Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures huit minutes)
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!
Affaires courantes.
Dépôt de rapports de commissions élues.
L'honorable député de Maskinongé.
Rapport sur le projet de loi no 6
M. PICOTTE: M. le Président, conformément aux articles 123
et 161 du règlement de l'Assemblée nationale, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission parlementaire des finances, des
comptes publics et du revenu, qui a étudié le projet de loi no 6
intitulé Loi modifiant de nouveau la loi sur les impôts et
certaines autres dispositions législatives d'ordre fiscal.
LE PRESIDENT:
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de motions non annoncées.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
M. LEVESQUE: Article a).
Projet de loi no 2 Première lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la
première lecture de la Loi concernant le louage de choses.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je remarque que les notes
explicatives de ce projet de loi sont très longues. Alors, je ne sais
pas si on veut en avoir la lecture intégrale.
M. LEGER: On vous en dispense.
M. SAMSON: On vous en dispense. Cela vous surprend? On vous dispense de
les lire.
M. CHOQUETTE: Très bien, elles sont très longues.
D'ailleurs, les honorables députés de l'autre côté
de la Chambre savent lire.
M. SAMSON: Oui, oui.
M. CHOQUETTE: Très bien.
LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle
adoptée?
M. MORIN: Ineffablement.
LE PRESIDENT: Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lec- ture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M. LEVESQUE: Article c).
Projet de loi no 3 Première lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la
première lecture de la Loi prolongeant et modifiant la loi pour
favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je fais une motion identique;
qu'on me dispense de lire les notes explicatives de ce projet de loi.
M. SAMSON: Vous allez prendre goût.
M. CHARRON: De toute façon, c'est la quatrième fois qu'il
revient. On les connaît.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. LEGER: Adopté.
LE PRESIDENT: Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
Projet de loi rayé du feuilleton
M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais faire motion pour que
l'article b) à l'ordre du jour soit biffé, étant
donné qu'il devient inutile.
M. CHARRON: Shame, shame, shame!
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. BURNS: M. le Président, c'est peut-être la meilleure
occasion, pendant qu'on a une motion, pour poser une question au ministre.
J'aurais pu la poser, peut-être, en vertu de l'article 34 au leader du
gouvernement, mais, vu que le ministre fait une motion pour rayer la Loi
instituant une chambre des loyers, vu que, d'autre part, ce matin, il
dépose la Loi prolongeant et modifiant la loi pour favoriser la
conciliation entre locataires et propriétaires, vu qu'il dépose
également la Loi concernant le louage de choses, je me pose une question
sur
les intentions du ministre: Est-ce qu'il n'est pas en train de nous dire
qu'il n'espère pas adopter sa Loi concernait le louage de choses avant
la fin de la présente session et, donc, que cela le forcerait, si vous
voulez, à adopter sa loi qu'on appelle communément la Loi de la
Régie des loyers? Est-ce que c'est ça, la raison pour laquelle le
ministre a déposé ces deux lois, ce matin, de façon
conjointe?
M. CHOQUETTE: M. le Président, la question du
député de Maisonneuve est très bien fondée. Il me
fait plaisir d'y répondre. La Loi concernant le louage de choses est une
réforme, n'est-ce pas, assez complète du chapitre du code civil
sur le louage de choses.
Par ailleurs, quant au mode d'arbitrage des loyers, nous avons
préféré, pour le moment, continuer ce qui existait
précédemment, c'est-à-dire la Loi prolongeant et modifiant
la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires,
pour cette année. En effet, établir d'une façon permanente
et l'inscrire au code civil un mode d'arbitrage ou de détermination des
loyers, nous a paru une mesure qui n'avait peut-être pas
été étudiée à fond. Je n'ai aucune
réserve à dire au député de Maisonneuve que, sur
cet aspect de la législation, qui concerne ce qu'on appelle
communément le contrôle des loyers ou l'arbitrage des loyers entre
propriétaires et locataires, que le gouvernement va instituer
incessamment un groupe de travail, une "task force" pour examiner tous les
aspects d'une telle législation sur l'habitation en
général, sur l'économie, sur les effets d'une telle
mesure, à long terme, dans le domaine de la construction.
Par conséquent, pour le moment, nous nous contentons de
réformer le chapitre du code civil sur le louage mais nous maintenons la
législation temporaire qui existait dans le domaine du louage. C'est la
raison pour laquelle le gouvernement n'est pas prêt, à cette
session-ci, à proposer une loi qui formerait une chambre des loyers et
qui deviendrait, en quelque sorte, le tribunal des loyers institué de
façon permanente.
D'ici quelques semaines, je crois qu'il sera possible au gouvernement
d'indiquer qui seront les membres de ce groupe de travail qui aura à se
pencher sur les aspects que j'ai mentionnés tout à l'heure, les
répercussions économiques et sociales d'un système
d'arbitrage des loyers permanent. C'est cela la question qui sera posée
prioritairement à ce groupe de travail.
Evidemment, il y aura d'autres sujets qui seront confiés à
ce groupe de travail, qui concerneront l'habitation en général.
Mais, prioritairement, le groupe de travail aura à étudier cette
question, de façon que dans le cours de l'année prochaine nous
ayons un rapport qui puisse nous permettre d'agir dans un sens ou dans
l'autre.
M. BURNS: Merci.
M. LEVESQUE: Article e). LE PRESIDENT: Adopté.
Projet de loi no 14 Première lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose la première
lecture de la Loi modifiant la loi sur les relations du travail dans
l'industrie de la construction.
M. COURNOYER: L'article 1 de ce projet est de concordance avec l'article
2.
L'article 2 prévoit que les clauses de l'entente que reproduit le
décret deviennent exécutoires sujettes à la publication du
décret dans la Gazette officielle aux dates convenues par les parties
ou, à défaut, aux dates que fixe le décret.
L'article 3 prévoit que l'obligation, pour un employeur, de tenir
certains registres et d'en fournir copie à la Commission de l'industrie
de la construction continue de s'appliquer après l'expiration du
décret.
L'article 4 déclare l'article 2 applicable au décret
présentement en cours.
LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle
adoptée?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT: Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M. LEVESQUE: Article f).
Projet de loi no 15 Première lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose la première
lecture de la Loi modifiant la loi des établissements industriels et
commerciaux.
M. COURNOYER: Est-ce qu'on peut être dispensé de lire cela?
C'est pas mal long.
LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement?
M. BURNS: Consentement. On a besoin de temps ce matin, c'est pour
ça qu'on est tellement gentils.
LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle
adoptée? Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M. BURNS: On respecte le gouvernement aussi.
UNE VOIX: Les galériens. M. LEVESQUE: Article h). LE PRESIDENT:
L'honorable... M. BURNS: ... ce matin...
M. BOURASSA: On aurait pu lire toutes les notes explicatives
jusqu'à onze heures et demie.
M. LEVESQUE: Je pense que c'est injuste, parce que nous avons
déposé les bills aussitôt qu'ils ont été
imprimés, et même en galée afin de permettre à
l'Opposition et également aux autres députés de la Chambre
d'en prendre connaissance le plus tôt possible.
M. BURNS: Vous êtes gentils.
M. BOURASSA: On aurait pu faire une demi-douzaine de déclarations
ministérielles qui vous auraient...
Projet de loi no 13 Première lecture
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! L'honorable leader parlementaire du
gouvernement, pour le ministre de l'Agriculture, propose la première
lecture de la Loi autorisant de nouveaux crédits pour fins de
prêts agricoles.
M. LEVESQUE: Ce projet autorise la mise à la disposition de
l'Office du crédit agricole du Québec d'une somme additionnelle
de $15 millions pour fins de prêts aux agriculteurs en vertu de la Loi du
crédit agricole, portant ainsi à $515 millions le montant total
affecté à ces fins.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT: Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents.
M. LEVESQUE: Je propose pour ne pas retarder la procédure
normale de revenir, avec le consentement unanime, après la
période des questions, au dépôt de documents.
LE PRESIDENT: Questions orales des députés.
QUESTIONS DES DEPUTES
LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
Usines Soma
M. MORIN: Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie et du
Commerce, et, à son défaut, au premier ministre. Elle concerne le
cas des 200 ou 300 chômeurs des usines SOMA.
Le premier ministre peut-il nous dire où en sont rendues les
négociations entre la SGF et les différentes
sociétés approchées pour prendre la relève de
Renault? Plus particulièrement, qu'est-il advenu des négociations
et de la lettre d'intention relativement à une éventuelle
association avec la société allemande, MAN qui fabrique des
autobus?
M. BOURASSA: M. le Président, le ministre des Transports a fait
une déclaration, vendredi, impliquant, je pense bien, que les
négociations avec des sociétés pour la réouverture
ou l'expansion de SOMA évoluaient très favorablement. Je ne suis
pas au courant des derniers détails, mais je sais que, la
dernière fois que j'en ai discuté avec le ministre de l'Industrie
et du Commerce, ça évoluait très favorablement.
M. MORIN: Une question supplémentaire. Je veux bien croire, M. le
Président, que cela évolue favorablement, mais j'aimerais quand
même qu'on nous donne quelques détails. Compte tenu de la crise
actuelle, de la pénurie de pétrole, de la hausse continue des
prix de l'essence, hausse qui a contribué à favoriser la
fabrication et la vente des petites voitures, est-ce que le ministre a repris
contact avec Renault-France ou encore, est-ce qu'il a amorcé de nouveaux
contacts avec d'autres producteurs pour rouvrir SOMA dans des conditions qui
paraissent cette fois beaucoup plus favorables?
M. BOURASSA: M. le Président, je pense que le ministre va arriver
dans quelques minutes. Il prépare actuellement le bilan de
l'année économique du Québec, qu'il doit rendre public
dimanche et qui va confirmer les 130,000
nouveaux emplois cette année au Québec. Cela devrait
rassurer...
M. MORIN: Combien d'emplois se sont-ils perdus pendant la même
période?
M. BOURASSA: Non, non, c'est 130,000 nouveaux emplois nets, la meilleure
année économique de l'histoire du Québec. J'avais dit
125,000 durant la campagne électorale. Ce n'est pas 125,000, c'est
130,000.
M. LEGER: Aussi net que les mains du ministre de la Justice. $300
millions.
UNE VOIX: A l'ordre, M. le Président, la question.
M. SAMSON: Environ 1000 emplois par député.
M. BOURASSA: Je m'excuse auprès du chef de l'Opposition; je ne
peux pas lui donner plus de détails pour l'instant. Tout ce que je puis
lui dire, c'est que, comme je le disais tantôt, le dossier évolue
très favorablement. Je peux lui donner des chiffres d'ensemble sur le
niveau des investissements privés, les hausses records que nous
connaissons actuellement dans le secteur des investissements manufacturiers,
mais je n'ai pas plus de détails particuliers à lui donner ce
matin.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.
Manifeste de Matane
M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre
responsable de l'ODEQ, suite à la question que je lui posais, le 30
novembre dernier, concernant le délai qu'il prétendait prendre en
tout cas pour donner sa réponse concernant l'avis du CRD au sujet du
manifeste de Matane.
Est-ce que le ministre responsable de l'ODEQ, qui a, en partie, avec
d'autres collègues, dénoncé le manifeste de Matane, est
prêt à rencontrer l'abbé Jean-Marie Gendron qui, justement,
offre dans le journal Le Soleil d'hier, de rencontrer quiconque parmi les
libéraux, même le député de Bonaventure,
dénonce ou a dénoncé le manifeste de Matane. Les
libéraux ne semblent pas connaître ce que c'est qu'une question.
Est-ce que le ministre responsable de l'ODEQ est prêt à rencontrer
M. Jean-Marie Gendron et est-ce que le ministre responsable de l'ODEQ pourrait
nous dire quand il entend donner sa réponse à l'avis qu'il
quémandait en juillet dernier du CRD concernant le manifeste de
Matane?
M. QUENNEVILLE: M. le Président, il faut dire d'abord, que nous
avons attendu l'avis du
CRD pendant deux mois et demi. Alors je peux vous dire que d'ici une
dizaine de jours...
M. LESSARD: Mais vous n'aviez pas attendu l'avis de la CRD pour
dénoncer le manifeste.
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. QUENNEVILLE: Alors d'ici une dizaine de jours nous serons en mesure
justement de donner notre opinion sur cet avis du CRD. Quant à la
deuxième partie, la rencontre avec l'abbé Gendron, l'OPDQ a
toujours fonctionné en suivant les filières normales; et
l'interlocuteur privilégié de l'OPDQ et de l'ODEQ, c'est encore
le CRD et non pas l'abbé Gendron. Alors si le CRD veut me rencontrer
à ce moment-là, je serai prêt à rencontrer le
CRD.
M. LESSARD: De toute façon, vous ne voulez rencontrer
personne.
LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.
M. LESSARD: Vous vous sauvez comme l'ex-député de
Matane.
Pénurie d'acier
M. SAMSON: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de
l'Industrie et du Commerce, faisant suite à une question que je posais
en votre absence la semaine dernière au vice-premier ministre et de qui
je devais obtenir réponse cette semaine. Il s'agit de la pénurie
d'acier aux chantiers de la Davie Shipbuilding, de Lauzon, comme nous l'annonce
le journal la semaine dernière. Cette pénurie d'acier
retarderait, parait-il, la mise en chantier de quatre pétroliers et
risquerait plusieurs centaines de mises à pied. Alors je demande au
ministre s'il veut nous faire le point sur cette situation, s'il a
été mis au courant de la situation, et quelles sont les solutions
que le gouvernement du Québec peut aider à apporter dans les
circonstances?
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, la pénurie d'acier
touche non seulement la province de Québec et non seulement le Canada
mais à peu près tous les pays du monde. Et devant ce
déséquilibre entre l'offre et la demande, un gouvernement ne peut
pas faire de la magie noire; il peut simplement tenter de mieux orienter la
production d'acier en fonction des besoins les plus particuliers qui touchent
à notre économie.
Nous l'avons fait pour plusieurs dossiers dans le passé. Dans ce
cas-ci, mes services discutent avec les compagnies d'acier, et avec la
compagnie elle-même, pour tenter de trouver un moyen de résoudre
leurs problèmes. Particulièrement parce que le Québec ne
produit qu'une
faible partie de l'acier fabriqué au Canada, on comprendra que
nos moyens de pression sont limités, bien que de la part des compagnies
nous ayons obtenu, jusqu'à aujourd'hui, une certaine collaboration pour
résoudre des cas comme celui que vous soulevez.
M. SAMSON: Supplémentaire, M. le Président. Le ministre
est probablement au courant que pour la construction de trois pétroliers
grecs les compagnies elles-mêmes, les armateurs, ont
négocié leur propre acier en Allemagne et on réussi
finalement à l'avoir pour bâtir ces pétroliers. Est-ce que
vous suggérez que, au sujet des quatre pétroliers devant
être mis en chantier, les armateurs négocient eux-mêmes leur
acier ou s'il n'y a pas un moyen quelconque, finalement, pour que le
gouvernement du Québec fasse quelque chose?
On sait que la Davie Shipbuilding est aux prises continuellement avec le
gouvernement fédéral, à genoux devant le gouvernement
fédéral, suivant la nouvelle qui nous est rapportée, pour
obtenir cette alimentation en acier.
M. SAINT-PIERRE: Je vais obtenir plus de renseignements à jour
dans ce dossier et il me fera plaisir de répondre au
député la semaine prochaine.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
Orchestre symphonique de Montréal
M. CHARRON: M. le Président, ma question s'adresse au ministre
des Affaires culturelles et porte, à nouveau ce matin, sur une
subvention, celle-là régulière, qui doit être
affectée le plus rapidement possible. Je voudrais demander au ministre
des Affaires culturelles où en sont rendues les discussions entre le
ministère qu'il dirige et la direction de l'Orchestre symphonique de
Montréal.
M. HARDY: M. le Président, je dois répondre au
député de Saint-Jacques que l'engagement que j'avais pris il y a
déjà quelques jours, de prendre toutes les mesures pour faire en
sorte que l'Orchestre symphonique de Montréal continue à vivre,
sera réalisé. Je serai en mesure d'annoncer la chose en temps et
lieu.
M. CHARRON: Additionnelle, M. le Président. Est-ce que le
ministre, dans les discussions, les propositions qu'il a faites à
l'Orchestre symphonique de Montréal, a tenu compte des remarques faites
aussi bien par l'Opposition officielle que par d'autres groupes oeuvrant sur le
territoire de Montréal, y compris même le premier ministre du
Canada, demandant à l'Orchestre symphonique de Montréal de
joindre à son dossier financier un dossier culturel qui impliquerait une
plus grande participation à la vie culturelle des
Québécois de langue française sur le territoire de
Montréal?
M. HARDY: Comme nous l'avons toujours fait, M. le Président,
avant d'accorder une subvention nous tenons compte de tous les
éléments en présence. Ce n'est qu'après
l'étude de tous ces éléments que nous prenons une
décision.
M. CHARRON: Est-ce que le ministre en a profité également
pour demander à l'Orchestre symphonique de Montréal de modifier
le nombre, le taux, le pourcentage de participation de musiciens
québécois, qui est singulièrement inférieure
à la normale qu'il devrait y avoir à l'intérieur de cet
orchestre?
M. HARDY: M. le Président, il y a deux décisions à
prendre quant à l'Orchestre symphonique de Montréal. Il y en a
une dans l'immédiat et il y en a une autre à long terme qui tient
compte de l'ensemble du problème. Le député de
Saint-Jacques comprendra que la dernière question qu'il vient de
formuler sera étudiée dans l'ensemble du problème.
M. CHARRON: Dernière question additionnelle, M. le
Président. Est-ce que les discussions se déroulent en anglais ou
en français?
M. TETLEY: La musique... UNE VOIX: The music.
M. TETLEY: La musique n'a aucune langue. Guitare...
LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.
M. Castonguay engagé comme conseiller
M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au premier
ministre. Est-ce que le premier ministre peut nous confirmer l'engagement de M.
Castonguay comme conseiller auprès du ministre des Affaires municipales
pour l'aider à établir une politique sociale de l'habitation?
Deuxièmement, si c'est oui, quel sera son rôle? Est-ce que ce sera
un travail à plein temps? Finalement, est-ce que le ministre des
Affaires municipales a été présent lors de cet engagement,
est-ce qu'il a été consulté, ou est-ce qu'actuellement il
est informé?
M. BOURASSA: M. le Président, cette décision de discuter
avec M. Castonguay a été prise conjointement avec le conseil des
ministres et particulièrement par le ministre des Affaires municipales
et le chef du gouvernement. Le ministre des Affaires municipales doit
rencontrer M. Castonguay dans quelques jours pour examiner les modalités
de travail de ce groupe de travail, son mandat, les sujets prioritaires. Je
pense que, dès la semaine prochaine, nous serons en mesure de
donner plus de détails sur ce sujet. Il n'y a pas encore de documents
signés, de part et d'autre. Pour répondre à une question
du député, M. Castonguay dirigera ce groupe de travail. Ce sera
un travail à temps partiel. Nous allons former ce groupe de travail, au
cours des prochains jours, et examiner son mandat.
M. LEGER: Une question supplémentaire. Est-ce qu'il y a eu une
acceptation de principe, hier soir, à l'occasion d'une rencontre avec M.
Castonguay?
M. BOURASSA: Cela fait longtemps que c'est décidé, qu'on
doit se rencontrer pour discuter de ce mandat, du travail que pourra faire M.
Castonguay. Ce ne sont pas des décisions qui sont consignées, si
on peut dire, au procès-verbal du conseil des ministres. Il n'en a pas
été discuté hier, mais avant que M. Castonguay quitte la
politique ou démissionne du cabinet, nous avions discuté, le
ministre des Affaires municipales, M. Castonguay et moi-même tous
les trois d'un travail que pourrait faire M. Castonguay pour ce qui a
trait au développement urbain.
M. CHARRON: Une question additionnelle, M. le Président. Comment
concilier la réponse du premier ministre qui dit que ça fait
longtemps que c'est décidé avec la question de privilège
du ministre des Affaires municipales qui se levait hier à rencontre d'un
article publié dans la Gazette disant que c'était simplement en
cours et qui a affirmé de son siège qu'il n'y avait rien de
décidé, que ça faisait partie d'un dossier qu'on
étudiait comme les autres. Le premier ministre vient de nous dire: Cela
fait longtemps que c'est décidé.
M. BOURASSA: Le député de Saint-Jacques ne fait pas grand
effort pour comprendre, ce matin. S'il se forçait un peu je
comprends qu'il est tôt pour lui il pourrait comprendre que ce qui
est arrivé, c'est simplement qu'il a été
décidé de discuter de cette possibilité extrêmement
intéressante pour le gouvernement du Québec d'accepter que M.
Castonguay dirige un groupe de travail, à temps partiel, pour les
questions de développement urbain. C'est aussi simple que ça. Si
oh veut en faire une autre tempête dans un verre d'eau, libre au
député de Saint-Jacques de le faire.
M. CHARRON: Dernière question additionnelle, M. le
Président. Est-ce que le ministre des Affaires municipales a l'intention
de faire une nouvelle question de privilège après la
période de questions?
M. GOLDBLOOM: M. le Président, j'aimerais simplement
préciser que le sujet principal de ma question de privilège,
hier, était l'affirmation, dans un article de journal, que ce qui se
discute se faisait à mon insu, ce qui était totalement faux.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.
Coût réel ou fonctionnement des autos des
fonctionnaires
M. BURNS: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de
la Fonction publique. Le gouvernement s'était engagé, à
l'article 42.11 de la convention collective des fonctionnaires, à
entreprendre une étude du coût réel de fonctionnement des
véhicules automobiles et ce pour le 1er janvier 1974. Ma question au
ministre est la suivante: Est-ce qu'il peut nous dire si cette étude est
terminée? Si oui, quelles en sont les recommandations?
M. PARENT (Hull): M. le Président, je ne suis pas en mesure de
donner les recommandations. Tout ce que je puis dire, c'est que le rapport a
été déposé au Conseil du trésor. Il est
entre les mains des membres du conseil depuis hier. Une décision sera
prise dès mercredi prochain sur la question des frais de voyage.
M. BURNS: M. le Président, une question additionnelle. Est-ce que
le ministre a pris connaissance de la suggestion d'un représentant
syndical du Syndicat des fonctionnaires du Québec, M. Daniel Higgins, et
plus particulièrement de la formule qu'il nous suggère, formule
d'indexation basée sur la moyenne des prix à la consommation de
l'huile à moteur, de l'essence, de l'assurance-automobile et des
pièces d'automobile? S'il a prix connaissance de cela, est-ce que le
ministre a l'intention d'en tenir compte dans la décision finale qui
sera prise éventuellement, comme il vient de nous le dire?
M. PARENT (Hull): L'efficacité du gouvernement est tellement
proverbiale qu'il n'a pas de besoin de tenir compte de telles recommandations.
Nous pouvons agir aussi rapidement que toutes les semaines.
M. BURNS: M. le Président, je ne parle pas de l'efficacité
du gouvernement.
M. BOURASSA: C'est une bonne réponse quand même.
M. BURNS: II n'en est pas question. Ce n'est pas une réponse.
C'est justement parce qu'il n'en a pas donné de réponse. Je lui
demande s'il a l'intention de tenir compte, dans l'étude qu'il a devant
lui et qui doit, éventuellement, aboutir à une recommandation du
gouvernement pour régler le problème, de ce
phénomène d'indexation des prix.
M. PARENT (Hull): M. le Président, le député
voudrait savoir indirectement ce que je ne
veux pas lui dire directement, à savoir quel sera le
règlement qui sera mis en vigueur.
M. BURNS: Ce n'est pas cela que je demande. Je demande si vous allez en
tenir compte ou pas.
M. LEGER: Allez-vous en tenir compte comme à Dasken?
M. BURNS: C'est fort comme réponse.
Université du Québec à
Chicoutimi
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de l'Education. L'administration de l'Université du
Québec, à Chicoutimi, a accusé, récemment, le
ministère de l'Education de violer les promesses qu'il avait faites
à cette constituante au sujet des dépenses autorisées
d'implantation. Selon elle, cette rupture d'engagements expliquerait le
déficit de fonctionnement de $224,000 et le déficit
accumulé de $500,000. Le ministre a-t-il répondu à ces
accusations? Quelle est la teneur de cette réponse, s'il y a
réponse?
M. CLOUTIER: M. le Président, je pense que c'est là une
question locale qui pourrait faire l'objet d'une inscription au feuilleton, si
nécessaire. Le rapport annuel de l'Université du Québec a
été déposé hier. Ce genre de réponse
relève de la responsabilité du président, que j'ai vu,
d'ailleurs, récemment à ce sujet-là.
M. BEDARD (Chicoutimi): Les questions locales sont permises.
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. Si le
ministre ne peut pas répondre parce qu'il n'a pas les détails, il
a toujours le loisir de prendre avis de la question.
Mais, je pense que vous avez, M. le Président, dans le
passé, décidé clairement, et connaissant la suite que vous
avez dans vos idées, je suis sûr que vous allez décider
dans le même sens.
Qu'il soit clairement établi qu'une question
d'intérêt public peut être aussi une question locale. C'est
cela le but de la période des questions. Ce sont des fonds publics, M.
le Président, qui viennent de tous les Québécois.
Même si c'est un phénomène local, c'est
d'intérêt public.
Si le ministre n'est pas prêt à répondre, je
conviens qu'il puisse dire qu'il prend avis de la question et qu'il
répondra plus tard, mais qu'il ne nous dise pas que ce n'est pas
recevable.
M. CLOUTIER: M. le Président, je me permets de vous faire
remarquer qu'en disant qu'il s'agissait d'une question locale, je ne faisais
pas un jugement de valeur sur ses répercussions générales.
J'ai aussi ajouté qu'on pouvait poser la question au feuilleton, parce
qu'il me semble que ce serait le truchement le plus normal dans le cas
particulier.
Cependant, je n'ai pas d'objection à en prendre avis et à
y revenir. C'est votre décision qui prévaudra.
LE PRESIDENT: C'est plutôt la vôtre. Si vous désirez
en prendre préavis, c'est à vous de le décider, à
savoir si vous désirez répondre plus tard ou si vous
préférez que la question soit au feuilleton. C'est vous qui devez
prendre la décision.
M. CLOUTIER: Dans ce cas, M. le Président, je pense qu'elle
devrait être posée au feuilleton. On y répondra très
rapidement, comme d'habitude.
M. CHARRON: Une question additionnelle, M. le Président. La
promesse qui a été faite à la constituante de Chicoutimi a
également été faite à toutes les constituantes de
l'Université du Québec. C'est pourquoi je demande au ministre
et cela n'a pas à être renvoyé au feuilleton
si l'engagement qu'il a pris face à l'Université du
Québec, dans chacune de ces constituantes, est-ce qu'il en a
avisé chacune des constituantes et la direction de l'Université
du Québec? Quelles directives a-t-il données à la
direction générale de l'enseignement supérieur dans les
discussions qui sont en cours, présentement, pour combler le
déficit de l'Université du Québec? Et le budget que l'on
prépare actuellement à la direction générale de
l'enseignement supérieur comporte-t-il simplement un montant devant
combler le déficit ou assure-t-il le roulement normal de
l'Université pour la prochaine année?
M. CLOUTIER: M. le Président, je ne sais pas si c'est une
question supplémentaire ou une question principale. De toute
façon, je n'ai pas d'objection à expliquer de quelle
manière nous procédons lorsqu'il y a des déficits dans une
université. Ce n'est pas la première fois que cela se produit.
Cela s'est produit à Laval, cela s'est produit à Sherbrooke et
nous élaborons, de concert avec l'université impliquée, un
plan de résorption. En général, nous ne comblons pas le
déficit de façon globale.
C'est ce genre de discussion qui est en cours, actuellement, au niveau
des fonctionnaires.
M. CHARRON: Quand devons-nous attendre une réponse?
M. CLOUTIER: En temps opportun, M. le Président, aussitôt
que le plan de résorption sera prêt. Il n'y a pas là autre
chose qu'une technique administrative courante.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Verdun.
Subside fédéral pour la police du
Québec
M. CARON: M. le Président, ma question
s'adresse à l'honorable ministre de la Justice. Le ministre de la
Justice a rencontré son monologue fédéral... Son homologue
fédéral au début de la semaine et les journaux rapportent
qu'il n'a pas fait un voyage fructueux. Je voudrais savoir du ministre de la
Justice s'il a l'intention de continuer ou de fermer le dossier.
M. CHOQUETTE: M. le Président, le député de Verdun
n'est pas loin de la vérité lorsqu'il parle de monologue, parce
que je dois dire que l'attitude de M. Warren Allmand, le solliciteur
général, a été simplement celle-ci:
Nous n'avons pas de programme de subvention aux corps policiers. Ce
n'est pas une chose qui existe au niveau fédéral et, par
conséquent, je ne peux pas vous remettre l'argent que vous revendiquez
comme étant la perte subie par le Québec comparativement au
soutien que le gouvernement fédéral donne à huit provinces
du Canada par l'utilisation qu'il fait des services de la GRC dans ses
provinces.
Nous avons reçu une réponse très légaliste,
très technocrate. Pour autant que je suis concerné, je ne
laisserai pas la question là, parce que je crois qu'il s'agit d'une
question de justice pour le Québec.
Et ça n'est pas parce que nous recevons des réponses de ce
genre de la part de certains ministres fédéraux et de certains
fonctionnaires que ceci veut dire que c'est la réponse ultime du
gouvernement fédéral. C'est la raison pour laquelle j'ai
l'intention de continuer dans la voie où je me suis engagé et de
saisir l'opinion publique québécoise sur l'injustice qui existe
actuellement.
Et on sait que les contribuables québécois qu'ils
soient de la région de Montréal ou des autres régions
sont obligés de supporter intégralement les frais de la
police dans la province de Québec, alors que nous exerçons
pleinement notre compétence constitutionnelle pendant que le
gouvernement fédéral donne des subsides cachés par
l'utilisation des services de la Gendarmerie royale du Canada.
J'ai confiance qu'au gouvernement fédéral il y a des
hommes de plus d'envergure et de plus d'imagination que ceux auxquels j'ai eu
à m'adresser à ce jour.
M. LEGER: ... main propre ou une main vide.
M. CHOQUETTE: Pour le moment, j'ai l'intention de faire parvenir
à tous les députés de l'Assemblée nationale le
dossier que j'ai soumis à Ottawa. J'ai l'intention d'envoyer des copies
de ce dossier à tous les députés du Québec qui
siègent à la Chambre des communes.
J'ai l'intention d'envoyer à tous les organismes qui ont un mot
à dire ou des responsabilités dans le domaine de la police copie
de notre dossier. En somme, j'ai l'intention d'alerter l'opinion publique du
Québec et d'amener le gouvernement fédéral à
réviser ses positions.
M. MORIN: Intitulez ça "le fédéralisme
rentable".
M. CHOQUETTE: Un instant. Ce n'est pas parce que le gouvernement
fédéral nous dit qu'il n'y a pas de programme et que M. Allmand
nous répond qu'il n'y a pas de programme. Moi je dis qu'il y a un
programme de facto et que le Québec est en droit d'exiger sa juste part
dans ce domaine, surtout devant les augmentations considérables que nous
imposent les activités de la police au Québec. Et je pense que
ceci est simplement venir au fond à la rescousse des contribuables
québécois.
C'est la situation à l'heure actuelle. Moi, je pense, pour
conclure ma réponse à la question du député de
Verdun, qu'il faut que le Québec change d'interlocuteur à Ottawa
et qu'on s'adresse à des personnes qui soient un peu plus
réceptives que le Solliciteur général.
M. BURNS: Question additionnelle. Est-ce que le ministre serait en
mesure de nous dire s'il a l'intention, dans le fond, de monter son dossier
pour la renégociation de 1976 parce que ce problème de la
police va revenir en 1976 avec les autres provinces? Ou bien s'il a des
choses concrètes qu'il entend faire ou des pressions concrètes
qu'il entend exercer auprès du gouvernement fédéral dans
ce fédéralisme inégal, selon son expression à
lui?
M. CHOQUETTE: Les deux, M. le Président. Je crois que le
député de Maisonneuve met l'accent sur deux aspects du
problème. Il est exact que le gouvernement fédéral devra
renégocier des contrats en 1976, et, là, le Québec sera
présent pour retirer les avantages qu'il aura droit de recevoir dans
cette négociation. Sur cet aspect du problème, même M.
Allmand est forcé d'admettre qu'il faudra que nous soyons
présents. C'est au moins ça de gagné.
Mais actuellement, pour les années présentes, je dis que
le Québec a une réclamation qui n'a peut-être pas un
fondement juridique ou légal, mais une réclamation en
équité à faire valoir au gouvernement
fédéral et que, au fond, on devrait poser les gestes qui
s'imposent à Ottawa pour nous donner justice. Donc, je réponds
oui à la question du député de Maisonneuve; actuellement,
nous avons une réclamation que nous avons concrétisée en
dollars et en cents. Nous sommes en droit, je pense, de continuer notre
campagne et je vais le faire.
LE PRESIDENT: Ecoutez, messieurs, j'aimerais avoir votre collaboration,
il va manquer du temps pour votre débat.
M. BURNS: Une très brève. Alors...
LE PRESIDENT: II y a le député de Saguenay
également qui désire poser une question et le
député de Chicoutimi aussi.
M. BURNS: On doit donc comprendre de la réponse du ministre qu'il
va tenter cette fois d'entreprendre un dialogue avec quelqu'un d'autre que M.
Allmand, si je comprends bien. Est-ce exact?
M. CHOQUETTE: Oui, on peut conclure cela.
M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au premier
ministre...
M. SAMSON: M. le Président, une question
supplémentaire.
LE PRESIDENT: Avez-vous une question supplémentaire sur la
même question? L'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: Est-ce que le ministre de la Justice peut nous dire si, dans
ces discussions, quand il a écouté le monologue de M. Allmand
à Ottawa, il a pu saisir réellement le fond de sa pensée?
Est-ce que ce ne serait pas plutôt que M. Allmand aurait un profond
désir d'imposer au Québec les services de la Gendarmerie royale
plutôt que de payer la compensation pour les services de la
Sûreté du Québec? Ne serait-ce pas ça que vous
auriez pu percevoir dans le fond?
M. CHOQUETTE: Le député de Rouyn-Noranda pose une bonne
question, parce que cela a déjà été une des
réponses de M. Allmand. Cela a été une réponse
qu'il a donnée il y a déjà sept ou huit mois quand j'avais
fait état de la situation qui existait. Cela a été la
réponse spontanée donnée par M. Allmand à cette
époque. Mais c'est une absurdité en fait parce que le
Québec, quand il exerce ses pouvoirs dans le domaine de la police,
exerce pleinement sa responsabilité dans le domaine de l'administration
de la justice et, deuxièmement, la GRC ne serait pas en mesure à
l'heure actuelle, et pour un bon moment, d'exercer les responsabilités
de la police au Québec.
Par conséquent, c'est une réponse que M. Allmand n'a pas
osé soutenir maintenant lors de notre entrevue.
LE PRESIDENT: Affaires du jour.
DEPOT DE DOCUMENTS Affaires
intergouvernementales
M. LEVESQUE: M. le Président, tel que convenu, qu'il me soit
permis de déposer le rapport annuel du ministère des Affaires
intergouvernementales pour l'exercice financier se terminant le 31 mars
1972.
M. le Président, au salon rouge, la commission de la fonction
publique poursuivra ce matin, à l'instant même, l'étude du
projet de loi no 4, Régime de retraite des employés du
gouvernement et des organismes publics.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LEVESQUE: Article 1.
Motion de blâme de M. Morin
LE PRESIDENT: Messieurs, avant de procéder au débat sur la
motion de blâme de l'Opposition officielle, après une rencontre
entre les leaders parlementaires des différents partis, voici le partage
du temps. Il reste environ 130 minutes avant la fin de ce débat, le
temps délimité en vertu de...
M. LEVESQUE: II en reste 120 maintenant.
LE PRESIDENT: Non, deux heures c'est 120...
M. BOURASSA: Deux fois 60.
LE PRESIDENT: ... plus dix minutes, ça fait 130.
M. LEVESQUE: Oui, mais le vote.
LE PRESIDENT: Le vote sera pris quelques minutes avant une heure.
L'Opposition officielle écoutez, on ne va pas se disputer pour
trois, quatre ou cinq minutes aura droit à 60 minutes, y compris
le droit de réplique; le Parti créditiste à quinze minutes
et le gouvernement à 5 5 minutes.
M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce que nous pourrions avoir
l'ordre dans lequel se présenteront ces 60 minutes et le temps? Est-ce
qu'on a convenu de cinq minutes de réplique?
M. BURNS: M. le Président, nous désirons garder cinq
minutes de réplique à la fin, de sorte que je vous demanderai de
bien avoir l'obligeance de nous les réserver.
LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez trois orateurs ou quatre?
M. BURNS: Nous aurons quatre intervenants...
LE PRESIDENT: Quatre.
M. BURNS: ... et le problème est pour nous de les garder à
l'intérieur de ces 60 minutes.
M. LEVESQUE: Le même discours par les quatre?
M. BURNS: Bien, vous l'écouterez, puis vous jugerez, si vous
êtes capable.
LE PRESIDENT: Ce que je propose, ce serait deux orateurs de l'Opposition
officielle au départ; l'intervenant du Parti créditiste et un du
côté ministériel; deux du parti de l'Opposition officielle;
un autre de la majorité, et le droit de réplique de cinq
minutes.
M. LEVESQUE: D'accord.
Note de l'éditeur Voici le texte de la motion de M.
Jacques-Yvan Morin, chef de l'Opposition. "Que cette Assemblée est
d'avis que le gouvernement doit être blâmé pour son manque
de prévoyance à long terme et de prévision à court
terme, en ce qui concerne l'approvisionnement du Québec en
pétrole, ainsi que pour son incapacité de s'assurer que les
politiques gouvernementales, fédérales et
québécoises, soient conformes aux besoins du Québec, de
sorte que les Québécois non seulement risquent de manquer de
pétrole, mais devront payer plus cher que nécessaire pour les
produits pétroliers dont ils ont besoin pour leur chauffage, leur
transport et leur industrie.."
M. Jacques-Yvan Morin
M. MORIN: M. le Président, les crises, qu'elles soient
économiques, qu'elles soient sociales ou qu'elles soient politiques,
sont rarement favorables au peuple, au monde ordinaire. Elles l'accablent
souvent plus qu'il ne l'est déjà. A moins de pratiquer la
politique du pire, personne ne souhaite ces crises, surtout dans les
sociétés industrielles qui sont si vulnérables. On peut
constater d'ailleurs que, plus elles sont développées, plus elles
deviennent vulnérables.
D'un autre côté, les situations de crise, pour qui sait les
analyser correctement, sont révélatrices des forces qui
sous-tendent une société. Elles exigent pour leur solution de
l'initiative de la part des gouvernants et qui dit initiative dit
décision, qui dit décision dit pouvoir. C'est pourquoi les crises
révèlent tôt ou tard où se trouve dans une
société le pouvoir réel.
Ainsi en est-il de cette crise de l'énergie provoquée par
la cherté et par la rareté du pétrole. Cette crise, qui
sévit ouvertement dans le monde et en particulier en Occident depuis
quelques semaines, nous révèle la prévoyance ou
l'imprévoyance des gouvernants, leur soumission aux
intérêts étrangers ou leur dévouement à la
cause de leurs administrés. Elle révèle, cette crise, leur
esprit d'initiative ou leur impuissance. Elle révèle le pouvoir
véritable dont dispose un gouvernement. Lorsque deux ou plusieurs
gouvernements sont en lice ou s'opposent, les crises révèlent
lequel gouverne réellement.
On doit, bien sûr, tenter de résoudre les crises le plus
rapidement possible, mais on ne doit pas, pour autant, négliger d'en
tirer toutes les leçons qui s'imposent surtout à long terme.
C'est surtout à cela que je voudrais m'attacher ce matin et c'est
surtout sur cela que porte cette motion de blâme.
La crise actuelle de l'énergie, qui est avant tout celle du
pétrole, me paraît révéler l'impuissance du
gouvernement québécois devant les problèmes qui nous
assaillent, impuissance que je pourrais appeler organique ou institutionnelle
devant la prépondérance du pouvoir et des moyens financiers
d'Ottawa, d'une part; impuissance idéologique, j'allais dire
caractérielle en ce sens qu'elle dépend du gouvernement
québécois lui-même, devant les grandes
sociétés pétrolières venues de l'étranger,
impuissance qui entraîne incompétence et inaction.
Ainsi coincé entre les véritables maîtres du
Québec qui agissent généralement dans l'ombre, mais sur
lesquels la crise jette maintenant un faisceau de lumière crue,
coincé entre le gouvernement fédéral et les
sociétés pétrolières, le gouvernement du
Québec, le gouvernement Bourassa s'est mis à la remorque des
événements.
M. BOURASSA: Faux, complètement faux!
M. MORIN: Je vais démontrer que c'est vrai et vous aurez
l'occasion de prouver le contraire tout à l'heure, si vous en êtes
capable. Les autres, le véritable gouvernement, les véritables
maîtres économiques, luttent entre eux, bien sûr, mais en
prenant garde, comme de vieux lutteurs professionnels, de se porter des coups
trop durs, tandis que le gouvernement du Québec, lui, assis en dehors du
ring, à l'heure actuelle, trompe son impuissance trop flagrante en
parlant fort: Superport, superpétroliers, Gros-Cacouana...
M. BOURASSA: Maxi.
M. MORIN: ... mais en ne faisant rien, comme le spectateur aux muscles
un. peu flasques d'un match de lutte. La problématique du Québec
en matière énergétique est connue depuis longtemps, M. le
Président. Elle consiste essentiellement en une double
dépendance: dépendance du Québec, d'abord, quant à
l'énergie dont il a besoin, l'énergie étant la condition
du développement économique. Je ne l'apprendrai pas au premier
ministre; en tout cas, je ne l'apprendrai pas au ministre des Richesses
naturelles, puisque c'est le rapport rédigé par ses
fonctionnaires qui nous le rappelle. Cette dépendance au Québec
atteint entre 75 p.c et 80 p.c. de la consommation
énergétique.
Dépendance, en second lieu, à l'égard des grandes
compagnies pétrolières qui importent le pétrole, le
vendent, le distribuent, le gouvernement ne sachant rien quant à
l'état des stocks et ne pouvant pas intervenir, comme nous l'a dit,
l'autre semaine, le ministre des Richesses naturelles. Double dépendance
qui avait entraîné, l'année dernière, la
rédaction d'un rapport, qui n'est pas mal fait, intitulé Les
objectifs d'une politique québécoise de l'énergie. Dans ce
rap-
port, après avoir défini la problématique de
manière plus détaillée que je viens de le faire, on
proposait un certain nombre de solutions, d'objectifs. Malheureusement, ces
objectifs ne coincident pas avec l'analyse de la situation qui
précède. L'analyse de la situation est, ma foi, sur le plan
descriptif, assez fidèle, on peut s'y fier, mais, quand on aborde les
conclusions, on se rend compte qu'il y a un hiatus entre les prémisses
et ce qui suit.
Quand on lit les conclusions, on constate qu'elles ont
été, pour ainsi dire, châtrées. Par exemple,
lorsqu'on parle de SOQUIP et du rôle essentiel que pourrait exercer
SOQUIP dans cette crise, qu'aurait pu exercer SOQUIP déjà depuis
deux ans, trois ans et même auparavant, là, on se contente de dire
que SOQUIP pourrait peut-être appelée à jouer un rôle
à long terme.
La politique énergétique du Québec doit comporter
au moins, de l'avis de l'Opposition, quatre éléments essentiels.
Je suis bien sûr que, sur certains d'entre eux, le gouvernement va se
trouver d'accord; peut-être, sur d'autres, en sera-t-il autrement.
Le premier objectif, c'est évidemment de trouver du
pétrole au meilleur prix.
M. BOURASSA: On est d'accord.
M. MORIN: Je le savais, bien sûr, on s'en doute, mais vous ne
prenez pas les moyens pour en arriver là. Voilà ce qui ne va pas.
Dans le rapport, on dit que le Québec a intérêt à
être approvisionné en pétrole brut à partir du
marché mondial et on ajoute que le Québec a intérêt,
donc, à diversifier ses sources d'approvisionnement le plus possible, de
manière à profiter le plus possible de la concurrence dans les
prix. Autrement dit, le Québec a intérêt à demeurer,
M. le premier ministre, une zone d'importation libre. Etes-vous d'accord sur ce
point également?
M. BOURASSA: A des prix acceptables pour le Québec, avec une
sécurité des approvisionnements qui nous permette de maintenir
notre croissance économique.
M. MORIN: Naturellement. Donc, le Québec a intérêt
à demeurer une zone d'approvisionnement libre, à trouver le
pétrole au meilleur prix possible.
Le deuxième objectif qui est un peu un corollaire du premier
là aussi le gouvernement sera sans doute d'accord avec nous
c'est la construction en eaux profondes, non pas d'un superci ou d'un
superça, mais d'un port adapté aux besoins réels du
Québec, en matière d'importation de pétrole. Un port
modeste s'il le faut, au début...
M. SAINT-PIERRE: C'est un changement de politique.
M. MORIN: ... mais qui permette éventuellement à des
navires, non pas de 400,000 tonnes, non pas de 200,000 tonnes, peut-être
de 100,000 tonnes...
M. BOURASSA: Est-ce que...
M. MORIN: Non, je ne permets pas au premier ministre de
m'interrompre...
M. BOURASSA: Une question, une petite question.
M. MORIN: ... parce que mon temps de parole est limité, M. le
Président.
M. BOURASSA: Cela ne réduira pas votre temps, c'est parce que je
dois m'absenter pour l'affaire du Soleil. Je voudrais juste poser une
question.
LE PRESIDENT: Est-ce que la permission est accordée?
M. MORIN: Non, je voudrais continuer, M. le Président.
LE PRESIDENT: Je m'excuse, mais... M. BOURASSA: On a peur!
LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre, s'il vous plaît!
M. MORIN: Le ministre de l'Industrie et du Commerce pourra
également me répondre tout à l'heure. Je suis sûr
qu'il le fera avec éloquence.
Le troisième objectif, c'est la mise en valeur du sous-sol
québécois. Là-dessus, le gouvernement sera certainement
d'accord, puisque c'est à peu près le seul mandat de SOQUIP qui a
été libéré par le conseil des ministres.
Le quatrième objectif, lui, je ne sais pas si on sera
parfaitement d'accord: c'est de développer les activités du
secteur témoin; ce qu'on aurait dû faire depuis déjà
deux ans et plus. On aurait dû, en fait, commencer cela sous l'ancien
gouvernement de l'Union Nationale, au temps l'ERAP. Malheureusement, toujours
à cause de cette dépendance à l'égard des grandes
sociétés multinationales qui, la plupart du temps, sont des
sociétés américaines déguisées, le
gouvernement n'a pas donné suite au mandat b) de SOQUIP. Le mandat a),
vous vous en souviendrez, consiste essentiellement à produire et
emmagasiner des hydrocarbures à l'état brut. Tandis que le mandat
b), celui qu'il fallait mettre en marche le plus tôt possible, consistait
à participer au raffinage des hydrocarbures, et non seulement au
raffinage mais à la vente des produits raffinés. Ce mandat b)
aurait permis au gouvernement de surveiller les prix, de surveiller les
approvisionnements, de savoir où on en était, de voir venir aussi
la crise, de protéger les consommateurs. Le gouvernement n'en a rien
fait. Le gouvernement n'en a rien fait.
M. BOURASSA: C'est faux, c'est faux!
M. MORIN: II vient, il y a quelques jours à peine, en panique, et
parce qu'il n'y avait plus moyen de faire autrement, d'autoriser SOQUIP
à s'occuper d'approvisionnement, en rechercher. Mais de raffinage, de
distribution des hydrocarbures, pas question.
M. LEVESQUE: Vous écouterez le ministre vous répondre,
tout à l'heure, vous verrez.
M. MORIN: Je l'écouterai très volontiers, j'ai bien
hâte de voir ce qu'il va répondre.
M. LEVESQUE: II va vous confondre.
M. MORIN: Malheureusement, cet aspect du mandat a été
rendu ineffectif, même dans le rapport sur les objectifs d'une politique
québécoise de l'énergie, puisqu'on a remis ça au
long terme. Puis, voilà que la crise intervient. Le premier ministre
nous dit: Je ne suis pas M. Kissinger, je n'ai pas pu prévoir la crise.
Je ne doute pas qu'il y ait un fossé pas mal large entre le premier
ministre et M. Kissinger. Je pense que personne en cette Chambre n'en doute, et
à plus d'un point de vue, mais le premier ministre ne peut pas dire
qu'il ignorait que les prémisses de cette crise se trouvaient
déjà...
M. HARDY: ... fait élire, M. Kissinger.
M. MORIN: ... dans l'actualité, il y a plusieurs mois. C'est le
rapport de SOQUIP lui-même, un rapport qui date d'il y a plusieurs mois,
rapport qui date de mars 1973, dans lequel on peut lire des passages comme
celui-ci. Evidemment, ce sont les conséquences du regroupement des
producteurs de pétrole dans l'OPEP et de leurs tendances à
reprendre en main, comme cela se doit, la production des hydrocarbures
tirés de leur sous-sol. Les pays de l'OPEP, eux, ont veillé aux
intérêts de leurs commettants, ont veillé à leurs
intérêts. Le Québec, lui, n'y a pas vu. Dans le rapport de
SOQUIP, on dit: "Au cours de ces trois premières années de la
décennie soixante-dix c'est-à-dire, essentiellement,
depuis que le Parti libéral est au pouvoir nous avons tous
été témoins d'une succession d'événements
qui ont profondément changé les conditions économiques et
politiques dans lesquelles l'énergie de pétrole est extraite du
sol. Certaines orientations paraissent clairement dont la plus importante est
le rôle croissant des instances gouvernementales de tous les pays dans le
secteur énergie". Je cite toujours les extraits du rapport SOQUIP. Cet
autre passage qui est encore plus caractéristique et dont le
gouvernement aurait pu tenir compte déjà, depuis plusieurs mois.
"Il n'y a pas encore de réelle pénurie physique de pétrole
brut mais le contrôle de 65 p.c. de la production mondiale par des
gouvernements soucieux d'optimiser leurs reve- nus et bénéfices
à long terme a fait disparaître le surplus disponible." Il me
semble que cela est clair. Et c'était en mars 1973.
Autre passage: "La faiblesse de l'offre devant une demande mondiale
croissante est et sera vraisemblablement, encore pour plusieurs années,
plus politique que physique. Ces modifications des conditions
d'approvisionnement jointes à un accroissement considérable de la
demande mondiale d'énergie de pétrole créent une
inquiétude justifiée dans les pays déficitaires." C'est
SOQUIP qui constate que les pays un peu au fait, les pays qui suivaient leur
affaire, les pays qui se tiennent debout, les pays qui ne sont pas à
genoux devant les sociétés étrangères, les pays qui
ne sont pas à genoux devant un gouvernement étranger, ces pays
étaient inquiets déjà en mars 1973. Le gouvernement du
Québec était-il inquiet? Mais non, c'était le cadet de ses
soucis. Il n'était pas M. Kissinger, il ne pouvait pas savoir ce qui se
passait dans les pays arabes, le premier ministre. Eh bien, c'est comme cela
qu'on a été pris de court. C'est par cette incurie, cette
imprévoyance c'est l'objet de notre motion de blâme
que nous nous trouvons acculés aujourd'hui à une crise
pétrolière à court terme, qui fera que peut-être,
cet hiver, nous aurons de la difficulté, sur la fin, si l'hiver est le
moindrement difficile, à nous chauffer. C'est ce qui fait qu'à
long terme, et c'est plus grave encore, l'industrie québécoise
est menacée dans ses sources d'énergie.
La crise était connue déjà depuis de longs mois
dans les pays qui s'occupent de leurs affaires. Le gouvernement libéral,
lui, d'après ce que l'on peut voir, d'après ses récentes
déclarations, n'en a rien fait.
M. BOURASSA: Une petite nuance.
M.MORIN: Alors...
M. BOURASSA: Une petite nuance.
M. MORIN: ... je passe à l'action fédérale dans ce
domaine avant de tirer quelques leçons politiques de cette crise
économique, cette crise d'énergie. Le pouvoir
fédéral, peut-être a-t-il lu le rapport de SOQUIP pendant
que le premier ministre s'abstenait de le lire?
M. BOURASSA: C'est faux!
M. MORIN: II était au courant, le pouvoir fédéral
était inquiet.
M. BOURASSA: M. le Président, j'ai le droit d'invoquer une
question de privilège.
M. MORIN: M. le Président, non, je regrette, vous
répondrez tout à l'heure.
M. LEGER: A la fin, à la fin, M. le Président.
LE PRESIDENT: Une question de privilège.
M. BOURASSA: Une question de privilège. Comment le chef de
l'Opposition...
M. LEGER: A la fin, la question de privilège, M. le
Président.
LE PRESIDENT: Brièvement, sans soulever de débat.
M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition vient de dire que je n'ai pas lu un
document. Est-ce qu'il a une preuve comme quoi je n'aurais pas lu ce document
pour faire une telle affirmation?
M. LEGER: M. le Président, ce n'est pas une question de
privilège.
LE PRESIDENT: Justement, je redonne la parole à l'honorable chef
de l'Opposition.
M.MORIN: Merci, M. le Président. Le pouvoir fédéral
voit venir la crise. Il n'est pas non plus M. Kissinger, mais il a des moyens
de renseignements. Voyant venir la crise, qu'est-ce qu'il fait? Il a toujours
eu comme objectif de développer les pétroles de l'Ouest dont il
estimait que le développement ne procédait pas assez vite. Il a
toujours eu comme objectif aussi de créer, pour l'Ontario à tout
le moins, une source autonome d'approvisionnement pétrolier. Et il y a
très bien réussi depuis la création, en 1961, de la ligne
Borden.
Voyant venir la crise, que fait Ottawa? Il s'empresse, voyant que le
gouvernement du Québec ne fait rien, devant l'impuissance, l'inertie du
gouvernement québécois, Ottawa décide d'agir et annonce,
dès septembre, avant même que la crise ne devienne réelle
c'est dire à quel point il était bien renseigné
la prolongation de l'oléoduc de Sarnia à Montréal.
Le pouvoir fédéral, donc, prépare non pas la suppression
de la ligne Borden mais l'extension de la ligne Borden pour inclure le
Québec et les provinces maritimes. C'est cela qui s'en vient. C'est cela
qui est dans les cartes. Si le premier ministre ne le sait pas, je ne sais pas
comment on pourrait lui faire la démonstration.
M. HARDY: De quoi?
M.MORIN: Lorsque j'ai demandé, le 30 novembre, au ministre des
Richesses naturelles quelle était l'attitude du Québec devant la
déclaration du premier ministre du Nouveau-Brunswick, M. Hatfield,
à l'effet que cette province entend construire un superport à
Lorneville en vue d'alimenter les marchés de Québec et de
Montréal, le ministre m'a répondu, par le leader du gouvernement,
M. Levesque, que notre inquiétude n'était fondée sur aucun
fait.
Toujours, quand on les met devant des faits, nier l'importance du
problème, nous dire qu'on n'a pas de preuves, nous dire que tout cela,
ce sont des racontars de journaux.
M. BOURASSA: En avez-vous ou n'en avez-vous pas? Oui, mais on est
sérieux. On est sérieux, nous!
M. MORIN: Le ministre m'a répondu que, de toute façon,
l'oléoduc devrait passer par le territoire québécois. On
s'en doutait. J'imagine que le ministre voulait dire par là que le
Québec pourrait s'opposer au passage du pipeline. Ce sera beau à
voir !
Or, le 7 décembre, M. le Président, le ministre
fédéral de l'énergie indique, dans un discours
prononcé aux Communes, qu'effectivement il est question de prolonger
l'oléoduc Sarnia-Montréal jusqu'à la côte canadienne
de l'Atlantique et il annnonce que, peut-être, on va avoir le choix entre
le Bas Saint-Laurent, Lorneville, Canso, mais il ajoute qu'il choisira le site
qui est "le plus conforme à l'intérêt général
du Canada".
Or, nous savons et le chef du gouvernement le sait très
bien que l'expérience nous a toujours appris, enseigné que
l'intérêt canadien ne coincide pas nécessairement avec
l'intérêt du Québec, et tous les bruits ils sont
nombreux qui viennent d'Ottawa confirment d'ailleurs nos
inquiétudes. Le port pétrolier ne sera pas construit au
Québec, M. le Président. Voilà ce qui s'en vient.
Voilà un cas concret où les lenteurs du gouvernement,
l'incompétence du gouvernement, sa tendance à tergiverser,
à ne pas heurter de front les intérêts des grandes
compagnies pétrolières, voilà un cas où toutes ces
tergiversations nous causent un tort irréparable.
Québec aurait pu mener rondement les négociations depuis
déjà un certain temps avec les pays arabes. Il aurait pu devancer
Ottawa dans cette zone grise, du point de vue constitutionnel, où le
premier occupant a tous les droits.
M. BOURASSA: Est-ce qu'on aurait pu empêcher la guerre au
Moyen-Orient?
M. MORIN: M. le premier ministre, vous me répondrez tout à
l'heure. La crise existait déjà avant la guerre au Moyen-Orient
et Ottawa avait déjà pris les mesures pour aller au-devant de
cette crise.
M. BOURASSA: On aurait pu...
M. MORIN: Vous n'en avez rien fait! Vous n'en avez rien fait.
M. LEVESQUE: Vous écouterez le ministre. Il va vous
confondre.
M. MORIN: M. le Président, Québec aurait pu donner de
l'épine dorsale à SOQUIP, mais le
gouvernement n'en a pas, lui-même. Il ne peut pas en communiquer
aux autres. Et désormais, devant quoi sommes-nous? Je pense que personne
ici ne peut le nier. Ottawa occupe la place. Ottawa occupe tout l'horizon, en
matière d'énergie.
M. BOURASSA: On n'a pas de pétrole.
M. MORIN: Et SOQUIP voudrait elle-même aller négocier des
approvisionnements à l'étranger que, désormais, SOQUIP va
trouver sur son chemin la Société canadienne des pétroles.
Il va arriver à vos agents, aux agents de SOQUIP, ce qui est
arrivé aux agents de coopération, M. le premier ministre.
M. BOURASSA: Panartic Oils, cela existe déjà.
M. MORIN: Laissez-moi finir, M. le premier ministre. Vous aurez le
loisir de me répondre, tout le loisir.
M. BOURASSA: Mais il faut que je parte.
M. MORIN: M. le Président, Yves Michaud racontait comment,
lorsqu'il était fonctionnaire...
M. BOURASSA: C'est la meilleure! C'est la meilleure!
M. MORIN: ... de ce gouvernement, comment, en arrivant dans certains
pays avec lesquels il avait des rendez-vous...
M. BOURASSA: On a aboli son poste!
M. MORIN: ... il arrivait là pour découvrir que ces
rendez-vous avaient été annulés par l'ambassade du Canada.
Eh bien, c'est ce qui va se produire.
M. BOURASSA: Du potinage! Du potinage de Yves Michaud.
M. MORIN: Les représentants de SOQUIP vont arriver dans les pays
arabes pour découvrir que leurs rendez-vous sont annulés par la
Société canadienne des pétroles. Voilà à
quoi vous allez vous heurter.
M. BOURASSA: Du potinage à la Casa Pedro !
M. MORIN: A l'ordre, M. le Président! Québec voudrait-il
empêcher le tuyau de passer sur son territoire, comme le disait le leader
du gouvernement l'autre jour? Il me faut lui rappeler un certain nombre de
pouvoirs qu'Ottawa possède dans ce domaine et qui vont rendre encore
plus impuissant un gouvernement qui n'a pas agi quand il fallait agir.
Ottawa possède des pouvoirs en matière de commerce
international, peut imposer des restrictions quantitatives, des droits de
douane sur l'importance du pétrole, le jour où il voudra faire en
sorte que l'oléoduc Sarnia-Montréal soit rentabilisé par
un flot constant de pétrole en direction de Montréal. Ottawa
possède le pouvoir sur le commerce interprovincial et, s'il s'agit de
faire passer un tuyau de Sarnia à Lorneville, ce n'est pas le leader du
gouvernement, ce n'est pas le chef du gouvernement, ce n'est pas le
gouvernement Bourassa qui pourra empêcher cela, M. le Président,
parce qu'Ottawa possède les pouvoirs de le faire et...
M. BOURASSA: C'est un marché commun.
M. MORIN: ... Ottawa creusera le trou, s'il le faut, expropriera. Vous
le savez très bien.
M. BOURASSA: C'est un marché commun.
M. MORIN: Vous savez très bien qu'Ottawa possède les
pouvoirs pour installer l'oléoduc sans votre consentement. S'il y avait
un marché commun, ce ne serait pas le cas. Je vous mets au défi
de prouver que ce serait le cas.
M. BOURASSA: Ah! bien... Vérifiez, le Conseil de l'énergie
proposé par M. Pompidou.
M. MORIN: M. le Président, le premier ministre, visiblement, ne
sait pas de quoi il parle.
M. BOURASSA: Vérifiez ce qui se passe.
M. MORIN: Le premier ministre ne sait pas ce que c'est qu'un
marché commun.
M. BOURASSA: Une union douanière, une union tarifaire.
M. MORIN: II ne sait pas que dans une union douanière ou un
marché commun les pays conservent leur souveraineté. Tout ce
qu'ils n'ont pas abandonné leur reste.
M. BOURASSA: Partiellement. Allez à Bruxelles.
M. MORIN: Pour le cas où le gouvernement québécois
aurait des velléités d'empêcher l'oléoduc de passer,
puis-je lui rappeler qu'Ottawa possède le pouvoir d'expropriation et, en
plus de ça, pour le cas où ça ne marcherait pas, le
pouvoir déclaratoire qui s'est appliqué à la compagnie
Bell Canada? Est-ce que le premier ministre ignore ça? J'imagine qu'il a
fait suffisamment de droit constitutionnel pour le savoir.
M. BOURASSA: Allez examiner la situation à Bruxelles au
marché commun, le Conseil de l'énergie.
M. MORIN: J'en viens à mes conclusions. Le gouvernement du
Québec, dans cette affaire, a été à la fois
impuissant et insignifiant.
M. BOURASSA: C'est dur, ça. Ce n'est pas juste.
M. MORIN: Cela appert de plus en plus, et le malheur veut...
M. BOURASSA: C'est injuste!
M. MORIN: ... que, dans les semaines qui viennent, cette impuissance va
paraître encore plus clairement aux yeux de tous les
Québécois.
M. BOURASSA: .. pas de pétrole, c'est aussi simple que
ça.
M. MORIN: Comme dans le domaine des allocations familiales, des
communications, de la main-d'oeuvre, comme dans le domaine des frais
entrâmes par la police dont nous parlait tout à l'heure le
ministre de la Justice, Ottawa impose sa politique, Ottawa ne cède rien.
Et cela, en conclusion, m'amène à penser que, tant que le
gouvernement s'obstinera dans ce domaine comme dans les autres à vouloir
régler les problèmes un à un, il se heurtera à des
murs de brique. Il ira se casser le nez, comme c'est arrivé si souvent,
sur la volonté d'Ottawa de ne rien lâcher.
C'est pourquoi, nous du Parti québécois, de l'Opposition
officielle, nous avons proposé cette motion de blâme. Et c'est
pourquoi aussi nous persistons à croire et nous continuerons à
dire aux Québécois que, tant que la question globale de l'avenir
constitutionnel du Québec ne sera pas posée, on ne pourra pas
résoudre des problèmes aussi concrets et aussi peu abstraits que
celui-là. Merci, M. le Président.
M. BOURASSA: Sauf le fond, la performance est bonne.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! L'honorable député de
Saguenay.
M. Lucien Lessard
M. LESSARD: M. le Président, ce n'est pas la première fois
que le Parti québécois parle d'une politique
énergétique au Québec. Je n'ai pas besoin de vous rappeler
que dès notre arrivée à l'Assemblée nationale,
suite aux élections du 29 avril 1970, dès la première
discussion que nous avons eue en particulier avec le ministre actuel des
Richesses naturelles concernant les crédits de ce ministère, mon
ex-collègue Guy Joron et moi-même avions insisté fortement
sur la nécessité d'instaurer une politique
énergétique québécoise.
En effet, nous avions eu de mauvaises expériences dans ce domaine
depuis quelques années, en particulier en 1969. Et le premier ministre
devrait lire lui-même les interventions qu'il faisait à ce moment,
alors qu'il était critique de l'Opposition en cette Chambre, concernant
la nécessité d'avoir une politique énergétique
québécoise.
Il avait fait des interventions en particulier lorsque le gouvernement
de l'Union Nationale avait cédé devant Golden Eagle, alors que
des fonctionnaires avaient étudié la possibilité
d'établir une raffinerie dans la région de Québec, mais
raffinerie qui devait être contrôlée par le gouvernement
québécois.
Malheureusement, suite à des interventions politiques d'un
organisateur de l'Union Nationale, qui est devenu vice-président de la
compagnie Aigle d'Or, ce projet d'une raffinerie québécoise qui
avait été préparé par des hauts fonctionnaires
québécois a malheureusement avorté.
Si nous soulevons cette question de censure aujourd'hui, c'est que nous
ne voulons pas que la même chose se reproduise.
Ce n'est pas, M. le Président, depuis la nomination du ministre
actuel des Richesses naturelles que nous discutons d'énergie au
Québec. Comme je le disais, on en avait discuté avant et je sais
qu'en 1970 le ministre actuel a créé sa direction de
l'énergie à l'intérieur du ministère. Il y avait
des dossiers à ce moment-là au niveau du ministère,
dossiers qu'on n'a pas réussi à concrétiser suite,
justement, aux interventions des compagnies multinationales. C'est
principalement de ce sujet que je veux parler.
Si nous soulevons la motion de blâme aujourd'hui, c'est que nous
voulons d'abord, comme le soulignait tout à l'heure le chef
parlementaire du Parti québécois, alerter l'opinion publique sur
les enjeux importants qui sont en cause quand on discute d'une politique
énergétique, enjeux importants concernant toute l'industrie
pétrochimique qui périclite depuis 1961, depuis que le
gouvernement fédéral a imposé sa politique nationale du
pétrole. Et, maintenant, le gouvernement fédéral veut
imposer une nouvelle politique nationale du pétrole. En effet, en 1961,
le gouvernement du Québec si on excepte le maire actuel de
Montréal, M. Drapeau n'avait fait aucune protestation contre
l'établissement de la ligne Borden qui a apporté comme
conséquence la diminution du raffinage du pétrole dans la
région de Montréal en particulier.
Nous voulons aussi, M. le Président, par cette motion de
blâme, avertir le gouvernement qu'on en se laissera pas passer un
Québec cette fois, que nous avons l'intention de le surveiller, de le
forcer ou d'amener, en tout cas, l'opinion publique à le forcer à
établir une véritable politique pétrolière. L'une
des conditions essentielles à une politique énergétique,
c'est d'abord qu'il y ait un leadership au niveau du ministère des
Richesses naturelles. Malheureusement, M. le Président, depuis quatre
ans, on constate que ce leadership n'existe pas. Il faut un leadership,
d'abord, non seulement pour élaborer une politique en
effet, il y a eu, grâce à des hauts fonctionnaires qui sont
intéressés à ce domaine, l'élaboration au moins
d'un minimum de politique énergétique du Québec
mais pour, que cette politique énergétique puisse être
concrétisée. Pour qu'elle le soit, ça prend quelqu'un qui
est assez fort pour négocier non seulement avec le gouvernement
fédéral, mais aussi avec les compagnies multinationales. Il
aurait d'abord fallu, comme le ministre des Terres et Forêts l'a fait,
que le ministre convoque la commission parlementaire des Richesses naturelles
pour étudier et surtout entendre les différentes parties
intéressées, les différents groupes
intéressés à l'élaboration d'une politique
énergétique.
Or, qu'est-ce qui est arrivé? Le 16 novembre 1972, le ministre
nous soumettait son rapport ou son dossier concernant les objectifs d'une
politique énergétique. Est-ce que les groupes
intéressés, M. le Président, ont été
consultés? Est-ce que le ministre a voulu ouvrir ce dossier à
l'ensemble de la population québécoise pour qu'il soit
discuté ouvertement? Est-ce que le ministre ce qu'il aurait
dû faire a convoqué en commission parlementaire ces
différentes parties? Non. Non, M. le Président, parce que, plus
qu'au niveau des Terres et Forêts, le cartel des compagnies
pétrolières est très fort et très puissant.
Nous avons vu, un mois après que le ministre eut
déposé son rapport, que le ministre ne contrôlait plus son
dossier. Nous constatons, M. le Président, que le gouvernement du
Québec convoque les grands du pétrole, le 12 décembre
1972. Ce n'est pas le ministre des Richesses naturelles, responsable de
l'élaboration d'une politique énergétique
québécoise, qui convoque les grands du pétrole; M. le
Président, c'est le ministre de l'Industrie et du Commerce.
Si ce n'avait été probablement du ministre de l'Industrie
et du Commerce, M. Guy Saint-Pierre, la politique énergétique du
gouvernement québécois n'aurait peut-être pas
été acceptée même par le cabinet. C'est le ministre
de l'Industrie et du Commerce qui convoque les grands du pétrole. C'est
le ministre de l'Industrie et du Commerce qui court-circuite le canal normal de
négociation entre les compagnies multinationales qui étaient
d'abord sous la responsabilité du ministre actuel des Richesses
naturelles.
Est-ce que ce premier signe ne démontre pas que le
véritable responsable de la politique énergétique, ce
n'est plus le ministre actuel; que le véritable leader dans ce secteur
important, ce n'est plus le ministre actuel, le ministre des Richesses
naturelles, mais que le véritable responsable, il semble que ce soit le
ministre actuel de l'Industrie et du Commerce? Mais qu'est-ce qui s'est
passé, M. le Président, suite à cette réunion?
Quelles sont les influences que les compagnies multinationales ont eues
auprès du ministre actuel de l'Industrie et du Commerce?
Est-ce que ces influences ne seraient pas la cause de l'avortement
possible de cette nouvelle politique énergétique au
Québec? Je posais la question hier, et il y a un document qui a
été déposé auprès du ministre de l'Industrie
et du Commerce lors de cette réunion, document dans lequel les
compagnies multinationales s'opposent aux objectifs de la politique
énergétique québécoise. Est-ce que le lobbying des
compagnies internationales dans les produits pétroliers ne serait pas
exactement le même que celui des compagnies forestières, lorsqu'on
a sauté par-dessus la tête du ministre des Terres et Forêts
pour aller négocier directement avec le premier ministre? C'est
là qu'est le problème; je pense que c'est un problème
important. Ce n'est pas tout de coucher sur papier des politiques qui sont
strictement le minimum pour les Québécois, mais il faut, par
exemple, avoir la force nécessaire pour aller les défaire ces
politiques. D'abord au niveau du cabinet, les défendre ces politiques
auprès des compagnies en particulier dans le pétrole des
compagnies multinationales.
Je pense que nous ne savons plus actuellement qui est responsable de ce
dossier. Nous ne savons plus si le ministre actuel n'est pas simplement une
marionnette entre les mains du premier ministre Bourassa ou du ministre actuel
de l'Industrie et du Commerce. Pourtant, c'est ce ministre qui est censé
être capable de la défendre, cette politique, parce que c'est son
ministère qui l'a élaborée. M. le Président, ce
problème a été soulevé à plusieurs reprises
depuis au moins un an, le problème du leadership, et ce problème
a eu des conséquences énormes justement par l'apathie du
gouvernement ou l'incurie du gouvernement en ce qui concerne l'instauration
d'une politique énergétique.
M. le Président, en ce qui concerne la Société
québécoise d'initiatives pétrolières, nous avions
tous les instruments nécessaires pour faire face à une
pénurie de pétrole. On sait que les pays arabes actuellement ne
sont peut-être pas prêts à négocier avec les
compagnies multinationales, parce qu'on craint que les compagnies
multinationales utilisent les produits pétroliers, utilisent le
pétrole pour le distribuer dans des pays qui ne sont pas neutres, dans
des pays qui sont favorables à Israël.
Cependant, à maintes reprises, depuis octobre, le ministre de
l'Energie, à Ottawa, a laissé entendre que ces pays
étaient prêts à négocier avec une compagnie
gouvernementale. Or on en avait une compagnie gouvernementale, depuis 1969. On
avait la Société québécoise d'initiatives
pétrolières. Comment se fait-il que le ministre actuel nous
annonce, il y a quelques jours seulement, qu'il a donné enfin le mandat
à la Société québécoise d'initiatives
pétrolières d'aller négocier parce que
c'était là un objectif important dans la politique
pétrolière du gouvernement des contrats à long
terme avec les autres pays producteurs de pétrole?
Comment se fait-il, alors que depuis novem-
bre 1972 le ministre avait fixé comme objectif la
nécessité de s'approvisionner aux coûts les plus bas
possible et aussi la nécessité d'entreprendre une diversification
de l'approvisionnement du pétrole, que le ministre actuel des Richesses
naturelles a laissé complètement SOQUIP en dehors du dossier?
Comment se fait-il que les discussions ou les négociations ont
d'abord été entreprises par un ambassadeur du gouvernement
actuel, dont on ne connaît pas le nom, mais qui semble avoir
été un membre d'une compagnie privée, d'une compagnie
multinationale? Comment se fait-il que le directeur général de la
Société québécoise d'initiatives
pétrolières n'a pas été partie à ces
négociations? Ce sont là j'espère que le ministre
va nous donner la réponse des questions qui nous paraissent
importantes.
Est-ce qu'on veut utiliser c'est l'un des objectifs, en tout cas,
qu'on a démontrés dans le livre rouge du ministère
la Société québécoise d'initiatives
pétrolières ou si on veut simplement la mettre de
côté? Est-ce qu'on veut véritablement créer un
secteur témoin? Est-ce que les influences des compagnies multinationales
sont en train de faire avorter ce secteur témoin? C'est là des
questions importantes pour l'avenir économique des
Québécois.
Je disais qu'on avait tous les instruments nécessaires pour faire
face à cette pénurie, s'il en existe une, une pénurie.
Encore là, nous reconnaissons le manque de leadership du ministre
actuel. Avant les élections, il n'y avait pas de pénurie. Avant
les élections, nos réserves pétrolières
étaient suffisantes. En effet, le 10 novembre 1972, alors qu'on parlait
à Ottawa d'une pénurie de pétrole, le ministre des
Richesses naturelles disait que rien ne laissait présager une
pénurie de pétrole au Québec pour les prochains mois. Il
n'y a pas de problème, on n'a pas besoin de négocier, on n'a pas
besoin de donner un mandat à la Société
québécoise d'initiatives pétrolières; il n'y a pas
de problème, il n'y a pas de pénurie de pétrole au
Québec. Pourtant, et le chef parlementaire du Parti
québécois le soulignait tout à l'heure, M. Cloutier,
directeur général de SO QUIP, avait lui-même
souligné, le 30 mars 1973, le danger d'une telle pénurie et
demandait explicitement dans son rapport la permission d'aller jusqu'à
négocier des contrats à long terme et d'aller même jusqu'au
raffinage.
En effet, on lit dans ce rapport: "Votre compagnie SOQUEP est en mesure
on est bien préparé, M. le Président de
prendre les initiatives lui permettant d'atteindre l'objectif qui est sa raison
d'être, participer de façon rentable à garantir au
Québec un approvisionnement adéquat d'énergie de
pétrole dans les meilleures conditions." C'est compris dans le rapport
du 31 mars 1973 du président de la Société
québécoise d'initiatives pétrolières. Pourquoi
avoir attendu aussi tardivement? Pourquoi ne pas, comme on l'a demandé
à maintes reprises, avoir permis, parce qu'on possède le
marché... De plus, M. le Président, d'après des
enquêtes on a tous les atouts nécessaires actuellement pour
établir une raffinerie pétrolière. On dit même que
Pétrofina serait prête à s'associer avec la
Société québécoise d'initiatives
pétrolières pour créer cette société mixte.
Mais le ministre disait: II n'y a pas de problème, on est assuré
de passer l'hiver, il n'y a pas de pénurie de pétrole.
Donc, le ministre est inconscient, le ministre est irresponsable, le
ministre ne prend donc pas les moyens nécessaires pour faire face
à la pénurie, parce que, pour lui, il n'y en a pas de
pénurie. Si on avait donné les instruments et les outils
nécessaires à la Société québécoise
d'initiatives pétrolières, non seulement cela nous permettrait de
casser le cartel du pétrole, mais ça permettait à la
société québécoise d'entrer dans ce marché
important.
Il y a une autre question que je voudrais poser au ministre qui,
justement après les élections, a décidé que
c'était vrai qu'il y avait une pénurie de pétrole,
c'était vrai qu'il y avait un danger pour le Québec. Mais est-ce
que le ministre est informé, actuellement, que la compagnie Golden
Eagle, Aigle d'Or, fait actuellement des exportations de produits
pétroliers aux Etats-Unis? Est-ce que le gouvernement a pris des
mesures, étant donné la pénurie que nous annonçait
le ministre il y a quelques jours, pour empêcher l'exportation des
produits pétroliers raffinés au Québec, soit aux
Etats-Unis, soit en Colombie-Britannique?
Aussi, quels sont les intérêts qui ont joué,
concernant les analyses économiques et les analyses écologiques,
en ce qui concerne le superport pétrolier? Le premier ministre me disait
hier qu'il n'y avait aucun rapport final, aucune étude finale concernant
les conséquences écologiques et économiques du superport.
On annonce à grands frais de publicité la création d'un
superport, mais on n'a pas fait d'études. Pourquoi, M. le
Président, les études ne sont-elles pas prêtes? Comment se
fait-il que nous sommes encore en face de rien? Est-ce qu'il n'y aurait pas eu
encore un court-circuit entre le ministre des Richesses naturelles, responsable
de la politique énergétique, et certains ministres du
gouvernement?
Concernant, par exemple, certaines maisons, que ce soit Simtec, que ce
soit SNC, est-ce que, M. le Président, il n'y aurait pas eu intervention
de différents ministres pour empêcher que le contrat ne soit
signé? En effet, semble-t-il, un projet de contrat, qui aurait
été signé par le ministre actuel, responsable de la
politique énergétique, et le sous-ministre, M. Robert De Coster,
devait être soumis à la caution du ministre actuel de l'Industrie
et du Commerce. Comment se fait-il que ce contrat, qui aurait été
signé par le ministre, aurait été refusé au niveau
du cabinet? Pourquoi a-t-il été refusé? Est-ce parce qu'il
s'agissait d'une compagnie qui n'était pas comprise dans le patronage
gouvernemental? Quelles sont les chicanes, concer-
nant ces contrats, qui se font au niveau du ministère? M. le
Président, on commence à sentir en tout cas, que les discussions
actuelles de patronage et c'est cela qui est dangereux qui se
font du cabinet vont peut-être en arriver, comme c'est arrivé en
1969, à faire avorter la politique pétrolière, la
politique énergétique du gouvernement.
En concluant, je pense que, si le ministre actuel veut
véritablement en arriver à appliquer ses objectifs, il doit,
d'abord, se tenir debout, il doit, d'abord, avoir du leadership. Etant
donné que c'est une question fondamentale pour l'avenir du
Québec, s'il n'est pas capable, M. le Président, le ministre
devrait démissionner ou le premier ministre devrait le remplacer. Je
suis assuré que c'est probablement ce qui va arriver d'ici quelque
temps.
M. le Président, si le ministre voulait, au moins, avoir un
appui, qu'il convoque, dans le plus bref délai possible, la commission
des richesses naturelles pour étudier toute cette politique
énergétique, en particulier pour étudier le livre blanc,
les politiques à court terme qu'on devra appliquer pour faire face
à la pénurie; surtout, M. le Président nous
espérons que cette leçon aura porté pour
établir les politiques à long terme et voir de quelle
façon, en particulier, il faudra faire face au gouvernement d'Ottawa qui
est en train, à nouveau, d'utiliser la crise énergétique
pour nous imposer sa politique nationale du pétrole. Encore là,
comme cela a été le cas, depuis 1961, ce sera probablement aux
dépens des véritables intérêts des
Québécois. Merci.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. Camille Samson
M. SAMSON: Bien entendu, au nom de notre parti, j'aimerais bien apporter
quelques mots concernant cette fameuse crise du pétrole ou crise de
l'énergie.
Concernant cette motion de blâme qui nous est
déposée par le Parti québécois: Que cette
Assemblée est d'avis que le gouvernement doit être
blâmé pour son manque de prévoyance à long terme et
de prévisions à court terme, en ce qui concerne
l'approvisionnement du Québec en pétrole, ainsi que pour son
incapacité de s'assurer que les politiques gouvernementales,
fédérales et québécoises, soient conformes aux
besoins du Québec, de sorte que les Québécois non
seulement risquent de manquer de pétrole, mais devront payer plus cher
que nécessaire pour les produits pétroliers dont ils ont besoin
pour leur chauffage, leur transport et leur industrie", je pense qu'il est
normal que, tout d'abord, nous nous posions une question qui est la suivante:
Est-ce que cette crise du pétrole est une crise réelle ou si ce
n'est pas plutôt une crise des profits, une crise visant à faire
peur à la population et tenter d'augmenter les profits de certaines
sociétés qui, je pense, en profitent depuis déjà un
bon bout de temps?
Ce que nous appelons une crise, aujourd'hui, d'après nous, ne
s'est pas manifesté dernièrement. Déjà depuis au
moins un an, nous sentons qu'il y a collusion entre les sociétés
multinationales pour en arriver à créer cette crise ou ce
rationnement nécessaire à la hausse des prix.
Je pense que le gouvernement du Québec a quand même
certaines responsabilités en ce qui concerne les prévisions. Je
me rappelle qu'en cette Chambre, à l'occasion de la discussion du bill
50, par exemple, le gouvernement nous faisait reluire facilement les
possibilités d'un développement pétrolier dans une
région que vous connaissez bien, qui est celle de la baie James. Nous
avons parlé, par la suite, de la construction éventuelle d'un
oléoduc en provenance du Nord, pour la Panartic Oils Ltd, et nous avons
souvent même posé des questions au ministre des Richesses
naturelles à cet effet. Comme vous le savez, il y a négociation
avec cette société, des discussions avec le gouvernement de
l'Ontario, des discussions avec le gouvernement du Québec. Il semble
bien que ces gens n'en sont pas encore arrivés à des
décisions. De ce côté, évidemment, nous sommes
toujours dans l'attente.
Mais ce qui est très intéressant, c'est que nous voyons,
à l'occasion de cette crise, un peu ce que la population du
Québec et du Canada a vécu à l'occasion de la
dernière guerre mondiale. En effet, nous avions, à ce moment, un
système de rationnement. Le peuple devait accepter un système de
rationnement parce que la guerre nous obligeait justement à nous serrer
la ceinture. On nous disait: Au nom de cette bataille pour retrouver votre
liberté, il vous faut vous serrer la ceinture.
Or, nous constations justement que des gens ayant de l'argent pour
s'acheter les produits dont ils avaient besoin et qu'ils ne pouvaient pas
trouver sur le marché ordinaire, dès qu'ils décidaient de
mettre la main dans leurs poches pour payer plus cher, le marché noir
était là. On pouvait se procurer en abondance les produits qu'on
ne pouvait se procurer sur le marché ordinaire. Ce qui fait qu'à
cette période presque dans tous les foyers québécois vous
pouviez retrouver, par exemple, dans la garde-robe, un sac de sucre de 100
livres alors que c'était le rationnement. On n'aurait jamais pu trouver
cela sur le marché ordinaire. Mais, sur le marché noir, à
la condition qu'on décide de payer plus cher, on en avait plus qu'on ne
pouvait en consommer.
C'est drôle, M. le Président, mais, dès que cette
crise a été passée, dès que cette guerre a
été terminée et que, sur le marché ordinaire, on
pouvait retrouver toutes ces denrées facilement, jamais plus je n'ai vu,
dans les foyers du Québec, une poche de sucre dans la garde-robe. Vous
voyez. Parce que c'est devenu facile, parce que, là, les
sociétés ont découvert que, si elles
ne décidaient pas de le vendre à un prix raisonnable,
finalement, les Québécois apprendraient à vivre en se
passant de cette denrée dans la plus grande mesure possible.
Or, là, peut-être sous un aspect différent, c'est un
peu cela que nous revivons. Est-ce que les puits de pétrole ont
cessé de produire? Non. Cela produit encore. Est-ce que la nature a
cessé de nous fournir ce produit dont nous avons besoin? Non, ça
continue encore. Et pourtant, M. le Président, on nous dit qu'il y a
crise. On nous dit que c'est impossible, qu'il faudra se serrer la ceinture.
Pourtant, les pays arabes qui produisaient produisent encore. En Alberta,
où on produisait du pétrole, on en produit encore. Alors, il n'y
a pas de rationnement naturel.
Il y a cependant et c'est, je pense, ce à quoi nous
faisons face présentement un rationnement artificiel causé
par la collusion de la haute finance internationale qui a décidé
d'abuser, une fois de plus, de la population. M. le Président, je n'ai
pas besoin de vous dire que nous retrouvons, dans chaque hausse de prix, non
pas un manque de pétrole, mais un manque, si vous voulez, de profits.
Pas un manque de profits, non; on devrait appeler cela autrement: une soif de
profits toujours accrus.
D'ailleurs, l'été dernier, quand le pétrole a
augmenté, ce n'est pas parce qu'il en manquait. A ce moment-là,
nous en avions en abondance encore, mais on se permettait d'en exporter aux
Etats-Unis. Vous vous rappelez cela. On en a discuté en cette Chambre,
M. le Président. Vous savez que les pays arabes qui nous alimentent,
actuellement, en pétrole, au Québec, voyant que nous exportons
ailleurs ce que nous allons chercher pour notre propre consommation, se sont
probablement posé des questions, de sorte que la position des pays
arabes, présentement, telle que définie par au moins une
ambassade arabe au Canada, comprend trois catégories. Première
catégorie: les pays amis. Deuxième catégorie: les pays
semi-amis. La troisième catégorie : les pays neutres.
Selon, toujours, des réponses à des questions
données par une ambassade arabe au Canada, le Canada se trouve
classé dans les pays neutres. La livraison, dans les pays amis, se fait
de la façon suivante ce n'est pas parce qu'il en manque
suivant leurs besoins intérieurs et pour exportation à d'autres
pays amis. Les pays semi-amis: livraison suivant un quota, selon les besoins de
l'intérieur. Aux pays neutres, comme le Canada: un quota fixe selon le
besoin du mois de septembre, moins 25 p.c. et, à partir de janvier,
moins 30 p.c. C'est comme cela qu'on est traité parce qu'on est
considéré comme un pays neutre et que nous avons exporté
aux Etats-Unis une part des importations que nous avions, ici, dans la province
de Québec.
M. le Président, ce qui est intéressant aussi, c'est de
voir le cheminement des états financiers des compagnies multinationales
pendant ce temps-là, pendant la crise. C'est drôle comme les
crises sont payantes. C'est drôle comme le rationnement est payant pour
ces compagnies. Vous voyez la différence entre les exercices financiers
de 1972, par exemple. Pour neuf mois, au 30 juin 1972, la compagnie Ashland Oil
Canada Limited déclarait un revenu brut de $44,464,000, dont un revenu
net de $5,750,000, pour un revenu par action de $0.45.
En 1973, on déclarait, au 30 juin, pour une même
période donnée un revenu brut de $59,500,000, un revenu net de
$6,800,000, pour un revenu net par action de $0.52 comparativement à
$0.45.
Vous voyez que la crise est quand même supportée par les
consommateurs et non par le distributeur. Gulf Oil Canada, alors qu'en 1972 on
déclarait $1.18 par action, on en est rendu à $1.42. Hudson Bay
Oil, 30 juin 1971: $0.64 par action; 30 juin 1973: $0.88 par action. Imperial
Oil, 30 juin 1972: $0.59 par action; 30 juin 1973: $0.73. Shell Canada, en
1972: $0.63 par action; en 1973: $0.66.
M. BACON: Vous prouvez quoi?
M. SAMSON: Texaco: $3.21 et $4.33.
M. BACON: Cela ne veut rien dire.
M. SAMSON: Je comprends que ça ne veut rien dire. Je comprends
que les députés libéraux, ça les fatigue. Je
comprends que je viens de toucher là à une corde sensible de
votre caisse électorale. Je comprends ça.
M. BACON: Qu'est-ce que vous voulez prouver? Ah! la farce.
M. SAMSON: Je comprends aussi pourquoi la crise
énergétique ne semble pas vous déranger, parce qu'il
semble qu'elle vous sert bien, cette crise énergétique.
M. BACON: Vous voulez prouver quoi avec ça?
M. SAMSON: Nous avons à représenter en cette
Chambre...
M. PICOTTE: II est "gazé" de pétrole.
M. SAMSON: ... des électeurs qui sont des consommateurs...
M. BACON: Correct. Correct.
M. SAMSON: ... qui sont des contribuables, qui sont ceux-là qui
font les frais de la crise artificielle dont semble s'accommonder le Parti
libéral présentement dans la province de Québec.
M. PICOTTE: Les arguments créditistes!
M. SAMSON: II y a d'autre chose qui décou-
le de cette crise, c'est que cette crise nous la considérons
artificielle. Bien entendu, le gouvernement du Québec n'est pas le seul,
d'autres gouvernements à d'autres paliers jouent actuellement le
même jeu que le gouvernement du Québec.
Il y en a d'autres aux Etats-Unis aussi qui jouent le même jeu que
vous autres. Mais, comme d'habitude, quand les Etats-Unis prennent la grippe,
le Canada et la province de Québec se mettent à tousser
immédiatement. Il n'y a rien qui change, c'est la même chose que
ç'a toujours été de ce côté-là.
Cependant, ce qu'il nous faut découvrir dans tout ça,
c'est que, profitant de cette situation que nous considérons
artificielle, encore une fois le gouvernement fédéral prend le
leadership en ce domaine. Encore une fois de plus nous voyons et le
gouvernement du Québec ne semble pas voir venir le coup le
gouvernement du Québec à la remorque d'Ottawa.
Plus nous avançons dans cette crise, plus le gouvernement
fédéral empiète sur les droits du Québec, plus le
Québec cède ses droits à Ottawa. A l'occasion de la
dernière guerre mondiale, dont je vous parlais tantôt, le
Québec a cédé ses droits sur la fiscalité à
Ottawa pour seulement la période de la guerre. Pourtant, aux
dernières nouvelles, la guerre est terminée depuis quelques
années et on n'a pas encore su récupérer nos droits
d'Ottawa. A l'occasion de la présente crise, c'est encore la même
chose. C'est le gouvernement fédéral qui prend le leadership, qui
va de l'avant dans cette question, qui vient s'emparer encore une fois d'une
partie de nos droits.
Et le gouvernement du Québec tombe dans le panneau, il est en
train de céder une partie de nos droits encore une fois à Ottawa,
tel que ç'a été le cas à l'occasion de la
dernière guerre mondiale.
On pourrait en parler longtemps mais malheureusement, comme vous venez
de me le faire remarquer, il ne me reste que quelques secondes à ma
disposition. J'aimerais en terminant dire que le gouvernement devrait, non pas
céder ses droits à Ottawa mais prendre ses
responsabilités. Et nous, il ne faut pas oublier de dire à la
population que cette crise, non seulement nous ne la voulons pas, mais nous
prendrons nos responsabilités et les moyens nécessaires pour
qu'elle s'arrête dans les plus brefs délais et que la population
du Québec ne paie pas deux fois pour les services qu'elle recevra une
fois, c'est-à-dire qu'on ne paie pas d'augmentation inutiles.
En terminant, M. le Président, une petite recommandation: qu'on
oblige toutes ces compagnies multinationales à venir siéger
publiquement avant d'augmenter les tarifs, et vous verrez que le chat va sortir
du sac. Ce que je viens de vous dire va sortir en public et on les obligera
à s'expliquer avant d'accepter que notre population paie trop cher un
produit qu'elle pourrait avoir à meilleur marché.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre des Richesses naturelles.
M. Gilles Massé
M. MASSE: M. le Président, je constate, à la teneur des
différents discours entendus jusqu'à maintenant, qu'on a
énormément de difficultés à se retrouver sur
l'échiquier pétrolier mondial actuel. Je pense qu'on a fait des
déclarations concernant la motion de blâme du Parti
québécois qui est rédigée dans des termes assez
sévères qui n'ont, à mon sens, pas retrouvé la
même consonance dans les discours du Parti québécois.
Par les mass media, M. le Président, chaque citoyen a
découvert les problèmes auxquels font face des pays tels que les
Etats-Unis, l'Allemagne, la Hollande, le Japon et autres, l'ensemble des pays
consommateurs. Vous avez été à même de constater les
mesures contraignantes qui ont été imposées à la
population de ces pays; nous avons vu, par l'entremise de nos
téléviseurs, des autoroutes désertes le dimanche, des
centres de service fermés pendant la fin de semaine. Après toutes
ces constatations, je présume que le député de
Sauvé ainsi que les autres qui ont pris la parole diront que ces pays
ont été insouciants, voire imprévoyants.
Il semble, d'après les propos entendus dans cette Chambre ce
matin, qu'on veuille isoler le Québec dans son coin et ne tenir
aucunement compte du contexte pétrolier mondial actuel. Les journaux ont
rapporté depuis une couple de mois différentes situations dans
les autres pays consommateurs. Les revues les plus populaires ont aussi
relevé des situations difficiles pour les Etats-Unis, la Hollande, le
Japon entre autres. Pendant ce temps, au Québec, grâce aux mesures
prises par le gouvernement libéral, en collaboration avec le
gouvernement central, l'alimentation de nos raffineries était
assurée de façon à peu près normale, quoiqu'en
disent les députés qui ont eu à prendre la parole pour le
Parti québécois tout à l'heure.
On mettait en relief certaines de mes déclarations du
début de novembre pour dire: A ce moment-là, le ministre des
Richesses naturelles disait qu'il n'y avait pas de pénurie, qu'on ne
pouvait pas s'attendre à une pénurie au cours de l'hiver. La
déclaration exacte, M. le Président, c'est qu'on a dit à
ce moment-là qu'il n'y aurait pas de pénurie pour les derniers
mois de l'année 1973 mais que pour l'année 1974, il était
possible, selon les hypothèses les plus optimistes ou les
hypothèses les plus pessimistes, que nous puissions ressentir une
légère pénurie si les conditions atmosphériques, si
les pays du Moyen-Orient ne durcissaient pas leurs conditions
d'approvisionnement.
M. le Président, je pense que, dans la situation actuelle, aucun
pays, à la fin de l'été, ne pouvait prévoir les
décisions des pays arabes, entre autres de l'Arabie Saoudite et
d'Abu
Dhabi. Je pense que se baser sur la crise actuelle pour dire que le
gouvernement du Québec a manqué de prévoyance, qu'il n'a
pas arrêté l'augmentation des prix, est à mon avis de
l'irréalisme, compte tenu des conditions actuelles.
Si, comme l'a souligné le député de Saguenay tout
à l'heure, la compagnie Aigle d'Or a été
pénalisée, a connu une pénurie d'environ 30 p.c. de ses
approvisionnements, ce n'est pas pour les mêmes raisons. C'est que la
société qui fournissait le pétrole à cette
compagnie et qui exploitait un puits en Lybie a été purement et
simplement nationalisée, ce qui a fait que du jour au lendemain la
compagnie Aigle d'Or a dû compenser par d'autres sources.
Le député de Saguenay affirme que la compagnie Aigle d'Or
exporte des produits finis, actuellement. Je dois dire que tous les moyens
d'information et de contrôle que nous avons, avec le gouvernement
fédéral, sur cette question vont en complète contradiction
avec les affirmations du député de Saguenay. Depuis au moins un
mois, aucun produit fini, selon nos informations, ne sort des frontières
canadiennes. Je pense que nos informations sont aussi valables que les
vôtres du moins elles sont officielles.
M. LEGER: Ce ne sont pas les informations officielles souvent qui sont
vraies, mais les officieuses. Les officieuses sont souvent plus vraies que les
officielles.
M. MASSE: ... c'est le conflit... Est-ce que le député
aurait des choses à ajouter?
M. LEGER: Oui, je dis que les informations officieuses sont parfois plus
sûres que les officielles.
M. MASSE: Ah, oui! c'est sûr que le PQ a un réseau assez
important dans les endroits où il faudrait que certaines gens soient
loyaux vis-à-vis de leurs employeurs...
M. LESSARD: Filtrez vos informations.
M. MASSE: ... et qu'il se sert de ce genre d'informations pour revoir
des articles comme on en a vu dernièrement dans les journaux qui sont
aussi la base de toute l'argumentation qu'on a entendue tout à l'heure
de la part du député de Saguenay à mon sujet.
Donc, même si le conflit a eu en général des effets
désagréables sur les activités économiques des pays
et sur les habitudes quotidiennes de leurs citoyens, il a permis par contre aux
Canadiens de prendre au moins connaissance de l'importance du secteur
énergétique dans l'économie mondiale.
Il y a un an, M. le Président, bien peu de gens avaient entendu
parler d'un pays comme Abu Dhabi, du port de Portland, de port pour
superpétrolier, d'olédoduc, de sables bitumi- neux, enfin de tout
le jargon pétrolier. Pourtant, ai-je besoin de vous le rappeler, le
gouvernement québécois avait, il y a déjà un an,
pensé et élaboré une politique énergétique
qui tenait compte de notre situation dans ce secteur, des contraintes
auxquelles nous faisions face et des objectifs que nous désirions
atteindre.
C'était donc faire preuve, malgré ce qu'en disent les
députés de l'Opposition, de clairvoyance, car déjà
à cette époque, et sans crise d'aucune sorte, nous avions
perçu l'importance, pour le Québec, de la sécurité
des approvisionnements, de même que le rôle primordial de
l'énergie en général et plus particulièrement des
produits pétroliers comme moteur de développement
économique pour le Québec. Nous avons été en
quelque sorte, M. le Président, des précurseurs du fait que nous
avons, je pense, donné le ton aux livres sur l'énergie du
gouvernement fédéral.
Nous avons, par rapport à certaines autres provinces,
été un instigateur dans ce domaine. Très peu de provinces,
ni même le gouvernement fédéral n'avaient
véritablement une politique arrêtée qui considérait
l'ensemble des éléments au Canada. En effet, notre politique
énergétique a toujours prôné deux objectifs majeurs:
assurer la sécurité des approvisionnements des
Québécois, c'est-à-dire satisfaire, à court et
à long terme, la demande québécoise de pétrole
brut.
Evidemment, on peut dire que les décisions du gouvernement du
Québec ne sont pas suffisamment rapides, ne s'adaptent pas à la
situation actuelle. Je dois dire qu'avant 1969 le Québec était
inexistant, n'occupait aucune place dans le domaine pétrolier. Ce n'est
qu'en 1969 que nous avons connu la création de la société
SOQUIP, ce n'est qu'en 1970 que nous avons vu la mise en place d'une
équipe, petite mais une équipe, qui devait former la Direction
générale de l'énergie. Ce n'est qu'en 1972 que nous avons
connu une politique ou un document des éléments de politique
énergétique pour le Québec.
Pour réaliser l'objectif de la sécurité
d'approvisionnement il nous a paru essentiel d'obtenir de larges
quantités de pétrole chez les pays producteurs. Afin d'accentuer
cette sécurité nous prônions, il y a déjà un
an, premièrement, un stockage massif de pétrole en territoire
québécois afin de faire face aux éventuelles fluctuations
du marché mondial; deuxièmement, une diversification de nos
sources d'approvisionnement. C'est dans ce sens, d'ailleurs, que nous nous
montrons intéressés à explorer l'idée
d'exploitation conjointe des sables bitumineux de l'Athabaska avec le
gouvernement de l'Alberta. C'est une démarche qui a été
effectuée dernièrement mais il faut dire que l'Alberta a mis
aussi de l'avant des mesures, compte tenu de la crise mondiale et des
problèmes d'approvisionnement canadien.
Le député de Sauvé peut peut-être rire d'une
telle affirmation mais je pense que, si ce sourire
est si éloquent, c'est qu'il lui manque des tiroirs dans sa
mémoire ou dans sa connaissance du domaine pétrolier mondial.
C'est justement en vue d'accentuer notre sécurité
d'approvisionnement et de faire un pas vers une autonomie d'approvisionnement
que nous évaluons en détail l'importance des fonds que SOQUIP
devra engager dans l'exploration. Si cette politique a d'abord
été exprimée en fonction de la sécurité de
l'approvisionnement des Québécois, elle accentue indirectement la
sécurité de tous les Canadiens en général,
particulièrement ceux résidant à l'ouest de la
défunte ligne Borden.
En effet, comme vous le savez sans doute, j'espère, les
réserves de pétrole traditionnelles s'épuisent rapidement
dans l'Ouest. Au rythme où vont les choses, elles seront à sec
dans une dizaine d'années. C'est donc en toute conscience de cette
situation et par souci des approvisionnements au Canada que nous avons toujours
prôné l'acheminement massif de pétrole importé au
Québec et même vers le centre de l'Ontario par oléoduc afin
de réduire la consommation de pétrole conventionnel canadien,
donc de prolonger ces réserves conventionnelles.
Je pense qu'il faudrait ici démontrer que dans l'Ouest canadien
le pétrole conventionnel sera en baisse de production, à partir
d'à peu près 1976. D'autre part, l'ensemble de la consommation
canadienne augmente d'une façon effrénée, selon les
prévisions faites jusqu'en 1990. D'un autre côté, quant aux
sables bitumineux, même s'ils devaient être mis en exploitation,
même si on mettait le maximum des ressources pour le développement
des sables bitumineux, nous sommes convaincus que le Canada ne pourra suffire
à sa propre consommation avant 1990, à partir du pétrole
produit dans l'Ouest.
Cette situation implique donc qu'il sera de plus en plus difficile de
combler l'écart entre la demande canadienne prévisible de
pétrole et la capacité prévisible de production,
particulièrement au cours des quinze ou vingt prochaines
années.
Les craintes que certaines compagnies majeures ont exprimées,
à cet effet, ne font d'ailleurs que confirmer nos appréhensions.
En effet, même en investissant massivement, dans l'exploitation des
sables bitumineux, il ne sera pas possible de satisfaire toute la demande
canadienne. Les conséquences de cette situation sont énormes et
entrafnent la nécessité, pour le Canada, et plus
particulièrement pour le Québec, de se doter d'une politique
rationnelle et réaliste d'importation. Je doute, cependant, que mes
honorables collègues de l'Opposition soient en mesure de saisir toutes
les implications d'une telle situation, quoique, tout à l'heure, le
député de Sauvé ait fait mention que nous devrions, au
Québec, garder ou instaurer une zone de libre échange au
Québec. C'est exactement la situation du gouvernement.
Nous avons, comme tout gouvernement res- ponsable, pris des mesures
concrètes afin de maîtriser, dans la mesure du possible, la
sécurité de nos approvisionnements. C'est ainsi qu'il y a
déjà plusieurs mois, nous avons entrepris des discussions avec
certains pays producteurs de pétrole qui, nous l'espérons,
déboucheront sur la signature d'un contrat d'approvisionnement à
long terme, à des prix avantageux. La guerre du Moyen-Orient a ralenti
ces discussions, mais nous comptons les accélérer prochainement.
Ce sont des discussions, quoiqu'en pense le Parti québécois, qui
sont laborieuses, qui sont longues. Ce sont des démarches qui ne peuvent
voir leur réalisation d'une façon immédiate, même si
la situation actuelle le voulait. Ce n'est pas non plus, je pense, M. le
Président, dans l'intérêt public de divulguer les
informations, les contenus de ces discussions, les circonstances et même
les stades d'évolution, les différentes étapes
d'évolution de ce dossier.
Je pense que l'intérêt public, quoiqu'en ait dit le
député de Saguenay, tout à l'heure, requiert cette
attitude, ne requiert pas que le gouvernement actuel, par des
préoccupations qui ne seraient que purement politiques, mette sur la
place publique ce dossier qui doit rester des plus confidentiels jusqu'à
la signature définitive d'un contrat d'approvisionnement.
La signature d'un contrat d'approvisionnement nous permettra de mettre
en chantier un port pouvant accueillir des superpétroliers et, par
là, nous faire réaliser des économies importantes au
niveau du transport.
J'aimerais ici ouvrir une parenthèse afin de faire remarquer aux
amateurs de petits ports et de petits bateaux, dont le chef de l'Opposition,
qu'il ne faut pas confondre...
M. MORIN: 100,000 tonnes.
M. MASSE: ... des économies d'échelle nécessaires
à la réalisation de cet objectif aux dimensions physiques des
infrastructures requises. Il n'est donc pas question de superport pour
pétroliers, mais bien de port pour superpétroliers. La situation
actuelle...
M.LESSARD: Un changement de politique. Le premier ministre parle d'un
superport.
M. MASSE: Est-ce que vous n'auriez pas, vous aussi, les membres du Parti
québécois, changé de politique? J'ai déjà
entendu, au cours de la campagne électorale, un M. Pari-zeau,
très éloquent, un M. Lévesque, très éloquent
dire: Le port dans le Bas-du-Fleuve, il n'en faut pas, vous n'en avez pas
besoin, cela ne crée pas de l'emploi. Maintenant, vous parlez d'un port
dans le Bas du Fleuve.
M. LESSARD: Non, non, attendons, soumettez les études.
M. MASSE: M. le Président...
M. BACON: Ils ont promis deux usines d'eau lourde.
M. MASSE: Je pense que, pour faire comprendre...
M. BACON: Trois ou quatre centrales nucléaires!
M. MASSE: ... les économies d'échelle qu'on mentionnait
tout à l'heure, il faut dire qu'actuellement nous sommes...
M. BACON: Deux usines d'eau lourde!
M. MASSE: ... approvisionnés à partir du port de Portland
et du pipe-line jusqu'à Montréal. Cette situation ne permet pas
d'acheminer des quantités importantes, 200,000 tonnes, par exemple, au
port de Portland, parce que les installations physiques ne peuvent les
recevoir.
Si nous parlons d'un port pour superpétroliers dans le
Saint-Laurent, c'est justement, d'abord pour répondre à une
demande supplémentaire de pétrole que, normalement, Portland ne
pourrait pas nous acheminer et, d'autre part, pour réaliser des
économies sur les quantités de pétrole que nous pourrions
recevoir par les superpétroliers, économies qu'on a
déjà évaluées, avant la crise, à environ
$0.40 le baril.
Toujours dans l'optique de la sécurité et de la
diversité de nos approvisionnements, nous avons, il y a
déjà quelque temps, entamé des pourparlers avec l'Alberta
sur l'opportunité d'exploiter conjointement, comme je le disais tout
à l'heure, les sables bitumineux. Ces négociations ne font que
débuter, mais elles pourraient amener des résultats
intéressants.
Dans le même ordre d'idées et afin de faire face aux
possibilités de pénurie, qui subsistent toujours, nous avons,
tout d'abord, de concert avec le gouvernement fédéral, pris une
série de moyens pour nous assurer que, tant au palier de la production
que de la consommation, les Québécois n'auraient pas à
souffrir d'inconvénients majeurs cet hiver. Comme vous le savez, on a
dû acheminer du pétrole albertain par le pipe-line Trans-Mountain
jusqu'à Vancouver et, de là, l'expédier par
pétroliers par le canal de Panama. Aussi, des dispositions ont
été prises pour acheminer du pétrole à partir des
Grands Lacs jusqu'à Montréal et nous avons demandé que la
région d'Ottawa puisse être approvisionnée à partir
des raffineries ontariennes.
Nous avons aussi, dans cette même période, fait
connaître à la population que le gouvernement du Québec
recommandait de réduire la consommation d'énergie et, surtout, de
tenter d'éliminer le gaspillage qui pourrait exister.
Nous avons, de plus, confié à SOQUIP le mandat de
négocier des contrats d'approvisionnement à court terme chez les
pays producteurs afin de réduire les conséquences des prochaines
coupures qui pourraient vraisemblablement être appliquées par les
pays arabes; évidemment, d'une façon incertaine, comme je le
mentionnais tout à l'heure.
La sécurité des approvisionnements, tant à court
terme qu'à long terme, est, depuis longtemps, et reste une de nos
préoccupations majeures. Dans cette optique, les accusations du Parti
québécois, en plus d'être dénuées de tout
fondement, me paraissent parfaitement ridicules. Mais la sécurité
des approvisionnements n'a de signification que si elle sert, tout d'abord,
à intensifier la croissance économique de tout le territoire
québécois. Il est donc normal que le deuxième objectif que
nous poursuivions et que nous cherchons encore à atteindre implique
l'utilisation du secteur pétrolier pour favoriser notre croissance
économique. Cet objectif pose donc la nécessité d'une
disponibilité de pétrole au meilleur coût possible. Mais
pourquoi? Premièrement, afin que nos raffineries obtiennent le meilleur
prix possible, de sorte que l'essence et l'huile à chauffage
principalement soient disponibles aux consommateurs québécois
à des prix aussi bas que partout ailleurs au Canada.
Deuxièmement, afin que les industries québécoises, qui
utilisent le pétrole ou ses dérivés comme matière
première, aient la possibilité de maintenir leur coût de
production à un niveau assez bas pour concurrencer leurs
compétiteurs sur les marchés américains et même
mondiaux.
Comme vous le savez, il est donc vital pour nous d'obtenir, de quelque
endroit que ce soit, les quantités de pétrole nécessaires
à la croissance de nos besoins au meilleur prix disponible sur les
marchés mondiaux.
Nous croyons que le développement économique
qu'entraîne le secteur pétrolier dans une économie moderne
est primordial. C'est pourquoi nous cherchons, déjà depuis
plusieurs mois, avec le gouvernement fédéral un terrain d'entente
qui permettra la réalisation des objectifs canadiens tout en nous
assurant la concrétisation de nos objectifs économiques.
C'est pourquoi je le répète pour la nième
fois il nous paraît toujours nécessaire et essentiel, en
fonction de nos objectifs et dans l'intérêt canadien, d'avoir la
possibilité de s'approvisionner en pétrole importé si les
conditions qui prévalent sur les marchés mondiaux sont plus
avantageuses tant au niveau du volume que des prix que celles du
pétrole canadien.
Cela concilie, à mon avis, les intérêts
québécois et les intérêts nationaux canadiens.
Sur la question des prix, le gouvernement fédéral a
exprimé sa volonté de réglementer les prix du
pétrole au Canada, donc de modifier le système traditionnel par
lequel les prix canadiens s'établissaient en fonction des prix mondiaux.
Si nous avons accepté de bonne grâce, jusqu'à ce jour, deux
systèmes de prix canadiens, l'un pour l'Ouest et l'un pour l'Est, il est
bien entendu que nous ne pourrons tolérer plus longtemps que, d'une
part, le pouvoir d'achat des Québécois soit
pénalisé par un gel des prix à
l'Ouest et, d'autre part, que notre industrie ait à supporter des
prix plus élevés pour ses matières premières.
M. MORIN: Pourquoi l'acceptez-vous à l'heure actuelle?
M. PERREAULT: A l'ordre, à l'ordre!
M. MASSE: Par ailleurs, afin de protéger plus efficacement le
consommateur, le Québec, par son tribunal de l'énergie, a
l'intention de jouer un rôle important. Le gouvernement devra
élargir les pouvoirs de la Régie de l'électricité
et du gaz, afin d'assurer aux consommateurs québécois des prix
équitables et stables de produits comme le pétrole, le gaz,
l'électricité et particulièrement l'huile à
chauffage.
Les circonstances actuelles accéléreront, bien entendu, la
mise sur pied d'un tel organisme. Il y a quelque temps, j'ai mandaté un
groupe d'experts de l'Université de Montréal, avec des
fonctionnaires du ministère des Richesses naturelles, afin d'examiner
l'étendue du champ des juridictions provinciales dans ce domaine. Au
cours de la prochaine session, c'est-à-dire dès le mois de mars,
une nouvelle loi devrait être présentée en cette
Chambre.
En résumé, tant sur la question de la
sécurité des approvisionnements que sur les prix, il nous parait
possible de trouver un terrain d'entente avec le gouvernement
fédéral. Nous considérons que les provinces et le
gouvernement fédéral doivent chercher à résoudre
les problèmes actuels et temporaires dans le secteur
pétrolier.
Cependant, nous exigeons, en ce qui concerne la mise en application d'un
mécanisme permanent dans ce secteur, tant au niveau des prix, de
l'infrastructure que des sources d'approvisionnement, que des consultations et
des discussions sérieuses aient lieu entre les gouvernements provinciaux
et le gouvernement fédéral, afin que tout élément
d'une politique énergétique canadienne qui aurait des incidences
permanentes soit discuté tout d'abord à la réunion des
premiers ministres en janvier prochain.
Il n'est pas question, comme ont voulu le laisser entendre certains
intervenants tout à l'heure, que le Québec délègue
d'une façon permanente des pouvoirs au gouvernement d'Ottawa, que le
Québec laisse aller certains de ses droits. C'est évidemment
facile à affirmer, facile à dire, mais dans les
déclarations que j'ai entendues tout à l'heure, aucune preuve
d'une telle situation n'a été apportée.
M. LESSARD: II y a un ministre libéral qui a déjà
dit la même chose.
M. BACON: Deux usines d'eau lourde!
M. LESSARD: Godbout a déjà dit la même chose
aussi.
M. MASSE: Je pense que SOQUIP devrait aussi constituer ou mettre en
place, avec l'aide du gouvernement provincial, tout le secteur témoin
dont on parle depuis un an. Plusieurs démarches, plusieurs études
ont été effectuées, mais je dois aussi déclarer que
l'ensemble des travaux ou des activités du gouvernement dans ce secteur
devront être gardés des plus confidentiels jusqu'à une
décision définitive, du fait de l'intérêt
public.
M. LESSARD: Cela devait être prêt au cours du mois de juin
d'après certaines déclarations du ministre.
M. MASSE: Je dirai au député de Saguenay je pense
que c'est probablement son inexpérience que dans des affaires
aussi complexes, dans un domaine aussi vital et dans une industrie aussi
étendue et aussi complexe, ce ne sont pas des transactions qu'on fait
dans l'espace d'une nuit. Ce sont des transactions qui doivent être
appuyées sur des études sérieuses et importantes.
Je pense que le député de Saguenay devrait au moins
réaliser ça.
M. LESSARD: Que le ministre arrête de parler à tort et
à travers.
LE PRESIDENT: A l'ordre! M. BACON: Cela fait mal!
M. MASSE: Je pense qu'on a tout à l'heure fait mention qu'il y
avait quasiment une pénurie. Le député de Saguenay a
encore tenté de mettre certaines de mes déclarations en
contradiction. Actuellement, les réserves annuelles des compagnies
pétrolières sont aussi importantes, encore à ce moment,
qu'elles l'étaient à la même période l'an
passé.
Le climat nous favorise actuellement. Je pense que ce n'est que si nous
avions à subir d'autres coupures de la part des pays du Moyen-Orient que
nous pourrions subir une situation désagréable pour l'ensemble
des consommateurs. C'est pourquoi le gouvernement fédéral et les
provinces s'étaient entendus pour qu'il y ait des mesures volontaires
qui soient prises par les Québécois et l'ensemble des Canadiens
pour tenter de réduire la consommation et aussi, peut-être par ce
seul moyen du volontariat, d'éviter une pénurie.
En définitive, parce que nous voulions d'une part augmenter la
participation des Québécois dans un secteur qui nous était
jusqu'alors étranger et, d'autre part, accélérer
l'autonomie du Québec au niveau énergétique, nous avons
prôné une politique énergétique qui faisait preuve
à l'époque je le répète de
clairvoyance en proposant des mécanismes et des modes
d'approvisionnement, de raffinerie et de distribution qui comblaient les
lacunes et les imperfections du système traditionnel du corn-
merce des produits pétroliers, lesquelles nous paraissent que
trop évidentes aujourd'hui.
Le gouvernement du Québec voulait et veut toujours
concrétiser cette politique qui, à notre avis, répond le
mieux à nos besoins, à nos intérêts et aux
orientations que nous voulons donner à notre développement
économique. Il est donc temps que ceux à l'esprit un peu lent
prennent conscience de cette réalité pour réaliser que
dans ce secteur nous faisons face à des problèmes complexes qui
demandent une réflexion approfondie sur le choix qui, dans dix ans, aura
peut-être été déterminant dans ce domaine.
Mais surtout il importe de souligner que nous innovons dans ce secteur.
Il importe donc que nos critiques réalisent bien que, dans cette
sphère d'activité économique, l'application de notre
politique énergétique ne peut se faire qu'à un certain
rythme qui tient compte des exigences du milieu et des circonstances
extérieures.
Ce rythme n'est peut-être pas assez rapide pour certains mais il
peut l'être pour d'autres. C'est pourquoi, M. le Président, je
trouve déplorable dans cette optique que l'on s'acharne, au
Québec, à jeter par terre ce que l'on essaie d'ériger,
dans l'intérêt des Québécois, avec beaucoup de
difficultés.
Comme l'a souligné dernièrement un de mes anciens
collègues, nous n'avons pas au Québec les ressources humaines et
financières en quantité tellement grande pour que nous puissions
nous permettre de médire, de mentir et surtout de faire preuve
d'ignorance et d'intolérance dans notre appréciation des efforts
du Québec dans ce secteur vital.
M. Marcel Léger
M. LEGER: M. le Président, dans cette psychose du problème
du pétrole, cette crise réelle ou pas, je pense que le
gouvernement est à blâmer de ne pas avoir prévu à
long terme et à court terme le problème auquel nous faisons face.
Actuellement, c'est bien l'image du Parlement actuel, il y a ceux qui pensent
en fonction d'une autosuffisance pétrolière
fédérale à travers tout le Canada et ceux qui pensent ici
à une autosuffisance québécoise. Actuellement
l'autosuffisance que le Canada veut amener, c'est une possibilité par la
société canadienne du pétrole de contrôler, de
taxer, d'obtenir des ressources financières suffisantes pour faire
l'exploration et plus tard l'exploitation et amener au Canada une
autosuffisance dans le domaine pétrolier.
Dans cette optique, on ne peut pas les blâmer mais ceci
amène une dépendance du Québec, qui, lui, devrait
être, contrairement à cette dépendance, autosuffisant et
capable de s'approvisionner lui-même. Actuellement, la seule façon
d'éviter et de changer cet imbroglio dans lequel nous vivons, c'est une
diversification des ressources. L'Alberta n'a actuelle- ment du pétrole
que pour dix ans et, avec les sables bitumineux, ça va coûter
beaucoup plus cher que ça coûte actuellement; ce sera dans les $5
ou $5.50 le baril alors qu'on peut actuellement avoir du pétrole de
l'Orient à $0.10 le baril sorti du puits, sans le coût du
transport.
C'est sûr que nous avons une autre source d'approvisionnement que
l'Alberta par l'oléoduc qui arrive à Sarnia, c'est Portland, qui,
actuellement, est soumis à des problèmes majeurs à travers
le monde entier. Pendant ce temps, nous devons penser à une autre source
d'approvisionnement, qui est un port. Le problème c'est de situer
où devra être ce port. Le gouvernement pense au secteur de
l'île verte. Il a fait des démonstrations de l'utilité de
ce port. Mais, M. le Président, il n'y a pas eu d'étude
écologique faite par le gouvernement provincial là-dessus. GIROQ
a expliqué les dangers d'un port à l'intérieur de
l'estuaire et même le gouvernement fédéral, par
Environnement-Canada, a prouvé le danger d'avoir un port ou un superport
pétrolier à l'intérieur du fleuve Saint-Laurent. Il s'agit
maintenant de savoir s'il n'y aurait pas possibilité d'avoir un point de
réception, un point d'accueil de ces superpétroliers en dehors de
l'estuaire du Saint-Laurent. C'est une question que le gouvernement n'a
même pas posée, il n'a même pas fait de recherche
là-dessus et on n'a même pas de rapport de ce
côté.
Il faut penser à cette diversification des sources. Ce superport
pétrolier à l'intérieur de l'estuaire va servir à
qui? Un superport présuppose un oléoduc qui va permettre de
vendre aux Etats-Unis et qui peut dépasser les besoins du Québec.
Des superpétroliers pour le Québec, nous en avons besoin pourvu
qu'il y ait un secteur témoin qui contrôle, qui soit SOQUIP. M. le
Président, actuellement on parle de crise du pétrole. Est-ce
qu'elle existe réellement? Quand on regarde ce qui se passe aux
Etats-Unis, le gouvernement n'est pas tellement bien informé
actuellement. Aux Etats-Unis, parce que ce sont eux qui contrôlent 91
p.c. des compagnies pétrolières et je dois le savoir
puisque 30 p.c. des raffinages du Canada sont dans mon comté le
juge Warren Douglas de la cour Suprême attribue la crise du
pétrole à des puissants intérêts ou des lobbies qui
recherchent le profit maximum, donc la consommation maximum. On pousse les gens
à utiliser le maximum d'énergie pour faire le maximum de profits.
On fait même l'achat des brevets sur les inventions pour éviter la
concurrence.
M. le Président, la Loi de l'impôt actuellement aux
Etats-Unis permet un gaspillage du pétrole en encourageant la
société à la production plutôt qu'au raffinage pour
que grimpent les profits. Ceci a été expliqué par Michael
Harrington, chef d'un mouvement politique aux Etats-Unis.
M. le Président, Charles Levingstone, secrétaire
général de l'ICF, qui est le chef de cinq millions de
travailleurs aux Etats-Unis, affirmait
dans la presse dernièrement, que la soif effrénée
d'un "cash flow" des compagnies de pétrole permettait des
investissements, prévus d'ici 1985, de près de $1,000 milliards
dans les investissements d'exploitation. Et quand on sait que les profits sont
maintenant rendus à 42 p.c. pour le premier trimestre et que 9/10 de ces
profits sont pour le réinvestissement, la hausse du prix du
pétrole actuellement nous prouve que ce n'est pas nécessairement
à cause de la guerre du Moyen-Orient, mais tout simplement parce qu'on
veut augmenter les revenus, les profits pour un réinvestissement et pour
contrôler justement davantage le domaine où il y a actuellement un
cartel, comme le disait le Wall Street Journal et aussi "The Empire of Oil", un
article de Harvey O'Connor, qui disait justement que huit grandes compagnies
avaient elles-mêmes fixé leurs prix.
M. le Président, actuellement ça nous amène un
problème grave concernant la pollution. Il y a le problème de la
pollution provenant du superport pétrolier à l'intérieur
de l'estuaire du Saint-Laurent. Nous, nous croyons qu'on a besoin d'un point de
recueil, mais il doit être en dehors de l'estuaire du Saint-Laurent pour
éviter les catastrophes, comme GIROQ disait. Mon temps de parole ne me
permet pas de lire, mais justement on est très vulnérable sur le
plan biologique et sur le plan général de l'économie et
finalement au point de vue même de la pollution de l'air. Cela nous
amène cette psychose; ce manque du contrôle du gouvernement
provincial nous amène actuellement à un problème qui est
le suivant: même la Communauté urbaine de Montréal, avec M.
Hanigan, se prépare, le 19 septembre prochain, à augmenter le
taux permissible de pollution de l'air de 1.5 particule par million dans
l'huile lourde et de le monter à 2.5.
Actuellement, M. le Président, au lieu de vérifier s'il y
a une pénurie l'Association des marchands d'huile
indépendants a dit qu'il n'y avait pas de pénurie d'huile
légère à chauffage on est déjà en
train de permettre à ces compagnies, parce qu'elles ont un lobby fort,
d'augmenter le taux de pollution de l'air de 1.5 alors qu'elles l'ont toujours
maintenu en deçà. Je les ai rencontrées moi-même, je
les ai visitées, j'ai vérifié leurs chiffres, ils se
tenaient en deçà de 1.5, on va leur permettre maintenant d'aller
à 2.5. C'est un manque de prévision, c'est créer une
psychose de la crise du pétrole et un manque, du gouvernement provincial
actuel, de leadership, et je termine ici. J'aurais beaucoup d'autres choses
à dire mais je vais laisser le droit de réplique au chef de
l'aile parlementaire pour la suite.
LE PRESIDENT: Le leader parlementaire du gouvernement.
M. Gérard-D. Lévesque
M. LEVESQUE: M. le Président, je suis particulièrement
heureux d'avoir au moins quelques instants pour intervenir à ce
moment-ci au cours d'un débat qui part d'une motion qui,
évidemment, n'est pas fondée, qui est même injuste, et qui
a un caractère tellement partisan qu'il montre le caractère
véritable du Parti québécois, de sa doctrine et de ses
membres, particulièrement ceux qui sont ici à l'Assemblée
nationale.
Il faut pratiquement être inconscient pour parler comme parle
même le texte de la motion où l'on dit que le gouvernement doit
être blâmé pour son manque de prévoyance en ce qui
concerne l'approvisionnement du Québec en pétrole. Comme le
disait si bien le inistre des Richesses naturelles, il s'agit bien d'une crise
internationale. Il ne faut pas être complètement dupe d'une telle
motion lorsque l'on sait qu'en Europe, nous sommes rendus à utiliser la
bicyclette, le vélo, comme moyen de transport. Des pays
industrialisés comme le Japon sont pris avec des difficultés
inouies dans le domaine du pétrole. La crise ne couvre pas seulement
l'Europe.
On voit, par exemple, en Italie que même Notre Saint-Père,
le pape, se promène en voiture tirée par des chevaux. Il s'agit
là d'une crise qui touche tous les pays occidentaux. On voit que les
Etats-Unis eux-mêmes sont encore plus affectés que le Canada et
que le Québec. Il faut, d'abord, établir brièvement ces
faits et je sais que le ministre des Richesses naturelles s'en est bien
acquitté.
Ceci nous amène également à une autre constatation
qui s'ensuit bien logiquement, c'est que nous, ici au Canada et au
Québec, nous sommes favorisés. Je l'ai dit au cours de la
campagne électorale et voici que l'occasion m'est donnée, encore
une fois, de dire l'importance de notre appartenance à un pays comme le
Canada où il y a autant de richesses naturelles d'un océan
à l'autre, où il y a toute cette diversité de richesses
qui appartiennent aux Québécois comme aux autres Canadiens. S'il
y a des juridictions particulières à l'intérieur de ce
tout national, il existe un lien fédéral et il existe des
provinces qui, en des moments de crise, en des moments d'urgence, peuvent se
serrer les coudes et faire face à la situation d'une façon
positive, et cela pour le plus grand bien des citoyens.
On oublie de souligner souvent l'importance de tout cet ensemble
canadien et de notre appartenance à l'ensemble canadien. La solution
qu'on offrait à la population québécoise au cours de la
dernière campagne électorale, c'était de créer des
frontières, d'isoler le Québec et de dire non aux autres
richesses canadiennes.
M. LEGER: C'est de la dépendance.
M. LEVESQUE: Voilà ce qu'on nous proposait, M. le
Président.
M. LEGER: C'est de la dépendance.
M. LEVESQUE: Aujourd'hui, nous voyons justement que le Canada est l'un
des pays qui peuvent le mieux faire face à la situation de crise
actuelle. Le Québec en lui-même, malheureusement, n'a pas de
pétrole. Il y en a peut-être, mais il n'est pas exploité,
il n'est pas encore connu. Devant cette situation, nous sommes, de par notre
appartenance à l'ensemble canadien, dans une position
privilégiée pour faire face aux difficultés. La solution
que nous proposait le Parti québécois au cours de la
dernière campagne électorale, c'était de mettre de
côté cet accès au pétrole. Il reste que nous avons
présentement, parmi les solutions de rechange, parmi les solutions que
nous envisageons, ces solutions qui sont possibles grâce à notre
appartenance à l'ensemble canadien.
M. le Président, puisque le temps me manque pour élaborer
encore le sujet, je voudrais revenir plutôt sur mon étonnement de
voir ce que le débat a apporté ce matin de négatif. Ce qui
est encore plus surprenant, c'est qu'un constitu-tionnaliste comme le
député de Sauvé, chef de l'Opposition officielle, ait
passé à côté des questions qui devraient
l'intéresser davantage, où, il me semble, il pourrait apporter
une contribution plus valable que celle qu'il a voulu apporter en se tenant
presque exclusivement du côté de l'économique ou du
côté partisan.
Nous aurions aimé voir le député de Sauvé
parler de la position constitutionnelle, parler des relations
fédérales-provinciales et, surtout, nous parler de
l'actualité, nous parler, par exemple, du projet de loi
fédéral déposé récemment, le 3
décembre 1973, à Ottawa. Il me semble qu'il aurait eu une
occasion magnifique de nous parler de ce projet de loi qui est à la base
de la politique fédérale de l'énergie et qui contient des
éléments sur lesquels nous ne sommes pas tous d'accord, M. le
Président. Mais cela a échappé au grand
constitutionnaliste, le député de Sauvé. Il nous a
répété la substance de vieux discours du Parti
québécois, alors que présentement il y a à
l'étude devant la Chambre des communes un projet de loi dont certains
éléments devraient inquiéter un Québécois
lucide et alerte et qui inquiète le gouvernement du Québec. C'est
ainsi que le ministre des Richesses naturelles et le gouvernement du
Québec ont déjà fait connaître au gouvernement
fédéral les objections que nous entretenons sur cette loi
fédérale.
Voilà des gestes véritables et véritablement
posés par le gouvernement québécois. J'aurais cru que le
député de Sauvé se serait inquiété de ce
projet de loi, bill C-236, qui, en première lecture, était
déposé le 3 décembre 1973, Loi prévoyant un moyen
de préserver les approvisionnements de produits pétroliers au
Canada durant les périodes d'urgence nationale résultant de
pénuries ou de perturbations du marché qui portent atteinte
à la sécurité et au bien-être des Canadiens et
à la stabilité économique du Canada et modifiant la loi
sur l'Office national de l'énergie.
Ce projet de loi, nous comprenons qu'il fut nécessaire de le
présenter à la Chambre des communes, pour autant qu'il y ait
cette pénurie, qu'il y ait cette période de crise. Nous sommes
d'accord que dans ces moments, comme cela a été possible dans le
passé, à des moments de crise nationale ou internationale on ait
recours à des mesures temporaires d'urgence. Mais, même si nous
sommes d'accord sur l'à-propos de ce projet de loi, même si nous
croyons que le bien-être des Québécois est relié
à des mesures qui doivent être prises sur une base nationale,
c'est-à-dire que nous sommes d'accord qu'il y ait une concertation entre
les pouvoirs retenus par le gouvernement fédéral et les pouvoirs
des provinces, nous ne sommes pas d'accord, cependant et je suis surpris
que le député de Sauvé soit demeuré silencieux
devant des possibilités comme celles-là, des
possibilités réelles qui sont une menace d'après nous.
Cela n'a pas l'air de l'inquiéter, M. le Président. Il y a
là, il me semble, des questions que le député de
Sauvé aurait pu poser. Il aurait pu, très facilement, en
étudiant ce projet de loi, se demander s'il ne contenait que des
dispositions reliées au caractère d'urgence de la situation
actuelle.
Mais non, il ne se préoccupe pas de ça. Mais le
gouvernement du Québec, lui, se pose des questions. Quelles sont les
intentions véritables du gouvernement fédéral, d'abord?
Est-ce qu'il a voulu, par ce projet de loi, régler une question
d'urgence? Si c'est ça, d'accord. Mais pourquoi? Ce sont les questions
qu'aurait pu poser le chef de l'Opposition. Je m'imagine encore que le chef de
l'Opposition officielle aurait pu se demander, par exemple, si l'on veut qu'il
s'agisse là d'une loi qui crée quelque chose de temporaire pour
répondre à une situation d'urgence, mais pourquoi avoir
créé une structure comme celle-là? Pourquoi ne pas avoir
utilisé d'autres pouvoirs qu'a déjà le gouvernement
fédéral dans d'autres lois? Pourquoi créer un office,
comme l'article 3 de la loi fédérale nous dit, un office de
répartition des approvisionnements d'énergie? A l'article 9 de ce
projet de loi, on donne le pouvoir à cet office de créer des
plans, de faire des plans, de planifier et surtout après que la
période de crise sera terminée et passée. Cet office
semble avoir un caractère permanent pour continuer ensuite à
planifier la distribution des richesses naturelles à travers le Canada
alors que nous savons et nous sommes jaloux de cette prérogative
que les richesses naturelles appartiennent, de par la constitution, aux
provinces.
Ce sont des questions que je me serais attendu d'avoir du chef de
l'Opposition officielle, constitutionnaliste, qui nous aurait dit: Mais que
pensez-vous de l'article 9 de ce projet de loi qui parle des plans que pourra
élaborer cet office qui est créé par la loi
fédérale? Que ce soit une question que l'on se pose, c'est normal
que le gouvernement du Québec se pose cette question: Pourquoi cet
office? Et pour-
quoi lui donner des pouvoirs dépassant la période de
crise? Où est la limite dans ce projet de loi quant à sa mise en
oeuvre? Cette loi est-elle faite pour une période de crise et d'urgence
ou est-elle faite plutôt là une question se pose
pour permettre au gouvernement fédéral de s'introduire dans un
domaine qui est jalousement défendu par le gouvernement du Québec
et par les provinces, en général?
On voit, à l'article 17, par exemple, que l'on permet, avec
l'autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil, à cet office de
réglementer les importations. Or, il semble bien que ce ne soit pas
là une question de nécessité en période de crise.
On pourrait se poser des questions. Le député de Sauvé
pourrait se poser des questions et dire: Pourquoi réglementer les
importations si la loi est apportée à cause de la pénurie?
On comprend que l'on veuille contrôler les exportations mais on se pose
des questions sur la validité ou sur les intentions du gouvernement
fédéral de vouloir toucher aux importations dans un projet de loi
qui est supposé être une loi pour répondre à une
urgence.
M. MORIN: Bonnes questions.
M. LEVESQUE: Et d'autres questions, M. le Président,...
M.MORIN: Ce sont...
M. LEVESQUE: Un instant, vous aurez le droit de réplique.
M. MORIN: ... d'excellentes questions.
DES VOIX: A l'ordre!
M.MORIN: Mais répondez-y maintenant!
M. LEVESQUE: J'ai été fort surpris de voir le grand
constitutionnaliste, le présumé ou le prétendu grand
constitutionnaliste, oublier de se poser des questions. Il ne semble même
pas avoir lu ce projet de loi. Il ne suit pas l'actualité. Il est le
premier à accuser le premier ministre du Québec de ne pas avoir
lu le document du ministère des Richesses naturelles sur
l'énergie...
UNE VOIX: Non, non!
M. LEVESQUE: ... alors que je sais personnellement que le premier
ministre le connaît de A à Z. Là, cela ne lui fait rien de
dire des sottises et des faussetés comme celles-là. Mais
lui-même ne fait pas son "homework" comme on dit en français.
Il ne fait pas son travail, à mon sens, le plus
élémentaire, celui qui touche le plus à ses connaissances
professionnelles, apparemment du moins, lorsqu'il néglige
d'étudier un projet de loi comme celui-là, qui touche de
tellement près l'objet de la motion de ce matin.
M. le Président, il y a d'autres questions que le
député de Sauvé aurait pu poser. Par exemple, M. le
Président, il aurait pu se demander si le gouvernement
fédéral, dans ce projet de loi C-236, veut réellement
répondre uniquement à la crise du pétrole ou s'il veut
s'introduire dans les autres sources d'énergie.
Il verra qu'à l'article 17, on parle d'électricité
et, dans d'autres articles de ce projet de loi, on touche au nucléaire,
on touche au thermique, on touche à toutes les formes d'énergie.
Là, il y a des questions à se poser. Déjà,
cependant, alors que l'Opposition ne se pose même pas de questions, le
gouvernement du Québec, et par le premier ministre, et par le ministre
des Richesses naturelles, et par le gouvernement dans son ensemble, et par tout
l'appareil gouvernemental, a déjà fait les représentations
qui s'imposent au gouvernement fédéral, et, pourtant, il s'agit
de quelque chose de public. Il ne s'agit pas d'une fuite. Quand ce n'est pas
une fuite, cela peut être important quand même, M. le
Président !
Non, M. le Président. Le Parti québécois est un
parti de coulisse, qui se nourrit dans les fuites. Mais, M. le
Président, lorsque nous avons devant nous un projet de loi comme
celui-là...
M. LEGER: Le Parti libéral est un parti en fuite devant les
coulisses!
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. LEVESQUE: ... un projet de loi qui est adressé à
l'attention de tous les Canadiens, à moins qu'ils ne soient
déjà dans l'illusion d'être séparés, un
projet de loi qui va toucher...
M. LEGER: On est dépendant, par exemple!
M. LEVESQUE: ... tous les Québécois, M. le
Président, il faut être éveillé à ce qui se
passe non pas seulement ici, dans l'Assemblée nationale, mais à
tout ce qui peut toucher l'Assemblée nationale.
M. MORIN: Où étiez-vous quand je vous ai posé une
question, l'autre jour, là-dessus?
M. LEVESQUE: Pardon?
M. MORIN: Où étiez-vous quand je vous ai posé une
question sur ce projet de loi?
DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre!
M. BACON: A l'ordre! A l'ordre, M. le Président !
M. LEVESQUE: Le député de Sauvé aurait eu une
occasion magnifique, ce matin, de poser ces questions... C'est le gouvernement
qui doit
se les poser pour lui, mais il se les a posées pour
lui-même avant et nous avons déjà pris des mesures
nécessaires pour dire à Ottawa qu'il y avait, dans ce projet de
loi, peut-être à son insu donnons-lui le
bénéfice du doute, peut-être à son insu
quelques éléments qui sont de nature à inquiéter le
gouvernement du Québec. Nous n'avons pas le droit de laisser passer ces
germes sous silence.
Il n'y pas là quelque chose qui puisse, évidemment,
immédiatement nuire. Au contraire, nous avons besoin de cette
intervention dans une période de crise comme celle que nous connaissons
présentement.
Mais, même s'il s'agit d'une période de crise, même
si nous avons présentement une situation qui motive, qui justifie le
gouvernement fédéral à intervenir, nous croyons qu'il
s'agit d'une question d'envergure nationale. S'il y a des plans à faire
pour prévenir une prochaine crise, nous croyons que nous, les provinces,
devons être dans le coup non seulement pour indiquer s'il y a crise ou
non, mais également pour préparer, de concert avec le
gouvernement fédéral, les plans qui s'imposent pour
prévenir des crises ultérieures.
Je termine en remerciant, évidemment, l'Opposition de nous avoir
donné une occasion magnifique de lui répondre, de parler en
particulier de ce qu'ont fait le ministre des Richesses naturelles, son
ministère et le gouvernement dans son ensemble, et de confondre une
Opposition qui aurait eu une occasion magnifique d'aborder quelques questions
qui auraient été susceptibles de faire avancer le dossier. Mais,
au contraire, on est resté dans le même négativisme qui
qualifie ce parti que nous avons devant nous et qui se veut l'Opposition
officielle de Sa Majesté.
LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle, pour environ
cinq minutes.
M. Jacques-Yvan Morin
M. MORIN: M. le Président, d'abord, une ou deux observations pour
rectifier des paroles qu'on a mises dans ma bouche tout à l'heure. Le
ministre des Richesses naturelles me fait parler d'une zone de libre
échange, alors que j'ai parlé d'une zone d'importation libre, ce
qui est tout à fait différent. Peut-être le ministre ne
connaît-il pas la différence. Je vais la lui dire.
Une zone de libre échange, c'est un arrangement international en
vertu duquel des Etats quelconques constituent une zone franche de droits pour
l'importation de certains produits, entre eux, mais non à l'égard
des tiers, tandis que la zone dont j'ai parlé, c'est une zone qui est
soumise à des conditions non dictées par un gouvernement autre
que celui du Québec, non dictées par Ottawa en particulier, sans
restrictions quantitatives, sans restrictions douanières. Je ne sais pas
si le ministre avait suivi mon exposé.
Deuxième point. J'ai posé, l'autre jour, une question en
Chambre sur cette question de l'Office de répartition
fédéral de l'énergie. Le leader parlementaire du
gouvernement était-il en Chambre à ce moment?
M. LEVESQUE: A quel moment je n'étais pas en Chambre depuis le
début de la session?
M. MORIN: On ne nous a pas répondu justement sur cette question.
Nous nous inquiétons de cette loi, comme lui. Il a soulevé
d'excellentes questions depuis tout à l'heure; le malheur, c'est qu'il
n'y a pas répondu.
Il s'est contenté de dire que nous ne les avions pas
soulevées, alors que précisément, dans ces questions, nous
nous sommes inquiétés des pouvoirs qu'Ottawa pourrait s'arroger
notamment jusque dans le domaine de l'électricité. Le ministre se
souviendra de ma question.
M. le Président, le ministre, en réponse à notre
motion de blâme, a tout ramené à la crise à court
terme. Nul doute qu'il cherche, à l'heure actuelle, avec
frénésie des solutions pour éviter la crise. Je lui
donnerai le bénéfice du doute là-dessus. Mais il n'a pas
dit un mot, je n'ai pas entendu un mot sur le gros de nos critiques, sur les
problèmes à propos desquels nous avons soulevé cette
motion de blâme, c'est-à-dire l'avenir à moyen et à
long terme du secteur énergétique.
Le Québec n'a pas encore de politique énergétique.
Le fait qu'il ne s'en soit pas donné dans le passé, en tout cas
qu'il ne l'ait pas mise en vigueur, qu'il ait hésité, par
exemple, à équiper SOQUIP, nous fait douter de la
possibilité de cette politique dans l'avenir, d'autant que le
gouvernement fédéral prend maintenant des dispositions pous
imposer sa propre politique. Le ministre nous dit bravement qu'il ne
cédera pas devant Ottawa, qu'il ne cédera pas les
compétences du Québec, mais en a-t-il à céder
maintenant qu'Ottawa est en train de les occuper? Pas un mot sur Lorneville,
sur la décision qui va venir d'Ottawa un jour ou l'autre de prolonger
l'oléoduc de Montréal à Lorneville. Pas un mot
là-dessus, alors que ce sont les véritables problèmes de
l'avenir, M. le Président.
Tout ceci m'amène à conclure en une minute. Les questions
importantes dans le domaine de l'énergie, comme dans les autres
domaines, ne relèvent du Québec que dans la mesure où
celui-ci prend l'initiative et occupe le terrain. Nous en avons eu de nombreux
exemples à l'époque de la révolution tranquille:
l'Hydro-Québec, la Caisse de dépôt, la SGF et SOQUIP, sur
le papier du moins. Malheureusement, le gouvernement actuel a dilapidé
cet héritage. Il a renversé la vapeur; il a cédé
devant ceux qui, depuis toujours, dominent le Québec, les grandes
compagnies étrangères, notamment dans le domaine des
pétroles désormais, et le gouvernement d'Ottawa.
Les conséquences sont graves, M. le Prési-
dent, pour l'avenir. Dans ce domaine crucial de l'énergie, les
décisions importantes relèvent désormais du pouvoir
fédéral, qu'il s'agisse de l'oléoduc
Sarnia-Montréal ou Sarnia-Lorneville, qu'il s'agisse du port
pétrolier, qu'il s'agisse du prix du pétrole du secteur
pétrochimique et du secteur nucléaire.
Le gouvernement l'a admis hier à propos de l'usine d'eau lourde
de Gentilly. Tout passe, graduellement, mais sûrement, entre les mains du
gouvernement fédéral. Et le ministre de l'Energie, le ministre
fédéral, M. Macdonald, nous a prévenus au sujet du port
pétrolier. C'est un avertissement qui vaut pour toute question
d'importance au Québec, y compris le secteur de l'énergie.
Les décisions seront prises, a-t-il dit, en fonction des
intérêts généraux du Canada. Cela signifie, M. le
Président, je termine là-dessus...
M. LEVESQUE: Cela fait longtemps que vous avez dit ça.
M. MORIN: ... cela signifie que les décisions capitales relatives
à notre développement économique, pour ne parler de cet
aspect du développement...
DES VOIX: Vote, vote!
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît!
M. MORIN: ... sont prises dans les faits en fonction du
développement de l'Ouest, en fonction de l'Ontario et des Maritimes.
Cela signifie que ces décisions nous échappent, sont prises par
des fonctionnaires et des hommes politiques, donc, en fonction...
M. LEVESQUE: Est-ce qu'il en a pour bien longtemps encore?
M. MORIN: ... de la conception que la majorité se fait dans ce
pays de ce qui est son intérêt dit "national".
M. le Président, c'est la grande leçon c'est ma
dernière phrase qui se dégage de la crise actuelle dans le
domaine pétrolier. Notre habitude de la dépendance et
comme on la reconnaissait dans les interventions des ministres, cette
servilité devant le pouvoir fédéral nous a
menés où nous en sommes, devant un pouvoir fédéral
omniprésent. Le gouvernement se montre velléitaire, mais glisse
irrémédiablement vers la dépendance.
M. le Président, encore ici c'est un problème qui ne sera
réglé que le jour où le Québec sera
indépendant. Merci.
LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a un vote enregistré? J'imagine.
M. BURNS: Oui, M. le Président.
LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!
Vote sur la motion de M. Morin
LE PRESIDENT: J'inviterais les députés à prendre
leurs sièges. Que ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable
chef de l'Opposition officielle veuillent bien se lever, s'il vous
plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard,
Bédard (Chicoutimi), Samson.
LE PRESIDENT: Que celle et ceux qui sont contre cette motion veuillent
bien se lever, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Lévesque, Parent, Mailloux,
Saint-Pierre, Choquette, Cloutier, Lachapelle, Cournoyer, Goldbloom, Simard,
Quenneville, Mme Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Massé, Harvey
(Jonquière), Vaillancourt, Houde (Fabre), Houde (Abitibi-Est), Giasson,
Perreault, Brown, Fortier, Kennedy, Bacon, Blank, Lamontagne, Bédard
(Montmorency), Veilleux, Saint-Hilaire, Brisson, Houde (Limoilou), Lafrance,
Pilote, Ostiguy, Picard, Gratton, Gallienne, Harvey (Charlesbourg),
Larivière, Pelletier, Pépin, Beauregard, Bellemare,
Bérard, Bonnier, Boudreault, Boutin (Abitibi-Ouest), Chagnon, Caron,
Ciaccia, Côté, Denis, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc),
Lachance, Lapointe, Lecours," Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier,
Pagé, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tremblay,
Vallières, Verreault.
LE SECRETAIRE: Pour: 7. Contre: 72.
LE PRESIDENT: La motion est rejetée. L'Assemblée suspend
ses travaux jusqu'à quinze heures.
(Suspension de la séance à 13 h 9)
Reprise de la séance à 15 h 15
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! L'honorable député de
Drummond.
Rapport sur le projet de loi no 4
M. MALOUIN: M. le Président, conformément aux articles 123
et 161 du règlement de l'Assemblée nationale, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission parlementaire de la fonction
publique, qui a étudié le projet de loi no 4 intitulé
Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes
publics.
LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a une indication jusqu'à quand les
députés pourront apporter des amendements au rapport?
M. LEVESQUE: M. le Président, nous avons convenu, le leader
parlementaire de l'Opposition officielle et moi-même, que nous pourrions
attendre jusqu'à six heures, demain soir, au cas où il y aurait
des amendements à déposer.
LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement? Très bien.
M. LEVESQUE: M. le Président, l'article no 5.
Projet de loi no 10
Deuxième lecture
Commission plénière
Troisième lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la
deuxième lecture du projet de loi no 10, Loi modifiant la loi concernant
les municipalités des paroisses de Saint-Gérard-des-Laurentides
et de Saint-Mathieu.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, à la dernière
session, une loi a été adoptée concernant ces deux
municipalités. Par la suite, nous avons constaté qu'une erreur
s'était glissée dans la description du territoire
concerné. Il s'agit de rectifier cette erreur. C'est aussi simple que
cela.
UNE VOIX: Adopté.
M. LEGER: M. le Président, étant donné que c'est
seulement un détail, une erreur minime du gouvernement et qu'on en a de
grosses, nous adoptons le projet de loi en deuxième lecture.
M. SAMSON: Nous autres aussi, on va attendre une plus grosse erreur.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.
M. LEVESQUE: Les écritures.
LE PRESIDENT: Formation de la commission plénière et
inscription des délibérations.
M. LEGER: Adopté.
LE PRESIDENT: Adopté. Rapport. Troisième lecture.
Troisième lecture du projet de loi no 10. Est-elle
adoptée?
M. LEVESQUE: II y a une sanction, M. le Président.
Peut-être que le leader parlementaire ne le savait pas, il y a une
sanction à huit heures trente. S'il n'y avait pas d'objection à
régler ces cas.
M. BURNS: Alors, allons-y. Troisième lecture.
LE PRESIDENT: Adopté. M. BURNS: Adopté.
M. LEVESQUE: Merci. Article no...
LE PRESIDENT: Huit? M. LEVESQUE: ...8). UNE VOIX: Eight! M. LEVESQUE:
Eight!
Projet de loi no 16 Deuxième lecture et commission
plénière
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la
deuxième lecture du projet de loi no 16, Loi concernant la ville des
Laurentides.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, il s'agit de corriger une autre
erreur mais celle-ci remonte à 1957. La ville des Laurentides a
été constituée par une loi dans laquelle on a
négligé d'inscrire le fait que le conseil municipal devait se
composer de sept membres. La municipalité a, effectivement, élu
sept membres et continue d'avoir un conseil composé de sept membres.
Mais il n'y a rien dans la loi qui le permet. Il s'agit de confirmer que le
conseil municipal doit être composé de sept membres et que les
actes posées par ceux qui sont en fonction depuis 1957 ne sont pas
illégaux.
M. LEGER: M. le Président, avant de poser
une question au ministre, comment se fait-il qu'on continue à
voter à sept membres sans que cela soit dans la constitution et que cela
prend tant d'années pour régulariser la situation?
M. GOLDBLOOM: M. le Président, je pense bien qu'une fois la loi
originale adoptée, personne n'a pensé à la regarder. Tout
le monde tenait pour acquis que la ville était constituée avec
sept sièges à son conseil municipal. Ce n'est qu'il y a
très peu de temps que les conseillers juridiques du gouvernement, en
regardant par hasard cette loi, ont constaté la lacune.
M. LEGER: M. le Président, la deuxième lecture est
adoptée en ce qui nous concerne.
M. SAMSON: M. le Président, est-ce que le ministre peut nous dire
s'il s'est bien enquis avant de nous présenter ce projet de loi? Je veux
bien croire que l'on veut rendre légaux des gestes officiels
posés par les membres de ce conseil. Mais, tout de même, depuis
1957, est-ce que le ministre peut nous assurer que sur tout ce qui a
été fait, sur tous les gestes posés par ce conseil, il n'y
a pas eu de plainte pour quoi que ce soit?
Pouvez-vous nous assurer qu'il n'y a aucune plainte?
M. GOLDBLOOM: Je peux assurer la Chambre qu'il n'y a pas eu de
contestation des actes posés. Je ne m'aventurerai pas jusqu'à
dire que tout a été légal je ne me prononce pas sur
les actes mais je suis en mesure d'affirmer qu'il n'y a pas eu de
plaintes, à ma connaissance.
M. SAMSON: M. le Président, compte tenu du fait qu'il n'y a
aucune contestation officielle d'enregistrée, nous allons être
d'accord.
LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle
adoptée? Adopté. Les écritures?
M. CHOQUETTE: Les écritures, oui.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi.
Second reading of this bill.
LE PRESIDENT: Rapport de la commission plénière,
adopté.
Troisième lecture, adopté?
M. BURNS: M. le Président, je demanderais, tout simplement, qu'on
respecte le règlement et que la troisième lecture soit
reportée à une prochaine séance.
M. CHOQUETTE: Article 9), M. le Président.
Projet de loi no 18 Deuxième lecture et
commission plénière
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la
deuxième lecture du projet de loi no 18, Loi concernant les villes
d'Arthabaska, de Belleterre et de Malartic.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, il s'agit ici de trois
municipalités qui, pour des raisons qui ne sont pas très claires,
n'ont pas suivi précisément les exigences du chapitre 55 des Lois
de 1968, qui porte sur l'élection du conseil municipal et qui a
prévu un mandat uniforme de quatre années pour le conseil
municipal et l'élection du conseil dans son ensemble, à la
fois.
Cette loi a été adoptée en 1968. Evidemment, on n'a
pas changé la situation des conseils municipaux où il y avait une
certaine rotation qui devait tirer à sa fin, mais, avec la fin de cette
rotation, on a instauré pour chacune des municipalités le
régime universel.
Ces trois municipalités ont, pour des raisons qui ne sont pas
très claires, échappé à cette situation. Là,
avec une loi je pourrai fournir les détails sur chacune des
municipalités, si ces détails intéressent les membres de
l'Assemblée nationale on régularise la situation; on
ramène les trois au système universel.
M. LEGER: M. le Président, étant donné qu'il y a la
deuxième lecture et la commission plénière, je poserai les
questions immédiatement, si vous n'avez pas d'objection. Cela
épargnera du temps à la Chambre.
Les deux villes de Belleterre et d'Arthabaska, à partir de 1968,
devaient commencer une rotation, si je comprends bien, et cela n'a
commencé qu'à partir de 1970. Est-ce cela?
M. GOLDBLOOM : Peut-être, si je fais lecture de ce qui existe dans
chacune des municipalités, on aura tous les détails voulus.
Dès novembre 1970, la ville de Belleterre a appliqué
l'article 169 du chapitre 55 des lois de 1968, même si celui-ci ne lui
était pas expressément applicable. Le maire et les conseillers
ont été élus pour un mandat de quatre ans renouvelable en
1974.
Dans le cas de la ville de Malartic, le maire a été
élu pour deux ans en novembre 1973, trois échevins ont
été élus pour un mandat de quatre ans en novembre 1973,
trois autres échevins ont été élus pour un mandat
de quatre ans en novembre 1971. Donc, quatre membres du conseil doivent se
présenter devant les électeurs en 1975. il s'agit du maire et de
trois conseillers.
Dans le cas de la ville d'Arthabaska, le maire a été
élu pour deux ans en janvier 1973, deux échevins pour trois ans
en 1973, deux échevins pour trois ans en janvier 1972, deux
échevins
pour trois ans en janvier 1971, donc trois membres du conseil doivent se
présenter devant les électeurs en janvier 1975, il s'agit du
maire et de deux échemins.
Dans le cas de la ville de Malartic et de la ville d'Arthabaska, nous
avons préféré appliquer ledit projet de loi à
partir de 1975 en vue de permettre au plus grand nombre de membres de ces
conseils de terminer leur mandat. Il s'agit de permettre que la situation
actuelle se termine pour que la loi générale s'applique dans ces
deux cas à partir de 1975.
M. LEGER: Autrement dit, Belleterre, en 1974, pourra renouveler
complètement ou réélire complètement. Malartic,
c'est à partir de 1975,ainsi qu'Arthabaska.
M. GOLDBLOOM: C'est cela.
M. LEGER: Elles auront fait une rotation normale complète. En ce
qui nous concerne, nous sommes d'accord.
LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle
adoptée?
M. BURNS: Juste pour éviter encore une fois le comité
plénier, est-ce que je peux poser la même question que le
député de Rouyn-Noranda a posée à propos du projet
de loi antérieur, vu qu'à l'article 2 on nous dit qu'"aucune
irrégularité ne peut être relevée". Est-ce
qu'actuellement des procédures sont intentées devant les
tribunaux compétents relativement à des actes qui ont pu
être posés dans le passé depuis les années 1968?
C'est la question que je pose.
M. GOLDBLOOM: Je ne suis saisi d'aucune contestation ni protestation
contre les actes en question, M. le Président.
M. BURNS: Personne ne vous a avisé qu'il y en avait?
LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle
adoptée? Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi.
Second reading of this bill.
LE PRESIDENT: Ecritures de la commission plénière. Rapport
de la commission plénière, adopté? Adopté.
Troisième lecture...
M. BURNS: Prochaine séance, M. le Président.
M. LEVESQUE: Prochaine séance aussi?
M. BURNS: Je prends la parole du ministre, il n'y a aucune espèce
de doute dans mon esprit. La raison pour laquelle, quant aux deux projets de
loi qui viennent d'être adoptés en deuxième lecture, je
demande un délai de 24 heures pour adopter la troisième lecture,
c'est que, si jamais il y avait des personnes qui, hors la connaissance du
ministre, avaient contesté des actes ou quoi que ce soit, ça
donnerait peut-être le temps au Parlement d'en prendre connaissance. Je
ne mets pas du tout en doute la parole du ministre, qui me dit qu'il n'a pas
connaissance des contestations.
M. LEVESQUE: Je comprends très bien les préoccupations,
d'ailleurs très légitimes, du député de
Maisonneuve. Seulement la première lecture a déjà eu lieu
depuis quelques jours et on aurait pu en entendre parler mais...
M. BURNS: C'est possible mais disons que c'est un excès de
prudence que je vous suggère et...
M. LEVESQUE: Nous n'avons pas d'objection.
M. BURNS: ... qui dans le fond ne cause pas de gros problème.
M. LEVESQUE: La seule raison pour laquelle nous suggérions de
passer la troisième lecture aujourd'hui, c'est à cause de la
sanction ce soir, mais mon dieu! Il n'y a pas d'urgence. Article 7).
M. BURNS: On fera revenir Son Excellence plus tard; d'abord il est
payé pour ça.
Projet de loi no 11 Deuxième lecture
LE PRESIDENT: L'honorable leader parlementaire du gouvernement propose
la deuxième lecture du projet de loi 11, Loi concernant la division
territoriale.
M. Gérard D. Lévesque
M. LEVESQUE: M. le Président, les districts judiciaires, les
divisions d'enregistrement et les limites des municipalités de
comté sont dans la plupart des cas définis dans la Loi de la
division territoriale par référence aux limites des districts
électoraux. Or, les limites de ces districts électoraux ont
été modifiées par le chapitre IV des lois de 1972,
sanctionné le 21 décembre 1972. Ces nouvelles limites,
d'après l'article 4 de ce chapitre IV, entraient en vigueur à la
date de la dissolution de la Législature, si cette dissolution avait
lieu après le 1er août 1973. Cette dissolution ayant eu lieu le 25
septembre 1973, il s'ensuit que dès lors les références
aux limites des districts électoraux devenaient dans la plupart des cas
invalides de sorte qu'il n'était
plus possible de fixer les limites des districts judiciaires, des
divisions d'enregistrement et des municipalités de comté.
Il est donc nécessaire de geler la situation telle qu'elle
existait le 25 septembre 1973, jusqu'à ce que nous ayons pu faire
confectionner par le ministère des Terres et Forêts des cartes
nouvelles et indépendantes indiquant avec précision les limites
des districts judiciaires, des divisions d'enregistrement et des
municipalités de comté, sans faire référence cette
fois aux limites des districts électoraux.
Adopté.
LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, nous sommes d'accord pour adopter ce
projet de loi en deuxième lecture, mais je ne peux résister
à l'occasion qui m'est offerte par le leader du gouvernement de lui
démontrer qu'il est difficile d'adopter de la législation sans
prendre le temps nécessaire pour l'adopter, sans se pencher sur les
conséquences qu'une loi nouvelle peut avoir. Je pense que la
période dans laquelle nous nous trouvons est particulièrement
fertile en exemples et sera dans les jours qui viennent particulièrement
fertile en exemples de lois adoptées, disons, même sans le sens
péjoratif, un peu à la vapeur.
Il est évident, M. le Président, que c'est un oubli qu'il
y a eu dans la Loi de la division territoriale, oubli qu'on aurait pu, si on
avait pris le temps de l'examiner très sérieusement, corriger
à ce moment-là. Je n'ai pas l'intention de tourner le fer dans la
plaie plus longtemps qu'il n'est nécessaire, mais quand on est rendu
à adopter une loi de division territoriale et qu'on oublie de mentionner
dans cette loi que les noms, la composition des districts judiciaires, des
divisions d'enregistrement et des municipalités de comté ne sont
pas affectés par ça, ça commence à être, je
pense, un oubli majeur.
Et si je me lève en deuxième lecture, M. le
Président, pour dire qu'on est d'accord sur la Loi de la division
territoriale, c'est pour dire en même temps au gouvernement que ce n'est
pas seulement une question de performance qu'on a à faire ici en fin de
session.
Ce n'est pas qu'une question de performance du gouvernement afin de
pouvoir dire, à la fin d'une session: Nous avons fait adopter 25, 40,
60, 50, 22, 12 lois. Cela n'a aucune espèce d'importance. Ce qui est
important c'est qu'on n'ait pas constamment à revenir avec des
amendements à la loi apportée. Nous avons déjà
vécu un cas, une loi de l'importance de celle du Régime de
retraite des fonctionnaires que nous avons étudiée pendant
presque deux jours en commission sans avoir toutes les informations requises et
je suis certain je ne veux pas faire mon prophète de malheur
que d'ici quelques mois vu que mes paroles sont
enregistrées au journal des Débats, je me sens d'autant plus
libre de le dire on va nous revenir avec des amendements à cette
loi qu'on a adoptée un peu trop rapidement, à mon avis, sans
suffisamment de consultation.
C'est un peu ce genre d'amendement qu'on est en train d'adopter
actuellement sur la Loi concernant la division territoriale. Si on
s'était penché sur des choses qui, vous le savez, vous M. le
Président, comme notaire, ne sont pas secondaires, des choses comme les
divisions d'enregistrement, ce ne sont pas des choses qu'on oublie tous les
jours dans une loi de division territoriale; des choses qui, mon bon ami le
député de Bonaventure est avocat, ne s'oublient pas facilement,
comme les districts judiciaires; vous non plus, M. le Président, comme
notaire, vous ne pouvez pas oublier cela. Les conseils de comté,
ça ne s'oublie pas facilement.
Que l'impact de cela, on l'ait oublié dans une loi
antérieure, alors il y a quelque chose qui se passe dans notre
façon de légiférer. Je le soulève en
deuxième lecture tout en me disant d'accord sur l'amendement qui est
proposé, tout en étant prêt à voter en faveur du
projet de loi no 11 mais en disant: S'il vous plaft, est-ce assez pour que cela
nous donne une leçon? Il y aurait de multiples autres cas que je
pourrais citer. La Loi de l'évaluation foncière, qui a
été adoptée en fin de session à la vapeur, à
un moment donné nous est revenue dans un premier temps, encore en fin de
session...
M. LEVESQUE: A l'ordre!
M. BURNS: ... nous est revenue avec d'autres amendements,
également.
M. LEVESQUE: A l'ordre!
M. BURNS: M. le Président, je ne veux pas discuter de ces
lois-là, je les cite à titre d'exemple et uniquement de
façon constructive pour que cela nous incite, à l'avenir,
à penser sérieusement à ce que nous faisons quand nous
adoptons des lois. Je pense si le leader du gouvernement avait
été assis à mon siège aujourd'hui et si moi j'avais
été assis au sien, il ne se serait sûrement pas
privé de dire ce que je viens de dire là.
M. LEVESQUE: Ah!
LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. Camille Samson
M. SAMSON: M. le Président, une fois de plus,à ce
moment-ci, j'abonde dans le même sens que l'honorable
député de Maisonneuve. Cela
n'arrive pas souvent, mais je pense qu'il a entièrement
raison.
M. LEVESQUE: Cela arrive de plus en plus souvent. On commence à
dire que vous êtes à la remorque du PQ.
M. SAMSON: Par votre attitude, cela peut arriver plus souvent, si vous
continuez.
M. le Président, c'est, je pense, aujourd'hui que nous pouvons
retrouver, une fois de plus, le désavantage de la vapeur dans les lois.
Vous savez, si on avait les possibilités de toujours avoir les
renseignements quand on a à discuter de certaines lois, je pense que
cela ne nous reviendrait pas comme ça. On a eu à passer,
tantôt, sur des lois corrigeant des erreurs dans d'autres lois
votées dans le même contexte, c'est-à-dire à la
toute dernière minute. Nous avons eu à discuter une motion
là-dessus, tout dernièrement, décrétant qu'à
l'avenir les projets de loi seront votés à la vapeur. Nous avons
à nous élever contre ce genre de procédé qui a
été, maintes fois, utilisé et qui a des
conséquences.
Je me rappelle, comme tantôt le député de
Maisonneuve, qui a cité les projets de loi, du projet de loi 50 qui a
été voté dans les mêmes circonstances. Par la suite
seulement, nous avons été informés, les
députés de cette Chambre, que quelqu'un revendiquait la
propriété du territoire. Si on n'en était pas toujours
à la dernière minute comme ça, si on nous donnait au moins
le temps d'étudier les projets de lois qui sont déposés,
j'ai l'impression que tout le monde y gagnerait. Le gouvernement y gagnerait
aussi. Il ne serait pas obligé de nous revenir. Dans ce projet de loi,
on ne sait pas si le gouvernement ne sera pas obligé de revenir à
la toute dernière minute de la fin de la prochaine session pour nous
dire qu'il y avait encore une erreur, qu'il nous faut corriger par un autre
projet de loi. Il nous faut considérer que ce genre de situation n'est
pas normale. Il faut considérer qu'il faut donner le temps aux membres
de l'Opposition, en tenant compte du fait que les membres de l'Opposition ne
sont que huit. Qu'est-ce que vous voulez, si vous autres, à 102, vous
n'avez pas le temps de tout étudier vos lois, avec tous les budgets que
vous avez, nous autres, quand on n'a rien comme outils pour travailler, ne nous
demandez pas l'impossible. C'est ce qui se produit présentement et c'est
pourquoi on se retrouve devant cela. J'aurais peut-être, si on avait tous
les outils à notre disposition, beaucoup de choses à dire sur ce
projet de loi. Mais, malheureusement, je me dois d'avouer que, compte tenu du
peu de moyens que nous avons à notre disposition pour travailler, on est
obligé de dire oui, oui, ou encore non, et on n'est pas sûr si en
disant non on rend service à la population. Je pense que nous nous
devons de réaliser, une fois pour toutes, que l'Opposition, dans un
système parlementaire, c'est quelque chose qui est posi- tif, mais
à la condition qu'on nous donne des moyens. Je le répète,
M. le Président, je m'excuse d'être obligé de revenir
là-dessus. Souvent nous avons à discuter de lois comme ça
et on n'a pas assez de moyens, on n'a pas assez d'information. Et on vient nous
dire par dessus le marché: On vous présente ces lois parce qu'on
a fait une erreur la dernière fois! Ecoutez, si nous autres on n'a pas
de moyens pour vous arrêter quand vous faites des erreurs, au moins vous
autres vous les avez les moyens. Tâchez de les éviter ces erreurs.
C'est ce qui se produit présentement, on nous revient toujours comme
ça. Est-ce que cela a du sens d'en arriver un jour comme aujourd'hui
avec des projets de loi toutes les dix minutes? On vote ça à
toutes les dix minutes.
M. LEVESQUE: II y en a de dix minutes et il y en a de plus longs.
M. SAMSON: Vous en avez annoncé 25. Je suis bien d'accord, vous
en avez annoncé 25, mais ce n'est pas un marathon de lois qu'on fait
ici. On est ici pour représenter nos électeurs. Les
électeurs de nos comtés, s'ils voyaient la façon dont on
travaille présentement, j'ai l'impression qu'ils n'accepteraient pas
ça, et ils auraient raison de ne pas l'accepter. C'est pourquoi je
demande, une fois de plus, au gouvernement non seulement d'être plus
sérieux, mais d'être plus démocratique. Cela veut dire:
Permettez donc à l'Opposition..., n'ayez donc pas peur que l'Opposition
vous amène des suggestions. On ne vous a pas toujours amené des
suggestions négatives en cette Chambre. Quant on a eu le temps, quand on
a eu des moyens pour étudier les lois, on vous a amené souvent
des suggestions extrêmement positives, qui vous ont permis d'amender vos
lois et de pas être obligés de les ramener, comme on le fait
présentement.
C'est ce que je voulais dire, M. le Président. En
conséquence, j'espère que le leader du gouvernement le prend en
considération.
LE PRESIDENT: Cette motion...
M. Gérard-D. Lévesque
M. LEVESQUE: Alors, M. le Président, exerçant mon droit de
réplique...
LE PRESIDENT: Qui mettra fin...
M. LEVESQUE: ... je serai très bref cependant...
LE PRESIDENT: ... au débat.
M. LEVESQUE: Oui. Premièrement, d'après ce que je viens
d'entendre, je dois admettre que nous sommes les seuls qui pouvons nous
permettre des erreurs. En face de nous, nous avons des gens qui n'en font
jamais...
UNE VOIX: Voyons donc!
M. LEVESQUE: ... et s'ils en faisaient...
DES VOIX: Ah! Ah!
M. LEVESQUE: ... ils n'apporteraient pas de lois...
M. BURNS: De la démagogie.
M. LEVESQUE: ... pour les reconnaître...
M. BURNS: C'est de la démagogie.
M. LEVESQUE: ... parce qu'ils aimeraient mieux laisser les lois
erronées que d'admettre avoir fait une erreur. Errare humanum est, M. le
Président. Alors, nous en venons à la conclusion que pour une
politique vraiment humaine, il est possible de se tromper. Ceux, qui s'occupent
de la personne humaine, en particulier, devraient s'apercevoir et se rappeler
que l'erreur est humaine et fait partie justement de cette politique qu'on
préconise mais qu'on ne veut pas vivre.
Après cet acte de modestie de notre part, nous allons de nouveau
insister pour corriger une erreur, qui aurait sans doute pu être
évitée, parce que lorsque nous avons redéfini les
districts électoraux, nous aurions pu songer à faire cette
correction de concordance, parce qu'il s'agit simplement d'une concordance avec
d'autres projets de loi qui se référaient à la Loi de la
division territoriale. Cela a été oublié. Cela a
été oublié par nous. Je crois que le député
de Maisonneuve, même s'il a raison sur plusieurs points, a apporté
un mauvais exemple lorsqu'il a parlé de lois votées à la
vapeur. En effet, la Loi de la division territoriale a été celle
qui a bloqué le plus longtemps ou parmi celles qui ont bloqué le
plus longtemps ici en cette Chambre, faisant l'objet d'un "filibuster"
interminable. S'il y a une loi qui n'a pas été
votée...
M. BURNS: Pas de notre part.
M. LEVESQUE: De la part de l'Opposition, quelle qu'elle soit.
M. BURNS: Pas de notre part.
M. LEVESQUE: Elle a été bloquée... Pardon?
M. BURNS: Pas de notre part.
M. LEVESQUE: Enfin, faisiez-vous partie de l'Opposition ou
n'étiez-vous qu'une Opposition circonstantielle?
M. BURNS: Nous étions une Opposition véritable.
M. LEVESQUE: Alors, M. le Président, je dis...
M. MORIN: Errare humanum est, sed perse-verare diabolicum !
M. LEVESQUE: Je suis très heureux, M. le Président, que ce
diplômé de McGill ait conservé ses humanités! Ce que
je dis je répète simplement pour que cela soit
consigné c'est qu'on a choisi un mauvais exemple parce que ce
projet de loi de la division territoriale, que l'on corrige aujourd'hui, a
été retenu dans cette Chambre et à l'attention de tous les
députés. Même les députés qui, comme ceux du
gouvernement, étaient en faveur du projet de loi décrivant la
nouvelle carte électorale, même ceux-là, même vous et
nous, nous sommes responsables parce qu'on ne peut pas tout mettre sur le dos
des absents, les gens de l'Union Nationale qui ont fait le "filibuster". Nous
aussi, le député de Maisonneuve... pas le député...
Evidemment, si le député de Sauvé avait été
ici, nous aurions été réellement sauvés! Nous
n'aurions pas commis cette erreur. Mais le député de Maisonneuve,
le député de Saint-Jacques le député de Saguenay et
nous-même, nous devons faire un petit mea culpa. Je suis très
heureux que le député de Maisonneuve ait attiré notre
attention sur cette faiblesse parce qu'il y a une petite faiblesse. Même
si elle est une erreur de copie, même si elle est de concordance, c'est
une faiblesse, admettons-le et tâchons de ne plus pécher.
En attendant, M. le Président, si je poursuivais ces remarques,
je pécherais d'une autre façon, en retardant les travaux
importants de cette Chambre.
M. BURNS: M. le Président...
M. LEVESQUE: C'est fini, c'est fini!
M. BURNS: J'invoque l'article 96, M. le Président. Est-ce que
c'est fini?
M. LEVESQUE: D'accord.
M. BURNS: Là, ce n'est plus fini, n'est-ce pas?
M. LEVESQUE: Je ne le sais pas. Il y a des doutes là-dessus.
M. BURNS: M. le Président, je considère que le leader du
gouvernement m'a mal cité, m'a mal interprété. En ce qui
concerne le député de Rouyn-Noranda, il aura droit au même
privilège s'il pense la même chose. Je n'ai pas à
répondre pour lui.
Je n'ai pas dit, M. le Président, qu'il n'était pas humain
de se tromper. J'ai pris l'exemple de la Loi de la division territoriale.
Malgré le temps, M. le Président, qu'on a consacré
à cela, je suis prêt à l'admettre avec le leader du
gouvernement, à la demande de certains députés de l'Union
Nationale, sans leur jeter la pierre, non plus...
M. LEVESQUE: Là, c'est pour rétablir...
M. BURNS: Non, non. C'est une petite parenthèse que je fais en
rétablissant les faits.
M. LEVESQUE: Je comprends, mais...
M. BURNS: Ce que j'ai dit, M. le Président...
M. LEVESQUE: ... c'est un précédent que vous laissez
créer, M. le Président, soit une autre réplique.
M. BURNS: Non, non, M. le Président.
M. LEVESQUE: Je vous mets en garde respectueusement, M. le
Président.
M. BURNS: Je viens au fait, M. le Président. Ce que j'ai
dit...
M. LEVESQUE: En quoi vous ai-je mal cité?
M. BURNS: Le leader m'a mal cité lorsqu'il a dit que je le
blâme de s'être trompé. Pas du tout. Une législature,
à mon avis, a toujours été une chose mouvante qui peut
constamment rajuster ses gestes passés.
Là où je l'ai blâmé le leader va
comprendre très bien que c'était dans ce sens que je disais cela
c'est que cette loi a été adoptée dans les
mêmes circonstances que celles qu'on vit actuellement,
c'est-à-dire en fin de session, avec les règles
spéciales.
M. LEVESQUE: M. le Président, c'est une argumentation.
M. BURNS: M. le Président, c'est dans ce sens uniquement...
LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! C'est terminé. C'est
terminé.
Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?
Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi.
Second reading of this bill.
Commission plénière et troisième
lecture
LE PRESIDENT: Les inscriptions pour la commission
plénière. Rapport de la commission plénière.
Troisième lecture?
M. BURNS: Oui, d'accord.
LE PRESIDENT: Troisième lecture du projet de loi no 11,
adoptée?
M. LEVESQUE: Adopté.
LE PRESIDENT: Adopté. M. LEVESQUE: Article 10).
Projet de loi no 17 Deuxième lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la
deuxième lecture du projet de loi no 17, Loi modifiant la loi des dettes
et emprunts municipaux et scolaires.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, il me semblerait avantageux pour
les députés intéressés que nous étudiions ce
projet de loi en commission.
M. LEGER: M. le Président, d'accord en ce qui nous concerne,
à la condition que nous puissions, à l'article 1, parler comme si
on était en deuxième lecture.
M. GOLDBLOOM: Certainement, M. le Président.
LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle
adoptée? Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi.
Second reading of this bill.
Projet de loi déféré à la
commission
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi no
17, Loi modifiant la loi des dettes et emprunts municipaux et scolaires,
présenté par l'honorable ministre des Affaires municipales, soit
étudié en commission parlementaire élue, soit la
commission des affaires municipales, et que cette commission siège
immédiatement, au salon rouge de l'Assemblée nationale.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.
M. LEVESQUE: Article 6).
Projet de loi no 12 Deuxième lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la
deuxième lecture du projet de loi no 12, Loi modifiant le Régime
de rentes du Québec.
L'honorable ministre des Affaires sociales.
M. Claude Forget
M. FORGET: M. le Président, il me fait plaisir de
présenter le projet de loi no 12, Loi modifiant le Régime de
rentes du Québec.
Ce projet de loi apporte des modifications importantes à cette
mesure de sécurité sociale à laquelle participent des
millions de travailleurs québécois. Les modifications
énoncées dans le projet de loi s'inscrivent dans la politique du
gouvernement de réviser le Régime de rentes du Québec
lorsque les conditions économiques le permettent, dans le meilleur
intérêt des bénéficiaires actuels et futurs du
régime.
On se souviendra qu'à l'été 1972 mon
prédécesseur a fait adopter des changements importants au
régime de rentes.
Le gouvernement du Québec avait alors décidé
d'aller de l'avant pour apporter à la loi des changements qui lui
paraissaient opportuns, et ce, même s'il devait procéder
unilatéralement, vu qu'il n'avait pas été possible d'en
venir à un accord avec le gouvernement canadien à ce moment.
C'est ainsi que le maximum des gains admissibles avait été
haussé à $5,900 pour l'année 1973, et qu'on avait
prévu que le maximum atteindrait $6,100 en 1975 et $6,300 en 1976
respectivement.
De plus, le plafond de l'indice des rentes avait été
porté de 2 p.c. à 3 p.c. Enfin, les rentes de veuve et de veuf
invalide pour les personnes âgées de moins de 65 ans, et les
rentes d'invalidité avaient été augmentées de plus
de $50 par mois. Ces amendements sont entrés en vigueur le 1er janvier
de cette année.
Au cours de la présente année, des discussions ont eu lieu
entre le gouvernement canadien et le gouvernement des provinces relativement
aux modifications à apporter au Régime de pensions du Canada. Le
Québec était heureux de participer à ces discussions et
nous nous réjouissons du fait qu'un accord ait pu intervenir tant pour
le Régime de pensions du Canada que pour le Régime de rentes du
Québec.
Cet accord donne suite aux changements qui avaient été
amorcés par le Québec dans sa législation à
laquelle je viens de faire allusion.
Lors des discussions dont je viens de faire mention, il a
été convenu qu'on procéderait en deux étapes pour
modifier le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes
du Québec. Dans une première étape, et c'est l'objet du
présent projet de loi, on apportera les modifications jugées les
plus urgentes, soit celles touchant le maximum des gains admissibles et
l'indice des rentes. C'est cette première étape qui fait l'objet
du présent projet de loi et c'est à ce sujet que j'aimerais faire
de brefs commentaires.
Les études et les discussions se poursuivent quant au reste entre
le gouvernement des provinces et le gouvernement canadien de façon
à établir quels changements de plus grande envergure seront
apportés lors de la deuxième étape dans les régimes
de rentes. On peut s'attendre en effet à des changements d'importance,
surtout en ce qui a trait aux prestations, et il est probable que dans un
avenir rapproché nous reviendrons devant cette Assemblée pour
soumettre des modifications majeures au Régime de rentes du
Québec.
Mais pour le moment, comme je le mentionnais, il s'agit de faire
bénéficier dès janvier 1974 les citoyens du Québec
d'améliorations urgentes au régime.
Le projet de loi no 12 porte sur deux points, soit la hausse du maximum
des gains admissibles et la suppression du plafond sur l'indice des rentes, de
telle sorte que les prestations soient revalorisées chaque année
en tenant compte à 100 p.c. de l'augmentation du coût de la
vie.
Le maximum des gains admissibles doit être fixé en relation
de la moyenne des salaires gagnés par les cotisants. Malheureusement,
les mécanismes qui avaient été prévus dans la loi
originale de 1965 pour obtenir cet objectif n'ont pas permis de suivre
pleinement la hausse des salaires qui s'est effectivement produite.
Il y a donc lieu de corriger la situation. C'est pourquoi le maximum des
gains admissibles sera porté à $6,600 en 1974 et à $7,400
en 1975. Il est prévu que ce maximum sera haussé chaque
année de façon à rejoindre la moyenne des gains selon
l'indice du secteur industriel. Cependant, la formule éventuellement
à adopter à ce sujet n'ayant pu être suffisamment
développée jusqu'à maintenant, le présent projet de
loi fixe de manière provisoire les montants du maximum des gains
admissibles aux chiffres qui ont déjà été
mentionnés.
Toutefois, si l'on porte un regard vers le long terme, on peut retenir
que l'indexation éventuellement envisagée pour le maximum des
gains admissibles fera porter ce maximum à un montant qui pourrait
atteindre $13,000 vers 1980.
Le mécanisme à adopter pour hausser le maximum des gains
admissibles à partir de 1973 fait évidemment partie de l'ensemble
des questions qui font l'objet de consultations entre les différents
gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral.
La hausse du maximum des gains admissibles aura pour effet de hausser
toutes les prestations payables en vertu du Régime des rentes du
Québec qui sont reliées aux gains du cotisant. Par exemple, on
peut prévoir que le montant maximum de la rente de retraite, qui,
à la fin de 1973, se situait à environ $1,100 par année,
pourrait atteindre, en vertu du même processus, une somme de $3,000 vers
1980.
De plus, comme le Régime de pensions du Canada sera
modifié dans le même sens que le Régime de rentes du
Québec, on rétablira ainsi le parallélisme entre les deux
régimes.
Ceci évitera aux employeurs et au public en général
certains inconvénients qui résultaient du fait que le maximum des
gains admissibles n'était pas le même sous les deux régimes
et
que, par conséquent, le montant de la contribution était
différent au Québec par rapport aux autres provinces du Canada.
On conçoit que, dans le cas des employeurs qui ont des employés
dans plus d'une province, ces différences étaient une source
assez considérable de difficultés administratives et il en
était de même pour les salariés bénéficiaires
de l'un et l'autre régime.
Le maximum des gains admissibles étant porté à
$6,600 en 1974 et vu que l'exemption s'établit à $700 pour cette
année-là, les contributions maximum au régime seront donc
payées sur une somme de $5,900 c'est-à-dire $6,600 moins $700. La
contribution maximum du salarié et de l'employeur s'établira donc
à $106.20 tandis que la contribution maximum du travailleur autonome
sera le double de cette somme, soit $212.40.
Le projet de loi enlève le plafond de 3 p.c. sur l'indice des
rentes. Dorénavant, l'indice des rentes sera égal à la
moyenne de l'indice des prix à la consommation de telle sorte que chaque
année les prestations seront revalorisées pour tenir compte
directement de l'augmentation du coût de la vie. D'ailleurs, la
période de calcul pour l'établissement de l'indice des rentes est
rapprochée de trois mois par rapport à la situation actuelle de
la fin de l'année qui précède la date du rajustement,
c'est-à-dire que l'indice des rentes sera calculé sur les douze
mois se terminant le 31 octobre de chaque année plutôt que dans
les douze mois se terminant le 30 juin de chaque année.
De plus, il y a lieu de redonner le plein pouvoir d'achat aux
prestations actuellement payables. Les prestations avaient été
revalorisées de 2 p.c. par année, de 1968 à 1973, et de 3
p.c. en 1973, à la suite de la législation adoptée l'an
dernier. Le projet de loi prévoit que toutes les prestations payables en
décembre 1973 seront rajustées comme si ce plafond de 2 p.c. et 3
p.c. durant toutes les années depuis le début du régime
n'avait pas existé, mais plutôt en tenant compte de l'indice des
prix à la consommation pour toutes ces années. Il est à
noter cependant que le montant de la rente d'orphelin et d'enfant de cotisants
invalides a été fixé à $29 par mois en 1972. Le
pourcentage d'augmentation des prestations payables en décembre 1973
variera bien évidemment selon l'année où la prestation a
commencé à être payée. Lorsque les prestations ont
commencé à être payées, par exemple, en 1968, ce
rattrapage dû à l'élimination du plafond
précédemment en vigueur sera assez considérable; il sera
moins considérable si les prestations ont commencé à
être payées en 1973 ou dans une année plus récente.
Ce pourcentage de rattrapage variera donc de 17 p.c. à 8 p.c. selon que
la prestation, de la façon décrite, est devenue payable en 1967,
c'est-à-dire la première année du régime, ou en
1973.
Conformément à l'article 224 de la loi, j'ai
déposé une analyse actuarielle exposant les effets des
amendements proposés sur la caisse du régime de rentes. Lors des
amendements de 1972, une première analyse avait été faite
en vertu de l'article 224 et la nouvelle analyse constitue un amendement de
l'analyse fournie l'an dernier plutôt qu'une analyse nouvelle, selon
l'article 223, qui ne doit être faite qu'à tous les cinq ans.
Selon l'analyse actuarielle qui a été
déposée en même temps que le projet de loi, les amendements
proposés font augmenter les contributions d'environ 10 p.c. et les
prestations de 16 p.c. Les actuaires de la Régie des rentes du
Québec qui ont préparé l'analyse expriment l'opinion que,
même si les amendements proposés augmentent davantage les
prestations que les contributions, la situation financière du
régime n'en est pas pour autant changée de façon
substantielle. En effet, alors que l'analyse de 1972 avait prévu, selon
l'hypothèse du coût intermédiaire, que la réserve
serait nulle en 1998, la dernière analyse prévoit que cette
situation se produirait deux ans plus tôt, soit en 1996.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de
Maisonneuve.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, encore une fois, il semble qu'on soit
rendu à la journée des projets de loi non contentieux;
j'espère que ça va continuer.
M. CHOQUETTE: Cela dépend de vous.
M. BURNS: Cela dépend des projets de loi que vous allez
présenter. J'ai regarder le ministre de la Justice parce que je connais
un projet de loi qui est inscrit au feuilleton et qui, lui, peut être un
petit peu contentieux.
Alors, encore une fois, M. le Président, comme je le disais, il
me fera plaisir de voter en faveur des dispositions qui nous sont
proposées par le projet de loi présenté par le ministre
des Affaires sociales. Je pense qu'il était temps que ces ajustements
proposés par le projet de loi soient enfin mis clairement dans un projet
de loi. Il était temps, entre autres dans ce domaine
j'espère que ce sera un début de tendance dans plusieurs autres
domaines qu'on inscrive, dans le projet de loi modifiant le
Régime de rentes du Québec, des ajustements à ce
phénomène que malheureusement on subit
régulièrement depuis quelques années, c'est-à-dire
cette hausse du coût de la vie.
C'est vrai pour les régimes de rentes, mais c'est vrai aussi pour
les accidentés du travail, c'est vrai pour tous les gens qui
reçoivent des prestations de régime de retraite éventuel.
Je pense qu'à cet égard, le ministre des Affaires sociales doit
être félicité pour ouvrir le chemin, peut-être,
à d'autres améliorations dans d'autres
domaines, c'est-à-dire à ce phénomène
d'indexation des rentes au coût de la vie.
J'espère que ça donnera l'exemple même à
certains de ses collègues qui ont à faire des suggestions au
conseil des ministres. Entre autres, je pense à celui du Travail et de
la Main-d'Oeuvre, qui devrait sûrement voir à faire adopter des
dispositions semblables en matière des prestations des accidentés
du travail, entre autres.
Cependant, nous aurions aimé qu'on profite du remaniement de la
loi sur le Régime de rentes du Québec pour corriger un certain
nombre de situations qui, à première vue, peuvent paraître
exceptionnelles, mais qui, dans le fond, sont très frustrantes pour les
premiers bénéficiaires du Régime de rentes du
Québec. Je n'ai pas retrouvé d'amendements là-dessus, mais
j'imagine que le ministre et plusieurs députés qui siègent
en cette Chambre et qui ont siégé dans la Législature
précédente ont reçu, de la part de citoyens du
Québec, des représentations relativement à cette
espèce d'anomalie qui existe dans les cas de rentes d'invalidité
où on demande, en vertu de la loi, à un éventuel
récipiendaire du régime de rentes d'avoir contribué durant
cinq ans. Personnellement, dans ma courte expérience de
représentant des citoyens de Maisonneuve, plusieurs cas m'ont
été soumis de gens qui, à cause du fait que le
régime commençait et qu'on avait fixé, peut-être
logiquement, mais arbitrairement quand même, à cinq les
années de contributions admissibles pour pouvoir
bénéficier de la rente d'invalidité, se voyaient, parce
que devenus invalides au bout de quatre ans et trois mois de contributions
admissibles, absolument incapables de percevoir quoi que ce soit du
régime de rentes en cas d'invalidité.
J'aurais espéré qu'à l'occasion d'un changement,
que j'admets être majeur, qu'on nous présente aujourd'hui par le
projet de loi no 12, on aurait corrigé cette situation, qu'entre autres
choses, pour ceux justement qui font les frais du début de l'application
de cette loi sur les régimes de rentes, il y ait une espèce de
prorata qui soit respecté. D'ailleurs, je pourrai demander au ministre
plus de précisions à ce niveau, quand nous discuterons du projet
de loi article par article, mais j'aurais espéré que ce genre
d'amélioration puisse également faire partie de
l'amélioration qu'on nous propose aujourd'hui et qui, en soi, est
parfaitement acceptable.
Je réserve mes remarques là-dessus, M. le
Président, je ne fais que les annoncer au ministre. Je les
réserve au niveau de la discussion en commission, une fois que la
deuxième lecture aura été adoptée.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. Camille Samson
M. SAMSON: M. le Président, ce projet de loi no 12, je le
considère comme un projet de loi un peu à deux volets. D'une
part, le ministre me fait grand plaisir lorsqu'il annonce que dorénavant
il y aura hausse de prestations et qu'il y aura augmentation selon l'indice du
coût de la vie dans les prestations. Evidemment, lorsque le ministre nous
annonce une nouvelle comme celle-là, on ne peut faire autrement que
d'applaudir. Mais il y a le deuxième volet que je trouve moins
drôle, c'est celui de la hausse des coûts ou si vous
préférez la hausse du maximum des gains admissibles qui a
été annoncée en même temps.
Je me demande si le ministre n'aurait pas pu au moins attendre un peu
plus tard pour nous arriver avec sa masse. Vous savez, quand on nous apporte un
cadeau d'une main et qu'on nous apporte une masse de l'autre, ce n'est pas trop
intéressant. C'est probablement parce que le ministre n'a pas pu
échapper à la tradition de ce gouvernement qui veut que,
lorsqu'on donne quelque chose de la main gauche, on le reprend
immédiatement de la main droite. C'est une philosophie que nous
retrouvons depuis fort longtemps au ministère des Affaires sociales,
notamment lorsque, au niveau du gouvernement fédéral, on hausse
les pensions de sécurité de la vieillesse. Nous avons vu, dans le
passé, qu'à chaque fois qu'on nous annonçait une hausse
des pensions de sécurité de la vieillesse du
fédéral le gouvernement du Québec, par l'entremise du
ministre des Affaires sociales, du prédécesseur de l'actuel
ministre, n'attendait pas tellement longtemps avant de nous annoncer de quelle
façon il se préparait à retourner chercher, dans la poche
des récipiendaires de la pension de sécurité de la
vieillesse, une partie appréciable de cette augmentation en provenance
du gouvernement fédéral.
C'est ce genre de philosophie qui existe au ministère que nous
n'apprécions pas. Le régime de rentes, je pense que ce n'est
quand même pas un régime déficitaire. Je crois qu'il y
aurait eu possibilité d'envisager une hausse des prestations sans
être obligé, en même temps, de hausser les contributions des
travailleurs. C'est ce que nous retrouvons malheureusement dans ce
bill-là. Quant à la partie où on traite de hausse ou
d'indexation à l'augmentation du coût de la vie, nous sommes
entièrement d'accord, comme le disait mon prédécesseur,
à l'effet qu'à la Commission des accidents du travail on en fasse
autant. Nous serions également d'accord pour que, du côté
des employés du gouvernement, cela se fasse de la même
façon.
Nous serions de même d'accord pour que du coté des
assistés sociaux ce soit aussi ce mode qui prévale, que ce soit
ce mode qui permette qu'on ne soit pas obligé
régulièrement de revenir et de demander, d'exiger, de
réclamer, de batailler continuellement. En ce qui concerne la
sécurité du revenu, ça devrait permettre à tous les
citoyens qui ont accès à la sécurité du revenu de
ne pas être obligés de quémander
régulièrement mais qu'une indexation au coût
de la vie se fasse automatiquement et que ces gens-là obtiennent
satisfaction.
Malgré que nous retrouvions, dans ce bill no 12, une
possibilité d'augmenter les prestations, il y a un sujet que j'aimerais
faire remarquer au ministre. Il le sait sûrement, mais je me demande si,
au ministère, on fait des études qui permettront, très
bientôt, d'en venir à offrir à ces retraités,
à ceux-là qui bénéficieront du régime de
rentes, que ce qu'ils pourront retirer finalement du Régime de rentes du
Québec je parle de la rente de retraite ne soit pas
calculé, comme c'est le cas présentement, à l'encontre de
leur pension de la sécurité de la vieillesse.
M. le Président, c'est bien beau d'avoir des régimes de
protection, c'est bien beau d'avoir des régimes de
sécurité mais, si plus vous en payez, moins il en reste, je me
demande à quelle place on va encourager l'initiative. Ces gens qui
travaillent, qui payent des contributions en vue d'obtenir une prestation un
jour je pense que le ministre pourra peut-être me parler plus de
l'avenir, j'espère que ça va changer mais je sais qu'actuellement
c'est encore un peu ça ceux qui ont payé des contributions
au régime de rentes se trouvent quelque peu pénalisés,
comparativement à ceux qui n'en ont pas tellement payé ou qui
n'en ont pas payé du tout, quand ils sont rendus à l'âge de
la retraite ou à la pension de la sécurité de la
vieillesse fédérale. On retrouve, à certains moments,
qu'entre celui qui a payé et celui qui n'a pas payé il y a
très peu de différence. Je pense que cela défavoriserait
si vous voulez, l'initiative chez les gens pour qu'ils se cherchent des emplois
ou tentent de travailler pour obtenir un revenu quelconque.
M. le Président, c'est en bref les quelques remarques que j'avais
à faire. Malheureusement, je le répète, vous allez me
trouver fatigant, mais je vais le répéter souvent, à
chaque occasion que j'aurai en cette Chambre. Je le répète: Si
nous avions des outils pour travailler, nous pourrions discuter sur chaque loi
qui nous est présentée, de façon plus objective, de
façon plus positive, avec une étude approfondie de ces lois. Si
je suis obligé de le répéter, M. le Président, je
suis le premier à le regretter, je suis le premier à souffrir du
fait que je sois obligé, à chaque fois, de le
répéter. Mais tant et aussi longtemps que notre parti n'aura pas
sa reconnaissance officielle, tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas
suffisamment...
M. CHOQUETTE: Est-ce que je peux poser une question au
député de Rouyn-Noranda?
M. SAMSON: Oui, M. le Président.
M. CHOQUETTE: Parmi les plaintes qu'il exprime, de ne pas avoir eu le
temps d'étudier et de consulter, est-ce que fait partie de ces plaintes
le fait qu'il n'a pas eu le temps de consulter son chef, M. Yvon Dupuis?
M. SAMSON: M. le Président, je vous avoue que je suis
déçu de l'attitude du ministre de la Justice. M. le
Président, un ministre de la Justice, dans une province comme le
Québec, devrait se tenir au courant des nouvelles plus que cela.
M. CHOQUETTE: J'étais à Ottawa.
M. SAMSON: Le ministre de la Justice aurait dû lire les journaux
depuis lundi. Il vient de me prouver qu'il n'a rien lu depuis lundi; on est
rendu à jeudi, quatre jours sans lire les journaux pour un ministre de
la Justice, c'est une honte, M. le Président. C'est une honte. Le
ministre de la Justice aurait dû se tenir au courant des nouvelles. S'il
s'était tenu au courant des nouvelles, il ne me parlerait pas de mon
chef, il me parlerait de mon ex-chef.
M. CHOQUETTE: Je m'excuse, c'est une question de privilège. J'ai
une excuse quand même, j'étais avec M. Warren Allmand, le
Solliciteur général, depuis ce temps-là.
M. CHARRON: Vous, vous étiez avec votre chef.
M. SAMSON: M. le Président, j'accepte avec plaisir les excuses du
ministre de la Justice car nous avons compris, ce matin, qu'il ait tenté
de dialoguer avec un monologuiste...
M.MALOUIN: Le monologue.
M. SAMSON: Nous avons été les premiers à regretter,
M. le Président, que le ministre de la Justice ne revienne pas d'Ottawa
les bras pleins ou, en tous les cas, qu'il ne soit pas revenu d'Ottawa avec des
promesses comme, généralement, son premier ministre revient.
Parce que votre premier ministre, quand il va à Ottawa, il ne revient
pas mieux que vous, pour votre information, M. le ministre de la Justice;
seulement il revient avec des promesses. Cela ne lui donne rien de plus, mais
il annonce des choses et cela paraît bien. Mais, vous, vous avez eu au
moins l'honnêteté de nous dire que vous n'avez pas pu dialoguer
avec le monologuiste d'Ottawa et vous avez eu au moins l'honnêteté
de nous dire que vous êtes revenu les mains vides. J'encourage
énormément le ministre de la Justice à donner cette
recette d'honnêteté intellectuelle à son premier ministre
et à l'avenir, quand le premier ministre reviendra, nous saurons qu'il
revient bredouille comme le ministre de la Justice l'est revenu d'Ottawa.
M. le Président, en terminant, comme je vous le disais
tantôt, c'est toujours la même chose. On va être
obligé de vous le répéter souvent, mais j'espère
que les membres du gouvernement n'auront pas toujours les oreilles
bouchées comme ils semblent les avoir présentement, qu'ils
finiront par reconnaître que, dans un système démocratique,
l'Opposition doit être là. Qu'on cesse de l'écraser.
M. le Président, je vous le dis, et je le redirai
s'il le faut si bientôt on ne nous reconnaît pas et si
bientôt on ne nous donne pas des outils pour remplir notre rôle
d'Opposition en cette Chambre. Malheureusement, on commence déjà
à voir de nos partisans, à voir de nos membres qui,
déjà, nous disent que si cela ne débloque pas
bientôt, ils verront à organiser un genre d'opposition à
l'extérieur des murs.
M. le Président, vous le savez, vous me connaissez, je ne suis
pas de cette trempe. Je suis de ceux qui respectent la loi, qui respectent
l'ordre, qui sont en faveur de l'autorité. Mais si on continue à
nous pousser, je vous dis...
UNE VOIX: Attention!
M. SAMSON: ... qu'il se peut que je tende l'oreille à ceux qui
auraient des suggestions pour en arriver à nous permettre de faire une
opposition à ce manque d'opposition de l'intérieur. On n'a pas
besoin d'aller loin... Je vois, M. le Président, que vous vous
apprêtez à venir m'appuyer. C'est gentil de votre part, M. le
Président! C'est gentil de votre part parce que je sais que vous, vous
comprenez. Si nous avions des ministres comme nous avons un président
présentement...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je veux attirer l'attention du
député de Rouyn-Noranda. Cela fait cinq minutes que j'ai compris.
Depuis cinq minutes, vous êtes hors du sujet. J'ai compris dans les 30
premières secondes. Mais je pense que c'est assez pour émettre
votre point. Maintenant, retournez au sujet, s'il vous plaît.
M. SAMSON: M. le Président, devant tant de gentillesse, je ne
puis faire autrement que de me soumettre à vos désirs. Mais tout
en me soumettant à vos désirs, je continue à dire que si
vous ne m'aidez pas bientôt, je vais être obligé de prendre
d'autres dispositions. C'est cela que je voulais vous faire comprendre.
En terminant, je dis au ministre des Affaires sociales: J'aimerais bien
vous entendre, M. le ministre, à l'occasion de la commission
parlementaire ou de la commission plénière, à la suite de
la deuxième lecture, parler de vos projections quant à ce calcul
de la rente de retraite vis-à-vis de la pension de
sécurité de la vieillesse pour l'avenir. J'aimerais
également vous entendre dire que vous êtes disposé à
modifier votre projet de loi et à l'amender de sorte que le maximum des
revenus ou des gains admissibles ne soit pas augmenté. J'aimerais bien
vous entendre dire ça. Si le ministre a cette bonté de regarder
cela d'un oeil aussi objectif que le mien, tous les électeurs du
Québec verront en ce nouveau ministre des Affaires sociales quelqu'un
qui, pour une fois, veut donner un sens humain à la politique des
Affaires sociales et aux politiques sociales du Québec. Ce n'est pas
tout de parler d'humaniser les politiques sociales mais il faut quand
même permettre de garder les humains aussi humains que les politiques
sociales humanisées par les machines ordinatrices que vous avez dans vos
bureaux.
M. CHOQUETTE: Bravo!
M. Claude Forget
M. FORGET: M. le Président, les observations que nous venons
d'entendre relativement au projet de loi no 12 soulèvent un certain
nombre de questions de principe quant à la nature même du
régime de sécurité du revenu que constitue le
Régime des rentes du Québec.
Le député de Maisonneuve a soulevé les
problèmes qui affectent l'admissibilité ou l'accessibilité
des bénéficiaires aux bénéfices d'invalidité
en vertu du régime de rentes et le député de Rouyn-Noranda
a soulevé le problème des contributions au régime de
rentes.
Il s'agit de deux questions qui découlent très largement
de la nature même du régime de rentes qui n'est pas un
régime purement et simplement de sécurité sociale mais qui
est un régime d'assurance sociale.
Bien sûr, au moment de l'adoption du régime, le
législateur a cru opportun et a considéré
nécessaire de greffer à un régime d'assurance sociale
certains éléments qui en font quelque chose d'un peu
différent. On a de très bons exemples de ça lorsque nous
considérons les prestations d'invalidité. Malgré tout, le
programme ou le régime de rentes demeure un régime d'assurance
sociale. Qu'est-ce que cela veut dire un régime d'assurance sociale?
Cela veut dire essentiellement que c'est un régime financé par
les bénéficiaires eux-mêmes et qui permet à ces
bénéficiaires d'étaler dans le temps leurs revenus et de
se prémunir contre certains risques sociaux, contre certains risques qui
les affectent en tant qu'individu, risque et même certitude de
vieillissement, donc nécessité de retraite, mais risque
également, dans une certaine mesure, d'invalidité, etc., et les
conséquences sur le revenu qui cesse, à ces
moments-là.
Les prestations ont été calculées de manière
à produire une réserve, à produire un fonds, si vous
voulez, qui permettrait, au cours des années, de financer les
prestations au-delà même de ce que les contributions permettront
d'assurer durant les années à venir.
Bien entendu, ce régime viendra à un point où les
réserves seront complètement nulles, tel que les analyses
acturielles le révèlent, du moins selon les hypothèses
utilisées dans ces analyses qui, comme tout le monde le sait, sont
évidemment des analyses basées sur des hypothèses
prudentes.
Au cours des discussions qui se déroulent couramment entre les
différentes provinces et le gouvernement fédéral, qui sont
tous intéressés au Régime de rentes du Québec ou au
Régime
de pensions du Canada, le problème de la coordination des
différentes mesures de sécurité du revenu est au centre
des débats et au centre des préoccupations. C'est pourquoi j'ai
annoncé qu'il serait nécessaire, éventuellement, de
remanier encore une fois le Régime de rentes, de façon à
refléter ces préoccupations et les conclusions auxquelles en
arriveront ces groupes d'étude, de manière à mieux
départager peut-être le régime d'assurance sociale
considéré comme tel et les régimes de soutien du revenu,
qui ne sont pas des régimes contributoires et dont l'aide sociale
fournit un excellent exemple au Québec.
Tant et aussi longtemps que cette révision n'est pas faite, tant
et aussi longtemps qu'on n'a pas mieux défini la manière
d'intégrer dans un système plus compréhensif à la
fois les mesures d'assurance sociale, tel que le Régime de rentes, et
les mesures de soutien du revenu, comme l'aide sociale, il est
nécessaire de conserver le régime dans un état actuel et
de conserver, par conséquent, dans une certaine mesure, son état
plus ou moins hybride d'un régime de soutien de revenu et d'un
régime d'assurance qui se finance lui-même. Et tant et aussi
longtemps que le Régime de rentes, quant à lui, conservera le
caractère d'un régime d'assurance sociale, les contributions sont
nécessaires, et la hausse des bénéfices des prestations
devra toujours s'accompagner d'une hausse des contributions, de manière
à conserver l'équilibre actuariel du régime.
C'est la raison pour laquelle la présente loi, qui hausse de
façon significative les prestations, hausse de la même
manière ou d'une manière analogue les contributions.
La hausse des contributions. La hausse du maximum des gains admissibles
a cependant un effet positif qui n'a pas encore été
souligné mais qui s'ajoute, bien entendu, à l'effet qu'a
souligné l'honorable député de Rouyn-Noranda, qui est
d'élever le montant des contributions. Cet effet positif de la hausse du
maximum des gains admissibles consiste à augmenter le montant des gains
exemptés pour les personnes entre 65 et 70 ans qui, comme on le sait,
ont le droit de gagner, dans des emplois à temps partiel ou autrement,
jusqu'à 18 p.c. du maximum des gains admissibles, sans que leurs
prestations de rente ne soient diminuées. Au-delà de 18 p.c,
comme on le sait également, il existe une diminution de 50 p.c,
c'est-à-dire de $0.50 par dollar gagné.
Cette hausse, donc, du maximum des gains admissibles, permettra, aux
personnes qui auront atteint l'âge de la retraite mais qui demeurent
actives, qui désirent demeurer actives, de gagner un revenu qui va
refléter la hausse générale des revenus dans une large
mesure et ceci, sans les pénaliser, sans les détourner, sans les
décourager d'une vie active, à une époque où un
très grand nombre d'entre elles peuvent continuer une vie active.
Pour ce qui est du principe de l'indexation, je note avec plaisir que
tous ceux qui se sont prononcés sur ce projet de loi sont d'accord sur
le principe de l'indexation. J'attire leur attention sur le fait que le
programme d'aide sociale est lui-même désormais indexé en
vertu des nouvelles dispositions adoptées récemment et qui font
elles-mêmes suite à l'adoption de la Loi sur les allocations
familiales.
Donc, nous avons non seulement un régime de rentes qui sera
pleinement indexé, mais nous avons également un régime
d'aide sociale qui le sera complètement.
Pour ce qui est des régimes de sécurité du revenu
qui sont complémentaires à des régimes d'assurance sociale
et ceci pour répondre à l'objection du
député de Rouyn-Noranda il est bien évident que des
régimes de soutien du revenu sont dans une certaine mesure des
palliatifs à l'absence de revenus provenant soit d'un emploi, soit d'un
régime d'assurance sociale.
Pour ce qui est de la sécurité de la vieillesse et pour ce
qui est du maximum du revenu garanti qui est payé à certains
bénéficiaires de la sécurité de la vieillesse, il
est bien évident que ce maximum n'existe que parce que les autres
revenus sont absents ou déficients.
D'ailleurs, ceux qui en bénéficient ne sont pas
pénalisés totalement par l'existence, par exemple, de prestations
de rentes puisque leur supplément de revenu garanti et en ceci je
n'apprends sans doute rien à personne n'est pas diminué
dollar pour dollar pour les prestations de rentes qu'ils reçoivent, mais
est diminué seulement dans la proportion de 50 p.c, ce qui fait que ceux
qui ont contribué à un régime de rentes et qui ont, lors
de leur retraite, des revenus supérieurs dus à leurs
économies, etc., ne sont pas pénalisés par une diminution
correspondante de leur sécurité de vieillesse, mais au contraire
continuent de bénéficier de la moitié de ce
supplément dans l'hypothèse extrême où ils ont des
revenus juste suffisants pour assurer ce résultat.
Ces remarques sont importantes au stade de la deuxième lecture,
puisque la conception du régime de rentes comme régime
d'assurance sociale est au coeur même de la loi adoptée en 1965.
C'est un concept que, loin de vouloir abandonner, nous voudrons très
certainement maintenir, même dans les révisions éventuelles
de la loi puisqu'il est important et c'est un facteur de
développement économique pour notre province d'assurer des
revenus de retraite qui soient indépendants de l'emploi occupé,
qui soient malgré tout reliés aux revenus d'emploi gagnés
pendant la vie active, mais qui soient indépendants de l'attachement
d'un employé à un employeur en particulier.
On a trop vu d'exemples d'employés qui sont immobilisés
dans leur vie active par la crainte de perdre une rente, par la peur de perdre
un revenu de retraite que leur donne l'occupation d'un emploi. C'est seulement
par un régime de la nature du régime des rentes que
l'on peut assurer cette mobilité aux travailleurs du
Québec, cette indépendance vis-à-vis de leur employeur, et
il est nécessaire de la conserver. Il est nécessaire non
seulement de la conserver, mais de lui garder sa valeur réelle en termes
des revenus de retraite qu'elle permet, de manière qu'elle continue
d'exercer son rôle qui est tout à fait favorable à la fois
au sentiment de liberté des individus et au développement
économique de cette province.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que la motion de deuxième
lecture est adoptée? Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi.
Second reading of this bill.
Commission plénière
M. LEVESQUE: M. le Président, je voudrais qu'on se forme en
commission plénière.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre des Affaires sociales propose
que je quitte...
M. LESSARD: Question de règlement, M. le Président, le
leader parlementaire ne parle pas de son siège.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): ... maintenant le fauteuil et que
l'Assemblée se forme en commission plénière pour
étudier le bill...
M. BURNS: Le leader est rendu créditiste, qu'est-ce qui se
passe?
M. LEVESQUE: Une fois que vous serez descendu de votre fauteuil, je
demanderais au président de faire rapport.
M. BURNS: Je peux y aller, M. le Président, à votre
place.
M. LAFRANCE (président de la commission plénière):
J'ai l'honneur de faire rapport, M. le Président, que la commission
plénière a étudié le projet de loi no 12 et l'a
adopté sans amendement.
M. BURNS: Voyons, ce n'est pas ça.
M. LEVESQUE: II faut demander la permission de siéger à
nouveau.
M. BURNS: II faut demander la permission de siéger à
nouveau.
M. LAFRANCE (président de la commission plénière):
La commission demande la permission de siéger à nouveau.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que cette permission est
accordée?
M. BURNS: Elle est accordée, certain.
M. LEVESQUE: C'était bien fait, par exemple.
M. BURNS: Un gars a le droit de s'essayer. M. LEVESQUE: Oui. Article
3).
Projet de loi no 7 Deuxième lecture
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre des Richesses naturelles
propose la deuxième lecture du projet de loi 7, Loi modifiant la loi
d'Hydro-Québec.
L'honorable ministre des Richesses naturelles.
M. Gilles Massé
M. MASSE: L'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris
connaissance de ce projet de loi et en recommande l'étude à
l'Assemblée.
M. le Président, depuis quelque temps les circonstances nous ont
amené davantage à parler de pétrole que
d'électricité, mais je pense qu'il importe de souligner en ce
moment que l'énergie électrique constitue la seule source
d'énergie purement québécoise. En vertu de la Loi
d'Hydro-Québec, la Commission hydroélectrique du Québec a
pour objet de fournir l'énergie aux municipalités, aux
entreprises industrielles ou commerciales et aux citoyens de cette province aux
taux les plus bas compatibles avec une saine administration financière.
Elle doit établir le tarif applicable à chaque catégorie
d'usagers suivant le coût réel du service fourni à cette
catégorie pour autant que cela est pratique. Hydro-Québec doit
fournir l'électricité aux taux les plus bas possible. Toutefois,
Hydro-Québec est sujette évidemment, comme toute entreprise, aux
effets de la conjoncture économique qui échappe à son
contrôle, en particulier la poussée inflationniste soutenue des
dernières années. C'est ainsi que le 20 avril dernier
l'Hydro-Québec, par son règlement 150, approuvé par le
lieutenant-gouverneur en conseil le 21 février 1972, a augmenté
ses tarifs afin d'obtenir des fonds additionnels requis pour s'acquitter
adéquatement de son mandat.
A cette occasion, le gouvernement du Québec, conscient de la
nécessité de maintenir des taux d'électricité
raisonnables pour le consommateur domiciliaire et concurrentiels pour les
entreprises, prît l'engagement, lors du discours sur le budget 1973/74 du
ministre des Finances prononcé le 20 mars 1973 devant l'Assemblée
nationale, d'abolir à compter du 1er avril 1973 des droits hydrauliques
payés par l'Hydro-Québec estimés à $30 millions
pour l'exercice financier 1973/74 et de les remplacer par un
prélèvement spécial de $20 millions à
même les revenus nets de cette dernière.
C'est principalement pour faire suite à cet engagement du
gouvernement que je propose à cette Chambre de modifier par le projet de
loi 7 la Loi d'Hydro-Québec. Le gouvernement aurait pu faire porter sur
les consommateurs la totalité des demandes d'augmentation de
l'Hydro-Qué-bec mais il a été décidé de
soumettre à la Chambre une autre formule de financement. En effet, les
principaux amendements de ce projet de loi prévoient que les droits
hydroélectriques payés par l'Hydro-Québec et
estimés à $30 millions pour l'exercice 1973/74 seraient abolis en
1973 et remplacés par un prélèvement spécial de $20
millions à même le revenu net de cette dernière.
Cette décision a eu pour effet de réduire les
augmentations de tarifs d'électricité des consommateurs ayant
déjà à subir les lourds effets de l'inflation. Je veux
rappeler à cette Chambre que l'électricité au
Québec, en général, est au plus bas taux en
Amérique du Nord et que nous voulons, de cette façon, maintenir
les taux d'électricité raisonnables pour le consommateur
domiciliaire et concurrentiels pour les entreprises. Cette situation favorise
donc la clientèle québécoise par rapport aux autres formes
d'énergie même si dans le contexte actuel il n'est pas toujours
facile de changer un système adapté à une source
d'énergie pour un autre système. De plus, afin d'améliorer
certaines dispositions de la loi, nous vous proposons des amendements qui,
d'une part, relèveront les vérificateurs de l'Hydro-Québec
de la responsabilité de se prononcer sur la conformité des
opérations de la commission à la loi, compte tenu que cette
responsabilité ne relevait pas de la compétence des
vérificateurs et, d'autre part, de permettre à
l'Hydro-Québec d'obtenir des immeubles ou forces hydrauliques non
seulement du ministre des Richesses naturelles mais aussi du ministre des
Terres et Forêts, suivant la compétence respective de l'un ou de
l'autre.
L'adoption de l'amendement proposé contribuera à aider
l'Hydro-Québec à fournir l'énergie électrique
à des taux plus avantageux pour l'ensemble de ses abonnés et
aussi clarifiera certaines dispositions de la loi en regard des
opérations de la commission.
Je profite de l'occasion qui m'est fournie ici pour rendre hommage aux
administrateurs de l'Hydro-Québec, organisme qui constitue l'un des
piliers de la croissance économique du Québec.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): Le député de
Saguenay.
M. Lucien Lessard
M. LESSARD: M. le Président, le projet de loi qui nous est soumis
fait suite à une décision qui a été prise l'an
dernier, c'est-à-dire au mois de février, et la commission
parlementaire du mois d'avril 1973, après la demande qu'avait faite
l'Hydro-Québec d'augmenter ses tarifs.
Vous me permettrez, M. le Président, de faire un peu le rappel de
ce qui s'est passé à ce moment-là. D'abord, quoi qu'en
dise le ministre, c'est aussi une autre augmentation de taxes du gouvernement
actuel. Au cours de l'année 1973, nous avons eu à subir:
augmentation des prix du pétrole, augmentation des prix de
l'alimentation, augmentation même des taxes, étant donné la
modification des tables d'impôt, augmentation des tarifs de Bell
Téléphone, qui malheureusement ont été
augmentés malgré l'opposition du Québec; nous avons eu
aussi à subir une augmentation du taux d'électricité.
C'est ça, la piastre du gouvernement québécois actuel,
piastre dont on aurait dû parler au cours de la campagne
électorale.
Depuis 1970, M. le Président, ce sont des hausses constantes que
nous avons à subir, mais des hausses cachées. Je suis d'accord
qu'une subvention indirecte de $10 millions comme celle-ci répartit la
charge d'imposition, la charge de paiement de façon différente,
mais il est entendu, M. le Président, que, sous la forme de subventions,
ce sont des taxes encore que les contribuables doivent payer. Etant
donné la répartition des tables d'impôt, c'est un peu
différent, mais il reste, quand même, que c'est une augmentation
des charges pour le contribuable québécois.
M. le Président, c'est le 19 février 1973 que
l'Hydro-Québec décidait, lors de la réunion de son conseil
d'administration, d'augmenter les tarifs hydroélectriques. En vertu de
la Loi d'Hydro-Québec, les tarifs doivent être augmentés
sur recommandation du lieutenant-gouverneur. En effet, l'article 22, 3e
paragraphe de la Loi d'Hydro-Québec dit ceci: "Les taux et les
conditions auxquels l'énergie est fournie sont fixés par
règlement de la commission ou sont déterminés par des
contrats spéciaux intervenus entre, d'une part, la commission et,
d'autre part, les municipalités, les coopératives
d'électricité ou les entreprises industrielles ou commerciales,
selon le cas. Ces règlements et ces contrats doivent être
approuvés par le lieutenant-gouverneur en conseil".
Donc, M. le Président, c'est le 19 février 1973 que
l'Hydro-Québec décide d'adopter le règlement no 150
établissant les tarifs d'électricité et les conditions de
leur application. Le 21 février 1973, un arrêté en conseil
est adopté par le cabinet. Cet arrêté en conseil dit ceci:
"Attendu que la Commission hydroélectrique de Québec a pour objet
de fournir l'électricité aux municipalités, aux
entreprises industrielles et commerciales et aux citoyens de cette province aux
taux les plus bas compatibles avec une saine administration financière
et qu'elle doit établir le tarif applicable à chaque
catégorie d'usagers suivant le coût réel du service fourni
à cette catégorie en autant que cela est pratique;
"Attendu que la commission doit maintenir ses taux d'énergie
à un niveau suffisant pour défrayer tous les frais
d'exploitation, l'intérêt du capital engagé,
l'amortissement de ce capital sur une période maximale de 50 ans, une
réserve adéquate pour le renouvellement du réseau, une
réserve pour éventualité et une réserve pour
stabilité des taux; "Attendu que la commission constate que ses revenus
toujours la Commission hydroélectrique nets d'exploitation
ne seront bientôt plus suffisants pour permettre le financement
adéquat des investissements annuels nécessaires et le rachat de
ses obligations; "Attendu que l'accroissement des investissements et des taux
d'intérêt moyens sur la dette oblige 1'Hydro-Québec
à obtenir des fonds additionnels provenant d'une autre source que les
emprunts si elle désire fournir sa part des investissements et
contracter les emprunts nécessaires à des conditions
raisonnables; "Attendu que les fonds additionnels requis ne peuvent provenir
que d'une hausse des tarifs d'électricité il me semble que
ce soit là la conclusion à laquelle en était arrivé
le ministère des Richesses naturelles ou surtout le cabinet ;
"Attendu que, pour obtenir ces fonds additionnels, l'Hydro-Québec,
à sa séance tenue le 19 février 1973, a adopté son
règlement no 150 établissant les tarifs
d'électricité et les conditions de leur application, copie dudit
règlement étant annexée au présent ; "Attendu qu'en
vertu de l'article 22 de la Loi de l'Hydro-Québec les taux et les
conditions auxquels l'énergie est fournie sont fixés par
règlement approuvé par le lieutenant-gouverneur; "Attendu qu'il y
a lieu de faire droit à la requête de l'Hydro-Québec; "II
est ordonné en conséquence, sur la recommandation du ministre des
Richesses naturelles, d'approuver le règlement no 150 de
l'Hydro-Québec établissant les tarifs d'électricité
et les conditions d'application."
Voici donc l'arrêté en conseil qui a été
adopté deux jours après la décision de
l'Hydro-Québec d'augmenter les tarifs hydroélectriques. La
question qui me paraît fondamentale dans tout cela est: Sur quoi le
cabinet s'est-il basé pour accepter l'arrêté en conseil
dont je viens de vous parler? On fait disparaître, justement en vertu de
la loi, un certain contrôle qui existait. Le seul contrôle de
l'Hydro-Québec qui existe, c'est le contrôle par l'entremise du
lieutenant-gouverneur. Le 6 février 1973, le ministère des
Richesses naturelles, dirigé par le ministre actuel, avait formé
un comité constitué de différents représentants des
ministères impliqués. D'abord, deux représentants du
ministère des Richesses naturelles: M. Fradette et M. Réal
Boucher; un représentant du ministère des Finances, M. Pierre
Goyette; trois représentants du Conseil exécutif, MM.
André Marier, Jean Houde, Michel Audet; et un représentant du
Conseil du trésor, M. Jean-Nil Pintal.
Ce comité avait justement pour but d'étudier si les
demandes de l'Hydro-Québec étaient justifiées. Lorsque
nous lisons le document, qui a été déposé au
cabinet à la demande du ministre des Richesses naturelles, de la
formation de ce comité et document sur lequel, probablement, les membres
du Conseil exécutif se sont basés pour accepter
l'arrêté en conseil dont je vous ai parlé, nous constatons
ceci. Il s'agit du document qui s'intitule Recommandations du comité du
programme de développement présentées à l'honorable
Jean-Gilles Massé relativement à la requête en augmentation
de tarif de l'Hydro-Québec du 6 février 1973.
A la page 2 de ce document nous lisons ceci: "La loi ne prévoit
aucune procédure de révision autre que l'approbation par le
lieutenant-gouverneur en conseil." Encore ici, les critères
d'évaluation par le lieutenant-gouverneur en conseil sont limités
par la loi et par le fait que la procédure de révision est
inexistante. "Il est donc difficile dit ce rapport de chercher
à appliquer des critères d'évaluation du besoin d'une
augmentation de tarif autres que ceux prévus par la loi, tel que le
rendement sur les investissements ou le rendement sur une base de tarification
puisque ces notions étant inexistantes dans la loi, il est impossible de
les définir. "Dans le cas d'entreprises de services publics de
propriété privée, la recherche du profit nécessite
de la part des organismes de régulation une remise en question des
données comptables afin d'établir ce qui est acceptable comme
dépenses et revenus. Dans le cas lit-on encore dans ce document
de ces entreprises, les agences de régulation, sur la base d'une
jurisprudence, acceptent ou refusent les données comptables lors du
processus de révision. Dans notre cas, là encore, c'est le
comité qui parle ceci est difficile. Compte tenu de la loi, le
seul véritable moyen dont le gouvernement dispose pour influencer les
résultats des opérations d'Hydro-Québec est de donner des
directives précises a priori et d'évaluer, ensuite, la
conformité des résultats".
Autrement dit, le comité formé par le ministère des
Richesses naturelles et qui a présenté un rapport au cabinet,
concernant la demande d'augmentation des tarifs, dit au cabinet: Dans les
circonstances, étant donné la loi, il nous est extrêmement
difficile de nous prononcer sur la validité ou la non-validité
d'une augmentation de tarifs de l'Hydro-Québec. Donc, M. le
Président, nous ne sommes pas plus avancés, le cabinet n'est pas
plus avancé, puisque le comité se sent absolument inefficace pour
présenter au ministère des Richesses naturelles des
recommandations précises. D'ailleurs, vous allez voir, tout à
l'heure, qu'on fait, malgré tout ça, une recommandation, mais
recommandation selon laquelle il était extrêmement difficile pour
les membres du cabinet de se prononcer sur l'augmentation des tarifs, parce que
le rapport du comité vient de leur dire: Ecoutez, on est obligé
d'accepter la comptabilité de l'Hydro-Québec, puis on n'est pas
capable d'aller plus profondément que
ça. On n'est pas capable de réviser tous ces chiffres; on
est impuissant à vérifier véritablement tout le dossier de
la Commission hydroélectrique du Québec.
M. le Président, vous savez que nous, du Parti
québécois, nous avons, lors de la discussion du bill 50,
défendu les intérêts de l'Hydro-Québec, comme, bien
souvent, nous avons défendu les intérêts de
sociétés qui appartiennent par l'intermédiaire de l'Etat,
aux Québécois. Je pense, M. le Président, qu'encore nous
prendrons la défense de ces sociétés et, même nous
avons demandé à maintes et maintes reprises au gouvernement de
donner encore plus de force c'est ce qu'on faisait ce matin, par
exemple, pour la Société québécoise d'initiatives
pétrolières aux sociétés d'Etat pour
qu'elles puissent prendre en main un des secteurs clés de la
société québécoise, un des secteurs
économiques importants.
M. le Président, il ne s'agit pas, lorsque je parle de la
difficulté qu'on a de réviser toute l'administration de la
Commission hydroélectrique du Québec, de blâmer
l'Hydro-Québec. Il ne s'agit pas, non plus, de blâmer,
contrairement à ce que je faisais ce matin, le ministre actuel. Il
s'agit d'essayer de réfléchir sur un problème qui me
paraît passablement important, c'est-à-dire le contrôle de
l'Hydro-Québec par les citoyens québécois.
M. le Président, sur quels principes l'Hydro-Québec
justifiait-elle l'augmentation de ses tarifs? A la page 3 du même rapport
du comité de planification, qui a été
présenté aux membres du cabinet et sur lequel les membres du
cabinet se sont prononcés pour adopter l'arrêté en conseil
dont j'ai parlé tout à l'heure, soit celui du 21 février
1973 qui reconnaissait à l'Hydro-Québec le droit d'augmenter ses
tarifs, on lit ceci : "Dans le mémoire de justification accompagnant le
projet de règlements 150, l'Hydro-Québec indique que, pour
satisfaire aux exigences de la loi, l'entreprise aurait besoin en 1974,
première année complète au nouveau tarif, d'un revenu
additionnel de $46.2 millions. Cependant, les revenus additionnels requis en
1974 seraient plutôt de $77.8 millions si on utilise le critère de
l'Hydro-Québec pour maintenir une saine administration
financière. "Pour l'Hydro-Québec, une saine administration
financière est reflétée par le maintien d'un rapport 1.25
du revenu net d'exploitation sur les dépenses d'intérêt. Le
tableau 3 de la page 13 du mémoire de l'Hydro-Québec,
intitulé Détermination du revenu additionnel requis, fait
état de ces données."
Alors, cela a été le critère fondamental dans la
justification de l'augmentation des tarifs. Cela a été le ratio
de 1.25, qui a été fort important dans la discussion en
commission parlementaire, qui est le revenu net d'exploitation par rapport au
total des intérêts. En effet, l'Hydro-Québec nous disait:
Lorsqu'on a un ratio inférieur à 1.25, il devient
extrêmement difficile d'aller sur les marchés internationaux, sur
les marchés financiers pour emprunter à des taux
d'intérêt qui soient satisfaisants.
Probablement que l'Hydro-Québec, lorsqu'elle nous parle de ce
ratio avait raison. Mais nous sommes obligés, nous, les parlementaires,
comme d'ailleurs les membres du comité de planification, qui avaient
à présenter des recommandations au ministère des Richesses
naturelles ou au cabinet, d'accepter ce ratio de 1.25 mais il est impossible
d'analyser complètement toute la comptabilité de
l'Hydro-Québec. Justement, quand je reviens à
l'arrêté ministériel, je suis bien d'accord lorsque l'on
dit que l'Hydro-Québec doit fournir l'électricité aux taux
les plus bas et qui sont compatibles avec une saine administration
financière. Mais comment c'est cela qui est important, même
si c'est une société d'Etat ou quel instrument ou quel
outil avons-nous, nous, les parlementaires, pour juger de la saine
administration financière de l'Hydro-Québec? Quel outil? Il ne
s'agit pas de dire que l'Hydro-Québec s'administre mal. Il s'agit de
dire que l'Hydro-Québec, qui est une société d'Etat, doit
être soumise à certaines révisions, doit être soumise
à certains contrôles. On en a vu, des sociétés
d'Etat, telles que la Société générale de
financement, qui s'administraient mal.
Donc, il faut absolument, surtout lorsqu'il s'agit d'une
société dont le budget est autour de $600 millions, avoir des
moyens de contrôle. Il faut, en tout cas, surtout le cabinet, lorsqu'il a
à se décider sur une augmentation des taux, qu'il ait les moyens
nécessaires de voir si c'est justifié.
Or, il semble que ce n'est pas le cas du tout. Il semble que le
comité du programme de développement, qui soumettait des
recommandations au cabinet, constate qu'il est impuissant à voir si les
taux ou les augmentations de tarif de l'Hydro-Québec sont
justifiés.
Voici ce que nous lisons, encore dans ce même document, à
la page 4: "Avis du comité, besoins de revenus additionnels et
commentaires." Après avoir constaté l'impuissance dans laquelle
les membres étaient pour approuver ou désapprouver ces
augmentations de taux, le comité dit ceci: "Compte tenu de ce qui est
énoncé plus haut, c'est-à-dire des moyens limités
comme je l'ai lu, non seulement ils sont limités mais ils sont
impuissants du comité pour mettre en cause, à ce
moment-ci, les données présentées par
l'Hydro-Québec, qui en assume toute la responsabilité en tant
qu'organisme public et, compte tenu du mémoire présenté,
il apparaît que l'Hydro-Québec a besoin des revenus additionnels
demandés si cet organisme veut faire face à ses obligations dans
l'avenir. Le comité est donc d'accord avec la demande
d'augmentation."
M. le Président, le comité dit, dans les quelques pages
qui précèdent: On est impuissant à vérifier la
comptabilité de l'Hydro-Québec. On est impuissant à dire
si l'augmentation
de ces tarifs est justifiée ou ne l'est pas. En fait, on ne peut
pas, ou il est difficile, pour nous, de mettre en cause toute la
comptabilité de l'Hydro-Québec. Mais même, M. le
Président, si on est impuissant, même s'il nous est impossible de
faire toute la révision globale de l'administration financière de
l'Hydro-Québec, on recommande quand même l'augmentation des
tarifs.
M. le Président, je trouve que c'est un peu illogique. Le
comité dit: Puisque l'Hydro-Québec nous dit que le ratio de 1.25
est absolument nécessaire pour obtenir des emprunts sur le marché
financier et que si on n'augmente pas les revenus, soit sous forme de hausse
des taxes, soit sous forme de hausse des tarifs, soit sous forme de
subventions, on ne pourra pas faire face à ses responsabilités,
on ne peut pas vérifier si c'est vrai, si les prémisses sont
vraies, mais il semble que la conclusion de l'Hydro-Québec est qu'elle a
besoin de plus d'argent, qu'elle a besoin d'augmenter les tarifs, et il faut
les augmenter. Le rapport dit: Puisque l'Hydro-Québec a besoin
d'augmenter ses tarifs, augmentons-les! Le cabinet dit, à la suite,
justement, de ce rapport ou de ces recommandations qui sont
présentées par ce comité, en se basant sur ce rapport:
"Attendu que la Commission hydroélectrique constate c'est la
commission qui constate elle-même que ses revenus nets
d'exploitation ne seront bientôt plus suffisants pour permettre le
financement adéquat des investissements annuels nécessaires et le
rachat de ses obligations..."
On donne toute sa confiance à l'Hydro-Québec. On dit:
L'Hydro-Québec constate qu'elle a besoin de revenus additionnels.
L'Hydro-Québec constate qu'elle a besoin d'une augmentation des tarifs.
Comme l'Hydro-Québec constate qu'elle a besoin d'une augmentation des
tarifs et comme je pense bien que l'Hydro-Québec a une bonne
administration financière, parce qu'on ne peut pas ou qu'on n'a pas les
moyens nécessaires de vérifier tout cela, en conséquence
on approuve le règlement no 150 de l'Hydro-Québec
établissant les tarifs d'électricité et les conditions de
leur application.
Autrement dit, M. le Président, le cabinet a les mains et les
poings liés devant les demandes d'augmentation des tarifs de
l'Hydro-Québec. Il peut bien arriver, M. le Président, comme on
l'a dit, que $60 millions ce sont $50 millions et $10 millions
cela ne soit pas suffisant encore pour permettre à l'Hydro-Québec
de rencontrer ses obligations. Il peut très bien arriver, M. le
Président, encore, que dans un an ou dans deux ans,
l'Hydro-Québec se présente encore devant le
lieutenant-gouverneur, le cabinet, et dise: Nous autres aussi, on constate
à nouveau que, pour faire face à nos obligations, nous avons
besoin d'une augmentation des tarifs. Probablement que le cabinet formera un
comité, comme le comité qui a été formé le 6
février, et que le comité dira encore une fois: On est impuissant
à faire toute la vérification de l'Hydro-Québec mais,
cependant, on constate que l'Hydro-Québec a besoin d'une augmentation
des tarifs pour financer tous ses investissements.
Donc, on recommande au cabinet d'accepter l'augmentation des tarifs de
l'Hydro-Québec. Mais, le citoyen dans tout ça, lui, il est
représenté par qui? Est-ce qu'il peut être assuré
que non seulement l'administration financière de l'Hydro-Québec
est bonne, saine, mais qu'il va être protégé contre des
augmentations abusives du coût de l'électricité?
C'est là un problème qui me paraît fondamental en ce
qui concerne une société comme l'Hydro-Québec. Non
seulement on n'a pas de contrôle sur la société de
l'Hydro-Québec, mais le petit contrôle qu'on avait je
comprends pourquoi le ministre le laisse tomber par les
vérificateurs de l'Hydro-Québec concernant l'étude du
rapport, on l'enlève dans la loi.
Donc, l'Hydro-Québec devient absolument libre ou à peu
près libre d'adopter les tarifs qu'elle voudra et de justifier ces
tarifs de la façon qu'elle voudra auprès du cabinet.
Il me semble qu'il va falloir trouver une formule. Suite à cette
demande d'augmentation, le Parti québécois avait demandé
à plusieurs reprises la convocation à la commission parlementaire
de l'Hydro-Québec. Mais nous avions demandé la convocation de la
commission des richesses naturelles pour étudier les demandes
d'augmentation de tarifs strictement. Nous n'avons pas demandé la
convocation de la commission parlementaire des richesses naturelles pour
étudier toute l'administration financière de
l'Hydro-Québec.
Nous avions demandé que l'Hydro-Québec vienne devant la
commission parlementaire pour nous donner des explications concernant
l'augmentation des tarifs. Je comprends que les dés étaient
pipés d'avance, que, dès le 21 février deux jours
après que l'Hydro-Québec eut adopté son règlement
no 150 il y avait un arrêté ministériel du
gouvernement qui acceptait ce règlement 150.
Donc, la commission parlementaire des richesses naturelles
n'était pas là pour accepter ou refuser les demandes
d'augmentation de tarifs de l'Hydro-Québec, mais elle était
là, au moins, pour essayer de poser des questions pour voir si
c'était justifié ou pas.
Il y a près de quatre ans en tout cas que je siège en
Chambre et je dois dire que, chaque fois que l'Hydro-Québec est venue
devant une commission parlementaire, c'était toujours pressé,
toujours vite. Ces gens-là, venir voir les petits parlementaires!
Ecoutez, ce sont des grands administrateurs de l'Etat.
Je les aime bien. Le président, je l'aime bien aussi. Mais ce
sont des grands administrateurs de l'Etat. Se faire interroger par des petits
parlementaires sur leur comptabilité, sur leur politique
d'investissement, sur la politique nucléaire, sur la politique
hydroélectrique, ils sont au-dessus de tout ça. Ils connaissent
ça bien
plus que nous autres. Cela les fatigue de venir à la commission
parlementaire des richesses naturelles.
C'est bien vite. On est quasiment gênés de poser des
questions. Le président a une réunion le soir. Les commissions,
c'est toujours tous les députés peuvent le confirmer
très limité. Pour un budget de $600 millions. Lorsque la
commission a siégé en avril, c'était quand même une
chose importante, quand on pense que, quelque temps après, une compagnie
privée comme Bell Canada devait se présenter devant la
Régie des transports publics à Ottawa pour justifier ses
augmentations de tarifs.
Et même le gouvernement du Québec a fait opposition
à l'augmentation des tarifs. Malheureusement, le gouvernement du
Québec a encore reçu une réponse négative de ce
fédéralisme supposément rentable, surtout en particulier
pour Bell Canada dans ce cas précis.
L'Hydro-Québec, elle, est un organisme de l'Etat, qui appartient
à tous les citoyens.
Elle n'a pas à rendre compte comme tel de l'augmentation de ses
tarifs ou du fait que c'est justifiable ou pas à une commission
parlementaire ou à un comité ad hoc qui serait là non
seulement pour étudier pendant une journée et très vite ou
pendant deux jours et très vite simplement le petit rapport qui nous est
soumis annuellement mais qui irait beaucoup plus loin que ça, qui
mettrait même en cause les plans de développement de
l'Hydro-Québec, que ce soit, par exemple, comme on l'avait
discuté, les projets nucléaires ou les projets
hydroélectriques, tous les investissements prévisibles ou
prévus par l'Hydro-Québec.
M. le Président, en avril donc, il y a une commission
parlementaire qui siège mais, encore là, une commission
parlementaire qui a les mains et les poings liés parce que les
dés sont pipés. C'est accepté. Le premier ministre
Bourassa, c'est-à-dire le cabinet a accepté le règlement
d'augmentation des tarifs de l'Hydro-Québec, donc a posteriori, on
décide de faire l'analyse de tout cela.
Mais encore là, M. le Président, si on avait eu les moyens
de faire l'analyse de tout cela La première chose qu'on fait, à
la commission parlementaire, c'est qu'on nous présente le rapport annuel
de l'Hydro-Québec. Et là l'ex-député de Gouin, M.
Joron, fait la proposition suivante: D'abord, que les documents suivants soient
déposés et rendus publics: a) la demande de nouveaux tarifs faite
par l'Hydro-Québec; b) les documents soumis au soutien de cette demande;
c) l'arrêté en conseil donnant une approbation conditionnelle de
ces nouveaux tarifs c'était censé être conditionnel
avec l'appui de la commission parlementaire; d) les prévisions de
revenus et dépenses de l'Hydro-Québec de 1972 à 1976; e)
la provenance et l'utilisation des fonds pour la même période et
les états financiers de la Société d'énergie de la
baie James. En deuxième étape, que l'étude de cette
question, après avoir reçu ces documents qu on n a pas vus encore
pour pouvoir mieux juger de la question, soit reportée à une
séance ultérieure de la commission et que toute personne
intéressée à intervenir au soutien ou à l'encontre
de la nouvelle tarification puisse soumettre un mémoire à la
commission et être entendue. Troisièmement, que demande soit faite
au gouvernement de suspendre l'entrée en vigueur de la nouvelle
tarification jusqu'à ce que la commission ait fait rapport.
Donc, on demande trois choses: premièrement, on demande:
donnez-nous donc des documents; c'est la première chose qu'on devrait
avoir comme parlementaires lorsque nous avons à étudier un
problème précis, à savoir si la demande d'augmentation des
tarifs est justifiable ou pas. Il me semble que ces documents auraient dû
nous parvenir auparavant et d'ailleurs, M. le Président, je me rappelle
qu'à plusieurs reprises le député de Gouin s'est
levé en Chambre et a demandé au premier ministre Bourassa de
déposer ces documents-là. C'étaient des documents secrets
parce qu'aux indigènes québécois on leur cache ça,
à eux. Les justifications d'augmentation des tarifs de
l'Hydro-Québec, les indigènes québécois, eux
autres, il faut leur faire payer peut-être une mauvaise décision
qui était probablement celle de la baie James et qui vient justement
d'être modifiée ce matin avec Gentilly: les investissements de
$1,200 millions. On revient exactement au programme proposé par le Parti
québécois lors de la discussion en commission parlementaire sur
tout le développement de la baie James. Or, les indigènes
québécois, M. le Président, n'ont pas besoin de ça,
ce sont des non-instruits, comme disait un ex-premier ministre, puis on les
informera après que la décision sera prise.
Deuxième chose, M. le Président, on demande que toute
personne ait la possibilité de se faire entendre à cette
commission parlementaire. Encore là, M. le Président,
naturellement c'est refusé; naturellement, M. le Président, le
bon peuple québécois, les organismes québécois ce
sont des incompétents, ce sont des gens qui n'ont pas à se
prononcer sur une société ou sur l'augmentation des tarifs dans
un secteur qui touche chacun des Québécois.
Normalement, la troisième étape de notre résolution
c'était de suspendre l'arrêté en conseil du 21
février 1973, si on voulait que cette commission soit valable, si on
voulait se réunir pour quelque chose qui nous amènerait à
une décision, s'il était justifié, par exemple, pour
l'Hydro-Québec d'augmenter ou de ne pas augmenter ses tarifs.
Les documents en question, M. le Président, ç'a pris bien
du temps à les obtenir. Là le ministre disait: S'agit-il,
à un moment donné, de documents qui devraient être secrets,
de documents qui devraient être rendus publics, etc.? On réussit
quand même à obtenir ces documents. Une bonne brique de documents
nous sont déposés tout à coup au cours de
l'après-midi. La brique était assez considérable
et naturellement c'étaient des questions techniques.
Or, le député de Gouin...
M. BEAUREGARD: L'ex.
M. LESSARD: L'ex-député de Gouin, le député
de Gouin d'alors...
M. VEILLEUX: II n'est plus là aussi.
M. LESSARD: ... présente la motion suivante...
M. BELLEMARE: II est parti.
M. LESSARD: En tout cas, M. le Président, il y a une chose.
M. BELLEMARE: II est parti pelleter dans les nuages.
M. LESSARD: Peut-être qu'il n'est plus là, mais le travail
que ce député a fait au cours des trois années vaut
passablement le travail que peut-être 40 "backbenchers" dans ce
gouvernement, mes amis, vont faire au cours des quatre prochaines
années.
UNE VOIX: Voulait-il causer de la séparation?
M. LESSARD: Alors, M. le Président, une motion qui est tout
à fait logique de l'ex-député de Gouin, ou le
député de Gouin d'alors, c'est de suspendre la séance, de
permettre aux parlementaires de prendre connaissance de ces dossiers
éminemment techniques puis de revenir après. Non, vous êtes
drôle. Ah! je m'excuse, M. le Président, je pensais que vous
disiez: II est drôle.
M. LEVESQUE: Ce n'est pas à lui que je parlais.
M. LESSARD: D'accord, M. le Président. Il s'agit d'une chose qui
me parait fondamentale, la protection du citoyen. On le fait pour l'entreprise
privée, on le fait quand il s'agit de l'augmentation des tarifs de
Québec Téléphone. A la Régie des services publics
du Québec, toute personne qui est impliquée dans l'augmentation
des tarifs de Québec Téléphone ou de tout autre service
public peut faire des recommandations pour s'opposer à l'augmentation de
ces tarifs et les compagnies en question sont obligées de justifier
leurs tarifs.
Alors, M. le Président, on nous refuse cette motion-là.
Vous savez on a la science infuse! Je comprends que les députés
libéraux avaient compris tout ça. Ils avaient la science infuse,
il y avait vu cette série de documents de près d'un pied
d'épais, puis ils avaient compris tout ça; c'était
justifié, l'augmentation des tarifs de 1'Hydro-Québec. On va
accepter ça. Il n'y a pas de problème. On ne pose pas de
question, dépêchez-vous les gars de l'Opposition, vous ne
comprenez rien là-dedans vous autres; dépêchez-vous donc
d'adopter ça. C'est la meilleure façon possible, puis qu'on nous
laisse la paix, puis qu'on nous retourne dans la salle de lecture pour qu'on
ait la paix, qu'on soit tranquille.
Nous on a été plus sérieux que ça. On a dit
: Ecoutez, on n'a pas la science infuse...
M. VEILLEUX: Lui il est allé à une autre salle de lecture
plus loin, là. Si vous voulez qu'on parle des salles de lecture on va en
parler.
M. LESSARD: On demande donc une chose fort logique. Permettez-nous
d'étudier pendant au moins quelques heures, deux heures, trois heures.
En tout cas on a demandé la suspension le matin, pour qu'au cours de
l'après-midi on puisse revenir avec une meilleure connaissance des
dossiers. Je comprends que ce n'était pas facile dans quelques heures,
mais en tout cas, avec une meilleure connaissance des dossiers, pour qu'on
puisse poser des questions intelligentes à l'Hydro-Québec...
M. COTE: Cela vous arrive?
M. LESSARD: II aurait même été normal qu'on suspende
la séance pour quelques jours, même une semaine. Le premier
ministre, en février dernier, aurait dû accepter de nous
présenter toute cette série de documents; mais, on sait, c'est un
gouvernement de cachette. Il cache tout; c'est pour ça qu'on est
obligé bien souvent de passer par les coulisses. Tout est secret pour ce
gouvernement-là.
M. BACON: Vous l'admettez?
M. LESSARD: II administre secrètement, les fonds publics sont
secrets.
M. BACON: Vous l'admettez?
M. LESSARD: On n'est pas capable d'avoir de réponse. Je vois le
ministre des Affaires culturelles, il a fallu le questionner pendant deux
heures et trente hier pour obtenir des informations sur une subvention de
$300,000.
M. LEVESQUE: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!
M. LESSARD: On a réussi à obtenir la réponse, mais
bien difficilement en tout cas.
M. LEVESQUE: A l'ordre, à l'ordre! La pertinence du
débat.
M. LESSARD: Oui, M. le Président, on a un gouvernement de
coulisse. Il aurait donc été normal qu'on ait ces documents bien
avant la commission parlementaire et qu'on puisse les
étudier, parce qu'il faut faire notre travail, dans l'Opposition.
Je me rappelle, lorsque nous avons proposé cette motion, combien de
députés libéraux, tout le tour de la table, nous disaient:
Mais quoi, vous n'êtes pas au courant de cela? Laissez-nous donc
tranquilles, il n'y a pas de problème. L'Hydro-Québec, ça
s'administre bien, et c'est justifié, l'augmentation des taux, etc.
M. BACON: Qui a dit cela?
M. LESSARD: Cette motion a été battue par le gouvernement,
par les députés libéraux. Probablement que la population
ne connaît pas c'est ça qui est malheureux la
façon dont vous administrez les deniers publics. Je constatais ce matin,
par exemple, que certains députés libéraux
commençaient à en avoir assez de la façon dont le leader
du gouvernement, à un moment donné, dépose des projets de
loi comme cela, à la vapeur. Ils voudraient, eux aussi, être
consultés. Ah! perdez vos illusions.
M. MALOUIN: On ménage l'huile.
M. LESSARD: Perdez vos illusions. On refuse, M. le Président,
cette motion qui nous paraissait normale, motion qui nous paraissait logique
pour des gens qui ne se prennent pas pour d'autres, en tout cas; et on ne se
prend pas pour d'autres. On nous refuse aussi la possibilité d'entendre
toute personne intéressée à faire valoir certaines
revendications concernant l'augmentation des tarifs. La commission des
richesses naturelles, ç'a été un trompe-l'oeil.
D'ailleurs, cette augmentation de tarif n'était même pas
basée sur des chiffres réels, elle était basée sur
des prévisions. Il faudrait quand même savoir, aujourd'hui
si le ministre peut me répondre si les prévisions de
l'Hydro-Québec en février 1973 étaient valables, si cela
se justifie, si elle a véritablement besoin des $10 millions;
peut-être qu'elle en a besoin de plus. Il faudrait le savoir.
On leur dit: On vous a accordé la possibilité
d'augmentation des tarifs sur des prévisions, mais il faudrait savoir si
ces prévisions-là se justifient. La commission des richesses
naturelles, malgré tout le travail que l'ex-député de
Gouin a pu faire, malgré toutes les questions que nous avons pu poser,
questions que nous avons posées malgré les interférences
ridicules des députés libéraux qui ne comprenaient
absolument rien là-dedans...
M. COTE: C'est pas vous autres qui avez la science infuse.
M. LESSARD: C'est justement ce que je dis depuis le début, et si
le nouveau député avait assisté à cette commission
parlementaire, il aurait pu justement constater que ce n'était pas nous
qui avions la science infuse dans ce temps-là. Nous, on n'a pas une
perception tellement forte qu'on puisse lire à travers une série
de documents comme cela, mais il y a des libéraux qui l'avaient, cette
journée-là, cette perception très forte de pouvoir
comprendre tout cela en touchant les documents.
Nous le savions, lorsque nous avons demandé la convocation de la
commission parlementaire, que les dés étaient pipés; mais
nous voulions au moins que l'Hydro-Québec vienne se justifier, que
l'Hydro-Québec vienne répondre aux questions des parlementaires,
mais après que les parlementaires eussent pris connaissance de tous les
dossiers techniques. Encore là, j'avais l'intention, au cours de ce
débat, de faire une motion afin de demander à
l'Hydro-Québec de revenir en commission parlementaire pour discuter
à nouveau de cette affaire.
M. le Président, étant donné la procédure
des commissions parlementaires, malgré tout le travail que tous les
députés peuvent faire, c'est un moyen qui me paraît
absolument inadéquat pour pouvoir réviser toute l'administration
financière de l'Hydro-Québec. Je suis d'accord que
l'Hydro-Québec, qui est une entreprise d'Etat, doive venir au moins
annuellement et déjà on a de la misère à
l'avoir annuellement se soumettre aux questions des parlementaires.
Mais, en ce qui concerne toute cette question d'administration
financière, nous, les parlementaires, ne sommes pas des comptables pour
la plupart, ne sommes pas des spécialistes dans des domaines aussi
précis, par exemple, que l'énergie hydroélectrique ou
l'énergie nucléaire ou autres. Nous sommes bien faibles devant le
président de l'Hydro-Québec je parle du point de vue
financier. Il peut nous passer ce qu'il veut, d'autant plus que nous recevons
les rapports la journée même de la commission parlementaire. Il
faut étudier tout ça, toute cette série de rapports, toute
cette masse de documents en l'espace de quelques heures. J'ai bien dit à
cause de la procédure des commissions parlementaires. Mais, même
si on tentait de modifier la procédure de la commission parlementaire
des richesses naturelles, avec l'interférence qu'on a là et qu'on
va avoir encore bien plus avec le vote du 29 novembre dernier, je me demande si
les députés de l'Opposition peuvent faire un travail
efficace.
UNE VOIX: Le 29 octobre.
M. LESSARD: C'est ça que j'ai dit, le 29 novembre.
UNE VOIX: Octobre.
M. LESSARD: Le 29 octobre, d'accord, M. le Président.
M. BACON: On peut en faire une autre, si vous voulez, mais vous risquez
de ne pas revenir. S'il avait fallu "toffer" cela un autre mois, il n'en
restait plus.
M. LESSARD: Je me demande donc si, étant donné toutes ces
procédures des commissions parlementaires, nous pouvons
véritablement être capables, comme parlementaires, de voir si les
augmentations de tarifs sont justifiées ou pas. Encore là,
même si j'avais l'intention de présenter la motion dont je parlais
tout à l'heure, la motion de convoquer l'Hydro-Québec, je me
demande si ce serait vraiment utile, vraiment nécessaire en ce qui
concerne des dosriers aussi techniques que ceux-là. Mais il me semble,
je pense que tous les députés libéraux devraient
être d'accord sur cela qu'on ne peut pas laisser une
société d'Etat une société qui administre ce
qui appartient à tous les Québécois, un budget de $600
millions ou autour de $600 millions sans aucun contrôle, comme
cela semble être le cas, actuellement. Les seuls contrôles qu'on a
eus ou que le cabinet a eus, cela a été le petit rapport
où on dit qu'on est impuissant à voir si c'est justifié ou
pas. On ne peut pas ne pas se pencher pour trouver une solution qui permettrait
de faire entendre les différents organismes de la population du
Québec qui sont touchés financièrement par une
décision comme celle-là de l'Hydro-Québec, dont les
familles bien souvent les plus défavorisées. On sait combien de
familles même les députés libéraux le savent
juste avant les Fêtes, qui sont sur la Loi de l'aide sociale, se
feront couper l'électricité, juste avant Noël, parmi les
familles les plus défavorisées. On ne peut pas, il me semble, ne
pas trouver un moyen qui permettrait à ces organismes de se faire
entendre, lorsqu'il s'agit d'augmentation de tarifs.
On le fait pour les entreprises privées par la Régie des
services publics. J'ai pensé à la solution de la Régie des
services publics, mais une société d'Etat qui juge
l'administration d'une autre société d'Etat, c'est un point
d'interrogation. Je ne sais pas si le ministre a une solution, mais, en tout
cas, c'est un point d'interrogation.
En lisant, j'ai cherché à voir si le vérificateur
général, dans son rapport, avait parlé de toute
l'administration financière de l'Hydro-Québec. Je constate que
non. Donc, aucune vérification de ce côté et, en vertu de
la loi, justement, seul le lieutenant-gouverneur en conseil a le pouvoir de
contrôler. Oui?
M. MASSE: Est-ce que vous mentionnez le rapport des vérificateurs
dans le dernier rapport annuel de l'Hydro-Québec?
M. LESSARD: Les vérificateurs de l'Hydro-Québec?
M. MASSE: Oui.
M. BEDARD (Chicoutimi) : II n'a pas besoin de ça; il ne
connaît rien.
M. LESSARD: D'accord. Mais, à ce moment- là, si le
vérificateur général, en ce qui concerne l'administration
fiancière, est bon c'est cela que je veux savoir pourquoi
le ministre le ferait-il disparaître? Il m'a demandé si je citais
le rapport annuel de l'Hydro-Québec?
M. MASSE: Oui.
M. LESSARD: Ou le rapport des vérificateurs?
UNE VOIX: II est encore là.
M. LESSARD: Je suis bien d'accord, mais je pense à beaucoup plus
loin que cela. C'est qu'on dit, par exemple: Les articles 2 et 3 du projet de
loi "font disparaître l'obligation des vérificateurs
d'Hydro-Québec d'indiquer si, à leur avis, son rapport annuel est
exact et si ses opérations, au cours de l'année
écoulée, ont été conformes à la loi." Alors,
on fait disparaître cette obligation dans la loi "d'indiquer si, à
leur avis, son rapport annuel est exact et si ses opérations, au cours
de l'année écoulée, ont été conformes
à la loi."
M. MASSE: M. le Président, est-ce que je peux me permettre de
préciser qu'il ne s'agit pas de soustraire la vérification
comptable aux vérificateurs, mais d'enlever, selon les termes de la loi,
l'obligation que les vérificateurs avaient de se prononcer non seulement
sur la comptabilité, mais également sur les activités de
l'Hydro-Québec. C'est uniquement cela que l'on fait
disparaître.
M. LESSARD: Oui, M. le Président. Mais nous, qui ne sommes pas
des comptables et des spécialistes en la matière, comment
allons-nous savoir si les opérations financières de
l'Hydro-Québec, pour l'année, sont exactes," si son rapport
annuel est exact et si ses opérations, au cours de l'année
écoulée, ont été conformes à la loi? " Bien,
"conformes à la loi", cela on peut le savoir, on peut vérifier la
loi. Mais il reste que cela devient difficile pour les citoyens
québécois et les parlementaires de pouvoirs vérifier si,
en fait, c'est exact, d'autant plus qu'on enlève cette
possibilité dans la loi.
Cela concerne l'administration financière. Je ne doute pas que
l'administration financière de l'Hydro-Québec soit saine, selon
les rapports qui sont fournis par l'Hydro-Québec. Le vérificateur
général n'a pas à étudier, je pense, si, par
exemple, tel investissement de la baie James, comparativement à
l'énergie nucléaire, etc., est valable ou pas. Cela n'appartient
pas au vérificateur général. Le vérificateur
général n'a pas à étudier si les hausses de tarif
de l'Hydro-Québec sont justifiables ou si elles ne le sont pas. C'est
là que je demande des instruments supplémentaires. C'est
là que je dis au ministre: II faudrait, parce que justement on n'a pas
voulu nous le permettre, que, par un organisme quelconque, la population, comme
c'est le cas pour certaines
entreprises privées qui donnent des services publics, puisse se
faire entendre, que la population puisse venir protester contre certaines
hausses abusives qui peuvent aussi venir de l'Hydro-Québec, tout en
étant bien fiers de cette entreprise, tout en étant bien heureux
que nous ayons, en particulier dans ce secteur, une des sociétés
clés dans le développement économique du
Québec.
On sait avec quel acharnement, en juillet 1971, il a fallu, nous, les
sept députés du Parti québécois, avec les deux
autres Oppositions, nous battre...
M. MARCHAND: Les sept ou les six?
M. LESSARD: Les sept, M. le Président. Tiens, le
député de Laurier n'a pas compris encore. Comme il a fallu se
battre, M. le Président, pour empêcher que ce gouvernement, en ce
qui concerne le développement de la baie James, là où
l'Hydro-Québec était véritablement
spécialisée dans le développement hydroélectrique,
forme une société parallèle pour tout simplement
probablement en arriver à l'effondrement de l'Hydro-Québec, pour
empêcher que la Société de développement de la baie
James ne fasse le développement hydroélectrique à la place
de l'Hydro-Québec. Et combien il a fallu se battre, justement, avec une
motion! C'est cela, M. le Président, qui est important, justement avec
une motion comme celle que les députés libéraux ont
adoptée hier.
Il a fallu se battre, M. le Président. Et là, nous
n'avions même pas la limite de minuit. Il fallait se battre jour et nuit,
M. le Président, faire une bataille, lutter pour faire en sorte que
notre société québécoise, dans le secteur
hydroélectrique, conserve ses pouvoirs.
Nous avons gagné, M. le Président...
M. MARCHAND: Qui cela?
M. LESSARD: ... parce qu'aujourd'hui, la Société de
développement de la baie James, ce n'est plus grand-chose. Son
ex-président, Pierre Nadeau, qui avait été nommé
à grands fracas, quand il a constaté que ce n'était plus
rien, la Société de développement de la baie James, que
cela n'avait plus rien à faire, même à peu. près
aucun investissement, que l'Hydro-Québec allait contrôler toutes
les actions, que c'était strictement une société
parallèle pour cacher le patronage qu'on voulait faire, et qu'on fait
encore dans le développement hydroélectrique de la baie
James...
En tout cas, nous nous sommes battus et nous avons réussi
à gagner ce point, réussi à sauvegarder les
intérêts des Québécois en sauvegardant les
intérêts de l'Hydro-Québec. Mais pour autant, M. le
Président, nous ne voulons pas être aveugles. Pour autant, M. le
Président, nous ne voulons pas tout donner à
l'Hydro-Québec, donner tous les pouvoirs à l'Hydro-Québec.
Pour autant, M. le Président, nous ne voulons pas que
l'Hydro-Québec, contrairement à certaines compagnies
privées dans le secteur public, vienne nous imposer des tarifs sans que
ceux-ci soient justifiés.
Nous ne nous sentons aucunement protégés par ce
gouvernement. Quand je pense, M. le Président, que ce gouvernement a
accepté l'augmentation des tarifs de l'Hydro-Québec en se basant
sur le petit mémoire qui lui était soumis, dont je parlais tout
à l'heure et qui disait: Nous sommes impuissants mais nous vous
recommandons quand même l'augmentation des tarifs! M. le
Président, on se sent malheureux, comme Québécois, et les
petits contribuables québécois qui goûtent, depuis 1970,
à ces taxes indirectes de ce gouvernement voient leur niveau de vie
diminuer constamment, voient leur dollar diminuer constamment. Ce n'est pas le
dollar du Parti québécois, c'est le dollar du Parti
libéral.
Peut-être que ce dollar, on aurait dû nous le
présenter pendant la campagne électorale. Or, justement, ce
projet de loi a pour but, encore une fois, de couper une partie du dollar
québécois, une partie du dollar des contribuables
québécois, comme lorsqu'on a permis en février 1972,
d'augmenter les tarifs de l'Hydro-Québec. On a encore là, M. le
Président, coupé une partie du dollar québécois.
Comme lorsque nous constatons que le ministre des Richesses naturelles ne prend
pas ses responsabilités dans le domaine pétrolier, on coupe
encore une partie du dollar québécois.
M. le Président, j'aurais bien voulu voir la piastre à
Bourassa au cours des dernières élections. De toute façon,
M. le Président...
M. SAINT-HILAIRE: II n'est pas capable de présenter le discours
qu'on lui a préparé!
M. LESSARD: Je pense que c'est une situation qui demande une solution.
Ou bien lorsque l'Hydro-Québec viendra en commission parlementaire on va
nous donner les instruments nécessaires pour pouvoir étudier
l'ensemble de son administration financière sans attendre le moment de
la commission. Encore là, j'ai des doutes sur le succès d'une
telle procédure.
Ou bien, en tout cas, en ce qui concerne particulièrement
l'augmentation des tarifs, il faudrait peut-être former comme
c'est le cas pour les Chemins de fer nationaux, le Pacifique Canadien ou autre
un comité ad hoc complètement indépendant qui
aurait à étudier les augmentations de tarifs de
l'Hydro-Québec ou dire si ces augmentations sont en fait
nécessaires.
Mais, je comprends que ça apporte des inconvénients. Le
ministre pourrait peut-être me dire: Oui, mais ce qui avantage
l'Hydro-Québec sur le marché financier, bien souvent, c'est le
fait que les marchés financiers sont toujours à peu près
sûrs que lorsque l'Hydro-Québec va faire une demande
d'augmentation de tarifs, on va l'accepter. Tandis que s'il s'agit d'un
comité ad hoc complètement indépendant, les financiers se
poseraient certaines questions.
Cela soulève peut-être un problème. Juste-
ment, le député de Laurier m'a toujours dit qu'il
était un administrateur. Je pense bien que comme administrateur il doit
bien comprendre ces choses.
Je conclus en demandant au ministre des Richesses naturelles... Cela
fait déjà une heure, M. le Président?
M. BURNS: Des applaudissements bien mérités.
M. LESSARD: Je demande au ministre des Richesses naturelles de faire une
étude sérieuse, en particulier en ce qui concerne l'augmentation
des tarifs pour permettre à la population de faire valoir ses
revendications, ou, en tout cas, comme moindre mal, de permettre à notre
commission parlementaire des richesses naturelles d'avoir les outils
nécessaires, avec les experts nécessaires pour faire une
contrepartie aux spécialistes de l'Hydro-Québec ou aux
administrateurs de l'Hydro-Québec.
Nous devrons accepter ce projet de loi. Ce sont les commentaires que je
voulais faire. Nous constatons qu'il s'agit d'une augmentation de taxes
indirecte, puisque c'est encore l'Etat. Mais je pense bien que si
c'était justifiable, c'est la formule qui fait le moins mal aux
contribuables, puisque quand on paie l'impôt, les gens les plus riches
paient plus que les gens les plus pauvres.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. Camille Samson
M. SAMSON: M. le Président, quand j'ai entendu tantôt
l'honorable ministre des Richesses naturelles nous faire sa petite allocution
sur le bill 7 qu'il nous présente, je me disais: Si le peuple
était assis à nos sièges, il aurait dit au ministre des
Richesses naturelles: M. le ministre, vous n'êtes pas sérieux.
Il aurait dit au gouvernement: Vous n'êtes pas sérieux.
Vous voulez rire de nous autres. Car, si j'ai bien entendu le ministre des
Richesses naturelles, il a rejoint dans ses propos une déclaration faite
par le ministre des Finances à l'occasion du discours sur le budget. Il
a rejoint en ce sens une autre déclaration qui paraît dans le
journal Le Soleil en date du 29 novembre dernier, disant que le gouvernement
Bourassa donne suite à une promesse. Imaginez-vous, si c'est
drôle!
Pour une fois que le gouvernement donne suite à une promesse,
c'est justement pour ne rien donner. Et regardez. Promesse faite le 29 mars
dernier dans le discours du budget, en déposant une loi qui
réduit de $30 millions à $20 millions les droits
hydroélectriques que l'Hydro-Québec devait payer au
gouvernement.
Le ministre Raymond Garneau avait alors déclaré que, sans
cette mesure, l'Hydro-Québec aurait été contrainte
d'augmenter davantage ses tarifs. Nous voulons, avait dit le ministre,
maintenir les taux d'électricité raisonnables pour le
consommateur domiciliaire et compétitifs pour les entreprises.
Que le gouvernement veuille réduire de $30 millions à $20
millions les redevances de l'Hydro-Québec, à première vue,
cela paraît être une bonne chose, surtout quand on nous fait
reluire le fait que cette réduction de $30 millions à $20
millions empêcherait peut-être une hausse de tarifs. Cependant, M.
le Président, vous savez comme moi que cette réduction des
redevances de l'Hydro-Québec de $30 millions à $20 millions
obligera le gouvernement du Québec à aller chercher dans la poche
des contribuables cette différence de $10 millions. C'est toujours la
même chose, M. le Président. On pourrait, tour à tour,
parler sur différents projets de loi et on trouve toujours la même
philosophie chez ce gouvernement. Quand on va donner quelque chose, tout de
suite posez-vous la question: A quelle place, de quelle façon on va s'y
prendre pour retourner le chercher? Là, on va réduire les
redevances de l'Hydro-Québec. Donc, le gouvernement recevra $10 millions
de moins de l'Hydro-Québec qui, elle, évidemment, va chercher ses
revenus dans la poche du consommateur québécois. Parce qu'on
réduit de $30 millions à $20 millions, le même gouvernement
dans son budget je pense que ce n'est un secret pour personne;
c'était encore un budget déficitaire s'il a $10 millions de
moins de revenus en provenance des redevances de l'Hydro-Québec, va
aller fouiller dans la poche du même consommateur pour retourner chercher
ces $10 millions. Cela va changer quoi à toutes fins pratiques? Que je
vous paie mes taxes de la poche gauche ou que je vous les paie de la poche
droite, vous avez ce don de fouiller dans les deux poches en même
temps.
M. le Président, je dis que ce n'est pas sérieux. Le
gouvernement aurait pu trouver d'autres moyens d'éviter l'augmentation
des tarifs de l'Hydro-Québec. On se rappellera tous, M. le
Président, ce qui s'est passé au printemps dernier, quand
l'Hydro-Québec a demandé une augmentation de tarif s. Bien
entendu, ce gouvernement qui veut faire croire à la démocratie,
qui veut faire croire à la population qu'il donne de l'importance aux
députés qui sont représentants du peuple, nous a
invités à assister à une commission parlementaire. Sujet:
hausse des tarifs d'électricité. Or, on s'est retrouvé
là, M. le Président, devant une armée de fonctionnaires de
l'Hydro-Québec. Du ben bon monde, on peut pas dire le contraire. Des
gens qui sont arrivés avec des piles de livres, M. le Président,
vous auriez dû voir ça: des bibliothèques ambulantes, ces
gens-là, pour venir nous donner toutes les explications techniques
à l'effet que...! On n'avait pas besoin de ces livres-là et on
n'avait pas besoin, non plus, des transporteurs de livres pour comprendre que
la popula-
tion en a assez des hausses de tarifs, pour comprendre que c'est
déjà trop haut, pour comprendre qu'on n'en veut plus de hausses
de tarifs. On n'avait pas besoin de ça, M. le Président. Mais on
s'est retrouvé avec tout ce beau monde-là en avant de nous
autres; le ministre des Finances, le ministre des Richesses naturelles, des
conseillers plus qu'on n'en avait besoin, pour découvrir qu'on n'avait
pas besoin d'aller là du tout, que c'était décidé
d'avance. Ils avaient réglé ça d'avance, cette
affaire-là. Et, là, pour la forme, pour démontrer ou pour
tenter de démontrer à la population qu'on consultait les
députés, on a fait venir toute cette armée-là pour
nous impressionner.
On nous laissait presque entrevoir que nous autres, nous ne les
dérangions pas. Vous savez, avec l'armée de fonctionnaires, de
techniciens, de technocrates, ça paraissait tellement bien qu'ils ont
dit: Les petits députés, on va te les avoir, on va te les passer,
puis ils n'auront même pas connaissance de ça. Mais ça ne
s'est pas passé de même, M. le Président.
Là, on revient d'une autre façon, vous savez, puis on
invoque toujours le même principe, en disant: Cela va empêcher
l'augmentation des tarifs d'électricité. Vous savez, $10 millions
par année sur le budget de l'Hydro-Québec, c'est une goutte dans
le verre d'eau, mais dans son souci de nous faire adopter le bill 12, le bill 7
c'est-à dire... Je m'excuse si je me trompe de numéro; c'est
parce que c'est le cinquième cet après-midi qu'on passe. Ils
passent tellement vite, les bills, de ce temps-là que vous allez nous
permettre de nous tromper de numéro.
Mais, dans ce souci qu'a le gouvernement de nous passer ça vite,
on oublie de nous dire que, pendant le même temps, parce que le
gouvernement n'a pas osé faire des demandes au gouvernement
fédéral, on exige encore que l'Hydro-Québec aille sur les
marchés étrangers pour se procurer de l'argent à 8 1/4
p.c. d'intérêt, comme cela a été le cas lors du
dernier emprunt, comme on peut le lire dans le numéro du 5
décembre 1973 du journal A propos.
Encore une fois, remarquez bien, M. le Président, que les
nouvelles nous viennent de New York. N'oubliez pas ça, ça vient
de New York, les nouvelles; dans la province de Québec, il paraît
qu'il n'y avait pas cette nouvelle: "Un syndicat de garantie a annoncé
mardi, à New York, qu'il offrait en vente $125 millions d'obligations de
l'Hydro-Québec, à 8 1/4 p.c. d'intérêt. Or, vous
savez comme moi, que ça va coûter cher, cet emprunt, en
intérêts. Vous savez comme moi que les emprunts
répétés de l'Hydro-Québec, seulement cette
année, vont se monter à $500 millions. L'an passé,
c'était $380 millions, puis on va venir nous amuser avec un petit bill
pour épargner $10 millions, alors que tout le monde sait qu'on va
retourner les chercher dans l'autre poche, par l'autre main!
M. le Président, je pense qu'il serait important que le ministre
des Richesses naturelles nous dise que, s'il veut réellement aider la
cause de l'Hydro-Québec, il serait mieux de demander à son
premier ministre, quand il va faire un tour à Ottawa, de parler des
problèmes réels et non de nous revenir avec des promesses ou avec
la fanfare, M. le Président, pour nous annoncer des millions qui
viennent d'Ottawa, alors qu'en fin de compte, quand il est bien revenu, qu'il
est bien assis, on s'aperçoit qu'il n'a rien ramené.
Il serait mieux de demander à son premier ministre, quand il va
faire un petit tour à Ottawa, de recourir aux services de la Banque du
Canada pour financer ce domaine public par des crédits nouveaux, par des
prêts sans intérêt.
M. HARDY: Enfin, un vrai créditiste!
M. SAMSON: Et je suis à l'aise, M. le Président, pour en
parler, parce que le premier des prêts sans intérêt qui a
été fait par la Banque du Canada il y en a eu, M. le
Président dans la province de Québec a justement
été fait à l'Hydro-Québec. Justement pour une
portion, on a déjà établi le précédent. Ce
ne serait pas nouveau, M. le ministre des Richesses naturelles. Demandez donc
ça à votre ministre des Finances. Demandez donc ça au
président de l'Hydro-Québec, qui lui-même, au mois d'avril
dernier, venait déclarer devant la commission parlementaire des
Richesses naturelles que cela s'était déjà fait.
M. le Président, si ça s'est déjà fait,
ça pourrait se faire encore et vous savez combien ça
économiserait à l'Hydro-Québec. M. le ministre des
Richesses naturelles, vous êtes fort en chiffres, vous, je ne suis pas un
comptable, moi. Mais il y a une chose certaine quant aux $199,671,000 par
année que l'Hydro-Québec paie en intérêts:
Arrangez-vous donc pour trouver un moyen de financement sans
intérêt, parce que cela est du domaine public, ce n'est pas du
domaine privé. Arrangez-vous donc pour régler ce
problème-là. Quand vous aurez trouvé une solution qui est
satisfaisante à ce problème, vous allez arrêter de nous
présenter des bills en nous disant: On vous réduit cela de $10
millions et ça va empêcher une hausse des tarifs de
l'électricité.
Quand vous aurez réglé ce problème-là, vous
ne viendrez plus jouer avec nous autres comme cela; vous pourrez revenir devant
les députés pour dire: Enfin, parce qu'on a réglé
le vrai problème, parce qu'on est allé à la source, parce
qu'on est allé à la racine du mal, il n'y aura pas de hausse des
tarifs, il y aura une baisse des tarifs de l'électricité au
Québec. Vous pourriez nous dire cela. Mais non, une fois de plus nous
voyons l'inertie du gouvernement; une fois de plus nous voyons que ce
gouvernement-là ne risquera jamais de s'attaquer à la racine du
mal. Une fois de plus, il se doit d'encourager les syndicats financiers. Pour
quelles raisons? Je n'ai pas besoin de vous le dire, tout le monde le
soupçonne. Non seulement il y a eu des prêts
sans intérêt en provenance du fédéral pour
l'Hydro-Québec mais il y a eu aussi des prêts sans
intérêt pour les pays étrangers comme la Jamaïque,
comme les Indes, comme les pays d'Afrique, etc. Il y en a eu de cela et c'est
drôle que le ministre des Richesses naturelles ne se pose pas de
questions de ce côté-là.
C'est drôle que le ministre des Richesses naturelles ne se demande
pas s'il n'y aurait pas une part de ce qui est prêté aux
étrangers sans intérêt pour des périodes de 50 ans
avec dix ans de grâce. C'est drôle qu'il ne se demande pas cela.
J'ai déjà demandé en cette Chambre au premier ministre
lui-même, si on lui offrait de financer le secteur public avec des
prêts sans intérêt, s'il accepterait. Le premier ministre,
de son siège, m'a répondu: II faudrait être fou pour ne pas
accepter cela. J'ai dit: Vous avez raison, mais pourquoi vous ne l'avez pas
demandé? Ils ne l'ont pas demandé encore. Ce
gouvernement-là ne l'a jamais demandé; qu'est-ce que ça
lui coûterait au moins de le demander? Mais non, on ne demande pas cela.
On est prêt à aller jouer dans les questions techniques, on est
prêt à aller se batailler dans toutes sortes de choses, dans des
débats stériles, aller à Ottawa, par exemple, comme ce fut
le cas pour le ministre de la Justice, demander $325 millions pour la
Sûreté du Québec. Il avait bien raison de le faire mais il
est quand même revenu les mains vides. Pourquoi ne va-t-on pas à
Ottawa pour demander des choses qui peuvent être accordées au
gouvernement du Québec? Cela l'a déjà été
dans le cas de l'Hydro-Québec. Vous le demanderez au président de
l'Hydro-Québec, M. Giroux, il va vous le confirmer.
M. le Président, c'est toujours la même chose. Il y a une
autre chose que le ministre aurait probablement pu nous offrir plutôt que
d'apporter ce bill en nous disant: On va réduire les redevances de
l'Hydro-Québec de $30 millions à $20 millions et cela va
empêcher la hausse des tarifs d'électricité. Savez-vous, M.
le Président, que si le ministre des Richesses naturelles avait vu le
ministre des Finances pour lui demander d'abolir la taxe de 8 p.c. sur les
factures d'électricité, je pense que cela aurait
été quelque chose de positif.
Cela aurait été quelque chose qui aurait réellement
permis de réduire les factures d'électricité aux
consommateurs.
Mais, je ne sais pas ce qui se passe dans ce gouvernement, parce que
l'Hydro-Québec, c'est à nous, parce que
l'électricité c'est un produit québécois, et on le
taxe tant qu'on peut. Pourtant, l'huile à chauffage, les produits
importés du Vénézuéla, on ne retrouve pas ça
encore dans cette question d'huile à chauffage, puis on le retrouve dans
l'électricité qui est quand même un produit qui sert
à chauffer aussi nos consommateurs. Cela n'a pas de sens. Cela ne tient
pas debout. Qu'est-ce que le ministre des Richesses naturelles a donc
pensé? Est-ce qu'il n'y a pas, dans ce gouvernement, au moins quelqu'un
qui pense aux consomma- teurs? Est-ce qu'il n'y a pas, dans ce gouvernement,
quelqu'un qui pense que le gars qui paye les taxes ou que le gars qui paye la
facture de l'Hydro-Québec c'est le même gars qui paye les taxes au
gouvernement? Est-ce qu'il n'y a pas quelqu'un qui a pensé à
ça?
Mais non, de la poudre aux yeux pour tenter de laisser croire que le
gouvernement fait beaucoup de choses! Mais il n'a rien fait le gouvernement, il
n'a rien fait et il ne fera rien encore une fois. Qu'on réduise de $10
millions, le ministre le sait... M. le ministre, on ne vous le dira
peut-être pas à vous parce que je pense que le gouvernement vous
cache des choses. Mais il y a au moins quelqu'un qui va le savoir, de quelle
façon et où on va aller chercher ces $10 millions. Et sous
prétexte qu'ils auront réduit les redevances de
l'Hydro-Québec de $10 millions, ils iront en chercher $20 ou $30
millions ailleurs. Cela ne paraîtra pas trop trop, on répartira
ça sur l'ensemble de la population.
Mais, c'est toujours la même chose, quel que soit le bill qui nous
est présenté, quel que soit le bill, surtout, qui nous est
présenté aujourd'hui, nous retrouvons la philosophie profonde de
ce gouvernement, qui en est une de taxer. Taxe Baptiste, taxe l'autre, taxe
l'autre, taxe-les tous, donne d'une main, fais leur croire que tu leur donnes
quelque chose puis reprends-le de l'autre main! M. le Président,
Séraphin n'aurait pas mieux fait! C'est un gouvernement comme ça
que nous avons, devant nous. Et si les députés libéraux
que je vois assis à la dernière rangée avaient le loisir
de parler à leur gouvernement, s'ils se sentaient libres je sais
que le gouvernement va dire tout de suite: Ils sont libres, oui ils vont vous
dire ça, mais ne vous en faites pas, je vous passe le secret, ils vont
vous le dire tout le temps, mais ils ne vous laisseront pas parler souvent
si ces gens avaient le loisir de parler en faveur de leur population et
surtout de parler dans le sens que la population qu'ils représentent
voudrait les entendre parler, ils parleraient exactement comme moi
présentement et ils diraient au ministre des Richesses naturelles: Votre
bill, il ne vaut rien.
C'est une perte de temps. Prenez d'autres moyens. Allez à la
source et à la racine du mal et vous trouverez une solution capable
d'aider vos concitoyens québécois.
M. le Président, il ne reste que cinq minutes avant six heures,
mais je pense qu'il serait gentil que nous entendions l'honorable
député de l'Assomption, adjoint parlementaire au ministère
des Richesses naturelles, qui va sûrement confirmer ce que je viens de
vous dire.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de
l'Assomption.
M. Jean Perreault
M. PERREAULT: M. le Président, mon intervention sera
brève. C'est seulement pour
souligner l'intervention du député de Saguenay. J'ai
constaté qu'il n'a pas lu le projet de loi, se bornant à la
lecture des notes explicatives. Parce que s'il avait lu le projet de loi, il
aurait vu que le bill no 7 mentionne bien que le rapport des
vérificateurs doit accompagner le rapport annuel de la commission.
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. Ce
n'est pas à ce stade-ci que l'on va discuter des articles
eux-mêmes. Je pense qu'on est rendu à la discussion...
UNE VOIX: Cela fait mal.
M. BURNS: ... de deuxième lecture. Si le député de
l'Assomption veut entrer dans les articles, cela est une autre affaire.
M. PERREAULT: M. le Président...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): II donne une réponse à une
interrogation du député de Saguenay.
M. PERREAULT: ... c'est le député de Saguenay qui a
mentionné les articles.
M. LESSARD: Allez-y.
M. PERREAULT: Un des principes du projet de loi est d'amender et de
rendre la Loi d'Hydro-Québec conforme à la loi du champ de
pratique professionnelle des comptables agréés, d'assurer que le
rôle des vérificateurs soit limité à donner une
opinion sur les états financiers de la commission et les notes qui s'y
rattachent sans référence à la Loi d'Hydro-Québec
dans son ensemble.
Le texte de la loi actuelle se lit comme suit : "Le rapport des
vérificateurs doit accompagner le rapport annuel de la commission et il
doit indiquer si, à leur avis, ce rapport est exact et si les
opérations de la commission, au cours de l'année
écoulée, ont été conformes à la loi."
La définition du rapport annuel de la commission, apparaissant
à l'article 19 de la loi, semble indiquer que le rapport comprend plus
que les états financiers de la commission auxquels l'opinion des
vérificateurs est limitée. Il semble, d'après les articles
de la loi, que les vérificateurs de la commission sont obligés
d'examiner et de certifier le rapport annuel dans son entier, de certifier que
les opérations ont été conformes à la loi. Etant
donné que ce rapport annuel contient, évidemment, beaucoup
d'informations additionnelles aux états financiers proprement dits, les
vérificateurs se trouvent donc automatiquement mandatés pour
examiner des données qui ne sont pas du domaine de leur
compétence et de leurs responsabilités.
Les comptables agréés n'ont donc pas cette
compétence nécessaire pour analyser et justifier la nature des
actes posés quotidiennement par l'Hydro-Québec dans les domaines
de l'exploitation, gestes qui souvent n'impliquent même pas de
déboursés.
M. LESSARD: C'est exactement ce que je disais.
M. PERREAULT: M. le Président, la Loi d'Hydro-Québec date
d'un certain temps et elle portait à confusion en ce qu'elle demandait
à des professionnels de faire autre chose que ce qu'ils sont
mandatés de faire.
M. LESSARD: M. le Président, en vertu de l'article 96.
UNE VOIX: A l'ordre!
M. LESSARD: M. le Président, je n'ai jamais dit que la loi
n'obligeait pas, à un moment donné...
M. PERREAULT: ... au ministre.
M. LESSARD: J'ai dit exactement ce que disait le député
aspirant ministre. Je comprends pourquoi on l'enlève, ce ne sont pas des
experts, mais comment voulez-vous que nous autres, qui ne sommes pas des
experts, puissions vérifier? Mais la partie principale de mon discours,
si le député l'avait écouté, concernait l'objectif
fondamental du projet de loi, qui est de verser $10 millions pour
empêcher une augmentation plus substantielle des tarifs de
l'électricité.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre des Richesses naturelles.
M. Gilles Massé
M. MASSE: M. le Président, deux mots avant de suspendre le
débat. Quant à la dernière demande d'augmentation des taux
d'électricité de l'Hydro-Québec, je pense qu'on a eu
l'occasion, au cours de la réunion de la commission parlementaire, au
printemps, de discuter les points qu'avait soulevés le
député de Saguenay. D'autre part, l'ensemble de la documentation,
comme mentionné, était évidemment à partir des
chiffres ou données que l'Hydro-Québec devait fournir, en termes
comptables. Mais, depuis la formation d'un comité, qu'on a appelé
le comité du programme de développement, c'est l'intention du
ministère des Richesses naturelles de tenter de raffiner les
mécanismes de surveillance ou de confirmation des données de
l'Hydro-Québec.
Je dois dire, dans un dernier mot, M. le Président, qu'on est
porté à croire que ce sont les mêmes qui paient. Je pense
que la diminution de $10 millions sur l'augmentation des tarifs de
l'Hydro-Québec, ce ne sont pas les mêmes personnes.
La distribution des paiements est différente si un taux X
à partir du kWh est appliqué à l'ensemble des
consommateurs riches, moins riches ou pauvres, que si les $10 millions sont
laissés à l'Hydro-Québec par le gouvernement. Cela
représente une répartition différente, à mon avis,
pour ceux qui ont à payer ces augmentations.
Ce sont les seules précisions; on aura l'occasion d'y revenir
lors de la commission plénière.
M. LEVESQUE: Ou en commission élue.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que la deuxième lecture de
ce bill est adoptée?
M. SAMSON: Dissension.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La deuxième lecture de ce bill est
adoptée, avec dissension ou abstention...
M. SAMSON: Abstention, comme vous voulez.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): ... abstention du député de
Rouyn-Noranda.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi.
Second reading of this bill.
Projet de loi déféré à la
commission
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi
soit maintenant déféré à la commission
parlementaire des richesses naturelles, qui se réunira au Salon rouge,
à vingt heures quinze minutes, ce soir.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. BURNS: Tout en l'adoptant, est-ce que je n'avais pas compris que ce
projet de loi demeurerait devant la commission plénière? Est-ce
que le leader a changé d'opinion depuis cet après-midi? J'avais
compris que l'on gardait ce projet de loi, ici, en commission
plénière.
M. LEVESQUE: La seule raison est que je croyais que ce projet de loi
serait adopté vers cinq heures et il a été adopté
à six heures. Je n'ai pas d'objection à le garder ici, mais pour
plus tard, parce qu'à huit heures nous allons entreprendre
l'étude du projet de loi relatif aux tribunaux judiciaires. Nous
pourrions, pendant que les gens de l'Hydro-Québec sont ici,
l'étudier en commission élue.
M. BURNS: Je n'ai pas d'objection. M. LEVESQUE: D'accord.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La Chambre suspend ses travaux
jusqu'à vingt heures quinze minutes.
(Suspension de la séance à 18 h 4)
Reprise de la séance à 20 h 19
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs!
M. LEVESQUE: M. le Président, il y aura sanction de lois chez le
lieutenant-gouverneur, à 20 h 30. Article 4).
Projet de loi no 8 Deuxième lecture
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre de la Justice propose la
deuxième lecture de la Loi modifiant de nouveau la loi des tribunaux
judiciaires.
M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur
de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande
fortement, instamment et rapidement l'étude en Chambre.
M. le Président, au moment d'aborder l'étude de ce projet
de loi 8, je dois dire à la Chambre que je n'ai pas l'intention de
parler très longuement. En effet, M. le Président, on se
rappellera que, lors de la dernière session, j'avais
présenté à l'Assemblée nationale, ici, le
même projet de loi qui portait à ce moment-là le
numéro 85. Ce projet de loi 85, malgré l'opposition de nos
honorables amis d'en face, avait passé l'étape de la
deuxième lecture au moment où la session fut ajournée et
nous étions, à ce moment-là, en commission
plénière.
Maintenant, M. le Président, vous qui êtes avocat et
je suis content que ce soit vous qui occupiez ce soir le siège
présidentiel vous aurez sans doute remarqué que le parti
qui s'est opposé la dernière fois à ce projet de loi a
subi une défaite humiliante sur le plan électoral. C'est la
raison pour laquelle...
M. MORIN: Pas de politique.
M. CHOQUETTE: ... voyant, M. le Président...
M. MORIN: Pas de politique.
M. CHOQUETTE: ... c'est la raison pour laquelle...
UNE VOIX: Nous sommes ici pour en faire de la politique.
M. CHOQUETTE: C'est la raison pour laquelle aussi...
M. VEILLEUX: Coquet constitutionnel. M. CHOQUETTE: ... aussi, M. le
Président,
je faisais allusion, il y a quelques instants, au fait que vous
êtes un membre du Barreau, et je me réjouissais de vous voir au
fauteuil ce soir, parce qu'il me semble non pas que le président de
l'Assemblée nationale n'est pas capable d'apprécier toute la
justesse de la position gouvernementale à présenter ce projet de
loi mais que, vous, vous êtes capable de l'apprécier encore plus
étant donné que vous êtes en contact fréquent avec
les membres de la magistrature, que vous savez la nature de leur travail et les
exigences de leurs fonctions.
Mais aussi, M. le Président, vous me permettrez de vous dire que
je me réjouis d'avoir devant nous, comme chef de l'Opposition, un
juriste également, M. le Président, qui a remplacé un
médecin, parce que le Dr Camille Laurin, si estimable soit-il, et je ne
veux en rien diminuer ses qualités comme psychiatre, ne me semble pas
tout à fait celui qui pouvait apprécier les
nécessités de l'adoption de ce projet de loi.
M. MORIN: Au contraire, il était objectif, il n'avait pas partie
liée.
M. CHOQUETTE: Oh! mais le député de Sauvé, M. le
Président, personne ne l'accusera d'avoir partie liée avec la
magistrature...
M. MORIN: Non.
M. CHOQUETTE: ... parce que tout le monde sait qu'il a fait une
carrière dans l'enseignement universitaire. Et c'est la raison pour
laquelle, je crois, personne ne mettra en doute son objectivité à
abonder avec le gouvernement dans l'adoption de ce projet de loi. Et de plus,
j'ajouterais ceci, j'ai remarqué que le député de
Maisonneuve, depuis quelques jours, se promène avec un habit bleu
très conservateur, qu'il semble s'être donné une nouvelle
image empreinte de dignité qui fait contraste un peu avec l'attitude
quelque peu désinvolte qu'il a eue durant les derniers mois. Je me dis,
est-ce que ceci manifesterait, du côté du député de
Maisonneuve également, une propension à rendre justice à
la magistrature, même si on considère dans certains milieux
qu'elle fait partie de l'establishment?
M. le Président, je ne voudrais pas...
UNE VOIX: L'esta quoi?
M. CHOQUETTE: ... faire exclusivement des propos badins ou humoristiques
sur ce projet de loi...
M. MORIN: Ah! parce que vous étiez humoristique?
M. CHOQUETTE: Je cherchais à l'être. UNE VOIX: II parle
toujours...
M. CHOQUETTE: Je vais tenter de résumer brièvement
l'argumentation que j'ai déjà présentée à
l'appui de ce projet de loi. Résumons la situation. Au mois de
décembre 1969, le gouvernement précédent avait fait voter
une loi qui avait accordé aux juges de nos cours Provinciales une
augmentation de traitement et qui avait fixé ces traitements à la
somme de $28,000 par année.
M. MORIN: Vous continuez de faire de l'humour.
UNE VOIX: Vous ne notez pas la différence des genres
littéraires?
M. CHOQUETTE: Or, il y a quand même plusieurs années que
les traitements de nos magistrats n'ont pas été augmentés
puisque depuis cette date leur traitement est resté à cette somme
de $28,000. Par ailleurs, depuis cette époque, tous les fonctionnaires
du gouvernement, que ce soit des fonctionnaires à des niveaux
supérieurs ou des membres de la fonction publique qui occupent des
fonctions subalternes, ont bénéficié d'augmentations
substantielles qui s'élèvent à des pourcentages, pour
certains d'entre eux, assez importants lorsque l'on examine les pourcentages
qui ont été accordés annuellement.
Or, en proposant, comme le gouvernement le fait, d'augmenter le
traitement des juges à la somme de $31,000 en une première
étape, c'est-à-dire à compter du 1er juillet 1972 et
à $33,000 en une deuxième étape, c'est-à-dire au
1er juillet 1973, si je répartis cette augmentation sur une
période d'environ cinq ans car on peut vraisemblablement penser
que l'augmentation que nous consentons aujourd'hui aux magistrats est pour une
période de cinq ans car une augmentation ultérieure n'est pas
prévisible d'ici quelque temps je dis que l'augmentation que nous
leur consentons de $1,000 par année représente environ 4 p.c. du
traitement de $28,000, ce qui est moins que ce qu'ont obtenu tous les
fonctionnaires du gouvernement, ce qui est moins que ce qui a été
consenti dans tous les secteurs publics et parapublics par le gouvernement soit
à l'occasion de négociations, soit à la suite de
l'adoption de décrets.
C'est donc, à mon sens, rendre un devoir de justice aux juges que
de leur accorder cette augmentation de traitement.
Et, toute autre attitude, à mon sens, n'est pas justifiable et
sent hélas! trop la démagogie car, il faut bien l'admettre, les
juges n'ont pas de groupes de pression. Les juges ne peuvent aller sur la place
publique et faire valoir leur cause. Les juges sont à la merci de
l'Assemblée nationale, aujourd'hui, dans l'octroi d'augmentation de
traitements. Et, pourtant, ils sont comme tout le monde, ils ont des
obligations familiales. Ils ont un train de vie à maintenir. Ils ont un
certain standard de vie à poursuivre et ils
doivent, en toute circonstance, maintenir une attitude empreinte de
sérénité et de dignité. Je crois que, si nous
voulons avoir une magistrature qui possède cette
sérénité et cette dignité, qui soit une
magistrature que l'on respecte et qui attire des candidats par le recrutement
que le ministre de la Justice pourra faire, l'on doit lui donner un traitement
conforme à ses responsabilités, conforme à son statut
social, conforme à ses obligations. Je puis vous dire qu'il n'est pas
facile d'attirer à la magistrature les meilleurs candidats avec le
traitement de $28,000 que je suis en mesure d'offrir, à l'heure
actuelle.
Vous êtes au courant que les avocats gagnent, surtout les
excellents avocats, très bien leur vie dans l'état actuel des
choses. Comment intéresser ces avocats à venir sur le banc et
à devenir magistrat, si on n'est pas en mesure de leur offrir un
traitement intéressant et avantageux?
Par conséquent, il n'est pas suffisant, contrairement à ce
qui se passe dans certains milieux, de critiquer la magistrature, de
réclamer la nomination de meilleurs juges, d'invoquer le grand principe
qu'il faut dépolitiser la nomination des juges. Encore, faut-il poser
les gestes concrets pour arriver à ces résultats. Le premier
geste concret que le gouvernement a à poser pour obtenir un recrutement
des meilleurs candidats pour la magistrature, c'est d'être en mesure
d'offrir au moins des traitements convenables à ceux que nous voulons
intéresser.
M. le Président, si on devait comparer le traitement que le
gouvernement suggère de donner aux juges aux traitements qui sont
offerts aux juges de la cour Supérieure, je crois qu'à ce moment
on pourrait facilement justifier l'augmentation suggérée. En
effet, les juges de la cour Supérieure ont, actuellement, un traitement
de $38,000 et ceci, depuis quelques années.
Nous, nous demandons à l'Assemblée nationale d'accorder un
traitement de $33,000, c'est-à-dire $5,000 de moins que les juges de la
cour Supérieure.
Dans certains milieux, on a, à certaines époques,
réclamé la parité entre les juges des cours Provinciales
et les juges de la cour Supérieure. A l'analyse, M. le Président,
il nous a semblé qu'il fallait, quand même, faire la part des
choses et la différence entre les juges de la cour Supérieure et
les juges des cours Provinciales. Mais ceci n'était pas une raison pour
maintenir la différence de $10,000 qui existe entre ces deux
catégories de juges à l'heure actuelle.
Si je me reporte à la différence de salaire qui existe
entre les juges de la cour Supérieure et les juges de nos cours
Provinciales depuis quelque 15 ou 20 ans, je constate qu'il y a une constante,
qu'il y a une différence qui s'est établie historiquement entre
les traitements des juges de la cour Supérieure et des juges des cours
Provinciales. Cette différence est justement de $5,000,
c'est-à-dire le résultat que nous obtiendrons une fois que
l'Assemblée nationale aura voté ce projet de loi. Car, si je me
reporte en arrière, à des périodes aussi reculées
que 1958, 1960, 1962, 1965, à l'époque où les juges de la
cour Supérieure gagnaient $18,000, $20,000, $22,000 et, plus tard,
$28,000, eh bien, le chef de l'Opposition remarquera que toujours les juges de
la cour Provinciale ont été à $5,000, à peu
près, derrière les juges de la cour Supérieure,
excepté en 1969 quand le gouvernement précédent, le
gouvernement de l'Union Nationale, avait établi la parité avec
les juges de la cour Supérieure. Mais cette parité s'est
établie purement temporairement, puisqu'elle a été
modifiée par le Parlement fédéral, sur les instances de la
commission Beaupré, si je me rappelle bien. Sur les
représentations de cette commission impartiale qui avait
été chargée d'examiner la question du traitement des juges
fédéraux, le gouvernement fédéral, peu de temps
après 1969, date à laquelle l'ancien gouvernement accordait
l'augmentation de traitement des juges de la cour Provinciale, haussait, dans
une première étape, le traitement des juges de la cour
Supérieure à $35,000 et, dans une deuxième étape,
à la somme de $38,000, qui est actuellement le traitement des juges de
la cour Supérieure.
Je conclus donc, M. le Président, pour dire que l'augmentation
suggérée par le gouvernement, dans l'état actuel des
choses, est tout à fait raisonnable et se justifie par comparaison avec
les traitements des juges de la cour Supérieure.
Maintenant, M. le Président, j'ai pris la peine de demander
conseil à l'extérieur, à un corps pour qui j'ai le plus
grand respect, c'est-à-dire le Conseil consultatif de la justice. En
effet, en vertu de la Loi du Conseil consultatif de la justice, loi que j'ai eu
l'honneur de faire adopter par cette Assemblée, le Conseil consultatif
de la justice est composé, pour moitié, de personnes qui
appartiennent aux disciplines du droit et, pour une autre moitié, de
personnes qui appartiennent à divers autres groupes sociaux.
Le conseil consultatif comporte dans son sein des professeurs
d'université. Justement, il est présidé par l'ancien doyen
de la faculté de droit, M. Maxwell Cohen. Il comprend des avocats, le
bâtonnier, Jean Moisan, par exemple. Il comprend des notaires, il
comprend, en fait, des juristes, à l'exception de juges, qui sont
extrêmement représentatifs du milieu juridique.
Mais, d'autre part, le conseil consultatif comprend des personnes qui
nous viennent des organismes socio-économiques, dont les syndicats. Il y
a, au Conseil consultatif de la justice, trois syndicalistes: M. Jacques
Brûlé, président de la Fédération des
services publics, M. Guy Marcil, président de la
Fédération des policiers municipaux du Québec...
M. CHARRON: Fraternité.
M. CHOQUETTE: ... et président de la
Fraternité des policiers de Montréal, et Me Dumas, qui
appartenait au contentieux de la CSN jusqu'à ce qu'il quitte ce
contentieux pour se consacrer à la pratique privée du droit, tout
en continuant de représenter, comme client principal, la
Confédération des syndicats nationaux.
Le Conseil consultatif de la justice, M. le Président, m'a
donné un avis à l'effet qu'il approuve entièrement les
salaires proposés par le gouvernement dans ce projet de loi. Ceci
comprend les personnalités que j'ai énumérées tout
à l'heure qui sont d'avis qu'il faut, si nous voulons avoir une
magistrature de qualité et de qualibre élevé, être
en mesure d'offrir des salaires adéquats.
Je dis donc que je me sens tout à fait confiant de proposer une
excellente mesure à la Chambre, lorsque je suis appuyé par un
avis émanant d'un organisme aussi sérieux et représentatif
que le Conseil consultatif de la justice. Et surtout d'un organisme aussi
varié dans sa composition, qui représente, à mon sens, des
groupes sociaux ayant une opinion valable à exprimer sur un sujet comme
celui-ci.
Mais je dirai quand même que j'aurais aimé pouvoir apporter
à la Chambre une solution à long terme au problème du
traitement des juges.
M. CHARRON: Le ministre de la Justice me permet-il une question...
M. CHOQUETTE: Sans doute.
M. CHARRON: ... sur la dernière partie de son intervention?
Est-ce qu'il serait prêt à déposer l'avis du Conseil
consultatif de la justice? Et peut-il nous dire si, même s'il a
été favorable à la hausse de traitement des juges, l'avis
a été unanime?
Dernière question, le ministre accepterait-il de corriger
comme nous le lui avions demandé le 6 juillet 1973 l'affirmation
qu'il vient malheureusement de répéter à l'effet que M.
Jacques Brûlé est président de la Fédération
des services publics de la FTQ? H est président du Syndicat de la
fonction publique, ce qui est bien différent à l'intérieur
de la FTQ.
M. CHOQUETTE: Je corrige avec plaisir, à l'invitation du
député de Saint-Jacques, le titre de M. Jacques
Brûlé. Quant à l'avis du conseil consultatif, je n'ai
aucune objection à le communiquer à nos honorables amis d'en
face.
Je ne vois pas pourquoi je le déposerais sur le parquet de
l'Assemblée. Je ne crois pas que ce soit vraiment nécessaire,
mais j'en donnerai communication à nos amis avec plaisir.
M. CHARRON: Savez-vous si c'était unanime?
M. CHOQUETTE: D'après ce que j'ai compris, il n'y avait aucune
divergence d'opinion sur cette prise de position. Par conséquent, on
peut dire que c'est un avis unanime. J'aurais aimé comme je le
disais tout à l'heure avant d'être interpellé par le
député de Saint-Jacques être en mesure d'apporter
à la Chambre une solution à long terme à ce
problème du traitement des juges.
Mais ce n'est pas un sujet qui est si facile à régler que
cela. Il serait difficile de concevoir dans notre système parlementaire
quel autre organisme, sinon l'Assemblée nationale, pourrait fixer le
traitement des juges.
Même si l'on voulait, d'une certaine façon,
dépolitiser la discussion du traitement des juges et qu'on pense
à prime abord pouvoir confier cette responsabilité à
d'autres, lorsque l'on analyse cette solution, on en arrive à la
conclusion, M. le Président, qu'il est assez difficile pour le
Parlement, pour les élus du peuple, pour ceux qui siègent comme
législateurs de se départir de cette responsabilité de
fixer le traitement et les conditions de travail de ceux qui sont les
représentants de l'Etat mais dans la fonction judiciaire. Alors ce
défi, M. le Président, je n'ai pas réussi à le
surmonter; je n'ai pas réussi à trouver d'autre solution que
d'amener une loi devant cette Chambre.
Maintenant, je ne dis pas que nous ne pourrions pas
ultérieurement proposer des techniques pour déterminer le
traitement des juges qui pourraient donner plus satisfaction que la formule
habituelle qui est d'apporter une loi périodiquement à
l'Assemblée nationale pour hausser le traitement des juges, soit par
mode d'indexation, soit par consultation d'un organisme extérieur qui
serait institué spécifiquement et mandaté
spécialement pour donner un avis périodiquement au gouvernement
sur les hausses de traitement des juges.
Mais ces solutions, que je n'écarte pas, M. le Président,
nous en faisons actuellement l'étude justement dans le contexte de ce
livre blanc sur l'administration de la justice au Québec que nous sommes
en voie de préparer au ministère de la Justice, avec la
collaboration du Barreau, avec la collaboration d'un certain nombre de juges,
avec la collaboration du Conseil consultatif de la justice. Ce livre blanc
portera assurément sur bien d'autres sujets que le traitement des juges;
ça ne sera pas, sans aucun doute, la préoccupation principale de
cette expression de la politique gouvernementale. Au contraire, le livre blanc
abordera tous les aspects de l'administration de la justice civile et
pénale ici au Québec. Mais entre autres, nous aborderons les
questions qui concernent la nomination des juges, nous aborderons les questions
qui concernent la discipline au sein de la magistrature, nous aborderons les
questions qui concernent le traitement et le statut des juges. Et
j'espère que dans ce livre je serai en mesure de proposer une solution
qui permettra de proposer un mécanisme ayant une valeur permanente pour
la détermination du traitement des juges.
M. le Président, je conclus donc mes observations en disant qu'on
peut regarder cette question du traitement des juges sous plusieurs angles: que
ce soit sous celui des comparaisons avec d'autres cours, que ce soit sous
l'aspect de l'augmentation du coût de la vie depuis leur dernière
augmentation en 1969, que ce soit celui d'une consultation avec
l'extérieur et en l'occurrence ce fut le Conseil consultatif de
la justice ou que ce soit, M. le Président, cette
impérieuse nécessité pour le législateur de donner
à ceux qui rendent la justice un traitement qui fasse que ces
gens-là administrent la justice sans inquiétude et sans
tentations du côté financier.
Il me semble que c'est là un aspect qui ne devrait pas
échapper à nos honorables amis d'en face: c'est qu'il faut mettre
les juges en large partie au-dessus des tentations qui pourraient leur
être tendues par des circonstances si on abaissait leur standard de vie
au point de les rendre vulnérables. Si on veut en même temps
assurer un recrutement de qualité, il faut savoir reconnaître
à la fonction judiciaire son importance et reconnaître à
ceux qui exercent cette fonction judiciaire le droit à un traitement
normal, à un traitement qui leur permet d'administrer une justice qui
soit sereine, qui soit élevée et qui donne aux citoyens du
Québec la confiance qu'ils doivent avoir dans leur magistrature. Alors,
M. le Président, c'est tout ce que j'avais à dire pour l'adoption
de ce projet de loi en deuxième lecture.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le chef de l'Opposition.
M. Jacques-Yvan Morin
M. MORIN: Nul doute, M. le Président, que la fonction judiciaire
soit l'une des plus importantes, des plus éminentes dans une
société, et dans la société
québécoise comme dans les autres. Société qui est
en transition, une société qui demeure traditionaliste et qui
fait aux juges une place très traditionnelle encore, et pourtant une
société en voie de transition dans laquelle apparaissent
désormais des problèmes nouveaux, des problèmes auxquels
les juges du siècle dernier ou ceux encore d'il y a 20 ans ne se
heurtaient guère. La fonction du juge, à ce moment-là,
consistait avant tout à interpréter des codes et non pas comme
aujourd'hui à tenir compte, comme on le fait dans une justice
éclairée, dans une justice moderne, de circonstances qui
entourent l'affaire sub judice.
Aujourd'hui, les problèmes qui intéressent la justice font
souvent appel à des connaissances d'ordre sociologique, voire d'ordre
économique, et la fonction judiciaire, le rôle du juge se trouvent
transformés d'autant. Le juge occupe une place éminente dans
notre société, c'est certain, et il a droit à une
rémunération appropriée, comme d'autres personnes remplis-
sant des fonctions non moins importantes dans notre société.
On ne peut pas cependant juger de la fonction judiciaire dans un vacuum.
On ne peut pas juger du rôle des juges en faisant abstraction du milieu
dans lequel ils vivent et sont appelés à rendre la justice.
Certes, on exige d'eux des qualités qui se font rares sans doute dans
notre société, l'intégrité, la
sérénité, la compétence, auxquelles le ministre de
la Justice faisait allusion tout à l'heure.
Il en va de même pour un très grand nombre de fonctions
dans notre société. Je songe, bien sûr, en premier lieu,
aux hommes politiques et aux fonctionnaires qui doivent également faire
preuve d'intégrité, de compétence. Chaque profession,
qu'il s'agisse des médecins, des juristes, des avocats, doit faire
preuve de compétence et d'intégrité. C'est une exigence,
d'ailleurs, de plus en plus répandue au fur et à mesure que notre
société se structure de manière de plus en plus complexe,
qu'elle fait appel à des compétences de plus en plus
poussées dans tous les domaines.
Donc, on ne peut pas traiter du cas des juges, qui nous est soumis ce
soir dans ce projet de loi, et en particulier de ce problème très
spécifique de la rémunération des juges comme si
c'était une chose à part. Ce doit être
considéré dans le contexte des autres professions, dans le
contexte des autres fonctions sociales non moins importantes. Cela doit
être considéré, je crois, avec une certaine rigueur, comme
on le fait lorsqu'on aborde les questions de rémunération de ces
autres fonctions non moins importantes.
La question, donc, ne se pose pas seule. Vouloir n'aborder que la
question du traitement me paraît insuffisant. En tout cas, M. le
Président, c'est insuffisant du point de vue de ceux qui croient que la
justice au Québec n'est pas toujours administrée de façon
idéale. A ce sujet, le besoin de réforme est si bien senti chez
nous que le ministre lui-même s'est senti obligé, au début
de son premier mandat, d'y répondre en annonçant une
révision complète de la Loi des tribunaux judiciaires. En juin
1971 je n'étais pas dans cette Chambre, mais j'ai pu lire les
extraits des Débats lors du débat sur le Conseil
consultatif de la justice, le ministre de la Justice affirmait qu'il
était des plus favorables à l'instauration d'un conseil
supérieur de la magistrature et que cela viendrait plus tôt que ne
pouvait le penser le député de Maisonneuve qui, à ce
moment-là, lui avait posé la question. Nous attendons toujours ce
conseil supérieur de la magistrature, soit dit en passant, même si
nous sommes maintenant dotés d'un Conseil consultatif de la justice.
Le ministre avait laissé entendre que ce conseil supérieur
de la magistrature était sur le point d'être formé et,
pourtant, la situation n'a pas changé depuis ce moment. Puisque le
ministre, en abordant la question des salaires des juges, s'est montré
disposé à aborder en fait d'autres questions, la question plus
vaste des
moyens d'améliorer l'administration de la justice; puisque le
ministre nous a annoncé, il y a un instant à peine, un livre
blanc nous savions qu'il était en voie de rédaction, mais
il nous apprend que ce livre blanc va porter sur l'ensemble de l'administration
de la justice qu'il nous permette d'accoler à sa proposition
portant sur la rémunération des juges d'autres suggestions qui
poursuivent le même objectif.
Il ne suffit pas, pour améliorer la qualité de la justice
au Québec, d'augmenter les traitements des juges. Il faut, à
notre avis, un ensemble de mesures. Le traitement des juges n'est
peut-être pas la plus importante de ces mesures, surtout à la
lumière des faits que mes collègues apporteront au débat,
tout à l'heure.
Qu'on me permette donc de traiter de l'une des grandes questions
à l'intérieur desquelles le ministre a, à au moins deux
reprises, lui-même, situé la question antérieurement:
comment maintenir l'administration de la justice a un haut niveau au
Québec, ou comment la hisser à ce haut niveau. Je me permets
quelques suggestions qui, j'espère, seront reçues par le ministre
comme étant constructives.
La première est celle-ci: Que l'on distingue les juges des
tribunaux administratifs ou les présidents puisque c'est souvent
le cas, les présidents sont des juristes, non pas les membres des
tribunaux administratifs, mais souvent les présidents que l'on
distingue, donc, entre les membres des tribunaux administratifs et les juges de
la cour Provinciale. Il s'agit là d'une proposition que nous avons
déjà faite au ministre, à plusieurs reprises. D'ailleurs,
nous n'avons, dans ce domaine, aucun mérite puisque le ministre a pu
prendre connaissance, en 1971, du rapport Dussault sur les tribunaux
administratifs au Québec. Je me permets de citer un extrait de ce
rapport, portant sur la nomination des présidents et des membres des
tribunaux administratifs. Ce ne sera pas bien long, mais...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je ne veux pas arrêter le chef de
l'Opposition, mais je ne puis vous permettre d'aller plus loin que le salaire
des juges, le bill parle du salaire des juges. Le ministre de la justice a
parlé de son livre blanc en passant, mais pas en détail. Ce n'est
pas la question de la nomination des juges, des qualités des juges ou
des tribunaux administratifs. C'est seulement des salaires des juges que le
bill parle, pas d'autres choses.
M. MORIN: Je sais mais, j'estime, M. le Président, que nous ne
pouvons pas nous prononcer sur cette question des salaires des juges hors du
contexte, c'est ce que j'ai tenté de dire depuis le début de mon
intervention.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je suis d'accord, je suis prêt
à vous permettre de discuter un peu de ce qui a trait aux juges, mais
faire une critique de toute l'administration de la justice, c'est une autre
affaire.
M. MORIN: Non, non, je ne veux pas critiquer toute l'administration de
la justice. La place des juges dans l'administration de la justice ne couvrant
pas tout le domaine, n'est-ce pas? J'allais citer au ministre des extraits
quand même assez courts. D'ailleurs, M. le Président, je pourrais
attirer votre attention sur les débats antérieurs sur la
question, que j'ai eu l'occasion de lire et où le ministre
lui-même, de même que tous les membres de l'Opposition ont fait '
valoir tous leurs points de vue sur l'ensemble, tout ce qui touche à la
position du juge dans la société et à la fonction des
juges ou encore à la fonction de président de tribunal
administratif.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Oui, mais si vous regardez l'ancien bill
85, le premier paragraphe, qui a déjà été
retranché à la commission, parlait de l'augmentation du nombre
des juges, il y avait la question de la nécessité des juges;
c'était un des principes du bill. Il y avait deux principes, dans
l'ancien bill, le nombre des juges, la nomination des juges et le salaire. Dans
ce bill-ci, il est question seulement de rémunération, c'est
différent.
M. MORIN: Justement, M. le Président. Mais si par la suite je
voulais prendre la position qu'on doit faire une distinction dans la
rémunération entre les juges de compétence
générale et les membres de tribunaux administratifs...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Cela, oui.
M. MORIN: Ah bon! Alors, ce n'était pas la peine de
m'interrompre, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je ne vous interromps pas...
M. MORIN: Je m'excuse.
M. le Président, je veux bien m'excuser, mais je vous avoue que
je ne saisissais pas très bien pourquoi vous m'aviez interrompu.
Maintenant que je me suis expliqué, je pense que vous m'autorisez
à procéder, n'est-ce pas?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Sur ce champ-là, oui.
M. MORIN: Merci beaucoup. Nous croyons donc, dit le rapport Dussault,
"que les présidents et les membres de tribunaux administratifs retenus
devraient être nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil, sur
la recommandation d'un conseil des tribunaux administratifs", un conseil qui
s'ajouterait, si je ne m'abuse, à cet autre conseil dont le ministre
nous avait plus ou moins promis la formation l'année dernière, le
conseil supérieur de la magistrature.
Le document continue: "Devant l'hérédité lourdement
chargée de certains organismes ad-
ministratifs je pense que le ministre de la Justice sait de quoi
il s'agit il importe de veiller à ce que seules des personnes
compétentes et au-dessus de tout soupçon de partisanerie soient
nommées à ces tribunaux administratifs. Par suite du
caractère particulier des litiges administratifs, il n'est pas
indispensable que toutes les personnes choisies aient reçu une formation
juridique". Vous voyez le lien que cela peut avoir avec le salaire et la
rémunération. "L'on ne devrait pas hésiter à nommer
des fonctionnaires, des spécialistes non juristes et des
diplômés en administration publique". "Cependant, le
président de chaque tribunal devrait être un juriste familier avec
les problèmes d'administration publique... En mettant ainsi l'accent sur
la compétence et la spécialisation, il est certain que le
régime de consultation prévu pour la nomination des membres de
certains organismes administratifs devra être reconsidéré
et, dans la mesure du possible, aboli puisqu'il serait remplacé par la
recommandation d'un organisme impartial, le conseil des tribunaux
administratifs".
Je suis bien convaincu que le ministre de la Justice connaît
déjà ce chapitre du rapport Dussault. Il n'y a aucune raison, en
effet, d'assimiler les juges de la cour Provinciale et les membres des
tribunaux administratifs, si ce n'est un système qui a convenu dans le
passé aux divers gouvernements qui se sont succédé sur les
banquettes d'en face et qui leur évitait de définir un statut des
tribunaux administratifs et des juges administratifs. Sans compter qu'on
évite de la sorte d'établir des distinctions entre la charge de
travail des uns et des autres, les conditions de travail, les
responsabilités qui reposent sur les épaules des juges de la cour
Provinciale et sur les membres des divers organismes quasi judiciaires qu'on
trouve au Québec.
Nous réclamons donc, et nous en faisons la suggestion au ministre
de la Justice, des organismes qui soient véritablement d'ordre
administratif. La création, pour tout dire, d'une véritable
justice administrative, quasi judiciaire mais non pas confondue avec le
judiciaire, comme elle l'est à l'heure actuelle.
Nous n'aurons pas, à mon avis c'est peut-être une
idée que je retourne dans ma tête depuis l'époque où
j'étudiais le droit administratif, sous la férule du même
professeur que le ministre de la Justice et que vous-même, M. le
Président de véritable droit administratif, sans des
tribunaux administratifs hautement spécialisés, au Québec.
Je suis d'avis que nous n'arriverons pas à créer une structure de
droit administratif, une structure de fonctionnaires qui aboutisse, par
exemple, à la création d'un conseil d'Etat, sans une certaine
condition. Un homme aussi éminent que M. Gérald Le Dain, doyen,
aujourd'hui, qui était, je crois, votre confrère de classe, M. le
Président, et qui est maintenant le président de la commission
sur les narcotiques, comme on le sait, faisait valoir qu'il fallait, pour
sortir des méandres du système très complexe dans lequel
sont imbriqués les tribunaux administratifs et la justice de
compétence générale, créer un véritable
contentieux administratif distinct au Québec, à la manière
des pays du continent européen.
Mais nous n'y arriverons pas, je pense que nous en sommes tous
conscients ici, sans la création d'un système administratif
distinct, avec des nominations, évidemment, qui ne portent pas
l'hérédité dont parle le rapport Dussault, cette lourde
hérédité à laquelle le ministre a quelque peu
contribué encore ces derniers temps, oui, disons-le. Nous n'allons pas
entrer dans les personnalités, M. le Président.
UNE VOIX: ... de se rendre là.
UNE VOIX: C'est une belle nomination !
M. MORIN: Allons, allons, trêve de plaisanteries!
M. le Président, on confie...
UNE VOIX: Résumons, résumons!
M. MORIN: ... à ces juges la régie, la présidence,
souvent, d'organismes administratifs qui demandent, évidemment, une
connaissance du droit, mais qui ne demandent pas nécessairement les
connaissances spécifiques que doivent posséder les juges de
compétence générale.
On les nomme juge parce qu'on veut leur assurer une certaine
sécurité. Dans un projet de loi qui a été soumis il
y a quelques jours à peine, c'était un peu le cas. Il me semble
qu'on voulait nommer quelqu'un à un tribunal administratif et il fallait
qu'il soit auparavant nommé juge d'une cour, je crois que c'était
la cour des Sessions de la paix. Est-ce que je me trompe, M. le ministre?
M. CHOQUETTE: C'était un juge de la cour des Sessions de la paix
qui était devenu juge de la cour Provinciale.
M. MORIN: Que vous voulez amener...
M. CHOQUETTE: II se disait: Si je quitte le tribunal des expropriations,
je voudrais bien retourner aux Sessions de la paix.
M. MORIN: Bon, alors je me rends compte que cet exemple n'était
pas le meilleur que je puisse donner. D'accord.
M. CHOQUETTE: Mais on comprend.
M. MORIN: Puis-je continuer, M. le Président? Merci. Je
l'apprécie énormément.
Donc, on veut leur assurer une certaine sécurité d'emploi
ou, comme cela se fait encore à l'occasion, mais loin de moi
l'idée d'insinuer que le ministre de la Justice eût pu faire cela
au cours des dernières années, caser des amis, des
gens dont on ne sait plus trop que faire et qui encombraient les
banquettes de l'Assemblée nationale.
UNE VOIX: Bon!
M. MORIN: C'est une réalité à laquelle, je pense,
il faut faire allusion. Je ne pense pas qu'on doive se cacher ces choses
ici.
D'ailleurs, je ne suis pas le seul à dénoncer cette
habitude que l'on a prise de confier à des juges la présidence de
la plupart des organismes administratifs au Québec. Le Barreau
lui-même s'est élevé contre cette pratique, n'est-il pas
vrai? Il faut bien comprendre que cette coutume a des conséquences pour
le projet de loi que nous étudions actuellement.
UNE VOIX: Vous allez prendre tout le temps qu'il faut.
M. MORIN: Oui, bien sûr. En effet, en vertu de ce projet de loi,
on conférerait à des juges qui ne sont pas véritablement
des juges, mais qui sont plutôt des administrateurs, des avantages qui
sont prévus pour ceux qui sont effectivement des membres de la
profession juridictionnelle.
Est-ce que M. le Président me suit?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Vous êtes rendu là.
M. MORIN: Merci. Là aussi, je crois qu'avant de penser à
un mode définitif de rémunération des juges, il y aurait
un certain ménage non, c'est trop méchant un
réaménagement, disons, ou une certaine rationalisation, si vous
préférez, à effectuer dans les rangs des tribunaux
administratifs.
Et ce n'est, dans notre perspective, que lorsque l'ordre aura
été remis dans toute cette question que l'on pourra vraiment
étudier avec toute la pertinence qui sied à ce débat le
traitement définitif des juges. C'est une première suggestion.
J'en ai une seconde, et puis même une troisième. Que mes
honorables collègues de l'Assemblée prennent patience; j'ai
encore quelques points à développer et ils me paraissent
importants.
M. VEILLEUX: On n'est pas pressés.
M. MORIN: Une seconde suggestion, toujours pour améliorer la
qualité de l'administration de la justice, porte sur l'instauration d'un
mécanisme de nomination des juges, tant pour les juges administratifs
ceux que j'appelle juges administratifs, bien sûr, mais qui n'en
sont pas quelquefois que pour les trois catégories de juges que
l'on trouve actuellement dans la Loi des tribunaux judiciaires.
Il n'y a aucune raison pour différer encore longtemps
l'implantation de ce qu'on appelle le "merit system" au Québec. Cela se
fait dans presque tous les Etats américains aujourd'hui. Cela commence
à s'implanter dans d'autres provinces canadiennes. Je mentionnerais, par
exemple, que l'expérience américaine est déjà trop
vieille pour qu'on puisse encore dire qu'elle n'est pas probante et qu'il faut
redouter certains effets secondaires cachés.
Bien sûr, le ministre pourra faire état des consultations
qu'il mène chaque fois qu'il fait une nomination. Je sais qu'il en fait.
Il pourra donner le nombre de magistrats qualifiés qui ont
accédé au banc ces dernières années. Et il y en a,
je le reconnais volontiers.
Mais nous réclamons tout de même et nous le
réclamons déjà depuis deux ou trois ans une
procédure étanche qui s'applique à toutes les nominations
et qui soit institutionnalisée, et non pas, malgré la
consultation dont le ministre fait état, un système qui
finalement demeure discrétionnaire.
Que la nomination des juges et ça touche aussi à la
question de la rémunération, M. le Président; vous verrez
qu'après un cheminement j'y viendrai à nouveau soit
enlevée dans toute la mesure du possible à l'appareil politique
proprement dit et qu'on charge de cette fonction soit un conseil de la
magistrature dont le ministre semblait intéressé à
favoriser la création soit encore le Conseil consultatif de la
justice qui existe déjà.
Pourquoi le ministre ne créerait-il pas un mécanisme qui
ferait que ces nominations seraient soumises à ce conseil consultatif?
J'espère que le ministre pourra me donner là-dessus quelques
éclaircissements plus tard.
Ce conseil consultatif, par exemple, qui existe déjà,
établirait des listes de candidats à même lesquelles le
ministre de la Justice serait, par exemple, obligé de choisir les juges
qui conviennent à l'état présent de notre
société, avec les connaissances qu'il faut pour affronter les
divers problèmes qu'un juge qualifié doit affronter
aujourd'hui.
On ne peut donc pas parler de rémunération des juges sans
se référer à ce plan général de
l'organisation de la justice. Vous voyez M. le Président, que j'y suis
venu une fois de plus. Si nous sommes obligés de nommer tant de juges
aujourd'hui l'un de mes collègues montrera la proportion de juges
par rapport à la population au Québec; je crois que le ministre
connaît déjà ces chiffres, ils ont été
cités dans un débat précédent, mais nous avons des
chiffres encore plus récents à lui soumettre c'est
peut-être en grande partie parce qu'on n'a pas réglé ces
problèmes sous-jacents, ces problèmes qui sous-tendent
l'administration de la justice et qui nous amènent souvent à des
excès.
M. le Président, une troisième suggestion consiste en la
formation des juges et, dans certains cas, leur recyclage. La magistrature
requiert des habiletés différentes de la pratique du droit. Un
avocat, lorsqu'il accède au banc, n'a jamais rendu la justice avant,
enfin en principe. Il n'a pas rédigé de jugement. Au
contraire, il a presque une déformation professionnelle qui est
celle de représenter son client, de faire valoir tous les points en
faveur de son client, même s'il sait quelquefois que son client est loin
d'être une vierge offensée, que son client quelquefois n'est
peut-être pas aussi exempt de blâme qu'il le plaide. C'est une
déformation professionnelle et nous la connaissons bien, tous ceux
d'entre nous qui ont pratiqué le droit.
M. CHOQUETTE: II ne faut surtout pas y céder quand on est chef de
l'Opposition.
M. MORIN: II ne faut pas quoi?
M. CHOQUETTE: II ne faut pas y céder quand on est chef de
l'Opposition.
M. MORIN: Céder à quoi?
M. CHOQUETTE: Céder à cette déformation de
défendre des vierges plus ou moins offensées.
M. MORIN: Je vais tenter, en tout cas, M. le Président, de
défendre ceux qui vont payer ces salaires aussi bien, avec autant de
talent que le ministre de la Justice défendait tout à l'heure ses
administrés, les juges.
Donc, pourquoi ne pas aider les juges ou les apprentis juges à
acquérir ces qualités d'impartialité et aussi ces
techniques bien spéciales qui font un bon juge et qui font qu'un bon
avocat ne fait pas nécessairement un bon juge? M. le Président,
nous savons tous cela. Combien de fois n'avons-nous pas plaidé devant
des personnes qui étaient d'excellents avocats et qui comme juges
étaient vraiment... c'était vraiment la fin de tout quelquefois.
Je pense que tous les avocats ont fait cette expérience.
M. le Président, il serait possible d'organiser dans de
très brefs délais, je crois, des séminaires comme ceux
dont profitent les juges américains, quitte à organiser ces cours
adressés aux juges déjà en exercice sur une base
permanente par la suite. On pourrait aussi créer une école de la
magistrature. Pourquoi est-ce qu'on ne le ferait pas? Je sais d'ailleurs
qu'à l'heure actuelle il y a des juristes, il y a des juges, il y a des
avocats, et je connais même des doyens qui s'intéressent à
la création d'une école de la magistrature. Cela fait des
années que nous en parlons et jamais ça n'aboutit.
Peut-être que le ministre de la Justice pourra tout à l'heure me
dire où en est cette question. Je crois qu'elle est pertinente au
débat.
Qu'on prenne garde surtout de nous dire que l'exemple français
n'est pas probant dans ce domaine. Ce n'est pas à l'exemple
français que je songe; peut-être pourrait-on un jour venir au
modèle français qui est la création d'une véritable
école de magistrature pour les jeunes juristes. Vous savez qu'en France
on ne peut devenir magistrat sans avoir parcouru le chemin qui est tracé
pour cette carrière de magistrat, laquelle est tout à fait
distincte de la carrière d'avocat. Il est peut-être un peu
tôt au Québec pour songer à une formule qui n'est pas tout
à fait dans nos moeurs, mais à laquelle il faudra peut-être
venir un jour avec l'évolution de notre société.
Qu'on nous dise plutôt en quoi l'administration de la justice ne
serait pas améliorée par l'ouverture d'une telle école au
Québec, qui serait destinée non seulement aux futurs magistrats,
aux apprentis ou aspirants magistrats, mais également aux magistrats qui
ont besoin d'être recyclés. Le ministre de la Justice a
certainement plaidé devant des magistrats qui avaient rudement besoin
d'être recyclés à l'occasion.
M. CHOQUETTE: Je ne peux pas m'en plaindre, je gagnais toujours mes
causes.
M. MORIN: Ce n'est pas une preuve que c'étaient de bons
magistrats, M. le Président.
M. HARDY: II y a une présomption juris tan turn.
M. MORIN: Je suis prêt à admettre une présomption
juris tantum.
Eh bien, je continue, M. le Président. Cette école serait
accessible aux magistrats qui sont déjà sur le banc, de
même qu'aux aspirants. Ainsi plutôt que de nommer un avocat
directement sur le banc, on lui ferait profiter d'un stage dans cette
école de magistrature où il apprendrait à maîtriser
son nouveau rôle, ses nouvelles fonctions, fonctions non plus de
plaidoirie mais d'analyse, d'instruction aux jurés, de rédaction
de jugements, de fixation des dommages-intérêts, de
détermination des sentences.
Ce sont là des fonctions très délicates et combien
de fois n'avons-nous pas vu des cas où elles étaient mal
exercées, non pas par mauvaise volonté, mais peut-être par
manque d'un entraînement technique qui pourrait fort bien être
donné dans ces écoles de magistrature. Et en plus de mieux
préparer les juges ce programme aurait des avantages indirects. On
pourrait par exemple arriver à une plus grande uniformité de
jurisprudence, une plus grande uniformité dans les jugements, une plus
grande uniformité dans les sentences aussi.
Le ministre de la Justice sait comme moi combien est grave ce
problème des disparités dans les sentences d'une région
à l'autre et même quelquefois dans un même district
judiciaire. De nombreux députés ont parlé de cette
suggestion dans le passé. Je ne suis pas le premier. Je pense qu'un
consensus est en train de s'établir dans les facultés, dans le
Barreau même, sur la nécessité de ces écoles. De
plus en plus on se rend compte que la fonction de juge devient une
carrière spécifique, distincte de la carrière d'avocat,
différente en tout cas de la carrière d'avocat.
Bien sûr il y aura toujours des chevauchements
considérables entre les deux professions, mais il y a toute la
différence du monde entre l'activité d'un plaideur, comme je le
disais tout à l'heure, entre l'activité d'un conseiller juridique
et l'activité d'un juge. On se rend compte désormais de plus en
plus qu'un juge, en plus de posséder la formation juridique, doit
posséder certaines autres compétences qui font défaut de
manière quelque fois pénible à certains juges devant
lesquels nous sommes appelés à plaider. Il faudrait que les juges
par exemple dans ces écoles de magistrature puissent peut-être
suivre des cours de sociologie, voire une introduction à certains
aspects du droit qu'ils ne connaissent pas, comme la protection des
consommateurs par exemple.
H y a un tas de nouvelles lois que les avocats ne connaissent pas, parce
que ça n'entre pas dans le champ de leur pratique. Ils arrivent sur le
banc et ils doivent en quelque sorte se recycler "sur le tas", que le ministre
me pardonne l'expression. J'estime pour ma part qu'on pourrait très bien
organiser dans les écoles de magistrature une sorte de recyclage pour
que le juge devienne un personnage plus polyvalent. Je parle du vrai juge,
celui qui va être de compétence générale.
Donc, dans mon esprit, M. le Président, cela conduit tôt ou
tard à l'identification de la profession des juges comme une profession
distincte, spécifique, différente de celle de toute autre
professionnel. Ceci nous conduira à former des juges en tant que tels.
Même si la plupart des étudiants peuvent être des avocats
dans un premier temps, je suis sûr qu'on en arrivera à un stade
où ceux qui se présenteront à cette école de la
magistrature seront semblables aux candidats qui arrivent aux facultés
de médecine, aux facultés de droit ou à quelque autre
faculté ou école que ce soit. C'était une troisième
suggestion; peut-être une dernière avant de venir à mes
conclusions.
M. le Président puis-je vous demander combien de temps il me
reste?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Vingt-cinq minutes.
M. MORIN: C'est magnifique! Une quatrième suggestion, ce sera la
dernière, mais peut-être pas la moindre. Cela consiste en
l'instauration d'un régime disciplinaire pour les juges. J'espère
que je n'ai pas prononcé là un sacrilège, M. le
Président.
C'est le ministre lui-même qui a soulevé, le premier, la
question, si je ne me trompe, en commission parlementaire, en affirmant ce qui
suit: "II y a toutes sortes de mesures que les juges en chef devraient
être capables de prendre pour essayer de faire en sorte que les juges
donnent leur plein rendement." En fait, ce n'est pas toujours au juge en chef
à agir. Il n'est pas toujours dans la meilleure position pour faire
cela. C'est, à mon sens, le ministre qui devrait, dans certains cas,
agir pour améliorer l'administration de la justice et l'administration
des tribunaux en particulier. C'est lui qui peut remédier le mieux, dans
certaines circonstances, à la situation qu'il
dénonçait.
Est-ce que, par exemple, le ministre a songé qu'il existe
peut-être de meilleures solutions que l'accroissement des pouvoirs du
juge en chef pour assurer une certaine surveillance sur les individus qui
assument le pouvoir judiciaire? L'indépendance du pouvoir judiciaire ne
signifie pas que les juges échappent au contrôle qui frappe
n'importe quel titulaire d'une charge publique. Tout le monde sait, par
exemple, que les juges des cours Supérieures, les juges
fédéraux, sont nommés "quamdiu se bene gesserint", tant
qu'ils ont un comportement idoine. Le ministre connaît bien cette
formule.
Donc, le juge, comme n'importe quel fonctionnaire, comme n'importe quel
agent de l'Etat parce que le juge est un agent de l'Etat parmi d'autres
agents de l'Etat le juge est sujet à un pouvoir disciplinaire. M.
le Président, n'ayez de crainte, je viendrai à l'aspect de la
rémunération, comme je l'ai fait dans les autres cas, tout
à l'heure.
Cela m'amène à parler du fameux "California Plan" dont le
ministre connaît certainement l'existence et qui assure une
réponse hautement satisfaisante aux besoins que nous ressentons aussi
vivement ici au Québec que dans les nombreux Etats américains qui
ont repris ce système depuis quinze ans. Ce plan est administré
par une commission tripartite qui comprend je prends celle de la
Californie, par exemple cinq juges élus, et ils sont élus
par leurs pairs. Il y a également deux avocats nommés par le
Barreau et, enfin, deux personnes, deux représentants du public, enfin,
soi-disant représentants du public qui sont nommés par le
gouvernement. Il faudrait analyser de plus près ce mode de nomination
des représentants du public; j'ai l'impression que tout n'est pas pour
le mieux dans ce fameux "California Plan". Souvent, ce sont des
représentants du gouvernement qu'on voit arriver à cette
commission plutôt que de véritables représentants du
peuple.
Cette commission reçoit les plaintes qui sont, à
l'occasion, logées contre les juges. Elle fait enquête, elle peut
communiquer avec le juge, le magistrat impliqué. Et toute cette partie
du processus d'enquête, qui peut aboutir à des sanctions, y
compris des sanctions d'ordre salarial, M. le Président puisqu'il
faut que je me tienne au salaire toute cette enquête se termine
par un rapport au plus haut tribunal de l'Etat et celui-ci présente une
recommandation de censure, de suspension ou encore de mise à la retraite
prématurée, laquelle a des conséquences sur le plan
salarial, bien entendu. Il lui appartient, à ce moment-là, de
statuer de manière définitive sur la recommandation qui lui a
été faite.
Je ne sais pas si le ministre connaît ce
California Plan, mais il a fait sa preuve dans plusieurs Etats
américains et je crois qu'on pourrait s'en inspirer ici au
Québec. En tout cas, c'est une suggestion qu'il pourrait peut-être
transmettre à ces personnes qui rédigent le livre blanc;
peut-être en sont-elles déjà saisies, d'ailleurs. Ce
mécanisme a l'avantage de laisser le régime disciplinaire,
applicable aux juges, à l'intérieur du pouvoir judiciaire
puisque, comme vous l'avez remarqué, il y a une majorité de juges
à cette commission tripartite. Les plaintes peuvent avoir cinq
fondements: mauvaise conduite, insatisfaction chronique des devoirs du poste,
intempérance, conduite préjudiciable à l'administration de
la justice ou encore incapacité permanente ou prolongée.
La commission de neuf personnes est aidée dans son travail
d'appréciation des plaintes par des définitions qui lui sont
fournies dans un code de déontologie. Cela m'amène à un
point dont nous avons déjà parlé dans cette Chambre, non
pas votre modeste serviteur, mais mes prédécesseurs et je crois,
notamment, le Dr Camille Laurin, pour lequel le ministre disait tout à
l'heure toute l'estime qu'il avait. L'ancien député de Bourget
avait souligné l'importance d'avoir un code de déontologie pour
les juges. A ma connaissance, ils n'en ont pas encore et ils sont bien la seule
profession à n'en pas avoir.
M..CHOQUETTE: Les journalistes et les policiers n'en ont pas.
M. MORIN: Si, ils ont quand même...
M. CHOQUETTE: Les journalistes n'en ont pas et les policiers n'en ont
pas encore.
M. MORIN: Ce n'est pas un code officiel, dans le cas des policiers, sans
doute avez-vous raison.
UNE VOIX: Et les grands chefs syndicaux. M. CHOQUETTE: Mais je pense
que...
M. BURNS: II y a un code de discipline pour les policiers.
M. MORIN: M. le ministre, la différence...
M. CHOQUETTE: Un code de discipline à l'intérieur de leur
corps, mais il n'y a pas de code d'éthique ou un code de
déontologie qui est applicable à tous les corps policiers.
M. BURNS: Bien, l'équivalent pour les policiers c'est leur code
de discipline.
M. MORIN: Quant aux journalistes, je vous ferai observer...
M. CHOQUETTE: II n'y en a pas partout. M. MORIN: Je vous ferai observer
que ce n'est pas une profession fermée, les journalistes, ce n'est pas
une profession fermée. Donc la comparaison est un peu bancale.
M. CHOQUETTE: Enfin, bancale... M. MORIN: Bien, j'ai l'impression. UNE
VOIX: La comparaison est...? M. CHOQUETTE: Bancale. UNE VOIX: Qu'est-ce que
vous avez dit?
M. MORIN: Mais, M. le ministre, voulez-vous dire par là que vous
seriez d'avis qu'un tel code ne serait pas utile pour la magistrature?
M. CHOQUETTE: Non, je n'ai pas dit ça, mais je dis qu'il y a
beaucoup de professions ici au Québec qui n'en ont pas.
Malheureusement.
M. MORIN: En tout cas, la plupart en ont. M. CHOQUETTE: Non, non.
M. MORIN: Et sûrement que les professions connexes, comme par
exemple la profession d'avocat...
UNE VOIX: Est-ce que les professeurs d'université en ont?
M. MORIN: ... ont leur code de déontologie. Si
l'indépendance du pouvoir judiciaire doit être assurée,
elle le sera d'autant plus que les individus dépositaires de ce pouvoir
seront astreints à des règles écrites, à des
règles sanctionnées.
Enfin, une dernière suggestion, M. le Président, pour
améliorer l'administration de la justice consiste dans l'accroissement
de l'autonomie administrative des divers tribunaux. Nous nous accordons
là-dessus avec le juge en chef, le juge André Fabien. Le ministre
nous a dit, à la dernière session, je crois, ou était-ce
à l'une des sessions antérieures, à quel point il
était odieux pour les juges de venir négocier et quémander
des hausses de traitement. Ce dont les juges se sont plaints également,
n'est-il pas vrai, c'est la dépendance complète et quotidienne
dans laquelle ils sont face au ministère de la Justice pour leurs
besoins en personnel, pour leurs besoins en locaux, en équipement,
etc.
M. CHOQUETTE: Ils se plaignent surtout du ministère des Travaux
publics et de la Fonction publique, mais pas du ministère de la
Justice.
M. MORIN: II appartient tout de même dans une certaine mesure
à votre ministère de définir des normes. Cela
relève aussi de l'administration de la justice.
M. CHOQUETTE: Ecoutez, au point de vue des travaux publics, nous
dépendons tous du
ministère des Travaux publics; au point de vue de la fonction
publique, on dépend de ce ministère pour nos fonctionnaires.
M. MORIN: Le personnel et l'équipement sténographique, les
machines à écrire, ce n'est pas le ministère des Travaux
publics.
M. CHOQUETTE: C'est le bureau des achats, je crois, qui...
M. MORIN: D'accord, est-ce que ce n'est pas sur recommandation de votre
ministère?
M. CHOQUETTE: Non, même pas.
M. MORIN: Alors qui s'occupe de ces aspects matériels de la vie
des juges, vous ne savez pas?
M. CHOQUETTE: C'est notre administration.
M. MORIN: Enfin...
M. CHOQUETTE: C'est notre administration qui fait des recommandations.
Je pense que vous avez raison.
M. MORIN: J'ai fait un certain nombre de suggestions et je crois que le
ministre semble disposé en tout cas à en débattre,
à les prendre en considération. Je voulais simplement dire, en
terminant, que la question de la rémunération des juges n'est pas
une question qu'on peut considérer dans l'abstrait, en dehors de toutes
ces réformes. Si le ministre vient nous dire qu'il faut améliorer
l'administration de la justice en augmentant les salaires, je regrette, ce
n'est qu'un aspect de la réalité, ce n'est qu'un aspect de la
réforme et nous attendons de voir ce qu'il a à dire sur le reste
de la réforme.
Merci, M. le Président.
UNE VOIX: Bravo!
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Louis-Hébert.
M. Gaston Desjardins
M. DESJARDINS: M. le Président, puisque je pratique le droit de
façon très active et très intense dans la région de
Québec depuis quatorze ans, je pense qu'il est un peu de mon devoir de
prendre part à la discussion sur ce projet de loi et de dire ce que je
pense tant de la magistrature en général que de l'augmentation de
salaire qui a été proposée.
Je pense que je peux dire que j'ai connu les juges dans leurs fonctions
dans des causes de toute nature, qu'il s'agisse de matière criminelle,
de matière civile et devant toutes les juridictions, ayant agi tant en
défense, en matière criminelle, que comme procureur de la
couronne, à certains moments pour le gouvernement fédéral
et, comme La Presse a aimé me le dire très souvent durant la
dernière campagne électorale, comme procureur de la Gendarmerie
Royale du Canada, en particulier dans le domaine des stupéfiants et de
la fausse monnaie. J'ai plaidé devant toutes les juridictions, des deux
bords, en défense et en demande, et dernièrement surtout en
demande, en ayant, contrairement au ministre de la Justice, perdu quelques
causes, parce que je ne les ai pas toutes gagnées. Plaidant beaucoup,
évidemment, on doit en perdre parce qu'on est obligé, à
certains moments, de prendre des causes à la demande du client et en
acceptant des risques, mais des risques calculés. Or, souvent on se
trompe dans ses calculs et la cause est rejetée.
Je suis donc, vu cette expérience vraiment active parce que je
suis considéré comme un plaideur devant les tribunaux, en mesure
d'affirmer devant cette Assemblée que nous sommes, au Québec,
particulièrement dans l'Est du Québec, devant toutes les
juridictions, en présence d'une excellente magistrature. Je crois et je
soumets à cette Assemblée que nous avons des juges
compétents. Nous avons des juges, j'ouvre une parenthèse parce
que c'est une qualité que l'honorable chef de l'Opposition a
oubliée, bienveillants, c'est-à-dire des juges humains. Je pense
qu'un juge doit posséder un sens très profond de l'être
humain. Il doit être lui-même très humain, se pencher sur
des problèmes humains et traiter l'individu qui est devant lui comme on
doit traiter un être humain. Il doit être un homme bienveillant et
il doit être un homme indulgent pour les défauts et les erreurs de
l'être humain.
C'est pour cela que j'estime que notre mode actuel de nomination des
juges est excellent. Parce que nous nommons des juges qui ont eu une pratique
très active dans le domaine juridique, dans le domaine judiciaire. Et
nous nommons, à certains moments, des juges qui ont eu une très
grande activité politique. Je pense qu'un juge peut quand même
être humain sans connaître des activités comme celles que je
viens d'énumérer. Mais je pense que le fait d'avoir
côtoyé dans des procès des témoins, des clients, des
justiciables, le fait d'avoir côtoyé en politique l'homme de la
rue, d'avoir pris ce que j'appelle des bains de foule est un peu une garantie
que le juge, l'homme en question, pourrait peut-être être plus
humain que celui qui n'a connu, n'est-ce pas, que la froideur administrative
d'une école théorique de magistrature.
Je ne veux pas dire ici que j'exclus totalement les suggestions de
l'honorable chef de l'Opposition officielle. En fait, il y en a deux qui ont
retenu mon attention. La première est celle que je pourrais qualifier
d'une sorte d'apprentissage. L'avocat pourrait aller un peu en apprentissage
pour monter ensuite sur le banc à cause de la complexité de nos
lois et du développement technologique moderne.
La deuxième que j'ai retenue, c'est celle qui implique les
mesures disciplinaires. Cependant, je fais remarquer à l'honorable chef
de l'Opposition officielle que cette mesure était déjà
inscrite au dernier programme électoral du Parti libéral, sous le
titre de la justice. Il semble bien, à ce moment-là, que c'est le
désir du gouvernement d'instaurer ou d'accorder certains pouvoirs aux
juges en chef des tribunaux et, peut-être, d'y ajouter un organisme
quelconque. Enfin, le ministre de la Justice annoncera sa politique, mais, au
moins, le principe était déjà annoncé.
M. le Président, j'ai déjà parlé de la
compétence, de la bienveillance. Le ministre de la Justice et
l'honorable chef de l'Opposition officielle ont parlé de
l'intégrité. Il est vrai que ces qualités, on les
rencontre et on doit les rencontrer dans d'autres professions. C'est exact. Par
conséquent, elles commandent peut-être, là aussi, des
salaires plus élevés puisqu'on recherche une compétence
particulière.
Mais ici, nous sommes en présence d'un cas bien spécial.
Le juge est ouvert à la critique et il n'a en sa faveur aucun
mécanisme de réplique; il n'a en sa faveur aucun mécanisme
de pression pour être défendu. Il ne lui appartient pas d'aller
sur la place publique pour se défendre. Il doit se taire et endurer
souvent des insultes de la part de certaines gens qui ont, auparavant,
défié l'autorité aux dépens, souvent, de la
santé des individus, de la santé des Québécois.
En plus d'être sujets à la critique de ces personnes en
dehors de l'administration de la justice, les juges sont sujets à la
critique de ceux-là qu'ils jugent. Je donne des exemples pour illustrer
ma pensée.
D'habitude, le juge a devant lui deux parties. Il doit,
évidemment, rendre un jugement en faveur de l'une des deux parties.
Celle-là est satisfaite, mais l'autre partie, qui a perdu son
procès, critique nécessairement le juge, puisqu'elle n'est pas
satisfaite. Donc, vous avez là au moins 50 p.c. des justiciables qui ne
sont pas satisfaits, qui sont mécontents et qui peuvent, à
certains moments, critiquer le magistrat qui a rendu la décision. Mais
il y a plus. En outre de ces gens en dehors de l'administration, de la
décision du juge, de ces deux parties dont l'une vient de perdre son
procès, il y a les deux parties dont l'une vient de perdre son
procès, mais dont l'autre, le demandeur, disons, vient de le perdre par
faute contributoire.
Prenons le cas d'un accident d'automobile, alors que le juge condamne le
défendeur à payer un montant, mais qu'il tient, en même
temps, le demandeur sur une faute contributoire responsable d'un tiers de la
responsabilité. Il s'avère donc que le défendeur n'est pas
content du jugement, que le demandeur n'est pas content du jugement non plus et
vous avez là, devant le juge, 100 p.c. des justiciables qui ne sont pas
satisfaits de lui et qui peuvent, à un moment donné, critiquer
son jugement même sur la place publique.
Vous avez aussi d'autres personnes qui jettent le blâme sur les
juges qui rendent des jugements. Je les appelle des avocats. Vous avez,
à certains moments, des avocats qui perdent une cause alors qu'ils ont
donné une opinion favorable à leur client. Lorsqu'ils ont un
jugement défavorable, ils ne se gênent pas pour blâmer
ouvertement le magistrat qui a rendu la décision. Peut-être pas
souvent, mais à certains moments, c'est l'avocat même qui a commis
l'erreur et, devant son client, afin d'éviter de perdre la face, il
blâme le magistrat.
Heureusement, ce que je dis là, ce sont d'infimes exceptions,
mais cela s'est déjà produit. Je pense qu'au contraire nous
devrions tenter d'amener le respect de la magistrature parce que, lorsqu'un
juge rend des jugements, il doit recevoir ce respect afin de conserver sa
dignité.
Il est exact qu'aujourd'hui un juge doit se spécialiser de plus
en plus. Il doit devenir, à certains moments, un psychologue et il doit
user de diplomatie, même, entre les parties.
Il doit présenter des qualités de chef tant pour
régler les problèmes à l'intérieur même de sa
cour que lorsqu'il est appelé à devenir juge en chef. Il doit
posséder des qualités d'administrateur également. Avec les
changements technologiques dont je parlais tantôt, il doit se
spécialiser, et c'est là que je rejoins un peu l'honorable chef
de l'Opposition officielle sur la question d'un genre d'apprentissage avant de
permettre que l'avocat monte sur le banc.
Nous devons discuter et nous devons voter sur une augmentation de
salaire. Elle est justifiée pour toutes les raisons que je viens de
mentionner, parce que ce sont là des qualités bien
particulières qui doivent toutes être rencontrées chez un
seul homme. Mais il y a sussi l'augmentation du volume de travail des juges.
Nous devons réaliser que, chaque fois que l'Assemblée nationale
vote une loi, nous augmentons de ce fait les matières contentieuses
possibles, par conséquent les procès possibles, ce qui augmente
d'autant le travail des juges, ce qui augmente d'autant les
délibérés et les jugements.
Je n'en donne comme exemple que la Loi des petites créances. Je
pense qu'il est de commune renommée maintenant que la Loi des petites
créances a augmenté le travail des juges. Alors, les juges
possèdent très peu de temps pour rendre des jugements et pour
délibérer. Ils doivent délibérer en soirée
et, souvent, pendant les fins de semaine afin d'agir avec la plus grande
diligence.
Ils doivent devenir, ai-je dit, des spécialistes. Us doivent se
spécialiser dans les vices de la construction, et souvent c'est
très complexe. Ils doivent entendre des témoignages d'experts,
mais ce sont eux qui doivent trancher les débats.
Ils doivent se spécialiser dans le coût de la vie pour
trancher les questions de pension alimentaire. Ds doivent régler des
conflits ouvriers. Ils doivent se spécialiser même dans le domaine
de la balistique en matière d'armes à feu. Ils doivent avoir des
connaissances en matière criminelle de façon
générale. Mais il y a bien pis ou bien plus difficile: ils
doivent rendre des sentences.
Le fardeau le plus lourd d'un juge, c'est de rendre une sentence,
surtout lorsque cette sentence prive un individu de sa liberté. Et je
sais par expérience qu'un juge est profondément
préoccupé par la sentence qu'il doit rendre. Il doit donc,
à ce moment, vivre sous une certaine tension. Même après
l'avoir rendue, il n'est peut-être pas encore certain et il vit encore
sous une certaine tension.
Je pense que, même si le procureur de la couronne est là
pour déposer devant le juge des faits pertinents à une sentence,
c'est le juge qui doit trancher le débat. Je répète que je
sais par expérience que c'est un fardeau très lourd, que
ça provoque chez eux une très grande tension, puisqu'à ce
moment ils doivent considérer toutes les circonstances aggravantes et
toutes les circonstances favorables à l'accusé afin
d'éviter une erreur quelconque.
Alors, je pense qu'en raison de ces spécialités, de ces
exigences que nous, les contribuables et les justiciables, sommes les premiers
à exiger, qu'en raison du fait qu'un juge doit conserver une
dignité non seulement en public, mais également dans sa vie
privée, nous n'avons pas le droit de le forcer à poser des
barrières et à dire: Maintenant que je suis juge, je dois
diminuer ceci ou cela. Je pense que nous devons lui donner l'occasion de vivre
convenablement comme il le faisait auparavant. Je pense que nous devons lui
donner l'occasion de suivre au moins une partie de la hausse du coût de
la vie en accordant cette hausse qui sera approximativement de l'ordre de 4
p.c., tel que mentionné par l'honorable juge, par l'honorable pas
juge encore, mais bientôt ministre de la Justice. Merci.
M. MORIN: Doit-on vous féliciter?
M. CHOQUETTE: Je note que mon adjoint parlementaire est pressé
que j'accède à la magistrature.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Lafontaine.
M. DESJARDINS: M. le Président, une question de
privilège.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Louis-Hébert sur une question de privilège.
M. DESJARDINS: M. le Président, je soulève une question de
privilège ici vu les remarques de mon ministre.
M.MORIN: Vous allez vous embourber davantage, il vaut mieux laisser
faire.
M. DESJARDINS: Je regrette... M. MORIN: Laissez faire.
M. DESJARDINS: Je regrette, le fait d'être nommé un jour
ministre de la Justice n'a même jamais effleuré mon esprit. J'ai
été élu député, point. Et puis, le lendemain
de l'élection, des journalistes ont couru après moi pour tenter
de me faire dire que j'aspirais au ministère de la Justice mais je les
ai évités et j'ai même évité de me rendre au
palais de justice le lendemain.
M. MORIN: Pourtant, c'est une aspiration légitime !
M. DESJARDINS: Tout ce que j'ai à dire, M. le Président,
je conclus là-dessus, c'est que, dans le moment, j'essaie d'être
un bon député, un bon adjoint parlementaire et j'aimerais bien
conserver notre bon ministre de la Justice.
M. LESSARD: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une
question au député? Est-ce que ça voudrait dire que le
député n'aurait aucune ambition?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Lafontaine.
M. DESJARDINS: Je n'ai pas à révéler mes ambitions
à l'honorable député de Saguenay.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
L'honorable député de Lafontaine.
M. LESSARD: Des ambitions cachées.
M. Marcel Léger
M. LEGER: M. le Président, lorsqu'on a présenté ce
projet de loi, je n'avais pas participé au débat, je ne suis pas
un avocat, je ne suis pas un spécialiste. Je vais essayer quand
même de donner mon point de vue parce que les juges doivent juger tous
les types de citoyens, et chaque citoyen a son point de vue sur le
fonctionnement et l'administration de la justice.
M. le Président, le ministre nous a parlé tantôt de
plusieurs raisons pour lesquelles on devrait augmenter le salaire des juges. Il
a soulevé, entre autres, l'argument de pressions possibles, de dangers,
de manque d'éthique professionnelle si on ne paie pas un salaire
dépassant les $28,000 payés actuellement. M. le Président,
ce premier argument m'a frappé. Est-ce que ça veut dire que les
députés qui gagnent moins que $28,000 seraient sujets à
des pressions chez eux? Est-ce que ça veut dire que tout bon
fonctionnaire, tout maire de munici-
palité, toute personne qui ne gagne pas $28,000 serait
tentée de succomber à des tentations, et que le chiffre de
$28,000 est devenu magique et que toute personne qui gagne moins de $28,000
doit maintenant être obligée de se défendre contre les
tentations qu'on mettra sur son passage?
M. le Président, je pense que cet argument n'est pas justifiable.
Un juge doit être en place, il doit accepter sa fonction parce que,
justement, il a compris le rôle qu'il doit jouer dans la
société et le respect qu'on lui doit. Aujourd'hui, on en est
rendu qu'il faut mettre un prix aux choses et aux services. Aussi
délicate que puisse être cette opération,
l'appréciation du service que rendent les juges à une
société n'est pas une chose triviale ni mesquine. La justice n'a
peut-être pas de prix mais il faut quand même lui en mettre un
puisque c'est le sujet du débat présenté par ce projet de
loi. Essayons de le faire sans être radins ou faussement magnanimes
puisque nous sommes en face d'une charge publique à laquelle il faut
attacher un traitement, essayons de le faire en conciliant nos valeurs et nos
moyens et en comparant nos solutions avec les solutions des
sociétés voisines.
M. le Président, j'aimerais établir trois points pour
l'évaluation du salaire des juges sur une base particulière: soit
d'abord la détermination de critères de base, la
possibilité de la comparer à l'ensemble de la
société, la possibilité de vérifier ce niveau de
salaire d'emplois alternatifs, c'est-à-dire emplois qu'un juge aurait pu
accepter s'il n'avait pas été nommé juge, finalement
parlons peut-être du revenu moyen des professionnels avocats
québécois.
Parlons aussi possiblement des bénéfices marginaux,
parlons de la sécurité. On sait que le salaire des juges dure
jusqu'à la fin de leurs jours, il n'y a pas de problème, il y a
une pension au bout. Ils n'ont pas comme les députés à se
représenter devant un électorat et ils ont cette
sécurité d'emploi que l'avocat n'a pas, que le
député n'a pas, que les différents professionnels n'ont
pas.
Vous avez l'approche comparative avec les autres provinces ou les autres
Etats voisins et finalement vous avez le prestige social qui est accordé
quand même à un juge. Dans une société comme la
nôtre, il est important de dire: Dans notre milieu social, nous avons un
juge, nous avons un avocat, nous avons un ministre. Alors il y a tout un
prestige rattaché à la tâche.
Je pense que l'ensemble de cette situation nous amène à
nous demander: Est-ce que le salaire actuel du juge est assez
élevé? Actuellement, M. le Président, quels sont les modes
usuels pour déterminer les salaires à travers le Québec?
Vous avez la méthode arbitraire, existant pour les emplois dont on ne
connaît pas précisément les fonctions, les tâches
exercées, ou on est très peu nombreux comme individus à
prendre cette tâche, ou c'est une tâche temporaire. Je pense qu'il
y a des montants d'accordés pour des tâches où on ne peut
pas percevoir exactement le salaire et on met arbitrairement un montant.
Vous avez une évaluation des tâches. A ce moment-là
quelles sont les normes et critères? Actuellement, on propose une
augmentation de $5,000, et c'est même rétroactif; $3,000 en 1972
et $2,000 en 1973. M. le Président, actuellement, la moyenne de salaire
des juges dans l'Est du Canada spécialement ceux qui ne sont pas
nommés par le fédéral mais ceux qui sont nommés par
le provincial est inférieure à la norme qu'on propose aux
juges du Québec. La moyenne est même celle que les juges du
Québec ont actuellement. Si on la compare, M. le Président
parce que c'est difficile, ce ne sont pas les mêmes structures
judiciaires avec d'autres juges dans d'autres Etats, aux Etats-Unis, on
s'aperçoit qu'on se classerait si on me permet de vérifier
au niveau des juges par administré, avec l'augmentation, au 8e
rang parmi les 52 Etats des Etats-Unis.
Avec un coût de la vie inférieur à celui des
Etats-Unis, nous serions au 8e rang, alors que, avec le salaire actuel, on se
classerait au 19e rang des Etats au niveau des juges par administré.
Comparons les juges parce qu'ici il y a quand même une
échelle différente de la cour Provinciale qui sont dans le
domaine administratif avec les juges de la cour Provinciale qui sont
directement à la cour Provinciale. De plus, comparons ceux du Bien-Etre
social avec les juges des Etats américains ayant une "Juvenile Court" ou
bien une "Family Court".
M. le Président, il n'y a que deux Etats, le New Jersey et New
York, qui auraient un salaire supérieur à celui des juges
actuels. Si on accepte l'augmentation, il n'y aurait qu'un Etat, le New Jersey,
qui payerait soit $34,000 pour une même catégorie. Alors, devant
cet état de fait on se dit: Un juge a une sécurité
d'emploi, il a le confort, une situation sociale enviée, il est bien
payé comparativement au reste des autres provinces du Canada. Il est
à l'avant-garde même des salaires payés pour les juges dans
les différents Etats américains, alors que le coût de la
vie est supérieur. Et de plus en plus ils ont l'avantage de vouloir
réaliser une tâche qui est difficile, ingrate mais qui est
absolument essentielle dans une société.
On veut augmenter ces personnes de $5,000. Cette augmentation, sans
faire de la démagogie, c'est quand même $100 par semaine, un
salaire qu'on a de la difficulté on va l'atteindre
à obtenir pour tous ceux de la fonction publique. C'est un minimum vital
et on veut le donner d'un coup comme augmentation.
S'ils sont réellement mal payés, il faut faire un effort
mais je pense qu'actuellement, en regardant les arguments que je viens
d'exprimer, les juges ne sont pas mal payés si on prend le terme
comparatif. On est d'accord qu'il est nécessaire de donner au
Québec des juges qui soient qualifiés. C'est la raison pour
laquelle
mon collègue, tantôt, a démontré
différents aspects de la correction dans le système judiciaire,
c'est-à-dire maintenir l'administration de la justice à un haut
niveau. Finalement, pour arriver à cela, il faut se demander à
quel prix il faut les payer.
Cherchons d'abord un critère de détermination du salaire
du juge. Deux guides peuvent nous servir dans la recherche du critère.
Le premier est que le salaire de ce type de main-d'oeuvre hautement
qualifiée doit être retiré des forces du marché afin
de garantir ces employés publics contre toute pression
économique. C'est sûr qu'il faut tenir compte de cela. Le second
principe est que ces salaires doivent être alignés sur les
salaires accordés pour des emplois alternatifs. Le premier guide nous
amène vers une avenue, vers une solution où les salaires des
juges seraient déterminés à partir de la structure des
salaires de l'ensemble de la société; plus
précisément, ils seraient déterminés en multipliant
par un certain coefficient, c'est-à-dire le salaire moyen de notre
société. C'est d'ailleurs ainsi que les économistes
comparent les niveaux de salaire de la main-d'oeuvre hautement qualifiée
entre divers pays, c'est-à-dire en comparant le coefficient
utilisé.
Je laisserai à d'autres députés le soin de sortir
ces différents coefficients de comparaison avec l'ensemble de la
société. Il y a une deuxième façon, d'une plus
grande précision peut-être, pour atteindre ce but si on utilise un
second guide, à savoir le niveau de salaire alternatif. Il peut
être assez difficile de déterminer un emploi alternatif pour un
juge; il est cependant plus aisé de déterminer un tel emploi pour
un avocat qui serait appelé à monter sur le banc...
M. HARDY: Me Harper.
M. LEGER: ... si ce n'est pas descendre. Retenons deux grandes
catégories d'emploi alternatif: Le professorat du niveau universitaire
et la pratique privée du droit. Si on regarde la structure salariale des
professeurs de droit au Québec...
M. HARDY: Le chef de l'Opposition officielle.
M. LEGER: ... en 1972/73, on s'aperçoit que le plus haut salaire
versé est de $32,000 et que ce salaire s'écarte de plus de $6,000
du deuxième plus haut salaire versé, qui est de $25,500. Si on
normalise la courbe des salaires des professeurs de droit, on s'aperçoit
que l'ensemble des professeurs de droit âgés de 40 ans gagnent un
peu moins de $20,000; ceux de 45 ans, un peu moins de $22,000.
M. HARDY: M. le Président, est-ce que le député me
permet une question?
M. LEGER: Ceux de 50 ans, un peu moins de $24,000. Vous aurez l'occasion
de répondre tantôt.
M. HARDY: Juste une petite question.
M. LEGER: Je vois les pièges de l'avocat qui veut me poser des
questions dans le domaine du droit, M. le Président.
M. HARDY: Pas de question? Non, non, c'est une question bien
honnête. Je voulais vous demander tout simplement...
M. LEGER: Je suis dans le domaine des chiffres.
M. CHARRON: A l'ordre! A l'ordre!
M. LEGER: II pourra corriger mes chiffres tantôt, M. le
Président.
M. HARDY: Non, non, ce n'était pas pour corriger, c'était
une précision que je voulais.
M. LESSARD: A l'ordre!
M. CHARRON: A l'ordre!
M. LEGER: Un peu moins de $22,000.
M. HARDY: Cela va mieux comme cela.
M. LEGER: J'étais rendu aux gens de 50 ans, donc, je vous ai
dépassé. Un peu moins de $24,000. Ceux de 55 ans gagnent $25,000.
En haut de cet âge, il n'y a que deux individus dont l'un gagne $23,000
et l'autre $32,000. C'est donc dire qu'il est, du strict point de vue du
salaire, plus avantageux pour un avocat d'embrasser la carrière de juge
que le professorat.
Si l'on regarde maintenant la structure salariale des avocats de
pratique privée, l'on constate les points suivants. Le revenu
professionnel moyen des avocats québécois en 1971 est de $25,544.
Je présume que c'est le revenu déclaré. Ce revenu a connu
une hausse moyenne, durant les sept dernières années, de 5.3 p.c.
Si on extrapole le revenu total moyen d'un avocat québécois en
1973, on obtient $28,000. Il est donc permis, ces pondérations une fois
établies, de conclure que le salaire des juges est quand même
avantageux par rapport au revenu de leurs confrères qui demeurent en
pratique privée et qui n'ont pas cette sécurité d'emploi,
sinon au moment de leur nomination, du moins de plus en plus à mesure
qu'ils vieillissent. Cette conclusion se renforce si l'on considère les
bénéfices marginaux dont profitent les juges et pas les avocats.
Mentionnons au premier titre la pension des juges. Cette pension n'est pas
payée à partir d'une masse constituée des contributions
des juges. Elle est prélevée directement sur le fonds
consolidé du revenu, sans que les juges aient à contribuer. On
peut évaluer ces bénéfices marginaux en regardant ce que
les avocats
de pratique privée déclarent à titre de
déductions du revenu imposable comme contribution à des fonds de
pension. Ainsi, en 1971, ils déclaraient à ce poste un montant
moyen de $930 et on peut estimer qu'en 1973 ils verseront la somme d'environ
$1171.
Un autre bénéfice marginal important qui rend
peut-être plus attrayant le banc que la pratique est l'importance des
vacances que peut se permettre un juge ou un magistrat. Sans prétendre
que les vacances des juges ont une durée égale à celles
des vacances judiciaires, il est quand même généralement
reconnu et admis par les intéressés qu'ils profitent d'un mois et
plus de vacances par année. Il est beaucoup plus difficile
d'évaluer l'importance des vacances que prennent les avocats de pratique
privée, mais il est quand même aisé d'admettre qu'elles
n'ont pas la même importance.
Un autre bénéfice marginal important est la
sécurité qu'apporte l'élévation à la
magistrature quant aux congés de maladie. En effet, des exemples ont
été rapportés de juges qui ont été dans
l'incapacité de siéger pendant plus d'un an, qui ont même
reçu durant cette période la totalité de leur salaire et
qui n'ont été inquiétés en aucune façon. Il
s'agit là d'une sécurité difficilement évaluable,
mais qui avantage sûrement le choix du banc par rapport à la
pratique. Une autre approche déterminante est l'approche comparative
dont j'ai parlé tantôt.
En terminant, M. le Président, qu'il nous faille payer les juges
un juste prix, soit, mais nous ne sommes prêts qu'à ce juste prix.
Lors du premier débat, le ministre a voulu amener la discussion sur la
détermination d'un mécanisme permanent de fixation du salaire des
juges. Nous souhaitons ce débat, mais nous savons qu'il ne permettra pas
d'éviter la question fondamentale que nous nous posons maintenant.
Combien doit gagner un juge par rapport à l'ensemble de la
société et par rapport à ce que cette
société peut payer comme services de justice? Il s'agit là
d'une appréciation qui ne relève pas de mécanismes
permanents ou de procédures compliquées de consultation. Il
s'agit d'un choix de valeur que seule l'Assemblée nationale peut poser
et auquel nous n'entendons pas nous soustraire. Ensuite, il nous fera plaisir
de proposer un mécanisme d'indexation et, par la suite, nous pourrons
conclure que peut-être les juges ont droit à une augmentation.
Mais il faut, avant de le faire, réaliser jusqu'à quel point il y
a des couches de la société qui doivent être
augmentées, réaliser qu'on doit relever le salaire minimum, qu'on
doit faire la différence, dans une société qui se veut
progressive, entre ceux qui gagnent beaucoup et ceux qui gagnent le moins,
qu'on doit les rapprocher avant d'augmenter ceux qui, dans la couche
supérieure ont toute cette gamme de facilités, toute cette gamme
de possibilités que n'ont pas ceux d'une couche beaucoup
inférieure de la société, qui les regardent et par
lesquelles ils vont être jugées.
Je termine en disant que nous voulons que les juges ne soient pas
atteints de cette pression, mais ce n'est pas parce qu'ils ne gagnent, selon
les mots du ministre de la Justice, que $28,000 qu'ils risquent de mal juger ou
d'être partiaux, ou d'être "approchés", ou de succomber
à des tentations. Il y a tellement de gens qui ont des positions
clés dans la société et qui, eux aussi, pourraient
être "approchés" parce qu'ils n'ont pas le salaire de $28,000. Je
pense qu'il est important que les juges aient un salaire normal, mais que ce
soit fait parce qu'ils ont les qualifications.
Comme le disait tantôt mon collègue, le chef de l'aile
parlementaire du Parti québécois et de l'Opposition officielle,
les juges doivent passer par une école de la magistrature, ils doivent
passer par un recyclage et les autres juges, qui seront nommés, doivent
passer par des mécanismes différents. Les juges sont beaucoup
plus nommés par le fédéral dans les autres provinces que
dans la province de Québec. Ici, on a beaucoup plus de juges
nommés par le provincial. Jusqu'à présent, c'était
une récompense, trop souvent, qui faisait que le corridor de
pensée que le juge avait à utiliser pour percevoir les causes
qu'on lui présentait venait d'une même couche de la
société; son groupe d'amis avaient le même régime de
vie, la même façon de s'exprimer; ils étaient de la
même école de pensée.
M. le Président, vous me faites signe que mon temps
achève. Je veux justement exprimer, en terminant, le point de vue que,
dorénavant, si la nomination des juges était faite selon des
critères bien définis, nous serions beaucoup mieux placés
pour leur donner des salaires plus élevés, parce que nous
saurions que non seulement ils auraient l'intégrité, mais qu'ils
auraient aussi les capacités et qu'ils auraient aussi, au-dessus de tout
doute, la confiance du peuple. Ainsi, la justice ne porterait plus de bandeau
sur les yeux, puisque tous les gens la verraient et l'accepteraient.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Saguenay.
M. Lucien Lessard
M. LESSARD: M. le Président...
M. SPRINGATE: On est gâté ce soir!
M. LESSARD: Oui, je suis gâté aujourd'hui. M. TARDIF: Pas
nous autres!
M. LESSARD: Je comprends que vous ne soyez pas gâtés, mais
ne vous inquiétez pas, vous n'avez pas fini. On commence.
Alors, nous voici encore...
UNE VOIX: Ce n'est pas un "filibuster", mais un "minibuster"!
M. LESSARD: ... avec un projet de loi qu'en juillet 1973 on a combattu
avec acharnement et qu'on va combattre encore.
M. HARDY: Vous avez été battus.
UNE VOIX: Vous vous êtes ramassés avec six, la prochaine
fois, ce sera quatre.
M. LESSARD: Alors, je tiens à dire aux députés
libéraux qu'ils vont rester longtemps assis sur leur chaise...
M. TARDIF: On va se lever.
M. LESSARD: J'espère que vous allez vous lever pour faire valoir
justement vos revendications.
UNE VOIX: Ce n'est pas un "fili" avec lui; c'est un "minibuster"!
M. LESSARD: Mais je tiens à leur dire que nous avons l'intention
de nous battre, encore une fois, avec acharnement contre ce projet de loi. Il
reste que, cette année, le gouvernement a eu une leçon.
UNE VOIX: II est fort, 102 députés.
M. LESSARD: Oui, M. le Président, 102 députés. Mais
il reste quand même qu'ils ont constaté qu'avec sept
députés, au cours du dernier mandat, ils n'ont pas réussi
à nous passer la loi des juges. Malgré que nous soyons
actuellement seulement six députés, vous allez probablement nous
passer la loi des juges...
UNE VOIX: Oui, elle va passer.
M. LESSARD: Oui, elle va passer, probablement...
UNE VOIX: Bravo!
M. LESSARD: ... mais c'est à notre corps défendant qu'elle
va passer.
UNE VOIX: Over my dead body.
M. LESSARD: Nous n'avons pas l'intention de laisser passer bien
tranquillement ce projet de loi. Nous avons l'intention de reprendre exactement
les mêmes critiques que nous avions faites le 6 juillet 1973.
N'en déplaise aux libéraux non pas aux
néophytes mais aux libéraux qui, à ce moment,
étaient membres de cette Chambre nous allons leur
répéter exactement les mêmes arguments parce qu'ils n'ont
pas compris à ce moment-là.
M. HARDY: Du radotage!
M. LESSARD: Probablement, M. le Président, du placotage...
M. HARDY: Du radotage!
M. LESSARD: ... du radotage, M. le Président, mais nous avons
constaté depuis 1970 que, dans cette Chambre, il fallait en faire des
répétitions parce que nous avons un gouvernement de sourds, que
ce soit dans les différents ministères dont j'ai la
responsabilité ou que ce soit le problème des juges.
Moi, M. le Président, comme je viens d'un comté rural,
comme je viens d'un comté ouvrier, contrairement à ce que le
premier ministre disait, c'est-à-dire que ce sont les bourgeois qui ont
voté pour les gens du Parti québécois...
DES VOIX: C'est vrai.
M. LESSARD: ... chez nous, ce ne sont pas les bourgeois qui ont
voté pour les gens du Parti québécois. Quand je constate,
M. le Président, que le gouvernement actuel nous apporte une loi comme
cela, je constate véritablement que la bourgeoisie n'est pas du
côté du Parti québécois mais qu'elle est
véritablement du côté des libéraux.
M. le Président, qu'on arrête de nous charrier, qu'on
arrête de nous faire pleurer. Je voudrais bien que des gens de mon
comté aient l'occasion et la responsabilité de se faire entendre
ici, ce soir, concernant l'augmentation des salaires des juges. Lorsque nous
entendons le député de Louis-Hébert venir nous faire
pleurer en disant que les juges doivent se soumettre aux insultes de la
société québécoise, que les juges doivent
être ouverts à la critique de l'ensemble de la
société québécoise...
M. DESJARDINS: Une question de privilège, M. le
Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question de privilège.
M. DESJARDINS: L'honorable ministre de Saguenay vient de mal me
citer.
DES VOIX: II n'est pas ministre encore!
M. DESJARDINS: J'ai dit minus, euh! l'honorable député de
Saguenay. Je retire...
M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Lafontaine.
M. LEGER: Si le député de Louis-Hébert a besoin de
faire une rectification, il la fera après que le député de
Saguenay aura terminé...
M. HARDY: C'est une question de privilège!
M. LEGER: ... et non pas pendant.
M. DESJARDINS: Une question de privilège, M. le Président.
Après? Sur une question de privilège, je peux interrompre
l'orateur, je crois.
UNE VOIX: En tout temps.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Expliquez votre question de
privilège.
M. DESJARDINS: Parce que j'ai été mal cité par
l'honorable député de Saguenay, lorsqu'il dit que...
M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. DESJARDINS: ... tous les Québécois insultent la
magistrature. Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. LEGER: Ce n'est pas une question de privilège que de dire
qu'on a été mal cité, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Lafontaine sur une question de règlement.
M. LEGER: M. le Président, s'il a été mal
cité, il attendra que le député de Saguenay ait
terminé son exposé. Par la suite, il fera toutes les
rectifications qu'il voudra. Il pourrait peut-être en faire plusieurs,
mais après.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, sur le point de règlement, le
député de Louis-Hébert est sans doute un avocat?
M. DESJARDINS: Pardon?
M. LESSARD: Le député de Louis-Hébert est sans
doute un avocat?
M. DESJARDINS: C'est exact.
M. LESSARD: Est-ce que je pourrais demander au député de
Louis-Hébert de vérifier l'article 96? S'il s'agit justement
d'une mauvaise citation, il pourra, après mon intervention, faire la
mise au point nécessaire.
M. DESJARDINS: Je n'ai pas de leçon à prendre du
député de Saguenay.
M. LESSARD: Alors, M. le Président, je suis bien d'accord. En ce
qui concerne les règlements, peut-être que le député
de Louis-Hébert aurait avantage à les lire, en tout cas,
même s'il est avocat.
M. DESJARDINS: ... à mesure que je parle.
M. CHARRON: Sur le même point de règlement, M. le
Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Sur quel point de règlement
voulez-vous parler?
M. CHARRON: Le point soulevé par le député de
Louis-Hébert.
M. MALOUIN: Assis-toi donc!
M. CHARRON: J'aimerais attirer son attention, avant de remettre la
parole à mon collègue de Saguenay, qui a une intervention
importante à livrer à l'Assemblée je ne voudrais
pas que mon intervention soit soustraite de son temps et simplement
rappeler à la Chambre et à l'attention du jeune
député de Louis-Hébert que l'article 96 se lit comme suit:
"Le député qui prend la parole pour donner des explications sur
le discours qu'il a déjà prononcé ne peut le faire que
lorsque le discours qui les provoque est terminé ce que n'avait
pas fait le député de Saguenay, puisqu'il est en plein cours de
son discours, M. le Président à moins...
M. MALOUIN: A l'ordre, M. le Président!
M. CHARRON: ... que celui qui le prononce ne consente à
être interrompu". Je ne sache pas que mon collègue de Saguenay,
à moins que vous, M. le Président, l'ayez entendu sur ce point de
règlement, ait accepté d'être interrompu par le
député de Louis-Hébert.
Je continue la lecture de l'article du règlement, M. le
Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre, s'il vous plaît! J'avais redonné la parole au
député de Saguenay lorsque j'ai entendu le député
de Louis-Hébert.
Le député de Saguenay.
M. BURNS: M. le Président, sur la question de règlement,
quand même, je vous demanderais...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, c'est sûr que ce n'est pas
drôle pour certains députés d'assister passivement à
un débat aussi hautement intellectuel que celui que nous avons.
M. HARDY: C'est du cynisme.
M. BURNS: Je vous demande particulièrement à vous, comme
vous avez l'habitude de le faire, de protéger l'Opposition c'est
un de vos rôles et de lui laisser faire son travail
complè-
tement. S'il y a des députés de l'autre côté
qui ont l'intention de rectifier des faits, ils pourront toujours le faire en
vertu de l'article 96, mais après que le député aura
terminé son intervention.
M. HARDY: ... son collègue.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Saguenay.
M. LESSARD: Merci, M. le Président...
M. DESJARDINS: Question de règlement.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Louis-Hébert, question de règlement.
M. DESJARDINS: Vu le règlement dont l'honorable
député de Saint-Jacques a donné lecture, j'aimerais savoir
de l'honorable député de Saguenay s'il accepte d'interrompre son
discours pour me permettre de rectifier les faits qu'il vient d'énoncer,
et ce en vertu du règlement.
Est-ce que vous acceptez?
M. BURNS: Si ce n'est pas pris sur son temps.
M. LESSARD: Je suis bien prêt à permettre au
député de Louis-Hébert de faire la rectification, pour
autant que ça ne sera pas pris sur mes 20 minutes.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): En vertu du règlement, c'est
pris sur votre temps.
M. BURNS: Si c'est de consentement unanime.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): De consentement unanime. Est-ce qu'il
s'agit d'un consentement unanime?
DES VOIX: Oui.
M. DESJARDINS: Je veux être très bref là-dessus.
Lorsque l'honorable député de Saguenay déclare que j'ai
dit que les juges étaient victimes des insultes des
Québécois, c'est tout à fait inexact. J'ai dit tout
simplement qu'il est arrivé que certains Québécois qui
avaient défié la justice se sont permis d'insulter la
magistrature. C'est tout à fait différent.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Saguenay.
M. LESSARD: Encore là qu'on arrête de me faire pleurer. Il
est normal que dans n'importe quelle profession, que ça soit celle des
juges ou celle de mon collègue le député de Sainte-Anne,
qui a été un botteur formidable à un moment donné
au football et qui...
UNE VOIX: II cherche son ballon depuis ce temps-là.
M. LESSARD: Lorsqu'il faisait une mauvaise partie, il se faisait sans
doute insulter par ses partisans et par son entraîneur. Donc, c'est tout
à fait normal pour les juges comme c'est tout à fait normal pour
les enseignants. Ceux-ci à l'occasion, à maintes et maintes
reprises par suite du fait qu'ils sont obligés d'appliquer certaines
mesures disciplinaires contre leurs élèves, sont soumis eux aussi
à certaines insultes.
Mais qu'on ne me fasse pas pleurer sur ça. Ce n'est pas ça
qui justifie une augmentation de salaire pour les juges de $5,000 par
année. Est-ce que ça se calcule selon la quantité des
insultes qu'ils peuvent recevoir lors des procès qu'ils ont à
juger? Je ne crois pas.
Il faut tenir compte d'autres critères pour établir le
salaire des juges. Et, dans ce débat, il y a une chose que nous autres
du Parti québécois nous devons dire. C'est qu'il ne s'agit pas
et loin de là de mépriser cette profession. Je
pense que c'est comme d'autres professions de la société, mais
c'est une des professions importantes, parce que toute la justice c'est quand
même la base d'une société.
DES VOIX: C'est édifiant.
M. LESSARD: Revenons au sérieux. Nous sommes sérieux de ce
côté-ci de la Chambre.
M. le Président, même si on fait une lutte difficile, une
lutte acharnée contre ce projet de loi, il ne s'agit pas à mon
sens de mépriser une profession qui est extrêmement importante
dans la société québécoise. Mais moi, je ne pense
pas, contrairement à ce que dit le ministre, que l'indépendance
des juges est d'abord une question de salaire. Il est vrai qu'il y a une
question de salaire; il est vrai, et c'est relatif, qu'il faut accorder aux
juges un salaire minimum qui leur permette de vivre décemment dans la
société québécoise, comme il est vrai aussi qu'il
faut accorder aux autres professions de la société
québécoise, qui sont aussi importantes, que ce soit la profession
des enseignants ou d'autres professions, des salaires décents. Mais, on
peut se demander si le salaire qui est payé actuellement aux juges, le
salaire de $28,000 par année, est un salaire décent. Est-ce qu'il
s'agit aussi d'un salaire qui permet d'avoir le nombre de juges
nécessaire pour nos tribunaux? Je pense que pour évaluer le
salaire d'un secteur de la société québécoise, que
ce soit dans d'autres secteurs que celui des juges, il faut d'abord tenir
compte de la possibilité de payer d'un pays. Et il faut tenir compte de
la différence entre les gens les moins payés et les gens les
mieux payés.
Actuellement, quand je compare, par exemple, le salaire des juges
à d'autres professions dans la société, qui sont aussi
importantes, je calcule qu'ils ne font quand même pas pitié. Je
calcule que l'augmentation de $5,000 par an-
née, ce n'est pas leur donner le minimum vital, ce n'est pas leur
donner le surplus nécessaire pour qu'ils aient au moins la satisfaction
de leurs besoins essentiels. Leur donner $5,000 par année, c'est leur
accorder probablement...
M. CHOQUETTE: M. le Président...
M. LESSARD: ... un voyage en Floride de plus par année.
M. CHOQUETTE: ... est-ce que le député me permettrait une
rectification? Je connais la bonne foi du député de Saguenay, il
en a fait preuve en plusieurs circonstances. Je pense qu'il n'insistera pas sur
l'expression "augmentation de $5,000 par année" parce que ce n'est quand
même pas ça qui est dans le projet de loi.
M. LESSARD: D'accord, M. le Président, je suis heureux que le
ministre... Il est vrai, il s'agit d'une augmentation mais d'une augmentation
rétroactive, non pas de $5,000 par année; en vertu du projet de
loi, il s'agit d'une augmentation de $5,000. Mais, cette augmentation est-elle
nécessaire, d'abord, pour permettre aux juges d'avoir un minimum vital
normal, nécessaire? Je dis: non. Il y a quand même d'autres
groupes dans la société québécoise qui n'ont pas un
salaire de $28,000 par année et qui ne peuvent se permettre de prendre
des vacances d'un mois et demi, d'un mois par année. Je trouve que,
comparativement, par exemple, à d'autres secteurs de la
société, c'est quand même une augmentation assez
considérable par rapport tout ça est relatif au
salaire qui est déjà payé.
Je trouve aussi que cette augmentation n'est pas justifiée parce
qu'il semble, en tout cas d'après je ne suis pas avocat, M. le
Président les connaissances que je peux avoir du milieu,
d'après les connaissances pratiques que j'en ai... J'ai eu l'occasion de
voir, par exemple, qu'un de mes amis a été nommé juge,
dernièrement. Un gars qui était avocat, qui avait un gros bureau
d'avocat et qui n'a pas hésité. C'est un de mes amis mais un
libéral, parce que j'ai quand même des amis libéraux; on
peut être amis sur le plan personnel sans partager pour autant la
même idéologie politique. Or, cet ami j'en suis convaincu
faisait un salaire passablement intéressant dans la pratique
privée, et lorsque le ministre de la Justice, quelques semaines avant
les élections, lui a offert le poste de juge, il n'a pas du tout
hésité.
Est-ce que le ministre de la Justice lui a offert le poste de juge, en
lui disant: Bien, écoute, il va y avoir une augmentation de $5,000? Je
ne le pense pas, parce que je ne pense pas que le ministre de la Justice
pouvait, à un moment donné, engager des deniers publics avant
qu'une loi de l'Assemblée nationale soit votée.
Je pense bien que cet avocat, encore jeune, compétent et que je
respecte, a accepté ce poste, d'abord et avant tout, parce qu'il y
avait, en plus du salaire de $28,000 par année, des avantages sociaux
considérables. Lorsque nous avons à lire les rapports en
particulier, par exemple, de la Régie de l'assurance-maladie, sur les
salaires des médecins, il nous arrive tout à coup de nous
scandaliser de voir que des médecins font un salaire de $52,000 par
année. Mais quand je compare le salaire du médecin, à
$52,000 par année, ou le salaire d'un avocat, par exemple, dans la
pratique privée, à $50,000 par année, avec le salaire de
juge, je trouve que ça se compare très bien, parce qu'il y a
quand même des avantages sociaux considérables.
Le gars qui est médecin, à $52,000 par année en
moyenne ce qui était la moyenne l'an dernier, je pense n'a
pas les avantages sociaux...
M. SAINDON: Une question de privilège. Je voudrais faire
remarquer ceci au député de Saguenay. On a dit que le salaire
moyen des médecins était de $52,000...
M. BURNS: M. le Président, il n'y a pas de question de
privilège. Il signale tout simplement...
M. SAINDON: Je veux faire...
M. BURNS: Qu'il fasse une mise au point, après, en vertu de
l'article 96, comme on l'a dit tantôt.
M. SAINDON: ... une mise au point. Bien, c'est une question de
privilège, et je veux faire une mise au point.
M. BURNS: Bien, qu'il nous dise ce que c'est.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Votre mise au point viendra après
le discours. A ce stade, vous pouvez faire une mise au point à un
discours que vous avez prononcé et la question de privilège,
c'est lorsque vous êtes visé personnellement, pas dans ce
cas-là.
M. LESSARD: M. le Président, en tout cas, ce sont, du moins les
chiffres que j'ai eu l'occasion de constater dans le rapport de la Régie
de l'assurance-maladie l'an dernier, c'est-à-dire un salaire moyen de
$52,000. C'est pour ça que je compare ça au salaire du juge. Je
comprends que probablement la question de privilège que voulait soulever
le député, c'est que du salaire du médecin, $52,000 par
année, il faut enlever une quantité de choses.
M. SAINDON: A ce moment-là, me permettez-vous une mise au
point?
M. LESSARD: Oui, oui, je vous le permets. M. SAINDON: La mise au point:
les
$52,000 par année, ce n'est pas grave. Enlevez là-dessus
le salaire d'une secrétaire, les dépenses de bureau, toutes les
dépenses inhérentes, qu'est-ce qui reste? Alors, expliquez-vous
quand vous faites des affirmations comme ça.
M. LESSARD: C'est justement ce que je voulais faire. C'est exactement
cette argumentation. Que je suis donc heureux que le député
d'Argenteuil vienne m'aider dans ce sens-là, parce que, quand,
justement, je voulais comparer le salaire des médecins, je voulais tout
simplement dire ceci et je me dirigeais dans cette direction. Les
médecins n'ont pas un salaire garanti à vie. Les médecins
doivent se payer eux-même leur propre fonds de pension. Les
médecins doivent payer leur secrétaire. Les médecins
doivent payer leur bureau, comme les avocats d'ailleurs, ce qui veut dire
qu'à $28,000 par année un juge est mieux payé qu'un
médecin. Maintenant, je dirai au député d'Argenteuil que
j'ai deux médecins dans ma famille et que je vois le nombre d'heures que
ces personnes-là mettent au travail. Encore là, quand on
considère les heures de travail du médecin par rapport à
son salaire là, je ne veux pas mésestimer le juge
comparativement au nombre d'heures, par exemple, qu'un juge peut mettre dans
son travail, il y a encore là toute une différence. C'est
là que je trouve que, bien souvent, des comparaisons peuvent être
très mauvaises.
La Régie de l'assurance-maladie soumet, comme ça, que
$52,000 est le salaire moyen du médecin, mais si, justement pour revenir
à la loi, on comparait tous les avantages sociaux parce que
ça se calcule économiquement qu'un juge peut avoir aux
avantages sociaux qu'un médecin doit se payer, je pense que ce
salaire-là serait passablement supérieur au salaire du
médecin ou au salaire d'un avocat qui est dans la pratique
privée.
C'est pour cela, M. le Président, qu'il est très
important, avant d'adopter un projet de loi comme celui-là, d'essayer
d'évaluer les salaires qu'on peut donner à un groupe de la
société comparativement à un autre groupe de la
société. Bien souvent on déblatère sur certains
groupes de la société mais, comme le disait tout à l'heure
le député d'Argenteuil, c'est parce qu'on comprend très
mal; un peu comme, par exemple, comme certains journalistes le font lorsqu'ils
calculent le salaire des députés, incluant la secrétaire,
le bureau et tout ce qui vient après. Ce n'est pas le salaire du
député. Mais le salaire du juge, par exemple, c'est bien $28,000
par année net, après avoir payé la secrétaire,
après avoir payé, sur les deniers publics du gouvernement, le
fonds de pension qui est garanti.
Bonsoir, mon cher collègue de Louis-Hébert.
Je parle comme un gars qui n'est probablement pas un spécialiste
comme le député de Louis-Hébert...
M. COTE: Cela paraît.
M. LESSARD: ... qui n'est pas avocat mais comme un simple citoyen qui se
pose un certain nombre de questions et ces questions me paraissent importantes.
On dit, par exemple, qu'il faut partir d'un salaire donné aux juges, qui
gagnent actuellement $28,000 par année, leur accorder $33,000,
c'est-à-dire $28,000 et $31,000 et après cela leur accorder
encore $2,000, tout cela sous le prétexte qu'il s'agit de
l'indépendance des juges. Il faudrait quand même parler de
l'indépendance des médecins; de quelle façon va-t-on
l'avoir?
Je dis que la justice, aujourd'hui, vit une certaine crise. Je pense que
le ministre est bien informé de cela. Les ouvriers moyens, en tout cas
dans mon comté, j'en rencontre souvent et je suis assuré que le
député de Duplessis doit aussi en rencontrer souvent. Je
rencontre, à un moment donné, un certain nombre d'ouvriers, je
rencontre un certains nombre d'agriculteurs, ce que le député de
Duplessis n'a pas dans son comté. On s'interroge et on se dit qu'il y a
un problème fondamental qui se pose à la justice. Les gens sont
inquiets, les gens ne croient plus, qu'on le dise véritablement
d'accord, M. le Président, je termine à la justice. Ce
n'est pas par une augmentation de salaire de $28,000 à $33,000 par
année qu'on rend quelqu'un plus humain. Ce n'est pas par une
augmentation de salaire de $28,000 à $33,000 qu'on permet à la
population de croire à la justice.
Je pense bien que le problème fondamental c'est ma
conclusion, M. le Président sera réglé lorsqu'on se
penchera sur les nominations des juges, qui sont bien souvent des
récompenses qu'un parti politique donne à ses amis. C'est
là le problème fondamental de la justice au Québec, M. le
Président. Merci.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de
Maisonneuve.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, avant même d'avoir
prononcé une parole dans le présent débat, vous ne m'en
voudrez pas de vous dire que j'ai nettement l'impression d'avoir à me
répéter. J'ai nettement l'impression d'avoir à me
répéter pour une raison bien simple, c'est que ce débat
que nous tenons ce soir a déjà été amorcé.
Je me souviens que dans une autre Législature, plus
précisément la précédente, nous avions eu à
faire face à un projet de loi identique. Nous avions eu de notre
côté, sans nous le cacher et sans le cacher maintenant, à
vous manifester carrément, M. le Président, notre opposition
à ce projet de loi.
Qu'il soit nécessaire de dire cependant, à la suite de
l'intervention du député de Louis-Hébert tantôt,
qu'il n'est pas du tout question, dans ce débat-ci, de la
compétence des juges, de leur plus ou moins grande compétence ou
quoi que ce soit; je pense qu'il est nécessaire de le dire par suite des
arguments qui ont été amenés
par le député de Louis-Hébert. Le
député de Louis-Hébert nous a vanté la magistrature
pendant toute son intervention, il nous a parlé de la compétence
des juges, de la difficulté, pour eux, de connaître des choses
aussi compliquées que la balistique, d'avoir à imposer une
sentence, etc.
Je tiens, M. le Président, au début de mon intervention,
à vous dire que quant à moi, quant à notre parti, ce n'est
pas sur cette base qu'on a l'intention d'enligner si vous me permettez
l'expression le débat. Que les juges soient compétents,
c'est une grosse affirmation que je n'ai même pas le goût de
discuter, mais que je pourrais atténuer en disant: Beaucoup de juges
sont compétents, beaucoup de juges travaillent très fort,
beaucoup de juges sont bien utilisés et beaucoup de juges font un
travail très utile à la société. C'est le plus loin
que je vais me risquer d'aller, et dans l'intérêt de la
magistrature, et dans l'intérêt de maintenir le débat, je
pense, à un niveau où nous désirons le tenir,
malgré que ce soit bien clair notre opposition
systématique à ce projet de loi.
Le député de Louis-Hébert a également
parlé du fait que les juges et c'est l'aspect cependant qui
m'intéresse ont à traiter de problèmes humains. Je
suis d'emblée d'accord avec lui. C'est la chose peut-être la plus
évidente, c'est peut-être le postulat le plus incontestable
si vous me permettez le pléonasme que l'on puisse dire dans
un tel débat. C'est sûr qu'à chaque jour le juge a à
traiter avec des êtres humains, a à traiter de problèmes
humains, a à traiter de la liberté des êtres humains ou de
leur non-liberté dans les cas de la justice pénale, ou encore de
la façon dont les biens des contribuables ou des citoyens des
justiciables sont protégés ou non protégés.
M. le Président, je ne ferai aucune querelle au
député de Louis-Hébert là-dessus. C'est justement
sur ce point que cela m'intéresse de discuter du salaire des juges.
C'est justement sous cet angle, je pense, que nous devons nous
préoccuper du montant de salaire qui est accordé aux juges.
M. le Président, je l'avais déjà dit dans le
débat antérieur et je ne regrette pas d'avoir à le redire,
même si ça peut, à certaines occasions, paraître dur:
II est sûr toujours faisant référence à ces
problèmes humains dont les juges ont à traiter que les
juges, comme anciens avocats, ne font pas partie de la classe je
pèse bien mes mots la plus prisée de la part des non-juges
de la société. Cela est une vérité qu'on est
obligé d'admettre. Ce n'est pas une discussion, encore une fois sur leur
compétence, c'est tout simplement reconnaître un fait qui nous a
été révélé par certaines statistiques qui
ont été livrées à la population par l'entremise
d'études faites au cours de la commission d'enquête Prévost
sur l'administration de la justice. Je m'explique là-dessus, M. le
Président.
Dans l'esprit de toute la population, un juge est un ancien avocat. La
population a parfaitement raison d'arriver à cette conclusion; selon
notre système de droit actuel, il faut être d'abord avocat pour
devenir juge. Or, les avocats et encore là je n'ai pas
l'intention de discuter de la valeur de ces énoncés ou de la
valeur de l'impression qui existe dans l'esprit de la population les
avocats ne sont pas membres de la profession la plus populaire qui existe
actuellement. De sorte que je me dis, et c'est là que je rattache
ça aux problèmes humains, aux problèmes de tous les jours,
aux problèmes de vie privée que les juges ont à
régler, je me dis qu'il est nécessaire de protéger, aussi
drôle que ça puisse paraître, l'impression que les juges
font dans la population.
S'ils ont à régler des problèmes humains, ils sont
sûrement en contact continuel avec des gens qui sont surtout des
non-avocats et surtout, raison de plus, des non-juges.
Ces gens doivent sentir, par le projet de loi actuel, ce que je
ne crois pas nécessairement ces gens qui sont les justiciables,
doivent sentir qu'ils ont affaire à des gens qui sont près d'eux.
Etre près d'eux, cela ne veut pas dire faire vivre les juges dans le
paupérisme, qu'on ne tente pas de m'interpréter de cette
façon. Mais cela veut dire, cependant, avoir des salaires,
accordés aux juges, qui ne distancent pas les revenus per capita moyens
au Québec au point de laisser croire ou à perpétuer dans
l'esprit des gens qu'un juge fait partie d'une classe qui est là, je
m'excuse encore de l'expression, pour les fourrer.
M. HARDY: II faudrait baisser...
M. BURNS: Ne faites pas de démagogie. Je pense que,
jusqu'à maintenant, j'ai essayé de ne pas en faire. J'ai
essayé d'être très précis. J'ai essayé de ne
pas faire glisser le débat dans une qualité de moindre valeur ou
douteuse comme semble vouloir...
M. HARDY: Non, non, non.
M. BURNS: ...m'y entraîner le député de
Terrebonne.
M. HARDY: C'est très réel.
M. BURNS: Je n'ai pas du tout l'intention d'embarquer dans ce domaine.
C'est à ce point que je trouve que ce secteur est important, que ce
secteur est primordial dans le domaine de l'administration de la justice, que
je fais bien attention afin d'utiliser les mots les moins démagogiques
et les moins provocateurs possible. Mais il y a un certain nombre de faits
qu'il faut se dire, au départ, avec franchise.
Or, toutes les fois, quand je dis "toutes les fois", je me reporte
à une conversation privée que j'avais avec un
député tantôt et qui me disait, et c'est le fait: On dirait
que plus on
revient souvent avec un projet de loi de cette nature, plus on a
l'impression que le salaire des juges est augmenté souvent, même
s'il ne l'a jamais été. Je suis bien prêt à dire
qu'il ne l'a pas été, à admettre, comme le ministre de la
Justice nous l'a dit tantôt, qu'il ne l'a pas été depuis
cinq ans, je crois. Bon, je suis bien prêt à admettre cela,
même si cela paraît être quelque chose qui revient
constamment. Ce n'est pas du tout de cet ordre que je veux que mon propos
soit.
Ayant eu, personnellement, une certaine expérience dans le
domaine de la négociation des conventions collectives, je me suis
aperçu que partout, je pense que je n'apprends pas grand-chose à
beaucoup de membres de l'Assemblée nationale, lorsqu'il est question de
discuter d'augmentations de salaires de quelque catégorie
d'employés que ce soit, on procède toujours par voie de
comparaison avec des catégories semblables, avec également des
types d'emplois qui sont, disons, aptes à devenir, par voie de
promotion, dans cet emploi ou à venir dans cet emploi. Donc, les
statistiques, que mes collègues, les députés de Saguenay
et Lafontaine, nous ont citées tantôt, ne sont pas sans importance
dans le présent débat. Bien au contraire, je pense qu'il faut
prendre la peine j'ai l'intention de le faire bien calmement, même
si cela peut paraître un peu sec, de vous citer des statistiques,
statistiques fiscales du ministère du Revenu national et qui ont
été prises pour les années 1973 en reculant jusqu'à
1966 et basées, dans certains cas, je vous le dis à l'avance, sur
des extrapolations de 1971, parce que celles de 1972 et 1973 ne sont pas encore
disponibles.
Un des arguments, que le ministre de la Justice semble faire valoir pour
augmenter le salaire des juges est le suivant je pense que les
statistiques, que je m'apprête à vous citer, contredisent
carrément ces affirmations. Il nous dit : Si on n'augmente pas le
salaire des juges je mets de côté son argument sur
l'indépendance du judiciaire, de cette partie importante de
l'administration de la justice on va avoir de la difficulté
à trouver des avocats qui vont accepter de devenir juges. Je pourrais
vous dire, de façon très démagogique, et rejeter cet
argument du revers de la main: Ayant pratiqué moi-même, j'ai vu
tellement d'avocats à genoux pour obtenir un siège de juge, pour
être promus au banc, comme on dit dans la profession, que je ne crois pas
à cet argument.
Mais je ne me limiterai pas simplement à cet argument qui,
à première vue, peut paraître démagogique. J'ai
l'intention, M. le Président, de vous citer, pour vous montrer que c'est
une constante, quand même, certaines statistiques que j'ai
mentionnées tantôt, qui nous viennent du ministère du
Revenu national, relativement au revenu net de profession des avocats et
notaires au Canada.
Vous allez voir, M. le Président, qu'il n'y a pas tellement de
variance en plus et en moins dans la courbe des chiffres que je m'apprête
à vous citer. Quand je parle de revenu net de profession, je veux dire
de revenu simplement gagné par l'entremise de la profession. On sait que
la majeure partie des revenus des avocats est gagnée de cette
façon, donc que c'est la profession qui les fait vivre.
Il y a, évidemment, des avocats et des notaires qui vont chercher
un complément ou un supplément de revenu. Certains
députés, par exemple, vont chercher un supplément de
revenu ailleurs. Mais c'est le cas exceptionnel. La majorité je
pense que le ministre de la Justice ne me contestera pas cette affirmation
gagne sa vie principalement avec son revenu professionnel.
Or, je vous cite, aussi bêtement que cela puisse paraître,
M. le Président, la ligne de chiffres suivants, qui sont les revenus
nets de profession des avocats et notaires, puiqu'au point de vue des
statistiques ils sont mis ensemble, de 1965 à 1973.
En 1965, on voit des revenus nets de $16,674; en 1966, $18,257, soit une
augmentation de .09 p.c. sur l'année précédente; en 1967,
$19,244, une augmentation de .05 p.c; en 1968, $20,588, une augmentation de .06
p.c; en 1969, $22,665, soit .1 p.c. d'augmentation; en 1970, $23,554, soit .03
p.c. d'augmentation; 1971, $24,327, soit .03 p.c. d'augmentation.
Si on extrapole parce que les chiffres ne sont pas actuellement
disponibles pour les deux années qui viennent, c'est-à-dire
1972 et 1973, ces mêmes revenus professionnels nets à travers le
Canada, on arrive à $25,786 pour 1972 et, pour 1973, à $27,333
par année, c'est-à-dire encore une somme inférieure aux
$28,000 auxquels sont payés actuellement les juges.
Or, je n'ai pas besoin de répéter l'argumentation que
vient de vous servir le député de Saguenay, mais on doit
considérer qu'un certain nombre d'avantages qui sont attachés
à la fonction de juge doivent être remboursés dans le cas
d'un avocat qui pratique, entre autres, le plan du fonds de pension. Les juges,
à ma connaissance, sauf erreur, ne fournissent pas à un fonds de
pension. Ils ont un fonds de pension assez intéressant, je pense, de
$16,000 par année.
Je pourrais encore vous citer un certain nombre de statistiques
relativement au coût que cela comporte, pour un avocat, de s'acheter un
fonds de retraite et cela, ce n'est pas prévu dans le revenu net que je
vous ai cité tantôt.
Je pourrais vous citer également une espèce d'étude
qui est faites sur les revenus des avocats, au Québec. Soit dit en
passant, ils sont dans tous les cas inférieurs aux chiffres que je vous
ai donnés tantôt pour les avocats et notaires, au niveau canadien.
Toujours avec cette extrapolation, il s'agit d'un écart minimum de $718
par année, pour 1965, et, en 1973, c'est $3,194 de moins qu'un
avocat
québécois gagne par rapport à la moyenne
canadienne.
M. le Président, je n'ai pas la possibilité
d'élaborer davantage.
Combien me reste-t-il de temps? Cinq minutes? Bon. Pardon?
M. DESJARDINS: Dix.
M. BURNS: Remarquez que simplement à discuter de la valeur de ces
statistiques, qui sont à mon avis...
UNE VOIX: C'est long.
M. BURNS: ... assez importantes, j'en aurais encore pour sûrement
une demi-heure. En tout cas, j'imagine qu'en commission parlementaire à
un moment ou à un autre, à un moment plus proche que plus loin,
je pense, on aura l'occasion de discuter davantage de ces statistiques.
Que ça me permette simplement ce doute qui s'installe en mon
esprit la raison de base, la raison fondamentale pour laquelle je mentionnais
tantôt qu'il est important qu'on sache que nos juges ne distancent pas
trop les catégories professionnelles qui leur ressemblent, les
catégories professionnelles où on puise ces gens pour en faire,
par voie de promotion, des juges. D'après les chiffres qu'on a
mentionnés tantôt et si on avait le temps d'élaborer
davantage, on verrait qu'il s'agit véritablement d'une profession. Je
dis que dans l'esprit de la population il doit être clair qu'on ne fait
pas un traitement de faveur à ce genre d'employés de l'Etat que
sont les juges.
J'admets, d'une part, que des statistiques ça peut être
trituré, ça peut être utilisé à certaines
fins pour appuyer une thèse comme pour en briser une. Je pense qu'on
peut se dire qu'il serait dans l'intérêt public en
général dans l'intérêt des juges dans le cas
particulier que cette discussion soit plus approfondie, qu'elle n'ait
pas lieu simplement à l'occasion d'un débat de deuxième
lecture où quelque huit députés se lèvent pour
exprimer une opinion autre que ou semblable à, peu importe je ne
présume pas des interventions de nos collègues du Parti
créditiste, l'opinion ministérielle. Je dis qu'il faudrait
qu'on se penche sérieusement sur le problème de la
rémunération des juges.
Je pense que nous ne sommes pas prêts à adopter un tel
projet de loi immédiatement. On devrait se donner le temps de consulter
experts, évaluateurs, toutes personnes qui peuvent s'y connaître
dans le domaine, d'entendre des juges qui se sont exprimés. Il y a des
juges qui n'ont pas eu de réticence à s'exprimer publiquement; je
pense au juge Guy Guérin, que je respecte énormément sur
le plan de la magistrature, je n'ai pas honte de le dire.
Et je pense à ce que le député de
Louis-Hébert disait tantôt il faut quand même le
doser parce que les juges, maintenant, ne se gênent pas pour
descendre de leur tribune. Que ce soit à l'occasion de
conférences de juges, de rencontres avec le public, ils disent
maintenant ce qu'ils ont à dire. Et je pense que le juge Guérin,
entre autres, ne s'est pas gêné pour le dire, ne s'est pas
gêné même pour critiquer vertement les positions que nous
avons tenues nous-mêmes en Chambre.
Cela pourrait être utile qu'à l'occasion d'une commission
parlementaire, avant l'adoption de la deuxième lecture, on entende les
gens qui veulent s'exprimer là-dessus.
En terminant mon intervention, je vous fais la proposition suivante: Que
le mot "maintenant" dans la motion en discussion soit remplacé par les
mots "dans six mois", dans le but bien clair, bien avoué d'examiner plus
à fond cette situation de la rémunération des juges, de la
réexaminer, s'il le faut, pendant l'intersession. On n'a pas d'objection
à revenir pendant l'intersession.
Et qu'on ne nous accuse pas encore une fois de vouloir se faire des
honoraires spéciaux, parce qu'on n'a pas entendu parler de cette
commission depuis le 6 juillet dernier. On nous avait dit: C'est parce que vous
voulez siéger dans l'intersession. On ne l'a pas fait siéger. Ce
n'est pas du tout notre but.
Notre but clair, avoué de remettre à six mois
l'étude de ce projet de loi en deuxième lecture c'est de voir
à ce que toutes les informations disponibles soient mises entre les
mains des législateurs, qui auront à trancher ce débat. Il
est complexe, je l'admets. D'une part, on nous cite des statistiques qui vont
dans un sens et, d'autre part, j'en cite qui vont dans un autre sens.
Motion de report à six mois
M. BURNS: C'est pour ces raisons-là que je fais cette motion, la
seule qui m'est permise, je crois, en vertu de l'article 121 de notre
règlement et je demande qu'on ne fasse pas maintenant la deuxième
lecture mais qu'on la reporte à six mois.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Sur la motion d'amendement?
M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais seulement faire
quelques observations en réponse à la motion...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que c'est sur la motion?
M. CHOQUETTE: C'est sur la motion, là? LE VICE-PRESIDENT (M.
Blank): Oui.
M. CHOQUETTE: Je n'ai pas le droit de parler sur la motion?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Oui, sur la motion, oui.
M. CHOQUETTE: Sur la motion?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Mais pas votre réplique.
M. CHOQUETTE: Non, non, ce n'est pas ma réplique, c'est
strictement sur la motion du député de Maisonneuve.
M. le Président, je crois que malgré tout, malgré
le ton pondéré qui a été adopté par le
député de Maisonneuve et ses collègues, la motion du
député de Maisonneuve est une motion dilatoire, et il faut
qu'elle soit stigmatisée comme telle...
M. BURNS: C'est sûr que c'est une motion dilatoire, on ne nie pas
ça.
M. CHOQUETTE: Oui, elle est dilatoire, M. le Président. Ce projet
de loi a déjà fait l'objet d'une adoption par l'ancien Parlement.
Ce projet de loi, quant à son principe, a déjà
été adopté.
M. BURNS: Est-ce que vous me permettez une question, M. le ministre?
M. CHOQUETTE: Sans doute.
M. BURNS: N'est-il pas exact que je voulais faire une motion de ce
même type au cours de la dernière Législature et que le
député de Chicoutimi, qui siégeait à trois
sièges de mon siège actuel, m'a empêché, m'a
refusé le consentement de la Chambre? Regardez le journal des
Débats, je ne peux pas vous dire à quelle page.
M. CHARRON: Le 6 juillet.
M. BURNS: C'est le journal des Débats du 6 juillet. Quand j'ai
demandé au président la permission, parce que mon temps
était écoulé, de faire cette motion, cette même
motion, le député de Chicoutimi m'a refusé son
consentement de sorte que, comme j'étais le dernier intervenant pour mon
parti, il m'a été impossible et il a été impossible
à mon parti de la faire. Mais tout le monde sait que j'avais même
averti le leader du gouvernement, que je devais faire cette motion, mais cette
fois-là, j'étais le dernier à parler pour mon parti.
M. CHOQUETTE: M. le Président, quelles qu'aient été
les intentions du député de Maisonneuve à
l'époque...
M. BURNS: Je veux juste...
M. CHOQUETTE: Non, non, non!
M. BURNS: Je veux juste vous empêcher de dire que cette motion a
déjà été adoptée. Si elle l'a
été, c'est par des voies techniques.
M. CHOQUETTE: Ce n'est pas ce que j'ai dit. M. le Président, le
député de Maisonneuve est en train d'enfoncer des portes
ouvertes. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que ce projet de loi avait au
moins fait l'objet d'une étude en deuxième lecture lors du
dernier Parlement. J'ai eu alors l'occasion de faire un long discours où
j'ai exposé toutes les raisons du gouvernement de présenter ce
projet de loi. Ce soir, de façon à ne pas abuser indûment
des membres actuels de l'Assemblée nationale, je n'ai pas
répété tous mes arguments dans le moindre détail,
mais il me semble que j'ai fait les comparaisons appropriées entre le
salaire des juges et ce qui avait été donné par le
gouvernement, à la suite de négociations ou autrement, à
tous les gens du secteur public et du secteur parapublic. Il est temps, M. le
Président, que l'on donne justice aux juges. Après qu'on a
augmenté tout le monde dans les dernières années, je ne
vois pas pourquoi on irait faire souffrir d'un délai additionnel de six
mois ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle je m'oppose fermement
à la motion du député de Maisonneuve et je demande aux
collègues de battre cette motion immédiatement.
M. Claude Charron
M. CHARRON: M. le Président, j'interviens sur la motion
présentée par mon collègue de Maisonneuve et je garde mon
droit d'intervenir plus tard au cours du débat sur la motion de
deuxième lecture présentée par le ministre de la
Justice.
Dans la motion présentée par le député de
Maisonneuve, M. le Président, j'ai retrouvé une fois de plus le
grand talent dont a fait preuve le député de Maisonneuve depuis
qu'il est à cette Assemblée et qu'il occupe au sein de notre
formation politique la fonction de critique en matière de justice. Je
pense que le fait de débuter mon intervention en signalant, comme vient
de le faire d'ailleurs lui-même le ministre de la Justice, les talents du
député de Maisonneuve contribue au premier point de mon
argumentation selon laquelle nous devrions sans aucun doute réfuter
l'appel que vient de faire le ministre de la Justice à battre cette
motion, pour plutôt prendre tout le temps qu'il nous faut pour
considérer cette motion elle-même et, si jamais nous devions
parvenir à son adoption par un revirement de l'Assemblée,
considérer un peu plus longuement l'importance du projet de loi qui est
maintenant déféré à l'attention de
l'Assemblée nationale.
M. le Président, je puiserai ma deuxième argumentation
dans les ropos mêmes que vient de tenir, sur cette motion du
député de Maisonneuve, le ministre de la Justice. Il vient
de signaler lui-même que, depuis les six mois où a
été déposé pour la première fois ce projet
de loi identique à l'autre, sauf l'exception qu'a soulignée tout
à l'heure le député de Saint-Louis, il n'y a pas eu
d'occasion de revérifier ou même de faire rapport, si je me
permets d'être aussi optimiste que ça, sur les statistiques
qu'avait effectivement fort bien présentées, à
l'époque, un ministre de la Justice qui était on se
rappelle l'époque également fort torturé par un
autre phénomène qui se produisait également en cette
Chambre.
Je parle des statistiques qu'a reprises le député de
Maisonneuve, qu'avaient auparavant reprises le député de Saguenay
et le député de Lafontaine, de même, je crois, que le chef
de l'Opposition, et que je reprendrai moi-même lorsque vous me
reconnaîtrez, si le débat devait se poursuivre à la suite
de l'échec de cette motion.
Le fait que nous répétions, dans une nouvelle
Législature, un second débat sur une augmentation de traitement
des juges ne vient que confirmer qu'il y a loin d'une entente ne serait-ce que
sur les statistiques et encore plus loin sur le principe et même sur la
nécessité d'une telle augmentation. Si le désaccord
apparaît de façon si claire et si nette, presque six mois jour
pour jour après le premier affrontement que nous avions eu, et si ces
six mois n'ont été marqués d'aucune autre intervention
politique, puisqu'en aucun temps le gouvernement qui est devant nous ne s'est
prévalu du droit qu'il avait, tout au cours de l'été
jusqu'à la dissolution du 26 septembre dernier, de convoquer la
commission parlementaire, comme l'avait fait, d'une manière assez
fougeuse, le premier ministre à la fin de la session
précédente; nous nous devons donc nous-mêmes de redemander
ce que le gouvernement a refusé d'accorder lui-même, malgré
toute la latitude qu'il avait pour convoquer la commission parlementaire au
cours de l'été.
Nous devons reprendre, d'une part, les statistiques. Je sais bien
j'admets une partie de vérité dans ce que vient de dire le
ministre de la Justice qu'on peut aligner des statistiques sans
véritablement jamais parvenir à un accord. C'est vrai, mais une
étude sérieuse, par des gens sérieux, alentour d'un
problème sérieux peut conduire plus loin qu'on ne le croit. Je ne
suis pas prêt, comme le ministre de la Justice, à déclarer
comme inutile et temps perdu et dilatoire le fait que nous puissions prendre le
temps qu'il faut pour les considérer.
Mais, en admettant cette hypothèse que nous ne parviendrions pas
à un accord sur les statistiques, il reste toujours que, statistiques ou
pas statistiques, il existe dans la population actuellement un doute
sérieux que transpose du mieux qu'elle le peut, avec les moyens qu'elle
peut ce soir, l'Opposition officielle, quant à la
nécessité de voir cette catégorie de citoyens
déjà privilégiée, classée parmi les 3 p.c.
de la population qui gagnent déjà $28,000 se faire voter par un
Parlement aussi grotesque une augmentation de salaire, à un moment
où la plupart des contribuables québécois, ceux-là
mêmes qui, par leurs taxes et leurs impôts, devraient
défrayer cette augmentation, se sentent, à la période des
Fêtes, les poches beaucoup moins pesantes qu'ils ne le croyaient
lorsqu'ils ont à affronter le coût de la vie actuel.
M. le Président, je crois que nous y gagnerions tous à
retrouver dans un autre temps et à un autre moment ce projet de loi. Il
faudrait entendre aussi des gens dont, malgré toute la bonne
volonté de l'Opposition officielle, nous ne pouvons que refléter
imparfaitement l'opinion en cette Chambre, mais des gens qui, comme le
signalait tout à l'heure le député de Maisonneuve, ont
contribué soit par la profession qu'ils occupent, soit par les postes
qu'ils ont déjà occupés, soit par l'analyse qu'ils ont
déjà faite et qui a fourni les statistiques que nous avons
données, fourniraient des précisions plus grandes qui
liquideraient, peut-être à l'avantage du gouvernement, le doute
que nous exprimons ce soir quant à la nécessité de cette
augmentation.
M. le Président, je ne crois pas que le temps d'intervention qui
m'est donné soit très long. Je crois qu'en vertu du
règlement et je suis soucieux de le respecter je ne peux
intervenir que durant dix minutes sur la motion présentée par le
député de Maisonneuve.
Je crois en avoir déjà employé une bonne partie et,
pourtant, je ne crois pas avoir employé une bonne partie des arguments
que j'ai à faire valoir quant à la nécessité de
reprendre, à tête reposée et intelligente autant que
possible, tout le débat que nous avons à avoir alentour de cette
question.
Je regrette, pour ma part, que le député d'Outremont,
ministre de la Justice, n'ait pas cru bon de répéter,
particulièrement à l'intention des nouveaux députés
de l'Assemblée nationale, l'argumentation de qualité, pour les
tenants de cette thèse, qu'il avait présentée en juillet
dernier. Peut-être que, si nous adoptions avec force la motion
présentée par le député de Maisonneuve, le
député d'Outremont, ministre de la Justice, aurait l'occasion,
à une commission parlementaire ou ailleurs, d'entretenir son caucus
cette fois, j'espère, avec plus de succès que sur la
question des loyers et de le convaincre à son tour. Je ne crois
pas ils sont bien libres d'intervenir dans le débat actuel
que la trop courte et pas assez prononcée intervention du ministre de la
Justice à l'appui de ce projet de loi ait même convaincu jusqu'au
dernier des députés libéraux. Le temps, donc, que nous
accorderait l'adoption de la motion du député de Maisonneuve
vaudrait pour tous les membres de cette Chambre.
Motion d'ajournement du débat
M. CHARRON: C'est pourquoi, pour que le
gouvernement non seulement reconsidère sa loi mais aussi pour
qu'il reconsidère l'option que vient d'annoncer le ministre de la
Justice quant au sort qu'il réserve à la motion du
député de Maisonneuve, me prévalant de l'article 77 de
notre règlement, je voudrais demander que cette Chambre accepte
d'ajourner le débat en cours pour se prononcer sur des sujets qui ont
une autre importance. Ceci laisserait au moins la nuit qui vient au ministre de
la Justice pour repenser le refus catégorique d'une motion qu'il a
qualifiée, et qui l'est effectivement, de dilatoire. Il pourrait
considérer ce projet de loi qui est actuellement à l'étude
de l'Assemblée nationale.
Le feuilleton, comme nous l'a signalé le député de
Bonaventure à l'appui de la motion qui a suspendu les règles
normales de la Chambre, est suffisamment chargé. Ainsi sans perdre le
temps de l'Assemblée nationale mais sans avancer plus loin dans un
débat qui mérite de ne pas être bousculé et qui
mérite toute la considération que la Chambre peut y apporter,
nous pourrions, en acceptant cette motion d'ajournement du débat que je
fais en vertu de l'article 77 du règlement, M. le Président,
reprendre d'autres articles du feuilleton et nous prononcer sur l'avenir de
quelques projets de loi que, de toute façon, nous sommes appelés
à étudier avant l'ajournement des Fêtes.
C'est pourquoi, M. le Président, sans aller plus loin puisque le
reste des travaux de la Chambre demeure l'initiative du gouvernement, je me
prévaux de l'initiative que m'accorde le règlement, à
l'article 77, pour proposer qu'immédiatement la Chambre ajourne le
débat en cours.
M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le leader parlementaire, sur une
question de règlement.
M. BURNS: Vous ne la connaissiez pas, celle-là?
M. LEVESQUE: Oui, oui, je la connais, je cherche simplement...
M. BURNS: Article 77.
M. LEVESQUE: Un instant, un instant!
M. LESSARD: On va vous mettre au courant.
M. LEGER: Adopté, adopté.
M. LEVESQUE: Un instant, un instant.
M. LESSARD: Suivez votre règlement, c'est le temps d'apprendre;
là, vous allez apprendre, dans le débat.
M. LEVESQUE: M. le Président, je vous réfère
à l'article 121 de notre règlement qui est très clair: "Un
seul amendement est possible à la motion de deuxième lecture. Il
ne peut viser qu'à la retarder. Il ne peut être l'objet d'un
sous-amendement".
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je dois répondre à
cette question de règlement du leader parlementaire que l'article 121
fait état d'un amendement et que, dans la circonstance, l'article 77
fait état d'une motion d'ajournement et non pas d'un amendement.
M. BURNS: C'est ça. M. CHARRON: Voilà.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Dans les circonstances, je suis
prêt à rendre la décision. C'est une motion recevable et
chaque parti reconnu a dix minutes sur le sujet.
M. LESSARD: Excellent, M. le Président.
M. CHARRON: Merci, M. le Président.
M. LEGER: Votre expérience est reconnue.
M. LESSARD: L'expérience est reconnue. On vous félicite,
M. le Président.
UNE VOIX: C'est du "filibuster". UNE VOIX: Vote.
M. HARDY: A la prochaine élection, trois
députés.
M. CHARRON: M. le Président, je vous remercie d'avoir reconnu ma
motion. Est-ce que je peux vous demander une directive? L'article 77 dit...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Une directive.
M. CHARRON: Sur la motion que je viens de présenter, n'est-ce
pas, on reconnaît aux deux partis reconnus dix minutes d'intervention.
Mais le proposeur peut également intervenir en droit de réplique
par la suite.
M. LEVESQUE: Non. Il n'y a pas de droit de réplique sur une
motion secondaire.
M. CHARRON: Je m'excuse. Lisez l'article 77. "Elle est mise aux voix
sans amendement, à la suite d'un débat restreint au cours duquel
un représentant de chaque parti reconnu peut prononcer un discours de
dix minutes, le proposeur pouvant exercer un droit de réplique de
même durée. Apprenez votre règlement, bon Dieu ! si vous
êtes leader du gouvernement. Il y
a toujours une limite. Cela ne fait pas 35 ans que je traîne en
Chambre et je le connais, le règlement. Cela n'a pas besoin d'être
une tradition parlementaire.
M. LEVESQUE: M. le Président, le proposeur peut exercer un droit
de réplique...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît, le
leader parlementaire.
M. LEVESQUE: ... s'il y a eu, évidemment, l'exercice du droit de
parole d'un membre du parti opposé. Comment voulez-vous répliquer
à vous-même?
M. LESSARD: Vous venez de le faire. M. BURNS: Un droit de
réplique... M. LEGER: Vous venez de répondre. M. LESSARD:
Pourquoi pas?
M. BURNS: M. le Président, un droit de réplique, en vertu
de l'article 101, ce n'est pas nécessairement un droit de
répliquer à quelqu'un qui aurait parlé, c'est quelqu'un
qui voudrait, à un moment donné, dire à l'autre parti qui
est en face les raisons pour lesquelles c'est maintenu. Un droit de
réplique est purement d'ordre technique.
M. LEVESQUE: Bien voyons! Enfin, enfin, on ne va pas prendre dix minutes
pour ça.
M. BURNS: Je pourrais parler sur la motion, c'est la proposition que je
vous fais bien respectueusement, M. le Président, je pourrais parler
pour appuyer la motion, ce qui n'enlèverait pas au député
de Saint-Jacques un droit de réplique, lequel, techniquement, est la
façon de fermer un débat. C'est ça, un droit de
réplique, M. le Président.
M. LEVESQUE: Bien non, bien non.
M. BURNS: Le débat peut se faire activement du côté
ministériel en parlant ou il peut se faire passivement en ne parlant
pas, c'est-à-dire en attendant bien sagement, comme mes amis d'en face
ont l'intention de le faire, que les gens de l'Opposition ait utilisé
leur droit de parole et de réplique pour ensuite voter contre.
M. le Président, la motion, à partir du moment où
elle est faite, est mise en débat, elle est "débattable". Qu'on
utilise de l'autre côté son droit de parole ou non, la motion est
mise en débat, de sorte que, qu'on parle ou pas de l'autre
côté, le droit de réplique est reconnu. On ne dit pas
à l'article 101 que le droit de réplique n'appartient qu'à
quelqu'un qui a proposé une motion lorsque l'autre a parlé
contre. Vous ajouteriez au règlement si vous rendiez une telle
décision. Un droit de réplique, c'est sacré dans certains
cas. C'est tellement sacré qu'on a pris la peine, à l'article
101, de dire dans quels cas précis cela existait et qu'on a pris la
peine, dans la dernière phrase de l'article 77, de dire que le proposeur
avait un droit de réplique. Je pense qu'il n'est que normal, sans qu'on
tente de nous empêcher d'avoir un droit de réplique sur un
débat restreint qui, déjà, lui-même, n'est pas une
histoire pour faire perdre un temps énorme à la Chambre.
Il me semble que vous devez reconnaftre qu'un droit de réplique
n'appelle pas nécessairement, de la part du côté
opposé, un énoncé ou une intervention. Autrement, M. le
Président, je pense que vous donneriez au gouvernement une
discrétion sur le sens de l'article 101. Vous causeriez un dangereux
précédent en cette Chambre. Vous causeriez également un
dangereux précédent...
M. LEVESQUE: M. le Président, vous a-t-il suffisamment
éclairé? Bon.
M. BURNS: ... à l'égard de l'article 77.
M. LEVESQUE: Vous ne voyez pas ce qui se passe?
M. BURNS: M. le Président, je vous prie...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je suis prêt à rendre ma
décision, exactement.
M. BURNS: ... de dire au leader du gouvernement que vous n'avez pas
d'instruction à recevoir de lui.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Effectivement, je suis prêt
à rendre ma décision.
M. BURNS: J'aimerais bien que vous lui disiez que vous n'avez pas
d'instruction...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Non, effectivement.
M. BURNS: ... à recevoir de lui.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Effectivement, je suis bien
éclairé.
M. BURNS: On s'entend bien?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Ah oui!
M. BURNS: Vous n'avez pas d'instruction à recevoir de lui.
M. LEGER: M. le Président,... M. HARDY: II est bien
éclairé.
M. LESSARD: J'aurais simplement un mot à ajouter, M. le
Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Sur une question de
règlement?
M.LESSARD: Oui, sur le point de règlement.
M. HARDY: Debout.
M. LESSARD: C'est qu'il faudrait aussi qu'on vérifie ce qu'est le
droit de réplique. Répliquer à quelqu'un c'est aussi
répondre à quelqu'un. Il peut très bien arriver qu'on ne
réponde pas nécessairement aux députés
libéraux qui interviennent, qu'on puisse être dans l'obligation de
répondre à un député de l'Opposition qui est membre
du Parti créditiste. Ou encore, si le député de
Maisonneuve intervient sur la motion du député de Saint-Jacques,
pourquoi le député de Saint-Jacques n'aurait-il pas la
possibilité de répliquer au député de Maisonneuve?
M. le Président, ce droit est très large. Il n'est pas dit...
M. HARDY: Debout.
M. LESSARD: ... que le droit de réplique se fait exclusivement
lorsqu'un membre du gouvernement...
M. LEVESQUE: M. le Président,... M. LESSARD: ... actuel
répond.
M. LEVESQUE: ... en réponse au député de Saguenay,
je lui ferai remarquer que l'article sur lequel se fonde son parti pour
réclamer ce qu'il réclame dit justement que seul un
représentant de chaque parti reconnu peut prendre la parole, un seul par
parti reconnu. Or, il n'est pas question de représentant d'un parti non
reconnu.
M. LESSARD: Alors, M. le Président, est-ce que le
député de Saint-Jacques ne pourrait pas répliquer au
député de Maisonneuve?
M. LEVESQUE: Bien, si vous n'êtes pas d'accord, c'est bien, c'est
l'habitude.
M. LESSARD: Bon, M. le Président, c'est cela qu'on veut.
M. LEGER: M. le Président,...
M. BURNS: M. le Président, je suis bien prêt à
mettre des nuances dans mon accord que je vais donner. Cela...
M. LEVESQUE: D'accord.
M. BURNS: ... donnera peut-être un droit de réplique. Je
suis bien prêt à mettre des nuances.
M. LEGER: M. le Président,...
M. LEVESQUE: Ce ne sera pas nouveau que vous soyez divisés.
M. LEGER: ... je veux simplement, sur le point de
règlement,...
M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce que l'on peut avoir...
M. LEGER: ... juste un petit point important.
M. LEVESQUE: ... parce que cela devient ridicule.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Je
suis prêt à rendre ma décision. Je vais écouter
votre point très précis et très court.
M. LEGER: C'est simplement que dans l'article 77 il y a un mot qui
explique toute l'affaire, c'est le mot "peut": Un représentant de chaque
parti reconnu peut... Cela ne veut pas dire qu'il est obligé de le
faire.
M. LEVESQUE: Ah! Ah! Ah! Sortez vos juristes.
M. LEGER: Alors, le parti ministériel peut ou ne peut pas et
l'autre...
M. HARDY: Pseudo-juriste!
M. LEGER: ... peut et il peut s'en servir. Alors, le mot "peut" est le
mot clé. Je pense, M. le Président, que vous êtes
suffisamment éclairé.
M. HARDY: Vous êtes meilleur dans les élections.
M. LEGER: Connaissant votre sagesse, je crois que...
M. HARDY: Vous êtes meilleur dans les élections qu'en
droit.
M. LEGER: ... vous allez rendre votre jugement.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le jugement que je vais rendre ne
fera sans doute pas l'affaire de tout le monde. Mais, même avec l'aide du
Larousse, qu'on vient de faire venir de toute urgence, il faut bien essayer de
se rappeler ce que veut dire le mot "réplique". H faut répliquer
à quelque chose. Le mot "peut", on le retrouve dans deux lignes: Peut
prononcer un discours et peut exercer un droit de réplique. Autrement
dit, je pense qu'il faut tout de même s'en remettre à l'esprit du
texte, quitte à l'améliorer, si possible, une autre fois. Mais,
si un parti reconnu prononçait un discours, une
intervention, le député de Saint-Jacques pourrait avoir
une réplique. Je ne peux pas présumer, à l'instant
même, si le parti ministériel va se prévaloir du droit de
parole. S'il s'en prévaut, à ce moment-là, il est
évident que le député de Saint-Jacques aura un droit de
réplique. C'est textuel, c'est assez clair. A l'aide du dictionnaire,
dans lequel on vient de vérifier une dernière fois, je pense que,
dans ces circonstances, je vais attendre quant à moi si le parti
ministériel...
M. LESSARD: Dans la directive, quand vous parlez de parti reconnu,
est-ce que vous parlez exclusivement du Parti libéral...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Non, non !
M. LESSARD: ... ou si vous parlez aussi d'un autre parti reconnu, qui
est le Parti québécois?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Une réplique...
M. LESSARD: M. le Président...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, oui!
M. LESSARD: ... c'est une réplique à quelqu'un.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Naturellement.
M. LESSARD: Alors, dans le parti reconnu, si le député de
Maisonneuve, qui est membre d'un parti reconnu...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui.
M. LESSARD: ... prend la parole justement sur cette motion, est-ce que
le député de Saint-Jacques n'aurait pas...
M. LEVESQUE: Non, non. M. LESSARD: ... la possibilité de
répondre... M. LEVESQUE: A l'ordre! A l'ordre! M.LESSARD: ... à
l'intervention...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Bien...
M. LESSARD: ... d'un membre d'un parti reconnu qui est le Parti
québécois?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Bon. C'est évident que le
Parti québécois est un parti reconnu. Mais je pense que vous
comprendrez facilement que si le député de Saint-
Jacques est pour parler dans le même sens que le
député...
M. LESSARD: Ah! cela, vous ne pouvez pas le savoir !
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je ne peux pas présumer
mais...
M. LESSARD: Non.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): ... je vais m'en apercevoir
rapidement.
UNE VOIX: Vous l'arrêterez.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui. Naturellement, je ne pourrai pas
je ne pense pas empêcher le député de
Saint-Jacques de se lever, mais si je m'aperçois qu'il parle dans le
même sens, à ce moment-là, je vais être obligé
de demander au député de Saint-Jacques de reprendre son
siège.
M. ROY: M. le Président, j'aurais une directive à vous
demander.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Certainement.
M. ROY: Si nous avions été un parti reconnu et si nous
avions parlé sur la motion de l'honorable député de
Saint-Jacques, est-ce que l'honorable député de Saint-Jacques
serait justifié et aurait le droit de réplique?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui.
M. ROY: Alors voyez, messieurs, pourquoi nous demandons notre
reconnaissance !
M. SAMSON: Arrêtez de nous bloquer, et vous allez voir que
ça va bien marcher !
M. CHARRON: M. le Président, puisque je suis le proposeur de la
motion, je vais vous demander une directive également, parce que
j'hésiterai, maintenant, dans votre interprétation, à
utiliser l'article 77 du règlement et je me demanderai même ce
qu'il fait là.
M. le Président, si chacune des dispositions qui prévalent
pour la défense des droits de l'Opposition devaient être
annulées du règlement...
UNE VOIX: M. le Président...
M. CHARRON: M. le Président, je vous demande une directive, et
vous, je vous demande de vous taire. D'accord?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Quelle directive? A l'ordre, s'il
vous plaît!
M. CHARRON: Je demande au président
une directive, et je vous demande de me foutre la paix. D'accord? C'est
clair?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
Quelle directive?
M. CHARRON: M. le Président, que penseriez-vous... M. le
Président, est-ce que je dois croire que le règlement est ainsi
fait...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît
!
M. CHARRON: Ah! Le "back-bencher" de Terrebonne est écoeurant ce
soir! M. le Président...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): J'attends sa question et je
vais...
M. CHARRON: II a rendu sa décision, M. le député de
Bonaventure. Je lui ai demandé maintenant, en vertu d'un autre article
du règlement que vous ne semblez pas bien connaf-tre ce soir, une
directive. J'ai encore ce droit.
M. LEVESQUE: M. le Président, c'est que lorsque...
M. CHARRON: Vous n'avez pas le droit de m'interrompre, même,
à ce moment-ci, en vertu du même règlement.
M. LEVESQUE: Sur une question de privilège, M. le
Président.
M. BURNS: II n'a pas à intervenir dans cette histoire, M. le
Président.
M. LEVESQUE : J'invoque la question de privilège.
M. BURNS: II n'a pas à intervenir dans cette histoire, M. le
Président. Vous êtes en train de recevoir une demande de
directives de la part du député de Saint-Jacques.
M. LEVESQUE: J'invoque une question de privilège.
M. BURNS: Depuis le début, M. le Président, le
député de Bonaventure ne cesse d'intervenir dans cette demande de
directives.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plait!
M. LEVESQUE: En vertu de quoi?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le leader parlementaire sur une
question de privilège.
M. BURNS: M. le Président, sur une question tant que vous
voudrez. C'est une façon constante que le leader du gouvernement a
d'intervenir dans une demande de directives du député de
Saint-Jacques.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous intervenez sur
un...
M. BURNS: J'interviens contre cette intervention.
M. LEVESQUE: Et moi, je n'ai pas le droit? Une chance qu'ils ne sont pas
au pouvoir, eux autres!
M. BURNS: Je veux que vous laissiez le droit de parole au
député de Saint-Jacques.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Maisonneuve sait fort bien que je suis obligé d'accorder...
UNE VOIX: Ce serait beau si vous étiez au pouvoir!
M. LEVESQUE: Oui, c'est beau! C'est beau!
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): J'ai compris le sens de votre
intervention, l'honorable député de Saint-Jacques.
Peut-être faudrait-il regarder à nouveau la rédaction de
cet article. Mais je ne peux faire rien d'autre que de déterminer qu'une
réplique, c'est une réponse à quelqu'un. Je ne peux pas
faire autrement.
Je dois donc attendre pour voir, d'abord, qui va parler. Je vais vous
donner le droit de parole si vous le demandez. Par contre, si vous ne
répliquez pas, je vais être obligé de vous empêcher
de continuer, jusqu'à ce qu'on change la rédaction d'un tel
article.
A ce moment-là, le droit de parole à l'un ou l'autre des
partis reconnus...
L'honorable député...
M. SAMSON: M. le Président, est-ce que je vous ai bien compris
quand vous avez mentionné que vous suggériez de réviser
l'article en question?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Ce n'est pas tout à fait ce
que j'ai dit: Jusqu'à ce qu'on le change.
M. SAMSON: Jusqu'à ce que vous le changiez. Est-ce que, M. le
Président, vous iriez jusqu'à suggérer des changements
à d'autres articles aussi, aux fins que notre parti soit reconnu...
M. LEVESQUE: Voyons, voyons!
M. SAMSON: ... et que nous puissions, nous aussi, représenter nos
électeurs en cette Chambre.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Pour le droit de parole des deux
députés de Beauce-Sud et de Rouyn-Noranda, je voudrais vous
référer à une déclaration antérieure du
président de l'Assemblée nationale, qui vous a fait, en certaines
circonstances, des suggestions appropriées.
Est-ce que vous voulez parler sur...
M. LESSARD: M. le Président...
M. ROY: M. le Président, les suggestions appropriées,
j'aimerais en prendre connaissance.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que quelqu'un veut parler?
M. LESSARD: M. le Président...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Sur la...
M. LESSARD: Sur la motion du député de Saint-Jacques.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Saguenay.
M. Lucien Lessard
M. LESSARD: M. le Président, je ne peux qu'approuver la motion du
député de Saint-Jacques parce que, justement, il s'agit
d'ajourner cette Chambre, afin de permettre aux députés
libéraux de réfléchir sur le sens de la loi importante qui
nous est proposée par le ministre.
On sait que la nuit porte conseil. Et en particulier, je pense bien que
ces 102 députés libéraux ont véritablement besoin
de dormir quelque peu afin de prendre conscience des lois qu'on leur
propose.
Quoique, bien souvent, ces lois sont acceptées au moment
où ils dorment. Je pense que c'est là une motion qui va un peu
à la suite de la première motion qui a été
présentée par le député de Maisonneuve pour
si nous ne réussissons pas à obtenir la motion de remise à
six mois au moins faire en sorte que les députés
libéraux nous reviennent peut-être demain avec de meilleures
dispositions, avec une meilleure connaissance des projets de loi, un peu mieux
reposés. Et cela leur permettra de prendre conscience des
conséquences importantes de ce projet de loi.
Je le dis non seulement pour les députés libéraux.
Nous savons que, suite à la motion qui nous a été
présentée il y a quelque temps, et acceptée par le rouleau
compresseur des 102 députés libéraux, que nous autres
mêmes, du Parti québécois, nous sommes fort
fatigués...
UNE VOIX: Cela paraît.
M. LESSARD: Et qu'il nous est difficile...
Est-ce que le député de Sainte-Anne voudrait me conseiller
sur l'intervention que j'ai à faire? Il nous est difficile d'avoir
toutes les connaissances complexes sur ce projet de loi, parce que nous, du
Parti québécois, il nous arrive bien souvent étant
donné en particulier la motion qui a été
présentée par le leader parlementaire du gouvernement de
travailler entre minuit et dix heures du matin.
Et malheureusement c'est notre sort... Je dis bien de travailler
sérieusement entre minuit et dix heures du matin afin de prendre
connaissance des dossiers importants.
Et nous avons à étudier, en ce qui concerne cette loi, les
relations entre... Cela se fait bien en pleine nuit, les relations...
M. HOUDE (Fabre): Sur un dossier ça doit être fatigant.
M. LESSARD: ... entre certaines provinces du Québec, certaines
provinces du Canada, dis-je.
UNE VOIX: La revanche des berceaux.
M. LESSARD: Je veux dire les rapports. Essayer d'étudier quel est
le salaire des juges en Ontario, en Colombie-Britannique, ou ailleurs, et,
justement, la loi qui nous est présentée ce soir.
Si nous avions et je demande aux libéraux de nous
l'accorder l'avantage au moins et peut-être que ce serait
un avantage pour les libéraux de réfléchir cette
nuit, il pourrait même arriver que, demain matin, nous revenions en cette
Chambre et que nous soyons peut-être d'accord avec le projet du ministre
de la Justice. La nuit porte conseil. Et nous autres aussi nous pourrions
réfléchir.
La motion du député de Saint-Jacques me paraît
extrêmement logique, non seulement pour les députés du
Parti québécois qui sont des gars fatigués, mais en
particulier pour les députés du Parti libéral qui,
malheureusement, ne semblent pas comprendre les conséquences
néfastes de ce projet de loi.
Je suis d'accord sur la motion du député de Saint-Jacques.
Mais je me pose certaines questions aussi. Est-ce que le député
de Saint-Jacques voudrait tout simplement, par cette motion, et je demande au
député de Saint-Jacques de me répondre tout à
l'heure à l'occasion de sa réplique.
Est-ce que le député de Saint-Jacques désirerait,
tout simplement, retarder l'adoption de ce projet de loi? Je suis
assuré, M. le Président, que ce n'est pas le but du
député de Saint-Jacques, mais je laisserai au
député de Saint-Jacques le soin de me répondre à ce
sujet. Est-ce que le député de Saint-Jacques, outre les raisons
que j'ai données pour appuyer cette motion, n'aurait pas des raisons
plus particulières à me donner? Tout à l'heure, que j'ai
constaté que quelques députés libéraux discutaient
avec lui. Peut-être qu'ils l'ont renseigné sur certains
points et peut-être que ces députés libéraux
seraient d'accord avec nous. Mais, malheureusement, ces députés
ne peuvent pas s'exprimer. Alors, il y a des questions, j'en suis
assuré, qui sont actuellement obscures dans l'esprit du
député de Saint-Jacques lorsqu'il nous présente ce projet
de loi et que je ne comprends pas complètement. J'ai exprimé
pourquoi j'étais d'accord avec cette motion. Cependant, le
député de Saint-Jacques pourrait nous expliquer, dans les dix
minutes au cours desquelles il aura, tout à l'heure, à me donner
la réplique, des raisons beaucoup plus profondes de cette motion et de
l'application ou de l'utilisation de cet article 77.
Je sais aussi, M. le Président, que tout à l'heure, suite
aux discussions que le député de Saint-Jacques a eues avec
certains libéraux, eux-mêmes lui ont posé des questions,
lui demandant pourquoi, par exemple, il tentait de présenter cette
motion. Les députés libéraux veulent avoir une
réponse aux questions qu'on a posées au député de
Saint-Jacques. Moi, je suis impatient d'entendre en réplique le
député de Saint-Jacques m'expliquer encore son idée. En
plus des raisons profondes pour lesquelles j'appuie cette motion, je suis
assuré que le député de Saint-Jacques a encore des raisons
beaucoup plus positives, beaucoup plus particulières, beaucoup plus
importantes pour présenter cette motion.
M. le Président, je serai heureux d'entendre la réplique
du député de Saint-Jacques, tel que le lui permet le
règlement, puisque celui-ci dit: il s'agit de répliquer à
un membre d'un parti reconnu. Or, M. le Président, à ce que je
sache, le député de Saguenay est membre d'un parti reconnu,
représentant 30 p.c. de la population, et j'espère que le
député de Saint-Jacques sera capable de me répondre.
Connaissant son intelligence, sa perspicacité, ses connaissances du
règlement, je suis assuré que, beaucoup mieux que les
libéraux, le député de Saint-Jacques saura répondre
à mes questions. M. le Président, j'attends la réplique du
député de Saint-Jacques avant d'être convaincu d'adopter
cette motion.
LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît! J'ai suivi, d'une
banquette de la gauche, ce qui s'est déroulé il y a quelques
instants. Mon opinion, c'est qu'un parti reconnu a le droit, sur une motion
d'ajournement du débat, à dix minutes. Or, un des
députés d'un parti reconnu, en l'occurrence le
député de Saguenay, a parlé au nom d'un parti reconnu pour
dix minutes expliquant pourquoi le débat devrait être
ajourné. Dans la conception, dans l'élaboration et dans la
rédaction de notre règlement, je pense bien que tout le monde
était d'accord pour faire disparaître le plus possible les simples
trucs de procédure qui existaient à une certaine époque.
Je ne vois pas comment, actuellement, par certains trucs, un même parti
aurait droit à dix autres minutes, s'il n'y a pas une réplique
vraiment valable d'un opposant à cette motion.
Je pense bien qu'en toute justice, si on veut rétablir les
circonstances, le parti reconnu, en l'occurrence l'Opposition officielle, le
Parti québécois, a eu ses dix minutes sur cette motion. Si le
parti ministériel ou un parti opposant ne désire pas
émettre une opinion contre cet ajournement, je ne verrais pas pourquoi
j'accorderais dix autres minutes de réplique.
M. LEGER: M. le Président, je veux vous demander une directive.
Comment se peut-il qu'un président qui remplace un autre change la
version de l'autre?
LE PRESIDENT: Je n'ai rien changé, monsieur.
M. LEGER: Le président précédent a dit qu'il...
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! A l'ordre! Je
considère... A l'ordre! A l'ordre! Je considère que ce
débat est clos et je mets cette motion aux voix.
M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement.
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CHARRON: En vertu de l'article 96, je crois que j'ai le droit de
rétablir les faits sur ce que vient de dire le député de
Saguenay.
LE PRESIDENT: Ecoutez, est-ce que ce sont vraiment des trucs que vous
voulez?
M. CHARRON: Je veux rétablir les faits sur ce qu'a dit le
député de Saguenay.
LE PRESIDENT: Je pense bien que personne ne se grandit avec
ça.
M. CHARRON: Cela, M. le Président, ça peut être le
choix de l'Opposition.
LE PRESIDENT: C'est mon avis.
M. CHARRON: C'est un choix politique de l'Opposition, vous avez droit
à votre opinion.
M. LEGER: Le président donne son opinion maintenant.
M. HARDY: Vous êtes pires que l'Union Nationale.
LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, messieurs ! A l'ordre
!
M. LESSARD: Les règlements sont là pour être
utilisés.
LE PRESIDENT: Très brièvement.
M. CHARRON: M. le Président, le député de Saguenay
a laissé entendre dans son intervention que j'avais rencontré
tout à l'heure des députés libéraux, qu'ils
m'avaient donné des informations et que, plus que ça, ils avaient
même été suffisamment clairs pour me poser des questions.
Je tiens à rétablir les faits. En aucun temps je ne les ai
rencontrés sur ce sujet et je ne tiens pas du tout à les
rencontrer non plus.
UNE VOIX: Nous non plus.
LE PRESIDENT: D'accord. A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!
Est-ce qu'il y a un vote enregistré?
M. BURNS: M. le Président, un vote enregistré. Nous sommes
cinq.
LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés. UNE VOIX:
Vote!
Vote sur la motion de M. Charron
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable
député de Saint-Jacques veuillent bien se lever, s'il vous
plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron,
Lessard.
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever, s'il
vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Choquette, Quenneville,
Hardy, Forget, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Houde (Fabre), Houde
(Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Brown, Fortier, Bacon, Blank, Bédard
(Montmorency), Veilleux, Brisson, Houde (Limoilou), Pilote, Gallienne, Assad,
Faucher, Marchand, Springate, Beauregard, Bellemare, Boudreault, Boutin
(Abitibi-Ouest), Caron, Déziel, Harvey (Dubuc), Lachance, Lecours,
Malépart, Malouin, Mercier, Pagé, Parent (Prévost),
Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières, Verreault.
M. SAMSON: M. le Président, voulez-vous, s'il vous plaît,
enregistrer les abstentions du député de Rouyn-Noranda et du
député de Beauce-Sud?
LE SECRETAIRE: Pour: 5
Contre: 46
Abstention: 2
LE PRESIDENT: La motion est rejetée. Nous sommes toujours sur le
débat de la motion d'amendement de l'honorable...
M. BURNS: Sur la motion d'amendement que j'ai faite, M. le
Président, à la suite de mon discours de deuxième lecture.
On s'entend bien là-dessus.
Reprise du débat sur la motion de report
à six mois
LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable chef de l'Opposition
officielle.
M. Jacques-Y van Morin
M. MORIN: Sur la motion de modification d'amendement du leader du Parti
québécois, bien entendu, il s'agit d'une motion dilatoire. Je ne
sais pas si le ministre de la Justice, tout à l'heure, croyait avoir
fait une grande découverte en nous annonçant ça. Il est
évident que puisque nous faisons une motion pour renvoyer le projet de
loi à six mois, c'est bien évidemment d'essence dilatoire.
Là-dessus, nous sommes parfaitement d'accord. Cela n'a rien de
péjoratif, M. le Président, que de dire que c'est dilatoire.
C'est comme une motion dilatoire devant les tribunaux. Cela a pour but de
retarder pour des motifs valables, des motifs que nous estimons être
valables.
UNE VOIX: Nommez-les.
M. MORIN: Et je voudrais... Oui, je vais les nommer.
UNE VOIX: Cela s'en vient, énerve-toi pas.
M. MORIN: Si vous m'interrompez trop souvent, je ne pourrai pas venir au
bout de mon discours.
M. le Président, je voudrais d'abord...
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. MORIN: ... rassurer les députés de cette Chambre. Cette
motion n'a pas pour effet de jeter par-dessus bord le bill une fois pour
toutes. Lorsqu'il sera voté parce qu'un jour, j'imagine que ce
bill sera voté, s'il est bien fondé lorsqu'il sera
adopté par cette Chambre, la loi est rétroactive, donc personne
ne perd quoi que ce soit, dans les circonstances. La motion que nous faisons
est peut-être dilatoire, mais n'est pas attentatoire au droit de qui que
ce soit.
UNE VOIX: C'est bon, c'est bon.
M. MORIN: Si nous avons demandé de remettre ce bill à six
mois, c'est que nous n'avons pas tous les chiffres. Nous en avons, nous avons
énormément de chiffres. Nous avons fait faire des recherches
poussées. Je puis assurer le président que nous avons des
chiffres. D'ailleurs, je voudrais bien que le ministre de la Justice puisse
prendre connaissance de tout cela un jour. Il semble que les chiffres,
d'ailleurs sporadiques, que le ministre de la Justice a cités ne
coincident pas avec les nôtres. Il y a quelqu'un qui se trompe; ou bien
c'est lui ou
bien c'est nous. Nous, nous pensons que nos chiffres...
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs! H reste huit
minutes avant de changer de salle. Allez, allez!
M. MORIN: M. le Président, le ministre ne nous a pas donné
tous les chiffres, ce soir. Il nous a donné même très peu
de chiffres. Il se peut qu'il les ait donnés dans une Législature
antérieure. Je n'en sais rien, je n'y étais pas. Mais, si au lieu
de faire de l'humour, tout à l'heure, il s'était attaché
à vraiment bien défendre son projet de loi, à nous
renseigner pleinement, à répondre à nos chiffres, je pense
que, là, peut-être, on aurait pu se faire une idée. Mais ce
n'est pas le cas. Par exemple, nous avons des chiffres pour les revenus nets de
profession, des avocats et des notaires au Canada. Je vous fais grâce de
toute l'énumération, mais on constate, par exemple, qu'en 1970 le
revenu net de profession était de $23,000; en 1971, d'environ $24,000;
en 1972, ce sont des chiffres qui sont estimés, mais
fondés sur des calculs scientifiques de $25,000 et, en 1973, de
$27,000.
M. MALOUIN: Cela a été dit tout à l'heure.
M. MORIN: M. le Président, il est bien clair que ce revenu net de
profession, d'après les chiffres que nous avons, montre que le salaire
de $28,000 dont on a parlé, qui est payé aux juges des cours
Provinciales et aux juges, présidents des tribunaux administratifs, se
situe vraiment au sommet de l'échelle des salaires par rapport aux
professions.
Le ministre de la Justice n'a pas, que je sache, apporté des
chiffres, différents de ceux-là, qui soient de nature à
nous convaincre. C'est pour cela que je voudrais que nous fassions remettre la
chose à six mois.
M. BURNS: C'est ça.
M. MORIN: Bien oui. Nous avons des chiffres et le ministre n'est pas
capable de nous convaincre que ces chiffres sont inexacts. Il n'est pas capable
de nous convaincre; en tout cas, il n'a même pas tenté de le
faire, que je sache. Il n'a pas même tenté de nous donner des
chiffres qui montrent que les juges sont désavantagés par rapport
aux gens qui sont les mieux payés dans les professions. Il faudra aussi
que le ministre nous donne les chiffres québécois. Par exemple,
nous avons des chiffres qui indiquent clairement que, dans le revenu total des
avocats et des notaires au Québec, comparé avec le Canada, le
revenu est inférieur, dans le cas du Québec, de $3,194 pour un
revenu total, avocats et notaires, de $28,323, alors qu'au Canada il est
supérieur. On pourrait donc, sur la base de ces chiffres-là,
prétendre que les juges des autres provinces, qui, en
réalité, ne sont pas payés plus que les juges
québécois, devraient être payés davantage.
Nos professionnels gagnent moins, M. le Président. Et on veut
augmenter nos juges, les juges provinciaux, au-delà des normes qui sont
prévues dans les autres provinces. Il y a tout de même là
des contradictions sur lesquelles j'appelle l'attention du ministre de la
Justice, des contradictions sur lesquelles il voudra bien nous
éclairer.
Il va falloir, certainement, qu'il fasse des recherches pour être
aussi bien documenté que nous le sommes, parce que cela nous a pris
oui du temps, figurez-vous, pour aligner ces chiffres. Il a fallu
des semaines de recherches...
M. BURNS: Des mois.
M. MORIN: ... ne vous en déplaise. Cela a été fait
sérieusement.
Un autre élément qui requiert visiblement qu'on remette
tout ce débat, M. le Président, pour vraiment se documenter:
Est-ce que le ministre connaît les dépenses pour les salaires des
juges dans l'Ontario? Il n'en a pas été question ce soir. Et
pourtant, l'Ontario dépense, pour ses juges provinciaux, M. le
Président, onze fois moins que le Québec.
M. BACON: On est au Québec, ici.
M. MORIN: M. le Président, l'Ontario dépense, pour ses
juges provinciaux, onze fois moins que le Québec. Il faudra quand
même que le ministre de la Justice vienne nous expliquer pourquoi il en
est ainsi. Il ne l'a pas fait encore. Autrement dit, nous marchons à
l'aveuglette dans cette affaire. On nous demande de voter un projet de loi, on
nous lance à la figure toutes sortes d'arguments. On nous dit: Ces
malheureux juges. Ils ne peuvent pas maintenir leur standard de vie. Mais
dès qu'on veut esquisser une comparaison, alors là, on refuse de
nous suivre sur ce terrain.
Nous, nous disons qu'il faut prendre le temps, M. le Président,
au cours des six mois qui viennent, de comparer la situation des juges du
Québec avec ceux des autres provinces. On va découvrir que dans
des provinces qui sont plus riches que le Québec, où le revenu
net per capita est plus élevé qu'au Québec, les juges ne
sont pas payés plus qu'au Québec. Ce sont des chiffres que le
ministre de la Justice connaît peut-être. En tout cas, il n'en a
pas fait état. Je ne sais pas si vous les avez ces chiffres-là,
M. le ministre.
M. LEVESQUE: A l'ordre!
M. MORIN: Pour l'Ontario, un autre chiffre qu'il va falloir, tôt
ou tard... J'ai encore beaucoup d'arguments à faire valoir, M. le
Président.
M. BURNS: C'est l'ajournement du débat. LE PRESIDENT: II est
minuit.
M. MORIN: Je propose l'ajournement du débat, M. le
Président.
LE PRESIDENT: II est minuit.
M. MORIN: Merci. Mais je pourrai retrouver mon temps demain?
LE PRESIDENT: Oui, oui. Vous avez votre droit de parole.
M. LEVESQUE: M. le Président, de consentement, nous avons deux
rapports.
LE PRESIDENT: Deux rapports? L'honorable député de
Maskinongé.
Rapport des comités Rapport sur le projet de
loi no 17
M. PICOTTE: Conformément aux articles 123 et 161 du
règlement de l'Assemblée nationale, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission parlementaire des affaires
municipales, qui a étudié le projet de loi no 17 intitulé
Loi modifiant la loi des dettes et emprunts municipaux et scolaires.
M. BURNS: Je comprends que ce rapport est fait toujours avec l'entente
comme ça a été fait dans l'autre cas que
c'est tout comme s'il avait été déposé aux affaires
du jour demain. D'accord?
M. LEVESQUE: Jusqu'à six heures demain pour les amendements.
M. BURNS: Donc, jusqu'à six heures demain soir pour
déposer des amendements, s'il y a lieu.
M. LEVESQUE: S'il y en a.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Shefford.
Rapport sur le projet de loi no 7
M. VERREAULT: M. le Président, conformément aux article
123 et 161 du règlement de l'Assemblée nationale, j'ai l'honneur
de déposer le rapport de la commission parlementaire des richesses
naturelles et des terres et forêts, qui a étudié le projet
de loi no 7 intitulé Loi modifiant la loi d'Hydro-Québec.
M. BURNS: Même modalité.
M. LEVESQUE: Aux mêmes conditions, M. le Président. Je
propose l'ajournement de la Chambre à demain dix heures.
LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à demain dix
heures.
(Fin de la séance à 0 h)