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(Dix heures deux minutes)
Suspension des travaux jusqu'à 11
heures
M. GRATTON (vice-président suppléant): A l'ordre,
messieurs! Nous venons de recevoir un appel du président qui est en
cours de route, ainsi que le vice-président. L'autre
vice-président est retenu dans son comté également. Alors,
en vertu de l'article 29, nous suspendons les travaux jusqu'à 11
heures.
M. BURNS: Merci, M. le Président. M. CHARRON: C'est
débattable.
M. MORIN: Est-ce que je peux vous faire remarquer, M. le
Président, que l'Opposition est présente?
LE VICE-PRESIDENT (M. Gratton): Je l'ai remarqué.
(Suspension de la séance à 10 h 3)
Reprise de la séance à 11 h 3
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Je voudrais m'excuser du retard
à l'ouverture de la présente séance. J'en suis le seul
responsable, aidé de la température.
M. BURNS: C'est bien compréhensible, M. le Président.
LE PRESIDENT: Affaires courantes. Dépôt de rapports de
commissions élus.
Rapport sur le projet de loi no 8
M. LECOURS: Pour M. Pagé, Loi modifiant de nouveau la Loi des
tribunaux judiciaires. M. le Président, conformément aux articles
123 et 161 du règlement de l'Assemblée nationale, j'ai l'honneur
de déposer le rapport de la commission parlementaire permanente de la
justice, qui a étudié le projet de loi no 8, intitulé Loi
modifiant de nouveau la loi des tribunaux judiciaires.
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement.
LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. Robert Burns
M. BURNS: J'invoque le règlement, M. le Président, sur ce
rapport qui a été fait par le député de Frontenac,
au nom du député de Portneuf.
Cette commission, M. le Président et c'est ma
prétention a tenu deux séances différentes: une
vendredi, avec suspension à l'heure du souper, et une autre, que je ne
reconnais pas comme régulière, qui a été tenue
samedi matin.
Or, c'est la première fois, M. le Président, que ce
rapport vient devant vous. Donc, je saisis cette occasion pour vous soumettre
le problème.
Si je réfère d'abord, M. le Président, à la
transcription de la séance de l'Assemblée nationale de vendredi,
on voit, à la page R/777, la motion qui a été faite par le
leader du gouvernement, quant à la déférence de ce projet
de loi à la commission de la justice.
Il est clair, M. le Président, que la motion du leader du
gouvernement a été faite en vertu de l'article 150, comme vous
l'avez si bien dit vous-même, à la suite de demandes de directives
de la part du leader du gouvernement et de ma part. M. le Président,
vous avez même été plus clair que cela à la page
R/778, sur le sens de la déférence et sur la façon dont
cette commission
pourrait disposer des travaux qu'on lui confiait.
Je vous cite, M. le Président, à la page R/778 : "Une fois
qu'un mandat est confié à une commission, la commission devient
maîtresse de ses travaux."
Mon opinion, c'est que la commission qui va aller siéger, qui
sortira de cette enceinte tout à l'heure pour aller siéger
ailleurs, a un mandat d'étudier le projet de loi no 8. Elle-même,
étant maîtresse, décidera si elle doit siéger ce
soir, ou demain, ou demain après-midi, sauf dimanche, et on dit que les
règlements de l'Assemblée s'appliquent aux commissions.
J'interprète que les heures de l'Assemblée, que nous avons
adoptées récemment, s'appliquent aux commissions. Le seul moment
c'est toujours vous, M. le Président, qui parlez
"où cette commission ne pourra pas siéger elle pourra
ajourner ses travaux et c'est la commission qui le décidera est
le dimanche, nécessairement, et elle ne pourra pas décider de
siéger, si la Chambre siège demain ou lundi, pendant les affaires
courantes. Elle pourra s'ajourner comme elle le voudra et elle travaillera
comme elle l'entendra."
Or, lors de la première séance du vendredi soir,
lorsqu'est arrivé minuit le ministre de la Justice et là
je me réfère à la transcription de la commission
parlementaire de la justice, ruban no 54, deuxième page a dit:
"Je constate qu'il est minuit. Je propose l'ajournement des travaux de cette
commission à demain matin, dix heures, à la chambre rouge."
J'ai pris la parole sur cette motion du ministre de la Justice, chose
que j'avais le droit de faire en vertu de l'article 157 de notre
règlement. J'essaie de vous résumer ça le plus possible,
M. le Président, pour que vous soyez en mesure de saisir le sens de mon
point de règlement.
On dit, à l'article 157: "En commission plénière,
un député peut proposer de rapporter à l'Assemblée
que la commission n'a pas fini de délibérer et qu'elle demande la
permission de siéger à nouveau. En commission élue, un
député peut proposer que la commission ajourne ses travaux."
Et, au deuxième paragraphe, on lit ce qui suit: "Ces motions sont
mises aux voix, sans amendement, et elles ne peuvent être faites qu'une
fois au cours d'une séance, sauf par un ministre. Elles ne peuvent
être débattues, sauf qu'un représentant de chaque parti
reconnu peut prononcer un discours de dix minutes chacun à leur
sujet."
Donc, c'était en tant que représentant de parti reconnu
que j'ai demandé la parole sur cette motion. Et vous allez voir à
la transcription des délibérations de la commission,
particulièrement aux rubans no 54, deux pages, et no 55, pages 1 et 2,
qu'à aucun moment il n'y a eu de vote de pris sur la motion du ministre
de la Justice.
A aucun moment cette motion n'a été mise aux voix. Vous
verrez très bien, M. le Président, à partir du moment
où le ministre de la Justice a dit: "Je constate qu'il est minuit",
jusqu'à la dernière page où le président a dit: "A
l'ordre, s'il vous plaît, la commission ajourne ses travaux à
demain matin 10 heures," qu'il n'y a eu aucun vote de pris et que cette motion
n'a jamais été adoptée, M. le Président. Le
lendemain matin, je me suis présenté à la commission pour
aviser celle-ci que je considérais qu'elle siégeait de
façon irrégulière parce qu'aucune motion d'ajournement
n'avait été faite. Donc, elle ne pouvait plus siéger selon
les termes que vous nous aviez indiqués l'après-midi,
c'est-à-dire que la commission, une fois formée sur l'ordre de
l'Assemblée nationale, décide ce qu'elle fera. Aucune
décision n'a été prise; à ce moment-là, M.
le Président, c'est l'article 140 qui s'applique et ça prenait un
nouvel avis de convocation ou encore, si la Chambre avait siégé
le lendemain, ça aurait pris un avis de convocation ou un ordre de la
Chambre pour la faire siéger. C'est du moins ma prétention.
M. le Président, simplement un petit argument en passant, sur
lequel j'insiste plus ou moins, mais vous verrez que la décision
si décision il y a, je considère qu'il n'y en a pas qu'a
prise le député de Roberval en tant que président de la
commission a été prise à 0 h 4, c'est-à-dire samedi
matin à 0 h 4. Si on avait suivi à la lettre ce que le
député de Roberval a dit, c'est-à-dire que "la commission
ajourne ses travaux à demain matin 10 heures," il aurait fallu se
présenter à la commission dimanche matin. Remarquez que si on
avait suivi sa suggestion à la lettre, c'est ce que nous aurions
fait.
Maintenant, qu'est-ce qui arrive de cette commission où il n'y a
pas eu d'ordre d'ajournement fait par la commission? Je vous
réfère à notre règlement, à l'article 4, qui
vise les cas non prévus à notre règlement; ce
cas-là, M. le Président, je vous le soumets, n'est pas
prévu à notre règlement. On nous dit : "Dans un cas non
prévu par les règles de procédure ou dans un cas de
divergence d'opinions... Il y a au moins, sinon les deux cas ici, un des deux
cas; en tout cas, en ce qui me concerne, M. le Président, il y a un cas
non prévu par les règles de procédure et il y a divergence
d'opinions sur l'interprétation de la façon de cette commission
de siéger. Alors, qu'est-ce qui arrive? "... le président
c'est-à-dire vous-même décide en tenant compte des
usages de l'Assemblée depuis son origine."
Or, parmi les usages qui existent depuis l'origine de cette
Assemblée, il y a en particulier celui qui est décrit à
l'article 409 de notre ancien règlement que je vous cite, M. le
Président : "Quand un comité n'a pas été
ajourné à une date fixe, il est convoqué par le
secrétaire sur la demande du président ou, à son
défaut, sur la demande de cinq membres de ce comité".
Je vous soumets bien respectueusement que dans le cas de cette
commission, dans le cas visé
par l'article 409, il n'y a pas eu d'ajournement régulier des
travaux. Et si vous voulez, comme appui, M. le Président
ça fait longtemps qu'on ne les a pas cités ces appuis,
étant donné, je le suggère en tout cas, qu'on doive
appliquer l'article 409 je pense qu'Erskine May, dans sa 16e
édition de "Parliamentary practice", peut nous être d'une certaine
utilité et d'une clarté à part de ça, qui, à
mon avis, tranche le cas de façon assez précise.
On voit à la page 622 de la 16e édition les mots suivants:
"A select committee ought to be regularly j'insiste sur le mot
"regularly" adjourned from one sitting till another, but the
reassembling of the committee has sometimes been left to be afterwards arranged
by the Chairman, by whose direction the members are summoned for a future day;
et j'insiste sur les mots qui viennent, M. le Président
but this practice, not being regular, can only be resorted to for the
convenience of the members and with their general concurrence." Avec le
consentement général des députés, M. le
Président. Si le président d'une commission décide
d'ajourner à une autre date, comme il l'a fait, il faut qu'il ait le
consentement général des députés. C'est ce que dit
Erskine May dans sa 16e édition, page 622, qui est d'ailleurs identique
à la Ile édition aux pages 413 et 414 toujours de Erskine
May.
Alors je soumets bien respectueusement, M. le Président, que le
rapport qui est fait ce matin, puisqu'il comporte un rapport d'une
séance que je considère comme irrégulière est
lui-même irrégulier. Et je pense, M. le Président, que vous
ne pouvez pas accepter que ce rapport soit déposé. Je pense qu'il
est nécessaire, de toute façon il sera nécessaire, c'est
pour ça que je vous en saisis, que vous tranchiez le problème
vous-même, à savoir, si cette commission a siégé
régulièrement, en toute légalité, si vous voulez,
samedi matin. Et je vous soumets qu'avec les autorités que je vous ai
présentées, il y a une seule conclusion possible, M. le
Président: cette commission n'a pas légalement
siégé samedi matin. Tout au plus, comme j'ai dit aux gens qui
étaient présents, il s'agissait d'un caucus du Parti
libéral auprès duquel je me suis excusé d'intervenir.
Je pense que cette commission-là n'avait pas d'autorité
normale pour siéger. Elle aurait dû le décider avant
minuit, M. le Président, parce que, comme vous le savez, toute
procédure, tout élément de procédure fait
après minuit n'existe pas. La Chambre s'ajourne elle-même à
compter de minuit et elle n'a pas besoin d'ordre pour revenir le lendemain,
pour une raison bien simple, c'est que, si elle s'ajourne le mardi soir
à minuit, le leader du gouvernement peut tout simplement dire: II est
minuit, la Chambre s'ajourne. Là, c'est notre règlement qui nous
dit: Demain à 10 heures. Mais cela ne s'applique pas aux commissions. Je
tente peut-être de précéder un de vos arguments, mais une
commission, c'est l'inverse de la Chambre. La
Chambre, il est anormal qu'elle ne siège pas, mais une
commission, c'est anormal qu'elle siège. C'est toute l'économie
de notre règlement qui nous dit cela. Pour qu'elle siège, elle a
besoin soit d'un ordre de la Chambre, soit d'une convocation en vertu de
l'article 140 ou soit de convocations qu'elle se donne elle-même, une
fois qu'elle siège régulièrement.
Or, aucun de ces éléments-là, M. le
Président, n'était présent dans la procédure pour
permettre à la commission de siéger régulièrement
samedi matin. Alors, je pense que le rapport qui nous a été
soumis doit être mis de côté, que la commission doit
reprendre ses travaux quant à la deuxième séance où
on a adopté, en une trentaine de secondes, les dix articles du projet de
loi. Je pense que cela prendra à nouveau un ordre de la Chambre pour que
cette commission-là termine ses travaux, auquel cas, M. le
Président, nous serons prêts à siéger à cette
commission-là, puisqu'alors elle siégera de façon normale,
de façon régulière.
M. Gérard-D. Levesque
M. LEVESQUE: M. le Président, le député de
Maisonneuve semble avoir oublié certains points importants de notre
règlement. Lorsqu'il parle en particulier des règles qui doivent
nous guider sur la question de l'ajournement, il devrait d'abord se
référer à l'article 163 qui indique bien "qu'à
moins de dispositions contraires, les règles relatives à
l'Assemblée s'appliquent aux commissions". Or, M. le Président,
à diverses reprises, vous nous avez indiqué, lorsqu'on arrivait
au moment de l'ajournement, que nous n'avions même pas à faire de
motion, parce que les travaux s'ajournaient normalement, sans même de
motion, aux heures indiquées par le règlement, pour le jour
suivant. Ainsi, M. le Président, nous avons eu cette habitude qui est
basée sur nos règlements; lorsque nous ne voulions pas
siéger à la prochaine séance indiquée par le
règlement, nous disions: Ajourné sine die. Ce n'était pas
le cas, vendredi soir.
Si, par contre, le ministre de la Justice avait eu l'intention de faire
siéger la commission le lendemain, mais à une heure
différente, au lieu de dix heures du matin, par exemple, à trois
heures de l'après-midi, à ce moment, parce qu'il y avait cette
dérogation, le ministre aurait sans doute fait cette motion quelques
minutes auparavant, parce que étant donné que c'était une
dérogation, tel que nous comprenons le règlement, M. le
Président, je le soumets respectueusement, il y avait
nécessité de permettre à l'Opposition d'avoir ses dix
minutes pour discuter de l'à-propos de modifier les heures. Et ainsi, si
le ministre de la Justice avait voulu proposer l'ajournement pour trois heures
de l'après-midi, samedi, il devait le faire dans un délai qui
permette à l'Opposition d'utiliser les dix minutes qui sont permises
à un parti
reconnu pour parler sur cette motion d'ajournement.
Dans ce cas-ci, M. le Président, il était clair, de l'avis
de tout le monde, de tous les participants, qu'on siégeait le lendemain
matin à dix heures. C'était tellement clair qu'à diverses
reprises les membres de l'Opposition ont parlé de ce qui allait se
passer le lendemain matin, à dix heures. Si vous vous
référez aux notes de cette soirée mémorable, on
verra que le chef parlementaire de l'Opposition, à maintes reprises, a
parlé de ce qu'il ferait le lendemain dans la matinée. Il
revenait régulièrement en disant: Demain matin, si je pose la
même question ou je formule la même motion, etc., qu'est-ce que
nous allons faire?
M. le Président, dans l'esprit de tous, dans le désir
exprimé par l'Opposition, il y avait cette certitude, cette assurance
qu'on avait à siéger le lendemain matin, à dix heures. En
plus de cela, M. le Président, sachant qu'on assistait à un
"filibuster" et qu'on emploierait toute la procé-durite possible, vous
vous rappelez que j'ai insisté, avant l'ajournement de la Chambre et
avant justement que la commission ne soit convoquée au Salon rouge, pour
préciser par une motion formelle que la commission siège vendredi
jusqu'à minuit, toute la journée, samedi, de dix heures de la
matinée à minuit et également, si nécessaire, lundi
de dix heures à minuit.
Vous m'avez dit, M. le Président: Bon, ce n'est pas
nécessaire de faire tout ça. Il s'agit de faire un avis et la
commission étant maîtresse de ses destinées, pourra faire
ce que vous avez l'intention qu'on fasse. C'est exactement ce que la commission
a fait. Si la commission avait décidé de ne pas siéger
selon les heures régulières, à ce moment-là, il
aurait fallu faire, comme je l'ai mentionné il y a quelques instants,
une motion permettant, à cause de cette dérogation, à
l'Opposition de s'exprimer pendant les dix minutes prévues par le
règlement.
Alors, je crois que nous avons ici un cas très clair,
exprimé non seulement en vertu des règlements, mais
exprimé également par l'Opposition elle-même. C'est
tellement clair que le leader parlementaire de l'Opposition était
là également, le lendemain matin, à dix heures. Il ne
vient jamais au caucus libéral, M. le Président. Il était
là à dix heures de la matinée, à cette
réunion. Il n'a pas voulu s'asseoir à table.
M. CHOQUETTE: Oui, il s'est assis.
M. LEVESQUE: II s'est assis à la table aussi? Ah bon! Alors, M.
le Président, vous voyez que non seulement le règlement
prévoit que la commission doit siéger le lendemain, à dix
heures, lorsqu'il n'y a pas un ajournement sine die et lorsqu'il n'y a pas
dérogation aux heures ordinaires, mais, en plus de ça, vous avez
vu la connaissance, à tout moment, de la part de l'Opposition, d'un
désir commun à la commission de siéger. C'était
exactement le désir de la Chambre, tel que je l'avais exprimé,
par surcroît de prudence, connaissant les intentions véritables de
ceux qui veulent faire de l'obstruction systématique.
LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez des arguments nouveaux?
M. MORIN: J'invoque le règlement.
LE PRESIDENT: Parce que je suis pas mal éclairé,
actuellement...
M. MORIN: J'invoque le règlement. LE PRESIDENT: ...des deux
côtés.
M. BURNS: Sur ce que le leader vient de dire.
M. Jacques-Yvan Morin
M. MORIN: Sur ce que le leader vient de dire. M. le Président, le
leader du gouvernement a invoqué l'article 163 du règlement qui
dit: "A moins de dispositions contraires, les règles relatives à
l'Assemblée s'appliquent aux commissions." Or, justement, il existe des
dispositions contraires. J'attire votre attention sur l'article 157 qui dit
bien: En commission, "un député peut proposer de rapporter
à l'Assemblée que la commission n'a pas fini de
délibérer et qu'elle demande la permission de siéger
à nouveau. En commission élue, un député peut
proposer que la commission ajourne ses travaux." Si nous avions voulu, par
exemple, obtenir que la commission siège, le lendemain, à onze
heures plutôt qu'à dix heures, il nous eût fallu, justement,
passer par l'article 157. Je sais bien qu'on m'a fait dire, tout à
l'heure, que nous allions siéger le lendemain matin, mais nous l'avons
fait, tenant pour acquis qu'il y aurait un ajournement en bonne et due forme.
Or, ce n'est pas ce qui s'est produit.
On nous fait dire et on nous a dit, ce soir-là, que nous faisions
de la stratégie. Mais, naturellement, que nous faisions de la
stratégie. Ce n'est pas parce que le gouvernement a commis une erreur
que nous pouvons l'effacer du revers de la main, ce matin. Nous faisions de la
stratégie. Pourquoi? Parce que, dans cette Chambre, à 6 contre
102, nous pouvons invoquer deux choses.
DES VOIX: A l'ordre!
M. MORIN: M. le Président, c'est une question de
règlement. Nous pouvons invoquer le règlement et,
deuxièmement, nous pouvons invoquer votre impartialité. Ce sont
les deux seuls moyens que nous avons d'être protégés.
M. le Président, le ministre de la Justice nous a dit, au dernier
moment: J'aurais pu faire cette motion à dix heures.
M. CHOQUETTE : Je n'ai jamais dit cela. M. BURNS: Oui.
M. MORIN: C'est dans la transcription. M. CHOQUETTE : Je n'ai jamais dit
cela.
M. MORIN: M. le Président, c'est dans la transcription.
M. BURNS: C'est inscrit "une voix" mais c'est le ministre de la Justice
qui l'a dit, M. le Président.
DES VOIX: Ah! Ah!
M. BURNS: Ecoutez, j'étais là, M. le Président.
M. CHOQUETTE: Farceur!
M. BURNS: Oui, farceur, j'étais juste à
côté!
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
M. MORIN: M. le Président, le ministre de la Justice ne peut pas
nous mentir comme cela. J'ai entendu, M. le Président.
M. TETLEY: Les grands démocrates! M. CHOQUETTE: Joker!
M. TETLEY: Les grands démocrates! La démocratie
britannique!
M. MORIN: M. le Président, j'ai entendu.
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. MORIN: C'est pertinent au débat.
UNE VOIX: Vous voulez dire que c'est dans le journal des
Débats.
M. MORIN: J'ai entendu le ministre de la Justice dire: J'aurais pu faire
cette motion à dix heures. Il aurait pu, M. le Président. Mais
que faisait-il, à dix heures et après? Il dormait, M. le
Président.
LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! Je suis assez
éclairé.
M. MORIN: M. le Président...
LE PRESIDENT: Ecoutez, revenez vraiment à la question de
règlement. Autrement, je suis prêt à rendre ma
décision. Je ne voudrais pas susciter...
M. MORIN: D'accord.
LE PRESIDENT: C'est une question de règlement, ce n'est pas un
débat.
M. MORIN: Je conclus, M. le Président. M. TETLEY: Le grand
démocrate! LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. MORIN: Je conclus. Je ne doute pas que le ministre de la Justice
eût pu faire cette motion d'ajournement auparavant. Il eût pu la
faire à dix heures, à dix heures et demie, à onze heures
et demie. Il était sûr, à ce moment-là, qu'il y
aurait eu un vote sur la motion. Mais il ne l'a pas fait. Il roupillait. C'est
cela, la vérité, M. le Président.
M. CHOQUETTE: Parce que vous étiez tellement ennuyeux et
répétitifs.
M. MORIN: Oui, c'est justement. M. le Président, cela faisait
partie de notre stratégie, pour être clair.
DES VOIX: Ah! Ah!
M. MORIN: Oui! Et, M. le Président, le...
M. TETLEY: C'est votre stratégie d'être plats!
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
M. MORIN: M. le Président, nous étions soporifiques.
M. TETLEY: Vous êtes plats!
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. MORIN: Le ministre de la Justice souriait aux anges, M. le
Président.
M. TETLEY: Vous êtes toujours plats!
LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs!
M. HARDY: Vous n'avez pas à vous forcer pour l'être!
M. TETLEY: Vous l'êtes toujours et vous l'étiez
toujours!
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. MORIN: M. le Président, le ministre de la Justice, de son joli
visage rubicond, souriait aux anges. Alors qu'il eût dû faire sa
motion, il ne l'a pas fait. M. le Président, j'en appelle à votre
impartialité. C'est une question qui nous paraît fondamentale.
Merci.
M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE: M. le Président, je ne voudrais pas allonger le
débat sur les interventions qui viennent d'être faites mais je
dois quand même faire quelques corrections. Les mots ont encore un sens.
Je voudrais donner trois citations qui émanent du chef de l'Opposition,
à cette fameuse séance de vendredi soir.
A 23 heures 55, je lis ceci: "M. Morin: C'est parce que ça va se
présenter encore demain matin".
Plus tard, à la deuxième page, à 23 heures 55, on
lit: "M. Morin: Alors, si bien que, demain matin, si les deux
députés se présentent, vous serez en mesure..."
M. MORIN: Ce n'est pas une motion, cela.
M. CHOQUETTE: Un instant, M. le Président. Je n'ai pas interrompu
le chef de l'Opposition.
Plus tard, à 23 heures 58, avant que je constate qu'il
était minuit: "M. Morin: Est-ce que, demain matin, par exemple, je
pourrais faire une motion à l'effet que tel, tel, tel
députés qui sont à la table et qui ne sont pas membres de
la commission puissent siéger à la commission pour toutes les
séances subséquentes au cours de la présente session?
"
M. LEGER: C'est une question hypothétique!
M. CHOQUETTE: M. le Président, de la bouche même du chef de
l'Opposition, nous devions siéger le lendemain matin.
M. LEGER: C'est une question hypothétique, cela.
M. CHOQUETTE: Je pense, M. le Président, que les mots ont encore
un sens pour nous, de ce côté-ci de la Chambre et notre parole a
encore un sens.
Peut-être qu'elle a perdu tout sens pour les membres du Parti
québécois, et c'est la raison pour laquelle je conclus que
l'ajournement déclaré par le député de Roberval a
été parfaitement légal.
UNE VOIX: Unilatéral. M. MORIN: M. le Président... M.
BURNS: Aucune adoption. M. MORIN: M. le Président...
LE PRESIDENT: Vous avez déjà parlé une fois sur
cette question de règlement.
M. MORIN: Oui, mais le ministre a fait des citations.
LE PRESIDENT: Avez-vous une question de privilège?
M. MORIN: Oui, c'est une question de privilège.
M. BURNS: En vertu de l'article 96.
M. MORIN: Oui, c'est une question de privilège. Je veux rappeler
au ministre de la Justice que tout ce qu'il a lu et je pourrais moi
aussi lire des extraits, j'en ai quelques-uns, là ce
n'était pas une motion. Et notre stratégie consistait
précisément à retarder sa motion, c'est bien clair.
UNE VOIX: Ah!
M. SAINT-PIERRE: Moins trois minutes.
M. MORIN: II ne l'a pas vue.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. MORIN: Je voudrais, à mon tour, vous citer deux extraits du
débat...
LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. MORIN: Bien, je crois que c'est "pertinent.
LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. Le règlement dit
également qu'un député a le droit de parler une seule fois
sur une question, à moins de rétablir des faits, qu'on l'ait mal
interprété ou que ce soit une question de privilège, ou
à moins qu'il y ait consentement unanime.
M. MORIN: Alors, en une phrase...
M. SAINT-PIERRE: Non, pas de consentement.
DES VOIX: Non. Non. Règlement! M. MORIN: Le ministre...
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
M. MORIN: Le ministre de la Justice essaie de me faire dire que je
savais ou que je tenais pour acquis que la séance aurait lieu le
lendemain matin à dix heures.
Mais ce qui est la vérité...
UNE VOIX: C'est notre stratégie.
M. MORIN: ... c'est que si j'en ai parlé, c'était dans
l'hypothèse où il y aurait un ajournement valide, lequel n'a pas
eu lieu.
M. SAINT-PIERRE: Menteur!
M. CHOQUETTE: Fourbe!
Décision de M. le Président
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! J'ai écouté les
argumentations, je dirais en droit, de l'honorable député de
Maisonneuve, du leader parlementaire du gouvernement, du chef de l'Opposition
et du ministre de la Justice.
Je vais peut-être vous décevoir vous tous, parce qu'il est
bien reconnu j'aurai des remarques tout à l'heure pour vous
également ... Je vais peut-être décevoir les deux
côtés, parce que notre règlement actuel, l'ancien
règlement, les auteurs de droit parlementaire et tout, défendent
et ça, je pense bien que c'est reconnu au président
de la Chambre de siéger en appel sur ce qui se passe en commission.
C'était précis dans notre ancien règlement, il n'y
avait aucun appel et ça c'est reconnu dans notre droit
parlementaire depuis toujours au président de la Chambre de
quelque décision que ce soit qui est prise en commission. Et je me
refuse à considérer l'argumentation autant de la gauche que de la
droite. Même si je le voulais, je n'ai aucun pouvoir de
reconsidérer en appel ce qui s'est fait, des décisions, bonnes ou
mauvaises, qui ont été prises en commission. Et je pense bien que
je n'ai pas d'auteur à vous citer.
Et même si le leader parlementaire de l'Opposition avait raison
à 300 p.c, je n'ai aucun pouvoir pour renverser ce qui s'est
passé en commission. A la limite, si notre règlement le
prévoyait, comme l'ancien, qui prévoyait uniquement un appel
à la Chambre, et je pense qu'on se rappelle bien de tout
ça si on voulait faire un appel de ce qui s'était
passé en commission d'une décision, le président faisait
rapport au président de la Chambre, prenait le fauteuil et soumettait
l'appel à la Chambre.
Si notre règlement actuel le permettait, le plus loin où
je pourrais aller, ce serait de soumettre cette question à la Chambre
ici.
Mais notre règlement actuel ne le prévoit pas. C'est la
raison pour laquelle il n'y a rien qui me permet de considérer ce qui
s'est passé à la commission et je n'ai pas l'intention de le
faire, et rien dans le règlement,m'oblige, m'habilite à refuser
le dépôt le dépôt, je dis bien du
rapport. Je crois que la procédure devra suivre son cours; la Chambre,
étant souveraine, reconsidérera le rapport et la procédure
suivra son cours.
M. BURNS: M. le Président, vous êtes saisi d'un rapport,
c'est ça qui est la base de notre...
LE PRESIDENT: Ce n'est pas moi; c'est la Chambre, monsieur.
M. BURNS: C'est la Chambre, oui, mais... LE PRESIDENT: C'est la
Chambre.
M. BURNS: ... M. le Président, je n'ai pas à vous rappeler
vos obligations en vertu de l'article 10.
LE PRESIDENT: Ecoutez, ma décision est rendue.
M. BURNS: Vous exercez tous les pouvoirs en Chambre, M. le
Président.
LE PRESIDENT: A l'ordre! ... A l'ordre, s'il vous plaît! ...
Ecoutez, je ne voudrais pas avoir une discussion avec vous; voyons, vous le
savez! Retournez chez les auteurs dans l'ancien règlement, dans May ou
n'importe lequel; je vous dis que c'est ce qui s'applique, écoutez! ...
A l'ordre, messieurs ! Bon !
M. BURNS: C'est votre devoir de le refuser, M. le
Président...
LE PRESIDENT: Je n'ai aucun pouvoir.
M. BURNS: ... si vous pensez qu'il est irrégulier.
UNE VOIX: A l'ordre!
M. BURNS: M. le Président, à l'article 10...
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BURNS: ... on dit que le président "préside les
séances".
LE PRESIDENT: A l'ordre! ... A l'ordre! ... A l'ordre!
M. BURNS: On vous demande simplement une chose, M. le Président.
Si on ne peut plus compter sur vous pour nous sortir du trou...
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BURNS: ... quand on l'est, je ne vois pas du tout sur qui on va
pouvoir...
LE PRESIDENT: A l'ordre! ... A l'ordre, s'il vous plaît!
Dépôt de rapports du greffier en loi...
M. MORIN: M. le Président, j'ai une directive à vous
demander.
LE PRESIDENT: ... sur les projets de loi privés. A l'ordre!
M, MORIN: J'ai une directive à vous demander.
LE PRESIDENT: A l'ordre! Nous allons finir les affaires courantes et
vous me demanderez les directives aux affaires du jour. A l'ordre!
M. MORIN: Cette directive est reliée à ce que vous venez
de décider.
LE PRESIDENT: A l'ordre! Je n'ai pas de directive à donner; j'ai
rendu ma décision. Bon, c'est assez précis.
M. MORIN: II en découle, pour nous de l'Opposition, un certain
nombre de conséquences ...
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
M. MORIN: ... M. le Président. J'ai une directive. J'insiste, M.
le Président.
LE PRESIDENT: A l'ordre! ... A l'ordre! ... A l'ordre! ... A l'ordre!
... A l'ordre! ...A l'ordre! ... A l'ordre! ... A l'ordre! ... A l'ordre! ... A
l'ordre, messieurs! Je vous demanderais de vous asseoir, s'il vous plaît!
Bon. ... A l'ordre!
Rapport sur des projets de loi privés
M. LEVESQUE: M. le Président, aux membres de l'Assemblée
nationale du Québec, rapport du greffier en loi de l'Assemblée
nationale: J'ai examiné, suivant les règles de pratique, les
projets de loi 111, Loi fusionnant Prêt et revenu limitée et
Fiducie, prêt et revenu; 170, Loi modifiant la loi refondant la charte de
la Commission des écoles catholiques de Québec, et, dans chaque
cas, les avis qui ont été publiés sont réguliers et
suffisants, et les projets conformes aux avis.
LE PRESIDENT:
Présentation de motions non annoncées.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
M. LEVESQUE: Article a).
Projet de loi no 9 Première lecture
LE PRESIDENT: L'honorable leader parlementaire du gouvernement, pour
l'honorable ministre des Transports, propose la première lecture de la
Loi modifiant le code de la route.
M. LEVESQUE: M. le Président, ce projet fait disparaître
l'amende de $0.05 par livre imposable lorsque la charge par essieu d'un
véhicule automobile dépasse celle fixée par le
gouvernement et impose une amende de $5 par 100 livres excédant le poids
total en charge fixée, en plus de l'amende de $100 déjà
prévue.
Dans les cas où une personne pourrait être condamnée
à la fois pour surcharge à l'essieu et pour surcharge totale,
elle ne peut être condamnée que pour cette dernière
infraction. Il y a là des modalités sur l'application de la loi.
Le projet fait également disparaître l'obligation qui incombe
présentement au propriétaire d'un véhicule automobile de
prouver qu'il n'était pas au volant du véhicule lorsqu'une
infraction à certaines règles concernant la circulation a
été commise, notamment en matière d'excès de
vitesse. Il sera désormais requis que le conducteur soit
identifié.
La même règle s'appliquera dans le cas de règlements
municipaux.
LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle
adoptée?
UNE VOIX: Adopté.
LE PRESIDENT: Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
à une séance subséquente.
M. LEVESQUE: Article b).
Projet de loi no 22
Première
lecture
LE PRESIDENT: Le ministre des Affaires municipales propose la
première lecture de la Loi concernant la Communauté urbaine de
Montréal.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, l'article 1 de ce projet de loi
dispense le trésorier de la Communauté urbaine de Montréal
de cotiser les municipalités membres pour le paiement des
dépenses prévues au budget supplémentaire 1972 du Conseil
de sécurité, ces dépenses ayant été
couvertes en majeure partie par une subvention du gouvernement.
L'article 2 valide les répartitions faites en 1972 et 1973 des
dépenses payables par les municipalités sur la base de
l'évaluation foncière.
L'article 3 déclare inapplicable à la Communauté
urbaine de Montréal deux alinéas de l'article 118 de la Loi sur
l'évaluation foncière.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
à une séance subséquente.
M. LEVESQUE: M. le Président, j'ai déjà remis
à l'Opposition les galées de certains projets de loi qui
apparaissent en avis ce matin. Afin que les autres députés
puissent en avoir une copie, je demande le consentement de la Chambre pour le
projet de loi au nom de M. Goldbloom en appendice, ainsi que pour le projet de
loi au nom de M. Choquette. Il y aurait deux autres projets de loi que nous
pourrions également distribuer au nom de MM. Desjardins et Houde.
M. LEGER: M. le Président, est-ce que le leader veut dire que ce
sont des projets qui ne sont pas inscrits et qui devraient être les
articles e) et f)? Est-ce que c'est ce que vous voulez dire?
M. LEVESQUE: Non. Est-ce que le député parle des articles
c) et d)? Ceux-ci seront déposés demain, mais ils ne sont que
pour déférence à une commission parlementaire; c'est pour
ça que ça presse un peu moins de les déposer.
LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement pour les projets de loi qui
apparaissent en appendice?
UNE VOIX: D'accord.
Projet de loi no 19 Première lecture
LE PRESIDENT: Le ministre des Affaires municipales propose la
première lecture de la Loi concernant Place du centre à Hull.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, l'article 1 de ce projet de loi
autorise la ville de Hull à participer financièrement
jusqu'à concurrence de $1,500,000 à la construction et à
l'exploitation d'un centre de congrès. La ville ne pourra toutefois
s'engager, pour un montant excédant le montant annuel des taxes
foncières générales, à participer au déficit
d'exploitation du centre.
L'article 2 autorise la ville à conclure une entente pour la
gestion et l'exploitation des parcs de stationnement devant desservir Place du
centre. La ville ne pourra par cette entente s'engager pour au-delà de
ce qu'elle a prévu par sa résolution 73,324 et elle ne pourra
pour plus de six ans assumer le déficit d'exploitation de ces parcs de
stationnement.
L'article 3 autorise lavillede Hull à constituer une commission
à qui elle pourra déléguer son pouvoir de gestion et
d'exploitation des parcs de stationnement de Place du centre.
LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle
adoptée? Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
Projet de loi no 26 Première lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la
première lecture de la Loi concernant l'enregistrement de certains
actes.
M. CHOQUETTE: M. le Président, ce projet vise les divisions
d'enregistrement de Trois-Rivières et de Champlain. Il propose qu'aucun
acte qui a été enregistré dans le passé entre la
date du dépôt au bureau d'enregistrement d'un plan et livre de
renvoi concernant des subdivisions, lesquelles ont été faites
autrement que conformément à l'article 2175 du code civil,et la
date de l'émission d'une proclamation du lieutenant-gouverneur en
conseil relative au renouvellement d'hypothèques ne soit invalidé
du fait que l'immeuble qui a fait l'objet de cet acte et qui apparaît sur
ce plan et livre de renvoi est désigné sous le numéro qui
lui était donné sur le plan et livre de renvoi
précédant ce dépôt.
LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle
adoptée? Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
Projet de loi no 111 Première lecture
LE PRESIDENT: L'honorable député du comté de
Louis-Hébert propose la première lecture de la Loi fusionnant
Prêt et Revenu Ltée et Fiducie Prêt et Revenu.
M. DESJARDINS: M. le Président, il s'agit d'un projet de loi
privé qui n'est habituellement pas accompagné de notes
explicatives. L'explication est contenue dans son préambule. C'est une
fusion de deux compagnies pour améliorer l'efficacité pour les
administrés de ces compagnies-là.
LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle
adoptée? Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
LE PRESIDENT: Est-ce qu'il est déféré après
la deuxième lecture?
M. LEVESQUE: Après la deuxième.
LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M. LEVESQUE: II n'y a pas d'objection si l'Opposition veut qu'il soit
déféré à la commission des institutions
financières avant la deuxième lecture, si elle veut en prendre
connaissance.
M. BURNS: Le dernier projet de loi? M. LEVESQUE: Oui. M. BURNS: Libre
à vous.
LE PRESIDENT: Si vous voulez entendre les parties. Je ne sais pas.
M. BURNS: Ce ne serait peut-être pas mauvais. C'est un projet de
loi à caractère privé.
M. LEVESQUE: On l'avait fait quelquefois l'an dernier afin de ne pas
voter le principe avant d'entendre les parties.
M. BURNS: Faites-le donc ainsi.
Projet de loi déféré à la
commission
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi
soit déféré à la commission parlementaire des
institutions financières, compagnies et coopératives.
LE PRESIDENT: Après la première lecture?
M. LEVESQUE: Oui. Mais sans qu'on soit soumis aux règles de
procédure applicables à la première lecture.
LE PRESIDENT: Et des avis dans la Gazette. Vous êtes d'accord?
Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
Projet de loi no 170 Première lecture
LE PRESIDENT: L'honorable député de Limoilou propose la
première lecture de la Loi modifiant la loi refondant la charte de la
Commission des écoles catholiques de Québec.
M. HOUDE (Limoilou): M. le Président, à l'article 1 de ce
projet de loi l'article 29 de la Loi refondant la charte de la Commission des
écoles catholiques de Québec, 1963, première session,
chapitre 68 modifié par l'article 118, chapitre 67, des lois de 1971,
est à nouveau modifié en remplacement...
LE PRESIDENT: Je crois qu'il pourrait y avoir dispense si tout le monde
est d'accord.
M. BURNS: II était bien parti.
LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle
adoptée? Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
Projet de loi déféré à la
commission
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi
soit déféré à la commission parlementaire des
affaires municipales.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. LEGER: Quelle loi?
LE PRESIDENT: Refondant la charte de la Commission des
écoles...
M. BURNS: Celle de la Commission des écoles catholiques de
Québec?
M. LEVESQUE: Le ministre de l'Education m'indique que ça peut
être à la commission des affaires municipales ou à la
commission de l'éducation, indifféremment; alors si l'Opposition
préfère que ce soit à l'éducation, nous n'avons pas
d'objection. Il s'agit simplement d'une disposition. Avant le 1er juin de
chaque année, chacune des commissions scolaires précitées
doit informer la ville de Québec du taux de la taxe imposée sur
les propriétés inscrites sur les listes nos 1, 2 et 3. Il me
semble que c'est plus aux Affaires municipales que ce devra être
fait.
M. BOURASSA: C'est l'Opposition qui décide.
M. BURNS: Ah! Ah! Ah!
Aux affaires municipales, s'il vous plaît.
LE PRESIDENT: A la commission permanente des affaires municipales.
Cette motion est-elle adoptée?
Adopté, avec la dispense d'avis et les règles de
pratique.
M. LEVESQUE: Avec la dispense, oui. M. BURNS: D'accord.
LE PRESIDENT: Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents.
DEPOT DE DOCUMENTS
Affaires culturelles
M. HARDY: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le
rapport annuel du ministère des Affaires culturelles pour l'année
1972-1973.
Société de développement
industriel du Québec
M. SAINT-PIERRE: Je dépose le rapport annuel de la
Société de développement industriel du Québec pour
l'exercice terminé le 31 mars 1973.
Situation économique du Québec en
1973
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, il me fait plaisir de
déposer, pour la gouverne des députés de cette Chambre,
certaines notes touchant l'évolution de la situation économique
au Québec, durant l'année 1973.
LE PRESIDENT:
Questions orales des députés.
L'honorable chef de l'Opposition officielle.
QUESTIONS DES DEPUTES
Obligations du Québec dans les autres
provinces
M. MORIN: M. le Président, c'est une question destinée au
ministre des Finances. Jeudi dernier, lors d'un déjeuner causerie, le
ministre a déclaré qu'il y a peu sinon aucun avantage, pour le
Québec, de faire partie de la Confédération pour ce qui
est de l'écoulement de ses titres financiers. Suite à une
étude parue dans la Presse, le ministre peut-il maintenant confirmer que
la quasi totalité du milliard et demi, en réalité $1.4
milliard, d'obligations émises par le gouvernement ou
l'Hydro-Québec sur le marché canadien, entre 1966 et 1972, a
été boycottée par les institutions canadiennes de Toronto,
puisqu'on en retrouve l'équivalent dans les portefeuilles d'institutions
purement québécoises, la grande majorité de ces titres
étant détenue par trois institutions parapubliques,
nommément la Caisse de dépôt, la Caisse de retraite de
l'Hydro-Québec et la Commission des accidents du travail, ainsi que par
des institutions coopératives?
M. BOURASSA: M. le Président, le ministre sera ici dans quelques
minutes, on pourra lui transmettre la question parce que le chef de
l'Opposition pose une question demandant des vérifications assez
précises afin que le ministre puisse répondre aujourd'hui
ou demain. Il était ici, il y a quelques minutes.
M. BURNS: Alors quand il reviendra.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des
Affaires municipales qui était ici, il y a quelques secondes. Il avait
des dossiers en main, est-ce qu'il est disparu?
M. BURNS : Les ministres fuient les questions. Les ministres
s'esquivent.
Ventes pyramidales
M. LEGER: M. le Président, il y en a un qui est toujours
présent, je vais lui en poser une, c'est le ministre des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives chargé de la
protection du consommateur. Je lui ai demandé, la semaine
dernière, s'il était pour se servir de la Loi de la protection du
consommateur, qui permettait justement d'arrêter le fonctionnement d'une
compagnie qui se sert de méthodes de ventes pyramidales, plutôt
que de se servir du code criminel. Il est passé à
côté de la question et il ne m'a pas répondu.
Dernièrement, on s'est aperçu qu'à Trois-Rivières,
c'est la même chose. Je lui avais posé la question pour
Sherbrooke, maintenant c'est rendu à Trois-Rivières. Est-ce que
le ministre veut me répondre directement et me dire s'il a l'intention
de se servir de la Loi de la protection du consommateur plutôt que du
code criminel pour faire arrêter, pendant que la cause est en attente, le
fonctionnement de cette compagnie?
M. TETLEY: La réponse est oui. Depuis votre dernière
question, j'ai demandé à l'avocat de s'en occuper de cette
manière.
M. LEGER: Une question supplémentaire, M. le Président.
Est-ce que cela veut dire qu'actuellement Holiday Magic ne peut plus faire de
ventes pyramidales?
M. TETLEY: II faut prendre des procédures et il faut que les
juges en question rendent jugement dans le sens que vous voulez.
M. LEGER: Question supplémentaire, M. le Président. Est-ce
que le ministre est d'avis que la Loi de la protection du consommateur lui
donne le droit, pendant que les juges prennent préavis, d'arrêter
tout fonctionnement?
M. TETLEY: C'est une question d'opinion, mais je suis de cet avis
moi-même. Cela dépend.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
Espionnage gouvernemental
M. SAMSON: M. le Président, ma question s'adresse à
l'honorable premier ministre. Selon un article paru dans les journaux en fin de
semaine, il paraîtrait que le Québec possède maintenant son
agence d'espionnage gouvernementale. Est-ce que le premier ministre peut nous
dire si cette nouvelle, parue dans les journaux, est bel et bien fondée?
Est-ce qu'il est vrai que le gouvernement aurait alloué une somme de $2
millions à cet effet? Est-il également vrai que le directeur du
CAD aurait suivi des cours au Maroc, en compagnie de son adjoint?
M. BOURASSA: M. le Président, M. Néron a démenti,
point par point, toutes ces affirmations. Je le voyais, hier, dans le journal
de Montréal et de Québec, juste situé au-dessus de
"130,000 nouveaux emplois créés en 1973". Vous avez là,
clairement exprimé le démenti. Non, mais c'est pour bien situer
l'article, M. le Président.
LE PRESIDENT: Non, non, mais...
M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement. Le
premier ministre est en train de nous dire que son agence de renseignements
fonctionne mal en citant "130,000 nouveaux emplois". Vous savez que cela n'est
pas vrai; donc, votre agence n'est pas bonne.
M. BOURASSA: Non, mais les chiffres... Le ministre de l'Industrie et du
Commerce...
LE PRESIDENT: Bon. Voulez-vous répondre à la question?
M. BOURASSA: Les chiffres officiels... Non, c'est pour répondre
à la deuxième question du leader parlementaire du Parti
créditiste. M. Néron a démenti cela point par point.
Evidemment, si on veut faire des tempêtes dans un verre d'eau et se
servir d'articles de journaux pour soulever toutes sortes de débats,
libre à l'Opposition de le faire.
Mais la réponse de M. Néron a été
très précise et tout a été démenti point par
point.
M. SAMSON: M. le Président, question supplémentaire. Dans
le même article, on dit que cette agence de renseignements devrait
renseigner le premier ministre et le gouvernement concernant des questions, par
exemple, de violence, de contestation, de subversion. Est-ce que le premier
ministre peut nous dire si cette agence puisqu'il s'agit bien d'une
agence; le premier ministre n'a pas démenti le fait qu'il y ait une
agence de renseignements ...
M. BOURASSA: Un service.
M. SAMSON: ... sert à d'autres choses? Est-ce qu'il y aurait de
l'espionnage électronique fait par cette agence? Est-ce que le premier
ministre pourrait profiter de l'occasion pour garantir aux
députés de cette Chambre que cette agence ne fait pas
d'espionnage politique? Est-ce que l'on peut nous garantir que les
députés sont à l'abri de ce genre d'espionnage?
M. BOURASSA: Le ministre de la Justice l'a dit il y a quelques jours.
Vous pouvez vous sentir en toute sécurité. Je sais que vous
n'avez rien à vous reprocher, de toute façon.
M. MORIN: Cela ne relève pas du ministre de la Justice, que je
sache.
M. BOURASSA: Vous pouvez vous sentir en toute sécurité. Il
n'y a pas d'espionnage politique. C'est simplement un service pour permettre de
coordonner les différentes sources de renseignements qui arrivent au
gouvernement, de manière à être bien informés sur
des incidents qui sont arrivés ou qui peuvent arriver. Je pense que
c'est tout à fait normal, dans une société comme la
nôtre, que le gouvernement, que le chef du gouvernement soit bien
informé sur ce qui se passe dans la province.
M. SAMSON: M. le Président, question supplémentaire.
Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire s'il serait permis aux
députés de l'Assemblée nationale de visiter ce centre
d'information?
M. BOURASSA: M. le Président, tous les gens ont pu visiter mes
bureaux à l'occasion de mon anniversaire de naissance, je pense,
récemment. Alors, je pense que je peux considérer la demande du
député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président... LE PRESIDENT: Dernière.
M. SAMSON: ... est-ce que le premier ministre pourrait nous dire...
LE PRESIDENT: Dernière.
M. SAMSON: ... à quel moment il m'a invité? Parce que je
ne me suis jamais senti invité, même pas à votre
anniversaire de naissance, M. le premier ministre.
M. BOURASSA: Bien, le député est constamment invité
à me rendre visite à mon bureau.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Mont-Royal et,
après, l'honorable député de Saint-Jacques.
Protestant School Board
M. CIACCIA: M. le Président, j'ai une question à poser au
ministre de l'Education.
M. LESSARD: Il le savait.
M. CIACCIA: Suite aux annonces dans les journaux de Montréal par
les enseignants du Protestant School Board et au boycottage des
activités parascolaires qu'ils ont décidé, est-ce que le
ministre pourrait nous dire où on en est avec les négociations
avec les enseignants? Could the Minister tell us if these négociations
have reopened and, if so, are there regularly scheduled négociation
meetings?
M. CHARRON: II allonge les débats.
M. LESSARD: II allonge, M. le Président!
M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie le député
de Mont-Royal de m'avoir prévenu de sa question. Il est exact que je le
savais. Je le félicite de s'occuper d'un dossier aussi important que
celui de la classification des enseignants.
M. CHARRON: Vous devriez vous en occuper, vous aussi. J'ai l'impression
qu'il s'en occupe plus que vous.
M. LESSARD: Cela peut être bon pour la prochaine campagne
électorale. Inscrivez cela!
M. CLOUTIER: II est exact qu'un groupe d'enseignants du Protestant
School Board of Greater Montreal a publié récemment des annonces
dans les journaux déplorant ce qu'il appelle l'inaction du gouvernement
vis-à-vis du règlement de cette question. Il est exact
également que ce même groupe a décidé de ne pas
assumer ses responsabilités en ce qui concerne les activités
parascolaires, ce qui n'est pas sans créer des difficultés, des
problèmes aux parents concernés.
A ce propos, je voudrais faire deux remarques. La première, c'est
que le gouvernement, loin d'être inactif, a engagé, il y a
déjà plusieurs mois, le processus de règlement. Ce
processus doit se faire dans les limites légales. Il se déroule
actuellement sur deux plans. Des négociations sont entreprises avec les
partenaires du gouvernement et les syndicats, elles ont déjà
donné lieu à une rencontre patronale-syndicale et qui doivent
donner lieu incessamment à une autre rencontre. La date de cette
deuxième rencontre a été fixée par les syndicats
eux-mêmes à un moment qui leur paraissait opportun.
De plus, un certain nombre de décisions ont été
prises touchant le manuel de classification, à la suite de
représentations de cette commission scolaire, comme d'ailleurs d'autres
décisions ont été prises à la suite de
représentations d'un bon nombre de commissions scolaires.
La convention collective impose une procédure pour que ces
décisions deviennent effectives. Celle-ci suppose une consultation avec
les syndicats, ce qui parfois peut prendre un mois et demi, deux mois. Cette
consultation a été lancée il y a déjà assez
longtemps. La plupart des rapports sont entrés actuellement et je crois
que les éléments qui peuvent être corrigés devraient
l'être incessamment.
Il en découle c'est ma deuxième remarque que
je suis bien obligé de conclure que les mesures de pression que ce
groupe d'enseignants tente de prendre, même si je les comprends sur le
plan individuel car il s'agit d'enseignants qui se sont trouvés
frustrés au sein d'une reclassification sont inutiles et ne
peuvent en rien accélérer le processus engagé.
LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.
Obligations du Québec dans les autres provinces
(suite)
M. MORIN: M. le Président, j'ai posé tout à l'heure
une question au ministre des Finances. Il n'était pas en Chambre.
Dois-je la répéter?
M. GARNEAU: Oui.
M. MORIN: Bien. Jeudi dernier, le ministre, lors d'un
déjeuner-causerie, a déclaré qu'il y avait peu, sinon
aucun avantage pour le Québec à faire partie de la
Confédération pour ce qui est de l'écoulement des titres
financiers.
Suite à une étude parue dans la Presse, le ministre
pourrait-il maintenant confirmer que la quasi-totalité du $1.5 milliard
d'obligations en fait $1.4 milliard émises par le
gouvernement ou 1'Hydro-Québec sur le marché canadien entre 1966
et 1972 a été boycottée par les institutions canadiennes
de Toronto, puisqu'on en retrouve finalement l'équivalent dans les
portefeuilles d'institutions purement québécoises, la grande
majorité de ces titres étant détenue par trois
institutions parapubliques: La Caisse de dépôt et placement du
Québec, la Caisse de retraite de l'Hydro-Québec et la Commission
des accidents du travail, ainsi que par les institutions
coopératives?
M. GARNEAU: M. le Président, je dois d'abord informer le chef de
l'Opposition que les propos qu'il m'a imputés je ne sais pas
où il les a pris je ne les ai tenus en aucun moment.
Ce que j'ai indiqué au cours de cette causerie, en réponse
à des questions qui me sont venues je m'adressais d'ailleurs
à un groupe de spécialistes en finance et placement, donc qui
connaissaient très bien ce dont ils parlaient c'est qu'il y avait
eu, depuis le début de l'année 1973, une amélioration en
ce qui regardait la distribution de nos titres sur les places
financières canadiennes autres que Mont-
réal. J'avais indiqué, même, que le pourcentage que
nous avions vérifié en 1972, qui se situait aux environs de 11
p.c. ou 12 p.c, atteignait, depuis 1973, pour ce qui est de la distribution des
titres aux marchés primaires, c'est-à-dire à partir du
moment où l'émission est lancée sur le marché et la
date de livraison, une amélioration de 8 p.c. ou 9 p.c. et que la
moyenne absorbée par les places financières canadiennes, autres
que Montréal et Québec, étaient près de 19 p.c. ou
20 p.c. présentement.
Le deuxième aspect de la question ne se réfère pas
à une partie de ma causerie, mais à une analyse faite par un
journaliste dans la Presse de jeudi dernier. Je ne suis pas en mesure de
réfuter, d'affirmer ou de confirmer les propos qu'il a tenus parce que
ça mériterait une enquête beaucoup plus approfondie
auprès des détenteurs de titres. L'article mentionnait le nom
d'une firme.
Il y a eu effectivement d'émis le montant dont parle le chef de
l'Opposition, mais il y a également tous les titres qui étaient
déjà en circulation. Et si le total des nouveaux titres
émis et ceux en circulation qui ont été absorbés
par les institutions québécoises a été de $1.4
milliard, c'est donc dire qu'il en reste un nombre considérable qui a
été tenu entre les mains de ces maisons financières.
Mais, je voudrais faire une autre remarque, c'est que je me surprends
énormément que cette question vienne du chef de l'Opposition.
Moi, je vous dis tout simplement que, lorsqu'un parti politique propose
l'abolition de la devise monétaire canadienne au Québec pour la
remplacer par une devise dont on ne connaît pas la valeur, il est
absolument normal que certaines institutions financières se posent des
questions.
M. MORIN: En supplémentaire, je ferai remarquer au ministre que
ses propos portaient sur la période allant de 1966 à 1972. En
1966...
M. GARNEAU: Est-ce que vous savez à quel moment ils ont
été rachetés? Vous ne le savez pas.
M. MORIN: ... vous ne pouviez pas invoquer cette excuse.
Question supplémentaire, M. le Président. Le ministre
est-il conscient du fait que des institutions financières de Toronto
utilisent comme subterfuge le paiement de nouvelles émissions sur le
marché primaire par la revente de titres provenant d'émissions
antérieures et qu'elles vont même jusqu'à se
débarrasser rapidement des nouveaux titres quelques semaines
après leur acquisition?
M. GARNEAU: Je n'ai pas de méthode de contrôle de la
circulation des titres du Québec ou de l'Hydro-Québec, des
municipalités ou des CEGEP sur le marché secondaire. Nous vivons
dans une société libre. J'espère que nous pourrons
continuer à vivre dans une société libre.
Les agents financiers, comme les individus qui détiennent des
valeurs ont le droit de les vendre, de les conserver.
En ce qui me concerne et c'est ce qui retient l'attention du
gouvernement je veux continuer à travailler pour
l'amélioration du climat de confiance qui s'est développé
depuis 1970 envers le Québec. Et je pense que le ministre de l'Industrie
et du Commerce l'a largement prouvé dans sa conférence de la
semaine dernière lorsqu'il a indiqué le taux de croissance des
investissements faits chez nous.
Pour porter un jugement, il faudrait voir quels placements sont faits
par ces sociétés dans les autres valeurs, que ce soit des valeurs
hypothécaires, dans des actions, etc. Et je ne suis pas en mesure
actuellement de blâmer qui que ce soit dans l'état actuel de la
situation.
M. MORIN: Une question additionnelle tout de même. Est-ce que le
ministre entend faire enquête auprès des institutions
parapubliques pour évaluer la part des titres qui reviennent de la sorte
dans leur portefeuille après avoir effectué un détour
plutôt coûteux par Toronto?
M. GARNEAU: II n'en coûte absolument rien une fois que
l'émission est lancée que le titre soit acheté par
Halifax, vendu à New York, racheté par Toronto et finalement' par
Montréal, ensuite par Vancouver au Québec ou à
l'Hydro-Québec. C'est tout simplement des transactions de valeurs
mobilières sur les marchés financiers qui se font
quotidiennement.
Pour ce qui est des enquêtes, je n'ai pas l'intention d'en faire,
sinon de poursuivre le travail de contact que nous avons entrepris avec le
nouveau groupe bancaire pour améliorer ce climat de confiance et
espérer que la disparition du Parti québécois se produise
le plus rapidement possible. A ce moment, on aura éliminé
probablement 50 p.c. des problèmes.
M. LESSARD: Des illusions.
M. MORIN: Question additionnelle.
LE PRESIDENT: La dernière.
M. BURNS : Sens démocratique très
développé.
M. MORIN: La dernière sur cette question, elle est tout de
même importante, M. le Président, à la suite de ce que le
ministre vient de nous dire. Est-ce que le ministre des Finances est conscient
que le boycottage des titres québécois par les institutions
pancanadiennes qui perçoivent, sous forme de prime d'assurance ou
autrement, l'épargne québécoise signifie une exportation
nette de l'épargne québécoise vers les autres provinces et
qu'en ce sens les Québécois financent de fait le
développement de l'Ontario, tout en devant dépendre largement
des marchés étrangers eux-mêmes pour se
financer?
M. GARNEAU: II s'agit là d'affirmations complètement
gratuites du chef de l'Opposition. S'il veut prendre la responsabilité
des paroles qu'il prononce, libre à lui, mais si on...
M. MORIN: J'ai posé une question.
M. GARNEAU: En fait, c'est une opinion que vous avez émise;
alors, j'émets une opinion, moi aussi. Si je me reporte au rapport de
l'Association des compagnies d'assurance-vie sur les investissements
effectués dans chaque province et sur les prestations versées, il
y avait d'après les derniers chiffres que j'ai vus; il s'agissait
d'une allocution du président de cette association une indication
que le Québec avait un avantage en ce qui regarde les sorties et les
entrées sous toutes leurs formes au niveau des compagnies
d'assurance-vie. Je suis bien prêt à vérifier de nouveau et
à voir quels sont les chiffres pour l'année 1973, s'ils sont
disponibles ou si les prévisions sont disponibles. Mais, chose certaine,
l'affirmation du chef de l'Opposition est totalement gratuite.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
Soins dentaires
M. CHARRON: M. le Président, ma question s'adresse au ministre
des Affaires sociales. Un journal de la fin de semaine nous apprenait que la
couverture, par le régime de l'assurance-maladie, des soins dentaires
pour enfants serait reportée au 1er février, contrairement au 1er
décembre comme cela devait se produire. Je vous rappelle
également, M. le Président, pour l'intelligibilité de ma
question, la précédente Législature avait adopté en
juillet dernier la loi qui portait le numéro 21 et qui, avec un
amendement présenté à la toute dernière minute par
l'ancien ministre des Affaires sociales, à l'article 6, permettait au
ministre des Affaires sociales de négocier des ententes individuelles
avec les chirurgiens dentistes, dans l'hypothèse où une entente
globale avec l'association ne pourrait survenir. Je demande au ministre des
Affaires sociales si le report au 1er février est effectivement dû
à la lenteur des négociations avec l'Association des chirurgiens
dentistes. Si oui, je lui demande pourquoi il ne s'est pas prévalu de
l'article 6 de la loi no 21 pour immédiatement faire entrer en vigueur
avec certains chirugiens dentistes, la nouvelle couverture de
l'assurance-maladie pour les soins dentaires.
M. FORGET: M. le Président, il y a eu dans les rapports qui ont
paru récemment, aujourd'hui même dans les journaux,
à cet effet, une certaine confusion entre, d'une part, le programme de
soins dentaires pour les enfants de 0 à 7 ans, tel que prévu dans
la loi no 69 de 1971, et, d'autre part, la couverture des actes de chirurgie
buccale en milieu hospitalier. Le report du 1er décembre au 1er
février s'applique à ce deuxième programme,
c'est-à-dire aux soins dentaires en milieu hospitalier, à la
chirurgie buccale. Pour ce qui est de l'autre question, elle fait de
façon continue l'objet de discussions et de reconsidérations au
ministère. Des discussions avec l'association professionnelle
concernée ont lieu et auront lieu au cours des prochaines semaines.
C'est à ce moment-là qu'il sera possible de faire le point sur
ces négociations et de répondre plus spécifiquement
à la question posée.
M. CHARRON: Est-ce que l'unique raison porte sur les négociations
qui sont présentement en cours ou s'il y a d'autres raisons pour
retarder au 1er février?
M. FORGET: II y a des négociations qui sont en cours et c'est
sans doute la principale raison qui a motivé le report de la date
d'application de l'entente qui est déjà intervenue avec les
spécialistes de chirurgie buccale.
M. CHARRON: M. le Président, à quelle date le ministre
entend-il mettre en vigueur le programme concernant les prothèses
également, qui était contenu dans la loi adoptée en
juillet dernier?
M. FORGET: Le problème des prothèses fait l'objet d'une
étude sur le plan technique par un comité qui a été
formé spécialement à cet effet durant le mois dernier et
qui fera rapport le plus tôt possible. Il y a des problèmes
techniques de mise en application, des négociations et discussions avec
les fournisseurs quant au coût des prothèses et d'autres
dispositifs administratifs qu'il faut mettre en place. Mon espoir est que,
durant la première moitié de l'année prochaine, il sera
possible de mettre en vigueur le programme de prothèses.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce-Sud.
Industrie de la construction
M. ROY: M. le Président, j'aurais une question pour le ministre
du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Est-ce que le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre pourrait nous dire ce matin s'il a décidé de donner
suite à son intention de mettre fin au fameux permis de travail pour
l'industrie de la construction?
M. COURNOYER: Dans mon esprit, je donnerai suite à mon intention
de mettre fin à ce système quand j'aurai l'assurance que je le
remplace par un système qui rencontre plus les
besoins de l'industrie de la construction que le système du
permis de travail. Ce qui devrait se faire très normalement par
publication, dans la Gazette officielle du Québec, du nouveau
règlement de qualification qui incorporerait un certain nombre de choses
qui étaient incorporées dans l'arrêté en conseil du
permis de travail. Jusqu'au moment où le nouveau règlement de
qualification sera en vigueur, donc après une publication et donc
possiblement des objections de la part des gens sur le projet de
règlement de la qualification, jusqu'à ce moment je n'ai pas
l'intention de retirer l'arrêté en conseil concernant les permis
de travail, ce qui donnerait à peu près trente jours de la
publication dans la Gazette officielle du règlement no 1 concernant la
qualification dans l'industrie de la construction.
M. ROY: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait nous
dire si ce fameux règlement, advenant sa publication dans la Gazette
officielle, sera soumis à la commission parlementaire du travail et de
la main-d'oeuvre, de façon que nous puissions l'examiner, faire les
recommandations, faire les observations qui s'imposent à ce sujet, avant
sa publication et avant sa mise en vigueur?
M. COURNOYER: Avant sa publication, si vous parlez de la publication de
l'avis, je vous réponds non. Si vous parlez de la publication de
l'arrêté lui-même, oui. Et si c'est le désir de
l'Assemblée nationale d'entendre les parties et d'examiner le projet
d'arrêté en conseil, je suis très heureux que ce soit fait,
et ce sera fait par discussion publique sur le mérite des permis de
travail et le mérite du système de qualification dans l'industrie
de la construction.
M. ROY: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait nous
dire et je pense que c'est une question assez importante si cette
commission parlementaire siégerait avant la reprise des travaux dans
l'industrie de la construction, les travaux généraux, avant le
début de l'été? Est-ce qu'on pourrait compter aujourd'hui
que la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre pourrait
siéger pendant l'intersession, c'est-à-dire entre la
période d'ajournement et la reprise de nos travaux au début du
printemps?
M. COURNOYER: Si les règles le permettent, je n'ai aucune forme
d'objection étant donné que j'ai parlé d'un délai
de trente jours tantôt, délai de trente jours qui me permettrait
d'agir par arrêté en conseil. Alors c'est entre les deux que je
dois situer la commission parlementaire puisque vous m'avez demandé si
j'étais d'accord pour le faire avant la publication du règlement
lui-même. Comme je vous ai dit oui, il faudrait que ça se fasse
entre les deux, pourvu que les règles parlementaires le permettent.
M. ROY: Je voudrais informer le ministre qu'on est d'accord sur la
convocation de la commission parlementaire, M. le Président.
LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
Pipe-line Sarnia-Montréal
M. LESSARD: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au
ministre des Richesses naturelles, Est-ce que le ministre des Richesses
naturelles pourrait nous dire première question s'il est
vrai que le gouvernement québécois a renoncé à deux
de ses exigences concernant la construction du pipe-line
Sarnia-Montréal, en particulier celle concernant la liberté de
s'approvisionner soit sur le marché international ou soit sur le
marché de l'Ouest selon les prix, la deuxième étant une
participation dans le cadre d'une société mixte d'exploitation de
pipeline? Deuxième question: Est-ce que le ministre peut
également nous informer de sa politique concernant la construction d'un
autre projet de pipe-line, celui-là entre le bas du fleuve
Saint-Laurent, peut-être dans la région de Gros Cacouna, et
Buffalo, dans l'Etat de New York, et qui voudrait dire justement que le
Québec servirait de transit pour exporter des produits pétroliers
à l'extérieur?
M. MASSE: M. le Président, le gouvernement du Québec n'a
rien abandonné en termes de conditions. D'ailleurs, j'ai eu une
rencontre la semaine dernière avec M. Macdonald, le ministre
fédéral, davantage pour faire connaître les positions du
Québec et aussi entendre les positions du gouvernement
fédéral. En ce qui concerne l'importation et selon ces
discussions publiques et privées que j'ai pu avoir, il n'est pas
question de restreindre les importations au Québec. Evidemment en ce qui
concerne le pipe-line Sarnia ou Sault-Sainte-Marie-Montréal, il ne
semble pas, en tout cas, que les modalités de ce pipe-line soient
définitivement arrêtées de la part du gouvernement
fédéral. En ce qui concerne un oléoduc du Bas-du-Fleuve
à Montréal qui pourrait être continué jusqu'aux
Etats-Unis, tout ce projet est relié au port pour
superpétroliers; et d'ici la fin du printemps, il ne semble pas que nous
puissions prendre une décision définitive sur ces projets.
M. LESSARD: Une question additionnelle, M. le Président. Etant
donné que le ministre a rencontré son homologue du gouvernement
fédéral, est-ce que le gouvernement a fait des
représentations contre le bill C-236? Quel genre de
représentations, notamment? Par exemple, est-ce que le gouvernement
accepte qu'un office fédéral puisse réglementer
directement et unilatéralement la distribution et le prix, au
Québec, des produits pétroliers? Est-ce que le gouvernement
accepte que la Société québécoise d'initiatives
pétrolières et l'Hydro-Québec en particulier soient
assujetties à la réglementation qui est prévue dans le
bill 236,
en particulier dans l'article 14, M. le Président, qui, je crois,
limite considérablement les pouvoirs du Québec en ce qui concerne
l'électricité et les produits pétroliers? Quel genre de
représentations le ministre a-t-il fait à ce
moment-là?
M. MASSE: M. le Président, je pense que le vice-premier ministre,
lors de la discussion sur la motion du Parti québécois la semaine
dernière, a très bien fait connaître les
appréhensions du gouvernement du Québec. Je pense que, par ce
bill C-236, le fédéral s'est peut-être donné un
outil avec des pouvoirs plus importants que la situation ne le requiert. On a
voulu se donner un char d'assaut alors qu'une jeep aurait suffi.
Je pense qu'en ce qui concerne la partie où on prévoit des
mesures obligatoires et par suite le rationnement, compte tenu d'une situation
vraiment détériorée en termes d'approvisionnement de
pétrole, il était normal que nous prévoyions, que le
gouvernement fédéral prévoie des mesures advenant une
telle situation. Mais, d'autre part, sur les articles qui donnent d'autres
pouvoirs au gouvernement fédéral, le gouvernement du
Québec a fait connaître, dans une rencontre avec M. McDonald la
semaine dernières, son opposition ferme.
M. LESSARD: Une question additionnelle, M. le Président. Si le
gouvernement fédéral refusait de modifier son projet de loi,
quelles sont les mesures concrètes que le gouvernement et le ministre
des Richesses naturelles entendent prendre pour résister à ce
hold-up constitutionnel et conserver l'autonomie québécoise, en
particulier en ce qui concerne l'établissement d'une politique
énergétique?
M. MASSE: Je pense que si le gouvernement fédéral
c'est une question hypothétique, M. le Président, parce que la
troisième lecture n'a pas encore été acceptée aux
Communes adoptait, telle que présentée, cette loi, la
chose devrait être discutée lors de la réunion des premiers
ministres en janvier.
M. LESSARD: Cela va régler beaucoup de choses.
LE PRESIDENT: La dernière. Accusations portées contre
un député
M. CHARRON: Ma question s'adresse au leader du gouvernement. Le leader
du gouvernement a-t-il l'intention de convoquer la commission de
l'Assemblée nationale pour faire la lumière sur des accusations
malveillantes qui ont porté atteinte à la réputation d'un
de nos brillants et compétents collègues, le député
des Iles-de-la-Madeleine, dans un journal de la fin de semaine?
M. LEVESQUE: M. le Président, le député des
Iles-de-la-Madeleine aura l'occasion, en temps opportun, de rétablir les
faits.
LE PRESIDENT: Justement, l'honorable député des
Iles-de-la-Madeleine m'avait donné un préavis d'une question de
privilège après la période des questions.
M. BURNS: Une dernière question toute courte.
LE PRESIDENT: Très courte...
M. BURNS: Le premier ministre n'est pas là, M. le
Président, je la garderai pour demain.
LE PRESIDENT: Avant de passer aux affaires du jour, l'honorable
député des Iles-de-la-Madeleine, sur une question de
privilège.
Question de privilège
Article de journal M. Louis-Philippe Lacroix
M. LACROIX: M. le Président, je me lève sur une question
de privilège à la suite d'un article paru dans un journal que je
n'ai pas l'habitude de lire parce que les gens sérieux ne lisent pas
Québec-Presse. C'est bon pour les enfants comme le député
de Saint-Jacques, mais...
LE PRESIDENT: Pas de débat, s'il vous plaît, sur la
question de privilège.
M. LACROIX: ... on a voulu me donner l'honneur de la première
page, avec ma photographie, disant: "Lacroix mêlé à une
histoire d'enlèvement. A la page 12 dudit journal, l'on mentionne en
gros titre: "Lacroix a-t-il organisé le kidnapping d'un libéral
par de faux péquis-tes? Je ne me serais pas levé pour
répondre à ces idioties si cet article n'avait pas
été relevé par d'autres journaux, soit le Journal de
Québec et le Journal de Montréal. Au moins, je dois admettre que
le journaliste du Journal de Québec, M. Normand Delisle, a eu
l'honnêteté de m'appeler pour me demander ce qu'il en était
de cet article. Si vous le permettez, je vais vous lire quelques passages,
quelques extraits de cet article: "Pour s'assurer de la victoire aux
élections du 29 octobre, le député Louis-Philippe Lacroix
des Iles-de-la-Madeleine a organisé, la veille des élections,
l'enlèvement d'un jeune libéral, Jim Patton, par trois faux
membres du Parti québécois afin de jeter le discrédit sur
ce parti au moment du vote." Un peu plus loin, on dit: "Selon plusieurs
personnes aux Iles, Jim Patton est un type qui peut facilement être
manipulé."
Poliment, on nous explique qu'il est du genre à qui il manque un
bardeau. La preuve c'est qu'il avait sa carte de membre du Parti
québécois aux Iles-de-la-Madeleine et il n'était pas un
libéral.
Je dois ajouter, M. le Président, que jamais, jamais, ni de
près, ni de loin, j'ai organisé un enlèvement aux
Iles-de-la-Madeleine, encore moins celui de Jim Patton. Je n'avais pas
besoin
de ça pour gagner mes élections, parce que la population
honnête des Iles-de-la-Madeleine me connaft et sait ce que j'ai fait pour
elle. Il n'y a personne non plus dans mon entourage, aucun de mes organisateurs
qui est mêlé à cette chose. D'ailleurs, je continue: "La
veille des élections, le dimanche 28 octobre, au début de la
soirée, le bruit se répandait comme une tramée de poudre,
sur toutes les Iles, que Jim Patton venait d'être enlevé par des
péquistes." Quant à moi, je l'ai appris le soir, vers onze
heures. On me demandait de quitter la maison avec ma famille, parce que je
n'étais pas en sécurité, parce qu'on voulait me faire un
mauvais parti. A ce moment-là, j'ai dit qu'il n'y avait personne aux
îles qui m'empêcherait de résider chez moi avec ma famille
et que cela ne me faisait pas peur les petits PQ qu'il y avait là.
Après minuit, j'ai téléphoné ce n'est pas au
caporal Côté que j'ai parlé, mais c'est à l'agent
Gagnon et je lui ai demandé ce qui en était de l'affaire de
Jim Patton. Il m'a répondu qu'il n'était pas au courant. J'ai
demandé également s'ils étaient au courant de l'affaire de
M. Langford, qui avait été battu le vendredi
précédent. Il m'a dit: Je ne suis pas au courant quoiqu'il
en avait parlé avec un de mes organisateurs, le midi
précédent. L'agent Gagnon m'a demandé si je voulais porter
plainte. J'ai dit: Non, monsieur, je vous appelle pour savoir ce qui s'est
passé et de quoi il s'agit dans ce cas. Il m'a redemandé si je
voulais porter plainte. Je lui ai dit non. Il m'a dit: Vous savez, nous ne
donnons jamais le nom de la personne qui porte plainte. J'ai dit : II n'en est
pas question, je ne veux pas porter plainte, je veux savoir ce qui est
passé dans le cas de Jim Patton.
Je continue donc. Je suis intervenu auprès de l'agent Gagnon et
non auprès du caporal Côté, à qui j'ai parlé
seulement le 31 octobre, sur l'heure du midi. Un peu plus loin on dit: "Ce qui
l'a surpris le plus, ce fut de voir que le plaignant n'était nul autre
que le député Louis-Philippe Lacroix. Une demi-heure
après, cependant, Achille Hubert, qui collabore parfois avec
Radio-Canada" Achille Hubert, c'est mon dominicain
défroqué "a reçu un appel
téléphonique chez lui de la part de la Sûreté du
Québec, qui lui disait que ce n'était pas M. Lacroix, mais Jim
Patton lui-même qui avait porté plainte". Cependant si cela
est vrai, c'est grave du côté de la police M. Achille
Hubert a révélé à Québec-Presse que le
caporal Jean-Pierre Côté, qui est en poste aux îles, lui
avait dit confidentiellement que c'est Louis-Philippe Lacroix qui avait bel et
bien porté plainte, le soir même du soi-disant enlèvement.
Depuis, Jim Patton lui-même, quelques jours après
l'événement, a révélé au Radar ce qui suit:
L'agent Fontaine, de la Sûreté du Québec, m'a dit que
c'était le député Louis-Philippe Lacroix qui avait
porté plainte. Premièrement, je n'ai jamais porté plainte.
Je demanderais humblement au ministre de la Justice de faire attention et de
demander qu'on fasse une enquête sur ses propres agents aux
Iles-de-la-Madeleine. Cet enlèvement était un faux
enlèvement. Les trois péquistes accusés ont produit depuis
des alibis. Je n'ai jamais mentionné de noms, je ne savais même
pas qui était impliqué dans l'affaire et je n'ai jamais eu de
rapport. J'ai communiqué avec les autorités du ministère
de la Justice demandant de faire enquête et j'ai demandé
également au procureur de la couronne, par l'entremise de Me Jean-Roch
Landry, que la couronne procède dans cette cause, poursuive le
dénommé Jim Patton s'il avait fait de fausses déclarations
et s'il avait fait marcher la police pour rien. Je n'ai attendu personne. Je
veux que la vérité éclate et la vérité
n'éclatera pas du côté d'Achille Hubert ni du journal
Québec-Presse. Un peu plus tard, on dit: "Le dossier de l'affaire est
envoyé au procureur de la couronne à Rimouski. On a appris que la
Sûreté des îles recommandait à ce dernier d'intenter
des poursuites contre certaines personnes pour fraude électorale".
J'attends que la couronne procède et je suis fort aise, je n'ai
été mêlé ni directement, ni indirectement, ni par
personne interposée, ni aucun de mes organisateurs dans aucune de ces
activités. S'il y a quelqu'un qui a organisé quelque chose ou une
manoeuvre frauduleuse, ce n'est pas le Parti libéral, c'est le Parti
québécois. Le dossier du candidat péquiste vous savez, est
là pour prouver qu'il est capable de le faire.
Un peu plus loin, M. le Président.
M. LEGER: Faites enquête. M. LESSARD: ... le ministre?
M. LACROIX: On sait qu'aux Iles-de-la-Madeleine la montée
péquiste était impressionnante, peu de temps avant le scrutin, en
somme fort impressionnante. Un défilé monstre avait eu lieu la
veille de l'élection, quelques heures avant le faux enlèvement
organisé par le député Lacroix.
Naturellement, comme je le répète, je n'ai rien eu
à voir là-dedans et je vais transmettre toute l'affaire à
mes procureurs qui verront à prendre les procédures qui
s'imposent dans ce cas-là. "Le faux enlèvement des
libéraux aura donc été une mesure de dernière heure
pour faire balancer le vote. Alors, ici, M. Lacroix a fait une gaffe en allant
lui-même porter plainte et, posant la question au caporal
Côté, Québec-Presse s'est vu répondre: Oui, on ne
peut pas dire que ce n'est pas politique". Eh bien, M. le Président, je
le répète encore: Je n'ai rien eu à voir là-dedans.
Et, s'il y a eu de la politique de faite avec cette chose-là, c'est par
Achille Hubert, par le caporal Côté, par les agents Gagnon,
Fontaine et Dupont.
Nous, aux Iles-de-la-Madeleine, on est rendu, dans les services
gouvernementaux, le dépotoir de la province de Québec. Quand les
gens ne sont pas bons ailleurs, on les envoie aux Iles.
M. le Président, je pense que le Parti québé-
cois devrait cesser d'envoyer des faillis et des hommes sans honneur,
sans coeur comme candidats aux Iles-de-la-Madeleine. Il prouverait sa bonne
volonté et sa bonne foi.
M. LEGER: Faites enquête. Cela chauffe. M. BURNS: Enquête
complète.
M. LACROIX: M. le Président, je veux terminer en disant que
presque tout cet article est complètement faux. Ce sont de pures
inventions et j'espère que la couronne portera des accusations
précises contre le dénommé Patton afin que la
lumière soit faite. Cet article fait partie d'une campagne de salissage
entreprise contre le député des Iles-de-la-Madeleine par les
séparatistes. Et, comme le...
M. LEGER: Pas plus qu'il ne l'est là.
M. LACROIX: ... disait si bien, la semaine dernière, le
député de D'Arcy-McGee, le ministre des Affaires municipales,
cela constitue purement et simplement du mauvais journalisme.
Déclaration de M. Léger à la
télévision
LE PRESIDENT: Messieurs, je suis dans une position peut-être
délicate, mais j'ai l'intention étant donné que je
puis difficilement me donner un avis moi-même de soulever, demain,
une question de privilège, non pas comme occupant du fauteuil, mais du
fait que le président représente la Chambre elle-même dans
ses pouvoirs, dans sa procédure et dans sa dignité, ceci à
la suite d'une déclaration, que j'ai entendue moi-même à la
télévision, je crois, du député de Lafontaine. J'ai
l'intention, aujourd'hui, de vérifier le texte de cette
déclaration et je compte, demain, soulever une question de
privilège au nom de l'Assemblée nationale.
J'ai reçu un avis...
Demande de reconnaissance des députés
créditistes
M. ROY: M. Le Président...
LE PRESIDENT: Oui?
M. ROY: ... avant les affaires du jour...
LE PRESIDENT: En vertu de l'article 34?
M. ROY: Oui, en vertu de l'article 34. Etant donné qu'il y a
plusieurs motions inscrites au feuilleton, plusieurs projets de loi, j'aimerais
savoir, en ce qui nous concerne, le député de Rouyn-Noranda et
moi-même, si, d'ici à l'ajournement de la session, nous pourrons
être considérés comme "députés de plein
droit", c'est-à-dire pouvant prendre la parole sur toutes les motions,
toutes les discussions en cours, première, deuxième et
troisième lectures, s'il y a lieu, les motions, les articles de
règlement ou autres, ou si nous serons encore limités dans nos
droits.
UNE VOIX: Députés indépendants.
LE PRESIDENT: II n'y a pas eu de développement depuis la
déclaration que j'ai faite, la semaine dernière, à la
suite d'une rencontre des leaders parlementaires. Vous demandez si vous avez le
droit de parole en première lecture. Je ne pense pas que personne ait ce
droit en première lecture. Mais, en deuxième, vous avez droit de
parole comme tout député. Vous avez dit première,
deuxième et troisième lectures.
M. ROY: Troisième, s'il y a lieu.
LE PRESIDENT: Bon. En deuxième lecture, vous avez droit de parole
comme tout député. Je pense qu'il y a eu une entente provisoire,
actuellement; pour la durée de la session je ne veux pas me
tromper il y a consentement des leaders parlementaires pour que vous
ayez un droit de parole en troisième lecture.
M. ROY: Maintenant, sur les autres points, M. le Président,
étant donné que nous sommes appelés à voter, il est
évident que le règlement, tel qu'il a été fait
l'année dernière, avait fait l'unanimité de tous les
députés de la Chambre. A ce moment-là, les
députés pouvaient, en quelque sorte, déléguer un de
leurs collègues, à l'intérieur d'une formation politique,
pour être leur porte-parole.
En ce qui nous concerne, nous n'avons pas de porte-parole, à
'heure actuelle, en Chambre et nous sommes appelés à nous
prononcer sur différentes motions. De ce fait, il est évident que
nous ne pouvons pas dire les raisons pour lesquelles on serait en faveur de la
motion ou les raisons pour lesquelles nous serions contre la motion. Ceci est
une situation que nous ne pouvons pas accepter en ce qui nous concerne. C'est
pourquoi je demande s'il y aurait consentement unanime de la Chambre...
UNE VOIX: Non.
M. ROY: ... à l'effet que nous puissions être
considérés comme des députés de plein droit,
c'est-à-dire comme faisant partie d'une formation politique, parce que
le règlement se réfère aux formations politiques.
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEVESQUE: M. le Président...
M. ROY: S'il y a consentement unanime, c'est ce que je demande.
LE PRESIDENT: A l'ordre! ...
M. LEVESQUE: ... là-dessus, vous me permettrez simplement de
faire remarquer au député de Beauce-Sud de revoir son
règlement de l'Assemblée nationale du Québec. Vous avez eu
la gentillesse de le remercier pour sa participation à la
rédaction de ce règlement.
Il a fait du beau travail, le député de Beauce-Sud. Mais
au moment où il travaillait avec nous, il ne semblait pas tellement
préoccupé du sort du député .Armand Bois, candidat
indépendant, ni...
M. ROY: M. le Président, j'invoque une question de
privilège.
M. LEVESQUE: ... de Marcel Masse, qui était député
indépendant également.
M. ROY: J'invoque le règlement, M. le Président, parce
qu'à ce moment-là, il n'en était pas question.
M. LEVESQUE: Un instant! LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEVESQUE: Le député de Beauce-Sud n'était pas
tellement inquiet de ce qui arrivait aux députés
indépendants dans ce temps-là, M. le Président, alors
qu'il travaillait avec nous, justement, et que souvent on disait: Qu'est-ce
qu'on fait des députés indépendants? Ah! les
députés indépendants, M. le Président!
M. le Président, je dirai simplement que nous allons continuer de
travailler avec l'Opposition officielle pour trouver un modus vivendi pour nos
honorables amis d'en face, mais je voulais simplement lui rappeler qu'il faut
faire attention lorsqu'on travaille à la préparation d'un
règlement.
M. ROY: M. le Président, une question de privilège. Il y a
des choses que je ne peux admettre dans ce que vient de dire l'honorable leader
du gouvernement. Tous les députés de l'Assemblée nationale
ont été consultés et l'adoption de notre règlement
a fait l'objet d'une motion. Alors, comme c'était un consentement
unanime des membres de la Chambre, je n'avais pas, moi, en ce qui me concerne,
à ce moment-là, à me faire le porte-parole des
députés indépendants. Il y en avait un, à ce
moment-là.
UNE VOIX: Deux.
M. ROY: C'était aux députés indépendants de
faire part de leurs observations, de faire part de leurs griefs. Mais en ce qui
nous concerne à l'heure actuelle, le règlement, nous ne pouvons
pas le considérer, au cours de cette session, comme étant un
règlement qui rallie l'unanimité de la Chambre, parce que nous
sommes brimés dans nos droits et nous n'avons personne pour être
notre porte-parole.
Demande d'un débat d'urgence Centre d'analyse
et de documentation
LE PRESIDENT: Messieurs, j'ai reçu un avis de l'honorable
député de Maisonneuve, le leader parlementaire de l'Opposition.
Je vais vous le lire: "M. le Président, je voudrais vous donner avis
qu'avant l'appel des affaires du jour de la prochaine séance, je
proposerai la tenue immédiate d'un débat pour discuter une
affaire importante de la compétence de l'Assemblée et dont
l'étude s'impose d'urgence, à savoir l'existence, au sein du
conseil exécutif, d'un Centre d'analyse et de documentation, dont la
création et le maintien n'ont jamais été autorisés
par l'Assemblée nationale."
Est-ce que vous avez d'autres choses à ajouter,
brièvement?
M. Robert Burns
M. BURNS: Très brièvement, M. le Président, je veux
tout simplement mentionner que ma demande, en vertu de l'article 78, doit se
justifier je pense que tout le monde va l'admettre si c'est pour
discuter d'une affaire déterminée et importante, de la
compétence de l'Assemblée nationale, et dont l'étude
s'impose d'urgence.
Je vais d'abord, M. le Président, me préoccuper de la
deuxième partie, c'est-à-dire que l'étude doive s'en faire
d'urgence. Nous avons, actuellement et je pense que cela a
été le sens de vos décisions dans le passé,
à plusieurs reprises, sur ce genre de motions d'urgence un
certain nombre de procédures qui sont devant la Chambre, comme par
exemple, l'étude du budget supplémentaire, et nous n'avons pas,
au budget supplémentaire, une occasion de discuter de cela puisqu'il n'y
a pas de crédits supplémentaires, sauf erreur, pour la
présidence du conseil.
Or, pourquoi je réfère à la présidence du
conseil, M. le Président? C'est que, selon l'article qui a donné
pied, si vous voulez, à cette question, article paru dans la Presse le
15 décembre 1973, sous la signature de M. Michel Auger, il semblerait
qu'une somme, selon cet article, de $2 millions aurait été
dépensée par le gouvernement pour maintenir ce CAD, Centre
d'analyse et de documentation, dans les deux dernières années. Si
nous n'avons pas l'occasion, M. le Président, de discuter de cela lors
de l'étude des crédits supplémentaires, je me dis: A quel
endroit pouvons-nous le faire, sinon par l'entremise d'une motion pour
débat d'urgence?
J'admets que le temps qui me sera alloué, si jamais vous me
l'accordez, cette motion, M. le Président, ou si vous la jugez
recevable, sera très limité, en ce sens que je pense que, de par
le règlement de fin de session, on doit terminer ce
genre de débat trois heures après le début de la
séance mais, quand même, j'imagine que si vous jugez la motion
recevable, il y aurait peut-être lieu, de la part du gouvernement,
d'accepter, de consentement, qu'on pousse la discussion jusqu'après la
suspension pour le déjeuner.
Maintenant, M. le Président, je vous ai parlé de l'article
de la Presse et le premier ministre je l'ai bien écouté,
tantôt, lorsqu'il a répondu à des questions posées
par le député de Rouyn-Noranda s'est
référé à un article en douze points qui est paru
dans le Journal de Québec et dans le Journal de Montréal, en date
du 17 décembre 1973.
Mais ce qui me frappe c'est la raison pour laquelle je vous
soumets qu'on devrait avoir le droit de faire un débat d'urgence
là-dessus c'est que dans les dénégations de M.
Néron, c'est constamment lui-même qui se sent non concerné
par ça.
Ce qui voudrait laisser entendre si vous regardez la formule des
dénégations que lui est en mesure de nier ce qui est dit
en ce qui le concerne dans l'article de la Presse, mais que ça ne laisse
pas nécessairement croire que c'est complètement faux ce qui est
dit dans la Presse.
Je cite simplement quelques extraits: "Partout on entend M. Néron
dire: Je n'ai jamais subi d'entrafnement. Je n'ai jamais mis les pieds au
Maroc. Je n'ai jamais reçu de leçon dans l'art de la
documentation grâce à une sentence, etc. Je ne dirige pas de
service..." C'est de même tout le long.
Ce qui me laisse, à moi, la question suivante: Est-ce que le fait
que M. Néron que je crois nie ça veut dire que le
Centre d'analyse et de documentation en question n'existe pas? Et c'est, je
pense, l'intérêt d'un tel débat ou ça le
serait de pouvoir soumettre notre point de vue au gouvernement et que le
gouvernement nous réponde définitivement et clairement à
l'effet qu'il n'existe pas de Centre d'analyse et de documentation qui
coûte $2 millions, selon l'article.
Et si c'est exact, d'accord on se pliera et on acceptera les
explications du gouvernement. Mais actuellement, il y a trop de doutes dans
l'esprit et des membres de l'Assemblée nationale, du moins ceux de
l'Opposition, et de la population en général. Et surtout quand on
voit depuis quelque temps les tables d'écoute électronique qui
poussent comme des champignons un peu partout à la Société
Saint-Jean-Baptiste, dans les bureaux d'avocats, etc., je pense que la question
est d'intérêt actuel. Et on se demande si ce n'est pas par
l'entremise de ce CAD que la Sûreté du Québec pose ses
tables d'écoute électronique.
LE PRESIDENT: Vous allez au fond de la question.
M. BURNS : Sans aller au fond, ce sont les raisons pour lesquelles je
demande que ma motion soit jugée recevable.
Décision remise à jeudi
LE PRESIDENT: Vous comprendrez que cette rumeur ou cette présence
prouvée ou non d'un tel centre a pris naissance dans un article d'un
quotidien de Montréal samedi, il y a à peine deux jours, article
et je m'en excuse dont je n'ai pas pris connaissance.
Et aujourd'hui à une question de l'honorable député
de Rouyn-Noranda, le premier ministre a réfuté la nouvelle, du
moins à l'aide d'un article d'un quotidien de Québec dont non
plus ne n'ai pas pris connaissance, n'étant pas à Québec
hier.
Pour ces raisons, avec votre permission, je crois que je ne me sens pas
assez renseigné sur cette question. Il y a certains
éléments peut-être... Il s'agit de déterminer dans
le fin fond en somme si cette question doit faire l'objet d'une étude ou
d'un débat, qui s'impose d'urgence, par l'Assemblée. Je ne me
sens pas assez éclairé présentement pour prendre une
décision valable et je voudrais reporter ma décision à
jeudi de cette semaine, ça va?
M. BURNS: D'accord, M. le Président. Est-ce que j'ai bien compris
jeudi et non pas...
LE PRESIDENT: Après-demain. M. BURNS: Pas demain?
LE PRESIDENT : On est un peu serré peut-être. Vous avez une
motion privilégiée demain.
M. BURNS: On a une motion privilégiée d'ailleurs demain.
D'accord.
LE PRESIDENT: J'ai pensé à ça également.
Travaux de la Chambre
M. ROY: Avant d'appeler le premier article, est-ce que l'honorable
leader du gouvernement pourrait nous donner l'ordre des travaux du jour? En
vertu de quel ordre les différentes motions ou les projets de loi
seront...
M. LEVESQUE: Nous allons entreprendre l'étude du projet de loi de
la Société générale de financement. Ensuite, un
projet de loi au nom du ministre du Travail, et ensuite deux projets de loi au
nom du ministre de la Justice relativement aux loyers. On verra ensuite.
M. SAMSON: Le salaire des juges?
M. LEVESQUE: II faut attendre à demain pour la prise en
considération du rapport, Nous pourrons, s'il nous reste du temps,
entreprendre l'étude des autres projets de loi qui paraissent au
feuilleton pour la deuxième lecture, par exemple terminer l'étude
du projet de loi no 13
en deuxième lecture, Loi autorisant de nouveaux crédits
pour fins de prêts agricoles.
Il y a ensuite l'étude des projets de loi dont les rapports ont
été déposés. Je pense bien que le menu est
suffisant pour le moment. Article 4).
Projet de loi no 20 Deuxième lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce propose
la deuxième lecture du projet de loi 20, Loi modifiant la charte de la
Société générale de financement du Québec.
L'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce.
M. Guy Saint-Pierre
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, l'honorable
lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et
en recommande l'étude à la Chambre.
La présentation de ce projet de loi s'inscrit dans la ligne des
efforts entrepris depuis plusieurs mois en vue de relancer la
Société générale de financement du Québec
sur des bases plus solides. Chaque fois que le sujet de la SGF revient au
centre des débats publics, on voit surgir, même chez ceux qui ne
rejettent pas a priori et de façon doctrinaire toute intervention
directe de l'Etat dans l'économie, des sentiments d'impatience, voire
même d'agressivité, qui débouchent le plus souvent sur une
critique négative et empreinte de pessimisme.
Pour sa part, le gouvernement, face aux nombreuses difficultés
qui ont marqué les onze premières années d'existence de la
SGF, n'a jamais cédé au découragement. Toutes les fois
qu'il lui a fallu injecter de nouveaux capitaux dans la société,
le gouvernement s'est efforcé de replacer ces incidents de parcours dans
une juste perspective. Sa principale préoccupation fut toujours de
rechercher les causes de ces difficultés et de dégager les moyens
pour que la SGF en arrive à relever le véritable défi qui
a présidé à sa création. Sans refaire l'historique
de la SGF, il n'est pas inutile aujourd'hui, au moment où le
gouvernement s'apprête, à l'aide de ce projet de loi, à
insuffler $25 millions additionnels au capital-actions de l'entreprise,
où le gouvernement s'apprête à aider la
société à franchir une étape supplémentaire,
de faire le point sur l'expérience de la SGF. Cette évaluation
doit tenir compte des facteurs essentiels qui conditionnent aujourd'hui le
développement de tout pays industrialisé et du contexte
particulier qui marque le développement industriel du Québec.
Malgré les développements très encourageants qui se
sont manifestés au niveau des investissements manufacturiers ces
dernières an- nées... J'en cite: ceux de 1973 où nous
avons eu une croissance de plus de 28.3 p.c. au niveau des immobilisations dans
le secteur de la fabrication; je cite également le fait que, dans la
période 1966 à 1970, la croissance annuelle des immobilisations
dans la fabrication ne fut que de 2.3 p.c, alors qu'elle fut, depuis 1970,
depuis l'avènement du présent gouvernement, d'un montant annuel
de près cinq fois plus élevé, soit de 10.4 p.c, battant
ainsi les performances des économies des autres régions du pays,
en particulier de l'économie de l'Ontario.
Malgré ces développements très encourageants,
plusieurs études portant sur l'évolution à long terme de
l'industrie secondaire québécoise ont fait ressortir un certain
manque de dynamisme dans les taux de croissance de la plupart des variables. De
plus en plus, on semble d'accord pour attribuer cet état de choses
à la faiblesse de la structure industrielle. Le secteur manufacturier
québécois je l'ai déjà mentionné
à quelques reprises se caractérise, en effet, par une trop
forte concentration de ses activités dans des industries traditionnelles
où la demande est peu dynamique et les marchés restreints
à l'intérieur des frontières canadiennes.
Là on touche à une deuxième caractéristique
fondamentale de l'industrie manufacturière québécoise
maintes fois soulignée, elle aussi. Il s'agit de la faible participation
des Québécois dans l'industrie secondaire. D'une part les
entreprises québécoises n'occupent pas en effet dans l'ensemble
de ce secteur d'activité et en particulier dans les industries d'avenir
une place suffisamment importante.
Ces entreprises sont pour la plupart de taille petite ou moyenne et en
général n'ont pas la technologie et les ressources
administratives et financières suffisantes pour percer de façon
significative sur les marchés internationaux. D'autre part, il est
reconnu que les Québécois sont très peu présents
dans les entreprises étrangères installées ici,
particulièrement dans les postes détenant les centres de
décision. Dans l'ensemble les investissements étrangers, à
cause de facteurs socio-culturels, n'ont pas créé et ne
créent pas au Québec les mêmes effets d'entraf-nement que
dans les autres pays industrialisés. Il y a peu de retombées sur
la formation technique et administrative des Québécois.
A mon avis, si les Québécois n'ont pas encore
réussi à s'imposer suffisamment dans l'industrie secondaire, ce
n'est pas tant à cause du manque de ressources financières, ce
n'est pas non plus une question de compétences disponibles. C'est
principalement dû au manque d'occasion de se faire la main, de prendre de
l'expérience et d'assimiler les connaissances nécessaires.
Quelle est la place de la SGF dans la poursuite de certains objectifs de
développement industriel au Québec? A partir de ce diagnostic sur
la situation québécoise et des considérations que j'ai
faites précédemment sur
l'évolution de l'activité industrielle à
l'échelle mondiale, trois conclusions s'imposent: 1) Face à une
structure industrielle qui se modifie beaucoup trop lentement et qui assimile
mal les changements rapides de la demande, il faut concevoir une action
comportant deux volets. Il faut d'abord, par tous les moyens possibles,
s'efforcer de susciter l'apparition au Québec de ces industries d'avenir
qui, en raison de la nouveauté de leurs produits, de leur technologie,
sont promises à une croissance rapide.
Par ailleurs, il est tout aussi important de permettre à nos
industries plus traditionnelles de rationaliser et de consolider leur
production, afin qu'elles soient davantage en mesure de résister
à la concurrence et même de conquérir de nouveaux
marchés.
Les membres de l'Opposition qui suivent avec attention les politiques
économiques du gouvernement auront reconnu que le premier volet,
c'est-à-dire attirer des industries de pointe, nous en avons fait la
mission principale de la Société de développement
industriel du Québec. Le second volet, c'est-à-dire consolider
les entreprises traditionnelles et rationaliser leur production, ceci fut
l'objet de programmes particuliers du ministère, qui visait en
particulier l'amélioration du "design" et l'aide à l'exportation
pour nos entreprises. 2) Les nouvelles conditions de la croissance des pays
industrialisés laissent entrevoir qu'il faudra au niveau de l'industrie
secondaire compter davantage sur nos propres ressources, sur notre dynamisme et
nos initiatives internes. A cet effet, le problème fondamental qu'il
nous faudra résoudre est sans contredit celui de l'entrepreneurship. Ce
qui manque c'est l'entrepreneur qui prend les risques et qui rassemble ses
ressources. Dans certains domaines, souvent il s'agit des secteurs les plus
stratégiques, les obstacles à surmonter, le fardeau à
assumer sont tels qu'il est peu probable que les industriels
québécois à eux seuls arrivent à percer. Dans ces
cas très concrets, l'Etat doit nécessairement jouer un rôle
d'instigateur et de catalyseur. 3) Dans beaucoup de domaines, la venue
d'investissements étrangers est et continuera d'être indispensable
non pas tant pour les capitaux, mais en raison de leur apport de savoir-faire
et de technologie nouvelle. Ces considérations qui nous guident
maintenant dans la plupart de nos actions dans le domaine industriel sont
essentielles pour bien comprendre la portée de l'expérience de la
SGF.
Elles permettent de réaliser l'importance des obstacles qui ne
pouvaient faire autrement que de se dresser et qui se dresseront encore dans la
poursuite de sa mission. L'évaluation que l'on peut faire des
résultats obtenus jusqu'à maintenant s'en trouve ramenée
à un niveau moins émotif mais combien plus réaliste. En
fait, c'est à partir de ces orientations qu'il nous sera possible de
mieux définir les objectifs et les moyens d'action de la
société pour l'avenir.
Les raisons qui ont justifié la création de la SGF sont
toujours d'actualité. Le gouvernement est convaincu plus que jamais de
la nécessité de préserver et de développer, avec
les améliorations appropriées, un instrument du type de la SGF.
On ne l'appellera peut-être plus, de façon pompeuse, instrument de
libération économique ou bien outil d'émancipation
économique, mais on fera tout en notre pouvoir pour que cet instrument
joue un rôle utile et nécessaire à la poursuite des
objectifs économiques que j'ai esquissés
précédemment.
Quelles sont les principales causes des difficultés
passées de la SGF? Les multiples difficultés, les nombreux
problèmes qu'a connus la SGF depuis dix ans, personne n'a cherché
à les dissimuler, bien au contraire. Une première cause
importante des malaises éprouvés se trouve sans contredit au
niveau des objectifs difficilement conciliables qui lui furent donnés,
compte tenu de sa structure financière, c'est-à-dire que la
recherche d'une rentabilité à court terme pour satisfaire les
actionnaires privés du holding s'est révélée le
plus souvent incompatible avec la poursuite d'une mission de
développement économique qui exige dans bien des cas la mise en
place de moyens dont les résultats se font sentir surtout en longue
période. Une autre raison majeure des difficultés de la SGF
découle du caractère très général de
l'objectif qu'elle devait poursuivre en matière de développement
industriel. Il n'existait pas, à l'époque, une articulation de
l'action gouvernementale dans le domaine économique et industriel comme
cela est en train de s'établir maintenant autour des deux pôles
d'action visant à susciter l'apparition d'activités nouvelles et
à consolider les industries existantes tel que je le mentionnais
tantôt et qui nous fournit un cadre de référence à
la SGF. Cette absence d'orientation explicite n'a guère favorisé
la mise en place au sein de la société d'une politique
rationnelle de développement et a donné lieu à une
fragmentation et à une diversification beaucoup trop poussées des
investissements. Lorsqu'on veut évaluer la contribution de la SGF du
point de vue du développement industriel et suivant les deux lignes
d'action qui, selon notre conception actuelle, peuvent le mieux permettre
d'assainir et de rendre plus dynamique notre structure industrielle, les
résultats sont pour le moins mitigés. Suivant la première
orientation, il s'agit de développer des activités nouvelles,
principalement dans des secteurs modernes, ayant accès à des
vastes marchés en croissance rapide. Une telle action, qui comporte des
effets plus immédiats sur la structure industrielle, n'a
été menée qu'à trois ou quatre reprises par la SGF,
les projets SOGEFOR et SOMA, dans lesquels elle s'était engagée
seule, ont constitué la source principale de ses difficultés
financières et explique à plus de $9 millions une partie du
déficit accumulé de la SGF. L'association avec un partenaire
étranger a apporté un savoir-faire et une technologie
éprouvée et a produit dans
l'autre cas, celui de CEGELEC, de bons résultats. L'association
avec une petite entreprise québécoise dynamique oeuvrant dans un
secteur d'avenir mais qui ne dispose pas de toutes les ressources
nécessaires pour réaliser son potentiel de croissance constitue
également une alternative intéressante. La participation de la
SGF dans Bonnex est le seul cas qui puisse s'assimiler à ce type
d'intervention.
Suivant la seconde orientation qui vise la consolidation d'entreprises
existantes, les effets sur la structure industrielle ne se font vraiment sentir
qu'une fois la phase de réorganisation terminée alors que les
entreprises sont en mesure de générer de nouvelles
activités.
A la SGF, un action en ce sens, qui s'est affirmée par la
volonté de former des groupements d'entreprises interreliées, n'a
paru qu'après quelques années d'acquisitions
réalisées principalement pour d'autres motifs et sans que leur
contribution au développement industriel n'ait été
clairement démontrée.
Divisée entre sa vocation de former et de développer des
entreprises qui puissent contribuer de façon significative au
développement économique et la contrainte qui pesait sur elle de
réaliser des bénéfices en courtes périodes, la SGF
n'a pu se définir une politique cohérente de création et
d'acquisition d'entreprises. Du point de vue du développement
industriel, les résultats obtenus suivant les deux types d'action
paraissent dans l'ensemble peu satisfaisants.
Enfin, si on voulait identifier une dernière cause des
problèmes de la SGF, il faudrait probablement les attribuer à
certaines déficiences dans la gestion, tant au niveau des
méthodes utilisées que des personnes alors en place. Toutefois,
les erreurs qui ont pu être commises ne relèvent d'aucune
façon de la mauvaise foi ou de l'incompétence flagrante. A bien
des égards elles furent le prix à acquitter pour acquérir
une expérience que ne peuvent avoir ceux qui tentent de faire leurs
premiers pas. Comme c'est le cas pour la plupart des Québécois en
général, très peu de membres de la direction jouissaient
d'une expérience dans la gestion d'un conglomérat ou d'une
entreprise industrielle d'une certaine taille.
Il ne faudrait pas oublier cependant de souligner les aspects
très positifs qui découlent, malgré tout, de l'action de
la SGF. Si l'on considère l'ensemble des entreprises
contrôlées actuellement par la société et dans
lesquelles elle a une participation significative, on arrive au chiffre
très respectable de près de 9,200 emplois, dont plus de 80 p.c.
dans le secteur manufacturier, représentant annuellement une masse
salariale de $84 millions et un chiffre d'affaires qui dépasse $275
millions. Plus de 3,000 de ces 9,000 emplois n'existaient pas lorsque la SGF a
fait l'acquisition de ces entreprises ou y a pris une participation, ce qui
n'est pas négligeable. On sait que dans d'autres secteurs, le secteur de
l'éducation, le secteur des affaires sociales, sur une période de
onze années, lorsque l'Etat participe directement à une masse
salariale équivalente à celle de la SGF, le déficit
accumulé est énormément plus important je pense, que celui
que nous avons fait dans le secteur économique. En d'autres termes,
compte tenu de pertes d'environ $9 millions, mais compte tenu également
de bénéfices accumulés dans des filiales qui ont
été rentables, on voit que plus de 9,000 Québécois
ont gagné leur vie, pendant onze ans, dans les entreprises de la SGF et
que, somme toute, le coût direct à l'Etat est beaucoup moindre
qu'on serait porté à le croire!
Nous avons pris, depuis quelque temps, plusieurs mesures pour assainir
la situation de la SGF. Nous avons voulu consolider ses activités et
améliorer sa gestion. Deuxièmement, nous avons modifié la
structure financière de la SGF et, troisièmement, nous avons
procédé à un assainissement de sa situation
financière.
Dans la consolidation de ses activités, un nouveau conseil
d'administration a été nommé, en vertu de la loi 75,
sanctionnée le 21 décembre 1972, ce qui a permis de diminuer le
nombre d'administrateurs de seize à sept.
Le 3 décembre 1973, la société a tenu une
première assemblée générale des actionnaires de
façon à élire les nouveaux administrateurs. Ce conseil
d'administration se compose maintenant ainsi: président, M. Yvon Simard;
M. John Dinsmore, sous-ministre adjoint au ministère de l'Industrie et
du Commerce; M. Raymond Lavoie, vice-président du conseil
d'administration de la SGF et président directeur général
du Crédit foncier franco-canadien; M. Yves Gratton, président de
UAP Inc., M. Guy God-bout, président de GCN Wire Industries; M. Michel
Latraverse, président de CORPEC Inc., et, finalement, M. Philippe
Parizeau, directeur général de la Coopérative agricole de
Granby complètent les administrateurs de la SGF.
L'an dernier, nous avons franchi une seconde étape pour la
concrétisation de cette nouvelle orientation de la SGF. En effet,
après l'adoption de la loi no 75, le gouvernement était en
mesure, après une évaluation du prix des actions par une firme
reconnue, de faire une offre d'achat juste et raisonnable aux différents
actionnaires de la SGF. En faisant du gouvernement le seul actionnaire de la
société, il ne s'agissait pas, comme je l'ai affirmé
à ce moment-là et à plusieurs reprises depuis,
d'étatiser la SGF, mais, bien au contraire, de retrouver une meilleure
base de collaboration avec le secteur privé au niveau de certaines
filiales et pour des projets spécifiques. Cette mesure visait à
faire disparaître une cause importante des difficultés de la SGF,
que j'ai mentionnées tantôt, soit l'incompatibilité, au
sein d'une société à structures financières mixtes,
entre un objectif de rentabilité à court terme et un objectif de
développement économique qui s'échelonne sur un plus long
terme.
Avec le projet qui est devant nous aujour-
d'hui, nous en sommes rendus à la troisième étape
de l'action à court terme entreprise il y a deux ans. Il importe de
noter que ce projet de loi est l'aboutissement logique de mesures
concrètes qui, sans faire l'objet de projets de loi, ont
été prises par le gouvernement et par les administrateurs afin
d'améliorer les finances et la gestion de la SGF. Tel que je vous
l'avais affirmé l'an dernier, l'intention du gouvernement était
de ne pas ménager ses efforts pour donner à la
société un capital-actions plus substantiel.
L'injection de capital prévue par ce projet de loi, qui aurait
été prématurée l'an dernier, permettrait maintenant
de poursuivre l'assainissement de la situation financière de la SGF afin
qu'elle puisse consolider, relancer ou développer certaines filiales. A
cet effet, le projet de loi qui est devant nous vise essentiellement à
autoriser le ministre des Finances à souscrire $25 millions dans le
capital-actions de la société avant le 31 décembre 1975.
On comprendra et le chef de l'Opposition sera d'accord avec moi
que de tels gestes ne peuvent s'inscrire dans une politique qui viserait
à remettre sur les tablettes les instruments de développement
collectif que la révolution tranquille nous avait donnés. En
effet, ces fonds pourront servir notamment à renflouer le fonds de
roulement de Marine Industrie Ltée, ainsi que celui de CEGELEC qui a
été fortement diminué lors d'une grève
récente.
En fait, une somme de $10 millions sera prévue pour renflouer le
fonds de roulement de Marine Industrie, une somme de $1 million sera
prévue dans le cas de CEGELEC.
M. MORIN: C'est toujours pour le fonds de roulement?
M. SAINT-PIERRE: De développement. Une somme de $3 millions, dans
le cas de SOMA, où il s'agira de projets possibles, qui ont
été esquissés et dont les détails devraient se
concrétiser dans quelques semaines et qui, dans ce cas comme dans
d'autres, sont soumis à l'approbation du cabinet.
Il restera donc une somme de $11 millions et, suivant les dispositions
du projet de loi et de la charte de la SGF, ces sommes seront disponibles et
sujettes à l'approbation du conseil des ministres pour des projets
particuliers qui pourraient faire l'objet, actuellement, des discussions que le
conseil d'administration de la SGF vise à faire.
On comprendra que, dans ce cas-ci, il ne s'agit pas d'empêcher la
SGF de se développer mais plutôt d'être associée avec
eux dans une phase qui vise à augmenter la crédibilité de
la SGF non pas vis-à-vis des milieux d'affaires mais vis-à-vis
des Québécois en général et de l'ensemble du
gouvernement.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce qu'il est une heure?
M. SAINT-PIERRE: Je constate qu'il est une heure, M. le
Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je suspends les travaux de la Chambre
jusqu'à trois heures.
M. LESSARD: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une
question au ministre, avant la suspension?
DES VOIX: II est une heure. M. LESSARD: D'accord. (Suspension de la
séance à 12 h 59)
Reprise de la séance à 15 h 3
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs! Qu'on appelle les
députés, s'il vous plaît!
Le député de Chambly.
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, à l'ajournement j'avais
donc commencé à esquisser quelle pouvait être l'utilisation
des fonds de $25 millions possibles par la SGF. Nous avions mentionné
qu'une somme d'environ $10 millions pourrait servir à renflouer le
capital-actions, le fonds de roulement de la Société Marine
Industrie qui est quand même la société la plus importante
dans le groupe SGF.
Une somme additionnelle de $1 million servirait à renflouer le
fonds de roulement du groupe CEGELEC, qui a été fortement
diminué lors d'une grève récente, et permettrait, à
l'intérieur de ce groupe, de poursuivre l'expérience que nous
avons eue de nous associer à cette compagnie française dans le
développement d'un nouveau produit.
Nous avions prévu également une somme de $3 millions qui
pourrait peut-être servir à la SGF dans le cas de la relance de
l'usine SOMA où, là encore, majoritairement, la SGF s'associera
avec quelqu'un qui apporte une contribution au niveau des connaissances
technologiques et de l'expertise pour pénétrer un marché
dynamique conforme à nos plans d'expansion.
Ceci laisse une somme d'environ $11 millions qui pourrait servir
à des projets d'expansion de différentes filiales de la
Société générale de financement. On pense en
particulier à la société Donohue où la SGF est
actionnaire à 43 p.c. du capital-actions et qui, peut-être
pourrait entrevoir des expansions au cours des prochaines années pour
faire face à la demande additionnelle dans la demande de papier journal
et de pâte kraft.
Egalement d'autres projets qui ont donné lieu à ces
discussions récemment dans des types d'entreprises assez
intéressantes avec des intérêts non américains, mais
japonais ou européens dans des secteurs qui nous semblent correspondre
à certaines des vocations industrielles que le Québec
s'était données.
D'ailleurs, comme je l'ai mentionné aux représentants de
l'Opposition, c'est notre intention, après la deuxième lecture de
ce projet de loi, que la commission parlementaire chargée
d'étudier article par article le projet de loi puisse entendre, dans un
premier temps, le président directeur général de la SGF,
M. Yvon Simard. Et tous les députés de cette Chambre pourront
à loisir le questionner, non seulement sur l'utilisation des $25
millions mais sur l'état de certaines des filiales qui existent dans le
moment au sein de la SGF.
Quoi qu'il en soit et cela est très important à
noter les fonds pour chacun des projets ne pourront être obtenus
sans l'autorisation préalable du lieutenant-gouverneur en conseil, de
façon qu'ils correspondent aux objectifs de développement
industriel du gouvernement et que, dans un deuxième temps, ils offrent
les garanties minimum au niveau de la rentabilité de ces projets. Le
projet de loi d'aujourd'hui ne constitue donc pas une panacée; il s'agit
toutefois d'une action concrète de l'Etat permettant d'améliorer
à court terme la situation de la Société
générale de financement et conséquemment de faire un
nouveau pas dans la réorganisation de cette société.
Toutes les mesures qui ont été prises depuis deux ans, y
compris celle qui vous est soumise aujourd'hui, n'ont pas été
adoptées sous le coup de l'improvisation. Malgré le
caractère immédiat de certaines d'entre elles, ces mesures ont
été décidées d'abord en fonction d'une progression
vers une solution durable des problèmes du passé et ensuite en
fonction d'une vision cohérente de l'orientation nouvelle qui sera celle
de la SGF pour l'avenir. Cette nouvelle orientation, retenue après
l'analyse de plusieurs options, tient compte du rôle joué par
d'autres organismes parapublics tels que la Société de
développement industriel, SIDBEC, nombre d'autres
sociétés, SOQUEM, SOQUIP, dans les secteurs plus sectoriels,
REXFOR et d'autres que je passe, et délimite de façon plus
précise et plus concrète la contribution que peut apporter la SGF
dans la réalisation des objectifs que poursuit le gouvernement dans le
secteur industriel.
En gros, le nouveau rôle de la SGF sera de promouvoir le
développement au Québec d'investissements dans des
activités nouvelles, utilisant une technologie moderne et jouissant de
marchés en croissance rapide, en participant à des initiatives
conjointes, les "joint ventures", avec les entreprises étrangères
susceptibles d'apporter un savoir-faire et une technologie
éprouvés ou avec des petites et moyennes entreprises
québécoises dynamiques et innovatrices.
La SGF ne serait donc pas là pour racheter le passé mais
travaillerait pour l'avenir en s'effor-çant de réaliser des
percées dans des secteurs nouveaux où les Québécois
sont peu ou pas implantés. Une telle orientation visant à
susciter des activités nouvelles peut sembler paradoxale, sachant que
c'est dans ce domaine que la SGF a connu ses plus sérieuses
difficultés, notamment dans le passé avec SOGEFOR et SOMA.
Toutefois, l'association avec un bon partenaire apportant à la fois
savoir-faire, technologie et pénétration de marchés
reconnus a donné de bons résultats dans le cas de CEGELEC. C'est
dans cette voie qu'elle tentera d'exploiter à l'avenir ce filon qui a
été prometteur.
Les projets d'association avec l'entreprise privée que recherche
la SGF pourront se réaliser soit avec l'entreprise
étrangère, soit avec l'entreprise québécoise. Il
est bien évident que les objectifs visés et l'apport de la SGF ne
seront pas exactement les mêmes dans les deux cas.
L'association avec des entreprises étrangères dans
bien des cas, il s'agira de firmes de
renommée internationale visera surtout à permettre
à des Québécois de participer à leur savoir-faire
et à leurs technologies, d'acquérir une expérience dans
des domaines où ils ont eu très peu d'occasions de le faire
jusqu'ici et, en définitive, d'en arriver éventuellement à
la formation de véritables équipes de gestion
québécoises dans ces domaines. Il s'agit là d'un
rôle extrêmement important et qui réalisera, dans un certain
nombre de cas très concrets, cette intégration des
investissements étrangers à notre économie, dont j'ai
mentionné l'urgente nécessité dans cette conférence
de la semaine dernière.
L'association avec des entreprises québécoises
procède d'une autre logique. Comme on compte très peu de
très grandes entreprises québécoises dans le secteur
manufacturier, de telles associations se réaliseront essentiellement
avec les petites et moyennes entreprises, communément appelées
les PME. Ayant rejeté l'action de type consolidation ou rationalisation,
laissant à la SDI les soins de fusion d'entreprises, la SGF devra
rechercher les petites et moyennes entreprises dynamiques et innovatrices qui
peuvent avoir besoin d'un appui pour réaliser tout leur potentiel de
croissance.
Les PME québécoises ne sont pas toutes dépourvues
de potentiel d'innovation, loin de là. Songeons que, dans les
économies aussi développées que les Etats-Unis et la
France, de 50 p.c. à 70 p.c. des innovations viennent des petites
entreprises et non de très grandes compagnies. Comme il s'agira dans la
plupart des cas d'entreprises qui tentent de percer dans un domaine nouveau,
donc plus risqué, le rôle de la SGF sera souvent de leur apporter
un capital de risque. Ayant mentionné tantôt l'acuité du
problème de "l'entrepreneurship" dans nos entreprises
québécoises, la SGF devra, dans certains cas, se résoudre
à une participation beaucoup plus poussée qu'elle n'a pu le faire
dans le passé.
La formule de participation dans de tels projets conjoints peut varier.
Elle doit, cependant, être souple et s'adapter aux circonstances
particulières du moment. Dans ces associations avec les entreprises
étrangères, la SGF s'efforcera le plus possible de détenir
des intérêts légèrement majoritaires. Ce type de
participation plus exigeant peut souvent constituer la seule façon
valable pour la SGF de réaliser au maximum l'intégration des
Québécois au sein de ces entreprises. Quant à
l'association avec des entreprises québécoises, une participation
légèrement minoritaire de la SGF semble devoir convenir dans la
plupart des cas où l'entreprise possède des ressources
administratives et techniques valables.
Une fois sa tâche accomplie, après quelques années
d'opération rentable, il n'est pas interdit de penser que la SGF puisse
permettre à des intérêts québécois de prendre
la relève et d'acquérir sa participation dans certaines filia-
les, dans certaines entreprises. De même, il n'est pas impossible que
certaines entreprises se transforment alors en compagnies publiques
cotées à la Bourse et deviennent ainsi accessibles aux petits
investisseurs québécois.
Cela serait une façon concrète, différente, il est
vrai, de celle prévue en 1962, d'en arriver à cette participation
souhaitée de l'épargne de la population du Québec à
son développement.
En confiant des objectifs de cette nature à la SGF, le
gouvernement est pleinement conscient qu'il ne s'agit pas d'une tâche de
tout repos. Le rôle de la SGF, en effet, ne consistera pas uniquement
à détenir passivement un portefeuille d'actions d'entreprises,
mais devra se traduire par une certaine forme de présence dans les
filiales. Il s'agit avant tout d'une question d'hommes, on l'aura bien
compris.
Bien sûr, cela ne sera pas son rôle de multiplier les
interventions dans la gestion courante des filiales. Oeuvrant en association
avec des entreprises privées, il lui faudra, cependant, exercer une
gestion plus active auprès des filiales, surtout au niveau du
contrôle financier afin que ces dernières aient
périodiquement à rendre compte de leur activité, comme
cela est normal dans le secteur privé.
Le véritable défi de la SGF se trouve là. C'est de
contribuer au développement industriel du Québec par des
initiatives que nos entreprises québécoises laissées
à elles-mêmes pourraient difficilement assumer, et ce en se
redonnant, plus que par le passé, les mêmes contraintes de
rentabilité financière que l'on retrouve dans le secteur
privé.
La position du gouvernement est donc claire. Elle rejette cette
espèce de formule doctrinaire de voir uniquement dans les interventions
de l'Etat la planche de salut à notre développement
économique mais elle rejette également cette espèce de
déterminisme du Parti créditis-te, exprimé en campagne
électorale, de blâmer systématiquement toute
interférence, tout déplacement de l'Etat dans le secteur
économique. Autant le Parti libéral croit foncièrement que
le secteur privé est l'agent économique le mieux
développé, le plus approprié pour créer la richesse
dans le milieu, l'Etat, par son gouvernement, ayant de lourdes
responsabilités de réglementation, de surveillance de
l'activité économique et de redistribution de la richesse par des
programmes sociaux par l'incitation fiscale, autant, cependant, nous admettons
que cette loi générale qui favorise le rôle de l'entreprise
privée dans le développement économique peut accepter
à l'occasion des exceptions lorsque le bien commun l'exige.
Il nous semble que, dans nombre de cas jusqu'ici, c'est sous ce
prétexte que nous sommes intervenus dans le secteur économique.
Nous ne sommes pas doctrinaires. Nous refusons des slogans comme nous en avons
entendu récemment, disant: Le développement du Québec par
les Québécois. Dehors les étrangers! Nous croyons
foncièrement qu'il y a des façons
d'allier à la fois la connaissance, l'expertise des
étrangers avec un développement qui soit bien
intégré à l'ensemble des Québécois.
Il semble que les progrès que nous avons accomplis sur le plan
économique depuis trois ans, montre que le gouvernement, sans avoir,
comme le laissait entendre le chef de l'Opposition officielle, dans des termes
ronflants, une politique globale de mise en valeur de son économie, a
néanmoins fait des gains remarquables. C'est dans ce filon que nous
avons l'intention de continuer ce travail. Ce travail de bâtisseur qu'on
confie à la SGF ne s'accomplira donc pas du jour au lendemain. Il faudra
de la patience, car les progrès ne sauront se matérialiser que
graduellement. Si le gouvernement est confiant que les réussites
finiront par percer, il ne se surprendra pas outre mesure que certaines
initiatives puissent se solder par des insuccès. Une plus grande
participation des Québécois dans le secteur industriel, une plus
grande présence des Québécois dans notre vie
économique ne se fera pas sans quelques sacrifices. Mais les conditions
de développement qui marquent l'évolution de l'activité
industrielle à travers le monde, avec le rôle accru dévolu
aux grandes entreprises, ne nous rendront pas la partie facile. C'est pourquoi
le gouvernement attache une si grande importance à la SGF et est
prêt à poursuivre plus avant sa coopération directe avec
les industriels du secteur privé. Avec sa nouvelle orientation qui prend
de plus en plus forme, et l'exemple des projets possibles pour SOMA en est une
indication, la SGF devient le pendant actif et le prolongement de la
Société de développement industriel et du Centre de
recherche industrielle du Québec, deux organismes qui tentent d'appuyer
les initiatives du secteur privé. Tournée vers les secteurs
d'avenir, s'associant avec les éléments les plus dynamiques de
notre économie, laissant à d'autres un travail de
réorganisation industrielle nécessaire, mais peu compatible avec
le développement d'activités nouvelles, ouverte sur
l'extérieur à la recherche d'association avec les entreprises les
plus modernes, la Société générale de financement
renouvelée aura davantage la possibilité d'apporter une
contribution originale et plus essentielle au développement industriel
du Québec. Merci.
LE VICE-PRESIDENT: Le chef de l'Opposition officielle.
M. Jacques-Yvan Morin
M. MORIN: M. le Président, en réponse au discours du
ministre de l'Industrie et du Commerce, je voudrais attirer l'attention de
cette Chambre sur certains développements récents, relatifs
à la Société générale de financement.
Après quoi, j'aborderai l'objet du présent projet de loi.
Troisièmement, je traiterai des ressources de la SGF, qui nous
paraissent totalement insuffisantes au regard de son mandat.
Enfin, dernier point avant mes conclusions, je traiterai du
développement et de la réorientation de la SGF.
Parmi les développements récents, il faut souligner, en
premier lieu, la remise au ministère de l'Industrie et du Commerce du
rapport de Coster sur la restructuration et la réorientation de la
SGF.
Je vous ferai remarquer qu'on a jamais voulu rendre public ce document
qui, pourtant, devait contenir bien des choses intéressantes,
prétendument parce qu'il s'agissait d'un document interne. Pourtant,
c'est un document qui nous serait de la plus haute utilité cet
après-midi alors que le gouvernement, par ce projet de loi, nous propose
de souscrire dans le fonds social de la SGF, avant le 31 décembre 1975,
$25 millions. Ont participé, d'après ce que nous en savons,
à ce rapport de Coster, un certain nombre de conseillers du
gouvernement. D'abord, M. de Coster lui-même, sous-ministre du
ministère de l'Industrie et du Commerce, M. Bélanger, du Conseil
du trésor, et divers conseillers extérieurs. Tous, nous en sommes
convaincus, sont hautement qualifiés pour examiner le passé et
l'avenir de la SGF.
Lorsque le ministre de l'Industrie et du Commerce, en décembre
1972, lors de la deuxième lecture du bill 75, a voulu expliquer les
raisons qui motivaient ce projet de loi, il nous a donné un
aperçu, mais guère plus, des problèmes, tels que ce
rapport de Coster les avait énoncés. On trouve cinq constatations
dans ce rapport, du moins dans le résumé qu'en a donné le
ministre.
Premièrement, mauvais état de la conjoncture
économique au cours des deux ou trois dernières
années.
Deuxièmement, poursuite d'objectifs difficilement conciliables.
Chargée de susciter la formation et le développement
d'entreprises industrielles ou commerciales qui contribuent, de façon
dynamique, au développement économique et à la
création d'emplois, la SGF, ajoutait le ministre, avait également
la tâche difficile d'obtenir une rentabilité, à court
terme, suffisante, ce qui, d'ailleurs, est un des mandats que lui reconnaissait
la loi. Donc, difficulté de concilier le développement à
long terme avec la recherche du profit à court terme.
Troisième cause de difficulté pour la SGF, nous disait le
ministre: L'achat d'entreprises pour des fins étrangères à
une saine gestion, principalement en se livrant à des opérations
de sauvetage d'entreprises plus ou moins périclitantes ou plus ou moins
en difficulté du point de vue du droit successoral.
Quatrièmement: Diversification trop poussée des
investissements, qui dénotait, d'après le rapport de Coster, tel
qu'on nous l'a relaté, l'absence d'une politique de développement
vraiment intégré, vraiment cohérent, vraiment rationnel
dans un méli-mélo d'entreprises disparates.
Enfin, cinquièmement, toujours selon ce que nous relatait le
ministre on dit certaines
"déficiences" mais ce n'est pas français certains
manques dans la gestion, tant au niveau des méthodes utilisées
que des personnes en place.
Et voilà qu'en décembre 1972, dans son discours de
deuxième lecture, le ministre nous apporte quelques
éclaircissements. Le projet de loi visait essentiellement à
changer la structure du holding Société générale de
financement, de société mixte qu'elle était,
c'est-à-dire société où il y avait une
participation du gouvernement, une participation des caisses populaires, des
institutions financières et même de certains individus, en
société purement gouvernementale. Et, pour obtenir ce
résultat, le gouvernement a été obligé, en
décembre 1972, de racheter les parts des parties privées, au
coût d'environ $15 millions.
Toutefois, rien n'a changé il faut le souligner
quant au statut des filiales, qui, elles, continuent de s'associer à des
capitaux privés et à fonctionner essentiellement comme des
sociétés privées. On verra tout à l'heure qu'elles
se font remarquer sur ce plan, dans leurs rapports avec leurs
employés.
Ce changement était souhaitable, à notre avis, et nous
avons appuyé le bill, étant donné l'incompatibilité
que nous admettions entre les objectifs à long terme, d'une part, et les
objectifs à court terme, d'autre part. Premièrement, le
gouvernement vise le développement économique à moyen et
à long terme, comme dans le cas, par exemple, de Marine Industrie et le
rachat d'entreprises québécoises qui sont sur le point
d'être vendues à des intérêts étrangers.
Mais, en deuxième lieu, il recherchait, en raison de la
présence des autres participants, un rendement à court terme et
le versement de dividendes.
Troisième point à souligner dans les développements
récents: les difficultés toutes récentes de la SGF, la
grève à CEGELEC, où nous avons été
témoins de l'intransigeance de cette société, notamment
à l'égard de son personnel. Cette société CEGELEC a
eu à pâtir de son attitude antisyndicale dont se sont plaintes, en
tout cas, les centrales syndicales à plusieurs reprises.
Et c'est ce qui a fait que CEGELEC a dû faire appel à des
filiales européennes de la Compagnie générale
d'électricité pour remplir certaines commandes sur le
marché canadien.
Fermeture de SOMA dans les circonstances dont tout le monde se
souviendra. On nous annonce une réouverture prochaine, et
peut-être y reviendrai-je tout à l'heure.
Enfin, difficultés très sérieuses des Industries
Valcartier depuis la fin de la guerre du Vietnam.
Voilà un court rappel des développements les plus
récents à la SGF, qui nous montre que tout ne va pas pour le
mieux dans le meilleur des mondes à la Société
générale de financement, qui nous montre que la SGF ne fait pas
fructifier tous les espoirs qu'on avait mis dans cet instrument de
libération collective lorsqu'elle a été fondée,
à l'époque de la révolution tranquille.
En second lieu, je voudrais maintenant me pencher sur les objectifs de
ce projet de loi. On nous dit que cela a pour but d'augmenter la participation
du gouvernement au capital-actions de la SGF en achetant, d'ici 1975, 2,500,000
actions pour un montant de $25 millions.
Ces nouvelles mises de fonds, le ministre nous a expliqué tout
à l'heure de quelle façon elles allaient être
utilisées. D'abord, on va renflouer le fonds de roulement de Marine
Industrie. Si j'ai bien compris, il s'agissait d'une somme de $10 millions. En
second lieu, on va renflouer le fonds de roulement de CEGELEC, environ $1
million. C'est déjà une partie substantielle qui va être
utilisée essentiellement pour renflouer et non pas pour créer de
nouveaux investissements productifs. Cela nous paraît déjà
limiter considérablement la portée réelle de ce projet de
loi.
Bien sûr, il y aura et nous nous en réjouissons
$3 millions qui constitueront une mise de fonds, j'imagine, pour la
société MAN qui va construire des autobus à la
société SOMA, dans ses anciens immeubles.
On nous parle aussi de Donohue de manière assez vague. On nous
parle d'associations avec des intérêts japonais sans doute
des intérêts européens aussi sans nous
préciser exactement et sans qu'on puisse se faire une idée,
très franchement, du point de vue de l'Opposition, s'il s'agit vraiment
d'un élan nouveau pour la SGF.
Troisièmement, les ressources de la SGF, les ressources qu'on va
maintenant ajouter à son capital-actions nous paraissent tout à
fait insuffisantes au regard du mandat qui a été confié
autrefois à cette société publique dont je
répéterais, malgré ce qu'a dit le ministre de l'Industrie
et du Commerce, que c'était au départ, et que ça devrait
demeurer, un des principaux instruments de libération économique
collective pour les Québécois.
Je rappelle, M. le Président, le mandat prévu en vertu de
la charte de la SGF. Il s'agissait, je cite: "De susciter et favoriser la
formation et le développement de l'entreprise industrielle et
accessoirement de l'entreprise commerciale dans la "province" pour
utiliser le langage de la loi de façon à élargir la
base de sa structure économique, en accélérer le
progrès et contribuer au plein emploi et d'amener la population du
Québec à participer au développement de ses entreprises en
y plaçant une partie de ses épargnes." Qu'on ne vienne pas me
dire à la lecture de ce texte auquel, si nous avions
été en Chambre à l'époque, nous aurions
apporté tout notre appui qu'il ne s'agissait pas là, dans
l'esprit de ceux qui ont fondé, de ceux qui ont établi cette
société, d'une entreprise de libération collective pour
les Québécois. Or, dans cette perspective, examinons maintenant
les fonds, les ressources gouvernementales qui ont été mises
à la disposition de la SGF sous forme d'achat de capital-actions par le
gouvernement. Le ministre de l'Industrie et du Commerce me
corrigera si j'ai tort. A sa fondation, en 1962, la SGF a reçu $5
millions, ce qui, au départ entre nous était une
somme assez ridicule, étant donné les termes ronflants de la loi.
Ce n'est pas nous qui faisons du ronflement avec ce magnifique objectif qu'on
s'était fixé, c'est la loi elle-même qui montre ses biceps,
c'est la loi elle-même qui s'était fixé les objectifs
grandioses qui n'ont pas été réalisés.
En 1967, on ajoute encore $5 millions; en 1969, on prend du poil de la
bête, M. le Président, c'est $10 millions qu'on jette dans la
cagnotte; en 1971, là commencent les déboires et cette fois le
gouvernement est obligé de verser $9 millions à la SGF pour
effacer les dettes de SOGEFOR. Donc, il ne faudrait pas qu'on nous dise que
cette aide de $9 millions constituait une augmentation de capital-actions. En
réalité on commençait à mettre de l'argent dans le
tonneau des Danaides. En 1972, il y eut $5 millions à nouveau. En sorte
que, aujourd'hui, le capital-actions souscrit par le gouvernement à la
SGF a été de $25 millions.
Nous avons toujours insisté de notre côté, j'en
prends la Chambre à témoin, pour accroître les ressources
de la SGF et aussi pour réorienter son action dans le sens de l'action
voulue par les prédécesseurs du gouvernement actuel, dans le sens
de l'action qui a été voulue en 1962 par le gouvernement de la
révolution tranquille, par M. Lesage et par ceux qui l'entouraient dont
M. Lévesque surtout.
Considérons qu'une société similaire a maintenant
été établie par le gouvernement fédéral. Je
ne sais pas si vous connaissez la mise initiale du gouvernement d'Ottawa dans
la corporation de développement canadienne, la CDC comme je l'appellerai
désormais.
M. le Président, il ne s'agit pas de 25 maigres petits millions
versés en dix ans, c'est-à-dire une moyenne de $2,500,000 par
année. La CDC se voit octroyer au départ $250 millions, dix fois
plus que vous n'en avez mis depuis dix ans dans la SGF. Et déjà,
à l'heure actuelle, l'actif de la société
fédérale, après seulement 22 mois d'opération, est
de $140 millions, à moins qu'il n'ait augmenté depuis quelques
semaines, $140 millions.
Alors, dans cette perspective, à la lumière de ces faits,
M. le Président, je crois que nous devons nous interroger, à
l'occasion de ce bill, sur le développement futur et sur la
réorientation de la Société générale de
financement. Au cours des dernières années, on a beaucoup
analysé, on a beaucoup étudié, rapporté, on a
beaucoup parlé aussi, on a dit que la SGF devant faire une "cure
d'assainissement". On a étudié les causes de l'échec, mais
malheureusement le rapport de Coster ne nous a pas été
communiqué. Il n'a pas été rendu public, en sorte que, sur
ce point, la gestion du gouvernement n'est pas devant nous, alors qu'elle le
devrait, pour qu'on puisse en parler en toute connaissance de cause cet
après-midi.
Comment se fait-il, M. le Président, que ce rapport, parce qu'il
est, comme "on l'a dit, de gestion interne, n'ait pas été
déposé devant la Chambre? Qu'avez-vous tellement à cacher
finalement? Est-ce que ce ne serait pas une bonne chose qu'on en discute ici en
Chambre, qu'on sache quelles ont été les causes d'échec de
la SGF, pour qu'on puisse, en tant qu'Opposition, nous, en prendre
connaissance, peut-être attirer votre attention sur certains points
particulièrement névralgiques, vous faire des suggestions?
Comment voulez-vous que nous remplissions notre rôle d'Opposition si on
n'a pas devant nous des rapports aussi circonstanciés qu'ils le
pourraient être?
M. le Président, on a aussi parlé des structures à
modifier. Le bill no 75 est venu, dans une certaine mesure, répondre
à notre inquiétude. On a aussi parlé des objectifs qu'il
fallait redéfinir, et la SGF elle-même, dans son rapport de 1971,
se définissait trois buts précis.
Je me permets de les rappeler à la Chambre, je sais bien que le
ministre lui-même doit les connaître par coeur, j'ose
l'espérer. Premièrement, attirer au Québec des capitaux
pour la création ou l'implantation d'entreprises industrielles ou
commerciales sur la base de critères de rentabilité
immédiate ou future.
Deuxièmement, attirer des capitaux pour le regroupement ou
l'intégration d'activités industrielles ou commerciales et enfin
c'était peut-être le dernier mais non le moindre des
objectifs maintenir au Québec le centre de décision
d'entreprises par la prise de participation au capital de
sociétés jugées essentielles.
En outre, au cours des dernières années, on a
étudié les champs privilégiés de l'industrie
auxquels la SGF devrait s'intéresser particulièrement et on s'est
interrogé: Fallait-il privilégier l'industrie lourde? Fallait-il
privilégier les appareils électromécaniques? Fallait-il
privilégier l'industrie du papier-journal? Il y a là-dessus pas
mal d'élucubrations dans le rapport de la SGF de 1971.
De tout cela, que reste-t-il? De tous ces débats, de toutes ces
parlotes, le gouvernement n'a à peu près pas tenu compte. On a
beaucoup parlé aussi de concentration, de développement de
complexes industriels intégrés, de regrouper les entreprises, de
réunir dans le même holding public les entreprises qui auraient
avantage à être reliées entre elles, de développer
de nouveaux complexes, particulièrement dans les secteurs où les
importations sont importantes et substituables.
On a beaucoup analysé, M. le Président. On a beaucoup
étudié, beaucoup parlé, mais qu'a-ton fait? Quelle action
a-t-on entreprise pour réorienter la SGF, pour la développer et
pour en faire ce qu'elle devait être au départ cet instrument de
libération collective des Québécois dont je parlais tout
à l'heure?
Certes, au cours des cinq dernières années depuis
1969 en gros le bilan de la SGF sur le plan de la constitution de
complexes industriels est loin d'être entièrement nul. Mais,
seules Donohue et CEGELEC ont fait l'objet
d'investissements importants. Et faut-il souligner que seule CEGELEC
avait pour effet d'ajouter une nouvelle entreprise au groupe d'entreprises
déjà acquises. Seule CEGELEC constitue un nouveau fleuron
à ce qu'on pourrait appeler les lauriers un peu fanés de la SGF.
Tout au plus, celle-ci a-t-elle utilisé ses ressources disponibles
à financer des entreprises existantes sous forme de prêts, la
plupart du temps, utilisés d'ailleurs pour renflouer les fonds de
roulement de la filiale. Du renflouement, voilà ce qu'on a fait surtout
depuis quelques années et voilà ce qu'on fait encore pour une
valeur d'au moins $11 millions avec le bill qui est devant nous.
En somme, en mettant les choses au mieux, la SGF n'a pas su
développer les complexes existants, pas plus qu'elle n'a su
développer de nouveaux complexes industriels. Et, en mettant les choses
au pire, elle a liquidé un début de complexe dans l'industrie
alimentaire en vendant et à perte ses participations dans
David Lord et dans la biscuiterie Stuart.
Au lieu d'assister, donc, à une relance de la
Société générale de financement vers son objectif
de modernisation de la structure industrielle du Québec, on a
l'impression que la seule priorité qui demeure, aujourd'hui et ce
bill confirme notre impression c'est essentiellement d'assainir les
finances des sociétés existantes, de les renflouer et puis,
peut-être aussi et nous verrons au grain là-dessus
de liquider des entreprises non rentables ou soi-disant non rentables. En ce
sens, M. le Président, c'est la Corporation de développement du
Canada, la CDC, qui va profiter le plus des erreurs de la SGF, puisque la CDC
se développe rapidement dans six centres d'activités à
très haut taux de croissance. Je voyais, il y a quelques mois, dans la
Presse, un article, intitulé "La Corporation de développement a
beaucoup appris... de la SGF". On lit dans cet article, qui est du 21 mars
1973, le passage suivant: "La Société de gestion dont l'actif est
de $140 millions a décidé d'opérer dans six champs
d'activités à haut taux de croissance: l'industrie
pharmaceutique, l'industrie pétrolière et le gaz naturel,
l'industrie du transport dans l'Artique et dans le nord du Canada, le secteur
des mines, du "smeltage" et du raffinage, l'industrie pétrochimique et
les sociétés de gestion à capital de risque."
M. le Président, qu'est-ce que la SGF peut faire valoir pour se
comparer à cela? Est-ce qu'une fois de plus nous allons être
à la remorque, dans ce domaine comme dans les autres, du pouvoir
fédéral? Alors que nous avions pris dix ans d'avance, la CDC,
maintenant, s'inspire de la révolution tranquille, avec raison, et elle
crée une société fédérale qui va nous damer
le pion, qui va faire les développements que la SGF aurait pu faire,
mais qui n'ont pas l'heur de plaire à ceux qui, d'une manière ou
d'une autre, influencent ce gouvernement par la coulisse.
M. le Président, quant à l'utilisation du pouvoir d'achat
de l'Etat pour développer de nouveaux complexes, rien n'a
été fait. On n'a même pas rendu public un rapport qui avait
été annoncé lors de la campagne électorale, non pas
de 1973, mais de 1970. J'entends le rapport sur la politique d'achat du
gouvernement. Pourtant, année après année, les
institutions publiques et parapubliques achètent pour $1.5 milliard. Les
chiffres pour 1970, M. le ministre, je pense que vous les connaissez aussi bien
que moi. En 1970, le chiffre, même s'il n'a pas été rendu
public, était de $1,114,000,000. A l'heure actuelle, il doit
certainement être de l'ordre de $1.4 milliard ou de $1.5 milliard.
Parmi les secteurs industriels pouvant bénéficier d'une
véritable politique d'achat, je me permets de noter les suivants, que je
tire d'un rapport récent, intitulé Les achats du secteur public
et parapublic, ministère de l'Industrie et du Commerce, Québec,
1972. Equipement électrique et électronique, achats de $150
millions à $250 millions. C'est tout de même impressionnant. Si le
gouvernement voulait utiliser son poids, avoir une politique d'achat
cohérente, favorisant ces industries, vous vous rendez compte de tout ce
qu'il pourrait faire avec des chiffres comme ceux-là, M. le
Président?
Je sais bien, je lis dans les yeux libéraux la réponse,
bien sûr: Cela toucherait aux sacro-saints privilèges de
l'entreprise privée et des petits amis.
Mais, ce n'est quand même pas comme ça qu'on va
développer le Québec par et pour les Québécois.
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le chef de l'Opposition me permet une
question?
M. MORIN: Tout à l'heure, parce que j'ai encore pas mal de texte.
Après. Oh! Le ministre va avoir amplement le temps de me répondre
après et j'ai encore énormément de terrain...
UNE VOIX: Une question!
M. MORIN: ... à couvrir. Au fait, M. le Président, combien
de temps me reste-t-il?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Une demi-heure.
M. SAINT-PIERRE: Une question!
UNE VOIX: Avez-vous peur des questions?
M. MORIN: M. le Président, dans le secteur de l'équipement
mobilier, le gouvernement dépense, à l'heure actuelle, quelque
$35 millions.
M. SAINT-PIERRE: Pas le gouvernement, les commissions scolaires. Ce
n'est pas semblable.
M. MORIN: Tout ce qui dépend du gouvernement dépense $35
millions.
M. SAINT-PIERRE: C'est le sens de ma question et je pense que cela
éclairerait le débat. Peut-être que le Parti
québécois pourrait nous dire s'il est favorable au fait que le
gouvernement enlève aux commissions scolaires, aux hôpitaux
parce que c'est là qu'il y a réellement des achats du secteur
parapublic et aux corporations municipales le droit de faire des achats
pour les centraliser lui-même et les contrôler.
M. MORIN: M. le Président,...
M. SAINT-PIERRE: Parce qu'on aura une politique d'achat effective...
M. MORIN: ... le ministre sait fort bien qu'avec une
réglementation idoine, avec des directives suffisamment
précises,...
M. SAINT-PIERRE: Non, non!
M. MORIN: Dieu sait que dans d'autres secteurs ils assomment les
commissions scolaires...
M. SAINT-PIERRE: Non!
M. MORIN: ... avec les directives. Mais, dans ce secteur-là. Ah
non! Cela s'appelle: N'y touche pas!
M. SAINT-PIERRE: Répondez à la question.
M. MORIN: C'est ce que l'on appelle du laisser-faire. Et vous savez fort
bien pourquoi vous pratiquez cette politique. Mais je continue. Dans le secteur
de la machinerie, il s'agit de plus de $40 millions; pour les matériaux,
éléments de construction, $300 millions, ce ne sont pas des
arachides! dans l'imprimerie et l'édition, plus de $75 millions; pour la
papeterie, plus de $25 millions; pour les produits du pétrole, plus de
$50 millions; pour les produits pharmaceutiques, quelque $30 millions. Alors,
je dis qu'avec un pouvoir d'achat comme celui-là il y a longtemps que le
gouvernement aurait pu créer autour de la SGF une activité
industrielle et commerciale intense. Depuis dix ans qu'il le pouvait faire,
mais il n'en a rien fait. Rien, c'est clair!
Je pourrais peut-être énumérer, pour renseigner
cette Chambre, les secteurs où le gouvernement compte pour plus de 50
p.c. des expéditions. C'est tiré d'un tableau intitulé:
"Part des achats de biens tangibles dans la valeur des expéditions de
chacune des activités industrielles du Québec." Plus de 50 p.c.
pour les appareils orthopédiques et chirurgicaux, pour les instruments
scientifiques et professionnels, pour le matériel électrique
industriel, pour les étampes, les marqueurs, les éditions,
l'asphalte ah ! et tous ses dérivés, les machines
de bureau, les céréales, pour tout cela, Québec compte
pour plus de 50 p.c. des expéditions. De 25 p.c. à 50 p.c. pour
les charpentes métalliques, les produits du béton, le
béton préparé, les produits métalliques divers, les
articles de sport, les jeux, les jouets, les produits de l'argile, la laine
minérale, les produits de gypse, et j'en passe. Voilà ce à
quoi vous pourriez... Vous me répondrez après. Vous aurez,
j'imagine, fort à faire pour me répondre sur tous ces
points-là.
M. SAINT-PIERRE: C'est très facile.
M. MORIN: Oh, bien sûr, peut-être vous contenterez vous de
dire que ce n'est pas la politique du gouvernement. Mais cela, on s'en doutait
déjà.
M. SAINT-PIERRE: On a beaucoup à faire pour vous ramener...
M. MORIN: Ce n'est certainement pas la politique du gouvernement.
M. SAINT-PIERRE: ... dans la vérité. UNE VOIX: On va tout
acheter...
M. MORIN: On ne vous dit pas de tout acheter. Quand je pense que ces
remarques stupides viennent d'un homme qui achète constamment de
produits pour les fins de ses industries. Il ne s'agit pas de tout acheter. Il
s'agit d'utiliser ce qu'on achète et le pouvoir du gouvernement,
le pouvoir d'achat est considérable et de l'utiliser à bon
escient. C'est ce que le gouvernement ne fait pas. Bon !
Alors, je pourrais encore soulever bien d'autres questions.
Par exemple, pourquoi n'a-t-on pas vu à l'intégration des
politiques des organismes et sociétés gouvernementaux? Pourquoi
n'a-t-on pas fait un effort pour intégrer les politiques non seulement
de la SGF, mais celles de SIDBEC, de la Caisse de dépôt, de
SOQUIP, de la SDI, pour qu'il y ait une planification qui émerge de
toutes les activités disparates de ces organismes.
Et à cet égard, il est pour le moins étonnant, pour
employer un mot faible, que la Caisse de dépôt se soit
associée à la CDC, à la Corporation de
développement canadien, alors qu'on ne retrouve pas de cas d'asociation
avec les sociétés québécoises.
M. le Président, je vais me permettre de citer, encore une fois,
un extrait de cet excellent article de Réal Bercier sur la Corporation
de développement et la SGF: "C'est dans l'industrie pharmaceutique que
la Corporation de développement du Canada s'est implantée au
Québec." Ecoutez bien ceci: "Conjointement avec la Caisse de
dépôt et placements du Québec, elle fondait
récemment Omnimédic,
société de gestion qui administrera la majorité des
actions des laboratoires Octo et des laboratoires Franco de
Montréal".
C'est pas un peu fort, ça, M. le Président? Comme dirait
le chef de l'Opposition dans un autre Parlement: "C'est-y assez fôr?"
M. SAINT-PIERRE: Une compagnie de $6 millions de vente par année.
$6 millions de vente par année.
M. MORIN: Qu'on voie la Caisse de dépôt, organe
québécois, s'associer à une société
fédérale alors qu'elle ne le fait ni pour la SGF, ni pour SIDBEC,
ni pour SOQUIP, ni pour aucun des instruments de libération
québécois. C'est pas fort, ça?
M. CHOQUETTE: C'est trop fort!
M. MORIN: Franchement, vous me renversez. On se demande vraiment
où va la caisse de dépôt et, à plus forte raison,
où va la SGF. Alors qu'on aurait pu s'attendre à une concertation
pour le moins, une concertation des politiques, pour que l'argent qui se trouve
dans la Caisse de dépôt serve, à l'occasion,
peut-être pas dans tous les projets, mais à l'occasion, au
développement de la SGF, au développement de la SDI, elle va
s'associer à une société fédérale, et les
instruments délibération collectifs québécois, nous
les donnons, en quelque sorte, à Ottawa.
M. SAINT-PIERRE: Voyons, voyons!
M. MORIN: Bien franchement, cela dépasse tout ce qu'on peut
imaginer!
M. SAINT-PIERRE: Ce n'est pas vrai!
M. MORIN: Si cela ne dépasse pas l'entendement des
députés libéraux, je ne m'en étonnerai pas outre
mesure mais, M. le Président, cela dépasse le nôtre
largement.
M. SAINT-PIERRE: Cela surprend.
M. MORIN: ALors, M. le Président, un autre point sur lequel je
voudrais attirer l'attention des gens d'en face. La SGF ne devrait pas se
comporter, comme elle le fait trop souvent, comme une entreprise privée,
particulièrement lorsqu'elle a affaire à des rapports
patron-employés. Je pourrais me référer mais je
n'insisterai pas, ce serait trop pénible à plusieurs
incidents récents où nos sociétés publiques ont
donné le mauvais exemple aux autres entreprises privées, qu'il
s'agisse du "lock-out" à Forano, qu'il s'agisse de l'antisyn-dicalisme
quasi militant de la CEGELEC, qu'il s'agisse du refus opposé aux
employés de Dupan de participer à la gestion de l'entreprise.
Tous ces événements nous démontrent que le secteur
public québécois ou pseudo-public québécois
parce qu'il ne se comporte pas comme un secteur public que ce secteur,
qui aurait dû donner l'exemple dans le domaine des rapports
patron-travailleurs, au contraire fait preuve d'intransigeance,
d'étroitesse d'esprit, au point que, par moments, on est fondé
à se demander si les pires patrons, ce n'est pas justement
ceux-là.
Le ministre de l'Industrie et du Commerce, en fin de semaine, faisait
valoir des statistiques fort encourageantes pour l'année 1973 et il se
flattait de ses succès qui sont dus, dans une bonne mesure, surtout
à la conjoncture économique favorable récemment.
Mais est-ce que je puis lui faire remarquer que ce bilan ne change rien
à la structure industrielle vieillotte et désuète du
Québec? Rien. Il l'a, d'ailleurs, constaté lui-même, je
pense, assez honnêtement dans un passage de son discours.
Nous pensons, nous de l'Opposition et M. Joron, l'ancien
député de Gouin, l'a fait valoir dans cette Chambre à plus
d'une reprise que la SGF pourrait servir à développer le
secteur de l'industrie lourde notamment; elle pourrait aller également
dans le secteur de la transformation des minéraux et, enfin, dans les
matériaux de construction.
Si on pouvait s'implanter solidement dans ces secteurs, on aurait fait
faire un grand pas à l'entreprise publique au Québec et on
n'aurait pas, pour autant, nui à l'entreprise privée.
Je conclus maintenant. La SGF, hélas, n'a servi jusqu'ici
qu'à régler des situations conjoncturelles je pense, par
exemple, à ce cas patent du Centre éducatif et culturel qu'elle a
acquis en 1971 comme si cela s'intégrait de manière
harmonieuse aux autres objectifs qu'elle poursuit.
La SGF ne sert qu'à s'attaquer à des problèmes
désespérés, à renflouer des entreprises, à
acheter des entreprises en difficultés, soit financières, soit
successorales, alors que, dans notre esprit et nous le rappellerons
autant qu'il le faudra dans cette Chambre la SGF doit servir à
rénover la structure industrielle désuète du
Québec. Merci, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. ROY: M. le Président, à mon tour, je veux faire
quelques observations sur ce projet de loi no 20 apportant des modifications
importantes à l'orientation de la SGF, tel que nous l'a proposé
ce matin le ministre de l'Industrie et du Commerce.
En écoutant le ministre tout à l'heure, et ce matin avant
la suspension, j'ai eu l'impression, à un moment donné, que nous
avions à l'Assemblée nationale une sorte de Père Noël
qui nous arrivait avec un cadeau un peu extraordinaire dans la période
des Fêtes, un cadeau qui permettrait en quelque sorte de donner une
récompense à tous les Québécois en leur
permettant d'être les maîtres d'oeuvre dans les politiques de
développement économique.
Mais, après avoir écouté l'honorable ministre et
toutes ses pieuses intentions, je me demande si le ministre ne se berce pas un
peu d'illustions. On pourrait référer aux discours et aux
énoncés de principes qui ont eu lieu à l'Assemblée
nationale au moment de la création de la SGF.
Je pense qu'il y a une similitude étrange entre les propos tenus
par l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce et les propos qui ont
été tenus, à ce moment, par le gouvernement du temps, un
autre gouvernement libéral. On se rappelle que M. Lesage, à grand
renfort de publicité et avec la voix qu'on lui connaissait,
s'était vanté de doter le Québec de la première
grande société mixte au monde.
Cela devait faire en sorte que, dans l'avenir, la libération
économique pourrait se faire pour les Québécois, qu'ils
seraient les participants et les maîtres d'oeuvre de l'expansion
économique et du développement industriel du Québec et
ceci a eu lieu en 1962/63.
Il y a dix ans d'écoulés et qu'est-ce que nous avons eu?
M. le Président, je pense que les chiffres parlent par eux-mêmes,
et le passé est en quelque sorte garant de l'avenir. Si le gouvernement
veut donner une nouvelle image à la SGF, il devra s'attaquer
fondamentalement à ses politiques de développement
économique, à ses politiques de développement
industriel.
Mais on a l'occasion de rencontrer des industriels du Québec, des
hommes d'affaires du Québec qui s'adressent au gouvernement provincial,
qui s'adressent au ministère de l'Industrie et du Commerce pour obtenir
de l'aide, pour obtenir des prêts et qui nous avouent je ne
nommerai personne, M. le Président que le ministre de l'Industrie
et du Commerce n'est pas capable de prendre de décision, que le ministre
de l'Industrie et du Commerce est obligé en quelque sorte de permettre
à Paul Desrochers de trancher la question parce que ce sont les
intérêts du Parti libéral qui priment d'abord. M. le
Président, on pourra avoir de grands mots du côté
ministériel, mais, de ce côté, j'ai eu l'occasion de
rencontrer maintes et maintes fois des industriels qui ne se connaissaient
même pas entre eux et qui nous ont fait à peu près les
mêmes commentaires.
Lorsqu'on regarde également la "coordination" entre
guillemets qu'il y a ou qu'il devrait y avoir entre les
différentes sociétés gouvernementales pour faire le
développement économique du Québec, on peut encore se
poser de sérieuses questions. Il y a un cloisonnement étrange,
inexplicable, entre les politiques qu'on semble vouloir préconiser et
qu'on semble vouloir adopter au niveau de la Société
générale de financement; il y a d'autres politiques au niveau de
la Société de développement industriel et au niveau de la
Banque d'expansion industrielle, qui est de juridiction fédérale,
sur laquelle on n'a donc aucun regard. Et au niveau de la Caisse de
dépôt et placement du
Québec, on est quand même surpris, pour ne pas dire
renversé, scandalisé par ses politiques d'investissements,
surtout lorsqu'on constate qu'elle fait des investissements dans des
entreprises multinationales, dans des entreprises nationales qui ne font
même pas affaires au Québec.
Lorsqu'on constate toutes ces choses, lorsqu'on voit la
réalité, M. le Président, et qu'on écoute les
propos qu'a tenus ce matin et cet après-midi l'honorable ministre de
l'Industrie et du Commerce, il est quand même permis de se poser de
sérieuses questions. Si on fait un bref historique, pour revenir
à la Société générale de financement comme
telle, on se rappellera qu'en vertu de la loi 75, c'était une
société mixte: on permettait aux institutions d'y participer, on
permettait aux épargnants du Québec d'y participer. On se
rappellera que le cours originel était de $10, que les actions
ordinaires ont été de $6.38 et qu'il y a eu une perte de $3.62.
Les dividendes ont été supprimés en 1970 et les petits
épargnants y ont perdu. Aujourd'hui, nous avons affaire à une
entreprise d'Etat dirigée par des personnes dont je ne doute pas de la
compétence mais qui sont prisonnières en quelque sorte des
reponsabilités qu'on leur a confiées, entre le Parti
libéral, d'une part, et les intérêts de certains groupes,
d'autre part, qui considèrent leurs intérêts comme
étant primordiaux, et on se demande si on n'a pas affaire tout
simplement à des joueurs de monopoly qui ne risquent rien
personnellement et qui n'ont à peu près pas de comptes à
rendre à personne.
Le ministre nous a dit tout à l'heure qu'il était
prêt à poursuivre la convocation de la commission parlementaire de
l'industrie et du commerce afin de faire venir ici, à l'Assemblée
nationale du Québec, les représentants de la
Société générale de financement pour que les
députés puissent les interroger. M. le Président, lorsque
l'on sait qu'il reste environ quatre jours avant l'ajournement des travaux de
la Chambre, lorsque l'on sait qu'il nous reste encore 18 à 20 projets de
lois à étudier et à adopter au cours de la semaine,
lorsque l'on sait également tout le travail qu'il nous reste à
faire ici à l'Assemblée nationale, travail de préparation,
je dis que c'est encore une petite farce qu'on est en train de faire aux
députés, aux membres de l'Opposition.
M. le Président, si on avait dit: Nous allons prendre le temps
nécessaire et nous ferons en sorte que la commission parlementaire
siège dans des délais normaux, de façon que les
députés de l'Opposition puissent se préparer, de
façon que nous puissions avoir notre mot à dire, de façon
que nous puissions exiger que telle ou telle personne vienne devant la
commission parlementaire, de façon qu'on puisse examiner les
transactions faites depuis dix ans par la Société
générale de financement, je dirais: Oui, M. le
Président.
Enfin le gouvernement a décidé de faire la lumière
sur ce sujet, le gouvernement a décidé
qu'il n'avait rien à cacher, qu'il n'avait pas peur de rencontrer
les dirigeants de la société et de permettre aux
députés de l'Opposition de les interroger et d'être en
mesure de savoir ce qui se passe pour que justement la population du
Québec en soit informée. Mais le gouvernement, pour sauver la
face, dit qu'il va convoquer la commission parlementaire, mais juste deux ou
trois jours avant Noël, puis à ce moment-là il faut faire
vite, on est pressé, parce qu'il faut ajourner la session. Il faut
ajourner la session pour le congé des fêtes. C'est la façon
dont on procède.
Et dans ce projet de loi, M. le Président, il y a encore un joli
petit $25 millions qu'on vient demander aux Québécois. Souscrivez
$25 millions. La SGF prend une nouvelle tournure, se donne une nouvelle image,
mais ça va vous coûter $25 millions. Il y en a déjà
une trentaine d'investis, ce qui fait $55 millions pour parer justement aux
investissements étrangers pour faire en sorte que dans certains
domaines, les Québécois puissent participer. Si on regarde
à quel endroit le ministre des Finances va quérir l'argent dont
nous avons besoin, parce que le ministre des Finances n'a pas de surplus
budgétaire, on sait que nous avons les plus gros déficits que le
Québec n'a jamais connus de son histoire. On s'en va à New York
emprunter de l'argent aux Américains pour tâcher de devenir
maîtres chez nous, devenir maîtres de notre économie puis
devenir maîtres de nos entreprises.
Dans ce genre de société d'Etat, il est évident que
le coût de capital ne figure pas dans les livres, alors on inscrit tout
simplement au service de la dette de la province une somme qui coûte
à peu près $5 millions annuellement, qui va nous coûter $5
millions annuellement au chapitre des intérêts que nous avons
à payer, et ça ne paraît pas dans la facture. Cela figure
dans le service de la dette de la province de Québec. Cela au nom de la
libération économique des Québécois, au nom de la
libération économique si vous voulez de toutes les entreprises
canadiennes-françaises que nous avons dans la province de Québec,
des Canadiens français.
Alors, c'est là que je me demande si le gouvernement est
réellement sérieux ou si le gouvernement veut tout simplement se
donner bonne presse, se donner bonne figure pour dire tout simplement: Voici ce
que nous avons l'intention de faire, voici les efforts que nous tentons, alors
que l'on sait très bien que nous avons eu, dans le cas de la SGF, un cas
de mauvaise administration du début jusqu'à la fin.
Je le dis et je le répète: un cas de mauvaise
administration. Qu'il nous suffise de regarder le dossier et qu'il nous suffise
de regarder de quelle façon les transactions ont été
faites. On a protégé les intérêts particuliers,
d'une part. On a accordé des bénéfices à d'autres.
On a acheté des entreprises pour les revendre par après. On a
pris des entreprises qui étaient rentables et on les a rendues
déficitaires. On a d'autres entrepri- ses qui sont devenues rentables
parce que, d'un autre côté, on y va à coup de grosses
subventions gouvernementales, que ce soit des subventions gouvernementales
fédérales ou des subventions de la province de Québec et
on dit à ce moment-là: Voici le cas de Marine Industries, je
pense que c'est assez important.
Elle n'a peut-être pas de subvention du gouvernement de la
province, mais il y a quand même eu des entreprises qui ont
bénéficié de certaines subventions. Cela le ministre ne
peut pas le nier, puis le ministre ne peut pas nier non plus qu'il y a eu
quelque chose au niveau du gouvernement fédéral de ce
côté-là. On y va par des moyens indirects pour dire non,
non, ce n'est pas ça; mais c'est par des moyens indirects; alors il faut
faire de la recherche, il faut regarder, voir par quels moyens et voir toutes
les sortes de trucs que le gouvernement utilise justement pour tâcher de
donner une façade complètement autre de celle qui est la
façade réelle.
Et je me permettrai tout simplement de dire qu'il est quand même
intéressant de voir qu'au moment où la SGF s'est portée
acquéreur de Marine Industries, il y avait un M. Ludger Simard qui
était directeur de la SGF à ce moment-là. Cela le ministre
ne peut pas le nier, alors c'est une chose qui était réelle,
c'est une chose qui était vraie. Alors quand la compagnie SGF a fait des
transactions également avec Marine Industries puis dans le cas de Forano
Volcano, il serait peut-être intéressant de regarder ici ce qui
s'est passé.
Or, peu après la naissance de la SGF...
M. SAINT-PIERRE: $3 millions dans un an.
M. ROY: Laissons faire les profits pour le moment. Il y a trop de
dépenses camouflées ailleurs pour qu'on parle des profits de
façon réaliste, comme l'entreprise privée peut faire un
bilan. Les entreprises gouvernementales ont des façons
différentes de produire leurs états financiers, elles ont des
façons différentes de camoufler les profits, parce que les
coûts de capitaux ne figurent pas dans leur bilan, alors que le
coût des intérêts figure lorsqu'il s'agit d'entreprises
privées.
M. SAINT-PIERRE: Voyons!
M. ROY: M. le Président, quand même...
M. SAMSON: Vous ne savez pas compter.
M. ROY: Alors peu après la naissance de la SGF, M. Filion a
acquis deux entreprises: Forano, construction mécanique, et Volcano,
chaudières industrielles. Notons qu'avant d'en arriver aux prix Forano
était la propriété de J.-A. Forand, administrateur de
l'agonisante compagnie nationale de gestion, et président de Radiateurs
Plessis dont il était tristement question ailleurs.
Quant à Volcano, elle était dirigée par un
associé de M. Forand, de Forano: il s'agit de M. Girouard. elle
était dirigée conjointement par M. Fernand Girouard,
administrateur, avec Forand et René Paré, de la toujours
agonisante Compagnie nationale de gestion, et membre en plus en ce moment
précis du conseil d'administration de la SGF elle-même, à
côté de M. Filion et de M. Paré. Comme on le voit, on
était...
M. SAINT-PIERRE: ... populaire.
M. ROY: ... très, très entre soi, entre "paten-teurs" de
bonne race. M. le Président, l'achat... M. Filion prend le
contrôle de Forano en 1963-1964 pour la somme totale de $1,424,000, soit
95 p.c. des parts. Combien valait réellement Forano à
l'époque? Pour en avoir une idée, laissons la parole au courtier
François Lessard, de Montréal. M. Rosario Tremblay membre de
l'Ordre et administrateur influent de la CNG, a déclaré
publiquement en 1963 que la CNG, dans l'espoir de se tirer du trou avait voulu
acquérir Forano. Pour connaf-tre la valeur de Forano, la Compagnie
nationale de gestion fit appel aux experts de la SGF qui disaient: "Forano vaut
$800,000." M. Tremblay a dit cela publiquement, affirme M. Lessard. Or,
rappelons-le, la SGF elle-même a payé pour Forano plus de
$1,400,000.
M. SAINT-PIERRE: Combien a-t-elle été vendue?
M. ROY: Quant à Volcano, elle fut acquise en même temps
pour la somme de $1,025,742, Volcano, on l'a vu, se situant en plein dans le
circuit de la "patente" et de la CNG. S'il fallait d'autres preuves que celles
fournies jusqu'à maintenant, qu'il suffise de signaler que Volcano
était le principal annonceur dans une petite revue qui était
très bien connue dans certains milieux. Nous filons ainsi jusqu'à
1965. La valeur de ces entreprises est, selon les bilans annuels, de
$2,449,783. Au total, à ce moment, M. Filion parlait de faire des
améliorations chez Forano suivant un programme d'investissements de
$1,500,000 étalé sur cinq ans. En 1965, M. Filion lorgne du
côté des chantiers maritimes: Marine Industrie, de Sorel, le
chantier des Simard. Pour une fois, M. Filion décidait de ne pas acheter
le tout mais de se contenter d'un fort contrôle majoritaire. Il fallait
trouver la solution. Elle fut trouvée et se présente comme suit
de façon assez ambiguë.
Dans un premier temps, la SGF vend à Marine Industrie la
totalité de Forano et de Volcano. A quel prix? Tout ce que dira M.
Filion, c'est que la SGF a fait dans cette affaire un profit, un gain de
capital de $2,990,591, près de $3 millions, ce qui voudrait dire que
Marine Industrie a payé à la SGF le prix de Forano et celui de
Volcano, plus de $3 millions, soit un total très exact de $5,444,374. Et
chez
Marine Industrie, voici ce qui s'est produit. Pourtant, ce prix ne
semblait pas exact. Chez Marine Industrie, Me André Asselin avait
déclaré à un journal que le prix payé par Marine
Industrie avait été de $6,009,564, soit $1,257,014 pour Volcano
et $4,752,550 pour Forano. Cette dernière avait été
payée deux ans et demi plus tôt par la SGF $1,424,041. Comme
profit, cela en est tout un.
M. Filion devait donc être très habile. Ce sont toutes des
choses, M. le Président, et je le dis à l'intention du ministre,
ces documents qui ont été rendus publics, qui ont
été publiés dans les journaux... Je ne peux pas certifier
les chiffres qui se trouvent dans ces affirmations. Nous avons quand même
le droit de nous poser de sérieuses questions sur l'administration de la
SGF. Nous voudrions savoir si les choses se sont passées exactement
comme cela ou si ces transactions se sont passées de façon
différente.
Mais, si c'est de cette façon que la SGF a manoeuvré, a
fonctionné depuis sa fondation, est-ce que nous avons de bonnes
garanties aujour-d'hui, même après avoir entendu les propos du
ministre et même lorsque nous savons qu'il a certainement des bonnes
intentions, est-ce que nous avons là les garanties suffisantes que cette
société sera administrée dans l'avenir de façon
différente?
En ce qui nous concerne, permettez-nous d'avoir des doutes et des doutes
très sérieux, des doutes extrêmement sérieux. Le
passé a toujours été le garant de l'avenir, et je pense
que l'expérience du passé est quand même là pour le
démontrer. H n'y a rien à l'heure actuelle qui me permet de
croire que le gouvernement, fort de sa grande majorité, est
réellement intéressé à amorcer une politique
vraiment nouvelle de développement économique des
Québécois.
C'est pourquoi je dis ceci. La SGF est une société
d'Etat.
On pourra acquérir des contrôles d'Etat pour acheter
d'autres sociétés et en faire des sociétés d'Etat.
Mais je veux demander ceci à l'honorable ministre lui rappeler
plutôt, parce qu'il le sait très bien, connaissant
l'expérience qu'il a prise dans l'entreprise privée avant
d'être dans le gouvernement Une entreprise, c'est quoi? On peut
étatiser une usine, on peut étatiser des murs, on peut
étatiser de l'équipement, mais on ne pourra jamais
étatiser une entreprise, parce qu'une entreprise, c'est une association
d'hommes responsables, une association d'hommes capables de faire preuve
d'initiative, une association d'hommes capables de faire preuve de leadership,
d'hommes audacieux, capables de prendre des risques, mais des risques
calculés, et d'hommes responsables.
M. le Président, tant et aussi longtemps qu'on n'attachera pas la
responsabilité au niveau des personnes qui ont à diriger ces
entreprises pour en faire d'autre chose que des joueurs de monopoly aux frais
des citoyens du Québec, je dis qu'on va passer à
côté de la
solution. On va toujours se retrouver dans la même situation, avec
les mêmes problèmes. Il n'y a pas de miracle et il n'y a pas de
mystère là-dedans. Lorsqu'il y a de la responsabilité, il
doit y avoir également des possibilités de risques. Ces
possibilités de risques, une personne doit être capable de les
assumer personnellement et d'en prendre une certaine responsabilité. Ce
n'est pas avec des personnes, malgré toute l'estime que je peux avoir
pour elles, qui vont administrer des entreprises à salaire, sans avoir
aucun risque, que nous aurons justement la formule de rechange dont le
Québec a tant besoin pour être de lui-même capable de
développer ses richesses naturelles, en sorte que nous ayons, au
Québec, un réseau d'entreprises qui nous appartiennent,
contrôlées par nous, dirigées par les nôtres,
possédées par les nôtres. De cette façon, nous
pourrons enfin être héritiers dans cette province de Québec
au lieu d'être des superhypothéqués, comme nous le sommes
depuis si longtemps et comme nous le sommes de plus en plus avec le
gouvernement libéral que nous connaissons depuis 1970.
M. le Président, je pense que ce sont des points qui
méritent quand même d'être soulignés, qui
méritent certainement d'être portés à l'attention du
gouvernement. Les Québécois ont droit à l'héritage
de leur patrimoine national, un héritage collectif. A l'heure actuelle,
on est en train d'endetter, d'hypothéquer de superhypothéquer les
Québécois au niveau des entreprises multinationales, au niveau
des entreprises étrangères, au niveau des déficits de
l'administration publique. Or, le gouvernement ne fait absolument rien,
zéro, pour tâcher de changer cet état de fait. On aura beau
avoir des SGF, on aura beau avoir toutes sortes de belles institutions,
tantôt, chez nous, dans la province de Québec, mais, si nous les
devons, qu'elles sont toujours déficitaires et qu'il faut emprunter
davantage encore des étrangers pour pouvoir combler les déficits,
pour pouvoir se créer quelques petits emplois de porteurs d'eau, je dis
que le gouvernement faillit à sa tâche et manque à sa
mission,
M. le Président me fait signe que mon temps achève. Si la
question de la SGF n'était pas si triste, je serais tenté de
faire une motion, à la fin de mon discours, pour changer le nom de la
SGF: SGF libérale 73, société sans
responsabilité.
M. le Président, c'est assez triste comme cela que je vais me
priver de cette tentation de faire cette motion, bien que ma motion
refléterait exactement la situation dans laquelle nous nous
trouvons.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Saguenay.
M. Lucien Lessard
M. LESSARD: M. le président, quelques mots sur le projet de loi
qui nous est soumis, le projet de loi no 20 par lequel on autorise le ministre
des Finances à souscrire, au nom de Sa Majesté, dans le fonds
social de la Société générale de financement, la
somme de $25 millions.
M. le Président, je ne pense pas que ce soit du côté
du Parti québécois que nous voyions une opposition
systématique aux sociétés gouvernementales. Au contraire,
à maintes et maintes reprises, nous avons insisté auprès
de ce gouvernement pour accentuer le travail qui avait été
commencé lors de la révolution tranquille, lorsque nous avons
formé des instruments collectifs pour tenter de prendre en main, en tout
cas, une partie de notre développement économique.
Cependant, nous ne sommes pas pour les sociétés
gouvernementales à n'importe quel prix, en particulier lorsque nous
parlons de la Société générale de financement. M.
le Président, depuis le début de la Société
générale de financement, nous avons constaté des
déboires, des faillites dans beaucoup de domaines.
Lors de la discussion sur le projet de loi 75, nous avions eu l'occasion
d'analyser les causes de ces faillites. C'est le ministre de l'Industrie et du
Commerce du temps, qui est encore ministre de l'Industrie et du Commerce, M.
Saint-Pierre, qui analysait, en particulier, ces cinq causes. L'une des
premières, comme on le disait tout à l'heure, c'était la
conjoncture économique. La deuxième cause, les objectifs
difficilement con-ciliables. Or, par le bill 75, nous avons tenté de
corriger cette situation puisque le gouvernement du Québec a
acheté pour $9,500,000 les actions qui étaient entre les mains
d'autres entreprises, projet sur lequel nous étions fortement
d'accord.
Cependant, il y avait d'autres causes qui expliquaient aussi la faillite
dans certains domaines de la Société générale de
financement et qui demeurent aujourd'hui. A plusieurs reprises, le Parti
québécois a demandé la convocation de la commission
parlementaire pour étudier le problème de la
Société générale de financement. A plusieurs
reprises, le Parti québécois a demandé qu'on dépose
le rapport de Coster sur l'administration de la Société
générale de financement.
M. LEGER: M. le Président, est-ce que je peux interrompre mon
collègue pour vous faire remarquer...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): L'honorable député de
Lafontaine.
M. LEGER: ... que nous n'avons pas quorum? Est-ce que vous pourriez voir
à ce qu'il y ait quorum afin d'écouter les choses
intéressantes et importantes que le député de Saguenay a
l'intention de servir au ministre de l'Industrie et du Commerce?
L'honorable député de Saguenay.
M. LESSARD: A plusieurs reprises, nous
avons donc demandé la convocation de la commission parlementaire
de l'industrie et du commerce afin de faire comparaître les responsables
de la Société générale de financement, en
particulier concernant l'administration d'une succursale qui s'appelait
SOGEFOR.
Nous avons aussi demandé le dépôt du rapport de la
commission de Coster pour étudier les différentes recommandations
de ce rapport. Je sais que le ministre avait certaines oppositions à
déposer ce rapport puisqu'il s'agissait non seulement d'étudier
l'administration générale de la Société
générale de financement mais aussi d'étudier les relations
de certains personnages dans les faillites de certaines succursales de la
Société générale de financement.
Or, je dis que tout cela doit être rendu public. Je me dis que ces
gens ont eu à administrer des fonds publics. Je me dis que
l'administration de ces gens doit être soumise à
l'Assemblée nationale. Il faut que nous ayons la convocation de cette
commission parlementaire pour faire comparaître non seulement les
responsables de la Société générale de financement
mais certains autres responsables le ministre me dira que cela devient
difficile puisque ces sociétés sont demeurées des
sociétés mixtes.
Il me semble que, avant de verser $25 millions encore à la
Société générale de financement, il faut prendre
des mesures pour faire en sorte que cela ne devienne pas encore une fois un
tonneau sans fond, ce qui a malheureusement été dans le
passé.
Le ministre, justement dans l'analyse qu'il faisait lors de la
discussion du bill 75, nous parlait, comme l'une des causes de la faillite de
la Société générale de financement, d'achats
d'entreprises qui étaient plutôt des opérations de
sauvetage. Est-ce que le ministre pourrait maintenant j'aurais
aimé que le ministre nous développe ce point nous assurer
que cette situation ne se reproduira pas? On a eu l'occasion de constater bien
souvent qu'il y a eu des interventions politiques, en ce qui concerne l'achat
de certaines entreprises de sauvetage, qui ont été faites par
l'ex-Société générale de financement. Est-ce que
cela ne se reproduira pas? C'est une question qu'on a le droit de se poser,
surtout quand il s'agit de verser $25 millions à une
société qui n'a pas prouvé, dans le passé, qu'elle
pouvait être efficace. Je sais cela, j'ai eu l'occasion de le
développer lors de la discussion du bill 75 qu'on devient
forgeron en forgeant.
On devient administrateur en administrant et la Société
générale de financement a été certainement l'un des
éléments qui nous a permis, peut-être, de former un certain
nombre d'administrateurs.
Mais, M. le Président, sur tout cela, je suis bien d'accord avec
le ministre actuel. Sur cela, je suis probablement bien plus d'accord que ne
peut l'être le gouvernement actuel. Cependant, par exemple, pas à
n'importe quel prix. Pas au prix, à un moment donné, de verser
continuellement des fonds qui sont payés par les contribuables
québécois à une société qui ne nous a pas
encore prouvé qu'elle pouvait être efficace.
Lors du bill 75, nous avons versé $9.5 millions à la
Société générale de financement. Nous lui versons
maintenant $25 millions. Est-ce que, d'abord, $25 millions, c'est assez, non
pas pour strictement renflouer le fonds de roulement de Marine Industrie,
renflouer le fonds de roulement de CEGELEC, établir, par exemple, la
société MAN dans les usines de SOMA? Est-ce que c'est assez non
seulement pour renflouer mais lancer des programmes nouveaux et coordonner les
programmes anciens? C'est là une question qu'on peut se poser, M. le
Président.
Il y avait aussi un problème de diversification trop
poussée au niveau de la Société générale de
financement. Nous constatons, en tout cas dans le rapport de
l'ex-président de la Société générale de
financement, M. Deschamps, qu'encore actuellement il y a une diversification
assez considérable dans les différentes entreprises. Est-ce qu'on
a l'intention de regrouper cela? Est-ce qu'on a l'intention de faire un effort
dans des secteurs clés? Est-ce qu'il y a une stratégie
d'établie, actuellement, par le ministère de l'Industrie et du
Commerce en relation avec la Société générale de
financement pour concentrer nos efforts sur des entreprises importantes, des
entreprises de pointe? Encore là, M. le Président, j'aimerais
bien que le ministre de l'Industrie et du Commerce, avant qu'on vote $25
millions, nous rassure en nous disant s'il y a une véritable
stratégie d'établie, si on a décidé d'accentuer le
développement de certains secteurs clés du Québec et
d'arrêter de s'éparpiller des produits alimentaires jusqu'à
l'industrie lourde c'est un peu cela en passant, par exemple, par
le Centre éducatif et culturel.
Cela, c'est encore un élément important avant de verser
$25 millions. Voici une autre cause de la faillite de la Société
générale de financement. Encore là, je ne veux pas
être pessimiste, M. le Président, parce que malheureusement il
arrive bien souvent, lorsqu'on parle des sociétés d'Etat, qu'on
parle plutôt des erreurs du passé, qu'on parle plutôt de ce
qui a été mal fait. Il arrive au contraire que dans le
passé il y a eu un certain nombre de sociétés d'Etat qui
ont fait des choses vraiment valables. On n'a pas besoin de vous rappeler, M.
le Président, que l'Hydro-Québec est devenue l'une des
entreprises québécoises, dans les $100 millions et plus, les plus
importantes. Je n'ai pas besoin de vous rappeler, M. le Président, que
la Société québécoise d'exploration minière
est devenue une entreprise qui s'est imposée dans un secteur
particulièrement difficile, qui était le secteur minier. Je n'ai
pas besoin de vous rappeler que la Société
québécoise d'initiatives pétrolières, elle aussi, a
fait un effort considérable. Malheureusement, on voudrait bien qu'on
lui verse, à elle aussi, $25 millions parce qu'elle, cette
société québécoise, a prouvé qu'elle pouvait
être efficace et a prouvé surtout dans les problèmes que
nous vivons actuellement pénurie de pétrole qu'elle
pourrait, en tout cas, être un élément extrêmement
important pour régler le problème ou la situation actuelle.
Mais, je suis d'accord sur le fait qu'il ne faut pas être
pessimiste, j'admets qu'il ne faut pas trop rappeler les erreurs du
passé. Mais la Société générale de
financement, par exemple, est l'une des sociétés qui ne nous ont
pas prouvé qu'elles pouvaient être efficaces, même si le
ministre parlait, tout à l'heure, de 3,000 emplois créés
mais 3,000 emplois qui ont pu coûter passablement cher aux contribuables
québécois.
M. le Président, il y a certaines déficiences. L'une des
déficiences dont parlait le ministre, c'était dans la gestion des
entreprises ou des succursales de la Société
générale de financement.
Je sais qu'il est difficile, parce qu'on a voulu par le projet de loi 75
faire en sorte que l'Etat contrôle la Société
générale de financement, tout en conservant une certaine
décentralisation administrative des succursales qui étaient en
partie sous le contrôle de la Société
générale de financement.
Mais je lisais encore et c'est là que je me demande s'il y
a une stratégie dernièrement une déclaration d'un
ex-administrateur de la Société générale de
financement, M. Gérard Filion, le grand chevalier de l'industrie, qui se
demandait s'il ne fallait pas vendre Marine Industrie.
Encore là, on peut se poser des questions, en particulier
concernant certains administrateurs de sociétés comme
celle-là. Cette question, j'avais eu l'occasion de me la poser lors de
la discussion sur le bill 75, et il me paraît que c'est là une
question assez importante.
J'ai certaines réserves lorsqu'il s'agit de faire nommer par le
gouvernement les administrateurs de la Société
générale de financement ou d'autres succursales dont la
Société générale de financement contrôle en
majorité les actions. On se demande si ce n'est pas du patronage, car
certains personnages nous ont prouvé dans le passé qu'ils
étaient de mauvais administrateurs. Ce n'est pas parce qu'on est un bon
journaliste qu'on devient un bon administrateur.
Il y a des grands administrateurs des sociétés d'Etat qui
administrent et qui ne passent pas leur temps à venir baver sur les
Québécois. Un gars comme Gérard Filion, pour moi, ce n'est
pas un administrateur. Comme je l'ai dit tantôt, c'est important, car ce
sont des deniers publics et toutes les personnes qui ont à administrer
ces deniers publics sont sujettes aux critiques de l'opinion publique et aux
critiques des membres de l'Assemblée nationale.
Ce personnage, en tout cas, se promène à travers le
Québec comme s'il était devenu tout à coup un grand
chevalier de l'industrie québé- coise, comme s'il avait
fondé justement l'industrie québécoise. Des Beaubien ou
des Lévesque, moi, je respecte ça, parce que ce sont d'abord des
gars qui ont créé quelque chose, des gars qui ont
développé un certain leadership au point de vue
économique.
On pourrait en citer d'autres, mais je veux parler des gars qui se
promènent à travers le Québec, qui viennent dire aux
Québécois, à nous autres: Nous ne sommes pas des leaders
au point de vue de l'entreprise ou dans le développement
économique. Ce qui nous manque, ce sont des compétences, c'est
l'initiative et on n'en a pas, d'initiative, les Québécois. C'est
Gérard Filion qui vient nous dire, lui qui a probablement un salaire de
$40,000 à $50,000: Les Québécois, vous êtes des
incompétents.
Gérard Filion devrait prendre conscience que c'est avec l'argent
des Québécois qu'il est devenu, semble-t-il, un grand chevalier
d'industrie. Si nous sommes des quêteux à cheval, Gérard
Filion, lui, est devenu un quêteux en Cadillac. C'est ça qui est
malheureux, et cela grâce à l'argent des
Québécois.
M. BACON: Lui aussi, il se promène en limousine.
M. LESSARD: II faut aller au fond des choses et ce n'est pas, je pense
bien, en versant $25 millions que nous allons régler le problème
de la Société générale de financement. Je suis
d'accord qu'on peut peut-être faire un effort pour le régler, mais
ce n'est pas dans cette optique. En tout cas, quant à moi, avant
d'accorder $25 millions, je pense qu'on doit aller beaucoup plus
profondément que ça.
On doit se demander: Qu'est-ce qui a manqué dans la
société ou en ce qui concerne l'administration des succursales de
la Société générale de financement? Qu'est-ce qui a
fait en sorte que la société qui s'appelait Panneaux-Particules
Sogefor, alors que, pendant un certain temps, le marché était
excellent, a fait tout simplement faillite? Il y a une question
d'administration.
Jamais nous n'avons été capables, ici à
l'Assemblée nationale, de convoquer, même lorsque nous avions
à verser des montants, les membres de cette société.
Le ministre me dira: C'est difficile. D'accord, parce qu'il s'agit bien
souvent de sociétés mixtes. Cependant, la Société
générale de financement doit avoir un certain contrôle sur
ces sociétés mixtes et sur leurs administrateurs.
Je suis d'accord pour qu'on conserve une certaine
décentralisation à ces succursales de la Société
générale de financement, mais je n'admets pas, par exemple, qu'on
se fasse fourrer par des incompétents comme ç'a été
le cas en ce qui concerne Gérard Filion et compagnie.
M. le Président, avant de verser $25 millions, il me semble que
le ministre devrait nous donner certaines explications concernant les causes
qu'il avait lui-même énumérées comme
étant les raisons de la faillite de la Société
générale de financement.
Une autre chose qui devient importante, même si le chef
parlementaire de l'Opposition en a parlé, c'est la stratégie du
développement industriel du Québec. Encore là, à
maintes et maintes reprises nous sommes intervenus, nous du Parti
québécois, pour que ce gouvernement adopte une véritable
politique d'achat, comme c'est le cas à l'Hydro-Québec. Il me
semble qu'on a tous accepté ça que l'Hydro-Québec, qui est
une société québécoise, en tout cas, à
l'intérieur d'une marge de 10 p.c. doit acheter des produits
québécois.
Tout à l'heure, le ministre de l'Industrie et du Commerce posait
une question au chef parlementaire de l'Opposition comme suit: Est-ce que le
Parti québécois serait prêt à contrôler les
achats des organismes paragouvernemen-taux, en particulier les hôpitaux,
les commissions scolaires? Je dis, M. le Président, en grande partie,
oui. D ne s'agit pas de contrôler comme on le fait, par exemple, bien
souvent, au niveau des commissions scolaires, d'établir des politiques
rigides suivant lesquelles on doit faire des appels d'offres pour l'achat de
chaque chaise, mais une certaine politique, un certain nombre de
critères par lesquels il serait possible d'obliger ces organismes
paragouvernementaux à acheter chez nous, à l'intérieur
d'une marge, comme c'est le cas pour l'Hydro-Québec, de 10 p.c.
Ceci est tout à fait normal, M. le Président, car qui paie
les taxes? Qui paie à un moment donné les subventions des
commissions scolaires? A 80 p.c, 85 p.c, c'est directement le gouvernement
québécois. H me paraft normal que les achats énormes qui
se font au niveau de ces organismes parapublics servent d'abord au
développement économique des Québécois. Si ce n'est
pas cela la normalité, je me demande pourquoi l'Ontario, qui a
adopté depuis fort longtemps une politique comme celle-là, l'a
adoptée. Mais ce qui est normal pour les autres devient anormal pour
nous autres.
La même chose se produit au niveau des hôpitaux. En tous
cas, j'ai constaté, par exemple, chez nous qu'on fait venir des produits
pharmaceutiques de la Colombie-Britannique, on fait venir du sérum de la
Colombie-Britannique. Je trouve cela absolument anormal, je trouve qu'il est
devenu urgent pour le gouvernement québécois d'avoir une
véritable politique d'achat chez nous en autant que ça ne
devienne pas une marge tellement considérable. Or, par cette
politique... Oui, M. le Président, le leader adjoint me fait signe que
j'ai terminé... Je disais, M. le Président, que par cette
politique, par le développement d'une véritable politique d'achat
chez nous, on pourrait justement élaborer une stratégie de
développement industriel qui pourrait être utile dans
l'établissement des politiques ou des concentrations dans des secteurs
clés pour la Société générale de
financement. Ceci me paraît une chose normale et pourtant ça fait
quatre ans qu'on demande ça au gouvernement actuel. Je sais que le
ministre de l'Industrie et du Commerce en est conscient et s'il nous prouve que
$25 millions deviennent nécessaires, il devra aussi nous prouver qu'il a
l'intention d'accentuer le développement industriel en relation avec une
stratégie de développement gouvernemental et aussi en ce qui
concerne la politique d'achat chez nous.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): L'honorable député de
Lafontaine.
M. Marcel Léger
M. LEGER: M. le Président, on nous présente aujourd'hui un
projet de loi numéro 20 qui a pour objectif uniquement d'autoriser le
ministre des Finances à souscrire, au nom de Sa Majesté, dans le
fonds social de la Société générale de financement
du Québec, avant le 31 décembre 1975, $25 millions payables sur
le fonds consolidé du revenu pour 2,500,000 actions ordinaires de la
société.
Si on regarde ce qui s'est passé depuis les onze dernières
années, on s'aperçoit qu'on veut donner aujourd'hui une somme
égale à ce qui a été fourni en onze ans par le
gouvernement à la Société générale de
financement. En 1962 on avait donné au départ $5 millions;
c'était beaucoup pour la grande vocation à laquelle était
destinée la Société générale de financement.
Le gouvernement fédéral...
M. SAINT-PIERRE: C'était beaucoup.
M. LEGER: Oui c'était beaucoup et énorme, c'était
épouvantablement gros pour les objectifs qu'on voulait lui donner. Ai-je
suffisamment caricaturé pour que le ministre comprenne que c'est
l'inverse que je veux dire?
M. SAINT-PIERRE: Cela arrive souvent que vous avez des contradictions
dans votre parti.
M. LEGER: Pas trop souvent, il s'agit de voir les nuances. Cela prend
des nuances, vous savez; un parti qui a beaucoup de nuances est un parti qui a
beaucoup de richesses. C'est la raison pour laquelle nous sommes obligés
d'amener des nuances, chose que nous ne voyons pas dans la quantité
qu'il y a devant nous. De toute façon, M. le Président, je
reviens à dire que nous avons commencé à remettre au
départ, à la Société générale de
financement, $5 millions alors que le fédéral, pour une
société qui lui ressemble, donne une participation
autorisée de $250 millions. Autrement dit, on trouve ça plus
important à Ottawa que ça peut l'être à
Québec. Regardons exactement le rapport de M. Deschamps; il dit: "Dans
un pays immense comme le Canada, il existe des disparités
économiques considérables. Et le Québec n'est vraiment pas
une province comme les autres, du
seul fait que l'ensemble de sa population appartient à une
culture distincte de celle de la majorité canadienne. Sa population n'a
pas la même mobilité, son marché n'est pas abordé de
la même manière c'est toujours M. Deschamps qui parle. Le
Québec s'est donc doté à juste titre d'instruments qui lui
sont propres pour parvenir à son développement." Le Québec
a besoin, et là c'est moi qui parle, d'un développement
particulier parce qu'à l'intérieur d'un Canada qui est
pratiquement unilingue on a une société de développement
avec un capital autorisé de $250 millions, pour le reste du Canada. Le
Québec, qui représente un peu moins que le tiers, lui qui a
besoin de se défendre d'une façon autonome, avec la participation
du reste du Canada, avec ses voisins, a une particularité tellement
différente qu'on lui a donné uniquement $5 millions pour
partir!
Je reviens à ce que disait M. Deschamps: "Le Québec s'est
donc doté à juste titre d'instruments qui lui sont propres pour
parvenir à son développement. C'est ainsi qu'au début des
années soixante apparurent dans le cadre de ce qu'on a appelé la
révolution tranquille des initiatives telles que le Conseil
d'orientation économique du Québec". Et là c'est moi qui
parle: On s'est aperçu que le Québec avait besoin d'un
développement autonome et qu'il fallait réellement ne pas
être dépendant du reste du Canada.
Et M. Deschamps continue: "La nationalisation des réseaux
privés d'électricité..." Et là je dois admettre que
c'était important puisque l'électricité pour le
Québec c'est quelque chose de primaire...
UNE VOIX: Primordial.
M. LEGER: ... et des plus importants. Grâce à cette
nationalisation, nous avons réussi à avoir un taux plus bas
qu'avant. Si aujourd'hui certains partis politiques, et j'espère que les
libéraux ne sont pas de ceux-là, parce qu'ils étaient
là et ils l'ont fait avec le chef du Parti québécois
à ce moment-là. Cette nationalisation était absolument
essentielle. Vous devez tous être d'accord, parce que c'est votre parti
qui l'a fait. Cela a permis d'avoir un taux inférieur...
M. BACON: On pense, nous autre aussi.
M. LEGER: ... et à travers toutes les régions du
Québec, qu'elles soient riches ou pauvres, proches ou
éloignées, d'obtenir un taux quasi uniforme. Les gens qui avaient
besoin d'un service public ont pu l'obtenir, et non uniquement sur une base de
profit comme les compagnies le faisaient auparavant. Malheureusement, certains
partis ont essayé de dire...
M. BACON: C'est épouvantable!
M. LEGER: ... que, parce qu'on avait nationalisé les compagnies
d'électricité, on avait augmenté le prix de
l'électricité. Mais et je le dis publiquement aujourd'hui
à cette occasion, si on regarde le prix qu'on paye aujourd'hui
c'est sûr que la consommation est plus forte.
Il est sûr qu'il y a beaucoup plus d'appareils électriques
utilisés dans les maisons qu'à cette époque. Mais
imaginez-vous quel aurait été le taux si celui-ci avait
été uniquement laissé entre les mains des compagnies
privées qui n'y voyaient que du profit!
Cela est une des bonne choses que le Parti libéral de ce temps,
grâce aux grands hommes qu'il avait à cette époque, a
accomplies. Je les en félicite.
Il y a eu par la suite la Caisse de dépôt et placement,
encore une réalisation importante que le Québec s'est
donnée sachant qu'il ne peut pas se permettre d'être
dépendant des autres. Il faut utiliser la Caisse de dépôt
et placement, comme le dit M. Deschamps, de façon que cela soit un outil
essentiel à son propre développement pour ne pas dépendre
justement du marché fermé des prêts, des courtiers, des
compagnies qui veulent nous tenir dépendants.
M. Deschamps continue: "La Société générale
de financement du Québec" celle pour laquelle nous avons un bill
aujourd'hui "l'Office des fonds industriels devenu Société
de développement industriel, la Société
québécoise d'exploration minière" la
première pour laquelle notre ami, l'ancien député de
Gouin, a si souvent parlé, pour laquelle il a si souvent apporté
des amendements et la deuxième pour laquelle mon collègue de
Saguenay a si souvent apporté des amendements aux différents
projets de loi présentés par le ministre "et, finalement,
la Société québécoise d'initiatives
pétrolières. Nous croyons" continue M. Deschamps
"plus que jamais qu'il y a une place pour la Société
générale de financement et qu'un rôle important peut
être exercé par une nouvelle Société
générale de financement dont nous sommes prêts à
redéfinir la vocation et à proposer une réforme des
structures."
Pour M. Deschamps, qui continue, "nous avons un rôle à
jouer et une place à occuper aux côtés de la Caisse de
dépôt et placement et de la Société de
développement industriel", dont les trois buts sont les suivants, comme
le disait tantôt le chef de l'Opposition, et que, pour donner suite
à mon discours, je vais quand même répéter: "attirer
au Québec, premièrement, des capitaux pour la création ou
l'implantation d'entreprises industrielles ou commerciales sur la base de
critères de rentabilité immédiate et future."
Là-dessus, je suis d'accord avec M. Deschamps mais il faut admettre,
comme certains dossiers du gouvernement nous l'ont prouvé, que nous
avons au Québec suffisamment de capitaux pour être capables de
voir à notre propre développement pourvu que cela soit bien
orienté, bien planifié, qu'on fasse confiance aux gens, parce
qu'il a été prouvé
qu'il y avait plus de capitaux de nos Québécois qui
sortaient pour financer des compagnies en dehors du Québec, soit en
Ontario, ou aux Etats-Unis, qu'il ne sortait de capitaux étrangers.
Il est important de savoir que nous avons au Québec des capitaux.
M. Deschamps dit qu'il faut attirer des capitaux étrangers, nous sommes
d'accord. Il faut tenir compte du fait que nous avons aussi beaucoup de
capitaux et que ces capitaux sont des dollars. Les $5, les $10, les $100, les
$1,000 que nos Québécois ont dans les compagnies d'assurance, que
nos Québécois ont dans les caisses populaires, que nos
Québécois ont dans les banques, dans les banques à charte,
et qui sont acheminés, parce que ce n'est pas nous qui avons les centres
de décision, vers le développement d'autres entreprises dans
d'autres provinces, et même aux Etats-Unis. Il est important que la
population le sache, parce que le gouvernement ne le dit pas tellement fort,
disant toujours qu'il faut attirer des capitaux étrangers. Il est
important d'avoir des capitaux étrangers, mais il est important de
savoir que nous avons au Québec suffisamment de capitaux puisque nous en
exportons. Ces capitaux, c'est la piastre que vous, M. le Président, que
moi et que les autres députés mettent dans une entreprise
quelconque et qui est placée à l'extérieur sans que nous
n'ayons un seul mot à dire parce que les centres de décision ne
nous appartiennent pas. Le ministre est d'accord là-dessus, il l'a
déjà dit.
Deuxièmement, et je continue ce que M. Deschamps disait...
M. SAINT-PIERRE: Ce qui m'inquiète, ce sont les placements de
l'ancien député de Gouin.
M. LEGER: Pardon?
M. SAINT-PIERRE: Ce qui m'inquiète, ce sont les placements de
l'ancien député de Gouin...
M. LEGER: Ah! Vous allez voir qu'il fera de très bons placements
bientôt! Deuxièmement, attirer des capitaux pour le regroupement
ou l'intégration d'activités industrielles ou commerciales.
Troisièmement, maintenir au Québec le centre de
décision d'entreprises. C'est là la clé de tout le
développement industriel, commercial du Québec: maintenir au
Québec le centre de décision d'entreprises par sa prise de
participation au capital de sociétés jugées
essentielles.
M. le Président, M. Deschamps exposait par la suite, les moyens
différents pour atteindre ces objectifs. Je ne veux pas
énumérer tous ces détails. Je voulais simplement dire que
la Société générale de financement a, dans sa
charte, trois objectifs bien précis: premièrement, susciter et
favoriser la formation et le développement de l'entreprise industrielle
et, accessoirement de l'entreprise commerciale dans la province;
deuxièmement, élargir la base de sa structure économique
en accélérant le progrès et contribuer au plein emploi, si
c'est possible; troisièmement, amener la population du Québec
à participer au développement de ses entreprises en y
plaçant une partie de son épargne.
M. le Président, pour atteindre ces nobles buts, pour
contrôler le centre de décision, pour être un actif pour le
développement général du Québec, la
Société générale de financement a eu un capital, en
1962, de $5 millions; en 1967, on a daigné mettre $5 millions
additionnels; en 1969, on a mis $10 millions additionnels; en 1971, le
gouvernement a versé $9 millions, mais c'était pour effacer les
dettes de SOGEFOR; cela n'a pas aidé le développement de la SGF;
en 1972, $5 millions et, là, on propose, d'un coup, $25 millions, alors
que, depuis 1962, on avait prêté ou mis dans la
société $25 millions.
M. le Président, le problème majeur du bill qu'on nous
présente aujourd'hui, c'est simplement de ne proposer que cela, au lieu
de donner à la Société générale de
financement une autonomie, une directive, un élan complet pour remplir
son mandat en lui insufflant suffisamment de capitaux et en ne faisant pas
cette erreur que le Parti libéral fait actuellement parce qu'il est pris
entre deux feux. Savez-vous ce qu'il fait, M. le Président? Il agit
comme quelqu'un qui, dans une automobile, appuie, en même temps, sur le
frein et sur l'accélérateur; ça va mal, on use les deux.
Il faut soit appuyer sur le frein pour l'arrêter ou bien appuyer sur
l'accélérateur pour la faire fonctionner.
La Société générale de financement, en ce
qui nous concerne, il faut lui donner les moyens d'agir et de jouer son
rôle qui est bien expliqué dans son mandat et que
répétait justement M. Deschamps, lors de son rapport annuel en
1971. A ce moment-là, il faut appuyer sur l'accélérateur.
Il ne faut pas lui donner des petites sommes. Ce serait simplement comme
changer l'huile d'une automobile; il faut être capable de donner à
l'automobile toute la force voulue pour qu'elle joue son rôle. Or, le
projet de loi qui nous est présenté est uniquement une sorte de
changement d'huile ou de graissage d'une automobile, alors qu'il pourrait
amener un changement draconien du développement industriel du
Québec, si l'on voulait donner le feu vert complètement à
la Société générale de financement. Qu'on lui
insuffle l'argent voulu, qu'on ne lui mette pas les bâtons dans les roues
et qu'on soit capable, par la suite, de dire: Joue ton rôle, le
gouvernement est derrière toi. Alors, il y aurait des grandes
possibilités et nous pourrions dire que nous sommes d'accord à
100 p.c. sur un projet de loi qui tiendrait compte des objectifs visés
de recontrôler les centres de décision à travers tout le
Québec pour permettre un développement industriel et commercial
au Québec, qui revienne entre les mains des intérêts
québécois.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): L'honorable ministre de l'Industrie
et du Commerce.
M. Guy Saint-Pierre
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je voudrais, brièvement,
dans mon droit de réplique, tenter, dans un premier temps, de remercier
tous ceux qui ont bien voulu participer à l'étude de ce projet de
loi et répondre à ce qui m'a semblé quand même
être les points les plus importants qui ont été
soulevés.
Les lignes de force développées par le Parti
québécois et par le Parti créditiste ont été
conformes à des traditions bien établies chez eux. D'une part,
penser que toutes les interventions de l'Etat sont possibles et que le
succès par les structures est possible; d'autre part, pour les gens de
la Beauce, s'opposer à toute intervention de l'Etat.
J'espère que les gens de l'Opposition ont écouté
les discours pour voir cette contradiction toujours apparente, le fait que,
pour les uns, ce n'est jamais assez et que, pour les autres, c'est toujours
trop.
Le rapport de Coster n'a pas été publié non parce
qu'il était un rapport interne mais parce qu'essentiellement cela aurait
été, à mon sens, ne pas avoir été
honnête avec les gens à qui on avait confié le mandat, un
petit groupe de hauts fonctionnaires, d'examiner brièvement l'ensemble
de la situation de la SGF et de formuler au gouvernement des
recommandations.
Dans le rapport de Coster, en plus de déceler certains des
problèmes, en plus de formuler des recommandations, on a
également porté des jugements de valeur sur les actions
passées de nombre de cadres supérieurs, non seulement de la SGF
mais de certaines de ses filiales. Ces jugements de valeur ont établi,
à notre satisfaction, qu'il n'y avait eu de leur part aucune
malhonnêteté, qu'il n'y avait eu de leur part aucune
incompétence qui mériterait des reproches sévères
de l'opinion publique mais, dans l'esprit du mandat, qui avait
été confié à ces très hauts fonctionnaires,
c'était avant tout une opération pour tenter de cerner un
problème et recommander aux plus hautes instances du gouvernement
le cabinet des actions à prendre. D'autant plus que, depuis ce
temps-là, à nombre de reprises, il me semble que nous n'avons pas
été avares des grandes lignes du rapport de Coster. Non seulement
nous les avons données dans des projets de loi antérieurs mais
j'en ai encore reparlé aujourd'hui.
Je pense qu'il ne faut pas parler de fuites lorsque le Parti
québécois nous mentionne les cinq causes qui étaient
mentionnées comme défavorables. Effectivement, nous les avons
nommées nous-mêmes et je pense que de larges extraits de mon
discours d'aujourd'hui montreront jusqu'à quel point toute l'action du
gouvernement dans la SGF, depuis deux ans, est préoccupée par les
causes qui ont été mentionnées. Lorsque nous avons repris
le contrôle exclusif du capital-actions nous tentions justement de
clarifier les objectifs contradictoires que les gens du secteur privé
pouvaient avoir avec nous. Lorsqu'aujourd'hui nous tentons d'améliorer
la gestion de l'entreprise, nous correspondons à l'article 5 qui a
été mentionné. Je pense que l'on ne peut pas nous faire le
reproche d'avoir beaucoup parlé et peu agi. Au contraire, nous avons
parlé le moins possible, nous avons étudié,
analysé, planifié et nous sommes passés à l'action.
Mais, bien sûr, pour nombre d'entreprises, passer à l'action
demande un certain nombre de mois avant que les résultats puissent se
voir.
Je pense que les membres de l'Opposition seront satisfaits, cette
année, en voyant le rapport financier de la SGF et de ses filiales, qui
se termine dans quelques semaines, de constater déjà des
progrès remarquables dans nombre de filiales. Nous n'avions pas
l'impression que tout était terminé. Mais j'en suis convaincu, et
je reprendrai les paroles du député de Beauce-Sud, et dirai que
c'est une affaire d'hommes et qu'avec des hommes, avec le moins
d'interférence sur le plan politique, dans le sens négatif, dans
le sens de coopération, nous tentons, dans l'ensemble des niveaux des
filiales, de restaurer cet esprit de crédibilité dans la
rentabilité de la SGF dans chacune de ses gestions.
C'est pour cela que je ne puis accepter ce qui m'a semblé
être, après avoir posé un diagnostic approprié, le
remède du Parti québécois, c'est-à-dire: donnez
plus d'argent et vous aurez plus de succès. Nous n'y croyons pas et, au
contraire, il me semble qu'aujourd'hui, par le geste que l'on pose, on donne
l'assurance aux gens de la SGF que nous n'avons pas renoncé à
atteindre les objectifs. Il nous semble qu'avec eux on est conscient je
pense qu'à l'unanimité le conseil d'administration partage mes
vues sur ce point que la plus grande erreur qu'on pourrait faire envers
la SGF, aujourd'hui, serait de lui donner les $140 millions de la CDCA. Parce
que justement la SGF aujourd'hui aurait les mêmes problèmes
qu'elle a eus, en 1962. Elle ne saurait que faire de cet argent, et fort
probablement qu'elle l'utiliserait à mauvais escient, et fort
probablement que, dans dix ans d'ici et dans cette même salle, il y
aurait encore des gens qui diraient: En 1974, la SGF s'est trompée dans
ses investissements.
Nous voulons apprendre encore davantage dans ces formules d'aide,
d'investissement. Nous voulons apprendre au niveau de la gestion. Nous voulons
améliorer les mécanismes de contrôle sans établir
une immense bureaucratie entre la SGF et ses filiales. D'ailleurs, les $25
millions, on nous reprochait d'être un actionnaire comme le secteur
privé. Il faut se rappeler que le gouvernement, dans la SGF, n'a pas
reçu de dividende depuis nombre d'années. Il ne s'en plaint pas.
Il faut se rappeler que le gouvernement, dans certains cas, a fait des
placements
sans aucun intérêt; il ne s'en plaint pas. Il faut se
rappeler que le gouvernement lorsque des filiales avaient enregistré des
profits, a réinvesti tous ces profits. Je pense qu'en donnant $25
millions additionnels en l'espace de deux ans sur le capital-actions, on fait,
comme mise de fond des actionnaires, le gouvernement, beaucoup plus que ce que
l'on peut voir dans toutes les entreprises privées, actuellement, au
Québec, même les plus importantes. Qu'on prenne comme exemple
Power Corporation, elle n'a pas, dans les deux prochaines années, 25
p.c. additionnels.
L'exemple de la CDC ne tient pas puisqu'il me semble que la CDC est
encore dans un moment d'euphorie semblable à celui de la SGF en 1963/64.
Quand on a $140 millions, je peux vous avertir que pendant trois ou quatre ans
on va présenter un bilan qui sera toujours intéressant. Mais
quand on a à faire des transactions, quand on a à miser sur des
jugements qui ont été faits et à voir ce que cela donne
avec l'expérience, eh bien là, souvent, on a des résultats
qui ne. sont pas les mêmes. C'est cela qu'on a appris à la
SGF.
Nous, on dit: L'expérience du passé n'invite pas, comme le
disent les créditistes, à renoncer à l'expérience
mais, par contre, cela n'invite pas à une euphorie, à verser des
millions et des millions de dollars des contribuables. Cela invite à une
certaine prudence, cela invite à une certaine audace. Je pense que les
gestes concrets qui ont été posés par la SGF depuis douze
mois, depuis que M. Simard en a pris la direction vont exactement dans ce sens.
Je pense que le geste dans le cas de MAN, puisqu'on l'a mentionné, va
justement dans le sens des politiques d'achat que vous avez mentionnées.
On s'oriente vers des secteurs c'est cela, la vocation de la SGF
modernes. On ne veut pas tenter d'essayer de produire au Québec des
bananes parce qu'on en importe beaucoup; on sait qu'on ne sera pas capable de
faire cela, comme d'autres pays. Mais il y a des secteurs modernes à
haute productivité. J'en ai parlé dans mon texte. On n'est pas
obligé d'avoir trois ou quatre grandes lignes de force. J'ai
parlé des secteurs modernes à haute productivité, à
hauts salaires, où la croissance des prochaines années devrait
être considérable. Nous allons miser sur ces secteurs. C'est le
sens de toutes les études qui sont faites actuellement par la SGF pour
des investissements nouveaux.
Le chef de l'Opposition nous blâme parce que des $25 millions il y
a $11 millions pour du renflouement. Est-ce qu'on pourrait me dire qu'est-ce
qu'on fait avec une entreprise aussi importante que Marine, qui a actuellement
un chiffre d'affaires de plus de $135 millions et qui emploie 3,300 personnes?
Elle a un besoin net de $11 millions pour renflouer c'est une
façon de parler mais un fonds de roulement de $11 millions de
plus. Qu'est-ce qu'on fait? On n'a pas de choix: Ou on met la clé dans
la porte, ou, comme actionnaire majoritaire, on met $11 millions avec des
obligations qui ont été passées par écrit aux
intérêts minoritaires dès septembre dernier. Je pense que
c'est dans ce sens qu'il faut voir l'opération.
Les créditistes nous ont dit que, voyant le passé sur le
plan financier, le passé est garant de l'avenir et nous ont
laissé voir un sombre avenir sur le plan financier pour la SGF. Je ne
crois pas, moi, que le passé est garant de l'avenir. Je pense qu'il est
possible, avec des hommes nouveaux, avec des orientations nouvelles d'avoir un
avenir meilleur. Je ne sais pas si le slogan qu'on a utilisé va
s'appliquer exactement à la formation des créditistes: Si le
passé est garant de l'avenir, on pourrait s'attendre que, dans un avenir
pas très éloigné, il faudra encore diviser par six le
nombre de représentants des créditistes à
l'Assemblée nationale. Mais sûrement qu'eux, comme la SGF,
tenteront de corriger.
M. ROY: C'est le seul argument que vous avez? C'est pauvre!
M. SAINT-PIERRE: Pardon?
M. ROY: Si c'est le seul argument que vous avez, c'est pauvre.
M. SAINT-PIERRE: Non mais vous nous parlez d'entreprises rentables et on
vous suggère qu'avant de donner des conseils aux autres vous en avez
peut-être à prendre.
M. SAMSON: Vous atteignez la ligne dangereuse.
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, brièvement, en
conclusion, il me semble que le projet de loi se veut être le juste
milieu entre deux extrêmes. Cela ne dit pas qu'on va renoncer à ce
qui a été fait on pense qu'il y a quelque chose de bon
dans cela mais on dit que cela invite à une certaine prudence.
C'est pour cela qu'on dit qu'avant qu'à la SGF on signe un chèque
en blanc elle doit fournir à nous tous et à la population une
crédibilité additionnelle. C'est ce qu'on lui demande. C'est pour
cela qu'on demande que chaque projet soit soumis au lieutenant-gouverneur en
conseil, pour bien établir cette concertation entre le conseil des
ministres et la SGF pour ses projets de rentabilité.
M. le Président, également, dans ce processus de
liquidation, on comprendra qu'on ne peut pas se débarrasser
impunément de n'importe quelle société sans tenir compte
d'un moment opportun pour vendre des investissements qui ont été
payés, des fois, un prix considérable alors que la conjoncture
s'améliore. Si on prend le cas de SOGEFOR, si on prend le cas des
Tricots LaSalle, on comprendra que nous attendons les bonnes périodes
pour peut-être possiblement nous en départir. Dans le cas de
SOGEFOR, comme on commence à faire des
profits, non seulement des profits de caisse mais des profits
réels, on comprendra que ce n'est pas parce que cela a été
mal qu'on doit nécessairement vendre demain matin.
C'est dans cet esprit d'avoir de bonnes décisions, d'avoir une
meilleure gestion que nous voulons laisser à la SGF et à son
conseil une certaine marge de manoeuvre. D'ailleurs, on a bien mentionné
les difficultés de la SGF. Il faudrait peut-être parler, quand
même, dans nombre de cas, de réussites intéressantes.
Personne n'a souligné et j'invite les gens à lire la
Presse d'aujourd'hui, j'ai pu en prendre connaissance tantôt qu'on
parle, dans le cas de Forano, d'un profit net de $1.25 million.
Le député nous a mentionné tantôt qu'on avait
vendu Forano et Volcano à d'autres. H a mentionné $3 millions et
il a laissé supposer que ce n'était pas vrai.
C'est vrai qu'il y a eu un profit de $3 millions de la part de la SGF.
Je n'ai rien compris dans l'intervention du député de Beauce-Sud,
à savoir si c'est une mauvaise décision de faire un profit de $3
millions, lorsque la SGF s'est départie de Forano et de Volcano, une
entreprise qui, encore une fois, est dans le groupe SGF, mais qui fait quand
même des ventes spectaculaires et qui fait un profit, cette année,
de plus de $1.25 million.
Pour toutes ces raisons, je recommande à cette Chambre qu'on
adopte en deuxième lecture le projet de loi no 20 sur la SGF.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que la motion de deuxième
lecture est adoptée?
M. ROY: Vote, M. le Président. M. BURNS: Vote.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Qu'on appelle les
députés!
Vote de deuxième lecture
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont pour la motion de deuxième
lecture de l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce, concernant le
projet de loi 20, Loi modifiant la charte de la Société
générale de financement du Québec, veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre,
Choquette, Phaneuf, Goldbloom, Quenneville, Tetley, Drummond, Bienvenue,
Massé, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Arsenault, Desjardins,
Giasson, Perreault, Brown, Fortier, Bacon, Blank, Veilleux, Saint-Hilaire,
Brisson, Séguin, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote,
Ostiguy, Picard, Gratton, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Marchand, Harvey
(Charlesbourg), Larivière, Pepin, Beauregard, Bellemare, Bonnier,
Boudreault, Boutin (Johnson), Cha- gnon, Caron, Côté, Denis,
Déom, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lecours,
Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain,
Tardif, Tremblay, Verreault.
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre...
M. MORIN: Nous votons également pour, M. le Président.
LE PRESIDENT: Excusez-moi, excusez-moi!
LE SECRETAIRE-ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard,
Bédard (Chicoutimi).
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE-ADJOINT: MM. Samson, Roy.
LE SECRETAIRE: Pour: 72. Contre: 2.
LE PRESIDENT: La motion est adoptée.
Projet de loi déféré à la
commission
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi
soit déféré à la commission parlementaire de
l'industrie et du commerce et qu'on suive à cet égard la
procédure de la commission plénière.
M. BURNS: Et qu'elle siège à huit heures quinze, ce
soir.
M. LEVESQUE: Je n'ose pas dire ça tout de suite.
On m'a demandé de faire ça en deux étapes, la
dernière fois.
M. BURNS: Oui, mais j'aimerais savoir vos intentions d'avance, quand
même.
M. LEVESQUE: Oui.
M. BURNS: Ce sont vos intentions?
M. LEVESQUE: Oui, ce soir à huit heures et quart.
LE PRESIDENT: Si je comprends bien, cette motion de
déférence, avec les règles de pratique, si on peut dire,
ou suivant les modalités de la commission plénière,
est-elle adoptée?
M. BURNS: Adopté. M. ROY: Adopté.
LE PRESIDENT: Adopté.
M. LEVESQUE: M. le Président, cette commission siégera au
salon rouge, à partir de vingt heures quinze, ce soir. Vous avez
d'autres choses à dire, M. le Président?
LE PRESIDENT: Je ne connais pas vos intentions, moi.
M. LEVESQUE: C'est aussi bien.
LE PRESIDENT: Je ne peux pas présumer.
M. CHARRON: Est-ce que la commission sera maîtresse de ses
règlements?
UNE VOIX: On veut respecter l'Opposition.
M. LEVESQUE: C'est-à-dire que j'espère bien que la
commission décidera de siéger jusqu'à minuit...
M. BURNS: Est-ce qu'on peut vous donner un conseil?
M. LEVESQUE: ... et de continuer demain matin.
M. BURNS: Est-ce qu'on peut vous donner un conseil pour savoir comment
présenter les motions?
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. LESSARD: Faites donc vos motions avant.
M. CHARRON: Prenez donc un ministre qui connaît le
règlement.
M. LESSARD: Motion vers onze heures trente.
M. LEVESQUE: Je pense que je le connais, mais je respecte l'opinion des
autres.
LE PRESIDENT: Si je comprends bien, cette commission siégera
pendant les travaux de la Chambre.
M. LEVESQUE: Oui.
LE PRESIDENT: Bon, il faut une motion. Cette motion est-elle
adoptée? Adopté.
M. BURNS: Adopté, M. le Président.
M. LESSARD: En tout cas, la leçon aura servi.
M. LEVESQUE: On n'ose quasiment...
M. LESSARD: Motion vers onze heures trente.
M. LEVESQUE: Article 5).
Projet de loi no 2 Deuxième lecture
LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice propose la deuxième
lecture du projet de loi no 2, Loi concernant le louage de choses.
Le ministre de la Justice.
M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE: M. le Président, en me levant pour proposer
l'adoption de ce projet de loi, j'ai l'impression que ce n'est pas la
première fois que je me lève pour faire cette proposition.
M. MORIN: Ce n'est pas la dernière, non plus.
M. CHOQUETTE: Voici, M. le Président, que le chef de l'Opposition
profite des circonstances pour annoncer des intentions malveillantes de la part
de l'Opposition. Encore une fois, le ministre de la Justice, qui veut faire son
devoir, qui veut faire avancer la législation québécoise,
qui veut le progrès de tous les Québécois, se voit
contrecarré...
M. SAMSON: Mettez-en pas trop!
M. CHOQUETTE: ... constamment par l'Opposition.
M. BURNS: Pauvre petit garçon!
M. CHOQUETTE: Malgré tout, M. le Président, nous ne
céderons pas à ces manoeuvres...
M. BURNS: II fait pitié!
M. CHOQUETTE: ... d'une Opposition déçue d'avoir subi
une...
LE PRESIDENT: Est-ce que je pourrais demander au ministre de revenir
à la pertinence du débat et de parler sur la motion de
deuxième lecture?
M. MORIN: Bravo!
M. CHOQUETTE: M. le Président, je me rends facilement à
votre invitation et j'attaque immédiatement le projet de loi dont il
s'agit. M. le Président, le code civil, comme on le sait, est un texte
fondamental du droit québécois. Ce code civil, il a
été élaboré il y a plus de 100 ans, puisque c'est
en 1866 que le code civil du Québec, à la suite de travaux
législatifs de l'ancien Parlement, avait été
promulgué.
Or, un des chapitres du code civil, qui touche le plus aux citoyens dans
la vie quotidienne, c'est bien, me semble-t-il, le chapitre du
louage de choses, puisque ce contrat régit tous les contrats que
l'on peut classer sous la catégorie du louage et, en particulier, le
louage de maisons ou le louage de logements d'habitation.
M. le Président, c'est donc dire jusqu'à quel point cette
partie du code civil a une importance considérable dans la vie
quotidienne des citoyens.
Or, rappelons-nous qu'au moment de l'adoption du code civil en 1866 la
société nord-américaine et en particulier la
société québécoise, étaient en plein
libéralisme économique et que c'était l'époque qui
était caractérisée principalement par des idées de
laissez-faire, qui partaient de cette prémisse de
l'égalité théorique des parties contractantes, de
l'égalité entre locateur et locataire...
M. MORIN: Cela n'a guère changé.
M. CHOQUETTE: ... comme, M. le Président...
M. MORIN: Je disais que cela n'a guère changé.
M. CHOQUETTE: Je m'excuse, j'ai été interrompu par le chef
de l'Opposition, mais l'observation du chef de l'Opposition n'a aucune
pertinence parce que je disais qu'à ce moment-là, on partait de
ce point de vue théorique de l'égalité des deux parties
contractantes et que tout le droit était fondé sur cette
présumée égalité des deux parties
contractantes.
Cela était peut-être plus vrai en 1866 que cela ne l'est
aujourd'hui étant donné qu'en 1866, l'économie capitaliste
n'était en somme qu'à ses débuts et, jusqu'à un
certain point, était dans sa période artisanale puisqu'à
cette époque, on ne connaissait pas la grande industrie; les grands
immeubles à logements multiples n'existaient pas; les relations entre
propriétaires et locataires étaient nettement plus personnelles
qu'elles ne le sont aujourd'hui alors qu'elles existent dans les grands centres
urbains, là où les masses de la population sont
concentrées.
Je veux dire qu'il était peut-être, jusqu'à un
certain point, défendable en 1866 de s'imaginer que le contrat de louage
qui pouvait intervenir entre propriétaires et locataires pouvait
être un contrat véritablement négocié entre les
parties et négocié à partir d'une position
d'égalité, c'est-à-dire qu'un locataire pouvait dire
à un propriétaire: J'exige telle clause dans le bail et le
propriétaire pouvait, de son côté, de la même
façon, avoir et exprimer ses exigences quant au contrat qui
résulterait de leurs négociations. Car, à ce
moment-là, on n'était pas dans une société de
masse, on était dans une société villageoise le plus
souvent, on était dans une société de petites villes ou
une société agricole, en tout cas pas dans une
société hautement urbanisée et industrialisée comme
l'est celle de la fin du vingtième siècle.
C'est donc dire que le contrat de louage aujourd'hui n'est plus du tout
le même contrat que celui qu'il y avait il y a 100 ans, parce
qu'aujourd'hui, le propriétaire, avec les formules qui sont toutes
établies à l'avance, impose en quelque sorte, d'une certaine
façon, un certain nombre de dispositions au locataires que ce dernier
est presque obligé d'accepter sans discussion. Et là, je ne parle
pas tellement évidemment de la question du prix de la location mais de
toutes les conditions que l'on trouve dans les baux qui existent dans le
Québec et surtout dans un certain nombre de ces baux où les
conditions qui sont imposées sont parfois abusives.
C'est la raison pour laquelle il me semble qu'aujourd'hui, alors que la
société a évolué à partir de ce
libéralisme économique que je décrivais comme étant
la caractéristique des relations qui existaient au 19e siècle,
vers une philosophie de protection du consommateur qui s'est exprimée,
entre autres, dans ce bill 45 adopté par l'actuel gouvernement, eh bien,
il faut, à partir de la même philosophie de protection du
consommateur, concevoir un bail, concevoir une formule qui permette de
protéger en quelque sorte le locataire contre les abus et les
excès qui peuvent être commis à son égard justement
à la faveur de cette société hautement urbanisée et
industrialisée à l'occasion de cette existence dans une
civilisation de masse telle qu'on la trouve aujourd'hui.
Un deuxième argument, M. le Président, qui fait que nous
devons attaquer avec l'idéal de réformer ce chapitre du code
civil dans une optique réformiste et moderne, c'est l'évolution
technique elle-même. Car si on se reporte à 1866, époque
que je décrivais, tout à l'heure, comme étant
caractérisée par des relations hautement personnelles entre
propriétaires et locataires, eh! bien, il est sûr et certain qu'on
ne connaissait pas, à cette époque, les vastes conciergeries qui
existent aujourd'hui, là où les relations entre
propriétaires et locataires sont assez anonymes et où, justement
à la faveur de cet anonymat, on peut imposer des conditions qui sont
parfois abusives aux locataires. C'est donc que la technique même, que
l'évolution technologique de notre civilisation, l'existence de
multiples locataires à l'intérieur d'un seul édifice
imposent certaines révisions dans la législation qui s'applique
au louage.
Finalement, M. le Président, il faut aussi se rendre compte du
fait qu'en 1866, les législateurs étaient influencés par
ce caractère absolument sacré de la propriété
privée. On sait que traditionnellement, dans le droit civil, on a
défini le droit de propriété comme celui d'abuser, d'user
et même d'abuser d'une chose. Tandis qu'aujourd'hui, avec
l'évolution de la législation, le législateur ne se
contente pas de s'attaquer à ces problèmes avec une optique
exclusivement économique, mais a une dimension sociale vis-à-vis
des problèmes. Le législateur ne peut donc accepter que le droit
de
propriété conçu comme un droit absolu, qui prime
tous les autres droits, que ce droit de propriété, ne soit
réformé, de façon à permettre à celui qui
est le locataire de la chose louée d'exercer quand même certains
droits à l'occasion de l'usage, et surtout de négocier à
partir d'une position d'égalité avec le propriétaire.
Pour tous ces motifs, M. le Président, il nous est devenu
nécessaire d'envisager une réforme de ce chapitre du code civil.
La réforme qui est proposée dans le bill no 2 comporte, tout
d'abord, des dispositions d'ordre général applicables à
toutes les catégories de baux, qu'il s'agisse de baux civils,
commerciaux, industriels, mobiliers ou immobiliers. A l'intérieur de
cette première partie du texte, nous proposons un certain nombre de
modifications à la législation existante de façon,
à l'intérieur des principes que j'énonçais tout
à l'heure, à rétablir cette égalité entre
propriétaires et locataires.
Deuxièmement, quand nous arrivons au bail immobilier, nous
proposons un certain nombre de dispositions qui primeront sur les dispositions
générales s'appliquant aux baux, auxquelles j'ai fait
référence tout à l'heure. Ainsi, lorsque nous arrivons
dans le domaine du bail immobilier, nous trouvons, dans le projet qui est
proposé à l'étude de la Chambre, un certain nombre de
dispositions particulières spécifiques au bail immobilier.
Finalement, M. le Président, dans le domaine du bail des maisons
ou des logements d'habitation, nous proposons une autre série de
dispositions qui, elles, sont impératives et auxquelles les parties ne
peuvent déroger. Car, toujours à l'intérieur de cette
philosophie de protection du consommateur, il nous a semblé qu'on ne
devait pas laisser la liberté aux parties contractantes de fabriquer
leur propre contrat de bail ou de louage de choses. Leur laisser cette
liberté, c'était introduire le droit pour la partie la plus forte
c'est-à-dire le ou les propriétaires d'imposer les
conditions qu'elle désirait aux locataires qui sont véritablement
le plus souvent démunis de force de négociation. C'est la raison
pour laquelle, devant le fait que le bail, dans l'état actuel des
choses, est le plus souvent un contrat d'adhésion, nous avons
décidé d'imposer un certain nombre de clauses obligatoires aux
propriétaires et locataires.
Ils ne pourront pas déroger à ces clauses et elles feront
partie du bail type qui est en annexe au projet de loi.
Je n'élaborerai pas toutes les conditions qui sont
imposées aux propriétaires et locataires à
l'intérieur de ce bail type, car ceci m'amènerait à
discuter du projet de loi dans ses moindres détails. Mais je dirai ceci:
le projet de loi, au moins sous cet aspect, représente un progrès
certain, un progrès net, un progrès clair par rapport à la
situation de confusion qui existe dans les baux que nous voyons constamment en
circulation dans le Québec, à l'heure actuelle. Ces dispositions,
contenues au bail type et qui prévaudront dans toutes les régions
du Québec, seront de nature à rétablir justement cette
égalité qui est tellement désirée entre
propriétaires et locataires.
Finalement, nous avons inclus des dispositions d'ordre public
s'appliquant à l'égard de la discrimination. On sait que nous
n'avons pas encore de charte des droits de l'homme au Québec et que
c'est un des objectifs du gouvernement d'apporter une telle charte, au moment
où celle-ci sera élaborée sous tous ses aspects. Mais,
pour le moment, je pensais qu'il serait fort important, de façon que,
dès à présent, on imprime à notre
société en général une philosophie qui s'oppose
à la discrimination sous toutes ses formes, qu'on fasse
déjà un mouvement dans ce sens-là. C'est la raison pour
laquelle nous avons rejeté la discrimination sous toutes ses formes et
que nous proposons des articles qui la puniront même par voie d'action
pénale.
De la même façon, dans l'optique d'une politique nataliste,
nous avons fait en sorte qu'il est interdit pour un propriétaire de
refuser la location ou d'imposer des conditions à l'augmentation du
nombre de personnes dans les lieux, compte tenu de l'espace qui est disponible,
ceci, en particulier, pour combattre cette exclusion des personnes avec enfants
et justement pour faire en sorte qu'on fasse justice aux enfants et que ce
prétexte de l'existence ou de la présence d'enfants sur les lieux
ne soit pas utilisé pour ne pas louer ou pour terminer un bail.
Là encore, des sanctions pénales s'attachent à cette
discrimination.
Finalement, il y a cette coutume, qui s'est instaurée au
Québec, des déménagements massifs du 1er mai de chaque
année. En effet, on sait que peut-être l0 p.c. de la population
québécoise, le 1er mai, déménage
simultanément de logement d'habitation. Eh bien, devant ce
phénomène assez unique, en fait, en Amérique du Nord, nous
avons fait une tentative pour tenter de répartir ce marché qui
s'instaure au 30 avril ou au 1er mai. Nous avons fait en sorte que les baux,
pour l'année 1975, seront automatiquement continués de deux mois,
c'est-à-dire au 30 juin 1975. Ainsi les baux à l'égard
desquels des avis n'auront pas été donnés par
propriétaires et locataires, au lieu de se prolonger pour une
période d'une année et se terminer le 30 avril 1975, se
prolongeront jusqu'au 30 juin 1975, de telle sorte que, dans cette
année, la prolongation des baux sera de quatorze mois, au lieu de douze
mois.
Nous avons, par la même occasion et de façon à
détruire, dans la mesure où le législateur le peut, cette
coutume du renouvellement ou, du moins, des déménagements massifs
du 1er mai, détruit cette disposition du code civil qui s'appliquait aux
baux sans date déterminée, qui étaient
présumés, on se le rappellera, se terminer le 30 avril. Nous
avons fait en sorte que cette disposition disparaisse de notre loi. Nous
retirons la base juridique qui pouvait exister à cette coutume du 1er
mai, en espérant je
pense qu'il y a des limites à l'action du législateur
que le marché de l'habitation, au lieu de s'exprimer d'une
façon massive à une date déterminée dans
l'année, se répartira d'une façon plus
équilibrée.
Cela, je pense bien, serait à l'avantage non seulement des
locataires et propriétaires eux-mêmes mais également des
services publics, qui, eux, sont obligés de faire les changements voulus
à la date du 30 avril, chaque année, tels que
téléphone, déménageurs, etc. Il ne faut pas oublier
l'utilité de cette mesure pour les enfants fréquentant les
écoles, qui ne seront pas obligés de changer d'école en
fin d'année, c'est-à-dire le 30 mai comme c'est la situation
à l'heure actuelle.
Alors, M. le Président, voici une disposition dont on a
parlé beaucoup ces dernières années, c'est-à-dire
la destruction de cette coutume québécoise des
déménagements simultanés le 1er mai. Le législateur
s'y attaque en prenant des dispositions qui, croyons-nous, seront bienfaisantes
pour l'avenir mais qui n'iront pas sans difficulté, je m'en rends bien
compte. En touchant tout le domaine de la location, tout le domaine des usages
dans les baux, nous touchons à la majorité des citoyens
québécois à la fois. S'il y a vraiment une loi que l'on
pourrait appeler du "social engineering", c'est bien cette loi du louage qui,
tout en étant technique, représente quand même des
répercussions dans la vie de presque tous les citoyens
québécois.
C'est la raison pour laquelle je me rends compte qu'il faudra que cette
loi soit expliquée, qu'il faudra que nous ayons sur pied un programme
d'information extrêmement poussé pour expliquer aux citoyens ce
que nous avons tenté de réaliser par cette loi, que je
qualifierai d'avant-gardiste, M. le Président, d'après les
connaissances que je possède, d'après les comparaisons que j'ai
pu faire avec d'autres lois qui existent en Amérique du Nord ou, enfin,
dans d'autres pays du monde.
Car il faut bien se rendre compte, M. le Président, que le bail
type que nous proposons dans la loi en question n'est pas une formule qui est
acceptée universellement. Il y a peut-être une province canadienne
qui a un bail type et c'est l'Alberta.
M. CHARRON: Le Manitoba.
M. CHOQUETTE: Et le Manitoba.
M. CHARRON: Ce n'est pas l'Alberta, c'est le Manitoba.
M. CHOQUETTE: Je remercie le député de Saint-Jacques de
m'avoir mis sur la bonne voie.
M. CHARRON: Comme d'habitude, comme d'habitude!
M. CHOQUETTE: C'est peut-être la première fois qu'il a la
chance de le faire depuis qu'il est en cette Chambre mais, puisqu'il le fait
aujourd'hui d'une façon si aimable, je lui exprime mes
remerciements.
M. le Président, même dans d'autres Etats
américains, on ne connaît pas la formule du bail type.
Malgré qu'on en ait entendu parler partout dans le monde, malgré
qu'on en ait parlé comme étant une formule qui représente
véritablement un moyen de défense adéquat du locataire
dans la situation du cocontractant à un contrat d'adhésion,
malgré tout les législateurs n'ont pas agi avec la volonté
que l'on aurait pu espérer. Malheureusement, ou plutôt
heureusement, le législateur québécois n'est pas dans
cette situation puisque nous sommes aujourd'hui en situation de proposer le
bail type.
Nous agissons également avec énergie, M. le
Président, lorsque nous tentons de réformer cette coutume des
déménagements massifs et collectifs du 1er mai, avec tous les
désavantages que ceci comporte.
A l'étude des diverses dispositions du projet de loi, je pense
que nos honorables collègues d'en face et je distingue parmi eux
d'éminents juristes surtout le député de
Chicoutimi, lorsque je me réfère à d'éminents
juristes, parce que le député de Chicoutimi ce qui est
bien différent du député de Maisonneuve et du chef de
l'Opposition est un avocat qui a pratiqué sa profession
activement dans le droit civil.
C'est la raison pour laquelle je compte sur sa perspicacité et
son objectivité, sa capacité de saisir les problèmes dans
le concret...
UNE VOIX: C'est d'ailleurs...
M. CHOQUETTE: ... de relier la théorie et la pratique. Alors que
je me fais peu d'illusions dans le cas du chef de l'Opposition, cet
éminent professeur de droit international qui a écrit sur la
constitution de l'Allemagne, sur la charte des droits de l'homme, tous des
sujets parfaitement honorables...
M. MORIN: Sur quoi avez-vous écrit, vous-même?
M. CHOQUETTE: ... mais qui n'ont que peu de rapports avec la
réalité quotidienne que vivent les citoyens du Québec.
M. BEDARD (Chicoutimi): Vous allez donc prendre nos suggestions?
M. MORIN: Sur quoi avez-vous écrit vous-même, M. le
ministre?
M. CHOQUETTE: J'ai agi. Le député de Maisonneuve, qui
n'est pas un avocat...
M. BURNS: Je n'ai pas écrit.
M. CHOQUETTE: ... moyen, pas du tout,
qui a de grandes qualités qu'il est en train de perdre au cours
de cette fin de session par de la procédure, je suis au texte, M. le
Président. L'abus de la procédure, vous savez ce que ceci a fait
à l'ancien député de Maskinongé.
Mon ami le député de Maisonneuve a étudié le
droit, les relations de travail, et, dans le domaine, je lui reconnais toute sa
compétence. J'aimerais qu'il s'incline à l'occasion de
l'étude de ce projet de loi derrière son collègue de
Chicoutimi, qui, je pense, nous apportera un point de vue...
M. LESSARD: Sommes-nous sûrs que ce sera là le vrai projet
de loi?
M. BURNS : Est-ce que vous voulez diriger le caucus du Parti
québécois? Est-ce ça que vous êtes en train de nous
dire?
M. CHOQUETTE: Je termine mes observations...
M. LESSARD : Est-ce que le ministre ne retirera pas son projet de
loi?
M. CHOQUETTE: ... en disant ceci: J'avais pensé, et j'avais
prévu introduire une autre mesure à l'intérieur de cette
législation permanente du code civil. J'avais prévu introduire
une loi prévoyant l'arbitrage des loyers au cas de divergence entre
propriétaires et locataires...
M. MORIN: Mais le caucus n'a pas voulu.
M. CHOQUETTE: Est-ce que c'est aimable de la part du chef de
l'Opposition de m'inter-rompre alors que je termine mon discours?
Je disais donc que j'avais prévu introduire une loi permanente
relativement à l'arbitrage des loyers lorsqu'il y a désaccord
entre propriétaires et locataires sur une augmentation demandée
par un propriétaire à l'occasion du renouvellement d'un bail.
Et nous avions fait des études dans ce sens-là,
études que je ne rejette pas. Mais, après avoir
considéré la nouveauté de cette technique, des principes
de droit qui étaient sous-jacents à cet arbitrage judiciaire sur
le montant d'un loyer, j'ai décidé, après consultation
évidemment, de creuser l'analyse de cette proposition. Et c'est la
raison pour laquelle j'annonçais en Chambre il y a peu de temps la
constitution d'un groupe de travail sur l'ensemble des problèmes de
l'habitation et du logement au Québec.
Ce groupe étudiera en priorité cette question des effets
économiques et sociaux d'un arbitrage des loyers au cas de
désaccord entre propriétaires et locataires. Je compte, M. le
Président, que d'ici six mois j'aurai un rapport qui nous
éclairera peut-être encore plus que les études que nous
avons faites.
M. BURNS: Est-ce que vous me permettez une question?
M. CHOQUETTE: Sans doute.
M. BURNS: Justement sur ce groupe de recherche, est-ce que le ministre
peut nous dire s'il y a de nouveaux facteurs qui existent maintenant et qui
n'existaient pas au moment du dépôt du projet de loi 59,
c'est-à-dire la première version de toutes du code des loyers?
C'est en 1972, si je ne me trompe.
M. CHOQUETTE: De nouveaux facteurs, je ne sais pas ce que le
député de Maisonneuve veut dire.
M. BURNS: Bien, je m'explique. Je ne veux pas interrompre trop,
c'était juste une question mais si le ministre me le demande je
préciserai. Dans la première version du projet de loi 59 du code
des loyers, il semblait y avoir, dans l'esprit de la loi et dans le texte,
cette espèce d'arbitrage et de forme de contrôle par voie
d'arbitrage des loyers du tribunal des loyers. Cela est mis de
côté par la résurgence de la Commission des loyers ou de la
Régie des loyers maintenue par le projet de loi 3 qui s'en vient. Le
ministre nous dit: II semble qu'il faille tout reprendre cette recherche, si
j'ai bien compris, à savoir: Est-ce qu'on doit avoir une chambre des
loyers? Est-ce qu'on doit avoir un tribunal d'arbitrage des loyers? Est-ce
qu'on doit avoir un tribunal particulier? En tout cas, une série de
facteurs. Quand le premier projet de loi a été fait,
c'est-à-dire celui de 1972, qui portait le no 59, est-ce qu'à ce
moment-là il y avait des facteurs qui existaient ou est-ce qu'il y en a
des nouveaux qui sont survenus depuis et qui vous ont motivé à
changer votre attitude?
M. LESSARD: Sinon l'intervention du caucus?
M. CHOQUETTE: Historiquement, dans l'élaboration de la loi que
j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui, il est exact que le projet de
loi 59 a été étudié et faisait certaines
propositions dont on se rappellera. Enfin, le député de
Maisonneuve s'en souvient. Par la suite, il y a eu les projets de loi 78 et 79,
dont le député de Maisonneuve se souvient également, qui
ont présenté un changement d'optique par rapport au projet de loi
59. Je dois dire, M. le Président, que l'aspect économique de la
décision d'une augmentation de loyer par voie judiciaire ou par voie
d'arbitrage a fait l'objet d'études que je considère
sérieuses par des économistes qui ont travaillé pour le
ministère de la Justice. Nous nous sommes intéressés aux
effets économiques d'un changement dans la législation aussi
profond que celui que nous proposions, c'est-à-dire au cas de
désaccord sur les augmentations, que ce soit une commission des loyers,
comme c'était proposé dans le projet de loi 59
c'est-à-dire la première version ou une chambre des
loyers, comme c'était proposé dans les projets de loi 78 et 79
qui tranche. Nous nous sommes donc interrogés sur les lois
économiques qui sont mises en action à l'occasion d'une
telle modification législative.
Nous avons reçu des avis sérieux de la part
d'économistes. Mais nous oeuvrons, et il ne faut pas se faire
d'illusion, dans un domaine très nouveau, car je ne connais pas de
législation au monde où il y ait un tel système de
décision judiciaire des loyers ou d'arbitrage des loyers.
Assurément, il existe dans certaines parties du globe, ou il a
existé des systèmes de contrôle des loyers; par exemple, il
y en a eu dans la ville de New-York, il y en a eu dans la ville de Boston, il y
en a eu en France, avec toutes sortes de répercussions
économiques que l'on connaît.
Par exemple, il est arrivé dans la ville de New-York, qu'à
un moment donné les autorités municipales ont bloqué toute
augmentation de loyers dans la ville de New-York pour une année
donnée et, par la suite, on a dit arbitrairement : II y aura cette
année, une augmentation de loyers de 4 p.c, et il y avait des logements
contrôlés et il y avait des logements
décontrôlés. Toutes ces interventions législatives
par voie de contrôle des loyers, celles que j'ai décrites par
exemple, celle de la ville de New-York, ont eu des répercussions
économiques discutables, discutables dans le sens qu'un contrôle
trop sévère des loyers, une réglementation qui, à
un moment donné, empêche toute augmentation de loyers qui ne donne
pas un rendement suffisant aux propriétaires sur son capital peut
entraîner des effets économiques négatifs.
Par exemple, réduction de la construction de logements
d'habitation, détérioration de la propriété
immobilière et en particulier des logements d'habitation et ceci au
détriment des locataires. Je dis donc que nous étions très
conscients des difficultés économiques qu'entraînait un
système de contrôle des loyers, et c'est la raison pour laquelle,
dans nos bills 59 et dans les bills 78 et 79, je n'ai jamais dit et je n'ai
jamais pensé que je proposais un système de contrôle des
loyers.
Ce que je pensais, c'est que ce n'était pas un système de
stoppage ou de blocage des loyers; le marché économique
continuait à jouer, parce que propriétaires et locataires
pouvaient bien, dans la plupart des cas, s'entendre sur des augmentations
raisonnables, pour tenir compte de l'augmentation des frais des
propriétaires, par exemple, des taxes, de l'huile à chauffage et
autres dépenses incidentes à la propriété. Donc, je
me disais, dans l'optique où nous nous étions situés,
qu'il ne s'agissait pas là pour nous d'un gel des loyers ni d'un
stoppage ni d'un blocage des loyers, mais d'une formule originale qui donnait
un nouveau droit au locataire, c'est-à-dire celui d'être maintenu
dans les lieux.
C'était cela, l'originalité. C'était le droit
d'être maintenu dans les lieux. La conséquence de ce droit
d'être maintenu dans les lieux était qu'il fallait, s'il y avait
désaccord entre propriétaire et locataire, qu'un tiers tranche.
Dans le cas de la première version, c'est-à-dire le cas du bill
59, ce fut la Commission des loyers, un tribunal administratif, et dans le cas
du bill 78 et du bill 79, c'était la Chambre des loyers.
Mais je dois quand même avouer que lorsqu'on innove dans un
secteur aussi important que celui de l'habitation, lorsqu'on apporte une
nouvelle conception qui peut sans doute être valable et qui me
paraît encore valable, il faut quand même y aller avec une certaine
prudence, il faut quand même analyser dans ses conséquences les
effets d'une telle loi. Est-ce que ces effets seraient tellement positifs
qu'ils seraient indéniables? Je le souhaite et j'espère que ce
groupe de travail nous rapportera une opinion favorable. Pour ma part, je le
souhaite ardemment parce que je crois, avec les connaissances que j'ai à
l'heure actuelle, que ceci me semble devoir ressortir du rapport qui nous sera
donné.
Par contre, je ne suis pas prêt à lancer le Québec
dans des voies aventureuses alors que les études n'ont pas toutes
été faites et qu'il reste peut-être des domaines où
cela demeure discutable, parce que lorsqu'on applique toutes les lois
économiques qui s'appliquent à un tel domaine, par exemple la
rente des propriétaires pour telle ou telle chose, il peut demeurer des
divergences de vues. J'aimerais que nos études se poursuivent un peu
plus avant que cela soit incorporé à la loi permanente.
Je pense que je réponds assez généralement à
la question du député de Maisonneuve mais je dirai ceci en
terminant mes observations en deuxième lecture sur ce projet de loi:
Nous sommes conscients des forces inflationnaires qui jouent actuellement au
Québec ou qui joueront en 1974. Nous sommes conscients du fait que la
crise du pétrole a entraîné et continuera à
entraîner des hausses dans le domaine de l'huile à chauffage.
Par conséquent, elle aura des répercussions sur la
propriété immobilière et sur les négociations entre
propriétaires et locataires au niveau des baux. Nous sommes
également conscients de l'augmentation des taxes foncières dans
un certain nombre de domaines, et c'est la raison pour laquelle, lorsque nous
arriverons à la discussion du projet de loi no 3 qui viendra
après le projet de loi no 2, je proposerai d'apporter un certain nombre
d'amendements au projet no 3 pour que celui-ci soit la reconduction
intégrale de la législation qui existait l'année
dernière et qui a évité les hausses abusives de loyer en
1973. C'est la raison pour laquelle, en vertu du projet de loi qui sera
proposé à la Chambre, après que nous aurons
étudié le projet de loi no 2, nous allons couvrir tous les
logements et ceci sans faire de distinction quant à l'endroit où
ils sont situés. Mais ceci n'empêchera pas les
propriétaires d'obtenir des augmentations légitimes pour faire
face à l'accroissement de leurs coûts. Si propriétaires et
locataires n'ont pas réussi à s'entendre, ils pourront toujours
aller à la Régie des loyers qui tranchera. C'est donc dire
que,
pour l'année 1974, nous allons en fait avoir une
législation identique à celle qui a prévalu en 1973.
M. le Président, je constate qu'il est six heures moins quatre,
et ne voulant pas prendre de risque sur l'ajournement des travaux de la
Chambre, je propose...
M.MORIN: Voilà qu'il a une stratégie, maintenant.
M. CHOQUETTE: ... la suspension.
LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez terminé votre
intervention?
M. CHOQUETTE: J'ai semi terminé. Si j'ai une idée
lumineuse, je reviendrai l'exposer à la Chambre, mais probablement que
j'ai terminé.
M. LESSARD: Cela ne nous surprend pas.
M. CHARRON: Cela ne nous surprend pas, non.
M. BURNS: Pas d'objection, M. le Président.
LE PRESIDENT: Vingt heures quinze. L'Assemblée suspend ses
travaux jusqu'à vingt heures quinze.
(Suspension de la séance à 18 heures)
Reprise de la séance à 20 h 18
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre!
Est-ce que vous avez fini votre intervention?
M. CHOQUETTE: J'ai terminé mon intervention, M. le
Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de
Maisonneuve veut parler?
M. Robert Burns
M. BURNS: Oui, M. le Président, avec votre permission.
M. VEILLEUX: Cela, c'est pour vous encourager.
M. BURNS: Mon Dieu, je suis presque gêné! Ces
applaudissements me venant...
M. VEILLEUX: C'est pour vous encourager.
M. BURNS: ... du Parti libéral m'impressionnent beaucoup. Je me
demande...
DES VOIX: Ah!
M. BUNRS: ... si je pourrai avoir toute la verve mordante que je
m'étais promise à l'égard de ce projet de loi. Quoi qu'il
en soit, je puis dire, après avoir écouté le ministre de
la Justice dans son intervention sur ce projet de loi no 2,... Est-ce que vous
vous posez des questions sur le quorum, M. le Président? Je vous vois
vérifier s'il y a quorum.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): II y a quorum puisqu'une commission
siège.
M. BURNS: Ah bon! D'accord.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): On cherche un président pour la
commission.
M. BURNS: Non, non, je ne le soulève pas, je vous voyais
inquiet.
J'avais commencé à dire ceci: Dans les remarques que nous
a faites le ministre de la Justice, il y a une chose sur laquelle je vais
sûrement être d'accord, sans aucune réticence. C'est cet
énoncé général qu'il nous a fait concernant
l'importance considérable de ce chapitre du code des loyers. Vous me
pardonnerez, au début de mon intervention, de citer, même si le
ministre n'a pas cru bon de le faire, un certain nombre de statistiques
concernant cette situation qui existe relativement au conflit entre locataires
et propriétaires qui, à toutes fins pratiques, démontrera,
je pense, hors de tout doute, que nous sommes convaincus de cette importance
qui existe dans les relations entre locataires et locateurs.
Je me référerai en particulier à un document qui
s'appelle "Analyse de la situation des consommateurs locataires". J'aime bien
l'expression parce que dès 1970 je parlais de ce type de consommateurs
particuliers qui s'appellent des locataires. En ce qui les concerne, eux, ils
ne consomment pas des biens habituellement considérés comme des
biens de consommation mais ils consomment un bien très particulier,
probablement le premier pour une famille, c'est-à-dire un lieu
d'habitation pour la famille ou même pour des individus.
Cette analyse de la situation des consommateurs locataires, à
laquelle je vais me référer, a été
préparée par le Conseil de développement social du
Montréal métropolitain.
L'équipe principale j'aime autant donner à
César ce qui est à César, au départ qui a
permis la publication de ce document était formée de MM.
Jean-Raymond Bonin et Roland Degani, de Mmes Francine Dionne, Claire Du-guay et
Danielle Painchaud.
A la page C-l de ce document, que connaît sans doute le ministre
de la Justice, j'aimerais extraire une citation qui, pour moi,
caractérise un peu l'approche qu'on doit avoir, dans la situation
actuelle au sujet de ce projet de loi et même toute l'approche, je dis
bien, qu'auraient dû avoir le ministère ou le ministre de la
Justice et le gouvernement à l'égard des projets de loi no 2 et
no 3.
A la page C-l, on définit l'objet de la recherche faite par les
personnes que j'ai nommées tantôt: "Ce qui caractérise la
crise actuelle du logement, c'est l'incapacité pour les familles de
petits salariés de répondre au coût actuel du logement
décent, de telle sorte que certaines familles doivent consacrer une part
exorbitante de leur budget, parfois jusqu'à 40 p.c, pour se loger, et ce
dans des conditions de moins en moins convenables. "Etant donné que le
libre jeu du marché ne peut apporter une réponse satisfaisante
aux besoins de la population en matière de logement, l'Etat tente
d'intervenir à différents niveaux pour assurer aux citoyens le
maximum de bien-être".
Je pense, M. le Président, qu'au départ de l'étude
d'un projet de loi tel que le projet de loi no 2, ces mots doivent être
omniprésents à notre esprit, et plus particulièrement
cette espèce d'affirmation d'un groupe d'étude. Ceux qui ont
parcouru cette étude vont se rendre compte qu'il ne s'agit pas d'un
manifeste de parti politique, qu'il ne s'agit pas d'un manifeste de groupe de
contestation. Il s'agit de gens qui se sont penchés sur un certain
nombre de situations et, ce faisant, ils préfacent, jusqu'à un
certain point, leurs recherches avec cet énoncé assez
extraordinaire: "II devient de plus en plus dificile disent-ils
pour les familles de petits salariés de répondre au coût
actuel d'un logement décent".
C'est tout cela, M. le Président, qui doit nous animer dans
l'étude de ces projets de loi, tant dans ce qu'ils comportent, comme
améliorations que dans ce qu'ils n'ont pas à offrir à
cette population de consommateurs-locataires.
L'évaluation statistique de la Régie des loyers, qui a
été faite par ce groupe d'étude, est assez
intéressante dans le sens qu'elle supporte l'affirmation que le ministre
de la Justice a faite un peu plus tôt, à savoir l'importance
considérable de ce domaine particulier et particulièrement de
tout ce qu'on appelle je le dis au sens large du mot la
régie des loyers ou même, j'oserais dire, le contrôle des
loyers.
Je retrouve, encore une fois, toujours dans cette même
étude qui s'appelle Analyse de la situation des
consommateurs-locataires à la page C-8, une autre affirmation qui
nous incite à croire que ce domaine de la régie des loyers
encore une fois, au sens large du mot est quelque chose qui doit nous
préoccuper de façon véritablement immédiate.
Je reviendrai sur les étapes après, mais je pense que, sur
le plan de l'importance du sujet, c'est important que je pose un certain nombre
de jalons au départ. A la page C-8, on lit ceci: "Depuis l'entrée
en vigueur de la loi, en 1951, la régie on parle ici de la
Régie des loyers a reçu des demandes de 62,700 adresses,
soit une moyenne de 3,135 par année. Ce nombre est très restreint
si l'on considère que la ville de Montréal comptait, en 1961,
404,000 logements loués dont 50 p.c. construits avant 1966".
L'étude continue en disant: "33 p.c. c'est-à-dire
21,000 adresses seulement de ces demandes ont été faites
après 1961. On pourrait croire qu'une meilleure publicité a
été faite au début de l'existence de la régie et
que, par la suite, l'information relative à cette loi a
été minime".
Ainsi, malgré le fait que, d'année en année, il y
avait un certain nombre d'exclusions à cette loi, on s'aperçoit,
par cette étude, que, depuis le début de la loi, depuis 1951, et
plus particulièrement avant 1961, on a eu un nombre énorme de
gens qui se sont adressés à la Régie des loyers pour se
plaindre d'une façon ou de l'autre soit le propriétaire ou
soit le locataire de l'application de cette relation
propriétaire-locataire.
Que ce problème soit important, je n'ai pas à
élaborer davantage, j'en suis convaincu et je partage entièrement
l'opinion du ministre; les extraits que je viens de vous citer ne viennent
qu'appuyer cette affirmation. Si, au cours d'une période comme
celle-là, alors que la loi ne s'appliquait pas à tout le monde
comme le sait le ministre de la Justice on ait eu un si grand
nombre de plaintes adressées à la Régie des loyers, c'est
un indice, je pense, qu'il faut rapidement et sérieusement régler
le problème des relations entre propriétaires et locataires. Pas
nécessairement, non plus, de la façon dont le ministre nous
propose de le régler actuellement par le projet de loi 2.
Si je continue, M. le Président, dans cette
étude et ce sera la dernière ou une des
dernières citations que j'extrairai de cette étude
toujours aux pages C-8 et C-9 de ce document, on nous cite des statistiques
assez intéressantes sur le nombre ou le genre de problèmes qui
sont soumis à la Régie des loyers. Encore là, je pense
qu'il est important au début de cette étude de savoir dans quoi
on s'engage. Le ministre nous a dit tantôt qu'il y avait un certain
nombre d'incertitudes qui empêchaient le gouvernement d'aller plus loin
et de continuer dans la ligne qu'il s'était fixée par le projet
de loi 59. Il est assez important de se référer à ces
statistiques qui, à mon avis, ont été
préparées de façon sérieuse. On découvre,
entre autres, que dans 72.8 p.c. c'est-à-dire la majorité
des cas ce sont des locataires qui font appel à la régie
pour demander une prolongation de bail et une fixation de loyer en vertu de
l'article 20 actuel de la loi de la régie. Vous avez peut-être
l'air de penser, M. le Président, que je mêle le projet de loi 3
et le projet de loi 2; j'espère que ce n'est pas ça mais je
trouve que le problème, dans son ensemble, au niveau du projet de
loi...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): J'ai suggéré au ministre de
la Justice, peut-être, de faire la deuxième lecture des deux
projets de loi en même temps parce qu'il est difficile de parler de l'un
sans l'autre.
M. BURNS: Non, M. le Président. Je sais que c'est difficile de
parler de l'un sans l'autre mais j'en parle uniquement au niveau des
statistiques à ce moment-ci pour établir, si vous voulez, sur le
plan de l'introduction, l'importance je viens au projet de loi, ne vous
inquiétez pas d'avoir une législation adéquate dans
ce domaine. Ce n'est que ça. Il y a peut-être de nos
collègues qui s'imaginent actuellement que les affirmations qu'on fait
très souvent, je les ai faites à toutes les fois que la Loi pour
favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires a
été amenée devant cette Chambre.
Cette affirmation que 80 p.c. de la population, du moins à
Montréal, est locataire, cela a une importance pour la majorité
de la population. Je pense que j'essaie de les convaincre de l'importance de
cette affaire-là sur une base de statistiques, les seules que nous ayons
actuellement, c'est-à-dire des plaintes adressées à la
Régie des loyers.
Alors je disais donc, M. le Président, et je tire toujours ces
chiffres de l'étude citée préalablement, que dans la
majorité des cas, c'est-à-dire 72.8 p.c, ce sont des locataires
qui ont fait appel à la régie pour demander une prolongation de
bail et une fixation de loyer.
L'article 25, lui, concernant la demande de révocation et de
prolongation de bail, est utilisé dans 12.2 p.c. des cas qui sont soumis
à la régie. Le propriétaire demande l'éviction du
locataire pour un retard dans le paiement de loyer, dans 44.4 p.c. des cas; ou
parce que le locataire ou ses dépendants constituent une source
sérieuse de tracasseries pour le propriétaire ou pour les
voisins, et cela il s'agit de 25.9 p.c. des cas. Dans 24.1 p.c. des cas, M. le
Président, le propriétaire invoque plusieurs raisons, des raisons
générales, il s'agit le plus souvent des deux premières
réunies, celles que je viens de citer c'est-à-dire, source de
tracasseries ou problèmes posés aux voisins.
Les articles 23 et 24 qui représentent 5.8 p.c. des demandes
faites à la régie correspondent à la reprise de possession
du logement par le propriétaire pour y habiter lui-même ou y loger
un membre de sa famille. Une autre statistique, c'est la dernière que je
vous citerai, assez importante, c'est le graphique qu'on retrouve dans cette
étude, à la page C-10, qui concerne les décisions
favorables aux propriétaires par rapport aux années
étudiées.
Ce graphique nous démontre, entre autres, et il se
répartit des années 1962 à 1971, que les décisions
favorables aux propriétaires devant la régie, en 1962, ont
été dans une proportion de 36.7 p.c, qu'en 1963, 52.2 p.c. des
décisions ont été favorables aux propriétaires;
qu'en 1964, remarquez l'augmentation, 71.4 p.c. des décisions ont
été favorables aux propriétaires.
En 1965, 58.3 p.c. de ces décisions ont été
favorables aux propriétaires; en 1966, 58.3 p.c; en 1967, 75 p.c. des
décisions ont été favorables aux propriétaires; en
1968, 65.5 p.c; en 1969, 82.4 p.c. des décisions ont été
favorables aux propriétaires; en 1970, 92.9 p.c. des décisions
et, en 1971, 76.9 p.c. des décisions ont été favorables
aux propriétaires.
Cela n'est pas un blâme que je dirige à la régie,
mais je pense que, l'étude ayant été faite de façon
très particularisée, il nous est possible de remarquer que la
régie tend à être plus favorable aux
propriétaires.
Le fait que je vous soumets est en guise d'introduction, et ceci
malgré l'opinion qui a été émise devant la
commission par certaines personnes quand nous avons étudié le
projet de loi no 59 auparavant et les projets de loi 78 et 79 à l'effet
que cela s'équilibrait pas mal et que, même sur la moyenne des
années, la tendance était peut-être de pencher du
côté des locataires sur les décisions favorables.
Evidemment, on a écarté un certain nombre de
désistements. Je ne sais pas comment ces statistiques ont
été faites auprès de la régie parce que les
statistiques de la régie ne semblent pas coïncider avec celles que
je vous soumets, qui, à mon avis, sont faites dans une étude que
je considère comme relativement sérieuse pour l'avoir parcourue
d'une façon assez exhaustive.
Reste quand même que ces chiffres, je vous les soumets uniquement
dans un but: d'une part, pour appuyer l'affirmation du ministre de la Justice
qu'il s'agit sans aucune espèce de doute d'un domaine où il est
important de légiférer, où cette importance est
considérable, mais où cette importance, et sans hésiter,
se dirige vers la protection d'une catégorie de consommateurs qui
s'appellent les locataires.
Qu'on essaie de dire d'une façon ou d'une autre qu'il y a deux
parties là-dedans, c'est vrai, mais que ce sont les deux parties qu'on
doit protéger, je suis en total désaccord.
Il est important qu'on dise une fois pour toutes que ce genre de lois
doivent être faites en vue de protéger d'abord et avant tout le
locataire. Si on retourne aux origines de cette loi ou de ce genre de lois
caractérisées actuellement par la loi pour favoriser la
conciliation entre locataires et propriétaires, on se rend compte que
c'était une loi fédérale.
Avant 1951, c'était une loi tendant à protéger
cette espèce de hausse automatique due à des
phénomènes d'offre et de demande. Vous vous souvenez, M. le
Président, que c'était l'époque qu'on a appelée
l'époque de la crise du logement, c'est-à-dire qu'il était
tellement difficile de se trouver un logement que les propriétaires
avaient beau jeu, simplement en disant: T'en veux, un logement, bien paye, mon
cher. C'est tellement rare que moi je suis prêt à te louer un
logement mais au prix que je voudrai, puis au prix que tu seras capable de
payer. En 1951, le Québec a pris en charge cette législation,
comme c'était parfaitement son droit en vertu de la division des
pouvoirs entre le gouvernement central et le gouvernement
québécois. C'est évidemment de juridiction provinciale, ce
type de législation. Toujours dans le but de continuer cette protection
à l'encontre d'une hausse abusive due à la rareté de
logements, due à ce jeu de la loi de l'offre et de la demande, ce qui
veut dire que moins il y a d'offre plus la demande risque d'être grande,
et plus la demande est grande, plus l'offre risque d'être
coûteuse.
M. le Président, il est peut-être aussi important
d'examiner la chronologie des événements qui nous ont
menés et ça basera, je pense, une partie de nos critiques
au projet de loi actuel. Par la suite, après les années
1951, d'année en année, et régulièrement, ce projet
de loi était amendé en changeant de façon mineure
certaines dispositions...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que vous parlez au nom de votre
parti?
M. BURNS: Est-ce que je suis déjà rendu à 20
minutes? Alors, je parle au nom de mon parti.
M. VEILLEUX: Est-ce que c'est le caucus qui a décidé
ça?
M. BURNS: Bien, le leader parlementaire a certains mots à dire,
j'imagine, dans ces choses.
M. VEILLEUX: Est-ce le ministre de la Justice qui a
décidé...
M. BURNS: Non, le ministre de la Justice ne m'a pas incité
à parler au nom de mon parti. D'ailleurs, il a trouvé que le
député de Chicouti- mi ferait probablement une critique plus
intelligente que la mienne.
M. CHOQUETTE: En commission.
M. BURNS: Pardon?
M. CHOQUETTE: En commission.
M. BURNS: En commission. C'est parce que vous ne l'avez pas vu agir
encore, vous allez voir qu'il va vous surprendre. Il est même meilleur
que nous autres là-dessus. Vous allez voir ça.
M. CHOQUETTE: C'est pour ça que j'ai dit en commission.
M. BURNS: II va vous surprendre. Il s'est reposé, il est en
grande forme.
M. CHOQUETTE: Je me suis demandé comment cela se faisait que le
député de Chicoutimi était absent pendant qu'on discutait
de la loi de l'augmentation du salaire des juges.
Est-ce que c'est parce que le député de Chicoutimi
n'abondait pas dans le sens de son parti? C'est ce que j'ai pensé!
M. BURNS: Si le député de Chicoutimi a à se
dissocier de l'attitude de l'Opposition relativement à la loi des juges,
je pense bien qu'il le fera lui-même. Je n'ai pas à parler en son
nom mais je ne suis pas informé que c'est pour cette raison qu'il
était absent. Bien au contraire, il avait des raisons bien
sérieuses. Je suis un de ceux qui auraient bien voulu garder le
député de Chicoutimi en Chambre, avec nous, pour formuler nos
critiques à l'égard de l'autre projet de loi auquel se
réfère le ministre de la Justice mais que je n'en discuterai pas,
ce soir, M. le Président, soyens-en rassuré.
Alors, je disais tout simplement que par la suite... Bon, qu'est-ce que
j'ai fait encore?
M. MARCHAND: Non, parfait! Cela va bien.
M. BURNS: Je disais par la suite que d'année en année,
depuis 1951, cette loi, qui était la seule dans ce domaine, a
été modifiée avec des changements mineurs, toujours en
changeant le millésime des années d'application, jusqu'en 1970,
où cette Assemblée a eu le bonheur de voir arriver des
députés du Parti québécois pour la première
fois en cette Chambre. Plus particulièrement, je me rappelle d'une
occasion qui était la première où nous avions à
discuter de ce genre de projet de loi c'est-à-dire ce
n'était pas la première occasion, c'était la
deuxième. Le 14 décembre 1971, c'était la deuxième
occasion, pour nous, de discuter de ce réaménagement annuel de
projet de loi. L'année précédente, c'est-à-dire
pour nous la première occasion, j'avais formulé à
l'égard de ce type de projet de loi un certain nombre de critiques.
Le
ministre de la Justice, semble-t-il, m'avait entendu, avait
écouté et, cette fois-là, il avait trouvé que le
député de Maisonneuve avait pas mal de sens parce que cela
sonnait un peu comme ce genre de critiques qu'il formulait, lui, quand il
était dans l'Opposition. D'ailleurs, j'ai relu les interventions du
ministre de la Justice alors qu'il était simple député
d'Outremont dans l'Opposition, avant 1970. Je dois dire que ce genre
d'interventions me plaisait parce que je retrouvais un peu mon style. Il n'y a
pas de doute que le ministre, à proximité de ces critiques, 1968,
1969 et 1970, c'est assez proche, était prêt à nous
écouter.
Il disait: Vous savez, le député de Maisonneuve a
parfaitement raison, mais il est un petit peu pressé. Maintenant que je
suis au pouvoir, je me rends compte que c'est plus difficile, qu'il y a un tas
de problèmes auxquels je dois faire face comme ministre.
Mais, en résumé, voici ce à quoi le ministre avait
donné son assentiment dans mes critiques de décembre 1970.
J'avais proposé, entre autres, que la loi devienne universelle
d'application je parle toujours de la loi qui régissait les
rapports entre locataires et propriétaires c'est-à-dire
qu'elle ne soit pas limitée à un certain nombre de
municipalités ou encore que ce ne soit pas les municipalités
elles-mêmes qui demandent l'application de cette loi à leur
territoire.
On avait suggéré cela. C'était une des propositions
que nous faisions. On parlait également d'une loi à
caractère permanent, parce que, chaque année, on revenait avec le
même projet de loi, on revenait avec ce même amendement
traditionnel. On parlait également, en 1970, de bail type, M. le
Président. On parlait aussi, finalement, de contrôle des loyers,
avec le plein sens de ce que cela veut dire: que le gouvernement se rende
compte qu'on n'en était plus, peut-être, à l'époque
de 1951 où il s'agissait tout simplement d'assurer que des locataires
aient le droit de ne pas se faire voler littéralement par des
propriétaires qui disent: C'est une denrée qui est rare, un
logement. On va leur demander le plus cher possible. C'était
changé, en 1970, et même dans les années avant.
Ce n'était plus cela, la loi concernant les relations entre
propriétaires et locataires. C'était devenu tout simplement
le ministre me l'a admis en 1970 et en 1971 également une
loi protégeant un type de consommateurs. Je ne sais pas exactement quand
ce changement ou cette modification de mentalité s'est faite, mais il y
a une chose qu'il faut constater, et par des études comme celle que je
citais tantôt, et par des attitudes qu'a prises le ministre de la
Justice. Je lui en sais gré. D'ailleurs, je le félicite d'avoir
été ouvert à nos suggestions là-dessus. Je le
félicite tellement que je suis même prêt à le citer,
M. le Président.
Le 14 décembre 1971, le ministre de la Justice, au tout
début de son intervention, alors que, traditionnellement, il ramenait
l'amende- ment au projet de loi qui s'appelait, cette année-là,
no 282, qui était tout simplement cette loi prolongeant l'application de
la Régie des loyers, disait ceci: "M. le Président,
l'année dernière c'était l'année où
nous avions soumis un certain nombre de critiques que je mentionnais
tantôt lorsque je présentais un bill équivalent
à la suite de mes prédécesseurs, les députés
de Maskinongé et de Missisquoi on se souvient qu'eux aussi ont
été obligés de faire cela et que, dans mes souliers, le
ministre actuel de la Justice les avait critiqués aussi de ne pas faire
de réforme globale bill qui avait pour but de prolonger la Loi
pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires, je
disais que je pensais pouvoir apporter cette année on est en 1971
une refonte complète de cette loi qui a fait l'objet de nombreux
amendements, ainsi qu'apporter un régime général
applicable au Québec en matière de réglementation des
loyers. "Malheureusement, malgré que nos travaux dans ce domaine soient
très avancés, puisque le président de la Commission des
loyers, ainsi que le sous-ministre associé à la justice aient
fait des travaux très valables dans ce domaine, qui, je pense, se
solderont par une législation générale à la
prochaine session, je ne suis pas en mesure d'apporter aujourd'hui, et plus
particulièrement parce que nous sommes à la fin d'une session,
cette législation générale".
Sauf que je voyais, encore une fois, en 1971, après la promesse
de 1970, un désir véritable et exprimé de bonne foi, de la
part du ministre de la Justice, de faire une véritable réforme
dans le domaine des relations entre propriétaires et locataires.
Par la suite, le ministre, je dois dire, a tenu sa promesse, du moins il
a tenté de la tenir. L'année suivante, en 1972, il nous a soumis
le projet de loi no 59 qui s'intitulait le code des loyers. Dans ses grandes
lignes, ce projet de loi instituait un tribunal administratif qui
siégeait en première instance, c'est-à-dire la Commission
des loyers, un tribunal des loyers en appel qui était rattaché
à la cour Provinciale et qui donnait à la loi une application
universelle du point de vue territorial, c'est-à-dire que
déjà on enlevait cet aspect à mon avis un petit peu
discrétionnaire, je dirais même discriminatoire de
l'application de cette loi de relations entre propriétaires et
locataires, chose que nous avions, deux années antérieurement,
comme je l'ai mentionné tantôt
recommandée.
Nous ne croyions pas, et nous ne croyons pas encore que ce soit une
mesure acceptable en 1973, et surtout pas en 1974 et 1975, les années
qui viennent, que de permettre à des municipalités de s'exclure
de l'application de cette loi. Encore moins d'exclure de cette loi
l'application d'un certain nombre de domaines, non pas sur le plan territorial
mais sur le plan de l'âge de la maison, ou si vous voulez la date
à laquelle la maison d'habitation en question a été
bâtie, nous ne croyons pas qu'on doive faire
des exclusions de cette nature. Il n'y a rien qui, actuellement, puisse
le justifier.
Quoi qu'il en soit, ce premier projet de loi no 59 ne faisait que deux
exceptions au niveau de l'application de ce projet de loi. On y excluait la
juridiction sur les logements de moins de deux ans. Et deuxièmement les
municipalités de moins de 50 locataires n'étaient pas couvertes,
si je me souviens bien, par le projet de loi no 59.
Egalement et c'est probablement la mesure que nous avons
davantage louée dans le projet de loi no 59 il y avait finalement
les mesures de contrôle des loyers dans ce projet de loi. Vous vous
souviendrez que dans le projet de loi no 59, afin de contrôler la hausse
des loyers, on avait une disposition qui disait que toute augmentation
supérieure à 5 p.c. du loyer antérieur se devait
d'être dénoncée ou dévoilée à
l'organisme qui avait charge de l'application et en l'occurrence
c'était la Commission des loyers des hausses.
Cela avait deux buts dans notre opinion.
Et le ministre de la Justice me rendra justice là-dessus, je
l'avais félicité d'avoir amené cette mesure bien qu'on
pouvait ne pas s'entendre sur le pourcentage d'augmentation qui devait
créer ce seuil de dénonciation à la Commission des loyers.
Les deux buts de cette mesure étaient, d'une part, d'avoir enfin et une
fois pour toutes un système statistique de l'évolution des loyers
au Québec. Si les loyers devaient être augmentés de 5 p.c.
et plus, il fallait même si le locataire était d'accord,
selon cette mesure le dire à la commission des loyers, ce qui
permettait de savoir exactement quelle tendance était suivie par les
augmentations de loyers. Si cette augmentation était supérieure
et c'était la deuxième raison le
propriétaire, dans les cas où il n'y avait pas entente, se devait
lui-même, de faire cette demande et de justifier sa demande. Or, il est
arrivé qu'au cours des rencontres de la commission parlementaire qui a
siégé sur le projet de loi 59 on a eu deux positions
différentes. L'une venait des associations de locataires et des groupes
semblables, des centrales syndicales qui défendaient davantage la
position des locataires que celle des propriétaires. D'autre part, vous
aviez les associations de propriétaires et des groupes semblables, tels
que la Fédération de la construction. On nous a dit, d'une part,
du côté des locataires: Le pourcentage d'augmentation est trop
élevé; ça devrait être 3 p.c, 2 p.c, 4 p.c, etc. qui
devrait être ce seuil d'augmentation au-delà duquel le
propriétaire doit dévoiler sa demande d'augmentation et
au-delà duquel il doit prouver qu'il est justifié d'augmenter son
loyer. Du côté des propriétaires, M. le Président,
on nous disait que ça n'avait aucun sens, ça gèlerait
complètement le développement de la maison d'habitation, qu'on ne
pouvait pas penser à l'heure actuelle de geler les augmentations de
loyer tel que semblait le dire le projet de loi 59. Or et cela m'a
étonné à ce moment-là le ministre de la
Justice, lors d'une rencontre de cette même commission parlementaire,
après plusieurs interventions, soit du côté des locataires
ou soit du côté des propriétaires tel que je viens de le
décrire, a dit tout simplement: Cette mesure, il n'y a personne qui la
comprend. Et, s'il n'y a personne qui la comprend, je l'enlève de mon
projet de loi; j'extrais cette espèce de seuil d'augmentation de mon
projet de loi et je ne veux plus en parler parce que j'insiste, le
ministre de la Justice l'avait dit il n'y a personne qui la
comprend.
Je me souviens que le député de Saint-Jacques et
moi-même, en particulier, avions critiqué l'attitude du ministre
à ce moment-là en disant: Ce n'est pas de cette façon
qu'on fait de la législation. Si les gens ne comprennent pas un certain
nombre de mesures, il faut les informer, il faut leur faire comprendre. Ce
n'est pas une attitude que de dire: Si les gens ne comprennent pas telle ou
telle pièce de la législation, je ne la mets pas, lorsque je suis
convaincu que cette pièce de législation peut améliorer la
situation.
Or, je reviens à l'argumentation de tantôt, ce seuil
d'augmentation avait véritablement deux effets bénéfiques,
c'est-à-dire que pour une fois on aurait eu au Québec des
statistiques valables en matière d'augmentation des loyers et,
deuxièmement, pour une fois aussi, on aurait eu cette espèce de
frein psychologique chez les propriétaires. Cela aurait
été un pas au frein absolu, parce que cette loi permettait quand
même une augmentation de plus de 5 p.c, mais un frein psychologique chez
un propriétaire qui se serait dit: Si véritablement je dois
augmenter mon loyer de plus de 5 p.c, il faut que je sois sérieux, parce
que c'est moi qui devrai défendre cette augmentation auprès de la
Commission des loyers.
Cela a été, M. le Président, la première
étape, première étape je dois l'avouer, très
décevante pour moi à cause des attitudes prises par le ministre
par la suite. Il y avait encore un certain nombre de mesures, que je pourrais
très brièvement énumérer sans les commenter, dans
ce premier projet de loi no 59, c'est-à-dire une date uniforme de
cessation des baux au 30 juin, des normes d'évaluation de la valeur
locative, des normes de maintien dans les lieux et de prolongation judiciaire
du bail. Il y avait une possibilité pour un nouveau locataire de faire
réduire le montant du loyer. C'était une loi d'avant-garde. Avec
des mesures comme celles-là, c'était une loi véritablement
à la fine pointe du modernisme en matière de relation entre
locataire et propriétaire.
Et nous n'avons pu qu'en féliciter le ministre de la Justice. Je
me rappelle même que je lui avais dit, comme je le lui ai dit d'ailleurs
pour la Loi de l'aide juridique: J'espère que vous allez être
capable de résister aux pressions qu'on fera sur vous. On verra, avec
l'évolution du dossier, que mon souhait n'a pas été
exaucé.
On parlait également dans cette loi de
conditions particulières à la reprise de possession du
local par le locateur. On parlait également, dans le cas de
résiliation du bail et d'éviction du locataire, d'un certain
nombre de conditions que la loi fixait. On avait des dispositions d'ordre
public concernant le prix fixé par la commission, le refus de louer en
raison de la race, de la couleur, de la religion, choses qui se retrouvent dans
les autres projets de loi, je l'admets. Il y en a quand même qui se
retrouvent dans le projet de loi actuel. Le refus de louer en raison du nombre
d'enfants a été heureusement conservé par la suite.
Cependant, M. le Président, on est passé à une
autre étape et, toujours à la suite de représentations
faites de part et d'autre, on a senti une première hésitation
chez le ministre. Déjà il ne parlait plus d'une seule loi, d'une
seule grande réforme totale, il nous parlait de deux projets de loi: un
qui s'intitulait le projet de loi no 78 et l'autre le projet de loi no 79, l'un
fixant des conditions qui, à toutes fins pratiques, reliait le titre du
louage au code civil, l'autre établissant des modes d'application de ces
nouvelles règles.
Mais déjà, il y avait un recul du gouvernement sur
plusieurs points par rapport à cette première version qui nous
avait été présentée en décembre 1972 des
bills 78 et 79. On parlait plus particulièrement de la création
d'une Chambre des loyers à la cour Provinciale, de l'abandon de mesures
prévues par le bill 59. Le seuil maximum d'augmentation de 5 p.c. dont
j'ai parlé tantôt, notamment, on ne le revoyait plus dans ces
projets de loi.
Les maisons de moins de cinq ans et non plus de moins de deux ans
n'étaient plus couvertes. On soustrayait tout simplement à
l'application de la loi des maisons qui étaient bâties depuis cinq
ans. Au départ, je me souviens qu'on avait même formulé la
critique qu'on se demandait pourquoi on excluait de l'application de la loi des
maisons bâties depuis moins de deux ans. Cela pouvait se justifier pour
des maisons qui venaient tout juste d'être bâties.
C'est-à-dire qu'au tout début dans l'année qui suit la
construction d'une maison, ça peut peut-être se justifier. Deux
ans, on trouvait déjà ça long; or, on faisait passer
ça à cinq ans.
Donc, vous aviez cinq ans durant lesquels ce fameux jeu qu'on veut
contrer par ce type de législation, ce jeu de l'offre et de la demande,
pouvait jouer à plein. Et. M. le Président, la Commission des
loyers, selon ce projet, n'avait plus j'insiste à tenir de
registre des loyers et des prix.
Donc, un des buts de ce contrôle de 5 p.c, de cette mise en
application du contrôle des loyers, était complètement mis
de côté. On ne pouvait plus avoir dé véritables et
claires statistiques concernant le coût de ce bien de consommation, qui
s'appelle l'habitation pour fins de loyer.
Enfin, on voyait disparaître dans ce projet de loi le 30 juin
comme date de cessation uniforme de tous les baux. Dès ce moment, on
s'est rendu compte que surtout une partie des gens concernés par ces
projets de loi affichaient leur déception et c'étaient surtout
surtout, je le dis bien les locataires qui manifestaient cette
déception.
En particulier, on a pu voir la Fédération des
associations de locataires du Québec prendre la peine de nous faire ses
recommandations sur le projet de loi 59 et de les détailler. J'ai devant
moi, ici, un document qui a été présenté à
la commission parlementaire sur le projet de loi no 59 et qui est un
résumé des recommandations de la Fédération des
associations de locataires du Québec. Je vais passer très
rapidement sur les principales, étant donné que mon temps
s'écoule rapidement. On voyait que la plupart des recommandations de la
Fédération des associations de locataires du Québec
avaient été mises de côté par les projets de loi 78
et 79. J'en cite quelques-unes: l'application étendue du code des loyers
à tous les logements du Québec, sans distinction de ville, de
nombre d'habitants, de la région, de l'identification du
propriétaire, y compris le gouvernement fédéral.
C'était une de leurs recommandations.
La deuxième: la décentralisation des services de la
Commission des loyers et du tribunal. La FALQ, comme on l'appelle,
suggérait six bureaux à Montréal, trois bureaux à
Québec, un bureau régional dans les huit autres régions
socio-économiques et le siège social à Montréal.
Point également important que nous suggérait la FALQ et qui ne
semble pas avoir été reproduit dans le projet de loi 78 et dans
le projet de loi no 79, pas plus que dans les autres par la suite, on nous
disait qu'il devait y avoir assistance juridique pour les locataires qui ne
peuvent se payer les services d'un avocat.
Evidemment, depuis, l'aide juridique est en place et il y a une
possibilité que, par voie de l'aide juridique, certains locataires
puissent y recourir, mais cette position n'est clairement identifiée ni
dans les projets de loi 78 et 79, ni dans leur réimpression, ni, encore
moins, dans les projets 2 et 3 que nous étudions actuellement.
On voyait également une de leurs recommandations, qui
était la fixation de la limite maximum d'augmentation de loyer à
3 p.c. En deçà de ce pourcentage, le locataire peut, selon leur
suggestion, aller contester l'augmentation devant la Commission des loyers.
"Nous demandons l'adoption, disaient-ils, du principe que toutes les
augmentations soient justifiées, quelle qu'en soit la nature, selon les
critères que nous proposons à l'article 21. Toute augmentation
supérieure à 3 p.c. devra être référée
automatiquement devant le commissaire".
M. le Président, je peux continuer; il y en a un très
grand nombre de ces recommandations. D y en a exactement 29 dans le
résumé auquel je me suis référé et qui a
été présenté par la Fédération des
associations de locataires du Québec devant la commission de la justice
qui étudiait le problème.
Je dois dire qu'on n'a pas donné suite, dans
les projets initiaux 78 et 79, aux recommandations des groupes de
locataires qui étaient en grande partie je tiens à le dire
représentés par la FALQ. Pourquoi j'ai cité la
Fédération des associations de locataires du Québec? C'est
qu'à plusieurs reprises on a vu et la CEQ et la CSN et la FTQ et
d'autres groupements locaux de locataires qui ont dit: Nous endossons dans
l'ensemble la position de la Fédération des associations de
locataires du Québec; maintenant, nous, nous suggérons telle ou
telle autre mesure de plus. C'était, dans le fond, le
résumé de la position des locataires qu'on voyait dans les
recommandations faites par la Fédération des associations de
locataires du Québec.
On a réimprimé par la suite, les projets de loi 78 et 79.
A notre grande surprise, puisqu'on semblait être parti sur une voie
descendante, on semblait perdre du terrain du côté de la
protection des locataires de plus en plus, est arrivée dans la
réimpression une introduction de l'idée d'un bail type qu'on
retrouve maintenant dans le projet de loi que nous étudions
actuellement. On apporte un certain nombre de précisions, un certain
nombre d'articles et on introduit des mesures d'ordre public, mais sans
véritablement changer. A part le bail type je tiens à le
dire bien franchement en faveur du ministre de la Justice on ne
présente pas de véritables nouvelles mesures.
Enfin, nous arrive le projet de loi no 2 que nous examinons
actuellement. Ce projet de loi, dans son approche, est un peu comme les autres,
c'est-à-dire qu'il continue, si vous me permettez l'expression, à
descendre la côte au point de vue de la protection des locataires. Il
s'agit, d'abord et avant tout, M. le Président, de modifications au code
civil. Or, les modifications qu'apporte au code civil le projet de loi no 2 ne
sauraient en aucun temps être considérées comme des
innovations "susceptibles de révolutionner notre droit civil en
matière de louage de choses, alors que les premières attitudes du
ministère de la Justice, en présentant son projet de loi no 59
je l'ai dit tantôt en sachant bien ce que je disais
étaient très d'avant-garde, étaient d'un modernisme qu'on
pouvait louer à l'occasion et qu'on pouvait véritablement
endosser totalement, parce qu'il était un projet de loi, à toutes
fins pratiques, à l'heure de 1972, quand il a été
présenté.
Cependant, l'épluchage en coulisses des projets de loi 59, 78 et
79 n'a laissé, à toutes fins pratiques, dans le projet de loi no
2 que deux articles améliorant la situation des locataires d'une
façon formelle, puisque la jurisprudence s'était prononcée
en ce sens depuis déjà très longtemps. Il y a deux bonnes
améliorations dans le projet de loi no 2, mais ces améliorations
ne constatent qu'une situation de fait, consacrée par la jurisprudence.
L'article 1643 renverse, à toutes fins pratiques, la présomption
de responsabilité du locataire en cas d'incendie, que contient l'actuel
article 1629 du code civil. Or, les tribunaux avaient, depuis longtemps,
statué que la responsabilité du locataire en cas d'incendie
était renversable par une preuve de bon comportement. En nous
présentant cet article dans le projet de loi, le gouvernement nous
demande, à toutes fins pratiques, de concrétiser dans un texte
législatif une jurisprudence vieille de 77 ans. En ce qui me concerne,
si mes sources sont exactes le ministre pourra me contredire si elles ne
le sont pas cette jurisprudence vieille de 77 ans provient de la cause
de Murphy contre Labbé (1896) 27, rapport de la cour Suprême, page
126. Nous ne pouvons, M. le Président, que féliciter le ministre
de concrétiser, dans un texte de loi, une jurisprudence
déjà établie. Il reste, quand même, qu'il ne faut
pas, non plus, la prendre pour plus que ce qu'elle vaut.
La seconde et dernière innovation en ce qui me concerne, dans le
projet de loi que nous étudions actuellement, se trouve à
l'article 1619. Sans le citer, je peux vous dire que cet article concerne le
droit pour un locataire de sous-louer son logement sans que le locateur puisse
refuser sans motif valable. L'impossibilité dans laquelle se trouve le
locateur de refuser la sous-location, s'il n'a pas de motif raisonnable,
était reconnue par les tribunaux depuis seulement 20 ans. Elle n'avait
été développée qu'en 1954, il n'y a pas de doute,
mais elle est quand même en application, cette mesure qu'on nous propose
par un texte législatif. Encore une fois, je réfère le
ministre à une cause de 1954, cour Supérieure, 163; il s'agit de
la cause de Drozdinski contre Zemel.
M. le Président, ce sont, à toutes fins pratiques, les
deux mesures véritablement améliorées que nous propose ce
projet de loi.
C'est sûr qu'il y aurait eu un tas d'autres choses, c'est
sûr que le ministre a à résoudre un certain nombre de
problèmes. C'est sûr qu'il doit faire cette étude dont il
nous parlait, que son groupe de recherche doit fonctionner et qu'il craint de
se lancer dans ces sentiers non battus. C'est sûr que sa première
loi était une loi d'avant-garde. Mais voyant, d'une part, le besoin,
voyant, comme je le disais tantôt, basé sur l'analyse de la
situation des consommateurs-locataires, que le ministre, autant que moi, j'en
suis convaincu, est assuré du fait qu'il s'agit d'un problème
important, de première importance, je pensais que le ministre se dirait:
II est temps de faire des innovations. On n'a pas à attendre que des
lois albertaines ou manitobai-nes ou ontariennes tracent la voie. Moi, cela ne
me convainc pas quand j'entends le ministre de la Justice dire: Nous avons la
loi la plus avancée actuellement. Nous avons la loi qui
précède celles de toutes les autres provinces canadiennes. Cela
ne me convainc pas.
La situation de l'Alberta, du Manitoba, de la Colombie-Britannique ou
encore de l'Ontario ou des provinces maritimes peut fort bien être
différente. Ce qui est important, actuellement, c'est de se rendre
compte qu'il y a cette catégorie ce gouvernement, je le lui
accorde,
a, en certaines occasions, tenté de faire quelque chose. La Loi,
qu'on a appelée le projet de loi no 45, de la protection du
consommateur, même si déjà il y a avait d'autres provinces
qui avaient tracé le chemin, est quand même une innovation
à laquelle nous avons applaudi. Si véritablement le projet de loi
59 avait été maintenu dans ses principales dispositions, nous
aurions également applaudi.
Cependant, c'est cette attitude ambiguë que nous réprouvons
chez le gouvernement actuel, attitude ambiguë, je vous le rappelle, qui a
donné naissance à cette situation absolument chaotique,
l'année passée, où, d'une part, les propriétaires
se disaient: Va-t-on nous imposer un seuil d'augmentation? Encore une fois,
comme le disait le ministre, ils ne comprenaient pas véritablement le
sens de ce seuil d'augmentation. Beaucoup de propriétaires pensaient
qu'au-delà de 5 p.c. d'augmentation c'était geler les loyers
alors qu'il n'en était rien dans le projet de loi 59. D'autre part, un
certain nombre d'associations qui représentaient des locataires
disaient: II faudrait peut-être garder ce seuil d'augmentation à
un pourcentage moins élevé.
On a retrouvé cette situation où les propriétaires,
d'une part, se sont dit: Avant qu'on soit couvert par un tel genre de lois, on
va se mettre à augmenter littéralement les loyers. Cela nous a
forcé, je me souviens, à adopter, le 27 février 1973, le
projet de loi no 280, qui tentait de freiner cette hausse abusive chez des
propriétaires qui se disaient: On est à la veille d'être
régis par cette loi. Aussi bien prendre de l'avance et faire des
augmentations à outrance.
Alors, avec le type de lois ambiguës que nous avons, nous aurons
peut-être à faire face à ce type de réactions. Je le
dis bien honnêtement et je sais que le ministre est de bonne foi. Je sais
qu'il a des problèmes avec son caucus, d'ailleurs, avec ce type de lois.
C'est pour cela que cet après-midi cela me surprenait qu'il vienne
tenter de régler des problèmes dans mon caucus alors qu'il en a
tellement dans le sien. En tout cas, je le comprends, c'est l'énervement
des derniers jours qui fait qu'il est un peu plus agressif à notre
égard. Nous, nous n'avons pas changé, notre attitude est aussi
bonne...
UNE VOIX: Cordiale.
M. BURNS: ... aussi cordiale en ce qui nous concerne. Alors, nous
pensons que cette attitude est ambiguë. Entre autres, je cite la mesure de
la non-couverture des immeubles construits dans la période de cinq ans
précédant la mise en application de la loi. C'est justement une
de ces mesures qui incitent à une augmentation à outrance des
loyers.
Je pense justement que si un certain nombre de propriétaires
savent qu'ils sont sur le point d'être couverts...
M. CHOQUETTE: Le député de Maisonneu- ve fait erreur, je
pense. Quand nous arriverons au bill 3, comme je le lui ai dit tout à
l'heure sur la discussion du bill 2, je lui ai dit que nous renouvellerions les
mêmes dispositions qui s'appliquaient l'année dernière et
qui couvraient tous les logements. Il n'y a pas de clause de cinq ans dans ce
cas.
M. BURNS: Ah! J'ai compris que le ministre non, non, je le dis
bien honnêtement nous avait dit qu'il y aurait des amendements
dans le but de protéger les gens qui ne sont pas couverts actuellement.
Cela, il n'y a pas de doute que nous serons d'accord sur cette attitude.
D'ailleurs, déjà, un peu partout, il y a des
propriétaires, actuellement...
C'est sûr que j'ai peut-être l'air j'achève,
M. le Président de dire que les bons sont juste d'un bord et les
méchants juste de l'autre. Ce n'est pas cela que j'essaie de dire
actuellement. Mais il y a un certain nombre d'abus je veux que le
ministre en soit conscient qui sont provoqués chez les
propriétaires à cause de leur attitude ou de cette espèce
de crainte, chez eux, d'être couverts par une loi dont ils ne savent pas
encore ce qu'elle va contenir.
Il n'y a pas de doute qu'il va falloir bloquer ces tentatives. J'ai un
tas d'exemples que j'ai vus récemment, de personnes qui sont venues nous
consulter, sur le plan juridique et autres, au sujet de baux qui expirent en
octobre prochain. Il y a des propriétaires qui tentent de les faire
renouveler actuellement en vue de faire signer, de gré à
gré, parce qu'ils ne sont pas couverts par la loi, par leurs locataires
éventuels, alors qu'ils ont, normalement, amplement le temps.
Qu'est-ce que cela exprime, sinon cette crainte d'être couverts
par une loi dont ils ne connaissent pas encore véritablement les fonds
et tréfonds, les conséquences?
M. le Président, il n'y a pas de doute que nous voterons en
faveur de ce projet de loi. Il n'y a pas de doute que nous sommes un peu
déçus, même je dirais beaucoup déçus du
projet de loi, de son manque d'attitude directe, de cette absence de
désir qu'on retrouve. Là, je vous ai dit ce qu'il y avait dedans
que je croyais acceptable. J'ai tenté de faire un portrait. Mais mes
collègues qui parleront après moi, sans doute, s'attacheront
à des points beaucoup plus précis.
J'aurais pu aussi vous dire toutes les choses qui ne se trouvent pas
dans ce projet de loi et qui devraient s'y trouver. Mais malgré que nous
trouvions que cette loi n'est pas parfaite, il n'y a pas de doute et
là-dessus, je partage l'opinion du ministre qu'il s'agit d'un
progrès certain. C'est sûr que c'est une amélioration et
comme telle, nous n'hésiterons pas à voter en faveur du projet de
loi. Je vous remercie, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Chicoutimi.
M. Marc-André Bédard
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, j'ai
écouté avec beaucoup d'attention l'honorable ministre de la
Justice lorsqu'il a présenté son projet de loi no 2. Lors de la
présentation du projet de loi, le ministre de la Justice s'est
référé, afin de nous faire voir sans doute
l'évolution dans la législation, à ce qui prévalait
en 1866 concernant le caractère sacré de la
propriété privée, qui était consacrée dans
le code civil de par sa définition, à l'effet que le
propriétaire peut user et abuser de sa propriété selon son
bon droit. Il nous a parlé, en fait, dans le sens que cette loi amenait
une certaine réforme du point de vue du droit de
propriété, réforme qui est bien lointaine parce
qu'à notre humble connaissance, il n'y a eu absolument rien de
changé, au niveau du code civil, dans la définition de la
propriété.
Le ministre de la Justice nous a parlé, dans la
présentation de son projet de loi, d'un effort de la part du
gouvernement afin d'arriver à une sorte de position
d'égalité entre locateurs-propriétaires et locataires.
Je pense qu'il a raison de dire qu'on doit absolument faire des efforts
dans le sens d'amener une certaine égalité qui n'existait pas
auparavant, parce que c'était la loi de la jungle qui, à mon
sens, ne profitait qu'au propriétaire et non au locataire.
Le gouvernement a raison quand il affirme qu'il y a des réformes
à faire absolument, justement concernant cette équivalence de
droits entre d'une part des locataires et d'autre part les
propriétaires. C'est clair qu'il est temps de traiter les locataires
comme des citoyens à part entière, comme des citoyens qui
aspirent à vivre dans une société libre, des citoyens qui
ne seront pas altérés dans leurs droits par un sens trop excessif
de la propriété privée.
Le ministre de la Justice a parlé avec emphase, en
présentant ce projet de loi, d'une sorte de début d'une
philosophie de protection du consommateur qui, selon lui, touche la
majorité des Québécois. En fait, sur la deuxième
partie de son énoncé nous sommes d'accord dans ce sens que cela
touche assurément la majorité des Québécois, parce
qu'ici encore au Québec on s'aperçoit que c'est dans la province
de Québec qu'existe le plus grand nombre de locataires par rapport
à toutes les autres provinces du Canada. Ce qui veut dire que
peut-être encore maintenant notre vocation est beaucoup plus axée
dans le sens d'être locataires pas seulement au sens de la
propriété, mais dans tous les domaines chez nous
plutôt que propriétaires.
Le ministre de la Justice nous a parlé d'une législation
d'avant-garde. Peut-être. Cela dépend naturellement par rapport
à quoi on définit une législation d'avant-garde. Si
être d'avant-garde, c'est tout simplement apporter quelques changements
à la loi déjà existante, je considère que c'est
être d'avant-garde, mais c'est loin d'être le commencement de
l'application d'une philosophie de la protection du locataire.
Le ministre de la Justice nous a parlé du "bail type" comme si
cela devait régler bien des choses, presque tous les problèmes.
Il est évident, comme l'a dit mon collègue de l'Opposition, le
leader parlementaire, que le bail type présente sans doute une
amélioration en ce sens qu'il rend uniforme et si je me trompe
là-dessus l'honorable ministre de la Justice pourra me corriger
et obligatoire une partie du contrat de location d'un local d'habitation.
Il est évident que quand nous disons uniforme et obligatoire,
nous parlons surtout de la forme du bail, de la grosseur du caractère.
Par rapport à une philosophie de protection du locataire. Ce que dit le
bail type se réfère surtout à la forme du bail, la
grosseur du caractère, la langue employée, mais cela ne
régit pas des dispositions fondamentales entre locateur et locataire au
niveau, autrement dit, de l'évolution du bail comme tel. Ce sont des
questions de forme, en fait. Cela règle des questions de forme beaucoup
plus que des questions de fond.
L'honorable ministre de la Justice semble hocher de la tête, je
comprends qu'il n'est pas tout à fait d'accord avec nous, mais on peut
peut-être donner des exemples dans le sens suivant: Le bail type en
question, l'honorable ministre de la Justice pourra nous répondre
là-dessus, ne contient absolument aucune disposition relative aux
troubles de fait qui peuvent être causés par la négligence
du propriétaire, puis de ce fait rendre la jouissance de la chose
pénible, voire même impossible. Imaginons, par exemple, que dans
le contexte actuel de la crise d'énergie un propriétaire ne se
procure pas suffisamment de combustible et que des locataires aient à en
souffrir; quels sont les recours que les projets de loi donnent aux locataires?
Le tribunal n'aura à juger de la situation que lorsque les délais
normaux se seront écoulés et que la situation sera
rétablie. Il n'y a rien dans ce projet de loi qui prévoit une
situation d'urgence; de plus, il n'y a pas de services qui sont
considérés comme essentiels.
Je comprends qu'il y en ait qui ne sont pas d'accord là-dessus
mais j'imagine qu'autant l'honorable ministre de la Justice que chacun des
membres du gouvernement, chacun des députés de l'Opposition
pourra exprimer tout haut son désaccord, non pas avec des cris mais en
parlant tout simplement.
Nous l'affirmons, le gouvernement n'a pas pensé à toutes
les solutions qui permettraient aux locataires et donc à la
majorité des citoyens de faire des pressions auprès des
propriétaires, minorités de citoyens, afin qu'ils respectent
leurs engagements, même dans les situations d'urgence.
Rappelons, par exemple, entre autres, les problèmes qu'ont
entraînés à plusieurs reprises les coupures
d'électricité effectuées par l'Hydro-Québec dans
des maisons d'apparte-
ments, entre autres à Place Apollo, en vue de forcer le
propriétaire à payer des comptes. On aurait dû
prévoir, à notre humble avis, ce type de problèmes et
inclure à la présente réforme une sorte de charte des
droits je comprends que le terme est large du locataire. Je sais
que ce n'est pas facile de le faire mais, quand on emploie dans la
présentation d'un projet de loi des termes aussi forts je cite
l'honorable ministre de la Justice que "l'implantation d'une philosophie
de la protection du consommateur", si ce ne sont pas seulement des paroles,
ça doit se traduire dans une sorte de charte de droits tant du point de
vue des locataires que du point de vue des propriétaires, qui puisse
montrer vraiment qu'on est dans une législation d'avant-garde. On a
peut-être une législation d'avant-garde mais par rapport à
l'arrière-garde de ce qui existait, à mon sens.
D'ailleurs, on le voit même dans les termes qui ont
été employés par l'honorable ministre de la Justice. Par
exemple, il nous a dit que le souci du gouvernement était de faire
avancer la législation. Je n'en doute pas de ce côté mais
il a une drôle de manière de faire avancer la législation.
Si on regarde le projet de loi 59, si on regarde les projets de loi 78, 79, le
présent projet de loi 2, on s'aperçoit que ce n'est pas un
avancement en termes de législation; au contraire, on avance en
reculant, à mon sens. Par exemple, le ministre de la Justice, lorsqu'il
présentait le projet de loi 59, parlait d'une politique vigoureuse de
l'habitation. Je pense que la plupart des organismes parmi ceux qui ont
été entendus en commission parlementaire à ce
moment-là étaient quand même pas mal tous unanimes
je comprends que chacun n'avait pas le même point de vue concernant
chacun des articles du projet de loi pour dire que c'était une
sorte de début de justice qui était accordée aux
locataires de l'ensemble du Québec.
Lorsque l'honorable ministre a présenté les projets de loi
78 et 79, au lieu de parler d'une vigoureuse politique de l'habitation, il a
parlé d'une amélioration sensible vous voyez ça va
en baissant tranquillement de la condition des locataires.
D'accord. Et lorsqu'il a présenté cet après-midi le
projet de loi no 2, là le terme "sensible" est même parti, parce
que j'ai remarqué que le ministre a parlé d'amélioration
par rapport à ce qui existait. Eh bien, nous, on dit que par rapport
à ce qui existait, d'accord, il y a une sorte d'amélioration,
mais on est loin d'une vraie politique de l'habitation au Québec.
D'ailleurs, mon confrère de l'Opposition, le leader
parlementaire, a parlé tout à l'heure des modifications que
ça pouvait apporter concernant le code civil. En fait ça
n'apporte pas tellement d'amendements, c'est seulement à mon sens une
sorte d'ajustement, encore une fois, à la jurisprudence
déjà existante. Par exemple, on pourrait parler, je ne veux pas
revenir sur ce sujet parce qu'il a été touché, entre
autres, par le leader parlementaire, mais on pourrait parler, puis pas mal
longtemps, surtout des nouveaux oublis du projet de loi no 2, parce qu'il
existe vraiment une différence considérable entre la
réimpression du bill 78 puis l'actuel bill 2 qui est
présenté.
Certains articles ont été enlevés
consé-quemment au retrait du projet de loi 79 et se retrouvent dans le
projet de loi no 3 qu'on nous dit temporaire. Nous croyons pouvoir affirmer que
le projet de loi 59 marquait en fait un net progrès à court terme
dans la législation sur la conciliation entre locataires et
propriétaires, du moins si on la compare à la législation
en vigueur. Le projet de loi en lui-même apportait, à notre sens,
des éléments de solution aux problèmes criants maintes
fois dénoncés.
Cela c'était le bill 59. Mais avec toutes les diminutions qu'il y
a eues, quand on pense au bill 78, au bill 79, puis maintenant la situation qui
est faite aux locataires par le bill 2, on est très loin non seulement
du bill 59, mais on est très loin de toutes les réclamations et
de toutes les demandes qui étaient faites et justifiées par la
Fédération des locataires du Québec qui avait
été entendue à ce moment-là devant la commission
parlementaire.
C'est évident qu'on en aurait long à dire sur tous les
oublis qui ont été faits concernant le bill 2. C'est pour
ça qu'un texte de loi aussi important, aussi volumineux que celui qui
nous est présenté le ministre de la Justice a parlé
de légistes me concernant, il doit savoir qu'un légiste a
quand même besoin de réfléchir avant de se prononcer sur
des projets de loi qui nous sont amenés, en fait, pour employer
l'expression, presque comme des mitraillettes, qui ne nous donnent pas le
loisir, nous de l'Opposition, d'étudier toutes les implications des
projets de loi qui nous sont présentés.
Je pense qu'une loi aussi importante que celle d'un code des loyers, que
ce projet de loi qui nous est présenté devrait permettre,
à mon sens, à la population, à ceux qui sont
concernés parce que ça représente l'ensemble des
locataires, la majorité, en fait, des Québécois, devrait
permettre à cette majorité de venir faire entendre sa voix, comme
elle l'a déjà fait entendre sur le bill 59, à une
commission parlementaire, de manière à faire les
réajustements qui sont nécessaires et qui s'imposent si on veut
vraiment parler de justice, puis parler d'implantation d'une philosophie de la
protection des locataires au niveau de tout le Québec.
C'est pour ça que, compte tenu de l'amoncellement des projets de
loi qui nous sont présentés, celui-là est très
important, non seulement pour l'Opposition, mais pour tous les
Québécois, la majorité des Québécois.
Egalement, tenant compte de l'importance que des corps
intermédiaires puissent être entendus pour donner leurs
impressions là-dessus, leurs idées, et que des associations
puissent aussi être entendues sur ce projet de loi, je voudrais apporter
un amendement à l'effet que
la motion de deuxième lecture soit amendée en retranchant
et j'en fais un amendement, concernant le projet de loi no 2 le
mot "maintenant" et en ajoutant à la fin les mots "dans un mois". Ce
délai, à mon sens, permettrait et je suis convaincu que le
gouvernement est intéressé, parce qu'il l'a déjà
fait voir lorsqu'il a présenté le bill 59 que les corps
intermédiaires se fassent entendre, que tous ceux qui sont
concernés par cette loi, de par leurs associations, puissent faire
entendre leurs voix ici au niveau d'une commission parlementaire comme le
jugera bon, en fait, le gouvernement. Je suis convaincu que cela doit
répondre à une de ses préoccupations. Si on me permettait
l'amendement, "dans un mois" le gouvernement aurait l'occasion d'entendre les
corps intermédiaires, d'entendre toutes les personnes qui peuvent
être intéressées à donner leur idée
concernant cette loi qui les touche profondément.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Houde, Limoilou): Avez-vous une copie de
votre amendement s'il vous plaît?
Motion de report à un mois
M. BEDARD (Chicoutimi): L'amendement, c'est de rayer le mot "maintenant"
en ajoutant à la fin les mots "dans un mois". Je ne sais pas ce qu'en
pense l'honorable ministre de la Justice mais...
M. CHOQUETTE: J'en pense beaucoup de mal.
M. BEDARD (Chicoutimi): Oui? C'est pour faire entendre les corps
intermédiaires.
LE PRESIDENT: Quelle est la motion? Quelle est votre motion
d'amendement? Reporter à un mois?
M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE: M. le Président, je plains le député
de Chicoutimi, qui nous présente cette motion. Je me demande si dans son
parti on n'a pas surpris sa bonne foi.
M. BEDARD (Chicoutimi): Ne soyez pas inquiet de ce
côté.
M. CHOQUETTE: On veut en faire la victime expiatoire du Parti
québécois. On veut que cela soit lui qui demande de nouveaux
délais avant d'apporter une loi fondamentale pour les citoyens
québécois.
M. BEDARD (Chicoutimi): Elle ne l'est pas comme elle est là.
M. CHOQUETTE: On lui demande de se faire l'artisan de nouveaux
délais, de mesures dilatoires alors que nous avons déjà eu
deux commissions parlementaires dans le passé, une qui a analysé
le bill 59 et l'autre qui avait analysé les bills 78 et 79.
Mais, M. le Président, il y a au moins la question sur le plan du
code civil, sur le plan des dispositions qui sont introduites dans le domaine
du louage de choses, c'est-à-dire le bail type. Sur ce point, je me
rends compte que le député de Chicoutimi est assez peu
renseigné sur le projet de loi dont il a discuté tout à
l'heure puisqu'il nous a dit que le bail type était une question de
caractère, de forme et tout cela. Le bail type va beaucoup plus loin
qu'il ne le pense puisque le bail type impose un certain nombre de conditions
juridiques s'appliquant entre propriétaires et locataires et auxquelles
ils ne peuvent pas déroger, comme je l'ai expliqué dans mon
intervention en deuxième lecture. Ce sont des conditions d'ordre public,
des conditions qui s'appliquent nonobstant qu'on ait fait des conventions
contraires entre les parties et qu'on ait cherché à
déroger au droit général qui s'appliquera en la
matière. J'ai expliqué, et je me permets de le
répéter au député de Chicoutimi, que ceci avait
pour but de rétablir cette égalité du fait que dans le
domaine des baux on est actuellement devant une situation de contrat
d'adhésion, c'est-à-dire où une des parties
présente à l'autre partie un contrat tout fait à l'avance
sur lequel il n'y a pas de discussion. C'est, dans cette société
de consommation dans laquelle nous vivons, une coutume qui s'est
généralisée que ces contrats standards, ces contrats
types, qui sont présentés par la partie la plus
économiquement forte à la partie la plus économiquement
faible et auxquels la partie économiquement faible est tout
naturellement apportée à donner son adhésion.
C'est contre cela que nous avons réagi, M. le Président,
dans ce projet de loi. Tout à l'heure quand...
M. BEDARD (Chicoutimi): Les cas d'urgence ne sont pas traités
dans votre bail type.
M. CHOQUETTE: Certainement, M. le Président. Puisque le
député de Chicoutimi m'interrompt, supposons que le
propriétaire fait défaut de faire des réparations
essentielles, mettons au système de chauffage, il y a des dispositions'
dans le projet de loi qui font que le locataire peut lui-même prendre les
dispositions pour remédier à cette situation, évidemment,
après avoir signifié une mise en demeure au propriétaire
de procéder aux réparations. Mais le locataire peut y
procéder et imposer au propriétaire le coût de ces
réparations. Alors, les situations d'urgence sont prévues.
M. le Président, je trouve que ce serait déplorable, que
ce serait vraiment regrettable à tout point de vue que d'aller imposer
de nouveaux délais pour l'adoption de ce projet de loi. Je ne peux pas
croire qu'après l'approbation qui a été donnée par
le leader de l'Opposition,
l'honorable député de Maisonneuve, le Parti
québécois se sente tellement bien avisé de
présenter cette motion de remise à un mois. On sait ce qu'est
cette motion de remise à un mois. Combien de mois est-ce que ça
durerait? D'autant plus que l'adoption du bill no 3, qui va régir la
situation temporairement, au point de vue des augmentations de loyer, est
liée à l'adoption du bill 2, sous certains aspects.
M. le Président, je souligne qu'apporter de nouveaux
délais serait infiniment regrettable pour ce Parlement et que ce
seraient les citoyens du Québec qui, en fait, en souffriraient. Le
député de Maisonneuve, d'ailleurs, a participé aux
commissions parlementaires qui ont étudié les bills
précédents, même le député de Saint-Jacques a
participé à de nombreuses séances. Et même si le
député de Saint-Jacques n'est pas avocat... Pardon?
M. BEDARD (Chicoutimi): Les commissions parlementaires n'ont rien
donné parce qu'à mesure qu'on présente des bills, on
s'aperçoit que les droits des locataires sont de moins en moins
protégés.
M. CHOQUETTE: M. le Président...
M. BEDARD (Chicoutimi): Les bills 59, 78 et 79, puis maintenant...
M. CHOQUETTE: M. le Président...
M. BEDARD (Chicoutimi): Cela baisse tout le temps.
M. CHOQUETTE: M. le Président, le député de
Chicoutimi commet plusieurs infractions à la fois. Premièrement,
il parle assis. Deuxièmement, il m'interrompt sans me demander la
permission. Et, troisièmement, il le fait sur un ton d'une
agressivité qui, vraiment, m'ébranlerait si j'étais
néophyte dans cette Chambre.
Mais je vais répondre à la question du
député de Chicoutimi. Il dit que le projet de loi no 2 ne
représente pas un progrès par rapport aux projets de loi
précédents, les nos 59, 78 et 79. Je vais lui dire qu'au
contraire il représente un progrès très net. Dans le
projet de loi no 59, il n'était pas question de bail type; les
dispositions du code civil n'étaient pas reprises de façon
à rétablir l'égalité entre propriétaires et
locataires. A ce point de vue, les associations de locataires, dont le
député de Chicoutimi et le député de Maisonneuve se
réclament, se déclarent, elles, satisfaites de l'adoption d'un
bail type. Est-ce que le député de Chicoutimi veut
sérieusement que le gouvernement recule sur cette mesure?
M. BEDARD (Chicoutimi): Non, pas sur le bail type, mais il y a bien des
choses qu'on ne retrouve pas, par exemple le plafond des 5 p.c. d'augmentation
qui existait dans le bill 59.
M. CHOQUETTE: Alors, M. le Président, si on ne veut pas que nous
reculions sur cette mesure, qu'on nous permette au moins de l'adopter. Je dis,
M. le Président, que nous ne pouvons absolument pas donner suite
à cette demande du député de Chicoutimi. Je suis sûr
que c'est la dernière fois qu'il présentera une telle motion,
parce qu'il aura appris, à cause de l'humiliation qui va fondre sur lui
à la suite de cette motion qu'il vient de présenter ce soir, que
ce n'est pas une mesure qui fait avancer la législation.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
M. Claude Charron
M. CHARRON: M. le Président, j'interviens sur la motion
présentée par mon collègue, le député de
Chicoutimi. Je me garde donc tout le droit d'intervenir à nouveau sur la
motion de deuxième lecture.
M. le Président, je n'interviens pas pour rassurer mon
collègue de Chicoutimi devant les menaces que vient de faire peser une
fois de plus sur la population le ministre de la Justice, parce que je suis
déjà convaincu, pour connaître le député de
Chicoutimi depuis les nombreuses années que nous sommes dans le
même mouvement, que le député de Chicoutimi a
présenté sa motion exactement comme il entendait le faire et avec
bonne foi.
Le député de Chicoutimi est un nouveau membre dans cette
Chambre. A ses premières semaines à l'Assemblée nationale,
nous avons dû le réconforter parce que le député de
Chicoutimi ne pouvait pas en croire ses yeux de voir que nous étions
venus si près d'une réforme si importante et que, de loi en loi,
le gouvernement, toujours patronné par le même ministre de la
Justice, avait reculé. C'est le député de Chicoutimi
lui-même qui, lors d'une réunion du caucus du Parti
québécois, nous a proposé, afin qu'il comprenne mieux ce
qui se passait ici, que nous prenions un mois de plus et que nous
écoutions attentivement les doléances de la population.
Le Parti québécois a la conviction, ce soir, d'exprimer
largement les vues de la population, puisque nous sommes les seuls à
réclamer une plus grande protection des locataires
québécois, comparativement à tous les projets de loi et
à toutes les sauvettes qu'a connus le gouvernement libéral sur ce
sujet.
Si nous voulons un mois de plus, c'est parce que nous considérons
qu'il n'y a pas que le caucus libéral qui doit se faire entendre
auprès du ministre de la Justice. C'est parce que tous ces
députés libéraux qui ont fait reculer le ministre de la
Justice...
M. VEILLEUX: Jaloux.
M. CHARRON: ...nous aimerions les voir autour d'une table de la
commission, non pas dans les secrets d'une salle de caucus...
M. VEILLEUX: Jaloux.
M. CHARRON: ...mais sous les feux de la rampe, devant les media
d'information. Ils se sont bien gardés d'intervenir dans le débat
depuis le début. Qu'il y en ait donc un seul qui se lève, de
ceux-là qui ont fait reculer le ministre de la Justice, de 59 à
78 ou 79 et de celui-là, à nouveau. Qu'il y en ait un seul dans
cette Assemblée qui se lève et qui dise pourquoi il a
obligé le ministre de la Justice à reculer. Il fait rire de lui
actuellement, le ministre, après avoir défendu une réforme
et l'avoir défendue courageusement, je dois le dire parce
que le projet de loi 59 était une réforme importante. Je dirais
même, sans retourner à la transcription du journal des
Débats, mais je l'ai affirmé lors de l'étude du projet de
loi 59 en commission, que c'était un projet surprenant de la part d'un
gouvernement libéral. J'en disais déjà assez, car il n'en
a pas fait assez long, le projet de loi 59, et il est mort immédiatement
après.
Si on avait un mois de plus, est-ce qu'il s'en trouverait un parmi les
députés libéraux qui aurait assez de courage pour
expliquer à la population pourquoi, cette semaine, en même temps,
d'ailleurs, comme le rappelait le ministre de la Justice, que vous augmentez
les salaires des juges de $5,000, il s'est trouvé un groupe assez
puissant au sein de cette grotesque députation pour faire reculer le
ministre de la Justice là-dessus? S'en trouve-t-il un qui, pendant ce
délai d'un mois, pourrait se justifier devant ses électeurs? En
effet, la plupart de vos électeurs sont également des locataires;
80 p.c. des Québécois vivent dans cette situation.
J'appuie la motion du député de Chicoutimi, car il a
parfaitement raison de la présenter. Il est encore de ceux qui
espèrent de ce gouvernement libéral un peu de courage et un peu
d'audace dans les réformes qu'il semble vouloir entreprendre. Le
député de Chicoutimi, au caucus, nous a donc proposé ce
délai d'un mois pour vérifier si, parmi les nouveaux venus, en
même temps que les plus vieux de cette Chambre, il s'en trouverait
quelques-uns pour nous expliquer la reculade du gouvernement libéral,
qui viendraient, en quelque sorte, sauver la face du ministre de la Justice,
qui a l'air d'un bouffon, se promenant d'un projet de loi à l'autre,
mais toujours amoindrissant la réforme que les Québécois
attendent. S'en trouverait-il un seul, se demandait-il, pour parler
véritablement et ne pas obliger le ministre de la Justice à se
soumettre aux pirouettes auxquelles il est soumis depuis maintenant presque un
an et demi que le sujet est sur la table, de projet de loi en projet de loi?
Moi, parce que je connais l'expérience de ce gouvernement, parce que je
suis devant ce gouvernement depuis maintenant presque quatre ans, j'ai dit
à mon collègue de Chicoutimi de ne rien espérer de ce
gouvernement, que, pour les réformes annoncées, parfois
même se concrétisant le plus loin qu'elles ont
été jusque dans des projets de loi déposés
en Chambre, eh bien, aussitôt après, avec une audace presque
incroyable et un désistement politique qui devrait faire les annales, le
gouvernement avait le front, et pour la deuxième fois encore cette
année, de retirer le projet de loi et d'en présenter un qui
était moindre, suite aux pressions des honorables membres du caucus
libéral.
J'ai dit à mon collègue de Chicoutimi de ne pas s'attendre
à plus de courage de la part de ce gouvernement. Et, puisqu'il insistait
pour que nous accordions ce délai d'un mois, je me suis engagé
à l'appuyer sur cette motion, et c'est ce que je fais ce soir. Je dis,
quand même à mon collègue de Chicoutimi qu'en apportant mon
appui à cette motion, qui vise à donner un mois et à
entendre d'autres gens que ceux qui ont été élus le 29
octobre sous l'étiquette libérale...
Il y a des tas de gens qui attendent après cette réforme.
Il y a des tas de gens, pour la première fois j'aurai l'occasion
d'en parler, M. le Président, lorsque j'interviendrai sur la
deuxième lecture qui ont approuvé le ministre, lors du
dépôt du projet de loi no 59. Peut-être que le ministre de
la Justice pourrait en témoigner lui-même s'il n'avait à
subir ensuite les pressions de son caucus, après l'avoir affirmé
en Chambre, mais je connais assez l'honnêteté du
député d'Outremont pour dire que, probablement, de tous les
projets de loi qu'il avait déposés un jour en cette Chambre sous
son nom, sous sa responsabilité, il n'y en a probablement pas un qui ait
reçu autant l'appui populaire que le projet de loi no 59.
Mais au premier coup de Jarnac qu'il recevait, M. le Président,
il devait se contenter de nous rapiécer les projets de loi nos 78 et 79.
Mais, deuxième coup de Jarnac en moins de douze mois sur ce même
ministre de la Justice, avec le même projet de réforme touchant
les mêmes citoyens québécois et il n'y a
probablement pas de projet de loi qui touche un plus grand nombre de
Québécois que celui-là, M. le Président, c'est le
ministre lui-même qui le rappelait tantôt une
deuxième fois les rumeurs disent que c'était même
pendant son absence à Ottawa, M. le Président, ce qui
dramatiserait davantage, mais peu importe une nouvelle députation
libérale, toute forte de ses pressions qu'elle vient d'arracher à
ses comtés, vient une fois de plus saccager une réforme et la
réduire en miettes, au point qu'on est obligé, comme le disait le
député de Maisonneuve, de s'en contenter, non sans signaler quand
même à la population que ce n'est pas simplement notre fantaisie,
que ce ne sont pas des groupes de l'extérieur qui font de l'agitation
politique qui ont soulevé notre attention.
C'est le ministre libéral lui-même qui, en 1972, nous avait
présenté le projet de loi no 59 comme faisable, réaliste
et possible, qui l'avait défendu à une commission parlementaire
à quelques pas d'ici, M. le Président, qui s'était battu
avec des ligues de propriétaires au nom de la défense des
locataires.
On n'invoque pas des théories imaginatives, on
répète simplement mot à mot, comme le faisait le
député de Maisonneuve, ce que le député d'Outremont
a déjà dit lorsqu'il a prié la Chambre d'en être
convaincue, il y a maintenant douze mois.
Toutes ces rebuffades que vous avez faites à l'endroit du
ministre de la Justice, nous aimerions bien vous voir, au cours du prochain
mois, dans cette période des Fêtes, même, et les semaines
qui suivront, les expliquer devant la population. Pourquoi le caucus
libéral, au nom de quel principe, au moment où 80 p.c. de la
population du Québec, ceux qui sont locataires, allaient pour la
première fois bénéficier d'une protection qui avait au
moins un équivalent de justice, pourquoi, sur quel motif s'est-il
basé pour saccager cette réforme? Si vous n'intervenez pas, si la
motion du député de Chicoutimi devait être mise aux voix et
défaite, M. le Président, s'en trouvera-t-il un, au moins, qui
aura le courage d'intervenir en deuxième lecture pour nous dire pourquoi
on doit se contenter maintenant du bill 2 et du bill 3? Pas le dire au
député de Saint-Jacques, pas le dire à l'Opposition
officielle ici, peu importe, mais le dire aux Québécois qui sont
à l'extérieur et qui attendent cette réforme.
Je suis député d'un comté où des locataires
vivent dans des taudis, où ils sont exploités. A peu près
à chaque mois, d'année en année, les baux augmentent et
les maisons pourrissent. Des gens attendaient cette réforme. Lorsque
j'ai appuyé le projet de loi no 59, je savais que je parlais au nom des
contribuables de mon comté. Lorsque j'ai dû me contenter des
projets de loi nos 78 et 79, je savais encore que c'était quand
même mieux que rien. Quand je voterai pour la deuxième lecture, je
sais encore que c'est mieux que rien, mais qu'est-ce que je donnerai comme
explication à mes concitoyens, sinon ce que vous avez imposé au
ministre de la Justice comme rebuffade?
Qu'on le prenne, ce mois, M. le Président. Je pense que tous les
citoyens du Québec y gagneront énormément. Merci.
DES VOIX: Bravo!
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.
M. Lucien Lessard
M. LESSARD: M. le Président, j'appuierai moi aussi la motion du
député de Chicoutimi pour reporter à un mois la lecture de
ce projet de loi, justement parce que nous espérons qu'en dernier
ressort le ministre de la Justice va peut-être avoir un peu de
dignité, la même dignité qu'il avait eue lorsqu'il nous
avait présenté le bill 59.
C'est vrai, M. le Président, que le projet de loi no 59 ne
réglait pas tous les problèmes, que le projet de loi no 59 ne
proposait pas une politique d'habitation. Mais il reste que le projet de loi no
59 était l'une des réformes fondamentales que nous avait
proposée le ministre de la Justice et sur laquelle nous tous du Parti
québécois avions été d'accord.
Pourquoi le ministre de la Justice a-t-il reculé du projet de loi
59 aux projets de loi 78 et 79 et, encore là, recule-t-il avec le projet
de loi no 2 qu'il nous soumet aujourd'hui?
Pour le projet de loi 59, on avait présenté un certain
nombre de rapports en commission parlementaire et tous les locataires en
général avaient été d'accord avec ce projet de loi.
Comment se fait-il qu'on ait reculé par la suite? Comment se fait-il que
le ministre de la Justice qui nous avait présenté ce projet comme
une réforme majeure en ce qui concerne les droits des locataires,
maintenant nous propose une réformette?
Nous voulons savoir exactement ce qui s'est passé entre le bill
59 et la période d'aujourd'hui. Nous voulons savoir quelles influences
ont joué sur le ministre de la Justice actuel. C'est pourquoi il est
important que ces mêmes jeux de coulisses qu'on a eus depuis la
présentation du projet de loi no 59, on sache qui les a faits. Est-ce
que c'est le caucus libéral ou si ce sont les grands
propriétaires de loyers?
C'est là un des objectifs fondamentaux de la motion que nous
présentons. Le projet de loi 59 était, selon qu'on était
locataire ou propriétaire, un bon projet ou un mauvais projet. Mais
comment se fait-il que le ministre de la Justice ait reculé? Parce que
les organismes qui financent ce Parti libéral sont intervenus
auprès du ministre de la Justice pour le faire reculer, comme certains
libéraux, en caucus libéral, sont intervenus pour faire reculer
le ministre de la Justice.
M. BELLEMARE: Comme pour nommer le chef de l'Opposition.
M. LESSARD: En effet, pour les propriétaires, c'était du
socialisme, c'était justement l'intervention dans la politique de
laisser-faire qu'on avait tolérée tout simplement dans le
passé. Nous voulons, nous autres, savoir quelles sont les associations
qui ont influencé le ministre.
Nous voulons que ça soit ouvertement que ces influences puissent
se faire sentir. Et c'est là que la motion du député de
Chicoutimi devient importante. Nous voulons aussi que les locataires viennent,
comme ils l'ont fait lors du projet de loi 59, faire entendre leur voix en ce
qui concerne les reculs que nous avons dans le projet de loi no 2.
Depuis, que nous siégeons en cette Chambre, chaque fois que nous
avons un projet de loi valable, que nous avons une réforme de valeur,
pas une réformette et le projet de loi 59 était une
réforme de valeur nous voyons tous les
boucliers ou les armes, la force du système établi
intervenir en coulisse pour essayer de faire reculer le ministre.
Malheureusement, ce sont des députés élus
même qui sont intervenus auprès du ministre, alors qu'il nous
avait présenté un projet de loi qui était valable. On
dirait maintenant à entendre le ministre...
M. SAINT-HILAIRE: Des preuves.
M. LESSARD: ... que là ce serait les propriétaires qui
devraient être protégés contre les injustices des
locataires. Le ministre avait lui-même fait une enquête lorsqu'il
avait soumis le projet de loi no 59, selon laquelle les propriétaires
faisaient environ 10 p.c. de revenu sur les maisons, quand ça n'allait
pas à 30 par suite, bien souvent, de l'exploitation de la misère
au niveau des taudis.
Nous soumettons bien respectueusement que ce projet de loi est
absolument insatisfaisant. Quant à avoir un projet de loi en ce qui
concerne les locataires, nous voulons avoir une réforme; nous ne voulons
pas avoir une réfor-mette. Nous voulons avoir un projet de loi qui
ressemble au premier projet de loi qui a été
présenté par le ministre de la Justice.
Nous voulons être assurés que les locataires seront
véritablement protégés par un tel projet de loi, parce que
nous ne sommes pas ici et justement les jeunes libéraux vont en
prendre conscience pour perdre notre temps.
Quand on pense, M. le Président... quand on pense, M. le
Président...
M. HARDY: Quand votre chef est soporifique.
M. LESSARD: ... que c'est le troisième projet de loi qu'on nous
propose sur une réforme des loyers. Comment se fait-il?
M. SAINT-HILAIRE: Le premier.
M. LESSARD: Non, monsieur. Le jeune néophyte député
de Rimouski aurait, justement, s'il avait été présent
à l'Assemblée nationale de 1970 à 1974, pu constater que
c'est le troisième projet de loi.
M. SAINT-HILAIRE: Premier dans cette session-ci.
M. LESSARD: Lui qui est un administrateur efficace, lui qui ne veut pas
perdre son temps à l'Assemblée nationale, il devrait
lui-même intervenir auprès du ministre de la Justice et lui dire:
On n'est pas ici pour s'amuser à étudier des projets de loi. On
n'est même pas sûr, M. le Président, que le ministre de la
Justice ne retirera pas ce troisième projet de loi après avoir
retiré les deux autres. Non seulement nous ne sommes pas sûrs
qu'il ne le retirera pas mais, par exemple, nous ne sommes pas d'accord sur le
recul constant entre le premier projet de loi qui nous avait été
proposé, le deuxième projet de loi et la "réformette" du
projet de loi que nous propose le ministre de la Justice.
Je sais que certains députés libéraux sont d'une
certaine classe privilégiée, je sais que certains
députés libéraux sont propriétaires de maisons
d'appartements. Est-ce que ça ne serait pas ces véritables
intérêts qui seraient intervenus auprès du ministre de la
Justice...
M. BIENVENUE: ... le député est bas et
démagogue.
M. LESSARD: ... pour faire bloquer le projet de loi qui nous avait
été soumis...
M. BIENVENUE: ... démagogue.
M. LESSARD: ... en 1972? M. le Président, ces
députés n'ont pas vu agir le gouvernement, ne se sont pas
préoccupés de ces projets de loi, ne savaient même pas,
lorsqu'on a soumis le projet de loi 59, ce qu'il contenait. Il est facile pour
ces députés, qui sont dans l'ensemble tous des
propriétaires, de ne pas se préoccuper des problèmes que
va soulever l'adoption du projet de loi 2. Il est facile quand on est dans une
classe privilégiée de ne pas penser à des réformes
fondamentales. Mais, M. le Président, nous, nous ne voulons pas perdre
notre temps à l'Assemblée nationale; nous, M. le
Président, nous sommes prêts à adopter des projets à
l'Assemblée nationale. Mais pas des projets comme celui-là.
D'autant plus que nous nous battons depuis plusieurs jours contre un projet de
loi concernant l'augmentation des salaires des juges. Si nous pouvons nous
battre contre un projet de loi concernant l'augmentation des salaires des
juges, nous allons certainement nous battre pour avoir un projet de loi pour
que les locataires soient mieux protégés. Oui, M. le
Président, nous sommes prêts à adopter des projets de loi
valables mais nous ne sommes pas prêts à adopter n'importe
quoi.
Mon collègue de Chicoutimi a donné à ce sujet la
position du Parti québécois. Quand nous avons adopté le
projet de loi sur les allocations familiales, nous avons dit: Parfait, tant
mieux, c'est un bon projet de loi. Mais là, M. le Président, nous
ne voulons pas adopter pour le moment ce projet de loi; nous voulons permettre
à ceux qui sont les plus touchés par ce projet de loi de venir
à nouveau s'exprimer devant la commission parlementaire, leur permettre
à nouveau de venir nous dire quelles sont les failles de ce projet de
loi, venir à nouveau nous dire quels ont été les reculs du
ministre de la Justice en relation avec le premier projet de loi 59.
Nous espérons aussi que d'ici un mois le ministre de la Justice
se penchera sur les problèmes des locataires, que le ministre de la
Justice ira consulter ces organismes, non pas consulter les chambres de
commerce exclusive-
ment, non pas consulter les associations de propriétaires
exclusivement, non pas consulter ceux qui sont les propriétaires de
grandes maisons d'appartements ou ceux qui exploitent la population ou la
misère de la population en utilisant, par exemple, le système des
taudis pour faire plus d'argent. Le ministre de la Justice n'est pas dans un
comté qui est particulièrement pauvre, n'est pas dans un
comté comme celui du député de Saint-Jacques. Nous
espérons que le ministre de la Justice, d'ici ce mois-là que nous
lui donnons, va sortir de sa tour d'ivoire pour aller voir ce qui se passe dans
ces loyers-là, pour aller voir quels sont les problèmes que
vivent ces locataires-là.
C'est pourquoi nous espérons bien respectueusement que cette
Assemblée nationale acceptera la motion du député de
Chicoutimi, afin de permettre justement à ces gens de se faire entendre
de nouveau.
LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.
M. Marcel Léger
M. LEGER: M. le Président, il est bien entendu que la proposition
d'amendement du député de Chicoutimi est des plus clairvoyantes,
puisqu'elle permettra au ministre, s'il le veut bien, de rajouter au cours de
ce mois ce qu'il manque dans son projet de loi pour en faire une réforme
qui existait lors du bill 59. M. le Président, en 1951, il y avait une
loi qui était contrôlée par la Régie des loyers et
qui a créé un organisme qui s'appelait justement la Régie
des loyers.
Depuis ce temps on est appelé à juger des problèmes
de locataire et propriétaire par le code civil. Cette loi s'appliquait
aux municipalités, mais pas général, seulement aux
municipalités qui le demandaient. La régie avait des divisions
centrales et des divisions régionales. Une réforme s'imposait. Le
ministre nous est arrivé avec une proposition qui était le projet
de loi 59, en 1972.
M. le Président, le projet de loi 59, qui était une
réforme réellement intéressante du problème de la
conciliation entre les propriétaires et les locataires a tout à
coup obtenu de la part des locataires, une série de déclarations
montrant jusqu'à quel point ils étaient satisfaits et
applaudissaient à ce projet de loi. C'est ce qu'on voudrait que le
ministre repense quand il aura un mois pour rajouter ce qui manque à sa
loi.
Si on regarde les déclarations des différents
comités de locataires: Enfin, une expiration des baux le 30 juin!
C'était dans le journal Le Soleil.
Pour les propriétaires, le nouveau code des loyers, c'est du
socialisme, alors que les locataires sont satisfaits; 80 p.c. de la population
était satisfaite du bill 59 qui est disparu dans le bill actuel et qu'on
voudrait que le ministre rajoute dans son projet de loi durant le mois que nous
proposons par l'amendement. Plus loin, Cho-quette: Le code des loyers assurera
l'universalité et la permanence dans la loi. On ne voit plus ça
maintenant dans le nouveau projet de loi. Affrontement entre
propriétaires et locataires: 20 p.c. contre 80 p.c. de la population. Le
bill 59 est un bon ou un mauvais projet selon qu'on est propriétaire ou
locataire. Est-ce que ce sont les 80 p.c. ou les 20 p.c. qu'on veut
satisfaire?
Le ministre tiraillé entre les locataires et les
propriétaires, toutes sortes de déclarations concernant le bill
59. Choquette au centre du débat sur le bill 59. Des réactions
diverses qui parlaient justement en fonction du bill 59. Levée de
boucliers contre la loi 59. Cette fois-ci, c'était la Ligue des
propriétaires, et là nous avons toute une série de
déclarations des propriétaires contre le bill 59.
Alors, le ministre est arrivé puis il s'est dit: Nous allons
faire un autre bill qui sera le bill 78, et les locataires, qui
représentent 80 p.c. de l'ensemble, n'étaient pas satisfaits du
bill 78. On voit des articles de journaux: "Un recul inacceptable", dans le
Devoir, pour l'Association des locataires. Trois centrales et les locataires
dénoncent le recul du ministre Choquette relativement au bill 59 avec
ses bills 78 et 79. Le code des loyers; un front commun dénonce le recul
de M. Choquette. C'était pour le bill 78 et le bill 79. La
Fédération des locataires est déçue du projet du
code, parce qu'il y a disparition du bill 59.
Déception des locataires, dans le Soleil. Le gouvernement se
préoccupe d'abord des propriétaires, etc., etc. Les locataires
refusent de participer à la commission parlementaire sur les projets de
loi 78 et 79, etc. C'est donc dire que la motion d'amendement que
présente le député de Chicoutimi permettrait
peut-être au ministre, durant ce mois, de réellement apporter une
réforme au projet de loi qui nous est présenté, une
réforme qui est oubliée dans le projet de loi actuel.
Pendant ce mois, le ministre pourrait peut-être rajouter ce que
les locataires désiraient et en premier lieu, ce qui est omis
actuellement, fixer les normes de détermination de la valeur locative
d'un local d'habitation. IL pourrait au cours du mois rajouter ça
à son projet de loi. Ces normes n'existent pas actuellement ni dans le
code civil, ni dans la Loi pour favoriser la conciliation entre
propriétaires et locataires. Il pourrait, au cours du mois qu'on lui
propose par l'amendement, corriger ce qu'il a omis de reprendre dans l'ancien
projet de loi, qui donnait à un nouveau locataire la possibilité
de s'adresser au tribunal pour faire réduire le prix du loyer, si
celui-ci est abusif.
En effet, la Loi de la commission des loyers prévoit qu'un
nouveau locataire peut faire une demande de révision de prix seulement
dans les cas où le loyer de ce logement en particulier a
déjà été fixé par une ordonnance de la
commission.
Une autre chose que le ministre pourrait
faire durant ce mois, c'est d'ajouter dans son projet de loi l'article
qui interdisait aux parties, sous peine de nullité, de convenir d'une
augmentation de loyer en cours de bail. Cette clause, ayant pour but de
protéger le locataire contre toute pression du locateur, ne faisait
certainement pas l'affaire de ce dernier. D n'est donc pas étonnant que
le gouvernement l'ait retirée. Il pourrait peut-être la rajouter
dans le mois qui vient. Un autre article dans la Loi de la commission des
loyers interdit au locateur d'exiger un supplément déguisé
de loyer sous forme quelconque. Il ne couvre donc pas le cas d'une augmentation
de loyer en cours de bail et, à plus forte raison, d'une augmentation
contractuelle et publique, comme il en était question dans l'ancien
bill.
Une quatrième amélioration que le ministre pourrait faire
au cours du mois serait d'ajouter une chose qui avait fait son apparition dans
le projet de loi sous la forme précédente. Il s'agissait d'une
règle d'interprétation selon laquelle, dans un bail
rédigé en deux langues, au cas où il surviendrait une
divergence entre les deux textes, c'est la version la plus favorable au
locataire qui devait prévaloir. Nous ne pouvons nous expliquer les
raisons de cette disparition. C'est la raison pour laquelle nous demandons que
le ministre rajoute, durant le mois de réflexion, cette disposition au
projet de loi dont nous étudions actuellement le bien-fondé.
Finalement, la cinquième et dernière innovation qu'avait
apportée l'ancien bill 78, et qui pourrait être rajoutée
à ce projet de loi puisqu'elle est maintenant disparue, concernait le
louage de l'espace de stationnement. En effet, on prévoyait
l'applicabilité à ce contrat de louage des règles du code
civil relatives à la détermination de la valeur locative et au
maintien dans les lieux. Il ne fait aucun doute que l'élément
stationnement constitue pour le locataire un des principaux points qu'il doit
prendre en considération dans le choix de son logement. Retirer le
stationnement des règles du code civil en matière de baux et de
locaux d'habitation équivaut à rendre incertaine la valeur
réelle du logement. En effet, en milieu urbain l'augmentation du prix de
l'espace de stationnement équivaut sans aucun doute à une
augmentation déguisée de loyer.
C'est la raison pour laquelle nous croyons que, s'il est important qu'il
y ait une loi d'adoptée pour les locataires et pour les
propriétaires, il faut qu'elle contienne une réforme globale qui
existait déjà dans le bill 59 et qui a été
diluée avec le bill 78 et le bill 79. Maintenant, elle n'est qu'un verre
d'eau, pratiquement sans contenu, sauf les deux points d'amélioration
dont le député de Maisonneuve parlait tantôt et sur
lesquels nous devons, quand même, être d'accord. Mais nous
espérons que, pendant ce mois de réflexion, le ministre pourrait
réentendre les locataires et les propriétaires, rajouter les
points qui faisaient la gloire du bill 59 et enlever les points que le bill 78
nous avait apportés et qui avaient soulevé un tollé
général chez les locataires, alors que les propriétaires
semblaient de plus en plus satisfaits.
Est-ce que le ministre doit s'occuper des locataires ou des
propriétaires? Je pense qu'il doit s'occuper des deux, mais 80 p.c. de
la population réclame une loi qui les protège parce qu'ils sont
plus démunis que ne le sont les 20 p.c. de propriétaires, et je
le sais puisque je fais partie des deux. Etant locataire à Québec
et propriétaire à Montréal, je connais les
problèmes des deux. C'est la raison pour laquelle le ministre peut
nécessairement réaliser jusqu'à quel point il faut penser
à ces tout petits dont nous, souvent comme propriétaires, avons
le devoir de nous occuper.
M. BACON: Petit propriétaire.
M. LEGER: C'est une des raisons pour lesquelles dans un projet comme
celui-ci, il faut voir les deux côtés de la médaille.
M. BACON: Petit bourgeois.
M. LEGER: Cela prouve jusqu'à quel point l'amendement du
député de Chicoutimi est réellement un amendement
permettant au ministre de faire les corrections voulues. C'est la raison pour
laquelle j'appuie l'amendement du député de Chicoutimi.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. Camille Samson
M. SAMSON: M. le Président, j'ai écouté avec
beaucoup d'attention les propos de l'honorable ministre de la Justice cet
après-midi.
Parmi les propos qu'il a tenus, M. le Président, j'ai retenu avec
quel éloge il vantait les mérites de l'honorable
député de Chicoutimi, car disait-il, le député de
Chicoutimi me comprendra sûrement mieux que le député de
Maisonneuve ou qu'un autre député, etc. etc. Quelle
déception, M. le Président, que de voir qu'à quelques
heures d'intervalle le ministre de la Justice, qui vantait les mérites
du député de Chicoutimi, ce soir a changé d'avis. Il a
changé d'avis à quelques heures d'intervalle seulement. Ce qui
m'amène à réfléchir sur le sérieux de la
présentation de la loi 2, c'est que le ministre et c'est encore
le même ministre de la Justice qui présentait la loi 59,
qui présentait la loi 78 nous arrive avec la loi no 2. J'en suis
à me demander, compte tenu du fait qu'il change d'idée aussi
facilement et aussi rapidement, si nous lui laissions ce délai d'un mois
qui est demandé par le député de Chicoutimi, si le
ministre de la Justice n'en arriverait pas à changer encore une fois
d'idée et à nous amener quelque chose de plus valable que ce qui
est
devant nous présentement. C'est pourquoi, M. le Président,
en écoutant attentivement mon honorable ami d'en face et en
écoutant aussi attentivement mon collègue de Chicoutimi, j'en
suis venu à la conclusion que si j'avais eu à parler avant le
député de Chicoutimi, en deuxième lecture, j'aurais
probablement été tenté d'amener moi-même un
amendement pour viser à retarder la deuxième lecture de ce
bill.
Il se peut que le ministre aurait répondu de la même
façon qu'il l'a fait pour le député de Chicoutimi,
tantôt, et il se peut que le ministre aurait été
tenté aussi de me dire que je n'étais peut-être pas assez
renseigné ou plutôt, quelle est l'expression qu'il a
employée à l'endroit du député de Chicoutimi? peu
renseigné. Il se peut que le ministre aurait eu cette tentation aussi.
Il y reviendra probablement dans sa réplique en deuxième lecture.
S'il avait été tenté de me dire ce qu'il a dit à
l'endroit du député de Chicoutimi, je vous dirais, M. le
ministre, c'est-à-dire, M. le Président, je vous prierais de dire
au ministre qu'il aurait peut-être raison de dire que c'est parce que
nous sommes peu renseignés. Il aurait peut-être raison de le dire,
parce que, justement, il n'y a personne ici en cette Chambre qui peut se vanter
de tout savoir. S'il y en a un qui peut se vanter de ça, M. le
Président, laissez-le se lever, on va se contenter de le regarder, puis
on va se regarder, puis on va comprendre ce que ça veut dire. Il n'y a
personne qui peut se vanter de ça. On en apprend à tous les
jours. Même si parmi vous, peut-être pas tellement...
C'est tu terrible, M. le Président, comme ça bourdonne! Je
les aurais tu piqués? Je n'en ai pas eu connaissance, je m'excuse, si
j'ai dit quelque chose qui vous déplaît.
M. BELLEMARE: J'ai dit: II n'y a que nous autres d'assis.
M. SAMSON: M. le Président, vous allez en convenir avec moi, je
parlais de tous ceux qui sont assis présentement, parce que ceux qui
sont debout n'ont pas besoin de se lever.
Mais, il y a une chose qui demeure cependant, là-dessus le
ministre de la Justice sera sûrement d'accord avec nous. Le délai
d'un mois, si je m'en réfère à ce que vous nous avez dit,
M. le ministre, cet après-midi, si j'ai bien remarqué, vous nous
avez parlé de 1866 et vous avez fait l'historique de tout ça,
depuis 1866. Cela m'amène à vous dire que vous n'étiez pas
tellement pressé. Votre gouvernement et les autres qui ont
précédé n'étaient pas tellement pressés.
M. CHOQUETTE: Est-ce que le député de Rouyn-Noranda me
permettrait une interruption?
M. SAMSON: Avec plaisir.
M. CHOQUETTE: Je ne suis pas parmi les Pères de la
Confédération.
M. SAMSON: Non, mais peut-être parmi les fils les plus
âgés.
M. le Président, c'est vrai que le ministre, cet
après-midi, nous a parlé de tout ça et cela m'amène
à penser qu'il n'était pas tellement pressé. Là,
ça presse, non seulement le bill 2, mais tous les autres, ça
presse à un tel point...
M. VEILLEUX: Assoyez-vous, puis on va les voter.
M. SAMSON: M. le Président, l'honorable député de
Saint-Jean, qui n'est pas à son siège, m'invite à faire
comme il a fait depuis trois ans: Assoyez-vous et on va voter. Mais,
écoutez, je dirai à l'honorable député de
Saint-Jean...
M. VEILLEUX: Une chance que vous m'avez eu, par exemple, pour battre
Dupuis,...
M. SAMSON: ...que je n'ai pas été élu...
M. VEILLEUX: ...n'est-ce pas?
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. SAMSON: ...pour venir m'asseoir.
M. VEILLEUX: Une chance que vous m'avez eu !
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous pi ait"!
M. SAMSON: J'ai été élu pour représenter mes
électeurs.
M. VEILLEUX: Une chance que vous m'avez eu.
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, messieurs! A
l'ordre!
M. SAMSON: Si on faisait ce que l'honorable député de
Saint-Jean m'invite à faire, les électeurs de Rouyn-Noranda ne
m'auraient pas réélu. Je ne comprends pas pourquoi ils l'ont
réélu... je le comprends partiellement!
M. CHOQUETTE: Pour vous rendre service.
M. VEILLEUX: Une question de privilège, M. le
Président.
M. CHOQUETTE: Pour vous rendre service. Pour vous débarrasser de
votre chef.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Question de privilège.
M. VEILLEUX: Oui. Je dirai au député de Rouyn-Noranda que
c'est tout simplement pour tenir la promesse que je lui avais faite au mois de
juin, ici. Il est bien content aujourd'hui que j'aie tenu ma promesse!
M. SAMSON: M. le Président, c'est la seule
promesse non publique que le Parti libéral a tenue.
Mais pour en revenir à la pertinence du débat, M. le
Président, parce que vous savez que jamais je n'aurais voulu ne pas
parler sur la motion qui nous est présentée, c'est à cause
du député de Saint-Jean si j'ai dû m'écarter un peu
de ce débat et vous le savez, vous étiez tout près.
Mais...
M. VEILLEUX: De votre chef aussi.
M. SAMSON: ...pour en revenir à des choses sérieuses, le
ministre de la Justice sera sûrement d'accord...
M. CHOQUETTE: En voulant être sérieux!
M. SAMSON: ...pour retarder d'un mois l'étude de ce projet de
loi. Il y a des groupements de locataires qui viendront vous revoir d'ici ce
temps-là. Donnez-leur cette chance et vous allez...
M. CHOQUETTE: Je les ai tous vus.
M. SAMSON: ...voir... Vous ne leur avez pas donné la chance.
C'est entendu, le ministre de la Justice va nous dire: On les a entendus. On a
eu des commissions parlementaires. Mais, il y a eu des élections depuis
ce temps. Vous avez fait des promesses depuis ce temps.
M. CHOQUETTE: Oui, mais on en a 102.
M. SAMSON: Vous en avez fait des choses depuis ce temps, sauf donner
justice aux locataires du Québec. Cela n'est pas encore
réglé. Vous n'avez pas fait.cela encore, même si vous nous
dites qu'il y a eu des commissions parlementaires; on le sait, ça. Vous
vous rappelez, M. le ministre, qu'à l'occasion de la dernière
Législature, le représentant du Parti créditiste
siégeait à cette commission parlementaire il n'est plus
des nôtres aujourd'hui et vous avez eu de très bonnes
paroles à son endroit. Vous avez eu, je pense, à l'occasion, de
très bonnes paroles en disant que le député de Portneuf,
l'ancien député de Portneuf je demande pardon à
l'actuel le député de Portneuf du temps... Si j'ai
demandé pardon à l'actuel député de Portneuf, c'est
parce que je sais, et il le sait lui aussi, qu'il ne pourra jamais remplacer
l'ancien député de Portneuf. Mais l'ancien député
de Portneuf, qui avait suivi...
M. PAGE: Une question de privilège, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Une question de privilège.
M. PAGE: Je n'ai, d'aucune façon, ni directe, ni indirecte,
souligné que je ne pourrais pas remplacer l'ex-député; au
contraire,...
UNE VOIX: C'était beaucoup mieux.
M. PAGE: ...plus de 12,000 électeurs du comté ont eu
confiance dans mes capacités, que, j'en suis convaincu, je serai en
mesure de prouver et de concrétiser, au cours du mandat, à la
grande surprise de l'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, si jamais ce député
fait ses preuves, je serai le premier à l'admettre et à le
féliciter. Si jamais, bien entendu! Mais l'ancien député
de Portneuf, lui, avait fait ses preuves. Il avait suivi ces commissions
parlementaires de façon très attentive. Si, aujourd'hui, il avait
la chance de participer à ce débat pour reporter à un mois
la deuxième lecture de ce projet de loi, je suis persuadé qu'il
aurait non seulement la conviction mais les arguments pour convaincre le
ministre de retarder cette deuxième lecture, comme d'ailleurs il a eu
ses argumentations assez souvent et qu'il a déjà réussi...
Comment, y a-t-il encore quelqu'un qui gronde?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Vous avez déjà
dépassé votre temps d'une minute.
M. SAMSON: Ne me dites pas, M. le Président. Je faisais
simplement commencer à convaincre le ministre.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Ah bien, d'accord, vous avez
terminé. L'honorable député d'Anjou.
M. Yves Tardif
M. TARDIF: M. le Président, si j'interviens ce soir, c'est parce
qu'il y a tout de même un certain nombre de choses qu'on peut
décrire comme étant des contrevérités qui ont
été dites ce soir par les députés de Saguenay, de
Chicoutimi, de Saint-Jacques et de Lafontaine,...
M. MERCIER: Tout la "gang".
M. TARDIF: ...oui, enfin tout le groupe. Si je prends la parole, c'est
pour essayer d'apporter des éclaircissements quant à ce qui a
été dit ce soir.
Ce n'est certainement pas le député de Saint-Jacques, avec
son art oratoire destiné aux tribunes, qui m'a incité à
prendre la parole, ce soir, pour dire ce que je pense de cette motion qui vise
à retarder d'un mois la deuxième lecture.
Tout d'abord, je pense qu'il y a passablement de confusion en ce qui a
trait aux différents projets de loi qui ont déjà
été présentés. On a parlé des projets de loi
nos 59, 78, 79, 2 et 3. Mais quand on fait une comparaison avec le projet de
loi no 2, on doit la faire avec le projet de loi no 78 parce que le projet de
loi no 59, créant une Chambre des
loyers, contenait également des modifications au code civil. Or,
ce projet de loi a été remplacé par les projets de loi nos
78 et 79 qui, eux, visaient le même but mais étaient
divisés en deux pour en arriver à rejoindre le but qu'on voulait
atteindre de façon plus facile, c'est-à-dire que le projet de loi
no 78 apportait des modifications au chapitre du louage des choses, dans le
code civil, alors que le projet de loi no 79 créait une Chambre des
loyers.
Si on fait la comparaison entre le projet de loi no 78 et le projet de
loi no 2, on se rendra compte qu'il n'y a pas tellement de différence
dans la rédaction des deux textes. La seule différence, c'est que
ce soir tous les députés du Parti québécois ont
parlé beaucoup plus longtemps du projet de loi no 3 que du projet de loi
no 2. C'est pour cela qu'il y a eu confusion dans leur esprit. Ils ont
réussi à tous parler ce soir. Il y en a un qui n'a pas
parlé c'est le chef de l'Opposition mais je lui fais
confiance, il va probablement continuer à jeter de la confusion dans ce
débat, pour pouvoir faire croire aux gens qu'on a reculé sur
cette question, ce qui n'est pas le cas.
UNE VOIX: Ah non!
M. LESSARD: Le député n'était pas ici quand on a
discuté du projet de loi no 59.
M. TARDIF: M. le Président, j'ai lu, parce que je recevais les
projets de loi chez nous, les projets de loi nos 78 et 79. C'est-y correct pour
vous autres, ça, les gars?
M. LESSARD: Cela dépend. Probablement qu'il ne les comprenait
pas!
M. BEDARD (Chicoutimi): Cela ne veut pas dire qu'il les comprenait, M.
le Ministre de la Justice, même s'il les recevait.
M. TARDIF: M. le Président, c'est pour cela qu'en fin de compte,
le délai d'un mois est une autre mesure dilatoire dont on a eu l'exemple
le plus frappant, le plus convaincant, au cours des derniers jours, lorsqu'on
étudiait un autre projet de loi, un exemple frappant du Parti
québécois pour essayer de tout retarder, pour qu'à la fin
de notre mandat on ne puisse pas dire encore une fois qu'on a fait adopter 400
lois, comme on l'a fait durant le dernier mandat, pour réduire ce qu'il
calcule être notre efficacité maximum, efficacité dont on a
fait preuve durant le dernier mandat.
M. le Président, c'est une façon malhonnête, je
pense, de s'opposer à un projet de loi, parce que si on retarde d'un
mois ou de deux mois l'adoption de ce projet de loi, les gens qui vont
renouveler leur bail le 1er janvier et le 1er février et il y en
a ne seront pas protégés par les dispositions qui sont
incluses dans le projet de loi no 2, qui pourrait être adopté
d'ici la fin de semaine et qui pourrait les protéger.
Je comprends que le ministre de la Justice soit mal placé pour
faire état des pseudo-pressions qui ont pu exister au caucus. Il n'y en
a pas eu, de ces pseudo-pressions, au caucus, sur le projet de loi no 2. Encore
là, c'est de l'invention basée sans doute sur différents
rapports qui ont été publiés dans les journaux que
j'ai lus moi-même qui ne concordent pas avec la
vérité. Sans fouiller, sans chercher à trouver la source
de cela, on s'est tout simplement fondé sur des articles qui ont
été publiés dans les journaux pour dire que le ministre de
la Justice a reculé sur ce projet de loi, qui est fondamental.
A un moment donné, je me suis dit: II y a peut-être des
députés qui vont essayer d'établir les principales
différences entre le projet de loi no 78 et le projet de loi no 2 et
nous montrer de quelle façon on a reculé. Le député
de Lafontaine a bien essayé mais je n'ai à peu près rien
trouvé. Il a parlé du stationnement, entre autres, qui
n'était pas inclus maintenant.
UNE VOIX: ...
M. TARDIF: C'est probablement pour cela. Il ne faut pas oublier que
c'est un propriétaire, le député de Lafontaine. Mais quand
on parle de stationnement, c'est une mesure, encore là, qui peut
protéger ceux qui ont plus les moyens. Quand on parle de stationnement,
on parle de grosses maisons d'appartements, dont les loyers sont de $175, $200
ou $300 par mois, pas de ceux qui habitent dans un logement à $85 ou
$100 par mois. D'eux on ne se préoccupe pas parce qu'ils n'ont pas de
place pour stationner. Ils stationnent dans la rue. Ils n'ont pas un garage
chauffé, à l'intérieur, où ils doivent payer $10,
$15 ou $20 par mois.
Encore là, vous voyez, ce sont des choses que les gens ne savent
pas toujours, M. le Président. Mais on capitalise sur chacun de ces
points pour se faire, encore une fois, un capital politique, comme on l'a fait
au cours de la semaine dernière.
UNE VOIX: ...
M. TARDIF: C'est cela, exactement. Je pense que c'est la façon la
plus simple d'interpréter cela.
Il n'y a pas eu de pressions, au sein du caucus, M. le
Président.
Ceux qui ont été députés ici, le
député de Maisonneuve, le député de Saguenay, le
député de Saint-Jacques, ainsi que le député de
Lafontaine, ont eu l'occasion d'entendre les représentations des
personnes qui sont venues ici pour faire part de leurs commentaires
relativement aux projets de loi nos 58 et 59. S'ils ne les ont pas
écoutées, ce n'est pas de notre faute, mais nous autres, on les a
écoutées et on en a tenu compte dans ces projets de loi. Ce n'est
pas notre faute si eux n'ont pas écouté.
En plus de ça, on demande un délai d'un
mois; ça veut dire qu'on va revenir ici le 15 janvier. Est-ce
qu'on va siéger pendant la période des Fêtes? Est-ce que le
Parti québécois est prêt à siéger: Le
député de Saguenay a parlé, il parlera à son
tour.
M. LESSARD: Le député a peur de siéger? C'est sa
peur de siéger? Le député est payé pour
siéger.
M. TARDIF: D'abord, il devrait se lever quand il veut parler.
Debout.
De toute façon, c'est encore un autre exemple frappant,
convaincant pour ainsi dire, de la tactique, malhonnête, à mon
avis, au plan intellectuel, du Parti québécois de s'opposer
à ce qui est bon, tout simplement pour se faire du capital
politique.
On le dira aux prochaines élections dans les six comtés.
Je sais qu'après les prochaines élections il ne restera pas six
comtés au Parti québécois; il n'y en aura plus, on dira
que les six du Parti québécois ont voulu retarder cette mesure et
enlever une protection aux gens qui vont renouveler leur bail le 1er janvier,
le 1er février ou le 1er mars prochain. On va leur dire aux gens et il
va en rester pas mal moins de députés du Parti
québécois, quoiqu'en dise le député de
Saint-Jacques qui a essayé de nous faire pleurer sur ses
électeurs.
S'ils ont de la misère, les électeurs dans le comté
de Saint-Jacques, c'est peut-être parce que tout simplement le
député de Saint-Jacques ne s'en occupe pas. Je dis qu'on devrait
tout simplement battre cette motion et tout de suite.
M. VEILLEUX: Cela, c'est un discours.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le chef de l'Opposition.
M. Jacques-Yvan Morin
M. MORIN: M. le Président, j'ai été heureux
d'entendre le député d'Anjou nous rassurer à l'effet que
ce n'est pas le caucus du Parti libéral qui a forcé le ministre,
de projet de loi en projet de loi, à diminuer constamment la protection
accordée aux locataires.
Si ce n'est le caucus, qui alors? Pourquoi cette dégradation
graduelle...
M. VEILLEUX: Saint-Jean-Baptiste.
M. MORIN: ... de la protection accordée aux locataires?
Le ministre a, coup sur coup, modifié ses projets relativement
à la réforme générale qui avait été
promise en matière de loyer. On se souviendra du projet no 59, en 1972.
C'était un excellent projet. Comment se fait-il qu'il ne soit pas devant
nous ce soir?
Le ministre devait être félicité de ce projet que
les locataires avaient accueilli avec beaucoup d'enthousiasme parce qu'il leur
donnait une protection véritable, en tout cas beaucoup plus
considérable que celle que nous trouvons dans le présent
bill.
Après l'abandon du projet de loi 59, nous avons
hérité des projets 78 et 79, en 1972. Ces projets, à leur
tour, n'ont pas eu l'heur de plaire, si ce n'est au caucus libéral,
alors aux diverses associations de propriétaires. C'est ainsi qu'on a
été témoin d'une réimpression des bills 78 et 79,
en 1972, et, finalement, après de nouvelles modifications, nous voici
devant les bills 2 et 3, en 1973, qui constituent, en somme, une
quatrième version des projets originaux.
Qu'on vienne nous dire que ce n'est pas le caucus libéral, je
veux bien l'accepter avec un grain de sel, à condition qu'on me dise,
alors, qui. Quels sont les intérêts qui ont fait en sorte que
cette protection que nous trouvions excellente dans le bill 59 se soit
atténuée de projet en projet jusqu'à n'être plus que
l'ombre de ce qu'elle était au début?
Je voudrais consacrer quelques minutes au bail type.
Le projet de loi 2 contient en annexe un bail type qui, dans le but
d'informer le propriétaire et le locataire sur leurs droits et devoirs
respectifs, reprend les dispositions qui sont déjà obligatoires
et les dispositions d'ordre public du code civil, tel qu'amendé par le
projet de loi 9. Le bail type présente sans doute une certaine
amélioration en ce sens qu'il rend uniforme et obligatoire, dans le sens
où je le dirai à l'instant, une partie du contrat de location
d'un local d'habitation. Et, quand je dis uniforme et obligatoire, je me
réfère évidemment à la forme du bail, à la
grosseur du caractère et de la langue employée, non pas aux
dispositions régissant les rapports entre locateur et locataire en cours
de bail.
Ainsi, le bail type ne contient aucune disposition relative aux troubles
de fait qui peuvent être causés par la négligence du
propriétaire et rendre la jouissance de la chose pénible, voire
dans certains cas impossible. M. le Président, si je me penche sur ce
bail type, si je le commente, c'est parce que je crois qu'il serait utile que
les diverses associations de locataires puissent venir commenter et le contenu
du projet de loi et le contenu du bail type devant une commission
parlementaire. J'estime qu'en l'absence du caucus, puisque ce n'est pas le
caucus, nous dit-on, qui est intervenu, maintenant que le gouvernement a
écouté en coulisses les associations de propriétaires, il
serait temps qu'on entende l'autre partie, les locataires.
Imaginons, par exemple, que dans le contexte actuel de la crise de
l'énergie un propriétaire fasse défaut de se procurer
suffisamment de combustible et que les locataires aient à en souffrir.
Quels sont, sous l'empire du projet, les recours du locataire? Le tribunal
n'aura à juger de la situation que lorsque les délais normaux
se
seront écoulés et que la situation sera rétablie.
Donc, il n'y a rien dans ce projet de loi qui prévoit une situation
d'urgence, comme les situations qui pourraient se présenter cet hiver
même, et, de plus, il n'y a pas de services qui soient
considérés comme essentiels dans ce bail type.
Le gouvernement n'a pas pensé à toutes les solutions, me
semble-t-il, qui permettraient aux locataires et donc à la
majorité des citoyens, puisque la majorité sont des locataires au
Québec, de faire des pressions auprès des propriétaires,
qui sont une minorité de citoyens, je le répète, afin
qu'ils respectent leurs engagements dans les situations d'urgence.
Je rappellerais aussi, entre autres, les problèmes qu'ont
entraînés à plusieurs reprises les coupures
d'électricité effectuées par l'Hydro-Québec
à des maisons d'appartements, en vue de forcer le propriétaire
à payer ses comptes. Mais la véritable victime ça n'a pas
été le propriétaire, ça a été dans
ces cas-là les locataires. On aurait dû prévoir ce type de
problèmes, je ne vois pas pourquoi on ne l'a pas fait. On aurait
dû inclure dans la présente réforme une sorte de charte des
droits du locataire ou encore prévoir des mécanismes afin de
permettre une solution rapide aux problèmes d'urgence.
On aurait dû inclure aussi aux clauses obligatoires du bail type
les différents choix possibles afin de régler tout
problème urgent entre les parties lors de la signature du bail. Par
exemple, on aurait dû préciser une diminution automatique du loyer
ou un droit de résiliation automatique du bail lorsqu'un
propriétaire cesse de fournir les services essentiels. La voix commence
à me manquer, M. le Président...
UNE VOIX: Donnez-lui des pilules.
M. MORIN: Voilà le type de suggestion qui pourrait être
débattu au sein de la commission parlementaire, si ce bill était
remis à un mois. Je me permets d'aller peut-être encore un peu
plus avant dans le sens des suggestions, parce que nous avons, nous de
l'Opposition, du Parti québécois, reçu de la part des
locataires de très nombreuses suggestions depuis que ces questions sont
débattues dans l'Assemblée nationale, c'est-à-dire depuis
le projet no 59 en particulier.
Par exemple, est-ce qu'on ne pourrait pas prévoir une disposition
relative au chauffage?
Cette disposition pourrait se lire comme ceci: Le locateur chauffera les
lieux loués à une température raisonnable qui ne peut
être inférieur à 72o dans la période comprise entre
le 1er octobre et le 30 avril...
M. CHOQUETTE: Trop chaud. M. MORIN: ... et durant...
UNE VOIX: Ils vont déterminer la chaleur des astres!
M. MORIN: ... toute autre période qui peut être requise,
afin de donner au locataire le plein usage et jouissance des lieux loués
et le locateur fournira au locataire l'eau chaude pour son usage domestique,
par exemple.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je voudrais attirer l'attention du chef de
l'Opposition. C'est le député de Maisonneuve qui a parlé
au nom du parti dans ce projet de loi en deuxième lecture et, pour la
motion d'amendement, vous avez droit à dix minutes, qui sont
déjà expirées.
M. MORIN: Puisque mes dix minutes sont expirées, M. le
Président...
DES VOIX: Vote, vote.
M. BURNS: C'est moi, est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de
Maisonneuve.
M. MORIN: Vous êtes sûr qu'il n'y en a pas un autre?
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, j'ai été moi aussi
étonné par les remarques du jeune député
d'Anjou...
UNE VOIX: Brillant.
M. BURNS: C'est vous qui le dites. Ce n'est sûrement pas moi. Je
n'ai pas été impressionné, cependant par la brillance de
ses remarques. J'en prends à témoin plusieurs membres de
l'Assemblée, j'ai à plusieurs reprises félicité des
nouveaux députés peut-être pas à plusieurs
reprises, mais à deux ou trois reprises au moins qui se sont
exprimés en cette Chambre. Je ne veux pas blesser leur modestie en les
nommant. Mais quand je vois en face de moi des interventions brillantes et le
député de Terrebonne a lui aussi à l'occasion reçu
mes félicitations; ça n'arrive pas souvent dans son cas,
mais...
M. HARDY: Vous êtes conservateur dans vos
appréciations.
M. BURNS: Au contraire, on me dit que je suis le plus prodigue dans mes
appréciations avec mes adversaires ou dans l'appréciation de
leurs qualités. M. le Président, je veux bien rester dans le
sujet, mais si on me tire constamment en dehors du sujet, moi, ce n'est pas mon
problème.
M. SAINT-HILAIRE: Cela va être plus intéressant.
M. HARDY: Vous succombez facilement à la tentation.
M. BURNS: Je disais donc, M. le Président, que j'ai
été étonné de voir ce jeune et fougueux
député d'Anjou nous dire jusqu'à quel point il
réprouvait l'approche du député de Chicoutimi, en
proposant de reporter à un mois l'étude du projet de noi no 2.
Semble-t-il, M. le Président, selon lui c'est quelque chose d'absolument
impensable. C'est quelque chose d'absolument étonnant qu'on demande de
reporter à un mois l'étude d'un projet de loi comme celui-ci.
Or, je n'ai pas besoin de refaire tout l'historique que j'ai fait
tantôt au cours de mon intervention de deuxième lecture. Je peux
simplement vous rappeler, quant au problème que nous étudions par
le projet de loi no 2 et qui sera partiellement complété par
l'étude du projet de loi no 3, que nous réclamons constamment
depuis décembre 1970 qu'on y trouve une solution.
A chaque fois, le ministre de la Justice nous a dit: Cela n'est pas tout
à fait prêt. Cela s'en vient, en 1971. J'ai cité l'extrait
du journal des Débats tantôt; il nous dit: II y a encore des
recherches qui se font et, finalement, il s'est engagé dans cette
réforme et on a applaudi cette réforme lorsqu'elle est
arrivée avec le bill 59. On l'a un petit peu moins applaudi lorsque
c'est revenu sous la forme du bill 78 et du bill 79 à la session
suivante, et encore moins lorsque cela a été
réimprimé, et là on l'applaudit encore moins. Il reste
quand même que nous sommes à trois ans de cette première
promesse qui nous avait été faite en 1970, et nous nous
retrouvons avec des débris, dans le fond, du premier projet de loi.
Ce qu'on vous demande, justement à cause de l'importance de ce
projet de loi, c'est de le retarder encore, s'il le faut, d'un petit mois. Cela
n'est pas énorme ce que nous demandons. J'entendais tantôt le
député d'Anjou parler de qualité dilatoire dans son
langage à lui, je dirais même de défaut dilatoire de
notre motion. Il est bien sûr que c'est une motion dilatoire, une motion
qui demande qu'un projet de loi soit reporté à un mois au point
de vue de l'adoption de sa deuxième lecture. Il est sûr que c'est
dilatoire...
M. TARDIF: Je le sais.
M. BURNS: II n'y a rien de plus clair que c'est dilatoire de remettre un
projet de loi à un mois mais, par contre, le fait de remettre un projet
de loi à un mois cela ne veut pas nécessairement dire que cette
mesure dilatoire est une mesure péjorative à l'égard du
projet de loi. Je l'ai admis tantôt au ministre de la Justice que nous
voterions, s'il le fallait, en deuxième lecture sur ce projet de loi. Je
l'ai admis parce que, même si la réforme n'est pas parfaite, je
considère que c'est quand même mieux que ce qui existe
actuellement.
Cependant, c'est à cause justement de tout l'intérêt
que soulève ce problème, à cause de toutes les
réactions qu'on a vécues autour des divers projets, tant les
critiques que nous avions formulées en 1970 à l'égard d'un
simple renouvellement du projet de loi favorisant la conciliation entre
propriétaires et locataires qu'à l'égard des divers
projets de loi, qu'on ne peut pas nier l'intérêt qu'il y a autour
de ce genre de loi. Si on a assisté aux commissions parlementaires qui
ont suivi le dépôt du projet de loi 59, et même en cours de
route lorsque nous avons examiné les modifications qui étaient
proposées par le ministre de la Justice, c'est justement cette
même attitude généralisée, tant du côté
des propriétaires que du côté des locataires, qui nous fait
dire au ministre de la Justice, qui nous fait dire au gouvernement: Essayez
donc une dernière fois de tester, auprès des gens qui se sentent
directement concernés, votre appréciation de leurs remarques. Si,
comme le disait le député d'Anjou, tantôt, ce n'est pas le
caucus qui a forcé le ministre à battre en retraite, qui donc a
forcé le ministre de la Justice à battre en retraite sur ces
divers projets de loi pour nous arriver avec une forme tellement
dilluée, dans le projet de loi no 2, des propositions qui étaient
soumises ou des dispositions avancées dans le projet de loi no 59? Qui
donc a mis tellement de pressions qu'on en soit rendu à une
"réformette", comme le disait un éditorialiste, ces jours-ci?
On semble, du côté du gouvernement, particulièrement
du côté du seul député ministériel qui se
soit exprimé, être ahuri par le fait qu'on demande de retarder
l'adoption de ce projet de loi d'un mois.
Or, ce député devrait savoir qu'on a même,
l'année dernière, retardé d'un mois la demande que j'avais
faite au ministre de régler le problème des hausses abusives qui
avait commencé à prendre naissance à la suite de ce que je
décrivais, au cours du débat de deuxième lecture, comme
cette espèce d'incertitude chez les propriétaires.
Le 29 janvier, plus exactement, j'écrivais au ministre je
suis convaincu que je n'étais pas le premier à faire cette
demande au ministre et je lui disais: Devant les remarques qui nous sont
faites tant par les associations de locataires que par les groupements les plus
divers qui sont intéressés à l'évolution du
coût des loyers que et c'était une autorité, en
particulier, assez impressionnante par les fonctionnaires et les
administrateurs de la Régie des loyers, on apprenait que, tout d'un
coup, en janvier 1973, les augmentations de loyer prenaient une courbe qu'on
n'avait jamais vue, une courbe ascendante absolument étonnante. Le 29
janvier, devant ça, après plusieurs personnes probablement, je
demandais au ministre de faire quelque chose qui pouvait, disais-je dans ma
lettre, aller jusqu'à une loi rétroactive. M. le
Président, cela a pris combien de temps avant de l'adopter, cette loi?
Je ne blâme pas le ministre d'avoir
fait son devoir. Il l'a fait, son devoir. Ce projet de loi, qui
s'intitulait Loi pour empêcher les hausses abusives de loyers en 1973, on
l'a adopté près d'un mois plus tard, c'est-à-dire le 27
février 1973. Encore là, je dis près d'un mois plus tard,
à la suite de ma lettre qui, sans doute, n'a pas été la
seule à motiver le ministre à faire ces modifications. C'est sans
doute les pressions des associations de locataires, c'est sans doute aussi les
pressions faites par un tas de groupements populaires, de corps
intermédiaires qui ont motivé, en plus de nos suggestions, le
ministre à faire adopter par l'Assemblée nationale ce projet de
loi. Cette loi, qui était aussi nécessaire, a subi le
délai d'un mois, mais, là, on ne vous demande pas un délai
d'un mois uniquement pour une raison d'ordre pratique, parce que
l'Assemblée nationale ne siège pas. Contrairement à ce que
disait le député d'Anjou, les députés de
l'Opposition ne sont pas inquiets d'avoir à siéger dans
l'intersession. Ils ne sont pas inquiets d'avoir à siéger durant
le mois de janvier. S'il faut siéger dans le mois de janvier, on
siégera, M. le Président. Il n'y a personne d'absolument
énervé par le fait qu'on doive siéger durant le mois de
janvier. Imaginez-vous donc que la majorité des travailleurs au
Québec, cela ne les inquiète pas de travailler, eux autres, le
lendemain, puis le surlendemain du Jour de l'An.
M. TARDIF: Nous autres, non plus.
M. BURNS: Puis, il n'y en a pas beaucoup, M. le Président...
M. LEVESQUE: On n'a pas peur des faits. On est prêt, il n'y a pas
de problème.
M. BURNS: D'accord, M. le Président. M. LEVESQUE: Parlez pour vos
gars.
M. BURNS: Alors, on est d'accord sur cette affaire-là. Je
relève les remarques qui ont été faites par le seul
député ministériel qui a parlé là-dessus.
Cela semblait être un sacrilège que de parler de siéger,
imaginez-vous donc, M. le Président, en janvier! Mais, mon Dieu, M. le
Président, c'est incompréhensible que des parlementaires
travaillent en janvier ! Tout le monde sait que c'est réservé
pour les voyages à Miami, le mois de janvier. Voyons-donc !
M. TARDIF : Ce n'est pas ça que j'ai dit.
M. BURNS: M. le Président, ce n'est peut-être pas ça
que vous avez dit, mais c'est ce que j'ai lu à travers des phrases que
vous nous avez lancées.
M. TARDIF: C'est de l'interprétation.
M. BURNS: M. le Président, mais j'ai le droit
d'interpréter ça, n'est-ce pas, M. le député de
Laurier? J'ai le droit d'interpréter cet étonnement de la
part d'un jeune député...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre!
M. BURNS: ... qui, lui au moins, ne devrait pas être
encroûté, M. le Président, dans cette espèce de
système de vacances sur session sur vacances. Il ne devrait pas
l'être encore; il n'a pas connu ça encore. Que ce soit un
député expérimenté, qui le mérite,
d'ailleurs, qui travaille tellement fort, comme le leader du gouvernement, qui
dise qu'il trouve ça scandaleux, je le comprendrais, parce qu'avec la
somme de travail qu'il met, tous les jours, à mener les débats de
la Chambre au nom du gouvernement, avoir...
M. CHOQUETTE: Voulez-vous qu'il vous emmène?
M. BURNS: Pardon?
M. CHOQUETTE: Voulez-vous qu'il vous emmène?
M. BURNS: Je ne haïrais pas cela.
M. le Président, pour revenir au sérieux, je dis
simplement ceci: Tantôt j'écoutais mes collègues parler
à ce sujet et j'ai feuilleté ce qu'on appelle communément
un dossier de "clipping".
Je vous ferai grâce des articles. Mais je vais vous montrer
simplement l'intérêt que comporte, pour la population en
général, ce type de loi. Probablement que le ministre de la
Justice a même un dossier de découpures de journaux beaucoup plus
perfectionné que le mien. C'est possible qu'avec les services qu'il a.
Je ne ferai pas comme le député de Beauce-Sud et me plaindre de
nos services de recherche, mais ils sont probablement moins
perfectionnés, comme le député de Beauce-Sud va
l'admettre, que ceux du ministère de la Justice. Mais, malgré
ça... Je ne veux pas provoquer le député de
Beuce-Sud...
M. ROY: Je suis très calme! UNE VOIX: Si vous continuez...
M. BURNS: ... je veux tout simplement très brièvement et
je le fais très sérieusement je demande au ministre de la
Justice de me croire là-dessus relever un certain nombre de
titres de journaux qu'on a vus au cours de la période de juillet 1972
jusqu'à la fin de 1972, c'est-à-dire aux environs du
dépôt du projet de loi no 59.
Je vous donne des exemples, sans citer constamment le journal, et je
vous demande de me croire, à moins que vous ne le veuilliez.
UNE VOIX: Cela n'a pas d'importance.
M. BURNS: Bien, pour le député de Rimouski, c'est
sûr que cela n'a pas d'importance. Il ne sait pas ce qui se passe ici
depuis qu'il est arrivé. Alors, je le lui pardonne bien. Mais je
m'adresse aux gens, en face de moi, qui savent ce qui se passe.
Je lui demande tout simplement de ne pas déranger cette
discussion entre adultes. Jusqu'à maintenant cela va bien.
M. MALOUIN: Adultes consentants. M. VEILLEUX: Elle est forte
celle-là. UNE VOIX: En arrière.
M. BURNS: C'est sûr que j'ai des gens, tout autour de moi, qui
comprennent la discussion entre adultes. Je vois le député de
Saint-Henri qui vient d'arriver et je suis content de voir qu'il arrive juste
au moment où les vraies choses se disent dans l'Assemblée
nationale. Je le vois.
M. SHANKS: Je n'ai pas perdu mon temps, vous voyez !
M. MARCHAND: II a consulté Mgr Grégoire!
M. BURNS: M. le Président, je veux tout simplement dire ceci. Je
cite au hasard des titres qui, j'espère, vont convaincre le ministre de
la Justice. "Hausse du coût des loyers limité à 5 p.c,
expiration des baux le 30 juin", le Soleil, le 7 juillet 1972.
Je ne les commenterai pas mais vous allez voir, simplement en faisant
quelques relevés, jusqu'à quel point c'est intéressant
pour la population en général. Autres titres de journaux: "Le
nouveau code des loyers, pour les proprios, c'est du socialisme alors que les
locataires sont satisfaits". C'était l'Action du 7 septembre 1970 qui
titrait comme ça.
Autre titre du Soleil, le 28 septembre 1972: "Choquette: Le code des
loyers assurera l'universalité et la permanence dans la loi". On y
consacre, sur trois colonnes, un article. "Encore une fois, face au bill 59,
affrontement entre propriétaires et locataires. Le bill 59 est bon ou
mauvais, selon qu'on est propriétaire ou locataire", le Soleil du 18
octobre. Remarquez qu'une nouvelle comme celle-là et qui reste
c'est pour cela que je cite délibérément les dates
dans les titres de journaux pendant aussi longtemps, c'est un signe assez
spécial.
Le Devoir: "Le code des loyers, le ministre tiraillé entre
locataires et propriétaires", 19 octobre 1972. Remarquez qu'on est parti
de juillet, M. le Président. "Choquette au centre du débat sur le
bill 59", la Presse, 19 octobre 1972. Je cite le début. Vous allez voir
jusqu'à quel point on tente de montrer comment les gens veulent
participer à cette affaire. "Le ministre Jérôme Choquette
est tiraillé entre le bloc des propriétaires et celui des
locataires depuis la présentation, en juillet, de son projet de loi sur
le code des loyers". Et tout l'article continue en donnant les positions
publiques et des propriétaires et des locataires. "Levée de
boucliers contre la loi 59", la Presse du 9 octobre 1972. "Québec veut
assouplir et non abandonner le contrôle étatique du coût des
loyers", la Presse, 4 novembre 1972. On est rendu en novembre, toujours sur le
même projet de loi.
Québec Presse: "Les loyers pourront grimper", 5 novembre. Vous ne
l'aimez pas celle-là? Cela ne fait rien, c'est un journal, vous allez
admettre ça.
M. VEILLEUX: Je suis en train de le lire!
M. BURNS: Le Soleil du 27 novembre, je vous exhibe la photocopie qui est
sur cinq colonnes: "Le Parlement défendra-t-il l'intérêt de
la population ou les intérêts des milieux d'affaires"? Cinq
colonnes, M. le Président.
UNE VOIX: Qui a dit ça?
M. BURNS: C'est le Soleil qui le distrait comme cela!
Là, M. le Président, je pourrais vous lire une
série de titres qui, d'une part, donnent la position des
propriétaires et, d'autre part, la position des locataires. Je vais vous
en donner seulement quelques-uns. Du côté des
propriétaires, imaginez-vous l'importance d'un titre comme celui-ci,
qu'on retrouve aux alentours de la même date. Malheureusement, je n'ai
pas la date exacte.
Dans le Devoir, on voit le titre suivant: "Face au projet de loi 59, les
investisseurs craignent d'être forcés d'abandonner la construction
domiciliaire". Bien oui, c'est sûr que ce sont des points de vue mais
vous allez voir que cela justifie notre motion d'un mois. C'est justement ce
que je suis en train d'essayer de vous prouver. "La Chambre de commerce du
Québec s'oppose au futur code des loyers", le 17 octobre 1972, dans le
Devoir encore une fois. "Il faut repenser les principes du bill 59", la Chambre
de commerce, La Presse, 17 octobre 1972. "Le contrôle des loyers pourrait
causer un désinvestissement marqué", le Soleil, 18 octobre
1972.
Je saute les autres cas, M. le Président, qui sont du
côté des propriétaires mais on retrouve la même chose
du côté des locataires. "Le bill 59, base de protection des
locataires", le Journal de Québec, 11 juillet. Ce sont les associations
de locataires qui commencent. "La Fédération des associations de
locataires du Québec et le code des loyers: On y met le paquet! " Vous
avez un article, dans le Montréal-Matin, sur cinq colonnes. Enfin, M. le
Président, autre exemple: "Le code des loyers
ne règle pas tous les problèmes de l'habitation des
locataires".
M. le Président, je pourrais continuer à vous donner
d'autres titres. Il y en a en masse. Je suis sûr que c'est très
partiel, ce que je vous donne. Ce que nous tentons de vous soumettre et ce
pourquoi nous tentons de vous convaincre, c'est justement cet
intérêt autour d'un problème tel que celui de la
régie des loyers, au sens large du mot, du contrôle des loyers. Si
on se hâte d'adopter un projet de loi qui comporte autant
d'intérêt que celui-là, qui, dans le fond, est en
diminution constante au point de vue de la protection des droits de ce
consommateur qui s'appelle le locataire, depuis le bill 59 jusqu'au projet de
loi que nous étudions actuellement, je trouve que nous faisons erreur.
Nous devons prendre cette dernière chance de consulter les gens
concernés.
C'est la raison pour laquelle, M. le Président, le délai
mis dans la motion du député de Chicoutimi n'est pas plus long.
Si nous avions voulu tuer ce bill, en termes parlementaires, nous aurions mis
un délai beaucoup plus long: six mois, huit mois, un an, n'importe quoi.
Ce n'est pas du tout notre intention. Encore une fois, je le
répète, comme je l'ai dit tantôt, c'est un projet de loi
qui, on doit l'admettre, améliore la situation. Jusqu'à quel
point il l'améliore, M. le Président? Je ne suis pas certain
qu'on doive applaudir très fort. Je ne suis pas certain qu'on n'ait pas
oublié en chemin un tas de réformes importantes qui se trouvaient
dans les projets de loi antérieurs, qui pourraient très
facilement être remises dans le projet de loi final, sans tout
chambarder, comme semblait vouloir le dire le ministre de la Justice.
Son inquiétude, depuis le début: Ce n'est pas sûr
qu'une réforme globale soit préférable. Même s'il
l'a promise à l'élection de 1970 et antérieurement
quand il était dans l'Opposition, il en a parlé longtemps
il n'est pas sûr, dit-il, qu'on ne cause pas plus de problèmes en
faisant une réforme globale qu'en faisant des petites
"réformettes" côte à côte, parallèles. M. le
Président, si c'est l'opinion du ministre de la Justice, qu'il la
vérifie auprès des personnes concernées, auprès des
gens dont la préoccupation quotidienne se trouve dans ces relations
entre locataires et propriétaires.
Entre autres, j'aimerais bien, après avoir entendu, pas plus tard
que ce matin, à l'émission Présent, à Radio-Canada,
des remarques faites par M. Simon Langlois, qui était autrefois, au
moment où nous avons étudié ces projets de loi,
président de la Fédération des associations de locataires
du Québec, entendre M. Langlois, qui est professeur à
l'université Laval, venir nous donner son point de vue.
J'aimerais bien, entre autres vous vous en souviendrez vous, M.
le Président, qui avez suivi de près cette commission
parlementaire que le professeur Chung revienne nous dire ce qu'il pense
de la dilution qu'on a faite du projet de loi 59 et de la dilution
postérieure des projets de loi 78 et 79. C'est lui qui nous avait vendu
l'idée d'une réforme globale non seulement en matière de
régie ou de contrôle des loyers, mais en matière
d'habitation et qui nous avait dit, à ce moment je m'en souviens
très bien . Vous ne ferez rien de véritablement
significatif si vous ne faites pas une réforme globale en matière
d'habitation.
J'aimerais bien que M. Chung vienne nous dire maintenant ce qu'il pense
devant une commission parlementaire relativement à ce restant de projet
de loi.
Je termine, je sais qu'il me reste à peine cinq minutes. Je sais
qu'il y a un tas d'experts, comme ceux que je viens de nommer, que nous
aimerions entendre je vous le dis bien simplement pas seulement
pour notre satisfaction à nous, les députés de
l'Opposition, mais pour la satisfaction je vous prie de me croire
là-dessus des nouveaux députés qui sont
arrivés en cette Chambre. Et, si je jette un coup d'oeil tout autour, il
semble y en avoir plusieurs.
C'est important pour eux, pour le ministre d'Etat, le
député de Bourassa, qui je le sais, est particulièrement
intéressée par ces choses, mais qui n'a pas je ne la
blâme pas là-dessus suivi les travaux de la commission
parlementaire, qui n'a pas entendu les remarques de personnes comme M. Chung
que je nommais tantôt, comme des représentants des associations de
locataires et même des associations de propriétaires. J'aimerais
bien ça qu'ils viennent nous dire ce serait assez impressionnant
quelle est leur réaction vis-à-vis de ce projet de
loi.
Cela peut se faire sans qu'on soit obligé de siéger de
façon éternelle. Je serais même prêt, d'avance, si le
ministre acceptait la motion du député de Chicoutimi, à
relever le gouvernement de toutes les tracasseries de procédure qui se
trouvent dans notre règlement lorsqu'on convoque des parties,
c'est-à-dire avis de 20 jours ou de 30 jours, dépôt d'un
mémoire et dépôt d'un résumé. Je dis d'avance
que nous sommes prêts à relever le gouvernement de ces
problèmes de procédure.
Notre but finalement et fondamentalement est de dire: Quand nous
adopterons le projet de loi no 2, nous n'aurons aucunement
épargné les moyens pour nous assurer que les gens qui seront
régis par ce projet de loi sont régis de façon non
seulement acceptable par eux, mais de façon efficace pour eux. C'est
dans ce sens que le député de Chicoutimi, j'en suis sûr, a
fait cette motion; motion dilatoire encore une fois, je l'admets
mais dilatoire pour une fin précise, dans le but de faire
préciser un certain nombre de choses.
Entre autres, j'aimerais entendre des gens qui nous ont parlé
tout au cours de l'étude de ces projets. On pourra comparer leur
opinion, eu égard à ce nouveau texte. C'est dans ce sens que nous
faisons notre motion.
J'espère que le ministre de la Justice, depuis tantôt,
s'est ravisé. Il a vu dans notre motion
simplement une attitude agressive, méchante à
l'égard de son projet de loi. Il n'en est rien, je tiens à le
rassurer.
Je tiens à lui dire tout le respect qu'on a pour les efforts
qu'il a faits en vue de faire une véritable réforme, on est
d'accord et on va toujours l'appuyer, je l'assure de ça. Je l'assure de
notre appui lorsque les mesures qu'il présentera seront aussi
d'avant-garde que celles qu'il a tenté de mettre de l'avant dans le
projet de loi 59. Mais on va toujours l'aiguillonner, M. le Président,
ce même ministre de la Justice. Lorsqu'on le sentira fléchir des
genoux comme il le fait actuellement, lorsqu'on sentira que les pressions sur
ses épaules sont beaucoup trop lourdes, on ira le supporter; on se
mettra, le député de Saint-Jacques et moi, chaque
côté de lui et on le supportera et on dira: On va porter ta croix
avec toi mon cher Jérôme.
M. le Président, ce sont les remarques que j'avais à faire
sur cette motion et j'espère que le ministre de la Justice s'est
ravisé à la suite des brillantes interventions de mes
collègues sur ce sujet et surtout de la brillante intervention que je
viens de faire, M. le Président.
M. CHOQUETTE: M. le Président, vote.
LE PRESIDENT: Enregistré?
M. BURNS: Enregistré, M. le Président.
LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!
Vote sur la motion de report à un mois
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
Que ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement du
député de Chicoutimi veuillent bien se lever, s'il vous
plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard,
Bédard (Chicoutimi), Samson, Roy.
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Choquette, Lachapelle,
Quenneville, Mme Bacon, MM. Hardy, Tetley, Bienvenue, Forget, Harvey
(Jonquière), Vaillancourt, Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson,
Perreault, Brown, Kennedy, Bacon, Blank, Veilleux, Saint-Hilaire, Brisson,
Séguin, Saindon, Cornellier, Houde (Limoilou), Pilote, Ostiguy, Fraser,
Assad, Carpentier, Faucher, Marchand, Larivière, Shanks, Springate,
Beauregard, Bellemare, Boudreault, Boutin (Johnson), Boutin (Abitibi-Ouest),
Côté, Denis, Déziel, Harvey (Dubuc), Lachance, Lecours,
Malépart, Malouin, Mercier, Pagé, Picotte, Tardif, Tremblay.
LE SECRETAIRE: Pour: 8 Contre: 55
LE PRESIDENT: La motion est rejetée. Le député de
Lafontaine.
Reprise du débat de deuxième lecture M.
Marcel Léger
M. LEGER: M. le Président, l'intérêt que nous
manifestons et la volubilité qui semble être la
caractéristique des personnes qui ont parlé jusqu'à
maintenant concernant ce projet de loi ont pour objectif deux points: Le
premier est la qualité de la réforme que nous voudrions voir dans
ce projet de loi et, le deuxième, je pense que le ministre
lui-même l'a très bien saisi; ce n'est pas nécessaire
d'expliquer la deuxième raison qui nous a portés à scruter
de fond en comble un projet de loi de cette envergure.
Comme je le disais tantôt, depuis 1951 jusqu'à 1972, il n'y
avait eu qu'une seule loi qui avait créé un organisme qui
s'appelait la Régie des loyers.
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce que je pourrais
rappeler à l'honorable député que nous étudions le
projet de loi no 2, qui s'appelle Loi concernant le louage de choses?
M. LEGER: Ce projet de loi no 2 est la conclusion d'une situation qui
existe depuis 1951. Si nous parlons justement des étapes
antérieures, c'est pour prouver jusqu'à quel point il manque dans
cette loi qu'on nous présente des choses essentielles. Pour la bonne
compréhension, je notais jusqu'à quel point une réforme du
code des loyers était importante, puisqu'il n'y avait rien eu de 1951
à 1972. En 1972, on nous a présenté un projet de loi qui
s'appelait le bill 59.
DES VOIX: A l'ordre!
M. LEGER: Comme on sait que le bill 2 est un mélange de ce qui
existait dans le bill 59, dans le bill 78 et dans le bill 79, nous voudrions
revoir dans le bill 2 les points qui avaient été apportés
lors de la présentation du ministre de la Justice, qui lui-même
s'était fait l'avocat d'une réforme en profondeur. Pour justifier
ce que j'énonce, le député de Maisonneuve avait même
félicité, à ce moment, le ministre de la Justice, qui a
reculé aujourd'hui, d'avoir justement apporté un commencement de
réforme, alors que, dans le bill 2 qu'on nous présente
aujourd'hui, il n'y a justement aucune réforme, sauf deux points bien
particuliers que je nommerai tantôt.
A ce moment, le député de Maisonneuve je voudrais
bien, malgré toute sa modestie, lui faire réaliser que, dans sa
présentation, il avait
félicité le ministre avait dit: "Nous sommes
heureux d'en féliciter le ministre, de concert sans doute avec tous ceux
qui comme nous réclament cette mesure depuis plusieurs années
sans négliger cet élément dont l'intérêt
vient surtout du fait qu'il a tant tardé." Notre attention se porte
surtout sur les deux axes du projet qu'on ne voit pas aujourd'hui et qu'on
désire que le ministre apporte comme amendement à son projet de
loi. C'est sur ce principe d'une réforme globale et non pas simplement
d'une amélioration très limitée que c'est notre devoir,
comme représentants d'un parti de l'Opposition, d'aider un gouvernement
qui fait son possible pour sortir des lois visant à améliorer une
situation. Il nous les présente ici après avoir passé le
crible de son comité de législation, après avoir
passé parfois le crible du caucus des députés, quand il a
l'occasion de leur demander leurs opinions. Quand il arrive en Chambre, c'est
à nous, de l'Opposition, d'apporter ce que nous croyons être
essentiel pour bonifier un projet de loi qui, présenté dans sa
forme actuelle, ne correspond pas à la réalité
d'aujourd'hui.
M. le Président, on a dit tantôt que dans le bill no 2 il y
avait des modifications apportées au code civil qui ne sauraient en
aucun temps être considérées comme des innovations
susceptibles de révolutionner notre droit civil en matière de
louage de choses. On a épluché en coulisses les projets de loi
59, 78 et 79, qui étaient directement reliés à ce projet
de loi 2. C'est à partir de ces projets, ces premières intentions
qu'on a graduellement diminué pour essayer de plaire davantage aux
propriétaires. La première proposition avait été,
comme le bill 59, très bien acceptée par les locataires. On ne
revoit pas cela dans le bill, aujourd'hui.
Qu'on me permette de vous lire ce que l'Association des locataires
disait d'un recul que le ministre n'aurait jamais dû faire. La Ligue des
locataires, sous la plume de Ginette Manseau, disait ceci: M. le ministre de la
Justice, nous venons vous rappeler que la justice doit donner à tous, et
particulièrement aux plus faibles, les pouvoirs de faire valoir leurs
droits par des lois pensées et faites en fonction d'éviter les
abus ou de contrôler l'exploitation, qui est chose trop
tolérée dans notre système. Vous semblez croire que dans
le domaine de l'habitation il n'y a pas d'exploitation de la part des gros
propriétaires, que les locataires ont toutes les mesures pour se
défendre. Ils ont des lois appropriées pour le faire. Les lois
qui existent actuellement pour contrôler l'augmentation des loyers sont
trop imprécises et s'abandonnent trop souvent à la
discrétion de l'administrateur de la Régie des loyers, quand les
gens peuvent y recourir.
M. le Président, elle continuait: Veuillez croire que nous
n'approuvons pas votre recul et, aujourd'hui, ce n'est plus un recul
c'est une débandade en refusant de contrôler plus
efficacement l'augmentation des loyers par un taux de 3 p.c. alors que
c'était 5 p.c. qui était enlevé.
M. le Président, elle ajoutait: N'oubliez pas que le
Québec est un pays de locataires qui demandent que l'habitation soit un
droit pour tous et non un privilège pour quelques-uns, comme semblent le
croire certains gros propriétaires. La croissance du coût des
loyers en proportion des salaires est un signe du manque de contrôle dont
le gouvernement a à s'accuser dans ce domaine. De 1951 à 1961,
l'augmentation des loyers a été de 83.3 p.c, pour une
augmentation de salaire de 66.9 p.c. Que croyez-vous donc qu'il arrive dans le
cas des familles qui doivent débourser plus de 25 p.c. pour leur loyer?
Elles doivent se confiner dans des taudis ou accepter de payer plus en
diminuant la qualité de la nourriture, de médicaments, etc. Il
est sans doute inutile de vous dire que c'est encore le gouvernement qui
déboursera pour redonner un peu de bien-être à ces familles
et que les gros propriétaires continueront de danser la ronde des
dollars. Nous vous demandons donc de garder le statu quo sur tel ou tel
article, etc.
Jusqu'à quel point, M. le Président, le projet de loi
actuel ne réforme-t-il que des détails, alors que les
premières intentions du ministre d'une réforme globale du code de
loyer devraient y exister? M. le Président, le présent projet de
loi renverse la présomption quant à la responsabilité du
locataire en cas d'incendie que contient l'actuel article du code civil. Cela
est une bonne chose qu'on accepte, dans ce projet de loi. Les tribunaux avaient
depuis longtemps statué que la responsabilité du locataire en cas
d'incendie était renversable par une preuve de bon comportement. En nous
présentant certains aspects du projet, le gouvernement nous demande de
concrétiser dans un texte législatif une jurisprudence, comme
disait tantôt le député de Maisonneuve, vieille de 77 ans.
Nous ne pouvons que l'en féliciter sur ça, mais ce sont des
points mineurs. La seconde et dernière innovation législative que
nous retrouvons dans ce projet de loi concerne le droit pour le locataire de
sous-louer son logement c'est bon, mais c'est mineur, M. le
Président sans que le locateur puisse refuser sans motif
raisonnable. L'impossibilité dans laquelle se trouve le locateur de
refuser la sous-location s'il n'a pas de motif raisonnable était
reconnue par les tribunaux depuis seulement 20 ans, puisqu'elle n'avait
été développée qu'en 1954.
M. le Président, il y a la question du bail type qui est une
bonne chose, mais qui n'est pas complète. Et c'est surtout sur
l'application de la loi 2. La Loi pour favoriser la conciliation entre
locataires et propriétaires, a toujours été d'application
restreinte.
Elle était applicable sur le territoire des municipalités
qui en faisaient la demande. En fait, M. le Président, je suis en plein
sur le projet de loi.
LE PRESIDENT: Je m'excuse. Mais la question de conciliation, c'est le
bill 3 qui est le prochain article à l'ordre du jour.
M. LESSARD: Question de règlement, M. le Président.
LE PRESIDENT: Nous sommes à l'article... M. LESSARD: M. le
Président,... LE PRESIDENT: ...5, la loi 2.
M. LESSARD: ... sur le point de règlement. D'ailleurs, tout
à l'heure, on nous a informés que le projet de loi 3 et le projet
de loi 2 étaient directement reliés. Deuxième point, M. le
Président. En vertu de l'article 120, contrairement, en tout cas,
à ce que faisait le député de Lafontaine tout à
l'heure, il est possible au député, dans un débat sur
toute motion de deuxième lecture, de s'en tenir... D'accord, il est
nécessaire qu'il s'en tienne aux principes fondamentaux ou à
toute autre méthode d'atteindre ses fins. Donc, tout à l'heure,
lorsque le député de Lafontaine parlait du code des loyers de mil
neuf cent je ne sais pas quoi, eh bien, c'était un peu faire
l'historique, démontrer comment cela avait retardé, quelle est
l'urgence de cette loi et pourquoi justement on doit être contre. En tout
cas, si on n'est pas contre, on ne peut pas être pour de façon
très encourageante pour un projet de loi aussi insignifiant.
M. BIENVENUE: M. le Président, sur la question de
règlement, je pose une question que j'ai abordée il y a quelques
jours à l'occasion d'un incident semblable. Je vous demande une
directive, qui ne s'applique pas nécessairement à ce
côté-ci de la Chambre, mais qui pourrait être utile à
nos amis d'en face. Que doit faire un député qui fait un discours
à partir d'un texte qui a été préparé par le
recherchiste d'un parti et que la présidence déclare hors d'ordre
ou ne s'appliquant pas? Quelle est la situation de ce député, qui
doit parler à partir de cela et uniquement cela?
M. TETLEY: II faut renvoyer...
M. LEGER: M. le Président, le ministre a fait valoir un point
intéressant. Le président ne peut pas faire autrement que de me
permettre, étant donné que le député a
soulevé un point de cette envergure, de lui faire remarquer que
lorsqu'on est un ministre, qu'on a tout un ministère et des
fonctionnaires derrière soi et qu'on lit directement un texte
préparé par son sous-ministre, quel qu'il soit, même si
c'est un sous-ministre qui est très connu dans différents
domaines... Le ministre comprend très bien de qui je veux parler.
Mais quand, dans un parti d'Opposition, on a à faire face
à un ministre qui, lui, a tout le personnel voulu et que nous, nous
avons des personnes qui sont des recherchistes et qui s'occupent de nous
préparer toutes les déclarations qui ont été faites
par les ministres antérieurs, de façon que l'on puisse
déceler, dans ces déclarations, tous les points qui
démontrent souvent une constante qui s'en va reculant, une constante qui
est une disparition, un "fade-out" en anglais... C'est donc dire que le projet
de loi qui nous est présenté est un "fade-out" du bill 59, du
bill 78, du bill 79. On s'en va au bill 2. Il n'y aura plus de numéro
bientôt.
Je pense qu'il est absolument normal qu'un parti d'Opposition soit
documenté, ait avec lui des découpures de journaux, des
déclarations de différents ministères, de personnes qui
sont concernées, pour savoir de quoi l'on parle.
Il est normal qu'avec la rapidité avec laquelle on
présente des projets de loi, on soit obligé de
référer à toute une documentation qui nous permet de
donner une réponse favorable et peut-être éveiller chez les
ministres concernés une petite lumière les faisant
réaliser que peut-être il est bon d'accepter certaines
idées des députés de l'Opposition. Est-ce que le
député de Saint-Jean a une question à me poser?
M. VEILLEUX: Une question de règlement, M. le Président.
Il n'est pas à la télévision, là lui!
M. LEGER: M. le Président, sur le point de règlement,
j'aimerais...
LE PRESIDENT: Non, non, je n'accepte pas le point de
règlement.
M. LEGER: Ah bon! Alors,...
LE PRESIDENT: Revenez à la deuxième lecture.
M. LEGER: ... M. le Président, vous êtes d'accord; il
était hors d'ordre.
LE PRESIDENT: Revenez à la deuxième lecture.
M. LEGER: Pour terminer la deuxième lecture, il est important
que, comme le disait tantôt le député de Saguenay, nous
apportions des arguments pour atteindre les fins du bill. Le principe, que l'on
veut atteindre dans ce projet de loi, est celui, justement, de permettre aux
propriétaires et aux locataires, à l'occasion de louage de
choses, de s'entendre sur un certain terrain.
Quel est ce fameux terrain sur lequel ils peuvent s'entendre?
M. le Président, je viens de trouver deux bons points. J'ai
été étonné de voir le ministre des Affaires
culturelles tout surpris que je félicite les deux points mineurs que
nous avons approuvés dans ce projet de loi. Maintenant, je dis ce qui
manque dans le projet de loi. C'est qu'on a omis de reprendre un point qui
fixait les normes de détermination de la valeur locative d'un local
d'habitation. Sur quelles normes
va-t-on se baser pour dire: Cela, cette augmentation est bonne pour
telle sorte de loyer et elle n'est pas bonne pour l'autre.
M. HARDY: C'est une autre loi, cela.
M. LEGER: Mais, M. le Président, étant donné
qu'elles sont liées toutes les deux, et le ministre lui-même l'a
dit tantôt, M. le Président...
M. HARDY: Elles sont liées dans votre esprit. Elles sont
liées à cause de la confusion de votre esprit.
M. LEGER: M. le Président, j'essaie de les délier dans mon
esprit. M. le Président, je sais que le ministre est confus.
M. HARDY: Un esprit confus relie tout.
M. LEGER: Est-ce que le ministre a quelque chose à me dire?
J'écoute.
UNE VOIX: Continuez, continuez.
M. LEGER: Mais il m'interrompt. Alors peut-être que des choses
pourraient enlever la confusion.
M. le Président, ces normes n'existent pas actuellement, ni dans
le code civil, ni dans la loi, pour favoriser la conciliation de
locataires-propriétaires, qui va venir dans le bill 3, qui est le
complément de celui-là, M. le Président.
UNE VOIX: ... recherchistes!
M. LEGER: M. le Président, on a omis et là,
peut-être que le ministre des Affaires culturelles pourrait nous dire si
je suis toujours dans le bon chemin on a omis...
M. TETLEY: ... recherchistes.
M. LEGER: ... dans ce projet de loi, de reprendre ce qui donnait
à un nouveau locataire la possibilité de s'adresser au tribunal,
pour faire réduire le prix du loyer si celui-ci est abusif. Je pense que
c'est dans le projet, à moins que le ministre ne dise le contraire,
parce que la Loi de la commission des loyers prévoyait qu'un nouveau
locataire peut faire une demande de révision de prix seulement dans les
cas où le loyer de ce logement en particulier a déjà
été fixé par une ordonnance de la commission.
C'est ce qui manque dans le projet de loi, donc ce qui manque pour
atteindre les fins de ce bill. Le ministre des Affaires culturelles
connaît très bien cela, puisqu'il a été à la
présidence et qu'il a vu tous les moyens que les députés
peuvent apporter pour aider à bonifier une loi présentée
par un ministre...
M. HARDY: Surtout la règle de la pertinence du débat.
M. LEGER: M. le Président, ce sont les moyens de la
rejoindre.
En troisième lieu le député de Terrebonne me
dira si c'est encore la pertinence du débat il est important de
noter la disparition de cet article de loi qui interdisait aux parties, sans
peine de nullité, de convenir d'une augmentation de loyer en cours de
bail. Cette disparition ayant pour but de protéger le locataire contre
toute pression du locateur ne faisait certainement pas l'affaire de ces
derniers. Il n'est donc pas étonnant que le gouvernement l'aie
retiré.
L'article du projet de loi, aussi, de la Commission des loyers, interdit
aux locateurs c'est l'inverse d'exiger un supplément
déguisé de loyer sous une forme quelconque. Il ne couvre donc pas
le cas d'une augmentation de loyer en cours de bail, ce qui aurait pu
être fait, et, à plus forte raison, une augmentation contractuelle
et publique comme il en a été question dans les premiers projets
de loi que nous avions approuvés, pour lesquels le député
de Maisonneuve avait félicité le ministre, qui a retiré
son bill.
La quatrième amélioration qui aurait pu exister dans la
loi actuelle et qui avait fait son apparition dans le projet de la
réforme précédente pour quelle raison le ministre
l'a-t-il fait disparaître, M. le Président consistait en
une règle d'interprétation selon laquelle, dans un bail
rédigé en deux langues, et au cas où il surviendrait une
divergence entre les deux textes, la version la plus favorable aux locataires
qui...
Pardon? On me dit que mon temps achève. Je dois conclure, M. le
Président. Je vois jusqu'à quel point je suis suivi par le
député de Saint-Jean, qui rêve de prendre la
relève.
M. MARCHAND: C'est parce qu'il veut savoir...
M. LEGER: Je ne vois pas la "dépertinence" du débat
là-dedans.
M. MARCHAND: L'impertinence.
M. LEGER: Cela ne donnera pas beaucoup de lauriers au
député.
M. VEILLEUX: J'ai compris ce qu'a dit le député de
Laurier, par exemple.
M. LEGER: M. le Président, on prévoyait
l'applicabilité de ce contrat de louage je pense que c'est la
pertinence du débat, puisque c'est le louage de choses des
règles du code civil relatives à la détermination de la
valeur locative et au maintien dans les lieux.
Il ne fait aucun doute que l'élément stationnement, dont
j'ai parlé tantôt, constitue pour le locataire un des principaux
points qu'il doit prendre en considération dans le choix de son
logement. On connaît les difficultés de points de stationnement,
et retirer le stationnement des règles du code civil en matière
de baux et de
locaux d'habitation équivaut à rendre incertaine la valeur
réelle du logement.
En effet, en milieu urbain, l'augmentation du prix de l'espace de
stationnement équivaut sans aucun doute à une augmentation
déguisée du loyer.
M. le Président, j'aurais beaucoup de choses à ajouter
parce que j'ai beaucoup de documents devant moi. J'ai des textes que je
pourrais vous présenter, des déclarations des différents
comités de locataires.
M. HARDY: Vous pourriez lire beaucoup de textes
préparés.
M. LEGER: J'ai cité tantôt et j'ai voulu raccourcir
les différents titres des personnes satisfaites du projet de loi 59
les titres de ceux qui n'étaient pas satisfaits du projet de loi
78, et encore davantage les propriétaires.
Je pense que nous sommes obligés, comme disait l'ancien
député de l'Union Nationale, pas avec dédain, mais
obligés d'accepter une amélioration minime d'un projet de loi et
de voter en faveur, tout en ayant beaucoup de peine de voir qu'on n'en a pas
profité pour faire une réforme globale. Et devant l'impatience du
président, je termine ce débat.
M. LESSARD: M. le Président...
LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. Camille Samson
M. SAMSON: M. le Président...
UNE VOIX: II faut l'encourager un peu.
M. SAMSON: ... j'ai l'impression que je risque également les
foudres de la présidence, car depuis le début de
l'après-midi, depuis que j'ai entendu le ministre de la Justice nous
faire part de son argumentation, il va sans dire en faveur du bill 2, j'ai cru
comprendre que le ministre de la Justice, en tout premier lieu, avait
donné le ton de ce débat en utilisant et le bill 2 et le bill 3
au cours de son argumentation.
C'est pourquoi...
LE PRESIDENT: Ce qui m'embête, c'est que ça va
épuiser tous les débats de deuxième lecture sur le bill
3.
M. SAMSON: Oui, M. le Président, je suis d'accord avec vous, et
c'est ce que j'aillais vous dire. Quant à moi, je n'ai pas l'intention
de revenir sur le bill 3...
M. VEILLEUX: Etes-vous d'accord?
M. SAMSON: Non, je parle pour moi évidemment, comme le ministre
de la Justice parlait pour lui. Mais j'ai quand même cru comprendre au
cours du débat, qu'il a été permis de discuter des deux
bills en même temps, parce que mon impression en tout cas et vous
me corrigerez si je suis dans l'erreur c'est que les deux bills, il est
assez difficile de les discuter séparément.
Le ministre de la Justice a fait référence, au cours de
son allocution, justement à l'historique depuis 1866 pour en venir
à nous expliquer l'évolution qu'il y a eu depuis ce temps. Et
tour à tour, j'ai compris qu'il a été question du bill 59,
du bill 78, on a parlé du 79, on parle du 2 et on parlera du 3.
Et ce qui retient mon attention, c'est qu'évidemment il semble y
avoir de la bonne volonté du côté du ministre de la Justice
qui veut apporter certains correctifs qui s'imposent. Mais je retiens
également les excellents commentaires que j'ai entendus à l'effet
que le ministre aurait, depuis quelque temps du moins, reculé sur
certaines positions.
J'entends dire non, évidemment, du côté du
gouvernement, bien entendu on ne voudra pas admettre qu'il y a eu recul. Mais
quand même, on nous dit et là je me dois de faire
référence aux différents groupes qui sont venus devant la
commission parlementaire, même si je n'étais pas
présent.
Le ministre sera peut-être le premier à mentionner que je
n'étais pas présent aux commissions parlementaires, mais le
ministre sait pertinemment pourquoi je n'étais pas présent
à ces commissions; je n'étais pas celui qui, dans mon groupe,
s'occupait de ces choses-là. Nous avions quelqu'un qui s'en occupait
très bien, d'ailleurs. Malheureusement, il n'est plus des nôtres.
Je dis malheureusement pour vous, malheureusement pour le gouvernement, M. le
Président, parce que, s'il était encore des nôtres, c'est
un de ceux qui auraient pu rendre de nombreux services, car je sais qu'il
n'hésitait pas à faire d'excellentes suggestions lorsque
l'occasion se présentait. D'ailleurs, moi non plus, s'il m'était
donné d'assister à différentes commissions parlementaires
et d'entendre les parties intéressées, je n'hésiterais
pas, advenant que j'aie une suggestion à faire, à la faire au
ministre. Je sais que le ministre a l'esprit assez ouvert de ce
côté pour accepter nos suggestions.
En ce qui concerne le présent projet de loi, M. le
Président, il y a une chose que nous retenons à travers tout ce
qui y est présenté. Il faut dire qu'il a quelques pages quand
même. Vous allez considérer que ça ne se lit pas et puis
que ça ne s'étudie pas en dix minutes. Cela m'amène encore
une fois à vous souligner que notre service de recherche n'est pas
encore sur pied, que notre service de recherche n'a pas encore
été accepté, M. le Président. L'ancien service de
recherche est parti, comme vous le savez, et on est obligés de se
débrouiller du mieux qu'on peut dans les dossiers que nous avons. Je
n'ai pas bien entendu?
M. HARDY: II a fondu comme votre parti.
M. SAMSON: Ecoutez, peut-être qu'il a fondu plus vite que le
parti. Mais ça m'amème à vous dire, quand même, M.
le Président, que j'aurais aimé être plus documenté.
J'aurais aimé être plus renseigné. On me fera probablement
le reproche de ne pas l'être suffisamment, mais ce n'est pas un
défaut, ce n'est pas un péché que de ne pas avoir
suffisamment de renseignements. Nous retenons, quand même, une suggestion
qui paraît dans ce projet de loi et c'est la question du bail type. Nous
en avons nous-mêmes parlé, mais je crois savoir que, dans le
projet de loi qui nous est présenté, le bail type n'est pas
obligatoire.
M. CHOQUETTE: II est obligatoire. M. SAMSON: II est obligatoire.
M. CHOQUETTE: Vous vous êtes laissé trompé par le
député de Chicoutimi, ainsi que par le chef de l'Opposition.
M. SAMSON: Je m'excuse, M. le Président, si je me suis
laissé tromper par le député de Chicoutimi.
M. CHOQUETTE: Votre bonne foi fut surprise.
M. SAMSON: Si c'est arrivé, M. le Président, c'est que
j'avais confiance au député de Chicoutimi, sur la
référence du ministre de la Justice...
M. CHOQUETTE: C'est exact.
M. HARDY: Ne vous fiez pas à votre gauche.
M. SAMSON: ... fait cet après-midi. C'est le ministre de la
Justice qui m'avait référé au député de
Chicoutimi.
M. CHOQUETTE: Je me basais sur sa réputation.
M. SAMSON: Vous vous basiez sur sa réputation.
M. BEDARD (Chicoutimi): J'espère que vous allez accepter nos
suggestions.
M. SAMSON: Dois-je en déduire, M. le Président, que, de
bonne foi, le ministre de la Justice m'a induit en erreur cet
après-midi? Même si c'est de bonne foi qu'il m'a induit en erreur
cet après-midi, je me devrais, à ce moment-ci, de me poser des
questions quant au reste de son allocution, à savoir si le reste de son
allocution n'était pas pleine d'erreurs aussi. C'est une question qu'on
peut se poser à ce moment-ci. Si le ministre est le premier à
nous dire qu'il m'a induit en erreur involontairement je le
conçois il demeure qu'il a admis m'avoir induit en erreur et je
me demande si le reste de l'argumentation que j'ai à vous présen-
ter, me basant sur les personnes auxquelles le ministre de la Justice m'a
lui-même référé, ne m'amènera pas à
faire des remarques ou à faire une argumentation qui induirait le
ministre à me dire que je suis mal renseigné.
Je ne suis pas suffisamment renseigné ou encore, je suis peu
renseigné, ce que je suis prêt à admettre au ministre de la
Justice, ce que je serais prêt à admettre au ministre en lui
disant: C'est peut-être vrai, M. le ministre, qu'on est mal
renseigné, qu'on ne l'est pas suffisamment, qu'on n'a pas assez de
documentation. C'est peut-être vrai. A ce moment-ci ça
m'amènerait à vous dire: De grâce, plaidez donc notre cause
auprès de votre premier ministre, auprès de votre conseil des
ministres, pour qu'à l'avenir nous le soyons plus. Je pense que ce n'est
pas une question de partisanerie politique.
Ce n'est pas une question de partisanerie, M. le Président, c'est
pour fournir dans les débats un apport sérieux, un apport
sérieux, en étant basés nous aussi sur un service de
recherche. Je sais que le ministre de la Justice a un excellent service de
recherche. Je sais qu'il a même tellement un excellent service de
recherche qu'on entend dire à la radio et qu'on voit sur les journaux
que son service de recherche le porte même à envoyer des agents
écouter de façon électronique dans les bureaux de ses
collègues avocats, M. le Président.
DES VOIX: Non, non!
M. SAMSON: C'est pour vous démontrer jusqu'à quel point
j'ai confiance au service de recherche du ministre de la Justice. Il a fait ses
preuves ce service-là, M. le Président.
M. CHOQUETTE: Je ne pousse pas la recherche si loin que ça.
M. SAMSON: Le service est tellement poussé...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A moins que ces appareils soient
loués, ce n'est pas pertinent au débat.
M. SAMSON: M. le Président, je vous remercie de m'y avoir fait
penser. J'allais justement vous dire que probablement ces appareils-là
sont loués et on ne retrouve pas de dispositions dans la présente
loi pour la location des appareils électroniques. C'est pour vous
démontrer jusqu'à quel point le bill n'est peut-être pas
encore prêt. C'est pour vous démontrer jusqu'à quel point
on aurait dû voter tantôt pour la motion visant à retarder
d'un mois, ce qui aurait peut-être permis au ministre d'inclure dans sa
loi du louage de choses le louage des appareils électroniques.
M. CHOQUETTE: On vous a lancé sur une fausse piste.
M. SAMSON: Les rubans, M. le Président, qu'on utilise...
M. CHOQUETTE: La location de dentiers n'est pas prévue non plus.
Vous savez qu'on disait autrefois que M. Caouette et vous-même ne parliez
jamais ensemble parce que vous portiez le même dentier.
M. SAMSON: M. le Président, je suis convaincu que le ministre a
découvert ça au cours d'une de ses enquêtes
spéciales et en écoutant nos appels téléphoniques,
parce qu'on ne l'avait jamais dit en public. Vous voyez, la seule personne qui
peut savoir ça c'est quelqu'un qui a écouté nos appareils
téléphoniques.
M. CHOQUETTE: Est-ce que le député de Rouyn-Noranda me
permettrait une question? Est-ce qu'il ne m'a pas demandé, à
moi-même, de faire une enquête sur sa ligne
téléphonique au parlement?
M. SAMSON: M. le Président, c'est exact que j'ai demandé
au ministre d'enquêter sur ma ligne téléphonique pour
savoir qui m'écoutait à part lui. Parce que je savais que le
ministre nous écoutait.
M. CHOQUETTE: On était tout un groupe.
M. SAMSON: Je savais ça, ce n'est pas un secret. Je voulais
savoir qui d'autre avait cette permission-là. Vous voyez, M. le
Président, ceci m'amène à vous demander votre protection,
car ce que le ministre de la Justice vient de dire là c'est
sérieux.
Ceci se passait à l'occasion d'une conversation confidentielle
et, vous voyez, le ministre de la Justice vient de vous dire cela
publiquement.
M. CHOQUETTE: On n'a rien à cacher.
M. SAMSON: C'était confidentiel, et pour vous démontrer
jusqu'à quel point le ministre de la Justice peut être dangereux,
il ne faut pas lui dire de secret à ce gars-là parce que
dès qu'on lui dit quelque chose sous le sceau de la
confidentialité cela sort publiquement. Si vous dites des choses
publiques, il amène cela dans un dossier secret.
M. CHOQUETTE: Est-ce que le député de Rouyn-Noranda
n'irait pas jusqu'au point de dire que notre conversation était
tellement confidentielle qu'il y avait un journaliste présent?
M. SAMSON: Encore une fois, M. le Président, je vous demande
votre protection pour le journaliste qui était présent parce
qu'une conversation confidentielle, même avec un journaliste, c'est une
conversation confidentielle, et ce journaliste, une fois que c'est connu
publiquement, je me demande s'il n'est pas en danger avec des dispositions
comme je viens d'en voir ce soir chez le ministre de la Justice. C'est
peut-être plus sérieux, que vous ne le pensez, M. le
Président.
De toute façon, je n'en tiens pas rigueur au ministre de la
Justice. Ne vous gênez pas, écoutez encore sur me lignes. C'est
d'ailleurs la meilleure façon que j'ai trouvée de faire passer
nos messages aux gens du gouvernement. Quand on leur parle publiquement, ils
n'écoutent pas. Quand on leur parle en Chambre, ils semblent ne pas
écouter non plus, mais quand nous parlons sur nos lignes
téléphoniques confidentiellement à quelqu'un d'autre,
là ils "pognent" nos messages. Continuez de les écouter.
M. MORIN: II faudrait faire vos discours au téléphone.
M. SAMSON: M. le Président, c'est une très bonne
suggestion de la part du chef de l'Opposition officielle, mais je n'oserais pas
l'accepter, de peur que le gouvernement ne saute sur l'occasion pour me compter
une taxe de 8 p.c. sur les discours que je ferais au
téléphone.
Mais pour en revenir aux choses sérieuses, il demeure un point
que nous retrouvons dans la philosophie des lois que vous vous
présentez. J'ai entendu parler le ministre cet après-midi et
là, je ne me base pas sur ce que le député de Chicoutimi a
dit, je ma base sur ce qu'il a dit. Déjà le locataire et le
locateur traitaient d'égal à égal. Vous avez dit cela. Et,
aujourd'hui, il nous faut protéger plus le locataire parce qu'ils
traitent moins d'égal à égal. Est-ce bien cela que vous
avez dit? Est-ce bien cela que j'ai compris? Bon. Cela me fait plaisir de
l'entendre, mais je voudrais le voir dans les faits. Je veux voir dans la loi
aussi une garantie de protection du locataire parce qu'il y a 80 p.c. de
locataires a-t-on dit, au Québec, et il y a 20 p.c. de locateurs.
Les 80 p.c. ont besoin d'être protégés. Cela arrive
souvent que lors d'une location les locataires se voient devant des promesses,
devant de la publicité. On voit cela sur les journaux, souvent: Cela
vous coûtera tant par mois, vous aurez la piscine chauffée, vous
aurez le garage, vous aurez ci, vous aurez ça. Puis vous entrez
là, ce n'est pas encore fini, parce que ce sont des bâtisses
neuves. Puis quand vous êtes entré là-dedans, les promesses
faites ne sont pas remplies. On voit des choses comme il s'en est passé
à Place Apollo, l'été dernier. Il y avait toutes ces
choses promises, la piscine, etc. Vous irez voir l'espèce de piscine
qu'il y a là, je suis allé, moi. Vous irez voir aussi quand
l'Hydro-Québec a décidé de couper
l'électricité alors que tous les locataires payaient leur loyer
le premier du mois. Quand l'Hydro-Québec a décidé de
couper l'électricité pour des comptes d'électricité
en retard, qui est-ce qui a écopé, à ce moment-là?
Evidemment, le propriétaire a été obligé,
finalement, de payer la facture mais, avant qu'on raccorde les services, c'est
le
locataire qui a écopé, c'est le locataire qui a
été pénalisé.
C'est pourquoi, M. le Président, j'aimerais que le ministre nous
rassure à l'effet qu'il y aura finalement des dispositions à
quelque part pour, non seulement respecter le locataire mais pour garantir que
le locataire aura des droits réels, qu'on ne l'exploitera pas. Il n'est
pas question seulement de location d'édifices nouveaux. Il est question
on en parle à ce temps-ci de l'année, c'est le bon temps
d'en parler, justement du chauffage. Quand le locataire va louer un
appartement, puisqu'il le loue chauffé, bien, c'est pour être
chauffé. Ce n'est pas pour être sous-chauffé, comme
ça l'est dans plusieurs des cas. Le ministre de la Justice est
sûrement au courant de cette situation-là. On l'a vue souvent.
M. le Président, je suis bien placé pour vous en parler.
Des gens ont dit tantôt qu'ils étaient propriétaires. Bien
moi, je suis propriétaire et locataire en même temps. Locataire
à tant par mois, puis propriétaire à tant par mois aussi.
Ne vous en faites pas, je suis toujours pris de toute façon pour payer.
J'ai le même problème que les autres. Nous avons tous ce
même problème qui peut arriver un jour ou l'autre à ceux
qui ont à louer des choses, à ceux qui ont à louer des
immeubles, à ceux qui ont à louer un appartement, par exemple. On
sait qu'évidemment cela ne s'applique pas à l'ensemble des
propriétaires. Il y a de très bons propriétaires et il
faut rendre hommage aux bons, mais il y en a d'autres qui exploitent les
locataires et c'est à ceux-là qu'on s'adresse quand on exige le
respect du locataire et sa protection. Il y a une Loi de la protection du
consommateur; le locataire c'est un consommateur. C'est un consommateur qui
signe un bail, d'accord. Il signe pour une période donnée.
Seulement, en vertu de l'ancienne méthode, quand nous n'avions
pas ce bail type, les locateurs, ou les propriétaires si vous aimez
mieux, avaient toujours un bail préparé par de bons avocats
où tout était prévu. Mais j'ai rarement vu un locataire
ayant besoin d'un logement arriver chez le propriétaire avec son avocat
pour étudier le bail. J'ai rarement vu ça.
Premièrement, parce que les locataires ne sont pas
généralement capables de se payer les services d'un avocat.
Pourtant, quand on va signer un bail, c'est un contrat qui peut engager pour
une bonne période de temps. Alors, le locataire se retrouvait devant un
propriétaire. A ce moment-là, on ne le traitait pas d'égal
à égal. En effet, d'une part, on avait toutes les dispositions de
son côté, en ayant pris soin d'étudier toute la situation
et de consulter des avocats. D'autre part, le petit locataire signe en bas de
la page, paie tant par mois et n'est pas trop protégé parce qu'il
n'a pas les moyens d'avoir un avocat.
M. le Président, je vois que vous me faites signe et que vous
êtes tenté de me dire qu'il approche minuit. Je pense que j'aurais
beaucoup de choses à dire, mais, en terminant, je demande au ministre de
la Justice, puisqu'il y aura, j'imagine, commission parlementaire ou commission
plénière, de répondre à ces questions que nous
posons, de nous rassurer. C'est cela qu'on vous demande.
M. LESSARD: M. le Président, puis-je vous proposer l'ajournement,
puisqu'il est minuit? Le leader parlementaire du gouvernement n'accepterait-il
pas cet ajournement? C'est débattable.
M. LEVESQUE: Je ne vous "trust" pas trop, mais je vais accepter!
M. LESSARD: Alors, est-ce que je peux proposer l'ajournement, M. le
Président?
M. LEVESQUE: Du débat.
M. LESSARD: Oui, l'ajournement du débat.
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la
Chambre à demain, dix heures.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La Chambre ajourne ses travaux à
demain matin, dix heures.
(Fin de la séance à 0 heure)