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Version finale

30e législature, 1re session
(22 novembre 1973 au 22 décembre 1973)

Le jeudi 13 décembre 1973 - Vol. 14 N° 11

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

L'honorable député de Maskinongé.

Rapport sur le projet de loi no 6

M. PICOTTE: M. le Président, conformément aux articles 123 et 161 du règlement de l'Assemblée nationale, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission parlementaire des finances, des comptes publics et du revenu, qui a étudié le projet de loi no 6 intitulé Loi modifiant de nouveau la loi sur les impôts et certaines autres dispositions législatives d'ordre fiscal.

LE PRESIDENT:

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

M. LEVESQUE: Article a).

Projet de loi no 2 Première lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la première lecture de la Loi concernant le louage de choses.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je remarque que les notes explicatives de ce projet de loi sont très longues. Alors, je ne sais pas si on veut en avoir la lecture intégrale.

M. LEGER: On vous en dispense.

M. SAMSON: On vous en dispense. Cela vous surprend? On vous dispense de les lire.

M. CHOQUETTE: Très bien, elles sont très longues. D'ailleurs, les honorables députés de l'autre côté de la Chambre savent lire.

M. SAMSON: Oui, oui.

M. CHOQUETTE: Très bien.

LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle adoptée?

M. MORIN: Ineffablement.

LE PRESIDENT: Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lec- ture de ce projet de loi. First reading of this bill.

LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. LEVESQUE: Article c).

Projet de loi no 3 Première lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la première lecture de la Loi prolongeant et modifiant la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je fais une motion identique; qu'on me dispense de lire les notes explicatives de ce projet de loi.

M. SAMSON: Vous allez prendre goût.

M. CHARRON: De toute façon, c'est la quatrième fois qu'il revient. On les connaît.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. LEGER: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Projet de loi rayé du feuilleton

M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais faire motion pour que l'article b) à l'ordre du jour soit biffé, étant donné qu'il devient inutile.

M. CHARRON: Shame, shame, shame!

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: M. le Président, c'est peut-être la meilleure occasion, pendant qu'on a une motion, pour poser une question au ministre. J'aurais pu la poser, peut-être, en vertu de l'article 34 au leader du gouvernement, mais, vu que le ministre fait une motion pour rayer la Loi instituant une chambre des loyers, vu que, d'autre part, ce matin, il dépose la Loi prolongeant et modifiant la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires, vu qu'il dépose également la Loi concernant le louage de choses, je me pose une question sur

les intentions du ministre: Est-ce qu'il n'est pas en train de nous dire qu'il n'espère pas adopter sa Loi concernait le louage de choses avant la fin de la présente session et, donc, que cela le forcerait, si vous voulez, à adopter sa loi qu'on appelle communément la Loi de la Régie des loyers? Est-ce que c'est ça, la raison pour laquelle le ministre a déposé ces deux lois, ce matin, de façon conjointe?

M. CHOQUETTE: M. le Président, la question du député de Maisonneuve est très bien fondée. Il me fait plaisir d'y répondre. La Loi concernant le louage de choses est une réforme, n'est-ce pas, assez complète du chapitre du code civil sur le louage de choses.

Par ailleurs, quant au mode d'arbitrage des loyers, nous avons préféré, pour le moment, continuer ce qui existait précédemment, c'est-à-dire la Loi prolongeant et modifiant la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires, pour cette année. En effet, établir d'une façon permanente et l'inscrire au code civil un mode d'arbitrage ou de détermination des loyers, nous a paru une mesure qui n'avait peut-être pas été étudiée à fond. Je n'ai aucune réserve à dire au député de Maisonneuve que, sur cet aspect de la législation, qui concerne ce qu'on appelle communément le contrôle des loyers ou l'arbitrage des loyers entre propriétaires et locataires, que le gouvernement va instituer incessamment un groupe de travail, une "task force" pour examiner tous les aspects d'une telle législation sur l'habitation en général, sur l'économie, sur les effets d'une telle mesure, à long terme, dans le domaine de la construction.

Par conséquent, pour le moment, nous nous contentons de réformer le chapitre du code civil sur le louage mais nous maintenons la législation temporaire qui existait dans le domaine du louage. C'est la raison pour laquelle le gouvernement n'est pas prêt, à cette session-ci, à proposer une loi qui formerait une chambre des loyers et qui deviendrait, en quelque sorte, le tribunal des loyers institué de façon permanente.

D'ici quelques semaines, je crois qu'il sera possible au gouvernement d'indiquer qui seront les membres de ce groupe de travail qui aura à se pencher sur les aspects que j'ai mentionnés tout à l'heure, les répercussions économiques et sociales d'un système d'arbitrage des loyers permanent. C'est cela la question qui sera posée prioritairement à ce groupe de travail.

Evidemment, il y aura d'autres sujets qui seront confiés à ce groupe de travail, qui concerneront l'habitation en général. Mais, prioritairement, le groupe de travail aura à étudier cette question, de façon que dans le cours de l'année prochaine nous ayons un rapport qui puisse nous permettre d'agir dans un sens ou dans l'autre.

M. BURNS: Merci.

M. LEVESQUE: Article e). LE PRESIDENT: Adopté.

Projet de loi no 14 Première lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose la première lecture de la Loi modifiant la loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction.

M. COURNOYER: L'article 1 de ce projet est de concordance avec l'article 2.

L'article 2 prévoit que les clauses de l'entente que reproduit le décret deviennent exécutoires sujettes à la publication du décret dans la Gazette officielle aux dates convenues par les parties ou, à défaut, aux dates que fixe le décret.

L'article 3 prévoit que l'obligation, pour un employeur, de tenir certains registres et d'en fournir copie à la Commission de l'industrie de la construction continue de s'appliquer après l'expiration du décret.

L'article 4 déclare l'article 2 applicable au décret présentement en cours.

LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. LEVESQUE: Article f).

Projet de loi no 15 Première lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose la première lecture de la Loi modifiant la loi des établissements industriels et commerciaux.

M. COURNOYER: Est-ce qu'on peut être dispensé de lire cela? C'est pas mal long.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement?

M. BURNS: Consentement. On a besoin de temps ce matin, c'est pour ça qu'on est tellement gentils.

LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle adoptée? Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. BURNS: On respecte le gouvernement aussi.

UNE VOIX: Les galériens. M. LEVESQUE: Article h). LE PRESIDENT: L'honorable... M. BURNS: ... ce matin...

M. BOURASSA: On aurait pu lire toutes les notes explicatives jusqu'à onze heures et demie.

M. LEVESQUE: Je pense que c'est injuste, parce que nous avons déposé les bills aussitôt qu'ils ont été imprimés, et même en galée afin de permettre à l'Opposition et également aux autres députés de la Chambre d'en prendre connaissance le plus tôt possible.

M. BURNS: Vous êtes gentils.

M. BOURASSA: On aurait pu faire une demi-douzaine de déclarations ministérielles qui vous auraient...

Projet de loi no 13 Première lecture

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! L'honorable leader parlementaire du gouvernement, pour le ministre de l'Agriculture, propose la première lecture de la Loi autorisant de nouveaux crédits pour fins de prêts agricoles.

M. LEVESQUE: Ce projet autorise la mise à la disposition de l'Office du crédit agricole du Québec d'une somme additionnelle de $15 millions pour fins de prêts aux agriculteurs en vertu de la Loi du crédit agricole, portant ainsi à $515 millions le montant total affecté à ces fins.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

M. LEVESQUE: Je propose — pour ne pas retarder la procédure normale — de revenir, avec le consentement unanime, après la période des questions, au dépôt de documents.

LE PRESIDENT: Questions orales des députés.

QUESTIONS DES DEPUTES

LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

Usines Soma

M. MORIN: Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie et du Commerce, et, à son défaut, au premier ministre. Elle concerne le cas des 200 ou 300 chômeurs des usines SOMA.

Le premier ministre peut-il nous dire où en sont rendues les négociations entre la SGF et les différentes sociétés approchées pour prendre la relève de Renault? Plus particulièrement, qu'est-il advenu des négociations et de la lettre d'intention relativement à une éventuelle association avec la société allemande, MAN qui fabrique des autobus?

M. BOURASSA: M. le Président, le ministre des Transports a fait une déclaration, vendredi, impliquant, je pense bien, que les négociations avec des sociétés pour la réouverture ou l'expansion de SOMA évoluaient très favorablement. Je ne suis pas au courant des derniers détails, mais je sais que, la dernière fois que j'en ai discuté avec le ministre de l'Industrie et du Commerce, ça évoluait très favorablement.

M. MORIN: Une question supplémentaire. Je veux bien croire, M. le Président, que cela évolue favorablement, mais j'aimerais quand même qu'on nous donne quelques détails. Compte tenu de la crise actuelle, de la pénurie de pétrole, de la hausse continue des prix de l'essence, hausse qui a contribué à favoriser la fabrication et la vente des petites voitures, est-ce que le ministre a repris contact avec Renault-France ou encore, est-ce qu'il a amorcé de nouveaux contacts avec d'autres producteurs pour rouvrir SOMA dans des conditions qui paraissent cette fois beaucoup plus favorables?

M. BOURASSA: M. le Président, je pense que le ministre va arriver dans quelques minutes. Il prépare actuellement le bilan de l'année économique du Québec, qu'il doit rendre public dimanche et qui va confirmer les 130,000

nouveaux emplois cette année au Québec. Cela devrait rassurer...

M. MORIN: Combien d'emplois se sont-ils perdus pendant la même période?

M. BOURASSA: Non, non, c'est 130,000 nouveaux emplois nets, la meilleure année économique de l'histoire du Québec. J'avais dit 125,000 durant la campagne électorale. Ce n'est pas 125,000, c'est 130,000.

M. LEGER: Aussi net que les mains du ministre de la Justice. $300 millions.

UNE VOIX: A l'ordre, M. le Président, la question.

M. SAMSON: Environ 1000 emplois par député.

M. BOURASSA: Je m'excuse auprès du chef de l'Opposition; je ne peux pas lui donner plus de détails pour l'instant. Tout ce que je puis lui dire, c'est que, comme je le disais tantôt, le dossier évolue très favorablement. Je peux lui donner des chiffres d'ensemble sur le niveau des investissements privés, les hausses records que nous connaissons actuellement dans le secteur des investissements manufacturiers, mais je n'ai pas plus de détails particuliers à lui donner ce matin.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

Manifeste de Matane

M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre responsable de l'ODEQ, suite à la question que je lui posais, le 30 novembre dernier, concernant le délai qu'il prétendait prendre en tout cas pour donner sa réponse concernant l'avis du CRD au sujet du manifeste de Matane.

Est-ce que le ministre responsable de l'ODEQ, qui a, en partie, avec d'autres collègues, dénoncé le manifeste de Matane, est prêt à rencontrer l'abbé Jean-Marie Gendron qui, justement, offre dans le journal Le Soleil d'hier, de rencontrer quiconque parmi les libéraux, même le député de Bonaventure, dénonce ou a dénoncé le manifeste de Matane. Les libéraux ne semblent pas connaître ce que c'est qu'une question. Est-ce que le ministre responsable de l'ODEQ est prêt à rencontrer M. Jean-Marie Gendron et est-ce que le ministre responsable de l'ODEQ pourrait nous dire quand il entend donner sa réponse à l'avis qu'il quémandait en juillet dernier du CRD concernant le manifeste de Matane?

M. QUENNEVILLE: M. le Président, il faut dire d'abord, que nous avons attendu l'avis du

CRD pendant deux mois et demi. Alors je peux vous dire que d'ici une dizaine de jours...

M. LESSARD: Mais vous n'aviez pas attendu l'avis de la CRD pour dénoncer le manifeste.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. QUENNEVILLE: Alors d'ici une dizaine de jours nous serons en mesure justement de donner notre opinion sur cet avis du CRD. Quant à la deuxième partie, la rencontre avec l'abbé Gendron, l'OPDQ a toujours fonctionné en suivant les filières normales; et l'interlocuteur privilégié de l'OPDQ et de l'ODEQ, c'est encore le CRD et non pas l'abbé Gendron. Alors si le CRD veut me rencontrer à ce moment-là, je serai prêt à rencontrer le CRD.

M. LESSARD: De toute façon, vous ne voulez rencontrer personne.

LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.

M. LESSARD: Vous vous sauvez comme l'ex-député de Matane.

Pénurie d'acier

M. SAMSON: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie et du Commerce, faisant suite à une question que je posais en votre absence la semaine dernière au vice-premier ministre et de qui je devais obtenir réponse cette semaine. Il s'agit de la pénurie d'acier aux chantiers de la Davie Shipbuilding, de Lauzon, comme nous l'annonce le journal la semaine dernière. Cette pénurie d'acier retarderait, parait-il, la mise en chantier de quatre pétroliers et risquerait plusieurs centaines de mises à pied. Alors je demande au ministre s'il veut nous faire le point sur cette situation, s'il a été mis au courant de la situation, et quelles sont les solutions que le gouvernement du Québec peut aider à apporter dans les circonstances?

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, la pénurie d'acier touche non seulement la province de Québec et non seulement le Canada mais à peu près tous les pays du monde. Et devant ce déséquilibre entre l'offre et la demande, un gouvernement ne peut pas faire de la magie noire; il peut simplement tenter de mieux orienter la production d'acier en fonction des besoins les plus particuliers qui touchent à notre économie.

Nous l'avons fait pour plusieurs dossiers dans le passé. Dans ce cas-ci, mes services discutent avec les compagnies d'acier, et avec la compagnie elle-même, pour tenter de trouver un moyen de résoudre leurs problèmes. Particulièrement parce que le Québec ne produit qu'une

faible partie de l'acier fabriqué au Canada, on comprendra que nos moyens de pression sont limités, bien que de la part des compagnies nous ayons obtenu, jusqu'à aujourd'hui, une certaine collaboration pour résoudre des cas comme celui que vous soulevez.

M. SAMSON: Supplémentaire, M. le Président. Le ministre est probablement au courant que pour la construction de trois pétroliers grecs les compagnies elles-mêmes, les armateurs, ont négocié leur propre acier en Allemagne et on réussi finalement à l'avoir pour bâtir ces pétroliers. Est-ce que vous suggérez que, au sujet des quatre pétroliers devant être mis en chantier, les armateurs négocient eux-mêmes leur acier ou s'il n'y a pas un moyen quelconque, finalement, pour que le gouvernement du Québec fasse quelque chose?

On sait que la Davie Shipbuilding est aux prises continuellement avec le gouvernement fédéral, à genoux devant le gouvernement fédéral, suivant la nouvelle qui nous est rapportée, pour obtenir cette alimentation en acier.

M. SAINT-PIERRE: Je vais obtenir plus de renseignements à jour dans ce dossier et il me fera plaisir de répondre au député la semaine prochaine.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

Orchestre symphonique de Montréal

M. CHARRON: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires culturelles et porte, à nouveau ce matin, sur une subvention, celle-là régulière, qui doit être affectée le plus rapidement possible. Je voudrais demander au ministre des Affaires culturelles où en sont rendues les discussions entre le ministère qu'il dirige et la direction de l'Orchestre symphonique de Montréal.

M. HARDY: M. le Président, je dois répondre au député de Saint-Jacques que l'engagement que j'avais pris il y a déjà quelques jours, de prendre toutes les mesures pour faire en sorte que l'Orchestre symphonique de Montréal continue à vivre, sera réalisé. Je serai en mesure d'annoncer la chose en temps et lieu.

M. CHARRON: Additionnelle, M. le Président. Est-ce que le ministre, dans les discussions, les propositions qu'il a faites à l'Orchestre symphonique de Montréal, a tenu compte des remarques faites aussi bien par l'Opposition officielle que par d'autres groupes oeuvrant sur le territoire de Montréal, y compris même le premier ministre du Canada, demandant à l'Orchestre symphonique de Montréal de joindre à son dossier financier un dossier culturel qui impliquerait une plus grande participation à la vie culturelle des Québécois de langue française sur le territoire de Montréal?

M. HARDY: Comme nous l'avons toujours fait, M. le Président, avant d'accorder une subvention nous tenons compte de tous les éléments en présence. Ce n'est qu'après l'étude de tous ces éléments que nous prenons une décision.

M. CHARRON: Est-ce que le ministre en a profité également pour demander à l'Orchestre symphonique de Montréal de modifier le nombre, le taux, le pourcentage de participation de musiciens québécois, qui est singulièrement inférieure à la normale qu'il devrait y avoir à l'intérieur de cet orchestre?

M. HARDY: M. le Président, il y a deux décisions à prendre quant à l'Orchestre symphonique de Montréal. Il y en a une dans l'immédiat et il y en a une autre à long terme qui tient compte de l'ensemble du problème. Le député de Saint-Jacques comprendra que la dernière question qu'il vient de formuler sera étudiée dans l'ensemble du problème.

M. CHARRON: Dernière question additionnelle, M. le Président. Est-ce que les discussions se déroulent en anglais ou en français?

M. TETLEY: La musique... UNE VOIX: The music.

M. TETLEY: La musique n'a aucune langue. Guitare...

LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.

M. Castonguay engagé comme conseiller

M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Est-ce que le premier ministre peut nous confirmer l'engagement de M. Castonguay comme conseiller auprès du ministre des Affaires municipales pour l'aider à établir une politique sociale de l'habitation? Deuxièmement, si c'est oui, quel sera son rôle? Est-ce que ce sera un travail à plein temps? Finalement, est-ce que le ministre des Affaires municipales a été présent lors de cet engagement, est-ce qu'il a été consulté, ou est-ce qu'actuellement il est informé?

M. BOURASSA: M. le Président, cette décision de discuter avec M. Castonguay a été prise conjointement avec le conseil des ministres et particulièrement par le ministre des Affaires municipales et le chef du gouvernement. Le ministre des Affaires municipales doit rencontrer M. Castonguay dans quelques jours pour examiner les modalités de travail de ce groupe de travail, son mandat, les sujets prioritaires. Je

pense que, dès la semaine prochaine, nous serons en mesure de donner plus de détails sur ce sujet. Il n'y a pas encore de documents signés, de part et d'autre. Pour répondre à une question du député, M. Castonguay dirigera ce groupe de travail. Ce sera un travail à temps partiel. Nous allons former ce groupe de travail, au cours des prochains jours, et examiner son mandat.

M. LEGER: Une question supplémentaire. Est-ce qu'il y a eu une acceptation de principe, hier soir, à l'occasion d'une rencontre avec M. Castonguay?

M. BOURASSA: Cela fait longtemps que c'est décidé, qu'on doit se rencontrer pour discuter de ce mandat, du travail que pourra faire M. Castonguay. Ce ne sont pas des décisions qui sont consignées, si on peut dire, au procès-verbal du conseil des ministres. Il n'en a pas été discuté hier, mais avant que M. Castonguay quitte la politique ou démissionne du cabinet, nous avions discuté, le ministre des Affaires municipales, M. Castonguay et moi-même — tous les trois — d'un travail que pourrait faire M. Castonguay pour ce qui a trait au développement urbain.

M. CHARRON: Une question additionnelle, M. le Président. Comment concilier la réponse du premier ministre qui dit que ça fait longtemps que c'est décidé avec la question de privilège du ministre des Affaires municipales qui se levait hier à rencontre d'un article publié dans la Gazette disant que c'était simplement en cours et qui a affirmé de son siège qu'il n'y avait rien de décidé, que ça faisait partie d'un dossier qu'on étudiait comme les autres. Le premier ministre vient de nous dire: Cela fait longtemps que c'est décidé.

M. BOURASSA: Le député de Saint-Jacques ne fait pas grand effort pour comprendre, ce matin. S'il se forçait un peu — je comprends qu'il est tôt pour lui — il pourrait comprendre que ce qui est arrivé, c'est simplement qu'il a été décidé de discuter de cette possibilité extrêmement intéressante pour le gouvernement du Québec d'accepter que M. Castonguay dirige un groupe de travail, à temps partiel, pour les questions de développement urbain. C'est aussi simple que ça. Si oh veut en faire une autre tempête dans un verre d'eau, libre au député de Saint-Jacques de le faire.

M. CHARRON: Dernière question additionnelle, M. le Président. Est-ce que le ministre des Affaires municipales a l'intention de faire une nouvelle question de privilège après la période de questions?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, j'aimerais simplement préciser que le sujet principal de ma question de privilège, hier, était l'affirmation, dans un article de journal, que ce qui se discute se faisait à mon insu, ce qui était totalement faux.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

Coût réel ou fonctionnement des autos des fonctionnaires

M. BURNS: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de la Fonction publique. Le gouvernement s'était engagé, à l'article 42.11 de la convention collective des fonctionnaires, à entreprendre une étude du coût réel de fonctionnement des véhicules automobiles et ce pour le 1er janvier 1974. Ma question au ministre est la suivante: Est-ce qu'il peut nous dire si cette étude est terminée? Si oui, quelles en sont les recommandations?

M. PARENT (Hull): M. le Président, je ne suis pas en mesure de donner les recommandations. Tout ce que je puis dire, c'est que le rapport a été déposé au Conseil du trésor. Il est entre les mains des membres du conseil depuis hier. Une décision sera prise dès mercredi prochain sur la question des frais de voyage.

M. BURNS: M. le Président, une question additionnelle. Est-ce que le ministre a pris connaissance de la suggestion d'un représentant syndical du Syndicat des fonctionnaires du Québec, M. Daniel Higgins, et plus particulièrement de la formule qu'il nous suggère, formule d'indexation basée sur la moyenne des prix à la consommation de l'huile à moteur, de l'essence, de l'assurance-automobile et des pièces d'automobile? S'il a prix connaissance de cela, est-ce que le ministre a l'intention d'en tenir compte dans la décision finale qui sera prise éventuellement, comme il vient de nous le dire?

M. PARENT (Hull): L'efficacité du gouvernement est tellement proverbiale qu'il n'a pas de besoin de tenir compte de telles recommandations. Nous pouvons agir aussi rapidement que toutes les semaines.

M. BURNS: M. le Président, je ne parle pas de l'efficacité du gouvernement.

M. BOURASSA: C'est une bonne réponse quand même.

M. BURNS: II n'en est pas question. Ce n'est pas une réponse. C'est justement parce qu'il n'en a pas donné de réponse. Je lui demande s'il a l'intention de tenir compte, dans l'étude qu'il a devant lui et qui doit, éventuellement, aboutir à une recommandation du gouvernement pour régler le problème, de ce phénomène d'indexation des prix.

M. PARENT (Hull): M. le Président, le député voudrait savoir indirectement ce que je ne

veux pas lui dire directement, à savoir quel sera le règlement qui sera mis en vigueur.

M. BURNS: Ce n'est pas cela que je demande. Je demande si vous allez en tenir compte ou pas.

M. LEGER: Allez-vous en tenir compte comme à Dasken?

M. BURNS: C'est fort comme réponse.

Université du Québec à Chicoutimi

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Education. L'administration de l'Université du Québec, à Chicoutimi, a accusé, récemment, le ministère de l'Education de violer les promesses qu'il avait faites à cette constituante au sujet des dépenses autorisées d'implantation. Selon elle, cette rupture d'engagements expliquerait le déficit de fonctionnement de $224,000 et le déficit accumulé de $500,000. Le ministre a-t-il répondu à ces accusations? Quelle est la teneur de cette réponse, s'il y a réponse?

M. CLOUTIER: M. le Président, je pense que c'est là une question locale qui pourrait faire l'objet d'une inscription au feuilleton, si nécessaire. Le rapport annuel de l'Université du Québec a été déposé hier. Ce genre de réponse relève de la responsabilité du président, que j'ai vu, d'ailleurs, récemment à ce sujet-là.

M. BEDARD (Chicoutimi): Les questions locales sont permises.

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. Si le ministre ne peut pas répondre parce qu'il n'a pas les détails, il a toujours le loisir de prendre avis de la question.

Mais, je pense que vous avez, M. le Président, dans le passé, décidé clairement, et connaissant la suite que vous avez dans vos idées, je suis sûr que vous allez décider dans le même sens.

Qu'il soit clairement établi qu'une question d'intérêt public peut être aussi une question locale. C'est cela le but de la période des questions. Ce sont des fonds publics, M. le Président, qui viennent de tous les Québécois. Même si c'est un phénomène local, c'est d'intérêt public.

Si le ministre n'est pas prêt à répondre, je conviens qu'il puisse dire qu'il prend avis de la question et qu'il répondra plus tard, mais qu'il ne nous dise pas que ce n'est pas recevable.

M. CLOUTIER: M. le Président, je me permets de vous faire remarquer qu'en disant qu'il s'agissait d'une question locale, je ne faisais pas un jugement de valeur sur ses répercussions générales. J'ai aussi ajouté qu'on pouvait poser la question au feuilleton, parce qu'il me semble que ce serait le truchement le plus normal dans le cas particulier.

Cependant, je n'ai pas d'objection à en prendre avis et à y revenir. C'est votre décision qui prévaudra.

LE PRESIDENT: C'est plutôt la vôtre. Si vous désirez en prendre préavis, c'est à vous de le décider, à savoir si vous désirez répondre plus tard ou si vous préférez que la question soit au feuilleton. C'est vous qui devez prendre la décision.

M. CLOUTIER: Dans ce cas, M. le Président, je pense qu'elle devrait être posée au feuilleton. On y répondra très rapidement, comme d'habitude.

M. CHARRON: Une question additionnelle, M. le Président. La promesse qui a été faite à la constituante de Chicoutimi a également été faite à toutes les constituantes de l'Université du Québec. C'est pourquoi je demande au ministre — et cela n'a pas à être renvoyé au feuilleton — si l'engagement qu'il a pris face à l'Université du Québec, dans chacune de ces constituantes, est-ce qu'il en a avisé chacune des constituantes et la direction de l'Université du Québec? Quelles directives a-t-il données à la direction générale de l'enseignement supérieur dans les discussions qui sont en cours, présentement, pour combler le déficit de l'Université du Québec? Et le budget que l'on prépare actuellement à la direction générale de l'enseignement supérieur comporte-t-il simplement un montant devant combler le déficit ou assure-t-il le roulement normal de l'Université pour la prochaine année?

M. CLOUTIER: M. le Président, je ne sais pas si c'est une question supplémentaire ou une question principale. De toute façon, je n'ai pas d'objection à expliquer de quelle manière nous procédons lorsqu'il y a des déficits dans une université. Ce n'est pas la première fois que cela se produit. Cela s'est produit à Laval, cela s'est produit à Sherbrooke et nous élaborons, de concert avec l'université impliquée, un plan de résorption. En général, nous ne comblons pas le déficit de façon globale.

C'est ce genre de discussion qui est en cours, actuellement, au niveau des fonctionnaires.

M. CHARRON: Quand devons-nous attendre une réponse?

M. CLOUTIER: En temps opportun, M. le Président, aussitôt que le plan de résorption sera prêt. Il n'y a pas là autre chose qu'une technique administrative courante.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Verdun.

Subside fédéral pour la police du Québec

M. CARON: M. le Président, ma question

s'adresse à l'honorable ministre de la Justice. Le ministre de la Justice a rencontré son monologue fédéral... Son homologue fédéral au début de la semaine et les journaux rapportent qu'il n'a pas fait un voyage fructueux. Je voudrais savoir du ministre de la Justice s'il a l'intention de continuer ou de fermer le dossier.

M. CHOQUETTE: M. le Président, le député de Verdun n'est pas loin de la vérité lorsqu'il parle de monologue, parce que je dois dire que l'attitude de M. Warren Allmand, le solliciteur général, a été simplement celle-ci:

Nous n'avons pas de programme de subvention aux corps policiers. Ce n'est pas une chose qui existe au niveau fédéral et, par conséquent, je ne peux pas vous remettre l'argent que vous revendiquez comme étant la perte subie par le Québec comparativement au soutien que le gouvernement fédéral donne à huit provinces du Canada par l'utilisation qu'il fait des services de la GRC dans ses provinces.

Nous avons reçu une réponse très légaliste, très technocrate. Pour autant que je suis concerné, je ne laisserai pas la question là, parce que je crois qu'il s'agit d'une question de justice pour le Québec.

Et ça n'est pas parce que nous recevons des réponses de ce genre de la part de certains ministres fédéraux et de certains fonctionnaires que ceci veut dire que c'est la réponse ultime du gouvernement fédéral. C'est la raison pour laquelle j'ai l'intention de continuer dans la voie où je me suis engagé et de saisir l'opinion publique québécoise sur l'injustice qui existe actuellement.

Et on sait que les contribuables québécois — qu'ils soient de la région de Montréal ou des autres régions — sont obligés de supporter intégralement les frais de la police dans la province de Québec, alors que nous exerçons pleinement notre compétence constitutionnelle pendant que le gouvernement fédéral donne des subsides cachés par l'utilisation des services de la Gendarmerie royale du Canada.

J'ai confiance qu'au gouvernement fédéral il y a des hommes de plus d'envergure et de plus d'imagination que ceux auxquels j'ai eu à m'adresser à ce jour.

M. LEGER: ... main propre ou une main vide.

M. CHOQUETTE: Pour le moment, j'ai l'intention de faire parvenir à tous les députés de l'Assemblée nationale le dossier que j'ai soumis à Ottawa. J'ai l'intention d'envoyer des copies de ce dossier à tous les députés du Québec qui siègent à la Chambre des communes.

J'ai l'intention d'envoyer à tous les organismes qui ont un mot à dire ou des responsabilités dans le domaine de la police copie de notre dossier. En somme, j'ai l'intention d'alerter l'opinion publique du Québec et d'amener le gouvernement fédéral à réviser ses positions.

M. MORIN: Intitulez ça "le fédéralisme rentable".

M. CHOQUETTE: Un instant. Ce n'est pas parce que le gouvernement fédéral nous dit qu'il n'y a pas de programme et que M. Allmand nous répond qu'il n'y a pas de programme. Moi je dis qu'il y a un programme de facto et que le Québec est en droit d'exiger sa juste part dans ce domaine, surtout devant les augmentations considérables que nous imposent les activités de la police au Québec. Et je pense que ceci est simplement venir au fond à la rescousse des contribuables québécois.

C'est la situation à l'heure actuelle. Moi, je pense, pour conclure ma réponse à la question du député de Verdun, qu'il faut que le Québec change d'interlocuteur à Ottawa et qu'on s'adresse à des personnes qui soient un peu plus réceptives que le Solliciteur général.

M. BURNS: Question additionnelle. Est-ce que le ministre serait en mesure de nous dire s'il a l'intention, dans le fond, de monter son dossier pour la renégociation de 1976 — parce que ce problème de la police va revenir en 1976 — avec les autres provinces? Ou bien s'il a des choses concrètes qu'il entend faire ou des pressions concrètes qu'il entend exercer auprès du gouvernement fédéral dans ce fédéralisme inégal, selon son expression à lui?

M. CHOQUETTE: Les deux, M. le Président. Je crois que le député de Maisonneuve met l'accent sur deux aspects du problème. Il est exact que le gouvernement fédéral devra renégocier des contrats en 1976, et, là, le Québec sera présent pour retirer les avantages qu'il aura droit de recevoir dans cette négociation. Sur cet aspect du problème, même M. Allmand est forcé d'admettre qu'il faudra que nous soyons présents. C'est au moins ça de gagné.

Mais actuellement, pour les années présentes, je dis que le Québec a une réclamation qui n'a peut-être pas un fondement juridique ou légal, mais une réclamation en équité à faire valoir au gouvernement fédéral et que, au fond, on devrait poser les gestes qui s'imposent à Ottawa pour nous donner justice. Donc, je réponds oui à la question du député de Maisonneuve; actuellement, nous avons une réclamation que nous avons concrétisée en dollars et en cents. Nous sommes en droit, je pense, de continuer notre campagne et je vais le faire.

LE PRESIDENT: Ecoutez, messieurs, j'aimerais avoir votre collaboration, il va manquer du temps pour votre débat.

M. BURNS: Une très brève. Alors...

LE PRESIDENT: II y a le député de Saguenay également qui désire poser une question et le député de Chicoutimi aussi.

M. BURNS: On doit donc comprendre de la réponse du ministre qu'il va tenter cette fois d'entreprendre un dialogue avec quelqu'un d'autre que M. Allmand, si je comprends bien. Est-ce exact?

M. CHOQUETTE: Oui, on peut conclure cela.

M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre...

M. SAMSON: M. le Président, une question supplémentaire.

LE PRESIDENT: Avez-vous une question supplémentaire sur la même question? L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: Est-ce que le ministre de la Justice peut nous dire si, dans ces discussions, quand il a écouté le monologue de M. Allmand à Ottawa, il a pu saisir réellement le fond de sa pensée? Est-ce que ce ne serait pas plutôt que M. Allmand aurait un profond désir d'imposer au Québec les services de la Gendarmerie royale plutôt que de payer la compensation pour les services de la Sûreté du Québec? Ne serait-ce pas ça que vous auriez pu percevoir dans le fond?

M. CHOQUETTE: Le député de Rouyn-Noranda pose une bonne question, parce que cela a déjà été une des réponses de M. Allmand. Cela a été une réponse qu'il a donnée il y a déjà sept ou huit mois quand j'avais fait état de la situation qui existait. Cela a été la réponse spontanée donnée par M. Allmand à cette époque. Mais c'est une absurdité en fait parce que le Québec, quand il exerce ses pouvoirs dans le domaine de la police, exerce pleinement sa responsabilité dans le domaine de l'administration de la justice et, deuxièmement, la GRC ne serait pas en mesure à l'heure actuelle, et pour un bon moment, d'exercer les responsabilités de la police au Québec.

Par conséquent, c'est une réponse que M. Allmand n'a pas osé soutenir maintenant lors de notre entrevue.

LE PRESIDENT: Affaires du jour.

DEPOT DE DOCUMENTS Affaires intergouvernementales

M. LEVESQUE: M. le Président, tel que convenu, qu'il me soit permis de déposer le rapport annuel du ministère des Affaires intergouvernementales pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1972.

M. le Président, au salon rouge, la commission de la fonction publique poursuivra ce matin, à l'instant même, l'étude du projet de loi no 4, Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

Adopté.

M. LEVESQUE: Article 1.

Motion de blâme de M. Morin

LE PRESIDENT: Messieurs, avant de procéder au débat sur la motion de blâme de l'Opposition officielle, après une rencontre entre les leaders parlementaires des différents partis, voici le partage du temps. Il reste environ 130 minutes avant la fin de ce débat, le temps délimité en vertu de...

M. LEVESQUE: II en reste 120 maintenant.

LE PRESIDENT: Non, deux heures c'est 120...

M. BOURASSA: Deux fois 60.

LE PRESIDENT: ... plus dix minutes, ça fait 130.

M. LEVESQUE: Oui, mais le vote.

LE PRESIDENT: Le vote sera pris quelques minutes avant une heure. L'Opposition officielle — écoutez, on ne va pas se disputer pour trois, quatre ou cinq minutes — aura droit à 60 minutes, y compris le droit de réplique; le Parti créditiste à quinze minutes et le gouvernement à 5 5 minutes.

M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce que nous pourrions avoir l'ordre dans lequel se présenteront ces 60 minutes et le temps? Est-ce qu'on a convenu de cinq minutes de réplique?

M. BURNS: M. le Président, nous désirons garder cinq minutes de réplique à la fin, de sorte que je vous demanderai de bien avoir l'obligeance de nous les réserver.

LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez trois orateurs ou quatre?

M. BURNS: Nous aurons quatre intervenants...

LE PRESIDENT: Quatre.

M. BURNS: ... et le problème est pour nous de les garder à l'intérieur de ces 60 minutes.

M. LEVESQUE: Le même discours par les quatre?

M. BURNS: Bien, vous l'écouterez, puis vous jugerez, si vous êtes capable.

LE PRESIDENT: Ce que je propose, ce serait deux orateurs de l'Opposition officielle au départ; l'intervenant du Parti créditiste et un du côté ministériel; deux du parti de l'Opposition officielle; un autre de la majorité, et le droit de réplique de cinq minutes.

M. LEVESQUE: D'accord.

Note de l'éditeur — Voici le texte de la motion de M. Jacques-Yvan Morin, chef de l'Opposition. "Que cette Assemblée est d'avis que le gouvernement doit être blâmé pour son manque de prévoyance à long terme et de prévision à court terme, en ce qui concerne l'approvisionnement du Québec en pétrole, ainsi que pour son incapacité de s'assurer que les politiques gouvernementales, fédérales et québécoises, soient conformes aux besoins du Québec, de sorte que les Québécois non seulement risquent de manquer de pétrole, mais devront payer plus cher que nécessaire pour les produits pétroliers dont ils ont besoin pour leur chauffage, leur transport et leur industrie.."

M. Jacques-Yvan Morin

M. MORIN: M. le Président, les crises, qu'elles soient économiques, qu'elles soient sociales ou qu'elles soient politiques, sont rarement favorables au peuple, au monde ordinaire. Elles l'accablent souvent plus qu'il ne l'est déjà. A moins de pratiquer la politique du pire, personne ne souhaite ces crises, surtout dans les sociétés industrielles qui sont si vulnérables. On peut constater d'ailleurs que, plus elles sont développées, plus elles deviennent vulnérables.

D'un autre côté, les situations de crise, pour qui sait les analyser correctement, sont révélatrices des forces qui sous-tendent une société. Elles exigent pour leur solution de l'initiative de la part des gouvernants et qui dit initiative dit décision, qui dit décision dit pouvoir. C'est pourquoi les crises révèlent tôt ou tard où se trouve dans une société le pouvoir réel.

Ainsi en est-il de cette crise de l'énergie provoquée par la cherté et par la rareté du pétrole. Cette crise, qui sévit ouvertement dans le monde et en particulier en Occident depuis quelques semaines, nous révèle la prévoyance ou l'imprévoyance des gouvernants, leur soumission aux intérêts étrangers ou leur dévouement à la cause de leurs administrés. Elle révèle, cette crise, leur esprit d'initiative ou leur impuissance. Elle révèle le pouvoir véritable dont dispose un gouvernement. Lorsque deux ou plusieurs gouvernements sont en lice ou s'opposent, les crises révèlent lequel gouverne réellement.

On doit, bien sûr, tenter de résoudre les crises le plus rapidement possible, mais on ne doit pas, pour autant, négliger d'en tirer toutes les leçons qui s'imposent surtout à long terme.

C'est surtout à cela que je voudrais m'attacher ce matin et c'est surtout sur cela que porte cette motion de blâme.

La crise actuelle de l'énergie, qui est avant tout celle du pétrole, me paraît révéler l'impuissance du gouvernement québécois devant les problèmes qui nous assaillent, impuissance que je pourrais appeler organique ou institutionnelle devant la prépondérance du pouvoir et des moyens financiers d'Ottawa, d'une part; impuissance idéologique, j'allais dire caractérielle en ce sens qu'elle dépend du gouvernement québécois lui-même, devant les grandes sociétés pétrolières venues de l'étranger, impuissance qui entraîne incompétence et inaction.

Ainsi coincé entre les véritables maîtres du Québec qui agissent généralement dans l'ombre, mais sur lesquels la crise jette maintenant un faisceau de lumière crue, coincé entre le gouvernement fédéral et les sociétés pétrolières, le gouvernement du Québec, le gouvernement Bourassa s'est mis à la remorque des événements.

M. BOURASSA: Faux, complètement faux!

M. MORIN: Je vais démontrer que c'est vrai et vous aurez l'occasion de prouver le contraire tout à l'heure, si vous en êtes capable. Les autres, le véritable gouvernement, les véritables maîtres économiques, luttent entre eux, bien sûr, mais en prenant garde, comme de vieux lutteurs professionnels, de se porter des coups trop durs, tandis que le gouvernement du Québec, lui, assis en dehors du ring, à l'heure actuelle, trompe son impuissance trop flagrante en parlant fort: Superport, superpétroliers, Gros-Cacouana...

M. BOURASSA: Maxi.

M. MORIN: ... mais en ne faisant rien, comme le spectateur aux muscles un. peu flasques d'un match de lutte. La problématique du Québec en matière énergétique est connue depuis longtemps, M. le Président. Elle consiste essentiellement en une double dépendance: dépendance du Québec, d'abord, quant à l'énergie dont il a besoin, l'énergie étant la condition du développement économique. Je ne l'apprendrai pas au premier ministre; en tout cas, je ne l'apprendrai pas au ministre des Richesses naturelles, puisque c'est le rapport rédigé par ses fonctionnaires qui nous le rappelle. Cette dépendance au Québec atteint entre 75 p.c et 80 p.c. de la consommation énergétique.

Dépendance, en second lieu, à l'égard des grandes compagnies pétrolières qui importent le pétrole, le vendent, le distribuent, le gouvernement ne sachant rien quant à l'état des stocks et ne pouvant pas intervenir, comme nous l'a dit, l'autre semaine, le ministre des Richesses naturelles. Double dépendance qui avait entraîné, l'année dernière, la rédaction d'un rapport, qui n'est pas mal fait, intitulé Les objectifs d'une politique québécoise de l'énergie. Dans ce rap-

port, après avoir défini la problématique de manière plus détaillée que je viens de le faire, on proposait un certain nombre de solutions, d'objectifs. Malheureusement, ces objectifs ne coincident pas avec l'analyse de la situation qui précède. L'analyse de la situation est, ma foi, sur le plan descriptif, assez fidèle, on peut s'y fier, mais, quand on aborde les conclusions, on se rend compte qu'il y a un hiatus entre les prémisses et ce qui suit.

Quand on lit les conclusions, on constate qu'elles ont été, pour ainsi dire, châtrées. Par exemple, lorsqu'on parle de SOQUIP et du rôle essentiel que pourrait exercer SOQUIP dans cette crise, qu'aurait pu exercer SOQUIP déjà depuis deux ans, trois ans et même auparavant, là, on se contente de dire que SOQUIP pourrait peut-être appelée à jouer un rôle à long terme.

La politique énergétique du Québec doit comporter au moins, de l'avis de l'Opposition, quatre éléments essentiels. Je suis bien sûr que, sur certains d'entre eux, le gouvernement va se trouver d'accord; peut-être, sur d'autres, en sera-t-il autrement.

Le premier objectif, c'est évidemment de trouver du pétrole au meilleur prix.

M. BOURASSA: On est d'accord.

M. MORIN: Je le savais, bien sûr, on s'en doute, mais vous ne prenez pas les moyens pour en arriver là. Voilà ce qui ne va pas. Dans le rapport, on dit que le Québec a intérêt à être approvisionné en pétrole brut à partir du marché mondial et on ajoute que le Québec a intérêt, donc, à diversifier ses sources d'approvisionnement le plus possible, de manière à profiter le plus possible de la concurrence dans les prix. Autrement dit, le Québec a intérêt à demeurer, M. le premier ministre, une zone d'importation libre. Etes-vous d'accord sur ce point également?

M. BOURASSA: A des prix acceptables pour le Québec, avec une sécurité des approvisionnements qui nous permette de maintenir notre croissance économique.

M. MORIN: Naturellement. Donc, le Québec a intérêt à demeurer une zone d'approvisionnement libre, à trouver le pétrole au meilleur prix possible.

Le deuxième objectif qui est un peu un corollaire du premier — là aussi le gouvernement sera sans doute d'accord avec nous — c'est la construction en eaux profondes, non pas d'un superci ou d'un superça, mais d'un port adapté aux besoins réels du Québec, en matière d'importation de pétrole. Un port modeste s'il le faut, au début...

M. SAINT-PIERRE: C'est un changement de politique.

M. MORIN: ... mais qui permette éventuellement à des navires, non pas de 400,000 tonnes, non pas de 200,000 tonnes, peut-être de 100,000 tonnes...

M. BOURASSA: Est-ce que...

M. MORIN: Non, je ne permets pas au premier ministre de m'interrompre...

M. BOURASSA: Une question, une petite question.

M. MORIN: ... parce que mon temps de parole est limité, M. le Président.

M. BOURASSA: Cela ne réduira pas votre temps, c'est parce que je dois m'absenter pour l'affaire du Soleil. Je voudrais juste poser une question.

LE PRESIDENT: Est-ce que la permission est accordée?

M. MORIN: Non, je voudrais continuer, M. le Président.

LE PRESIDENT: Je m'excuse, mais... M. BOURASSA: On a peur!

LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. MORIN: Le ministre de l'Industrie et du Commerce pourra également me répondre tout à l'heure. Je suis sûr qu'il le fera avec éloquence.

Le troisième objectif, c'est la mise en valeur du sous-sol québécois. Là-dessus, le gouvernement sera certainement d'accord, puisque c'est à peu près le seul mandat de SOQUIP qui a été libéré par le conseil des ministres.

Le quatrième objectif, lui, je ne sais pas si on sera parfaitement d'accord: c'est de développer les activités du secteur témoin; ce qu'on aurait dû faire depuis déjà deux ans et plus. On aurait dû, en fait, commencer cela sous l'ancien gouvernement de l'Union Nationale, au temps l'ERAP. Malheureusement, toujours à cause de cette dépendance à l'égard des grandes sociétés multinationales qui, la plupart du temps, sont des sociétés américaines déguisées, le gouvernement n'a pas donné suite au mandat b) de SOQUIP. Le mandat a), vous vous en souviendrez, consiste essentiellement à produire et emmagasiner des hydrocarbures à l'état brut. Tandis que le mandat b), celui qu'il fallait mettre en marche le plus tôt possible, consistait à participer au raffinage des hydrocarbures, et non seulement au raffinage mais à la vente des produits raffinés. Ce mandat b) aurait permis au gouvernement de surveiller les prix, de surveiller les approvisionnements, de savoir où on en était, de voir venir aussi la crise, de protéger les consommateurs. Le gouvernement n'en a rien fait. Le gouvernement n'en a rien fait.

M. BOURASSA: C'est faux, c'est faux!

M. MORIN: II vient, il y a quelques jours à peine, en panique, et parce qu'il n'y avait plus moyen de faire autrement, d'autoriser SOQUIP à s'occuper d'approvisionnement, en rechercher. Mais de raffinage, de distribution des hydrocarbures, pas question.

M. LEVESQUE: Vous écouterez le ministre vous répondre, tout à l'heure, vous verrez.

M. MORIN: Je l'écouterai très volontiers, j'ai bien hâte de voir ce qu'il va répondre.

M. LEVESQUE: II va vous confondre.

M. MORIN: Malheureusement, cet aspect du mandat a été rendu ineffectif, même dans le rapport sur les objectifs d'une politique québécoise de l'énergie, puisqu'on a remis ça au long terme. Puis, voilà que la crise intervient. Le premier ministre nous dit: Je ne suis pas M. Kissinger, je n'ai pas pu prévoir la crise. Je ne doute pas qu'il y ait un fossé pas mal large entre le premier ministre et M. Kissinger. Je pense que personne en cette Chambre n'en doute, et à plus d'un point de vue, mais le premier ministre ne peut pas dire qu'il ignorait que les prémisses de cette crise se trouvaient déjà...

M. HARDY: ... fait élire, M. Kissinger.

M. MORIN: ... dans l'actualité, il y a plusieurs mois. C'est le rapport de SOQUIP lui-même, un rapport qui date d'il y a plusieurs mois, rapport qui date de mars 1973, dans lequel on peut lire des passages comme celui-ci. Evidemment, ce sont les conséquences du regroupement des producteurs de pétrole dans l'OPEP et de leurs tendances à reprendre en main, comme cela se doit, la production des hydrocarbures tirés de leur sous-sol. Les pays de l'OPEP, eux, ont veillé aux intérêts de leurs commettants, ont veillé à leurs intérêts. Le Québec, lui, n'y a pas vu. Dans le rapport de SOQUIP, on dit: "Au cours de ces trois premières années de la décennie soixante-dix — c'est-à-dire, essentiellement, depuis que le Parti libéral est au pouvoir — nous avons tous été témoins d'une succession d'événements qui ont profondément changé les conditions économiques et politiques dans lesquelles l'énergie de pétrole est extraite du sol. Certaines orientations paraissent clairement dont la plus importante est le rôle croissant des instances gouvernementales de tous les pays dans le secteur énergie". Je cite toujours les extraits du rapport SOQUIP. Cet autre passage qui est encore plus caractéristique et dont le gouvernement aurait pu tenir compte déjà, depuis plusieurs mois. "Il n'y a pas encore de réelle pénurie physique de pétrole brut mais le contrôle de 65 p.c. de la production mondiale par des gouvernements soucieux d'optimiser leurs reve- nus et bénéfices à long terme a fait disparaître le surplus disponible." Il me semble que cela est clair. Et c'était en mars 1973.

Autre passage: "La faiblesse de l'offre devant une demande mondiale croissante est et sera vraisemblablement, encore pour plusieurs années, plus politique que physique. Ces modifications des conditions d'approvisionnement jointes à un accroissement considérable de la demande mondiale d'énergie de pétrole créent une inquiétude justifiée dans les pays déficitaires." C'est SOQUIP qui constate que les pays un peu au fait, les pays qui suivaient leur affaire, les pays qui se tiennent debout, les pays qui ne sont pas à genoux devant les sociétés étrangères, les pays qui ne sont pas à genoux devant un gouvernement étranger, ces pays étaient inquiets déjà en mars 1973. Le gouvernement du Québec était-il inquiet? Mais non, c'était le cadet de ses soucis. Il n'était pas M. Kissinger, il ne pouvait pas savoir ce qui se passait dans les pays arabes, le premier ministre. Eh bien, c'est comme cela qu'on a été pris de court. C'est par cette incurie, cette imprévoyance — c'est l'objet de notre motion de blâme — que nous nous trouvons acculés aujourd'hui à une crise pétrolière à court terme, qui fera que peut-être, cet hiver, nous aurons de la difficulté, sur la fin, si l'hiver est le moindrement difficile, à nous chauffer. C'est ce qui fait qu'à long terme, et c'est plus grave encore, l'industrie québécoise est menacée dans ses sources d'énergie.

La crise était connue déjà depuis de longs mois dans les pays qui s'occupent de leurs affaires. Le gouvernement libéral, lui, d'après ce que l'on peut voir, d'après ses récentes déclarations, n'en a rien fait.

M. BOURASSA: Une petite nuance.

M.MORIN: Alors...

M. BOURASSA: Une petite nuance.

M. MORIN: ... je passe à l'action fédérale dans ce domaine avant de tirer quelques leçons politiques de cette crise économique, cette crise d'énergie. Le pouvoir fédéral, peut-être a-t-il lu le rapport de SOQUIP pendant que le premier ministre s'abstenait de le lire?

M. BOURASSA: C'est faux!

M. MORIN: II était au courant, le pouvoir fédéral était inquiet.

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai le droit d'invoquer une question de privilège.

M. MORIN: M. le Président, non, je regrette, vous répondrez tout à l'heure.

M. LEGER: A la fin, à la fin, M. le Président.

LE PRESIDENT: Une question de privilège.

M. BOURASSA: Une question de privilège. Comment le chef de l'Opposition...

M. LEGER: A la fin, la question de privilège, M. le Président.

LE PRESIDENT: Brièvement, sans soulever de débat.

M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition vient de dire que je n'ai pas lu un document. Est-ce qu'il a une preuve comme quoi je n'aurais pas lu ce document pour faire une telle affirmation?

M. LEGER: M. le Président, ce n'est pas une question de privilège.

LE PRESIDENT: Justement, je redonne la parole à l'honorable chef de l'Opposition.

M.MORIN: Merci, M. le Président. Le pouvoir fédéral voit venir la crise. Il n'est pas non plus M. Kissinger, mais il a des moyens de renseignements. Voyant venir la crise, qu'est-ce qu'il fait? Il a toujours eu comme objectif de développer les pétroles de l'Ouest dont il estimait que le développement ne procédait pas assez vite. Il a toujours eu comme objectif aussi de créer, pour l'Ontario à tout le moins, une source autonome d'approvisionnement pétrolier. Et il y a très bien réussi depuis la création, en 1961, de la ligne Borden.

Voyant venir la crise, que fait Ottawa? Il s'empresse, voyant que le gouvernement du Québec ne fait rien, devant l'impuissance, l'inertie du gouvernement québécois, Ottawa décide d'agir et annonce, dès septembre, avant même que la crise ne devienne réelle — c'est dire à quel point il était bien renseigné — la prolongation de l'oléoduc de Sarnia à Montréal. Le pouvoir fédéral, donc, prépare non pas la suppression de la ligne Borden mais l'extension de la ligne Borden pour inclure le Québec et les provinces maritimes. C'est cela qui s'en vient. C'est cela qui est dans les cartes. Si le premier ministre ne le sait pas, je ne sais pas comment on pourrait lui faire la démonstration.

M. HARDY: De quoi?

M.MORIN: Lorsque j'ai demandé, le 30 novembre, au ministre des Richesses naturelles quelle était l'attitude du Québec devant la déclaration du premier ministre du Nouveau-Brunswick, M. Hatfield, à l'effet que cette province entend construire un superport à Lorneville en vue d'alimenter les marchés de Québec et de Montréal, le ministre m'a répondu, par le leader du gouvernement, M. Levesque, que notre inquiétude n'était fondée sur aucun fait.

Toujours, quand on les met devant des faits, nier l'importance du problème, nous dire qu'on n'a pas de preuves, nous dire que tout cela, ce sont des racontars de journaux.

M. BOURASSA: En avez-vous ou n'en avez-vous pas? Oui, mais on est sérieux. On est sérieux, nous!

M. MORIN: Le ministre m'a répondu que, de toute façon, l'oléoduc devrait passer par le territoire québécois. On s'en doutait. J'imagine que le ministre voulait dire par là que le Québec pourrait s'opposer au passage du pipeline. Ce sera beau à voir !

Or, le 7 décembre, M. le Président, le ministre fédéral de l'énergie indique, dans un discours prononcé aux Communes, qu'effectivement il est question de prolonger l'oléoduc Sarnia-Montréal jusqu'à la côte canadienne de l'Atlantique et il annnonce que, peut-être, on va avoir le choix entre le Bas Saint-Laurent, Lorneville, Canso, mais il ajoute qu'il choisira le site qui est "le plus conforme à l'intérêt général du Canada".

Or, nous savons — et le chef du gouvernement le sait très bien — que l'expérience nous a toujours appris, enseigné que l'intérêt canadien ne coincide pas nécessairement avec l'intérêt du Québec, et tous les bruits — ils sont nombreux — qui viennent d'Ottawa confirment d'ailleurs nos inquiétudes. Le port pétrolier ne sera pas construit au Québec, M. le Président. Voilà ce qui s'en vient. Voilà un cas concret où les lenteurs du gouvernement, l'incompétence du gouvernement, sa tendance à tergiverser, à ne pas heurter de front les intérêts des grandes compagnies pétrolières, voilà un cas où toutes ces tergiversations nous causent un tort irréparable.

Québec aurait pu mener rondement les négociations depuis déjà un certain temps avec les pays arabes. Il aurait pu devancer Ottawa dans cette zone grise, du point de vue constitutionnel, où le premier occupant a tous les droits.

M. BOURASSA: Est-ce qu'on aurait pu empêcher la guerre au Moyen-Orient?

M. MORIN: M. le premier ministre, vous me répondrez tout à l'heure. La crise existait déjà avant la guerre au Moyen-Orient et Ottawa avait déjà pris les mesures pour aller au-devant de cette crise.

M. BOURASSA: On aurait pu...

M. MORIN: Vous n'en avez rien fait! Vous n'en avez rien fait.

M. LEVESQUE: Vous écouterez le ministre. Il va vous confondre.

M. MORIN: M. le Président, Québec aurait pu donner de l'épine dorsale à SOQUIP, mais le

gouvernement n'en a pas, lui-même. Il ne peut pas en communiquer aux autres. Et désormais, devant quoi sommes-nous? Je pense que personne ici ne peut le nier. Ottawa occupe la place. Ottawa occupe tout l'horizon, en matière d'énergie.

M. BOURASSA: On n'a pas de pétrole.

M. MORIN: Et SOQUIP voudrait elle-même aller négocier des approvisionnements à l'étranger que, désormais, SOQUIP va trouver sur son chemin la Société canadienne des pétroles. Il va arriver à vos agents, aux agents de SOQUIP, ce qui est arrivé aux agents de coopération, M. le premier ministre.

M. BOURASSA: Panartic Oils, cela existe déjà.

M. MORIN: Laissez-moi finir, M. le premier ministre. Vous aurez le loisir de me répondre, tout le loisir.

M. BOURASSA: Mais il faut que je parte.

M. MORIN: M. le Président, Yves Michaud racontait comment, lorsqu'il était fonctionnaire...

M. BOURASSA: C'est la meilleure! C'est la meilleure!

M. MORIN: ... de ce gouvernement, comment, en arrivant dans certains pays avec lesquels il avait des rendez-vous...

M. BOURASSA: On a aboli son poste!

M. MORIN: ... il arrivait là pour découvrir que ces rendez-vous avaient été annulés par l'ambassade du Canada. Eh bien, c'est ce qui va se produire.

M. BOURASSA: Du potinage! Du potinage de Yves Michaud.

M. MORIN: Les représentants de SOQUIP vont arriver dans les pays arabes pour découvrir que leurs rendez-vous sont annulés par la Société canadienne des pétroles. Voilà à quoi vous allez vous heurter.

M. BOURASSA: Du potinage à la Casa Pedro !

M. MORIN: A l'ordre, M. le Président! Québec voudrait-il empêcher le tuyau de passer sur son territoire, comme le disait le leader du gouvernement l'autre jour? Il me faut lui rappeler un certain nombre de pouvoirs qu'Ottawa possède dans ce domaine et qui vont rendre encore plus impuissant un gouvernement qui n'a pas agi quand il fallait agir.

Ottawa possède des pouvoirs en matière de commerce international, peut imposer des restrictions quantitatives, des droits de douane sur l'importance du pétrole, le jour où il voudra faire en sorte que l'oléoduc Sarnia-Montréal soit rentabilisé par un flot constant de pétrole en direction de Montréal. Ottawa possède le pouvoir sur le commerce interprovincial et, s'il s'agit de faire passer un tuyau de Sarnia à Lorneville, ce n'est pas le leader du gouvernement, ce n'est pas le chef du gouvernement, ce n'est pas le gouvernement Bourassa qui pourra empêcher cela, M. le Président, parce qu'Ottawa possède les pouvoirs de le faire et...

M. BOURASSA: C'est un marché commun.

M. MORIN: ... Ottawa creusera le trou, s'il le faut, expropriera. Vous le savez très bien.

M. BOURASSA: C'est un marché commun.

M. MORIN: Vous savez très bien qu'Ottawa possède les pouvoirs pour installer l'oléoduc sans votre consentement. S'il y avait un marché commun, ce ne serait pas le cas. Je vous mets au défi de prouver que ce serait le cas.

M. BOURASSA: Ah! bien... Vérifiez, le Conseil de l'énergie proposé par M. Pompidou.

M. MORIN: M. le Président, le premier ministre, visiblement, ne sait pas de quoi il parle.

M. BOURASSA: Vérifiez ce qui se passe.

M. MORIN: Le premier ministre ne sait pas ce que c'est qu'un marché commun.

M. BOURASSA: Une union douanière, une union tarifaire.

M. MORIN: II ne sait pas que dans une union douanière ou un marché commun les pays conservent leur souveraineté. Tout ce qu'ils n'ont pas abandonné leur reste.

M. BOURASSA: Partiellement. Allez à Bruxelles.

M. MORIN: Pour le cas où le gouvernement québécois aurait des velléités d'empêcher l'oléoduc de passer, puis-je lui rappeler qu'Ottawa possède le pouvoir d'expropriation et, en plus de ça, pour le cas où ça ne marcherait pas, le pouvoir déclaratoire qui s'est appliqué à la compagnie Bell Canada? Est-ce que le premier ministre ignore ça? J'imagine qu'il a fait suffisamment de droit constitutionnel pour le savoir.

M. BOURASSA: Allez examiner la situation à Bruxelles au marché commun, le Conseil de l'énergie.

M. MORIN: J'en viens à mes conclusions. Le gouvernement du Québec, dans cette affaire, a été à la fois impuissant et insignifiant.

M. BOURASSA: C'est dur, ça. Ce n'est pas juste.

M. MORIN: Cela appert de plus en plus, et le malheur veut...

M. BOURASSA: C'est injuste!

M. MORIN: ... que, dans les semaines qui viennent, cette impuissance va paraître encore plus clairement aux yeux de tous les Québécois.

M. BOURASSA: .. pas de pétrole, c'est aussi simple que ça.

M. MORIN: Comme dans le domaine des allocations familiales, des communications, de la main-d'oeuvre, comme dans le domaine des frais entrâmes par la police dont nous parlait tout à l'heure le ministre de la Justice, Ottawa impose sa politique, Ottawa ne cède rien. Et cela, en conclusion, m'amène à penser que, tant que le gouvernement s'obstinera dans ce domaine comme dans les autres à vouloir régler les problèmes un à un, il se heurtera à des murs de brique. Il ira se casser le nez, comme c'est arrivé si souvent, sur la volonté d'Ottawa de ne rien lâcher.

C'est pourquoi, nous du Parti québécois, de l'Opposition officielle, nous avons proposé cette motion de blâme. Et c'est pourquoi aussi nous persistons à croire et nous continuerons à dire aux Québécois que, tant que la question globale de l'avenir constitutionnel du Québec ne sera pas posée, on ne pourra pas résoudre des problèmes aussi concrets et aussi peu abstraits que celui-là. Merci, M. le Président.

M. BOURASSA: Sauf le fond, la performance est bonne.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! L'honorable député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: M. le Président, ce n'est pas la première fois que le Parti québécois parle d'une politique énergétique au Québec. Je n'ai pas besoin de vous rappeler que dès notre arrivée à l'Assemblée nationale, suite aux élections du 29 avril 1970, dès la première discussion que nous avons eue en particulier avec le ministre actuel des Richesses naturelles concernant les crédits de ce ministère, mon ex-collègue Guy Joron et moi-même avions insisté fortement sur la nécessité d'instaurer une politique énergétique québécoise.

En effet, nous avions eu de mauvaises expériences dans ce domaine depuis quelques années, en particulier en 1969. Et le premier ministre devrait lire lui-même les interventions qu'il faisait à ce moment, alors qu'il était critique de l'Opposition en cette Chambre, concernant la nécessité d'avoir une politique énergétique québécoise.

Il avait fait des interventions en particulier lorsque le gouvernement de l'Union Nationale avait cédé devant Golden Eagle, alors que des fonctionnaires avaient étudié la possibilité d'établir une raffinerie dans la région de Québec, mais raffinerie qui devait être contrôlée par le gouvernement québécois.

Malheureusement, suite à des interventions politiques d'un organisateur de l'Union Nationale, qui est devenu vice-président de la compagnie Aigle d'Or, ce projet d'une raffinerie québécoise qui avait été préparé par des hauts fonctionnaires québécois a malheureusement avorté.

Si nous soulevons cette question de censure aujourd'hui, c'est que nous ne voulons pas que la même chose se reproduise.

Ce n'est pas, M. le Président, depuis la nomination du ministre actuel des Richesses naturelles que nous discutons d'énergie au Québec. Comme je le disais, on en avait discuté avant et je sais qu'en 1970 le ministre actuel a créé sa direction de l'énergie à l'intérieur du ministère. Il y avait des dossiers à ce moment-là au niveau du ministère, dossiers qu'on n'a pas réussi à concrétiser suite, justement, aux interventions des compagnies multinationales. C'est principalement de ce sujet que je veux parler.

Si nous soulevons la motion de blâme aujourd'hui, c'est que nous voulons d'abord, comme le soulignait tout à l'heure le chef parlementaire du Parti québécois, alerter l'opinion publique sur les enjeux importants qui sont en cause quand on discute d'une politique énergétique, enjeux importants concernant toute l'industrie pétrochimique qui périclite depuis 1961, depuis que le gouvernement fédéral a imposé sa politique nationale du pétrole. Et, maintenant, le gouvernement fédéral veut imposer une nouvelle politique nationale du pétrole. En effet, en 1961, le gouvernement du Québec — si on excepte le maire actuel de Montréal, M. Drapeau — n'avait fait aucune protestation contre l'établissement de la ligne Borden qui a apporté comme conséquence la diminution du raffinage du pétrole dans la région de Montréal en particulier.

Nous voulons aussi, M. le Président, par cette motion de blâme, avertir le gouvernement qu'on en se laissera pas passer un Québec cette fois, que nous avons l'intention de le surveiller, de le forcer ou d'amener, en tout cas, l'opinion publique à le forcer à établir une véritable politique pétrolière. L'une des conditions essentielles à une politique énergétique, c'est d'abord qu'il y ait un leadership au niveau du ministère des Richesses naturelles. Malheureusement, M. le Président, depuis quatre ans, on constate que ce leadership n'existe pas. Il faut un leadership,

d'abord, non seulement pour élaborer une politique — en effet, il y a eu, grâce à des hauts fonctionnaires qui sont intéressés à ce domaine, l'élaboration au moins d'un minimum de politique énergétique du Québec — mais pour, que cette politique énergétique puisse être concrétisée. Pour qu'elle le soit, ça prend quelqu'un qui est assez fort pour négocier non seulement avec le gouvernement fédéral, mais aussi avec les compagnies multinationales. Il aurait d'abord fallu, comme le ministre des Terres et Forêts l'a fait, que le ministre convoque la commission parlementaire des Richesses naturelles pour étudier et surtout entendre les différentes parties intéressées, les différents groupes intéressés à l'élaboration d'une politique énergétique.

Or, qu'est-ce qui est arrivé? Le 16 novembre 1972, le ministre nous soumettait son rapport ou son dossier concernant les objectifs d'une politique énergétique. Est-ce que les groupes intéressés, M. le Président, ont été consultés? Est-ce que le ministre a voulu ouvrir ce dossier à l'ensemble de la population québécoise pour qu'il soit discuté ouvertement? Est-ce que le ministre — ce qu'il aurait dû faire — a convoqué en commission parlementaire ces différentes parties? Non. Non, M. le Président, parce que, plus qu'au niveau des Terres et Forêts, le cartel des compagnies pétrolières est très fort et très puissant.

Nous avons vu, un mois après que le ministre eut déposé son rapport, que le ministre ne contrôlait plus son dossier. Nous constatons, M. le Président, que le gouvernement du Québec convoque les grands du pétrole, le 12 décembre 1972. Ce n'est pas le ministre des Richesses naturelles, responsable de l'élaboration d'une politique énergétique québécoise, qui convoque les grands du pétrole; M. le Président, c'est le ministre de l'Industrie et du Commerce.

Si ce n'avait été probablement du ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Guy Saint-Pierre, la politique énergétique du gouvernement québécois n'aurait peut-être pas été acceptée même par le cabinet. C'est le ministre de l'Industrie et du Commerce qui convoque les grands du pétrole. C'est le ministre de l'Industrie et du Commerce qui court-circuite le canal normal de négociation entre les compagnies multinationales qui étaient d'abord sous la responsabilité du ministre actuel des Richesses naturelles.

Est-ce que ce premier signe ne démontre pas que le véritable responsable de la politique énergétique, ce n'est plus le ministre actuel; que le véritable leader dans ce secteur important, ce n'est plus le ministre actuel, le ministre des Richesses naturelles, mais que le véritable responsable, il semble que ce soit le ministre actuel de l'Industrie et du Commerce? Mais qu'est-ce qui s'est passé, M. le Président, suite à cette réunion? Quelles sont les influences que les compagnies multinationales ont eues auprès du ministre actuel de l'Industrie et du Commerce?

Est-ce que ces influences ne seraient pas la cause de l'avortement possible de cette nouvelle politique énergétique au Québec? Je posais la question hier, et il y a un document qui a été déposé auprès du ministre de l'Industrie et du Commerce lors de cette réunion, document dans lequel les compagnies multinationales s'opposent aux objectifs de la politique énergétique québécoise. Est-ce que le lobbying des compagnies internationales dans les produits pétroliers ne serait pas exactement le même que celui des compagnies forestières, lorsqu'on a sauté par-dessus la tête du ministre des Terres et Forêts pour aller négocier directement avec le premier ministre? C'est là qu'est le problème; je pense que c'est un problème important. Ce n'est pas tout de coucher sur papier des politiques qui sont strictement le minimum pour les Québécois, mais il faut, par exemple, avoir la force nécessaire pour aller les défaire ces politiques. D'abord au niveau du cabinet, les défendre ces politiques auprès des compagnies en particulier dans le pétrole des compagnies multinationales.

Je pense que nous ne savons plus actuellement qui est responsable de ce dossier. Nous ne savons plus si le ministre actuel n'est pas simplement une marionnette entre les mains du premier ministre Bourassa ou du ministre actuel de l'Industrie et du Commerce. Pourtant, c'est ce ministre qui est censé être capable de la défendre, cette politique, parce que c'est son ministère qui l'a élaborée. M. le Président, ce problème a été soulevé à plusieurs reprises depuis au moins un an, le problème du leadership, et ce problème a eu des conséquences énormes justement par l'apathie du gouvernement ou l'incurie du gouvernement en ce qui concerne l'instauration d'une politique énergétique.

M. le Président, en ce qui concerne la Société québécoise d'initiatives pétrolières, nous avions tous les instruments nécessaires pour faire face à une pénurie de pétrole. On sait que les pays arabes actuellement ne sont peut-être pas prêts à négocier avec les compagnies multinationales, parce qu'on craint que les compagnies multinationales utilisent les produits pétroliers, utilisent le pétrole pour le distribuer dans des pays qui ne sont pas neutres, dans des pays qui sont favorables à Israël.

Cependant, à maintes reprises, depuis octobre, le ministre de l'Energie, à Ottawa, a laissé entendre que ces pays étaient prêts à négocier avec une compagnie gouvernementale. Or on en avait une compagnie gouvernementale, depuis 1969. On avait la Société québécoise d'initiatives pétrolières. Comment se fait-il que le ministre actuel nous annonce, il y a quelques jours seulement, qu'il a donné enfin le mandat à la Société québécoise d'initiatives pétrolières d'aller négocier — parce que c'était là un objectif important dans la politique pétrolière du gouvernement — des contrats à long terme avec les autres pays producteurs de pétrole?

Comment se fait-il, alors que depuis novem-

bre 1972 le ministre avait fixé comme objectif la nécessité de s'approvisionner aux coûts les plus bas possible et aussi la nécessité d'entreprendre une diversification de l'approvisionnement du pétrole, que le ministre actuel des Richesses naturelles a laissé complètement SOQUIP en dehors du dossier?

Comment se fait-il que les discussions ou les négociations ont d'abord été entreprises par un ambassadeur du gouvernement actuel, dont on ne connaît pas le nom, mais qui semble avoir été un membre d'une compagnie privée, d'une compagnie multinationale? Comment se fait-il que le directeur général de la Société québécoise d'initiatives pétrolières n'a pas été partie à ces négociations? Ce sont là — j'espère que le ministre va nous donner la réponse — des questions qui nous paraissent importantes.

Est-ce qu'on veut utiliser — c'est l'un des objectifs, en tout cas, qu'on a démontrés dans le livre rouge du ministère — la Société québécoise d'initiatives pétrolières ou si on veut simplement la mettre de côté? Est-ce qu'on veut véritablement créer un secteur témoin? Est-ce que les influences des compagnies multinationales sont en train de faire avorter ce secteur témoin? C'est là des questions importantes pour l'avenir économique des Québécois.

Je disais qu'on avait tous les instruments nécessaires pour faire face à cette pénurie, s'il en existe une, une pénurie. Encore là, nous reconnaissons le manque de leadership du ministre actuel. Avant les élections, il n'y avait pas de pénurie. Avant les élections, nos réserves pétrolières étaient suffisantes. En effet, le 10 novembre 1972, alors qu'on parlait à Ottawa d'une pénurie de pétrole, le ministre des Richesses naturelles disait que rien ne laissait présager une pénurie de pétrole au Québec pour les prochains mois. Il n'y a pas de problème, on n'a pas besoin de négocier, on n'a pas besoin de donner un mandat à la Société québécoise d'initiatives pétrolières; il n'y a pas de problème, il n'y a pas de pénurie de pétrole au Québec. Pourtant, et le chef parlementaire du Parti québécois le soulignait tout à l'heure, M. Cloutier, directeur général de SO QUIP, avait lui-même souligné, le 30 mars 1973, le danger d'une telle pénurie et demandait explicitement dans son rapport la permission d'aller jusqu'à négocier des contrats à long terme et d'aller même jusqu'au raffinage.

En effet, on lit dans ce rapport: "Votre compagnie SOQUEP est en mesure — on est bien préparé, M. le Président — de prendre les initiatives lui permettant d'atteindre l'objectif qui est sa raison d'être, participer de façon rentable à garantir au Québec un approvisionnement adéquat d'énergie de pétrole dans les meilleures conditions." C'est compris dans le rapport du 31 mars 1973 du président de la Société québécoise d'initiatives pétrolières. Pourquoi avoir attendu aussi tardivement? Pourquoi ne pas, comme on l'a demandé à maintes reprises, avoir permis, parce qu'on possède le marché... De plus, M. le Président, d'après des enquêtes on a tous les atouts nécessaires actuellement pour établir une raffinerie pétrolière. On dit même que Pétrofina serait prête à s'associer avec la Société québécoise d'initiatives pétrolières pour créer cette société mixte. Mais le ministre disait: II n'y a pas de problème, on est assuré de passer l'hiver, il n'y a pas de pénurie de pétrole.

Donc, le ministre est inconscient, le ministre est irresponsable, le ministre ne prend donc pas les moyens nécessaires pour faire face à la pénurie, parce que, pour lui, il n'y en a pas de pénurie. Si on avait donné les instruments et les outils nécessaires à la Société québécoise d'initiatives pétrolières, non seulement cela nous permettrait de casser le cartel du pétrole, mais ça permettait à la société québécoise d'entrer dans ce marché important.

Il y a une autre question que je voudrais poser au ministre qui, justement après les élections, a décidé que c'était vrai qu'il y avait une pénurie de pétrole, c'était vrai qu'il y avait un danger pour le Québec. Mais est-ce que le ministre est informé, actuellement, que la compagnie Golden Eagle, Aigle d'Or, fait actuellement des exportations de produits pétroliers aux Etats-Unis? Est-ce que le gouvernement a pris des mesures, étant donné la pénurie que nous annonçait le ministre il y a quelques jours, pour empêcher l'exportation des produits pétroliers raffinés au Québec, soit aux Etats-Unis, soit en Colombie-Britannique?

Aussi, quels sont les intérêts qui ont joué, concernant les analyses économiques et les analyses écologiques, en ce qui concerne le superport pétrolier? Le premier ministre me disait hier qu'il n'y avait aucun rapport final, aucune étude finale concernant les conséquences écologiques et économiques du superport. On annonce à grands frais de publicité la création d'un superport, mais on n'a pas fait d'études. Pourquoi, M. le Président, les études ne sont-elles pas prêtes? Comment se fait-il que nous sommes encore en face de rien? Est-ce qu'il n'y aurait pas eu encore un court-circuit entre le ministre des Richesses naturelles, responsable de la politique énergétique, et certains ministres du gouvernement?

Concernant, par exemple, certaines maisons, que ce soit Simtec, que ce soit SNC, est-ce que, M. le Président, il n'y aurait pas eu intervention de différents ministres pour empêcher que le contrat ne soit signé? En effet, semble-t-il, un projet de contrat, qui aurait été signé par le ministre actuel, responsable de la politique énergétique, et le sous-ministre, M. Robert De Coster, devait être soumis à la caution du ministre actuel de l'Industrie et du Commerce. Comment se fait-il que ce contrat, qui aurait été signé par le ministre, aurait été refusé au niveau du cabinet? Pourquoi a-t-il été refusé? Est-ce parce qu'il s'agissait d'une compagnie qui n'était pas comprise dans le patronage gouvernemental? Quelles sont les chicanes, concer-

nant ces contrats, qui se font au niveau du ministère? M. le Président, on commence à sentir en tout cas, que les discussions actuelles de patronage — et c'est cela qui est dangereux — qui se font du cabinet vont peut-être en arriver, comme c'est arrivé en 1969, à faire avorter la politique pétrolière, la politique énergétique du gouvernement.

En concluant, je pense que, si le ministre actuel veut véritablement en arriver à appliquer ses objectifs, il doit, d'abord, se tenir debout, il doit, d'abord, avoir du leadership. Etant donné que c'est une question fondamentale pour l'avenir du Québec, s'il n'est pas capable, M. le Président, le ministre devrait démissionner ou le premier ministre devrait le remplacer. Je suis assuré que c'est probablement ce qui va arriver d'ici quelque temps.

M. le Président, si le ministre voulait, au moins, avoir un appui, qu'il convoque, dans le plus bref délai possible, la commission des richesses naturelles pour étudier toute cette politique énergétique, en particulier pour étudier le livre blanc, les politiques à court terme qu'on devra appliquer pour faire face à la pénurie; surtout, M. le Président — nous espérons que cette leçon aura porté — pour établir les politiques à long terme et voir de quelle façon, en particulier, il faudra faire face au gouvernement d'Ottawa qui est en train, à nouveau, d'utiliser la crise énergétique pour nous imposer sa politique nationale du pétrole. Encore là, comme cela a été le cas, depuis 1961, ce sera probablement aux dépens des véritables intérêts des Québécois. Merci.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: Bien entendu, au nom de notre parti, j'aimerais bien apporter quelques mots concernant cette fameuse crise du pétrole ou crise de l'énergie.

Concernant cette motion de blâme qui nous est déposée par le Parti québécois: Que cette Assemblée est d'avis que le gouvernement doit être blâmé pour son manque de prévoyance à long terme et de prévisions à court terme, en ce qui concerne l'approvisionnement du Québec en pétrole, ainsi que pour son incapacité de s'assurer que les politiques gouvernementales, fédérales et québécoises, soient conformes aux besoins du Québec, de sorte que les Québécois non seulement risquent de manquer de pétrole, mais devront payer plus cher que nécessaire pour les produits pétroliers dont ils ont besoin pour leur chauffage, leur transport et leur industrie", je pense qu'il est normal que, tout d'abord, nous nous posions une question qui est la suivante: Est-ce que cette crise du pétrole est une crise réelle ou si ce n'est pas plutôt une crise des profits, une crise visant à faire peur à la population et tenter d'augmenter les profits de certaines sociétés qui, je pense, en profitent depuis déjà un bon bout de temps?

Ce que nous appelons une crise, aujourd'hui, d'après nous, ne s'est pas manifesté dernièrement. Déjà depuis au moins un an, nous sentons qu'il y a collusion entre les sociétés multinationales pour en arriver à créer cette crise ou ce rationnement nécessaire à la hausse des prix.

Je pense que le gouvernement du Québec a quand même certaines responsabilités en ce qui concerne les prévisions. Je me rappelle qu'en cette Chambre, à l'occasion de la discussion du bill 50, par exemple, le gouvernement nous faisait reluire facilement les possibilités d'un développement pétrolier dans une région que vous connaissez bien, qui est celle de la baie James. Nous avons parlé, par la suite, de la construction éventuelle d'un oléoduc en provenance du Nord, pour la Panartic Oils Ltd, et nous avons souvent même posé des questions au ministre des Richesses naturelles à cet effet. Comme vous le savez, il y a négociation avec cette société, des discussions avec le gouvernement de l'Ontario, des discussions avec le gouvernement du Québec. Il semble bien que ces gens n'en sont pas encore arrivés à des décisions. De ce côté, évidemment, nous sommes toujours dans l'attente.

Mais ce qui est très intéressant, c'est que nous voyons, à l'occasion de cette crise, un peu ce que la population du Québec et du Canada a vécu à l'occasion de la dernière guerre mondiale. En effet, nous avions, à ce moment, un système de rationnement. Le peuple devait accepter un système de rationnement parce que la guerre nous obligeait justement à nous serrer la ceinture. On nous disait: Au nom de cette bataille pour retrouver votre liberté, il vous faut vous serrer la ceinture.

Or, nous constations justement que des gens ayant de l'argent pour s'acheter les produits dont ils avaient besoin et qu'ils ne pouvaient pas trouver sur le marché ordinaire, dès qu'ils décidaient de mettre la main dans leurs poches pour payer plus cher, le marché noir était là. On pouvait se procurer en abondance les produits qu'on ne pouvait se procurer sur le marché ordinaire. Ce qui fait qu'à cette période presque dans tous les foyers québécois vous pouviez retrouver, par exemple, dans la garde-robe, un sac de sucre de 100 livres alors que c'était le rationnement. On n'aurait jamais pu trouver cela sur le marché ordinaire. Mais, sur le marché noir, à la condition qu'on décide de payer plus cher, on en avait plus qu'on ne pouvait en consommer.

C'est drôle, M. le Président, mais, dès que cette crise a été passée, dès que cette guerre a été terminée et que, sur le marché ordinaire, on pouvait retrouver toutes ces denrées facilement, jamais plus je n'ai vu, dans les foyers du Québec, une poche de sucre dans la garde-robe. Vous voyez. Parce que c'est devenu facile, parce que, là, les sociétés ont découvert que, si elles

ne décidaient pas de le vendre à un prix raisonnable, finalement, les Québécois apprendraient à vivre en se passant de cette denrée dans la plus grande mesure possible.

Or, là, peut-être sous un aspect différent, c'est un peu cela que nous revivons. Est-ce que les puits de pétrole ont cessé de produire? Non. Cela produit encore. Est-ce que la nature a cessé de nous fournir ce produit dont nous avons besoin? Non, ça continue encore. Et pourtant, M. le Président, on nous dit qu'il y a crise. On nous dit que c'est impossible, qu'il faudra se serrer la ceinture. Pourtant, les pays arabes qui produisaient produisent encore. En Alberta, où on produisait du pétrole, on en produit encore. Alors, il n'y a pas de rationnement naturel.

Il y a cependant — et c'est, je pense, ce à quoi nous faisons face présentement — un rationnement artificiel causé par la collusion de la haute finance internationale qui a décidé d'abuser, une fois de plus, de la population. M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire que nous retrouvons, dans chaque hausse de prix, non pas un manque de pétrole, mais un manque, si vous voulez, de profits. Pas un manque de profits, non; on devrait appeler cela autrement: une soif de profits toujours accrus.

D'ailleurs, l'été dernier, quand le pétrole a augmenté, ce n'est pas parce qu'il en manquait. A ce moment-là, nous en avions en abondance encore, mais on se permettait d'en exporter aux Etats-Unis. Vous vous rappelez cela. On en a discuté en cette Chambre, M. le Président. Vous savez que les pays arabes qui nous alimentent, actuellement, en pétrole, au Québec, voyant que nous exportons ailleurs ce que nous allons chercher pour notre propre consommation, se sont probablement posé des questions, de sorte que la position des pays arabes, présentement, telle que définie par au moins une ambassade arabe au Canada, comprend trois catégories. Première catégorie: les pays amis. Deuxième catégorie: les pays semi-amis. La troisième catégorie : les pays neutres.

Selon, toujours, des réponses à des questions données par une ambassade arabe au Canada, le Canada se trouve classé dans les pays neutres. La livraison, dans les pays amis, se fait de la façon suivante — ce n'est pas parce qu'il en manque — suivant leurs besoins intérieurs et pour exportation à d'autres pays amis. Les pays semi-amis: livraison suivant un quota, selon les besoins de l'intérieur. Aux pays neutres, comme le Canada: un quota fixe selon le besoin du mois de septembre, moins 25 p.c. et, à partir de janvier, moins 30 p.c. C'est comme cela qu'on est traité parce qu'on est considéré comme un pays neutre et que nous avons exporté aux Etats-Unis une part des importations que nous avions, ici, dans la province de Québec.

M. le Président, ce qui est intéressant aussi, c'est de voir le cheminement des états financiers des compagnies multinationales pendant ce temps-là, pendant la crise. C'est drôle comme les crises sont payantes. C'est drôle comme le rationnement est payant pour ces compagnies. Vous voyez la différence entre les exercices financiers de 1972, par exemple. Pour neuf mois, au 30 juin 1972, la compagnie Ashland Oil Canada Limited déclarait un revenu brut de $44,464,000, dont un revenu net de $5,750,000, pour un revenu par action de $0.45.

En 1973, on déclarait, au 30 juin, pour une même période donnée un revenu brut de $59,500,000, un revenu net de $6,800,000, pour un revenu net par action de $0.52 comparativement à $0.45.

Vous voyez que la crise est quand même supportée par les consommateurs et non par le distributeur. Gulf Oil Canada, alors qu'en 1972 on déclarait $1.18 par action, on en est rendu à $1.42. Hudson Bay Oil, 30 juin 1971: $0.64 par action; 30 juin 1973: $0.88 par action. Imperial Oil, 30 juin 1972: $0.59 par action; 30 juin 1973: $0.73. Shell Canada, en 1972: $0.63 par action; en 1973: $0.66.

M. BACON: Vous prouvez quoi?

M. SAMSON: Texaco: $3.21 et $4.33.

M. BACON: Cela ne veut rien dire.

M. SAMSON: Je comprends que ça ne veut rien dire. Je comprends que les députés libéraux, ça les fatigue. Je comprends que je viens de toucher là à une corde sensible de votre caisse électorale. Je comprends ça.

M. BACON: Qu'est-ce que vous voulez prouver? Ah! la farce.

M. SAMSON: Je comprends aussi pourquoi la crise énergétique ne semble pas vous déranger, parce qu'il semble qu'elle vous sert bien, cette crise énergétique.

M. BACON: Vous voulez prouver quoi avec ça?

M. SAMSON: Nous avons à représenter en cette Chambre...

M. PICOTTE: II est "gazé" de pétrole.

M. SAMSON: ... des électeurs qui sont des consommateurs...

M. BACON: Correct. Correct.

M. SAMSON: ... qui sont des contribuables, qui sont ceux-là qui font les frais de la crise artificielle dont semble s'accommonder le Parti libéral présentement dans la province de Québec.

M. PICOTTE: Les arguments créditistes!

M. SAMSON: II y a d'autre chose qui décou-

le de cette crise, c'est que cette crise nous la considérons artificielle. Bien entendu, le gouvernement du Québec n'est pas le seul, d'autres gouvernements à d'autres paliers jouent actuellement le même jeu que le gouvernement du Québec.

Il y en a d'autres aux Etats-Unis aussi qui jouent le même jeu que vous autres. Mais, comme d'habitude, quand les Etats-Unis prennent la grippe, le Canada et la province de Québec se mettent à tousser immédiatement. Il n'y a rien qui change, c'est la même chose que ç'a toujours été de ce côté-là.

Cependant, ce qu'il nous faut découvrir dans tout ça, c'est que, profitant de cette situation que nous considérons artificielle, encore une fois le gouvernement fédéral prend le leadership en ce domaine. Encore une fois de plus nous voyons — et le gouvernement du Québec ne semble pas voir venir le coup — le gouvernement du Québec à la remorque d'Ottawa.

Plus nous avançons dans cette crise, plus le gouvernement fédéral empiète sur les droits du Québec, plus le Québec cède ses droits à Ottawa. A l'occasion de la dernière guerre mondiale, dont je vous parlais tantôt, le Québec a cédé ses droits sur la fiscalité à Ottawa pour seulement la période de la guerre. Pourtant, aux dernières nouvelles, la guerre est terminée depuis quelques années et on n'a pas encore su récupérer nos droits d'Ottawa. A l'occasion de la présente crise, c'est encore la même chose. C'est le gouvernement fédéral qui prend le leadership, qui va de l'avant dans cette question, qui vient s'emparer encore une fois d'une partie de nos droits.

Et le gouvernement du Québec tombe dans le panneau, il est en train de céder une partie de nos droits encore une fois à Ottawa, tel que ç'a été le cas à l'occasion de la dernière guerre mondiale.

On pourrait en parler longtemps mais malheureusement, comme vous venez de me le faire remarquer, il ne me reste que quelques secondes à ma disposition. J'aimerais en terminant dire que le gouvernement devrait, non pas céder ses droits à Ottawa mais prendre ses responsabilités. Et nous, il ne faut pas oublier de dire à la population que cette crise, non seulement nous ne la voulons pas, mais nous prendrons nos responsabilités et les moyens nécessaires pour qu'elle s'arrête dans les plus brefs délais et que la population du Québec ne paie pas deux fois pour les services qu'elle recevra une fois, c'est-à-dire qu'on ne paie pas d'augmentation inutiles.

En terminant, M. le Président, une petite recommandation: qu'on oblige toutes ces compagnies multinationales à venir siéger publiquement avant d'augmenter les tarifs, et vous verrez que le chat va sortir du sac. Ce que je viens de vous dire va sortir en public et on les obligera à s'expliquer avant d'accepter que notre population paie trop cher un produit qu'elle pourrait avoir à meilleur marché.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre des Richesses naturelles.

M. Gilles Massé

M. MASSE: M. le Président, je constate, à la teneur des différents discours entendus jusqu'à maintenant, qu'on a énormément de difficultés à se retrouver sur l'échiquier pétrolier mondial actuel. Je pense qu'on a fait des déclarations concernant la motion de blâme du Parti québécois qui est rédigée dans des termes assez sévères qui n'ont, à mon sens, pas retrouvé la même consonance dans les discours du Parti québécois.

Par les mass media, M. le Président, chaque citoyen a découvert les problèmes auxquels font face des pays tels que les Etats-Unis, l'Allemagne, la Hollande, le Japon et autres, l'ensemble des pays consommateurs. Vous avez été à même de constater les mesures contraignantes qui ont été imposées à la population de ces pays; nous avons vu, par l'entremise de nos téléviseurs, des autoroutes désertes le dimanche, des centres de service fermés pendant la fin de semaine. Après toutes ces constatations, je présume que le député de Sauvé ainsi que les autres qui ont pris la parole diront que ces pays ont été insouciants, voire imprévoyants.

Il semble, d'après les propos entendus dans cette Chambre ce matin, qu'on veuille isoler le Québec dans son coin et ne tenir aucunement compte du contexte pétrolier mondial actuel. Les journaux ont rapporté depuis une couple de mois différentes situations dans les autres pays consommateurs. Les revues les plus populaires ont aussi relevé des situations difficiles pour les Etats-Unis, la Hollande, le Japon entre autres. Pendant ce temps, au Québec, grâce aux mesures prises par le gouvernement libéral, en collaboration avec le gouvernement central, l'alimentation de nos raffineries était assurée de façon à peu près normale, quoiqu'en disent les députés qui ont eu à prendre la parole pour le Parti québécois tout à l'heure.

On mettait en relief certaines de mes déclarations du début de novembre pour dire: A ce moment-là, le ministre des Richesses naturelles disait qu'il n'y avait pas de pénurie, qu'on ne pouvait pas s'attendre à une pénurie au cours de l'hiver. La déclaration exacte, M. le Président, c'est qu'on a dit à ce moment-là qu'il n'y aurait pas de pénurie pour les derniers mois de l'année 1973 mais que pour l'année 1974, il était possible, selon les hypothèses les plus optimistes ou les hypothèses les plus pessimistes, que nous puissions ressentir une légère pénurie si les conditions atmosphériques, si les pays du Moyen-Orient ne durcissaient pas leurs conditions d'approvisionnement.

M. le Président, je pense que, dans la situation actuelle, aucun pays, à la fin de l'été, ne pouvait prévoir les décisions des pays arabes, entre autres de l'Arabie Saoudite et d'Abu

Dhabi. Je pense que se baser sur la crise actuelle pour dire que le gouvernement du Québec a manqué de prévoyance, qu'il n'a pas arrêté l'augmentation des prix, est à mon avis de l'irréalisme, compte tenu des conditions actuelles.

Si, comme l'a souligné le député de Saguenay tout à l'heure, la compagnie Aigle d'Or a été pénalisée, a connu une pénurie d'environ 30 p.c. de ses approvisionnements, ce n'est pas pour les mêmes raisons. C'est que la société qui fournissait le pétrole à cette compagnie et qui exploitait un puits en Lybie a été purement et simplement nationalisée, ce qui a fait que du jour au lendemain la compagnie Aigle d'Or a dû compenser par d'autres sources.

Le député de Saguenay affirme que la compagnie Aigle d'Or exporte des produits finis, actuellement. Je dois dire que tous les moyens d'information et de contrôle que nous avons, avec le gouvernement fédéral, sur cette question vont en complète contradiction avec les affirmations du député de Saguenay. Depuis au moins un mois, aucun produit fini, selon nos informations, ne sort des frontières canadiennes. Je pense que nos informations sont aussi valables que les vôtres du moins elles sont officielles.

M. LEGER: Ce ne sont pas les informations officielles souvent qui sont vraies, mais les officieuses. Les officieuses sont souvent plus vraies que les officielles.

M. MASSE: ... c'est le conflit... Est-ce que le député aurait des choses à ajouter?

M. LEGER: Oui, je dis que les informations officieuses sont parfois plus sûres que les officielles.

M. MASSE: Ah, oui! c'est sûr que le PQ a un réseau assez important dans les endroits où il faudrait que certaines gens soient loyaux vis-à-vis de leurs employeurs...

M. LESSARD: Filtrez vos informations.

M. MASSE: ... et qu'il se sert de ce genre d'informations pour revoir des articles comme on en a vu dernièrement dans les journaux qui sont aussi la base de toute l'argumentation qu'on a entendue tout à l'heure de la part du député de Saguenay à mon sujet.

Donc, même si le conflit a eu en général des effets désagréables sur les activités économiques des pays et sur les habitudes quotidiennes de leurs citoyens, il a permis par contre aux Canadiens de prendre au moins connaissance de l'importance du secteur énergétique dans l'économie mondiale.

Il y a un an, M. le Président, bien peu de gens avaient entendu parler d'un pays comme Abu Dhabi, du port de Portland, de port pour superpétrolier, d'olédoduc, de sables bitumi- neux, enfin de tout le jargon pétrolier. Pourtant, ai-je besoin de vous le rappeler, le gouvernement québécois avait, il y a déjà un an, pensé et élaboré une politique énergétique qui tenait compte de notre situation dans ce secteur, des contraintes auxquelles nous faisions face et des objectifs que nous désirions atteindre.

C'était donc faire preuve, malgré ce qu'en disent les députés de l'Opposition, de clairvoyance, car déjà à cette époque, et sans crise d'aucune sorte, nous avions perçu l'importance, pour le Québec, de la sécurité des approvisionnements, de même que le rôle primordial de l'énergie en général et plus particulièrement des produits pétroliers comme moteur de développement économique pour le Québec. Nous avons été en quelque sorte, M. le Président, des précurseurs du fait que nous avons, je pense, donné le ton aux livres sur l'énergie du gouvernement fédéral.

Nous avons, par rapport à certaines autres provinces, été un instigateur dans ce domaine. Très peu de provinces, ni même le gouvernement fédéral n'avaient véritablement une politique arrêtée qui considérait l'ensemble des éléments au Canada. En effet, notre politique énergétique a toujours prôné deux objectifs majeurs: assurer la sécurité des approvisionnements des Québécois, c'est-à-dire satisfaire, à court et à long terme, la demande québécoise de pétrole brut.

Evidemment, on peut dire que les décisions du gouvernement du Québec ne sont pas suffisamment rapides, ne s'adaptent pas à la situation actuelle. Je dois dire qu'avant 1969 le Québec était inexistant, n'occupait aucune place dans le domaine pétrolier. Ce n'est qu'en 1969 que nous avons connu la création de la société SOQUIP, ce n'est qu'en 1970 que nous avons vu la mise en place d'une équipe, petite mais une équipe, qui devait former la Direction générale de l'énergie. Ce n'est qu'en 1972 que nous avons connu une politique ou un document des éléments de politique énergétique pour le Québec.

Pour réaliser l'objectif de la sécurité d'approvisionnement il nous a paru essentiel d'obtenir de larges quantités de pétrole chez les pays producteurs. Afin d'accentuer cette sécurité nous prônions, il y a déjà un an, premièrement, un stockage massif de pétrole en territoire québécois afin de faire face aux éventuelles fluctuations du marché mondial; deuxièmement, une diversification de nos sources d'approvisionnement. C'est dans ce sens, d'ailleurs, que nous nous montrons intéressés à explorer l'idée d'exploitation conjointe des sables bitumineux de l'Athabaska avec le gouvernement de l'Alberta. C'est une démarche qui a été effectuée dernièrement mais il faut dire que l'Alberta a mis aussi de l'avant des mesures, compte tenu de la crise mondiale et des problèmes d'approvisionnement canadien.

Le député de Sauvé peut peut-être rire d'une telle affirmation mais je pense que, si ce sourire

est si éloquent, c'est qu'il lui manque des tiroirs dans sa mémoire ou dans sa connaissance du domaine pétrolier mondial. C'est justement en vue d'accentuer notre sécurité d'approvisionnement et de faire un pas vers une autonomie d'approvisionnement que nous évaluons en détail l'importance des fonds que SOQUIP devra engager dans l'exploration. Si cette politique a d'abord été exprimée en fonction de la sécurité de l'approvisionnement des Québécois, elle accentue indirectement la sécurité de tous les Canadiens en général, particulièrement ceux résidant à l'ouest de la défunte ligne Borden.

En effet, comme vous le savez sans doute, j'espère, les réserves de pétrole traditionnelles s'épuisent rapidement dans l'Ouest. Au rythme où vont les choses, elles seront à sec dans une dizaine d'années. C'est donc en toute conscience de cette situation et par souci des approvisionnements au Canada que nous avons toujours prôné l'acheminement massif de pétrole importé au Québec et même vers le centre de l'Ontario par oléoduc afin de réduire la consommation de pétrole conventionnel canadien, donc de prolonger ces réserves conventionnelles.

Je pense qu'il faudrait ici démontrer que dans l'Ouest canadien le pétrole conventionnel sera en baisse de production, à partir d'à peu près 1976. D'autre part, l'ensemble de la consommation canadienne augmente d'une façon effrénée, selon les prévisions faites jusqu'en 1990. D'un autre côté, quant aux sables bitumineux, même s'ils devaient être mis en exploitation, même si on mettait le maximum des ressources pour le développement des sables bitumineux, nous sommes convaincus que le Canada ne pourra suffire à sa propre consommation avant 1990, à partir du pétrole produit dans l'Ouest.

Cette situation implique donc qu'il sera de plus en plus difficile de combler l'écart entre la demande canadienne prévisible de pétrole et la capacité prévisible de production, particulièrement au cours des quinze ou vingt prochaines années.

Les craintes que certaines compagnies majeures ont exprimées, à cet effet, ne font d'ailleurs que confirmer nos appréhensions. En effet, même en investissant massivement, dans l'exploitation des sables bitumineux, il ne sera pas possible de satisfaire toute la demande canadienne. Les conséquences de cette situation sont énormes et entrafnent la nécessité, pour le Canada, et plus particulièrement pour le Québec, de se doter d'une politique rationnelle et réaliste d'importation. Je doute, cependant, que mes honorables collègues de l'Opposition soient en mesure de saisir toutes les implications d'une telle situation, quoique, tout à l'heure, le député de Sauvé ait fait mention que nous devrions, au Québec, garder ou instaurer une zone de libre échange au Québec. C'est exactement la situation du gouvernement.

Nous avons, comme tout gouvernement res- ponsable, pris des mesures concrètes afin de maîtriser, dans la mesure du possible, la sécurité de nos approvisionnements. C'est ainsi qu'il y a déjà plusieurs mois, nous avons entrepris des discussions avec certains pays producteurs de pétrole qui, nous l'espérons, déboucheront sur la signature d'un contrat d'approvisionnement à long terme, à des prix avantageux. La guerre du Moyen-Orient a ralenti ces discussions, mais nous comptons les accélérer prochainement. Ce sont des discussions, quoiqu'en pense le Parti québécois, qui sont laborieuses, qui sont longues. Ce sont des démarches qui ne peuvent voir leur réalisation d'une façon immédiate, même si la situation actuelle le voulait. Ce n'est pas non plus, je pense, M. le Président, dans l'intérêt public de divulguer les informations, les contenus de ces discussions, les circonstances et même les stades d'évolution, les différentes étapes d'évolution de ce dossier.

Je pense que l'intérêt public, quoiqu'en ait dit le député de Saguenay, tout à l'heure, requiert cette attitude, ne requiert pas que le gouvernement actuel, par des préoccupations qui ne seraient que purement politiques, mette sur la place publique ce dossier qui doit rester des plus confidentiels jusqu'à la signature définitive d'un contrat d'approvisionnement.

La signature d'un contrat d'approvisionnement nous permettra de mettre en chantier un port pouvant accueillir des superpétroliers et, par là, nous faire réaliser des économies importantes au niveau du transport.

J'aimerais ici ouvrir une parenthèse afin de faire remarquer aux amateurs de petits ports et de petits bateaux, dont le chef de l'Opposition, qu'il ne faut pas confondre...

M. MORIN: 100,000 tonnes.

M. MASSE: ... des économies d'échelle nécessaires à la réalisation de cet objectif aux dimensions physiques des infrastructures requises. Il n'est donc pas question de superport pour pétroliers, mais bien de port pour superpétroliers. La situation actuelle...

M.LESSARD: Un changement de politique. Le premier ministre parle d'un superport.

M. MASSE: Est-ce que vous n'auriez pas, vous aussi, les membres du Parti québécois, changé de politique? J'ai déjà entendu, au cours de la campagne électorale, un M. Pari-zeau, très éloquent, un M. Lévesque, très éloquent dire: Le port dans le Bas-du-Fleuve, il n'en faut pas, vous n'en avez pas besoin, cela ne crée pas de l'emploi. Maintenant, vous parlez d'un port dans le Bas du Fleuve.

M. LESSARD: Non, non, attendons, soumettez les études.

M. MASSE: M. le Président...

M. BACON: Ils ont promis deux usines d'eau lourde.

M. MASSE: Je pense que, pour faire comprendre...

M. BACON: Trois ou quatre centrales nucléaires!

M. MASSE: ... les économies d'échelle qu'on mentionnait tout à l'heure, il faut dire qu'actuellement nous sommes...

M. BACON: Deux usines d'eau lourde!

M. MASSE: ... approvisionnés à partir du port de Portland et du pipe-line jusqu'à Montréal. Cette situation ne permet pas d'acheminer des quantités importantes, 200,000 tonnes, par exemple, au port de Portland, parce que les installations physiques ne peuvent les recevoir.

Si nous parlons d'un port pour superpétroliers dans le Saint-Laurent, c'est justement, d'abord pour répondre à une demande supplémentaire de pétrole que, normalement, Portland ne pourrait pas nous acheminer et, d'autre part, pour réaliser des économies sur les quantités de pétrole que nous pourrions recevoir par les superpétroliers, économies qu'on a déjà évaluées, avant la crise, à environ $0.40 le baril.

Toujours dans l'optique de la sécurité et de la diversité de nos approvisionnements, nous avons, il y a déjà quelque temps, entamé des pourparlers avec l'Alberta sur l'opportunité d'exploiter conjointement, comme je le disais tout à l'heure, les sables bitumineux. Ces négociations ne font que débuter, mais elles pourraient amener des résultats intéressants.

Dans le même ordre d'idées et afin de faire face aux possibilités de pénurie, qui subsistent toujours, nous avons, tout d'abord, de concert avec le gouvernement fédéral, pris une série de moyens pour nous assurer que, tant au palier de la production que de la consommation, les Québécois n'auraient pas à souffrir d'inconvénients majeurs cet hiver. Comme vous le savez, on a dû acheminer du pétrole albertain par le pipe-line Trans-Mountain jusqu'à Vancouver et, de là, l'expédier par pétroliers par le canal de Panama. Aussi, des dispositions ont été prises pour acheminer du pétrole à partir des Grands Lacs jusqu'à Montréal et nous avons demandé que la région d'Ottawa puisse être approvisionnée à partir des raffineries ontariennes.

Nous avons aussi, dans cette même période, fait connaître à la population que le gouvernement du Québec recommandait de réduire la consommation d'énergie et, surtout, de tenter d'éliminer le gaspillage qui pourrait exister.

Nous avons, de plus, confié à SOQUIP le mandat de négocier des contrats d'approvisionnement à court terme chez les pays producteurs afin de réduire les conséquences des prochaines coupures qui pourraient vraisemblablement être appliquées par les pays arabes; évidemment, d'une façon incertaine, comme je le mentionnais tout à l'heure.

La sécurité des approvisionnements, tant à court terme qu'à long terme, est, depuis longtemps, et reste une de nos préoccupations majeures. Dans cette optique, les accusations du Parti québécois, en plus d'être dénuées de tout fondement, me paraissent parfaitement ridicules. Mais la sécurité des approvisionnements n'a de signification que si elle sert, tout d'abord, à intensifier la croissance économique de tout le territoire québécois. Il est donc normal que le deuxième objectif que nous poursuivions et que nous cherchons encore à atteindre implique l'utilisation du secteur pétrolier pour favoriser notre croissance économique. Cet objectif pose donc la nécessité d'une disponibilité de pétrole au meilleur coût possible. Mais pourquoi? Premièrement, afin que nos raffineries obtiennent le meilleur prix possible, de sorte que l'essence et l'huile à chauffage principalement soient disponibles aux consommateurs québécois à des prix aussi bas que partout ailleurs au Canada. Deuxièmement, afin que les industries québécoises, qui utilisent le pétrole ou ses dérivés comme matière première, aient la possibilité de maintenir leur coût de production à un niveau assez bas pour concurrencer leurs compétiteurs sur les marchés américains et même mondiaux.

Comme vous le savez, il est donc vital pour nous d'obtenir, de quelque endroit que ce soit, les quantités de pétrole nécessaires à la croissance de nos besoins au meilleur prix disponible sur les marchés mondiaux.

Nous croyons que le développement économique qu'entraîne le secteur pétrolier dans une économie moderne est primordial. C'est pourquoi nous cherchons, déjà depuis plusieurs mois, avec le gouvernement fédéral un terrain d'entente qui permettra la réalisation des objectifs canadiens tout en nous assurant la concrétisation de nos objectifs économiques.

C'est pourquoi — je le répète pour la nième fois — il nous paraît toujours nécessaire et essentiel, en fonction de nos objectifs et dans l'intérêt canadien, d'avoir la possibilité de s'approvisionner en pétrole importé si les conditions qui prévalent sur les marchés mondiaux sont plus avantageuses — tant au niveau du volume que des prix — que celles du pétrole canadien.

Cela concilie, à mon avis, les intérêts québécois et les intérêts nationaux canadiens.

Sur la question des prix, le gouvernement fédéral a exprimé sa volonté de réglementer les prix du pétrole au Canada, donc de modifier le système traditionnel par lequel les prix canadiens s'établissaient en fonction des prix mondiaux. Si nous avons accepté de bonne grâce, jusqu'à ce jour, deux systèmes de prix canadiens, l'un pour l'Ouest et l'un pour l'Est, il est bien entendu que nous ne pourrons tolérer plus longtemps que, d'une part, le pouvoir d'achat des Québécois soit pénalisé par un gel des prix à

l'Ouest et, d'autre part, que notre industrie ait à supporter des prix plus élevés pour ses matières premières.

M. MORIN: Pourquoi l'acceptez-vous à l'heure actuelle?

M. PERREAULT: A l'ordre, à l'ordre!

M. MASSE: Par ailleurs, afin de protéger plus efficacement le consommateur, le Québec, par son tribunal de l'énergie, a l'intention de jouer un rôle important. Le gouvernement devra élargir les pouvoirs de la Régie de l'électricité et du gaz, afin d'assurer aux consommateurs québécois des prix équitables et stables de produits comme le pétrole, le gaz, l'électricité et particulièrement l'huile à chauffage.

Les circonstances actuelles accéléreront, bien entendu, la mise sur pied d'un tel organisme. Il y a quelque temps, j'ai mandaté un groupe d'experts de l'Université de Montréal, avec des fonctionnaires du ministère des Richesses naturelles, afin d'examiner l'étendue du champ des juridictions provinciales dans ce domaine. Au cours de la prochaine session, c'est-à-dire dès le mois de mars, une nouvelle loi devrait être présentée en cette Chambre.

En résumé, tant sur la question de la sécurité des approvisionnements que sur les prix, il nous parait possible de trouver un terrain d'entente avec le gouvernement fédéral. Nous considérons que les provinces et le gouvernement fédéral doivent chercher à résoudre les problèmes actuels et temporaires dans le secteur pétrolier.

Cependant, nous exigeons, en ce qui concerne la mise en application d'un mécanisme permanent dans ce secteur, tant au niveau des prix, de l'infrastructure que des sources d'approvisionnement, que des consultations et des discussions sérieuses aient lieu entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral, afin que tout élément d'une politique énergétique canadienne qui aurait des incidences permanentes soit discuté tout d'abord à la réunion des premiers ministres en janvier prochain.

Il n'est pas question, comme ont voulu le laisser entendre certains intervenants tout à l'heure, que le Québec délègue d'une façon permanente des pouvoirs au gouvernement d'Ottawa, que le Québec laisse aller certains de ses droits. C'est évidemment facile à affirmer, facile à dire, mais dans les déclarations que j'ai entendues tout à l'heure, aucune preuve d'une telle situation n'a été apportée.

M. LESSARD: II y a un ministre libéral qui a déjà dit la même chose.

M. BACON: Deux usines d'eau lourde!

M. LESSARD: Godbout a déjà dit la même chose aussi.

M. MASSE: Je pense que SOQUIP devrait aussi constituer ou mettre en place, avec l'aide du gouvernement provincial, tout le secteur témoin dont on parle depuis un an. Plusieurs démarches, plusieurs études ont été effectuées, mais je dois aussi déclarer que l'ensemble des travaux ou des activités du gouvernement dans ce secteur devront être gardés des plus confidentiels jusqu'à une décision définitive, du fait de l'intérêt public.

M. LESSARD: Cela devait être prêt au cours du mois de juin d'après certaines déclarations du ministre.

M. MASSE: Je dirai au député de Saguenay — je pense que c'est probablement son inexpérience — que dans des affaires aussi complexes, dans un domaine aussi vital et dans une industrie aussi étendue et aussi complexe, ce ne sont pas des transactions qu'on fait dans l'espace d'une nuit. Ce sont des transactions qui doivent être appuyées sur des études sérieuses et importantes.

Je pense que le député de Saguenay devrait au moins réaliser ça.

M. LESSARD: Que le ministre arrête de parler à tort et à travers.

LE PRESIDENT: A l'ordre! M. BACON: Cela fait mal!

M. MASSE: Je pense qu'on a tout à l'heure fait mention qu'il y avait quasiment une pénurie. Le député de Saguenay a encore tenté de mettre certaines de mes déclarations en contradiction. Actuellement, les réserves annuelles des compagnies pétrolières sont aussi importantes, encore à ce moment, qu'elles l'étaient à la même période l'an passé.

Le climat nous favorise actuellement. Je pense que ce n'est que si nous avions à subir d'autres coupures de la part des pays du Moyen-Orient que nous pourrions subir une situation désagréable pour l'ensemble des consommateurs. C'est pourquoi le gouvernement fédéral et les provinces s'étaient entendus pour qu'il y ait des mesures volontaires qui soient prises par les Québécois et l'ensemble des Canadiens pour tenter de réduire la consommation et aussi, peut-être par ce seul moyen du volontariat, d'éviter une pénurie.

En définitive, parce que nous voulions d'une part augmenter la participation des Québécois dans un secteur qui nous était jusqu'alors étranger et, d'autre part, accélérer l'autonomie du Québec au niveau énergétique, nous avons prôné une politique énergétique qui faisait preuve à l'époque — je le répète — de clairvoyance en proposant des mécanismes et des modes d'approvisionnement, de raffinerie et de distribution qui comblaient les lacunes et les imperfections du système traditionnel du corn-

merce des produits pétroliers, lesquelles nous paraissent que trop évidentes aujourd'hui.

Le gouvernement du Québec voulait et veut toujours concrétiser cette politique qui, à notre avis, répond le mieux à nos besoins, à nos intérêts et aux orientations que nous voulons donner à notre développement économique. Il est donc temps que ceux à l'esprit un peu lent prennent conscience de cette réalité pour réaliser que dans ce secteur nous faisons face à des problèmes complexes qui demandent une réflexion approfondie sur le choix qui, dans dix ans, aura peut-être été déterminant dans ce domaine.

Mais surtout il importe de souligner que nous innovons dans ce secteur. Il importe donc que nos critiques réalisent bien que, dans cette sphère d'activité économique, l'application de notre politique énergétique ne peut se faire qu'à un certain rythme qui tient compte des exigences du milieu et des circonstances extérieures.

Ce rythme n'est peut-être pas assez rapide pour certains mais il peut l'être pour d'autres. C'est pourquoi, M. le Président, je trouve déplorable dans cette optique que l'on s'acharne, au Québec, à jeter par terre ce que l'on essaie d'ériger, dans l'intérêt des Québécois, avec beaucoup de difficultés.

Comme l'a souligné dernièrement un de mes anciens collègues, nous n'avons pas au Québec les ressources humaines et financières en quantité tellement grande pour que nous puissions nous permettre de médire, de mentir et surtout de faire preuve d'ignorance et d'intolérance dans notre appréciation des efforts du Québec dans ce secteur vital.

M. Marcel Léger

M. LEGER: M. le Président, dans cette psychose du problème du pétrole, cette crise réelle ou pas, je pense que le gouvernement est à blâmer de ne pas avoir prévu à long terme et à court terme le problème auquel nous faisons face. Actuellement, c'est bien l'image du Parlement actuel, il y a ceux qui pensent en fonction d'une autosuffisance pétrolière fédérale à travers tout le Canada et ceux qui pensent ici à une autosuffisance québécoise. Actuellement l'autosuffisance que le Canada veut amener, c'est une possibilité par la société canadienne du pétrole de contrôler, de taxer, d'obtenir des ressources financières suffisantes pour faire l'exploration et plus tard l'exploitation et amener au Canada une autosuffisance dans le domaine pétrolier.

Dans cette optique, on ne peut pas les blâmer mais ceci amène une dépendance du Québec, qui, lui, devrait être, contrairement à cette dépendance, autosuffisant et capable de s'approvisionner lui-même. Actuellement, la seule façon d'éviter et de changer cet imbroglio dans lequel nous vivons, c'est une diversification des ressources. L'Alberta n'a actuelle- ment du pétrole que pour dix ans et, avec les sables bitumineux, ça va coûter beaucoup plus cher que ça coûte actuellement; ce sera dans les $5 ou $5.50 le baril alors qu'on peut actuellement avoir du pétrole de l'Orient à $0.10 le baril sorti du puits, sans le coût du transport.

C'est sûr que nous avons une autre source d'approvisionnement que l'Alberta par l'oléoduc qui arrive à Sarnia, c'est Portland, qui, actuellement, est soumis à des problèmes majeurs à travers le monde entier. Pendant ce temps, nous devons penser à une autre source d'approvisionnement, qui est un port. Le problème c'est de situer où devra être ce port. Le gouvernement pense au secteur de l'île verte. Il a fait des démonstrations de l'utilité de ce port. Mais, M. le Président, il n'y a pas eu d'étude écologique faite par le gouvernement provincial là-dessus. GIROQ a expliqué les dangers d'un port à l'intérieur de l'estuaire et même le gouvernement fédéral, par Environnement-Canada, a prouvé le danger d'avoir un port ou un superport pétrolier à l'intérieur du fleuve Saint-Laurent. Il s'agit maintenant de savoir s'il n'y aurait pas possibilité d'avoir un point de réception, un point d'accueil de ces superpétroliers en dehors de l'estuaire du Saint-Laurent. C'est une question que le gouvernement n'a même pas posée, il n'a même pas fait de recherche là-dessus et on n'a même pas de rapport de ce côté.

Il faut penser à cette diversification des sources. Ce superport pétrolier à l'intérieur de l'estuaire va servir à qui? Un superport présuppose un oléoduc qui va permettre de vendre aux Etats-Unis et qui peut dépasser les besoins du Québec. Des superpétroliers pour le Québec, nous en avons besoin pourvu qu'il y ait un secteur témoin qui contrôle, qui soit SOQUIP. M. le Président, actuellement on parle de crise du pétrole. Est-ce qu'elle existe réellement? Quand on regarde ce qui se passe aux Etats-Unis, le gouvernement n'est pas tellement bien informé actuellement. Aux Etats-Unis, parce que ce sont eux qui contrôlent 91 p.c. des compagnies pétrolières — et je dois le savoir puisque 30 p.c. des raffinages du Canada sont dans mon comté — le juge Warren Douglas de la cour Suprême attribue la crise du pétrole à des puissants intérêts ou des lobbies qui recherchent le profit maximum, donc la consommation maximum. On pousse les gens à utiliser le maximum d'énergie pour faire le maximum de profits. On fait même l'achat des brevets sur les inventions pour éviter la concurrence.

M. le Président, la Loi de l'impôt actuellement aux Etats-Unis permet un gaspillage du pétrole en encourageant la société à la production plutôt qu'au raffinage pour que grimpent les profits. Ceci a été expliqué par Michael Harrington, chef d'un mouvement politique aux Etats-Unis.

M. le Président, Charles Levingstone, secrétaire général de l'ICF, qui est le chef de cinq millions de travailleurs aux Etats-Unis, affirmait

dans la presse dernièrement, que la soif effrénée d'un "cash flow" des compagnies de pétrole permettait des investissements, prévus d'ici 1985, de près de $1,000 milliards dans les investissements d'exploitation. Et quand on sait que les profits sont maintenant rendus à 42 p.c. pour le premier trimestre et que 9/10 de ces profits sont pour le réinvestissement, la hausse du prix du pétrole actuellement nous prouve que ce n'est pas nécessairement à cause de la guerre du Moyen-Orient, mais tout simplement parce qu'on veut augmenter les revenus, les profits pour un réinvestissement et pour contrôler justement davantage le domaine où il y a actuellement un cartel, comme le disait le Wall Street Journal et aussi "The Empire of Oil", un article de Harvey O'Connor, qui disait justement que huit grandes compagnies avaient elles-mêmes fixé leurs prix.

M. le Président, actuellement ça nous amène un problème grave concernant la pollution. Il y a le problème de la pollution provenant du superport pétrolier à l'intérieur de l'estuaire du Saint-Laurent. Nous, nous croyons qu'on a besoin d'un point de recueil, mais il doit être en dehors de l'estuaire du Saint-Laurent pour éviter les catastrophes, comme GIROQ disait. Mon temps de parole ne me permet pas de lire, mais justement on est très vulnérable sur le plan biologique et sur le plan général de l'économie et finalement au point de vue même de la pollution de l'air. Cela nous amène cette psychose; ce manque du contrôle du gouvernement provincial nous amène actuellement à un problème qui est le suivant: même la Communauté urbaine de Montréal, avec M. Hanigan, se prépare, le 19 septembre prochain, à augmenter le taux permissible de pollution de l'air de 1.5 particule par million dans l'huile lourde et de le monter à 2.5.

Actuellement, M. le Président, au lieu de vérifier s'il y a une pénurie — l'Association des marchands d'huile indépendants a dit qu'il n'y avait pas de pénurie d'huile légère à chauffage — on est déjà en train de permettre à ces compagnies, parce qu'elles ont un lobby fort, d'augmenter le taux de pollution de l'air de 1.5 alors qu'elles l'ont toujours maintenu en deçà. Je les ai rencontrées moi-même, je les ai visitées, j'ai vérifié leurs chiffres, ils se tenaient en deçà de 1.5, on va leur permettre maintenant d'aller à 2.5. C'est un manque de prévision, c'est créer une psychose de la crise du pétrole et un manque, du gouvernement provincial actuel, de leadership, et je termine ici. J'aurais beaucoup d'autres choses à dire mais je vais laisser le droit de réplique au chef de l'aile parlementaire pour la suite.

LE PRESIDENT: Le leader parlementaire du gouvernement.

M. Gérard-D. Lévesque

M. LEVESQUE: M. le Président, je suis particulièrement heureux d'avoir au moins quelques instants pour intervenir à ce moment-ci au cours d'un débat qui part d'une motion qui, évidemment, n'est pas fondée, qui est même injuste, et qui a un caractère tellement partisan qu'il montre le caractère véritable du Parti québécois, de sa doctrine et de ses membres, particulièrement ceux qui sont ici à l'Assemblée nationale.

Il faut pratiquement être inconscient pour parler comme parle même le texte de la motion où l'on dit que le gouvernement doit être blâmé pour son manque de prévoyance en ce qui concerne l'approvisionnement du Québec en pétrole. Comme le disait si bien le inistre des Richesses naturelles, il s'agit bien d'une crise internationale. Il ne faut pas être complètement dupe d'une telle motion lorsque l'on sait qu'en Europe, nous sommes rendus à utiliser la bicyclette, le vélo, comme moyen de transport. Des pays industrialisés comme le Japon sont pris avec des difficultés inouies dans le domaine du pétrole. La crise ne couvre pas seulement l'Europe.

On voit, par exemple, en Italie que même Notre Saint-Père, le pape, se promène en voiture tirée par des chevaux. Il s'agit là d'une crise qui touche tous les pays occidentaux. On voit que les Etats-Unis eux-mêmes sont encore plus affectés que le Canada et que le Québec. Il faut, d'abord, établir brièvement ces faits et je sais que le ministre des Richesses naturelles s'en est bien acquitté.

Ceci nous amène également à une autre constatation qui s'ensuit bien logiquement, c'est que nous, ici au Canada et au Québec, nous sommes favorisés. Je l'ai dit au cours de la campagne électorale et voici que l'occasion m'est donnée, encore une fois, de dire l'importance de notre appartenance à un pays comme le Canada où il y a autant de richesses naturelles d'un océan à l'autre, où il y a toute cette diversité de richesses qui appartiennent aux Québécois comme aux autres Canadiens. S'il y a des juridictions particulières à l'intérieur de ce tout national, il existe un lien fédéral et il existe des provinces qui, en des moments de crise, en des moments d'urgence, peuvent se serrer les coudes et faire face à la situation d'une façon positive, et cela pour le plus grand bien des citoyens.

On oublie de souligner souvent l'importance de tout cet ensemble canadien et de notre appartenance à l'ensemble canadien. La solution qu'on offrait à la population québécoise au cours de la dernière campagne électorale, c'était de créer des frontières, d'isoler le Québec et de dire non aux autres richesses canadiennes.

M. LEGER: C'est de la dépendance.

M. LEVESQUE: Voilà ce qu'on nous proposait, M. le Président.

M. LEGER: C'est de la dépendance.

M. LEVESQUE: Aujourd'hui, nous voyons justement que le Canada est l'un des pays qui peuvent le mieux faire face à la situation de crise actuelle. Le Québec en lui-même, malheureusement, n'a pas de pétrole. Il y en a peut-être, mais il n'est pas exploité, il n'est pas encore connu. Devant cette situation, nous sommes, de par notre appartenance à l'ensemble canadien, dans une position privilégiée pour faire face aux difficultés. La solution que nous proposait le Parti québécois au cours de la dernière campagne électorale, c'était de mettre de côté cet accès au pétrole. Il reste que nous avons présentement, parmi les solutions de rechange, parmi les solutions que nous envisageons, ces solutions qui sont possibles grâce à notre appartenance à l'ensemble canadien.

M. le Président, puisque le temps me manque pour élaborer encore le sujet, je voudrais revenir plutôt sur mon étonnement de voir ce que le débat a apporté ce matin de négatif. Ce qui est encore plus surprenant, c'est qu'un constitu-tionnaliste comme le député de Sauvé, chef de l'Opposition officielle, ait passé à côté des questions qui devraient l'intéresser davantage, où, il me semble, il pourrait apporter une contribution plus valable que celle qu'il a voulu apporter en se tenant presque exclusivement du côté de l'économique ou du côté partisan.

Nous aurions aimé voir le député de Sauvé parler de la position constitutionnelle, parler des relations fédérales-provinciales et, surtout, nous parler de l'actualité, nous parler, par exemple, du projet de loi fédéral déposé récemment, le 3 décembre 1973, à Ottawa. Il me semble qu'il aurait eu une occasion magnifique de nous parler de ce projet de loi qui est à la base de la politique fédérale de l'énergie et qui contient des éléments sur lesquels nous ne sommes pas tous d'accord, M. le Président. Mais cela a échappé au grand constitutionnaliste, le député de Sauvé. Il nous a répété la substance de vieux discours du Parti québécois, alors que présentement il y a à l'étude devant la Chambre des communes un projet de loi dont certains éléments devraient inquiéter un Québécois lucide et alerte et qui inquiète le gouvernement du Québec. C'est ainsi que le ministre des Richesses naturelles et le gouvernement du Québec ont déjà fait connaître au gouvernement fédéral les objections que nous entretenons sur cette loi fédérale.

Voilà des gestes véritables et véritablement posés par le gouvernement québécois. J'aurais cru que le député de Sauvé se serait inquiété de ce projet de loi, bill C-236, qui, en première lecture, était déposé le 3 décembre 1973, Loi prévoyant un moyen de préserver les approvisionnements de produits pétroliers au Canada durant les périodes d'urgence nationale résultant de pénuries ou de perturbations du marché qui portent atteinte à la sécurité et au bien-être des Canadiens et à la stabilité économique du Canada et modifiant la loi sur l'Office national de l'énergie.

Ce projet de loi, nous comprenons qu'il fut nécessaire de le présenter à la Chambre des communes, pour autant qu'il y ait cette pénurie, qu'il y ait cette période de crise. Nous sommes d'accord que dans ces moments, comme cela a été possible dans le passé, à des moments de crise nationale ou internationale on ait recours à des mesures temporaires d'urgence. Mais, même si nous sommes d'accord sur l'à-propos de ce projet de loi, même si nous croyons que le bien-être des Québécois est relié à des mesures qui doivent être prises sur une base nationale, c'est-à-dire que nous sommes d'accord qu'il y ait une concertation entre les pouvoirs retenus par le gouvernement fédéral et les pouvoirs des provinces, nous ne sommes pas d'accord, cependant — et je suis surpris que le député de Sauvé soit demeuré silencieux — devant des possibilités comme celles-là, des possibilités réelles qui sont une menace d'après nous. Cela n'a pas l'air de l'inquiéter, M. le Président. Il y a là, il me semble, des questions que le député de Sauvé aurait pu poser. Il aurait pu, très facilement, en étudiant ce projet de loi, se demander s'il ne contenait que des dispositions reliées au caractère d'urgence de la situation actuelle.

Mais non, il ne se préoccupe pas de ça. Mais le gouvernement du Québec, lui, se pose des questions. Quelles sont les intentions véritables du gouvernement fédéral, d'abord? Est-ce qu'il a voulu, par ce projet de loi, régler une question d'urgence? Si c'est ça, d'accord. Mais pourquoi? Ce sont les questions qu'aurait pu poser le chef de l'Opposition. Je m'imagine encore que le chef de l'Opposition officielle aurait pu se demander, par exemple, si l'on veut qu'il s'agisse là d'une loi qui crée quelque chose de temporaire pour répondre à une situation d'urgence, mais pourquoi avoir créé une structure comme celle-là? Pourquoi ne pas avoir utilisé d'autres pouvoirs qu'a déjà le gouvernement fédéral dans d'autres lois? Pourquoi créer un office, comme l'article 3 de la loi fédérale nous dit, un office de répartition des approvisionnements d'énergie? A l'article 9 de ce projet de loi, on donne le pouvoir à cet office de créer des plans, de faire des plans, de planifier et surtout après que la période de crise sera terminée et passée. Cet office semble avoir un caractère permanent pour continuer ensuite à planifier la distribution des richesses naturelles à travers le Canada alors que nous savons — et nous sommes jaloux de cette prérogative — que les richesses naturelles appartiennent, de par la constitution, aux provinces.

Ce sont des questions que je me serais attendu d'avoir du chef de l'Opposition officielle, constitutionnaliste, qui nous aurait dit: Mais que pensez-vous de l'article 9 de ce projet de loi qui parle des plans que pourra élaborer cet office qui est créé par la loi fédérale? Que ce soit une question que l'on se pose, c'est normal que le gouvernement du Québec se pose cette question: Pourquoi cet office? Et pour-

quoi lui donner des pouvoirs dépassant la période de crise? Où est la limite dans ce projet de loi quant à sa mise en oeuvre? Cette loi est-elle faite pour une période de crise et d'urgence ou est-elle faite plutôt — là une question se pose — pour permettre au gouvernement fédéral de s'introduire dans un domaine qui est jalousement défendu par le gouvernement du Québec et par les provinces, en général?

On voit, à l'article 17, par exemple, que l'on permet, avec l'autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil, à cet office de réglementer les importations. Or, il semble bien que ce ne soit pas là une question de nécessité en période de crise. On pourrait se poser des questions. Le député de Sauvé pourrait se poser des questions et dire: Pourquoi réglementer les importations si la loi est apportée à cause de la pénurie? On comprend que l'on veuille contrôler les exportations mais on se pose des questions sur la validité ou sur les intentions du gouvernement fédéral de vouloir toucher aux importations dans un projet de loi qui est supposé être une loi pour répondre à une urgence.

M. MORIN: Bonnes questions.

M. LEVESQUE: Et d'autres questions, M. le Président,...

M.MORIN: Ce sont...

M. LEVESQUE: Un instant, vous aurez le droit de réplique.

M. MORIN: ... d'excellentes questions.

DES VOIX: A l'ordre!

M.MORIN: Mais répondez-y maintenant!

M. LEVESQUE: J'ai été fort surpris de voir le grand constitutionnaliste, le présumé ou le prétendu grand constitutionnaliste, oublier de se poser des questions. Il ne semble même pas avoir lu ce projet de loi. Il ne suit pas l'actualité. Il est le premier à accuser le premier ministre du Québec de ne pas avoir lu le document du ministère des Richesses naturelles sur l'énergie...

UNE VOIX: Non, non!

M. LEVESQUE: ... alors que je sais personnellement que le premier ministre le connaît de A à Z. Là, cela ne lui fait rien de dire des sottises et des faussetés comme celles-là. Mais lui-même ne fait pas son "homework" comme on dit en français.

Il ne fait pas son travail, à mon sens, le plus élémentaire, celui qui touche le plus à ses connaissances professionnelles, apparemment du moins, lorsqu'il néglige d'étudier un projet de loi comme celui-là, qui touche de tellement près l'objet de la motion de ce matin.

M. le Président, il y a d'autres questions que le député de Sauvé aurait pu poser. Par exemple, M. le Président, il aurait pu se demander si le gouvernement fédéral, dans ce projet de loi C-236, veut réellement répondre uniquement à la crise du pétrole ou s'il veut s'introduire dans les autres sources d'énergie.

Il verra qu'à l'article 17, on parle d'électricité et, dans d'autres articles de ce projet de loi, on touche au nucléaire, on touche au thermique, on touche à toutes les formes d'énergie. Là, il y a des questions à se poser. Déjà, cependant, alors que l'Opposition ne se pose même pas de questions, le gouvernement du Québec, et par le premier ministre, et par le ministre des Richesses naturelles, et par le gouvernement dans son ensemble, et par tout l'appareil gouvernemental, a déjà fait les représentations qui s'imposent au gouvernement fédéral, et, pourtant, il s'agit de quelque chose de public. Il ne s'agit pas d'une fuite. Quand ce n'est pas une fuite, cela peut être important quand même, M. le Président !

Non, M. le Président. Le Parti québécois est un parti de coulisse, qui se nourrit dans les fuites. Mais, M. le Président, lorsque nous avons devant nous un projet de loi comme celui-là...

M. LEGER: Le Parti libéral est un parti en fuite devant les coulisses!

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LEVESQUE: ... un projet de loi qui est adressé à l'attention de tous les Canadiens, à moins qu'ils ne soient déjà dans l'illusion d'être séparés, un projet de loi qui va toucher...

M. LEGER: On est dépendant, par exemple!

M. LEVESQUE: ... tous les Québécois, M. le Président, il faut être éveillé à ce qui se passe non pas seulement ici, dans l'Assemblée nationale, mais à tout ce qui peut toucher l'Assemblée nationale.

M. MORIN: Où étiez-vous quand je vous ai posé une question, l'autre jour, là-dessus?

M. LEVESQUE: Pardon?

M. MORIN: Où étiez-vous quand je vous ai posé une question sur ce projet de loi?

DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre!

M. BACON: A l'ordre! A l'ordre, M. le Président !

M. LEVESQUE: Le député de Sauvé aurait eu une occasion magnifique, ce matin, de poser ces questions... C'est le gouvernement qui doit

se les poser pour lui, mais il se les a posées pour lui-même avant et nous avons déjà pris des mesures nécessaires pour dire à Ottawa qu'il y avait, dans ce projet de loi, peut-être à son insu — donnons-lui le bénéfice du doute, peut-être à son insu — quelques éléments qui sont de nature à inquiéter le gouvernement du Québec. Nous n'avons pas le droit de laisser passer ces germes sous silence.

Il n'y pas là quelque chose qui puisse, évidemment, immédiatement nuire. Au contraire, nous avons besoin de cette intervention dans une période de crise comme celle que nous connaissons présentement.

Mais, même s'il s'agit d'une période de crise, même si nous avons présentement une situation qui motive, qui justifie le gouvernement fédéral à intervenir, nous croyons qu'il s'agit d'une question d'envergure nationale. S'il y a des plans à faire pour prévenir une prochaine crise, nous croyons que nous, les provinces, devons être dans le coup non seulement pour indiquer s'il y a crise ou non, mais également pour préparer, de concert avec le gouvernement fédéral, les plans qui s'imposent pour prévenir des crises ultérieures.

Je termine en remerciant, évidemment, l'Opposition de nous avoir donné une occasion magnifique de lui répondre, de parler en particulier de ce qu'ont fait le ministre des Richesses naturelles, son ministère et le gouvernement dans son ensemble, et de confondre une Opposition qui aurait eu une occasion magnifique d'aborder quelques questions qui auraient été susceptibles de faire avancer le dossier. Mais, au contraire, on est resté dans le même négativisme qui qualifie ce parti que nous avons devant nous et qui se veut l'Opposition officielle de Sa Majesté.

LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle, pour environ cinq minutes.

M. Jacques-Yvan Morin

M. MORIN: M. le Président, d'abord, une ou deux observations pour rectifier des paroles qu'on a mises dans ma bouche tout à l'heure. Le ministre des Richesses naturelles me fait parler d'une zone de libre échange, alors que j'ai parlé d'une zone d'importation libre, ce qui est tout à fait différent. Peut-être le ministre ne connaît-il pas la différence. Je vais la lui dire.

Une zone de libre échange, c'est un arrangement international en vertu duquel des Etats quelconques constituent une zone franche de droits pour l'importation de certains produits, entre eux, mais non à l'égard des tiers, tandis que la zone dont j'ai parlé, c'est une zone qui est soumise à des conditions non dictées par un gouvernement autre que celui du Québec, non dictées par Ottawa en particulier, sans restrictions quantitatives, sans restrictions douanières. Je ne sais pas si le ministre avait suivi mon exposé.

Deuxième point. J'ai posé, l'autre jour, une question en Chambre sur cette question de l'Office de répartition fédéral de l'énergie. Le leader parlementaire du gouvernement était-il en Chambre à ce moment?

M. LEVESQUE: A quel moment je n'étais pas en Chambre depuis le début de la session?

M. MORIN: On ne nous a pas répondu justement sur cette question. Nous nous inquiétons de cette loi, comme lui. Il a soulevé d'excellentes questions depuis tout à l'heure; le malheur, c'est qu'il n'y a pas répondu.

Il s'est contenté de dire que nous ne les avions pas soulevées, alors que précisément, dans ces questions, nous nous sommes inquiétés des pouvoirs qu'Ottawa pourrait s'arroger notamment jusque dans le domaine de l'électricité. Le ministre se souviendra de ma question.

M. le Président, le ministre, en réponse à notre motion de blâme, a tout ramené à la crise à court terme. Nul doute qu'il cherche, à l'heure actuelle, avec frénésie des solutions pour éviter la crise. Je lui donnerai le bénéfice du doute là-dessus. Mais il n'a pas dit un mot, je n'ai pas entendu un mot sur le gros de nos critiques, sur les problèmes à propos desquels nous avons soulevé cette motion de blâme, c'est-à-dire l'avenir à moyen et à long terme du secteur énergétique.

Le Québec n'a pas encore de politique énergétique. Le fait qu'il ne s'en soit pas donné dans le passé, en tout cas qu'il ne l'ait pas mise en vigueur, qu'il ait hésité, par exemple, à équiper SOQUIP, nous fait douter de la possibilité de cette politique dans l'avenir, d'autant que le gouvernement fédéral prend maintenant des dispositions pous imposer sa propre politique. Le ministre nous dit bravement qu'il ne cédera pas devant Ottawa, qu'il ne cédera pas les compétences du Québec, mais en a-t-il à céder maintenant qu'Ottawa est en train de les occuper? Pas un mot sur Lorneville, sur la décision qui va venir d'Ottawa un jour ou l'autre de prolonger l'oléoduc de Montréal à Lorneville. Pas un mot là-dessus, alors que ce sont les véritables problèmes de l'avenir, M. le Président.

Tout ceci m'amène à conclure en une minute. Les questions importantes dans le domaine de l'énergie, comme dans les autres domaines, ne relèvent du Québec que dans la mesure où celui-ci prend l'initiative et occupe le terrain. Nous en avons eu de nombreux exemples à l'époque de la révolution tranquille: l'Hydro-Québec, la Caisse de dépôt, la SGF et SOQUIP, sur le papier du moins. Malheureusement, le gouvernement actuel a dilapidé cet héritage. Il a renversé la vapeur; il a cédé devant ceux qui, depuis toujours, dominent le Québec, les grandes compagnies étrangères, notamment dans le domaine des pétroles désormais, et le gouvernement d'Ottawa.

Les conséquences sont graves, M. le Prési-

dent, pour l'avenir. Dans ce domaine crucial de l'énergie, les décisions importantes relèvent désormais du pouvoir fédéral, qu'il s'agisse de l'oléoduc Sarnia-Montréal ou Sarnia-Lorneville, qu'il s'agisse du port pétrolier, qu'il s'agisse du prix du pétrole du secteur pétrochimique et du secteur nucléaire.

Le gouvernement l'a admis hier à propos de l'usine d'eau lourde de Gentilly. Tout passe, graduellement, mais sûrement, entre les mains du gouvernement fédéral. Et le ministre de l'Energie, le ministre fédéral, M. Macdonald, nous a prévenus au sujet du port pétrolier. C'est un avertissement qui vaut pour toute question d'importance au Québec, y compris le secteur de l'énergie.

Les décisions seront prises, a-t-il dit, en fonction des intérêts généraux du Canada. Cela signifie, M. le Président, je termine là-dessus...

M. LEVESQUE: Cela fait longtemps que vous avez dit ça.

M. MORIN: ... cela signifie que les décisions capitales relatives à notre développement économique, pour ne parler de cet aspect du développement...

DES VOIX: Vote, vote!

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît!

M. MORIN: ... sont prises dans les faits en fonction du développement de l'Ouest, en fonction de l'Ontario et des Maritimes. Cela signifie que ces décisions nous échappent, sont prises par des fonctionnaires et des hommes politiques, donc, en fonction...

M. LEVESQUE: Est-ce qu'il en a pour bien longtemps encore?

M. MORIN: ... de la conception que la majorité se fait dans ce pays de ce qui est son intérêt dit "national".

M. le Président, c'est la grande leçon — c'est ma dernière phrase — qui se dégage de la crise actuelle dans le domaine pétrolier. Notre habitude de la dépendance — et comme on la reconnaissait dans les interventions des ministres, cette servilité devant le pouvoir fédéral — nous a menés où nous en sommes, devant un pouvoir fédéral omniprésent. Le gouvernement se montre velléitaire, mais glisse irrémédiablement vers la dépendance.

M. le Président, encore ici c'est un problème qui ne sera réglé que le jour où le Québec sera indépendant. Merci.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a un vote enregistré? J'imagine.

M. BURNS: Oui, M. le Président.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Vote sur la motion de M. Morin

LE PRESIDENT: J'inviterais les députés à prendre leurs sièges. Que ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable chef de l'Opposition officielle veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Samson.

LE PRESIDENT: Que celle et ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Lévesque, Parent, Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Cloutier, Lachapelle, Cournoyer, Goldbloom, Simard, Quenneville, Mme Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Massé, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Houde (Fabre), Houde (Abitibi-Est), Giasson, Perreault, Brown, Fortier, Kennedy, Bacon, Blank, Lamontagne, Bédard (Montmorency), Veilleux, Saint-Hilaire, Brisson, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Ostiguy, Picard, Gratton, Gallienne, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Pépin, Beauregard, Bellemare, Bérard, Bonnier, Boudreault, Boutin (Abitibi-Ouest), Chagnon, Caron, Ciaccia, Côté, Denis, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe, Lecours," Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tremblay, Vallières, Verreault.

LE SECRETAIRE: Pour: 7. Contre: 72.

LE PRESIDENT: La motion est rejetée. L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.

(Suspension de la séance à 13 h 9)

Reprise de la séance à 15 h 15

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! L'honorable député de Drummond.

Rapport sur le projet de loi no 4

M. MALOUIN: M. le Président, conformément aux articles 123 et 161 du règlement de l'Assemblée nationale, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission parlementaire de la fonction publique, qui a étudié le projet de loi no 4 intitulé Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a une indication jusqu'à quand les députés pourront apporter des amendements au rapport?

M. LEVESQUE: M. le Président, nous avons convenu, le leader parlementaire de l'Opposition officielle et moi-même, que nous pourrions attendre jusqu'à six heures, demain soir, au cas où il y aurait des amendements à déposer.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement? Très bien.

M. LEVESQUE: M. le Président, l'article no 5.

Projet de loi no 10

Deuxième lecture

Commission plénière

Troisième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la deuxième lecture du projet de loi no 10, Loi modifiant la loi concernant les municipalités des paroisses de Saint-Gérard-des-Laurentides et de Saint-Mathieu.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, à la dernière session, une loi a été adoptée concernant ces deux municipalités. Par la suite, nous avons constaté qu'une erreur s'était glissée dans la description du territoire concerné. Il s'agit de rectifier cette erreur. C'est aussi simple que cela.

UNE VOIX: Adopté.

M. LEGER: M. le Président, étant donné que c'est seulement un détail, une erreur minime du gouvernement et qu'on en a de grosses, nous adoptons le projet de loi en deuxième lecture.

M. SAMSON: Nous autres aussi, on va attendre une plus grosse erreur.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: Les écritures.

LE PRESIDENT: Formation de la commission plénière et inscription des délibérations.

M. LEGER: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté. Rapport. Troisième lecture.

Troisième lecture du projet de loi no 10. Est-elle adoptée?

M. LEVESQUE: II y a une sanction, M. le Président. Peut-être que le leader parlementaire ne le savait pas, il y a une sanction à huit heures trente. S'il n'y avait pas d'objection à régler ces cas.

M. BURNS: Alors, allons-y. Troisième lecture.

LE PRESIDENT: Adopté. M. BURNS: Adopté.

M. LEVESQUE: Merci. Article no...

LE PRESIDENT: Huit? M. LEVESQUE: ...8). UNE VOIX: Eight! M. LEVESQUE: Eight!

Projet de loi no 16 Deuxième lecture et commission plénière

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la deuxième lecture du projet de loi no 16, Loi concernant la ville des Laurentides.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, il s'agit de corriger une autre erreur mais celle-ci remonte à 1957. La ville des Laurentides a été constituée par une loi dans laquelle on a négligé d'inscrire le fait que le conseil municipal devait se composer de sept membres. La municipalité a, effectivement, élu sept membres et continue d'avoir un conseil composé de sept membres. Mais il n'y a rien dans la loi qui le permet. Il s'agit de confirmer que le conseil municipal doit être composé de sept membres et que les actes posées par ceux qui sont en fonction depuis 1957 ne sont pas illégaux.

M. LEGER: M. le Président, avant de poser

une question au ministre, comment se fait-il qu'on continue à voter à sept membres sans que cela soit dans la constitution et que cela prend tant d'années pour régulariser la situation?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je pense bien qu'une fois la loi originale adoptée, personne n'a pensé à la regarder. Tout le monde tenait pour acquis que la ville était constituée avec sept sièges à son conseil municipal. Ce n'est qu'il y a très peu de temps que les conseillers juridiques du gouvernement, en regardant par hasard cette loi, ont constaté la lacune.

M. LEGER: M. le Président, la deuxième lecture est adoptée en ce qui nous concerne.

M. SAMSON: M. le Président, est-ce que le ministre peut nous dire s'il s'est bien enquis avant de nous présenter ce projet de loi? Je veux bien croire que l'on veut rendre légaux des gestes officiels posés par les membres de ce conseil. Mais, tout de même, depuis 1957, est-ce que le ministre peut nous assurer que sur tout ce qui a été fait, sur tous les gestes posés par ce conseil, il n'y a pas eu de plainte pour quoi que ce soit?

Pouvez-vous nous assurer qu'il n'y a aucune plainte?

M. GOLDBLOOM: Je peux assurer la Chambre qu'il n'y a pas eu de contestation des actes posés. Je ne m'aventurerai pas jusqu'à dire que tout a été légal — je ne me prononce pas sur les actes — mais je suis en mesure d'affirmer qu'il n'y a pas eu de plaintes, à ma connaissance.

M. SAMSON: M. le Président, compte tenu du fait qu'il n'y a aucune contestation officielle d'enregistrée, nous allons être d'accord.

LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée? Adopté. Les écritures?

M. CHOQUETTE: Les écritures, oui.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

LE PRESIDENT: Rapport de la commission plénière, adopté.

Troisième lecture, adopté?

M. BURNS: M. le Président, je demanderais, tout simplement, qu'on respecte le règlement et que la troisième lecture soit reportée à une prochaine séance.

M. CHOQUETTE: Article 9), M. le Président.

Projet de loi no 18 Deuxième lecture et commission plénière

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la deuxième lecture du projet de loi no 18, Loi concernant les villes d'Arthabaska, de Belleterre et de Malartic.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, il s'agit ici de trois municipalités qui, pour des raisons qui ne sont pas très claires, n'ont pas suivi précisément les exigences du chapitre 55 des Lois de 1968, qui porte sur l'élection du conseil municipal et qui a prévu un mandat uniforme de quatre années pour le conseil municipal et l'élection du conseil dans son ensemble, à la fois.

Cette loi a été adoptée en 1968. Evidemment, on n'a pas changé la situation des conseils municipaux où il y avait une certaine rotation qui devait tirer à sa fin, mais, avec la fin de cette rotation, on a instauré pour chacune des municipalités le régime universel.

Ces trois municipalités ont, pour des raisons qui ne sont pas très claires, échappé à cette situation. Là, avec une loi — je pourrai fournir les détails sur chacune des municipalités, si ces détails intéressent les membres de l'Assemblée nationale — on régularise la situation; on ramène les trois au système universel.

M. LEGER: M. le Président, étant donné qu'il y a la deuxième lecture et la commission plénière, je poserai les questions immédiatement, si vous n'avez pas d'objection. Cela épargnera du temps à la Chambre.

Les deux villes de Belleterre et d'Arthabaska, à partir de 1968, devaient commencer une rotation, si je comprends bien, et cela n'a commencé qu'à partir de 1970. Est-ce cela?

M. GOLDBLOOM : Peut-être, si je fais lecture de ce qui existe dans chacune des municipalités, on aura tous les détails voulus.

Dès novembre 1970, la ville de Belleterre a appliqué l'article 169 du chapitre 55 des lois de 1968, même si celui-ci ne lui était pas expressément applicable. Le maire et les conseillers ont été élus pour un mandat de quatre ans renouvelable en 1974.

Dans le cas de la ville de Malartic, le maire a été élu pour deux ans en novembre 1973, trois échevins ont été élus pour un mandat de quatre ans en novembre 1973, trois autres échevins ont été élus pour un mandat de quatre ans en novembre 1971. Donc, quatre membres du conseil doivent se présenter devant les électeurs en 1975. il s'agit du maire et de trois conseillers.

Dans le cas de la ville d'Arthabaska, le maire a été élu pour deux ans en janvier 1973, deux échevins pour trois ans en 1973, deux échevins pour trois ans en janvier 1972, deux échevins

pour trois ans en janvier 1971, donc trois membres du conseil doivent se présenter devant les électeurs en janvier 1975, il s'agit du maire et de deux échemins.

Dans le cas de la ville de Malartic et de la ville d'Arthabaska, nous avons préféré appliquer ledit projet de loi à partir de 1975 en vue de permettre au plus grand nombre de membres de ces conseils de terminer leur mandat. Il s'agit de permettre que la situation actuelle se termine pour que la loi générale s'applique dans ces deux cas à partir de 1975.

M. LEGER: Autrement dit, Belleterre, en 1974, pourra renouveler complètement ou réélire complètement. Malartic, c'est à partir de 1975,ainsi qu'Arthabaska.

M. GOLDBLOOM: C'est cela.

M. LEGER: Elles auront fait une rotation normale complète. En ce qui nous concerne, nous sommes d'accord.

LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. BURNS: Juste pour éviter encore une fois le comité plénier, est-ce que je peux poser la même question que le député de Rouyn-Noranda a posée à propos du projet de loi antérieur, vu qu'à l'article 2 on nous dit qu'"aucune irrégularité ne peut être relevée". Est-ce qu'actuellement des procédures sont intentées devant les tribunaux compétents relativement à des actes qui ont pu être posés dans le passé depuis les années 1968? C'est la question que je pose.

M. GOLDBLOOM: Je ne suis saisi d'aucune contestation ni protestation contre les actes en question, M. le Président.

M. BURNS: Personne ne vous a avisé qu'il y en avait?

LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée? Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

LE PRESIDENT: Ecritures de la commission plénière. Rapport de la commission plénière, adopté? Adopté. Troisième lecture...

M. BURNS: Prochaine séance, M. le Président.

M. LEVESQUE: Prochaine séance aussi?

M. BURNS: Je prends la parole du ministre, il n'y a aucune espèce de doute dans mon esprit. La raison pour laquelle, quant aux deux projets de loi qui viennent d'être adoptés en deuxième lecture, je demande un délai de 24 heures pour adopter la troisième lecture, c'est que, si jamais il y avait des personnes qui, hors la connaissance du ministre, avaient contesté des actes ou quoi que ce soit, ça donnerait peut-être le temps au Parlement d'en prendre connaissance. Je ne mets pas du tout en doute la parole du ministre, qui me dit qu'il n'a pas connaissance des contestations.

M. LEVESQUE: Je comprends très bien les préoccupations, d'ailleurs très légitimes, du député de Maisonneuve. Seulement la première lecture a déjà eu lieu depuis quelques jours et on aurait pu en entendre parler mais...

M. BURNS: C'est possible mais disons que c'est un excès de prudence que je vous suggère et...

M. LEVESQUE: Nous n'avons pas d'objection.

M. BURNS: ... qui dans le fond ne cause pas de gros problème.

M. LEVESQUE: La seule raison pour laquelle nous suggérions de passer la troisième lecture aujourd'hui, c'est à cause de la sanction ce soir, mais mon dieu! Il n'y a pas d'urgence. Article 7).

M. BURNS: On fera revenir Son Excellence plus tard; d'abord il est payé pour ça.

Projet de loi no 11 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable leader parlementaire du gouvernement propose la deuxième lecture du projet de loi 11, Loi concernant la division territoriale.

M. Gérard D. Lévesque

M. LEVESQUE: M. le Président, les districts judiciaires, les divisions d'enregistrement et les limites des municipalités de comté sont dans la plupart des cas définis dans la Loi de la division territoriale par référence aux limites des districts électoraux. Or, les limites de ces districts électoraux ont été modifiées par le chapitre IV des lois de 1972, sanctionné le 21 décembre 1972. Ces nouvelles limites, d'après l'article 4 de ce chapitre IV, entraient en vigueur à la date de la dissolution de la Législature, si cette dissolution avait lieu après le 1er août 1973. Cette dissolution ayant eu lieu le 25 septembre 1973, il s'ensuit que dès lors les références aux limites des districts électoraux devenaient dans la plupart des cas invalides de sorte qu'il n'était

plus possible de fixer les limites des districts judiciaires, des divisions d'enregistrement et des municipalités de comté.

Il est donc nécessaire de geler la situation telle qu'elle existait le 25 septembre 1973, jusqu'à ce que nous ayons pu faire confectionner par le ministère des Terres et Forêts des cartes nouvelles et indépendantes indiquant avec précision les limites des districts judiciaires, des divisions d'enregistrement et des municipalités de comté, sans faire référence cette fois aux limites des districts électoraux.

Adopté.

LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, nous sommes d'accord pour adopter ce projet de loi en deuxième lecture, mais je ne peux résister à l'occasion qui m'est offerte par le leader du gouvernement de lui démontrer qu'il est difficile d'adopter de la législation sans prendre le temps nécessaire pour l'adopter, sans se pencher sur les conséquences qu'une loi nouvelle peut avoir. Je pense que la période dans laquelle nous nous trouvons est particulièrement fertile en exemples et sera dans les jours qui viennent particulièrement fertile en exemples de lois adoptées, disons, même sans le sens péjoratif, un peu à la vapeur.

Il est évident, M. le Président, que c'est un oubli qu'il y a eu dans la Loi de la division territoriale, oubli qu'on aurait pu, si on avait pris le temps de l'examiner très sérieusement, corriger à ce moment-là. Je n'ai pas l'intention de tourner le fer dans la plaie plus longtemps qu'il n'est nécessaire, mais quand on est rendu à adopter une loi de division territoriale et qu'on oublie de mentionner dans cette loi que les noms, la composition des districts judiciaires, des divisions d'enregistrement et des municipalités de comté ne sont pas affectés par ça, ça commence à être, je pense, un oubli majeur.

Et si je me lève en deuxième lecture, M. le Président, pour dire qu'on est d'accord sur la Loi de la division territoriale, c'est pour dire en même temps au gouvernement que ce n'est pas seulement une question de performance qu'on a à faire ici en fin de session.

Ce n'est pas qu'une question de performance du gouvernement afin de pouvoir dire, à la fin d'une session: Nous avons fait adopter 25, 40, 60, 50, 22, 12 lois. Cela n'a aucune espèce d'importance. Ce qui est important c'est qu'on n'ait pas constamment à revenir avec des amendements à la loi apportée. Nous avons déjà vécu un cas, une loi de l'importance de celle du Régime de retraite des fonctionnaires que nous avons étudiée pendant presque deux jours en commission sans avoir toutes les informations requises et je suis certain — je ne veux pas faire mon prophète de malheur — que d'ici quelques mois — vu que mes paroles sont enregistrées au journal des Débats, je me sens d'autant plus libre de le dire — on va nous revenir avec des amendements à cette loi qu'on a adoptée un peu trop rapidement, à mon avis, sans suffisamment de consultation.

C'est un peu ce genre d'amendement qu'on est en train d'adopter actuellement sur la Loi concernant la division territoriale. Si on s'était penché sur des choses qui, vous le savez, vous M. le Président, comme notaire, ne sont pas secondaires, des choses comme les divisions d'enregistrement, ce ne sont pas des choses qu'on oublie tous les jours dans une loi de division territoriale; des choses qui, mon bon ami le député de Bonaventure est avocat, ne s'oublient pas facilement, comme les districts judiciaires; vous non plus, M. le Président, comme notaire, vous ne pouvez pas oublier cela. Les conseils de comté, ça ne s'oublie pas facilement.

Que l'impact de cela, on l'ait oublié dans une loi antérieure, alors il y a quelque chose qui se passe dans notre façon de légiférer. Je le soulève en deuxième lecture tout en me disant d'accord sur l'amendement qui est proposé, tout en étant prêt à voter en faveur du projet de loi no 11 mais en disant: S'il vous plaft, est-ce assez pour que cela nous donne une leçon? Il y aurait de multiples autres cas que je pourrais citer. La Loi de l'évaluation foncière, qui a été adoptée en fin de session à la vapeur, à un moment donné nous est revenue dans un premier temps, encore en fin de session...

M. LEVESQUE: A l'ordre!

M. BURNS: ... nous est revenue avec d'autres amendements, également.

M. LEVESQUE: A l'ordre!

M. BURNS: M. le Président, je ne veux pas discuter de ces lois-là, je les cite à titre d'exemple et uniquement de façon constructive pour que cela nous incite, à l'avenir, à penser sérieusement à ce que nous faisons quand nous adoptons des lois. Je pense si le leader du gouvernement avait été assis à mon siège aujourd'hui et si moi j'avais été assis au sien, il ne se serait sûrement pas privé de dire ce que je viens de dire là.

M. LEVESQUE: Ah!

LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: M. le Président, une fois de plus,à ce moment-ci, j'abonde dans le même sens que l'honorable député de Maisonneuve. Cela

n'arrive pas souvent, mais je pense qu'il a entièrement raison.

M. LEVESQUE: Cela arrive de plus en plus souvent. On commence à dire que vous êtes à la remorque du PQ.

M. SAMSON: Par votre attitude, cela peut arriver plus souvent, si vous continuez.

M. le Président, c'est, je pense, aujourd'hui que nous pouvons retrouver, une fois de plus, le désavantage de la vapeur dans les lois. Vous savez, si on avait les possibilités de toujours avoir les renseignements quand on a à discuter de certaines lois, je pense que cela ne nous reviendrait pas comme ça. On a eu à passer, tantôt, sur des lois corrigeant des erreurs dans d'autres lois votées dans le même contexte, c'est-à-dire à la toute dernière minute. Nous avons eu à discuter une motion là-dessus, tout dernièrement, décrétant qu'à l'avenir les projets de loi seront votés à la vapeur. Nous avons à nous élever contre ce genre de procédé qui a été, maintes fois, utilisé et qui a des conséquences.

Je me rappelle, comme tantôt le député de Maisonneuve, qui a cité les projets de loi, du projet de loi 50 qui a été voté dans les mêmes circonstances. Par la suite seulement, nous avons été informés, les députés de cette Chambre, que quelqu'un revendiquait la propriété du territoire. Si on n'en était pas toujours à la dernière minute comme ça, si on nous donnait au moins le temps d'étudier les projets de lois qui sont déposés, j'ai l'impression que tout le monde y gagnerait. Le gouvernement y gagnerait aussi. Il ne serait pas obligé de nous revenir. Dans ce projet de loi, on ne sait pas si le gouvernement ne sera pas obligé de revenir à la toute dernière minute de la fin de la prochaine session pour nous dire qu'il y avait encore une erreur, qu'il nous faut corriger par un autre projet de loi. Il nous faut considérer que ce genre de situation n'est pas normale. Il faut considérer qu'il faut donner le temps aux membres de l'Opposition, en tenant compte du fait que les membres de l'Opposition ne sont que huit. Qu'est-ce que vous voulez, si vous autres, à 102, vous n'avez pas le temps de tout étudier vos lois, avec tous les budgets que vous avez, nous autres, quand on n'a rien comme outils pour travailler, ne nous demandez pas l'impossible. C'est ce qui se produit présentement et c'est pourquoi on se retrouve devant cela. J'aurais peut-être, si on avait tous les outils à notre disposition, beaucoup de choses à dire sur ce projet de loi. Mais, malheureusement, je me dois d'avouer que, compte tenu du peu de moyens que nous avons à notre disposition pour travailler, on est obligé de dire oui, oui, ou encore non, et on n'est pas sûr si en disant non on rend service à la population. Je pense que nous nous devons de réaliser, une fois pour toutes, que l'Opposition, dans un système parlementaire, c'est quelque chose qui est posi- tif, mais à la condition qu'on nous donne des moyens. Je le répète, M. le Président, je m'excuse d'être obligé de revenir là-dessus. Souvent nous avons à discuter de lois comme ça et on n'a pas assez de moyens, on n'a pas assez d'information. Et on vient nous dire par dessus le marché: On vous présente ces lois parce qu'on a fait une erreur la dernière fois! Ecoutez, si nous autres on n'a pas de moyens pour vous arrêter quand vous faites des erreurs, au moins vous autres vous les avez les moyens. Tâchez de les éviter ces erreurs. C'est ce qui se produit présentement, on nous revient toujours comme ça. Est-ce que cela a du sens d'en arriver un jour comme aujourd'hui avec des projets de loi toutes les dix minutes? On vote ça à toutes les dix minutes.

M. LEVESQUE: II y en a de dix minutes et il y en a de plus longs.

M. SAMSON: Vous en avez annoncé 25. Je suis bien d'accord, vous en avez annoncé 25, mais ce n'est pas un marathon de lois qu'on fait ici. On est ici pour représenter nos électeurs. Les électeurs de nos comtés, s'ils voyaient la façon dont on travaille présentement, j'ai l'impression qu'ils n'accepteraient pas ça, et ils auraient raison de ne pas l'accepter. C'est pourquoi je demande, une fois de plus, au gouvernement non seulement d'être plus sérieux, mais d'être plus démocratique. Cela veut dire: Permettez donc à l'Opposition..., n'ayez donc pas peur que l'Opposition vous amène des suggestions. On ne vous a pas toujours amené des suggestions négatives en cette Chambre. Quant on a eu le temps, quand on a eu des moyens pour étudier les lois, on vous a amené souvent des suggestions extrêmement positives, qui vous ont permis d'amender vos lois et de pas être obligés de les ramener, comme on le fait présentement.

C'est ce que je voulais dire, M. le Président. En conséquence, j'espère que le leader du gouvernement le prend en considération.

LE PRESIDENT: Cette motion...

M. Gérard-D. Lévesque

M. LEVESQUE: Alors, M. le Président, exerçant mon droit de réplique...

LE PRESIDENT: Qui mettra fin...

M. LEVESQUE: ... je serai très bref cependant...

LE PRESIDENT: ... au débat.

M. LEVESQUE: Oui. Premièrement, d'après ce que je viens d'entendre, je dois admettre que nous sommes les seuls qui pouvons nous permettre des erreurs. En face de nous, nous avons des gens qui n'en font jamais...

UNE VOIX: Voyons donc!

M. LEVESQUE: ... et s'ils en faisaient...

DES VOIX: Ah! Ah!

M. LEVESQUE: ... ils n'apporteraient pas de lois...

M. BURNS: De la démagogie.

M. LEVESQUE: ... pour les reconnaître...

M. BURNS: C'est de la démagogie.

M. LEVESQUE: ... parce qu'ils aimeraient mieux laisser les lois erronées que d'admettre avoir fait une erreur. Errare humanum est, M. le Président. Alors, nous en venons à la conclusion que pour une politique vraiment humaine, il est possible de se tromper. Ceux, qui s'occupent de la personne humaine, en particulier, devraient s'apercevoir et se rappeler que l'erreur est humaine et fait partie justement de cette politique qu'on préconise mais qu'on ne veut pas vivre.

Après cet acte de modestie de notre part, nous allons de nouveau insister pour corriger une erreur, qui aurait sans doute pu être évitée, parce que lorsque nous avons redéfini les districts électoraux, nous aurions pu songer à faire cette correction de concordance, parce qu'il s'agit simplement d'une concordance avec d'autres projets de loi qui se référaient à la Loi de la division territoriale. Cela a été oublié. Cela a été oublié par nous. Je crois que le député de Maisonneuve, même s'il a raison sur plusieurs points, a apporté un mauvais exemple lorsqu'il a parlé de lois votées à la vapeur. En effet, la Loi de la division territoriale a été celle qui a bloqué le plus longtemps ou parmi celles qui ont bloqué le plus longtemps ici en cette Chambre, faisant l'objet d'un "filibuster" interminable. S'il y a une loi qui n'a pas été votée...

M. BURNS: Pas de notre part.

M. LEVESQUE: De la part de l'Opposition, quelle qu'elle soit.

M. BURNS: Pas de notre part.

M. LEVESQUE: Elle a été bloquée... Pardon?

M. BURNS: Pas de notre part.

M. LEVESQUE: Enfin, faisiez-vous partie de l'Opposition ou n'étiez-vous qu'une Opposition circonstantielle?

M. BURNS: Nous étions une Opposition véritable.

M. LEVESQUE: Alors, M. le Président, je dis...

M. MORIN: Errare humanum est, sed perse-verare diabolicum !

M. LEVESQUE: Je suis très heureux, M. le Président, que ce diplômé de McGill ait conservé ses humanités! Ce que je dis — je répète simplement pour que cela soit consigné — c'est qu'on a choisi un mauvais exemple parce que ce projet de loi de la division territoriale, que l'on corrige aujourd'hui, a été retenu dans cette Chambre et à l'attention de tous les députés. Même les députés qui, comme ceux du gouvernement, étaient en faveur du projet de loi décrivant la nouvelle carte électorale, même ceux-là, même vous et nous, nous sommes responsables parce qu'on ne peut pas tout mettre sur le dos des absents, les gens de l'Union Nationale qui ont fait le "filibuster". Nous aussi, le député de Maisonneuve... pas le député... Evidemment, si le député de Sauvé avait été ici, nous aurions été réellement sauvés! Nous n'aurions pas commis cette erreur. Mais le député de Maisonneuve, le député de Saint-Jacques le député de Saguenay et nous-même, nous devons faire un petit mea culpa. Je suis très heureux que le député de Maisonneuve ait attiré notre attention sur cette faiblesse parce qu'il y a une petite faiblesse. Même si elle est une erreur de copie, même si elle est de concordance, c'est une faiblesse, admettons-le et tâchons de ne plus pécher.

En attendant, M. le Président, si je poursuivais ces remarques, je pécherais d'une autre façon, en retardant les travaux importants de cette Chambre.

M. BURNS: M. le Président...

M. LEVESQUE: C'est fini, c'est fini!

M. BURNS: J'invoque l'article 96, M. le Président. Est-ce que c'est fini?

M. LEVESQUE: D'accord.

M. BURNS: Là, ce n'est plus fini, n'est-ce pas?

M. LEVESQUE: Je ne le sais pas. Il y a des doutes là-dessus.

M. BURNS: M. le Président, je considère que le leader du gouvernement m'a mal cité, m'a mal interprété. En ce qui concerne le député de Rouyn-Noranda, il aura droit au même privilège s'il pense la même chose. Je n'ai pas à répondre pour lui.

Je n'ai pas dit, M. le Président, qu'il n'était pas humain de se tromper. J'ai pris l'exemple de la Loi de la division territoriale. Malgré le temps, M. le Président, qu'on a consacré à cela, je suis prêt à l'admettre avec le leader du gouvernement, à la demande de certains députés de l'Union Nationale, sans leur jeter la pierre, non plus...

M. LEVESQUE: Là, c'est pour rétablir...

M. BURNS: Non, non. C'est une petite parenthèse que je fais en rétablissant les faits.

M. LEVESQUE: Je comprends, mais...

M. BURNS: Ce que j'ai dit, M. le Président...

M. LEVESQUE: ... c'est un précédent que vous laissez créer, M. le Président, soit une autre réplique.

M. BURNS: Non, non, M. le Président.

M. LEVESQUE: Je vous mets en garde respectueusement, M. le Président.

M. BURNS: Je viens au fait, M. le Président. Ce que j'ai dit...

M. LEVESQUE: En quoi vous ai-je mal cité?

M. BURNS: Le leader m'a mal cité lorsqu'il a dit que je le blâme de s'être trompé. Pas du tout. Une législature, à mon avis, a toujours été une chose mouvante qui peut constamment rajuster ses gestes passés.

Là où je l'ai blâmé — le leader va comprendre très bien que c'était dans ce sens que je disais cela — c'est que cette loi a été adoptée dans les mêmes circonstances que celles qu'on vit actuellement, c'est-à-dire en fin de session, avec les règles spéciales.

M. LEVESQUE: M. le Président, c'est une argumentation.

M. BURNS: M. le Président, c'est dans ce sens uniquement...

LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! C'est terminé. C'est terminé.

Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Commission plénière et troisième lecture

LE PRESIDENT: Les inscriptions pour la commission plénière. Rapport de la commission plénière. Troisième lecture?

M. BURNS: Oui, d'accord.

LE PRESIDENT: Troisième lecture du projet de loi no 11, adoptée?

M. LEVESQUE: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté. M. LEVESQUE: Article 10).

Projet de loi no 17 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la deuxième lecture du projet de loi no 17, Loi modifiant la loi des dettes et emprunts municipaux et scolaires.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, il me semblerait avantageux pour les députés intéressés que nous étudiions ce projet de loi en commission.

M. LEGER: M. le Président, d'accord en ce qui nous concerne, à la condition que nous puissions, à l'article 1, parler comme si on était en deuxième lecture.

M. GOLDBLOOM: Certainement, M. le Président.

LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée? Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi no 17, Loi modifiant la loi des dettes et emprunts municipaux et scolaires, présenté par l'honorable ministre des Affaires municipales, soit étudié en commission parlementaire élue, soit la commission des affaires municipales, et que cette commission siège immédiatement, au salon rouge de l'Assemblée nationale.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: Article 6).

Projet de loi no 12 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la deuxième lecture du projet de loi no 12, Loi modifiant le Régime de rentes du Québec.

L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. Claude Forget

M. FORGET: M. le Président, il me fait plaisir de présenter le projet de loi no 12, Loi modifiant le Régime de rentes du Québec.

Ce projet de loi apporte des modifications importantes à cette mesure de sécurité sociale à laquelle participent des millions de travailleurs québécois. Les modifications énoncées dans le projet de loi s'inscrivent dans la politique du gouvernement de réviser le Régime de rentes du Québec lorsque les conditions économiques le permettent, dans le meilleur intérêt des bénéficiaires actuels et futurs du régime.

On se souviendra qu'à l'été 1972 mon prédécesseur a fait adopter des changements importants au régime de rentes.

Le gouvernement du Québec avait alors décidé d'aller de l'avant pour apporter à la loi des changements qui lui paraissaient opportuns, et ce, même s'il devait procéder unilatéralement, vu qu'il n'avait pas été possible d'en venir à un accord avec le gouvernement canadien à ce moment.

C'est ainsi que le maximum des gains admissibles avait été haussé à $5,900 pour l'année 1973, et qu'on avait prévu que le maximum atteindrait $6,100 en 1975 et $6,300 en 1976 respectivement.

De plus, le plafond de l'indice des rentes avait été porté de 2 p.c. à 3 p.c. Enfin, les rentes de veuve et de veuf invalide pour les personnes âgées de moins de 65 ans, et les rentes d'invalidité avaient été augmentées de plus de $50 par mois. Ces amendements sont entrés en vigueur le 1er janvier de cette année.

Au cours de la présente année, des discussions ont eu lieu entre le gouvernement canadien et le gouvernement des provinces relativement aux modifications à apporter au Régime de pensions du Canada. Le Québec était heureux de participer à ces discussions et nous nous réjouissons du fait qu'un accord ait pu intervenir tant pour le Régime de pensions du Canada que pour le Régime de rentes du Québec.

Cet accord donne suite aux changements qui avaient été amorcés par le Québec dans sa législation à laquelle je viens de faire allusion.

Lors des discussions dont je viens de faire mention, il a été convenu qu'on procéderait en deux étapes pour modifier le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec. Dans une première étape, et c'est l'objet du présent projet de loi, on apportera les modifications jugées les plus urgentes, soit celles touchant le maximum des gains admissibles et l'indice des rentes. C'est cette première étape qui fait l'objet du présent projet de loi et c'est à ce sujet que j'aimerais faire de brefs commentaires.

Les études et les discussions se poursuivent quant au reste entre le gouvernement des provinces et le gouvernement canadien de façon à établir quels changements de plus grande envergure seront apportés lors de la deuxième étape dans les régimes de rentes. On peut s'attendre en effet à des changements d'importance, surtout en ce qui a trait aux prestations, et il est probable que dans un avenir rapproché nous reviendrons devant cette Assemblée pour soumettre des modifications majeures au Régime de rentes du Québec.

Mais pour le moment, comme je le mentionnais, il s'agit de faire bénéficier dès janvier 1974 les citoyens du Québec d'améliorations urgentes au régime.

Le projet de loi no 12 porte sur deux points, soit la hausse du maximum des gains admissibles et la suppression du plafond sur l'indice des rentes, de telle sorte que les prestations soient revalorisées chaque année en tenant compte à 100 p.c. de l'augmentation du coût de la vie.

Le maximum des gains admissibles doit être fixé en relation de la moyenne des salaires gagnés par les cotisants. Malheureusement, les mécanismes qui avaient été prévus dans la loi originale de 1965 pour obtenir cet objectif n'ont pas permis de suivre pleinement la hausse des salaires qui s'est effectivement produite.

Il y a donc lieu de corriger la situation. C'est pourquoi le maximum des gains admissibles sera porté à $6,600 en 1974 et à $7,400 en 1975. Il est prévu que ce maximum sera haussé chaque année de façon à rejoindre la moyenne des gains selon l'indice du secteur industriel. Cependant, la formule éventuellement à adopter à ce sujet n'ayant pu être suffisamment développée jusqu'à maintenant, le présent projet de loi fixe de manière provisoire les montants du maximum des gains admissibles aux chiffres qui ont déjà été mentionnés.

Toutefois, si l'on porte un regard vers le long terme, on peut retenir que l'indexation éventuellement envisagée pour le maximum des gains admissibles fera porter ce maximum à un montant qui pourrait atteindre $13,000 vers 1980.

Le mécanisme à adopter pour hausser le maximum des gains admissibles à partir de 1973 fait évidemment partie de l'ensemble des questions qui font l'objet de consultations entre les différents gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral.

La hausse du maximum des gains admissibles aura pour effet de hausser toutes les prestations payables en vertu du Régime des rentes du Québec qui sont reliées aux gains du cotisant. Par exemple, on peut prévoir que le montant maximum de la rente de retraite, qui, à la fin de 1973, se situait à environ $1,100 par année, pourrait atteindre, en vertu du même processus, une somme de $3,000 vers 1980.

De plus, comme le Régime de pensions du Canada sera modifié dans le même sens que le Régime de rentes du Québec, on rétablira ainsi le parallélisme entre les deux régimes.

Ceci évitera aux employeurs et au public en général certains inconvénients qui résultaient du fait que le maximum des gains admissibles n'était pas le même sous les deux régimes et

que, par conséquent, le montant de la contribution était différent au Québec par rapport aux autres provinces du Canada. On conçoit que, dans le cas des employeurs qui ont des employés dans plus d'une province, ces différences étaient une source assez considérable de difficultés administratives et il en était de même pour les salariés bénéficiaires de l'un et l'autre régime.

Le maximum des gains admissibles étant porté à $6,600 en 1974 et vu que l'exemption s'établit à $700 pour cette année-là, les contributions maximum au régime seront donc payées sur une somme de $5,900 c'est-à-dire $6,600 moins $700. La contribution maximum du salarié et de l'employeur s'établira donc à $106.20 tandis que la contribution maximum du travailleur autonome sera le double de cette somme, soit $212.40.

Le projet de loi enlève le plafond de 3 p.c. sur l'indice des rentes. Dorénavant, l'indice des rentes sera égal à la moyenne de l'indice des prix à la consommation de telle sorte que chaque année les prestations seront revalorisées pour tenir compte directement de l'augmentation du coût de la vie. D'ailleurs, la période de calcul pour l'établissement de l'indice des rentes est rapprochée de trois mois par rapport à la situation actuelle de la fin de l'année qui précède la date du rajustement, c'est-à-dire que l'indice des rentes sera calculé sur les douze mois se terminant le 31 octobre de chaque année plutôt que dans les douze mois se terminant le 30 juin de chaque année.

De plus, il y a lieu de redonner le plein pouvoir d'achat aux prestations actuellement payables. Les prestations avaient été revalorisées de 2 p.c. par année, de 1968 à 1973, et de 3 p.c. en 1973, à la suite de la législation adoptée l'an dernier. Le projet de loi prévoit que toutes les prestations payables en décembre 1973 seront rajustées comme si ce plafond de 2 p.c. et 3 p.c. durant toutes les années depuis le début du régime n'avait pas existé, mais plutôt en tenant compte de l'indice des prix à la consommation pour toutes ces années. Il est à noter cependant que le montant de la rente d'orphelin et d'enfant de cotisants invalides a été fixé à $29 par mois en 1972. Le pourcentage d'augmentation des prestations payables en décembre 1973 variera bien évidemment selon l'année où la prestation a commencé à être payée. Lorsque les prestations ont commencé à être payées, par exemple, en 1968, ce rattrapage dû à l'élimination du plafond précédemment en vigueur sera assez considérable; il sera moins considérable si les prestations ont commencé à être payées en 1973 ou dans une année plus récente. Ce pourcentage de rattrapage variera donc de 17 p.c. à 8 p.c. selon que la prestation, de la façon décrite, est devenue payable en 1967, c'est-à-dire la première année du régime, ou en 1973.

Conformément à l'article 224 de la loi, j'ai déposé une analyse actuarielle exposant les effets des amendements proposés sur la caisse du régime de rentes. Lors des amendements de 1972, une première analyse avait été faite en vertu de l'article 224 et la nouvelle analyse constitue un amendement de l'analyse fournie l'an dernier plutôt qu'une analyse nouvelle, selon l'article 223, qui ne doit être faite qu'à tous les cinq ans.

Selon l'analyse actuarielle qui a été déposée en même temps que le projet de loi, les amendements proposés font augmenter les contributions d'environ 10 p.c. et les prestations de 16 p.c. Les actuaires de la Régie des rentes du Québec qui ont préparé l'analyse expriment l'opinion que, même si les amendements proposés augmentent davantage les prestations que les contributions, la situation financière du régime n'en est pas pour autant changée de façon substantielle. En effet, alors que l'analyse de 1972 avait prévu, selon l'hypothèse du coût intermédiaire, que la réserve serait nulle en 1998, la dernière analyse prévoit que cette situation se produirait deux ans plus tôt, soit en 1996.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, encore une fois, il semble qu'on soit rendu à la journée des projets de loi non contentieux; j'espère que ça va continuer.

M. CHOQUETTE: Cela dépend de vous.

M. BURNS: Cela dépend des projets de loi que vous allez présenter. J'ai regarder le ministre de la Justice parce que je connais un projet de loi qui est inscrit au feuilleton et qui, lui, peut être un petit peu contentieux.

Alors, encore une fois, M. le Président, comme je le disais, il me fera plaisir de voter en faveur des dispositions qui nous sont proposées par le projet de loi présenté par le ministre des Affaires sociales. Je pense qu'il était temps que ces ajustements proposés par le projet de loi soient enfin mis clairement dans un projet de loi. Il était temps, entre autres dans ce domaine — j'espère que ce sera un début de tendance dans plusieurs autres domaines — qu'on inscrive, dans le projet de loi modifiant le Régime de rentes du Québec, des ajustements à ce phénomène que malheureusement on subit régulièrement depuis quelques années, c'est-à-dire cette hausse du coût de la vie.

C'est vrai pour les régimes de rentes, mais c'est vrai aussi pour les accidentés du travail, c'est vrai pour tous les gens qui reçoivent des prestations de régime de retraite éventuel. Je pense qu'à cet égard, le ministre des Affaires sociales doit être félicité pour ouvrir le chemin, peut-être, à d'autres améliorations dans d'autres

domaines, c'est-à-dire à ce phénomène d'indexation des rentes au coût de la vie.

J'espère que ça donnera l'exemple même à certains de ses collègues qui ont à faire des suggestions au conseil des ministres. Entre autres, je pense à celui du Travail et de la Main-d'Oeuvre, qui devrait sûrement voir à faire adopter des dispositions semblables en matière des prestations des accidentés du travail, entre autres.

Cependant, nous aurions aimé qu'on profite du remaniement de la loi sur le Régime de rentes du Québec pour corriger un certain nombre de situations qui, à première vue, peuvent paraître exceptionnelles, mais qui, dans le fond, sont très frustrantes pour les premiers bénéficiaires du Régime de rentes du Québec. Je n'ai pas retrouvé d'amendements là-dessus, mais j'imagine que le ministre et plusieurs députés qui siègent en cette Chambre et qui ont siégé dans la Législature précédente ont reçu, de la part de citoyens du Québec, des représentations relativement à cette espèce d'anomalie qui existe dans les cas de rentes d'invalidité où on demande, en vertu de la loi, à un éventuel récipiendaire du régime de rentes d'avoir contribué durant cinq ans. Personnellement, dans ma courte expérience de représentant des citoyens de Maisonneuve, plusieurs cas m'ont été soumis de gens qui, à cause du fait que le régime commençait et qu'on avait fixé, peut-être logiquement, mais arbitrairement quand même, à cinq les années de contributions admissibles pour pouvoir bénéficier de la rente d'invalidité, se voyaient, parce que devenus invalides au bout de quatre ans et trois mois de contributions admissibles, absolument incapables de percevoir quoi que ce soit du régime de rentes en cas d'invalidité.

J'aurais espéré qu'à l'occasion d'un changement, que j'admets être majeur, qu'on nous présente aujourd'hui par le projet de loi no 12, on aurait corrigé cette situation, qu'entre autres choses, pour ceux justement qui font les frais du début de l'application de cette loi sur les régimes de rentes, il y ait une espèce de prorata qui soit respecté. D'ailleurs, je pourrai demander au ministre plus de précisions à ce niveau, quand nous discuterons du projet de loi article par article, mais j'aurais espéré que ce genre d'amélioration puisse également faire partie de l'amélioration qu'on nous propose aujourd'hui et qui, en soi, est parfaitement acceptable.

Je réserve mes remarques là-dessus, M. le Président, je ne fais que les annoncer au ministre. Je les réserve au niveau de la discussion en commission, une fois que la deuxième lecture aura été adoptée.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: M. le Président, ce projet de loi no 12, je le considère comme un projet de loi un peu à deux volets. D'une part, le ministre me fait grand plaisir lorsqu'il annonce que dorénavant il y aura hausse de prestations et qu'il y aura augmentation selon l'indice du coût de la vie dans les prestations. Evidemment, lorsque le ministre nous annonce une nouvelle comme celle-là, on ne peut faire autrement que d'applaudir. Mais il y a le deuxième volet que je trouve moins drôle, c'est celui de la hausse des coûts ou si vous préférez la hausse du maximum des gains admissibles qui a été annoncée en même temps.

Je me demande si le ministre n'aurait pas pu au moins attendre un peu plus tard pour nous arriver avec sa masse. Vous savez, quand on nous apporte un cadeau d'une main et qu'on nous apporte une masse de l'autre, ce n'est pas trop intéressant. C'est probablement parce que le ministre n'a pas pu échapper à la tradition de ce gouvernement qui veut que, lorsqu'on donne quelque chose de la main gauche, on le reprend immédiatement de la main droite. C'est une philosophie que nous retrouvons depuis fort longtemps au ministère des Affaires sociales, notamment lorsque, au niveau du gouvernement fédéral, on hausse les pensions de sécurité de la vieillesse. Nous avons vu, dans le passé, qu'à chaque fois qu'on nous annonçait une hausse des pensions de sécurité de la vieillesse du fédéral le gouvernement du Québec, par l'entremise du ministre des Affaires sociales, du prédécesseur de l'actuel ministre, n'attendait pas tellement longtemps avant de nous annoncer de quelle façon il se préparait à retourner chercher, dans la poche des récipiendaires de la pension de sécurité de la vieillesse, une partie appréciable de cette augmentation en provenance du gouvernement fédéral.

C'est ce genre de philosophie qui existe au ministère que nous n'apprécions pas. Le régime de rentes, je pense que ce n'est quand même pas un régime déficitaire. Je crois qu'il y aurait eu possibilité d'envisager une hausse des prestations sans être obligé, en même temps, de hausser les contributions des travailleurs. C'est ce que nous retrouvons malheureusement dans ce bill-là. Quant à la partie où on traite de hausse ou d'indexation à l'augmentation du coût de la vie, nous sommes entièrement d'accord, comme le disait mon prédécesseur, à l'effet qu'à la Commission des accidents du travail on en fasse autant. Nous serions également d'accord pour que, du côté des employés du gouvernement, cela se fasse de la même façon.

Nous serions de même d'accord pour que du coté des assistés sociaux ce soit aussi ce mode qui prévale, que ce soit ce mode qui permette qu'on ne soit pas obligé régulièrement de revenir et de demander, d'exiger, de réclamer, de batailler continuellement. En ce qui concerne la sécurité du revenu, ça devrait permettre à tous les citoyens qui ont accès à la sécurité du revenu de ne pas être obligés de quémander régulièrement mais qu'une indexation au coût

de la vie se fasse automatiquement et que ces gens-là obtiennent satisfaction.

Malgré que nous retrouvions, dans ce bill no 12, une possibilité d'augmenter les prestations, il y a un sujet que j'aimerais faire remarquer au ministre. Il le sait sûrement, mais je me demande si, au ministère, on fait des études qui permettront, très bientôt, d'en venir à offrir à ces retraités, à ceux-là qui bénéficieront du régime de rentes, que ce qu'ils pourront retirer finalement du Régime de rentes du Québec — je parle de la rente de retraite — ne soit pas calculé, comme c'est le cas présentement, à l'encontre de leur pension de la sécurité de la vieillesse.

M. le Président, c'est bien beau d'avoir des régimes de protection, c'est bien beau d'avoir des régimes de sécurité mais, si plus vous en payez, moins il en reste, je me demande à quelle place on va encourager l'initiative. Ces gens qui travaillent, qui payent des contributions en vue d'obtenir une prestation un jour — je pense que le ministre pourra peut-être me parler plus de l'avenir, j'espère que ça va changer mais je sais qu'actuellement c'est encore un peu ça — ceux qui ont payé des contributions au régime de rentes se trouvent quelque peu pénalisés, comparativement à ceux qui n'en ont pas tellement payé ou qui n'en ont pas payé du tout, quand ils sont rendus à l'âge de la retraite ou à la pension de la sécurité de la vieillesse fédérale. On retrouve, à certains moments, qu'entre celui qui a payé et celui qui n'a pas payé il y a très peu de différence. Je pense que cela défavoriserait si vous voulez, l'initiative chez les gens pour qu'ils se cherchent des emplois ou tentent de travailler pour obtenir un revenu quelconque.

M. le Président, c'est en bref les quelques remarques que j'avais à faire. Malheureusement, je le répète, vous allez me trouver fatigant, mais je vais le répéter souvent, à chaque occasion que j'aurai en cette Chambre. Je le répète: Si nous avions des outils pour travailler, nous pourrions discuter sur chaque loi qui nous est présentée, de façon plus objective, de façon plus positive, avec une étude approfondie de ces lois. Si je suis obligé de le répéter, M. le Président, je suis le premier à le regretter, je suis le premier à souffrir du fait que je sois obligé, à chaque fois, de le répéter. Mais tant et aussi longtemps que notre parti n'aura pas sa reconnaissance officielle, tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas suffisamment...

M. CHOQUETTE: Est-ce que je peux poser une question au député de Rouyn-Noranda?

M. SAMSON: Oui, M. le Président.

M. CHOQUETTE: Parmi les plaintes qu'il exprime, de ne pas avoir eu le temps d'étudier et de consulter, est-ce que fait partie de ces plaintes le fait qu'il n'a pas eu le temps de consulter son chef, M. Yvon Dupuis?

M. SAMSON: M. le Président, je vous avoue que je suis déçu de l'attitude du ministre de la Justice. M. le Président, un ministre de la Justice, dans une province comme le Québec, devrait se tenir au courant des nouvelles plus que cela.

M. CHOQUETTE: J'étais à Ottawa.

M. SAMSON: Le ministre de la Justice aurait dû lire les journaux depuis lundi. Il vient de me prouver qu'il n'a rien lu depuis lundi; on est rendu à jeudi, quatre jours sans lire les journaux pour un ministre de la Justice, c'est une honte, M. le Président. C'est une honte. Le ministre de la Justice aurait dû se tenir au courant des nouvelles. S'il s'était tenu au courant des nouvelles, il ne me parlerait pas de mon chef, il me parlerait de mon ex-chef.

M. CHOQUETTE: Je m'excuse, c'est une question de privilège. J'ai une excuse quand même, j'étais avec M. Warren Allmand, le Solliciteur général, depuis ce temps-là.

M. CHARRON: Vous, vous étiez avec votre chef.

M. SAMSON: M. le Président, j'accepte avec plaisir les excuses du ministre de la Justice car nous avons compris, ce matin, qu'il ait tenté de dialoguer avec un monologuiste...

M.MALOUIN: Le monologue.

M. SAMSON: Nous avons été les premiers à regretter, M. le Président, que le ministre de la Justice ne revienne pas d'Ottawa les bras pleins ou, en tous les cas, qu'il ne soit pas revenu d'Ottawa avec des promesses comme, généralement, son premier ministre revient. Parce que votre premier ministre, quand il va à Ottawa, il ne revient pas mieux que vous, pour votre information, M. le ministre de la Justice; seulement il revient avec des promesses. Cela ne lui donne rien de plus, mais il annonce des choses et cela paraît bien. Mais, vous, vous avez eu au moins l'honnêteté de nous dire que vous n'avez pas pu dialoguer avec le monologuiste d'Ottawa et vous avez eu au moins l'honnêteté de nous dire que vous êtes revenu les mains vides. J'encourage énormément le ministre de la Justice à donner cette recette d'honnêteté intellectuelle à son premier ministre et à l'avenir, quand le premier ministre reviendra, nous saurons qu'il revient bredouille comme le ministre de la Justice l'est revenu d'Ottawa.

M. le Président, en terminant, comme je vous le disais tantôt, c'est toujours la même chose. On va être obligé de vous le répéter souvent, mais j'espère que les membres du gouvernement n'auront pas toujours les oreilles bouchées comme ils semblent les avoir présentement, qu'ils finiront par reconnaître que, dans un système démocratique, l'Opposition doit être là. Qu'on cesse de l'écraser.

M. le Président, je vous le dis, et je le redirai

s'il le faut si bientôt on ne nous reconnaît pas et si bientôt on ne nous donne pas des outils pour remplir notre rôle d'Opposition en cette Chambre. Malheureusement, on commence déjà à voir de nos partisans, à voir de nos membres qui, déjà, nous disent que si cela ne débloque pas bientôt, ils verront à organiser un genre d'opposition à l'extérieur des murs.

M. le Président, vous le savez, vous me connaissez, je ne suis pas de cette trempe. Je suis de ceux qui respectent la loi, qui respectent l'ordre, qui sont en faveur de l'autorité. Mais si on continue à nous pousser, je vous dis...

UNE VOIX: Attention!

M. SAMSON: ... qu'il se peut que je tende l'oreille à ceux qui auraient des suggestions pour en arriver à nous permettre de faire une opposition à ce manque d'opposition de l'intérieur. On n'a pas besoin d'aller loin... Je vois, M. le Président, que vous vous apprêtez à venir m'appuyer. C'est gentil de votre part, M. le Président! C'est gentil de votre part parce que je sais que vous, vous comprenez. Si nous avions des ministres comme nous avons un président présentement...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je veux attirer l'attention du député de Rouyn-Noranda. Cela fait cinq minutes que j'ai compris. Depuis cinq minutes, vous êtes hors du sujet. J'ai compris dans les 30 premières secondes. Mais je pense que c'est assez pour émettre votre point. Maintenant, retournez au sujet, s'il vous plaît.

M. SAMSON: M. le Président, devant tant de gentillesse, je ne puis faire autrement que de me soumettre à vos désirs. Mais tout en me soumettant à vos désirs, je continue à dire que si vous ne m'aidez pas bientôt, je vais être obligé de prendre d'autres dispositions. C'est cela que je voulais vous faire comprendre.

En terminant, je dis au ministre des Affaires sociales: J'aimerais bien vous entendre, M. le ministre, à l'occasion de la commission parlementaire ou de la commission plénière, à la suite de la deuxième lecture, parler de vos projections quant à ce calcul de la rente de retraite vis-à-vis de la pension de sécurité de la vieillesse pour l'avenir. J'aimerais également vous entendre dire que vous êtes disposé à modifier votre projet de loi et à l'amender de sorte que le maximum des revenus ou des gains admissibles ne soit pas augmenté. J'aimerais bien vous entendre dire ça. Si le ministre a cette bonté de regarder cela d'un oeil aussi objectif que le mien, tous les électeurs du Québec verront en ce nouveau ministre des Affaires sociales quelqu'un qui, pour une fois, veut donner un sens humain à la politique des Affaires sociales et aux politiques sociales du Québec. Ce n'est pas tout de parler d'humaniser les politiques sociales mais il faut quand même permettre de garder les humains aussi humains que les politiques sociales humanisées par les machines ordinatrices que vous avez dans vos bureaux.

M. CHOQUETTE: Bravo!

M. Claude Forget

M. FORGET: M. le Président, les observations que nous venons d'entendre relativement au projet de loi no 12 soulèvent un certain nombre de questions de principe quant à la nature même du régime de sécurité du revenu que constitue le Régime des rentes du Québec.

Le député de Maisonneuve a soulevé les problèmes qui affectent l'admissibilité ou l'accessibilité des bénéficiaires aux bénéfices d'invalidité en vertu du régime de rentes et le député de Rouyn-Noranda a soulevé le problème des contributions au régime de rentes.

Il s'agit de deux questions qui découlent très largement de la nature même du régime de rentes qui n'est pas un régime purement et simplement de sécurité sociale mais qui est un régime d'assurance sociale.

Bien sûr, au moment de l'adoption du régime, le législateur a cru opportun et a considéré nécessaire de greffer à un régime d'assurance sociale certains éléments qui en font quelque chose d'un peu différent. On a de très bons exemples de ça lorsque nous considérons les prestations d'invalidité. Malgré tout, le programme ou le régime de rentes demeure un régime d'assurance sociale. Qu'est-ce que cela veut dire un régime d'assurance sociale? Cela veut dire essentiellement que c'est un régime financé par les bénéficiaires eux-mêmes et qui permet à ces bénéficiaires d'étaler dans le temps leurs revenus et de se prémunir contre certains risques sociaux, contre certains risques qui les affectent en tant qu'individu, risque et même certitude de vieillissement, donc nécessité de retraite, mais risque également, dans une certaine mesure, d'invalidité, etc., et les conséquences sur le revenu qui cesse, à ces moments-là.

Les prestations ont été calculées de manière à produire une réserve, à produire un fonds, si vous voulez, qui permettrait, au cours des années, de financer les prestations au-delà même de ce que les contributions permettront d'assurer durant les années à venir.

Bien entendu, ce régime viendra à un point où les réserves seront complètement nulles, tel que les analyses acturielles le révèlent, du moins selon les hypothèses utilisées dans ces analyses qui, comme tout le monde le sait, sont évidemment des analyses basées sur des hypothèses prudentes.

Au cours des discussions qui se déroulent couramment entre les différentes provinces et le gouvernement fédéral, qui sont tous intéressés au Régime de rentes du Québec ou au Régime

de pensions du Canada, le problème de la coordination des différentes mesures de sécurité du revenu est au centre des débats et au centre des préoccupations. C'est pourquoi j'ai annoncé qu'il serait nécessaire, éventuellement, de remanier encore une fois le Régime de rentes, de façon à refléter ces préoccupations et les conclusions auxquelles en arriveront ces groupes d'étude, de manière à mieux départager peut-être le régime d'assurance sociale considéré comme tel et les régimes de soutien du revenu, qui ne sont pas des régimes contributoires et dont l'aide sociale fournit un excellent exemple au Québec.

Tant et aussi longtemps que cette révision n'est pas faite, tant et aussi longtemps qu'on n'a pas mieux défini la manière d'intégrer dans un système plus compréhensif à la fois les mesures d'assurance sociale, tel que le Régime de rentes, et les mesures de soutien du revenu, comme l'aide sociale, il est nécessaire de conserver le régime dans un état actuel et de conserver, par conséquent, dans une certaine mesure, son état plus ou moins hybride d'un régime de soutien de revenu et d'un régime d'assurance qui se finance lui-même. Et tant et aussi longtemps que le Régime de rentes, quant à lui, conservera le caractère d'un régime d'assurance sociale, les contributions sont nécessaires, et la hausse des bénéfices des prestations devra toujours s'accompagner d'une hausse des contributions, de manière à conserver l'équilibre actuariel du régime.

C'est la raison pour laquelle la présente loi, qui hausse de façon significative les prestations, hausse de la même manière ou d'une manière analogue les contributions.

La hausse des contributions. La hausse du maximum des gains admissibles a cependant un effet positif qui n'a pas encore été souligné mais qui s'ajoute, bien entendu, à l'effet qu'a souligné l'honorable député de Rouyn-Noranda, qui est d'élever le montant des contributions. Cet effet positif de la hausse du maximum des gains admissibles consiste à augmenter le montant des gains exemptés pour les personnes entre 65 et 70 ans qui, comme on le sait, ont le droit de gagner, dans des emplois à temps partiel ou autrement, jusqu'à 18 p.c. du maximum des gains admissibles, sans que leurs prestations de rente ne soient diminuées. Au-delà de 18 p.c, comme on le sait également, il existe une diminution de 50 p.c, c'est-à-dire de $0.50 par dollar gagné.

Cette hausse, donc, du maximum des gains admissibles, permettra, aux personnes qui auront atteint l'âge de la retraite mais qui demeurent actives, qui désirent demeurer actives, de gagner un revenu qui va refléter la hausse générale des revenus dans une large mesure et ceci, sans les pénaliser, sans les détourner, sans les décourager d'une vie active, à une époque où un très grand nombre d'entre elles peuvent continuer une vie active.

Pour ce qui est du principe de l'indexation, je note avec plaisir que tous ceux qui se sont prononcés sur ce projet de loi sont d'accord sur le principe de l'indexation. J'attire leur attention sur le fait que le programme d'aide sociale est lui-même désormais indexé en vertu des nouvelles dispositions adoptées récemment et qui font elles-mêmes suite à l'adoption de la Loi sur les allocations familiales.

Donc, nous avons non seulement un régime de rentes qui sera pleinement indexé, mais nous avons également un régime d'aide sociale qui le sera complètement.

Pour ce qui est des régimes de sécurité du revenu qui sont complémentaires à des régimes d'assurance sociale — et ceci pour répondre à l'objection du député de Rouyn-Noranda — il est bien évident que des régimes de soutien du revenu sont dans une certaine mesure des palliatifs à l'absence de revenus provenant soit d'un emploi, soit d'un régime d'assurance sociale.

Pour ce qui est de la sécurité de la vieillesse et pour ce qui est du maximum du revenu garanti qui est payé à certains bénéficiaires de la sécurité de la vieillesse, il est bien évident que ce maximum n'existe que parce que les autres revenus sont absents ou déficients.

D'ailleurs, ceux qui en bénéficient ne sont pas pénalisés totalement par l'existence, par exemple, de prestations de rentes puisque leur supplément de revenu garanti — et en ceci je n'apprends sans doute rien à personne — n'est pas diminué dollar pour dollar pour les prestations de rentes qu'ils reçoivent, mais est diminué seulement dans la proportion de 50 p.c, ce qui fait que ceux qui ont contribué à un régime de rentes et qui ont, lors de leur retraite, des revenus supérieurs dus à leurs économies, etc., ne sont pas pénalisés par une diminution correspondante de leur sécurité de vieillesse, mais au contraire continuent de bénéficier de la moitié de ce supplément dans l'hypothèse extrême où ils ont des revenus juste suffisants pour assurer ce résultat.

Ces remarques sont importantes au stade de la deuxième lecture, puisque la conception du régime de rentes comme régime d'assurance sociale est au coeur même de la loi adoptée en 1965. C'est un concept que, loin de vouloir abandonner, nous voudrons très certainement maintenir, même dans les révisions éventuelles de la loi puisqu'il est important — et c'est un facteur de développement économique pour notre province — d'assurer des revenus de retraite qui soient indépendants de l'emploi occupé, qui soient malgré tout reliés aux revenus d'emploi gagnés pendant la vie active, mais qui soient indépendants de l'attachement d'un employé à un employeur en particulier.

On a trop vu d'exemples d'employés qui sont immobilisés dans leur vie active par la crainte de perdre une rente, par la peur de perdre un revenu de retraite que leur donne l'occupation d'un emploi. C'est seulement par un régime de la nature du régime des rentes que

l'on peut assurer cette mobilité aux travailleurs du Québec, cette indépendance vis-à-vis de leur employeur, et il est nécessaire de la conserver. Il est nécessaire non seulement de la conserver, mais de lui garder sa valeur réelle en termes des revenus de retraite qu'elle permet, de manière qu'elle continue d'exercer son rôle qui est tout à fait favorable à la fois au sentiment de liberté des individus et au développement économique de cette province.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que la motion de deuxième lecture est adoptée? Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Commission plénière

M. LEVESQUE: M. le Président, je voudrais qu'on se forme en commission plénière.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre des Affaires sociales propose que je quitte...

M. LESSARD: Question de règlement, M. le Président, le leader parlementaire ne parle pas de son siège.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): ... maintenant le fauteuil et que l'Assemblée se forme en commission plénière pour étudier le bill...

M. BURNS: Le leader est rendu créditiste, qu'est-ce qui se passe?

M. LEVESQUE: Une fois que vous serez descendu de votre fauteuil, je demanderais au président de faire rapport.

M. BURNS: Je peux y aller, M. le Président, à votre place.

M. LAFRANCE (président de la commission plénière): J'ai l'honneur de faire rapport, M. le Président, que la commission plénière a étudié le projet de loi no 12 et l'a adopté sans amendement.

M. BURNS: Voyons, ce n'est pas ça.

M. LEVESQUE: II faut demander la permission de siéger à nouveau.

M. BURNS: II faut demander la permission de siéger à nouveau.

M. LAFRANCE (président de la commission plénière): La commission demande la permission de siéger à nouveau.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que cette permission est accordée?

M. BURNS: Elle est accordée, certain.

M. LEVESQUE: C'était bien fait, par exemple.

M. BURNS: Un gars a le droit de s'essayer. M. LEVESQUE: Oui. Article 3).

Projet de loi no 7 Deuxième lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre des Richesses naturelles propose la deuxième lecture du projet de loi 7, Loi modifiant la loi d'Hydro-Québec.

L'honorable ministre des Richesses naturelles.

M. Gilles Massé

M. MASSE: L'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'étude à l'Assemblée.

M. le Président, depuis quelque temps les circonstances nous ont amené davantage à parler de pétrole que d'électricité, mais je pense qu'il importe de souligner en ce moment que l'énergie électrique constitue la seule source d'énergie purement québécoise. En vertu de la Loi d'Hydro-Québec, la Commission hydroélectrique du Québec a pour objet de fournir l'énergie aux municipalités, aux entreprises industrielles ou commerciales et aux citoyens de cette province aux taux les plus bas compatibles avec une saine administration financière. Elle doit établir le tarif applicable à chaque catégorie d'usagers suivant le coût réel du service fourni à cette catégorie pour autant que cela est pratique. Hydro-Québec doit fournir l'électricité aux taux les plus bas possible. Toutefois, Hydro-Québec est sujette évidemment, comme toute entreprise, aux effets de la conjoncture économique qui échappe à son contrôle, en particulier la poussée inflationniste soutenue des dernières années. C'est ainsi que le 20 avril dernier l'Hydro-Québec, par son règlement 150, approuvé par le lieutenant-gouverneur en conseil le 21 février 1972, a augmenté ses tarifs afin d'obtenir des fonds additionnels requis pour s'acquitter adéquatement de son mandat.

A cette occasion, le gouvernement du Québec, conscient de la nécessité de maintenir des taux d'électricité raisonnables pour le consommateur domiciliaire et concurrentiels pour les entreprises, prît l'engagement, lors du discours sur le budget 1973/74 du ministre des Finances prononcé le 20 mars 1973 devant l'Assemblée nationale, d'abolir à compter du 1er avril 1973 des droits hydrauliques payés par l'Hydro-Québec estimés à $30 millions pour l'exercice financier 1973/74 et de les remplacer par un

prélèvement spécial de $20 millions à même les revenus nets de cette dernière.

C'est principalement pour faire suite à cet engagement du gouvernement que je propose à cette Chambre de modifier par le projet de loi 7 la Loi d'Hydro-Québec. Le gouvernement aurait pu faire porter sur les consommateurs la totalité des demandes d'augmentation de l'Hydro-Qué-bec mais il a été décidé de soumettre à la Chambre une autre formule de financement. En effet, les principaux amendements de ce projet de loi prévoient que les droits hydroélectriques payés par l'Hydro-Québec et estimés à $30 millions pour l'exercice 1973/74 seraient abolis en 1973 et remplacés par un prélèvement spécial de $20 millions à même le revenu net de cette dernière.

Cette décision a eu pour effet de réduire les augmentations de tarifs d'électricité des consommateurs ayant déjà à subir les lourds effets de l'inflation. Je veux rappeler à cette Chambre que l'électricité au Québec, en général, est au plus bas taux en Amérique du Nord et que nous voulons, de cette façon, maintenir les taux d'électricité raisonnables pour le consommateur domiciliaire et concurrentiels pour les entreprises. Cette situation favorise donc la clientèle québécoise par rapport aux autres formes d'énergie même si dans le contexte actuel il n'est pas toujours facile de changer un système adapté à une source d'énergie pour un autre système. De plus, afin d'améliorer certaines dispositions de la loi, nous vous proposons des amendements qui, d'une part, relèveront les vérificateurs de l'Hydro-Québec de la responsabilité de se prononcer sur la conformité des opérations de la commission à la loi, compte tenu que cette responsabilité ne relevait pas de la compétence des vérificateurs et, d'autre part, de permettre à l'Hydro-Québec d'obtenir des immeubles ou forces hydrauliques non seulement du ministre des Richesses naturelles mais aussi du ministre des Terres et Forêts, suivant la compétence respective de l'un ou de l'autre.

L'adoption de l'amendement proposé contribuera à aider l'Hydro-Québec à fournir l'énergie électrique à des taux plus avantageux pour l'ensemble de ses abonnés et aussi clarifiera certaines dispositions de la loi en regard des opérations de la commission.

Je profite de l'occasion qui m'est fournie ici pour rendre hommage aux administrateurs de l'Hydro-Québec, organisme qui constitue l'un des piliers de la croissance économique du Québec.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): Le député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: M. le Président, le projet de loi qui nous est soumis fait suite à une décision qui a été prise l'an dernier, c'est-à-dire au mois de février, et la commission parlementaire du mois d'avril 1973, après la demande qu'avait faite l'Hydro-Québec d'augmenter ses tarifs.

Vous me permettrez, M. le Président, de faire un peu le rappel de ce qui s'est passé à ce moment-là. D'abord, quoi qu'en dise le ministre, c'est aussi une autre augmentation de taxes du gouvernement actuel. Au cours de l'année 1973, nous avons eu à subir: augmentation des prix du pétrole, augmentation des prix de l'alimentation, augmentation même des taxes, étant donné la modification des tables d'impôt, augmentation des tarifs de Bell Téléphone, qui malheureusement ont été augmentés malgré l'opposition du Québec; nous avons eu aussi à subir une augmentation du taux d'électricité. C'est ça, la piastre du gouvernement québécois actuel, piastre dont on aurait dû parler au cours de la campagne électorale.

Depuis 1970, M. le Président, ce sont des hausses constantes que nous avons à subir, mais des hausses cachées. Je suis d'accord qu'une subvention indirecte de $10 millions comme celle-ci répartit la charge d'imposition, la charge de paiement de façon différente, mais il est entendu, M. le Président, que, sous la forme de subventions, ce sont des taxes encore que les contribuables doivent payer. Etant donné la répartition des tables d'impôt, c'est un peu différent, mais il reste, quand même, que c'est une augmentation des charges pour le contribuable québécois.

M. le Président, c'est le 19 février 1973 que l'Hydro-Québec décidait, lors de la réunion de son conseil d'administration, d'augmenter les tarifs hydroélectriques. En vertu de la Loi d'Hydro-Québec, les tarifs doivent être augmentés sur recommandation du lieutenant-gouverneur. En effet, l'article 22, 3e paragraphe de la Loi d'Hydro-Québec dit ceci: "Les taux et les conditions auxquels l'énergie est fournie sont fixés par règlement de la commission ou sont déterminés par des contrats spéciaux intervenus entre, d'une part, la commission et, d'autre part, les municipalités, les coopératives d'électricité ou les entreprises industrielles ou commerciales, selon le cas. Ces règlements et ces contrats doivent être approuvés par le lieutenant-gouverneur en conseil".

Donc, M. le Président, c'est le 19 février 1973 que l'Hydro-Québec décide d'adopter le règlement no 150 établissant les tarifs d'électricité et les conditions de leur application. Le 21 février 1973, un arrêté en conseil est adopté par le cabinet. Cet arrêté en conseil dit ceci: "Attendu que la Commission hydroélectrique de Québec a pour objet de fournir l'électricité aux municipalités, aux entreprises industrielles et commerciales et aux citoyens de cette province aux taux les plus bas compatibles avec une saine administration financière et qu'elle doit établir le tarif applicable à chaque catégorie d'usagers suivant le coût réel du service fourni à cette catégorie en autant que cela est pratique;

"Attendu que la commission doit maintenir ses taux d'énergie à un niveau suffisant pour défrayer tous les frais d'exploitation, l'intérêt du capital engagé, l'amortissement de ce capital sur une période maximale de 50 ans, une réserve adéquate pour le renouvellement du réseau, une réserve pour éventualité et une réserve pour stabilité des taux; "Attendu que la commission constate que ses revenus — toujours la Commission hydroélectrique — nets d'exploitation ne seront bientôt plus suffisants pour permettre le financement adéquat des investissements annuels nécessaires et le rachat de ses obligations; "Attendu que l'accroissement des investissements et des taux d'intérêt moyens sur la dette oblige 1'Hydro-Québec à obtenir des fonds additionnels provenant d'une autre source que les emprunts si elle désire fournir sa part des investissements et contracter les emprunts nécessaires à des conditions raisonnables; "Attendu que les fonds additionnels requis ne peuvent provenir que d'une hausse des tarifs d'électricité — il me semble que ce soit là la conclusion à laquelle en était arrivé le ministère des Richesses naturelles ou surtout le cabinet —; "Attendu que, pour obtenir ces fonds additionnels, l'Hydro-Québec, à sa séance tenue le 19 février 1973, a adopté son règlement no 150 établissant les tarifs d'électricité et les conditions de leur application, copie dudit règlement étant annexée au présent ; "Attendu qu'en vertu de l'article 22 de la Loi de l'Hydro-Québec les taux et les conditions auxquels l'énergie est fournie sont fixés par règlement approuvé par le lieutenant-gouverneur; "Attendu qu'il y a lieu de faire droit à la requête de l'Hydro-Québec; "II est ordonné en conséquence, sur la recommandation du ministre des Richesses naturelles, d'approuver le règlement no 150 de l'Hydro-Québec établissant les tarifs d'électricité et les conditions d'application."

Voici donc l'arrêté en conseil qui a été adopté deux jours après la décision de l'Hydro-Québec d'augmenter les tarifs hydroélectriques. La question qui me paraît fondamentale dans tout cela est: Sur quoi le cabinet s'est-il basé pour accepter l'arrêté en conseil dont je viens de vous parler? On fait disparaître, justement en vertu de la loi, un certain contrôle qui existait. Le seul contrôle de l'Hydro-Québec qui existe, c'est le contrôle par l'entremise du lieutenant-gouverneur. Le 6 février 1973, le ministère des Richesses naturelles, dirigé par le ministre actuel, avait formé un comité constitué de différents représentants des ministères impliqués. D'abord, deux représentants du ministère des Richesses naturelles: M. Fradette et M. Réal Boucher; un représentant du ministère des Finances, M. Pierre Goyette; trois représentants du Conseil exécutif, MM. André Marier, Jean Houde, Michel Audet; et un représentant du Conseil du trésor, M. Jean-Nil Pintal.

Ce comité avait justement pour but d'étudier si les demandes de l'Hydro-Québec étaient justifiées. Lorsque nous lisons le document, qui a été déposé au cabinet à la demande du ministre des Richesses naturelles, de la formation de ce comité et document sur lequel, probablement, les membres du Conseil exécutif se sont basés pour accepter l'arrêté en conseil dont je vous ai parlé, nous constatons ceci. Il s'agit du document qui s'intitule Recommandations du comité du programme de développement présentées à l'honorable Jean-Gilles Massé relativement à la requête en augmentation de tarif de l'Hydro-Québec du 6 février 1973.

A la page 2 de ce document nous lisons ceci: "La loi ne prévoit aucune procédure de révision autre que l'approbation par le lieutenant-gouverneur en conseil." Encore ici, les critères d'évaluation par le lieutenant-gouverneur en conseil sont limités par la loi et par le fait que la procédure de révision est inexistante. "Il est donc difficile — dit ce rapport — de chercher à appliquer des critères d'évaluation du besoin d'une augmentation de tarif autres que ceux prévus par la loi, tel que le rendement sur les investissements ou le rendement sur une base de tarification puisque ces notions étant inexistantes dans la loi, il est impossible de les définir. "Dans le cas d'entreprises de services publics de propriété privée, la recherche du profit nécessite de la part des organismes de régulation une remise en question des données comptables afin d'établir ce qui est acceptable comme dépenses et revenus. Dans le cas — lit-on encore dans ce document — de ces entreprises, les agences de régulation, sur la base d'une jurisprudence, acceptent ou refusent les données comptables lors du processus de révision. Dans notre cas, — là encore, c'est le comité qui parle — ceci est difficile. Compte tenu de la loi, le seul véritable moyen dont le gouvernement dispose pour influencer les résultats des opérations d'Hydro-Québec est de donner des directives précises a priori et d'évaluer, ensuite, la conformité des résultats".

Autrement dit, le comité formé par le ministère des Richesses naturelles et qui a présenté un rapport au cabinet, concernant la demande d'augmentation des tarifs, dit au cabinet: Dans les circonstances, étant donné la loi, il nous est extrêmement difficile de nous prononcer sur la validité ou la non-validité d'une augmentation de tarifs de l'Hydro-Québec. Donc, M. le Président, nous ne sommes pas plus avancés, le cabinet n'est pas plus avancé, puisque le comité se sent absolument inefficace pour présenter au ministère des Richesses naturelles des recommandations précises. D'ailleurs, vous allez voir, tout à l'heure, qu'on fait, malgré tout ça, une recommandation, mais recommandation selon laquelle il était extrêmement difficile pour les membres du cabinet de se prononcer sur l'augmentation des tarifs, parce que le rapport du comité vient de leur dire: Ecoutez, on est obligé d'accepter la comptabilité de l'Hydro-Québec, puis on n'est pas capable d'aller plus profondément que

ça. On n'est pas capable de réviser tous ces chiffres; on est impuissant à vérifier véritablement tout le dossier de la Commission hydroélectrique du Québec.

M. le Président, vous savez que nous, du Parti québécois, nous avons, lors de la discussion du bill 50, défendu les intérêts de l'Hydro-Québec, comme, bien souvent, nous avons défendu les intérêts de sociétés qui appartiennent par l'intermédiaire de l'Etat, aux Québécois. Je pense, M. le Président, qu'encore nous prendrons la défense de ces sociétés et, même nous avons demandé à maintes et maintes reprises au gouvernement de donner encore plus de force — c'est ce qu'on faisait ce matin, par exemple, pour la Société québécoise d'initiatives pétrolières — aux sociétés d'Etat pour qu'elles puissent prendre en main un des secteurs clés de la société québécoise, un des secteurs économiques importants.

M. le Président, il ne s'agit pas, lorsque je parle de la difficulté qu'on a de réviser toute l'administration de la Commission hydroélectrique du Québec, de blâmer l'Hydro-Québec. Il ne s'agit pas, non plus, de blâmer, contrairement à ce que je faisais ce matin, le ministre actuel. Il s'agit d'essayer de réfléchir sur un problème qui me paraît passablement important, c'est-à-dire le contrôle de l'Hydro-Québec par les citoyens québécois.

M. le Président, sur quels principes l'Hydro-Québec justifiait-elle l'augmentation de ses tarifs? A la page 3 du même rapport du comité de planification, qui a été présenté aux membres du cabinet et sur lequel les membres du cabinet se sont prononcés pour adopter l'arrêté en conseil dont j'ai parlé tout à l'heure, soit celui du 21 février 1973 qui reconnaissait à l'Hydro-Québec le droit d'augmenter ses tarifs, on lit ceci : "Dans le mémoire de justification accompagnant le projet de règlements 150, l'Hydro-Québec indique que, pour satisfaire aux exigences de la loi, l'entreprise aurait besoin en 1974, première année complète au nouveau tarif, d'un revenu additionnel de $46.2 millions. Cependant, les revenus additionnels requis en 1974 seraient plutôt de $77.8 millions si on utilise le critère de l'Hydro-Québec pour maintenir une saine administration financière. "Pour l'Hydro-Québec, une saine administration financière est reflétée par le maintien d'un rapport 1.25 du revenu net d'exploitation sur les dépenses d'intérêt. Le tableau 3 de la page 13 du mémoire de l'Hydro-Québec, intitulé Détermination du revenu additionnel requis, fait état de ces données."

Alors, cela a été le critère fondamental dans la justification de l'augmentation des tarifs. Cela a été le ratio de 1.25, qui a été fort important dans la discussion en commission parlementaire, qui est le revenu net d'exploitation par rapport au total des intérêts. En effet, l'Hydro-Québec nous disait: Lorsqu'on a un ratio inférieur à 1.25, il devient extrêmement difficile d'aller sur les marchés internationaux, sur les marchés financiers pour emprunter à des taux d'intérêt qui soient satisfaisants.

Probablement que l'Hydro-Québec, lorsqu'elle nous parle de ce ratio avait raison. Mais nous sommes obligés, nous, les parlementaires, comme d'ailleurs les membres du comité de planification, qui avaient à présenter des recommandations au ministère des Richesses naturelles ou au cabinet, d'accepter ce ratio de 1.25 mais il est impossible d'analyser complètement toute la comptabilité de l'Hydro-Québec. Justement, quand je reviens à l'arrêté ministériel, je suis bien d'accord lorsque l'on dit que l'Hydro-Québec doit fournir l'électricité aux taux les plus bas et qui sont compatibles avec une saine administration financière. Mais comment — c'est cela qui est important, même si c'est une société d'Etat — ou quel instrument ou quel outil avons-nous, nous, les parlementaires, pour juger de la saine administration financière de l'Hydro-Québec? Quel outil? Il ne s'agit pas de dire que l'Hydro-Québec s'administre mal. Il s'agit de dire que l'Hydro-Québec, qui est une société d'Etat, doit être soumise à certaines révisions, doit être soumise à certains contrôles. On en a vu, des sociétés d'Etat, telles que la Société générale de financement, qui s'administraient mal.

Donc, il faut absolument, surtout lorsqu'il s'agit d'une société dont le budget est autour de $600 millions, avoir des moyens de contrôle. Il faut, en tout cas, surtout le cabinet, lorsqu'il a à se décider sur une augmentation des taux, qu'il ait les moyens nécessaires de voir si c'est justifié.

Or, il semble que ce n'est pas le cas du tout. Il semble que le comité du programme de développement, qui soumettait des recommandations au cabinet, constate qu'il est impuissant à voir si les taux ou les augmentations de tarif de l'Hydro-Québec sont justifiés.

Voici ce que nous lisons, encore dans ce même document, à la page 4: "Avis du comité, besoins de revenus additionnels et commentaires." Après avoir constaté l'impuissance dans laquelle les membres étaient pour approuver ou désapprouver ces augmentations de taux, le comité dit ceci: "Compte tenu de ce qui est énoncé plus haut, c'est-à-dire des moyens limités — comme je l'ai lu, non seulement ils sont limités mais ils sont impuissants — du comité pour mettre en cause, à ce moment-ci, les données présentées par l'Hydro-Québec, qui en assume toute la responsabilité en tant qu'organisme public et, compte tenu du mémoire présenté, il apparaît que l'Hydro-Québec a besoin des revenus additionnels demandés si cet organisme veut faire face à ses obligations dans l'avenir. Le comité est donc d'accord avec la demande d'augmentation."

M. le Président, le comité dit, dans les quelques pages qui précèdent: On est impuissant à vérifier la comptabilité de l'Hydro-Québec. On est impuissant à dire si l'augmentation

de ces tarifs est justifiée ou ne l'est pas. En fait, on ne peut pas, ou il est difficile, pour nous, de mettre en cause toute la comptabilité de l'Hydro-Québec. Mais même, M. le Président, si on est impuissant, même s'il nous est impossible de faire toute la révision globale de l'administration financière de l'Hydro-Québec, on recommande quand même l'augmentation des tarifs.

M. le Président, je trouve que c'est un peu illogique. Le comité dit: Puisque l'Hydro-Québec nous dit que le ratio de 1.25 est absolument nécessaire pour obtenir des emprunts sur le marché financier et que si on n'augmente pas les revenus, soit sous forme de hausse des taxes, soit sous forme de hausse des tarifs, soit sous forme de subventions, on ne pourra pas faire face à ses responsabilités, on ne peut pas vérifier si c'est vrai, si les prémisses sont vraies, mais il semble que la conclusion de l'Hydro-Québec est qu'elle a besoin de plus d'argent, qu'elle a besoin d'augmenter les tarifs, et il faut les augmenter. Le rapport dit: Puisque l'Hydro-Québec a besoin d'augmenter ses tarifs, augmentons-les! Le cabinet dit, à la suite, justement, de ce rapport ou de ces recommandations qui sont présentées par ce comité, en se basant sur ce rapport: "Attendu que la Commission hydroélectrique constate — c'est la commission qui constate elle-même — que ses revenus nets d'exploitation ne seront bientôt plus suffisants pour permettre le financement adéquat des investissements annuels nécessaires et le rachat de ses obligations..."

On donne toute sa confiance à l'Hydro-Québec. On dit: L'Hydro-Québec constate qu'elle a besoin de revenus additionnels. L'Hydro-Québec constate qu'elle a besoin d'une augmentation des tarifs. Comme l'Hydro-Québec constate qu'elle a besoin d'une augmentation des tarifs et comme je pense bien que l'Hydro-Québec a une bonne administration financière, parce qu'on ne peut pas ou qu'on n'a pas les moyens nécessaires de vérifier tout cela, en conséquence on approuve le règlement no 150 de l'Hydro-Québec établissant les tarifs d'électricité et les conditions de leur application.

Autrement dit, M. le Président, le cabinet a les mains et les poings liés devant les demandes d'augmentation des tarifs de l'Hydro-Québec. Il peut bien arriver, M. le Président, comme on l'a dit, que $60 millions — ce sont $50 millions et $10 millions — cela ne soit pas suffisant encore pour permettre à l'Hydro-Québec de rencontrer ses obligations. Il peut très bien arriver, M. le Président, encore, que dans un an ou dans deux ans, l'Hydro-Québec se présente encore devant le lieutenant-gouverneur, le cabinet, et dise: Nous autres aussi, on constate à nouveau que, pour faire face à nos obligations, nous avons besoin d'une augmentation des tarifs. Probablement que le cabinet formera un comité, comme le comité qui a été formé le 6 février, et que le comité dira encore une fois: On est impuissant à faire toute la vérification de l'Hydro-Québec mais, cependant, on constate que l'Hydro-Québec a besoin d'une augmentation des tarifs pour financer tous ses investissements.

Donc, on recommande au cabinet d'accepter l'augmentation des tarifs de l'Hydro-Québec. Mais, le citoyen dans tout ça, lui, il est représenté par qui? Est-ce qu'il peut être assuré que non seulement l'administration financière de l'Hydro-Québec est bonne, saine, mais qu'il va être protégé contre des augmentations abusives du coût de l'électricité?

C'est là un problème qui me paraît fondamental en ce qui concerne une société comme l'Hydro-Québec. Non seulement on n'a pas de contrôle sur la société de l'Hydro-Québec, mais le petit contrôle qu'on avait — je comprends pourquoi le ministre le laisse tomber — par les vérificateurs de l'Hydro-Québec concernant l'étude du rapport, on l'enlève dans la loi.

Donc, l'Hydro-Québec devient absolument libre ou à peu près libre d'adopter les tarifs qu'elle voudra et de justifier ces tarifs de la façon qu'elle voudra auprès du cabinet.

Il me semble qu'il va falloir trouver une formule. Suite à cette demande d'augmentation, le Parti québécois avait demandé à plusieurs reprises la convocation à la commission parlementaire de l'Hydro-Québec. Mais nous avions demandé la convocation de la commission des richesses naturelles pour étudier les demandes d'augmentation de tarifs strictement. Nous n'avons pas demandé la convocation de la commission parlementaire des richesses naturelles pour étudier toute l'administration financière de l'Hydro-Québec.

Nous avions demandé que l'Hydro-Québec vienne devant la commission parlementaire pour nous donner des explications concernant l'augmentation des tarifs. Je comprends que les dés étaient pipés d'avance, que, dès le 21 février — deux jours après que l'Hydro-Québec eut adopté son règlement no 150 — il y avait un arrêté ministériel du gouvernement qui acceptait ce règlement 150.

Donc, la commission parlementaire des richesses naturelles n'était pas là pour accepter ou refuser les demandes d'augmentation de tarifs de l'Hydro-Québec, mais elle était là, au moins, pour essayer de poser des questions pour voir si c'était justifié ou pas.

Il y a près de quatre ans en tout cas que je siège en Chambre et je dois dire que, chaque fois que l'Hydro-Québec est venue devant une commission parlementaire, c'était toujours pressé, toujours vite. Ces gens-là, venir voir les petits parlementaires! Ecoutez, ce sont des grands administrateurs de l'Etat.

Je les aime bien. Le président, je l'aime bien aussi. Mais ce sont des grands administrateurs de l'Etat. Se faire interroger par des petits parlementaires sur leur comptabilité, sur leur politique d'investissement, sur la politique nucléaire, sur la politique hydroélectrique, ils sont au-dessus de tout ça. Ils connaissent ça bien

plus que nous autres. Cela les fatigue de venir à la commission parlementaire des richesses naturelles.

C'est bien vite. On est quasiment gênés de poser des questions. Le président a une réunion le soir. Les commissions, c'est toujours — tous les députés peuvent le confirmer — très limité. Pour un budget de $600 millions. Lorsque la commission a siégé en avril, c'était quand même une chose importante, quand on pense que, quelque temps après, une compagnie privée comme Bell Canada devait se présenter devant la Régie des transports publics à Ottawa pour justifier ses augmentations de tarifs.

Et même le gouvernement du Québec a fait opposition à l'augmentation des tarifs. Malheureusement, le gouvernement du Québec a encore reçu une réponse négative de ce fédéralisme supposément rentable, surtout en particulier pour Bell Canada dans ce cas précis.

L'Hydro-Québec, elle, est un organisme de l'Etat, qui appartient à tous les citoyens.

Elle n'a pas à rendre compte comme tel de l'augmentation de ses tarifs ou du fait que c'est justifiable ou pas à une commission parlementaire ou à un comité ad hoc qui serait là non seulement pour étudier pendant une journée et très vite ou pendant deux jours et très vite simplement le petit rapport qui nous est soumis annuellement mais qui irait beaucoup plus loin que ça, qui mettrait même en cause les plans de développement de l'Hydro-Québec, que ce soit, par exemple, comme on l'avait discuté, les projets nucléaires ou les projets hydroélectriques, tous les investissements prévisibles ou prévus par l'Hydro-Québec.

M. le Président, en avril donc, il y a une commission parlementaire qui siège mais, encore là, une commission parlementaire qui a les mains et les poings liés parce que les dés sont pipés. C'est accepté. Le premier ministre Bourassa, c'est-à-dire le cabinet a accepté le règlement d'augmentation des tarifs de l'Hydro-Québec, donc a posteriori, on décide de faire l'analyse de tout cela.

Mais encore là, M. le Président, si on avait eu les moyens de faire l'analyse de tout cela La première chose qu'on fait, à la commission parlementaire, c'est qu'on nous présente le rapport annuel de l'Hydro-Québec. Et là l'ex-député de Gouin, M. Joron, fait la proposition suivante: D'abord, que les documents suivants soient déposés et rendus publics: a) la demande de nouveaux tarifs faite par l'Hydro-Québec; b) les documents soumis au soutien de cette demande; c) l'arrêté en conseil donnant une approbation conditionnelle de ces nouveaux tarifs— c'était censé être conditionnel avec l'appui de la commission parlementaire; d) les prévisions de revenus et dépenses de l'Hydro-Québec de 1972 à 1976; e) la provenance et l'utilisation des fonds pour la même période et les états financiers de la Société d'énergie de la baie James. En deuxième étape, que l'étude de cette question, après avoir reçu ces documents qu on n a pas vus encore pour pouvoir mieux juger de la question, soit reportée à une séance ultérieure de la commission et que toute personne intéressée à intervenir au soutien ou à l'encontre de la nouvelle tarification puisse soumettre un mémoire à la commission et être entendue. Troisièmement, que demande soit faite au gouvernement de suspendre l'entrée en vigueur de la nouvelle tarification jusqu'à ce que la commission ait fait rapport.

Donc, on demande trois choses: premièrement, on demande: donnez-nous donc des documents; c'est la première chose qu'on devrait avoir comme parlementaires lorsque nous avons à étudier un problème précis, à savoir si la demande d'augmentation des tarifs est justifiable ou pas. Il me semble que ces documents auraient dû nous parvenir auparavant et d'ailleurs, M. le Président, je me rappelle qu'à plusieurs reprises le député de Gouin s'est levé en Chambre et a demandé au premier ministre Bourassa de déposer ces documents-là. C'étaient des documents secrets parce qu'aux indigènes québécois on leur cache ça, à eux. Les justifications d'augmentation des tarifs de l'Hydro-Québec, les indigènes québécois, eux autres, il faut leur faire payer peut-être une mauvaise décision qui était probablement celle de la baie James et qui vient justement d'être modifiée ce matin avec Gentilly: les investissements de $1,200 millions. On revient exactement au programme proposé par le Parti québécois lors de la discussion en commission parlementaire sur tout le développement de la baie James. Or, les indigènes québécois, M. le Président, n'ont pas besoin de ça, ce sont des non-instruits, comme disait un ex-premier ministre, puis on les informera après que la décision sera prise.

Deuxième chose, M. le Président, on demande que toute personne ait la possibilité de se faire entendre à cette commission parlementaire. Encore là, M. le Président, naturellement c'est refusé; naturellement, M. le Président, le bon peuple québécois, les organismes québécois ce sont des incompétents, ce sont des gens qui n'ont pas à se prononcer sur une société ou sur l'augmentation des tarifs dans un secteur qui touche chacun des Québécois.

Normalement, la troisième étape de notre résolution c'était de suspendre l'arrêté en conseil du 21 février 1973, si on voulait que cette commission soit valable, si on voulait se réunir pour quelque chose qui nous amènerait à une décision, s'il était justifié, par exemple, pour l'Hydro-Québec d'augmenter ou de ne pas augmenter ses tarifs.

Les documents en question, M. le Président, ç'a pris bien du temps à les obtenir. Là le ministre disait: S'agit-il, à un moment donné, de documents qui devraient être secrets, de documents qui devraient être rendus publics, etc.? On réussit quand même à obtenir ces documents. Une bonne brique de documents nous sont déposés tout à coup au cours de l'après-midi. La brique était assez considérable

et naturellement c'étaient des questions techniques.

Or, le député de Gouin...

M. BEAUREGARD: L'ex.

M. LESSARD: L'ex-député de Gouin, le député de Gouin d'alors...

M. VEILLEUX: II n'est plus là aussi.

M. LESSARD: ... présente la motion suivante...

M. BELLEMARE: II est parti.

M. LESSARD: En tout cas, M. le Président, il y a une chose.

M. BELLEMARE: II est parti pelleter dans les nuages.

M. LESSARD: Peut-être qu'il n'est plus là, mais le travail que ce député a fait au cours des trois années vaut passablement le travail que peut-être 40 "backbenchers" dans ce gouvernement, mes amis, vont faire au cours des quatre prochaines années.

UNE VOIX: Voulait-il causer de la séparation?

M. LESSARD: Alors, M. le Président, une motion qui est tout à fait logique de l'ex-député de Gouin, ou le député de Gouin d'alors, c'est de suspendre la séance, de permettre aux parlementaires de prendre connaissance de ces dossiers éminemment techniques puis de revenir après. Non, vous êtes drôle. Ah! je m'excuse, M. le Président, je pensais que vous disiez: II est drôle.

M. LEVESQUE: Ce n'est pas à lui que je parlais.

M. LESSARD: D'accord, M. le Président. Il s'agit d'une chose qui me parait fondamentale, la protection du citoyen. On le fait pour l'entreprise privée, on le fait quand il s'agit de l'augmentation des tarifs de Québec Téléphone. A la Régie des services publics du Québec, toute personne qui est impliquée dans l'augmentation des tarifs de Québec Téléphone ou de tout autre service public peut faire des recommandations pour s'opposer à l'augmentation de ces tarifs et les compagnies en question sont obligées de justifier leurs tarifs.

Alors, M. le Président, on nous refuse cette motion-là. Vous savez on a la science infuse! Je comprends que les députés libéraux avaient compris tout ça. Ils avaient la science infuse, il y avait vu cette série de documents de près d'un pied d'épais, puis ils avaient compris tout ça; c'était justifié, l'augmentation des tarifs de 1'Hydro-Québec. On va accepter ça. Il n'y a pas de problème. On ne pose pas de question, dépêchez-vous les gars de l'Opposition, vous ne comprenez rien là-dedans vous autres; dépêchez-vous donc d'adopter ça. C'est la meilleure façon possible, puis qu'on nous laisse la paix, puis qu'on nous retourne dans la salle de lecture pour qu'on ait la paix, qu'on soit tranquille.

Nous on a été plus sérieux que ça. On a dit : Ecoutez, on n'a pas la science infuse...

M. VEILLEUX: Lui il est allé à une autre salle de lecture plus loin, là. Si vous voulez qu'on parle des salles de lecture on va en parler.

M. LESSARD: On demande donc une chose fort logique. Permettez-nous d'étudier pendant au moins quelques heures, deux heures, trois heures. En tout cas on a demandé la suspension le matin, pour qu'au cours de l'après-midi on puisse revenir avec une meilleure connaissance des dossiers. Je comprends que ce n'était pas facile dans quelques heures, mais en tout cas, avec une meilleure connaissance des dossiers, pour qu'on puisse poser des questions intelligentes à l'Hydro-Québec...

M. COTE: Cela vous arrive?

M. LESSARD: II aurait même été normal qu'on suspende la séance pour quelques jours, même une semaine. Le premier ministre, en février dernier, aurait dû accepter de nous présenter toute cette série de documents; mais, on sait, c'est un gouvernement de cachette. Il cache tout; c'est pour ça qu'on est obligé bien souvent de passer par les coulisses. Tout est secret pour ce gouvernement-là.

M. BACON: Vous l'admettez?

M. LESSARD: II administre secrètement, les fonds publics sont secrets.

M. BACON: Vous l'admettez?

M. LESSARD: On n'est pas capable d'avoir de réponse. Je vois le ministre des Affaires culturelles, il a fallu le questionner pendant deux heures et trente hier pour obtenir des informations sur une subvention de $300,000.

M. LEVESQUE: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!

M. LESSARD: On a réussi à obtenir la réponse, mais bien difficilement en tout cas.

M. LEVESQUE: A l'ordre, à l'ordre! La pertinence du débat.

M. LESSARD: Oui, M. le Président, on a un gouvernement de coulisse. Il aurait donc été normal qu'on ait ces documents bien avant la commission parlementaire et qu'on puisse les

étudier, parce qu'il faut faire notre travail, dans l'Opposition. Je me rappelle, lorsque nous avons proposé cette motion, combien de députés libéraux, tout le tour de la table, nous disaient: Mais quoi, vous n'êtes pas au courant de cela? Laissez-nous donc tranquilles, il n'y a pas de problème. L'Hydro-Québec, ça s'administre bien, et c'est justifié, l'augmentation des taux, etc.

M. BACON: Qui a dit cela?

M. LESSARD: Cette motion a été battue par le gouvernement, par les députés libéraux. Probablement que la population ne connaît pas — c'est ça qui est malheureux — la façon dont vous administrez les deniers publics. Je constatais ce matin, par exemple, que certains députés libéraux commençaient à en avoir assez de la façon dont le leader du gouvernement, à un moment donné, dépose des projets de loi comme cela, à la vapeur. Ils voudraient, eux aussi, être consultés. Ah! perdez vos illusions.

M. MALOUIN: On ménage l'huile.

M. LESSARD: Perdez vos illusions. On refuse, M. le Président, cette motion qui nous paraissait normale, motion qui nous paraissait logique pour des gens qui ne se prennent pas pour d'autres, en tout cas; et on ne se prend pas pour d'autres. On nous refuse aussi la possibilité d'entendre toute personne intéressée à faire valoir certaines revendications concernant l'augmentation des tarifs. La commission des richesses naturelles, ç'a été un trompe-l'oeil. D'ailleurs, cette augmentation de tarif n'était même pas basée sur des chiffres réels, elle était basée sur des prévisions. Il faudrait quand même savoir, aujourd'hui — si le ministre peut me répondre — si les prévisions de l'Hydro-Québec en février 1973 étaient valables, si cela se justifie, si elle a véritablement besoin des $10 millions; peut-être qu'elle en a besoin de plus. Il faudrait le savoir.

On leur dit: On vous a accordé la possibilité d'augmentation des tarifs sur des prévisions, mais il faudrait savoir si ces prévisions-là se justifient. La commission des richesses naturelles, malgré tout le travail que l'ex-député de Gouin a pu faire, malgré toutes les questions que nous avons pu poser, questions que nous avons posées malgré les interférences ridicules des députés libéraux qui ne comprenaient absolument rien là-dedans...

M. COTE: C'est pas vous autres qui avez la science infuse.

M. LESSARD: C'est justement ce que je dis depuis le début, et si le nouveau député avait assisté à cette commission parlementaire, il aurait pu justement constater que ce n'était pas nous qui avions la science infuse dans ce temps-là. Nous, on n'a pas une perception tellement forte qu'on puisse lire à travers une série de documents comme cela, mais il y a des libéraux qui l'avaient, cette journée-là, cette perception très forte de pouvoir comprendre tout cela en touchant les documents.

Nous le savions, lorsque nous avons demandé la convocation de la commission parlementaire, que les dés étaient pipés; mais nous voulions au moins que l'Hydro-Québec vienne se justifier, que l'Hydro-Québec vienne répondre aux questions des parlementaires, mais après que les parlementaires eussent pris connaissance de tous les dossiers techniques. Encore là, j'avais l'intention, au cours de ce débat, de faire une motion afin de demander à l'Hydro-Québec de revenir en commission parlementaire pour discuter à nouveau de cette affaire.

M. le Président, étant donné la procédure des commissions parlementaires, malgré tout le travail que tous les députés peuvent faire, c'est un moyen qui me paraît absolument inadéquat pour pouvoir réviser toute l'administration financière de l'Hydro-Québec. Je suis d'accord que l'Hydro-Québec, qui est une entreprise d'Etat, doive venir au moins annuellement — et déjà on a de la misère à l'avoir annuellement — se soumettre aux questions des parlementaires. Mais, en ce qui concerne toute cette question d'administration financière, nous, les parlementaires, ne sommes pas des comptables pour la plupart, ne sommes pas des spécialistes dans des domaines aussi précis, par exemple, que l'énergie hydroélectrique ou l'énergie nucléaire ou autres. Nous sommes bien faibles devant le président de l'Hydro-Québec — je parle du point de vue financier. Il peut nous passer ce qu'il veut, d'autant plus que nous recevons les rapports la journée même de la commission parlementaire. Il faut étudier tout ça, toute cette série de rapports, toute cette masse de documents en l'espace de quelques heures. J'ai bien dit à cause de la procédure des commissions parlementaires. Mais, même si on tentait de modifier la procédure de la commission parlementaire des richesses naturelles, avec l'interférence qu'on a là et qu'on va avoir encore bien plus avec le vote du 29 novembre dernier, je me demande si les députés de l'Opposition peuvent faire un travail efficace.

UNE VOIX: Le 29 octobre.

M. LESSARD: C'est ça que j'ai dit, le 29 novembre.

UNE VOIX: Octobre.

M. LESSARD: Le 29 octobre, d'accord, M. le Président.

M. BACON: On peut en faire une autre, si vous voulez, mais vous risquez de ne pas revenir. S'il avait fallu "toffer" cela un autre mois, il n'en restait plus.

M. LESSARD: Je me demande donc si, étant donné toutes ces procédures des commissions parlementaires, nous pouvons véritablement être capables, comme parlementaires, de voir si les augmentations de tarifs sont justifiées ou pas. Encore là, même si j'avais l'intention de présenter la motion dont je parlais tout à l'heure, la motion de convoquer l'Hydro-Québec, je me demande si ce serait vraiment utile, vraiment nécessaire en ce qui concerne des dosriers aussi techniques que ceux-là. Mais il me semble, je pense que tous les députés libéraux devraient être d'accord sur cela qu'on ne peut pas laisser une société d'Etat — une société qui administre ce qui appartient à tous les Québécois, un budget de $600 millions ou autour de $600 millions — sans aucun contrôle, comme cela semble être le cas, actuellement. Les seuls contrôles qu'on a eus ou que le cabinet a eus, cela a été le petit rapport où on dit qu'on est impuissant à voir si c'est justifié ou pas. On ne peut pas ne pas se pencher pour trouver une solution qui permettrait de faire entendre les différents organismes de la population du Québec qui sont touchés financièrement par une décision comme celle-là de l'Hydro-Québec, dont les familles bien souvent les plus défavorisées. On sait combien de familles — même les députés libéraux le savent — juste avant les Fêtes, qui sont sur la Loi de l'aide sociale, se feront couper l'électricité, juste avant Noël, parmi les familles les plus défavorisées. On ne peut pas, il me semble, ne pas trouver un moyen qui permettrait à ces organismes de se faire entendre, lorsqu'il s'agit d'augmentation de tarifs.

On le fait pour les entreprises privées par la Régie des services publics. J'ai pensé à la solution de la Régie des services publics, mais une société d'Etat qui juge l'administration d'une autre société d'Etat, c'est un point d'interrogation. Je ne sais pas si le ministre a une solution, mais, en tout cas, c'est un point d'interrogation.

En lisant, j'ai cherché à voir si le vérificateur général, dans son rapport, avait parlé de toute l'administration financière de l'Hydro-Québec. Je constate que non. Donc, aucune vérification de ce côté et, en vertu de la loi, justement, seul le lieutenant-gouverneur en conseil a le pouvoir de contrôler. Oui?

M. MASSE: Est-ce que vous mentionnez le rapport des vérificateurs dans le dernier rapport annuel de l'Hydro-Québec?

M. LESSARD: Les vérificateurs de l'Hydro-Québec?

M. MASSE: Oui.

M. BEDARD (Chicoutimi) : II n'a pas besoin de ça; il ne connaît rien.

M. LESSARD: D'accord. Mais, à ce moment- là, si le vérificateur général, en ce qui concerne l'administration fiancière, est bon — c'est cela que je veux savoir — pourquoi le ministre le ferait-il disparaître? Il m'a demandé si je citais le rapport annuel de l'Hydro-Québec?

M. MASSE: Oui.

M. LESSARD: Ou le rapport des vérificateurs?

UNE VOIX: II est encore là.

M. LESSARD: Je suis bien d'accord, mais je pense à beaucoup plus loin que cela. C'est qu'on dit, par exemple: Les articles 2 et 3 du projet de loi "font disparaître l'obligation des vérificateurs d'Hydro-Québec d'indiquer si, à leur avis, son rapport annuel est exact et si ses opérations, au cours de l'année écoulée, ont été conformes à la loi." Alors, on fait disparaître cette obligation dans la loi "d'indiquer si, à leur avis, son rapport annuel est exact et si ses opérations, au cours de l'année écoulée, ont été conformes à la loi."

M. MASSE: M. le Président, est-ce que je peux me permettre de préciser qu'il ne s'agit pas de soustraire la vérification comptable aux vérificateurs, mais d'enlever, selon les termes de la loi, l'obligation que les vérificateurs avaient de se prononcer non seulement sur la comptabilité, mais également sur les activités de l'Hydro-Québec. C'est uniquement cela que l'on fait disparaître.

M. LESSARD: Oui, M. le Président. Mais nous, qui ne sommes pas des comptables et des spécialistes en la matière, comment allons-nous savoir si les opérations financières de l'Hydro-Québec, pour l'année, sont exactes," si son rapport annuel est exact et si ses opérations, au cours de l'année écoulée, ont été conformes à la loi? " Bien, "conformes à la loi", cela on peut le savoir, on peut vérifier la loi. Mais il reste que cela devient difficile pour les citoyens québécois et les parlementaires de pouvoirs vérifier si, en fait, c'est exact, d'autant plus qu'on enlève cette possibilité dans la loi.

Cela concerne l'administration financière. Je ne doute pas que l'administration financière de l'Hydro-Québec soit saine, selon les rapports qui sont fournis par l'Hydro-Québec. Le vérificateur général n'a pas à étudier, je pense, si, par exemple, tel investissement de la baie James, comparativement à l'énergie nucléaire, etc., est valable ou pas. Cela n'appartient pas au vérificateur général. Le vérificateur général n'a pas à étudier si les hausses de tarif de l'Hydro-Québec sont justifiables ou si elles ne le sont pas. C'est là que je demande des instruments supplémentaires. C'est là que je dis au ministre: II faudrait, parce que justement on n'a pas voulu nous le permettre, que, par un organisme quelconque, la population, comme c'est le cas pour certaines

entreprises privées qui donnent des services publics, puisse se faire entendre, que la population puisse venir protester contre certaines hausses abusives qui peuvent aussi venir de l'Hydro-Québec, tout en étant bien fiers de cette entreprise, tout en étant bien heureux que nous ayons, en particulier dans ce secteur, une des sociétés clés dans le développement économique du Québec.

On sait avec quel acharnement, en juillet 1971, il a fallu, nous, les sept députés du Parti québécois, avec les deux autres Oppositions, nous battre...

M. MARCHAND: Les sept ou les six?

M. LESSARD: Les sept, M. le Président. Tiens, le député de Laurier n'a pas compris encore. Comme il a fallu se battre, M. le Président, pour empêcher que ce gouvernement, en ce qui concerne le développement de la baie James, là où l'Hydro-Québec était véritablement spécialisée dans le développement hydroélectrique, forme une société parallèle pour tout simplement probablement en arriver à l'effondrement de l'Hydro-Québec, pour empêcher que la Société de développement de la baie James ne fasse le développement hydroélectrique à la place de l'Hydro-Québec. Et combien il a fallu se battre, justement, avec une motion! C'est cela, M. le Président, qui est important, justement avec une motion comme celle que les députés libéraux ont adoptée hier.

Il a fallu se battre, M. le Président. Et là, nous n'avions même pas la limite de minuit. Il fallait se battre jour et nuit, M. le Président, faire une bataille, lutter pour faire en sorte que notre société québécoise, dans le secteur hydroélectrique, conserve ses pouvoirs.

Nous avons gagné, M. le Président...

M. MARCHAND: Qui cela?

M. LESSARD: ... parce qu'aujourd'hui, la Société de développement de la baie James, ce n'est plus grand-chose. Son ex-président, Pierre Nadeau, qui avait été nommé à grands fracas, quand il a constaté que ce n'était plus rien, la Société de développement de la baie James, que cela n'avait plus rien à faire, même à peu. près aucun investissement, que l'Hydro-Québec allait contrôler toutes les actions, que c'était strictement une société parallèle pour cacher le patronage qu'on voulait faire, et qu'on fait encore dans le développement hydroélectrique de la baie James...

En tout cas, nous nous sommes battus et nous avons réussi à gagner ce point, réussi à sauvegarder les intérêts des Québécois en sauvegardant les intérêts de l'Hydro-Québec. Mais pour autant, M. le Président, nous ne voulons pas être aveugles. Pour autant, M. le Président, nous ne voulons pas tout donner à l'Hydro-Québec, donner tous les pouvoirs à l'Hydro-Québec. Pour autant, M. le Président, nous ne voulons pas que l'Hydro-Québec, contrairement à certaines compagnies privées dans le secteur public, vienne nous imposer des tarifs sans que ceux-ci soient justifiés.

Nous ne nous sentons aucunement protégés par ce gouvernement. Quand je pense, M. le Président, que ce gouvernement a accepté l'augmentation des tarifs de l'Hydro-Québec en se basant sur le petit mémoire qui lui était soumis, dont je parlais tout à l'heure et qui disait: Nous sommes impuissants mais nous vous recommandons quand même l'augmentation des tarifs! M. le Président, on se sent malheureux, comme Québécois, et les petits contribuables québécois qui goûtent, depuis 1970, à ces taxes indirectes de ce gouvernement voient leur niveau de vie diminuer constamment, voient leur dollar diminuer constamment. Ce n'est pas le dollar du Parti québécois, c'est le dollar du Parti libéral.

Peut-être que ce dollar, on aurait dû nous le présenter pendant la campagne électorale. Or, justement, ce projet de loi a pour but, encore une fois, de couper une partie du dollar québécois, une partie du dollar des contribuables québécois, comme lorsqu'on a permis en février 1972, d'augmenter les tarifs de l'Hydro-Québec. On a encore là, M. le Président, coupé une partie du dollar québécois. Comme lorsque nous constatons que le ministre des Richesses naturelles ne prend pas ses responsabilités dans le domaine pétrolier, on coupe encore une partie du dollar québécois.

M. le Président, j'aurais bien voulu voir la piastre à Bourassa au cours des dernières élections. De toute façon, M. le Président...

M. SAINT-HILAIRE: II n'est pas capable de présenter le discours qu'on lui a préparé!

M. LESSARD: Je pense que c'est une situation qui demande une solution. Ou bien lorsque l'Hydro-Québec viendra en commission parlementaire on va nous donner les instruments nécessaires pour pouvoir étudier l'ensemble de son administration financière sans attendre le moment de la commission. Encore là, j'ai des doutes sur le succès d'une telle procédure.

Ou bien, en tout cas, en ce qui concerne particulièrement l'augmentation des tarifs, il faudrait peut-être former — comme c'est le cas pour les Chemins de fer nationaux, le Pacifique Canadien ou autre — un comité ad hoc complètement indépendant qui aurait à étudier les augmentations de tarifs de l'Hydro-Québec ou dire si ces augmentations sont en fait nécessaires.

Mais, je comprends que ça apporte des inconvénients. Le ministre pourrait peut-être me dire: Oui, mais ce qui avantage l'Hydro-Québec sur le marché financier, bien souvent, c'est le fait que les marchés financiers sont toujours à peu près sûrs que lorsque l'Hydro-Québec va faire une demande d'augmentation de tarifs, on va l'accepter. Tandis que s'il s'agit d'un comité ad hoc complètement indépendant, les financiers se poseraient certaines questions.

Cela soulève peut-être un problème. Juste-

ment, le député de Laurier m'a toujours dit qu'il était un administrateur. Je pense bien que comme administrateur il doit bien comprendre ces choses.

Je conclus en demandant au ministre des Richesses naturelles... Cela fait déjà une heure, M. le Président?

M. BURNS: Des applaudissements bien mérités.

M. LESSARD: Je demande au ministre des Richesses naturelles de faire une étude sérieuse, en particulier en ce qui concerne l'augmentation des tarifs pour permettre à la population de faire valoir ses revendications, ou, en tout cas, comme moindre mal, de permettre à notre commission parlementaire des richesses naturelles d'avoir les outils nécessaires, avec les experts nécessaires pour faire une contrepartie aux spécialistes de l'Hydro-Québec ou aux administrateurs de l'Hydro-Québec.

Nous devrons accepter ce projet de loi. Ce sont les commentaires que je voulais faire. Nous constatons qu'il s'agit d'une augmentation de taxes indirecte, puisque c'est encore l'Etat. Mais je pense bien que si c'était justifiable, c'est la formule qui fait le moins mal aux contribuables, puisque quand on paie l'impôt, les gens les plus riches paient plus que les gens les plus pauvres.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: M. le Président, quand j'ai entendu tantôt l'honorable ministre des Richesses naturelles nous faire sa petite allocution sur le bill 7 qu'il nous présente, je me disais: Si le peuple était assis à nos sièges, il aurait dit au ministre des Richesses naturelles: M. le ministre, vous n'êtes pas sérieux.

Il aurait dit au gouvernement: Vous n'êtes pas sérieux. Vous voulez rire de nous autres. Car, si j'ai bien entendu le ministre des Richesses naturelles, il a rejoint dans ses propos une déclaration faite par le ministre des Finances à l'occasion du discours sur le budget. Il a rejoint en ce sens une autre déclaration qui paraît dans le journal Le Soleil en date du 29 novembre dernier, disant que le gouvernement Bourassa donne suite à une promesse. Imaginez-vous, si c'est drôle!

Pour une fois que le gouvernement donne suite à une promesse, c'est justement pour ne rien donner. Et regardez. Promesse faite le 29 mars dernier dans le discours du budget, en déposant une loi qui réduit de $30 millions à $20 millions les droits hydroélectriques que l'Hydro-Québec devait payer au gouvernement.

Le ministre Raymond Garneau avait alors déclaré que, sans cette mesure, l'Hydro-Québec aurait été contrainte d'augmenter davantage ses tarifs. Nous voulons, avait dit le ministre, maintenir les taux d'électricité raisonnables pour le consommateur domiciliaire et compétitifs pour les entreprises.

Que le gouvernement veuille réduire de $30 millions à $20 millions les redevances de l'Hydro-Québec, à première vue, cela paraît être une bonne chose, surtout quand on nous fait reluire le fait que cette réduction de $30 millions à $20 millions empêcherait peut-être une hausse de tarifs. Cependant, M. le Président, vous savez comme moi que cette réduction des redevances de l'Hydro-Québec de $30 millions à $20 millions obligera le gouvernement du Québec à aller chercher dans la poche des contribuables cette différence de $10 millions. C'est toujours la même chose, M. le Président. On pourrait, tour à tour, parler sur différents projets de loi et on trouve toujours la même philosophie chez ce gouvernement. Quand on va donner quelque chose, tout de suite posez-vous la question: A quelle place, de quelle façon on va s'y prendre pour retourner le chercher? Là, on va réduire les redevances de l'Hydro-Québec. Donc, le gouvernement recevra $10 millions de moins de l'Hydro-Québec qui, elle, évidemment, va chercher ses revenus dans la poche du consommateur québécois. Parce qu'on réduit de $30 millions à $20 millions, le même gouvernement dans son budget — je pense que ce n'est un secret pour personne; c'était encore un budget déficitaire— s'il a $10 millions de moins de revenus en provenance des redevances de l'Hydro-Québec, va aller fouiller dans la poche du même consommateur pour retourner chercher ces $10 millions. Cela va changer quoi à toutes fins pratiques? Que je vous paie mes taxes de la poche gauche ou que je vous les paie de la poche droite, vous avez ce don de fouiller dans les deux poches en même temps.

M. le Président, je dis que ce n'est pas sérieux. Le gouvernement aurait pu trouver d'autres moyens d'éviter l'augmentation des tarifs de l'Hydro-Québec. On se rappellera tous, M. le Président, ce qui s'est passé au printemps dernier, quand l'Hydro-Québec a demandé une augmentation de tarif s. Bien entendu, ce gouvernement qui veut faire croire à la démocratie, qui veut faire croire à la population qu'il donne de l'importance aux députés qui sont représentants du peuple, nous a invités à assister à une commission parlementaire. Sujet: hausse des tarifs d'électricité. Or, on s'est retrouvé là, M. le Président, devant une armée de fonctionnaires de l'Hydro-Québec. Du ben bon monde, on peut pas dire le contraire. Des gens qui sont arrivés avec des piles de livres, M. le Président, vous auriez dû voir ça: des bibliothèques ambulantes, ces gens-là, pour venir nous donner toutes les explications techniques à l'effet que...! On n'avait pas besoin de ces livres-là et on n'avait pas besoin, non plus, des transporteurs de livres pour comprendre que la popula-

tion en a assez des hausses de tarifs, pour comprendre que c'est déjà trop haut, pour comprendre qu'on n'en veut plus de hausses de tarifs. On n'avait pas besoin de ça, M. le Président. Mais on s'est retrouvé avec tout ce beau monde-là en avant de nous autres; le ministre des Finances, le ministre des Richesses naturelles, des conseillers plus qu'on n'en avait besoin, pour découvrir qu'on n'avait pas besoin d'aller là du tout, que c'était décidé d'avance. Ils avaient réglé ça d'avance, cette affaire-là. Et, là, pour la forme, pour démontrer ou pour tenter de démontrer à la population qu'on consultait les députés, on a fait venir toute cette armée-là pour nous impressionner.

On nous laissait presque entrevoir que nous autres, nous ne les dérangions pas. Vous savez, avec l'armée de fonctionnaires, de techniciens, de technocrates, ça paraissait tellement bien qu'ils ont dit: Les petits députés, on va te les avoir, on va te les passer, puis ils n'auront même pas connaissance de ça. Mais ça ne s'est pas passé de même, M. le Président.

Là, on revient d'une autre façon, vous savez, puis on invoque toujours le même principe, en disant: Cela va empêcher l'augmentation des tarifs d'électricité. Vous savez, $10 millions par année sur le budget de l'Hydro-Québec, c'est une goutte dans le verre d'eau, mais dans son souci de nous faire adopter le bill 12, le bill 7 c'est-à dire... Je m'excuse si je me trompe de numéro; c'est parce que c'est le cinquième cet après-midi qu'on passe. Ils passent tellement vite, les bills, de ce temps-là que vous allez nous permettre de nous tromper de numéro.

Mais, dans ce souci qu'a le gouvernement de nous passer ça vite, on oublie de nous dire que, pendant le même temps, parce que le gouvernement n'a pas osé faire des demandes au gouvernement fédéral, on exige encore que l'Hydro-Québec aille sur les marchés étrangers pour se procurer de l'argent à 8 1/4 p.c. d'intérêt, comme cela a été le cas lors du dernier emprunt, comme on peut le lire dans le numéro du 5 décembre 1973 du journal A propos.

Encore une fois, remarquez bien, M. le Président, que les nouvelles nous viennent de New York. N'oubliez pas ça, ça vient de New York, les nouvelles; dans la province de Québec, il paraît qu'il n'y avait pas cette nouvelle: "Un syndicat de garantie a annoncé mardi, à New York, qu'il offrait en vente $125 millions d'obligations de l'Hydro-Québec, à 8 1/4 p.c. d'intérêt. Or, vous savez comme moi, que ça va coûter cher, cet emprunt, en intérêts. Vous savez comme moi que les emprunts répétés de l'Hydro-Québec, seulement cette année, vont se monter à $500 millions. L'an passé, c'était $380 millions, puis on va venir nous amuser avec un petit bill pour épargner $10 millions, alors que tout le monde sait qu'on va retourner les chercher dans l'autre poche, par l'autre main!

M. le Président, je pense qu'il serait important que le ministre des Richesses naturelles nous dise que, s'il veut réellement aider la cause de l'Hydro-Québec, il serait mieux de demander à son premier ministre, quand il va faire un tour à Ottawa, de parler des problèmes réels et non de nous revenir avec des promesses ou avec la fanfare, M. le Président, pour nous annoncer des millions qui viennent d'Ottawa, alors qu'en fin de compte, quand il est bien revenu, qu'il est bien assis, on s'aperçoit qu'il n'a rien ramené.

Il serait mieux de demander à son premier ministre, quand il va faire un petit tour à Ottawa, de recourir aux services de la Banque du Canada pour financer ce domaine public par des crédits nouveaux, par des prêts sans intérêt.

M. HARDY: Enfin, un vrai créditiste!

M. SAMSON: Et je suis à l'aise, M. le Président, pour en parler, parce que le premier des prêts sans intérêt qui a été fait par la Banque du Canada — il y en a eu, M. le Président — dans la province de Québec a justement été fait à l'Hydro-Québec. Justement pour une portion, on a déjà établi le précédent. Ce ne serait pas nouveau, M. le ministre des Richesses naturelles. Demandez donc ça à votre ministre des Finances. Demandez donc ça au président de l'Hydro-Québec, qui lui-même, au mois d'avril dernier, venait déclarer devant la commission parlementaire des Richesses naturelles que cela s'était déjà fait.

M. le Président, si ça s'est déjà fait, ça pourrait se faire encore et vous savez combien ça économiserait à l'Hydro-Québec. M. le ministre des Richesses naturelles, vous êtes fort en chiffres, vous, je ne suis pas un comptable, moi. Mais il y a une chose certaine quant aux $199,671,000 par année que l'Hydro-Québec paie en intérêts: Arrangez-vous donc pour trouver un moyen de financement sans intérêt, parce que cela est du domaine public, ce n'est pas du domaine privé. Arrangez-vous donc pour régler ce problème-là. Quand vous aurez trouvé une solution qui est satisfaisante à ce problème, vous allez arrêter de nous présenter des bills en nous disant: On vous réduit cela de $10 millions et ça va empêcher une hausse des tarifs de l'électricité.

Quand vous aurez réglé ce problème-là, vous ne viendrez plus jouer avec nous autres comme cela; vous pourrez revenir devant les députés pour dire: Enfin, parce qu'on a réglé le vrai problème, parce qu'on est allé à la source, parce qu'on est allé à la racine du mal, il n'y aura pas de hausse des tarifs, il y aura une baisse des tarifs de l'électricité au Québec. Vous pourriez nous dire cela. Mais non, une fois de plus nous voyons l'inertie du gouvernement; une fois de plus nous voyons que ce gouvernement-là ne risquera jamais de s'attaquer à la racine du mal. Une fois de plus, il se doit d'encourager les syndicats financiers. Pour quelles raisons? Je n'ai pas besoin de vous le dire, tout le monde le soupçonne. Non seulement il y a eu des prêts

sans intérêt en provenance du fédéral pour l'Hydro-Québec mais il y a eu aussi des prêts sans intérêt pour les pays étrangers comme la Jamaïque, comme les Indes, comme les pays d'Afrique, etc. Il y en a eu de cela et c'est drôle que le ministre des Richesses naturelles ne se pose pas de questions de ce côté-là.

C'est drôle que le ministre des Richesses naturelles ne se demande pas s'il n'y aurait pas une part de ce qui est prêté aux étrangers sans intérêt pour des périodes de 50 ans avec dix ans de grâce. C'est drôle qu'il ne se demande pas cela. J'ai déjà demandé en cette Chambre au premier ministre lui-même, si on lui offrait de financer le secteur public avec des prêts sans intérêt, s'il accepterait. Le premier ministre, de son siège, m'a répondu: II faudrait être fou pour ne pas accepter cela. J'ai dit: Vous avez raison, mais pourquoi vous ne l'avez pas demandé? Ils ne l'ont pas demandé encore. Ce gouvernement-là ne l'a jamais demandé; qu'est-ce que ça lui coûterait au moins de le demander? Mais non, on ne demande pas cela. On est prêt à aller jouer dans les questions techniques, on est prêt à aller se batailler dans toutes sortes de choses, dans des débats stériles, aller à Ottawa, par exemple, comme ce fut le cas pour le ministre de la Justice, demander $325 millions pour la Sûreté du Québec. Il avait bien raison de le faire mais il est quand même revenu les mains vides. Pourquoi ne va-t-on pas à Ottawa pour demander des choses qui peuvent être accordées au gouvernement du Québec? Cela l'a déjà été dans le cas de l'Hydro-Québec. Vous le demanderez au président de l'Hydro-Québec, M. Giroux, il va vous le confirmer.

M. le Président, c'est toujours la même chose. Il y a une autre chose que le ministre aurait probablement pu nous offrir plutôt que d'apporter ce bill en nous disant: On va réduire les redevances de l'Hydro-Québec de $30 millions à $20 millions et cela va empêcher la hausse des tarifs d'électricité. Savez-vous, M. le Président, que si le ministre des Richesses naturelles avait vu le ministre des Finances pour lui demander d'abolir la taxe de 8 p.c. sur les factures d'électricité, je pense que cela aurait été quelque chose de positif.

Cela aurait été quelque chose qui aurait réellement permis de réduire les factures d'électricité aux consommateurs.

Mais, je ne sais pas ce qui se passe dans ce gouvernement, parce que l'Hydro-Québec, c'est à nous, parce que l'électricité c'est un produit québécois, et on le taxe tant qu'on peut. Pourtant, l'huile à chauffage, les produits importés du Vénézuéla, on ne retrouve pas ça encore dans cette question d'huile à chauffage, puis on le retrouve dans l'électricité qui est quand même un produit qui sert à chauffer aussi nos consommateurs. Cela n'a pas de sens. Cela ne tient pas debout. Qu'est-ce que le ministre des Richesses naturelles a donc pensé? Est-ce qu'il n'y a pas, dans ce gouvernement, au moins quelqu'un qui pense aux consomma- teurs? Est-ce qu'il n'y a pas, dans ce gouvernement, quelqu'un qui pense que le gars qui paye les taxes ou que le gars qui paye la facture de l'Hydro-Québec c'est le même gars qui paye les taxes au gouvernement? Est-ce qu'il n'y a pas quelqu'un qui a pensé à ça?

Mais non, de la poudre aux yeux pour tenter de laisser croire que le gouvernement fait beaucoup de choses! Mais il n'a rien fait le gouvernement, il n'a rien fait et il ne fera rien encore une fois. Qu'on réduise de $10 millions, le ministre le sait... M. le ministre, on ne vous le dira peut-être pas à vous parce que je pense que le gouvernement vous cache des choses. Mais il y a au moins quelqu'un qui va le savoir, de quelle façon et où on va aller chercher ces $10 millions. Et sous prétexte qu'ils auront réduit les redevances de l'Hydro-Québec de $10 millions, ils iront en chercher $20 ou $30 millions ailleurs. Cela ne paraîtra pas trop trop, on répartira ça sur l'ensemble de la population.

Mais, c'est toujours la même chose, quel que soit le bill qui nous est présenté, quel que soit le bill, surtout, qui nous est présenté aujourd'hui, nous retrouvons la philosophie profonde de ce gouvernement, qui en est une de taxer. Taxe Baptiste, taxe l'autre, taxe l'autre, taxe-les tous, donne d'une main, fais leur croire que tu leur donnes quelque chose puis reprends-le de l'autre main! M. le Président, Séraphin n'aurait pas mieux fait! C'est un gouvernement comme ça que nous avons, devant nous. Et si les députés libéraux que je vois assis à la dernière rangée avaient le loisir de parler à leur gouvernement, s'ils se sentaient libres — je sais que le gouvernement va dire tout de suite: Ils sont libres, oui ils vont vous dire ça, mais ne vous en faites pas, je vous passe le secret, ils vont vous le dire tout le temps, mais ils ne vous laisseront pas parler souvent — si ces gens avaient le loisir de parler en faveur de leur population et surtout de parler dans le sens que la population qu'ils représentent voudrait les entendre parler, ils parleraient exactement comme moi présentement et ils diraient au ministre des Richesses naturelles: Votre bill, il ne vaut rien.

C'est une perte de temps. Prenez d'autres moyens. Allez à la source et à la racine du mal et vous trouverez une solution capable d'aider vos concitoyens québécois.

M. le Président, il ne reste que cinq minutes avant six heures, mais je pense qu'il serait gentil que nous entendions l'honorable député de l'Assomption, adjoint parlementaire au ministère des Richesses naturelles, qui va sûrement confirmer ce que je viens de vous dire.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de l'Assomption.

M. Jean Perreault

M. PERREAULT: M. le Président, mon intervention sera brève. C'est seulement pour

souligner l'intervention du député de Saguenay. J'ai constaté qu'il n'a pas lu le projet de loi, se bornant à la lecture des notes explicatives. Parce que s'il avait lu le projet de loi, il aurait vu que le bill no 7 mentionne bien que le rapport des vérificateurs doit accompagner le rapport annuel de la commission.

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. Ce n'est pas à ce stade-ci que l'on va discuter des articles eux-mêmes. Je pense qu'on est rendu à la discussion...

UNE VOIX: Cela fait mal.

M. BURNS: ... de deuxième lecture. Si le député de l'Assomption veut entrer dans les articles, cela est une autre affaire.

M. PERREAULT: M. le Président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): II donne une réponse à une interrogation du député de Saguenay.

M. PERREAULT: ... c'est le député de Saguenay qui a mentionné les articles.

M. LESSARD: Allez-y.

M. PERREAULT: Un des principes du projet de loi est d'amender et de rendre la Loi d'Hydro-Québec conforme à la loi du champ de pratique professionnelle des comptables agréés, d'assurer que le rôle des vérificateurs soit limité à donner une opinion sur les états financiers de la commission et les notes qui s'y rattachent sans référence à la Loi d'Hydro-Québec dans son ensemble.

Le texte de la loi actuelle se lit comme suit : "Le rapport des vérificateurs doit accompagner le rapport annuel de la commission et il doit indiquer si, à leur avis, ce rapport est exact et si les opérations de la commission, au cours de l'année écoulée, ont été conformes à la loi."

La définition du rapport annuel de la commission, apparaissant à l'article 19 de la loi, semble indiquer que le rapport comprend plus que les états financiers de la commission auxquels l'opinion des vérificateurs est limitée. Il semble, d'après les articles de la loi, que les vérificateurs de la commission sont obligés d'examiner et de certifier le rapport annuel dans son entier, de certifier que les opérations ont été conformes à la loi. Etant donné que ce rapport annuel contient, évidemment, beaucoup d'informations additionnelles aux états financiers proprement dits, les vérificateurs se trouvent donc automatiquement mandatés pour examiner des données qui ne sont pas du domaine de leur compétence et de leurs responsabilités.

Les comptables agréés n'ont donc pas cette compétence nécessaire pour analyser et justifier la nature des actes posés quotidiennement par l'Hydro-Québec dans les domaines de l'exploitation, gestes qui souvent n'impliquent même pas de déboursés.

M. LESSARD: C'est exactement ce que je disais.

M. PERREAULT: M. le Président, la Loi d'Hydro-Québec date d'un certain temps et elle portait à confusion en ce qu'elle demandait à des professionnels de faire autre chose que ce qu'ils sont mandatés de faire.

M. LESSARD: M. le Président, en vertu de l'article 96.

UNE VOIX: A l'ordre!

M. LESSARD: M. le Président, je n'ai jamais dit que la loi n'obligeait pas, à un moment donné...

M. PERREAULT: ... au ministre.

M. LESSARD: J'ai dit exactement ce que disait le député aspirant ministre. Je comprends pourquoi on l'enlève, ce ne sont pas des experts, mais comment voulez-vous que nous autres, qui ne sommes pas des experts, puissions vérifier? Mais la partie principale de mon discours, si le député l'avait écouté, concernait l'objectif fondamental du projet de loi, qui est de verser $10 millions pour empêcher une augmentation plus substantielle des tarifs de l'électricité.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre des Richesses naturelles.

M. Gilles Massé

M. MASSE: M. le Président, deux mots avant de suspendre le débat. Quant à la dernière demande d'augmentation des taux d'électricité de l'Hydro-Québec, je pense qu'on a eu l'occasion, au cours de la réunion de la commission parlementaire, au printemps, de discuter les points qu'avait soulevés le député de Saguenay. D'autre part, l'ensemble de la documentation, comme mentionné, était évidemment à partir des chiffres ou données que l'Hydro-Québec devait fournir, en termes comptables. Mais, depuis la formation d'un comité, qu'on a appelé le comité du programme de développement, c'est l'intention du ministère des Richesses naturelles de tenter de raffiner les mécanismes de surveillance ou de confirmation des données de l'Hydro-Québec.

Je dois dire, dans un dernier mot, M. le Président, qu'on est porté à croire que ce sont les mêmes qui paient. Je pense que la diminution de $10 millions sur l'augmentation des tarifs de l'Hydro-Québec, ce ne sont pas les mêmes personnes.

La distribution des paiements est différente si un taux X à partir du kWh est appliqué à l'ensemble des consommateurs riches, moins riches ou pauvres, que si les $10 millions sont laissés à l'Hydro-Québec par le gouvernement. Cela représente une répartition différente, à mon avis, pour ceux qui ont à payer ces augmentations.

Ce sont les seules précisions; on aura l'occasion d'y revenir lors de la commission plénière.

M. LEVESQUE: Ou en commission élue.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que la deuxième lecture de ce bill est adoptée?

M. SAMSON: Dissension.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La deuxième lecture de ce bill est adoptée, avec dissension ou abstention...

M. SAMSON: Abstention, comme vous voulez.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): ... abstention du député de Rouyn-Noranda.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi soit maintenant déféré à la commission parlementaire des richesses naturelles, qui se réunira au Salon rouge, à vingt heures quinze minutes, ce soir.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. BURNS: Tout en l'adoptant, est-ce que je n'avais pas compris que ce projet de loi demeurerait devant la commission plénière? Est-ce que le leader a changé d'opinion depuis cet après-midi? J'avais compris que l'on gardait ce projet de loi, ici, en commission plénière.

M. LEVESQUE: La seule raison est que je croyais que ce projet de loi serait adopté vers cinq heures et il a été adopté à six heures. Je n'ai pas d'objection à le garder ici, mais pour plus tard, parce qu'à huit heures nous allons entreprendre l'étude du projet de loi relatif aux tribunaux judiciaires. Nous pourrions, pendant que les gens de l'Hydro-Québec sont ici, l'étudier en commission élue.

M. BURNS: Je n'ai pas d'objection. M. LEVESQUE: D'accord.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La Chambre suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze minutes.

(Suspension de la séance à 18 h 4)

Reprise de la séance à 20 h 19

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs!

M. LEVESQUE: M. le Président, il y aura sanction de lois chez le lieutenant-gouverneur, à 20 h 30. Article 4).

Projet de loi no 8 Deuxième lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre de la Justice propose la deuxième lecture de la Loi modifiant de nouveau la loi des tribunaux judiciaires.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande fortement, instamment et rapidement l'étude en Chambre.

M. le Président, au moment d'aborder l'étude de ce projet de loi 8, je dois dire à la Chambre que je n'ai pas l'intention de parler très longuement. En effet, M. le Président, on se rappellera que, lors de la dernière session, j'avais présenté à l'Assemblée nationale, ici, le même projet de loi qui portait à ce moment-là le numéro 85. Ce projet de loi 85, malgré l'opposition de nos honorables amis d'en face, avait passé l'étape de la deuxième lecture au moment où la session fut ajournée et nous étions, à ce moment-là, en commission plénière.

Maintenant, M. le Président, vous qui êtes avocat — et je suis content que ce soit vous qui occupiez ce soir le siège présidentiel — vous aurez sans doute remarqué que le parti qui s'est opposé la dernière fois à ce projet de loi a subi une défaite humiliante sur le plan électoral. C'est la raison pour laquelle...

M. MORIN: Pas de politique.

M. CHOQUETTE: ... voyant, M. le Président...

M. MORIN: Pas de politique.

M. CHOQUETTE: ... c'est la raison pour laquelle...

UNE VOIX: Nous sommes ici pour en faire de la politique.

M. CHOQUETTE: C'est la raison pour laquelle aussi...

M. VEILLEUX: Coquet constitutionnel. M. CHOQUETTE: ... aussi, M. le Président,

je faisais allusion, il y a quelques instants, au fait que vous êtes un membre du Barreau, et je me réjouissais de vous voir au fauteuil ce soir, parce qu'il me semble non pas que le président de l'Assemblée nationale n'est pas capable d'apprécier toute la justesse de la position gouvernementale à présenter ce projet de loi mais que, vous, vous êtes capable de l'apprécier encore plus étant donné que vous êtes en contact fréquent avec les membres de la magistrature, que vous savez la nature de leur travail et les exigences de leurs fonctions.

Mais aussi, M. le Président, vous me permettrez de vous dire que je me réjouis d'avoir devant nous, comme chef de l'Opposition, un juriste également, M. le Président, qui a remplacé un médecin, parce que le Dr Camille Laurin, si estimable soit-il, et je ne veux en rien diminuer ses qualités comme psychiatre, ne me semble pas tout à fait celui qui pouvait apprécier les nécessités de l'adoption de ce projet de loi.

M. MORIN: Au contraire, il était objectif, il n'avait pas partie liée.

M. CHOQUETTE: Oh! mais le député de Sauvé, M. le Président, personne ne l'accusera d'avoir partie liée avec la magistrature...

M. MORIN: Non.

M. CHOQUETTE: ... parce que tout le monde sait qu'il a fait une carrière dans l'enseignement universitaire. Et c'est la raison pour laquelle, je crois, personne ne mettra en doute son objectivité à abonder avec le gouvernement dans l'adoption de ce projet de loi. Et de plus, j'ajouterais ceci, j'ai remarqué que le député de Maisonneuve, depuis quelques jours, se promène avec un habit bleu très conservateur, qu'il semble s'être donné une nouvelle image empreinte de dignité qui fait contraste un peu avec l'attitude quelque peu désinvolte qu'il a eue durant les derniers mois. Je me dis, est-ce que ceci manifesterait, du côté du député de Maisonneuve également, une propension à rendre justice à la magistrature, même si on considère dans certains milieux qu'elle fait partie de l'establishment?

M. le Président, je ne voudrais pas...

UNE VOIX: L'esta quoi?

M. CHOQUETTE: ... faire exclusivement des propos badins ou humoristiques sur ce projet de loi...

M. MORIN: Ah! parce que vous étiez humoristique?

M. CHOQUETTE: Je cherchais à l'être. UNE VOIX: II parle toujours...

M. CHOQUETTE: Je vais tenter de résumer brièvement l'argumentation que j'ai déjà présentée à l'appui de ce projet de loi. Résumons la situation. Au mois de décembre 1969, le gouvernement précédent avait fait voter une loi qui avait accordé aux juges de nos cours Provinciales une augmentation de traitement et qui avait fixé ces traitements à la somme de $28,000 par année.

M. MORIN: Vous continuez de faire de l'humour.

UNE VOIX: Vous ne notez pas la différence des genres littéraires?

M. CHOQUETTE: Or, il y a quand même plusieurs années que les traitements de nos magistrats n'ont pas été augmentés puisque depuis cette date leur traitement est resté à cette somme de $28,000. Par ailleurs, depuis cette époque, tous les fonctionnaires du gouvernement, que ce soit des fonctionnaires à des niveaux supérieurs ou des membres de la fonction publique qui occupent des fonctions subalternes, ont bénéficié d'augmentations substantielles qui s'élèvent à des pourcentages, pour certains d'entre eux, assez importants lorsque l'on examine les pourcentages qui ont été accordés annuellement.

Or, en proposant, comme le gouvernement le fait, d'augmenter le traitement des juges à la somme de $31,000 en une première étape, c'est-à-dire à compter du 1er juillet 1972 et à $33,000 en une deuxième étape, c'est-à-dire au 1er juillet 1973, si je répartis cette augmentation sur une période d'environ cinq ans — car on peut vraisemblablement penser que l'augmentation que nous consentons aujourd'hui aux magistrats est pour une période de cinq ans car une augmentation ultérieure n'est pas prévisible d'ici quelque temps — je dis que l'augmentation que nous leur consentons de $1,000 par année représente environ 4 p.c. du traitement de $28,000, ce qui est moins que ce qu'ont obtenu tous les fonctionnaires du gouvernement, ce qui est moins que ce qui a été consenti dans tous les secteurs publics et parapublics par le gouvernement soit à l'occasion de négociations, soit à la suite de l'adoption de décrets.

C'est donc, à mon sens, rendre un devoir de justice aux juges que de leur accorder cette augmentation de traitement.

Et, toute autre attitude, à mon sens, n'est pas justifiable et sent hélas! trop la démagogie car, il faut bien l'admettre, les juges n'ont pas de groupes de pression. Les juges ne peuvent aller sur la place publique et faire valoir leur cause. Les juges sont à la merci de l'Assemblée nationale, aujourd'hui, dans l'octroi d'augmentation de traitements. Et, pourtant, ils sont comme tout le monde, ils ont des obligations familiales. Ils ont un train de vie à maintenir. Ils ont un certain standard de vie à poursuivre et ils

doivent, en toute circonstance, maintenir une attitude empreinte de sérénité et de dignité. Je crois que, si nous voulons avoir une magistrature qui possède cette sérénité et cette dignité, qui soit une magistrature que l'on respecte et qui attire des candidats par le recrutement que le ministre de la Justice pourra faire, l'on doit lui donner un traitement conforme à ses responsabilités, conforme à son statut social, conforme à ses obligations. Je puis vous dire qu'il n'est pas facile d'attirer à la magistrature les meilleurs candidats avec le traitement de $28,000 que je suis en mesure d'offrir, à l'heure actuelle.

Vous êtes au courant que les avocats gagnent, surtout les excellents avocats, très bien leur vie dans l'état actuel des choses. Comment intéresser ces avocats à venir sur le banc et à devenir magistrat, si on n'est pas en mesure de leur offrir un traitement intéressant et avantageux?

Par conséquent, il n'est pas suffisant, contrairement à ce qui se passe dans certains milieux, de critiquer la magistrature, de réclamer la nomination de meilleurs juges, d'invoquer le grand principe qu'il faut dépolitiser la nomination des juges. Encore, faut-il poser les gestes concrets pour arriver à ces résultats. Le premier geste concret que le gouvernement a à poser pour obtenir un recrutement des meilleurs candidats pour la magistrature, c'est d'être en mesure d'offrir au moins des traitements convenables à ceux que nous voulons intéresser.

M. le Président, si on devait comparer le traitement que le gouvernement suggère de donner aux juges aux traitements qui sont offerts aux juges de la cour Supérieure, je crois qu'à ce moment on pourrait facilement justifier l'augmentation suggérée. En effet, les juges de la cour Supérieure ont, actuellement, un traitement de $38,000 et ceci, depuis quelques années.

Nous, nous demandons à l'Assemblée nationale d'accorder un traitement de $33,000, c'est-à-dire $5,000 de moins que les juges de la cour Supérieure.

Dans certains milieux, on a, à certaines époques, réclamé la parité entre les juges des cours Provinciales et les juges de la cour Supérieure. A l'analyse, M. le Président, il nous a semblé qu'il fallait, quand même, faire la part des choses et la différence entre les juges de la cour Supérieure et les juges des cours Provinciales. Mais ceci n'était pas une raison pour maintenir la différence de $10,000 qui existe entre ces deux catégories de juges à l'heure actuelle.

Si je me reporte à la différence de salaire qui existe entre les juges de la cour Supérieure et les juges de nos cours Provinciales depuis quelque 15 ou 20 ans, je constate qu'il y a une constante, qu'il y a une différence qui s'est établie historiquement entre les traitements des juges de la cour Supérieure et des juges des cours Provinciales. Cette différence est justement de $5,000, c'est-à-dire le résultat que nous obtiendrons une fois que l'Assemblée nationale aura voté ce projet de loi. Car, si je me reporte en arrière, à des périodes aussi reculées que 1958, 1960, 1962, 1965, à l'époque où les juges de la cour Supérieure gagnaient $18,000, $20,000, $22,000 et, plus tard, $28,000, eh bien, le chef de l'Opposition remarquera que toujours les juges de la cour Provinciale ont été à $5,000, à peu près, derrière les juges de la cour Supérieure, excepté en 1969 quand le gouvernement précédent, le gouvernement de l'Union Nationale, avait établi la parité avec les juges de la cour Supérieure. Mais cette parité s'est établie purement temporairement, puisqu'elle a été modifiée par le Parlement fédéral, sur les instances de la commission Beaupré, si je me rappelle bien. Sur les représentations de cette commission impartiale qui avait été chargée d'examiner la question du traitement des juges fédéraux, le gouvernement fédéral, peu de temps après 1969, date à laquelle l'ancien gouvernement accordait l'augmentation de traitement des juges de la cour Provinciale, haussait, dans une première étape, le traitement des juges de la cour Supérieure à $35,000 et, dans une deuxième étape, à la somme de $38,000, qui est actuellement le traitement des juges de la cour Supérieure.

Je conclus donc, M. le Président, pour dire que l'augmentation suggérée par le gouvernement, dans l'état actuel des choses, est tout à fait raisonnable et se justifie par comparaison avec les traitements des juges de la cour Supérieure.

Maintenant, M. le Président, j'ai pris la peine de demander conseil à l'extérieur, à un corps pour qui j'ai le plus grand respect, c'est-à-dire le Conseil consultatif de la justice. En effet, en vertu de la Loi du Conseil consultatif de la justice, loi que j'ai eu l'honneur de faire adopter par cette Assemblée, le Conseil consultatif de la justice est composé, pour moitié, de personnes qui appartiennent aux disciplines du droit et, pour une autre moitié, de personnes qui appartiennent à divers autres groupes sociaux.

Le conseil consultatif comporte dans son sein des professeurs d'université. Justement, il est présidé par l'ancien doyen de la faculté de droit, M. Maxwell Cohen. Il comprend des avocats, le bâtonnier, Jean Moisan, par exemple. Il comprend des notaires, il comprend, en fait, des juristes, à l'exception de juges, qui sont extrêmement représentatifs du milieu juridique.

Mais, d'autre part, le conseil consultatif comprend des personnes qui nous viennent des organismes socio-économiques, dont les syndicats. Il y a, au Conseil consultatif de la justice, trois syndicalistes: M. Jacques Brûlé, président de la Fédération des services publics, M. Guy Marcil, président de la Fédération des policiers municipaux du Québec...

M. CHARRON: Fraternité.

M. CHOQUETTE: ... et président de la

Fraternité des policiers de Montréal, et Me Dumas, qui appartenait au contentieux de la CSN jusqu'à ce qu'il quitte ce contentieux pour se consacrer à la pratique privée du droit, tout en continuant de représenter, comme client principal, la Confédération des syndicats nationaux.

Le Conseil consultatif de la justice, M. le Président, m'a donné un avis à l'effet qu'il approuve entièrement les salaires proposés par le gouvernement dans ce projet de loi. Ceci comprend les personnalités que j'ai énumérées tout à l'heure qui sont d'avis qu'il faut, si nous voulons avoir une magistrature de qualité et de qualibre élevé, être en mesure d'offrir des salaires adéquats.

Je dis donc que je me sens tout à fait confiant de proposer une excellente mesure à la Chambre, lorsque je suis appuyé par un avis émanant d'un organisme aussi sérieux et représentatif que le Conseil consultatif de la justice. Et surtout d'un organisme aussi varié dans sa composition, qui représente, à mon sens, des groupes sociaux ayant une opinion valable à exprimer sur un sujet comme celui-ci.

Mais je dirai quand même que j'aurais aimé pouvoir apporter à la Chambre une solution à long terme au problème du traitement des juges.

M. CHARRON: Le ministre de la Justice me permet-il une question...

M. CHOQUETTE: Sans doute.

M. CHARRON: ... sur la dernière partie de son intervention? Est-ce qu'il serait prêt à déposer l'avis du Conseil consultatif de la justice? Et peut-il nous dire si, même s'il a été favorable à la hausse de traitement des juges, l'avis a été unanime?

Dernière question, le ministre accepterait-il de corriger — comme nous le lui avions demandé le 6 juillet 1973— l'affirmation qu'il vient malheureusement de répéter à l'effet que M. Jacques Brûlé est président de la Fédération des services publics de la FTQ? H est président du Syndicat de la fonction publique, ce qui est bien différent à l'intérieur de la FTQ.

M. CHOQUETTE: Je corrige avec plaisir, à l'invitation du député de Saint-Jacques, le titre de M. Jacques Brûlé. Quant à l'avis du conseil consultatif, je n'ai aucune objection à le communiquer à nos honorables amis d'en face.

Je ne vois pas pourquoi je le déposerais sur le parquet de l'Assemblée. Je ne crois pas que ce soit vraiment nécessaire, mais j'en donnerai communication à nos amis avec plaisir.

M. CHARRON: Savez-vous si c'était unanime?

M. CHOQUETTE: D'après ce que j'ai compris, il n'y avait aucune divergence d'opinion sur cette prise de position. Par conséquent, on peut dire que c'est un avis unanime. J'aurais aimé — comme je le disais tout à l'heure avant d'être interpellé par le député de Saint-Jacques — être en mesure d'apporter à la Chambre une solution à long terme à ce problème du traitement des juges.

Mais ce n'est pas un sujet qui est si facile à régler que cela. Il serait difficile de concevoir dans notre système parlementaire quel autre organisme, sinon l'Assemblée nationale, pourrait fixer le traitement des juges.

Même si l'on voulait, d'une certaine façon, dépolitiser la discussion du traitement des juges et qu'on pense à prime abord pouvoir confier cette responsabilité à d'autres, lorsque l'on analyse cette solution, on en arrive à la conclusion, M. le Président, qu'il est assez difficile pour le Parlement, pour les élus du peuple, pour ceux qui siègent comme législateurs de se départir de cette responsabilité de fixer le traitement et les conditions de travail de ceux qui sont les représentants de l'Etat mais dans la fonction judiciaire. Alors ce défi, M. le Président, je n'ai pas réussi à le surmonter; je n'ai pas réussi à trouver d'autre solution que d'amener une loi devant cette Chambre.

Maintenant, je ne dis pas que nous ne pourrions pas ultérieurement proposer des techniques pour déterminer le traitement des juges qui pourraient donner plus satisfaction que la formule habituelle qui est d'apporter une loi périodiquement à l'Assemblée nationale pour hausser le traitement des juges, soit par mode d'indexation, soit par consultation d'un organisme extérieur qui serait institué spécifiquement et mandaté spécialement pour donner un avis périodiquement au gouvernement sur les hausses de traitement des juges.

Mais ces solutions, que je n'écarte pas, M. le Président, nous en faisons actuellement l'étude justement dans le contexte de ce livre blanc sur l'administration de la justice au Québec que nous sommes en voie de préparer au ministère de la Justice, avec la collaboration du Barreau, avec la collaboration d'un certain nombre de juges, avec la collaboration du Conseil consultatif de la justice. Ce livre blanc portera assurément sur bien d'autres sujets que le traitement des juges; ça ne sera pas, sans aucun doute, la préoccupation principale de cette expression de la politique gouvernementale. Au contraire, le livre blanc abordera tous les aspects de l'administration de la justice civile et pénale ici au Québec. Mais entre autres, nous aborderons les questions qui concernent la nomination des juges, nous aborderons les questions qui concernent la discipline au sein de la magistrature, nous aborderons les questions qui concernent le traitement et le statut des juges. Et j'espère que dans ce livre je serai en mesure de proposer une solution qui permettra de proposer un mécanisme ayant une valeur permanente pour la détermination du traitement des juges.

M. le Président, je conclus donc mes observations en disant qu'on peut regarder cette question du traitement des juges sous plusieurs angles: que ce soit sous celui des comparaisons avec d'autres cours, que ce soit sous l'aspect de l'augmentation du coût de la vie depuis leur dernière augmentation en 1969, que ce soit celui d'une consultation avec l'extérieur — et en l'occurrence ce fut le Conseil consultatif de la justice — ou que ce soit, M. le Président, cette impérieuse nécessité pour le législateur de donner à ceux qui rendent la justice un traitement qui fasse que ces gens-là administrent la justice sans inquiétude et sans tentations du côté financier.

Il me semble que c'est là un aspect qui ne devrait pas échapper à nos honorables amis d'en face: c'est qu'il faut mettre les juges en large partie au-dessus des tentations qui pourraient leur être tendues par des circonstances si on abaissait leur standard de vie au point de les rendre vulnérables. Si on veut en même temps assurer un recrutement de qualité, il faut savoir reconnaître à la fonction judiciaire son importance et reconnaître à ceux qui exercent cette fonction judiciaire le droit à un traitement normal, à un traitement qui leur permet d'administrer une justice qui soit sereine, qui soit élevée et qui donne aux citoyens du Québec la confiance qu'ils doivent avoir dans leur magistrature. Alors, M. le Président, c'est tout ce que j'avais à dire pour l'adoption de ce projet de loi en deuxième lecture.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le chef de l'Opposition.

M. Jacques-Yvan Morin

M. MORIN: Nul doute, M. le Président, que la fonction judiciaire soit l'une des plus importantes, des plus éminentes dans une société, et dans la société québécoise comme dans les autres. Société qui est en transition, une société qui demeure traditionaliste et qui fait aux juges une place très traditionnelle encore, et pourtant une société en voie de transition dans laquelle apparaissent désormais des problèmes nouveaux, des problèmes auxquels les juges du siècle dernier ou ceux encore d'il y a 20 ans ne se heurtaient guère. La fonction du juge, à ce moment-là, consistait avant tout à interpréter des codes et non pas comme aujourd'hui à tenir compte, comme on le fait dans une justice éclairée, dans une justice moderne, de circonstances qui entourent l'affaire sub judice.

Aujourd'hui, les problèmes qui intéressent la justice font souvent appel à des connaissances d'ordre sociologique, voire d'ordre économique, et la fonction judiciaire, le rôle du juge se trouvent transformés d'autant. Le juge occupe une place éminente dans notre société, c'est certain, et il a droit à une rémunération appropriée, comme d'autres personnes remplis- sant des fonctions non moins importantes dans notre société.

On ne peut pas cependant juger de la fonction judiciaire dans un vacuum. On ne peut pas juger du rôle des juges en faisant abstraction du milieu dans lequel ils vivent et sont appelés à rendre la justice. Certes, on exige d'eux des qualités qui se font rares sans doute dans notre société, l'intégrité, la sérénité, la compétence, auxquelles le ministre de la Justice faisait allusion tout à l'heure.

Il en va de même pour un très grand nombre de fonctions dans notre société. Je songe, bien sûr, en premier lieu, aux hommes politiques et aux fonctionnaires qui doivent également faire preuve d'intégrité, de compétence. Chaque profession, qu'il s'agisse des médecins, des juristes, des avocats, doit faire preuve de compétence et d'intégrité. C'est une exigence, d'ailleurs, de plus en plus répandue au fur et à mesure que notre société se structure de manière de plus en plus complexe, qu'elle fait appel à des compétences de plus en plus poussées dans tous les domaines.

Donc, on ne peut pas traiter du cas des juges, qui nous est soumis ce soir dans ce projet de loi, et en particulier de ce problème très spécifique de la rémunération des juges comme si c'était une chose à part. Ce doit être considéré dans le contexte des autres professions, dans le contexte des autres fonctions sociales non moins importantes. Cela doit être considéré, je crois, avec une certaine rigueur, comme on le fait lorsqu'on aborde les questions de rémunération de ces autres fonctions non moins importantes.

La question, donc, ne se pose pas seule. Vouloir n'aborder que la question du traitement me paraît insuffisant. En tout cas, M. le Président, c'est insuffisant du point de vue de ceux qui croient que la justice au Québec n'est pas toujours administrée de façon idéale. A ce sujet, le besoin de réforme est si bien senti chez nous que le ministre lui-même s'est senti obligé, au début de son premier mandat, d'y répondre en annonçant une révision complète de la Loi des tribunaux judiciaires. En juin 1971 — je n'étais pas dans cette Chambre, mais j'ai pu lire les extraits des Débats — lors du débat sur le Conseil consultatif de la justice, le ministre de la Justice affirmait qu'il était des plus favorables à l'instauration d'un conseil supérieur de la magistrature et que cela viendrait plus tôt que ne pouvait le penser le député de Maisonneuve qui, à ce moment-là, lui avait posé la question. Nous attendons toujours ce conseil supérieur de la magistrature, soit dit en passant, même si nous sommes maintenant dotés d'un Conseil consultatif de la justice.

Le ministre avait laissé entendre que ce conseil supérieur de la magistrature était sur le point d'être formé et, pourtant, la situation n'a pas changé depuis ce moment. Puisque le ministre, en abordant la question des salaires des juges, s'est montré disposé à aborder en fait d'autres questions, la question plus vaste des

moyens d'améliorer l'administration de la justice; puisque le ministre nous a annoncé, il y a un instant à peine, un livre blanc — nous savions qu'il était en voie de rédaction, mais il nous apprend que ce livre blanc va porter sur l'ensemble de l'administration de la justice — qu'il nous permette d'accoler à sa proposition portant sur la rémunération des juges d'autres suggestions qui poursuivent le même objectif.

Il ne suffit pas, pour améliorer la qualité de la justice au Québec, d'augmenter les traitements des juges. Il faut, à notre avis, un ensemble de mesures. Le traitement des juges n'est peut-être pas la plus importante de ces mesures, surtout à la lumière des faits que mes collègues apporteront au débat, tout à l'heure.

Qu'on me permette donc de traiter de l'une des grandes questions à l'intérieur desquelles le ministre a, à au moins deux reprises, lui-même, situé la question antérieurement: comment maintenir l'administration de la justice a un haut niveau au Québec, ou comment la hisser à ce haut niveau. Je me permets quelques suggestions qui, j'espère, seront reçues par le ministre comme étant constructives.

La première est celle-ci: Que l'on distingue les juges des tribunaux administratifs ou les présidents — puisque c'est souvent le cas, les présidents sont des juristes, non pas les membres des tribunaux administratifs, mais souvent les présidents — que l'on distingue, donc, entre les membres des tribunaux administratifs et les juges de la cour Provinciale. Il s'agit là d'une proposition que nous avons déjà faite au ministre, à plusieurs reprises. D'ailleurs, nous n'avons, dans ce domaine, aucun mérite puisque le ministre a pu prendre connaissance, en 1971, du rapport Dussault sur les tribunaux administratifs au Québec. Je me permets de citer un extrait de ce rapport, portant sur la nomination des présidents et des membres des tribunaux administratifs. Ce ne sera pas bien long, mais...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je ne veux pas arrêter le chef de l'Opposition, mais je ne puis vous permettre d'aller plus loin que le salaire des juges, le bill parle du salaire des juges. Le ministre de la justice a parlé de son livre blanc en passant, mais pas en détail. Ce n'est pas la question de la nomination des juges, des qualités des juges ou des tribunaux administratifs. C'est seulement des salaires des juges que le bill parle, pas d'autres choses.

M. MORIN: Je sais mais, j'estime, M. le Président, que nous ne pouvons pas nous prononcer sur cette question des salaires des juges hors du contexte, c'est ce que j'ai tenté de dire depuis le début de mon intervention.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je suis d'accord, je suis prêt à vous permettre de discuter un peu de ce qui a trait aux juges, mais faire une critique de toute l'administration de la justice, c'est une autre affaire.

M. MORIN: Non, non, je ne veux pas critiquer toute l'administration de la justice. La place des juges dans l'administration de la justice ne couvrant pas tout le domaine, n'est-ce pas? J'allais citer au ministre des extraits quand même assez courts. D'ailleurs, M. le Président, je pourrais attirer votre attention sur les débats antérieurs sur la question, que j'ai eu l'occasion de lire et où le ministre lui-même, de même que tous les membres de l'Opposition ont fait ' valoir tous leurs points de vue sur l'ensemble, tout ce qui touche à la position du juge dans la société et à la fonction des juges ou encore à la fonction de président de tribunal administratif.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Oui, mais si vous regardez l'ancien bill 85, le premier paragraphe, qui a déjà été retranché à la commission, parlait de l'augmentation du nombre des juges, il y avait la question de la nécessité des juges; c'était un des principes du bill. Il y avait deux principes, dans l'ancien bill, le nombre des juges, la nomination des juges et le salaire. Dans ce bill-ci, il est question seulement de rémunération, c'est différent.

M. MORIN: Justement, M. le Président. Mais si par la suite je voulais prendre la position qu'on doit faire une distinction dans la rémunération entre les juges de compétence générale et les membres de tribunaux administratifs...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Cela, oui.

M. MORIN: Ah bon! Alors, ce n'était pas la peine de m'interrompre, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je ne vous interromps pas...

M. MORIN: Je m'excuse.

M. le Président, je veux bien m'excuser, mais je vous avoue que je ne saisissais pas très bien pourquoi vous m'aviez interrompu. Maintenant que je me suis expliqué, je pense que vous m'autorisez à procéder, n'est-ce pas?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Sur ce champ-là, oui.

M. MORIN: Merci beaucoup. Nous croyons donc, dit le rapport Dussault, "que les présidents et les membres de tribunaux administratifs retenus devraient être nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil, sur la recommandation d'un conseil des tribunaux administratifs", un conseil qui s'ajouterait, si je ne m'abuse, à cet autre conseil dont le ministre nous avait plus ou moins promis la formation l'année dernière, le conseil supérieur de la magistrature.

Le document continue: "Devant l'hérédité lourdement chargée de certains organismes ad-

ministratifs — je pense que le ministre de la Justice sait de quoi il s'agit — il importe de veiller à ce que seules des personnes compétentes et au-dessus de tout soupçon de partisanerie soient nommées à ces tribunaux administratifs. Par suite du caractère particulier des litiges administratifs, il n'est pas indispensable que toutes les personnes choisies aient reçu une formation juridique". Vous voyez le lien que cela peut avoir avec le salaire et la rémunération. "L'on ne devrait pas hésiter à nommer des fonctionnaires, des spécialistes non juristes et des diplômés en administration publique". "Cependant, le président de chaque tribunal devrait être un juriste familier avec les problèmes d'administration publique... En mettant ainsi l'accent sur la compétence et la spécialisation, il est certain que le régime de consultation prévu pour la nomination des membres de certains organismes administratifs devra être reconsidéré et, dans la mesure du possible, aboli puisqu'il serait remplacé par la recommandation d'un organisme impartial, le conseil des tribunaux administratifs".

Je suis bien convaincu que le ministre de la Justice connaît déjà ce chapitre du rapport Dussault. Il n'y a aucune raison, en effet, d'assimiler les juges de la cour Provinciale et les membres des tribunaux administratifs, si ce n'est un système qui a convenu dans le passé aux divers gouvernements qui se sont succédé sur les banquettes d'en face et qui leur évitait de définir un statut des tribunaux administratifs et des juges administratifs. Sans compter qu'on évite de la sorte d'établir des distinctions entre la charge de travail des uns et des autres, les conditions de travail, les responsabilités qui reposent sur les épaules des juges de la cour Provinciale et sur les membres des divers organismes quasi judiciaires qu'on trouve au Québec.

Nous réclamons donc, et nous en faisons la suggestion au ministre de la Justice, des organismes qui soient véritablement d'ordre administratif. La création, pour tout dire, d'une véritable justice administrative, quasi judiciaire mais non pas confondue avec le judiciaire, comme elle l'est à l'heure actuelle.

Nous n'aurons pas, à mon avis — c'est peut-être une idée que je retourne dans ma tête depuis l'époque où j'étudiais le droit administratif, sous la férule du même professeur que le ministre de la Justice et que vous-même, M. le Président — de véritable droit administratif, sans des tribunaux administratifs hautement spécialisés, au Québec. Je suis d'avis que nous n'arriverons pas à créer une structure de droit administratif, une structure de fonctionnaires qui aboutisse, par exemple, à la création d'un conseil d'Etat, sans une certaine condition. Un homme aussi éminent que M. Gérald Le Dain, doyen, aujourd'hui, qui était, je crois, votre confrère de classe, M. le Président, et qui est maintenant le président de la commission sur les narcotiques, comme on le sait, faisait valoir qu'il fallait, pour sortir des méandres du système très complexe dans lequel sont imbriqués les tribunaux administratifs et la justice de compétence générale, créer un véritable contentieux administratif distinct au Québec, à la manière des pays du continent européen.

Mais nous n'y arriverons pas, je pense que nous en sommes tous conscients ici, sans la création d'un système administratif distinct, avec des nominations, évidemment, qui ne portent pas l'hérédité dont parle le rapport Dussault, cette lourde hérédité à laquelle le ministre a quelque peu contribué encore ces derniers temps, oui, disons-le. Nous n'allons pas entrer dans les personnalités, M. le Président.

UNE VOIX: ... de se rendre là.

UNE VOIX: C'est une belle nomination !

M. MORIN: Allons, allons, trêve de plaisanteries!

M. le Président, on confie...

UNE VOIX: Résumons, résumons!

M. MORIN: ... à ces juges la régie, la présidence, souvent, d'organismes administratifs qui demandent, évidemment, une connaissance du droit, mais qui ne demandent pas nécessairement les connaissances spécifiques que doivent posséder les juges de compétence générale.

On les nomme juge parce qu'on veut leur assurer une certaine sécurité. Dans un projet de loi qui a été soumis il y a quelques jours à peine, c'était un peu le cas. Il me semble qu'on voulait nommer quelqu'un à un tribunal administratif et il fallait qu'il soit auparavant nommé juge d'une cour, je crois que c'était la cour des Sessions de la paix. Est-ce que je me trompe, M. le ministre?

M. CHOQUETTE: C'était un juge de la cour des Sessions de la paix qui était devenu juge de la cour Provinciale.

M. MORIN: Que vous voulez amener...

M. CHOQUETTE: II se disait: Si je quitte le tribunal des expropriations, je voudrais bien retourner aux Sessions de la paix.

M. MORIN: Bon, alors je me rends compte que cet exemple n'était pas le meilleur que je puisse donner. D'accord.

M. CHOQUETTE: Mais on comprend.

M. MORIN: Puis-je continuer, M. le Président? Merci. Je l'apprécie énormément.

Donc, on veut leur assurer une certaine sécurité d'emploi ou, comme cela se fait encore à l'occasion, mais loin de moi l'idée d'insinuer que le ministre de la Justice eût pu faire cela au cours des dernières années, caser des amis, des

gens dont on ne sait plus trop que faire et qui encombraient les banquettes de l'Assemblée nationale.

UNE VOIX: Bon!

M. MORIN: C'est une réalité à laquelle, je pense, il faut faire allusion. Je ne pense pas qu'on doive se cacher ces choses ici.

D'ailleurs, je ne suis pas le seul à dénoncer cette habitude que l'on a prise de confier à des juges la présidence de la plupart des organismes administratifs au Québec. Le Barreau lui-même s'est élevé contre cette pratique, n'est-il pas vrai? Il faut bien comprendre que cette coutume a des conséquences pour le projet de loi que nous étudions actuellement.

UNE VOIX: Vous allez prendre tout le temps qu'il faut.

M. MORIN: Oui, bien sûr. En effet, en vertu de ce projet de loi, on conférerait à des juges qui ne sont pas véritablement des juges, mais qui sont plutôt des administrateurs, des avantages qui sont prévus pour ceux qui sont effectivement des membres de la profession juridictionnelle.

Est-ce que M. le Président me suit?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Vous êtes rendu là.

M. MORIN: Merci. Là aussi, je crois qu'avant de penser à un mode définitif de rémunération des juges, il y aurait un certain ménage — non, c'est trop méchant— un réaménagement, disons, ou une certaine rationalisation, si vous préférez, à effectuer dans les rangs des tribunaux administratifs.

Et ce n'est, dans notre perspective, que lorsque l'ordre aura été remis dans toute cette question que l'on pourra vraiment étudier avec toute la pertinence qui sied à ce débat le traitement définitif des juges. C'est une première suggestion. J'en ai une seconde, et puis même une troisième. Que mes honorables collègues de l'Assemblée prennent patience; j'ai encore quelques points à développer et ils me paraissent importants.

M. VEILLEUX: On n'est pas pressés.

M. MORIN: Une seconde suggestion, toujours pour améliorer la qualité de l'administration de la justice, porte sur l'instauration d'un mécanisme de nomination des juges, tant pour les juges administratifs — ceux que j'appelle juges administratifs, bien sûr, mais qui n'en sont pas quelquefois— que pour les trois catégories de juges que l'on trouve actuellement dans la Loi des tribunaux judiciaires.

Il n'y a aucune raison pour différer encore longtemps l'implantation de ce qu'on appelle le "merit system" au Québec. Cela se fait dans presque tous les Etats américains aujourd'hui. Cela commence à s'implanter dans d'autres provinces canadiennes. Je mentionnerais, par exemple, que l'expérience américaine est déjà trop vieille pour qu'on puisse encore dire qu'elle n'est pas probante et qu'il faut redouter certains effets secondaires cachés.

Bien sûr, le ministre pourra faire état des consultations qu'il mène chaque fois qu'il fait une nomination. Je sais qu'il en fait. Il pourra donner le nombre de magistrats qualifiés qui ont accédé au banc ces dernières années. Et il y en a, je le reconnais volontiers.

Mais nous réclamons tout de même — et nous le réclamons déjà depuis deux ou trois ans — une procédure étanche qui s'applique à toutes les nominations et qui soit institutionnalisée, et non pas, malgré la consultation dont le ministre fait état, un système qui finalement demeure discrétionnaire.

Que la nomination des juges — et ça touche aussi à la question de la rémunération, M. le Président; vous verrez qu'après un cheminement j'y viendrai à nouveau — soit enlevée dans toute la mesure du possible à l'appareil politique proprement dit et qu'on charge de cette fonction soit un conseil de la magistrature — dont le ministre semblait intéressé à favoriser la création — soit encore le Conseil consultatif de la justice qui existe déjà.

Pourquoi le ministre ne créerait-il pas un mécanisme qui ferait que ces nominations seraient soumises à ce conseil consultatif? J'espère que le ministre pourra me donner là-dessus quelques éclaircissements plus tard.

Ce conseil consultatif, par exemple, qui existe déjà, établirait des listes de candidats à même lesquelles le ministre de la Justice serait, par exemple, obligé de choisir les juges qui conviennent à l'état présent de notre société, avec les connaissances qu'il faut pour affronter les divers problèmes qu'un juge qualifié doit affronter aujourd'hui.

On ne peut donc pas parler de rémunération des juges sans se référer à ce plan général de l'organisation de la justice. Vous voyez M. le Président, que j'y suis venu une fois de plus. Si nous sommes obligés de nommer tant de juges aujourd'hui — l'un de mes collègues montrera la proportion de juges par rapport à la population au Québec; je crois que le ministre connaît déjà ces chiffres, ils ont été cités dans un débat précédent, mais nous avons des chiffres encore plus récents à lui soumettre — c'est peut-être en grande partie parce qu'on n'a pas réglé ces problèmes sous-jacents, ces problèmes qui sous-tendent l'administration de la justice et qui nous amènent souvent à des excès.

M. le Président, une troisième suggestion consiste en la formation des juges et, dans certains cas, leur recyclage. La magistrature requiert des habiletés différentes de la pratique du droit. Un avocat, lorsqu'il accède au banc, n'a jamais rendu la justice avant, enfin en principe. Il n'a pas rédigé de jugement. Au

contraire, il a presque une déformation professionnelle qui est celle de représenter son client, de faire valoir tous les points en faveur de son client, même s'il sait quelquefois que son client est loin d'être une vierge offensée, que son client quelquefois n'est peut-être pas aussi exempt de blâme qu'il le plaide. C'est une déformation professionnelle et nous la connaissons bien, tous ceux d'entre nous qui ont pratiqué le droit.

M. CHOQUETTE: II ne faut surtout pas y céder quand on est chef de l'Opposition.

M. MORIN: II ne faut pas quoi?

M. CHOQUETTE: II ne faut pas y céder quand on est chef de l'Opposition.

M. MORIN: Céder à quoi?

M. CHOQUETTE: Céder à cette déformation de défendre des vierges plus ou moins offensées.

M. MORIN: Je vais tenter, en tout cas, M. le Président, de défendre ceux qui vont payer ces salaires aussi bien, avec autant de talent que le ministre de la Justice défendait tout à l'heure ses administrés, les juges.

Donc, pourquoi ne pas aider les juges ou les apprentis juges à acquérir ces qualités d'impartialité et aussi ces techniques bien spéciales qui font un bon juge et qui font qu'un bon avocat ne fait pas nécessairement un bon juge? M. le Président, nous savons tous cela. Combien de fois n'avons-nous pas plaidé devant des personnes qui étaient d'excellents avocats et qui comme juges étaient vraiment... c'était vraiment la fin de tout quelquefois. Je pense que tous les avocats ont fait cette expérience.

M. le Président, il serait possible d'organiser dans de très brefs délais, je crois, des séminaires comme ceux dont profitent les juges américains, quitte à organiser ces cours adressés aux juges déjà en exercice sur une base permanente par la suite. On pourrait aussi créer une école de la magistrature. Pourquoi est-ce qu'on ne le ferait pas? Je sais d'ailleurs qu'à l'heure actuelle il y a des juristes, il y a des juges, il y a des avocats, et je connais même des doyens qui s'intéressent à la création d'une école de la magistrature. Cela fait des années que nous en parlons et jamais ça n'aboutit. Peut-être que le ministre de la Justice pourra tout à l'heure me dire où en est cette question. Je crois qu'elle est pertinente au débat.

Qu'on prenne garde surtout de nous dire que l'exemple français n'est pas probant dans ce domaine. Ce n'est pas à l'exemple français que je songe; peut-être pourrait-on un jour venir au modèle français qui est la création d'une véritable école de magistrature pour les jeunes juristes. Vous savez qu'en France on ne peut devenir magistrat sans avoir parcouru le chemin qui est tracé pour cette carrière de magistrat, laquelle est tout à fait distincte de la carrière d'avocat. Il est peut-être un peu tôt au Québec pour songer à une formule qui n'est pas tout à fait dans nos moeurs, mais à laquelle il faudra peut-être venir un jour avec l'évolution de notre société.

Qu'on nous dise plutôt en quoi l'administration de la justice ne serait pas améliorée par l'ouverture d'une telle école au Québec, qui serait destinée non seulement aux futurs magistrats, aux apprentis ou aspirants magistrats, mais également aux magistrats qui ont besoin d'être recyclés. Le ministre de la Justice a certainement plaidé devant des magistrats qui avaient rudement besoin d'être recyclés à l'occasion.

M. CHOQUETTE: Je ne peux pas m'en plaindre, je gagnais toujours mes causes.

M. MORIN: Ce n'est pas une preuve que c'étaient de bons magistrats, M. le Président.

M. HARDY: II y a une présomption juris tan turn.

M. MORIN: Je suis prêt à admettre une présomption juris tantum.

Eh bien, je continue, M. le Président. Cette école serait accessible aux magistrats qui sont déjà sur le banc, de même qu'aux aspirants. Ainsi plutôt que de nommer un avocat directement sur le banc, on lui ferait profiter d'un stage dans cette école de magistrature où il apprendrait à maîtriser son nouveau rôle, ses nouvelles fonctions, fonctions non plus de plaidoirie mais d'analyse, d'instruction aux jurés, de rédaction de jugements, de fixation des dommages-intérêts, de détermination des sentences.

Ce sont là des fonctions très délicates et combien de fois n'avons-nous pas vu des cas où elles étaient mal exercées, non pas par mauvaise volonté, mais peut-être par manque d'un entraînement technique qui pourrait fort bien être donné dans ces écoles de magistrature. Et en plus de mieux préparer les juges ce programme aurait des avantages indirects. On pourrait par exemple arriver à une plus grande uniformité de jurisprudence, une plus grande uniformité dans les jugements, une plus grande uniformité dans les sentences aussi.

Le ministre de la Justice sait comme moi combien est grave ce problème des disparités dans les sentences d'une région à l'autre et même quelquefois dans un même district judiciaire. De nombreux députés ont parlé de cette suggestion dans le passé. Je ne suis pas le premier. Je pense qu'un consensus est en train de s'établir dans les facultés, dans le Barreau même, sur la nécessité de ces écoles. De plus en plus on se rend compte que la fonction de juge devient une carrière spécifique, distincte de la carrière d'avocat, différente en tout cas de la carrière d'avocat.

Bien sûr il y aura toujours des chevauchements considérables entre les deux professions, mais il y a toute la différence du monde entre l'activité d'un plaideur, comme je le disais tout à l'heure, entre l'activité d'un conseiller juridique et l'activité d'un juge. On se rend compte désormais de plus en plus qu'un juge, en plus de posséder la formation juridique, doit posséder certaines autres compétences qui font défaut de manière quelque fois pénible à certains juges devant lesquels nous sommes appelés à plaider. Il faudrait que les juges par exemple dans ces écoles de magistrature puissent peut-être suivre des cours de sociologie, voire une introduction à certains aspects du droit qu'ils ne connaissent pas, comme la protection des consommateurs par exemple.

H y a un tas de nouvelles lois que les avocats ne connaissent pas, parce que ça n'entre pas dans le champ de leur pratique. Ils arrivent sur le banc et ils doivent en quelque sorte se recycler "sur le tas", que le ministre me pardonne l'expression. J'estime pour ma part qu'on pourrait très bien organiser dans les écoles de magistrature une sorte de recyclage pour que le juge devienne un personnage plus polyvalent. Je parle du vrai juge, celui qui va être de compétence générale.

Donc, dans mon esprit, M. le Président, cela conduit tôt ou tard à l'identification de la profession des juges comme une profession distincte, spécifique, différente de celle de toute autre professionnel. Ceci nous conduira à former des juges en tant que tels. Même si la plupart des étudiants peuvent être des avocats dans un premier temps, je suis sûr qu'on en arrivera à un stade où ceux qui se présenteront à cette école de la magistrature seront semblables aux candidats qui arrivent aux facultés de médecine, aux facultés de droit ou à quelque autre faculté ou école que ce soit. C'était une troisième suggestion; peut-être une dernière avant de venir à mes conclusions.

M. le Président puis-je vous demander combien de temps il me reste?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Vingt-cinq minutes.

M. MORIN: C'est magnifique! Une quatrième suggestion, ce sera la dernière, mais peut-être pas la moindre. Cela consiste en l'instauration d'un régime disciplinaire pour les juges. J'espère que je n'ai pas prononcé là un sacrilège, M. le Président.

C'est le ministre lui-même qui a soulevé, le premier, la question, si je ne me trompe, en commission parlementaire, en affirmant ce qui suit: "II y a toutes sortes de mesures que les juges en chef devraient être capables de prendre pour essayer de faire en sorte que les juges donnent leur plein rendement." En fait, ce n'est pas toujours au juge en chef à agir. Il n'est pas toujours dans la meilleure position pour faire cela. C'est, à mon sens, le ministre qui devrait, dans certains cas, agir pour améliorer l'administration de la justice et l'administration des tribunaux en particulier. C'est lui qui peut remédier le mieux, dans certaines circonstances, à la situation qu'il dénonçait.

Est-ce que, par exemple, le ministre a songé qu'il existe peut-être de meilleures solutions que l'accroissement des pouvoirs du juge en chef pour assurer une certaine surveillance sur les individus qui assument le pouvoir judiciaire? L'indépendance du pouvoir judiciaire ne signifie pas que les juges échappent au contrôle qui frappe n'importe quel titulaire d'une charge publique. Tout le monde sait, par exemple, que les juges des cours Supérieures, les juges fédéraux, sont nommés "quamdiu se bene gesserint", tant qu'ils ont un comportement idoine. Le ministre connaît bien cette formule.

Donc, le juge, comme n'importe quel fonctionnaire, comme n'importe quel agent de l'Etat — parce que le juge est un agent de l'Etat parmi d'autres agents de l'Etat — le juge est sujet à un pouvoir disciplinaire. M. le Président, n'ayez de crainte, je viendrai à l'aspect de la rémunération, comme je l'ai fait dans les autres cas, tout à l'heure.

Cela m'amène à parler du fameux "California Plan" dont le ministre connaît certainement l'existence et qui assure une réponse hautement satisfaisante aux besoins que nous ressentons aussi vivement ici au Québec que dans les nombreux Etats américains qui ont repris ce système depuis quinze ans. Ce plan est administré par une commission tripartite qui comprend — je prends celle de la Californie, par exemple — cinq juges élus, et ils sont élus par leurs pairs. Il y a également deux avocats nommés par le Barreau et, enfin, deux personnes, deux représentants du public, enfin, soi-disant représentants du public qui sont nommés par le gouvernement. Il faudrait analyser de plus près ce mode de nomination des représentants du public; j'ai l'impression que tout n'est pas pour le mieux dans ce fameux "California Plan". Souvent, ce sont des représentants du gouvernement qu'on voit arriver à cette commission plutôt que de véritables représentants du peuple.

Cette commission reçoit les plaintes qui sont, à l'occasion, logées contre les juges. Elle fait enquête, elle peut communiquer avec le juge, le magistrat impliqué. Et toute cette partie du processus d'enquête, qui peut aboutir à des sanctions, y compris des sanctions d'ordre salarial, M. le Président — puisqu'il faut que je me tienne au salaire — toute cette enquête se termine par un rapport au plus haut tribunal de l'Etat et celui-ci présente une recommandation de censure, de suspension ou encore de mise à la retraite prématurée, laquelle a des conséquences sur le plan salarial, bien entendu. Il lui appartient, à ce moment-là, de statuer de manière définitive sur la recommandation qui lui a été faite.

Je ne sais pas si le ministre connaît ce

California Plan, mais il a fait sa preuve dans plusieurs Etats américains et je crois qu'on pourrait s'en inspirer ici au Québec. En tout cas, c'est une suggestion qu'il pourrait peut-être transmettre à ces personnes qui rédigent le livre blanc; peut-être en sont-elles déjà saisies, d'ailleurs. Ce mécanisme a l'avantage de laisser le régime disciplinaire, applicable aux juges, à l'intérieur du pouvoir judiciaire puisque, comme vous l'avez remarqué, il y a une majorité de juges à cette commission tripartite. Les plaintes peuvent avoir cinq fondements: mauvaise conduite, insatisfaction chronique des devoirs du poste, intempérance, conduite préjudiciable à l'administration de la justice ou encore incapacité permanente ou prolongée.

La commission de neuf personnes est aidée dans son travail d'appréciation des plaintes par des définitions qui lui sont fournies dans un code de déontologie. Cela m'amène à un point dont nous avons déjà parlé dans cette Chambre, non pas votre modeste serviteur, mais mes prédécesseurs et je crois, notamment, le Dr Camille Laurin, pour lequel le ministre disait tout à l'heure toute l'estime qu'il avait. L'ancien député de Bourget avait souligné l'importance d'avoir un code de déontologie pour les juges. A ma connaissance, ils n'en ont pas encore et ils sont bien la seule profession à n'en pas avoir.

M..CHOQUETTE: Les journalistes et les policiers n'en ont pas.

M. MORIN: Si, ils ont quand même...

M. CHOQUETTE: Les journalistes n'en ont pas et les policiers n'en ont pas encore.

M. MORIN: Ce n'est pas un code officiel, dans le cas des policiers, sans doute avez-vous raison.

UNE VOIX: Et les grands chefs syndicaux. M. CHOQUETTE: Mais je pense que...

M. BURNS: II y a un code de discipline pour les policiers.

M. MORIN: M. le ministre, la différence...

M. CHOQUETTE: Un code de discipline à l'intérieur de leur corps, mais il n'y a pas de code d'éthique ou un code de déontologie qui est applicable à tous les corps policiers.

M. BURNS: Bien, l'équivalent pour les policiers c'est leur code de discipline.

M. MORIN: Quant aux journalistes, je vous ferai observer...

M. CHOQUETTE: II n'y en a pas partout. M. MORIN: Je vous ferai observer que ce n'est pas une profession fermée, les journalistes, ce n'est pas une profession fermée. Donc la comparaison est un peu bancale.

M. CHOQUETTE: Enfin, bancale... M. MORIN: Bien, j'ai l'impression. UNE VOIX: La comparaison est...? M. CHOQUETTE: Bancale. UNE VOIX: Qu'est-ce que vous avez dit?

M. MORIN: Mais, M. le ministre, voulez-vous dire par là que vous seriez d'avis qu'un tel code ne serait pas utile pour la magistrature?

M. CHOQUETTE: Non, je n'ai pas dit ça, mais je dis qu'il y a beaucoup de professions ici au Québec qui n'en ont pas. Malheureusement.

M. MORIN: En tout cas, la plupart en ont. M. CHOQUETTE: Non, non.

M. MORIN: Et sûrement que les professions connexes, comme par exemple la profession d'avocat...

UNE VOIX: Est-ce que les professeurs d'université en ont?

M. MORIN: ... ont leur code de déontologie. Si l'indépendance du pouvoir judiciaire doit être assurée, elle le sera d'autant plus que les individus dépositaires de ce pouvoir seront astreints à des règles écrites, à des règles sanctionnées.

Enfin, une dernière suggestion, M. le Président, pour améliorer l'administration de la justice consiste dans l'accroissement de l'autonomie administrative des divers tribunaux. Nous nous accordons là-dessus avec le juge en chef, le juge André Fabien. Le ministre nous a dit, à la dernière session, je crois, ou était-ce à l'une des sessions antérieures, à quel point il était odieux pour les juges de venir négocier et quémander des hausses de traitement. Ce dont les juges se sont plaints également, n'est-il pas vrai, c'est la dépendance complète et quotidienne dans laquelle ils sont face au ministère de la Justice pour leurs besoins en personnel, pour leurs besoins en locaux, en équipement, etc.

M. CHOQUETTE: Ils se plaignent surtout du ministère des Travaux publics et de la Fonction publique, mais pas du ministère de la Justice.

M. MORIN: II appartient tout de même dans une certaine mesure à votre ministère de définir des normes. Cela relève aussi de l'administration de la justice.

M. CHOQUETTE: Ecoutez, au point de vue des travaux publics, nous dépendons tous du

ministère des Travaux publics; au point de vue de la fonction publique, on dépend de ce ministère pour nos fonctionnaires.

M. MORIN: Le personnel et l'équipement sténographique, les machines à écrire, ce n'est pas le ministère des Travaux publics.

M. CHOQUETTE: C'est le bureau des achats, je crois, qui...

M. MORIN: D'accord, est-ce que ce n'est pas sur recommandation de votre ministère?

M. CHOQUETTE: Non, même pas.

M. MORIN: Alors qui s'occupe de ces aspects matériels de la vie des juges, vous ne savez pas?

M. CHOQUETTE: C'est notre administration.

M. MORIN: Enfin...

M. CHOQUETTE: C'est notre administration qui fait des recommandations. Je pense que vous avez raison.

M. MORIN: J'ai fait un certain nombre de suggestions et je crois que le ministre semble disposé en tout cas à en débattre, à les prendre en considération. Je voulais simplement dire, en terminant, que la question de la rémunération des juges n'est pas une question qu'on peut considérer dans l'abstrait, en dehors de toutes ces réformes. Si le ministre vient nous dire qu'il faut améliorer l'administration de la justice en augmentant les salaires, je regrette, ce n'est qu'un aspect de la réalité, ce n'est qu'un aspect de la réforme et nous attendons de voir ce qu'il a à dire sur le reste de la réforme.

Merci, M. le Président.

UNE VOIX: Bravo!

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Louis-Hébert.

M. Gaston Desjardins

M. DESJARDINS: M. le Président, puisque je pratique le droit de façon très active et très intense dans la région de Québec depuis quatorze ans, je pense qu'il est un peu de mon devoir de prendre part à la discussion sur ce projet de loi et de dire ce que je pense tant de la magistrature en général que de l'augmentation de salaire qui a été proposée.

Je pense que je peux dire que j'ai connu les juges dans leurs fonctions dans des causes de toute nature, qu'il s'agisse de matière criminelle, de matière civile et devant toutes les juridictions, ayant agi tant en défense, en matière criminelle, que comme procureur de la couronne, à certains moments pour le gouvernement fédéral et, comme La Presse a aimé me le dire très souvent durant la dernière campagne électorale, comme procureur de la Gendarmerie Royale du Canada, en particulier dans le domaine des stupéfiants et de la fausse monnaie. J'ai plaidé devant toutes les juridictions, des deux bords, en défense et en demande, et dernièrement surtout en demande, en ayant, contrairement au ministre de la Justice, perdu quelques causes, parce que je ne les ai pas toutes gagnées. Plaidant beaucoup, évidemment, on doit en perdre parce qu'on est obligé, à certains moments, de prendre des causes à la demande du client et en acceptant des risques, mais des risques calculés. Or, souvent on se trompe dans ses calculs et la cause est rejetée.

Je suis donc, vu cette expérience vraiment active parce que je suis considéré comme un plaideur devant les tribunaux, en mesure d'affirmer devant cette Assemblée que nous sommes, au Québec, particulièrement dans l'Est du Québec, devant toutes les juridictions, en présence d'une excellente magistrature. Je crois et je soumets à cette Assemblée que nous avons des juges compétents. Nous avons des juges, j'ouvre une parenthèse parce que c'est une qualité que l'honorable chef de l'Opposition a oubliée, bienveillants, c'est-à-dire des juges humains. Je pense qu'un juge doit posséder un sens très profond de l'être humain. Il doit être lui-même très humain, se pencher sur des problèmes humains et traiter l'individu qui est devant lui comme on doit traiter un être humain. Il doit être un homme bienveillant et il doit être un homme indulgent pour les défauts et les erreurs de l'être humain.

C'est pour cela que j'estime que notre mode actuel de nomination des juges est excellent. Parce que nous nommons des juges qui ont eu une pratique très active dans le domaine juridique, dans le domaine judiciaire. Et nous nommons, à certains moments, des juges qui ont eu une très grande activité politique. Je pense qu'un juge peut quand même être humain sans connaître des activités comme celles que je viens d'énumérer. Mais je pense que le fait d'avoir côtoyé dans des procès des témoins, des clients, des justiciables, le fait d'avoir côtoyé en politique l'homme de la rue, d'avoir pris ce que j'appelle des bains de foule est un peu une garantie que le juge, l'homme en question, pourrait peut-être être plus humain que celui qui n'a connu, n'est-ce pas, que la froideur administrative d'une école théorique de magistrature.

Je ne veux pas dire ici que j'exclus totalement les suggestions de l'honorable chef de l'Opposition officielle. En fait, il y en a deux qui ont retenu mon attention. La première est celle que je pourrais qualifier d'une sorte d'apprentissage. L'avocat pourrait aller un peu en apprentissage pour monter ensuite sur le banc à cause de la complexité de nos lois et du développement technologique moderne.

La deuxième que j'ai retenue, c'est celle qui implique les mesures disciplinaires. Cependant, je fais remarquer à l'honorable chef de l'Opposition officielle que cette mesure était déjà inscrite au dernier programme électoral du Parti libéral, sous le titre de la justice. Il semble bien, à ce moment-là, que c'est le désir du gouvernement d'instaurer ou d'accorder certains pouvoirs aux juges en chef des tribunaux et, peut-être, d'y ajouter un organisme quelconque. Enfin, le ministre de la Justice annoncera sa politique, mais, au moins, le principe était déjà annoncé.

M. le Président, j'ai déjà parlé de la compétence, de la bienveillance. Le ministre de la Justice et l'honorable chef de l'Opposition officielle ont parlé de l'intégrité. Il est vrai que ces qualités, on les rencontre et on doit les rencontrer dans d'autres professions. C'est exact. Par conséquent, elles commandent peut-être, là aussi, des salaires plus élevés puisqu'on recherche une compétence particulière.

Mais ici, nous sommes en présence d'un cas bien spécial. Le juge est ouvert à la critique et il n'a en sa faveur aucun mécanisme de réplique; il n'a en sa faveur aucun mécanisme de pression pour être défendu. Il ne lui appartient pas d'aller sur la place publique pour se défendre. Il doit se taire et endurer souvent des insultes de la part de certaines gens qui ont, auparavant, défié l'autorité aux dépens, souvent, de la santé des individus, de la santé des Québécois.

En plus d'être sujets à la critique de ces personnes en dehors de l'administration de la justice, les juges sont sujets à la critique de ceux-là qu'ils jugent. Je donne des exemples pour illustrer ma pensée.

D'habitude, le juge a devant lui deux parties. Il doit, évidemment, rendre un jugement en faveur de l'une des deux parties. Celle-là est satisfaite, mais l'autre partie, qui a perdu son procès, critique nécessairement le juge, puisqu'elle n'est pas satisfaite. Donc, vous avez là au moins 50 p.c. des justiciables qui ne sont pas satisfaits, qui sont mécontents et qui peuvent, à certains moments, critiquer le magistrat qui a rendu la décision. Mais il y a plus. En outre de ces gens en dehors de l'administration, de la décision du juge, de ces deux parties dont l'une vient de perdre son procès, il y a les deux parties dont l'une vient de perdre son procès, mais dont l'autre, le demandeur, disons, vient de le perdre par faute contributoire.

Prenons le cas d'un accident d'automobile, alors que le juge condamne le défendeur à payer un montant, mais qu'il tient, en même temps, le demandeur sur une faute contributoire responsable d'un tiers de la responsabilité. Il s'avère donc que le défendeur n'est pas content du jugement, que le demandeur n'est pas content du jugement non plus et vous avez là, devant le juge, 100 p.c. des justiciables qui ne sont pas satisfaits de lui et qui peuvent, à un moment donné, critiquer son jugement même sur la place publique.

Vous avez aussi d'autres personnes qui jettent le blâme sur les juges qui rendent des jugements. Je les appelle des avocats. Vous avez, à certains moments, des avocats qui perdent une cause alors qu'ils ont donné une opinion favorable à leur client. Lorsqu'ils ont un jugement défavorable, ils ne se gênent pas pour blâmer ouvertement le magistrat qui a rendu la décision. Peut-être pas souvent, mais à certains moments, c'est l'avocat même qui a commis l'erreur et, devant son client, afin d'éviter de perdre la face, il blâme le magistrat.

Heureusement, ce que je dis là, ce sont d'infimes exceptions, mais cela s'est déjà produit. Je pense qu'au contraire nous devrions tenter d'amener le respect de la magistrature parce que, lorsqu'un juge rend des jugements, il doit recevoir ce respect afin de conserver sa dignité.

Il est exact qu'aujourd'hui un juge doit se spécialiser de plus en plus. Il doit devenir, à certains moments, un psychologue et il doit user de diplomatie, même, entre les parties.

Il doit présenter des qualités de chef tant pour régler les problèmes à l'intérieur même de sa cour que lorsqu'il est appelé à devenir juge en chef. Il doit posséder des qualités d'administrateur également. Avec les changements technologiques dont je parlais tantôt, il doit se spécialiser, et c'est là que je rejoins un peu l'honorable chef de l'Opposition officielle sur la question d'un genre d'apprentissage avant de permettre que l'avocat monte sur le banc.

Nous devons discuter et nous devons voter sur une augmentation de salaire. Elle est justifiée pour toutes les raisons que je viens de mentionner, parce que ce sont là des qualités bien particulières qui doivent toutes être rencontrées chez un seul homme. Mais il y a sussi l'augmentation du volume de travail des juges. Nous devons réaliser que, chaque fois que l'Assemblée nationale vote une loi, nous augmentons de ce fait les matières contentieuses possibles, par conséquent les procès possibles, ce qui augmente d'autant le travail des juges, ce qui augmente d'autant les délibérés et les jugements.

Je n'en donne comme exemple que la Loi des petites créances. Je pense qu'il est de commune renommée maintenant que la Loi des petites créances a augmenté le travail des juges. Alors, les juges possèdent très peu de temps pour rendre des jugements et pour délibérer. Ils doivent délibérer en soirée et, souvent, pendant les fins de semaine afin d'agir avec la plus grande diligence.

Ils doivent devenir, ai-je dit, des spécialistes. Us doivent se spécialiser dans les vices de la construction, et souvent c'est très complexe. Ils doivent entendre des témoignages d'experts, mais ce sont eux qui doivent trancher les débats.

Ils doivent se spécialiser dans le coût de la vie pour trancher les questions de pension alimentaire. Ds doivent régler des conflits ouvriers. Ils doivent se spécialiser même dans le domaine de la balistique en matière d'armes à feu. Ils doivent avoir des connaissances en matière criminelle de façon générale. Mais il y a bien pis ou bien plus difficile: ils doivent rendre des sentences.

Le fardeau le plus lourd d'un juge, c'est de rendre une sentence, surtout lorsque cette sentence prive un individu de sa liberté. Et je sais par expérience qu'un juge est profondément préoccupé par la sentence qu'il doit rendre. Il doit donc, à ce moment, vivre sous une certaine tension. Même après l'avoir rendue, il n'est peut-être pas encore certain et il vit encore sous une certaine tension.

Je pense que, même si le procureur de la couronne est là pour déposer devant le juge des faits pertinents à une sentence, c'est le juge qui doit trancher le débat. Je répète que je sais par expérience que c'est un fardeau très lourd, que ça provoque chez eux une très grande tension, puisqu'à ce moment ils doivent considérer toutes les circonstances aggravantes et toutes les circonstances favorables à l'accusé afin d'éviter une erreur quelconque.

Alors, je pense qu'en raison de ces spécialités, de ces exigences que nous, les contribuables et les justiciables, sommes les premiers à exiger, qu'en raison du fait qu'un juge doit conserver une dignité non seulement en public, mais également dans sa vie privée, nous n'avons pas le droit de le forcer à poser des barrières et à dire: Maintenant que je suis juge, je dois diminuer ceci ou cela. Je pense que nous devons lui donner l'occasion de vivre convenablement comme il le faisait auparavant. Je pense que nous devons lui donner l'occasion de suivre au moins une partie de la hausse du coût de la vie en accordant cette hausse qui sera approximativement de l'ordre de 4 p.c., tel que mentionné par l'honorable juge, par l'honorable — pas juge encore, mais bientôt — ministre de la Justice. Merci.

M. MORIN: Doit-on vous féliciter?

M. CHOQUETTE: Je note que mon adjoint parlementaire est pressé que j'accède à la magistrature.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Lafontaine.

M. DESJARDINS: M. le Président, une question de privilège.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Louis-Hébert sur une question de privilège.

M. DESJARDINS: M. le Président, je soulève une question de privilège ici vu les remarques de mon ministre.

M.MORIN: Vous allez vous embourber davantage, il vaut mieux laisser faire.

M. DESJARDINS: Je regrette... M. MORIN: Laissez faire.

M. DESJARDINS: Je regrette, le fait d'être nommé un jour ministre de la Justice n'a même jamais effleuré mon esprit. J'ai été élu député, point. Et puis, le lendemain de l'élection, des journalistes ont couru après moi pour tenter de me faire dire que j'aspirais au ministère de la Justice mais je les ai évités et j'ai même évité de me rendre au palais de justice le lendemain.

M. MORIN: Pourtant, c'est une aspiration légitime !

M. DESJARDINS: Tout ce que j'ai à dire, M. le Président, je conclus là-dessus, c'est que, dans le moment, j'essaie d'être un bon député, un bon adjoint parlementaire et j'aimerais bien conserver notre bon ministre de la Justice.

M. LESSARD: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question au député? Est-ce que ça voudrait dire que le député n'aurait aucune ambition?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Lafontaine.

M. DESJARDINS: Je n'ai pas à révéler mes ambitions à l'honorable député de Saguenay.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

L'honorable député de Lafontaine.

M. LESSARD: Des ambitions cachées.

M. Marcel Léger

M. LEGER: M. le Président, lorsqu'on a présenté ce projet de loi, je n'avais pas participé au débat, je ne suis pas un avocat, je ne suis pas un spécialiste. Je vais essayer quand même de donner mon point de vue parce que les juges doivent juger tous les types de citoyens, et chaque citoyen a son point de vue sur le fonctionnement et l'administration de la justice.

M. le Président, le ministre nous a parlé tantôt de plusieurs raisons pour lesquelles on devrait augmenter le salaire des juges. Il a soulevé, entre autres, l'argument de pressions possibles, de dangers, de manque d'éthique professionnelle si on ne paie pas un salaire dépassant les $28,000 payés actuellement. M. le Président, ce premier argument m'a frappé. Est-ce que ça veut dire que les députés qui gagnent moins que $28,000 seraient sujets à des pressions chez eux? Est-ce que ça veut dire que tout bon fonctionnaire, tout maire de munici-

palité, toute personne qui ne gagne pas $28,000 serait tentée de succomber à des tentations, et que le chiffre de $28,000 est devenu magique et que toute personne qui gagne moins de $28,000 doit maintenant être obligée de se défendre contre les tentations qu'on mettra sur son passage?

M. le Président, je pense que cet argument n'est pas justifiable. Un juge doit être en place, il doit accepter sa fonction parce que, justement, il a compris le rôle qu'il doit jouer dans la société et le respect qu'on lui doit. Aujourd'hui, on en est rendu qu'il faut mettre un prix aux choses et aux services. Aussi délicate que puisse être cette opération, l'appréciation du service que rendent les juges à une société n'est pas une chose triviale ni mesquine. La justice n'a peut-être pas de prix mais il faut quand même lui en mettre un puisque c'est le sujet du débat présenté par ce projet de loi. Essayons de le faire sans être radins ou faussement magnanimes puisque nous sommes en face d'une charge publique à laquelle il faut attacher un traitement, essayons de le faire en conciliant nos valeurs et nos moyens et en comparant nos solutions avec les solutions des sociétés voisines.

M. le Président, j'aimerais établir trois points pour l'évaluation du salaire des juges sur une base particulière: soit d'abord la détermination de critères de base, la possibilité de la comparer à l'ensemble de la société, la possibilité de vérifier ce niveau de salaire d'emplois alternatifs, c'est-à-dire emplois qu'un juge aurait pu accepter s'il n'avait pas été nommé juge, finalement parlons peut-être du revenu moyen des professionnels avocats québécois.

Parlons aussi possiblement des bénéfices marginaux, parlons de la sécurité. On sait que le salaire des juges dure jusqu'à la fin de leurs jours, il n'y a pas de problème, il y a une pension au bout. Ils n'ont pas comme les députés à se représenter devant un électorat et ils ont cette sécurité d'emploi que l'avocat n'a pas, que le député n'a pas, que les différents professionnels n'ont pas.

Vous avez l'approche comparative avec les autres provinces ou les autres Etats voisins et finalement vous avez le prestige social qui est accordé quand même à un juge. Dans une société comme la nôtre, il est important de dire: Dans notre milieu social, nous avons un juge, nous avons un avocat, nous avons un ministre. Alors il y a tout un prestige rattaché à la tâche.

Je pense que l'ensemble de cette situation nous amène à nous demander: Est-ce que le salaire actuel du juge est assez élevé? Actuellement, M. le Président, quels sont les modes usuels pour déterminer les salaires à travers le Québec? Vous avez la méthode arbitraire, existant pour les emplois dont on ne connaît pas précisément les fonctions, les tâches exercées, ou on est très peu nombreux comme individus à prendre cette tâche, ou c'est une tâche temporaire. Je pense qu'il y a des montants d'accordés pour des tâches où on ne peut pas percevoir exactement le salaire et on met arbitrairement un montant.

Vous avez une évaluation des tâches. A ce moment-là quelles sont les normes et critères? Actuellement, on propose une augmentation de $5,000, et c'est même rétroactif; $3,000 en 1972 et $2,000 en 1973. M. le Président, actuellement, la moyenne de salaire des juges dans l'Est du Canada — spécialement ceux qui ne sont pas nommés par le fédéral mais ceux qui sont nommés par le provincial — est inférieure à la norme qu'on propose aux juges du Québec. La moyenne est même celle que les juges du Québec ont actuellement. Si on la compare, M. le Président — parce que c'est difficile, ce ne sont pas les mêmes structures judiciaires — avec d'autres juges dans d'autres Etats, aux Etats-Unis, on s'aperçoit qu'on se classerait — si on me permet de vérifier — au niveau des juges par administré, avec l'augmentation, au 8e rang parmi les 52 Etats des Etats-Unis.

Avec un coût de la vie inférieur à celui des Etats-Unis, nous serions au 8e rang, alors que, avec le salaire actuel, on se classerait au 19e rang des Etats au niveau des juges par administré. Comparons les juges — parce qu'ici il y a quand même une échelle différente — de la cour Provinciale qui sont dans le domaine administratif avec les juges de la cour Provinciale qui sont directement à la cour Provinciale. De plus, comparons ceux du Bien-Etre social avec les juges des Etats américains ayant une "Juvenile Court" ou bien une "Family Court".

M. le Président, il n'y a que deux Etats, le New Jersey et New York, qui auraient un salaire supérieur à celui des juges actuels. Si on accepte l'augmentation, il n'y aurait qu'un Etat, le New Jersey, qui payerait soit $34,000 pour une même catégorie. Alors, devant cet état de fait on se dit: Un juge a une sécurité d'emploi, il a le confort, une situation sociale enviée, il est bien payé comparativement au reste des autres provinces du Canada. Il est à l'avant-garde même des salaires payés pour les juges dans les différents Etats américains, alors que le coût de la vie est supérieur. Et de plus en plus ils ont l'avantage de vouloir réaliser une tâche qui est difficile, ingrate mais qui est absolument essentielle dans une société.

On veut augmenter ces personnes de $5,000. Cette augmentation, sans faire de la démagogie, c'est quand même $100 par semaine, un salaire qu'on a de la difficulté — on va l'atteindre — à obtenir pour tous ceux de la fonction publique. C'est un minimum vital et on veut le donner d'un coup comme augmentation.

S'ils sont réellement mal payés, il faut faire un effort mais je pense qu'actuellement, en regardant les arguments que je viens d'exprimer, les juges ne sont pas mal payés si on prend le terme comparatif. On est d'accord qu'il est nécessaire de donner au Québec des juges qui soient qualifiés. C'est la raison pour laquelle

mon collègue, tantôt, a démontré différents aspects de la correction dans le système judiciaire, c'est-à-dire maintenir l'administration de la justice à un haut niveau. Finalement, pour arriver à cela, il faut se demander à quel prix il faut les payer.

Cherchons d'abord un critère de détermination du salaire du juge. Deux guides peuvent nous servir dans la recherche du critère. Le premier est que le salaire de ce type de main-d'oeuvre hautement qualifiée doit être retiré des forces du marché afin de garantir ces employés publics contre toute pression économique. C'est sûr qu'il faut tenir compte de cela. Le second principe est que ces salaires doivent être alignés sur les salaires accordés pour des emplois alternatifs. Le premier guide nous amène vers une avenue, vers une solution où les salaires des juges seraient déterminés à partir de la structure des salaires de l'ensemble de la société; plus précisément, ils seraient déterminés en multipliant par un certain coefficient, c'est-à-dire le salaire moyen de notre société. C'est d'ailleurs ainsi que les économistes comparent les niveaux de salaire de la main-d'oeuvre hautement qualifiée entre divers pays, c'est-à-dire en comparant le coefficient utilisé.

Je laisserai à d'autres députés le soin de sortir ces différents coefficients de comparaison avec l'ensemble de la société. Il y a une deuxième façon, d'une plus grande précision peut-être, pour atteindre ce but si on utilise un second guide, à savoir le niveau de salaire alternatif. Il peut être assez difficile de déterminer un emploi alternatif pour un juge; il est cependant plus aisé de déterminer un tel emploi pour un avocat qui serait appelé à monter sur le banc...

M. HARDY: Me Harper.

M. LEGER: ... si ce n'est pas descendre. Retenons deux grandes catégories d'emploi alternatif: Le professorat du niveau universitaire et la pratique privée du droit. Si on regarde la structure salariale des professeurs de droit au Québec...

M. HARDY: Le chef de l'Opposition officielle.

M. LEGER: ... en 1972/73, on s'aperçoit que le plus haut salaire versé est de $32,000 et que ce salaire s'écarte de plus de $6,000 du deuxième plus haut salaire versé, qui est de $25,500. Si on normalise la courbe des salaires des professeurs de droit, on s'aperçoit que l'ensemble des professeurs de droit âgés de 40 ans gagnent un peu moins de $20,000; ceux de 45 ans, un peu moins de $22,000.

M. HARDY: M. le Président, est-ce que le député me permet une question?

M. LEGER: Ceux de 50 ans, un peu moins de $24,000. Vous aurez l'occasion de répondre tantôt.

M. HARDY: Juste une petite question.

M. LEGER: Je vois les pièges de l'avocat qui veut me poser des questions dans le domaine du droit, M. le Président.

M. HARDY: Pas de question? Non, non, c'est une question bien honnête. Je voulais vous demander tout simplement...

M. LEGER: Je suis dans le domaine des chiffres.

M. CHARRON: A l'ordre! A l'ordre!

M. LEGER: II pourra corriger mes chiffres tantôt, M. le Président.

M. HARDY: Non, non, ce n'était pas pour corriger, c'était une précision que je voulais.

M. LESSARD: A l'ordre!

M. CHARRON: A l'ordre!

M. LEGER: Un peu moins de $22,000.

M. HARDY: Cela va mieux comme cela.

M. LEGER: J'étais rendu aux gens de 50 ans, donc, je vous ai dépassé. Un peu moins de $24,000. Ceux de 55 ans gagnent $25,000. En haut de cet âge, il n'y a que deux individus dont l'un gagne $23,000 et l'autre $32,000. C'est donc dire qu'il est, du strict point de vue du salaire, plus avantageux pour un avocat d'embrasser la carrière de juge que le professorat.

Si l'on regarde maintenant la structure salariale des avocats de pratique privée, l'on constate les points suivants. Le revenu professionnel moyen des avocats québécois en 1971 est de $25,544. Je présume que c'est le revenu déclaré. Ce revenu a connu une hausse moyenne, durant les sept dernières années, de 5.3 p.c. Si on extrapole le revenu total moyen d'un avocat québécois en 1973, on obtient $28,000. Il est donc permis, ces pondérations une fois établies, de conclure que le salaire des juges est quand même avantageux par rapport au revenu de leurs confrères qui demeurent en pratique privée et qui n'ont pas cette sécurité d'emploi, sinon au moment de leur nomination, du moins de plus en plus à mesure qu'ils vieillissent. Cette conclusion se renforce si l'on considère les bénéfices marginaux dont profitent les juges et pas les avocats. Mentionnons au premier titre la pension des juges. Cette pension n'est pas payée à partir d'une masse constituée des contributions des juges. Elle est prélevée directement sur le fonds consolidé du revenu, sans que les juges aient à contribuer. On peut évaluer ces bénéfices marginaux en regardant ce que les avocats

de pratique privée déclarent à titre de déductions du revenu imposable comme contribution à des fonds de pension. Ainsi, en 1971, ils déclaraient à ce poste un montant moyen de $930 et on peut estimer qu'en 1973 ils verseront la somme d'environ $1171.

Un autre bénéfice marginal important qui rend peut-être plus attrayant le banc que la pratique est l'importance des vacances que peut se permettre un juge ou un magistrat. Sans prétendre que les vacances des juges ont une durée égale à celles des vacances judiciaires, il est quand même généralement reconnu et admis par les intéressés qu'ils profitent d'un mois et plus de vacances par année. Il est beaucoup plus difficile d'évaluer l'importance des vacances que prennent les avocats de pratique privée, mais il est quand même aisé d'admettre qu'elles n'ont pas la même importance.

Un autre bénéfice marginal important est la sécurité qu'apporte l'élévation à la magistrature quant aux congés de maladie. En effet, des exemples ont été rapportés de juges qui ont été dans l'incapacité de siéger pendant plus d'un an, qui ont même reçu durant cette période la totalité de leur salaire et qui n'ont été inquiétés en aucune façon. Il s'agit là d'une sécurité difficilement évaluable, mais qui avantage sûrement le choix du banc par rapport à la pratique. Une autre approche déterminante est l'approche comparative dont j'ai parlé tantôt.

En terminant, M. le Président, qu'il nous faille payer les juges un juste prix, soit, mais nous ne sommes prêts qu'à ce juste prix. Lors du premier débat, le ministre a voulu amener la discussion sur la détermination d'un mécanisme permanent de fixation du salaire des juges. Nous souhaitons ce débat, mais nous savons qu'il ne permettra pas d'éviter la question fondamentale que nous nous posons maintenant. Combien doit gagner un juge par rapport à l'ensemble de la société et par rapport à ce que cette société peut payer comme services de justice? Il s'agit là d'une appréciation qui ne relève pas de mécanismes permanents ou de procédures compliquées de consultation. Il s'agit d'un choix de valeur que seule l'Assemblée nationale peut poser et auquel nous n'entendons pas nous soustraire. Ensuite, il nous fera plaisir de proposer un mécanisme d'indexation et, par la suite, nous pourrons conclure que peut-être les juges ont droit à une augmentation. Mais il faut, avant de le faire, réaliser jusqu'à quel point il y a des couches de la société qui doivent être augmentées, réaliser qu'on doit relever le salaire minimum, qu'on doit faire la différence, dans une société qui se veut progressive, entre ceux qui gagnent beaucoup et ceux qui gagnent le moins, qu'on doit les rapprocher avant d'augmenter ceux qui, dans la couche supérieure ont toute cette gamme de facilités, toute cette gamme de possibilités que n'ont pas ceux d'une couche beaucoup inférieure de la société, qui les regardent et par lesquelles ils vont être jugées.

Je termine en disant que nous voulons que les juges ne soient pas atteints de cette pression, mais ce n'est pas parce qu'ils ne gagnent, selon les mots du ministre de la Justice, que $28,000 qu'ils risquent de mal juger ou d'être partiaux, ou d'être "approchés", ou de succomber à des tentations. Il y a tellement de gens qui ont des positions clés dans la société et qui, eux aussi, pourraient être "approchés" parce qu'ils n'ont pas le salaire de $28,000. Je pense qu'il est important que les juges aient un salaire normal, mais que ce soit fait parce qu'ils ont les qualifications.

Comme le disait tantôt mon collègue, le chef de l'aile parlementaire du Parti québécois et de l'Opposition officielle, les juges doivent passer par une école de la magistrature, ils doivent passer par un recyclage et les autres juges, qui seront nommés, doivent passer par des mécanismes différents. Les juges sont beaucoup plus nommés par le fédéral dans les autres provinces que dans la province de Québec. Ici, on a beaucoup plus de juges nommés par le provincial. Jusqu'à présent, c'était une récompense, trop souvent, qui faisait que le corridor de pensée que le juge avait à utiliser pour percevoir les causes qu'on lui présentait venait d'une même couche de la société; son groupe d'amis avaient le même régime de vie, la même façon de s'exprimer; ils étaient de la même école de pensée.

M. le Président, vous me faites signe que mon temps achève. Je veux justement exprimer, en terminant, le point de vue que, dorénavant, si la nomination des juges était faite selon des critères bien définis, nous serions beaucoup mieux placés pour leur donner des salaires plus élevés, parce que nous saurions que non seulement ils auraient l'intégrité, mais qu'ils auraient aussi les capacités et qu'ils auraient aussi, au-dessus de tout doute, la confiance du peuple. Ainsi, la justice ne porterait plus de bandeau sur les yeux, puisque tous les gens la verraient et l'accepteraient.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: M. le Président...

M. SPRINGATE: On est gâté ce soir!

M. LESSARD: Oui, je suis gâté aujourd'hui. M. TARDIF: Pas nous autres!

M. LESSARD: Je comprends que vous ne soyez pas gâtés, mais ne vous inquiétez pas, vous n'avez pas fini. On commence.

Alors, nous voici encore...

UNE VOIX: Ce n'est pas un "filibuster", mais un "minibuster"!

M. LESSARD: ... avec un projet de loi qu'en juillet 1973 on a combattu avec acharnement et qu'on va combattre encore.

M. HARDY: Vous avez été battus.

UNE VOIX: Vous vous êtes ramassés avec six, la prochaine fois, ce sera quatre.

M. LESSARD: Alors, je tiens à dire aux députés libéraux qu'ils vont rester longtemps assis sur leur chaise...

M. TARDIF: On va se lever.

M. LESSARD: J'espère que vous allez vous lever pour faire valoir justement vos revendications.

UNE VOIX: Ce n'est pas un "fili" avec lui; c'est un "minibuster"!

M. LESSARD: Mais je tiens à leur dire que nous avons l'intention de nous battre, encore une fois, avec acharnement contre ce projet de loi. Il reste que, cette année, le gouvernement a eu une leçon.

UNE VOIX: II est fort, 102 députés.

M. LESSARD: Oui, M. le Président, 102 députés. Mais il reste quand même qu'ils ont constaté qu'avec sept députés, au cours du dernier mandat, ils n'ont pas réussi à nous passer la loi des juges. Malgré que nous soyons actuellement seulement six députés, vous allez probablement nous passer la loi des juges...

UNE VOIX: Oui, elle va passer.

M. LESSARD: Oui, elle va passer, probablement...

UNE VOIX: Bravo!

M. LESSARD: ... mais c'est à notre corps défendant qu'elle va passer.

UNE VOIX: Over my dead body.

M. LESSARD: Nous n'avons pas l'intention de laisser passer bien tranquillement ce projet de loi. Nous avons l'intention de reprendre exactement les mêmes critiques que nous avions faites le 6 juillet 1973.

N'en déplaise aux libéraux — non pas aux néophytes mais aux libéraux qui, à ce moment, étaient membres de cette Chambre — nous allons leur répéter exactement les mêmes arguments parce qu'ils n'ont pas compris à ce moment-là.

M. HARDY: Du radotage!

M. LESSARD: Probablement, M. le Président, du placotage...

M. HARDY: Du radotage!

M. LESSARD: ... du radotage, M. le Président, mais nous avons constaté depuis 1970 que, dans cette Chambre, il fallait en faire des répétitions parce que nous avons un gouvernement de sourds, que ce soit dans les différents ministères dont j'ai la responsabilité ou que ce soit le problème des juges.

Moi, M. le Président, comme je viens d'un comté rural, comme je viens d'un comté ouvrier, contrairement à ce que le premier ministre disait, c'est-à-dire que ce sont les bourgeois qui ont voté pour les gens du Parti québécois...

DES VOIX: C'est vrai.

M. LESSARD: ... chez nous, ce ne sont pas les bourgeois qui ont voté pour les gens du Parti québécois. Quand je constate, M. le Président, que le gouvernement actuel nous apporte une loi comme cela, je constate véritablement que la bourgeoisie n'est pas du côté du Parti québécois mais qu'elle est véritablement du côté des libéraux.

M. le Président, qu'on arrête de nous charrier, qu'on arrête de nous faire pleurer. Je voudrais bien que des gens de mon comté aient l'occasion et la responsabilité de se faire entendre ici, ce soir, concernant l'augmentation des salaires des juges. Lorsque nous entendons le député de Louis-Hébert venir nous faire pleurer en disant que les juges doivent se soumettre aux insultes de la société québécoise, que les juges doivent être ouverts à la critique de l'ensemble de la société québécoise...

M. DESJARDINS: Une question de privilège, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question de privilège.

M. DESJARDINS: L'honorable ministre de Saguenay vient de mal me citer.

DES VOIX: II n'est pas ministre encore!

M. DESJARDINS: J'ai dit minus, euh! l'honorable député de Saguenay. Je retire...

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: Si le député de Louis-Hébert a besoin de faire une rectification, il la fera après que le député de Saguenay aura terminé...

M. HARDY: C'est une question de privilège!

M. LEGER: ... et non pas pendant.

M. DESJARDINS: Une question de privilège, M. le Président. Après? Sur une question de privilège, je peux interrompre l'orateur, je crois.

UNE VOIX: En tout temps.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Expliquez votre question de privilège.

M. DESJARDINS: Parce que j'ai été mal cité par l'honorable député de Saguenay, lorsqu'il dit que...

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. DESJARDINS: ... tous les Québécois insultent la magistrature. Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. LEGER: Ce n'est pas une question de privilège que de dire qu'on a été mal cité, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Lafontaine sur une question de règlement.

M. LEGER: M. le Président, s'il a été mal cité, il attendra que le député de Saguenay ait terminé son exposé. Par la suite, il fera toutes les rectifications qu'il voudra. Il pourrait peut-être en faire plusieurs, mais après.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, sur le point de règlement, le député de Louis-Hébert est sans doute un avocat?

M. DESJARDINS: Pardon?

M. LESSARD: Le député de Louis-Hébert est sans doute un avocat?

M. DESJARDINS: C'est exact.

M. LESSARD: Est-ce que je pourrais demander au député de Louis-Hébert de vérifier l'article 96? S'il s'agit justement d'une mauvaise citation, il pourra, après mon intervention, faire la mise au point nécessaire.

M. DESJARDINS: Je n'ai pas de leçon à prendre du député de Saguenay.

M. LESSARD: Alors, M. le Président, je suis bien d'accord. En ce qui concerne les règlements, peut-être que le député de Louis-Hébert aurait avantage à les lire, en tout cas, même s'il est avocat.

M. DESJARDINS: ... à mesure que je parle.

M. CHARRON: Sur le même point de règlement, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Sur quel point de règlement voulez-vous parler?

M. CHARRON: Le point soulevé par le député de Louis-Hébert.

M. MALOUIN: Assis-toi donc!

M. CHARRON: J'aimerais attirer son attention, avant de remettre la parole à mon collègue de Saguenay, qui a une intervention importante à livrer à l'Assemblée — je ne voudrais pas que mon intervention soit soustraite de son temps — et simplement rappeler à la Chambre et à l'attention du jeune député de Louis-Hébert que l'article 96 se lit comme suit: "Le député qui prend la parole pour donner des explications sur le discours qu'il a déjà prononcé ne peut le faire que lorsque le discours qui les provoque est terminé — ce que n'avait pas fait le député de Saguenay, puisqu'il est en plein cours de son discours, M. le Président — à moins...

M. MALOUIN: A l'ordre, M. le Président!

M. CHARRON: ... que celui qui le prononce ne consente à être interrompu". Je ne sache pas que mon collègue de Saguenay, à moins que vous, M. le Président, l'ayez entendu sur ce point de règlement, ait accepté d'être interrompu par le député de Louis-Hébert.

Je continue la lecture de l'article du règlement, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! J'avais redonné la parole au député de Saguenay lorsque j'ai entendu le député de Louis-Hébert.

Le député de Saguenay.

M. BURNS: M. le Président, sur la question de règlement, quand même, je vous demanderais...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, c'est sûr que ce n'est pas drôle pour certains députés d'assister passivement à un débat aussi hautement intellectuel que celui que nous avons.

M. HARDY: C'est du cynisme.

M. BURNS: Je vous demande particulièrement à vous, comme vous avez l'habitude de le faire, de protéger l'Opposition — c'est un de vos rôles — et de lui laisser faire son travail complè-

tement. S'il y a des députés de l'autre côté qui ont l'intention de rectifier des faits, ils pourront toujours le faire en vertu de l'article 96, mais après que le député aura terminé son intervention.

M. HARDY: ... son collègue.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: Merci, M. le Président...

M. DESJARDINS: Question de règlement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Louis-Hébert, question de règlement.

M. DESJARDINS: Vu le règlement dont l'honorable député de Saint-Jacques a donné lecture, j'aimerais savoir de l'honorable député de Saguenay s'il accepte d'interrompre son discours pour me permettre de rectifier les faits qu'il vient d'énoncer, et ce en vertu du règlement.

Est-ce que vous acceptez?

M. BURNS: Si ce n'est pas pris sur son temps.

M. LESSARD: Je suis bien prêt à permettre au député de Louis-Hébert de faire la rectification, pour autant que ça ne sera pas pris sur mes 20 minutes.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): En vertu du règlement, c'est pris sur votre temps.

M. BURNS: Si c'est de consentement unanime.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): De consentement unanime. Est-ce qu'il s'agit d'un consentement unanime?

DES VOIX: Oui.

M. DESJARDINS: Je veux être très bref là-dessus. Lorsque l'honorable député de Saguenay déclare que j'ai dit que les juges étaient victimes des insultes des Québécois, c'est tout à fait inexact. J'ai dit tout simplement qu'il est arrivé que certains Québécois qui avaient défié la justice se sont permis d'insulter la magistrature. C'est tout à fait différent.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: Encore là qu'on arrête de me faire pleurer. Il est normal que dans n'importe quelle profession, que ça soit celle des juges ou celle de mon collègue le député de Sainte-Anne, qui a été un botteur formidable à un moment donné au football et qui...

UNE VOIX: II cherche son ballon depuis ce temps-là.

M. LESSARD: Lorsqu'il faisait une mauvaise partie, il se faisait sans doute insulter par ses partisans et par son entraîneur. Donc, c'est tout à fait normal pour les juges comme c'est tout à fait normal pour les enseignants. Ceux-ci à l'occasion, à maintes et maintes reprises par suite du fait qu'ils sont obligés d'appliquer certaines mesures disciplinaires contre leurs élèves, sont soumis eux aussi à certaines insultes.

Mais qu'on ne me fasse pas pleurer sur ça. Ce n'est pas ça qui justifie une augmentation de salaire pour les juges de $5,000 par année. Est-ce que ça se calcule selon la quantité des insultes qu'ils peuvent recevoir lors des procès qu'ils ont à juger? Je ne crois pas.

Il faut tenir compte d'autres critères pour établir le salaire des juges. Et, dans ce débat, il y a une chose que nous autres du Parti québécois nous devons dire. C'est qu'il ne s'agit pas — et loin de là — de mépriser cette profession. Je pense que c'est comme d'autres professions de la société, mais c'est une des professions importantes, parce que toute la justice c'est quand même la base d'une société.

DES VOIX: C'est édifiant.

M. LESSARD: Revenons au sérieux. Nous sommes sérieux de ce côté-ci de la Chambre.

M. le Président, même si on fait une lutte difficile, une lutte acharnée contre ce projet de loi, il ne s'agit pas à mon sens de mépriser une profession qui est extrêmement importante dans la société québécoise. Mais moi, je ne pense pas, contrairement à ce que dit le ministre, que l'indépendance des juges est d'abord une question de salaire. Il est vrai qu'il y a une question de salaire; il est vrai, et c'est relatif, qu'il faut accorder aux juges un salaire minimum qui leur permette de vivre décemment dans la société québécoise, comme il est vrai aussi qu'il faut accorder aux autres professions de la société québécoise, qui sont aussi importantes, que ce soit la profession des enseignants ou d'autres professions, des salaires décents. Mais, on peut se demander si le salaire qui est payé actuellement aux juges, le salaire de $28,000 par année, est un salaire décent. Est-ce qu'il s'agit aussi d'un salaire qui permet d'avoir le nombre de juges nécessaire pour nos tribunaux? Je pense que pour évaluer le salaire d'un secteur de la société québécoise, que ce soit dans d'autres secteurs que celui des juges, il faut d'abord tenir compte de la possibilité de payer d'un pays. Et il faut tenir compte de la différence entre les gens les moins payés et les gens les mieux payés.

Actuellement, quand je compare, par exemple, le salaire des juges à d'autres professions dans la société, qui sont aussi importantes, je calcule qu'ils ne font quand même pas pitié. Je calcule que l'augmentation de $5,000 par an-

née, ce n'est pas leur donner le minimum vital, ce n'est pas leur donner le surplus nécessaire pour qu'ils aient au moins la satisfaction de leurs besoins essentiels. Leur donner $5,000 par année, c'est leur accorder probablement...

M. CHOQUETTE: M. le Président...

M. LESSARD: ... un voyage en Floride de plus par année.

M. CHOQUETTE: ... est-ce que le député me permettrait une rectification? Je connais la bonne foi du député de Saguenay, il en a fait preuve en plusieurs circonstances. Je pense qu'il n'insistera pas sur l'expression "augmentation de $5,000 par année" parce que ce n'est quand même pas ça qui est dans le projet de loi.

M. LESSARD: D'accord, M. le Président, je suis heureux que le ministre... Il est vrai, il s'agit d'une augmentation mais d'une augmentation rétroactive, non pas de $5,000 par année; en vertu du projet de loi, il s'agit d'une augmentation de $5,000. Mais, cette augmentation est-elle nécessaire, d'abord, pour permettre aux juges d'avoir un minimum vital normal, nécessaire? Je dis: non. Il y a quand même d'autres groupes dans la société québécoise qui n'ont pas un salaire de $28,000 par année et qui ne peuvent se permettre de prendre des vacances d'un mois et demi, d'un mois par année. Je trouve que, comparativement, par exemple, à d'autres secteurs de la société, c'est quand même une augmentation assez considérable par rapport — tout ça est relatif — au salaire qui est déjà payé.

Je trouve aussi que cette augmentation n'est pas justifiée parce qu'il semble, en tout cas d'après — je ne suis pas avocat, M. le Président — les connaissances que je peux avoir du milieu, d'après les connaissances pratiques que j'en ai... J'ai eu l'occasion de voir, par exemple, qu'un de mes amis a été nommé juge, dernièrement. Un gars qui était avocat, qui avait un gros bureau d'avocat et qui n'a pas hésité. C'est un de mes amis mais un libéral, parce que j'ai quand même des amis libéraux; on peut être amis sur le plan personnel sans partager pour autant la même idéologie politique. Or, cet ami — j'en suis convaincu — faisait un salaire passablement intéressant dans la pratique privée, et lorsque le ministre de la Justice, quelques semaines avant les élections, lui a offert le poste de juge, il n'a pas du tout hésité.

Est-ce que le ministre de la Justice lui a offert le poste de juge, en lui disant: Bien, écoute, il va y avoir une augmentation de $5,000? Je ne le pense pas, parce que je ne pense pas que le ministre de la Justice pouvait, à un moment donné, engager des deniers publics avant qu'une loi de l'Assemblée nationale soit votée.

Je pense bien que cet avocat, encore jeune, compétent et que je respecte, a accepté ce poste, d'abord et avant tout, parce qu'il y avait, en plus du salaire de $28,000 par année, des avantages sociaux considérables. Lorsque nous avons à lire les rapports en particulier, par exemple, de la Régie de l'assurance-maladie, sur les salaires des médecins, il nous arrive tout à coup de nous scandaliser de voir que des médecins font un salaire de $52,000 par année. Mais quand je compare le salaire du médecin, à $52,000 par année, ou le salaire d'un avocat, par exemple, dans la pratique privée, à $50,000 par année, avec le salaire de juge, je trouve que ça se compare très bien, parce qu'il y a quand même des avantages sociaux considérables.

Le gars qui est médecin, à $52,000 par année en moyenne — ce qui était la moyenne l'an dernier, je pense — n'a pas les avantages sociaux...

M. SAINDON: Une question de privilège. Je voudrais faire remarquer ceci au député de Saguenay. On a dit que le salaire moyen des médecins était de $52,000...

M. BURNS: M. le Président, il n'y a pas de question de privilège. Il signale tout simplement...

M. SAINDON: Je veux faire...

M. BURNS: Qu'il fasse une mise au point, après, en vertu de l'article 96, comme on l'a dit tantôt.

M. SAINDON: ... une mise au point. Bien, c'est une question de privilège, et je veux faire une mise au point.

M. BURNS: Bien, qu'il nous dise ce que c'est.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Votre mise au point viendra après le discours. A ce stade, vous pouvez faire une mise au point à un discours que vous avez prononcé et la question de privilège, c'est lorsque vous êtes visé personnellement, pas dans ce cas-là.

M. LESSARD: M. le Président, en tout cas, ce sont, du moins les chiffres que j'ai eu l'occasion de constater dans le rapport de la Régie de l'assurance-maladie l'an dernier, c'est-à-dire un salaire moyen de $52,000. C'est pour ça que je compare ça au salaire du juge. Je comprends que probablement la question de privilège que voulait soulever le député, c'est que du salaire du médecin, $52,000 par année, il faut enlever une quantité de choses.

M. SAINDON: A ce moment-là, me permettez-vous une mise au point?

M. LESSARD: Oui, oui, je vous le permets. M. SAINDON: La mise au point: les

$52,000 par année, ce n'est pas grave. Enlevez là-dessus le salaire d'une secrétaire, les dépenses de bureau, toutes les dépenses inhérentes, qu'est-ce qui reste? Alors, expliquez-vous quand vous faites des affirmations comme ça.

M. LESSARD: C'est justement ce que je voulais faire. C'est exactement cette argumentation. Que je suis donc heureux que le député d'Argenteuil vienne m'aider dans ce sens-là, parce que, quand, justement, je voulais comparer le salaire des médecins, je voulais tout simplement dire ceci et je me dirigeais dans cette direction. Les médecins n'ont pas un salaire garanti à vie. Les médecins doivent se payer eux-même leur propre fonds de pension. Les médecins doivent payer leur secrétaire. Les médecins doivent payer leur bureau, comme les avocats d'ailleurs, ce qui veut dire qu'à $28,000 par année un juge est mieux payé qu'un médecin. Maintenant, je dirai au député d'Argenteuil que j'ai deux médecins dans ma famille et que je vois le nombre d'heures que ces personnes-là mettent au travail. Encore là, quand on considère les heures de travail du médecin par rapport à son salaire — là, je ne veux pas mésestimer le juge — comparativement au nombre d'heures, par exemple, qu'un juge peut mettre dans son travail, il y a encore là toute une différence. C'est là que je trouve que, bien souvent, des comparaisons peuvent être très mauvaises.

La Régie de l'assurance-maladie soumet, comme ça, que $52,000 est le salaire moyen du médecin, mais si, justement pour revenir à la loi, on comparait tous les avantages sociaux — parce que ça se calcule économiquement — qu'un juge peut avoir aux avantages sociaux qu'un médecin doit se payer, je pense que ce salaire-là serait passablement supérieur au salaire du médecin ou au salaire d'un avocat qui est dans la pratique privée.

C'est pour cela, M. le Président, qu'il est très important, avant d'adopter un projet de loi comme celui-là, d'essayer d'évaluer les salaires qu'on peut donner à un groupe de la société comparativement à un autre groupe de la société. Bien souvent on déblatère sur certains groupes de la société mais, comme le disait tout à l'heure le député d'Argenteuil, c'est parce qu'on comprend très mal; un peu comme, par exemple, comme certains journalistes le font lorsqu'ils calculent le salaire des députés, incluant la secrétaire, le bureau et tout ce qui vient après. Ce n'est pas le salaire du député. Mais le salaire du juge, par exemple, c'est bien $28,000 par année net, après avoir payé la secrétaire, après avoir payé, sur les deniers publics du gouvernement, le fonds de pension qui est garanti.

Bonsoir, mon cher collègue de Louis-Hébert.

Je parle comme un gars qui n'est probablement pas un spécialiste comme le député de Louis-Hébert...

M. COTE: Cela paraît.

M. LESSARD: ... qui n'est pas avocat mais comme un simple citoyen qui se pose un certain nombre de questions et ces questions me paraissent importantes. On dit, par exemple, qu'il faut partir d'un salaire donné aux juges, qui gagnent actuellement $28,000 par année, leur accorder $33,000, c'est-à-dire $28,000 et $31,000 et après cela leur accorder encore $2,000, tout cela sous le prétexte qu'il s'agit de l'indépendance des juges. Il faudrait quand même parler de l'indépendance des médecins; de quelle façon va-t-on l'avoir?

Je dis que la justice, aujourd'hui, vit une certaine crise. Je pense que le ministre est bien informé de cela. Les ouvriers moyens, en tout cas dans mon comté, j'en rencontre souvent et je suis assuré que le député de Duplessis doit aussi en rencontrer souvent. Je rencontre, à un moment donné, un certain nombre d'ouvriers, je rencontre un certains nombre d'agriculteurs, ce que le député de Duplessis n'a pas dans son comté. On s'interroge et on se dit qu'il y a un problème fondamental qui se pose à la justice. Les gens sont inquiets, les gens ne croient plus, qu'on le dise véritablement — d'accord, M. le Président, je termine — à la justice. Ce n'est pas par une augmentation de salaire de $28,000 à $33,000 par année qu'on rend quelqu'un plus humain. Ce n'est pas par une augmentation de salaire de $28,000 à $33,000 qu'on permet à la population de croire à la justice.

Je pense bien que le problème fondamental — c'est ma conclusion, M. le Président — sera réglé lorsqu'on se penchera sur les nominations des juges, qui sont bien souvent des récompenses qu'un parti politique donne à ses amis. C'est là le problème fondamental de la justice au Québec, M. le Président. Merci.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, avant même d'avoir prononcé une parole dans le présent débat, vous ne m'en voudrez pas de vous dire que j'ai nettement l'impression d'avoir à me répéter. J'ai nettement l'impression d'avoir à me répéter pour une raison bien simple, c'est que ce débat que nous tenons ce soir a déjà été amorcé. Je me souviens que dans une autre Législature, plus précisément la précédente, nous avions eu à faire face à un projet de loi identique. Nous avions eu de notre côté, sans nous le cacher et sans le cacher maintenant, à vous manifester carrément, M. le Président, notre opposition à ce projet de loi.

Qu'il soit nécessaire de dire cependant, à la suite de l'intervention du député de Louis-Hébert tantôt, qu'il n'est pas du tout question, dans ce débat-ci, de la compétence des juges, de leur plus ou moins grande compétence ou quoi que ce soit; je pense qu'il est nécessaire de le dire par suite des arguments qui ont été amenés

par le député de Louis-Hébert. Le député de Louis-Hébert nous a vanté la magistrature pendant toute son intervention, il nous a parlé de la compétence des juges, de la difficulté, pour eux, de connaître des choses aussi compliquées que la balistique, d'avoir à imposer une sentence, etc.

Je tiens, M. le Président, au début de mon intervention, à vous dire que quant à moi, quant à notre parti, ce n'est pas sur cette base qu'on a l'intention d'enligner — si vous me permettez l'expression — le débat. Que les juges soient compétents, c'est une grosse affirmation que je n'ai même pas le goût de discuter, mais que je pourrais atténuer en disant: Beaucoup de juges sont compétents, beaucoup de juges travaillent très fort, beaucoup de juges sont bien utilisés et beaucoup de juges font un travail très utile à la société. C'est le plus loin que je vais me risquer d'aller, et dans l'intérêt de la magistrature, et dans l'intérêt de maintenir le débat, je pense, à un niveau où nous désirons le tenir, malgré —que ce soit bien clair — notre opposition systématique à ce projet de loi.

Le député de Louis-Hébert a également parlé du fait que les juges — et c'est l'aspect cependant qui m'intéresse — ont à traiter de problèmes humains. Je suis d'emblée d'accord avec lui. C'est la chose peut-être la plus évidente, c'est peut-être le postulat le plus incontestable —si vous me permettez le pléonasme — que l'on puisse dire dans un tel débat. C'est sûr qu'à chaque jour le juge a à traiter avec des êtres humains, a à traiter de problèmes humains, a à traiter de la liberté des êtres humains ou de leur non-liberté dans les cas de la justice pénale, ou encore de la façon dont les biens des contribuables ou des citoyens des justiciables sont protégés ou non protégés.

M. le Président, je ne ferai aucune querelle au député de Louis-Hébert là-dessus. C'est justement sur ce point que cela m'intéresse de discuter du salaire des juges. C'est justement sous cet angle, je pense, que nous devons nous préoccuper du montant de salaire qui est accordé aux juges.

M. le Président, je l'avais déjà dit dans le débat antérieur et je ne regrette pas d'avoir à le redire, même si ça peut, à certaines occasions, paraître dur: II est sûr — toujours faisant référence à ces problèmes humains dont les juges ont à traiter — que les juges, comme anciens avocats, ne font pas partie de la classe —je pèse bien mes mots — la plus prisée de la part des non-juges de la société. Cela est une vérité qu'on est obligé d'admettre. Ce n'est pas une discussion, encore une fois sur leur compétence, c'est tout simplement reconnaître un fait qui nous a été révélé par certaines statistiques qui ont été livrées à la population par l'entremise d'études faites au cours de la commission d'enquête Prévost sur l'administration de la justice. Je m'explique là-dessus, M. le Président.

Dans l'esprit de toute la population, un juge est un ancien avocat. La population a parfaitement raison d'arriver à cette conclusion; selon notre système de droit actuel, il faut être d'abord avocat pour devenir juge. Or, les avocats — et encore là je n'ai pas l'intention de discuter de la valeur de ces énoncés ou de la valeur de l'impression qui existe dans l'esprit de la population — les avocats ne sont pas membres de la profession la plus populaire qui existe actuellement. De sorte que je me dis, et c'est là que je rattache ça aux problèmes humains, aux problèmes de tous les jours, aux problèmes de vie privée que les juges ont à régler, je me dis qu'il est nécessaire de protéger, aussi drôle que ça puisse paraître, l'impression que les juges font dans la population.

S'ils ont à régler des problèmes humains, ils sont sûrement en contact continuel avec des gens qui sont surtout des non-avocats et surtout, raison de plus, des non-juges.

Ces gens doivent sentir, par le projet de loi actuel, — ce que je ne crois pas nécessairement — ces gens qui sont les justiciables, doivent sentir qu'ils ont affaire à des gens qui sont près d'eux. Etre près d'eux, cela ne veut pas dire faire vivre les juges dans le paupérisme, qu'on ne tente pas de m'interpréter de cette façon. Mais cela veut dire, cependant, avoir des salaires, accordés aux juges, qui ne distancent pas les revenus per capita moyens au Québec au point de laisser croire ou à perpétuer dans l'esprit des gens qu'un juge fait partie d'une classe qui est là, je m'excuse encore de l'expression, pour les fourrer.

M. HARDY: II faudrait baisser...

M. BURNS: Ne faites pas de démagogie. Je pense que, jusqu'à maintenant, j'ai essayé de ne pas en faire. J'ai essayé d'être très précis. J'ai essayé de ne pas faire glisser le débat dans une qualité de moindre valeur ou douteuse comme semble vouloir...

M. HARDY: Non, non, non.

M. BURNS: ...m'y entraîner le député de Terrebonne.

M. HARDY: C'est très réel.

M. BURNS: Je n'ai pas du tout l'intention d'embarquer dans ce domaine. C'est à ce point que je trouve que ce secteur est important, que ce secteur est primordial dans le domaine de l'administration de la justice, que je fais bien attention afin d'utiliser les mots les moins démagogiques et les moins provocateurs possible. Mais il y a un certain nombre de faits qu'il faut se dire, au départ, avec franchise.

Or, toutes les fois, quand je dis "toutes les fois", je me reporte à une conversation privée que j'avais avec un député tantôt et qui me disait, et c'est le fait: On dirait que plus on

revient souvent avec un projet de loi de cette nature, plus on a l'impression que le salaire des juges est augmenté souvent, même s'il ne l'a jamais été. Je suis bien prêt à dire qu'il ne l'a pas été, à admettre, comme le ministre de la Justice nous l'a dit tantôt, qu'il ne l'a pas été depuis cinq ans, je crois. Bon, je suis bien prêt à admettre cela, même si cela paraît être quelque chose qui revient constamment. Ce n'est pas du tout de cet ordre que je veux que mon propos soit.

Ayant eu, personnellement, une certaine expérience dans le domaine de la négociation des conventions collectives, je me suis aperçu que partout, je pense que je n'apprends pas grand-chose à beaucoup de membres de l'Assemblée nationale, lorsqu'il est question de discuter d'augmentations de salaires de quelque catégorie d'employés que ce soit, on procède toujours par voie de comparaison avec des catégories semblables, avec également des types d'emplois qui sont, disons, aptes à devenir, par voie de promotion, dans cet emploi ou à venir dans cet emploi. Donc, les statistiques, que mes collègues, les députés de Saguenay et Lafontaine, nous ont citées tantôt, ne sont pas sans importance dans le présent débat. Bien au contraire, je pense qu'il faut prendre la peine — j'ai l'intention de le faire bien calmement, même si cela peut paraître un peu sec, de vous citer des statistiques, statistiques fiscales du ministère du Revenu national et qui ont été prises pour les années 1973 en reculant jusqu'à 1966 et basées, dans certains cas, je vous le dis à l'avance, sur des extrapolations de 1971, parce que celles de 1972 et 1973 ne sont pas encore disponibles.

Un des arguments, que le ministre de la Justice semble faire valoir pour augmenter le salaire des juges est le suivant — je pense que les statistiques, que je m'apprête à vous citer, contredisent carrément ces affirmations. Il nous dit : Si on n'augmente pas le salaire des juges — je mets de côté son argument sur l'indépendance du judiciaire, de cette partie importante de l'administration de la justice — on va avoir de la difficulté à trouver des avocats qui vont accepter de devenir juges. Je pourrais vous dire, de façon très démagogique, et rejeter cet argument du revers de la main: Ayant pratiqué moi-même, j'ai vu tellement d'avocats à genoux pour obtenir un siège de juge, pour être promus au banc, comme on dit dans la profession, que je ne crois pas à cet argument.

Mais je ne me limiterai pas simplement à cet argument qui, à première vue, peut paraître démagogique. J'ai l'intention, M. le Président, de vous citer, pour vous montrer que c'est une constante, quand même, certaines statistiques que j'ai mentionnées tantôt, qui nous viennent du ministère du Revenu national, relativement au revenu net de profession des avocats et notaires au Canada.

Vous allez voir, M. le Président, qu'il n'y a pas tellement de variance en plus et en moins dans la courbe des chiffres que je m'apprête à vous citer. Quand je parle de revenu net de profession, je veux dire de revenu simplement gagné par l'entremise de la profession. On sait que la majeure partie des revenus des avocats est gagnée de cette façon, donc que c'est la profession qui les fait vivre.

Il y a, évidemment, des avocats et des notaires qui vont chercher un complément ou un supplément de revenu. Certains députés, par exemple, vont chercher un supplément de revenu ailleurs. Mais c'est le cas exceptionnel. La majorité — je pense que le ministre de la Justice ne me contestera pas cette affirmation — gagne sa vie principalement avec son revenu professionnel.

Or, je vous cite, aussi bêtement que cela puisse paraître, M. le Président, la ligne de chiffres suivants, qui sont les revenus nets de profession des avocats et notaires, puiqu'au point de vue des statistiques ils sont mis ensemble, de 1965 à 1973.

En 1965, on voit des revenus nets de $16,674; en 1966, $18,257, soit une augmentation de .09 p.c. sur l'année précédente; en 1967, $19,244, une augmentation de .05 p.c; en 1968, $20,588, une augmentation de .06 p.c; en 1969, $22,665, soit .1 p.c. d'augmentation; en 1970, $23,554, soit .03 p.c. d'augmentation; 1971, $24,327, soit .03 p.c. d'augmentation.

Si on extrapole — parce que les chiffres ne sont pas actuellement disponibles— pour les deux années qui viennent, c'est-à-dire 1972 et 1973, ces mêmes revenus professionnels nets à travers le Canada, on arrive à $25,786 pour 1972 et, pour 1973, à $27,333 par année, c'est-à-dire encore une somme inférieure aux $28,000 auxquels sont payés actuellement les juges.

Or, je n'ai pas besoin de répéter l'argumentation que vient de vous servir le député de Saguenay, mais on doit considérer qu'un certain nombre d'avantages qui sont attachés à la fonction de juge doivent être remboursés dans le cas d'un avocat qui pratique, entre autres, le plan du fonds de pension. Les juges, à ma connaissance, sauf erreur, ne fournissent pas à un fonds de pension. Ils ont un fonds de pension assez intéressant, je pense, de $16,000 par année.

Je pourrais encore vous citer un certain nombre de statistiques relativement au coût que cela comporte, pour un avocat, de s'acheter un fonds de retraite et cela, ce n'est pas prévu dans le revenu net que je vous ai cité tantôt.

Je pourrais vous citer également une espèce d'étude qui est faites sur les revenus des avocats, au Québec. Soit dit en passant, ils sont dans tous les cas inférieurs aux chiffres que je vous ai donnés tantôt pour les avocats et notaires, au niveau canadien. Toujours avec cette extrapolation, il s'agit d'un écart minimum de $718 par année, pour 1965, et, en 1973, c'est $3,194 de moins qu'un avocat

québécois gagne par rapport à la moyenne canadienne.

M. le Président, je n'ai pas la possibilité d'élaborer davantage.

Combien me reste-t-il de temps? Cinq minutes? Bon. Pardon?

M. DESJARDINS: Dix.

M. BURNS: Remarquez que simplement à discuter de la valeur de ces statistiques, qui sont à mon avis...

UNE VOIX: C'est long.

M. BURNS: ... assez importantes, j'en aurais encore pour sûrement une demi-heure. En tout cas, j'imagine qu'en commission parlementaire à un moment ou à un autre, à un moment plus proche que plus loin, je pense, on aura l'occasion de discuter davantage de ces statistiques.

Que ça me permette simplement ce doute qui s'installe en mon esprit la raison de base, la raison fondamentale pour laquelle je mentionnais tantôt qu'il est important qu'on sache que nos juges ne distancent pas trop les catégories professionnelles qui leur ressemblent, les catégories professionnelles où on puise ces gens pour en faire, par voie de promotion, des juges. D'après les chiffres qu'on a mentionnés tantôt et si on avait le temps d'élaborer davantage, on verrait qu'il s'agit véritablement d'une profession. Je dis que dans l'esprit de la population il doit être clair qu'on ne fait pas un traitement de faveur à ce genre d'employés de l'Etat que sont les juges.

J'admets, d'une part, que des statistiques ça peut être trituré, ça peut être utilisé à certaines fins pour appuyer une thèse comme pour en briser une. Je pense qu'on peut se dire qu'il serait dans l'intérêt public en général — dans l'intérêt des juges dans le cas particulier — que cette discussion soit plus approfondie, qu'elle n'ait pas lieu simplement à l'occasion d'un débat de deuxième lecture où quelque huit députés se lèvent pour exprimer une opinion autre que ou semblable à, peu importe — je ne présume pas des interventions de nos collègues du Parti créditiste,— l'opinion ministérielle. Je dis qu'il faudrait qu'on se penche sérieusement sur le problème de la rémunération des juges.

Je pense que nous ne sommes pas prêts à adopter un tel projet de loi immédiatement. On devrait se donner le temps de consulter experts, évaluateurs, toutes personnes qui peuvent s'y connaître dans le domaine, d'entendre des juges qui se sont exprimés. Il y a des juges qui n'ont pas eu de réticence à s'exprimer publiquement; je pense au juge Guy Guérin, que je respecte énormément sur le plan de la magistrature, je n'ai pas honte de le dire.

Et je pense à ce que le député de Louis-Hébert disait tantôt — il faut quand même le doser — parce que les juges, maintenant, ne se gênent pas pour descendre de leur tribune. Que ce soit à l'occasion de conférences de juges, de rencontres avec le public, ils disent maintenant ce qu'ils ont à dire. Et je pense que le juge Guérin, entre autres, ne s'est pas gêné pour le dire, ne s'est pas gêné même pour critiquer vertement les positions que nous avons tenues nous-mêmes en Chambre.

Cela pourrait être utile qu'à l'occasion d'une commission parlementaire, avant l'adoption de la deuxième lecture, on entende les gens qui veulent s'exprimer là-dessus.

En terminant mon intervention, je vous fais la proposition suivante: Que le mot "maintenant" dans la motion en discussion soit remplacé par les mots "dans six mois", dans le but bien clair, bien avoué d'examiner plus à fond cette situation de la rémunération des juges, de la réexaminer, s'il le faut, pendant l'intersession. On n'a pas d'objection à revenir pendant l'intersession.

Et qu'on ne nous accuse pas encore une fois de vouloir se faire des honoraires spéciaux, parce qu'on n'a pas entendu parler de cette commission depuis le 6 juillet dernier. On nous avait dit: C'est parce que vous voulez siéger dans l'intersession. On ne l'a pas fait siéger. Ce n'est pas du tout notre but.

Notre but clair, avoué de remettre à six mois l'étude de ce projet de loi en deuxième lecture c'est de voir à ce que toutes les informations disponibles soient mises entre les mains des législateurs, qui auront à trancher ce débat. Il est complexe, je l'admets. D'une part, on nous cite des statistiques qui vont dans un sens et, d'autre part, j'en cite qui vont dans un autre sens.

Motion de report à six mois

M. BURNS: C'est pour ces raisons-là que je fais cette motion, la seule qui m'est permise, je crois, en vertu de l'article 121 de notre règlement et je demande qu'on ne fasse pas maintenant la deuxième lecture mais qu'on la reporte à six mois.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Sur la motion d'amendement?

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais seulement faire quelques observations en réponse à la motion...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que c'est sur la motion?

M. CHOQUETTE: C'est sur la motion, là? LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Oui.

M. CHOQUETTE: Je n'ai pas le droit de parler sur la motion?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Oui, sur la motion, oui.

M. CHOQUETTE: Sur la motion?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Mais pas votre réplique.

M. CHOQUETTE: Non, non, ce n'est pas ma réplique, c'est strictement sur la motion du député de Maisonneuve.

M. le Président, je crois que malgré tout, malgré le ton pondéré qui a été adopté par le député de Maisonneuve et ses collègues, la motion du député de Maisonneuve est une motion dilatoire, et il faut qu'elle soit stigmatisée comme telle...

M. BURNS: C'est sûr que c'est une motion dilatoire, on ne nie pas ça.

M. CHOQUETTE: Oui, elle est dilatoire, M. le Président. Ce projet de loi a déjà fait l'objet d'une adoption par l'ancien Parlement. Ce projet de loi, quant à son principe, a déjà été adopté.

M. BURNS: Est-ce que vous me permettez une question, M. le ministre?

M. CHOQUETTE: Sans doute.

M. BURNS: N'est-il pas exact que je voulais faire une motion de ce même type au cours de la dernière Législature et que le député de Chicoutimi, qui siégeait à trois sièges de mon siège actuel, m'a empêché, m'a refusé le consentement de la Chambre? Regardez le journal des Débats, je ne peux pas vous dire à quelle page.

M. CHARRON: Le 6 juillet.

M. BURNS: C'est le journal des Débats du 6 juillet. Quand j'ai demandé au président la permission, parce que mon temps était écoulé, de faire cette motion, cette même motion, le député de Chicoutimi m'a refusé son consentement de sorte que, comme j'étais le dernier intervenant pour mon parti, il m'a été impossible et il a été impossible à mon parti de la faire. Mais tout le monde sait que j'avais même averti le leader du gouvernement, que je devais faire cette motion, mais cette fois-là, j'étais le dernier à parler pour mon parti.

M. CHOQUETTE: M. le Président, quelles qu'aient été les intentions du député de Maisonneuve à l'époque...

M. BURNS: Je veux juste...

M. CHOQUETTE: Non, non, non!

M. BURNS: Je veux juste vous empêcher de dire que cette motion a déjà été adoptée. Si elle l'a été, c'est par des voies techniques.

M. CHOQUETTE: Ce n'est pas ce que j'ai dit. M. le Président, le député de Maisonneuve est en train d'enfoncer des portes ouvertes. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que ce projet de loi avait au moins fait l'objet d'une étude en deuxième lecture lors du dernier Parlement. J'ai eu alors l'occasion de faire un long discours où j'ai exposé toutes les raisons du gouvernement de présenter ce projet de loi. Ce soir, de façon à ne pas abuser indûment des membres actuels de l'Assemblée nationale, je n'ai pas répété tous mes arguments dans le moindre détail, mais il me semble que j'ai fait les comparaisons appropriées entre le salaire des juges et ce qui avait été donné par le gouvernement, à la suite de négociations ou autrement, à tous les gens du secteur public et du secteur parapublic. Il est temps, M. le Président, que l'on donne justice aux juges. Après qu'on a augmenté tout le monde dans les dernières années, je ne vois pas pourquoi on irait faire souffrir d'un délai additionnel de six mois ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle je m'oppose fermement à la motion du député de Maisonneuve et je demande aux collègues de battre cette motion immédiatement.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, j'interviens sur la motion présentée par mon collègue de Maisonneuve et je garde mon droit d'intervenir plus tard au cours du débat sur la motion de deuxième lecture présentée par le ministre de la Justice.

Dans la motion présentée par le député de Maisonneuve, M. le Président, j'ai retrouvé une fois de plus le grand talent dont a fait preuve le député de Maisonneuve depuis qu'il est à cette Assemblée et qu'il occupe au sein de notre formation politique la fonction de critique en matière de justice. Je pense que le fait de débuter mon intervention en signalant, comme vient de le faire d'ailleurs lui-même le ministre de la Justice, les talents du député de Maisonneuve contribue au premier point de mon argumentation selon laquelle nous devrions sans aucun doute réfuter l'appel que vient de faire le ministre de la Justice à battre cette motion, pour plutôt prendre tout le temps qu'il nous faut pour considérer cette motion elle-même et, si jamais nous devions parvenir à son adoption par un revirement de l'Assemblée, considérer un peu plus longuement l'importance du projet de loi qui est maintenant déféré à l'attention de l'Assemblée nationale.

M. le Président, je puiserai ma deuxième argumentation dans les ropos mêmes que vient de tenir, sur cette motion du député de Maisonneuve, le ministre de la Justice. Il vient

de signaler lui-même que, depuis les six mois où a été déposé pour la première fois ce projet de loi identique à l'autre, sauf l'exception qu'a soulignée tout à l'heure le député de Saint-Louis, il n'y a pas eu d'occasion de revérifier ou même de faire rapport, si je me permets d'être aussi optimiste que ça, sur les statistiques qu'avait effectivement fort bien présentées, à l'époque, un ministre de la Justice qui était — on se rappelle l'époque également — fort torturé par un autre phénomène qui se produisait également en cette Chambre.

Je parle des statistiques qu'a reprises le député de Maisonneuve, qu'avaient auparavant reprises le député de Saguenay et le député de Lafontaine, de même, je crois, que le chef de l'Opposition, et que je reprendrai moi-même lorsque vous me reconnaîtrez, si le débat devait se poursuivre à la suite de l'échec de cette motion.

Le fait que nous répétions, dans une nouvelle Législature, un second débat sur une augmentation de traitement des juges ne vient que confirmer qu'il y a loin d'une entente ne serait-ce que sur les statistiques et encore plus loin sur le principe et même sur la nécessité d'une telle augmentation. Si le désaccord apparaît de façon si claire et si nette, presque six mois jour pour jour après le premier affrontement que nous avions eu, et si ces six mois n'ont été marqués d'aucune autre intervention politique, puisqu'en aucun temps le gouvernement qui est devant nous ne s'est prévalu du droit qu'il avait, tout au cours de l'été jusqu'à la dissolution du 26 septembre dernier, de convoquer la commission parlementaire, comme l'avait fait, d'une manière assez fougeuse, le premier ministre à la fin de la session précédente; nous nous devons donc nous-mêmes de redemander ce que le gouvernement a refusé d'accorder lui-même, malgré toute la latitude qu'il avait pour convoquer la commission parlementaire au cours de l'été.

Nous devons reprendre, d'une part, les statistiques. Je sais bien — j'admets une partie de vérité dans ce que vient de dire le ministre de la Justice — qu'on peut aligner des statistiques sans véritablement jamais parvenir à un accord. C'est vrai, mais une étude sérieuse, par des gens sérieux, alentour d'un problème sérieux peut conduire plus loin qu'on ne le croit. Je ne suis pas prêt, comme le ministre de la Justice, à déclarer comme inutile et temps perdu et dilatoire le fait que nous puissions prendre le temps qu'il faut pour les considérer.

Mais, en admettant cette hypothèse que nous ne parviendrions pas à un accord sur les statistiques, il reste toujours que, statistiques ou pas statistiques, il existe dans la population actuellement un doute sérieux que transpose du mieux qu'elle le peut, avec les moyens qu'elle peut ce soir, l'Opposition officielle, quant à la nécessité de voir cette catégorie de citoyens déjà privilégiée, classée parmi les 3 p.c. de la population qui gagnent déjà $28,000 se faire voter par un Parlement aussi grotesque une augmentation de salaire, à un moment où la plupart des contribuables québécois, ceux-là mêmes qui, par leurs taxes et leurs impôts, devraient défrayer cette augmentation, se sentent, à la période des Fêtes, les poches beaucoup moins pesantes qu'ils ne le croyaient lorsqu'ils ont à affronter le coût de la vie actuel.

M. le Président, je crois que nous y gagnerions tous à retrouver dans un autre temps et à un autre moment ce projet de loi. Il faudrait entendre aussi des gens dont, malgré toute la bonne volonté de l'Opposition officielle, nous ne pouvons que refléter imparfaitement l'opinion en cette Chambre, mais des gens qui, comme le signalait tout à l'heure le député de Maisonneuve, ont contribué soit par la profession qu'ils occupent, soit par les postes qu'ils ont déjà occupés, soit par l'analyse qu'ils ont déjà faite et qui a fourni les statistiques que nous avons données, fourniraient des précisions plus grandes qui liquideraient, peut-être à l'avantage du gouvernement, le doute que nous exprimons ce soir quant à la nécessité de cette augmentation.

M. le Président, je ne crois pas que le temps d'intervention qui m'est donné soit très long. Je crois qu'en vertu du règlement — et je suis soucieux de le respecter — je ne peux intervenir que durant dix minutes sur la motion présentée par le député de Maisonneuve.

Je crois en avoir déjà employé une bonne partie et, pourtant, je ne crois pas avoir employé une bonne partie des arguments que j'ai à faire valoir quant à la nécessité de reprendre, à tête reposée et intelligente autant que possible, tout le débat que nous avons à avoir alentour de cette question.

Je regrette, pour ma part, que le député d'Outremont, ministre de la Justice, n'ait pas cru bon de répéter, particulièrement à l'intention des nouveaux députés de l'Assemblée nationale, l'argumentation de qualité, pour les tenants de cette thèse, qu'il avait présentée en juillet dernier. Peut-être que, si nous adoptions avec force la motion présentée par le député de Maisonneuve, le député d'Outremont, ministre de la Justice, aurait l'occasion, à une commission parlementaire ou ailleurs, d'entretenir son caucus — cette fois, j'espère, avec plus de succès que sur la question des loyers — et de le convaincre à son tour. Je ne crois pas — ils sont bien libres d'intervenir dans le débat actuel — que la trop courte et pas assez prononcée intervention du ministre de la Justice à l'appui de ce projet de loi ait même convaincu jusqu'au dernier des députés libéraux. Le temps, donc, que nous accorderait l'adoption de la motion du député de Maisonneuve vaudrait pour tous les membres de cette Chambre.

Motion d'ajournement du débat

M. CHARRON: C'est pourquoi, pour que le

gouvernement non seulement reconsidère sa loi mais aussi pour qu'il reconsidère l'option que vient d'annoncer le ministre de la Justice quant au sort qu'il réserve à la motion du député de Maisonneuve, me prévalant de l'article 77 de notre règlement, je voudrais demander que cette Chambre accepte d'ajourner le débat en cours pour se prononcer sur des sujets qui ont une autre importance. Ceci laisserait au moins la nuit qui vient au ministre de la Justice pour repenser le refus catégorique d'une motion qu'il a qualifiée, et qui l'est effectivement, de dilatoire. Il pourrait considérer ce projet de loi qui est actuellement à l'étude de l'Assemblée nationale.

Le feuilleton, comme nous l'a signalé le député de Bonaventure à l'appui de la motion qui a suspendu les règles normales de la Chambre, est suffisamment chargé. Ainsi sans perdre le temps de l'Assemblée nationale mais sans avancer plus loin dans un débat qui mérite de ne pas être bousculé et qui mérite toute la considération que la Chambre peut y apporter, nous pourrions, en acceptant cette motion d'ajournement du débat que je fais en vertu de l'article 77 du règlement, M. le Président, reprendre d'autres articles du feuilleton et nous prononcer sur l'avenir de quelques projets de loi que, de toute façon, nous sommes appelés à étudier avant l'ajournement des Fêtes.

C'est pourquoi, M. le Président, sans aller plus loin puisque le reste des travaux de la Chambre demeure l'initiative du gouvernement, je me prévaux de l'initiative que m'accorde le règlement, à l'article 77, pour proposer qu'immédiatement la Chambre ajourne le débat en cours.

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le leader parlementaire, sur une question de règlement.

M. BURNS: Vous ne la connaissiez pas, celle-là?

M. LEVESQUE: Oui, oui, je la connais, je cherche simplement...

M. BURNS: Article 77.

M. LEVESQUE: Un instant, un instant!

M. LESSARD: On va vous mettre au courant.

M. LEGER: Adopté, adopté.

M. LEVESQUE: Un instant, un instant.

M. LESSARD: Suivez votre règlement, c'est le temps d'apprendre; là, vous allez apprendre, dans le débat.

M. LEVESQUE: M. le Président, je vous réfère à l'article 121 de notre règlement qui est très clair: "Un seul amendement est possible à la motion de deuxième lecture. Il ne peut viser qu'à la retarder. Il ne peut être l'objet d'un sous-amendement".

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je dois répondre à cette question de règlement du leader parlementaire que l'article 121 fait état d'un amendement et que, dans la circonstance, l'article 77 fait état d'une motion d'ajournement et non pas d'un amendement.

M. BURNS: C'est ça. M. CHARRON: Voilà.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Dans les circonstances, je suis prêt à rendre la décision. C'est une motion recevable et chaque parti reconnu a dix minutes sur le sujet.

M. LESSARD: Excellent, M. le Président.

M. CHARRON: Merci, M. le Président.

M. LEGER: Votre expérience est reconnue.

M. LESSARD: L'expérience est reconnue. On vous félicite, M. le Président.

UNE VOIX: C'est du "filibuster". UNE VOIX: Vote.

M. HARDY: A la prochaine élection, trois députés.

M. CHARRON: M. le Président, je vous remercie d'avoir reconnu ma motion. Est-ce que je peux vous demander une directive? L'article 77 dit...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Une directive.

M. CHARRON: Sur la motion que je viens de présenter, n'est-ce pas, on reconnaît aux deux partis reconnus dix minutes d'intervention. Mais le proposeur peut également intervenir en droit de réplique par la suite.

M. LEVESQUE: Non. Il n'y a pas de droit de réplique sur une motion secondaire.

M. CHARRON: Je m'excuse. Lisez l'article 77. "Elle est mise aux voix sans amendement, à la suite d'un débat restreint au cours duquel un représentant de chaque parti reconnu peut prononcer un discours de dix minutes, le proposeur pouvant exercer un droit de réplique de même durée. Apprenez votre règlement, bon Dieu ! si vous êtes leader du gouvernement. Il y

a toujours une limite. Cela ne fait pas 35 ans que je traîne en Chambre et je le connais, le règlement. Cela n'a pas besoin d'être une tradition parlementaire.

M. LEVESQUE: M. le Président, le proposeur peut exercer un droit de réplique...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît, le leader parlementaire.

M. LEVESQUE: ... s'il y a eu, évidemment, l'exercice du droit de parole d'un membre du parti opposé. Comment voulez-vous répliquer à vous-même?

M. LESSARD: Vous venez de le faire. M. BURNS: Un droit de réplique... M. LEGER: Vous venez de répondre. M. LESSARD: Pourquoi pas?

M. BURNS: M. le Président, un droit de réplique, en vertu de l'article 101, ce n'est pas nécessairement un droit de répliquer à quelqu'un qui aurait parlé, c'est quelqu'un qui voudrait, à un moment donné, dire à l'autre parti qui est en face les raisons pour lesquelles c'est maintenu. Un droit de réplique est purement d'ordre technique.

M. LEVESQUE: Bien voyons! Enfin, enfin, on ne va pas prendre dix minutes pour ça.

M. BURNS: Je pourrais parler sur la motion, c'est la proposition que je vous fais bien respectueusement, M. le Président, je pourrais parler pour appuyer la motion, ce qui n'enlèverait pas au député de Saint-Jacques un droit de réplique, lequel, techniquement, est la façon de fermer un débat. C'est ça, un droit de réplique, M. le Président.

M. LEVESQUE: Bien non, bien non.

M. BURNS: Le débat peut se faire activement du côté ministériel en parlant ou il peut se faire passivement en ne parlant pas, c'est-à-dire en attendant bien sagement, comme mes amis d'en face ont l'intention de le faire, que les gens de l'Opposition ait utilisé leur droit de parole et de réplique pour ensuite voter contre.

M. le Président, la motion, à partir du moment où elle est faite, est mise en débat, elle est "débattable". Qu'on utilise de l'autre côté son droit de parole ou non, la motion est mise en débat, de sorte que, qu'on parle ou pas de l'autre côté, le droit de réplique est reconnu. On ne dit pas à l'article 101 que le droit de réplique n'appartient qu'à quelqu'un qui a proposé une motion lorsque l'autre a parlé contre. Vous ajouteriez au règlement si vous rendiez une telle décision. Un droit de réplique, c'est sacré dans certains cas. C'est tellement sacré qu'on a pris la peine, à l'article 101, de dire dans quels cas précis cela existait et qu'on a pris la peine, dans la dernière phrase de l'article 77, de dire que le proposeur avait un droit de réplique. Je pense qu'il n'est que normal, sans qu'on tente de nous empêcher d'avoir un droit de réplique sur un débat restreint qui, déjà, lui-même, n'est pas une histoire pour faire perdre un temps énorme à la Chambre.

Il me semble que vous devez reconnaftre qu'un droit de réplique n'appelle pas nécessairement, de la part du côté opposé, un énoncé ou une intervention. Autrement, M. le Président, je pense que vous donneriez au gouvernement une discrétion sur le sens de l'article 101. Vous causeriez un dangereux précédent en cette Chambre. Vous causeriez également un dangereux précédent...

M. LEVESQUE: M. le Président, vous a-t-il suffisamment éclairé? Bon.

M. BURNS: ... à l'égard de l'article 77.

M. LEVESQUE: Vous ne voyez pas ce qui se passe?

M. BURNS: M. le Président, je vous prie...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je suis prêt à rendre ma décision, exactement.

M. BURNS: ... de dire au leader du gouvernement que vous n'avez pas d'instruction à recevoir de lui.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Effectivement, je suis prêt à rendre ma décision.

M. BURNS: J'aimerais bien que vous lui disiez que vous n'avez pas d'instruction...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Non, effectivement.

M. BURNS: ... à recevoir de lui.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Effectivement, je suis bien éclairé.

M. BURNS: On s'entend bien?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Ah oui!

M. BURNS: Vous n'avez pas d'instruction à recevoir de lui.

M. LEGER: M. le Président,... M. HARDY: II est bien éclairé.

M. LESSARD: J'aurais simplement un mot à ajouter, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Sur une question de règlement?

M.LESSARD: Oui, sur le point de règlement.

M. HARDY: Debout.

M. LESSARD: C'est qu'il faudrait aussi qu'on vérifie ce qu'est le droit de réplique. Répliquer à quelqu'un c'est aussi répondre à quelqu'un. Il peut très bien arriver qu'on ne réponde pas nécessairement aux députés libéraux qui interviennent, qu'on puisse être dans l'obligation de répondre à un député de l'Opposition qui est membre du Parti créditiste. Ou encore, si le député de Maisonneuve intervient sur la motion du député de Saint-Jacques, pourquoi le député de Saint-Jacques n'aurait-il pas la possibilité de répliquer au député de Maisonneuve? M. le Président, ce droit est très large. Il n'est pas dit...

M. HARDY: Debout.

M. LESSARD: ... que le droit de réplique se fait exclusivement lorsqu'un membre du gouvernement...

M. LEVESQUE: M. le Président,... M. LESSARD: ... actuel répond.

M. LEVESQUE: ... en réponse au député de Saguenay, je lui ferai remarquer que l'article sur lequel se fonde son parti pour réclamer ce qu'il réclame dit justement que seul un représentant de chaque parti reconnu peut prendre la parole, un seul par parti reconnu. Or, il n'est pas question de représentant d'un parti non reconnu.

M. LESSARD: Alors, M. le Président, est-ce que le député de Saint-Jacques ne pourrait pas répliquer au député de Maisonneuve?

M. LEVESQUE: Bien, si vous n'êtes pas d'accord, c'est bien, c'est l'habitude.

M. LESSARD: Bon, M. le Président, c'est cela qu'on veut.

M. LEGER: M. le Président,...

M. BURNS: M. le Président, je suis bien prêt à mettre des nuances dans mon accord que je vais donner. Cela...

M. LEVESQUE: D'accord.

M. BURNS: ... donnera peut-être un droit de réplique. Je suis bien prêt à mettre des nuances.

M. LEGER: M. le Président,...

M. LEVESQUE: Ce ne sera pas nouveau que vous soyez divisés.

M. LEGER: ... je veux simplement, sur le point de règlement,...

M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce que l'on peut avoir...

M. LEGER: ... juste un petit point important.

M. LEVESQUE: ... parce que cela devient ridicule.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Je suis prêt à rendre ma décision. Je vais écouter votre point très précis et très court.

M. LEGER: C'est simplement que dans l'article 77 il y a un mot qui explique toute l'affaire, c'est le mot "peut": Un représentant de chaque parti reconnu peut... Cela ne veut pas dire qu'il est obligé de le faire.

M. LEVESQUE: Ah! Ah! Ah! Sortez vos juristes.

M. LEGER: Alors, le parti ministériel peut ou ne peut pas et l'autre...

M. HARDY: Pseudo-juriste!

M. LEGER: ... peut et il peut s'en servir. Alors, le mot "peut" est le mot clé. Je pense, M. le Président, que vous êtes suffisamment éclairé.

M. HARDY: Vous êtes meilleur dans les élections.

M. LEGER: Connaissant votre sagesse, je crois que...

M. HARDY: Vous êtes meilleur dans les élections qu'en droit.

M. LEGER: ... vous allez rendre votre jugement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le jugement que je vais rendre ne fera sans doute pas l'affaire de tout le monde. Mais, même avec l'aide du Larousse, qu'on vient de faire venir de toute urgence, il faut bien essayer de se rappeler ce que veut dire le mot "réplique". H faut répliquer à quelque chose. Le mot "peut", on le retrouve dans deux lignes: Peut prononcer un discours et peut exercer un droit de réplique. Autrement dit, je pense qu'il faut tout de même s'en remettre à l'esprit du texte, quitte à l'améliorer, si possible, une autre fois. Mais, si un parti reconnu prononçait un discours, une

intervention, le député de Saint-Jacques pourrait avoir une réplique. Je ne peux pas présumer, à l'instant même, si le parti ministériel va se prévaloir du droit de parole. S'il s'en prévaut, à ce moment-là, il est évident que le député de Saint-Jacques aura un droit de réplique. C'est textuel, c'est assez clair. A l'aide du dictionnaire, dans lequel on vient de vérifier une dernière fois, je pense que, dans ces circonstances, je vais attendre quant à moi si le parti ministériel...

M. LESSARD: Dans la directive, quand vous parlez de parti reconnu, est-ce que vous parlez exclusivement du Parti libéral...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Non, non !

M. LESSARD: ... ou si vous parlez aussi d'un autre parti reconnu, qui est le Parti québécois?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Une réplique...

M. LESSARD: M. le Président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, oui!

M. LESSARD: ... c'est une réplique à quelqu'un.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Naturellement.

M. LESSARD: Alors, dans le parti reconnu, si le député de Maisonneuve, qui est membre d'un parti reconnu...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui.

M. LESSARD: ... prend la parole justement sur cette motion, est-ce que le député de Saint-Jacques n'aurait pas...

M. LEVESQUE: Non, non. M. LESSARD: ... la possibilité de répondre... M. LEVESQUE: A l'ordre! A l'ordre! M.LESSARD: ... à l'intervention...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Bien...

M. LESSARD: ... d'un membre d'un parti reconnu qui est le Parti québécois?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Bon. C'est évident que le Parti québécois est un parti reconnu. Mais je pense que vous comprendrez facilement que si le député de Saint-

Jacques est pour parler dans le même sens que le député...

M. LESSARD: Ah! cela, vous ne pouvez pas le savoir !

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je ne peux pas présumer mais...

M. LESSARD: Non.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): ... je vais m'en apercevoir rapidement.

UNE VOIX: Vous l'arrêterez.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui. Naturellement, je ne pourrai pas — je ne pense pas — empêcher le député de Saint-Jacques de se lever, mais si je m'aperçois qu'il parle dans le même sens, à ce moment-là, je vais être obligé de demander au député de Saint-Jacques de reprendre son siège.

M. ROY: M. le Président, j'aurais une directive à vous demander.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Certainement.

M. ROY: Si nous avions été un parti reconnu et si nous avions parlé sur la motion de l'honorable député de Saint-Jacques, est-ce que l'honorable député de Saint-Jacques serait justifié et aurait le droit de réplique?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui.

M. ROY: Alors voyez, messieurs, pourquoi nous demandons notre reconnaissance !

M. SAMSON: Arrêtez de nous bloquer, et vous allez voir que ça va bien marcher !

M. CHARRON: M. le Président, puisque je suis le proposeur de la motion, je vais vous demander une directive également, parce que j'hésiterai, maintenant, dans votre interprétation, à utiliser l'article 77 du règlement et je me demanderai même ce qu'il fait là.

M. le Président, si chacune des dispositions qui prévalent pour la défense des droits de l'Opposition devaient être annulées du règlement...

UNE VOIX: M. le Président...

M. CHARRON: M. le Président, je vous demande une directive, et vous, je vous demande de vous taire. D'accord?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Quelle directive? A l'ordre, s'il vous plaît!

M. CHARRON: Je demande au président

une directive, et je vous demande de me foutre la paix. D'accord? C'est clair?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Quelle directive?

M. CHARRON: M. le Président, que penseriez-vous... M. le Président, est-ce que je dois croire que le règlement est ainsi fait...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. CHARRON: Ah! Le "back-bencher" de Terrebonne est écoeurant ce soir! M. le Président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): J'attends sa question et je vais...

M. CHARRON: II a rendu sa décision, M. le député de Bonaventure. Je lui ai demandé maintenant, en vertu d'un autre article du règlement que vous ne semblez pas bien connaf-tre ce soir, une directive. J'ai encore ce droit.

M. LEVESQUE: M. le Président, c'est que lorsque...

M. CHARRON: Vous n'avez pas le droit de m'interrompre, même, à ce moment-ci, en vertu du même règlement.

M. LEVESQUE: Sur une question de privilège, M. le Président.

M. BURNS: II n'a pas à intervenir dans cette histoire, M. le Président.

M. LEVESQUE : J'invoque la question de privilège.

M. BURNS: II n'a pas à intervenir dans cette histoire, M. le Président. Vous êtes en train de recevoir une demande de directives de la part du député de Saint-Jacques.

M. LEVESQUE: J'invoque une question de privilège.

M. BURNS: Depuis le début, M. le Président, le député de Bonaventure ne cesse d'intervenir dans cette demande de directives.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plait!

M. LEVESQUE: En vertu de quoi?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le leader parlementaire sur une question de privilège.

M. BURNS: M. le Président, sur une question tant que vous voudrez. C'est une façon constante que le leader du gouvernement a d'intervenir dans une demande de directives du député de Saint-Jacques.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous intervenez sur un...

M. BURNS: J'interviens contre cette intervention.

M. LEVESQUE: Et moi, je n'ai pas le droit? Une chance qu'ils ne sont pas au pouvoir, eux autres!

M. BURNS: Je veux que vous laissiez le droit de parole au député de Saint-Jacques.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve sait fort bien que je suis obligé d'accorder...

UNE VOIX: Ce serait beau si vous étiez au pouvoir!

M. LEVESQUE: Oui, c'est beau! C'est beau!

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): J'ai compris le sens de votre intervention, l'honorable député de Saint-Jacques. Peut-être faudrait-il regarder à nouveau la rédaction de cet article. Mais je ne peux faire rien d'autre que de déterminer qu'une réplique, c'est une réponse à quelqu'un. Je ne peux pas faire autrement.

Je dois donc attendre pour voir, d'abord, qui va parler. Je vais vous donner le droit de parole si vous le demandez. Par contre, si vous ne répliquez pas, je vais être obligé de vous empêcher de continuer, jusqu'à ce qu'on change la rédaction d'un tel article.

A ce moment-là, le droit de parole à l'un ou l'autre des partis reconnus...

L'honorable député...

M. SAMSON: M. le Président, est-ce que je vous ai bien compris quand vous avez mentionné que vous suggériez de réviser l'article en question?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit: Jusqu'à ce qu'on le change.

M. SAMSON: Jusqu'à ce que vous le changiez. Est-ce que, M. le Président, vous iriez jusqu'à suggérer des changements à d'autres articles aussi, aux fins que notre parti soit reconnu...

M. LEVESQUE: Voyons, voyons!

M. SAMSON: ... et que nous puissions, nous aussi, représenter nos électeurs en cette Chambre.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Pour le droit de parole des deux députés de Beauce-Sud et de Rouyn-Noranda, je voudrais vous référer à une déclaration antérieure du président de l'Assemblée nationale, qui vous a fait, en certaines circonstances, des suggestions appropriées.

Est-ce que vous voulez parler sur...

M. LESSARD: M. le Président...

M. ROY: M. le Président, les suggestions appropriées, j'aimerais en prendre connaissance.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que quelqu'un veut parler?

M. LESSARD: M. le Président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Sur la...

M. LESSARD: Sur la motion du député de Saint-Jacques.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: M. le Président, je ne peux qu'approuver la motion du député de Saint-Jacques parce que, justement, il s'agit d'ajourner cette Chambre, afin de permettre aux députés libéraux de réfléchir sur le sens de la loi importante qui nous est proposée par le ministre.

On sait que la nuit porte conseil. Et en particulier, je pense bien que ces 102 députés libéraux ont véritablement besoin de dormir quelque peu afin de prendre conscience des lois qu'on leur propose.

Quoique, bien souvent, ces lois sont acceptées au moment où ils dorment. Je pense que c'est là une motion qui va un peu à la suite de la première motion qui a été présentée par le député de Maisonneuve pour — si nous ne réussissons pas à obtenir la motion de remise à six mois — au moins faire en sorte que les députés libéraux nous reviennent peut-être demain avec de meilleures dispositions, avec une meilleure connaissance des projets de loi, un peu mieux reposés. Et cela leur permettra de prendre conscience des conséquences importantes de ce projet de loi.

Je le dis non seulement pour les députés libéraux. Nous savons que, suite à la motion qui nous a été présentée il y a quelque temps, et acceptée par le rouleau compresseur des 102 députés libéraux, que nous autres mêmes, du Parti québécois, nous sommes fort fatigués...

UNE VOIX: Cela paraît.

M. LESSARD: Et qu'il nous est difficile...

Est-ce que le député de Sainte-Anne voudrait me conseiller sur l'intervention que j'ai à faire? Il nous est difficile d'avoir toutes les connaissances complexes sur ce projet de loi, parce que nous, du Parti québécois, il nous arrive bien souvent — étant donné en particulier la motion qui a été présentée par le leader parlementaire du gouvernement — de travailler entre minuit et dix heures du matin.

Et malheureusement c'est notre sort... Je dis bien de travailler sérieusement entre minuit et dix heures du matin afin de prendre connaissance des dossiers importants.

Et nous avons à étudier, en ce qui concerne cette loi, les relations entre... Cela se fait bien en pleine nuit, les relations...

M. HOUDE (Fabre): Sur un dossier ça doit être fatigant.

M. LESSARD: ... entre certaines provinces du Québec, certaines provinces du Canada, dis-je.

UNE VOIX: La revanche des berceaux.

M. LESSARD: Je veux dire les rapports. Essayer d'étudier quel est le salaire des juges en Ontario, en Colombie-Britannique, ou ailleurs, et, justement, la loi qui nous est présentée ce soir.

Si nous avions — et je demande aux libéraux de nous l'accorder — l'avantage au moins — et peut-être que ce serait un avantage pour les libéraux — de réfléchir cette nuit, il pourrait même arriver que, demain matin, nous revenions en cette Chambre et que nous soyons peut-être d'accord avec le projet du ministre de la Justice. La nuit porte conseil. Et nous autres aussi nous pourrions réfléchir.

La motion du député de Saint-Jacques me paraît extrêmement logique, non seulement pour les députés du Parti québécois qui sont des gars fatigués, mais en particulier pour les députés du Parti libéral qui, malheureusement, ne semblent pas comprendre les conséquences néfastes de ce projet de loi.

Je suis d'accord sur la motion du député de Saint-Jacques. Mais je me pose certaines questions aussi. Est-ce que le député de Saint-Jacques voudrait tout simplement, par cette motion, et je demande au député de Saint-Jacques de me répondre tout à l'heure à l'occasion de sa réplique.

Est-ce que le député de Saint-Jacques désirerait, tout simplement, retarder l'adoption de ce projet de loi? Je suis assuré, M. le Président, que ce n'est pas le but du député de Saint-Jacques, mais je laisserai au député de Saint-Jacques le soin de me répondre à ce sujet. Est-ce que le député de Saint-Jacques, outre les raisons que j'ai données pour appuyer cette motion, n'aurait pas des raisons plus particulières à me donner? Tout à l'heure, que j'ai constaté que quelques députés libéraux discutaient avec lui. Peut-être qu'ils l'ont renseigné sur certains

points et peut-être que ces députés libéraux seraient d'accord avec nous. Mais, malheureusement, ces députés ne peuvent pas s'exprimer. Alors, il y a des questions, j'en suis assuré, qui sont actuellement obscures dans l'esprit du député de Saint-Jacques lorsqu'il nous présente ce projet de loi et que je ne comprends pas complètement. J'ai exprimé pourquoi j'étais d'accord avec cette motion. Cependant, le député de Saint-Jacques pourrait nous expliquer, dans les dix minutes au cours desquelles il aura, tout à l'heure, à me donner la réplique, des raisons beaucoup plus profondes de cette motion et de l'application ou de l'utilisation de cet article 77.

Je sais aussi, M. le Président, que tout à l'heure, suite aux discussions que le député de Saint-Jacques a eues avec certains libéraux, eux-mêmes lui ont posé des questions, lui demandant pourquoi, par exemple, il tentait de présenter cette motion. Les députés libéraux veulent avoir une réponse aux questions qu'on a posées au député de Saint-Jacques. Moi, je suis impatient d'entendre en réplique le député de Saint-Jacques m'expliquer encore son idée. En plus des raisons profondes pour lesquelles j'appuie cette motion, je suis assuré que le député de Saint-Jacques a encore des raisons beaucoup plus positives, beaucoup plus particulières, beaucoup plus importantes pour présenter cette motion.

M. le Président, je serai heureux d'entendre la réplique du député de Saint-Jacques, tel que le lui permet le règlement, puisque celui-ci dit: il s'agit de répliquer à un membre d'un parti reconnu. Or, M. le Président, à ce que je sache, le député de Saguenay est membre d'un parti reconnu, représentant 30 p.c. de la population, et j'espère que le député de Saint-Jacques sera capable de me répondre. Connaissant son intelligence, sa perspicacité, ses connaissances du règlement, je suis assuré que, beaucoup mieux que les libéraux, le député de Saint-Jacques saura répondre à mes questions. M. le Président, j'attends la réplique du député de Saint-Jacques avant d'être convaincu d'adopter cette motion.

LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît! J'ai suivi, d'une banquette de la gauche, ce qui s'est déroulé il y a quelques instants. Mon opinion, c'est qu'un parti reconnu a le droit, sur une motion d'ajournement du débat, à dix minutes. Or, un des députés d'un parti reconnu, en l'occurrence le député de Saguenay, a parlé au nom d'un parti reconnu pour dix minutes expliquant pourquoi le débat devrait être ajourné. Dans la conception, dans l'élaboration et dans la rédaction de notre règlement, je pense bien que tout le monde était d'accord pour faire disparaître le plus possible les simples trucs de procédure qui existaient à une certaine époque. Je ne vois pas comment, actuellement, par certains trucs, un même parti aurait droit à dix autres minutes, s'il n'y a pas une réplique vraiment valable d'un opposant à cette motion.

Je pense bien qu'en toute justice, si on veut rétablir les circonstances, le parti reconnu, en l'occurrence l'Opposition officielle, le Parti québécois, a eu ses dix minutes sur cette motion. Si le parti ministériel ou un parti opposant ne désire pas émettre une opinion contre cet ajournement, je ne verrais pas pourquoi j'accorderais dix autres minutes de réplique.

M. LEGER: M. le Président, je veux vous demander une directive. Comment se peut-il qu'un président qui remplace un autre change la version de l'autre?

LE PRESIDENT: Je n'ai rien changé, monsieur.

M. LEGER: Le président précédent a dit qu'il...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! A l'ordre! Je considère... A l'ordre! A l'ordre! Je considère que ce débat est clos et je mets cette motion aux voix.

M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHARRON: En vertu de l'article 96, je crois que j'ai le droit de rétablir les faits sur ce que vient de dire le député de Saguenay.

LE PRESIDENT: Ecoutez, est-ce que ce sont vraiment des trucs que vous voulez?

M. CHARRON: Je veux rétablir les faits sur ce qu'a dit le député de Saguenay.

LE PRESIDENT: Je pense bien que personne ne se grandit avec ça.

M. CHARRON: Cela, M. le Président, ça peut être le choix de l'Opposition.

LE PRESIDENT: C'est mon avis.

M. CHARRON: C'est un choix politique de l'Opposition, vous avez droit à votre opinion.

M. LEGER: Le président donne son opinion maintenant.

M. HARDY: Vous êtes pires que l'Union Nationale.

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, messieurs ! A l'ordre !

M. LESSARD: Les règlements sont là pour être utilisés.

LE PRESIDENT: Très brièvement.

M. CHARRON: M. le Président, le député de Saguenay a laissé entendre dans son intervention que j'avais rencontré tout à l'heure des députés libéraux, qu'ils m'avaient donné des informations et que, plus que ça, ils avaient même été suffisamment clairs pour me poser des questions. Je tiens à rétablir les faits. En aucun temps je ne les ai rencontrés sur ce sujet et je ne tiens pas du tout à les rencontrer non plus.

UNE VOIX: Nous non plus.

LE PRESIDENT: D'accord. A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce qu'il y a un vote enregistré?

M. BURNS: M. le Président, un vote enregistré. Nous sommes cinq.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés. UNE VOIX: Vote!

Vote sur la motion de M. Charron

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable député de Saint-Jacques veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Choquette, Quenneville, Hardy, Forget, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Houde (Fabre), Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Brown, Fortier, Bacon, Blank, Bédard (Montmorency), Veilleux, Brisson, Houde (Limoilou), Pilote, Gallienne, Assad, Faucher, Marchand, Springate, Beauregard, Bellemare, Boudreault, Boutin (Abitibi-Ouest), Caron, Déziel, Harvey (Dubuc), Lachance, Lecours, Malépart, Malouin, Mercier, Pagé, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières, Verreault.

M. SAMSON: M. le Président, voulez-vous, s'il vous plaît, enregistrer les abstentions du député de Rouyn-Noranda et du député de Beauce-Sud?

LE SECRETAIRE: Pour: 5

Contre: 46

Abstention: 2

LE PRESIDENT: La motion est rejetée. Nous sommes toujours sur le débat de la motion d'amendement de l'honorable...

M. BURNS: Sur la motion d'amendement que j'ai faite, M. le Président, à la suite de mon discours de deuxième lecture. On s'entend bien là-dessus.

Reprise du débat sur la motion de report à six mois

LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. Jacques-Y van Morin

M. MORIN: Sur la motion de modification d'amendement du leader du Parti québécois, bien entendu, il s'agit d'une motion dilatoire. Je ne sais pas si le ministre de la Justice, tout à l'heure, croyait avoir fait une grande découverte en nous annonçant ça. Il est évident que puisque nous faisons une motion pour renvoyer le projet de loi à six mois, c'est bien évidemment d'essence dilatoire. Là-dessus, nous sommes parfaitement d'accord. Cela n'a rien de péjoratif, M. le Président, que de dire que c'est dilatoire. C'est comme une motion dilatoire devant les tribunaux. Cela a pour but de retarder pour des motifs valables, des motifs que nous estimons être valables.

UNE VOIX: Nommez-les.

M. MORIN: Et je voudrais... Oui, je vais les nommer.

UNE VOIX: Cela s'en vient, énerve-toi pas.

M. MORIN: Si vous m'interrompez trop souvent, je ne pourrai pas venir au bout de mon discours.

M. le Président, je voudrais d'abord...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. MORIN: ... rassurer les députés de cette Chambre. Cette motion n'a pas pour effet de jeter par-dessus bord le bill une fois pour toutes. Lorsqu'il sera voté — parce qu'un jour, j'imagine que ce bill sera voté, s'il est bien fondé — lorsqu'il sera adopté par cette Chambre, la loi est rétroactive, donc personne ne perd quoi que ce soit, dans les circonstances. La motion que nous faisons est peut-être dilatoire, mais n'est pas attentatoire au droit de qui que ce soit.

UNE VOIX: C'est bon, c'est bon.

M. MORIN: Si nous avons demandé de remettre ce bill à six mois, c'est que nous n'avons pas tous les chiffres. Nous en avons, nous avons énormément de chiffres. Nous avons fait faire des recherches poussées. Je puis assurer le président que nous avons des chiffres. D'ailleurs, je voudrais bien que le ministre de la Justice puisse prendre connaissance de tout cela un jour. Il semble que les chiffres, d'ailleurs sporadiques, que le ministre de la Justice a cités ne coincident pas avec les nôtres. Il y a quelqu'un qui se trompe; ou bien c'est lui ou

bien c'est nous. Nous, nous pensons que nos chiffres...

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs! H reste huit minutes avant de changer de salle. Allez, allez!

M. MORIN: M. le Président, le ministre ne nous a pas donné tous les chiffres, ce soir. Il nous a donné même très peu de chiffres. Il se peut qu'il les ait donnés dans une Législature antérieure. Je n'en sais rien, je n'y étais pas. Mais, si au lieu de faire de l'humour, tout à l'heure, il s'était attaché à vraiment bien défendre son projet de loi, à nous renseigner pleinement, à répondre à nos chiffres, je pense que, là, peut-être, on aurait pu se faire une idée. Mais ce n'est pas le cas. Par exemple, nous avons des chiffres pour les revenus nets de profession, des avocats et des notaires au Canada. Je vous fais grâce de toute l'énumération, mais on constate, par exemple, qu'en 1970 le revenu net de profession était de $23,000; en 1971, d'environ $24,000; en 1972, — ce sont des chiffres qui sont estimés, mais fondés sur des calculs scientifiques — de $25,000 et, en 1973, de $27,000.

M. MALOUIN: Cela a été dit tout à l'heure.

M. MORIN: M. le Président, il est bien clair que ce revenu net de profession, d'après les chiffres que nous avons, montre que le salaire de $28,000 dont on a parlé, qui est payé aux juges des cours Provinciales et aux juges, présidents des tribunaux administratifs, se situe vraiment au sommet de l'échelle des salaires par rapport aux professions.

Le ministre de la Justice n'a pas, que je sache, apporté des chiffres, différents de ceux-là, qui soient de nature à nous convaincre. C'est pour cela que je voudrais que nous fassions remettre la chose à six mois.

M. BURNS: C'est ça.

M. MORIN: Bien oui. Nous avons des chiffres et le ministre n'est pas capable de nous convaincre que ces chiffres sont inexacts. Il n'est pas capable de nous convaincre; en tout cas, il n'a même pas tenté de le faire, que je sache. Il n'a pas même tenté de nous donner des chiffres qui montrent que les juges sont désavantagés par rapport aux gens qui sont les mieux payés dans les professions. Il faudra aussi que le ministre nous donne les chiffres québécois. Par exemple, nous avons des chiffres qui indiquent clairement que, dans le revenu total des avocats et des notaires au Québec, comparé avec le Canada, le revenu est inférieur, dans le cas du Québec, de $3,194 pour un revenu total, avocats et notaires, de $28,323, alors qu'au Canada il est supérieur. On pourrait donc, sur la base de ces chiffres-là, prétendre que les juges des autres provinces, qui, en réalité, ne sont pas payés plus que les juges québécois, devraient être payés davantage.

Nos professionnels gagnent moins, M. le Président. Et on veut augmenter nos juges, les juges provinciaux, au-delà des normes qui sont prévues dans les autres provinces. Il y a tout de même là des contradictions sur lesquelles j'appelle l'attention du ministre de la Justice, des contradictions sur lesquelles il voudra bien nous éclairer.

Il va falloir, certainement, qu'il fasse des recherches pour être aussi bien documenté que nous le sommes, parce que cela nous a pris — oui — du temps, figurez-vous, pour aligner ces chiffres. Il a fallu des semaines de recherches...

M. BURNS: Des mois.

M. MORIN: ... ne vous en déplaise. Cela a été fait sérieusement.

Un autre élément qui requiert visiblement qu'on remette tout ce débat, M. le Président, pour vraiment se documenter: Est-ce que le ministre connaît les dépenses pour les salaires des juges dans l'Ontario? Il n'en a pas été question ce soir. Et pourtant, l'Ontario dépense, pour ses juges provinciaux, M. le Président, onze fois moins que le Québec.

M. BACON: On est au Québec, ici.

M. MORIN: M. le Président, l'Ontario dépense, pour ses juges provinciaux, onze fois moins que le Québec. Il faudra quand même que le ministre de la Justice vienne nous expliquer pourquoi il en est ainsi. Il ne l'a pas fait encore. Autrement dit, nous marchons à l'aveuglette dans cette affaire. On nous demande de voter un projet de loi, on nous lance à la figure toutes sortes d'arguments. On nous dit: Ces malheureux juges. Ils ne peuvent pas maintenir leur standard de vie. Mais dès qu'on veut esquisser une comparaison, alors là, on refuse de nous suivre sur ce terrain.

Nous, nous disons qu'il faut prendre le temps, M. le Président, au cours des six mois qui viennent, de comparer la situation des juges du Québec avec ceux des autres provinces. On va découvrir que dans des provinces qui sont plus riches que le Québec, où le revenu net per capita est plus élevé qu'au Québec, les juges ne sont pas payés plus qu'au Québec. Ce sont des chiffres que le ministre de la Justice connaît peut-être. En tout cas, il n'en a pas fait état. Je ne sais pas si vous les avez ces chiffres-là, M. le ministre.

M. LEVESQUE: A l'ordre!

M. MORIN: Pour l'Ontario, un autre chiffre qu'il va falloir, tôt ou tard... J'ai encore beaucoup d'arguments à faire valoir, M. le Président.

M. BURNS: C'est l'ajournement du débat. LE PRESIDENT: II est minuit.

M. MORIN: Je propose l'ajournement du débat, M. le Président.

LE PRESIDENT: II est minuit.

M. MORIN: Merci. Mais je pourrai retrouver mon temps demain?

LE PRESIDENT: Oui, oui. Vous avez votre droit de parole.

M. LEVESQUE: M. le Président, de consentement, nous avons deux rapports.

LE PRESIDENT: Deux rapports? L'honorable député de Maskinongé.

Rapport des comités Rapport sur le projet de loi no 17

M. PICOTTE: Conformément aux articles 123 et 161 du règlement de l'Assemblée nationale, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission parlementaire des affaires municipales, qui a étudié le projet de loi no 17 intitulé Loi modifiant la loi des dettes et emprunts municipaux et scolaires.

M. BURNS: Je comprends que ce rapport est fait toujours avec l'entente — comme ça a été fait dans l'autre cas — que c'est tout comme s'il avait été déposé aux affaires du jour demain. D'accord?

M. LEVESQUE: Jusqu'à six heures demain pour les amendements.

M. BURNS: Donc, jusqu'à six heures demain soir pour déposer des amendements, s'il y a lieu.

M. LEVESQUE: S'il y en a.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Shefford.

Rapport sur le projet de loi no 7

M. VERREAULT: M. le Président, conformément aux article 123 et 161 du règlement de l'Assemblée nationale, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission parlementaire des richesses naturelles et des terres et forêts, qui a étudié le projet de loi no 7 intitulé Loi modifiant la loi d'Hydro-Québec.

M. BURNS: Même modalité.

M. LEVESQUE: Aux mêmes conditions, M. le Président. Je propose l'ajournement de la Chambre à demain dix heures.

LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à demain dix heures.

(Fin de la séance à 0 h)

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