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(Dix heures douze minutes).
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!
Affaires courantes.
Dépôts de rapports de commissions élues.
Présentation de motions non annoncées.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Déclarations ministérielles.
Déclarations ministérielles
LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.
Nouvelle enquête sur l'accident du mont
Wright
M. CHOQUETTE: M. le Président, en vertu de l'article 29 de la Loi
des coroners, je vais demander une nouvelle enquête du coroner sur les
circonstances de l'accident qui s'est produit au mont Wright. Je tiens à
dire à la Chambre qu'un juge de la cour des Sessions de la paix de
Québec sera désigné pour diriger cette nouvelle
enquête.
LE PRESIDENT: Dépôts de documents.
Dépôts de documents
Rapport annuel du ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre
M. COURNOYER: J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel du
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre pour l'année
71/72.
LE PRESIDENT: Questions orales des députés.
Questions orales des députés
LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.
Tarif des autoroutes
M. LOUBIER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre
responsable des autoroutes, le député de Bourassa. Est-ce qu'il
est vrai que l'office s'apprête à augmenter
considérablement le tarif sur les autoroutes à péage? En
second lieu, est-il vrai que même aux heures de pointe, il y aurait
modification dans le tarif, de sorte que les travailleurs ne
bénéficieraient plus d'une réduction?
M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, à la
première question, quant au tarif qui va être changé, je
peux assurer le chef de l'Opposition officielle que si les tarifs sont
changés, ils le sont pour donner justice à toute la population de
la rive nord et des Cantons de l'Est. Pour ce qui est des Laurentides, il n'y
aura aucun changement, je peux vous en assurer.
Deuxièmement, aux heures de pointe, à l'heure actuelle,
pour ce qui est des trois postes de péage sur l'autoroute des
Laurentides, il n'y a aucun changement, les taux n'ont pas changé, il en
coûte $0.10 aux heures de pointe.
M. LOUBIER: Si je comprends bien, ça ne toucherait que
l'autoroute des Cantons de l'Est; il y aurait donc augmentation quant au tarif
sur l'autoroute des Cantons de l'Est?
M. TREMBLAY (Bourassa): Il n'y aura aucune hausse de tarif. La seule
chose que je peux dire à cette Chambre, c'est que j'ai demandé
une enquête, un tableau donnant des taux.
Je ne trouvais pas sensé que sur l'autoroute des Laurentides on
paie $0.10 aux heures de pointe et que sur l'autoroute de la rive nord et celle
des Cantons de l'Est les travailleurs paient $0.25 aux heures de pointe. Vu la
dette et le déficit de l'Office des autoroutes, j'ai demandé un
tableau contenant les normes, tableau dont toutes les personnes peuvent se
servir, les camionneurs, etc. Le premier tableau ne me satisfaisait pas. Hier
matin, à 11 heures, on m'a remis un deuxième tableau, et, encore
là, je ne suis pas satisfait. J'en ai bien le droit, comme ministre
responsable. Je ne suis pas seulement ministre, je suis responsable, en plus.
Ce deuxième rapport ne me satisfait pas. Il y a d'autres
mécanismes avec lesquels je peux travailler, mais je m'aperçois
que c'est moi-même qui vais être obligé d'y travailler. Je
vais préparer autre chose pour rendre justice à tout le monde
sans étatiser les compagnies privées. Ce sera la justice, au sein
du gouvernement, pour les gens de la rive nord et les gens des Cantons de
l'Est.
M. LOUBIER: Si je comprends bien, le ministre responsable prend ses
responsabilités et n'accepte pas les commentaires faits par les
responsables des différents tableaux.
M. TREMBLAY (Bourassa): Messieurs, je n'ai rien contre les journalistes,
ceux de la Presse, etc. Ils peuvent écrire, de gros titres en
première page. Seulement, ils ne se sont pas informés
auprès du ministre responsable, parce qu'il les aurait renseignés
autrement. Le ministre responsable veut rendre justice à toute la
population qui se sert des autoroutes et il leur aurait donné un autre
renseignement que celui-ci.
M. LAURIN: J'ai une question additionnelle, M. le Président.
Est-ce que le ministre, qui est plus responsable que ministre, pourrait nous
expliquer ce que vient faire l'entreprise privée là-dedans,
puisque l'Office des autoroutes est quand même un organisme
gouvernemental? Comment explique-t-il la référence qu'il a faite
à l'étatisation qu'il ne désire pas d'ailleurs
des entreprises privées?
M. TREMBLAY (Bourassa): Si le chapeau vous fait, vous pouvez le porter.
C'est seule-
ment une allusion que j'ai faite pour le chef de l'Opposition
officielle.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
L'hôpital Préville
M. SAMSON: M. le Président, j'adresserai ma question à
l'honorable ministre des Affaires sociales, concernant la question de
l'hôpital Préville. Est-ce que le ministre est en mesure, ce
matin, de nous faire le point sur la situation, à la suite de certaines
démarches qu'il a entreprises, je pense.
M. CASTONGUAY: J'ai eu un premier rapport verbal, hier soir. Il est
clair qu'avant de prendre des décisions, il me faudra un rapport
complet, écrit, d'autant plus que l'étude de certains aspects de
l'enquête n'est pas terminée.
Nous demandons, par exemple, au Collège des médecins de
faire enquête sur la qualité des actes médicaux qui sont
posés dans cet hôpital et je pense que c'est une donnée
importante. On a vu, dans le mémoire, certaines allusions à des
certificats de décès qui seraient signés avant que les
gens meurent. Il faudrait bien vérifier de quoi il retourne. Etant
donné que nous étudions présentement les lois des
professions, on sait que c'est le collège qui doit faire ces
contrôles. Toutefois, le rapport verbal que j'ai eu à la suite de
la visite de quatre médecins, de quatre infirmières et d'une
diététicienne indique que l'aspect dramatique de ce qui
était contenu dans le mémoire parait hautement
exagéré. Il y a des problèmes, c'est clair, mais cet
aspect paraît hautement exagéré.
Il y a eu de grandes améliorations, semble-t-il, au plan de la
propreté, de l'hygiène. Egalement, au plan de la
sécurité des incendies, d'autres améliorations ont
été apportées depuis que le certificat a été
émis. On a vérifié la question des portes qui sont
fermées de l'extérieur. Evidemment, si on ne fait état que
de portes fermées à clé de l'extérieur, la nuit,
cela peut sembler présenter un grand danger, mais il ne faut pas oublier
que nous avons là des personnes qui, si elles s'échappent,
peuvent présenter aussi d'autres dangers. Un plan d'évacuation a
été dressé et, en cas d'incendie il y a
évidemment, toujours, certains dangers; il n'est pas possible de les
réduire complètement à zéro il y a une
procédure pour que les portes soient ouvertes le plus rapidement
possible et pour que l'évacuation s'effectue.
Au plan des médicaments, il y a un contrôle qui a
été fait et qui se poursuit. Selon les premières
indications, il n'y a pas un usage abusif de médicaments, comme on
aurait pu l'imaginer dans ce type d'institution, comme possibilité.
Il y a un autre fait aussi. On a parlé de deux Esquimaux qui
étaient placés dans la cave. Il faut se comprendre. La cave
signifie le sous-sol, c'est-à-dire l'endroit où est la cuisine
qui est très propre d'ailleurs, je l'ai déjà
visitée; donc, je parle avec une certaine connaissance de cause
et également la cafétéria. C'est ce qu'on appelle la cave.
On disait, si j'ai bien lu certains articles des journaux, qu'il n'y avait
aucune toilette au sous-sol. C'est faux.
Le Dr Laberge me faisait remarquer qu'il y en avait deux. Il y a un trop
grand nombre de patients, de sorte que certains ont été
placés sur cet étage mais cela ne veut pas dire qu'ils sont dans
ce qu'on pourrait imaginer comme étant un genre de caveau noir. C'est un
peu l'image que laissait ressortir le document.
Enfin, le problème majeur, c'est celui d'un trop grand nombre de
patients et aussi d'une mauvaise sélection de certains patients. Ceci
ressort de façon très claire et c'était d'ailleurs une des
raisons pour laquelle, je l'ai mentionné l'autre jour ici en cette
Chambre, le permis n'avait pas été accordé. Ce sont les
données que l'on m'a transmises. L'enquête se poursuit et vous
pouvez être assurés que les décisions appropriées
seront prises dès que l'enquête sera terminée.
M. SAMSON: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait nous
dire, à sa connaissance, à quel moment a été faite
la dernière inspection générale de l'hôpital avant
que les représentants de la CSN s'y rendent? La deuxième partie
de ma question est: Est-ce que le ministre a pensé, étant
donné l'importance de la question, à inviter quelques
parlementaires, peut-être les membres de la commission des Affaires
sociales, à se rendre sur place visiter les lieux? Considérant
que les représentants de la CSN y sont allés, ont fait grand
état du résultat de leur visite, peut-être serait-il
intéressant que des membres de l'Assemblée nationale puissent
également visiter les lieux et peut-être même discuter avec
les personnes qui sont responsables?
M. CASTONGUAY: M. le Président, la dernière inspection
complète a été effectuée dans la première
partie de 1972; c'est à ce moment que nous avions envoyé une
longue lettre au propriétaire, donnant la liste des choses qui devaient
être corrigées. Par la suite, certaines visites de contrôle
ont été effectuées; je n'ai pas les dates en
mémoire, malheureusement.
Quant à votre deuxième question, je crois qu'il ne
m'appartient pas d'y répondre étant donné que nous avons
eu tout à fait récemment, et d'ailleurs le député
de Dorchester a assisté à cette rencontre, une séance du
comité directeur de la commission des affaires sociales et de la justice
qui étudie le projet de loi de la protection de la jeunesse.
Nous avons convenu de faire certaines visites dans des
établissements. Il s'est posé un certain nombre de questions de
principe par rapport à ces visites. Je crois qu'il ne m'appartient pas
de répondre à cette question, étant donné que,
présentement, les budgets de l'Assemblée nationale et le
fonctionnement tel que convenu dans nos règlements des commissions de
l'Assemblée nationale ne tiennent pas compte de cette
possibilité. Je peux vous dire que, si vous voulez, comme membre de
l'Assemblée nationale, vous rendre à l'hôpital
Préville et constater sur place, de même que certains de vos
collègues, rien ne vous en empêche. C'est un établissement
où vous avez le droit de pénétrer.
LE PRESIDENT: Dernière, s'il vous plaît.
M. SAMSON: Est-ce que le ministre, au niveau du ministère,
pourrait pallier ce problème en invitant lui-même un
représentant de chaque parti, soit avec le ministre ou avec quelqu'un du
ministère, à se rendre sur place, visiter les lieux,
officiellement?
M. CASTONGUAY: M. le Président, il y a une distinction
très claire, à mon sens, entre la section administrative du
gouvernement, qui est constituée du cabinet et des ministères, et
la section législative. En tant que députés, nous sommes
dans la section législative. Je crois que les gestes que nous posons en
tant que membres responsables d'un ministère, avec nos fonctionnaires,
constituent quelque chose d'autre. Vous pouvez nous interroger ou scruter ce
que nous faisons au moment de l'étude des crédits, au moment
où nous présentons notre législation. Mais je crois que ce
serait poser un autre précédent que d'associer des membres de
l'Opposition lorsque nous posons des gestes administratifs comme ministres
responsables d'un ministère.
M. LAURIN: Question additionnelle, M. le Président. Etant
donné que l'hôpital Préville fonctionne depuis longtemps
sans permis et que les faits qui font l'objet de l'enquête sont nombreux
et peut-être graves, est-ce que le ministre ne jugerait pas
approprié de mettre l'hôpital en tutelle aussi longtemps que
l'enquête ne sera pas terminée et que le ministère ne sera
pas prêt à prendre une décision?
M. CASTONGUAY: M. le Président, pour mettre l'hôpital en
tutelle, je dois me référer aux dispositions de la loi 65. Ces
dispositions sont assez explicites. Il doit y avoir des indications de mauvaise
administration ou même de fraude ou encore il doit y avoir des indices
très sérieux que la santé ou la sécurité des
personnes est réellement en danger.
Les rapports que nous avons indiquaient, comme je l'ai mentionné,
une situation qui n'était pas acceptable, mais je ne crois pas qu'elle
l'était à tel point que nous devions recourir à la
tutelle. A la suite du rapport que nous a envoyé la CSN, nous
vérifions de nouveau les faits d'une façon aussi sérieuse
que possible, comme je l'ai mentionné hier. Quatre médecins,
quatre infirmières, une diététicienne, de plus, un
pharmacien devaient s'y rendre; un inspecteur du ministère du Travail,
je crois, est retourné sur les lieux pour s'assurer que sur le plan de
la sécurité, tout est bien conforme aux normes du
ministère du Travail.
Alors, avant de poser un geste tel que la mise en tutelle qui, qu'on le
veuille ou non, constitue un jugement sévère quant à
l'administration d'un établissement, je dois attendre les rapports
complets.
M. LAURIN: Question additionnelle, M. le Président. Est-ce que le
ministre a demandé à ses enquêteurs, médecins,
infirmières ou pharmaciens, de questionner les malades sur la
façon dont ils ont été traités dans les mois ou
dans les années qui ont précédé? Car c'est
là une source de renseignement valable et qui doit être
ajoutée aux autres informations que l'on possède.
M. CASTONGUAY : La très grande majorité des patients sont
des personnes séniles, des déficients mentaux profonds. Il y a un
certain nombre de malades chroniques mais encore là, c'est assez
difficile de faire la distinction. Dans certains cas, ce sont des malades
chroniques physiques, mais également atteints d'une
détérioration assez marquée sur le plan des
facultés intellectuelles. Nous avons demandé au Dr Laberge de
faire une réévaluation de chacun des patients pour voir quels
sont ceux qui devraient être déplacés en priorité
étant donné qu'il y a un trop grand nombre de patients. Cela est
clair. Avant de commencer à questionner ces gens, je pense qu'il faut
les évaluer parce qu'on va entendre toutes sortes d'histoires.
LE PRESIDENT: Dernière question, s'il vous plaît.
M. LAURIN: Est-ce qu'on a fait aussi une enquête auprès du
personnel?
M. CASTONGUAY: Je ne sais ce que vous entendez par enquête.
M. LAURIN : Poser des questions. M. CASTONGUAY: Evidemment.
M. LOUBIER: Question additionnelle. Est-ce que le ministre a
nommé un représentant spécial de son ministère qui
va coordonner les données qui ont été recueillies, d'une
part, par les pharmaciens, les médecins, les infirmières et
d'autres?
Qui est responsable de cette coordination et qui est chargé de
faire la synthèse de ce rapport pour le présenter au
ministre?
M. CASTONGUAY: Le Dr Martin Laberge, directeur de l'agrément.
M. LOUBIER: Sur les lieux ou...
M. CASTONGUAY: Il était sur les lieux hier. Il y a des membres de
son équipe qui sont encore là aujourd'hui.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.
M. ROY (Beauce): Question additionnelle, M. le Président. Le
ministre, dans sa réponse tout à l'heure, a fait état de
mauvaise administration. Est-ce que le ministre pourrait nous dire si le
gouvernement accorde le même per dieu, autrement dit si le coût est
le même pour le gouvernement dans le cas des hôpitaux de ce genre
et dans le cas des hôpitaux publics qui sont sous la
responsabilité directe du gouvernement?
M. CASTONGUAY: M. le Président, si j'ai parlé de mauvaise
administration tantôt, il faut être bien précis. J'en ai
fait état, dans les dispositions de la loi 65, disant qu'il fallait
avoir des indications très sérieuses de mauvaise administration
avant de mettre un établissement en tutelle. Je n'ai pas accusé
le responsable de mauvaise administration. La question m'a été
posée l'autre jour quant au per diem que nous versons à cet
établissement et qui est de $10.71. Il est clair que dans des
hôpitaux qui sont administrés par une corporation sans but
lucratif nous payons dans un certain nombre de cas des per diem plus
élevés... Encore là, tout dépend de la
catégorie des patients. Il y a aussi un autre point, c'est que
jusqu'à maintenant il a toujours été impossible d'avoir
les états financiers des établissements privés. Il est
donc assez difficile de dire si ces établissements n'avaient pas des
fonds suffisants ou en avaient suffisamment. Avec la loi 65, pour la
première fois cette année, nous allons obtenir les états
financiers des établissements privés et nous serons en mesure de
voir si vraiment ils font un profit raisonnable, s'ils font un profit
exagéré ou si, comme certains le prétendent, nous sommes
en train de les forcer à fermer leurs portes.
Les per diem ont donc été négociés et compte
tenu de la nature des services rendus dans ces établissements, il y en a
toute une gamme. J'ai donné celui qui s'applique à cet
établissement l'autre jour.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
Nouvelle politique sur les COFI
M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre de l'Immigration. Est-il
exact que le ministère a adopté une nouvelle politique qui limite
à 300 le nombre d'immigrants inscrits aux COFI et à 24 le nombre
de classes, ce qui entrafnerait le démembrement du COFI de
Laprairie?
M. BIENVENUE: Le député pourrait-il recommencer sa
question? J'ai manqué le début.
M. LAURIN: D'accord. Est-il exact que le ministère de
l'Immigration entend adopter une nouvelle politique en ce qui concerne les COFI
politique qui limiterait à 300 le nombre des immigrants inscrits et le
nombre de classes à 24, ce qui entrafnerait le démembrement du
COFI de Laprairie?
Deuxièmement, est-ce que le ministère entend, comme le lui
recommande la Fédération des enseignants, doubler la
période d'apprentissage de la langue française?
Troisièmement, est-ce que le ministre entend adopter une
politique pour assurer la sécurité d'emploi aux enseignants du
COFI, comme le recommande la commission Gendron?
M. BIENVENUE: Il est exact, M. le Président, que le
ministère que je dirige a décidé de réduire le
nombre de classes accordées au COFI de Laprairie afin de
transférer ces classes à d'autres COFI, notre politique
étant qu'un nombre plus rationnel, un nombre idéal de 20 à
24 classes par COFI est plus propice à un meilleur enseignement et
à l'intégration des immigrants.
D'ailleurs, les gens du syndicat auquel fait allusion le
député de Bourget sont d'accord sur les objectifs de cette
politique nouvelle de mon ministère qui favorisera davantage l'immersion
des immigrants dans des milieux plus propices et moins
éloignés.
Pour ce qui est de la seconde question du député de
Bourget, au sujet de la possibilité de doubler le nombre de classes de
français...
M. LAURIN: La durée d'apprentissage du français.
M. BIENVENUE: ... la durée d'apprentissage du français, le
ministère que je dirige a pensé à cette politique bien
avant la parution du rapport Gendron, c'est-à-dire au cours de
l'été dernier. Mon sous-ministre de l'époque avait,
à cette fin, eu des rencontres avec les autorités
fédérales, rencontres qui seront suivies d'autres. Mais les
difficultés proviennent, vous le comprendrez, de ce que les fonds qui
servent à dispenser des cours dans ces COFI, à payer les
professeurs et les immigrants viennent à 100 p.c. du
fédéral. En vertu du vieux principe "No taxation without
representation", le fédéral a un mot à dire. Je crois au
dialogue et je veux continuer ces négociations, dans l'espoir que nous
arrivions, un jour, à augmenter la durée des cours de
français par rapport à ce qu'ils sont aujourd'hui.
Quant à la troisième question, nous ne pouvons pas, dans
le contexte actuel, assurer la sécurité d'emploi aux professeurs
qui dispensent ces cours dans les COFI parce que nous n'avons absolument aucun
lien d'ordre juridique avec eux. Nous accordons ces contrats à des COFI
sur une base annuelle. Les institutions que l'on reconnaît comme COFI
sont des sous-traitants avec qui nous renouvelons nos
contrats, une fois par année. Le député comprendra
que cette situation découle directement du fait que nous ignorons,
autant que le fédéral d'ailleurs, quel sera le nombre
d'immigrants qui viendront à Montréal ou dans le Québec,
d'une année à l'autre. Nous ne pouvons assumer le risque de nous
lier par contrats à l'avance avec ces enseignants ou leur syndicat, sans
connaître le nombre de cours qui seront dispensés et qui peuvent
varier de six mois en six mois.
M. LAURIN: Une question additionnelle, M. le Président. Est-ce
que le ministre, qui nous l'avait promis, entend rencontrer bientôt les
parties intéressées pour discuter de ce problème de la
sécurité d'emploi? Et, s'il ne peut pas lui-même assurer la
sécurité d'emploi, est-ce qu'il a d'autres solutions à
proposer aux organismes plus habilités, afin d'assurer cette
sécurité d'emploi?
M. BIENVENUE: J'ai rencontré, via les officiers de mon
ministère, à deux reprises les membres des syndicats en question.
Mes hauts fonctionnaires devaient avoir avec eux une autre rencontre, cette
semaine. Mais les représentants de ces syndicats ont
décidé de poursuivre le dialogue par la voie des journaux. C'est
une méthode qui ne me convient pas.
Chacun a ses goûts, évidemment, sa façon de voir les
choses. Je crains fort que, loin d'aider la poursuite de nos rencontres, cela
ne nuise considérablement. J'aime beaucoup mieux discuter directement
avec mon interlocuteur et de nombreuses raisons me justifient.
Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas, je l'ai dit, les pouvoirs
d'accorder ou de favoriser cette sécurité d'emploi. Les seules
personnes ou organismes qui peuvent le faire sont les COFI, les institutions
avec qui nous traitons et avec qui nous avons des relations contractuelles. Ou,
alors je n'émets pas d'opinion, je pense tout haut
possiblement, le ministère du Travail ou celui de l'Education, mais
qu'on ne prenne pas cette dernière assertion comme une suggestion de ma
part.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, question
additionnelle. Est-ce que le ministre pourrait nous dire de quel budget dispose
son ministère en vertu des ententes du gouvernement central en ce qui
concerne les COFI? Le ministère de l'Education du Québec ne
pourrait-il pas distraire une partie de son important budget et le mettre
à la disposition du ministre de l'Immigration pour faire fonctionner ces
COFI sans qu'il y ait interférence du gouvernement central?
M. BIENVENUE: Pour ce qui est du montant que nous recevons du
gouvernement central, les subventions sont de l'ordre de $3 millions et je ne
sais combien de $100,000. Quant à la deuxième partie de la
question du député de Chicoutimi, à savoir si le
ministère de l'Education du Québec ne pourrait pas distraire, de
son important budget, les fonds nécessaires, j'aimerais mieux qu'il
dirige sa question à mon collègue, le ministre de
l'Education.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre de l'Immigration ne
pourrait pas la diriger lui-même et discuter avec son collègue de
l'Education pour régler ce point litigieux?
M. BIENVENUE: Je peux toujours le faire, mais je dirai au
député de Chicoutimi que je suis en train d'arracher à mon
collègue de l'Education des sommes assez substantielles pour d'autres
fins qui sont toujours bonnes et favorisent l'intégration des
immigrants. Pour le moment, je veux être sobre et raisonnable dans mes
demandes.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.
Problème à l'USECO
M. PAUL: M. le Président, je voudrais poser une question au
ministre de la Justice. Est-ce que le ministre de la Justice peut nous informer
des critères qu'il a l'intention de choisir ou d'arrêter pour
définir la ligne d'autorité qui doit prévaloir au sein de
l'USECO? Deuxièmement, jusqu'où iront les consultations que le
ministre entend poursuivre avant de prendre une décision finale
concernant le problème interne qui existe à l'USECO?
Troisièmement, envisage-t-il de rencontrer personnellement les
enquêteurs de l'USECO? Enfin, si les démarches du ministre de la
Justice ne s'avéraient pas fructueuses, est-il de son intention de faire
appel aux qualités exceptionnelles d'excellent médiateur que
possède son collègue, le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, pour déchiffrer ce problème comme il a
réussi à le faire à l'occasion de la grève de
l'Hydro-Québec?
M. CHOQUETTE: M. le Président, non, pour le moment, je n'entends
pas faire appel aux qualités exceptionnelles de mon collègue et
ami, le ministre du Travail, parce que je ne pense pas que son intervention
soit requise dans les problèmes dont le député de
Maskinongé à traité dans sa question.
J'ai l'intention de poursuivre des consultations, comme je l'ai dit
hier, avec les principaux intéressés. Quelle sera
l'étendue de ces consultations? C'est encore une matière sur
laquelle je ne suis pas prêt à m'engager publiquement à
l'heure actuelle. Je suis déjà passablement familier avec la
situation qui prévaut à l'intérieur de l'unité
spéciale d'enquête sur le crime organisé. Par
conséquent, il se peut que certaines personnes ne soient pas
consultées directement par moi, mais cela ne signifie pas que je fais
abstraction, que j'ignore leur point de vue que je connais, par ailleurs, et
qui m'a été présenté par d'autres personnes.
Je ne peux pas non plus dire au député de
Maskinongé quels seront les critères dont je m'inspirerai dans
les réformes que j'apporterai à l'intérieur de
l'unité pour faire en sorte qu'elle donne son plein rendement. Je crois
que, pour le moment, il serait prématuré d'exprimer des
critères. Je pense qu'il ne sert à rien que je définisse
immédiatement ces critères d'autorité. C'est à la
suite des consultations que je serai en mesure d'arrêter des
décisions qui permettront que l'enquête donne tout le rendement
que j'en attends.
Je ne voudrais pas opposé une fin de non-recevoir absolue
à toutes les questions très intéressantes posées
par le député de Maskinongé. Mais il comprendra, comme les
autres députés, qu'il s'agit ici d'une question d'administration
interne, d'une question qui ne mérite pas nécessairement
d'être débattue sur la place publique. Et d'ailleurs, je regrette
que ces matières paraissent dans les journaux parce que s'il y a des
problèmes qui existent, je le reconnais, ces problèmes peuvent
être dirigés normalement vers les autorités
compétentes pour être résolus et ne méritent pas
nécessairement de faire l'objet de débat public. D'autant plus
que nous savons que les adversaires de l'enquête peuvent profiter
justement de ces problèmes pour essayer de l'arrêter. Je pense
que, actuellement, l'enquête a déjà prouvé qu'elle
mérite d'être instituée. Elle a le support, à mon
sens, de la grande majorité de la population et je ne me laisserai pas
arrêter ou abattre par des problèmes d'administration, des
problèmes de régie, des problèmes de gestion interne.
Si j'avais un souhait à exprimer, ce serait qu'on laisse le
ministère de la Justice, avec les directeurs des corps policiers
intéressés et les autorités de l'unité, comme
d'ailleurs le personnel de l'unité, régler les problèmes
de façon que l'enquête ne soit pas, en somme, ternie d'une
certaine façon par des questions qui se situent au niveau
administratif.
M. PAUL: Une question additionnelle. Est-ce que le ministre peut nous
dire si, oui ou non, il a reçu jusqu'à maintenant des
démissions de certains membres de l'unité, et, en second lieu, si
la remise des séances du comité d'enquête était
motivée ou justifiée par ce qui semble exister actuellement au
sein de l'unité entre, d'une part, le personnel enquêteur et,
d'autre part, ceux qui ont la responsabilité de diriger cette
enquête sur le crime organisé?
M. CHOQUETTE: Pas du tout. L'ajournement des séances n'a eu aucun
rapport avec les problèmes qui ont été soulevés
hier. L'ajournement était prévu et faisait partie du calendrier
qui avait été arrêté par la Commission de police
avec les avocats qui représentent l'unité spéciale devant
ladite commission.
On sait qu'après avoir fait entendre un certain nombre de
témoins, il était nécessaire, pour les personnes qui
composent l'unité, d'examiner la preuve qui avait été
recueillie pour reprendre l'enquête à la date fixée. Je
pense que c'est le 23 mars, si je ne m'abuse. Je pense que les séances
reprendront à la date qui a déjà été
fixée. Le député de Maskinongé ne devrait donc voir
aucune relation entre ces problèmes dont il a fait état et
l'ajournement des séances.
Quant à la première question du député, je
ne me souviens plus précisément...
M. PAUL: Le ministre a-t-il reçu des démissions de la part
de...
M. CHOQUETTE: Non. Je n'ai pas reçu, M. le Président, de
démission d'aucun membre de l'unité à l'heure actuelle. Je
ne pense pas que j'en recevrai. Je crois pouvoir apporter les correctifs voulus
pour faire en sorte que l'unité fonctionne dans l'harmonie. Je pense
surtout, M. le Président, que les policiers et les autres personnes qui
composent cette unité vont mettre leur sens du devoir au-dessus de
certains problèmes très limités et très
particuliers qui peuvent survenir lorsqu'un groupe d'hommes est réuni,
comme cela, dans une toute nouvelle chose qui est une enquête sur le
crime organisé.
LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
Tournée Informa-tour
M. BELAND: Ma question s'adresserait à l'honorable ministre des
Affaires municipales ou au vice-premier ministre. A l'occasion de la
tournée Informa-tour, est-ce que le gouvernement a l'intention de faire
connaître les activités de la Société d'habitation
du Québec ou d'annoncer de nouvelles politiques d'habitation au
Québec?
M. GOLDBLOOM: Je pense, M. le Président, qu'il serait
prématuré pour moi de parler de nouvelles politiques de la
Société d'habitation. Des examens doivent se faire prochainement.
Le président de la société a été en dehors
de la province pour quelques jours et vient de revenir. Je dois le rencontrer
incessemment et j'ai certainement l'intention d'examiner avec lui non seulement
la politique québécoise en matière d'habitation, mais
également les relations fédérales-provinciales dans ce
domaine important.
M. BELAND : Une question supplémentaire, M. le Président.
Est-ce que, dans ce cas, vous avez l'intention de renseigner la population sur
les activités présentes de la Société d'habitation
du Québec?
M. GOLDBLOOM: Certainement, M. le Président. C'est une politique
que je voudrais poursuivre dans tous les domaines. S'il y a eu des
renseignements qui ont été fournis par le
passé et si la population trouve qu'ils n'ont pas
été suffisants, nous verrons à les augmenter.
LE PRESIDENT (M. Lavoie): L'honorable député de
Lafontaine.
Rapport Hanigan
M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des
Affaires municipales. Est-ce que le ministre peut répondre? Est-il
exact, concernant le rapport Hanigan, faisant suite à la commission
d'étude Hanigan sur la Communauté urbaine de Montréal et
touchant l'aménagement du territoire, l'urbanisme, le transport, etc.,
que le ministre ne veut pas déposer ce rapport avant le mois de mai? Si
c'est exact, pour quelle raison est-ce, étant donné la relation
qu'il y a exactement entre ce rapport et le projet de loi sur
l'aménagment du territoire du Québec? Troisièmement,
est-ce que le ministre actuel prend à son compte le projet de loi
déposé par le ministre des Affaires municipales qu'il l'a
précédé sur l'aménagement du territoire et de
l'urbanisme?
M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement, je
voudrais simplement, afin que ce soit bien clair, qu'on ne se
réfère pas à un projet de loi, mais plutôt à
un avant-projet.
M. LEGER: D'accord, entendez avant-projet dans ma question.
M. GOLDBLOOM: Il est vrai, M. le Président, que le rapport du
comité d'étude sur la communauté urbaine de
Montréal sera déposé avant la fin du mois de mai. Ce
rapport était attendu à la fin de décembre, mais un
prolongement du mandat a été accordé. Même avec ce
prolongement, il faut dire que l'on trouve difficilement un exemple comparable
d'une étude de cette envergure accomplie en si peu de temps et le
délai nous a semblé tout à fait justifié. Les
rapports des sous-comités doivent parvenir au comité central au
cours de ce mois-ci. La compilation et la rédaction du rapport
définitif se feront alors et c'est à la fin de mai qu'il sera
déposé.
Quant à notre intention de publier ce rapport, j'ai
déjà dit qu'il sera publié immédiatement. Je
prendrai tout simplement le temps d'en prendre connaissance, ce qui me semble
raisonnable, et je le rendrai public de façon à permettre un
débat à son sujet.
Quant à sa relation avec l'avant-projet de loi,
c'est-à-dire le document de travail déposé sur la
planification urbaine et l'aménagement du territoire, elle est
évidemment importante, mais il y a également une relation avec la
loi constitutive de la communauté urbaine qui exige, comme le
député le sait, le dépôt, en 1973, d'un plan
d'aménagement du territoire. Je fais certainement mien l'avant-projet,
comme document de travail, comme matière à discussion. De
façon provisoire, nous visons le 22 mars comme première
journée d'audiences publiques sur le sujet.
LE PRESIDENT: Deux courtes réponses. L'honorable ministre des
Affaires municipales, sur sa lancée, pourrait terminer par une
réponse.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, hier, le député de
Lotbinière m'a posé une question sur le dépôt des
rapports annuels de la Société d'habitation du Québec. Je
suis en mesure de l'informer que le rapport 1970-1971 ira à l'imprimeur
au début de la semaine prochaine. Il y a eu des délais à
cause de changements administratifs à l'intérieur de l'organisme.
Un texte dactylographié pourra être mis à la disposition
des députés dès mardi prochain, si on le désire.
Dès que le texte reviendra de chez l'imprimeur, il sera distribué
aux députés en Chambre. Le rapport 1971-1972 suivra
aussitôt que possible.
LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail.
Embauche des travailleurs pour la baie James
M. COURNOYER: Je voudrais répondre à la question du
député de Rouyn-Noranda, hier. Je remarque qu'il n'est pas ici
pour entendre la réponse, mais son collègue lui transmettra sans
doute l'expression de mes meilleurs sentiments.
M. ROY (Beauce): Le député de Rouyn-Noranda sera ici dans
quelques secondes.
M. COURNOYER: Je voudrais faire l'exposé, en pourcentage
cumulatif, des employés qui travaillent à la baie James par
rapport aux employés de la région de l'Abitibi. En provenance du
Centre de main-d'oeuvre de Rimouski, seulement 5.10 p.c; de Chicoutimi, 5 p.c;
de Québec, 2.69 p.c; de Trois-Rivières, 3.84 p.c; de Sherbrooke,
1.92 p.c; de Montréal, 28.62 p.c; de Hull, 2.02 p.c; de Rouyn, 40.35
p.c; de Sept-Iles, 0.38 p.c; de l'extérieur du Québec, 0.09 p.c;
de Fort George, 1.92 p.c; de Chibougamau, 8.07 p.c.
La promesse que nous avions faite ici que les gens de la région
immédiate aurait préférence est, à mon sens,
totalement respectée. Quant à la conduite des gens, lors de leur
assemblée à Rouyn la semaine dernière ou cette semaine,
dites-vous bien que je ne suis pas très heureux, lorsque les officiers
de mon ministère prennent la peine d'aller à une
assemblée, qu'ils soient insultés et qu'on déchire les
formules qui nous permettraient peut-être d'aider davantage les gens de
la région. Je n'aime pas ça et je pense que personne n'aimera que
des fonctionnaires du ministère soient maltraités lors
d'assemblées publiques. En conséquence, je n'ai pas l'inten-
tion de participer ou de laisser participer mes fonctionnaires à
quelque assemblée publique que ce soit, à moins qu'on ne me donne
des assurances qu'ils ne seront pas aussi maltraités qu'ils l'ont
été la dernière fois.
M. AUDET: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une
question?
LE PRESIDENT; Question additionnelle.
M. AUDET: Les rapports que vous venez de donner sont-ils récents
ou s'ils font suite à une demande de priorité dans le choix des
travailleurs du Nord-Ouest? Est-ce que ces rapports résultent de
l'activité récente qui prône cette priorité ou s'il
y a longtemps que ce rapport est connu?
M. COURNOYER: C'est cumulatif au 31 octobre 1972. On sait, vous et moi,
que, depuis ce temps, il n'y a pas tellement de grandes activités qui
ont eu lieu au point de vue de l'emploi sur le chantier. Ce sont les
employés au 31 octobre. Ce sont des montants cumulatifs pour
l'année 1972 et c'est tout ce que j'ai. Quant à l'état
actuel des choses, il y aurait, sur le chantier, actuellement, 4,880 personnes
qui y travaillent, dont 1,944 sont des employés de l'Hydro-Québec
qui sont sujets à rappel en vertu des conventions collectives de
l'Hydro-Québec et qui ne sauraient entrer dans le système de la
préférence qu'on peut donner à l'occasion de ce projet,
des employés permanents de l'Hydro-Québec.
Il en reste donc 2936 dont 948 sont des gens du Nord-Ouest. Neuf cent
quarante-huit, donc le tiers. Les chiffres que je vous ai donnés
tantôt étaient cumulatifs au mois de novembre il y a eu des mises
à pied depuis ce temps-là. Mais on recommencera l'emploi
bientôt, vu le printemps qui est à nos portes. Il est possible que
nous continuions, et normalement, nous allons continuer ce que nous avons dit,
mais si les gens ne veulent pas remplir les formules, les brûlent et
disent qu'ils vont venir régler ça au Parlement, j'ai bien des
nouvelles pour eux, c'est là-bas que ça se règle, non pas
ici.
LE PRESIDENT: Dernière question.
M. AUDET: Est-ce que ce rapport, qui est très intéressant
pour les gens de ma région, a été donné auparavant?
Est-ce la première fois qu'il est rendu public?
M. COURNOYER: Je le rends public pour la première fois, puisque
hier, le charmant député de Rouyn m'a posé la question et
j'ai pris sur moi de lui répondre le plus rapidement possible. Je le
fais ce matin.
LE PRESIDENT: Affaires du jour.
Motion de censure de M. Fabien Roy
Avant de procéder à la motion privilégiée de
censure du Ralliement créditiste, je demanderais aux leaders, si on peut
convenir du même partage de temps que nous avons effectué la
semaine dernière, ce partage étant de 40 minutes, comprenant le
premier discours et le droit de réplique du député de
Beauce qui a inscrit la motion. Donc 40 minutes en tout. Quinze minutes
à l'Union Nationale, 15 minutes au Parti québécois et une
enveloppe de 45 minutes du côté ministériel, se terminant
par la réplique du député qui a inscrit la motion, et
enfin, le vote.
M. LEVESQUE: Cinq minutes, M. le Président? Comme la
dernière fois, était-ce cinq minutes?
LE PRESIDENT: Ce serait trente et dix.
M. ROY (Beauce): J'ai demandé trente et dix. Cela revient au
même, c'est 40 minutes de toute façon.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.
M. Fabien Roy M. ROY (Beauce): M. le Président...
LE PRESIDENT: J'inviterais les députés à prendre
leur place et à garder le silence. A l'ordre! Messieurs! Prenez vos
sièges, s'il vous plaît!
M. ROY (Beauce):... nous avons inscrit une motion de censure à
l'endroit du gouvernement à ce stade-ci de nos travaux parlementaires,
parce que nous avons cru qu'il était de notre devoir et de notre
responsabilité de soumettre à l'attention du gouvernement et
à l'attention des membres de cette Chambre certains faits, certaines
situations qui prévalent à l'heure actuelle au Québec
à l'endroit de catégories de personnes qui auraient
peut-être, non seulement peut-être, mais qui auraient le plus
besoin d'écoute et de compréhension de la part du gouvernement et
de tous les membres de l'Assemblée nationale.
Je vais donc tenter, au cours des prochaines minutes mises à ma
disposition, de me faire le porte-parole d'un fort pourcentage de notre
population au Québec qui, à l'heure actuelle, connaît des
problèmes énormes, épouvantables, je dis bien le mot
épouvantable, causés par une réglementation, par une
certaine législation, et surtout, par certains moyens d'application de
cette réglementation qui constitue une discrimination, des abus
conduisant 10 p.c. à 12 p.c. de notre population
québécoise au rôle d'éternelles victimes de notre
système économico-politique, compte tenu du fait qu'on les place
dans une situation sur le plan social qu'on peut considérer comme
inhumaine dans une économie que nous pourrions organiser de façon
à leur donner beaucoup mieux.
Je dis que, de par la motion dont je fais la lecture ici pour le journal
des Débats, cette assemblée est d'avis que le gouvernement doit
être blâmé, 1 ) pour avoir mal évalué la
situation dans laquelle se trouvent les personnes défavorisées;
2) pour avoir instauré des mesures restrictives et coercitives, ne
tenant pas compte de la réalité en maintenant des politiques mal
conçues, favorisant la persécution sociale d'une part et le
gaspillage et la fraude, d'autre part.
Troisièmement, pour avoir négligé d'adopter des
mesures pour y mettre un terme par l'établissement d'une vraie politique
de sécurité sociale qui respecterait la dignité humaine.
Or, M. le Président, ces trois points, ces trois grandes
considérations font en sorte que nous avons à l'heure actuelle
comme conséquence, premièrement, des politiques qui favorisent la
dépossession des pauvres; deuxièmement, la persécution
sociale, parce qu'il y a des gens qui, à l'heure actuelle, subissent un
régime de terreur, je dis bien un régime de terreur; l'obligation
de mentir et frauder le gouvernement pour pouvoir vivre et manger dans la
province de Québec en 1973; quatrièmement, on ouvre les portes
à l'abus sous toutes ses formes; cinquièmement, on favorise le
gaspillage et, sixièmement, on tente d'établir la pauvreté
en permanence pour un certain groupe de personnes, surtout pour que ce nombre
de personnes augmente de plus en plus.
Or, M. le Président, pour illustrer ces faits, je me permettrai
de citer à l'attention du gouvernement certains cas particuliers. Je
vais taire les noms pour respecter la dignité de ces personnes mais je
pourrais dire les noms, les numéros de dossier, et je veux assurer tout
de suite le gouvernement et les membres de cette Assemblée que ces
dossiers ne sont pas de mon comté. J'ai vérifié dans
toutes les régions du Québec, y compris le grand Montréal
métropolitain, et j'ai retrouvé la même situation parce que
ces dossiers ou ces cas illustrent des situations qui découlent de la
réglementation qui est appliquée dans toute la province de
Québec.
La dépossession des pauvres. Certaines personnes ont des petites
propriétés autres qu'une résidence. Nous voyons cela dans
les milieux ruraux surtout parce que la propriété privée
est beaucoup plus accessible que dans les grands milieux urbains. Certaines
personnes ont des petites propriétés ayant peu de valeur. Je
songe par exemple à un lot boisé qui a été
accordé il y a quelques années, à une priorité
additionnelle, à un emplacement, à différents petits lots
d'appoint que des personnes peuvent avoir. Le gouvernement, dans le cas d'une
deuxième propriété, ne fait aucune différence avec
une personne qui aurait une maison à logement qui pourrait valoir
$20,000, $25,000 ou $50,000. On s'attaque donc à la petite
propriété.
Après avoir fait beaucoup de recherches, après avoir
insisté beaucoup pour connaître les règlements de
l'application de la Loi de l'aide sociale, j'ai constaté qu'il est
impossible pour les membres de l'Assemblée nationale de connaître
cette réglementation. Elle n'est pas publiée dans la Gazette
officielle, le gouvernement ne l'a pas publiée non plus dans les
documents qu'il nous a remis. C'est confidentiel et réservé aux
agents de sécurité sociale. C'est donc impossible pour nous de
savoir quoi que se soit.
M. le Président, j'ai fini quand même par découvrir
le cas d'une veuve, avec quatre enfants, qui avait une petite
propriété qu'elle ne pouvait pas vendre parce qu'elle n'avait pas
de valeur marchande. Je pourrais donner le nom au ministre et je tiens à
dire que ce n'est pas dans mon comté, c'est en ville. On lui a donc
refusé l'aide sociale pendant un certain nombre de mois. Elle a dû
vivre de la charité publique, de personnes qui ont quêté
pour elle. On lui a fait parvenir cette lettre que je lis à l'intention
du ministre et à l'intention du gouvernement: A compter du premier
janvier 1972, nous devons suspendre toute forme d'aide sociale et cela de la
décision du bureau régional.
Remarquez bien, M. le Président. Pour ce qui est de votre
propriété, vous devrez contacter un agent d'immeuble. Vous ferez
mettre votre propriété en vente et cela pour les deux tiers de sa
valeur.
La dépossession des pauvres et la persécution des pauvres.
On oblige ces personnes par une réglementation, à vendre leur
propriété aux deux tiers de la valeur. J'aimerais que le
ministère des Affaires sociales ou le gouvernement puisse mener une
enquête pour savoir qui les achète ces propriétés.
Comment se fait-il qu'ils apprennent à un moment donné que telle
propriété peut être à vendre? Dans quelle
région? De quelle façon procède-t-on? Ce serait
probablement intéressant.
Dans un autre cas, qui encore n'est pas dans mon comté, une veuve
depuis 19 ans, qui avait élevé de peine et de misère sa
famille de 8 enfants, on l'a obligée à vendre sa
propriété parce que, du fait qu'elle était
propriétaire, elle n'avait droit qu'à un très petit
montant.
Elle avait droit à $89 par mois, alors que si elle avait
été locataire, elle aurait eu droit à $23 de plus. On
accorde $10 par mois pour l'entretien d'une propriété en 1972 et
en 1973. On a donc privé cette personne de ses allocations sociales
parce qu'elle avait décidé de se départir de sa
propriété et de la vendre pour les dettes qu'elle avait
contractées envers ses enfants qui, eux aussi, avaient la charge d'une
famille. Elle a été privée pendant onze mois de ses
allocations sociales parce qu'elle avait vendu sa propriété
à ses enfants pour pouvoir y demeurer un peu quand même par la
suite, pour être en mesure de vivre, quitte à payer un certain
loyer.
M. le Président, cette façon de procéder du
ministère des Affaires sociales est inhumaine. C'est une honte. Je dis,
M. le Président, que c'en est presque gênant de vivre dans la
province de Québec.
M. le Président, j'ai parlé tout à l'heure de
persécution sociale. Au niveau de la persécution
sociale, c'est la même chose. Je suis d'accord qu'il y a des cas
de fraude et que le gouvernement doit sévir, mais de là à
envoyer des états de compte, comme le fait le ministère des
Affaires sociales, à tout le monde, pour toutes sortes de raisons, il y
a quand même une marge. Je suis en train de me demander si l'intelligence
et le jugement sont des choses qui peuvent être utiles au
ministère des Affaires sociales. Je suis en train de me demander si cela
est nécessaire. Je pense que c'est un critère, à l'heure
actuelle, peut-être, pour l'engagement de certaines personnes. Je ne m'en
prends pas aux agents de sécurité sociale, qui subissent et qui
sont obligés d'appliquer ces politiques. Je parle du ministère,
pas des bureaux locaux.
M. le Président, je vais donner quelques exemples de
persécution sociale et du régime de terreur qui est en train de
s'établir au Québec. On envoie à une personne une
réclamation de $155 puis on traîne la réclamation. On en
envoie à une autre personne une de $105, à une autre une de $157.
Tout cela pour des erreurs qui ont été commises par les agents de
sécurité sociale, pour de petites différences dans
l'évaluation des revenus alors que bien des revenus sont
organisés de façon fictive. A une autre, on envoie une
réclamation de $323, à une autre, une réclamation de $76.
On ne peut pas dire que ce sont des gens qui ont fraudé. M. le
Président, je pourrais citer des centaines de cas identiques. Ces
personnes à qui on demande de rembourser le gouvernement n'ont comme
seul revenu que l'allocation de l'aide sociale. Elles n'ont pas autre chose et
elles n'en ont pas suffisamment pour vivre dans des conditions logiques et dans
des conditions normales. C'est la situation dans laquelle on place ces
personnes. Pour sauver le régime, pour sauver "l'establishment" ou
tâcher de camoufler un peu le déficit du gouvernement, on envoie
des comptes aux assistés sociaux, aux pauvres, aux
défavorisés et ceci figure dans les comptes recevables du bilan
de l'Etat. Cela paraît bien, cela sauve la face. C'est comme ça
que ça se passe et c'est comme ça qu'on va, à l'heure
actuelle, dans le Québec.
J'ai dit, M. le Président, que d'un autre côté on
obligeait ces personnes à mentir et à frauder pour vivre.
J'aimerais que le ministre des Affaires sociales me dise comment un couple
résidant à cinq milles du village, dans une petite maison, peut
vivre, faire face à ses obligations avec $114 par mois. J'aimerais que
le ministre me le dise. J'aimerais que le ministre me dise comment le
député d'un comté doit agir lorsqu'il doit recevoir
à son bureau des personnes qui sont obligées de payer leurs taxes
parce qu'elles sont poursuivies devant les tribunaux pour arrérages de
taxes. J'aimerais que le ministre nous réponde là-dessus.
J'aimerais que le ministre nous dise également comment d'autres
couples, dont l'homme et la femme sont tous les deux sous les soins de
médecins, tous les deux obligés de voyager à
l'hôpital régulièrement, presque à chaque semaine,
peuvent vivre dans la province de Québec, entretenir une automobile ou
encore payer des taxis avec $125 par mois pour deux personnes? J'ai lu ce
matin, la déclaration parue dans le journal Le Devoir de
Montréal, rapportant que les églises canadiennes s'adressaient
à M. Sharp, disant que le Canada contribue à élargir le
fossé entre riches et pauvres. C'est vrai. Le ministre Marc Lalonde
disait, hier, dans les journaux, qu'il y a des provinces, à l'heure
actuelle, où c'est vraiment honteux la façon dont les politiques
sociales sont établies.
M. le Président, sur un autre point, j'ai dit, tout à
l'heure, qu'on ouvrait la porte à la fraude.
Selon la réglementation établie par le ministère
des Affaires sociales, à l'heure actuelle, il y a quatre critères
de base pour être admissible à la Loi de l'aide sociale. Il n'est
pas question de veuves, de mères nécessiteuses, d'aveugles,
d'invalides, de personnes âgées, non. Cela ne compte pas. Quatre
critères. Il faut être sans travail, sans argent, sans actifs et
se déclarer dans le besoin. C'est comme ça qu'on est admissible
à la Loi de l'aide sociale au Québec.
Ceci fait en sorte qu'une personne ayant gagné $8,000 en huit
mois, dans une année, peut s'adresser au bureau de l'aide sociale et
aller retirer de l'aide sociale pendant les quatre autres mois si elle ne
retire pas d'assurance-chômage, se faire acheter des meubles et
bénéficier des traitements spéciaux, parce que c'est la
première fois qu'elle en fait la demande.
M. le Président, nous voyons énormément d'abus,
énormément de gaspillage. On est obligé de priver d'autres
personnes pour donner à ces gens qui essaieront toujours de vivre aux
dépens des autres et au crochet de la société.
Je cite cet exemple à l'attention du ministre qui pourra
vérifier cela dans les règlements de l'aide sociale. Je sais que
le ministre ne pourra pas dire que ce n'est pas vrai. Je ne veux pas parler en
son nom. Il aura certainement, tout à l'heure, quelque chose à
ajouter sur ce sujet.
M. le Président, en plus d'obliger des personnes à mentir
et à frauder pour vivre au Québec, en plus d'ouvrir les portes
aux abus de toutes sortes, le gouvernement favorise le gaspillage des deniers
publics et je vais en citer quelques exemples.
Nous savons que la Loi de l'aide sociale, qui a été
votée en 1969 par l'ancien gouvernement et qu'on a voulue unique,
contribue à camoufler ou à cacher certains problèmes
économiques que certaines régions et certaines catégories
de la population avaient à vivre. Nous savons que, dans les milieux
ruraux, compte tenu du remue-ménage qui se fait en agriculture, des
politiques centralisatrices et autres, plusieurs cultivateurs marginaux ont
dû avoir recours à l'aide sociale pendant plusieurs mois.
Justement, parce qu'ils avaient des actifs, on les a
départis de leurs actifs, on les a obligés à
vendre. Ils sont devenus des assistés sociaux permanents, sans aucune
possibilité de recyclage, compte tenu que ce sont des personnes de 50,
55, 56 ans, non admissibles aux cours, non admissibles aux autres lois
adoptées tant par le gouvernement fédéral que par le
gouvernement provincial pour permettre à certaines personnes de se
placer ailleurs, de gagner leur vie et d'être un actif dans la
société.
Je suis obligé de citer des exemples pour prouver au gouvernement
les conséquences de sa législation et de sa réglementation
de l'aide sociale. A l'article "bois et chauffage", on sait de quelle
façon, dans les milieux ruraux, on procède sur cet article. Il
faut que ceux qui sont bénéficiaires de la Loi de l'aide sociale
achètent leur bois chaque mois. Il faut qu'ils le paient chaque mois
parce qu'on ne permet pas à ces personnes de se procurer ce dont ils ont
besoin pour être capables de se chauffer dans la province de
Québec.
J'ai dû faire une intervention, j'ai dû écrire au
ministère des Affaires sociales et voici ce qu'on m'a répondu.
"Nous avons bien pris connaissance des représentations faites par le
député de Beauce relativement aux frais afférents à
l'habitation pour le chauffage. Nous vous informons que le ministère des
Affaires sociales, en collaboration avec le ministère de l'Agriculture
et de la Colonisation, est à réaliser un projet
d'élaboration de nouvelles formules d'aide correspondant aux
problèmes actuels de nos bénéficiaires ruraux, lesquels
sont des cultivateurs marginaux".
On n'a pas encore assez de "cocologie", je dis bien de "cocologie", pour
être capable de régler le problème sans encore faire une
commission d'enquête et des commissions interministérielles, alors
que c'est si simple à régler. Durant ce temps-là, on
attend et, parce que ça favorise le trust de l'huile et les grosses
compagnies le gouvernement aime ça on oblige ces gens
à s'installer des systèmes de chauffage à l'huile qui
coûtent $500, $600, $700 et $800 et on les oblige à avoir l'air
climatisé dans leurs maisons.
Là où cela commence à être encore plus fort,
c'est lorsque le gouvernement permet l'achat d'un système de chauffage
et s'engage à le rembourser, mais à condition qu'on
hypothèque la propriété. Si on hypothèque la
propriété sur billet à la caisse populaire, ce n'est pas
bon. Cela prend au moins $100 de frais de notaire pour pouvoir faire les
titres, passer l'hypothèque, radier ce qui doit être radié
pour que la caisse populaire puisse avoir le bon titre de
propriété, faire faire les enregistrements au bureau
d'enregistrement et tout le tralala. Le gouvernement est
généreux. Le gouvernement paie. C'est intelligent comme cela.
C'est ainsi que le gouvernement fonctionne.
C'est encore un autre point sur lequel je dis qu'il y a du gaspillage
énorme. On pourrait venir même à se poser des questions sur
la façon dont on autorise l'achat de biens spéciaux,
c'est-à-dire qu'on favorise l'accès aux besoins spéciaux.
Nous avons tous, dans nos comtés, des marchands favorisés, des
marchands qui ont le don et le tour de faire accepter leurs soumissions au
bureau de l'aide sociale alors que, si on passe par d'autres marchands, on a
des problèmes. Autrement dit, on laisse une certaine liberté, les
complications commencent et les personnes ne peuvent pas avoir recours aux
besoins spéciaux quand elles doivent y avoir recours, parce qu'avec les
montants que j'ai mentionnés tout à l'heure, il n'y a pas
possibilité pour ces gens de s'en sortir. C'est la façon dont on
procède.
Il y a un autre point. Et je dis qu'à l'heure actuelle, c'est
beaucoup plus grave. J'ai dit tout à l'heure qu'on était en train
d'établir la pauvreté en permanence en obligeant ces personnes
à s'endetter envers l'Etat. J'ai des cas ici qui nous démontrent
que le gouvernement de la belle province en est rendu à faire parvenir
au gouvernement fédéral les relevés de compte des
assistés sociaux pour faire retenir sur le chèque de
sécurité de vieillesse un montant à chaque mois pour
rembourser les dettes qui auraient été contractées envers
le gouvernement de cette province, alors que les gens ont contesté les
mêmes décisions des bureaux régionaux. Nous avons des cas
où on réclame des chèques pour des allocations
versées en 1966. Et si le ministre n'est pas au courant, je pourrais lui
donner des noms personnellement et les numéros de dossiers. On retient
à des personnes $25 par mois sur leur chèque de
sécurité de vieillesse parce que la personne aurait
réalisé en 1966 quelques dollars pour la vente de sa seule
propriété, alors qu'au lieu de la réalisation d'un actif,
les gens qui travaillent au ministère des Affaires sociales ne font pas
de différence entre une capitalisation ou une dépense courante,
ou entre un revenu ou la réalisation d'un actif. On a
considéré la réalisation de cet actif comme étant
un revenu de l'année et cela, après sept ans, on oblige des
personnes âgées à rembourser le gouvernement provincial
pour des erreurs qui auraient été commises ou encore pour des
décisions qui ont été mal rendues parce que, justement,
ces personnes n'ont plus le courage, l'énergie nécessaire et
n'ont pas les moyens de toujours se promener dans les bureaux d'avocats et
d'attendre que la justice suive son cours, c'est-à-dire pendant au moins
18 mois, avant de pouvoir avoir gain de cause.
Tout cela fait que notre gouvernement de Québec est en train
d'établir en permanence chez nous un régime de pauvreté
garantie avec revenu maximum permis. C'est en quelque sorte ce que cela donne.
Cela est très préjudiciable à l'économie de la
province. Je vais donner un exemple qui me vient à la
mémoire.
Nous savons que dans la plupart des régions rurales du
Québec nous allons, dans quelques jours, commencer la période des
sucres. Lorsque nous savons qu'il est impossible pour le
cultivateur de se trouver de la main-d'oeuvre, il y a des gens qui ne
demanderaient pas mieux que de travailler pendant un mois; mais à cause
des lois, des restrictions et à cause des dangers de perdre leur
privilège, de perdre, autrement dit, ce qu'ils ont réussi
à obtenir après trois, quatre, cinq ou six mois, ces gens ne sont
pas intéressés à recommencer et à retourner sur le
marché du travail seulement pour un mois à récolter un
produit d'exportation même et je sais que je vais faire plaisir au
vice-premier ministre qui contribue à améliorer la balance
des paiements de la province de Québec, un produit de chez nous,
authentiquement québécois, qui a contribué à faire
connaître le Québec ailleurs.
Ce sont des conséquences de cette législation stupide, je
dis bien stupide, qui encourage la dépossession, et c'est là que
je reconnais les caractéristiques socialistes du ministère des
Affaires sociales. La première caractéristique du socialisme,
c'est la dépossession de la propriété, de toute
propriété. Evidemment, on commence par déposséder
les petits, on commence par déposséder ceux qui ne sont pas
syndiqués. Je regardais les gens du Parti québécois
applaudir quand j'ai parlé de socialisme, M. le Président. Nous
irons dans leurs comtés à la prochaine compagne
électorale, nous irons leur citer des phrases qu'ils ont citées
devant l'Assemblée nationale et je vous garantis qu'ils ne seront pas
très heureux.
M. LAURIN: Ils vont les renier.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'ai peur.
M. ROY (Beauce): Comme leur cas est un cas temporaire, je ne perdrai pas
de temps là-dessus.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous me faites trembler.
M. ROY (Beauce): Je dis que c'est une des premières
caractéristiques et cela démontre clairement qu'on commence par
déposséder ceux qui possèdent peu pour en faire des
prolétaires, des éternels prolétaires. Les gens du Parti
québécois trouvent cela drôle, cela les amuse. Je sais bien
qu'un député est bien payé et qu'il n'a pas ces
problèmes-là.
Il y a un deuxième point, c'est qu'on augmente l'aide. Cela a
pour conséquence, M. le Président, d'augmenter les conflits
sociaux. Nous avons vu des défilés devant le parlement, nous
voyons des groupes qui s'organisent un peu partout. Les gens sont
désespérés d'être sous la tutelle de ce
ministère ignoble, je dis bien ignoble, des Affaires sociales. Je
m'excuse, M. le Président, si je suis violent. J'ai dit que je tenterais
ce matin d'être le porte-parole en cette Chambre d'à peu
près 10 p.c. de la population du Québec. Si elle était ici
à ma place, elle aurait des propos beaucoup plus violents que ceux que
je peux avoir. Ce n'est pas toujours agréable pour nous d'être
obligés d'intervenir et de revenir à la charge aussi souvent.
Mais je reproche à ce moment-ci d'avoir mal évalué la
situation et d'avoir fait une erreur au point de départ. Lorsque la loi
26 a été adoptée, par l'ancien gouvernement, elle
établissait certains principes à l'article 2 et à
l'article 3. On dit: Le ministre est autorisé à accorder l'aide
sociale dans les cas prévus par la présente loi à toute
personne seule qui y a droit en vertu de la présente loi et des
règlements. L'article 3 se lit comme suit: "L'aide sociale est
accordée sur la base du déficit qui existe entre les besoins
d'une famille et d'une personne seule et les revenus dont elle dispose pourvu
qu'elle ne soit pas exclue en raison de la valeur des biens qu'elle
possède." Dans cette loi il y a seulement un grand pouvoir de
réglementation qui permet aux technocrates et au ministre de fixer
lui-même les montants que l'on accorde à ces catégories de
population, sans que la Chambre ait un mot à dire. Encore une preuve du
pouvoir des technocrates. Nous protestons contre le pouvoir abusif de
réglementation que le gouvernement est en train de se donner. L'ancien
gouvernement a péché par excès de confiance à ce
moment-là, je suis obligé de le dire. Nous avons fait confiance
au pouvoir de réglementation pour régler tous les
problèmes. L'esprit de la loi est bien, je dirais qu'il est noble, mais
la réglementation contredit de fond en comble tout l'esprit de la loi
parce qu'on n'a pas appliqué la loi selon son exprit.
Il y avait des lois avant. Je parle de la loi concernant les personnes
âgées, chapitre 61 de 1965, article 3. Cela fut voté par
l'Assemblée nationale, donc les députés avaient droit de
s'exprimer et de parler sur ce sujet. On garantissait $75 par mois, en 1965. La
même chose pour la Loi des invalides, chapitre 60 de 1965, dans laquelle
l'article 3 accorde également une allocation de $75 par mois. Ce fut
décidé à l'Assemblée nationale, les
députés furent consultés, les députés
avaient leur mot à dire. Ils pouvaient voter pour, il pouvaient voter
contre, ils pouvaient proposer des amendements, faire des suggestions.
Même chose pour la Loi des aveugles, chapitre 59 de 1965. Même
chose pour le chapitre 123 des Statuts refondus de 1964, article 11, dans le
cas des mères nécessiteuses, alors qu'un adulte et un enfant
avaient droit à $85 par mois et c'était dans la loi. On accordait
$10 additionnels par mois.
On a pris des lois votées par l'Assemblée nationale, elles
ont toutes été abrogées par une loi qui dit que les
députés n'ont plus un mot à dire là-dedans. Les
fonctionnaires vont décider, les technocrates, les penseurs, ceux qui
pensent au nom de toute le monde. Même à l'heure actuelle, c'est
dépassé parce qu'ils ont commencé à engager des
repenseurs. Eux, il faut qu'ils repensent les politiques que les penseurs ont
pensées avant.
M. SAMSON: Et des dépenseurs.
M. ROY (Beauce): Il y a aussi les dépenseurs, comme vient de le
dire le député de Rouyn-Noranda. C'est là le
problème. Depuis 1970, nous sommes dans cette Chambre et, depuis 1970 le
ministère des Affaires sociales nous charrie sans que nous soyons en
mesure d'intervenir, sinon en posant quelques questions à
l'intérieur de nos règlements. Nous ne pouvons pas faire de
débats, ni nous exprimer sur ce point. C'est tellement vrai que le
ministère des Affaires sociales nous charrie qu'à la suite des
demandes que nous avions faites nous étions heureux de voir
qu'après un an et demi d'efforts soutenus de notre part le ministre
avait fini par comprendre qu'il était possible d'enlever la question des
obligés en loi. Mais le ministre nous annonce que, du fait que les
obligés en loi étaient enlevés, on pouvait enlever $10 par
mois à ceux qui étaient bénéficiaires de la loi. Il
se trouve qu'il y avait des personnes qui gardaient chez elles, des invalides
qui n'étaient pas bénéficiaires de la Loi de l'aide
sociale. A cause de l'augmentation du coût de la vie, ces mêmes
personnes ont été obligées... Il me reste deux minutes, M.
le Président. Je regarde l'honorable leader du gouvernement, je ne sais
pas s'il regardait l'heure pour m'arrêter.
M. SAMSON: Il en reste quatre.
M. ROY (Beauce): J'ai commencé à 11 heures
précises.
M. LEVESQUE: Je voulais simplement rendre service au
député de Beauce parce qu'il avait mentionné qu'il voulait
se garder dix minutes pour la réplique. S'il continue, il va commencer
à l'entamer.
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'ai 40 minutes en tout.
M. LEVESQUE: Oui, oui!
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Il vous reste encore trois minutes.
M. ROY (Beauce): Merci, M. le Président, Je vais conclure
rapidement.
M. LEVESQUE: C'est bien dommage, M. le Président, mais ce n'est
pas vrai.
M. ROY (Beauce): Le ministère des Affaires sociales, comme je le
disais, a enlevé $10 aux bénéficiaires de la loi pour
personnes invalides, de sorte qu'à l'heure actuelle les faibles
salariés, les personnes âgées qui doivent garder un membre
de la famille chez eux se sont trouvés privés de $10 par mois
sans aucune compensation face aux augmentations constantes du coût de la
vie. C'est un autre point sur lequel le gouvernement et le ministère, de
façon unilatérale, sans soumettre le cas devant
l'Assemblée nationale, nous annoncent, par une déclaration
ministérielle, qu'ils sont à régler un problème de
sécurité sociale au Québec en déterminant
eux-mêmes quels sont les montants que les personnes doivent recevoir en
fonction de telle ou telle réglementation.
Or, pour ces considérations, je dis que le gouvernement actuel du
Québec est à blâmer et nous allons exiger un vote
enregistré sur cette motion. Le gouvernement est à blâmer
d'avoir agi de la sorte parce qu'à l'intérieur du montant
d'argent que le gouvernement dispose, si ces questions avaient
été débattues devant l'Assemblée nationale, des
suggestions auraient été faites de façon que les personnes
vraiment pénalisées, comme les veuves, les mères
nécessiteuses, les aveugles, les invalides et les autres, auraient pu
bénéficier d'allocations supplémentaires sans qu'il en
coûte un sou de plus au budget de la province, donc aux contribuables de
la province de Québec. Comme on veut à tout prix établir
une dictature je pense que c'est flagrant, cela en est encore une preuve
un certain groupe de technocrates et de socialistes en puissance au sein
du gouvernement se servent, à l'heure actuelle, de leur pouvoir de
réglementation et de l'influence qu'ils ont auprès des membres du
cabinet pour tâcher de soustraire à l'Assemblée nationale
ses pouvoirs et ses prérogatives et le pouvoir des élus du peuple
de se prononcer sur ces questions pour décider de façon
unilatérale, en étant bien protégés, eux, ces
messieurs, avec des bonnes clauses de sécurité d'emploi dans les
cadres de la fonction publique et avec toutes les bénédictions
que vous pouvez trouver. Alors, c'est la population qui se trouve
pénalisée.
Je demande aux membres de cette Chambre de voter pour la motion de
blâme que nous avons présentée ce matin.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable chef de l'Opposition
officielle.
M. Gabriel Loubier
M. LOUBIER: J'ai écouté les propos du député
de Beauce qui a tenté de décrire la situation de confusion, de
frustration et même d'indignation, surtout pour les contribuables, que
soulèvent les polittiques sociales du gouvernement ou plutôt, leur
application. Et je pense que la litanie d'exemples qu'il a cités
à l'attention des membres de cette Chambre peut être
vérifiée par chacun des députés, et plus
particulièrement, par les députés qui représentent
des circonscriptions rurales, semi-urbaines, ou même des
députés de quartiers ou de comtés plus
défavorisés de la ville de Montréal. Tous ces
députés sont à même de constater la
véracité des faits rapportés par le député
de Beauce. D'une part, on est en train de créer un climat de
frustration, de confusion chez les assistés sociaux et, d'autre part, on
est en train, dans le grand public et pour les contribuables, de créer
un sentiment d'indignation qui pousse certaines
personnes à commettre des excès de langage à
l'endroit des politiques sur le plan social.
Je voudrais tout d'abord faire la distinction au départ entre ce
qu'on pourrait appeler le socialisme et le phénomène de
socialisation qui est propre à tout Etat civilisé,
phénomène de socialisation surtout pour aider les plus
défavorisés, les moins bien nantis et qui est le propre de toute
société en évolution et surtout de tout pays ou de tout
Etat qui connaît une certaine prospérité.
Partant de là, je pense qu'il n'y a aucun député
dans cette Chambre qui soit contre l'intervention de l'Etat dans ce secteur,
l'Etat qui doit être le leader, qui doit coordonner, planifier,
surveiller et surtout, qui doit contrôler mais qui, par ses politiques
sociales, ne doit absolument pas aboutir au résultat du
découragement ou du manque d'incitation au travail ou d'encouragement
à la paresse dans un secteur important de notre population.
Il est devenu admis par tous les Québécois, le moindrement
bien renseignés que nous avons, en 1971, d'après les
statistiques, au Québec, au-delà de 225,000 familles pauvres et
un nombre total de personnes pauvres qui atteignait près de 1,200,000,
soit un Québécois sur cinq, vivant dans un état de
pauvreté ou d'indigence inacceptable pour une collectivité, une
communauté comme la nôtre qui est, tout de même,
privilégiée dans son ensemble sur le plan économique,
comparaison faite avec la majorité des autres pays.
Même si je souscris entièrement à plusieurs propos
tenus par le député de Beauce, je ne voudrais pas qu'on donne
l'impression dans le peuple que l'Etat, en intervenant, est en train de
créer un socialisme social répugnant parce que ce
phénomène de socialisation, nous le rencontrons dans tous les
pays le moindrement évolués.
Sauf que l'application des politiques sociales du gouvernement, la
surveillance, les normes, les critères, le contrôle, les
mécanismes de contrôle, nous semblent absolument déficients
et il faudrait distinguer de façon très claire et très
nette entre les vrais assistés sociaux même si je n'aime
pas employer cette expression et les faux assistés sociaux. On se
rendrait compte, si l'enquête était faite de façon
sérieuse, s'il y avait des mécanismes de contrôle mieux
huilés et mieux répartis dans la province, qu'il y a
peut-être des dizaines et des dizaines de millions de dollars qui sont
littéralement volés par de faux assistés sociaux, par des
gens qui usent de tous les subterfuges, qui, comme on le disait tout à
l'heure, trouvent la porte ouverte à la fraude sous toutes ses formes,
s'y jettent tête baissée, deviennent des permanents au
gouvernement non pas des occasionnels se considèrent
à toutes fins pratiques comme des employés de l'Etat, recevant
leur juste part pour le travail qu'ils ne font pas.
Je pense, M. le Président, qu'il y aurait lieu, pour le
ministère des Affaires sociales, d'envisa- ger d'abord la mise en place
de mécanismes de contrôle plus efficaces qui pourraient être
plus décentralisés, dont le rendement serait assuré par
une décentralisation encore plus réaliste. Je pense qu'en plus de
ces mécanismes de contrôle, le gouvernement devrait mettre sur
pied des politiques d'incitation au travail. Incitation au travail pour les
économiquement faibles qui reçoivent des prestations, des
allocations du gouvernement. Incitation au travail qui pourrait les conduire
à une participation sur le plan des travaux publics de l'Etat,
incitation au travail qui pourrait même rejoindre le champ de
l'entreprise privée sous forme de subventions ou d'encouragement
quelconque. Dès qu'un économiquement faible ou quelqu'un qui
reçoit une allocation sociale a encore le désir et il s'en
trouve de travailler, de gagner honorablement son pain, on l'a
signalé tout à l'heure, il se trouve pénalisé pour
vouloir travailler et pour vouloir apporter un peu plus chez lui. Il se trouve
dans le dilemme, s'il pose un geste d'homme responsable, de père de
famille conséquent et conscient de ses responsabilités, de dire:
Si je travaille, je ne recevrai plus mes allocations. Combien de temps cela
prendra-t-il avant de pouvoir les recevoir? A quelle enquête devrai-je
être soumis? A quel mécanisme de torture dans les questionnaires
devrai-je littéralement me prêter? C'est là que l'on
crée, justement, ce climat de paresse. Au lieu de s'efforcer de
revaloriser ces individus, on est en train, et c'est ce qui est le plus
psychologiquement condamnable, je pense, de créer non pas une
génération d'assistés sociaux, mais peut-être deux
ou trois générations parce que ces gens se rendent compte que
l'enfant qui voit son père recevoir des allocations se dit: Si je
travaille un peu pour essayer de vous apporter un peu plus de bien-être,
on va tout couper.
Vous seriez surpris de constater, M. le Président,
jusqu'où, dans plusieurs régions et dans plusieurs foyers, on
s'est accommodé de cette situation. Cela devient une philosophie
partagée non seulement par tous les membres de la famille, mais à
un moment donné cela devient contagieux. Ce sont des rangs entiers, des
quartiers entiers, des paroisses entières qui cherchent par tous les
moyens à obtenir, eux aussi, de l'argent du gouvernement sans
travailler.
Dans ces circonstances, M. le Président, je pense que ces
mécanismes de contrôle, ces politiques d'incitation au travail
devraient être mis sur pied par le gouvernement. Il y a cependant,
à la base de tout cela, peu importe le gouvernement au pouvoir, peu
importe qui compose le gouvernement aujourd'hui, qui l'a composé hier ou
qui composera le gouvernement de demain, au centre de toutes ces politiques,
dans leur conception, dans leur planification, dans leur application, dans leur
surveillance, ce que j'appellerais ce cancer des relations
fédérales-provinciales. On revient, qu'on le veuille ou non, M.
le Président,
continuellement à cette question fondamentale des relations ou
encore des déficiences que l'on retrouve dans le domaine
constitutionnel. Cela, peu importe quelle serait l'option politique de demain.
Indépendamment de cela, nous devrons toujours négocier.
Je pense que le ministre actuel a fait de sérieux efforts pour
essayer de récupérer, de rapatrier la souveraineté du
Québec dans ce champ d'action bien précis, c'est-à-dire
tout ce qui a trait à l'épanouissement de la personne humaine,
que ce soit la santé, le bien-être, les loisirs,
l'éducation ou le travail. Il y a eu des efforts de faits. Mais,
malheureusement, ces efforts ont été annihilés par une
obstination absolument incompréhensible du gouvernement central. Le
Québec ne peut pas dans ce secteur, comme dans d'autres secteurs, avoir
la pleine latitude, la plénitude de ses pouvoirs pour tracer ses
priorités, pour que ses politiques sociales tiennent compte des
particularismes exclusifs, pratiquement, au Québec, particularismes sur
le plan démographique, particularismes sur le plan physique,
particularismes sur une foule de plans. Le gouvernement, quel qu'il soit, se
trouve dans une situation telle que ses politiques ne peuvent être le
reflet véritable des besoins du Québec.
Mais pour en revenir au texte de la motion du député de
Beauce, je dis qu'il est bien évident que cela ne peut pas continuer
ainsi. Il n'y aurait pas, à mon sens, humiliation et le ministre ne
diminuerait aucunement dans l'estime des Québécois s'il modifiait
sensiblement ses politiques et surtout leur application. Si le ministre
apportait des mécanismes de contrôle plus efficaces, si le
ministre, dans certains secteurs, modifiait presque radicalement les
réglementations, je pense que ces actes et ces attitudes du ministre
rétabliraient un certain climat de paix sociale. On l'a signalé,
souvente-fois c'est source de conflit, source d'affrontement. Le ministre des
Affaires sociales devrait veiller à ce que les vrais assistés,
les vrais économiquement faibles, ceux qui sont dépourvus
véritablement, ceux qui ne peuvent d'aucune façon travailler pour
les raisons que l'on connaît et qui correspondent à la loi
reçoivent des allocations ou un revenu tels qu'ils puissent vivre avec
au moins le minimum vital. Je pense qu'on pourrait utiliser des formules qui
pourraient répondre à toutes ces questions. On pourrait se poser
collectivement les questions suivantes: Serait-il préférable de
recourir à une combinaison de formules de sécurité de
revenu pour atteindre les objectifs fondamentaux que nous nous sommes
fixés ou de les abandonner en faveur d'un seul programme de revenu
garanti? Serait-il possible d'éliminer réellement les programmes
existants ou ne serait-on pas dans l'obligation d'en conserver quelques-uns?
S'ils pouvaient être discontinués, est-il réellement
possible d'assurer à tout le monde un revenu garanti? Est-ce que c'est
possible? Est-ce qu'on l'a étudié? Est-ce que toutes les
analyses, par des actuaires, ont été faites dans ce sens? Et
quelle formule de revenu garanti serait la plus appropriée pour les
Québécois? Un impôt négatif sur le revenu ou des
dividendes sociaux? Ce sont toutes des questions que l'on doit se poser
individuellement et ce sont des questions auxquelles le gouvernement devrait
s'attaquer pour en arriver à des conclusions ou à des choix
définitifs. L'une et l'autre formule ont fait, ces dernières
années, l'objet d'études plus ou moins approfondies. La formule
de l'impôt négatif sur le revenu proposée par
l'économiste Friedman dès 1962, dans son volume "Capitalism and
Freedom", a été discutée et légèrement
modifiée par la suite par plusieurs autres économistes, parmi
lesquels Christopher Green et M. Lampman. On peut d'ailleurs avoir une bonne
idée de la question dans le livre de Green, Negative Income Tax and the
Poverty Problem.
Je cite cela pour que le ministre puisse peut-être y
référer ou inviter de ses collaborateurs à y
référer. Nous sommes tous à la recherche
d'amélioration dans ce domaine.
M. le Président, je dois terminer d'une façon un peu
abrupte. Vous me rappelez que le court laps de temps que j'ai à ma
disposition est terminé. Mais dans ce domaine des Affaires sociales, il
y a eu une évaluation qui ne correspond peut-être pas à la
réalité. Il y a peut-être eu également des
politiques mises de l'avant qui manquent de réalisme. Mais, de toute
façon, je tiens à redire aux membres de cette Chambre que, dans
notre société, dans un monde civilisé comme le
nôtre, cette justice distributive dont on se gargarise partout doit
être traduite dans ces phénomènes de socialisation qui sont
le propre de nos sociétés modernes.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de
Bourget.
M. Camille Laurin
M. LAURIN: M. le Président, la souffrance des assistés
sociaux qui reçoivent des allocations sociales insuffisantes n'est que
trop réelle. La dépersonnalisation graduelle des soins constitue
également un problème inquiétant. Par contre, nous nous
refusons à apporter de l'eau au moulin des sorcières qui se
contentent de glapir leur dénonciation à l'endroit de ces
insuffisances, qui exploitent démagogiquement, pour des fins politiques,
les souffrances des milieux les plus défavorisés.
Nous nous refusons à apporter notre appui à des formations
politiques qui n'apportent, comme remède, que des solutions mythiques ou
simplistes. Nous savons que le problème est très réel et
les solutions sont très connues. La solution est l'intégration de
tous les programmes d'assistance sociale et de santé.
Cette intégration demande, par contre, un transfert
inconditionnel de pouvoirs politiques
et également de ressources afin d'instaurer les mesures de revenu
minimum garanti et de politiques de maintien et de sécurité du
revenu dont la commission Castonguay-Nepveu a indiqué que nous en avions
une absolue nécessité. Mais, pour cela, nous savons, étant
donné l'obstination du fédéral, qu'il faudra recourir
à l'indépendance politique qui, seule, nous en donnera les moyens
politiques et les ressources. C'est la raison pour laquelle nous ne voulons pas
commenter davantage la résolution créditiste, nous
réservant de proposer au ministre les représentations ainsi que
les mesures qui nous semblent pertinentes lors de l'étude des
crédits.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Affaires
sociales.
M. Claude Castonguay
M. CASTONGUAY: M. le Président, j'ai écouté avec
attention les commentaires du député de Beauce, ceux du chef de
l'Opposition officielle ainsi que ceux du député de Bourget. Je
crois qu'il importe, au départ, de bien situer la question, ou encore,
de faire un certain état de la question et de rappeler que, au
Québec, au cours des douze ou treize dernières années,
nous avons vu l'établissement de l'assurance-hospitalisation qui a rendu
possible l'hospitalisation des gens, sans frais.
Nous avons également vu, au Québec, la réforme de
l'éducation s'effectuer, ce qui a rendu possible à des centaines
et des centaines de milliers de jeunes Québécois l'instruction
alors que, auparavant, ils étaient condamnés, dans bien des cas,
à une instruction de deuxième ordre ou à quitter
l'école très tôt. C'est une des raisons pour lesquelles
nous nous retrouvons aujourd'hui avec des problèmes de maind'oeuvre, des
problèmes de chômage.
Nous avons également vu l'établissement du régime
de rentes au Québec qui donne une protection aux veuves, aux invalides,
protection qui a d'ailleurs été augmentée sensiblement au
mois de janvier dernier, qui donne aussi, par l'épargne des
Québécois, un réservoir de capitaux extrêmement
important qui contribue de plus en plus à renforcer et à
développer notre économie.
Nous avons vu et connu l'établissement, en 1967 ou en 1968, du
régime québécois d'allocations familiales, sous l'ancien
gouvernement. Ce régime s'est accompagné de l'élimination,
pour les enfants de moins de 16 ans, des exemptions pour les personnes à
charge. Cela demandait, de la part de ce gouvernement, je le reconnais, un
certain courage de faire ce changement. Je me demande si le gouvernement
fédéral aura le même courage lorsqu'il présentera
son programme, au mois d'avril prochain.
Nous avons également, en novembre 1970, assisté à
l'établissement de l'assurance-maladie qui rend les soins
médicaux et les soins des optométristes accessibles sans aucun
frais. Nous avons vu également, en novembre 1970, la nouvelle Loi de
l'aide sociale mise en application. Jusqu'à ce moment-là, on
dénonçait le système d'aide sociale, depuis des
années, à cause de l'arbitraire dans le traitement des
bénéficiaires, arbitraire qui se reflétait de façon
très évidente dans les montants très disparates de
prestations qui étaient octroyés.
Nous avons également, en août dernier, assisté
à la mise en application de l'assistance-médicaments, ce qui
permet aux bénéficiaires de l'aide sociale de recevoir les
meilleurs médicaments possible, gratuitement, lorsqu'ils en ont besoin.
Nous sommes en voie d'implanter aussi un réseau de centres locaux de
services communautaires et nos priorités ont porté sur les
personnes les plus défavorisées.
Si je mentionne ceci, M. le Président, c'est que,
premièrement, on semble oublier, dans bien des cas, la situation
antérieure et ne mettre en relief que certains des problèmes que
l'on retrouve dans l'application de ces mesures. Mais, si l'on se reporte
à la situation antérieure ou s'il l'on compare avec d'autres
endroits où de telles mesures n'existent pas, c'est là qu'on peut
voir jusqu'à quel point des progrès énormes ont
été réalisés sur le plan social au Québec.
Nous n'avons qu'à aller que chez nos voisins aux Etats-Unis, qui ont une
richesse énormément plus grande que celle du Canada ou du
Québec, et, encore, une personne qui élève une famille, si
elle ou un des membres de sa famille est atteint de maladie, peut se retrouver
avec des frais de plusieurs milliers de dollars et elle doit les payer; sans
cela, elle est poursuivie. On peut imaginer quel genre de catastrophe peut
résulter d'une telle situation.
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'invoque un peu le
règlement.
M. CASTONGUAY: J'ai laissé parler chacun des membres...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question de règlement? Le
député de Beauce sur une question de règlement.
M. ROY (Beauce): Je ne veux pas être désagréable
à l'endroit de l'honorable ministre, mais nous avons
présenté une motion pour blâmer le gouvernement d'avoir mal
évalué la situation des personnes défavorisées. Le
ministre est en train de nous parler d'assurance-maladie. Je n'en ai pas
glissé un mot dans la motion. C'est cela que je veux faire remarquer. Si
le ministre veut en parler, je n'ai pas d'objection, mais je tiens quand
même à lui dire que nous n'avons pas parlé de
l'assurance-maladie.
M. CASTONGUAY; Assoyez-vous et laissez-moi poursuivre. Je ne vous ai
jamais interrompu.
Quant à l'aide sociale elle-même, depuis novembre 1970,
dès la première année après
l'application de la loi, les prestations ont augmenté de 26 p.c.
en moyenne. Depuis, nous avons apporté, à la suite des
représentations qui ont été faites ici en Chambre, de
nombreuses modifications au règlement. Encore, en janvier 1973, les
prestations moyennes pour les familles ont été augmentées
de $17 par mois. J'ai les données concrètes, telles qu'elles
ressortent.
Nous avons également, sur ce plan, pour donner un meilleur
service aux bénéficiaires, augmenté
considérablement le nombre des bureaux d'aide sociale. Nous avons
augmenté le personnel. Nous avons des cours de perfectionnement qui se
poursuivent.
Je dois aussi souligner, à ce moment-ci, un fait assez important.
Dans ces mesures que je viens d'énumérer, toutes, à
l'exception d'une, ont été mises en vigueur soit sous le
gouvernement libéral actuel ou sous le gouvernement libéral des
années 1960 à 1966. Je pense que c'est important de le
mentionner.
Il est clair, si on se reporte à certaines situations aux
Etats-Unis ou dans plusieurs pays d'Europe, que la situation au Canada et au
Québec est de beaucoup meilleure que dans ces pays; il ne s'agit que de
voyager quelque peu pour le constater.
Il n'en demeure pas moins que le phénomène de la
pauvreté est un phénomène relatif et que la
pauvreté existe lorsqu'il y a des écarts trop grands dans la
situation entre des gens qui vivent ensemble. Il y a également,
malgré tout ce que j'ai mentionné, et c'est exact, des cas de
pauvreté réelle non pas seulement des cas de pauvreté
relative, mais des cas de pauvreté réelle qui subsistent et ceci,
je crois, M. le Président, est un des faits de toute
société humaine. Il n'est possible à aucun membre dans
cette chambre d'indiquer un seul pays au monde, peu importe lequel, où
on a réussi à établir l'Etat ou la société
parfaite où il ne reste plus de problèmes. Je pense que c'est
prêcher de l'utopie, c'est faire de la démagogie que d'essayer de
laisser croire aux gens que nous serions capables, en un tour de main, en y
mettant un minimum de bonne volonté ou encore, comme le disait le
député de Beauce, en ne faisant pas le jeux des "trusts" de
pouvoir du jour au lendemain vivre dans un monde utopique. C'est faux, M. le
Président. Il n'en demeure pas moins que nous devons continuer nos
efforts et c'est ce que nous faisons. Sur ce plan, je crois, et le
député de Bellechasse l'a mentionné, nous avons fait des
efforts considérables pour énoncer une politique le
député de Bourget l'a mentionné également de
sécurité de revenu, une politique sociale cohérente, une
politique de sécurité de revenu, une politique de
sécurité sociale, où les objectifs sont bien
énoncés, sont clairs et semblent être, de façon
générale, acceptés également.
Nous nous sommes butés, il est vrai, à des
difficultés au plan des relations fédérales-provinciales.
Ces difficultés ont été parfois extrêmement
frustrantes. C'est pourquoi, lors des dernières rencontres que nous
avons eues j'ai mis tant d'efforts pour convaincre les autres provinces de la
justesse de nos positions, et vous savez que nous avons fait
énormément de progrès sur ce plan. Je sais malgré
tout, et j'en suis bien conscient, que le fait de convaincre les autres
provinces n'est pas nécessairement une garantie de succès
auprès du gouvernement fédéral. C'est pourquoi, au mois de
février, j'ai insisté pour que le nouveau ministre, M. Lalonde,
nous convoque à Ottawa et que nous ayons une conférence de telle
sorte que, avant qu'il élabore le modèle dont il parlait dans son
discours à la Chambre des communes, il soit bien conscient des
priorités du Québec, il soit bien conscient de la situation au
Québec. Et c'est justement ce qui a été dit dans cette
Chambre ce matin sur la situation difficile de bien des
Québécois, la situation difficile au plan des faibles prestations
qu'ils reçoivent, la situation difficile vis-à-vis du manque
d'incitation au travail que comportent certains programmes ou encore, le fait
que certains programmes peuvent apparaître plus avantageux, programmes
d'assistance sociale, d'assurance-chômage, que le marché du
travail. Nous avons exposé de façon très claire au nouveau
ministre notre position sur ces questions et je crois avoir
reflété très fidèlement les problèmes
non pas les exagérations, mais les problèmes qui ont
été mis en relief ici ce matin. J'attends, comme vous le savez,
à la fin du mois de mars ou au cours du mois d'avril, de voir ce que
seront' les propositions du gouvernement fédéral avant de prendre
position quant à cette notion de modèle et cette réforme
que veut entreprendre le nouveau ministre de la Santé nationale et du
Bien-être social à Ottawa.
Je voudrais aussi parler, M. le Président, de quelques-uns des
points soulevés par le chef de l'Opposition de façon plus
spécifique. Il a mentionné qu'un très grand nombre de
bénéficiaires de l'aide sociale sont des
bénéficiaires chroniques, que nous entretenons en d'autres
termes, la pauvreté par cette situation. Il est vrai que le nombre de
bénéficiaires qui demeurent en permanence
bénéficiaires de l'aide sociale est relativement
élevé mais nous avons analysé, comme il le
suggérait, de façon assez précise, la situation et nous
comptons le refaire de façon périodique. Nous aurons l'occasion
d'en discuter lors de l'étude des crédits pour voir de
façon plus précise quel est le portrait de ces gens qui
reçoivent de l'aide sociale.
Nous constatons qu'un nombre assez élevé de personnes sont
soit des invalides soit des aveugles, soit des personnes qui sont dans
l'incapacité, pour diverses raisons, de retourner sur le marché
du travail. Ce n'est pas un défaut du programme, ce n'est pas un
défaut de l'économie qui crée cette situation, peu importe
le fonctionnement de notre économie, peu importe le niveau des
prestations que nous pourrions verser, peu importe les programmes de recyclage
que nous pourrions avoir. Ces
personnes, pour diverses raisons, comme je viens de le mentionner, ne
peuvent réintégrer pleinement la vie ou l'activité de
travail qui est le lot d'un très grand nombre de Québécois
du même âge.
Quant aux autres, nous avons été assez
impressionnés de voir le mouvement qui existe entre l'aide sociale et le
retour au marché du travail. Le nombre de personnes qui quittent l'aide
sociale pour retourner au travail et qui, à certains moments, reviennent
sur l'aide sociale, est beaucoup plus grand que je ne le croyais à tout
le moins. Ceci indique qu'à mesure que notre économie se
renforcera, à mesure que nous bâtirons des dispositions dans notre
réglementation d'aide sociale qui favoriseront davantage le retour au
travail, il y a des indices d'espoir d'une amélioration de la situation.
D'ailleurs, je pense qu'il est important de souligner, parce que nous ne
discutons pas dans l'absolu, qu'alors qu'en janvier 1972, le nombre de
personnes seules bénéficiaires de l'assistance sociale
était de 112,000, le nombre de familles était de 105,000; en
janvier 1973, le nombre de personnes seules était baissé à
100,000 et le nombre de familles était baissé de 105,000 à
89,000. Ce sont des chiffres qui, malgré tout, demeurent
élevés mais au moins ce sont des chiffres qui n'ont pas
augmentés. Phénomène nouveau, pour la première
fois, depuis un certain nombre d'années, nous constatons des baisses de
façon substantielle.
Quant au contrôle dont a parlé le chef de l'Opposition,
nous en effectuons, c'est clair, mais il nous faut garder aussi un certain
équilibre. D'ailleurs, le député de Beauce
dénonçait justement certains de ces contrôles en même
temps qu'il dénonçait certains des abus. Nous essayons de garder
un équilibre et de traiter ces gens aussi humainement que possible, de
la même façon que nous le faisons pour les autres personnes qui
entrent en contact avec l'administration québécoise. Les
études que nous avons effectuées après l'opération
que nous avons conduite en février dernier lorsque nous avons
demandé aux bénéficiaires de l'aide sociale de venir
recevoir leurs chèques à nos bureaux d'aide sociale indique que
le taux de fraude ou le taux d'erreur ou de paiements trop élevés
est beaucoup plus faible que certains veulent le faire croire.
En fait, les chiffres étaient à peu près ce que
nous comptions qu'ils seraient avant de commencer cette opération.
Quant au député de Beauce, je crois qu'il y a certains
aspects qui méritent d'être dits de façon plus
spécifique par rapport à ses commentaires. Lorsqu'il mentionne en
premier lieu que la réglementation de l'aide sociale est confidentielle,
c'est faux. Les règlements de l'aide sont publiés. Les normes ou
le guide que nous remettons aux agents des bureaux d'aide sociale demeurent des
documents de travail confidentiels. Mais il y a une...
M. CASTONGUAY: ... distinction malgré tout. Dans le journal des
Débats et vis-à-vis de vos électeurs, quand vous dites que
la réglementation est confidentielle, ils comprennent qu'on cache
quelque chose d'important.
M. ROY (Beauce): Est-ce que le ministre me permettrait une question?
M. CASTONGUAY: Nous ne cachons rien d'important, simplement, les outils
de travail de nos agents d'aide sociale à nos bureaux, c'est quelque
chose. La réglementation est connue de tout le monde.
M. ROY (Beauce): Est-ce que le ministre me permettrait une question?
M. CASTONGUAY: Oui.
M. ROY (Beauce): Lorsque j'ai parlé des instructions que
reçoivent les agents de sécurité sociale, disant que l'on
demande aux gens de vendre leur propriété aux deux tiers de leur
valeur, c'est que ça n'existe dans aucun des règlements que nous
avons. Ce sont des directives qui sont comprises dans le livre confidentiel
remis. C'est à ça que j'ai voulu faire allusion. Je me suis
peut-être trompé, j'ai fait peut-être erreur dans les
termes, mais c'est à ça précisément que j'ai fait
allusion.
M. CASTONGUAY: Très bien. Vous savez, aussi M. le
Président, que nous avons mis sur pied une commission d'appel de l'aide
sociale.
Lorsqu'on fait état de cas où les agents d'aide sociale
traitent de façon très injuste les bénéficiaires ou
les soumettent à des conditions inhumaines, les
bénéficiaires d'aide sociale peuvent en appeler. Ils ont deux
recours: le bureau régional et la commission d'appel. Le nombre des
appels reçus, le nombre de ceux qui maintiennent les décisions de
nos agents par rapport à ceux où la commission d'appel apporte
des changements est très instructif. Alors qu'au début, lorsque
la loi a été mise en vigueur, la commission d'appel changeait un
nombre assez élevé de décisions prises par les agents, de
plus en plus, les décisions prises par les agents s'avèrent
exactes et conformes à la loi et aux règlements si on en juge par
les jugements rendus par cette commission d'appel. A ma connaissance, les
membres de la commission d'appel n'ont jamais été
critiqués quant à leur objectivité ni quant au sens assez
humain qu'ils démontrent dans leur travail.
C'est un point qui mérite aussi d'être mentionné; il
y a des recours s'il y a vraiment injustice.
Dans les cas que le député de Beauce a mentionnés,
on doit également tenir compte de l'erreur humaine. Certains
fonctionnaires et nous en avons 1500 qui travaillent dans nos bureaux
d'aide sociale sont sujets à l'erreur humaine, comme tout le
monde, ils sont sujets à des erreurs d'interprétation, comme tout
le monde. Certains aussi font face à la difficulté
de leur travail: problème de communication avec des gens qui
entrent peu souvent en contact avec l'administration gouvernementale,
problème aussi de communication avec des gens qui bien souvent sont
aigris, problème aussi de critiques qui leur sont formulées
d'autre part par les contribuables qui trouvent que l'aide sociale impose un
fardeau trop lourd. On peut donc imaginer quelles sont les difficultés
auxquelles les gens de l'aide sociale ont à faire face. Il me
paraît normal, même si on doit viser à réduire ceci
au strict minimum, que des agents commettent des erreurs, donnent de mauvais
conseils ou, encore, effectuent mal leur travail. C'est justement pourquoi nous
sommes de plus en plus sévères dans la sélection des
agents et sur les types de cours qu'ils doivent recevoir afin
d'améliorer constamment leur travail.
On a mentionné aussi certaines dispositions qui portent à
des abus. Par exemple, la question de l'achat des meubles. On a fait
état du fait qu'il y avait du favoritisme dans ce secteur. C'est un des
points sur lequel je suis d'accord avec le député de Beauce.
C'est une des dispositions qui se sont avérées les plus
difficiles à administrer dans l'application de la Loi de l'aide sociale
et, d'ici peu, des changements vont être apportés pour corriger
cette situation. Nous avons envoyé directive sur directive pour essayer
de faire en sorte que ces abus soient réprimés et que les gens
soient traités d'une façon plus équitable, mais,
malgré tout, nous continuons à nous buter à des
difficultés. Nous allons donc prendre une approche différente
quant à cette question d'ameublement, de literie, par exemple. Elle sera
annoncée bientôt.
Je voudrais aussi rappeler, parce que je crois que c'est
extrêmement important, que malgré tous les efforts qu'un
gouvernement peut faire, malgré l'ampleur des ressources qu'il peut y
consacrer, malgré la justesse des politiques et des objectifs qui sont
les siens, il restera toujours une marge ou une espèce de champ
au-delà duquel un gouvernement ne pourra pas agir avec
efficacité. Et c'est là qu'intervient l'entraide communautaire,
l'entraide entre concitoyens.
Je crois que si nous voulons faire oeuvre utile, dans cette Chambre, si
nous sommes du côté gouvernemental ou de l'Opposition, si nous
travaillons à améliorer nos politiques, nous devons aussi
rappeler à nos concitoyens que l'entraide entre citoyens, l'entraide
communautaire est quelque chose qui doit demeurer parce que les politiques
gouvernementales, les services organisés ne pourront jamais, dans aucune
société, répondre à tous les besoins. Je pense que
le député de Beauce n'a pas fait suffisamment attention à
ce point.
Enfin, M. le Président, je pense qu'il est important de rappeler
aussi une autre chose dans tout ce contexte, c'est que les
Québécois consacrent je le dis bien objectivement parce
que je suis conscient et je suis convaincu du fait qu'aussi bien dans
l'administration de l'aide sociale que dans l'administration des allocations
familiales il n'y a pas de gaspillage à l'aide sociale un effort
fiscal relativement lourd. Lorsque l'on reporte le budget de l'aide sociale au
Québec sur une base de revenus et que l'on compare avec certaines
provinces, l'on voit que le contribuable québécois fait un effort
beaucoup plus grand, par exemple, que son voisin en Ontario. Ceci tient non
seulement au fait qu'il y a des abus, mais à notre position, au plan de
l'économie, par rapport à une province comme l'Ontario, à
titre d'exemple.
C'est là que le gouvernement fédéral doit jouer un
rôle plus grand que celui qu'il joue présentement par le biais de
mesures comme celle du régime canadien d'assistance publique. Egalement,
les Québécois consacrent un effort plus grand au secteur de la
politique sociale et de la sécurité du revenu par la
présence du régime québécois d'allocations
familiales. Ce régime bénéficie davantage aux personnes
à faible revenu que dans les autres provinces où un tel
régime n'existe pas et où l'on retrouve les exemptions pour les
personnes à charge dans le cadre des lois de l'impôt sur le
revenu. Les Québécois font donc un effort et je crois que,
lorsque l'on demande de changer brusquement la situation et de hausser les
prestations de telle sorte qu'elles s'établissent à un niveau
qu'il serait peut-être très désirable d'atteindre, il nous
faut tenir compte de ce phénomène, de notre capacité de
payer et aussi de la nécessité de réviser certains des
mécanismes de redistribution qui existent présentement à
l'intérieur du Canada.
En définitive, M. le Président, c'est ce que j'avais
à répondre sur le fond de la question. Je puis vous assurer que
nous allons poursuivre nos efforts pour améliorer la situation non
seulement au plan de l'aide sociale, mais au plan de l'établissement
d'une politique réelle de sécurité du revenu, tel que j'ai
eu l'occasion de l'exposer à plusieurs reprises.
Quant à la forme maintenant, à plusieurs reprises, j'ai
écouté les interventions des députés du Ralliement
créditiste. Je voudrais encore une fois, à ce moment-ci, leur
poser certaines questions bien précises.
Est-ce qu'ils pensent vraiment qu'un jour il sera possible
d'éliminer tous les problèmes de sécurité du
revenu, les problèmes de pauvreté, les problèmes de
chômage, les problèmes d'habitation, c'est-à-dire d'en
arriver à la société utopique qu'ils se plaisent à
faire miroiter devant des gens de bonne foi, mais qui ne sont pas toujours
capables de faire les nuances?
Est-ce qu'ils pensent vraiment qu'il est possible, d'une part, de donner
des revenus à tout le monde et de réduire, d'autre part, les
impôts?
Est-ce qu'ils pensent que nous allons gober leur dénonciation des
trusts en même temps que leur profession de foi constance dans
l'entreprise privée?
Pour moi, c'est de l'utopie qu'on prêche, c'est de la
démagogie. Ce n'est que faire appel
au manque d'information d'une population qui est de bonne foi, et la
tromper.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La réplique de l'honorable
député de Beauce.
M. Fabien Roy
M. ROY (Beauce): M. le Président, la motion de ce matin m'aura,
au moins, permis de constater une chose entre autres, que je tiens à
souligner au début. Notre ministre des Affaires sociales, qui se voulait
l'homme intègre, l'homme posé, clame, au-dessus de toute
partisanerie politique, vient de nous prouver qu'il est devenu un petit
politicien comme les autres.
Je pense que c'est contagieux au sein du Parti libéral.
M. le Président, j'ai souligné certains points, ce matin,
à l'attention du gouvernement et à l'attention du ministre. Le
ministre a fait, tout à l'heure, l'éloge du Parti libéral
des années soixante. Il ne faisait même pas partie du cabinet et
nous devons souffrir encore les embêtements des politiques d'alors. Il
nous a fait aussi l'éloge et l'apologie de certaines de ses politiques
et certaines de ses réalisations. Il a terminé son intervention
en me posant des questions. Je me suis demandé si je devais y
répondre. Mais, comme elles sont inscrites au journal des Débats,
je vais prendre au moins une couple de minutes pour y répondre. D'abord,
les premières questions du ministres étaient utopiques. Il a
parlé d'utopie, alors je vais lui répondre dans les mêmes
termes. Je n'ai jamais parlé, dans mes propos de ce matin, de demander
au ministre de nous donner au Québec une société
idéale, d'éliminer toute la pauvreté, de régler
tous les problèmes du logement, puis les problèmes de M.
Tout-le-monde. Je n'ai jamais dit cela, en aucun moment et d'aucune
façon et jamais aucun de mes collègues du Ralliement
créditiste n'a réclamé une telle chose. Un moment
donné, un homme politique devient aveuglé par la partisanerie.
C'est par des propos partisans, de la partisanerie et de la mesquinerie
politique que le ministre des Affaires sociales a traité la motion que
nous avons présentée ce matin.
M. GARNEAU: Vous pensez que tout le monde agit comme vous autres?
M. ROY (Beauce): M. le Président, je suis déçu.
M. GARNEAU: Vous faites de la projection.
M. ROY (Beauce): M. le ministre, si vous voulez intervenir, vous
interviendrez. Je ne vous permets pas de poser des questions, parce que j'ai
dix minutes, M. le Président.
M. GARNEAU: Vous ne comprenez même pas ce que vous dites.
M. ROY (Beauce): Je vous demanderais de rappeler vos perroquets à
l'ordre.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît
!
M. GARNEAU: Je le dis et je le répète.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Le
député de Beauce a dix minutes pour faire son intervention et je
prierais les membres de cette Chambre de bien vouloir le laisser terminer.
M. ROY (Beauce): Il y a une chose sur laquelle le gouvernement
pèche et c'est pour ça que les socialistes vous encensent et vous
appuient. Vous n'avez jamais voulu faire de distinction entre la
sécurité sociale et l'aide sociale. Parlons de
sécurité sociale. A l'heure actuelle, les personnes
bénéficiant du régime de rentes ne sont pas tenues de
subir l'inquisition de vos 1,600 agents de sécurité sociale au
Québec. Elles ne sont pas obligées. Il y a des normes de
permanence en matière de sécurité sociale, et je parle des
aveugles, des personnes invalides, des personnes âgées et des
mères nécessiteuses. Ils sont considérés au
même titre que si c'étaient des personnes qui
bénéficient de l'aide sociale de façon temporaire. Tant
que le gouvernement se bouchera les yeux et demeurera les yeux bouchés
sur ce point, les problèmes ne seront jamais réglés. Mais
le problème est à la veille d'être réglé
parce que nous sommes à la veille de prendre le pouvoir, et je pense que
la population en est consciente.
C'est justement pour cette question que l'honorable ministre des
Affaires sociales, qui est ordinairement calme, a été pris de
panique ce matin, il a perdu les pédales, il a bafouillé et il a
dit des stupidités.
M. GARNEAU: En parlant de bafouillage, vous devez vous
reconnaître.
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'ai le droit de parole.
M. GARNEAU: Vous devez vous reconnaître.
M. VEILLEUX: Le député de Beauce s'écoute.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît
!
M. ROY (Beauce): M. le Président, on a parlé de
démagogie, c'est bien facile quand on n'a rien à dire. C'est de
la démagogie et de l'utopie. J'ai cité à l'honorable
ministre des faits.
Si l'honorable ministre comprenait qu'il y a une différence entre
ceux qui sont des permanents, ceux qui ont besoin de sécurité
sociale de façon permanente, et ceux qui y sont de façon
temporaire, si le ministre avait compris ça, il
économiserait des millions à son ministère. Il y aurait
beaucoup moins de discrimination et les gens seraient traités avec
beaucoup plus de justice qu'ils ne le sont présentement.
M. le Président, on a dit qu'on leurrait la population. Je ne
sais pas si ce n'est pas le ministère des Affaires sociales qui leurre
la population avec sa commission d'appel. On a dit: Si vous êtes
traités avec injustice, appelez à la commission d'appel. On dit
ça à tout le monde, dans tous les comtés de la province de
Québec. La commission d'appel a dit: Quant à nous, les
règlements, les normes, la loi a été appliquée.
Dans 95 p.c. des cas, ça donne zéro et on oblige les
assistés sociaux et les personnes défavorisées à
des dépenses additionnelles, on leur donne une lueur d'espoir, ils
retournent chez eux complètement déçus. C'est de là
que découle la frustration dont nous avons parlé.
Nous n'avons jamais réclamé la société
parfaite. Le gouvernement ne veut pas comprendre, je viens d'en avoir la preuve
la plus évidente, parce que ce n'est pas lui qui gouverne, c'est la
technocratie, ce sont les syndicats des fonctionnaires, les hauts
fonctionnaires qui dirigent, contrôlés par le Parti
québécois qui, lui, ne veut pas faire de politique mais il dit
que, si le Québec se sépare, ça va se régler.
Là, on aura la société idéale, tous les
problèmes vont être réglés parce que c'est une
question de confédération, c'est une question constitutionnelle.
Je n'ai parlé à aucun moment du Ralliement créditiste
comme tel. Je n'ai pas voulu faire de politique dans cette question parce que
j'ai dit, ce matin, que je voulais me faire l'interprète d'un fort
pourcentage de la population qui était sans voix non syndiqué,
incapable de faire de grève et que le gouvernement ignorait, que le
gouvernement ne voulait pas écouter.
Les propos du Dr Laurin, ce matin je m'excuse du
député de Bourget, je m'excuse d'avoir manqué à
notre règlement...
M. SAMSON: Cela ne fait rien, ce n'est pas mieux un que l'autre.
M. ROY (Beauce): M. le Président, on nous a dit qu'on ne voulait
pas parler ce matin parce que c'était de la démagogie. J'ai
compris; parce qu'il n'y avait pas de journalistes dans les galeries au moment
où le député de Bourget parlait. Mais consolez-vous, mon
cher docteur, demain matin, vos propos vont être bien
interprétés dans les journaux. N'ayez aucune inquiétude de
ce côté-là.
Vous ne voulez pas appuyer notre motion. Nous ne sommes
intéressés d'aucune façon à avoir l'appui des
socialistes et des séparatistes de cette Assemblée nationale.
Je reviens sur les questions fondamentales que nous avons
mentionnées tout à l'heure. On nous a charriés dans tous
les pays au monde. Nous sommes dans la province de Québec, nous avons
des problèmes ici, au Québec, nous avons tous les
mécanismes, nous avons le personnel, nous avons un gouvernement qui se
vante d'être majoritaire et d'être capable de prendre des
décisions. Nos problèmes, au Québec, ce ne sont ni les
Américains, ni les Chinois, ni les Japonais, ni les Grecs, ni les
Ukrainiens, ni les Russes, ni les Cubains qui vont venir les régler.
Il nous appartient à nous, à vous, de prendre les
décisions. Nous avons fait des suggestions pertinentes. Nous vous avons
mis au courant de certaines choses dont vous n'êtes peut-être pas
informés. Nous vous avons informés de ces choses-là ce
matin. Il n'y a pas de démagogie là-dedans. Si mes propos ont
montré de la démagogie, ça prouve justement le ridicule de
la situation, l'ampleur du problème et la nécessité
d'apporter des solutions le plus rapidement possible vis-à-vis de ces
classes de notre société.
M. le Président, le ministre a dit tout à l'heure qu'il y
avait le régime de rentes au Québec et le chef de l'Union
Nationale a justement parlé des relations
fédérales-provinciales. Toutes sortes de belles excuses.
On nous garroche partout pour dire: Nous ne sommes pas capables de
régler le problème parce qu'il faut d'abord sauver le parti,
sauver la politique et, surtout, sauver le parti libéral à
Ottawa. C'est bien important de sauver le parti libéral à Ottawa
parce qu'il y a des élections qui s'en viennent. On fait des
conférences fédérales-provinciales. On va discuter des
questions constitutionnelles. La commission parlementaire n'est pas
convoquée pour que nous puissions connaître, analyser,
étudier et faire des suggestions au gouvernement avant qu'on aille
à ces réunions. Les propos et les conférences sont
confidentiels. La presse n'est pas admise. La population n'a pas le droit
d'avoir de l'information et on s'assure, surtout, que personne de l'Opposition
ne puisse y assister parce que cela pourrait déranger certains plans,
certains projets. C'est la façon dont on travaille. C'est la
façon dont on procède. On berne la population. On leurre la
population et c'est toujours ce qu'on fait.
Je pense qu'il me reste à peu près une minute.
M. SAMSON: Il est meilleur que les autres.
M. ROY (Beauce): Je pense, quand même, que le problème
demeure posé, la situation de fait demeure. Elle est là. Le
gouvernement a la responsabilité d'agir et la population du
Québec aura aussi à prendre ses responsabilités à
un certain moment. Elle aura des décisions à prendre. Et la
population du Québec, à l'heure actuelle, commence à en
avoir assez de ce régime économique dans lequel nous vivons. On
aura beau nous prêter toutes sortes d'intentions, nous dire toutes sortes
de qualificatifs, je dis que nous...
M. VEILLEUX: La Banque du Canada.
M. ROY (Beauce): ... ne sommes pas nerveux...
M. VEILLEUX: Cela s'en vient.
M. ROY (Beauce): ... comme le député de Saint-Jean, qui
achève ses jours à l'Assemblée nationale.
UNE VOIX: L'ancien député de Saint-Jean.
M. ROY (Beauce): L'ex-député de Saint-Jean. Nous ne sommes
pas nerveux comme d'autres députés dont il semble que les jours
sont comptés.
M. VEILLEUX: Le député de Beauce viendra se
présenter dans le comté de Saint-Jean. On va voir ce qu'on va
faire avec lui.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. ROY (Beauce): Il serait à propos qu'ils commencent à
corriger la situation le plus rapidement possible.
La motion que nous avons présentée ce matin mérite
d'être écoutée, d'être entendue par tous les membres
de l'Assemblée nationale. Dans quelques minutes, un vote sera pris sur
cette motion. Dans vos comtés respectifs, vous avez exactement les
mêmes problèmes que nous. Les gens de vos comtés ne sont
pas différents des nôtres. Vous serez jugés par la
décision que vous prendrez tout à l'heure. Vous êtes
prêts à endosser les politiques du gouvernement?
Défendez-les dans vos comtés. Mais, en ce qui nous concerne, nous
savons à quoi nous en tenir. Nous avons vu, ce matin, de quel bois le
ministre des Affaires sociales se chauffait. Nous avons vu de quelle
façon le gouvernement envisageait la situation. Et nous avons vu
également, parce que nous avons fait d'une pierre deux coups, de quelle
façon les séparatistes envisagent la question. Pour nous, le
problème est posé; aux membres de l'Assemblée nationale de
prendre leurs responsabilités.
LE VICE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce qu'on demande un vote?
M. ROY (Beauce): Un vote enregistré. Nous voulons savoir qui est
quoi.
Vote sur la motion
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable
député de Beauce veuillent bien se lever, s'il vous
plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Samson, Roy (Beauce), Latulippe, Brochu,
Drolet, Guay, Béland, Audet, Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi),
Vincent, Cloutier (Montmagny), Boivin, Lafontaine, Lavoie (Wolfe), Gagnon,
Russell, Croisetière, Demers, Simard (Témiscouata), Masse.
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever, s'il
vous plaft.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Castonguay, Garneau, Tessier,
Tremblay (Bourassa), Goldbloom, Quenneville, Tetley, Drummond Lacroix,
Bienvenue, Saint-Pierre, Toupin, Massé, Cournoyer, Mailloux, Arsenault,
Théberge, Perreault, Brown, Blank, Kennedy, Saindon, Séguin,
Picard, Fraser, Fortier, Assad, Caron, Carpentier, Cornellier, Dionne, Faucher,
Giasson, Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Larivière, Ostiguy,
Pelletier, Pepin, Pilote, Veilleux, Gallienne, Gratton.
LE PRESIDENT: Abstentions?
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Laurin, Tremblay (Sainte-Marie).
LE SECRETAIRE: Pour: 22. Contre: 45. Abstention: 2.
LE PRESIDENT: La motion est rejetée.
M. LEVESQUE: M. le Président, je suggérerais que l'on
suspende la séance jusqu'à 15 heures.
LE PRESIDENT: L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 15
heures.
(Fin de la séance à 12 h 38)
Reprise de la séance à 15 h 7
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs!
Projet de loi no 255 Deuxième lecture
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre des Affaires sociales propose
la deuxième lecture du projet de loi no 255, Loi sur la pharmacie.
Le ministre des Affaires sociales.
M. Claude Castonguay
M. CASTONGUAY: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur
de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande
l'étude à l'Assemblée.
M. le Président, au moment où nous abordons l'étude
du projet de loi no 255 sur la pharmacie, il est bon de dire que ceci fait
suite à certains conseils qui m'ont été donnés par
des opinants au moment de l'étude d'autres projets de loi. Il y a
peut-être lieu de situer ce projet de loi dans l'ensemble des mesures
prises et des mesures en voie d'être prises relativement à la
question des médicaments. J'espère avoir l'indulgence des
députés si je sors quelque peu du sujet d'une certaine
façon. Mais si je le fais, c'est pour mieux situer le projet de loi que
nous allons discuter, soit celui de la pharmacie. Il touche directement la
distribution du médicament au consommateur, la protection du public dans
cette fonction de distribution et aussi le rôle du pharmacien.
Les actions qui ont été prises ou qui continuent de
l'être, ou qui sont en voie de l'être, en ce qui a trait au
gouvernement du Québec, touchent trois aspects, ou se situent à
trois niveaux: En premier lieu, la protection de la santé publique, ceci
dans le cadre de la loi 30 que nous avons adoptée au cours du mois de
décembre dernier; au plan de l'accessibilité financière,
c'est-à-dire dans le cadre de l'assistance-médicaments, en
rappelant, en passant, que, pour les patients qui sont hospitalisés en
vertu de l'assurance-hospitalisation, les médicaments sont couverts; au
plan d'autres mesures qui visent à réduire le coût des
médicaments.
En ce qui a trait plus spécifiquement à la question de la
protection de la santé publique, il y a trois types de mesures qui,
à mon sens, doivent être soulignées ou mentionnées.
D'abord, comme nous l'avons vu ou comme nous l'avons fait au mois de
décembre dernier, l'insertion, dans la nouvelle Loi de la protection de
la santé publique, d'une disposition qui autorise maintenant le
lieutenant-gouverneur à établir des normes assurant la bonne
qualité des médicaments et également à
déterminer la nature et la sécurité des contenants et
aussi des inscriptions qui doivent y apparaître.
Au moment de la discussion de cette question, les membres de la
commission parlementaire des affaires sociales sont tous tombés d'accord
sur la nécessité d'introduire de telles dispositions, aussi bien
pour la protection des usagers des médicaments, face aux dangers que les
contenants peuvent présenter pour les enfants, face aux dangers que les
médicaments peuvent présenter si les informations qui sont
inscrites sur ces contenants ne sont pas adéquates, et ceci s'appliquant
aussi bien aux médicaments d'ordonnances qu'aux médicaments
brevetés.
Egalement, les normes de sécurité ou de qualité ont
été vues comme un moyen d'ajouter au contrôle qu'exerce le
gouvernement fédéral, par la voie de sa division des aliments et
drogues. Malgré les efforts qu'effectue le gouvernement
fédéral sur ce plan, il demeure toujours possible que certains
médicaments soient jugés comme devant être retirés
du marché par le ministère des Affaires sociales. Nous avons
maintenant le pouvoir de le faire en vertu de la Loi de la protection de la
santé publique. Je crois que c'est une disposition extrêmement
importante. Nous n'entendons pas utiliser cette disposition de façon
générale ou de façon très répandue car nous
croyons que les mesures prises par le gouvernement fédéral,
même si elles ne donnent pas encore tous les effets escomptés,
sont des mesures positives, des mesures qui s'imposaient, qui donnent
déjà de meilleurs résultats et qui sont susceptibles d'en
donner davantage.
J'ai lu, comme les membres de cette Chambre, certains articles qui ont
été publiés récemment, où l'on
dénonçait certaines faiblesses du programme de contrôle de
la qualité du gouvernement fédéral. J'ai fait
vérifier les faits qui étaient rapportés par les membres
de notre Conseil de pharmacologie. On peut imaginer que, dans certains cas, les
faits n'étaient pas exacts. On peut peut-être aussi émettre
l'hypothèse que, dans certains cas, on a été beaucoup plus
critique à l'endroit de ce programme non pas tellement parce qu'on en a
contre ce programme mais parce qu'on est contre le principe de la substitution
des médicaments.
C'est un moyen, en fait, d'attaquer le principe de la substitution des
médicaments si on met en cause la valeur des contrôles de
qualité qui sont exercés. C'est une hypothèse que je fais,
mais une hypothèse qui n'est peut-être pas tellement fausse.
Nous avons également institué, toujours au plan de la
protection de la santé publique, un conseil consultatif de
pharmacologie. Ce conseil a dressé une première liste de
médicaments pour les fins du régime
d'assistance-médicaments. Comme je l'ai déjà dit dans
cette Chambre, à plusieurs reprises, le critère le plus important
qui nous a guidés dans la constitution de cette liste est celui de la
qualité. Si je le mentionne à ce moment-ci, ce n'est pas pour
élaborer longuement, mais c'est que nous avons
maintenant, avec cette liste, un outil important qui est mis à la
disposition des médecins et des pharmaciens et qui peut les aider
grandement dans l'identification des meilleurs médicaments parmi tous
ceux qui sont sur le marché.
Cette liste sera étendue aux établissements hospitaliers
en vertu des dispositions de la loi 65, qui nous permettent de le faire, de
telle sorte que les difficultés que nous avons rencontrées au
départ quant à l'utilisation de cette liste devront graduellement
se résorber puisqu'elle sera utilisée d'une façon de plus
en plus généralisée.
Enfin, le gouvernement, toujours au plan de la protection de la
santé publique, a fait porter ses efforts sur le problème de la
surconsommation des médicaments. A ce sujet, je rencontrais, l'an
dernier, le Collège des médecins et le Collège des
pharmaciens pour leur faire part de notre inquiétude. Il est clair que
nous appuyons le Collège des pharmaciens dans ses efforts pour
renseigner davantage la population sur les dangers d'une surconsommation de
médicaments. Aussi, nous avons demandé à cette
époque aux deux collèges de collaborer dans l'échange
d'informations, dans l'échange des moyens à prendre pour
qu'ensemble les médecins et les pharmaciens, qui jouent
évidemment le rôle prédominant dans ce domaine, puissent
faire en sorte que la hausse constante de consommation des médicaments
dont nous sommes témoins soit davantage contrôlée.
Egalement et j'y reviendrai nous avons entrepris
auprès du gouvernement fédéral des pourparlers en ce qui a
trait à la publicité relative aux médicaments
brevetés. Ceci touche également à la protection de la
santé publique.
On sait que depuis quelque temps, cela a été
mentionné à plusieurs reprises, un certain nombre de
médicaments brevetés sur le marché sont vendus sans qu'il
soit possible d'en connaître exactement les contenus ou les composants,
ce qui de nos jours parait inadmissible à tous ceux qui se sont
penchés le moindrement sur cette question.
Le médicament peut être trop dangereux pour qu'il soit
possible de vendre à la population de telles substances sans indiquer
quel est le contenu. On exige aujourd'hui pour des produits qui n'ont aucune
nocivité, pour les produits alimentaires, par exemple, d'en indiquer les
contenus; ceci parait tout à fait normal, il n'y a pas de raison de nos
jours qu'il n'en soit pas de même en ce qui a trait aux
médicaments brevetés.
Nous avons formulé cette demande et nous avons demandé que
la question soit inscrite lors de la prochaine conférence
fédérale-provinciale des ministres de la Santé. Et ceci,
nous ne l'avions pas fait seuls mais en tant que conférence de tous les
ministres de la Santé des provinces au Canada.
Sur le plan de l'accessibilité financière aux
médicaments, je rappelle brièvement l'adoption de la loi 69 par
cette Chambre et la mise en vigueur, au 1er août dernier, du programme
destiné à rendre gratuits les médicaments pour les
bénéficiaires de l'aide sociale. Encore là, le souci
premier a été de faire en sorte que les médicaments soient
avant tout des médicaments de première qualité. Donc, les
médicaments qui sont compris sur la liste dressée par le Conseil
consultatif de pharmacologie.
Les mesures visant à réduire les coûts. Le
coût des médicaments est un élément qui est souvent
discuté avec des données plus ou moins complètes et
quelquefois aussi à partir d'exemples tout à fait individuels.
Lorsque l'on regarde cette question sous certains de ces aspects, il est clair
que certains médicaments coûtent extrêmement cher. Lorsque
l'on regarde l'ensemble des médicaments, que l'on compare la hausse des
coûts des médicaments par rapport à la hausse des prix des
aliments, des vêtements, d'autres composantes d'indice des prix, on peut
conclure que les médicaments n'ont pas nécessairement
augmenté au même rythme.
Un autre aspect qui inquiète dans bien des cas est le fait qu'il
soit possible d'obtenir dans une pharmacie un médicament à un
prix de beaucoup inférieur ou supérieur, selon le cas, à
celui du même médicament dans une autre pharmacie d'officine ou
encore qu'il soit possible d'avoir un médicament dont la valeur
thérapeutique est exactement la même ou semble être la
même qu'un autre médicament, à des prix très
différents.
Tout ceci provient, en définitive, M. le Président,
d'abord d'une évolution rapide dans ce secteur qui a fait
bénéficier la population de bienfaits énormes provenant
des efforts de recherche faits dans le domaine des médicaments. Encore
récemment certaines maladies étaient très
répandues, et avec l'introduction ou la découverte de nouvelles
substances, des progrès considérables ont été
atteints.
Mais en même temps on sait fort bien que l'industrie de
fabrication des produits pharmaceutiques est une industrie extrêmement
puissante et que, dans certains cas, la concurrence ne joue pas. Egalement au
niveau des pharmaciens d'officine, il me paraît assez clair que la
nécessité de protéger la population a fait en sorte que
certaines règles limitent hautement la concurrence, une saine
concurrence entre les pharmaciens d'officine quant au niveau des prix des
médicaments.
A cette fin, nous croyons que la liste des médicaments
constituée par le conseil consultatif de pharmacologie peut constituer
un élément extrêmement important. Nous avons maintenant, de
même que les médecins, les pharmaciens, des informations
précises qui permettent de faire des choix. Et en plus de l'existence de
cette liste, nous proposons, dans le projet de loi qui est présentement
à l'étude, la mesure complémentaire c'est-à-dire la
possibilité de substituer des médicaments qui ont la même
valeur thérapeutique.
Alors nous avons là deux outils, un qui est à
point, un qui existe, un autre que nous proposons ici, qui permettront,
j'en suis assuré, d'avoir un rôle important sur le plan du
coût des médicaments.
Nous n'imposons pas toutefois aux pharmaciens l'obligation de substituer
des médicaments; nous y mettons les sauvegardes nécessaires pour
respecter le libre choix que peuvent faire des individus et nous y mettons
aussi des sauvegardes en ce qui a trait au médecin qui veut bien soigner
son patient, de la façon qui lui paraît la plus appropriée.
Nous ouvrons largement la porte à tous ceux qui voudront s'en servir
d'une façon intelligente. Je crois que des résultats
extrêmement positifs pourront se dégager de cette disposition qui
est comprise dans le projet de loi.
A la dernière conférence des ministres de la Santé,
tenue à Régina en octobre 1972, les ministres de la Santé
ont convenu de recommander avec grande insistance au gouvernement
fédéral que la question de la publicité sur les
médicaments, particulièrement la publicité sur les
médicaments d'ordonnance, soit réévaluée de
façon attentive par le gouvernement du Canada. Il est clair que le
coût de cette publicité, qui ne vise pas, dans bien des cas,
à transmettre une information à caractère scientifique aux
médecins, mais plutôt à mettre de l'avant une marque de
commerce, influe d'une façon très marquée sur le
coût du médicament lorsque le consommateur l'achète. Cette
publicité tend, bien plus souvent qu'autrement, à stimuler la
consommation.
Nous avons fait des propositions précises. Je crois que j'ai
déjà eu l'occasion d'en faire état. Nous croyons que le
gouvernement fédéral devrait allouer des montants limités
à ce type de publicité. Tout montant excédant une certaine
limite ne devrait plus être déductible aux fins de la Loi de
l'impôt sur les corporations. Voilà, M. le Président, un
certain nombre d'aspects ou de mesures qui ont été prises, de
gestes que nous posons dans des domaines sur lesquels nous continuerons
d'insister, qui touchent à cette question du médicament et qui
situent mieux, à mon sens, dans quel contexte s'inscrit le projet de loi
sur la pharmacie dont nous abordons l'étude cet après-midi.
En ce qui a trait plus spécifiquement à ce projet de loi,
je crois que sa caractéristique première est que, pour la
première fois, nous voulons attribuer clairement aux pharmaciens un
rôle de conseillers.
De cette façon, ils ne demeureront pas uniquement des agents de
distribution dans le processus qui commence au moment de la fabrication du
médicament et qui se termine au moment où l'utilisateur
reçoit son médicament.
En d'autres termes, nous voulons faire en sorte que le pharmacien
retrouve son rôle de professionnel d'une façon beaucoup plus
complète que ce n'est le cas présentement. Il s'agit de lui faire
jouer un rôle de conseiller, en plus de son rôle traditionnel de
pharmacien.
Egalement, nous leur donnons comme mission, un rôle, en fait, qui
nous paraît extrêmement important, celui de communiquer des
renseignements sur l'usage prescrit ou encore, lorsqu'il n'est pas
nécessaire d'obtenir un médicament par voie d'ordonnance, sur
l'usage reconnu des médicaments ou des poisons sur lesquels ils ont le
contrôle. Ainsi, la population, les médecins, tout le monde qui
entre en contact avec le médicament sera mieux informé et le
pharmacien, dont la spécialité, dont les connaissances, sur le
plan des médicaments, ont un caractère beaucoup plus
précis que celles de tout autre professionnel, pourra jouer vraiment son
rôle.
Toujours dans le contexte de ce rôle plus professionnel que nous
croyons nécessaire de conférer, par ce projet de loi, aux
pharmaciens, le projet de loi prévoit et ceci est
extrêmement important dans l'exercice de la pharmacie compris
comme tel, la constitution d'un dossier-patient pour chaque personne à
qui le pharmacien livre des médicaments sur ordonnance et aussi
l'étude pharmacologique de ce dossier.
Nous savons que bien des pharmaciens, à l'instigation du
Collège des pharmaciens, ont commencé à dresser de tels
dossiers-patients. J'en ai vu certains. Ils peuvent contenir des informations
fort valables, fort instructives sur toutes sortes de plans. Je crois que le
fait de consacrer ce rôle dans le projet de loi, de façon
très claire, constitue un pas en avant sur la voie de la protection de
la santé publique et, également, dans le but de redonner un
rôle authentique de professionnel au pharmacien.
Voyons maintenant, de façon un peu plus spécifique, ce qui
a trait à la question de la substitution. Cette question,
évidemment, est importante non seulement au plan des coûts, mais
au plan d'un bon service à la population dans des délais
brefs.
Au plan aussi de la possibilité pour un pharmacien de livrer
toujours des médicaments d'une qualité bien reconnue, compte tenu
de l'existence de la liste dont j'ai fait état plus tôt.
Le projet de loi prévoit des dispositions. Sur le plan de ces
dispositions, étant donné le caractère très
délicat de cette question, nous avons écouté et
étudié attentivement les représentations qui ont
été faites depuis la réimpression du projet de loi. A la
suite de ces représentations, de ces recommandations, de leur
étude, de leur discussion, je proposerai lors de l'étude article
par article certains changements au projet de loi. Au lieu de faire en sorte
que, pour les fins d'identifier ce qui est un médicament et ensuite
déterminer ceux qui peuvent être substitués, on oblige le
collège à dresser une nouvelle liste, ce qui aurait pu
occasionner une certaine confusion, une certaine complication, nous allons en
revenir à des notions qui s'apparentent davantage à celles
contenues dans la loi actuelle quant à l'identification de ce qu'est un
médicament. Quant à la
substitution, nous allons utiliser l'outil qui est tout à fait
indiqué à cette fin, soit la liste conçue par le Conseil
consultatif de pharmacologie.
Quant à l'autre disposition complémentaire,
c'est-à-dire celle qui touche aux motifs pour lesquels un médecin
ne voudrait pas que dans un cas donné il y ait substitution, nous savons
également que cette question est assez complexe. Nous en avons eu des
exemples lors de la discussion en commission parlementaire. Nous avons eu
également des exemples montrant comment les dispositions touchant la
substitution peuvent être contournées par certains fabricants.
Nous allons modifier quelque peu les dispositions proposées de telle
sorte que le médecin n'aura plus à indiquer le motif pour lequel
il voudrait s'opposer à la substitution. Nous maintiendrons, toutefois,
l'obligation qu'il le fasse par écrit de telle sorte qu'il n'y ait pas
de possibilité d'éviter là question de façon
systématique simplement par la voie d'un imprimé
préparé par certains fabricants.
Il y a également dans ce projet de loi, au plan de
l'accessibilité aux médicaments, deux aspects qui, à mon
sens, méritent d'être mentionnés. La question de
l'accessibilité aux médicaments a été
soulevée à certaines reprises en cette Chambre ou en commission
parlementaire. C'est pour cette raison que dans le projet de loi nous
retrouvons deux possibilités. Le projet de loi prévoit que le
lieutenant-gouverneur en conseil pourra, par règlements,
déterminer les circonstances où, à cause de la faible
densité de population ou encore l'absence d'un pharmacien dans un
endroit donné, un médecin pourra obtenir un permis valable pour
une période donnée et renouvelable. Nous ne nous en tiendrons pas
à des normes aussi strictes et rigides inscrites dans la loi que par le
passé.
Nous croyons qu'une telle disposition permettra à la situation
d'évoluer selon les besoins. On sait, par exemple, que depuis
l'introduction de l'assistance-médicaments, un certain nombre de
pharmaciens sont allés s'établir dans des régions, des
municipalités ou des localités où, avant la mise en
vigueur de l'assistance-médicaments, ils n'auraient pas osé
aller, sachant d'avance qu'il aurait été à peu près
impossible d'obtenir un revenu suffisant pour maintenir une pharmacie
d'officine.
C'est pourquoi je dis que nous sommes dans une situation où
l'évolution est susceptible d'être beaucoup plus rapide que par le
passé et que nous croyons qu'il est beaucoup plus sage de prévoir
un pouvoir réglementaire sur ce plan que des dispositions
établies dans la loi elle-même.
Egalement dans le même but le projet de loi
prévoit que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra, par
règlement, déterminer à quels endroits et à quels
moments les établissements auxquels sont attachés des pharmaciens
ou des médecins je pense plus particulièrement à
des hôpitaux, évidemment pourront vendre ou fournir des
médicaments à des personnes qui ne sont pas nécessairement
admises ou inscrites dans ces hôpitaux, en d'autres termes vendre
à la population s'il n'y a pas de médecin ou de pharmacien qui
s'acquitte de cette fonction dans une région, toujours dans le but que
l'accès aux médicaments devienne de moins en moins un
problème.
Ce sont deux dispositions extrêmement importantes, M. le
Président. Je crois que certains des problèmes d'accès qui
ont été soulevés à plusieurs reprises, dans cette
Chambre, trouveront graduellement réponse par la voie de ces
dispositions.
Nous retrouvons également dans le projet de loi la disposition
habituelle touchant la délégation des actes. Je crois qu'il est
important que nous retrouvions une telle disposition car, autrement, des
problèmes très concrets, très pratiques ne trouveraient
pas réponse dans un tel projet de loi. Nous serions peut-être
obligés de les aborder d'une façon beaucoup moins adéquate
par d'autres moyens. Je pense, entre autres, au rôle du commis
pharmacien, rôle qui vous a sûrement impressionné lors de la
commission parlementaire, rôle qui est joué par le commis
pharmacien vis-à-vis du client, qui est très important mais qui
demande, malgré tout, d'être encadré, soit qu'il est
nécessaire qu'il y ait des pharmaciens dans nos pharmacies d'officine ou
qu'il n'est pas nécessaire qu'il y en ait. Nous avons opté
franchement, comme je l'ai dit plus tôt, pour un rôle accru, un
rôle beaucoup plus professionnel pour le pharmacien et la logique veut,
évidemment, que, dans ce contexte, le personnel auxiliaire qui entoure
le pharmacien, qui l'assiste dans son travail puisse accomplir des actes
valables, des actes significatifs, pour que la population soit bien desservie
et que cela se fasse dans un contexte bien organisé, bien
précisé, bien délimité.
Je crois que la clause de délégation permettra
également d'apporter des réponses précises,
concrètes qui feront aussi bien l'affaire des pharmaciens que celle des
commis pharmaciens, tout en protégeant adéquatement la
population.
Avec l'ensemble des mesures que j'ai décrites, je crois que,
grâce à ce projet de loi, nous allons franchir une autre
étape extrêmement positive dans la voie de la protection de la
santé publique face aux médicaments qui, comme nous le savons,
bien qu'ils aient apporté des effets extrêmement
bénéfiques, des effets qui n'auraient pu être
imaginés, dans certains cas, il n'y a encore que quelques années,
présentent on ne peut l'oublier bien des dangers
également. La population, en définitive,
bénéficiera du travail qui a été effectué
aussi bien en commission parlementaire que dans cette Chambre dans la
révision de cette Loi sur la pharmacie, révision qui,
évidemment, est relativement complexe.
C'est un projet de loi qu'il me fait plaisir de présenter
à cette Chambre, et j'écouterai avec grande attention les
commentaires des autres
députés de cette Chambre qui parleront dans le cadre de ce
débat.
LE VICE PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de
Montmagny.
M. Jean-Paul Cloutier
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je constate avec
plaisir que le ministre a retrouvé une bonne partie de sa vigueur, de
son agressivité. Le député de Saint-Maurice appellerait
cela de la gaillardise. Le ministre est gaillard. Il a commencé à
causer. Son discours, cet après-midi, sur les pharmaciens est beaucoup
plus complet; même, M. le Président, avec votre permission et
notre consentement, il a élargi le cadre du débat. Je pense que
c'est ainsi que cela doit se faire. Il s'agit de situer les corporations
professionnelles dans tout l'appareil de la santé. Cela nous permet de
faire des remarques et d'aborder le problème de façon beaucoup
plus complète.
Je n'entreprendrai pas le même tour d'horizon que le ministre a
fait. Il a situé la loi actuelle par rapport au pharmacien et le
pharmacien par rapport à la loi actuelle, le bill 30, Loi de la
protection de la santé publique, à la loi 69 qui permet la
distribution des médicaments aux assistés sociaux et aussi
à d'autres mesures d'accessibilité ou administratives qui ont
été prises durant les dernières années et qui
touchaient directement le pharmacien, soit dans son officine ou dans
l'établissement public.
Ce serait une répétition de dire qu'il s'agit là
d'une loi importante pour une profession importante, mais le seul fait de ne
pas le dire pourrait être interprété de façon
péjorative. C'est peut-être une redondance de le dire, une
répétition banale, mais c'est la profession elle-même, ces
dernières années, qui nous l'a prouvé.
Si la profession des pharmaciens n'avait pas évolué comme
elle a évolué, nous nous poserions aujourd'hui de
sérieuses questions. Il y a une grande différence entre le
pharmacien d'aujourd'hui j'ai fait la comparaison hier pour les
dentistes et celui d'il y a quelques années dont l'officine
passait presque inaperçue dans l'établissement qui l'abritait, au
travers de l'amoncellement de toutes sortes de marchandises. L'absence trop
répétée du pharmacien a porté le public en
général à se poser des questions sur la
nécessité de maintenir la profession. Heureusement, les
pharmaciens se sont ressaisis, ils ont donné un sérieux coup de
barre, et c'est là qu'on reconnaît les véritables
professionnels qui sont conscients des obligations qu'ils ont envers le public
en général et qui donnent des services qui font suite à la
formation qu'ils ont reçue et qui posent l'acte professionnel pour
lequel ils ont été préparés.
Les pharmaciens ont commencé par appliquer la Loi de pharmacie
qu'ils avaient. Il y avait des dispositions dans leur loi qui n'étaient,
à toutes fins pratiques, pas appliquées ou on n'en tenait pas
compte suffisamment. Les professionnels, les pharmaciens d'officine ont
décidé, à un moment donné, de prendre toute la
responsabilité de la distribution des médicaments dans leur
officine. Ils ont également commencé à examiner la
façon dont se distribuaient les médicaments, le nombre de
médicaments, la complexité, la publicité, tout ce qui
entourait ce qu'on a qualifié de commerce mais qui ne doit pas
l'être, qui est un acte professionnel. Egalement, ils ont commencé
à faire des études sur la rémunération du
pharmacien. Pour les médecins, on les rémunérait à
l'intérieur des lois étatiques de l'assurance-maladie à
l'acte médical. Les pharmaciens ont fait des propositions pour la
rémunération à honoraires professionnels, de sorte qu'on
distinguait bien les deux composantes; d'une part, l'achat et le coût du
médicament qui est fabriqué par ceux qui sont dans cette
industrie et, d'autre part, l'honoraire professionnel qui correspond à
l'acte professionnel posé par le pharmacien.
C'était là une réflexion importante de la part de
cette profession. Et finalement ils se sont associés très
étroitement aux travaux de la commission parlementaire. D'abord, ils ont
participé aux travaux sur différentes lois, en particulier la loi
69 qui les concernait directement, ils ont produit des mémoires à
la commission, mémoires qui touchaient également tous les
problèmes relatifs à leur profession. Quand je parle de la
participation des pharmaciens aux travaux de la commission parlementaire, je ne
veux pas oublier tous les autres groupes de professionnels, les autres groupes
de pharmaciens propriétaires, pharmaciens salariés, associations
de pharmaciens; on a passé deux jours à les écouter,
à la commission parlementaire.
Il y a le Collège des pharmaciens, l'Association
québécoise des pharmaciens propriétaires, l'Association
professionnelle des pharmaciens salariés, la Société
professionnelle des pharmaciens d'hôpitaux du Québec, les
universités, l'Association canadienne de l'industrie du
médicament, l'Association des aides-pharmaciens, l'Association
professionnelle des pharmaciens de l'Université du Québec,
l'Association des étudiants en pharmacie de l'Université de
Montréal, l'Association des fabricants du Québec de produits
pharmaceutiques, l'Association des grossistes en médicaments du Canada
et la compagnie Hoffmann-La Roche Limitée.
Alors c'est le sujet, c'est la profession qui a amené devant la
commission parlementaire le plus de groupes et, je pense, qui a retenu le plus
longtemps l'attention de la commission parlementaire. Ils ont donc
apporté une contribution importante à nos travaux. Depuis ce
temps, à la suite de la réimpression du projet de loi, ils ont
apporté de très bonnes suggestions, suggestions qui
étaient déjà contenues dans les premiers mémoires,
mais qui pour une raison ou pour une autre n'avaient pas retenu l'attention du
gouvernement et du ministre des Affaires sociales.
Mais là on a apporté d'autres témoignages,
on a poussé plus loin la réflexion et l'étude sur
certains sujets. Ils nous ont fait parvenir des mémoires additionnels
où on a très bien exposé les sujets sur lesquels ont
désire voir cette loi améliorée. Leur discussion n'est pas
basée sur des choses éparses ou des choses occasionnelles ou des
arguments de circonstance. Leur suggestion d'amélioration du projet de
loi est basée sur des principes. C'est à partir de principes de
base qu'on a fait ces remarques ou ces suggestions de modification à la
loi.
Et je pense qu'on doit être d'accord sur les quelques principes de
base que nous avons cru déceler dans tous ces travaux.
Premièrement le médicament ne peut pas être
considéré comme une marchandise commerciale. Je pense que cela va
de soi. Si, dans l'officine ou dans l'établissement où le
pharmacien exerce sa profession, il y en a une partie qui est commerciale, par
contre il y a, dans l'officine du pharmacien, des marchandises qui ne sont pas
commerciales.
Le médicament je pense que tout le monde en est conscient
et il faut le redire de temps en temps c'est aussi un poison. Les
pharmaciens manoeuvrent et distribuent des poisons en substance et cela va de
soi. D'où la nécessité pour cette profession d'avoir des
contrôles aussi serrés, peut-être plus que pour d'autres
professions de la santé. Le contrôle, étant donné
qu'il s'agit d'un poison en substance, doit être exercé non pas
par n'importe qui mais par un spécialiste de ce contrôle.
Et le pharmacien est le seul spécialiste, à notre avis,
à exercer ce contrôle. Je me pose une première question,
parce que je pense qu'il faut situer à un moment donné le
débat. Il faut situer là où se trouvent le ou les
problèmes qui concernent la profession dont on étudie la loi, les
problèmes de cette corporation professionnelle et aussi les
problèmes qu'elle peut avoir par rapport aux autres professions qui sont
dans le même champ, dans le même secteur.
Je me pose une première question. Quand on parle des pharmaciens,
quand on parle de l'acte professionnel qui concerne les pharmaciens,
étant donné la définition du pharmacien que l'on retrouve
dans le projet de loi, moi je me demande à qui je m'adresse. Est-ce que
je m'adresse au pharmacien ou au médecin? Dans la définition du
projet de loi on décrit le pharmacien comme comprenant également
le médecin.
Alors disons que pour les fins de discussion, nous y reviendrons en ce
qui concerne le médecin, moi, je m'adresse au pharmacien quand je parle
de pharmacie. Le Collège des pharmaciens à la suite, se basant
sur les principes que j'ai énumérés tantôt, formule
des recommandations, des recommandations qui le conduisent à proposer
des amendements. J'étais heureux tantôt d'entendre le ministre
dire qu'il aurait certains amendements à proposer sur certains sujets
plus délicats, entre autres, en ce qui concerne la substitution des
médicaments.
Nous annoncer à ce moment-ci, même si nous n'avons pas la
formulation, que le ministre est disposé lui-même à
apporter des amendements, je pense que c'est de bon augure pour le débat
que nous allons avoir en commission parlementaire.
Comme première recommandation, à la suite des principes
que nous avons énoncés, est-ce que le pharmacien a
l'exclusivité de la juridiction de la pharmacie? Tenant compte de
l'observation que je viens de faire, alors que la définition du
pharmacien englobe le médecin, je ne crois pas que le pharmacien,
même si on lui donne, par une loi, l'exclusivité du champ de
pratique, y soit seul. Il y a des exceptions sérieuses. La plus
sérieuse des exceptions qu'on a rencontrées jusqu'à
maintenant dans toutes les lois spécifiques, c'est au chapitre des
définitions. Dans les autres lois, c'étaient des permissions qui
étaient accordées; nonobstant l'exclusivité, on pouvait
poser certains actes, dans certaines circonstances. Là, le
médecin n'a pas de limitation quant à la Loi sur la pharmacie
elle-même.
L'exclusivité n'est pas totale puisqu'on fait allusion, dans
certains articles que je ne veux pas réciter en détails, à
la distribution des médicaments dans les établissements. On
prévoit aussi que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra
déterminer les cas où un établissement, au sens de la Loi
sur les services de santé et les services sociaux, pourra vendre ou
fournir des médicaments aux personnes qui n'y sont pas admises ou
inscrites. Pour revenir aux médecins, la loi 255 spécifie
également que le médecin pourra obtenir un permis et tenir une
pharmacie vu la faible densité de la population ou l'absence d'un
pharmacien dans un endroit donné, permis qui est émis pour cinq
ans et qui est renouvelable.
Je ne veux pas dire que je suis contre cette disposition. On sait
comment le problème s'est posé à l'état aigu,
surtout l'an dernier au moment de l'instauration de
l'assistance-médicaments, et il fallait prévoir une certaine
période de transition. L'une de ces modalités de transition a
été la permission accordée aux médecins, dans
certaines régions, de continuer à agir comme pharmaciens et
à distribuer les médicaments.
La deuxième recommandation, qui découle des principes, est
que les mots "médicaments et drogues" soient définis de
façon uniforme dans les différentes lois. Il intervient cependant
une autre considération; il y a deux niveaux de Parlement qui
légifèrent sur les médicaments. Alors, il peut être
un peu plus difficile d'assurer l'uniformité. Le ministre nous a
parlé tantôt des points qui seraient à l'ordre du jour des
futures conférences des ministres de la Santé. En plus d'y
inscrire la publicité dont il a parlé tantôt, on devrait
peut-être inscrire aussi la question de la rédaction à
l'effet d'atteindre, dans les définitions en tout cas, plus
d'uniformité, ce qui serait de nature à faciliter le travail de
tous ceux qui utilisent l'appareil législatif.
La troisième recommandation faite par les
pharmaciens demande que la présence du pharmacien soit
assurée au niveau de la préparation, du contrôle, de la
délivrance du médicament dans tous les établissements du
secteur public et du secteur privé où on délivre des
médicaments. On prévoit, dans notre loi, à l'article 30,
que "nul propriétaire ou administrateur de pharmacie ne doit laisser son
établissement accessible au public sans que tout service pharmaceutique
qui s'y rend soit sous le contrôle et la surveillance constante d'un
pharmacien."
Le ministre, tantôt, a dit: Il nous a fallu trancher, à un
moment donné, dans le débat. Le pharmacien, qui est un
professionnel, est là dans son officine et il prend la
responsabilité de la préparation de l'ordonnance et de la
délivrance du médicament aux patients ou aux clients.
On sait qu'avant que le collège n'applique dans toute sa rigueur
l'article 21 les commis pharmaciens, même si le pharmacien n'était
pas dans son officine, pouvaient assez librement répondre aux besoins de
la clientèle, si bien qu'au cours des années il s'est
constitué un groupe important de ce qu'on appelle les commis pharmaciens
ou les aides-pharmaciens qui, maintenant, se sont formés en association.
Elle s'appelle l'Association des préparateurs d'officine Inc. C'est le
dernier nom qui a été enregistré en 1972. Je n'ai pas la
date exacte, mais c'est à la suite de la séance de la commission
parlementaire du mois d'août. Ce doit être depuis l'automne
1972.
Tantôt, le ministre nous a dit, dans son allocution de
deuxième lecture, que la loi prévoyait suffisamment de clauses
pour tenter de résoudre le problème des commis pharmaciens ou des
aides-pharmaciens, si vous voulez. L'Association des préparateurs
d'officine Inc., regroupe actuellement 500 des 1,200 commis pharmaciens. Les
critères d'admission au sein de l'association sont ceux-ci: les membres
doivent avoir dix ans de service continu dans une pharmacie d'officine;
être à l'emploi d'un pharmacien licencié; avoir
continuellement travaillé à la vente de produits pharmaceutiques
sous ordonnance médicale. Les membres en règle je l'ai dit
tantôt sont au-delà de 500 et on peut prévoir
évidemment qu'avec la clause des dix ans de service leur nombre va
augmenter chaque année, possiblement jusqu'à se situer aux
alentours de 1,200.
Ce problème nous avait été exposé à
la commission parlementaire à deux reprises. D'abord, quand nous avons
étudié la loi no 69, le ministre avait répondu à
l'association qu'il étudierait plus tard, au moment de l'étude du
code des professions, leur mémoire. Effectivement, ils sont revenus
devant la commission parlementaire l'an dernier et ils nous ont
également soumis un mémoire que la commission a reçu de
façon assez sympathique et bienveillante. On a compris qu'il y avait
là un problème pour ces 1,200 commis pharmaciens dont, autrefois,
la FTQ se faisait le porte-parole. Maintenant, ils ont pour eux une association
bien structurée.
Je ne veux pas entrer, à ce moment-ci, dans le débat
complet de ce sujet. Nous le ferons en commission parlementaire quand nous
passerons sur les articles spécifiques. Le problème est celui-ci:
d'accord, on donne un statut professionnel aux pharmaciens, mais le pharmacien
est habitué à travailler aussi avec des assistants. Ces
assistants posent des actes on le voit par ces 500 commis pharmaciens ou
aides-pharmaciens; cela fait dix ans et plus qu'ils posent ces actes
sous la surveillance du pharmacien depuis le moment où on a
appliqué l'article 21, en 1968 ou en 1969. Avant cela, c'était
sous la responsabilité du pharmacien.
Il y a là une classe d'assistants, de collaborateurs des
professionnels. Comme dans d'autres disciplines professionnelles, il y a aussi
des assistants et des collaborateurs. On s'est penché chaque fois sur
ces problèmes. Dans certains cas, ils ont obtenu un statut suffisant
pour leur permettre de continuer à assister, à rendre aux
professionnels les services dont ceux-ci ont besoin. Alors, il y a des
suggestions qui ont été faites et nous en discuterons en
commission plénière. Je ne sais pas si je n'ai pas eu le
temps de pousser la réflexion suffisamment loin le projet de loi,
tel que rédigé, est suffisant à la fois pour bien donner
aux pharmaciens toute la responsabilité de l'acte qui est posé
dans son officine et également pour permettre à
l'assistant-pharmacien de continuer à travailler en collaboration avec
le pharmacien. Des suggestions ont été faites à la
commission parlementaire. On avait suggéré, entre autres, de lui
accorder un statut d'assistant-pharmacien, conformément au projet de loi
actuel, suivant certaines conditions de vérification et de
contrôle par un comité mixte du Collège des pharmaciens et
de l'exécutif de leur association. Cela, il faudra en discuter
sérieusement et voir toutes les implications; voir si, en pratique,
c'est possible et nécessaire qu'on aille jusque-là.
Deuxièmement, l'article 30 du projet de loi actuel les touche
directement. Si on acceptait la première suggestion, il ne faudrait pas
abroger l'article 30 et dire que l'assistant-pharmacien ou le
préparateur d'officine pourra vendre des produits pharmaceutiques sous
ordonnances médicales, sous la responsabilité d'un pharmacien
licencié. C'est cela qu'il faudra trancher, pour voir si le projet de
loi va suffisamment loin et s'il ne faudrait pas franchir une autre
étape, tout en respectant les objectifs que l'on poursuit,
c'est-à-dire la protection du public. C'est le seul critère qui
devra nous guider dans cette discussion que nous ferons en commission
plénière.
Je voulais poser ce problème qui concerne directement les
pharmaciens. Pour une bonne partie des pharmaciens le projet de loi tel que
rédigé peut créer certains problèmes pour les
petites et moyennes pharmacies si l'assistant-pharmacien n'agit que sous sa
responsabilité. Je pense que c'est un problème dont nous devrons
discuter franchement, sans aucun préjugé. Il faut voir que cela a
des implications pour les
pharmaciens salariés. Tous ces groupes se tiennent et il faudra
examiner ce problème à fond.
Un autre problème, qui est extrêmement important et dont
les pharmaciens nous ont parlé à plusieurs reprises, sur lequel
ils insistent énormément, avec raison d'ailleurs, c'est la
publicité. Le ministre a dit tantôt que c'était un point
qu'il inscrira à l'ordre du jour des conférences
fédérales-provinciales, étant donné que c'est un
problème qui doit se discuter à cet endroit. Je ne vois pas
comment le Québec seul pourrait intervenir et de quelle façon on
pourrait intervenir efficacement dans ce domaine, puisque la publicité
se fait particulièrement par les grands média d'information, la
presse électronique.
C'est un problème que nous vivons, particulièrement depuis
quelques années, depuis l'avènement de la
télévision. C'est un problème qui devient
véritablement aigu. Tout le monde en est témoin. On est assis
devant le téléviseur et, à intervalles réguliers,
on voit apparaître une annonce fort bien faite d'ailleurs, on doit
le dire sur les médicaments.
Je ne parle pas ici de l'information que nous voudrions connaître,
à savoir l'aspect scientifique, le contenu scientifique, l'information
scientifique au sujet de ce médicament. On nous décrit cela comme
ayant une vertu miraculeuse. Plus on est perméable à cette
publicité télévisée, plus on se laisse
influencer.
La publicité sur le médicament est une question fort
délicate. Je pense qu'il faudra qu'on réussisse à trouver
une façon de régler ce problème, d'influencer le cours des
événements parce que cela ne peut pas continuer en s'accentuant
comme cela se produit actuellement.
Mais il y a aussi l'autre aspect de la publicité, la
publicité qui serait faite si on me permet l'expression de
façon plus locale ou plus régionale, entre les différents
pharmaciens de façon à amener, si on veut, la clientèle ou
à renseigner le public et essayer d'influencer la clientèle. Cela
est une arme à deux tranchants. On peut faire de la publicité
pour abaisser le coût des médicaments, pour donner, dans la
publicité, le coût du médicament, dire que dans une
pharmacie, à un endroit, on vendra le produit moins cher qu'ailleurs,
sans mentionner un autre endroit mais en disant que c'est l'endroit tout
désigné pour avoir tel produit, aux meilleures conditions
possibles.
Il y a là le phénomène qui entre en ligne de
compte. Ce qu'on veut atteindre, c'est la libre concurrence entre
différents points de distribution. M. le Président, quelle
pourrait être la conséquence de cette publicité, sinon
d'augmenter la consommation des médicaments? Je pense que c'est
inconciliable. J'ai réfléchi à ce problème, j'ai
essayé de voir comment deux pharmacies qui sont situées, disons,
sur la même rue, à deux coins de rue différents,
pourraient, à force de publicité dans les journaux quotidiens,
les journaux hebdomadaires, les circulai- res, la radio
évidemment, je ne veux pas entrer dans des applications trop
concrètes, avec tel nom de produit pourraient se faire une
concurrence réelle sur le plan des prix sans inciter la population
à les utiliser ou sans continuellement lui rappeler que ces
médicaments existent, qu'il faut les utiliser et que c'est moins cher.
On le fait pour des marchandises, vêtements et aliments, parce que ce
sont des produits de consommation dont on a besoin régulièrement,
qui ne sont pas dommageables à la santé même s'ils peuvent
être dommageables au porte-monnaie, mais on ne prend pas des
médicaments par plaisir mais par besoin, sur ordonnance. Je ne vois donc
pas comment on peut concilier la libre concurrence de la publicité et la
diminution de la consommation des médicaments.
Une suggestion dont nous discuterons à la commission
parlementaire, je crois bien que les pharmaciens seront d'accord pour discuter
des services que le pharmacien, la profession médicale peut donner,
comme conseiller. Le ministre, tantôt, a utilisé une expression
qui est assez juste: Les pharmaciens doivent, en plus du rôle
traditionnel du pharmacien, être des conseillers. Par les services qu'il
rend à celui qui vient le consulter, celui qui vient à son
officine, soit pour une ordonnance ou même, s'il n'a pas besoin d'une
ordonnance, pour demander des conseils sur certains points, le pharmacien peut
être, dans le domaine de la santé, un conseiller très
précieux.
Je pense que ce rôle est important. La profession des pharmaciens
doit en être consciente. Et c'est plutôt là-dessus que la
pharmacie devra axer sa publicité si on peut appeler ça de
la publicité à l'effet qu'à tel endroit tel
professionnel est en mesure de rendre des services qu'un autre ne désire
peut-être pas rendre, ou il ne prend pas les moyens pour les dispenser
à la population.
Je pense que la surconsommation de médicaments est un point
important. Au sujet de la publicité, les témoignages devant la
commission parlementaire ont été suffisamment éloquents.
Même les pharmaciens ont été les premiers à
l'admettre et leur travail se poursuit pour qu'il n'y ait pas abus de
médicaments, mais usage modéré. Je pense bien que tous les
professionnels de la santé qui sont conscients de leurs
responsabilités doivent être de cette opinion qu'on doit user
modérément de la médication.
Quant à la surconsommation des médicaments, on a
apporté des témoignages devant la commission parlementaire
à l'effet que dans le Québec il y avait une surconsommation
exagérée, par rapport à d'autres populations, d'autres
régions. Et les statistiques ont été fort
révélatrices. J'ai été surpris d'apprendre que,
même si on consommait beaucoup de médicaments dans le
Québec, on en consommait encore pas mal moins que dans certains autres
pays, comme l'Angleterre et la France.
J'ai ici le journal des Débats, nous pourrions
y référer. Un témoignage nous a été
donné par quelqu'un qui est venu devant la commission parlementaire. Je
ne sais pas si c'est quelqu'un de l'Association des fabricants de
médicaments, mais certains témoignages avaient l'air assez
documentés. On disait que dans certains pays, aux Etats-Unis même,
la consommation de médicaments était bien supérieure
à ce que l'on voyait ici dans le Québec.
M. CASTONGUAY: C'était sûrement un fabricant.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je dis que son témoignage me paraissait
documenté. Si nous poussions plus loin, il y aurait peut-être lieu
d'apporter des correctifs, mais disons qu'il ne faut pas prendre panique non
plus devant la surconsommation des médicaments. C'est tellement facile
dans ce domaine d'avoir surconsommation.
Nous le constatons d'ailleurs par les statistiques lorsque nous voyons
arriver les lois dans le domaine de la sécurité sociale. J'ai
parlé de l'Angleterre tantôt et de la France, où on nous a
dit qu'il y avait plus de consommation de médicaments. Et ça
pourrait peut-être s'expliquer par la législation sociale qui
couvre le prix des médicaments dans un programme
d'assurance-maladie.
Là, il n'y a pas de barrière d'accessibilité. Cela
pourrait être compréhensible. Mais ici il faut prendre des mesures
pour enrayer, si nous le pouvons, la hausse de consommation des
médicaments avant que nous élargissions les lois sociales, avant
que l'assurance-maladie n'entre d'une façon générale dans
le domaine des médicaments. Il faut inculquer à la population des
habitudes de modération dans ce domaine.
Et ceux qui sont mieux placés pour le faire, je pense que ce sont
encore les professionnels qui prescrivent, qui rédigent les ordonnances
et même ceux qui les exécutent. C'est là où
véritablement la conscience professionnelle peut entrer en jeu et ils
doivent être conscients qu'ils ont des devoirs et des
responsabilités vis-à-vis du public.
Il y aurait le problème le ministre en a parlé
tantôt de la substitution des médicaments. Je ne m'y
arrêterai pas à ce moment-ci, je sais que le député
de Maskinongé a des exhibits en sa possession. J'en ai moi aussi, quand
vous les utilisez, si vous pesez sur ce crayon, il apparaît une
inscription dont on pourrait se servir pour empêcher la substitution.
Le député de Maskinongé, qui a des outils en main,
qui a tout un appareillage, pourra faire la démonstration tantôt
et avec la vigueur, la gaillardise qu'on lui connaît, nul doute que sa
démonstration sera très éloquente.
M. le Président, le Collège des pharmaciens a
récemment entrepris une action très énergique et pour
laquelle on doit le féliciter. C'est celle de la lutte contre les
médicaments brevetés. C'est un problème qu'on doit aborder
en dehors de toute passion et en toute objectivité. Il est clair qu'il y
a sur le marché actuellement une foule de médicaments
brevetés, 2,000 à 3,000 environ; depuis toujours, à toutes
fins pratiques, le public n'a pas été sensibilisé et
personne n'a jamais alerté l'opinion publique sur le danger que
pouvaient comporter ces médicaments brevetés.
On a fait des études, des analyses probablement assez
dispendieuses, et on nous a fait part, dans des conférences de presse,
de certaines conclusions qui nous ont surpris, je dois dire, et qui nous
inquiètent. Il y a là un sujet sur lequel le Collège des
pharmaciens a raison de faire porter son action. Ce n'est pas facile, cela
demande une certaine dose de courage. J'espère que l'action du
collège dans ce domaine va se poursuivre, non pas et je sais que
ce n'est pas là le motif que poursuit le Collège des pharmaciens
pour se créer du prestige, non pas pour asseoir sur des bases
solides une profession, non pas pour promouvoir ses propres
intérêts, mais dans une prise de conscience de ses
responsabilités à l'endroit du public. Us ont
décidé d'entreprendre cette action. Ce n'est pas une action
facile. Mais il faudra qu'ils aillent au bout de cette action, de cette
démarche qu'ils ont entreprise.
Le public ne se contentera pas des premières
révélations qui ont été faites. Maintenant, non
seulement notre curiosité a été éveillée,
mais aussi notre besoin de savoir. Le souci que nous avons comme
législateur de voir à ce que la protection du public soit
véritablement assurée leur impose l'obligation d'aller plus loin
dans leur démarche. J'espère que les gouvernements... Je sais que
le ministre des Affaires sociales n'a aucune objection, même, je crois
bien il ne l'a pas mentionné expressément tantôt, du
moins, s'il l'a fait, ça m'a échappé qu'il approuve
cette démarche que fait le Collège des médecins pour voir
si, dans ces médicaments qui sont offerts sur le marché, le
public est protégé.
A un autre niveau de gouvernement, j'ai entendu le ministre de la
Santé, au fédéral, nous dire, dans sa réponse aux
conférences de presse et aux révélations que nous a faites
le Collège des médecins, que, s'il n'y avait pas abus, ces
médicaments brevetés ne comportaient aucun danger.
Il ajoutait que de toute façon ça faisait longtemps qu'ils
étaient sur le marché et qu'il n'y avait pas, à son avis,
de situation qui le justifiait d'intervenir de façon dramatique et de
façon urgente. Je crois que c'est le sens de la réponse qu'a
donnée le ministre fédéral de la Santé, M.
Lalonde.
Alors, M. le Président, cette action du collège est
commencée. Il l'a poursuivie à l'occasion du projet de loi. Les
pharmaciens suggèrent qu'on retire du marché les produits
brevetés, de façon à protéger le public. Et dans le
dossier qu'ils ont dressé, qu'ils ont révélé au
public, il y a plusieurs preuves à l'appui des
propositions que les médicaments brevetés
présentent dans certains cas un danger réel pour la santé
publique.
M. le Président, il est vrai que nous entrons ici dans un autre
champ de juridiction, de là la complication, et la loi de la fabrication
et de la publicité relève du fédéral. Alors de
quelle façon pouvons-nous encourager l'action du Collège des
pharmaciens à ce moment-ci? Je pense bien que le ministre a des
réponses. D'abord l'inscription du sujet à l'ordre du jour des
conférences fédérales-provinciales serait une façon
d'en discuter de façon sérieuse, d'en discuter de façon
complète, et de mettre en place un comité conjoint d'étude
qui pourrait se pencher sur ce problème des médicaments
brevetés, de façon que le Québec ne soit pas absent de ce
travail qui serait entrepris dans ce domaine-là et que l'on
débouche, le plus tôt possible, avec le consentement du
Québec, avec la collaboration du Québec et avec la connaissance
du Québec, sur une action véritablement positive.
Ce sont les remarques que je voulais faire relativement à la Loi
sur la pharmacie et je termine. J'ai des collègues qui veulent
intervenir sur cette loi spécifique. Je voudrais dire en terminant, M.
le Président, que le Collège des pharmaciens et les autres
associations de pharmacien nous ont apporté une contribution
véritablement importante et positive.
Ils ont fait des suggestions depuis la parution de la deuxième
version du projet de loi. Ils ont fait des suggestions positives et des
suggestions, à mon sens, que le législateur devrait accepter si
ce n'est dans la rédaction qu'ils ont proposée, du moins dans
l'esprit où ils l'ont proposée. Et ils ont eu l'occasion, dans
bien des circonstances, d'échanger des réflexions avec nous
depuis la réimpression du projet de loi, et nous pouvons les assurer
qu'en commission parlementaire nous allons discuter, aussi longuement qu'il le
faudra, des suggestions fort opportunes qu'ils nous ont faites.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Dorchester.
M. Florian Guay
M. GUAY: M. le Président, je n'ai pas l'intention de faire perdre
inutilement le temps de la Chambre, je vais donc me limiter à quelques
brèves remarques. La loi qui est en discussion actuellement, Loi sur la
pharmacie, va régir à l'avenir une profession, un groupe de
professionnels qui existe depuis plusieurs années. Je pense que c'est
vers les années 1700 que nous connaissons ces professionnels qui sont
devenus les pharmaciens.
Autrefois, le rôle de ce que l'on appelle aujourd'hui le
pharmacien était bien différent de celui d'aujourd'hui...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je voudrais m'excuser auprès de mon
collègue, je veux signaler que nous n'avons malheureusement pas
quorum.
M. BIENVENUE: Je voudrais appuyer le député de Chicoutimi
qui m'a précédé de quelques secondes.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les
députés.
M. GUAY: M. le Président, je disais donc qu'autrefois
c'était l'apothicaire qui devait préparer lui-même dans son
laboratoire, si je peux m'exprimer ainsi, tous les médicaments. Depuis
1790, le rôle du pharmacien s'est beaucoup transformé. A la
commission parlementaire, différents groupes ont tenté de
démontrer le rôle revalorisé du pharmacien. Avant la
présentation de cette loi, le pharmacien se limitait, dans ses
activités, presque à un rôle de commis. Le rôle
même du pharmacien était assez mal connu. On se rend compte
jusqu'à quel point ce rôle a été transformé,
puisque, de nos jours, presque aucune ordonnance ne nécessite de
préparation difficile, car .365 prescriptions sur un million sont des
prescriptions magistrales, c'est-à-dire préparées en
pharmacie.
Le ministre a fait mention de ce rôle revalorisé que
j'appellerai le vrai rôle du pharmacien. Ce serait beaucoup plus un
rôle de conseiller auprès des consommateurs de médicaments.
Le pharmacien devrait peut-être être celui qui prépare
l'information, celui qui décrit les dangers de la consommation de
certains médicaments, en deux mots, celui qui s'occupe de l'information.
Je pourrais vous référer, M. le Président, à la
page 4725 du journal des Débats où il a été
grandement question de ce rôle qui devrait être confié aux
pharmaciens, en plus de celui d'exercer une surveillance bien étroite
sur la distribution des médicaments et d'interpréter l'ordonnance
médicale.
Le pharmacien d'aujourd'hui s'intéresse davantage à
l'interprétation de l'ordonnance et des dangers qui en
découlent.
Il ne faut pas perdre de vue que les médicaments sont des
substances chimiques, lesquelles, introduites dans l'organisme, peuvent
modifier certaines fonctions vitales. Il importe donc d'être bien prudent
en ce qui concerne non seulement la distribution des médicaments, mais
également leur manipulation.
On a fait état, il y a quelques instants, des contenants de ces
médicaments, dangereux pour les enfants par exemple. Ce sujet a
été touché à la commission parlementaire, et je
suis très heureux de trouver dans la loi quelque chose qui peut
protéger davantage le public dans ce sens. Je suis également
heureux de constater qu'à l'intérieur du projet de loi le
ministre a tenu compte de plusieurs recommandations de différents
groupes dans ce domaine, non seulement de l'industrie mais aussi de la
distribution des médicaments.
On a également touché, à la commission
parlementaire, le problème de la pénurie de pharmaciens
dans certaines régions de la province. Quelques jours avant qu'on
entende ces groupes connaissant bien le problème, je me souviens d'avoir
fait des recommandations au ministre. J'ai eu l'heureuse surprise de constater,
à cette séance de la commission parlementaire, que le
Collège des pharmaciens était également soucieux d'offrir
un service plus efficace à la population. Le Collège des
pharmaciens y a même touché. Il répétait presque mot
à mot la recommandation que je faisais au ministre
précédemment.
On peut lire à la page B-4698 du journal des Débats, du 22
août 1972: "Pour ce qui est des circonstances où le médecin
peut fournir des médicaments, elles sont reliées à la
définition du mot "autorisation" dont nous avons traité
précédemment. Une autorisation devrait être accordée
au médecin en vue d'avoir dans son cabinet un dépôt de
médicaments et d'en délivrer aux personnes auxquelles il donne
ses soins dans les endroits où il n'y a pas de pharmaciens, cette
autorisation se justifiant par la nécessité de pourvoir aux
besoins de la population. "Il faut comprendre qu'une telle autorisation ne doit
pas être donnée dans l'intérêt du médecin,
mais bien dans celui de la population. C'est pourquoi nous nous permettons de
suggérer au législateur des textes en vertu desquels cette
autorisation serait considérée comme une exception de droit.
"Renouvelable en principe, elle serait révocable dès qu'un
pharmacien se serait installé dans les districts concernés."
C'est donc là un élément très positif qui a
été apporté à la commission parlementaire, puisque
nous vivons actuellement des problèmes concernant ce point particulier
dans le domaine des médicaments. Je suis également heureux que le
ministre y ait touché tantôt dans son discours de deuxième
lecture.
Même avec cette exception, je pense que nous sommes en droit de
soutenir le principe: Aux médecins, les soins; aux pharmaciens, les
médicaments. A la commission parlementaire, on s'en souviendra, les
pharmaciens-propriétaires ont abordé un problème non moins
aigu, celui de la publicité. On se souviendra de cette
démonstration qui a été faite à la commission
parlementaire, avec un amas de "gadgets" publicitaires. Ceci a permis aux
législateurs de prendre conscience qu'il fallait réglementer,
dans ce domaine, la publicité. Cependant, je m'empresse d'ajouter qu'il
ne faudrait pas non plus, dans le cas des pharmaciens, qu'on appelle cela de
l'information et, quand ce serait d'autres professionnels, qu'on appelle cela
de la publicité.
Il faudrait peut-être définir ce qui est bon et ce qu'est
justement l'information.
Il faudrait faire en sorte que tout ce qui est de la mauvaise
publicité soit rayé le plus possible.
Donc, le droit de la population d'obtenir des médicaments de
qualité et au moment où elle en a besoin est un droit
fondamental. Je pense que le projet de loi doit le permettre.
Un autre point, qui a été soulevé à la
commission parlementaire et dont je voudrais parler, c'est celui qui concerne
le dossier du patient. Le pharmacien pourra conserver un dossier du patient, ce
qui lui sera utile comme document d'information, document pertinent sur chaque
cas particulier. Je soutiens que c'est un principe bien valable. Cependant, il
faudrait se rappeler que ce dossier du patient a sa raison d'être en
autant que les mêmes clients s'approvisionnent aux mêmes
pharmacies. Sans cela, le client peut aller un peu n'importe où et il
faudra que chaque établissement conserve un dossier du patient. Celui-ci
sera très difficile à tenir à jour.
Nous avons remarqué, cependant, que d'autres mémoires, qui
nous sont arrivés depuis la réimpression du projet de loi 255,
s'opposent à la nouvelle Loi sur la pharmacie. Par exemple, dans le
domaine des spécialistes de la santé. Ils disent que ce projet de
loi, sur des points majeurs, est imprécis et inacceptable pour la
profession médicale. Il s'agira donc, lors de l'étude en
commission plénière et en troisième lecture, de bien
scruter, de regarder attentivement et même, si c'est nécessaire,
de consulter certains professionnels de la santé pour savoir si le
respect de la prescription se fera de façon intégrale. Si, pour
le pharmacien, une partie de son rôle est d'interpréter
l'ordonnance médicale, il faudra donc s'assurer également que
cette ordonnance soit respectée intégralement.
M. le Président, il y a beaucoup d'autres points que nous
pourrions traiter sur ce projet de loi, Loi sur la pharmacie. Cependant, je
retiens ces propos pour la discussion en troisième lecture et pour la
commission plénière en indiquant, cependant, que nous donnerons
un accord de principe au projet de loi 255.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Bourget.
M. Camille Laurin
M. LAURIN: M. le Président, la profession de pharmacien a
longtemps été considérée comme une des parentes
pauvres parmi les professions de la santé. Ceci se traduisait au niveau
de la formation universitaire où la pharmacie a été trop
longtemps considérée comme une profession comportant un prestige
moins grand que celui des autres professions de la santé. Ceci se
manifestait également par des programmes d'étude qui, à
certains égards, laissaient à désirer.
Mais ce n'est pas qu'à l'université, au niveau de la
formation, que cette infériorité, que ce manque de pratique se
manifestait. Cela se manifestait également au niveau de la pratique de
la profession où, trop longtemps, le pharma-
cien s'est trouvé coincé, pour ne pas dire
écartelé, entre la profession médicale et l'industrie
pharmaceutique. D'une part, la profession médicale lui fournissait des
ordonnances nombreuses que le pharmacien se contentait d'exécuter
à la façon d'un subalterne, sans avoir un quelconque droit de
regard dans l'exécution de cette ordonnance et, d'autre part, le
pharmacien devait procurer aux clients, qui venaient le consulter, des produits
qu'il ne préparait plus lui-même comme dans l'ancien temps.
Ces médicaments lui arrivaient tout faits, ils lui étaient
envoyés par une industrie pharmaceutique qui pratiquait la production en
masse avec des moyens supérieurs, perfectionnés. Aussi, il faut
bien le dire, ces produits étaient, au point de vue de la
qualité, bien supérieurs à ceux que l'on pouvait produire
dans une époque d'artisanat.
C'est probablement la raison pour laquelle le pharmacien, ainsi
coincé, dévalorisé, s'est senti obligé de recourir
à d'autres méthodes pour assurer sa subsistance et qu'il a
dû faire de son établissement, à toutes fins pratiques, un
établissement de commerce, une sorte de magasin général
où l'on retrouvait toutes sortes d'articles hétéroclites,
au point qu'un chansonnier français célèbre a pu faire
à ce sujet une chanson qui a fait le tour aussi bien du Québec
que de la France et de tous les pays francophones, "Les pharmacies du
Canada".
Mais la situation a bien changé depuis lors. Les pharmaciens ont
pris conscience de cet état de crise, d'infériorité, de
baisse de prestige accéléré et ils ont réagi
vigoureusement. Ils ont d'abord réagi au niveau de l'université.
Depuis quelques années, nous avons vu rapidement se revaloriser le cours
de pharmacie, dont les crédits se sont multipliés et dont la
qualité s'est grandement améliorée. Le corps professoral
est devenu plus nombreux et de beaucoup plus haute qualité, au point que
l'on peut dire maintenant que le cours de pharmacie qui se donne dans nos
universités non seulement est égal, en qualité, à
celui qui se donne ailleurs au Canada ou aux Etats-Unis, mais peut être
classé comme l'un des meilleurs qui soient.
Je pense que c'était là la réforme de base à
faire, car, si le pharmacien ne peut pas faire état d'une formation
adéquate et plus qu'adéquate, il ne peut revendiquer aucun des
droits auxquels sa formation, le service et la protection du public lui donnent
droit. Mais cette réforme a été faite et a
été bien faite.
Par la suite on a vu la corporation professionnelle animée d'un
mouvement profond de renouveau et de réforme, elle aussi. Elle est
devenue ce que certains appellent agressive et ce que l'on devrait simplement
appeler dynamique, car elle a pris justement conscience de son insertion dans
le cadre des professionnels de la santé, de la contribution essentielle
qu'elle devait apporter au public et elle a tenté d'en tirer les
conséquences à tous les niveaux. D'abord, au niveau
universitaire, puisqu'elle est devenue le chien de garde de la
compétence professionnelle, en incitant l'université à
améliorer sans cesse son programme d'études, la qualité de
son personnel professoral et à hausser les méthodes
d'évaluation de ses étudiants. Elle a continué ce travail
en exigeant d'être représentée à tous les niveaux
où on retrouve le médicament, c'est-à-dire au niveau de la
fabrication du médicament, au niveau du réseau de distribution du
médicament, ainsi que dans les contacts que le pharmacien doit avoir
avec le public.
Je pense que cette omniprésence du pharmacien va de soi.
S'il est vrai que la pharmacie constitue une profession, s'il est vrai
que le pharmacien constitue le seul véritable spécialiste du
médicament, il s'ensuit logiquement qu'il faille le retrouver partout
où un médicament se fabrique, est dispensé, que ce soit
dans les établissements hospitaliers, dans les foyers pour personnes
âgées, pour malades psychiatriques, dans les cliniques externes,
que ce soit enfin dans les officines, que ce soit dans ce qu'il est convenu
d'appeler traditionnellement les pharmacies.
Je pense que cette omniprésence et également cette
présence constante du pharmacien, qui tantôt agit comme
spécialiste expert au niveau de la fabrication, tantôt comme
spécialiste expert au niveau de l'évaluation ou au niveau de
contrôle, s'impose, si l'on veut non seulement conserver au pharmacien
son statut de professionnel, mais également si l'on veut que le
pharmacien améliore la qualité des services qu'il dispense au
public.
C'est donc là une réforme, un renouveau qui, pour
s'être fait attendre trop longtemps, n'en est maintenant que plus
apprécié par les gouvernements et tous les professionnels de la
santé.
Une autre modalité de cette réforme a été
d'effectuer une distinction depuis longtemps indispensable entre la partie
commerciale et la partie professionnelle de l'activité du pharmacien. Je
ne me suis pas étonné, pour ma part, que le pharmacien ait
exigé d'être payé selon les mêmes modalités
que les autres professionnels, c'est-à-dire sous forme d'honoraires
professionnels ou sous forme de salaire.
Je pense même qu'il faudrait aller plus loin et envisager un
moment, une époque, où le pharmacien ne serait plus
rémunéré qu'à la vacation, qu'à l'honoraire
ou qu'au salaire, et qu'il ne retire plus aucune rémunération de
ses autres activités. Je sais qu'il y a des périodes de
transition à envisager ; je sais par exemple que si un commerçant
et le pharmacien est encore commerçant à certains
égards vend certains articles, il faut qu'il fasse au moins ses
frais, et il a droit à une certaine rémunération pour les
opérations administratives qu'il doit effectuer.
Mais je crois quand même que, si l'on veut continuer ce travail de
purification, de professionnalisation, il faudra en arriver à une
époque où le pharmacien devra se débarrasser
complètement de ces autres articles qu'il continue à
vendre aujourd'hui, ou qu'il ne retire plus aucun profit, sauf les frais
d'administration, de la vente de ces autres articles.
Je pense que cela irait très loin aux yeux du public, comme aux
yeux des autres professionnels de la santé, dans la revalorisation du
statut professionnel du pharmacien. Ce renouveau s'est également
manifesté au sein de la corporation par une nouvelle définition
du rôle idéal que devrait jouer le pharmacien dans notre
société.
Ce rôle, le pharmacien ne veut plus qu'il soit celui de simple
exécutant, de subalterne de la profession médicale ou d'esclave
de l'industrie pharmaceutique. Il veut mettre à profit, utiliser les
connaissances étendues qu'il acquiert maintenant à
l'université. Il veut évaluer le médicament, l'ordonnance
qui lui est envoyée par le médecin. Il veut utiliser un pouvoir
décisionnel en certains cas, s'il se rend compte que l'ordonnance est
mal faite ou qu'elle ne correspond pas aux besoins du patient ou qu'elle se
heurte à des impasses ou des difficultés qu'il a appris à
connaître dans l'exercice de sa profession.
Ce rôle, il veut l'exercer non pas à temps et à
contretemps, mais d'une façon opportune, selon que le requièrent
les circonstances.
Il veut donc évaluer, il faut aussi interpréter
l'ordonnance et ce rôle d'interprétation de l'ordonnance, il ne
peut le jouer que si on lui permet d'avoir un contact professionnel avec le
patient, c'est-à-dire avoir l'occasion de lui expliquer l'ordonnance
qu'on vient de lui remettre, le rôle que jouera le médicament
à l'intérieur de son organisme, les effets secondaires qui
peuvent en résulter, les incompatibilités qu'il se doit
d'éviter, et le mettre en garde également contre les dangers
qu'amènerait une surconsommation ou une sous-consommation du produit
qu'on lui prescrit.
Il aimerait enfin, au niveau de l'hôpital cette fois, jouer un
rôle pédagogique, c'est-à-dire s'introduire dans
l'équipe multidisciplinaire, informer les autres membres de cette
équipe multidisciplinaire de l'aspect proprement phar-macologique ou
pharmaceutique que l'équipe multidisciplinaire doit jouer, informer les
membres de cette équipe du rôle complémentaire au sien
qu'ils peuvent et doivent jouer, également parfaire leur formation en ce
domaine, car cela peut s'avérer extrêmement important.
Ces rôles me semblent, encore une fois, découler
logiquement, tout naturellement, de cette professionnalisation accrue,
renouvelée du pharmacien. Et non seulement je ne m'y oppose pas, mais je
l'accepte entièrement, tellement il faut être logique avec
soi-même et à partir du moment où on a accepté un
principe, il faut en accepter toutes les implications, toutes les
conséquences. Je suis donc heureux que le législateur, par cette
nouvelle loi sur la pharmacie, apporte sa contribution à la
revalorisation du statut professionnel du pharmacien. Il est sûr que
maintenant les pharmaciens ne pourront plus trouver comme excuse une loi
désuète, une loi surannée, une loi insuffisante, une loi
incomplète, puisque le législateur leur remet entre les mains un
instrument qui, s'il n'est pas parfait, colle du plus près qu'il est
possible, après analyse, au nouveau rôle, au rôle approfondi
que les pharmaciens entendent jouer dans notre société.
Je sais que la corporation n'entend pas s'arrêter en si bon chemin
et qu'elle pense à de nouvelles façons d'améliorer ce
statut professionnel comme, par exemple, une meilleure réglementation de
la tenue des officines, une incitation à la pratique de groupe chez les
pharmaciens; ce sont là deux avenues très intéressantes,
d'autres se dessineront, j'en suis sûr, dans un proche avenir, mais ceci
est à l'honneur de cette profession. J'espère qu'avec le nouvel
instrument qu'on leur remet maintenant entre les mains, ils seront
encouragés dans leur marche en avant et qu'ils continueront à
oeuvrer pour le plus grand bénéfice de la communauté
d'abord et, ensuite, du professionnel, qui se sentira mieux motivé, plus
fier de la profession à laquelle il appartient, plus conscient de son
rôle et plus heureux de le jouer.
C'est là, je pense, le premier volet de cette réforme.
Dans son exposé de deuxième lecture, le ministre en a
touché un autre qui est celui de l'accessibilité aux
médicaments. Il disait, à juste titre, que le gouvernement avait
fait déjà un grand pas dans cette direction par l'adoption de la
loi 69, en vertu de laquelle les assistés sociaux auront droit
maintenant à la gratuité des médicaments. Il est bien
évident que cette accessibilité aux médicaments qui
constitue maintenant un droit fondamental qui est presque inscrit dans la loi
65 ne pourra être obtenue qu'au prix d'autres réformes. Il faudra,
bien sûr, généraliser la gratuité du
médicament à toutes les classes de la société. Je
sais que le ministre aurait l'intention de nous présenter une
législation demain matin, s'il avait en main les ressources
nécessaires pour financer cette réforme.
Nous y reviendrons, d'ailleurs, dans quelques instants. Mais je pense
que cette accessibilité aux médicaments ne peut pas n'être
que le fait du gouvernement, que ce soit par la généralisation du
système d'assurance-maladie ou par l'incitation que le gouvernement peut
donner à l'établissement dans toutes les régions du
Québec de pharmaciens.
Déjà, comme le ministre le signalait, depuis cette
instauration partielle de l'assurance-médicaments, le nombre de
pharmaciens qui se sont installés dans les régions rurales ou
semi-urbaines a augmenté. On peut donc penser que, si
l'assurance-médicaments était généralisée
à toutes les classes de la société, ce processus
continuerait. Nous assisterions bientôt, peut-être, à une
multiplication généralisée, dans les centres ruraux et
semi-urbains, des professionnels de la pharmacie et on pourrait accéder,
beaucoup plus tôt que nous le prévoyons maintenant, à la
couverture complète de toutes nos régions.
Mais il reste, encore une fois, que ce n'est
pas au gouvernement d'assumer ces responsabilités. La corporation
professionnelle, elle aussi, a une responsabilité à prendre
à cet égard. Je pense qu'il lui revient, avec l'imagination qu'on
lui connaît maintenant, de contribuer pour sa part à la
découverte de nouveaux moyens qui inciteraient les nouveaux
diplômés de la faculté de pharmacie et même certains
pharmaciens installés parfois en trop grand nombre dans les centres
urbains à migrer vers ces centres ruraux ou semi-urbains, afin justement
qu'on n'assiste plus à ces maux que l'on dénonce
régulièrement dans cette Chambre et qui font que le malade n'a
pas l'accès voulu aux médicaments.
Il reste cependant l'obstacle du coût. Je sais que
l'assurance-médicaments généralisée coûterait
cher et qu'il faut peut-être, auparavant, trouver des méthodes qui
amèneront une réduction des coûts. Le ministre en parlait
également dans son intervention de deuxième lecture. Il disait
que la confection par le comité consultatif de pharmacologie d'une liste
de médicaments, les meilleurs et de la plus haute qualité,
à laquelle les médecins peuvent avoir accès pourra
justement contribuer à réduire les coûts.
Je ne doute pas, moi aussi, que la généralisation du
mécanisme de substitution puisse contribuer à diminuer les
coûts, mais je pense qu'il faudra faire davantage en ce domaine. Par
exemple, il faudra réduire les coûts de publicité. Je ne
conçois pas, pour ma part et j'aime bien le dire au ministre
qu'on permette de publicité, ni à la radio, ni à la
télévision, pour aucun médicament.
Je ne vois pas ce que le public a à gagner à se faire
imposer une publicité sur quelque médicament que ce soit,
puisqu'il revient au médecin de le prescrire et au pharmacien de le
dispenser et de conseiller le client. La publicité ne devrait s'adresser
qu'à ceux qui sont en mesure de prescrire ou de dispenser le
médicament. Peut-être éviterait-on ainsi cette
surconsommation médicale. Peut-être évitera-t-on ainsi
également ces maladies iatrogéniques, c'est-à-dire qui
sont causées par l'absorption massive de médicaments et qui
donnent lieu, chaque année, à des empoisonnements dont le nombre
augmente constamment.
Je pense que l'interdiction de la publicité ne devrait pas ne
s'étendre qu'aux médicaments brevetés qui, le plus
souvent, sont inefficaces et qui peuvent être dangereux, mais qu'elle
devrait s'étendre également à tous les médicaments,
puisque le consommateur qu'elle vise n'est pas l'agent avisé en
l'occurrence et que cette publicité ne peut que l'inciter à faire
des pressions et auprès du pharmacien et auprès du médecin
pour se faire prescrire les médicaments de son choix.
Il est bien suffisant qu'il existe certaines revues ou certains journaux
où on peut voir certaines chroniques médicales ou pharmaceutiques
qui incitent les clients à demander aux médecins tel ou tel
médicament.
Cela est déjà bien suffisant sans qu'on y ajoute une
publicité additionnelle et superflue. Je sais que le ministre dans
l'Etat provincial que l'on connaît, n'a peut-être pas tous les
pouvoirs constitutionnels qui lui permettraient d'agir, mais je pense que dans
cette conférence fédérale-provinciale, où il a
déjà fait des recommandations, il pourra aller encore plus loin
dans ses recommandations, en ce sens, même si j'approuve celle qu'il a
déjà faite, c'est-à-dire de faire imprimer sur la
bouteille de médicament breveté le contenu de la formule, ce qui
aboutit, à toutes fins pratiques, à l'abolition du brevet et,
d'autre part, à ne pas faire porter au client le poids de la
publicité que fait la compagnie mais de le faire porter par la
compagnie.
Je pense qu'il devrait aller plus loin et recommander que toute
publicité soit interdite à la radio et à la
télévision sur les médicaments. Je me demande, par
ailleurs, si, avec notre Loi de la protection du consommateur, notre Office de
protection du consommateur et notre nouvelle Régie des services publics,
nous ne pourrions pas utiliser les quelques moyens que nous avons pour rendre
beaucoup plus difficile la publicité. Si nous ne le pouvons pas
constitutionnellement, peut-être le pouvons-nous administrativement et
réglementairement, ou du moins pouvons-nous rendre la partie plus
difficile à ceux qui se font une spécialité d'attiser les
besoins de consommation médicale qui existent en tout être humain
et qui sont, de fait, archaïques, primitifs et infantiles.
Je pense que par l'utilisation de ces méthodes on pourrait en
arriver à une réduction des coûts. Peut-être aussi
l'Etat pourrait-il envisager plus tard d'autres mesures avant d'en arriver
à la mesure qui, au fond, me semble la seule opportune et radicale en
l'occurrence, c'est-à-dire un contrôle toujours plus serré
de l'Etat sur la fabrication du médicament, sur la distribution du
médicament et sur le prix du médicament. Toutes les mesures qui
ont été adoptées jusqu'ici ont été des
mesures indirectes et il faudra peut-être en venir à un moment
où il faudra appliquer des mesures directes car cette réduction
des coûts me paraît absolument essentielle dans l'objectif que le
ministre poursuit et que nous poursuivons de l'accessibilité la plus
totale possible aux médicaments. On l'a dit plusieurs fois, à
quoi sert de traiter gratuitement une maladie si on ne peut pas procurer au
malade le médicament qui, au fond, fait partie de son traitement?
Je voudrais également toucher quelques autres points qui me
paraissent importants dans cette loi. Le pouvoir réglementaire, par
exemple, que s'attribue le lieutenant-gouverneur en ce qui concerne la tenue
des officines. Je ne doute pas que le lieutenant-gouverneur prendra avis de la
corporation lorsque le moment arrivera pour lui de faire cette
réglementation, mais je me demande, étant donné ce que je
viens de dire sur le mouvement de renouveau,
de réforme qui souffle dans la corporation, s'il ne serait pas
plus opportun de remettre cette responsabilité à la corporation
qui a déjà étudié le sujet depuis de longues
années et qui a probablement un règlement tout prêt
à édicter et qui correspondrait probablement de beaucoup plus
près à la réalité et qui aurait le grand
mérite de pouvoir être appliqué beaucoup plus
rapidement.
Quant aux préparateurs d'officine, j'endosse entièrement
les remarques qui ont été faites à cet égard par le
député de Montmagny. Il y a actuellement beaucoup de
préparateurs d'officine, 1,200 a-t-on dit. Sans penser à leur
appliquer d'une façon automatique la clause grand-père, ce qui
pourrait se justifier, il faut penser surtout à l'injustice dont ils
peuvent être l'objet du fait précisément que la Corporation
des pharmaciens se revalorise. Si, à une époque où cette
valorisation n'était pas encore effective, les préparateurs
d'officine ont joué un rôle important, utile et même
essentiel pour la communauté, il ne faudrait quand même pas qu'ils
soient pénalisés, maintenant qu'ils ont vieilli sous le harnais,
maintenant qu'il leur serait difficile de penser à se recycler dans une
autre profession.
Il serait injuste de les pénaliser pour le progrès que
connaît maintenant la profession.
Si le gouvernement ne peut leur assurer un emploi identique,
adéquat dans d'autres secteurs, il me semble qu'on devrait s'assurer,
avant d'adopter cette loi, que justice leur soit rendue, qu'ils ne soient pas
pénalisés par le progrès, qu'ils ne soient pas les
victimes du progrès et qu'on leur permette de continuer d'exercer dans
un milieu qu'ils connaissent bien, qu'ils aiment et auquel ils ont rendu des
services, des activités pour lesquelles, à force
d'expérience, ils peuvent être devenus compétents. Je sais
bien que le ministre, par l'article qui permet une délégation de
pouvoirs, a rendu possible la recherche d'une telle solution. Mais il reste
quand même que l'assurance ne nous en est pas donnée, puisque le
résultat des négociations à intervenir entre la
Corporation des pharmaciens et l'Association des préparateurs
d'officine, qui n'est pas une corporation, même si elle est un groupement
représentatif, ne peut être assuré à l'avance.
Il est possible que, dans les actes multiples que comporte l'acte
pharmaceutique, pris dans un sens plus général, il y ait
plusieurs activités subsidiaires auxquelles paraîtrait tout
naturellement destiné le commis-pharmacien, que ce soient des
tâches d'employé de bureau ou des tâches de manutention.
Mais il reste que je tiendrais, pour ma part, à ce que les droits
acquis, si l'on peut parler de droits acquis dans la matière, de ces
commis-pharmaciens soient préservés dans toute la mesure du
possible. Il nous restera, bien sûr, lorsque nous arriverons en
commission plénière, à discuter des diverses
modalités qu'un projet de loi n'oserait peut-être pas imposer,
mais que les discussions de la commission parlementaire pourraient
peut-être suggérer à la Corporation des pharmaciens, pour
le jour où elle entreprendra cette négociation avec les
préparateurs d'officine.
Un autre point que je voudrais soulever, c'est celui de la
représentation des pharmaciens au sein du conseil de leur ordre. Je sais
qu'en la matière le projet de loi se conforme à peu près
à tous ceux que nous avons examinés jusqu'ici,
c'est-à-dire que la représentation des pharmaciens est
basée sur les régions, les districts où se trouvent ces
pharmaciens. Il reste cependant que nous avons peut-être affaire, ici,
à un cas un peu particulier puisque, sans que l'on puisse parler
véritablement de spécialités, il existe des
catégories différentes de pharmaciens dont les rôles, dont
les activités, dont les intérêts sont variables, selon
l'endroit où ils exercent leur profession.
Je ne pense pas, par exemple, qu'un pharmacien qui travaille à
l'emploi d'une industrie pharmaceutique pour la préparation, le
contrôle de la fabrication d'un médicament, ait un rôle
identique à jouer à celui que joue un pharmacien d'officine. On
pourrait dire la même chose d'un pharmacien qui se spécialise dans
l'enseignement ou d'un pharmacien qui se spécialise dans la pratique
hospitalière. Je faisais allusion tout à l'heure au rôle de
plus en plus important que le pharmacien d'hôpital est appelé
à jouer au sein de l'équipe multidisciplinaire, que ce soit dans
les comités de pharmacologie, où il joue un rôle absolument
essentiel, que ce soit au niveau de la formation des étudiants en
médecine, des résidants, de ses collègues d'autres
professions ou que ce soit par la contribution qu'il est appelé à
jouer au sein du comité consultatif des professionnels.
Je pense qu'il s'agit là de variétés de pratique
qui comportent peut-être des obligations, des préoccupations ou
des motivations particulières. Il me semble que la Corporation
professionnelle des pharmaciens serait privée de cette bigarrure, de
cette variété enrichissante, si le mode de représentation
ne permettait pas ou presque pas à ces catégories de
professionnels d'être représentés au niveau du bureau de la
corporation.
Je n'ai pas d'amendement précis à suggérer pour le
moment. Notre réflexion se continue. C'est notre réflexion
commune, celle de tous les partis représentés en cette Chambre,
qui pourrait nous permettre de trouver un amendement qui ne dérogerait
pas au cadre général prévu pour la constitution des
bureaux mais qui permettrait quand même d'enrichir cette
représentation par l'apport des diverses catégories des
professionnels de la pharmacie.
Je voudrais aussi ajouter un mot sur la présence, qui me
paraît indispensable, du pharmacien dans tous les endroits où
peuvent se distribuer des médicaments. Là encore, je sais qu'il y
a un article du projet de loi qui laisse entendre que dans tous ces endroits il
devra se trouver un pharmacien ou un médecin. Mais j'ai
bien dit "qui laisse entendre". Cela ne me paraît pas encore
assuré, d'autant plus que je suis parfois inquiet de la situation qui
prévaut dans certains endroits où les médicaments sont
dispensés. Je sais par exemple que, dans certains foyers pour personnes
âgées où une infirmière est appelée à
travailler ou dans certains foyers pour malades psychiatriques où une
surveillance éloignée, même assez éloignée
parfois, s'effectue de la part de l'institution mère, des
médicaments sont distribués sans que, à mon avis, un
contrôle adéquat soit effectué par le pharmacien. Ce
contrôle est parfois trop spora-dique, trop distant, trop
périodique dans le temps. Il me semble que la santé des patients
qui sont appelés à bénéficier de ces services n'est
pas assurée d'une façon adéquate.
Je ne sais pas si le ministre ne pourrait pas regarder à nouveau
cet article et le formuler d'une façon qui assure la présence
constante et le contrôle constant et étroit du pharmacien sur ce
mode de distribution de médicaments.
Evidemment, je ne peux pas terminer mon intervention sans parler, encore
une fois, de la dimension linguistique, précisément parce que
l'on retrouve maintenant le pharmacien dans presque tous les
établissements hospitaliers, dans les cliniques externes aussi bien que
dans les pharmacies. Le pharmacien est appelé à rencontrer toutes
espèces de public, quelle que soit la langue de la pharmacie ou de
l'établissement hospitalier dont il fait partie. Etant donné ce
brassage de population, étant donné, encore une fois, que le
français est la langue commune du pays québécois, il me
semblerait tout à fait normal que la connaissance d'usage de la langue
française soit édictée par la corporation ou le
législateur comme une des conditions essentielles de l'exercice de la
profession de pharmacien.
En conclusion, il me semble que nous avons dans le projet de loi 255 un
excellent projet de loi, qui vient à point nommé, qui fournira la
coup de pouce additionnel dont la profession avait besoin pour continuer son
travail de revalorisation professionnelle. Il reste, cependant, qu'avec ce
nouveau projet de loi, une fois qu'il sera adopté, la corporation aura
un défi à relever. Ce sera à elle de nous prouver, de
prouver à la société qu'elle est capable d'exercer le
rôle qu'elle revendique auprès de la population, rôle de
conseiller surtout, rôle d'information, information individuelle avec le
patient qui se rend à la pharmacie, information au niveau collectif
également par des émissions de radio, de télévision
ou par des colloques. C'est elle qui aura à nous prouver qu'elle est
capable et qu'elle veut jouer ce rôle critique, ce rôle
d'évaluation, de contrôle qu'elle entend jouer à tous les
niveaux.
Si après quelques années on se rend compte que cet
idéal n'était qu'un idéal et qu'il doit rester lettre
morte, que la pratique de la profession n'a guère changé dans les
faits, que trop de professionnels de la pharmacie continuent de s'acquitter de
leurs tâches de la même façon routinière que dans le
passé, ils ne pourront plus blâmer d'autres
qu'eux-mêmes.
Ils s'exposeront, bien sûr, à d'autres interventions de la
part du législateur qui seraient, celles-là, beaucoup plus
restrictives.
Je n'évoque, M. le Président, ces sombres images, que pour
des fins de rhétorique, car je sais très bien que tel ne serait
pas le cas. Je sais que, grâce aux efforts des facultés de
pharmacie, grâce aux efforts de la corporation, grâce aux efforts
de tous les professionnels de la pharmacie, bien au contraire, l'adoption de ce
projet de loi pourra être marquée d'une pierre blanche, en ce sens
qu'elle constituera un stimulus additionnel pour le progrès que nous
avons constaté au cours des dernières années. Je ne doute
pas que tous les professionnels de la pharmacie prendront davantage conscience
de leur nouveau rôle, tout en en étant très fiers, mais
aussi de leurs responsabilités à l'égard de la
société, de leurs responsabilités également comme
agents du progrès social et du progrès de l'homme.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank); Le député de
Saint-Maurice.
M. Philippe Demers
M. DEMERS: M. le Président, je remercie toutes ces bonnes
personnes pour leur appui de pupitre.
M. VEILLEUX: Cela peut être différent après!
M. DEMERS: J'ose espérer qu'à la suite de mes propos, il
en restera au moins assez dans cette salle qui ne dormiront pas pour
réveiller les autres que j'aurai endormis.
M. le Président, le projet de loi sur la pharmacie, comme l'ont
si bien dit ceux qui m'ont précédé, vient à son
heure. Je crois que, dans le cadre des professions, il fallait replacer la
pharmacie à l'endroit qui leur revient de fait.
Je pourrais, M. le Président, si vous me le premettez, brosser
à grands traits un historique de l'évolution pharmaceutique non
pas à travers les âges, mais dans les derniers siècles,
Vous vous rallierez à l'opinion que je me suis faite en constatant
l'évolution qu'a subie cette profession au cours des âges.
Que de chemins parcourus, alors que le pharmaciens, qu'on appelait
apothicaire, courant les prés et les bois à la recherche de
simples pour en faire des médicaments. Que de chemins parcourus alors
que, dans ce sanctuaire qu'était le laboratoire de cet homme de l'art,
on préparait les alcoolats, les élixirs et toute cette gamme de
médicaments, les philtres d'amour, les potions, toutes sortes de choses,
élixirs aphrodisiaques, élixirs de jouvence, apothicaire qui
préparait, à la demande des courtisanes de nos souvenirs de
l'époque, certains philtres amoureux destinés à reviver la
flamme vacillan-
te de leur royal ami Que de chemins parcourus! On avait même
abusé, à l'époque, de ces préparations, à un
tel point que la Voisin avait mis la dose si forte que le tout a
dégénéré en poison et qu'elle dut expier, sur la
place de Grève, le résultat de potions où elle avait mis
plus de poison que de médication.
M. le Président, au cours de ma pratique de médecin
vétérinaire, j'ai rencontré, au tout début, un
pharmacien qui m'a ouvert l'esprit aux connaissances pharmaceutiques et m'a
expliqué d'une façon précise ce qu'était la
pharmacie à l'époque où elle était réllement
la pharcie.
J'ai revu plus tard, à mon entrée dans cette Chambre, un
jeune homme qui avait été élu à la même
époque que moi. Il représentait un comté qui passe sur le
bord du fleuve et coudoie une rivière du même nom. Il avait, M. le
Président, vous vous le rappelez, à l'époque où il
y avait une réponse à l'adresse et un proposeur, fait état
des abus considérables qu'on voyait dans le domaine médical et
dans la vente des médicaments.
Ce jeune homme, brillant, intelligent, célibataire dans le temps,
amélioré aujourd'hui, nous avait convaincus de la
nécessité qu'il y avait et pour le législateur et pour le
monde médical, à se pencher sérieusement sur ce domaine.
Profitant de ces conseils et devant cette loi qui nous est soumise, j'en viens
à faire quelques remarques moi aussi, non pas comme spécialiste
de la question, mais comme représentant d'un comté, et c'est mon
boulot, je crois, de donner mon opinion.
Si, par hasard, je venais à toucher d'une façon un peu
trop acerbe et vigoureuse à certains professionnels qu'on appelle
pharmaciens, je m'en excuse au tout début, et je ne voudrais, en aucune
façon blesser leur susceptibilité. Mais je crois qu'il y a
quelque chose qu'il faut dire dans le domaine de la pharmacie.
Si on prend la définition de ce mot, la pharmacie se
définit science qui a pour objet la préparation des
médicaments. Or, c'est la seule chose qu'on ne fait plus en pharmacie.
C'est un paradoxe extraordinaire que lorsque l'on pratique la science qui
s'occupe de la préparation des médicaments, qu'on ne
prépare pas le médicament. On pourrait et si j'ai tort, on
me réfutera dire science qui a pour but le comptage des
dragées, des pilules, l'emboîtage si je peux ainsi
m'exprimer des onguents, l'embouteillage des sirops que l'on prend dans
le gallon en-dessous du comptoir. Ce serait cette science.
Je ne veux en aucune façon mépriser cette profession, mais
qu'on me prouve qu'en pratique il y a beaucoup d'autres choses que cela, et je
m'incline, et je tire mon chapeau. Mais je crois qu'à l'étude de
cette loi, on a peut-être manqué un peu et je m'en excuse
auprès du ministre péché par omission. On traite
exactement de ce que devrait être la loi, mais on ne traite pas de ce que
c'est en fait.
On définit et le ministre en a parlé longuement, je
ne veux en aucune façon revenir sur ses propos l'acte
professionnel "celui qui a pour objet de préparer ou de vendre avec ou
sans ordonnance un médicament. Préparer, ça, c'est plus
rare.
Il y a des médecins dans cette Chambre, que l'on fasse le
relevé de la prescription magistrale, et vous me direz bien que ce sera
une découverte. Autrefois, dans le laboratoire du pharmacien il y avait
ce qu'il fallait pour préparer un onguent, le pilon, le mortier
il est encore là comme symbole la pierre où l'on brassait
l'onguent, la balance, les éprouvettes, les erlenmeyer.
Aujourd'hui on a encore tout cela mais c'est un peu comme ce qu'on a
fait ici, en cette Chambre, avec la tabatière et la bofte à
priser, tout ce qu'il y avait sur la table qui encombrait on ne pouvait
pas mettre de bill, dans ce temps-là c'étaient simplement
des symboles. Il y avait aussi l'hygromètre alors que c'est la place la
plus sèche qu'on ait jamais vue.
M. le Président, nous en sommes là, je crois, dans ce
domaine. On dira peut-être que je juge a priori; j'en mets
peut-être un peu mais c'est pour faire ressortir un aspect qui, je le
crois, n'a pas été assez précisé. On voit dans
cette loi tout ce qu'il faut pour contrôler ce qui est médical:
médicaments, poisons, la liste des médicaments devant être
vendus par le pharmacien selon les recommandations du Conseil de la
pharmacologie. La liste des poisons, très bien. Ce qu'il faut faire pour
devenir pharmacien, très bien. Mais lorsqu'on entre dans la pharmacie,
on voit ce qu'il faut pour faire de la plongée sous-marine, en certains
endroits, ce qu'il faut pour jouer au baseball, ce qu'il faut pour
décorer l'arbre de Noël, ce qui est nécessaire pour pelleter
de la neige et nettoyer une cour, tout ce qu'il faut est en avant, à
part ce qu'il y a dans cette loi-là.
La loi aurait pu il me semble, prévoir un chapitre spécial
pour tout ce qui est parapharmaceutique, parce qu'il y a plus de "para" qu'il y
a de "pharmaceutique" dans la pharmacie. Ceci est dit sans arrière
pensée. Je sais qu'on a fait des efforts considérables. On nous
dit que c'est par mesure d'appoint que le pharmacien est obligé de
vendre autre chose. Tant mieux si c'est ça. Est-ce qu'un matin on pourra
faire disparaître ces mesures d'appoint? Ce professionnel n'a pas appris
à vendre des ballounes et ces choses-là, jamais. Il a une
formation de chimiste, chimie organique, chimie minérale, chimie
biologique, il a une formation anatomi-que au point de vue médical,
physiologique, matières médicales, pharmacie, pharmacopée,
toutes ces choses-là, il s'est préparé. Est-ce qu'un matin
on va pouvoir parler de pharmacie réellement dans la pharmacie et ne pas
voir un peu de "hardware", comme on dit, dans la pharmacie, des cordes à
danser, des plongeoirs, des baignoires, des balles et mettez-en tant qu'il y en
a , et des journaux, des revues et de la "porno" tout ça c'est un
aparté que je fais.
On a défini tout, la loi est excellente pour des gens qui font de
la pharmacie mais je demanderais qu'un matin les pharmaciens en viennent
à ne faire que de la pharmacie. On a demandé de les payer,
d'accord, qu'ils soient payés à la pièce, à l'acte,
qu'on les paie, mais qu'on les délivre de ce fléau qui les
encombre. Qu'on les délivre d'un autre fléau aussi, l'obligation
qu'ils ont de tenir et qu'ils avaient surtout tous les
médicaments recommandés par le voyageur qui a fait le tour des
médecins. Cela en est drôle, le voyageur en pharmacie, la seule
personne qu'il ne visite pas c'est le pharmacien. C'était comme
ça. Le voyageur va chez le médecin et le médecin ne tient
pas de médicaments. Il va lui expliquer la dernière
découverte: Docteur, notre maison vient de découvrir telle chose,
on a mis ça, c'est bon pour ci, ça, ça et ça; c'est
bon, c'est effrayant.
J'étais dans la médecine vétérinaire et j'ai
vu des voyageurs tout le temps dans mon bureau et, à chaque fois qu'ils
arrivaient avec un médicament, je disais: C'est fini, je ne traiterai
plus jamais cela, je n'ai qu'à donner ça et ce sera
réglé. Il y a des limites dans les capacités
médicales et dans l'efficacité médicamenteuse.
Je reviens à mon voyageur, assis dans le bureau du médecin
et qui lui vante le produit.
Le médecin dit: C'est bon, je vais le prescrire. Dis au
pharmacien d'en prendre, je vais le prescrire. Il retourne chez le pharmacien
et dit: J'ai vu quatre médecins, achètes-en. Ils en prescrivent
très bien. Ils en prescrivent une fois, le pharmacien, lui,
s'approvisionne, il accumule. La semaine suivante ou un mois après, il
en arrive un autre qui vend le même type de médicament, la
même formule mais pas sous le même nom. Mais on a ajouté un
antispasmodique un peu plus fort, quelque chose comme ça. Là il
va revoir le médecin, il dit: On a quelque chose, c'est mieux que
l'autre. Prescrivez-en, le pharmacien va en acheter. C'est inouï,
impossible. Il faudrait que dans notre loi il y ait une disposition. De toute
façon, quant au rôle du bureau, il faudra qu'on en vienne à
définir exactement des limites. Là comme le disait le
député de Bourget, c'est là qu'on abuse du
consommateur.
Aucune publicité sur aucun médicament, ce n'est pas
nécessaire. Des médicaments miracles on en a assez, c'est du
charlatanisme, c'est de l'ignorance. C'est une période révolue,
c'est l'équivalent du gars au bout du rang qui guérissait une
entorse en attachant une laine autour d'un pied. Il n'y a pas de
propriété guérissante dans les quatre cinquièmes de
ces médicaments qui sont vendus à grand renfort de
publicité. Il y a aussi cet autre aspect de la situation-, lorsque la
liste des médicaments sera déterminée, ils devront
être vendus spécifiquement par le pharmacien.
Hier ou avant-hier nous avons adopté en deuxième lecture
la Loi des médecins vétérinaires. Nous avions
attiré l'attention du ministre de l'Industrie et du Commerce qui
remplaçait le ministre des Affaires sociales, qui était malade.
Nous avions attiré son attention sur l'obligation qu'il y aurait de
laisser au médecin vétérinaire la vente des produits dont
il a besoin. Avec cette disposition dans la loi des pharmaciens, lorsque le
conseil et les pharmaciens auront décidé qu'il n'y aura qu'eux
pour vendre des médicaments, on enlèvera, au médicin
vétérinaire le droit de vendre. Les distances en milieu rural
entre les pharmacies étant assez longues, le cultivateur et
l'éleveur seront privés de mesures susceptibles de les aider
à réchapper le cheptel.
Article 24. M. le Président, je m'excuse, je n'ai pas le droit,
mais vous l'avez accordé tantôt au ministre. Ce n'était
peut-être pas vous mais, de toute façon, le ministre a
parlé à peu près de tout sauf du principe de la loi. Je
m'excuse encore auprès du ministre, si je ne suis pas gentil à
son endroit, mais ça n'a pas l'air de lui faire mal, il sourit plus que
jamais.
UNE VOIX: Il était prévenu d'ailleurs.
M. DEMERS: L'article 24 spécifie que la raison sociale de la
pharmacie devra disparaître. On devrait donner à la pharmacie le
nom du véritable propriétaire. Nous avons eu certaines remarques,
nous dans l'Opposition et probablement les gens du pouvoir en ont eu aussi,
à l'effet que ça coûterait énormément cher
à ceux qui depuis plusieurs années font affaires sous tel nom. Il
faudrait qu'ils se privent du profit que leur apportait ce nom avec la
publicité qu'ils ont fait pendant plusieurs années.
Il faudra, je crois, lorsque nous étudierons en commission cet
article, y penser sérieusement et peut-être accorder un laps de
temps pour en arriver au changement. Très peu ici à
Québec, parce que tout le monde se connaît, mais dans la
métropole on ne sait pas qui est propriétaire de la Pharmacie
Montréal. Cela a déjà été quelqu'un qu'on
connaissait, mais je pense bien qu'il est mort aujourd'hui, ce sont d'autres
propriétaires.
Il y a peut-être intérêt, il y a peut-être
utilité pour la protection de tout le monde et du consommateur qu'on
sache le nom. Mais dans nos villes comme Sherbrooke, Trois-Rivières,
Shawinigan, ces villes-là, si la pharmacie s'appelle la Pharmacie
nouvelle à Shawinigan, on sait que c'est M. Jean-Baptiste Untel qui en
est le propriétaire.
Je ne vois pas ce qui pourrait nous pousser à faire changer ce
nom immédiatement, ce qui impliquerait le changement de tout
l'étiquetage, l'élimination des enseignes, etc., et causerait des
préjudices sérieux à ces gens qui ont toujours servi le
public avec désintéressement et au meilleur de leurs
capacités.
M. le Président, ce sont les quelques remarques que je voulais
faire sur l'étude de ce projet de loi. La loi, comme l'ont dit ceux qui
m'ont précédé, est excellente. Elle a été
bonifiée par l'étude en commission et on pourra y retoucher en
commission plénière. Je crois qu'elle rendra
service aux pharmaciens et à la collectivité. Les lois
sont faites non seulement pour les professionnels; elles sont faites en
fonction de ceux qui bénéficient des services professionnels. Il
faut que ces lois aient de la souplesse et présentent une
sécurité assez marquée afin de pouvoir rendre service
à cette collectivité.
M. le Président, je vous remercie de l'attention que vous m'avez
portée et j'espère qu'il n'y aura pas de représailles de
la part de ces professionnels auxquels j'ai peut-être dit certaines
vérités. Ils seront les premiers, je crois, à
reconnaître que, dans le fond, c'est fait avec une bonne intention.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de
Maskinongé.
M. Rémi Paul
M. PAUL: M. le Président, depuis le début de
l'étude de la deuxième lecture du projet de loi sur la pharmacie,
la discussion s'est orientée sur cette réforme que le
professionnel de la pharmacie s'est imposée depuis quelques
années.
Le Collège des pharmaciens, dans la présentation de son
mémoire, a défendu les principes que nous rappelait tout à
l'heure le député de Montmagny, à l'effet que le
médicament ne peut être considéré comme une
marchandise commerciale, qu'en substance le médicament est un poison,
que, dans des circonstances, il ne peut être délivré sans
contrôle, que ce contrôle, il va de soi, doit être
exercé par un spécialiste et qu'enfin le pharmacien est le seul
spécialiste en la matière.
Si nous nous arrêtons aux différents mémoires que
nous avons reçus à la commission parlementaire, surtout depuis la
réimpression de ce projet de loi, nous ne sommes pas sans nous
interroger pour savoir lequel de ces deux corps professionnels, le pharmacien
ou le médecin, doit être au service ou à la remorque de
l'autre. Dans son langage coloré, le député de
Saint-Maurice a, en quelque sorte, rappelé certains
événements passés, mais qui nous réfèrent
à la source même de la pharmacie. Dans l'exercice de ma
profession, j'ai eu, à maintes reprises durant les premières
années, à défendre certains marchands
généraux qui étaient poursuivis par le Collège des
pharmaciens parce qu'ils avaient eu l'audace de vendre, par exemple, des
aspirines ou d'autres médicaments du même genre, sous
prétexte que la vente de ces produits devait être
l'exclusivité du pharmacien.
Par contre, il nous est arrivé trop souvent de constater que le
pharmacien était devenu quasi un commerçant ou un marchand
général. Tous se rappellent ces pharmacies qui, autrefois,
facilitaient l'achat de tout ce dont une ménagère, en
résumé, pouvait avoir besoin.
Heureusement, le professionnel pharmacien s'est ressaisi. Grâce au
travail de l'Association des pharmaciens du Québec et au dynamisme de
son bureau de direction, le pharmacien a tout mis en oeuvre pour se revaloriser
à un tel point, qu'aujourd'hui le pharmacien, celui qui, normalement,
retire sa seule source de revenus de la vente des médicaments, est celui
qui s'élève devant la publicité et la surconsommation des
produits pharmaceutiques.
De plus en plus, le pharmacien est devenu, demeure et, je le souhaite,
est davantage un professionnel au service du public, conscient des
responsabilités qu'il doit assumer et toujours soucieux de ne servir que
le public, dans l'intérêt du public.
Mon collègue, le député de Montmagny, a
parlé de cette revalorisation de la profession de pharmacien. Je
voudrais m'interroger surtout, interroger quelque peu le ministre des Affaires
sociales, aux fins de savoir quels seront les droits acquis ou quelle attitude
aura le gouvernement dans le respect des droits acquis, surtout pour ceux qui,
médecins, prétendent que, par l'exercice de la profession de
pharmacien, depuis quelques années, ils ont, de ce fait, obtenu le droit
de continuer à pratiquer la pharmacie.
Lorsque l'on parle de surconsommation des produits pharmaceutiques, je
n'irai pas jeter la pierre aux pharmaciens, mais aux médecins, victimes
qu'ils sont d'une publicité bien orchestrée et qui succombent
facilement aux "gadgets" ou aux trucs de publicité de toutes sortes
qu'on leur offre. Je connais certains médecins, propriétaires de
pharmacies, qui, il y a deux ans ou l'an dernier, ont gagné une
automobile parce qu'ils étaient les plus gros vendeurs de vitamines au
Québec. Il arrive que ces médecins reçoivent beaucoup
d'assistés sociaux et que, par hasard, ils prescrivent davantage de
médicaments et ce, au détriment des véritables
professionnels de la pharmacie que sont les pharmaciens.
On se présentera au bureau du médecin pour lui offrir en
prime le lanceur de disque; n'ayez crainte, M. le Président, je ne le
produirai pas comme document sessionnel. On se présentera au bureau du
médecin avec un produit excellent dans le cas de la fièvre des
foins et on y inclura un petit bonnet de bain. Qu'est-ce à dire de ces
beaux stylos qu'on offre aux médecins pour stimuler la vente de
superproduits pharmaceutiques? C'est dommage que l'on ne puisse pas les
inscrire au journal des Dâbats. Je crois que ce seraient des
pièces à conviction.
Les pharmaciens ne font pas le commerce des produits pharmaceutiques,
parce que ce ne sont pas eux qui prescrivent la médication ou les
médicaments aux malades, je regrette. Heureusement, il y a des
exceptions, mais, en général, les médecins sont les
fidèles propagandistes ou promoteurs des médicaments que consomme
la population du Québec. C'est tellement important, ce monopole, que
l'on veut, à tout pris, le garder. Les manufacturiers de produits
pharmaceutiques ou de remèdes, en prenant connaissance de la Loi sur la
pharmacie, spécialement quant au pouvoir de substitu-
tion que l'on va donner aux médecins, ont déjà
convaincu les savants médecins d'utiliser une estampille que l'on a
distribuée dans presque tous les bureaux de médecin et où
il est dit: "Pas de substitution". Je l'exhibe; je ne peux pas la
déposer, mais je l'ai en main. J'ai même le nom de la compagnie.
Déjà, les médecins ne voudront pas perdre l'exploitation
du malade à qui ils prescrivent, en abondance, des médicaments.
Lorsque, d'un autre côté, on voit la lutte intensive menée
par l'Association des pharmaciens du Québec, je me demande si le
Collège des médecins a raison de s'opposer sous prétexte
d'une psychologie professionnelle, à ce que le pharmacien, en certaines
circonstances, ait le droit de substitution à un médicament, tel
qu'on le lui donne dans l'article 20 du projet de loi 255.
Il y a également certains hauts fonctionnaires à l'emploi
du gouvernement, qui sont médecins et qui possèdent d'excellentes
pharmacies, ici même à Québec.
Ces médecins conserveront-ils ce qu'ils appellent un droit acquis
ou si nous allons permettre aux médecins de diagnostiquer, de prescrire,
de soigner les malades, et aux pharmaciens de fournir la médication que
lui prescrit le médecin? Nous souhaitons que la médication
prescrite soit toujours la plus appropriée, excellente et la seule qui
convienne à l'état du malade, sans tenir compte de ces primes que
les maisons pharmaceutiques ou les fabricants de remèdes offrent
à leurs excellents clients que sont les médecins.
M. le Président, personnellement, je respecte beaucoup les
médecins, les professionnels de la santé. Il y en a un,
actuellement, assis à mes côtés. Je suis sûr,
déjà, qu'il sent les bienfaits de ma présence près
de lui.
M. le Président, il ne s'agit pas de faire le procès de la
médecine, il ne s'agit pas de faire le procès de la pharmacie. Il
s'agit tout simplement de protéger ce professionnel qu'on appelle le
pharmacien qui, lui aussi, devra avoir un code d'éthique
professionnelle, un code de déontologie et qui fera disparaître de
ces pharmacies le commerce que l'on y trouve et qui n'a aucune relation avec la
profession qu'il exerce. Que le pharmacien ne soit pas un marchand
général, qu'il soit un vendeur de médicaments, un
fabricant de remèdes soucieux de remplir l'ordonnance du médecin;
et que le médecin se contente de diagnostiquer, d'opérer, de
suivre l'évolution de la maladie de son patient, mais qu'il ne soit pas
un commerçant de remèdes au détriment d'un confrère
professionnel, je ne dis pas d'un confrère médecin mais d'un
confrère professionnel.
M. le Président, le ministre a eu raison d'inscrire, dans la loi,
cette possibilité de substitution de médicaments. Dans certains
cas, le ministre nous a dit, dans son discours de deuxième lecture,
qu'il verra à faire disparaître cette clause de justification de
la part du médecin, excellente mesure.
Je sais, M. le Président, que mon temps est déjà
terminé depuis une minute. Mais si vous me le permettez, je voudrais
tout simplement signaler quelques points au ministre, pour lui dire tout
d'abord que le Bureau des administrateurs n'est pas conforme aux données
du projet de loi no 250, parce que nous devrions avoir 24 administrateurs au
lieu de 21, en raison du nombre des professionnels.
En second lieu, je voudrais demander au ministre d'attirer l'attention
de ses fonctionnaires sur le tableau des districts judiciaires auquel on fait
référence, parce qu'il y a des erreurs. Et je crois que nous
aurons l'occasion de travailler pour améliorer, si possible, cette loi,
tout en tâchant de garder la dignité professionnelle de chacun de
ceux qui oeuvrent dans le monde de la santé: médecins,
pharmaciens, spécialistes. Ainsi, cette loi-cadre, le projet de loi 250,
et, en l'occurrence, cette loi 255, contribueront à la revalorisation du
pharmacien et, par voie de conséquence, le public n'en retirera que des
bénéfices et avantages.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Beauce.
M. Fabien Roy
M. ROY (Beauce): Je n'en ai que pour quelques minutes. Je ne voudrais
pas que le ministre des Affaires sociales pense que j'ai l'intention de
reprendre les propos de ce matin. J'ai l'intention de me limiter exclusivement
à quelques observations concernant le projet de loi 255.
Je vais être très bref parce que mon collègue, le
député de Dorchester, qui a fait un excellent travail au cours
des séances des commissions parlementaires, qui a suivi toutes les
activités de cette commission depuis le début, est le
porte-parole officiel de notre groupe. Lors de son intervention, tout à
l'heure, il a clairement indiqué le point de vue de notre groupement
politique sur ce point et les propos qu'il a tenus, je les appuie
entièrement.
Il y a un point sur lequel je veux attirer l'attention du ministre. Il y
a évidemment, dans l'exercice de la pharmacie, des personnes qui
travaillent dans ce domaine. Pour aller au plus court je ne veux pas
revenir sur le sujet ce soir, lors de la reprise de nos travaux à huit
heures quinze au cours des quatre minutes qui restent, je veux attirer
l'attention du ministre afin qu'il vous fasse connaître les intentions de
son ministère, dans toute cette loi, en ce qui a trait aux
aides-pharmaciens.
On sait que ces aides sont venus devant la commission parlementaire, ils
ont produit des mémoires au gouvernement. Aujourd'hui, j'ai entendu
toutes les observations qui ont été faites. A aucun moment, on
n'a fait référence du moins dans tout ce que j'ai entendu
au cas de ces personnes.
Je m'excuse, on me dit que le député de Montmagny en a dit
quelques mots, mais quand même. Elles sont venues ici présenter un
mémoire, ont souligné le rôle qu'elles avaient à
jouer. Je vais citer quelques paragraphes de leur mémoire: "Il y a plus
de dix ans, les fabricants de produits pharmaceutiques se sont appliqués
à mettre sur le marché des produits déterminés avec
dosage étiqueté. Plus la recherche dans ce domaine s'accentue,
plus la mise en marché se simplifie. Il est maintenant devenu
fréquent et courant dans la mise en marché au détail que,
si par hasard des potions devenaient nécessaires, les fabricants dans
les laboratoires en assurent à ces détaillants la distribution.
Il n'existe donc plus de secret maintenant dans la composition des produits
pharmaceutiques, des termes génériques sont utilisés. Le
dosage et les ingrédients sont fournis et étiquetés de
sorte que dans nos pharmacies,. et ce depuis plusieurs années
déjà, la fabrique des potions est inexistante, sauf exception.
Nous devons répéter ici que seul le médecin ayant le droit
d'exercer sa profession a le pouvoir de remplir une ordonnance médicale
pour son patient. En vertu de la loi existante, seul le pharmacien
licencié a le pouvoir de recevoir l'ordonnance, d'interpréter et
livrer au patient les médicaments prescrits par le médecin. Le
pharmacien n'a pas le droit d'interroger le client, de rechercher la cause de
sa maladie choses qui ont été définies tout
à l'heure d'ailleurs il doit strictement délivrer la
marchandise qu'il lui est ordonné de délivrer dans l'ordonnance
remplie par le médecin. Ce que le médecin prescrit est
défini, désigné, déterminé. De ses
tablettes, le fabricant fournit au détaillant le dosage prescrit que le
médecin connaît par la publicité qu'il a reçue du
fabricant. Dans son rapport sur le mécanisme de distribution des
médicaments, François Lacasse a bien analysé le rôle
du pharmacien d'officine en ces deux termes: exactitude et qualité du
produit prescrit.
Il a été établi que 60 p.c. des ventes dans les
pharmacies du Québec sont faites sans ordonnance médicale. Ce
sont des chiffres qui nous ont été fournis. Ceci confère
davantage le monopole de la distribution de tous les produits pharmaceutiques
à une profession qui, en plus, a seule en vertu de la loi le pouvoir de
posséder une pharmacie. En regard de la loi existante, les 1,200
aides-pharmaciens que nous représentons exercent illégalement
leur métier ou profession. Parmi ces 1,200 plus de 700 d'entre eux ont
sept années ou plus d'expérience et de service dans la pharmacie.
Ils sont employés spécifiquement dans la vente au détail
des produits pharmaceutiques avec ou sans ordonnance."
M. le Président, c'était le point que je voulais souligner
à l'honorable ministre. J'aimerais que le ministre, lors de sa
réplique, nous indique quelles sont les intentions de son
ministère à ce sujet, parce que ces personnes ont des droits
acquis.
Je pense que le rôle que ces personnes jouent est quand même
important en vue d'assurer le meilleur service possible à la population,
puisqu'elles ont une certaine expérience, une compétence et des
connaissances acquises.
M. le Président, je termine mes observations en disant qu'il y a
un grand principe général qu'il ne faudrait oublier, dans aucune
de ces dispositions législatives. C'est le droit de la population
d'avoir un service. Ce droit implique également, entre autres
obligations, celles que ce service soit de la meilleure qualité possible
et au meilleur marché possible. Mais il faut également que ce
service soit accessible.
Parlant d'accessibilité, M. le Président, en ce qui nous
concerne, nous nous interrogeons sérieusement sur toutes les
dispositions de cette législation qui font en sorte de respecter le
droit pour les pharmaciens nous le respectons, d'ailleurs, et nous
voulons qu'il soit respecté d'exercer leur profession et de
remplir leur rôle, alors qu'il y a, quand même, beaucoup de
régions au Québec où une pharmacie ne peut pas être
exploitée sur une base rentable et sur une base intéressante pour
le pharmacien.
Il va falloir que le gouvernement prévoie ces choses. Je dis, en
terminant, que peu importe la personne, quel que soit son statut ou quel que
soit l'endroit où elle demeure, elle a droit aux mêmes services
que ceux qui demeurent dans les grands centres ou dans les régions
où tous les services sont à la disposition de la population.
M. CASTONGUAY: Je demande, M. le Président, la suspension du
débat et j'exercerai mon droit de réplique à la
reprise.
M. LOUBIER: Si le ministre peut nous affirmer qu'il n'en a que pour cinq
ou dix minutes, on pourrait le laisser faire sa réplique.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il est six heures. On va aller manger. Le
ministre est malade un peu.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La Chambre suspend ses travaux
jusqu'à vingt heures quinze.
(Suspension de la séance à 18 h 1 )
Reprise de la séance à 20 h 28
LE PRESIDENT (M. Lavoie): A l'ordre, messieurs! La réplique de
l'honorable ministre des Affaires sociales.
M. Claude Castonguay
M. CASTONGUAY: M. le Président, certains points, je crois,
méritent de bref commentaires et peut-être certaines
clarifications, informations, ou explications additionnelles à la suite
des exposés faits par les différents députés qui
ont participé au débat sur le projet de loi concernant la
pharmacie.
Je les prends dans l'ordre où je les ai notés. On a
soulevé l'ambiguité possible qui comporte la défintion de
"pharmaciens", particulièrement en ce qui a trait à l'inclusion
globale possible de tous les médecins dans cette définition. Tel
n'est évidemment pas le cas. Quant à nous, les pharmaciens sont
couverts par la Loi sur la pharmacie et ont les droits, les
responsabilités et les devoirs contenus dans cette loi. Il y a aussi
certains médecins, comme nous l'avons expliqué cet
après-midi. Il y aura correction sur ce point pour enlever toute
ambiguïté. Je crois que cela répond largement aux
interrogations qui ont été soulevées, à savoir si
c'est une loi pour les pharmaciens ou si c'est une loi plus ou moins bien
définie quant aux personnes qu'elle touche directement.
Par la même occasion, je crois qu'il est important de mentionner
qu'en ce qui a trait à la question des droits acquis, nous respecterons
ceux qui ont été déjà consacrés, mais nous
voulons nous en tenir au plus strict minimum possible. Je pense que tous sont
d'accord sur le fait que la pharmacie doit être exercée par les
pharmaciens et que, les conditions changeant, le nombre de pharmaciens
augmentant, les moyens de communications changeant, les établissements
se développant, etc., il est sage de continuer dans cette voie,
c'est-à-dire de réserver l'exercice de la pharmacie aux
pharmaciens.
On a parlé du problème du contrôle de la
distribution des médicaments dans les établissements; il est
clair que c'est une question importante, mais je ne crois pas que nous devrions
régler, par cette loi, des problèmes qui touchent à
l'organisation des établissements de santé pas plus que, par la
Loi médicale, par exemple, nous touchons à l'organisation interne
des hôpitaux.
Ceci est fait par la loi no 65, par la réglementation en vertu de
cette loi et aussi par voie de mesures administratives lorsque
nécessaire. Nous sommes conscients du problème qui a
été soulevé, c'est-à-dire la possibilité de
contrôles qui ne sont pas exercés de façon suffisante sur
la distribution et la consommation de médicaments dans certains
établissements. Nous avons déjà posé certains
gestes. Nous poursuivons les discussions pour corriger cette situation. Je ne
crois pas qu'il serait sage de faire un écart, une exception en ce qui a
trait à la pharmacie, et régler un problème qui touche, en
fait, à l'organisation et au fonctionnement des établissements,
par le biais d'une loi professionnelle.
Je ne crois pas non plus qu'il serait sage et possible même de
prévoir la présence d'un pharmacien en tout temps, dans chacun
des établissements, compte tenu du nombre de ces établissements
et dans certains cas même, de leur taille. Dans les
établissements, nous sommes dans des milieux organisés, avec du
personnel compétent. Je crois que les méthodes de contrôle
peuvent être améliorées, il n'y a aucun doute
là-dessus. Mais ceci ne requiert pas pour autant la présence
à temps complet ou encore la présence, sur une base permanente,
d'un pharmacien dans chacun de tous les établissements que nous avons,
à partir des foyers pour personnes âgées en passant par
toutes les autres formes d'établissements que l'on trouve dans le
secteur des affaires sociales.
La question des aides-pharmaciens a été soulevée,
et afin de ne pas fausser la discussion sur ce plan, je crois d'abord qu'il est
bon de mentionner que rien, dans cette loi, n'est susceptible de les
pénaliser, à mon sens. Nous sommes aussi conscients que tous les
membres de l'Opposition du rôle que ces aides-pharmaciens ont joué
et jouent, rôle fort utile, comme je l'ai d'ailleurs mentionné
dans ma propre intervention ou dans mon propre exposé. Si j'ai fait
état de la clause de délégation qui me parait le
mécanisme le plus approprié pour aborder cette question, je crois
qu'il y aurait lieu d'ajouter que si le règlement qui doit être
préparé à cet effet par le bureau de l'ordre, en
discussion avec l'association qui les représente, ne se
concrétisait pas, il reste toujours la possibilité que l'Office
des professions fasse adopter un tel règlement. Il y a toujours cette
possibilité lorsque les discussions ne donnent pas les résultats
escomptés.
Je ne vois pas, dans la logique des choses, si ces gens, comme c'est le
cas, rendent des services valables à des pharmaciens ou dans le cadre de
pharmacies d'officine qui les emploient depuis de nombreuses années,
pourquoi, subitement, il y aurait changement d'attitude de la part des
pharmaciens à leur endroit. Avec cette clause, avec la soupape qui
permet à l'office d'adopter un règlement, je crois que nous avons
là un mécanisme approprié.
J'ai noté, avec grand intérêt, les commentaires qui
ont été faits en ce qui a trait à la publicité sur
les médicaments. Je puis dire que, dans l'ensemble, je partage
totalement ce qui a été dit. Il ne semble pas, en effet, que la
publicité, que ce soit pour stimuler la consommation ou la vente, que ce
soit pour les médicaments d'ordonnances ou pour les médicaments
brevetés, ait vraiment une place. Qu'il y ait de l'information sur le
contenu des médicaments, sur leur valeur thérapeutique, sur les
contre-indications, c'est une chose. Mais la
publicité, qui tend à favoriser une marque de commerce
uniquement ou encore à stimuler la consommation, ne semble pas avoir de
place, à mon sens. J'étais bien intéressé
d'entendre les opinions exprimées par les membres des divers partis
d'Opposition sur ce sujet.
Maintenant, au niveau des pharmacies d'officine, je crois que c'est le
député de Montmagny qui a fait état de ces
réflexions et qui en serait venu à la conclusion que si nous ne
sommes pas prudents, quant à la publicité que les pharmaciens
d'officine sont susceptibles de faire, elle peut avoir pour effet de stimuler
la consommation.
En fait, ce que nous avons à l'esprit, ce n'est pas ce type de
publicité. D'ailleurs, j'ai regardé les dispositions du projet de
loi. Quitte à ce que nous les précisions davantage, elles me
semblaient raisonnablement claires. Mais ce sont des informations touchant le
type de services que les pharmacies offrent, les heures d'ouverture, etc.
M. CLOUTIER (Montmagny): Si le ministre me le permet, le mot
"publicité", en lui-même, est très large. C'est pour cela
qu'il faudrait, même si cela se fait par règlement, le restreindre
peut-être dans le projet de loi. Ce sera une protection. Je ne sais pas
quel terme il faudrait employer, on en discutera en commission
plénière. Mais il faudrait le qualifier dès maintenant
dans le projet de loi.
M. CASTONGUAY: Bien. La publicité relativement aux heures
d'ouverture, par exemple, peut être fort utile. Je prends, à titre
d'exemple, mon cas.
Dimanche dernier, le docteur est venu me voir et j'ai eu toutes les
misères du monde à trouver une pharmacie ouverte, dimanche
après-midi, à la haute-ville de Québec. Si un bon
système de rotation des pharmaciens était établi, qu'on
l'annonçait et qu'on mettait un peu moins d'emphase sur le type de
publicité qu'on trouve dans certains journaux, je pense que ce serait
beaucoup plus avantageux et beaucoup plus utile pour le public. C'est à
ce type de publicité que je songe, c'est-à-dire une
publicité qui fait état des services réels et concrets que
les pharmaciens peuvent rendre à la population.
Quant à la publicité qui touche à l'augmentation de
la consommation, je suis d'accord avec tous ceux qui ont parlé sur ce
sujet.
On a également parlé des médicaments
brevetés. Je pense qu'encore là, c'est le député de
Montmagny qui a posé certaines questions. Si je n'ai pas
été suffisamment précis cet après-midi, comme je
viens de le dire en ce qui a trait à la publicité, je pense que
mon point de vue est clair. Il y a l'importance de bien indiquer ce que sont
les contenus des médicaments brevetés. Il est aussi important de
bannir, d'éliminer du marché ceux qui ne répondent pas aux
normes reconnues de qualité. Je crois que ce sont les aspects les plus
importants qui touchent la question des médicaments brevetés. Si
on veut que tous les médicaments brevetés soient vendus dans les
pharmacies d'officine, par contre, je ne suis plus d'accord parce que je ne
vois pas en quoi la population serait davantage protégée. La
population est assez adulte, je crois, aujourd'hui. Si on lui souligne les
dangers possibles d'une consommation trop grande de certains de ces produits,
si les contenus sont connus, s'il y a de bonnes normes de qualité, si
les épreuves nécessaires sont effectuées pour assurer sur
le marché uniquement la présence de produits de qualité,
je crois que nous avons ce qu'il faut. Si la population trouve plus utile
d'acheter ce type de produits dans un endroit plutôt que dans un autre,
on devrait lui laisser cette possibilité.
J'appuie, évidemment, les efforts du Collège des
pharmaciens dans sa campagne concernant les médicaments brevetés,
mais dans le contexte que je viens de décrire.
On a également mentionné que la Loi de la protection du
consommateur constitue un outil qui peut être utilisé de
façon fort utile dans cette question de la publicité ou de
l'information. D'ailleurs, j'ai discuté de cette question avec mon
collègue, le ministre responsable, et la question a été
confiée à l'Office de la protection du consommateur.
Déjà, en collaboration avec le Conseil de pharmacologie,
le travail a été amorcé. Je dois dire que nous sommes dans
un domaine où malheureusement, les fabricants...
UNE VOIX: C'est fort!
M. TETLEY: Il faut féliciter le ministre des Affaires sociales
pour son travail et pour sa coopération à ce sujet.
M. PAUL: Est-ce que vous avez l'impression que vos coDègues de
l'Exécutif peuvent vous faire le même compliment?
M. TETLEY: J'accepte tous les compliments qui sont néanmoins
très rares, c'est vrai.
M. CASTONGUAY: Je saisis l'occasion pour dire que le ministre des
Institutions financières a accepté avec empressement et grand
plaisir de demander à son Office de la protection du consommateur
d'étudier cette question de la publicité. Le travail est
commencé. Le président du Conseil de pharmacologie a
rencontré certaines des personnes de l'office.
Je dois dire et déplorer que certains fabricants ne respectent
pas, sur ce plan, également, les règles du jeu. Alors que
l'office a adopté certains règlements touchant la
publicité qui s'adresse aux enfants, règlements qui
étaient fort nécessaires, qui ont été reçus
de façon extrêmement positive par la population, on retrouve dans
certaines pharmacies, et exposés de façon extrêmement
évidente, non plus le type de publicité que l'on retrouvait
ancienne-
ment, mais les médicaments ou des vitamines dans des contenus qui
les rendent extrêmement attrayants aux enfants. Par un moyen
détourné, on atteint la même fin. Je dois souligner que sur
ce plan, on a vanté cet après-midi et on a souligné le
travail positif que les pharmaciens et le Collège des pharmaciens font.
Ils pourraient aussi poursuivre leur travail et dénoncer ces pratiques
des fabricants qui ne visent qu'à contourner les dispositions qui ont
été prises dans le cadre de la protection du consommateur.
Enfin, on a parlé de deux aspects de la composition du bureau du
collège ou de la corporation de l'ordre des pharmaciens. Le
député de Bourget a mentionné le fait qu'il y aurait
peut-être avantage à introduire dans la composition du bureau, des
mécanismes permettant à divers types de spécialités
ou à des pharmaciens s'adonnant à diverses activités
d'être représentés.
Je pourrais faire la remarque, et je la fais, non pas dans un esprit
négatif, que le même problème se présente, et s'est
toujours présenté dans l'ordre des médecins.
A ma connaissance, la médecine préventive ou la
médecine d'hygiène publique et certains autres types, la
médecine industrielle, par exemple, ont toujours été
sous-représentées au niveau de ce bureau. J'ai bon espoir qu'avec
la disparition définitive du rôle de protection des
intérêts économiques des membres par ces ordres ils vont se
rendre compte maintenant de l'importance de voir à ce que les membres
qui composent leur bureau représentent l'éventail des
activités que l'on peut retrouver dans une corporation. Et au lieu de le
faire par législation et imposer encore un mécanisme plus lourd
d'élection, je crois qu'il s'agit d'un problème qui peut
être fort bien réglé par les membres eux-mêmes.
J'ai déjà participé à des élections
dans d'autres groupes où le même type de problème se posait
et où des solutions ad hoc ont pu être développées.
Le problème se pose, j'en conviens, il se pose aussi dans des ordres
comme l'ordre des médecins. Je crois que, les préoccupations
changeant, il y aurait grand avantage à ce que les membres de ces ordres
se concertent entre eux pour, justement, assurer une meilleure
représentation à leurs membres selon les activités qui
sont les leurs.
Le député de Maskinongé a souligné, je
crois, le fait que le bureau tel que constitué dans le projet de loi ne
répond pas tout à fait aux normes. Nous avions gardé le
même nombre de membres que nous trouvons présentement dans le
bureau du Collège des médecins et les mêmes districts. Nous
allons apporter, après discussion avec le Collège des pharmaciens
et leur accord sur ce point, des amendements qui permettront que les
mêmes dispositions que celles que nous retrouvons de façon
régulière s'appliquent.
Le député de Shawinigan, dans son intervention très
colorée et très intéressante, a parlé de la tenue
des pharmacies d'officine. Avec le pouvoir réglementaire que nous
trouvons dans le projet de loi et peut-être certaines petites
clarifications, il s'agira d'une responsabilité que devront continuer
d'assumer les pharmaciens eux-mêmes et leur ordre. Ainsi, la pharmacie
d'officine sera de plus en plus une pharmacie d'officine et de moins en moins
ce qui a été décrit cet après-midi.
Le député de Maskinongé a souligné avec
raison le fait que la surconsommation de médicaments ne doit pas
être imputée uniquement aux pharmaciens, mais qu'une partie doit
aussi être imputée aux médecins. C'est exact. D'ailleurs,
c'est pour cette raison que, l'an dernier, j'ai demandé au
Collège des médecins de s'intéresser à cette
question et d'en discuter conjointement avec le Collège des pharmaciens,
de telle sorte que les deux organismes, qui sont tous les deux responsables de
ce secteur, jouent leur rôle pleinement et qu'on en vienne à
contrôler, d'une façon plus efficace que ce n'est le cas
présentement, cette question de consommation.
Enfin, M. le Président, je crois qu'il y a un détail que
j'aurais dû souligner, lors de la deuxième lecture et qui apporte
une garantie additionnelle sur ce plan. C'est celui que nous retrouvons dans
l'assistance-médicaments et qui a trait au paiement d'honoraires,
même si un pharmacien juge qu'il ne peut remplir une ordonnance qui lui a
été livrée par un médecin, si cette ordonnance est
défectueuse sur un plan quelconque et ceci semble être assez
souvent le cas. On a souligné ceci à l'extérieur du
Québec à plusieurs reprises, comme étant une innovation
qui méritait d'être soulignée et qui donnait au pharmacien
un rôle que l'on ne semble retrouver dans aucune autre juridiction dans
les pays développés.
Je crois que cette innovation dans l'assistance-médicaments
méritait d'être soulignée parce qu'elle vise
également à donner un rôle beaucoup plus positif de
protection et de responsabilité aux pharmaciens. C'est pourquoi je
tenais à le souligner avant de terminer mon intervention.
Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle
adoptée?
M. PAUL: M. le Président, nous demandons un vote
enregistré. Nous sommes quatre de notre côté plus le
député de Bourget.
M. LEVESQUE: Pardon?
M. PAUL: Nous avons demandé un vote enregistré.
Imaginez!
LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!
Vote sur la deuxième lecture LE PRESIDENT: Nous allons
procéder à la
mise aux voix. Que ceux qui sont en faveur de la deuxième lecture
du projet de loi no 255 veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Castonguay, Garneau, Tremblay
(Bourassa), Goldbloom, Tetley, Bienvenue, Vaillancourt, Arsenault, Houde
(Fabre), Phaneuf, Brown, Brisson, Picard, Leduc, Fortier, Bacon, Caron,
Carpentier, Cornellier, Faucher, Houde (Limoilou), Lamontagne, Marchand,
Pelletier, Pilote, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Cloutier (Montmagny),
Lafontaine, Gagnon, Roy (Beauce), Latulippe, Brochu, Drolet, Guay,
Béland, Laurin, Charron, Masse (Montcalm).
LE SECRETAIRE: Pour: 40. Contre: 0.
LE PRESIDENT: La motion est adoptée.
Projet de loi déféré à la
commission
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que le projet de loi no
255 soit déféré à la commission parlementaire
spéciale des corporations professionnelles.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.
M. LEVESQUE: Article 15.
Projet de loi no 265 Deuxième lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la
deuxième lecture du projet de loi no 265, Loi des techniciens en
radiologie.
M. CASTONGUAY: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur
de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande
l'étude à la Chambre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il n'a pas encore pris ses vacances, il doit
être fatigué.
LE PRESIDENT: A l'ordre! Le ministre des Affaires sociales.
M. Claude Castonguay
M. CASTONGUAY: Ce projet de loi contient, avec le code des professions,
je crois, toutes les dispositions qui permettront à cette corporation
d'être pleinement structurée, de s'organiser pour fonctionner
vraiment comme une corporation professionnelle. C'est un premier aspect qui
mérite d'être souligné lorsque l'on examine en
parallèle les dispositions de la législation actuelle.
Egalement, et cela me paraît un point digne de mention, avec les
mécanismes que l'on retrouve maintenant à la fois dans le code
des professions et dans ce projet de loi, la formation de même que
l'admission des membres, à la pratique de cette profession, vont
être beaucoup plus appropriées que ce n'est le cas
présentement. Non pas que les techniciens en radiologie ne soint pas
compétents, mais lorsqu'on examine les dispositions du projet de loi,
sur ce plan également, je crois que les nouvelles dispositions vont
constituer une amélioration sensible.
Le point fondamental, qui distingue toutefois le nouveau projet de loi
de la législation actuelle, réside dans le fait que le
mécanisme de l'ordonnance est introduit, alors que dans la
législation actuelle, c'est le concept de responsabilité qui
gouverne. Nous avons vu, en commission parlementaire, d'une part,
jusqu'à quel point ce concept de responsabilité ne colle pas
à la réalité, puisque les techniciens en radiologie
eux-mêmes nous ont dit qu'en temps normal, bien souvent, ils exercent
leur profession avec un minimum de surveillance ou de contrôle, bien
souvent sans avoir d'indications précises quant à la façon
d'effectuer leur travail sur le plan, soit diagnostique, soit
thérapeutique. En temps de grève, comme ce fut le cas à
une couple de reprises, les dispositons de la loi peuvent être
utilisées comme signifiant que le technicien ne peut travailler que sous
la surveillance immédiate d'un médecin radiologiste.
Lorsqu'une loi peut donner lieu à ce type de situation, il est
grand temps de la modifier et de l'adapter à des conditions plus
réalistes. Le mécanisme d'ordonnance, qui est utilisé dans
le domaine de la santé de façon très
générale, trouve sa place également ici. Il est un
mécanisme éprouvé, que ce soit pour les
médicaments, pour les verres ou pour d'autres fins et il n'y a pas de
raison qu'il ne soit pas utilisé ici. Il permet aussi de garder des
dossiers beaucoup plus précis quant aux indications données, soit
pour les fins de diagnostic ou pour les fins de traitement, que la situation
actuelle ne semble le permettre.
Egalement, en cas de problème, il sera beaucoup plus facile de
déterminer les responsabilités respectives.
Alors, je crois que ce mécanisme d'ordonnance, qui a fait ses
preuves de façon séculaire dans le domaine de la santé et
que l'on retrouve maintenant dans le projet de loi des techniciens en
radiologie, va constituer une amélioration considérable par
rapport à la situation présente.
Enfin, depuis la réimpression du projet de loi, on a
attiré notre attention sur le fait que, dans la définition de
l'exercice et des conditions qui l'entourent, il y aurait avantage à
distinguer entre la radiologie diagnostique et la radiologie à des fins
thérapeutiques. Dans ce dernier cas, il est dit que seul le
médecin peut prescrire à des fins de radiologie diagnostique. Je
crois qu'il y a là une distinction importante. Nous l'apporte-
rons, par voie d'amendement, lors de l'étude article par
article.
Alors, compte tenu de l'utilisation toujours plus fréquente que
l'on fait de la radiologie, aussi bien à des fins diagnostiques
qu'à des fins thérapeutiques, compte tenu des dangers que
présente l'utilisation des appareils et la nécessité
qu'ils soient bien utilisés et uniquement par des personnes
compétentes, dans un cadre bien défini, bien clair, qui
précise clairement les responsabilités et qui permet au
technicien de bien connaître ce que sont les instructions de celui qui
prescrit, je crois que nous avons là un projet de loi qui, même
s'il est bref, permettra également d'améliorer la protection du
public et aussi la qualité des services que ce public reçoit.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.
M. Rémi Paul
M. PAUL: M. le Président, la Société des
techniciens en radiologie médicale du Québec, qui deviendra la
Corporation professionnelle des techniciens en radiologie, en vertu du projet
de loi 265, compte actuellement 2,000 membres au Québec. Ces personnes
exercent deux genres de travail ou de fonction. Il y a les radiologistes de
diagnostic qui sont les plus nombreux et les radiologistes de
radiothérapie qui le sont beaucoup moins.
Ce qu'il y a de remarquable dans cette loi, c'est que le ministre en
donne plus que le client veut en avoir. C'est un cas d'exception parce que dans
nulle autre loi spécifique des corporations professionnelles nous
trouvons une telle générosité de la part du ministre. Je
vous citerai, tout à l'heure, l'opinion de M. Gagné,
président de la Société des techniciens en radiologie
médicale du Québec sur ce point.
Ce projet de loi a pour but principal, comme principe premier, comme
objet, d'abroger la Loi des techniciens de radiologie médicale du
Québec, comme je vous le mentionnais il y a quelques instants, pour la
remplacer par une corporation professionnelle qui ne soit pas limitée au
domaine de la radiologie médicale et qui concorde avec beaucoup de
dispositions du code des professions.
Le projet de loi 265 rendra le technicien en radiologie tout à
fait autonome, contrairement à la première version du projet de
loi 265 qui obligeait le technicien en radiologie à exercer sa
profession sous la surveillance d'un médecin, d'un dentiste, d'un
détenteur de permis de radiologie ou de radiothérapie
délivré conformément à l'article 173 du code des
professions ou d'une personne désignée par règlement du
lieutenant-gouverneur en conseil, la nouvelle version exige simplement que le
radiologiste agisse selon les prescriptions d'un médecin, d'un dentiste
ou d'un détenteur de permis de radiologie ou de radiothérapie, et
ce conformément aux prescriptions du chapitre VI, articles 174 et
suivants du projet de loi no 250.
Cela, à toutes fins pratiques, M. le Président, revient
à dire qu'une fois qu'il a reçu une ordonnance d'un
médecin... Je voudrais immédiatement souligner au ministre qu'en
commission élue je suggérerai, tant pour la protection des
radiologistes que pour fins de contrôle, que l'ordonnance soit
écrite plutôt qu'orale. Je constate que la loi est muette sur ce
point et je suis certain que le ministre reconnaîtra qu'il est
d'intérêt public, d'abord, qu'un certain contrôle s'exerce
et que le technicien radiologiste lui-même ait une preuve d'un mandat
reçu de la part d'un médecin ou d'une personne compétente
à le faire, conformément aux dispositions du bill 265. Une fois
que cette autorisation aura été donnée au technicien
radiologiste, il agira comme il l'entend, sans aucune surveillance ou
responsabilité de la part du médecin.
Comme l'a noté dans son mémoire de la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec à la commission parlementaire spéciale des
professions, mémoire datant du mois de septembre, je crois, et
complété par des notes additionnelles en date du 6 février
1973, cette disposition de la loi inquiète avec raison la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec.
On lit effectivement dans ce mémoire additionnel du 6
février 1973, les notes suivantes: "Il ne devrait pas être
nécessaire de répéter que l'usage des radiations
ionisantes à des fins thérapeutiques comporte de graves dangers
et que, partout au monde, le traitement des malades par radiations est
confié à des médecins hautement spécialisés
dans ce domaine". J'ai fort apprécié, il y a quelques instants,
cette distinction que se propose d'adopter le ministre par un amendement
à la loi, aux fins de faire la distinction entre la radiologie
thérapeutique et la radiologie de diagnostic. "C'est à eux que
reviennent le choix des radiations à mettre en oeuvre et des doses
à employer, la surveillance des malades et le traitement des
complications inévitables de la radiothérapie. Le technicien en
radiologie apporte un concours technique qui se limite à la manipulation
des appareils, sous la direction immédiate du radiothérapeute.
"Au Québec, le projet de loi no 265 rendrait le technicien en radiologie
autonome. Non seulement pourrait-il, sans supervision, traiter comme il
l'entend les cancéreux ou les présumés cancéreux
sur simple ordonnance d'un médecin, sans égard aux qualifications
de ce dernier un omnipraticien, par exemple dans le domaine de la
radiothérapie, mais encore pourrait-il administrer des radiations
ionisantes à tout individu à la demande d'un chiropraticien ou
d'un podiatre. "Il est impensable que les législateurs permettent
pareille régression de la médecine au Québec.
Le traitement des malades, cancéreux ou
autres, par les radiations ionisantes, doit demeurer la
responsabilité de radiothérapeutes certifiés.
Sur ce point, M. le Président, le ministre nous informe d'une
situation de fait qui se produit régulièrement et il a voulu
consacrer, dans un texte de loi, ce qui, à toutes fins pratiques, se
passe dans les hôpitaux ou chez ceux qui ont charge de la
radiothérapie.
Je me permets de signaler au ministre qu'à mon humble point de
vue, ce n'est pas une raison suffisante. J'ai beaucoup de respect pour la
médecine et les spécialistes, pour autant qu'ils oeuvrent dans le
champ de leur propre compétence. S'il y a un domaine qui doit rester
sous le contrôle, la surveillance de la médecine et des
spécialistes, surtout des spécialistes, c'est bien la radiologie
ou la radiothérapie. Même les principaux intéressés
verraient d'un mauvais oeil cette liberté d'action, cette autonomie que
l'on veut accorder aux membres de la profession. Je soumets, respectueusement,
qu'il y a un danger qui peut compromettre la santé sinon la vie d'un
patient. Ce sont des hommes hautement qualifiés qui émettent une
telle opinion, qui nous invitent à la prudence, nous,
législateurs que nous sommes, parce qu'il est extrêmement
dangereux de manipuler sans aucune directive, sans aucune prescription, sans
aucune technique ils ont sûrement la technique mais sans
aucun contrôle, ces traitements en radiologie.
Je vous mentionnais tout à l'heure que le ministre en donne plus
que le client veut en avoir. Il en donne plus que les membres de la
société ou de la nouvelle corporation professionnelle veulent en
avoir. C'est le président de cette corporation, M. Gagné, qui,
entendu devant la commission spéciale des corporations professionnelles,
le 21 septembre 1972, disait ceci: "Sur la radiothérapie, il est entendu
que le technicien n'exécute jamais un traitement en radiothérapie
sans la présence d'un médecin radiothérapeute. Et ce n'est
pas pour ce groupe que nous demandons. Nous n'excluons pas la surveillance.
Dans le domaine de la radiologie, nous n'excluons pas non plus, en
radiodiagnos-tic, certains examens qui se font toujours avec l'assistance du
médecin en radiologie. Par exemple, prenons les examens de radio ou de
fluoroscopie ou en cinéradiologie ou en cardio-vasculaire ou en
neuroradiologie. Ce sont des examens qui nécessitent la présence
d'un radiologiste. Alors, la même chose dans le diagnostic. Il y a
certains examens qui, par habitude et par nécessité de
compétence et de responsabilité nous en sommes conscients
se font en collaboration et avec la surveillance immédiate ou la
présence du médecin radiologiste et ceci devra demeurer."
C'est le président de la société qui parle. Et il
ajoute: "Il est entendu que dans les faits et peut-être sur papier,
éventuellement, il s'agira d'établir spécifiquement quel
examen peut être fait par un technicien seul ou avec la présence
du médecin radiologiste comme on en fait d'habitude."
Voici que les membres de la Société des techniciens en
radiologie médicale du Québec n'osent pas assumer seuls certaines
responsabilités, conscients qu'ils sont du danger que comporte la
manipulation de leur instrument.
C'est pourquoi j'inviterais le ministre des Affaires sociales à
envisager peut-être un modus videndi pour que, d'une part, ils se
conforment à l'état de fait qu'il nous a signalé ce soir
et, d'un autre côté, pour satisfaire à l'invitation
à la prudence que nous faisait la Fédération des
médecins spécialistes du Québec, au mois de février
dernier, et pour satisfaire également à la prudence que
recommande le président de la Société des techniciens en
radiologie médicale du Québec.
M. le Président, vous permettrez à un pauvre profane que
je suis de terminer ici mes remarques, conscient cependant que les hauts
conseillers du ministre verront à bonifier davantage cette loi en
précisant ou en limitant cette autonomie que l'on veut donner aux
radiologistes et ce, pour la protection même des radiologistes, et
surtout, dans le but de satisfaire aux exigences de la médecine et,
enfin, pour que le premier bénéficiaire d'une telle prudence
demeure toujours le public.
En terminant, M. le Président, je dois vous signaler et
cela ne vous surprendra pas que nous voterons pour le principe de cette
loi en deuxième lecture.
LE PRESIDENT-SUPPLEANT (M. Séguin): Le député de
Dorchester.
M. Florian Guay
M. GUAY: M. le Président, quelques brèves remarques
concernant le projet de loi 265, Loi des techniciens en radiologie. Je viens
d'entendre les propos du député de Maskinongé et je dois
dire que je m'étonne un peu. J'ai également relevé des
propos dans le journal des Débats, à la page B-5805, et j'ai
examiné la définition demandée par la
Société des techniciens en radiologie médicale du
Québec.
Si vous me permettez, j'aimerais faire la lecture de ces quelques
lignes. On dit: "Ainsi, nous proposons que l'article 7 soit lu de la
façon suivante: et ce, pour dire que le projet de loi respecte
entièrement le voeu de ces personnes compétentes dans le domaine
Constitue l'exercice de la profession de technicien en radiologie, tout
acte qui a pour objet d'exécuter un travail technique comportant
l'utilisation de rayon X et de radio-éléments pour des fins
thérapeutiques ou diagnostiques".
M. le Président, si je regarde le projet de loi, il reproduit
très fidèlement le voeu des membres de la Société
des techniciens en radiologie médicale du Québec. Autrefois, la
loi qui existait, c'est-à-dire la loi qui prévaut encore
aujourd'hui, à l'article 8 du chapitre 251 de la
loi de 1964, exigeait que le technicien en radiologie travaille sous la
responsabilité d'un médecin radiologiste. La nouvelle loi
enlève cette obligation. Cependant, dans un autre article de la loi qui
est proposée maintenant, on dit que ces professionnels sont des
techniciens qui exécutent un travail, selon la prescription d'un
médecin dentiste, d'un médecin, ou d'une personne détenant
un permis. Dans la définition qui est proposée, parce qu'en fait
c'est presque tout le projet de loi, étant donné que les autres
articles de loi sont de concordance, le ministre a été assez
large pour accorder aux techniciens en radiologie cette définition. Je
voudrais cependant attirer l'attention du ministre et mentionner la formation
des techniciens en radiologie.
J'ai posé la question à la commission parlementaire,
à M. Pelletier qui représentait ce groupe, de la façon
suivante: Quelle est la durée de la formation pour devenir technicien en
radiologie?
M. Gérard Pelletier: "C'est deux années théoriques
dans les CEGEP pour l'obtention du diplôme d'enseignement
collégial. Cela se termine par une année d'internat avec des
techniciens moniteurs dans les services de radiologie des hôpitaux
accrédités qui ont à peu près toutes les options
possibles en radiologie."
Après avoir terminé les deux années
théoriques, l'étudiant se dirige vers un centre
accrédité qui est inspecté conformément aux
exigences de l'Association médicale du Canada qui groupe
différents organismes de santé. Ils sont suivis par des
professeurs, des moniteurs. Ils subissent des examens avec les radiologistes
déjà en place, et douze mois après ils ont un examen
théorique obligatoire qui est exigé par le corporation.
Cet examen réussi, le technicien a le droit de pratiquer. C'est
trois années comprenant le diplôme d'enseignement
collégial, plus le diplôme de la corporation qui est obligatoire
pour avoir le droit de pratiquer au Québec. M. le Président, si
je mentionne ce qui est nécessaire comme étude pour un technicien
en radiologie, c'est qu'il a également été dit en
commission parlementaire, je n'ai pas le droit d'en parler
immédiatement, mais ç'a été mentionné, que
d'autres personnes ont également des études dans ce domaine et
qu'on devra peut-être leur donner cette même largeur d'esprit, leur
consentir autant de portée concernant la compétence qu'ils
démontrent.
On fait donc confiance aux techniciens radiologistes concernant l'aspect
technique de la radiologie qui est le domaine de ces professionnels
concernés par le projet de loi. Sur le principe de ce projet de loi bien
sûr, nous sommes d'accord, parce qu'il respecte, je pense bien, cette
compétence des gens concernés qui sont formés pour
être des techniciens en radiologie.
Je répète que je serai d'accord sur le principe du projet
de loi 265. Cependant j'aurai beaucoup de questions à poser au ministre
lors de l'étude en commission.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Le député de
Bourget.
M. Camille Laurin
M. LAURIN: M. le Président, le pas que franchit le
législateur en modifiant la loi ancienne qui obligeait le technicien en
radiologie à travailler sous la responsabilité du médecin,
en transformant, dis-je, ce concept en celui d'un travail fait sur prescription
médicale est extrêmement important. Même s'il ne s'agit que
d'un simple changement de termes, il faut bien se rendre compte que sous cette
minime modification se profile un changement total de statut.
C'est là un très grand pas en avant. C'est là un
très grand écart avec la législation antérieure.
Comment évaluer ce bond en avant? D'un côté il ne fait pas
de doute que la technique radiologique a connu de très grands
progrès depuis quelques années, ce qui fait que l'enseignement
qui est donné aux techniciens en radiologie a connu évidemment
des améliorations identiques.
Je me rappelle du temps où les techniciens en radiologie
n'étaient même pas formés dans une école, encore
moins une école reconnue, et se contentaient de faire leur apprentissage
dans des services hospitaliers. Ce n'est qu'avec le temps qu'on a
créé des écoles de technologie radiologique et ce n'est
que graduellement, également, que cet enseignement s'est
amélioré, aussi bien quantitativement que qualitativement.
Il n'est donc pas surprenant que les techniciens en radiologie, au fur
et à mesure qu'ils prennent conscience des connaissances qu'ils ont
acquises, des services signalés qu'ils rendent, aspirent à
fonctionner d'une façon autonome. Je ne dis pas qu'ils aspirent à
se libérer de la tutelle des médecins radiologistes,
malgré que l'on pourrait peut-être retrouver cette
préoccupation dans les conversations privées que nous pouvons
avoir avec eux.
On sent, de toute façon, qu'au fur et à mesure qu'ils
prennent conscience de leur valeur, de la valeur de la discipline, ils aspirent
à agir d'une façon autonome. Je pense que c'est parfaitement
compréhensible, d'autant plus qu'ils se sont dotés graduellement,
de la même façon, d'un code d'éthique où ils
s'imposent à eux-mêmes des obligations, au nom de la protection du
public.
Il reste qu'il y a un autre domaine à considérer, la
gravité des actes qu'ils peuvent être appelés à
poser. Ont-ils assez évolué, sont-ils maintenant assez savants
pour pouvoir poser tous les actes que comporte l'autonomie nouvelle, non encore
complète, mais importante cependant, que leur confie le ministre par la
voie de la présente loi? Je pense qu'ici il y a lieu de distinguer. Il y
a certains actes radiologiques de nature diagnostique ou thérapeutique
qui sont relativement simples. Je pense, par exemple, aux techniques
radiologiques éprouvées comme la prise de cliché
pulmonaire, la
prise de cliché orthopédique ou, dans le domaine
diagnostique, je pense à certaines irradiations thérapeutiques
utilisées pour guérir ou soulager des maladies
inflammatoires.
Il est, par contre, d'autres conditions où les techniques
radiologiques, aussi bien diagnostiques que thérapeutiques, deviennent
extrêmement complexes ou revêtent une très grande
gravité. Je pense, par exemple, aux clichés angiographiques;
lorsqu'on veut soumettre un patient à une investigation radiologique
dans le champ de l'angiologie, ce qui peut s'avérer nécessaire,
par exemple, lorsqu'il s'agit de diagnostiquer certaines conditions
cérébrales, la technique radiologique devient extrêmement
complexe et même dangereuse. Il s'agit d'injecter, à
l'intérieur de l'organisme, dans des vaisseaux, des produits qui ne sont
pas de manipulation facile, dans un temps extrêmement rapide, qui peuvent
amener des accidents subits, exigeant à leur tour une intervention
immédiate qui, si elle n'est pas pratiquée selon les
règles de l'art, peut entrafner la mort d'un patient. C'est l'exemple
extrême du point de vue du diagnostic.
Sans aller jusque-là, il y a d'autres...
M. CASTONGUAY: Est-ce que le député me permet une
question?
M. LAURIN: Oui.
M. CASTONGUAY: Dans cet exemple que vous nous donnez, est-ce que le
médecin n'est pas automatiquement présent, justement à
cause du fait qu'une injection est requise, comme vous venez de le
décrire? A ce moment, je comprends qu'il y a toujours le concept de
l'ordonnance qui se maintient, mais le principe est le même que pour
l'infirmière, dans une unité de soins intensifs, qui est
appelée à intervenir dans un cas extrêmement difficile et
qui doit accomplir certains actes qui ont énormément d'importance
au plan de la responsabilité. Elle les accomplit, mais elle ne les
accomplit que parce qu'elle est dans un milieu organisé, au sein d'une
équipe. Est-ce bien le cas?
M. LAURIN: Oui, c'est bien le cas. Je pense qu'en pratique ces examens
de radiologie diagnostique devront continuer d'être faits dans un centre
hospitalier, et même dans les centres hospitaliers très
spécialisés. J'essaie d'aller jusqu'au bout de la logique de
l'autonomie. On peut peut-être s'imaginer que quelqu'un d'autre qu'un
médecin pourrait faire une ordonnance, un jour, pour un examen,
prescrivant une angiographie cérébrale.
A supposer qu'il n'ait pas toutes les connaissances qu'un
neuro-chirurgien a, on peut penser que le technicien en radiologie, un jour
très lointain, pourrait faire cet examen dans son propre
établissement où il se serait doté de l'équipement
nécessaire. Je ne pense pas que cela se produise, mais on peut quand
même l'envisager dans la logique extrême de l'autonomie que l'on
confie ou que l'on confère maintenant aux techniciens en radiologie.
Lorsqu'on introduit un principe en législation, il faut essayer de voir
jusqu'où l'application de ce principe pourra se répercuter dans
l'avenir. Je pense qu'on peut le saisir encore mieux en prenant des exemples
extrêmes.
Encore une fois, même si un technicien en radiologie ouvrait son
propre laboratoire ou établissement et se contentait d'irradier
certaines régions du corps dans les cas d'inflammations, par exemple,
cela pourrait se concevoir avec une ordonnance. Mais je verrais difficilement
que cela puisse se concevoir dans le cas d'examens aussi complexes et
requérant des connaissances aussi approfondies. Comme vient de me le
soumettre le ministre, il est des cas où il ne sera pas suffisant de
faire une ordonnance. Il faudra que le médecin soit présent quand
l'ordonnance sera remplie. Même si le technicien qui, du point de vue
technique, est responsable de l'exécution de l'ordonnance, le
médecin ou le spécialiste devra continuer d'assister comme
maître de jeu, de diriger les interventions des techniciens, ne serait-ce
que pour prévenir certains dangers, et aussi, au cas où il y
aurait un accident, pour réparer les erreurs techniques, ou même,
s'il n'y a pas eu erreur, pour réparer les effets malencontreux
qu'auraient produit certaines techniques. C'est un cas extrême que je
pousse à l'absurde précisément pour essayer de visualiser
à l'avance les conséquences du principe qui est inscrit dans le
projet de loi.
Le même cas peut se poser, bien que d'une façon moins
grave, pour d'autres types d'examens radiologiques qui, sans revêtir le
même danger, peuvent quand même s'avérer très
complexes. Je pense, par exemple, à tous les examens de la fonction du
foie ou de la fonction intestinale. Là aussi, nous procédons par
injection dans l'organisme, soit au niveau des vaisseaux, soit au niveau du
tractus gastrointestinal, de produits qui peuvent avoir eux aussi des effets
malencontreux, ou encore, qui peuvent exiger des manipulations que seul un
homme de l'art peut suggérer au technicien ou demander au technicien.
Comme la radiologie diagnostique est une science qui connaît un
développement foudroyant depuis quelques années, on peut penser
que le nombre et la complexité de ces examens diagnostiques complexes va
augmenter au cours des prochaines années.
Sur le plan de la thérapeutique, on peut connaître les
mêmes complications, si je peux m'exprimer ainsi. Lorsqu'on envoie un
patient dans un laboratoire de radiothérapie pour recevoir un traitement
radiologique ou un traitement au cobalt, il est bien évident que la
précision est de rigueur et qu'une surveillance très attentive
est de rigueur également pour noter, non pas seulement les effets des
radiations au niveau local, mais pour noter les effets
des radiations sur le plan systémique général. Les
radiations n'ont pas qu'un effet au point d'application de la radiation, mais
elles ont un effet également sur le système, sur tout l'appareil
métabolique, sur tout l'organisme en général.
Je ne crois pas que, même avec la formation que reçoivent
actuellement les techniciens en radiologie, ils soient en mesure
d'évaluer les effets systémiques des radiations et même
certains effets locaux des radiations. Cependant, on peut entrevoir, dans
l'avenir, si ce principe introduit dans la législation est poussé
jusqu'à sa conclusion, que ces actes radiologi-ques
thérapeutiques pourront être posés en dehors d'un centre
hospitalier, ne serait-ce que parce qu'ils sont prescrits par d'autres
professionnels de la santé que les médecins.
Il est donc très important de se rendre compte, d'une
façon prospective, des effets possibles de l'introduction de ce nouveau
principe dans le projet de loi ou de ce changement que l'on y introduit. Encore
une fois, il importe, d'une part, de considérer l'évolution de la
technique radiologique, la crédibilité plus grande qu'on doit
accorder à cette profession, les exigences légitimes de travail
autonome que, à l'exemple de tous les autres professionnels de la
santé, le technicien en radiologie peut éprouver, et je suis
d'accord. Mais, d'autre part, il faudrait peut-être, avant d'introduire
ce nouveau principe, faire montre d'un jugement prudentiel qui nous
amène à en considérer toutes les conséquences.
Justement, pour régler ce problème, peut-être ne
faudrait-il pas introduire tout uniment un nouveau principe, mais en limiter,
ne fût-ce que temporairement, l'application à certains cas
précis, a certaines conditions particulières. Là, je
rejoins ce que disait, tout à l'heure, le député de
Maskinongé. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu de faire ce qu'on a
fait dans le projet de loi sur la pharmacie. Au lieu de définir le mot
"médicament", au lieu de différencier, d'une façon
absolument scientifique, "médicament" et "poison", le ministère a
résolu le problème par une approche pratique. Il recommande
d'établir une liste de ce qu'on peut considérer comme
étant un médicament, une liste de ce qu'on peut considérer
comme étant un poison. Dans le présent projet de loi, il faudrait
peut-être penser à établir une liste des actes, aussi bien
thérapeutiques que diagnostiques, que le technicien en radiologie
pourrait poser d'une façon autonome, non plus sous la
responsabilité, comme antérieurement, d'un homme de l'art, mais
en accomplissement d'une ordonnance qui lui est remise. Aussi, on pourrait
penser établir une autre liste d'un certain nombre d'actes, aussi bien
thérapeutiques que diagnostiques, qui, pour le moment, devraient
continuer d'être accomplis sous la responsabilité d'un homme de
l'art, quitte à ce que cette liste soit révisée au fur et
à mesure des progrès de la technique radiologique et au niveau de
formation des membres qui appartiennent à cette nouvelle
corporation.
Peut-être n'y a-t-il pas d'autre façon de s'avancer, d'une
façon sage et prudente, dans un domaine où la protection du
public entre, d'une façon considérable, en ligne de compte. De
toute façon, en deuxième lecture, on ne peut guère aller
plus loin que poser ces principes pour la réflexion du ministre et de
ses conseillers. Mais en commission plénière, une fois cette
réflexion avancée, nous pourrons peut-être continuer la
discussion et essayer de préciser d'une façon qui protège
aussi bien les intérêts du public que les exigences
légitimes des techniciens en radiologie.
Comme on l'a dit avant moi, il n'est guère d'autre aspect
important dans ce projet de loi, et si le député de
Maskinongé n'avait pas fait écho aux inquiétudes des
spécialistes, j'y aurais sûrement fait écho moi-même,
non pas pour simplement épouser la cause d'un groupe de
spécialistes mais surtout au nom de l'intérêt public.
Le seul autre point qui pourrait donner lieu à certaines
remarques, c'est encore celui de la dimension linguistique pour la seule et
simple raison que ces techniciens en radiologie ne se contentent pas de
manipuler des appareils, ils entrent aussi en contact avec des hommes, avec des
patients qui, à cause de la diversité, de la bigarrure de nos
hôpitaux, maintenant, reçoivent aussi bien des clients
francophones qu'anglophones, à quelque hôpital ou
établissement qu'ils appartiennent. Encore une fois, je pense
qu'étant donné ce contact qu'ils sont appelés à
avoir avec une population qui est francophone à 80 p.c, même les
techniciens anglophones en radiologie, les nouveaux en tout cas, devraient
posséder une connaissance d'usage de la langue française.
Pour le reste, je crois qu'il ne s'agit que d'articles de concordance.
Et malgré non pas les réserves mais les questions, les
considérations que je soumets à l'attention du ministre, il nous
fera sûrement plaisir d'appuyer ce projet de loi.
LE PRESIDENT-SUPPLEANT (M. Séguin): La deuxième lecture de
ce projet de loi est-elle adoptée?
DES VOIX: Adopté.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): La deuxième lecture du
projet de loi no 265 est adoptée.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second
reading of this bill.
Projet de loi déféré à la
commission
M. BIENVENUE: Je fais motion, M. le Président, pour que ce projet
de loi soit déféré à la commission spéciale
des professions.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Cette motion est-elle
adoptée?
DES VOIX: Adopté.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Adopté.
M. BIENVENUE: Article 14.
Projet de loi no 256 Deuxième lecture
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Article 14, projet de loi no
256, Loi sur l'optométrie.
L'honorable ministre des Affaires sociales.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Là on aura le ministre à
l'oeil!
M. Claude Castonguay
M. CASTONGUAY: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur
de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande
l'étude à l'Assemblée.
UNE VOIX: Vous avez des lunettes?
M. CASTONGUAY: De bonnes lunettes d'un optométriste!
M. le Président, je pense bien qu'il est approprié de
commencer ce texte en soulignant l'importance d'avoir une bonne vision et de
pouvoir corriger, avec les moyens appropriés, les défauts de la
vision ou encore les déficiences que l'âge peut entraîner
dans l'exercice de cette faculté. Si je mentionne ceci, c'est que nous
en avons donné des démonstrations très concrètes
dès l'établissement de l'assurance-maladie en couvrant les
services optométriques, ceci non pas parce que la loi
fédérale comportait cette couverture puisqu'elle ne la comporte
pas ou, en d'autres termes, ne prévoyait pas de partage des coûts
sur ce plan, mais bien parce que nous croyions important que ces services
soient couverts.
Nous avons démontré de façon très claire
l'importance que nous attachions à cette question, à
l'époque. Je crois qu'au moment où nous avons abordé la
révision des lois des corporations professionnelles, toutes les
interrogations que nous nous sommes posées vis-à-vis de la Loi
sur l'optométrie, de la Loi des opticiens d'ordonnances de même
que des autres dispositions législatives touchant d'autres
professionnels qui oeuvrent dans ce champ, provenaient de cette
préoccupation qui est la nôtre.
Malheureusement, je dois dire que, malgré tout ce souci de notre
part, tout l'intérêt que nous démontrons à ce
secteur et tout le travail qui a été effectué par la
commission parlemen- taire, je ne crois pas que nous ayons atteint les
résultats que nous aurions pu atteindre. Je ne sais pas si je parle,
à ce moment-ci, pour les autres membres de la commission parlementaire
mais certainement, en ce qui me concerne, ce que je dis présentement est
bien ressenti.
Nous sommes dans un secteur où les besoins sont grands, nous
sommes dans un secteur où un travail de collaboration entre
professionnels de diverses qualifications s'impose et où, si cette
collaboration existait, si ce travail beaucoup plus étroit entre
professionnels de diverses catégories s'effectuait, la population en
bénéficierait hautement.
J'ai cru, à certains moment, pendant les travaux de la
commission, que nous étions en voie de déboucher sur certaines
propositions qui seraient éventuellement incorporées, soit dans
ce projet de loi, soit dans d'autres, et qui permettraient de faire progresser
cette collaboration que nous souhaitons tous et qui ne semble pas exister, si
l'on en juge par les manifestations d'opposition que nous avons vues
récemment entre les opthalmologistes, les optométristes, les
opticiens d'ordonnance.
Et ce qui me parait le plus malheureux dans tout ceci, c'est que les
personnes qui appartiennent à ces groupes, participant à de
telles luttes, devant les yeux de la population, n'acquièrent
certainement pas une stature plus grande et n'acquièrent certainement
pas une confiance plus grande de la part de la population.
Je crois que les membres de la commission parlementaire, tout au cours
de leur travail, ont souligné cette importance, ont travaillé
tout autant que nous à essayer d'effectuer certains rapprochements, de
semer l'idée d'une plus grande collaboration. Si je mentionne ceci,
c'est que je sais que je rejoins leur point de vue et qu'il me paraissait
nécessaire de le faire avant même d'aborder le contenu de ce
projet de loi. Parce que ce dernier, comme les projets de loi connexes,
à mon sens, ne peut être interprété et
analysé d'une façon aussi objective et d'une façon aussi
axée sur la protection du public que cela aurait pu être le cas si
nous avions des groupes qui travaillent en collaboration.
Je pense bien que je n'ai pas à en dire davantage sur le sujet,
mais je croyais nécessaire de le faire parce qu'on peut poser certaines
questions dans chacune de ces lois. Comme le mentionnait le
député de Maskinongé hier, plus d'un groupe oeuvre dans ce
secteur et, dans chacune des lois que nous allons étudier, nous devons
garder à la mémoire que nous avons des limitations qui nous sont
imposées, non pas par les mêmes préoccupations que nous
avons eues dans d'autres domaines, mais par cette situation à laquelle
je viens de faire état.
Malgré ceci, il serait négatif et faux de présenter
ce projet de loi comme ne constituant pas une amélioration par rapport
à la loi actuelle. La définition de l'exercice de
l'optométrie que l'on y retrouve est certainement une définition
améliorée par rapport à la définition
actuelle. Elle tient compte de l'évolution positive qu'a connue
l'optométrie au cours des années et reconnaît le rôle
plus large, le rôle plus articulé de l'optométriste dans
l'exercice de sa profession. Egalement, même si la prévention ne
peut être réservée en exclusivité à un type
de professionnel c'est la même question que l'on retrouve dans
chacun des projets de loi le projet de loi confie ou demande aussi
à l'optométriste de s'intéresser de façon toujours
plus attentive à la prévention des problèmes de la vision
et à la promotion des moyens de favoriser une bonne vision.
Encore là, cet aspect du contenu de l'exercice de
l'optométrie est beaucoup plus conforme à ce que la population et
tous ceux qui s'intéressent à la question s'attendent quant
à la nature des services que les optométristes peuvent leur
dispenser.
Le changement majeur apporté dans la nouvelle version du projet
de loi, par rapport à la version première qui avait
été présentée au moment du début des travaux
de la commission spéciale sur les corporations, réside
évidemment dans l'autorisation qui est maintenue de vendre des lentilles
opthalmiques, autorisation qui n'existait pas dans le premier projet de
loi.
On peut se demander à juste titre certains y ont
même vu des motifs très noirs, des interventions de toutes sortes
comment il se fait que le gouvernement ait changé d'attitude sur
cette question. Premièrement, je pense que les commissions
parlementaires servent justement à clarifier une question, et si rien
n'était modifié au terme d'une commission parlementaire, il ne
vaudrait pas la peine de tenir de telles séances et demander aux gens de
nous exposer leurs points de vue.
Le travail en commission parlementaire est ce qui nous a indiqué
la nécessité de réviser notre position à cet
égard. Je ne veux pas dire que nous le faisons pour une question de
fond, mais pour nous conformer à certaines réalités. Je
crois que comme objectif à long terme ou à moyen terme, la
version originale était supérieure à la version
réimprimée, mais nous devons aussi nous en tenir, je pense bien
au monde du réel et tenir compte de la situation telle qu'elle est.
M. PAUL: Je m'excuse auprès de l'honorable ministre, c'est un
projet de loi très intéressant, très important et je
regrette pour lui qu'il soit abandonné ainsi par les siens. Nous ne
sommes pas trente, M. le Président.
M. TETLEY: Ils sont trois à l'Union Nationale.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les
députés!
L'honorable ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: M. le Président, les raisons pour lesquelles nous
avons effectué ce changement peuvent être données de
façon très précise et je les énumère
brièvement.
En premier lieu, le réseau de distribution des opticiens
d'ordonnance, lorsqu'on l'examine, lorsqu'on regarde la localisation de ces
professionnels à travers le territoire du Québec, n'aurait pu
et je crois que ceci est un fait qui est ressorti assez clairement lors
des audiences, nous l'avons vérifié par la suite de façon
plus précise dans un délai raisonnable par rapport au
problème qui aurait été posé par le retrait du
droit de vente des lentilles aux optométristes, répondre d'une
façon satisfaisante à la demande alors que les
optométristes, comme ils nous l'ont démontré et comme nous
avons pu aussi le constater à la suite des séances nous
Pavons vérifié couvrent de façon beaucoup plus
adéquate toutes les régions du Québec, mêmes les
régions les plus éloignées. Il y a donc là un
premier aspect qui ne pouvait être ignoré.
En second lieu, il y a un certain aspect pratique, dans une situation de
conflit comme celle que nous connaissons, qui est de permettre aux individus,
s'ils se dirigent vers l'optométriste, d'obtenir un service complet.
C'est-à-dire que s'ils ont besoin de lentilles, à la suite des
examens nécessaires, ils peuvent les obtenir.
Egalement, on peut se poser une autre question cette
deuxième question n'est pas prioritaire dans les motifs qui nous ont
conduits à changer d'opinion mais je crois qu'elle a un certain
poids. C'est une question, en tout cas, qui peut être valablement
posée si l'on en juge par l'expérience dans certaines autres
juridictions. Le maintien de la possibilité de vendre des lentilles
ophtalmiques aussi bien par les optométristes que par les opticiens
d'ordonnances maintient une certaine concurrence qui peut être saine sur
le plan des prix. Au besoin, lors de l'étude en commission
parlementaire, je pourrai expliquer davantage ma pensée sur ce
point.
Je me réfère à certains exemples dans d'autres
juridictions. Alors il y a là, sur le plan des prix, un aspect qui
mérite d'être souligné, parce que le fait d'octroyer le
monopole à un groupe pourrait avoir des conséquences que l'on
retrouve dans bien des cas lorsqu'il y a monopole. En ce qui a trait aux autres
dispositions du projet de loi, elles n'ont pas évidemment la même
importance que ce changement, mais sur d'autres plans, ce sont des dispositions
qui méritent d'être soulignées.
En premier lieu, le projet prévoit ou comporte des dispositons en
vertu desquelles le bureau de l'ordre des optométristes doit, en
collaboration avec l'ordre des médecins du Québec, établir
des normes suivant lesquelles les cas pathologiques devront être soumis
à un médecin. Enfin, lorsque l'on se pose objectivement devant
une telle disposition, qu'on l'examine, il n'y a aucun doute que ce serait la
situation la meilleure pour la population si un tel but pouvait être
atteint.
Entre ce moment-ci et le moment où nous
allons passer à l'étude article par article j' ose encore
espérer que le fossé qui semble exister entre les
ophtalmologistes et les optométristes pourrait être quelque peu
comblé de telle sorte qu'une telle disposition puisse être
maintenue et qu'on ne la voie pas comme une tentative de subjuguer les
optométristes aux ophtalmologistes.
En fait, si l'on se place au strict point de vue de la protection du
public, cette disposition a tout son sens. Par ailleurs, si c'est le motif de
déclenchement d'un conflit, et l'aggravation d'une situation que j'ai
suffisamment déplorée depuis le début de mon
exposé, évidemment, nous pourrons toujours considérer des
modifications lors de l'étude article par article. Mais j'espère
que le bon sens primera d'ici là.
Le projet de loi comporte également des dispositions qui confient
au bureau de l'ordre des optométristes une responsabilité qui me
paraît extrêmement importante, soit celle de donner son avis au
ministre des Affaires sociales, sur la qualité des services
d'optométrie fournis et également sur les normes à suivre
pour relever le niveau de la qualité de ces services. Le projet de loi
dit: La qualité des services d'optométrie fournis dans les
établissements.
On sait fort bien toutefois que présentement, très peu,
sinon aucun optométriste n'oeuvre à l'intérieur de nos
établissements. C'est une situation qui, évidemment, ne pourra
durer indéfiniment et qui, à un moment donné, devra
être corrigée par un moyen ou par un autre si elle ne peut
être corrigée par la bonne collaboration et la bonne
volonté de tous les intéressés. Alors, la disposition
apparaît dans le projet de loi. Je crois qu'elle est importante, et si
elle ne donne pas les résultats escomptés, un bon jour, il faudra
revenir sur cette législation pour faire disparaître les obstacles
qui s'opposent à une telle participation des optométristes au
travail dans les établissements.
Enfin, le projet de loi comporte une disposition qui paraît
nécessaire, soit celle interdisant à un optométriste
d'avoir un intérêt direct ou indirect dans une entreprise de
fabrication ou de vente de lentilles ophtalmiques.
Compte tenu de la situation qui avait été exposée
lors de la commission parlementaire, soit l'existence d'une entreprise qui rend
de grands services et qui compte un grand nombre d'optométristes parmi
ses actionnaires, optométristes du Québec qui ont lancé
cette entreprise, qui l'ont fait de bonne foi, qui se sont
intéressés à son développement, des droits acquis
sont compris dans le projet de loi à leur endroit, mais des droits
acquis qui, évidemment, ne dépassent pas certaines limites dans
le temps, comme nous pouvons le constater à la lecture des dispositions
du projet de loi.
Je crois qu'il y a là une exception qui s'impose dans la
réalité et qui, je l'espère bien, recevra l'assentiment de
tous les membres des partis d'Opposition. Nous visons à améliorer
non pas en créant des situations sur d'autres plans, non pas en
créant des torts à des individus qui ont agi de bonne foi; nous
visons plutôt, avec ce type de dispositions, à éliminer
dans l'avenir et pour les situations nouvelles, susceptibles de se
développer, les conflits d'intérêts qui pourraient se
développer dans l'exercice de la profession de l'optométrie.
Quant à la situation que je viens de décrire, je crois que ce que
nous aurions gagné sur le plan de l'élimination des conflits
d'intérêts aurait été plus que dépassé
par ce qui aurait pu être perdu sur bien d'autres plans. Je rappelle
encore qu'il me parait évident que tous ceux qui ont participé
à la création de cette entreprise l'ont fait de bonne foi; c'est
pourquoi il me parait raisonnable que des droits acquis soient prévus
dans un tel projet de loi.
En terminant, comme je le mentionnais, malgré les
difficultés qui se présentent dans ce domaine, malgré les
difficultés à rédiger un projet de loi qui s'en tienne
aussi strictement au principe qu'on désire, malgré le fait que
certaines dispositions, qui visent essentiellement la protection du public,
sont vues dans une optique fort différente, je crois que nous avons un
projet de loi qui constitue une étape positive dans cet ensemble de
projets de loi qui sont devant l'Assemblée. Le rôle que l'on a
suggéré de confier à l'Office des professions, rôle
de promotion du rapprochement entre groupes professionnels, rôle visant
à faire en sorte que les professionnels qui doivent travailler ensemble
le fassent concrètement, le fassent volontairement, le fassent de la
façon la plus efficace possible, j'espère que l'office pourra
avoir de meilleurs résultats que nous en avons obtenus jusqu'à
présent et que l'ancien ministre en a obtenus également.
En terminant, j'espère qu'au cours des discussions article par
article du projet de loi il nous sera possible de constater, peut-être
d'ici ce moment, un certain progrès sur ce plan qui nous permettrait de
maintenir les dispositions qui me paraissent fort importantes.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Montmagny.
M. Jean-Paul Cloutier
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, même si le
ministre nous a déclaré solennellement que le
lieutenant-gouverneur avait pris connaissance de ce projet de loi et qu'il nous
en recommandait l'adoption, nous allons quand même prendre le temps de
l'examiner à fond puisque je soupçonne le lieutenant-gouverneur
de ne pas en avoir saisi toute la dimension et la complexité.
M. LEVESQUE: M. le Président, question de privilège. Je
suis allé chez le lieutenant-gouverneur pour une sanction à six
heures moins quart et je puis assurer le député de Montmagny
que
ce que le ministre des Affaires sociales a dit est exact.
M. PAUL: Un instant, il n'a pas dit qu'il ne l'avait pas examiné
à fond.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que celui qui porte des lunettes et qui
a déjà eu accès au service optométrique ne peut pas
porter un jugement beaucoup plus complet et subtil que celui qui n'a jamais eu
recours à l'optométriste?
M. LEVESQUE: Parlez-vous du lieutenant-gouverneur?
M. CLOUTIER (Montmagny): Non, non, je parle des membres de cette Chambre
qui portent des lunettes et des autres qui n'en portent pas.
Le ministre des Institutions financières, Compagnies et
Coopératives a conservé toute la vigueur de ses yeux...
M. DROLET: Mais il a perdu ses cheveux, par exemple.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... son acuité visuelle...
M. TETLEY: Mon avantage, c'est que je suis un peu sourd.
M. PAUL: C'est pour ça que vous ne voyez pas ce qui se passe dans
votre ministère.
M. CLOUTIER (Montmagny): Il n'y a pas d'autre projet de loi que le
projet de loi no 256 et l'autre qui lui est connexe, celui des opticiens
d'ordonnance, qui a fait couler autant d'encre et suscité autant de
débats ces dernières années, sauf peut-être celui
qu'au terme des travaux de cette Chambre nous aborderons sur la
chiropraxie.
Le ministre a fait allusion, il y a un instant, au peu de succès
relatif qu'il a lui-même obtenu, comme ministre des Affaires sociales,
que j'ai obtenu comme ministre l'ayant précédé et que la
commission parlementaire a obtenu dans les tentatives de rapprochement des
trois professions en cause: les ophtalmologistes, les optométristes et
les opticiens d'ordonnance. Il y a véritablement, on le voit, un
problème très complexe puisque, malgré les tentatives de
rapprochement de plusieurs années, de plusieurs personnes, de groupes de
parlementaires, malgré la pression qu'exerce la comparution en
commission parlementaire, la pression des questions et des réponses,
malgré tout cela et malgré les dispositions du code et de la
législation spécifique qui nous est proposée, nous n'en
sommes pas ressortis avec des résultats concrets. Si bien que nous
avons...
M. LEVESQUE: Il appert que cela a eu le même succès que le
regroupement des forces de l'Opposition.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est moi qui lui ai soufflé cela. Je
dois souffler pour le parti au pouvoir.
M. PAUL: M. le Président, voulez-vous inviter le
député de Chicoutimi à reprendre son fauteuil?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): En effet, j'allais le faire.
M. DROLET: Mettez de l'ordre.
M. CLOUTIER (Montmagny): Le député de Chicoutimi en
quelque endroit dans cette Chambre qu'il soit assis, garde toujours la
même présence d'esprit, mais nous le préférons assis
ici, avec nous.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'était pour aider le gouvernement.
M. CLOUTIER (Montmagny): Donc, au terme de nos travaux en commission
parlementaire et au moment d'entreprendre l'étude
détaillée en commission plénière de ce projet de
loi, nous nous retrouvons avec les mêmes difficultés. En
définitive, ce sera au législateur et au gouvernement à
trancher et à prendre des décisions sur certains aspects
controversés de cette législation.
On n'a qu'à consulter les journaux récents pour voir qu'il
y a véritablement un problème entre ces trois corporations. On
n'a qu'à voir rapidement les titres des journaux de février et
mars derniers. De tous les quotidiens. J'en prends quelques-uns au hasard: "Les
optométristes décidés à faire bouger le
gouvernement".
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ils vont avoir du mal.
M. CLOUTIER (Montmagny): "Les ophtalmologistes reprochent à
Québec d'avoir accordé trop de privilèges aux
optométristes.'"
M. PAUL: Eux autres, ils ne voient pas clair.
M. CLOUTIER (Montmagny): "Les opticiens voient rouge". "Les
ophtalmologistes en guerre contre les optométristes." "Les opticiens
accusent le gouvernement d'avoir cédé aux pressions des
optométristes contre l'intérêt du public".
Je pourrais reprendre les journaux depuis quelques années et nous
aurions, à intervalles réguliers, des titres qui ressemblent
à ceux-là et, évidemment, le contenu des articles qui
donnent la substance des discussions qui sont intervenues ou qui auraient
dû intervenir dans la solution des problèmes.
Je ne ferai pas l'historique des tentatives de rapprochement que nous
avons faites et que le ministre actuel a faites. On n'a qu'à
référer aux nombreux arrêtés en conseil. On n'a
qu'à référer aux déclarations publiques que nous
avons faites, aux nominations aux différents comités. Je pense
que les titulaires du ministère des Affaires sociales, autrefois, le
ministère de la Santé, ont fait tout ce qui était
humainement possible, dans les circonstances, pour tâcher que ces deux
groupes, particulièrement les ophtalmologistes et les
optométristes, et, dans une proportion moindre, les opticiens
d'ordonnance, puissent s'asseoir à la même table et tenter de
trouver des compromis qui leur auraient permis d'agir et d'évoluer
normalement.
Les optométristes sont entrés dans le régime
d'assurance-maladie. Le ministre, tantôt, y a fait allusion en disant
que, pour donner à la population les services et les soins dont elle
avait besoin et favoriser davantage l'accessibilité, c'est une
décision qui a été prise au moment de l'entrée en
vigueur de cette loi. Nous avions, nous-mêmes, dans une première
proposition législative, en 1970, avant l'élection,
suggéré que les optométristes fassent partie du
régime d'assurance-maladie. Alors, il y avait véritablement un
problème. Il y avait urgence et il était important que,
dès le début du régime, les services rendus par cette
profession soient couverts par l'assurance-maladie.
Le problème est posé devant l'opinion publique pour tous
ces faits que je viens de raconter et, également, parce que les
optométristes font partie du régime d'assurance-maladie. A ce
titre, dans ce régime, ils côtoient les autres professionnels de
la santé que sont les médecins. Dans le régime
général de l'assurance-maladie, nous avons donc deux groupes.
Nous avons les ophtalmologistes, qui sont une spécialité de la
médecine, et les optométristes. Ce sont les deux seuls groupes de
professionnels qui font partie, d'une façon générale, de
l'assurance-maladie, sauf pour ce secteur qu'on appelle la chirurgie buccale.
Les autres sont des programmes partiels, c'est-à-dire les dentistes,
ainsi que les médicaments, dans le cadre du projet de loi 69. C'est un
régime partiel.
C'est une raison qui devrait rapprocher ces deux groupes de
professionnels, étant donné qu'ils travaillent à
l'intérieur du même régime étatique, étant
donné que les clients, les patients, la population, qui s'adresse
à l'une ou l'autre de ces professions, reçoit les mêmes
bénéfices sociaux. Les modalités de paiement,
d'acquittement des honoraires se font de la même façon, par le
même organisme. Nous avons l'impression que, malgré toutes ces
occasions qu'on aurait d'effectuer des rapprochements je ne sais pas si
c'est la même chose pour nos collègues ces deux groupes
s'éloignent l'un de l'autre, si l'on se base sur les derniers
témoignages que nous avons entendus à la commission
parlementaire. Comment se fait-il que deux groupes de professionnels, qui
oeuvrent dans le même champ, dans le même secteur, ne puissent pas
trouver de moyen terme? Comment se fait-il qu'on ne puisse pas trouver de
commun dénominateur entre ces deux professions?
Est-ce que c'est parce qu'il y a 75 ans, le législateur aurait
commis une hérésie en reconnaissant que l'optométrie
devait être englobée dans une loi, que l'optométrie devait
être un secteur où il y aurait une activité bien
précise dans le domaine de la santé?
Le législateur a touché à la loi à trois
reprises, M. le Président: en 1906, en 1924 et en 1937,
élargissant un peu à chaque fois, surtout en 1937, le champ
d'exercice de l'optométrie, en en modifiant la définition. Depuis
1937, cela fait 36 ans que nous nous retrouvons avec la même
définition qui a permis à l'optométrie de se
développer jusqu'à aujourd'hui.
Il y a longtemps, M. le Président, que même si on ne
réussit pas à asseoir ces groupes autour de la même table,
nous avons saisi quelle pouvait être la pierre d'achoppement qui
empêche la solution de ce problème. Je pense que dans le public en
général, tant qu'on n'a pas eu l'occasion de pousser notre
recherche un peu plus loin sur la cause de ces différends, on peut
être porté à penser que l'optométrie est une partie
de l'acte médical, est une partie qui s'est détachée de
l'acte médical. On peut être porté à penser que
c'est le fait, que c'est ce qui est arrivé, en pratique. Si
c'était le cas, les ophtalmologistes et les médecins auraient
raison de dire : Nous devons avoir l'exclusivité de cet acte qui est
posé dans le domaine du champ visuel.
Mais je pense que même pour un profane, on peut réussir
à saisir d'instinct. Je ne pourrais pas en faire la démonstration
scientifique. Je ne suis pas un expert dans ces disciplines. Je pense que,
d'instinct, on peut trouver qu'il y a là deux sciences, deux arts
différents et que chacun a une mission bien différente dans le
service à rendre au public. L'ophtalmologie est basée
essentiellement sur la science de la pathologie de l'oeil, là où
intervient une maladie, à la frontière, là où
l'optométrie cesse son champ visuel, son analyse du champ visuel, de
l'acuité visuelle, de cette lentille qui nous permet de bien voir ou de
mal voir. Je pense que d'instinct, c'est comme cela qu'on voit la distinction
entre l'ophtalmologiste et l'optométriste.
M. le Président, ces deux professions oeuvrent dans le même
champ mais je ne vois pas qu'elles accomplissent le même acte
professionnel. Je pense que c'est là toute la difficulté. Il est
possible que l'ophtalmologiste pose l'acte de l'optométriste. C'est
possible. Forcément, il pose cet acte, parce que s'il ne le posait pas,
je me demanderais s'il est encore nécessaire que l'ophtalmologiste
continue d'exister, étant donné le faible taux de pathologies
médicales. M. le Président, il n'y a à peu près que
15 p.c. des cas de défauts de l'oeil qui sont des pathologies, les
autres cas étant des cas qui pourraient aussi bien être
réservés à l'optométriste. Je m'interro-
ge, M. le Président, sur le petit nombre d'ophtalmologistes qui
sont formés à chaque année. Je n'ai pas eu l'occasion,
aujourd'hui, de vérifier des chiffres récents mais on m'a dit
qu'il y a seulement trois ophtalmologistes en formation, actuellement, qui
seront diplômés en 1973. L'année précédente,
je crois qu'on a formé deux ophtalmologistes. Il y a deux ou trois ans,
ils étaient cinq et, il y a quatre ans, dix.
Il y a 160 opthalmologistes actuellement. Comment voulez-vous qu'avec un
tel recrutement de spécialistes dans cette spécialité
médicale, on assure à la population du Québec tous les
soins qu'ils voudraient donner c'est ce que j'en ai conclu devant la
commission parlementaire qu'ils voudraient se réserver pour
donner à la population du Québec, alors qu'il y a 530
optométristes et que les faiblesses de la vue, dans 85 p.c, ne sont pas
des cas pathologiques mais des cas qui ont trait à l'optique ou à
l'acuité visuelle?
La mauvaise répartition des effectifs sur le territoire du
Québec on sait que les 160 opthalmologistes sont
concentrés dans les grands centres alors que les optométristes
sont mieux répartis sur le territoire du Québec quelles en
sont les conséquences? Pour avoir un rendez-vous chez un opthalmologiste
comme dans presque toutes les spécialités actuellement, il faut
un assez long délai. C'est pour cela que lorsqu'on me dit que s'il y a
un danger à ce que le patient fréquente un optométriste,
si l'optométriste ne décèle pas une pathologie, qu'il le
réfère en retard, il peut y avoir la perte d'un oeil ou des
yeux.
Quand on demande une entrevue à un opthalmologiste et que cela
prend six ou sept mois avant de l'avoir, est-ce qu'il n'y a pas danger qu'au
cours de ce laps de temps il y ait une détérioration de l'oeil?
II faut invoquer des arguments qui démontrent que nous veillons vraiment
à la protection du public, et non pas à la protection des
intérêts d'une corporation, malgré que j'aie beaucoup de
respect pour les opthalmologistes. Je sais que nous tous sommes exposés
à recourir à leurs très bons services, des soins
très spécialisés. Mais nous avons mission dans cette
Assemblée nationale, au moment où nous étudions les lois,
comme préoccupation première, de voir à la protection du
public et pour autant que la protection du public est raisonnablement
sauvegardée par les articles, par la rédaction, par le contenu du
projet de loi. Il y a d'autres considérations qui entrent en ligne de
compte, et on doit en tenir compte. Cela fait 75 ans que l'optométrie
existe. Les différents Parlements qui se sont succédé ont
touché à cette loi. Le premier Parlement, en 1906, 1924, 1937.
Chacune des Assemblées législatives du Québec a
consacré dans une définition le champ d'activités, le
champ d'exercice de la profession de l'optométrie. En 1937, on l'a
élargi. Est-ce que la Chambre a erré? Est-ce que cela
était une hérésie? Est-ce que tout le monde s'est
trompé? Une erreur historique? Une hérésie
scientifique?
Je pense bien que l'on aurait abrogé la loi avant aujourd'hui
parce que cela aurait été un désastre épouvantable.
Je ne vois pas de désastre dans la partie qui est passée, dans
les 75 ans. L'opthalmologie, sauf erreur, est une spécialité qui
est née au début des années cinquante. On me corrigera si
je me trompe. Je le donne de mémoire. Cette spécialité a
seulement 23 ans d'existence.
Si la Chambre a eu tort, dans le passé, d'accepter des lois au
sujet de l'optométrie, si on a eu tort de créer une école
d'optométrie et de donner une formation davantage poussée aux
optométristes avec un minimum de 17 ans de scolarité, au niveau
universitaire, est-ce qu'on a eu tort également on peut se poser
la question en médecine, de donner une spécialisation
aussi poussée aux opthalmologistes? Quatre ans de spécialisation
pour la pathologie de l'oeil.
Si c'est cela, il faudra revoir tout l'ensemble du problème,
enlever des exigences quant aux ophtalmologistes, ajouter des exigences quant
aux optométristes et ne faire qu'une profession, M. le Président.
Je pense qu'il va falloir... A un certain moment, le problème va se
poser dans ces termes. Pourquoi les ophtalmologistes n'acceptent-ils pas de
donner des cours dans les facultés universitaires sur la pathologie,
pour détecter la maladie, la pathologie de l'oeil, pour porter un
diagnostic, si, véritablement, on craint que la protection du public
soit en danger? Il faudrait être logique quelque part. Il y a quelque
chose qui ne fonctionne pas dans tout l'exposé qu'on nous fait d'un
côté comme de l'autre, et plus du côté des
ophtalmologistes. Il faut être conscient qu'il y a des choses qu'on doit
dire et il faut les dire.
L'optométrie, personnellement, après avoir fouillé
ce problème depuis plusieurs années, après avoir entendu
des témoignages de part et d'autre, je pense qu'on peut accepter que
c'est une science autonome, qui ne doit pas dépendre d'une autre
profession. Quel que soit le degré de formation, quelles que soient les
années de spécialisation, elle ne doit pas être sous la
tutelle d'une autre profession. C'est une science autonome. Elle s'est
développée complètement en marge de la médecine et,
si ce n'était pas le cas, M. le Président, si le
législateur avait erré dans les années passées, on
n'aurait qu'à consulter la jurisprudence. C'est facile.
J'ai ici une étude légale. C'est la meilleure étude
légale, au sujet de l'optométrie, que j'ai eu l'avantage de
consulter. Je pense que le ministre l'a en main. Elle est récente et on
donne, dans cette étude, tout le processus législatif, à
quel moment la Chambre s'est prononcée, dans quels termes, quelles sont
les définitions qu'on a retenues, pourquoi, quelles en sont les
conséquences et de quelle façon, par la suite, la population en
général et les autres corporations professionnelles se sont
compor-
tées à l'endroit de cette législation, les cas
très rares qui ont été soumis en cour. M. le
Président, je pense qu'on peut se fier à de tels documents que
nous utiliserons en commission parlementaire quand nous en arriverons à
la rédaction et au contenu de la loi.
C'est un des problèmes, et c'est le principal problème qui
est posé, c'est-à-dire la définition du champ d'exercice.
Je pense qu'il faut se préoccuper du temps passé, les 75 ans. On
peut baser une argumentation à partir de ce qu'on a comme appui, comme
bagage, mais la législation qu'on a ne doit pas seulement s'appuyer sur
le passé et protéger des droits acquis, même si c'est
important. Il faut aussi regarder de quelle façon ces professions sont
appelées à évoluer. J'en ai dit un mot tantôt, M. le
Président, quand on voit le recrutement que cette
spécialité de la médecine, l'ophtalmologie, peut faire
dans le moment. Je pense que, du côté de l'avenir, c'est
peut-être un gros point d'interrogation. On a posé des questions
devant la commission parlementaire on n'aura qu'à
référer au journal des Débats sur la diminution
possible des cas de pathologie de l'oeil avec le dépistage plus
précoce, la prévention. Ce n'est pas seulement dans le domaine de
l'oeil. On a parlé du domaine dentaire hier. On a eu des commentaires
qui nous révèlent qu'avec la prévention, les programmes
législatifs, le dépistage précoce, les soins particuliers
pour les enfants, on s'aperçoit que les soins curatifs et
thérapeutiques seront beaucoup moins coûteux dans l'avenir.
L'idéal serait qu'on puisse s'exempter d'être obligé
d'avoir recours aux spécialistes de cette discipline pour des soins
curatifs. La même chose dans le domaine de l'oeil. Si les cas de
pathologie médicale sont beaucoup moins fréquents justement
à cause de ces mesures qui sont prises, à ce moment-là,
taux de pourcentage des cas de pathologie diminuant lequel est le taux
des cas d'optométrie? C'est automatique, ce taux-là augmente et
ce sont normalement les optométristes et les ophtalmologistes qui sont
habilités à rendre ces services.
M. le Président, je voudrais citer ici un passage d'un document
qui m'est personnel, qui m'a été adressé par un
optométriste; je pense que l'on décrit bien dans ce document la
façon dont l'optométrie et la science médicale d'autre
part ont évolué.
On y parle de la difficulté d'établir un consensus pour
ces professions: "Je retiens cependant que le vice fondamental tient au fait
que l'on ne comprend pas ou ne veut pas comprendre que la science de
l'optométrie n'a pas évolué comme une conséquence
de l'évolution de l'ophtalmologie (qui est la science de la pathologie
et de la chirurgie oculaires). Elle a évolué à partir des
perfectionnements de la physique (l'optique), de l'optique physiologique et des
récents développements que nous a apportés le domaine de
la psychologie, de la physiologie et de la psychoneurophysiologie.
L'optométriste aborde l'oeil sain, l'ophtalmologiste l'oeil
malade, c'est pourtant clair. Connaissant très bien ce qu'est l'oeil
sain, l'optométriste peut facilement reconnaître celui qui ne
l'est pas sur le plan pathologique et le référer à qui de
droit. Les dangers que brandissent les ophtalmologistes n'existent pas et leur
argumentation sur ce plan ne saurait résister. Que les ophtalmologistes
admettent que, pour tout ce qui n'est pas pathologique, ils font de
l'optométrie. "D'ailleurs, les optémétristes, pour des
raisons historiques que le législateur a sanctionnées, n'ont pas
d'objection à ce qu'ils en fassent. Ce qui est inacceptable, c'est que
l'on tente, devant l'ampleur du champ optométrique, en prenant des cas
particuliers, de prouver que les optométristes font de la
médecine, et de faire peur au monde. Ces discussions sur des points
précis ne sont pas du domaine du législateur, mais de l'homme de
science et s'avèrent souvent une question de fait par la suite que le
législateur constate par des lois. "D'ailleurs, si les
optométristes avaient fait tant d'actes de médecine, donc des
actes illégaux, il n'y aurait pas qu'une seule cause de rapportée
depuis cinquante ans. Donc, on peut facilement établir que
l'optométrie est une science autonome, que sa pratique a
évolué sans cesse en demeurant toujours à
l'intérieur de ses propres limites, limites qui ne sont pas encore
atteintes." M. le Président, voilà un témoignage, je
crois, que moi, en tout cas, j'ai retenu par sa clarté. Je pense que
c'est un témoignage qui n'est pas passionné, ce n'est pas une
charge contre qui que ce soit, c'est un exposé véritable de la
situation de fait.
C'est un des problèmes qui existe et que soulève cette
législation qui nous est proposée, dans la définition du
champ d'exercice. Je n'ai pas l'intention de prendre ce soir les champs
d'exercice proposés par la loi 265, première version,
deuxième version, et le champ d'exercice dans la loi actuelle de
l'optométrie, le champ d'exercice de l'opticien d'ordonnances, le champ
d'exercice que d'autres corporations professionnelles ont proposé, les
ophtalmologistes en particulier.
Je n'ai pas l'intention d'entrer dans le détail, mais je pense
qu'en commission parlementaire, il faudra peser chaque terme de la
définition et voir véritablement, avec les conseillers
juridiques, quelles en sont les implications. A partir du moment où on a
fait cet essai de raisonnement, pour essayer d'aller au coeur du
problème, à partir de ce moment-là, on pourrait
peut-être trouver une définition qui traduise bien ce qu'on
comprend dans le champ de pratique de l'optométriste et dans le champ de
pratique de l'ophtalmologiste.
Il y aura aussi, dans cette définition, à parler de cet
autre élément qu'a introduit le ministre dans sa deuxième
version, en ce qui concerne l'orthoptique. Nous en discuterons en commission
parlementaire et également, nous discute-
rons de cette notion de l'acuité visuelle qui est la seule notion
que les ophtalmologistes voudraient voir inscrite dans la définition.
C'est le terme qu'ils voudraient voir employer, l'acuité visuelle et non
pas la vision ou le champ visuel, parce qu'on dit que c'est trop vaste, que
cela déborde la compétence des optométristes.
Il y a un autre point que je voudrais toucher brièvement. Dans la
deuxième version du projet de loi, le ministre a introduit un nouvel
article; il a établi un nouveau principe. Je pense qu'on peut dire que
c'est un nouveau principe. A l'article 10, on dit que le bureau de la
Corporation professionnelle des optométristes devra, par
règlement: a) établir, en collaboration avec l'Ordre des
médecins du Québec donc, les ophtalmologistes, en
l'occurrence des normes suivant lesquelles les cas pathologiques doivent
être soumis à un médecin. Le ministre en a parlé
tantôt brièvement. La première question qui me vient
à l'esprit est celle-ci: Etant donné les difficultés que
l'on connaît dans ce dialogue avec les deux corporations professionnelles
impliquées, je me demande si une rédaction comme celle-là
ne voudra pas dire, en pratique, la tutelle d'une corporation professionnelle
sous la dépendance de l'autre corporation professionnelle.
Je sais que ce n'est pas l'esprit dans lequel cet article a
été rédigé. Peut-être que ce que le ministre
a voulu introduire dans sa loi, c'est une stipulation du genre de celle que
l'on retrouve pour les infirmières et les médecins, quand on dit
que des actes... C'est une stipulation du même ordre, mais ce n'est pas
exactement la même essence. Dans le cas des médecins et des
infirmières, il s'agit de déterminer des actes qui, par
arrêté en conseil, seront reconnus par le lieutenant-gouverneur en
conseil et qui pourront être posés par les infirmières,
avec le consentement des médecins. Ici, c'est pour établir des
normes. Des normes, c'est plus vaste, plus vague, plus difficile à
établir que des actes précis que l'on nomme.
Quand on dira qu'une infirmière a le droit de faire une injection
intraveineuse le député de Bourget pourra me corriger
peut-être est-ce un acte qui était réservé au
médecin, mais, à partir du moment où, dans
l'arrêté en conseil, on le mentionne, l'infirmière, dans
certaines circonstances, pourra poser cet acte. Là, il s'agit
d'établir des normes suivant lesquelles des cas pathologiques doivent
être soumis à un médecin. Il faut bien préciser
qu'il y aura, pour les deux corporations professionnelles, un code de
déontologie. Il y a, pour les optométristes, un code de
déontologie que le bureau doit établir; s'il ne l'établit
pas, c'est l'Office des professions qui va l'établir. Dans le code
d'éthique, de déontologie, on va dire, comme actuellement,
j'imagine je n'ai pas vu le code, mais on doit dire ceci que,
dans tel cas précis, l'optomé-triste est obligé, en
conscience, de référer le patient à l'ophtalmologiste, au
spécialiste.
La formation de l'optométriste devrait lui indiquer ou lui
indique sauf qu'il faudra tenir compte de la réserve que j'ai
faite tantôt, si sa formation n'est pas suffisante, donnons-lui davantage
de formation, mais il devrait être en mesure de le faire, par sa
formation actuelle de référer un cas à un
ophtalmologiste. S'il ne le fait pas, il n'assume pas sa responsabilité.
Le contrôle de l'acte professionnel et l'inspection professionnelle
devraient de révéler si l'optométriste a respecté
le code de déontologie et s'il a bien référé son
patient quand il devait le faire.
Il faudra en discuter en commission parlementaire. Le ministre a
peut-être une idée de quelle façon ces normes pourraient
être établies. Qui va les établir? Qui va en discuter? Sur
quelle base? Est-ce que cela ne devrait pas être un cas patent qui
devrait être étudié par ce mécanisme dont j'ai
parlé et qui serait la responsabilité de l'Office des professions
ou du Conseil interprofessionnel qui aurait pour mission, à cette table
dont on a parlé, de rapprocher les différentes corporations
professionnelles qui oeuvrent dans le même secteur?
Plus avancent nos travaux, plus on voit que pour toutes ces professions,
toutes les professions de la santé et celles d'autres domaines, comme on
l'a vu aussi pour les urbanistes, les architectes, les ingénieurs, les
comptables, les administrateurs, les professions légales, il serait
important que ce mécanisme soit bien en place et que quelqu'un, quelque
part, un organisme, une structure, enfin quelqu'un soit responsable d'amener
ces groupes. Si ce n'est pas suffisant par l'incitation, il devrait y avoir un
pouvoir de coercition, après une certaine période, pour les
amener à s'asseoir à la même table pour discuter de ces
problèmes.
Je répète une remarque que j'ai déjà faite
en cette Chambre au sujet, je crois, des médecins ou des dentistes. Il
est inconcevable que ce soit le législateur qui soit obligé,
après des années, pour des professionnels qui pratiquent dans le
même champ d'activité, dans le même secteur et qui posent
des actes professionnels qui sont ou complémentaires ou identiques,
d'intervenir d'autorité et de dire: Voici quelle sera votre limite, et
à l'autre groupe aussi: Voici quelle sera leur limite.
La première raison de la création de la corporation
professionnelle est pourtant la protection de l'intérêt du public
et aussi le maintien, par voie de conséquence, d'un statut professionnel
basé sur la qualité d'un acte, basé sur un code
d'éthique, basé sur une tradition de pratique. Il est important
que les professionnels soient conscients que l'étude que nous faisons
actuellement, n'est pas seulement pour rédiger des textes de loi. Si
nous prenons le temps de faire une revue en profondeur, c'est pour que les
professionnels, avec nous depuis plusieurs mois et pendant les mois qui
suivront, fassent cet effort de réflexion comme d'autres groupes qui
sont l'objet de lois en Chambre, lois sur lesquelles ils ne sont pas toujours
d'accord.
C'est le moment, pour ces groupes, de faire un effort de
réflexion. C'est ce que nous leur demandons.
Nous en sommes conscients, chacun y met de la bonne volonté, les
deux groupes dont nous parlons et le troisième groupe, les opticiens
d'ordonnances, dont nous parlerons aussi...
M. ROY (Beauce): Je m'excuse, M. le Président. Je dois vous faire
remarquer que nous n'avons pas quorum.
M. LEVESQUE: Cela vous a pris du temps à vous en apercevoir.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Est-ce que je pourrais inviter les
honorables députés à reprendre leur siège?
Qu'on appelle les députés.
L'honorable député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, il y a un
troisième point important que je voudrais traiter brièvement. Mon
temps de parole achève. Le ministre en a parlé aussi. Il a
parlé du changement majeur entre la deuxième version et la
première version, à savoir la vente des lentilles ophtalmique par
les optométristes, privilège qui leur avait été
enlevé, c'est-à-dire permission qui leur avait été
enlevée, ce n'est pas un privilège, dans la première
version. Le ministre nous a dit pour quelle raison il avait
décidé de modifier cette clause et de permettre, dans la
définition, dans le champ d'exercice, la vente de la
prothèse.
Evidemment, les travaux de la commission parlementaire nous ont permis
de nous faire une meilleure opinion, une opinion plus complète de
l'ensemble du problème. Mais il reste aussi que deux commissions
d'enquête, qui ont fait un travail de recherche très
poussé, la commission Castonguay et la commission Lacasse, avaient
recommandé que les opticiens d'ordonnance aient l'exclusivité de
la vente de la lunette et de la prothèse.
Si mais ce n'est pas le cas j'avais reçu le rapport
de la commission Castonguay comme ministre des Affaires sociales et que j'y
avais vu une telle clause je vais rassurer le ministre je ne
l'aurais pas adoptée illico sans la regarder de plus près.
C'était une recommandation draconienne sur la situation qui existe
actuellement. Le ministre dit qu'il fallait prendre conscience de certaines
réalités, d'une situation de fait. Cela fait bien des
années que ça se passe comme cela, que les optométristes
ont l'autorisation de faire le commerce. Je comprends que les
optométristes disent que cela fait partie de toute l'opération
à partir du début: le diagnostic, la vérification,
l'installation de la prothèse, une vérification
subséquente, des corrections. C'est une opération qui fait partie
d'un ensemble. D'accord. Mais il reste que c'est le même problème
que pour les denturologistes. Il s'agit de prendre les données qu'il
faut et de recommander le port d'une prothèse.
Pour ma part, je ne sais pas si le ministre a véritablement pris
la bonne décision. Les opticiens d'ordonnance, quand ils ont vu la
première version du projet de loi, évidemment, ont
été très satisfaits. Quand ils ont pris connaissance de la
deuxième version du projet de loi sur l'optométrie, il y a eu des
réactions. J'y ai fait allusion tantôt en parlant des articles de
journaux et titres. Alors, il y a eu une réaction qui était
à prévoir.
Est-ce que pour les optométristes la vente de la lentille
ophtalmique est véritablement le problème fondamental pour qu'ils
conservent le statut professionnel?
Comme pour les dentistes, est-ce que la vente de la prothèse
amovible complète, s'il n'y a pas de contre-indication, s'il n'y a pas
de complication, si tout est normal, est véritablement une composante de
l'acte professionnel? Alors que pour le pharmacien, la préparation
magistrale de l'ordonnance, c'est un acte professionnel.
Si on ne peut pas répondre à cette question, si on ne peut
pas dire que c'est une composante de l'acte professionnel, que c'est ce qui
confère le statut professionnel à l'optométriste, je
concevrais difficilement qu'il en fasse une guerre à finir avec le
législateur, si cette continuité ne lui était pas
consentie.
Il reste qu'il y a des droits acquis; c'est un argument important. Il
reste que pour le service à la clientèle, pour accommoder les
clients, cela aussi... Mais pour la protection du public parce que c'est
la principale raison qui nous occupe étant donné qu'il a
l'exclusivité, il est dans la liste des organismes à champ
d'exercice exclusif, l'acte ne serait-il pas aussi bien posé par
l'opticien d'ordonnances que par l'optométriste? Je ne sais pas s'il n'y
aurait pas lieu d'examiner cette question, en commission parlementaire,
peut-être de discuter avec des optométristes, mais d'une
période de transition. Au lieu de faire ce changement radical, ce
changement draconien que le ministre, avec raison, ne pouvait pas accepter, je
pense que dans la première version c'était trop draconien, si on
donnait une période de transition qui permettrait tout de même aux
deux corporations professionnelles de s'ajuster. Les opticiens d'ordonnances
sauraient que dans un avenir x, ils auraient l'exclusivité de la vente
de la prothèse et les optométristes sauraient qu'ils doivent se
diriger davantage vers l'acte professionnel qui leur est réservé.
Les ophtalmologistes, eux aussi, sauraient, le champ qui leur est
réservé. Ces derniers se consacreraient à la pathologie.
Chacun étant dans son secteur, on pourrait légiférer
véritablement en prévision de l'avenir. C'est là que
l'évolution se ferait de façon harmonieuse, non pas en s'appuyant
sur des difficultés passées, mais en entrevoyant des jours les
plus rapprochés possible où ces difficultés trouveront des
réponses que je souhaiterais, pour ma
part, ne pas venir du législateur mais venir des corporations
elles-mêmes, par l'office des professions, par le conseil
interprofessionnel, par les bureaux des corporations.
Voilà des remarques que je voulais faire sur ce troisième
point, sur la vente de la lentille ophtalmique. Nous aurons l'occasion, en
commission plénière, d'y revenir lors de l'étude
détaillée de chacun des articles.
M. le Président, sur ce, je termine. Mes collègues auront
l'occasion d'ajouter aux propos que je viens de tenir, étant
donné qu'il faudrait prendre beaucoup plus de temps que je n'en ai pris,
pendant l'heure qui m'a été allouée, pour faire le tour de
tout ce problème complexe que, comme le ministre des Affaires sociales,
actuellement, j'ai vécu et je continue de vivre depuis plusieurs
années et dont, malheureusement, nous n'avons pas trouvé la
solution au terme des travaux de la commission parlementaire.
Comme pour les autres, nous allons voter pour cette loi avec les
réserves que j'ai exprimées, cependant, et sous réserve
comme le ministre nous l'a dit tantôt, il y aura des modifications
à faire que nous poussions plus loin, en commission
plénière, l'analyse de certains points extrêmement
importants.
Comme pour les autres lois aussi, je sais que le ministre en est
conscient. Il nous l'a dit dans son intervention. Et tous les partis, en cette
Chambre, tâcheront, à la lumière de l'expérience
personnelle que chacun de nous a vécue, la connaissance que chacun a de
ces professions et les travaux de la commission parlementaire, de trouver la
meilleure rédaction législative, celle qui, véritablement,
protégera les intérêts du public.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M.Picard): L'honorable député de
Dorchester
M. Florian Guay
M. GUAY: M. le Président, le projet de loi 256 que nous sommes
à discuter actuellement touche un problème que je ne qualifierais
pas de particulier mais un problème qui est assez complexe, qui a
déjà été discuté mais qui n'est pas pour
autant résolu.
A entendre les propos du ministre des Affaires sociales dans son
exposé, on se rend bien compte qu'il a été informé
par le Collège des optométristes qu'il était en
désaccord avec la loi proposée.
Les optométristes ont démontré leur
mécontentement de façon assez ferme. Les optométristes
ont-ils raison? C'est la question qui se pose. Reste maintenant à faire
l'analyse des arguments à partir des données que nous avons. A la
commission parlementaire, nous nous sommes bien rendu compte que dans ce
secteur d'activités, le domaine de la vision, il existait des
problèmes depuis assez longtemps, et nous avons senti également
que, sans la participation, sans la collaboration des trois groupes
impliqués, soit les ophtalmologistes, les optométristes et les
opticiens d'ordonnance, il serait très difficile dans un court
délai de trouver une solution qui conviendrait à ces trois
groupes de professionnels impliqués dans le domaine.
Le Collège des optométristes a exprimé
également son étonnement quant à la façon dont
l'Etat a disposé des recommandations formulées dans leur
mémoire à la commission parlementaire et dont nous pourrions
mentionner des passages.
L'optométrie, qui est actuellement une profession distincte et
indépendante de la médecine, craint maintenant d'être sous
la tutelle du Collège des médecins. Et si on regarde la
définition de l'activité médicale qui dit "toute
déficience de la santé", je pense que, au fond, ils n'ont pas
tout à fait tort.
Les optométristes craignent d'être conduits, d'être
dirigés et je pense que le mot qui convient le mieux est encore
tutelle d'être sous la tutelle d'un ophtalmologiste, du
médecin. Et l'optométriste se dit et ils nous l'ont
répété De deux choses l'une: ou
l'optométriste est incompétent pour dépister des cas de
pathologie oculaire, et par voie de conséquence, il est incapable de les
référer, ou il est assez compétent pour les
dépister et est inutile de lui imposer d'autres obligations que celles
de son code de déontologie.
Je qualifierais de complémentaires les actes posés par
l'ophtalmologiste et l'optométriste. Si on se réfère au
passé, on se rend compte que l'optométriste a joué un
rôle très important et cela, depuis fort longtemps.
Et nous n'avons qu'à analyser les activités de ces
professionnels en milieu rural, par exemple, pour constater qu'ils
déploient énormément d'efforts pour donner au maximum des
services de qualité, même si c'est parfois assez difficile. J'ai
posé plusieurs questions à la commission parlementaire au sujet
des cas qui nécessitent une pathologie et que l'optométriste,
normalement, devrait référer à ce professionnel qui est
l'ophtalmologiste. La question a été posée à
plusieurs groupes de professionnels qui oeuvrent dans ce domaine et nous avons
vu justement à cet article que la collaboration existait très peu
et que ces professionnels semblaient, je ne dirai pas se détester, mais
vivre un conflit très profond. Le problème qui est décrit
par les optométristes se résume comme suit: ils sentent bien
qu'avec l'extension de la définition de l'acte médical à
toute déficience de la santé, désormais l'ophtalmologiste
pourra traiter directement avec un autre groupe, les opticiens d'ordonnance, et
de ce fait éviter complètementle champ de pratique de
l'optométriste.
Il est donc évident que l'optométriste ne se sent pas en
sécurité avec la loi qui est présentée
actuellement. L'optométriste nous dit également que cette
définition de l'acte médical donne ouverture à l'intrusion
de la médecine
dans le champ d'activité réservé jusqu'à ce
jour à l'optométrie. Et si on fait la lecture des mémoires
présentés par les optométristes, ils nous disent
clairement qu'ils n'ont ni l'intention ni le désir de faire de la
pathologie. Je me demande s'il ne serait pas normal également que
l'ophtalmologiste ne fasse pas d'optométrie. Bien sûr qu'à
un moment donné il faudra bien, si ce conflit persiste, que le
législateur tranche, mais entre-temps il s'agit de chercher, de
découvrir et de savoir qui pratique dans le champ de qui. Donc, le
principe du projet de loi qui est présenté repose uniquement sur
la définition du champ de pratique. Et si, à une commission
parlementaire ces professionnels ne sont pas entendus et les membres de la
commission n'ont pas semblé suffisamment éclairés pour
imposer dès maintenant une définition bien claire du champ de
pratique de chacun de ces professionnels, je pense qu'il sera absolument
nécessaire que la commission qui étudiera le projet de loi en
deuxième lecture prenne tout le temps nécessaire afin de faire en
sorte que le public soit bien protégé et que ces professionnels
se sentent bien chez eux dans leur champ de pratique.
M. le Président, on a vu plusieurs publications dans les journaux
démontrant la profondeur du problème, l'ampleur du
problème mais également, là comme ailleurs, on a vu
très peu de solutions. Le projet de loi qui est présenté
actuellement, au dire même des optométristes, ferme
également la porte à toute spécialité. Je pense
qu'en 1973, c'est chose inacceptable, parce que, contrairement à la
réalité où on tend à se spécialiser dans un
secteur donné, là comme ailleurs, naîtront des groupes de
professionnels qui seront spécialisés dans ce domaine, celui de
la vision.
Il ne faudrait pas que cette loi, ce projet de loi, ferme la porte
à l'addition de professionnels spécialisés dans le
domaine. D'autres groupes, qui oeuvrent dans ce même champ, dans ce champ
de la vision, qui est assez vaste, semblent se méfier de la
compétence des optométristes, parce qu'on veut constamment la
présence de médecins pour déterminer ce qui constitue la
pathologie visuelle.
Un bon matin, il va falloir s'entendre sur des définitions. Il va
falloir que ces professionnels partagent ce champ d'exercice. Je pense que, si
le ministre a voulu présenter un code des professions, des lois
particulières, ça lui revient d'établir ce champ de
pratique, compte tenu de la volonté des professionnels, de la
réalité qui a été vécue dans le
passé.
Alors, M. le Président, si l'Etat décide d'utiliser
spécifiquement l'optométrie comme dépisteur de la
pathologie oculaire, on est porté à se demander pourquoi il n'a
pas agi de la sorte avec d'autres professionnels. Il aurait pu le faire,
probablement, avec les omnipraticiens, qui possèdent beaucoup moins de
compétence dans le domaine de l'optométrie que les
optométristes.
M. le Président, il ne faut pas oublier non plus un autre aspect
très important, celui de la prévention. Je pense que
l'optométriste est peut-être le professionnel le mieux
placé pour faire du dépistage, en vue de corriger ou
d'améliorer certaines situations. Je pense, par exemple, qu'il pourrait
oeuvrer dans le domaine scolaire. Il pourrait se donner des moyens afin de
diminuer au maximum les déficiences de la vue, spécialement chez
les enfants.
Le problème reste posé. La solution n'est pas encore
trouvée. Mais on espère que ces professionnels de la
santé, ou du domaine paramédical, vont collaborer en tentant
d'indiquer au législateur la solution qui lui semblera la meilleure,
afin d'éviter, si possible, des conflits et protéger le public,
tout en permettant de laisser un choix à celui qui requiert des services
dans le domaine, de laisser la liberté de choix, autant que possible,
à celui qui doit payer ces services.
M. le Président, j'aurais beaucoup à dire sur le sujet. On
pourrait référer aux débats de la commission
parlementaire. On pourrait reprendre les mémoires. Comme il ne semble
pas que les situations, les solutions soient toutes faites, il restera, bien
sûr, en commission parlementaire, en troisième lecture, à
discuter de ce gros problème et à chercher ensemble la solution
la plus appropriée.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): Le député de
Bourget.
M. Camille Laurin
M. LAURIN: M. le Président, par le présent projet de loi,
le législateur affirme, pour la première fois, d'une façon
formelle et solennelle, que l'optométriste est le professionnel par
excellence de la vision. Il lui confie la totalité du champ qui lui est
imparti. C'est là une responsabilité très importante et il
suffit de parcourir le projet de loi pour s'en rendre compte.
C'est, en effet, l'optométriste qui, au premier chef, aura
à se préoccuper de tout le champ de la vision, d'examiner les
yeux de chacun des citoyens, de faire l'analyse de la fonction visuelle, de
s'occuper, en première ligne, des problèmes visuels, de
promouvoir tous les moyens susceptibles de favoriser une bonne vision, de
prévenir les troubles visuels et d'apporter les traitements de
première ligne qui doivent être prescrits lorsque l'on constate
les déficiences.
C'est là un moment très important pour la profession. Je
pense que le législateur ne pouvait quand même pas faire autrement
; il a déjà posé des gestes qui laissaient prévoir
l'orientation qu'il a prise aujourd'hui et ces gestes ont été
tellement importants que, sous peine de se contredire, le législateur ne
pouvait que les confirmer.
Lorsque, par exemple, le législateur inclut les soins
optométriques dans la liste des soins
couverts par l'assurance-santé et lorsqu'il confie à la
profession optométrique la mission d'assumer pour lui cette
responsabilité, je pense qu'il montrait par là la confiance qu'il
faisait à la profession et également le mandat dont la population
devait la charger. De la même façon, lorsque le gouvernement, par
l'intermédiaire des subventions qu'il verse aux universités,
favorise le développement de l'Ecole d'optométrie,
améliore son rendement, il pose encore une fois un geste qui
démontre la confiance qu'il fait à la profession et la
responsabilité dont il entend la charger.
Il serait en effet inconcevable que, d'un côté, l'Etat
confie à une profession une responsabilité très importante
dans le champ des soins et qu'il subventionne cet enseignement et que, d'autre
part, il ferme ou limite l'accès à la pratique à laquelle
précisément le prépare cette formation. Il faut donc
être logique et cohérent. Par le geste que le gouvernement pose
aujourd'hui, il ne vient qu'entériner, confirmer une orientation ou une
décision implicite qu'il avait déjà prise. Ceci ne veut
pas dire, évidemment, qu'il n'y a plus de problème. Dans un
domaine comme celui qui nous concerne, l'optométrie, qu'elle le veuille
ou non, s'avance sur un terrain qui avait déjà été
occupé par une autre profession, c'est-à-dire la médecine
et sa spécialité, l'ophtalmologie.
Je pense d'ailleurs que c'est à l'honneur de la médecine
d'avoir été la première à explorer ce champ et elle
a continué de le faire en poussant ses recherches dans le domaine de
l'optique médicale. Tout médecin qui fait aujourd'hui ses
études consacre un bon nombre d'heures à l'étude de la
vision, à l'anatomie, à la physiologie, à la pathologie de
la vision; par la suite, lorsqu'un médecin désire se
spécialiser dans le champ de l'ophtalmologie, il pousse, durant quatre
autres années, ses études et ses recherches dans ce domaine
même si, alors, l'accent porte davantage sur la pathologie que sur la
physiologie. L'optométrie, par ailleurs, s'est développée
à partir d'un autre point de départ qui est celui de l'optique
physique. Elle a eu également du mérite à le faire; c'est
tout à son honneur d'avoir défriché ce champ, de l'avoir
poussé. Mais il reste, à un moment donné, même si
ses objectifs au départ étaient différents, qu'elle
débouche également sur des problèmes que l'on pourrait
qualifier de problèmes pathologiques. C'est là que nous nous
trouvons en présence de zones grises, zones grises que les tenants de
l'ophtalmologie ou de l'optométrie appellent de noms différents
mais qui recouvrent quand même une réalité identique.
L'optométriste parle, pour sa part, de disfonctionnement, de
mauvais fonctionnement. Il parle de problèmes visuels, de troubles
visuels, de troubles de l'adaptation, de l'apprentissage visuel, alors que le
médecin, habitué à son langage, n'utilise qu'un seul
terme, celui de pathologie oculaire.
Mais il reste que, partant de points différents de l'horizon, les
deux professions débouchent sur une réalité qui est la
même, identique, et où chacun d'ailleurs trouve à
s'employer dans l'optique qui lui est propre. C'est ce champ de zones grises,
c'est ce problème des zones grises que tente de résoudre à
sa façon le projet de loi. Est-ce qu'il y arrivera? On peut encore se
poser des questions à la suite des conflits qui, au lieu de
s'atténuer, à mesure que se rapproche l'adoption du projet de
loi, risquent de se concrétiser. Il est permis d'en douter.
Il reste cependant qu'une solution doit être trouvée, ne
serait-ce que pour éclairer la lanterne de la population, qui attend la
décision du législateur pour confier ses problèmes
à ceux qui sont le plus aptes à les règler.
Comment résoudre ce problème? Peut-être est-il
opportun de faire un biais en examinant d'un peu plus près le mode de
formation des optométristes. Ce mode de formation, au cours des
récentes années, s'est considérablement
amélioré, au point que nous pouvons constater maintenant que le
cours d'optométrie est non seulement un cours spécifiquement
universitaire, mais qu'il comporte un nombre de crédits,
c'est-à-dire 145 crédits, aussi important que le nombre de
crédits que doit obtenir l'étudiant en médecine.
Il importe aussi de souligner que le programme est axé uniquement
sur les problèmes de la vision, ce qui, au départ, nous garantit
un sérieux, une compétence qu'il faut louer. Bien sûr, le
programme n'est pas encore parfait. Il y faudrait des modifications. Par
exemple, il peut sembler difficile de faire contenir dans un curriculum de
trois ans 145 crédits, alors que, dans les autres facultés, ces
145 crédits s'obtiennent sur un espace de quatre ans. Il est difficile
aussi de concevoir qu'une science qui se développe à un point tel
que le fait l'optométrie ne comporte pas encore un enseignement officiel
de pathologie oculaire. Ces problèmes me paraissent susceptibles
d'être réglés dans l'avenir et ils le seront probablement
avec plus de célérité et d'efficacité, si les
facultés de médecine veulent bien y collaborer en prêtant,
comme elles le font à d'autres facultés, leur personnel
professoral pour dispenser cet enseignement.
De toute façon, lorsque nous avons affaire à une
profession, à un professionnel qui, pour obtenir son titre, doit se
soumettre à une formation universitaire de quatre ans, il semble bien
que nous soyons en présence de garanties que le législateur et le
public, à bon droit, exigent. Cependant, malgré que cette
formation se soit améliorée considérablement au cours des
présentes années, elle ne peut se substituer à
l'expérience.
C'est la raison pour laquelle il faudrait peut-être prévoir
également une amélioration quant à la formation clinique
des optométristes par la multiplication ou l'amélioration des
stages qu'ils doivent effectuer avant d'avoir accès au
diplôme.
Il reste que cette formation, une fois terminée, il est difficile
de disputer à l'optométriste le champ qu'il revendique, ce champ,
encore une fois, consistant dans l'analyse de la vision normale et des
conditions qui doivent la favoriser et également, bien entendu,
l'évaluation des problèmes qui peuvent se présenter,
problèmes que l'on peut classifier de diverses façons: par
exemple, problèmes d'adaptation, problèmes de focalisation,
problèmes d'apprentissage, de vi-suomotricité, problèmes
de binocularité. Mais il demeure que, pour tous ces problèmes,
que pour toutes ces responsabilités, la formation dispensée
à l'école d'optométrie prépare suffisamment le
professionnel à les assumer.
Dans ces conditions, il devrait être facile d'envisager une
collaboration entre l'optométriste et l'ophtalmologiste. Les
optométristes, d'ailleurs, ne dénient pas à
l'ophtalmologiste la capacité qu'il a do couvrir une certaine partie du
champ qu'ils occupent eux-mêmes, comme, par exemple, les problèmes
de réfraction. Malgré que pour ma part il me semble qu'avec la
formation ultra-spécialisée que possède l'ophtalmologiste,
il serait peut-être préférable, aussi bien pour des raisons
d'économie logique que d'économie financière, qu'il en
arrive, de plus en plus, à se limiter aux actes visant exclusivement la
pathologie, qui ne peuvent être posés que par lui à l'aide
de toutes les connaissances et de toutes les techniques qu'il a acquises.
On devrait peut-être envisager un temps où les soins de
première ligne, que dispense actuellement l'ophtalmologiste, je pense
aux problèmes de réfraction, devraient être graduellement
abandonnés à l'optométriste qui peut parfaitement les
poser. Ce qui veut dire que, selon moi, de plus en plus, l'ophtalmologiste,
comme l'interniste, comme tous les autres spécialistes médicaux,
devrait devenir un consultant à qui les professionnels de
première ligne, que ce soit les omnipraticiens, les médecins de
famille, les optométristes ou d'autres spécialistes, envoient les
cas complexes, les cas qui ressortissent d'une façon spécifique
à la discipline qu'ils exercent. De cette façon, nous pourrions
envisager une collaboration harmonieuse, une efficacité plus grande des
services et, en même temps, une réduction des coûts, ce qui
est quand même un objectif que nous devons viser.
Par ailleurs, je pense qu'on pourrait également exiger du
professionnel de première ligne que veut être
l'optométriste de se limiter aux actes qu'il peut poser et qu'il peut
seul poser. On pourrait exiger de lui que s'il découvre, parmi les
problèmes, les troubles, les anomalies, les mauvais fonctionnements, des
caractéristiques qui dépassent le champ de sa compétence,
qui dépassent le champ des connaissances qu'on lui a transmises ou qu'il
a acquises par lui-même, par un code de déontologie
approprié qu'il défère immédiatement au
spécialiste concerné ces patients, encore une fois au nom de
l'intérêt bien compris du patient.
Dans mes conversations avec les membres de l'Ordre des
optométristes, je me suis rendu compte que les optométristes
n'étaient pas du tout rebelles, réfractaires à cette
suggestion, qu'ils étaient tout disposés à élaborer
un code de déontologie qui obligerait tous leurs membres à ne pas
poser des actes qui dépassent le seuil de leur compétence, d'une
part, et deuxièmement, qui les obligerait à référer
aux spécialistes appropriés tous les cas où ils constatent
des anomalies, des déficiences, des difficultés qui
dépassent à ce point leurs capacités et qu'ils s'imposent
de ne pas les traiter eux-mêmes.
C'est quand même là la meilleure garantie que l'on puisse
trouver que celle de l'autodiscipline. Aussi longtemps qu'on forcera, par des
méthodes restrictives, coercitives, impérialistes, des
professionnels que l'on veut mettre en tutelle à référer
des cas à une autre spécialité, on se heurtera soit
à une mauvaise volonté, soit à du truquage, soit à
des manoeuvres parfois frauduleuses, ou à une opposition
systématique, ce qui n'est guère mieux. Il vaut mieux s'en
remettre à des professionnels qui ont reçu non seulement une
formation scientifique appropriée, mais également qui sont
pénétrés des principes qui doivent animer tous les
professionnels de la santé; il vaut mieux s'en remettre à leur
sens moral, à leur fierté professionnelle, à leur sens
social pour en arriver à cette harmonisation. Une fois que le
législateur s'est entouré des garanties didactiques
professionnelles nécessaires, je pense qu'on n'a plus d'autre recours
que de s'en remettre aux qualités humaines que possèdent et que
doivent posséder les professionnels, quitte à ce que des
dispositifs soient ajoutés, comme celui des comités de discipline
ou des comités d'inspection professionnelle pour aider la vertu
là où elle défaille parfois.
C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je ne crois
guère à l'article du projet de loi qui fait obligation aux deux
corporations d'établir conjointement des normes de
références. Je n'y crois pas, non pas en principe, puisque je
viens de dire que ce serait là l'idéal, mais dans l'état
actuel des relations qui existent entre la profession optométrique et
les ophtalmologistes je ne parle pas de la profession médicale en
général il serait illusoire d'espérer une entente.
J'ai eu l'occasion de lire le modèle de normes de
références qu'ont préparé les ophtalmologistes et
je crois que les positions que l'on devine dans ce...
M. ROY (Beauce): M. le Président, je m'excuse. J'invoque
l'article 27 de notre règlement. Je dois vous faire remarquer que nous
n'avons pas quorum, même si, en ce qui nous concerne, nous avons en
Chambre près de 50 p.c. de nos membres.
M. VEILLEUX: C'est vrai que vous n'êtes pas nombreux !
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Giasson): Qu'on appelle les
députés! Le député de Bourget.
M. LAURIN: M. le Président, si l'on examine d'un peu près
ce protocole, si on essaie d'en saisir l'esprit derrière la lettre des
articles, on décèle dans ces propositions un caractère
à ce point rigide et impérialiste que je ne crois pas qu'une
autre profession puisse l'accepter. L'optométrie est forte de ses
traditions qui remontent maintenant à 70 ans.
Comme cette profession est fière des services qu'elle a rendus
à la population, comme cette profession ne cesse de se perfectionner,
d'avancer dans le champ de la recherche, je ne pense pas qu'il faille
s'attendre qu'elle cède un pouce de terrain qu'elle croit
légitimement occuper.
Si, en ce moment, on peut prévoir un échec presque certain
de cette tentative d'harmonisation, je me demande s'il ne faudrait pas penser
d'emblée à une autre solution et s'en remettre, comme je le
disais tout à l'heure, à l'esprit professionnel des
optométristes, appuyé sur un code de déontologie
rigoureux, marqué au coin de l'objectivité et de la rigueur
morale aussi bien que scientifique, code de déontologie qui, d'ailleurs,
serait visé par les membres de l'Office des professions et qui pourrait,
avec le passage des mois et à l'aide des consultations
appropriées, être susceptible d'améliorations,
jusqu'à ce qu'il colle complètement aux objectifs que l'on
poursuit.
En ce qui concerne un autre problème que le ministre
considère majeur, c'est-à-dire celui des prothèses
visuelles, j'ai constaté, en effet, moi aussi, qu'il y a des
différences fondamentales entre le premier et le deuxième projet
de loi.
Le ministre nous a donné les trois raisons qui l'ont
guidé, qui sont plutôt des raisons circonstancielles, et je n'ai
rien à y ajouter car je les crois absolument valables et plausibles.
Je crois, cependant, constater un certain regret chez le ministre. Il
aurait préféré, si la chose eût été
possible, si les raisons circonstancielles qu'il a invoquées n'eussent
été trop impérieuses, il aurait
préféré quand même le premier projet de loi. Je le
comprends et je partage, jusqu'à un certain point, son sentiment. Mais
pas entièrement. Il est possible, en effet, que la préparation,
ou la pose, ou l'ajustement de prothèses visuelles fasse partie
intégrante de l'acte optométrique. Il est possible, en effet,
qu'il revienne à l'optométriste, comme cela est le cas pour le
dentiste, de voir lui-même à la préparation et à
l'ajustement d'une prothèse pour l'atteinte plus efficace, plus
complète des objectifs thérapeutiques qu'il poursuit.
Cependant, je pense que je comprends le ministre car, ce qui l'a fait
hésiter, c'est l'aspect commercial de l'opération. Il voit,
évidemment, que l'optométriste va retirer un profit de
l'opération, qui n'a plus rien à voir avec l'acte professionnel
qu'il pose. Et là aussi, je partage son avis.
Pas plus pour le dentiste que pour l'optométriste, la pose ou la
préparation d'une prothèse ne devrait risquer de venir entacher
le caractère professionnel de l'acte qu'il pose.
Mais il y a peut-être un moyen de sortir de l'impasse. Il est
difficile d'accepter qu'un dentiste fasse plus de profit en posant une
prothèse qu'un denturologiste peut en faire. Non seulement les profits
excessifs doivent être condamnés, mais peut-être même
les profits mineurs doivent l'être car, en ces matières, il est
bien difficile de tracer une ligne de démarcation. Peut-être
s'imposerait-il, tout en laissant à l'optométriste comme au
dentiste le droit qu'ils ont de poser des prothèses, de faire en sorte
de trouver des mécanismes qui élimineraient la notion de profit.
Par exemple, s'il était décidé que, pour ce qui concerne
cet aspect, on ne pourrait demander au patient, ou à l'Etat qui peut se
substituer au patient, on pourrait ne demander qu'un prix qui est le prix
coûtant plus les frais d'administration.
Il est possible que dans l'avenir ce soit vers cette solution que l'on
soit obligé de s'orienter et je pense que tout le monde y trouverait son
profit. Jamais plus on ne pourrait accuser le professionnel de faire le
commerce des lunettes ou de faire le commerce des prothèses dentaires,
ou de faire le commerce des médicaments, tellement l'exécution
d'une prescription médicale pour le pharmacien, l'exécution d'une
ordonnance optométrique ou l'exécution d'une ordonnance dentaire
serait liée à l'acte diagnostique et à l'acte
thérapeutique. Et aussi, le public et la collectivité y
trouveraient leur profit puisqu'ils ne pourraient plus se méfier de ces
professionnels, étant donné qu'ils n'auraient plus à
poser, qu'ils sauraient qu'ils ne retirent aucun profit de cette partie qui a
un aspect commercial de leurs activités; ils y trouveraient un autre
profit également en ce sens que le coût de ces prothèses,
qui atteint parfois des sommes astronomiques dans le cas des prothèses
orthopédiques, serait quand même limité à son
maximum.
C'est là un principe général que je propose au
ministre; je ne sais pas ce qu'il en fera, on pourra en discuter plus à
fond lors de la commission parlementaire. Il me semble, à
première vue, en tout cas, qu'il y a là une façon de
sortir d'une impasse qui a fait l'objet d'accusations venant de tous les coins
de l'horizon et surtout d'impasses qui ont maintenu un climat de
méfiance au sein du monde professionnel et au sein du grand public.
En ce qui concerne le problème de la dimension linguistique,
j'aurais à faire les mêmes remarques que j'ai faites lorsque je
traitais des autres professions, pour la simple et unique raison, encore une
fois, que l'optométriste traite avec des personnes et qu'il est
appelé à rencontrer des personnes de toutes langues et que, dans
un pays où la langue commune est le français, il faudrait que
tous les nouveaux diplômés à tout le moins puissent avoir
une connaissance d'usage de la langue française.
Tout ceci étant dit, M. le Président, je pense que la loi
telle qu'elle nous est présentée colle à la
réalité, qu'elle correspond aux conditions actuelles de
l'exercice de l'optométrie, qu'elle
fait certaines concessions qui devront peut-être être
révisées dans un avenir prochain, mais comme nous
possédons maintenant les mécanismes qui nous permettent
d'effectuer ces révisions au fur et à mesure qu'elles
s'imposeront, je pense qu'il faut se féliciter de la loi telle qu'elle
est et c'est la raison pour laquelle nous appuierons ce projet de loi.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): L'honorable député de
Saint-Henri.
M. Gérard Shanks
M. SHANKS: M. le Président, relativement à ce projet de
loi, je recevais à mon bureau deux étudiants en optométrie
de mon comté; ceux-ci me confiaient qu'ils ne voulaient pas faire trois
ans d'études pour vendre des lunettes. Dans le même sens,
j'aimerais lire devant les membres de l'Assemblée nationale quelques
lignes d'un texte de Solange Chalvin, paru dans le Devoir du 6 mars 1973: "Les
115 étudiants en optométrie de l'Université de Montreal
étaient en journée d'étude hier non pas pour protester
contre les frais de scolarité mais pour manifester leur
inquiétude et leur désaccord face à l'adoption prochaine
du bill 256 du code des professions. Ils iront aujourd'hui à
Québec et tenteront de rencontrer les membres de la commission
parlementaire des affaires sociales et de sensibiliser les
députés de l'opposition à leurs problèmes. Les
optométristes ne sont pas des techniciens, a-t-on dit au cours d'une
conférence de presse improvisée, mais les seuls véritables
spécialistes de la vision formés pour dépister
contrôler et rééduquer les déficiences de la
vision.
Or, le projet de loi, loin de reconnaître à
l'optométriste cette fonction, restreint au contraire ses
responsabilités, le réduisant à jouer un rôle de
simple technicien.
Pourquoi faire trois années d'études universitaires pour
vendre des lunettes? a demandé l'un des étudiants. Rappelons que
l'ophtalmologiste est un médecin qui a fait un an de résidence et
qui s'est spécialisé pendant trois ans en ophtalmologie. Il
soigne, opère et traite des personnes atteintes de maladie.
L'optométriste s'occupe exclusivement de la vision, dépiste et
corrige des pathologies et l'opticien d'ordonnance vend des prothèses,
lunettes, etc.
On a accusé les optométristes de conflit
d'intérêts. En effet, ils dépistent des défauts de
vision, prescrivent et vendent des lunettes dans la majorité des cas.
Les étudiants en optométrie, sans doute moins mercantiles que
leurs aînés, ne sont pas intéressés au commerce des
lunettes. Ceci devrait revenir aux opticiens d'ordonnance, a dit leur
porte-parole hier à Montréal. Un peu plus loin, l'article se
termine ainsi: "Pourquoi réduire les optométristes à des
rôles de techniciens, alors qu'ils ont la formation reconnue partout en
Amérique du Nord pour dépister et contrôler les
déficiences visuel- les? C'est la question que poseront aujourd'hui au
ministre Castonguay les futurs optométristes.
M. le Président, ce projet de loi s'inscrit dans l'avenir du
Québec et les étudiants en optométrie, qui font partie de
cet avenir, mettent le gouvernement en garde contre des prescriptions qui
pourraient les encarcaner et les restreindre dans leur idéal. Devant
l'inquiétude du ministre des Affaires sociales relativement à la
division manifeste des trois groupes travaillant aux problèmes des yeux
et de la vision, je lui suggère de laisser permanente la commission
parlementaire sur le code des professions, ce qui pourrait lui éviter,
dans ce cas précis, de faire un faux pas qui pourrait être funeste
pour la protection du public.
La version originale était supérieure à la version
corrigée. Ce sont les termes mêmes du ministre. Je le mets en
garde contre une précipitation qui pourrait avoir des
conséquences néfastes. Je ferai remarquer que les opticiens
d'ordonnance viennent d'inviter les ophtalmologistes et les
optométristes à un dialogue ouvert. Espérons que ces
groupes répondront à leur appel. Les différences qui ont
été apportées dans les projets de loi entre la
première et la deuxième impression sont très
substantielles, et il est impératif de sauvegarder
l'intérêt public.
Pour ce faire, il n'est pas requis de porter atteinte à l'une ou
l'autre des professions. Lorsque ces législations seront
étudiées en commission parlementaire, je serai en mesure
d'apporter des propositions constructives et que je crois, de nature à
satisfaire toutes les parties concernées.
M. le Président, je vous remercie.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): Le député de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce qu'on veut bien m'entendre ou si je
peux proposer l'ajournement du débat?
M. LEVESQUE: On va vous entendre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous voulez m'entendre? J'ai vingt minutes, M.
le Président.
M. LEVESQUE: Tout dépend.
M. PAUL: C'est une motion débattable que vient de faire
l'honorable député de Chicoutimi.
UNE VOIX: C'est toujours agréable d'entendre le
député de Chicoutimi.
M. PAUL: Qui parle encore? Pourriez-vous parler en temps utile et dire
quelque chose qui a du bon sens? M. le Président, en vertu de l'article
78, le député vient de faire une motion qui peut être
débattue. Je pense que le président va trancher de lui-même
cette épineuse
question. Une chose est certaine, nous allons nous rendre à
minuit et cela n'avancera pas.
M. LEVESQUE: Est-ce que le député est fatigué?
M. PAUL: Oui, c'est clair.
M. LEVESQUE: D'accord, assoyez-vous.
M. PAUL: Merci.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je propose
l'ajournement du débat.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.
M. LEVESQUE: M. le Président, puis-je demander le consentement
unanime de la Chambre pour revenir à l'étape du
dépôt de documents?
M. BURNS: Est-ce débattable, M. le Président?
LE PRESIDENT: Non, c'est le consentement.
M. LEVESQUE: Tiens, de la visite ; comment était-ce au
hockey?
LE PRESIDENT: Messieurs, je voudrais déposer, avec l'accord des
leaders parlementaires des quatre partis, comme document parlementaire, aux
archives de l'Assemblée nationale, un nouveau projet de règlement
de l'Assemblée nationale, rajusté et amendé.
Une copie a été remise depuis quelques jours et
après plusieurs rencontres et réunions de travail des leaders
parlementaires. Je pense bien que demain midi nous pourrons distribuer à
tous les membres de la Chambre une copie de ce projet de règlement.
M. PAUL: Il faudrait nous laisser quelques jours parce que nous l'avons
reçu hier.
LE PRESIDENT: Avec aujourd'hui et comprenant la journée de
demain, cela fait au pluriel deux jours. C'est le règlement
rajusté.
M. LEVESQUE: M. le Président, puis-je dire qu'il s'agit là
d'un avis qui pourra être traduit demain au feuilleton?
LE PRESIDENT: Un avis à votre nom.
M. LEVESQUE: C'est cela. Est-ce qu'il y a d'autres questions?
M. PAUL: Avant d'ajourner, M. le Président, le ministre des
Affaires sociales pourrait peut-être nous donner l'ordre du jour afin
qu'il soit porté à la connaissance de tous les
députés?
M. CASTONGUAY: Certainement. Après ce projet de loi, nous
prendrons celui des opticiens d'ordonnance et, par la suite, nous descendrons
aux pieds et nous nous retrouverons avec les podiatres. Ensuite, nous
remonterons et nous prendrons les techniciens en prothèses auditives,
les audioprothésistes.
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose à nouveau que la
Chambre s'ajourne à demain, dix heures.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
DES VOIX: Adopté.
LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à demain,
dix heures.
(Fin de la séance à 23 h 48)