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Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le mardi 6 mars 1973 - Vol. 12 N° 104

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes

Dépôt de rapports de commissions élues

Présentation de motions non annoncées

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement

Présentation de projets de loi au nom des députés

Déclarations ministérielles

Dépôt de documents

Dépôt de documents Rapport du ministère des Terres et Forêts

M. DRUMMOND: M. le Président, je veux déposer le rapport annuel du ministère des Terres et Forêts pour 71/72.

LE PRESIDENT: Très bien. Questions orales des députés.

Questions orales des députés

M. LOUBIER: M. le Président, je voudrais faire remarquer qu'il nous est difficile de poser des questions aux ministres puisqu'il n'y en a pratiquement pas devant nous ce matin. Je me demande même s'il y a quorum.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il n'y a pas quorum de ministres !

M. BOURASSA: Il doit y avoir une tempête!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Au sein du parti!

M. LOUBIER: Au sein du Parti libéral. Je sais que cela gronde depuis longtemps!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous êtes balayés par les vents !

Hôpital Préville de Brossard

M. LOUBIER: M. le Président, je pense que cette question, en l'absence du ministre des Affaires sociales, pourrait s'adresser soit au premier ministre ou au ministre de la Justice.

Le premier ministre ou le ministre de la Justice pourraient-ils nous dire quelles actions ils entendent prendre concernant le malaise que l'on sent de plus en plus dans différents hôpitaux, entre autres à l'hôpital Préville, de Brossard? Une situation extrêmement difficile, pour ne pas dire scandaleuse, semble exister quant au fonctionnement de cet hôpital, quant au respect que l'on porte à l'endroit des malades quant aux traitements qu'ils subissent.

Le premier ministre a-t-il l'intention de prendre action immédiate non seulement concernant cet hôpital Préville, de Brossard, mais d'autres hôpitaux d'où nous viennent continuellement des plaintes quant aux traitements subis par les patients et quant à la déficience ou à la carence sur le plan du personnel?

M. BOURASSA: M. le Président, le ministre des Affaires sociales n'est pas absent, ce matin; c'est qu'il n'est pas à son bureau ou à son travail. On sait qu'il était malade, hier. Il se remet d'une grippe qu'il a pris en fin de semaine.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Une indigestion de lois!

M. BOURASSA: Il devrait être ici au cours de la journée, si possible. Je vais m'informer auprès de lui de la situation en cause. J'ai lu, comme le chef de l'Opposition, l'article du Montréal-Matin. Je vérifierai avec le ministre aujourd'hui.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

Hausse du tarif de l'électricité

M. ROY (Beauce): M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable premier ministre ou au ministre des Richesses naturelles. Il s'agit de l'Hydro-Québec.

Est-ce que le ministre peut nous dire aujourd'hui quel serait le pourcentage d'augmentation des tarifs d'électricité au Québec dans tous les secteurs de la consommation?

Deuxièmement, est-il exact que l'Hydro-Québec demande une augmentation de ces tarifs sans savoir quels seront les besoins réels de la compagnie au point de vue monétaire?

M. BOURASSA: Je crois que l'Hydro-Québec a fait publier des annonces dans les journaux montrant toutes les augmentations de tarif dans toutes les catégories, de tout sujet à une convocation de la commission parlementaire s'il devait y avoir des changements.

Je n'ai pas devant moi les changements dans tous les détails. Cela me surprendrait que l'Hydro-Québec ait demandé des hausses de tarif sans avoir des prévisions sur ses besoins financiers.

M. ROY (Beauce): Question additionnelle. Est-ce que le ministre pourrait nous dire si, effectivement, il entend prendre des dispositions pour convoquer la commission parlementaire des richesses naturelles, afin que nous puissions examiner cette situation et aussi questionner les représentants de l'Hydro-Québec sur des sujets d'intérêt public? La population aimerait également connaître les réponses.

M. BOURASSA: Pour employer le même langage que le député, effectivement, j'en ai discuté avec le président de l'Hydro-Québec qui est disposé à être présent à la commission parlementaire dans les prochaines semaines.

M. ROY (Beauce): Si le président de l'Hydro-Québec est prêt à assister à une séance de la commission parlementaire et que les partis de l'Opposition — le Ralliement créditiste entre autres — réclament la tenue de cette commission, pourquoi le gouvernement n'est-il pas capable aujourd'hui de nous dire vers quelle date la commission parlementaire sera convoquée? Si nous attendons deux mois, il sera trop tard parce que tout va être réglé et il n'y aura â peu près plus rien â faire dans ce domaine.

Je pense qu'il est d'intérêt public que la commission siège et je demande au premier ministre vers quelle date.

M. BOURASSA: Je ne sais pas si vous étiez absent, mais le député de Gouin m'avait posé une question sur le même problème et j'avais dit qu'à la fin du mois de mars ou au début d'avril il devrait y avoir convocation de la commission parlementaire.

M. ROY (Beauce): Je tiens à dire que je n'étais pas absent, mais je voulais savoir si le premier ministre avait pris d'autres dispositions à la suite de la question posée par le député de Gouin. Est-ce qu'il peut nous dire qu'il maintient la décision qu'il avait prise à savoir que la commission parlementaire sera convoquée avant le 31 mars?

M. BOURASSA: Il faudrait que j'en parle au président de l'Hydro-Québec qui est absent du pays pour quelques semaines. Avant son départ, nous avons convenu qu'il y aurait réunion à la fin de mars ou au début d'avril. Ce n'est pas une différence de quelques jours...

LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

Village olympique

M. LEGER: Ma question s'adresse au ministre des Affaires municipales. Est-ce que, premièrement, le ministre des Affaires municipales a communiqué avec les autorités de la ville de Montréal concernant l'emplacement du village olympique sur le territoire du golf municipal?

Premièrement, est-ce qu'il y a eu des réponses, et, deuxièmement, est-ce que le ministre a en main, ou aura très bientôt, une copie du plan d'aménagement physique de toutes les constructions du village olympique et des aménagements olympiques de façon que le budget de $310 millions des jeux olympiques qui engage pour des années le développement de l'habitation et des infrastructures du Québec soit sous le contrôle du gouvernement du Québec?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, quant à la première question, je n'ai pas entrepris moi-même des communications avec les autorités de la ville de Montréal mais il y a eu des contacts entre les fonctionnaires du ministère et des représentants de COJO à ce sujet. J'ai effectivement l'intention de demander que l'on me soumettre les projets, car nous sommes tous intéressés à les connaître. Je voudrais, comme je l'ai dit l'autre jour, pouvoir insérer ce projet dans le plan général de l'aménagement de l'île de Montréal, en vue de la conservation des espaces verts.

M. LEGER : Une question supplémentaire au premier ministre. Premièrement, le premier ministre peut-il nous dire aujourd'hui s'il a l'intention de nommer un ministre responsable auprès du COJO et, deuxièmement, s'il a l'intention de faire siéger une commission parlementaire pour entendre les responsables de COJO concernant toute l'administration et surtout le budget dont le gouvernement du Québec pourrait disposer s'il y avait un déficit important?

M. BOURASSA: M. le Président, même si j'admets la pertinence des questions du député, je suis actuellement en train de former le comité dont vous avez parlé pour la surveillance des coûts. Dès que ce comité sera formé, je prendrai une décision quant à la convocation de la commission parlementaire et quant au ministre responsable.

M. LEGER: Une question supplémentaire, M. le Président. En l'absence du ministre responsable du haut-commissariat, le gouvernement prend-il des mesures précises actuellement pour la formation et la sélection des athlètes québécois pour les olympiques afin que, comme hôte des jeux — c'est maintenant une affaire québécoise et non une affaire fédérale — nous fassions bonne figure?

M. BOURASSA: M. le Président, on a déjà annoncé que le gouvernement du Québec avait affecté une somme d'un demi-million de dollars par année d'ici 1976, précisément pour les buts que vient de mentionner le député. Parmi plusieurs mesures, c'en est une qui me vient à l'esprit; le ministre responsable pourrait donner les autres.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

Communauté urbaine de Montréal

M. PAUL: M. le Président, je voudrais poser une question au ministre des Affaires municipales "urbaines".

Est-ce que le ministre est en mesure d'élaborer quelque peu au sujet d'une déclaration qu'il aurait récemment faite et qu'on lui attribue

dans certains journaux de ce matin à l'effet qu'il était disposé à considérer toute demande d'information concernant la comptabilité et les dépenses de la CUM? Est-ce que le ministre est en mesure de détailler ce point qu'il envisage et qu'entend-il par demande raisonnable d'information?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, il s'agit comme on le sait du conflit entre la ville de Pointe-Claire et la Communauté urbaine de Montréal. L'impasse ayant duré un certain temps, il semblait à l'honorable ministre de la Justice et à moi-même qu'il fallait une nouvelle initiative pour amener les parties à s'entendre et surtout parce qu'au mois de mai, on le sait, le rapport du comité d'étude sur la Communauté urbaine de Montréal sera déposé.

Il nous a semblé préférable que le conflit soit résolu si possible sans intervention du système judiciaire parce que si l'on envisageait le problème d'un point de vue strictement judiciaire il fallait éventuellement que la cour Supérieure tranche la question. Puisqu'il a semblé possible, par l'offre d'une présence gouvernementale, d'amener les parties à s'entendre justement sur ce qui est de l'information raisonnable et sur les moyens de fournir les renseignements demandés, nous avons posé hier ce geste. Je suis informé que le conseil municipal de Pointe-Claire a voté hier soir de verser le montant qui est dû. Nous avons invité les municipalités de la communauté urbaine à attendre le dépôt du rapport du comité présidé par M. Hanigan et d'engager à partir de ce moment-là — parce que nous avons l'intention de rendre ce rapport public dès sa réception — le débat complet sur l'administration, le financement, l'avenir de la Communauté urbaine de Montréal.

M. PAUL: Une question additionnelle.

M. BOURASSA: Un autre problème de réglé.

M. PAUL: M. le Président, si le maire de la ville de Pointe-Claire avait entendu l'intervention du premier ministre pour régler le problème, c'aurait éclaté comme ç'a éclaté à l'UQAM quand il a reçu les étudiants.

DES VOIX: Ah oui!

M. PAUL: M. le Président, je voudrais poser une question additionnelle au ministre des Affaires municipales. Est-ce que le ministre des Affaires municipales a l'intention de recommander ou de demander aux autorités de la CUM de faire parvenir aux municipalités concernées un compte détaillé des sommes réclamées à ces municipalités? Le ministre est-il en mesure de nier ou d'affirmer que, si un compte détaillé avait été présenté à la municipalité de Pointe-Claire, tout cet imbroglio entre la CUM et la municipalité de Pointe-Claire n'aurait pas eu lieu?

M. GOLDBLOOM: Je crois bien que le problème est un peu plus complexe que cela. Nous allons, le ministre de la Justice et moi-même, essayer de fournir, avec la collaboration de la communauté urbaine et du conseil de sécurité, tous les renseignements possibles. Il se peut que ce que demandent certaines municipalités ne soit pas disponible selon le système de comptabilité utilisé. Il y aura lieu d'examiner cette question et de fournir le maximum de renseignements possible.

M. PAUL: Question additionnelle, la dernière, M. le Président.

LE PRESIDENT: La dernière.

M. PAUL: Dans le but d'atteindre l'objectif visé par le ministre des Affaires municipales, est-ce qu'il pourrait nous promettre qu'il n'y aura pas de consultations avec le premier ministre afin que celui-ci ne vienne pas gâcher complètement les négociations intelligentes que vous pourriez avoir?

LE PRESIDENT: L'honorable député de Frontenac.

Caisse d'entraide économique

M. LATULIPPE: M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable ministre des Institutions financières. L'an passé, le ministre a fait une déclaration à l'effet qu'un projet de loi sur les caisses d'entraide économique serait déposé. J'aimerais savoir ce qui arrive dans ce cas. Est-ce que le ministère a encore l'intention de déposer un tel projet de loi relativement aux caisses d'entraide économique? Est-ce que les études sont terminées? Doit-on s'attendre, très bientôt, au dépôt de ce projet de loi ou si la question est définitivement retirée?

M. TETLEY: M. le Président, il y a encore des réunions entre les caisses d'entraide économique et les officiers du ministère. Le Conseil consultatif des coopératives s'en occupe aussi. Les caisses d'entraide économique ne sont pas membres du conseil. Aussitôt qu'une entente interviendra entre les parties, le gouvernement est prêt à adopter une loi au sujet des caisses d'entraide économique.

M. ROY (Beauce): Est-ce que le ministre pourrait nous dire si le projet de loi qu'il entend déposer concernant les caisses d'entraide économique va porter uniquement sur ces caisses ou s'il portera sur les caisses d'épargne et de crédit à caractère régional? Je pense particulièrement aux caisses d'établissement qui pourraient faire l'objet d'une même loi.

M. TETLEY: Au sujet des caisses d'établissement, nous aurons une loi spéciale, car leurs problèmes, leur formation et leur incorporation sont tout à fait différents.

M. ROY (Beauce): Si j'ai bien compris le ministre, cela veut dire qu'il y aurait effectivement deux lois: Une loi pour les caisses d'entraide économique et une autre pour les caisses d'établissement.

M. TETLEY: Peut-être pas deux lois, mais deux règlements pour deux cas différents, à la satisfaction de deux parties différentes.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

Compagnie de taxis Fairview

M. BURNS: Ma question s'adresse au ministre d'Etat à la Voirie. Vendredi dernier, il devait nous donner une réponse relativement au transfert des permis de taxi de la compagnie Fairview. Je comprends qu'il n'a pu le faire vendredi, parce qu'il y avait des négociations en cours. Cependant, on a appris depuis, que neuf des permis ont été transférés de façon qu'il y ait copropriété des permis. J'aimerais donc savoir pourquoi le problème s'est réglé seulement relativement à neuf des permis et non pas aux seize permis qui étaient détenus par la compagnie Fairview?

M. MAILLOUX: S'il y a eu une décision de la part du ministère des Transports voulant que neuf permis soient donnés en copropriété, c'est dû au fait que je n'ai jamais reçu de demande des sept autres personnes qui auraient pu être en cause. Comme cela n'a pas attiré notre attention dans les 24 dernières heures, il ne restait qu'au ministère à décider de la copropriété afin qu'aucun des permis, ne soit éliminé à comter du 1er mars, permettant ainsi à la Commission des transports de décider, après le 31 octobre, celui qui serait effectivement le véritable propriétaire.

Il y a une réponse que je n'ai pas donnée aux journalistes qui m'ont questionné par la suite, à savoir que si nous avions un sérieux doute sur les titres de propriété, nous avons voulu permettre que les neuf personnes en question puissent continuer à gagner leur vie. La municipalité de Pointe-Claire, n'a pas le droit, par son règlement municipal, d'accepter un transfert de titres, et nous voulions nous assurer que les neuf personnes eh question pourraient au moins gagner leur vie par la suite.

Je n'ai pas d'autre commentaire à faire, sauf que les neuf personnes qui ont porté plainte, et à l'honorable député de Maskinongé et au préalable au ministère des Transports, se disant satisfaites de la décision gouvernementale. C'est la seule que, dans les circonstances, je pense, le ministère pouvait prendre.

Quant aux sept dont parle le député de Maisonneuve, ce problème n'est venu sur mon bureau en aucune façon. Il n'y a pas eu de plainte de la part des sept personnes en question.

M. BURNS: Ce qui veut dire que les sept autres permis, si je comprends bien, sont encore détenus par la compagnie de taxi Fairview. Est-ce exact?

M. MAILLOUX: Les sept autres permis sont entre les mains de la compagnie Fairview Taxi. Je n'ai quand même pas la conviction que la recommandation faite par la commission parlementaire n'aurait pas été suivie. S'il y a eu des tentatives de chantage, je pense que la commission pourra faire le nécessaire pour le vérifier. Mais cette preuve n'a pas été faite devant nous et il n'y a eu aucune tentative de la part du propriétaire à l'endroit des personnes en question.

M. BURNS: Merci.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Portneuf.

Ventes pyramidales

M. DROLET: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives. A la suite de la lutte entreprise par son ministère contre les promoteurs de ventes pyramidales dans tous les coins du Québec, est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il est vrai que son ministère serait sur le point d'éliminer définitivement tous ces vendeurs dans la province? Pourrait-il nous dire aussi s'il y a encore des causes devant la justice ou s'il y a encore de ces vendeurs qui circulent dans la province?

M. TETLEY: M. le Président, au sujet de la compagnie "Inspiration et Succès", je crois que depuis un mois ou deux il n'y a pas d'activité au Québec. Je ne parle pas des autres provinces. Une soixantaine de procédures ont été intentées par le ministère de la Justice et des descentes ont été faites. Il y a eu des jugements en faveur du gouvernement du Québec ou de sa majesté la reine, suivant le cas.

M. BURNS: Pas en faveur de la reine du carnaval?

M. TETLEY: Non. Il y avait d'autres institutions pyramidales. Nous avons intenté des procédures et fait des descentes. Il y aura d'autres descentes et d'autres procédures à Rimouski bientôt. Je voudrais, par la présente occasion, avertir la population de s'éloigner de ces institutions,...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): De se sauver vite.

M. TETLEY: ... de se sauver vite parce qu'il y aura d'autres procédures à Rimouski et ailleurs au Québec.

LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce aimerait apporter une réponse.

Carrières Deschambault

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, hier, on m'avait posé une question sur les carrières Deschambault, à Saint-Marc-des-Carrières. Il me fait plaisir de faire le point sur ce dossier.

Il y a quelques mois, le syndicat indiquait que plus de 150 personnes étaient sur la liste de reclassement. Nous avons tenté d'avoir un acheteur pour l'ensemble des installations de Deschambault. Devant l'impossibilité d'en avoir, il nous a semblé que la meilleure voie de succès était un morcellement des actifs, qui aurait permis une exploitation, suivant des produits spécialisés.

Il me fait plaisir d'indiquer qu'à ce jour la firme Langlois Ltée a acheté une partie des installations et qu'elle compte embaucher, au printemps, environ une trentaine d'employés, à ce jour, il ne reste, sur la liste de reclassement du syndicat ou du ministère du Travail, que cinquante personne seulement, les autres s'étant trouvé présumément de l'emploi ailleurs dans la région. Le Trust Général du Canada, qui est le fiduciaire des obligataires qui possèdent plus de $440,000, résultant de la liquidation, doit recevoir une offre mercredi pour une autre partie des installations.

Finalement, M. Darveau, qui a déjà été mêlé à l'entreprise, compte pour sa part faire une offre pour une autre partie qui pourrait employer de dix à quinze personnes.

Alors, au total, le problème est moins grave qu'il ne l'était il y a quelques mois. Il semble bien que la seule voie qui permettra une reprise d'activités à Saint-Marc sera le morcellement et l'exploitation, en partie, des carrières dans des produits spécifiques comme la chaux ou la pierre de granit.

M. DROLET: Une question supplémentaire, M. le Président. Le ministère de l'Industrie et du Commerce a-t-il donné suite à la demande du syndicat local de faire une enquête sur les anciens propriétaires de la carrière, tel que demandé dans un télégramme au ministre des Institutions financières qui, lui, l'avait transféré au ministre de l'Industrie et du Commerce?

M. SAINT-PIERRE: Je pense que, de part et d'autre, il n'y avait aucun motif de malhonnêteté ou de fraude. Je pense qu'on doit accepter que quelqu'un, qui a exploité une entreprise pendant une certaine période, désire subitement s'en départir ou n'ait plus la motivation pour l'exploiter. Tant pour le ministère des Institutions financières que pour nous, il n'y avait aucun motif de malhonnêteté ou de fraude. Ce serait véritablement faire un procès d'intention aux anciens propriétaires que d'instituer une enquête pour savoir pour quelles raisons l'entre- prise a périclité — les raisons ont déjà été mentionnées et elles sont multiples; elles touchent, en fait, tous les secteurs — ou quelles raisons les pousseraient à ne plus être motivés à continuer l'exploitation.

LE PRESIDENT: Affaires du jour.

M. LEVESQUE: M. le Président, avec le consentement unanime de la Chambre, pourrions-nous revenir au dépôt de documents?

LE PRESIDENT: Y a-t-il consentement? Oui.

M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, j'aimerais déposer le rapport annuel du ministère des Richesses naturelles pour l'année 71/72, ainsi que le rapport annuel de Soquem pour l'année 71/72.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Soquip, cela ne vient pas?

M. MASSE (Arthabaska): Cela va venir! M. LEVESQUE: Article 19.

Projet de loi no 263 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce propose la deuxième lecture du projet de loi no 263, Loi modifiant la loi des chimistes professionnels.

M. Guy Saint-Pierre

M. SAINT-PIERRE: Le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'adoption à cette Chambre. Le projet de loi 263, comme les deux autres que nous avons étudiés hier, touche des points particuliers qui s'appliqueront à la Corporation des chimistes professionnels, qui deviendra l'Ordre des chimistes.

Le projet de loi modifie la loi existante pour lui ajouter des dispositions de concordance vis-à-vis du code des professions. Ce projet, comme les deux autres que nous avons étudiés hier, touche tant à la constitution de la nouvelle corporation des chimistes professionnels, corporation qui existait avant, qu'à l'établissement d'un bureau, prévoyant à la fois les mécanismes de composition et de représentation des membres qui siégeront au bureau de l'Ordre des chimistes professionnels.

Les dispositions prévoient, comme dans les autres cas, une représentation de trois membres nommés par l'Office des professions, conformément à la philosophie générale qui a prévalu dans l'ensemble des corporations professionnelles. L'établissement de sections, de même que le bureau d'examinateurs et les pouvoirs de réglementation en ce qui touche l'admission des

membres, l'éthique professionnelle et la pratique illégale sont indiqués dans le projet de loi.

La définition du champ de pratique n'a pas subi de modifications importantes, bien que le gouvernement, dans l'étude en commission, sera ouvert à des suggestions qui sont d'actualité, compte tenu d'une récente décision des cours de justice. Si celle-ci devait être respectée, cela pourrait causer dans les hôpitaux de graves difficultés. A notre sens, cela dépasserait à la fois le bon sens et nuirait à une saine gestion en matière d'analyse, particulièrement pour des choses relativement simples comme les analyses de sang et autres du genre. Dans le contexte de l'hôpital ou même dans le contexte d'une entreprise qui peut offrir des garanties de compétence, elles ne nous paraissent pas devoir être exclusivement du domaine des chimistes professionnels.

Là comme ailleurs, de nouvelles professions, plus récentes, en particulier la technologie médicale et autres professions semblables, ont au cours des dernières années, j'en suis certain, acquis la compétence requise pour être capables d'effectuer ces analyses et donner à d'autres professionnels les renseignements nécessaires sur les propriétés chimiques des spécimens faisant l'objet des analyses.

Le projet de loi a des dispositions transitoires, compte tenu des changements qu'apporte le projet de loi 250; il y a la période de temps requise pour établir l'Office des professions et le nouveau bureau. Je m'en voudrais d'élaborer davantage sur ce projet de loi. Je suis disposé à répondre à des questions et encore une fois, comme nous l'avions indiqué hier, prêt à accueillir des amendements mineurs lors de l'étude de ce projet de loi en commission.

Il nous semble quant à nous que dans ce cas-ci, pour des raisons historiques — sauf avec la réserve que j'ai mentionnée — il y a effectivement très peu de changements.

Le champ de pratique, ou l'exclusivité du titre que possédait la Corporation des chimistes est maintenue et, en amendement, nous tenterons simplement de préciser, dans le contexte de certaines des nouvelles professions, non pas un partage de l'exclusivité dans un champ de pratique mais la reconnaissance de droits de nouvelles professions qui pourraient sûrement, comme je l'ai mentionné, dans le cas des prises de sang et autres analyses relativement mineures, qui ne me paraissent pas être l'apanage exclusif des chimistes... Les membres des autres professions pourraient avoir dorénavant le droit de poser certains actes sans avoir à subir les foudres des tribunaux comme ce fut le cas récemment dans un jugement qui a pénalisé une personne qui avait comme formation la technologie médicale et qui s'est vu imposer une amende pour avoir fait une prise de sang dans un centre privé. Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Maskinongé.

M. PAUL: J'aimerais mieux connaître l'opinion du Ralliement créditiste, il s'agit d'un projet de loi impair.

M. GUAY: J'attends mon tour.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Si personne ne veut parler, nous allons adopter le bill.

M. Rémi Paul

M. PAUL: Non, un instant. M. le Président, nous ne pouvons pas laisser passer un projet de loi aussi important et qui affecte environ 625 chimistes professionnels au Québec. Lorsque la Corporation des chimistes s'est présentée devant la commission parlementaire, ce qui nous a surpris, ce fut la pauvreté du mémoire qui nous était présenté. Heureusement, d'abondance, avec logique, le délégué de la corporation a fourni aux membres des renseignements extrêmement précieux et utiles et qui nous poussent à demander au ministre pourquoi les deux principales recommandations de la Corporation professionnelle des chimistes n'ont pas été retenues, dont l'une est le contrôle absolu, dans l'intérêt public, de tous ceux qui oeuvrent dans le domaine de la chimie, profession extrêmement délicate et qui doit, par la surveillance non pas exclusivement des membres de la corporation, mais de tous ceux qui oeuvrent dans la chimie industrielle ou commerciale, être astreinte au code d'éthique professionnelle.

Le gouvernement ne semble pas, dans cette législation, avoir retenu cette première recommandation du mémoire de la Corporation des chimistes professionnels. Il faudra, M. le Président, nécessairement élargir la pratique de la chimie pour y inclure également l'enseignant de la chimie. Il est primordial de former des scientifiques qui assureront au Québec une place de choix dans la révolution technique de l'ère postindustrielle. C'est dans ce concept que d'excellentes recommandations nous furent faites à la commission parlementaire par les chimistes professionnels. Nous reconnaissons cependant que leur mémoire est muet sur le sujet. Mais, durant la période des questions qui a suivi cet exposé, nous avons pu suivre avec intérêt cette excellente recommandation et cette demande qui était faite par les chimistes professionnels.

Les chimistes professionnels ont été formés ou reconnus en association en 1963. Avant l'adoption de cette loi, ils formaient une association qui n'était pas en mesure de s'intéresser, d'abord, au mieux-être, à l'avantage des professionnels eux-mêmes et, en quelque sorte, nous ne pouvions être assurés de la qualité de la profession ou des dangers que l'exercice immodéré de cette science pouvait apporter au public.

M. le Président, la demande des chimistes est essentielle et bien-fondée, afin d'assurer aux jeunes une qualité minimale de l'enseignement

de la chimie. Cet enseignement devrait être dispensé dans nos universités par un chimiste professionnel qui oeuvre dans le métier, afin que la matière d'enseignement soit conforme aux besoins du professionnel qui, demain, sera en exercice.

Il faudra dans cette corporation, comme pour tout autre, que les intéressés vivent les dispositions du code des professions. Il faudra nécessairement que les demandes d'admission à la pratique soient bien contrôlées. Il est encore intéressant de noter dans ce projet de loi que le bureau de direction se composera également de personnes du milieu de l'enseignement qui verront à travailler avec des professionnels en place, pour que le sujet des examens d'admission corresponde à la réalité. On évitera ainsi les situations embarrassantes comme celles qu'ont connues, dans le cours de l'été dernier, les dentistes, les étudiants en art dentaire, ou les avocats, les étudiants, désireux d'être inscrit à l'Ordre du Barreau.

Il faudra que le ministre, devant la commission élue chargée de l'étude de ce projet de loi, nous donne les raisons pour lesquelles les recommandations qui nous ont été faites par la Corporation des chimistes ne sont pas retenues. Il faudra que le législateur impose l'obligation d'intégrer dans la corporation toutes les personnes qui pratiquent la chimie professionnelle.

En fait, il y aura nécessairement lieu d'apporter des amendements. Je n'insiste pas davantage sur cette question. Il faudra nécessairement apporter des amendements à l'article 74 de la Loi de la Corporation des chimistes professionnels pour atteindre l'objectif visé. Il faudra nécessairement que cet article soit amendé, pour que les obligations qui découleront de la mise en vigueur de la loi 250 soit partagées par tous les chimistes et non pas seulement par ceux qui deviendront membres de la corporation professionnelle.

Il s'agit d'une question d'équité. Il ne s'agit pas de limiter le nombre des chimistes, mais il faudra que tous ceux qui exercent cette profession soient intégrés dans la corporation même des chimistes professionnels plutôt que de laisser les responsabilités ou les obligations d'établir des règlements concernant l'éthique professionnelle, l'admission à la pratique, ou toute autre mesure susceptible de promouvoir l'intérêt du public et la protection des membres, afin que ce ne soit pas l'apanage exclusif de ceux qui auront décidé de s'associer à cette corporation.

Le projet de loi 265, dans sa deuxième version, ne donne pas suite aux recommandations qui nous furent présentées par la Corporation professionnelle des chimistes.

Je suis sûr que le ministre est déjà saisi de la nécessité de ces amendements. Je retiendrai, avec espoir, cette déclaration qu'il nous faisait hier soir à l'occasion de l'étude de toutes ces lois disparates. Spécialement à l'occasion de l'étude de la Loi des architectes, le ministre nous a fait part de ses bonnes intentions, de son ouverture d'esprit pour que les amendements demandés par les corporations professionnelles, pour autant qu'ils ne vont pas à l'encontre des dispositions bien spécifiques du code des professions, soient acceptés ou, du moins, sérieusement considérés à l'occasion de l'étude de ces projets de loi en commission élue.

Comme il s'agit d'une corporation qui a endossé, sans beaucoup de réserves, le projet de loi 250, il va de soi que nous appuierons le principe de la loi 265, tout en invitant le ministre à étudier avec beaucoup d'attention les recommandations qui nous furent faites. Malheureusement, nous ne les retrouvons pas dans le mémoire de la corporation, mais c'est par référence aux débats qui se sont déroulés à la commission parlementaire que le ministre trouvera les raisons bien justifiables pour soutenir le point de vue des membres de la corporation et pour faire suite aux représentations qui nous ont été faites.

M. le Président, nous allons voter avec le gouvernement sur cette loi, quitte à prendre une autre position, en temps opportun, si le gouvernement ne reçoit pas avantageusement les recommandations de la Corporation professionnelle des chimistes du Québec.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Dorchester.

M. Florian Guay

M. GUAY: M. le Président, le député de Maskinongé a tout dit ce que je voulais dire. Les points importants qui ont été discutés à la commission parlementaire sont à l'effet que les chimistes professionnels demandaient le droit de surveiller et de contrôler l'enseignement. Je pense que les propos du député de Maskinongé sont tout à fait justes. J'ajoute que la demande des chimistes professionnels, qui est quand même leur principale recommandation et qui n'est pas incluse dans la loi, est logique. Je ne verrais pas pourquoi ils ne l'obtiendraient pas si d'autres professionnels ont le droit de le faire. S'il y a un endroit où c'est sérieux et où cela s'impose, c'est bien dans le cas des chimistes professionnels.

Pour eux, c'est même une recommandation de principe. Ils ont expliqué, en commission parlementaire, les dangers qui pouvaient exister même durant un cours, par exemple. Je pense que c'est normal et essentiel; cela s'impose qu'un chimiste compétent, un chimiste professionnel surveille ou contrôle la dispensation des cours. Ce sont les seules observations que j'ai à faire. J'ai devant moi le mémoire des chimistes professionnels et nous allons vérifier en commission parlementaire et en troisième lecture si le ministre accepte d'inclure à la loi ces amendements.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, je dois avouer que le discours de deuxième lecture du ministre m'a déçu. Il nous présente cette deuxième impression du projet de loi uniquement comme une concordance. Il évite, au fond, dans son exposé de parler des problèmes réels qui se posent à la profession et dont les représentants de la corporation nous avaient parlé lors des séances de la commission. Lorsque ces officiers de la corporation se sont présentés, il nous ont fait valoir des revendications qu'ils estimaient légitimes, soit l'extension à l'ensemble des chimistes professionnels des lois et règlements régissant la corporation; deuxièmement, l'inclusion de ceux qui pratiquent l'enseignement de la chimie dans la corporation.

A première vue, ces deux demandes paraissaient absolument légitimes et valables, surtout quand on se rend compte que, dans les autres professions analogues, celle des ingénieurs et celle des arpenteurs-géomètres, tous ceux qui se réclament de cette profession sont inclus dans la corporation. Pourquoi, alors, cette exception en ce qui concerne les chimistes professionnels? Est-ce parce que la corporation est plus jeune, parce que le nombre des membres a augmenté graduellement?

Est-ce parce que certaines activités des chimistes sont plus difficilement identifiables comme par exemple faisant partie d'une technologie en évolution ou parce que certains chimistes font des activités qui les mettent en rapport directement ou indirectement avec des individus?

Il y a sûrement une raison pour laquelle le législateur n'a pas voulu inclure dans la loi tous les chimistes, particulièrement les chimistes qui pratiquent l'enseignement. Il nous semble qu'il nous faudrait le savoir. Il faudrait également que les chimistes le sachent. Lorsque les questions, en ce sens, ont été posées, il n'y a pas eu de réponse. Je me rappelle, à la commission parlementaire, que ces revendications ont été présentées d'une façon très claire. Le gouvernement, au lieu d'y répondre, s'est contenté de poser des questions qui, c'est le moins qu'on puisse dire, ne réussissaient qu'à embrouiller le problème plutôt qu'à le clarifier.

Si, à la commission parlementaire, nous n'avons pas pu savoir du gouvernement les réponses qu'il fallait apporter à des demandes en apparence légitimes des chimistes professionnels, il me semble que c'est bien lors de la présentation du projet de loi en deuxième lecture que nous aurions eu droit à ces explications. Pourtant, dans son exposé de deuxième lecture, le ministre vient de nous présenter ce projet de loi uniquement comme un projet de concordance. Il est demeuré silencieux sur les questions qui restent à régler, qui sont un objet de litige et qui, au fond, sont les plus importantes qui sous-tendent actuellement l'activité des chimistes professionnels.

C'est donc la raison pour laquelle je me dis déçu et je m'estime frustré aussi longtemps que le gouvernement ne voudra pas davantage éclairer notre lanterne en tant que représentants du public et donner aussi des réponses aux chimistes, réponses que ces gens ont le droit d'avoir étant donné le service signalé qu'ils rendent à la société.

J'espère donc que le ministre, dans sa réplique, nous donnera des raisons, s'il y en a, pour lesquelles cette exclusion est prononcée, sans qu'on le dise, contre de nombreux membres qui ont fait des études aussi complètes, aussi spécialisées que les autres et qui ne sont pas inclus dans la corporation.

Je pense que, si on ne réussissait pas à nous expliquer cette exclusion à notre satisfaction, ceci voudrait dire ou que le gouvernement a quelque chose à cacher ou qu'il a obéi à des pressions venant d'autres groupes inavoués ou inavouables ou encore qu'un certain élément d'ordre public nous est caché pour la satisfaction d'intérêts qui n'ont rien à voir ou qui peuvent même s'avérer contraires au bien public.

Ce sont là tous les désavantages ou inconvénients qui surviennent quand un gouvernement manque de transparence. Il ne nous arrive pas souvent de modifier ces lois professionnelles mais, lorsque l'occasion se présente, il nous semble que le gouvernement devrait faire tous les efforts pour faire le tour de toute la question, répondre à toutes les questions que l'on a pu se poser et même aller au devant de nos inquiétudes, faire de la prospective afin d'essayer d'indiquer les avenues vers lesquelles il entend orienter telle ou telle profession spécifique.

J'espère donc que dans sa réplique le ministre pourra nous donner les réponses que le Solliciteur général n'a pas données, lors des séances de la commission parlementaire, que lui-même n'a pas données au cours de la deuxième lecture, pour le bien des intéressés aussi bien que du public en général.

Il est bien entendu, particulièrement dans ce domaine également, que j'aurais à faire les mêmes représentations en ce qui concerne une meilleure représentation du public au bureau général de la corporation et sur la connaissance d'usage de la langue française qui est devenue et qui doit devenir, de plus en plus, la langue commune de notre Etat québécois.

Il est un dernier problème, enfin, auquel je voudrais brièvement me référer. C'est celui de la délimitation du champ de pratique, particulièrement en ce qui concerne les tensions qui peuvent se manifester avec des professionnels qui exercent leur profession dans des champs voisins. Je veux parler des technologistes médicaux. Le ministre, d'ailleurs, s'y est référé dans son intervention.

Ce que je déplore, c'est qu'il a fallu une action en justice pour que la lanterne du gouvernement soit éclairée en la matière. Il me

semble pourtant que pour celui qui a suivi de près le développement de cette profession que l'on appelle la technologie médicale, que pour celui qui connaît les activités qu'exercent ces auxiliaires très précieux de la médecine dans nos hôpitaux, il s'avérait très clair, depuis le début, qu'il fallait protéger ces professionnels contre des poursuites qui n'étaient légales qu'en tant qu'elles se référaient à un cadre juridique dépassé. Il a fallu que la loi intervienne, qu'elle montre ce qu'elle avait de dépassé, de désuet ou d'arbitraire pour que le gouvernement s'éveille à un problème qui existait cependant depuis de très nombreuses années et qu'il aurait dû régler beaucoup plus tôt, soit en instituant les technologistes médicaux en corporation professionnelle à titre réservé, soit en incluant dans la Loi des chimistes professionnels des exceptions qui auraient permis à ces technologistes de continuer leur travail sans avoir à être inquiétés par la corporation des chimistes.

Heureusement, à toute chose malheur est bon. L'action en justice a permis au gouvernement, à la onzième heure, de réparer ce que son projet original pouvait avoir d'injuste ou d'inadapté pour les technologistes médicaux. Le ministre nous a laissé prévoir des amendements. Je ne sais quand il les présentera. Je ne sais s'il les présentera lorsque nous discuterons les articles de ce projet de loi en commission plénière. Je ne sais non plus quelle forme ils revêtiront. Est-ce que ce sera un amendement au projet de loi 250 ou la présentation d'un autre projet de loi sur la corporation agréée des technologistes médicaux? Il n'a pas voulu s'en ouvrir davantage. Nous sommes donc réduits à attendre des précisions additionnelles.

Je veux simplement signaler ici que nous examinerons de très près l'amendement qu'il nous apportera ou l'action qu'il prétend prendre, étant donné que nous sommes convaincus, pour notre part, que lorsqu'une nouvelle activité professionnelle se développe au point de devenir importante pour le bien public, il faut quand même lui établir un corridor où elle puisse s'exercer pour la satisfaction des professionnels concernés et pour la meilleure protection du public.

Je salue donc cet amendement que le ministre nous annonce, quitte à réserver l'appui mitigé ou complet que nous lui donnerons jusqu'au moment où nous en connaîtrons davantage. Ceci dit, malgré les quelques réserves exprimées, il ne fait pas de doute que nous voterons pour ce projet de loi qui constitue quand même une modernisation, une mise à jour d'une loi qui, comme toutes les autres, en avait besoin.

M. PAUL: M. le Président, avant d'entendre la réplique du ministre, puis-je vous signaler que nous n'avons pas quorum?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les députés.

A l'ordre, s'il vous plaît! Y a-t-il d'autres députés qui veulent prendre la parole sur cette motion de deuxième lecture?

La réplique du ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Guy Saint-Pierre

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, les deux points qu'on a soulevés, essentiellement, touchent deux des recommandations que la Corporation des chimistes professionnels avait inclus dans son mémoire et qui n'avaient pas été retenus, à savoir, premièrement, refermer les pouvoirs de la corporation essentiellement en milieu industriel et, deuxièmement, en ce qui touche l'enseignement.

On est frappé lorsqu'on étudie ces deux points de vue, de se rendre compte que les buts que la corporation poursuit ne semblent pas nécessairement être reliés à la protection du public, mais semblent beaucoup plus être une mesure de coercition pour forcer les gens qui seraient qualifiés à appartenir à la Corporation des chimistes professionnels de s'y joindre. Ni du côté industriel, ni du côté de l'enseignement, on a tellement fait état de personnes qui pourraient, sans être compétentes, exercer les fonctions de chimistes, mais on a beaucoup plus à l'esprit des gens qui ont reçu une formation de chimistes à l'université ou dans des collèges d'enseignement et qui, pour toutes sortes de raisons, ne se sont pas joints à une corporation assez jeune. On voudrait, par un dispositif de la loi, forcer ces gens non pas pour protéger le public davantage, mais augmenter le nombre des membres, et donner peut-être plus de cohésion à la profession.

Je reviens sur les deux points pour expliquer pourquoi le gouvernement n'a pas tenu compte de ces réclamations. Je prends le deuxième point, l'enseignement. Lorsqu'on regarde les autres lois professionnelles, en matière d'enseignement, souvent c'est l'exception inverse que nous avons faite. Souvent, on a fait l'exception de gens qui pouvaient ne pas posséder toutes les qualifications et qui pouvaient être quand même admis dans la corporation professionnelle, pour autant qu'ils avaient le statut de professeur agréé ou de professeur titulaire dans une faculté québécoise. On pense à certains spécialistes, dans une discipline donnée. Je vais prendre un cas d'espèce. On pourrait avoir, en notariat ou en droit, un spécialiste de droit constitutionnel qui n'a jamais plaidé devant les cours. En droit, l'exemple ne vaut pas, mais dans certaines disciplines, en agriculture, on pourrait concevoir cela, soit un très grand spécialiste dans une des sciences de l'agriculture, qui n'a pas la formation nécessaire dans d'autres aspects de l'agriculture, qui ne peut pas être admis dans la Corporation des agronomes mais qui soit tellement reconnu dans une science particulière de l'agriculture qu'on l'accepte, puisqu'il a le statut de professeur, qu'il jouisse des privilèges de membre.

Or, dans ce cas-ci, c'est un peu l'inverse. On voudrait avoir une disposition qu'on ne retrouve pas dans les corporations professionnelles, qui ferait de l'enseignement de la chimie ou même de l'enseignement dans une faculté de chimie un champ exclusif réservé uniquement à ceux qui ont satisfait toutes les conditions de l'Ordre des chimistes. C'est là que nous nous opposons, puisqu'à l'intérieur du programme de la faculté de chimie, on peut retrouver des disciplines qui peuvent avoir des experts pour les enseigner qui ne sont pas nécessairement chimistes et qui possèdent une connaissance très approfondie dans cette matière, particulièrement ceux qui pourraient provenir de champs connexes comme la physique et la physique nucléaire.

On prend un exemple. Pour l'enseignement de la cristallographie, dans les facultés de chimie, on conçoit facilement...

M. PAUL: Il n'y a plus de facultés de chimie, il y a seulement des facultés des sciences maintenant.

M. SAINT-PIERRE: le département de chimie dans une faculté des sciences. En cristallographie, on pourrait avoir un très grand spécialiste dont la formation, au départ, serait essentiellement celle d'un physicien, ou d'un ingénieur et qui, par des études poussées, des études postuniversitaires au niveau du doctorat ou de la maîtrise, aurait développé une compétence mondiale en cristallographie. Là, on comprend mal comment, compte tenu d'une définition très vaste dans la loi des chimistes, la cristallographie ne pourrait pas être interprétée comme une des sections de la chimie inorganique ou physique, puisqu'il s'agit de l'étude des cristaux.

D'ailleurs, dans les autres professions que nous avons étudiées, on voit que le législateur est très prudent de façon à ne pas confier exclusivement à une profession l'enseignement d'une faculté universitaire, compte tenu que, dans le milieu universitaire, il y a, il nous semble, beaucoup de dispositifs pour nous assurer que les charlatans n'enseigneraient pas une discipline donnée.

C'est pour cette raison que nous avons mis de côté cette demande concernant le champ de l'enseignement de la chimie, conscients qu'au niveau universitaire ou au niveau du CEGEP les autorités pédagogiques de l'institution font preuve, en général, de beaucoup de précaution avant d'engager les professeurs, qu'il y a moyen de vérifier sur le champ le niveau de compétence de ces personnes pour remplir le mandat qu'on leur donne et qu'il serait peut-être abusif d'en faire un champ exclusivement réservé aux chimistes.

D'autant plus que la chimie, telle qu'on la définit ici, couvre un secteur très vaste qui pourrait aller, somme toute, jusqu'à l'enseignement de la chimie au niveau de l'école élémen- taire, puisqu'on dit: "Moyennant rémunération de toute branche de la chimie pure ou appliquée, y compris, sans restreindre la portée de ce qui précède: la chimie organique, inorganique, physique, métallurgique, biologique, clinique, analytique et industrielle."

On comprend que, si on pouvait étendre cette définition à l'enseignement, on demanderait ou on exigerait pratiquement des chimistes professionnels pour l'enseignement de l'initiation à la chimie qu'on retrouve dans les classes élémentaires, ou de l'initiation aux sciences physiques. Cela nous semblerait avoir une portée abusive.

En milieu industriel, je ne nie pas qu'il y a peut-être — c'était le deuxième point soulevé par les chimistes — lieu, en amendement, de tenter de trouver des formules qui pourraient protéger davantage le public. Mais je pense que nous, les législateurs, nous devrions avoir uniquement à la pensée cette question de la protection du public, et non pas tenter de trouver un texte de loi qui va artificiellement grossir, et contre le voeu de ces gens-là, les rangs de la corporation des chimistes professionnels.

Le texte de loi prévoit que la direction de la chimie industrielle et ceux qui occupent les postes de cadres doivent être des chimistes professionnels. Je pense que la preuve n'a pas été faite que ceux qui exerçaient des fonctions à l'intérieur de départements de chimie industrielle n'étaient pas qualifiés. On sent plutôt, dans le mémoire de la corporation, qu'on déplore que des chimistes qui ont reçu une formation dans nos universités n'aient pas ce sens de l'appartenance pour donner leur adhésion aux objectifs de la corporation professionnelle.

Mais il me semble que ce serait un faux problème pour le législateur. C'est comme si ceux qui exercent la profession d'avocat non pas dans le contentieux des compagnies, mais uniquement dans le secteur des affaires étaient complètement désintéressés du Barreau. Je pense que vous avez, dans le Barreau, une classe particulière pour ceux qui ne pratiquent pas devant les cours, mais qui veulent garder un lien avec la profession.

Je pense que c'est uniquement avec les années, que la corporation, qui est très jeune — elle est née en 1964 — pourra bâtir cet esprit de cohésion et mieux définir son champ d'exercice, compte tenu des abus possibles.

Le député de Bourget l'a soulevé; il me semble que, si on tente d'inclure plus de dispositions qui forceraient l'appartenance à la corporation en milieu industriel, il nous faudrait presque restreindre ou, du moins, préciser la définition du champ de pratique qui actuellement, comme je l'ai expliqué, est très vaste.

Y a-t-il, à l'occasion, un milieu industriel qui théoriquement ne fait pas de la chimie métallurgique? Est-ce qu'on en viendrait à définir que tous ceux qui sont dans la soudure devraient avoir un chimiste professionnel derrière eux,

puisque, dans la soudure, on joue avec les principes de la chimie métallurgique? Je pense qu'on pourrait là, de façon abusive, restreindre la flexibilité normale qu'on doit retrouver dans les milieux industriels, compte tenu que la protection du public me parait, dans ces circonstances, assez difficile à justifier.

Sur ce deuxième point, disons que le gouvernement serait peut-être prêt à regarder des formules qui, sans aller aussi loin que celle demandée par la Corporation des chimistes professionnels, pourraient restreindre davantage que ne le font les articles actuels qui exigent, dans les milieux industriels — le paragraphe 14 actuel — que seul le chimiste chef de ses employés soit membre de la corporation. Il y a peut-être moyen d'étendre ceci un peu comme dans la Loi des ingénieurs mais en étant très prudent, compte tenu que le champ de la chimie que l'on enseigne à l'école élémentaire est défini d'une façon extrêmement large.

M. LAURIN: Est-ce que le ministre me permet de lui poser une question? Ne croit-il pas que l'argumentation qu'il vient de développer mutatis mutandis s'applique, comme il le laisse subodorer lui-même, au champ des ingénieurs, ce qui n'a quand même pas empêché tous les ingénieurs d'être inclus dans la Corporation des ingénieurs, tout en apportant les quelques modifications qui permettent cette inclusion? Etant donné que la corporation est plus jeune mais qu'elle va se développer probablement dans le même sens que celle des ingénieurs, est-ce que la loi ne devrait pas, comme je le disais tout à l'heure, établir une certaine prospective et favoriser un certain mouvement dans le même sens? Est-ce que le ministre ne pourrait pas nous dire, lui qui est ingénieur, que cette inclusion de tous les ingénieurs dans la corporation a favorisé indirectement la protection du public en assurant un contrôle de la qualité de l'acte professionnel beaucoup plus adéquat que celui qui existait avant que tous les ingénieurs soient inclus dans la corporation?

M. SAINT-PIERRE: Ce sont des objectifs très valables, que je partage avec vous, que vous soulevez. J'ai certains doutes si, artificiellement et du jour au lendemain, on oblige les trois quarts des chimistes à faire partie demain de la Corporation des chimistes, contre leur gré. N'y a-t-il pas un risque que ces gens, n'étant pas d'accord avec le geste posé par le législateur et étant pratiquement en majorité dans cette nouvelle corporation des chimistes professionnels, sabotent eux-mêmes le travail de la corporation puisqu'ils ont si peu foi dans leur propre corporation? Si on fait le parallèle avec les ingénieurs, pour retourner en 1922, ne voit-on pas que cela a pris quand même une vingtaine d'années pour bâtir un sens de l'appartenance? Aujourd'hui on retrouve, comme dans d'autres professions, chez les ingénieurs une espèce de volonté de reconnaître les objectifs de la corporation, de tenter de l'appuyer dans son travail. J'ai senti qu'en milieux industriels, et là j'aurais une autre réserve, chez les chimistes cela ne semble pas partagé. On n'a pas l'impression que le travail est à ce point individuel, mais relié au public, qu'il nécessite une appartenance obligatoire et un contrôle très sévère au niveau de l'éthique professionnelle. Au moins chez l'ingénieur, même chez celui qui est dans une très grande entreprise, il y a quand même un travail individuel qui, une fois sanctionné, devient un plan suivi par après par un entrepreneur. Chez les chimistes, on sent moins cette relation directe entre le chimiste salarié et le public en général qui utilise son travail. D'autant plus — et là j'attire votre attention — que dans la Loi des ingénieurs la définition des travaux d'ingénieurs, c'est-à-dire toute la description des ouvrages qui est très détaillée, de même que la définition du champ de pratique, c'est-à-dire la préparation des rapports, la préparation des plans, la surveillance des travaux, tout cela fait l'objet d'une définition beaucoup plus précise que celle qu'on retrouve actuellement chez les chimistes. C'est peut-être dans ce sens qu'on pourrait tenter de mieux définir le champ de pratique pour ne pas le laisser aussi vaste qu'ici. J'ai un peu l'impression que, si on le donnait tel que demandé, demain ils pourraient intenter des poursuites à gauche et à droite à des gens qui peuvent toucher de près ou de loin à la chimie métallurgique, comme je l'ai mentionné tantôt. Les pouvoirs judiciaires seraient impuissants à dire que ça semble être contre le bon sens puisque le législateur l'a accordé. Il faudrait trouver coupable quelqu'un qui, de très loin et sans que la protection du public soit mise en cause, aurait, en matière de soudure, donné un avis sans être un chimiste professionnel.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. PAUL: Nous demandons le vote enregistré sur le projet de loi.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les députés!

Vote de deuxième lecture

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la deuxième lecture du projet de loi no 263 veuillent bien se lever s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Garneau, Goldbloom, Quenneville, Tetley, Drummond, Saint-Pierre, Massé (Arthabaska), Mailloux, Arsenault, Perreault, Brown, Blank, Saindon, Pearson, Assad, Bacon, Caron, Carpentier, Cornellier, Dionne, Faucher, Giasson, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lafrance,

Lamontagne, Larivière, Pelletier, Shanks, Gratton, Loubier, Paul, Cardinal, Tremblay (Chicoutimi), Cloutier (Montmagny), Croisetière, Demers, Gauthier, Roy (Beauce), Latulippe, Brochu, Drolet, Guay, Béland, Laurin, Burns, Léger, Charron, Joron, Lessard.

LE SECRETAIRE: Pour: 51 Contre: 0

LE PRESIDENT: La motion est adoptée.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose d'abord que le projet de loi soit déféré à la commission parlementaire spéciale des corporations professionnelles.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: Article 23.

Projet de loi no 260 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce propose la deuxième lecture du projet de loi no 260, Loi modifiant la loi des ingénieurs.

M. Guy Saint-Pierre

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'acceptation à cette Chambre.

Vous comprendrez que — pour différentes raisons, tant du fait de ma propre profession que du fait que j'ai exercé les fonctions de registraire à la Corporation des ingénieurs — c'est avec un certain plaisir que je présente devant cette Chambre aujourd'hui le projet de loi 260 qui est une révision de la Loi des ingénieurs. Très brievement, les ingénieurs, après les infirmières, représentent au Québec, la plus importante de nos corporations professionnelles en ce qui touche le nombre, la quantité, soit 14,000. Je laisse à chacun de vous le soin d'évaluer...

M. PAUL: Il y a des exceptions dans la quantité.

M. SAINT-PIERRE: ... de juger leur contribution, que nous avons eu l'occasion d'évoquer, au progrès économique du Québec. Le projet de loi, comme les autres, s'inscrit dans une mise à jour de la Loi actuelle des ingénieurs, qui date de 1964, bien que la corporation existe depuis 1922. C'est d'ailleurs, sur le plan canadien, la première des associations provinciales qui ait donné lieu, par la suite, à d'autres associations dans les différentes provinces canadiennes.

Nous y avons apporté bien sûr — en plus des concordances avec le code des professions — en ce qui touche la composition du bureau, la présence de gens de l'extérieur — ici, on reconnaîtra qu'en plus du président et de 20 administrateurs nommés par les membres, il y aura quatre représentants nommés par l'Office des professions — des modifications qui me paraissent relativement importantes et que j'aimerais brièvement vous expliquer. On comprendra que dans le texte réimprimé, dans les amendements mêmes que le gouvernement se propose d'y faire, nous ayons refusé certaines des demandes qui nous étaient parvenues de la Corporation des ingénieurs et qui sont reliées, comme pour les motifs de ce refus, à ce qu'invoquait hier le député de Montmagny. Il y a en particulier les réserves que pouvait avoir l'Association des architectes, concernant une certaine prudence, l'inclusion dans le champ de pratique exclusif des professions de termes qui pourraient être trop vagues, trop imprécis et qui pourraient donner lieu, par la suite, à un cloisonnement entre les différents corps professionnels.

C'est ainsi que nous avons refusé certaines des demandes qui nous sont venues en ce qui touche la définition de l'exercice de la profession pour refuser des termes qui étaient assez vagues, en particulier, planifier, contrôler et diriger des travaux. Il nous a semblé que même les travaux reliés au travail du génie, le contrôle, la planification et la direction de ces travaux peuvent appartenir à plus d'un professionnel qui s'y retrouve comme maître d'oeuvre, suivant les circonstances, qui pourrait être à la fois un architecte ou un urbaniste ou même, dans d'autres cas, des gens qui ont fait une spécialisation et dont les clients apprécient leur compétence de gestion. On sait que la gestion, ou l'administration n'est pas, en soi, un champ exclusif de pratique dans nos corporations professionnelles. La gestion de travaux de chantiers de construction, le "management" de ces travaux ne nous paraissait pas devoir être une prérogative exclusive des ingénieurs.

Nous avons retenu, cependant, d'autres définitions dont j'aimerais vous faire part brièvement. Nous avons retenu une demande, de leur part, de réserver aux ingénieurs forestiers uniquement le titre d'ingénieur forestier. Cela me semble conforme d'ailleurs à l'esprit de la Loi des ingénieurs forestiers que nous avions hier. Dans la loi actuelle, on permettait aux ingénieurs forestiers de se donner le titre d'ingénieur sans avoir le droit de pratique de l'ensemble du champ de pratique réservé à la Loi des ingénieurs.

Lorsqu'on lit la Loi des ingénieurs forestiers, on sent bien une protection pour le titre d'ingénieur forestier et, associé à ce titre précis, un champ de pratique précis. Il nous semblait créer une certaine confusion et ouvrir la porte à certains abus comme permettre à des ingénieurs forestiers qui n'ont pas l'habileté de faire des plans de charpente, disons, de présenter comme ingénieurs et de laisser croire au public qu'ils

sont habilités ou qu'ils ont la compétence d'exercer des travaux reliés aux charpentes, à la mécanique et à l'électricité.

De même, nous avons accepté une modification qui sera unique pour l'ensemble des professions. Pour les fins de l'administration, pour la corporation, la résidence, plutôt que le lieu de pratique, sera le terme retenu tant pour l'établissement des sections que pour la tenue du registre des ingénieurs. Il y a, chez plusieurs de ces membres, la nécessité de vaquer d'une façon temporaire à certains travaux de chantiers et si nous avions retenu la disposition générale qui prévoyait le lieu de pratique, je pense qu'il y aurait eu plusieurs inconvénients à avoir constamment des changements d'adresse pour reconnaître des modifications dans la pratique. C'est pour cette raison que nous avons retenu le lieu de la résidence.

Nous avons également refusé, je pense, la demande de tenir à plusieurs endroits, autres que Québec et Montréal, des examens annuels pour ceux qui veulent se présenter à la corporation.

On sait que ces examens ne sont pas destinés, en général, à ceux qui ont une formation universitaire, qui, eux, sont admis uniquement sur la foi de leurs diplômes. Ces examens sont plutôt destinés à ceux qui auraient complété les trois quarts ou les quatre cinquièmes d'un cours universitaire et qui auraient été obligés d'abandonner leurs études; à des gens qui ont pu suivre des cours de techniciens professionnels et qui, pendant une longue période, se sont préparés à subir des examens de même niveau que les examens universitaires. Il y a, en général, une douzaine d'examens qui sont donnés. Nous avons cru que Montréal et Québec étaient suffisants et que ce serait, encore une fois, ouvrir peut-être la porte à certains abus de permettre que ces examens se tiennent dans les quatre coins de la province où il peut être difficile d'avoir une surveillance qui nous assure, encore une fois, que ces gens ont réellement les qualifications voulues.

Une disposition très importante et qui est une modernisation au texte de la loi actuelle touche deux points: d'abord, l'inscription non obligatoire comme membre étudiant. Nous avons délaissé cette disposition de la loi actuelle qui obligeait les étudiants de deuxième année des facultés de génie à s'inscrire comme membres étudiants. Compte tenu du grand nombre d'étudiants et compte tenu du peu de signification que pouvait avoir cette inscription, sinon occasionner des frais à la fois pour les étudiants et pour la corporation, nous avons abandonné cette disposition. Ceux qui auront obtenu leur diplôme d'ingénieur ou leur baccalauréat en sciences appliquées pourront obtenir, par le fait même, leur qualification comme membres. Il ne sera pas nécessaire d'avoir une inscription, qui ne signifiait pas beaucoup dans les faits, comme membre étudiant.

Egalement — là, c'est une disposition qui touche, je pense, une politique de justice sociale — nous avons enlevé la nécessité de l'enregistrement de brevets pour ceux qui voulaient se préparer aux examens. La loi actuelle exigeait que ceux qui voulaient se préparer à l'examen passent un contrat devant un notaire, avec un tuteur ou un type qui devait s'assurer de leurs progrès sur le plan strictement matériel. Or, compte tenu de la longue période requise pour passer ces examens, il s'ensuivait que les gens étaient obligés de se présenter, tous les six mois ou tous les deux ans, devant un notaire pour rédiger un nouveau contrat, car, lorsqu'ils avaient changé d'emploi, ils devaient changer de tuteur. Il en résultait, vous comprenez bien, pour les 3,000 ou 4,000 étudiants qui visaient à préparer ces examens un amoncellement de documentation qui, somme toute, ne signifiait pas grand-chose.

M. PAUL: Je m'excuse auprès de l'honorable ministre. Ses propos sont tellement à point, plus qu'intéressants, que je voudrais qu'il y ait plus de ses collègues qui l'entendent. C'est pourquoi je vous signale le défaut de quorum.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les députés.

L'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. SAINT-PIERRE: Pour terminer, tel que je le mentionnais, cette obligation de se présenter devant un notaire et de conclure un nouveau contrat entraînait des coûts très élevés pour des gens qui, somme toute, ont beaucoup de mérite, puisque ce sont des gens qui, à la suite de soirées d'étude, tentent de passer des examens de la corporation. On a vu des cas — j'en connais moi-même — de gens qui, pendant huit ou neuf ans ont étudié, à raison de deux ou trois soirs par semaine, pour finalement obtenir leur diplôme d'ingénieur après avoir passé les quinze ou seize examens. C'étaient des gens qui, au départ, avaient uniquement, peut-être, une formation de technicien mais qui, par un travail personnel, ont réalisé cela.

Pour ceux-là, on modernise donc considérablement le processus requis, on réduit les frais d'administration nécessaires tant pour l'étudiant que pour la corporation. On s'en remettra plutôt à des lettres de recommandation que pourraient fournir des gens qui ont travaillé avec ces personnes.

Au niveau du chapitre très important de la définition des travaux qui constituent le champ de pratique de l'ingénieur, nous avons retenu certaines des recommandations qui nous avaient été faites, en particulier celle d'ajouter le mot "viaduc" à chemin de fer, voie publique, aéroport et pont. Je pense que "viaduc" correspond à une réalité d'aujourd'hui. Nous avons également retenu la disposition "installation reliée à un système de transport". Nous croyons que le mot "installation" a un sens, quand

même, de quelque chose de physique et que la protection du public est réellement mise en cause, puisque le système de transport, tant sous son aspect de génie civil, de charpente, que sous son aspect d'automatisme, que de génie électrique, c'est-à-dire des dispositifs de sécurité qu'on retrouve dans les chemins de fer ou le transport en commun, mériteraient d'être inclus dans les travaux. Jusqu'ici, on ne les retrouvait pas définis. Alors, nous avons ajouté ces termes.

Nous comptons, en amendement — ce n'est pas dans le texte réimprimé car une erreur s'est glissée — ajouter deux autres demandes, celle des fausses charpentes et autres ouvrages temporaires utilisés durant la réalisation des travaux de génie civil. Je pense que si on parle de protection du public, il faut également avoir à l'esprit la protection des ouvriers. Les ouvrages de fausses charpentes et les ouvrages temporaires réalisés durant la construction m'apparaîssent recueillir, dans leurs conceptions, des connaissances appropriées, sinon ce sont les ouvriers qui sont mis en cause. On a à l'esprit la tragédie à l'échangeur Turcot et d'autres accidents qui ont pu survenir.

D'ailleurs, l'ancien gouvernement en avait reconnu l'urgence et, en 1967, il avait adopté un arrêté en conseil qui obligeait les ingénieurs à signer les plans de fausses charpentes. Ici, nous comptons ajouter cette disposition dans le texte de loi, pour en faire le champ de pratique des ingénieurs.

Nous comptons également ajouter tout ce qui touche la mécanique des sols, nécessaire à l'élaboration des travaux de génie, qui n'y était pas dans la loi actuelle. Je suis un peu en désaccord avec le mémoire de l'Association des architectes, qui trouvait qu'un géologue pouvait avoir autant d'aptitudes qu'un ingénieur pour la mécanique des sols. Je pense que la mécanique des sols n'est pas la connaissance du sol, des couches, des strates géologiques, mais que c'est beaucoup plus l'interaction entre le sous-sol, la terre arable, le roc et autres sous-sols et les fondations d'une structure de génie civil.

Il me semble qu'il y a, quand même, un lien qui dépasse la connaissance du géologue qui peut avoir une très bonne connaissance du sous-sol, mais qui n'a pas la préparation pour dire si les poids ou les charges auxquels sont soumises les fondations d'un édifice, d'un pont, etc., vont permettre une interaction avec le sous-sol telle que l'ouvrage ne sera pas en danger à cause d'affaissements ou d'autres jeux semblables.

De même, nous avons rejeté des demandes de la Corporation des ingénieurs, et je veux les expliquer. On voulait ajouter le mot "agricultu-raux" dans la disposition qui actuellement parle des travaux électriques, mécaniques, hydrauliques, aéronautiques, électroniques et thermiques.

Il nous a semblé que les travaux du génie "agricultural" — il y a différents termes qu'on emploie pour ça — n'étaient pas, à proprement parler, un champ exclusif de l'ingénieur. C'était simplement un milieu différent dans lequel les sciences de l'ingénieur s'appliquent.

Pour autant qu'à la ferme on applique des connaissances qui tombent actuellement sous la Loi des ingénieurs, on présuppose que les plans devraient être signés et scellés par l'ingénieur. Mais on ne croit pas que les travaux agriculturaux dans leur ensemble doivent être uniquement l'apanage des ingénieurs. S'il y a des travaux électriques, mécaniques, de structure à la ferme, ils peuvent revenir à l'ingénieur suivant leur importance et s'ils rencontrent les termes de la loi, mais il n'y a pas une science de l'agriculture qui, appliquée à l'ingénieur, devrait lui appartenir uniquement.

De la même façon, nous avons rejeté leur demande pour inclure "autres travaux du domaine du génie municipal" comme étant une définition trop générale qui, d'ailleurs, dans les notes qu'ils nous avaient fournies, touchait à l'évaluation. Il ne nous semble pas que ce soit une science qui appartienne uniquement aux ingénieurs. Les gens peuvent avoir d'autres formations et être capables de procéder à l'évaluation des bâtiments dans une municipalité. "Autres domaines du génie municipal" nous a semblé un terme trop vague. Nous avons préféré ajouter des dispositifs plus précis.

De la même façon, nous comptons rejeter une demande de leur part d'ajouter le terme "travaux de génie relatifs à la protection du milieu écologique". Il s'agit de bâtiments, de travaux, d'installations physiques qui sont actuellement couverts par la loi, même s'ils sont faits sous l'emprise de travaux visant à protéger l'écologie, ils seront de la responsabilité de l'ingénieur.

Cependant, vouloir réserver uniquement aux ingénieurs les travaux relatifs à la protection du milieu écologique nous semble abuser par rapport à d'autres disciplines, en particulier la biologie et d'autres disciplines connexes qui, au cours de ces récentes années, se sont penchées sur les problèmes écologiques.

Un peu plus loin, nous avons ajouté, dans les types d'examens ou de spécialisations pour permettre à des étudiants d'accéder à la corporation, trois disciplines qui s'enseignent dans les universités et qui n'étaient pas couvertes par la loi actuelle. Ici, il y a nécessité de faire une distinction entre un examen, une spécialité, une spécialisation dans le champ de pratique de l'ingénieur et une exclusivité dans le champ de pratique.

On peut avoir, à l'université, une spécialisation qui soit le génie industriel. Il me semble alors logique que certains étudiants, en plus d'avoir à démontrer une compétence dans des matières de base: physique, chimie, mathématiques, résistance des matériaux et autres, aient une spécialisation qui soit celle du génie industriel, c'est-à-dire touchant les méthodes de production, les "time and motion studies", tous les dispositifs du génie industriel.

Mais de là, donner un champ exclusif aux

ingénieurs en génie industriel, ça me semblerait abusif. C'est pour cela que nous avons ajouté dans les dispositifs d'examens trois nouvelles spécialisations: d'abord, le génie agricultural. Sans vouloir le reconnaître comme un champ de pratique exclusif, nous admettons que, dans les universités, dans le moment, il y a des gens qui se spécialisent dans ce secteur et qui peuvent apporter à l'industrie de l'agriculture des connaissances particulières, sans nécessairement leur reconnaître une exclusivité par rapport aux agronomes ou autres.

De la même façon, nous avons reconnu le génie géologique et le génie industriel qui n'étaient pas dans les programmes de spécialisation.

En passant, je mentionne que l'ensemble de ces spécialisations a fait l'objet de discussions au niveau national avec les autres provinces et les autres universités. C'est un programme commun avec des examens différents, qui est utilisé dans toutes les provinces canadiennes et qui permet une certaine mobilité chez les ingénieurs de sorte que quelqu'un peut passer trois ou autres examens au Québec, recevoir des crédits à la suite de ces examens, être envoyé par son employeur en Colombie-Britannique et passer trois ou quatre examens à l'Association des ingénieurs de la Colombie-Britannique. Ce sont des crédits qui s'ajoutent constamment, des dispositions ayant été prises pour s'en assurer.

Je l'ai mentionné en passant pour dire l'intérêt qu'il y a au Québec de reconnaître ces disciplines, sans cela nos gens et ceux des autres provinces pourraient avoir des difficultés.

A l'article 29, nous avons également, dans le cadre de la protection du public, des dispositions qui me paraissent fort importantes. La loi de 1964 avait exigé que les plans et devis utilisés dans les travaux de génie portent le sceau et la signature d'un ingénieur, mais cette loi avait été difficile d'observance puisqu'aucune disposition ne donnait accès aux chantiers de construction aux enquêteurs de la corporation qui auraient voulu vérifier si, dans des travaux comme ceux de Place Québec par exemple, on utilisait véritablement les plans de structures signés et scellés par un ingénieur — c'est peut-être plus important — membre de la Corporation des ingénieurs du Québec.

Nous avons donné, à l'article 29, des pouvoirs d'enquête qui ne nous semblent pas abusifs et qui permettent, dans des temps raisonnables, à des enquêteurs qui devront s'identifier d'avoir accès aux chantiers de construction pour vérifier d'eux-mêmes que les plans ont bel et bien été signés et scellés. Dans le passé, lorsqu'on tentait de faire une preuve, il était toujours facile à la dernière minute, pour celui qui sentait la pression, de se retrouver avec des plans signés et scellés après coup, de telle sorte que l'observance de la loi devenait difficile.

Finalement, la loi permet l'établissement par la corporation — ce sont de nouvelles dispositions — d'une caisse de retraite et d'un fonds de secours pour ses membres. M. le Président, nous avons d'autres petits amendements qui nous ont été signalés depuis ce temps, à la fois par la corporation et d'autres groupes et que nous pourrons considérer en commission. Je pense que le projet de loi permettra une meilleure protection du public, particulièrement en ce qui touche les travaux de génie, et nous permettra une modernisation accrue du champ de pratique de l'ingénieur sans pour autant donner flanc à des abus qui nous avaient été signalés par la corporation, c'est-à-dire qu'en élargissant le champ d'action, comme le signalaient les architectes, nous risquions d'avoir dans la loi des termes trop vagues pouvant établir des compartiments et étendre abusivement le champ de pratique des ingénieurs. Merci.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, comme il s'agit d'un problème de génie, vous conviendrez que nul autre que le député de Montmagny n'est plus qualifié pour traiter de cette question. Je voudrais tout simplement demander au ministre si l'information qu'il a donnée est bien celle que j'ai comprise. Il a mentionné que la Loi des ingénieurs professionnels remonterait â 1922, c'est bien ça?

M. SAINT-PIERRE: J'ai dit que l'association a été formée vers 1922. La loi actuelle est de 1964 mais elle date de...

M. PAUL: J'avais cru lire quelque part que la première loi de la corporation professionnelle des ingénieurs remontait à 1898.

M. SAINT-PIERRE: C'est possible.

M. PAUL: Et que 1922 était l'époque du premier tarif des ingénieurs approuvé par le lieutenant-gouverneur en conseil. J'avais donc très bien compris le ministre.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Montmagny.

M. Jean-Paul Cloutier

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, à la suite de cette mise au point importante du député de Maskinongé, je voudrais faire quelques remarques en deuxième lecture sur le projet de loi de la corporation des ingénieurs. Je comprends que le ministre ait fait, à l'occasion de l'étude de cette loi, sa meilleure, sa plus substantielle, sa plus enthousiaste intervention, étant donné qu'il s'agit de sa corporation professionnelle, qu'il la connaît bien et surtout

qu'il en a été le registraire pendant un certain nombre d'années. Mais je sais, M. le Président, que même si le ministre apporte une attention toute particulière au projet de loi 260, il portera également une attention soutenue aux autres projets de loi dont il a la responsabilité.

Il est conscient également que la Corporation professionnelle des ingénieurs est, comme je l'ai dit hier, au centre des autres corporations professionnelles qui touchent tout ce secteur, que j'appellerai "technique", des ingénieurs et des architectes.

Le ministre est conscient, et il en a parlé dans son intervention de deuxième lecture, des problèmes que pose la définition du champ d'exercice de l'ingénieur. J'en ai parlé hier, à l'occasion du projet de loi des architectes, mais je voudrais y revenir, M. le Président, pour expliciter davantage certains points et diriger mes interventions surtout vers la profession des ingénieurs.

Le ministre n'a pas traité dans son intervention de cette autre catégorie de professionnels, de diplômés, que sont les techniciens. J'en ai seulement dit un mot hier. Il y a là un groupe extrêmement important que l'on reconnaît actuellement. On les appelle les techniciens professionnels du Québec. Ils ont soumis des mémoires importants à la commission parlementaire et ils ont souligné également à cette occasion, les techniciens professionnels, le problème de tous ces diplômés de niveau CEGEP qui sont diplômés des techniques, que ce soient les techniques administratives, les techniques forestières, les techniques humaines, qui ne posent pas exactement le même acte professionnel, mais qui travaillent dans le même secteur.

Donc, les techniciens professionnels, si on en prend deux en particulier, le maître-mécanicien en tuyauterie, le maître-électricien, sont deux groupes de techniciens qui travaillent en étroite collaboration et aux mêmes endroits, dans les mêmes chantiers, aux mêmes projets que ceux que dirigent les ingénieurs professionnels.

Ils ont demandé une reconnaissance à la commission parlementaire. Ils ont demandé d'être reconnus comme corporation professionnelle à titre réservé. Le ministre des Affaires sociales, dans son discours de deuxième lecture sur le bill 250, sans se référer particulièrement à ce groupe de professionnels, a dit, je ne le cite pas au texte, substantiellement qu'à l'audition des mémoires devant la commission parlementaire et à écouter les groupes qui sont venus faire des représentations, il lui semble important d'étudier davantage des demandes qui ont été faites dans ce sens-là et d'ouvrir — le mot n'est peut-être pas exact, les dossiers sont ouverts — mais de pousser plus loin dans certains dossiers l'étude de ces demandes qui ont été faites et l'étude également de l'acte professionnel de ces différentes corporations, en relation avec l'acte professionnel disons d'une corporation majeure comme celle des ingénieurs.

J'imagine que le dossier des techniciens professionnels, des techniciens en sciences forestières, des techniciens en génie civil, M. le Président, de n'importe quelle dénomination, de tous ces techniciens, a véritablement posé le problème devant la commission parlementaire. On a répondu à ce moment-là, que, dans les critères du bill 250, la formation n'était pas le critère qu'il fallait retenir. On a dit qu'il y avait d'abord la protection du public, le secret professionnel, le danger pour le public qu'il y ait des abus, que le public ne soit pas protégé, enfin, les quatre ou cinq critères qui servent à déterminer quels groupes sont reconnus comme corporations professionnelles.

La loi permet d'accepter plus tard, moyennant que des lettres patentes soient émises, les demandes d'autres groupes qui veulent être reconnus comme corporation professionnelle à titre réservé. Si c'est une corporation professionnelle avec un champ de pratique exclusif, ce sera une loi spécifique de l'Assemblée nationale qui les reconnaîtra.

Il y a là un problème non seulement entre les corporations professionnelles à caractère exclusif, qui ont un champ de pratique connexe comme les ingénieurs, les architectes, mais il y a aussi d'autres groupes, que j'ai mentionnés antérieurement, qui devront faire l'objet d'une réflexion additionnelle quand nous serons en commission parlementaire. Je voudrais déjà que le ministre de l'Industrie et du Commerce prenne note que quand nous passerons sur l'article de la définition de l'acte professionnel ou sur des articles qui se prêteront à cette discussion — dans le bill 250, les critères, je crois, sont à l'article 23 ou 24 — il nous faudra discuter de ces demandes qui n'ont pas été acceptées dans l'annexe 1 du code des professions et qui nous semblent mériter une réflexion additionnelle. Les ministres responsables de ces lois nous indiqueront quelles demandes, à leur avis, doivent faire l'objet d'une étude prioritaire par rapport à d'autres demandes. Je ne poursuis pas plus loin la nomenclature des groupes qui, à mon sens, ont fait des représentations importantes à cet effet. Vous les connaissez, M. le Président, la Société des traducteurs en est un, les bibliothécaires professionnels sont un autre groupe et d'autres ont fait des représentations dans ce sens-là.

Le ministre a parlé tantôt de la définition du champ d'exercice. Le ministre nous a dit: Nous avons accepté telle demande des architectes, nous avons refusé telle demande des ingénieurs. Je voudrais souligner au ministre — c'est important — qu'en date du 3 novembre 1972 une entente est intervenue entre les architectes et les ingénieurs. Après discussions, ils en sont venus à une entente signée par le président de l'Association des architectes de la province de Québec, M. Jean Ouellet, et le président de la Corporation des ingénieurs du Québec, M. Robert J.S. Delisle. Ils ont signé à Montréal, le 3 novembre 1972, une entente au sujet des

représentations faites par les deux corporations à la commission parlementaire des professions.

Ma remarque est la suivante. Pendant l'audition des mémoires à la commission parlementaire, pendant que la commission poursuivait ses travaux voilà que deux corporations professionnelles se sont rencontrées à la même table de discussion; elles ont fait le tour des problèmes communs au sujet de la définition du champ d'exercice et ont conclu une entente. Cette entente est substantielle et je la résume brièvement pour montrer dans quel sens ont été orientées ces discussions et ce à quoi elles ont abouti. 1 ) L'Association des architectes renonce aux oppositions formulées dans son mémoire supplémentaire du 20 mars 1972 et portant une série de numéros. Ce qu'on doit retenir c'est que l'Association des architectes renonce à certaines oppositions qu'elle avait formulées sur des dispositions d'autres corporations professionnelles. 2) La Corporation des ingénieurs retire la demande contenue dans son mémoire de février 1972 relative au projet de loi 260 — le projet de loi qui la concerne — au sujet du pouvoir "de planifier, de contrôler et diriger les travaux". C'est ce que le ministre nous a dit tantôt. 3 ) La Corporation des ingénieurs du Québec modifie la demande contenue dans son mémoire de février 1972 relative au projet de loi 260 et propose que le pouvoir qui est requis à l'article 3a) soit ainsi formulé: "Faire la conception desdits travaux en collaboration avec les autres professionnels dans les domaines qui sont de leur compétence".

L'entente ajoute: "Ceci, en plein accord avec l'Association des architectes..." Voilà un autre point sur lequel les deux corporations professionnelles se sont entendues. 4)La corporation des ingénieurs modifie la demande contenue dans son mémoire de février 1972, au sujet de l'article 2 a) et propose que cet article soit ainsi formulé: "Les chemins de fer, les voies publiques, les aéroports, les ponts, les viaducs, les tunnels et autres systèmes de transport dont le coût excède $3,000, à l'exclusion des chemins de colonisation du gouvernement et des chemins ordinaires dans les municipalités rurales."

Cela aussi, en plein accord avec l'Association des architectes. Le ministre l'a dit tantôt, il y a fait allusion en disant qu'on avait ajouté le mot "viaduc" et qu'on avait parlé des autres systèmes de transport. 5)La corporation des ingénieurs ne manifeste aucune opposition aux représentations contenues au mémoire de l'Association des architectes, de février 1972, relativement au projet de loi no 259.

J'ai donné la substance de cette entente pour montrer comment il était possible que deux corporations professionnelles, qui ont des problèmes communs dans la définition du champ d'exercice, peuvent, dans une ou plusieurs rencontres, avoir une bonne discussion, peuvent en venir à des ententes qui vont permettre à ces deux corporations d'oeuvrer dans l'harmonie et permettre ainsi à chacune d'elles d'évoluer et de pouvoir rendre des services à la population.

Cela renforce l'argument que j'avançais en deuxième lecture sur le projet de loi no 250, à savoir qu'il serait important que les mécanismes soient mis en place pour faciliter la discussion, le dialogue entre les différentes corporations professionnelles. Si cela a été fait, à l'initiative des ingénieurs et des architectes qui, j'imagine, sans être forcés d'aucune façon, ont senti le besoin de tenir cette réunion, de faire cet échange, d'en venir à cette entente, je crois qu'il serait désirable aussi que d'autres corporations professionnelles fassent de même, et s'il faut y ajouter un mécanisme de forte incitation, parce que, dans certains cas, il est difficile d'amener certains groupes à s'asseoir à la même table, les divergences leur apparaissant tellement fondamentales, qu'ils hésitent d'entreprendre cette discussion, il faudrait le faire par des mécanismes.

D'autres aspects sont intéressants au sujet de la Loi des ingénieurs. Le ministre a dit, il y a un instant, qu'il y avait une exclusivité dans cette loi, soit que le lieu de résidence était le terme reconnu, et la modalité reconnue, pour l'exercice de certaines formalités.

Il y a d'autres corporations professionnelles qui ont demandé que le lieu de résidence et non le lieu de travail, soit le terme reconnu dans leur loi. Je voudrais, ici, anticiper sur un débat que nous allons avoir, à savoir sur la loi des infirmières, pour souligner au ministre de l'Industrie et du Commerce, qui fera le message au ministre des Affaires sociales, que les infirmières demandent aussi que le lieu de résidence soit le terme reconnu. Dans leur mémoire, elles ont amplement explicité les raisons. Cela paraît évident. Le ministre des Affaires sociales avait même accepté sur le champ, à la commission parlementaire, cette demande des infirmières.

D'ailleurs, c'est la seule corporation professionnelle qui avait reçu autant d'attention de la part du ministre des Affaires sociales et qui avait reçu, sur le champ, des réponses aux demandes qu'elle faisait.

Mais ce qui est arrivé par la suite — peut-être que le ministre a voulu se reprendre — c'est que les réponses affirmatives qu'il avait données cette journée-là n'ont pas été traduites dans la nouvelle version du projet de loi. Peut-être que le ministre a voulu reprendre ce geste qu'il avait posé à l'endroit des infirmières.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il avait été guidé par le sentiment.

M. CLOUTIER (Montmagny): Le député de Chicoutimi, qui est un observateur du comportement et de l'attitude des ministres, a porté un jugement qu'il faudra étudier davantage, mais je crois qu'il est assez juste. Nous y reviendrons lorsque nous étudierons le projet de loi des

infirmières, parce que je serais peut-être hors d'ordre à ce moment-ci.

Cette suggestion touchant cette exclusivité, qui en est une maintenant et qui n'en sera pas une lorsque nous aurons étudié d'autres projets de loi, était importante et je félicite le ministre de s'être rendu à cette demande des ingénieurs. Il y a, à la fin du mémoire que les ingénieurs ont présenté à la commission parlementaire, une partie qui est extrêmement importante et que nous n'avons pas eu le loisir, en commission parlementaire, d'étudier suffisamment. C'est au sujet de la composition ethnique, de la composition linguistique ou de l'évolution linguistique de la corporation des ingénieurs. Peut-être que le député de Gouin voulait toucher cet aspect. Disons que je lui ouvre une porte, mais cela reste dans le cadre du débat.

Il est intéressant de constater la répartition linguistique des ingénieurs. Le ministre nous a dit, tantôt; qu'il y avait 14,000 ingénieurs. Il y en a 14,600. C'est effectivement le deuxième groupe en importance après celui des infirmières. Dans les membres actuels, il y a 53 p.c. de francophones et 47 p.c. d'anglophones. Dans les étudiants en génie, au Québec, il y a 65 p.c. de francophones et 35 p.c. d'anglophones. Alors, on voit qu'il y a une amélioration du côté des étudiants en génie.

L'évolution linguistique des diplômés en génie, premier cycle. En 1955, il y avait 45 p.c. de francophones et 55 p.c. d'anglophones. En 1960, il y avait 58 p.c. de francophones et 42 p.c. d'anglophones. En 1965, il y avait 69 p.c. de francophones et 31 p.c. d'anglophones. En 1970, il y avait 68 p.c. de francophones et 32 p.c. d'anglophones. En 1972, il y avait 72 p.c. de francophones et 28 p.c. d'anglophones. Voilà un secteur professionnel où l'on a déploré longtemps que les francophones ne prenaient pas la place qui leur revenait, pour toutes sortes de considérations et toutes sortes de raisons. M. le Président, si vous me permettez une remarque un peu plus personnelle, quand j'étais finissant au collège de La Pocatiè-re, je me souviens que, sur une promotion d'une quarantaine ou d'une cinquantaine de finissants au cours classique, il n'y eut, en 1944, que trois étudiants qui embrassèrent la carrière du génie civil, qui allèrent en polytechnique. Il y avait d'autres spécialités comme ingénieur chimiste, etc. C'était la première promotion, presque la première promotion depuis les 120 ans d'existence du collège de La Pocatière, où il y avait des finissants qui allaient vers le génie civil, en polytechnique. Imaginez-vous, la nouveauté, la sensation! Pour ma part, comme finissant, je me dirigeais vers l'Ecole des hautes études commerciales. Encore là, dans les carrières économiques, j'étais, à toutes fins pratiques, un des premiers étudiants à se diriger vers cette profession. C'était la première promotion d'après-guerre, si l'on veut, en 1944. J'imagine que c'était la même chose dans les autres collèges à partir desquels on accédait aux études universitaires. La plupart des étudiants optaient pour le notariat, le droit, la médecine et la prêtrise.

Enfin, vous voyez, M. le Président, que c'étaient ces vieilles corporations professionnelles de prestige dont on parlait hier, à l'une desquelles vous appartenez, M. le Président, et dont vous êtes l'un des plus brillants porte-couleurs, si vous me permettez l'expression.

Une évolution importante s'est faite de ce côté. Je pense qu'il est important de le signaler. Parce que la Corporation professionnelle des ingénieurs, comme les autres corporations professionnelles qui ont donné un coup de barre, soit dans les carrières de génie ou dans les carrières économiques, parce que les Hautes études commerciales, la faculté de commerce de l'université Laval et celle de l'Université de Sherbrooke ont aujourd'hui des centaines, pour ne pas dire des milliers d'étudiants, la corporation a certainement fait, dis-je, des efforts pour faire du recrutement, d'abord, et aussi pour que, du côté francophone, on soit de plus en plus sensibilisé aux besoins que les finissants des collèges viennent poursuivre des études universitaires dans ces professions qui avaient été délaissées.

La Corporation des ingénieurs, dans son mémoire, va plus loin que cela, en ce sens qu'elle suggère également une résolution. Dans les recommandations que fait la Corporation professionnelle des ingénieurs, on lit à la page 8: "Attendu que la Corporation des ingénieurs du Québec comprend un nombre à peu près égal d'ingénieurs francophones et anglophones; — on l'a vu tantôt par les statistiques que j'ai données — "Attendu qu'une enquête a démontré que 97 p.c. des ingénieurs francophones sont bilingues, que la plupart d'entre eux ne se trouvent pas dans l'industrie; "Attendu que les ingénieurs sont au premier niveau de commande du travail et qu'il leur incombe donc de porter le fardeau du bilinguisme plutôt que de laisser cette tâche aux travailleurs; "Attendu que les ingénieurs détiennent les postes de direction dans l'industrie et dans l'économie et qu'il est important qu'ils soient bilingues, afin d'exercer une plus forte influence sur la qualité, la productivité et la sécurité; "Considérant la loi régissant le bilinguisme dans l'étiquetage des biens de consommation et qu'il est donc équitable d'avoir une politique semblable pour les documents utilisés dans la pratique du génie; "Considérant l'article 42 du code des professions — ici, M. le Président, je pense que c'est maintenant l'article 44 avec le nouveau code, mais on vérifiera — qui exige une connaissance pratique de la langue française de la part d'immigrants pour être admis à l'exercice de professions au Québec et qu'il est donc normal

d'exiger la même connaissance de la part de tout nouveau membre de la corporation", on suggère la recommandation 241; "La corporation recommande qu'à partir de 1976, tout candidat désirant être admis comme membre possède une connaissance pratique de la langue française, sous réserve de l'exception prévue à l'article 44 pour l'émission de permis temporaires".

Il y a aussi la recommandation 242: "La corporation recommande également qu'à partir de 1976, tout document, tel que plans, devis, code, standard, normes etc. publié pour usage, au Québec, soit produit en français ou dans les deux langues".

M. le Président, voilà une corporation professionnelle — je ne voudrais pas, à ce moment-ci, faire un débat sur la langue — qui a été à même de constater, en pratique, d'abord que, au sein de la corporation, que l'élément francophone des membres, assurément, ne remplissaient pas les cadres en nombre tels qu'ils devaient les remplir ici, dans le Québec. Deuxièmement, depuis plusieurs années, dans leur pratique professionnelle, ils ont constaté des problèmes de la langue. Ils ont fait des suggestions dans leur mémoire.

Alors, il y a moyen pour des corporations professionnelles de sortir du cadre strictement légal et pratique des articles qui concernent purement et simplement les mécanismes de fonctionnement d'une corporation professionnelle et de se préoccuper d'autres problèmes. Le problème de la langue, qui concerne la majorité des corporations professionnelles et particulièrement les ingénieurs, est important. Je voulais souligner cet aspect qu'ils ont soulevé dans leur mémoire et que nous n'avons pas eu le temps d'explorer suffisamment en commission parlementaire.

Je termine ici mes remarques au sujet des ingénieurs en disant qu'il s'agit là d'une corporation professionnelle importante, qui a également un rôle très important à jouer dans la construction du Québec. J'espère que la loi que cette Chambre va adopter et qui fait suite à des demandes répétées de la part de la Corporation des ingénieurs — il y a longtemps qu'ils travaillent à la réforme de leur loi professionnelle — va être pour eux un outil de développement et d'épanouissement au service de la population en général.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Gouin.

M. Guy Joron

M. JORON: Je remercie d'abord le député de Dorchester de me permettre de parler avant lui, parce que je dois rencontrer des gens à l'extérieur de la Chambre. Je voudrais faire brièvement les quelques remarques que nous inspire le projet de loi qui est présenté sur les ingénieurs.

J'aimerais simplement situer l'importance de la profession, par son nombre, car on sait qu'il n'y a pas loin de 15,000 membres de cette profession, ce qui en fait une des plus importantes au Québec, mais aussi rappeler en guise d'introduction — et fort brièvement — le rôle historique, jusqu'à un certain point, qu'ont joué les ingénieurs dans notre société, pas seulement ici mais ailleurs également, depuis un siècle surtout.

C'est par excellence la profession — et on pourrait ajouter autour de ça les professions de nature scientifique, qui gravitent autour des mêmes soucis — qui a été dans une bonne mesure responsable du développement industriel que nous avons connu. C'est peut-être le développement de cette profession qui a indirectement amené un grand nombre de bienfaits matériels à l'humanité.

Je pense qu'il faut signaler ici le rôle historique qu'ont joué les ingénieurs dans l'évolution de l'humanité depuis un siècle. Mais précisément parce qu'ils ont été peut-être les premiers intéressés au développement de la technologie, des nouveaux moyens de production, tous ces développements qui ont amené une accumulation considérable de biens matériels que l'humanité n'avait jamais connus jusqu'à ce jour, il reste qu'au moment où on commence à parler de sociétés postindustrielles, les ingénieurs et les scientifiques en général sont face à un problème ou à un défi considérable. Dans le sens que la finalité même de leur profession est peut-être remise en cause à bien des égards.

Puisqu'on questionne dans tous les milieux davantage maintenant la qualité de la croissance économique et du développement, par opposition à la quantité qui avait été l'unique souci dans le passé, on peut commencer à se demander si, chez les ingénieurs et dans la formation que reçoivent les ingénieurs, une place suffisante est faite pour développer chez les futurs ingénieurs cette conscience que je n'appellerais pas uniquement sociale, mais cette conscience plus vaste du pourquoi de leur activité et du pourquoi de leur profession.

Ce n'est pas tout d'être rivé à des objectifs de productivité, d'efficacité, de rentabilité.

Nos ingénieurs plus que d'autres pourront peut-être se demander maintenant à quoi tout cela va servir et quelle est l'utilité optimale que la société ou que l'humanité en tire. Cela dit, il faut constater, plus spécifiquement au Québec, un problème qu'a évoqué tout à l'heure le député de Montmagny en ouvrant la porte à la question linguistique. On sait — et je me contente tout simplement de le répéter — que les ingénieurs au Québec se divisent à peu près en deux parties égales entre anglophones et francophones. C'est une situation en quelque sorte anormale puisqu'on sait que les francophones au Québec représentent 80 p.c. de la population. On sait aussi, d'après les chiffres que nous citait tout à l'heure le député de Montmagny,

que cette proportion est en train de changer puisque les inscriptions en 1972 dans les écoles de génie, montrent que 72 p.c. des élèves sont francophones et 28 p.c. anglophones. La situation est donc en train de s'inverser. Pourquoi? Je pense qu'il est intéressant de se demander ici, à partir de quand et en raison de quoi cette situation a commencé à changer.

On constate, que les ingénieurs qui sont au nombre de 15,000 diffèrent considérablement des autres professions, soit les médecins ou les avocats, en ce sens que fort peu d'ingénieurs, somme toute, travaillent à leur compte. Je vous rappelle, si mes chiffres sont exacts, qu'ils sont 12,000 à 13,000 salariés. Quand on parle de la Corporation des ingénieurs, quand on parle des ingénieurs au sens large, on ne doit pas les voir de la même façon que les avocats ou les médecins. Les ingénieurs qui travaillent à leur compte ou les bureaux d'ingénieurs-conseils, ne sont pas ceux qui représentent la majorité des ingénieurs. La grande partie des ingénieurs sont des salariés; en gros, on peut dire qu'une bonne partie travaillent dans le secteur public, dans l'administration publique, pour les municipalités, pour le gouvernement, dans les différents ministères, pour les entreprises parapubliques comme 1'Hydro-Québec et d'autres. Finalement — et c'est peut-être encore la plus grande partie — les autres travaillent pour le secteur privé, surtout, j'imagine, dans le monde industriel.

Si les chiffres que je mentionnais tout à l'heure sont en train de s'inverser vers une plus grande participation des francophones à cette profession, il faut souligner — je pense que c'est extrêmement important — que l'élan de ce mouvement a commencé, cette évolution a commencé vers les années soixante, à un moment où, au Québec, on a développé considérablement le rôle de l'Etat, la dimension et les responsabilités de l'administration publique, et à un moment aussi où l'Etat a posé certains gestes comme, par exemple, la nationalisation de l'Hydro-Québec qui emploie des centaines d'ingénieurs. C'est à partir du moment où on a offert aux ingénieurs francophones des débouchés dans un milieu et dans un cadre francophone que la proportion a commencé à s'inverser alors que le même phénomène — et je pense qu'il faut le souligner — n'existe pas dans l'entreprise privée. Si l'Etat du Québec, depuis 1960, n'avait pas assumé de plus grandes responsabilités, n'avait pas élargi son rôle et s'il n'était pas aussi intervenu dans certains domaines de l'activité économique, je mentionne tout simplement l'exemple de l'Hydro-Québec parce que c'est le plus important, la proportion que l'on constate aujourd'hui au niveau de l'enrôlement dans les écoles ne se serait probablement pas modifiée.

Il y a une relation très directe entre l'expansion des secteurs public et parapublic et la participation des francophones à cette profession. Ce qui m'inquiète, au moment où on dit qu'il y a 72 p.c. des étudiants inscrits dans les écoles de génie qui sont francophones, c'est de savoir s'ils vont avoir un débouché quand ils auront terminé leurs études.

Il semble bien que le mouvement d'accueil, si vous voulez, ou la capacité d'accueil du secteur privé, du secteur industriel pour les ingénieurs francophones est infiniment moindre et que, si ce n'était d'une extension soutenue des secteurs public et parapublic, on se demande où une bonne partie de ces futurs diplômés trouveraient de l'emploi.

Il y a un problème considérable, parce que les ingénieurs ont ceci de particulier, c'est que, plus que tous les autres professionnels, ils sont directement impliqués dans les centres de décision importants dans l'économie. Au niveau des cadres supérieurs ou des cadres intermédiaires des grandes entreprises industrielles, au niveau des conseils d'administration aussi, on retrouve bon nombre d'ingénieurs.

Les ingénieurs, donc, plus probablement que n'importe quelle autre profession, certainement plus, en tout cas, que les notaires ou que les médecins ou même que les avocats, même si on retrouve dans l'industrie bon nombre d'avocats, mais, la plupart du temps, dans les tâches spécialisées — les remarques que je fais là vaudraient probablement pour les comptables dont on va parler un peu plus tard — sont impliqués dans les secteurs de prise de décision économique.

Cela pose évidemment tout un problème. Si la loi que nous étudions aujourd'hui avait comporté des dispositions sur la langue, des dispositions, par exemple, rendant la connaissance complète et véritable du français obligatoire pour l'exercice de cette profession, on aurait vu que l'objectif que le gouvernement dit poursuivre depuis quelques années de faire du français la langue de travail dans l'industrie et la langue de promotion économique ainsi de suite aurait eu passablement plus de chances de se réaliser.

C'est un moyen par lequel on aurait pu tout de suite introduire, si vous voulez, le français dans les centres de décision économique à travers les ingénieurs, puisque les ingénieurs, plus que n'importe quels autres professionnels, comme je disais tout à l'heure, sont impliqués dans ces centres de décision.

Je pense qu'il faudra garder ça à l'esprit. L'autre remarque que je voudrais faire, M. le Président, a trait à un sérieux problème au niveau des deniers des contribuables. Je ne veux pas soulever de chicane ou de débat inutile, mais ce n'est un secret pour personne que les ingénieurs et d'ailleurs, peut-être à un degré moindre, les architectes, sont parmi les principaux contributeurs aux caisses électorales des différents partis politiques. Là, je ne vise personne en particulier, à l'exception, bien entendu, de notre parti. Justement, je parle en connaissance de cause, parce qu'il nous est arrivé d'avoir à refuser, à la campagne de 1970,

des souscriptions qui nous étaient proposées justement par des bureaux d'ingénieurs.

M. HARDY: Vous acceptez plus facilement celles des bureaux de courtiers.

M. JORON: On n'en a pas reçu des bureaux de courtiers, non plus.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, sur un rappel au règlement. Voulez-vous rappeler à l'ordre l'ex-vice-président de l'Assemblée nationale, parce que notre règlement prévoit que l'on ne peut interrompre un opinant sans lui demander le droit de lui poser une question.

M. HARDY: M. le Président, je me suis retenu si longtemps qu'on pourrait me pardonner quelques petites incartades, mais je conviens que le rappel au règlement du député de Maskinongé est fondé et vais tenter de continuer à être sage.

M. JORON : M. le Président, je disais que les bureaux d'ingénieurs ou les ingénieurs sont parmi les principaux contributeurs aux caisses électorales des partis politiques. Il ne faut pas se faire d'illusions. Dans un autre domaine, on discutait la semaine dernière avec le ministre de l'Industrie et du Commerce du problème du pain, du phénomène des "loss leaders" dans les supermarchés, puis on disait: Si l'épicier subit une perte sur le pain, il se rattrape quelque part ailleurs sur un autre produit. Globalement, il n'est certainement pas perdant.

Le même phénomène existe dans un cas semblable. Il est bien entendu que le public finit par payer cette pratique dans les devis, puis dans les prix que soumettent les ingénieurs. Ils le reprennent quelque part et ça revient quelque part, déguisé sous forme de frais fixes, ces contributions aux partis politiques. Je ne vois pas exactement où ça pourrait s'introduire dans la loi, mais possiblement, lors de l'étude article par article, on pourrait trouver un amendement qui protégerait davantage la profession.

Je n'accuse pas les ingénieurs de faire cela avec une mauvaise intention. Ils sont en quelque sorte victimes d'un système et les premiers responsables sont probablement les législateurs qui n'ont pas légiféré avant sur tout ce problème. Je ne veux pas accuser inutilement les ingénieurs. Peut-être qu'on pourrait les garantir, par contre, contre cette pratique.

Je voudrais souligner un dernier point, de nature plus spécifique, plus particulière, qui a trait à l'une des demandes que les ingénieurs faisaient dans leur mémoire. On a parlé tout à l'heure — le ministre l'a expliqué et le député de Montmagny a aussi soulevé le sujet — des nouveaux pouvoirs que la nouvelle loi donne aux ingénieurs d'enquêter pour vérifier, sur un chantier, si les plans et devis portent la signature d'un membre de la corporation. On a évoqué le désastre de l'échangeur Turcot et d'autres cas semblables.

Les ingénieurs, si ma mémoire est fidèle, réclamaient davantage que ce pouvoir de vérifier les signatures que leur concède la nouvelle loi. Ils réclamaient des pouvoirs en quelque sorte voisins de ceux des commissaires-enquêteurs qui, sur un chantier, peuvent ordonner l'arrêt des travaux lorsqu'ils constatent qu'il y a une menace à la sécurité et dans le but de prévenir les accidents de travail, les accidents de la construction. Cette demande des ingénieurs nous paraissait passablement bien fondée. Peut-être, lors de l'étude article par article, aura-t-on l'occasion de proposer un amendement pouvant élargir les pouvoirs que confère l'article 23 de la loi de façon que non seulement un enquêteur de la corporation puisse vérifier la signature des plans et devis mais qu'il puisse, à l'occasion, suspendre des travaux, par exemple. On sait que dans des situations semblables il ne suffit pas de constater une situation, de faire rapport et ensuite utiliser un processus qui peut être parfois très lent avant qu'une action soit prise. Quand ce sont des questions où il y a danger de vie ou de mort, il faut agir rapidement.

A première vue — nous serions curieux d'entendre ce que le ministre a à dire sur ce sujet — il nous aurait paru opportun d'élargir encore davantage ce nouveau pouvoir que l'on confère aux ingénieurs. En résumé, je vous rappelle que nous allons voter en faveur de ce projet de loi, même s'il ne répond pas entièrement à nos exigences, spécifiquement celle portant sur la langue et se reliant à tout le problème que je vous signalais au début. Il reste, comme pour l'ensemble des autres lois traitant des différentes professions, qu'il s'agit d'un effort de rationalisation et de modernisation de nos lois qui doit entraîner notre appui.

M. LAURIN: M. le Président, sur un point de règlement. Avant que ne commence à parler le député de Dorchester, je voudrais vous signaler que nous n'avons pas quorum.

M. HARDY: M. le Président, je me demande si ça va aider au quorum si le député de Bourget parle.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les députés!

L'honorable député de Dorchester.

M. Florian Guay

M. GUAY: M. le Président, très brièvement, quelques commentaires sur le projet de loi no 260 qui touche les ingénieurs.

Le ministre a été peut-être plus éloquent sur ce projet de loi, premièrement parce que, de

droit, il en est le parrain et deuxièmement, il est touché plus directement comme professionnel. C'est peut-être ce qui a fait que le ministre a apporté plus d'attention à ce projet de loi qu'aux autres, sans vouloir porter d'accusation concernant les autres projets de loi. C'est absolument normal.

Ce qui a été soulevé par les opinants qui m'ont précédé, c'est surtout la définition du champ de pratique qui sera désormais donné aux ingénieurs. On n'a pas besoin de revenir sur l'importance de la profession. On n'a qu'à regarder dans quel champ de pratique ces professionnels travaillent et on se rend compte qu'ils ont une responsabilité extraordinaire à assurer.

Le champ de pratique des ingénieurs semble très, très vaste. Mais les ingénieurs en ont soulevé eux-mêmes, les dangers dans leur mémoire. Je pense qu'il est bien honnête de leur part d'avoir porté à l'attention du législateur la définition du champ de pratique de l'ingénieur. A la page 12 de leur mémoire, ils le disent bien que "rien, dans la présente loi, ne doit porter atteinte aux droits d'une personne habilitée à exercer la profession d'architecte — le ministre y a touché — cependant à la condition qu'elle ait la collaboration d'un ingénieur".

Cette loi ne doit pas non plus informer les droits des membres de corporations de techniciens professionnels ou empêcher l'exécution, par un membre desdites corporations, de tout travail effectué en vertu de la formation reçue dans les écoles ou institutions qui donnent des cours techniques. Bien sûr, il va falloir, autant que possible, je pense bien, en commission parlementaire, en troisième lecture, apporter une attention bien spéciale à tous ces champs de pratique qui touchent de très près à la pratique de la profession d'ingénieur.

Dans le mémoire, on souligne également que cette loi ne devrait pas empêcher une personne d'exécuter ou de surveiller des travaux à titre de propriétaire — un propriétaire, je pense, a des droits qui lui sont réservés bien strictement, un entrepreneur, par exemple, qui se verrait indirectement sous surveillance d'une autre personne — ni un surintendant, un contremaître ou un inspecteur de faire quand même le travail qui lui revient. Bien sûr, ce danger soulevé par les ingénieurs pourrait, si on s'étendait trop dans cette définition, restreindre l'exercice normal d'un artisan ou d'un ouvrier spécialisé.

Il faut qu'il y ait cette collaboration entre les différentes professions qui touchent de près les mêmes champs de pratique et partagent parfois ces mêmes champs de pratique. En commission plénière, il s'agira donc d'analyser la portée de chacun des mots qui définissent ou qui précisent le champ de pratique des ingénieurs. Je pense bien que cela ne sera pas trop difficile, puisque ce sont eux-mêmes qui l'ont demandé.

Le ministre a également souligné que le lieu de résidence a été retenu au lieu du lieu de pratique. Je pense que c'est absolument normal et on pourra revenir à des arguments qui ont été soulevés par d'autres groupes. Ceci aura peut-être pour effet, par exemple, au cas où il y a beaucoup de correspondance adressée à la personne au lieu de travail, d'éviter un surcroît de travail à ceux qui auraient à redistribuer ce courrier ou à corriger des erreurs d'adresse, etc.

Si c'est bon pour, les ingénieurs, je me demande pourquoi cela ne serait pas applicable à d'autres professions. Je me réserve le droit de revenir sur des cas particuliers en troisième lecture.

Etant donné que le principe dans le projet de loi no 260 est sensiblement le même que celui des lois que nous avons étudiées précédemment, je souscris au principe. Le principal objet de ce projet de loi est la définition du champ de pratique. Nous reviendrons dont en commission parlementaire sur ces points, tout en précisant maintenant que nous donnons notre accord de principe.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de l'Assomption.

M. Jean Perreault

M. PERREAULT: M. le Président, seulement deux mots. Je veux d'abord répondre au député de Gouin, qui mentionnait le nombre accru des inscriptions aux facultés de génie dans les différentes universités et qui s'inquiétait des débouchés possibles lorsque ces étudiants auront obtenu leur diplôme. Je puis l'assurer que des études démontrent qu'en 1978, 1979 et 1980 il y aura pénurie et non pas surplus d'ingénieurs.

Deuxièmement, on sait qu'il y a eu un surplus au cours des années passées et que le domaine de l'ingénieur est relié de très près à l'économie ainsi qu'à l'offre et à la demande. Lorsque l'économie va bien, la demande des ingénieurs s'accroît. Alors, il est prévu que, pour les années à venir, il n'y a aucun problème.

L'autre problème touché par le député de Montmagny a été celui des techniciens. C'est un domaine que je connais très bien. Actuellement, il y a un comité de formé comprenant des ingénieurs et des techniciens. Il a pour rôle de regarder de plus près le champ de pratique des techniciens à l'oeuvre dans le domaine du génie. Je pense bien qu'au cours des prochains mois ou des prochaines années, un mémoire sera soumis. Le technicien pourra s'inscrire dans le domaine des professions à titre réservé pour des domaines bien spécifiques. Ceci a été souligné à la commission parlementaire et j'avais alors proposé qu'on crée ce comité de liaison. J'ai rencontré les membres de la Corporation des ingénieurs et on m'a assuré que c'était déjà fait, qu'il y avait eu des rencontres et que cela devait aboutir bientôt.

Le troisième point souligné est la question du bill lui-même. J'ai rencontré les membres de la Corporation des ingénieurs. La corporation

elle-même est presque entièrement d'accord sur le bill révisé et les amendements qui seront amenés par le ministre en commission plénière. Je ne m'étendrai pas plus longuement, étant donné que le ministre a très bien couvert le champ de cette loi. Tout ce que je veux dire est que je suis en faveur de l'adoption de cette loi. Merci.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La réplique du ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Guy Saint-Pierre

M. SAINT-PIERRE: Je pense, M. le Président, que, dans l'étude, article par article, on pourrait reprendre la discussion. Je remercie les opinants qui ont bien voulu exprimer des avis, mais je pense qu'on a touché à des points tellement divers que je n'ai pas actuellement toutes les réponses.

Dans l'étude du projet de loi, article par article, on tiendra compte des points qui ont été soulevés et on pourra envisager des amendements.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que cette motion de deuxième lecture est adoptée?

Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la Commission

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, est-ce que je peux suggérer que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire spéciale du code des professions pour l'étude article par article?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. PAUL: M. le Président, est-ce que l'on pourrait suggérer qu'il est une heure?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.

M. PAUL: Bon, c'est ça. Merci. (Suspension de la séance à 12 h 44)

Reprise de la séance à 15 h 8

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs!

M. LEVESQUE: M. le Président, article 24, s'il vous plait.

Projet de loi no 261 Deuxième lecture

LE VICE PRESIDENT (M. Blank): Le ministre de l'Industrie et du Commerce propose la deuxième lecture du projet de loi no 261, Loi des arpenteurs-géomètres.

M. Guy Saint-Pierre

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, le lieutenant-gouverneur en conseil a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'adoption à la Chambre.

M. le Président, dans la réimpression du projet de loi no 261, les députés de cette Chambre remarqueront des modifications fort importantes par rapport au premier texte qui avait été soumis. Par des erreurs malheureuses, je pense que la réimpression du projet de loi no 261, la Loi des arpenteurs-géomètres, avait suivi le cours des autres professions alors que, parallèlement à ceci, une réforme en profondeur de la Loi des arpenteurs-géomètres avait déjà été entreprise depuis quelque temps. La réimpression que nous vous soumettons aujourd'hui traduit, dans une large mesure, les résultats de cet effort à la fois du gouvernement et de la Corporation des arpenteurs-géomètres pour arriver avec un texte qui est une refonte complète de la Loi des arpenteurs-géomètres.

La loi actuelle, qui date essentiellement de 1882, n'avait subi, à ce jour, que des amendements très mineurs. Il devenait nécessaire, compte tenu, comme l'a souligné la corporation elle-même, de l'évolution de la technologie, surtout devant les transformations profondes de nos sociétés, transformations qui ont nécessité des amendements majeurs à la plupart des lois qui régissent la propriété, au Québec, en particulier le code civil, le code de procédure civile, le code municipal, les lois des cités et villes, les lois d'expropriation, les lois d'évaluation, les lois de l'urbanisme, la Loi des mines, en particulier l'importance que prend de nos jours l'aménagement urbain sur notre territoire dans les projets de lotissement, dans les disputes impliquant les bornages, dans la révision cadastrale, les municipalités qui se développent, il nous paraissait, pour toutes ces raisons, nécessaire de procéder à une refonte complète de la Loi des arpenteurs-géomètres.

Depuis 1967, la corporation, avec ses conseillers juridiques et les conseillers du gouvernement d'alors, avait examiné en profondeur un nouveau texte de loi pour faire réellement non

seulement une mise à jour mais une approche complètement nouvelle de la loi devant guider le travail des arpenteurs-géomètres dans la province de Québec.

La loi que nous vous soumettons et sur laquelle je voulais parler brièvement aujourd'hui porte en particulier sur quatre points, où on retrouve des modifications majeures à la situation actuelle. Ces quatre points sont l'administration de la loi elle-même, l'admission à l'exercice de la profession d'arpenteur-géomètre, l'exclusivité de la pratique de l'arpentage et finalement, les pouvoirs et devoirs qui incombent à l'arpenteur-géomètre.

En ce qui touche l'administration de la loi, bien sûr, nous avons retenu ici toutes les dispositions pour rendre la Corporation des arpenteurs-géomètres conforme, dans son administration de tous les jours, aux dispositions des codes des professions en ce qui concerne, en particulier, la formation du bureau et la nécessité pour celui-ci de s'occuper et de réglementer tout ce qui est prévu dans le code des professions.

Le bureau des arpenteurs-géomètres comprendra un total de 14 administrateurs dont un président, dix administrateurs nommés par les arpenteurs eux-mêmes et trois représentants de l'Office des professions. Une modification qui est apportée touche le titre lui-même puisqu'à ce jour, l'exclusivité du titre touchait strictement le mot arpenteur, alors qu'ici, à la demande des membres de cette profession, nous avons ajouté le mot géomètre. Le nouveau titre parle donc d'arpenteurs-géomètres pour, dans un certain sens, reconnaître le caractère hautement scientifique et le développement de certaines sciences, la photogrammétrie et autres, qui ont donné une précision de plus en plus grande aux travaux de ces professionnels.

Le bureau, en plus des pouvoirs de réglementation que lui donne le code des professions, a aussi un pouvoir de réglementation beaucoup plus vaste que ceux que nous pouvions retrouver dans la loi de 1882, compte tenu, en particulier — comme je l'ai mentionné antérieurement — de l'évolution du système d'éducation au Québec, des changements technologiques et, en particulier, des modalités d'application du travail de ces professionnels dans leurs responsabilités de tous les jours.

En particulier, le bureau aura un pouvoir de réglementation pour participer, d'un commun accord avec les autorités universitaires, à l'élaboration des programmes d'étude, également un pouvoir de réglementation en ce qui touche à l'immatriculation des étudiants, de même que l'immatriculation de tous ceux qui désirent être admis à l'exercice de la profession.

Le pouvoir touche également la garantie contre leurs responsabilités professionnelles — et j'y reviendrai par un rapport — un pouvoir d'obliger les arpenteurs-géomètres de posséder les assurances-responsabilité à un niveau satisfaisant pour s'assurer que le public, en tout temps, sur le plan financier, possède des garanties solides contre toute erreur qui pourrait être imputable à un arpenteur.

Quatrièmement, le bureau peut également réglementer la fréquence avec laquelle les instruments de mesure doivent être vérifiés de même que le processus devant être suivi, les normes devant être respectées lorsqu'on vérifie l'exactitude, la précision de ces instruments de mesure. Le bureau aura également des pouvoirs de réglementation en ce qui touche la tenue des greffes des arpenteurs, c'est-à-dire l'ensemble des dossiers juridiques, procès-verbaux de bornage, cadastres et autres projets de lotissement qui devront être gardés dans le greffe de l'arpenteur. Ce greffe pourra à la fois être un greffe commun, lorsqu'un bureau d'étude regroupe plusieurs professionnels, et une réglementation particulière sous la tenue de ces greffes communs et qui en est responsable pourra être édicté par le bureau.

Finalement, le bureau aura un pouvoir de réglementation en ce qui touche la forme, les dimensions des bornes qui peuvent être utilisées par les arpenteurs pour établir les limites des propriétés, bornes qui ont une valeur légale en ce qui touche les titres de propriété des personnes. Au niveau de l'administration de leur corporation, nous retrouvons dans le projet de loi 261 les dispositions analogues que nous avons vues dans d'autres projets de loi, en particulier la formation d'un comité administratif. Dans celui-ci, des pouvoirs précis sont donnés au secrétaire de l'ordre. Le comité des examinateurs touche l'admission à l'exercice, ce qui n'existait pas dans l'ancienne loi, qui était assez vétusté à cet égard, puisque d'après la loi elle-même le comité des examinateurs ne pouvait se réunir qu'une seule fois par an pour juger des candidatures qui lui étaient soumises de telle sorte que si un individu échouait à un seul examen ou présentait sa candidature après la période de l'assemblée annuelle, il devait s'écouler une période de douze mois pour pouvoir soumettre de nouveau sa candidature.

Dans la nouvelle loi, le bureau aura le pouvoir d'établir le comité des examinateurs et de voir à édicter une réglementation en ce qui touche la tenue des examens et autres choses semblables.

Sur le deuxième point, l'admission à l'exercice — je voudrais être très bref — comme je l'ai mentionné, le comité des examinateurs pourra doter ce groupe professionnel de procédures beaucoup plus modernes, beaucoup plus dynamiques que ce pouvait être le cas autrefois. En particulier en ce qui touche l'enregistrement des candidats et la reconnaissance des diplômes, ce qui n'existait pas auparavant, nous pourrons retrouver des procédures conformes à ce que l'on retrouve normalement dans nos corporations professionnelles. Je tiens à signaler que la loi actuelle, en 1972, oblige encore le bureau à demander à tout candidat de passer un examen de géométrie et de trigonométrie, et Dieu sait

que ces matières sont maintenant enseignées au niveau secondaire et réellement elles sont non conformes aux exigences pour pratiquer la profession.

De même, l'article 39 de la loi actuelle, qui date de 1909, en ce qui touche ceci exige pour avoir le titre d'arpenteur, de passer des examens de géométrie descriptive, de géométrie analytique et de calcul différentiel, matières qu'on retrouve aujourd'hui tout au plus au niveau de nos collèges d'enseignement général et professionnel.

Il y avait donc au niveau de l'admission à l'exercice un nettoyage à faire; or, le texte de loi, je pense, rend les dispositions conformes à ce qu'on peut retrouver dans d'autres projets de loi analogues. Au niveau de l'exclusivité de la pratique, c'est-à-dire la définition du champ de pratique de l'arpentage, la première impression du projet de loi 261 avait essentiellement repris des termes plutôt vagues ou plutôt une loi qui demeurait évasive, imprécise et même archaïque en ce qui touche la définition du champ de pratique de l'arpenteur.

On retrouvera dans le projet de loi qui est devant nous actuellement, à l'article 34, une définition qui nous semble beaucoup plus moderne, beaucoup plus à jour de la pratique de l'arpentage, une définition qui, je crois, n'empiète pas sur la responsabilité des autres professionnels mais qui permet de bien cerner l'intention du législateur en accordant aux arpenteurs-géomètres une responsabilité particulière.

L'article 34, on le voit, touche les arpentages de terrain, les mesurages aux fins de borner, les bornages, les levés de plans, les confections de plans, de procès-verbaux, de rapports, de descriptions techniques de territoires, de certificats de localisation et de tous documents ainsi que toutes opérations faites par méthode directe, photogrammétrique, électronique ou autre, se rapportant de quelque manière que ce soit — et là ce serait le champ de pratique exclusif de l'arpentage — au bornage à caractère judiciaire, à caractère légal, au lotissement qui sont intimement reliés à l'aménagement urbain et qui sont dans une large mesure responsables un peu de la façon dont nos villes sont établies, de l'établissement d'assiette de servitude, de piquetage de lots, de relevés de lacs, rivières, fleuves et autres eaux du Québec, ainsi qu'aux calculs de superficies enfin tout ce qui touche la propriété privée qui est reliée à ce groupe.

Nous croyons que l'article 34 du projet de loi qui est conforme d'ailleurs aux demandes de la Corporation des arpenteurs-géomètres, n'est pas abusive et donne une définition précise de ce qui devrait, en 1973, être le champ de pratique exclusif des arpenteurs-géomètres.

Finalement, on trouve diverses dispositions dans le projet de loi, dans la section IX et suivantes, ce que je pourrais appeler les pouvoirs et responsabilités de l'arpenteur. Ces précisions, ces dispositions touchent de nouvelles mesures en ce qui concerne la précision des instruments, des normes qui devront être suivies et promulguées par le bureau avec l'accord du ministre des Terres et Forêts qui est, dans la province de Québec, responsable de l'aménagement des points géodésiques de même que l'établissement de contrôle de l'ensemble du territoire. Je pense que c'est une disposition nouvelle qui est essentielle, pour que les arpenteurs soient au moins conformes dans la précision de leurs instruments avec le degré de précision que l'on peut trouver dans les points de repère qu'établit le ministère des Terres et Forêts dans le Québec. Les points géodésiques sont reliés tant sur la latitude que sur la longitude à l'ensemble d'un réseau au niveau international.

De la même façon, il y a des dispositions, compte tenu du caractère judiciaire et légal des travaux d'arpentage, particulièrement au niveau des bornages, pour empêcher que les aides des arpenteurs, les mesureurs, ne soient pas des alliés ou des parents des parties qui sont dans des bornages de terre. De la même façon, on empêche un arpenteur de signer des documents auxquels il n'aurait pas participé lui-même, sous sa supervision immédiate, sa direction immédiate, à des étapes de tout travail ou de tout levé dont il se voit confier la responsabilité.

Le projet de loi a également des dispositions qui me paraissent salutaires en ce qui concerne certains pouvoirs et privilèges des arpenteurs, pouvoirs qui touchent le droit de circuler sur les propriétés pour les fins de l'exercice de la profession. Il y a toujours — je pense que les avocats en sont témoins — de ces disputes de voisins où ça prend pratiquement la police pour passer sur le terrain aux fins d'établir le bornage ou les limites d'une propriété. Ce pouvoir des arpenteurs s'étend également à l'interrogatoire des témoins; à un refus de répondre, ils peuvent, par le moyen des cours, donner un subpeona particulièrement lorsqu'il y a des bornages judiciaires ou des bornages en particulier, de même que la demande de documents qui pourraient être nécessaires à l'arpenteur aux fins de délimiter la propriété.

Les dispositions à la fin touchent les greffes des arpenteurs, particulièrement les greffes communs. C'est une disposition, je pense, qui pourra donner le statut professionnel aux arpenteurs salariés puisque leur travail professionnel se trouve consigné dans un greffe commun et que le propriétaire du bureau d'étude ne peut, à sa guise, disposer de ce greffe.

C'est plutôt la majorité de ceux qui ont consigné des documents dans ce greffe qui pourront en disposer. Une réglementation est prévue également en ce qui touche la cession du greffe à d'autres et le dépôt du greffe au protonotaire en cas de décès où personne n'assume la responsabilité du greffe.

Je tiens à signaler, comme je l'ai évoqué tantôt, une des responsabilités qu'on trouve dans le projet de loi du ministre des Terres et Forêts et qui, dans ce cas-ci, est une dénomina-

tion qui revient à l'ancien régime, celle de l'arpenteur général de la province de Québec qui, bien sûr, possède certains pouvoirs de réglementation au niveau des normes et qui administre, au niveau du Québec, le service des cadastres du gouvernement, qui reçoit les projets de lotissement et qui doit les approuver.

Il y a un point sur lequel nous avons reçu des mémoires; je tiens à l'évoquer. C'est la question d'exiger des arpenteurs d'avoir une assurance de responsabilité professionnelle. Certains bureaux et certains individus se sont opposés au fait que souvent les compagnies d'assurance, étant mal placées pour évaluer les risques de clients qui pourraient demander une assurance professionnelle, dès qu'une action est intentée contre un individu, refusent de donner l'assurance, même si l'individu n'a pas été trouvé coupable. Il s'agit dans ce cas-là, j'en ai bien l'impression, d'un équilibre à retenir entre des gens qui ne peuvent s'assurer parce qu'ils ont des causes pendantes. Je suis certain que dans le pouvoir de réglementation qui est donné, les arpenteurs eux-mêmes pourront trouver des clauses d'exception afin de s'assurer qu'aucun préjudice sérieux n'est causé à quelqu'un qui n'a pas été trouvé coupable d'infraction et qui est incapable de trouver une compagnie d'assurance prête, même avec une prime élevée, à fournir cette assurance collective, ce qui pourrait l'empêcher d'exercer sa profession.

Je pense que dans le projet de loi no 261, comme dans les autres projets de loi, nous serons également ouverts, en commission parlementaire, à des amendements de l'Opposition. Je tiens à remercier les autorités de la Corporation des arpenteurs qui nous ont donné une approche très positive, une grande collaboration et un travail très fouillé.

Je pense que ce projet de loi représente une réforme importante des dispositions de nos lois québécoises même si ce Parlement, chaque année, doit voter un nombre peut-être trop grand de lois. On est toujours surpris d'apprendre que, dans ce cas-ci, c'est véritablement la première réforme depuis la première loi qui, comme je l'ai mentionné au début, datait de 1882. Je pense que le projet de loi actuel permet de moderniser la pratique de l'arpentage. Merci.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, au fur et à mesure que nous progressons dans l'étude des différentes lois spécifiques de nos professions, du moins pour celles parrainées par le ministre de l'Industrie et du Commerce, nous le voyons plus volubile, sans doute mieux préparé, maîtrisant la matière qu'il a à soutenir ou le principe de la loi qu'il a à défendre.

Il faut cependant reconnaître que les rela- tions sont assez étroites entre l'ingénieur et l'architecte. Je parle en général. Je suis sûr que le ministre, en sa qualité d'ingénieur, a très bien compris la logique, le bien-fondé des propos qui furent tenus à la commission parlementaire lorsque nous avons eu l'avantage d'entendre le mémoire des arpenteurs-géomètres de la province de Québec.

C'était inexplicable de la part du gouvernement de présenter un projet de loi qui, en quelque sorte, n'apportait que des changements mineurs à une loi remontant à l'époque victorienne de 1882, année où, pour la première fois, les arpenteurs-géomètres du Québec furent incorporés. Cette première loi, avec les amendements mineurs qu'on présentait, était archaïque, évasive. Elle a soulevé, avec raison, la protestation des gens de la profession, grandement affectés par l'intérêt, d'abord, qu'ils avaient apporté à l'étude du code des professions. Ces gens se voyaient grandement déçus de voir la qualité du projet de loi que le gouvernement leur offrait afin que ce groupe professionnel puisse, lui aussi, être régi par une loi d'espèce qui, sans enfreindre les grandes dispositions du code des professions, pouvait, en quelque sorte, leur donner certaines prérogatives nécessaires pour la protection du public, dans l'intérêt public, et pour leur permettre d'évoluer et de répondre à toutes ces réformes techniques et modernes devant lesquelles l'arpenteur-géomètre ne peut rester silencieux ou indifférent.

C'est pourquoi, vers les années 1960, la Loi des arpenteurs-géomètres a été modifiée, surtout à la suite des amendements nombreux que l'on retrouvait dans le code civil, concernant spécialement le droit de propriété, et à la suite, également, des importantes modifications apportées au code municipal, à la Loi des cités et villes, à la Loi d'évaluation et à la Loi d'expropriation.

Le gouvernement a donc saisi l'à-propos, la logique, le besoin de nous donner une nouvelle version de la loi 261 concernant les arpenteurs-géomètres. Aujourd'hui, nous étudions le principe de cette loi, qui est une refonte complète de la loi de cette corporation professionnelle. Ce projet de loi est conforme, dans la majorité des pouvoirs qu'on lui accorde, aux dispositions du code des professions. Il y a quelques petites erreurs, je ne sais si ce sont des oublis. Le ministre, tout à l'heure, a jugé de la valeur de l'Opposition qu'il a devant lui parce qu'il disait, en terminant ses propos de deuxième lecture: En commission élue, nous serons attentifs et disposés à accepter tout amendement venant de l'Opposition de nature à améliorer et à bonifier cette loi.

M. le Président, tout d'abord, en vertu de ce projet de loi no 261, nous aurons un bureau de direction formé de quatorze administrateurs, onze élus par les membres de la corporation et trois nommés par l'Office des professions. Les administrateurs élus se chargent de nommer un président et un vice-président. Comme cette

corporation compte plus de 500 membres, je demande au ministre pour quelle raison cette corporation n'a pas un bureau de direction de seize membres plutôt que de quatorze. C'est sûrement une erreur de copiste. Si on veut que cette loi réponde aux grandes normes du code des professions, il y aura peut-être lieu, en temps opportun, devant la commission élue, d'envisager un amendement en ce sens.

Par contre, la composition du conseil administratif de cette corporation satisfait à peu près aux dispositions du code des professions. En effet, ce bureau, ce comité administratif sera composé d'un président, d'un vice-président, de deux administrateurs élus et d'un administrateur nommé par l'office. Cependant, M. le Président, le code des professions exige trois administrateurs élus, alors que dans le projet de loi no 261, nous n'en avons que deux.

Peut-être une autre erreur de copiste, car il faut comprendre sous quelle pression les légistes ont travaillé un peu avant l'ajournement de Noël pour faire imprimer une législation abondante dans son ensemble, qui devait être distribuée à tous les professionnels, afin que ceux-ci sachent dans quelle voie ils évolueraient au sein de leur profession dans l'avenir, et pour savoir si les pouvoirs accordés à telle ou telle profession répondaient aux critères généraux que l'on retrouve dans le code des professions.

Il est intéressant de noter que, dans cette loi, conformément au principe du code des professions, les arpenteurs-géomètres ont vu leurs représentations exaucées par le gouvernement puisqu'on accorde...

M. le Président, vous savez que je ne veux nuire à personne. Si, par hasard, il y en a qui préfèrent prendre ma place pour continuer l'analyse du principe de cette loi, je le ferai avec plaisir. D'un autre côté, si l'Opposition ne participe pas au débat, le ministre va être comme d'habitude dans la noirceur, car la lumière ne vient pas de ses collègues, députés ministériels. On sait que la marque de commerce de ce Parlement, pour ceux qui siègent à votre droite, c'est le silence.

Si le ministre ne peut pas compter sur les lumières éclairées non pas de celui qui vous parle, mais de l'ensemble de la députation de l'Opposition, le ministre regrettera grandement ce manque de coopération de la part des collègues de son parti.

Je disais donc que ce projet de loi 261 comporte certains pouvoirs additionnels accordés au bureau de la corporation et qui sont en tous points conformes aux dispositions du code des professions. Avec ce pouvoir accordé de la constitution d'un bureau administratif, nous voyons que ce bureau aura lui aussi la tâche de collaborer avec les établissements d'enseignement des sciences géodésiques dans l'élaboration des programmes d'étude et la préparation aux examens ou autres mécanismes d'évaluation des étudiants et il déterminera les formalités relatives à l'immatriculation de ceux-ci.

Je me réjouis de cette mesure législative introduite dans la Loi des arpenteurs-géomètres. J'ai déjà eu l'occasion, dans l'étude des projets de loi précédents, de regretter de ne pas trouver cette même disposition législative dans tous les projets de loi relatifs aux corporations professionnelles. Le bureau pourra déterminer par règlement les conditions et les formalités d'immatriculation, d'exclusion ou de révocation d'un étudiant. Si on veut appliquer un véritable code d'éthique professionnelle au sein de cette corporation, comme au sein de toute corporation, il faut qu'il y ait vigilance, surveillance des actes que posent les étudiants d'une ou l'autre de ces corporations professionnelles.

Il faudra également sévir en temps nécessaire et aller jusqu'à l'exclusion de l'étude de la profession si la conduite de cet aspirant professionnel, avant d'être admis au sein de sa corporation, n'est pas conforme au code d'éthique professionnelle, non seulement de la profession qu'il veut embrasser, mais au code d'éthique professionnelle ou de déontologie tel que l'on retrouve dans les dispositions de la loi 250.

M. le Président, il faut également noter avec beaucoup d'intérêt l'obligation qu'impose la législateur à l'arpenteur-géomètre de voir à fournir une garantie, une police de responsabilités pour les dommages, les inconvénients, le préjudice que pourrait causer le professionnel dans l'exercice de sa profession par suite d'un manque de vigilance, à cause d'instruments non contrôlés, non vérifiés et qui pourrait entraîner un procès-verbal de nature à causer des dommages graves, ce qui pourrait faire encourir à ce professionnel une responsabilité. Et si sa responsabilité est couverte par une police de garantie, il va de soi que l'intérêt public sera sauvegardé, comme l'intérêt public doit être la seule motivation de cette Assemblée pour que toutes nos lois ou corporations professionnelles bénéficient des avantages de cette loi du code des professions.

Je crois de mon devoir de signaler avec plaisir le retour même temporaire parmi nous de notre collègue de Jacques-Cartier qui, après avoir subi un malheureux accident, était en mesure cet après-midi de faire un retour à l'Assemblée nationale. Nous nous en réjouissons tous et formulons des voeux pour que son retour à la santé soit définitif et complet le plus tôt possible.

Dans le but de protéger également le public, l'arpenteur-géomètre ou le bureau devra déterminer la fréquence à laquelle un arpenteur-géomètre devra comparer ses instruments de travail ou de mesure avec les normes et les étalons de normes reconnues par le lieutenant-gouverneur en conseil. C'est une excellente mesure; je suis certain que les arpenteurs-géomètres ne s'opposent pas à une telle disposition de la loi parce que c'est pour leur propre protection et c'est pour nous assurer qu'il y aura unanimité d'interprétation des différents rapports ou lectures que les instruments de science pourront démontrer.

Il y a également une autre disposition dans

cette loi qui est très importante et c'est celle relative au greffe que devra tenir un arpenteur-géomètre, un peu comme les notaires doivent le faire parce que l'arpenteur, dans ce mécanisme de travail spécialement lorsqu'il s'agit de déterminer où se termine et où commence la ligne de propriété d'un individu, il va de soi que l'arpenteur est appelé à jouer un grand rôle, celui d'arbitre quelquefois, pour faire accepter par l'une ou l'autre des parties, tout d'abord, une ligne existante, une révision de lignes ou l'acceptation de lignes nouvelles pouvant séparer deux propriétés contiguës.

Ce n'est pas toujours facile. Je sais que les arpenteurs-géomètres, et c'est tout à leur honneur, s'appliquent à faire non pas les pressions qui s'imposent, mais à faire les recommandations, à donner les conseils appropriés à ceux qui les consultent ou pour qui ils travaillent, afin de leur éviter les conséquences de fâcheux procès qui, par le passé, se sont avérés assez désastreux pour les parties en cause.

M. le Président, le travail de l'arpenteur-géomètre devient quelquefois celui d'un quasi-officier de justice lorsque, par autorité judiciaire, il est délégué pour mettre fin à un litige ou pour orienter le tribunal dans tout ce mécanisme d'arpentage. Heureusement que mon honorable ami, le leader du gouvernement — là, il me regarde, il se demande: Est-ce qu'il va m'envoyer des fleurs ou s'il va m'envoyer le pot? — a contribué, comme d'autres d'ailleurs, à réduire au minimum la lourdeur du mécanisme qu'avait l'ancien code de procédure civile dans les procédures de bornage. Connaissant l'esprit juridique du leader du gouvernement, je suis convaincu qu'il a grandement amélioré cette loi, cette partie de notre code de procédure civile qui traite de ce problème, si ma mémoire est fidèle, aux articles 760 et précédents et suivants.

Le rôle de l'arpenteur-géomètre est de plus en plus recherché par suite de l'évolution professive de la valeur des propriétés. De plus en plus, par suite des exigences bien légitimes des compagnies prêteuses des caisses populaires, on veut à tout prix déterminer, connaître les tenants et aboutissants d'un immeuble et, malgré tout le respect que j'ai pour l'ingénieur, il doit, un peu comme l'avocat, s'effacer devant la compétence reconnue, et qui doit être exclusive à l'arpenteur-géomètre, pour accomplir ce travail professionnel dans le but d'éviter des erreurs possibles qui, dans certains cas, peuvent se produire par des préjudices ou des dommages sérieux.

M. le Président, cette loi est grandement appréciée et j'ai bon espoir que le ministre ouvre davantage son entendement, qu'il garde cet esprit éveillé dont il a fait preuve ce matin, à l'occasion de l'étude de la Loi des ingénieurs, et qu'il garde cet après-midi. Je comprends maintenant pourquoi le ministre ne voulait pas, au début de cette séance, passer à l'étude de l'agronomie et à l'étude de la Loi des vétérinai- res. Il se sentira bien moins à l'aise et je n'ai pas d'inquiétude quant aux judicieuses remarques que voudra bien lui adresser un homme du métier, de l'expérience du député de Saint-Maurice, lorsque nous procéderons à l'étude de ces deux lois.

Je termine, M. le Président, en ne vous annonçant rien de nouveau.

Même s'il s'agit de projets de loi à chiffres impairs, nous allons appuyer cette loi tout en retenant certaines caractéristiques fort intéressantes et qui ne sont, en réalité, incluses dans ce texte législatif que pour sauvegarder l'intérêt du public. Il y a ce pouvoir et cette obligation du secret professionnel, cette obligation à laquelle devra se soumettre l'aide-arpenteur ou le technicien, les aides techniques de l'arpenteur pour que leur travail, comme celui de leur patron, soit toujours fait dans un esprit de désintéressement et sans aucune influence ou pression quelconque.

Il faut retenir de plus ce pouvoir quasi judiciaire qu'accorde le législateur à l'arpenteur mandaté par le tribunal de procéder à un arpentage judiciaire, d'interroger les témoins et même de les assigner, par la voie d'un subpoena, avec l'autorisation d'un homme de la cour compétente soit Supérieure ou Provinciale.

Je termine, M. le Président, en vous signalant l'intérêt que nous continuerons d'apporter à l'étude de cette loi en commission élue, toujours avec ce même esprit de collaboration pour non seulement protéger les droits et privilèges des arpenteurs-géomètres du Québec mais également dans le but de doter la population d'un autre mécanisme, d'une autre corporation professionnelle qui, après avoir adopté des règles d'éthique professionnelle et après s'être soumise aux dispositions du Code des professions, afin que le public soit dans la plus grande sécurité, dans la plus grande quiétude lorsqu'il fera appel à cette discipline professionnelle.

M. le Président, je vous remercie. Je suis certain que mes collègues pourront ajouter davantage aux propos que j'ai tenus même si c'est contre le désir du leader du gouvernement. Nous ne sommes pas habitués à subir les recommandations du gouvernement, nous sommes plutôt habitués à l'aiguillonner, à travailler en collaboration avec lui comme le ministre nous a invité à le faire cet après-midi.

M. LEVESQUE: Très bien.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Lotbinière.

M. Jean-Louis Béland

M. BELAND: M. le Président, quelques mots sur le projet de loi no 261. Concernant ces officiers publics que sont les arpenteurs-géomètres, nous voyons que dorénavant, c'est-à-dire après la sanction du bill, ils seront désignés sous l'étiquette de Corporation professionnelle des

arpenteurs-géomètres du Québec. Nous constatons, peut-être pour la première fois depuis l'étude des bills connexes au Code des professions, que ce projet de loi no 261 a été très bien structuré. Pourquoi cela? Parce que, suivant le discours qu'a fait l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce, il s'est certainement inspiré des vingt ans de travail intensif et des recherches faites non pas avec les deniers publics mais avec les cotisations recueillies parmi les membres, les arpenteurs-géomètres de la province de Québec. Ce travail de recherche, si dispendieux soit-il, aura servi, pour une première fois peut-être, à ce code des professions. Je pense que l'honorable ministre s'en est justement inspiré.

Par contre, il y a une petite ombre au tableau — je ne fais que la signaler en passant,— le fait que l'honorable ministre a succombé tout à l'heure à la tentation de lire l'article 34 — même si j'approuve l'article 34 — presque intégralement, contrairement au règlement, en deuxième lecture. Je ne lui en veux pas pour autant, même s'il a enfreint quelque peu le règlement.

Etant donné, au sujet de ce projet de loi, que l'honorable député de Maskinongé a élaboré une certaine quantité d'allées fort réalistes, je ne reviendrai pas sur certains points qu'il a déjà développés. Cela, pour ne pas éterniser le débat sur ce projet de loi.

Cependant, il y a à signaler la description des champs de pratique de la profession. Elle est très bien faite dans ce projet de loi. Il y a également l'établissement des normes relatives à la tenue des greffes communs pour les besoins des arpenteurs-géomètres et, sous-jacents au plus grand bien de la population en général, il y a le fait, également, que l'on touche réellement à la cession des greffes, ce qui n'a pas été fait, pour autant que je sache. Ce seront peut-être des amendements qui devront être apportés aux autres professions. Ce fut fait pour le bill no 261.

Il y a à noter également le fait que, dans les normes d'admission à l'exercice de la profession, l'on y touche là aussi d'une façon bien spéciale. Je pense que cela devait être, même au niveau de l'étude et de la collaboration, au niveau universitaire. Quant aux nouveaux arrivés ou arrivants dans la profession, ce que seront les finissants dans ce domaine précis et qui voudront justement oeuvrer dans ce domaine, je pense qu'on leur laisse la porte ouverte, à condition, évidemment, qu'ils se conforment à certaines normes.

Cela dit, je n'en dirai pas davantage, tellement ce fut bien fait par le député qui m'a précédé. Ici, je ne signalerai, en dernier lieu, que le fait, dans ce fameux article 34, de l'élaboration précise... Enfin — ce n'est pas mon habitude de le faire, mais je le fais peut-être un peu à contrecoeur, parce que j'hésite à féliciter le gouvernement — de toute façon, je félicite le ministre d'avoir bien voulu accepter — peut-être pas ses idées — les idées qui lui ont été fournies dans les mémoires très élaborés et commentés lors des comparutions en commission parlementaire. Le ministre a bien voulu, dans la réimpression du bill, faire en sorte que l'ensemble des fonctions nécessaires, des outils principaux dont ont besoin les arpenteurs-géomètres, soient acceptés dans les articles 34 et suivants. Ce sont mes seules observations sur ce projet de loi.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de Bourget.

Questions orales des députés (suite)

M. LEVESQUE: M. le Président, j'avais demandé au député de Bourget, s'il n'aurait pas objection à ce que je l'interrompe présentement. Il a accepté et d'ailleurs j'ai communiqué avec les trois partis de l'Opposition pour avoir un consentement unanime pour qu'on revienne, pendant un instant, à la période des questions orales des députés.

En effet, le chef de l'Opposition officielle a posé une question ce matin au ministre des Affaires sociales. Ce dernier aimerait maintenant y répondre.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce qu'on a le consentement unanime de la Chambre?

DES VOIX: Oui.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Nous retournons maintenant à la période des questions. Le ministre des Affaires sociales.

Hôpital de Préville

M. CASTONGUAY: Le leader m'a fait part de la question du chef de l'Opposition, au sujet de l'hôpital de Préville.

J'ai pris connaissance, comme les autres membres de la Chambre, de l'article publié dans le journal Le Devoir, ce matin. J'ai demandé qu'on me remette une copie du dossier. Dans ce dossier, on note premièrement qu'il s'agit d'une catégorie de patients ou de personnes que peu d'institutions reçoivent. Des personnes qui souffrent de mongolisme, de débilité mentale profonde, ou de personnes séniles. Ce sont des institutions, lorsque nous les visitons, qui présentent un caractère assez pénible.

J'ai visité déjà certaines de ces institutions et je crois que, lorsque nous portons des jugements sur ces types d'institutions, il faut être extrêmement prudent, étant donné la nature des patients qui y sont hébergés.

Je fais cette réserve au départ. Je pense bien que le député de Montmagny comprend mieux que quiconque — et probablement aussi ceux qui sont médecins — ce que je veux dire.

En second lieu, je pense qu'il y a intérêt à

mentionner que cette institution détient un permis ou un certificat du ministère du Travail au plan de la sécurité contre les incendies, ce qui est un détail assez important surtout pour cette catégorie de patients. Ce certificat a été émis après que des modifications eurent été apportées par le propriétaire à son établissement à la suite des recommandations qui avaient été formulées par le ministère du Travail.

Les inspecteurs du ministère ont visité cet établissement à certaines reprises. Le 24 juillet dernier, le Dr Martin Laberge, directeur de l'agrément des établissements au ministère des Affaires sociales, envoyait au propriétaire de l'établissement une série de recommandations en douze points qui lui paraissaient essentielles pour le renouvellement du permis du ministère des Affaires sociales.

La semaine dernière, le Dr Laberge demandait à un médecin et à une infirmière d'aller faire une visite de contrôle pour s'assurer que ces recommandations avaient été suivies par le propriétaire de l'établissement. La visite devait s'effectuer ces jours-ci. J'ai communiqué avec le Dr Laberge qui n'a pas encore reçu le rapport de son médecin inspecteur et de son infirmière.

Maintenant, je dois dire que dans le dossier, dans les rapports qui ont été formulés, évidemment, plusieurs points présentent un caractère négatif. C'est la raison pour laquelle, en date du 24 juillet dernier, le Dr Laberge écrivait au propriétaire de l'établissement. C'est également la raison pour laquelle cet établissement ne possède pas présentement de permis du ministère. Ceci indique, lorsqu'il n'existe pas de permis, une possibilité pour le propriétaire que le ministère demande de fermer l'établissement si les recommandations formulées n'ont pas été suivies. On voit la pression que le ministère peut exercer pour que les correctifs soient apportés. Il y a toujours le danger d'une certaine perte au plan financier pour le propriétaire.

C'est donc un dossier que nous suivons. C'est un dossier qui n'est pas facile à cause de la nature des patients. S'il y a des décisions nouvelles à prendre, elles devront être prises après la visite des inspecteurs du ministère. Evidemment, à l'occasion de cette visite nous allons aussi demander que les faits allégués dans le mémoire dont il est question ce matin dans le journal soient bien vérifiés.

M. LOUBIER: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait nous dire si, dans son avis du mois de juillet, le Dr Laberge donnait un délai pour remplir les recommandations ou les conditions qui paraissaient essentielles pour le renouvellement du permis? Est-ce qu'il accordait un délai au propriétaire? Quel était ce délai?

M. CASTONGUAY: Je lis dans la lettre que le Dr Laberge disait: "Nous vous invitons à prendre les mesures nécessaires pour que les améliorations et les changements suivants soient effectués d'ici le 30 septembre 1972. S'il vous était impossible de respecter ce délai, il vous faudra communiquer avec notre chef de division, M. Claude Allard." Je n'ai pu vérifier si le propriétaire de l'établissement a communiqué avec M. Allard pour obtenir un délai additionnel. Mais ce que je sais, c'est qu'il y a eu des visites de la part des officiers du ministère au cours des semaines qui ont suivi, selon les indications du dossier que j'ai ici.

Ils se sont rendus à nouveau sur les lieux pour vérifier si les choses se déroulaient ou si les améliorations demandées étaient en voie d'être effectuées.

M. LAURIN : Une question additionnelle, M. le Président. Le ministre peut-il nous dire si cette institution est subventionnée par le ministère? Si oui, quel est le montant brut qu'elle reçoit ou la proportion de ses frais d'opération?

Deuxièmement, le ministre peut-il nous dire ce qui empêche le ministère de prendre à sa charge, sous les soins de l'administration publique, ce genre de malades, mongoliens, séniles, qui, dans la plupart des cas, devraient relever de l'administration publique des soins?

M. CASTONGUAY: En ce qui a trait à la première question, le ministère paie, pour les cas qui sont considérés comme étant des cas d'assistance publique, un tarif quotidien forfaitaire de $10.71 par jour. De ce montant, pour ceux qui ont une certaine capacité de payer, est déduit le montant payé par la personne ou les parents. Dans l'ensemble, par contre, ces récupérations sont très faibles.

En réponse à la deuxième question, nous avons maintenu la politique du gouvernement antérieur, qui était à l'effet de ne pas fermer, sur une question de principe, les établissements à but lucratif, mais d'exercer une surveillance aussi étroite que possible parce que, dans certains cas et bon nombre de cas, je dirais la très grande majorité de ceux qui sont en activité, la qualité des services répond aux normes. Toutefois, nous avons été extrêmement prudents et très limités dans l'octroi de nouveaux permis à des organismes à but lucratif.

Nous sommes en voie, dans un bon nombre de cas, de retirer des permis à des organismes à but lucratif, comme vous le savez, lorsque les normes ne sont pas satisfaites. Nous avons fermé au-delà d'une quarantaine d'établissements au cours des deux dernières années, établissements qui ne répondaient pas aux normes. Au fur et à mesure que les inspections se poursuivent, que les véritications sur les recommandations formulées par le ministère nous démontrent que les améliorations ne sont pas apportées, nous fermons des établissements.

Dans d'autres cas, il ne s'agissait pas de mauvaise volonté de la part des propriétaires, mais de situations qui nous apparaissaient plus ou moins acceptables au plan de la bonne

qualité des services et nous avons pris les devants, comme dans le cas de l'aide à la femme, par exemple, où nous avons placé une couple de cents personnes dans l'ancienne résidence des infirmières de l'hôpital Saint-Luc, parce que nous avions là une possibilité de leur donner de meilleures conditions de vie que dans l'endroit où elles étaient logées antérieurement. Dans le cas du Cecil Butter's Home, où nous avons, en fait, des enfants qui présentent les mêmes caractéristiques que dans le cas précédent, nous avons demandé à l'hôpital Alexandra, avec le Montreal's Children, de prendre charge d'une partie, sinon de la totalité des enfants qui sont au Cecil Butter's Home.

Je comprends le député parce que le cas du Cecil Butter's Home exigeait des correctifs. Je comprends le député d'être satisfait de cette question.

Donc, nous procédons plutôt par voie de cas d'espèce, en étant extrêmement limités dans l'octroi de nouveaux permis à des établissements à but lucratif. Nous n'avons pas pris, comme position de principe, la décision de fermer tous les établissements à but lucratif. Nous laissons en opération ceux qui répondent aux normes.

M. LAURIN: Une question additionnelle, M. le Président. Le ministre ne pense-t-il quand même pas que ces patients, qui sont particulièrement démunis, ne sont pas pénalisés quant à la qualité des soins, quant au financement des soins, par rapport à la masse des patients qui peuvent maintenant bénéficier de l'assurance-maladie et de soins dans les hôpitaux publics? Est-ce que ceci n'engagerait pas le ministre à accélérer la prise en charge, par l'Etat, de toutes ces catégories de malades?

M. CASTONGUAY: Je pense que les exemples que je viens de donner démontrent que nous avons justement accéléré le processus, parce que si nous avions attendu, dans le cas de Cecil Butter's Home, simplement une question de respect des normes, nous n'aurions pas changé la situation.

De la même façon, quant à l'aide à la femme, si nous avions tout simplement attendu et voulu maintenir qu'un minimum, nous n'aurions pas effectué le changement. Nous fonctionnons dans cet esprit, mais dans la mesure du possible, parce qu'il nous faut aussi avoir des espaces, tenir compte des problèmes de personnel. Il nous faut aussi tenir compte d'un facteur que j'ai mentionné au début, peut-être d'une façon un peu sous-entendue, c'est qu'il s'agit de catégories de patients qui ne sont pas reçus à bras ouverts par les institutions publiques.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Question additionnelle. Est-ce que dans les douze recom- mandations faites par la division de l'agrément, le Dr Laberge, la majorité des recommandations ont trait à l'aménagement physique de l'institution ou s'il est question surtout de la qualité de soins, de normes de personnel?

M. CASTONGUAY: Il y a beaucoup de points qui touchent à l'hygiène, en fait, la propreté des patients, la qualité des aliments, l'habit, la façon de se vêtir du personnel, la question des réserves alimentaires, la disposition des déchets, la température des pièces, les salles de toilette, etc. Un bon nombre touche à la propreté de l'établissement.

Un certain nombre touche aux activités entourant la vie des pensionnaires, et enfin la capacité et indirectement le personnel. Parce qu'il était souligné dans le rapport — tout comme il est souligné ce matin dans le journal — que le nombre de patients excédait quelque peu le nombre de lits autorisés.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Dernière question.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que les normes de personnel par patient sont tellement différentes dans une institution comme celle-là de celles qui sont demandées par le ministère pour une institutions semblable du domaine public? Est-ce qu'il y a des différences majeures entre l'hôpital Préville qui reçoit cette qualité de patients et une institution du secteur public qui reçoit la même qualité de patients?

M. CASTONGUAY: C'est une question à laquelle je ne suis pas en mesure de répondre présentement. Peut-être que nous pourrions la reprendre lors de l'étude des crédits, mais sur place je ne suis pas en mesure de vous répondre.

Projet de loi no 261 (suite)

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Nous retournons maintenant à la deuxième lecture du bill 261. Le député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: La profession d'arpenteur-géomètre est une des plus vieilles au Québec et c'est probablement celle qui, avec la profession de médecin et des membres du clergé, possède les plus anciennes lettres de noblesse. Elle a en outre ce privilège d'avoir été la première à bénéficier — si on peut employer ce terme — de l'intervention législative de l'Etat québécois puisque c'est en 1785 que le gouvernement d'alors a établi sa première loi à cet effet.

Cette profession a également d'autres titres de noblesse; pour nous, Québécois, Canadiens français, elle a présidé d'une certaine façon à nos destinées collectives puisque notre pays n'a été, selon un grand écrivain français, que "quelques arpents de neige".

Et par ailleurs, elle fait partie égalelent de notre patrimoine culturel puisqu'un de nos grands écrivains a intitulé un de ses livres "Trente arpents".

Je ne mentionne pas non plus que l'arpent a été la première mesure utilisée dans notre colonie, même si elle a été remplacée depuis lors par le système métrique. D'ailleurs, M. le Président, je ne désespère pas qu'un jour la profession d'arpenteur-géomètre ait des incidences psychiatriques puisque, jusqu'ici, si elle a servi à borner les terrains, elle pourrait servir un jour à l'identification des bornés.

M. DEMERS: Elle est pas pire!

M. LAURIN: Le jour où cette loi sera adoptée par le Parlement de Québec, je pense que la profession des arpenteurs-géomètres poussera un soupir de soulagement car cette corporation a frôlé le précipice au cours des deux ou trois dernières années. Alors même, en effet, que le gouvernement se préparait à légiférer en la matière sur la base du mémoire soumis par la commission Castonguay-Nepveu, la Corporation des arpenteurs-géomètres, consciente des faiblesses, des lacunes de sa loi, consciente également du caractère désuet de plusieurs des articles de cette loi, s'était elle-même mise à l'oeuvre pour la refondre et elle avait même préparé à cet égard un projet de loi complet. Malheureusement, elle n'avait pas frappé aux bonnes portes et elle avait soumis ce projet au ministère de la Justice plutôt que de le soumettre à l'attention du ministre des Affaires sociales ou du solliciteur général, avec cette conséquence qu'à un moment donné nous nous sommes trouvés devant deux projets de loi; l'un tout ce qu'il y a de plus officiel présenté par le solliciteur général et qui ne constituait qu'une vague refonte de l'ancienne loi et un autre projet de loi, celui-là beaucoup plus complet, beaucoup plus accordé aux nécessités actuelles de l'exercice de cette profession mais qui n'avait qu'un caractère officieux puisqu'il dormait sur les tablettes du ministère de la justice.

Lorsque nous avons entendu les arpenteurs-géomètres en commission parlementaire, le malentendu a été porté à notre attention et des recommandations très fortes ont été faites de la part des principaux intéressés. Je suis content, heureux fie constater à l'heure actuelle que la réconciliation s'est faite, que le projet de loi soumis au ministère de la Justice par la Corporation des arpenteurs-géomètres a été sorti des tablettes, qu'on en a extrait la substan-tifique moelle, qu'on a harmonisé ses caractères principaux avec ceux qui rassortissent au cadre général des professions, ce qui nous vaut aujourd'hui une loi entièrement refondue qui profite aussi bien des avantages des études faites sur le cadre général des professions que des études beaucoup plus pratiques adaptées à la réalité qui ont été faites par les arpenteurs-géomètres.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, M. le Président, nous accorderons notre appui le plus complet à ce projet de loi.

Cette loi est également très importante parce que le rôle de l'arpenteur-géomètre dans notre société, loin de perdre en importance, acquiert au contraire une importance de plus en plus grande. On peut en effet définir le rôle de l'arpenteur-géomètre comme celui d'un arbitre de la propriété publique et de la propriété privée ou encore comme le gardien du droit de propriété, puisque c'est lui qui concrétise, aussi bien par ses mesures que par les documents où ces mesures sont consignées, le titre clair de propriété que tous les citoyens peuvent avoir à l'endroit de leurs biens.

En ce sens, le rôle de l'arpenteur-géomètre continue d'être très important. Je comprends, pour ma part, que le législateur entoure les actes dont il est responsable de toutes les précautions possibles quant à l'activité elle-même ou quant à sa consignation dans les registres officiels.

Il s'agit en effet non pas uniquement de consacrer, de conserver le droit de propriété, mais d'éliminer dans toute la mesure du possible des contestations inutiles qui sont au désavantage des intéressés eux-mêmes aussi bien qu'au désavantage de l'intérêt public.

Plusieurs mesures beaucoup plus modernes ont été entérinées dans le présent projet de loi en tenant compte des expériences malheureuses du passé et je pense que tous les intéressés aussi bien que la société ne pourront qu'en être heureux et s'en trouver avantagés. Il reste cependant, que l'ancienne loi n'avait pas que des inconvénients. En ce qui concerne en particulier la collaboration qui s'était instaurée entre la Corporation des arpenteurs-géomètres et les institutions universitaires d'enseignement, elle comportait certaines modalités qui auraient pu servir d'exemple aux autres professions.

En effet, des représentants de la faculté de foresterie et de géodésie siégeaient au bureau administratif de l'ordre et pouvaient faire profiter les praticiens du développement du savoir; de la même façon, des représentants de la corporation siégeaient au conseil de la faculté et pouvaient grâce aux conseils pratiques qu'ils pouvaient donner au corps professoral, tempérer le caractère parfois trop intellectualiste et trop détaché des réalités du corps professoral.

Cela bien sûr, n'éliminait pas les tensions, mais je pense qu'elles en réduisaient le nombre et surtout l'intensité, enfin, qu'elles étaient, qu'elles rendaient possible la recherche de solutions qui avaient l'avantage d'être plus concrètes et aussi d'être plus rapides. Je sais qu'en vertu du cadre général du code des professions, les ministres intéressés ont laissé tomber ces modes de collaboration, pour les remplacer par des modalités plus générales.

Je comprends à quelles exigences ils ont dû, à cet égard, obéir, mais je ne peux quand même m'empêcher de regretter la disparition de nos

statuts, d'un mode de collaboration qui dans le cas précité n'avait donné que des avantages, que d'heureux résultats. Je ne peux m'empêcher de le regretter parce que sa valeur exemplaire a maintenant disparu et il serait peut-être difficile d'en arriver par voie empirique, par voie réglementaire, à une modalité de collaboration aussi efficace.

Je ne sais pas s'il serait possible au ministre de l'Industrie et Commerce, lorsque nous en arriverons à la discussion de la loi, article par article, de réintroduire d'une façon qui serait spécifique à la Corporation des arpenteurs-géomètres, ses modalités de collaboration, mais, pour ma part, je l'espérerais, souhaitant par ailleurs que cet exemple s'il nous le donnait, puisse être suivi par ses autres collègues lorsqu'ils discuteront de ces mêmes modalités de collaboration en ce qui concerne d'autres professions.

Lorsque nous avons entendu les arpenteurs-géomètres en commission parlementaire, ceux-ci nous ont fait valoir quelques recommandations très pertinentes en ce qui concerne la tenue des greffes communs, mais ils nous ont fait remarquer aussi à cette occasion, que l'activité des arpenteurs-géomètres qui oeuvraient dans le domaine public semblait par ailleurs beaucoup moins réglementée et beaucoup moins rigoureuse.

Les représentants de la corporation déploraient ce fait et ils se demandaient pourquoi il faudrait ici accepter ce double régime, pourquoi il faudrait accepter qu'un arpenteur qui travaille pour le compte d'une administration publique ne soit pas tenu aux mêmes exigences, à la même rigueur professionnelle, que celui qui oeuvre dans le domaine privé.

Je vous avoue, M. le Président, que je me pose comme eux la question, et que le ministre, dans son intervention, n'a pas encore levé les doutes qui persistent dans mon esprit à cet égard. Je remercie incidemment le ministre de son intervention de deuxième lecture qui était beaucoup plus étoffée, beaucoup plus pertinente que celle qu'il nous avait servie ce matin pour les chimistes professionnels. J'espère qu'il continuera à nous étourdir de son savoir dans les exposés qu'il nous fera encore sur les projets de loi qui suivront. Pour ma part, je l'encourage à continuer car tout ce qu'il nous dit en deuxième lecture contribue — cela fera plaisir au leader parlementaire — à abréger nos propres exposés puisqu'il se trouve à répondre à l'avance aux questions que nous poserons en tant que gardiens vigilants de la collectivité et de la vérité.

J'espère donc, pour revenir à mon propos, que le ministre, dans sa réplique, pourra consacrer quelques minutes à ce parallèle qui existe encore malheureusement entre les arpenteurs-géomètres qui oeuvrent dans le secteur public et dans le secteur privé, et qu'il nous dira qu'il entend soumettre ces deux catégories d'arpenteurs aux mêmes normes, à la même règle d'excellence et d'efficacité. Je me réjouis également que le projet de loi comporte un article qui permettra aux arpenteurs-géomètres de se garer des poursuites qu'ils pourraient encourir dans l'exercice de leurs fonctions du fait qu'ils seront tenus de se procurer une assurance-responsabilité. Je pense que c'est là un article qui devrait se généraliser dans l'ère de contestation que nous connaissons, puisque cette contestation n'a pas que des mauvais effets, elle a aussi de bons effets en ce sens. Elle constitue un aiguillon pour les professionnels et elle constitue une exigence additionnelle qui marque l'attention que porte maintenant le public et la collectivité à la moindre de leurs activités.

Pour le reste, M. le Président, nous reprenons à notre compte les remarques aussi bien du député de Verchères que du député de Maskinongé puisque ce sont les seules remarques qui m'ont paru pertinentes au débat.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que la motion de deuxième lecture du bill 261 est adoptée?

Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que le projet de loi no 261 soit maintenant déféré à la commission parlementaire spéciale des corporations professionnelles.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: Article 18.

Projet de loi no 257 Deuxième lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre de l'Industrie et du Commerce propose la deuxième lecture du projet de loi no 257, Loi modifiant la loi des médecins vétérinaires.

M. Guy Saint-Pierre

M. SAINT-PIERRE: Le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'approbation par cette Chambre.

M. le Président, dans le projet de loi 257, qui est aussi une réimpression, qui touche la profession de la médecine vétérinaire au Québec, nous retrouvons les dispositions de concordance avec, évidemment, des particularismes propres à cette profession, dans le contexte du code des professions. Il s'agit à la fois de la composition de son bureau, de la représentation des élé-

ments de l'extérieur au bureau des médecins vétérinaires de même que diverses dispositions qui touchent — et ne semblent causer aucun problème — l'admission à la pratique, les relations avec les facultés d'enseignement de même que les cas de pratique illégale, les cas d'éthique professionnelle, la composition du bureau des examinateurs et autres dispositions assez communes à d'autres bureaux et à d'autres corporations que nous avons étudiés.

J'aimerais, au cours de l'examen du principe de cette nouvelle corporation, m'attarder peut-être, M. le Président, à deux recommandations et indiquer, comme le suggérait le chef parlementaire de l'Unité-Québec...

M. PAUL: De l'Union Nationale.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse. Il y a deux points sur lesquels j'aimerais m'attarder. Encore une fois, j'indique que nous sommes assez ouverts dans l'étude amendement par amendement, mais j'aimerais quand même laisser voir les deux côtés de la médaille. Le premier point, qui nous avait été demandé par la corporation, touchait à la définition du mot "médicament" et, compte tenu que, dans le code 250, on la retrouve comme un des pouvoirs de réglementation de l'Office des professions dans le rapport entre le bureau et l'office, nous avons conçu que ce pouvoir de réglementation pour qu'il soit flexible, pour qu'il permette une évolution dans ce secteur. On devrait laisser la législation telle qu'elle est dans le moment.

Dans un deuxième temps, les membres du bureau nous avaient également demandé, en plus de certaines modifications dans la définition du champ de pratique, de délaisser le terme "moyennant rémunération", c'est-à-dire que, lorsque nous reprenons, dans le projet de loi 257, à l'article 7, la définition de "l'exercice de la profession", on y retrouve tout acte qui a pour objet "moyennant rémunération" et après, il n'y avait pas de problème de donner des consultations vétérinaires, de faire des diagnostics pathologiques d'animaux et de prescrire des médicaments, de pratiquer des interventions chirurgicales vétérinaires, de traiter des infections, etc. Il y avait le terme "moyennant rémunération". La corporation, et c'est facile à comprendre, prétendait qu'en enlevant cette disposition de définition du champ de pratique, on pouvait retrouver plus facilement, on pouvait permettre plus facilement des poursuites devant les tribunaux puisque l'on n'avait pas à prouver qu'un individu avait effectivement été rémunéré pour l'acte posé.

C'est un peu le principe, M. le Président. Peut-être que la discussion pourra s'ajouter à celle que nous aurons en commission plénière, dans la discussion de l'article 7, mais je me permets de l'aborder un peu puisqu'au fond elle est au coeur même de la définition du champ de pratique de la médecine vétérinaire. Est-ce que l'exercice de cette profession — et c'est la question — implique qu'il doit y avoir rémunération pour acte posé?

Le terme "moyennant rémunération" se pose, bien sûr, dans à peu près toutes les autres professions, sauf peut-être pour la Loi de la médecine. De toutes les autres professions, on considère que l'exercice d'une profession c'est poser, à la demande d'autrui et sous forme de paiements d'honoraires, tel ou tel geste suivant la nature de chacune des professions. Les vétérinaires trouvent que, dans leur cas, compte tenu de la relation très personnelle qui peut exister entre le cultivateur et quelqu'un qui peut vendre des moulées, ou vendre des médicaments, ou prétendre avoir quelque chose pour guérir les animaux, la preuve du diagnostic, de l'intervention, du médicament qui a été prescrit, après rémunération, devient très difficile à faire.

Notre réserve — c'est uniquement une réserve, et je suis disposé à avoir le point de vue des autres partis de l'Opposition sur ce plan — était que, tout en facilitant le travail de la corporation, nous ne devions pas, cependant, rendre ce travail tellement facile que tous les gens qui rendent un jugement personnel sur l'état de santé d'un animal donné, entre voisins, pour ne citer qu'un cas d'espèce, puissent être immédiatement poursuivis et être un peu trompés malgré leur mauvaise volonté, par une loi qui est tellement complète, qui a un encadrement tellement complet que la Corporation des médecins vétérinaires a pu immédiatement prouver son cas.

Je m'explique pour prouver jusqu'à quel point il faudrait peut-être trouver des formules moyennes entre la demande de la corporation et le texte que nous avons actuellement. Ainsi, il est possible qu'un cultivateur, qui en veut énormément à son voisin, veuille réellement le tromper. Je le mets simplement comme un cas extrême, mais il pourrait illustrer les dangers d'accepter sans réserve la suggestion qui nous est venue de la corporation.

Ainsi, un cultivateur qui en veut à son voisin pourrait demander à celui-ci: Que penses-tu du problème qu'a ma vache, qui est là? Le cultivateur, tout bonnement, lui donne l'expertise d'un homme qui travaille dans le même métier et lui dit: D'après moi, elle a telle et telle chose. Tu devrais lui donner telle et telle autre affaire. Immédiatement, le voisin qui a demandé ce conseil, pourrait aller trouver la corporation et dire: Engagez des poursuites. Vous voyez cet homme, je ne l'ai pas payé, mais il m'a donné des consultations-, il m'a donné un avis sur l'état de santé d'un de mes animaux. C'est pour cette raison qu'il me semble qu'il faudrait être un peu prudent; peut-être qu'effectivement, il est difficile dans le milieu rural de prouver que l'acte a été posé moyennant rémunération et que ce fardeau que l'on impose à la corporation rend inutiles toutes ses lois, tout leur champ de pratique.

On a invoqué d'ailleurs les mêmes difficultés

en ce qui concerne les magasins qui sont spécialisés dans les animaux et qui pourraient faire toucher, par leurs propres employés, nombre d'opérations, nombre d'interventions qui devraient appartenir au médecin vétérinaire et qui ne sont pas faites puisqu'il y a presque impossibilité de prouver que le geste est posé moyennant rémunération. Peut-être — je l'invoque plus comme une question que comme une réponse — devrions-nous trouver une formule mitigée pour clairement indiquer que l'acte, le diagnostic ou l'ordonnance ont été posés suite à la demande ou au consentement de celui qui a un animal malade. Il y a peut-être des formules mitigées que nous pourrions retrouver en commission pour clarifier ce point qui avait été évoqué par la Corporation des médecins vétérinaires de la province de Québec.

Un troisième point sur lequel j'aimerais attirer l'attention de mes collègues de cette Chambre touche l'article 40. Les médecins vétérinaires voudraient que, d'une façon très précise, on indique dans la loi qu'ils ont effectivement le droit non seulement de posséder des médicaments mais le droit de vendre des médicaments destinés aux animaux, destinés à un usage non humain.

Jusqu'ici, la position du gouvernement a été qu'il faut bien comprendre que, dans un projet de loi, les choses qui y sont marquées indiquent un domaine exclusif, un champ exclusif, mais les choses, qui ne sont pas marquées n'indiquent pas qu'il y a empêchement de le faire. Effectivement, si dans le projet de loi on ne met pas blanc sur noir que les médecins vétérinaires peuvent vendre des médicaments, cela ne veut pas dire nécessairement que la loi les empêche d'en vendre. De la même façon — là je prends un cas un peu farfelu — la loi ne leur dit pas qu'ils peuvent prendre huit heures de sommeil par jour, mais rien ne les empêche de prendre huit heures de sommeil par jour. Aussi, il y a cet autre cas. La loi ne leur dit pas qu'ils ont le droit d'acheter des commerces reliés à l'alimentation ou à autre chose, mais cela ne veut pas dire qu'ils n'ont pas, comme tout autre citoyen, le droit de se prévaloir de ces dispositions. Personnellement, je demeure convaincu que l'article 40, qui établit clairement que le médecin vétérinaire est autorisé à utiliser les médicaments, les substances et les appareils dont il peut avoir besoin dans l'exercice de sa profession, de même qu'à administrer des médicaments aux animaux, cela implique parallèlement qu'il possède avec d'autres le droit de vendre des médicaments pour les animaux. Je pense qu'il y aurait peut-être erreur de notre part de donner aux vétérinaires seulement ce droit exclusif. Les discussions que nous avons eues avec eux indiquent qu'ils ne recherchent pas un droit exclusif. Si on ne recherche pas un droit exclusif, il me semble qu'il y aurait danger à l'inclure pour donner l'impression que personne ne peut faire le commerce de la vente des médicaments d'animaux et qu'au contraire ceci est une chasse gardée des médecins vétérinaires.

D'autant plus, qu'à ma connaissance, il n'y a pas eu dans le passé, de la part du Collège des pharmaciens, qui aurait pu être directement concerné par ceci, prétention que la vente de médicaments destinés aux animaux tombait sous le coup de la Loi de la pharmacie.

Le projet de loi, on pourrait en parler avec beaucoup d'ampleur. Mais je sais que le député de Saint-Maurice qui s'y connaît en matière de médecine vétérinaire, pourra nous décrire tous les avantages qu'il y a à adopter ce projet de loi, même avec certaines modifications. Je m'empresse de lui céder la parole pour voir les améliorations que nous pourrions apporter à ce projet de loi. Merci.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): L'honorable député de Saint-Maurice.

M. Philippe Demers

M. DEMERS: M. le Président, je remercie tout d'abord le député de Verchères, le ministre de l'Industrie et du Commerce, de prendre une consultation vétérinaire cet après-midi. Je me rends de bon gré à sa demande.

Je lui ferai toutefois remarquer que j'attendrai l'étude en comité plénier. Si j'avais voulu être un peu tatillon, M. le Président, tantôt, en rappelant mon illustre collègue au règlement, nous aurions pu lui demander de limiter ses propos au principe de la loi. Mais nous sommes pour un meilleur éclairage d'une situation et nous comprenons que les lois de cette Assemblée sont comme d'autres choses, elles ne demandent qu'à être violées.

M. le Président, je voudrais dire quelques mots sur le principe de cette loi qui concerne la profession que j'exerce. Je suis d'accord pour l'acceptation de ce principe et je me rends compte que ce projet de loi no 257 est le fils naturel du projet de loi no 250.

La médecine vétérinaire remonte, dans l'histoire de l'humanité, au tout début, et je crois qu'elle a précédé, sans faire injure à ceux qui pratiquent la médecine des hommes, le traitement des humains. En effet, si on relève, par exemple, dans la paléontologie, l'étude des fossiles, nous voyons que la maladie est aussi vieille que la création et que les espèces, à l'époque, n'ont pas échappé aux infections microbiennes et aux maladies des carences, comme le rachitisme, et qu'on a relevé des lésions d'arthrite à cette époque très lointaine.

Ce qui, je pense, dans le champ de l'histoire, situe la médecine vétérinaire à une époque aussi éloignée, c'est qu'alors l'animal était le compagnon de l'homme, à un tel point que le chien a partagé le gîte de l'homme des cavernes et l'a accompagné à la chasse. Nous avons vu l'importance que l'animal sacré a revêtue dans le cours des âges. C'est ainsi que 2,000 ans avant Jésus-Christ, on était riche en autant qu'on avait des animaux et il valait mieux, pour le

riche propriétaire, traiter son animal que de traiter son domestique. On a attaché une importance toute particulière à cet état de choses. La médecine en fut une, d'abord, au début, d'instinct. C'est ainsi que l'animal fiévreux se jetait dans l'eau glacée et qu'on a vu des singes blessés s'appuyer le long des murailles pour arrêter le sang. C'était le début. Nos collègues de médecine humaine ont copié cela et ont inventé le pansement compressif. C'est pour dire qu'on n'a rien inventé.

J'attire votre attention sur cet aspect de la médecine des bêtes pour prouver qu'il n'y a rien de neuf sous le soleil et qu'en partant de nos frères inférieurs, en remontant à l'échelle supérieure de celui qu'on appelle l'animal raisonnable — pas dans tous les cas — nous pouvons voir qu'il y a autant de consolation à soigner cet être au bas de l'échelle qu'à soigner l'autre.

Je dirai que la supériorité de la médecine vétérinaire — si je peux m'exprimer ainsi — ne vient pas du fait que nous soignons le patient qui ne parle pas. Nous n'avons rien à envier au pédiatre qui soigne le bébé, et non plus au psychiatre qui soigne l'autre qui parle trop. Il y a entre les deux, je crois, un juste milieu et la diversité, la supériorité et la complexité de notre médecine — si je peux oser dire ceci — provient de la multiplicité des espèces auxquelles nous avons affaire. Le disciple d'Hippocrate qui traite son frère, lorsqu'il a étudié l'anatomie du bras et de la jambe, a fini son étude. Il n'en va pas de même de mes confrères, qui doivent étudier l'anatomie du cheval, du boeuf, du chien, du chat, de toutes les espèces.

Greffez à tout cela les maladies spécifiques qui peuvent s'ajouter. Lorsque le médecin des hommes a traité les maladies spécifiques de l'enfant, de la femme et quelques autres maladies professionnelles, son problème est réglé. Il nous faudra, nous, recommencer dans toutes les espèces.

Reprenons le champ des incompatibilités, dans l'application des médicaments. C'est à n'en plus finir. La posologie, la dose pour traiter un intestin laborieux chez un éléphant va s'éloigner terriblement de celle qu'on va utiliser pour le traitement du chaton de la madame.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ce n'est pas la même dose pour un maringouin.

M. DEMERS: Il faut le savoir. Si on donne à un chat du calomel, on le tue à coup sûr, il faut le savoir. Diversité, complexité. Je ne veux en aucune façon faire un plaidoyer pro domo, mais en situant l'importance de cette profession, et je n'ai rien dit encore, en me taisant sur l'importance économique que joue notre profession. C'est tout le cheptel du Québec et du Canada que notre profession soigne. Evaluez ça en sous et en dollars.

Et nous sommes toujours en présence d'une valeur économique et matérielle à sauver. On ne pleure pas en médecine vétérinaire, on demande combien ça coûte. C'est toujours comme ça. On ne prolonge pas la maladie, contrairement à certains médecins de certaines spécialités qui entretiennent la maladie.

Et se faisant fort du concept du Dr Knock, que dans tout homme en santé il y a un malade qui s'ignore, fouille la médecine, trouve des malades et soigne, tu feras marcher la "caston-guette".

Je reviens. Vous êtes à la veille de me rappeler à l'ordre, M. le Président. J'espère. Je reviens à la "toupinette" qui s'occupe du traitement des animaux.

Tantôt l'honorable député de Verchères, ministre de l'Industrie et du Commerce, qui n'a de la médecine vétérinaire que des connaissances très théoriques, a élaboré, a discuté, a mis au clou les amendements qui lui étaient suggérés par le Collège des médecins vétérinaires.

Puisqu'il en a parlé, vous me permettrez de préciser seulement le principe général sur lequel la profession insiste. C'est pour faire disparaître les charlatans, les saltimbanques, les ignares, les "peddlers" de la médecine, que nous demandons au ministre d'enlever dans sa loi "avec rémunération".

Ce n'est pas pour chercher des chicanes — les médecins vétérinaires ont de l'ouvrage plus qu'ils peuvent en faire — mais pour protéger la santé publique. Si on n'enlève pas ça, n'importe quel individu peut aller inspecter des aliments, s'il n'est pas payé, et dire s'ils sont bons ou méchants. Personne ne l'arrêtera. N'importe qui peut dire: Abattez-moi cet animal. Pour autant que tu n'es pas payé, il n'est pas malade. On fera manger des microbes. On n'a aucun recours.

C'est pour protéger la santé publique. Le but du code des professions, c'est de mettre de l'ordre là-dedans. On ne met rien, on réimprime la vieille loi à 100 p.c. J'implore, j'insiste, je demande au ministre d'y penser sérieusement. Et la vente des médicaments, c'est un autre amendement. Le ministre en a parlé. Je lui demanderais de le considérer sérieusement. Pourquoi? Si on n'introduit pas cet amendement dans la loi, il faudra qu'on révise la Loi de la pharmacie qui contrôlera, d'après cette loi — à moins que je ne me trompe — les qualités, les sortes et la vente des médicaments. Et ayant ça là-bas, on ne pourra pas les vendre en médecine vétérinaire s'il n'est pas spécifié.

Qu'est-ce que ça change qu'il soit marqué? En outre, il y aura toujours la commission qui deviendra permanente, où on pourra venir étudier, porter ces griefs. Si après l'usage c'est inapplicable, on y reviendra. Je crois que si les pharmaciens contrôlent la vente des médicaments — je n'ai pas d'objection, c'est leur métier — mais si dans les régions éloignées on donne au médecin éloigné le droit de garder et de vendre ces médicaments pourquoi le refuserait-on au médecin vétérinaire qui est à 70 milles d'une pharmacie?

Voyez-vous Baptiste l'habitant partir un matin pour aller chercher des remèdes en ville? Quand il va revenir la vache va être morte depuis trois jours! Il faut penser à cela, M. le Président. C'est dans ce but que je fais mon intervention et, lorsque nous reviendrons en comité plénier pour étudier ce projet de loi, article par article, j'espère que la lumière de cet ingénieur dans le champ vétérinaire sera illuminée et qu'il comprendra le bien-fondé de nos interventions.

M. le Président, je termine et, au nom de ma profession, je suis satisfait du principe qu'énonce cette loi. Elle s'imbrique dans le cadre des professions. Elle ne nous reconnaît pas plus que nous étions reconnus — c'est la profession qui se fera reconnaître par la qualité de ses participants — mais elle établit d'une façon bien claire et bien nette dans quel champ notre activité doit s'exercer. Je voudrais souligner un autre aspect qui a été débattu tantôt lorsque nous avons étudié la loi des arpenteurs-géomètres. Au sujet de la formation du bureau il est dit, en référence au code des professions, que la participation devra être de 8 membres au bureau s'il y a de 8 à 500 membres dans une profession, qu'il devra y en avoir 16 s'il y a de 500 à 1,500 membres et 24 de 1,500... C'est le principe général de la loi du code des professions, le bill 250.

Il est dit que les frais de représentation seront payés par le gouvernement. Quoique je n'aie pas à faire de grosse chicane là-dessus, s'il y a seize membres pour administrer une profession, il ne faudra pas non plus que pour une profession où il y a 850 ou 900 membres, il y ait autant de monde pour l'administrer qu'il y en a dans la profession. Si on faisait une règle de trois, si pour tant de membres d'une profession on admet que ça en prend huit, quand il y en aura 900, ça en prendra tant, ça pourrait être seize, douze ou treize. Ce n'est pas un sujet pour soulever un grand débat. Je voulais simplement attirer l'attention du ministre là-dessus.

M. le Président, je vous remercie de m'avoir écouté et nous reviendrons en comité plénier.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): L'honorable député de Lotbinière.

M. Jean-Louis Béland

M. BELAND: M. le Président, il m'est agréable également de parler sur ce projet de loi 257, Loi modifiant la loi des médecins vétérinaires. Le médecin vétérinaire a été obligé d'étudier dans bien des cas à partir des réactions instinctives de plusieurs animaux; donc, aujourd'hui, l'on applique un diagnostic suivant les observations recueillies, selon ces réactions instinctives des débuts, des maints et maints cas, Or, pour revenir à ce projet de loi bien spécifique, l'on parle à un moment donné du fait que les médecins vétérinaires doivent pouvoir vendre des médicaments et les utiliser, cela va de soi. Mais est-ce que l'on devine par le fait même qu'on limitera tantôt ce champ d'activité? Je m'explique. Est-ce que l'on empêchera, par exemple, le propriétaire, le fermier d'utiliser lui-même ou d'appliquer lui-même des médicaments? En agriculture, je pense qu'il ne faudrait pas rêver à ce point. Je dis cela au cas où l'honorable ministre pense à des choses semblables, parce qu'en agriculture il faut quand même se rendre compte que dans bien des cas il y a des nécessités d'application dans cette sphère d'activité qui font que deux, trois, cinq ou huit fois par jour le fermier lui-même, c'est-à-dire le propriétaire des bêtes ou celui qui a à les soigner, doit administrer certains médicaments ou encore certains vaccins.

Je pense que limiter au médecin vétérinaire ce champ d'activité serait une faute très grave envers la classe agricole.

Il y a également un autre fait que je note, et qui est évident à ce moment-ci. L'honorable député de Saint-Maurice a brossé un tableau que je considère excellent, mais il y a un certain facteur que je tiens quand même à souligner en plus, et c'est le fait qu'au point de vue radiologique on doit laisser à mon sens aux médecins vétérinaires la possibilité de procéder à des radiologies vis-à-vis je ne dirais pas de ses patients, mais vis-à-vis des animaux qu'il a à soigner.

Encore là, si je rapporte les cas de façon pratique, nous voyons maintes et maintes fois des permis où on constate que s'ils avaient à payer des radiologistes en plus du médecin vétérinaire pour savoir exactement l'ampleur de la maladie, la sorte de maladie, à ce moment-là, ce serait peut-être un coût trop onéreux pour que ces cultivateurs, ces fermiers puissent continuer à vivre.

Il vaudrait mieux peut-être pour lui vendre ses animaux que de se soumettre à de telles choses. Je dois également ici parler du champ préventif. On parle beaucoup de soins à donner aux animaux. On parle également de tout le champ d'application de ces médicaments, mais, au point de vue préventif, je pense qu'il aurait fallu abonder dans ce domaine, parce qu'il faut quand même regarder à l'extérieur et voir ce qui s'en vient.

Entre autres, à ce moment-ci, en 1973, on parle même de fermes cynégétiques. Il va donc falloir, hors de tout doute, appliquer certaines mesures de prévention pour que les deniers de l'Etat soient bien utilisés au moment où ils seront enfin accordés pour organiser de telles fermes dans la province de Québec. Il faudra appliquer certains barèmes de base de façon que les sommes provenant du ministère ne tombent pas à l'eau comme on le voit souvent dans d'autres domaines; il faudra que cet argent serve réellement à quelque chose.

Je tenais à signaler cela au président, parce que, même présentement, si je suis bien informé, on est en train d'organiser une telle ferme

peut-être à titre d'expérience pilote dans la province de Québec. Cela existe d'ailleurs dans d'autres pays. Or, si l'on veut couvrir tous les champs qu'il y a à couvrir, dans le domaine du tourisme, de la chasse et de la pêche, il va falloir également regarder de ce côté d'une façon sérieuse.

Ce n'est pas seulement vis-à-vis de ce domaine spécifique, de ce nouveau champ d'activité que pourront surgir les fermes cynégétiques, mais on constate, et moi-même je l'ai constaté par expérience dans le passé, sur ma propre ferme qu'il faut appliquer un niminum de prévention si l'on veut réellement arriver à des résultats en agriculture, et peut-être plus précisément dans les fermes avicoles, dans d'autres genres de fermes aussi, peut-être cunicoles également. Il faut appliquer certaines mesures de prévention. Peut-être qu'à ce moment-là, même le ministère, par ses conseillers, par ses inspecteurs, devrait percevoir la nécessité d'un champ d'action bien spécifique d'information pour accentuer la prévention, notamment contre les maladies contagieuses.

M. le Président, ce sont mes seules observations. J'attends que la commission parlementaire, enfin la Chambre, siège pour la troisième lecture, afin de faire éclaircir les données du bill par le ministre de l'Industrie et Commerce, malgré que je suis fort surpris que ce ne soit pas le ministre de l'Agriculture qui ait à faire cette tâche. De toute façon, je n'ai pas de blâme à porter, parce qu'il est évident qu'il s'agit de la décision gouvernementale en ce domaine. Ceci dit, j'attends l'étude du bill en troisième lecture pour apporter certaines autres observations.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): L'honorable député de Gouin.

M. Guy Joron

M. JORON: M. le Président, jusqu'ici, sur la plupart des projets de loi concernant les différentes professions, vous avez sans doute remarqué que le Parti québécois a défendu deux thèmes principaux: 1) la participation du public intéressé aux bureaux des différentes professions; 2) celui de la langue de communication entre les professionnels et...

M. DEMERS: Les animaux.

M. JORON: ... le public qui recevait ces services. J'avoue que, sur ce projet de loi, on est obligé de baisser pavillon même si, dans le premier cas, on a déjà vu l'empereur Caligula, à Rome, faire élire son cheval au Sénat; on voit mal comment on pourrait faire élire des patients au bureau de la profession. Je pense que la langue de communication, ici, ne s'appliquerait pas.

Je voudrais aussi vous signaler, M. le Président, l'importance — ceci devrait intéresser les membres de l'Assemblée nationale — surtout politique qu'a eue cette profession dans le passé. Il fut une époque où, au début du siècle, la profession la plus représentée à l'Assemblée nationale était celle de la médecine vétérinaire. On a compté, dans un Parlement du début du siècle, sur un nombre qui, à l'époque, devait être de 74 députés, pas moins de 27 médecins vétérinaires. Si l'importance politique de la profession a baissé, il reste que, même si nous ne sommes plus une société principalement agricole, la profession conserve une importance considérable.

A ce sujet, j'ai apprécié la fresque historique que nous brossait tout à l'heure le député de Saint-Maurice. Il m'a d'ailleurs fait remarquer quelque chose qui m'avait échappé, soit l'importance de cette profession puisqu'elle est directement reliée à l'alimentation de l'humanité. Même si nous sommes dans une société industrielle et peut-être postindustrielle, on sait le problème considérable qui va se poser à cet égard dans l'avenir. Je dirais même, à l'adresse du député de Saint-Maurice, qu'il sera peut-être bientôt obligé de se recycler; on prévoit même le jour où les animaux vivant à la surface de la terre ne suffisant plus à remplir nos besoins alimentaires, on serait obligé d'aller dans la mer. Peut-être verrons-nous le député de Saint-Maurice mettre son masque, ses palmes et ses bonbonnes pour aller traiter les poissons.

M. DEMERS: Avez-vous une idée de l'année?

M. JORON: Commencez à suivre vos cours tout de suite, on ne sait jamais. Blague à part, il y a un seul point sur lequel je voudrais insister: celui de la vente des médicaments. Là-dessus, je partage l'opinion du député de Saint-Maurice. Je ne suis pas convaincu que l'explication que nous donnait le ministre tout à l'heure règle véritablement le problème. Je pense qu'on aurait droit de s'attendre à une loi qui, plus spécifiquement, garantirait le droit de vendre des médicaments aux vétérinaires.

Vous savez qu'il y a environ 600 vétérinaires au Québec. Il y a quelques années, avant l'instauration du programme d'assurance-santé animale, il n'y avait pas beaucoup plus de 100 médecins vétérinaires qui pratiquaient en milieu rural. On sait que, depuis l'application de ce programme, le nombre de vétérinaires pratiquant directement en milieu rural a plus que doublé. Le député de Saint-Maurice nous signalait encore que ce nombre reste probablement, quand même, insuffisant. La majorité des vétérinaires — je ne le dis pas péjorativement — sont des vétérinaires de ville ou ce que l'on appelle des vétérinaires de "pet shop". Il y a une différence essentielle entre la pratique de la profession selon qu'elle est à la ville ou à la campagne.

On ne devrait pas craindre de permettre la vente des médicaments. Il me semble que cela va de soi en milieu rural.

On n'a pas besoin d'évoquer bien longuement les distances à parcourir. Il y a une différence fondamentale entre la médecine vétérinaire et la médecine humaine. Dans la médecine humaine, le patient peut se déplacer, alors qu'on ne déplace pas une vache, un taureau, une jument ou même un éléphant aussi facilement.

Il semble aller de soi que le vétérinaire puisse faire le commerce, la vente des médicaments en milieu rural, d'autant plus que maintenant, depuis l'existence de la pharmacie centrale, et depuis que les tarifs de vente des médicaments ont été négociés entre l'Association professionnelle des médecins vétérinaires et le ministère de l'Agriculture, il n'y a pas de danger de fraude du public. Les prix sont fixés d'avance, les tarifs sont connus, enfin tout l'approvisionnement des médecins vétérinaires se fait à la pharmacie centrale, si bien que l'Etat, le législateur, si vous voulez, le gouvernement dispose d'un instrument pour vérifier s'il y a abus.

Ce qu'on craint souvent, en permettant aux médecins ou aux vétérinaires de vendre des médicaments, c'est l'abus d'ordonnances, parce qu'il pourrait théoriquement exister un conflit d'intérêts. Mais là encore il y a un instrument de contrôle puisqu'on peut vérifier à partir de la pharmacie centrale, justement. S'il y avait, par exemple, un vétérinaire qui se mettait à prescrire des médicaments de façon effrénée, on pourrait le soupçonner de faire un commerce abusif et non justifiable, mais ce n'est pas le cas.

En ville, là où le vétérinaire, disons du "pet shop" ou de l'hôpital vétérinaire reçoit les animaux domestiques, les chats, les chiens et le reste, on pourrait toujours dire que, là aussi, il y a abus, il pourrait y avoir, si on permettait la vente des médicaments, abus du public. Mais je pense qu'il y a quand même une limite. Dans le domaine de la santé humaine, de la médecine humaine, là on peut comprendre que la sécurité du public peut être en jeu et qu'on doit prendre toutes les garanties possibles pour qu'il n'y ait pas des abus de ce côté.

De là à se faire des soucis considérables et causer des embêtements dans l'exercice de la profession pour protéger madame X, qui a un caniche à qui on pourrait vendre trop de pilules ou des trucs semblables, c'est quand même pousser un peu loin. On est rendu dans le domaine de la protection du consommateur bien davantage que dans celui de la protection de la santé publique. Il existe justement un office de la protection du consommateur et le public peut toujours avoir des recours. Il nous paraît donc souhaitable, c'est ce que je dis en terminant, que le droit accordé aux vétérinaires de vendre des médicaments soit clairement indiqué dans la loi, parce que, à notre avis, à la première lecture, malgré l'explication que donnait tout à l'heure le ministre, cela semble ne pas paraître clairement dans le texte de la loi.

M. LAURIN: Je ne peux m'empêcher de...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): L'honorable député de Yamaska.

M. Benjamin Faucher

M. FAUCHER: M. le Président, seulement quelques mots. On a parlé un peu de l'historique...

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, en vertu du règlement, je pense que le député de Yamaska se prépare à faire une intéressante et importante intervention, et il faudrait qu'il y ait quorum en cette Chambre.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Nous avons quorum. Le député de Yamaska.

M. FAUCHER: M. le Président, j'étais à dire qu'on a parlé un peu de l'historique de la médecine vétérinaire. J'aimerais ajouter quelques mots sur l'avenir de la médecine vétérinaire. La population mérite une bonne alimentation, et c'est grâce à la médecine vétérinaire si on parvient à lui fournir des aliments de qualité en quantité nécessaire. Sur la question des médicaments, si on en emploie à tout escient, cela veut dire qu'une personne qui ne les connaît pas peut en employer pour injecter son animal, quitte à l'envoyer à l'abattoir 24 heures après.

Ce qui arrive, c'est qu'il peut y avoir des ennuis du côté des humains. Il faut faire bien attention pour que les médicaments ne tombent pas dans les mains de n'importe qui et que ce soit n'importe qui qui en vende. Il est donc extrêmement important que le médicament soit contrôlé et vendu par le médecin vétérinaire.

Maintenant, l'autre point est plutôt d'ordre légal. Dans la pratique, il y a beaucoup d'abus de la part de gens qui s'occupent d'élever de petits animaux, des animaux de fantaisie, si l'on peut dire. Ils profitent de l'occasion de la vente de ces animaux et exigent un surplus. Si on les accuse de les avoir traités, ils se présentent devant le tribunal et ils disent simplement: On ne s'est pas fait payer. C'est pour cette raison que la clause que l'on apporte est importante.

Je ne veux pas abuser du temps de la Chambre. Je dois dire, comme médecin vétérinaire, après avoir pratiqué pendant 27 ans, que la médecine vétérinaire a fait d'immenses progrès. Au début, nous n'étions pas en possession des médicaments comme la pénicilline, etc. Nous avons pu faire de nombreuses expériences. Je calculais qu'un médecin vétérinaire, qui accomplit son devoir, peut faire épargner pratiquement $1 million par année à la population.

Je ne parlerai pas plus longtemps. Je ne voulais faire remarquer que ces deux petits points. En commission plénière, nous discuterons des points plus importants. Merci.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Le député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, il semble difficile d'ajouter quelque chose à ces deux interventions remarquables de deux hommes de l'art que nous venons d'entendre. Mais comme quelques-unes de leurs remarques ont touché ma propre profession, je ne peux m'empêcher d'y ajouter quelques mots.

Le député de Saint-Maurice a très bien situé le rôle très important que joue la profession dont il est membre dans l'organisation de notre société. Il a dit que ce rôle, en fait, était antérieur à celui de la médecine puisqu'on a traité les animaux avant même de traiter les humains. Je vous avoue qu'il ne m'a rien appris puisqu'étant donné que l'homme descend du singe, il est bien évident que les singes ont commencé par traiter les singes et les chevaux ont commencé par traiter les chevaux avant que les hommes n'apprennent à traiter les hommes.

M. DEMERS: C'est bon! il y en a qui remontent au singe aussi.

M. LAURIN: Par ailleurs, lorsque le député de Saint-Maurice énonçait la complexité de sa profession, le nombre très grand de variétés animales qu'il avait à connaître avant de prétendre arriver à l'expertise dans sa profession, j'avais en même temps pour lui beaucoup d'admiration et de sympathie. Je n'ai pu m'empêcher de faire la remarque, in petto, que les études menant à l'obtention de son diplôme n'étaient sûrement pas assez longues. Il faudrait les allonger de plusieurs années si l'on veut arriver à une véritable expertise pour toutes les catégories d'animaux que le vétérinaire doit connaître. Je serai donc prêt à collaborer avec lui lorsqu'il présentera des amendements, en commission plénière, pour allonger la durée des études.

M. DEMERS: Cela va être populaire auprès de ma profession.

M. LAURIN: J'ai particulièrement goûté l'allusion que le député de Saint-Maurice a faite au Dr Knock puisqu'il a dit que les médecins, conformément à ce principe de Jules Romains, tentaient de persuader que dans tout être en santé il y avait un malade qui s'ignore. Il a parfaitement raison de souligner là une différence fondamentale entre la gent humaine et la gent animale.

En effet, même si l'homme n'a pas à son compte cette variété d'appareils orthopédiques ou cette variété de systèmes digestifs qu'il à connaître, il y a quand même une différence qui vaut pour toutes celles que le député a mentionnées. C'est que nous avons la faculté de nous torturer, ce que les animaux n'ont pas. Cette faculté que nous avons de nous torturer augmente le nombre des maladies dont nous avons à souffrir. Cependant, j'avertis le député de

Saint-Maurice que le moment approche où la gent animale, pourra également se torturer puisque tous les chats et les chiens qu'on élève maintenant dans les grandes villes sont torturés par leurs propriétaires à force de câlineries, à force de gâteries, à force de conditionnements, à un point tel qu'on est en train de créer chez eux des névroses animales et même des psychoses animales qui vont amener la profession à se spécialiser, à se diversifier. Je ne serais pas étonné, pour ma part, que bientôt la profession doive se subdiviser en spécialités et qu'il faille prévoir une psychiatrie animale, comme il existe une psychiatrie humaine.

M. DEMERS: L'animal naît bon, l'homme le corrompt.

M. LAURIN: Je suis d'accord avec le principe rousseauiste que vient d'exprimer le député de Saint-Maurice.

Je ne voudrais pas, ainsi que mon collègue de Gouin m'en a prévenu, entrer dans la dimension linguistique. Je ne voudrais pas, en effet, introduire cette dimension linguistique car on m'accuserait de caporalisme nationaliste et on voudrait nous abreuver de ridicule en prétendant que nous voulons faire apprendre le français à tous les animaux qui peuplent le Québec.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Commençons par les humains, l'homme est un animal!

M. LAURIN: Tel n'est pas mon propos car nous savons très bien que ce n'est qu'à la télévision et dans les bandes dessinées que les animaux parlent français ou anglais pour le moment.

Il reste cependant, pour être un peu plus sérieux, qu'aussi longtemps que durera la sujétion de l'animal par rapport à l'homme, c'est avec le propriétaire de l'animal qu'il faudra traiter et que c'est avec ce propriétaire que les vétérinaires auront à trouver une langue de communication interne, si l'on peut dire. Par ce biais, je crois qu'il peut quand même s'avérer justifiable d'introduire la dimension linguistique et de demander au gouvernement, comme nous l'avons fait pour tous les autres projets de loi, d'obliger ces professionnels à avoir une connaissance d'usage de la langue française.

Quant aux médicaments, M. le Président, je suis parfaitement d'accord avec les revendications des députés de Yamaska, de Saint-Maurice et de Gouin. D'ailleurs, je pense que le moment n'est pas encore venu où une certaine tension ou rivalité, pour fins d'intérêts, se manifeste entre les vétérinaires et les pharmaciens. Cette tension, cette rivalité que nous avons vue dans le domaine des humains ne s'est pas encore manifestée dans ce domaine. Peut-être qu'elle viendra un jour, mais étant donné qu'elle ne s'est pas encore manifestée, je pense qu'il n'y aurait aucun inconvénient à permettre aux

vétérinaires non seulement d'utiliser des médicaments, mais d'acheter et de vendre des médicaments.

Un jour, peut-être, on verra qu'il sera important, qu'il s'avérera essentiel de restreindre, comme on l'a déjà fait pour les médecins, l'achat et la vente de médicaments mais ce moment n'est pas arrivé. Je pense qu'en s'en tenant à la lettre de la loi qui est soumise à notre attention, on serait injuste à l'endroit d'une grande partie de la population. Après tout, les lois sont faites pour être amendées. Il est probable qu'une fois le code des professions adopté, le législateur sera moins réticent à apporter, au fur et à mesure de l'évolution, les amendements qu'il estime importants ou essentiels.

Etant donné que ceci s'avérera plus facile dans l'avenir, il me semble que la loi actuelle devrait s'ajuster à la réalité actuelle qui fait actuellement au vétérinaire une exigence d'acheter et de vendre des médicaments pour rendre le service maximal à ceux qui viennent le consulter. Il me semble que c'est là une revendication actuelle que le législateur peut accepter sans qu'il en résulte aucun inconvénient pour les autres corporations, aucun inconvénient pour le public. A ce titre, je me demande pourquoi le législateur, pour des fins uniques de cohérence et de concordance, se refuserait à accepter une demande qui, prima facie, s'avère absolument valable.

J'ai également écouté avec attention le ministre de l'Industrie et du Commerce quand il nous demandait notre avis sur les conseils que certains voisins peuvent donner à d'autres auxquels ils veulent du mal sur le traitement possible à donner aux animaux dont ils sont propriétaires.

Il est bien possible que des cas de ce genre se soient produits. Mais les vétérinaires n'en ont pas l'exclusivité. Ceci se passe continuellement, également, dans le domaine médical où nous voyons des patients potentiels consulter soit les astrologues, les horoscopistes ou leur barman préféré quant au traitement qu'ils devraient utiliser pour l'une ou l'autre des affections dont ils souffrent.

Et pourtant, personne n'a jamais prétendu qu'après avoir tiré une recette d'un Reader's Digest, ou d'un copain de club un peu éméché, ou de quelque voisin qui nous voulait du mal, on puisse se rendre coupable d'exercice illégal de la médecine. Pour la raison bien simple que les poursuites que l'on peut effectuer à cet égard sont intentées par l'ordre lui-même. C'est lui qui est le maître de la poursuite, et il l'est à partir d'une définition précise de son champ d'exercice.

Je ne conçois pas que, dans l'exemple que nous a mentionné le ministre, un vétérinaire puisse s'autoriser de cette confidence pour intenter une poursuite en utilisant la délimitation du champ de pratique que lui donne sa loi. Je pense plutôt que c'est là un problème rural, local, dont il ne faudrait pas exagérer l'ampleur ni l'importance. Je pense que la loi actuelle, de même que les coutumes qui s'instaureront encore dans le champ professionnel précité, empêcheront les exemples, comme celui dont nous parlait le ministre, de se multiplier.

Je pense donc, pour répondre d'une façon plus précise à la question du ministre, que la loi est assez explicite dans sa formulation actuelle et que je n'y ajouterais rien d'autre pour prévoir les cas dont il nous a fait mention.

Pour le reste, je pense que, dans ce cas, comme dans les autres, la loi se veut une modernisation, une mise à jour la plus adéquate possible, dans les circonstances, et c'est la raison, encore une fois, pour laquelle nous lui accorderons notre appui.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Le ministre de l'Industrie et du Commerce veut-il exercer son droit de réplique? Non.

Alors, la motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

Adopté.

LE SECRETAIRE-ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: Je propose que ce projet de loi soit déféré à la commission spéciale des corporations professionnelles.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard ): Cette motion de déférence est-elle adoptée?

M. PAUL: Sur division.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Adopté sur division.

M. LEVESQUE: Une fois le vote de division provoqué par le Ralliement créditiste adopté, nous passerons...

M. BROCHU: Un instant, ne déformez pas.

M. BELAND: Qu'est-ce qu'il dit?

M. PAUL: On ne sait pas, il ne dit rien.

M. BROCHU: Est-ce que vous pourriez rétablir les faits?

M. LEVESQUE: Je propose que nous passions à l'article 25.

M. PAUL: Le ministre de l'Industrie et du Commerce n'a jamais tant travaillé depuis qu'il est député.

Projet de loi no 258 Deuxième lecture

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard ) : Le ministre de l'Industrie et du Commerce

propose la deuxième lecture du projet de loi no 258, Loi des agronomes.

Le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Guy Saint-Pierre

M. SAINT-PIERRE: Le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'adoption à cette Chambre.

M. PAUL: Il a l'air fatigué, ça fait plusieurs.

M. SAINT-PIERRE: C'est un fait. Je vais être extrêmement bref puisqu'essentiellement, compte tenu de la réforme de l'ensemble des professions, nous avons abrogé la loi actuelle des agronomes pour la remplacer par le projet de loi 258 qui, dans une large mesure, n'est qu'une concordance, tant avec le code des professions que pour prévenir les particularismes de ce corps professionnel.

Un des changements que je me dois de signaler est dans le terme anglais que nous avons retenu dans la loi à la demande de la corporation. Cette dernière a prétendu voir dans le mot "agrologist" quelque chose de plus vaste que le terme que nous avions antérieurement, soit le mot "agronomist". C'est un petit détail que je me permets de vous signaler.

Dans ce projet de loi, nous retrouvons bien sûr la composition et le pouvoir de réglementation d'un bureau de l'ordre qui sera composé d'un président, d'un vice-président, de onze sections et de trois membres nommés par l'Office des professions qui représenteront le public en général. Dans ce projet de loi peut-être différent d'autres projets de loi, on remarque pour des raisons historiques une certaine importance accordée à des sections locales d'agronomes qui regroupent sur un territoire donnée tous ceux qui pratiquent leur profession, tant dans le secteur privé que dans le secteur public.

Une section complète du projet de loi touche les pouvoirs de ces sections qui, en matière de réglementation vis-à-vis de leurs membres, en matière de cohésion, d'activités des membres de leur section en matière d'éducation permanente ou de vulgarisation de données, peuvent avoir un certain champ d'action. Ces sections locales causent un certain problème et, d'avance, je mentionne un amendement qu'il faudra apporter en comité plénier puisque, dans le moment, les sections, telles qu'elles apparaissent en annexe, sont basées sur les circonscriptions électorales du Québec. S'il n'y avait que la nouvelle carte électorale, nous pourrions toujours changer les noms pour retrouver la nouvelle carte, mais comme la loi des circonscriptions électorales prévoit un mécanisme constant de révision, je pense, comme nous l'avons fait savoir aux agronomes, qu'il serait préférable pour eux de s'en remettre comme dans d'autres professions à la procédure prévue au code des professions qui permet une certaine division sur le plan géographique de l'ensemble du territoire pour regrouper dans les sections régionales les membres qui pratiquent leur profession dans un territoire donné.

Ce sont des amendements que nous apporterons en comité plénier. En ce qui touche l'exercice de la profession, nous retrouvons dans le projet de loi essentiellement les dispositions que l'on retrouvait auparavant à l'article 39 de la Loi des agronomes. Il nous a semblé que la définition telle qu'on la formule actuellement est suffisamment complète, suffisamment vaste et, en même temps, suffisamment précise pour retoucher, pour encadrer la pratique de l'agronome telle qu'on la définit. La corporation, récemment, nous a soumis une nouvelle définition qui nous semblait peut-être trop vaste puisqu'elle parlait sans trop les définir de termes comme la planification, l'aménagement ou la mise en valeur dans le secteur agricole. Il nous semblait préférable de nous en tenir à la définition actuelle qui est très vaste puisqu'elle touche à la fois la culture, la production, l'amélioration, la climatisation, la protection des plantes agricoles de même que l'élevage, l'alimentation, l'exploitation sur le plan strictement des animaux de la ferme. Cette définition telle qu'on la retrouve, comme je le mentionnais, nous semble suffisamment complète et précise pour recouvrir entièrement cette réalité du champ de pratique des agronomes.

Le projet de loi contient évidemment des dispositions analogues à celles que l'on peut retrouver dans d'autres projets de loi pour l'obtention d'un permis de pratique et la reconnaissance de diplômes par le lieutenant-gouverneur en conseil ou de diplômes jugés équivalents par le bureau, de même que d'autres dispositions qui permettraient également des permis temporaires pour une période de cinq ans pour des gens qui pourraient satisfaire à certaines des dispositions sans satisfaire à toutes les dispositions prévues à l'article 25.

Enfin, le projet de loi a, comme tous les autres projets de loi, des dispositions transitoires pour assurer un passage hamonieux entre la situation actuelle et la situation sur le nouveau projet de loi. En ce qui touche la Loi des agronomes, on pourrait dire un peu ce qui pourrait s'appliquer à d'autres projets de loi et que j'ai mentionné dans un premier temps, savoir que le meilleur est l'ennemi du bien et tentant d'avoir un projet de loi à la perfection, on aurait pu risquer de manquer l'échéance d'avoir une refonte de la loi conforme au code des professions, sachant d'avance que nous allons avoir quand même avec l'Office des professions des mécanismes nouveaux pour adapter constamment les dispositions qu'on retrouve dans les lois particulières des professions à l'évolution de la science elle-même et du contexte dans lequel les agronomes doivent exercer leur profession. Merci.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Le député de Saint-Maurice.

M. Philippe Demers

M. DEMERS: M. le Président, étant donné qu'il n'y a pas d'agronome dans cette Chambre, du moins, pas que je sache, vous permettrez à un type dont la profession chevauche celle des agronomes...

M. SAINT-PIERRE: Cousin germain.

M. DEMERS: Non, pas cousin du tout, pas même germain, parce qu'il y a de l'allemand là-dedans, puis ça m'inquiète. ... un peu celle des agronomes de dire quelques mots sur le principe de cette loi. Somme toute, il y a très peu à dire, parce que, si je me réfère aux documents qu'avait fait parvenir la Corporation des agronomes à la commission parlementaire, je réalise que la corporation avait donné son acceptation globalement, sans restriction ou à peu près, sur la loi 258.

Il va sans dire que la profession approuvait la loi 250 et, à plus forte raison, lorsque c'est devenu dans un domaine spécifique qui concerne les membres de cette profession, elle a accepté la loi telle que présentée ou modifiée très légèrement. De toute façon, on nous la présente réimprimée, c'est la maladie du siècle, la réimpression. On réimprime tout, même si on écrit les mêmes choses.

M. le Président, je dois dire que l'agriculture actuellement — et vous le savez autant que moi — a beaucoup évolué tant dans sa conception que dans ses modalités d'action. Le champ d'action de l'agronome s'est considérablement agrandi. Cet homme, au début, a rendu des services un peu extraordinaires à la collectivité québécoise, dans le milieu rural et dans le milieu urbain. C'est en effet l'agronome qui fut le conseiller du cultivateur, de l'habitant de chez nous. Ce fut l'homme qui possédait l'instruction, ce fut l'ingénieur du sol, ce fut celui qui, dans les temps où il n'y avait qu'une grammaire dans le rang, était l'homme qui pouvait, à l'instar du curé, apporter des solutions et avoir une vue d'ensemble sur tous les problèmes.

Il fut le type qu'on consultait pour savoir quel système de rotation on devait établir dans la culture de ses champs; il fut l'homme que l'on consultait pour savoir quelle devrait être la fumigation qu'on emploierait pour détruire les parasites et tous les insectes nuisibles à la récolte. Il fut l'homme que l'on consultait et dont on prenait les avis judicieux lorsque c'était le temps, par exemple, d'élaborer un rapport d'impôt, d'écrire une lettre pour demander une subvention. Ce fut le factotum, ce fut le conseiller de l'habitant de chez nous.

Aujourd'hui, avec l'automatisation, avec les méthodes de culture diversifiées et améliorées, sa vocation et ses attributions professionnelles ont énormément changé. Il est devenu un spécialiste dans un secteur particulier. Autrefois, l'agronome était l'équivalent du médecin général, du médecin de campagne de médecine générale. Il touchait à tous les domaines. Aujourd'hui, en médecine, on a fait des spécialisations et chaque maladie trouve son spécialiste.

Il en va ainsi dans le domaine agricole. Vous avez dans des bureaux régionaux un spécialiste en grande culture, un spécialiste en industrie animale, un spécialiste en génétique, un spécialiste dans tous les domaines qui touchent le développement, un spécialiste dans les gestions de ferme, un spécialiste en comptabilité, et c'est toujours l'agronome, l'agronome spécialisé. Il a envahi un autre champ, le champ de l'industrie et du commerce. Nous voyons des agronomes à la tête de grosses meuneries, qui travaillent sérieusement à la mise en marché de produits.

Ce sont des gens qui ont des qualifications diversifiées et je crois que c'est une classe de personnes qui n'ont pas toujours eu les revenus nécessaires, une classe de personnes dont on n'a pas reconnu tous les mérites et qui furent toujours — ils ne m'en voudront pas si j'attire l'attention de cette Chambre sur leur situation — les parents pauvres de nos professions. Il y avait deux pauvres dans les professions: l'agronome et le médecin vétérinaire.

En défendant les autres, on aura peut-être un peu de sympathie pour nous. Je le fais sans arrière-pensée. Je crois qu'on doit attirer l'attention sur le besoin que nous avons de payer ces gens, de leur donner un salaire équivalant au salaire des autres professionnels Je me permets cette parenthse. Comme il n'y a rien à dire sur le principe accepté, j'ai pensé que c'était l'occasion de le faire. Je crois que cette argumentation ne devrait pas tomber dans l'oreille de sourds; on devrait comprendre que les gens qui conseillent la classe la plus importante du secteur rural, la classe agricole, devraient avoir des émoluments équivalant à ceux des autres classes de la société. Ceci dit...

M. PAUL: M. le Président, je m'excuse auprès de mon collègue, le député de Saint-Maurice, mais même en nous comptant tous les deux, nous arrivons à un défaut de quorum.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Giasson): Qu'on appelle les députés!

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Saint-Maurice.

M. DEMERS: M. le Président, avant que le transfert des pouvoirs ne se fasse, j'étais à chanter les grandeurs des champs et à faire l'éloge de la terre. Le principal artisan, le responsable des succès et de l'évolution de notre agriculture est ce professionnel de la terre, cet ingénieur du sol qu'est l'agronome. Il y a eu une obligation de recyclage extraordinaire pour cet homme qu'est l'agronome. L'agriculture a évolué avec une rapidité je ne dirai pas inquiétante mais fulgurante; la ferme agricole est devenue une entreprise commerciale.

Une foule de petites entreprises agricoles marginales sont disparues, elles ont été remplacées par des grosses fermes. L'agriculteur d'aujourd'hui, digne de ce nom, doit être un industriel. Les étudiants en agriculture au niveau universitaire étudient maintenant de nouvelles sciences que leur confrères plus âgés n'ont pas étudiées. Les méthodes d'approche des agronomes auprès des cultivateurs sont différentes de celles qui existaient il n'y a pas plus de dix ans. L'agriculture n'est plus uniquement une affaire de production, c'est aussi une affaire de transformation. Le rôle d'un agronome dans une agriculture moderne est perçu et apprécié dans de nombreuses sphères comme essentiel puisque de son action professionnelle dépend l'alimentation des humains.

Si on a de bons agronomes, on a une culture prospère. L'agriculteur n'inventera pas les méthodes nouvelles, il ira lesétudier avec l'agronome, l'ingénieur des champs.

L'agronome est le seul professionnel de l'agriculture, le seul capable d'appliquer les sciences à l'agriculture.

C'est capital, M. le Président, et c'est pourquoi ce projet de loi 258 devrait attirer l'attention non seulement de la population agricole du Québec mais de la population industrielle du Québec. L'Office de mise en marché des produits agricoles, les producteurs, les consommateurs, tout se tient, si nous avons une production. Tantôt, mon collègue de Gouin était inquiet sur l'avenir qui est réservé à l'humanité au sujet de sa nutrition. Pour que cet avenir, que ces événements qu'il présage dans une vision apocalyptique, soient retardés le plus tôt possible, il faut nécessairement que notre agronome ingénieur soit à l'affût des théories nouvelles et qu'il puisse conseiller l'agriculteur qui doit lui aussi s'instruire. Autrefois, on faisait un habitant, en prenant le plus imbécile de la famille et en le faisant labourer. Aujourd'hui, il faut prendre le plus brillant de la famille, parce qu'on en fait un industriel. Le seul qui survivra en agriculture, c'est celui qui possède ces données et qui est capable de gérer une ferme, de voir à la mise en marché de ses produits et qui est capable de participer à l'évolution et au développement de la vie agricole et aussi des problèmes qui en dépendent, pas des problèmes, mais des facteurs qui découlent de cette vie agricole. Vous avez la mise en marché des produits agricoles qui partent de l'agriculteur, vous avez le bien-être et le mieux-être du consommateur dont tout dépend. C'est l'agronome qui est le chef d'orchestre au concert qui se joue dans nos campagnes et qui doit agencer les partitions afin que tout soit harmonisé et concorde pour produire quelque chose qui sera agréable et productif.

M. le Président, depuis plusieurs années, les agronomes espèrent une définition légale plus à jour de leur travail professionnel. Cette nouvelle définition de leur profession, les agronomes la souhaitaient ardemment, non pas pour revendiquer des droits qu'ils ne peuvent avoir et non plus pour éliminer et dominer les gens qui gagnent leur vie en agriculture.

C'étaient et ce sont les expressions dont se sont servis les membres de la corporation dans le mémoire qu'ils nous ont exposé. Les agronomes ne veulent pas restreindre le champ d'action des autres professionnels, mais, pour caractériser leur action, pour en déterminer la portée, ils veulent qu'on leur permette d'appliquer à l'agriculture les sciences qu'ils ont étudiées. C'est l'objectif que poursuit ce corps professionnel et, en l'introduisant dans le cadre des professions, en l'introduisant dans les 21 professions dont nous étudions le fonctionnement et dont nous étudierons les règlements d'application, je crois que l'agronome vient prendre la place qu'il lui revient. Je crois, M. le Président, qu'il est grand temps que l'on fasse quelque chose pour ces gens. J'ose espérer que les propos que j'ai mis de l'avant en ce qui a trait au revenu trouveront un écho quelque part afin que ces ingénieurs du sol puissent être rémunérés comme il se doit. Sur ce, M. le Président, nous aurons quelques remarques à faire lorsque nous étudierons cette loi en comité plénier; je réserve donc mon intervention pour ce moment.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Lotbinière.

M. Jean-Louis Béland

M. BELAND: M. le Président, à mon tour sur le projet de loi no 258, il va sans dire qu'il faut presque, à ce moment-ci, emprunter des connaissances que nous n'avons pas mais que nous devons maîtriser.

Comme l'honorable député de Saint-Maurice l'a dit, moi-même je ne suis pas agronome. Par contre, ayant quelques connaissances en agriculture, je me permets de parler, en leur nom, sur ce bill.

Premièrement, l'honorable ministre, tout à l'heure, a bien voulu apporter, si j'ai bien compris, une correction quant à la phraséologie ou enfin au sens à donner à certaines définitions de mots. J'ai nommé le terme "agrologie", qui a été mentionné en commission parlementaire, ainsi que le terme "agronomie". Je pense qu'en apportant la correction, principalement dans la partie anglaise du bill... Disons que le sens est complètement autre dans "agrologist". Il ne couvre qu'une partie du champ d'activité que les agronomes ont couvert dans le passé et auront à couvrir également dans l'avenir.

Ceci dit, c'est véritablement le cas que les agronomes n'ont pas seulement à s'occuper ou à voir à enseigner, à conseiller les cultivateurs, les fermiers, sur la culture des plantes, mais également à s'occuper de l'amélioration et des soins du bétail. C'est pour cela que la correction, de tout premier ordre, devait avoir lieu.

En ce qui concerne les agronomes, ce n'est pas une tâche facile qu'ils ont eue dans le passé et peut-être le sera-t-elle encore moins dans l'avenir. Justement, les personnes qu'ils ont à conseiller, les agriculteurs, comme les fils d'agriculteurs qui se destinent à l'agriculture, c'est-à-dire les agriculteurs d'aujourd'hui, de 1973, et ceux qui auront à vivre de l'agriculture, ce n'est plus seulement une profession ordinaire. En plus d'être agriculteurs de métier, ils doivent être des hommes d'affaires au sens complet du mot.

Or, étant donné que l'agriculteur est continuellement aux prises avec la nécessité de jouer avec la vie, quand ce n'est pas la vie des plantes, c'est la vie des animaux, ce n'est pas une tâche facile qu'ont les agronomes ou qu'auront les agronomes dans l'avenir pour faire de ces spécialistes de la terre, de ces spécialistes qui auront à nourrir le genre humain, des personnes qui pourront, avec leur métier, s'acquitter de cette lourde tâche qu'ils auront à accomplir.

De plus en plus, nous voyons dans d'autres sphères, avec les spécialisations, des personnes spécialisées pour couvrir un cadre bien déterminé. Mais nous voyons, dans bien des cas, des personnes qui sont en mesure, à 100 p.c, de couvrir ce cadre particulier.

Combien, cependant les trouvons-nous justement primaires, très primaires lorsque nous leur posons des questions dans d'autres domaines connexes à leur spécialité! Justement, en agriculture, les agronomes ont à former les cultivateurs de façon que leur rayon de connaissances soit tellement grand que c'est pour cela que, de plus en plus, nous sommes portés à les appeler les hommes d'affaires. Ce sont réellement les personnes que nous devons qualifier aujourd'hui, peut-être, de personnes les plus éclairées parmi tous les professionnels.

A ce moment-ci, je ne veux pas semer de doute quant à la valeur des autres professions ou des professionnels à l'intérieur de ces disciplines. Mais étant donné la grandeur, le champ de connaissances à l'intérieur duquel les agronomes doivent jouer tous les jours de l'année — je dis tous les jours de l'année et ce n'est pas faux parce que ce n'est pas seulement durant les cinq jours ouvrables mais durant les sept jours de la semaine, 365 jours par année, par conséquent — ils doivent composer continuellement, justement par le fait qu'ils jouent avec la vie, la vie des plantes et la vie des bétails.

M. GALLIENNE: Des bétaux!

M. BELAND: M. le Président, celui qui vient de parler me dit "bétaux". Je reconnais parfaitement bien l'honorable député qui vient de faire son entrée il y a seulement quelques mois en cette Chambre. Il a des connaissances très primaires en agriculture, M. le Président.

M. DEMERS: Oh! oh! Vous n'êtes pas allé dans Gatineau, vous ne l'avez pas vu labourer!

M. BELAND: M. le Président, je ne puis, à ce moment-ci, étant donné que nous parlons des agronomes, passer sous silence une question. Les agronomes de l'avenir, que leur demandera-t-on? Il y a plusieurs champs nouveaux d'activité qui s'ouvrent devant eux. Je me permets d'en nommer un. Je ne me rappelle pas quelle association de la région de Montréal en a fait mention dernièrement, mais, de toute façon, il s'agissait justement d'apporter une aide à celui qui était le responsable de la qualité de l'environnement il y a quelques jours seulement, l'honorable député de D'Arcy-McGee. Je disais justement qu'en ce qui concerne les espaces verts dont a fait mention cette association, espaces verts que nous devrons aménager autour de Montréal, on fera appel, encore là, à des agronomes pour mesurer quelles sont les possibilités pour un aménagement rationnel de tels espaces verts, espaces qui devront être durables en dépit du fait que dans ces espaces verts devront être aménagés des parcs de toutes sortes et quoi d'autre encore.

En même temps, il va sans dire — c'est ce pourquoi je faisais allusion au député de D'Arcy-McGee — ces espaces verts aideront l'honorable député à résoudre, en partie, son problème de dépollution.

Encore là, le même député qui vient de faire son entrée en Chambre me demande pour quelle raison. Je ne peux faire autrement que de lui répondre. Je vois que l'honorable député ne sait pas que les plantes, les arbres ont des propriétés dépolluantes par leurs...

M. DEMERS: Comment ça?

M. BELAND: ... tiges, leur respiration. Cela me fait plaisir de renseigner l'honorable député. A l'avenir, les agronomes ne seront-ils pas appelés à jouer un autre rôle en plus de celui qu'ils ont joué à venir jursqu'à maintenant, et qu'ils jouent aujourd'hui? Peut-être que l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce s'en souviendra, j'ai posé une question, en décembre dernier, concernant le fait qu'au Québec nous devrions encourager la culture biologique, et faire connaître à la population les avantages d'une telle culture.

Encole là, est-ce que ce ne seront pas les agronomes qui seront appelés à jouer un rôle très important de même que les techniciens agricoles? Mais ce n'est pas le moment. Avant d'être rappelé à l'ordre, je dis tout simplement que ce seront les agronomes qui seront appelés à conseiller les fermiers qui voudront s'adonner à de telles cultures.

Je pourrais citer ici — si ça m'était permis — certaines expériences qui ont été faites en Europe. Je pourrais signaler le nom de certains agronomes éminents qui se sont aventurés dans de telles possibilités de culture et qui ont eu des succès fabuleux. Même au Québec nous comptons déjà deux ou trois fermes à cultures biologiques mais qui ne sont pas reconnues

comme telles. Cependant, une certaine quantité de ménagères qui s'y connaissent dans ce domaine de même que les naturopathes font appel à ces fermes, afin de trouver réellement ce qu'il faut pour soigner de façon naturelle certaines maladies.

Il va sans dire que les agronomes ont joué un rôle également important dans le passé au niveau non seulement des industries agricoles mais également para-agricoles. Et cela va continuer dans l'avenir.

Ils ont également joué un rôle très grand non pas seulement comme conseillers agricoles. Ce fut mentionné d'ailleurs tout à l'heure de façon très brillante. Ils se sont acquittés de cette fonction, entre autres, mais combien de fois n'ont-ils pas suggéré à des agriculteurs des améliorations très sensibles pour un aménagement réaliste, fonctionnel d'une ferme, et selon, toujours, les possibilités de revenu et l'envergure que voulait donner ce fermier à sa ferme! Et nous avons constaté par les résultats que dans très peu de cas les agronomes se sont trompés. Et c'est pour cela que c'est le moment aujourd'hui de le signaler. Ils se sont acquittés, jusqu'à aujourd'hui, de leur tâche d'une façon magnifique. Nous devons les en féliciter.

Il faut signaler le fait qu'il faudra améliorer de plus en plus l'enseignement agricole. Ce n'est pas parce que l'enseignement agricole a été mauvais, non, mais il faudra se tenir à la page à cet égard, mais il y a possibilité de s'améliorer. Je pense que nous pourrons faire constater au ministre de l'Education et au ministre de l'Agriculture que nous devrons au Québec intensifier l'enseignement agricole de la même façon que cela se fait présentement à l'Ecole d'agriculture de Sainte-Croix, Lotbinière, la seule école agricole française de l'Amérique du Nord.

M. le Président, je termine avec ces quelques observations et j'espère que l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce, malgré que je sois fort surpris parce que je croyais que l'honorable ministre de l'Agriculture s'occuperait des agronomes, mais absent comme il est, il a transféré ses pouvoirs à l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce. C'est pour cela que nous devons constater que l'honorable ministre responsable aujourd'hui n'a pas parlé très longuement en deuxième lecture et peut-être que sa réplique sera également courte.

Cela dit, M. le Président, je vous remercie.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Sainte-Marie.

M. Charles Tremblay

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, le projet de loi 258 qui est une loi connexe au code des professions va abroger la loi actuelle des agronomes et la remplacer par une nouvelle. La Loi des agronomes du Québec n'a pas été amendée ou changée depuis trente ans. On peut dire, comme ceux qui ont parlé avant moi, que la Corporation des agronomes est une des professions les plus importantes dans le Québec, étant donné les problèmes agricoles que nous, avons présentement.

Il y a, je pense, quelque 1,800 agronomes qui pratiquent la profession. Tout à l'heure, un de mes collègues mentionnait le fait que les agronomes n'étaient pas représentés parmi les membres de l'Assemblée nationale. A l'avantage de cette profession, on peut dire qu'il y a plusieurs années, cette profession n'a été représentée assez avantageusement parce que, de 1936 à 1939, le chef de l'Opposition était un agronome et de 1939 à 1944 ce même agronome était premier ministre du Québec, en la personne de M. Adélard Godbout.

Ils ont donc été représentés avantageusement. M. le Président, cette profession d'agronome a surtout pour rôle de conseiller l'agriculteur dans l'administration de sa ferme, dans ses modes de culture. En somme, ce technicien de l'agriculture joue un rôle très important et je pense que, dans l'avenir, si, comme le dit souvent le ministre de l'Agriculture, on veut sauver l'agriculture au Québec, on va le faire certainement avec des spécialistes de la profession, c'est-à-dire des agronomes.

Nous sommes entièrement d'accord sur le projet de loi. c'est-à-dire que c'est toute une restructuration par la formation d'un bureau qui sera formé d'un président, d'un vice-président avec des représentants de onze sections en vertu de la loi, et de trois représentants nommés par le bureau administratif. Cependant dans la délimitation des onze territoires — qui seront nommés les onze sections — nous voyons un peu plus loin que chacune de ces sections pourra amender ou changer les limites de son territoire.

Je ne sais pas comment ça va fonctionner, parce qu'actuellement nous définissons les onze sections et les territoires sont inclus dans la loi. Par contre, nous disons à un article — je ne me souviens pas de son numéro — qu'une section pourra changer les limites de son territoire. Mais comment changer les limites du territoire si, en vertu de la loi, ces limites existent déjà? Je ne sais pas si le ministre me saisit bien, mais, en vertu de la loi, il y a onze territoires et des limites, mais, par contre, une section peut rediscuter les limites de son territoire.

Je ne sais pas si le ministre en a pris connaissance. Je ne sais pas si c'est une contradiction dans la loi. Nous sommes d'accord sur toutes les nouvelles structures; cependant, nous déplorons que, lorsqu'on parle des conditions requises pour obtenir un permis d'exercer la profession d'agronome, on n'ait pas inclus l'obligation de la connaissance du français. Je ne sais pas s'il y en a, ici dans cette Chambre, qui connaissent des agronomes qui pratiquent actuellement dans le Québec et qui n'ont pas une connaissance d'usage du français. Moi, j'en connais quelques-uns autour de Montréal.

Je pense qu'il aurait été normal pour le

Québec que soit incluse dans la loi l'obligation pour un agronome de parler français pour pratiquer sa profession dans le Québec. C'est là une lacune, une anomalie que nous constatons dans la loi. En commission parlementaire, lorsque nous discuterons du projet de loi article par article... Voulez-vous me faire remarquer qu'il est six heures?

M. LEVESQUE: Non, j'allais demander au député s'il avait des remarques plus prolongées ou s'il achevait. J'ai quelques mots à ajouter en dehors...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Il m'en reste pour une minute. Je conclus tout simplement en disant que notre parti est d'accord sur la loi, mais nous sommes en désaccord sur l'article où on mentionne les obligations pour l'obtention d'un permis pour la pratique de la profession. Nous aurions voulu y inclure l'obligation de la connaissance d'usage du français pour pratiquer cette profession dans le Québec. Merci.

M. LEVESQUE: Adopté.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire spéciale des corporations professionnelles.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, on reçoit plusieurs demandes de renseignements; des gens veulent prendre rendez-vous et aimeraient être fixés un peu sur les heures des séances cette semaine. Ce soir, nous pourrons siéger jusqu'à minuit; demain, nous siégerons en Chambre de trois heures à six heures.

Demain soir, il y a séance du Cabinet. Donc, nous ne siégerons pas demain soir. Jeudi, nous siégerons de dix heures du matin jusqu'à minuit et vendredi, nous siégerons à partir de dix heures du matin. Quant à vendredi et les jours suivants, il faudrait voir où nous en serons rendus. Parce que c'est l'intention du gouvernement de suggérer que nous puissions disposer cette semaine des deuxièmes lectures des projets de loi des professions et je crois que le temps qu'il nous reste devrait être suffisant pour atteindre cet objectif.

La programmation que je viens de mentionner est sujette à changement, mais c'est l'inten- tion que nous avons en ce moment. Donc, ce soir jusqu'à minuit; mercredi, de trois heures à six heures; jeudi, de dix heures à minuit; vendredi, peut-être jusqu'à six heures, mais tout dépendra de la marche des travaux. Lorsque nous ne donnons pas de renseignement, M. le Président, on vient nous demander tour à tour ce qui va arriver, si on peut prendre tel ou tel rendez-vous, si nous essayons d'être gentils et de collaborer, on se fait dire qu'il y a une épée de Damoclès. On ne sait plus réellement, M. le Président.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie ) : Siégeons-nous samedi?

M. ROY (Beauce): Je veux chasser ces propos de mon esprit. Est-ce que samedi, c'est l'intention du leader du gouvernement de faire siéger la Chambre?

M. LEVESQUE: C'est ce que voulait dire le député de Bourget. Il n'est pas question, dans notre esprit, de siéger samedi, si ces projets de loi sont déférés à la commission parlementaire.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce qu'on va siéger samedi? C'est connditionnel.

UNE VOIX: C'est nous qui décidons cela.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Bien oui, c'est pour cela que je vous le demande.

M. LEVESQUE: Ne me posez plus de questions.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je voudrais demander à l'honorable leader de nous dire quels projets de loi seront discutés ce soir.

M. LEVESQUE: Nous allons continuer, je crois bien, avec les comptables agréés. C'est tout quant aux projets de loi qui sont parrainés par le ministre de l'Industrie et du Commerce. Nous prendrons ensuite les projets de loi au nom du ministre des Affaires sociales, toujours dans le domaine des professions.

M. ROY (Beauce): En ce qui a trait aux projets de loi du ministère des Affaires sociales, est-ce qu'on pourrait savoir quel projet de loi sera appelé en premier, en deuxième?

M. LEVESQUE: Les infirmières et infirmiers, projet de loi 273, qui est maintenant en deuxième lecture et la parole est au député de Montmagny.

M. ROY (Beauce): Parfait.

M. CLOUTIER (Montmagny): Après le projet de loi des infirmières?

M. LEVESQUE: Après, je crois, si ma mé-

moire est fidèle, que le ministre avait indiqué qu'il voulait entreprendre l'étude du projet de loi 254, Loi des dentistes. Est-ce juste?

M. CLOUTIER (Montmagny): Il avait indiqué la Loi de la pharmacie.

M. LEVESQUE: La pharmacie? Alors, probablement qu'il suivra l'ordre qu'il a indiqué.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La Chambre suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze.

(Suspension de la séance: 18 h 5)

Reprise de la séance à 20 h 22

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

Projet de loi no 264 Deuxième lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Industrie et du Commerce propose la deuxième lecture du projet de loi 264, Loi des comptables agréés.

M. Guy Saint-Pierre

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, dans ce projet de loi, le huitième...

M. PAUL: Un instant, Son Exellence.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'adoption à cette Chambre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A quel moment le lieutenant-gouverneur en a-t-il pris connaissance?

M. SAINT-PIERRE: Vers six heures trente.

M. le Président, dans une large mesure, ce projet de loi se veut, comme tous les autres, de concordance avec le trait de législation que nous avons présenté, relié avec le code des professions. Nous retrouvons donc dans ce projet de loi — et je ne voudrais pas faire perdre le temps de la Chambre pour l'expliquer en détail — les mêmes dispositions que nous avons vues cet après-midi dans d'autres projets de loi, à savoir la composition d'un bureau de l'ordre qui, dans ce cas-ci, sera composé d'un président, de vingt administrateurs et de quatre personnes nommées par l'Office des professions qui représenteront le public en général.

Ce bureau se voit confier, par le projet de loi, le même type de mandat — il n'y a rien de particulièrement différent ici — c'est-à-dire coopération avec les maisons d'enseignement dans l'établissement des programmes d'enseignement, également l'évaluation des étudiants, tenue d'un registre des étudiants, révocation d'immatriculation des étudiants, perception de certins droits et autres dispositions analogues en ce qui touche la bonne marche de la Corporation des comptables.

Dans ce projet de loi, évidemment, on retrouve également la définition d'un champ de pratique. J'aimerais prendre quelques minutes pour expliquer dans quel état nous nous retrouvons vis-à-vis de toutes les professions du secteur de la comptabilité en regard de ce projet de loi.

On se rappelle que lors de l'audition à la commission parlementaire tant des comptables

agréés que des autres groupe, les CGA, les RIA, nous avions soulevé, nous, les parlementaires, la nécessité d'obtenir une certaine intégration de la profession comptable en reconnaissant, dans ce processus d'intégration, peut-être des champs différents, mais le tout chapeauté par la même corporation professionnelle.

Il me fait plaisir de dire que, durant le mois de décembre, nous avons eu des rencontres qui ont duré quelques heures avec les représentants des trois groupes directement concernés: les CA, les CGA et les RIA.

Les trois groupes avaient convenu de mettre sur pied des mécanismes conjoints pour étudier la possibilité de fusionner leurs activités, leurs champs de pratique, quitte à avoir des sections différentes à l'intérieur de l'organisme. Un seul organisme pourrait chapeauter l'ensemble des fonctions comptables et l'organisation de la profession comptable dans la province de Québec.

Depuis décembre ou fin novembre, les organismes se rencontrent régulièrement. On m'informe que des progrès sensibles ont été réalisés dans ces discussions et qu'il n'est pas impossible que, d'ici quelques mois, les trois associations puissent présenter au gouvernement un nouveau projet qui contiendrait une nouvelle définition du champ de pratique actuellement occupé par des groupes différents et permettrait au même organisme de chapeauter l'ensemble de l'organisation de la profession comptable, avec les avantages évidents que ceci pourrait représenter.

Cependant, compte tenu de notre échéancier pour l'ensemble de la législation sur les professions, il semble donc préférable, pour le moment, de s'en tenir, en ce qui touche le champ de pratique, à un certain statu quo pour causer le minimum de difficultés entre les professions, compte tenu que les négociations sont bien engagées entre ces groupes et qu'il est possible d'escompter que, d'ici quelques mois, nous pourrions enregistrer des progrès.

C'est donc dire que le législateur — on le remarquera dans la réimpression du projet de loi 264, ainsi qu'à certains articles du code des professions, l'article 35, je crois — a tenu par une certaine prudence, à ne point modifier les champs de pratique ou le degré d'exclusivité des trois groupes concernés, les CA, les CGA et les RIA.

J'attire particulièrement l'attention des législateurs sur un article que nous avons ajouté au projet de loi actuellement devant nous et qui voulait protéger, d'une façon plus évidente que nous ne l'avions fait autrefois, les droits qui étaient donnés à un groupe particulier.

Malheureusement, je ne l'ai pas à l'esprit dans le moment. Il y a un article — soit dit entre nous, M. le Président, ça ne touche pas le principe du projet de loi — qui protège, d'une façon très complète, les droits que pouvaient avoir les... Tiens! Je l'ai. C'est l'article 29 que nous avons ajouté dans la réimpression. D'une façon très claire, il indique que la loi actuelle ne doit pas être interprétée comme empêchant les membres de la Corporation professionnelle des comptables en administration industrielle du Québec de pratiquer exclusivement comme comptables en prix de revient ou comptables industriels leur profession tel qu'ils l'ont fait jusqu'ici.

C'est une disposition nouvelle.

On remarquera d'ailleurs que — et je pense que certains membres de cette Chambre ont eu des représentations — le projet de loi des comptables contient les mêmes clauses de protection, les clauses grands-pères que nous avions antécédemment. On retrouve certaines d'entre elles dans des dispositions transitoires. On pense, en particulier, à ce qu'il est convenu d'appeler les auditeurs publics accrédités — accredited public accountants — qui, je crois comprendre, disparaissent et qui, à un certain moment, ont été un certain groupe assez fort. Ils retrouvent dans les dispositions de l'article 47 une protection pour leur permettre de continuer d'exercer leur profession avec les mêmes droits et privilèges qu'ils ont eus jusqu'à ce jour.

M. le Président, je pense donc qu'en résumé ce projet de loi se veut simplement la suite d'autres projets de loi que nous avons eus. Compte tenu, comme je l'ai mentionné, de son champ le plus particulier, c'est-à-dire la définition du champ de pratique et les juxtapositions entre le champ des comptables agrées et celui des deux autres groupes d'importance que nous connaissons dans la province de Québec, les CGA et les RIA, il y a lieu de ne pas modifier le statu quo. Il faut permettre, par le projet de loi 264, à la profession comptable de s'abouter à nos réformes déjà prises dans le cas du code des professions. Nous espérons, bien sûr, que peut-être ce groupe sera un des premiers à se prévaloir des nouveaux mécanismes de l'Office des professions et du projet de loi 250 pour demander, dans un avenir rapproché, une intégration de ces trois groupes dans une seule profession comptable suivant des modalités qu'eux-mêmes sont à définir.

Le député de Montmagny pourra peut-être nous éclairer sur ce point, compte tenu qu'il est lui-même un comptable, dans le cas des comptables il ne semble pas y avoir de difficulté de frontière avec les autres corps professionnels. Il me semble que les frontières sont assez bien limitées. Il peut y avoir des difficultés de partage en ce qui touche le champ exclusif et j'entends bien le champ exclusif. Bien sûr, on pourrait parler des sciences de gestion et des sciences de "management", qui sont un domaine où un peu tout le monde est expert, mais le champ de la comptabilité et de la vérification est assez bien délimité. Il s'agirait dans un réaménagement de faire un partage entre les trois corps professionnels que nous avons jusqu'ici pour délimiter, sous le même chapeau, un ordre qui regrouperait tous ceux qui sont

intéressés à la science de la comptabilité et de la vérification.

Ceci dit, il me semble qu'en général c'est l'essence de ce projet de loi d'être de concordance avec les dispositions du code des professions, qui a été adopté en deuxième lecture. Rien de tellement particulier touche ce projet de loi, sinon de ne pas retarder l'échéancier de notre réforme globale des professions. Merci.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Montmagny.

M. Jean-Paul Cloutier

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, le ministre de l'Industrie et du Commerce avait gardé pour le dessert, son dessert à lui, la Loi des comptables agréés. C'est un projet de loi extrêmement important pour plusieurs raisons. Il n'y a pas un groupe, je pense, devant la commission parlementaire — quand je dis un groupe, je vise tous les groupes de comptables. Il y en a cinq ou six qui sont venus devant la commission parlementaire, les CA, les CGA, les RIA, les APA, la Guilde des comptables commerciaux mais ils n'ont pas présenté leur mémoire. Aussi, j'en parlerai un peu plus tard. Je veux déjà dire au ministre que je ferai des remarques sur la proximité d'autres corporations professionnelles qui s'occupent de gestion, proximité qui n'est peut-être pas évidente aujourd'hui, mais qui le sera dans quelques années où d'autres générations verront les mêmes problèmes se poser, les problèmes de champs connexes entre l'administration, d'une part et les sciences administratives et les sciences comptables, d'autre part.

M. le Président, il n'y a pas un groupe, devant la commission parlementaire, qui a souligné d'une façon aussi évidente son désir et la nécessité d'effectuer un regroupement. Il n'y a pas un groupe également qui a manifesté, depuis les séances de la commission parlementaire, autant de bonne volonté à vouloir effectuer ce regroupement malgré que les témoignages aient été assez directs. Il y a eu des échanges assez vifs entre les trois corporations professionnelles majeures, à savoir les comptables agréés, les CA, les RIA et les CGA.

En 1946, au moment où l'assemblée législative du temps a reconnu dans une loi le privilège d'exercice exclusif aux CA, les autres organismes ont mentionné que c'était là accorder un privilège à une corporation professionnelle et que ce privilège qui a été accordé à cette corporation a empêché le développement aussi rapide des autres corporations professionnelles, aussi rapide en nombre et aussi rapide dans le champ d'activité professionnelle qu'elles ont pu couvrir. Si bien que l'on retrouve aujourd'hui les CA dans le champ de la vérification publique, et on retrouve surtout les CGA et les RIA aux postes administratifs. Selon les statistiques si je me souviens, 90 p.c. des CGA occupent des postes de responsabilité au sein du gouvernement, au sein du haut fonctionnarisme fédéral, provincial et également au sein de l'entreprise privée.

Les comptables, bien avant l'audition devant la commission parlementaire, ont constaté ce besoin de regrouper les forces de leur corporation, et de ne pas dépenser les énergies de leur corporation professionnelle à lutter l'une contre l'autre mais bien à dépenser ces énergies pour assurer le développement nécessaire de leur corporation professionnelle, compte tenu de l'évolution de la société et compte tenu de l'évolution rapide du contexte dans lequel elles évoluent et sont appelées à servir.

Depuis ce temps, depuis les séances de la commission parlementaire, j'entendais le ministre dire tantôt qu'il y a eu effectivement une première rencontre avec les autorités du gouvernement, et qu'à la suite de cette rencontre il y en a eu plusieurs tenues par ces trois groupes et qu'on s'achemine vers une solution.

Solution heureuse, je pense, M. le Président, non pas parce que ces corporations professionnelles — dont une a un champ de pratique exclusif, les CA, et les deux autres, les RIA et les CGA, ont un titre réservé au sens du code des professions — vont perdre leur identité propre, non pas qu'elles vont perdre dans cette fusion l'orientation précise que chacune d'elles avait prise, mais on va faire un certain réalignement à l'intérieur de ces professions. Parce qu'il y a deux groupes bien distincts de professionnels qui oeuvrent au sein de ces trois corporations. Il y a deux orientations bien distinctes. Il y en a une qui veut que les comptables ou les membres de ces trois corporations professionnelles fassent surtout de la gestion et de la comptabilité, tandis que les autres se spécialisent dans la vérification. Alors, il y a là une espèce de partage qui est naturel, je pense, mais que, de toute façon, les travaux de la commission parlementaire ont facilité.

Sans fausse modestie, je dois dire qu'à la commission parlementaire, étant fort sensibilisé à ce problème, j'ai été un de ceux qui ont invité ces trois corporations professionnelles à tenter cet effort de regroupement. Dans le contexte actuel tel qu'on le connaît, tenant compte des possibilités que donne la législation et de la tendance naturelle qu'il y a à se regrouper — je ne veux pas déborder les cadres du débat, mais on sait que le mot "regroupement" est mentionné en plusieurs milieux — il est bon que les trois corporations professionnelles, pour un objet bien précis, tentent cette forme de regroupement. Je pense qu'elles vont y réussir. En cela, elles donneront un exemple à d'autres corporations professionnelles.

Il y a d'autres champs aussi où on devra étudier cette forme de regroupement. Là, je reste dans le domaine des corporations professionnelles. Il y a le secteur des sciences de la santé. Nous continuerons possiblement, après étude de la loi des comptables, avec le ministre

des Affaires sociales, l'étude des lois spécifiques dans le domaine de la snaté. Il se peut qu'au cours de l'étude de ces lois nous mentionnions, au passage, cette possibilité qu'il y ait peut-être certaines formes de regroupement.

D'ailleurs, il y a des professions qui l'ont. Je pense en particulier à ces trois corporations qui sont venues devant la commission parlementaire et qui ont soumis un mémoire conjoint: les psychologues, les travailleurs sociaux professionnels et les conseillers en orientation. Ils sont trois. Il y a là trois groupes de professionnels qui l'ont demandé aussi. Il y aura d'autres regroupements possibles, M. le Président, même pour des corporations qui ne sont pas reconnues actuellement par le code des professions. Je pense à tous les techniciens professionnels, tous les techniciens diplômés des CEGEP, soit dans des sciences administratives, soit dans des techniques humaines, soit dans des techniques forestières. Enfin, il y a plusieurs formes de regroupements possibles, souhaitables et désirables.

M. le Président, je suis bien satisfait de voir que les comptables ont compris cet appel que nous leur avions lancé à la commission parlementaire et qu'aussi vite que possible, ils entreprendront cette importante tâche de l'étude du regroupement. Je sais — le ministre l'a dit tantôt — que plusieurs rencontres ont eu lieu, que les mécanismes conjoints d'études sont en place. Je sais que les nombreuses rencontres qui ont été faites jusqu'à maintenant laissent augurer pour bientôt — le ministre dit quelques mois. J'espère qu'il n'y aura pas de retard indu, bien que l'on doive prendre le temps nécessaire pour bien effectuer cette entente et cette intégration.

M. le Président, la comptabilité est une science qui évolue très rapidement et qui va évoluer très rapidement. J'ai parlé, au cours de l'étude de certaines lois spécifiques, de la formation. Je pense que c'est encore une occasion, au moment de l'étude de cette loi, de parler de l'importance de la formation, non seulement de la formation scolaire, puisque les comptables reçoivent une formation universitaire, mais également de la formation une fois les études universitaires terminées, une fois entrés dans la profession. J'ai dit qu'il n'y avait peut-être pas de professions qui doivent se recycler aussi continuellement que celles du Barreau et des comptables. Et c'est évident, parce que leur pratique est basée en grande partie sur la législation que cette Assemblée nationale adopte.

Quand on connaît le volume de la législation, il est évident que les membres de ces deux professions, et le Barreau et les comptables, doivent poursuivre à certains moments des périodes de formation postuniversitaire, des périodes importantes de formation. On n'a qu'à mentionner la réforme fiscale qui s'est effectuée l'an dernier au niveau des deux gouvernements, le Parlement canadien et l'Assemblée nationale, pour mesurer toute l'importance de cet effort de recyclage qu'ont dû accomplir les comptables depuis l'an dernier.

Et vous messieurs, qui allez, cette année, demander à la profession comptable de préparer vos déclarations d'impôt, vous allez certainement être en mesure d'apprécier les connaissances que les comptables ont acquises depuis un an de toutes les subtilités de la réforme fiscale.

Je sais que les députés comme les autres, étant des humains, vont vouloir utiliser tous les mécanismes de la législation fiscale non pas pour frauder et priver le ministre du Revenu de toutes les ressources dont il a besoin, mais pour ne payer que la juste part qu'il doit recevoir.

M. le Président, la profession de comptable, je l'ai dit il y a un instant, est en évolution très rapide. Je ne sais pas s'il y a d'autres professions qui ont fait autant de recherche sur l'avenir de leur profession. Que sera la profession dans quelques années? Les groupes de comptables se sont réunis et ils ont fait une étude de ce que pourrait être la profession en l'an 2000. Je ne voudrais pas à ce moment-ci, M. le Président, avancer d'affirmation que je ne saurais prouver en cette Chambre. J'ignore s'il y a d'autres corporations professionnelles qui ont fait une étude sur ce que sera la profession à un moment précis de l'histoire, soit en l'an 2000.

Je sais que plusieurs corporations professionnelles s'interrogent sur leur avenir, s'interrogent sur l'évolution qu'elles connaissent actuellement et s'interrogent également sur l'orientation qu'elles doivent donner au développement de leur profession. Mais les professions de comptables et les groupes de comptables ont effectué une étude très importante dont il a été question à la commission parlementaire et je pense que les députés de cette Chambre ont reçu, du moins ceux qui font partie de la commission parlementaire, le résumé de cette étude qui a été faite par les RIA sur le plan national et qui s'intitule: "The Future of the Accounting Profession in Canada", et également cet autre résumé qui s'appelle "Report on Project 21st Century". Je voudrais citer la conclusion de ce résumé pour que les membres de cette Chambre constatent bien que la profession de comptable est peut-être une de celles qui va subir le plus de transformation au cours des trente prochaines années.

Voici la conclusion de ce rapport, M. le Président. J'ai le texte anglais, je la cite en anglais et j'espère que mon accent ne trahira pas toute la qualité de ce texte que je vais citer.

M. CASTONGUAY: L'accent de la rive sud.

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui et on dirait, par moment, que c'est l'accent du comté de Louis-Hébert. Cela se rejoint. Je constate que le ministre a recouvré une vigueur insoupçonnée. Cela augure bien pour les lois que nous allons étudier tantôt. "The following conclusion statement on the

outlook for the professions for the next 30 years was submitted by one of the groups. We believe it also captures the general feelings expressed by the other study groups. It is the opinion of this committee that the accountant, as we know him today, will not exist in the year 2000. He may still carry the same title but his entire professionnal function, environment, responsibilities and objectives will have changed drastically. "Rapid avances in the technology of data processing and communication combined with increased knowledge and application of behaviour sciences has set trend in accounting and management techniques. The accounting profession must immediately embarked on a continuous upgrading of its education programm in an attempt to leave management in economic decision making. "Its present education professional standard traditions must be reexamined, questioned and revised as quickly as possible. The enormous task of revising the professions traditional approach can only be done by the unified accounting profession. This association will be the only body that could sanction certification in accordance with up-to-date legislation. "It is imperative to the future of the profession that this unification takes place and the sooner is the better. It is this comittee's opinion that the individual members of the profession must act quickly, and insist, on changes within the profession. The survival of our profession is at stake unless we keep face with the times."

Nous voyons, M. le Président, et c'est dit en termes très explicites, que la profession des comptables doit se regrouper. En l'an 2000, étant donné tout le développement de la technologie, le comptable, comme le médecin, travaillant avec des outils modernes, des ordinateurs, cette mécanisation que l'on connaît, va davantage se diriger vers l'analyse, l'expertise.

Les tâches routinières qui, si on me permet l'expression, ont pu être les siennes au début de cette profession et durant ces dernières années, vont être modifiées considérablement.

Quand on parlera de l'expert comptable ou du comptable qui pourra regrouper différentes disciplines comme la médecine regroupe 22 ou 23 spécialités, il est possible que l'on connaisse un expert comptable professionnel de cette discipline qui va coiffer toutes ces sciences, toutes ces spécialités, que cela soit de la comptabilité, de la vérification, de la gestion, de l'administration. Il faut poser la question. C'est pour cela que j'ai dit, en deuxième lecture sur le bill 250, qu'il était désirable que cette législation, non seulement sanctionne un état de fait, non seulement constate l'état actuel des professions et leur évolution depuis leur origine jusqu'à aujourd'hui, mais aussi ne perde pas de vue la dimension de l'avenir, la dimension du développement futur des professions. Il doit y avoir cette dimension dans le code des profes- sions et son application, en particulier dans les fonctions qui seront attribuées au Conseil interprofessionnel et à l'Office des professions, dimension qui doit faciliter cette recherche, cette évolution au sujet des professions. J'ai décrit la profession de comptable de l'an 2000 mais nous pourrions examiner les professions juridiques ou les professions médicales telles qu'elles vont se pratiquer en l'an 2000. Nous allons parler des infirmières tantôt. Est-ce que l'infirmière d'aujourd'hui, en 1973, pose les mêmes actes médicaux qu'il y a 25 ans? Est-ce que la science n'a pas tellement évolué qu'aujourd'hui on se retrouve avec un problème où des infirmières posent des actes que la loi actuelle leur fait poser illégalement? C'est le même cas pour les autres corporations de la santé. C'est pour cela que le code des professions et les lois spécifiques prennent à ce moment-ci une dimension particulière et une importance dont tous les membres de cette Chambre sont conscients. C'est pour cela également qu'après que nous aurons fait cet effort de réflexion, ici à l'Assemblée nationale — depuis quinze mois que nous travaillons avec les différentes corporations professionnelles — il ne faudrait pas que cet effort de réflexion et ce dialogue se terminent là.

C'est pour cela que nous avons suggéré des mécanismes. Que cette commission, d'abord, soit une commission permanente. Qu'elle continue d'entendre les propositions, les réflexions, les remarques, les études, les conclusions des études des groupes. Tantôt, le ministre nous a dit: Dans quelques mois, nous espérons que les comptables pourront nous faire part de la conclusion heureuse de cette entente qu'ils sont en train de discuter. Il serait important que la commission parlementaire en prenne connaissance, qu'elle reçoive à la prochaine session ce rapport des comptables. Qu'ils nous disent de quelle façon ils ont travaillé, comment ils en sont venus à cette entente, quelles en sont les modalités, de quelle façon, à partir de ce moment, on entend contribuer au développement et à l'épanouissement de ces professions.

Ce sera un exemple pour les autres professions qui vivent dans un champ connexe, qui travaillent, qui posent des actes médicaux, qui sont considérées comme faisant partie du même secteur d'activité. C'est dans ce sens que cela pourrait avoir un effet d'entraînement. Pour une fois, ces professionnels de la comptabilité, de l'équilibre mathématique, de la balance, de l'équation parfaite — deux plus deux, cela fait quatre — pourraient exercer une influence bénéfique sur les autres corporations où les mathématiques n'entrent pas autant en ligne de compte.

C'est un aspect que je voulais mentionner et je pense bien que mes collègues, en particulier le député de Châteauguay, le député de Jeanne-Mance, et il y en a d'autres dans cette Chambre... Dans la comptabilité, il y a un champ d'activité très vaste. Ce n'est pas parce qu'un

champ a été réservé à un groupe professionnel en particulier par une loi, que ces professionnels portent un jugement hautain sur d'autres professionnels de la même catégorie, qui oeuvrent dans le même secteur. Même, quand on parle de comptabilité, de tenue de livres, il y a là un élément important de la vie professionnelle et du champ d'activité. Les entreprises ont besoin de la compétence de tous ceux qui oeuvrent dans ce secteur, à partir de l'emploi le plus modeste jusqu'à celui qui signe en dernier ressort les états financiers et qui prend la responsabilité de garantir, vis-à-vis des banques, vis-à-vis des institutions financières, vis-à-vis du public en général que les chiffres qui ont été inscrits, à sa connaissance et compte tenu des renseignements qu'il a obtenus de bonne foi, traduisent bien la réalité.

C'est pour cela que je voulais faire cette remarque, afin qu'on ne croie pas que, quand on parle ici de l'Institut des comptables, nous oublions les autres corporations professionnelles qui oeuvrent dans ce secteur et même ceux qui ne sont pas reconnus comme faisant partie de ces corporations professionnelles, mais qui donnent le meilleur d'eux-mêmes à ce secteur d'activité.

M. le Président, ce sont les remarques que je voulais faire au sujet du projet de loi 264. Je veux dire aussi au ministre que je considère comme une amélioration le fait que l'article 29 et l'article 47 tiennent compte des remarques qui ont été faites devant la commission parlementaire et vont empêcher, si l'absence de ces dispositions avait cela pour conséquence, qu'on reconnaisse à ces corporations professionnelles ou ces groupes professionnels ce champ d'activité qu'ils ont pratiqué depuis plusieurs années. Je termine ces remarques en félicitant les corporations professionnelles, les trois groupes qui, actuellement, tiennent des séances et j'espère que la loi aidant, l'accueil assez sympathique qu'ils ont eu à la commission parlementaire à la suite de leur désir de trouver une forme de regroupement, tout cela va déboucher sur une conclusion heureuse et aura un effet d'entraînement vis-à-vis des autres corporations professionnelles.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Frontenac.

M. Paul Latulippe

M. LATULIPPE: M. le Président, nous sommes aussi favorables aux principes que sous-tend cette loi. Nous comprenons qu'il s'agit en définitive d'un bill de concordance qui se veut en accord avec les modalités qu'ont déjà soutenues la Loi médicale, la Loi des infirmières et autres. Nous sommes aussi particulièrement heureux de constater que ce bill fait un regroupement de certaines autres lois et en abroge certaines.

Nous pouvons donc espérer, grâce à l'annonce que le ministre vient de nous faire relativement à une possibilité d'entente entre les trois grandes professions du monde de la comptabilité, soit les CA, les CGA et les RIA, que, d'ici très peu de temps, nous aurons, au moins dans ce domaine de l'activité humaine, de l'activité québécoise surtout, un certain regroupement. Chacun y retrouvera sa place parce qu'on se sera entendu préalablement sur les diverses modalités que l'on veut s'attribuer dans ce champ d'activité.

M. le Président, je suis particulièrement heureux de ce fait, surtout que, cet après-midi, j'ai eu l'occasion de communiquer avec quelques CGA. C'est surtout cet aspect de la question qui m'inquiétait doublement: Qu'allaient devenir les CGA et les RIA? Je savais qu'une entente était en cours et j'ai eu l'occasion de vérifier, à bon escient, que les pourparlers semblent donner satisfaction aux CGA, à ce jour. Ils en sont eux-mêmes doublement heureux, de telle sorte que les appréhensions que je nourrissais à l'égard du vaste champ d'activité que se réservaient spécialement les comptables agréés à l'article 20 prennent aujourd'hui une nouvelle dimension. Je suis particulièrement heureux que la loi soit restée dans des définitions très larges qui permettront justement, parce qu'elles sont très larges, aux divers organismes qui sont actuellement à discuter, de s'entendre d'une façon acceptable pour tout le monde.

Si, comme l'a mentionné le député de Montmagny, les CA se sont jusqu'à présent, spécialisés surtout dans la vérification, il n'en est pas moins vrai que, dans un avenir assez rapproché, je vois les CA devenir surtout des conseillers en administration. Conseillers, parce qu'ils seront des spécialistes du domaine de la comptabilité et qu'ils seront à l'avant-garde des développements du monde de la comptabilité versus l'évolution normale des lois tant fédérales que provinciales. On en a vu dernièrement une application assez marquée, surtout avec les derniers événements qui sont survenus dans les divers ministères du revenu, tant fédéral que provinciaux.

Par contre, je vois les CGA, qui se sont, pour leur part, incrustés dans le domaine de l'administration, demeurer dans ce champ d'activité. Il en sera également de même pour les RIA qui, comme on le sait, sont spécialisés en comptabilité industrielle.

M. le Président, s'il est une science qui est de plus en plus nécessaire dans toutes les activités que ce soit pour les médecins ou encore pour n'importe quelle autre profession, c'est bien celle-là. Je crois que les. notions comptables font aujourd'hui partie intégrante des connaissances que doit acquérir tout individu pour être capable de profiter au maximum des avantages que la société met à sa disposition. Ainsi, aujourd'hui, nous pouvons dire que le monde

de la comptabilité, la science de la comptabilité appartient en définitive à toutes les catégories de professions. J'oserais même dire qu'il n'est pas une profession qui peut réellement donner sa mesure sans apport de la science comptable. Nous faisons donc face à une profession qui est fortement en évolution, surtout grâce â l'apport de la technologie avancée, du monde des ordinateurs et autres. Or, cette profession aura dans le temps de plus en plus besoin de se redéfinir face aux nouvelles propositions techniques qu'on aura avancées.

J'entrevois même la possibilité où un jour chaque entreprise sera reliée à des ordinateurs centraux, où tous les "inputs" et "outputs" des entreprises dans le sens comptable du mot seront faits automatiquement et où même l'aspect vérification peut venir à disparaître non en totalité mais en quasi-totalité, de telle sorte que la profession comptable doit nécessairement s'orienter vers la création de la pensée du processus d'administration.

Il s'agit en somme d'une profession qui se cherchera perpétuellement dans le temps et nous verrons plusieurs spécialités naître à l'intérieur de cette profession et d'autres disparaître. C'est pourquoi, dans un tel cadre, il m'apparaissait, étant donné cette mobilité extraordinaire que devront avoir les professionnels qui agiront dans ce secteur d'activité, qu'il fallait qu'on ait une loi suffisamment souple pour permettre ces rajustements.

Je suis profondément heureux de constater aujourd'hui qu'il semble y avoir une entente entre les trois grands de cette profession pour en venir à fusionner leurs activités et à faire une certaine démarcation des limites à atteindre. Toutefois, je note qu'on semble oublier quelque peu, peut-être parce que c'est une profession encore naissante, d'autres professions connexes, et j'ai à l'esprit surtout le MBA. Cette nouvelle vocation qui existe depuis une dizaine d'années au Québec devrait aussi à mon sens retrouver ses modalités d'application dans ce cadre d'activités. Aujourd'hui, il m'apparaft que, d'ici très peu de temps, nous devrons redéfinir le libellé même du projet de loi en question. Nous devrons peut-être l'appeler loi des experts comptables, quelque chose dans ce genre-là, loi des administrateurs publics ou quelque chose qui se rapprochera de la nouvelle réalité couvrant les diverses modalités ou les divers champs d'activités que se sont répartis divers groupes qui actuellement sont à se refondre.

M. le Président, nous sommes profondément favorables au nouveau principe du bill, quoique avec des réserves sur la façon dont il a été présenté, nous y sommes très favorables, surtout à cause de ce regroupement des activités. Si ce bill conservait certains droits acquis à certaines professions, il m'apparaît maintenant qu'il serait futile d'en parler puisque les divers antagonistes sont actuellement à se redéfinir eux-mêmes. Alors, pour ne pas étirer indéfiniment le temps de la Chambre, on me permettra de signaler que notre groupement politique est favorable au principe soutenu par ce bill. Nous désirons féliciter surtout l'Institut des comptables agrées, qui a accepté de discuter avec d'autres groupes qui étaient jugés jusqu'alors peu dignes de la profession, ceux des CGA et des RIA. J'ose espérer que le responsable ministériel des discussions en cours osera pousser une pointe jusqu'à inviter d'autres associations connexes naissantes à entrer en quelque sorte dans le mouvement en train de se créer. J'ose espérer également, comme l'a souligné tout à l'heure le député de Montmagny, que l'exemple sera suivi par d'autres groupes et que bientôt nous assisterons au Québec à une intégration des divers types de profession.

J'espère aussi que chacun n'essaiera pas nécessairement de se donner des avantages au détriment de l'autre mais essaiera de se trouver une place tout en réservant aux autres une place également acceptable et que chacun y trouvera son profit. Là-dessus, je vous remercie beaucoup.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de Gouin.

M. Guy Joron

M. JORON: M. le Président, on a pris l'habitude depuis quelques jours, dans l'étude de différentes lois, sur différentes professions, de voir la plupart du temps un représentant ou un membre de chacune des professions dont on a discuté depuis quelques jours se lever et nous dire toute l'importance de la profession concernée, nous faire l'historique parfois de la profession et ainsi de suite.

Même si ce n'est pas original, et n'étant pas comptable moi-même, je peux quand même vous dire que nous aussi nous considérons la profession importante. Je trouve un peu ennuyeux de le redire parce qu'on l'entend au sujet de toutes les professions. C'est bien clair, les avocats sont importants; s'ils y en avait pas, ce serait plus difficile d'administrer la justice. Je vois que le député de Maskinongé pense que c'est la chose la plus importante. Par contre, le médecin va penser que, s'il n'y avait pas de médecins, on ne serait peut-être pas en vie, ou pas en santé. Cet après-midi, le député de Saint-Maurice nous disait que, s'il n'y avait pas de médecins vétérinaires, on ne pourrait pas soigner les animaux. Alors, on n'aurait rien à manger et on finirait tous par périr. Enfin, on peut faire le tour des...

M. DEMERS: Sans économistes, il n'y aurait pas d'économie.

M. JORON: C'est cela. Cela n'est pas sûr. Cela dépend desquels.

M. DEMERS: S'il n'y avait pas d'économes il n'y aurait pas d'économie.

M. JORON: On peut faire le tour de toutes les professions et trouver d'excellentes raisons pour en justifier l'importance. Je tiendrais tout simplement à vous dire, au sujet des comptables, M. le Président, que nous prenons cela au sérieux.

Pour vous en donner une preuve, je peux vous dire que notre parti est allé trouver des comptables agréés. Nous leur avons présenté nos livres. Nous leur avons demandé de les vérifier, de produire des états financiers et d'accompagner ces états financiers d'un certificat de vérification. Un comptable agréé comme le député de Montmagny sait très bien ce qu'implique un tel certificat. Cela engage la responsabilité professionnelle de ceux qui signent un tel certificat. C'est comme cela que le Parti québécois est, le seul parti jusqu'à maintenant à avoir pu présenter des états financiers certifiés.

UNE VOIX: Tu parles!

M. JORON: Cela fait mal. C'est une invitation.

M. TREMBLAY (Bourassa): Cela ne fait pas mal, c'est du communisme.

M. JORON: Le député de Bourassa est un peu mélangé.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre messieurs!

M. TREMBLAY (Bourassa): Parlez du projet de loi. Ne parlez pas de votre parti.

M. DEMERS: Il mêle cela avec les autoroutes.

UNE VOIX: Il est drogué par la haute finance.

M. JORON: Je ne sais pas s'il est à Paris ou en France. En vous soulignant ce fait, M. le Président, je voulais tout simplement...

M. TREMBLAY (Bourassa): Ce n'est pas croyable.

M. JORON: ... inciter les autres formations politiques à avoir, non le même respect, mais la même foi dans la profession qu'exercent les comptables agréés et également à leur soumettre leur états financiers respectifs.

Ceci dit, le ministre, en présentant son projet de loi, nous a semblé un peu moins convaincant qu'il l'a été pour d'autres lois qu'il nous a présentées au cours de l'après-midi.

En effet, il nous a rappelé l'objet du projet de loi tel qu'on peut le lire dans les notes explicatives. Ce projet de loi a pour principal objet d'abroger la loi et de la remplacer par une nouvelle qui concorde avec les dispositions du code des professions.

On appellera cela une loi de concordance. En plus, le ministre nous signalait qu'étant donné que les trois groupes concernés dans l'exercice, au sens large, de cette profession sont actuellement en voie de négocier une entente il n'aurait pas été à propos â ce stade-ci de modifier le champ de pratique des groupes concernés. C'est comme cela que le ministre nous disait que la loi, en somme, concrétisait le statu quo en ce qui regarde le champ de pratique.

Nous nous réjouissons, pour notre part, que les trois groupes concernés soient actuellement à négocier leur intégration, à discuter cette question importante, parce qu'il est particulièrement complexe, sur le plan des comptables, ce partage du champ de pratique entre les différentes spécialités, entre les différents groupes. Tant mieux s'ils y arrivent et le plus rapidement possible!

On serait alors quasiment tenté de dire que la loi qui nous est soumise ici devra peut-être, par contre, être revue à la lumière de l'entente qui pourra intervenir bientôt entre les groupes concernés. A cet égard, elle vient peut-être un peu trop tôt. Si bien qu'on peut difficilement, je pense, aller au fond des choses, puisque, par définition même de la loi, la loi telle qu'elle est rédigée empêche d'y aller, exclut d'y aller en raison de cette négociation qui a lieu en ce moment et qui n'est pas terminée.

Ce qui nous amène évidemment à apporter un accord plutôt tiède au projet de loi, parce que, dans le fond, on ne voit pas ce qu'on a à se mettre sous la dent, quel est le principe fondamental qu'il y a derrière et sur lequel on aurait pu discuter. On peut simplement signaler — et le député de Montmagny, un peu plus tôt, l'a évoqué — toute l'importance de cette profession. C'est peut-être une des raisons qui en font une profession si importante. On peut signaler toute l'importance de normaliser les standards et la nécessité pour cette profession de garder des standards très élevés.

Aussi, c'est le devoir de ceux qui sont membres de la profession de voir à établir ces standards, mais c'est surtout aussi le devoir du législateur de voir à ce que de tels standards existent parce que, sur la foi de l'expertise de ces professionnels et sur la foi des certificats qu'ils peuvent signer, sur leur endossement, il peut s'ensuivre des conséquences financières, des conséquences économiques considérables pour un très grand nombre de citoyens.

C'est sur la base d'états financiers qu'on aura acceptés, par exemple, qu'une banque ou qu'une caisse populaire avancerait de l'argent qu'elle a recueilli dans le public, de ses déposants, pour le prêter à une entreprise. Mais on voit tout de suite, par cet exemple —je me contente de n'en citer qu'un — comment les fonds du public sont en quelque sorte engagés dans cette discussion et que, si le législateur ne s'assure pas de standards très élevés dans cette profession, c'est l'intérêt du public, au sens très large, qui peut être mis en cause.

Il y a un autre point, M. le Président. Je le

signalais cet après-midi, en parlant des ingénieurs, mais c'est tout aussi valable. La question se rattache tout autant aux comptables. Je veux parler de quelque chose que nous avons à déplorer, d'une omission à la loi 264 que nous voulons déplorer. C'est l'absence de dispositions au sujet de l'admissibilité à la profession, d'une disposition concernant la langue.

Vous savez, et le député de Montmagny l'a signalé lui aussi, que les comptables occupent des positions clés dans le domaine économique, dans le domaine industriel, dans les grandes entreprises, par exemple, aux échelons supérieurs de la gestion. On déplore aussi que l'une des difficultés que l'on éprouve au Québec à établir le français langue de travail ne se situe pas tellement au niveau de l'usine. C'est à partir du moment où, au niveau des travailleurs, ce sont les communications entre ce niveau et l'administration, et la vie globale de l'entreprise que ça bloque. C'est généralement dans les échelons supérieurs, au niveau de l'administration ou de la gestion, que l'on rencontre souvent des cas d'unilinguisme anglais qui créent des difficultés de communication avec la base.

Là encore, cela aurait été un moyen d'assurer le français langue de travail, de s'assurer que, pour exercer la profession de comptable au Québec, l'on doive avoir une connaissance parfaite et complète de la langue de la majorité, la langue française.

Ainsi, la communication à l'intérieur de l'entreprise, entre la base qui, généralement, est majoritairement francophone et l'administration ou les gérants de l'entreprise, pourrait s'établir beaucoup plus facilement. On ne pourrait pas nous dire, à ce moment-là, qu'il devient inefficace, pas rentable ou pas opérationnel de faire fonctionner l'entreprise en français, parce que, dans les niveaux supérieurs de l'administration, on ne comprend pas cette langue.

Nous aurions dû retrouver une telle disposition, plus particulièrement dans une profession comme celle des comptables. Si on veut être sérieux quand on parle du français langue de travail, langue économique au Québec, on aurait eu là une occasion. Encore une fois, on l'a ratée. Cela fait maintenant tellement de fois, depuis trois ans, qu'à chaque occasion nous le répétons au gouvernement que nous avons perdu confiance depuis assez longtemps. Le public non plus, je pense, ne prendra pas au sérieux un gouvernement et un premier ministre qui parlent de souveraineté culturelle, par exemple, mais qui, chaque fois qu'ils auraient une occasion d'agir, se défilent, comme on le fait encore une fois dans le bill 264.

Somme toute, M. le Président, c'est là une omission que nous déplorons dans le projet de loi. D'autre part, je vous dis que, néanmoins, en terminant, nous souscrivons à la loi telle quelle, même si elle ne répond peut-être pas au degré d'évolution actuel de ces professions. Je ne veux pas me répéter, mais on signale toutes les négociations qui ont lieu, à l'heure actuelle, à l'intérieur même de la profession comptable. On aurait peut-être dû attendre ou il faudra peut-être revenir.

Malgré ça et aussi malgré les difficultés de définir le champ de pratique avec des professions connexes comme les administrateurs, les MBA et toutes ces professions qui tournent autour de la notion de gestion et qui peuvent se rattacher entre elles, nous appuierons cette loi. Même si nous ne sommes pas en mesure de tout régler aujourd'hui, il reste que nous appuierons cette loi dans la mesure où elle n'est pas un pas en arrière — c'est évident — par rapport à la situation passée et peut au moins ouvrir la porte à une modernisation ultérieure quand on connaîtra le résultat de l'entente actuellement en négociation, dans la mesure aussi où elle rajuste, dans un contexte plus rationnel, l'exercice de la profession comptable.

C'est pour ces raisons que nous allons, comme dans les autres cas, apporter notre appui au projet de loi.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que le ministre a quelque chose à dire? Est-ce que la Chambre est prête à voter sur la deuxième lecture du bill 264? La motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. PAUL: M. le Président, nous demandons le vote enregistré pour ce projet de loi.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Qu'on appelle les députés !

Vote sur la deuxième lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Que ceux qui sont en faveur de la deuxième lecture du projet de loi 264 veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Castonguay, Garneau, Tremblay (Bourassa), Goldbloom, Tetley, Drummond, Bienvenue, Saint-Pierre, Mailloux, Phaneuf, Perreault, Brown, Kennedy, Séguin, Picard, Pearson, Fraser, Fortier, Assad, Bossé, Caron, Cornellier, Dionne, Faucher, Giasson, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Larivière, Pelletier, Shanks, Gallienne, Gratton, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Vincent, Cloutier (Montmagny), Boivin, Lavoie (Wolfe), Croisetière, Demers, Roy (Beauce), Latulippe, Drolet, Guay, Laurin, Léger, Joron, Tremblay (Sainte-Marie), Lessard.

LE SECRETAIRE: Pour: 53. Contre: 0.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La motion est adoptée.

Projet de loi déféré à la commission M. LEVESQUE: M. le Président, je propose

que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire spéciale des corporations professionnelles.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, article 5.

Projet de loi no 273 Deuxième lecture (suite)

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Reprise du débat sur la motion de M. Castonguay proposant que le projet de loi 273 soit lu la deuxième fois.

Le député de Montmagny.

M. BOURASSA: D'accord, il fait bien cela.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Elles vont nous soigner quand on va leur donner ce qu'elles demandent.

M. BOURASSA: S'il veut venir de notre bord.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Votre ministre a fait des promesses, ne l'oubliez pas.

M. PAUL: Vous en avez besoin, vous sentez que vous n'êtes pas fort.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs!

M. Jean-Paul Cloutier

M. CLOUTIER (Montmagny): Je m'excuse d'intervenir aussi souvent devant cette Assemblée nationale. C'est le hasard des travaux de cette Chambre qui fait que j'ai à intervenir à nouveau. Si, tantôt, j'ai laissé parler ma raison dans le projet de loi des comptables, vous me permettrez, M. le Président, de lutter contre cette tentation de faire intervenir le sentiment dans le projet de loi que nous allons étudier maintenant au sujet des infirmières.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il faut du sentiment dans un gouvernement déshumanisé.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais d'abord noter non pas la réimpression, mais la réapparition dans cette Chambre de deux membres éminents du parti ministériel: d'abord, le premier ministre qui nous fait l'honneur, ce soir, d'une visite.

M. BOURASSA : J'ai écouté le député de Montmagny toute la soirée à mon bureau de l'autre côté de la rue. Comme d'habitude, je l'ai trouvé excellent, objectif, positif, constructif.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Prési- dent, c'est le premier ministre qui y met du sentiment. Je sais que le premier ministre a hâte que nous ayons la meilleure loi. C'est pour cela qu'il s'est même permis de rencontrer personnellement certains groupes de professionnels, parce qu'il avait l'impression que son ministre des Affaires sociales n'avait pas toujours la même capacité d'entendement vis-à-vis des corporations professionnelles. Je dois signaler également, M. le Président, que le ministre nous est revenu. Des malins en cette Chambre ont dit que le ministre avait attrapé un virus législatif, un excès de "bills".

Cela fait trois ans que l'on dit au ministre des Affaires sociales qu'il apporte trop de lois en cette Chambre. Je pense que, maintenant, il se rend compte que sa résistance physique est sérieusement mise à l'épreuve et que le projet de loi sur lequel il a achoppé, c'est précisément celui des infirmières, alors qu'il a tellement besoin de cette profession.

M. le Président, le député de Gouin, tantôt, faisait remarquer que cela devient de la répétition de dire que les corporations professionnelles sont importantes. Je m'en voudrais de ne pas le souligner à ce moment-ci, étant donné que les infirmières représentent, tout de même, la moitié des professionnels.

Elles sont 40,000. C'est beaucoup plus que les chiffres de l'Hydro-Québec, c'est au moins trois fois.

Je sens que j'ai ouvert des portes; de partout, fusent des observations fort remarquables. J'espère que tous les intervenants vont participer à ce débat et vont ajouter leur témoignage de qualité, de poids, vis-à-vis du ministre des Affaires sociales. C'est le seul moment à la commission parlementaire où le ministre a succombé; je l'ai dit dans une intervention ce matin, le ministre n'était pas ici, mais je le répète; c'est la seule corporation professionnelle à qui il a sur le champ dit qu'il apporterait des modifications à sa loi spécifique.

M. VINCENT: Puis en souriant.

M. CLOUTIER (Montmagny): Le député de Bourget a raison de dire que le ministre s'est repris parce que, dans la réimpression du projet de loi, à certains endroits où le ministre avait accepté tout de suite les modifications suggérées, il a oublié de les inclure. Je pense qu'il voulait se reprendre un peu...

M. DEMERS: Comme ça, le ministre a ramolli.

M. CLOUTIER (Montmagny): ... et avoir vis-à-vis de toutes les corporations professionnelles la même attitude.

M. BOURASSA: M. le Président, j'espère que le député ne reproche pas au gouvernement d'avoir donné une attention toute spéciale aux infirmières. Je pense que c'est tout à fait légitime de l'avoir fait.

M. VINCENT: Non, mais c'est de ne pas l'avoir conservée.

M. PAUL: M. le Président, depuis que nous avons commencé l'étude de ces règlements, c'est la deuxième fois que le premier ministre se lève, inopinément, de façon à interrompre un collègue qui s'adonne à une étude très sérieuse d'un projet de loi. Je voudrais que vous reconnaissiez immédiatement, après l'honorable député de Montmagny je suis sûr que le représentant des créditistes n'y aura pas d'objection — le premier ministre pour qu'il parle une fois en Chambre sur ces différents projets de loi plutôt que d'interrompre, comme il le fait constamment, ceux qui travaillent sérieusement à doter le Québec d'excellentes lois professionnelles.

M. BOURASSA: J'ai parlé pour les infirmières, M. le Président.

M. VINCENT: Qu'il parle sur les infirmières.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, disons que les remarques faites jusqu'à maintenant sont le préambule et que nous allons entrer maintenant dans le vif du sujet. Le 21 septembre dernier, l'Association des infirmières et des infirmiers de la province de Québec comparaissait devant la commission parlementaire ad hoc créée pour l'étude des lois des corporations professionnelles et du code des professions. D'autres organismes, tels que l'Association des gardes-malades et infirmiers auxiliaires de la province de Québec, les Cadres infirmiers unis inc. et, en une autre circonstance, le 18 octobre, les Infirmières en hygiène publique sont venus devant la commission parlementaire faire des représentations au sujet du code des professions et de la loi spécifique qui les concerne.

Je voudrais d'abord, comme on l'a fait en commission parlementaire, souligner leur participation par des travaux de qualité. Je l'ai fait, je devrais le faire peut-être, pour toutes les corporations professionnelles, mais même si on ne le fait pas, c'est sous-entendu. Je l'ai fait la première fois, lors du premier projet de loi que nous avons étudié, celui des médecins. Ces observations que je vais répéter maintenant valent aussi pour les autres corporations professionnelles. Je voudrais souligner leur participation par la qualité des travaux que ces corporations professionnelles ont soumis à la commission parlementaire. On a préparé ces mémoires dans des conditions assez difficiles. Il y a d'abord le temps de l'année. D'après les règlements de la Chambre, il y a un certain délai pour présenter les mémoires. Etant donné la déposition de la loi en décembre 1971, toutes les corporations professionnelles ont dû s'atteler à la besogne durant une période de l'année un peu plus difficile, de façon à nous faire parvenir, à faire parvenir au secrétaire des commissions des mémoires fort documentés suivis de la consultation.

Ce n'est pas l'exécutif de ces corporations professionnelles qui a rédigé de but en blanc un mémoire et qui a soumis des recommandations à la commission parlementaire. Elles ont dû consulter, par des voies démocratiques, et selon les structures de leur corporation professionnelle, dans toutes les régions du Québec, elles ont dû demander l'opinion des membres de la profession et, ensuite, colliger toutes ces opinions et soumettre un texte à la commission parlementaire.

Elles ont également participé aux travaux du Conseil interprofessionnel qui est un autre organisme groupant 22 corporations professionnelles et 50,000 membres qui nous ont soumis également un mémoire de qualité. Elles ont suivi toutes les discussions depuis 15 mois, elles nous ont apporté ici leur entière collaboration, et également, je devrais ajouter qu'elles ont apporté ici, dans des journées grises, un rayon de soleil et un stimulant dont, à certains moments de nos travaux parlementaires, nous avons réellement besoin, surtout le ministre des Affaires sociales avec le handicap qui l'afflige dans le moment, ce virus législatif.

M. le Président, il y a des principes importants dans cette loi spécifique. Je voudrais m'arrêter particulièrement à deux aspects de la loi qui concerne les infirmières. Je sais que nous avons parlé de ces questions lors de l'étude du projet de loi 250 et aussi lors de l'étude d'autres lois spécifiques.

Je pense que dans la définition de l'acte professionnel, l'acte infirmier est un des points importants sur lequel nous devons nous arrêter et discuter un certain temps, Quand je dis les infirmières, je voudrais également qu'elles embrassent les infirmiers. Je ne veux pas à chaque fois répéter et les infirmières et les infirmiers. Alors, il est entendu que le féminin, dans ma bouche, englobe le masculin. Je sais que le premier ministre apprécie toute la subtilité de la remarque que je viens de faire.

M. le Président, dans une étude que les infirmières ont faite au sujet de l'acte infirmier dans les différents centres de santé de la province de Québec, étude extrêmement importante et statistiques fort révélatrices, on lit ceci: "55 p.c. des actes que posent les infirmiers et infirmières sont des actes frontières et sont des actes posés illégalement." Je cite l'interprétation globale de cette étude, à la page 24. Les infirmières ont posé 44 questions clés et elles ont eu une moyenne de réponses comme ceci: "55 p.c. des infirmières posent les actes, et 20 p.c. le font avec entente écrite avec l'administration; 21 p.c. des infirmières et infirmiers n'accomplissent pas ces actes à cause d'une interdiction; 19 p.c. des infirmières n'accomplissent pas ces actes à cause d'une non-incidence dans leur travail quotidien; 5 p.c. des infirmières se sont abstenues de répondre aux questions mentionnées."

Et je continue de citer l'étude déposée par les infirmières. "Cette moyenne de 55 p.c. des infirmières à qui on demande de poser des actes frontières et dont plus de la moitié de ce pourcentage le font sans appui des autorités des institutions illustrent avec évidence qu'une protection légale est nécessaire pour permettre à l'infirmière de jouer son rôle sans porter continuellement la crainte de l'accident qui ne lui permettrait aucun recours vu l'illégalité de ses actes.

Vingt et un pour cent des infirmières ne se permettent pas de poser certains actes soit à cause d'une politique du centre de santé qui les emploie ou à cause de la peur de cette accident qui paralyserait à tout jamais leur carrière.

Quelle que soit la raison qui motive l'interdiction, nous pouvons affirmer que le cinquième des infirmières évitent certains actes frontières. Nous pouvons expliquer que 19 p.c. des infirmières n'accomplissent pas les actes frontières mentionnés car leur travail quotidien n'exige pas l'exécution de ces actes. Ceci est dû au fait de la sectorisation du travail de l'infirmière. L'infirmière qui travaille en médecine et chirurgie n'est pas appelée dans le détail de ses fonctions à poser les mêmes actes que l'infirmière spécialisée en obstétrique.

Si nous nous référons à l'ensemble des commentaires émis par les infirmières qui ont répondu au questionnaire, nous pouvons affirmer qu'une seule voix unit les 5,828 infirmières pour appuyer la démarche de l'AIPQ, qui demande aux législateurs, pour ses 32,000 membres, une reconnaissance du rôle de l'infirmière et par conséquent une protection légale pour les actes nécessités par ce rôle.

M. le Président, elles ont posé de façon très claire, très explicite, devant la commission parlementaire, un problème réel qui dure depuis plusieurs années et qui a été engendré non pas par la mauvaise volonté de qui que ce soit mais parce que la profession a, comme toutes les autres, évolué. Particulièrement les infirmières qui étaient dans des régions plus éloignées, n'ayant pas toujours à côté d'elles le médecin ou autre professionnel de la santé, ont forcément dû poser des actes que, dans les circonstances, elles devaient poser. Cette situation est anormale et elle doit être corrigée. Il est heureux que cette commission parlementaire ait été saisie aussi crûment — si on me permet l'expression — de la véritable dimension de ce problème.

M. le Président, les six septièmes des actes posés par les infirmières et les infirmiers sont indépendants de la profession médicale mais il y en a encore un septième, soit 15 p.c, qui sont dépendants de la profession médicale. Alors on voit quelles sont les conséquences et quelle est l'interrelation entre ces deux professions connexes. Il est évident que les mémoires déposés à la commission parlementaire par les infirmières ne pouvaient faire autrement que de le souligner et également les mémoires déposés à la commission par les médecins, qui ont souligné ce fait. Tantôt, j'y reviendrai, M. le Président. J'ai eu l'occasion, au cours de l'étude de là Loi médicale, le bill 252, de mentionner certains aspects qu'avaient apportés à notre attention les médecins, et j'y reviendrai plus tard.

Je voudrais citer un commentaire, extrait du journal des Débats, à la page 5757, de Mlle DuMouchel, qui apportait son témoignage devant la commission, le 21 septembre dernier. Je cite, M. le Président: "La définition, à la page 16 de notre mémoire sur le bill 273, proposée par nos experts en soins infirmiers émane d'une étude approfondie entreprise par divers groupes de notre profession, à savoir spécialistes cliniques, administrateurs des soins infirmiers, éducateurs de niveau collégial et universitaire. Cette définition est basée sur un contenu scientifique duquel découle tout ce qu'implique l'exercice complexe de notre profession. La profession infirmière est constituée d'actes dépendants et indépendants tel que je viens de le mentionner. Les auteurs et l'expérience nous démontrent qu'un septième des actes accomplis par les infirmières et les infirmiers sont dépendants et que les six septièmes sont indépendants de la profession médicale. "Même dans l'accomplissement des actes dépendants, il demeure que l'infirmière et l'infirmier doivent constamment poser un jugement professionnel basé sur leurs connaissances scientifiques et leur expérience clinique. A titre d'exemple, le médecin prescrit un médicament au besoin. L'infirmière ou l'infirmier doit faire appel à son jugement, à son sens d'observation, à ses connaissances scientifiques et techniques concernant le médicament et l'état du malade pour décider de l'opportunité de l'administration dudit médicament."

Plus loin dans cet extrait, Mlle DuMouchel faisait état de cette enquête que je viens de citer.

Alors, on voit l'importance de la définition de l'acte infirmier dans la loi qui les concerne, autant que pour les autres professions. En commission parlementaire, je voudrais dire au ministre des Affaires sociales que nous devrons faire une discussion exhaustive sur chacune des professions de la santé et prendre le temps qu'il faut pour traiter de cet article important dans chacun des projets de loi, qui est la définition de l'acte. Il faudrait qu'au terme des travaux de la commission plénière, de la commission parlementaire, nous ayons pu mesurer l'importance et la portée de chacun des mots qui sont inscrits dans la définition.

Nous avons souhaité, nous avons demandé, même que la législation que nous allons adopter — le code des professions et les lois spécifiques — ne soient qu'un départ, car il est souhaitable et désirable que nous ne nous en tenions pas là parce que les professions vont évoluer. S'il est désirable que chaque année, les corporations professionnelles ou le Conseil interprofessionnel ou l'Office des professions, s'ils

le désirent, reviennent devant la commission parlementaire qui serait permanente, je l'espère, il serait désirable aussi que ce travail de discussion au sujet des définitions continue après l'adoption de cette législation. En effet, j'ai l'impression que, même si nous nous entendons pour adopter un texte définitif, nous n'aurons pas résolu les problèmes des actes frontières entre les différentes corporations professionnelles.

Le ministre me dira qu'il a introduit une soupape, que, particulièrement pour les médecins et les infirmières, il y a une disposition, dans le code des professions, qui permet de dresser la liste d'un certain nombre d'actes sur lesquels les deux corporations professionnelles, en l'occurrence les médecins et les infirmières, seront d'accord. Je pense que c'est un élément de souplesse qui va faciliter la collaboration entre les deux professions et qui va permettre d'éliminer ces actes illégaux qu'actuellement posent les infirmières à cause des circonstances.

C'est pour ça, M. le Président, que je revenais à cette idée, cette nécessité que le code des professions et les lois spécifiques ne soient pas un point d'arrivée, un point final. Cette étude a permis à tous les législateurs, à tous les membres de cette Chambre de prendre connaissance, d'abord, de la composition des professions, de l'ensemble des questions qui intéressent les corporations professionnelles prises individuellement et prises collectivement, soit dans le secteur de la santé, dans le secteur juridique, dans le secteur de l'administration ou dans le secteur économique.

Alors, M. le Président, je pense que c'est une initiative qui nous a permis, en tout cas pour celui qui vous parle, de prendre contact avec les professionnels et de saisir véritablement toute la dimension des problèmes dans ce champ, dimension dont même quatre ans d'exercice comme titulaire de deux ministères ne m'avait pas fait prendre conscience.

Je l'avoue, M. le Président, ces quinze mois, ces vingt-quatre séances des commissions parlementaires nous ont véritablement fait connaître les problèmes qui se posent aux corporations professionnelles, particulièrement dans le domaine de la santé. Avant de terminer l'acte infirmier, je voudrais dire que différentes propositions ont été faites. Dans l'ancienne loi des infirmières, il n'y avait pas de définition de l'acte infirmier.

C'est peut-être difficile ici d'avoir des points de comparaison comme on en avait pour d'autres groupes. A tout événement, M. le Président, il y a assez de suggestions qui ont été faites; même, on en retrouve dans le mémoire qui a été déposé par les médecins. A la page 24, où on fait des commentaires sur la Loi des infirmières et des infirmiers, on fait des suggestions de définition pour l'acte infirmier.

Les infirmières ont également tenu compte de la première version du projet de loi. Elles ont fait d'autres suggestions en commission parle- mentaire. Elles ont fait, dans des mémoires récents que le ministre a eu l'avantage de consulter, d'autres suggestions.

Je pense qu'il y aura lieu d'en discuter au mérite en prenant tout le temps qu'il faut pour trouver la meilleure définition possible, surtout quand on parlera de la prévention.

Je termine ces remarques sur l'acte infirmier et je voudrais maintenant dire quelques mots sur la formation de l'infirmière. Dans le nouveau mémoire que cette corporation professionnelle a soumis au ministre en date du mois de février, et dont j'ai un exemplaire, elles ont longuement insisté sur ce point de l'article 11 b), de l'admission à l'étude et de la formation des infirmières.

Il y a là un principe extrêmement important. La deuxième version du projet de loi ne les satisfait pas et je crois qu'elles se sont interrogées à bon droit. Je ne crois pas que la loi, telle que stipulée actuellement, réponde parfaitement aux impératifs d'une corporation professionnelle comme celle des infirmières.

C'est peut-être la corporation professionnelle dont la formation a été la plus transformée ces dernières années. On sait que, avec la loi de création des CEGEP qui a été adoptée en 1968, si ma mémoire est fidèle, la formation des infirmières a été transférée, à partir des écoles traditionnelles, les écoles qu'on appelait les écoles de gardes-malades au sein des hôpitaux, au niveau du CEGEP.

Je faisais partie du gouvernement qui a pris cette décision qui relevait surtout du ministre de l'Education. Mais c'est une décision à laquelle le ministre de la Santé du temps n'était pas resté indifférent. Nous avons voulu introduire une dimension, nous avons voulu nous arrêter à un aspect de cette transition qui nous paraissait important. Nous voulions que ce transfert de formation, à partir de l'école traditionnelle, au milieu du CEGEP, ne se fasse pas, d'une façon générale, dans tout le Québec, dans une période de temps trop courte.

Nous voulions que des expériences pilotes se fassent et nous voulions être en mesure d'apprécier, avant de compléter l'opération, ce que donnerait cette nouvelle formule. Les infirmières expriment certaines réserves — elles ne sont pas les seules d'ailleurs — sur cette formation donnée actuellement dans les milieux scolaires alors que les infirmières sont éloignées du centre de formation traditionnel qu'était l'établissement hospitalier.

Elles apportent, à l'appui de leurs interrogations, des témoignages de poids. On verra, dans le mémoire qu'elles nous ont transmis récemment, qu'elles invoquent le témoignage, en particulier, de la Communauté économique européenne, alors que l'on dit qu'il est probable que l'enseignement s'est détérioré par rapport à ce qui existait.

M. le Président, j'en passe, mais je m'arrête particulièrement au témoignage qu'elles citent à la page 15 de leur mémoire. Je voudrais le

donner en entier parce qu'il est extrêmement important. Les infirmières disent ceci: "La même crainte de détérioration de la qualité de la profession se retrouve dans la publication de la Fédération nationale des infirmières et infirmiers belges, édition février 1972, à la page 8: "Bien que les délégués des associations professionnelles réalisent parfois la gabegie existante dans leur pays, elles ne peuvent pas ne pas tenir compte des situations actuelles. Bien que des projets de simplification des systèmes et des structures officiels soient en cours dans plusieurs pays, il faut, dans un premier temps, arriver à concilier les points de vue et à déterminer un programme minimum de formation commun aux dix. A Paris, un second sujet a été à nouveau soulevé. Il s'agit des directives relatives à la formation des infirmières en soins généraux publiées dans le journal officiel de la CEE. En effet, les associations nordiques, norvégiennes et danoises, qui sont uniques, toutes puissantes et écoutées, ne peuvent comprendre et admettre facilement que ces directives soient passées. Hélas! ce n'est pas faute d'avoir rué dans les rangs. Vous avez été régulièrement tenus au courant des réclamations que les associations professionnelles, à titre individuel ou en groupe, ont introduites à de nombreuses reprises et en frappant à de multiples portes. L'entrée dans la CEE de la Norvège et du Danemark d'une part, et du Royaume-Uni d'autre part, va peut-être permettre aux infirmières de renforcer leurs positions. Il est peu probable, cependant, qu'un amendement favorable intervienne dans l'immédiat qui vise la libre circulation, mais au stade prospectif, ce renfort d'influence ne peut que nous aider."

Et je continue la lecture du mémoire des infirmières. "Lors des discussions tenues le 21 septembre 1972, l'honorable ministre des Affaires sociales, M. Castonguay, a laissé entendre que les mécanismes dans l'éducation de la santé seraient les mêmes pour toutes les professions en élaborant sur la collaboration des professions de la santé avec les institutions d'enseignement dans la préparation des programmes et sur le droit exclusif de ces professions quant à l'admission à l'exercice des professions. Le projet de loi 273 enlève les droits acquis de l'Association des infirmières et infirmiers de la province de Québec relativement à l'admission et à l'immatriculation des candidats à l'étude de la profession infirmière et à l'élaboration des programmes de formation et des examens à l'admission de l'exercice de la profession."

M. le Président, si j'ai bien compris le message de la Corporation professionnelle des infirmières et infirmiers, il n'est pas question, pour ces professionnels, de renverser la vapeur, de revenir en arrière et de dispenser la formation de leurs membres à l'école traditionnelle. Mais, par exemple, elles ne sont pas prêtes — étant trop éloignées des centres de décision qui appartiennent au ministère de l'Education et aux corporations de CEGEP — à accepter que la formation des infirmières se détériore. Elles ne sont pas prêtes à accepter qu'après un certain nombre d'années — parce qu'il y a tout de même cinq ou six ans de rodage dans ce nouveau programme de formation des infirmières — cette période de rodage aille au-delà du nécessaire et que l'on se retrouve dans quelques années avec des membres, des professionels dans leur secteur d'activité qui n'auraient pas la même qualité que celle qu'on est en droit d'exiger d'un groupe aussi important et qui dispense des soins tellement importants dans le domaine de la santé, elles qui sont des collaboratrices de tous les professionnels majeurs de la santé; les médecins, les dentistes, les pharmaciens, enfin toutes les professions de la santé.

Je crois qu'il est important qu'en commission parlementaire nous nous arrêtions davantage à leur témoignage. Je voudrais ici, pour le bénéfice de mes collègues, en cette Chambre, et pour les membres de la commission parlementaire, citer, de la page 5759 du journal des Débats de la séance du 21 septembre 1972, encore une fois, une partie du témoignage de Mlle DuMouchel devant la commission parlementaire: "Par ailleurs, le législateur augmente les pouvoirs et les obligations de notre corporations vis-à-vis du contrôle des actes professionnels comme on le fait également pour les autres professions. "La corporation, à notre avis, pour s'acquitter adéquatement de cette dernière responsabilité, doit continuer à exercer, en collaboration avec le ministère de l'Education ou les universités, selon le cas, le droit de regard sur les conditions d'admission à l'étude et à l'exercice de la profession, les programmes, leur coordination et leur adaptation aux besoins. Ce que l'association réclame, c'est une participation à part entière à la formation de la catégorie des professionnels de la santé dont elle assume la responsabilité légale. Elle réclame que ce droit lui soit conservé, tout d'abord, parce qu'elle ne croit pas avoir failli à la tâche dans le passé." Je pense que leur témoignage, à ce point de vue-là, est véridique. Je continue la citation, M. le Président. Elles croient que "dans le système présent où l'éducation infirmière est étatisée, l'efficacité de l'action d'un organisme apolitique est nécessaire pour assurer la réforme en profondeur de notre système pédagogique. Elles croient aussi que c'est au sein de ses membres que se trouvent les vrais spécialistes de l'éducation infirmière. Elles réclament encore ce droit parce qu'au cours des cinq dernières années où les infirmières et infirmiers ont été formés dans les collèges, elles ont été à même de constater les faiblesses du système . actuel concernant surtout la mise en application des normes préconisées par la Commission royale d'enquête sur l'éducation, dite Commission Parent, le mode de contrôle et de coordination des programmes, les nombreux problèmes qui exis-

tent au sein des options "techniques infirmières", problèmes qui, jusqu'à ce jour, n'ont eu ni l'attention, ni l'étude, ni les solutions appropriées de la part du ministère de l'Education."

M. le Président, c'est là un témoignage de poids. Ce n'est pas une charge contre le ministère de l'Education. J'ai fait moi-même ces remarques-là à mon collègue le ministre de l'Education dans le temps. J'imagine que le ministre des Affaires sociales a eu lui aussi l'occasion, à différentes reprises, surtout à la lecture de la brochure qu'elles ont publiée sur l'analyse des résultats de la formation au CEGEP, de sensibiliser le ministre ou les ministres de l'Education à ce problème de la qualité de la formation de l'infirmière au niveau du CEGEP. Je continue la citation: "La compétence du personnel enseignant dans les quarante options "techniques infirmières" dans les CEGEP préoccupe beaucoup l'association et elle a tenté par tous les moyens possibles d'augmenter cette qualité chez les professeurs au niveau de la formation infirmière. Le rapport Parent avait préconisé un système d'évaluation et d'agrément ou, si vous le préférez, d'accréditation des collèges et même des options â l'intérieur de ces derniers. Jusqu'à ce jour, aucun mécanisme n'a encore été ébauché pour l'établissement de ces normes d'évaluation et d'agrément. Cette recommandation du rapport Parent est à notre avis un élément essentiel à la réforme en profondeur de l'éducation. L'AIPQ est fortement intéressée à s'engager activement dans un tel projet puisqu'elle veut continuer d'assurer au public la qualité des soins infirmiers dont il a besoin."

Alors, M. le Président, c'est clair. C'est un témoignage très franc qui a été donné à la commission parlementaire et je pense qu'il est opportun que le législateur s'arrête à ce témoignage et qu'il prenne les dispositions pour qu'autant que possible ce désir que les infirmières ont de participer très étroitement à l'aspect qualité de la formation des membres de leur corporation professionnelle leur soit facilité, que les dispositions législatives leur facilitent ce désir, cette responsabilité qu'elles ont, dans toute la mesure du possible. Etant donné que c'est peut-être dans ce secteur professionnel que le ministère de l'Education est le plus directement impliqué, ce ne serait pas, je crois, donner à cette corporation professionnelle des privilèges indus que de ne pas respecter l'uniformité de toutes les dispositions législatives des différentes lois spécifiques, que de leur accorder ce droit de regard et cette participation à la qualité de la formation de leurs membres.

Elles avaient fait une autre suggestion au ministre à la commission parlementaire au sujet de la situation des infirmières et des infirmiers auxiliaires ou des auxiliaires en nursing. On retrouvera leur demande aux pages 57 à 59, à la suite du texte que je viens de donner. Le ministre a tenu compte de cette suggestion puisque maintenant, nous voyons apparaître à l'annexe 1 du code des professions, ce groupe à titre réservé.

Avant de terminer, il y aurait bien des choses à dire au sujet de cette importante corporation professionnelle, mais nous aurons l'avantage, en commission plénière, alors que nous étudierons le bill article par article, de reprendre le mémoire qu'elles ont soumis en février 1973. Nous aurons l'occasion d'étudier chacune des suggestions. Je pense que, dans l'ensemble, ces suggestions, que le ministre avait acceptées en partie, sont très recevables et que la commission parlementaire s'empressera de bonifier cette loi spécifique qui concerne le bill 273, touchant les infirmières et les infirmiers.

M. le Président, je note également, avant de terminer, que le ministre de l'Industrie et du Commerce nous a souligné, en cette Chambre, cet après-midi, que, pour une autre corporation professionnelle — je pense que c'est pour les ingénieurs — c'est le lieu de résidence qui a été retenu comme terme de référence au lieu de l'endroit de travail. Les infirmières ont aussi demandé dans leur numéro que cette disposition soit acceptée. Je ne vois pas d'inconvénient puisqu'on l'a déjà acceptée pour une autre corporation professionnelle. J'ai alors souligné que cette suggestion, cette demande qui nous vient de la corporation professionnelle des infirmiers et des infirmières devrait être acceptée.

M. le Président, je termine ici mes remarques en disant toute notre appréciation pour la collaboration que nous a apportée ce groupe de professionnels, les infirmières et les infirmiers, dans l'étude de ce projet de loi complexe qui les concerne. Nous allons continuer de travailler en étroite collaboration avec elles jusqu'au terme des séances de la commission parlementaire et jusqu'à l'adoption du projet de loi en troisième lecture. Nous espérons que leur loi, la loi 273, sera l'une des meilleures de tout cet ensemble de lois que nous allons adopter au sujet des corporations.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Dorchester.

M. Florian Guay

M. GUAY: M. le Président, à mon tour, je m'en voudrais de passer sous silence le magnifique travail de cet important groupe, dans le domaine de la distribution des soins de santé, touché par ce projet de loi. Comme il a été mentionné, ce groupe très important représente la moitié de tous ceux qui sont touchés par le code des professions. Je voudrais également souligner avec quelle ardeur ces personnes se sont rendues à Québec aux différentes séances de la commission parlementaire. Elles ont fait, auprès de leurs membres, un travail de consultation et, auprès des membres de l'Assemblée nationale et des membres de la commission parlementaire, un travail d'information. Proba-

blement que ce travail a été apprécié étant donné les changements qui ont été apportés au projet de loi qui les touche plus particulièrement. Elles nous ont permis de faire la lumière, cela a porté fruit. C'est peut-être également, pour le législateur, une prise de conscience de la valeur des services que peuvent rendre les infirmières dans ce domaine. Présence constante de ce groupe, qu'on appellera désormais groupe de professionnels, puisqu'elles sont les professionnelles de nursing qui n'ont pas hésité à redire et à répéter, aussi souvent que nécessaire, les changements qu'elles désiraient à la loi qui désormais va les régir.

Depuis un certain temps, nous entendons beaucoup parler des infirmières et du rôle de plus en plus important qu'elles jouent dans notre société, dans la dispensation des services de santé.

Nous devons donc signaler l'importance des infirmières dans ce domaine et l'importance de leur contribution. On pourrait dire un peu comme Loto-Québec: Des infirmières, il y en a partout. On en retrouve dans les industries et dans les colonies. Les infirmières s'occupent des premiers soins; elles s'occupent également d'éducation sanitaire. Elles font du dépistage, de l'orientation vers les centres médicaux. Il y a également l'infirmière qui travaille dans tous les secteurs des services cliniques de l'hôpital, dans les soins spécialisés, soins intensifs, services généraux.

M. le Président, il est donc aujourd'hui important que cette loi, qui, désormais, va définir de façon assez précise ce que pourront faire ou non les infirmières, reçoive une attention suffisante. Celui qui m'a précédé a fait une description assez juste de la situation qui, actuellement, prévaut dans ce domaine. Il a même cité une page du journal des Débats. J'aimerais, comme continuité à la description, citer, moi aussi, une partie du journal des Débats, soit la page 5757, où, lors de sa comparution, à la commission parlementaire, ce groupe important a tenté de démontrer, hors de tout doute, qu'une législation mieux adaptée s'imposait. "Au cours de l'été — je cite, M. le Président, un paragraphe du journal des Débats — l'association a fait parvenir 8000 questionnaires à ses membres dans le but d'identifier les activités des infirmières et infirmiers et circonscrire celles accommplies au-delà des frontières de la légalité". Ils ont cité des chiffres. Je ne les discuterai pas, car on doit se fier à la véracité des propos qui ont été tenus par ce groupe. "Soixante-treize pour cent des questionnaires envoyés ont été complétés et retournés. Les données obtenues illustrent la gravité du problème de la reconnaissance et de la protection légales du rôle de l'infirmière et de l'infirmier." Nous savons tous que les infirmières qui oeuvrent dans les centres hospitaliers ou dans les autres centres de santé doivent accomplir, de façon journalière, dans leur champs d'activité respectifs des actes qui sont susceptibles d'être controversés quant à leur aspect légal. Je pense que les résultats quand même partiels de cette étude sont très révélateurs pour les membres de l'Assemblée nationale.

Ce document, qui a été également remis aux membres de la commission parlementaire, contient les résultats partiels de cette étude qui démontre, entre autres, que "83 p.c. des répondants du comté de Saint-Louis effectuent illégalement des accouchements en l'absence du médecin. C'est un acte médical. Quatre-vingt-cinq pour cent des répondants des Iles-de-la-Madeleine installent des transfusions sanguines, pratique illégale de la médecine."

J'étais également heureux d'avoir ces résultats en ce qui touche précisément ma circonscription électorale. On dit que "85 p.c. des répondants du comté de Dorchester administrent un médicament intraveineux. Soixante-quatre pour cent des répondants du comté de Bourget agissent comme premier assistant lors d'interventions chirurgicales."

Qu'adviendrait-il si le chirurgien devait être remplacé immédiatement? L'infirmière et l'infirmier auraient-ils la compétence pour continuer l'intervention? Soixante-cinq pour cent des répondants du comté de Louis-Hébert donnent illégalement des immunisations". M. le Président, ces chiffres viennent compléter la description de la situation, qui nécessite de toute urgence un changement. Nous devons donc, à partir de ces énoncés, tout en tenant compte de la réalité, essayer de protéger l'infirmière. On se rend compte qu'actuellement l'infirmière n'est pas ou très peu protégée quand elle doit poser des actes frontières comme on les appelle. Alors il importe que, tenant compte de la réalité, l'infirmière soit protégée dans l'exercice de ses fonctions.

On dit également que le rôle de l'infirmière s'est élargi. Mais, si cet élargissement du rôle de l'infirmière est tel qu'on le connaît actuellement, c'est probablement par nécessité, sans ignorer que beaucoup de ces actes qu'on appelle des actes médicaux, avec une définition qui corresponde aux besoins, seraient peut-être des actes infirmiers auxquels pourraient s'adonner ces professionnels de la santé, sans pour autant risquer d'être dans l'illégalité.

Or, M. le Président, l'infirmière a démontré, au cours des années, et la preuve est faite, qu'elle est compétente dans ce qui concerne tout le domaine des soins infirmiers. Cette prise de conscience du législateur aurait probablement été nécessaire avant mais, comme dit le proverbe, "Mieux vaut tsrd que jamais". C'est peut-être le temps aujourd'hui de vérifier avec une loupe, si nécessaire, afin de protéger ce groupe très important qui fait un travail extraordinaire. J'ai posé certaines questions à cette commission parlementaire, j'ai demandé aux infirmières ce qui se produirait si actuellement elles se limitaient à poser des actes qui sont reconnus comme des actes infirmiers. La

réponse que j'ai reçue a prouvé que le professionnel de la santé ne peut pas comme médecin seul assurer toute cette responsabilité de la distribution des services de santé. Il doit donc s'orienter vers l'acceptation de personnes qui prouvent une compétence dans le domaine pour se faire aider.

Le projet de loi qui est présenté et dont nous discutons aujourd'hui le principe répond, je pense bien, en grande partie, aux besoins, à la réalité, sauf sur quelques points qui ont probablement été oubliés par le ministre. Mais j'ai remarqué que, dans son discours de deuxième lecture, le ministre des Affaires sociales a mentionné qu'il était très disposé à accepter les amendements que les infirmières proposaient concernant leur loi.

M. le Président, les travailleurs de la santé sont généralement d'accord quant à la nécessité de dispenser des soins complets et de haute qualité. Certains changements s'opèrent dans la distribution des services de santé. Je pense qu'on devrait peut-être profiter de ces changements, même si les changements comportent parfois certains risques. On doit s'efforcer au maximum d'utiliser les effectifs disponibles dans ce domaine. Je ne répéterai pas tout ce qui a été dit concernant la formation des infirmières et des infirmiers mais je tiens à rappeler qu'on a porté à mon attention que c'étaient là des droits acquis, qu'ils désirent conserver.

Lors de la discussion en troisième lecture de cet important projet de loi, je m'engage à discuter do ces amendements et à améliorer au maximum ce projet de loi, s'il ne correspond pas à la réalité, c'est-à-dire à ce que nous désirons.

Ce projet de loi, qui se veut une clarification de la situation légale de l'infirmière et la reconnaissance d'un statut socio-économique, doit répondre au rôle professionnel de l'infirmière, au statut que se donne l'infirmière comme professionnelle dispensatrice des services de santé. Nous souhaitons que le ministre demeure toujours ouvert aux bonnes suggestions et aux recommandations logiques que vient faire à la commission parlementaire, ou même auprès des députés de façon personnelle, cet important groupe qui oeuvre dans le domaine de la santé.

Nous donnons donc notre accord sur le principe du projet de loi et je voudrais assurer le groupe concerné que c'est avec plaisir que nous tenterons de faire accepter au ministre, à moins qu'il ne les présente lui-même et il est le bienvenu, les quelques amendements qui touchent des points particuliers, notamment sur la formation comme je viens de le mentionner et sur d'autres points qui sont non moins importants, comme la représentation â l'assemblée annuelle.

Je pense qu'en principe, c'est un pouvoir par délégation. Compte tenu du nombre imposant de membres de cette corporation professionnelle, il est bien difficile pour ce groupe de se conformer à certains mécanismes qui sont valables pour d'autres groupes, d'autres corporations. Cependant, ce groupe désirait quelques changements afin de faciliter au maximum l'administration intérieure de la corporation.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, je voudrais, d'abord, saluer les 37,413 infirmiers et infirmières licenciés du Québec et les féliciter pour les services signalés qu'elles et qu'ils ont rendus, depuis Jeanne Mance, au peuple québécois.

La vocation d'infirmière est une des plus belles, des plus importantes et des plus exigeantes qui soient. Alors que le médecin passe avec le malade à peine quelques minutes par jour, elles ont, au contraire, comme mission de l'accompagner tout au long du jour au milieu de ses souffrances. Alors que le médecin se spécialise dans l'élaboration du diagnostic et du plan de traitement et vaque ensuite à d'autres activités, l'infirmière doit être là pour comprendre ce diagnostic et pour contribuer à son établissement par des activités auprès du malade. Elle doit, ensuite, rester auprès de lui pour interpréter ce traitement au malade, pour l'expliciter, pour le concrétiser, pour le lui faire accepter.

Alors que le médecin peut se permettre d'avoir une vue académique, scientifique, objective de la maladie, l'infirmière doit être là pour la faire accepter au malade, pour stimuler ses forces vives, pour aiguillonner les ressources de sa personnalité, réconforter son moral et l'amener à utiliser tout ce qu'il possède en lui pour se rétablir et passer à travers l'épreuve douloureuse qu'il traverse.

C'est là un rôle extrêmement exigeant qui demande des qualités humaines que Florence Nightingale a été probablement la seule à pouvoir expliciter dans toute leur perfection et dans toute leur beauté. Ce rôle, l'infirmière doit donc le remplir durant toutes les minutes qu'elle passe soit dans un service hospitalier auprès d'un malade, soit aux demeures où elle doit se rendre.

En plus de ces qualités humaines, elle doit également se tenir au courant d'un savoir médical en évolution constante et de plus en plus rapide.

Elle doit, justement pour pouvoir continuer d'apporter une contribution maximale aux diagnostics et aux traitements, lire des revues spécialisées, se recycler d'une façon périodique, participer à des colloques, en somme se tenir au courant de la pensée scientifique et du savoir médical.

Mais en plus de se tenir au courant de l'évolution scientifique, elle doit se spécialiser, pour ainsi dire, en pédagogie. C'est-à-dire qu'elle doit pouvoir disloquer ce qu'on lui offre afin

de le rendre absorbable, aussi bien par les auxiliaires qui travaillent avec elle que par le malade qui est son premier élève.

Elle doit donc, conformément au principe du plan de traitement établi par le médecin, élaborer son propre programme de soins, planifier les activités du malade, expliciter et concrétiser, dans la vie concrète du malade, les prescriptions médicales. C'est là un travail délicat, un travail d'éducateur qui fait encore une fois appel à des ressources que bien peu d'être humains possèdent au degré que l'on souhaiterait.

Il est donc bien vrai de dire que la profession d'infirmière, beaucoup plus qu'une discipline scientifique, est d'abord une vocation. C'est bien plus que l'accumulation de connaissances, malgré que ces connaissances soient indispensables. C'est bien plus que l'approfondissement d'une expérience, même si cette expérience est absolument, elle aussi, indispensable à l'amélioration du professionnel que constitue l'infirmier. Elle est surtout le fruit d'une motivation, d'un idéal, d'un désir de soulager l'humanité souffrante, d'un amour véritable et authentique de l'homme.

Et, par mon contact prolongé avec la profession d'infirmière, aussi bien au niveau de la faculté de médecine que de la faculté de nursing, que de la direction de services hospitaliers ou dans le contact quotidien que j'ai eu avec elle auprès du malade, je me suis rendu compte que les meilleures infirmières sont celles, bien sûr, qui possèdent la compétence et l'expérience nécessaires mais bien plus encore celles dont l'idéal de service auprès de l'humanité souffrante ne se dément jamais et, au contraire, se ravive constamment au spectacle de cette souffrance.

Les meilleures infirmières sont celles qui, au savoir et à l'expérience, conjuguent non seulement la pitié, la compassion et la sympathie auxquelles on s'attend de leur part, mais qui, également, sont animées d'un espoir dans la vie, dans les ressources de l'homme, espoir dans ses capacités de récupération physique et morale, espoir qu'elles savent faire partager, au fil de leurs activités, aux malades.

C'est donc là une véritable vocation et parce que c'est une véritable vocation, il devient important pour le législateur, lorsqu'on étudie un projet de loi, de prendre bien garde à ce que nous allons adopter et de faire tout en notre possible pour que chacun des articles colle à une réalité extrêmement noble, afin justement de pouvoir permettre à cette profession d'améliorer la qualité des services qu'elle doit continuer de rendre.

Cependant, cette profession, envisagée maintenant au sens scientifique, a considérablement évolué en parallèle avec l'évolution du savoir médical. Et cela n'est que normal puisque, au fond, les infirmières se sont toujours voulues très près du médecin, participant à son travail de diagnostic et de traitement.

Il est bien évident qu'au fur et à mesure que la médecine a progressé, les méthodes de diagnostic se sont raffinées de même que les programmes de traitement se sont explicités. Nous avons découvert d'autres avenues qui auparavant étaient ignorées. Nous tenons de plus en plus compte de dimensions nouvelles, auxquelles nous n'avions pas accordé toute l'attention désirable, comme, par exemple, la dimension économique de la maladie, la dimension sociale de la maladie, la dimension psychologique de la maladie, dimensions dont il faut absolument tenir compte si nous voulons, précisément, du seul point de vue scientifique, arriver à un diagnostic plus exact et surtout à un traitement plus adéquat.

Il est bien évident qu'au fur et à mesure que l'art et la science de la médecine devenaient plus complexes, le médecin a dû se cantonner dans des activités qui demeuraient spécifiques et qu'il a dû demander la collaboration d'assistants de plus en plus nombreux, spécialisés qui, graduellement, eux aussi, se sont organisés, au fur et à mesure que le savoir et l'expérience progressaient, en professions distinctes et en corporations spécifiques. C'est là le cours normal des choses. Et on voit que, dans l'organisation de la profession, on a suivi le même cheminement. Alors que, durant plusieurs siècles, l'infirmière se contentait d'accompagner le médecin et recevait une formation univoque, nous voyons que, de plus en plus, cette profession s'organise, elle aussi, selon divers paliers: le palier de l'éducation collégiale, de l'éducation universitaire, qui elle-même comporte plusieurs paliers, le palier du baccalauréat, le palier de la maîtrise et enfin, le palier du doctorat. La profession d'infirmière, dans notre Québec, probablement à cause du stimulus qui nous venait de nos voisins d'outre-frontière, est maintenant arrivée au terme de ce cheminement.

Nous possédons, en effet, nos institutions collégiales où nous formons l'élément de base de la profession d'infirmière. Nous possédons, maintenant, depuis quelques années, une faculté de nursing qui s'est émancipée, qui s'est distinguée de la faculté de médecine, faculté de nursing qui, depuis quelques années, a élaboré un enseignement très adéquat du baccalauréat en sciences infirmières.

Nous voyons également que cette faculté ne se contente pas de préparer des élèves au baccalauréat, mais qu'elle les prépare aussi à des certificats diversifiés et spécialisés qui répondent précisément aux nécessités quotidiennes que l'on rencontre dans les hôpitaux, des. certificats spécialisés en médecine, en obstétrique, en hygiène maternelle, en orthopédie, et la liste s'allongera, bien sûr, dans les années qui viennent.

Depuis quelques années, nous pouvons également décerner, dans notre faculté de nursing, un grade universitaire de maîtrise où les élèves sont encore peu nombreux, mais ils seront sûrement plus nombreux au fil des années.

Et je sais que les projets sont déjà en cours

pour l'établissement d'une scolarité de doctorat. Nous aurons alors complété ce que d'autres nations plus évoluées dans le domaine ont déjà achevé, et je pense que c'est tout à l'honneur de la profession d'infirmière d'avoir su ainsi prévoir l'avenir, d'avoir su ainsi se hausser à des normes d'excellence qui sont nécessaires pour le meilleur exercice de leur profession.

Cette évolution ne s'est pas manifestée que dans le champ de l'enseignement. Elle s'est manifestée également dans le champ de l'organisation des soins. Depuis longtemps, nous voyons, dans nos hôpitaux, les infirmières s'organiser toujours mieux et davantage.

Nous l'avons vu au niveau de la direction générale de nursing d'où nous venaient des directives, des règlements, des recommandations, toujours plus étoffées, toujours plus complètes et dont l'ensemble des malades bénéficiaient. Cependant, nous constations, à ce moment, dans nos hôpitaux, un certain malaise, du fait précisément que, la qualité des soins s'élevant, que la conscience professionnelle continuant de s'élever, les infirmières sentaient par contre que leur nouveau statut n'était pas suffisamment reconnu par les médecins qui avaient la responsabilité du diagnostic et du traitement. Heureusement, la loi est venue maintenant consacrer cette évolution et donner aux infirmières l'occasion de faire entendre leur voix d'une façon plus officielle et de contribuer ainsi d'une façon plus efficace à l'organisation des soins au sein du milieu hospitalier. Je me réjouis, pour ma part, qu'on leur ait fait la place aussi grande dans le conseil consultatif des professionnels, place qu'elles occupent de mieux en mieux et de plus en plus, et place d'ailleurs que non seulement elles occupent de mieux en mieux et de plus en plus, mais qui leur permettra d'accéder à des niveaux encore plus importants où leur influence, j'en suis sûr, se fera sentir dans le même sens que celui que nous pouvons constater aujourd'hui.

Tout cela, évidemment, est tout à leur honneur. Il reste cependant que des problèmes persistent au niveau de cette profession comme au niveau d'autres professions car, dans ce domaine comme tant d'autres, l'avant-garde précède souvent le gros des troupes. Je mentirais si j'affirmais que la qualité des soins infirmiers, dans nos hôpitaux ou à domicile ou dans tous les types d'établissement, correspond toujours à la très haute qualité des interventions que nous pouvons connaître à la faculté de "nursing" ou à la Corporation professionnelle des infirmières. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour que, de la base au sommet, s'institue un échange de directives, d'informations et de consultations qui aboutirait à une amélioration souhaitable du niveau total de la profession. C'est la raison, probablement, pour laquelle il importe de bien réfléchir avant de définir l'acte infirmier. Si, bien sûr, on ne s'en tenait qu'aux articles de scientifiques qui paraissent dans les revues ou aux interventions de l'élite de la profession, il serait très facile de définir un acte infirmier qui tiendrait compte de ce qu'il y a de meilleur dans la profession. Mail il faut bien se rappeler que les activités des infirmières sont le fait de tous, sont le fait de toute la profession, des 37,643 infirmières ou infirmiers. Il importe alors de se rappeler que la protection du public exige de la part du législateur une grande prudence, afin de s'assurer que ce public reçoive des soins dont la qualité est garantie le mieux possible. En ce sens, je pense que la définition de l'acte infirmier que nous trouvons dans la loi me parait adéquate dans les circonstances, surtout maintenant que nous savons que les actes que pourront accomplir les infirmiers ou les infirmières pourront être examinés à intervalles périodiques par les membres de deux ou trois corporations et éventuellement un office des professions, qui verront à ce que la définition se transforme au fur et à mesure que les efforts faits par les corporations professionnelles auront porté leurs fruits.

Lorsque nous serons sûrs que tous les infirmiers et infirmières pourront s'acquitter, de la meilleure façon possible, des responsabilités auxquelles les prépare une formation idéale, il sera alors non seulement facile mais souhaitable d'ajuster les textes législatifs aux réalités que l'on peut constater. Nous reviendrons d'ailleurs sur ce sujet en commission plénière afin que nous puissions en discuter plus en détail, mais je tenais quand même à rappeler ces exigences fondamentales auxquelles le législateur doit se plier étant donné qu'il est évident que sa première et principale préoccupation demeure toujours la protection du public.

Il reste cependant que si nous voulons que cette évolution se continue pour le mieux, il faut également que nous prenions toutes les précautions nécessaires pour que les infirmiers et infirmières reçoivent la meilleure formation possible. A ce titre, je crois qu'il y a encore un grand chemin à parcourir. Le ministre des Affaires sociales, aussi bien dans la loi cadre 250 que dans la loi qui touche plus spécifiquement les infirmières, nous propose un modèle à l'intérieur duquel des modalités de collaboration devraient s'instaurer. Je comprends ses préoccupations, je les partage. Je crois en effet, nous l'avons dit dès le début, qu'il importe d'uniformiser le mieux possible, à travers toutes les professions, le modèle de collaboration entre les établissements d'enseignement et les corporations professionnelles.

Cependant, si nous voulons personnaliser les soins, si nous voulons coller davantage à la réalité, il faut également ne pas se contenter du cadre et essayer, dans les lois particulières, de l'adapter, ce cadre, de le remplir le mieux possible, de l'humaniser afin justement que nous retrouvions la dimension de la personne humaine, afin que nous retrouvions le respect aussi bien de la vérité que de l'homme. A cet égard, il y a de quoi s'inquiéter quand les

infirmières viennent nous faire part de leurs doléances à l'endroit de notre système actuel d'éducation, particulièrement en ce qui a trait à leur profession. Il est en effet inquiétant de constater qu'après toutes ces années les recommandations de la commission Parent, en ce qui a trait à l'enseignement des sciences infirmières, ne se soient pas encore concrétisées. Il est inquiétant de constater que malgré les garanties que donnent actuellement, sur papier, les lois existantes aux infirmières dans l'élaboration des programmes au niveau du ministère de l'Education, au niveau des CEGEP, la qualité des enseignants, la qualité des programmes laissent encore tellement à désirer. Il est inquiétant de constater que, malgré les offres formelles de collaboration que fait le ministère de l'Education aux membres de la corporation, les membres de la corporation trouvent si souvent une porte fermée, trouvent tellement rarement l'occasion de se faire entendre et voient si souvent ou leur demande ignorée ou leur demande refusée.

Ceci est inquiétant et devrait nous inciter à jeter un coup d'oeil plus attentif sur la situation. Je pense que, lors de la discussion de tous ces projets de loi, il s'est trouvé une chaise vide en cette Assemblée nationale. Aussi bien la loi 250 que toutes les lois particulières font référence au rôle très important que devra jouer le ministère de l'Education à tous les niveaux de l'enseignement, et en particulier au palier universitaire et au palier collégial.

Pourtant, jamais nous n'avons entendu le ministre de l'Education, auissi bien au niveau de la commission parlementaire qu'au niveau des débats que nous avons entendus jusqu'ici. Si nous confions au ministère de l'Education un rôle à ce point majeur et important, il aurait fallu qu'il fasse lui aussi entendre sa voix. Il aurait fallu qu'il nous donne les garanties dont nous avons besoin pour nous assurer que le cadre que tracent pour nous le ministre des Affaires sociales et ses autres collègues soit rempli non seulement à la satisfaction des professions intéressées mais surtout à la satisfaction du législateur, des députés des oppositions, des députés ministériels qui représentent ici le grand public. Que servirait-il de tracer le cadre le plus logique, le plus magnifique qui soit si dans la réalité nous n'avons pas les instruments, les personnes, les motivations, les mécanismes, les processus qui nous assurent la réalisation de l'idéal que l'on poursuit?

Dans le champ particulier qui nous intéresse, il est bien évident que si, au plan universitaire, nous possédons des spécialistes en éducation médicale ou de soins infirmiers, au niveau par exemple de la faculté de nursing, il n'en existe pas au ministère de l'Education. Ou, s'il en a déjà existé, il n'en existe plus. Ou, si on en a engagé quelques-uns, ils ne sont pas assez nombreux et ne pèsent pas d'un poids assez lourd dans l'orientation et la préparation des programmes. Nous savons également que, de ces spécialistes en éducation médicale ou en éducation de soins infirmiers, il ne s'en trouve pas au niveau de l'assemblée générale des collèges d'enseignement général et professionnel. Il ne s'en trouve pas dans tel ou tel CEGEP où se dispense l'enseignement en soins infirmiers. Et c'est ça qui est inquiétant.

Si nous voulons demander par voie législative à la Corporation des infirmières d'assurer la qualité des soins infirmiers, la qualité des personnes qui entreront dans cette profession, il faut leur donner les moyens de s'assurer que cette formation soit la meilleure possible avant de leur demander de surveiller l'exercice professionnel. Je ne pense pas qu'actuellement nous ayons les garanties nécessaires à cet effet. Nous savons par exemple que les options infirmières au niveau des CEGEP sont perdues dans un très grand nombre d'autres options. Nous savons que les directeurs de CEGEP sont aux prises avec des contraintes financières, des contraintes pédagogiques qui ne peuvent pas toujours s'harmoniser avec les exigences particulières de l'enseignement en sciences infirmières. Qui, par exemple, pourrait réclamer une relation professeur-étudiants différente de celle qui existe dans d'autres options?

Si le Conseil des universités a acquis, lui, une certaine autonomie à l'endroit du ministère de l'Education en raison de son prestige, de ses états de services, du niveau élevé des études dont il est le gardien, nous savons que les mêmes relations nu se sont pas établies entre la Direction générale des établissements d'enseignement collégial et le ministère de l'Education. Bien au contraire. Lorsqu'on voit les relations qui existent entre les CEGEP et le ministère de l'Education, on a l'impression d'assister à cette réédition de la fable de Lafontaine, du pot de terre et du pot de fer, où c'est le ministère qui est non pas un partenaire mais le seul maître dans la maison, qui impose ses impératifs, ses exigences dans tous les domaines, que ce soit au niveau financier et au niveau pédagogique.

Et nous savons également que le ministère de l'Education est devenu une très grande boîte avec des milliers de fonctionnaires qui sont obligés de faire face à une situation très difficile justement parce qu'elle évolue constamment, parce que le coût ne cesse d'augmenter. Il faut comprimer ses coûts. Il faut adopter les meilleures méthodes pédagogiques. A cause de toutes ces contraintes, que je comprends, il est bien possible que le ministère de l'Education soit tenté, pour ne pas perdre de temps ou pour poursuivre ses objectifs, d'imposer ses vues au niveau de l'enseignement élémentaire, secondaire ou collégial.

Ce sont ces préoccupations que nous ont communiquées les infirmières lorsqu'elles sont venues à la commission parlementaire, lorsqu'elles nous ont rencontrés personnellement. Je dois dire que ces préoccupations, je les partage. Je m'inquiète avec elles de ce qui arrivera à nos futurs infirmiers et infirmières. Si, à l'ancien

système qui, malgré qu'il était imparfait, contenait quand même certains correctifs, on substitue un cadre nouveau qui est magnifique sur le papier, mais qui n'est pas encore rodé, qu'on a omis de remplir, qu'on a omis d'expliciter, je crains beaucoup ce qui peut se passer. Je crains d'autres années de rodage où les modalités de collaboration seront difficiles à trouver et où, peut-être, malgré les efforts loyaux, sincères qui seront faits dans cette direction, on n'arrivera pas aux résultats souhaités, justement à cause de l'inégalité des partenaires, à cause de la force, de la puissance inégale des partenaires. D'un côté, un ministère de l'Education fort de son rôle étatique, fort de ses fonctionnaires, font de son budget et, de l'autre, une corporation qui, même si elle compte 37,643 licenciés, ne pèse pas lourd lorsqu'elle devient l'interlocutrice d'un Etat dont la puissance ne cesse de s'accroître.

Il me semble, M. le Président, que, tout en étant d'accord avec le modèle que nous trace, que nous dessine le ministre des Affaires sociales, il faudrait prendre toutes les précautions lors d'une étude des modalités de cette loi particulière. Il faudrait faire tout notre possible pour ne pas mettre de côté rapidement les bons éléments de la situation antérieure, d'une part, et, d'autre part, pour compléter ces mécanismes afin que les infirmières ne repartent pas de cette Assemblée nationale avec les mêmes inquiétudes et avec les mêmes préoccupations non seulement, encore une fois, pour la profession qu'elles représentent, mais surtout sur la qualité des soins qui seront dispensés dans nos hôpitaux et dans les domiciles où elles auront à se rendre.

Un autre point, M. le Président, qui nous préoccupe — le ministre en est bien conscient également — c'est celui de la langue. Particulièrement, en ce qui concerne cette profession, il nous semble important que le consommateur québécois, en majorité francophone, soit servi dans la langue qui est la sienne. Nous savons que plusieurs patients, québécois de langue française, sont hospitalisés dans des hôpitaux anglophones. Le registre de l'ordre des infirmières qui font du service privé ne peut pas toujours suffire et, bien souvent, des patients francophones, justement parce que le registre est insuffisant, sont obligés de recevoir actuellement à leur domicile des infirmières qui ne parlent pas leur langue. Je considère que, dans la société où nous vivons, cela est un non-sens, cela est absurde, mais, plus gravement encore, cela est une injustice qu'il nous faudrait corriger conformément, d'ailleurs, aux recommandations que nous fait la commission Gendron à cet effet.

Je ne veux pas m'attarder sur le sujet. Nous y reviendrons en commission plénière. Je voudrais, quand même, dire au ministre que, même si une corporation ne lui a pas fait cette recommandation en commission parlementaire, cela ne veut pas dire que le problème n'existe pas. Probablement qu'on n'a pas fait cette recommandation parce qu'on a pris à la lettre la promesse du gouvernement qu'une politique linguistique serait élaborée aussitôt que le rapport de la commission Gendron serait connu. Peut-être, à cause de ce fait, a-t-on omis de parler de la situation, mais, si on avait cru que l'établissement de la commission Gendron constituait une excuse pour ne pas parler de ce problème, pour le cacher, pour ne pas le régler, je suis convaincu que la Corporation des infirmières, aussi bien que toutes les autres qui se sont succédé à la commission parlementaire, aurait parlé de ce problème et aurait prié le gouvernement de le régler au plus tôt.

En ce qui concerne la régie interne de la profession, M. le Président, je suis heureux que le ministre des Affaires sociales ait apporté les améliorations que la profession demandait.

Il faut en effet se rendre compte que, dans une profession où les effectifs sont aussi nombreux, dispersés dans toutes les régions du Québec, il est très important, pour assurer le libre jeu de la démocratie, pour assurer la représentation équitable aussi bien de toutes les régions que de tous les membres de la profession, il est important d'instituer des mécanismes pertinents et adéquats. Je ne veux pas élaborer davantage le sujet, puisque le ministre nous a précédés et a accordé, à l'instar de son collègue de l'Industrie et Commerce pour les agronomes et pour d'autres professions, ce qui évidemment parait absolument aller de soi.

Il nous paraît donc, M. le Président, que cette loi est une bonne loi, malgré les quelques réserves que j'ai formulées, quitte, bien sûr, à ce que nous continuions de l'améliorer en commission plénière. C'est donc une bonne loi et je souhaite que les infirmiers, les infirmières l'utilisent de la façon la plus fouillée, la meilleure possible, pour mieux parvenir à l'idéal qu'ils se sont fixé.

Et peut-être ici, avant de terminer, je pourrais me permettre non pas un petit sermon, mais simplement un rappel de la condition du malade dans notre société moderne. Je parlais tout à l'heure de l'évolution du savoir. Il est évident que plus la médecine, plus les sciences de la santé progressent, plus il devient important d'assurer la compétence de tous ces professionnels de la santé, plus il importe de mettre au service du malade tout ce que nous apprennent les diverses disciplines scientifiques dans des champs parfois éloignés de la médecine et qui trouvent finalement leur application à la médecine. Il est évident que ces professionnels de la santé tendent à accorder plus d'importance au savoir qu'à la souffrance, tendent à accorder plus d'importance à la maladie qu'au malade.

Et on ne peut toujours en blâmer les professionnels de la santé. Ils savent trop bien, on le leur a répété trop souvent, que la compétence est une des conditions essentielles de la qualité des soins, et je serais le dernier à le

nier. Il reste cependant que, pour un professionnel de la santé, qui est obligé, pour se tenir au courant, à la pointe de l'évolution, de relire sans cesse ses traités de base, de se tenir au courant de la littérature médicale, de participer aux congrès, aux symposiums, aux séminaires, il est évident qu'en face d'un malade, il est souvent porté à considérer le problème en technicien. Il est obligé d'envisager toutes les avenues qui s'offrent à lui, de bloquer certaines avenues, afin d'en arriver à un diagnostic différentiel. Par la suite, il est obligé d'établir un programme de traitements. Le problème, en somme, devient technique pour lui, devient scientifique et il est peut-être un peu trop porté à oublier non pas seulement la dimension économique et sociale de la maladie, mais également la dimension psychologique et la dimension humaine.

Malgré tous les efforts que l'on fait actuellement dans les facultés de médecine, pour empêcher la médecine de se dépersonnaliser, malgré tous les efforts que l'on fait dans les hôpitaux pour aménager d'une façon différente les conditions d'accueil des malades, malgré toutes les représentations que l'on fait aux diverses professions de la santé, pour tenir davantage compte de l'homme dans leurs contacts, dans leurs rapports avec eux, il reste qu'en raison de cette évolution même du savoir, en raison même du progrès que nous connaissons, la tentation sera toujours grande, pour le professionnel de la santé, de préférer l'aspect scientifique à l'aspect proprement humaniste.

Eh bien, s'il y a là un risque, une tentation qui deviendront toujours plus marqués dans notre civilisation, il existe heureusement une compensation à portée de la main. J'ai dit tout à l'heure que le médecin passait peu de temps avec le malade, mais que l'infirmière, ou l'infirmier, elle ou lui, par contre, peut passer beaucoup plus d'heures avec ce même malade, lui expliquer ce qui doit lui être expliqué, lui faire accepter sa maladie, l'aider à trouver en lui-même le moteur de sa guérison.

Je pense que c'est là exprimer en d'autres termes ce que l'on peut qualifier de repersonnalisation des soins, par opposition à cette dépersonnalisation des soins que l'on déplore de plus en plus dans les hôpitaux.

J'espère, pour ma part, que cette personnalisation des soins sera prise à coeur par la profession des infirmiers et des infirmières, qu'ils en feront un de leurs impératifs majeurs, que, tout en poursuivant leur quête de compétence scientifique, d'organisation rationnelle et efficace de leur profession, ils feront tout en leur pouvoir pour également repersonnaliser, rehumaniser les soins afin que l'idéal qu'ils poursuivent et que tous les professionnels de la santé poursuivent ne demeure pas un vain mot dans cette société où il est tellement difficile de traiter l'homme derrière la maladie.

C'est là un rappel que je voudrais leur faire en même temps qu'à tous les autres professionnels de la santé. C'est une leçon que je voudrais nous rappeler à tous, aussi bien législateurs que professionnels afin, justement, que l'on n'oublie jamais que la société est faite pour l'homme et non l'homme pour la société.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Chicoutimi.

M. Jean-Noël Tremblay

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, permettez-moi d'ajouter quelques mots à ces plaidoyers fort éloquents qui ont été faits ce soir, notamment par mon collègue de Montmagny et par le député de Bourget. Il serait oiseux de revenir sur ce qu'on a dit des infirmiers, des infirmières, sur leur rôle éminemment utile et essentiel dans la société et sur la façon dont ils se sont acquittés, jusqu'à présent, des hautes fonctions qui sont les leurs et qu'ils veulent continuer d'accomplir conformément à la loi que nous présente le ministre des Affaires sociales.

J'ai eu l'occasion de rencontrer la section Saguenay-Lac-Saint-Jean de l'Association des infirmiers et infirmières du Québec, de même que l'association qui s'est présentée davant la commission parlementaire, qui s'est fait entendre et que j'ai eu l'honneur d'interroger.

Il apparaît que le ministre a tenu compte en très grande partie des exigences qui avaient été formulées. Certaines, cependant, n'ont pas été retenues et si je me permets d'y revenir, je le fais en qualité de profane et non pas en qualité de spécialiste comme l'ont fait les deux collègues qui m'ont précédé et dont j'ai mentionné les noms tout à l'heure.

M. le Président, je suis, en ce qui concerne la profession des infirmiers et des infirmières, un simple citoyen, un citoyen ordinaire, donc, un utilisateur des soins infirmiers, quelqu'un qui, à un moment ou l'autre, peut être obligé de requérir les services d'un médecin et ensuite de requérir les services de ces personnes.

C'est pourquoi je voudrais insister à mon tour sur la qualité de la formation que doit recevoir cette classe très particulière de professionnels, classe de professionnels dont on a dit du travail qu'il correspondait à une vocation, et c'est bien le mot qu'il faut employer encore que, aujourd'hui, ce terme ait perdu la résonance profonde qu'il avait autrefois et qu'il aurait dû conserver.

Mon collègue de Montmagny et le député de Bourget ont insisté sur l'aspect humain du travail de l'infirmier et de l'infirmière. Ils ont mis l'accent sur les dangers de la dépersonnalisation et de la déshumanisation du travail de ces professionnels, de ces personnes constamment appelées, jour et nuit auprès des malades pour les traiter, les rassurer, pour leur fournir toute l'attention que requiert leur état.

Je crois que le danger de dépersonnalisation et de déshumanisation tient davantage, à mon sens, au système de formation des infirmiers et

des infirmières que l'on a déjà mis en route et que l'on s'apprête à poursuivre dans le cadre de l'institution éducative du Québec et conformément au projet de loi que le ministre soumet à notre agrément.

Il est clair que l'enseignement public actuel, à cause de sa compartimentation, l'enseignement collégial, cet enseignement qui se donne notamment dans les CEGEP, en raison de l'énormité des boîtes où l'on enseigne, risque de déshumaniser et de dépersonnaliser les gens qui passent par ces maisons d'enseignement et qui, un jour ou l'autre, rejoignent les rangs d'un groupement professionnel quel qu'il soit. Cela est d'autant plus grave lorsqu'il s'agit de professions qui touchent au domaine de la santé, qui touchent à la personne humaine directement dans ce qu'elle a de plus vital, de plus viscéral et de plus sensible.

Les infirmiers et les infirmières, dans le dernier mémoire qu'ils nous ont soumis, ont insisté sur la qualité des études et de la formation qu'ils requièrent de leurs membres. Je crois qu'ils ont raison de le faire. Dans le mémoire qu'ils nous ont soumis, à la page 12, on lisait ceci: "En vertu des pouvoirs qu'elle détient présentement par sa loi, l'Association des infirmières et infirmiers de la province de Québec a le contrôle de l'admission à l'étude et de l'immatriculation des candidats à l'étude ainsi que le droit de déterminer les normes et standards des programmes de formation." Et on y dit plus loin, à propos du projet de loi 273, que l'on a enlevé, grandement réduit les pouvoirs que détenait la corporation des infirmiers et des infirmières en ne laissant au bureau que le droit de collaborer avec les établissements d'enseignement concernés aux programmes conduisant à un diplôme en nursing.

Je crois que c'est justement là que le bât blesse. Je veux bien que l'on utilise les mécanismes actuels, les structures actuelles du ministère de l'Education. Mais lorsque les infirmiers et les infirmières sentent le besoin d'insister sur le contrôle de l'admission à l'étude et de l'immatriculation des candidats, ils ne pensent pas seulement en termes de formation professionnelle technique, ils pensent aussi, surtout lorsqu'il est question de contrôle de l'admission à l'étude, à la qualité des candidats. Or, le danger qui existe à l'heure actuelle, avec le système d'option des CEGEP, c'est d'admettre à n'importe quelle profession n'importe qui. Nous nous en allons, ainsi, vers une dépersonnalisation, une déshumanisation, un nivellement qui aboutit fatalement à un abaissement des standards de qualité.

Or, ce sont ces standards de qualité que veulent maintenir les infirmiers et les infirmières du Québec. Et c'est la raison pour laquelle ils ont souligné au ministre le défaut du projet de loi 273 à ce chapitre particulier de la formation.

Je ne voudrais pas m'étendre trop longuement là-dessus. Mais — et nous aurons l'occa- sion d'y revenir en commission — je crois que ce paragraphe du dernier mémoire de l'association dont nous parlons, à la page 12, est un des plus importants et que le ministre a le devoir, avec son collègue de l'éducation, d'étudier très sérieusement les recommandations qui lui sont faites par l'Association des infirmiers et infirmières du Québec.

L'admission aux études, la surveillance et l'immatriculation des candidats sont extrêmement importants en termes de qualité non seulement scientifique, mais en termes de qualité de la personne appelée à occuper cette haute fonction d'infirmier ou d'infirmière.

J'entendais, tout à l'heure, le député de Bourget — je terminerai là-dessus parce que je ne veux pas abuser du temps de la Chambre — parler de l'acte infirmier. Peut-être, le député de Bourget s'est-il mal exprimé, mais je ne voudrais pas que, de son intervention, l'on conclue qu'il maintient cette sorte d'impérialisme de la profession médicale — je veux parler des médecins — sur les autres professions de la santé. Pour moi, il y a des professionnels de la santé et chacun, dans son ordre, a la même valeur et doit avoir les mêmes droits. Tout à l'heure, je ne crois pas que le député de Bourget ait voulu dire cela — lorsqu'après avoir dit: L'acte infirmier, nous allons le définir, il peut se préciser au fur et à mesure, il ajoute ceci: Il arrive que, sur le nombre des infirmiers et infirmières licenciés qui existent actuellement, il en est certaines qui ne sont peut-être pas capables de poser véritablement un acte infirmier. Je pourrais en dire tout autant, M. le Président, des médecins. Combien y a-t-il de médecins dans le Québec? Est-ce que chacun d'eux est capable de poser un acte médical d'une qualité égale à celui que pose chacun de ses collègues? Je crois qu'il s'agit ici de poser le problème dans les termes suivants: il peut arriver, en raison du fait que des infirmiers et des infirmières exercent leur profession tout à côté et avec des médecins, que l'acte infirmier comme tel soit soumis à un contrôle différent de celui qui peut exister dans les endroits où les infirmiers et les infirmières sont obligés de poser seuls des gestes extrêmement sérieux et extrêmement graves.

C'est pourquoi, M. le Président, je n'admets donc pas qu'il y ait de distinction à faire dans le domaine de la qualité. Je me dis que, si l'on continue de maintenir et de donner une formation de toute première qualité aux infirmiers et aux infirmières du Québec, l'on n'a pas à s'interroger sur la qualité de l'acte que posera celui-ci ou celui-là. Il a la même valeur que l'acte que pose le médecin à Québec, à Chicoutimi ou à Montréal.

Il est donc important, M. le Président, que le ministre repense ce problème de la définition de l'acte infirmier. Nous en avions discuté en commission parlementaire. J'ai eu l'occasion d'en discuter privément avec des groupes d'infirmiers et d'infirmières qui m'ont expliqué exactement qu'est-ce qu'ils étaient obligés de

faire à certains moments et qui constitue l'acte infirmier. Lorsque nous étudierons, en commission parlementaire, ce cas spécifique de l'acte infirmier, que je n'ai pas le droit d'examiner longuement ici, je poserai des questions au ministre, parce qu'il m'apparaît à moi, à moins que l'on ne me convainque du contraire, que la demande que font les infirmiers et les infirmières, concernant l'acte infirmier, est tout à fait justifiée et devrait se retrouver dans la nouvelle version de la loi 273.

M. le Président, il est clair que je ne suis pas un spécialiste. Je suis un consommateur des services de ces personnes qu'on appelle des infirmières et des infirmiers. Mais j'estime que, de toutes les corporations que nous avons entendues, de tous les groupements professionnels, les infirmières ont donné l'exemple d'une rectitude de pensée, d'une volonté d'action et d'un désir,d'amélioration de leur corporation, de la qualité de leurs membres absolument exemplaires. Ce n'est pas leur jeter des fleurs, ce n'est pas faire du sentiment parce que ce sont en majorité des femmes, c'est simplement constater un état de fait. Bien peu de membres de cette Chambre, un jour ou l'autre, n'ont pas eu à requérir les services des infirmiers ou des infirmières. Ils ont dû, comme il m'est arrivé à moi, se sentir sécurisés par cette présence qui est beaucoup plus personnelle, beaucoup plus attentive que ne l'est celle du médecin qui nous arrive et, très scientifiquement et quelquefois avec une certaine hauteur, nous déclare que nous devrons faire ceci ou cela. Je préfère, quant à moi, l'attitude de l'infirmière qui m'explique ce que le médecin m'avait dit et que je n'avais pas compris. Je préfère l'attitude de l'infirmière dont je sais très bien qu'elle sera là au moment où, à tort ou à raison, je la demanderai lorsque j'aurai besoin d'elle, besoin de l'infirmier. C'est pourquoi, M. le Président, j'estime que le ministre devrait se rendre aux demandes qui lui ont été faites par les infirmiers et les infirmières, revoir le projet de loi. J'en accepte le principe, c'est bien clair. Mais le ministre, ne se rendant pas aux demandes qui lui sont formulées dans ce dernier mémoire qui nous a été présenté, je ne sais pas si je donnerais mon agrément au projet de loi comme tel. Les revendications qui sont faites me paraissent essentielles. Jusqu'à preuve du contraire, je crois que ce qu'on nous demande est fondé en droit, en fait et correspond à la ligne d'évolution normale d'une des professions qui s'est peut-être le mieux adaptée aux exigences de la société actuelle et de tous les besoins que formulent les citoyens, particulièrement dans le domaine de la santé. Ainsi donc, sous toutes ces réserves, je suis disposé à accepter le projet de loi que soumet le ministre des Affaires sociales.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que la motion de deuxième lecture du bill 273 est adoptée?

DES VOIX: Adopté.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire spéciale des corporations professionnelles.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que cette motion est adoptée?

DES VOIX: Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, je rappellerais aux membres de la commission permanente de l'Assemblée nationale que cette commission siégera demain, le mercredi 7 mars à dix heures au salon rouge, pour poursuivre l'étude de la réforme électorale.

M. ROY (Beauce): Est-ce que le leader du gouvernement me permettrait une toute petite question?

M. LEVESQUE: Oui.

M. ROY (Beauce): On parle de réforme électorale, mais de quoi s'agit-il au juste? Est-ce qu'il s'agit de la loi concernant les dépenses électorales?

M. DEMERS: Est-ce que vous reprenez la discussion sur la loi 62?

M. LEVESQUE: Quel est le sujet demain?

M. HARDY: Demain, à la commission de l'Assemblée nationale, je pense que nous avons plusieurs sujets fort intéressants, entre autres les modes de scrutin. C'est une question d'actualité avec ce qui s'est passé dimanche dans un autre pays où certains de nos collègues aiment bien s'inspirer. Il y a le problème du financement des partis, je pense. En fait, comme il avait été convenu au comité directeur, il s'agirait d'un espèce de tour d'horizon des différents sujets qui nous restent à traiter en regard de la réforme électorale.

M. PAUL: Est-ce qu'il pourrait être question du rappel de la loi 62?

M. DEMERS: Cela dépendra...

M. HARDY: Comme il a toujours existé une liberté totale et entière à cette commission, les députés seront libres de discuter des sujets qu'ils voudront.

M. DEMERS: Jonas avait crié cela en sortant de la baleine : Vive la liberté !

M. LEVESQUE: Je propose l'ajournement de la Chambre à demain 15 heures.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La Chambre ajourne ses travaux à demain 15 heures.

(Fin de la séance: 23 h 26)

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