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(Quinze heures huit minutes)
M. LAVOIE (président): A l'ordre messieurs!
Affaires courantes.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de motions non annoncées.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
M. LEVESQUE: Article c).
Projet de loi no 4 Première lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Fonction publique propose la
première lecture du projet de loi, intitulé Régime de
retraite des employés du gouvernement et des organismes publics.
M. PARENT (Hull): M. le Président, ce projet de loi propose
l'établissement d'un régime de retraite applicable à tous
les employés du secteur public et parapublic. Ce régime
s'applique de plein droit aux employés qui, le 30 juin 1973, ne
participaient pas à un régime de retraite et aux employés
qui entrent en fonction après le 30 juin 1973.
Les employés qui participent au régime de retraite des
fonctionnaires ou au régime, de retraite des enseignants pourront
participer à ce nouveau régime de retraite en faisant un choix
individuel à cette fin.
Les employés qui participent à un régime
supplémentaire de rentes pourront adhérer collectivement à
ce nouveau régime s'ils décident de ce choix à la
majorité des votes. Ce projet constitue, en outre, une commission qui
est chargée de l'administration de ce régime de retraite. De
plus, ce projet prévoit des modifications au régime de retraite
des fonctionnaires et au régime de retraite des enseignants, notamment
pour que ces régimes concordent avec le régime dont le projet
propose l'établissement.
LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle
adoptée? Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine
séance ou à une séance subséquente.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents.
DEPOT DE DOCUMENTS
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Richesses naturelles.
SOQUIP
M. MASSE: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le
rapport annuel 1972/73 de la Société québécoise
d'initiatives pétrolières.
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales.
Commission de révision de la Loi de la
protection du malade mental
M. FORGET: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le
rapport annuel de la Commission de révision de la protection du malade
mental.
Rapport sur la périnatalité
M. FORGET: J'ai également l'honneur de déposer un document
exposant la politique de mon ministère relativement à la
périnatalité.
LE PRESIDENT: Questions orales des députés.
QUESTIONS DES DEPUTES
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
Campus universitaire anglais à
Montréal
M. CHARRON: M. le Président, vous savez qu'au cours de la vacance
entre les deux Législatures une université anglaise de
Montréal en a profité pour s'adjoindre un campus.
Jusqu'à ce moment et de tout temps, ce campus s'était
limité à l'enseignement collégial. Je pose donc la
question au ministre de l'Education, je voudrais savoir si le ministre peut
s'engager aujourd'hui à ne poser aucun geste de reconnaissance de cette
université tant que la loi nécessaire pour amender la charte de
l'université Sir George Williams n'aura pas été
présentée à la Chambre dans l'intention évidente
que nous ne soyons pas mis devant un fait accompli, comme ça semble
déjà le cas avec l'existence de l'université
Concordia.
M. CLOUTIER: La décision de permettre la fusion de Sir George
Williams et de Loyola a été prise il y a déjà
plusieurs mois, il n'est pas question d'y revenir. Il reste uniquement à
déterminer de quelle façon cette décision sera mise en
application.
Le député de Saint-Jacques évoque la
possibilité d'une loi. Il n'est pas certain qu'une loi soit
indispensable. Il est possible que nous puissions procéder par voie
d'arrêté en conseil. C'est un problème juridique, et
actuellement nos conseillers sont en train d'étudier l'ensemble du
dossier.
Nous choisirons le cheminement qui nous paraîtra le plus pratique
dans les circonstances.
M. CHARRON: Question additionnelle. Ma question peut sembler farfelue
puisque, dans le cas actuel, le ministre a fait complètement fi des
recommandations du conseil des universités, mais si, dans
l'hypothèse où le ministre devrait permettre et légaliser
la fusion déjà en cours, est-ce qu'il a l'intention de demander
au Conseil des universités son avis quant à la charte que devrait
avoir la nouvelle université Concordia qui, je le rappelle, est la
troisième université anglaise à Montréal?
M. CLOUTIER: II est évident que le député de
Saint-Jacques, par ces quelques remarques, essaie encore une fois de stimuler
les préjugés raciaux. Cependant, je vais tenter de lui
répondre de la façon la plus sereine possible. Je n'ai pas fait
fi de la recommandation du Conseil des universités. J'en ai, au
contraire, tenu compte.
Mais je n'étais pas lié par cette recommandation d'un
organisme consultatif et, dans l'évaluation de la situation, il y avait
d'autres éléments que ceux concernant le nombre de places
disponibles. Un de ces éléments, en particulier, était le
fait qu'un enseignement était donné, tant à Sir George
Williams qu'à Loyola, depuis des générations. Il fallait
tenir compte non seulement des facteurs humains mais également des
traditions qui s'étaient instaurées.
Quant à consulter le Conseil des universités au sujet de
la formule que nous choisirons pour mettre en application la décision
prise, a priori, je n'en vois pas l'utilité, bien que je n'exclue pas de
le faire.
M. CHARRON: Question additionnelle. Est-ce que le ministre peut nous
dire à quel endroit précis il refuse le jugement consultatif
je l'admets du Conseil des universités qui voyait, dans la
permission de fusionner Loyola à Sir George Williams, l'octroi d'un
nombre excédentaire de sièges par rapport à la
minorité desservie.
M. CLOUTIER: M. le Président, j'ai l'impression que nous
commençons déjà un débat sur la question. Si vous
me le permettez, je veux bien tenter d'apporter une réponse, mais il va
de soi que je ne crois pas pouvoir vider une question aussi complexe en
quelques instants. Si j'ai décidé avec mes collaborateurs de ne
pas retenir cette recommandation, d'ailleurs nuancée, du Conseil des
universités, c'est précisément parce qu'en plus de ce
facteur des places-élèves, il y avait d'autres facteurs qui m'ont
semblé sous-évalués dans l'avis qui m'a été
donné. J'ai déjà cité le fait qu'il se donnait
déjà un enseignement à Loyola depuis très longtemps
et également le fait qu'il fallait tenir compte des facteurs humains en
cause.
Je pourrais ajouter d'ailleurs que si on s'était basé
uniquement sur cet élément des places-élèves on
n'aurait probablement pas fondé l'Université du
Québec.
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président...
M. CHARRON: M. le Président, dernière question
additionnelle.
LE PRESIDENT: Dernière.
M. CHARRON: Je veux demander au ministre s'il peut assurer la Chambre
que cette fusion, contraire au Conseil des universités,
n'entraînera pas automatiquement la création d'un nouveau CEGEP
anglophone sur le territoire de Montréal.
M. CLOUTIER: Tous les CEGEP sont actuellement planifiés. Il n'est
pas question de créer de nouveaux CEGEP au-delà de ceux qui sont
déjà prévus. Il ne s'agit pas de créer une
université supplémentaire. C'est précisément pour
éviter l'apparition d'une université supplémentaire de
langue anglaise que nous avons permis et même favorisé, il y a
plusieurs années, cette évolution vers la fusion des deux
institutions existantes.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.
Hôpital de Chicoutimi
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Affaires sociales. Le président du Conseil d'administration
de l'hôpital de Chicoutimi se plaignait récemment du fait que les
services externes, d'urgence, de laboratoire et de radiologie étaient
inadéquats. Est-ce que le ministre est en mesure d'annoncer l'octroi
d'une subvention à l'hôpital de Chicoutimi pour le
réaménagement de ces services, entre autres le
réaménagement de la clinique externe et des cliniques d'urgence?
Est-il exact que le ministère s'apprête à fermer 100 lits
actifs à l'hôpital de Chicoutimi et à transformer cent
autres lits actifs en lits chroniques ou en lits pour longue durée alors
qu'il y a une liste d'attente de plus de 4,000 personnes pour entrer à
l'hôpital? Est-il exact également que le ministère
s'apprête à transférer à Québec les services
de certaines superspécialités qui sont présentement
disponibles à l'hôpital de Chicoutimi? Enfin, est-ce que le
ministre a pris ou le ministère une décision
concernant l'avenir des départements de pédiatrie et
d'obstétrique de l'hôpital de Jonquière?
M. FORGET: M. le Président, comme mon honorable collègue
d'en face le sait, depuis environ un an des conseils régionaux ont
été mis en place dans le secteur des affaires sociales. Leur
création est assez récente pour n'avoir pas suscité la
possibilité pour eux de faire des recommandations quant à tous
les aspects de leur vocation, de leur rôle. Ils ont reçu un mandat
spécifique au début de l'an dernier relativement aux services
d'urgence et le CRSSS de la région no 2 a aussi à
considérer certains plans de réorganisation des services de
santé dans la région no 2.
Le 13 décembre prochain, des représentants du conseil
régional auront des conversations avec les officiers supérieurs
de mon ministère, afin de préciser certaines recommandations qui
pourraient faire suite à une première étude, ou à
une deuxième étude, devrais-je dire, des recommandations
initialement formulées par le ministère. Pour ce qui est des
autres questions, il est bien entendu que ces consultations avec le conseil
régional doivent avoir lieu avant que quelque décision que ce
soit ne soit prise et, à plus forte raison, annoncée par mon
ministère.
Ceci touche à la fois la fermeture ou l'ouverture de lits, de
même que des regroupements de certaines spécialités ou
superspécialités. Donc, à la fin de cette rencontre
prévue pour le 13, certaines conclusions pourront se dégager. Il
se pourrait également que des études supplémentaires
soient nécessaires. Pour ce qui est plus précisément du
dernier point, j'aimerais que mon collègue précise.
M. BEDARD (Chicoutimi): C'était concernant l'avenir de la
pédiatrie et de l'obstétrique à l'hôpital de
Jonquière.
M. FORGET: Suite à cette réunion, une décision a
été promise par mon ministère, avant la
mi-décembre. Suite à cette réunion, je compte bien que
nous annoncerons une décision quant à l'obstétrique et
probablement la pédiatrie dans la région no 2 et
particulièrement la région qui touche immédiatement
Chicoutimi et les environs.
M. BEDARD (Chicoutimi): Une question additionnelle. N'est-il pas exact
que déjà le ministère a recommandé en fait de
diminuer de 200 lits l'hôpital de Chicoutimi, à savoir de 100 lits
actifs et de changer 100 lits actifs pour 100 lits de longue durée?
Est-ce qu'il est exact que déjà le ministère a mis de
l'avant cette politique?
M. FORGET: J'ai déjà répondu à cette
question. Plusieurs discussions ont eu lieu, mais aucune décision n'a
été prise.
M. BEDARD (Chicoutimi): Peut-être, M. le Président, mais
pas pour la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
M. LEVESQUE: Je comprends.
M. LESSARD: Question additionnelle.
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce que vous avez
terminé votre réponse?
M. FORGET: Oui.
M. LESSARD: Question additionnelle.
LE PRESIDENT: Question additionnelle.
M. LESSARD: Suite, justement, aux politiques du ministère, est-ce
que le ministre pourrait nous dire s'il a aussi pris connaissance du dossier
concernant la régionalisation des services, hospitaliers, des services
de santé dans la région de Baie-Comeau-Hauterive, et entend-il
prendre une décision d'ici quelque temps?
DES VOIX: A l'ordre!
LE PRESIDENT: A l'ordre! Non, je crois qu'il s'agit-là d'une
question principale. On pourrait difficilement la greffer au problème
régional de Chicoutimi. Vous aurez l'occasion, tout à l'heure, de
poser votre question.
L'honorable député de Beauce-Sud.
Lois fédérales sur
l'énergie
M. ROY: M. le Président, j'aurais une question à poser
à l'honorable premier ministre du Québec. Est-ce que le premier
ministre pourrait me dire s'il a pris connaissance des deux projets de loi
déposés par le gouvernement fédéral,
c'est-à-dire le projet de loi no C-236 concernant la création
d'un office de répartition des approvisionnements d'énergie, et
le bill C-23 qui donne les pouvoirs à l'office? Est-ce que le premier
ministre a pris connaissance de ces deux projets de loi et est-ce qu'il
pourrait faire connaître à la Chambre la position de son
gouvernement devant ces deux projets de loi?
M. BOURASSA: M. le Président, le ministre des Richesses
naturelles a répondu hier. Je comprends que le député
était absent hier, qu'ils ont certains problèmes pour la fin de
semaine mais...
M. ROY: Je m'excuse, M. le Président, mais j'ai posé des
questions précises au premier ministre et le premier ministre
possède l'art de souligner les absences à l'Assemblée
nationale alors que nous pourrions faire la même chose du
côté ministériel.
M. LEVESQUE: Et vous ne manquez pas une occasion.
M. ROY: J'ai posé une question précise à
l'honorable premier ministre et je lui demanderais de répondre à
cette question de façon précise, sans détourner
l'attention et sans détourner la question.
M. BOURASSA: M. le Président, j'ai dit que le
député avait une absence motivée hier quand on sait les
problèmes que connaît actuellement son parti.
M. ROY: Etes-vous dans les coulisses face à ces
problèmes?
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. LESSARD: Question additionnelle, M. le Président, concernant
justement la politique énergétique du gouvernement du
Québec. Maintenant que le premier ministre du Québec a
reçu encore une réponse négative suite à la
suggestion qu'il faisait au gouvernement fédéral de verser une
subvention pour compenser la diminution des taxes sur les carburants, est-ce
que le premier ministre...
M. LEVESQUE: II subit l'influence du nouveau chef parlementaire.
M. LESSARD: ... M. le Président... LE PRESIDENT: Question.
M. LESSARD: Oui, oui, si on veut me laisser poser la question. Est-ce
que le premier ministre entend prendre des mesures positives pour compenser
l'augmentation excessive des produits pétroliers au consommateur
québécois? Est-ce qu'il y a des mesures positives que le premier
ministre a l'intention d'étudier pour empêcher, justement,
l'augmentation excessive?
M. BOURASSA: M. le Président, le ministre des Affaires sociales a
déjà fait part de certaines mesures dans le cas des
assistés sociaux. Nous avons à considérer également
les implications financières que cette hausse du pétrole comporte
pour les différents ministères eux-mêmes.
Il faut voir à quel montant cela peut s'élever pour savoir
quelle marge de manoeuvre il reste au gouvernement pour le genre de mesures que
semble vouloir proposer le député.
M. LESSARD: Est-ce qu'on peut être assuré que le
gouvernement québécois ou le cabinet qui doit se réunir
vendredi va étudier des mesures positives pour compenser l'augmentation
excessive des produits pétroliers aux consommateurs?
M. BOURASSA: M. le Président, comme la réunion du cabinet
porte sur le budget de l'année 1974/75, sur les enveloppes
budgétaires, il est évident que cette question va être
étudiée. Comme je viens de le dire il y a quelques instants, il
faut évaluer le coût de l'augmentation du pétrole pour les
différents ministères, que ce soit le ministère des
Transports, que ce soit le ministère de l'Education, avec les autobus
scolaires, ou le ministère de la Justice.
M. ROY: Une question additionnelle à celle que j'ai posée
tout à l'heure. Est-ce que le premier ministre, en tant que chef de ce
qu'on pourrait appeler, peut-être, encore un gouvernement, peut nous dire
s'il a l'intention de joindre sa voix...
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre, messieurs!
M. ROY: ... à l'opposition au gouvernement fédéral
pour empêcher que ce dernier ne prenne les pleins contrôles et que
la politique de rationnement ne vise surtout la province de Québec?
Est-ce que le premier ministre pourrait me dire s'il donne son appui total au
gouvernement fédéral ou s'il a l'intention de prendre position en
faveur des meilleurs intérêts de la province de Québec, en
refusant de donner carte blanche au gouvernement fédéral?
M. BOURASSA: M. le Président, je dirai d'abord que le
député est très mal placé pour faire preuve
d'insolence, ces jours-ci. Je peux répondre à ses questions en
disant qu'il est normal que le gouvernement du Québec, dans une
période de crise, collabore avec le gouvernement fédéral.
C'est la situation dans toutes les régions du monde. Au Marché
commun, actuellement, on propose de former un conseil de l'énergie. Le
président de la République française et le premier
ministre allemand ont convenu de proposer, un conseil de l'énergie pour
voir à s'entendre entre eux sur la répartition des ressources
énergétiques; a fortiori, dans un marché commun comme
celui qui existe au Canada, il est absolument normal, en temps de crise, de
collaborer, surtout que nous n'avons pas de pétrole au Québec.
Ceci n'implique d'aucune façon, par ailleurs, que le gouvernement du
Québec renonce à sa juridiction pour ce qui a trait aux richesses
naturelles.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Vanier.
Protection du consommateur
M. DUFOUR: M. le Président, une bonne question maintenant pour le
mieux-être de la population. Ma question s'adresse au ministre des
Institutions financières, Compagnies et Coopératives, qui
s'occupe de la protection du consommateur. La Fédération des
associations coopératives d'économie familiale a eu sa
réunion annuelle, en fin de semaine dernière, et a
suggéré plusieurs modifications à la Loi de la protection
du consommateur. Est-ce que le ministre a l'intention d'agir?
M. TETLEY: M. le Président, il est vrai que l'ACEF, qui a tenu
une réunion en fin de semaine, a fait des suggestions d'amendements
à la Loi de la protection du consommateur. En
effet, trois groupements du gouvernement préparent des
amendements: le Conseil de la protection du consommateur, l'Office de la
protection du consommateur et les avocats du ministère. Nous avons
même demandé par lettre à tout groupement, comme l'ACEF, de
nous envoyer ses recommandations. L'ACEF a jugé bon de nous envoyer les
siennes par le moyen des journaux et j'espère recevoir ses suggestions
plus détaillées par lettre ou par mémoire. Et,
aussitôt que nous aurons étudié toutes ces recommandations,
nous présenterons une loi d'amendement.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.
M. LEGER: Dans les recommandations des ACEF, il avait été
question de l'assurance-automobile. Est-ce que le ministre peut nous dire si le
comité d'étude sur l'assurance-automobile, qui doit faire rapport
le 31 décembre prochain, a fait une demande de prolongation du mandat?
Et, deuxièmement, est-ce que le ministre rendra public le rapport
dès qu'il lui sera remis?
M. TETLEY: En réponse à la première question, c'est
oui. Très récemment, le comité a demandé le
prolongement de son mandat parce que, comme l'Ontario, le Québec attend
certains chiffres de l'industrie. Le premier ministre de l'Ontario, M. William
Davis, a annoncé qu'il attendait jusqu'au 15 janvier. Nous avons
décidé d'attendre jusqu'au 15 janvier ces chiffres de l'industrie
et, immédiatement après, j'espère que le comité
présentera son rapport au conseil des ministres. Quant à la
question de le déposer immédiatement après, j'attends
évidemment la décision de mes collègues du conseil des
ministres.
Dunes et falaises des Iles-de-la-Madeleine
M. LEGER: Question principale, M. le Président. Ma question
s'adresse au ministre des Affaires municipales et de la protection de
l'environnement. Cela concerne la protection de richesses spéciales du
comté des Iles-de-la-Madeleine et je ne fais pas allusion au
député du comté des Iles-de-la-Madeleine je parle
plutôt des dunes et des falaises des Iles-de-la-Madeleine. Est-ce que le
ministre a l'intention il y en a qui sont nerveux de
protéger d'une quelconque manière peut-être, par l'exercice
des articles 20, 22 et 23 de la loi 34 que le ministre connaît bien, les
dunes et les falaises des Iles-de-la-Madeleine?
Elles sont actuellement aux prises avec ceux, là-bas, qu'on nomme
les grugeurs de dunes, c'est-à-dire les entrepreneurs qui utilisent les
dunes des îles comme élément de remplissage de routes? Pour
que le ministre se situe bien, les dunes des Iles-de-la-Madeleine, concernant
la richesse de la région, cela équivaudrait à remplir les
trous du Rocher Percé.
DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. LEGER: Est-ce que le ministre peut...
LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs !
M. LEVESQUE : Le député répète des arguments
qui ont été utilisés en campagne électorale, et la
population s'est prononcée.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, m'étant penché avec
le député des Iles-de-la-Madeleine sur plusieurs problèmes
dans ce coin un peu spécial de la province, notamment sur certains
aspects de l'alimentation en eau potable, je peux assurer le
député de Lafontaine que je vais regarder ce problème de
très près.
Je suis heureux de l'informer que, selon les renseignements que j'ai
obtenus hier, le député des Iles-de-la-Madeleine se porte
très bien et sera bientôt parmi nous.
M. LEGER: Une question supplémentaire, M. le Président. Je
suis heureux de voir que le député se porte bien mais je voulais
simplement savoir si le ministre est au courant de la question que j'ai
posée, à savoir que les gens se servent du sable des dunes. C'est
une richesse là-bas; d'ailleurs, c'est un point de repère quand
les pêcheurs reviennent et cela sert à des remplissages de routes.
Est-ce que le ministre est au courant de cela?
M. GOLDBLOOM: J'étais au courant du problème, M. le
Président, mais pas de son envergure. Je déduis de la question
posée par l'honorable député de Lafontaine que ce
phénomène prend de plus en plus d'importance. Je vais faire
enquête et je vais agir selon les pouvoirs qu'il a invoqués.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi
Tunnel Québec-Lévis
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Transports. A la suite de la publication fragmentaire du rapport
Holzl sur le lien direct Québec-Lévis et la possibilité
technique de creusage à coût raisonnable d'un tunnel
Québec-Lévis, le ministre peut-il nous dire si le rapport ou des
études connexes ont évalué les coûts et les
modalités d'un éventuel métro entre les deux centre-ville
qui utiliseraient un tel tunnel? Si oui, quand ces études seront-elles
terminées ou publiées et
par qui seront-elles menées? Sinon, pourquoi le ministère
n'entend-il même pas envisager le métro comme solution à la
possibilité d'un lien direct Québec-Lévis?
M. MAILLOUX: M. le Président, je vais tâcher d'être
le plus honnête dans ma réponse au député de
Chicoutimi. Pour ce faire, je voudrais me référer à une
déclaration que je faisais en campagne électorale devant
l'honorable député de Lévis, devant les hommes d'affaires
de Saint-Romuald, où je disais que dans un avenir immédiat le
ministère des Transports n'avait pas les moyens financiers pour mettre
en place un lien direct, dans l'immédiat.
Quant aux études qui ne sont pas encore complétées,
elles seront remises au ministère des Transports dans le cours des mois
qui vont suivre. Il appartiendra à ce moment au gouvernement, comme aux
autres gouvernements qui sont en cause, d'étudier le financement
possible d'un tel lien éventuel mais qui n'est pas pour demain
matin.
Régionalisation des services de
santé
M. LESSARD: M. le Président, est-ce que je pourrais poser ma
question au ministre des Affaires sociales?
Est-ce que le ministre des Affaires sociales a pris connaissance du
dossier fort important en tout cas pour notre région
concernant la régionalisation des services de santé, en
particulier dans la région de Baie-Comeau-Haute-rive? S'il en a pris
connaissance, est-ce qu'une décision a été prise ou est-ce
qu'il entend prendre une décision d'ici quelque temps, parce que c'est
un dossier qui dure déjà depuis deux ans, qui attend une
solution?
M. FORGET: J'ai pris connaissance du dossier dont fait mention
l'honorable député de Chicoutimi...
M. LESSARD: De Saguenay.
M. FORGET: ... de Saguenay. J'en ai pris connaissance. C'est un dossier
qui est difficile, qui est débattu de part et d'autre, depuis en effet
plus de deux ans. Des décisions préliminaires ont
été prises qui seront annoncées en temps et lieu. Le temps
n'est pas venu, dans le moment, d'annoncer quelles sont ces
décisions.
M. LESSARD: Question additionnelle. Est-ce qu'au moins le ministre
pourrait nous donner une indication sur son "en temps et lieu"? Est-ce qu'on
peut, par exemple, d'ici janvier prochain attendre une réponse du
ministre des Affaires sociales concernant ce dossier qui pourrit depuis deux
ans, qui provoque des discussions fort acerbes dans la région et qui
mérite une attention spéciale?
M. BOURASSA: Avec le député qu'il y a là!
M. FORGET: Je suis aussi intéressé que mon honorable
collègue à résoudre ce problème, mais, comme je
l'ai dit, ce sera annoncé en temps utile.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine, et
après, l'honorable député de Beauce-Sud.
Rénovation urbaine
M. LEGER: Ma question s'adresse au ministre des Affaires municipales.
Dans le cadre de la loi fédérale qu'on appelle Loi nationale de
l'habitation, est-ce que le ministre qui doit rencontrer bientôt,
je pense, son homologue, M. Basford, concernant la rénovation urbaine et
les sommes qui y sont affectées sait, premièrement,
quelles sommes seront réclamées par le Québec ou promises
par Ottawa à la Société d'habitation du Québec pour
la rénovation urbaine?
Deuxièmement, est-ce que le ministre peut nous assurer que toutes
les sommes qu'Ottawa aura pour la rénovation urbaine seront
transférées à la Société d'habitation du
Québec pour être administrées par la Société
d'habitation du Québec qui sera le seul juge du plan de
rénovation? Est-ce que le ministre peut nous assurer cela?
M. GOLDBLOOM: C'est la politique du gouvernement, et cette politique
sera poursuivie. Quant aux montants, des négociations sont en cours. Un
montant global a été visé, qui fera l'objet d'une entente
entre les deux paliers de gouvernement. Mais en attendant la conclusion de ces
négociations, je ne pourrai parler de chiffres précis.
M. LEGER: Question supplémentaire. Est-ce que les sommes
qu'Ottawa ou la Société centrale d'hypothèques et de
logement pourraient envoyer au Québec, ce sont des chèques
individuels sur des projets que le Québec endosse, après quoi on
fait son chèque ou si ce sont des projets dont la Société
d'habitation du Québec sera le promoteur? C'est ce que je demandais.
Est-ce que vous allez défendre cette politique qui n'existe pas
actuellement? Est-ce que le ministre a l'intention d'exiger que toutes les
sommes soient remises à la Société d'habitation du
Québec pour qu'elle-même entreprenne ces projets et fasse les
paiements à même la somme globale que le fédéral va
mettre à la disposition du Québec?
M. GOLDBLOOM: II y a une distinction à faire entre certaines
provinces qui assument elles-mêmes la responsabilité d'être
maître-d'oeuvre de tout ce qui se fait dans le domaine de l'habitation et
d'autres qui n'assument pas cette responsabilité.
Jusqu'à maintenant, le Québec se trouve dans cette
deuxième catégorie, qui constitue la
majorité, celle des provinces qui ne se font pas maître
d'oeuvre de ce travail. Donc, il y a une transaction individuelle dans chaque
cas, et avec l'approbation du gouvernement du Québec, les
municipalités ou les sociétés à but non lucratif
s'adressent au gouvernement fédéral et il y a une entente
tripartite pour chaque projet.
M. LEGER: Vous allez devenir le maître d'oeuvre?
M. GOLDBLOOM: Pardon?
M. LEGER: Quand la Société d'habitation du Québec
deviendra-t-elle le maître d'oeuvre?
M. GOLDBLOOM: Bien, M. le Président, il y a...
M. LEGER: Du gouvernement?
M. GOLDBLOOM: ... présentement un comité
interministériel qui se penche sur la question de l'habitation et...
M. LEGER: Nous avons la réponse! M. GOLDBLOOM: Très bien,
merci.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce-Sud.
Caisses d'entraide économique
M. ROY: Une question à l'honorable ministre des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives. Est-ce que le
ministère des Institutions financières, par son ministre, va
donner suite à son intention de déposer un projet de loi
concernant les caisses d'entraide économique? Si oui, est-ce que nous
pourrions demander au gouvernement de déposer ce projet de loi avant la
période des fêtes, de façon que nous puissions l'examiner
avec toute l'attention qu'il mérite?
M. TETLEY: Je trouve la suggestion du député de
Beauce-Sud, M. le Président, fort intelligente; j'espère
déposer la loi très bientôt. Il y a un petit
problème cependant entre les avocats du gouvernement et les avocats des
caisses d'entraide; lorsqu'il y a deux avocats, il y a toujours dissension;
mais nous allons régler cela et déposer le projet de loi
aussitôt que possible.
M. ROY: Je peux déduire par la déclaration du ministre
qu'on pourrait espérer que ce projet de loi soit déposé
d'ici l'ajournement des fêtes?
M. TETLEY: C'est vrai.
LE PRESIDENT: Affaires du jour.
M. BURNS: Est-ce que vous me permettez de poser au leader du
gouvernement une question en vertu de l'article 34? Normalement, je pense bien
que le ministre des Affaires municipales serait mieux placé pour me
répondre mais je dois, en vertu du règlement, poser ma question
au leader. Le 22 mars 1973, la commission des affaires municipales a
ajourné sine die l'étude de l'avant-projet de la loi sur
l'urbanisme et l'aménagement du territoire, et j'ai entendu le ministre
des Affaires municipales dans son discours, dans le cadre du débat sur
le discours inaugural, dire qu'il avait l'intention de hâter
l'étude du processus de mise en vigueur de cet avant-projet. Je demande
tout simplement: Est-ce que c'est l'intention du gouvernement de faire
siéger bientôt la commission des affaires municipales sur cet
avant-projet? Si oui, est-ce qu'il a l'intention de la faire siéger
d'ici l'ajournement des fêtes?
M. LEVESQUE: Le député de Maisonneuve sait fort bien qu'il
s'agit d'une nouvelle Législature et qu'en se référant
à des documents étudiés durant l'hiver 1973, il ne fait
que faire un historique, mais il ne peut relier ce document aux travaux de
cette nouvelle Législature.
M. BURNS: Si vous me permettez, je n'ai peut-être pas
été assez clair. En fait, j'ai mis tout simplement le cas du 22
mars 1973 de l'avant pour expliquer ce que je vois au journal des Débats
du 29 novembre, et c'est le ministre des Affaires municipales qui nous dit: "M.
le Président, comme ministre des Affaires municipales et de
l'environnement, je m'engage à accélérer le processus
d'examen de cet avant-projet de loi." Alors, c'est uniquement relativement au
discours dans le cadre du débat sur le discours inaugural que je pose
cette question. J'ai évidemment parlé de ce qui s'est
passé dans une autre Législature mais je ne tiens pas le
gouvernement avec ça.
M. LEVESQUE: C'est entendu, M. le Président, qu'il s'agit d'une
question fort complexe. D'ailleurs, le député doit lui-même
en être conscient, après avoir discuté et
étudié, au moment où il le mentionne, le contenu de cet
avant-projet. Dans les jours qui suivent, le calendrier est fort chargé,
comme également le leader parlementaire de l'Opposition officielle le
sait. Je veux simplement l'assurer qu'au moment où le contenu, si vous
voulez, sera prêt, nous allons lui donner la place qu'il mérite
dans l'étude qui peut être soumise à la Chambre, mais je ne
veux pas être plus précis. Chose certaine, c'est que, d'ici
à l'ajournement de Noël, il ne peut en être question.
LE PRESIDENT: Affaires du jour.
M. LEVESQUE: M. le Président, article 2).
LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice propose la deuxième
lecture?
M. LEVESQUE: Oui.
Projet de loi no 5 Deuxième lecture
LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice propose la deuxième
lecture du projet de loi no 5, Loi modifiant la loi de l'expropriation, la loi
des tribunaux judiciaires et d'autres lois connexes.
Le ministre de la Justice.
M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur
de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande
l'étude à l'Assemblée. Maintenant, je proposerais que nous
passions à l'étude de ce projet de loi en commission
plénière, en sautant immédiatement l'étape de la
deuxième lecture, étant donné que le projet de loi ne
comporte pas de questions de principe fondamentales qui méritent un
débat en deuxième lecture.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, personnellement, je suis d'accord sur
la suggestion du ministre qu'on aille en commission plénière
immédiatement. C'est un projet de loi qui est plus ou moins substantiel,
surtout moins que plus. Je dois dire au niveau de la deuxième lecture
cependant au ministre que je comprends qu'il vienne avec un amendement à
ces deux lois et non pas avec un amendement à l'ensemble de la Loi des
tribunaux judiciaires, qu'il nous avait annoncé il y a quelque
temps.
Je comprends que ces amendements sont nécessaires pour la mise en
vigueur à court terme de la loi concernant l'expropriation. A ce titre,
je suis d'accord pour collaborer avec le gouvernement et pour voir à
l'adoption de ce projet le plus rapidement possible, avec la réserve
suivante, c'est que je dis au ministre qu'il serait peut-être temps qu'il
envisage, à plus ou moins court terme, cette fameuse réforme de
l'ensemble des tribunaux de juridiction québécoise qu'il nous
avait annoncée il y a, sauf erreur, près d'un an et demi,
peut-être deux ans. Cela nous éviterait, justement, de revenir
constamment avec des bribes d'amendement à la Loi des tribunaux
judiciaires toutes les fois qu'une chambre spécialisée se forme
ou qu'un tribunal particulier se forme sous la juridiction de la cour
Provinciale.
Malgré cette réserve, M. le Président, nous sommes
prêts à adopter la deuxième lecture de ce projet de loi et
à faire l'étude du projet article par article en commission
plénière.
M. BOURASSA: C'est de la collaboration constructive, comme l'a dit le
député, hier, au centre Durocher, devant un tout petit groupe de
militants péquistes.
LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Cette motion de deuxième
lecture est-elle adoptée?
Adopté.
LE GREFFIER ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second
reading of this bill.
Commission plénière
LE PRESIDENT: L'honorable leader parlementaire du gouvernement propose
la formation de la commission plénière.
M. LEVESQUE: Vous l'avez deviné.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. BURNS: Adoptée.
LE PRESIDENT: Adopté.
M. BLANK (président de la commission plénière):
Article 1.
M. MORIN: M. le Président, au sujet de l'article premier de ce
projet de loi, il est dit, dans les notes explicatives, qu'il permet que les
membres du tribunal de l'expropriation puissent être choisis au sein de
la cour des Sessions de la paix alors qu'à l'heure actuelle ils le sont
uniquement au sein de la cour Provinciale. Ce qui me surprend dans cette
modification c'est qu'à ma connaissance les juges des Sessions de la
paix ont rarement une expérience en matière civile et encore
moins en matière d'expropriation.
Je m'interroge sur les vraies raisons de cette modification. Est-ce que
le ministre veut organiser une sorte de rotation entre les juges pour les
rendre plus polyvalents? Je sais qu'il y a un certain nombre de juges qui
veulent échapper à la spécialisation à outrance,
qui demandent à demeurer polyvalents. Je ne sais pas si c'est
l'intention du gouvernement. Je note aussi qu'en pratique, M. le ministre de la
Justice, cette modification va s'appliquer seulement à Québec,
à Montréal, à Trois-Rivières et peut-être
Sherbrooke, enfin, dans les villes où il y a des juges des Sessions de
la paix parce qu'ailleurs ce sont les juges provinciaux qui, comme vous le
savez, font le travail des juges des Sessions de la paix.
D'autre part, je signale également au ministre c'est ce
qui explique un peu ma surprise devant cette modification de la loi que
les juges des Sessions de la paix sont débordés de travail dans
toutes les villes où ils siègent; alors, pourquoi cette
modification?
M. CHOQUETTE: M. le Président, je pense que je vais satisfaire la
curiosité du chef de l'Opposition. Il ne faut pas chercher,
derrière l'amendement proposé comment pourrais-je dire?
des grands principes de réforme judiciaire, voir là
l'intention du législateur de voir s'opérer par le jeu de cet
article-là, la polyvalence de nos juges. Les explications qui doivent
être données en rapport avec cette modification sont très
particulières. Au moment de la constitution du tribunal de
l'expropriation, j'ai sollicité le juge Roger Savard, de la cour des
Sessions de la paix, pour devenir vice-président du tribunal des
expropriations étant donné que celui-ci avait déjà
une expérience considérable en matière d'expropriation qui
datait du moment où il était avocat et avant qu'il ait
été nommé juge de la cour des Sessions de la paix.
Comme m'a dit le juge Savard, "si jamais je quitte le tribunal des
expropriations, j'aimerais bien pouvoir revenir à la cour que je
préfère, c'est-à-dire la cour des Sessions de la paix" et
j'ai dû lui faire des promesses dans ce sens-là pour qu'il
acquiesce à sa nomination au tribunal de l'expropriation. Evidemment,
dans la rédaction originale de la Loi de l'expropriation nous avions,
à l'instar du chef de l'Opposition, prévu qu'il était plus
normal que ce soit des juges de la cour Provinciale qui fassent partie du
tribunal de l'expropriation, que leur travail judiciaire ou le genre de
pratique juridique qu'ils avaient pu avoir avant d'être nommés
juges faisait qu'il y avait plus de rapports entre un juge de la cour
Provinciale et le tribunal de l'expropriation qu'entre un juge de la cour des
Sessions de la paix et le tribunal de l'expropriation.
Mais compte tenu du cas particulier du juge Savard qui, d'ailleurs, a
toute la compétence voulue pour siéger en matière
d'expropriation, c'est la raison pour laquelle je propose l'amendement qui
figure à l'article 1.
LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté?
M. BURNS: Simplement une question, M. le Président, que je
pourrais poser peut-être à l'article 1 ou à l'article 12,
relativement à la mise en vigueur de la loi. Si je me rappelle bien,
lorsque nous avons adopté, au cours de la Législature
précédente, le projet de loi 88, qui est devenu la Loi sur
l'expropriation, le ministre qui parrainait le projet de loi, le ministre des
Transports, nous avait dit que ce projet de loi 88 serait mis en vigueur
tranche par tranche. D'ailleurs, encore là, je pense que l'article de
mise en vigueur du projet de loi 88 laissait entendre que c'était sur
proclamation du lieutenant-gouverneur en conseil. Je me rappelle
également que le ministre nous avait dit que la première
étape de mise en vigueur de cette loi était la constitution du
tribunal. C'est dans ce sens, comme je le disais en deuxième lecture,
que nous sommes d'accord pour faciliter la constitution de ce tribunal le plus
rapidement possible. J'aimerais, pendant qu'on y est et je pense qu'on
fait la dernière étape de la constitution du tribunal, puisqu'on
permettra probablement au juge Savard d'être nommé, à
très court terme que le ministre nous dise où en est rendu
le processus de mise en vigueur de cette loi, étant donné qu'il y
a un très grand nombre d'expropriés qui, actuellement, sont un
peu assis entre deux chaises, attendent de savoir quels vont être leurs
droits, en vertu de la loi actuelle ou en vertu de la loi qui vient, etc.
Est-ce que le ministre peut nous dire brièvement où en est rendu
exactement le processus de mise en vigueur de la Loi concernant
l'expropriation?
M. CHOQUETTE: Je peux dire au député de Maisonneuve que le
tribunal d'expropriation a commencé à siéger le 26
septembre dernier. Le tribunal a commencé à accepter des causes,
à en entendre. Pour ce qui est du juge Savard, il a été
possible de le nommer, parce que nous l'avons nommé juge de la cour
Provinciale et de là membre du tribunal. Evidemment, je lui avais fait
la promesse qu'il redeviendrait juge de la cour des Sessions, ce qui lui
permettrait, si jamais il abandonnait son...
M. BURNS: II siège déjà.
M. CHOQUETTE: Oui, il siège déjà. Il y a aussi le
juge Dorion, qui était autrefois président de la Régie des
services publics et le juge Paul Trudeau, qui était juge municipal
à Laval. Ces juges sont déjà en fonction depuis la fin de
septembre. Le tribunal a commencé à entendre les causes, mais je
ne peux pas dire dans le moindre détail au député de
Maisonneuve où en sont les travaux du tribunal.
M. BURNS: Est-ce qu'on doit comprendre que la partie substantive de la
Loi sur l'expropriation est entièrement en vigueur? Je m'excuse de vous
poser cette question, vous pourriez me dire: Allez voir dans la Gazette
officielle, mais pour simplifier mon travail, je demande simplement, par
l'entremise de votre sous-ministre qui est près de vous, si le ministre
est en mesure de me dire si la partie droit substantif de cette loi est
maintenant complètement en vigueur?
M. CHOQUETTE: Etant donné qu'il y a eu sept ou huit proclamations
qui ont mis différentes parties de la loi en vigueur à
différentes époques, j'aimerais mieux ne pas donner une
réponse immédiate au député de Maisonneuve.
J'attends les renseignements que je lui donnerai très
précisément tout à l'heure.
M. BURNS: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Blank): Article 1, adopté? Article 2.
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Blank): Article 3?
M. BURNS: Aussi.
LE PRESIDENT (M. Blank): Article 4?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Blank): Article 5?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Blank): Article 6?
M. BURNS: Adopté également.
LE PRESIDENT (M. Blank): Article 7?
M. BURNS: Adopté. Jusqu'à la fin, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Blank): Article 8, adopté. Article 9,
adopté. Article 10, adopté. Article 11, adopté. Article
12, adopté.
Le bill est adopté sans amendement.
M. BURNS: Ce n'est pas difficile, M. le ministre, ça.
M. CHOQUETTE: C'est parfait.
Est-ce que le député de Maisonneuve voudrait que nous
attendions que j'aie les renseignements que je lui ai promis ou que nous
procédions immédiatement à la troisième
lecture?
M. BURNS: Je voudrais bien être agréable au ministre, pour
l'une des rares fois que j'ai la chance de l'être, mais je dois dire,
étant donné que c'est le premier projet de loi que nous adoptons,
que, sauf dans des cas véritablement exceptionnels, j'insisterai
toujours et cela pas par mauvaise volonté, mais uniquement par
sens pratique pour qu'on suive le règlement là-dessus,
c'est-à-dire pour que la troisième lecture se fasse le jour
suivant.
Je le dis pour ce premier projet de loi et sans aucune
arrière-pensée. C'est que, dans l'ancienne Législature, on
a eu des cas où, entre la deuxième lecture, la commission
plénière et les séances de la commission parlementaire, en
particulier, on a eu parfois des éclairs de génie et du
côté du gouvernement et du côté de l'Opposition et on
s'est aperçu qu'il y avait peut-être des failles dans le projet de
loi qu'on avait adopté article par article. C'est un peu dans ce sens,
pour laisser décanter pendant 24 heures, au minimum, le projet de loi
que nous adoptons article par article, que je préfère que cela se
fasse à une autre séance.
M. CHOQUETTE: Très bien. Je note. Je veux maintenant, pour
terminer les séances de la commission plénière, si vous me
le permettez, donner les renseignements que j'ai promis au député
de Maisonneuve tout à l'heure. Le 26 septembre 1973, on a
proclamé les articles 1 à 33, 89 à 91, 93 à 97, 100
à 102, 105 à 109, 113, 118 à 120, 122 à 135, 138,
146, 148 à 152. Le 26 septembre 1973, on a également
proclamé les articles 45, 46, 47 et 67. Le 26 septembre 1973, on a
également proclamé les articles 137, 147. Il reste les autres
articles qui n'ont pas encore été proclamés, mais qui le
seront dans un avenir rapproché.
M. BURNS: Merci, M. le ministre.
M. BLANK (président de la commission plénière): M.
le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le bill no 5 est
adopté sans amendement.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Houde, Limoilou): Troisième
lecture?
M. CHOQUETTE: A la prochaine séance. M. BIENVENUE: Article 1), M.
le Président.
Projet de loi no 1 Deuxième lecture
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre des Affaires sociales propose
la deuxième lecture du projet de loi no 1, Régime des allocations
familiales du Québec.
M. Claude Forget
M. FORGET: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de
la province a pris connaissance de ce projet de loi no 1 et il en recommande
l'étude à l'Assemblée nationale. Le projet que cette
Assemblée nationale doit maintenant considérer est, de
façon assez symbolique, le projet de loi no 1 de la première
session de cette nouvelle Législature. Il concrétise de
façon remarquable un élément majeur du programme
électoral du Parti libéral, lors des dernières
élections. Même, il est si connu qu'on pourrait presque dire que
son débat ici peut se passer de présentation, puisqu'il a fait
l'objet de nombreux commentaires et de nombreux discours durant une
période tout à fait récente.
Cependant, si ce projet est généralement approuvé
dans ses implications financières pour les familles du Québec, il
demeure nécessaire de souligner quels sont les principes qui le
sous-tendent et qui sous-tendent l'insertion du régime des allocations
familiales dans l'ensemble des politiques de soutien du revenu du
Québec.
Ce projet est important parce qu'il constitue un élément
majeur de la politique familiale du présent gouvernement et il
représente la clé de voûte d'un réaménagement
important du régime de sécurité du revenu. Une discussion
est
sans aucun doute nécessaire pour faire ressortir ces deux
éléments.
Un programme d'allocations familiales constitue un des
éléments fondamentaux du système intégré de
sécurité du revenu préconisé par le gouvernement du
Québec. Un tel système, en plus de garantir à chaque
citoyen les ressources minimales pour satisfaire aux besoins essentiels et
améliorer les prospectives de promotion des individus et des familles,
doit reconnaître de façon spécifique et distincte la
présence des enfants et les charges financières qui en
résultent au sein des familles.
Cette reconnaissance explicite des charges liées à la
présence des enfants est commandée par deux faits principalement.
D'une part, les revenus de travail ne tiennent pas compte de la dimension de la
famille du travailleur. C'est ainsi que, dans les familles à faible
niveau de revenu, la présence des enfants devient souvent une cause
immédiate de pauvreté.
D'autre part, en ce qui concerne les familles qui doivent recourir
à l'aide sociale, il est nécessaire de limiter la compensation
des charges familiales par la voie du programme d'aide sociale, si l'on veut
éviter que les montants d'aide sociale ne se comparent trop
avantageusement avec les revenus de travail, compte tenu des lois sur les
salaire minimum.
C'est pourquoi nous préconisons que les charges familiales soient
compensées de façon beaucoup plus adéquate par la voie
d'un programme distinct dont bénéficieront aussi bien les
personnes qui sont sur le marché du travail que celles qui ne peuvent y
participer.
Cette compensation accrue des charges familiales des familles à
faible revenu ne peut pas se faire, toutefois, aux dépens des familles
à revenu moyen qui ont des enfants. Si deux chefs de familles retirent
de leur travail le même revenu, celui qui a des enfants ou celui qui a le
plus d'enfants devrait avoir le revenu disponible le plus élevé.
Il s'agit d'une question de simple équité naturelle ou ce que
l'on appelle plus techniquement d'équité horizontale. Agir
autrement serait contraire au principe d'équité et aussi à
la politique familiale du gouvernement.
C'est pourquoi le régime d'allocations familiales que nous
proposons doit conserver son caractère universel de façon
à accorder des allocations à toutes les familles qui ont des
enfants.
Le programme d'allocations familiales que nous proposons accordera des
allocations variant selon le rang et l'âge des enfants et sera
composé de deux régimes distincts, l'un fédéral et
l'autre québécois.
Il est généralement reconnu que la présence des
enfants constitue une des principales causes de l'insuffisance des revenus au
Québec. Selon nos estimations, le pourcentage de familles dont le revenu
du chef est inférieur au seuil de pauvreté est d'autant plus
élevé que le nombre d'enfants à sa charge augmente,
passant de 26 p.c. pour les familles qui ont un enfant à 43 p.c. pour
les familles qui ont cinq enfants ou plus.
En conséquence, un programme d'allocations familiales sera
d'autant plus efficace à combattre la pauvreté qu'il accordera
des allocations relativement plus élevées aux familles
nombreuses. Le programme d'allocations familiales que nous proposons paiera une
allocation mensuelle de base de $15 au premier enfant, de $22 au
deuxième, de $33 au troisième et de $37 à l'enfant de
quatrième rang et plus.
Tout en reconnaissant que le coût d'entretien d'un enfant varie
directement avec son âge, un programme d'allocations familiales ne
saurait garantir, faute de données suffisamment précises, et pour
des raisons administratives, des allocations croissantes à chaque
changement d'âge, c'est-à-dire à chaque année, pour
les enfants. Le programme que nous proposons fait une distinction entre les
enfants d'âge de 0 à 11 ans et ceux âgés de 12
à 17 ans, en accordant à ceux-ci, c'est-à-dire aux
derniers, de 12 à 17 ans, une prime d'âge de $5 par mois.
Selon les données qui nous sont disponibles, l'insuffisance
totale des revenus chez les familles québécoises dont le revenu
du chef est inférieur au seuil de pauvreté atteindra $895
millions en 1974, dont plus de la moitié, soit $465 millions, est
attribuable à la présence des enfants. Le programme d'allocations
familiales que nous proposons aura comme effet de réduire à $300
millions l'insuffisance de revenus due à la présence des enfants,
soit une diminution de 35.5 p.c. de cet écart ou de ce manque à
gagner.
Le nouveau programme d'allocations familiales sera constitué de
deux régimes complémentaires, soit le régime
fédéral et le régime québécois. Le
gouvernement fédéral versera aux familles
québécoises une allocation mensuelle de $12 pour le premier
enfant, $18 pour le deuxième, $28 pour le troisième et $31 pour
le quatrième ainsi que pour chaque enfant de rang supérieur. A
cette allocation de base s'ajoutera une allocation mensuelle de $5 par enfant
de 12 à 17 ans.
Cette structure de paiement faite en vertu du programme
fédéral a été établie par le gouvernement du
Québec et est incorporée à la présente
législation.
Cette entente avec le gouvernement fédéral permet pour la
première fois au Québec d'agencer toutes les ressources
consacrées aux allocations familiales, qu'elles soient des ressources
fédérales ou provinciales, selon les priorités du
gouvernement du Québec.
Le Québec sera responsable de l'administration et du financement
du régime québécois qui versera une allocation mensuelle
de $3 pour le premier enfant, de $4 pour le deuxième, de $5 pour le
troisième et de $6 pour chaque enfant de rang supérieur.
Les allocations familiales provenant du régi-
me fédéral et du régime québécois
seront indexées annuellement pour tenir compte de l'augmentation du
coût de la vie.
Au chapitre de l'imposition, le gouvernement du Québec n'imposera
pas les allocations familiales provenant des deux régimes pour les
raisons suivantes, principalement. D'abord, la Loi québécoise de
l'impôt sur le revenu des particuliers ne prévoit pas d'exemption
pour les enfants âgés de moins de seize ans. Le gouvernement
considère que les familles à revenu moyen seraient
appelées à supporter un fardeau trop lourd si leurs allocations
familiales étaient imposées, étant donné notre
régime fiscal actuel.
Ensuite, la hausse rapide du coût de la vie de la dernière
année à réduit le pouvoir d'achat des familles
québécoises, plus particulièrement des familles à
revenus faible et moyen. Le fait pour le gouvernement du Québec de ne
pas imposer les allocations familiales équivaut à laisser entre
les mains des familles québécoises un montant total d'environ $60
millions en 1974.
Les allocations versées par le gouvernement du Québec,
à l'exception de celles versées aux enfants de 16 à 17 ans
ne seront pas non plus sujettes à l'impôt fédéral,
puisque le projet de loi fédéral prévoit que les
allocations versées par une province ne seront pas imposées par
le gouvernement fédéral pourvu que la province n'accorde pas
d'exemption fiscale pour les enfants admissibles aux allocations
familiales.
Conformément au projet de loi fédéral, les
allocations familiales du régime fédéral, ainsi que les
allocations versées par le Québec aux enfants de 16 à 17
ans seront soumises à l'impôt fédéral sur le
revenu.
Le nouveau programme d'allocations familiales requerra des
déboursés globaux de $598.4 millions en 1974. La
responsabilité financière sera de $501 millions pour le
gouvernement fédéral et de $97.4 millions pour le gouvernement du
Québec.
Le régime fédéral sera financé à
même les $20 par mois par enfant conformément au projet de loi
fédéral C-211. Pour lui permettre de financer son propre
régime, le Québec ajoutera $26.4 millions à la somme de
$71 millions consacrée au régime d'allocations familiales
présentement en vigueur.
L'adoption du projet de loi sur les allocations familiales permettra au
gouvernement du Québec de modifier en profondeur le programme de l'aide
sociale. Il est en effet nécessaire d'en arriver à un
équilibre essentiel entre les programmes d'allocations familiales et
d'aide sociale, afin d'éviter la désincitation au travail tout en
assurant aux personnes les plus défavorisées des ressources
suffisantes.
L'intégration de ces deux programmes de sécurité de
revenu permettra donc d'éviter que les prestations d'aide sociale ne
deviennent plus élevées que le revenu d'un emploi
rémunéré au taux du salaire minimum. C'est ainsi que
plusieurs changements importants au program- me d'aide sociale entreront en
vigueur le 1er janvier 1974, c'est-à-dire en même temps que le
nouveau régime d'allocations familiales et ces changements sont
principalement les suivants.
L'intégration des programmes d'allocations familiales et d'aide
sociale dans le but de rétablir l'équilibre entre l'aide sociale
et le salaire minimum. A compter du 1er janvier 1974, les prestations d'aide
sociale ne pourront jamais dépasser le revenu d'un emploi
rémunéré au salaire minimum, quelle que soit la taille de
la famille, contrairement à ce qui peut se produire actuellement dans le
cas des familles nombreuses.
Le nouveau programme d'allocations familiales, en compensant
dorénavant plus adéquatement les charges dues à la
présence des enfants, permettra en effet de modifier l'aide sociale en
ce sens sans qu'aucune famille ne reçoive moins des deux programmes
qu'elle ne reçoit actuellement.
Un deuxième élément de l'intégration des
deux régimes: une hausse sensible de la prestation pour les deux
premières personnes au sein d'une famille. Cette modification est
devenue nécessaire du fait que les barèmes actuels de l'aide
sociale sont nettement insuffisants, compte tenu du coût de la vie et
particulièrement pour les familles de petite taille et les individus
seuls.
Le nouveau programme d'allocations familiales, ainsi que la
réforme du programme d'aide sociale amélioreront d'une
façon significative la condition des familles à faible revenu, de
même que celle des familles à revenu moyen. Ainsi, sera franchie
une nouvelle étape importante dans la réforme de la
sécurité sociale au Québec. Merci.
M. BURNS: M. le Président, c'est la première fois que
ça arrive, d'ailleurs, depuis cette nouvelle Législature...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Voulez-vous qu'on suspende pour quelques
minutes en attendant que le chef arrive?
M. BURNS: C'est-à-dire que le député de Chicoutimi,
qui est sorti de la Chambre pour un instant, doit livrer la réplique au
ministre des Affaires sociales. Je pense qu'il s'en vient. Alors, j'ai
utilisé mon temps de deuxième lecture, M. le
Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Chicoutimi.
M. Marc-André Bédard
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, tout d'abord, je dois
dire que personnellement, étant chargé du ministère des
Affaires sociales, je suis heureux de la présentation de ce projet de
loi sur les allocations familiales, qui a été
faite par le ministre des Affaires sociales. Je crois traduire, à
ce moment-ci, également l'opinion de mes collègues de
l'Opposition. Je crois que le gouvernement a il faut le dire agi
avec célérité dans la présentation de ce projet de
loi. Il devait le faire de toute façon, suite, d'une part, à
l'engagement qu'il avait pris au mois de septembre vis-à-vis de la
population du Québec; également parce que cette loi s'imposait vu
que des milliers de familles québécoises, à l'heure
actuelle, ne joignent pas les deux bouts, suite comme d'ailleurs l'a
exprimé à un moment donné, dans son exposé, le
ministre des Affaires sociales entre autres à la hausse du
coût de la vie.
M. le Président, il y a naturellement l'aspect constitutionnel
sur lequel, on peut s'en douter, le Parti québécois a certaines
remarques et certaines réserves. Mon collègue, le chef de
l'Opposition, verra à aborder cet aspect constitutionnel. Le Parti
québécois ne peut pas faire autrement qu'être d'accord,
sauf certaines réserves, sur ce projet de loi dans l'ensemble, en ce
sens que le Parti québécois, comme on le sait, lors de la
dernière campagne, avait mis de l'avant un programme concernant les
allocations familiales. On sait qu'à un moment donné le Parti
québécois avait mis de l'avant un programme concernant les
allocations familiales, qui accordait un montant de $17 au premier enfant, de
$22 au deuxième enfant, de $35 au troisième enfant et de $40 au
quatrième enfant et aux suivants. Le projet de loi qui nous est
présenté en accorde $15 au premier, $22 au deuxième, $33
au troisième et $37 au quatrième et aux suivants. Il est
peut-être un peu moins généreux que celui qui avait
été proposé par le Parti québécois, mais,
même en dépit de cela, ça reste un projet de loi sur lequel
on ne peut pas ne pas être d'accord et qui, encore une fois,
s'imposait.
Cependant, je crois qu'il ne faut pas donner démagogiquement
à ce projet de loi une portée et des effets qu'il n'a pas,
à mon humble avis.
D'abord, la présentation de ce projet de loi n'est pas, à
mon sens, une lutte à la pauvreté, tel qu'on l'a exprimé
tout à l'heure, parce qu'avec la hausse du coût de la vie, ce
projet de loi arrive tout simplement à point. Tenant compte de cette
hausse du coût de la vie, il permet tout simplement à la famille
québécoise, non pas d'être nécessairement beaucoup
mieux placée, mais au moins d'être capable de répondre
à cette hausse du coût de la vie.
Je pense que ce serait, à mon sens, mal aborder la question, que
de laisser entendre que c'est nécessairement en fait une mesure qui
entre profondément dans le processus d'une lutte contre la
pauvreté. Ce n'est pas non plus une mesure qui amorce une lutte qui
serait de nature à réduire l'écart entre les riches et les
pauvres au niveau des Québécois, étant donné, d'une
part, l'abandon par le Québec du régime sélectif pour
opter, comme il l'a fait, pour le régime universel.
D'autre part, je crois qu'une vraie lutte à la pauvreté
par un gouvernement devrait avoir pour premier objectif l'implantation du
revenu annuel garanti. C'est ce que disait le Parti québécois qui
prônait dans son programme l'établissement le plus vite possible
d'un revenu annuel garanti pour tous les Québécois. Ce n'est pas
seulement l'opinion du Parti québécois. C'est également
une opinion qui se vérifie et qui a été exprimée
par le Conseil économique du Canada, qui après une étude,
en est très clairement venu à la conclusion que l'écart
qui existait entre les riches et les pauvres non seulement ne diminuait pas au
Canada, mais, au contraire, s'accroissait.
Autrement dit, selon les conclusions du rapport du Conseil national du
bien-être social, jusqu'en 1965, les riches gagnaient six fois plus, si
on se place par rapport à l'évaluation en termes d'écart,
que les pauvres en termes de revenu, alors qu'en 1971, selon le rapport, le
revenu des gens les plus choyés d'une certaine façon par la
société s'établissait non plus à six fois plus que
les pauvres les plus démunis, mais était maintenant sept fois
plus élevé que celui des pauvres.
Ce qui veut dire qu'en fait l'écart s'en va grandissant.
Lé Conseil national du bien-être social en arrivait
également à la conclusion que quelle que soit l'augmentation des
allocations familiales ou de l'aide sociale, tant qu'un revenu de base
régulier permettant à tous les Canadiens de vivre dignement et
convenablement n'aura pas été établi, ces sommes d'argent
supplémentaires ne réussiraient pas à élever d'un
cran le niveau des pauvres.
Là-dessus, on peut dire qu'on est facilement en accord avec le
fédéral, nous du Parti québécois, parce
qu'effectivement nous prônions un système de revenu annuel
garanti. Je suis convaincu que le gouvernement va étudier la
possibilité que cela devienne une réalisation et que le
gouvernement va étudier cette nécessité de
l'établissement d'un revenu annuel garanti qui, à mon humble
avis, serait la meilleure mesure à adopter si, vraiment, on veut faire
une lutte de front à la pauvreté.
Ce mémoire-là exprimait l'avis et la conclusion que le
nouveau régime des allocations familiales qu'on présumait
devoir entrer en vigueur le 1er janvier 1974 au Canada
bénéficiera davantage aux riches qu'aux pauvres. Le raisonnement
de ceux qui ont fait ce mémoire était le suivant: "II est vrai,
disait le mémoire dans sa conclusion, que les pauvres se
réjouissent du fait que la moyenne des versements passera de $7.21
à $20 par enfant, mais il ne faut pas oublier que, pour les familles
ayant le même nombre de personnes à charge, le total des
bénéfices sera plus élevé pour celles dont le
revenu est supérieur et moins élevé pour celles dont le
revenu est plus bas."
Nous soumettons encore une fois que nous sommes d'accord naturellement
sur le projet de loi annoncé par le ministre des Affaires sociales.
Nous sommes d'accord, c'est clair, mais je pense qu'on ne doit pas,
d'une façon démagogique, lui donner plus de portée et plus
d'effets qu'il n'en a. Le gouvernement a exprimé le fait qu'il
n'imposait pas les nouvelles allocations contrairement au gouvernement
fédéral qui, lui, va imposer ses propres allocations. Autrement
dit, le gouvernement du Québec a exprimé l'opinion qu'il
était beaucoup plus généreux que le gouvernement
fédéral en ce domaine.
Cependant, à moins que je ne me trompe, ce que ne dit pas le
gouvernement, c'est qu'au Québec, contrairement aux autres provinces et
contrairement au gouvernement fédéral, les exemptions
personnelles pour les enfants qui reçoivent les allocations familiales
ont été supprimées, comme on le sait, en 1965, lors de
l'établissement des allocations familiales du Québec. Ces
exemptions personnelles, qui ont été supprimées, restent
supprimées dans le nouveau régime et, à ce
moment-là, les contribuables ne peuvent, dans le nouveau régime,
au niveau du Québec, se prévaloir des exemptions concernant les
enfants qu'ils ont à leur charge.
Nous avons calculé le gouvernement nous corrigera; il y
aura moyen de faire une comparaison de nos calculs sur ce point-là
que cette suppression des exemptions personnelles pour les enfants de
moins de 16 ans rapportera au gouvernement, en 1974, la jolie somme de $56
millions. Il faut remarquer que cette somme-là croît
continuellement, d'année en année, d'une façon beaucoup
plus rapide que le coût des allocations familiales.
A partir du moment où est établi clairement le fait que
dans le nouveau régime cette possibilité de se prévaloir
d'exemptions n'existe pas pour les Québécois dans le
régime concernant le rapport d'impôt vis-à-vis du
provincial, parce qu'elles avaient été supprimées en 1965,
à ce moment je pense qu'il faudrait le dire à la
population avant de dire qu'on ne taxe pas, en aucune façon, les
allocations familiales dans le présent régime il y aurait
avantage, pour ne pas faire de démagogie, à souligner cet aspect
de la situation. Quand le gouvernement affirme sa
générosité d'ailleurs, nous sommes d'accord sur sa
générosité, comparée à celle du gouvernement
fédéral je crois qu'il y a lieu de faire certaines
distinctions.
Ces réserves étant faites, M. le Président, encore
une fois nous sommes d'accord et nous voterons pour le projet de loi qui est
présenté cet après-midi. Je crois qu'il était
nécessaire en tout cas, nous avons cru qu'il était
nécessaire de le faire de souligner qu'il ne faut pas, encore une
fois, donner trop de portée à cette loi et en voir trop d'effets
en fonction de l'avenir, surtout en fonction de problèmes aussi majeurs
pour les Québécois, à savoir la lutte à la
pauvreté et également la lutte pour diminuer l'écart entre
les plus riches et les plus pauvres. Nous soumettons que cette lutte qui doit
être engagée ne l'est pas de front par je pense que le
gouvernement aussi en est cons- cient le fait du dépôt et
de l'adoption de ce projet de loi sur les allocations familiales. Mais il
faudra, une fois pour toutes, si on veut vraiment aborder de front la lutte
à la pauvreté et à l'écart entre les riches et les
pauvres, se décider d'établir un revenu annuel garanti pour tous
les Québécois.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre de l'Education.
M. François Cloutier
M. CLOUTIER: M. le Président, très brièvement,
j'aimerais proposer quelques réflexions sur le projet de loi no 1,
instaurant un nouveau régime d'allocations familiales au Québec.
Si j'ai décidé d'intervenir dans ce débat, c'est que ce
projet me paraît marquer une date extrêmement importante dans
l'histoire de nos programmes sociaux. Une date extrêmement importante
pour une double raison: D'abord, parce qu'une formule nouvelle, une formule
originale qui crée un véritable précédent sur le
plan constitutionnel a pu être mise au point. Ensuite, à cause de
la valeur intrinsèque de la démarche suivie.
Je ne m'interrogerai peut-être pas tellement sur le premier
aspect, laissant à d'autres l'occasion d'en discuter. Il reste que c'est
tout de même la première fois qu'une province peut
déterminer ses propres priorités, à partir de prestations
versées par le gouvernement central. Avant d'aborder le plan plus
proprement social, je désire féliciter le député de
Chicoutimi d'avoir abordé la question avec
sérénité. Il faut dire d'ailleurs qu'un tel projet de loi
ne se prête peut-être pas tellement à une évaluation
démagogique.
Ceci dit, j'ai apprécié ses remarques concernant le
problème de la pauvreté. Il est évident et ce n'est
pas du tout l'intention du gouvernement qu'une telle loi ne constitue
pas en soi une stratégie contre ce problème qui afflige toutes
les sociétés modernes.
Je crois qu'il convient de le dire.
En revanche, le gouvernement croit que c'est un des
éléments importants d'une telle stratégie et qu'il fallait
commencer par là. La pauvreté constitue une véritable
sous-culture au sein des sociétés et entraîne des
comportements, des habitudes telles que seule une approche globale peut
permettre de s'y attaquer d'une façon efficace.
Cependant, il convient de dire que cette loi apporte un
élément extrêmement valable en ce sens, ne serait-ce que
parce qu'elle augmente de 6 p.c. à 30 p.c. suivant la taille des
familles le niveau d'allocations versées précédemment. De
plus, si l'on se fie aux études qui déterminent le seuil de la
pauvreté je pense aux études de la commission
Castonguay-Nepveu et je pense également aux études du
comité du Sénat du gouvernement canadien il faut
également
admettre que nous nous rapprochons considérablement de ce niveau.
Les lois précédentes correspondaient peut-être à 50
p.c. ou à 60 p.c. du seuil de la pauvreté, l'approche actuelle
permet d'en arriver à peu près à 90 p.c.
Il ne s'agit pas en soi d'un salaire minimum garanti mais il s'agit
très certainement d'une démarche qui permet d'en arriver à
une véritable politique de sécurité du revenu. Même
si les objectifs apparaissent clairement, il est évident que des
étapes doivent être respectées; il est non moins
évident qu'il y a des problèmes de coût dont il faut tenir
compte en saine administration.
Je ne peux m'empêcher, à titre de ministre de l'Education,
d'attacher une importance très particulière aux programmes
sociaux pour l'excellente raison que j'ai fixé comme une des
priorités de mon ministère le problème des zones
défavorisées. En effet, on constate qu'il ne suffit pas
d'améliorer les services scolaires, soit dans les villes, soit dans les
campagnes, dans ce que l'on a appelé les zones grises, pour en arriver
à une véritable accessibilité de l'éducation. C'est
donc dire que le problème des zones défavorisées
déborde le cadre des structures scolaires. Et il déborde le cadre
des structures scolaires de telle façon que l'école ne peut
être perçue comme un instrument susceptible de réduire les
inégalités socio-économiques, comme un instrument
susceptible de réduire, suivant l'expression du député de
Chicoutimi, l'écart entre les riches et les pauvres.
Il en découle que pour satisfaire à l'objectif de notre
réforme scolaire, touchant la démocratisation de l'enseignement,
ce qui suppose cette accessibilité dont je viens de parler, il convient
d'aborder le problème d'une façon globale, non seulement à
partir des structures scolaires mais également à partir des
structures sociales. Bien sûr, ce n'est pas uniquement la loi des
allocations familiales qui va permettre d'en arriver à cet objectif mais
il est absolument certain que c'est la base même de toute action en ce
sens. Nous sommes en train, actuellement, de définir en collaboration
étroite avec le ministère des Affaires sociales une telle
stratégie qui nous permettrait, en plus de fournir des services
scolaires adaptés à une population particulière, d'agir
sur le milieu par tout un ensemble de mesures pour permettre au milieu
lui-même de multiplier ses propres efforts et de se sensibiliser sur le
plan social.
Si j'ai tenu, M. le Président, à élargir le
débat, c'est précisément pour montrer que cette loi ne
doit pas être considérée de façon parcellaire mais
être située dans son véritable contexte.
Il s'agit d'une vaste réforme entreprise au Québec dans le
domaine social, vaste réforme à laquelle le gouvernement actuel
attachera très certainement son nom, vaste réforme qui a permis,
depuis quelques années, des modifications extrêmement importantes
dans le tissu même de notre société.
Il est possible, M. le Président, que l'on fasse dire à
cette loi ce qu'elle ne veut pas dire ou ce qu'elle ne peut pas dire. Je ne
serais pas étonné, par exemple, que l'on mette en évidence
le problème de la natalité au Québec.
Il est exact et il faut le déplorer que notre
population connaît un des taux les plus bas de natalité qui se
rencontrent actuellement au Canada. Cependant, il faut bien avouer que, dans
l'état actuel de nos connaissances, il est à peu près
impossible de savoir exactement quelles sont les causes de ce genre de
phénomène. Précisément parce qu'il est impossible
de reconnaître les causes précises d'une telle évolution,
il est aussi extrêmement difficile de définir des politiques
proprement natalistes.
Aussi, il ne faudrait pas s'imaginer que cette loi, en soi, a un but de
cet ordre. Cependant, je pense que, là encore, il faut la
considérer comme un des éléments, dans un contexte
beaucoup plus large, susceptibles de favoriser la famille, peut-être pas
par une modification de notre évolution démographique
immédiate, mais très certainement par une atmosphère
familiale beaucoup plus favorable parce que, qu'on le veuille ou non, une
politique familiale passe d'abord par un revenu décent et par un revenu
suffisant.
M. le Président, je conclus en disant que même si cette loi
n'a pas la prétention et le ministre des Affaires sociales serait
très certainement le dernier à vouloir la présenter comme
une panacée de régler le problème de la
pauvreté, elle constitue certainement une des initiatives les plus
prometteuses d'un gouvernement depuis de très nombreuses
années.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le chef de l'Opposition.
M. Jacques-Yvan Morin
M. MORIN: M. le Président, il est certainement très
heureux que le sort des familles du Québec, et notamment des familles
nombreuses, soit amélioré, quoique moins sans doute qu'il
n'aurait pu l'être. Mais il convient d'évaluer également
les retombées, les conséquences, du système mis au point
par Ottawa et accepté par Québec, du point de vue de l'avenir
constitutionnel.
Or, une étude attentive, article par article, de la loi
fédérale et du projet québécois, qui est en quelque
sorte une loi complémentaire, révèle que les
conséquences de ces projets sont graves pour le présent et pour
l'avenir du Québec. C'est qu'en effet les techniques mises au point
entre les deux gouvernements risquent d'avoir des conséquences, des
retombées sur l'ensemble du dossier constitutionnel. C'est cela que je
voudrais étudier brièvement cet après-midi.
Le projet de loi qui nous est soumis consacre l'effondrement complet des
positions québécoises définies depuis dix ans par MM.
Lesage,
Johnson, Cloutier et Castonguay, première version, positions qui
ont reçu l'appui unanime de tous les partis, dans le passé, et
dont le gouvernement actuel avait fait, si la mémoire ne me fait pas
défaut, le fondement inébranlable de son attitude, notamment
à la conférence de Victoria.
Puis-je me permettre un court rappel historique en ce qui concerne les
allocations familiales?
On se souviendra que la constitutionnalité des allocations
familiales fédérales a toujours été
contestée par le Québec, peut-être également par
d'autres provinces. Mais en tout cas jamais, jusqu'à tout
récemment, la validité constitutionnelle de ces allocations n'a
été reconnue par le gouvernement québécois.
Et il y avait pour cela de bonnes raisons. Depuis 1925, depuis la
jurisprudence du Conseil privé dans l'affaire Snider, depuis 1937, dans
l'affaire des Conventions de travail, nous avions des indications
précises de la part du plus haut tribunal constitutionnel de
l'époque, en ce qui a trait à la sécurité sociale
aussi bien qu'à la législation industrielle il est
quelquefois difficile de distinguer où commence la législation
industrielle et où commence la législation sociale, comme le
salaire minimum, par exemple, le fait voir amplement qui accordait
exclusivement au pouvoir dit provincial la compétence en matière
de sécurité sociale.
A la faveur de la seconde guerre mondiale, le pouvoir
fédéral s'est immiscé dans ce domaine. Je ne parlerai pas
de la santé et des autres aspects de la sécurité sociale,
je ne parlerai que des allocations familiales. Le pouvoir s'est installé
dans les allocations familiales il est vrai qu'à cette
époque le Québec n'envisageait pas d'en créer et il
a mis le gouvernement québécois de l'époque devant un fait
accompli. D'ailleurs, il a mis toutes les provinces devant un fait
accompli.
Il y a eu contestation devant les tribunaux de la
constitutionnalité de cette loi. On se souviendra de l'affaire Angers
qui a abouti devant la cour de l'Echiquier. Et la cour de l'Echiquier, qui est
une cour fédérale, nommée, stipendiée par Ottawa
comme la cour Suprême d'ailleurs, a rendu l'arrêt qu'on en pouvait
attendre. M. le Président connaît cette jurisprudence aussi bien
que moi puisque nous l'avons étudiée dans la même
Faculté.
La cour de l'Echiquier a déclaré que cette
législation n'était pas contraire à la constitution.
Jamais le Québec n'a accepté ce verdict. Il l'a toujours
contesté. Il a d'ailleurs depuis j'attire l'attention du ministre
des Affaires sociales sur ce petit détail eu l'occasion de ne pas
reconnaître la juridiction de la cour Suprême du Canada en
matière constitutionnelle, notamment dans l'affaire des droits miniers
sous-marins.
Mais il y a longtemps que nous n'avons pas au Canada de véritable
forum, de véritable tribunal constitutionnel impartial. Et M. Pelle-
tier, le ministre fédéral des Communications, le sait fort bien
quand il invite son homologue québécois, le ministre des
Communications du Québec, à porter le litige qui oppose les deux
ministères des Communications devant la cour Suprême du
Canada.
M. LEVESQUE: A l'ordre, M. le Président! La pertinence du
débat.
M. MORIN: M. le Président, ce que j'ai à dire est tout
à fait pertinent, parce que les conséquences de la technique
utilisée par Ottawa et entérinée par Québec aura
des répercussions dans l'ensemble du dossier constitutionnel. Et en
particulier en matière de sécurité du revenu.
C'est le ministre des Affaires sociales qui va se trouver d'ici quelques
mois ou en tout cas au plus tard d'ici quelques années aux prises avec
les conséquences des gestes qui ont été posés par
son prédécesseur.
Peu à peu donc, avec le passage du temps parce qu'Ottawa
compte toujours sur le passage du temps dans ces domaines, aussi bien dans le
domaine de la santé que dans celui de la sécurité sociale
la compétence fédérale a été
confirmée dans les faits. Ottawa n'avait pas obtenu le consentement des
provinces pour les allocations familiales.
Eh bien, il élargit sa compétence en 1951 pour les
pensions de vieillesse et, cette fois, il obtient le consentement des provinces
pour l'établissement, la reconnaissance d'une compétence
concurrente dans ce domaine.
Puis vient, vers la fin des années cinquante, ou le milieu des
années cinquante, la réaction autonomiste: la loi de 1954, par
exemple, sur l'impôt sur le revenu; rapport Tremblay qui presse le
gouvernement de se donner une politique sociale autonome, qui reflète
les besoins du Québec. En particulier, le ministre des Affaires sociales
sera intéressé à lire les quelques pages qui sont
consacrées aux allocations familiales dans ce rapport. Vers 1964,
conformément à ces jalons posés notamment dans le rapport
Tremblay, à l'époque Lesage-Pearson, Québec va même
jusqu'à récupérer, grâce à la technique de
l'"opting-out", les allocations aux jeunes âgés de 16 à 18
ans, que Québec vient d'abandonner, soit dit en passant.
En 1966, MM. Johnson et Dozois créent les allocations familiales
québécoises. Tout au long de cette période, M. le
Président, jamais le Québec n'a admis, n'a reconnu, la
constitutionnalité des allocations fédérales. S'est
établie dans les faits une concurrence entre les deux gouvernements en
matière d'allocations familiales, mais je défie le gouvernement
qui siège de l'autre côté de cette Chambre de me trouver la
moindre déclaration qui reconnaîtrait que, sur le plan juridique,
la compétence fédérale dans ce domaine était
fondée. En 1969, pour continuer mon rappel des faits, le ministre de la
Famille et du Bien-Etre social de l'époque, M. Cloutier, propose
à la conférence fédérale-pro-
vinciale l'unification des régimes fédéraux et
provinciaux d'allocations familiales et il propose également la prise en
charge de l'ensemble du régime par le Québec. Donc, en 1969, il y
a à peine quatre ans, M. le Président, la position officielle du
Québec, c'était l'exclusivité québécoise de
cette compétence.
Puis vient Victoria, après l'élection du gouvernement
libéral qui vient d'être réélu. A Victoria je
vous fais grâce des tractations antérieures la position du
gouvernement Bourassa est très claire. Je la connais d'autant mieux que
le premier ministre m'a fait l'honneur de m'appeler pour me consulter sur cette
question, peut-être aussi pour tenter de me lier un peu les mains en me
mettant dans sa confidence à l'égard de ce qu'il allait
réclamer à Victoria. L'idée de l'époque, M. le
Président, c'était que le gouvernement du Québec allait
consentir à la formule d'amendement Trudeau-Turner en échange de
la reconnaissance par le pouvoir fédéral de la primauté
québécoise consacrée par un projet de modification du
British North America Act, proposé par le Québec. Il s'agissait
de la modification de l'article 94-A de ce que nous appelons la
constitution.
Quand on examine le projet québécois, on voit à
quel point les attitudes actuelles du gouvernement Bourassa sont
éloignées de ce qu'il réclamait, de ce qu'il revendiquait
comme étant essentiel il y a deux ans à peine. Je souligne au
ministre des Affaires sociales qu'en ce qui concerne les allocations familiales
le Québec avait demandé la primauté. Je définirai
peut-être, tout à l'heure, ce qu'est la primauté dans le
domaine constitutionnel. En matière, par exemple,
d'assurance-chômage, l'attitude québécoise, telle que
définie dans ce projet d'article 94-A, consistait à proposer la
concurrence, une compétence concurrente. Mais, advenant qu'une loi
fédérale soit adoptée postérieurement, elle devait
être conforme à la loi provinciale, c'est-à-dire qu'il y
avait un système de primauté "à retardement", de
primauté postérieure, si je puis dire.
Donc, la position du Québec à Victoria est très
claire. Le gouvernement revendique, m'a dit le premier ministre à
l'époque, m'a dit le premier ministre lui-même, en échange
de la formule Trudeau-Turner, l'adoption par la conférence
fédérale-provinciale de Victoria de cet article 94-A. Et
naturellement, puisque le gouvernement était logique, à
l'époque...
M. BOURASSA: Je m'excuse, il n'était pas question de la formule
Fulton-Turner.
M. MORIN: Je m'excuse, ai-je la parole, M. le Président?
M. LEVESQUE: Oui, mais il faudrait tout de même respecter la
vérité.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre!
M. MORIN: Merci, M. le Président.
M. BOURASSA : J'ai le droit de rétablir les faits.
M. BURNS: Après, lisez l'article 96. M. BOURASSA: La
vérité a ses droits.
M. MORIN: Si le premier ministre veut rectifier mes paroles, il aura le
loisir de le faire après.
M. BOURASSA: J'ai d'autres fonctions après.
M. MORIN: M. le Président, le gouvernement de l'époque,
logique comme il l'était, demandait également que la
primauté constitutionnelle entraîne un transfert financier, ce qui
avait pour effet de limiter le "spending power", le pouvoir
fédéral de dépenser. C'est une attitude que nous
approuvions avec quelques réserves évidemment sur les
modalités. Non pas que nous ayons été d'avis que le
premier ministre, en échange, dût consentir à la formule
Trudeau-Turner de modification constitutionnelle, mais nous pensions que, dans
l'état du dossier constitutionnel à l'époque, cette
formule n'était pas la plus mauvaise.
M. le Président, qu'est-ce que c'est que la primauté
législative? Le gouvernement, à plusieurs reprises, a
jonglé un peu avec cette expression et, d'un mois à l'autre, on
ne savait plus très bien ce qu'elle voulait dire. Qu'est-ce que la
primauté constitutionnelle? Il ne faut pas confondre la primauté
avec l'exclusivité en matière constitutionnelle, bien que
l'effet, le résultat pratique soit souvent le même.
La primauté est une technique qui intervient essentiellement dans
le contexte de la compétence concurrente, c'est-à-dire
compétence pouvant être exercée simultanément par
deux niveaux de gouvernement dans un système fédéral. Il y
a des compétences concurrentes exercées sur un pied
d'égalité comme c'est le cas par exemple pour les pensions de
vieillesse en vertu de l'article 94-A tel qu'il existe actuellement dans le
British North America Act, dans une affreuse traduction française
d'ailleurs, non officielle, qui nous est donnée par Ottawa.
Il y a également des compétences concurrentes qui sont
assorties de primautés, soit la primauté en faveur du
gouvernement fédéral, soit la primauté en faveur du
gouvernement provincial. C'est une technique qui existe dans plusieurs pays de
type fédéral, notamment en Allemagne fédérale, en
Inde dans certains cas, et ainsi de suite. Par exemple, ici, au Québec
et au Canada, c'est le cas pour l'agriculture et l'immigration, sous l'empire
de l'article 95 du British North America Act.
Ayant de la sorte défini la primauté en matière
constitutionnelle, de quoi sommes-nous
saisis maintenant dans ce projet de loi qui doit être lu
évidemment à la lumière de la loi fédérale,
puisque maintenant c'est une loi? Bien. Nous sommes devant un régime de
compétences concurrentes sur le plan constitutionnel. Nous sommes devant
un régime, j'allais dire, quoique le terme n'ait pas de valeur
technique, de complémentarité constitutionnelle, avec dans les
faits, à cause du poids du pouvoir de dépenser du gouvernement
fédéral, avec dans les faits, dis-je,
prépondérance, primauté législative
fédérale.
Quand on analyse les choses de près, avec des techniques
constitutionnelles précises, avec un vocabulaire constitutionnel
précis, nous pouvons constater qu'il s'agit d'une retraite fondamentale
par rapport aux positions antérieures du gouvernement
québécois.
Un recul, une retraite non seulement par rapport au gouvernement Lesage,
non seulement par rapport au rapport Tremblay, non seulement par rapport,
naturellement, aux positions du Parti québécois qui ne sont pas
en cause en ce moment, mais par rapport aux positions officielles du
gouvernement Bourassa en 1971, il y a à peine deux ans.
M. BOURASSA: II n'a rien compris.
M. MORIN: La loi qui est devant nous le premier ministre a fait
des études de droit, je pense qu'il est à même de me suivre
fort bien quand elle est lue à la lumière de la loi
fédérale, constitue la reconnaissance de la compétence
fédérale dans le domaine des allocations familiales. On n'en sort
pas; c'est une reconnaissance inscrite dans la loi, clairement, pour qui sait
lire. Les conséquences de cela sont graves. Nous avons
été, dans cette affaire, essentiellement à la remorque du
gouvernement fédéral, malgré toutes les belles
déclarations de primauté législative ou constitutionnelle.
Nous avons été à la remorque, et je vais en donner des
exemples.
M. Castonguay, dans son rapport, avait proposé
l'universalité du régime. Le pouvoir fédéral, dans
son premier projet, propose plutôt un régime sélectif. Dans
le premier projet québécois, on s'aligne sur cette position et,
revenant sur les positions de M. Castonguay, on adopte également un
régime sélectif. Puis, Ottawa se ravise, change d'attitude et,
dans son second projet, on en vient à l'universalité du
régime. Que fait Québec?
M. BOURASSA: On en vient à la formule Castonguay.
M. MORIN: Vous parlerez à votre tour. M. BOURASSA: C'est Ottawa
qui a...
M. MORIN: Vous parlerez à votre tour, M. le premier ministre.
M. BOURASSA: C'est faux! C'est Ottawa qui a choisi la formule
Castonguay.
M. BURNS: A l'ordre! A l'ordre, M. le Président.
M. BOURASSA: C'est eux qui nous ont suivis.
M. LESSARD: A l'ordre, M. le Président!
LE PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! A l'ordre!
M. BOURASSA: C'est eux qui nous ont suivis.
M. MORIN: Que fait, M. le Président...
M. ROY: M. le Président, question de règlement. Je
m'excuse auprès de l'honorable député de Sauvé,
mais il y a quand même un règlement à respecter à
l'Assemblée nationale et je vous inviterais à rappeler à
l'ordre l'honorable premier ministre qui devrait être le premier à
donner l'exemple et à être respectueux du règlement en
Chambre. La parole est au député de Sauvé, M. le
Président, et qu'on lui laisse son privilège.
M. MORIN : M. le Président, qu'a fait le Québec devant ce
changement d'attitude d'Ottawa? Est-ce qu'il s'en est tenu au régime
sélectif qu'il avait proposé dans son premier projet? Non, il
s'est aligné sur le pouvoir fédéral et il a adopté
l'universalité. Nous sommes, depuis deux ou trois ans, dans ce domaine,
essentiellement à la remorque des projets fédéraux. C'est
bien clair. Tout cela n'augure rien de bon pour les prochaines étapes de
la négociation constitutionnelle. C'est avant tout pour cette raison que
nous avons voulu souligner ce recul inexplicable, incroyable du Québec
sur la question des allocations familiales.
Le premier point sur lequel je voudrais attirer l'attention du ministre
des Affaires sociales, c'est qu'une partie très importante doit se jouer
sous peu autour du revenu minimum garanti. Le gouvernement a-t-il l'intention
de suivre le précédent des allocations familiales dans le domaine
du revenu minimum garanti? Est-ce pour cette raison que M. Castonguay est
passé au service de M. Lalonde? Est-ce cela qu'on doit présager
dans ce transfert, pour dire les choses élégamment? Je pose la
question au ministre des Affaires sociales parce que c'est lui qui va
être aux prises avec les conséquences de la faiblesse de ce
gouvernement et en particulier de la faiblesse du premier ministre.
DES VOIX: II n'a rien compris.
M. MORIN: Messieurs les députés libéraux, c'est
vous aussi qui allez être aux prises avec le problème, pas
seulement nous. Ce sont des reculs pour le Québec, pas seulement pour le
Parti libéral ou pour l'Opposition officielle.
Deuxièmement, en matière de communications, si j'ai bien
compris les discours éloquents
du ministre des Communications à la conférence de ces
derniers jours, le Québec revendique là encore l'autorité
prioritaire. J'imagine que c'est un rappel de la priorité, de la
primauté ou de la prépondérance parce qu'on
jonglait pas mal avec le vocabulaire un rappel de ces notions qui
courent dans les projets gouvernementaux depuis quelques années.
Il veut, nous dit le ministre des Communications, devenir "maître
d'oeuvre" des communications sur son territoire, avoir la primauté. Or,
on sait que, dans le domaine des allocations familiales, le gouvernement
fédéral est solidement implanté; de même, dans le
domaine des communications, il est peut-être encore plus solidement
implanté. Qu'on songe à TELESAT, à Radio-Canada, qu'on
songe à la compétence que s'est arrogée le pouvoir
fédéral en ce qui concerne la compagnie Bell Canada.
Dois-je en conclure, M. le Président, que le scénario est
appelé à se répéter? Est-ce que le gouvernement va
être capable d'être plus ferme en matière de
sécurité du revenu, en matière de communications qu'il ne
l'a été dans le domaine des allocations familiales, ou est-ce
qu'il va aller de reculade en reculade? Je considère, en ce qui me
concerne, que ce recul très réel et j'ai hâte de
voir les acrobaties de vocabulaire, les acrobaties constitutionnelles que le
gouvernement va essayer de faire, pour justifier son recul nous
ramène au coeur même du débat constitutionnel. Il
démontre que la technique qui consiste à vouloir modifier la
constitution morceau par morceau est destinée à
l'échec.
C'est à cela que nous faisions allusion, quand le Parti
québécois déclarait qu'il fallait poser la question de
l'avenir constitutionnel de manière globale. Ce n'est pas moi qui le
dis. Je pourrais citer, par exemple, M. Claude Ryan qui le reconnaissait, en
juin 1971: "S'il y a échec sur 94-A, écrivait-il, on saura que la
révision n'est qu'un immense écran de fumée tendant
à conserver le statu quo." Je vais plus loin, je dis que cet
échec sur 94-A, qui est l'échec de M. Cas-tonguay, dont l'actuel
ministre devra hériter sur ce point, comme sur les autres, je dis que
cet échec compromet le reste de la révision
constitutionnelle.
Je sais qu'on va me dire aussi que c'est une question théorique,
une question pour les théoriciens de la constitution. Non pas. Si les
positions québécoises avaient prévalu, nous aurions pu
établir un régime intégré. C'était
d'ailleurs le but évident du gouvernement, aussi bien sous l'Union
Nationale que sous le Parti libéral, et cela aurait permis, grâce
à la fiscalité québécoise, de
récupérer une partie des montants et de les redistribuer en
fonction des besoins réels des Québécois et notamment des
besoins des familles nombreuses. A l'heure actuelle, les $12 du
fédéral sont taxés par le gouvernement
fédéral, tandis que les $3 québécois ne sont
taxés ni par Québec, ni pas Ottawa.
On voit bien, par cet exemple, comment le dédoublement des
compétences peut rendre rigide le système de
sécurité sociale. De cela, le ministre ne nous a pas
parlé, tout à l'heure. Des complications que cela va
entraîner pour son ministère, pas un mot.
Mais c'est surtout de l'avenir qu'il faut parler, M. le
Président. Nous sommes ramenés, inévitablement, par la
leçon que nous devons tirer de cet échec, à la question
globale que M. Castonguay voudrait, malgré son échec,
éviter. Il voudrait que le Parti québécois mette cela sous
le tapis, il ne pense plus, alors que nous pensons, nous, que cet exemple, cet
échec de M. Castonguay explique sans doute, ce n'est peut-être pas
la seule raison, son départ. Nous pensons que la leçon, c'est
qu'on doit poser le problème de façon globale, et c'est pour
ça que le Parti québécois est en Chambre.
Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Houde, Limoilou): L'honorable leader du
gouvernement.
M. Gérard D. Levesque
M. LEVESQUE: M. le Président, je suis particulièrement
heureux, à ce moment-ci, de participer à ce débat de
deuxième lecture du projet de loi no 1, Régime des allocations
familiales du Québec.
Ce projet de loi fait suite à un engagement pris par le
gouvernement libéral, par l'équipe libérale au cours de la
dernière campagne électorale.
Vous avez là, M. le Président, un exemple assez
éloquent et frappant de la célérité et de la
fidélité avec lesquelles le gouvernement libéral remplit
les promesses très peu nombreuses qu'il fait on le sait
mais combien plus imposant et important encore est l'ensemble des
réalisations qu'il accomplit, comme nous l'avons vu au cours des trois
années et demie du premier régime de M. Bourassa.
M. le Président, je prends la parole à la suite d'une
intervention du député de Sauvé. Le chef parlementaire de
l'Opposition officielle n'a pas eu la générosité ou
l'objectivité de son collègue de Chicoutimi.
M. MORIN: On ne parlait pas de la même chose.
M. LEVESQUE: Le député de Chicoutimi, lui, semble
être un petit peu plus près de la réalité que le
député de Sauvé, dont la carrière l'a sans doute
retenu à un niveau d'altitude...
M. MORIN: C'est ça, brodons!
M. LEVESQUE: ... qui s'assimile peut-être à des vols
supersoniques dans la stratosphère. Il n'a pas semblé, dans son
allocution, se rendre compte de l'importance pour le peuple
québé-
cois de la mesure que nous avons devant nous pour étude.
Pas un mot de la population du Québec, des mères de
famille du Québec. Pas un mot de l'aspect social qui a été
développé évidemment par mon collègue, le ministre
responsable des Affaires sociales, qui a été
développé également par le ministre de l'Education, qui a
été repris, selon ses moyens et ses capacités, par le
député de Chicoutimi, mais qui a été omis
complètement par le chef parlementaire du Parti
québécois.
M. le Président, ce serait inconcevable, si nous ne connaissions
pas le chef parlementaire de l'Opposition. Devant un projet de loi qui colle
réellement à la réalité quotidienne, qui colle
réellement, réellement là, à la question sociale
dont semblent se gargariser, à certains moments, ceux qui
préconisent la social-démocratie, devant ce projet de loi le plus
important, le numéro 1 de la présente session, tout ce qu'arrive
à faire le chef parlementaire de l'Opposition officielle, si vous voulez
c'est la position officielle de la loyale Opposition de Sa
Majesté c'est de nous livrer certains aspects purement
théoriques. Au moins, si on pouvait descendre de ce piédestal
autour duquel et dans les brumes duquel se sont perdus et le PQ et sa
prétendue doctrine et surtout ses 104 candidats.
Si on avait voulu, au moins, essayer de nous expliquer en quoi le
Québec avait eu un recul, en quoi le gouvernement pouvait être
accusé d'avoir reculé, lorsque, M. le Président, nous
avons ici l'exemple de ce projet de loi qui n'est pas venu spontanément.
Il ne faudrait pas que le député de Sauvé pense que ce
projet de loi arrive ici soudainement à l'Assemblée nationale.
Dans son historique, où il a passé, évidemment dans les
années quarante plus de temps que dans les années soixante-dix,
il aurait dû, il me semble, regarder les véritables
antécédents de ce projet de loi.
Et surtout il aurait dû attacher l'importance qu'il faut aux
progrès réels, être plus positif, autrement dit, et ne pas
regarder seulement les éléments d'une négociation parce
qu'évidemment, dans toute négociation, il faut partir d'un point.
Pour une partie, un point peut être à l'extrême; l'autre
partie comme il doit le savoir, ne partage pas au départ la même
position. Elle se trouve ordinairement à l'autre extrême.
M. le Président, nous avons ici non seulement un simple compromis
mais nous avons un progrès réel, et non seulement d'une
façon quantitative, non seulement d'une façon financière.
Nous sommes partis, dans les allocations, de $7.21 de moyenne par mois pour
atteindre une moyenne de $20 comme enveloppe globale.
M. le Président, cela lui importe peu. Il n'en a même pas
parlé. Mais cela intéressera peut-être le chef
parlementaire de l'Opposition officielle de savoir que nous n'avions rien
à dire, pas un mot à dire, dans l'attribution des allocations
familiales fédérales. Aujourd'hui, grâce aux efforts de
l'ancien ministre des Affaires sociales, grâce aux efforts de ses
collaborateurs, dont le ministre actuel des Affaires sociales, grâce
à tous leurs collaborateurs, grâce à un gouvernement
dynamique et décidé à faire des progrès
réels pour l'intérêt de la population dans le domaine
constitutionnel et dans le domaine social, aujourd'hui, M. le Président,
nous avons devant nous ce projet de loi. Comme je le dis, il ne contient pas
seulement un progrès réel sur le plan financier mais, sur le plan
constitutionnel même, il nous permet de répartir cette enveloppe
globale qui est financée, évidemment, en partie, et en grande
partie, par le gouvernement fédéral, dans un
fédéralisme sain et rentable.
M. le Président, à ce moment-ci, tenant compte de
l'ensemble d'une politique sociale cohérente, provinciale,
québécoise, nous pouvons voir même à influencer
directement et à répartir nous-mêmes, de la façon
que nous le voulons, tenant compte de nos priorités, des aspirations et
de la mentalité du Québec, de la composition des familles
québécoises. Nous pouvons nous-mêmes, membres du
gouvernement du Québec, indiquer que ce ne sera pas tel montant que le
gouvernement fédéral va verser mais que ce sera tel, tel et tel
montant. Je le rappelle à ceux qui ont fait la campagne
électorale, qui l'ont expliqué à la population du
Québec, et vous savez quel mandat écrasant, par sa
majorité, nous avons reçu, les 102 députés de
l'Assemblée nationale, M. le Président, c'est assez clair
nous l'avons dit et répété à l'Assemblée
nationale et nous l'avons répété également durant
la...
M. BURNS: La pertinence!
M. LEVESQUE: ... campagne électorale, nous l'avons
répété...
M. BURNS: La pertinence! La pertinence du débat.
M. LEVESQUE: Oui, M. le Président. M. BURNS: La pertinence!
M. LEVESQUE: La pertinence du débat, c'est d'arriver avec...
M. BURNS: La pertinence! C'est pertinent, cela?
M. LEVESQUE: ... le bill no 1, Régime des allocations familiales
du Québec, qui est étampé, si l'on veut, qui a reçu
un mandat non équivoque. 102 députés libéraux sont
revenus de cette campagne électorale avec le mandat de donner une
priorité à cette merveilleuse mesure du gouvernement
libéral.
M. BURNS: La pertinence!
M. LEVESQUE: M. le Président, je le répète. Il y a
là une victoire sur le plan financier; il y a là une victoire sur
le plan social; il y a là une victoire sur le plan constitutionnel.
M. MORIN: Mais non, c'est une défaite!
M. LEVESQUE: M. le Président, pour le Québec, ce projet de
loi no 1 est l'aboutissement de plus de dix ans de travail, dix ans de travail
jalonnés de plusieurs étapes: la Loi des allocations scolaires,
en 1961, la Loi des allocations familiales, en 1967. Et nous ne craignons pas
de rendre à César ce qui appartient à César, de
même qu'à un gouvernement qui n'était pas le nôtre.
Nous n'avons pas crainte de dire qu'en 1967 il y a eu un gouvernement qui
n'était pas le nôtre. Alors que nous étions dans
l'Opposition nous avons appuyé le gouvernement du temps, mais non pas
d'une façon destructive et négative comme ces débris que
l'on veut appeler aujourd'hui une Opposition officielle, pour employer un
langage dont se sert avec beaucoup d'ardeur le député de
Saint-Jacques.
M. MORIN: Un langage peu démocratique. M. LEVESQUE: Pardon?
M. MORIN: Je dis que vous tenez un langage peu démocratique.
M. LEVESQUE: M. le Président, le député de
Sauvé, chef parlementaire de l'Opposition, s'il a des leçons
à donner à quelqu'un sur un langage démocratique, devrait
se retourner légèrement et commencer ses sermons.
Je disais que ce projet de loi était l'aboutissement de plus de
dix ans de travail. Et je parlais des étapes, 1961 à 1967. Et
depuis 1967, il y a eu les pourparlers Québec-Ottawa qui, à
partir de 1970 surtout, ont permis d'élaborer des solutions pour
améliorer le revenu des familles québécoises.
Si on examine de plus près les efforts déployés par
notre gouvernement depuis 1970, quelles constatations peut-on faire? Nous
constatons que nous avons obtenu du gouvernement fédéral des
arrangements administratifs et législatifs qui correspondent, pour
l'essentiel, aux objectifs que notre gouvernement s'était alors
fixés.
En effet, lors de la conférence
fédérale-provinciale des ministres du Bien-Etre de janvier 1971,
le Québec avait déposé un document intitulé
"Analyse du livre blanc fédéral sur la sécurité du
revenu, ministère des Affaires sociales du Québec", dans lequel
il exposait les deux objectifs...
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: ... à poursuivre pour la réforme de la
politique de sécurité du revenu familial: 1) l'unité de la
conception de la politique sociale; 2) la primauté
législative...
M. MORIN: Oui!
M. LEVESQUE: ... laissé aux provinces d'autre part.
M. MORIN: Parlons-en!
M. LEVESQUE: Vous, vous en avez parlé, mais d'une façon
théorique. Vous avez parlé de la primauté
législative de jure, mais c'est de la primauté de facto dont je
veux vous parler, moi, dans les faits.
M. MORIN: Ah! oui!
M. LEVESQUE: Non pas d'une primauté législative
fantaisiste basée simplement sur quelques élucubrations de
l'esprit, mais une primauté législative comme celle qui parait
dans le projet de loi no 1 et qui est justement celle qui est
désirée, demandée par la population du Québec et
que la population du Québec va apprécier. Si le Parti
québécois, par son chef parlementaire, continue à rester
dans la stratosphère ou les sphères où il a
évolué cet après-midi, nous allons le perdre avant la fin
des quatre années pour lesquelles nous avons été
élus.
L'administration, le financement, tout cela pouvait faire l'objet de
solutions diverses lorsque nous retournons au document de 1971. Qu'est-il
arrivé de. ces objectifs? Je suis fier de dire qu'ils ont
été largement atteints. Pour ce qui est de la conception de la
politique sociale, on peut dire que le Canada dans son ensemble et les
provinces une à une sont maintenant dans la voie d'harmoniser la
politique de sécurité du revenu: régime de rentes,
assurance-chômage, régime d'assistance publique du Canada,
sécurité de la vieillesse, allocation de formation
professionnelle des adultes.
Cette harmonisation s'opère dans le cas de la révision de
la sécurité sociale engagée par la conférence
fédérale-provinciale des ministres du Bien-Etre d'avril
dernier.
Pour ce qui est du second objectif qui semble amuser follement le chef
parlementaire de l'Opposition ça va être moins drôle
tout à l'heure la primauté législative des
provinces dans ce domaine, il est vrai que sur le plan constitutionnel, si l'on
regarde d'une façon purement théorique la définition qu'a
employée de jure le chef parlementaire de l'Opposition officielle, si on
prend cette définition, il va trouver que sur le plan constitutionnel
purement et c'est là qu'il a été amené
à discuter peut-être de l'article 94 a) de Victoria; je sais qu'il
a mentionné tout à l'heure qu'il avait été
lui-même consulté, qu'il avait peut-être les mains
liées pour pouvoir en parler, mais après que Québec eut
dit non à l'article 94 a), quelle était la voie à
suivre?
Est-ce que le député de Sauvé aurait, quand
Québec...
M. MORIN: Non!
M. CHARRON: Ce n'est pas Québec qui a dit non.
M.MORIN: C'est Ottawa qui a dit non à l'article 94-a).
M. LEVESQUE: M. le Président...
M. CHARRON: C'est vous autres qui l'avez demandé.
M. LEVESQUE: ... à la suite de Victoria... Est-ce que le
député de Sauvé me suit?
M. CHARRON: C'est vous autres qui avez eu la claque sur la gueule, c'est
pas Ottawa, à Victoria?
M. LEVESQUE: M. le Président, c'est le gouvernement
québécois.
M. CHARRON: Qui a mangé la claque sur la gueule, oui, c'est
ça qu'on dit.
M. LEVESQUE: M. le Président...
M. MORIN: Laissons-le parler parce que là, il ne sait pas de quoi
il parle.
M. CHARRON: II est tout mêlé, là.
M. LEVESQUE: A ce moment-ci, moi je ne parle pas de la conférence
même, je parle du lendemain de la conférence.
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: Je pense que ce que veut dire le député de
Sauvé, c'est que la proposition du Québec...
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: ... n'a pas pu rassembler l'unanimité des provinces
et du gouvernement fédéral.
M. MORIN: Oui, d'accord.
M. LEVESQUE : Je ne parlais pas de ça.
M. MORIN: Bon, d'accord.
M. LEVESQUE: M. le Président, d'ailleurs, le député
de Sauvé le savait.
M. MORIN: Non, non! j'attends la suite des explications.
M. LEVESQUE: A la conférence de Victoria, en juin 1971 on
va y revenir le Québec a proposé un amendement
précis à la constitution du Canada pour donner aux provinces la
garantie constitutionnelle qu'elle pourrait légiférer de
façon à déterminer elle-même les politiques à
mettre en oeuvre dans le secteur de la politique sociale. C'est vrai! C'est
vrai qu'à ce moment-là nous n'avons pas obtenu de nos
interlocuteurs l'acceptation de cette proposition.
M. MORIN: C'est vrai!
M. LEVESQUE: C'est connu, c'est officiel, c'est vrai, c'est public.
M. MORIN: Bien!
M. LEVESQUE: Est-ce que nous devions faire comme le suggère le
chef de l'Opposition officielle, nous asseoir? M. le Président, ce que
nous avons fait, nous nous sommes remis à la tâche. A
défaut d'une clarification constitutionnelle, nous avons tenté,
à l'automne 1971, une approche plus empirique, plus concrète des
problèmes à résoudre. C'est une telle approche, moins
spectaculaire, si l'on veut, M. le Président, moins spatiale, moins
nébuleuse mais plus réaliste, M. le Président...
M. MORIN: Plus effondrée.
M. LEVESQUE: ... qui nous a conduits à la situation
d'aujourd'hui.
M. MORIN : Vous voulez dire plus effondrée.
M. LEVESQUE: Où en sommes-nous maintenant, M. le
Président? Le gouvernement du Québec a maintenant, et je le
répète, le loisir d'exercer une primauté
législative réelle qui lui permet de fixer les conditions
susceptibles de répondre aux besoins spécifiques des familles
québécoises...
M. MORIN: Allons donc!
M. LEVESQUE: ... en ce qui concerne les allocations familiales, compte
tenu des seuils, des prestations et des sommes globales établies pour
l'ensemble du Québec. M. le Président, on peut distinguer deux
étapes principales dans cette évolution. Le Québec a
précisé sa position en novembre 1972, et le
fédéral, en avril 1973. Dans son historique, le chef
parlementaire de l'Opposition aurait pu en parler...
M. MORIN: Une fois effondré, vous savez!
M. LEVESQUE: Oui, oui, quand ça fait son affaire il en parle,
quand ça ne fait pas son affaire, il n'en parle pas.
M. MORIN: Bien, voyons!
M. LEVESQUE: M. le Président...
M. MORIN: Allons, allons!
M. LEVESQUE: ... le fédéral, en avril 1973,
a modifié sa position dans le document sur la
sécurité du revenu.
M. MORIN: Hum! Hum!
M. LEVESQUE: En novembre 1972, commençons par là
lors de la conférence interprovinciale des ministres du
bien-être, le Québec a précisé ses positions au
sujet des allocations familiales. Dans l'optique du Québec, il
était nécessaire que la compensation des charges, vu la
présence des enfants dans une famille, relève des allocations
familiales plutôt que des autres régimes de sécurité
du revenu. Selon le Québec, cette façon de voir les choses
diminuerait c'était là l'idée qui était
celle que l'on considérait, chez nous, comme la plus importante, disons,
comme le moteur, au point de vue pratique, parce qu'après tout, si on
veut une intégration des lois sociales c'est pour une fin qui touche le
bien-être de la population finalement selon le Québec,
cette façon de voir les choses diminuerait l'incitation à quitter
le marché du travail qu'un régime d'allocations familiales
fondé sur le revenu des familles pourrait comporter.
Cette approche n'excluait pas cependant que les allocations familiales
contribuent à une meilleure distribution verticale des revenus.
Le nouveau régime d'allocations familiales devait, en effet,
intégrer allocations familiales et allocations scolaires. Il devait
aussi être universel et comprendre des allocations graduées en
fonction de l'âge de l'enfant et de son rang dans la famille. Sachant que
l'utilisation de ces facteurs dans la détermination des allocations
à verser aux familles pour leurs enfants à charge ont
forcément des incidences plus fortes dans les familles à faible
revenu que dans les autres, la position québécoise avait
nécessairement des implications importantes sur la redistribution des
revenus.
Par ailleurs, au sujet de la répartition des compétences
entre les deux niveaux de gouvernement, le Québec proposait au
fédéral d'accorder aux provinces une primauté
législative pour les allocations familiales et les autres régimes
de sécurité du revenu.
M. MORIN: C'est ça que vous n'avez pas obtenu.
M. LEVESQUE: Cette primauté des provinces pouvait prendre
diverses formes s'il vous plaît, M. le Président ou
bien elle s'inscrivait dans des textes constitutionnels, comme nous le
proposions à Victoria en 1971, ou bien elle s'inscrivait dans les
législations des deux paliers de gouvernement.
Eh bien! M. le Président, après Victoria j'en
reviens à ça quelle était la seule solution
préconisée par le Parti québécois? Quelle aurait
été la solution, quelle serait la solution, aujourd'hui, de
l'honorable député de Sauvé?
M. MORIN: Un régime québécois.
M. LEVESQUE: Oui, M. le Président, un régime
québécois! Où? Comment?
M.MORIN: Intégré.
M. LEVESQUE: Faites-vous donc élire avant de parler de ça.
Vous êtes six! La population vous l'a dit; vous ne semblez pas avoir
compris, c'est non, non, non! M. le Président, l'indépendance du
Québec; la réponse a été donnée clairement,
c'est non! Alors, qu'est-ce que vous feriez? Vous resteriez assis sur vos
sièges, critiquant et détruisant comme d'habitude. Ce n'est pas
la...
M. MORIN: II fallait tenir.
M. LEVESQUE: ... position prise par le gouvernement actuel, ce n'est pas
ce genre de gouvernement que la population du Québec a
réélu avec une telle majorité. C'est parce que nous avons
toujours agi, c'est parce que nous avons toujours été alertes,
c'est parce que nous avons toujours tenu à coeur les
intérêts véritables de la population que nous sommes ici,
aujourd'hui, en train d'étudier, de proposer et à la veille de
voir adopter le projet de loi no 1 sur les allocations familiales.
C'est pour cette raison que nous sommes heureux, encore aujourd'hui, de
vous dire que, devant deux possibilités il y en a une que nous
n'avons pas réussi à obtenir ne nous décourageant
pas, nous nous sommes tournés immédiatement vers cette autre
solution qui n'est pas un recul, comme ose le dire le chef parlementaire de
l'Opposition. Je le répète: Nous n'avions rien à dire dans
le passé sur les allocations familiales payées par le
gouvernement fédéral.
Aujourd'hui, M. le Président, grâce à toutes ces
négociations, grâce à toute cette politique qui a
été suivie, grâce à cette fermeté du
gouvernement du Québec, grâce à cette
persévérance de l'ancien ministre et de ses collaborateurs dont
le ministre actuel des Affaires sociales...
M. MORIN: Vous permettez...
M. LEVESQUE: ... grâce à un gouvernement qui s'est tenu
debout, nous avons devant nous un progrès sur le plan monétaire,
un progrès sur le plan social et un progrès sur le plan
constitutionnel. En effet, M. le Président, pour revenir à nos
oignons, si vous voulez dans le communiqué émis à l'issue
de cette conférence de novembre 1972, les ministres des provinces
eux-mêmes expriment le désir que les provinces puissent
légiférer de façon à déterminer le programme
d'allocations familiales compatible avec leur propre système de
sécurité du revenu et que l'exercice de cette compétence
n'entraîne aucune perte financière pour leurs citoyens.
Telle était donc la position québécoise à
l'automne 1972 et cette position du Québec correspondait, pour
l'essentiel, à celle des autres provinces, simplement parce que c'est le
Québec qui avait le leadership parmi toutes les provinces du Canada.
Comme le disait le premier ministre tout à l'heure, nous avons eu le
leadership même avec le gouvernement fédéral qui a
dû, à la fin de toute cette négociation, accepter la plus
grande partie des principes qui guidaient ou qui inspiraient la position
québécoise.
En c'en est ainsi, par exemple, dans le cas de l'universalité
mentionnée par le chef de l'Opposition officielle.
Pour sa part, le gouvernement fédéral a rendu publique,
lors de la conférence fédérale-provinciale des ministres
du Bien-Etre en avril 1973, la position qu'il entendait prendre compte tenu, il
va sans dire, de l'évolution des choses au palier interprovincial. Dans
le document fédéral sur la sécurité sociale
distribué peu avant la conférence
fédérale-provinciale des ministres du Bien-Etre les 25, 26 et 27
avril 1973, le fédéral proposait de hausser à $20 les
allocations familiales, de $7.21 en moyenne qu'elles étaient à
l'époque.
Ces allocations seraient universelles et imposables, un minimum serait
déterminé par Ottawa et il serait laissé aux provinces la
possibilité de faire varier les allocations en fonction de l'âge
et du rang de l'enfant dans la famille. Le niveau des allocations serait
révisé de temps à autre pour tenir compte des changements
intervenus à l'indice des prix à la consommation. C'est cette
proposition, où l'on voit la marque de l'influence du gouvernement
québécois, du ministre et des ministères des Affaires
sociales, cette proposition, je le répète, fut bien accueillie
par les ministres des provinces qui décidèrent unanimement,
d'accord avec le ministre fédéral, d'en faire la première
priorité de la révision de la sécurité sociale.
Les ministres des provinces acceptèrent de discuter avec les
autorités fédérales de façon bilatérale de
la variation des niveaux des allocations en fonction de l'âge et du rang
des enfants dans la famille. La proposition donnait une primauté
législative réelle aux provinces en leur laissant la marge de
manoeuvre nécessaire pour ajuster les allocations à leurs
priorités compte tenu d'un minimum prescrit pour chaque allocation et
d'un montant global donné pour l'ensemble des allocations. Au mois de
juillet 1973, le gouvernement fédéral proposa à la Chambre
des communes le projet de loi C-211, qui correspond, dans ses grandes lignes,
aux propositions d'avril. Le projet de loi fixe à 60 p.c. du niveau
moyen le montant minimum de l'allocation qui doit être versée
à chaque enfant lorsqu'une province désire aménager les
allocations de façon à établir des catégories selon
l'âge et le rang de l'enfant, tout cela tel que préconisé
au tout début des négociations par le gouvernement du
Québec.
De plus, le montant global des allocations versées dans une
province en vertu du régime doit correspondre au montant qui aurait
été versé si les allocations étaient uniformes et
au niveau moyen. La question d'administration avait donné lieu à
de longs débats en 1971/72, c'est-à-dire à l'époque
où le nouveau régime d'allocations familiales,
considéré par le fédéral et inscrit dans le projet
de loi C-170 déposé le 15 mars 1972, prévoyait les
allocations familiales variables en fonction du revenu de la famille. Ce projet
a cependant été retiré pour être remplacé par
le projet C-211. Vous voyez que c'est le gouvernement fédéral, M.
le Président, qui retire son projet de loi. Pourquoi l'a-t-il fait si ce
n'est pas à cause de l'influence du gouvernement du Québec,
à cause de la persévérance et de la détermination
du ministre des Affaires sociales, du ministère des Affaires sociales
représentant véritablement les intérêts du
Québec? On voit ce que peut un gouvernement déterminé
à défendre les intérêts véritables et
particuliers des citoyens du Québec. Nous voyons le gouvernement
fédéral retirer son projet de loi, en soumettre un autre et
celui-là, par exemple, inspiré par la politique du gouvernement
du Québec et de son ministère des Affaires sociales.
On a soumis de nouveau à Ottawa le projet de loi C-211, celui-ci
prévoyant des allocations universelles comme le demandait le
Québec. A ce moment-là, évidemment, la question
d'administration perdait de son importance. En effet, le caractère
automatique des allocations, maintenant prévu, ne laisse aucune place au
jugement de valeur sur le revenu des familles, étant donné que
c'est un régime universel tel que demandé par le Québec.
Dans le nouveau contexte, la question de l'administration prenait moins
d'importance et on voit que dans le bill actuel chacun garde l'administration
de ses deniers.
Le Québec, comme nous le voyons dans le projet de loi, conserve
l'administration de ses propres allocations familiales. Il
détermine...
Et c'est là ce que semble ne pas avoir vu ou ne pas avoir voulu
voir le chef de l'Opposition officielle, lorsqu'il parle d'un recul.
M. le Président, le chef de l'Opposition officielle devrait, au
contraire, non pas se lever seulement comme le député de
Chicoutimi, pour se réjouir de ce projet de loi et féliciter le
gouvernement, mais il devrait également, sur le plan constitutionnel,
comme les autres de ses collègues l'ont fait, au point de vue social et
au point de vue monétaire, il devrait se lever même sur le plan
constitutionnel et féliciter le gouvernement d'avoir réussi
à faire retirer le projet de loi du gouvernement fédéral,
d'avoir amené le gouvernement fédéral à adopter les
positions préconisées par le gouvernement du Québec, et en
même temps, féliciter le gouvernement du Québec de pouvoir,
aujourd'hui, déterminer cette partie des allocations familiales du
régime total financé par le gouvernement fédéral
et
encore là, voir, comment parce qu'on n'en verra plus, on
ne commence qu'à lever le voile sur cette grande politique sociale du
gouvernement du Québec on verra bientôt comment
s'intégreront dans tout cela les autres morceaux de cette politique
sociale. L'on verra que tout cela a été pensé en fonction
des besoins véritables du Québec. On verra que cette partie de
l'assistance sociale, qui viendra s'ajouter au programme des allocations
familiales, fera un tout homogène et ceci répondra aux
désirs que nous avions tous de voir, par ces régimes sociaux,
qu'il y a toujours pour ceux qui le peuvent évidemment, ceux qui le
veulent, une incitation au travail. Nous réussissons maintenant par
cette victoire constitutionnelle, qui est celle qui se traduit dans ce projet
de loi, nous avons réussi à obtenir je le
répète encore une fois par cette victoire
monétaire, par cette victoire sociale, par cette victoire
constitutionnelle, nous avons réussi à atteindre d'autres buts
même qu'un seul but. Nous avons réussi à atteindre ce but
qui est de permettre de redistribuer certaines sommes pour des fins sociales
afin de compléter tout ce point de vue qui permet maintenant d'avoir une
meilleure incitation au travail.
M. le Président, le projet de loi sur le régime des
allocations familiales ne constitue pas un acte isolé. Au contraire, il
se situe exactement dans un des trois paliers que définissait le
ministre québécois des Affaires sociales, lors de la
conférence fédérale-provinciale des ministres du Bien-Etre
de janvier 1971. Le premier palier réfère à un
régime général d'allocations sociales. Le deuxième
palier vise l'ensemble des assurances sociales, c'est-à-dire les
régimes de rentes, les accidents de travail, l'assurance-chômage
et la sécurité de la vieillesse. Le troisième palier
concerne les allocations familiales. Sans retenir cette phraséologie,
mais reprenant la même démarche d'une conception globale de
sécurité sociale, le document de travail sur la
sécurité sociale au Canada, présenté à la
conférence fédérale-provinciale des ministres du Bien-Etre
d'avril dernier, propose cinq stratégies: une stratégie de
l'emploi, une stratégie de l'assurance sociale, une stratégie du
supplément du revenu, une stratégie des services sociaux et
connexes à l'emploi, une stratégie
fédérale-provinciale. Or, les ministres à cette
conférence avaient décidé de s'attaquer, en toute
priorité, à la réforme des allocations familiales et
à celle du régime de pension du Canada et du régime de
rentes du Québec. En mettant en oeuvre la première de ces
priorités, le projet de loi du Québec, de même que celui du
fédéral sur les allocations familiales, se trouvent par
conséquent à réaliser le premier des objectifs que
s'était assignés le Québec, dans la perspective d'une
politique intégrée de sécurité du revenu.
M. le Président, j'ai parlé de primauté
législative. Je pense bien que le chef parlementaire de l'Opposition
réalise maintenant lui aussi que cet objectif a été
atteint par le projet de loi que nous étudions présentement.
M. MORIN: Absolument pas!
M. LEVESQUE: C'est effectivement une législation
québécoise, je le répète, afin d'essayer de lui
rentrer ça dans la tête. Qu'il descende un peu des nuages! C'est
effectivement une législation québécoise qu'il a devant
lui...
M. MORIN: Vous voulez que je m'effondre, moi aussi!
M. LEVESQUE: ... qui détermine le montant des allocations
familiales qui sont versées en vertu de la loi
fédérale.
Il s'agit là, qu'il l'admette, d'une innovation qui ouvre la
porte sur des possibilités considérables pour l'avenir du
fédéralisme canadien. Mais, nous vivons à
l'intérieur d'un régime fédéral et nous voulons
voir ce fédéralisme vivant, sain, bon pour la population du
Canada et du Québec en particulier. Et c'est cela que nous sommes en
train de faire.
M. le Président, que le Québec ait ainsi la
possibilité, que le Québec ait ainsi la possibilité, je le
répète, de définir le contenu réel d'une politique
fédérale dans un domaine aussi important, me semble
extrêmement significatif et représente un gain considérable
dans la voie d'un fédéralisme authentique.
Le chemin parcouru pour en arriver là a été long,
c'est vrai, malaisé, mais nous l'avons atteint notre but, M. le
Président. Je comprends que le chef parlementaire de l'Opposition, tout
ce à quoi il pense, c'est à l'indépendance du
Québec, être nommé ambassadeur je ne sais pas dans quel
pays, avoir un groupe de gens qui s'en vont en mission quelque part et il se
voit déjà parti. Notre mandat à nous est de
répondre aux besoins des citoyens de chacun des comtés de la
province de Québec.
M. le Président, je disais, et je conclus parce que je vois que
mon bon ami, le leader parlementaire de l'Opposition officielle a
été aussi généreux sur le temps que je ne l'ai
été hier à son endroit... Je ne veux pas abuser du temps
de cette Chambre, mais comme je le mentionnais, le chemin parcouru et vous le
savez, M. le Président. Qu'on se rappelle les journaux, la presse, tous
les media, c'était plein de cette histoire pendant trois ans. Vous avez
vu tout ce qui s'est fait, tout le travail, toute la négociation. C'est
facile pour le chef de l'Opposition d'arriver aujourd'hui et de dire: Ah! on
devrait avoir cela dans la constitution. Evidemment, s'il a passé son
temps à l'université dans les livres de la constitution, il
trouve que cela n'arrive pas à la page 402, comme cela devrait arriver
à la page 402. Pendant ce temps-là, ici, il y a eu le
ministère des Affaires sociales, le ministre des Affaires sociales, ses
collaborateurs, le ministère des Affaires intergouvernementales, le
gouvernement dans son ensemble et, du côté d'Ottawa, des milliers
de gens qui ont travaillé, comme ici, à essayer d'en arriver
à une solution. Nous y sommes arrivés. Vous pouvez bien
comprendre que nous soyons
contents, que la population du Québec soit contente; que vous
soyez les seuls mécontents. Il y en aura toujours des mécontents,
comme on disait.
Ce n'est pas l'idéal sur le plan de la pensée pure. C'est
vrai, je l'ai dit. Notre première idée était de pouvoir
entrer cela dans un amendement constitutionnel à Victoria. C'est vrai.
Il y a bien des choses comme cela. On voudrait avoir tout. Mais ce n'est pas
parce qu'on n'a pas tout qu'on boude, qu'on s'en va se cacher et qu'on se lance
dans la retraite, dans la fuite et dans l'indépendance stérile.
M. le Président, ce que nous avons fait est que nous nous sommes repris
et nous avons pris une autre voie mais toujours en tenant compte des principes
fondamentaux de l'autonomie du Québec.
Nous avons même réussi, en tenant cette attitude ferme,
très lucide, à faire les gains que j'ai mentionnés au
cours de mon intervention, non pas seulement sur le plan pécuniaire, non
pas seulement sur le plan social, mais également et cela devrait
impressionner le député de Sauvé sur le plan
consitutionnel.
M. le Président, il a fallu que, de part et d'autre, on
maintienne un dialogue souvent difficile. Les efforts consentis de part et
d'autre, M. le Président, comme je le mentionnais, pour concilier des
points de vue apparemment inconciliables au départ, étaient
cependant entièrement justifiés. Le résultat devant lequel
nous sommes aujourd'hui démontre clairement qu'il est possible de faire
évoluer notre régime fédéral et d'assouplir ses
modes de fonctionnement, de façon que les Etats membres de la
fédération et en particulier le Québec puissent orienter
le développement des collectivités dont ils sont responsables
dans les voies qui correspondent à leurs aspirations et à leurs
besoins.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. ROY: M. le Président, j'ai bien peur qu'il m'arrive la
même chose que la dernière fois: les libéraux ont applaudi
au début de mon intervention mais ils m'ont coupé à la
fin, ils ne m'ont même par permis de terminer.
M. le Président, c'est tout simplement pour dire quelques mots au
sujet du projet de loi no 1, Régime des allocations familiales du
Québec. Il est évident que ce projet de loi est attendu depuis
fort longtemps de la population du Québec. Il est également vrai,
M. le Président, que nous avons réclamé, depuis que nous
sommes à l'Assemblée nationale du Québec, depuis 1970, que
les allocations familiales soient augmentées, au Québec, de
façon à permettre aux familles québécoises d'avoir
de meilleurs revenus pour être capables de vivre dans des conditions plus
normales, compte tenu des possibilités immenses que leur offre la
société québécoise, compte tenu des
possibilités immenses que nous avons au point de vue des ressources, au
point de vue des richesses, et autres.
M. le Président, inutile de vous dire que nous sommes en faveur
de cette hausse des allocations familiales du Québec, parce qu'elle est
dans l'intérêt de toutes les familles québécoises et
que les familles québécoises l'attendent depuis fort
longtemps.
M. le Président, ce n'est pas d'aujourd'hui que les
créditistes parlent de hausser les allocations familiales. Ils ont
été même les premiers à réclamer qu'il y ait
des allocations familiales au Québec. Je me souviens, que lorsque
j'étais tout jeune, et qu'on entendait les premiers créditistes,
au Québec, parler d'allocations familiales c'est justement
l'intervention de l'honorable leader du gouvernement, tout à l'heure,
lorsqu'il nous parlait des années 1940 et 1945, qui m'a rappelé
un peu ces choses on traitait ces personnes de communistes, on traitait
ces personnes de tous les qualificatifs possibles, on les chassait même
sur le perron des églises au Québec parce qu'elles osaient
demander au gouvernement que des législations sociales favorisent le
développement et la survie de la famille au Québec et que ces
allocations familiales soient en quelque sorte un partage de la richesse et non
pas une distribution de taxes faite par des "taxeux" qui se querellent à
différents paliers de gouvernement.
Ces lois ont été votées, ont été
réclamées et aujourd'hui nous nous trouvons devant un nouveau
projet de loi qui a pour effet d'ajuster les allocations familiales au
coût de la vie. Il n'y a rien de nouveau dans la loi
fédérale ou dans la loi provinciale actuelle, comme dans la loi
fédérale.
Si on se reporte à la Loi des allocations familiales qui avait
été votée en premier et si on tient compte des revenus,
des salaires à l'époque et du coût de la vie, on constate
aujourd'hui que cette loi des allocations familiales n'est tout simplement
qu'un rajustement qui aurait dû être fait depuis fort longtemps, de
façon à maintenir un certain équilibre entre le salaire du
travail de l'ouvrier, du père de famille et le montant des allocations
familiales qu'il peut recevoir pour chacun de ses enfants.
A partir de ce principe, il y en a également un autre que nous
avions réclamé avec force, c'est le principe de
l'universalité de ce projet de loi des allocations familiales. On a
parlé en premier lieu d'une loi des allocations familiales
sélective qui aurait fait en sorte qu'on en arriverait encore à
scruter les revenus de la famille avant de déterminer quels seraient les
montants alloués par les allocations familiales.
Je pense que notre présence et notre influence à ce sujet
ont quand même été bénéfiques pour permettre
au gouvernement il y a un an ou deux de rejeter ce principe de
sélectivité pour opter pour le système
d'universalité, sachant fort bien qu'il y aurait de longs débats
à
l'Assemblée nationale de la part descréditistes à
l'époque.
Ce projet de loi, le gouvernement nous le présente aujourd'hui
comme étant son oeuvre, son initiative. Nous ne sommes pas dupes
à ce point. Nous savons très bien qu'une loi
fédérale a été votée et que le gouvernement
du Québec a jusqu'au 1er janvier pour voter sa loi pour permettre que
ces allocations familiales soient distribuées dans les familles de
façon que le Québec puisse bénéficier des montants
qui seront versés par le gouvernement fédéral.
Le gouvernement n'a pas le choix. Et j'ai été même
surpris, au cours de la dernière campagne électorale, alors que
toutes ces choses étaient décidées depuis un bon bout de
temps, que le gouvernement s'en fasse un cheval de bataille, une promesse
électorale. On a annoncé ça à grand renfort de
publicité en disant: Si vous élisez les libéraux, vous
allez avoir des allocations familiales. Mais, si vous avez le malheur de ne pas
élire les libéraux, il n'y aura pas d'allocations familiales,
alors que ça avait été décidé
antérieurement par le gouvernement fédéral et que la loi
était en train d'être adoptée par notre gouvernement
fédéral.
Ce sont des petits trucs électoraux auxquels les libéraux
nous ont habitués, ainsi que la population du Québec. Mais,
heureusement, il y a encore des régions au Québec où les
gens ne se laissent pas manipuler par la grosse propagande libérale, par
les menaces et les promesses de toutes sortes. Je pense que c'est un gage qui
nous permet de constater que la démocratie a quand même
réussi à survivre un peu au Québec.
C'est pourquoi je tiens à rendre hommage à ces populations
des huit comtés qui n'ont pas opté pour l'option du Parti
libéral.
M. le Président, il est évident que cette loi, encore,
fait partie d'une vaste réforme dans le domaine social, et le
gouvernement, comme on vient de l'entendre, de l'honorable leader du
gouvernement, ne m'aura pas convaincu sur ce point. Nous sommes d'accord qu'il
y a des problèmes sociaux, nous sommes d'accord qu'il faut qu'il se
fasse quelque chose au niveau de la sécurité sociale. Mais
à l'heure actuelle, le gouvernement provincial qui croit et c'est
là que le gouvernement s'illusionne avoir eu un mandat clair et
net en fonction de son option fédéraliste asservissant et
dépossédant que nous connaissons, peut se permettre tous les
privilèges, toutes les législations, et donner tous les pouvoirs
au gouvernement fédéral.
Je dis ceci, M. le Président, et je l'ai dit à l'occasion
du discours inaugural, le vote qui s'est donné, c'est que la population
du Québec a manifesté son intention claire et précise de
ne pas faire un choix à l'occasion d'une élection
générale mais plutôt de discuter de cette question
constitutionnelle, question du fédéralisme et du
séparatisme en dehors des campagnes électorales. Et en face d'une
option, à un moment donné, qui nous permettait de nous interroger
sur les conséquences alors que plusieurs se posaient des questions, les
gens ont préféré le statu quo pour le moment. Je tiens
bien à dire "pour le moment", ne vous illusionnez pas, messieurs de
l'autre côté de la Chambre.
M. le Président, lorsqu'on parle de sauver le social, nous
assistons à une capitulation et une reddition quasi sans condition
devant le gouvernement fédéral. Lorsqu'on regarde les sommes que
le gouvernement provincial ajoute à ce programme et nous avons
les détails ici lorsque nous prenons connaissance de ces faits,
nous nous demandons jusqu'à quel point le gouvernement provincial
pourrait tenir en vigueur la législation que nous sommes en train
d'étudier si le gouvernement fédéral décidait,
demain matin, de couper de $100 millions à $150 millions pour d'autres
priorités. C'est là le point qui mérite réflexion,
qui mérite notre attention.
Nous sommes en train de capituler complètement devant le
gouvernement fédéral et ça me fait penser un peu à
ce père de famille qui, voulant augmenter, si vous voulez son revenu
pour permettre à sa famille de mieux vivre, hypothéquerait sa
propriété qui ne serait ni plus ni moins qu'une illusion parce
qu'il se retrouverait tôt ou tard dépossédé de sa
propriété. C'est un peu le sort qui nous guette, M. le
Président, c'est un peu le sort qui nous attend parce que, de ce
côté, le gouverment est limité à un rôle
strictement législatif et administratif et il est tributaire du
gouvernement fédéral, à ce moment-là. C'est ce qui
me fait dire, M. le Président, que le gouvernement est en train de
devenir de plus en plus, et de façon de plus en plus
accélérée, une succursale administrative au Canada.
Un gouvernement qui ne contrôle pas sa fiscalité pour ses
besoins directs et un gouvernement qui ne contrôle pas son crédit
n'est qu'un gouvernement de façade. Ce n'est pas un vrai gouvernement.
On ne me fera jamais admettre ces choses-là.
Ce ne sont, tout simplement, que des décisions purement
administratives, avec une certaine façade législative. Cela
entretient l'illusion et permet à dire aux Québécois: Mais
vous avez un gouvernement à Québec, alors qu'en
réalité ce ne sont simplement que des décisions purement
administratives que nous prenons. Le gouvernement sera obligé de revenir
devant la Chambre avec une autre législation pour tâcher de se
rajuster, parce que conditionné par les sommes que le gouvernement
fédéral voudra bien lui consacrer.
Or, en face de ces choses, M. le Président, nous sommes inquiets.
Nous sommes inquiets et à juste titre. J'écoutais le chef de
l'Opposition tout à l'heure. Il avait raison, le chef de l'Opposition.
Quoi qu'en pense et quoi qu'en dise le leader du gouvernement, il n'a pas
réussi à me convaincre du tout. Je comprends que les
Québécois en ont marre des débats constitu-
tionnels sur les questions sociales, sur les questions
économiques, mais, M. le Président, il va falloir, quand
même, que des gens, un jour, se décident à prendre leurs
responsabilités. Je pense que nous avons été
mandatés pour prendre nos responsabilités et pour prévoir,
parce qu'administrer, c'est prévoir.
Je trouve que le gouvernement a des politiques à courte vue, de
ce côté. Le gouvernement s'est laissé influencer, le
gouvernement s'est laissé intimider il en a parlé
lui-même à plusieurs occasions par le grand pouvoir de
dépenser du gouvernement fédéral, par la force du
gouvernement Trudeau. Le premier ministre nous en a parlé à
plusieurs reprises, de ce pouvoir de dépenser. Il y a une chose que je
mets en doute dans le gouvernement fédéral actuel, dans son
pouvoir de dépenser: c'est son pouvoir de "collecter". Si le
gouvernement fédéral a un si grand pouvoir de dépenser,
c'est parce que les provinces sont complices et qu'elles se laissent faire de
ce côté-là; elles se laissent manipuler. Je pense que la
province de Québec en est un exemple frappant et veuillez croire que ce
n'est pas de gaieté de coeur que je dois avouer ces choses.
M. le Président, si nous laissons faire les choses et si nous
continuons de la façon dont nous agissons à l'heure actuelle,
nous allons nous retrouver tantôt dans une fédération
c'est le genre de fédéralisme dont le gouvernement nous
parle avec deux sortes de provinces ou avec deux sortes de statuts. Nous
allons avoir des provinces qui auront en quelque sorte un statut d'Etat
associé. C'est de plus en plus vrai et je vais donner, à titre
d'exemple, l'Ontario, la Colombie-Britannique et 1'Alberta. D'autre part, vous
allez avoir des provinces de plus en plus tributaires. Le Québec est une
des provinces tributaires, alors qu'il a quand même présidé
je dis bien qu'il a présidé au début,
à toutes ces négociations qui ont fait en sorte que nous avons pu
avoir ce qui est encore une réalité, ce qu'on appelle le Canada,
notre pays.
Or, M. le Président, le gouvernement nous a dit, au cours de la
campagne et il nous l'a répété tout à
l'heure que les allocations familiales ne seraient pas
imposées.
Je pense que le gouvernement devrait être honnête à
l'endroit de la population du Québec. Ce gouvernement a
été le premier à abolir l'exemption de $300 pour les
enfants de 16 ans et moins sur les lois fiscales, la Loi de l'impôt sur
le revenu. On sait, M. le Président, qu'au Québec un père
de famille qui gagne $125 par semaine et qui a dix enfants à sa charge
il y en a encore est obligé de payer de l'impôt sur
le revenu comme s'il était seul avec son épouse. C'est un fait
aujourd'hui dans la province de Québec. Le fédéral taxe
les allocations familiales, nous devons l'admettre, mais il y a quand
même, en guise de compensation, une exemption de $300 à la base
qu'une personne peut calculer lorsqu'elle fait son rapport d'impôt sur le
revenu.
Ces choses-là, on devrait les dire, que le Québec
n'accorde aucune exemption, aucun droit de dégrèvement
d'impôt pour les enfants qui sont à la charge des familles,
à la charge de leurs parents, des salariés du Québec. On
aurait dû dire ces choses-là.
Avant de terminer, j'aimerais quand même apporter quelques
chiffres sur la Loi des allocations familiales pour démontrer quelle est
la participation du Québec dans ce nouveau régime des allocations
familiales et des allocations de bien-être social, parce que cela a
été présenté dans un grand cadre; coût du
programme actuel: Ottawa paie environ $150 millions, Québec $95
millions, ce qui fait $245 millions. Le bien-être social: Ottawa, $186
millions; Québec, $186 millions pour un total de $372 millions. Total
aux deux gouvernements pour les deux programmes: $617 millions se
répartis-sant ainsi: $336 millions par Ottawa et $281 millions pour
Québec. Coût estimé du nouveau programme pour
l'année 1974: la part du gouvernement fédéral, selon les
chiffres que nous avons pu obtenir, est de $501 millions, alors que la part du
Québec est de $98 millions. Si on regarde les allocations familiales qui
coûtaient $95 millions dans l'ancien régime, elles vont
coûter $98 millions dans le nouveau régime. Ce qui fait que
Québec contribue directement, pour la hausse des allocations familiales,
seulement $3 millions, ce qui prouve notre dépendance aux
décisions prises au palier du gouvernement fédéral, au
palier supérieur.
Pour ce qui a trait au bien-être social, c'est un partage 50-50.
La part du Québec est de $206 millions, et la part d'Ottawa est de $206
millions également, ce qui fait $412 millions. Le coût
estimé aux deux paliers de gouvernement pour les deux programmes est de
$1,011,000,000 et on se rappelle du gros milliard que le premier ministre a
annoncé.
L'apport du gouvernement fédéral est de $703 millions,
alors que l'apport du Québec est de $308 millions. Si on fait un calcul,
en comparaison à l'ancien programme auquel le Québec participait
au coût de $281 millions, le Québec participe maintenant au
coût de $308 millions. Ceci veut dire que l'apport du Québec est
de $27 millions supplémentaires alors qu'on a laissé croire
à la population du Québec que celui-ci avait pris ses
responsabilités, qu'il avait des allocations familiales sans
augmentation de taxes grâce aux victoires et à la bonne
administration du fédéralisme rentable et tout ce que vous
voulez. On dit que le Québec est capable de faire davantage et qu'il est
en mesure de démontrer que grâce à lui-même les
allocations familiales pourraient augmenter alors qu'en réalité
les chiffres démontrent des faits complètement contraires.
M. le Président, il ne fait aucun doute que cette loi
d'allocations familiales, pour les familles qui vont en
bénéficier, est une très bonne chose pour les familles.
Mais, lorsque nous avons à nous pencher au niveau de la
législation
et au niveau de l'administration, on doit regarder les deux facettes.
Les bénéficiaires, mais qui paient pour les allocations
familiales? On sait, M. le Président, que tout le conflit
fédéral-provincial dont a parlé cet après-midi
pendant près de deux heures se limite à une chose, une querelle
de "taxeux" et "d'endetteux". Le problème c'est de savoir qui va taxer.
C'est le gros problème, qui va taxer? Qui va endetter? Ce sont deux
administrations déficitaires, le gouvernement québécois,
comme le gouvernement fédéral. On veut un moment donné
faire taxer l'autre gouvernement pour tâcher d'administrer en disant:
Voici, nous avons des bénéfices à répartir à
l'endroit de la population et ces bénéfices nous les avons faits
sans augmentation de taxes. Mais les gouvernements se disent ceci et je
cite M. Trudeau: Si c'est nous qui taxons, c'est nous qui allons payer et c'est
nous qui allons décider. Le gouvernement libéral actuel se dit
tout simplement ceci: Taxez, vous autres, mais donnez-nous l'argent de
façon qu'on puisse l'administrer puis faire voir que nous avons, au
Québec, un vrai gouvernement.
M. le Président, l'honorable leader du gouvernement, comme je le
disais tantôt, n'a pas réussi à me convainvre; il a fait
une belle profession de foi à l'endroit du fédéralisme,
à l'endroit du fédéralisme asservissant. Il a parlé
même, un moment donné, de certaines fonctions qui pourraient
être attribuées à d'autres personnes. Je lui dis avec un
sourire qu'il ferait un excellent candidat au poste de sénateur pour
services rendus au gouvernement fédéral, surtout après
avoir entendu un discours comme tout à l'heure.
En terminant, je dirai donc que nous allons voter pour ce projet de loi,
mais les explications et les mises au point que j'ai tenu à faire, nous
aurons l'occasion d'y revenir lors d'autres débats parce que cette
question devra être discutée dans d'autres occasions que celle-ci,
où l'on tente encore une fois de garder les familles du Québec en
otage pour régler des questions constitutionnelles. Il va falloir qu'on
cesse de faire de la petite politique partisane sur cette question. Il va
falloir qu'on fasse la lumière une fois pour toutes sur cette question.
Il va falloir que ces fameuses conférences constitutionnelles se fassent
au grand jour. Il va falloir qu'on permette aux représentants de
l'Opposition d'être présents à titre d'observateurs. Je
n'en demanderai pas plus. Il va falloir qu'on permette également
à la presse, au monde de l'information d'assister à ces
conférences de façon que la population du Québec, comme la
population du Canada, soit le mieux informée possible et connaisse la
vérité.
En ce qui a trait aux ententes fédérales-provinciales, je
tiens à dire ceci encore une fois. Les ententes
fédérales-provinciales qui sont signées entre le
gouvernement du Québec et le gouvernement d'Ottawa devraient être
autorisées par une loi votée devant l'Assemblée nationale
et discutée devant l'Assemblée nationale du Québec parce
que ceci permettrait aux élus du peuple de dire leur mot dans ces
prétendues ententes fédérales-provinciales. On pourrait
justement mieux représenter nos électeurs de façon
à faire de ces débats des questions sérieuses, des
questions objectives pour qu'on en vienne à trouver des solutions
acceptables pour que les provinces puissent s'autodéterminer
elles-mêmes et que le fédéral puisse jouer un rôle de
coordonnateur, si vous voulez, tout en respectant le droit des provinces
à s'autodéterminer mais que le gouvernement fédéral
puisse jouer son rôle, un rôle de conciliateur et de coordonnateur
de façon que l'ensemble canadien puisse bénéficier des
avantages d'une grande société, une société
d'abondance, une société moderne.
LE PRESIDENT: Excusez-moi. Il y a consentement unanime pour que les
débats se continuent après 18 heures?
M. BURNS: D'accord.
LE PRESIDENT: La réplique de l'honorable ministre mettra fin au
débat de deuxième lecture.
M. Claude Forget
M. FORGET: M. le Président, l'honorable député de
Chicoutimi nous a fait part de ses inquiétudes quant à l'impact
de la loi que considère l'Assemblée nationale aujourd'hui sur le
problème de la pauvreté au Québec.
Me permettrai-je de lui rappeler que, lors de la dernière
campagne électorale, son parti a défendu un soi-disant
régime de revenu garanti dont les prestations comportaient, pour un
individu seul, une garantie de $2,000 et, pour un couple sans enfant, un revenu
de $3,500?
Or, en vertu du réaménagement de l'aide sociale qui
découle directement du projet de loi que nous considérons
aujourd'hui, le gouvernement du Québec, à partir du 1er janvier
1974 assurera à tous les citoyens du Québec un revenu garanti
minimum de $2,040 pour les individus seuls et de $3,264 pour des familles de
deux personnes, et des montants correspondants plus élevés pour
des familles où se trouvent des enfants.
Dans le cas où des familles se retrouvent avec des enfants, la
garantie du régime d'aide sociale et d'allocations familiales
combinés comporte des montants de $37 ou de $42, selon l'âge des
enfants, pour tous les bénéficiaires de l'aide sociale.
Il s'agit là, à mon avis, d'un régime de revenu
garanti ou d'une version d'un régime de revenu garanti qui va
considérablement loin sur la voie d'une solution, sans doute pas
définitive, sans doute pas parfaite, au problème de la
pauvreté au Québec.
Il existe deux notions de lutte à la pauvreté et deux
notions de pauvreté. D'abord, une notion absolue en vertu de laquelle on
définit,
une fois pour toutes, un niveau minimum en dessous duquel aucun individu
ou aucune famille ne devrait tomber. Il est bien évident que,
grâce au développement économique, à l'accroissement
de la productivité et à ses retombées plus ou moins
inévitables, quoique imparfaites, sur l'ensemble de la population, un
tel niveau absolu est de mieux en mieux réalisé dans toute
société. Mais le régime de sécurité de
revenu que nous aurons dès le mois prochain va plus loin que cela.
Il comporte une indexation, une révision annuelle des
barèmes qui permettra de maintenir les bénéfices
assurés, en vertu de ce régime et en vertu du régime
d'allocations familiales qui est une de ses composantes importantes, à
un degré de progrès dans un rythme d'évolution, quant aux
prestations, qui se comparera absolument à l'évolution du
coût de la vie.
Si l'on dépasse ces notions de lutte à la pauvreté,
on doit s'intéresser, comme l'a fait l'honorable député de
Chicoutimi, aux problèmes de redistribution du revenu. Mais je soumets
que ce problème de redistribution n'en est pas un que nous pouvons
facilement aborder dans le contexte d'une discussion des allocations
familiales, puisque ce problème ne peut se résoudre, quant
à l'ensemble des citoyens d'un Etat ou d'une province, que grâce
à des politiques de revenu et principalement à des politiques
fiscales, dont il n'est pas question actuellement.
Cependant, il faut se rendre compte que c'est grâce à la
fiscalité, grâce aux impôts que paient tous les citoyens
qu'il est possible de réaliser des garanties quant aux revenus pour ceux
de nos concitoyens qui sont les plus défavorisés. Et la
redistribution a ses limites, elle a des limites physiques,
mathématiques et aussi humaines puisque et c'est un concept qui
échappe souvent à l'attention toute redistribution
effectuée grâce au système fiscal, de manière
à soulager la pauvreté, frappe de façon
prédominante l'ensemble ou l'immense majorité des individus et
des familles dont le revenu se situe, non pas à un multiple de six ou
sept, ou cinq du revenu minimum ou du seuil de pauvreté, mais à
des niveaux beaucoup plus modestes, et il frappe de façon majoritaire
dans tous les cas des gens qui sont à un niveau équivalent
à deux ou trois fois au maximum le seuil de pauvreté.
Et c'est cette limite humaine, une limite aussi physique, qui
empêche que la redistribution et la générosité,
à un moment donné, de n'importe quel système de
sécurité de revenu ne puissent aller plus loin. Il va cependant
considérablement loin, comme je l'ai indiqué, dans le sens
même que nos collègues d'en face l'ont recommandé dans leur
campagne électorale, puisqu'il dépasse, dans un cas, et il est
presque l'équivalent, dans l'autre cas, d'un revenu garanti selon leur
proposition même.
Un deuxième point qui mérite d'être souligné,
c'est l'incohérence qui peut être décelée dans
certaines critiques ou certaines allusions qui sont faites quant aux exemptions
fiscales relativement à la présence des enfants. Bien entendu,
ces exemptions n'existent pas au Québec, elles ont été
supprimées. Mais je m'interroge sur les motifs qui ont poussé
à la fois l'honorable député de Chicoutimi et celui de
Beauce-Sud de mentionner l'absence de ces exemptions et de les déplorer
puisqu'il est bien connu que des exemptions bénéficient davantage
aux personnes et aux familles qui ont des revenus supérieurs qu'elles ne
bénéficient aux familles de revenus modestes. Dans le contexte
où cette absence d'exemption a été mentionnée,
c'est-à-dire dans le contexte d'une critique implicite de ce projet de
loi, je suis convaincu que l'absence d'exemption fiscale pour les enfants est
une mesure qui, jointe aux dispositions de la loi que nous considérons,
contribue au contraire à la progressivité du régime fiscal
global. Cela contribue davantage à aider de façon
prépondérante les familles et les enfants qui vivent dans ces
familles de revenus modestes et de revenus moyens par opposition à ceux
de revenus supérieurs.
C'est d'ailleurs dans la même optique, c'est pour poursuivre les
mêmes objectifs d'une redistribution maximum des sommes qui sont
consacrées aux allocations familiales que le projet que nous
considérons contient un dispositif qui a fait couler beaucoup d'encre et
qui a été l'objet de plusieurs fausses représentations. Je
pense ici à la structure progressive, selon le rang des enfants, des
allocations familiales proposées. Il faut noter à cet
égard que les enfants qui vivent dans des familles pauvres sont
majoritairement des enfants qui vivent aussi dans des familles nombreuses. La
répartition des sommes totales que les deux niveaux de gouvernement
consacrent aux allocations familiales est considérablement
influencée à l'avantage des familles défavorisées
par une telle graduation des allocations familiales en faveur des familles
nombreuses.
C'est ce qui permet de combler l'écart observé entre le
seuil de pauvreté et les revenus dont disposent les familles
défavorisées de la façon la plus efficace, de la
façon la plus complète à même des ressources
financières données. On peut même affirmer que plus de la
moitié des enfants vivant dans un milieu défavorisé se
retrouvent dans des familles qui comptent quatre enfants ou plus. C'est en
favorisant ces familles que l'on peut le mieux non seulement résoudre
les problèmes des charges familiales pour les parents, mais
également éviter les séquelles de la pauvreté sur
le développement de ces enfants et sur leur possibilité future de
se développer normalement et de sortir de ce cercle vicieux de la
pauvreté qui n'a que trop tendance à se perpétuer,
à moins que l'on n'intervienne, et cela de façon aussi
énergique que nous le faisons dans ce projet de loi, pour
précisément briser ce cercle vicieux.
Le député de Beauce-Sud prétend que le
rajustement des allocations familiales, qui est contenu dans le projet
de loi, ne fait qu'effectuer un rattrapage pour l'augmentation du coût de
la vie. J'attire son attention sur la hausse absolument considérable que
représente la différence entre les allocations familiales d'il y
a quelques années et certainement celles du début du
régime, dans les années quarante, où le premier enfant
n'obtenait que $8, et le niveau prévu pour l'enfant du même groupe
d'âge en vertu du projet que nous considérons où cette
somme sera portée à $37 pour l'enfant de quatrième rang et
plus.
Il y a là une augmentation, une multiplication par un facteur
plus grand que quatre dans le montant consacré aux allocations
familiales et, dans tous ces cas, nous sommes en présence d'une hausse
qui fait beaucoup plus que rattraper la hausse du coût de la vie. Bien
sûr, la structure du régime est changée, de manière
qu'elle favorise davantage les familles nombreuses, non pas, comme on l'a
prétendu à tort, pour favoriser la natalité, puisque nous
ne nous faisons pas d'illusions sur les possibilités d'influencer par
des mesures purement financières des traits et des habitudes de vie qui
sont devenus les nôtres ces dernières années et qui ont des
racines sans aucun doute beaucoup plus profondes qu'une simple
considération financière.
Mais il importe de faire cette restructuration des allocations
familiales à la fois pour résoudre le problème des charges
familiales et pour résoudre de la façon la plus complète
possible, à même les ressources dont nous disposons, le
problème de la pauvreté et particulièrement, encore une
fois, le problème de la pauvreté des enfants ou du milieu
familial dans lequel le plus grand nombre d'enfants se retrouvent.
Lorsque le député de Beauce-Sud regrette l'absence ou la
disparition de la notion de sélectivité...
M. ROY: Je m'excuse, M. le Président, je voudrais rectifier
immédiatement le ministre. Je n'ai pas dit que je regrettais l'absence
de sélectivité, j'ai dit que j'étais heureux de voir que
le gouvernement avait rejeté la notion de sélectivité pour
accepter la notion d'universalité. C'est complètement
différent.
UNE VOIX: Ce n'était pas clair.
M. ROY: Le premier ministre n'a pas compris. Me permettez-vous, M. le
Président, de le lui répéter? J'ai dit que j'étais
heureux de voir que la notion de sélectivité avait
été rejetée et qu'on avait adopté...
DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre! M. ROY: ... la notion
d'universalité.
M. BOURASSA: II n'a rien compris, comme d'habitude.
M. ROY: Je sais que vous ne comprenez rien.
M. FORGET: M. le Président, je suis heureux que l'honorable
député de Beauce-Sud ait une raison de plus...
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, à l'ordre!
M. FORGET: ... pour approuver le projet. Pour ce qui est des sympathies
exprimées de façon tout à fait superflue par l'honorable
chef de l'Opposition officielle à mon égard quant à la
succession que j'ai assumée, j'aimerais lui dire que cette sympaghie
n'est pas du tout requise. Je ne suis certainement pas dans la position de
celui qui, recevant une succession, ne le fait que sous bénéfice
d'inventaire, désespérant de trouver dans cette succession un
actif supérieur au passif.
J'accepte volontiers de vivre avec les conséquences de cette
succession car, particulièrement aujourd'hui, alors que l'on en
considère un volet particulièrement important, comme on le sait,
je n'ai pas du tout le sentiment de vivre avec un passif mais, au contraire,
avec un actif très important. J'ai beaucoup apprécié,
comme tous mes collègues sans doute, le tour d'horizon et le rappel
historique auxquels s'est livré le chef de l'Opposition.
Cependant, je crois qu'un gouvernement qui, pour satisfaire à des
coquetteries de constitu-tionnalistes, aurait tenu les familles
québécoises défavorisées en otage, en quelque
sorte, jusqu'à la solution de tous ces conflits porterait une
très lourde responsabilité vis-à-vis de ces familles et
vis-à-vis de ces enfants qui vivent dans un milieu
défavorisé et qui n'ont peut-être pas la patience,
contrairement au chef de l'Opposition, d'attendre la solution éventuelle
à toutes ces difficultés.
Il a également affirmé que, dans le passé, ce champ
de juridiction avait été, en quelque sorte, assombri par
l'utilisation du pouvoir de dépenser du gouvernement
fédéral. Il a même suggéré, je crois, que
l'utilisation du pouvoir de dépenser créait, en quelque sorte,
une modification à la constitution ou, du moins, qualifiait la situation
constitutionnelle dans un sens différent de ce que les textes
eux-mêmes font.
Je trouve étrange que si l'on fait une telle hypothèse, on
refuse de reconnaître l'effet que peut avoir sur la situation
constitutionnelle le précédent que crée un arrangement
législatif de cette nature, puisque ce droit qu'a acquis le
Québec de modifier, d'infléchir, de déterminer les sommes
que versera le gouvernement fédéral aux citoyens du
Québec, ce n'est pas un droit, ce n'est pas un acquis qui sera
facilement retiré ou perdu. Très certainement, autant que le
pouvoir de dépenser, cet arrangement législatif, qui se retrouve
dans des textes de deux Assemblée législatives, de
l'Assemblée législative du Québec et du Parlement
canadien, a au moins
autant de poids pour qualifier ou modifier, dans les faits, la situation
constitutionnelle que l'exercice d'un pouvoir de dépenser.
M. BURNS: Vous l'avez comprise en retard, celle-là.
M. BOURASSA: Une coquetterie de consti-tutionnalistes! On va la retenir,
celle-là.
M. ROY: Un autre candidat au poste de sénateur.
M. CLOUTIER: Elle va resservir aussi.
M. BURNS: Une autre formule dans le vague.
M. CHARRON: Avez-vous entendu Jos Formule?
M. FORGET: A la suite des commentaires faits par l'honorable
collègue d'en face, voilà à peu près les quelques
remarques qui me semblent devoir être faites. Je pense qu'il faut
insister à nouveau sur le caractère novateur de cette loi, sur le
plan des possibilités qu'elle ouvre non seulement dans ce domaine mais
dans le domaine plus vaste de la sécurité du revenu, dont tous
les contours sont loin d'être suffisamment bien définis à
l'heure actuelle pour pouvoir faire l'objet d'un développement
comparable.
Pour ce qui est de l'impact sur les familles, sur la pauvreté, de
la mesure envisagée, il s'agit sans aucun doute d'une mesure qui fait
franchir au Québec un pas en avant très considérable. Nous
nous retrouvons dans une situation non pas tout à fait satisfaisante
mais immensément plus satisfaisante que celle où nous sommes dans
le moment et que celle qui a prévalu jusqu'ici.
Nous nous trouvons dans la situation de pouvoir garantir à tous
les citoyens du Québec un niveau de revenu qui s'approche de très
près et qui atteint même, dans certaines circonstances, les seuils
de pauvreté qui ont été définis, par un grand
nombre d'organismes indépendants de toutes sortes, par des commissions
d'enquête, des commissions parlementaires, comme devant constituer
l'objectif de toute politique de sécurité du revenu moderne. Nous
y atteignons à partir d'une situation où nous en sommes encore
maintenant hélas! fort éloignés. Pour cette raison, je
crois que ce projet de loi devrait avoir l'assentiment de cette
Assemblée.
M. BOURASSA: Ceux qui sont contre?
LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle
adoptée?
M. BURNS: Adopté, M. le Président, à
l'unanimité.
M. ROY: A l'unanimité. M. LEVESQUE: Merci. DES VOIX: Vote
enregistré? UNE VOIX: Non.
M. ROY: Ne me dites pas que ce sont les libéraux qui vont faire
de l'obstruction systématique.
Projet de loi déféré à la
commission
M. LEVESQUE : Après consultations, puis-je suggérer que ce
projet de loi soit déféré à la commission
parlementaire des affaires sociales et que la procédure qui sera suivie,
surtout pour le rapport, soit celle d'une commission
pléniè-re?
M. BURNS: D'accord, M. le Président. M. ROY: D'accord, M. le
Président. M. LEVESQUE: Merci.
LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs! Cette motion du leader
parlementaire du gouvernement est-elle adoptée?
M. BOURASSA: Ils se sont rangés. UNE VOIX: Adopté.
LE PRESIDENT: Si je comprends bien, ce sera la même
procédure que si le projet de loi avait été
étudié par la commission plénière.
M. BURNS: C'est cela. C'est-à-dire que nous n'exigerons pas, M.
le Président, les formalités de rapport, etc.
LE PRESIDENT: Le délai pour le... Et cela devient un ordre de la
Chambre.
M. BURNS: Exact.
M. ROY : M. le Président, avant que l'honorable leader
présente une autre motion, je tiens quand même à le
remercier de m'avoir consulté.
M. LEVESQUE: M. le Président, il me fait toujours plaisir de
consulter le plus de collègues possible, mais, officiellement, j'ai
dû consulter l'Opposition officielle.
M. ROY: Et un autre parti reconnu. UNE VOIX: Attendez la fin de
semaine.
M. LEVESQUE: M. le Président, maintenant que cette motion a
été adoptée, puis-je
suggérer que la commission siège ce soir, à 20 h
30, au salon rouge?
LE PRESIDENT: A 20 h 30.
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la
Chambre à mardi, quinze heures.
LE PRESIDENT: Cette motion d'ajournement est-elle adoptée?
DES VOIX: Adopté.
LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à mardi
prochain, quinze heures.
(Fin de la séance à 18 h 29)
ANNEXE
Présidents des commissions élues permanentes:
MM. Aimé Brisson MM. Paul Lafrance
Fernand Cornellier Fernand Picard
Michel Gratton Roger Pilote
Fernand Houde Arthur Séguin George Kennedy