-être que le terme
choisi depuis deux ou trois ans peut prêter à confusion, mais, je
le répète de nouveau, nous sommes conscients de la
complémentarité qui existe. Nous sommes conscients du potentiel
que peuvent présenter des sites en aval de Québec et, comme je le
mentionnais, nous avons l'intention, au cours des prochaines semaines,
d'énoncer la politique du gouvernement qui visera sur plusieurs volets
à assurer le développement du plein potentiel des sites en aval
de Québec.
Pour toutes ces raisons, M. le Président, je recommande à
cette Chambre, l'adoption du projet de loi no 4.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que la motion de deuxième
lecture du bill no 4 est adoptée?
M. LEGER: Question de vote enregistré, M. le
Président.
M. BURNS: Je demanderais un vote enregistré là-dessus,
mais pour ne pas déranger les gens qui travaillent en commission, je
n'ai pas d'objection à ce que le vote soit tenu plus tard.
M. LEVESQUE: M. le Président, dans ce cas, je suggère que
le vote soit pris à une heure moins quart.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): D'accord, le vote...
M. LEVESQUE: Et s'il y a d'autres votes, qu'on procède de la
même façon.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le vote sur cette motion sera pris
à midi quarante-cinq.
M. LEVESQUE: Article no 4).
Projet de loi no 20
Deuxième lecture
Motion de report à trois mois (suite)
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Article no 4): Reprise du débat sur
l'amendement de M. Lessard à la motion de M. Toupin proposant que le
projet de loi no 20, Loi sur l'assurance-récolte, soit maintenant lu la
deuxième fois, lequel amendement se lit comme suit: Que la motion en
discussion soit amendé en retranchant le mot "maintenant" et en y
ajoutant les mots "dans trois mois".
Le député de Saint-Jean.
M. Jacques Veilleux
M. VEILLEUX: M. le Président, il va sans dire qu'au départ
de cette courte intervention, qui m'est permise selon les règlements, je
m'opposerai à remettre à trois mois l'étude de la motion,
c'est-à-dire du débat sur la Loi sur l'assurance-récolte,
le projet de loi no 20, et pour les raisons suivantes. J'ai
écouté, ce fameux vendredi, et ça date quand même de
quelques semaines, le député de Saguenay et le
député de Beauce-Sud, qui est absent ce matin, vouloir absolument
remettre l'étude de ce projet de loi à trois mois,
prétextant qu'il fallait préalablement convoquer la commission
parlementaire sur l'agriculture.
M. le Président, le ministre, lorsqu'il a présenté
son projet de loi no 20, Loi sur l'assurance-récolte, nous a garanti,
dans sa déclaration en Chambre, de la convocation de la commission
parlementaire pour, justement, parler des réformes dans le domaine de
l'assurance-récolte à cette commission parlementaire dès
les mois de janvier ou février. Le ministre nous a expliqué, dans
son intervention, qu'on retrouvait deux volets dans le projet de loi, un qui
parle de programmes individuels et un autre qui parle de programmes collectifs.
Le député de Saguenay a demandé de reporter à trois
mois parce que, disait-il, les agriculteurs semblent s'opposer aux programmes
collectifs soumis par le ministre dans son projet de loi.
Justement, le ministre a répondu à cette interrogation du
député de Saguenay en disant: Ce que nous voulons faire,
après l'étude de ce projet de loi, c'est appliquer le programme
individuel qui existe d'ailleurs depuis un certain temps. C'est tout simplement
régulariser un état de fait. Quant au programme collectif, le
ministre nous a dit il me reprendra si je fais erreur qu'il
acceptait de laisser, comme on pourrait le dire communément, dans le
congélateur cette partie du projet de loi, tant et aussi longtemps que
la commission parlementaire ne se serait pas réunie.
Cette motion dilatoire du député de Saguenay,
endossée par le député de Beauce-Sud, n'a qu'un seul but:
empêcher les députés du Parti libéral de s'exprimer,
pour la première fois qu'on en aurait la chance, sur le principe du
projet de loi, Loi de l'assurance-récolte. C'est l'unique but que vise
le député de Saguenay par cette motion: nous empêcher de
nous exprimer. En même temps qu'avec une telle motion ils nous
empêchent de nous exprimer, ces mêmes gens disent: Les
"back-benchers" libéraux n'ont jamais rien à dire sur les projets
de loi. Pour une fois que plusieurs députés libéraux
étaient prêts à s'exprimer là-dessus! Le
député de Saguenay le sait. En effet, je l'ai rencontré
plusieurs fois pour lui demander de pouvoir m'exprimer avant lui, parce que je
pouvais être retenu dans mon comté pour d'autres activités
lorsqu'arriverait le temps de discuter du principe du projet de loi no 20. Le
député de Saguenay m'a dit: Ce ne sera pas long, mon
intervention; on a calculé ça et vous aurez dix ou quinze minutes
pour parler à la fin. Vous aurez le droit de vous exprimer sur la
motion.
Le seul moyen que le député de Saguenay a trouvé
pour bâillonner le député de Saint-Jean a été
d'apporter à l'Assemblée nationale une motion dilatoire, une
remise à trois mois, après que le ministre eut dit dans son
intervention qu'il acceptait cette commission parlementaire. Au cas où
le député de Saguenay ne le saurait pas, lui, il a convaincu pour
la première fois son parti de se préoccuper d'agriculture dans
son programme. J'ai des petites nouvelles pour lui. Dans le Parti
libéral, ça fait longtemps qu'on s'en préoccupe. Au
dernier congrès, à l'atelier sur l'agriculture, lorsque nous
avons discuté des réformes à apporter dans
l'assurance-récolte, c'est moi qui ai apporté un amendement
à la résolution demandant qu'on convoque préalablement la
commission parlementaire. La réponse que le ministre a donnée
à cette résolution du Parti libéral, lors de son dernier
congrès annuel, fait suite à la demande des militants
libéraux à ce congrès et à la demande que les
agriculteurs du comté de Saint-Jean font, à l'aide de leur
député, le député de Saint-Jean, depuis au moins un
an ou un an et demi. Le ministre a répondu à cette demande de la
commission parlementaire.
Je dis qu'il est temps de battre, une fois pour toutes, de telles
motions dilatoires et de permettre aux députés libéraux,
au député de Saint-Jean de s'exprimer et de dire ce qu'il pense
du principe de ce projet de loi, Loi de l'assurance-récolte.
Merci, M. le Président.
M. LESSARD: Article 96, M. le Président. M. le
Président...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Une minute! Je pense que le
député de Maisonneuve...
M. LESSARD: En vertu de l'article 96, M. le Président, à
la suite du discours du député de Saint-Jean.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Oh! l'article 96, excusez-moi.
M. LESSARD: Article 96, M. le Président. Je voudrais, en vertu de
cet article, dire que jamais je n'ai eu l'intention, par ma motion,
d'empêcher les députés libéraux de parler. Au
contraire, ils vont pouvoir parler et sur la motion secondaire, ou dilatoire si
vous voulez, et sur la motion principale.
UNE VOIX: II avoue.
M. LESSARD: Je pense que les règlements existent pour être
utilisés et le seul moyen pour faire en sorte que le ministre puisse
entendre les parties, c'était de présenter cette motion. C'est
permis en vertu du règlement et je ne vois pas pourquoi le
député de Saint-Jean peut me reprocher d'avoir utilisé cet
article.
M. VEILLEUX: Question de règlement, M. le Président. Il ne
rétablit pas les faits selon l'article 96, il argumente.
M. LESSARD: Je rétablis les faits, M. le Président, je dis
que...
M. VEILLEUX: Non, il ne rétablit pas les faits. C'est un
débat en réponse aux interrogations qu'on peut poser, nous, les
députés libéraux sur une telle motion...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Dans sa réplique.
M. VEILLEUX: II ne rétablit pas les faits, c'est ce que je veux
dire.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Dans sa réplique, je suis expert
dans ce genre d'affaires. Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: Comment m'avez-vous appelé, M. le Président,
expert en agriculture?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Non, j'ai dit: Je suis expert dans le
droit de réplique.
M. Robert Bums
M. BURNS: M. le Président, j'ai écouté avec
attention le député de Saint-Jean. J'aurai l'occasion de lui
répondre sur ses deux principaux arguments à l'encontre de la
motion du député de Saguenay. Mais il me semble qu'il y a des
raisons positives, beaucoup plus positives que négatives de voter pour
la motion du député de Saguenay. Je pense que la raison la plus
flagrante, celle qui nous saute le plus rapidement aux yeux, c'est celle qui
paraît dans les notes explicatives, M. le Président. Lorsqu'on
interprète ces notes explicatives, l'objet avoué du projet de
loi, il me semble évident que la motion du député de
Saguenay doit être adoptée.
Je lis dans ces fameuses notes explicatives que le projet de loi no 20
"a pour objet de refondre la Loi de l'assurance-récolte et d'instituer
pour les récoltes de grande culture, soit les plantes
fourragères, les céréales et le mais à ensiler,
deux systèmes de protection, dont un collectif et l'autre individuel".
Il semble, M. le Président, qu'à la simple lecture de l'objet de
ce projet de loi, on est capable de déceler l'intérêt que
les agriculteurs peuvent avoir à s'exprimer sur un tel projet de loi.
Quand je dis "à s'exprimer sur un tel projet de loi", il ne faut pas
s'en cacher, M. le Président, c'est la même argumentation que l'on
pouvait tenir lorsque la Loi concernant les libertés civiles et les
droits de l'homme a été déposée. Il me semble que
ce sont les mêmes arguments.
A mon avis, ce serait, à un niveau beaucoup moindre, un peu une
loi des droits de l'homme en ce qui concerne les agriculteurs. Si on veut
refondre la Loi de l'assurance-récolte et installer deux systèmes
de protection, dont l'un collectif et l'autre individuel, c'est évident
que ces systèmes de protection visent éventuellement
l'agriculteur. A plusieurs occasions, ce même gouvernement, tant dans
cette Législature que dans la Législature
précédente on l'a félicité quand il l'a fait
a reconnu le principe par ses gestes, en déférant les
projets de loi en commission parlementaire avant la deuxième lecture,
d'entendre les parties intéressées. En cela, il a suivi une ligne
assez constante. Là-dessus on n'a qu'à l'en féliciter. Ce
qu'on lui demande, aujourd'hui, c'est de continuer de maintenir cette logique.
Je vous donne quelques exemples: pour la Loi des agents de recouvrement, on les
a entendus avant... Oui.
M. LEVESQUE: Je m'excuse. Est-ce que je peux interrompre pour dire que
la commission a terminé ses travaux relativement aux agents de voyage et
que l'on pourrait immédiatement retourner en commission pour
l'étude des projets de loi d'ordre fiscal?
M. BURNS: D'accord.
M. LEVESQUE: M. le Président, je fais motion, tout en m'excusant
auprès du député de Maisonneuve, pour
l'interruption...
M. BURNS: C'est une interruption constructive. Cela fait avancer les
travaux.
M. LEVESQUE: Je fais motion pour que les projets de loi d'ordre fiscal
nos 67 à 74, qui ont été déférés
à la commission parlementaire des finances, des comptes publics et du
revenu, soient étudiés à cette commission
immédiatement à la salle 81-A.
M. BURNS: Je vais simplement prendre l'occasion pour signaler au leader
la collaboration
des membres de l'Opposition qui, actuellement, sont obligés de
faire les queues de veau pour aider au gouvernement à réaliser
son programme législatif.
M. LEVESQUE: J'accepte les propos du député de
Maisonneuve, à condition qu'il tienne compte également de la
grande collaboration que manifeste le gouvernement, particulièrement
dans les circonstances difficiles...
M. BURNS: C'est vrai, j'accepte.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Cette motion pour que la commission
siège maintenant est-elle adoptée?
M. BURNS: Adopté.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Adopté.
M. BURNS: Je disais donc que, dans la plupart des cas où nous
avons eu des projets de loi qui intéressaient des professions ou des
catégories de métiers en particulier, ce gouvernement a
respecté ce principe. On a qu'à citer l'exemple du code des
professions, où on a passé près d'un an à entendre
les représentants des différents corps professionnels venir nous
dire ce qu'ils entendaient voir dans un éventuel projet de loi qui
régissait leur profession. Si on l'a fait pour les professions
libérales, que ce soit les dentistes, les médecins, les notaires,
les avocats et tous les autres groupes, les quelque 23 ou 24, qui sont
régis par le code des professions, je me demande en vertu de quel
principe on dirait aux agriculteurs, maintenant: On va adopter un projet de loi
dans son principe, principe, encore une fois, bien important, principe qui a
pour but de refondre la Loi de l'assurance-récolte et d'installer deux
systèmes de protection pour les agriculteurs. Je demande en vertu de
quel principe on adopterait le projet de loi quant à son objet pour
ensuite mettre les agriculteurs devant le fait accompli et leur dire: Venez
dans une commission parlementaire, soi-disant pour nous parler de vos
droits.
Je pense que c'est absolument vexatoire à l'endroit de qui que ce
soit qu'on veut consulter véritablement dans un projet de loi. On
pourrait citer le cas des lois des huissiers, des agents de recouvrement, des
agents de voyages. Il y a une série de ces exemples où, et nous
avons félicité à chaque fois le gouvernement, à
chaque fois on consultait les gens avant de les mettre devant le
phénomène accompli.
J'entendais le député de Saint-Jean nous dire que la
motion... D'abord, j'ouvre une parenthèse avant de toucher aux arguments
proprement dits du député de Saint-Jean. Il parle comme si
c'était une des sept plaies d'Egypte, une motion dilatoire. Bien oui,
c'est une motion dilatoire. Il n'y a rien de mauvais là-dedans. A
l'intérieur d'un "filibuster", on peut, à un moment donné,
dire qu'une motion dilatoire est faite uniquement pour retarder les travaux.
Cela est possible et cela peut avoir son caractère péjoratif.
Mais lorsqu'on demande de retarder la deuxième lecture à trois
mois, pour avoir la chance d'entendre les parties concernées avant,
c'est sûr aussi que c'est une motion dilatoire mais c'est une motion
dilatoire qui se justifie dans les faits.
Alors, je ne vois pas pourquoi on tenterait de nous laisser croire que
le député de Saguenay fait quelque chose d'absolument
inacceptable en faisant une motion dilatoire, motion qui est prévue par
nos règlements. Si c'était si méchant et si inacceptable
que ça, je suis convaincu que l'Assemblée nationale n'aurait pas
accepté de maintenir dans son règlement une telle motion
dilatoire. Elle est là, elle existe et le député de
Saguenay s'en sert, à mon avis, à bon escient.
Mais les deux arguments que le député de Saint-Jean
utilise pour voter contre la motion du député de Saguenay sont
les suivants: II dit que cette motion va empêcher les
députés libéraux de s'exprimer. Mais, pas du tout. Comme
le disait, en vertu de l'article 96, le député de Saguenay, ils
ont même deux occasions de s'exprimer. On leur fournit une occasion
additionnelle parce que la deuxième lecture, au cas où le
député de Saint-Jean ne le saurait pas, n'est pas disparue de la
carte à tout jamais, si le gouvernement a l'intention de faire adopter
son projet de loi no 20. L'étude en deuxième lecture de ce projet
de loi reviendra éventuellement, c'est bien sûr, mais reviendra
après les consultations normales.
Là, le député de Saint-Jean pourra s'exprimer,
prendre toutes ses 20 minutes pour dire ce qu'il pense de ce projet de loi de
l'assurance-récolte. Il le dira, je suis sûr, avec beaucoup plus
d'éclairage, avec un meilleur éclairage parce qu'il aura entendu
ce que les agriculteurs en pensent, il aura vu les problèmes concrets
que les agriculteurs soulèvent face à une telle loi.
Egalement, le député de Saint-Jean, dans ce qui semble
être une des raisons, pour lui, de voter contre le projet de loi, il dit:
Le ministre a promis de tenir une commission parlementaire. On dit: Oui. On est
d'accord là-dessus, mais pas avant l'adoption de la deuxième
lecture. C'est ce que le ministre dit.
Or, nous, nous disons: Tenez votre commission parlementaire avant
l'adoption du projet de loi en deuxième lecture, comme vous l'avez
toujours fait, et cela ne retardera pas l'application du projet de loi. Il ne
faut pas se casser la tête là-dessus.
Je ne pense pas qu'une période de trois mois de retard dans
l'application de ce projet de loi, surtout pour des fins tellement
constructives soit de consulter les gens qui sont directement
concernés je ne pense pas que personne ne s'en plaigne. Je pense
que c'est comme cela que, normalement, un gouvernement qui a
véritablement l'intention de consulter devrait agir. Je pense que le
ministre devrait se servir
des précédents que ses propres collègues du cabinet
ont montrés à cette Chambre, depuis quatre ans, et simplement
garder cette logique de consulter les gens lorsqu'il s'agit d'un projet de loi
important. A moins que le ministre nous dise que son projet de loi n'a pas
d'importance, ce dont je doute très sérieusement. Mais quand il
s'agit d'un projet de loi de cette importance, il me semble que les premiers
concernés, c'est-à-dire les agriculteurs, ceux qui seront
régis par la loi, ceux dont les récoltes seront
réglementées, quant aux pertes, par cette loi, il me semble qu'il
faut s'adresser directement aux parties concernées.
C'est pourquoi, M. le Président, je voterai en faveur de la
motion du député de Saguenay.
LE VICE-PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui veulent
parler sur la motion d'amendement?
M. VEILLEUX: M. le Président, je voudrais rétablir les
faits, en vertu de l'article 96. Je n'ai jamais dit que je voterais contre le
principe de la loi mais contre la proposition...
M. BURNS: Je n'ai pas dit cela.
M. VEILLEUX: Oui, vous avez dit le principe.
M. BURNS: Si j'ai dit cela, M. le Président, je m'en excuse.
C'est un lapsus.
M. VEILLEUX: D'accord.
M. BURNS: J'ai bien compris ce que le député de Saint-Jean
nous a dit. C'était qu'il voterait contre la motion du
député de Saguenay. Il ne s'est même pas prononcé
sur le principe lui-même. Il ne nous a même pas dit ce qu'il ferait
tout à l'heure.
M. VEILLEUX: Vous n'avez pas voulu que je le dise encore!
LE VICE-PRESIDENT: Sur la motion d'amendement, le ministre de
l'Agriculture.
M. Normand Toupin
M. TOUPIN: M. le Président, je ne veux pas prendre la parole
tellement longtemps mais je voudrais apporter seulement un certain nombre de
précisions. Je me demande vraiment pourquoi le député de
Saguenay veut que nous reportions le projet de loi à trois mois,
évidemment pour son étude en deuxième lecture,
après avoir réuni la commission parlementaire et entendu les
parties.
Je l'ai dit, dans le discours de deuxième lecture que j'ai fait,
que les agriculteurs avaient été consultés tout au long de
la rédaction de ce projet de loi, et je demande au député
de
Saguenay de s'informer auprès des producteurs, auprès des
responsables d'organisations agricoles du Québec et de leur demander
s'ils n'ont pas été consultés sur ce projet de loi.
Nous avons même été jusqu'à le déposer
en première lecture et le laisser discuter par les producteurs avant de
le présenter en deuxième lecture. Les producteurs ont eu
l'occasion de le discuter dans tous leurs congrès régionaux ou
à peu près. Il ne faut pas se méprendre
là-dessus.
Il est facile de dire que, dans telle région, il y a des
producteurs qui se sont dit contre, mais contre quoi? Ils en se sont pas dit
contre le projet de loi, ils ne se sont pas dit contre le programme d'assurance
individuelle. Ils se sont posé de sérieuses questions, dans
certaines régions, sur le caractère obligatoire de l'assurance
collective. Ils se sont posé un certain nombre de questions sur
l'application du programme collectif, c'est-à-dire la
détermination des zones, le calcul des indemnités, etc. Tout cela
se situe dans le cadre de règlements.
Je ne vois pas d'inconvénient à discuter avec eux, comme
on l'a fait dans le passé et comme le député de Saint-Jean
le suggérait aussi, en commission parlementaire. J'ai dit, par exemple,
que les règlements sur la qualité des abattoirs, des viandes, au
Québec, seraient discutés en commission parlementaire et ils vont
l'être. Et pourtant, quand on a discuté de la loi, vous nous aviez
dit: Ce serait préférable d'entendre les parties, etc. C'est une
loi-cadre et les règlements que nous adopterons, en ce qui concerne
cette section de la protection de la santé vis-à-vis des
établissements qui abattent des animaux, c'est au niveau des
règlements qu'on va retrouver surtout l'essentiel de l'application de la
loi.
C'est surtout là que nous devons discuter avec les principaux
intéressés l'application des règlements qui
découlent de la loi.
Il y a eu des régions qui se sont prononcées pour ce
projet de loi, il ne faut pas l'oublier, la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, la région du Bas-Saint-Laurent. Le
congrès régional du Saguenay-Lac-Saint-Jean ne s'est pas
prononcé contre la loi. La région du Bas-Saint-Laurent, non plus.
La région du Nord-Ouest québécois, non plus. La
région des Cantons de l'Est, non plus. Il y a eu des régions qui
se sont posé des questions. Il y en a eu qui s'en sont posé dans
le sens de l'application de la loi et d'autres qui se sont demandé si ce
serait préférable qu'on retarde l'application de cette loi.
Moi, je pense que retarder l'application de cette loi de trois mois
placerait les producteurs dans une situation presque intenable pour deux
raisons: la première, c'est qu'il faut que les polices d'assurance
commencent à se vendre vers le milieu de janvier. La seconde, c'est
qu'à cause de difficultés techniques dans la loi actuelle il est
difficile de faire adopter des règlements par le lieutenant-gouverneur
en conseil. La loi dit qu'il faut le faire. Donc, je ne crois pas qu'il faille
priver les producteurs
agricoles du Québec d'un programme d'assurance qu'ils ont depuis
cinq ans et auquel ont adhéré, l'an dernier, une dizaine de
milliers de personnes. Le retarder de trois mois et, par la suite,
évidemment, l'adopter, ce serait rendre de mauvais services au secteur
agricole.
Il y a moyen, cependant, de régler le problème de ceux qui
ne sont pas tout à fait satisfaits de la loi. Moi, je reste convaincu
que plusieurs des dirigeants agricoles du Québec sont d'accord sur cette
loi; plusieurs, par ailleurs, ne sont pas plus d'accord qu'il ne le faut. C'est
normal dans une situation comme ça. Quand trouvons-nous, dans un milieu
donné, toutes les personnes qui le composent être, tout d'un coup,
en même temps, d'accord sur un projet de loi donné? Je n'ai pas
encore vu ça. Je ne pense pas, non plus, qu'on le voie dans l'avenir.
C'est normal qu'un projet de loi soit discuté. Ce qui est important,
c'est qu'il fasse le consensus d'au moins une bonne partie de ceux auxquels il
s'adresse et surtout qu'il parvienne à conquérir, si je peux
m'exprimer ainsi, l'opinion des principaux leaders dans le domaine
agricole.
J'ai dit que je déposerais des amendements lors de la commission
élue, quand on discutera le projet de loi article par article. Il y a
plusieurs amendements. Je vais en déposer un relativement à
l'assurance collective et on entendra, après, la commission
parlementaire sur ce problème. Si les agriculteurs viennent nous dire,
en commission parlementaire, qu'ils n'en veulent pas de cette partie-là,
purement et simplement nous amenderons la loi ou encore nous nous organiserons
pour ne pas rendre applicable cette section de la loi. Je n'imposerai
absolument pas aux producteurs des choses dont ils ne veulent pas. Mais,
jusqu'à maintenant, les discussions que j'ai eues avec eux m'ont
donné l'impression qu'avec le temps on parviendrait à un
consensus minimum.
Le député de Saguenay, ceux aussi qui sont dans cette
Chambre et qui ont suivi de près la question agricole, savent les
problèmes que le ministère de l'Agriculture du Québec a
chaque année, quand, dans une région donnée, des pertes
substantielles sont constatées et que, sur 1,000 ou 2,000 agriculteurs,
il n'y en a que 500 ou 600 d'assurés. Vous savez le problème que
cela nous crée. On est parfois obligé, à cause d'une loi
d'assurance-récolte qui existe, de ne pas intervenir auprès de
ceux-là qui évidemment, eux aussi, ont subi des pertes.
Le projet d'assurance collective vient pallier ce problème. Mais,
si les agriculteurs n'en veulent pas, au bout du compte, je ne pense pas qu'il
soit logique de la part d'un gouvernement d'imposer cette loi. Il est possible
de prévoir que cette section de la loi s'appliquera une fois que nous
aurons entendu les parties, une fois que nous aurons discuté avec elles
et que nous aurons fait un consensus sur un moyen à prendre pour
régler un problème précis qui existe.
Je n'invente rien, moi; je n'invente pas de problème quand je
vous dis que cela se pose comme cela à tous les jours, surtout à
tous les printemps ou à tous les automnes quand on constate des pertes
générales en agriculture et qu'on doit seulement indemniser ceux
qui sont assurés, ceux qui ne le sont pas, bien ils passent le bout du
pont. Et là, on est obligé de faire preuve de beaucoup
d'imagination pour tenter de leur rendre service. L'an dernier, le gouvernement
fédéral a mis $400, le gouvernement du Québec a consenti
des prêts. Cela a créé dans le milieu tout un remous, alors
qu'on pourrait trouver une solution dans le cadre d'une proposition que nous
faisons qui pourrait être amendée dans le temps, après en
avoir discuté plus en profondeur avec les agriculteurs.
Remettre ce projet de loi à trois mois, cela veut dire qu'on
suspend presque tout le programme d'assurance-récolte qui est en vigueur
depuis trois ans, depuis cinq ans même, et qui rejoint les aspirations
d'au moins une dizaine de milliers de producteurs. Est-ce qu'on doit se
permettre cela? Je pense que non. C'est pour cela que je pense qu'on doit
adopter ce projet de loi et, par la suite, convoquer la commission
parlementaire sur le problème précis de l'assurance collective.
Si, à ce moment-là, on constate qu'il n'est pas requis que ce
programme soit appliqué, il est possible de l'amender ou il est possible
de ne pas l'appliquer du tout. Mais il faut laisser le programme individuel
s'appliquer dans le plus bref délai.
Je vous disais tantôt... Oui, oui.
M. BURNS: Est-ce que le ministre n'admet pas que la façon qu'il
suggère, c'est-à-dire deuxième lecture d'abord, commission
parlementaire ensuite et, si jamais on s'aperçoit à la commission
parlementaire que ce n'est pas pratique, on fait des amendements, est-ce que le
ministre, dis-je, n'admet pas que ce n'est pas la façon normale d'agir
dansl'étude d'un projet de loi?
M. TOUPIN: Est-ce que le leader de l'Opposition admettrait, par
ailleurs, ceci: C'est que ce projet de loi est composé de deux
sections...
M. LESSARD: Deux principes.
M. TOUPIN: ... deux programmes dont un principe nouveau, qui est celui
de l'assurance collective. Deux programmes et un principe nouveau. Le programme
de l'assurance individuelle, qui existe depuis cinq ou six ans, doit continuer
à s'appliquer. Or, si on retarde le projet de loi de trois mois,
à cause des difficultés pour la régie présentement
de préparer des règlements et de les faire adopter par le
lieutenant-gouverneur en conseil on a dit qu'on ne peut laisser des
programmes s'appliquer dans l'illégalité il faut que cette
partie du programme s'applique. Quant à l'autre,
qu'est-ce qui empêche le gouvernement, qu'est-ce qui empêche
le ministère de rendre applicable cette deuxième partie, ce
deuxième programme après proclamation? C'est-à-dire qu'on
entend les parties et on proclame après. Il n'y a rien qui empêche
cela, ça s'est fait dans plusieurs circonstances au niveau de plusieurs
projets de loi. C'est là surtout que se situe le problème.
Je ne vois pas d'inconvénients à entendre les parties en
commission parlementaire et à discuter avec elles. Si le principe de
l'obligation de l'assurance n'est pas accepté par les producteurs, il
s'agira de ne pas appliquer le programme collectif et de l'amender plus tard
dans la mesure des besoins découverts par les producteurs.
M. LESSARD: Est-ce que le ministre me permettrait une question?
M. TOUPIN: Oui, bien sûr.
M. LESSARD: Comment pourrons-nous, en commission parlementaire, modifier
un principe qui a été adopté à l'Assemblée
nationale? Le ministre parle d'un principe nouveau. Or c'est justement ce
principe nouveau qu'il nous apporte en deuxième lecture et sur lequel
nous devons voter. Comment voulez-vous qu'on puisse changer en commission
parlementaire un principe qui a été adopté par
l'Assemblée nationale? C'est là que ce n'est pas...
M. TOUPIN: M. le Président, ce n'est pas nécessairement
l'idée fondamentale du principe de l'obligation de s'assurer ou non qui
fait l'objet de la discussion au niveau des agriculteurs, ce n'est pas rien que
celui-là. Il y a plusieurs producteurs qui se sont prononcés
pour; il y en a plusieurs autres qui se sont prononcés contre. Mais il y
en a plusieurs aussi qui se sont prononcés sur le contenu même de
l'assurance collective. Je ne pense pas qu'il soit désastreux en soi,
après que l'Assemblée nationale ait adopté un projet de
loi qui contient un principe, après avoir entendu les parties, que cette
même Assemblée soit appelée à se prononcer de
nouveau sur ce principe. Pourquoi alors gouvernons-nous si ce n'est pas pour
cela?
On gouverne pour cela, pour prendre des décisions de principe.
Rien n'empêche personne, à un moment donné, d'adopter un
autre principe qui ne va pas nécessairement à l'encontre d'un
premier qu'on a adopté, pas nécessairement. C'est simplement
l'idée de donner l'occasion aux producteurs de discuter d'un programme
qui, pour un certain nombre d'entre eux, convient et, pour un certain nombre
d'autres, convient moins. Il s'agit d'en discuter avec eux. C'est tout ce dont
il s'agit de faire. Et ça se fait très facilement en commission
parlementaire dans le cadre de la discussion d'amendement possible à des
programmes que nous avons proposés.
Retarder l'application de cette loi de trois mois, c'est placer
l'assurance-récolte, la régie dans une situation intenable, c'est
priver une dizaine ou une douzaine de milliers de producteurs de programmes
d'assurance auxquels ils ont droit et auxquels ils ont accès
présentement et c'est empêcher jusqu'à un certain point un
certain nombre de producteurs qui sont d'accord sur un certain nombre de
principes de faire valoir eux aussi ces principes auprès de leurs
confrères, tout comme ceux qui ne sont pas d'accord le font valoir.
Et ça arrive très souvent que des questions comme
ça sont discutées au niveau des professions et que par la suite,
des opinions nouvelles étant émises, des changements d'option,
des changements de décision se prennent. C'est pour ça qu'il est
nécessaire, comme le député de Saint-Jean le disait
tantôt très clairement, que les agriculteurs soient
consultés encore, mais n'allez pas croire qu'ils ne l'ont pas
été. N'allez pas croire qu'on n'a pas rencontré les
fédérations régionales, la fédération
provinciale, puis n'allez pas croire que tous les congrès
régionaux se sont prononcés contre ce projet de loi. Il y en a,
oui, mais il y en a qui se sont prononcés pour.
Il me semble normal que nous procédions de cette façon,
que nous adoptions le projet de loi en deuxième et en troisième
lecture et qu'après nous rencontrions les agriculteurs pour chercher
avec eux à établir de meilleures méthodes si celles-ci ne
leur conviennent pas en ce qui concerne ou l'assurance collective ou
l'assurance individuelle. D'ailleurs la proposition faite au congrès
général de l'UPA et au congrès général
d'autres organisations agricoles n'est pas celle de remettre le projet de loi,
de mettre le projet de loi de côté.
Ils ont proposé la création d'un comité pour
étudier comme il le faut l'application des deux programmes, tant le
programme individuel que le programme collectif. Si, à la suite
d'études, on en arrive à d'autres conclusions qu'à celles
auxquelles on est arrivé dans la passé après consultation,
il sera toujours temps de changer d'opinion. Je ne suis pas attaché
à des idées à tel point que je m'en vais ignorer tout ce
qui peut se dire dans un milieu concernant un projet de loi. Je suis assez
souple pour écouter les parties et tenter de discuter avec elles du
problème, mais je ne suis pas prêt à abandonner un
programme important pour les producteurs sous prétexte qu'on doit
remettre son étude à trois mois.
C'est simplement pour cette raison que je vais voter contre la motion.
Ce n'est que pour celle-là. En votant contre la motion on
n'empêche absolument pas les producteurs d'être consultés,
absolument pas. Mais on va mettre à la disposition des agriculteurs, qui
ont déjà des programmes, les mêmes programmes; on va
respecter les droits acquis, puis on va respecter les besoins
économiques et de protection d'assurance au niveau d'au moins une
dizaine de
milliers de producteurs et peut-être même plus. Si on a
augmenté de 2,000 l'an dernier, on peut augmenter de 2,000 cette
année aussi. C'est parti de 7,000, en 1972, pour arriver à 9,000;
on peut bien se rendre à 11,000 cette année. Ce serait malheureux
de priver ces producteurs-là d'une protection qui leur est
nécessaire.
C'est pour ça que je vais voter contre la motion, pour rien
d'autre que ça.
M. PELLETIER: Est-ce que le député me permet une question?
Est-ce qu'on pourrait connaître les régions qui se sont
montrées favorables à ce projet de loi, avoir une idée?
Certaines régions, disons, sont plus ou moins d'accord. Mais est-ce
qu'on pourrait avoir une idée des régions, puis du pourcentage
des gens qui sont d'accord?
M. TOUPIN: Voici, je n'ai pas eu moi, entre les mains, la
résolution de chacun des congrès régionaux où des
résolutions ont été adoptées. Tout ce que je peux
dire, c'est que, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, on ne s'est
pas prononcé contre.
M. LESSARD: Est-ce qu'on s'est prononcé pour?
M. BEDARD (Chicoutimi): On s'est prononcé pour? C'est une autre
affaire.
M. TOUPIN: Bien oui.
M. BEDARD (Chicoutimi): Non, non!
M. TOUPIN: On a dit: Ce projet de loi semble avoir de l'allure,
essayons-le et on verra après. Dans la région du
Bas-Saint-Laurent, le congrès régional ne s'est pas
prononcé contre ce projet de loi; la région des Cantons de l'Est
non plus, la région des Laurentides, non plus, la région de
l'Abitibi, le Nord-Ouest québécois, non plus. Il y a eu la
région de Nicolet...
M. LESSARD: Patinage de ministre.
M. TOUPIN: ... qui s'est prononcée assez ouvertement.
M. LESSARD: C'est du patinage de ministre.
M. TOUPIN: Dans la région de la Mauricie, il y a eu des
discussions un peu fortes; pour la région de Québec, ici, on n'a
pas de résolution qui dise qu'on est pour ou contre au niveau du
congrès régional. C'est difficile de dire actuellement qui est
pour et qui est contre. Je sais qu'il y en a qui sont contre, c'est normal,
mais je sais aussi qu'il y en a qui sont pour. Je ne crois pas qu'on doive
abandonner tout de suite un programme comme celui-là qui peut avoir,
dans le temps, de bons effets, parce qu'il y en a qui sont contre. Mais il y en
a qui sont pour aussi. Il s'agit, au bout du compte, d'essayer de trouver le
consensus général.
Il ne faut pas oublier une chose: ce programme-là, programme
collectif répond à un besoin réel. Ce n'est pas pour le
plaisir de la chose qu'on l'a proposé. Mais, si l'ensemble des
producteurs n'en veulent pas, je n'ai pas d'inconvénient à le
retirer après coup ou à ne pas l'appliquer du tout.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Chicoutimi.
M. Marc-André Bédard
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, je veux, en fait,
appuyer cette motion du député de Saguenay à l'effet de
reporter ce projet à trois mois pour permettre aux agriculteurs de se
faire entendre. Je vous soumets que sur cette motion, si je n'avais pas
été d'accord avec le député de Saguenay, le
ministre m'aurait convaincu d'être maintenant d'accord sur cette motion
présentée par le député de Saguenay, parce que le
ministre nous dit que, face à son projet de loi, c'est loin d'être
l'unanimité, qu'il y en a beaucoup contre, qu'il y en a beaucoup pour.
Il en vient à la conclusion qu'il n'y a pas lieu d'entendre
immédiatement les agriculteurs ou les groupes
intéressés.
Il nous fait le raisonnement qu'à ce moment-ci, alors qu'on a
à voter le principe de la loi, nous pouvons le voter temporairement;
ensuite, entendre les gens qui sont contre, ceux qui sont pour et si, à
la suite de ces auditions, il y a quelque chose à changer au niveau du
principe de la loi, il n'y a rien qui nous empêche de revenir en
arrière. Autrement dit, le ministre ne semble pas plus convaincu qu'il
ne le faut de la valeur de son projet de loi, puisque, dès maintenant,
il envisage lui-même la possibilité que le principe même de
la loi, sur lequel nous avons à voter, à la suite de l'audition
des corps intéressés, puisse être changé.
Autrement dit, premièrement, comme législateur, le
ministre nous invite ou prend le risque de nous inviter à
légiférer pour rien. Deuxièmement, comme ministre de
l'Agriculture, il a de réticences ou des hésitations quant
à l'opportunité ou à la validité de voir à
ce que le principe soit voté dès maintenant. A ce
moment-là, les hésitations du ministre sont non pas de nature
à nous rassurer, mais, au contraire, à nous faire hésiter
aussi et à demander, avec encore plus de conviction, que les corps
intéressés, que les agriculteurs puissent être
entendus.
L'Opposition croit, en effet, qu'on ne peut imposer un système
obligatoire sans, auparavant, consulter les agriculteurs. Que certaines
consultations aient été faites à l'occasion de certaines
tournées ministérielles, quand on sait toute la publicité
qui entoure ces tournées ministérielles, supposément de
consultation, il y a de quoi douter de la spontanéité des
opinions exprimées.
Le ministre est venu dans la région, il nous dit que les
agriculteurs ne se sont pas prononcés
contre. D'accord! Mais ils ne se sont pas prononcés pour, non
plus. Depuis qu'il est question de ce projet de loi, personnellement j'ai
rencontré plusieurs agriculteurs et des associations d'agriculteurs qui
émettent de grandes réserves, quand ce n'est pas une opposition,
pour des raisons très précises, concernant le projet
d'assurance-récolte, qui émettent de telles réserves que
je crois demon devoir, au nom de ceux que j'ai eu l'occasion de consulter,
d'insister pour que les agriculteurs puissent être entendus en commission
parlementaire avant que nous votions sur le principe même de la loi.
Parmi ces groupes que nous avons eu l'occasion de rencontrer, bien des
agriculteurs d'abord ont exprimé leur opinion concernant l'attitude
plutôt arrogante du gouvernement qui tente d'imposer aux agriculteurs
québécois un système obligatoire
d'assurance-récolte, sans avoir consulté les
intéressés, sinon par une consultation, encore une fois, qui
ressemble beaucoup plus à une tournée ministérielle
souvent à saveur électoraliste qu'une véritable
tournée de consultation. Là-dessus, je pourrais rappeler au
ministre certaines visites qu'il a faites dernièrement dans la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, lors d'un congrès de deux
jours, qui avait été tenu par le CRD de la région, qui a
donné tellement de résultats, qui a semblé être un
tel effort de consultation que d'autres organismes, comme la SNQ,
appuyés par des agriculteurs, à la suite de cette supposée
consultation qui n'en était pas une et ils s'en sont rendu compte, ont
trouvé simplement, comme moyen de s'exprimer, de convoquer une autre
session d'une journée ou deux où véritablement les
agriculteurs auraient l'occasion d'exposer leurs problèmes et d'exprimer
leurs doléances au gouvernement, mais non pas par le biais, souvent,
d'organismes qui font...
M. TOUPIN: Est-ce que je pourrais apporter une précision au
député de Chicoutimi? Je ne veux pas engager de débat,
mais juste un peu de précision, s'il me le permet.
Par exemple, est-ce que le député de Chicoutimi serait
d'accord avec moi pour dire que quand je rencontre le Conseil
général de L'UPA, qui est composé d'une quarantaine de
bonshommes, et que je passe une heure avec eux, à huit clos, que je
discute des programmes avec eux, est-ce que c'est de la consultation ou non?
Quand je vais passer une heure et demie au congrès avec les producteurs
agricoles à Québec et qu'aucun d'entre eux ne me parle de ce
problème, est-ce que ce n'est pas là aussi de la consultation?
Est-ce que c'est du "show", ça? C'est de la consultation réelle.
C'est ça que je vous dis quand je parle de consultation, ce n'est que
cela. Je ne vous dis pas qu'on a voulu faire de la publicité avec cela,
etc. La consultation objective, on la fait dans nos bureaux et dans des salles.
C'est comme cela qu'on la fait. C'est pour cela que je porte le jugement que
j'ai porté sur cette loi dans la réponse que j'apporte à
la motion du député de Saguenay.
M. BEDARD (Chicoutimi): Le ministre oublie qu'en commission
parlementaire, non seulement ces organismes qu'il a consultés peuvent se
faire entendre, mais également des agriculteurs peuvent se faire
entendre. Lorsqu'il a ces consultations avec les organismes, souvent ces
mêmes organismes n'ont pas toujours le temps de consulter tous leurs
membres avant d'exprimer... Je comprends que cela peut...
M..TOUPIN: Ce n'est pas mon problème, ça.
M. BEDARD (Chicoutimi): Je comprends que cette consultation a sa valeur,
lorsque vous rencontrez ces organismes représentatifs, mais nous disons
aussi qu'une commission parlementaire où les agriculteurs peuvent
être entendus, où publiquement les organismes peuvent s'exprimer,
cela aussi est une consultation qui peut avoir, à notre opinion,
beaucoup plus de valeur. C'est dans ce sens-là, d'une façon
très positive, que nous croyons que la tenue d'une commission
parlementaire s'impose, parce qu'il y a bien des agriculteurs qui ont non
seulement des réserves mais qui sont contre ce projet. Peut-être
que leur association ne l'est pas mais ils désireraient peut-être,
au nom d'un groupe qui partage les mêmes idées, se faire entendre.
En ce qui me regarde, bien des agriculteurs que j'ai eu l'occasion de consulter
m'ont fait valoir que, sous sa facette actuelle, le projet équivaut
à taxer de façon indirecte des milliers d'agriculteurs. Je ne
porte pas de jugement de valeur. Je vous dis simplement que ce sont des
opinions qui ont été émises.
Il y aurait avantage à ce que ces agriculteurs, que ce soit pour
les rassurer ou pour leur fournir l'occasion de s'expliquer, puissent se faire
entendre. Il y a plusieurs agriculteurs, même des organismes qui
s'occupent d'agriculture, qui ont fait valoir je ne porte pas de
jugement de valeur encore une fois des griefs qui peuvent avoir leur
importance lorsqu'ils parlent des pertes qui ne sont compensées
qu'à 70 p.c, lorsqu'ils disent que cette assurance-récolte ne
tient pas compte de la valeur de remplacement, lorsqu'ils disent que les primes
à payer ne sont pas déterminées d'une façon assez
précise, lorsqu'ils disent que la loi prévoit de prendre à
la source les frais nécessaires. Ce sont tous de griefs que certains
agriculteurs sérieux nous ont faits. Je me dis, à ce
moment-là, qu'il faut leur fournir l'occasion de se faire entendre.
Peut-être que leur association, l'association qui les représente
ne partage pas leur idée. C'est d'autant plus important de fournir
l'occasion à ces agriculteurs de se faire entendre.
Egalement, il y a plusieurs encore une fois, je ne porte pas de
jugement de valeur agriculteurs, lorsqu'ils parlent des pertes qui ne
sont compensées qu'à 70 p.c, qui prétendent que cette
mesure laisse les agriculteurs assujettis à des évaluations
unilatérales et discrétionnaires quant aux pertes initiales sur
les premiers 30 p.c. des récoltes, que cette assurance-récolte ne
couvre que 70 p.c. des pertes d'une région et
ne tient pas compte des pertes locales pour telle ou telle production
spécifique. Ce sont tous des griefs qui ont été
portés à notre attention par des agriculteurs et, encore une
fois, par des groupes d'agriculteurs.
Je crois tout simplement que ce n'est que normal de nous faire
l'écho ou le porte-parole, avant que nous ayons à nous prononcer
sur le principe d'une loi qui, de l'avis même du ministre, pourrait
peut-être être changée après les auditions, de ces
appréhensions que peuvent avoir les agriculteurs de la région que
je représente. Je suis convaincu, comme plusieurs agriculteurs à
travers le Québec qu'il y a nécessité que la commission
parlementaire soit entendue, afin que les agriculteurs puissent s'exprimer et
qu'on ne soit pas condamnés à légiférer pour rien,
peut-être, si le principe est changé au niveau des auditions en
commission parlementaire et encore une fois, à peut-être leur
imposer un régime qui ne répond pas ou qui ne correspond pas
vraiment à leurs besoins et à leurs difficultés.
Que le gouvernement ne vienne pas nous dire que cela va retarder de
trois mois et essaie de dramatiser les effets de ce retard de trois mois. Cela
fait cinq ans que le Parti libéral les oublie, les agriculteurs. On sait
que lorsqu'ils ont eu de la difficulté, tout dernièrement,
lorsqu'ils ont porté à l'attention du gouvernement des griefs qui
étaient très valables, cela a pris quand même un certain
temps avant que le gouvernement ne leur prête une oreille attentive et ne
réussisse à accoucher de mesures qui, encore une fois, ne
répondent pas à l'ampleur du problème. Alors, qu'on aie
à attendre trois mois, mais trois mois qui serviront à une
consultation populaire, une consultation de tous les agriculteurs, nous
soutenons très respectueusement que ce serait et à l'avantage du
gouvernement, qui aurait une chance de faire une loi qui réponde
vraiment aux besoins, et ce à l'avantage des agriculteurs qui auraient
l'occasion de se faire entendre.
On peut sûrement dire que, s'il y a une classe qui n'a pas
abusé des commission parlementaires, c'est bien la classe agricole, qui
n'a pas eu souvent la chance de se faire entendre.
La motion d'amendement fournit aux agriculteurs l'occasion de se faire
entendre et nous soumettons respectueusement, M. le Président, que nous
sommes en plein accord avec la motion qui a été faite par le
député de Saguenay.
UNE VOIX: Vote!
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Saint-Jacques.
Mais je dois lui faire remarquer que nous devons avoir un vote dans trois
minutes.
M. CHARRON: Je peux revenir à la reprise de la séance, M.
le Président.
Je demande l'ajournement du débat, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): On ajourne le débat sur cette
motion d'amendement?
Adopté.
M. BIENVENUE: Est-ce que j'ai compris que le député de
Saint-Jacques, c'était sur la motion d'amendement qu'il voulait parler
et non pas sur la deuxième lecture?
M. CHARRON: Oui.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Oui. Sur la motion d'amendement.
Est-ce qu'on appelle les députés, nonobstant ces quelques
minutes?
Qu'on appelle les députés pour le vote sur le bill 4.
Projet de loi no 4 Deuxième lecture (suite)
Vote de deuxième lecture
LE PRESIDENT: Nous allons procéder au vote. Que ceux qui sont en
faveur de la deuxième lecture du projet de loi no 4, Loi constituant la
Société Inter-Port de Québec, veuillent bien se lever s'il
vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Saint-Pierre, Phaneuf,
Goldbloom, Simard, Quenneville, Hardy, Tetley, Lacroix, Bienvenue, Forget,
Toupin, Massé, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Houde (Fabre),
Desjardins, Giasson, Brown, Blank, Bédard (Montmorency), Veilleux,
Brisson, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Lamontagne, Fraser,
Picard, Gratton, Gallienne, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Saint-Germain,
Harvey (Charlesbourg), Pelletier, Shanks, Bellemare (Rosemont), Bérard,
Bonnier, Marchand, Leduc, Caron, Déom, Dufour, Harvey (Dubuc), Lapointe,
Lecours, Malépart, Mercier, Sylvain, Tardif, Tremblay.
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se
lever s'il vous plaft.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard,
Bédard (Chicoutimi).
LE SECRETAIRE: Pour: 57 Contre: 6
LE PRESIDENT: Cette motion est adoptée.
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi no
4 soit maintenant déféré à la commission
parlementaire élue de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la
chasse et de la pêche.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.
M. LEVESQUE: La commission pourra se réunir une fois que la
commission des finances, du revenu et des comptes publics aura terminé
ses travaux.
On avisera à ce moment-là.
Projet de loi déféré à la
commission
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi no
4 soit maintenant déféré à la commission
parlementaire élue de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la
chasse et de la pêche.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
UNE VOIX: Adopté.
LE PRESIDENT: Adopté.
M. LEVESQUE: La commission pourra se réunir une fois que la
commission des finances, des comptes publics et du revenu aura terminé
ses travaux. On avisera à ce moment-là.
LE PRESIDENT: Pendant la présente séance, mais
après que l'autre commission aura terminé ses travaux.
M. BURNS: Sur l'autre vote, M. le Président, il y a un
deuxième vote qui a été demandé. Je ne sais pas,
à moins que le gouvernement ne veuille voter en faveur de la motion du
député de Saguenay?
M. LEVESQUE: On a demandé l'ajournement...
M. BUNRS: II y a une demande d'ajournement?
M. LEVESQUE: ... du débat sur la motion.
M. BURNS: Ah! oui, sur la motion. D'accord, M. le Président.
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose qu'on suspende la
séance jusqu'à quinze heures.
LE PRESIDENT: L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à
quinze heures.
(Suspension de la séance à 12 h 53)
Reprise de la séance à 15 h 8
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs!
M. BIENVENUE: Article 4.
Projet de loi no 20
Deuxième lecture
Motion de report à trois mois (suite)
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): On continue le débat sur la motion
d'amendement du député de Saguenay au bill 20.
Le chef de l'Opposition officielle.
M. Jacques-Yvan Morin
M. MORIN: M. le Président, je voudrais dire quelques mots sur la
motion du député de Saguenay à l'effet de reporter
à trois mois le projet de loi consacrant le caractère obligatoire
du système collectif d'assurance applicable à tout producteur de
grande culture spécialisée dans l'industrie laitière ou
dans l'élevage.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos du
ministre l'autre jour, lorsqu'il a présenté ce projet de loi et
je m'interroge sur la consultation à laquelle le ministre a pu
procéder auprès des principaux intéressés avant de
nous présenter ce projet de loi. L'impression que je retire d'une
tournée à travers le Québec dont je vous
entretiendrai un peu plus tard et de la lecture des comptes rendus des
journaux, c'est que le ministre n'a pas consulté les milieux agricoles
au sujet de ce projet de loi.
En effet, on peut se demander si le ministre s'est vraiment
déplacé, s'il est allé rencontrer les agriculteurs qui
vont être touchés financièrement par ce projet de loi.
Est-ce que le ministre s'est donné la peine de faire le tour des
régions, et en particulier les régions les plus agricoles, pour
consulter le milieu, pour prendre le pouls des agriculteurs? Non pour
résoudre les problèmes dans l'abstrait, comme nous le faisons si
souvent en cette Chambre, mais pour les résoudre en fonction des
problèmes tels qu'ils sont perçus par les
intéressés eux-mêmes.
M. le Président, dans cette affaire d'assurance-récolte,
je ne suis pas étonné d'avoir trouvé à travers le
Québec de l'opposition systématique. Dans presque toutes les
régions, on a vu ce régime d'assurance, qui en 1968 comportait
19,000 assurés, tomber à moins de 10,000 aujourd'hui.
Il y a, à l'égard de l'assurance facultative, un
véritable désenchantement, une véritable
désillusion des milieux agricoles. Où qu'on aille à
travers le Québec, c'est le même verdict: Ce régime ne
répond pas aux besoins réels des agriculteurs. Comme nous sommes
sur la motion pour différer le projet de loi et que je n'ai
pas à me prononcer dès maintenant sur le fond du projet,
je n'entrerai pas dans les détails des critiques qu'on peut adresser au
système traditionnel, maintenant, de l'assurance facultative. Je
voudrais simplement vous livrer quelques-unes des observations qui m'ont
été communiquées alors que je faisais le tour du
Québec, il y a quelques semaines.
Dans la Matapédia, où je me trouvais le 17 octobre, j'ai
rencontré des groupes d'agriculteurs qui ont été unanimes
à me dire qu'ils s'opposaient au projet d'assurance-récolte
obligatoire et ils m'ont même fait savoir que l'UPA régionale
s'était prononcée officiellement contre, dès le mois
d'avril dernier. Je me trouvais, à quelque temps de là, à
Saint-Hyacinthe, une région agricole s'il en est, et les producteurs,
les membres de l'UPA que j'ai rencontrés m'ont demandé d'exiger
du gouvernement qu'il retarde l'adoption de cette loi. Je ne me lève
donc pas pour parler sur une motion qui aurait été
proposée par le député de Saguenay comme ça, par
fantaisie; ce sont les milieux agricoles qui nous ont demandé de
retarder ce projet de loi parce que, m'ont-ils dit, ils demandent à
l'étudier plus avant, à en mesurer toutes les
conséquences. Cela se passait le 26 octobre.
L'UPA de Saint-Hyacinthe m'a fait savoir qu'elle était sur le
point de faire des recommandations sur la question, sur les modalités du
projet de loi. Il serait injuste, m'ont dit les représentants de l'UPA
régionale, d'adopter un projet de loi comme celui-là à la
vapeur. Or, c'est bien ce qui est en train de se passer ici, aujourd'hui, un
projet de loi qui est refusé par les milieux agricoles et que le
ministre veut nous forcer, coûte que coûte, à adopter.
Le ministre nous dit: Je mettrai en vigueur une partie seulement de la
législation, je suspendrai l'autre jusqu'à ce que j'aie obtenu
l'accord des agriculteurs. M. le Président, c'est mettre "la charrue
avant les boeufs", pour parler comme dans le domaine agricole. Quand on fait un
projet de loi, on commence par consulter les intéressés et on
rédige un projet qui répond aux problèmes réels. On
ne commence pas par voter la loi pour ensuite, peut-être, l'appliquer ou
ne pas l'appliquer selon qu'elle rencontrera plus ou moins d'opposition dans
les milieux concernés.
A Saint-Hyacinthe, on m'a dit bien clairement, M. le Président,
qu'il était du devoir de l'Opposition de s'opposer à ce qu'on
adopte un tel projet trop rapidement, sans avoir procédé à
une consultation en profondeur, à l'échelle du Québec, non
pas seulement une consultation des cadres supérieurs de l'UPA
j'imagine bien sûr que le ministre a fait cette consultation mais
une consultation au niveau des régions, parce que c'est à ce
niveau-là que l'Opposition peut se faire sentir le plus vivement. C'est
là qu'on s'interroge le plus.
Les agriculteurs m'ont dit, dans plusieurs autres régions
où j'ai eu l'honneur de les rencontrer, qu'ils entendaient donner leur
opinion sur le projet de loi et qu'ils désiraient qu'on retarde son
adoption jusqu'à ce qu'ils aient pu faire entendre leur voix. C'est
pourquoi, M. le Président, la motion du député de Saguenay
me paraît bien raisonnable. Le député ne demande pas qu'on
remette sine die l'étude de ce projet de loi. Il ne demande pas qu'on le
renvoie aux calendes grecques ou "calendes canadiennes", il nous dit tout
simplement: Remettons-la de trois mois, ce qui donnera aux principaux
intéressés le temps de se faire entendre.
M. le Président, cela nous mettrait au début de la
prochaine session. Il n'y a là rien qui ne me paraisse raisonnable. Je
vois mal les raisons que le ministre de l'Agriculture peut invoquer pour
s'opposer à une remise qui n'est pas destinée à faire
échouer le projet de loi, mais qui est destinée à obtenir
pour cette Chambre plus de renseignements sur la réaction des principaux
intéressés.
Je pourrais continuer, région par région, à vous
décrire les réactions des agriculteurs.
Je pense, en particulier, aux régions de Québec-Ouest, de
Joliette, de la Côte-du-Sud, de Lanaudière, au secteur
Sainte-Geneviève-de-Batiscan, à l'UPA de l'Estrie, de Nicolet, de
la Mauricie. Qu'on me permette de citer quelques-unes des réactions qui
se sont fait entendre.
Dans Québec-Ouest, la Fédération de l'UPA nous a
fait savoir que le texte de loi a déçu profondément les
participants à la réunion régionale de l'UPA, qui ont
constaté que le projet de loi donne aux cultivateurs très peu de
ce qu'ils espèrent de cette nouvelle loi. Ceux-ci veulent non pas une
assurance obligatoire, mais qu'on améliore l'assurance facultative
d'abord. Et, quand l'assurance facultative aura fait ses preuves, on pourra
songer à l'assurance obligatoire. Les agriculteurs de cette
région sont conscients du fait que les pertes ne sont compensées
qu'à 70 p.c, qu'on ne tient pas compte de la valeur de remplacement. Les
primes à payer ne sont pas déterminées de façon
précise. Voilà quelques-unes des critiques qu'on peut entendre
dans cette région. Et la presque totalité des
représentants de la classe agricole de Québec-Ouest s'est
prononcée contre l'adoption du projet de loi dans sa forme actuelle.
Tournons-nous vers Joliette, autre région agricole qui
connaît bien le système d'assurance, parce qu'il s'y trouve
plusieurs cultures qui sont assurées, effectivement. Quant à
l'assurance collective, nous disent-ils, nous nous y objectons parce qu'elle ne
couvre que 70 p.c. des pertes d'une région et ne tient pas compte des
pertes locales pour telle ou telle production spécifique. De plus,
ajoutent-ils, les remboursements vont tout autant à ceux qui ont
été victimes de sinistres qu'à ceux qui n'ont rien subi.
Cette répartition égalitaire et générale, qui avait
cours sous l'ancien système de l'assurance facultative, est injuste, de
l'avis des principaux intéressés.
Pour la Côte-du-Sud, je me permets de rapporter un entrefilet du
Soleil, paru le 17 septembre 1974, où la Fédération de
l'UPA de
cette région nous dit qu'elle s'en prend au principe même
de l'entrave à la liberté individuelle et des déductions
automatiques de primes.
L'objection principale porte sur l'insuffisance, voire sur
l'inutilité d'un projet qui ne garantit les récoltes qu'à
raison de 70 p.c, laissant les agriculteurs assujettis à des
évaluations unilatérales et discrétionnaires quant aux
pertes initiales sur les premiers 30 p.c. des récoltes.
M. le Président, je ne rapporte pas ces critiques pour les faire
miennes entièrement. Je les rapporte tout simplement pour expliquer que
le projet du ministre provoque l'opposition presque unanime des milieux
régionaux de l'UPA; je suis heureux de saluer le retour du
ministre en Chambre le ministre en est conscient, d'ailleurs. C'est la
raison, sans doute, pour laquelle il nous dit qu'il serait enclin à
mettre une partie de la loi en vigueur, la partie qui porte sur l'assurance
facultative, pour réserver à plus tard l'application de
l'assurance obligatoire.
M. le Président, je pourrais me livrer à une analyse
exhaustive des réactions des régions, mais je me contenterai d'en
citer seulement quelques-unes encore. L'UPA de Lanaudière nous fait
savoir qu'elle a rejeté de façon unanime le projet de loi qui
vise à amender la Loi de l'assurance-récolte. Le ministre sait
cela, à moins qu'il n'ait aucun contact avec les
fédérations régionales de l'UPA, auquel cas je
l'inviterais à circuler un peu à travers le Québec. Ce ne
serait pas long qu'il "se ferait parler." Moi qui ne suis que le chef de
l'Opposition, je me suis fait parler "dans le nez" au sujet de ces questions.
Peut-être que le ministre aurait intérêt, lui aussi,
à aller rencontrer les intéressés, à se tenir un
peu plus près du sol, un peu plus près du milieu que ses lois
sont appelées à régir.
Je voyais l'autre jour, dans le Nouvelliste, la réaction des
membres de l'UPA, du secteur Sainte-Geneviève-de-Batiscan, qui
s'opposent carrément, disent-ils, à l'adoption par le
gouvernement d'une loi sur l'assurance-récolte obligatoire. Les
producteurs de ce secteur ne veulent rien savoir d'un système
obligatoire qui permettrait une fois de plus au gouvernement, nous disent-ils,
de venir fouiller dans les poches du cultivateur.
Encore une fois, quoi qu'on puisse penser de ces prises de position,
elles reflètent un malaise réel. Il est même rare, M. le
Président, que des projets de loi fassent à ce point
l'unanimité contre eux.
Je pense qu'il faudrait remonter au bill 22 pour trouver une aussi
grande unanimité contre un projet de loi. Aussi, je m'interroge devant
l'attitude du ministre. D'habitude, il est plus sensible que cela au milieu
auquel il a affaire tous les jours. D'habitude le ministre a l'oreille au sol.
Pourquoi, dans ce cas-ci, insiste-t-il tellement pour enfoncer ce projet de loi
dans la gorge des cultivateurs? Je voudrais bien connaître
l'explication.
Je constatais également que l'UPA de l'Es-trie, au début
du mois d'octobre, a pris position contre le projet d'assurance-récolte
obligatoire. Ce que les agriculteurs ne veulent absolument pas, c'est que cette
assurance, nous disent-ils, soit obligatoire car une bonne partie d'entre eux
ne veulent pas s'assurer, les montants qu'ils retirent ne couvrant même
pas le montant de la prime qu'ils doivent payer. Ils désirent que les
règlements soient beaucoup plus prompts et que le ministre fasse la
preuve que l'assurance facultative peut donner des résultats avant de
mettre en vigueur l'assurance obligatoire.
La fédération régionale de l'UPA de Nicolet a fait
connaître sa position, elle, dans La terre de chez nous. Selon cette
fédération, la très grande majorité des
délégués se prononce contre la formule obligatoire. C'est
un bateau, nous dit-on, qui serait régi par un fonctionnarisme
très lent, une assurance pour le gouvernement et non pour
l'agriculteur.
Bien sûr, comme j'aurai l'occasion de le dire quand
j'interviendrai sur le fond du débat, il y a de la place pour
l'amélioration du système actuel. Mais il est trop tôt pour
mettre en vigueur un système obligatoire.
Je conclus en disant, M. le Président, qu'il s'agit d'un cas
typique de projet prématuré, de projet qui n'a pas
été suffisamment mûri, avec consultation exhaustive des
milieux intéressés. C'est un cas typique.
Si le ministre veut bien se donner la peine de consulter les
fédérations régionales de l'UPA, s'il veut bien se donner
la peine de circuler un peu dans les milieux agricoles, il se rendra compte que
son projet de loi se heurte à une opposition réelle, non pas une
opposition fictive ou fugace, mais une opposition réelle, bien
ancrée dans l'esprit des gens, comme j'ai eu l'occasion de m'en rendre
compte pendant ma tournée. A mon avis je n'ai pas de conseil
à donner au ministre il me semble qu'il serait bien mal
inspiré de ne pas tenir compte de cette opposition réelle. C'est
pour ces raisons, M. le Président, que j'appuie la motion du
député de Saguenay à l'effet de renvoyer à trois
mois l'étude de ce projet de loi.
Trois mois, ce n'est pas abusif; le ministre n'est pas si pressé.
Il ne me fera pas croire qu'il est pressé au point qu'il ne puisse
consentir à reporter à trois mois l'étude de ce projet de
loi. Ce n'est pas comme si le député de Saguenay avait voulu
saborder une fois pour toutes le projet. Nous demandons au ministre simplement
de consulter les milieux intéressés, d'essayer d'obtenir au moins
une majorité en faveur du système obligatoire qu'il entend
instaurer. A l'heure actuelle, M. le Président, j'ai la conviction, pour
avoir circulé dans tout le Québec, que ce projet de loi se heurte
à l'opposition de la très grande majorité des milieux
intéressés. Merci, M. le Président.
M. TOUPIN: M. le Président, en vertu de l'article 96, est-ce que
vous me permettez d'apporter certaines précisions sur le discours...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Pas votre opinion, mais des
précisions.
M. TOUPIN: ... ou certaines explications, si je peux m'exprimer ainsi,
sur le discours prononcé par le chef de l'Opposition? Certaines
affirmations qui ont été faites ne me paraissent pas correspondre
à la réalité.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Ce n'est pas cela. Vous avez le droit,
s'il a mal interprété votre discours, d'apporter des
précisions sur ce que vous avez dit, mais pas plus.
M. TOUPIN: Mais oui, le chef de l'Opposition s'est inspiré de mon
discours pour faire le sien et c'est à cause de ce fait qu'il a dans son
discours interprété certaines...
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. TOUPIN: ... affirmations que j'ai faites qui ne sont pas conformes
à la réalité.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre!
M. BURNS: J'invoque le règlement, M. le Président. Il ne
faut pas donner à l'article 96 une étendue telle que le ministre
qui a déjà parlé sur la motion se trouve de façon
un petit peu par la bande, si je peux dire, un droit de réplique qu'il
n'a pas normalement. S'il a été mal cité, à ce
moment-là, c'est évident qu'il peut utiliser les dispositions de
l'article 96.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Mais...
M. BURNS: Mais les règles qui s'appliquent à nous, M. le
Président, s'appliquent au ministre aussi.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): ... j'ai attiré l'attention du
ministre sur le fait qu'il a droit de réplique sur le débat
principal et il peut régler l'affaire à ce moment-là.
Est-ce qu'on est prêt à se prononcer sur la motion
d'amendement?
Le député de Saint-Jacques.
M. Claude Charron
M. CHARRON: M. le Président, j'ai l'impression que
l'échange auquel vous avez assisté vous-même ce matin entre
le ministre de l'Agriculture et le député de Chicoutimi et, cet
après-midi, le chef de l'Opposition, aura réussi à vous
convaincre, avant que j'intervienne, du bien-fondé de la motion du
député de Saguenay.
Si on ne devait prendre, M. le Président, de tout ce débat
sur la motion du député de Saguenay, que les interventions des
membres de cette Assemblée que je viens de vous signaler, il y aurait
donc, à mon avis, comme au vôtre je l'espère,
déjà motif suffisant à ce que cette Assemblée
adopte la proposition que nous fait le député de Saguenay dans sa
motion.
Le ministre de l'Agriculture, ce matin, a été
fidèle à lui-même et a voulu nous présenter une
seule version des choses que, tôt ou tard, les événements
dans le Québec finissent par démentir. Le député de
Chicoutimi, s'inspirant probablement des mêmes sources que le ministre de
l'Agriculture, mais n'y apportant pas la même satisfaction douteuse que
nous a présentée le député de Champlain à
propos de son projet de loi, nous a, lui, signalé, de la même
façon, que des gens provenant du même milieu, appartenant à
la même classe et directement concernés par le même projet
de loi n'avaient pas cette unanimité doucereuse que s'efforce de trouver
le ministre de l'Agriculture autour d'une loi qui a été
contestée par ceux qui auront à la faire vivre demain.
Effectivement, M. le Président, le ministre a voulu nous dire
qu'au fond, contrairement à tout ce qu'ont pu nous rapporter les
journaux et à tout ce que ces agriculteurs ont pu affirmer
eux-mêmes, dans les médias qu'ils se sont donnés, sur ce
projet de loi, il n'existait pas de gens qui étaient contre ce projet de
loi. Il y avait des gens, nous a-t-il dit, qui se posaient des questions. Il
résumait ainsi la décision prise en atelier du congrès de
l'Union des producteurs agricoles; il résumait de cette façon
également la résolution qui a été adoptée en
plénière du congrès de l'Union des producteurs agricoles.
Il a dit que des gens se posaient des questions, avaient des réserves,
des interrogations sur le caractère obligatoire et le programme
collectif que comporte le projet de loi quant à la détermination
des zones et des indemnités du programme d'assurance obligatoire.
M. le Président, le député de Chicoutimi, lui, nous
a prouvé dans son intervention, avec des sources qu'il a citées,
que cette opposition ne résidait pas en de simples interrogations, mais
qu'elle s'était manifestée, dans différents congrès
régionaux d'agriculteurs du Québec, par une claire, nette et vive
opposition au projet de loi que nous sommes appelés à
discuter.
N'aurions-nous que ça, M. le Président, comme information,
n'aurions-nous que ces versions contradictoires présentées par
deux membres de l'Assemblée que nous avons à considérer et
à respecter également, que ce serait suffisant. L'un et l'autre,
je le crois, n'ont pas menti à la Chambre et n'ont pas apporté
à la Chambre d'informations douteuses, mais l'un et l'autre ont
apporté, comme le règlement l'exige, sinon vous seriez intervenu,
des informations qu'ils disent avoir puisées dans le milieu
concerné, mais ces informations sont contradictoires.
Ces informations ne disent pas la même chose quant à
l'appréciation du projet de loi. Elles nous disent qu'il y a
effectivement, dans le
milieu agricole... Si nous adoptions cette loi, comme le ministre nous
convie de l'adopter immédiatement dans son principe, en deuxième
lecture, ce sont quelque 30,000 agriculteurs du Québec qui se
trouveraient directement concernés.
Si nous prenions la parole du député de Champlain, du
député de Chicoutimi et du chef de l'Opposition, qui a
visité le Québec et les régions agricoles en particulier
pendant la période d'inter-session, si nous n'avions que ces
témoignages, nous aurions déjà suffisamment d'indications
qu'il existe un doute sérieux et une division dans le monde agricole
alentour de ce projet de loi. J'ai plus confiance dans l'interprétation
que nous a donnée le chef de l'Opposition, quant à l'opposition
qui a été manifestée alentour de ce projet de loi, mais
j'admettrai, pour les fins de débat de la motion en cours, que le
député de Champlain nous a livré ce matin des informations
réelles, valables et qui, à mon avis, militent en faveur de
l'adoption de la proposition du député de Saguenay.
S'il est vrai que la classe agricole est à ce point
divisée autour de ce projet de loi, s'il, est vrai qu'elle n'a pas
réussi, loin de là et ça, aucun des parlementaires
de cette Chambre ne le refusera à faire l'unanimité
alentour du projet de loi, pourquoi, avant de procéder à
l'adoption du principe de cette loi, ne nous soumettrions-nous pas à
l'invitation du député de Saguenay et n'irions-nous pas consulter
ces gens? S'il est vrai qu'il y a une forte divergence d'opinion quant à
l'impact réel que cela aura sur la vie des agriculteurs, Dieu
sait que c'est une classe de notre société, aujourd'hui,
où tout impact législatif peut avoir des conséquences
absolument néfastes, étant donné la situation difficile
dans laquelle cette classe de nos concitoyens se trouve s'il est vrai
que cette loi peut avoir des conséquences néfastes, tel que
différents congrès régionaux de l'Union des producteurs
agricoles l'ont signalé et l'ont manifesté, ce que nous a
signalé le député de Chicoutimi ce matin, pourquoi ne
prendrions-nous pas le temps qui s'impose avant d'intervenir, avec
l'élégance d'un éléphant dans un magasin de
porcelaine dans un domaine aussi difficile que celui-là?
Pourquoi n'accepterions nous pas cette suggestion du
député de Saguenay de prendre trois mois avant l'adoption du
principe de cette loi, d'aller en commission parlementaire et d'inviter ces
gens à venir nous dire leur opinion sur cette loi? S'il se trouve de ces
gens qui sont pour le projet de loi du ministre de l'Agriculture, je suis
convaincu que le ministre fera des pieds et des mains pour amener les partisans
de cette loi, exactement comme permettez-moi cette allusion le
ministre de l'Education a fait des pieds et des mains pour trouver des
partisans à son projet de loi no 22, pour les amener à la table
de la commission parlementaire.
DES VOIX: Oh! Oh!
M. CHARRON: Je suis convaincu que ces gens qui sont pour viendront
à la table de la commission parlementaire comme les gens qui sont contre
également, mais on ne peut pas demander... C'est exactement
l'économie de notre règlement qui a prévu que la
convocation des personnes intéressées se ferait désormais
avant l'adoption du principe d'un projet de loi. On ne peut pas demander aux
parlementaires de cette Assemblée, aux membres de l'Assemblée
nationale de se prononcer sur le principe d'un projet de loi alors qu'il existe
déjà de sérieuses rumeurs, que nous ont rapportées
différents membres de cette Assemblée, à l'effet qu'il y a
division, divergence d'opinion et même contestation dans certaines
régions du Québec au sujet de ce projet de loi.
Nous ne pouvons pas nous prononcer en toute légitimité sur
le principe de ce projet de loi avant d'en avoir connu l'opinion des quelques
intéressés. Ces quelques intéressés, M. le
Président, si vous me permettez de vous le dire, ce sont 30,000
agriculteurs du Québec qui seraient aujourd'hui, si la loi devait
être adoptée à la demande de la motion de deuxième
lecture du ministre de l'Agriculture, concernés par ce projet de
loi.
Actuellement, 10,000 seulement le sont, mais il y a le principe;
voilà pourquoi il est important, M. le Président, de convoquer
cette commission parlementaire avant l'adoption du principe. C'est que le
principe a pour effet lui-même, une fois adopté, de concerner
30,000 agriculteurs plutôt que 10,000. Avant de prendre cette
décision d'imposer une assurance obligatoire à une classe de
citoyens qui, au moment où elle était facultative
c'est-à-dire encore aujourd'hui, M. le Président
étaient de moins en moins intéressés, d'année en
année, à y participer, donc, avant de nous prononcer sur le
principe de l'étendre à tout le monde, il serait
intéressant de savoir ce que ces gens-là en pensent.
M. le Président, autre raison pour les interroger ou les
rencontrer avant l'adoption du projet de loi en deuxième lecture, c'est
que, si nous devons adopter ce projet de loi, l'impact sur les finances de la
régie, telle que constituée par ce projet de loi, fera que
quelque $2 millions seront constitués par les primes des assurés
eux-mêmes. Donc, une fois de plus, nous allons gruger
littéralement dans la poche d'une des classes de nos concitoyens les
plus défavorisés, les plus démunis. Puissent les derniers
événements des dernières semaines simplement rappeler aux
membres de cette Assemblée qu'il ne s'agit pas, loin de là, d'une
des classes les plus favorisées du Québec.
Puis-je vous dire également, M. le Président, que cette
loi, dans son principe, comporte l'institution d'une régie dont les
représentants des associations agricoles devront, de par la loi, faire
partie? Avant d'obliger les représentants des associations agricoles
à faire partie d'une régie, contre leur gré,
peut-être, ne serait-il pas plus important, comme nous le suggère
le
député de Saguenay, de prendre les trois mois dont nous
disposons avant la reprise de la session, ou de la nouvelle session, pour aller
voir ce que les intéressés pensent de ce projet de loi du
gouvernement? Ce projet de loi les implique directement, non seulement quant
à l'obligation d'y participer, puisque c'est un principe de la loi, mais
quant à leur devoir d'y contribuer ce sera un principe connexe
et aussi quant à leur obligation de participer à la
régie qui devra administrer la mise en place de cette loi.
C'est donc dans cet esprit et pour faire écho à tout ce
que les membres de cette Assemblée ont donné comme opinions dans
ce débat que je trouve absolument légitime la proposition du
député de Saguenay et que je considère que cette
Assemblée devrait en faire un voeu unanime.
Merci, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Lotbinière.
M. Georges Massicotte
M. MASSICOTTE: M. le Président, suite à cette motion, il
est de mon devoir comme représentant du comté entièrement
rural de Lotbinière d'exprimer mon opinion au nom des cultivateurs que
j'ai le plaisir de représenter.
En 1966, lorsque le projet de loi de l'assu-rance-récolte a
été présenté, ce programme a suscité
beaucoup de réactions, beaucoup de favorables et quelques-unes
défavorables. Par contre, au cours des années, on a vu que le
plan d'assurance-récolte s'est amélioré, suite à
l'expérience.
Il est normal que dans tout projet il y ait du pour et du contre. Il est
normal que, dant tout projet, des personnes libres se prononcent en faveur d'un
projet ou contre le même projet. Toutefois, à cause de cette
même évolution économique, l'évolution qu'ont subie
nos cultivateurs aussi bien que les gens des villes, je crois qu'actuellement
le projet en discussion, dont on propose de reporter l'étude à
trois mois, ne doit pas souffrir de retard. La consultation que l'on nous a
tellement reprochée, on se demande actuellement si on devrait faire le
tour des quelque 50,000 cultivateurs et leur demander leur opinion
personnelle.
En théorie, cela peut être beau. Quand on a la tête
dans les nuages, c'est peut-être faisable. Lorsqu'on a les deux pieds sur
terre, on doit savoir qu'un syndicat a été formé, qui
s'appelle l'UPA, et qui est dûment mandaté pour représenter
ces mêmes cultivateurs. Il y a d'autres groupes agricoles qui ont aussi
exprimé leur opinion. Il y a aussi, je pense bien, les membres du
ministère de l'Agriculture qui, par leur contact avec les gens de la
classe agricole, ont quand même aussi reçu des suggestions.
Il me semble, actuellement, que le projet de loi, tel que
présenté, est discutable. D'ailleurs, le ministre lui-même
l'a souligné en apportant des suggestions. Le système d'assurance
individuelle amélioré répond assurément à un
besoin de nos agriculteurs. Et c'est surtout à leur demande que ceci a
été fait.
Concernant le deuxième système, dit collectif, il est
normal que toute action coercitive que notre individu soit agriculteur
ou autre apporte une réaction peut-être contraire. Il est
normal que ces gens expriment leur opinion, dans une démocratie telle
qu'elle existe actuellement. Il est aussi normal qu'un ministre responsable
puisse présenter un projet de loi qui doit répondre aux besoins
de la majorité de nos agriculteurs.
Le ministre s'est engagé à faire d'autres consultations
après l'adoption de ce projet de loi : consulter l'UPA, consulter les
groupes agricoles, consulter même les cultivateurs individuellement si
possible. Je crois que c'est répondre à des obligations qui sont
existantes mais c'est aussi faire face à la réalité.
Lorsqu'on a un problème, je crois qu'il ne faut pas attendre un an ou
deux ans avant de le régler. Il faut prendre le taureau par les cornes.
En agissant de cette manière, on résout les problèmes.
Naturellement, on ne peut pas dire que tout projet de loi, quel qu'il
soit, soit parfait. D'ailleurs, s'il était parfait je doute qu'il
y ait personne en cette Chambre, ici, pour l'affirmer et on n'aurait pas
notre travail pour trop longtemps.
D'un autre côté, si on doit aller de l'avant, vaut mieux
faire quelques erreurs et répondre à des besoins pour nos
agriculteurs que de rester inactifs. Il est certain qu'un plan d'assurance
n'est pas une source de bien-être social, tel qu'il a été
considéré si longtemps. Aujourd'hui, on doit traiter nos
agriculteurs comme ils le demandent: comme des hommes d'affaires. Ce programme
doit leur être présenté et être étudié
avec objectivité. Il est aussi certain que cela prendrait
nécessairement des personnes qualifiées et compétentes
pour l'application de ce programme comme cela doit se faire dans tous les
programmes, quels qu'ils soient.
Un point qui serait aussi extrêmement important et qui, souvent,
manque, on ne tirera pas de pierre à personne mais je crois que, dans
tout projet de loi, une bonne publicité doit se faire de la part du
gouvernement, des ministères que de la part des médias
d'information. Ces informations doivent être justes et objectives.
Malheureusement trop souvent, un projet de loi sera présenté,
adopté, et la population ne sera pas informée adéquatement
de son application.
Si ces critères sont satisfaits, je ne vois aucune raison pour
reporter ce projet de loi à plus tard.
DES VOIX: Vote.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que les membres de
l'Assemblée sont prêts à se prononcer?
M. BURNS: Vote enregistré, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les
députés!
Vote sur la motion
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre, s'il vous plaît!
Que ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement de l'honorable
député de Saguenay, à l'effet que la deuxième
lecture du projet de loi no 20, Loi sur l'assurance-récolte, ne soit
faite que dans trois mois, veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard,
Bédard (Chicoutimi). .
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien le
lever, s'il vous plaft.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Parent (Hull), Mailloux, Phaneuf,
Lachapelle, Goldbloom, Simard, Quenneville, Hardy, Tetley, Lacroix, Bienvenue,
Forget, Toupin, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Cadieux, Arsenault,
Houde (Fabre), Desjardins, Giasson, Perreault, Brown, Fortier, Blank,
Bédard (Montmorency), Veilleux, Saint-Hilaire, Brisson, Saindon,
Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Lamontagne, Fraser, Picard,
Gallienne, Carpentier, Dionne, Faucher, Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg),
Larivière, Pelletier, Shanks, Pepin, Beauregard, Bellemare (Rosemont),
Bérard, Bonnier, Boutin, Chagnon, Marchand, Leduc, Caron, Ciaccia,
Déom, Dufour, Harvey (Dubuc), Lapointe, Lecours, Malépart,
Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay,
Verreault.
LE SECRETAIRE: Pour: 6. Contre: 71.
LE PRESIDENT: La motion est rejetée.
M. BURNS: M. le Président, est-ce qu'on peut ajouter le nom du
ministre d'Etat aux Transports, qui vient d'arriver?
LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement unanime?
DES VOIX: Oui.
M. BERTHIAUME: M. le Président, j'apprécie le geste du
député de Maisonneuve. J'aimerais dire que si j'avais
voté, j'aurais voté avec le gouvernement.
LE PRESIDENT: Disons que vous avez voté aussi.
Bon, le résultat est changé, voulez-vous donner le nouveau
résultat? C'est 72.
UNE VOIX: On augmente un peu.
Reprise du débat de deuxième lecture
LE PRESIDENT: Deuxième lecture. L'honorable député
de Maisonneuve sur la motion principale.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, sur la motion principale... Non, ce ne
sera pas adopté tout de suite, comme le souhaite le député
de Jeanne-Mance. Du moins cela dépendra de votre décision, M. le
Président...
LE PRESIDENT: Si je comprends bien, il y a une commission qui continue
à siéger actuellement. C'est laquelle?
M. LACROIX: La commission des finances, du revenu et des comptes
publics.
LE PRESIDENT: Cette commission peut siéger
immédiatement.
M. BURNS: M. le Président...
M. LEVESQUE: M. le Président, pourrais-je faire une motion en
attendant?
M. le Président, après consultation il semble que
ce soit le voeu unanime de cette Chambre je voudrais faire motion pour
qu'en vue de l'étude du projet de loi no 50, Loi sur les droits et
libertés de la personne, qui a été
déféré en commission élue après la
deuxième lecture, les règles de pratique des commissions
après la première lecture soient appliquées dans ce
cas.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. BURNS: M. le Président, nous serons sûrement pour cette
motion sans aucune espèce de doute.
Cette motion se retrouve d'ailleurs au feuilleton, en essence, dans une
des motions du chef de l'Opposition. Je crois que c'est la motion... c'est
parce que je voudrais qu'on règle le problème en même
temps; cela pourrait peut-être débarrasser le feuilleton de la
semaine prochaine. Je m'excuse, M. le Président, du délai; je
cherche...
M. LEVESQUE: C'est difficile. M. BURNS: ... la motion...
LE PRESIDENT: L'article 63 au feuilleton du mercredi 4
décembre.
M. BURNS: M. le Président, que vous êtes "sharp", comme on
dit. M. le Président, c'est effectivement la motion 63 de mercredi
dernier qui, à mon humble avis, est essentiellement ce que propose le
leader du gouvernement actuellement. Je ne vois pas pourquoi nous nous
opposerions à la motion du leader du gouverne-
ment étant donné qu'il se rend à notre désir
de tenir des séances de la commission parlementaire. Si je comprends
bien, cela aura lieu, cela dépendra évidemment de la date des
avis, au courant du mois de janvier.
M. LEVESQUE: Nous prévoyons à la fin de janvier, M. le
Président...
M. BURNS: Vers la fin de janvier.
M. LEVESQUE: ... mais nous le ferons d'une façon plus
articulée dès que ce sera possible.
M. BURNS: M. le Président, je serais d'accord que l'on vote sans
plus en faveur de la motion proposée par le leader du gouvernement et,
par la suite, je proposerai qu'on fasse le retrait du feuilleton de la motion
du chef de l'Opposition.
LE PRESIDENT: De consentement unanime, cette motion est
présentée et adoptée?
M. LEVESQUE: Adopté. LE PRESIDENT: Adopté.
M. BURNS: Alors, M. le Président, pour compléter le
portrait, je proposerais que la motion qui parafl au nom du...
LE PRESIDENT: Du consentement.
M. BURNS: Avec son consentement, je l'ai consulté avant
qu'il...
LE PRESIDENT: D'accord.
M. BURNS: ... nous quitte, il est parti à la commission du
revenu. Je proposerais que la motion qui parafl à l'article 63 du
feuilleton du 4 décembre soit retirée du feuilleton, avec le
consentement unanime de la Chambre, j'imagine.
LE PRESIDENT: Ce n'est même pas nécessaire. Il n'y a
même pas de motion. Celui qui a présenté une motion qui
n'est pas en délibération peut la retirer en tout temps.
Très bien. L'honorable...
M. VEILLEUX: M. le Président... LE PRESIDENT: Oui?
M. VEILLEUX: Est-ce qu'on discute toujours du principe du projet de loi
20? Est-ce le député de Maisonneuve qui a la parole
là-dessus?
LE PRESIDENT: Oui, je l'ai reconnu tout à l'heure. Je lui avais
accordé la parole, d'ailleurs.
M. VEILLEUX: Je vais attendre.
M. BURNS: M. le Président, j'ai participé ce matin au
débat qui a été soulevé autour de la proposition
formulée par le député de Saguenay, à l'effet que
la deuxième lecture du projet de loi no 20 soit reportée à
trois mois. J'ai relu avec beaucoup d'attention les remarques du ministre de
l'Agriculture au cours de ce débat. Dans le fond, même si je pense
que j'ai une certaine latitude au niveau de la discussion du projet de loi en
deuxième lecture, je vais délibérément me
restreindre à un certain nombre de propos. Qui peut plus peut moins, M.
le Président; je pense bien que, si je peux critiquer l'ensemble de la
politique du ministère, je peux me restreindre à un point qui a
été soulevé ce matin relativement à l'objet du
projet de loi. Je vais donc me restreindre délibérément
à certains propos qu'a tenus le ministre de l'Agriculture au cours d'une
motion qui avait pour objet de reporter la deuxième lecture à
trois mois.
En particulier, M. le Président, je vais commencer par faire tout
simplement une énumération de certaines remarques du ministre de
l'Agriculture qui, pour moi, sont assez significatives et qui mèneront
éventuellement aux propos précis que j'ai l'intention de tenir
dans ce débat-ci. Entre autres, M. le Président, à R/4452
de la transcription du journal des Débats, à la page 2, on lit la
remarque suivante, dans l'intervention du ministre de l'Agriculture: 'II est
facile de dire que, dans telle région, il y a des producteurs qui se
sont dits contre, mais contre quoi? Ils ne se sont pas dits contre le projet de
loi, ils ne se sont pas dits contre le programme d'assurance individuelle. Ils
se sont posé de sérieuses questions, dans certaines
régions, sur le caractère obligatoire de l'assurance
collective.
Ils se sont posé un certain nombre de questions sur l'application
du programme collectif, c'est-à-dire la détermination des zones,
le calcul des indemnités, etc. Tout cela se situe dans le cadre des
règlements". Première citation, M. le Président, que
j'extrais de l'intervention du ministre ce matin. On trouve une autre citation,
toujours du ministre de l'Agriculture, au R/4453, page 1 des Débats du
10 décembre 1974; vers le milieu de la page on lit ceci: "II y a moyen
cependant de régler le problème de ceux qui ne sont pas tout
à fait satisfaits de la loi. Moi, je reste convaincu que plusieurs des
dirigeants agricoles du Québec sont d'accord sur cette loi; plusieurs,
par ailleurs, ne sont pas plus d'accord qu'il ne le faut".
M. le Président, au départ, avec ces deux citations
j'en ai d'autres, d'ailleurs, à extraire du discours du ministre
je suis en droit, moi, de me poser une question relativement à
l'approche que le ministre apporte à son propre projet de loi. D'une
part, il fait une division dans son projet de loi, qui apparaît
d'ailleurs, je l'ai cité ce matin, dans les notes explicatives du projet
de loi, lorsqu'on décrit l'objet du projet de loi. Je cite à
nouveau l'objet du projet de loi qu'on voit à la page qui fait face aux
premiers
articles du projet de loi no 20. "Ce projet a pour objet de refondre la
Loi de l'assurance-récolte et d'instituer, pour les récoltes de
grande culture, soit les plantes fourragères, les céréales
et le mais à ensiler, deux systèmes de protection, dont l'un
collectif et l'autre individuel".
Ce matin, M. le Président, nous avons cité justement cet
objet, la valeur et l'importance du but proposé du projet de loi, pour
demander que ce projet de loi soit retardé à trois mois, pour
qu'entre-temps on prenne toutes les mesures nécessaires, requises pour
entendre les parties intéressées, soit les agriculteurs.
Déjà, dans la réponse même du ministre, je ne
veux pas revenir sur la discussion de ce matin, on s'aperçoit que lui
aussi voit et confirme, à toutes fins pratiques, quelque chose qui
apparaît dans les notes explicatives, c'est-à-dire qu'il y a deux
systèmes de protection, dont l'un collectif et l'autre individuel, qui
sont prévus par ce projet de loi-là.
On le voit par la première citation que je vous ai donnée
à R/4452, lorsqu'il nous dit qu'il y en a qui sont d'accord et
entièrement d'accord sur le régime d'assurance individuelle, et
qu'il y a des réticences sur l'assurance collective. On le voit dans la
deuxième citation que je vous ai faite, lorsque le ministre
lui-même dit qu'il y a moyen de régler le problème de ceux
qui ne sont pas tout à fait satisfaits de la loi, mais que plusieurs,
par ailleurs, ne sont pas d'accord sur la loi.
Alors pourquoi plusieurs ne sont-ils pas d'accord sur la loi? C'est un
peu plus loin dans l'intervention du ministre qu'on trouve cela. Et je vous
soumets, M. le Président, un autre extrait du journal des Débats
de ce matin toujours au R/4453, page 1, où le ministre s'exprime ainsi:
"J'ai dit que je déposerais des amendements lors de la commission
élue, quand on discutera le projet de loi, article par article. Il y a
plusieurs amendements. Je vais en déposer un relativement à
l'assurance collective et on entendra, après, la commission
parlementaire sur ce problème. Si les agriculteurs viennent nous dire,
en commission parlementaire, qu'ils n'en veulent pas de cette partie-là,
là maintenant je vous cite la page 2 de R/4453 et si les
agriculteurs viennent nous dire, en commission parlementaire, qu'ils n'en
veulent pas de cette partie-là la partie concernant l'assurance
collective purement et simplement nous amenderons la loi, ou encore,
nous nous organiserons pour ne pas rendre applicable cette section de la
loi".
M. le Président, permettez-moi de tirer également de
l'intervention du ministre de ce matin un autre extrait qui sera, je pense,
significatif eu égard à ce que j'ai l'intention de proposer
à l'Assemblée.
Au ruban 4454, à la page 1, on entend le ministre dire ceci:
"Remettre ce projet de loi à trois mois, cela veut dire qu'on suspend
presque tout le programme d'assurance-récolte qui est en vigueur depuis
trois ans". J'insiste sur cette partie-là, M. le Président, parce
qu'elle a son importance eu égard à ce que j'aurai à vous
dire tout à l'heure. J'insiste sur le fait que le ministre a
avoué ce matin que "remettre le projet de loi à trois mois, cela
veut dire qu'on suspend presque tout le programme d'assurance-récolte
qui est en vigueur depuis trois ans, depuis cinq ans même, dit-il, et qui
rejoint les aspirations d'au moins une dizaine de milliers de producteurs.
Est-ce qu'on doit se permettre cela? Je pense que non. C'est pour cela que je
pense qu'on doit adopter ce projet de loi et, par la suite, convoquer la
commission parlementaire sur le problème précis de l'assurance
collective".
Encore une fois, à ce stade-ci, on se rend compte que le ministre
fait de ce projet de loi deux éléments tout à fait
différents: l'assurance individuelle, l'assurance collective. Je
continue toujours la même citation: "Si, à ce moment-là
c'est-à-dire après la convocation de la commission
parlementaire on constate qu'il n'est pas requis que ce programme soit
appliqué soit celui de l'assurance collective il est
possible de l'amender ou il est possible de ne pas l'appliquer du tout. Mais il
faut laisser le programme individuel s'appliquer dans le plus bref
délai".
Le ministre, au fur et à mesure que son intervention avance, est
en train de nous expliquer qu'il y a deux problèmes très
précis qui sont incorporés dans le projet de loi no 20: l'un,
l'assurance individuelle, qui existe déjà, selon le ministre,
depuis trois ans ou même, possiblement, depuis cinq ans et l'autre,
nouveau, le projet d'assurance collective. Je continue et ça devient
encore plus clair. Je cite toujours le ministre de l'Agriculture au cours du
débat sur l'opportunité de reporter à trois mois
l'étude en deuxième lecture du projet de loi no 20. Toujours au
ruban 4454 de la transcription, à la page 1, on voit ceci. Je m'excuse,
M. le Président, je fais cette parenthèse au départ.
Lorsqu'il nous disait: Si on s'aperçoit, au cours de la commission
parlementaire, que la partie assurance collective n'est pas acceptable,
même après la deuxième lecture, on fera les amendements
voulus, je lui avais demandé s'il n'était pas anormal de
fonctionner de cette façon-là. Le ministre m'a dit non et je cite
sa réponse: "M. Toupin: Est-ce que le leader de l'Opposition admettrait,
par ailleurs, ceci: C'est que ce projet de loi est composé de deux
sections... "M. Lessard: Deux principes. "M. Toupin: ... deux programmes dont
un principe nouveau qui est celui de l'assurance collective. Deux programmes et
un principe nouveau". Le ministre se répète et il continue de la
façon suviante: "Le programme de l'assurance individuelle, qui existe
depuis cinq ou six ans soit dit en passant, on vient de prendre une
année avec une page de plus; à la page précédente,
c'était trois ans et peut-être cinq ans et là, on vient de
prendre un an de plus. En tout cas, on va pardonner au ministre. C'est une
approximation, si je comprends bien doit continuer à
s'appliquer".
C'était un de ses arguments principaux, ce matin, à
l'effet qu'une des deux parties de la loi, celle concernant l'assurance
individuelle, doit continuer à s'appliquer; autrement, certains dommages
importants pourraient être subis par des agriculteurs qui,
déjà, depuis trois, cinq ou six ans, sont couverts par cet aspect
de l'assurance individuelle. Je continue à citer le ministre; toujours
à R/4454, page 1, des travaux de ce matin, plus particulièrement
à midi quinze minutes on lit ceci:
On lit ceci: "Or, si on retarde le projet de loi de trois mois, à
cause des difficultés pour la régie présentement de
préparer des règlements et de les faire adopter par le
lieutenant-gouverneur en conseil on a dit qu'on ne peut laisser des
programmes s'appliquer dans l'illégalité il faut que cette
partie du programme s'applique. Quant à l'autre, qu'est-ce qui
empêche le gouvernement, qu'est-ce qui empêche le ministère
de rendre applicable cette deuxième partie, ce deuxième programme
après proclamation? C'est-à-dire qu'on entend les parties et on
proclame après".
J'ai deux derniers extraits à vous soumettre de ce que le
ministre nous a dit ce matin. Au ruban 4455, toujours du 10 décembre
1974, vers midi vingt, le ministre s'exprime de la façon suivante: "II
me semble normal que nous procédions de cette façon la
façon que je viens de vous décrire et que le ministre
lui-même a décrite dans son intervention que nous adoptions
le projet de loi en deuxième et en troisième lecture et
qu'après nous rencontrions les agriculteurs pour chercher avec eux
à établir de meilleures méthodes si celles-ci ne leur
conviennent pas en ce qui concerne l'assurance collective ou l'assurance
individuelle".
Encore une fois, M. le Président, Je vous signale que le ministre
lui-même fait dans son intervention une distinction très nette
entre deux parties de la loi.
Il continue un peu plus loin: "Ils ont proposé parlant des
gens de l'UPA, des congrès différents de l'UPA la
création d'un comité pour étudier comme il le faut
l'application des deux programmes, tant le programme individuel que le
programme collectif".
Motion de division de la question
M. BURNS: M. le Président, il me semble que ces quelques
citations, ces cinq ou six citations me suffisent pour appuyer une motion de
division en vertu de l'article 88 de notre règlement, motion qui a pour
objet de diviser une question. Je vous signale tout de suite, M. le
Président, que notre nouveau règlement a quelque chose de
changé vis-à-vis de l'ancien règlement sur la motion. Il y
a même plusieurs choses, mais il y en a une qui me paraît claire au
départ, chose que l'ancien règlement exigeait à l'article
231, si je ne m'abuse, M. le Président... Oui, l'ancien article 231 qui
avait pour objet de demander la division d'une question complexe.
Maintenant, M. le Président, nous nous retrouvons avec les
articles 87 et 88 de notre règlement qui remplacent les articles 231 et
suivants. Cela vaut peut-être la peine de les lire à haute voix
pour qu'on sache exactement de quoi on parle.
L'article 87 nous dit: "Par une motion non annoncée, un
député qui a le droit de prendre la parole peut proposer la
division d'une question en délibération". L'article 88 nous dit:
"Une question ne peut être divisée à moins que chacune de
ses parties ne constitue par elle-même une proposition distincte, tant
dans les mots que dans le fond". Soit dit en passant, cet énoncé
au premier paragraphe de l'article 88 est une reproduction fidèle de
notre ancien règlement. Il n'y a pas eu un iota de changé.
"2 La motion doit indiquer la manière dont il est proposé
de faire la division. "3 II appartient au président de
décider si la question est divisible ou non et, dans l'affirmative,
l'Assemblée doit se prononcer sur la division. "4 Si la
décision de l'Assemblée est affirmative, les parties en sont
prises en considération et mises aux voix séparément et
suivant l'ordre dans lequel elles se trouvent dans la motion. "5 La
motion de division interrompt l'affaire en cours jusqu'à ce qu'elle soit
décidée".
M. le Président, c'est peut-être la première fois
que j'aurai l'occasion, dans quelques instants, de faire une motion de division
d'une affaire qui est en délibération, mais de façon
très constructive, je prends l'occasion aussi de dire que notre texte
actuel des articles 87 et 88 est beaucoup plus clair que les dispositions des
articles 231 et suivants de notre ancien règlement.
D'ailleurs, M. le Président, je crois que vous saurez en
témoigner également quand vous rendrez votre décision.
Je pense que c'était d'ailleurs un des efforts, si on peut les
appeler ainsi, des codificateurs qui ont travaillé à la
réforme du règlement et qui ont, à l'occasion de
l'étude d'une motion, d'une division de question, pensé rendre
beaucoup plus simple l'approche qui existait. Et elle est, à mon avis,
très simple.
Il s'agit, au niveau du règlement, non plus de parler d'une
question complexe. Je n'ai pas, M. le Président, à vous
convaincre que la question est complexe; cette expression, dans notre ancien
règlement, laissait un doute parce que la complexité, au sens
juridique du mot, peut avoir deux interprétations. Elle peut avoir
l'interprétation d'une motion qui est sur la table, qui est devant la
Chambre, motion de deuxième lecture qui comporte une complexité
telle qu'on ne puisse comprendre le problème qui est en discussion sans
le diviser.
Et elle pouvait avoir aussi l'autre interpréta-
tion, qu'une question complexe comporte deux éléments qui
empêchent, sans que ce soit difficile de la comprendre, de donner un vote
véritable. C'est ça la distinction que je porte, distinction qui
ne paraît plus, je vous l'indique avec tout le respect, dans les articles
87 et suivants. Il s'agit d'une complexité qui m'empêcherait
simplement de donner un vote véritable qui respecte ce que je pense sur
une motion de deuxième lecture.
En soi, si on s'arrête à y penser, dans le cas d'une motion
de deuxième lecture qui propose deux choses qui sont parfaitement
compréhensibles, que je peux comprendre toutes les deux, je peux me
placer dans la peau du ministre et dire : Le ministre veut une assurance
individuelle, veut aussi imposer une assurance obligatoire collective à
l'ensemble des agriculteurs visés par le projet de loi de
l'assurance-récolte. Je peux très bien comprendre le ministre
là-dessus.
Je peux, cependant, différer d'opinion avec lui. Je peux ne pas
être d'accord sur la deuxième alors que je suis entièrement
d'accord sur la première. Je peux avoir été convaincu par
ses arguments de ce matin relativement au maintien, dans l'immédiat, de
l'assurance individuelle et je peux continuer à entretenir mes doutes
c'est là où j'en suis sur l'assurance-collective
qui, elle, est nouvelle et, comme le ministre le disait lui-même, est un
principe nouveau dans la loi.
De sorte qu'il me semble qu'à ce stade-ci il est de mon devoir de
vous proposer la division de la motion en discussion. Même si la motion
de deuxième lecture est une motion de forme, c'est une motion qui est
assimilée à une motion de fond et qui a pour but principal de
faire adopter l'objet d'un projet de loi.
Je n'ai pas 52 façons de vous présenter une telle motion
et je me réfère à un de vos illustres
prédécesseurs, dans une des décisions magistrales...
LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé. M. BURNS:
... là-dessus. Oui. LE PRESIDENT: Très longue.
M. BURNS: Très longue décision et l'argumentation du
député de Chambly du temps, M. Pierre Laporte,...
LE PRESIDENT: Pierre Laporte.
M. BURNS: ... feu Pierre Laporte, est très intéressante
à lire. Je vous en fais grâce.
LE PRESIDENT: Sur le projet de loi no 25, je crois.
M. BURNS: C'était sur le projet de loi no 25, qui demandait,
d'une part, le retour au travail des enseignants et qui, d'autre part, imposait
des conditions de travail aux enseignants.
Et la motion avait été faite par le leader parlementaire
de l'Opposition du temps, qui était le député de Chambly,
l'ex-ministre du Travail. Son argumentation principale était
basée sur le fait que ce projet de loi comportait, dans les faits,
c'est-à-dire, comme le dit l'article 88, dans les mots et dans le fond,
une distinction telle qu'il ne se voyait pas capable de voter en faveur de l'un
et de voter en faveur de l'autre alors qu'il se sentait tiraillé entre
les deux.
Alors, je vous fais grâce de toute cette argumentation qu'on
retrouve aux pages 1060 et suivantes du tome I, volume V des Débats de
l'Assemblée nationale, session 1966/67 et plus particulièrement
le samedi 11 février 1967.
Tout le monde connaît, M. le Président, le résultat
de la motion de l'honorable député de Chambly du temps. Cette
motion a été rejetée, et la décision du
président du temps, M. Rémi Paul, qu'on pourrait maintenant
appeler M. le juge Rémi Paul, qui était notre collègue de
Maskinongé jusqu'au 29 octobre 1973, a été à
l'effet que cette division ne devait pas avoir lieu.
Dans le fond, la décision se résume à peu
près dans les mots suivants, que je retrouve à la page 1102 du
volume que je vous ai cité: "J'en viens à la conclusion que le
bill 25 ne peut être interprété comme complexe...".
Voyez-vous, M. le Président, pourquoi il est important de signaler,
à ce stade-ci, que le mot complexe ne paraît plus dans notre
règlement actuel? Il a basé sa décision sur l'aspect
complexe ou non du projet de loi no 25. Je dois dire également entre
parenthèses c'est une soumission que je vous fais bien
respectueusement qu'après y avoir pensé et avoir lu les
arguments tant du gouvernement que de l'Opposition, à ce
moment-là, et la décision que je trouve bien fondée, eu
égard à la législation ou aux règlements qui
fixaient les débats de la Chambre, établissaient les normes des
débats de la Chambre à ce moment-là, je pense que la
décision de M. Rémi Paul était parfaitement
justifiée, concernant le texte qu'il avait à interpréter.
Or, on n'a pas le même texte actuellement et je vous le signale
dès le départ.
Je reviens à cette citation: "J'en viens à la conclusion
que le bill 25 ne peut être interprété comme complexe dans
le fond, même s'il a cette qualité dans le titre". Dans le titre,
vous vous souviendrez, M. le Président, qu'il y avait justement un "et"
qui laissait entendre qu'il fallait assurer l'éducation aux enfants et
les conditions de travail, je crois, aux enseignants.
M. BLANK: Et le retour...
M. BURNS: Et le retour au travail, mais de toute façon,
c'était les enfants, d'une part, et l'aspect des enseignants, d'autre
part.
M. Rémi Paul continue, toujours à la page 1102: "La motion
de l'honorable député de Chambly, vu qu'elle ne rencontre pas la
double qualité nécessaire pour une distinction ou une
divisibilité admissible, puisqu'on ne retrouve
cette divisibilité que dans la forme et non dans le fond, n'est
donc pas recevable".
M. le Président, l'aspect complexe étant mis de
côté, je pense que si on regarde le projet de loi que nous avons
devant nous, il est clair, par les remarques qui ont été faites
par le ministre de l'Agriculture, ce matin, que je vous ai citées
à quelques extraits près mais je vous engage, M. le
Président, dans votre décision, si jamais vous ne la rendez pas
immédiatement, à prendre connaissance des propos entiers,
complets, du ministre de l'Agriculture ces propos, en plus de l'objet du
projet de loi, tel que décrit dans les notes explicatives et
jusqu'à preuve du contraire je suis obligé de m'en tenir
à cela comme objet du projet de loi nous disent très
clairement, tant les propos du ministre que l'objet du projet de loi, que ce
projet de loi vise à mettre en vigueur deux systèmes de
protection, dont l'un collectif et l'autre individuel. Tant les propos du
ministre que les propos des membres de l'Opposition nous laissent entendre
qu'il y a un de ces deux aspects qui ne comporte pas de problème, ou
très peu de problèmes, en tout cas, pas de problème au
niveau du principe lui-même, l'assurance individuelle, et qu'il y en a un
autre qui comporte de sérieux problèmes, tant chez les gens de
l'UPA que chez les gens qui se sont prononcés individuellement et
collectivement dans les régions, soit le problème de l'assurance
collective. Il y a aussi, M. le Président, le fait que si nous prenons
le projet de loi et j'ai tenté cette expérience il
est divisible. On peut, de façon très claire, sans aucune
ambiguïté, prendre le projet de loi tel qu'il est et classer en
trois catégories les articles qu'on y retrouve.
Première catégorie, les articles qui peuvent s'appliquer
à l'assurance collective. Deuxième catégorie, les articles
qui peuvent s'appliquer à l'assurance individuelle et, troisième
catégorie, particulièrement l'article 1 qui contient des
définitions qui peuvent s'appliquer aux deux en faisant un amendement,
dans ce cas, à l'un ou l'autre.
M. le Président, je pense que c'est le meilleur test pour voir si
ce projet de loi a un caractère tellement différent, surtout vu
les remarques du ministre et les affirmations non contestées des membres
de l'Opposition relativement à cette dualité d'opinions, d'une
part vis-à-vis de l'assurance individuelle et, d'autre part,
vis-à-vis de l'assurance collective. Il me semble qu'une fois ce
contexte constaté il faut se rendre compte que le projet de loi est
divisible.
Je n'ai pas à prendre une moitié d'article cela va
aussi loin que cela pour la mettre dans une partie, à prendre une
moitié d'article pour la mettre dans l'autre et à essayer de
compléter cela d'une autre façon. Non, le texte même de la
loi nous démontre que le projet de loi est divisible. J'ai fait cette
tentative-là et j'espère, M. le Président, que vous
trouverez que j'y suis arrivé. J'espère que, quand vous y aurez
songé, vous trouverez que j'ai raison de deman- der la division de ce
projet de loi. Parce que l'un des instigateurs de l'amélioration du
texte des articles 87, 88, c'est vous-même, M. le Président, je
n'ai pas, je pense, à vous convaincre que la première
étape et c'est là où j'en suis quand ma
motion sera faite, sera pour vous de décider si ma motion est
recevable.
Comme le dit l'article 88: "Une question ne peut être
divisée, à moins que chacune de ses parties ne constitue par
elle-même une proposition distincte, tant dans les mots que dans le
fond".
Je pense que cette partie-là, c'est à vous qu'elle
revient. La Chambre n'a même pas à en disposer. Vous devrez
décider si elle est divisible et la motion ensuite, une fois que je
l'aurai faite, devra indiquer de quelle façon je la fais. Il appartient
au président au paragraphe 3, cela c'est très clair
de décider si la question est divisible ou non et, dans l'affirmative,
ensuite, l'Assemblée a à se prononcer sur l'à-propos de la
division ou pas. Mais vous, vous décidez, au départ, si ça
se divise.
Alors, M. le Président, je vous soumets la proposition suivante,
en terminant: Je propose que la question en discussion soit divisée en
deux propositions dont la première se lirait telle qu'elle apparaft dans
l'annexe 1 ci-jointe et la seconde telle qu'elle apparaft dans l'annexe 2
ci-jointe. J'ai préparé, M. le Président, avec photocopies
parce que, évidemment, vous allez comprendre que j'ai dû
procéder avec une certaine célérité deux
annexes. En résumé, je vous dis que l'annexe 1 comporte une
reproduction de l'article 1 actuel avec une partie qui est
éliminée, parce qu'elle ne s'applique pas, tout simplement. La
définition, au paragraphe e) s'intitule expertise collective. Or,
l'expertise collective vise l'annexe 2; donc, je l'ai radiée, mais c'est
la seule radiation qu'on retrouve dans le projet. En résumé,
donc, la première annexe que je propose devoir constituer une partie du
projet de loi, une fois qu'on l'aura divisé, une fois que vous aurez
jugé que ça peut l'être, c'est l'article 1, avec la
réserve que je viens de vous mentionner, plus les articles 46 à
68 et les articles 73 à 89.
Egalement, il y a une deuxième annexe qui, à mon avis,
devrait comporter les articles 1 à 45 inclusivement, l'article 60, les
articles 65 à 89 inclusivement.
Je termine en vous disant simplement ceci, qu'il ne faudrait pas, dans
la division que je vous propose, que vous vous laissiez, oserais-je dire,
leurrer par le fait qu'on retrouve des articles dans l'une ou l'autre section,
l'une et l'autre annexe. Ce serait, M. le Président, je pense, trop
facile pour vous de tenter de vous cacher derrière une faille qui trouve
son origine et je ne pense pas que ce soit votre intention dans
le projet de loi lui-même. Si on avait pris la peine de soumettre un
projet de loi reproduisant la pensée que je tente de vous soumettre, je
pense qu'on aurait retrouvé dans l'un et l'autre projet de loi des
dispositions
identiques. Par exemple, il est évident que la régie doit
avoir la même définition dans l'un et l'autre projets de loi: une
zone, cela doit avoir la même définition; un règlement,
cela doit avoir la même définition. D'ailleurs, simplement au
niveau du règlement, je vous invite à jeter un coup d'oeil sur
quelques projets de loi où on retrouve constamment la définition
identique au carbone d'une loi à l'autre de ce que peut être une
définition de règlement. On retrouve la production
laitière dans les deux cas; on retrouve le producteur, qui est le
propriétaire, locataire ou occupant d'une exploitation agricole. C'est
ce qu'on retrouve. D'ailleurs, je vous signale que quant au producteur
lui-même, c'est la définition qu'on retrouve dans toutes les lois
agricoles.
Dans ce sens, M. le Président, je vous inviterais, je vous
demanderais même instamment de ne pas utiliser cet argument que l'article
1, par exemple, paraît dans les deux sections. Une partie des articles 46
à 89 paraît dans l'une et l'autre section de la division que je
vous propose. M. le Président, pour toutes ces raisons, je propose que
la motion qui est actuellement en discussion soit divisée en deux
propositions, de la manière que je vous ai décrite et avec les
annexes qui paraissent à ma motion.
Décision de M. le Président
LE PRESIDENT: Je suis prêt à considérer la motion de
l'honorable député de Maisonneuve et à rendre une
décision sur cette argumentation bien structurée, qui avait
d'ailleurs été faite d'une manière quasi aussi
éloquente en 1967 par Pierre Laporte sur le projet de loi 25, demandant
qu'un projet de loi soit divisé. Si je me rappelle bien, le
président de l'époque avait pris cette motion en
délibéré pendant la fin de semaine et il avait rendu une
très longue décision à la reprise, au début de la
semaine suivante.
C'est un sujet des plus intéressants, d'ailleurs, et je
brûlais de pouvoir rendre une décision sur la même question
parce que je m'étais penché sur ce problème qui pouvait se
présenter, justement, lorsque nous avons travaillé ensemble pour
la confection d'un nouveau règlement. Disons que le député
de Maisonneuve n'a pas eu de difficulté à me convaincre que le
projet de loi en question comprend des principes à volets
différents. D'ailleurs, ce n'est pas le seul projet de loi qui comprend
plus d'un principe ou plus d'une avenue bien déterminée. La
plupart, je dirais, des projets de loi comprennent un, deux ou trois principes.
Le projet de loi no 50, entre autres, a une multitude de principes à mon
point de vue.
Sur cette question, dans son contenu même, le député
de Maisonneuve n'a eu aucune difficulté à me convaincre de la
complexité du projet de loi, même si ce mot n'existe plus dans
notre nouveau règlement.
La division d'une motion complexe, qui était un impératif
libellé dans l'ancien règlement, n'est plus libellée de la
même façon dans le nouveau règlement.
Par contre, si je lis bien l'article 88, une motion ne peut être
divisée, à moins que chacune de ses parties ne constitue par
elle-même une proposition distincte, tant dans les mots que dans le fond.
Et c'est peut-être une légère erreur; je ne voudrais pas
critiquer un de mes prédécesseurs. Mais il ne l'avait pas
considéré à l'époque. Il ne faut pas
considérer le projet de loi dans son ensemble actuellement, mais, et
c'est ici le hic, la motion qui est devant l'Assemblée. La motion qui
est devant l'Assemblée, ce n'est pas d'approuver les principes a), b),
c), d), e) et f ) qui sont dans le projet de loi.
La motion qui est devant l'Assemblée, c'est que ce projet de loi
soit lu pour la deuxième fois. Je ne vois aucune complexité dans
cette question, que ce projet de loi soit lu une deuxième fois. Si
laissez-moi terminer et je vous donnerai encore le droit de parole
on respecte l'article 88, il faudrait que le député de
Maisonneuve applique le premier paragraphe de l'article 88, qui dit qu'une
question ne peut être divisée, à moins que chacune de ses
parties ne constitue par elle-même une proposition distincte, tant dans
les mots que dans le fond.
Comment le député de Maisonneuve ou tout autre pourrait-il
scinder la simple motion qui est devant la Chambre? Laissez-moi terminer et je
vous donnerai encore le droit de parole. La motion qui était devant la
Chambre en 1967, c'était que le projet de loi no 25 soit lu une
deuxième fois. Actuellement, c'est que le projet de loi no 20, Loi sur
l'assurance-récolte, soit lu une deuxième fois. Je ne vois pas
que cette motion, en aucune façon, puisse être divisée.
Là vous me direz: Comment s'applique 88? Comment?
Ah! C'est très simple. Comment s'applique 88? Ce n'est pas sur un
projet de loi en deuxième lecture. D'ailleurs l'article 88, dans
l'ancien ou le nouveau règlement, a eu son application à un
certain moment à la demande du député de Nicolet du temps,
M. Vincent. Il y avait une motion du mercredi, une motion où il y avait
deux ou trois éléments. J'avais reçu sa motion et j'avais
dit qu'elle pouvait être divisible, une motion de député.
La Chambre, je ne sais pas ce qu'elle avait fait après, la
deuxième étape, mais j'avais dit à ce moment-là que
la motion pouvait être divisée.
Mais une motion de deuxième ou de troisième lecture, c'est
une motion qui ne peut pas être divisée. Qu'est-ce qu'il y a de
plus simple? Peut-être que vous pourriez me demander maintenant: Comment
pourrait-on procéder pour diviser un projet de loi? Voulez-vous me le
demander? Je ne sais pas si je vais trop loin...
M. BURNS: M. le Président, est-ce que je peux simplement, en
aparté, vous dire ceci?
Comment est-ce que je devrais réagir, moi, comme
député que je sois de l'Opposition ou que je sois
député ministériel, je pense que ça n'a aucune
importance si je dois enregistrer un vote éclairé, un vote
basé sur le texte du projet de loi qu'on me soumet? Comment devrais-je
réagir et c'est possible si on me présente un
projet de loi qui s'appelle Loi amendant le régime d'assurance-maladie
et l'assurance-récolte?
Voyez-vous, M. le Président...
LE PRESIDENT: Je vais répondre à votre question.
M. BURNS: ... dans quelle situation je me retrouverais devant ça?
Il est possible que je sois totalement contre toute forme
d'assurance-récolte.
LE PRESIDENT: Je vais répondre à votre question.
M. BURNS: II est possible que je sois, non, non, mais...
LE PRESIDENT: Vous n'avez pas à argumenter, je vais
répondre.
M. BURNS: ... laissez-moi terminer, M. le Président, parce que
c'est une question que vous m'avez posée. Il est possible que je sois
totalement en faveur aussi de l'assurance-récolte et que je sois contre
toute forme de régie publique de l'assurance-maladie, et il est possible
que je sois drôlement tiraillé. Pourtant la proposition, dans un
cas comme celui-là, qui me sera présentée va être:
Je propose que le projet de loi soit maintenant lu une seconde fois. Vous allez
être obligé, M. le Président, de reprendre l'argument que
vous venez de me servir, puis dire: Ce n'est pas compliqué ça. Ce
n'est pas difficile à diviser une motion qui dit que le projet de loi
soit lu une deuxième fois.
M. le Président, je vous réfère simplement à
notre règlement qui, lui-même, nous laisse entendre jusqu'à
quel point il y a division des motions. Mais dans les droits de
réplique, à l'article 101, on a prévu que la motion de
deuxième et troisième lecture est une motion de forme, tout
simplement. Dans le fond, c'est une motion qui ne veut rien dire, c'est une
motion pour faire passer une étape.
On dit, à l'article 101, paragraphe a): "Le droit de
réplique appartient à un député qui a fait une
motion de fond ou qui a proposé la deuxième ou la
troisième lecture du projet de loi". On reconnaît, nous autres
mêmes, que c'est une motion, comme le dit l'article en question je
ne me souviens pas lequel l'article qui définit les motions de
fond et les motions de forme. On a dit que la motion de deuxième lecture
est une motion de forme parce qu'elle ne fait que faire franchir une
étape à un projet de loi. Ce n'est pas, dans le fond, la motion
de forme qui nous importe, c'est ce qu'il y a derrière qui nous importe.
Ce qu'il y a derrière, c'est le projet de loi.
Actuellement, on se trouve vis-à-vis de deux projets de loi que
je pourrais appeler de la façon suivante: On pourrait facilement avoir
devant nous le projet de loi no 20 et le projet de loi no 20-A), l'un
s'appelant Loi sur l'assurance-récolte, projet individuel, et l'autre,
Loi sur l'assurance-récolte, projet 20-A), projet collectif. L'un qui
existe, le projet de loi no 20, l'autre qui n'existe pas, le projet de loi no
20-A).
LE PRESIDENT: Si ça ne vous dérange pas, je vais essayer
de vous apporter l'éclairage complet.
M. CHARRON: M. le Président, me permettez-vous?
LE PRESIDENT: Oui. Sur la question de règlement?
M. CHARRON: Oui, s'il vous plaît.
LE PRESIDENT: D'accord. Prenez votre fauteuil et adressez-vous à
moi.
M. CHARRON: J'oubliais. M. le Président, je veux simplement vous
faire remarquer, en ajoutant aux arguments du député de
Maisonneuve, que l'article 88, qu'a invoqué le député de
Maisonneuve, ne parle pas d'une motion à diviser mais parle d'une
question. Si vous regardez le libellé, c'est "question". La question en
cause, actuellement, c'est celle de l'assurance-récolte, des
différentes formes que le ministre veut lui faire prendre et qui sont
très claires, très facilement divisibles, comme le
député de Maisonneuve... Enfin, je n'ai pas à revenir
là-dessus. Ce n'est pas la motion qui est à diviser, c'est la
question.
M. le Président, je me permets de faire une seconde remarque. Si
vous consultez nos amis les Anglais ce que vous faites à
l'occasion vous allez voir qu'ils ont été aussi, dans le
passé, très clairs là-dessus. Ce sont les questions qui
sont divisées et non pas les motions.
LE PRESIDENT: Très bien. Je vais répondre
immédiatement à cela. Il est reconnu qu'en droit parlementaire
toute question qui est devant la Chambre, c'est toujours une motion. On ne peut
pas agir sans qu'il y ait motion. Devant l'Assemblée, c'est toujours une
motion, sauf à la période des questions. Mais lorsqu'on est dans
des débats, l'Assemblée ne procède que par motions. Cela
répond en partie à votre question.
Deuxième argumentation de l'honorable député de
Maisonneuve. Aux articles 101 et 94 on se réfère aux motions de
forme comme étant des motions de fond, on les considère comme des
motions de fond. C'est uniquement en ce qui concerne le droit ou la limite du
droit de
parole ou le droit de réplique. C'est uniquement pour ça.
Une motion de deuxième lecture ou de troisième lecture,
même si on l'assimile à une motion de fond, c'est toujours une
motion de forme dans la définition même. Bon!
Maintenant, vous me dites: Comment pouvons-nous arriver à notre
fin si le gouvernement nous arrive avec un projet de loi parlant, dans une
partie, d'agriculture et, dans l'autre partie, de l'éducation? J'ai
fouillé cette question en profondeur. Cela se faisait anciennement. Je
réponds tout de suite: Cela se fait toujours par les commissions. Cela
s'est toujours fait par les commissions, et je vais vous faire dire comment
cela se faisait anciennement. Lorsque la deuxième lecture d'un projet de
loi était adoptée et que le leader parlementaire du gouvernement
proposait la formation de la commission plénière ou d'une
commission parlementaire, on avait le droit, à ce moment-là, de
greffer à cette motion-là des instructions à la commission
par un amendement.
Un député se levait et disait: Je fais amendement
qu'instruction soit donnée à la commission de diviser le bill.
Là, cela pouvait se faire. D'ailleurs, il y a la jurisprudence. Dans le
nouveau règlement, ça n'existe plus. Le leader du gouvernement
dit: Je défère ce projet de loi... Il existe encore quelque chose
que notre règlement prévoit et vous vous en êtes servi il
n'y a pas tellement longtemps pour un autre sujet. Il reste quelque chose que
vous pourriez appliquer et ce serait l'article 152 où, à la suite
d'une motion annoncée, l'Assemblée peut, par des instructions
spéciales, étendre les pouvoirs d'une commission élue.
Je vous dis que c'est ma décision. Cela ne s'est jamais fait
autrement. Anciennement, cela se faisait. Lorsque le leader du gouvernement,
après la deuxième lecture, demandait la formation, surtout
à l'époque, de la commission plénière, un
député avait le droit de se lever et, par une motion
d'amendement, donnait des instructions ou faisait motion de donner des
instructions à la commission de scinder le projet de loi. Maintenant, il
existe, dans notre nouveau règlement, uniquement, je crois, l'article
152, par une motion annoncée où vous demanderiez à la
Chambre d'ordonner à la commission de scinder un projet de loi.
C'est pour cette raison, dans tout l'ensemble, que je considère
la motion présentement devant la Chambre comme indivisible. C'est
uniquement une motion de deuxième lecture.
Voilà ma décision.
M. BURNS: Puis-je vous soumettre simplement un dernier problème,
pas du tout dans l'intention d'en appeler de votre décision? A propos de
votre dernière suggestion, je pense simplement à un
problème à caractère pratique qui peut se poser, si je
tentais éventuellement de faire ce que vous venez de dire. Je me
réfère en particulier à l'article 122 que j'opposerais
à votre opinion de tout à l'heure quant je m'excuse du mot
anglais, mais je n'en vois pas de français qui peuvent rendre cela
à la "feasibility" de ce que vous me suggérez de
faire.
LE PRESIDENT: Very well, Sir.
M. BURNS: Thank you, Sir. On lit à l'article 122: "Après
la deuxième lecture, un projet de loi, sauf s'il est de subsides, doit
être envoyé à la commission élue appropriée
sur une motion non annoncée du leader parlementaire du gouvernement;
cette motion n'est pas susceptible de débat ni d'amendement. Toutefois,
sur une motion non annoncée du leader parlementaire du gouvernement,
l'Assemblée peut décider de l'envoyer plutôt en commission
plénière. Sur cette motion, qui ne peut subir d'amendement
encore une fois chaque parti reconnu n'a droit qu'à un seul
discours d'une durée d'au plus vingt minutes."
LE PRESIDENT: II y a beaucoup de trous bouchés.
M. BURNS: Bien, M. le Président, voici la situation
concrète dans laquelle je peux me trouver pas plus tard que tout
à l'heure, si jamais on adopte la deuxième lecture. Il est fort
possible qu'on m'enlève sous les pieds, qu'on enlève sous les
pieds du député de Saguenay le projet de loi no 20 par une motion
du leader que je n'aurai pas le droit d'amender et que je n'aurai pas le droit
de débattre. M. le Président, surtout à ce moment-ci,
c'est quand même un peu cynique je vous le dis sans
méchanceté de me suggérer d'inscrire une motion
pour faire la division de l'ordre de la Chambre, puisque cette
possibilité n'existe plus pour l'Opposition à cause de la motion
qui a été adoptée, vendredi dernier, par la
majorité gouvernementale et qui me prive de l'utilisation de l'article
91. A ce moment, M. le Président, il me reste quoi? Je suis
obligé, passivement de regarder passer le projet de loi, de me retrouver
avec le député de Saguenay en commission parlementaire sur
l'as-surance-récolte et de dire: L'Assemblée nous a donné
comme mandat d'étudier le projet de loi no 20. Je ne peux plus, en
commission, enlever au mandat qui a été donné par
l'Assemblée nationale, et c'est cela qui me pose un problème
très sérieux.
Dans toute autre circonstance, si, à un moment donné, le
leader du gouvernement, par habitude, par une espèce de consensus
établi avait dit: Le moindrement qu'il y aura une de ces motions
inscrites au nom d'un député par voie de motion annoncée,
on l'étudiera en priorité, là j'avoue que votre argument
pourrait sérieusement m'ébranler. Mais, dans la pratique, je n'ai
rien physiquement. Or, cela, c'est l'essence même de notre
règlement; c'est un instrument pour moi. C'est un instrument pour faire
valoir mon point de vue et mon point de vue, si vous acceptez que la question
que je propose est divisible, pourra être mis devant l'Assemblée
nationale. Peut-être que j'aurai tort par le vote
de l'Assemblée nationale, parce qu'à la suite d'une
décision éventuelle de votre part en faveur de la
divisibilité il est fort possible que l'Assemblée nationale
décide qu'il n'y a pas lieu de la diviser.
J'aurai au moins eu, comme on dit, la possibilité de faire valoir
mon point de vue. Que j'aie tort ou que j'aie raison, c'est le vote qui dira
que j'ai tort ou que j'ai raison.
LE PRESIDENT: Bon. Je ne voudrais pas mettre fin à ce dialogue
agréable que nous entretenons. Par contre, il faudrait, je pense,
éventuellement y mettre fin. Je vais répondre à votre
question.
Il est vrai qu'une motion de député ne peut plus trouver
son application actuellement, dans le contexte actuel. Par contre, il faut bien
concevoir que dans notre droit parlementaire, dans notre système
démocratique, c'est la majorité qui l'emporte. Même si la
minorité est, remplie des meilleures intentions du monde, si la
minorité peut avoir raison, en certaines occasions, si vous ne
convainquez pas la majorité, dans notre système c'est la
pluralité qui compte. Bon.
M. BURNS: Ce n'est pas la majorité, c'est vous que je dois
convaincre à ce stade-ci, M. le Président.
LE PRESIDENT: Oui. Je suis là pour faire appliquer le
règlement et faire respecter les règles du jeu. Mon rôle se
limite à ça. Si, par hypothèse, en errant, à mon
point de vue, j'accepte votre motion, c'est encore la majorité qui
décidera après si elle doit être divisée. Encore
là, cela prouve que c'est la majorité.
Bon. Par contre, il vous reste encore un recours actuellement et ce
n'est pas c'est une directive que je vous donne une
décision hypothétique que je voudrais rendre sur une situation
qui peut se présenter, parce que je me ferme à toutes ces
possibilités. Lorsque vous me demandez ce qu'on peut faire dans telle
circonstance, je vais vous dire et c'est vous-même qui m'avez
ouvert la porte que lorsque ce projet de loi sera
déféré, à la commission plénière ou
à la commission élue, ce sera vos collègues de
l'Opposition ou vous-même qui pourrez voter contre des articles qui,
d'après vous... Si vous voulez, dans votre concept, seulement un projet
de loi vous pourrez voter pour tous les articles 2 qui ne font pas votre
affaire, pour qu'ils soient réduits à un seul projet de loi.
C'est un recours auquel vous avez droit.
M. BURNS: Comment est-ce que je vote sur le principe, M. le
Président?
LE PRESIDENT: Cela, des problèmes de conscience, on en a tout le
temps.
M. BURNS: J'en ai un maudit, là.
LE PRESIDENT: Des problèmes de cons- cience, ce n'est pas
seulement en Chambre, à l'Assemblée qu'on en a. On en a
régulièrement. Il faut décider si, au point de vue des
principes, le bon côté l'emporte ou non, et libre à vous de
voter pour ou contre le principe. C'est la raison pour laquelle souvent, en
droit parlementaire, on peut voter en deuxième lecture pour un projet de
loi et voter contre en troisième lecture. Il n'y a rien d'illogique
à ça. On peut être pour un principe mais voter contre la
troisième lecture qui est l'application d'un projet de loi.
M. BURNS: Bien, je peux vous dire que j'aurais tendance à voter
pour une partie du projet de loi, en principe, et m'abstenir...
LE PRESIDENT: C'est à vous à faire... M. BURNS: ... sur
une autre partie.
LE PRESIDENT: Bon. C'est à vous à faire le choix.
M. BURNS: Comment est-ce que je fais ça?
LE PRESIDENT: Messieurs, je crois que cette conversation est très
intéressante. Motion rejetée. Quel est le prochain opinant?
Reprise du débat de deuxième
lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre d'Etat aux Affaires municipales.
M. BURNS: M. le Président, la motion n'est pas rejetée,
elle est jugée non recevable.
LE PRESIDENT: Non recevable. Excusez-moi.
M. Georges Vaillancourt
M. VAILLANCOURT: M. le Président, je m'en voudrais de ne pas dire
quelques mots sur le projet de loi que nous étudions en ce moment.
A la fin de son mandat, le gouvernement Lesage avait entrepris de doter
les agriculteurs du Québec d'une assurance-récolte. Il
s'était engagé dans un processus avant-gardiste, dans un
processus efficace pour aider les agriculteurs en difficulté et vraiment
démunis, un processus qui avait pour objet de faciliter la voie vers une
certaine sécurité pour tous les agriculteurs du
Québec.
Tout le monde alors appréciait et s'enthousiasmait face à
cette prise de conscience toute nouvelle du gouvernement du Québec qui
s'était mis à la tâche d'étudier les
possibilités en ce sens.
On se rend compte aujourd'hui qu'un long chemin a été
parcouru depuis les premières
réflexions sur l'assurance-récolte et que le stade des
discussions et des études préliminaires est enfin révolu.
Les agriculteurs du Québec désiraient des gestes concrets. Ils en
ont eu certains jusqu'à maintenant, mais aucun n'a eu la portée
et n'a représenté autant pour les agriculteurs, cette classe de
la population si essentielle à la vie même de chacun d'entre nous,
que le projet de loi no 20, que nous propose aujourd'hui le ministre de
l'Agriculture.
Non, M. le Président, aucun projet de loi jusqu'à
maintenant n'a pénétré si à fond dans le coeur
même des problèmes de l'assurance-récolte. Il faut rendre
au ministre qui en est l'instigateur tout l'hommage qui lui revient vraiment.
Sa détermination et son dynamisme ont rendu possible
l'élaboration de ce projet de loi indiscutablement qualifié de
vraiment positif pour la classe agricole en général.
M. le Président, l'agriculture a connu, depuis une
décennie, une transformation remarquable, alors que certains, mal
informés, la considèrent encore comme une activité
économique vouée à son déclin, d'autres, plus
justes dans leurs appréciations, voient désormais son importance
absolue s'accroître considérablement. L'agriculture entre de
plain-pied dans l'ère moderne et tente de s'adapter à toutes les
modifications et les ajustements de notre époque.
Pour ce faire, cependant, il faut que les gouvernements choisissent
d'être responsables et garantissent aux agriculteurs une
sécurité qui les met à l'abri des problèmes
liés de près à leur activité économique.
Aucun agriculteur n'est prêt, M. le Président, à supporter
seul tous les risques et tous les caprices de la température. Ils
demandent donc et exigent de leurs gouvernants d'être
protégés équitablement et le plus possible.
Or, le projet de loi no 20 vise exactement ce but et prend les moyens
efficaces pour l'atteindre. Jusqu'à maintenant, la loi 45 a
répondu à plusieurs besoins des agriculteurs. Cependant, sa mise
en exécution a démontré que des correctifs s'imposaient si
on voulait vraiment procurer aux agriculteurs une protection plus
adéquate à un coût normal.
Par exemple, on a constaté, particulièrement dans les
récoltes de grandes cultures, qui, comme vous le savez, M. le
Président, occupent la place la plus importante au Québec, une
négligence et une faiblesse de la participation à l'assurance
alors que les pertes de rendement causées par des éléments
de la nature pouvaient se prévoir et, comme on le sait, se sont
malheureusement réalisées.
Je n'ai pas, bien sûr, à relever les causes de cette
situation mais il fallait réagir, faire en sorte que la grande culture,
comme les autres, soit adéquatement protégée et cela, M.
le Président, toujours dans le but de servir la classe agricole avec le
plus de justice possible.
Le projet de loi no 20 propose donc un programme
d'assurance-récolte pour la grande culture. Il se partage en deux
volets. D'une part, il prévoit l'assurance obligatoire en vertu d'un
système collectif. Naturellement, je suis d'accord sur ce volet, pour
autant que les producteurs se prononcent favorablement en commission
parlementaire. D'une autre part, il y a une assurance facultative en vertu d'un
système individuel. Voilà, M. le Président, les points
centraux de ce projet de loi, sur lesquels j'insisterai d'avantage. En rendant
obligatoire le système collectif à tout producteur de grande
culture spécialisée, dans l'industrie laitière ou dans
l'élevage de bovins de boucherie, de chevaux, de moutons ou d'autres
herbivores, ce projet de loi va permettre aux cultures de grande valeur que
possède le Québec d'être couvertes enfin par une
assurance.
Dans les situations de désastre, désormais, les pertes
encourues seront de beaucoup amorties grâce à cet
élément important du projet de loi no 20. On assume ainsi, M. le
Président, les récoltes destinées à satisfaire les
besoins alimentaires des herbivores dans une zone homogène donnée
et normalement produite dans ladite zone.
Voilà fondamentalement M. le Président, le principe de
base qui oriente ce projet de loi et qui lui octroie sa grande valeur.
En somme, on procure à tous les producteurs de grandes cultures
une protection de base en cas de dommages importants affectant une zone
particulière, et cela à un coût modique. En effet, puisque
ce système collectif sera obligatoire s'il est accepté par les
agriculteurs, son coût sera réparti entre plusieurs et, partant,
il en reviendra moins cher à l'agriculteur de s'assurer de cette
façon. C'est là une des heureuses conséquences de ce
système collectif obligatoire.
Par ailleurs, ce projet de loi no 20 prévoit que tout producteur
admissible au système collectif, tout agriculteur ou producteur
spécialisé dans l'élevage de porcs a l'option d'assurer,
selon un système individuel, la récolte de grande culture qu'il
choisit de protéger. C'est là un élément majeur
justifiant la force de l'innovation du projet de loi que nous discutons.
Alors, qu'auparavant, par la loi 45, l'agriculteur devait assurer
complètement sa récolte s'il voulait intégrer les cadres
de l'assurance-récolte alors en vigueur, aujourd'hui le projet de loi no
20 lui donne désormais le droit de choisir la catégorie de
récolte qu'il veut vraiment assurer sans devoir assurer toutes les
autres catégories.
C'est là, à mon avis, l'essentiel, le plus important de
cette partie du projet de loi. Ce système individuel répond, j'en
suis persuadé, au désir intense des agriculteurs
québécois. Sa mise en application démontrera une fois de
plus que le ministre de l'Agriculture et le gouvernement ne ménagent
vraiment aucun effort afin d'octroyer à nos agriculteurs toutes les
possibilir tés leur permettant de réussir pleinement dans leurs
activités économiques.
En outre, et c'est là un aspect qui me paraît
intéressant, le système individuel accordera une protection
spéciale au producteur qui se voit dans l'impossibilité
d'exécuter les semailles dans
une partie de son champ. Cette protection de l'ordre de 80 p.c.
s'avère une autre indication des efforts sérieux faits par le
ministre de l'Agriculture afin de permettre toutes les chances possibles aux
agriculteurs.
Ces derniers doivent, à mon sens, approuver le principe de base
que sous-tend ce projet de loi que j'appuie profondément, avec les
réserves que je vous ai soumises auparavant permettant ainsi aux
agriculteurs québécois une plus grande protection et leur
permettant d'agir avec plus de sécurité et de
sérénité.
Au-delà de ce souci de protection poussé à un point
jamais rencontré jusqu'à maintenant dans aucun projet de loi,
c'est une fois encore le désir intense de voir les agriculteurs du
Québec satisfaits de leur noble tâche et l'agriculture toujours
davantage valorisée qui transpire de ce projet de loi. Merci.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Saint-Jean.
M. Jacques Veilleux
M. VEILLEUX: M. le Président, le projet de loi no 20,
déposé par le ministre de l'Agriculture, remet en question, si
l'on peut dire, tout le principe qui a prévalu jusqu'à maintenant
dans l'assurance-récolte.
Quant à moi, j'accepte et je voterai en faveur du principe qu'on
retrouve dans le projet de loi no 20 pour une seule raison, M. le
Président, tout simplement parce qu'elle va reconnaître une
situation de fait qui existe; elle va légaliser d'une certaine
façon des décisions qui ont déjà été
prises les années précédentes par la Régie de
l'assurance-récolte. Mais je me dois, M. le Président, de parler
au nom des agriculteurs de ma région où je retrouve des
producteurs faisant partie de l'Union des producteurs agricoles, où je
retrouve aussi des producteurs faisant partie de l'Association des jardiniers
maraîchers, faisant partie des producteurs de conserves et faisant partie
aussi d'une association de producteurs de grain industriel. Quand je fais
mention de ces différents organismes, je dois dire, M. le
Président, que ce qui a été fait par la Régie de
l'assurance-récolte depuis surtout deux ans et demi, cela a
été dos pas en avant. Mais, depuis deux ans, deux ans et demi,
les agriculteurs, les producteurs que je vous mentionne, avec l'aide du
député de Saint-Jean, essaient de sensibiliser la Régie de
l'assurance-récolte à des problèmes particuliers à
ces productions.
Il y a eu des explications données par la régie, mais ces
explications, M. le Président, n'ont pas répondu aux aspirations
des producteurs mentionnés et je dois vous dire qu'elles n'ont pas
répondu à ce que le député de Saint-Jean
s'attendait d'avoir comme réponse. Le ministre nous a promis pour
janvier ou février 1975 une commission parlementaire. Je m'en
réjouis, M. le Président, parce que les producteurs que je vous
mentionnais tout à l'heure, pour une raison ou pour une autre qu'il ne
m'est pas donné, comme député de Saint-Jean,
d'évaluer, ne voulant pas participer de façon entière et
complète à l'Union des producteurs agricoles ces autres
producteurs que je me dois aussi de représenter parce qu'ils
résident, ils vivent, ils font vivre des gens de mon comté
auront, grâce à la décision prise par le ministre de
l'Agriculture, l'opportunité de venir en commission parlementaire et de
soulever des problèmes particuliers.
M. le Président, je profite de l'occasion pour soulever
quelques-uns de ces problèmes sur lesquels les producteurs que je
mentionnais tout à l'heure vous donneront beaucoup plus de
détails; je vais uniquement soulever certains points d'interrogation.
Les producteurs de ma région, M. le Président, malgré les
efforts faits par la régie, ne sont pas portés à vouloir
prendre l'assurance-récolte telle qu'elle fonctionne présentement
ou qu'elle a fonctionné pour différentes raisons. Je n'y
reviendrai pas parce qu'on peut retourner jusqu'à l'époque
où cela a été créé par la défunte
Union Nationale, en 1968. Les raisons premières, à ce
moment-là, ont peut-être été des raisons strictement
politiques de la part des agriculteurs qui pouvaient subir préjudice de
la part de certaines personnes à l'intérieur.
Il y a eu des améliorations depuis ce temps-là, mais,
encore aujourd'hui, les producteurs, du moins de ma région, ne semblent
pas portés à vouloir s'assurer. Par exemple, le ministre, mon
collègue, autrefois de Stanstead, aujourd'hui d'Orford, mentionnait que
l'assurance collective, en principe, c'est bien parce que vous aurez une
participation de l'ensemble des producteurs et qu'à ce moment-là
cela va coûter moins cher. Je dis oui au ministre. Ce principe, cet
élément soulevé par le député d'Orford, je
l'accepte, M. le Président, mais ce que je n'accepte pas dans le
fonctionnement de la régie jusqu'ici, c'est que quelqu'un qui subit
préjudice dans l'évaluation des dommages faite par la
régie n'a droit à des appels que sur des questions de droit.
Il ne peut pas en appeler sur des questions de fait. Je suis
persuadé, que si on trouvait le mécanisme permettant à ces
producteurs d'en appeler des décisions de la régie non seulement
sur des questions de droit, mais sur des questions de fait, c'est-à-dire
l'évaluation des dommages qui sont faits sur les terrains, les
agriculteurs, du moins ceux du comté de Saint-Jean, tous ceux que j'ai
mentionnés tout à l'heure, accepteraient ce principe du
système collectif. D'ailleurs, mon collègue de Gatineau me dit
que c'est la même chose.
On nous dit, M. le Président, que la régie est un
organisme quasi judiciaire. C"est vrai, et, règle
générale, lorsqu'il y a un organisme quasi-judiciaire, il n'y a
pas appel de ses décisions. Mais il ne faut pas oublier, M. le
Président, que cet organisme quasi judiciaire, c'est lui qui
décide ni plus ni moins des plans; c'est lui qui décide,
après étude, du coût de
l'assurance, puis c'est lui en même temps qui décide de
l'évaluation des dommages. Peut-être qu'il y aurait lieu
d'envisager, à l'intérieur de la Régie de
l'assurance-récolte, deux groupes, dont l'un s'occuperait justement de
se pencher sur les problèmes des produits à être
assurés, la façon de les assurer, etc., et l'autre verrait
à évaluer les dommages, à se poser des questions de droit
et de fait. On pourrait alors permettre aux agriculteurs d'en appeler non
seulement des questions de droit, mais aussi des questions de fait.
M. le Président, les agriculteurs de mon comté ont
l'impression je veux que le ministre m'éclaire tout à
l'heure dans son droit de réplique que la Régie de
l'assurance-récolte fonctionne en raison des sommes qui rentrent
à chaque année de par les polices qui sont vendues. M. le
Président, l'Association des manufacturiers de produits alimentaires du
Québec, dans une lettre qu'elle me faisait parvenir, disait: "II va
falloir qu'on envisage que la Régie de Passurance-récolle
fonctionne peut-être de façon déficitaire pendant un
certain nombre d'années pour réellement donner une
véritable protection aux agriculteurs. Ce que les agriculteurs, du moins
ceux du comté de Saint-Jean, veulent, c'est une vraie
assurance-récolte qui couvre tous les préjudices qu'ils peuvent
subir, mais parce que ce n'est pas prévu dans
l'assurance-récolte, qu'on arrête de donner des subventions
spéciales, quand arrive un événement spécial.
Qu'on prévoie ces choses-là à l'intérieur de
l'assurance-récolte et l'agriculteur qui n'acceptera pas de s'assurer
acceptera, s'il y a conflit de cette nature, M. le Président, d'en subir
le préjudice et de ne recevoir aucune subvention...
M. LESSARD: M. le Président, je m'excuse, afin de permettre au
député de Saint-Jean de prendre son souffle, je voudrais vous
indiquer que nous n'avons pas quorum.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Qu'on appelle les
députés. Le député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: Merci. M. le Président, un problème que les
producteurs de ma région ont vécu ça ne se
présente pas à tous les ans, mais ça peut se
présenter pour une raison ou pour une autre c'est ce qu'on
appelle la période de préensemencement. Si je regarde le
programme qu'on retrouve en Ontario, en plus de l'assurance-récolte pour
différentes causes et différentes productions, on reconnaît
l'option préensemencement.
La police dit-on, toujours en Ontario
d'assurance-céréales de printemps garantit vos cultures depuis
l'ensemencement jusqu'à la récolte. L'assurance
préensemencement est une option supplémentaire qui fournil une
indemnité pour assurer les frais que vous encourez avant l'ensemencement
si des intempéries vous empêchent d'effectuer l'ensemencement.
Celte précieuse protection est disponible je le souli- gne
seulement à titre d'option supplémentaire si vous prenez
c'est-à-dire l'agriculteur, le producteur une assurance pour vos
céréales de printemps ou pour toute autre culture semée au
printemps.
Il est impossible d'obtenir cette option préensemencement si, au
préalable, vous n'avez pas l'assurance générale. Il y a eu
une hausse exorbitante, qui est hors du contrôle du ministère de
l'Agriculture, des engrais chimiques. Qu'il suffise de mentionner le nitrate
ammoniaque qui, en 1972, se vendait $64 et qui, en 1974, se vend $121, une
augmentation de 99 p.c. J'ai différents produits d'engrais chimiques
où la hausse, en deux ans, s'échelonne entre 58 p.c. et 119 p.c.
Le nitrate ammoniaque se vendait $99 et se vend $217, en 1974; donc, une
augmentation de 119 p.c.
Vous avez des agriculteurs qui se servent, nécessairement, de ces
engrais chimiques pour préparer leur sol. Arrive le temps des semences
et à cause de la température ils sont dans l'impossibilité
de semer dans la période prévue par la Régie de
l'assurance-récolte. Le résultat est que non seulement ils ne
peuvent pas assurer leur récolte mais ils perdent même ce qu'ils
ont investi dans le sol pendant de nombreux jours et de nombreuses semaines
dans le travail préparatoire à la semence. Ce sera soulevé
à la commission parlementaire, ce sera expliqué par les gens avec
beaucoup plus de détails et beaucoup plus d'ampleur que je pourrais le
faire. Je tenais à soulever ce point qui, pour les agriculteurs de ma
région, est extrêmement important.
Je sais, M. le Président, que le temps presse. J'aurai quelques
petites questions à la fin. Le ministre pourra me répondre dans
son intervention. On dit, par exemple, à un certain article qu'il y aura
des représentants de différentes associations d'agriculteurs.
J'aimerais qu'on envisage une possibilité. Je suis d'accord que
massivement au point de vue des associations d'agriculteurs qui
participent à de tels comités, conseillers du ministre ou de la
régie on retrouve en très grand nombre,
nécessairement, des producteurs de l'Union des producteurs agricoles,
parce qu'on la retrouve pratiquement sur tout le territoire du Québec.
Mais il peut y avoir, à certains moments, des productions
spécialisées où on ne retrouvera pas, à
l'intérieur des cadres de l'UPA, ces gens-là. Il y aurait
peut-être lieu d'envisager de rencontrer ou d'essayer d'aller chercher,
parmi ces différentes classes de producteurs, par exemple chez les
jardiniers maraîchers, les producteurs de grain industriel, etc.
On dit que l'assurance protège contre l'action nuisible des
éléments suivants, et on en énumère une grande
série. Une des protections qu'on ne retrouve pas dans cette
série, et cela cause de sérieux problèmes aux producteurs
de ma région, c'est la protection contre les oiseaux. C'est de valeur.
Le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche engage des
gardes-chasse et des gardes-pêche pour empêcher les
gens de tuer les oiseaux, pour la protection de la faune, mais ces
mêmes oiseaux vont manger les labeurs des producteurs dans les champs. Ne
serait-ce pas une raison suffisante pour faire entrer dans
l'assurance-récolte cette protection au nom de l'écologie, au nom
de la protection de la faune?
M. LESSARD: Ou bien permettre la chasse.
M. VEILLEUX: Vous avez devant vous un député qui en sait
quelque chose. A la Commission mixte internationale des eaux limitrophes, on
est en train de retarder la solution au problème des inondations sous
prétexte que les poissons ou les oiseaux dans les marécages du
Vermont pourraient disparaître ou avoir certaines difficultés. Le
ministre du Tourisme de la Chasse et de la Pêche protège les
oiseaux au Québec, et je suis d'accord avec lui. Il y aurait
peut-être lieu qu'on intercale à l'intérieur de
l'assurance-récolte une protection pour celui qui travaille la terre, M.
le Président. C'est cela, la raison principale pour laquelle on voudrait
voir les oiseaux, par exemple, inclus dans l'article 24, du projet de loi. Je
n'ai pas le droit de mentionner d'article, mais ce serait bon qu'on ait cela.
Les gens vont venir vous le demander, M. le ministre, et là vous allez
trouver un gars qui va prendre leur défense. C'est une raison parmi
plusieurs que je vous mentionne. Même si ce n'était, M. le
ministre, que pour raison écologique ou pour la protection de la
faune...
M. BIENVENUE: Les oiseaux migrateurs dont je m'occupe.
M. VEILLEUX: Oui.
M. LESSARD: Vous pourrez rallonger la période de la chasse.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! Pourrais-je
demander au député de Saint-Jean s'il ne pourrait pas nous
réserver sa "diatribe" sur les oiseaux pour la commission
parlementaire?
M. MAILLOUX: Est-ce que je pourrais demander à mon honorable
collègue s'il faisait référence au seul discours qu'ait
prononcé en Chambre, pendant 31 ans, l'ancien député de
Yamaska?
M. VEILLEUX: M. le Président, je dirai au ministre, à mon
bon ami le ministre des Transports, député de Charlevoix, que je
ne fais que répéter ce que des producteurs m'ont dit, parce que
je pense que c'est le rôle d'un député d'être le
porte-parole des gens de son comté. Cela fait trois ans que je
rencontre, trois ou quatre fois par année, en assemblée
générale, les producteurs que je vous ai mentionnés tout
à l'heure. Ce sont, les points de doléances qu'ils m'ont
soulevés et c'est la première fois, M. le Président, que
j'ai l'occasion, en Chambre, de me faire le porte parole de mes producteurs.
Cela me fait plaisir de le faire; je ne crois pas que mes honorables
collègues du parti ministériel comme de l'Opposition s'opposent
à cela.
DES VOIX: Encore.
M. VEILLEUX: M. le Président, il y aurait différents
autres points que je pourrais soulever. Comme mon temps est
écoulé et que le ministre a accepté que le système
collectif soit mis en retrait quelque peu, tant et aussi longtemps que la
commission parlementaire n'aura pas été convoquée et que
les séances ne se seront pas tenues, je tiens à lui dire, selon
les discussions que j'ai eues avec mes producteurs chez nous, qu'on accepterait
le principe du système collectif, à la condition qu'un producteur
puisse non seulement en appeler des questions de droit, tel que le mentionne la
loi, mais qu'on y ajoute aussi un appel aux questions de fait.
Sur cela, M. le Président, à la commission parlementaire,
en janvier ou février. Bonjour!
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Richmond.
M. Yvon Vallières
M. VALLIERES: M. le Président, j'ai écouté
très attentivement les propos que tenait le ministre de l'Agriculture du
Québec, relativement au projet de loi no 20 portant sur le régime
de l'assurance-récolle du Québec. Je dois vous faire remarquer
que je l'ai trouvé fort convaincant.
Le gouvernement actuel a eu l'occasion de démontrer, tout
dernièrement, qu'il désirait maintenir le milieu agricole
québécois en lui fournissant un maximum de possibilités
d'évoluer et de se raffermir. Le projet de loi no 20, si bien
présenté par le ministre de l'Agriculture, démontre, une
fois de plus et de façon très certaine, la volonté du
gouvernement actuel d'investir dans le domaine agricole, non seulement de
maintenir ce secteur clé de notre économie, mais de lui assurer
toutes les garanties nécessaires à son développement.
J'ai eu l'occasion de discuter avec beaucoup d'agriculteurs de mon
comté au sujet de l'assurance-récolte facultative, d'une part, et
de l'assurance-récolte obligatoire, d'autre part. Suite à ces
consultations dans mon milieu, je ne peux que qualifier de très sage la
décision du ministre de procéder en deux étapes pour ce
qui est de l'acceptation de son projet de loi.
En effet, plusieurs agriculteurs sont, actuellement, insatisfaits de la
façon dont ils sont couverts par le programme d'assurance-récolte
du Québec. Plusieurs points à relever sont d'ordre technique,
d'autres portent sur le fond même de la question, à savoir: doute
du principe même de l'assurance-récolte.
Mais les oppositions plus marquées se font
définitivement sentir du côté de
l'assurance-récolte obligatoire. Il est assez difficile, au moment
présent, d'exiger que tous les agriculteurs du Québec acceptent
une politique visant à créer un régime obligatoire pour
tous, alors que celui qui est facultatif présente plusieurs
déficiences. Bien sûr, de nombreuses lacunes ont été
constatées au niveau de l'ancien régime
d'assurance-récolte, mais il s'agit là d'un
phénomène quand même récent et d'un domaine dans
lequel le Québec innove.
Mais ce qu'il est très important de souligner, c'est le fait que
le ministre de l'Agriculture est conscient des problèmes que pose la
mise en application du régime d'assurance-récolte. Les lois sont
toujours désirées les plus parfaites possible. Mais il demeure
qu'elles sont construites et votées par des humains. Ce qui est
primordial, c'est d'accepter d'apporter des modifications à une loi
quand nous jugeons qu'elle peut être améliorée. C'est ce
que j'appelle prendre ses responsabilités, indépendamment de la
petite politique partisane qui sera faite pour critiquer les gestes
passés et présents.
Il est absolument nécessaire de faire preuve de réalisme
face au projet de loi actuel. Il est tout à fait normal, en tant
qu'élus du peuple, que nous ne soyons pas tous d'accord sur le
présent projet de loi, surtout en ce qui concerne les modalités
de son application. Mais il demeure, cependant, que la très grande
majorité des parlementaires en cette Chambre se mettent d'accord sur les
principes fondamentaux du projet de loi. Aussi, quand il s'agit de s'entendre
sur un principe qui veut que les récoltes des agriculteurs du
Québec soient assurées le plus efficacement possible et aux prix
les plus bas possible, personnellement, je ne peux qu'être favorable
à un tel principe.
Je voterai donc en faveur du projet de loi no 20, mais il sera toujours
présent à mon esprit qu'en ce qui concerne l'application du
système d'assurance obligatoire, le ministre entreprendra une vaste
consultation très franche et ouverte avec les gens concernés afin
de ne pas imposer un système qui n'obtiendrait pas l'assentiment de la
majorité des agriculteurs du Québec.
Il me paraft de la plus grande importance de faire la preuve que le
système d'assurance facultative peut rendre un bon service à
l'agriculteur québécois avant de lui demander de consentir
à participer à un plan obligatoire car, que nous le voulions ou
non, et c'est logique, l'agriculteur voudra associer les deux systèmes
d'assurance. Quand nous parlons d'assurance-récolte au Québec,
les gens font immédiatement référence au système
actuellement en place, et quand nous parlons d'une assurance-récolte
obligatoire, on veut aussitôt la comparer au système actuel qui a
tout de même laissé des traces derrière lui qui permettent
de l'évaluer.
Mais vous me permettrez de me servir d'un vieux dicton bien connu. On
entend souvent ça dans nos milieux: A cheval donné, on ne regarde
pas la bride, mais à achevai acheté, on regarde la bride. C'est
le cas de l'assurance-récolte.
Mais il demeure et je pourrais apporter des exemples très
précis que dans plusieurs cas ou circonstances, nombreux sont les
agriculteurs de mon comté qui auraient pu tirer avantage d'un
régime d'assurance-récolte obligatoire. Je sympathise avec tous
ceux-là qui, souvent, auraient un besoin réel d'aide, laquelle
serait génératrice d'un élan nouveau et d'un dynamisme
indispensable au bon fonctionnement de l'entreprise.
Mais, comment assurer celui qui paie et assurer l'autre qui ne paie pas?
Ce ne serait plus de l'assurance, ce serait un don gouvernemental de
façon pure et simple. Indemniser ceux qui ne participent pas au plan
d'assurance-récolte équivaudrait à la fin certaine de
cette mesure et ce serait dommage car beaucoup d'éléments
positifs jouent en faveur de son maintien.
J'espère que les agriculteurs du Québec, au cours des
quelques mois qui précéderont la prise de décision, feront
part à leurs députés respectifs de leurs interrogations et
de leurs suggestions.
Le plan d'assurance-récolte qui sera adopté se veut le
leur et, plus leurs élus seront sensibilisés à leurs
propositions, plus le résultat répondra à leurs
attentes.
Le ministre de l'Agriculture désire le dialogue et
l'échange. Qu'on s'en serve et l'agriculture ne s'en portera que mieux
au Québec. Merci, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Lafontaine.
M. Marcel Léger
M. LEGER: M. le Président, nous sommes en train d'étudier
le projet de loi no 20, que nous aurions voulu diviser en deux cela n'a
pas été possible, M. le Président parce qu'il y a
une partie de ce projet de loi sur laquelle nous aurions pu être
d'accord.
Malheureusement, nous allons être obligés, du fait que...
Est-ce que la tarte au citron à quelque chose à dire encore?
M. TARDIF: ... sais-tu de quoi tu parles pour commencer?
M. LEGER: M. le Président, est-ce que j'ai la parole? Le
député d'Anjou veut m'interrompre.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui mais je vous ai donné la
parole...
M. LEGER: II serait bon de les nommer, quand ils parlent, comme cela,
incognito...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. LEGER: ... de façon impunie.
M. le Président, j'étais en train de dire qu'il y a un
aspect de ce projet de loi sur lequel nous aurions pu être d'accord.
Mais, comme votre prédécesseur nous a dit que c'était
indivisible, nous devons donc nous opposer spécialement à la
partie obligatoire de ce projet, c'est-à-dire l'assurance collective,
puisque, l'assurance individuelle, les agriculteurs auraient pu choisir de s'y
abonner comme de ne pas le faire. A ce moment-là, M. le
Président, c'était permettre aux cultivateurs un choix selon
leurs désirs, selon leurs moyens, selon leurs possibilités et
selon les revenus qu'ils voulaient protéger.
Or, pendant qu'au Québec on s'apprête à rendre
obligatoire, par ce projet de loi, l'assurance-récolte à 70 p.c.
de la récolte, il semble que l'Ouest du Canada se dirige plutôt
vers un programme plus intéressant d'assurance-revenu.
M. le Président, on sait qu'il y a une grande différence
entre l'assurance-récolte que nous propose le bill 20 et
l'assurance-revenu. L'assurance-récolte, M. le Président, comme
vous le savez fort bien, est une forme de protection contre le risque de perte
de la récolte, au moyen d'une garantie de rendement minimum de 70 p.c,
ce qui est le cas ici. Mais, dans l'Ouest, les autres cultivateurs du Canada
auront un projet de loi fédéral qui va toucher
l'assurance-revenu, qui est une garantie au cultivateur d'un revenu minimum
pour son exploitation agricole.
M. le Président, je pense que le but du projet d'assurance-revenu
serait de protéger les producteurs de l'extrême variabilité
du revenu qui résulte des fluctuations du marché et non pas
uniquement des problèmes de température ou de mauvaise
année de récolte. Cela permettrait aussi aux producteurs de
suivre les tendances du marché mais sans ces cycles par à-coups,
ce qu'on appelle des "stop-go cycles", qui caractérisent la production
agricole.
M. le Président, est-ce qu'il est plus important d'avoir une
assurance sur la récolte ou une assurance sur le revenu? Le
problème est posé tout entier. C'est la raison pour laquelle nous
pensons que le projet de loi actuel devrait être reporté pour
permettre à une commission parlementaire d'entendre les agriculteurs
avant que nous, comme représentants du peuple, ayons à voter sur
un principe de loi.
D'ailleurs, M. le Président, la plupart des agriculteurs se sont
déjà prononcés contre une assurance-récolte
obligatoire. Une assurance-récolte individuelle et libre, facultative,
il n'y a pas de problème de ce côté, M. le
Président, mais les différents agriculteurs du Québec se
sont prononcés, dans différentes régions, contre ce
projet.
Je prends pour exemple la Fédération de l'UPA de
Québec-Ouest, qui disait, dans le Nouvelliste, que le texte de loi avait
profondément déçu les participants, qui ont
constaté que la loi proposée donne aux cultivateurs très
peu de ce qu'ils espèrent de cette nouvelle loi. Ils disent que les
pertes ne sont compensées qu'à 70 p.c. Déjà une
faille du projet de loi présenté. On ne tient pas compte de la
valeur de remplacement. Les primes à payer ne sont pas
déterminées de façon précise et la presque
totalité des représentants de la classe agricole de cette
région se sont prononcés contre l'adoption du projet sous sa
forme actuelle.
Cela, c'étaient les gens de Québec-Ouest. Plus loin, M. le
Président, les agriculteurs de l'UPA de Joliette se prononçaient
contre, justement, en disant qu'ils s'opposaient du fait des 70 p.c. et' que
ça ne tenait pas compte des pertes locales pour telle ou telle
production spécifique.
De plus, les remboursements iraient tout autant à ceux qui ont
été victimes de sinistres qu'à ceux qui n'ont rien subi.
Cette répartition égalitaire et générale est
injuste et c'est une autre raison pour laquelle nous allons voter contre ce
projet de loi en deuxième lecture.
Donc, la Fédération de l'UPA de Normandie disait, au mois
de septembre dernier, que l'assemblée complète s'était
catégoriquement opposée à l'assurance-récolte
obligatoire, surtout que la loi prévoit de prendre à la source
les frais nécessaires. Selon eux, le producteur devrait être libre
de s'assurer ou pas et non pas y être obligé. De plus, l'assurance
collective, l'assurance calamité devrait tenir compte de la vaste
étendue des zones pour son application.
Plus loin, on est rendu à la Fédération de l'UPA de
la côte sud, qui disait récemment, dans le Soleil, qu'elle s'en
était prise au principe même de l'entrave à la
liberté individuelle et aux déductions automatiques de primes.
L'objection principale soulignait l'insuffisance, sinon l'inutilité d'un
projet qui ne garantirait les récoltes qu'à raison de 70 p.c,
laissant ainsi les agriculteurs assujettis à des évaluations
unilatérales et discrétionnaires quant aux pertes initiales sur
les premiers 30 p.c. des récoltes.
D'autres se sont prononcés. Les agriculteurs de l'UPA de la
région de Lanaudière, eux, ont rejeté de façon
unanime l'actuel projet de loi qui vise à amender la Loi de
l'assurance-récolte.
Tous ces gens auraient certainement de bonnes solutions ou de bons
amendements à présenter lors d'une commission parlementaire.
Mais, malheureusement, on nous force à nous prononcer, nous, les
représentants du peuple, sur le principe alors que ceux qui sont
directement impliqués s'y opposent de plus en plus dans toutes les
régions du Québec.
On pourrait parler maintenant de la région de
Sainte-Geneviève-de-Batiscan, où les membres de l'UPA se sont
carrément opposés à l'adoption par le gouvernement
provincial de cette loi sur l'assurance-récolte. Les producteurs de ce
secteur ne veulent rien savoir d'un système obligatoire qui permettra,
une fois de plus, au gouvernement de venir fouiller dans les poches des
cultivateurs.
Maintenant, on est rendu dans l'Estrie, on fait le tour du
Québec. Les représentants de
l'UPA de l'Estrie nous ont dit qu'ils ne veulent absolument pas cette
assurance collective obligatoire. Ils soutiennent qu'une bonne partie d'entre
eux ne veulent pas s'assurer parce que les montants qu'ils retirent ne couvrent
même pas le montant de la prime qu'ils doivent payer, que les
règlements sont beaucoup trop lents et qu'ils ne veulent pas payer pour
les autres. Ils se disent prêts à lutter contre ce projet de loi.
Nous sommes rendus à l'Estrie.
Si on revenait un peu plus près, il y a justement un
député qui était ici tantôt, qui a parlé, le
député de Nicolet, je pense, qui aurait dû voir que les
cultivateurs représentant l'UPA de Nicolet se sont prononcés en
grande majorité contre cette formule obligatoire. On a même dit:
C'est un bateau, semble-t-il, qui serait régi par un fonctionnarisme
très lent et une assurance pour le gouvernement et non pour
l'agriculteur. Cependant, il y a place pour l'amélioration de la formule
actuelle. C'est donc dire qu'à une commission parlementaire, ces gens
auraient peut-être pu apporter des amendements au ministre.
Maintenant, je dirais encore que d'autres ont proposé, les
producteurs agricoles de la Mauri-cie, dans la région près du
ministre actuel, et ont adopté à l'unanimité, M. le
Président, une résolution: Que le ministère de
l'Agriculture du Québec retire son nouveau projet
d'assurance-récolte obligatoire et que le gouvernement apporte des
amendements à l'ancienne loi pour la rendre plus efficace. Vous voyez
que ce projet de loi ne fait pas l'unanimité et qu'un grand nombre de
cultivateurs s'opposent même à ce projet de loi. D'autant plus
qu'il faut tenir compte des fédérations régionales, il
faut tenir compte des fédérations sectorielles, il faut tenir
compte de l'association provinciale de l'Union des producteurs agricole, il
faut tenir compte des producteurs particuliers comme les producteurs de lait
industriel, les producteurs d'oeufs, les éleveurs, tous les
agriculteurs, M. le Président, qui voient non pas une assurance sur le
revenu mais une assurance sur les récoltes.
M. le Président, de tous les endroits où nous avons pu
entendre des échos, les gens ne sont pas d'accord, et on a même eu
de vives critiques du député qui était près de moi
tantôt, le député de Gatineau; justement, les agriculteurs
de son comté et du comté voisin, le comté de Papineau,
étaient très mécontents du traitement qui leur a
été offert par la Régie de l'assurance-récolte du
Québec. Ils ne se sont pas gênés pour le faire savoir au
président de cet organisme. Tout d'abord, les producteurs agricoles ont
protesté contre le fait que les dossiers des réclamants,
compilés par les fonctionnaires du bureau de la Régie de
l'assurance-récolte, ne correspondent pas aux fiches de paiements qui
ont été envoyés aux agriculteurs par la régie. Il
en résulte qu'un très grand nombre d'abonnés de
l'assurance-récolte de ce comté ont reçu des montants
moindres que prévus. Ils accusent la régie de ne pas avoir
respecté les contrats qu'elle a signés avec les agriculteurs; les
producteurs agricoles reprochent également la lenteur de la régie
à réviser les attributions de rendement en ce qui concerne les
récoltes de mais, ce qui retarde d'autant le paiement des indemnisations
à payer aux abonnés. Les agriculteurs sont également
mécontents du retard de la régie à payer les
réclamations, en général pour l'année 1973.
Plusieurs affirmaient que, par conséquent, ils hésiteraient
même à renouveler leur prime.
On voudrait adopter à la vapeur un projet de loi sans entendre
toutes ces recommandations de ceux qui sont directement concernés. Ces
critiques, M. le Président, ne sont en fait qu'un exemple
localisé d'un malaise plus général. Dernièrement,
le ministre de l'Agriculture lui-même faisait état du peu
d'intérêt des producteurs pour ce programme, en mai 1974, qu'il
tenait en partie responsable d'un déficit annuel régulier de la
régie. Plein de bonne volonté, le ministre promettait alors de
rendre le programme plus intéressant pour le producteur qui fait de la
gestion.
M. le Président, est-ce que j'ai toujours la parole ou si c'est
le député d'Anjou qui a la parole?
M. LEDUC: ... tantôt.
M. LEGER: Le député de Taillon, M. le Président, si
vous voulez le rappeler à l'ordre.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. LEDUC: Faites un discours intéressant.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): J'inviterais les honorables
députés dont on n'entend que faiblement les voix à
écouter religieusement l'honorable député de
Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, je pense que la meilleure
manière...
M. LEDUC: On veut bien l'écouter, M. le Président, mais ce
n'est pas un cadeau!
M. LEGER: ... d'arrêter les poules de crier dans le poulailler,
c'est peut-être de nommer leurs noms...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. LEGER: ... de façon qu'elles n'agissent pas...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous avez demandé
la parole? A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! Je pense qu'au cours
des dernières semaines, j'ai demandé assez souvent ainsi que les
autres présidents la collaboration des honorables membres de
l'Assemblée. Il reste quelques minutes.
M. LEGER: M. le Président, la meilleure façon, c'est de
nommer le député récalcitrant, il ne s'en tirera pas
impunément.
Les gens sauront qu'il interrompt les députés. Vous savez,
M. le Président, sur le point de règlement, quand un
député est...
M. DUFOUR: Lis ton discours. Pertinence du débat.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
Vous êtes à l'intérieur même de votre intervention.
Vous faites un point de règlement sur votre propre intervention.
M. LEGER: Je voulais seulement vous demander ceci: Quand on relit le
journal des Débats et qu'un député est en train de faire
une intervention...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. LEGER: ... assez intéressante et qu'on voit le
Président dire à l'ordre, à l'ordre, les gens qui lisent
le journal des Débats se disent: C'est le député qui parle
que le président met à l'ordre. Alors, ce sont les
députés qui ne sont pas intéressés qui parlent, qui
crient et qui chicanent.
M. TARDIF: Tu ne sais pas de quoi tu parles.
M. LEGER: Alors, nommez les députés qui sont hors d'ordre.
A ce moment-là, au journal des Débats, on saura pourquoi
ça allait mal dans les discours, M. le Président, et que cela ne
s'adresse pas au député qui parlait.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je dois vous dire vous me
permettrez un peu d'humour à cette heure-ci que, pour des raisons
bien personnelles, je lis rarement le journal des Débats.
M. LEGER: J'apprécie votre humour, M. le Président. Alors,
j'étais en train de dire que le ministre était plein de bonne
volonté. A ce moment-là, il promettait de rendre les programmes
plus intéressants pour le producteur qui fait de la gestion. Depuis
lors, il s'est bien rendu compte qu'il n'avait pas les moyens financiers de
rendre son programme plus intéressant, afin que les producteurs s'y
abonnent en grand nombre et avec empressement. Il l'a donc rendu obligatoire.
C'est qu'il sait fort bien que les producteurs n'y souscriront que si on les
force. La preuve, ce sont les différents exemples de groupes de
cultivateurs de l'UPA des différentes régions du Québec
qui eux-mêmes s'opposent à ce projet de loi là.
D'autres échos nous sont venus d'ailleurs au Québec qui
montrent que, surtout depuis un an ou deux, les nouvelles normes d'application
de la Loi de l'assurance-récolte sont fortement contestées. Dans
le numéro du 10 octobre 1974 du journal Le Voltigeur, on apprenait qu'un
certain nombre d'agriculteurs de la région de Saint-Germain
s'étaient récemment adressés à l'Ombudsman, pour
obtenir justice de traitements pour le moins étranges de la part de
l'assurance-récolte. On y lit ce qui suit: "De l'avis de cultivateurs de
plus en plus nombreux, la Régie de l'assurance-récolte a
décidé, depuis quelques années, de rentabiliser le
système aux dépens des assurés. Les prétentions des
agriculteurs sont toutes du même ordre. La régie attribue
effrontément les pertes à la négligence et à
l'incompétence d'agriculteurs, refuse de les entendre, refuse de croire
leur déclaration et celle des inspecteurs et, bien entendu, refuse de
payer. Tous ces cultivateurs, après avoir épuisé tous les
recours administratifs, ont décidé de demander à
l'Ombudsman d'intervenir."
Nous sommes actuellement à la fin de l'automne 1974.
Déjà, en mai dernier, lors de la tenue de la commission
permanente de l'agriculture, au cours de l'étude des crédits, mon
confrère du Parti québécois avait cité un extrait
du rapport de l'an dernier du Protecteur du citoyen. Celui-ci concernait
justement le sort de ces producteurs agricoles qui s'étaient
adressés à lui déjà pour obtenir justice suite
à des agissements irréguliers de la régie. Il
écrivait: "Les réclamants se voyaient régulièrement
imposer après coup des modifications importantes à leur contrat
d'assurance, sous prétexte que les rendements escomptés et
prévus étaient inexacts et une partie des pertes qu'ils avaient
subies était quasi systématiquement attribuée sans autre
forme de procès à leur négligence, plutôt
qu'à une cause indépendante de leur volonté. Ces
procédés autoritaires d'ajustement, d'ailleurs basé sur
des moyennes régionales et non sur des preuves précises,
cadraient mal avec les principes d'un système d'assurance à
contrat individuel."
Il ressort de ceci, M. le Président, que
l'assurance-récolte semble administrée encore de la même
façon que le déplorait le Protecteur du citoyen il y a plus d'un
an, ce qui n'est rien pour attirer la clientèle qui persiste à
demeurer en dessous des 25 p.c. de l'ensemble des agriculteurs
québécois.
Aussi, nous sommes donc opposés au projet de loi tel quel tant
que nous n'aurons pas entendu, avant de voter sur le principe, les agriculteurs
venir s'exprimer en commission parlementaire. Peut-être à ce
moment-là verrons-nous que le agriculteurs sont beaucoup plus
intéressés à une assurance-revenu qu'à une
assurance-récolte. Les moyens d'obtenir une assurance-revenu, ce serait
un plan d'assurance sur une base volontaire, c'est-à-dire obligatoire
pour ceux qui débutent, dans certains cas, et pour les producteurs de
grain, puis pour le bétail, les porcs, etc. L'assuré pourrait
contribuer quelque 2 p.c. des revenus nets de sa production et le gouvernement
pourrait ajouter
à la caisse un montant double de la contribution du fermier.
Le gouvernement pourrait supporter, sur une base de marge de profit
assurée, une "margin after cost basis". Cette marge de profit, qui
pourrait être autour de 90 p.c, pourrait être sujette à
indexation. Le programme pourrait commencer au début de l'année
prochaine pour les producteurs de grain et devrait fonctionner sur une base
actuarielle. A ce moment-là, le support maximum de l'assurance pourrait
être fixé autour de $25,000, comme le propose le projet de loi
d'un gouvernement responsable, qui est le gouvernement fédéral,
qui s'occupe très bien des agriculteurs de l'Ouest alors qu'au
Québec on se pose la question: Est-ce que le ministre de l'Agriculture
du Québec s'est demandé si les agriculteurs
québécois ne préféreraient pas cette optique, ou
devront-ils déménager dans l'Ouest du Canada pour avoir
justice?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): Je demande la suspension de la
séance.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion de suspension est-elle
adoptée? Il est six heures moins cinq.
UNE VOIX: Adopté. DES VOIX: Adopté.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Adopté.
M. LEVESQUE: Qui a demandé la suspension?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs! L'honorable
député de Chicoutimi a demandé la suspension du
débat.
M. LEVESQUE: Ah bon! M. le Président, je propose que nous
suspendions nos travaux jusqu'à vingt heures quinze.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'Assemblée suspend ses
travaux jusqu'à vingt heures quinze.
Suspension de la séance à 17 h 55)
Reprise de la séance 20 h 21
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Chicoutimi.
M. Marc-André Bédard
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, au stade où nous
en sommes de la deuxième lecture, le ministre, cet après-midi, a
dit très précisément je me réfère au
journal des Débats que le gouvernement était là
pour prendre les décisions de principe, en parlant de la
nécessité de se prononcer dès maintenant, avant qu'il y
ait une commission parlementaire, sur le principe de la Loi sur
l'assurance-récolte, le projet de loi no 20.
M. le Président, le gouvernement est là, d'accord, pour
faire des votes de principe sur des principes, mais également pour
aboutir à des solutions pratiques. Pour une fois que le gouvernement
semble mettre l'accent sur les principes, je crois qu'il le fait avec une
certaine difficulté. Peut-être que le gouvernement ou le Parti
libéral est très peu habitué à manier les principes
comme tels. On s'aperçoit que, lorsqu'il décide de le faire, il
le fait avec difficulté et en les accumulant, comme on le voit au niveau
de ce projet de loi, pêle-mêle. Ainsi il est difficile, lorsqu'on a
à voter, d'exprimer un vote qui soit très décisif quant
aux principes eux-mêmes, parce qu'on s'aperçoit le ministre
même l'a reconnu, M. le Président qu'à
l'intérieur du projet de loi no 20 il y a deux principes. L'un concerne
l'assurance-récolte facultative ou individuelle, et un autre concerne
l'assurance obligatoire.
Ce qui veut dire que, lorsqu'on a voter sur ce projet de loi, on peut
facilement c'est le cas au niveau de l'Opposition être
d'accord sur le principe de l'assurance facultative et l'assurance individuelle
et être en désaccord, comme des milliers d'agriculteurs le sont
à l'heure actuelle dans le Québec, sur l'autre principe, à
savoir celui d'imposer, d'une façon générale, l'assurance
obligatoire.
Lors de son exposé, le ministre de l'Agriculture a fait grand
état de la consultation qu'il a faite, selon ses dires, concernant ce
projet de loi. Entre autres, je cite ses propres paroles de cet
après-midi: "Dans la région du Bas Saint-Laurent, le
congrès régional dit-il ne s'est pas
prononcé contre ce projet de loi. Dans la région des Cantons de
l'Est, non plus. La région des Laurentides, non plus. La région
de l'Abiti-bi, non plus. Le Nord-Ouest québécois, non plus".
Selon les consultations qu'il semble avoir eues dans ces régions, les
remarques étaient à l'effet que ce projet de loi semblait avoir
de l'allure et que le sentiment général était de l'essayer
et de voir après.
Peut-être qu'une telle attitude peut se justifier pour des gens
qui n'ont pas à légiférer, qui, il faut le comprendre,
peuvent difficilement
faire la distinction sur toutes les implications d'une loi. Mais il me
semble que, comme ministre de l'Agriculture, ce dernier, au niveau d'un projet
de loi qu'il veut faire accepter par cette Assemblée nationale dans
l'intérêt des agriculteurs, devrait s'attendre non pas à
des silences de la part des régions mais à beaucoup plus
d'approbation que ce qui a été exprimé, selon ses paroles
mêmes.
D'ailleurs, au niveau de cette consultation dont le ministre nous a fait
état, disons qu'il a une drôle de définition de la
consultation. Il a également un drôle de comportement et un
drôle de raisonnement concernant ce que peut être une vraie
consultation.
Cet après-midi, alors qu'il m'interrompait, il nous a
donné une définition de ce qu'il appelle ou de ce qui semble
être pour lui une consultation efficace. Le ministre déclarait
exactement ceci, tel que consigné au journal des Débats: "Par
exemple, est-ce que le député de Chicoutimi serait d'accord avec
moi pour dire si, quand je rencontre le Conseil général de l'UPA,
qui est composé d'une quarantaine de bonshommes, et que je passe une
heure avec eux à huis clos, et que je discute des programmes avec eux,
c'est de la consultation ou non"?
Il poursuivait: "Quand je vais passer une heure et demie au
congrès avec les producteurs agricoles, à Québec, et
qu'aucun d'entre eux ne me parle de ce problème, est-ce que ce n'est
pas, là aussi, de la consultation"?
Autrement dit, le ministre, lorsqu'il va dans un congrès, non pas
pour faire un "show", mais pour y assurer une présence cela peut
être normal, pour un ministre de l'Agriculture, d'assurer une telle
présence au niveau de ces congrès d'agriculture semble
tenir pour acquis que, lorsque personne ne lui parle d'un projet de loi, que,
premièrement, c'est de la consultation. Il va même plus loin, il
tire la conclusion qu'ils ne sont pas contre et, avec très peu de
nuances, va même jusqu'à laisser entendre que, s'ils ne sont pas
contre, s'ils ne lui en ont pas parlé, donc ils sont pour.
Je crois que c'est un raisonnement, à mon humble avis, M. le
Président, très simpliste, qui ne doit pas être à la
base d'une véritable consultation à laquelle doit s'astreindre un
ministre de l'Agriculture qui est en train d'élaborer un projet de loi
censé représenter au moins une solution aux problèmes de
toute une classe, peut-être une des plus défavorisées, la
classe des agriculteurs.
Je lui faisais remarquer que, même dans ces consultations avec les
gens de l'UPA ou certaines associations qui représentent plusieurs
agriculteurs, il se pouvait très bien que ces associations puissent
être, d'une certaine façon, non réticentes au projet de
loi, mais, d'autre part, aient pu ne pas avoir l'occasion de consulter leurs
membres avant d'expliciter leur position au ministre ou encore de ne pas faire
d'opposition.
Le ministre a répondu que ce n'était pas ses
problèmes de savoir si, effectivement, les organismes qu'il consultait
avaient, eux, consulté leurs membres pour lui donner au moins la
conviction qu'ils étaient représentatifs de l'ensemble de leurs
membres. Peut-être que ce n'est pas tellement important, l'aspect
représentativité des organismes ou du moins la certitude qu'il y
a eu une consultation. Je comprends que cette importance était beaucoup
plus soulignée par le gouvernement lorsque l'on parlait de la
représentativité des groupes qui sont venus comparaître
lors de l'étude de la loi 22.
Lorsqu'on regarde les oppositions à ce projet, pas les silences,
pas ceux qui n'ont pas été consultés, pas ceux qui n'en
ont pas parlé au ministre, mais lorsqu'on regarde les oppositions
à ce projet, je me dis que ce n'est pas d'une deuxième lecture
qu'aurait besoin le ministre de l'Agriculture, mais plutôt d'une
dixième ou d'une quinzième lecture. Le ministre pourrait
réaliser jusqu'à quel point, en fait, son projet de loi, qui
à l'origine est sûrement le fruit de bonnes intentions, à
savoir celle de régler le problème des agriculteurs, d'une part,
en règle peut-être une partie quand on parle de l'assurance
individuelle, en cela l'Opposition est d'accord, mais ne règle pas les
problèmes des agriculteurs du moins par les réactions
qu'il a pu percevoir au niveau du principe de l'établissement de
l'assurance obligatoire, puisqu'on a refusé ce matin, de convoquer au
préalable une commission parlementaire pour permettre à ces
agriculteurs de se faire entendre.
Car il y a beaucoup d'oppositions et j'espère que le ministre a
eu l'occasion d'en prendre connaissance. Ce sont des oppositions très
catégoriques au projet de loi surtout pour la partie concernant
l'assurance-récolte. Entre autres, la Fédération de l'UPA
de Québec-Ouest disait ceci: Le texte de loi a profondément
déçu les participants qui ont constaté que la loi
proposée donne aux cultivateurs très peu de ce qu'ils
espèrent de cette nouvelle loi. Les pertes ne sont compensées
qu'à 70 p.c. On ne tient pas compte de la valeur de remplacement. Les
primes à payer ne sont pas déterminées de façon
précise.
La presque totalité des représentants de la classe
agricole s'est prononcée contre l'adoption du projet de loi sous sa
forme actuelle. Egalement, la fédération de l'UPA de Joliette
exprimait son opinion en disant que quant à l'assurance collective
encore une fois, concernant l'assurance individuelle, pas de
problème, cette partie du projet de loi -- on s'oppose, disait-elle
parce qu'elle ne couvre que 70 p.c. des perte; d'une région et ne tient
pas compte des perte: locales pour telle ou telle proportion spécifique
De plus, les remboursements vont tout autant à ceux qui ont
été victimes des sinistrés qu'à ceux qui n'ont rien
subi; cette répartition égalitaire et générale est
injuste, croit-on.
Ce sont des réactions; il est important d'en
tenir compte. Ce ne sont pas des silences; ce ne sont pas des omissions
de parler du problème au ministre lorsqu'il parcourt les régions
en tournée, je ne dirai pas électorale mais disons avec une
très forte saveur électoraliste. Egalement, la
fédération de l'UPA de Normandie, dont on dit ceci:
L'assemblée s'est catégoriquement opposée à
l'assurance-récolte obligatoire, surtout que la loi prévoit de
prendre à la source les frais nécessaires. Selon elle, le
producteur devrait être libre de s'assurer ou pas et non pas y être
obligé. De plus, l'assurance-calamités collective devrait tenir
compte de la vaste étendue des zones pour son application.
Et cela continue, M. le Président. En fait, ces critiques
rejoignent en grande partie celles que j'ai entendues de la part des
agriculteurs et de certains groupes d'agriculteurs que j'ai eu l'occasion de
rencontrer ou qui ont communiqué avec nous concernant ce projet de loi.
J'en faisais d'ailleurs état cet après-midi lorsque nous avons eu
l'occasion d'intervenir sur la motion demandant la convocation d'une commission
parlementaire pour entendre les agriculteurs. Ces inquiétudes auxquelles
les régions ou d'autres fédérations de l'UPA, que ce soit
Québec-Ouest, que ce soit Joliette, Normandie, que ce soit de la
côte sud, ces inquiétudes ou encore ces prises de position sont
assez catégoriques contre l'aspect du projet de loi qui présente
l'assurance-récolte obligatoire.
Cela rejoint des remarques et des appréhensions qui m'ont
été formulées par des agriculteurs et des groupes
d'agriculteurs.
Le ministre laissait entendre, cet après-midi, qu'au niveau de la
région, il avait eu l'occasion de rencontrer certains organismes
représentatifs je ne mets en aucune façon en doute sa
parole là-dessus mais que ces organismes représentatifs ne
lui avaient pas signifié une objection profonde au projet de loi
concernant l'assurance obligatoire. Encore là je suis prêt
à faire confiance à la parole du ministre, mais il reste que les
remarques qui m'ont été faites par des agriculteurs,
peut-être d'une façon individuelle, rejoignent quand même
des positions qui ont été prises par l'ensemble de certaines
fédérations ailleurs que dans la région. Ce qui veut dire,
maintenant c'est peut-être trop tard pour en parler que
cela aurait rendu d'autant plus importante la tenue d'une commission
parlementaire pour entendre les agriculteurs, pas seulement les organismes,
parce qu'à intérieur de certains organismes, à
l'intérieur de certaines régions, il peut exister des
agriculteurs et je n'ai pas à les quantifier qui,
activement, ne sont pas d'accord ou peu d'accord sur certaines prises de
position faites par leur organisme et qui auraient pu se faire entendre
à une commission parlementaire pour soit se faire rassurer ou tout au
moins avoir les applications nécessaires.
Quant à l'assurance, également, la nouvelle loi de
l'assurance obligatoire, même de la part de l'UPA par la voix de son
président, M. Paul
Couture, au mois de juillet 1974, elle avait déjà,
à ce moment-là et c'est normal, fait l'objet de certaines
réserves. Il disait entre autres ceci: "Sans porter de jugement de
valeur sur le nouveau projet de loi no 20, les dirigeants de l'UPA, dont le
président, M. Paul Couture, tiennent cependant à
réaffirmer leur volonté d'étudier scrupuleusement le
projet de loi avant son adoption. Pour cela il leur faut du temps. Il ne serait
pas bon, disent-ils, qu'un tel projet soit adopté à la vapeur.
"Les agriculteurs devraient pouvoir l'étudier à loisir au cours
des prochains congrès régionaux et présenter les
recommandations ou les amendements qu'ils voudraient voir insérer en
commission parlementaire, s'il y a lieu".
Au moment où on se parle, je crois que le ministre a fait
état du fait que l'UPA a vu la nécessité
étant donné ses remarques, c'est normal; c'est une suite logique
de voir à la formation d'un comité qui aurait des
recommandations à faire concernant ce projet. Cela veut dire que, quand
même, ses représentants ne sont pas branchés d'une
façon définitive.
Dans un mémoire qui était adressé au ministre de
l'Agriculture par l'UPA concernant l'assurance-récolte, on faisait
état que "le congrès de l'UPA est justement en train de faire une
évaluation des résolutions émanant des conseils
régionaux de cet organisme au sujet de l'assurance-récolte. Le
ministre Toupin devrait attendre de voir la position que prendra, à ce
sujet, l'UPA réunie en congrès. A l'unanimité, les
conseils régionaux il y a eu une consultation ont
rejeté le projet de loi no 20 pour les raisons suivantes: parce qu'ils
sont contre le caractère obligatoire de l'assurance, contre la
perception à la source des primes et cotisations, contre la couverture
à seulement 70 p.c. de l'assurance de groupe, basée sur la
production de zone". Ils ajoutaient un commentaire, disant que "c'était
un autre moyen de venir fouiller dans la poche des cultivateurs".
En fait, toutes ces expressions d'opinions par des organismes qu'on dit
représentatifs et valables, j'en conviens, ainsi que les
appréhensions qu'ils formulent au ministre de l'Agriculture rejoignent,
encore une fois, des appréhensions qui m'ont été, d'une
certaine façon, exposées par des agriculteurs, en particulier. A
ce stade de la deuxième lecture, je crois justement de mon devoir de me
faire l'écho de ces agriculteurs.
J'essaie d'acheminer, ici à l'Assemblée nationale
je ne me fais pas d'illusion sur le résultat, mais il reste une chose,
je crois que mon devoir de le faire les appréhensions et les
remarques de ces agriculteurs concernant le projet de loi de
l'assurance-récolte. D'ailleurs cet élément, cette
obligation que nous avons à titre de porte-parole, au niveau d'un
comté, d'acheminer les appréhensions ou les remarques de nos
électeurs, ce principe ou ce devoir a été
énoncé également par le député de Saint-Jean
lorsqu'il a fait son intervention sur le projet de loi. M. le
Président, c'est non pas à titre d'expert, mais simplement
pour ces considérations que je croyais de mon devoir d'intervenir
à ce stade-ci sur ce projet de loi.
Merci, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable chef de l'Opposition
officielle.
M. Jacques-Yvan Morin
M. MORIN: M. le Président, c'est depuis 1967 que nous avons une
Régie de l'assurance-récolte au Québec. Cette régie
a été très bien reçue à ses débuts
parce qu'elle répondait à un besoin réel, parce que depuis
longtemps on la réclamait dans le monde agricole au Québec. Le
but de cette assurance n'était pas d'assurer le profit que les
agriculteurs peuvent tirer de leurs cultures, mais de protéger le
coût des investissements, le temps consacré à la production
agricole et les dépenses encourues. C'était donc un
système éminemment social, et que les agriculteurs ont
reçu avec satisfaction. Il y a même eu, dès le
départ, presque 20,000 assurés. C'est dire à quel point la
loi de 1967, entrée en vigueur en 1968, répondait à des
besoins.
Le succès des débuts a été tel que par la
suite, après 1968, alors que la régie n'assurait que les
céréales, le foin et le tabac à cigarette, elle a
étendu ses activités. On a vu la Régie de
l'assurance-récolte proposer, en 1973 jusqu'à dix programmes
d'assurance: betterave sucrière, blé d'automne, pommes,
légumes destinés aux conserves, etc. Tout cela répondait,
mais de moins en moins, hélas! aux besoins exprimés par le
milieu. En tout cas le grand nombre d'assurés, au départ, en est
la preuve.
Ensuite, nous avons été témoins, avec les
années, d'une sorte de désaffection graduelle du milieu agricole
à l'égard de ce système d'assurance. Toute la question est
de savoir pourquoi cette désaffection a eu lieu, pourquoi elle s'est
produite graduellement et pourquoi elle s'est ensuite
accélérée. Parce que, selon le verdict qu'on porte sur
cette désaffection, cette désillusion des milieux agricoles, on
pourra trouver le remède qu'il convient d'appliquer.
Le ministre, semble-t-il, ne voit de remède que dans l'imposition
de l'assurance obligatoire, au moins pour une partie des cultures
assurées. Si l'on jette un coup d'oeil sur l'évolution du nombre
d'assurés et du nombre d'acres assurées, on s'aperçoit
que, sauf en 1972, le nombre des assurés et des acres a diminué
constamment. Il était, en 1968, de 19,180 agriculteurs assurés
pour 1,340,000 acres; dès l'année suivante, comme le ministre
lui-même l'a admis dans son discours de présentation, nous
étions tombés à quelque 15,900 assurés pour un peu
plus d'un million d'acres; en 1970, le nombre des assurés tombait
à 12,208 et on tombait en dessous du million d'acres; en 1971, une chute
spectaculaire du nombre d'assurés, qui est passé à 8,012
pour 620,000 acres; en 1972, une très légère
remontée à 8,172 assurés pour 654,000 acres.
Nous devons nous poser des questions sur cette évolution. On
constate que le nombre d'adhérents aux divers programmes d'assurance a
suivi une courbe constamment descendante. Pourquoi en a-t-il été
ainsi? Si nous arrivions à répondre de façon exacte
à cette question, je pense qu'on pourrait trouver une solution aux
problèmes qu'affronte le ministre. Le ministre constate que son
système a mal fonctionné et il nous dit: La solution, c'est, au
moins pour un secteur, de le rendre obligatoire. Comme cela, il entrera plus
d'argent, plus de primes et on pourra sans doute arriver à
résoudre le problème.
Toutefois, ce n'est peut-être pas le bon diagnostic. Et les
cultivateurs, en tout cas, pour leur part, ne sont pas d'accord sur le
diagnostic du ministre. Les cultivateurs nous disent qu'il conviendrait
davantage d'améliorer le système existant avant de se lancer dans
un nouveau système. Nous ne sommes pas dans le domaine de
l'assurance-automobile quand nous parlons d'assurance-récolte; j'aurai
l'occasion, tout à l'heure, d'expliquer la différence qui
sépare ces deux domaines.
Je prenais connaissance, récemment, d'un certain nombre de
déclarations par des cultivateurs qui ont eu à se plaindre de la
Régie de l'assurance-récolte devant le Protecteur du citoyen. Ils
ont dû aller jusque devant le Protecteur du citoyen et, dans certains
cas, ils ont même dû prendre des avocats pour faire valoir leurs
droits à l'encontre de décisions de la régie.
M. le Président, je lisais certaines de ces déclarations
de cultivateurs qui ont eu maille à partir avec l'assureur, et je suis
obligé de constater que ce système, vraiment, graduellement, a
cessé de répondre aux besoins pour lesquels il avait
été créé. J'ai dit tout à l'heure qu'au
départ le système a été bien reçu parce
qu'il répondait à des besoins réels mais, peu à
peu, il s'est produit une évolution qui a fait que le système a
cessé de répondre aux besoins; il a de moins en moins
répondu à l'attente des milieux agricoles. Je lisais
récemment, par exemple, l'extrait suivant, qui date du 30 octobre 1974,
tiré du Voltigeur: "Les prétentions des agriculteurs sont toutes
du même ordre. La régie attribue effrontément des pertes
à la négligence et à l'incompétence des
agriculteurs, refuse de les entendre, refuse de croire leurs
déclarations et celles des inspecteurs et, bien entendu, refuse de
payer". Je ne m'étonne pas outre mesure, en prenant connaissance de ces
doléances, du peu de crédit dont jouit la régie
auprès des milieux agricoles. Dans un textequ'on cite et
qu'on a porté devant le Protecteur du citoyen, la régie
prétendait que l'agriculteur n'avait pas fait usage d'herbicides, alors
qu'il avait des témoins pour démontrer le contraire.
Dans un autre cas, un agriculteur est accusé de ne pas avoir
égoutté suffisamment son terrain, alors que l'inspecteur de la
région, lui
affirme que l'égout était suffisant mais que le cours
d'eau du gouvernement, lui, était mal entretenu. Vous savez que lorsque
la régie décide d'attribuer à la négligence du
cultivateur une partie des pertes, ce qu'on appelle une "attribution", c'est
sans réplique. Dans bien des cas, l'agriculteur s'est trouvé aux
prises avec des décisions sur lesquelles il n'avait aucune prise. Tel
autre agriculteur a vu son mais écrasé par un coup de vent et on
prétend qu'il était incompétent. Un cultivateur de pommes
de terre paie des primes de $2,000, subit des pertes réelles de
plusieurs milliers de dollars. La régie l'indemnise de quelques
centaines de dollars en affirmant qu'il a eu une bonne récolte, parce
qu'on a choisi, dit-il, les meilleurs endroits de son champ de pommes de terre
pour établir son rendement.
Je ne suis pas en mesure, M. le Président je m'empresse de
l'ajouter de dire que dans tel cas, c'était le cultivateur qui
avait raison et que dans tel autre cas, c'était la régie qui
avait raison. Ce n'est pas du tout mon propos ce soir; ce que je veux dire,
c'est que la régie est perçue défavorablement par les
milieux agricoles. J'entends mon collègue de Huntingdon dire que c'est
vrai. C'est un fait, on ne peut pas le nier. Il se peut que, dans certains cas,
la régie ait eu raison mais il semble bien, devant le
mécontentement général, qu'on ne puisse soutenir que la
régie a toujours eu raison. Il y a eu certainement des cas de
décisions administratives qui ont été faites de
manière cavalière. Les agriculteurs, qui ont la mémoire
longue, ne l'ont pas oublié et avant de voir instituer un système
obligatoire, ils veulent être bien convaincus que le système
facultatif, lui, puisse fonctionner. C'est du gros bon sens, M. le
Président. Et je ne pense pas que ce gros bon sens ait perdu ses
droits.
En plus d'engendrer le malaise que je viens de décrire à
l'aide de quelques exemples et je pourrais multiplier les exemples, mais
le ministre est aussi au courant que moi le système est
déficitaire depuis le départ. On peut se demander pourquoi il en
est ainsi. Je prenais connaissance du rapport annuel pour l'année 1973,
qui a été déposé devant cette Chambre par le
ministre, au nom de la régie. Je constatais qu'en 1968,
déjà, il y avait un excédent des paiements aux
cultivateurs de l'ordre de $2,600,000, les primes ayant été de
$2,100,000 environ et les paiements de $4,750,000 environ. C'était,
à ce moment-là, essentiellement pour deux plans d'assurance: les
plantes fouragères et céréales, d'une part, et le tabac
à cigarettes de l'autre.
L'année suivante, on a élargi le nombre des programmes, on
en a ajouté deux: la betterave sucrière, le blé d'automne,
mais, cette fois encore, un déficit est venu couronner l'année.
Je dois dire que le déficit, la deuxième année,
était moins considérable; il était d'un peu plus de
$600,000. Dans les journaux de l'époque, quand on étudie le
dossier et qu'on prend connaissance des commentaires du milieu agri- cole, on
peut, dès cette année-là, relever de très
nombreuses critiques, les agriculteurs disant que la régie avait
comprimé son déficit sur le dos des cultivateurs, en se montrant
plus sévère pour les réclamations, en se montrant plus
tracassière à l'endroit de ceux qui faisaient valoir des
réclamations. En 1970, le déficit était de $798,000; en
1971, de $941,000. L'année 1972 connaît l'un des plus gros
déficits de la régie avec plus de $3 millions, de sorte qu'on
arrive à la fin de l'année 1973 avec un déficit
accumulé d'un peu plus de $9 millions.
Le ministre peut être tenté de dire qu'il faut instaurer
l'assurance obligatoire pour arriver à corriger, au moins en partie, cet
état de choses. Mais les milieux agricoles lui disent, ainsi qu'à
ceux qui les approchent, pour se renseigner eux qui font le tour des
régions, qui tentent de rencontrer les diverses
fédérations régionales de l'UPA ou des groupes de
cultivateurs dans les diverses régions du Québec si le
système n'est pas bon, si le système ne nous a pas donné
satisfaction jusqu'ici, est-ce qu'on ne va pas tout simplement multiplier les
problèmes en instituant l'assurance obligatoire?
M. le Président, je suis tenté de donner raison aux
cultivareurs. En tout cas, je ne voudrais pas m'aventurer, avec le ministre,
dans un nouveau projet de loi qui rendrait l'assurance obligatoire, sans
m'être vraiment assuré, premièrement, que l'assurance
obligatoire va régler les problèmes dans les domaines auxquels
elle va s'appliquer. Deuxièmement, je ne voudrais pas m'aventurer; dans
un système comme celui-là, sans avoir l'adhésion largement
majoritaire du milieu agricole. En effet, si on n'a pas l'appui majoritaire du
milieu agricole, ce nouveau système d'assurance collective va
créer beaucoup plus de problèmes qu'il n'en va
résoudre.
Je ne veux pas prédire des jours sombres au ministre, mais il
serait bon qu'il se colle l'oreille au sol et qu'il écoute les bruits
lointains qui nous parviennent des diverses parties du monde agricole.
Je ne veux point prédire que le monde agricole va tout faire pour
saborder son système je n'en ai pas l'assurance d'ailleurs
mais je pressens que le ministre va se heurter à des difficultés
terribles dans l'application de cette loi. Je lisais récemment dans le
journal Le Droit un commentaire sur l'application de l'assurance-récolte
dans le comté de Papineau.
DES VOIX: Ah! Ah!
M. MORIN: J'ai eu l'occasion ce matin, cet après-midi
plutôt de commenter les déclarations que j'ai entendues dans les
diverses régions du Québec au cours de ma tournée et je
n'ai pas eu l'occasion de mentionner l'Outaouais parce que je n'ai pas
rencontré d'agriculteur dans cette région pendant ma
tournée. Je complète en quelque sorte notre tournée du
Québec pour fins d'assurance-récolte en mentionnant que les
producteurs agricoles de cette région protestent
contre le fait que les dossiers de réclamants compilés par
les fonctionnaires de la Régie de l'assurance-récolte ne
correspondent pas avec les fiches de paiement qui ont été
envoyées aux agriculteurs par la régie. Il en est
résulté, nous apprend-on, qu'un bon nombre d'abonnés de
l'assurance-récolte du comté de Papineau ont reçu des
montants moindres que prévu et on accuse la régie de ne pas avoir
respecté les contrats qu'elle a signés avec les agriculteurs.
Encore ici, M. le Président, je suis bien mauvais juge de la
situation, comme le ministre d'ailleurs. Il est difficile de savoir qui a
raison, des agriculteurs ou de la régie. Mais je constate qu'il y a un
malaise; je constate que partout on se plaint de l'application de cette loi. On
reproche également à la régie la lenteur dont elle a fait
preuve dans la révision des attributions de rendement en ce qui concerne
les récoltes de mais et, d'après les agriculteurs, cela a
retardé le paiement des indemnisations. Les agriculteurs sont
également mécontents du retard de la régie à payer
les réclamations de façon générale pour
l'année 1973. Il y a déjà plusieurs années que cela
devient de plus en plus évident. Les agriculteurs qui étaient
assurés déclarent les uns après les autres que
désormais ils ne s'assureront plus parce qu'ils n'ont pas obtenu
satisfaction ou que, présentant des revendications qui leur paraissaient
fondées, ils ont eu le sentiment d'être traités
cavalièremement et de ne pas être entendus comme il se doit par la
régie.
M. le Président, le ministre tente maintenant une sorte de
"mission impossible", si je peux m'exprimer ainsi. Il veut imposer une
assurance dont on veut de moins en moins parce qu'on est convaincu, dans les
milieux agricoles, qu'elle fonctionne mal. Les agriculteurs, qui ont du bon
sens il suffit de fréquenter ces milieux pour s'en rendre compte
nous disent : Que le ministre commence par améliorer la
législation portant sur l'assurance facultative, l'assurance volontaire;
qu'il la rende plus abordable, plus efficace, et alors nous pourrons
peut-être nous rallier à un régime d'assurance obligatoire.
Mais dans leur esprit il faudrait que le ministre comprenne cela, il ne
faudrait pas qu'il s'étonne de la résistance des milieux
agricoles ces milieux sont devant un échec, ce qu'ils
considèrent, eux, sincèrement comme étant un échec;
ils ne sont pas enclins à faire confiance au ministre dans
l'instauration d'un programme obligatoire. Qu'il fasse la preuve que le
système existant peut rendre de véritables services, ensuite
nous disent-ils le ministre pourra rendre le système
obligatoire.
Je disais tout à l'heure peut-être conviendrait-il
que je m'étende sur ce point que l'assurance-récolte, ce
n'est pas l'assurance-automobile, pour laquelle on peut imaginer une
socialisation des risques qui soit beaucoup plus poussée.
Dans le cas de l'assurance-automobile, il s'agit d'assurer les risques
qui sont courus surtout par des tiers, par des étrangers à celui
qui s'assure. Et on conçoit, étant donné qu'il s'agit de
songer aux victimes autres que l'assuré, qu'on puisse s'orienter plus
facilement vers la socialisation des risques. Dans le cas de
l'assurance-récolte ce sont les dommages qui sont causés à
l'assuré que la régie a pour mission d'assurer.
A moins qu'on fasse la démonstration que ce système
répond aux besoins, alors que toute l'histoire de
l'assurance-récolte depuis quelques années nous, prouve que ce
système de moins en moins a répondu aux besoins, si on veut nous
faire la preuve que ce système est accepté par les
intéressés, alors on pourrait imaginer que quant à eux
puisse s'organiser une certaine socialisation du risque.
M. le Président, puis-je dire encore quelques mots? Je ne sais
pas combien de temps il me reste. Vous me faites signe que je devrais avoir
terminé; pourrais-je simplement faire allusion à un
problème, rapidement, avant de conclure? C'est le problème
suivant. Quand on compare le régime que nous propose le ministre avec
celui que le pouvoir fédéral s'apprête non pas à
imposer mais s'apprête à mettre à la disposition des
agriculteurs de l'Ouest canadien, on ne peut qu'être frappé par le
manque de réalisme du programme qui est proposé par le
ministre.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Vous allez m'excuser un instant.
Comme ça fait déjà 24 minutes que vous parlez et que le
député de Saguenay a parlé au nom du parti, moi je suis
bien prêt à vous écouter mais pour autant qu'il y ait
consentement unanime.
M. MORIN: En une phrase, M. le Président, puisque je n'ai pas le
temps de développer ma comparaison entre le projet destiné
à l'Ouest et le programme que propose le ministre, je dirai simplement
que ce projet de loi n'est peut-être pas mauvais mais qu'il est
prématuré. Merci.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontange): Le député de
Saint-Jacques.
M. Claude Charron
M. CHARRON: M. le Président, je serai le dernier membre de
l'Opposition à intervenir sur ce projet de loi que nous voulons
combattre parce que nous avons la conviction que, loin d'être une
solution, il constitue même, dans plusieurs cas, une aggravation assez
percutante de la situation des agriculteurs du Québec. Le
député de Saguenay et mes autres collègues ont
résumé leurs critiques, que j'aimerais reprendre, pour que tous
les arguments de l'Opposition, avant la réplique du ministre, soient
rassemblés.
Ce projet de loi nous arrive au terme d'une expérience qui dure
depuis sept ans, qui a engendré, comme le signalait le chef de
l'Opposition, un grand nombre de frustrations, en même temps qu'une
solide méfiance chez beaucoup d'agriculteurs envers tout ce qui
ressemble
à un programme d'assurance-récolte. Voilà donc
qu'à ce temps-ci le ministre nous arrive avec un projet de loi qui
déjà, comme mes collègues l'ont signalé, a
été répudié quasi unanimement par les agriculteurs,
qui risque d'avoir des conséquences extrêmement négatives
dans bien des milieux agricoles, si tant est qu'on est capable de l'appliquer
correctement.
On peut se demander pourquoi un ministre, pourquoi ce ministre en
particulier si l'on considère la session qu'il a connue depuis le 29
octobre dernier, arrive avec un nouveau projet de loi aussi contesté,
alors qu'il lui aurait été beaucoup plus facile de voir tout
simplement à l'application honnête et rapide de la loi actuelle,
qui de l'avis de plusieurs serait un bon commencement, si la régie se
décidait à l'appliquer sans mesquinerie.
Si la régie avait un besoin urgent de fonds, la nouvelle loi lui
servirait, entre autres, de taxe déguisée. Effectivement, le
président de la régie a déclaré, en avril dernier,
aux agriculteurs du comté de Papineau, que les lenteurs étaient
dues à un manque de personnel et aussi parce que les coffres de la
Régie de l'assurance-récolte étaient vides.
En fait, comme le signalait un de mes collègues, le
déficit accumulé de la régie s'élève
maintenant à peu près à $10 millions. Lors de la mise sur
pied du système d'assurance-récolte, le premier ministre de
l'époque, l'honorable Daniel Johnson, prévoyait que le
déficit annuel atteindrait près de $1,500,000.
Grâce à la présente loi, le gouvernement ira
chercher je vous l'ai dit ce matin en intervenant sur la motion du
député de Saguenay $2 millions additionnels chez les
agriculteurs en plus, évidemment, d'épargner sur les frais de
publicité de la Régie de l'assurance-récolte du fait que
tous les agriculteurs deviendront, par le fait même, un marché
captif.
Quand on l'examine de près, la nouvelle loi assure bien davantage
un revenu régulier au gouvernement qu'une sécurité
à l'agriculteur. Les agriculteurs eux-mêmes n'ont pas pris de
temps à s'en apercevoir. Grâce au délai que nous avions
demandé, ils ont eu le temps de prendre connaissance du nouveau projet
de loi sur lequel ils ont donné leur avis.
M. le Président, permettez-moi de vous faire quelques citations
qui, j'espère, inspireront le ministre avant d'utiliser son droit de
réplique.
La Fédération de l'union des producteurs agricoles de
Québec-Ouest se prononçait sur le projet de loi de cette
façon. C'est rapporté dans le Nouvelliste du 1er juillet 1974.
"Le texte de loi a profondément déçu les participants qui
ont constaté que la législation proposée donne aux
cultivateurs très peu de ce qu'ils espèrent de cette nouvelle
loi. Les pertes ne sont compensées qu'à 70 p.c. On ne tient pas
compte de la valeur de remplacement. Les primes à payer ne sont pas
déterminées de façon précise. La presque
totalité des représentants de la classe agricole se sont
prononcés contre l'adoption du projet dans sa forme actuelle".
La Fédération de l'union des producteurs agricoles de
Joliette je cite un quotidien de Montréal du 27 septembre 1974:
"Quant à l'assurance collective, on s'y objecte parce qu'elle ne couvre
que 70 p.c. des pertes d'une région, ne tient pas compte des pertes
locales pour telle ou telle production spécifique. De plus, les
remboursements vont tout autant à ceux qui ont été
victimes de sinistres qu'à ceux qui n'ont rien subi. Cette
répartition égalitaire et générale est injuste,
croit-on dans ce milieu."
La Fédération de l'union des producteurs agricoles de
Normandie c'est dans le Nouvelliste du 28 septembre 1974 ... C'est
rapporté ainsi: "L'assemblée s'est catégoriquement
opposée à l'assurance-récolte obligatoire, surtout que la
loi prévoit de prendre à la source les frais nécessaires.
Selon eux, les producteurs devraient être libres de s'assurer ou pas et
non pas y être obligés. De plus, l'assurance-calamité
celle qu'on dit collective dans le projet de loi devrait tenir
compte de la vaste étendue des zones pour son application."
Le Soleil du 17 septembre 1974 rapporte l'opinion de la
Fédération de l'union des producteurs agricoles de la Côte
du Sud en ces termes: "On s'en est pris aux principes mêmes de l'entrave
à la liberté individuelle et des déductions automatiques
de prime. L'objection principale soulignait l'insuffisance sinon
l'inutilité d'un projet qui ne garantirait, encore une fois, les
récoltes qu'à raison de 70 p.c, laissant ainsi les agriculteurs
assujettis à des évaluations unilatérales et
discrétionnaires quant aux pertes initiales sur les premiers 30 p.c. des
récoltes."
Puis-je continuer, M. le Président, en vous disant que le
Nouvelliste du 27 septembre 1974 rappelait que la Fédération de
l'union des producteurs agricoles de Lanaudière a rejeté de
façon unanime l'actuel projet de loi qui vise à amender la Loi
sur l'assurance-récolte.
Les membres de l'UPA du secteur Sainte-Geneviève-de-Batiscan
s'opposent carrément à l'adoption par le gouvernement provincial
d'une loi sur l'assurance-récolte. Les producteurs de ce secteur ne
veulent rien savoir d'un système obligatoire qui permettra, une fois de
plus, au gouvernement, disaient-ils, de venir fouiller dans les proches du
cultivateur.
M. le Président, nous pourrions continuer les citations. La
Tribune se faisait l'écho de l'UPA de l'Estrie, le 4 octobre dernier,
dans les mêmes termes ou à peu près; le journal la Terre de
chez nous rapportait l'opinion de l'Union des producteurs agricoles de Nicolet.
Le Nouvelliste du 21 octobre 1974 rapportait ce qui semblait être le voeu
de l'ensemble des agriculteurs concernés et que l'Opposition officielle
a repris comme position par la voix du député de Saguenay dans
son intervention sur le projet de loi. "Les producteurs agricoles de la
Mauricie disait le Nouvelliste ont adopté à
l'unani-
mité une résolution à l'effet que le
ministère de l'Agriculture du Québec retire le nouveau projet de
l'assurance-récolte obligatoire et que le gouvernement apporte
plutôt des amendements à l'ancienne loi pour la rendre plus
efficace."
M. le Président, c'est à partir de ces citations que je
vous ai faites que mes collègues sont intervenus pour marquer notre
opposition à ce projet de loi. Il faut bien voir qu'il y a loin entre
des affirmations aussi catégoriques que nous ont rapportées les
différents quotidiens ou hebdomadaires du Québec que je vous ai
cités, M. le Président, et cette façon un peu
cavalière qu'avait ce matin, lors de la discussion sur la motion
présentée par le député de Saguenay, le ministre de
l'Agriculture de dire qu'il n'avait pas vu d'opposition à son projet de
loi, qu'il avait simplement vu des gens qui se posaient des questions.
M. le Président, les différents congrès
régionaux de l'Union des producteurs agricoles ne se sont pas
posé des questions. Ils ont manifesté, l'un après l'autre,
région après région, une opposition au projet de loi en
discussion actuellement et c'est à leurs voeux ou à peu
près que nous nous rendons quand nous nous opposons à ce projet
de loi à l'Assemblée nationale, ce soir.
M. le Président, suite à tous ces commentaires et à
ces suggestions qu'ont faits les différents intéressés, il
semble donc évident que la presque totalité des
représentants de la classe agricole se prononce actuellement contre
l'adoption du projet de loi dans sa forme actuelle. Ce projet de loi
c'est le moins qu'on puisse dire est loin de répondre aux
désirs des cultivateurs et ceux-ci en sont très
déçus, sinon franchement furieux. Rendre
l'assurance-récolte obligatoire ne corrige en rien les défauts du
système facultatif, mais obligera, par contre, quelque 20,000
agriculteurs à payer pour des absurdités. Etant donné que
des représentants de la régie ont eu le culot de déclarer,
au cours d'une séance publique, qu'ils n'avaient à recevoir ni
suggestions, ni consultations, mais que leur tournée avait pour but
d'informer les agriculteurs des décisions, pour ne pas dire des diktats
gouvernementaux, M. le Président, puis que le projet de loi consacre
l'échec du présent régime d'assurance-récolte, qui
est déjà délaissé par 75 p.c. des producteurs et
que l'obligation ne peut, en aucun cas, tenir lieu de politique intelligente
dans ce domaine, l'Opposition s'est donc sentie obligée de demander que
ce projet de loi soit retiré du feuilleton, ni plus ni moins
c'est le dernier recours que nous pouvons avoir et que son principe soit
battu lorsque, tout à l'heure, vous le soumettrez au vote de cette
Assemblée.
Il nous semble, en reprenant une suggestion maintes fois faite par le
collègue de Beauce-Sud, comme l'a suggéré le
député de Saguenay, ce matin, dans une motion dont on a
disposé, que nous gagnerions en temps, en qualité d'intervention
et en solution, si nous retardions, pour une autre fois, un projet de loi qui,
lui, aurait... Je ne parle pas de retarder ce projet de loi, M. le
Président, mais d'aller reprendre à nouveau le pouls de la classe
agricole, ce qui n'est pas, j'en conviens, la spécialité du
ministre actuel de l'Agriculture. Il devrait se rendre compte, par les
différentes interventions que nous avons faites, que ce n'est vraiment
pas de ce projet que nous avions besoin.
Il serait beaucoup plus utile au ministre de prendre la période
de l'intersession pour apporter des correctifs au système facultatif
actuel, ce qui semble être le voeu de la classe agricole, M. le
Président. Je vous remercie.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): L'honorable député de
Johnson.
M. PAGE: Je m'étais levé avant lui, mais en raison de son
âge, étant donné que je lui dois respect, on va le laisser
parler.
M. Maurice Bellemare
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, c'est un projet de loi
qui intéresse particulièrement les agriculteurs de mon
comté. Si je me lève en cette Chambre, c'est surtout pour cette
raison particulière, puisqu'ayant été député
pendant 26 années d'un comté représenté
présentement par l'honorable ministre de l'Agriculture, qui est un
comté agricole, un beau comté agricole, j'ai, par une loi
très spéciale de la Providence, dû à mon excellent
collègue de Maisonneuve, l'occasion de siéger dans cette Chambre
comme représentant d'un autre comté agricole, celui de
Johnson.
Mais je suis fort surpris de constater que notre bon ministre de
l'Agriculture, lui, le fils d'un cultivateur, lui, cet expert de l'UCC,
autrefois, apporte une nouvelle loi en imposant aux cultivateurs de notre
province un montant contributoire de $2 millions. Et il verra dans quelques
minutes pourquoi je dis ceci.
Ce projet de loi constitue une refonte en profondeur de la Loi de
l'assurance-récolte. C'est $2 millions que le fils d'un cultivateur, un
membre de l'UCC, un homme d'une grande expérience agricole impose aux
cultivateurs de notre province par une refonte d'une loi qui, soit dit en
passant, devrait leur apporter beaucoup de consolation dans les moments
difficiles que traverse maintenant l'agriculture québécoise.
C'est $2 millions de plus quand déjà le cultivateur de chez nous
porte suffisamment lourdement le fardeau des taxes, des contingen-cements de
l'agriculture.
UNE VOIX: Contingentement.
M. BELLEMARE (Johnson): Merci. Il y a des élèves qui
dépassent les maîtres.
Ce projet de loi crée donc deux systèmes
complémentaires d'assurance-récolte: un système collectif,
à caractère obligatoire, s'appli-
quant à tout producteur de grandes cultures
spécialisées dans l'industrie laitière ou dans
l'élevage des bovins de boucherie, de chevaux, de moutons ou d'autres
herbivores. Ce premier système fonctionnera au niveau des zones
déterminées par la Régie de l'assurance-récolte sur
l'ensemble du territoire québécois et protégera 70 p.c. du
rendement moyen à l'unité de surface établie par zone.
Deuxièmement, cette nouvelle loi de refonte en profondeur de la Loi de
l'assurance-récolte établit un système individuel,
à caractère facultatif, s'appliquant à tout producteur
admissible au système collectif, tout aviculteur ou tout producteur
spécialisé dans l'élevage des porcs et autres.
Dorénavant, ces personnes auront l'option d'assurer la
récolte de grandes cultures, plantes fourragères,
céréales et mais à ensiler qu'ils choisiront de
protéger. Cette assurance facultative couvrira jusqu'à 80 p.c. du
rendement moyen déclaré par le producteur et adopté par la
régie.
En vertu de ce projet de loi, quelque 30,000 des 50,000 cultivateurs
québécois, environ 60 p.c, seront obligatoirement
protégés par l'assurance-récolte. A l'heure actuelle,
seulement 10,000 agriculteurs sont protégés dans le cadre d'un
système facultatif.
L'impact financier de ce projet de loi est d'une importance capitale,
tant pour les agriculteurs qui auront à payer la note, qui va devenir
très pesante, que pour le gouvernement qui pourra garnir sa caisse
déjà très déficitaire. Je n'ai pas parlé de
la caisse électorale.
Je continue. En effet... Pardon?
M. LACROIX: La vôtre est pleine!
M. BELLEMARE (Johnson): Non, non. Je pourrais dire à l'honorable
ministre que je la comparerais avec la sienne!
M. TARDIF: Wagner!
M. BELLEMARE (Johnson): Comment, Wagner? Avez-vous honte de votre
concitoyen?
M. TARDIF: Non, mais vous lui avez offert la chefferie!
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): A l'ordre !
M. BELLEMARE (Johnson): Est-ce que cela vous a fait mal, l'affaire de
Wagner?
UNE VOIX: Les cachettes de Saint-Césaire.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): A l'ordre, s'il vous plaît
!
M. TARDIF: Vous lui avez offert la chefferie!
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, ils ont...
UNE VOIX: Le rigodon de Saint-Césaire!
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): La pertinence du débat!
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, si vous interveniez pour
arrêter ces chansonniers de deuxième ordre, on aurait la paix, au
moins, pour dire des choses sérieuses.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): D'accord.
M. BELLEMARE (Johnson): Je pense, M. le Président, que je n'ai
insulté personne encore. J'ai été d'une grande courtoisie
envers tout le monde. Je demanderais qu'on me donne au moins la chance...
Si on veut parler de Wagner, je vais en parler de Wagner, mais je vais
vous parler d'un autre aussi.
UNE VOIX: Parlez-nous de l'affaire...
M. BELLEMARE (Johnson): Oui, je vais vous en parler de celle-là
aussi. Je vais vous en parler, et tant que vous voudrez. Et je défie
celui qui vient d'en parler de me reprocher un iota! Il y a déjà
eu un débat, dans cette Chambre, à ce sujet...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): A l'ordre, s'il vous plaft!
M. BELLEMARE (Johnson): ... et le député qui en a
parlé a été obligé de sortir. Il a
été expulsé de la Chambre.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): A l'ordre! ... A l'ordre, s'il vous
plaft! La pertinence du débat, d'après notre nouveau
règlement.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, ce n'est pourtant pas la
place des enfants à cette heure.
M. TARDIF: Ce n'est pas la place des vieux, non plus.
M. BELLEMARE (Johnson): II y a des vieux qui peuvent vous faire la
leçon bien des fois, surtout au point de vue de la courtoisie, mon cher
ami, même si on est avocat!
M. TARDIF: Même un serre-frein?
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, est-ce que vous pourriez
rappeler à l'ordre ces honorable messieurs?
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): A l'ordre, s'il vous plaft,
messieurs! Est-ce qu'on pourrait avoir un peu de silence s'il vous
plaît?
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, si, dans cette Chambre,
on ne peut pas avoir de l'ordre, je m'assois et je ne prononcerai plus un seul
mot. Si c'est cela le décorum de la Chambre, si un député
n'a pas le droit de donner sa version et de la donner honnêtement, comme
je le fais, M. le Président, je vais reprendre mon siège et c'est
ailleurs que je vais parler. Il y a une limite, M. le Président !
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): L'honorable député de
Johnson a la parole et seul le député de Johnson a le droit de
parler présentement.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, l'impact financier de ce
projet de loi est d'une importance capitale pour les agriculteurs, surtout pour
les cultivateurs qui auront à payer la note et pour le gouvernement qui
pourra garnir, comme je viens de le dire, sa caisse déjà
déficitaire.
En effet, ces nouvelles mesures d'assurance obligatoire apporteront
environ $4 millions de plus au gouvernement, dont $2 millions et c'est
là que j'arrive avec ma phrase du départ constitués
par les primes payables par les agriculteurs assurés et $2 millions
venant directement du gouvernement qui paie 50 p.c. des primes d'assurance,
dans ce cas. Voir l'article 68 de la loi.
C'est cela que je dis, M. le Président. C'est cet impôt
forcé qu'on va établir dans la province, malgré les
protestations véhémentes de tous ceux qui connaissent, en
agriculture, quelque chose, qui vivent le véritable problème des
agriculteurs. C'est par dizaines et dizaines que se sont prononcés des
gens qui se sont fait la main, mais qui connaissent le problème agricole
dans la province et qui ont dit au ministre de prendre un peu plus de temps
avant d'appliquer cette loi qui, à mon sens, M. le Président,
peut peut-être paraître assez ronflante par ses titres et surtout
ses idées, mais qui, en somme, va imposer aux cultivateurs, dans un
moment difficile, $2 millions de participation, obligatoirement, M. le
Président. Il n'y a pas d'échappatoire.
Or, tout le monde sait, M. le Président, que le déficit
d'opération actuel de l'assurance-récolte se chiffre par plus de
$10 millions. N'y aurait-il pas lieu de croire que le ministre de l'Agriculture
cherche à diminuer ce déficit embarrassant et encombrant, en
forçant une majorité de nos cultivateurs déjà aux
prises avec une situation extrêmement difficile à assumer une
partie de ce lourd fardeau financier?
Si tel est le cas, M. le Président, il y a lieu, je pense, de
crier à l'injustice. Il y a lieu que tous et ici je fais un appel
pressant aux journalistes pour qu'ils sensibilisent encore plus l'opinion
publique écoutent attentivement les plaintes nombreuses de ceux
qui risquent d'être des victimes du système actuel et
particulièrement du système qu'on va leur imposer, auquel ils
n'ont pas participé et qu'ils n'ont pas voulu.
Ils ont averti l'honorable ministre en toutes sortes de circonstances,
dans toutes sortes de réunions publiques. On a lancé le cri,
l'appel, pour ne pas que le ministre se laisse convaincre par certains
bureaucrates et technocrates d'imposer ce diktat obligatoire à la classe
agricole.
M. le Président, mon collègue de Saint-Jacques a
cité largement les extraits de plusieurs journaux. Je pense que le
ministre de l'Agriculture a dû lui-même les lire et s'en
convaincre. Je voudrais n'en citer que quelques-uns très
brièvement.
Tout d'abord, le journal que le ministre lit le plus
régulièrement, Le Nouvelliste, de Trois-Rivières, en date
du 1er juillet 1974, et qui disait: A première vue et sous sa forme
actuelle, le projet est loin de répondre aux besoins des cultivateurs.
Les cultivateurs, les responsables de l'UPA présents à la
réunion qui a eu lieu au motel Villeray de Laurier-Station se sont fait
expliquer le texte de loi préparé par le gouvernement du
Québec. Il a profondément déçu tous les partisans
cultivateurs. Ce ne sont pas des étrangers à la classe agricole
qui se réunissent, M. le Président, ce sont des véritables
cultivateurs qui disent au ministre: Nous avons constaté que votre
projet de loi ne donne que très peu aux cultivateurs et leur occasionne
une obligation, par les temps qui courent, une imposition d'au-delà de
$2 millions.
M. le Président, à Laurier-Station, de nom breuses
questions ont été posées à MM. Blanchet et
Ducharme. L'assistance leur a fait savoir carrément que, si le plan
d'assurance-récolte était adopté, il devrait être
à la satisfaction d'abord des principaux intéressés, soit
les cultivateurs. La presque totalité des représentants de la
classe agricole présents à cette séance se sont
prononcés contre l'adoption du projet de loi sous sa forme actuelle,
même si les délégués de la régie leur avaient
fait savoir que la réunion en était une de présentation,
d'explication du projet et non pour consultation, ni pour réception des
suggestions.
M. le Président, la première action proposée par la
fédération de la région de Québec-Ouest de l'UPA,
face au projet de loi, est d'obtenir qu'il y ait un certain délai entre
son adoption en première lecture et la sanction finale.
Des membres de la fédération de Nicolet encore un
comté tout près de celui que représente l'honorable
ministre ont dit: Loin d'être satisfaits de l'actuel
système d'assurance-récolte, les cultivateurs présents
dans la salle ont semblé défavorables à l'adoption de ces
nouvelles mesures. La très grande majorité des
délégués se sont prononcés contre la formule
obligatoire. C'est un bateau, semble-t-il, qui serait régi par un
fonctionnarisme très lent et une assurance pour le gouvernement, et non
pour l'agriculteur.
Les membres de la région de Québec-Sud de l'UPA, M. le
Président, dans le journal Le Soleil du 11 septembre 1974: Que
l'assurance-récolte devienne obligatoire et qu'elle ne couvre que 70
p.c. du rendement moyen qui serait établi
pour la zone, voilà surtout ce que les cultivateurs n'accepteront
pas. Ce projet de loi no 20, qui est déposé devant
l'Assemblée nationale, est non conforme à l'ambition des
cultivateurs, ne leur rend pas service, a-t-on dit au cours des réunions
tenues ces derniers jours à l'intérieur des syndicats locaux,
partout, pas seulement en les triant un par un.
Les cultivateurs beaucerons ont fortement critiqué le
gouvernement, qui leur prépare encore une mesure partielle mais
d'imposition obligatoire de débourser $2 millions. La majorité
d'entre eux préconisent que l'assurance-récolte couvre au moins
80 p.c. à 85 p.c. des dommages éventuels.
M. le Président, les membres de l'UPA de la côte sud, dans
Le Soleil du 17 septembre 1974, s'en sont pris au principe même de
l'entrave à la liberté individuelle et des déductions
automatiques de primes que laisse prévoir une telle loi gouvernementale.
L'objection principale mettait toutefois en cause l'insuffisance, sinon
l'inutilité d'un projet qui ne garantirait les récoltes
qu'à environ 70 p.c, laissant ainsi les agriculteurs assujettis à
des évaluations unilatérales et discriminatoires quant aux pertes
initiales sur les premiers 30 p.c. des récoltes.
L'appréhension à l'égard du projet de loi et de ses
dispositions possibles de contraintes a été si forte de la part
de certains congressistes qu'ils se refusaient même à la tenue de
séances d'étude au sujet de l'implication de ce projet de loi et
demandaient aux autorités de faire les pressions voulues pour ne pas que
le bill soit inscrit en cette Chambre. Sans se dépasser pour convaincre
le ministre, les membres du secteur de l'UPA de
Sainte-Geneviève-de-Batiscan ce sont des gens de son comté
ont fait une protestation très vigoureuse contre l'adoption de ce
projet de loi que nous étudions présentement, de même que
les gens de Sainte-Geneviève. Je ne sache que ce soient des
idéalistes ou des planificateurs, en plus d'être de bons
cultivateurs qui appartiennent à nos associations qu'ils respectent et
surtout dont les services qu'ils ont rendus à ce jour ont donné
d'immenses résultats.
M. le Président, la Tribune de Sherbrooke, dans un autre coin de
la province: Non à l'assurance obligatoire. Pourquoi imposer aux
cultivateurs cette nouvelle obligation, sans garanties suffisantes? Ce que les
agriculteurs ne veulent absolument pas, c'est que cette assurance collective
soit obligatoire car, disent les cultivateurs, une bonne partie d'entre eux ne
veulent pas s'assurer parce que les montants qu'ils retirent ne couvriront pas
même les montants de la prime qu'ils doivent payer, que les
règlements sont beaucoup trop lents et qu'ils ne veulent pas payer
surtout pour les autres. M. le Président, ces gens de Sherbrooke se
disent prêts à lutter jusqu'à la fin contre ce projet.
Les cultivateurs de la Mauricie, réunis à la Vallée
du parc, ont adopté une résolution unanime à l'effet que
le ministère de l'Agriculture retire le nouveau projet de loi
d'assurance- récolte obligatoire, et que le gouvernement apporte surtout
des amendements à l'ancienne loi pour la rendre plus efficace.
Ces témoignages, M. le Président, devraient être
suffisants, à mon sens, pour que l'honorable ministre comprenne qu'il
doit laisser la parole à ceux qui, demain, devront subir son
système, ce système préconisé dans sa loi, et
surtout qui force aujourd'hui les cultivateurs à l'arbitraire, à
l'obligatoire. Ce n'est pas en faisant des séances d'information aux
quatre coins de la province au lieu de consulter véritablement les gens
intéressés, les cultivateurs d'abord et avant tout, au lieu
d'aller rencontrer des planificateurs qui, peut-être induiront le
ministre en erreur, ou en criant à qui veut l'entendre, que les
cultivateurs soient d'accord ou non, que le projet de loi sera quand même
adopté. M. le Président, je pensais que l'honorable ministre
était plus démocrate, qu'il prêtait lui aussi une oreille
plus attentive aux récriminations des gens qui viennent de chez nous et
particulièrement des agriculteurs, des cultivateurs de la province.
J'entérine fortement la recommandation des dirigeants de l'UPA
à l'effet que ce projet de loi no 20 ne soit pas adopté à
la vapeur et trop en hâte, comme semble le souhaiter l'honorable
ministre, à la fin d'une session qui a été longue et
à laquelle je crois que le ministre a apporté un apport tout
particulier parce qu'il a eu beaucoup de problèmes agricoles durant
cette session. Il en a déjà connu dernièrement avec la
grève des inspecteurs de Thunder Bay. Pour prouver, M. le
Président, la nécessité de retarder l'adoption de ce
projet de loi, vous me permettrez de faire quelques recommandations au ministre
sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir lors de l'étude article
par article en commission parlementaire.
Il y aurait lieu, d'abord, de permettre aux personnes et aux organismes
intéressés de présenter leur point de vue sur les
améliorations à apporter au projet de loi no 20. Je crois que ce
serait une amélioration de départ que l'oreille du ministre soit
sensibilisée encore plus de ce côté. Par exemple, n'y
aurait-il pas lieu de prévoir un mécanisme dans la loi qui
permettrait aux parties impliquées de se présenter devant la
Régie de l'assurance-récolte au moment précis où
celle-ci prépare ses taux de cotisation et ses prix unitaires, pour que
ceux-ci fassent valoir leur point de vue sur leur production sectorielle et sur
la situation qui prévaut dans des régions d'application?
Non, que le ministre prenne patience, j'achève, il ne me reste
qu'une dizaine de pages, ce ne sera pas très long.
Alors, que les intéressés soient présents pour la
fixation des taux, surtout pour qu'à ce moment où la fixation des
taux se fera, on fasse connaître dans chacune des sections, dans chacune
des productions sectorielles, la valeur véritable et surtout la
situation qui prévaut dans ces régions d'application.
Il me paraît aussi, M. le Président, absolu-
ment indispensable que les assurés puissent discuter des
questions de quantum avec la régie. M. le Président, le ministre
le sait parce qu'il l'a lui-même recommandé déjà
dans un discours qu'il a fait, où il disait qu'il était important
pour les agriculteurs de connaître le quantum à être
établi pour les agriculteurs.
De plus, n'y aurait-il pas lieu, en terminant, que la Régie de
l'assurance-récolte, qui prend des décisions d'une importance
primordiale pour les assurés, soit tenue de fournir des raisons
justifiant ses décisions?
C'est bien beau dire que la régie a décidé, mais
est-ce que les décisions qui seront rendues par la régie
pourraient être motivées? Dire pourquoi, M. le Président,
et donner les raisons. En adoptant une telle mesure, la régie ferait
preuve d'esprit progressiste, d'innovation. Oui et non. Oui parce que ça
ne s'est jamais fait à la Régie de l'assurance-récolte,
non parce que ça existe dans bien d'autres régies où l'on
motive les décisions rendues.
Ceci serait une garantie contre l'arbitraire et surtout les
interprétations mesquines. Je suis convaincu que
l'assurance-récolte sera une faillite totale, en dépit de toutes
les subventions du gouvernement, si les agriculteurs perdent confiance dans la
régie de juger équitablement des situations dont elle doit
prendre soin. Je dis que les cultivateurs perdront confiance et
l'assurance-récolte, telle que la veut peut-être, dans son
idée, le ministre, n'atteindra pas ses objectifs.
M. le Président, dans le même ordre d'idées
j'ai fini, M. le Président, il me reste juste quatre lignes, si vous ne
voulez pas manquer de trop de patience le gouvernement aurait
intérêt à songer à un droit d'appel plus complet de
la décision de la régie. Je pense que ce droit d'appel devrait
couvrir à la fois des questions de droit, mais aussi des questions de
fait, quant au quantum et le reste.
Il y a d'autres points qui méritent une étude bien plus
approfondie, telle la question des dédommagements qui ne seront
versés qu'après une perte non couverte de 30 p.c. dans le cas de
l'assurance-récolte obligatoire. Face à un nombre aussi
impressionnant de protestations venues de tous les coins du Québec et en
vue de protéger les vrais intérêts des cultivateurs, je
voulais moi-même dire au ministre de ne pas se laisser tenter par
l'adoption d'une loi qui pourrait peut-être lui donner une certaine
publicité, mais avec laquelle il aura de la difficulté à
vivre après. Ce que les cultivateurs lui reprocheront, ce qu'ils lui
reprochent présentement, c'est d'aller trop vite. Ils l'ont
prévenu, ils ont siégé à maintes et maintes
occasions, ils ont dit au ministre: C'est trop vite. Vous nous donnez
actuellement, vous nous rendez actuellement un mauvais service dans les
difficultés que nous traversons et en plus vous venez avec une Loi de
l'assurance-récolte, qui refond un peu toute l'autre loi, nous imposer
pour $2 millions de contributions obligatoires, ce qui, dans les circonstances,
ne sera sûrement pas reçu avec beaucoup de bienveillance. Merci,
M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Portneuf.
M. Michel Pagé
M. PAGE: Merci, M. le Président. Seulement quelques mots sur ce
projet de loi. Après avoir entendu aujourd'hui autant de flirtage, si on
peut appeler ça comme ça, avec les agriculteurs, autant de
paroles souvent gratuites, nous ne pouvons faire autrement que de donner un
autre aspect, un autre son de cloche en faisant part de la considération
qu'ont certains agriculteurs pour ce projet de loi.
Je considère, M. le Président, que les amendements
proposés par le projet de loi no 20 viennent juste à point et
constituent en quelque sorte un temps d'arrêt, une sorte de bonification
du mécanisme qui existait et prévalait depuis 1968.
Loin de conclure que le système qui existe actuellement est
parfait, je me rallie, cependant, à l'opinion du ministre, qui s'est
concrétisée dans son projet de loi, à savoir que deux
systèmes différents devraient être en vigueur au
Québec.
On a longuement discuté de ces deux systèmes, à
savoir un système individuel et optionnel, qui semble avoir
l'assentiment de la majorité, de la presque totalité des membres
de cette Chambre, et un système obligatoire et collectif.
En ce qui concerne le système individuel et optionnel, nous
n'avons entendu aucun membre de l'Opposition citer les avantages réels
qui sont inclus dans ce projet de loi et j'espérais que le
député de Johnson pourrait les citer. Cependant, j'ai
été à même de constater, d'après son
allocution, que c'était peut-être trop lui demander.
En effet, je suis convaincu qu'ils ont entendu eux-mêmes, s'ils
sont prêts de leurs agriculteurs, ceux-ci dire, depuis longtemps, que
c'était peut-être négatif pour eux d'être
obligés d'assurer toute leur production.
Dans le projet de loi no 20, nous avons des mesures particulières
qui pourront leur permettre d'assurer une partie seulement de leur production
c'est ce qu'ils demandaient et c'est ce qu'ils désiraient
contrairement à la situation qui prévalait antérieurement
où ceux-ci étaient obligés d'assurer toute la
production.
De plus, en ce qui concerne l'évaluation qui était faite
pour déterminer le degré d'assurabili-té d'une production
quelconque, le projet de loi no 20 vient fixer une nouvelle norme, à
savoir que la norme applicable pour déterminer le rendement assurable
sera fondée sur la moyenne des rendements régionaux.
J'osais croire, ce matin, que certains mem-
bres de l'Opposition pourraient en glisser un mot. J'ai
été à même de constater qu'ils ne se sont pas
penchés là-dessus, qu'ils n'ont pas regardé l'aspect
positif du projet de loi et, en cela, ils n'ont pas écouté les
agriculteurs.
J'ai eu, à un certain moment, envie de poser certaines questions
à certains des députés de l'Opposition qui se
prononçaient là-dessus. Mais soucieux du respect du
règlement, je n'ai pas voulu le faire. J'aurais été
curieux de le faire parce que je pense que nous aurions eu de drôles de
réponses. Qu'on ne vienne pas me faire croire que l'ensemble des
députés de l'Opposition connaît en profondeur la question
des agriculteurs.
De toute façon, en ce qui concerne cette norme applicable, elle
sera fondée sur la moyenne des rendements régionaux des quatre
dernières années. Cette norme sera, en définitive, juste
et équitable dans les circonstances.
En ce qui concerne le système collectif obligatoire, on a
descendu cette possibilité toute la journée. Les objectifs
recherchés par ce programme sont, en définitive, louables,
à savoir qu'ils constituent un mécanisme permettant à
l'ensemble des agriculteurs d'une région sinistrée d'être
indemnisés à la suite d'une calamité quelconque.
Je suis d'accord que certaines fédérations, que certains
groupements particuliers se sont prononcés contre ce principe, mais on
n'a entendu aucun membre de l'Opposition aujourd'hui venir nous dire que la
fédération, que l'UPA provinciale se soit prononcée
contre. Aucun ne l'a mentionné. Est-ce que l'UPA s'est prononcée
contre à son congrès qui s'est tenu les 19, 20 et 21 novembre ici
à Québec? Non. Elle ne s'est pas prononcée contre.
Cela va de soi, et nous en sommes pleinement conscients, nous n'avions
pas besoin du député de Johnson et du député de
Lafontaine pour venir nous dire que, pour certains agriculteurs, le
système collectif pouvait peut-être, éventuellement,
présenter certains problèmes. Nous en sommes conscients.
Là-dessus, je dois dire que je suis bien heureux de la décision
du ministre de s'être engagé envers la Chambre, par des
dispositions particulières dans le projet de loi, pour faire en sorte
que ce régime ne soit pas applicable dans l'immédiat, pas
applicable avant qu'il n'ait pu le présenter à la commission
parlementaire, qu'il n'ait pu entendre les parties.
A ce sujet, je n'ai qu'un voeu à formuler au ministre et c'est le
suivant: A cette commission parlementaire, je crois qu'il serait
peut-être opportun d'entendre, en plus des groupes qui ne seront pas
d'accord, les officiers de la régie et de l'Office du crédit
agricole pour déterminer certains problèmes particuliers auxquels
nos agriculteurs ont à faire face.
Le député de Saint-Jean a fait allusion, cet
après-midi, au problème qu'il n'y avait pas d'appel sur les
questions de fait. C'est vrai. C'est vrai que, dans nos comtés, nous
sommes à même de constater que certains agriculteurs ont des
problèmes dû au fait qu'ils n'ont le droit de plaider que sur des
questions de droit.
Je crois qu'il n'y a pas de moment plus opportun que la commission
parlementaire pour entendre les parties, la régie pour voir les
possibilités d'inclure dans une réglementation quelconque la
possibilité pour les agriculteurs de se pourvoir en appel sur une
décision de fait.
C'est l'ensemble de mes considérations sur ce projet de loi, M.
le Président. Je n'ai qu'un commentaire à faire en terminant,
c'est de dire au ministre que ce ne sont pas tous les agriculteurs du
Québec qui sont contre son projet de loi. Le système individuel
reçoit l'approbation de la grande majorité de ceux-ci. Le
système collectif, avant d'être en vigueur, recevra une
étude approfondie particulière en commission parlementaire
où on pourra entendre les besoins de nos agriculteurs. Vous savez, M. le
Président, les agriculteurs du Québec, ce n'est pas seulement
l'Opposition qui peut défendre leurs intérêts. On n'a
qu'à regarder ce qui s'est fait dans le passé. Où est-ce
qu'ils étaient ces gens de l'Opposition pour les défendre, ces
agriculteurs? Qu'on regarde leur programme politique. Sans vouloir faire de la
politique ici, on pourrait longuement la vider la question.
Je vois rire le député de Saint-Jacques, qu'est-ce qu'il
connaît dans les problèmes des agriculteurs? Venez-donc faire un
tour dans nos comtés, vous allez apprendre.
M. TARDIF: ...
M. PAGE: Je termine là-dessus, M. le Président, en rendant
mes hommages au ministre pour nous avoir garanti l'audition en commission
parlementaire et je lui demande de plus la possibilité que les officiers
de la régie puissent comparaître à cette audition.
M. TARDIF: Le député de Lafontaine ne comprend rien aux
agriculteurs.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La réplique de l'honorable
ministre de l'Agriculture.
M. Normand Toupin
M. TOUPIN: M. le Président, je ne voudrais pas être
tellement long, parce que le temps passe vite. D'autant plus que tous les
discours qui ont été faits de l'autre côté de la
Chambre, notamment de la part de l'Opposition, étaient, tout compte
fait, en termes de contenu, à peu près les mêmes.
On n'a pas trouvé d'idées neuves, d'idées
originales dans ni l'une ni l'autre des interventions qui ont été
faites, sauf, évidemment, l'idée de rappeler des faits, de lire
des articles de journaux, de tenter de justifier une position
qui, j'en suis convaincu, dans plusieurs cas, ne correspond pas
nécessairement à l'idée de fond que se font ces gens de la
Loi sur l'assurance-récolte.
Le chef de l'Opposition a terminé son discours je
présume que quand le chef de l'Opposition parle, il doit parler au nom
de son groupe en disant que ce projet est prématuré, qu'il
vient avant son temps. Donc, on peut déduire que le chef de l'Opposition
est d'accord sur le fond du principe, est d'accord sur l'idée, mais
qu'il ne s'accorde pas avec le temps où il faudrait mettre en vigueur,
en application ce système, ce plan.
M. le Président, est-ce que cette opposition qui se dit
avant-gardiste ne fait pas preuve un peu d'opportunisme dans un cas comme
celui-là? Est-ce qu'elle n'essaie pas de cacher, sous prétexte
que certains groupes d'agriculteurs ne sont pas tout à fait d'accord sur
l'ensemble du projet, de cacher une idée de fond qui correspond, tout
compte fait, à la nôtre, et qui convient aux grands principes qui
doivent présider à la protection des récoltes des
agriculteurs au Québec?
Il est évident, et je pense qu'il serait facile d'en faire la
démonstration, que des programmes d'assurance-récolte au
Québec son nécessaires. On ne peut pas passer à
côté de cette question. On peut, bien sûr, discuter des
expériences vécues jusqu'à maintenant. Les opinants de
l'Opposition, y compris l'honorable député de Johnson, ont fait
un peu l'historique de l'assurance-récolte. Je l'ai fait, M. le
Président, dans mon discours de deuxième lecture, et j'ai dit
à peu près ce qu'ils nous ont dit de l'autre côté,
c'est-à-dire qu'ils ont dit après moi ce que j'avais dit avant
eux. Je ne dis pas qu'ils ont, tout compte fait, répété
les idées que j'ai émises à ce moment, mais cela se
ressemblait pas mal.
Il est sûr que les programmes d'assurance-récolte, depuis
1966, 1967, 1968, 1969, 1970 ont causé des problèmes
sérieux.
Il est évident que le nombre d'assurés, de 19,000 qu'il
était, est tombé à 9,000. Ce sont des statistiques qui ne
mentent pas. C'est un fait. Mais il ne faut quand même pas ignorer aussi
que le nombre d'agriculteurs a diminué substantiellement depuis cette
période. Il ne faut pas oublier également que ces programmes
d'assurance étaient nouveaux, que cette régie d'assurance
était nouvelle. Il n'y avait aucune expérience vécue dans
aucune autre province du pays et dans aucun autre Etat limitrophe, dont pouvait
s'inspirer la régie. Donc, elle a dû faire par elle-même sa
propre expérience. Cette expérience a voulu, bien sûr, que
des problèmes se posent en termes d'administration, en termes de vente
d'assurance, en termes d'explications des contrats d'assurance.
Quand ceux de l'Opposition disent que des contrats n'ont pas
été respectés, ce n'est pas vrai. C'est de la foutaise
d'affirmer des choses comme celles-là. La Régie de
l'assurance-récolte a toujours respecté ses engagements envers
ses assurés. Il est sûr que certains producteurs, parce qu'on
n'avait pas de comptabilité en main, ont fait des déclarations de
rendements peut-être plus élevées que réellement ils
pouvaient se comptabiliser. Mais il faut bien que la régie respecte au
moins des moyennes régionales. Dans cette perspective, il peut arriver
que certains producteurs, qui s'étaient assurés pour X minots
d'avoine ou pour X minots d'orge, se soient vu payer des indemnités plus
basses que celles qu'ils avaient prévues. Il est possible que cela soit
arrivé, mais c'était prévu dans les programmes.
L'agriculteur était informé de ça au moment où on
lui a vendu sa police d'assurance. Ce n'est pas manquer à un engagement
contractuel. C'est simplement appliquer un programme d'assurance.
Revenons rapidement, pour terminer, sur le programme qui fait l'objet,
actuellement, des discussions les plus animées, c'est-à-dire
celui qui concerne l'assurance collective. Si le ministère de
l'Agriculture ou le gouvernement a jugé bon de penser un tel programme
et de l'encadrer dans une loi, c'est qu'il avait des motifs de le faire. Il ne
l'a pas fait purement et simplement, comme l'a dit le député de
Johnson, pour aller chercher $2 millions de primes dans la poche des
agriculteurs et ainsi taxer indirectement les agriculteurs pour financer le
gouvernement. Cela aussi c'est fou en soi, parce que l'expérience
démontre que, pour chacun des dollars que les assurés ont
investis dans le passé, ils en ont reçu presque $4 en termes
d'indemnités. Donc, c'est loin d'être une taxe indirecte. C'est
une police d'assurance payante que les producteurs ont achetée dans le
passé. Pour eux, il n'y a pas de doute possible.
Alors, les programmes à venir vont se situer dans cette
même perspective. Les agriculteurs mettront une partie de la prime. Le
gouvernement mettra une partie de la prime. Ainsi, l'agriculteur a toujours la
chance de recevoir au moins le double de sa prime, si toutefois le fonds
d'assurance se maintient à zéro. Il est évident qu'il
percevra toujours la part que l'Etat met dans l'assurance. Donc, ce ne sont pas
$2 millions que le producteur va mettre dans un fonds; ce sont $2 millions
qu'il peut aller chercher dans un fonds. Cela est une autre question. C'est la
part que le gouvernement met, en termes de primes, qui est égale
à celle des producteurs. Si le fonds d'assurance se maintient à
zéro, qui, alors, profite des primes que paie le gouvernement, si ce ne
sont les producteurs eux-mêmes? Donc, ce sont $2 millions de plus dans la
poche des agriculteurs au bout du compte. C'est cela que cela veut dire, des
primes partagées.
Il est bien évident que, s'il y avait abus de la part de la
régie, si la régie percevait des cotisations pour le simple
plaisir d'accumuler un fonds et de consentir des prêts par la suite,
à taux d'intérêt élevé et ainsi tenter de
s'alimenter ou d'alimenter la caisse à même des
intérêts pris sur des sommes d'argent, pris dans un fonds
alimenté par les agriculteurs.
Je serais d'avis, avec le député de Johnson,
que cela pourrait être, vis-à-vis des agriculteurs, quelque
chose de pas tout à fait juste. Mais ce n'est pas cela que l'histoire
nous a enseigné là-dedans. Elle nous a enseigné le
contraire. Chaque fois qu'on y a mis $1, on a touché plus de $3, presque
$4. Donc, cette idée de taxe indirecte ne tient pas du tout en soi.
Le député de Saint-Jacques disait, par exemple, que le
gouvernement profite d'une cotisation obligatoire pour renflouer les fonds de
la Régie de l'assurance-récolte. Cela aussi, c'est faux. Ce n'est
pas vrai en soi, pour une raison très simple. C'est que les
comptabilités sont séparées à la Régie de
l'assurance-récolte et que la loi prévoit que des augmentations
de primes sont obligatoires seulement quand le fonds ne remplit pas ses
obligations de paiement aux producteurs.
Or, cela ne financera rien d'autre que le programme collectif, rien
d'autre que cela. Cela ne pourra pas financer les programmes individuels, parce
que si les programmes individuels ne parviennent pas à se financer par
eux-mêmes, deux options possibles demeurent: un emprunt du gouvernement
ou une augmentation des primes. C'est ce que la régie a fait dans le
passé. Elle n'a pas voulu augmenter trop ses primes, elle a
emprunté $9 millions du gouvernement. Dans la loi, nous
prévoyons, que ces $9 millions de déficit seront, jusqu'à
un certain point, automatiquement remis aux producteurs, c'est-à-dire
qu'on n'augmentera pas les primes pour aller chercher les $9 millions
empruntés au ministère des Finances.
Donc, c'est une sorte de subvention indirecte versée aux
producteurs. Je crois justifié que nous le fassions de cette
façon, parce que l'assurance-récolte était, au cours de
ses premières années, en tant que programme, un programme
expérimental.
L'idée fondamentale du programme collectif, c'est purement et
simplement de répondre à un besoin collectif. Les agriculteurs du
Québec ont ce besoin qui est collectif. Quand la grêle ravage
toute une région et qu'il y a seulement 20 producteurs d'assurés
alors qu'il y en a 300 de touchés, il y en a 280 qui sont
pénalisés et 20 seulement qui reçoivent des
indemnités. Il me paraît, personnellement, qu'on doive trouver un
moyen pour régler le problème de l'équité en termes
d'intervention de l'Etat, parce que l'Etat intervient indirectement puisqu'il
paie la moitié des primes et, en plus, paie la totalité de
l'administration de la régie.
C'est le but premier et principal de la partie collective de
l'assurance-récolte que nous proposons. Ce n'est pas d'autres objectifs
que celui-là que nous poursuivons. Dans le passé, lorsque nous
avions notre programme essentiellement optionnel et individuel, qu'est-ce qui
se produisait? Les petits producteurs moins efficaces achetaient de l'assurance
en plus grande quantité que les producteurs les plus efficaces. Les
producteurs les plus efficaces ne recevaient des indemnités que
très rarement alors que les moins efficaces recevaient des
indemnités presque à tous les ans, à tel point que les
producteurs efficaces ont cru bon ne plus s'assurer et que seuls les moins
efficaces se sont retrouvés avec le système, d'où une
diminution assez rapide, à un moment donné, des principaux
agriculteurs du Québec à cause de leur efficacité, qui
auraient pu soutenir économiquement plus avantageusement la Régie
de l'assurance-récolte dans le cadre de ses programmes.
Comment est-il possible de pallier un problème comme
celui-là? Si, par exemple, nous augmentons les primes aux moins
efficaces, de telle sorte que ces dernières correspondent aux
indemnités payées, ces primes seront élevées
à un tel point que les producteurs petits et moins efficaces
n'achèteront pas d'assurance. Si nous mettons les primes moins
élevées pour les producteurs les plus efficaces, ceux-là
peut-être s'assureront davantage mais comment allons-nous régler
le problème des petits et des moins efficaces? Non pas parce que ces
derniers ne veulent pas être plus efficaces, mais parce qu'ils sont
situés dans un contexte économique agricole qui fait qu'ils
demeurent dans ce contexte.
Incapacité d'agrandissement de la ferme, âge trop
élevé de l'agriculteur, difficulté de main-d'oeuvre,
crainte de l'investissement, ce sont des problèmes courants que nous
rencontrons en agriculture. Ce sont des difficultés courantes que nous
rencontrons dans le secteur agricole.
Donc, nous verrions cette catégorie de petits et moyens
agriculteurs laissée pour compte et on les laisserait encore une fois se
débrouiller seuls. Cela ne me paraît pas logique. Arriver
rationnellement à déterminer au Québec où se trouve
la forme la plus efficace, où se trouve la forme la moins efficace, cela
devient extrêmement difficile.
Plus que cela, comment faire comprendre à un producteur qu'il
n'est pas efficace? Comment dire à un producteur agricole qu'il n'est
pas efficace, alors que, très souvent, les conditions économiques
dans lesquelles il se trouve ne lui permettent pas d'atteindre une plus grande
efficacité?
Il y a une seule façon de répondre à ce
problème. Il n'y en a pas deux ni trois. C'est celle de tenter de
régler un problème collectif par des mesures collectives. C'est
ce que le projet vise. Je sais, comme plusieurs l'ont soutenu, que l'obligation
de payer une prime, la partie qui veut que 70 p.c. seulement des pertes soient
couvertes et la question de l'établissement des zones sont
discutables.
Je sais qu'il y a des groupes d'agriculteurs au Québec qui ne
sont pas entièrement d'accord sur toutes ces questions et je sais, par
ailleurs, que d'autres le sont. Le rôle d'un gouvernement, ce n'est pas
seulement de tenter de régler les problèmes immédiats. Un
gouvernement n'a pas toujours le droit d'agir en pompier. Il doit avoir le
courage et l'audace de projeter dans le temps et de tenter d'amener les
populations et plus particulièrement, en ce qui me concerne,
les agriculteurs à épouser des programmes qui soient plus
conformes à leurs besoins et qui correspondent surtout à leur
capacité de payer.
On parlait de primes. On ne peut pas, bien sûr, écrire dans
la loi quelle sera la prime que devra payer l'agriculteur
québécois, mais les statistiques que nous avons et notamment les
recherches que nous avons fait faire par des spécialistes en la
matière, des maisons d'actuaires, nous disent que cela ne
dépassera pas $.01 les 100 livres de lait.
La moyenne de production, au Québec, c'est 150,000 livres de lait
par ferme. C'est l'équivalent d'environ $15 par ferme, au Québec.
C'est cela que le député de Johnson appelle une taxe indirecte.
C'est cela que le député de Johnson croit, qu'on va placer
l'agriculteur dans une situation économique intenable. Même si
cela coûtait $30 par année, par producteur, au Québec, pour
se procurer un programme qui se trouve à la mesure de ses besoins,
est-ce que ce serait exagéré? Est-ce que c'est d'abuser des
agriculteurs quand on sait que le gouvernement va en mettre autant de son
côté? Non, M. le Président.
La section relative au programme à options libres a
été réaménagée, a été refaite;
lorsque nous le discuterons article par article en commission parlementaire,
vous verrez les améliorations qui ont été apportées
dans le programme. Quant au programme collectif, il vient, comme je le disais,
répondre à un besoin réel et je crois sincèrement
que, si nous ne parvenons pas à l'appliquer au cours des prochains mois
ou des prochaines années, les agriculteurs du Québec se priveront
d'un service essentiel pour la protection économique de la ferme, pour
la protection du revenu de l'agriculteur. Je pense qu'ils se priveront d'un
programme essentiel et fondamental pour le développement de
l'économie agricole. Je l'ai dit dans mon discours en deuxième
lecture et je le répète dans la réplique, je ne vois pas
d'inconvénient à ce que le programme dit collectif soit
appliqué plus tard par proclamation et qu'entre-temps on donne
l'occasion aux producteurs de venir nous dire ce qu'ils pensent. En même
temps, on entreprendrait des contacts directs avec les groupements
d'agriculteurs au ministère et on saurait vraiment ce qu'ils
veulent.
Personnellement, je ne verrais pas du tout d'un mauvais oeil
qu'après étude, après une étude de quatre, cinq ou
six mois, si certains amendements s'avèrent utiles et s'avèrent
nécessaires, je n'aurais absolument pas d'objection à ce qu'on le
fasse. Il y a des régies au Québec et des programmes beaucoup
plus importants que ceux-là qui ont été implantés
il y a quelques années, et une année après, il a fallu
amender des lois pour améliorer le programme. C'est le cas de
l'assurance-maladie, c'est le cas de la caisse de dépôt, c'est le
cas de tous ces programmes. Il n'y a rien de malencontreux en soi que nous
cherchions à améliorer les lois et je suis conscient, tout comme
ceux de l'autre côté, que cette loi n'est pas parfaite. Mais je
reste convaincu, par exemple, qu'elle vient répondre à des
besoins réels. Et croire que c'est une taxe déguisée,
croire qu'on veut se servir des agriculteurs pour renflouer un fonds
déficitaire, c'est purement et simplement...
UNE VOIX: Une autre fantaisie.
M. TOUPIN: ... de la foutaise, M. le Président. Ce n'est pas du
tout l'objectif du projet de loi. Et je terminerai avec les phrases du chef de
l'Opposition, mais plus favorables: Je ne dis pas que ce projet de loi est
prématuré, je dis que le gouvernement doit avoir l'audace de
dépasser dans ses solutions les problèmes immédiats.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion de deuxième
lecture est-elle adoptée?
UNE VOIX: Adopté.
M. BURNS: Vote enregistré, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les
députés!
Vote de 2e lecture
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de cette motion de
deuxième lecture du projet de loi no 20, Loi sur
l'assurance-récolte, veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Phaneuf, Lachapelle,
Berthiaume, Goldbloom, Simard, Hardy, Tetley, Lacroix, Forget, Toupin,
Massé, Harvey (Jonquière), Arsenault, Houde (Abitibi-Est),
Giasson, Perreault, Brown, Fortier, Bossé, Kennedy, Bacon, Veilleux,
Brisson, Séguin, Saindon, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance,
Pilote, Lamontagne, Fraser, Picard, Gratton, Gallienne, Assad, Carpentier,
Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Shanks,
Springate, Pépin, Bellemare (Rosemont), Boutin, Chagnon, Marchand,
Leduc, Caron, Harvey (Dubuc), Lecours, Malépart, Mercier, Pagé,
Parent (Prévost), Picotte, Tardif, Tremblay, Vallières,
Verreault.
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Burns, Léger, Charron, Lessard,
Bédard (Chicoutimi) , Bellemare (Johnson).
Pour: 63 LE SECRETAIRE: Contre: 6
LE PRESIDENT: Cette motion est adoptée.
Projet de loi déféré à la
commission
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que le projet de loi no
20, Loi sur l'assurance-récolte, soit déféré
à la commission parlementaire de l'agriculture, pour étude
article par article.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
DES VOIX: Adopté.
LE PRESIDENT: Adopté.
M. LEVESQUE: Article no 10.
Projet de loi no 41 Deuxième lecture
LE PRESIDENT: Le ministre des Affaires sociales propose la
deuxième lecture du projet de loi no 41, Loi modifiant la loi sur les
services de santé et les services sociaux.
Le ministre des Affaires sociales.
M. Claude Forget
M. FORGET: M. le Président, le texte de ce projet de loi qui vous
est présenté aujourd'hui en deuxième lecture constitue la
réimpression d'un projet que je déposais devant cette
Assemblée en juillet dernier et qui, après quelques mois, a fait
l'objet de plusieurs séances en commission parlementaire.
De nombreux organismes nous ayant fait parvenir des mémoires sont
venus éclairer les membres de la commission des Affaires sociales sur
les implications de cette loi et sur les réactions qu'elle provoquait
chez eux.
Comme conséquence directe de ces travaux, de multiples
changements sont intervenus dans le texte du projet adopté en
première lecture. La plupart de ses dispositions ont subi des
améliorations qui seront de nature, je crois, à répondre
à un certain nombre d'inquiétudes ou d'objections
formulées envers la version originale.
Il s'agit là de la démonstration renouvelée de la
capacité du gouvernement Bourassa à écouter les
représentations de bonne foi qui lui sont faites et à en tenir
compte dans sa législation.
Le projet réimprimé groupe plus de 70 articles. C'est dire
qu'il s'agit là d'une pièce de législation complexe qu'il
m'apparaît inopportun et même impossible de décrire en
détail. J'aimerais toutefois grouper mes propos autour de certains
thèmes qui ont retenu davantage l'attention du public et, en
particulier, des groupes impliqués de manière à faire
ressortir plus clairement l'intention du gouvernement et, je l'espère,
du législateur ainsi que l'effet principal de cette loi. Ces
thèmes sont respectivement le rôle des professionnels au sein des
établissements d'affaires sociales; la participation des usagers
à la gestion de ces établissements et, enfin, la
réalité de la décentralisation qui caractérise ce
réseau d'établissements.
Relativement au rôle des professionnels dans les
établissements, il importe en premier lieu de souligner que nous avons
devant nous une loi portant sur l'organisation des établissements et non
pas sur l'exercice des professions.
Le premier projet qui vous fut soumis contenait, conformément
à cette distinction, une définition des professionnels dont le
seul but était de préciser à qui s'adressait l'invitation
de participer au comité consultatif chargé de recommander, dans
chaque établissement, au conseil d'administration les mesures propres
à en améliorer l'organisation scientifique et technique.
En d'autres termes, le but de cette définition était
d'inviter tous ceux dont la formation académique et les occupations sont
essentielles à la poursuite des objectifs d'un établissement
à participer à la définition de ces objectifs le
but n'était pas d'en exclure qui que ce soit. Malheureusement, une telle
définition très large ne concordait pas avec la définition
des professionnels que renferme implicitement la législation sur les
corporations professionnelles et a été jugée par plusieurs
comme une source de confusion. En conséquence, le projet
révisé qui vous est soumis aujourd'hui abandonne tout effort de
définition du terme "professionnel" et substitue au conseil consultatif
des professionnels un conseil consultatif du personnel clinique
définissant ce personnel clinique d'une manière conforme aux
objectifs de cette loi et sans références non plus que sans
confusion possible avec d'autres lois et, en particulier, celles traitant de
l'organisation des professions elles-mêmes.
D'autre part, et dans le même esprit, il me faut affirmer que les
établissements; qu'il s'agisse d'établissements de santé
ou d'établissements de services sociaux, n'ont pas la mission de
déterminer le contenu de la pratique professionnelle des personnes qui y
exercent leur art ou leur science. Si, dans certains cas, on peut juger que
cette pratique professionnelle laisse à désirer, si l'on croit
que les professionnels démontrent de la négligence ou de
l'incompétence dans l'exercice de leurs responsabilités, il
incombe aux institutions d'enseignement supérieur de les mieux former ou
de les recycler, aux corporations professionnelles à les discipliner et
au public, enfin, à ne plus les consulter ou à exercer envers eux
les recours que la loi leur procure. Sous réserve de ces sanctions et de
ces remèdes, les professionnels qui oeuvrent dans un
établissement le font de manière autonome et ceci, remarquons-le,
ne dépend en aucune manière de leur mode de
rémunération. Un professionnel salarié est, en effet, sur
le strict plan de son exercice professionnel tout
aussi autonome que s'il était rémunéré
à l'acte ou à vacation. En effet, la justification de l'autonomie
professionnelle ne se trouve pas dans la fidélité aux directives
gouvernementales ou patronales, car en ce domaine il n'en existe pas et il ne
peut pas en exister, mais exclusivement dans les résultats obtenus par
une pratique professionnelle de qualité.
Ce principe est si important qu'il convient de dire non seulement que
les établissements ne disposent pas actuellement d'autorité sur
la pratique professionnelle mais encore qu'ils ne devraient pas y
prétendre. Il importe, en effet, dans toute situation, de bien
identifier les responsabilités et, dans le face à face entre les
professionnels et leurs clients, il ne peut y avoir et il ne doit y avoir qu'un
seul responsable. Nous ne voulons diluer cette responsabilité d'aucune
manière. Nous voudrions, au contraire, en étendre l'application.
Par exemple, le médecin en face du malade doit trouver dans son propre
jugement clinique la solution à un problème diagnostique sans
chercher à systématiquement diluer cette responsabilité
par un recours cliniquement superflu à des procédés
diagnostiques anonymes et mécaniques.
L'infirmière, en face d'un grand malade alité, doit
assumer également les responsabilités qui sont les siennes non
seulement pour assurer un contact humain mais de soins compétents
susceptibles de prévenir, par exemple, des plaies de lit ou une
infection, sans attendre les directives de l'autorité
hiérarchique. Le travailleur social en face d'un adolescent
perturbé doit, effectivement, prendre en charge ce jeune et ne pas s'en
remettre à de vagues processus administratifs pour assurer sa
réadaptation. Nul autre que ces professionnels ou d'autres que je
pourrais également nommer peut assumer de telles responsabilités
sur une base personnelle envers le patient ou le bénéficiaire.
Rien ne doit intervenir au niveau de la loi, des structures, des politiques
gouvernementales pour diminuer cette responsabilité personnelle et
directe qui est la garantie de services de santé et de services sociaux
de qualité.
Une étude faite par certains chercheurs de la faculté de
droit de l'université Laval, et à laquelle les journaux ont
accordé un certain écho récemment, allègue que la
responsabilité professionnelle des médecins s'étend aux
établissements et au ministre lui-même. Cette étude est
basée sur des éléments juridiques qui me sont inconnus
pour l'instant et que je puis mal apprécier. Si, cependant, la
thèse qu'elle défend s'avère vraie, je déclare sans
hésitation qu'il faudrait changer la loi pour écarter une telle
conséquence. En effet, on n'aurait rien obtenu de plus, sur le plan de
la qualité des services et de la personnalisation des soins, en obtenant
que le gouvernement verse des compensations financières aux victimes
d'une pratique professionnelle négligente. On aurait cependant
contribué à créer une situation dans laquelle les
responsabilités professionnelles se- raient diluées au point de
disparition. C'est dans cet esprit que l'article 70 de la Loi sur les services
santé et les services sociaux, tel qu'on le trouve dans le projet
d'amendement qui est devant vous, a subi une modification pour en corriger le
libellé de manière à éviter toute
interprétation de nature à créer un doute quant à
la responsabilité des professionnels sur le contenu des actes
posés par ceux-ci dans l'exercice de leurs fonctions.
De la même façon, l'obligation de consulter le Conseil des
médecins et dentistes lors du renouvellement de nomination, du
changement de statut ou du privilège d'un médecin dans un centre
hospitalier ainsi que lors de la nomination des chefs de départements
cliniques est consacrée désormais dans les textes. J'ai eu plus
d'une fois l'occasion d'indiquer qu'il s'agit dans mon esprit d'une chose
normale et naturelle, si normale et naturelle, même, que sa mention dans
la loi m'était apparue superflue. Certains y ayant décelé
une ambiguïté, la précision désirée a
été apportée. Toujours dans le même esprit
d'affirmation de la responsabilité professionnelle, les modalités
d'intervention des universités, ou plus précisément des
facultés de médecine, dans la nomination des médecins et
chefs de départements des hôpitaux d'enseignement ont
été également redéfinies.
Il est clair toutefois que les professionnels ne vivent pas seulement
dans un monde circonscrit par leurs expertises propres. Dans l'univers de plus
en plus complexe de la santé et même des services sociaux,
différentes catégories de professionnels inter-agissent les unes
avec les autres, collaborent ou rivalisent même dans l'utilisation des
ressources matérielles des établissements où ils se
trouvent et ont donc besoin d'une certaine coordination de manière
à pouvoir fonctionner efficacement et sans perte inutile
d'énergie et de ressources. Le rôle des administrateurs est
évidemment capital à cet égard.
D'autres amendements, inchangés ceux-là par rapport au
projet initial, ont pour but d'ajuster les relations entre les
infirmières et les médecins à l'intérieur des
centres hospitaliers. En cela, le gouvernement, par la législation qu'il
propose, joue le rôle d'un arbitre. Certains observateurs ont
souligné la rapidité du rythme des changements intervenus dans
cette partie de la loi et des règlements depuis quelques années.
Il ne s'agit pas là cependant d'un caprice ou d'une fantaisie du
gouvernement. Les milieux professionnels, à cet égard et à
beaucoup d'autres, sont l'objet et le centre d'une évolution profonde et
rapide qui a ses origines en partie dans les actions gouvernementales mais
beaucoup plus largement dans une évolution des idées, des
programmes de formation et même des structures sociales.
Dans une large mesure, les modifications successives intervenues
à la loi, aux règlements et puis à nouveau dans la loi,
telle qu'elle est devant vous, sur les services de santé et les
services sociaux, constituent un effort de pacification et de
stabilisation de ces relations changeantes, ayant pour but d'assurer,
malgré ces changements eux-mêmes, le fonctionnement le plus
harmonieux possible de nos centres hospitaliers. Les médecins comme les
infirmières sont indispensables au fonctionnement de ces
établissements et il nous a paru nécessaire, pour assurer leur
fonctionnement, d'ajuster les textes légaux et réglementaires aux
perceptions respectives des deux groupes quant à leurs statuts et
à leurs relations réciproques. Cette tâche étant
désormais accomplie du mieux qu'il nous était possible, les yeux
du public se tourneront désormais vers ces groupes professionnels
à qui il incombe de dépasser enfin les considérations de
statut et de prestige pour accorder l'attention qu'elle mérite à
la tâche à accomplir.
Un autre aspect important de ce projet de loi susceptible d'affecter le
rôle des professionnels dans nos établissements vise à
déterminer les modalités d'accès des médecins dans
les hôpitaux. Jusqu'à l'adoption, en 1971, de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux, rien n'empêchait un
hôpital de se comporter à cet égard à la
manière d'un club privé. Pour corriger une situation notoirement
abusive et pour laquelle le recours devant les tribunaux de droit commun
s'étaient avérés largement infructueux, la loi de 1971
contenait des dispositions qui, dans leur application, risquaient de
transformer ces clubs privés en parcs publics. Ce développement
en soi désirable risque cependant d'avoir pour conséquence,
à moins d'être corrigé quelque peu, d'amener tout le monde
à jouer dans le plus beau parc et, une fois installé, à ne
plus y respecter les règles du jeu, règles
élémentaires qui sont nécessaires pour préserver
précisément l'attrait de ce parc.
L'article 92 et les articles suivants incorporent donc dans la loi les
procédures précédemment définies aux
règlements en améliorant toutefois ces dispositions, et cela de
deux manières. D'une part, et précisément pour permettre
à chaque établissement, c'est-à-dire, dans un tel cas, au
Conseil des médecins et dentistes de l'établissement, l'exercice
le plus complet de ses responsabilités professionnelles, la loi
prévoit désormais un examen des critères d'admission
à la lumière des fonctions et des exigences propres de
l'établissement. Ceci devrait permettre de tenir compte de
manière explicite des vocations propres à l'établissement,
telle leur vocation d'enseignement, sans pour autant livrer l'accès des
médecins à un établissement particulier à
l'arbitraire de ceux qui s'y trouvent déjà. D'autre part, et dans
le même esprit, la loi protégera désormais de façon
très claire le caractère confidentiel des renseignements
accumulés par les comités du Conseil des médecins et
dentistes et du Conseil consultatif du personnel clinique relativement aux
qualifications, à la compétence et au comportement d'un
collègue. Le processus dans son ensemble se déroule cependant
sous réserve d'une obligation de motiver, c'est-à-dire
d'expliquer toutes les décisions ainsi rendues et sous réserve
d'un appel des décisions ainsi motivées devant la Commission des
affaires sociales. Ces dispositions visent à un équilibre entre,
d'une part, le principe de liberté de choix du médecin et,
d'autre part, la nécessité de protéger la qualité
des services médicaux en évitant de faire de chaque centre
hospitalier l'équivalent médical d'un terminus d'autobus. On
comprendra sans peine que les 9,000 médecins du Québec ne peuvent
avoir accès de façon égale et sans limite à chaque
centre hospitalier du Québec.
Une disposition nouvelle prévoit la formation d'un Conseil des
médecins et dentistes dans les CLSC où se trouvent trois
médecins ou plus et une autre prévoit la présence d'un
représentant de ce conseil au conseil d'administration d'un tel
établissement.
J'en viens maintenant, M. le Président, au deuxième
thème qu'il me paraît important de développer pour bien
comprendre l'esprit de l'amendement qui est devant l'Assemblée, soit la
participation des usagers.
Les remarques précédentes ont suffisamment fait voir, je
pense, la vitalité et même l'importance des intérêts
professionnels particuliers de certains groupes qui s'affirment à
l'intérieur des établissements. S'il était possible
d'attribuer une source particulière à l'idée de la
participation des usagers dans les établissements de santé et de
services sociaux, il faudrait peut-être, à mon sens, la chercher
dans la nécessité de contribuer à une certaine
objectivité dans leur gestion par l'addition d'éléments de
l'extérieur, par définition neutres, vis-à-vis ces
intérêts professionnels ou autres parfois divergents.
Il est sans doute vrai que le profane n'est peut-être pas
susceptible, dans un contexte marqué par une spécialisation des
tâches et le haut degré de technicité du milieu, de
contribuer de manière experte à l'évolution des pratiques
professionnelles et de l'organisation administrative de tels
établissements.
Cependant, la présence, dans les conseils d'administration des
établissements d'affaires sociales, de personnes
étrangères à ces considérations professionnelles et
avant tout soucieuses du résultat final de ces activités sur le
bien-être et la santé des bénéficiaires peut jouer
le rôle essentiel de catalyste pour empêcher que nos
établissements ne deviennent les champs de bataille
d'intérêts opposés et rivaux.
Il est donc essentiel de donner toutes les chances possibles à
cette participation des usagers de se manifester. C'est bien là
d'ailleurs, on l'a senti, le but des amendements proposés dans ce projet
de loi. En particulier, nous proposons un jour unique à travers le
Québec pour la tenue des élections de manière à en
faciliter la publicité et donc d'accroître au maximum la
probabilité d'une participation élevée.
Les règles relatives au quorum nécessaire pour les
assemblées électives des représentants
des usagers ont été assouplies, sauf dans le cas des CLSC
où il nous fut représenté, en commission parlementaire,
que la valeur de la participation des usagers tenait beaucoup à la
largeur de son assiette, dans ce cas particulier.
Enfin, dans tous les cas et pour toutes les catégories
d'établissements, le projet de loi propose un mandat allongé d'un
à deux ans, de manière à assurer une plus grande
efficacité à cette participation grâce à la
familiarisation accrue de ceux qui l'assument.
Ce principe de participation tel qu'il s'exprime dans la Loi sur les
services de santé et les services sociaux représente une
expérience sociale qui n'a pas beaucoup de parallèle ou de
précédent et dont le succès dépend du sens des
responsabilités dont sauront faire preuve les différentes parties
en cause.
Il faudra voir, de part et d'autre, un désir raisonnable de
travailler en commun et de surmonter ce qui peut diviser non seulement
différents groupes de professionnels entre eux, mais encore
l'administration des professionnels, l'administration des employés
salariés, l'ensemble du personnel de l'établissement et des
usagers eux-mêmes.
Il faut bien comprendre, par ailleurs, que certaines constatations
douleureuses que l'observation de notre système de services de
santé et de services sociaux nous procure à l'occasion,
constatations qui peuvent porter soit sur la faiblesse de l'administration,
soit sur l'agressivité des syndiqués, soit sur la jalousie des
professionnels, sont des problèmes de notre société et pas
seulement de la loi qui encadre le fonctionnement de nos
établissements.
Les structures, si logiques et rationnelles qu'elles soient, ne peuvent
résoudre ces problèmes et une solution autoritaire ne le pourrait
davantage, se bornant en cela à masquer pour un temps les crevasses.
Il est d'autre part exact que les structures, à cause des
occasions de confrontation qu'elles offrent, ne doivent pas non plus exacerber
ces carences et précipiter des crises qui seraient autrement
évitables. Les structures, abstraitement considérées, ne
sont ni bonnes, ni mauvaises. Seule l'expérience pourra nous dire si
celles que nous avons mises en place s'accordent au tempérament
national, aux perceptions que chaque groupe social se fait de sa contribution
à la société et à la nécessité, ici
encore, de produire des résultats concrets.
Certains observateurs et certains mémoires que nous avons
étudiés en commission parlementaire nous proposaient
d'aménager la participation aux établissements d'affaires
sociales en s'inspirant d'un autre modèle, celui des institutions
municipales ou scolaires, y compris le scrutin universel qui le
caractérise.
Une telle solution est cependant incompatible avec la nature de certains
établissements d'affaires sociales.
D'ailleurs, des groupes qui nous en avaient fait la suggestion dans leur
mémoire ont recon- nu cette difficulté en commission
parlementaire. En effet, ni les centres hospitaliers, ni les centres d'accueil
n'ont-ils une juridiction qui soit définie par rapport à une aire
territoriale précise. Au contraire, un article de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux fait de l'accessibilité
à chacun des établissements d'affaires sociales sur l'ensemble du
territoire du Québec un droit de tout résident du Québec.
Par des déclarations et même par des directives adressées
aux établissements le ministère des Affaires sociales a toujours
insisté pour que soit respecté ce droit à
l'accessibilité sans limite à tous les établissements et
la détermination de territoire pour des fins d'élection au poste
d'usagers des conseils d'administration risquerait fort de jeter un certain
doute sur l'application de ce principe.
Certains nous ont reproché d'avoir voulu réserver aux
usagers, à l'exclusion de tout autre groupe et, en particulier, à
l'exclusion des groupes de professionnels et d'employés qui ont
déjà accès au conseil d'administration de
l'établissement par d'autres moyens qui leur sont
réservés, ces postes aux conseils d'administration. Je ne
m'attacherai pas à réfuter longuement cette objection puisque les
raisons pour définir des collègues électoraux pour ainsi
dire imperméables les uns aux autres ont été
expliquées à l'occasion du dépôt initial en
première lecture de la loi et largement retenues comme valables par la
plupart des observateurs. C'est d'ailleurs la position qu'avaient
adoptée puis-je le rappeler à une autre
époque ceux-là mêmes qui nous en ont fait récemment
le reproche.
Etant donné le caractère de certains établissements
qui relèvent du ministère des Affaires sociales, le principe de
participation ne peut pas toujours recevoir la même application. En
particulier, certains bénéficiaires sont affectés d'une
incapacité mentale plus ou moins lourde et le projet de loi, en
conséquence, autorise les conseils régionaux, dans les cas
où une telle solution s'impose, à effectuer eux-mêmes les
nominations au conseil d'administration des établissements. Toutefois,
les handicaps physiques qui avaient été inclus dans cette
disposition lors de la version initiale ont été
éliminés comme source d'incapacité à siéger
et à être élus. L'incapacité temporaire qui frappe
enfin certaines personnes qui ont été condamnés pour un
délit criminel sérieux, puisqu'il s'agit de délits
criminels pouvant entraîner l'incarcération dans des
pénitenciers, pourra cependant être levée dans certains cas
lorsqu'il s'agit de permettre leur participation aux conseils
d'établissements particulièrement constitués en vue de
favoriser la réhabilitation sociale des ex-détenus.
J'en arrive enfin, M. le Président, au troisième volet de
cet exposé sur les principes qui nous ont inspiré les amendements
et la révision de ces amendements à la Loi sur les services de
santé et les services sociaux. Il s'agit de la
décentralisation qui caractérise ce réseau et de la
réalité de cette décentralisation du ministère et
des pouvoirs du ministère vis-à-vis du réseau
d'établissement. Le terme de décentralisation tel
qu'appliqué à l'ensemble des établissements d'affaires
sociales constitue souvent une source de confusion. En effet, la
décentralisation du réseau existe ou non selon l'éclairage
sous lequel un tel problème est examiné.
M. LESSARD: M. le Président, étant donné
l'importance de ce projet de loi, comme nous l'explique le ministre, je vous
indique que nous n'avons pas quorum.
M. FORGET: M. le Président, nous ne sommes pas rendus à
l'heure limite. Je n'ai pas d'objection à reprendre demain, mais...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Qu'on appelle les
députés!
M. LESSARD: ... pour ses collègues, quant à nous, M. le
Président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le ministre des Affaires
sociales.
M. FORGET: Je disais donc, M. le Président, que la
décentralisation du réseau existe ou non, selon
l'éclairage sous lequel un tel problème est examiné. Sur
le plan juridique, il est clair que nous sommes en présence d'un
réseau largement décentralisé. En effet, les
hôpitaux, les centres d'accueil et tous les autres établissements
ne sont pas la propriété du gouvernement, les directeurs
généraux et les autres cadres de ces établissements ne
sont pas des fonctionnaires, et le ministre des Affaires sociales ne dispose
pas sur eux d'aucune autorité hiérarchique.
En effet, ces établissements sont administrés par des
corporations autonomes qui sont propriétaires de leurs actifs
immobiliers et qui peuvent nommer et destituer des directeurs
généraux à qui ils confient la gestion quotidienne de
l'établissement. L'immense majorité des membres des conseils
d'administration sont nommés par divers groupes sociaux et non pas par
le gouvernement. Ces assises juridiques de la décentralisation du
réseau sont cependant modifiées quant à leurs effets par
la responsabilité financière qu'a à assumer l'Etat
vis-à-vis d'eux, de sorte que la réalité des choses
reflète un état mitoyen entre la décentralisation des
structures et la centralisation des moyens de financement avec les servitudes
que ceux-ci entraînent au plan de la responsabilité
vis-à-vis l'Assemblée nationale dans l'utilisation des fonds
publics.
A l'heure actuelle, les éléments essentiels de
centralisation qui découlent du pouvoir fiscal de l'Etat sont au nombre
de trois. En premier lieu, la couverture des régimes de gratuité
universelle de certains services ne peut être définie que sur le
plan provincial non seulement à cause de ses effets d'entraînement
sur l'ensem- ble des dépenses publiques, mais également afin de
donner une substance à la notion de droits sociaux, par
définition également accessibles à tous les
résidents québécois, et qui ne peuvent donc pas, à
ce titre, être laissés à la discrétion
d'établissements individuels. La nécessité d'affirmer
l'autorité du gouvernement et de l'Assemblée nationale quant
à ces questions occasionne parfois des frictions entre le
ministère des Affaires sociales et certains établissements qui
voudraient assumer, par exemple, la distribution gratuite de services
dentaires, des services de transport pour leur clientèle, des services
de catégories de professionnels non représentés dans nos
établissements et qui ne sont pas remboursés par
l'assurance-maladie tels que les chiropraticiens ou encore les podiatres pour
ne pas les mentionner, dans un ordre d'idée sensiblement
différent mais, malgré tout, se situant dans le prolongement des
mêmes préoccupations, les services alimentaires
subventionnés à des clientèles n'émargeant pas
directement à la responsabilité des affaires sociales, etc.
Une deuxième implication d'une centralisation nécessaire
des pouvoirs au niveau provincial est constituée par l'objectif d'un
développement planifié, ordonné et, autant que possible,
harmonieux des diverses ressources institutionnelles grâce auxquelles
l'accessibilité aux services peut être développée.
Qu'il s'agisse d'unités de chirurgie cardiaque, de bombes au cobalt,
d'unités d'hémodialyse rénale, de nouveaux foyers pour
personnes âgées, tous les observateurs impartiaux de notre secteur
d'activité ont affirmé la nécessité, pour le
gouvernement, d'assumer dans ce domaine une responsabilité très
large.
S'il est une raison qui, par-dessus toutes les autres, justifie
l'intervention du gouvernement dans ces matières, c'est bien la
nécessité d'exprimer, par les choix qu'il traduit sur tous ces
sujets, le sentiment des priorités nationales qui doivent être
définies à ce niveau et en fonction d'options débattues
dans l'arène politique. Il est exact que l'exercice de ce pouvoir
éminemment démocratique par lequel un gouvernement est
amené à définir ses choix, dans l'orientation des
programmes à portée sociale, peut parfois être un objet
autonome de frictions et de frustrations.
Il importe, cependant, de se souvenir que les critiques, sans doute
justifiées, qui peuvent être faites dans de telles circonstances
sont surtout dirigées vers l'efficacité imparfaite, je l'avoue,
des processus administratifs que vers la centralisation des décisions
elles-mêmes. Je désire cependant, pour être bien compris,
ajouter qu'il n'est pas essentiel à l'exercice d'une saine
démocratie que les décisions les plus menues et les plus
détaillées soient ainsi prises au plus haut niveau, mais qu'il
faut envisager, au contraire, une délégation progressive de ce
pouvoir, en particulier au palier régional, au fur et à mesure
qu'il sera possible de préciser le contexte
général dans lequel une pareille délégation
peut s'effectuer.
Il existe enfin une dernière caractéristique de la
centralisation du régime que nous connaissons qui est également
sujette à une certaine évolution.
Je pense en particulier aux contraintes que constitue pour les
gestionnaires de chaque établissement l'existence de conventions
collectives négociées au plan provincial. Il est certain que les
mécanismes utilisés jusqu'à maintenant pour la
négociation de ces ententes ont produit une situation, peut-être
extrême, d'uniformité et, par conséquent, de
rigidité.
Je m'en voudrais de ne pas souligner, au passage, mon ouverture d'esprit
et celle de mes collègues du gouvernement à des approches
nouvelles, plus souples et plus susceptibles de permettre des ajustements aux
conditions locales ou régionales de nos différents
établissements.
Il faut, malgré tout, se souvenir que les négociations sur
un plan provincial furent pendant longtemps un objectif des syndicats
eux-mêmes et que le gouvernement y a souscrit à l'époque
pour une raison évidente de rétrécissement des
écarts fort substantiels et même inacceptables qui existaient et
qui désavantageaient alors les régions où les services
étaient les moins accessibles. Cette situation ayant été
largement résolue par les développements des dernières
années, il demeure possible d'envisager la poursuite d'objectifs
nouveaux.
Cela étant dit, il nous reste à décrire de quelle
manière l'exercice décentralisé du pouvoir de gestion peut
se manifester. Il est futile de parler de décentralisation, sans parler
dans le même souffle, des moyens concrets pour en assurer l'exercice. Il
est utile, je crois, de considérer l'exercice de ce pouvoir
décentralisé que possèdent les établissements dans
le cadre d'une relation presque contractuelle qui lie ces établissements
à l'Etat. Ce contrat consiste en un échange par lequel
l'établissement s'engage, pour ainsi dire, à la
réalisation d'une mission ou d'une vocation parfois multiple de services
de santé ou de services sociaux, vocation cependant bien définie
dans ses objets et dans ses modalités, et en retour de laquelle cet
établissement reçoit de l'Etat un budget global.
Ce budget constitue un cadre d'action dont l'établissement ne
doit certes pas sortir, mais à l'intérieur duquel sa
liberté est totale. Sans doute, pour certains qui mésestiment
l'importance de la gestion, une liberté ainsi circonscrite par les
pouvoirs précédemment décrits est une liberté sans
valeur.
Toutefois, seulement celui qui ignore ce que peut apporter une bonne
gestion à la qualité et à l'accessibilité des
services ou encore qui est incapable ou peu désireux de s'en acquitter
honorablement portera un tel jugement.
En effet, il serait erroné de croire que nos
établissements, qu'il s'agisse des conseils d'administration ou des
cadres qui les animent, sont pleins d'hommes d'Etat en herbe qui n'aspirent
à rien d'autre qu'à manipuler des millions ou à prendre
des grandes décisions stratégiques.
Au contraire, ces gestionnaires savent, pour la plupart, que leur
rôle consiste à assurer la qualité des rapports humains
indispensables pour assurer la poursuite des objectifs de
l'établissement, ainsi qu'à améliorer la qualité et
la quantité des services à la clientèle, qui constituent
la raison d'être de l'établissement. Ces deux contributions sont,
naturellement, étroitement reliées entre elles,
c'est-à-dire l'amélioration des rapports humains au sein de
l'établissement et la production de services de qualité et en
quantité raisonnable.
Or, pour les réaliser, l'établissement dispose des moyens
suivants: en premier lieu, il possède une discrétion
complète sur son organisation par la fabrication d'un plan
d'organisation fait sur mesure à ses besoins plutôt
qu'imposé par la loi.
L'établissement est, bien sûr, soumis en cela à la
surveillance et à l'approbation du ministère des Affaires
sociales. Cependant, cette autorisation et cette surveillance sont
exercées de manière à aider chaque établissement
à mieux discerner ses besoins et à adopter des solutions
généralement reconnues comme valables, sans toutefois imposer une
inutile uniformité.
Le projet de loi consacre la formule du plan d'organisation librement
élaboré par chaque établissement, de
préférence à la formule uniforme de l'ancienne Loi des
hôpitaux ou à des formules analogues que certains groupes nous ont
incités à adopter par la consécration dans les textes de
telles ou telles fonctions ou d'un mode d'organisation que tel ou tel groupe
veut privilégier.
En deuxième lieu, l'établissement, par son conseil
d'administration, effectue le choix de son directeur général et
le choix de son personnel de cadre qui, avec le directeur
général, assume les responsabilités immédiates du
fonctionnement de l'établissement. Dans tout organisme, la
décision portant sur le choix des cadres constitue de loin la
décision la plus importante qui puisse être prise. Encore
là, le projet de loi précise le pouvoir du conseil
d'administration à cet égard. 3. L'établissement, par
l'élaboration d'un budget détaillé, avec la participation
des différents responsables internes de son fonctionnement, est
responsable de distribuer entre eux les différentes
entités administratives et professionnelles qui composent
l'établissement les ressources financières et humaines
imparties globalement à l'établissement. De cette manière,
celui-ci est en mesure de déterminer de manière concrète
les priorités dans l'ordre des activités quotidiennes. 4.
L'établissement peu également, à sa discrétion,
lier des liens de coopération avec d'autres établissements du
réseau des affaires sociales ou avec des institutions
d'enseignement.
5. Pour toutes ces fins, l'établissement détermine ses
propres règles internes de fonctionnement, conclut ses propres contrats
et agit dans de multiples domaines comme un organisme pleinement autonome.
On ne peut donc nier, M. le Président, l'importance des pouvoirs
attribués par la loi aux établissements, qu'ils soient
considérés en eux-mêmes ou qu'ils soient
considérés quant à leurs implications sur la
qualité et l'accessibilité des services de santé et des
services sociaux. Sans vouloir minimiser l'opportunité de rechercher des
moyens pour accroître dans toute la mesure du possible la
délégation effective des pouvoirs aux instances régionales
et locales, les discussions en commission parlementaire de même que les
débats publics qui ont entouré ce projet de loi nous ont permis
de mesurer l'importance toute particulière des facteurs psychologiques
dans l'appréciation de ces problèmes. En effet, un article
l'article 112-existant depuis trois ans dans la loi actuellement en
vigueur et sous une forme substantiellement identique, a été
perçu, à cause d'un changement de numérotation, comme le
signe d'une intention nouvelle de centralisation. Sans doute, nous dira-t-on,
pourquoi avoir sorti cette disposition du cadre des pouvoirs
réglementaires de l'article 129?
La réponse est simple: II est impensable d'assujettir les
dispositifs financiers envisagés par cet article à des
délais d'application aussi longs que 90 jours. Une partie de cet article
vise en effet les conditions de travail des cadres qui, rappelons-le, ne sont
pas soumis à une convention collective. Un délai de publication
de 90 jours d'un règlement incorporant de nouvelles conditions de
travail et de rémunération pourrait facilement leur porter
préjudice en retardant l'application d'une mesure de majoration de leur
salaire, par exemple.
Il importe également de remarquer que cette disposition, jamais
utilisée d'ailleurs jusqu'à maintenant, ne change rien pour le
gouvernement puisque ces dispositions relatives aux cadres ont jusqu'à
maintenant été communiquées aux établissements par
voie de simples directives. Pour ce qui est des règles de nomination et
de sélection des cadres, elles sont depuis longtemps incorporées
aux règlements actuellement en vigueur; il n'existe d'ailleurs aucune
intention de les modifier dans un avenir prévisible. Cette mesure
prévue par l'article 112 accorde donc aux échelles de salaire des
cadres plus de publicité et un caractère plus officiel. Elle n'a
pas pour effet d'accroître la centralisation du réseau des
affaires sociales. En conséquence, tenant compte des facteurs
psychologiques que j'ai mentionnés plus tôt, sa formulation a
été revue et corrigée.
Pour ce qui est de la deuxième partie de l'article 112, tel qu'on
le retrouve dans la version déposée en première lecture,
j'ai pu à diverses occasions expliquer le caractère exceptionnel
de la situation envisagée et, par consé- quent, du remède.
La rédaction de cette disposition ayant également suscité
des interrogations nombreuses, j'ai cherché à évaluer de
la manière la plus précise possible l'éventualité
que l'article voulait prévoir et je présente par
conséquent un article entièrement nouveau, l'article 128 a), dans
la section de la loi consacrée aux mesures d'exception. Cet article
nouveau autorise le lieutenant-gouverneur en conseil, sur la recommandation du
ministre des Affaires sociales, à nommer un contrôleur dans un
établissement où feraient défaut les contrôles
budgétaires indispensables. Une telle mesure, qui s'inscrit
immédiatement après celle permettant la nomination d'un
administrateur provisoire, ne serait utilisée que dans des cas
extrêmes, avec la même parcimonie que celle qui la
précède, et avec un effet moindre puisque la nomination d'un tel
contrôleur n'aurait pas pour effet de suspendre les pouvoirs habituels et
normaux, ni du conseil d'administration, ni du directeur général,
mais plutôt de soumettre l'exercice de leur pouvoir de dépenser au
visa du contrôleur.
Dans cette formulation nouvelle et plus précise des pouvoirs
d'intervention du gouvernement dans la gestion de certains
établissements, il n'est donc plus question de déterminer par
arrêté en conseil les conditions de travail du personnel, ni
même les effectifs des établissements. Une telle définition
de pouvoir exceptionnel d'intervention illustre et confirme au contraire le
caractère étendu de la décentralisation du régime
administratif dans le réseau des affaires sociales. En effet, dans les
limites inévitables précédemment indiquées, limites
qui impliquent une certaine centralisation de certaines décisions,
l'affirmation de l'existence d'une liberté totale quant à
l'utilisation des moyens les plus appropriés apparaît d'autant
plus clairement qu'une mesure d'exception à caractère tout
à fait spécial est nécessaire pour prévoir les
contrôles absolument normaux qui s'exerceraient dans tous les
établissements à défaut précisément d'une
telle décentralisation. Le public ne sait peut-être pas assez en
effet que l'Etat provincial confie une part importante de ses ressources
financières couramment plus d'un milliard et demi de dollars par
année et cela sans exercer aucun contrôle a priori sur
l'utilisation de ces immenses sommes d'argent, à près de 1,000
établissements, à 1,000 administrations locales qu'il n'a pas
choisies et qui ne lui rendent compte qu'à la fin de chaque exercice
financier. Certaines questions posées récemment dans cette
Chambre au ministre des Affaires sociales illustrent d'ailleurs fort bien
l'absence de tels contrôles et la décentralisation effective du
réseau.
Je m'empresse tout de suite d'ajouter que cette décentralisation
de la gestion des services de santé et des services sociaux aux mains
d'une multitude d'établissements s'appuie sur la confiance que nous
avons dans la capacité de ces administrateurs locaux d'adopter des modes
de
fonctionnement et de prendre des décisions qui s'imposent dans un
contexte de responsabilité envers l'ensemble de la société
et de rigueur dans l'utilisation des deniers publics qui leur sont
confiés. Cette confiance, faut-il le dire, est largement
justifiée dans les faits par la manière dont s'acquittent ces
administrations locales des charges qui leur sont confiées et qu'elles
assument à titre bénévole.
Malheureusement, la compétence, le sens des
responsabilités et même la chance sont inégalement
répartis. Le réseau de services de santé et de services
sociaux dont s'est doté le Québec au cours des années se
trouve à être l'un des réseaux les plus complets mais
également des plus coûteux au monde. Il est donc important de ne
pas sous-estimer la tâche à accomplir ni, non plus, la
gravité des défaillances occasionnelles.
Dans cet immense réseau des services de santé et des
services sociaux, chacun et chaque groupe a une tâche à accomplir.
Le public, et en particulier le public en tant qu'usager, des professionnels de
toutes catégories, des administrateurs, qu'il s'agisse des gestionnaires
rémunérés et qui travaillent à temps plein à
titre de cadres des établissements ou des membres
bénévoles des conseils d'administration et enfin le
ministère lui-même, chacun se voit attribuer, par cette loi
fondamentale sur les services de santé et les services sociaux, un
rôle propre, une tâche spécifique qui, en plus de leurs
objets immédiats, ne peuvent se comprendre que par les relations qu'ils
entretiennent entre eux.
L'Assemblée nationale non plus que le ministère ne peuvent
par des lois forcer l'un ou l'autre de ces groupes à jouer
véritablement son rôle. Les lois ne peuvent que poser des jalons
à cet égard de manière à éviter des
confusions génératrices de conflits et d'inefficacité. Il
revient à chacun, dans un cadre ainsi défini, de jouer de
manière dynamique le rôle auquel il est appelé.
D'autres modifications sont évidemment incorporées dans ce
projet de loi réimprimé afin de favoriser une meilleure
compréhension du projet lui-même. Nous avons effectué cette
réimpression, et des amendements que la discussion en commission
parlementaire nous a amenés à y apporter se trouvent en nombre
assez considérable. Je limite cependant, pour l'instant, mes remarques
à ces trois thèmes puisqu'il sera, à d'autres occasions,
plus approprié de faire des commentaires et de décrire le sens
d'autres modifications qui ont été apportées.
Considérant, M. le Président, l'importance de ce projet de
loi, considérant également l'excellence des travaux faits en
commission parlementaire, je crois que l'Assemblée peut se consacrer
à l'étude en deuxième lecture de ce projet de loi avec la
certitude que rien n'a été épargné pour
découvrir les solutions aux problèmes d'application qui se sont
révélés dans les trois ou quatre dernières
années et pour esquisser et développer, même, dans certains
cas, des solutions à de nouveaux problèmes. Je vous remercie.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): L'honorable député de
Chicoutimi.
M. Marc-André Bédard
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, à proprement
parler, on ne peut pas dire que dans le projet de loi no 41, il y a un grand
principe qui sous-tend ce projet de loi. Il s'agit essentiellement d'une
série de dispositions législatives qui ont naturellement une
implication sur l'application pratique des principes contenus dans la loi
générale sur les services de santé et les services
sociaux.
Le projet de loi touche, d'une façon générale et
tout à fait spéciale, cependant, entre autres les articles 116
à 119, la contribution des bénéficiaires de services de
santé et de services sociaux, la contribution des
bénéficiaires, d'une part, de leurs parents ou de leur conjoint
et, également, touche les conditions d'exercice des pouvoirs du
lieutenant-gouverneur concernant cesdites contributions.
En effet, M. le Président, l'article 116 stipule que le
lieutenant-gouverneur en conseil détermine par règlement la
contribution qui peut être exigée pour les
bénéficiaires qui sont hébergés dans un
établissement ou qui sont pris en charge par une famille d'accueil ou
reçoivent les services d'une garderie d'enfants.
On peut facilement déceler l'importance de cet article en
fonction du nombre de personnes qui sont touchées par l'application de
ces articles 116 à 119.
En effet, d'une part, cet article 116 touche toutes les personnes
âgées qui sont présentement dans les centres d'accueil.
Pour ces derniers, il s'agit, en fait, de déterminer le montant qui leur
reste de la pension, étant donné que plusieurs n'ont que cela
comme revenu.
Cet article également, M. le Président, touche tous les
parents des enfants qui sont hébergés, soit en foyer nourricier
ou dans une famille d'accueil. Il touche également tous les parents dont
les enfants sont hébergés dans des institutions, que ce soit les
délinquants, les déficients mentaux, et tous ceux qui souffrent
de troubles quelconques, que soit les aveugles ou les sourds-muets.
Cet article touche également tous les parents d'enfants qui
reçoivent des services d'une garderie. Enfin, cet article touche d'une
façon tout à fait particulière les conjoints des adultes
hébergés dans une institution psychiatrique, un centre d'accueil
ou un centre hospitalier.
M. le Président, concernant ces bénéficiaires et,
pour autant qu'ils sont touchés, leurs parents et, quand la situation se
présente, les conjoints, notre position est très claire. Elle est
conditionnée par cette nécessité d'accentuer
l'accessibilité des services, dont a parlé tout à l'heure
le ministre, non seulement en parole ou par des voeux pieux, mais
également en pratique.
Notre position est que les parents ne de-
vraient pas payer pour le placement de leurs enfants. Cependant, ils ne
devraient pas recevoir les allocations familiales qui pourraient être
retenues, à ce moment-là, par le ministère.
M. le Président, au printemps dernier, un projet de
règlement fut abandonné par suite de la pression des parents. Ce
projet de règlement touchait ces articles réglementant la
contribution des bénéficiaires, de leurs parents ou de leurs
conjoints. Ce règlement, comme nous pouvons nous le rappeler, a
été abandonné à la suite de certaines
manifestations, de certaines pressions qui ont été faites d'une
façon tout à fait particulière par des parents
d'handicapés, par des handicapés eux-mêmes qui ont
trouvé moyen d'acheminer, au niveau d'une commission parlementaire et
même à l'intérieur de l'Assemblée nationale, leurs
représentations sur l'attitude du gouvernement qui, à leur
opinion et à la nôtre d'ailleurs, concernant ce problème
tout particulier de la contribution des bénéficiaires, semble
intransigeante et, sous certains aspects, même inhumaine.
Devant cet état de fait, suite à ces pressions, à
ces manifestations, nous avons assisté à la retraite du
gouvernement qui avait, à ce moment-là, réduit les
contributions, comme nous nous le rappelons, à $22, dans certains cas,
et à $27 pour les enfants de 12 à 17 ans.
A la suite de questions que nous avons posées dernièrement
au ministre des Affaires sociales, nous savons maintenant qu'actuellement il y
a un projet qui reprend exactement les grandes lignes de celui qui a
été abandonné et que ce projet fait l'objet de
consultations auprès de certains groupes intéressés. M. le
Président, comme nous le savons, au cours de la première
présentation de ce projet de règlements sur la contribution des
bénéficiaires de services de santé et de services sociaux,
ils avaient eu l'occasion de se faire entendre en commission parlementaire.
Malheureusement, comme nous le savons à l'heure actuelle, nous sommes en
face d'un projet de loi réimprimé. Si ce n'avait
été de l'Opposition, ce projet de règlements aurait pu ou
pourrait être adopté sans qu'il soit au préalable dans la
Gazette officielle, parce que la version première de la loi ne
prévoyait pas justement cette obligation d'un avis de 90 jours et,
à ce moment-là, de la possibilité pour les
bénéficiaires de services de santé et de services sociaux
de pouvoir faire entendre leurs récriminations ou encore de pouvoir
faire entendre leurs doléances concernant justement ce genre de
règlements qui sont édictés par le lieutenant-gouverneur
en conseil.
Si nous n'en étions qu'à la première version du
projet de loi no 41, celle que nous avons étudiée en commission
parlementaire, nous savions très bien et c'est à ce
moment-là que nous l'avons souligné que cette
possibilité, cette obligation de publication dans la Gazette officielle
était enlevée et, par le fait même aussi, d'une certaine
façon, la possibilité pour ceux qui sont touchés par ces
règlements de pouvoir se faire entendre au niveau de l'Assemblée
nationale par l'intermédiaire d'une commission parlementaire. Nous
sommes heureux que le ministre ait pris en considération ces
recommandations que nous avons faites lors de la commission parlementaire. Nous
savons que toutes ces catégories de gens qui sont touchés par les
articles 116 à 119, à savoir ceux qui sont
bénéficiaires des services de santé et de services
sociaux, représentent des milliers de personnes, pas n'importe quelles
personnes, autrement dit celles qui sont le plus durement frappées par
la vie, que ce soit parce qu'elles sont handicapées sociales
elles-mêmes ou encore parce qu'elles sont parentes d'handicapés. A
ce moment, elles sont défavorisées naturellement d'une certaine
manière et font face à des difficultés qui sont
très grandes, comme nous le savons, non seulement du point de vue
financier mais également du point de vue psychologique.
Il aurait été indécent que le gouvernement garde sa
version originale du projet de loi no 41 tel que présenté et nous
notons avec satisfaction ce changement qui, à notre humble opinion, est
très important.
Parmi l'autre groupe de bénéficiaires qui est
touché justement par les articles 116 à 119, comme nous le
savons, M. le Président, il y a également les parents dont les
enfants reçoivent les services d'une garderie. Depuis l'application de
la politique des garderies du gouvernement, qui a été mise en
application en juin, nous savons que cette politique a été loin
de se solder par un succès.
Depuis juin, effectivement, au moins onze garderies coopératives
ont déjà fermé leurs portes et la plupart des autres sont
dans une situation financière précaire et ne peuvent très
souvent subsister que grâce au bénévolat.
Actuellement, M. le Président, l'aide financière
accordée par le ministère pour la garde des enfants est de $5 par
jour si le revenu familial annuel est inférieur à $5,200, de
$2.50, s'il est inférieur à $6,500 et de $1 s'il est
inférieur à $7,280. Il est évident, qu'avec une telle
échelle le programme, et nous l'avons dit dès la parution du
programme de garderies du gouvernement, ne touche pas les couples mariés
dont les deux conjoints travaillent.
En fait, ces taux sont si bas qu'à la mi-septembre, nous le
savons, environ 500 femmes avaient pu se qualifier pour recevoir de l'aide en
vertu de ce programme. Lors de questions en Chambre, tout récemment,
nous avons appris que ce nombre est maintenant aux alentours de 1,000 femmes ou
de 1,000 couples qui ont pu profiter de ce programme de garderies. Cela prouve
de façon très claire d'ailleurs le gouvernement est
obligé de le réaliser assez vite jusqu'à quel point
est inefficace le programme de garderies mis sur pied et jusqu'à quel
point ce programme ne répond en aucune façon aux besoins de la
famille québécoise, parce que nous savons qu'au moins 30,000
familles québécoises ont actuellement besoin des services de
garderies.
Le ministre, tout à l'heure, dans son discours
parlait de travailler dans le sens d'augmenter l'accessibilité
aux services de santé et services sociaux; il est clair que cette
accessibilité aux services ne se vérifie en aucune façon
dans le domaine de la politique des garderies. Au contraire. Nous avions
suggéré, et nous le suggérons encore, de rehausser le
plancher de cette table afin que les couples mariés dont les deux
conjoints travaillent au taux du salaire minimum, c'est-à-dire environ
$10,000, puissent jouir pleinement des services de garderies.
De plus, nous soumettions, et nous soumettons encore aujourd'hui, que
l'on devrait tenir compte, pour déterminer l'aide accordée, de la
taille de la famille. Il est illogique qu'une famille de cinq enfants, dont un
est placé en garderie, reçoive le même montant qu'une
famille d'un seul enfant. Enfin, le taux de base, c'est notre humble opinion,
doit être rehaussé. A $5 par jour, il ne couvre même pas les
coûts réels de fonctionnement d'une garderie. Toutes ces
recommandations que nous avions faites et que nous reformulons sont d'autant
plus nécessaires à reformuler qu'on est maintenant à
même de constater les résultats de la politique de garderies mise
sur pied par le gouvernement.
Cependant, une telle forme d'aide, c'est notre opinion, ne remplacera
jamais le financement direct des institutions, qui seul permettrait la mise sur
pied d'un véritable réseau de garderies dont l'accès
serait gratuit. Dans le système que nous proposons, les critères
de revenu et de taille de la famille ne serviraient qu'à
déterminer, pendant la période d'implantation du réseau,
la clientèle qui pourrait avoir un accès prioritaire aux
garderies.
Après cette phase d'implantation, les services de garderie
seraient assurés à toutes les familles, indépendamment de
leur revenu, au même titre que l'éducation et les services de
santé.
Nous savons qu'à un certain moment, le ministre des Finances
avait été particulièrement inopportun, pour ne pas dire
odieux, en voulant justifier l'inaction du gouvernement en opposant les
personnes âgées aux garderies.
La vérité est que le gouvernement du Québec ne fait
rien non plus pour améliorer le sort des personnes âgées.
Encore récemment, il refusait de leur assurer la gratuité des
services de transport en milieu urbain, et nous avons eu l'occasion de
souligner notre surprise lors de l'étude des crédits
supplémentaires du ministère des Affaires sociales. Nous avons eu
l'occasion de mentionner notre surprise de ne pas voir plus de ressources
financières affectées à une politique d'implantation de
soins à domicile pour les personnes âgées.
M. le Président, la politique désastreuse du gouvernement
Bourassa en matière de garderies, nous le savons, a été
élaborée à la suite d'une tournée de consultations
du ministre d'Etat aux Affaires sociales qui ne fut, encore une fois, qu'une
opération publicitaire destinée à neutraliser l'Opposition
et à masquer son absence de politique efficace.
Le ministre dont je viens de parler est en train de faire une autre
tournée, cette fois dans le secteur des personnes âgées.
Nous espérons nous en formulons le souhait que cette
tournée soit moins néfaste que la première parce que si
l'humanisation des politiques sociales dont se targue le Parti libéral
est autre chose qu'une image publicitaire, la situation exige que le
gouvernement fasse porter à la fois ses efforts sur les services aux
personnes âgées et sur les garderies.
Il y a également un autre groupe de bénéficiaires
qui est touché d'une façon particulière, à savoir
les personnes hébergées dans les centres d'accueil. Actuellement,
on laisse aux personnes âgées, dans les centres d'accueil, $50 par
mois, malgré que la pension soit indexée. Lorsque l'indexation
arrive, jusqu'à maintenant, cette indexation profite non pas à la
personne âgée, mais profite au gouvernement via l'institution.
Il faut absolument laisser et cela fait partie de l'humanisation
une part plus grande aux personnes âgées qui jouissent du
maximum du supplément de revenu garanti. D'ailleurs, bien des
recommandations, bien des demandes ont été faites au gouvernement
dans ce sens, et il est surprenant que le gouvernement n'ait pas encore
donné suite aux pressions qui se font de toutes parts concernant la
nécessité que l'indexation serve ou profite non pas aux
institutions, mais profite aux personnes âgées
elles-mêmes.
Il y a, entre autres, des pressions qui ont été faites et
qui deviennent de plus en plus nombreuses, entre autres, par le Pavillon des
Iles, de Sept-Iles, au nom du conseil des résidents. Ces derniers ont
cru bon d'acheminer des suggestions en ce sens, concernant les personnes
âgées, vers le gouvernement et vers le ministère.
Ils ont été plutôt l'objet de certaines menaces, et
pourtant leurs revendications étaient très simples. Lorsqu'on
parle d'humanisation, qu'on parle des personnes âgées, je pense
que leurs revendications se situent non pas au niveau de résoudre leurs
problèmes à eux, puisqu'il s'agit du conseil des
résidents, mais de se rendre un peu plus humains envers les personnes
âgées.
Ils émettaient, entre autres, dans leurs recommandations au
ministère, les considérations suivantes: le principe d'indexation
des salaires est déjà reconnu dans le milieu du travail et il est
inacceptable qu'il ne le soit pas au niveau de l'allocation laissée aux
usagers pour leurs menues dépenses. Ils soumettaient que toutes les
augmentations à venir à titre de sécurité de
vieillesse et de supplément de revenu garanti soient réparties
comme suit: 66.6 p.c. au centre d'accueil et 33.3 p.c. aux
bénéficiaires.
Deuxièmement, ils soumettaient que l'adulte hébergé
et recevant le maximum de la sécurité de la vieillesse et du
supplément de revenu garanti paie, en frais de séjour au centre
d'accueil, 75 p.c. de ces revenus et garde 25 p.c. pour ses menues
dépenses.
Ils recommandaient également que les bénéficiaires
recevant l'aide sociale touchent la
même allocation pour leurs menues dépenses que les autres
hébergés qui reçoivent le maximum de la
sécurité de la vieillesse et du revenu garanti. Ils comprenaient
mal et avec raison, M. le Président, qu'une personne de 65 ans et un
mois soit plus respectable, plus honorable qu'une personne de 64 ans et 11
mois. En ce sens nous ne nous faisons que l'écho de leurs revendications
que nous croyons justifiées et justifiables. D'ailleurs,
déjà, la semaine passée, nous avons eu l'occasion de faire
des recommandations en ce sens au ministre des Affaires sociales, lors de
l'étude des crédits concernant les soins à domicile pour
les personnes âgées.
Il y a eu également, M. le Président, dans le même
sens, des recommandations ou des pressions qui ont été faites par
la Fédération de l'Age d'or du Québec qui suggérait
que tout adulte bénéficiaire, dans un centre d'accueil touchant
la pension fédérale de vieillesse et le maximum du
supplément de revenu garanti, paie, en frais de séjour au susdit
centre, pas plus de 75 p.c. des montants ci-avant prévus et retienne 25
p.c. du solde de ces montants pour ses menues dépenses.
Ils recommandaient que toute personne hébergée
âgée de moins de 65 ans reçoive, pour solder ses
dépenses personnelles, un montant d'allocation égal à
celui que garde pour les mêmes fins toute personne hébergée
recevant la pension fédérale de vieillesse et le
supplément de revenu garanti.
M. le Président, nous avons eu l'occasion déjà de
faire des recommandations en ce sens au ministre des Affaires sociales et nous
ne pouvons que réitérer, en fait, nos demandes en nous basant sur
le principe qu'il faut laisser plus que les $50 aux personnes
âgées. Ce montant ne doit pas être fixe. Et lorsqu'il y a
indexation de la pension, ce qui représente une certaine petite
augmentation, ce n'est pas le gouvernement, via les institutions, qui doit en
profiter, mais les personnes âgées elles-mêmes.
Ces recommandations également ont été
acheminées vers le ministère par le Conseil de l'Age d'or de
l'île de Montréal. Alors, il serait tout à fait inutile de
parler d'humanisation ou d'accessibilité des gens aux services de
santé et aux services sociaux si le gouvernement ne trouvait pas le
moyen déjà, il a tardé à notre humble
opinion de donner suite à ces demandes qui sont faites.
Enfin, le ministre propose de faire des établissements du
réseau et, par conséquent, du personnel qui y travaille le
percepteur de ces fonds. Nous soumettons et nous avons eu l'occasion
d'en discuter lors de la commission parlementaire concernant les
règlements sur les contributions des personnes, des
bénéficiaires des services de santé et des services
sociaux que cette pratique peut nuire à l'aspect professionnel du
travail que le personnel a à exercer au niveau des établissements
et que cela peut nuire également à la qualité des services
qui sont offerts.
Un centre de services sociaux, section comptabilité, sera
identifié au travailleur social qui doit rendre service. Je crois
nous avons eu l'occasion de le soumettre au ministère que c'est
une pratique inacceptable qui ne peut être que mauvaise à la
longue et qu'il faut faire disparaître cette disposition.
Si le ministère veut percevoir des fonds c'est normal
qu'il doive, dans certains cas, en percevoir qu'il le fasse
lui-même. Qu'il ne charge pas les établissements, qui ont un
travail clinique à accomplir, de faire ce travail à la place du
gouvernement. Si on demande aux travailleurs sociaux, autrement dit, de devenir
en même temps des percepteurs du gouvernement, eh bien, on contribuera
à développer chez ces bénéficiaires une mauvaise
perception de ces travailleurs sociaux. Ces derniers, ont à se pencher
sur les problèmes humains des familles qui font appel à leurs
services. Il serait très préjudiciable, à mon sens,
psychologiquement que ces travailleurs sociaux deviennent des percepteurs,
parce que ces travailleurs sociaux sont ceux à qui se confient justement
les familles qui sont dans le besoin ou les bénéficiaires de
services sociaux.
Si ces travailleurs sociaux devaient, avec le temps, prendre les traits
de percepteurs de fonds, eh bien, je crois que la qualité des services
ou, tout au moins, la perception des bénéficiaires seraient
grandement affectées et que ceci contribuerait à diminuer les
relations de confiance qui doivent exister entre le travailleur social, d'une
part, et les bénéficiaires de services sociaux.
Le projet de loi no 41, M. le Président, aborde également
la formation des conseils d'administration des établissements et traite,
entre autres, des droits des usagers. Sur cet aspect de la situation, nous
croyons que le personnel des établissements a les mêmes droits que
les autres citoyens et qu'il est illogique, malgré tous les arguments
qu'a apportés tout à l'heure le ministre des Affaires sociales,
de leur enlever le droit de vote, pour tous les établissements de la
même catégorie que celui où ces personnes travaillent.
S'ils ont reçu des services, à ce moment-là, ils
remplissent les conditions d'un usager et ils ont droit de vote et ce, d'une
façon pleine et entière.
Le ministère devra trouver d'autres arguments que ceux qui ont
été employés, tant au niveau de la commission
parlementaire que ceux qui ont été avancés tout à
l'heure par le ministre des Affaires sociales, pour nous convaincre de la
nécessité de leur enlever le droit de vote.
Nous croyons aussi qu'il doit y avoir nous l'avons soumis
à la commission parlementaire au niveau des usagers au moins une
élection à tous les ans et que cela aurait pour effet de rendre
beaucoup plus intéressantes, beaucoup plus productives toutes les
assemblées annuelles, plutôt que de procéder par une seule
élection à tous les deux ans. Ceci aurait comme
conséquence heureuse que les usagers élus, étant
donné le système de rotation, auraient plus d'expérience
à l'intérieur des représentants des usagers. Il y en
aurait, autrement dit, toujours au moins deux qui assumeraient la
continuité de l'expérience au niveau de la charge qu'ils ont
à occuper.
Le gouvernement, M. le Président, a retenu nos suggestions
concernant la possibilité que la séance annuelle d'information
coincide avec la période électorale de quatre heures mais nous
croyons et nous demeurons convaincus que cela n'est pas suffisant. Concernant
la formation des conseils d'administration des établissements, il est
inacceptable qu'on enlève le droit de vote aux usagers, à ceux
qui ont bénéficié de services et qui, en même temps,
travaillent dans ces institutions.
Le projet de loi 41 reconnaît, d'une façon très
claire, très précise, le directeur des soins infirmiers. Il est
clair, M. le Président, qu'il était important que cette
clarification se fasse, quand on sait le rôle que le personnel infirmier,
soit les infirmiers ou les infirmières, a à jouer à
l'intérieur d'une institution.
Ce sont les personnes qui sont omniprésentes auprès des
malades qui doivent être, en définitive, le premier objet des
affaires sociales, ce sont non seulement des aides, mais des partenaires
nécessaires et indispensables auprès du médecin. Le
personnel infirmier, par sa position intermédiaire entre le malade et le
médecin, est peut-être le plus apte à saisir les
problèmes du fait que les infirmiers et les infirmières peuvent
entendre les deux sons de cloche, celui des médecins et celui des
patients, en plus d'y ajouter leur perception personnelle.
Je crois qu'on peut très bien conclure que les infirmiers et les
infirmières connaissent bien les besoins d'une gestion d'un centre
hospitalier pour en constater les failles tous les jours, ainsi que les
progrès et améliorations lorsqu'il y a lieu.
Il est clair que leur importance n'est pas seulement quantitative,
puisqu'ils représentent souvent jusqu'à 75 p.c. de la
totalité du personnel des centres hospitaliers, mais également
leur importance est qualitative.
M. le Président, je crois et là-dessus le
ministère des Affaires sociales a encore beaucoup de chemin à
parcourir en la nécessité, pour l'administration,
d'utiliser beaucoup plus de potentiel que constituent les infirmiers et les
infirmières dans nos institutions.
Il manquait un système pour canaliser leurs connaissances et
leurs expériences aux hautes instances de décision. La
nécessité se fait de plus en plus présente de les voir
apparaître aux autres paliers de décision, dû au fait de
l'importance de leur rôle.
On peut se demander pourquoi on devrait priver certains paliers
d'administration d'une opinion valable, nécessaire et justifiée,
en mesure d'aider à la bonne marche de la gestion des centres
hospitaliers. Cette présence plus soute- nue, M. le Président, du
personnel représentant les infirmiers et les infirmières au
niveau des instances de décision ne pourra qu'aider et ne pourra que se
solder par des bénéfices tant au niveau des malades qu'au niveau
de la valorisation de cette profession et de ceux qui la pratiquent avec
courage et dévouement.
Nous croyons, M. le Président et le projet de loi n'est
pas suffisamment explicite là-dessus qu'il faut trouver le moyen
de les intégrer davantage au niveau des structures de participation et
au niveau des instances de décision.
Le projet de loi no 41 traite aussi des relations entre les
établissements et les organismes populaires. Nous aurions aimé
nous avons fait valoir au niveau de la commission parlementaire cette
suggestion que le ministère des Affaires sociales profite de ce
projet de loi no 41 pour justement ajouter d'autres précisions et
peut-être d'autres principes régissant les relations entre les
établissements et les organismes populaires. On aurait dû
définir plus clairement les relations qui devraient exister entre les
établissements, particulièrement les CLSC, et les organismes qui
oeuvrent déjà dans le milieu et dont on doit respecter
l'autonomie.
Encore une fois, le ministre, au niveau de la commission parlementaire
nous verrons si ce sera la même chose après l'étude
article par article de ce projet de loi a justifié son refus
d'approuver le contrat de services signé entre les avocats populaires du
Québec et le CLSC de la basse-ville par l'absence de pouvoirs dans la
loi 65.
Il aurait fallu justement profiter de cette loi no 41 pour
prévoir des mécanismes qui n'existaient pas dans la loi no 65,
afin de définir plus clairement les relations entre les
établissements et les organismes populaires et afin de pouvoir donner
suite à des situations comme celles qui se sont présentées
ou de trouver moyen de légaliser des situations qui se sont
présentées comme celle que je viens d'énoncer, à
savoir les revendications des avocates populaires du Québec face
à leur demande d'intégration au CLSC de la basse-ville.
Nous croyons, M. le Président, que ce projet de loi aurait pu
être le temps voulu pour permettre, à certaines conditions, aux
établissements de conclure de telles ententes.
Sans détailler sur ce point, le projet de loi témoigne
également d'une démarche qui est quand même assez curieuse
à cause de certains articles qui ont été ajoutés
à l'occasion de la réimpression du projet de loi no 41 et qui
n'ont été en aucune façon discutés lors de la
commission parlementaire.
Entre autres, je fais référence à l'addition qui a
été faite concernant l'article 7 a) et d'un autre article qui
traite de l'immunité pour ceux qui ont à juger un acte
médical d'un confrère en qualité de membre d'un
comité qui est formé à cet effet. Déjà,
pourtant, on a eu une commission parlementaire où on aurait pu discuter
d'une façon beaucoup plus approfondie de
certains nouveaux articles qui sont ajoutés et qui n'ont pas
été touchés lors de l'étude du projet de loi dans
son texte original. Nous recevons des télégrammes de certaines
corporations qui s'étonnent du fait que le ministère ou le
ministre des Affaires sociales n'ait pas jugé bon d'en discuter lorsque
ces organismes ont été entendus en commission parlementaire.
Ils commencent à faire des revendications dans le sens de
demander encore une fois une commission parlementaire afin qu'ils puissent
exprimer leur opinion sur ces nouveaux articles et, entre autres, sur l'article
7 a) et de cette autre disposition qui traite de l'immunité pour ceux
qui ont à juger un acte médical d'un confrère.
M. le Président, nous ne nous prononcerons pas sur le fond
même de ces nouveaux articles qui ont été ajoutés.
Nous aurons l'occasion de le faire lors de l'étude article par article
de ce projet de loi.
Merci, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Gaspé.
M. FORTIER: Comme il est presque minuit, je demande l'ajournement du
débat.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): II est minuit effectivement.
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la
Chambre à demain, dix heures.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'assemblée ajourne ses
travaux à demain matin, dix heures.
M. BELLEMARE (Johnson): Est-ce que l'honorable leader du gouvernement
pourrait nous dire le menu pour demain?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Nous rouvrons la séance pour
quelques instants. A l'ordre, s'il vous plaît.
M. LEVESQUE: M. le Président, demain nous pourrons, mais pas dans
l'ordre nécessairement, poursuivre l'étude du projet de loi no
41, Loi modifiant la loi sur les services de santé et les services
sociaux.
Nous pourrons également entreprendre l'étude du projet de
loi no 40, Loi de la commission des affaires sociales. Projet de loi no 90, Loi
modifiant la loi de la protection du malade mental. Projet de loi no 77, Loi
modifiant la loi des compagnies de fidéicommis. Projet de loi no 46, Loi
modifiant la loi du ministère de l'Immigration.
M. BELLEMARE: II va être une heure du matin.
M. LEVESQUE: Pardon?
M. BELLEMARE: II va être une heure du matin.
M. LEVESQUE: Et nous pourrons ensuite, de concert, choisir les autres
projets de lois à discuter.
M. le Président, également il est possible que nous
continuions l'étude, en commission pléniè-re, des
crédits quant au budget supplémentaire.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'Assemblée ajourne ses
travaux demain matin à dix heures.
(Fin de la séance à 0 h 2)