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(Quinze heures dix minutes)
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!
Affaires courantes.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Présentation de motions non annoncées.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents.
Questions orales des députés.
Décès de Mme François
Cloutier
M. BOURASSA: M. le Président, on me permettra d'annoncer une
mauvaise nouvelle à la Chambre, c'est-à-dire le
décès de Mme François Cloutier, la femme du ministre de
l'Education, décès qui vient d'être confirmé il y a
quelques minutes. Je voudrais exprimer à la famille de M. Cloutier
toutes nos plus sincères condoléances.
M. PAUL: M. le Président, au nom du chef et des
députés de l'Union Nationale, je veux joindre ma voix à
celle de l'honorable premier ministre pour transmettre nos très
sincères condoléances à M. Cloutier et lui souhaiter bon
courage dans les heures difficiles qu'il traverse.
M. ROY (Beauce): M. le Président, au nom de notre groupement
politique, je veux également joindre ma voix à celle du premier
ministre et à celle du leader de l'Opposition officielle pour exprimer,
au nom de mes collègues, nos plus profondes condoléances à
l'endroit de l'honorable ministre et transmettre l'expression de notre plus
profonde sympathie à tous les membres de sa famille.
M. LAURIN: M. le Président, au nom de mon parti, j'aimerais
également offrir au ministre de l'Education, et collègue, nos
plus profondes sympathies pour la perte qu'il éprouve en la personne de
son épouse, que je connaissais très bien et dont
j'appréciais les qualités.
Questions orales des députés
LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.
Subventions à l'industrie du
cinéma
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je désirerais
poser une question au premier ministre, qui, me dit-on, commence à
s'intéresser aux petites vues. Quelles mesures le premier ministre
entend-il prendre pour encourager l'industrie cinématographique
québécoi- se? Quand a-t-il l'intention de mettre sur pied un
centre cinématographique au Québec? Y a-t-il eu, récemment
ou il y a quelques semaines, des entretiens avec le gouvernement central afin
de récupérer une partie des fonds de la Société
cinématographique canadienne?
M. BOURASSA: J'ai dit, hier, en réponse à des questions,
que le gouvernement s'intéressait d'une façon toute
spéciale à la question du cinéma, étant
donné le potentiel immense que cela peut représenter tant sur le
plan culturel, social et économique.
Nous envisageons actuellement différentes formules, dont celle
d'un centre cinématographique du Québec, ce qui permettrait au
gouvernement du Québec d'augmenter son appui à l'industrie
cinématographique du Québec.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question additionnelle, M. le
Président. Je demande au premier ministre s'il voudrait bien
répondre à la troisième question que je lui ai
posée: Est-ce que son gouvernement ou lui-même ont eu des
entretiens avec le gouvernement central aux fins de récupérer une
partie des fonds que le gouvernement central a mis dans la
Société cinématographique canadienne? Dans l'affirmative,
à quel moment ont eu lieu ces conversations et est-ce que
l'intérêt du gouvernement va se manifester autrement que par
l'intérêt individuel du premier ministre lorsqu'il assiste
à des représentations de cinéma?
M. BOURASSA: M. le Président, j'ai très peu d'occasions
d'assister à de telles représentations. Ce que je puis dire,
c'est que, dans la mesure où les objectifs poursuivis par la
société fédérale ne sont pas contradictoires avec
les objectifs du gouvernement du Québec, il n'y a pas lieu de demander
cette remise des fonds ou ce transfert fiscal pour les fins du cinéma.
Je pense qu'il y a possibilité et pour le gouvernement canadien et pour
le gouvernement du Québec de s'intéresser respectivement à
cette industrie.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question additionnelle, M. le
Président. Il n'y a donc pas eu, puisque c'est la question que j'ai
posée, de conversations, ou d'entretiens concernant cette
possiblité de partage des fonds que le gouvernement central consacre
actuellement à l'industrie du cinéma au mépris des droits
de la constitution.
M. BOURASSA: Je ne sais pas quelle est l'interprétation du
député de Chicoutimi sur la constitution. En vertu de quel
article précis de la constitution le gouvernement fédéral
ne pourrait pas s'intéresser à la question du cinéma? Mais
il n'y a pas eu, jusqu'à présent, de discussions sur cette
question précise de l'aide à l'industrie du cinéma, du
moins à ma connaissance, au niveau des premiers ministres.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: Question additionnelle, M. le Président. Sur les
miettes que le gouvernement fédéral accordait aux provinces dans
le dernier budget, le premier ministre entend-il prendre une partie de ces
sommes, soit $80 millions que nous recevons de plus, et les affecter à
l'industrie cinématographique?
M. BOURASSA: Il faut dire, M. le Président, que la question du
député de Saint-Jacques n'est pas artificielle, contrairement
à ce que disait son chef sur la position du député de
Saint-Jacques au dernier congrès. Je dois lui dire qu'en fait les sommes
additionnelles dont nous disposons en vertu des paiements de
péréquation vont permettre au gouvernement du Québec de
s'intéresser, d'une façon plus concrète, au
développement de l'industrie du cinéma.
M. CHARRON: Question additionnelle et ce sera la dernière. Le
premier ministre ne croit-il pas qu'avant d'intervenir de cette façon il
devrait plutôt presser le ministère des Affaires culturelles de
présenter la loi-cadre du cinéma que nous attendons depuis trois
ans?
LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.
Elections complémentaires
M. ROY (Beauce): M. le Président, ma question s'adresse à
l'honorable premier ministre. Pourrait-il nous dire s'il a l'intention de
prendre des dispositions en vue d'ordonner la tenue d'élections
complémentaires dans le comté de Missisquoi? Si oui, quand?
M. BROCHU: Très bonne question!
M. BOURASSA: M. le Président, au moment opportun.
M. ROY (Beauce): M. le Président, devons-nous comprendre que le
premier ministre hésiterait à répondre parce qu'il
pourrait y avoir une relation avec la tenue d'élections
générales provinciales, ou parce qu'il n'y aura pas
d'élections générales provinciales et qu'on ordonnera,
effectivement, la tenue d'élections complémentaires?
M. BOURASSA: Est-ce que le Ralliement créditiste a l'intention,
contrairement aux deux dernières élections partielles, d'avoir un
candidat dans Missisquoi?
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'invoque le
règlement.
LE PRESIDENT: Quel article?
M. ROY (Beauce): L'article qui concerne les questions, M. le
Président. J'ai posé une question à l'honorable premier
ministre et j'aimerais quand même qu'il se donne la peine de
répondre. S'il a une question à me poser, il peut
également se prévaloir de son privilège.
LE PRESIDENT: Je ne le lui permettrai pas.
M. ROY (Beauce): Vous ne le permettriez pas? C'est la raison pour
laquelle j'ai invoqué le règlement. Je demanderais à
l'honorable premier ministre de nous dire si, effectivement, nous devons
conclure, par la réponse qu'il vient de nous donner, que le gouvernement
ne décréterait pas d'élections complémentaires mais
se préparerait plutôt à la tenue d'élections
générales au Québec.
M. BOURASSA: M. le Président, je ne vois pas ce qui donne cet
instinct suicidaire au député de Beauce de vouloir le plus
rapidement possible des élections générales. A sa place,
je serais extrêmement prudent !
M. ROY (Beauce): Une question supplémentaire, M. le
Président.
LE PRESIDENT: La dernière.
M. ROY (Beauce): Je n'ai pas demandé la tenue d'élections
générales. Je vois que le premier ministre ne veut pas
comprendre, mais je dois lui dire que nous sommes prêts, cependant. Ce
que nous voulons savoir j'insiste encore une fois, M. le
Président c'est s'il y aura des élections
complémentaires dans Missisquoi ou si nous aurons à envisager des
élections générales, que la population du Québec
désire, d'ailleurs.
M. BOURASSA: Il y aura des élections partielles, M. le
Président, au moment opportun.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre de la Justice. Celui-ci
entend-il sévir contre les entreprises privées qui refuseront de
souscrire à la caisse électorale du Ralliement Dupuis?
LE PRESIDENT: Je me demande si c'est vraiment d'intérêt
public, tel que l'exige le règlement.
L'honorable chef de l'Opposition officielle.
Fonctionnaires professionnels
M. LOUBIER: M. le Président, ma question serait normalement
adressée au ministre du Travail et de la Fonction publique mais
probablement que le premier ministre pourra y répondre.
Est-ce que les négociations entre les fonctionnaires
professionnels et le gouvernement sont à la veille d'aboutir à un
règlement acceptable? On sait que c'est à peu près la
seule catégorie jusqu'à présent qui n'a pas encore
reçu satisfaction aux revendications qu'elle a présentées
au gouvernement.
M. BOURASSA: M. le Président, je note surtout la dernière
partie de la déclaration du chef de l'Opposition que c'est la seule
catégorie jusqu'à présent, parmi les dizaines et les
dizaines qui ont négocié avec le gouvernement, qui n'a pas
reçu satisfaction. Cela veut dire que le chef de l'Opposition est
d'accord sur le fait que des centaines de milliers d'employés du
gouvernement ont...
M. LOUBIER: M. le Président, je ne suis pas d'accord.
M. BOURASSA: ... obtenu satisfaction.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Par décrets forcés, n'oubliez
pas. Par décrets forcés, on a adopté des lois.
M. BOURASSA: Je peux donner la liste de toutes les conventions
collectives qui ont été négociées et
signées.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On va vous donner la liste des lois que nous
avons été obligés d'adopter.
M. BOURASSA: Demain, probablement, le ministre du Travail sera ici. Il
pourra répondre ou je pourrais répondre moi-même.
M. PAUL: Cela aurait été si simple de répondre cela
tout de suite.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Portneuf.
Carrières Martineau et Deschambault
M. DROLET: J'aurais une question à poser à l'honorable
ministre de l'Industrie çt du Commerce. En son absence, je la poserai au
premier ministre ou au ministre des Finances qui sont au courant de ce dossier.
Est-ce qu'ils ont de nouveaux développements concernant les
Carrières Martineau et Deschambault, et est-ce que la nouvelle voulant
que bientôt un nouvel acheteur deviendrait propriétaire de ces
carrières serait vraie?
M. BOURASSA: Je vais prendre avis de la question.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
Programme d'Initiatives locales
M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre d'Etat responsable du
Programme d'Initiatives locales. Je voudrais lui demander si la lettre ouverte
qu'il a fait parvenir au Devoir le 2 mars avait reçu l'approbation du
cabinet.
Deuxièmement, comment expliquer la teneur de cette lettre, alors
que lorsque nous lui posions des questions dans le passé il disait que
la consultation allait très bien entre le fédéral et le
provincial sur les projets d'Initiatives locales pour 1970/1971?
Troisièmement, je voudrais lui demander si cette fois-ci pour les
programmes de 1972/1973 les mêmes conditions ont été
posées au fédéral, c'est-à-dire celles qu'il
mentionne dans sa lettre: le rapatriement global de la somme et la
répartition de cette somme selon le chômage géographique et
la planification du provincial en ce qui concerne les dépenses de ces
sommes.
M. QUENNEVILLE: Pour répondre à l'honorable
député de Bourget, la lettre n'a pas été soumise au
cabinet.
Deuxièmement, en 1971 on parlait de négociations qui
allaient bien. Elles allaient bien au début, mais elles se sont
gâtées par la suite. C'est la raison pour laquelle lorsque je vous
ai dit que ça allait bien, ça allait bien, mais par la suite
ça s'est gâté passablement.
Pour ce qui est du programme d'Initiative locales, le mécanisme a
été différent cette année; il y a réellement
eu une consultation valable entre les deux paliers de gouvernement.
M. LAURIN: Une question additionnelle, M. le Président. Est-ce
que la province de Québec a pu faire comme le ministre le demandait dans
sa lettre premièrement, la présélection ou la
postsélection des programmes? Deuxièmement, est-ce que le
ministre pourrait nous répondre si la demande du Québec je
ne sais pas s'il l'a faite quant au rapatriement total des sommes afin
de permettre au Québec pleine latitude dans la dépense de ces
sommes, a été acceptée cette fois-ci?
M. QUENNEVILLE: La demande du rapatriement n'a pas été
faite cette fois-ci, M. le Président. Pour ce qui est de la
véritable consultation, encore une fois je le répète, nous
en avons eu une qui tenait compte du chômage au point de vue
géographique. Est-ce que ça répond à votre
question?
M. LAURIN: Non, la question est: Est-ce le Québec qui a choisi
les programmes?
M. QUENNEVILLE: Voici...
M. LAURIN: Si oui, à quel stade de la consultation?
M. QUENNEVILLE: ... la sélection se faisait selon un
mécanisme qui voulait que tous les projets soient dirigés vers
Montréal, aux centres de la main-d'oeuvre du Canada, où il y
avait une présélection. Par la suite, ils étaient
acheminés vers Québec et vers le gouvernement
fédéral pour subir une deuxième et dernière
sélection. Nous avions notre mot à dire et je peux vous dire que
l'opinion que le gouvernement du Québec a donnée a
été respectée.
LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.
Programmes Perspectives-Jeunesse
M. CHARRON: M. le Président, qu'advient-il de cette
supposée consultation également sur les programmes
Perspectives-Jeunesse dont le ministre est responsable?
M. QUENNEVILLE: M. le Président, pour le moment nous sommes en
train de dresser un protocole d'entente entre les deux gouvernements; cela
devrait se faire d'ici 48 heures.
M. CHARRON: Une question additionnelle: Est-ce que le ministre est
également consulté quant à l'attribution des projets dont
la date finale, quant à la demande, était le 1er mars dernier;
sera-t-il consulté quant à l'octroi ou le refus, l'acquiescement
de certains projets; est-ce que ce sont des fonctionnaires
québécois ou des fonctionnaires appartenant au gouvernement
fédéral qui choisiront?
M. QUENNEVILLE: M. le Président, c'est le protocole d'entente qui
le dira. Nous sommes en train d'en discuter avec le gouvernement
fédéral.
M. CHARRON: Une dernière question: Quand le protocole d'entente
sera-t-il terminé? Est-ce que le ministre le déposera à la
Chambre?
M. QUENNEVILLE: Je peux le déposer. M. CHARRON: Merci.
LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé. Lois
fiscales
M. PAUL: M. le Président, je voudrais poser une question au
ministre du Revenu. Est-il en mesure de nous faire rapport quant aux
résultats des entretiens qu'il aurait eus à Québec
vendredi dernier avec son homologue de l'Ontario, et est-ce que des
méthodes uniformes ont été arrêtées pour
tâcher d'obtenir le rendement efficace et maximal des lois fiscales?
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, si le ministre du
Revenu ne vous fait pas rapport, c'est tout simplement que les pourparlers ont
été très cordiaux. Les échanges entre les deux
provinces, l'Ontario et le Québec, continueront comme par le
passé pour voir à ce que les revenus provenant de l'application
des lois fiscales soient aussi efficaces du côté de la
frontière ontarienne que de celui du Québec.
Nous nous reverrons dans quelques mois, à la suite des essais que
nous faisons d'un côté comme de l'autre des frontières pour
voir à éviter l'évasion fiscale dans tous les domaines,
que ce soit en Ontario ou au Québec, sans imposer de double taxation aux
citoyens qui souvent font affaires sur les lignes frontalières.
M. PAUL: M. le Président, une question additionnelle. Est-ce que
le ministre a l'intention de présenter certaines lois pour atteindre cet
objectif dont il vient de nous parler?
M. HARVEY (Jonquière): Non, M. le Président, nous n'avons
pas besoin de légiférer. Il s'agit tout simplement de continuer
à bien nous entendre avec nos voisins, comme c'est le cas depuis bien
des années entre le Québec et l'Ontario.
M. LOUBIER: M. le Président, est-ce que le ministre du Revenu
pourrait nous dire si ces ententes, indépendamment de l'aspect cordial,
vont se finaliser par un accord écrit, un protocole d'entente. S'agit-il
simplement d'échanges de vues, d'opinions ou si les gouvernements du
Québec et de l'Ontario se proposent bilatéralement de signer une
entente sur des points bien précis de revenu ou de taxation?
M. HARVEY (Jonquière): Effectivement, le ministre du Revenu de
l'Ontario a suggéré la signature d'un protocole d'entente. Un
groupe de fonctionnaires travaillera d'ici quelques mois pour revoir tout ce
qui est sujet à entente verbale depuis quelques années. Je ferai
rapport à la Chambre après ma visite à Queen's Park,
visite que je devrais faire au mois de mai prochain.
M. LOUBIER: Une dernière question additionnelle, M. le
Président.
LE PRESIDENT: Une dernière.
M. LOUBIER: Est-ce que le ministre du Revenu peut nous dire s'il a
été question de l'industrie du camionnage au cours de cette
rencontre et s'il envisage, de concert avec l'Ontario, conclure une entente
concernant les revenus de la taxation sur les permis ou l'immatriculation des
compagnies de transport?
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, toutes les
questions que nous avons discutées seront rédigées dans un
document transmis au ministère des Affaires intergouvernementales
puisqu'un protocole d'entente devrait être signé au cours des mois
de mai ou juin.
Alors, il est bien difficile de donner les détails de la
discussion. Tout ce que je peux dire au chef de l'Opposition, c'est que la
question dont il vient de parler a fait l'objet de discussions. Autant du
côté de l'Ontario que du Québec, qu'il s'agisse du
transport interprovincial ou d'autres secteurs, tous les points sujets à
entente présentement, de façon verbale, ont été
discutés.
Nous allons tenter, dans un protocole d'entente, de le faire accepter
par le ministère des Affaires intergouvernementales pour avoir un
document officiel relativement à ces ententes.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorchester.
Commission de l'industrie de la construction
M. GUAY: M. le Président, ma question s'adresse à
l'honorable ministre de la Justice. Est-ce que l'honorable ministre a fait
l'enquête qui lui a été demandée dans cette Chambre
par son collègue, le ministre du Travail, concernant des
irrégularités qui auraient été relevées
à la Commission de l'industrie de la construction l'automne dernier?
M. CHOQUETTE: Cette enquête, ainsi que d'autres enquêtes qui
y sont liées, procède actuellement. Je ne suis pas en mesure
d'indiquer les résultats définitifs de cette enquête ou les
mesures qui pourraient être prises à la suite de l'enquête
que j'ai demandée.
M. GUAY: Question supplémentaire, M. le Président. Est-ce
que le ministre peut nous dire si le résultat de cette enquête
pourra être déposé à la Chambre et nous donner un
aperçu de la date à laquelle ce résultat sera connu?
M. CHOQUETTE: Non, M. le Président, je ne peux pas m'engager
à déposer le rapport de cette enquête devant la Chambre ni
celui des autres enquêtes qui ont pu avoir lieu et qui sont liées
à l'enquête sur la CIC. Je prendrai les dispositions qui me
paraîtront s'imposer soit par voie de poursuites ou par voie d'autres
actions judiciaires suivant les résultats de l'enquête lorsque je
les aurai reçus.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
M. ROY (Beauce): Question supplémentaire, M. le Président.
J'aimerais demander à l'honorable ministre si son ministère a
pris des dispositions pour mettre un terme aux irrégularités et
autres choses dont les gens se sont plaints, en attendant que l'enquête
soit complétée?
M. CHOQUETTE: Je ne peux pas dire au député de Beauce
qu'il y a nécessairement des irrégularités alors que
l'enquête est en cours. Je crois que ce serait sauter aux conclusions que
d'affirmer dès immédiatement qu'il y a lieu, pour le
ministère de la Justice, d'adopter des dispositions à
l'égard de la CIC. Si certaines dispositions administratives s'imposent
en rapport avec cet organisme, je pense que cela appartiendrait au ministre du
Travail d'apporter les mesures appropriées.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
Société d'aménagement de l'Est du
Québec
M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre responsable de l'ODEQ.
Est-ce que le ministre peut répondre à la question que je lui
posais il y a plusieurs mois sur les négociations qui ont lieu entre le
gouvernement du Québec et le gouvernement d'Ottawa quant à la
création et au financement de la Société
d'aménagement de l'Est du Québec?
M. QUENNEVILLE: M. le Président, les négociations entre
les deux paliers de gouvernement sont pratiquement terminées.
D'ici la fin de la semaine, de toute façon, il y a une clause qui
devrait être inscrite en plus. Je pense qu'il n'y aura pas de
difficulté, d'après les autorités du CRD, que j'ai
rencontrées cette semaine.
M. LAURIN: Question additionnelle. Lorsque cette entente sera
terminée, est-ce que le ministre pourrait soit faire une
déclaration ministérielle, soit remettre un document à la
Chambre qui explique exactement le protocole d'entente, les sommes qui seront
affectées à la Société d'aménagement, les
conditions auxquelles elle sera soumise pour dépenser ces sommes et
aussi les premiers projets qui seront élaborés par la
société?
M. QUENNEVILLE: M. le Président, je peux répondre à
une bonne partie des demandes de l'honorable député de Bourget.
Pour ce qui est des projets en cours, après les premiers six mois, on
prévoit une étude de rentabilité et
l'établissement, justement, des projets les plus susceptibles de
rentabilité. Alors, pour ce qui est des projets, cela ne sera pas connu
avant six mois. Pour le reste, les frais d'organisation, l'étape de
l'organisation et les frais d'administration, je pourrai déposer ce qui
est contenu dans le protocole d'entente.
Tragédie du mont Wright
M. LOUBIER: M. le Président, j'aurais une question à poser
au ministre de la Justice. Est-ce que le ministre de la Justice pourrait nous
dire comment il se fait que le rapport Boucher, du service des inspections du
ministère du Travail, n'ait jamais été soumis au coroner
Flamand, alors que ce rapport aurait été de nature à
donner un tout autre éclairage proba-
blement sur la mort de sept ouvriers au mont Wright? Comme question
additionnelle, je demanderais au ministre s'il a reçu ce rapport Boucher
et si ce rapport sera rendu public.
M. CHOQUETTE: Le rapport Boucher, auquel le chef de l'Opposition fait
allusion dans sa question, a été préparé par des
fonctionnaires du ministère du Travail. Ce rapport était en la
possession du coroner, M. Alban Flamand, lorsqu'il a tenu son enquête sur
les circonstances de l'accident qui s'est produit au mont Wright.
D'autre part, la FTQ et ses avocats avaient un exemplaire de ce rapport
entre les mains lorsque cette enquête a eu lieu. Certes, il est exact que
les auteurs du rapport n'ont pas été interrogés comme
témoins. Ceci, je le reconnais aisément en réponse
à la question du député de Bellechasse.
Maintenant, quant aux dispositions qui pourront être prises par le
ministère de la Justice, en rapport avec la réouverture de cette
enquête du coroner ou quant à décréter une nouvelle
enquête du coroner, j'étudie actuellement cette situation. Je
prends en considération évidemment le fait que le rapport Boucher
n'a pas été explicité, si l'on peut dire, par leurs
auteurs devant le coroner. D'un autre côté, je dois
considérer le fait que le rapport Boucher n'était pas un document
secret, n'était pas un fait nouveau par rapport à l'enquête
au moment où elle s'est tenue.
Par conséquent, rouvrir l'enquête simplement parce que le
rapport Boucher, à un moment donné, aurait acquis un
caractère un peu plus actuel qu'il n'a semblé avoir au moment de
l'enquête, cela ne me semblerait pas une raison suffisante en soi.
C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à l'un de nos
substituts du procureur général de communiquer avec les centrales
syndicales intéressées, c'est-à-dire la FTQ et la CSN,
pour leur demander si elles avaient des faits nouveaux ou des témoins
nouveaux qui n'auraient pas été entendus lors de l'enquête
du coroner et qui pourraient jeter un éclairage nouveau sur les
circonstances de cette enquête.
Alors, j'attends la réponse de mon substitut du procureur
général à cette intervention auprès des deux
centrales syndicales. Lorsque j'aurai ces renseignements en main, je pourrai
prendre une décision définitive à savoir si cette
enquête doit être rouverte ou non.
M. LESSARD: Question additionnelle, M. le Président. Est-ce que
le ministre de la Justice aurait au moins l'intention de porter des accusations
contre la compagnie Mannix qui, selon le rapport du coroner, n'a pas
respecté la Loi des établissements industriels et commerciaux?
Est-ce que le ministre de la Justice a eu des contacts à ce sujet avec
le ministre du Travail? Est-ce qu'il a l'intention de porter des accusations,
tel que le propose le coroner lui-même?
M. CHOQUETTE: M. le Président, en réponse à la
question du député de Saguenay, je pense que je dois dire
à la Chambre qu'il faut clairement faire une distinction entre la
négligence, criminelle, qui est un facteur nécessaire pour porter
des accusations sous l'empire du code criminel, et, d'autre part, des
accusations à l'égard de compagnie ou d'entrepreneurs pour avoir
négligé d'observer des normes de sécurité,
négligence qui peut ne pas avoir entraîné la
négligence criminelle.
A ce point de vue, je suis le député de Saguenay dans la
question qu'il me pose et je puis lui dire que des poursuites seront
intentées en vertu des dispositions qui s'appliquent à la
sécurité sur les chantiers de construction.
Quant à la nature et au nombre de ces poursuites, je ne suis pas
en mesure d'en parler dans les moindres détails au député
aujourd'hui, parce qu'il me prend un peu au dépourvu. Mais,
déjà, le ministère de la Justice a été saisi
par le ministère du Travail d'un certain nombre d'infractions qui
seraient reprochées à l'entrepreneur et la justice s'exercera
à l'égard de cette compagnie comme à l'égard de
toute autre.
M. LOUBIER: Si je comprends bien, ces poursuites n'auraient aucun
caractère criminel. Ce seraient des poursuites d'ordre administratif du
ministère du Travail.
M. CHOQUETTE: D'ordre pénal. M. LOUBIER: D'ordre
pénal.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Portneuf.
Industries Valcartier
M. DROLET: M. le Président, tout à l'heure, je posais une
question à l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce et,
là, il vient d'arriver. J'aimerais savoir s'il pourrait faire le point,
cet après-midi, concernant deux industries de la région, soit les
carrières Martineau et Deschambault et les Industries Valcartier qui,
d'après le jugement optimiste du ministre, semblent ne pas aller trop
mal. Il reste un fait, c'est qu'elles continuent à faire certaines mises
à pied régulièrement. Est-ce que ses fonctionnaires ont eu
des rencontres, dernièrement, avec les autorités des
carrières? Est-il vrai, comme les rumeurs le veulent, que la vente se
ferait sous peu?
M. SAINT-PIERRE: Quant à la deuxième entreprise, les
carrières Martineau, j'aimerais faire le point avec mes fonctionnaires
plus tard cet après-midi et commenter la situation à la Chambre
demain afin de vous donner les derniers détails.
Pour les Industries Valcartier, comme pour St Lawrence Manufacturing qui
y est un peu reliée, il y a eu, en fin de semaine, certains
développements, tant du côté des banques que du
côté de la SGF. J'aimerais laisser passer quelques jours encore.
J'ai demandé à la SGF d'émettre un communiqué,
à la fin de la semaine, qui établirait les perspectives de ces
entreprises qui sont dans des difficultés temporaires. Mais nous
croyons, à long terme, à leur rentabilité. Ce n'est
nullement notre intention de liquider notre actif dans ces entreprises, au
contraire. Il s'agit simplement, dans les jours qui viennent, de diminuer la
dette à long terme et de remettre l'entreprise sur une base plus solide,
particulièrement en faisant le point sur certaines tentatives de
diversification, qui avaient été entreprises par les
propriétaires au cours des dernières années.
Alors, d'ici à la fin de la semaine, il devrait y avoir un
communiqué qui rassurera, je pense, les ouvriers sur les perspectives de
l'entreprise. Il n'est nullement question, pour nous, de liquider l'actif.
LE PRESIDENT: Dernière question. SOMA
M. LAURIN: Une dernière question au ministre de l'Industrie et du
Commerce. Est-ce qu'il peut faire le point sur ce qui arrive aux ouvriers de
SOMA, d'une part? Deuxièmement, est-ce qu'il y a encore d'autres projets
à l'étude pour la réouverture de cette usine?
M. SAINT-PIERRE: J'ai mentionné, à plusieurs reprises,
qu'il y a des dossiers qui demeurent ouverts. Nous ne ménageons pas nos
efforts pour tenter de connaître le succès dans ces dossiers. Il y
a, en particulier, deux dossiers qui sont très actifs dans le moment.
Nous croyons que, pour l'un de ces deux-là, vers la fin du mois de mars
ou au tout début du mois d'avril, nous aurons en main toutes les
données nécessaires pour prendre une décision. Ce que je
peux assurer, c'est que nous ne ménageons pas nos efforts pour obtenir
la réouverture de cette usine.
LE PRESIDENT: Affaires du jour.
M. LEVESQUE: Un instant, M. le Président. Est-ce que nous
pouvons, avec le consentement unanime de la Chambre, revenir au
dépôt des documents?
LE PRESIDENT: Y a-t-il consentement?
Actions de la SGF
M. SAINT-PIERRE : M. le Président, j'ai transmis, il y a quelques
instants, aux chefs de partis, l'offre publique du gouvernement de la province
aux détenteurs d'actions ordinaires et d'actions
privilégiées, série A, de la Société
générale de financement. Je les dépose devant cette
Chambre, en faisant remarquer que la seule différence avec le texte que
nous avions publié, en septembre dernier, est un choix additionnel que
nous avons offert à la fois aux caisses populaires et aux individus,
compte tenu des changements d'ordre fiscal qui sont intervenus depuis lors et
qui permettraient, dans certain cas, d'avoir une valeur nominale moindre. Ceci
résulterait en un paiement d'impôts beaucoup moindre pour ceux qui
voudraient s'en prévaloir.
M. LEVESQUE: Article 14.
Question de privilège de M. Burns
Décision de M. le Président
LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît.
Messieurs, à la suite d'un avis d'une question de
privilège, à la dernière séance, vendredi, j'avais
avisé la Chambre que je rendrais ma décision à la
prochaine séance, qui est aujourd'hui. Voici ma décision sur la
deuxième question de privilège soulevée par l'honorable
député de Maisonneuve.
Jeudi dernier, je rendais une décision sur une première
question de privilège soulevée par le député de
Maisonneuve. Celle que je rends présentement est complémentaire
à cette dernière. On se rappelle que le motif invoqué dans
la première question de privilège était basé
je cite l'avis qui m'avait été donné "sur la
participation alléguée de membres de l'Assemblée nationale
à un système de favoritisme politique laissant planer un doute
très sérieux sur l'intégrité des membres de
l'Assemblée".
J'ai rejeté cette première question de privilège
après en être venu à la conclusion que le fait, pour M.
Dussault, d'avoir affirmé à la presse que l'envoi d'un formulaire
à des membres de l'Assemblée, leur demandant de fournir une liste
d'entrepreneurs de leur comté auxquels des contrats gouvernementaux
pourraient être accordés sans soumission, participant ainsi
à un système bien établi de favoritisme politique, et le
fait également, pour M. Dussault, d'avoir affirmé à la
presse que des membres de l'Assemblée nationale auraient
prétendument participé à ce système en
répondant à ce questionnaire ne constituaient pas ceci
avait été ma conclusion une infraction prévue au
paragraphe 3 de l'article 66 de la Loi de la Législature, qui se lit
comme suit: "3. Chercher à corrompre un député en lui
offrant des présents ou l'acceptation par lui de présents ainsi
offerts."
La deuxième question de privilège soumise par le
député de Maisonneuve apporte un autre aspect. La première
visait la conduite de députés alors que la deuxième vise
la conduite d'une personne autre qu'un député. Cette
deuxième question de privilège contient un motif
différent, à savoir "la déclaration injurieuse faite par
M. Jacques Dussault, fonctionnaire aux Travaux publics, à l'effet que
des membres de l'Assemblée nationale ont participé à un
système de favoritisme politique".
Ce motif s'appuie sur le paragraphe 1 de
l'article 66 de la Loi de la Législature, se lisant comme suit:
"Commettre des voies de fait sur la personne d'un député ou
proférer des injures ou publier des écrits diffamatoires à
son adresse pendant les vingt jours qui précèdent et les vingt
jours qui suivent chaque session".
Il s'agit alors de décider c'est là que
réside toute la question si M. Jacques Dussault a
proféré des injures, au sens de la loi, et a ainsi violé
les droits de l'Assemblée nationale en faisant la déclaration
publique que j'ai mentionnée plus haut.
Avant de rendre ma décision sur la recevabilité de la
deuxième question de privilège soulevée par le
député de Maisonneuve, je me permettrai de faire certains courts
commentaires sur cette "institution" qui accorde des prérogatives et
pouvoirs tout à fait exceptionnels, à l'Assemblée et
à ses membres, qui constituent ce que l'on appelle couramment les
privilèges.
Ce n'est pas mon intention de faire l'exégèse de cette
institution car, prenant son origine dans le droit parlementaire anglais au
XIIIe siècle, elle est trop riche en commentaires et en
considérations. Les privilèges du Parlement ont d'abord
été exigés par ses membres à titre de protection
contre les interventions de l'extérieur de la part d'individus et, par
la suite, du roi lui-même, pouvant entraver le plein exercice des
pouvoirs du Parlement.
Le concept et l'exercice des privilèges de l'Assemblée ont
bien évolué et le mot privilège est devenu, tant au
Parlement fédéral qu'ici à l'Assemblée nationale,
un mot magique, passepartout, donnant ouverture à toutes sortes
d'interventions plus ou moins régulières, le plus souvent
sérieuses pour rétablir des faits ou pour demander une directive
au président, parfois humoristiques pour lancer une flèche
à un adversaire.
On s'en est longtemps servi pour signaler la présence dans les
galeries de délégations. Il est même arrivé à
Ottawa qu'une question de privilège ait été
soulevée pour protester contre la suspension d'une grande vedette de
hockey.
Il s'agit dans la presque totalité des cas d'interventions qui ne
portent pas à conséquence, le député invoquant la
question de privilège se limitant à rétablir les faits et
à protester, aucun débat n'étant permis. Très
rarement, dans des cas fort sérieux, la question de privilège est
suivie d'une motion qui peut entraîner une mesure punitive contre un
individu membre de l'Assemblée ou étranger à celle-ci qui
aurait commis une infraction grave aux privilèges et prérogatives
de l'Assemblée ou de l'un de ses membres.
On trouve des cas où des individus auraient offert des
présents en vue d'influencer un député dans une
opération de l'Assemblée et le cas d'un député qui
avait accepté un présent ou des honoraires pour services
professionnels se rattachant à des opérations au sein du
Parlement.
En résumé, il s'agit de peser l'importance et la
gravité de la question de privilège invoquée, surtout
lorsqu'il s'agit d'interrompre les travaux normaux de l'Assemblée et
d'accuser formellement un individu d'une infraction prévue à
l'article 66 de la Loi de la législature, à savoir voies de fait
sur la personne d'un député, injures et publication
d'écrits diffamatoires à son adresse, intimidation, tentative de
corruption, subornation de témoins, etc.
Le fait qu'un seul cas se soit produit ici à Québec depuis
de très nombreuses années, soit en 1964, où le
comité des privilèges et élections avait fait
enquête sur une accusation d'acceptation d'un présent par un
député, montre bien le sérieux de cette
procédure.
Je déclare immédiatement que je ne suis pas moi-même
en mesure de décider s'il s'agit d'une injure ou d'un écrit
diffamatoire au sens du premier alinéa de l'article 66 dans le cas en
question. Je n'ai pas l'intention de prendre seul la responsabilité
d'établir un précédent qui ouvrirait la porte à de
multiples questions de privilège qui pourraient être posées
à toute occasion à la suite de déclarations de
journalistes ou d'un individu quelconque, soit dans un editorial ou un
compte-rendu des travaux de la Chambre, soit dans une lettre à
l'éditeur.
Ici, je vous réfère à des commentaires contenus
dans ma décision de la semaine dernière. J'ai bien l'impression
que si les articles 49, 51, 80 et suivants du règlement, aussi que
l'article 66 de la Loi de la législature avaient été
appliqués à la lettre ces dernières années, la
commission des privilèges et des élections, maintenant devenue la
commission de l'Assemblée nationale, aurait été
invitée à faire enquête sur une multitude de violations des
privilèges de l'Assemblée commises à l'occasion d'injures
ou de publication d'écrits diffamatoires, à la suite
d'accusations à l'effet que les députés adoptent des lois
considérées comme ridicules par certains, comme brimant les
droits des cultivateurs, des municipalités ou des travailleurs par
d'autres, que des députés d'un parti quelconque ne remplissent
par leur mandat, qu'un député pratique le patronage dans sa
région, etc.
Je dis donc que ce n'est pas mon intention d'établir seul ce
précédent. J'ajoute de plus que ce n'est pas mon rôle de me
substituer à la majorité de cette Chambre pour permettre ou
refuser un débat à la suite de pressions exercées par
l'Opposition dans son rôle reconnu de critique et de surveillant de
l'administration de la chose publique. Notre règlement prévoit
d'autres moyens d'exercice des droits de l'Opposition et j'abonde dans
l'opinion de Dawson qui déclare: "At best, privilege in the Canadian
House is little understood and little used. At worst, it is looked on as being
a convenient excuse to make any remark in the House which cannot be made in the
normal course of business."
En résumé, et je termine la question qui se
pose présentement en est une, à mon avis, de
fond. M. Jacques Dussault a-t-il proféré des injures sur
la personne des députés au sens de la loi en faisant la
déclaration qu'on lui attribue, et cet agissement appelle-t-il
l'application de l'article 49, soit la recevabilité d'une question de
privilège et, par la suite, la mise en marche du mécanisme
prévu aux articles 80 et 82 du règlement? Quant à moi,
j'ai des doutes sérieux, et la lecture de May, Beauchesne et Dawson
m'invite à la prudence.
En m'inspirant de ces auteurs, qui refusent, à juste titre, au
président de l'Assemblée une telle discrétion dans
l'appréciation de la question, je vous réfère à
Beauchesne, quatrième édition, deuxième alinéa de
l'article 104:"On a souvent posé en principe que le devoir de l'orateur,
lorsqu'il se prononce sur une allégation d'atteinte au privilège,
ne va pas jusqu'à décider de la question de fond, savoir s'il y
a, en fait, atteinte au privilège. Et je cite toujours Beauchesne
Seule la Chambre peut trancher cette question". En conséquence,
me basant sur l'article 44 du règlement et la jurisprudence, c'est
l'Assemblée qui décidera si M. Dussault a commis ou non
l'infraction prévue à l'alinéa 1 de l'article 66 de la Loi
de la législature.
Et la question que je mets immédiatement aux voix est la
suivante: Que ceux qui sont d'opinion que M. Dussault a proféré
des injures au sens de l'article 66 de la Loi de la législature et ainsi
a violé les droits de l'Assemblée en déclarant
publiquement que les membres de l'Assemblée nationale ont
participé à un système de favoritisme politique en
suggérant des noms d'entrepreneurs auxquels des contrats gouvernementaux
pourraient être accordés sans soumission, veuillent bien se
lever.
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. Si vous
me permettez...
LE PRESIDENT: Je suis en train de faire une mise aux voix.
M. BURNS: Je vous demande, M. le Président, écoutez...
LE PRESIDENT: C'est très délicat.
M. BURNS: Je vous demande très calmement une directive. Je
comprends que vous avez jusqu'à un certain point donné
l'orientation de votre décision, mais j'ai suivi avec attention votre
argumentation qui revient, dans le fond, à la même que celle que
j'ai déjà soumise, c'est-à-dire que ce n'est pas à
vous de décider s'il y a matière à question de
privilège ou à motion de question de privilège. Ma demande
de directive est la suivante: dans les circonstances, puisque je pense
et j'ouvre une très brève parenthèse là-dessus
qu'aucun député actuellement n'est en mesure de
décider si l'article dont je vous ai fourni copie constitue une injure
au sens du paragraphe 1 de l'article 66, je me demande s'il ne serait pas plus
normal dans les circonstances d'inscrire la motion au feuilleton et de la
débattre en temps utile en vertu du règlement. A ce
moment-là, l'Assemblée nationale pourrait savoir s'il y a
vraiment matière à injure, s'il y a, dans les déclarations
qui sont rapportées dans l'article du 22 février de La Presse,
quelque chose qui mérite et au fond, c'est ça la question
et rien d'autre que la commission soit convoquée.
LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai fait un accroc très grave au
règlement en vous accordant le droit de parole, il y avait une mise aux
voix. Et deuxièmement, je vous ai donné tout le temps voulu pour
soumettre votre argumentation, je pense bien que tout le monde a saisi. Je n'ai
pas autre chose à ajouter. La décision que j'ai rendue est en
vertu de l'article 44 du règlement, et après toute
l'argumentation que j'ai établie dans ma décision, je mets aux
voix immédiatement cette question.
M. BURNS: Je demande un vote enregistré, M. le
Président.
LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!
Vote sur la question de privilège de M.
Burns
LE PRESIDENT: La question est mise aux voix. Que ceux qui sont d'opinion
que M. Dussault a proféré des injures au sens de l'article 66 de
la Loi de la Législature et, ainsi, a violé les droits de
l'Assemblée en déclarant publiquement que des membres de
l'Assemblée nationale ont participé à un système de
favoritisme politique en suggérant des noms d'entrepreneurs auxquels des
contrats gouvernementaux pourraient être accordés sans soumissions
veuillent bien se lever, s'il vous plaft.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Laurin, Burns, Charron, Joron, Lessard,
Loubier, Paul...
LE PRESIDENT: A l'ordre!
LE SECRETAIRE ADJOINT: ... Vincent, Cloutier (Montmagny)...
LE PRESIDENT: Messieurs, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: ... Boivin, Croisetière, Roy (Beauce),
Drolet, Guay.
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont d'opinion contraire veuillent bien se
lever, s'il vous plaft.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Choquette, Garneau,
Tremblay (Bourassa), Parent, Harvey (Jonquière), Quenneville, L'Allier,
Drummond, Lacroix, Bienvenue, Saint-Pierre, Massé (Arthabaska),
Mailloux,
Arsenault, Houde (Fabre), Phaneuf, Perreault, Brown, Blank, Pearson,
Assad, Bacon, Berthiaume, Caron, Carpentier, Cornellier, Dionne, Faucher,
Harvey (Chauveau), Lafrance, Lamontagne, Larivière, Marchand, Shanks,
Gratton.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Inscrivez mon abstention, M. le
Président.
LE SECRETAIRE: Pour: 14. Contre: 37.
LE PRESIDENT: Veuillez inscrire l'abstention du député de
Chicoutimi.
Par cette décision, le rejet de cette question, la question de
privilège de l'honorable député de Maisonneuve n'est pas
reçue par la Chambre.
M. LEVESQUE: Article 14.
M. BURNS: Parlons d'autres choses, c'est moins gênant.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! UNE VOIX: Vite, vite! LE PRESIDENT:
A l'ordre!
M. BOURASSA: Voulez-vous aller à un cocktail chez le
président parler de coalition?
M. BURNS: Non, ça ne me dérange pas.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Je n'en ferai plus.
Projet de loi no 251 Deuxième lecture
LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable ministre de la Justice propose la
deuxième lecture du projet de loi no 251, Loi modifiant la loi du
Barreau.
M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur
de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande
l'étude à l'Assemblée.
Dans la préparation des divers projets de loi qui s'appliquent
aux corporations professionnelles, qui tombent sous l'empire de la loi no 250,
il nous a fallu, certes, tenir compte non seulement des règles
générales qui étaient adoptées et qui doivent
s'appliquer à toutes les corporations professionnelles mais il nous a
fallu également tenir compte des aspects particuliers qui peuvent
exister à l'intérieur de chacune des professions. Ainsi le
législateur n'a pas cru qu'il était opportun de fondre toutes les
corporations professionnelles dans un moule d'une rigidité absolue, mais
il a voulu une uniformité convenable et applicable à l'ensemble
des corporations professionnelles.
C'est donc dire que chaque situation propre aux corporations
professionnelles a fait l'objet d'une étude particulière de
façon que les règles d'ensemble qui s'appliquent aux corporations
professionnelles subissent néanmoins des modifications pour tenir compte
de la situation distincte, particulière ou propre s'appliquant à
chacune des professions, par ailleurs, régies par le code des
professions. Ainsi en est-il de la Loi modifiant la loi du Barreau. On sait que
l'Ordre ou la Corporation des avocats a une longue tradition non seulement
établie par la pratique du droit devant les tribunaux mais
établie suivant les modalités propres de l'exercice de la
profession puisqu'il s'agit d'une des plus anciennes corporations
professionnelles.
On sait également que cette corporation a été
régie, depuis bien des années maintenant, par la Loi du Barreau,
qui a reçu, à diverses périodes de l'activité
législative de ce Parlement et des Parlements qui l'ont
précédé, des refontes, des modifications, des changements,
tout cela dans le but d'amener la Loi du Barreau à être conforme
à la réalité sociale telle qu'elle a pu exister à
diverses périodes. C'est donc dire que, lorsque l'on examine le cas du
Barreau, on se trouve déjà devant un ensemble législatif
assez imposant étant donné qu'il s'agit, sans aucun doute, de la
corporation professionnelle qui s'est le plus attachée à faire en
sorte que sa loi constituante ou sa loi organique ou la législation qui
s'y appliquait corresponde, dans les meilleurs aspects, à la situation
de la pratique du droit ainsi qu'elle a pu se présenter au cours des
années.
Ceci résulterait peut-être de la déformation
professionnelle des avocats, car, qui pourrait leur reprocher d'avoir
cherché à ce que leur loi soit la plus contemporaine pour eux,
aux différentes époques où ils se sont
présentés devant l'Assemblée nationale pour demander qu'on
y apporte des amendements?
Je laisse maintenant ces remarques préliminaires pour aborder des
aspects particuliers de la Loi du Barreau, qui me semblent
d'intérêt pour les membres de cette Chambre. Ainsi, une des
premières caractéristiques du projet de loi no 251 que je
présente à la Chambre aujourd'hui, c'est que, tout en maintenant
la règle de la représentation du public au niveau du conseil
général, c'est-à-dire tout en consacrant cette
règle à l'effet que le public avait le droit d'être
représenté à l'intérieur de l'organisme principal
de la corporation, nous avons, néanmoins, suggéré une
exception par rapport aux autres corporations professionnelles, dans ce sens
que le comité administratif ou le comité exécutif de la
corporation ne comportera pas de représentants nommés à
partir de la liste dressée par l'Office des professions.
Pour clarifier cet aspect, je dis donc qu'au niveau du conseil
général ou de ce qui est appelé, dans les autres
corporations profession-
nelles, le bureau de la corporation, il y a les quatre personnes
désignées par l'Office des professions. Mais, au niveau du
comité exécutif ou du comité administratif, il n'y a pas
de tels représentants venant de la liste dressée par l'Office des
professions.
On me demandera tout de suite quels ont été les motifs de
singulariser ou de faire une exception pour le Barreau dans ce domaine. Je
répondrai que l'activité professionnelle des avocats les
amène, plus que toute autre profession, dans des conflits avec le
gouvernement et, en particulier, avec le procureur général ou
d'autres personnes qui ont des responsabilités au niveau de
l'administration de la justice. Donc, ce qui distingue la profession d'avocat
des autres corporations, c'est qu'elle est très fréquemment en
conflit avec l'autorité gouvernementale ou, au moins, avec cette partie
de l'autorité gouvernementale qui inscrit les poursuites devant les
tribunaux.
Ce rôle différent de la profession d'avocat par rapport
à d'autres professions, telles que la médecine ou d'autres
corporations dont nous avons à traiter des cas particuliers dans les
diverses lois, nous oblige à réserver une distance encore
peut-être plus considérable entre l'Etat et la profession d'avocat
pour laisser à cette dernière sa pleine et entière
liberté.
Fréquemment, par exemple, le conseil ou le comité
administratif du Barreau devra être appelé à prendre
connaissance de certains actes posés par des avocats dans leur pratique,
dans les causes où ceux-ci ont occupé, représentant des
parties ayant des intérêts contraires à ceux du procureur
général ou d'autres personnes du gouvernement qui ont des
poursuites à intenter. De façon à réserver ce
caractère particulièrement important de confidentialité
qu'il est nécessaire d'avoir au niveau des délibérations
du conseil administratif, lorsque celui-ci se penche sur l'action d'un avocat
en particulier, dans l'exercice de sa pratique, à l'occasion de causes
où il a été impliqué contre l'autorité
gouvernementale, nous nous sommes rendus aux arguments qui nous ont
été présentés par le Barreau. Nous avons dit, tout
en maintenant la règle générale, au niveau du conseil
général du Barreau, de la représentation du public par
l'Office des professions que nous ferions quand même une exception pour
ce qui est du comité administratif du Barreau.
J'ajouterai, pour ma part, qu'un deuxième argument en faveur du
Barreau me semble s'imposer car ce qui fait l'originalité, je pense, de
toute société libre, c'est la liberté d'action du Barreau
et des avocats. On sait que dans toutes les sociétés
totalitaires, une des premières professions que toute action
gouvernementale cherche à assujettir c'est bien la profession d'avocat
qui représente, en somme, ceux qui sont poursuivis par les
autorités.
Or, si le Barreau occupe une position aussi sensible dans une
société libre que celle de représenter en pleine
liberté la défense des citoyens, c'est sans doute que la
profession d'avocat ne souffre pas de discipline ou de contrainte qui fasse en
sorte que cela puisse paralyser, d'une façon ou d'une autre, soit
l'action individuelle de ses membres alors qu'ils représentent des
intérêts contraires à l'autorité gouvernementale, ou
soit celle de la corporation elle-même lorsque celle-ci se croit le
devoir de prendre position devant les empiètements des autorités
politiques à l'égard des libertés
démocratiques.
Je veux dire, M. le Président, que non seulement l'avocat a-t-il,
à mon sens, une fonction bien spécifique et professionnelle dans
le quotidien de représenter même des intérêts
contraires à ceux du gouvernement devant les tribunaux mais je pense
qu'il faut reconnaître à la profession, dans son ensemble, une
responsabilité qui dépasse l'intérêt individuel de
ses membres, qui dépasse l'action et le rôle quotidien de ses
membres dans la défense de personnes particulières devant les
tribunaux. C'est ce qui fait que la profession d'avocat, dans certaines
circonstances, est naturellement appelée à prendre des positions
sur des questions de principe lorsque les libertés fondamentales des
citoyens sont mise en jeu par l'action de l'Etat, lorsque celle-ci est mal
fondée.
C'est la raison pour laquelle nous avons cru qu'il fallait consacrer
cette distance entre l'Etat et la profession d'homme de loi peut-être
d'une façon plus caractéristique que vis-à-vis d'autres
professions, de façon â laisser au Barreau cette liberté de
prendre des positions qui seraient fondamentales sur des questions de principe
lorsqu'il le jugera nécessaire si cela devenait, dans l'avenir, un
impératif pour la corporation et pour les citoyens et dans
l'intérêt général.
C'est dans cette optique que nous avons apporté des dispositions
particulières à la loi du Barreau de façon que, tout en
maintenant ce principe de la représentation des citoyens à
l'intérieur de la corporation, malgré tout, la corporation ait
une liberté d'action et d'expression compatible avec cet
élément de confidentialité qui est requis dans les
délibérations autour de l'action individuelle de certains avocats
ayant assumé la responsabilité de causes là où ils
sont en conflit avec les autorités politiques, et de façon aussi
à laisser à la corporation cette liberté d'action
collective dans les positions de principe qu'elle pourrait
hypothétiquement être appelée à prendre dans
certaines circonstances graves.
D'autre part, il faut dire que cette exception, que nous avons
créée en faveur du Barreau, ne dénie pas ou ne
libère pas la corporation des grands principes adoptés dans le
bill 250. Ainsi, par exemple, le comité administratif du Barreau ne
pourra-t-il pas adopter de règlements. On sait qu'en vertu des
règles qui s'appliquent, qu'en vertu du code 250 et ainsi qu'en vertu de
la loi no 251, l'adoption des règlements est une
responsabilité qui incombe au conseil général et,
par conséquent, un règlement ne saurait être adopté
par le conseil administratif.
Le conseil administratif ne saurait pas se substituer au Conseil
général du Barreau pour adopter un règlement. De telle
sorte que, tout en ayant laissé cette liberté d'action
nécessaire au Barreau, la réglementation qui pourra s'appliquer
à la profession est néanmoins soumise au processus traditionnel
d'adoption des règlements, c'est-à-dire que c'est le conseil
général qui adoptera les règlements, conseil
général où se trouveront ces quatre personnes venant de
l'Office des professions et qui verront ce qui se passe à
l'intérieur de la corporation.
En second lieu, l'action du comité administratif ou du
comité exécutif sera néanmoins revue, conformément
à l'article 18, deuxième alinéa, de la Loi du Barreau,
dans ce sens que l'administration courante du comité administratif ou du
comité exécutif doit faire l'objet de rapports au Conseil
général du Barreau, de telle sorte que les décisions
prises au niveau du comité administratif devront faire l'objet de
rapports devant le Conseil général du Barreau.
M. le Président, je pense que les particularités que l'on
retrouvera dans le projet de loi no 251, particularités que je viens de
mentionner, résultent de la situation tout à fait propre et
particulière qui est celle des avocats et de leur corporation dans notre
société et que, tout en maintenant les grands principes des
projets de loi qui sont actuellement présentés devant la Chambre,
nous avons néanmoins réussi à concilier des
impératifs quelque peu divergents.
M. BURNS: M. le Président, il n'y a pas quorum.
LE PRESIDENT: Qu'on sonne les cloches! Qu'on appelle les
députés!
L'honorable ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: M. le Président, un autre aspect de ce projet de
loi qui mérite quelques commentaires est l'aspect qui traite de la
discipline à l'intérieur de la profession d'avocat.
On sait que le projet de loi 250 et les autres projets qui visent les
professions autres que celle du Barreau comportent un système
disciplinaire à deux paliers. Ainsi y a-t-il à l'intérieur
de chaque corporation un comité de discipline et y a-t-il au-dessus de
ces comités de discipline un tribunal d'appel qui siégera et dont
l'action aura une envergure qui visera l'ensemble des corporations.
Sans aucun doute le Barreau est-il soumis au même système
disciplinaire, dans ce sens que le tribunal ultime d'appel en matière
disciplinaire est cet organisme composé de juges de la cour Provinciale
qui siégera en matière d'appel de toutes les décisions
émanant des corporations.
Mais il ne faut pas oublier que le Barreau avait une tradition
particulière en matière de discipline, en ce sens que le Barreau
avait déjà des comités de discipline siégeant en
première instance. Il y avait également à
l'intérieur du Barreau un conseil de révision qui avait pour
fonction d'agir comme tribunal d'appel.
Par conséquent, en soumettant le Barreau à la règle
générale du contrôle de ses décisions disciplinaires
par le tribunal d'appel s'appli-quant à toutes les professions, nous
n'avons pas modifié le système interne du Barreau qui existait
précédemment. De telle sorte que le Barreau, contrairement aux
autres professions, se trouvera avec un système disciplinaire à
trois paliers au lieu de deux paliers comme cela est le cas dans les autres
corporations.
Je ne pense pas que cette particularité soit très
importante sur le plan des principes, mais elle méritait
néanmoins d'être notée et elle correspond, dirais-je, au
fait que le législateur, tout en faisant en sorte que la loi 250 et les
principes que l'on trouve dans les lois des autres corporations s'appliquent
à peu près uniformément dans toutes les corporations,
devait néanmoins tenir compte des aspects particuliers, des traditions
et des dispositions législatives qui existaient déjà avant
qu'il ne décide d'intervenir pour mettre de l'ordre dans le
fonctionnement des professions et dans l'ensemble des corporations
professionnelles.
Cette modification apportée à notre législation
d'ensemble devait néanmoins préserver certaines dispositions qui
existaient déjà à l'intérieur de la profession
d'avocat.
D'autres particularités de moindre importance existent dans ce
projet de loi, pour autant qu'elles s'appliquent aux avocats. Ainsi en est-il,
par exemple, de la règle de la nationalité. Contrairement
à certaines professions, il est exigé pour les avocats, comme
pour les notaires et pour les arpenteurs-géomètres d'ailleurs,
d'avoir la nationalité canadienne avant de pouvoir exercer leur
profession.
On me demandera peut-être pourquoi cette différence. Elle
correspond au fait que lorsqu'on parle d'avocats, de notaires ou
d'arpenteurs-géomètres, on parle d'officiers de justice et que la
nationalité nous a paru être une règle qui devait s'imposer
ici, ce qui n'est peut-être pas le cas dans d'autres professions
où le rôle du professionnel n'est pas un rôle d'officier
public.
Il y a aussi d'autres distinctions qui ont été
proposées par le gouvernement à l'intérieur du bill 251.
Ainsi en est-il au sujet de la terminologie, de la désignation de
certains comités qui existent déjà à
l'intérieur du Barreau. Il nous a paru utile de conserver, au moins dans
leur esprit et leur réalité, certains comités que le
Barreau avait déjà institués et qui avaient fait leurs
preuves comme moyen de protéger valablement l'intérêt
public.
Ce n'était pas parce qu'on mettait de l'ordre
général dans les corporations professionnelles qu'il fallait
jeter par terre ce qui avait été déjà bien fait par
le Barreau.
D'autre part, M. le Président, le projet de loi comporte
certaines dispositions en rapport avec
le stage. Les stagiaires devront être munis d'un certificat et ils
exerceront les prérogatives qui leur seront reconnues par la loi et par
les règlements du Barreau sous l'autorité d'un avocat en
exercice. Ces stagiaires ne seront pas soumis à la discipline
professionnelle générale s'appliquant aux avocats mais ils seront
soumis à l'autorité de leur patron.
M. le Président, je m'assieds devant votre regard
réprobateur, vu que vous semblez indiquer que je m'avance un peu trop
dans les détails du projet de loi. Je voulais seulement signaler
certains aspects particuliers de ce projet de loi. Je conclus en disant que
pour les autres aspects, le projet de loi est conforme à la
législation générale qui est proposée dans le bill
250 ainsi que dans les grandes lignes des autres projets de loi s'appliquant
aux autres corporations professionnelles. Merci.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.
M. Rémi Paul
M. PAUL: M. le Président, l'indisposition imprévue du
ministre des Affaires sociales nous force à étudier plus
tôt que prévu cet important projet de loi 251, Loi modifiant la
loi du Barreau.
M. le Président, je dois manifester mon contentement après
avoir entendu le ministre de la Justice. Celui-ci est beaucoup plus loquace,
beaucoup plus renseigné et maîtrise beaucoup mieux la loi qu'il
parraine que ne l'a fait jusqu'ici le ministre des Affaires sociales.
Le ministre de la Justice nous a fait une synthèse des principes
généraux que nous retrouvons dans cette loi 251, Loi modifiant la
loi du Barreau.
M. LEVESQUE: Se peut-il que le député de Maskinongé
soit plus familier avec les questions juridiques qu'avec les questions
sociales?
M. PAUL: M. le Président, nous aurons beau avoir les meilleures
mesures sociales possible, si nous n'avons pas tout un système juridique
pour protéger les droits de ceux qui s'adressent à l'un ou
l'autre des secteurs de l'assistance sociale, notre société sera
ébranlée et rien n'ira dans la bonne marche et la sauvegarde des
intérêts de tous les justiciables, qui doivent être
égaux devant la loi.
M. le Président, j'étais membre du conseil
général du Barreau lorsque la première version du projet
de loi 250 nous est parvenue. Jamais je ne me suis senti aussi tiraillé
entre, d'un côté, mon devoir de législateur et, d'un autre
côté, mon rôle de membre du conseil général du
Barreau. La première version du projet de loi 250 et, il va de soi, du
projet de loi 251 n'était aucunement acceptable. Il y eut des
amendements apportés par le ministre des Affaires sociales. Incidemment,
je félicite le ministre de la Justice d'avoir pu convaincre son
collègue le ministre des Affaires sociales. Ce n'est pas facile parce
que, de temps à autre, il nous donne l'impression d'être
monolithique. Je ne sais par quel hasard le ministre de la Justice a finalement
ébranlé le ministre des Affaires sociales.
Il est vrai que le Barreau était disposé à
contester jusque devant la Cour suprême la légalité du
projet de loi no 251 dans sa première version justement en raison des
énumérations que nous faisait tout à l'heure le ministre
de la Justice, surtout quant à ce constant conflit
d'intérêts qui aurait pu se présenter entre l'avocat dans
l'exercice de sa profession et le gouvernement par la voie de
représentants qui en quelque sorte auraient pu je parle toujours
au conditionnel violer le secret professionnel dans ses moindres
détails et placer le justiciable dans une position
d'infériorité qui l'exposait à voir ses
intérêts gravement compromis par cette surveillance
étatique telle qu'on voulait l'établir par la Loi du Barreau.
M. le Président, finalement, le gouvernement et le ministre de la
Justice nous présentent aujourd'hui une version de la Loi du Barreau qui
est acceptable. C'est avec beaucoup de soulagement que nous avions entendu le
ministre des Affaires sociales, en septembre 1972, nous annoncer des
modifications et des amendements très importants au code des
professions. Par le fait même, il disposait d'une grande partie des
objections mêmes du Barreau tant à l'endroit du code des
professions qu'à l'endroit du projet de loi 251.
M. le Président, dans le projet de loi 251, certains principes
diffèrent quelque peu des données générales du
projet de loi 250. Il y a, par exemple, cette disposition concernant la
composition du conseil général du Barreau du Québec, qui
remplira, au sein du Barreau, le rôle du bureau au sens du code des
professions. Il y a cette exception à la loi générale 250
qui prévoit que le bureau d'une profession est formé d'un
président et de 24 administrateurs, si la corporation compte plus de
1,500 membres. Il y a ici quelques avocats: vous, moi, le député
de Maisonneuve, le député d'Outremont, le député de
Matane. Elles sont rares les véritables compétences et valeurs
dans cette Chambre, M. le Président.
Nous sommes près de 4,000 avocats au Québec. Je dis donc
que, normalement, le Barreau devrait être formé d'un bureau de
direction, se composant d'au plus 24 administrateurs ou directeurs. Cependant,
il y a également un principe nouveau d'exception. Je dis d'exception
mais peut-être que je me trompe. Je fais appel à
l'encyclopédie vivante au sujet de toutes ces lois des corporations
professionnelles, le député de Montmagny, pour savoir si le
Barreau n'est pas, en fait, la seule corporation qui verra son bâtonnier
et son vice-président élus par scrutin de tous ses membres.
M. CHOQUETTE: Oui, c'est ça.
M. PAUL: Alors, il y aura, M. le Président, un vote
général de tous les membres de la profession qui seront
appelés à élire le bâtonnier et le
vice-président, ce que nous ne retrouvons pas dans les autres
professions. Dans le projet de loi 251, il est également prévu
que le conseil général est formé d'un bâtonnier, le
bâtonnier du Québec, et de 30 administrateurs, au lieu de 24 comme
dans les autres professions.
Ce qui est important, M. le Président, c'est sûrement de
retenir ce traitement d'exception quant à la composition du bureau
administratif.
Ce bureau sera composé de neuf membres et aucun
représentant délégué par l'Office des professions
ne pourra y siéger. C'est une excellente mesure, essentielle et
nécessaire pour toutes les raisons que nous a signalées tout
à l'heure le ministre de la Justice.
Le Barreau, c'est la plus vieille de toutes les professions
libérales que nous connaissons. Ceux qui ont eu l'avantage
d'étudier le droit romain se rappelleront certaines données,
certains souvenirs des cours universitaires, alors que c'est avec beaucoup de
fierté que nous étudiions la haute compétence, l'esprit
juridique...
M. BURNS: Je m'excuse auprès du député de
Maskinongé, mais je crois, M. le Président, que nous n'avons pas
quorum.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Qu'on appelle les
députés!
Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, le député de
Maskinongé reprend donc ses propos où il les a laissés
pour vous rappeler que le droit romain nous a permis, à nous qui avons
eu l'avantage de recevoir une excellente formation universitaire, de
connaître toute cette rhétorique, ce raisonnement des grands
préteurs tels que Démosthène, Cicéron. Qu'est-ce
à dire du prêteur Paul? Un des plus grands préteurs du
droit romain!
Hélas! le temps a quelque peu, par suite des accidents de
parcours, enlaidi cette profession. Je n'apprendrai rien au ministre de la
Justice. Aux premiers temps de la colonie il était absolument
défendu de recevoir des avocats...
M. le Président, je vous ferai remarquer que c'est Léo qui
vient de frapper, ce qui signifie lion. Peut-être est-il trop lion dans
son parti? Celui-ci pensera sérieusement à le nommer à
quelque poste administratif pour que dans le prochain Parlement un autre
député que celui qui honore le comté de Saint-Laurent
vienne siéger en cette Chambre.
Je disais donc que le temps...
M. BURNS: Vous avez des détails là-dessus à nous
fournir?
M. PAUL: Vous savez que cela ne va pas trop bien dans le Parti
libéral.
M. BURNS: Nous savions cela.
M. PAUL: Vous voyez, aujourd'hui, le ministre des Affaires sociales est
malade. Peut-être a-t-il eu une autre crise avec Lalonde, le ministre de
la Santé...
M. LEVESQUE: Est-ce un cocktail qu'on a présentement?
M. PAUL: En ces réunions, nous n'appellerons jamais
"Lévesque" du Parti libéral et encore moins l'aumônier du
Parti libéral, "la baie James."
M. LEVESQUE: Je vous remercie.
M. PAUL: Toujours est-il que le Barreau a joué un rôle
éminemment social dans la structure de toutes les
sociétés. C'est avec raison, tout à l'heure, que le
ministre de la Justice signalait que, dans les pays totalitaires, la
première corporation qu'on s'applique à faire disparaître,
c'est le Barreau et toute forme de justice pour les remplacer par
l'autorité militaire.
Heureusement que dans le Québec et le Barreau canadien nous avons
joué un rôle, pas toujours compris par la société.
Nous avons joué un rôle et tous ceux qui se sont
présentés devant nos tribunaux ont eu cet avantage de rencontrer
des hommes de loi bien préparés, qui possédaient les
connaissances juridiques les plus complètes. Ceci leur a permis de
revendiquer leurs droits ou de bénéficier d'acquittements
lorsqu'ils ont eu affaire ou ont été traduits devant les
tribunaux.
Justement, parce que le Barreau a une longue tradition, parce que le
Barreau a été la première corporation professionnelle
à s'auto-discipliner et à surveiller la conduite de ses membres,
il n'était que logique que le législateur, le ministre
responsable de la loi no 251 envisagent une certaine exception à
l'endroit du Barreau. Pour ce qui a trait au code de déontologie, je
crois que le Barreau a été comme la pierre angulaire qui a permis
au législateur d'extraire l'expérience vécue de ces
règlements de discipline, cette politique nouvelle de déontologie
que l'on retrouve dans la loi-cadre no 250 et non pas la loi omnibus.
Dans cette loi que nous sommes appelés à adopter
aujourd'hui, il nous faut donc penser que le Barreau doit recevoir un
traitement exceptionnel je dis doit comme le revendiquaient
d'ailleurs le Conseil général du Barreau et l'Association des
avocats. Il y a cette question extrêmement importante du secret
professionnel qui peut être violé en certaines circonstances si
nous permettons l'intrusion de personnes déléguées d'en
dehors, et qui ne sont pas membres de la corporation, au bureau administratif
ou dans l'exécutif de la profession.
Je dis que le ministre de la Justice avait le droit et, surtout, avait
le devoir de convaincre
son collègue, le ministre des Affaires sociales, parce qu'en
fait, si c'est le ministre de la Justice qui nous présente cette loi
aujourd'hui, il a été obligé d'exposer c'est normal
et nécessaire, autrement il n'y aurait pas de solidarité
ministérielle au grand patron du rapport Castonguay-Nepveu les
vues de la profession des avocats et du conseil du Barreau sur cet aspect
particulier du secret professionnel qui ne pouvait épineux
problème être résolu autrement que par ce constant
souci, ce soin d'éviter d'incorporer, de faire siéger ou
d'admettre au bureau administratif des personnes autres que celles de la
profession.
M. le Président, il y a un principe un peu particulier et
d'exception que l'on retrouve également dans cette loi 51, c'est que
chaque section du Barreau formera une corporation indépendante et
autonome. Il y a donc lieu de se demander si la structure de chacune des
sections du Barreau ne devrait pas être conforme aux dispositions du code
des professions concernant la composition du bureau et du comité
administratif.
Avec le temps, je me propose d'examiner de plus près tout ce
problème pour qu'à l'occasion de l'étude de ce projet de
loi en commission élue nous puissions nous pencher sur le besoin et la
nécessité d'apporter certains amendements à la loi
même du Barreau pour réaliser cet objectif visé par la
loi-cadre des professions.
Il y a un point...
M. BURNS: Je m'excuse auprès du député de
Maskinongé mais nous n'avons pas quorum, M. le Président.
M. LEVESQUE: M. le Président, si on n'a pas quorum, ce n'est
certainement pas à cause du gouvernement parce que notre
responsabilité est de 20 sur 30.
M. BURNS: Je n'ai pas demandé d'explication, M. le
Président, j'ai mentionné qu'il n'y avait pas quorum.
M. LEVESQUE: Nous avons au-delà de 20 députés
libéraux...
M. BURNS: C'est une question de règlement.
M. LEVESQUE: ... et c'est à l'Opposition de faire son devoir au
lieu de toujours crier au quorum.
M. PAUL: M. le Président, sur un rappel au règlement, je
ne crois pas que le problème soulevé par l'honorable
député de Maisonneuve puisse souffrir de débat. Tout ce
que l'on peut faire, c'est de constater...
M. LEVESQUE: La vérité a ses droits. M. PAUL: Pardon?
M. LEVESQUE: La vérité a ses droits.
M. CHOQUETTE: M. le Président, j'ai compté et nous sommes
31.
M. LEVESQUE: Trente et un.
M. BURNS: Ce n'est pas à vous de compter, c'est au
président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Giasson): J'avais comté 29, mais je
vois apparaître le député de Chicoutimi et le ministre des
Richesses naturelles.
Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, c'est effrayant comme cela va bien pour
faire un bon discours aucunement préparé d'être interrompu
à deux reprises pas mon collègue le député de
Maisonneuve que j'invite à récidiver...
M. BURNS: Je m'excuse.
M. PAUL: ... pour essayer d'avoir la présence de cette masse
gouvernementale amorphe.
M. LEVESQUE: M. le Président, une question de privilège.
Maintenant que l'occasion m'est fournie de le dire dans la
légalité, je répète...
M. BURNS: Dans l'illégalité, M. le Président.
M. LEVESQUE: ... que le quorum est de 30 membres, comme vous le savez.
La représentation ministérielle vis-à-vis de la
représentation de l'Opposition est de deux à un. Notre
responsabilité vis-à-vis du quorum est d'être 20
députés en Chambre.
M. BURNS: Je ne sais pas où vous avez vu ça.
M. LEVESQUE: Nous sommes toujours plus de 20 députés en
Chambre. C'est l'Opposition qui doit prendre ses responsabilités avec au
moins dix députés.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Deux à un, cela va vous mener aux
éliminatoires quand même.
M. LEVESQUE: Chaque fois qu'on fera appel au quorum et qu'on voudra
mettre la responsabilité sur l'équipe ministérielle, je
ferai cette mise au point.
M. BURNS: Nous sommes dix, M. le Président.
M. LEVESQUE: Les responsabilités des parlementaires, c'est autant
d'un côté que de l'autre.
M. PAUL: M. le Président...
M. BURNS: Avec vous, M. le Président, on est dix en dehors des
ministériels.
M. PAUL: ... sur un point de règlement, qu'ils soient trois ou
quatre contre un, je vous promets que ce sont de petits lumignons. Ce ne sont
pas eux qui apportent une contribution intelligente aux travaux de la Chambre.
Ce sont toujours des obscurs. On ne les entend jamais parler. Ils ne sont
même pas capables d'être présents physiquement.
Intellectuellement, c'est trop leur demander, mais physiquement, ils devraient
au moins s'autodiscipliner comme l'a fait le Barreau pour que ses membres
puissent être sous la surveillance constante d'un comité de
discipline, toujours dans l'intérêt du public.
Il est arrivé trop souvent, dans le passé, M. le
Président, que trop d'avocats trop parce que, même si ce ne
fut que l'exception, il reste qu'il y en a eu trop ont été
victimes, comme cela se produit, d'ailleurs, dans toutes les professions, du
manque d'honnêteté et de la négligence de certains
confrères dans l'exercice de leur profession. C'est dans le but de
pallier les conséquences d'une négligence qui, en certains cas,
peut causer des torts irréparables que le projet de loi no 251 obligera
un membre de la profession à fournir une garantie pour qu'il puisse
lui-même être à l'abri des conséquences de sa propre
négligence, mais surtout pour mettre le public à l'abri des
conséquences non pas de son ignorance, parce que la clientèle se
charge de classer vite un avocat et, vite, elle se dirige vers un autre
bureau...
Il y a, M. le Président, cet autre exemple qui a
été donné par le Barreau. C'est ce fonds que le conseil
général a créé pour indemniser les victimes de ceux
qui avaient eu à subir des dommages ou des torts de la part de
confrères dans l'exercice, qui n'étaient, hélas! que des
parasites de la profession et non pas des actifs exclusivement et constamment
dévoués aux intérêts de leurs clients et du
justiciable du Québec.
M. le Président, dans ce projet de loi no 251, il y a un
problème qui m'inquiète. C'est un des principes de cette loi. Je
vois qu'il n'est aucunement fait mention de la constitution d'une
assemblée générale des membres du Barreau, qui se
réunirait annuellement, contrairement aux exigences des articles 97
à 101 du code des professions, projet de loi no 250. Alors, j'attirerais
l'attention du ministre de la Justice sur ce point particulier de la loi
présentement à l'étude pour qu'en temps utile, en
commission élue, nous puissions envisager l'opportunité
d'apporter certains amendements pour clarifier le texte et éviter qu'il
n'y ait dualité possible ou interprétation difficile de la loi
dans la bonne marche de ses opérations. Ainsi, nous pourrons avoir une
constante dans les professions, là où il n'y a pas
nécessité de consentir des cas d'exception ou des
privilèges spéciaux, comme c'est le cas, par exemple, à
l'endroit du Barreau, au sujet du secret professionnel.
Il y a un principe dans cette loi qui, personnellement,
m'inquiète quelque peu. Ce sont les articles je dis les articles,
M. le Président, mais je parlerai plutôt d'une section où
l'on parle de tout un principe que l'on retrouve dans la loi concernant
l'admission au Barreau. Cette section de la loi no 251 concerne le Centre de
formation professionnelle du Barreau. Il y a lieu de se demander si
l'acceptation des principes que l'on retrouve dans cette section de la loi no
251 n'ira pas compromettre ou ne déréglera pas les
négociations en cours entre le Barreau et les milieux
d'enseignement.
M. le Président, il faut être extrêmement prudent.
Nous connaissons les difficultés et le rôle
d'intermédiaire, d'arbitre, de conciliateur qu'a joué le ministre
de la Justice à la suite des échecs retentissants de trop
d'aspirants avocats lors des derniers examens du Barreau. Je ne me
réfère pas aux examens qui eurent lieu au début du mois de
février, mais à ceux qui eurent lieu l'été
passé. Le ministre a joué un rôle de conciliateur et,
finalement, il a orienté une discussion qui pourra du moins, je
l'espère déboucher quelque part.
Il y a encore des spasmes de mécontentement, mais il est
souhaitable et désirable que le conseil général du Barreau
et des milieux d'enseignement puissent trouver un programme d'enseignement, des
sujets ou matières d'examen qui pourraient permettre aux
étudiants de la profession de droit d'être d'abord peut-être
un peu plus sérieux dans la préparation de leur avenir, et
surtout afin qu'ils ne soient pas victimes de questions qui, à leurs
yeux, semblent piégées mais qui sont peut-être la
résultante d'un manque de dialogue entre, d'une part, les milieux
enseignants et, d'autre part, le conseil général du Barreau.
Il est à noter que le Barreau s'est opposé très
fortement à l'ingérence du gouvernement dans ce domaine lors de
la présentation de son mémoire à la commission
parlementaire au mois de novembre dernier.
Il y a également dans ce projet de loi un principe très
important, c'est celui qui regarde la formation d'un comité
d'évaluation professionnelle. Il s'agit là peut-être de la
divergence la plus importante que l'on trouve dans cette loi entre celle des
dispositions législatives et des autres corporations
professionnelles.
Dans le projet de loi 250, les pouvoirs d'évaluation
professionnelle concernant l'état physique, psychologique ou psychique
d'un professionnel sont dévolus au bureau. Pour ce qui a trait au
Barreau, celui-ci préfère que les pouvoirs soient donnés
à un organisme quasi judiciaire, suivant les termes mêmes du
bâtonnier Marcel Cinq-Mars qui, devant la commission parlementaire en
date des 8 et 9 novembre 1972, s'exprimait ainsi, et je me réfère
au
journal des Débats, page B-6444. C'était à la suite
d'une question posée par le député de Bourget : "Quant
à son mandat, nous avons retenu les principes posés dans le bill
250. Quant au mécanisme même, je ne suis pas entré, ce
matin, dans les détails du mécanisme. C'est un mécanisme
qui est quand même assez simple et qui s'apparente passablement au
mécanisme prévu dans le bill 250, à savoir le choix d'un
médecin par le comité administratif de la corporation, à
la suite évidemment d'une représentation sérieuse à
l'effet que le professionnel X ou Y n'est pas apte à exercer la
profession à cause d'un état physique ou psychique, le choix d'un
médecin par le professionnel lui-même et le choix d'un
troisième médecin par les deux médecins ou, à
défaut, par l'autorité judiciaire. "Le rapport de ces trois
médecins serait déposé devant cet organisme, appelons-le
le comité d'évaluation professionnelle, qui, lui, pourrait
entendre des témoins. Il aurait tous les pouvoirs d'un tribunal, et il
pourrait peser les rapports médicaux qu'on lui soumet. Il aura
même le pouvoir d'ordonner que le professionnel se soumette à un
nouvel examen médical. Brièvement, c'est le mécanisme que
nous vous suggérons, nous pensons qu'il est plus juste, plus conforme
à nos principes d'ordre judiciaire."
Cette proposition du Barreau est très valable.
Il faudrait peut-être envisager certains amendements possibles en
commission élue sur le projet de loi 250 pour que le principal but
visé soit d'accorder à l'individu, qui peut être pris dans
cette situation en raison d'un état physique ou en raison d'un
état psychique, l'avantage d'être jugé par des
spécialistes plutôt qu'exclusivement par des confrères.
Je vois le ministre de la Justice qui sourit.
M. CHOQUETTE: Je vous dirai ce que j'ai à l'esprit
privément.
M. PAUL: M. le Président, j'espère que nous ne pensons pas
au même sujet tous les deux.
M. CHOQUETTE: On verra,
M. PAUL: M. le Président, le Barreau, en faisant cette
recommandation, vise la protection du public, en même temps qu'il vise la
protection de l'individu membre de la corporation qui peut être
forcé d'abandonner l'exercice de sa profession en raison ou par suite
d'une situation physique ou psychique anormale.
Le Barreau prône la protection de l'individu par un droit d'appel,
conformément aux principes les plus élémentaires do la
justice naturelle. Il faut, M. le Président, regarder avec beaucoup
d'attention cette disposition que l'on rencontrera dans toutes les lois
spécifiques des corporations professionnelles et qui découle de
l'expérience vécue, comme je vous disais tout à l'heure,
par le Barreau lui-même. En effet, il a été la
première profession à adopter un code de déontologie et
à fixer les normes relatives à une procédure d'arbitrage
des comptes de ses membres pour protéger le public. De plus, le Barreau
a été la première corporation à mettre sur pied,
comme je vous le disais, un fonds d'indemnisation devant servir à
rembourser les sommes d'argent ou autres valeurs utilisées par un
professionnel à d'autres fins que celles pour lesquelles elles lui
avaient été remises.
M. le Président, il faut, de plus, s'arrêter sur une autre
divergence ou exception très importante que l'on retrouve dans cette loi
251 du Barreau. La Loi du Barreau actuelle, chapitres 15-16, Elizabeth II,
1966-1967, prévoit que toute décision du comité de
discipline peut-être portée devant un organisme supérieur
que l'on appelle le conseil de discipline. Dans le projet de loi 250, il est
prévu que toute décision du comité de discipline jouit
d'un droit d'appel au tribunal des professions. En vertu du bill 250, ce droit
est sans appel. La prochaine loi 251 crée deux paliers d'appel; d'abord,
toute décision du comité de discipline est appelable à un
organisme supérieur appelé conseil de révision qui, en
vertu des dispositions du nouveau texte de la Loi du Barreau, remplacera
l'ancien conseil ou comité de discipline de la loi 16-17, Elizabeth II,
1966-1967.
Le projet de loi 251 prévoit un deuxième palier d'appel,
c'est celui d'un recours au tribunal des professions. M. le Président,
je me demande si, à toutes fins pratiques, il n'y aurait pas lieu de
considérer également un amendement dans le projet de loi 250, qui
rencontrerait peut-être les mécanismes de surveillance ou de
discipline que l'on retrouve dans la Loi du Barreau.
M. le Président, le conseil général du Barreau,
à l'avenir, sera remplacé ou jouera plutôt le rôle du
bureau au sens du code des professions. Son bâtonnier, élu par
voie démocratique par tous les avocats, de même que son
vice-président formera le conseil du Barreau. Il y aura dix
délégués de la section de Montréal, cinq de la
section de Québec, deux de la section de Trois-Rivières, de
Sherbrooke et de Hull et ensuite un autre pour représenter toutes les
autres sections du Barreau du territoire du Québec, en plus des quatre
autres qui seront délégués par l'Office des
professions.
Il faut retenir, et à bon droit, qu'il y aura toujours le
comité ou conseil administratif, qui lui aura un traitement
spécial à l'intérieur de cette loi 261 contrairement aux
dispositions que l'on retrouve pour les autres professions. Il y aura lieu de
retenir également les avantages ou la tentative d'expérience
consacrés non plus dans un règlement, mais dans un texte de loi.
Cela concerne les activités judiciaires ou quasi judiciaires des
étudiants en droit et des stagiaires des différents bureaux
d'avocats.
M. le Président, il faudra que le conseil du Barreau soit
extrêmement vigilant pour que les règlements qui seront
adoptés soient intégrale-
ment respectés parce qu'on semble s'éloigner un peu plus
de notre système actuel. Le système actuel prévoit la
participation des stagiaires aux actes quasi judiciaires ou judiciaires dans
certains cas, mais là on parle des étudiants en droit.
C'est une recommandation qui a sans doute sa raison d'être. Mais
encore là, il faudra qu'une grande surveillance soit exercée pour
que l'inexpérience des uns ne profite pas aux autres et pour que ceux
qui ont de bons droits à faire valoir devant les tribunaux ne soient pas
exposés à les perdre par suite de l'inexpérience do celui
qui pourrait être délégué pour faire la
revendication des principes de droit en cause.
M. le Président, je vous ai mentionné qu'une excellente
mesure, c'est cette obligation de garantie que l'avocat devra souscrire pour le
mettre à l'abri et surtout pour protéger le public en raison de
ses fautes ou de sa négligence. Je n'ai pas l'intention d'ajouter
davantage mais je regrette, comme j'en suis sûr le ministre
lui-même l'a regretté, d'avoir été pris un peu au
dépourvu par la présentation de cette loi. Le leader du
gouvernement nous dira: Vous étiez prévenus de la
présentation d'un tel projet de loi pour ces jours-ci.
Il reste toujours qu'il y a quelques collègues dans cette Chambre
qui participent d'une façon plus régulière, plus soutenue,
dans mon cas je ne dirais pas plus intelligente que le font d'autres
députés de cette Chambre. Il faut comprendre les circonstances et
il faut s'adapter aux exigences et à l'impératif du moment. Ce
n'est pas une raison, cependant, pour mettre de côté l'obligation
à laquelle nous devons faire face, soit savoir si nous voterons pour ou
contre le projet de loi.
Je vois le ministre de l'Immigration qui s'interroge et qui se demande
si les députés de l'Union Nationale vont voter pour ou contre le
projet de loi 251.
Il y a eu cette croisade du conseil général du Barreau, du
temps, du grand ami du ministre actuel de la Justice, le bâtonnier
Jasmin, qui, en raison de ses bonnes relations avec le ministre de la Justice
d'ailleurs, il lui a réservé un accueil mémorable
un jour, à l'occasion d'un certain congrès a
été comme son successeur, le bâtonnier Moisan, d'une grande
constance de pensée pour éveiller l'attention des avocats. Je ne
dirai pas qu'ils ont eu cette même appréciation de la valeur du
ministre, absolument pas, mais, au sein de la profession, ils se sont tous deux
imposé, donné la mission de prévenir tous les avocats du
danger auquel était exposée la profession si le code des
professions, tel qu'il est rédigé dans sa première
version, et la Loi du Barreau qui est axée sur cette première
version de la loi devaient être acceptés ou refusés.
Il y a nécessité que le Barreau soit régi par une
loi-cadre, comme toute autre profession. Est-ce que cette loi, telle qu'elle
est présentée dans ses principes, est acceptable? Je dis que oui.
Nous voterons pour cette loi sachant que le ministre de la Justice, avec une
grande ouverture d'esprit, pourra continuer son travail d'apostolat
auprès de son collègue le ministre des Affaires sociales pour que
nous puissions retenir certains amendements à la loi, certaines
recommandations du Barreau qui nous furent faites et qui, étant
acceptées, ne feraient que bonifier, à mon humble point de vue,
cette loi qui régira les relations entre les avocats pour qu'ils
continuent à oeuvrer au Québec dans le meilleur
intérêt de la justice et de l'intérêt public.
Il faut concevoir que toutes les professions doivent être au
service du public, d'abord, avant d'être au service de leur
intérêt personnel. Leur motivation ne doit pas être
exclusivement dans le but d'améliorer leur situation. Quand on est dans
une profession, quelle qu'elle soit, il faut assumer des responsabilités
et des devoirs à l'endroit de la société. Plus on a
reçu de la société, plus on doit donner à la
société. Le Barreau doit donner davantage. Nonobstant toutes les
critiques, les reproches que l'on peut adresser à cette profession, il
reste que c'est encore la justice qui est la pierre angulaire d'une
société bien structurée où les droits du plus fort
ne seront pas imposés aux plus faibles. Dans une société
bien organisée, où le Barreau et les avocats sont conscients de
leurs responsabilités, les avocats continueront d'être au service
du public et de la société elle-même.
C'est dans cette perspective que le conseil général du
Barreau, que les avocats souscrivent au projet de loi 251, mais non pas sans
aucune réserve quant à l'appréciation de la politique
générale du ministre de la Justice. Aujourd'hui, je n'aborderai
pas le sujet. Je ne succomberai pas à la tentation. Je ne serai pas
aujourd'hui le porte-parole de ceux qui m'ont demandé de faire un
message à l'occasion de l'étude de la loi 251 parce que je
conçois que ce n'est pas le moment opportun de le faire. Il s'agit de
savoir si nous devons accepter un projet de loi nonobstant les hommes en
place.
Ce sont des principes que nous devons analyser, que nous devons
accepter; ce ne sont pas des individus, actuel ou anciens ministres de la
Justice. C'est dans le but du meilleur intérêt public, pour la
sécurité du public, pour la sécurité des membres de
la profession eux-mêmes que nous devons, tous ensemble, travailler
à améliorer, bonifier cette loi. Ainsi, dans cette grande oeuvre
de réforme des corporations, chacun de nous aura la satisfaction d'avoir
contribué à améliorer l'une ou l'autre de nos lois. Les
premiers bénéficiaires seront d'abord les justiciables. Si le
code d'éthique professionnelle oblige les avocats, dans le cas
d'espèce, à se vouer exclusivement à la défense des
intérêts de leurs clients, dans des règles d'éthique
professionnelle bien arrêtées, il est permis de croire que non
seulement les avocats eux-mêmes mais la société en
général en retirera des bénéfices et avantages.
C'est pourquoi nous allons voter pour cette loi en deuxième
lecture, espérant qu'en com-
mission nous finirons peut-être par convaincre le ministre de la
Justice de se rendre à certaines recommandations qui nous furent faites
par des organismes responsables.
LE VICE PRESIDENT (M. Blank): Le député de Dorchester.
M. Florian Guay
M. GUAY: M. le Président, quelques mots seulement sur le principe
de ce projet de loi no 251, Loi modifiant la loi du Barreau.
J'ai écouté, avec beaucoup d'attention, le ministre de la
Justice et également le député de Maskinongé. Je
dois admettre que le ministre de la Justice a apporté plusieurs
éclaircissements concernant la loi. J'ai bien apprécié de
quelle façon il l'a fait. Je pense que le discours du ministre de la
Justice a été assez objectif et a permis de nous faire mieux
comprendre certaines particularités du projet de loi.
J'ai assisté également à la commission
parlementaire lorsque sont venus comparaître les membres du Barreau. Je
dois dire que les premières critiques soulevées à
l'endroit de cette loi étaient très sévères, et
certains avaient l'intention de s'y opposer totalement. Cependant, à la
suite des recommandations qu'ils ont faites, je dois dire que le ministre de la
Justice a pris, dans l'ensemble, bonne note des recommandations du Barreau, et
la loi qui vient modifier la Loi du Barreau semble, du moins dans son principe,
satisfaire le plus grand nombre de ses membres. J'ai eu l'occasion de consulter
plusieurs personnes avec lesquelles j'ai pu en discuter en commission
parlementaire et elles semblent satisfaites, malgré quelques
réticences ou quelques modifications qui devraient être
apportées lors de l'étude en troisième lecture du projet
de loi.
Ce qui a été bien apprécié, je pense bien,
par les membres du Barreau, comme recommandation qui semblait essentielle ou
qui semblait être au milieu des recommandations faites, c'était
celle du comité de discipline. C'est peut-être ce qui a fait dire
au bâtonnier, M. Moisan, que les membres du Barreau devraient être
assez satisfaits de ce que le Barreau a fait pour améliorer le projet de
loi no 251. Je pense que ce projet de loi, qui est peut-être le projet de
loi le plus particulier des lois connexes au projet de loi no 250, conserve
l'autonomie de cette profession. Je pense que ce principe qui existait dans
l'ancienne loi a été assez bien conservé, tel que
demandé d'ailleurs par le Barreau.
Plusieurs avocats, avec qui j'ai eu l'occasion d'en discuter, m'ont dit
qu'en principe il n'y avait pas tellement de changements dans la nouvelle loi
comparativement à l'ancienne loi.
Les quelques modifications qui étaient apportées
l'étaient simplement pour ajuster la Loi du Barreau au code des
professions. Cependant, ils ont également ajouté que ce n'est pas
facile d'ajuster une loi comme celle-là, qui exige des
particularités bien spéciales pour s'ajuster au code des
professions.
J'ai remarqué que, lors de la comparution du Barreau à la
commission parlementaire, il a été fortement question de
liberté, d'autonomie. C'est peut-être ce qui a permis au ministre
de mieux les entendre, de mieux les écouter et de mieux prendre leurs
recommandations. Je pourrais répéter les mots du
député de Maskinongé: Le premier rôle, d'un avocat,
c'est d'abord de protéger son client et le public en
général.
M. le Président, étant un profane dans le domaine, je
laisserai donc aux membres de la Chambre, qui ont un intérêt tout
particulier à le faire, le soin de surveiller cette loi. S'ils le font
avec la même vigilance que le député de Maskinongé,
s'il y a lieu de bonifier ce projet de loi, ils ne tarderont pas à le
faire savoir au ministre.
En terminant, je souscris au principe du projet de loi no 251.
M. BURNS: M. le Président, je m'excuse auprès de mon
collègue de Dorchester, mais je pense que nous n'avons pas quorum.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Maintenant, nous avons quorum.
M. BURNS: On l'a quand on l'appelle, M. le Président.
M. GUAY: Je disais donc, M. le Président, que je souscris au
principe du projet de loi no 251. Bien sûr, les membres de cette Chambre,
qui sont membres du Barreau, sauront souligner au ministre les dangers qu'ils
voient dans le projet de loi. Si certains droits, qu'on a appelés
fondamentaux, semblaient un peu délaissés, je suis sûr que
les honorables députés, qui parleront sur le sujet, sauront
attirer l'attention du ministre. C'est peut-être la loi la plus
particulière qui est la moins rattachée au code des professions.
Cependant, étant donné que cela semble acceptable pour l'ensemble
des membres du Barreau, nous souscrivons à ce principe.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de
Maisonneuve.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, je n'ai pas l'intention, même
comme membre du Barreau, de tenter de vous expliquer que la corporation du
Barreau est l'association professionnelle la plus importante, loin de
là. Je pense, cependant, que cet organisme professionnel a
peut-être, vis-à-vis de l'ensemble du problème que nous
examinons dans les projets de loi 250 et suivants, un poids additionnel
à supporter. Je pense qu'à ce titre il est très important
que l'on prenne au moins quelques minutes pour souhaiter peut-être
qu'à l'occasion de cette nouvelle
législation, qui régira et l'ensemble des professions mais
aussi le Barreau par le projet de loi no 251, il y ait un certain nombre de
rajustements qui se fassent à l'intérieur du Barreau.
Quand je dis que le Barreau supporte peut-être vis-à-vis de
l'opinion publique un poids encore plus grand que les autres associations
professionnelles, je me fonde surtout sur l'opinion que le grand public se fait
des avocats et sur leur façon de "représenter ou d'aider à
l'administration de la justice".
J'entendais, tantôt, le ministre de la Justice, dans son
intervention, nous dire que l'avocat était un officier public qui,
à toutes fins pratiques, faisait partie intégrante du rouage de
l'administration de la justice. Or, ce n'est un secret pour personne, M. le
Président, que la population au Québec, actuellement, n'est pas
satisfaite de l'administration de la justice en général.
C'est donc dire que l'avocat, comme membre du Barreau, comme un des
liens ou comme un des chaînons de ce rouage de l'administration de la
justice doit en subir une certaine culpabilité, sinon une certaine
participation.
Je remonte tout simplement, M. le Président, à une
étude qui a été faite à la demande du Barreau, en
1969, qui s'intitule "Les avocats du Québec", qui a été
longuement commentée à ce moment, et d'où ressortaient,
à toutes fins pratiques, un certain nombre de constatations. Je vous dis
les principales. La mauvaise image que se fait de l'avocat un large secteur du
public résulte, dans l'ensemble, du fait que ces gens ne sont pas
considérés comme travaillant dans l'intérêt du
public, mais plutôt dans leur propre intérêt. Une
deuxième conclusion qui semblait se dégager de cette
étude, qui avait été préparée à la
demande du Barreau, était que les avocats étaient d'une classe
à part, qu'on pourrait qualifier d'un certain "establishment" qui ne
s'identifiaient pas aux problèmes de leurs compatriotes.
Or, M. le Président, ceci a été repris, à
toutes fins pratiques, dans les constatations d'une enquête,
commandée par la commission Prévost, sur l'opinion que le grand
public se faisait de l'avocat. Je pense que, sans avoir les citations sous les
yeux, on peut facilement se souvenir qu'à l'occasion de cette
enquête, on trouvait qu'il y avait une forte proportion des avocats qui
étaient considérés comme malhonnêtes; il y avait une
forte proportion des avocats qui étaient considérés comme
incompétents; il y avait une forte proportion des avocats qui
étaient considérés toujours dans l'opinion publique
comme des gens qui ne visaient que leur propre intérêt, qui
exigeaient des honoraires exorbitants, etc. Par voie de conséquence,
comme les juges sont, à toutes fins pratiques, de par notre Loi des
tribunaux judiciaires, nécessairement des avocats, cette boue, qui
éclaboussait les membres du Barreau en général,
éclaboussait aussi, dans l'opinion publique, les juges.
C'est pour cela, M. le Président, que je tiens à souligner
ce problème, à ce stade-ci, pendant qu'on reconsidère les
différentes corporations professionnelles et, entre autres, à
l'occasion de l'étude du Barreau. Je souhaite que ce soit l'occasion,
pour les avocats, de se poser des questions eux-mêmes à ce
sujet.
Lors du 54e congrès annuel du Barreau, remarquez que les avocats
se sont posé des questions là-dessus. Je cite simplement un
extrait du journal L'Action du 29 août 1972, qui rapportait justement
l'attitude des avocats, sous le titre "Les avocats pensent que le public peut
leur reprocher coût, lenteur et inaccessibilité". Ce sont les
avocats eux-mêmes, au cours de leur congrès, qui en
arrivèrent à ces conclusions. "Le coût des services d'un
avocat, la lenteur des procédures judiciaires et
l'inaccessibilité de la justice pour tous, tels seraient, selon les
avocats eux-mêmes, les principaux griefs que le public peut formuler
à leur égard."
M. le Président, non seulement, trois ans avant, on avait fait
faire des études qui amenaient le Barreau à croire que c'est ce
que l'opinion publique pensait, mais, quelque trois ans plus tard, en 1972, les
avocats, eux aussi, en arrivent à cette même conclusion. Pourtant,
qu'est-ce qui est fait, du côté du Barreau, pour changer cette
attitude si, véritablement, c'est tellement important que, pour
l'administration de la justice en général, les avocats
considérés comme un des rouages importants de l'administration,
soient vus par le public de façon favorable?
Je pense, M. le Président, que le Barreau lui-même a
très souvent contribué à laisser croire à la
population qu'au moins une des conclusions que je mentionnais, soit de la part
des avocats ou soit de la part de l'enquête qui a été faite
à leur sujet, c'est-à-dire que ces gens travaillaient d'abord et
avant tout pour leur propre intérêt. C'est l'attitude constante
qu'on a vue au cours des dernières années de la part du Barreau
relativement aux divers projets de loi. Le ministre de la Justice en a
été lui-même victime à quelques reprises.
Il a subi les foudres du Barreau parce qu'il soumettait des projets de
loi qui pensaient d'abord à l'intérêt du public. Nous
l'avons félicité, à ce moment-là, de
résister à un certain nombre de pressions dont il était
sûrement l'objet.
Je cite tout simplement, entre autres cas le ministre s'en
souviendra sûrement la fameuse Loi pour favoriser l'accès
à la justice ou la Loi des petites créances. Les avocats se sont
plaints, ont poussé les hauts cris par l'entremise de leur association
professionnelle, le Barreau, disant à toutes fins pratiques, sans le
dire, que ça leur enlèverait des clients.
C'était une loi absolument nécessaire et une corporation
professionnelle qui en aurait véritablement mérité le nom,
dans le sens qu'elle est formée pour protéger
l'intérêt public, n'aurait pas eu ce genre de réaction.
Je cite un autre cas, la Loi de l'aide
juridique. Est-ce qu'on n'a pas entendu parler des oppositions du
Barreau, toujours, encore une fois, sans le dire carrément, mais on le
sentait très clairement? Ils disaient: Il faut protéger cette
profession qui est à nous, alors qu'on disait: Il y a des gens qui ont
besoin absolument de services d'avocats, qui n'ont pas les moyens de s'en payer
et nous vous amenons une loi favorisant ça.
Plus récemment encore, l'attitude du Barreau dans le conflit avec
les étudiants, auquel a référé tantôt le
député de Maskinongé. On se demandait si, sous-jacent
à tout conflit et cela n'a pas encore été
clarifié aux yeux du public; il n'y a personne qui a prouvé que
ce n'était pas vrai ce n'était pas, dans le fond, le
problème de contingentement de la profession.
Le dernier exemple que nous ayons vu là-dessus a
été l'attitude du Barreau à l'occasion de la
présentation par le ministre des Affaires sociales du code des
professions. C'est là, justement, que le ministre de la Justice a, je
pense, subi les foudres du Barreau.
Encore une fois, toutes ces attitudes constantes n'ont pas
été pour nous faire croire que c'était faux que les
avocats, représentés par leur Barreau, pensent d'abord à
leur intérêt avant l'intérêt public. Je sais fort
bien qu'il y a un très grand nombre d'avocats qui ne pensent pas
à leur intérêt d'abord. C'est évidemment leur
façon de gagner leur vie, pas de doute, admis. Et, comme tel, il faut
qu'ils en tirent un certain profit.
Je crois qu'il y a un certain nombre d'avocats au Québec qui
pensent à autre chose qu'à leur profit personnel et qui sont
dédiés aux causes qu'ils représentent, mais le public n'en
est pas convaincu. Et il n'y a rien actuellement pour convaincre le public de
ça, étant donné qu'il y a tellement une grande proportion
d'avocats et même la corporation professionnelle qui
agissent de façon contraire à nous faire croire que l'avocat est
au fond, un protecteur de l'ensemble de la population.
Cet autre point que je veux aborder est, je pense, intimement
relié au premier que je viens de soulever. Constamment, le Barreau a
fait des colloques même sur le rôle social de l'avocat. Il a
tenté de faire de la publicité, de faire comprendre aux gens quel
était le rôle de l'avocat, mais toujours en disant, à
l'occasion de l'étude, du code des professions: On ne veut
d'ingérence nulle part. Nous voulons que personne ne se mêle de
nos affaires.
Moi, je dis que, plutôt que de faire de grandes conférences
de presse, de grands colloques, de distribuer de la publicité sur ce
qu'est un avocat, sur son rôle social, etc., la meilleure façon de
montrer qu'il n'y a rien à cacher dans le Barreau, c'est de
véritablement permettre une participation du public à
l'administration du Barreau lui-même.
C'était quelque chose qu'on espérait lorsque le ministre
des Affaires sociales a présenté, à l'origine, son projet
de loi 250, sauf qu'actuelle- ment, de la façon que les
différents projets, entre autres le 250 et le 251, nous sont soumis, je
me demande vraiment jusqu'à quel point on pourra dire qu'il y aura
participation du public à l'administration d'une profession comme le
Barreau.
Je ne fais, par exemple, qu'examiner, sans entrer dans le détail
de l'article, comment le conseil général du Barreau,
c'est-à-dire l'organisme supérieur administrant le Barreau, est
constitué. On s'aperçoit qu'il est constitué de 34
personnes, c'est-à-dire le bâtonnier, un vice-président,
dix délégués de la section de Montréal, cinq de la
section de Québec, deux de la section de Trois-Rivières, deux de
la section Saint-François, deux de la section de Hull et un de chacune
des autres sections, c'est-à-dire les sept autres sections, ce qui fait
en tout, si j'ai bien compté, 30 membres. A ces membres, on
ajoute...
M. CHOQUETTE: Le député de Maskinongé dit que
ça devrait être 28.
M. BURNS: Je ne m'obstinerai pas. M. PAUL: Environ 30.
M. BURNS: Ce serait aux alentours de 30 personnes. J'ai peut-être
fait un calcul trop rapide. Il reste quand même une chose, c'est
qu'à ces 28 ou 30 personnes, qui sont des membres de la profession, du
bâtonnier aux représentants des sections en descendant, on ajoute
quatre personnes qui sont nommées par l'Office des professions; c'est
important de se demander comment elles sont nommées. Elles sont
nommées sur recommandation d'un groupe et là je dois me
référer au projet de loi 250 soumis à l'office.
C'est un groupe de 150 personnes, dont 75 sont des professionnels pas
nécessairement des avocats, mais des gens des autres professions, que ce
soient des infirmières, des médecins ou des
arpenteurs-géomètres, etc. et 75 des non-professionnels.
Or, l'office aura à choisir les quatre membres de l'extérieur du
Barreau. Je me demande très sérieusement si ce sera
véritablement le grand public qui sera représenté
là, à savoir si ce ne sera pas du pareil au même, si ce ne
seront pas quelques avocats avec quelques médecins et quelques notaires
qui seront délégués pour siéger au conseil
général du Barreau.
J'aurais infiniment préféré, cela m'aurait
rassuré, même si le nombre de quatre personnes sur à peu
près 30 à 34 selon le calcul auquel vous en arriverez
est infime, être assuré de voir dans ce groupe, dans ces
quatre personnes, des véritables représentants du public. Il est
normal de croire que, parmi les 150 personnes suggérées par le
conseil interprofessionnel à l'office, celui-ci, qui, lui, est
formé de professionnels, aura la tendance naturelle de choisir
plutôt des professionnels que des non-professionnels. Peut-être
tenteront-ils de choisir deux
professionnels et deux non-professionnels. Il reste que ce n'est pas
assez clair, à mon avis, qu'il y aura une participation du public, sinon
à l'administration parce qu'ils seront véritablement
minoritaires dans le conseil général par rapport aux gens de la
profession tout au moins pour voir ce qui se passe dans une profession
qui est tellement contestée, qui est tellement mal vue dans le
public.
Peut-être que, comme résultat, si on nommait de
véritables représentants du public et non pas des professionnels
en général ou d'autres professions, ce fait aurait
peut-être l'incitation ou l'effet d'incitation auprès du Barreau,
de remodeler sinon sa structure, du moins sa façon de fonctionner, de se
réévaluer lui-même, de faire une autocritique à
l'égard du public et d'arrêter de nous faire des
représentations aux commissions parlementaires quand il y a de bonnes
lois d'avant-garde, comme la Loi de l'aide juridique que le ministre nous a
présentée, et que ces bonnes lois sont votées dans
l'intérêt du public. Que le Barreau se rajuste et qu'il ne vienne
pas nous dire que telle chose n'est pas bonne, parce que ça nuit
à ses membres.
Le Barreau, comme toute autre profession, devra se rendre compte que
d'abord et avant tout c'est l'intérêt du public qu'il doit servir.
Qu'il en retire des profits, d'accord; que l'avocat gagne sa vie avec sa
profession, d'accord; personne n'est assez pur, assez idéaliste, ni
assez rêveur pour s'imagnier que l'avocat n'est pas
intéressé à gagner sa vie et même à
améliorer ses revenus.
Je passerais pour une personne non réaliste si je tentais de vous
convaincre du contraire. Mais que dans la motivation de tous les jours de cette
catégorie de professionnels, comme tous les autres professionnels
d'ailleurs, que ce soit d'abord l'intérêt public qui la motive.
C'est important, et si c'est important, ça commence par en haut,
ça commence par les administrateurs du Barreau, comme chez les
médecins, ça commence par les administrateurs du Collège
des médecins et c'est vrai pour toutes les autres professions.
C'est d'autant plus vrai pour une profession qui est
décriée régulièrement et dans bien des cas, je dois
le dire, bien malheureusement, qui est décriée à juste
titre. Quand on voit, comme je le lisais dans des journaux, des avocats qui se
font reprocher par des juges de cesser à la dernière minute de
représenter un client et que le juge dit à l'avocat
intéressé qu'il semble être tout à fait la personne
qui cesse de le représenter parce que l'argent que le client avait
à mettre à sa disposition, il ne l'a plus...
Je peux vous citer un extrait d'un journal qui m'a fasciné quand
je l'ai vu, il s'agit du Devoir du 24 mars 1972. Je vous en cite simplement un
extrait sous le titre: "Le juge fustige un avocat qui abandonne son client. Le
juge Maurice Rousseau a fustigé hier, dit le journal, un avocat de
pratique privée qui venait tout juste d'abandonner son client, quelques
minutes avant qu'on ouvre l'enquête préliminaire à laquelle
quinze témoins avaient été convoqués".
C'est l'assistance judiciaire qui, à la dernière minute,
à pied levé, a été obligée de
représenter ce client. Ce qui me fascine c'est que le juge Rousseau qui
n'est pas considéré comme un gauchiste à ce que je
sache, du moins comme je le connais, il ne m'apparaît pas comme un
gauchiste qui dit ceci selon le journal: Le juge Rousseau n'a pas
hésité à qualifier la conduite de l'avocat en question
qu'il a nommé en cour que le journal ne nomme pas de
dérogatoire et il a promis qu'il s'en occuperait lui-même, si
personne ne se chargeait de rappeler à l'ordre cet avocat. Et le juge
avait pris la peine de dire que ça faisait deux fois que cet avocat
agissait ainsi.
Ce sont là typiquement des choses qui ne sont pas faites dans le
but et dans l'intention... en tout cas, qui n'ont pas pour effet de revaloriser
aux yeux du public la profession d'avocat.
En terminant, M. le Président, je n'ai pas l'intention de faire
mon sermon plus long à l'égard du Barreau, il y a peut-être
bien des choses que le Barreau pourrait me reprocher à
moi-même.
S'il est vrai, comme le ministre de la Justice le mentionnait
tantôt, que l'avocat est un trait d'union très important de
l'administration de la justice, s'il est vrai qu'on exige de lui qu'il soit,
à cause de cela, citoyen canadien, je me dis que, dans une province
comme le Québec, il serait peut-être bon aussi qu'on exige de lui
qu'il ait une connaissance d'usage du français, qu'il soit citoyen
canadien ou non. Ce n'est pas une impossibilité, surtout en ce qui
concerne le Barreau. Je n'ai pas de statistique scientifique là-dessus
à vous soumettre, mais comme avocat ayant pratiqué dans la ville
de Montréal pendant douze ans, à l'endroit même où
justement, on est plus sujet à rencontrer des gens qui ne parlent pas le
français, je n'ai pas encore rencontré d'avocat qui n'ait pas de
connaissance d'usage du français, je n'en ai pas rencontré. Ce
qui veut dire que lorsque certaines professions considèrent leur
intérêt, peut-être que cela devient possible
d'acquérir la connaissance d'usage.
Il est évident qu'un avocat à Montréal, de langue
anglaise, peut difficilement pratiquer le droit à moins de
décider de ne pas sortir de son bureau sans avoir une
connaissance d'usage du français. C'est donc possible. Et je ne cite le
cas du Barreau là-dessus qu'en vue des autres lois que nous allons
étudier. Si c'est important pour l'avocat de pouvoir s'adresser au
tribunal en français parce qu'un témoin est de langue
française, c'est aussi vrai pour un médecin qui reçoit un
patient de langue française; c'est aussi important, comme je le disais
à l'occasion de la discussion sur le projet de loi no 250, pour un
médecin de savoir avec précision de quelle
nature sont les symptômes que manifeste son patient.
Si c'est possible pour le Barreau, pourquoi ne serait-ce pas possible
pour les autres professions? Dans les faits, à moins qu'on me prouve le
contraire, au Barreau, on le fait. Au Barreau, un avocat qui a une pratique
habituelle et qui n'est pas enfermé dans son bureau, c'est-à-dire
qui n'est pas conseiller particulier d'un président de compagnie, il a
une connaissance d'usage du français. Je regarde les avocats anglophones
qui sont membres de l'Assemblée nationale, qui sont ici. Le
vice-président en est un, le ministre des Institutions
financières en est un autre. Ce sont des gens qui ont tellement une
connaissance d'usage du français qu'ils nous engueulent en
français en Chambre. Ils ont même réussi à manier la
langue française à ce point-là. Je le dis sans
méchanceté, quand je dis qu'ils nous engueulent. Il reste que
c'est une preuve; vous avez des preuves tangibles.
C'est vrai, jusqu'à ce qu'on me prouve le contraire, pour tous
les avocats, et surtout dans la ville où c'est le plus sujet à
arriver, qui ne parlent pas la langue de la majorité. Sur ces quelques
mots, je m'arrête. Cet exemple, que je donne à l'occasion de
l'étude des amendements à la Loi du Barreau, pourrait
peut-être nous servir de guide à l'occasion de l'examen de ce
problème de langue d'usage, tant pour les autres lois professionnelles
particulières que pour la fameuse loi-cadre, le projet de loi no
250.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Montmagny.
M. Jean-Paul Cloutier
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, vous permettrez
à un non-avocat d'intervenir dans ce débat qu'entre gens de la
profession on a maintenu à un niveau assez élevé. Cela ne
m'a pas surpris parce que, lorsque le ministre de la Justice, le
député de Maskinongé et le député de
Maisonneuve s'en donnent la peine, nous pouvons entendre à la fois des
critiques sensées et objectives sur la profession d'avocat, tout cela
dans l'intention d'améliorer et de bonifier la loi qui nous est
présentée.
Je ne voudrais dire que quelques mots, parce que le député
de Maskinongé, pour notre groupe, a très bien couvert le sujet du
bill no 251 et a bien fait ressortir l'importance qu'a cette loi dans les
quelque 20 lois qui nous sont présentées, lois connexes au code
des professions.
Je voudrais attirer l'attention du ministre de la Justice, qui est
particulièrement responsable de cette loi no 251, sur certains points
que nous avons touchés en commission parlementaire, mais qui, cet
après-midi, n'ont pas fait l'objet, de la part des opinants, d'une
intervention spéciale et particulière.
Je voudrais que mes remarques soient le prolongement de l'intervention
du député de
Maskinongé et de celle du député de Maisonneuve que
je viens d'entendre porter un jugement sur la profession en
général et dire que les avocats, dans le public, à
certains moments, sont jugés assez sévèrement. En somme,
dans son intervention, il a dit que le public regardait les avocats, scrutait
le fonctionnement de la justice et portait un jugement assez
sévère. II a fait un appel à certaines réformes qui
sont nécessaires. Les réformes, à son point de vue, je
pense, commencent dans cette loi no 251 et dans cet outil qui nous est
donné, le code des professions.
Ma première observation à l'endroit du ministre est
celle-ci:
Il est une distinction fondamentale entre une corporation
professionnelle et une association professionnelle. Presque toute les
corporations qui font l'objet d'une loi spécifique font cette
distinction. Elles ont ces deux groupes: la corporation professionnelle ou
l'ordre, si l'on veut, s'il s'agit d'une corporation qui a un droit d'exercice
exclusif et son pendant qui est l'association professionnelle. Je prends les
médecins comme exemple. Ils ont deux fédérations. La
Fédération des médecins spécialistes et la
Fédération des médecins omnipraticiens qui s'occupent
particulièrement des intérêts économiques de leurs
membres. Elles laissent au Collège des médecins ce qui est sa
responsabilité, c'est-à-dire la protection du public et,
également, la promotion du statut professionnel de ses membres.
Il est difficile pour le Barreau de promouvoir à la fois le
statut de la corporation professionnelle avec sa conséquence qui est la
protection du public et la promotion des intérêts
économiques de ses membres. J'entendais le député de
Maisonneuve nous dire ceci: Devant les commissions parlementaires, à
certains moments, le Barreau peut être pris entre deux feux, en appuyant
un projet de loi qui, du point de vue du statut professionnel, du point de vue
de la protection du public est approuvé par l'ensemble des membres de la
profession mais qui, d'autre part, peut à certains moments, choquer les
intérêts économiques de ses membres.
Il est difficile pour la même corporation ou pour le même
groupe de professionnels de promouvoir à la fois ces deux groupes
d'intérêts qui peuvent venir en conflit. C'est pour cela qu'il est
important que les avocats se retrouvent sous cette autre appellation à
l'intérieur de cet autre groupe qu'on appelle l'association
professionnelle. La commission Castonguay-Nepveu a proposé dans son
rapport que les groupements, les associations fassent tout leur possible pour
mettre en place ces deux types d'activités. J'ai assisté,
à la commission parlementaire, à cet échange entre le
ministre de la Justice, le Barreau et l'association professionnelle dont le
porte-parole je pense était Me Chapados. Je ne sais pas si le ministre
de la Justice a eu l'occasion de réfléchir davantage à
cette présentation qui a été faite devant la commission
parlementaire.
Mais, j'aimerais l'entendre, en réplique, nous dire s'il a eu le
temps de pousser plus loin son analyse et sa réflexion et si, comme
ministre de la Justice, comme l'a fait en maintes circonstances le ministre des
Affaires sociales et comme je l'ai fait moi-même, comme ministre de la
Santé et comme ministre de la Famille et du Bien-Etre social, dans le
temps, il entend favoriser, dans toute la mesure du possible, la naissance des
associations professionnelles. Je crois que cela a aidé et
contribué à résoudre bien des problèmes. J'aimerais
que le ministre de la Justice, en réplique, si c'est possible, nous
indique quelle orientation il entend donner à son action dans ce
domaine.
M. le Président, je voudrais également toucher un autre
point brièvement, c'est la responsabilité de la corporation
professionnelle du Barreau envers les autres professions.
M. le Président, comme j'ai deux ou trois autres points à
traiter, puis-je signaler à votre attention qu'il est six heures et
proposer la suspension du débat?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La Chambre suspend ses travaux
jusqu'à vingt heures quinze.
(Suspension de la séance: 17 h 59)
Reprise de la séance à 20 h 23
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs!
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, au moment de la
suspension de la séance, je voulais développer très
brièvement le point suivant, celui de la responsabilité de
l'ordre des avocats envers les autres professions, d'abord, et aussi envers la
société en général.
Il va de soi que les avocats, faisant partie d'une des plus anciennes
corporations professionnelles, l'une des corporations professionnelles
je le dis sans qu'on y voie un sens péjoratif qui a le plus de
prestige, qui est devant l'opinion publique, qui on l'a dit cet
après-midi, particulièrement le député de
Maisonneuve participe à l'administration de la justice le
ministre de la Justice a même dit que ce sont des officiers de la justice
et dont quelques-uns des membres se voient appelés à la
magistrature, ont à l'endroit surtout des plus jeunes professions, de
celles qui ont vu le jour depuis quelques années et de celles qui
naîtront forcément par suite de l'évolution de notre
société, une responsabilité.
Après avoir assisté à toutes les séances de
la commission parlementaire, comme vous qui êtes membre de cette auguste
corporation, M. le Président, je me demande si les avocats au sein de
cette corporation professionnelle ont bien, jusqu'à maintenant,
joué de toute leur influence, dans le bon sens du mot, ont pris toute la
place et la responsabilité qui leur revient dans ce conseil
interprofessionnel.
Je ne crois pas déborder le cadre de la loi actuelle
même si je fais allusion au bill 250 en attirant l'attention des
avocats sur cette responsabilité qu'ils doivent assumer, non seulement
par la loi qui est la leur, mais aussi par la formation qu'ils reçoivent
et cette place de choix qu'ils ont dans la société.
A l'endroit de la société, les avocats ont une immense
responsabilité. J'ai retrouvé, dans l'abondante documentation
qu'on nous a remise à la commission parlementaire, une lettre d'un
avocat dont je dois citer un passage en cette Chambre sur la qualité de
l'avocat. Je cite l'avocat Luc Racicot: "Qu'il serait simple, une fois le
rôle de défendeur de liberté subjugué par le biais
d'une intervention et d'une présence étatique, de manier l'agir
des avocats, ces gens chargés de garder l'esprit critique à
l'égard du rôle de l'Etat, de préserver la dignité
d'homme au contribuable qui pourrait, et la chose est possible, se voir asservi
par les pouvoirs publics.
Nul doute que l'Etat est souverain dans sa sphère de juridiction,
c'est là du droit positif, mais tout en étant relatif. Quelle est
la limite de cette proposition si l'Etat, un jour, entend se servir de la loi
comme d'un instrument dégradant les libertés individuelles pour
les sacrifier à la mise en oeuvre d'une théorie, d'une
idéologie ou, en termes contemporains, à une propagan-
de? Qui, à part quelques voyants isolés, si ce ne sont les
avocats, pourront se lever et crier gare?
M. le Président, voilà dans deux paragraphes
énonçant bien, à mon sens, cette lourde
responsabilité qui pèse sur cette profession vis-à-vis de
ce rouage pesant, omnipuissant, omniprésent qu'est l'Etat. Je sais que
le ministre de la Justice en est conscient. C'est pour cela qu'il a
apporté des améliorations importantes au code des professions et
à la loi 251, afin de faire prendre à cette profession les
distances qu'elle doit prendre vis-à-vis de l'Etat.
Comme le député de Maskinongé l'a dit cet
après-midi, en commission parlementaire il y aura encore lieu de
bonifier la loi 251. Mais je pense, M. le Président, que ce n'est pas
accorder des privilèges indus à la profession d'avocat, pour en
autant qu'elle est consciente de ses responsabilités, que lui donner
dans sa loi spécifique des dispositions que l'expérience, les
années, la compétence de la profession, ses distances
vis-à-vis de l'Etat commandaient qu'on y inscrive.
Il ne faut pas, sous prétexte d'uniformiser toutes les lois
spécifiques, enlever aux avocats comme enlever aux médecins, aux
notaires, à certaines des corporations des instruments qui ont fait
leurs preuves, tels que, quand on parle des notaires disons une
disposition qui me vient à l'esprit le fonds d'indemnisation,
quand on parle des avocats, le conseil général, quand on parle
des médecins, c'est la surveillance et le contrôle de l'acte
médical; ce sont des mécanismes à l'intérieur de
ces lois spécifiques qui ont fait leurs preuves avec les années.
Alors il ne faut pas, sous prétexte d'uniformiser, enlever ces
dispositions, enlever ces mécanismes, ces structures qui ont
été mises sur pied, qui ont été rodés avec
les années et imposer à d'autres corporations professionnelles
des mécanismes trop lourds.
Je pense, M. le Président, qu'on a fait un pas dans la bonne voie
et que le ministre de la Justice a compris, poursuivant l'objectif d'introduire
de la cohérence dans toutes les lois et les corporations
professionnelles, qu'il n'était pas nécessaire d'uniformiser
à outrance et de ramener toutes les structures, tous les
mécanismes au simple appareil qu'on a inscrit dans le code des
professions.
M. le Président, en terminant, étant donné que mon
temps de parole achève, je voudrais soulever un autre aspect, pour en
démontrer l'importance, celui des obligations des corporations
professionnelles en général et particulièrement de celles
qui nous occupent dans le moment. Il n'y a peut-être pas une profession
comme celle des avocats, sauf peut-être les comptables, dont les membres
doivent le plus poursuivre continuellement leur formation, parce que ce
Parlement, M. le Président, l'Assemblée nationale et le Parlement
canadien sont ceux qui la changent, la législation. Alors les avocats
qui pratiquent leur profession, qui ont déjà reçu une
formation de base, doivent se tenir continuellement à jour et
étudier cette législation qui est adoptée continuellement
par l'Assemblée nationale qui siège maintenant presqu'à
longueur d'année.
Il faudrait, comme on l'a suggéré cet après-midi,
en aparté, le député de Maskinongé, que
l'Assemblée nationale fasse un moratoire et que, pendant un an,
peut-être, pour permettre à la profession de se rattraper, qu'on
n'adopte pas de loi, afin de permettre à tous les avocats de prendre une
connaissance complète et parfaite, ne serait-ce que dans le domaine
municipal, ne serait-ce que dans le domaine fiscal, de la nouvelle
législation.
Dieu sait si ceux qui ont siégé dans cette Chambre depuis
quelques années connaissent l'importance de la législation qui a
été adoptée; ne serait-ce que le code des professions, les
lois spécifiques, les lois fiscales que nous avons adoptées
à la dernière session, qui ont complètement modifié
toute la structure de la fiscalité. Il y a aussi les lois qui peuvent
être apportées par le ministère des Institutions
financières, les lois du ministère de l'Industrie et du Commerce
qui ont une résonnance sur la fiscalité.
Je pense que les avocats et les notaires appartiennent à deux
professions qui doivent continuellement pousser la formation de leurs membres
dans la pratique. C'est pour cela ces articles du code des professions et
ensuite de la loi spécifique qui concerne l'acceptation des candidats,
l'élaboration des programmes d'étude, l'immatriculation,
l'acceptation des étudiants au sein de la profession. Il faudrait
être conscient que la formation postuniversitaire, en cours de pratique,
est extrêmement importante. C'est un aspect que je voulais souligner; je
ne sais pas si les dispositions du code des professions et des lois
spécifiques couvrent suffisamment cet aspect de la formation, ce que
l'on appelle, dans les métiers ordinaires, la formation des adultes, le
recyclage. Je ne sais pas si nos lois telles que proposées couvrent
suffisamment ce départage de responsabilités entre les
corporations professionnelles qui mettent de l'avant des programmes de
formation pour les membres de leur profession. Je pense aux médecins et
surtout à ceux qui pratiquent dans des milieux plus
éloignés; on fait des efforts considérables pour les tenir
au courant des derniers développements de la science médicale
afin qu'ils puissent en faire bénéficier la population en
général.
Je ne sais pas si on a véritablement inscrit dans la loi toutes
les dispositions qui pourraient favoriser la formation des professionnels
pendant leur carrière, leur vie active. Ce sont les aspects que je
voulais mentionner en particulier, étant donné que mon
collègue le député de Maskinongé, comme je l'ai dit
au début de mon intervention, a couvert de façon complète,
de façon brillante, ce projet de loi no 251.
A l'instar de mon collègue, je dirai que nous allons approuver ce
projet de loi et, en commission plénière, nous allons tenter
encore, avec le
ministre de la Justice, d'apporter notre entière collaboration
pour améliorer ce projet de loi, si possible.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce qu'il y a d'autres
députés qui désirent exprimer leur opinion avant que je
donne le droit de réplique au ministre de la Justice?
Le ministre de la Justice.
M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE : M. le Président, permettez, au moment de faire
cette réplique, que je remercie tous les députés des trois
partis d'Opposition qui ont pris la parole sur ce projet de loi. Je les
remercie de leurs interventions qui ont été constructives et qui
ont toutes mis en relief certains aspects tant de la profession d'avocat que de
la notion de profession. En effet, en plus de s'intéresser à
l'exercice de la profession d'avocat, je crois que l'on a débordé
strictement le cadre de la profession d'avocat pour s'intéresser
à la notion de profession et à la notion de professionnel.
Au début de mes observations en réplique, je voudrais, si
on me le permet, répondre à la dernière interrogation que
me posait le député de Montmagny, sur les dispositions prises
dans le projet de loi en rapport avec le recyclage ou la formation d'un membre
de l'ordre des avocats, alors qu'il a été admis à
l'exercice de sa profession.
J'attire son attention sur les notes explicatives qui se trouvent en
page 4 a) du projet de loi. Je lirai deux courts extraits qui donnent une
idée des responsabilités que le Barreau voudrait avoir et que le
législateur est prêt à lui consacrer afin que les membres
de la profession, même ceux qui ont déjà été
admis parce qu'ils ont passé les examens du Barreau, puissent être
sujets à une certaine surveillance, à un certain contrôle
et à certaines dispositions que l'on pourra prendre à leur
égard s'il s'avère qu'ils sont faibles après un examen
fait par des personnes impartiales.
Ainsi, je lis: "On prévoit que le comité d'inspection
professionnelle ou un de ses membres pourra faire enquête sur la conduite
et la compétence professionnelles de tout membre du Barreau et sur toute
personne qui demande son admission ou sa réadmission au Barreau."
J'attire l'attention du député de Montmagny sur le fait
que le comité d'inspection professionnelle pourra faire enquête
sur la conduite et la compétence professionnelles de tout membre du
Barreau, même s'il est dûment inscrit au Barreau. Plus loin, je lis
ceci, toujours à la même page 4 a): "Le comité
administratif pourra ordonner, à la suite d'une enquête sur la
compétence d'un membre du Barreau, que le cas soit soumis à un
comité d'évaluation professionnelle qui pourra obliger ce membre
à suivre un cours ou à faire un stage de perfectionnement et
limiter son droit d'exercice durant cette période."
Par conséquent, les dispositions voulues se trouvent dans le
projet de loi pour permettre que les autorités compétentes
prescrivent un recyclage ou un cours de perfectionnement, ceci assorti de
certaines conditions pendant la période où un membre du Barreau
serait astreint à se perfectionner.
M. le Président, j'ai remarqué au cours des interventions
des députés d'en face que l'on s'est interrogé sur la
conception que les avocats se faisaient de l'exercice de leur profession, sur
leur capacité de comprendre que l'exercice de leur profession
n'était pas purement et simplement une matière commerciale. Je
dois dire avec les honorables députés qui sont intervenus dans ce
sens, mais peut-être pas avec les mêmes mots, qu'en abordant cette
question nous nous intéressons vraiment à ce qu'est la
définition du professionnel ou de la profession. Car, en plus des
connaissances scientifiques et techniques qui sont requises pour se qualifier
ou pour permettre qu'on soit qualifié de l'expression "professionnel"
ainsi en est-il des avocats, des médecins, des notaires, de tous
ceux, en somme, que l'on qualifie habituellement par le terme de
"professionnels" je crois que la définition fondamentale du
professionnel, comme de l'homme de loi, c'est justement d'être capable de
mettre la primauté sur le service rendu aux citoyens et non pas sur le
gain monétaire. Je pense que c'est ce qui fait la différence
entre l'exercice d'une profession et l'exercice d'une activité
industrielle et commerciale.
Si, dans la société québécoise, les
professionnels ont eu, à une certaine époque, autant de prestige,
prestige qu'ils ont peut-être, en partie, perdu à l'heure
actuelle, c'est qu'ils étaient capables de mettre les
intérêts de leurs clients, ou de leurs patients si
c'étaient des médecins, au-dessus de leurs intérêts
personnels, c'est-à-dire l'appât du gain et le
bénéfice pécuniaire qu'ils pouvaient retirer de l'exercice
de leur profession. C'est ce qui fait que les professionnels, aujourd'hui, dans
une société de plus en plus capitaliste, dans une
société de plus en plus commercialisée, à mon sens,
ont perdu une part de ce reluisant, de ce prestige qui s'attachait
essentiellement à leur profession et à leur réputation
à une autre époque.
M. le Président, je dois constater le fait que tout le monde est
en quelque sorte engouffré dans le mouvement vers la commercialisation
de toutes les activités. Il semble que nos professionnels
n'échappent pas à ce cycle qui fait qu'à un moment
donné le public sent que le professionnel met son intérêt
monétaire au-dessus de l'exercice de sa profession comme service rendu
aux citoyens individuellement.
M. le Président, même si nous apportons des
améliorations législatives pour mieux encadrer nos
professionnels, même si nous faisons des discours sur le sujet en
Chambre, même si l'Etat intervient de plus en plus pour garantir une
très grande sécurité aux professionnels dans l'exercice de
leur profession à ce sujet, je n'ai qu'à
penser à ce qui arrive chez les médecins, où toute
leur pratique médicale est en quelque sorte contresignée et
garantie par l'Etat si les professionnels ne savent pas surmonter cette
difficulté de se mettre au service du public bien plus que de penser aux
résultats de la facture qu'ils vont envoyer au citoyen, leur
réputation ne haussera pas plus rapidement chez les citoyens qu'elle a
pu le faire dans les dernières années. C'est bien le cas des
avocats. Nous vivons à l'heure actuelle une période qui suit des
centaines d'années de paix législative. Elle a été
troublée par l'intervention, en particulier, du ministre actuel de la
Justice. Celui-ci, probablement, sentant l'impulsion de la
société, l'évolution sociale très marquée,
n'a pas voulu mettre un frein à cette évolution. Il a voulu
mettre la profession d'avocat, comme l'appareil judiciaire, à
l'ère de 1970, 1971, 1972, 1973 et ceci, d'ailleurs, avec la
collaboration des honorables partis de l'Opposition ici présents.
Dans une ère d'évolution sociale, alors que la profession
se sent menacée par l'adoption de lois que, parfois, elle n'a pas
comprises, de prime abord, dans une période où on assiste
à une commercialisation de l'activité professionnelle, il est
normal que l'on retrouve une certaine incertitude et un climat
d'inquiétude chez certains membres de la profession. Parmi ceux-ci,
certains se rabattent sur des notions dépassées et sur un
idéal qui ne correspond pas à la réalité de
1973.
Je crois que le public est probablement en droit de s'interroger sur les
professions, comme le gouvernement le fait, d'ailleurs, par ses lois, puisqu'il
cherche à mettre de l'ordre dans cet ensemble, à y introduire de
la cohérence, comme le disait le député de Montmagny tout
à l'heure.
D'un autre côté, je ne crois pas qu'il faille
considérer que, sur le plan de la profession d'avocat, nous soyons
arrivés à un échec. Même si, dans certains milieux,
la profession d'avocat est décriée et critiquée, comme
cela se constate fréquemment, les analyses qui ont été
faites auprès des citoyens sur leur appréciation des avocats
démontrent que la plupart des citoyens qui ont eu à traiter avec
les avocats ont été satisfaits, en majorité je ne
dis pas dans tous les cas des services qui leur ont été
rendus. Souvent, les critiques qui sont lancées à l'égard
des avocats proviennent de personnes qui n'ont pas eu de contacts
immédiats avec la profession d'avocat.
Je ne dis pas cela pour dire que la profession d'avocat est parfaite,
loin de là. Je pense qu'elle doit, comme je le disais tout à
l'heure et comme les autres professions doivent le faire, tenter de se
décommercialiser dans une certaine mesure et essayer de surmonter cette
espèce de mouvement qui veut monnayer tout service qui est rendu, quel
qu'il soit, premièrement.
Deuxièmement, elle doit se mettre à la page, comme les
autres parties du système judiciaire. Elle doit accepter, avec les
juges, les officiers de justice et tous ceux qui participent à
l'administration de la justice, de collaborer avec le législateur pour
faire en sorte que l'on puisse offrir aux citoyens en 1973, une justice qui
soit contemporaine, qui soit assez expéditive, assez efficace et surtout
une justice qui soit juste.
Si la profession est capable de surmonter ces deux défis, je n'ai
pas de doute qu'elle saura remonter la pente où elle semblait, au moins
pendant un certain temps, s'en aller, parce que certaines réactions
initiales à des projets de loi amenés par le gouvernement dans le
but justement d'améliorer le système judiciaire et de rendre la
justice plus accessible, ont, de prime abord au moins, essuyé un refus
de la part de la profession ou, au moins, d'une certaine partie de cette
profession.
Mais, aujourd'hui, je pense que l'on a compris dans ces milieux qu'il
est possible de refaire le système judiciaire pour qu'il corresponde
à la réalité de 1973 et pour qu'il n'offre pas toutes les
prises ou critiques que l'on a entendues à l'égard de ce
système et à l'égard de l'administration de la
justice.
C'est ici que l'avocat, par sa compréhension du système
judiciaire, par son acceptation des réformes nécessaires à
l'appareil judiciaire, peut jouer un rôle qui revalorise la profession et
qui la revalorise dans l'opinion publique et auprès des citoyens, que ce
soit individuellement ou collectivement.
M. le Président, il est vrai que comme ministre de la Justice
j'ai eu, à certaines époques, des conflits avec certaines
personnalités. Mais je tiens à dire que depuis un certain temps
je sens, M. le Président, que dans la profession on a compris le sens
des réformes qui s'imposaient dans notre système judiciaire. On a
compris qu'on ne pouvait pas fonctionner, en 1973, avec les méthodes et
les traditions de 1873, et on a compris qu'il fallait y apporter des
réformes et qu'il fallait 'rendre la justice accessible.
Je crois, M. le Président, que nous avons tout lieu
d'espérer que la profession d'avocat va accepter non seulement ce projet
de loi 251 qui vient compléter d'autres réformes
déjà apportées dans le domaine judiciaire mais qu'elle
participera de plus en plus, avec les éléments les plus
avancés et les plus ouverts de la société, à
l'amélioration de nos lois et tout cela dans l'intérêt
général pour revenir à un thème qui avait
été adopté par le député de Maisonneuve.
En terminant, le député de Montmagny me demandait ce que
nous entendions faire dans le domaine des négociations avec le Barreau
ou avec les avocats, ou avec la Fédération des avocats du
Québec, quant à la négociation des tarifs de l'aide
juridique. Cette négociation commencera dans quelque temps. J'ai
reçu des représentations de la part de la
Fédération des avocats du Québec à l'effet qu'elle
désirait être reconnue comme l'agent négociateur des
avocats. Cette fédération, à l'heure actuelle, ne groupe
qu'environ 30 p.c. des avocats; elle ne
groupe pas la majorité des avocats. Ceci pose tout de suite le
problème de la reconnaissance, appelons-la "syndicale", entre
guillemets, mais de la reconnaissance parce que la FAQ n'a pas la
reconnaissance de la majorité absolue des avocats.
D'un autre côté, la position du Barreau quant à son
devoir ou quant à son pouvoir de négociation en faveur des
avocats n'a pas encore été formulée d'une façon
précise, explicite et définitive. Par conséquent, je ne
peux pas dire avec une précision absolue que le Barreau entendrait
être l'agent négociateur des avocats à l'occasion de ces
négociations. Je sais que pour le député de Montmagny
cette position du Barreau peut sembler une anomalie en regard de son
expérience dans le domaine médical. Et je le comprends facilement
parce que, dans le domaine médical, on a pratiqué cette
séparation entre, d'une part, corporation professionnelle et, d'autre
part, syndicat négociateur pour les professionnels. Et les choses se
sont passées comme cela pendant un certain nombre d'années et,
à mon sens, elles se sont bien passées parce que, d'après
le résultat des négociations qui ont eu lieu entre le
gouvernement et les syndicats de médecins, il semble qu'on en soit
arrivé à une structure de négociation ou à un
système assez acceptable.
Pour les avocats ça ne s'est pas encore passé ainsi. Cela
ne s'est pas encore passé ainsi parce que l'avocat considère
encore qu'il peut à la fois représenter l'intérêt
public et représenter son intérêt personnel à
l'occasion d'une telle négociation.
Est-ce que cette position tient à une analyse approfondie,
voilà une question sur laquelle je m'interroge à l'heure
actuelle. Il n'y a pas de doute que tout le mouvement des professions à
l'heure actuelle, toute la législation, en somme tout le climat est
plutôt à une séparation entre les fonctions corporatives ou
fonctions de la corporation comme telle qui doit travailler dans
l'intérêt public et, d'un autre côté, les fonctions
syndicales que l'on reconnaîtrait à des syndicats
appropriés.
Je ne peux pas dire en définitive, en réponse au
député de Montmagny, que ma position est absolument claire et
précise au moment où je lui parle, parce que je dois
considérer qu'il y a des interlocuteurs de l'autre côté. Je
dois considérer qu'il y a des interlocuteurs qui ont une certaine
conception des choses et je dois quand même me donner une période
de réflexion appropriée et surtout l'occasion de discuter avec
les interlocuteurs quant à la formule véritable à adopter
en ce qui concerne ces négociations en vue d'en arriver à des
tarifs d'aide juridique.
Je puis dire au député de Montmagny que, pour ma part et
du côté gouvernemental, les décisions que nous allons
prendre seront prises dans l'intérêt public et dans le meilleur
intérêt des citoyens et des contribuables. Je termine sur ces
propos.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que la motion de deuxième
lecture du bill 251 est adoptée?
M. PAUL: M. le Président, nous demandons le vote
enregistré, nous sommes cinq.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Qu'on appelle les
députés.
Vote de 2e lecture
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! Que ceux qui sont en faveur de
l'adoption en deuxième lecture du bill 251 veuillent bien se lever.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Choquette, Garneau, Tremblay
(Bourassa), Goldbloom, Parent, Tetley, Drummond, Saint-Pierre, Massé
(Arthabaska), Mailloux, Arsenault, Houde (Fabre), Phaneuf, Brown, Assad, Bacon,
Berthiaume, Caron, Carpentier, Cornellier, Dionne, Faucher, Giasson, Harvey
(Chauveau), Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Larivière, Marchand,
Shanks, Gratton, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Vincent, Cloutier (Montmagny),
Croisetière, Brochu, Drolet, Guay, Béland, Laurin, Burns,
Charron.
LE SECRETAIRE: Pour: 44. Contre: 0.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La motion est acceptée.
M. LEVESQUE: Article 15.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre de la Justice propose la
deuxième lecture...
Projet de loi déféré à la
commission
M. LEVESQUE: M. le Président, avant cela, j'aimerais proposer que
ce projet de loi no 251 soit déféré à la commission
parlementaire spéciale des corporations professionnelles.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que cette motion est
adoptée?
Adopté.
Le ministre de la Justice propose la deuxième lecture du projet
de loi no 253, Loi modifiant la Loi du notariat.
Le ministre de la Justice.
Projet de loi no 253
2e lecture M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE: M. le Président, je serai très bref sur ce
projet de loi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le lieutenant-gouverneur en a pris
connaissance?
M. CHOQUETTE: On me dit qu'il en a pris connaissance...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Même si cela l'ennuyait?
M. CHOQUETTE: Oui et il en a recommandé fortement l'étude
à la Chambre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas un notaire pourtant...
Hélas!
M. CHOQUETTE: M. le Président, je disais que je serais bref sur
ce projet de loi car il n'offre pas de particularité très
considérable par rapport aux dispositions qui se trouvent dans le bill
no 250.
Je tiens seulement à dire que, dans l'ensemble, les notaires sont
satisfaits du projet qui leur est proposé. Evidemment, ils nous ont
proposé quelques amendements que je soumettrai lorsque nous serons en
commission. Mais, dans l'ensemble, le projet leur agrée et le projet est
tout à fait dans l'esprit des autres bills du Code des professions qui
sont présentés en groupe. Je n'ai pas besoin d'en ajouter plus,
je crois, sur ce bill.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de
Maskinongé.
M. LEVESQUE: Essayez d'en faire autant. M. Rémi Paul
M. PAUL: Non, je ne suis pas capable, parce que faire un discours aussi
bref que celui que vient de prononcer le ministre de la Justice à
l'endroit de la profession soeur, c'est faire injure aux illustres notaires,
d'abord...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... les nonos...
M. PAUL: ... qui sont nos collègues de l'Assemblée
nationale, à commencer par le secrétaire de l'Assemblée et
le vice-président de l'Assemblée nationale. A tout Seigneur, tout
honneur, il y a Son Excellence, M. Lavoie, président de
l'Assemblée nationale.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député de Bagot, M.
Cardinal.
M. PAUL: Les nommer tous, ces hommes de valeur, ce serait prolonger le
débat de quelques minutes seulement.
De toute façon, M. le Président, farce à part, je
voudrais, très brièvement, analyser, cependant d'une façon
objective, la qualité du mémoire qui nous a été
présenté à la commission parlementaire par la Chambre des
notaires. Ce fut l'un des mémoires les plus positifs qu'il nous ait
été donné d'entendre à l'appui du projet de loi 250
et c'est sans réserve que la Chambre des notaires s'est prononcée
en faveur du projet de loi 253.
Il y a plusieurs dispositions du code des professions que l'on retrouve
dans la loi actuelle du notariat. Un des principaux principes que l'on retrouve
dans cette loi, c'est d'abord ce consentement qui a été
donné par la Chambre des notaires de réduire le nombre des
districts électoraux de 18 à 12. En même temps, le nombre
de membres du bureau de l'exécutif de l'ordre des notaires sera
réduit de 42 à 25 membres.
Il y a une chose très importante à signaler dans ce projet
de loi 253. C'est la relation assez marquée qui existe entre la loi
actuelle du notariat et les dispositions que l'on retrouve dans le projet de
loi 250, comme je vous le mentionnais il y a quelques minutes. Ce qui
m'inquiète quelque peu, cependant, c'est le silence de la Chambre des
notaires quant au secret professionnel. Quelques-uns diront que le secret
professionnel ne doit pas être envisagé sous le même aspect
que chez les membres du Barreau. D'un autre côté, l'on sait que la
Chambre des notaires a été, depuis longtemps, la gardienne
séculaire de précieux documents historiques ou de famille.
J'aurais aimé que dans le bureau de l'ordre des notaires il n'y ait pas
de représentant du gouvernement recommandé par l'Office des
professions. En effet, il y aura un représentant qui sera
recommandé par l'Office des professions pour venir coiffer cet organisme
exécutif de la Chambre ou de l'Ordre des notaires du Québec.
Je voudrais dire quelques mots sur cette partie très importante
du mémoire de la Chambre des notaires qui traite des relations qui
existent entre les maisons d'enseignement et la Chambre des notaires
elle-même. Je voudrais vous rappeler les propos très judicieux qui
furent tenus par Me Tétrault, je crois, qui était le porte-parole
de la Chambre des notaires.
J'extrais du journal des Débats du mardi 2 mai 1972...
M. le Président, pourriez-vous inviter ceux qui ne
s'intéressent pas du tout aux travaux de la Chambre à se
retirer?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs en
arrière!
M. PAUL: Nous avons assez, M. le Président, d'être à
peu près toujours les mêmes à travailler, que ceux qui sont
habitués à ne rien faire aillent donc continuer à se
reposer en dehors de la Chambre.
J'extrais donc, M. le Président, du journal des Débats du
mardi 2 mai 1972 les remarques suivantes, lorsque le porte-parole de la Chambre
des notaires, commentant la situation qui existe entre la chambre
elle-même et les milieux universitaires, disait ceci: "Ces corrections
faites, nous insisterons maintenant sur certaines recommandations de notre
mémoire. D'abord, en ce qui concerne les diplômes requis pour
l'exercice et les programmes d'études universitaires, l'article 169,
paragraphes d) et e) tou-
jours en nous référant au code des professions
prévoit que le lieutenant-gouverneur en conseil peut édicter des
règlements sur simple consultation de la profession concernée
pour déterminer les diplômes requis pour l'exercice et
l'élaboration des programmes d'études universitaires. "Ce pouvoir
de consultation, qui est ainsi conféré aux professions nous
paraît nettement insuffisant et voici pourquoi. Le principe essentiel sur
lequel repose toute cette légisaltion est d'imposer, à l'avenir,
aux corporations l'obligation d'assurer d'abord et en tout
l'intérêt du public. Vous admettrez que de cette obligation
primordiale découle nécessairement celle d'assurer à la
société des professionnels compétents. Or, comment les
corporations pourraient-elles satisfaire à une aussi exigeante
obligation si elles ne détiennent qu'un pouvoir de consultation dans le
domaine des diplômes requis et l'élaboration des programmes
d'études universitaires? "
Voilà, M. le Président, une autre constatation qui nous
est faite par une corporation professionnelle qui a à se plaindre des
relations qui existent avec les milieux d'enseignement. Malheureusement, ce
sont toujours les étudiants qui écopent de ce manque de dialogue,
de cette exigence, d'une part, différente du bureau ou du conseil d'une
corporation, en l'occurrence le notariat, des exigences de la profession en
regard de l'enseignement qui est dispensé dans les milieux
universitaires.
M. le Président, un point a été soulevé par
la Chambre des notaires, qui, à mon sens, n'a pas sa raison
d'être, lorsque les illustres confrères se sont opposés
à ce que les différents comités de discipline soient
présidés par un membre du Barreau. On va, dans le mémoire
des notaires, jusqu'à suggérer que ce comité de discipline
soit sous la présidence d'un juge, sous prétexte qu'un avocat
pourrait être placé, éventuellement, dans un conflit
d'intérêts si, par hasard, il était appelé à
entendre une cause de l'un de ses anciens clients. Je soumettrai
respectueusement que c'est, à mon humble point de vue, la partie la plus
faible de leur mémoire. Par contre, ce mémoire, dans les
suggestions qui sont faites au gouvernement, est des plus positifs et
très intéressant. Je me demande si le travail que nous aurons
à accomplir en commission élue sera tellement long, vu que la Loi
actuelle du Barreau était déjà conforme, avant l'adoption
du projet de loi no 250, aux principales recommandations que l'on retrouve dans
cette dernière loi.
M. le Président, pour cette loi comme pour celle du Barreau,
encore avec moins de réserves pour ce qui concerne la Loi modifiant la
loi du notariat parce que les principaux intéressés, les
notaires, ont donné sans réserve leur appui au gouvernement
dans la présentation de la loi de l'ordre du notariat et de la
loi-cadre, le projet de loi no 250, cette attitude collective de la Chambre de
notaires, au nom de ses mem- bres, nous permet, sans aucun scrupule, d'appuyer
les principes que l'on retrouve à la base même de la loi 253, Loi
modifiant la loi du notariat.
J'espère que les différents notaires qui
s'intéressent à ce projet de loi vivront eux aussi leur
profession afin que le code de déontologie qui sera en application le
soit le moins souvent possible à l'endroit des notaires que l'on taxait
autrefois d'être de grands voyageurs devant l'éternel.
Nombreux sont ceux qui, avant les moyens modernes de communication que
nous avons aujourd'hui, se rendaient au Mexique. Ils ont été en
quelque sorte les précurseurs de ce mouvement d'immigration de la
population québécoise vers ces plages très
intéressantes, mais cependant les motifs de voyage n'étaient pas
les mêmes à l'époque qu'aujourd'hui.
Il en fut de même pour plusieurs professions. Mais la Chambre des
notaires n'a pas boudé le progrès, elle a aussi
décidé de s'autodiscipliner et de voir à ce que...
M. CHOQUETTE: Elle voyage en avion maintenant?
M. PAUL: Oui, maintenant. Mais cette réforme a été
faite par les notaires eux-mêmes, par leurs administrateurs. Parce qu'on
a voulu accepter une discipline semblable à celle que s'était
imposée le Barreau, comme on a mis en place des organismes
d'indemnisation pour les victimes de certains actes plus ou moins
professionnels des membres de cette auguste corporation, nous pouvons avec un
petit espoir envisager le jour où la profession du droit ou du notariat
se marieront.
Je crois qu'ayant la même formation professionnelle, il
deviendrait peut-être efficace que ces deux corporations oeuvrent dans un
champ d'action tout à fait semblable. Les justiciables du Québec
en retireraient certainement bénéfice et avantage.
Nous allons appuyer cette loi avec l'espoir que la commission
parlementaire viendra la bonifier avec l'ouverture d'esprit qui
caractérise le ministre, mais toujours cependant en le pressant, en
l'invitant de commencer à ceinturer son collègue le ministre des
Affaires sociales pour qu'il se rende aux invitations pressantes que nous lui
ferons en temps propice pour l'amélioration de cette loi et de plusieurs
autres lois dont nous aurons à envisager l'adoption.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de
Dorchester.
M. Florian Guay
M. GUAY: Juste un mot concernant ce projet de loi, Loi modifiant la loi
du notariat. Je dois dire qu'étant donné que les notaires, par la
voix de la Chambre des notaires, ont souscrit
entièrement au principe de ce projet de loi, il serait bien
difficile de ne pas en faire autant.
Cette loi régira dans l'avenir les 1,300 notaires de la province
de Québec. Je dois dire en passant que nous sommes choyés au
Québec, puisque les notaires possèdent une formation
universitaire, tandis qu'ailleurs, dans les autres provinces du Canada et
même aux Etats-Unis, ces personnages qui jouent le rôle d'hommes
publics ne sont rien d'autre que des commissaires à l'assermentation et
ne possèdent absolument aucun diplôme universitaire en droit. Ici,
au Québec, les notaires détiennent une licence en droit au
même titre que les avocats.
C'est quand même très pratique.
Il m'est déjà arrivé, involontairement, de faire
jouer au notaire, peut-être dans un milieu défavorisé de
professionnels, un double rôle en plus de sa profession de notaire
proprement dite, soit un rôle de conseiller juridique. C'est
peut-être pour cette raison que, dans une municipalité, le notaire
est toujours un homme très respecté et on n'hésite pas
à lui demander conseil. Je pense que toute la population réagit
de cette façon, elle n'hésite pas à demander conseil
à un notaire.
Cependant, on a attiré mon attention sur le fait que, pour
l'aspirant à l'exercice de cette belle profession du notariat, parfois
ça devient difficile. Si, par exemple, l'aspirant échoue trois
fois à l'examen, il devient impossible d'accéder à cette
profession. J'aimerais attirer l'attention du ministre là-dessus, c'est
un point que je voulais mentionner, si un aspirant, par exemple, échoue
trois fois à l'examen obligatoire de la Chambre des notaires, il se voit
refuser l'admission à la pratique.
Je pense que le Barreau avait cette loi et, depuis un certain nombre
d'années, on a cru bon de l'enlever. C'est-à-dire que maintenant
on donne la chance à l'aspirant de passer plusieurs examens, quatre ou
cinq si nécessaire. C'est peut-être de nature à plonger
l'aspirant dans un "stress" et à le faire échouer à
l'examen. Un notaire a porté à mon attention ce fait et
j'aimerais connaître les commentaires du ministre là-dessus.
M. le Président, étant donné que les notaires se
sont montrés favorables, presque sans restriction, sauf des amendements
qui seront sans doute discutés à la commission parlementaire, je
souscris également au principe du projet de loi 253.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de
Maisonneuve.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, je vais tenter de battre le record du
ministre de la Justice en essayant d'être encore plus bref que lui au
sujet de cette loi. Non pas que la loi concernant le notariat ne soit pas une
loi importante mais parce que je pense, dans l'ensemble, que les remarques que
j'ai pu faire relativement au projet de loi concernant le Barreau,
c'est-à-dire le projet de loi 251, peuvent s'appliquer mutatis mutandis
à la Loi du notariat. Mais peut-être avec une intensité
moindre parce que l'opinion que le grand public se fait du notaire est surtout
due au fait que c'est aussi une profession juridique. Malheureusement, j'ai
l'impression que les notaires se trouvent éclaboussés par
l'opinion que le grand public se fait des avocats. Je fais la même
recommandation et je trouve le même défaut dans la Loi du notariat
au niveau de la participation du public. Je trouve, encore une fois, pour les
mêmes raisons que j'ai exposées lors de la discussion du projet de
loi 251, qu'il est insuffisant de dire dans la loi qu'il y aura quatre membres
qui siégeront au bureau de la Chambre des notaires ou de la corporation
des notaires, sans préciser que véritablement ce sont des gens
qu'on appelle du grand public.
En ce qui me concerne, j'ai été très
sérieusement impressionné par le mémoire de la Chambre des
notaires qui a été présenté devant la commission
des corporations. Je pense que c'est un mémoire qui, contrairement
à celui du Barreau, avait une approche très positive et ça
me fait vraiment chaud au coeur de féliciter la Chambre des notaires
à ce sujet.
M. le Président, je termine là-dessus mes remarques, nous
voterons en faveur du projet de loi, bien évidemment.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Montmagny.
M. Jean-Paul Cloutier
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, avant que le ministre
de la Justice n'exerce un droit de réplique assez long, peut-être,
je voudrais faire quelques très brèves remarques pour
compléter l'information du député de Maskinongé
avec qui je n'ai pas entrepris un concours d'endurance, M. le Président,
au cours de ce débat sur les lois spécifiques.
M. le Président, disons que la profession de notaire est
également une profession de prestige, tel qu'on l'entend au sens des
corporations professionnelles. Tel que le ministre de la Justice le disait
tantôt, quand on employait le terme "professionnel", il y a quelques
années, on pensait tout de suite au médecin, à l'avocat et
au notaire de façon générale.
Comme je suis en contact étroit avec cette profession, M. le
Président mon père était notaire et un de mes
frères l'est je vois tous les jours fonctionner cette profession.
Je vois de quelle façon elle s'exprime dans un langage qu'on a souvent
non pas ridiculisé, mais qu'on a de la difficulté à
comprendre parfois. C'est un langage issu du vieux français et on a
gardé certains termes...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela se comprend chez un comptable.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je dois dire que le
député de Chicoutimi serait à l'aise dans ce langage de la
profession notariale, qui demeure un langage très châtié.
Non, il ne faudrait pas confondre les notaires avec l'exemple qu'on en a eu
à la télévision pendant des années, le notaire Le
Potiron. Il y a plusieurs notaires en cette Chambre, en particulier le
député de Roberval, ceux qu'on a nommés tantôt, le
président de la Chambre, un des vice-présidents, enfin plusieurs
députés sont de cette profession, le député de
Bagot, le secrétaire de la Chambre. C'est une profession qui a
évolué, qui est consciente de ses responsabilités. Comme
l'a dit le député de Maisonneuve tantôt, les critiques que
l'on a portées à l'endroit de sa profession soeur, que sont les
avocats, l'ont obligée à une certaine prise de conscience elle
aussi. Certaines réactions ont entraîné chez les notaires
un désir de moderniser la profession et ses structures.
Je prendrai comme exemple ce soin qu'on a pris d'organiser au sein de la
profession un très bon service d'inspection professionnelle. Il est
entendu que ce désir est né d'un besoin, mais on a pris soin,
dans cette corporation, de mettre en place une très bonne structure
d'inspection professionnelle qui a servi d'exemple au code des professions
actuel.
Je ne sais pas, M. le Président, je ne l'ai pas
vérifié, mais l'ordre des notaires avait au début des
réserves sur cette disposition du code des professions. Ils auraient
voulu revoir dans leur loi spécifique, au lieu de l'abroger comme on l'a
fait, les dispositions d'inspection professionnelle. Il faudra que le ministre
de la Justice...
M. BURNS: Je m'excuse auprès du député de
Montmagny, M. le Président, je crois que nous n'avons pas quorum. J'en
ai compté 24.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Qu'on appelle les
députés!
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, au moment où on
a souligné le manque de quorum, je disais que je ne suis pas sûr
si les notaires sont parfaitement satisfaits des dispositions du code des
professions qui concernent l'inspection professionnelle.
De toute façon, nous pourrons faire cette vérification
parce qu'il reste que c'était peut-être la profession qui avait la
meilleure structure, la meilleure organisation d'inspection professionnelle. Ce
qu'il y a de bon, il faudrait le retenir dans les dispositions
générales du code des professions, pour autant qu'elles soient
applicables aux autres professions.
Un deuxième point que je voulais toucher, c'est le fonds
d'indemnisation; c'est important quand il s'agit de l'ordre des notaires. Cela
n'est pas particulier, je ne veux pas porter de jugement péjoratif *
à l'endroit du notariat mais les notaires ayant à
manipuler des sommes d'argent très importantes de par leur fonction, il
est arrivé que certains membres de la profession, oubliant leur devoir
de professionnels, se soient laissés aller à des oublis
regrettables. C'est là qu'on a prévu au sein de la profession,
obligeant les notaires à y contribuer, le fonds d'indemnisation.
Ayant discuté à quelques reprises avec le président
de la Chambre des notaires, particulièrement à la suite de
l'intervention de ces derniers à la commission parlementaire, nous nous
sommes interrogés sur la possibilité que l'ordre des notaires,
dans son code de déontologie, dans son inspection professionnelle, dans
le mécanisme du fonds d'indemnisation, ne retienne pas seulement la
partie négative comme je l'appellerais alors que l'ordre
des notaires intervient au moment où le mal a été fait, au
moment où il faut remédier à une situation
déplorable. Peut-être qu'il y a là, dans les dispositions
sur lesquelles l'ordre des notaires devrait se pencher dans ses
règlements, dans sa façon de conduire l'inspection
professionnelle, un aspect préventif à développer
davantage et qui permettrait aux membres de la profession aux prises avec
certaines difficultés de rétablir la situation avant que ne se
produisent des choses regrettables, inadmissibles.
De ce côté, l'ordre des notaires devrait faire une
réflexion; le président de la Chambre des notaires en est
conscient et peut-être que le ministre de la Justice, d'ici à ce
qu'on étudie la loi en commission plénière, aura certaines
suggestions à leur faire quant aux règlements qui vont venir
à la suite de l'approbation de cette loi. Il y aura une série de
règlements qui sera soumise au lieutenant-gouverneur en conseil. Je
pense que c'est un point à retenir: on devrait davantage insister sur le
côté positif, faire beaucoup plus de prévention afin que
des situations que l'on a connues chez certains professionnels ne se
représentent plus, ce qui n'est bon ni pour l'ordre des notaires, ni
pour les professionnels, ni pour les professions en général. Si
on veut pousser plus loin la protection du public, il faudra agir dans ce
sens.
J'entendais tantôt le député de Maskinongé,
au terme de son intervention, mentionner la possibilité que plus tard la
profession d'avocat et la profession de notaire puissent en venir non seulement
à une alliance, mais à une fusion. Personnellement,
n'étant pas membre de ces deux corporations professionnelles, je n'ai
pas de jugement à porter sur cette option possible, mais je voudrais
dire une chose, cependant. Les notaires, de tout temps, ont eu une très
bonne répartition géographique de leurs effectifs sur le
territoire du Québec. Les notaires ont pratiqué et pratiquent
encore dans toutes les régions du Québec, même les
régions les plus éloignées. On peut dire que, pour la
population, non seulement dans les régions urbaines mais dans les
régions rurales et dans les régions les plus
éloignées, où on constate l'absence de toutes les autres
professions, bien souvent il y a un professionnel qui est là.
Le médecin y était peut-être autrefois, mais il est
parti. Les dentistes ne sont pas dans toutes les régions du
Québec. Il y a des régions qui pourraient
bénéficier des services du dentiste, des services d'autres
professionnels dans le domaine de la santé, dans le domaine
économique ou dans le domaine social, mais on peut dire, de façon
générale, que la Chambre des notaires a assuré une bonne
répartition géographique de ses membres sur le territoire du
Québec.
Si cela en venait là, il faudrait voir à ce que cette
qualité soit respectée le plus possible afin que les gens qui
vivent dans ces régions puissent continuer de bénéficier
de cet homme de loi qui, bien souvent les avocats ne lui en font pas
grief, les comptables non plus est obligé d'aller au-delà
de sa profession, peut-être pas pour poser des actes professionnels qui
ne relèvent pas de sa compétence ou de sa formation, mais pour
donner des conseils dans le domaine juridique.
Je voudrais, en terminant, rappeler à cette profession du
notariat qu'elle aussi a des responsabilités comme les autres
corporations professionnelles dont nous étudions la loi
spécifique. Nous ne leur faisons pas grief s'ils désirent
conserver certains privilèges, tels que celui d'embrasser la
mariée quand ils font le contrat de mariage.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que le ministre de la Justice veut
utiliser son droit de réplique?
M. CHOQUETTE: Non, j'ai déjà tout dit.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que la motion de deuxième
lecture du bill no 253 est adoptée?
Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second
reading of this bill.
Projet de loi déféré à la
commission
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi
soit déféré à la commission parlementaire
spéciale des corporations professionnelles.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que cette motion est
adoptée? Adopté.
M. LEVESQUE: Article 21.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre de l'Industrie et du Commerce
propose la deuxième lecture du projet de loi no 259, Loi des
architectes.
Le ministre de l'Industrie et du Commerce.
Projet de loi no 259
2e lecture M. Guy Saint-Pierre
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, l'honorable
lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et
en recommande l'adoption à cette Chambre.
Pour être très bref dans cet exposé de
deuxième lecture, il s'agit de toute une série de projets de loi
qui ne touchent ni le domaine médical et ni le domaine juridique. Ils
sont plus ou moins reliés au domaine économique.
Je voudrais simplement indiquer que les principes de chacun des neuf ou
dix projets de loi dont j'ai la responsabilité sont essentiellement les
mêmes. Il s'agit de concordances vis-à-vis du code des professions
qui a entraîné des modifications dans les projets de loi. Ils
touchent essentiellement la constitution d'un bureau qui est chargé de
voir au bon fonctionnement du mandat qui est confié par le
législateur à l'ordre ou à la corporation.
Nous avons également, dans chacun de ces projets de loi, un
pouvoir de réglementation du bureau. Ce pouvoir de
réglementation, souvent, se précise en ce qui touche l'admission
des membres, en ce qui touche l'éthique professionnelle et la pratique
illégale. Finalement, nous avons un champ de pratique et une
exclusivité du titre. Cinquièmement et dernièrement, des
dispositions transitoires.
J'aimerais préciser que la Loi des architectes a subi de petites
modifications qui sont raisonnablement importantes, en particulier en ce qui
touche le champ de pratique de l'architecture qui, dans la loi
antécédente, était assez mal défini. On confiait
aux architectes la responsabilité des plans et devis de bâtiments
sans préciser exactement dans quel contexte ce champ
d'exclusivité devait s'adresser.
Dans le projet de loi que nous avons ici, ce champ de pratique est
précisé davantage. On établit une valeur minimum de
$100,000 ce qui permet quand même la confection de plans pour un
individu, pour un artisan. Egalement, on indique que toutes les habitations de
moins de dix logements ne sont pas obligatoirement confiées à des
architectes, mais, pour toutes celles qui ont plus de dix logements, les plans
doivent être conçus et surveillés par les architectes. Nous
allons ajouter un amendement en ce qui touche les édifices publics,
puisque dans le passé, des abus assez flagrants ont été
commis, alors que des édifices de peu de valeur, qui avaient moins de
dix logements, n'ont pas été conçus par des architectes et
présentaient un danger, je pense, en ce qui touche la
sécurité du public.
D'ailleurs, dans certaines des lois que nous allons étudier, la
sécurité du public a un véritable sens, puisqu'ici ce
n'est pas la protec-
tion comme dans le sens de la protection d'un consommateur. Je pense que
l'on parle, lorsque nous parlons de la Loi des architectes et de la Loi des
ingénieurs et d'autres lois semblables, d'une protection presque
physique du public qui utilise des bâtiments et qui veut avoir la
conviction que la conception de ces bâtiments a été faite
suivant les règles de l'art par des professionnels qui s'y
connaissent.
On remarquera également qu'au niveau de la pratique
illégale, dans cette Loi des architectes, nous avons ajouté des
dispositions fort importantes, qui n'existaient pas avant et qui devraient
rendre beaucoup plus facile la surveillance par le bureau de la pratique de
l'architecture. En particulier, nous avons retenu, dans la Loi des architectes,
une disposition que nous retrouvions depuis 1964, dans la Loi des
ingénieurs et qui prévoyait que les plans et devis des
architectes devaient être scellés du sceau de l'architecture.
C'est ce qui nous permettrait dans les chantiers de construction de
vérifier si les plans ont bien été préparés
par des gens qui se retrouvent dans le registre de l'ordre.
Il y a d'autres dispositions que l'on retrouve dans ce projet de loi et
qui sont nouvelles. En particulier, il y a la réciprocité avec
les architectes des autres provinces canadiennes, le Québec
reconnaissant les diplômes étrangers lorsqu'il y a des accords de
réciprocité entre les organisations professionnelles
chargées de l'architecture dans d'autres provinces. Aussi, il y a
l'émission de certains permis temporaires.
Je m'en voudrais si je disais que la philosophie qui a
présidé à l'élaboration de ces projets de loi a
été de se rappeler la maxime qui veut que le meilleur soit
toujours l'ennemi du bien. En tentant de retrouver la perfection, parfois, on
n'arrive jamais à l'échéance. Dans ce cas-ci, nous avons
tenté de multiplier les rencontres, les consultations avec des groupes
connexes. Nous avons tenté d'accorder, le plus possible, à ces
groupes, particulièrement lorsqu'il y avait entente, un partage des
responsabilités, en ayant à l'esprit bien sûr,
l'intérêt du public et en ayant à l'esprit aussi l'ensemble
de la philosophie qui avait présidé au code des professions.
D'ailleurs, pour plusieurs des projets de loi dont j'ai la
responsabilité, nous avons certains amendements qui nous sont apparus
nécessaires, de nature mineure, et qui ne changent pas le principe
même des projets de loi. Mais le gouvernement serait prêt à
les mettre de l'avant lorsque nous ferons l'étude du texte, article par
article. De la même façon, nous serons disposés à
recevoir des modifications que les partis de l'Opposition pourraient vouloir
suggérer. D'ailleurs, souvent ces amendements sont nécessaires
après coup, par exemple pour clarifier nos intentions. On se rappelle
qu'il y a eu une certaine période avant les fêtes où nous
étions un peu bousculés pour rendre publics ces projets de loi.
En les lisant à tête plus reposée, il nous est apparu plus
nécessaire d'apporter des clarifications ou certaines
rectifications.
En terminant cet exposé sur le projet de loi des architectes, je
m'en voudrais de ne pas ouvrir une petite parenthèse sur le rôle
social de l'architecte. Je pense que le projet de loi 259, tout en permettant
un meilleur encadrement de la profession d'architecte, pourrait correspondre
à un éveil qu'on a senti dans d'autres professions et qui se fait
sentir particulièrement chez les jeunes architectes. Je pense que la
chasse gardée de l'architecture, pour les institutions de
charité, les églises, et même les bâtiments du
gouvernement, représente aujourd'hui une somme de travail beaucoup moins
importante. Même si le rôle qu'on a voulu donner de maître
d'oeuvre à l'architecte a été quelque peu effrité
au cours des dernières années par l'apparition de disciplines
nouvelles, particulièrement par une spécialisation plus
poussée dans des domaines connexes, comme toutes les sciences de
l'ingénieur et également les sciences de l'urbanisme, du
sociologue, de la planification ou des gérances de travaux, ce
rôle a nécessité une évolution que la grande
majorité des architectes sont à même de comprendre. Je
pense que ce projet de loi leur permet une évolution dans le sens d'une
approche pluridisciplinaire à la solution des problèmes,
évitant un chevauchement trop rigide entre les professions et permettant
de rechercher beaucoup plus des liens d'interaction où l'architecte
pourrait apporter sa compétence et son expérience dans des champs
connexes et dont il a été absent jusqu'ici.
On pense, en particulier, à tout le domaine de l'habitation dans
lequel on retrouve très peu de contribution de l'architecte, sauf dans
des projets de très grande valeur et ne s'adressant pas à
l'ensemble de la population.
De la même façon, je pense qu'alors qu'on assiste à
un éveil de la population vis-à-vis de l'ensemble de la pollution
et l'ensemble des questions de qualité de vie, il faudrait, au niveau
des gouvernements et au niveau de la population, être
éveillé à un malheur de nos sociétés
modernes qui pourrait s'appeler la pollution visuelle. Je pense que les
architectes seront appelés à voir un équilibre entre des
formes qui peuvent être très plaisantes à l'oeil mais dont
les coûts sont tellement astronomiques qu'on ne peut permettre de donner
à la population ou aux clientèles les bâtiments requis, et
des formes qui dépassent les budgets et des budgets tellement
serrés que nous assistons, en certains cas, à une pollution
visuelle.
Souvent, en décoration, chacun reste maître. Je pense que
le beau ou la qualité, dans les conceptions des formes, ne peut se faire
à aucun prix additionnel et au même prix que le laid,
également, peut se faire, avec les méfaits qu'il peut laisser
à l'ensemble de la qualité de vie des communautés.
Sur ces points, M. le Président, je n'ai rien d'autre à
ajouter, sauf que la Loi des architectes a tenté de s'insérer
dans le cadre général des réformes du code des
professions. Nous avons
tenté d'harmoniser des demandes contradictoires, de
définir un champ de pratique. En particulier au niveau du champ de
pratique, le projet de loi actuel représente un avantage très
marqué sur les projets de loi antérieurs, établissant
clairement la responsabilité de l'architecte et son exclusivité
dans la conception, pour ce qui est de l'architecture des bâtiments de
$100,000 et plus, de tous les édifices de dix logements et plus et, par
un amendement que nous apporterons, de tous les édifices publics,
définissant par là des édifices qui pourraient avoir moins
que cela. Je prends des exemples qui me viennent à l'esprit, des petits
garages, stations, gares de voyageurs, terminus de voyageurs qui sont
utilisés par beaucoup de personnes et qui, souvent, souffrent d'une
mauvaise conception au niveau de ceux qui en ont eu la responsabilité au
départ.
M. le Président, je crois qu'avec ces dispositions il nous sera
possible, lors de l'étude article par article, d'ajouter quelques
amendements qui nous permettront de faire un grand pas au niveau de
l'architecture, sans pour autant prétendre que tout a été
réglé et que des amendements subséquents, au cours des
prochaines Législatures, ne pourraient pas être mis de l'avant.
Merci.
M. BOURASSA: Une autre bonne loi !
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de
Maskinongé.
M. Rémi Paul
M. PAUL: M. le Président, vous me permettrez de saluer d'une
façon toute spéciale celui qui, en 1970, a cru qu'il pouvait
être l'architecte de la structure économique qu'il se proposait de
donner au Québec, l'honorable premier ministre du Québec. Je ne
pouvais pas ignorer, ce soir, la présence de ce visiteur, par accident,
qui s'intéresse aux différents projets...
M. BOURASSA: M. le Président, j'invoque le règlement. Je
crois que le leader parlementaire est bien mal placé pour parler, ce
soir, de ceux qui ne peuvent pas toujours être présents en
Chambre, quand on voit qu'il est absolument isolé, qu'il est seul,
absolument seul de toute sa députation, pour défendre le point de
vue de l'Opposition.
M. PAUL: M. le Président, vous savez que cela ne
m'inquiète pas du tout quand je constate la force intellectuelle de ceux
qui sont en face de moi!
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le projet de loi!
M. PAUL: C'est cela, M. le Président. Vous voyez, encore, le
premier ministre tout heureux de se lever, en grand pontife, pour essayer de
donner un aspect humoristique à cette loi. M. le Président, si
j'étais architecte, je serais humilié ce soir, après avoir
entendu les propos du parrain du projet de loi.
Je me rappelle que, durant mes études classiques, nous avons
été épris, à un moment donné, de la culture
du beau, de la culture du bien, de la culture du noble. C'est le
résumé que nous a fait le parrain de ce projet de loi. Il nous a
parlé des beautés de l'architecture, il a même, à un
moment donné, dans un grand geste réaliste, parlé de la
pollution par les architectes qui, par la conception de leurs plans, viennent
quelquefois chambarder la qualité de l'environnement.
J'espère que le ministre responsable de la qualité de
l'environnement rejoindra la pensée du ministre de l'Industrie et du
Commerce pour qu'ensemble nous soyons capables d'arrêter une politique
qui puisse répondre aux besoins du développement du
Québec, mais en même temps garder un certain équilibre pour
que nous n'assistions pas, comme le disait le ministre, à la pollution
de l'environnement.
C'est un projet de loi extrêmement important. En
résumé, c'est ça que nous a dit le ministre. Tout à
l'heure, il va de nouveau s'adresser à nous. Il va parler d'une autre
profession et il va nous dire que c'est encore une tentative du gouvernement
d'imbriquer, dans le code 250 cette corporation professionnelle, des choses que
nous savons. Nous travaillons depuis longtemps à doter le Québec
d'un code des professions et aucune des corporations professionnelles
nous allons maintenant appeler celle-ci l'ordre des architectes ne sera
épargnée. Cette corporation professionnelle va, elle aussi, vivre
des dispositions que l'on retrouve dans le code des professions, avec certaines
particularités ou du moins certaines initiatives qui honorent grandement
les membres de l'ordre des architectes du Québec.
Il faut être extrêmement prudent, parce que, trop souvent
hélas, pour certains projets, les professions se font concurrence entre
elles. Il faudra que le ministre responsable des professions cela a
été l'une des recommandations que nous faisions, mon
collègue, le député de Montmagny, et moi-même dans
nos propos de deuxième lecture de la loi 250 et j'espère que le
premier ministre va retenir cette excellente suggestion du député
de Montmagny pour qu'il y ait un ministre responsable des professions
prenne garde qu'il n'y ait empiètement de ces professions relativement
jeunes les unes sur les autres.
Lorsque nous étudions sérieusement, que nous nous penchons
sur les différents problèmes soulevés par les architectes
dans le mémoire présenté par la corporation
elle-même ou par les membres de l'association, nous constatons qu'ils
nous invitent, nous législateurs, à ne pas donner de privileges
à certaines corporations concurrentielles qui oeuvrent dans des champs
à peu près similaires d'activités professionnelles,
comme, par exemple, les urbanistes et les ingénieurs.
Nous savons d'expérience que trop souvent, cette lutte
interprofessionnelle existe dans la réalisation de grands projets entre,
d'une part, les ingénieurs et, d'autre part, les architectes.
Ce qu'il faut retenir dans ce projet de loi, c'est une initiative
extrêmement heureuse qu'ont recommandée les membres surtout de
l'Association des architectes de la province de Québec, qui permettra au
bureau de direction de l'ordre des architectes du Québec de
présenter un règlement prévoyant l'établissement
d'une caisse de retraite pour les membres de l'ordre et un fonds de secours
pour les architectes dans le besoin.
De plus en plus, les membres de cette corporation doivent se battre pour
être capables de concurrencer avec avantage je ne dirai pas ces monstres,
mais ces bureaux d'architectes, qui se regroupent de plus en plus et qui ont
pour effet d'isoler, du même coup, celui qui oeuvre seul dans des villes
de moindre importance.
Il arrive trop souvent que ces professionnels ne peuvent pas souffrir la
concurrence de leurs confrères de la profession. C'est une heureuse
initiative et une disposition que l'on retrouve pour la première fois
dans les différentes lois que nous avons jusqu'ici
étudiées.
Nous attirons l'attention du ministre de l'Industrie et du Commerce pour
que cette disposition puisse être incluse dans d'autres projets de loi de
corporations professionnelles, dans les cas où les professionnels
eux-mêmes demanderaient les mêmes pouvoirs que ceux que l'on
retrouve dans le projet de loi 259.
M. le Président, il y a également une disposition
particulière que l'on retrouve dans cette loi et que dans aucune autre
loi on ne peut rencontrer. C'est cette possibilité pour quelqu'un qui a
fait une cléricature de neuf années dans un bureau d'architecte
d'avoir une certaine liberté d'exercice de profession. Nous ne
retrouvons de disposition semblable dans aucune des lois que nous avons
jusqu'ici étudiées.
Il y a également un autre principe que l'on retrouve dans cette
loi et qui a pour but de permettre l'émission d'un permis temporaire de
pratique de la profession lorsqu'un architecte viendra au Québec comme
professeur en architecture. A ce moment-là, il pourra obtenir de l'Ordre
des architectes du Québec un permis qui deviendra périmé
au moment même où son enseignement se terminera.
M. le Président, le ministre nous a parlé d'un
traité de réciprocité avec les autres provinces concernant
cette profession. Il a bien employé le terme "traité de
réciprocité". Ce sont des expressions assez graves de
conséquences si on les interprète à la lettre. Si le
ministre nous avait dit que la Corporation ou l'ordre des architectes du
Québec est prêt à reconnaître et à admettre
dans la pratique au Québec, moyennant certaines conditions, ceux qui ont
exercé la profession dans une autre province, je dirais que c'est une
mesure qui a réellement fait l'objet d'une étude sérieuse
de la part des professionnels de cette discipline. De là à
déclarer en tant que ministre de l'Industrie et du Commerce qu'il y a un
traité de signé entre l'ordre ou le futur ordre des architectes
du Québec et les autres provinces, je ne mets pas en doute la parole du
ministre mais je suis sûr que dans sa réplique il nous dira que
les termes employés ne correspondaient absolument pas à la
réalité des faits.
M. le Président, qu'il y ait cet échange, cette concession
entre professionnels d'une discipline et professionnels de la même
discipline d'une autre ou des autre provinces, c'est une excellente mesure que
l'on doit encourager. Mais de là à prétendre qu'il faille
signer un traité! Je me demande si le ministre des Affaires
intergouvernementales a été saisi de cet épineux
problème qu'indirectement a bien voulu ce soir soulever le ministre de
l'Industrie et du Commerce.
M. le Président, c'est une autre loi qui nous est
présentée et là je reviens au patinage de fantaisie
du ministre de l'Industrie et du Commerce c'est une autre loi qui
était nécessaire et qui se marie très bien avec les
objectifs visés par la loi 250. Sûrement que cette profession des
architectes du Québec connaîtra un développement
grâce aux cours de discipline que les membres vont s'imposer pour un
meilleur rayonnement de la profession, pour éviter la pollution de
l'environnement et j'en passe.
De toute façon, ce qu'il nous faut retenir, c'est que, lors de
l'étude de ce projet de loi en commission élue, nous aurons
certainement l'occasion de nous pencher sur le texte de chacun des articles de
cette loi et pour que nous puissions répondre si possible aux
recommandations qui nous furent faites à la commission parlementaire des
professions lorsque la corporation elle-même et l'association des
architectes du Québec sont venues présenter leur
mémoire.
M. le Président, nous allons également voter pour cette
loi et j'espère que le ministre qui parraine ce projet de loi nous
permettra, lorsque le moment sera venu, de travailler en collaboration avec lui
pour bonifier cette loi et toutes celles qui ont trait à ces professions
relativement jeunes, si on les compare à l'existence des corporations
telles que la médecine et le Barreau.
Alors, M. le Président, c'est le premier jet que vient de nous
lancer ce soir le ministre titulaire du ministère de l'Industrie et du
Commerce et je suis sûr que le temps lui aussi et c'est
peut-être là l'excuse que je suis prêt à lui
accorder... Il a peut-être été lui aussi un peu surpris de
la rapidité avec laquelle nous devions procéder aujourd'hui, vu
l'absence du ministre des Affaires sociales, alors que le programme du jour
prévoyait une étude beaucoup plus prolongée de certains
projets de loi relatifs à des corporations professionnelles touchant le
domaine de la santé.
Je suis certain que mon collègue, le député de
Montmagny, avec toute l'expérience qu'il a, le sérieux qu'il a
apporté au travail de la commission parlementaire, pourra, et combien et
surtout comment, par le nombre d'arguments, par sa logique, compléter
les propos que j'ai été dans l'obligation de tenir tout à
fait à l'improviste, pour appuyer l'excellent projet de loi qui nous est
présenté par le ministre de l'Industrie et du Commerce.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de
Lotbinière.
M. Jean-Louis Béland
M. BELAND: M. le Président, relativement à ce projet de
loi no 259, intitulé: Loi modifiant la loi des architectes, je me
limiterai à seulement quelques commentaires. Ce bill a tendance, il est
évident, à donner une autre dimension en transformant en
corporation professionnelle l'Association des architectes de la province de
Québec.
Cependant, j'aurais aimé que cette nouvelle corporation
possède davantage de droits et pouvoirs car, au-dessus de cette nouvelle
corporation, planera, il va sans dire, la même épée de
Damoclès par l'influence qu'exercera...
M. CHARRON: Démosthène, pas Damoclès.
M. BELAND: ... par cette influence qu'exerceront les
représentants au nombre de trois, choisis par le lieutenant-gouverneur,
au bureau de direction.
M. le Président, je vous demanderais, s'il y a
possibilité, de demander aux membres du Parti québécois de
bien vouloir aller brailler ailleurs.
En principe, il va sans dire, nous sommes favorables à ce qu'ils
soient inclus à l'intérieur du code ou d'un code des professions,
car ces professionnels jouent un rôle de plus en plus grand, entre autres
dans la transformation structurale. Dans le champ de la pratique, cependant, la
sorte de cloisonnement qu'agence le ministère par le bill 259,
intitulé: Loi modifiant la loi des architectes, ne doit pas en
restreindre l'essor.
Il ne faut pas oublier qu'il y a, de mois en mois, de nouveaux champs de
spécialisation qui naissent je crois que je ne vous apprends
rien, mais il est bon de le noter quand même et une
économie véritable se doit d'en permettre le
développement. Il ne faudrait pas non plus créer de monopole, car
cela tendrait certainement à la longue à assombrir la bonne
entente qui peut exister présentement entre ces diverses disciplines qui
se rapprochent des architectes.
Il faudrait éviter des cloisonnements prématurés
car, ne l'oublions pas, il est possible qu'un jour les diverses disciplines
telles que celles d'ingénieur, d'urbaniste et d'autres, que ces diverses
disciplines de l'aménagement, dont fait partie l'Association des
architectes, même si elles ont chacune leur propre rôle à
jouer, s'associeront peut-être pour un effort d'évolution
naturelle pour le plus grand bien de la société en
général.
M. le Président, ce sont mes seuls commentaires. Nous reviendrons
lorsque nous étudierons, en commission parlementaire, cedit bill afin de
peut-être encore davantage éclaircir quelques petits points
sombres. Merci, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de
Bourget.
M. Camille Laurin
M. LAURIN: M. le Président, pour me préparer
adéquatement à la discussion de ce projet de loi et pour rendre
l'hommage qui se doit à cette ancienne et digne corporation qu'est la
Corporation des architectes, j'ai relu, la semaine dernière, le volume,
le chef-d'oeuvre de Paul Valéry, Eupalinos ou l'Architecte. Je ne crois
pas, en effet, qu'aucun écrivain n'ait fait un hommage à la
profession d'architecte aussi profond, aussi senti et malgré tout encore
aussi moderne malgré la date où cet ouvrage a paru
que Paul Valéry. On connaît les qualités de Paul
Valéry dans tous ses écrits, la profondeur, l'originalité
de la pensée, son sens de l'esthétique ainsi que son humanisme et
son raffinement. Il n'y avait pas, je crois, de meilleure introduction à
une discussion de ce projet de loi que ce rappel des vérités
fondamentales en ce qui a trait à la profession de l'architecture.
J'ai dit, tout à l'heure, que c'était là une
très ancienne profession. Elle est, en fait, presque aussi vieille que
le monde. S'il y a tellement de touristes aujourd'hui, des millions de
touristes qui parcourent toutes les contrées du monde, que ce soit
l'Asie, l'Europe ou même l'Amérique, je crois bien que c'est aux
architectes que nous le devons, car c'est à eux que nous devons tout le
plaisir et toute la motivation que nous éprouvons à nous promener
de par ce vaste monde et à emplir nos yeux de ce que les artistes y ont
laissé comme témoignage de ce que l'homme peut receler en
lui-même ce qu'il y a de plus beau. C'était donc, je crois, ce
rappel aux vérités fondamentales qu'il importait de signifier au
début de cette discussion.
Je veux bien croire que la profession d'architecte a beaucoup
évolué depuis quelques années, qu'à l'instar
d'autres anciennes et nobles professions comme la médecine elle s'est
subdivisée et resubdivisée, que la mode soit maintenant au
travail interdisciplinaire mais c'est précisément là un
hommage que l'on rend à une profession lorsqu'on est obligé de
constater qu'elle s'est subdivisée à la façon d'un tronc
qui se divise en plusieurs branches. C'est exactement ce qui fait la
beauté de l'arbre.
Aujourd'hui, nous savons qu'on confie à l'architecte ou
plutôt aux équipes pluridiscipli-
naires auxquelles participe l'architecte, non seulement la construction
de nos édifices, petits ou grands, mais de plus en plus
l'aménagement de nos villes. Dieu sait à quel point il est
important d'envisager l'aménagement de nos villes de façon que
nos villes soient au service de l'homme et non pas l'homme au service de nos
villes. Dans son intervention de deuxième lecture le ministre de
l'Industrie et du Commerce a fait droit à ce nouveau rôle social,
à ce nouveau rôle esthétique de l'architecte. Il reste
cependant que ce travail au sein d'équipes multidisciplinaires,
malgré qu'il faille le célébrer et s'en féliciter,
n'est quand même pas sans causer de problème. Il aboutit en effet,
assez souvent, à des rivalités nouvelles, à des tensions
nouvelles entre les professions les plus anciennes et les professions nouvelles
qui se développent et qui, au fond, n'en sont qu'une subdivision.
On voit donc maintenant naître des conflits entre l'architecte et
l'architecte paysagiste, entre l'architecte et l'urbaniste, entre même
l'architecte et l'économiste, ou le spécialiste de
l'aménagement. Evidemment, l'homme restant ce qu'il est, dans ses
parties les plus nobles en même temps que les plus inférieures, il
est bien entendu que le "auri sacra james" peut être à l'origine
de conflits qui peuvent devenir parfois assez aigus entre ces professions.
De même, sur le plan juridique, on peut assister à des
problèmes qui sont difficiles à résoudre, tellement, pour
les résoudre, il faudrait faire appel à des notions nouvelles,
encore mal définies et qui sont dans un statut évolutif.
Nous sommes donc confrontés à un problème qui,
d'une part, nous fait une nécessité du travail interdisciplinaire
et, deuxièmement, nous fait une nécessité d'une
distinction de plus en plus claire entre divers champs de pratique afin que,
non seulement les rivalités ou les tensions soient
éliminées, mais que l'effort de chacune des disciplines soit
conjugué, harmonisé pour le plus grand bien de la
société évidemment, mais aussi pour la perfection de
l'éthique et de l'esthétique.
Ce sont des problèmes que plusieurs corporations professionnelles
nous ont fait valoir lorsqu'elles sont venues en commission parlementaire. Une
façon de les résoudre ou de ne pas les résoudre est
d'accorder une attention minime ou grande à ce qu'on a appelé
l'exercice exclusif d'une profession ou l'exercice à titre
réservé. Si nous nous hâtons trop rapidement de
déterminer des champs d'exercice exclusif, bien sûr, nous faisons
plaisir à quelques-unes des professions qui sentent leur champ de
pratique désormais protégé et qui s'enkystent dans leur
profession respective, qui érigent des frontières, qui se
bâtissent des donjons. On aboutit fatalement, de cette façon, non
seulement à la constitution de chasses gardées professionnelles,
mais à la négation de l'évolution ou à une sorte
d'état de sclérose prématurée.
Par ailleurs, si on ne fixe pas un champ assez précis d'exercice
pour chacune de ces professions, on peut encourager un autre mal, un autre
défaut qui est celui de l'anarchie, celui de luttes intestines qui ne
font que croître en intensité avec le temps et on n'est
guère plus avancé. Il y a donc un juste équilibre à
garder entre le cloisonnement et le décloisonnement, un juste
équilibre à garder entre la définition de champ de
pratique exclusif et celle de champ de pratique à titre
réservé qui sont ouverts à l'évolution.
Je ne suis pas loin de partager, à cet égard, les opinions
exprimées par le ministre de l'Industrie et du Commerce et
également celles qu'ont exprimées les architectes qui sont venus
se faire entendre à la commission. Je pense que le législateur a
bien agi en faisant de la corporation professionnelle des architectes une
corporation à titre exclusif laissant, pour le moment, le titre de
corporation à titre réservé à ces nouvelles
professions qui sont des subdivisions de l'architecture que nous avons connue
et qui ont un rôle qui reste à prouver dans l'aménagement
de notre société.
Donc, de ce point de vue, il nous fera plaisir d'accorder notre appui au
présent projet de loi.
Je me réjouis également de constater que la
deuxième version du projet de loi a été
améliorée par rapport à la première. A juste titre,
les architectes nous avaient fait valoir lorsqu'ils sont venus à la
commission parlementaire, que la profession demandait à être
protégée contre ceux qui exercent des fonctions de
miniarchitectes sans en avoir les qualifications et surtout sans en avoir la
compétence.
Nous avons vu, en effet, dans toutes nos campagnes, dans toutes nos
villes, proliférer de ces miniarchitectes, qui, sous le prétexte
de faire un cent assez facilement et avec la complicité de certains
entrepreneurs ou même de certains propriétaires, se
lançaient dans la fabrication en série de projets domiciliaires
ou d'entreprises uniques dont le prix était quand même assez
élevé dans certains cas.
Nous avons vu assez de miniarchitectes qui, à la longue,prenaient
figures de véritables exploiteurs de la société, en ce
sens que leurs travaux n'étant plus garantis par la compétence,
s'avéraient, après quelques années, ne pas correspondre
aux normes minimales de construction et valaient à ceux qui avaient
retenu leurs services des déboires de tous ordres, aussi bien sur le
plan de l'environnement que sur le plan du confort de la vie, que sur le plan
financier. On peut même dire qu'à certains égards la
prolifération de ces miniarchitectes exploiteurs est devenue, dans
certains milieux, dans certains quartiers, une véritable plaie sociale.
C'est donc à juste titre que la Corporation des architectes demandait
aux législateurs d'intervenir pour neutraliser ces excès et pour
réserver à la Corporation des architectes, c'est-à-dire
à des professionnels dûment formés à cet effet,
l'exclusivité de certains travaux dont l'ampleur était telle que
l'intérêt du public devait être protégé.
Je me réjouis de me rendre compte que dans la deuxième
version du projet de loi on a fait écho à ces recommandations et
qu'il sera maintenant possible, aussi bien pour la société que
pour les exploités d'hier, que pour les architectes, de trouver enfin
justice. C'est là une autre raison pour laquelle nous allons donner
notre appui au projet de loi.
Une autre recommandation avait été faite également
à la commission parlementaire à l'effet qu'étant
donné l'ampleur même des travaux qu'ont à connaître
les architectes, il s'avérait parfois difficile pour eux de se
protéger d'une façon efficace contre les poursuites qui, parfois,
pouvaient être lancées par certains clients qui se trouvaient
lésés. On avait fait valoir à ce moment qu'il serait
peut-être opportun pour les architectes de pouvoir
bénéficier d'une assurance-responsabilité professionnelle
comme la coutume commence à s'établir dans d'autres corporations.
Je me rends compte que le législateur n'a pas retenu pour le moment
cette suggestion. Je ne sais pas si c'est parce qu'elle trouverait
difficilement place dans un projet de loi ou parce que le législateur a
jugé qu'il ne pouvait, à l'heure actuelle, accéder
à cette recommandation. Mais j'espère que le ministre, dans sa
réplique, saura nous donner les raisons pour lesquelles il n'a pu donner
suite à cette recommandation.
Quant aux autres points, nous aimerions faire valoir, étant
donné que c'est le premier projet de loi du genre que nous
présente le ministre, qu'il n'a peut-être pas écouté
les débats qui ont eu lieu sur les autres types de projets de loi, les
mêmes réserves que nous avons fait valoir à l'encontre des
autres projets de loi.
Nous estimons, en effet, que la représentation du public au sein
de cette corporation est trop tamisée, est trop filtrée par les
professionnels qui constituent, d'une façon exclusive, le bureau de
l'Office des professions. Nous aimerions, pour notre part, que la
représentation du public soit aménagée d'une façon
différente, de façon que tous les groupes
socio-économiques aient la chance de déléguer l'un ou
l'autre de leurs représentants au bureau de la corporation. Nous
estimons inacceptable qu'on se soit limité au choix de quelques groupes
socio-économiques pour ne pas dire d'un seul, le Conseil
interprofessionnel, qui aura tout le loisir d'établir sa propre liste
à même des personnes qu'il connaît, à même un
milieu qu'il fréquente d'une façon assidue et qui ne constitue
qu'un secteur très limité de l'opinion publique. Il nous semble
que le législateur, en l'occurrence, se prive d'un choix qui pourrait
être beaucoup plus vaste, qui pourrait aller piger dans des groupes
socio-économiques beaucoup plus nombreux, beaucoup plus
diversifiés.
Il nous semble, en somme, que si l'on veut faire participer le public au
travail quotidien des professions, on ne devrait pas s'arrêter en si bon
chemin, mais aller jusqu'au bout de l'expérience et permettre à
toutes les classes de la société, à tous les secteurs
géographiques de pouvoir être représentés, de
façon qu'on puisse dire, un peu comme certains ex-présidents de
la république des Etats-Unis le disaient: N'importe quel citoyen du
Québec peut aspirer un jour à exercer ce rôle, un
rôle important et efficace au sein des professions, de la même
façon que n'importe quel citoyen du Québec peut un jour
être appelé à siéger comme juré à un
procès des assises. Il me semble que c'est là un sain exercice de
la démocratie et que le législateur ne devrait pas utiliser deux
poids et deux mesures, en l'occurence, mais aller jusqu'au bout de
l'expérience.
Nous avons dit également, M. le Président, que dans une
société comme le Québec, où il y a de fait une
langue commune, dans une société comme le Québec,
où les échanges entre les secteurs de la population, les classes
de la société, les régions, se fond de plus en plus
nombreux, diversifiés, quotidiens, il nous semble qu'on devrait
prêter une attention plus importante à l'existence d'une langue
commune. De même que cela existe déjà, par pure
nécessité, dans certaines professions, comme la profession des
avocats, où tous ces professionnels doivent connaître la langue
commune et l'utiliser, ne serait-ce que dans leur propre intérêt
financier, de la même façon dans des domaines qui, en apparence,
sont un peu plus compartimentés, où une ségrégation
continue de se manifester, on devrait prévoir l'avenir et faire en sorte
que la langue commune puisse être véritablement connue et
utilisée par tous les membres de toutes les professions.
Je ne veux pas répéter ici le plaidoyer que nous avons
fait à d'autres occasions. Je sais, d'ailleurs, que le ministre est bien
au courant de nos thèses à cet égard, pour avoir
défendu durant très longtemps, à une autre session, le
projet de loi no 28. Donc, je n'ai pas besoin de prêcher pour un ministre
que j'estime, peut-être à tort ou à raison, converti aux
thèses qu'il a si souvent entendues mais je voudrais simplement les lui
rappeler pour qu'il y apporte toute la considération qui nous semble
nécessaire.
Avec ces deux réserves, M. le Président, je suis heureux,
au nom de mon groupe, d'apporter notre appui à ce projet de loi qui nous
semble aussi important que les autres, en ce sens qu'il introduit une
rationalisation dans une profession qui avait quand même, elle aussi,
besoin d'être rationalisée, qui procède à une mise
à jour qui s'avère nécessaire et qui pourra sûrement
s'avérer très utile aussi bien pour les professionnels
concernés que pour la société en général,
tout cela au nom d'un intérêt public bien compris.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.
M. Jean-Noël Tremblay
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Veuillez croire, M. le Président, que
si j'interviens à ce
stade-ci de l'étude du projet de loi sur la corporation des
architectes, ce n'est pas simplement pour des fins esthétiques, mais
rejoignant les préoccupations de mon collègue, le
député de Bourget, et de mes collègues qui ont
parlé avant moi, je voudrais faire quelques brèves observations
sur ce qu'on a appelé tout à l'heure l'aspect
socio-économique de la profession des architectes.
Tout le monde sait ce qu'est un architecte, tout le monde a une vague
idée de ce qu'un architecte peut faire dans son cabinet mais il est bien
peu de gens qui s'interrogent sur les résultats du travail des
architectes et sur la façon dont les citoyens sont obligés
d'utiliser après coup, les erreurs des architectes ou de les subir, si
vous aimez mieux le terme.
Lorsqu'on parle d'une représentation plus élargie des
groupes socio-économiques à ce conseil qui représentera
les professions et qui sera assisté d'un certain nombre de personnes de
l'extérieur, il faudrait penser à ce problème dans
l'optique des utilisateurs des services des architectes, et surtout des
utilisateurs de ce que les architectes mettent en plan et font
exécuter.
En effet, depuis un certain nombre d'années et j'ai eu
l'occasion de le signaler à maintes reprises lorsque j'étais
député à Ottawa il existe des architectes qui ont
fort peu souci des gens qui devront habiter leurs merveilleuses et
extraordinaires constructions. A telle enseigne que, si on examine très
attentivement les plans en série dressés par la
Société centrale d'hypothèques et de logement et les plans
repris par la Société d'habitation du Québec, on se rend
compte que, dans un très grand nombre de cas, qu'il s'agisse de maisons
unifamiliales ou de maisons multifamiliales, ou de ce qu'on a convenu d'appeler
un terme que je n'aime pas les complexes résidentiels
et non pas domiciliaires, parce que c'est une faute que d'employer le
mot "domiciliaire" à la place de "résidentiel" on se rend
compte que d'abord dans les constructions d'envergure, la plupart de ces grands
édifices entassent l'une sur l'autre ce qu'on pourrait appeler des cages
à lapins ou des cages à poules, sans égard à
l'aspect de sécurité, de fonctionnalité,
d'estéthique évidemment, et à l'aspect de confort de ces
maisons.
On prescrit et cela apparaît dans les notes explicatives
que toujours tout doit être, selon ce que le veut la profession
des architectes, conforme aux plans et devis. Et on dit: "L'ordre les avisant
que ces plans et devis ne sont pas conformes à la loi..." Cela revient
à tout moment dans le texte que nous avons devant nous.
Est-ce qu'on s'est préoccupé suffisamment de savoir si
tout est conforme aux exigences humaines, physiologiques, biologiques des gens
qui doivent vivre dans les bâtiments dont les architectes inventent les
plans? C'est pour cela qu'il serait peut-être important comme on
l'a souligné tout à l'heure que, dans le conseil qui aura
à surveiller l'activité des groupes professionnels, il y ait des
gens qui ont une expérience de ce que bâtissent les
architectes.
M. le Président, évidemment, si vous demandez pour
vous-même une maison, vous allez voir à ce que tout soit conforme
à vos désirs, à vos volontés, aux besoins de votre
famille et à votre goût estéthique. Mais si vous avez
à habiter ces immenses maisons d'appartements, les maisons qu'on
bâtit selon les plans de la Société centrale
d'hypothèques et de logement, plans que suit aussi la
Société d'habitation du Québec, vous vous rendrez
facilement compte que la plupart de ces maisons ne sont pas conformes au
minimum de confort, au minimum de commodité, même au minimum de
sécurité qu'exige une habitation, surtout lorsqu'il s'agit d'une
habitation familiale.
Il est donc important que, dans cette perspective, le ministre pense un
peu aux gens qui vont habiter ces maisons, gens appartenant à divers
groupes socio-économiques et qui pourraient être d'excellents
conseillers parce qu'ils vont être les utilisateurs, les
propriétaires de ce que les architectes inventent avec un minimum
c'est le moins qu'on puisse dire d'imagination lorsqu'il s'agit
d'exécuter les commandes que leur passent les grands entrepreneurs.
J'insiste là-dessus, parce que j'ai eu très souvent
moi-même l'occasion de vivre dans ce qu'on appelle des cages à
lapins, à poules, à singes, du genre HLM. On en bâtit
actuellement dans la ville de Québec même tout près de
l'appartement que j'occupe actuellement. Ces gens seraient en mesure de dire
à ce conseil de surveillance des professions quels peuvent être
les besoins les plus simples, les plus élémentaires et qui se
réfèrent à ces normes dont je parlais tout à
l'heure, de commodité, de sécurité, d'un confort au moins
minimum et surtout de fonctionnalité.
On imagine mal, M. le Président, pour ne vous donner qu'un
exemple, une maison uni-familiale dans laquelle vivent un homme, une femme et
plusieurs enfants, qui n'a même pas de hall d'entrée. On imagine
mal une maison où la porte d'entrée ou la porte du cabinet de
toilette est située à côté de la porte qui donne sur
la cave ou sur ce qu'on appelle le sous-sol, question simplement de
sécurité. Or, toutes les maisons bâties conformément
aux plans de la Société centrale d'hypothèques et de
logement ne répondent pas à ces normes minimales. Je n'ai pas eu
l'occasion, lors des séances de la commission parlementaire, d'entendre
la Corporation des architectes. Si j'avais pu le faire j'étais
retenu à une autre commission à ce moment-là
j'aurais posé ces questions aux architectes. En effet, s'il s'agit, par
le projet de loi que nous avons devant nous, de protéger les
architectes, les membres de la profession, de la corporation je suis
tout à fait d'accord là-dessus il faut de plus et surtout
peut-être penser à protéger ceux qui devront,
évidemment, habiter les maisons ou vivre dans les bâtiments
qu'érigent ou que font ériger les architectes.
Il n'est que de voir les édifices que notre gouvernement a
construits depuis un certain nombre d'années pour se rendre compte que
l'on ne s'est pas avisé de penser que ce seraient des humains qui y
travailleraient. Je sais, pour l'avoir visité, que le premier ministre
lui-même travaille dans des conditions qui, à mon avis, ne
répondent même pas aux exigences minimales que requiert la
fonction du premier ministre et la fonctionnalité de l'activité
administrative du gouvernement du Québec. Je ne parle pas de cet
édifice-ci, M. le Président; il est vieux. Cependant, si on pense
en termes d'avenir, si on pense en termes d'environnement, si on pense en
termes d'humanisation des lieux de vie, je crois qu'il serait important que
l'on associe à ce conseil des personnes qui, elles, utilisent les
maisons que bâtissent des architectes. Il est très peu de ces
constructeurs, il est très peu de ces architectes qui font les plans,
qui ont eu, un jour, à vivre dans les lieux qu'ils ont imaginés
pour les autres.
C'est, à mon avis, M. le Président, un aspect très
important qu'il faudra signaler. J'estime que la présence de personnes
qui n'appartiennent pas à la profession serait nécessaire et que
les conseils de ces personnes seraient extrêmement utiles pour renseigner
les architectes sur le type de maison qui correspond au mode de vie actuel et
qui devra correspondre au mode de vie d'une société en pleine
évolution, d'une société qui est entrée dans ce
qu'on appelle l'ère des loisirs et qui a besoin, pour s'épanouir,
d'un habitat qui ait un véritable caractère humain.
M. le Président, je n'insiste pas; je ne suis pas un
spécialiste de la question. Mais je crois que comme dirait
Fernandel: A voir, on voit bien vous conviendrez avec moi que les
maisons qui sont bâties en série ne répondent pas à
ces exigences et à ces normes. Seules les personnes qui ont eu
l'expérience de la vie dans ces maisons, qu'elles soient unifamiliales,
qu'elles soient regroupées dans ces immenses complexes, seraient les
mieux placées pour renseigner la Corporation des architectes sur les
besoins d'une population qui est obligée, en raison de cette
urbanisation massive, de vivre dans une promiscuité qui est
déjà en soi désagréable, mais qui est accrue du
fait que les plans des architectes n'ont rien prévu de dégagement
en fonction d'un environnement qui permette l'humanisation de la vie et fasse
disparaître à tout le moins certains inconvénients de la
promiscuité que nous impose l'urbanisation massive que nous avons
connue.
Sous toutes ces réserves, M. le Président, je suis
disposé quant à moi à accepter le projet de loi en
incitant le ministre et ses collègues à penser à ce que je
viens de soumettre et à déterminer par réglementation
certaines normes qui rejoignent les préoccupations que très
modestement j'ai exprimées et les suggestions que j'ai faites au
ministre et aux membres de l'Assemblée nationale.
LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. Jean-Paul Cloutier
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais tout de
suite rassurer le leader du gouvernement en lui disant que je serai bref. Mon
intervention ne s'inscrit pas dans un "filibuster", mais plutôt dans la
suite logique des remarques que nous avons tenues depuis le début de
l'étude du code des professions et des lois spécifiques. La
Corporation des architectes, M. le Président, est une corporation qui a
des années d'existence. Ce n'est pas une création de cette
série de lois; c'est une ratification d'une corporation professionnelle
qui existe déjà et c'est son intégration à tout cet
ensemble de lois.
Le ministre de l'Industrie et Commerce, qui est par profession un
ingénieur, sauf erreur, n'a pas touché au champ connexe,
c'est-à-dire à la définition du champ d'exercice de la
profession. C'est un problème, étant donné que c'est la
première des lois de cette catégorie que nous étudions, la
loi 259. Nous allons prendre un peu plus tard celle des ingénieurs
forestiers, celle des ingénieurs, celle des
arpenteurs-géomètres. Ce sont des lois qui ont toutes quelque
chose en commun dans ce sens que les champs de définition de l'acte
professionnel peuvent se recouper à un moment donné.
D'ailleurs, vous le ferez si le temps vous le permet, on n'a qu'à
reconsulter brièvement les mémoires de ces différentes
corporations, pour voir qu'il y a bien là un problème assez
complexe, mais peut-être pas aussi aigu et complexe que celui que l'on
retrouve pour les professions de la santé. On a vu, au cours de
l'étude de la première loi, la Loi médicale, combien le
champ d'exercice de la profession médicale touche toutes les autres
professions de la santé, qu'elles aient un champ d'exercice exclusif ou
qu'elles aient un titre réservé.
Alors c'est le même cas pour les architectes. Peut-être que
ce sont les architectes qui ont souligné davantage devant la commission
parlementaire combien toutes ces professions que je viens de nommer se touchent
à un moment donné. Au terme d'un de leur mémoire, elles
ont fait une recommandation spéciale. Je cite la page 8 du
mémoire déposé par l'Association des architectes de la
province de Québec au sujet des lois 250 et 260; 250 c'était la
Loi des urbanistes et 260 c'était la Loi des ingénieurs.
La corporation dit ceci: "L'Association des architectes de la province
de Québec recommande qu'une attitude très prudente soit
adoptée, non seulement dans l'octroi d'un monopole d'exercice, mais
également dans toute définition de l'acte professionnel, surtout
lorsque plusieurs disciplines se chevauchent ou travaillent ensemble.
D'ailleurs une exclusivité, même conjointe à plusieurs
professions, ne devrait être reconnue que lorsque l'intérêt
public l'exige absolument. "Dans les domaines qui nous intéressent, de
nouveaux champs de spécialisation se développent.
Il ne faudrait pas en restreindre l'essor. Des
monopoles inutiles ne peuvent qu'empêcher la création de
nouvelles spécialisations et entraver la constitution d'équipes
pluridisciplinaires. Nous croyons préférable d'éviter les
cloisonnements prématurés. Nous espérons même qu'un
jour les diverses disciplines de l'aménagement, ayant chacune suivi sa
voie et son évolution naturelle, se regrouperont pour les plus grand
bien de la société québécoise."
On voit, par ce texte d'un des mémoires de la Corporation des
architectes, combien il est important que le législateur adopte une
attitude prudente. Cela, je l'ai fait ressortir particulièrement au
cours de mon intervention en deuxième lecture sur le code des
professions. Nous avons même suggéré des mécanismes
qui permettraient à des corporations professionnelles, qui oeuvrent dans
le même champ d'activité ou qui, à un moment donné,
se retrouvent dans un même secteur, de ne pas figer l'acte professionnel
dans une attitude définitive, dans une rédaction
définitive, de permettre à ces différentes corporations
professionnelles et à ces différents professionnels de travailler
ensemble pour rendre des services au public.
Les urbanistes ont demandé un champ d'exercice exclusif, alors
que la loi 250 ne leur reconnaît qu'un titre réservé.
Là-dessus, les architectes se sont opposés à cette demande
des urbanistes pour un droit de pratique exclusif. Sans citer au texte le
mémoire, je voudrais faire ressortir quelques arguments invoqués
par les architectes pour refuser, à toutes fins pratiques, cette demande
des urbanistes. D'abord, on a dit que la définition qu'ils avaient
invoquée étaient beaucoup trop générale; on a dit
aussi que tous les actes demandés par cette corporation professionnelle
dans sa définition pouvaient être posés par d'autres
professionnels. Je cite ici la page 2 du même mémoire auquel je
faisais allusion tout à l'heure. Le mémoire de la Corporation
professionnelle des urbanistes amorce ensuite une tentative de
définition du domaine exclusif de l'urbanisme. "Aucun des actes que
l'urbaniste déclare de son domaine exclusif ne peut être
posé que par lui seul. Tous, en effet, devraient être posés
par des équipes pluridisciplinaires, du moins quant à la
conception des objectifs et des moyens utilisés. L'architecte,
l'ingénieur, l'architecte paysagiste, l'économiste, le
sociologue, l'animateur social et même le juriste devront être et
en fait sont parties à la conception des aménagements ou
réaménagements urbains dans la mesure de leur compétence
respective." On voit que, dans ces corporations qui sont nommées, il y
en a des plus anciennes qui ont beaucoup plus de traditions, qui ont beaucoup
plus d'années de pratique.
Il y en a d'autres qui sont venus s'ajouter dernièrement, plus
récentes, comme celles concernant l'architecte paysagiste,
l'économiste, le sociologue, l'animateur social qui, de l'avis des
architectes, devraient être parties à cette équipe qui
s'occupe d'aménagement ou de réaménage- ment urbain, un
problème d'actualité et un secteur dans lequel le gouvernement
actuel se prépare à légiférer.
Le groupe des architectes a également parlé de la
profession d'ingénieur. Ce n'est une surprise pour personne que ces deux
corporations professionnelles travaillent la plupart du temps en étroite
collaboration. Ce sont toutes les deux des corporations professionnelles, et
qui ont un champ d'exercice exclusif. Quand nous serons en commission
parlementaire, nous examinerons chacune des définitions de ces deux
groupes pour voir si, au moyen de ces définitions, on leur permet de
travailler d'abord en harmonie, si on leur permet de délimiter, autant
que faire se peut, un champ de pratique exclusif et si on permet en même
temps à ces deux corporations une certaine évolution, parce
qu'elles sont au centre de toutes ces nouvelles professions qui vont se
regrouper autour d'elles.
Je ne prends, comme exemple, que ce nouveau terme que l'on emploie, que
ce nouveau groupe de professionnels; si on dit que ce ne sont pas actuellement
des professionnels au sens du code, ce seront, probablement dans un avenir plus
ou moins rapproché, des professionnels, et je veux parler des
écologistes. Au moment où on a étudié la loi no 34
avec le nouveau ministre des Affaires municipales, nous avons souvent fait
allusion à ce nouveau terme d'écologiste. Le ministre des
Affaires municipales est certainement conscient, que, dans ce domaine qui est
relativement récent, qui fait l'objet maintenant de
préoccupations de la part de groupes et d'individus de plus en plus
nombreux, les écologistes, dans un nombre plus ou moins grand
d'années, constitueront certainement un groupe professionnel.
Il y en a d'autres, il y a par exemple les urbanistes. Est-ce que leur
profession, après que la société aura
évolué, après que leur profession aura
évolué, ne sera pas reconnu comme un champ de pratique exclusif?
C'est le problème que les architectes ont posé devant la
commission parlementaire. C'est pour ça que je voulais, au moment
où on étudie la première de cette série de lois que
va piloter dans cette Chambre le ministre de l'Industrie et du Commerce, que
nous réfléchissions pendant un moment à ce problème
extrêmement complexe et difficile de la définition de l'acte
professionnel, pour pouvoir délimiter tout de même un champ de
pratique qui va éviter certaines frictions et, d'autre part, ne pas
freiner l'évolution des corporations.
Alors, ce n'est pas un problème facile, M. le Président,
on l'a dit antérieurement et j'y reviens. C'est pour cela que j'ai
suggéré, en deuxième lecture, durant l'étude du
projet de loi 250, un mécanisme dont le ministre des Affaires sociales a
pris note. Il aura traduit, j'imagine, dans une mesure, dans un article de loi
afin que, dès l'entrée en vigueur de cette série de lois,
nous puissions donner aux corporations professionnelles qui font face à
ce
problème la possibilité de trouver une solution. Alors ce
mécanisme, que nous avons proposé, j'y reviens très
brièvement, est celui-ci: que le Conseil interprofessionnel ou l'Office
des professions si l'on veut, l'un ou l'autre et peut-être l'un et
l'autre parce que le Conseil interprofessionnel peut étudier tous
les aspects de cette loi et faire toutes les recommandations qu'il veut au
lieutenant-gouverneur en conseil facilitent la discussion et le
dialogue, mettent en place les mécanismes qui vont faciliter ce dialogue
entre les différents groupes de professionnels, qu'ils aient un champ
d'exercice exclusif ou qu'ils aient un titre réservé, qu'ils
aient demandé à être reconnus comme corporation
professionnelle et qu'ils ne l'aient pas été encore par ce projet
de loi 250.
Là, on parle des architectes. Mais au moment où on
abordera le projet de loi des ingénieurs, on parlera des techniciens
professionnels. Au moment où on va parler des travailleurs
socio-professionnels, on parlera des conseillers socio-professionnels. Alors,
pour chacune des professions majeures, il y a, à côté, un
groupe de professionnels qui aussi travaillent en étroite collaboration.
Mais ils sont les produits d'un niveau d'éducation inférieur
à celui du grade universitaire. Non pas qu'ils aient reçu une
éducation inférieure, mais ils sont de promotion soit du CEGEP ou
du secondaire, alors que les autres ont été promus après
des études au niveau universitaire.
C'est ce problème que je voulais souligner au ministre de
l'Industrie et du Commerce qui est conscient de la responsabilité qu'on
lui a confiée en pilotant dans cette Chambre toutes les lois des
corporations professionnelles dont nous venons de commencer l'étude avec
le groupe des architectes.
Ce sont les remarques que je voulais faire en deuxième lecture.
Quand nous arriverons en commission parlementaire, j'espère que le
ministre de l'Industrie et du Commerce, comme son collègue des Affaires
sociales et son collègue de la Justice, tiendra compte des suggestions
que nous lui ferons pour améliorer ces projets de loi et donner
satisfaction aux corporations professionnelles pour autant que cela est
conciliable avec l'esprit de la législation de façon à
protéger le public.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Cette motion est-elle
adoptée?
M. LEVESQUE: Adopté.
Projet de loi déféré à la
commission
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi
soit déféré à la commission parlementaire des
corporations professionnelles.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Cette motion est-elle
adoptée? Adopté.
M. LEVESQUE: Article 22.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Le ministre de l'Industrie et du
Commerce propose la deuxième lecture du projet de loi no 262, Loi
modifiant la loi des ingénieurs forestiers.
Projet de loi no 262
2e lecture M. Guy Saint-Pierre
M. SAINT-PIERRE: Le lieutenant-gouverneur a pris connaissance, M. le
Président, de ce projet de loi et en recommande l'adoption à
cette Chambre.
Sur le projet de loi no 262, mes remarques seront encore plus
brèves que la dernière fois puisqu'il s'agit, dans ce cas, d'un
projet de loi qui est uniquement de concordance avec le code des professions.
Il n'y a pas de changement dans notre rite. Il y a des dispositions qui sont
particulières et qui sont adoptées à l'ordre des
professions en ce qui touche la composition du bureau, de même que
certaines dispositions en ce qui touche le comité des examinateurs.
Mais je pense qu'essentiellement, si on se rappelle le mémoire
des ingénieurs forestiers, il y avait très peu de demandes
précises. Historiquement, leur champ est assez bien
délimité par rapport aux autres, il ne cause pas tellement de
difficultés. Dans le projet de loi que nous avons, qui est très
bref, d'ailleurs, on retrouve simplement des mesures particulières qui
auraient pu être demandées, comme l'année
financière, ou d'autres dispositions semblables mais qui ne touchent pas
au projet fondamentalement, tant en ce qui touche le champ de pratique des
ingénieurs forestiers qu'au titre qui leur était
réservé autrement, de même que la composition du bureau et
son pouvoir de réglementation.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): L'honorable député
de Maskinongé.
M. Rémi Paul
M. PAUL: M. le Président, je regrette que le ministre n'ait pas
pris le temps de lire la loi, surtout de la comprendre, parce qu'il aurait vite
constaté qu'il ne s'agit pas d'une loi de concordance. Nous allons
trouver, dans cette loi, des exceptions que nous n'avons pas trouvées,
jusqu'ici, dans aucun des projets de loi sur lesquels nous nous sommes
penchés pour étude et adoption.
M. SAINT-PIERRE : Mineures.
M. PAUL: Mineures? J'aimerais que le ministre nous dise, dans sa
réplique, si les quelques objections que j'ai l'intention de
présenter, les quelques remarques que j'ai l'intention de livrer
à cette Chambre sont mineures.
D'abord, la première question que je me pose est la suivante:
Pourquoi n'avons-nous pas pris le temps et pourquoi ne rédigeons-nous
pas une loi complète des ingénieurs forestiers? Toutes les autres
lois des corporations professionnelles nous ont été
livrées dans un texte complet et lorsqu'il s'agit pour nous
d'étudier le projet de loi des ingénieurs forestiers, nous sommes
placés en face d'une référence à la loi 264 des
Statuts refondus de 1964. J'aimerais d'abord que le ministre nous dise pourquoi
cette façon nouvelle de procéder, avec le projet de loi relatif
aux ingénieurs forestiers.
En second lieu, M. le Président, je m'interroge quant au pouvoir
discrétionnaire qu'aura le lieutenant-gouverneur en conseil de
reconnaître l'équivalence d'études entreprises et
complétées par certains candidats au titre des ingénieurs
forestiers. Le ministre devrait considérer l'opportunité de
consulter, d'abord, les membres de la Corporation professionnelle des
ingénieurs forestiers du Québec avant que le
lieutenant-gouverneur en conseil ne décide de reconnaître et
d'admettre dans la pratique de la profession celui qui n'aura pas suivi les
mêmes études, qui ne sera pas détenteur d'un diplôme
que normalement un ingénieur forestier détient pour l'exercice de
sa profession. Le ministre pourra peut-être nous dire pourquoi cette
exception qui on veut protéger et pour quelle raison le
lieutenant-gouverneur en conseil n'accorde pas ce pouvoir, pour autant qu'il
recevra l'autorisation du bureau de direction de la Corporation des
ingénieurs forestiers. C'est une mesure que nous n'avons pas
retrouvée, dans aucun projet de loi, jusqu'ici.
Lorsque j'entends le ministre de l'Industrie et du Commerce nous dire
qu'il s'agit d'une loi de concordance, je dois m'inscrire en faux. Une autre
exception que l'on ne retrouve dans aucune autre loi spécifique des
professions, c'est la composition du bureau des examinateurs.
Je crois que beaucoup de corporations professionnelles auraient avantage
à s'intéresser aux pouvoirs que l'on retrouve dans cette loi
relative aux ingénieurs forestiers et à les faire siens, car
à toutes fins pratiques les ingénieurs forestiers auront un
bureau d'examinateurs composé de trois membres de la profession, et de
deux délégués de l'Ecole de foresterie et de
géodésie de l'université Laval.
Si, à l'occasion de l'étude des différents projets
de loi nous avons jusqu'ici déploré ce manque de collaboration,
de consultation entre ceux qui ont charge de la pédagogie et ceux qui
imposent les conditions d'admission à la pratique, c'est une excellente
mesure que l'on retrouve dans cette Loi des ingénieurs forestiers, une
disposition que l'on regrette de ne pas retrouver, par exemple, dans une loi
comme celle du Barreau ou celle du notariat. Nous verrons, au fur et à
mesure que nous compléterons l'étude de ces lois
spécifiques, qu'une telle disposition devrait être inscrite dans
ces lois si l'on veut corriger, pallier ce manque de négociation qui
existe entre le bureau de direction des corporations et le monde de
l'enseignement des matières nécessaires pour l'admission à
la pratique de la profession.
Enfin, une autre loi de concordance nous dit le ministre. C'est la
première fois que l'on va voir la discrétion du procureur
général de porter plainte... Le ministre dit non, il n'a
sûrement pas lu sa loi.
M. SAINT-PIERRE: J'ai dit qu'il y a d'autres...
M. PAUL: Le lieutenant-gouverneur en conseil a le droit d'admettre
à la pratique ceux qui n'auront pas répondu à tous les
critères exigés par la corporation pour l'exercice de la
profession. Et en second lieu: Le gouverneur général pourra
porter plainte contre ceux qui exerceront illégalement la profession. Il
pourra le faire comme le bureau, comme la corporation elle-même pourra le
faire. Que vient faire le procureur général dans cette loi?
Le procureur général a assez de boulot qu'on ne devrait
pas l'emmener dans le bois, comme on tente de le faire avec cette loi. Pourquoi
une telle disposition, un tel pouvoir au procureur général? Loi
de concordance? Est-ce que le ministre peut nous dire s'il y en a beaucoup de
lois spécifiques qui ont ce même pouvoir que l'on retrouve dans
cette Loi des ingénieurs forestiers?
Ce qu'il y a de consolant, c'est que le ministre dans ses remarques de
deuxième lecture a mentionné qu'il aurait des amendements
à apporter à ces différentes lois. Je suis sûr qu'il
n'excluait pas celle des ingénieurs forestiers.
J'invite donc le ministre à réviser pour cette loi son
expression "loi de concordance", et il aura vite constaté qu'il a
parlé encore sans avoir probablement compris la loi. Il l'a
sûrement lue même avec la méthode dynamique, mais il ne l'a
pas comprise. J'espère que le ministre, dans sa réplique qui sera
beaucoup plus charnue que celle qu'il ne nous a pas livrée à
l'occasion de l'étude de la loi des architectes, verra à nous
annoncer son ouverture d'esprit pour recevoir les amendements que nous nous
proposons de présenter à l'occasion de l'étude en
commission élue de cette loi des ingénieurs forestiers.
M. le Président, parce que nous avons conscience de nos
responsabilités, sachant à l'avance que le gouvernement se rendra
de bonne grâce à ces modifications, à ces amendements qui
devront être acceptés dans le but de bonifier cette loi, nous
voterons à l'appui ou en faveur du principe de la loi 262, Loi modifiant
la Loi des ingénieurs forestiers. J'espère que nos amis du
Ralliement créditiste feront la même chose parce que, jusqu'ici,
le Ralliement créditiste n'a appuyé que les lois impaires; toutes
les lois paires les ont éveillés, mis en état d'alerte,
ils ont été contre la loi 250, contre la loi 252, la loi
médicale, et c'est avec plaisir qu'on les a vus
ce soir appuyer la loi 251, la loi 253, la loi 259. Comme il s'agit de
la loi 262, j'ai hâte de connaître l'attitude qu'entend prendre le
Ralliement créditiste sur ce projet de loi parce que c'est un chiffre
pair.
Quant à nous, pair ou impair, nous voterons en faveur du principe
de la loi 262.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Le député de
Dorchester
M. Florian Guay
M. GUAY: M. le Président, dans le but de rassurer le
député de Maskinongé, je vais lui dire qu'on va appuyer le
principe de la loi, qui, incidemment, porte un numéro pair. Cependant,
les arguments du député de Maskinongé font en sorte que je
me pose également des questions concernant cette loi. J'espère
que le ministre saura y répondre en commission parlementaire;
d'ailleurs, les propos qu'a relevés le député de
Maskinongé l'ont également été par des personnes
qui sont intervenues en commission parlementaire et ces questions devront
être discutées lors de l'étude de ce projet de loi, article
par article.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Le député de
Bourget.
M. Camille Laurin
M. LAURIN: M. le Président, le Parti québécois a
pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'adoption à
la Chambre. D'autant plus que le présent projet de loi se conforme d'une
façon tout à fait exacte aux recommandations de la corporation
professionnelle intéressée que nous avions eu l'occasion
d'entendre à la commission parlementaire. J'aurais, bien sûr, les
mêmes remarques d'ordre général à faire sur la
représentation du public et la langue mais je n'y reviendrai pas.
Je n'aurai qu'un bref commentaire sur la représentation qu'a
faite le député de Maskinongé à l'effet que le
procureur général s'arrogerait un droit discrétionnaire en
poursuivant les contrevenants à la loi.
Je ne sais pas si j'ai mal entendu ou si j'ai mal lu, mais j'avais
l'impression que dans le projet de loi 250 un des articles, l'article 178,
permettait soit au procureur général ou soit au bureau d'intenter
des poursuites. A ce moment-là l'article 12 serait de fait de
concordance et ne ferait qu'appliquer aux ingénieurs forestiers
l'article plus général de la loi-cadre, c'est-à-dire
l'article 178.
Mais, comme mes connaissances sont assez limitées en ce domaine,
j'attendrai la réplique du ministre pour savoir s'il y a
véritablement concordance ou s'il y a l'attribution au procureur
général d'un pouvoir qui serait discrétionnaire ou
arbitraire. Cette interrogation une fois énoncée, nous n'avons
rien d'autre à dire et encore une fois il nous fera plaisir d'approuver
ce projet de loi.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Le ministre de l'Industrie et
Commerce.
M. Guy Saint-Pierre
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, très brièvement
je veux répondre à certains des points qui ont été
soulevés. Le député de Maskinongé, en particulier,
avait soulevé quatre points précis. Pourquoi pas une nouvelle loi
il faut admettre avec lui qu'à onze heures le soir, ça m'a
semblé une bonne question pourquoi pas une nouvelle loi?
C'est évident que lorsque nous faisons des amendements, ça
peut être plus difficile que lorsque nous avons une loi qui est reprise
en entier. Je demande l'avis du député de Maskinongé, dans
les statuts refondus, lorsque les amendements auront été
insérés au texte de loi actuel, peut-être que la forme du
projet de loi, pour ceux qui le consulteront, n'aura pas les mêmes
avantages que pour ceux qui doivent légiférer ce soir.
Enfin je retiens cette question, que je poserai aux légistes;
c'est un fait que c'est une des seules lois qui ne soit pas nouvelle. En ce qui
touche le deuxième point qui avait été soulevé,
encore là, à moins que je lise mal la loi, je n'ai pas compris
réellement l'objection du député de Maskinongé. Je
ne sais pas s'il se réfère à l'article 8 d) qui dit que,
pour être admis, il faut être titulaire d'un diplôme reconnu
valide à cette fin par le lieutenant-gouverneur en conseil ou
jugé équivalent par le bureau.
Cette disposition, si c'est le point auquel on se réfère,
on la retrouve dans la Loi des architectes et elle me semble conforme à
l'esprit du bill 250 quant à l'Office des professions. On peut soumettre
au lieutenant-gouverneur en conseil une liste de diplômes d'Etat reconnus
qui, par après, servent à statuer sur certaines normes au niveau
des professions entre les universités et les professions en
particulier.
Enfin si c'est ce point-là qui est soulevé il me semble
que la disposition que l'on retrouve chez les ingénieurs forestiers soit
la même que celle que nous retrouvions il y a à peine quelques
instants chez les architectes. Connaissant son grand savoir et son esprit de
travail, j'imagine que ce n'est pas cette disposition-là. Il a
piqué ma curiosité. Je vais en rechercher une autre qui n'aurait
pas été...
M. PAUL. Est-ce que le ministre me permet? C'est justement ce pouvoir
discrétionnaire qu'aura le lieutenant-gouverneur en conseil de
reconnaître valide l'équivalence des études imposées
aux autres membres de la corporation.
M. SAINT-PIERRE: On a retrouvé la même disposition dans la
Loi des architectes.
M. PAUL: M. le Président, ce n'est pas une
réponse. Si la loi n'aurait pas dû, autrefois, être
rédigée comme cela, c'est le temps de la corriger. Si le ministre
nous promettait d'apporter un amendement aux fins de consulter les membres de
la corporation avant que le lieutenant-gouverneur en conseil accorde le
diplôme ou reconnaisse comme valides les études suivies, je crois
que ce serait un heureux compromis.
M. SAINT-PIERRE: Je pense que cela touche à toute la question qui
a déjà été débattue de la reconnaissance de
diplômes d'Etat. Sous ce vocable-là, il y a eu de longues
discussions lors de l'étude du bill 250 et en commission. S'il y avait
des changements, il faudrait qu'il y en ait dans toutes les lois.
Très brièvement, sur la composition du comité
d'examinateurs. Je pense que des raisons historiques font que le
problème est beaucoup plus simple pour les ingénieurs forestiers
et que, peut-être, la solution peut plaire à tous. Il n'y a, au
Québec, qu'une seule faculté qui forme des ingénieurs
forestiers et je pense qu'historiquement il y a toujours eu des liens
très étroits entre la faculté de génie forestier de
l'université Laval ce qui explique ces liens, c'est qu'elle est
unique comme école de formation et la corporation
professionnelle. C'est une particularité qui respecte dans ce projet de
loi les traditions, mais qui serait difficile à imposer dans d'autres
professions puisqu'on a plusieurs facultés qui ont une approche
différente de la formation des étudiants.
Pour les procureurs généraux, je reprends un peu ce qu'a
soulevé le député de Bourget; c'est également une
disposition que l'on retrouve, tout au moins, dans la Loi des ingénieurs
et également dans le code des professions. Nous pourrions la reprendre,
mais je pense qu'il faudrait la reprendre dans un contexte beaucoup plus
global. J'en discuterai avec le ministre des Affaires sociales et le ministre
de la Justice.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Cette motion de deuxième
lecture est-elle adoptée?
M. PAUL: M. le Président, nous regrettons, mais, comme il s'agit
d'une loi ayant un nombre pair, nous demandons le vote. Nous sommes cinq pour
demander le vote enregistré.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Qu'on appelle les
députés.
Vote de 2e lecture
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la deuxième lecture
du projet de loi no 262 veuillent bien se lever, s'il vous plait.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Hardy, Garneau,
Goldbloom, Harvey (Jonquière), Tetley, Drummond, Saint-Pierre,
Massé (Arthabaska), Mailloux, Houde (Fabre), Phaneuf, Perreault, Brown,
Blank, Bacon, Berthiaume, Bossé, Caron, Carpentier, Cornellier, Dionne,
Faucher, Giasson, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne,
Marchand, Shanks, Gratton, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Vincent, Cloutier
(Montmagny), Drolet, Guay, Béland, Laurin, Joron, Lessard.
LE SECRETAIRE: Pour: 42 Contre: 0
LE PRESIDENT: La motion est adoptée.
Projet de loi déféré à la
commission
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi
soit maintenant déféré à la commission
parlementaire spéciale sur les corporations professionnelles.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la
Chambre à demain, dix heures.
M. PAUL: Pouvez-vous nous donner le menu pour demain?
M. LEVESQUE: Demain, nous allons continuer avec les projets de loi au
nom du ministre de l'Industrie et du Commerce et, par la suite, nous prendrons
les projets de loi au nom du ministre des Affaires sociales.
Encore une fois, M. le Président, je propose l'ajournement de la
Chambre à demain, dix heures.
M. PAUL: Il n'est pas parlant, le gars.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
L'Assemblée ajourne ses travaux à demain, dix heures.
(Fin de la séance à 23 h 15)