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(Dix heures quarante-deux minutes)
M. LAVOIE (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Affaires courantes. Présentation de pétitions. Lecture et
réception de pétitions. Présentation de rapports de
commissions élues.
Commission de l'Education
M. PILOTE: M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que
la commission permanente de l'Education a siégé les 13 et 14
décembre pour étudier le projet de loi 28.
M. LE PRESIDENT: Rapport lu et reçu? M. BURNS: Non, M. le
Président. M. PAUL: Adopté.
M. BURNS: Nous nous opposons à sa réception.
M. LEVESQUE: Est-il lu?
M. BURNS: Il est lu seulement.
M. PAUL: Il est lu, mais sa réception est retenue.
M. LE PRESIDENT: Présentation de motions non annoncées.
Présentation de bills privés. Présentation de bills
publics. Déclarations ministérielles.
L'honorable ministre de la Justice.
Vente de terrain à la BP
M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais faire une courte
déclaration relativement à un incident dont on a fait état
dans la presse et qui a été relevé ici, à la
Chambre, à la suite je pense, d'une question posée par le
député de Sainte-Marie. Cela concernait la vente d'un certain
terrain de M. Henri Constant à une entreprise, désignée
sous le nom d'Entreprise CLM Inc., terrain qui a, par la suite,
été revendu à BP Pétroles Ltée.
Le 24 octobre dernier, nous recevions au ministère de la Justice
une lettre de la part de M. Nolan McDonald relativement à ces
transactions. A la suite de la réception de cette lettre, j'ai
chargé le sous-ministre associé de la Justice aux affaires
civiles, Me André Desjardins, d'examiner les allégations de M.
McDonald.
A la période réservée au dépôt de
documents, je déposerai devant la Chambre le rapport que j'ai
reçu hier de Me Desjardins, qui comprend également, en annexe,
une lettre adressée à M. Nolan P. McDonald, en date du 1er
décembre 1971, par Me Desjardins, un plan du lot no 172 dont il s'agit,
une lettre de Mme Henri Constant datant de 1961 et un rapport de la
Sûreté du Québec en date du 16 juin 1971. Alors, la
présente déclaration n'a pour but que d'expliquer le
dépôt de ces documents à la période
réservée au dépôt de documents.
M. CARDINAL: C'est une réponse au dépôt de documents
déclarations ministérielles.
M. CHOQUETTE: C'est un cocktail.
M. PAUL: M. le Président, je trouve étrange que l'on
veuille chevaucher deux articles de notre feuilleton; premièrement nous
sommes à la période des déclarations
ministérielles. Le ministre dit: Je voulais faire ces commentaires et en
même temps que je dépose des documents. Nous ne sommes pas encore
rendus au dépôt de documents.
Pour ce qui est des remarques du ministre de la Justice, je tiens tout
simplement à souligner qu'il n'y avait pas matière à
déclaration ministérielle. Je ne sache pas que ce soit une
politique gouvernementale que le ministre nous ait annoncée. Je voulais
tout simplement attirer votre attention pour la troisième ou la
quatrième fois sur un même incident qui se déroule depuis
la reprise des travaux sessionnels du 26 octobre dernier. Je ne vais pas au
fond de la question soulevée par le ministre de la Justice. Je ne fais
que constater la façon irrégulière avec laquelle le
ministre a fourni des renseignements à cette Chambre.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, un commentaire à la
déclaration ministérielle du ministre de la Justice, sous toute
réserve, puisque nous n'avons pas eu le temps d'étudier le
dossier qui nous a été soumis. A première vue, en autant
que le dossier nous permettra de voir qu'il n'y a pas eu de transaction
anormale pour le moment, nous n'avons pas tellement de commentaires à
faire. Nous réalisons qu'un terrain soi-disant privilégié
a été cédé à la compagnie BP, mais ce n'est
pas un précédent.
A certains endroits privilégiés, sur la route 20 ou dans
les parcs provinciaux, il y a des postes d'essence Supertest qui sont
installés avec les restaurants Châtelaine. On n'a pas fait, je
pense, de scandale avec cela. A la condition, évidemment,
qu'après lecture du dossier le tout soit fait normalement, nous n'aurons
pas, je crois, à faire de reproches à qui que ce soit, mais sous
toutes réserves d'étudier le dossier.
M. PINARD: Je vais clarifier la situation. L'autre jour, j'ai
répondu à une question du député de Sainte-Marie.
Je l'ai fait succinte-ment. J'aurais pu revendiquer, selon les
règle-
ments, une question de privilège pour rétablir la
situation de façon à sauvegarder mon honneur et ma
réputation ainsi que celle des officiers de mon ministère que
j'ai le devoir de défendre en Chambre, s'ils sont attaqués
injustement. Je ne l'ai pas fait parce que j'ai pensé que le
dépôt du document préparé par le ministère de
la Justice serait suffisant pour clarifier la situation, une fois pour
toutes.
M. LOUBIER: M. le Président, ce n'est pas une objection qui a
été soulevée par le leader parlementaire de l'Opposition
officielle. Il a tout simplement rappelé à la présidence
que la forme d'action du ministre de la Justice paraissait
irrégulière quant aux règlements de la Chambre. Mais, sur
le fait précis ou l'action précise du ministre quant au
dépôt du document, il n'y a aucune objection de notre part. Ce
n'est pas cela qui a fait l'objet de l'intervention du député de
Maskinongé.
M. LE PRESIDENT: J'aimerais bien rétablir la situation. Je prends
bonne note des remarques du député de Maskinongé. Mais
tout le monde sait et lui spécialement en tant qu'ancien
président de la Chambre qu'en vertu du règlement, il
semble n'y avoir aucun contrôle. Il semble que notre règlement est
tout à fait muet sur les déclarations ministérielles. Il
n'y a aucune condition d'imposée dans le règlement actuel sur les
déclarations ministérielles. Il s'agit de faire confiance et de
laisser la responsabilité de leur déclaration aux ministres qui
désirent en faire une. On sait qu'il y a toujours, en vertu de
l'économie de notre règlement, une certaine latitude en ce qui
concerne les déclarations ministérielles. La seule remarque que
je pourrais faire est à l'effet que s'il ne s'agit pas d'une
véritable déclaration ministérielle, nous tenterons
peut-être de donner une définition de la déclaration
ministérielle dans les nouveaux règlements.
Mais, s'il ne s'agit pas vraiment d'une politique générale
ou d'une déclaration ministérielle, les ministres pourront
toujours le faire lors de l'appel des affaires du jour, en vertu de l'article
114...
M. PAUL: C'est cela.
M. LE PRESIDENT: ...où un ministre ou un député
peut faire une déclaration d'intérêt public.
M. PAUL: C'est cela.
M. LE PRESIDENT: C'est la raison pour laquelle je n'ai pas voulu
intervenir. Que ce soit aux déclarations ministérielles ou en
vertu de l'article 114, je pense bien qu'il y a une liberté assez large
laissée à tout ministre ou tout député pour dire ce
qu'il entend dire en cette Chambre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais ils peuvent publier leur journal intime
plutôt que de nous le lire en Chambre.
M. CHOQUETTE: M. le Président, si vous me permettez d'ajouter
ceci, c'est que la déclaration que j'ai faite n'avait pour objet que
d'expliquer des documents à être produits à la
période de dépôt de documents. Or, je sais qu'à la
période de dépôt de documents, on ne peut pas faire de
commentaires ou expliquer les documents qu'on produira.
M. DEMERS: Non. On peut lire les documents.
M. CHOQUETTE: Il fallait donc, M. le Président, emprunter un
procédé pour expliquer la nature des documents à
être déposés devant la Chambre.
M. DEMERS: Vous pourriez placer une annonce dans les journaux.
M. PAUL: J'inviterais le ministre de la Justice à me consulter.
Je lui dirai comment faire.
M. CHOQUETTE: Ah! bon! Merci. Ce sera pour la prochaine fois.
M. PAUL: Ce n'est rien.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education.
Politique scientifique du Québec
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, le 24 mars dernier, le premier
ministre du Québec annonçait la création d'un
comité des politiques scientifiques du Québec, dont les membres
ministériels étaient les suivants: Le ministre de l'Education,
qui en assumait la présidence, le ministre des Affaires sociales, le
ministre de l'Industrie et du Commerce et le ministre d'Etat chargé de
l'Environnement.
Chargé par le conseil des ministres de définir les besoins
du Québec en matière de politique scientifique, ce comité,
après étude, annonçait récemment la création
d'un conseil de la politique scientifique du Québec. Ce conseil, dont
les membres seront nommés dans quelques jours, est composé de
trois personnes provenant du milieu universitaire, de trois personnes provenant
du milieu industriel, de trois représentants des utilisateurs de la
science dans la société et de trois fonctionnaires, douze
personnes au total dont le rôle sera de conseiller et d'orienter l'action
du gouvernement en matière de développement scientifique.
Enfin, un secrétariat permanent à la recherche,
dépendant du comité des ministres, est l'organisme
exécutif chargé de traduire, dans la réalité, les
objectifs définis par le conseil et le comité.
Aujourd'hui, je dépose deux copies, devant cette Chambre, d'un
document intitulé "Les principes de la politique scientifique du
Québec", document qui a récemment obtenu l'approbation du conseil
des ministres. Ce document traite non seulement de la recherche scientifique
mais aussi de la science au sens large, dans ses applications à des
objectifs de développement économique et de progrès
social.
Tous s'entendront à admettre que le développement
scientifique contrôlé est un des éléments vitaux de
l'épanouissement d'une société. Depuis toujours, faute
d'avoir mis en place les mécanismes d'intervention appropriés, le
Québec a été largement défavorisé dans
l'attribution des subventions fédérales ou privées
à la recherche. La dépense per capita annuelle pour fins de
recherche scientifique se situe, comme on le sait, pour le Canada, à
$2.40 alors qu'il est de $2.90 pour l'Ontario et de seulement $1.60 pour le
Québec. Il s'agit là du seul secteur des subventions du Conseil
national de la recherche.
Trop souvent, également, le contenu de ces activités
traduit beaucoup plus les préoccupations individuelles des chercheurs
que leur souci de la satisfaction des besoins de l'économie et de la
société en général.
Dans le document déposé aujourd'hui le gouvernement du
Québec définit donc les grandes lignes selon lesquelles il entend
agir pour favoriser l'épanouissement et le développement
scientifique au Québec. Pour agir il aura cependant besoin de
représentants du monde industriel, de l'université et du domaine
de la recherche, aussi bien que de l'avis de la population en
général.
Déjà, dans les orientations préliminaires que
fournit le document, Politique plus science égale développement,
les opinions des groupes consultés par le gouvernement de façon
préliminaire sont largement reflétées.
Je souhaite que les principes de la politique scientifique dont le
Québec veut se doter satisfassent les opérations de ceux qui ont
depuis longtemps compris l'importance cruciale du développement
scientifique et ont demandé au gouvernement d'agir, comme il entend
continuer de le faire dans les mois qui viennent.
Car c'est dans la mesure où il obtiendra la collaboration
étroite des chercheurs, des organismes ou universités, des
entreprises, de la population, que le gouvernement québécois
pourra véritablement remplir son rôle de catalyseur dans le
domaine de la science fondamentale qu'il a appliquée et que les sommes
investies dans ce secteur pourront s'articuler autour d'une stratégie
québécoise de développement économique et de
progrès social.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.
M. CARDINAL: M. le Président, comme mon collègue de
Maskinongé, je suis heureux ce matin qu'on mêle les
dépôts de documents et les déclarations
ministérielles, ce qui nous permet, à la suite ou avant le
dépôt de documents, de faire des commentaires. Je pense que je ne
suis pas hors d'ordre en répondant au ministre de l'Education et en
faisant de brefs commentaires.
Le ministre, dans sa déclaration, dit textuellement ceci: "Tous
s'entendront à admettre que le développement scientifique
contrôlé est un des éléments vitaux de
l'épanouissement social d'une société."
J'aimerais plutôt dire que tous s'entendent pour admettre que le
développement scientifique planifié, mais non
contrôlé, est un des éléments vitaux de
l'épanouissement social d'une société. Il est exact que
depuis trop longtemps le fédéral, par son Conseil national de la
recherche, a défavorisé le Québec et que, par ses
subventions à la recherche dans les universités il a
empêché, sinon détruit, toute planification.
Je rappellerai que sous l'ancien gouvernement un Conseil national de la
recherche, au sens de conseil québécois, avait été
créé, qu'un centre avait été prévu à
Sainte-Foy et qu'un travail avait été commencé avec le
conseil des universités.
Je me permettrais même de rappeler que j'avais couché par
écrit, au nom du parti et du gouvernement d'alors, les principes d'une
planification dans le domaine de la recherche scientifique. Je ne chicanerai
donc pas le ministre de faire sa déclaration. Bien au contraire.
Il ne fait que poursuivre ce qui avait été entrepris et
l'on ne peut que se réjouir que le Québec, dans le domaine de la
recherche scientifique, se rende compte de son retard qui n'est pas nouveau. On
l'a mentionné récemment pour l'université Laval, dans le
domaine de la recherche scientifique médicale. Par conséquent, je
pense que le ministre de l'Education, le ministre des Affaires sociales, le
ministre de l'Industrie et du Commerce, le ministre chargé de
l'environnement ont une tâche importante à accomplir. Ils pourront
le faire à partir des recherches déjà faites au
ministère de l'Education et des prises de position déjà
très définies, au cours de l'année 1969.
M. le Président, il ne s'agit pas de faire une question partisane
avec cela, mais tout simplement de mentionner que ce n'est purement qu'une
continuité d'une politique déjà commencée. Mon
souhait, en terminant, c'est que l'importance cruciale du développement
scientifique poussera le gouvernement à agir plus rapidement, tout
particulièrement vis-à-vis du gouvernement central, pour que nous
ayons, au Québec, vraiment une politique nationale de la recherche
scientifique.
M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac.
M. LATULIPPE: M. le Président, pour faire écho aux propos
tenus par le député de Bagot, de ce côté-ci de la
Chambre, nous sommes également favorables à une politique
québécoise de la recherche. C'est, évidemment, une
entreprise très louable et à la hauteur des ambitions de l'homme
lui-même.
Cependant, il ne faudrait pas que la recherche s'en tienne
essentiellement à l'aspect technique et matérialiste des
ambitions humaines. Il faut aussi se pencher un peu sur ce qui est
nécessaire à l'homme pour se réaliser pleinement. Dans ce
domaine, nous osons croire que la future politique de la recherche du
gouvernement du Québec prendra une avance incontestée.
Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je me souviens que nous avions
accueilli favorablement, en mars dernier, l'annonce de la création de ce
conseil et, hier soir, pendant les heures de lecture que nous permettaient les
travaux silencieux de la commission parlementaire, nous avons pu prendre
connaissance du document que le ministre nous avait remis.
C'est un premier rapport de ce comité-là. Mais, comme
vient de le signaler le député de Bagot, on semble en être
constamment au premier rapport. Il disait lui-même que son gouvernement
avait fait des efforts en ce sens-là. Il semble que le gouvernement
libéral les a repris à zéro et qu'on en est encore au
premier déblaiement.
Pourtant, le retard que nous accusons dans ce domaine n'a fait
qu'augmenter; la priorité, pour les sociétés modernes, de
consacrer une grande importance à la recherche scientifique n'a fait
qu'augmenter également; l'ingérence ou la domination du
fédéral dans ce domaine, la négligence du National
Research Council à l'égard du Québec n'a fait que
s'accroître aussi depuis ce temps-là. Pendant qu'au Québec
on est toujours aux premiers balbutiements en matière de politique
scientifique, une véritable politique se fait toujours attendre. C'est
urgent.
Je ne voudrais pas que la population croit que, parce que ce matin on
dépose un premier rapport issu, au bout de dix mois de travail, d'un
comité interministériel, le Québec a désormais une
politique scientifique. Loin de là. La lecture du rapport nous confirme
même qu'on ne sait pas par quel bout compenser le retard que nous
accusons. Il n'est même pas esquissé une politique de coordination
de ce qui se fait actuellement à l'intérieur des recherches, soit
des universités soit dans les laboratoires de l'Hydro-Québec,
etc. Je ne crois pas que le Québec ait, à compter de ce matin,
une politique de recherche scientifique, d'autant plus que la
déclaration ministérielle n'est accompagnée, dans le
budget supplémentaire pré- senté par le ministre des
Finances, d'aucun écho en ce sens-là.
Je commencerai à croire qu'il existe au Québec une
politique de recherche scientifique quand on nous présentera un budget.
Le ministre de l'Education est le premier au courant des plaintes qui nous
viennent des universités du Québec. Ce qui manque pour effectuer
de la recherche actuellement, ce n'est pas les talents, ce n'est pas les
énergies, c'est le budget nécessaire. La déclaration de ce
matin, en créant un nouveau conseil, ne dote, en aucune circonstance, ce
conseil-là de moyens techniques, donc financiers, pour réaliser
le mandat que tout le monde espère lui voir accomplir.
M. LACROIX: Dans ce temps-là, il n'y avait pas de PQ.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Dépôt de
documents.
M. CHOQUETTE: M. le Président, vous me permettrez de
déposer les fameux documents qui ont fait l'objet de discussions entre
le député de Maskinongé et moi-même.
M. le Président, je dépose le rapport de Me André
Desjardins, en date du 14 décembre 1971, et d'autres documents qui y
sont annexés.
M. LEVESQUE: M. le Président, si on me permet de faire une
correction au feuilleton à ce moment-ci, il y a un avis pour que la
commission parlementaire de l'administration de la Justice, chargée de
l'étude du bill 281, se réunisse le jeudi 16 décembre
à onze heures de la matinée au salon rouge. Je voudrais faire une
correction; au lieu du salon rouge, c'est à la salle 81-A.
M. LE PRESIDENT: Question des députés.
Questions et réponses
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.
Multi-Media
M. LOUBIER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de
l'Education et intéressera sûrement à un très haut
point le premier ministre également. Pour la préfacer très
rapidement, depuis quelques temps et surtout d'une façon encore plus
percutante depuis quelques mois, il y a dans le Québec des critiques
assez acerbes venant de tous les milieux et l'expression de très grandes
déceptions concernant le rôle que joue actuellement
Multi-Media.
Le ministre de l'Education ou le premier ministre pourrait-il nous dire
si c'est l'intention du gouvernement de se pencher sur les orientations que
l'on a données à Multi-Media, orienta-
tions qui ne correspondent aucunement aux buts visés en tout
premier lieu, et le gouvernement, dans un avenir très rapproché,
pourra-t-il donner à la population les correctifs qu'ils entendent
apporter pour replacer cette organisation dans le contexte véritable
dans lequel il devrait être au Québec?
M. SAINT-PIERRE: Depuis que le programme Multi-Media a été
annoncé, il y a une très faible partie de la population qui
s'évertue, par tous les moyens, à empêcher le
développement de ce programme. Qu'il me suffise de mentionner que je
n'avais même pas, comme ministre, reçu ce rapport que
déjà, dans les journaux, on m'accusait de vouloir le mettre sur
les tablettes et de vouloir le cacher. Effectivement, le rapport avait à
peine une semaine qu'il défrayait la manchette de certains journaux,
notamment le journal Le Devoir qui voyait, de la part du ministre, un effort
délibéré pour cacher Multi-Media.
A plusieurs reprises depuis un an, nous avons eu l'occasion et je
le ferai de nouveau de nous pencher sur les orientations de Multi-Media
et je dénote qu'on ne s'attaque pas tellement au pouvoir politique, mais
beaucoup au pouvoir des fonctionnaires. Si l'intention de ceux qui se portent
à l'attaque de ce projet est effectivement de retourner avant la
période de 1960 et que le gouvernemnt aura comme seul rôle de
dispenser de l'argent à des comités de citoyens qui pourront en
faire ce qu'ils veulent, je dis non.
Multi-Media, comme programme de formation des adultes, ne peut
être un immense "happening" où on se réunit dans un
quartier pour dépenser l'argent des contribuables. Multi-Media doit
s'inscrire à l'intérieur d'une politique d'éducation, il
doit faire partie d'une politique d'éducation sinon il risque
véritablement d'être dans un état de marginalité que
certains groupes voudraient utiliser pour des fins qui deviennent très
évidentes à percevoir. Nous allons nous pencher de nouveau mais
je demeure profondément satisfait que Multi-Media, dans ses orientations
actuelles, corresponde aux désirs véritables de la très
grande majorité de la population, qu'il laisse la porte ouverte à
des formes de participation qu'on ne retrouve dans à peu près
aucun pays d'Occident. Je redis de nouveau que Multi-Media ne sera pas le
retour à la période d'avant 1960 où les communautés
religieuses seraient maintenant substituées à des comités
de citoyens qui recevraient de l'argent sans poser de question. Là, on
aurait véritablement un marasme dans le domaine de l'éducation
des adultes.
M. CARDINAL: Question additionnelle au ministre de l'Education, M. le
Président. La réponse du ministre est claire mais est-ce que, par
sa réponse, le ministre veut laisser entendre d'une façon
précise qu'il n'admet pas une participation
généralisée de la population à l'opération
Multi-Media?
M. SAINT-PIERRE: Non, M. le Président. Je vais le
répéter: Ce que nous n'admettons pas, c'est cette conception que
certaines personnes ont que l'éducation des adultes, pour permettre un
épanouissement collectif, doit être laissée à de
prétendus groupes populaires qui sont censés représenter
la population et qui, eux, vont décider des contenus, des programmes et
de la façon dont l'argent sera dépensé. On n'y croit pas,
parce que, là, c'est tourner l'éducation des adultes en une
véritable farce, en un véritable "happening". Ce n'est pas le but
de l'éducation des adultes. J'ai eu l'occasion de discuter avec des
collègues d'autres pays. Je prends, en particulier, l'expérience
de la France et je maintiens qu'à l'intérieur de Multi-Media nous
avons des formes réelles de participation de la population, beaucoup
plus poussées qu'on peut les retrouver dans à peu près
tous les pays.
Ce que je maintiendrai également, c'est qu'il est faux que des
groupes soi-disant populaires, qui ont à peine rallié vingt
personnes à une réunion convoquée sur un problème
de masse, vont prendre la responsabilité de l'éducation des
adultes.
M. CARDINAL: Question additionnelle. Est-ce que le ministre, à la
suite des quasi-accusations qu'il vient de porter, a l'intention de faire une
déclaration ministérielle sur Multi-Media pour vraiment nous
mettre au courant de la politique de son ministère et du gouvernement
dans l'application des politiques...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): De l'implantation...
M. CARDINAL: ...de l'implantation et de l'opération de
Multi-Media?
M. SAINT-PIERRE: Nous avons transmis, il y a déjà trois
semaines, au député de Bagot et à tous les membres de la
commission de l'Education, un document de près de 150 pages qui montre
dans les moindres détails la véritable implantation de
Multi-Media. Il y a déjà sept ou huit mois, lors d'une
conférence de presse, j'ai déposé un document de plus de
vingt pages, qui répondait à toutes les critiques
formulées à l'époque. Les critiques n'ont pas
changé. C'est cette même obstruction que nous rencontrons, cette
même position qu'il faut laisser les gens décider des programmes,
des contenus, de l'agencement et de la façon dont l'argent sera
dépensé. A cela, nous disons non. Non pas parce que nous nous
opposons à la participation, non pas parce que nous voulons
déplaire aux comités de citoyens, mais parce que nous ne croyons
pas que l'éducation des adultes doit être placée dans une
telle zone de marginalité et que nous ne croyons pas à cette
forme de participation à laquelle on veut bien nous inviter.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
Mines de Cadillac et Preissac
M.SAMSON: M. le Président, je voudrais poser une question au
ministre des Richesses naturelles. Je voudrais lui demander s'il est en mesure,
ce matin, de nous faire le point sur les intentions de son ministère
quant au projet envisagé pour venir en aide à la région
immédiate de Cadillac. Par la même occasion, le ministre pourrait
peut-être en profiter pour nous dire à quelle date il entend
déposer les documents demandés au feuilleton, relativement au
rapport des études de rentabilité concernant la mine Preissac
Molybdenite.
M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, je n'ai pas, ce matin,
à faire d'annonce concernant le développement de la région
du Nord-Ouest. D'autre part, concernant les réponses au feuilleton, cela
sera fait après la période des questions.
M. LOUBIER: M. le Président, est-ce que le ministre des Richesses
naturelles pourrait nous dire, dans le même ordre d'idée, si le
comité interministériel, qui avait été formé
pour étudier toutes les implications des problèmes
soulevés par la fermeture de ces mines, a siégé depuis
quelques semaines? Est-ce qu'on en est venu à d'autres conclusions?
Est-ce que le ministre se propose de convoquer à nouveau les
représentants de cette région pour aboutir à une solution,
à moyen ou à long terme?
M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, pour rectifier, disons
que ce n'est pas un comité interministériel d'étude de
l'ensemble des problèmes. Le comité qui avait été
créé était un comité d'urgence pour tenter de
trouver des emplois, à court terme, aux mineurs qui ont
été mis à pied. Effectivement, ce comité s'est
réuni il y a environ une semaine et demie ou deux semaines. Il a
tenté de voir si l'on pouvait continuer certains programmes qui avaient
été amorcés dans le Nord-Ouest québécois et
qui ont permis de trouver des emplois, à court terme, pour
au-delà de 325 mineurs.
Certaines recommandations ont été faites par le
comité et certains travaux doivent effectivement, selon les
disponibilités financières de différents
ministères, être poursuivis pendant quelques autres mois.
M. SAMSON: Question supplémentaire, M. le Président. Le
ministre nous a fait part la semaine dernière, je crois, du fait que le
projet envisagé avec L'ARDA, soit environ $25 millions d'exploration,
avait été mis de côté pour faire place à un
autre genre de projet ou un autre genre d'étude. Il devait nous faire
part, dans un avenir... Le ministre nous fait signe que non. Est-ce que cela
veut dire qu'il a tout laissé tomber?
M. MASSE (Arthabaska): Non, j'ai dit que le programme qui avait
été soumis par mes fonctionnaires concernant le
développement minier, non seulement dans l'exploration mais d'autres
programmes également, est en train d'être
réévalué parce que, personnellement, j'ai cru que certains
programmes qui exigeaient énormément de dépenses
apportaient des retombées minimes dans le Nord-Ouest
québécois, autant en termes d'emplois qu'en termes de
développement économique. En ce qui concerne la suite de la
réponse que je donnais à ce moment-là, pour l'instant je
n'ai pas de nouveau.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
Prestations aux assistés sociaux
M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales.
Est-ce que le ministre entend donner suite à certaines demandes qui lui
ont été faites de procéder deux fois par mois au paiement
des prestations pour les assistés sociaux et, deuxièmement,
d'augmenter de plus de 2 p.c. à partir du 1er janvier, le montant des
prestations, étant donné que le coût de la vie a
augmenté de plus de 2 p.c. au cours de l'année qui s'est
écoulée?
M. CASTONGUAY: Relativement à la première question, M. le
Président, pour faire les versements plus d'une fois par mois il nous
faut modifier le système administratif. C'est en cours, et je suis
assuré qu'au cours de l'année 1972, lorsque nous serons
dotés du nouvel ordinateur qui doit être installé au cours
du mois de janvier au ministère et que nous aurons le nouveau formulaire
rempli par les agents de sécurité sociale dans nos bureaux, il
nous sera alors possible d'apporter ce type de changement. Cela est dans nos
plans. Mais au plan administratif, il n'est pas possible de le faire
présentement.
Quant à la question de l'indexation en très courte
période, il apparaît évident qu'un taux maximum de 2 p.c,
qui est le même que celui que nous retrouvons dans le régime de
rentes du Québec, peut paraître trop bas.
Lorsque, dans le régime de rentes du Québec de même
que dans les règlements de la Loi de l'aide sociale, ce taux a
été inscrit, il l'a été à une époque
où les taux d'intérêt, de façon traditionnelle,
étaient plus bas qu'ils ne l'ont été au cours des deux ou
trois dernières années. Il semble bien que ce type de maximum
devra être révisé. Nous avons d'ailleurs proposé, au
plan des allocations familiales, de hausser le maximum de l'indexation à
3 p.c.
Encore sur ce plan, présentement, nous étudions les
règlements de la Loi de l'aide sociale. J'aurai l'occasion d'en discuter
plus longuement au moment du budget supplémentaire. Il nous serait
impossible aujourd'hui, même si nous le voulions, de modifier le taux
pour des raisons d'ordre administratif, de telle
sorte qu'il soit plus élevé que 2 p.c. au terme de
l'année, c'est-à-dire pour les premiers paiements qui seront
faits en 1972.
M. CLOUTIER (Montmagny): Une question supplémentaire, M. le
Président. Le fait que le service de bien-être de la ville de
Montréal ne soit pas intégré entraînera-t-il des
complications particulières dans le changement administratif que le
ministre est en train d'étudier, à savoir le versement des
chèques deux fois par mois au lieu d'une fois par mois?
M. CASTONGUAY: La non-intégration, au plan administratif, du
service de bien-être de la ville de Montréal apporte des
difficultés. Je pense bien que l'ancien ministre est en mesure de
confirmer cette affirmation.
L'intégration, au plan administratif, des fonctionnaires de la
ville de Montréal, l'intégration au plan des statuts, etc.
apporterait également des difficultés.
Nous avons donc, présentement, des rencontres périodiques
entre l'administration de l'aide sociale du ministère et les
responsables du service de bien-être de la ville de Montréal de
telle sorte que ces difficultés soient réduites dans la plus
large mesure possible. Mais il est exact que cette non-intégration
apporte des difficultés.
M. CLOUTIER (Montmagny): Mais pas au point d'empêcher
l'uniformisation de la remise des chèques bi-mensuels au lieu de
mensuels?
M. CASTONGUAY: Non, M. le Président. Je ne le crois pas.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Maskinongé.
Chèques des subventions
M. PAUL: M. le Président, je voudrais poser une question au
ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Le ministre peut-il
nous dire depuis quand il a lancé une nouvelle politique administrative,
à son ministère, qui consiste dans l'envoi des chèques de
subventions aux patroneux ou aux associations libérales des
comtés, comme cela s'est produit le 15 novembre dernier au sujet d'un
chèque de $30,000 en faveur de la Société zoologique de
Granby, chèque qui fut adressé à M. André
Laguë, président de l'Association libérale du comté
de Shefford?
MME KIRKLAND-CASGRAIN : M. le Président, je ne me souviens pas du
fait exact auquel le député se réfère mais je puis
dire ceci: Il arrive parfois que des membres d'organismes, d'associations de
comté je ne parle pas nécessairement d'associations
politiques parce qu'ils sont membres d'une association
d'intérêt public dans leur région, demandent au
ministère des subventions. J'ai à la mémoire d'autres cas,
dans d'autres régions. Après que la demande de subvention a
été étudiée au ministère que je dirige, si
les recommandations des fonctionnaires sont favorables et après
étude de ma part, il arrive que les subventions soient envoyées
au demandeur qui est généralement membre d'un organisme
d'intérêt public de la région.
M. LOUBIER: M. le Président, une question additionnelle.
M. LESSARD: M. le Président, une question
supplémentaire.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.
M. LOUBIER: Je comprends les explications, laborieuses du ministre mais,
en l'occurrence, il s'agit...
M. LE PRESIDENT: La question, s'il vous plaît. Je pense qu'on n'a
pas besoin d'un préambule.
M. LOUBIER: Le ministre pourrait-il nous dire si, en l'occurrence, il
s'agit d'une nouvelle subvention ou tout simplement de la dernière
tranche, d'une subvention quinquennale de $30,000?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Celui qui pose la question doit être
passablement au courant.
M. LOUBIER: Non. Le président ne veut pas.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: S'il parle d'une subvention quinquennale, comme
cela fait seulement deux ans que la présente administration est au
pouvoir, ce serait une subvention qui donnerait suite à d'autres qui ont
été données dans les années antérieures.
Si on parle d'une subvention pour Granby, je crois qu'il est fort
possible que ce soit la dernière tranche d'une subvention.
M. LOUBIER: Est-ce que le ministre croit que les explications qu'il
donnait tout à l'heure collent au présent cas ou si ça ne
répond pas du tout à la question du député de
Maskinongé?
M. VEILLEUX: Oui.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Lorsque j'ai répondu à la question,
dans le cas spécifique, je ne me souvenais pas à qui le
chèque avait été envoyé. Je regrette, M. le
Président, je vois qu'il y a des gens de l'autre côté de la
Chambre qui rient, mais c'est exact ce que je dis. Je ne me lève pas ici
pour raconter des histoires. Mais j'ai en mémoire, par exemple...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement, M. le
Président. Je n'ai pas ri pour déplaire au ministre, mais
simplement pour marquer la belle candeur qui la caractérise.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Celui qui fait un commentaire est peut-être
le champion de la candeur, quand on l'écoute souvent en cette
Chambre.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.
M. LESSARD: Question additionnelle. Est-ce que le ministre pourrait nous
dire s'il s'agit d'une politique généralisée, puisque le
même cas est arrivé dans mon comté? J'ai d'ailleurs
écrit au ministre à ce sujet, et je n'ai pas encore reçu
de réponse. Et c'est M. Lionel Jacob qui a reçu le chèque
et qui l'a distribué à...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, je peux répondre
à la question, parce qu'en l'occurrence la demande qui m'a
été faite par le CRD de cette région m'est parvenue bien
avant que la demande du député ne soit faite et c'était
une association qui s'intéressait au tourisme.
Et lorsque j'ai répondu à la question du
député de l'UKEY, c'était justement en pensant à ce
cas. J'ai dit: il arrive que des membres d'association font des demandes et
à la lumière de l'étude que nous faisons et du budget que
nous avons, il est possible de répondre d'une façon affirmative
à la demande.
Je regrette, mais s'il arrive que la personne en question, qui
administre une région qui s'intéresse au tourisme, soit par
ailleurs militante dans un parti politique quelconque...
M. LESSARD: La seule autorité et le seul poste qu'occupe Lionel
Jacob...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Saguenay, s'il vous plaît.
M. LOUBIER: M. le Président, j'invoque le règlement. Je
rappellerai à l'honorable ministre que ce n'est pas un
député de 1"'UKEY" qui a posé la question, c'est bien
français, c'est un député de 1"'UQ".
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Sauveur.
Ventes pyramidales
M. BOIS: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse à
M. le ministre des Institutions financières. Est-ce qu'il peut nous
confirmer que des compagnies de ventes pyramidales continuent à
exploiter les citoyens du Québec?
M. TETLEY: Je crois que ce n'est pas vrai. J'ai un autre jugement, une
injonction de la cour Supérieure devant moi, du district de
Rouyn-Noranda, dans la cause du procureur général de la province
de Québec contre Promotion et Succès Ltée. Le jugement est
daté du 9 décembre, et le juge a rendu jugement en faveur du
procureur général de la province de Québec. Il a
décidé qu'il y avait droit à injonction.
Le jugement est aussi très intéressant, parce que c'est
une étude détaillée du bill 45 et de plusieurs articles,
surtout au sujet des ventes pyramidales. Et je crois que le jugement va nous
aider dans nos travaux au sujet de toutes les ventes pyramidales au
Québec.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.
Télévision éducative
M. LEGER: Ma question s'adresse au ministre des Communications. Est-ce
que le ministre pourrait nous donner la position de son ministère
concernant les ententes prochaines sur la télévision
éducative avec le gouvernement fédéral basée sur
les trois conditions que le ministre Pelletier demandait et qui sont les
suivantes:
Que l'autorité du CRTC sur les ondes ne soit pas mise en cause,
premièrement.
Sur ce point, est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il accepte
cette demande ou s'il veut accepter seulement l'attribution des ondes ou
l'implantation de réseaux qui seraient sous la juridiction du CRTC?
M. L'ALLIER: M. le Président, j'ai pris connaissance, comme les
membres de cette Assemblée, des conditions posées, semble-t-il,
par le gouvernement fédéral en matière de radio et de
télévision éducatives. Vous vous souviendrez que, si les
informations que j'ai parce que j'ai les mêmes que les membres de
cette Assemblée sont exactes, il y aurait aussi un certain nombre
d'autres conditions que l'on n'a pas spécifiées. J'ai
communiqué hier avec le Secrétaire d'Etat pour lui demander de
m'envoyer par écrit le détail de la position de
négociation du gouvernement fédéral en cette
matière. J'attendrai sa réponse et, après avoir
étudié d'une façon détaillée les conditions
qui sont posées et les quelques autres qui, semble-t-il, le seraient, je
pourrai vous répondre.
Pour ma part, je peux vous dire que je n'ai pas encore officiellement
reçu d'informations du gouvernement fédéral quant à
la nature de ces conditions et que je ne peux donc pas vous donner d'opinions
à partir de l'information qui m'est parvenue par la voie des journaux et
des media.
M. LEGER: M. le Président, une question supplémentaire.
Concernant un organisme autonome qui serait l'agent de diffusion pour ces
projets, est-ce que le ministre accepterait que l'organisme autonome
soit celui constitué par les bills 36, 37, soit Radio-Québec, et
est-ce que ce n'est pas Radio-Canada, dans l'esprit du ministre
fédéral?
M. L'ALLIER: M. le Président, j'ai déjà
déclaré, au moment de l'étude du projet de loi no 36 en
commission parlementaire et en deuxième lecture, que, quant à
nous, l'organisme qui devrait avoir des droits et des pouvoirs de diffusion ne
pourrait être autre que Radio-Québec et que, si
Radio-Québec n'avait pas, après étude en commission
parlementaire, suffisamment d'autonomie, notamment au niveau de son conseil
d'administration, nous allions apporter des modifications pour que cette
autonomie existe au niveau du conseil d'administration, principalement en ce
qui a trait au nombre de fonctionnaires qui pourront former le conseil et qui
devraient être minoritaires pour que Radio-Québec ait l'autonomie
suffisante et puisse être le seul organisme habilité à
avoir la responsabilité de la diffusion.
M. LOUBIER: Une question additionnelle, M. le Président. Est-ce
que l'attitude assez ferme du gouvernement central va inciter le ministre
à transformer radicalement les modalités et la teneur même
des bills 35, 36 et 37?
M. BOURASSA: M. le Président, le ministre vient de
répondre justement à cette question-là pour le bill
36.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Maurice.
Taux d'intérêt du crédit
agricole
M. DEMERS: Ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture. Ayant eu
la certitude que la Loi du syndicalisme agricole ne serait pas appliquée
avant le congé de Noël, je me permets de demander au ministre de
l'Agriculture si, devant la montée du taux d'intérêt, il a
prévu que le taux d'intérêt exigé par l'Office du
crédit agricole devrait être majoré.
M. TOUPIN: M. le Président, je ne comprends pas trop trop
pourquoi on mêle le syndicalisme avec les taux d'intérêt;
c'est assez confus. Je voudrais bien que le député de
Saint-Maurice précise sa question.
M. DEMERS: Si je comprends bien, vous avez entendu. Pour comprendre,
c'est une grâce actuelle; je vous expliquerai ça plus tard.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Ouest.
Recherche scientifique
M. AUDET: Ma question s'adresse au ministre de l'Education; elle
concerne l'étude et la recherche scientifiques. Entre autres
orientations de cette politique scientifique, est-ce, par la formation
dé ce nouveau comité, qui apparemment touchera plusieurs
domaines, la recherche scientifique ira aussi loin que de faire des
études spéciales en ce qui concerne le système
monétaire et ses lacunes?
M. SAINT-PIERRE: On n'y avait pas songé, mais on note la
suggestion du député.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
Compagnie Falconbridge
M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre
des Richesses naturelles. Est-ce que le ministre des Richesses naturelles
pourrait nous dire s'il est vrai que la compagnie Falconbridge aurait suspendu
ses travaux de construction d'une industrie de raffinage dans la région
de Bécancour?
M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, je ne suis pas au
courant.
M. LESSARD: Vous n'êtes pas au courant! Etant donné que
ça fait déjà un an qu'on nous a annoncé cette
construction, est-ce que le ministre a l'intention de forcer cette entreprise
à entreprendre cette construction ou de mettre fin à
l'entente?
M. LEVESQUE: M. le Président, qu'on réfléchisse
avant de lancer des rumeurs comme celles-là. Il s'agit d'une industrie
qui s'établit dans le parc de Bécancour. A la suite des rumeurs
qui ont circulé, nous avons communiqué avec les autorités
de la compagnie, et je crois que je puis dire que ces rumeurs ne sont pas
fondées.
M. BOURASSA: M. le Président, j'ai rencontré
également les autorités de la compagnie il y a quelques semaines,
et je ne puis que confirmer ce que vient de dire le ministre.
M. LESSARD: M. le Président, étant donné que cela
fait déjà fort longtemps qu'on nous a annoncé
l'implantation de cette industrie, est-ce que le gouvernement ou le ministre
des Richesses naturelles a l'intention de forcer cette compagnie à
entreprendre le plus tôt possible la construction de cette usine...
M. LEVESQUE: M. le Président, je crois que nous avons
répondu à la question.
M. LESSARD: ...ou bien...
UNE VOIX: On vient de répondre.
M. LESSARD: ...si le ministre a l'intention de mettre fin à
l'entente exemptant cette entreprise du paiement des droits additionnels
quand le minerai est exporté à l'extérieur, comme
cela devrait normalement se faire dans la région de l'Ungava?
M. LEVESQUE: M. le Président, il faudrait d'abord qu'il soit
question pour la compagnie de ne pas poursuivre ses projets d'implantation. A
ce moment-là, la question pourrait être opportune. Mais tant et
aussi longtemps que la compagnie n'a pas manifesté ce désir ou
cette intention de mettre fin à ce projet d'implantation, à sa
construction, etc., il n'est pas question d'utiliser une question
hypothétique comme celle du député pour en arriver
à d'autres conclusions.
M. LESSARD: Question supplémentaire, M. le Président.
Est-ce que le ministre a l'intention de retarder la subvention de $2 millions
pour la construction d'une route minière dans la région de
l'Ungava jusqu'au moment où la compagnie aura entrepris sa construction
à Bécancour?
M. LEVESQUE: M. le Président, je ne suis pas allé sur les
lieux à Bécancour, mais les renseignements que j'ai, c'est que la
compagnie procède normalement. Si c'est le cas et si mes renseignements
sont fondés, je crois que toute autre question du député
n'a pas sa raison d'être.
Cependant, pour rassurer le député je suis prêt
à m'enquérir de nouveau auprès de la compagnie
Falconbridge et à faire rapport à la Chambre si des changements
avaient échappé à notre attention.
M. JORON: M. le Président, question supplémentaire. Dans
cette optique, est-ce que le ministre pourrait, en plus des conversations qu'il
entretient avec les dirigeants de la compagnie sur les intentions de poursuivre
ou de ne pas poursuivre les travaux, nous faire état de l'avancement des
travaux, aussi bien dans le cas de Falconbridge, que dans celui de Glaverbel et
de Control Data? Est-ce qu'il y a eu seulement une pelletée de terre qui
a été levée dans ces trois annonces ronflantes que le
gouvernement a faites depuis un an?
M. LEVESQUE: Avant de parler d'annonce ronflante, peut-être qu'au
lieu de ronfler on pourrait aller à Bécancour. On verra là
la construction. Il n'y a pas seulement eu des pelletées de terre,
Glaverbel a déjà $5 millions d'investis dans une
construction.
Au lieu de parler de pelletées de terre et de ronfler, qu'on se
réveille donc!
M. JORON: C'est ce que je vous demande, d'en faire rapport.
M. PAUL: M. le Président, est-ce que le ministre de l'Industrie
et du Commerce est au courant que Glaverbel a cessé toute production
à Bécancour?
M. LEVESQUE: M. le Président, nous avons répondu à
cette question. J'ai simplement dit au député de Gouin, qui
parlait de pelletées de terre, qu'il y avait déjà $5
millions d'investis. La compagnie est en train d'étudier le
marché et les nouveaux procédés avant de continuer la
construction. Il s'agit d'un cas particulier qui n'a rien à faire avec
la question du député de Saguenay concernant Falconbridge.
M. CHARRON: Combien avez-vous donné à cette compagnie?
M. LEVESQUE: Il ne faut pas perdre la tête dans ces discussions;
il faut regarder les choses d'une façon très objective.
M. CHARRON: Quelle subvention a-t-elle eue, cette compagnie?
M. LEVESQUE: Lorsqu'on a parlé de Falconbridge tout à
l'heure j'ai mentionné et le premier ministre l'a
également confirmé que nos renseignements sont à
l'effet que les choses procèdent normalement.
M. CHARRON: Ils ont gaspillé la subvention et ils ont
arrêté les travaux.
M. LEVESQUE: J'ai même dit, par souci d'objectivité, que
j'irais jusqu'à me renseigner de nouveau, à savoir s'il y avait
des changements de dernière heure qui m'auraient échappé.
On ne peut pas être plus objectif et manifester un plus grand esprit de
collaboration. Quant à la question sur Glaverbel, on y a
déjà répondu en cette Chambre à l'effet qu'à
cause de nouveaux procédés dans le domaine du verre certains
changements de parcours s'avéraient nécessaires. La compagnie
Glaverbel, bien qu'elle ait déjà investi plus de $5 millions sur
les lieux, croit bon d'arrêter momentanément ses travaux et de
revoir la situation sur le marché international avant de les poursuivre.
Ce sont les renseignements que nous avons. Nous n'avons rien à cacher.
Voilà la situation.
M. JORON: Et Control Data?
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Iberville.
Conflit de la Presse
M. CROISETIERE: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre du Travail. Etant donné le rejet de la proposition par les
journalistes dans le conflit de la Presse, le ministre aurait-il des
commentaires à faire en cette Chambre, ce matin?
M. COURNOYER: M. le Président, je n'ai aucun commentaire, mais,
tel que promis hier au chef de l'Opposition, je déposerai les
recommandations que j'avais faites. C'est ce que je
fais immédiatement, et on commentera plus tard, à la
demande des députés.
M. LOUBIER: Serait-il acceptable ou permis de déposer
également les réponses par écrit qui auraient
été données par les syndicats et par le patronat, les
contre-propositions qui auraient été faites?
M. COURNOYER: Je n'ai qu'une réponse, c'est celle de samedi
après-midi, faite par les journalistes, celle qui me disait qu'ils
n'étaient pas prêts à répondre. Les autres
réponses ne m'ont pas été communiquées
personnellement, on ne m'a pas expliqué non plus les raisons du refus.
Je ne peux donc pas déposer ce que je n'ai pas. Mais, si je recevais de
telles réponses, soyez assuré que je compléterais le
dossier en les déposant.
M. BURNS: Question additionnelle, M. le Président. Le ministre
peut-il nous dire si, malgré le refus des syndicats, les officiers de
son ministère continuent à travailler en vue de ramener les
parties à la table de négociations ou à poursuivre les
négociations?
M. COURNOYER: Les officiers de mon ministère sont à se
reposer et à réfléchir. Ils n'ont rien fait de bien depuis
le début!
M. BURNS: Le ministre a-t-il l'intention de tenter de faire reprendre
les négociations?
M. COURNOYER: Il va examiner la situation; lui aussi a le droit de se
reposer.
M. BURNS: Parlez donc un peu plus fort.
M. COURNOYER: J'ai dit que le ministre se reposait aussi en même
temps que ses fonctionnaires.
M. BURNS: Bon repos.
M. LE PRESIDENT: Deux dernières questions. Le
député de Saint-Jacques et le député de
Chicoutimi.
Perspectives-Jeunesse
M. CHARRON: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de
l'Education. C'est aujourd'hui le 15 décembre, jour où le
gouvernement fédéral doit arrêter sa décision quant
au projet Perspectives-Jeunesse. Le gouvernement provincial, par la voix du
ministre de l'Education, pourrait-il nous donner les positions ultimes et
complètes qu'il a défendues sur ce projet auprès du
gouvernement fédéral?
M. SAINT-PIERRE: Si nous pouvions avoir du Parti québécois
plus de collaboration sur le bill 28, je pourrais sûrement m'occuper de
Perspectives-Jeunesse.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît.
M. CHARRON: Question additionnelle, M. le Président. Le ministre
accepterait-il...
M. LACROIX: Vous n'avez pas de cravate. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CHARRON: ... de déposer la correspondance avec le
Secrétaire d'Etat du gouvernement fédéral à ce
sujet?
Vous pouvez le faire après le débat sur le bill 63 si vous
voulez.
M. LE PRESIDENT: Je pense bien qu'il y a un autre moyen selon lequel le
député n'a pas à obtenir la permission même du
ministre, soit demander le dépôt des documents. Le
député de Saint-Jacques pourrait procéder tel que le
règlement le prévoit et demander la production des documents.
Dernière question.
M. LOUBIER: Question additionnelle, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Je devrai alors mettre fin à la période
des questions.
M. LOUBIER: Je ne voudrais pas enlever le tour d'un autre...
M. LE PRESIDENT: Vous allez brimer votre collègue de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je donne
préséance à mon vénérable chef.
M. PAUL: J'appuie la motion.
Opinion du gouvernement sur
Perspectives-Jeunesse
M. LOUBIER: Devant cette unité de foi, je suis
sidéré et la formulation de ma question devient plus difficile.
Mais, M. le Président, je voudrais demander au ministre de l'Education,
à la suite des déclarations faites par M. Munro concernant
Perspectives-Jeunesse, au sujet de l'établissement d'un bureau à
Montréal pour les programmes de sports et de participation aux sports de
Québec, s'il n'est pas temps que les Québécois connaissent
la position véritable du gouvernement dans ce secteur qui est de
juridiction provinciale et où on remarque des incursions
répétées du gouvernement fédéral.
Je demande au ministre qu'il établisse donc une fois pour toutes,
s'il en est capable ce matin, la position du gouvernement concernant toutes ces
interventions et ces incursions. Qu'il le fasse donc, ce matin.
M. PAUL: Ah, c'est difficile!
M. LOUBIER: M. le Président, je remarque que le premier ministre
vient de rasseoir son ministre de l'Education.
M. BOURASSA: Non! non! pas du tout! C'est que le député de
Fabre est actuellement à Ottawa. On va attendre le rapport qu'il va nous
faire. Il discute précisément de cette question.
M. PAUL: Vous vous fiez à lui!
M. CHARRON: Il n'est pas là pour ça, du tout.
M. LOUBIER: M. le Président, le premier ministre devrait, au
moins, avoir la décence...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LOUBIER: ... de laisser son ministre de l'Education expliquer quelle
est la position au niveau...
M. CHARRON: Il n'est pas là pour ça. C'est faux!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. BOURASSA: Il doit faire rapport au ministre de l'Education,
demain.
M. LOUBIER: J'ai demandé, tout simplement, qu'on donne l'attitude
du gouvernement au niveau des principes quant aux juridictions sur le sport,
les loisirs et les programmes fédéraux.
M. SAINT-PIERRE: Chose certaine, c'est qu'on va tenter de signer des
ententes plus solides que celle que vous avez signée avec le
gouvernement fédéral, il y a quelques années.
M. LOUBIER: M. le Président, je dirai au ministre de l'Education
que c'était la première fois que se signait une entente
concernant les politiques de sport et de loisirs et où les droits du
Québec étaient sauvegardés.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs !
Affaires du jour.
Ordre des travaux de la Chambre
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, me prévalant
des dispositions de l'article 114, je voudrais avoir une information concernant
les travaux de la Chambre. Je m'adresserais au ministre de l'Agriculture et de
la Colonisation.
M. DEMERS: Il n'est au courant de rien. M. LE PRESIDENT: Si cela
concerne les travaux de la Chambre, je crois que la personne
désignée, c'est le leader parlementaire.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je m'adresse au leader parlementaire, dans
ce cas-là.
M. DEMERS: Oui, parce que l'autre n'est au courant de rien.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que le leader parlementaire peut nous
dire si le ministre de l'Agriculture va déposer devant cette Chambre les
amendements qu'il a promis au bill 64? Est-ce que le bill 64 va être
étudié en deuxième lecture et en troisième lecture
avant l'ajournement de la session?
M. LEVESQUE: M. le Président, je n'ai pas l'esprit d'observation
suffisamment aiguisé pour dire si le député de
Sainte-Marie était en Chambre, hier et avant-hier. Mais, s'il l'avait
été, il aurait eu la réponse à la question qu'il
vient de poser.
M. SAMSON: M. le Président, le leader du gouvernement nous a
avisés, ce matin, d'une correction à faire à l'avis de
convocation de la commission parlementaire de la Justice. Demain, vous nous
avez bien dit que ce serait à la "chambre" 81-A.
M. LEVESQUE: Oui.
M. SAMSON: C'est ça. Je crois qu'il y aussi avis de convocation
de la commission parlementaire des Affaires municipales, le même jour,
à dix heures, dans la même salle.
M. LEVESQUE: M. le Président, c'est qu'on m'a assuré,
d'après la progression des travaux, que la commission parlementaire des
Affaires municipales aurait terminé normalement son travail.
M. CLOUTIER (Montmagny): En vertu de l'article 114, je voudrais demander
au leader...
M. LEVESQUE: Il n'y a peut-être pas de garantie. Dans le cas
contraire, nous ferons les changements dès demain matin.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous changerons de "chambre".
M. CLOUTIER (Montmagny): Il reste quatre projets de loi à
déposer, à savoir la Loi sur la pharmacie, la Loi sur la
denturologie, celle concernant les infirmières et les infirmiers, et
aussi celle qui a trait aux comptables. Il faudrait que nous ayons les trois
premiers projets de loi particulièrement. Etant donné que nous
allons commencer l'étude du bill 65 et que le ministre des Affaires
sociales nous avait déclaré, en commission parlementaire, qu'il
était presque assuré que ces projets de loi seraient
déposés au moment où on étudierait le projet de loi
no 65,
est-ce que le leader pourrait nous dire quand ils vont être
déposés?
M. LEVESQUE: C'est bien l'intention du gouvernement de déposer le
plus rapidement possible ces projets de loi. D'ailleurs, il y a une
implication; lorsque le dernier de ces projets de loi sera
déposé, l'avis paraîtra dans la Gazette officielle; c'est
alors que le délai commence à courir. Nous avons dit que le
dernier de ces projets de loi serait déposé avant
l'ajournement.
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, mais il en reste quatre au feuilleton. Il
y en a trois qui concernent la santé. Alors, est-ce que ces trois ne
pourraient pas être déposés le plus rapidement possible,
quitte, peut-être, à retarder le quatrième, étant
donné le délai?
M. CASTONGUAY: M. le Président, c'est exact, ce que dit le
député de Montmagny, qu'au moment de la discussion en commission
du bill 65 j'avais dit que nous ferions tout notre possible pour déposer
ces projets de loi. Maintenant que le Code des professions est
déposé, que la très grande majorité des projets de
loi est aussi déposée relativement à chaque groupe
particulier, on voit l'ensemble des dispositions qui sont proposées.
Dans le cas des pharmaciens, des infirmières, des denturologistes, le
dépôt imminent ne viendra pas ajouter tellement à
l'ensemble.
De toute façon, avant même que nous passions à la
discussion du projet de loi no 65, article par article, où, là,
il est possible de poser des questions sur le principe général du
projet de loi, je crois qu'avec le code des professions et toutes les lois
particulières, nous en avons assez. Ces projets de loi qui n'ont pas
encore été déposés le seront, selon l'information
que m'a communiquée ce matin le sous-ministre de la Justice qui est
responsable du comité de législation.
M. LOUBIER: M. le Président, est-ce que je pourrais savoir du
leader du gouvernement combien de projets de loi n'ont pas encore
été déposés et le seront incessamment, et quand ils
le seront?
M. LEVESQUE : Je crois, si ma mémoire est fidèle, qu'il
reste trois projets de loi à déposer, mais pas des projets de loi
qui devraient susciter des débats acrimonieux. Si je me rappelle bien,
d'abord il y a le projet de loi qui est en avis, ici, Loi modifiant la charte
de la Société générale de financement du
Québec. Il y a un autre projet de loi relatif aux caisses populaires. Je
crois qu'il y en a un autre qui m'échappe mais je pourrais...
M. PAUL: D'accord.
M. CLOUTIER (Montmagny): Les allocations familiales,
troisième?
M. PAUL: La Loi des allocations familiales?
M. LEVESQUE: Peut-être. Je sais qu'il y en a un ou deux
autres.
M. BOURASSA: Est-ce que le chef de l'Opposition...
M. LOUBIER: Est-ce qu'ils seront déposés...
M. BOURASSA: ... préfère que les projets de lois soient
adoptés ou simplement déposés?
M. LOUBIER: Non, mais nous voudrions tout de même,...
M. PAUL: Ce n'est pas nous qui menons, M. le Président.
M. LOUBIER: ... si possible, les avoir au moins quelques heures avant de
les étudier ici.
M. LEVESQUE: Le comité de législation se réunit cet
après-midi pour terminer la rédaction des derniers projets de
loi. Nous avons une réunion du conseil des ministres ce soir, et je
pense bien qu'après cela nous pourrons déposer les derniers
projets de loi.
M. LOUBIER: Cela voudrait dire que, demain matin, au plus tard, nous
aurions tous les projets de loi qui doivent être
déposés...
M. LEVESQUE: Oui.
M. LOUBIER: ... d'ici la fin de la session.
M. LEVESQUE: Je serai probablement au courant demain. Peut-être
qu'il y aura des retards, mais ce sera à cause de l'impression et non de
la décision gouvernementale.
M. LOUBIER: Si la séance du conseil des ministres a lieu ce soir,
est-ce que cela signifie qu'il n'y aura pas de séance ce soir?
M. LEVESQUE: Non, non, la Chambre va siéger ce soir. Le conseil
des ministres siégera de six heures à huit heures.
M. PAUL: Ah! c'est vrai, cela ne dérange pas grand-chose qu'ils y
soient.
M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.
Questions inscrites au feuilleton
M. LEVESQUE: M. le Président, à l'article no 2, question
de M. Roy (Beauce), réponse de Mme Casgrain.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Lu et répondu.
M. LEVESQUE: Article no 4. Je propose
que cette question soit transformée en motion pour
dépôt de documents. Question de M. Lavoie (Wolfe), réponse
de M. Tessier.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adopté? Adopté.
M. LEVESQUE: Article no 6, question de M. Béland. Je propose que
cette question soit transformée en motion pour dépôt de
documents, document déposé par M. Bourassa.
M. BOURASSA: Lu et répondu.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. LEVESQUE: Article no 8, question de M. Beland, réponse de M.
Massé.
M. MASSE (Arthabaska): Lu et répondu.
M. LEVESQUE: Article no 10, question de M. Lavoie (Wolfe). Je propose
que cette question soit transformée en motion pour dépôt de
documents, document déposé par M. Tessier.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. PAUL: Adopté.
M. LEVESQUE: Article no 11, question de M. Léger, réponse
de M. Pinard.
M. PINARD: Lu et répondu.
M. LEVESQUE: Article no 13, question de M. Laurin, réponse de M.
Saint-Pierre.
M. SAINT-PIERRE: Lu et répondu.
M. LEVESQUE: Article no 15, question de M. Béland, réponse
de M. Drummond.
M. DRUMMOND: Lu et répondu.
M. LEVESQUE: Article no 16, question de M. Lavoie (Wolfe),
réponse de M. Castonguay.
M. CASTONGUAY: Lu et répondu.
M. LEVESQUE: Article no 56, ordre de la Chambre au nom de M. Samson,
dépôt par M. Massé.
M. MASSE (Arthabaska): Lu et répondu.
M. LEVESQUE: Article no 57.
M. PAUL: Article no 56?
M. LEVESQUE: Non, article no 57.
M. BURNS: M. le Président, j'ai l'honneur de proposer que vu le
retrait du projet de loi no 162 intitulé Loi constituant en corporation
Les Apôtres de l'amour infini, les droits ordinaires que les promoteurs
de ce bill ont payés leur soient remboursés après
déduction des frais d'impression et de traduction.
M. PAUL: M. le Président, il s'agit d'une motion
débattable. Je n'ai pas l'intention de la contester, sauf pour
féliciter le parrain de ce projet de loi pour son zèle
apostolique dans la propagande du culte des Apôtres de l'amour
infini.
M. BURNS: Ai-je un droit de réplique, M. le Président?
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve
désire-t-il exercer son droit de réplique?
M. LEVESQUE: Avant qu'il ne l'exerce, je crois, M. le Président,
que j'ai le droit d'exercer mon droit de parole.
M. LE PRESIDENT: Autrement, cela mettrait fin au débat.
M. LEVESQUE: Je veux simplement dire, comme le député de
Maskinongé, qu'il s'agit d'une motion débattable. Nous pourrions,
à ce moment-ci, faire peut-être pas un filibuster, mais...
M. PAUL: Ne gâtez pas la soupe.
M. LEVESQUE: ...nous pourrions sans doute faire quelques remarques.
Mais, malgré qu'il n'y ait pas d'amour infini entre le parti de celui
qui propose la motion et le nôtre, M. le Président, je ne
m'opposerai pas davantage.
M. DEMERS: Cela, c'est au nom de l'oecuménisme.
M. BURNS: M. le Président, je vais exercer mon droit de
réplique, à moins que quelqu'un d'autre ne veuille prendre la
parole.
M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres députés qui
désirent parler sur cette motion?
M. PAUL: M. le Président, je voudrais faire une motion pour
l'ajourner à six mois.
M. BURNS: Je veux tout simplement faire remarquer, M. le
Président, que je suis heureux que l'on constate mon zèle
apostolique.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. PAUL: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
UNE VOIX: Sur division.
M. LEVESQUE: Article 32.
Projet de loi no 65 Deuxième lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la
deuxième lecture du projet de loi no 65, Loi de l'organisation des
services de santé et des services sociaux.
M. Claude Castonguay
M. CASTONGUAY: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur
de la province a pris connaissance de ce bill et il en recommande
l'étude à la Chambre.
M. CARDINAL: So what?
M. CASTONGUAY: M. le Président, étant donné que ce
projet de loi a été déposé au cours du mois de
juillet, qu'il a fait l'objet d'une étude extensive en commission, qu'un
très grand nombre d'organismes ont présenté des
mémoires, que j'ai également eu l'occasion, lors d'une
tournée, de discuter des divers aspects de ce bill avec un très
grand nombre de personnes intéressées à l'organisation,
à la distribution des services de santé et sociaux,
également d'en discuter avec un très grand nombre de personnes
qui sont venues me rencontrer à l'occasion de ces visites, il me semble
important, au début de la présentation en deuxième lecture
de ce projet de loi, de rappeler brièvement dans quel contexte
général il se situe.
Pour ce faire, j'aimerais faire un bref bilan de l'état des
services de santé et sociaux, au Québec, des problèmes qui
s'y posent et un rappel des politiques et objectifs du gouvernement en
matière de service de santé et de services sociaux. Egalement, il
m'apparaît important, dans un deuxième temps, de situer le projet
de loi no 65 dans le cheminement des étapes législatives,
administratives et financières qui constituent la réforme
entreprise dans le secteur des affaires sociales. Enfin, dans un
troisième temps, je donnerai un exposé aussi bref que possible de
la nature et des objectifs spécifiques du projet de loi no 65.
C'est l'ordre, M. le Président, ou le cheminement que j'entends
suivre dans cette présentation. Si j'ai cru bon de faire ce
schéma, c'est qu'il s'agit d'un projet de loi qui touche à
l'organisation des services de santé et des services sociaux et qui, par
sa nature même, ne peut se ramener à un seul principe clairement
identifié.
Il s'agit d'une loi d'organisation. Cette présentation du projet
de loi me paraissait la plus équilibrée possible pour bien
informer les membres de la Chambre de façon que tous les aspects qui
entourent ce projet de loi soient exposés.
En premier lieu, en ce qui a trait aux politiques et objectifs du
gouvernement en matière de services de santé, le régime
actuel de santé au Québec est caractérisé par de
nombreuses lacunes d'organisation qui ont des incidences sur l'état de
santé de la population.
Bien que le personnel professionnel et technique soit nombreux, que les
installations hospitalières rivalisent en nombre et en qualité
avec celles de la plupart des pays industrialisés et que les
crédits consacrés par l'Etat aux services de santé soient
considérables, les indices de l'état de santé de la
population québécoise révèlent des écarts
importants, tant avec les autres provinces qu'avec certains pays, ainsi que les
disparités régionales et sociales que le régime de
santé et de services sociaux doit viser à éliminer.
L'absence d'organisation systématique suivant une perspective
globale se traduit notamment par une fragmentation des systèmes de
distribution de soins, principalement au niveau des soins
généraux et du système hospitalier. La multiplicité
des systèmes parallèles, hospitalier général,
services de prévention, médecine du travail, réadaptation,
soins pour malades chroniques et convalescents, soins pour malades mentaux,
augmente le morcellement et le cloisonnement des services de santé.
La politique poursuivie par le gouvernement dans le domaine de la
santé vise à améliorer l'état de santé
physique et mental de la population. Cette politique de la santé cherche
à instaurer un régime complet caractérisé par une
intégration et une coordination des services de santé mentale et
physique, par une approche globale aux problèmes de l'homme, par la
reconnaissance de l'interdépendance entre les services de santé
et les autres services qui s'attaquent aux problèmes de l'homme et par
l'intégration des services de santé aux autres secteurs de la vie
collective qui affectent et déterminent le développement de
l'individu.
Pour atteindre ces objectifs fondamentaux, la politique de santé
doit rendre accessible à tous des soins de santé complets et
continus. L'instauration de l'assurance-hospitalisation en 1961 et de
l'assurance-maladie en 1970 a éliminé la majorité des
obstacles d'ordre financier et on peut prévoir que, par divers
mécanismes, on en viendra à garantir le paiement d'à peu
près tous les frais occasionnés par la maladie.
Pour assurer l'accessibilité des services au plan
géographique, il est nécessaire de les rapprocher de la
population sur une base régionale et locale, selon les niveaux de soin,
tout en améliorant les moyens de transport afin que chaque personne
puisse, en tout temps et indépendamment de son lieu de résidence
au Québec, avoir accès rapidement aux soins que son état
requiert.
Pour éliminer les obstacles d'ordre social à
l'accès aux services de santé, il sera nécessaire que les
professionnels de la santé collaborent
avec le ministère pour modifier l'attitude des
collectivités face aux problèmes de santé.
Il faut inculquer à la population des habitudes de vie saine et
rendre les individus conscients par des mesures appropriées
d'éducation sanitaire, tant dans le milieu familial et scolaire que dans
le milieu de travail, que leur santé et celle des autres constitue leur
première richesse et responsabilité.
Le nouveau régime de santé, en plus d'être
accessible, doit respecter la personne humaine dans toutes ses dimensions. La
distribution des soins doit tenir compte de la psychologie de l'individu et de
l'anxiété qui accompagne généralement tout
problème de santé.
Les professionnels doivent faire comprendre aux malades les objectifs de
la prévention, du traitement et de la réadaptation. Le malade,
quant à lui, doit être considéré dans tout le
système comme un individu ayant des droits, sa personnalité
propre et son caractère d'homme.
C'est en partie pour que les services soient davantage
personnalisés, adaptés aux besoins réels de la
santé, aux besoins réels de la population et mieux
coordonnés que le gouvernement préconise par la voie de ce
projet de loi la participation des consommateurs à la direction
des établissements dispensateurs de services.
En plus d'assurer la distribution de services de qualité sur les
plans humain et social, le régime de santé doit assurer des soins
de qualité sur le plan scientifique.
Cette qualité exige le maintien de normes optimales dans les
services de santé et également chez les professionnels,
l'amélioration du système d'enseignement et de formation selon
les principes d'une médecine globale, le décloisonnement dans le
travail des professionnels, le renouvellement permanent des connaissances des
membres de l'équipe de santé, le développement de la
recherche scientifique ainsi que l'utilisation rapide des nouvelles
connaissances dans l'exercice professionnel.
Enfin, le gouvernement entend faire en sorte que le régime soit
efficace. Au cours de la dernière décennie, les coûts des
services de santé n'ont cessé d'augmenter à un rythme plus
rapide que le produit national brut et que l'ensemble des dépenses
gouvernementales. Parallèlement à l'amélioration de la
qualité, il faut accroître le rendement du régime par le
recours aux méthodes modernes d'organisation et de distribution des
services. En pratique, nous devons mettre l'accent sur une meilleure
planification des services de santé, l'intégration des services
de santé et des services sociaux, la coordination entre eux des
établissements dispensateurs de services et l'évaluation
constante de la performance du régime, afin d'en déceler et
corriger les déficiences.
Quant aux services sociaux, plus particulièrement, dans notre
société de changements accélérés, une
proportion de plus en plus grande d'individus et de familles font face à
des difficultés psycho-sociales de toutes sortes, qui non seulement
constituent des obstacles à leur développement mais conduisent
souvent à leur aliénation et à la
désintégration des familles. Les services sociaux mis sur pied
pour les aider à surmonter ces difficultés sont
caractérisés par plusieurs lacunes au plan de leur
organisation.
Tout comme les services de santé, les services sociaux ne sont
pas suffisamment coordonnés et leur morcellement limite leur
efficacité et leur aptitude à répondre aux besoins de la
population. De plus, ils sont inadaptés par rapport à plusieurs
problèmes actuels, et souvent une barrière existe entre ces
services et les populations qui en ont le plus besoin. La politique du
gouvernement, qui vise à améliorer les conditions sociales des
individus, des familles et des groupes, poursuit trois objectifs fondamentaux:
aider les individus à développer une personnalité
autonome, aider les individus à assumer pleinement leurs
responsabilités familiales et sociales et, enfin, aider les individus,
les familles et les groupes à participer à la vie
communautaire.
Le premier objectif est fondé sur la reconnaissance du fait que,
pour pouvoir s'épanouir pleinement, l'individu doit lui-même
posséder une personnalité capable d'autonomie et
d'autodétermination, c'est-à-dire capable d'agir par
lui-même et de se relier à son milieu. Dans la
société moderne, il existe de nombreuses causes objectives
susceptibles de provoquer un déséquilibre ou un état de
dépendance chronique, qu'il s'agisse du chômage, de la faible
scolarisation, de la pauvreté ou encore de l'ensemble des conditions
socio-économiques que l'on retrouve dans les zones dites
défavorisées des centres urbains. Par ailleurs, l'autonomie des
individus peut-être menacée par un état de crise
individuelle ou familiale, provoquée par des difficultés
temporaires de diverse nature, dont la rapidité du changement, les
problèmes d'inadaptation et l'insécurité qui en
découle ne sont pas les moindres.
L'état de dépendance peut encore être
provoquée par un handicap physique, la maladie, la dislocation
familiale, la vieillesse et autres phénomènes qui, il n'est pas
inutile de le rappeler, touchent toutes les classes de revenus. Pour aider les
individus à développer, maintenir ou recouvrer leur autonomie et
à fonctionner efficacement dans leur milieu, la société se
doit de mettre à leur disposition un ensemble de services de
consultation, de renseignements, de remplacements et de substitutions,
d'orientation et de soutien.
Le second objectif préconisé par le gouvernement dans ce
domaine consiste à aider les individus à assumer leurs
responsabilités familiales et sociales. Le fonctionnement de la
société est fortement conditionné par la façon dont
les individus s'acquittent de leurs devoirs envers les autres et
également envers la société en général. La
politique du ministère des Affaires sociales envers l'enfance
inadaptée met
cet objectif en évidence. En même temps qu'elle vise
à permettre aux enfants affectés d'un handicap physique ou
sensoriel, de troubles d'apprentissage, de mésadaptation affective ou
sociale d'acquérir le maximum d'autonomie, cette politique incite le
milieu social immédiat de l'enfant, et en particulier, les membres de sa
famille, à participer au processus complexe d'adaptation ou de
réadaptation, de façon à éviter le recours au
placement des enfants hors de leur milieu naturel.
A cette fin, il faut aider les membres du milieu social immédiat
à collaborer activement au traitement de l'enfant et à assumer la
tâche éducative particulièrement exigeante qui leur est
dévolue.
Enfin, notre politique a pour objectif d'aider les personnes, les
familles et les groupes à participer à la vie communautaire. Les
personnes devront participer, d'abord, à l'identification de leurs
besoins en matière de services de santé, en matière de
services sociaux et également à celle des autres besoins qui
conditionnent leur façon de vivre. Elles devront participer
également à la recherche de solutions aux problèmes
qu'elles rencontrent et, enfin, participer à l'ensemble des
activités d'une communauté humaine.
Parce qu'ils sont essentiels à 1 épanouissement des
individus et au bon fonctionnement de la société, il est donc
nécessaire que les services sociaux, tout comme les services de
santé, soient accessibles au triple plan financier, géographique
et social. Ils doivent s'inspirer d'une approche globale des problèmes
de l'homme, respecter la personnalité humaine, dispenser des services de
qualité sur le plan scientifique et, enfin, être efficaces. Tout
comme les services de santé, ils doivent être soigneusement
planifiés, coordonnés entre eux et constamment
évalués. C'était, brièvement, une description ou
une analyse du système des services de santé, du système
des services sociaux, de même que des objectifs que nous poursuivons,
comme gouvernement et comme ministère, dans ce secteur.
Je voudrais maintenant situer, aussi rapidement que possible, le projet
de loi no 65 dans le cadre des étapes, au plan législatif,
administratif et financier, de la réforme que nous poursuivons
présentement dans le domaine des affaires sociales. Au moment de la
présentation de la Loi de l'assurance-maladie, en juin 1970, j'ai
souligné que cette loi constituait une étape qui vise à
éliminer la barrière financière à l'accès
aux services de santé. J'ai toujours insisté, depuis, sur le fait
que d'autres types de mesures devraient être adoptés, touchant,
cette fois, l'organisation des services.
Lorsque j'avais présenté la Loi de l'assurance-maladie en
Chambre, on avait insisté je me souviens, en particulier, du
député de Bourget sur la nécessité qu'on
expose les objectifs et la politique du gouvernement en matière de
santé, puisque c'était l'objet de la question, et j'imagine
également en matière de services sociaux. C'est ce que j'ai
tenté de faire depuis, comme on l'a vu dans le résumé que
j'ai voulu donner en première partie de mon exposé ce matin.
A ce moment, j'insistais sur le fait que d'autres mesures que
l'assurance-maladie devraient être adoptées, touchant
l'organisation des services sociaux. J'aimerais simplement lire quelques
passages de l'intervention en deuxième lecture que j'ai faite lors de la
présentation de la Loi de l'assurance-maladie: "Une telle situation doit
être corrigée si l'on veut que le droit à la santé
cesse d'être une réalité vide de sens pour toute une partie
de la population. "A cette fin, diverses mesures doivent être mises en
oeuvre, qui peuvent être regroupées en deux grandes
catégories: celle touchant l'organisation des services de santé
et celle destinée à éliminer la barrière
financière à l'accès de ces services. L'assurance-maladie
appartient à la deuxième catégorie. C'est pourquoi on ne
retrouve pas, dans le présent projet de loi évidemment, il
s'agissait du projet de loi sur l'assurance-maladie de mesure se
rapportant à l'organisation des services de santé ou encore des
modifications à des mesures existantes, telles l'organisation des
unités sanitaires et du milieu hospitalier. C'est également
pourquoi on ne retrouve pas de disposition destinée à changer
fondamentalement le statut des professionnels impliqués.
"L'assurance-maladie constitue seulement une première mesure dans
l'application d'une politique générale de santé, qui sera
annoncée ultérieurement et dont la mise en oeuvre
nécessitera de nombreuses réformes dans l'organisation du
système de distribution des soins et de tout le régime de la
santé au Québec."
Donc le projet de loi sur l'organisation des services de santé et
des services sociaux, dont j'énonçais alors la
nécessité, constitue justement la deuxième étape
majeure dans la concrétisation et l'application d'une politique
générale de la santé et des services sociaux, et ceci tel
que je le disais déjà au cours de juin 1970.
Mais, entre temps, il est bon aussi de rappeler une autre étape,
puisqu'elle ne se situe pas exactement ou qu'elle n'était pas
annoncée spécifiquement à ce moment. Depuis l'adoption de
la loi de l'assurance-maladie, la présentation du projet de loi sur
l'organisation des services de santé et des services sociaux, une mesure
très importante a été adoptée et qui a
consisté en la fusion des anciens ministères de la Santé,
de la Famille et du Bien-Etre social en un nouveau ministère, soit celui
des Affaires sociales. De sorte que le projet de loi sur l'organisation des
services de santé et des services sociaux présenté
aujourd'hui en deuxième lecture touche à la fois le domaine de la
santé et des services sociaux, ce qu'il n'était pas possible
d'affirmer au moment de la Loi de l'assurance-maladie, et
vise notamment à leur intégration la plus complète
possible au niveau des services courants dans le nouveau type
d'établissements que nous proposons, soit les centres locaux de services
communautaires.
Si je mentionne cette étape qui a été franchie,
soit l'intégration des deux ministères, c'est qu'il était
nécessaire d'effectuer cette étape, importante à plusieurs
points de vue, avant qu'il soit possible d'intégrer les dispositions
législatives portant sur l'organisation des services de santé et
des services sociaux. Egalement lorsque j'ai présenté le projet
de loi sur l'assurance-maladie, en 1970, je faisais allusion à la
nécessité de réviser l'ensemble de la législation
touchant les groupements professionnels, préciser leur champ de pratique
soit dans le domaine des services de santé et des services sociaux, les
relations que ces groupements professionnels doivent avoir les uns avec les
autres dans le contexte d'un travail d'équipe, dans un contexte
d'évolution des connaissances, dans un contexte aussi d'évolution
de l'application de ces connaissances et des modes d'organisation dans lesquels
les services de santé, les services sociaux sont distribués.
Donc, nous avons, après cette étape que nous avions
annoncée dès juin 1970, présenté au cours des
dernières semaines le code des professions, d'une part, et
également les diverses lois constitutives des professions dont le champ
d'exercice leur est réservé, soit loi des médecins ou loi
médicale, des dentistes, des pharmaciens, etc.
Alors, cet ensemble de projets de loi touchant l'organisation
professionnelle constitue une autre facette extrêmement importante de la
réforme entreprise. Et, tel qu'il avait été demandé
lors de l'étude ou le début de l'étude du projet de loi
65, nous avons pu déposer ces projets de loi, à l'exception,
comme il a été mentionné ce matin, de trois projets de loi
qui seront incessamment déposés en Chambre.
Ils feront également l'objet d'une analyse objective et
approfondie j'en suis convaincu, au sein de la commission spéciale qui a
été formée à cette fin.
Enfin, je voudrais, dans le cadre des étapes au plan
législatif, rappeler certaines autres étapes que j'ai
déjà laissé entrevoir ou annoncées à
diverses occasions, c'est-à-dire la présentation, au cours de la
prochaine session, des projets de loi sur la santé mentale ou encore sur
la protection de la personne qui doit subir des traitements psychiatriques, sur
la protection de la santé publique et également sur la protection
de l'enfance.
Ici, on remarque le cheminement: mécanisme nous permettant de
viser à l'accessibilité financière pour les services de
santé, intégration des deux ministères,
présentation du projet de loi sur l'organisation des services, ensemble
de projets de loi sur l'organisation professionnelle. Nous arriverons, dans
l'étape subséquente, aux lois qui touchent de façon plus
particulière la personne et aussi la protection de la personne si l'on
examine les objectifs visés par ces trois projets de loi qui seront
présentés au cours de la session 1972.
Maintenant, aux plans administratif et financier, très
brièvement, outre l'intégration des deux ministères en un
ministère des Affaires sociales, certaines étapes ont
été franchies. Je me limiterai uniquement à celles qui
m'apparaissent avoir un aspect significatif par rapport au projet de loi no 65
pour bien rappeler que dans l'analyse de ce projet de loi l'on ne saurait voir,
comme mécanisme pour modifier le système et poursuivre nos
objectifs, que l'aspect législatif, mais que d'autres aspects aux plans
administratif et financier sont tout aussi importants.
Ici, en premier lieu, je voudrais mentionner la mise en vigueur d'un
système de financement nouveau, par voie de budget global dans tous les
centres hospitaliers, mécanisme de financement ou établissement
de relations financières qui va avoir pour effet, de l'avis de tous,
d'accentuer l'autonomie de gestion des établissements. Mais ceci dans le
cadre de leurs responsabilités définies par le projet de loi no
65.
Deuxièmement, en décembre dernier, nous avons
proposé au gouvernement du Canada une nouvelle formule de financement
des services de santé, destinée à remplacer la Loi de
l'assurance-hospitalisation et la Loi de l'assurance- maladie, ces deux lois
que l'on retrouve aussi bien au niveau fédéral qu'au niveau
provincial et qui constituent un cadre relativement rigide qui entrave la
poursuite des modifications qu'il nous faut apporter au système.
Nous avions donc présenté en décembre 1970, au
gouvernement du Canada une proposition concrète visant à faire en
sorte que ces arrangements financiers soient remplacés par un engagement
global qui donnerait à la fois au gouvernement du Canada la
possibilité d'établir des normes, au plan national, et au
gouvernement du Québec la possibilité de mettre vraiment en
oeuvre la politique de services de santé et de services sociaux qu'il
croit nécessaire de poursuivre.
Nous avons eu, au cours de l'année, des discussions au niveau
technique avec le gouvernement du Canada sur cette formule. Nous avons eu aussi
des échanges dans le cadre de conférences
fédérales-provinciales. Demain, nous aurons une autre
conférence fédérale-provinciale à Ottawa portant,
entre autres choses, sur cette question. C'est l'aspect majeur qui sera
discuté. Nous entendons formuler une contre-proposition demain, à
l'occasion de cette conférence.
M. PAUL: Est-ce que le ministre a dit demain?
M. CASTONGAUY: Demain. M. PAUL: Demain!
M. CASTONGUAY: Exactement. Nous allons, comme gouvernement, formuler une
contre-proposition très précise, très concrète au
gouvernement du Canada, suite aux propositions qu'il nous avait faites
antérieurement.
M. LAURIN: Est-ce que je peux poser une question au ministre? Sans
dévoiler le secret de la première proposition et de la
contre-proposition, est-ce que vous pourriez nous donner un peu plus de
détails sur les grandes lignes ou l'esprit? Par exemple, quand vous
dites: Normes nationales, est-ce que cela voudrait dire qu'à
l'intérieur de ces normes nationales le Québec serait un peu
libre de disposer comme il l'entend de certaines sommes qui lui seront
octroyées, par exemple?
M. CASTONGUAY: Certainement, M. le Président. Ce que nous avions
proposé en décembre dernier, c'est qu'au lieu du régime
actuel de l'assurance-hospitalisation et du régime actuel de
l'assurance-maladie le gouvernement du Canada participe au financement des
services de santé par la voie d'une formule qui, au départ,
serait reliée à sa contribution actuelle en vertu de ces deux
programmes et d'autres programmes particuliers, sur une base de paiement per
capita et que ces paiements, dans l'avenir, soient augmentés à
partir d'un indice à déterminer. Lorsque je dis que le
gouvernement du Canada pourrait ainsi s'assurer de certaines normes, c'est
qu'il le ferait de façon générale par la redistribution
à travers les provinces de sommes qui viennent compenser le pouvoir de
taxation inégal des provinces si les provinces devaient, seules, assurer
le financement de leurs services de santé.
M. CLOUTIER (Montmagny): Le ministre me permet-il une autre
question?
M. CASTONGUAY: Je n'ai pas fini. M. CLOUTIER (Montmagny): Pardon? M.
CASTONGUAY: Je n'ai pas fini.
M. CLOUTIER (Montmagny): Non, non! mais c'est sur la proposition. Le
ministre répondra s'il le peut, évidemment, parce que la
proposition sera faite demain. Est-ce que ce taux de croissance annuel serait
discuté au niveau des conférences ou s'il serait imposé
unilatéralement?
M. CASTONGUAY: A la suite je vais revenir sur ce point de
cette proposition du gouvernement du Québec, proposition qui a
été appuyée par les gouvernements d'autres provinces, le
gouvernement du Canada s'est engagé à étudier une telle
formule et, par la suite, a formulé une proposition concrète.
Sa proposition, en résumé, consiste à verser, d'une
part, au gouvernement des provinces un montant per capita ayant une relation
avec son niveau de dépenses actuelles dans chacune des provinces et que,
par la suite, c'était un facteur relié à la
proposition du gouvernement du Canada ces paiements per capita soient
augmentés d'année en année dans la même proportion
que l'augmentation du produit national brut au Canada et qu'en contrepartie il
y ait un facteur d'égalisation de la contribution du gouvernement du
Canada au cours d'une période de cinq ans, de telle sorte qu'au cours de
cette période de cinq ans les provinces reçoivent exactement le
même paiement per capita.
Il y avait aussi certaines garanties à l'effet que, dans la
première année d'application de cette entente, la contribution
financière du gouvernement du Canada ne pourrait être
inférieure à ce qu'elle aurait été en vertu des
ententes actuelles. En parallèle, le gouvernement du Canada a
proposé l'établissement d'un fonds en vertu duquel, au cours
d'une période de cinq ans, chaque province recevrait $30 per capita,
avec un minimum de conditions attachées à l'utilisation de ces
paiements. Le but de cette contribution particulière serait de donner
aux gouvernements des provinces plus de latitude pour modifier le
système des services de santé actuel.
Nous avons, au cours des pourparlers que nous avons eus par la suite,
dit au gouvernement du Canada que cet indice relié directement à
l'augmentation du produit national brut ne nous paraissait pas réaliste.
Premièrement, parce qu'il y a des facteurs intrinsèques à
l'augmentation des coûts dans le domaine de la santé, qui n'ont
aucune relation avec l'augmentaiton du produit national brut; par exemple, le
vieillissement de la population, l'augmentation des connaissances au plan
technique, qui ne signifie pas nécessairement des éconmies, mais
au contraire, bien souvent, des dépenses plus élevées:
équipement plus raffiné, plus dispendieux, plus de personnel,
etc. Nous avons donc remis en cause le facteur "d'escalation".
En second lieu, j'ai fait état du facteur d'égalisation
sur une période de cinq ans. Il nous paraît qu'une province comme
le Québec maintient des services très spécialisés
qui sont mis à la disposition d'autres provinces et dont nous supportons
une large part du coût. Je pense, par exemple, à l'Institut de
cardiologie, à Montréal. Je ne crois pas qu'un jour
l'Ile-du-Prince-Edouard sans vouloir nier ses capacités sur bien
des plans ait un institut de cardiologie ou un institut de
microbiologie, comme nous en avons au Québec. Je ne crois pas qu'il
serait possible, dans certaines de provinces Maritimes, par exemple, toutes
proportions gardées per capita, de supporter quatre facultés de
médecine, comme nous le faisons.
Il nous semble que nous assumons et d'ailleurs c'est reconnu dans
la proposition un niveau de dépenses particulier au Québec
qui provient du fait que nous répondons à des
besoins qui débordent les cadres du Québec. Et ce facteur
d'égalisation, qui ferait en sorte qu'au bout d'une période de
cinq ans toutes les provinces recevraient exactement le même montant per
capita du gouvernement du Canada, ne nous paraît pas réaliste.
Egalement, dans cette proposition du gouvernement du Canada, les risques
sont tous du côté des provinces et, s'il y a des gains, le
gouvernement du Canada empoche une bonne partie de ces gains. Cela nous parait
une proposition habile à faire de sa part, mais une proposition
inacceptable quant à nous.
Et nous avons voulu dans notre contre-proposition nous assurer que les
risques sont à la fois partagés par les deux, et s'il y a des
gains, qu'ils soient aussi partagés par les deux. Ceci surtout en nous
rappelant que la Loi de l'assurance-hospitalisation que nous avons au
Québec, la Loi de l'assurance-maladie que nous avons au Québec,
dans leurs caractéristiques, dans leur implantation, dans les effets
qu'elles ont eues parce qu'il y a eu des effets
bénéfiques, mais il y en a eu des moins bénéfiques
ont été adoptées dans une large mesure sous
l'impulsion de la législation fédérale qui mettait des
sommes à la disposition des provinces en autant que ces lois
étaient adoptées par la législature
québécoise.
Maintenant que le gouvernement du Canada trouve sa contribution lourde
à supporter, et s'il veut modifier le système ou s'associer
à un effort de modification du système, il doit également
supporter des risques.
Egalement dans nos contre-propositions nous insistons fortement pour que
le désir du gouvernement du Canada d'établir certaines normes ne
soit pas une façon de réintroduire de nouveaux programmes,
programmes qui ont bien de l'attrait au départ, mais dont on
transfère le fardeau aux provinces dès qu'ils perdent un peu de
leur attrait et qu'ils sont raisonnablement implantés, et aussi qu'on ne
se serve pas de l'établissement de ces normes pour réintroduire
sous une autre forme un cadre rigide de fonctionnement et de
développement des politiques.
C'est dans cet esprit, demain, que je ferai part de notre
contreproposition très spécifique au gouvernement du Canada.
Les autres aspects au plan administratif et financier je pourrais
terminer sur cela avant la suspension des travaux, très
brièvement c'est la mise en place, au ministère des
Affaires sociales, d'un personnel administratif régional, avec des
responsabilités précises. Ceci en parallèle avec la
création des conseils régionaux de la santé et des
services sociaux proposés par le projet de loi no 65.
Déjà, nous avons précisé ce que devraient
être les mandats, les rôles, les responsabilités de ces
responsables au plan régional. Nous entendons maintenant passer à
l'étape du développement de cette présence administrative
du ministère dans chacune des régions. Cela sera fait en vue
d'une étape ultérieure au cours de laquelle nous pourrons
atteindre une véritable décentralisation, telle que
proposée par la commission d'enquête sur la santé et le
bien-être social, objectif que nous retenons, mais qu'il ne nous parait
pas possible de viser, de façon directe et immédiate,
présentement.
Egalement, au cours des prochaines semaines ou dans des délais
relativement brefs, nous ferons l'élaboration et l'énonciation
d'une politique de transport des malades et aussi d'une politique de transport
de personnes qui pourraient nécessiter certains services sociaux
spécialisés, pour permettre un meilleur accès, au plan
géographique, aux services. La régionalisation des services ne
peut prendre son sens dans ce secteur, de façon complète, que
pour autant qu'elle est accompagnée d'une politique de transport. Enfin,
et ceci me paraît important, il y aura la mise en place, au
ministère des Affaires sociales, d'une direction générale
de l'accréditation des établissements, de telle sorte que les
établissements qui fonctionnent ou qui fonctionneront au Québec
le fassent vraiment dans l'intérêt du public et que, dans ces
établissements, nous puissions être assurés que la
protection du public est garantie dans toute la mesure où il est
possible de le faire.
Si je mentionne ceci, alors que je ne mentionne pas les autres
structures internes du ministère, c'est que nous proposons le maintien
de certains types d'établissements dans le projet de loi no 65.
Ces types d'établissements ont fait l'objet de critiques lors de
l'étude du projet de loi en commission parlementaire.
Je pourrais mentionner d'autres étapes comme
l'établissement des services de santé, des services
socio-scolaires, mais je crois que j'entrerais dans le détail. Il me
semble que vous avez là les aspects les plus importants au plan
administratif et financier qui accompagnent cette réorganisation
proposée par le projet de loi 65.
M. le Président, je terminerai cet après-midi mon
exposé en deuxième lecture. Je proposerais, pour le moment, que
la Chambre suspende ses travaux.
M. LE PRESIDENT (Hardy): Les débats et la Chambre sont suspendus
jusqu'à deux heures trente.
M. LEVESQUE: Deux heures trente. (Suspension de la séance
à 12 h 32)
Reprise de la séance à 14 h 35
M. LE PRESIDENT (Blank): A l'ordre, messieurs !
L'honorable ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais simplement rappeler
que ce matin, dans la première partie de mon exposé, j'ai fait
une description ou l'analyse de la situation en matière de services de
santé et de services sociaux et un bref exposé des politiques et
objectifs du gouvernement dans ce secteur. Par la suite, dans une
deuxième partie, j'ai voulu situer le projet de loi no 65 dans le
cheminement des étapes législatives, administratives et
financières de la réforme en cours dans ce secteur. Il me reste
donc, pour conclure, à faire un exposé qui sera, dans une large
mesure, descriptif de la nature du projet de loi no 65 et de ses objectifs
spécifiques.
Mais, avant de faire cet exposé, je voudrais rappeler que,
lorsque le projet de loi a été déposé, j'ai
clairement mentionné à la commission parlementaire des Affaires
sociales quels étaient les objectifs poursuivis par le gouvernement par
ce projet de loi. Quant aux modalités du projet, étant
donné sa nature, j'ai dit que nous étions tout à fait
disposés à discuter ces modalités et à apporter
tout changement qui pourrait mieux adapter ce projet de loi à apporter
une réponse aux problèmes de ce secteur. Compte tenu de
l'intérêt suscité par ce projet, de l'analyse très
détaillée, approfondie qui en a été faite par la
commission à l'aide de tous les organismes qui ont
présenté des mémoires, des discussions avec les membres
des partis d'Opposition, nous avons apporté un très grand nombre
de changements aux modalités de ce projet de loi. Je ne voudrais pas,
aujourd'hui, reprendre ces changements et faire la comparaison de la version
modifiée par rapport à la version originale.
Ce n'est pas, je crois, le but du débat à ce stade-ci,
mais je voulais souligner qu'il s'agit d'un projet de loi qui a
été déjà étudié longuement, aussi
bien par des membres de cette Assemblée que par le public, et qui a
déjà fait l'objet de nombreuses modifications. J'insiste sur ce
point parce qu'il pourrait sembler, si on ne regarde que cette étape-ci
de l'étude, vu que le projet est présenté pour
étude dans les derniers jours de la session, qu'on oublie qu'il
s'agît d'un projet assez important qui nécessite évidemment
une analyse assez détaillée.
Quant aux objectifs spécifiques du projet de loi, par ce projet,
nous voulons établir en tout premier lieu un cadre d'organisation des
services de santé et des services sociaux qui permettra de faire en
sorte que ces services soient les mieux adaptés possible aux besoins de
la population, compte tenu également des ressources financières,
humaines, des problèmes de répartition de population sur le
territoire, et que ces services soient aussi accessibles que possible, et
également, selon la nature des services, lorsqu'il y a
nécessité d'une certaine suite, d'une continuité, que ces
services aussi soient continus dans toute la mesure où il est possible
de le faire.
Ces objectifs s'inscrivent clairement et nettement dans le cadre d'une
responsabilité plus large de l'Etat qui est celle d'assurer une
allocation des ressources entre les divers types de besoins, entre les diverses
régions, et encore là, que ce soient des ressources humaines et
financières, et aussi d'exercer un certain contrôle,
contrôle aussi efficace que possible mais aussi souple que possible, sur
l'utilisation de ces ressources.
Si je mentionne ce rappel, même si ce type de
responsabilités de l'Etat s'applique à bien des secteurs, c'est
qu'il prend une dimension quelque peu particulière dans le domaine des
services de santé et des services sociaux en regard de
l'évolution historique de ces services où l'on est partie
à une autre époque d'initiatives au niveau local, initiatives par
des groupes plus intéressés à la solution des
problèmes de la population. Graduellement, par évolution et
autrement, le gouvernement s'est intéressé et, enfin, le
gouvernement a assumé une responsabilité très claire et,
aujourd'hui, apporte, en plus d'assumer une responsabilité dans ces
secteurs, la finance en très grande partie et le fonctionnement de tous
ces services.
Pour atteindre ces fins d'accessibilité, de continuité, de
bonne adaptation des services, le projet de loi no 65 nous donnera donc le
cadre permettant d'adapter, de modifier les services existants non pas
seulement à très courte période mais dans une perspective
d'ensemble à la fois. C'est la raison du rappel des objectifs poursuivis
par le ministère. C'était la raison aussi du rappel des
étapes que nous franchissons à divers plans et ceci, dans une
perspective aussi évolutive.
Si je mentionne ceci, c'est que d'autres étapes portant sur
l'organisation des services de santé et des services sociaux suivront
assurément ce projet de loi dans un avenir à déterminer.
Je pense de façon plus particulière à l'organisation
régionale.
Avant de passer maintenant à la revue spécifique du
contenu du projet de loi, il me reste donc à donner très
brièvement les caractéristiques majeures ou les aspects qui nous
apparaissent les plus importants du projet de loi.
Le premier consiste en un essai d'une répartition beaucoup plus
claire des responsabilités, responsabilités au plan de la
planification, de la programmation, du financement, de l'organisation des
services de santé, des services sociaux, et ceci à chaque niveau,
soit au niveau du ministère, soit au niveau régional, soit enfin
au niveau des institutions afin que chaque niveau d'organismes, chaque type
d'organismes puisse, le plus efficacement possible, s'acquitter de ses propres
responsabilités.
Dans ce partage des responsabilités, j'insiste de façon
particulière sur le fait que le projet de
loi no 65 met l'accent sur une décentralisation au niveau des
institutions dans toute la mesure où il est possible de le faire, avec,
également, au plan administratif, au plan financier, la plus grande
autonomie dans un nouveau cadre de relations financières et aussi de
nouvelles approches quant au contrôle de l'utilisation des
ressources.
Le deuxième aspect, c'est la nécessité de bien
établir, à notre avis, compte tenu de la nature des services et
aussi du fait que les personnes, les citoyens, les communautés sont
intéressés, à divers titres, au bon fonctionnement des
institutions, la composition, en premier lieu, des conseils d'administration de
ces institutions et de faire en sorte qu'à la fois ceux qui ont
contribué dans le passé à la création des
corporations qui ont la responsabilité du fonctionnement des services en
dernier ressort, continuent d'être représentés dans ces
conseils d'administration, dans une certaine mesure.
Il faut aussi que les consommateurs de services ou encore les citoyens
puissent avoir voix au chapitre directement, sans être
nécessairement membres de ces corporations, de telle sorte que ceux qui
reçoivent les services puissent également avoir voix au chapitre
dans l'administration et l'organisation des services, également au
niveau des conseils d'administration de ceux qui, à divers titres,
à l'intérieur des institutions, participent au fonctionnement de
ces institutions et à la distribution immédiate des services.
Enfin, compte tenu du fait qu'il existe des liens entre les institutions, pour
qu'elles deviennent complémentaires au plan des services ou encore
assurer une continuité dans les services, des liens également
entre les institutions à divers niveaux, soit entre les niveaux local et
régional, des liens entre les institutions d'enseignement et les
établissements, dans le domaine de la santé et des services
sociaux, que ces éléments ressortent dans la composition des
conseils d'administration.
Egalement, pour certains types bien particuliers d'établissements
je pense en particulier au domaine de l'enfance à des
institutions dont le rôle est d'héberger, de donner des services
à des adultes, que les parents des enfants, dans le premier cas, et que
ces adultes, dans le deuxième cas, qui doivent y séjourner pour
de longues périodes puissent également avoir voix au chapitre au
niveau des conseils d'administration.
Enfin, condition importante pour le maintien du dynamisme, la
sensibilité au problème, le renouvellement, de façon
ordonnée, de ces conseils. Dans toute la mesure où il a
été possible de le faire, nous avons introduit, dans ce projet de
loi, malgré les difficultés qui existent dans le secteur, le mode
électif. Je crois que je n'ai pas à insister tellement sur ces
difficultés. Nous en avons déjà discuté au niveau
de la commission parlementaire. Au besoin, lors de la discussion plus
détaillée du projet de loi, nous pourrons y revenir.
Le troisième élément majeur de ce projet de loi, je
crois, c'est la création de conseils régionaux de la santé
et des services sociaux. Nous avons voulu, d'une part, ces conseils aussi
représentatifs que possible, représentatifs également dans
toute la mesure du possible à partir de processus électifs.
Lorsqu'on examine leur composition, à partir de la base des
institutions, des établissements, que ce soient les centres locaux, les
institutions locales, les institutions plus spécialisées
donc création de ces conseils régionaux on voit que leurs
fonctions seront, justement, de promouvoir la participation de la population au
bon fonctionnement, au développement des services de santé et des
services sociaux.
Ils joueront aussi un rôle bien précis au niveau du bon
fonctionnement des mécanismes d'élection des représentants
aux conseils d'administration des divers établissements. Egalement, ils
recevront les plaintes que pourraient formuler les utilisateurs des services de
santé et des services sociaux, plaintes portant sur des aspects non
strictement professionnels des services rendus, étant donné que
cette fonction appartient, au premier titre, aux corporations
professionnelles.
Je reviens très brièvement sur le fait que la mise en
place de ces conseils régionaux qui ont un rôle
consultatif, un rôle de promotion, un rôle de participation, mais
qui n'ont pas de pouvoirs de décision ou de pouvoirs administratifs au
sens strict sera accompagnée d'un effort du ministère
portant sur la mise en place du personnel administratif au plan
régional, de telle sorte qu'il sera possible de continuer de poursuivre
l'objectif que j'ai mentionné précédemment, qui est celui
de la décentralisation au plan régional.
Le quatrième élément, c'est la répartition
des établissements en des catégories aussi larges que possible,
mais, en même temps, qui permettent de regrouper les
établissements de telle sorte qu'il soit possible d'identifier, aussi
clairement que nécessaire, leurs fonctions ou leur vocation
particulière et qu'il soit possible, à partir de cette
catégorisation, de développer des mécanismes
appropriés pour favoriser la coordination entre les
établissements, entre le personnel, entre les types de services. Cela
facilitera la recherche de la continuité dans les services, partout
où il est possible ou utile de le faire, et facilitera aussi, nous
l'espérons, la collaboration entre les établissements, qui
devrait exister d'une façon plus grande que ce n'est le cas bien
souvent.
Aussi, par suite de cette recherche à divers plans, on
recherchera une plus grande efficacité dans la distribution des
services. Sur ce plan également, à l'intérieur des
établissements, des dispositions devront bien clarifier et distinguer ce
qui est de la nature des structures internes au plan administratif, au plan du
fonctionnement quotidien des établissements, et ce qui touche au
contrôle des activités, des actes médicaux ou des actes
posés par les professionnels, tels les
médecins et les dentistes, qui sont d'une nature autre que ceux
que comporte l'administration quotidienne ou la bonne gestion d'un
établissement.
Elles devront distinguer entre cette fonction de gestion et une fonction
très légitime à laquelle veulent être
associés les professionnels au sein des établissements,
c'est-à-dire de conseiller le conseil d'administration, la direction sur
l'organisation scientifique et technique des établissements. Ceci est
assuré à notre avis d'une façon adéquate dans le
projet de loi, tout en respectant le principe qui nous apparaît le plus
fondamental, celui de l'unité de direction au plan administratif.
Nous avons également dans ce projet de loi un autre
élément qui ressort de façon particulière et qui
touche maintenant plus précisément la nature des services rendus,
c'est la création des centres locaux des services communautaires, de
telle sorte qu'au niveau des problèmes de l'homme, de l'utilisateur de
ces services, de la famille, des groupes même, nous ayons la
possibilité d'avoir des services très près de la
population, des services qui sont développés, orientés
à partir d'une approche plus globale de la solution des problèmes
de l'homme, des services qui sont fondés sur des équipes aussi
polyvalentes et multidisciplinaires que possible, de telle sorte que cette
réalité qui est très bien perçue maintenant
de la complémentarité ou de la justaposition des
problèmes auxquels sont aux prises les personnes et les familles soit
reconnue dans l'organisation des services.
Ces centres locaux de services communautaires auront aussi une fonction
extrêmement importante, celle de relier, de rapprocher aussi bien les
programmes de prévention que les services ou les programmes à
caractère curatif ou de réadaptation et même de faire le
pont à tout le moins au niveau des services courants entre
les aspects physiques et les aspects psychologiques ou psychiques de la
santé, dans son sens le plus étroit, et aussi de
l'équilibre, au plan social des individus et des familles. Ce
rapprochement ou cette intégration est aussi une dimension
extrêmement importante de ce concept des centres locaux de services
communautaires qui, compte tenu de la responsabilité très
particulière du ministère ou du ministre des Affaires sociales
dans ce secteur, auront enfin pour fonction d'assurer à la population
les services dont elle a besoin, particulièrement dans le secteur de la
santé et même dans certains types de services sociaux ou parfois
il existe un caractère d'urgence.
De toute façon, ces services, revêtant un caractère
essentiel dans un très grand nombre d'établissements, il n'est
pas possible d'envisager leur interruption. Il nous faut également un
pouvoir d'intervention aussi souple que possible lorsque, pour diverses
raisons, la bonne distribution, la bonne organisation des services n'est pas
respectée.
Ce pouvoir d'intervention de la part du ministre est circonscrit dans le
projet de loi par des dispositions particulières destinées
à éviter que ceci devienne un pouvoir arbitraire qui pourrait
être considéré, par les responsables des
établissements, comme un genre de menace constante qui pèse sur
leurs têtes et qui pourrait être susceptible de les
démotiver. Ceci constitue les aspects ou certains, à tout le
moins, des éléments les plus importans de ce projet de loi. Quant
aux dispositions spécifiques, elles peuvent être regroupées
en divers types. Nous aurons l'occasion d'en discuter plus spécialement
au niveau de l'étude article par article du projet de loi.
Il m'apparaît important de rappeler, très
brièvement, le contenu de chacune de ces grandes sections. Le projet de
loi contient, en premier lieu, les objectifs poursuivis, donne un aperçu
des droits des utilisateurs des services ou des citoyens face aux services de
santé, aux services sociaux. Le projet précise sa portée
face aux types d'institutions, de groupements qui sont visés par ce
projet de loi, de telle sorte que les groupements qui ne le sont pas n'aient
pas à craindre certains contrôles qui, pour eux, pourraient
être exagérés mais qui, s'ils sont destinés
spécifiquement à des services de santé, des services
sociaux, nous apparaissent appropriés.
Le projet, comme je l'ai mentionné, propose la création
des conseils régionaux. Le projet, également, veut
préciser le caractère des établissements, soit le
caractère public ou privé. Compte tenu du fait que nous sommes
dans un secteur en pleine évolution, que nous sommes dans un secteur
où, je l'ai rappelé tantôt, les services existants ont
été développés dans un contexte
d'évolution.
Il faut donc l'introduction d'une certaine souplesse en reconnaissant
pour des centres d'accueil un statut intermédiaire entre privé et
public. Enfin, le projet de loi reconnaît que des établissements
dans ce secteur puissent avoir un statut purement privé et même
que ce soient des établissements à but lucratif mais, en
contre-partie, comme je l'ai mentionné ce matin,
nécessité, d'autre part, d'assurer la protection du public. Ceci
se fait aussi bien par les dispositions du projet de loi qui touchent aux
permis, aux sanctions et aussi au plan administratif par les structures du
ministère. Au plan financier, le projet de loi propose également
des modes de financement ou de relations financières adaptés
à chacun de ces types d'établissements.
Le seul point que je voudrais mentionner ici c'est que, dans le cas des
établissements publics, le projet de loi reconnaît, je crois,
clairement que nous devons financer, à toutes fins utiles, pratiquement
100 p.c. des coûts d'opération de ces établissements.
Dans le cas des établissements privés conventionnés
ceux qui se situent dans cette catégorie intermédiaire
à laquelle j'ai fait allusion qu'il soit possible, au plan
financier, d'avoir
plus de souplesse, que le gouvernement puisse intervenir au plan du
financement, soit de façon partielle ou totale, et enfin, lorsqu'il
s'agit d'établissements purement privés, que ceci doive se faire
par la voie de formules qui s'apparentent à l'achat de services.
Mais, dans ce dernier cas, de telle sorte qu'il s'agit de fonds publics
destinés à l'achat de services à caractère
essentiel, la contrepartie, c'est-à-dire la nécessité de
connaître la situation financière de ces
établissements.
Au sein des institutions, le projet de loi propose le maintien d'un
conseil des médecins et dentistes destiné à remplacer les
bureaux médicaux actuels, la formation d'un conseil consultatif des
professionnels dans tous les établissements où la formation d'un
tel conseil peut être envisagée, compte tenu du nombre et du
caractère des professionnels, précise le statut du directeur
général, du directeur des services professionnels, étant
donné les responsabilités particulières qui leur sont
attribuées.
Le projet de loi également contient des dispositions touchant
à la fusion et à la conversion des établissements. Sur ce
point nous sommes dans une période de transition, une période
d'évolution où il apparaît de plus en plus important que
des établissements changent de vocation, se regroupent. Ces
dispositions, donc, revêtent une importance particulière. Elles
sont aussi liées dans leur nature au fait que, pour tous les
établissements qui existent au moment de la présentation de ce
projet de loi, les corporations existantes continueront d'exister. Alors, il
faut tenir compte de cette dimension dans les dispositions relatives à
la fusion pour répondre aux aspects qui ont été
mentionnés par certains organismes et qui portaient sur les dangers que
le gouvernement, par cette voie, puisse s'approprier des biens qui sont la
propriété d'organismes privés ou autres.
Le projet de loi contient également des dispositions permettant
clairement à des citoyens de continuer d'aider au bon fonctionnement et
au développement des services de santé et des services sociaux,
soit par leurs efforts personnels, soit par des contributions
financières, compte tenu du fait que ces contributions apportent au
secteur une dimension que, bien souvent, il ne serait pas possible d'introduire
par des mécanismes législatifs ou financiers qui sont à la
portée du gouvernement. Ici, je pense, de façon
particulière, à toutes les personnes qui s'intéressent
bénévolement au bon fonctionnement des établissements.
Le projet de loi contient également, comme je l'ai
mentionné, des dispositions relatives à l'administration
provisoire, sur intervention du ministre, des établissements. Il
contient aussi les dispositions qui s'imposent au plan des enquêtes et la
réglementation qui doit en découler. Enfin, le projet de loi
contient des dispositions relatives aux chartes de toutes les corporations
existantes et des corporations à venir.
M. le Président, même si cet exposé a
été quelque peu long dans les grandes lignes, voilà les
objectifs que nous poursuivons par le projet de loi no 65. La seule chose que
je puisse dire en terminant, c'est que ce projet de loi s'inscrit
également dans le cadre de travaux qui ont débuté vraiment
au Québec par la création de la Commission d'enquête sur la
santé et le bien-être social. Ce projet de loi, en fait, provient
d'une réflexion beaucoup plus large que celle à laquelle nous
avons assisté au cours des derniers mois. Il provient, de fait, en large
mesure, du travail effectué par cette commission et du travail de tous
ceux qui s'y sont associés par la présentation de mémoires
ou par les travaux de recherche qu'ils ont effectués.
C'est une autre étape dans un long processus, mais une
étape extrêmement importante. J'espère que, malgré
certaines déficiences que peut encore comporter ce projet de loi, il
sera à la fois bien reçu par les membres des partis d'Opposition,
par la population en général et aussi par tous ceux qui, à
divers titres, sont intéressés au bon fonctionnement des
organismes de santé et de services sociaux. J'espère qu'on y
verra beaucoup plus, peut-être, qu'un dérangement d'habitudes
acquises, mais plutôt un effort je pense que le terme n'est pas
exagéré collectif de progrès dans un secteur
extrêmement important pour toute la population. Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.
M. Jean-Paul Cloutier
M. CLOUTIER (Montmagny): Je voudrais faire, dans le cadre du
débat en deuxième lecture sur le projet de loi no 65, une
intervention qui sera peut-être un peu plus brève que je ne
l'aurais voulu, parce que vous comprendrez que nous discutons de cette loi, de
son contenu, depuis maintenant cinq ou six mois, depuis que le ministre des
Affaires sociales l'a déposée devant cette Chambre, en juillet
dernier, avant l'ajournement d'été.
De plus, au cours de dix séances de la commission parlementaire
je crois que c'est là un précédent pour le nombre
de séances nous avons rencontré au-delà d'une
soixantaine d'organismes, peut-être plus, qui sont venus nous faire des
représentations. Ce nombre d'organismes que je viens de mentionner ne
couvre pas ceux qui nous ont fait parvenir des mémoires et des
communications sans se présenter devant la commission parlementaire.
Il y a donc là, je crois, un précédent dans cette
Chambre, en ce qui concerne sa législation et ses travaux, pour le
nombre de personnes, d'organismes et d'heures consacrées à
l'étude d'une législation.
Est-ce que, M. le Président, cette loi valait bien la peine qu'on
y mette autant de temps et de réflexion? Je crois que oui, non
seulement
par l'importance du projet de loi, en lui-même, par le nombre
d'articles que nous pouvons y déceler, par les sujets qui y sont
traités mais également parce qu'il n'y a pas un citoyen, pas une
famille dans le Québec qui n'est pas, à un moment ou l'autre,
directement touché par ce projet de loi et qui n'en subira pas les
conséquences. D'autre part, ceux qui auront à travailler avec cet
outil qu'est le bill 65 représentent un secteur important de
l'activité gouvernementale et paragouvernementale. Nous n'avons
qu'à songer aux implications financières qui découlent
d'un projet de loi comme celui-là et qui vont peut-être
représenter le tiers du budget du Québec si nous incluons,
évidemment, des services qui sont donnés par des professionnels
dans le cadre d'autres législations comme celles de l'assurance-maladie
et de l'assurance-hospitalisation.
Il s'agit donc là, M. le Président, d'une loi qui rejoint
les individus, tous les Québécois, tous les citoyens dans leur
vie quotidienne et dans leurs relations avec l'Etat par les services qu'ils
vont utiliser dans le domaine de la santé ou dans le domaine social.
Je commencerai par où le ministre a terminé, il y a un
instant. Il a dit que cette législation n'était pas soudaine et
qu'il y a eu des travaux préalables. Je ne crois pas non plus, sauf
peut-être en éducation, qu'il y ait eu autant de travaux
préparatoires à une loi. Le ministre a fait allusion il
est bien placé pour en parler aux travaux de la commission
Castonguay-Nepveu, qui, depuis 1966, s'est penchée sur le domaine de la
santé et du bien-être social.
Pour l'avantage des membres de cette Chambre, pour qu'ils puissent
constater que ce projet de loi no 65, comme d'autres lois, comme celle de
l'assurance-maladie et d'autres qui viendront, s'inscrit bien dans le cadre du
mandat spécifique qui avait été confié à la
commission d'enquête Castonguay-Nepveu. Je voudrais vous le dire pour que
ce soit inscrit au journal des Débats, dans le cadre de ce
débat.
Alors, on disait: "Que soit instituée, sous l'autorité de
la Loi des commissions d'enquête, une commission chargée de faire
enquête sur tout le domaine de la santé et du bien-être
social et, sans restreindre son mandat, en particulier sur les questions
relatives, premièrement, à la propriété, à
la gestion ainsi qu'à l'organisation médicale des institutions
hospitalières et des institutions dites de bien-être social;
deuxièmement, à l'assurance-hospitalisation telle qu'actuellement
appliquée; troisièmement, à l'établissement de
l'assurance-maladie, nous savons que la législation a été
votée et que maintenant elle a force de loi; quatrièmement,
à l'acte médical ainsi qu'à l'évolution de
l'activité médicale et paramédicale; cinquièmement,
aux mesures d'aide sociale et à leur développement;
sixièmement, à la structure et au rôle des divers
organismes ou associations s'occupant de la santé et du bien-être
social; septièmement, aux mesures d'hygiè- ne et de
prévention; huitièmement, aux effectifs médicaux et
paramédicaux ainsi qu'à l'équipement; neuvièmement,
à l'enseignement et à la recherche." Alors, ce sont tous des
sujets dont nous avons eu, amplement l'occasion de discuter au cours des
travaux de la commission parlementaire et que chacun des organismes qui est
venu devant la commission, dans le cadre de ce projet de loi, a touché
selon son optique particulière.
On disait aussi: "Que cette commission soit aussi chargée de
faire enquête sur toute autre question que pourra lui soumettre le
lieutenant-gouverneur en conseil".
M. le Président, vous me permettrez de lire également,
pour me rappeler des souvenirs et en rappeler au ministre actuel, le dernier
paragraphe de l'arrêté ministériel: "Que M. Claude
Castonguay agisse comme président et que M. Gérard Nepveu agisse
comme secrétaire de cette commission". C'était le 9 novembre
1966, donc alors que j'occupais les fonctions de ministre de la Santé et
du Bien-Etre social. J'avais fait moi-même cette proposition, que je ne
regrette d'ailleurs pas, M. le Président, puisque cela a permis au
ministre actuel de faire connaissance avec tout ce vaste champ de la
sécurité sociale.
Donc, M. le Président, cette loi n'arrive pas soudainement. Elle
fait partie d'une trame, d'un échéancier qui déjà,
à ce moment-là, avait été échafaudé
par les responsables gouvernementaux. Il y a eu d'autres lois qui se sont aussi
inscrites dans cet échéancier. J'en ai nommé une tout
à l'heure, il y a eu l'assurance-maladie. Il y a eu la loi no 26 qui,
également, faisait suite au rapport d'une commission d'enquête, la
commission Boucher, et qui, dans ce secteur du bien-être social, venait
apporter une coordination, une intégration de différentes lois
disparates qui avaient été présentées à
certaines époques de la vie de cette Assemblée nationale, selon
les besoins particuliers de l'époque sans que, évidemment,
étant donné le décalage de dates et d'années, on
puisse à ce moment-là, dans chacune des lois y introduire
suffisamment de coordination.
L'assurance-maladie et la loi no 26 ont donc été des lois
qui s'inscrivaient dans tout ce processus de rationalisation du secteur de la
sécurité sociale. Je pourrais évidemment mentionner
qu'avant cela, il y avait eu l'assurance-hospitalisation, en 1961 le
ministre en a parlé ce matin quand il a traité brièvement
de la conférence des ministres de la Santé, qui se tiendra demain
loi que l'on ne peut pas dissocier de l'assurance-maladie et des
nouvelles représentations que le Québec veut faire pour
introduire justement cet élément de mobilité qu'on doit
maintenant avoir dans le domaine de la sécurité sociale, et la
difficulté je le dis, M. le Président, sans faire une
charge contre le gouvernement central qu'on a à le faire
comprendre et accepter par les autorités centrales.
Le ministre a également déclaré que d'autres
lois viendraient s'y ajouter. C'est parfaitement logique et parfaitement
normal. Le projet de loi no 65, en somme, est une loi-cadre qui regroupe, qui
remplace des lois qui existent déjà et qui seront abrogées
par cette loi, entre autres la Loi des hôpitaux, qui a été
adoptée en 1962, la Loi des hôpitaux privés, la Loi de
l'assistance publique, d'autres lois qui seront modifiées, comme la Loi
de l'hygiène, la Loi de l'OPTAT, la Loi des maladies
vénériennes, enfin une série de lois, dans le domaine de
la santé, qui seront modifiées par cette loi no 65 qui, en somme,
est une loi-cadre comme l'était, dans le domaine du bien-être
social, la loi no 26.
Il ne faut donc pas voir, M. le Président, dans cette loi, comme
ont été tentés de le faire les organismes qui sont venus
devant la commission parlementaire, une loi qui touche à des secteurs de
la sécurité sociale, alors qu'en fait, cette loi n'y touche
pas.
Le ministre je suis d'accord avec lui là-dessus a
introduit dans sa nouvelle version, davantage de précisions quant
à l'application de la loi.
Ce n'était pas l'intention du législateur de tout
régler par cette loi. On le verra tantôt; je ferai quelques
remarques à ce sujet. On y affirme des droits qui, forcément,
sont encore limités, parce qu'il n'y a pas de droits à
l'état pur. Des droits qui sont sans contrainte, on ne retrouve pas
ça souvent dans nos législations. Il y a des droits qui sont
forcément limités, il y a des objectifs qui sont des souhaits,
qui sont des orientations, qui sont des points à atteindre. Il reste
qu'avec nos moyens limités, avec les contraintes financières, les
contraintes en équipement, les contraintes en ressources humaines, c'est
plus difficile en pratique d'atteindre des objectifs que de les inscrire dans
un projet de loi.
Il ne faudrait pas voir dans ce bill no 65 un outil miraculeux qui va
régler tous les problèmes de dispensation des soins ou qui va
ajouter immédiatement et de façon véritablement
surprenante à la qualité des soins qui seront
distribués.
Il faut y voir nous sommes d'accord là-dessus un
essai assez difficile, mais loyal d'introduire dans tout le système de
la sécurité sociale, qui est extrêmement complexe, dans
tout le système de la distribution des soins, une coordination et une
intégration absolument nécessaires. Les travaux de la commission
d'enquête l'ont indiqué de façon très claire.
Il est clair que le ministre si on constate les
différences qu'il y a entre sa deuxième et sa première
version s'est rendu compte, à l'audition des organismes devant la
commission parlementaire et aussi devant les réflexions qu'ont
apportées les membres de la commission parlementaire, que si,
idéalement, on veut et on désire atteindre certains objectifs, si
on veut idéalement régionaliser, décentraliser, inviter la
population à participer, en pratique, surtout au départ,
ça comportait plus de difficultés qu'on ne le croyait.
On ne peut pas instaurer une législation aussi complexe sans
compter sur la collaboration et sur la bonne volonté des partenaires
qui, eux, dans le champ quotidien, vont utiliser ce mécanisme et vont
lui faire donner son rendement, en plus ou en moins. Ce sont eux qui vont faire
ressortir la qualité de cet outil qu'est le projet de loi no 65.
Entre la première et la deuxième version, il y a eu les
séances de la commission parlementaire. Les organismes ont fait
ressortir devant la commission beaucoup de craintes. On s'est
inquiété d'une apparence de non-continuité entre les
travaux de la commission Cas-tonguay-Nepveu et ce qui est inscrit dans le
projet de loi.
Je reviens à une observation que je viens de faire, il y a un
instant, c'est que, même si idéalement la plupart de ceux qui sont
venus devant la commission sont d'accord pour que l'on traduise dans des textes
législatifs les orientations qu'a indiquées la commission, il
reste qu'en pratique je pense aussi qu'on sera d'accord;
là-dessus, notre groupement est parfaitement d'accord nous
aimerions que l'on y introduise des étapes.
Nous ne différons pas d'opinion avec le ministre qui, dans sa
première version du projet de loi a voulu introduire dans son projet de
loi une décentralisation. Les organismes qui sont venus devant la
commission n'ont pas, eux non plus, refusé la décentralisation
des pouvoirs et la régionalisation. Ils ne les ont pas
refusées.
On a fait le commentaire suivant, de façon
générale: Si le ministre des Affaires sociales, si le
gouvernement veut décentraliser dans le sens des observations ou des
recommandations de la commission Castonguay-Nepveu, il faudra qu'en fait il
décentralise et régionalise, et non pas qu'il ajoute une
structure qui ne fera qu'alourdir tout le processus de communications entre le
ministère et les établissements et apporter des complications
dans un système qui est déjà compliqué par
lui-même.
On ne refusait donc pas cette idée de décentralisation et
de régionalisation, mais on trouvait que le mécanisme, la
modalité introduite dans la législation ne correspondait pas
à ce que l'on devait attendre d'un mécanisme un peu plus
perfectionné et un peu plus significatif. La deuxième version que
le ministre nous apporte aujourd'hui a tenu compte de ces observations,
observations que nous avons faites à l'effet qu'il serait
peut-être plus prudent de procéder par étapes, qu'il serait
plus prudent de préparer la région à recevoir une
structure régionalisée et décentralisée.
M. le Président, si vous me le permettez, je voudrais faire une
brève analogie avec le système scolaire, dans lequel on a
introduit un effort de régionalisation un peu plus accentué
à certains moments, effort qui se traduisait par des législations
particulières, surtout à l'occasion de l'Opération 55, de
l'implantation des CEGEP ou du regroupement des commissions scolaires. Mais il
faut vous dire, M. le Président,
que la population en général est beaucoup plus
sensibilisée aux questions qui touchent l'éducation, son contenu,
l'équipement, les ressources humaines, les ressources matérielles
qu'elle ne l'est dans le domaine de la santé et du bien-être
social, parce que c'est un domaine extrêmement complexe. On n'a
qu'à prendre d'abord le nombre de personnes qui à un moment ou
l'autre ont été associées au développement scolaire
dans le Québec, à la régionalisation scolaire dans le
milieu au sein des commissions scolaires locales ou régionales, au sein
des corporations de CEGEP, au sein de tous les comités consultatifs, et
à le comparer avec le nombre de personnes qui ont été
associées à un moment ou l'autre au fonctionnement de nos
établissements hospitaliers.
Il y a plus de gens qui ont été associés à
l'administration d'institutions moins complexes, comme les centres d'accueil,
étant donné que c'était basé surtout sur la
motivation de la population locale, que de gens qui ont été
mêlés de près à l'administration des centres
hospitaliers. Je pense qu'il y a là un élément qui
déjà nous indique qu'il y a beaucoup moins de gens dans nos
régions qui sont sensibilisés actuellement et qui sont
peut-être prêts à assumer des responsabilités dans ce
secteur. Non pas qu'ils ne soient pas qualifiés pour le faire, mais
parce que notre système ne les a pas préparés, ne les a
pas entraînés à participer au développement,
à l'administration, à la gestion des institutions.
Je pense donc, M. le Président qu'il est préférable
pour notre part nous l'avions indiqué au ministre lors de la
dernière séance de la commission parlementaire que dans
cette version du projet de loi, dans cette nouvelle version nous retenions la
deuxième option de l'alternative, à savoir la création
d'un conseil des affaires sociales au lieu et place d'un ORAS,
c'est-à-dire un organisme régional des affaires sociales.
Ce conseil des affaires sociales pourra préparer
l'avènement de l'organisme régional que nous entrevoyons.
D'ailleurs, le ministre ne s'en est pas caché, il a indiqué, fort
précisément, que c'était l'orientation qu'il voulait
donner au projet de loi no 65 et qu'en temps et lieu, quand une certaine
préparation aura été faite, ces conseils seront
remplacés par des ORAS dans les régions.
D'autres arguments d'ordre pratique nous font accepter davantage cette
deuxième option plutôt que la première. Dans les
régions, même si nous pouvons recruter des ressources humaines en
quantité et en qualité suffisantes pour assumer la
responsabilité de diriger un ORAS, je pense qu'il faudrait tout de
même préparer ce personnel. Avec l'ouverture des conseils
d'administration, on pourra préparer davantage, dans divers milieux, des
personnes qui, dans l'administration quotidienne des établissements,
verront à se pencher sur les problèmes d'ordre administratif,
d'ordre financier et planification à l'intérieur de leur
institution. On pourra les sensibiliser aussi à ce contact beaucoup plus
étroit qui doit exister entre les différents types d'institutions
et les différents niveaux de service.
Je crois qu'on pourra recruter dans une assez brève
échéance, soit d'ici cinq ans, si un effort véritable est
fait du côté de la région, si on accepte cette orientation
que le gouvernement veut donner à la politique de
décentralisation et de régionalisation d'une part, dans la
région suffisamment de gens de tous les milieux, de tous les secteurs
d'activité qui seront suffisamment préparés à
assumer avec succès des reponsabilités. C'est au niveau de la
région. D'autre part, cet organisme de consultation pourra exercer les
pouvoirs que la loi lui confie; en particulier, je voudrais insister surtout
sur un des rôles importants de ce conseil régional, qui sera
d'assurer une communication entre le public, le ministre et les
établissements.
Un autre pouvoir sera de susciter la participation populaire à la
définition de ses besoins et à l'administration des
établissements. Susciter la participation populaire. En théorie,
l'énoncer, ça va bien, c'est assez facile; mais, en pratique,
cela reste un autre problème. Bien des organismes venus devant la
commission parlementaire nous ont mentionné le fait que depuis quelques
années on a vu éclore le phénomène des
comités de citoyens qui, devantage dans tous les secteurs, et
particulièrement dans celui de la sécurité sociale,
veulent assumer des responsabilités. En pratique, je pense que cela
comporte tout de même certaines limitations dans l'immédiat. Je
pense que ce n'est pas tout de désirer assumer ses
responsabilités, de vouloir être associé à ce
développement, à cet effort de sensibilisation de la
population.
Mais, en pratique, cela pose certains problèmes: exprimer un voeu
de participer et accepter l'invitation concrète d'aller y participer,
avec tout ce que ça comporte de dérangements, de
difficultés, de problèmes ou de contraintes. Je crois qu'il y a
une marge à franchir; c'est justement cette étape de quelques
années entre l'instauration d'un conseil régional et celle d'un
organisme véritablement régional des affaires sociales. Je crois
que ce décalage de quelque temps permettra véritablement
d'assurer un succès plus grand à l'opération.
D'autre part, après avoir traité des difficultés au
niveau de la région, il reste qu'au niveau du ministère il y a
une certaine préparation à faire. Si on veut
déléguer, un peu plus tard, aux ORAS des responsabilités
de planification, de programmation, de répartition, d'intégration
des ressources au sein du territoire, de liaison ou de coordination très
étroite entre les différents établissements du territoire,
ces pouvoirs d'enquête qu'à un certain moment on a
qualifiés d'exagérés et dont on a fait ressortir
l'inopportunité dans bien des mémoires, en somme, toutes ces
responsabilités qu'on voudra confier à la région, aux
ORAS, il faudra que ça se prépare au ministère.
Il faudra que les fonctionnaires qui sont
regroupés dans ce nouveau ministère des Affaires sociales
travaillent dans ce sens. En passant, cette fusion était bien dans la
ligne de pensée, d'orientation que nous avions donnée à
notre échéancier. Il faudra demander la même chose à
ces fonctionnaires qu'on est à recruter au ministère, dans toutes
les directions générales je l'ai mentionné en
commission particulièrement dans les directions
générales de la planification et de la programmation. On sait la
difficulté le ministre doit l'éprouver, à ce
moment-ci de recruter en quantité suffisante et en qualité
le type de fonctionnaires qu'il faut pour ces directions
générales.
Alors, si on est à bâtir de toutes pièces, au
ministère des Affaires sociales, des structures valables,
composées de fonctionnaires compétents, qui vont travailler dans
le sens des orientations que veut donner le ministre à la politique
sociale, on ne peut pas monter une équipe comme celle-là dans un
ministère qui, après le regroupement, si on me permet
l'expression, sera un ministère nouveau sous plusieurs aspects, du moins
sous celui de l'organigramme et des nouvelles structures qu'on veut y
implanter. Alors, je pense que, du point de vue pratique, c'est un argument
auquel il vaut la peine de s'arrêter.
D'autre part, toujours dans l'optique que la région devra assumer
ses responsabilités de planification et de coordination, il faudra
qu'elle ait des données, qu'elle connaisse d'abord ce qui existe au
ministère des Affaires sociales comme données, comme
renseignements, comme statistiques; qu'elle ait en main les outils qu'a eus la
commission, les travaux dont s'est inspirée la commission Castonguay
pour en venir à proposer des organismes régionaux ou à
créer des régions.
Il faudra que le ministère transmette aux conseils
régionaux, au fur et à mesure qu'elles seront disponibles, une
foule de données qui permettront d'évaluer véritablement
quel est l'actif, la situation actuelle au niveau de la région, et quels
sont les correctifs qu'on devrait appliquer au point de vue de l'implantation
des ressources, de la gestion, de l'intégration d'un niveau des soins et
de la répartition des effectifs, toujours au niveau de la
région.
Il faut véritablement, à ce niveau, faire l'implantation
nécessaire, la coordination, l'intégration exigées pour
que le conseil régional, quand il sera implanté dans quelque
temps, puisse véritablement assumer entièrement ses
responsabilités.
Alors, entre les deux options, nous n'avons pas rejeté celle de
l'ORAS, qui était proposée par la commission Castonguay-Nepveu et
que le ministre a traduite timidement, dans une première version, parce
qu'il s'est rendu compte, lui aussi, des contraintes déjà d'aller
aussi loin que l'avait proposé la commission. Je pense que c'est un
geste heureux d'avoir opté, à ce moment-ci, pour une structure
qui ressemble beaucoup plus et qui s'apparente beaucoup plus à une
structure de consultation qu'à une structure véritablement
décentralisée et régionalisée. Je ne devrais pas
dire régionalisée, parce que le conseil, lui aussi, est
régionalisé, mais une structure décentralisée.
Alors, je pense qu'entre les deux, le choix tenant compte de toutes ces
contraintes d'ordre pratique, tenant compte aussi de l'orientation que l'on
veut donner, qui est acceptée, que l'on s'en va vers l'ORAS, que l'on
s'en va vers cette structure avec tous les pouvoirs mais véritablement
des pouvoirs dans ce contexte, est normal. Je ne dis pas que tout le
monde sera d'accord, mais je pense qu'il est normal et le ministre est prudent,
il met de son côté beaucoup plus de chances de réussite et
de succès dans l'adoption du projet de loi no 65 et dans son acceptation
par la population et par ceux qui vont vivre et qui vont travailler avec cette
loi.
H y a un autre point que je voudrais toucher. C'était
décrit dans les objectifs du ministère et du ministre, au moment
où il a déposé son projet de loi. Il l'a explicité
lors de la première séance de la commission parlementaire. Il y
est revenu souvent par la suite. C'est l'introduction au sein des
établissements, au sein des conseils d'administration,
d'éléments de dynamisme. Il s'agissait d'introduire là un
élément de représentativité beaucoup plus
élaboré que celui que l'on retrouve actuellement au sein des
conseils d'administration. C'était l'objectif que poursuivait le
ministre, au sein d'abord des ORAS, maintenant des conseils, et ensuite, au
sein des quatre types d'établissements dont la loi fait mention.
C'était une intention, c'était un objectif, et je pense que
là-dessus, tout le monde était d'accord.
Devant la commission parlementaire, on a exprimé certaines
craintes, à savoir que ce processus, même en tenant compte d'un
certain délai d'un ou deux ans, soit appliqué
uniformément, soit appliqué sans distinction, sans tenir compte
des états de service, de la compétence de ceux qui sont
là, de ceux qui sont en fonction et qui ont acquis, avec les
années, évidemment, même si la motivation s'est
détériorée peut-être en cours de route, mais qui ont
acquis tout de même une certaine expérience qui pourrait
compenser. Si on n'avait pas tenu compte de ce besoin de continuité,
d'une certaine continuité à l'intérieur des institutions,
je pense que le ministre se serait crée de sérieux
problèmes.
Il a été sage de réexaminer la première
version du projet de loi et de tenir compte des remarques qui ont
été faites devant la commission parlementaire. Cela à tous
les niveaux de structures et des établissements pour les conseils
régionaux et pour les quatre types d'établissements.
Il a tenu compte aussi d'une autre critique qui a été
assez sévère devant la commission et je pense qu'on pourrait en
faire un long débat.
Etait-il préférable que le lieutenant-gouverneur nomme
lui-même autant de repré-
sentants au sein des conseils d'administration ou qu'il fasse place
davantage au processus électif?
M. CASTONGUAY: Me permettez-vous de faire une remarque?
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, M. le Président.
M. CASTONGUAY: Avez-vous remarqué que, lorsqu'on a fait ces
remarques, on a pris soin de dire: Pas sous votre gouvernement, mais sous un
autre gouvernement cela pourrait présenter des dangers!
M. CLOUTIER (Montmagny): Ah! le ministre ne devra pas s'exposer à
la tentation! Je comprends qu'il est encore un nouveau ministre, mais il s'est
rendu compte déjà que des pressions viennent d'un peu partout.
Les pressions les plus difficiles à réfuter viennent toujours de
nos meilleurs amis, nos collègues du côté
ministériel. Je pense que le ministre va s'éviter un paquet de
troubles en ayant moins de personnes nommées par le
lieutenant-gouverneur en conseil et en assurant davantage que dans le milieu il
y ait des propositions et des élections. Si le milieu se trompe, si le
milieu n'apporte pas suffisamment d'attention au choix des personnes, il en
subira les conséquences. Nous serons juges et le ministre n'aura pas de
reproche à faire au lieutenant-gouverneur en conseil et il n'aura pas
à se faire de reproche en disant qu'il avait peut-être
assumé trop de responsabilités qu'il n'avait pas voulu partager
avec la population, c'est-à-dire la responsabilité d'élire
les membres du conseil d'administration.
De toute façon, de ce côté-là, assurer que
davantage de membres d'un conseil d'administration soient élus par le
territoire, par les gens qui ont utilisé les services, soit depuis un,
deux ou trois ans, ou les maires des municipalités au sein des
organismes régionaux des affaires sociales, je pense que c'est une
théorie et une modalité qui se défend. On pourra dire: Le
nombre de ceux qui pourraient être élus pourrait être
différent. On pourra dire: Ce sont ceux qui utilisent les services
depuis tant de temps qui devraient élire les membres des conseils
d'administration. Mais, dans l'ensemble, je pense que nous pouvons être
d'accord sur ces modalités.
D'autre part, le ministre a tenu compte d'une objection qui est
importante aussi et qui est sérieuse. Il est important que les
corporations qui existent, actuellement, et qui, nous venons de le dire, ont
dans leur sein pour les administrer des gens sérieux, des gens qui ont
accumulé une expérience précise, soient
représentées au sein des conseils d'administration. C'est
là que nous introduisons l'élément de continuité
qui est tellement important et qui va, je pense, apporter une contribution
véritablement positive au succès de la législation que le
ministre nous propose. Alors, l'élément de continuité est
respecté.
D'autre part, cet élément de représentation au
conseil d'administration des différentes institutions, le centre
hospitalier représenté au centre local des services
communautaires, le centre de service social représenté au centre
hospitalier et ainsi de suite, tout cet enchevêtrement, je pense que
c'est une excellente façon de sensibiliser les différents
administrateurs au lien qui doit exister entre les différentes
institutions.
M. le Président, en résumé, sur ce problème
des nominations au sein des conseils d'administration, sous réserve d'y
revenir au moment de l'étude article par article afin de mentionner
certains problèmes particuliers qui n'infirment en rien la
validité de la proposition que le ministre a faite dans les articles qui
s'appliquent à ce problème-là, je crois que nous pouvons
dire que nous sommes d'accord sur les objectifs que le ministre et le
gouvernement poursuivent en inscrivant les stipulations du projet de loi de la
façon qu'ils l'ont fait.
M. le Président, il a été également question
de la réglementation au cours des séances de la commission
parlementaire. C'est un des points importants qui ont été
discutés à la commission parlementaire. Evidemment, dans cette
loi comme dans d'autres lois de même nature, la Loi des hôpitaux en
est un exemple frappant, la partie des règlements est extrêmement
importante.
Dans la loi no 26, c'était le même cas. On peut dire que
généralement, dans le domaine de la sécurité
sociale, la loi repose essentiellement, du moins pour une partie importante,
sur la réglementation qui vient par la suite.
Nous avons eu un autre exemple qu'il me plaît de signaler parce
que j'y reviendrai tantôt, soit la loi no 45 sur la protection du
consommateur. Ce sont des types de lois qui touchent la personne, dont la
réglementation touche aussi la personne et est le prolongement important
de la loi.
A ce moment-ci, nous ne connaissons pas la réglementation, sauf
pour dire que nous avons en main un volume des règlements adoptés
en vertu de la Loi des hôpitaux. Selon le témoignage du ministre
et celui de plusieurs organismes qui sont venus devant la commission
parlementaire, c'est là un excellent document et un excellent outil de
travail, qui a été bâti en grande partie par mon
collègue, le député de Dubuc, avec les hauts
fonctionnaires du ministère de la Santé du temps.
M. le Président, nous pouvons donc assumer que la
réglementation qui viendra après la loi no 65 s'inspirera
largement des règlements déjà adoptés en vertu de
la Loi des hôpitaux mais, cependant, en les accommodant, en les
conciliant avec cette nouvelle loi et en y apportant des améliorations.
C'est évident. Déjà, ils ont force de loi depuis 1968.
Depuis ce temps, il y a nécessairement des situations nouvelles qui
se
sont présentées. Il faudra donc nécessairement que
les règlements soient modifiés. Cela, c'est le contenu de la
réglementation.
D'autre part, les organismes qui sont venus devant la commission
admettent qu'il n'était pas question de discuter, au moment des
séances de la commission parlementaire, du contenu de la
réglementation. Mais on s'est cependant inquiété à
savoir comment seraient élaborés ces règlements, quelle
consultation serait faite puisqu'on a largement consulté, avec le
processus de la commission parlementaire, sur le contenu du projet de loi. Mais
il reste que la réglementation occupe une place tellement importante que
les organismes et les membres de la commission parlementaire ont le droit, et
même le devoir, de nous demander quelle consultation ultérieure
sera faite avant l'adoption des règlements.
Je voudrais demander de nouveau au ministre, dans mon intervention, que
la commission parlementaire soit associée de très près
à la révision de la réglementation avant qu'elle ne soit
adoptée par le lieutenant-gouverneur en conseil. D'autre part, je sais
que la loi prévoit la publication, dans la Gazette officielle, d'un avis
public de 90 jours, délai où l'on pourra consulter les
règlements avant qu'ils ne prennent effet.
M. le Président, ce sont des précautions
nécessaires. J'espère que le ministre donnera suite au voeu que
nous avons exprimé au cours des travaux de la commission parlementaire
pour qu'il y ait une séance spéciale de la commission sur les
règlements qui suivront le projet de loi no 65.
Il y a également des pouvoirs de réglementation qui seront
exercés par les conseils régionaux et aussi par les
établissements. Est-ce que cette intention qu'a exprimée le
ministre dans son discours de deuxième lecture de décentraliser
davantage, de déléguer des responsabilités vers les
établissements, de décentraliser les pouvoirs, est-ce que
véritablement, dans la réglementation qui sera faite, cela a
été traduit? Je ne le sais pas. Nous y reviendrons en commission
parlementaire quand nous passerons sur chacun des articles en particulier.
Je crois que les établissements, toujours dans l'optique de
renforcer la qualité des administrateurs au niveau local et au niveau
régional, doivent leur donner plus de responsabilités, même
du point de vue de la réglementation, à condition que ça
s'inscrive dans ce cadre général qui sera fixé par le
ministère.
Le ministre le fait cela avait été commencé
antérieurement dans le domaine administratif pour les
établissements, où le cadre de préparation des budgets est
plus large. Une décision qui a été prise et avec laquelle
nous sommes parfaitement d'accord, c'est de mettre à la disposition
d'une institution un budget global qui laisse beaucoup plus de latitude
à l'institution, à ses administrateurs, à son personnel de
cadre. On se trouve ainsi à faire appel à sa motivation, à
son talent, à son esprit de travail, à son esprit de recherche
pour, à l'intérieur de ce cadre financier, pouvoir tout de
même atteindre et montrer des résultats intéressants au
point de vue de la dispensation des services.
Je pense que, de ce côté-là, le ministre ne devra
pas hésiter, toujours dans le but de préparer davantage la
région, les établissements qui seront représentés
aussi au sein des conseils régionaux et, plus tard, au sein des ORAS,
à assumer plus de responsabilités. La délégation,
du point de vue des règlements, ça fait partie aussi de la
décentralisation et de la transmission vers les régions, des
responsabilités.
Un autre point qui avait été mentionné lors des
discussions en commission parlementaire, c'était le statut juridique des
institutions: les établissements privés et les
établissements publics. On a introduit je pense que c'est heureux
aussi la notion d'institution privée conventionnée.
C'est pour la rémunération, mais également on a
introduit une nouvelle catégorie d'institutions. Il s'agit des centres
d'accueil qui, même s'ils sont maintenus par une corporation sans but
lucratif, sont des établissements privés.
Je pense que ça répond à un voeu qui a
été exprimé par plusieurs organismes qui sont venus devant
la commission et ça les concernait directement. J'ai à la
mémoire et le ministre l'a certainement aussi deux cas
patents que nous avons eus au terme des travaux de la commission: le Foyer de
la charité à Montréal et l'Institut Canadien Polonais. Ce
sont véritablement deux cas patents qui se reproduisent à bien
des exemplaires, mais qui démontraient l'importance pour le gouvernement
d'introduire plus de souplesse dans sa législation.
Il nous fera plaisir de souligner, quand nous ferons la discussion
article par article, les endroits où, à notre avis, assez de
souplesse a été introduite pour éviter certaines
difficultés de fonctionnement ou d'application de la loi no 65 et aussi
les endroits où il y aurait peut-être possibilité
d'introduire encore un peu de souplesse pour en faire un outil fonctionnel qui
recevra véritablement l'adhésion de la population qui aura
à s'en servir.
Voilà les considérations que je voulais faire au sujet du
projet de loi. En terminant, je voudrais souligner, encore une fois, que le
ministre a véritablement écouté les commentaires, les
remarques et les suggestions qui ont été faits à la
commission parlementaire. Même si nous étions d'accord avec les
objectifs, même si nous pouvons être d'accord avec les droits qui
sont inscrits dans cette nouvelle version et qui, forcément, comportent
des limitations nous l'avons dit tantôt: ce sont des droits qui
sont limités et par les ressources et par les contraintes de toutes
sortes. Nous sommes d'avis je pense que c'est de notre devoir de
le dire que le ministre a introduit, au plan des modalités,
beaucoup d'améliorations dans la deuxième version du projet de
loi par rapporta la première.
Si nous nous en réjouissons, M. le Président, c'est
surtout pour la population qui aura à vivre avec le projet de loi no 65
et aussi pour les établissements, le personnel, les professionnels, la
clientèle qui sont dans ces établissements et qui eux aussi
seront touchés tous les jours par le projet de loi no 65 qui est encore
perfectible. Je crois qu'en commission parlementaire nous aurons l'occasion de
revenir sur certaines des modalités; nous aurons l'occasion de faire des
suggestions, toujours dans l'optique nous sommes des participants à
l'élaboration d'une législation qui doit être la meilleure
possible.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Sauveur.
M. Armand Bois
M. BOIS: M. le Président, il y a quelques mois, le ministre des
Affaires sociales déposait devant nous un projet de loi que nous avons
dans le temps qualifié de plus que révolutionnaire; d'ailleurs,
nous n'avons pas manqué de l'affirmer au ministre à ce sujet.
Je ne voudrais pas, aujourd'hui, exiger du ministre qu'il en entende
aussi long que tous les mémoires auxquels sa patience et celle des
membres de la commission ont été soumises. Cependant, je dois
quand même le féliciter, en commençant ma brève
intervention, d'avoir, à l'encontre de certains ministres du cabinet,
voulu écouter des recommandations qui lui ont été faites
par des corporations ainsi que certains individus qui ont comparu devant la
commission des Affaires sociales.
En autant que nous sommes concernés, nous trouvons que, pour le
navire immense que dirige à l'heure actuelle le ministre des Affaires
sociales, c'est un heureux coup de barre. Si le ministre avait continué
dans la voie où il était parti, selon nous du Ralliement
créditiste, c'était enlever à la province de Québec
l'ambition normale des individus de vivre dans un pays où on
prêche la liberté, où on peut la sentir. C'était
enlever en même temps le privilège de l'entreprise privée
d'agir normalement, même si c'est sous la surveillance de l'Etat.
M. le Président, nous croyons toujours que l'Etat ne doit pas
être un administrateur, mais un législateur, qui, par ses
recommandations et la surveillance appropriée des institutions, leur
permet de parachever les fins pour lesquelles elles sont constituées,
soit celles de soigner les malades, de rendre la santé à des
personnes qui l'on perdue, qui désirent la retrouver ou encore la
sauvegarde de ceux qui sont devenus des impotents dès leur naissance ou
un peu plus tard dans leur vie.
Nous sommes extrêmement heureux que le ministre des Affaires
sociales ait décidé de faire des changements radicaux; dans
l'ensemble des conditions, je crois qu'à l'heure actuelle il respecte
vraiment le plan humain, le plan social ainsi que la liberté de choix
des individus lorsque ceux-ci auront affaire à des institutions ou
à des professionnels de la santé. Devant ces conditions, comme
d'autres concernant l'accessibilité et la confidentialité des
dossiers, le ministre y ayant introduit des aspects qui sont vraiment nouveaux
et qui permettront aux personnes concernées de pouvoir peut-être
mieux se défendre devant des cas qui sont très difficiles dans
leur vie, nous croyons vraiment que le ministre a su et c'est surtout
à ce sujet-là que je veux l'en féliciter
conditionner ce projet de loi à ce que le peuple pense et non pas
seulement à ce qu'un ministre par hasard peut penser, même par
l'entremise des plus brillants de ses fonctionnaires.
M. le Président, après l'exposé, nous trouvons que
le projet de loi tel qu'il est revu et corrigé permet d'aborder
l'étude en détail, sans trop d'appréhension.
Nous aurons sans doute quelques commentaires à faire au ministre
mais, cependant, il peut être rassuré parce qu'il n'y aura pas ce
qu'on peut appeler des débats sur des clauses ou des points majeurs de
son projet de loi. Il n'y a que quelques articles sur lesquels j'aimerais
attirer l'attention du ministre, M. le Président. Dans l'application de
ce projet, qu'on fasse attention à ce que je lui avais
déjà recommandé le printemps dernier, c'est-à-dire
d'éviter autant que possible ce que l'on appelle présentement de
la recherche en administration. Nous trouvons que c'est parfois indispensable
mais que la majeure partie des budgets doit s'appliquer à la
réalisation ou à la direction des affaires sociales ou de son
ministère, de telle façon que la plus grande partie des sommes
perçues serve à des fins curatives ou encore à des fins
par lesquelles les individus de cette province recevront le maximum des
bénéfices qu'ils sont en droit d'attendre de ce
ministère.
Il y a peut-être certaines idées que nous pourrions donner.
Nous croyons que sur le plan législatif le projet de loi va certainement
atteindre d'excellents buts, parce que cela permettra au ministre, après
avoir bien examiné sa législation, de conditionner certains
établissements afin qu'ils orientent progressivement leurs états
de service vers les fins où il n'y aura pas de dédoublement.
C'est un point sur lequel nous constatons que le projet de loi constitue une
orientation extrêmement efficace. S'il est bien appliqué
nous n'en avons pas de doute nous sommes assurés que les premiers
à en être les bénéficiaires seront tous les citoyens
de cette province.
J'apprécie la bonne foi du ministre, quand il parle du
lieutenant-gouverneur en conseil. Contrairement à ce que certains
peuvent en penser, nous croyons que c'est une bonne chose, parce que ça
laisse moins de nominations au ministre. Ce n'est peut-être pas de celui
qui est là présentement que nous aurions peur, mais
peut-être d'un autre ministre qui pourrait éventuellement
on ne sait jamais lui succéder dans l'administration de la
politique provin-
ciale. Je sais gré au ministre d'avoir consenti à cet
amendement qui, je crois, constitue dans bien des cas un apport
extrêmement sérieux pour la protection des fonctionnaires qui sont
nommés, parce que certains fonctionnaires, lors d'un changement,
n'apprécient pas de se faire placer sur les tablettes, comme on dit
communément.
Je pense bien qu'avec un peu de sagesse administrative et en
procédant sérieusement dans les nominations, on aura sans doute
l'occasion de les peser suffisamment pour qu'il n'y ait pas de détour
par la suite et que s'il y avait des modifications à faire, que ce soit
pour des raisons extrêmement sérieuses. Quant à la
décentralisation des services, nous apprécions aussi les
modalités que le ministre apporte dans son projet de loi modifié.
Nous constatons dans les diverses formules, étant donné la
façon dont le projet de loi a été préparé,
que les divers comités créés comportent, par exemple, des
nominations avec des chiffres impairs. Nous trouvons que c'est une très
bonne chose parce que cela permet le vote majoritaire lorsqu'il y a lieu.
Même s'il y avait des absents lors des réunions de ces divers
organismes, il y a quand même lieu d'appliquer la loi, et ce d'une
façon assez facile.
Quant aux événements dont nous faisait part le ministre ce
matin, qui ne sont peut-être pas reliés directement à ce
projet de loi, nous savons que le ministre discutera sans doute des meilleures
formules en faveur de la province de Québec.
Nous verrons éventuellement sur notre sol un de ces matins
l'administration des bénéfices sociaux relever en entier de celui
que nous appelons le ministre des Affaires sociales. Nous, du Ralliement
créditiste, c'est un point sur lequel nous ne voulons pas lâcher
parce que nous désirons que ces choses, qui sont de notre ressort, nous
reviennent et dans leur entier parce qu'à chaque fois que nous adoptons
un projet de loi comme celui-ci, il faut quand même nous attendre
à des investissements où a certaines dépenses sur
lesquelles nous voudrions quand même mettre le ministre en garde.
Nous connaissons sa sagesse administrative et nous lui demandons de bien
vouloir, lorsqu'il commencera à appliquer les divers programmes qui sont
conçus dans le projet de loi, en ce qui a trait soit aux centres
d'accueil ou aux centres de services sociaux, de bien voir à ce qu'il y
ait quand même utilisation des fonds à leur maximum pour le bien
le plus complet de la province de Québec et de ses concitoyens et ce
sans tomber dans des dépenses qui, à un moment donné,
peuvent devenir tellement exorbitantes qu'elles pourraient causer un
sérieux embarras administratif au gouvernement de cette province.
Alors, M. le ministre, nous serons très heureux, sous certaines
réserves, comme je l'ai exprimé tout à l'heure, de pouvoir
passer à l'étude du projet de loi après que ceux qui
auront exprimé leur désir de le faire l'auront
réalisé dans cette Chambre. Je tiens à vous affirmer que
nous apprécions le projet de loi à sa juste valeur, tel qu'il a
été modifié, et nous serons en mesure de constater que si
une administration rationnelle est faite du projet lui-même, nous avons
le ferme espoir que le ministre aura sans doute réussi à
réaliser en cette province une orientation nouvelle pour les affaires de
la santé qui, si elles semblaient définitivement motivées,
deviendront sans doute dans leur réalisation très
bénéfiques pour le secteur hospitalier autant que pour le secteur
médical.
A nouveau, M. le Président, je tiens à remercier le
ministre d'avoir voulu écouter autant de mémoires. Je crois que
c'est tout à son honneur ainsi qu'à l'honneur de tous ceux qui
ont eu le courage de paraître devant cette commission pour exprimer des
opinions qui étaient loin d'être celles qui étaient
contenues dans le premier projet de loi.
Encore une autre fois, nous serons heureux de coopérer à
l'analyse du projet de loi aussitôt qu'il sera possible de le faire, sous
la réserve de certaines suggestions ou amendements mineurs que nous
soumettrons au ministre en temps et lieu. Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT (Phaneuf ): L'honorable député de
Bourget.
M. Camille Laurin
M. LAURIN: M. le Président, le gouvernement nous présente
aujourd'hui une législation majeure, probablement l'une des deux ou
trois plus importantes législations qu'il nous ait
présentées depuis le début de la présente session
c'est-à-dire à la fin de février, une législation
de même type, de même sens, de même orientation que celle que
nous a présenté par exemple le ministre de l'Education avec sa
loi 27 et sa loi 28, ou que le ministre des Affaires municipales nous a
présenté avec sa loi malgré tout trop timide à
notre goût sur le regroupement municipal.
A la fin de son exposé, le ministre disait que cette
législation témoignait du progrès collectif qu'est
à faire notre communauté dans le domaine de la santé et
dans le domaine de l'organisation des services sociaux. Je suis d'accord avec
lui, mais je dirais encore davantage que ce progrès collectif se
manifeste depuis particulièrement une dizaine d'années non
seulement dans le domaine de la santé et des services sociaux, mais
également dans tous les secteurs les plus importants de notre vie
collective.
Je crois que nous devons ce progrès à la modernisation
sans cesse accélérée de notre société, qui
est due, pour une grande part, à l'industrialisation
accélérée, elle aussi, de notre société,
particulièrement depuis une vingtaine ou une trentaine
d'années.
Nous devons aussi ce progrès à tous les courants
idéologiques contemporains grâce au progrès continu de
notre démocratie, d'une part, et, deuxièmement, grâce
à l'extension, au progrès des moyens modernes de communication
qui ont fait du Québec une des parties les plus vivantes,
désormais, de ce vaste monde et particulièrement de ce monde
occidental dont nous faisons partie intégrante.
De ce progrès collectif, je ne veux pour preuve que cet effort
profond de modernisation de toutes nos structures sociales auxquelles nous
assistons particulièrement depuis une dizaine d'années et qui a
amené tous nos gouvernements, particulièrement depuis 1960,
à procéder à une oeuvre de révision, de mise
à jour de toutes nos structures sociales, économiques et
politiques.
Par exemple, c'est à partir de 1960 que le gouvernement a voulu
reprendre l'examen approfondi de notre structure scolaire avec le rapport
Parent, de notre structure fiscale avec le rapport Bélanger, de la
structure de l'assistance sociale avec le rapport Boucher, de la structure de
l'agriculture avec le rapport April, de la structure de la justice avec le
rapport Prévost, de la structure municipale avec les livres blancs que
les gouvernements successifs ont publiés et, également, avec le
rapport Rioux portant sur nos équipements culturels et l'orientation de
notre culture; enfin, pour ne pas l'oublier puisqu'elle est d'actualité,
l'état, la situation de notre langue avec la commission Gendron.
Je pense que tous ces rapports, toutes ces recherches montrent que nous
sommes actuellement dans une société nouvelle ou, du moins,
potentiellement nouvelle, une société en mutation, une
société en gestation où nous devons reprendre l'examen des
bases sur lesquelles est fondée notre société à la
lumière de l'évolution de notre peuple, bien sûr, mais
aussi à la lumière de l'évolution des techniques de
gouvernements, à la lumière de l'évolution de toutes les
méthodes de gestion et d'administration qui nous sont proposées
par les spécialistes en ce domaine depuis le début du
siècle.
Je pense aussi que cet effort de révision, de mise à jour,
d'approfondissement témoigne de la vitalité profonde de notre
peuple, de sa santé extraordinaire malgré et peut-être
à cause des obstacles qu'il a rencontrés sur sa route et aussi
à cause de l'appartenance qui est la nôtre à des grands
courants de civilisation, aussi bien français que britanniques et
américains. Ce grand courant qui se manifeste, de temps à autre
par ces enquêtes, par ces rapports et de temps à autre aussi par
l'action des gouvernements successifs du Québec, je pense qu'il faut en
être fier et, pour moi, la loi qu'on nous présente aujourd'hui
s'inscrit exactement dans cette évolution.
Eh bien, quand nous avons dit cela, il reste quand même à
le spécifier. Que constatons-nous comme premiers effets de cette
mutation?
C'est, je crois, un effort vers le regroupement progressif de nos
institutions. Alors qu'auparavant, dans cette phase d'inorganisation que nous
avons traversée, nous voyions proliférer les entreprises
individuelles, nous voyions des petites institutions, dû la plupart du
temps à l'initiative ou au désir de charité de certains
individus, alors que nous assistions à cette prolifération
d'organismes, que ce soit au niveau social, municipal, scolaire, nous
constatons maintenant qu'il y a une poussée inéluctable,
constante, vers un regroupement de plus en plus global de ces institutions.
Ceci s'est manifesté, pour la première fois, au niveau de
l'école et cela a été préconisé par le
rapport Parent. Alors, nous avons vu l'Opération 55, la création
de 55 régionales.
Nous le voyons maintenant se manifester au niveau des services sociaux
et de la santé. Nous le voyons également se manifester, M. le
Président, même au niveau technique, au niveau industriel, au
niveau économique. Je pense, par exemple, à l'action menée
par le gouvernement libéral, il y a déjà une dizaine
d'années, lorsqu'il a créé les régions
administratives du Québec, et qu'il a nommé des commissaires
industriels. Il tend maintenant à créer, au niveau des
régions, des institutions et des mécanismes administratifs
régionaux et un personnel chargé du perfectionnement de ces
mécanismes administratifs et de l'exécution, au niveau
régional, des tâches gouvernementales.
Ce regroupement me paraît inscrit dans la nature des choses pour
deux raisons. La première est géographique. Nous avons la chance
d'habiter un très vaste pays, le Québec, dont la superficie est
considérable, mais qui compte aussi, malgré son
homogénéité linguistique et religieuse, plusieurs
régions écologiques différentes. Nous parlons, par
exemple, parfois du royaume du Saguenay, de la région de
Montréal, de l'Estrie, comme s'il s'agissait presque de petits pays
différents qui ont chacun leurs particularités sociales, leurs
particularités culturelles et qui ont, par voie de conséquence,
le désir de rapprocher d'eux-mêmes toutes les administrations qui
doivent régir leur vie collective. Ceci, je crois, est un aspect
très important, humain, personnalisé qu'il ne faut pas
négliger et qui doit imprimer sa marque sur toutes les
législations que nous avons à étudier ici.
Par ailleurs, l'autre raison est plus scientifique et plus moderne. Elle
vient justement de ce dont je parlais tout à l'heure, du
perfectionnement et de l'amélioration des méthodes
d'administration et de gestion, du bouleversement qui est en train de
s'opérer actuellement dans les universités en ce qui concerne les
études des méthodes de gestion et d'administration. Là,
nous nous trouvons confrontés avec deux types de solutions. La
première est celle de la déconcentration où, par exemple,
en vertu du progrès des structures mêmes de gestion, en raison du
progrès des sociétés, en raison du caractère de
plus en plus considérable de la
bureaucratie et des méthodes de contrôle assumées
par les gouvernements, nous voyons une tendance qui se manifeste chez les
gouvernements eux-mêmes de déconcentrer la gestion du patrimoine
national par la déconcentration de leurs services au niveau des
régions.
Autrement, les ministères deviendraient de plus en plus des
molochs insatiables, des monstres administratifs avec un personnel de plus en
plus considérable. Cela est lié au principe je ne me
rappelle plus qui le disait que, plus le personnel est
considérable et plus les techniques deviennent compliquées, plus
un mur de papier s'érige à l'intérieur même des
ministères.
C'est probablement à cause de toutes ces raisons que nous voyons
les ministères, les gouvernements obéir à cette tendance
de déménager ou de déconcentrer leurs administrations au
niveau régional. D'autant plus que cette déconcentration a aussi
un autre effet bénéfique qui est celui de rapprocher
l'administration gouvernementale, le bras gouvernemental, l'émanation
gouvernementale, des populations concernées, ce qui évite bien
des problèmes qui, autrement, pourraient se poser. En même temps,
cela ajoute une certaine souplesse à l'administration de
législations ou de règlements qui, par définition, ne
tiennent pas toujours compte, suffisamment en tout cas, des circonstances de
temps et de lieu.
Cette déconcentration de la technostructure est, je crois,
inscrite désormais d'une façon inéluctable dans le
mouvement des sociétés.
Mais, de plus en plus, M. le Président, nous voyons se profiler
une autre solution qui ajoute à la solution dont je viens de parler,
celle de la déconcentration, un élément extrêmement
important et qui personnalise à ce point la déconcentration qu'on
doit en changer le nom et parler désormais de
décentralisation.
Ceci, M. le Président, provient d'un mouvement idéologique
également très important que nous devons surtout aux
spécialistes des sciences de l'homme qui se sont rendu compte qu'une
civilisation, au fur et à mesure qu'elle progresse, qu'un gouvernement,
au fur et à mesure qu'il occupe tout le champ normal de ses
activités, qu'une administration, au fur et à mesure qu'elle se
perfectionne, tend à écraser de plus en plus l'individu, du fait
qu'elle se dépersonnalise, du fait qu'elle se frigorifie même,
parfois, du fait qu'elle a tendance à tenir de moins en moins compte des
particularités individuelles, qu'elle tend à s'uniformiser et
à considérer de plus en plus le citoyen comme un numéro,
à la façon dont un ordinateur le considère.
Le poids de ces institutions, de ce gouvernement, de cette civilisation
est de plus en plus marqué au fur et à mesure,
précisément, qu'elle progresse. C'est précisément
pour faire obstacle à cette dépersonnalisation inhérente
même au progrès de notre civilisation que des spécialistes
des sciences de l'homme ont lancé, il y a quelques années,
l'idée d'une autre formule de gouvernement à laquelle ils ont
donné le nom de décentralisation et qui a pour but,
celle-là, de "responsabiliser" le citoyen, de lui faire prendre
conscience non plus seulement de ses droits la révolution
française et toutes les autres qui ont suivi avaient déjà
fait ce travail mais des conditions d'exercice de ces droits, afin que
ces droits ne deviennent pas lettres mortes à cause de l'armature, du
corset, du carcan dans lequel le citoyen pourrait se trouver enfermé
lorsqu'il veut que ses droits soient connus, soient exprimés, soient
perçus par ceux qui ont à les satisfaire.
C'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous avons vu
apparaître de plus en plus dans notre société, même
québécoise, depuis une dizaine d'années, ce qu'il est
convenu maintenant d'appeler les comités de citoyens, les organismes
communautaires et même le Crédit social qui, d'une certaine
façon, sont des mécanismes de défense contre cet
écrasement de l'individu par les institutions gouvernementales, d'une
part, au point de vue négatif et, deuxièmement, qui constituent
un des modes de recherche des moyens, des solutions qui non seulement
pourraient contrer ce mouvement gouvernemental mais pourraient aider le citoyen
à faire entendre sa voix à tous les niveaux, à tous les
paliers de l'organisation. Et non seulement à faire entendre sa voix,
mais à acquérir un pouvoir décisionnel sur les
activités qui l'intéressent et sur les organismes qui, d'une
façon ou d'une autre, président à sa destinée.
C'est la raison pour laquelle, M. le Président, il nous
apparaît qu'il existe une différence quand même importante
entre une déconcentration qui n'est que le transfert, au niveau
régional, d'un pouvoir gouvernemental et, deuxièmement, une
véritable décentralisation régionale qui, elle,
obéit, comme je le disais tout à l'heure, à des
impératifs géographiques, à des impératifs
culturels mais, surtout et à un degré plus
élevé encore à des impératifs humains,
à des impératifs qui tiennent à la nature même de
l'homme, à la noblesse même de l'homme, impératifs selon
lesquels l'homme veut quand même, malgré le progrès des
institutions, demeurer le maître de sa destinée, demeurer un agent
de changement social, demeurer quelqu'un qui est responsable de son
évolution et de son progrès.
C'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous
considérons qu'un gouvernement, même s'il est obligé de
procéder à une certaine déconcentration nous la
souhaitons autant que lui doit tenir compte aussi, dans toute la mesure
du possible, de ces autres impératifs géographiques, culturels et
humains, qui, eux, postulent qu'à une déconcentration s'ajoute le
degré le plus élevé, le plus considérable possible
de décentralisation.
Il nous semble que cet impératif doit s'imposer au
législateur, non seulement en ce qui concerne le domaine de la
santé et des services sociaux, mais également en ce qui concerne
le domaine municipal, en ce qui concerne le
domaine scolaire, le domaine de l'administration de la justice, en ce
qui concerne, en somme, tous les domaines qui font l'objet des décisions
gouvernementales.
Car en fin de compte, en dernière analyse, ce n'est qu'à
cette condition que la nature véritable de l'homme nous paraîtra
respectée et que notre société pourra connaître un
véritable progrès qui ne sera plus qu'un progrès
économique, un progrès social, mais un progrès
véritablement humain.
C'est dans cette perspective que nous avons abordé l'examen de la
loi no 65 aussi bien que les autres lois auxquelles je viens de faire mention.
Ici je dois féliciter encore une fois le ministre pour la méthode
d'étude qu'il a bien voulu prendre pour l'examen de ce projet de loi.
Ainsi qu'il l'avait fait pour le projet de loi no 69,
l'assurance-médicaments, il s'est contenté de déposer en
première lecture son projet, et immédiatement nous sommes
passés en commission parlementaire, où chacun des partis
politiques a eu l'occasion d'exprimer sa réaction première,
spontanée au projet de loi, pour ensuite procéder à
l'audition de tous les individus ou corps publics qui avaient des opinions
à faire valoir ou des solutions différentes à
présenter aux problèmes qui étaient soumis à leur
attention.
Ceci est une excellente méthode. Et c'est la raison pour laquelle
nous n'avons pas à répéter complètement tout ce que
nous avons dit lors de ces commissions parlementaires ou lors des
échanges qui se sont déroulés au fil des séances de
la commission.
Ceci nous a permis en particulier, je crois, d'associer toute la
population à la confection de ce projet de loi. C'est la raison pour
laquelle le ministre peut parfaitement dire aujourd'hui que ce projet de loi
n'est pas seulement son oeuvre, mais qu'il est également l'oeuvre de
tous les parlementaires, qu'il est surtout et d'une façon plus
importante l'oeuvre de tous ceux qui ont eu le courage de se
présenter à la commission, de nous faire parvenir des
mémoires, de nous faire parvenir leurs opinions, leurs solutions ou
même leurs objections.
Et nous savons que le ministre a tenu compte, dans toute la mesure qu'il
croyait possible, de ces opinions, de ces solutions. C'est la raison pour
laquelle il peut nous présenter aujourd'hui en deuxième lecture
un projet de loi qui, à beaucoup d'égards, nous paraît non
seulement supérieur à celui qu'il nous avait d'abord
présenté mais refléter davantage l'état réel
de la situation, de même que l'opinion de ceux qui auront quand
même à vivre ce projet de loi et qui, à cause de la
méthode qui a été suivie, le connaissent
déjà et sont déjà en meilleure posture pour
l'appliquer.
Maintenant, si nous voulons passer au détail de ce projet de loi,
encore une fois nous avions eu l'occasion de faire valoir nos vues à
certains égards. Par exemple, nous avions recommandé au ministre,
dès la séance préliminaire du 24 août, d'inclure
dans son projet de loi non seulement des mécanismes structurels que la
situation paraît réclamer mais également la substance d'une
réforme quand même très importante et qui devait être
connue de tous les usagers de ces diverses structures, afin qu'ils puissent
être motivés à les appliquer et participer à leur
exécution dans toute la mesure du possible.
Nous avions rappelé à ce sujet au ministre des Affaires
sociales les inconvénients majeurs auxquels s'étaient
heurtés les promoteurs de la révolution scolaire pour n'avoir pas
rempli je ne dirai pas ce devoir mais cette condition d'efficacité. Nous
sommes très heureux que le ministre se soit résolu à
inclure dans ce projet de loi les objectifs qu'il entend poursuivre, ainsi
qu'à définir à nouveau les droits sociaux les plus
importants qu'une pareille réforme doit respecter.
Nous avons déjà eu l'occasion de dire au ministre à
quel point nous étions d'accord avec lui sur tous les objectifs qu'il
entend poursuivre et qu'il poursuit d'ailleurs effectivement, depuis qu'il a
accédé à ce poste important.
Nous sommes heureux maintenant de voir la plupart de ces objectifs, du
moins les plus importants, inscrits dans le projet de loi. Ils sont là
un peu comme une charte de la santé et du bien-être social, que
tout le monde devra voir et qui motivera chacun à essayer de mettre tout
en oeuvre pour les appliquer, pour les concrétiser dans sa pratique
quotidienne.
Et nous pensons également que c'est là une des meilleures
façons d'atteindre cet autre objectif que le ministre s'est fixé,
de faire participer toute la population au progrès d'une
société, progrès qui nous tient tous à coeur. Nous
avions également, lors de cette séance inaugurale, demandé
au ministre d'inscrire un ou quelques articles dans le projet de loi qui
feraient voir que la distribution des soins, des services sociaux doit, dans
notre société moderne, être marquée au coin de la
personnalisation. Car il n'est pas un seul domaine, M. le Président,
où cette personnalisation s'impose d'une façon plus absolue. Le
droit à la santé n'est pas seulement un droit primordial, un
droit essentiel, mais il doit s'y ajouter d'autres droits; dans la façon
dont ce droit à la santé s'exerce, il est important que l'homme
soit considéré dans sa nature propre. C'est-à-dire qu'on
ait à son endroit tout le respect, toute la charité, tout l'amour
qu'on doit avoir surtout quand il voit son existence menacée, lorsqu'il
s'agit par exemple de soins de santé, ou encore son existence en tant
qu'être social menacée ou détériorée par
quelques conditions que ce soient.
S'il est une condition existentielle où l'individu, le citoyen a
besoin que celui que la société a chargé de veiller sur
lui le respecte intégralement, c'est bien ce domaine des services de
santé et des services sociaux. Mais là aussi nous remercions le
ministre d'avoir inscrit dans son
projet de loi cette exigence de personnalisation des services,
espérant qu'elle aidera un certain nombre de personnes à
s'éloigner de ce domaine, si seuls les impératifs du profit
l'amènent à s'y intéresser et, deuxièmement,
qu'elle poussera tous les autres qui s'y sont heureusement en majorité
intéressés jusqu'ici à y accorder encore plus d'attention,
plus de charité, plus de respect qu'ils l'ont fait jusqu'ici, si
possible.
Nous avions demandé également au ministre, à cette
occasion, d'ouvrir à la population les conseils d'administration, afin
que les citoyens participent davantage à la gestion des services de
santé et des services sociaux. Déjà le ministre avait fait
des efforts dans son projet de loi. Nous voyons par exemple que, dans la
composition des conseils d'administration des centres locaux de services
communautaires, on avait prévu l'élection d'un certain nombre de
citoyens. Nous l'en avions félicité, mais nous avions quand
même souhaité qu'étant donné qu'il s'agissait
d'organismes de premières lignes ceux qui dispensent au premier chef les
soins ou les services sociaux à ceux qui en ont besoin participent
à l'élaboration et à l'exécution des programmes en
plus grand nombre.
Le ministre ne s'est pas tout à fait rendu à notre
suggestion, malgré que, d'une façon indirecte, il nous ait quand
même satisfait en diminuant la part que le lieutenant-gouverneur en
conseil prenait à la nomination des membres de ce conseil
d'administration des centres locaux de services communautaires. Même si
les citoyens élus ne se trouvent pas encore en majorité à
ce conseil d'administration, il reste qu'en nommant à côté
d'eux les gens qui doivent faire partie des groupes socio-économiques du
quartier et certains membres du personnel, peut-être arriverons nous
à convaincre les gens d'un quartier ou d'une région que ce centre
local de services communautaires est quand même à eux, qu'il est
d'abord leur responsabilité.
Si l'expérience de participation ne donne pas les
résultats espérés, au fur et à mesure que les
citoyens se seront habitués à cette forme de gestion, on pourra
en augmenter plus tard le nombre.
Nous sommes heureux que le ministre ait davantage ouvert à la
population les autres conseils d'administration, c'est-à-dire ceux des
établissements hospitaliers, ceux des centres d'accueil, ceux des
centres de service social et même ceux des conseils régionaux.
Nous sommes très heureux, encore une fois, que le gouvernement ait
réduit la part qu'il prenait à la nomination directe de membres
à ces conseils d'administration et qu'il ait augmenté en
conséquence la part que prendront, dans ces divers conseils
d'administration, soit les citoyens, soit les pensionnaires de certains
établissements, soit les représentants d'organismes
destinés à entretenir des liens organiques et étroits avec
chacun de ces centres.
Nous avions déclaré également au ministre, à
ce moment-là, que nous étions très heureux de cette
uniformisation, de cette systématisation des institutions auxquelles il
entendait procéder. Encore une fois, nous déplorions avec lui le
morcellement, le cloisonnement, la prolifération de tous ces organismes
qui poussaient, chacun à son gré, sans avoir entre eux les liens
organiques que le progrès de la science autant que le désir de la
population leur imposaient. Nous souhaitions avec lui que l'Etat institue dans
cette jungle l'ordre, la clarté, la rationalité qu'imposaient non
seulement l'évolution, mais également l'efficacité et le
contrôle des coûts qui constituent, à l'heure actuelle, les
impératifs absolument légitimes d'un gouvernement.
Nous sommes donc très contents que cette uniformisation et cette
systématisation demeurent dans le projet de loi et qu'elles aient
résisté à tous les efforts qu'on a pu voir parfois en
commission parlementaire pour qu'on en altère, d'une façon
substantielle, la cohérence. Nous avions demandé
également, lors de cette réunion, que le ministre inscrive des
articles additionnels pour assurer, d'une façon plus efficace, la
coordination entre les divers paliers, par exemple, le centre local de services
communautaires, les centres hospitaliers et même les centres
hospitalo-universitaires jusqu'aux ORAS, les offices régionaux
compris.
Nous nous référions en cela au chapitre que la commission
Castonguay-Nepveu consacre à ce sujet où on disait, par exemple,
qu'il appartenait aux centres hospitaliers d'organiser les organismes qui leur
étaient non pas subordonnés, mais qui existaient à un
palier inférieur, c'est-à-dire les centres locaux de services
communautaires. On y disait également qu'il appartenait aux offices
régionaux des affaires sociales d'organiser les centres qui existaient
à un palier inférieur, comme les centres hospitaliers, les
centres de service social et les centres locaux de services communautaires.
Le ministre a répondu d'une façon indirecte à notre
attente en aménageant d'une façon différente la
composition des divers conseils d'administration; par exemple, en augmentant la
représentation des uns et des autres de façon à assurer
peut-être un lien plus organique entre les diverses institutions. Nous
sommes quand même obligés d'admettre que nous restons, sur ce
point, un peu sur notre appétit. Nous ne sommes pas sûrs que cette
coordination puisse être assurée simplement parce qu'un
représentant du centre local de services communautaires siégera
au centre hospitalier, ou vice versa, ou qu'un membre du conseil
d'administration d'un centre de service social siégera au conseil
d'administration d'un centre hospitalier.
Nous verrons à l'expérience si cette solution peut amener
les résultats qu'espère le ministre et que nous espérons
également.
Mais il nous semble qu'on aurait pu aller un peu plus loin dans cette
direction puisque ce travail de coordination, ce travail
d'intégration
presse de plus en plus non seulement pour des raisons de
rationalité, non seulement pour des raisons d'efficacité, mais
aussi pour des raisons d'adaptation plus grande des services aux besoins.
Ceci, au fond, nous amène au grand problème dont a
parlé longuement le ministre, aussi bien que le député de
Montmagny, c'est-à-dire le problème de la décentralisation
régionale.
Déjà, lors de la première réunion de la
commission, nous avions manifesté une certaine insatisfaction en ce qui
concerne la première version du projet de loi. Nous disions en somme que
ce regroupement auquel voulait procéder le ministre avait pour
conséquence un accroissement des pouvoirs de l'Etat. C'est souvent
d'ailleurs ce qui se passe dans la première étape qui suit ou qui
accompagne le regroupement, un peu comme si en regroupant plusieurs organismes
on craignait les conséquences du geste que l'on pose et on sentait la
nécessité d'accroître les pouvoirs de l'Etat pour que ce
regroupement donne les résultats espérés ou ne se
défasse pas immédiatement en une sorte d'anarchie. Nous voyons
souvent qu'à la première étape de ces regroupements,
l'Etat, inconsciemment ou consciemment, croit nécessaire
d'accroître ses pouvoirs. C'est bien ce que nous avions constaté
à l'occasion de la première version du projet de loi, car le
gouvernement à ce moment-là ne donnait aux offices
régionaux des affaires sociales que quelques-uns des pouvoirs que
théoriquement la commission Castonguay-Nepveu lui accordait.
Nous avions, alors, cité les paragraphes de la commission qui
s'appliquaient à la question et nous avions noté, par exemple,
que le gouvernement n'accordait pas aux offices régionaux de
santé le pouvoir d'élaboration et d'exécution des
programmes, non plus que les budgets qui leur auraient permis d'exécuter
ces programmes.
Dans la deuxième version que nous présente le ministre,
nous voyons que la solution choisie s'éloigne encore davantage du
rapport de la commission Castonguay-Nepveu. En un sens, nous le comprenons
parce que dans la première version du projet de loi le ministre
accordait aux offices régionaux des affaires sociales trop et trop peu
de pouvoirs. Trop de pouvoirs en ce sens que l'office régional des
affaires sociales pouvait être considéré et perçu
comme un autre palier de gouvernement qui s'interposait entre les institutions
et le ministère et à ce moment-là pouvait compliquer la
gestion de tout le domaine de la santé, pouvait le rendre plus complexe
et peut-être ajouter aux difficultés des institutions dans leurs
rapports avec l'Etat. En ce sens-là, je pense que les critiques
étaient fondées. Et trop peu de pouvoirs, cependant, parce que le
gouvernement ne donnait pas à ces offices régionaux des affaires
sociales les pouvoirs nécessaires qui leur auraient permis d'atteindre
les objectifs que leur fixait la commission Castonguay-Nepveu.
Donc, nous sommes un peu d'accord avec le ministre lorsqu'il nous disait
à une occasion antérieure: Ou il faut que l'office
régional des affaires sociales ait beaucoup plus de pouvoirs, ou qu'il
en ait beaucoup moins. Beaucoup moins: à ce moment-là il devient
un organisme d'animation, de consultation, de préparation pour l'avenir.
Beaucoup plus: à ce moment-là il devient le bras gouvernemental,
une émanation du gouvernement ou encore, dans l'optique que je
développais tout à l'heure, un véritable gouvernement
régional en matière de santé.
Je suis convaincu que le ministre a dû longuement
réfléchir aux options qu'il devrait prendre en l'occurrence. Il
a, pour des fins probablement prudentes, opté pour la deuxième
solution, c'est-à-dire qu'il a diminué encore les pouvoirs des
offices régionaux des affaires sociales et il leur a donné comme
mission de préparer l'avenir pour ainsi dire.
Il nous a donné, à l'appui de sa position, un certain
nombre de raisons que le député de Montmagny, d'ailleurs,
a reprises jusqu'à un certain point lorsqu'il nous a dit que nous
manquons à la fois de données et à la fois de personnel
compétent. Est-il vrai que nous manquions à ce point de personnel
compétent étant donné que nos écoles
d'administration forment de plus en plus de diplômés en cette
matière? Est-il vrai que nous manquions plus de personnel
compétent pour meubler le ministère des Affaires sociales que
pour meubler les offices régionaux? Est-ce qu'il y a une telle
différence numérique entre le personnel compétent qui
serait requis par un ministère des Affaires sociales qui s'occupe de
planifier la santé, les services sociaux à l'échelle du
Québec et le nombre de fonctionnaires qui seraient requis par une
organisation décentralisée? Au ministère, on retrouverait
beaucoup moins de fonctionnaires puisque certaines des tâches qu'ils
exerçaient seraient exercées au niveau des régions. Est-ce
qu'il ne s'agit pas plutôt d'une répartition différente du
personnel? Dans cette optique, aurions-nous besoin d'un nombre tellement plus
élevé de hauts fonctionnaires pour faire fonctionner d'une
façon plus efficace un ministère dégraissé, qui
n'aurait plus autant de fonctions à exercer, et des offices
régionaux qui, eux, au contraire, auraient un certain nombre de
fonctions à exercer que le ministère exerçait auparavant?
Je n'en suis pas sûr.
Donc, cet argument du personnel à former ne me paraît pas
emporter complètement l'adhésion. Mais il y a aussi un autre
facteur. Nous savons que, dans ce domaine, bien souvent c'est à
l'exercice, c'est à l'oeuvre que se reconnaît l'artisan. Bien des
gens peuvent travailler à des postes subalternes dans certaines
organisations, justement parce qu'ils ne peuvent pas monter plus haut à
cause de certains cadres, de certaines conventions collectives, de certaines
habitudes administratives ou à cause de toutes sortes d'autres facteurs
sur lesquels je ne veux pas m'étendre. Mais, lorsque ces fonction-
naires, ces employés, ces cadres ont le talent, font montre de
l'initiative, de la compétence nécessaire, qu'on les sort d'un
cadre où ils ne pouvaient plus progresser et qu'on les met dans un autre
où on leur donne des tâches, des responsabilités à
la hauteur de leur dynamisme et de leur compétence, on les voit faire
plus que ce qu'on n'aurait jamais espéré.
Depuis dix ans, dans la fonction publique du Québec, nous avons
vu des exemples de ce genre se répéter à plusieurs
reprises, tellement il est vrai que la responsabilisation d'un individu
constitue peut-être le facteur de motivation le plus important pour faire
donner à cet individu plus que lui-même n'aurait jamais
pensé pouvoir donner.
Je pense précisément à ces offices régionaux
qui, par définition, sont beaucoup plus près des
réalités d'une région, où déjà nous
voyons fleurir toutes sortes d'initiatives, où nous voyons le
zèle spontané d'hommes éclairés et
compétents se manifester à plusieurs reprises. Il me semble qu'on
pourrait trouver, dans ce réservoir, dans ce bassin de bonne
volonté et de compétence ce qu'il aurait fallu, peut-être
pas immédiatement mais dans un avenir rapproché, pour doter ces
offices régionaux des affaires sociales d'un personnel
compétent.
Donc, cette question de la compétence du personnel paraît
devoir être étudiée d'une façon beaucoup plus
approfondie.
Par ailleurs, il y a un autre argument que nous pouvons invoquer; c'est
l'argument de la confiance que nous pouvons faire aux organisations
régionales en raison même du rendement parfois erratique de
certaines institutions. Il ne faut pas se surprendre, M. le Président,
de ce rendement erratique, justement parce que nous ne sommes pas encore sortis
d'une phase où régnait la liberté la plus grande des
institutions, où régnait l'initiative personnelle de chacun. Nous
sortons d'une phase, en somme, où l'ordre et la rationalité
n'étaient pas instaurés.
Mais, si la situation change du tout au tout, n'est-il pas possible de
prévoir, au contraire, que nous assisterons à une certaine
organisation des volontés, qui constituera un facteur de
cohésion, un facteur de direction et qui mettra tous ces gens à
l'oeuvre, comme nous l'avons vu dans certaines régions, avant même
que la loi existe? Il y en a eu dans la région nord de Montréal,
dans l'Estrie, en Mauricie. Ces gens que la planification intéresse, qui
font un inventaire des données, qui ont des solutions à proposer,
justement, parce qu'ils sont du milieu, sauront éveiller les
volontés et sauront instituer, pour eux mêmes, des
mécanismes, ainsi que des méthodes de solutions à des
problèmes qu'au fond ils connaissent mieux que tout autre.
Il nous semble donc que cette méfiance que nous pouvons avoir
à cause du rendement actuel des institutions ne tient pas puisque les
conditions actuelles pouvaient engendrer justement, ce "libertarisme "
si je peux me permettre ce néologisme ou cette incohérence
ou ce manque de coordination. Mais, dans des conditions nouvelles, il me semble
que nous pourrions escompter un rendement qui pourrait s'améliorer,
d'autant plus, M. le Président, que le ministère ne perdrait
quand même pas son droit de regard, son droit de surveillance. Il
pourrait donner, par exemple, ce budget global, qu'on donne aux institutions
actuellement, à une région déterminée. A
l'intérieur de ce budget global, il appartiendrait aux membres de
l'office régional de déterminer la priorité d'attribution
de ces fonds du budget global.
Il me semble donc que, dans un effort de responsabilisation, on devrait
réetudier cette question d'une véritable décentralisation
régionale, car je vois plus d'inconvénients à tout
concentrer, encore une fois, au ministère, à perpétuer des
relations directes entre chacun des établissements et le
ministère, ce qui rend toujours très difficile l'équation
des besoins et des ressources au niveau de chaque région et au niveau de
chaque établissement; ce qui, sans l'annuler, diminue quand même
le pouvoir d'initiatives, de responsabilités des représentants
des institutions ou des régions.
Pour toutes ces raisons, il nous semble que la question n'a pas
été suffisamment vidée et qu'on pourrait peut-être
penser à une formule qui, tout en évitant certains des
inconvénients que nous avons pu signaler forcerait la population
à donner le meilleur d'elle-même par l'accent qu'on mettrait sur
sa responsabilité et par l'appel qu'on ferait à ce qu'il y a de
meilleur en elle-même, de même aussi que par le contrôle
qu'on continuerait d'exercer, mais un contrôle, cette fois, beaucoup plus
lointain, bien que toujours aussi efficace.
C'est la raison pour laquelle nous avons proposé, aussi bien
à cette réunion préliminaire du 24 août qu'à
la dernière réunion du 2 décembre, un renforcement des
offices régionaux des affaires sociales, mais selon un certain
calendrier, selon un certain échéancier. Par exemple, dans les
articles de la loi on prévoirait certaines étapes et, à
chacune des étapes, on prévoirait des fonctions avec les pouvoirs
nécessaires à l'exercice de ces fonctions de façon que,
graduellement, au fur et à mesure que ces organismes régionaux
donnent des preuves de leur efficacité, de leur intelligence, de leur
initiative, on les force à avancer d'un pas, plus loin.
Il faut agir de façon qu'ils arrivent le plus rapidement possible
à l'objectif que s'est fixé la commission Castonguay-Nepveu, que
se fixe le ministre et que se fixe évidemment celui qui vous parle au
nom du parti que je représente.
Il nous semble, M. le Président, que cette chose est possible et
que cette chose est nécessaire car, autrement, quelles seront les
chances de réussite de ce conseil des affaires sociales? Etant
donné qu'il n'est que consultatif, n'y a-t-il pas danger à ce
que, lorsqu'il se présentera dans une institution, on l'envoie
paître, on l'écoute doucement sans lui accorder
l'attention désirable, qu'on n'écoute pas avec assez
d'attention les conseils, les recommandations qu'il fait, en somme qu'on ne
l'écoute que pour la forme et qu'on continue de traiter des affaires
sérieuses avec les représentants directs du ministère,
c'est-à-dire à Québec?
On sait que ceci est difficile, coûte de l'argent à ceux
qui ont à faire ces voyages, surtout quand ils n'ont pas beaucoup de
moyens financiers à leur disposition. Ceci peut aussi encourager une
certaine passivité, peut encourager les pressions qu'un
établissement peut faire sur un gouvernement à l'encontre de tel
autre. En somme, en ne voulant pas se dépêcher, peut-être
que le gouvernement risque de retarder beaucoup plus qu'il ne croit l'oeuvre de
modernisation, l'oeuvre de mise à jour qui est absolument
nécessaire dans l'organisation des services de santé.
C'est la raison pour laquelle, M. le Président, aussi bien pour
des impératifs humains, culturels, administratifs que pour des
impératifs qui ont trait précisément à la situation
actuelle, il nous paraît nécessaire de reprendre cette question du
conseil régional des affaires sociales et de penser à d'autres
façons, à d'autres méthodes qui auraient pour effet, selon
nous, de nous rapprocher plus rapidement de l'objectif que l'on vise.
Je ne voudrais quand même pas prolonger trop longtemps cette
discussion. Je dirai simplement en terminant que nous remercions
également le ministre d'avoir fait en sorte que les lois concernant les
corporations professionnelles aient été déposées
à temps pour qu'on puisse, du moins, les parcourir dans leurs grandes
lignes avant que nous abordions l'étude en comité plénier
des articles du projet de loi no 65.
Bien sûr, nous aurions préféré avoir plus de
temps pour étudier ces lois de corporations professionnelles et, en
particulier, celles qui ont trait aux professionnels de la santé. Ceci
nous paraît difficile en fin de session. Mais il reste quand même
que nous avons pu, malgré tout, avoir une idée
générale de l'orientation du gouvernement en ce domaine et que
nous en profiterons lors de l'étude en comité plénier.
Tout ceci pour dire, M. le Président, ce que nous disions au
début, que nous nous réjouissons que cette loi majeure nous soit
enfin présentée, qu'il faut marquer d'une autre pierre blanche la
présentation et l'adoption de ce projet de loi, qu'elle accentue le
processus de modernisation de notre société, qu'elle nous fait
faire de grands pas en avant dans la voie de la participation, dans la voie
d'une certaine déconcentration, que ceci ne peut qu'être
salué avec joie par toute la population, mais que nous continuons
d'espérer que le ministère fasse montre du même dynamisme
dans l'avenir et que, s'il ne consent pas à améliorer son projet
de loi dans le sens de la régionalisation d'une façon
immédiate, qu'il nous présente, dans les plus brefs délai,
ce dont il parlait tout à l'heure, c'est-à-dire un schéma
d'organisation régionale qui répondra aux impératifs de la
personne humaine aussi bien que de notre société. Merci.
M. LE PRESIDENT (Carpentier): L'honorable député de
Dubuc.
M. Roch Boivin
M. BOIVIN: M. le Président, si les mots sont encore le signe des
idées, on peut sûrement dire que le projet de loi que nous avons
devant nous, qui tente la réorganisation et la coordination des services
sociaux et de santé, devrait pour le moins prendre le no 65 b).
Les changements importants dans la nomenclature et le bouleversement
dans l'élaboration des organismes que désignait le no 65a)
donnent au no 65b) une allure joliment nouvelle. C'est un projet de loi qui
mérite d'être revu en son entier pour en faire une nouvelle
étude en profondeur.
Le mot générique institution a été
libéré pour retenir le terme établissement pour les
organismes de base. Il serait peut-être plus exact de dire que plusieurs
établissements du même genre formeront l'institution.
Il n'y a plus d'office régional des affaires sociales qui
était un objectif fondamental du bill a). Il s'est transformé en
un étrange conseil régional dont non seulement l'appellation,
mais les fonctions et les objectifs sont totalement différents.
Par ailleurs, il est certain que les critères universels que M.
le ministre a inscrits dans son projet b) qu'il désigne comme les grands
objectifs ou les politiques avouées du ministère sont des
abstractions de l'esprit qui n'augmentent en rien, ni le mérite, ni la
valeur du concept de ce que devrait être le no 65a), pas plus que le no
65b).
Je ne veux aucunement mettre en doute l'honnêteté
intellectuelle de l'honorable ministre des Affaires sociales lorsque je lui
attribue ce que ses légistes veulent faire passer dans cette loi,
lorsque j'affirme que la déclaration solennelle inscrite dans le no 65b)
sur les droits de chacun et de tous pourrait bien être
interprétée comme le présage, le privilège qu'il
s'arroge dans les pouvoirs qu'il se donne.
Et ces pouvoirs il entend bien les exercer par-dessus la tête de
tout un réseau d'institutions juridiques qui me paraît être
pourtant démocratisé à l'extrême. Je veux parler ici
des pouvoirs qu'on accorderait aux enquêteurs, au droit qu'on
transférerait au ministre de juger des actes de ces institutions et de
leurs fonctionnaires, ou pour le moins les charger du fardeau de la preuve au
prétoire.
Je suis enclin à penser qu'il pourrait y avoir une infiltration
du pouvoir judiciaire à l'exécutif. Je me demande si Sa
Majesté, pour ne pas dire la démocratie, a de tels pouvoirs pour
défendre même son existence en temps de paix. Je laisse à
d'autres plus qualifiés le soin d'en faire une étude
approfondie.
Rien ne me surprendrait que le noeud du problème soit là.
J'ai assisté avec attention à toutes les séances de la
commission permanente des Affaires sociales. Près de 100 mémoires
ont été présentés, dont 70 furent entendus et
discutés sur le bill no 65a). J'ai constaté avec combien
d'appréhension et de crainte se manifestaient les représentants
sérieux d'une clientèle actuelle et éventuelle et aussi
particulièrement ceux qui ont et qui auraient à prodiguer les
soins sous l'empire de ce projet.
Dans la ligne d'autorité et des pouvoirs
délégués, peu de choses ont été
changées dans le bill no 65b). Je veux bien croire que, dans le domaine
de la santé et du bien-être, il faut rajeunir nos structures pour
qu'elles soient plus souples et mieux adaptées à l'objectif.
J'ai la ferme conviction qu'il faut fournir à l'Etat un cadre
administratif bien à lui pour mieux coordonner et mieux répartir
les ressources qui doivent être de plus en plus volumineuses pour une
société créatrice de besoins autant que de
chômage.
Il ne faudrait cependant pas avoir la naïveté de croire que,
quels que soient les contrôles que fournira à l'Etat ce projet de
loi, il lui fournira plus de ressources en espèces. Nous aurons au
contraire probablement la déception de déplorer de nouveaux
coûts avec toutes ces structures nouvelles, et ce sera le coût des
coûts.
Je crois cependant au phénomène de la participation.
Participation de la part de ceux qui auront à payer la note,
participation aussi de ceux qui prendront une part active à
l'administration. Ce serait une formule d'animation sociale souhaitable, pourvu
qu'elle soit faite au profit d'une saine administration. Le
phénomène était déjà bien amorcé dans
les institutions hospitalières et autres, comme les foyers, par la
formation de corporations à but unique et sans but lucratif, sauf pour
les unités sanitaires ainsi que les centres de services sociaux qui ne
seront plus les émanations du ministère, mais bien des
corporations juridiques de centres locaux de services communautaires et de
centres de services sociaux au sigle de CSS.
J'ai même beaucoup d'espoir dans la formule du centre local de
services communautaires, qui sera d'une souplesse bien imaginée si on
sait bien s'en servir. Il serait à souhaiter que toutes les cliniques
externes de nos hôpitaux, avec corporation séparée du
centre hospitalier, deviennent des centres locaux de services sociaux
communautaires. Elles susciteraient peut-être ce serait
souhaitable des centres d'hébergement séparés,
privés ou publics, qui nous fourniraient l'occasion de
différencier le coût de ces derniers et celui des soins
médicaux. Par ailleurs, cette formule de centre local de services
communautaires saura aussi bien servir des secteurs géographiques fort
mal dépourvus.
J'en arrive à cette étrange corporation du conseil
régional qui viendra chapeauter ces quatre genres
d'établissements à corporations à but unique que sont les
centres locaux de services sociaux communautaires, les centres de services
sociaux, les centres hospitaliers et les centres d'accueil.
Je vois franchement cette corporation juridique régionale comme
une muraille entre le ministre et ses institutions. Elle ralentira les
communications bénéfiques dans les deux sens. Le ministre et son
ministère, dont l'autorité ferme et rapide est si souvent
nécessaire, devront y pénétrer par infiltration ou par
osmose. D'ailleurs, si on projette la fonction des officiers de ce conseil
régional, un administrateur, c'est certain, un homme à tout
faire, un contrôleur, sans doute, et un bon organisateur
d'élection... aux élections créées par cette loi,
aux établissements créés par cette loi.
UNE VOIX: Il n'y a pas moyen de se faire traiter...
M. MAILLOUX: ... depuis que les corporations existent.
M. PAUL: Voulez-vous prendre votre fauteuil pour parler?
M. MAILLOUX: Sans soumission publique, sans quoi que ce soit.
M. BOIVIN: Je n'ai pas dit que ce serait un organisateur
d'élection sur le plan provincial, j'ai dit aux établissements
créés par cette loi. Pourquoi ne pas faire confiance aux
corporations de base qui sont pourvues d'hommes responsables, avec des
conseillers juridiques et autres dans chacun des domaines dont ils ont la
charge et la responsabilité? Pour fournir un personnel de taille
à celles qui ne sont pas rentables, on songe plutôt à des
fusions.
M. le Président, je veux bien donner mon accord pour la
participation, mais pas au point de participer à l'édification de
cette étape qui ne sera pour le ministre et son ministère qu'un
pare-brise de l'autocontestation venant d'en bas. Ce serait consentir à
l'abandon d'une société à laquelle on refuserait
dorénavant son endossement. A moins qu'on veuille
accélérer à ce niveau le phénomène de
détérioration d'un climat social que l'on considère
irréversiblement en voie de déperdition.
Dans le bill 65a) comme dans le b), après toutes les
représentations, on a refusé, peut-être avec raison, de
donner des pouvoirs à cette corporation régionale. Pourquoi
s'acharne-t-on à vouloir garder ne serait-ce que ce filtre juridique
d'une corporation? Le temps finira, j'en suis certain, par séparer le
ministre et son ministère de ces institutions ou établissements
dont il a réellement la responsabilité et la charge.
Je remarque, dans ce projet de loi, qu'on trouve le moyen
d'élaborer sur les droits des citoyens, sur les devoirs de l'Etat de
fournir à tous et chacun plus de secours en qualité, en
quantité et en continuité du berceau à la tombe. On
y établit des structures, on y crée des fonctions nouvelles que
complèteront les règlements. Je ne comprends pas pourquoi on n'a
pas perçu la nécessité d'illustrer les motifs pour
lesquels, avec raison, on s'affole au ministère des Affaires sociales
qui, après tout, n'est pas un ministère à vocation
économique.
Pourquoi inquiéter davantage ceux qui saisissent le
problème et qui connaissent le volume et la capacité de nos
ressources? Pourquoi créer de faux espoirs chez ceux qui en attendront
infiniment plus après tant d'affirmations? Veut-on, tout simplement,
gagner du temps? Croit-on encore, en haut lieu, à la
compressibilité des coûts après tant
d'élucubrations? Je sais que l'honorable ministre des Affaires sociales
est un homme du métier, qu'il ne s'illusionne pas, mais je crois qu'il y
gagnerait à faire connaître davantage, et dès à
présent, à tous et à chacun le sujet de ses plus vives
préoccupations et de ses plus profondes inquiétudes.
Qu'il le dise franchement. Il sait bien qu'actuellement, aux Affaires
sociales, le problème est d'abord et surtout financier; que non
seulement le volume, mais le rythme de progression des coûts est
démesuré par rapport au produit national brut et que
l'état du chômage qui s'accentue ne permettra aucune contraction
du volume des allocations sociales. Quelle compressibilité peut-il
attendre pour les dépenses de la santé? La société
industrielle à laquelle nous sommes intégrés nous laisse
voir les moyens permettant une consommation de masse de ses produits pour la
prochaine étape. Qu'adviendra-t-il des services qui ne sont pas
producteurs de richesses et dont le volume progresse au risque de créer
la panique par l'explosion démographique qu'a créée la
médecine moderne qui a porté la durée moyenne de la vie
à près de 70 ans?
De 8,000 ans avant Jésus-Christ jusqu'en 1650, la population
mondiale s'accrut de 50 p.c. à chaque millénaire; mais, de 1650
à 1965, ce taux s'éleva à 2,000 p.c. Il est donc 40 fois
plus élevé aux temps modernes qu'à l'époque
prémoderne. La projection de 1965 à 2000 implique presque la
multiplication par deux de la population mondiale. Si le taux de croissance
s'établissait au niveau évalué pour la période de
1965 à 2000, on aurait, au cours du prochain millénaire, une
augmentation de 5,600 p.c, ce qui donnerait un total de population du globe de
358 milliards.
Ce sont des projections qui doivent nous faire réfléchir,
nous les législateurs, et peut-être nous faire mieux comprendre la
décision des deux grands leaders mondiaux partis sérieusement
à la recherche de nouveaux continents, pendant qu'à l'autre
extrémité on a décidé de tout couper des sources et
des entrées. C'est là que je vous rejoins, sur le bill 65. Dire
qu'on n'a rien fait encore pour la longévité de la vie!
Plutôt, je devrais dire que c'est amorcé par la greffe des organes
et, plus que cela, par le "bébé-labo" qu'on vous promet, par
l'intervention de la génétique pour l'amélioration de la
race, au point qu'on devrait, paraît-il, négliger les voies de la
nature.
J'ignore, M. le Président, jusqu'à quel point vous devrez
accepter ces sacrifices physiologiques en même temps que financiers.
Peut-être faudrait-il il le faudrait sûrement
qu'intervienne le ministre des Affaires sociales, très bientôt et
d'une façon très ferme, il faudra qu'on comprenne que la grande
possibilité des forces techniques, économiques et sociales
actuelles puisse entraîner des conséquences tout à fait
indésirables.
Dans toutes ces lois dans le domaine des Affaires sociales comme le bill
65, ne devrait-on pas consulter le ministre responsable de l'Environnement? Il
est temps qu'on apprenne que ce ministre est quelqu'un autre que le ministre
des cheminées et des égouts, il est temps que l'on songe aux
recherches, pour des décisions rapides, sur les conséquences
physiologiques, psychiques, esthétiques, mystiques et morales de l'homme
dans toute législation.
Les perturbations écologiques sur le plan physique sont
négligeables à côté de celles qui touchent aux
facultés supérieures de l'homme. On procède à
l'analyse et à la synthèse de tous les systèmes. Pourquoi
un jour et très sérieusement ne procéderions-nous pas
à celle de l'homme et de l'homme en son entier?
Je connais le bienveillant ministre responsable de l'Environnement comme
un homme très sérieux, il est issu de la race qui a donné
au monde le plus grand des législateurs.
La socitété postindustrielle dont on parle abondamment
nous apportera-t-elle dans un avenir rapproché une meilleure
considération pour l'homme et pour l'homme en son entier? La
société à idéologie scientifique dans laquelle nous
vivons actuellement se préoccupe très peu de la
désuétude des facultés supérieures de l'homme, et
quelles que soient nos législations, si nous n'arrivons pas à
corriger cette situation, ce sera la catastrophe.
Le bill 65 sera un instrument avec lequel il faudra travailler chez des
individus qui déjà délaissent, abandonnent une
société qu'ils ne croient pas être faite à leur
mesure. Nous en avons eu une flagrante démonstration à la
commission de l'Assemblée nationale où on est venu psalmodier sa
rancoeur contre une société avec laquelle on refuse tout
dialogue. Malgré ces imperfections, le bill 65 est un effort valable
pour la coordination et la réorganisation de services sociaux et de
santé, il faudra y collaborer. Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
M. Claude Charron
M. CHARRON: M. le Président, vous me permettrez, à
l'ouverture...
Je pense que le président m'a donné la parole.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, vous me permettrez, à
l'ouverture de ce commentaire que je veux le plus bref possible, de signaler le
type de contribution que je veux faire à cette étude du projet de
loi no 65, le signaler immédiatement en particulier à l'intention
du ministre. La connaissance que j'ai du projet de loi no 65 et de la
réforme majeure dans laquelle s'engage le ministère des Affaires
sociales m'incite à apporter ce genre de parallèle que j'ai
été capable de comprendre et d'édifier entre la
réforme de l'éducation, qui s'est faite au cours de la dizaine
d'années qui vient de s'écouler, et la réforme des
affaires sociales, qui occupera vraisemblablement la décennie que nous
avons entreprise avec l'année 1970.
M. le Président, je n'ai malheureusement pas pu suivre, comme je
l'aurais voulu, les travaux de la commission parlementaire des Affaires
sociales.
Au même moment un autre projet de loi très important, le no
28 dans le domaine de l'éducation, occupait à peu près
avec les mêmes types de labeurs et les mêmes séances
dix, nous aussi; alors, c'est dix contre dix dans ce domaine la
commission parlementaire de l'Education.
Mais il reste quand même que je me suis tenu au courant du projet
de loi. Le canal que constituait pour moi le député de Bourget,
qui a participé à toutes les séances de la commission, me
permet aujourd'hui, avec l'analyse que j'ai pu faire du projet de loi, de faire
très brièvement quelques remarques qu'à mon avis le
ministre devrait garder à l'esprit à l'ouverture de cette grande
réforme dans le domaine des Affaires sociales.
Si je le fais, c'est qu'en écoutant le discours du ministre en
deuxième lecture, ce matin, j'avais l'impression que,
véritablement, la comparaison était possible entre ce que nous
avons fait en éducation, comme Québécois, et ce que
s'apprêtant à faire les Québécois à nouveau
représentés par les gens de cette Chambre dans le domaine des
affaires sociales.
Le ministre, décrivant la situation dans laquelle nous sommes
dans le domaine des affaires sociales, parlait des disparités
régionales et sociales qui sont immenses, des indices de santé
inférieurs d'une région à l'autre, du morcellement, du
cloisonnement qui existe dans le domaine de la santé comme dans le
domaine du bien-être social. Il disait que les buts visés par le
projet de loi no 65, appuyé par le Parti québécois, vont
dans le sens d'une accessibilité plus grande, d'une personnalisation des
services, d'une participation accrue des citoyens à ces services et, en
même temps, d'une plus grande efficacité tant au chapitre
administratif qu'au simple chapitre financier.
Ce sont là des thèmes que nous entendions au
Québec, en 1961 et 1962, alors que le premier ministre de l'Education,
l'ancien député de Vaudreuil-Soulanges, membre du gouvernement de
l'époque, essayait d'expliquer à la population la grande
réforme de l'éducation, laquelle tout le monde, encore une fois,
avec plus ou moins d'accord, acceptait à l'époque. Or, je pense
que le fait que le ministre décrive lui-même la réforme
qu'il entreprend de cette façon ne m'a qu'incité encore plus
à dresser un parallèle entre la réforme de
l'éducation et celle des affaires sociales.
Je sais, quand même, que des réserves doivent s'imposer
parce que toute comparaison ou tout parallèle que nous puissions faire
entre deux réformes ne peut pas coïncider parfaitement. Par
exemple, s'il est vrai que nous sortions, en éducation, d'un domaine de
morcellement, de disparités comme celui des affaires sociales
actuellement, il reste que la réforme de l'éducation s'adressait
à un type particulier de la population, principalement les jeunes
citoyens, alors que celle que je considère que nous entreprenons par la
loi 65 vise l'ensemble de la population du Québec. Elle vise un domaine
où le psychique est évidemment attaqué et partie
présente. Le ministre en a tenu compte dans son discours de
deuxième lecture et le député de Montmagny est intervenu
aussi là-dessus. Mais elle touche aussi l'aspect proprement physique des
personnes, ce avec quoi aucun d'entre nous ne peut jongler, alors que, dans le
domaine de l'éducation, il se trouvait une situation tout à fait
différente.
Je ne veux pas intervenir longtemps, je veux surtout signaler au
ministre les accrocs qui sont arrivés dans la grande réforme de
l'éducation et qui si toute la comparaison est encore possible
sont possibles et prévisibles dans la grande réforme
sociale que nous avons faite. J'aurais pu et ce n'est pas par manque
d'honnêteté et parce que je veux m'enfermer dans mon rôle de
député de l'Opposition signaler les heureux
côtés de la réforme de l'éducation, et ils sont
nettement majoritaires, et dire au ministre des Affaires sociales que sa
réforme sociale aura aussi, de façon majoritaire, d'heureux
côtés. Mais pour ne pas allonger le débat, je voudrais que
mon intervention serve plutôt de mise en garde au ministre sur des
écueils que la réforme de l'éducation a su éviter
quelquefois, parfois ne pas complètement éviter et parfois elle a
littéralement échoué.
Le premier accroc de la réforme de l'éducation, on peut le
dire dix ans après, et je pense que le bilan est en train de se faire, a
été de considérer le changement comme un remède en
soi.
On en est venu, à un moment donné, à vouer un culte
au changement, à le déifier d'une certaine façon, et,
après, à en faire un veau d'or et à l'adorer. Tout
à coup, après les quatre ou cinq premières années
de réforme de l'éducation, où on a installé
jusqu'au système collégial, les CEGEP en 1967, la réforme
de l'éduca-
tion s'est mise à s'adorer elle-même. Les discours se sont
mis à pleuvoir, tant du côté du ministre de l'Education,
quel qu'il soit, de l'époque que de tous les critiques de
l'éducation. On s'est mis à dire: Bien! nous en avons fait assez;
appliquons maintenant les freins. Les discours changeaient complètement
de ton. Ils n'étaient plus ceux de Gérin-Lajoie de 1963-1964,
appelant les gens à participer à cette réforme. Ils
devenaient des discours de modérateurs, des discours de gens qui
disaient: Nous en avons fait assez; aux esprits impatients d'attendre; Il faut
d'abord consolider l'édifice que nous avons fait. Cela ne se pouvait
pas.
Si nous arrivons aujourd'hui dans le domaine de l'éducation
à ce qu'on appelle un "malaise" et cela très modestement
c'est parce que, justement, nous aurions dû être conscients
en 1961 et 1962, que, quand nous choisissions la transformation du
système de l'éducation, nous la choisissions pour toujours. Le
choix que nous faisions de nous engager dans cette réforme-là ne
voulait pas dire qu'il y aurait des périodes de haut ou de bas. Dans le
domaine de l'éducation le ministre, s'il était ici, serait
probablement le premier à me donner raison; il l'a, d'ailleurs, fait,
d'une façon très sobre, lorsque nous en avons discuté aux
crédits du ministère de l'Education, l'année
dernière on ne peut pas dire: Ce n'est pas possible.
Je mets tout de suite en garde tous ceux qui, y compris mon propre
parti, approuvent ce genre de réforme que nous entreprenons dans le
domaine des affaires sociales, de ne pas en faire demain un veau d'or et de ne
pas nous dire, après l'installation par étapes on a bien
spécifié qu'elle se faisait par étapes bon,
maintenant, appuyons les freins. Quant aux étapes que nous sommes,
aujourd'hui, le 15 décembre 1971, légitimement en mesure
d'espérer pour 1973 et 1974, par exemple, une plus grande
décentralisation, un pouvoir de décision au niveau des ORAS, que
le ministre refuse d'accorder, pour le moment, avec des raisons qui sont les
siennes, on se consoliderait dans ce type de positions et on éviterait
de les franchir lorsque le temps viendrait.
Nous nous sommes engagés dans la réforme de
l'éducation pour toujours et nous nous engagerons, par l'adoption du
projet de loi no 65 j'espère que ce sera à
l'unanimité de la Chambre dans une réforme dans le domaine
social, pour toujours également. Le changement n'est pas un
remède en soi, au contraire. Le changement est un choix d'un changement
perpétuel. Chaque chose doit durer le temps que cela prend pour la
remettre en question, pas plus longtemps que cela et pas moins longtemps que
cela, non plus. Je pense qu'un des défauts de la réforme de
l'éducation a été d'installer, d'une manière
honnête, le contenant et que, lorsque la préoccupation qui devait
venir sur le contenu est arrivée, les hommes en place étaient
fatigués. Ils avaient pris une mentalité de structures et
évitaient...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CHARRON : Oui, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: J'ai écouté, avec beaucoup
d'intérêt, depuis le début, l'intervention du
député de Saint-Jacques, mais je remarque qu'il parle beaucoup
plus du bill 28 que du bill 65 en question. Alors, j'inviterais l'honorable
député à revenir au bill 65.
M. CHARRON: Je regrette, mais je ne parlais pas du bill 28, du tout, M.
le Président. Je ne sache pas que le leader du gouvernement ait
appelé le comité plénier du bill 28 encore. Je
m'efforcerai de revenir plus près du domaine des affaires sociales, si
vous le voulez. Je voulais simplement vous faire remarquer que le premier
écueil que la réforme de l'éducation n'a pas
évité et que je voudrais voir la réforme sociale
éviter, c'est de s'arrêter, c'est de faire, à un moment
donné, de la redondance et de l'obésité. Je ne vois pas ce
principe inscrit dans le projet de loi, bien sûr, mais, sachant que nous
nous engageons dans une vaste réforme, c'est une chose que tous les
parlementaires devraient accepter, au moment où nous adoptons le projet
de loi no 65.
La deuxième chose, M. le Président, qui a marqué la
réforme de l'éducation et qui marque aussi le début de la
réforme des affaires sociales, c'est la priorité accordée
aux structures. On se dit légitimement je n'en veux à
personne là-dessus Bien, on permettra de développer un
nouveau concept quand on saura avec quoi on part.
Il faut d'abord mettre les choses en place, il faut d'abord mettre des
institutions.
Dans le domaine de l'éducation, M. le Président, on est en
train de l'achever avec le bill 28, que vous me rappeliez à l'instant.
Dans le domaine des affaires sociales, nous commençons ou nous avons
commencé, si vous voulez, l'année dernière, en adoptant la
création du ministère des Affaires sociales. Là, nous
adoptons un mode de décentralisation des Affaires sociales mais, encore
une fois, marqué avec l'esprit de la "structurite", si vous voulez, qui
n'est pas en soi une maladie grave, qui peut l'être lorsqu'on s'y enferme
soi-même.
Par exemple, c'est un objectif que l'on retrouve dans les deux
réformes: celui de la démocratisation. On prend la
démocratisation comme un objectif plutôt que de le prendre comme
une étape essentielle. Je pense qu'un des écueils auquel se
heurte la réforme de l'éducation, actuellement, est celle de dire
que, parce que l'on a créé, par exemple, au niveau des CEGEP ou
ailleurs cette structure qui ressemble beaucoup à celle des CLSC, qui
ressemble beaucoup à celle des centres hospitaliers où
différents groupes installés, certains avec deux sièges,
d'autres avec trois, d'autres avec quatre, on a essayé de mettre toutes
les parties prenantes autour de la table. Pouvons-
nous inspirer le ministre à partir de ce qui s'est passé
dans le domaine de l'éducation? Son propre collègue, le ministre
de l'Education, sera en mesure de dire que si le loisir lui en était
donné ce soir, il modifierait profondément la Loi des CEGEP qui a
créé cette espèce de participation à gogo, M. le
Président, ou cette participation fictive.
Je pense que ce qui s'est passé en éducation nous permet
de dire ce soir, avant l'adoption de la loi 65, qu'il vaut mieux ne pas faire
de participation du tout que d'en faire une où les frustrations sont
encore plus vives et où les affrontements sont encore plus
pénibles et où une majorité ou une possibilité de
décision est presque un phénomène rare à
trouver.
Les amendements que je connais et que nous avons défendus autour
de la table de la commission des Affaires sociales, le fait que nous ayons
épousé tous les groupes qui venaient dire: Si vous voulez que
nous participions, donnez-nous véritablement la participation, sinon,
nous n'en voulons pas du tout, correspondait à cette philosophie.
L'expérience du Québec, depuis une dizaine
d'années, devrait porter fruit dans la tête du ministre des
Affaires sociales au moment où il s'engage dans cette grande
réforme.
On peut bien au départ, cela va de soi, donner une
priorité aux structures. Mais attention de ne pas faire ce que nous
avons fait dans l'éducation et de nous y enferrer et d'éviter le
débat sur le contenu. Nous sommes encore, dans le domaine de
l'éducation, M. le Président, à édifier une
structure pour l'île de Montréal alors que le véritable
problème de l'éducation, à Montréal, n'est plus sur
le contenant mais porte beaucoup plus sur le contenu.
Un troisième écueil que la réforme de
l'éducation n'a pas su éviter: c'est quand elle a voulu
séparer la révolution pédagogique de la révolution
culturelle, quand on a voulu véritablement parler d'instruction
plutôt que d'éducation, quand on s'est efforcé de se
rabattre au niveau de termes, de collèges, de classes, de cours, alors
que le véritable changement nécessitait une ouverture beaucoup
plus large. Au fond, ce qui est remis en question dans le domaine de
l'éducation, c'est la notion même de connaissance.
Le ministre sera d'avis que la moindre écoute de la
société québécoise, maintenant, nous permet de voir
que ce qui est remis en question, c'est la notion même de service social,
c'est la notion même de service de santé, c'est la notion
même de "welfare aid", c'est la notion même d'aide sociale. Le
ministre en tire une expérience. La tournée qu'il a faite, pour
expliquer son bill 65, tournée que j'ai d'ailleurs largement
apprécié de le voir faire, s'est, la plupart du temps,
soldée par une vaste rencontre sur le bill 26 où la
théorie même de l'Etat qui aide l'individu est remise en
question.
Je pense qu'il faudrait nous appliquer ici, autour de la table, lorsque
nous serons en comité plénier, à préciser
nettement, dans le vocabulaire, ce qu'est un service de santé, ce qu'est
un centre hospitalier, ce que sont les centres d'accueil, etc. etc. On
s'enferre dans ce type de service de santé pour oublier que ce qui est
contesté actuellement et donc nécessité dans nos
amendements c'est une souplesse.
Les structures que nous devons établir dans le domaine de la
santé doivent être beaucoup plus souples au changement, beaucoup
plus ouvertes à la remise en question du fond même que ne l'ont
été les structures que nous avons édifiées dans le
domaine de l'éducation.
Il y a un thème que chacun des membres de l'Opposition
à l'instar du ministre ce matin a repris, je pense, c'est celui
de la nécessité de la personnalisation des services de
santé. Voilà un thème qui n'existait pas quand nous avons
engagé la réforme de l'éducation. On le découvre
maintenant.
Les jeunes se disent dépersonnalisés dans le
système que nous avons fait. Il est bon qu'au moment où nous
entreprenons la réforme des affaires sociales, nous sachions qu'un des
premiers objectifs auxquels nous avons à répondre, pour ne pas
nous retrouver contre le même écueil que nous connaissons en
éducation, c'est celui de la personnalisation des services. Il faut
donner une priorité aux structures, soit. Mais ne pas les séparer
de la vaste révolution culturelle que connaît le Québec
actuellement.
Finalement, deux brèves remarques sur les écueils
plutôt techniques qu'a rencontrés la réforme de
l'éducation. Le premier a été cette mentalité avec
laquelle nous avons procédé dans le domaine de
l'éducation, à savoir que l'école devait
nécessairement déboucher sur le marché du travail.
On a édifié un système sous le chapitre d'une
rentabilité économique nécessaire. Il ne faudrait pas que
dans le domaine des affaires sociales on édifie un système dans
le seul objectif d'une rentabilité économique où chaque
investissement rapporte sinon plus ou moins autant que ce que nous avons fait.
Encore là, je fais un appel à la souplesse.
Il est possible que certaines structures que nous allons édifier
ne rapportent pas automatiquement ce qu'elles vont rapporter en 1975 ou 1976
après une période d'apprentissage. Mais ce n'est pas une raison
pour les refuser ce soir.
J'écoutais tout à l'heure mon collègue de Bourget,
qui se faisait le défenseur des ORAS première version et
même version amplifiée, contrairement à la deuxième
version du bill no 65. Le ministre nous disait dans son discours: Nous avons
décidé de modifier la nature des ORAS parce que nous ne croyons
pas que nous sommes prêts; cela devra venir plus tard.
A l'instar du député de Bourget, je crois qu'il y a
suffisamment d'indices. Il ne faut pas attendre que les gens viennent le
demander en face du Parlement par une manifestation. Je crois qu'il y a
suffisamment d'indices sur lesquels un Etat qui veut aller dans ce
sens-là,
qui ne calcule pas toujours strictement en termes de rentabilité
économique immédiate, doit se baser.
Ce qu'apportait tout à l'heure le député de Bourget
comme indices que dans les différentes régions du Québec
on peut déjà procéder à une décentralisation
beaucoup plus grande que ne le fait la deuxième version du bill no 65
m'incite à dire que nous devrions épouser les idées du
député de Bourget et les consacrer là-dedans. Je ne pense
pas qu'on puisse entreprendre de cette façon une réforme qui peut
toucher la vie sociale du Québec en profondeur et automatiquement
après ça se mettre à calculer au cent ou à la
piastre près, et dans une rentabilité très stricte.
Je ne crois pas que c'est ce que fait le ministre des Affaires sociales
actuellement, mais je le mets en garde contre le fait que certaines
dispositions de la loi incitent ceux qui vont vivre dans cette structure
à le faire par la suite.
Cinquième et dernière remarque. Qui a paralysé en
grande partie les fruits ou qui nous a empêchés de récolter
tous les fruits que nous espérions de la réforme de
l'éducation? C'est la sempiternelle bureaucratie qui accompagne toutes
ces réformes. Je pense que la grosseur de l'édifice que nous
avons construit dans le domaine de l'éducation, l'incapacité
qu'on a aux échelons les plus bas de prendre les décisions sans
que le ministre de l'Education ou un de ses plus hauts fonctionnaires soit
directement impliqué, les réquisitions à quinze ou
à vingt copies, les promenades continuelles d'un échelon
administratif à l'autre, les adjoints multipliés par les
sous-adjoints, etc., ne sont certainement pas des choses qui ont aidé
à obtenir tous les fruits que nous espérions quand en 1961 ou
1962 nous nous engagions dans la réforme de l'éducation.
Est-il possible d'édifier tout ce système de
réformes sociales que comporte le bill 65, sans qu'en même temps,
nous amplifIlons une bureaucratie des affaires sociales qui est
déjà vaste, pénible, tatillonne à certains
égards et de laquelle, je pense, la plupart des députés
des comtés défavorisés ont déjà une vaste
expérience? Combien de fois avons-nous à nos bureaux de
comté des gens qui viennent là pour la seule et unique raison que
la bureaucratie est déjà trop vaste et trop pénible, et
qu'ils ne savent plus à quelle porte s'adresser exactement et qui vont
trouver le visage humain qu'ils connaissent, c'est-à-dire le
député de leur comté!
Combien de fois notre travail en est tout simplement un de
dépistage à travers l'administration et combien de fois des
services que nos concitoyens disent qu'on leur a rendus avec beaucoup d'effort
n'ont consisté à toutes fins pratiques qu'à placer un
appel téléphonique à un fonctionnaire bien placé
qui rend le service auquel il est appelé ! Est-ce qu'il est possible de
créer une réforme administrative de cette envergure sans qu'elle
ne se transpose par une amplification de la bureaucratie?
J'ai tenu, en novembre dernier, avec des citoyens de mon comté
une réunion d'information sur le bill 65 et je suis député
d'un comté où nous avons largement affaire à la loi 26 et
aux bureaux d'aide sociale. Je dois vous dire la toute première remarque
qui me venait des citoyens. Ils me disaient: M. le député, est-ce
que ça veut dire que ça va être encore plus difficile de se
faire servir? Est-ce que ça veut dire qu'on va être encore plus
numéro qu'avant? Qu'on va avoir un numéro à la fois au
centre d'accueil, qu'on va avoir un numéro au CLSC, qu'on va avoir un
numéro dans les centres hospitaliers, qu'on va avoir un numéro
d'assurance-maladie? Est-ce que c'est ça que ça veut dire?
Est-ce que ça signifie que le fait de créer de nouvelles
étapes administratives va simplement vouloir dire et là je
reviens à ce que je disais tantôt une
dépersonnalisation plus grande? Le ministre disait, comme but
visé, une efficacité plus grande, des coûts administratifs
moindres. Est-ce possible? J'attends, l'étude en comité
plénier. Je devrai attendre ce comité pour ma part, parce que je
n'ai pas pu assister aux travaux de la commission parlementaire, pour en avoir
l'assurance.
Je crois bien que s'il est un domaine où nous avons
échoué en éducation, c'est que nous n'avons pas pu
entreprendre cette grande réforme pédagogique, que nous n'avons
pas pu entreprendre cette grande réforme paraculturelle qui accompagne
la réforme de l'éducation, sans la cristalliser, sans
l'embêter, sans la mettre dans des corridors éternels et une
bureaucratie étouffante.
M. le Président, il y a une dernière remarque que nous
voulons faire. La réforme de l'éducation a obligé tout le
monde qui y a vécu, les parents les premiers d'ailleurs, les
professeurs, les directeurs, les personnels administratifs de commissions
scolaires, les employés du ministère, à se remettre en
question. On oublie souvent de dire aussi qu'un des groupes les plus importants
qui a eu à se remettre en question fondamentalement dans cette
réforme-là, ç'a été les étudiants. La
vie a profondément changé à l'intérieur des
écoles et du jour au lendemain on a demandé cela à des
jeunes qui ont peut-être moins de capacité d'adaptation qu'on ne
le croit souvent.
La réforme des affaires sociales va obliger tout le monde, tous
les professionnels de la santé, tous les techniciens des services
sociaux, tous les techniciens des services de la santé, à se
remettre en question et à épouser une nouvelle philosophie. Je
pense que les séances de la commission parlementaire des Affaires
sociales ont prouvé au ministre que cette préparation
n'était peut-être pas aussi grande qu'on le croit.
Il est venu plusieurs témoins, alors on le revoit à
lire le journal des Débats, les séances de la commission
dire: Nous ne croyons pas être prêts ici, être prêts
là. Dans les amendements que le ministre a apportés dans sa
deuxième
version du bill, il a donné son acquiescement à certaines
personnes se disant non prêtes à recevoir les
responsabilités qu'on était prêt à leur confier par
la nouvelle structure.
Voilà aussi un autre danger que l'expérience de
l'éducation nous incite à répéter au ministre et
à éviter dans le domaine des affaires sociales. Merci, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT (Carpentier): L'honorable député de
Gaspé-Sud.
M. Guy Fortier
M. FORTIER: M. le Président, lors de la présentation en
deuxième lecture de ce projet de loi, je voudrais faire un bref
commentaire. Après avoir entendu, comme président de la
commission, les différents mémoires présentés par
au-delà de 70 organismes et après avoir lu les mémoires de
30 autres, j'ai compris exactement la politique de M. Castonguay, qui veut
aider la population et établir adéquatement dans le territoire du
Québec les services que l'on doit mettre à la disposition des
gens du Québec.
J'ai remarqué aussi, lors de ces auditions, que tous les membres
de la commission ont fait des commentaires, ont questionné les
différents organismes. Le ministre s'est prêté aux
questions posées et a expliqué le projet de loi. A la fin des
travaux, nous avons eu une réunion des membres de la commission, qui se
sont exprimés. Le ministre a expliqué, de façon
très rationnelle et je dirais même très agréable,
comment il mettrait un point final à ce projet de loi.
Je dois dire aussi que j'ai vécu, dans le monde médical,
différentes étapes: l'assurance-hospitalisation, qui a permis aux
malades de se faire soigner gratuitement dans les hôpitaux,
l'assurance-maladie, qui a également permis aux malades de se faire
traiter gratuitement par le médecin de leur choix,
Il fallait en arriver tout de même à l'organisation des
services de santé et des services sociaux. Dans toutes les
régions, dans nos bureaux, quand nous traitons un patient nous avons
également à nous occuper de son problème social.
Je suis très heureux que ce projet de loi permette à
chacun d'avoir des établissements de santé, ainsi que des
services sociaux à sa disposition, dans sa région ou dans sa
localité par les centres locaux de services communautaires.
M. le Président, le programme établit actuellement qu'il y
aura un conseil régional des affaires sociales, qui pourra consulter,
aider à planifier et également conseiller le ministre sur les
différentes organisations de santé et de services sociaux qui
existent dans la région. La participation de la population, qui a
été demandée par les membres de la commission, a eu lieu
lors de la présentation des différents mémoires. Elle est
maintenant chose accomplie, puisque le peuple participera à
l'administration des différents centres et des différents
établissements. C'est une chose extrêmement importante que le
public participe à l'administration des affaires sociales auxquelles il
a droit afin de connaître le coût et de savoir comment une
direction générale doit procéder pour atteindre un
meilleur rendement dans toutes les localités du Québec.
Il y a une chose sur laquelle je voudrais attirer l'attention, c'est que
les centres locaux de services communautaires vont permettre à la
population immédiate de se rendre dans ces centres, de recevoir des
services médicaux dans l'immédiat, quand il ne s'agira pas de
services spécialisés. Les gens seront dirigés vers des
centres spécialisés grâce à ces centres locaux de
services communautaires qui leur donneront les moyens d'être
soignés.
Les centres d'accueil vont, enfin, permettre, et cela avec
continuité, de donner à l'enfance exceptionnelle, aux enfants qui
ont besoin de soins spéciaux, les soins et l'éducation dont ils
ont besoin. L'enfant exceptionnel ou l'enfant retardé a des droits que
nous devons reconnaître, mais nous devons les faire en lui donnant ce
dont il a besoin. Ces centres doivent donc être établis. Je n'ai
aucun doute que, de la façon dont le ministre veut procéder
c'est une façon méthodique ces centres d'accueil
rendront d'immenses services à notre population.
Il en est de même pour nos vieillards qui semblent avoir quelques
problèmes avec les centres où ils résident et je crois
qu'il faut, avant de penser à construire une institution pour
vieillards, savoir d'abord ce qu'on fera avec ces gens moins jeunes, savoir
quelle vie ils veulent vivre, et je crois que c'est là une des fonctions
des centres d'accueil.
Quant aux centres hospitaliers, je suis conscients que les
médecins y auront encore, par le Conseil des médecins et des
dentistes, avec le conseil des professionnels, un rôle important à
jouer, et également, ils pourront faire partie et jouer un rôle
dans des centres de services sociaux.
M. le ministre, comme député et comme médecin, vous
avez présenté un projet de loi que je trouve rationnel et je vais
voter pour ce projet de loi avec plaisir, car vous allez rendre là
d'immenses services à toute la population, et je tiens à vous en
remercier.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorchester.
M. Florian Guay
M. GUAY: M. le Président, nous avons à étudier
aujourd'hui un projet de loi d'une importance capitale, à mon sens,
à la suite d'un autre projet qui était une étape, on l'a
mentionné, le projet de loi de l'assurance-maladie. Cette fois, c'est la
Loi de l'organisation des services de
santé et des services sociaux. Ce projet de loi touche à
la fois l'homme dans son aspect physique et également dans son aspect
moral. Ce superministère des Affaires sociales, qu'on a qualifié
et qu'on peut continuer de qualifier de ministère de concentration de
pouvoirs, est à mettre sur pied un mécanisme complet de
réorganisation de tous les services de santé et des services
sociaux.
C'est une autre tranche que ce gouvernement réformiste veut
appliquer à l'ensemble de la collectivité.
Mais, une question se pose: Est-ce le temps? Est-ce le moment? Est-ce
que cette société est prête à subir ce soubresaut
dans cette réorganisation?
M. le Président, nous avons écouté, comme le
ministre, avec beaucoup d'attention un grand nombre d'organismes qui ont cru
bon de venir se faire entendre à une commission parlementaire, celle des
Affaires sociales. Je pense que là nous avons quand même la preuve
que, premièrement, la population s'intéresse d'abord à
cette réorganisation, à cette réforme, dans un domaine
aussi important, celui de la santé; deuxièmement, cette
participation de différents organismes prouve également que, dans
sa forme originale, le projet de loi était loin d'être acceptable
et qu'ils désiraient des modifications. La plus grande preuve d'une
aussi grande participation d'organismes est cependant autre. Elle exprime un
malaise très profond dans notre société qui doit
être corrigé, peut-être plus graduellement qu'on veut le
faire actuellement, mais des modifications s'imposent. Et là, nous
sommes en droit de mentionner que les grands objectifs définis ou
décrits par le ministre dans l'énoncé de principe de son
projet de loi ont reçu l'accord de presque tous les groupes. Ce fut
presque unanime.
Cependant, nous regrettons, comme plusieurs groupes l'ont
regretté, que ce projet de loi soit rédigé avant la
parution de la dernière tranche de la commission d'enquête, qui
aurait peut-être orienté cette réorganisation des services
de santé et des services sociaux tout autrement que nous le voyons
aujourd'hui.
D'autres groupes ont semblé dire que dans cette grande
réforme sociale, si on peut s'exprimer ainsi, il était dangereux
pour le ministre de mettre tous ses oeufs dans le même panier pour une
autre grande raison, et on l'a mentionné à plusieurs reprises
à la commission parlementaire: c'est que plusieurs objectifs
visés par ce projet de loi ne seront malheureusement jamais atteints
à cause des difficultés et à cause des contraintes
budgétaires auxquelles cette loi se heurtera.
Le ministre des Affaires sociales a dénoncé plusieurs
lacunes, plusieurs difficultés que connaît le système
actuel affectant même la santé, dans bien des cas, de la
population. Le premier but visé, dans une réorganisation, est
d'abord l'amélioration de l'état de santé de la
population, l'accessibilité à ces services. La santé, bien
sûr, est un bien périssable. On se rend compte de sa grande valeur
une fois qu'on l'a perdue.
Cette réorganisation doit d'abord être établie en
conformité avec une liberté, tout en laissant une autonomie
complète à l'homme dans le choix des services ou des
institutions. Il ne faut pas écarter non plus le fait que cette loi doit
couvrir plus grandement et plus adéquatement la sécurité
de chacun des membres de cette société qui expriment le
désir de participer de plus en plus à l'élaboration des
lois et à la mise en place des mécanismes mêmes en
désirant obtenir, en quelque sorte, le centre des décisions.
Il serait bien facile d'annoncer que ce projet de loi semble prouver une
certaine efficacité d'un régime. Il est malheureusement trop
tôt, M. le Président, pour dire que ce projet de loi
réglera tous les problèmes dans le domaine des affaires sociales
et de la santé. Je pense que ce serait se conter des peurs que tenter de
le faire croire. Bien sûr, ce projet de loi augmentera probablement le
rendement des services offerts. Nous espérons également qu'il en
augmente la qualité. La qualité des soins, je pense qu'on n'a pas
besoin de la discuter, étant donné qu'on a fait écho qu'au
Québec nous devançons plusieurs autres puissances dans la
distribution des soins de santé.
Considérant, M. le Président, qu'il est six heures, je
propose la suspension de nos travaux.
Commission des Affaires municipales
M. LEVESQUE: M. le Président, avant de faire motion pour la
suspension des débats, qu'il me soit permis de solliciter le
consentement unanime de la Chambre pour entendre le rapport du
député de Taillon sur la commission parlementaire des Affaires
municipales relativement au bill 48.
M. LEDUC: M. le Président, la commission des Affaires municipales
a l'honneur de soumettre à votre honorable Chambre son deuxième
rapport. Votre commission s'est réunie pour étudier le projet de
loi no 48, Loi sur l'évaluation foncière, les 9 septembre, 7
octobre, 2 novembre, 3 novembre, 30 novembre et le 1er décembre 1971.
Cinquante-et-un organismes ou personnes ont présenté leurs
observations ou recommandations sur le projet de loi.
Votre commission s'est réunie à nouveau pour
étudier le projet de loi no 48 réimprimé, Loi sur
l'évaluation foncière, les 14 et 15 décembre 1971.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que ce rapport est lu et reçu?
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, un seul commentaire. Je
n'ai pas pu consulter le leader de l'Opposition officielle ni ceux qui ont
participé aux séances de la commission, mais je présume
que tout est
régulier. Connaissant le ministre des Affaires municipales, son
souci d'allonger les débats quand il n'y a pas assez d'objections et en
suscitant même parfois, je présume que nous pouvons accepter ce
rapport.
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose la suspension des
travaux jusqu'à vingt heures quinze.
M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à vingt
heures quinze.
(Suspension de la séance à 18 h 2)
Reprise de la séance à 20 h 18
M. CARPENTIER (président): A l'ordre, messieurs !
Le député de Dorchester.
M. Florian Guay
M. GUAY: M. le Président, avant la suspension du débat,
j'en étais à souligner que le ministre semble bien sûr
à l'avance que son projet de loi connaîtra les résultats
escomptés. Mais, comme le dit le député de Saint-Jacques,
si on établit un parallèle entre le ministère de
l'Education et celui des Affaires sociales, l'échec devrait nous servir
de leçon et nous inviter à la prudence.
Bien sûr, il faut souligner qu'il manque nettement de coordination
entre les services actuels. On le reconnaît, mais est-ce là une
raison suffisante pour nous permettre de débâtir, de
démolir ou d'oublier ce que d'autres ont fait bien avant nous? Je pense,
M. le Président, qu'au moins il faut le reconnaître et leur en
accorder le mérite. Le système que nous avons présentement
s'est établi graduellement. Ici, je me pose une question: Lui a-t-on
permis de jouer pleinement son rôle? Lui a-t-on donné les outils
nécessaires afin de se parfaire et de fournir les services que nous en
attendions?
M. le Président, quand on regarde un projet de loi comme celui
qui est à l'étude actuellement, on est porté à
croire que l'Etat se prépare à exercer un contrôle total de
l'activité de l'homme. Désormais, le droit à la
santé dépendra de l'Etat. Le droit à la vie même
dépendra de l'Etat. A partir de ce moment-là, je pense qu'il est
dangereux de développer dans la société un sentiment de
sécurité qui est faux, mais qui engendrera, à court ou
à long terme, un autre sentiment, celui de la dépendance avec les
années.
On n'a qu'à regarder; je pense que c'est même
commencé. Est-ce de cette façon, M. le Président, qu'on
peut dire qu'un peuple s'affirme, qu'un peuple est lui-même? Pourquoi les
choses arrivent-elles ainsi? Le gouvernement décide de prendre la
responsabilité à la place de l'individu et, dans tous les
domaines, on remarque que l'Etat s'empare du pouvoir. L'Etat, en quelque sorte,
se substitue à l'individu et prend la responsabilité à sa
place.
M. le Président, dans cette réorganisation des services de
santé et de bien-être social, je pense qu'il faudrait y aller
d'une façon prudente, c'est-à-dire d'une façon beaucoup
plus graduelle.
Le ministre a modifié son projet de loi. Dans sa forme
réimprimée il a fait quelques pas, je dirais, en arrière
pour tenter d'amoindrir la marge jusqu'à une réorganisation
complète. Je pense qu'il a tenté de la réduire là
où il aurait peut-être pu faire un pas trop grand, auquel on
n'aurait pu s'habituer facilement.
Il ne faut pas ajuster la société à des besoins
politiques, mais bien ajuster la politique aux besoins de cette
société parce que les besoins politiques sont soumis à un
contrôle financier. Bien sûr, nous reconnaissons également
que cette mesure législative est une mesure louable, mais à mon
sens, elle est un peu prématurée. On est tenté, encore une
fois, de souligner l'échec dans le domaine de l'éducation. Dans
son discours, annonçant son projet de loi, le ministre a parlé de
l'intégration des dispensateurs des services de santé. Bien
sûr, ce doit être un des objectifs premiers, des objectifs
principaux.
Il faut dire que si le professionnel ne s'intègre pas au
système, il ne peut pas donner le rendement qu'on attend de lui. On est
en mesure de dire actuellement qu'en plus de cette planification et de cette
coordination, il va falloir désormais faire en sorte que le
professionnel soit de plus en plus responsable de la dispensation des services
et que ce professionnel de la santé ait non seulement la chance, mais le
devoir de participer ainsi que la population, à la direction de ces
centres de service.
La participation de la population est-elle possible? Moi, je dis que
oui. Elle est possible et je pense que c'est une expérience à
tenter. Si, plus tard, on se rend compte que la participation n'a pas
été celle qu'on attendait, il y aura tout de même lieu de
prévoir d'autres mécanismes qui feront en sorte que la population
soit bien consciente de sa fonction, de ses responsabilités en autant
qu'on lui laissera des responsabilités.
Il n'y a rien de plus malheureux que de faire croire à quelqu'un
qu'il a des choses à décider, qu'il a des choses à voir
dans un domaine et qu'il se rende compte, ensuite, que son action est
complètement inutile.
M. le Président, sur quoi nous baser pour d'abord
défendre, ou combattre ce projet de loi? Je pense que nous devons
remercier ici tous les organismes qui se sont présentés à
la commission parlementaire. Nous avons eu la chance d'abord de les entendre et
ensuite de les questionner. Je dirais qu'à défaut de publication
du rapport de la commission d'enquête, on a quand même pu se baser
sur l'ensemble des propos étant donné que ces organismes ont
été nombreux et ils ont été, je pense bien, dans
l'ensemble également, objectifs. Comme législateurs, nous
désirons apporter à ce projet de loi autant
d'améliorations que possible même s'il est loin d'être
parfait. On dirait même que nos gouvernants continuent à favoriser
une superstructure de millionnaire avec une infrastructure de quêteux, il
y a des richesses au Québec mais la population est pauvre et a de la
difficulté à joindre les deux bouts. Le bill 65 constitue-t-il
une chance pour que la société soit mieux conditionnée et
réponde mieux à ce que, même nous, dirigeants d'Etat,
sommes en mesure d'attendre d'elle? Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.
M. Charles Tremblay
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est bien ça, M. le
Président.
Voici quelques remarques au sujet du projet de loi no 65 maintenant
à l'étude. Le ministre, dans la nouvelle version du projet de
loi, a apporté quelques amendements qui sont un peu en accord avec les
suggestions qu'avait faites le Parti québécois. Là-dessus,
je le félicite surtout, par exemple, d'avoir amendé l'article qui
parle de la formation des conseils d'administration pour les centres
hospitaliers et pour les centres d'accueil.
On disait, en commission parlementaire, que le lieutenant-gouverneur
avait une très grande discrétion quant au nombre de membres qu'il
pouvait nommer à ces conseils d'administration.
Pour les conseils d'administration des centres hospitaliers, le
lieutenant-gouverneur pouvait nommer sept membres et cela est réduit
à deux, je crois. Pour ce qui est des centres d'accueil, le ministre a
aussi accepté une de nos suggestions elle avait été
faite aussi par d'autres participants à la commission parlementaire
portant sur la formation des conseils d'administration des centres
d'accueil. Nous avions suggéré de nommer au moins deux
représentants parmi les pensionnaires ou les gens qui avaient
été soignés à ces institutions. Cette suggestion a
été acceptée, si je comprends bien, dans la nouvelle
version du projet de loi. Je félicite le ministre de ses
amendements.
On avait aussi parlé, à la commission parlementaire, d'un
article qui avait des implications considérables. Il s'agit de l'article
145 du projet de loi. Le ministre nous avait dit qu'il consulterait ses
conseillers juridiques pour avoir une nouvelle formule de l'article 145.
M. LEVESQUE: Nous sommes en deuxième lecture.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que je parle du principe?
M. LEVESQUE: Vous parlez d'un article en particulier.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Très bien, oui. Tout de même,
je parlais des implications du projet de loi qui pouvaient être
néfastes même à la sauvegarde des droits acquis des
employés régis par les conventions collectives en vigueur. En
somme, des amendements qui nous semblent favorables ont été
apportés dans ce sens-là. On aura peut-être d'autres
suggestions à faire en comité plénier.
Cependant, lorsque nous avons écouté les corps
intermédiaires, les différents groupes qui se sont
présentés à la commission parlementaire pour exposer leurs
points de vue, pour faire des recommandations, des critiques même du
projet de loi, il y a surtout un mémoire qui m'a intéressé
principalement.
Il s'agissait du mémoire de la clinique communautaire de
Pointe-Saint-Charles où on demandait avec insistance au ministre qu'aux
conseils d'administration des CLSC, c'est-à-dire des centres locaux de
services communautaires, les citoyens soient en majorité.
Je pense qu'à ce moment-là le représentant de la
clinique communautaire, qui était M. Tremblay, s'était servi
d'une expression pour expliquer les raisons pour lesquelles il aurait
aimé que les citoyens soient en majorité aux conseils
d'administration. A une question que nous avions posée au
représentant de la clinique communautaire, il avait répondu:
"Vous allez dire qu'une participation réelle, cela veut dire cinq
citoyens contre cinq professionnels. Pas du tout, ce n'est pas cela. Vous ne
savez pas quelle influence un professionnel peut avoir sur un citoyen. Il va le
charroyer, il va lui vendre n'importe quelle idée. C'est pour cela que
pour nous la participation réelle, c'est la participation en
majorité."
Nous étions d'accord sur cela, surtout en ce qui concerne les
centres locaux des services communautaires. Je pense que l'expérience
que nous avons vécue dans Pointe-Saint-Charles nous a
démontré que les citoyens veulent réellement participer
à ces organismes. Ils ont la certitude, à ce moment-là, de
participer à l'administration d'organismes gouvernementaux. Je pense que
c'est la motivation qu'il expliquait en commission parlementaire.
Nous regrettons beaucoup que le ministre n'en soit pas venu aux demandes
de ces citoyens. D'ailleurs, plusieurs autres organismes lui avaient aussi
demandé l'instauration d'une majorité de citoyens aux conseils
d'administration des CLSC. Entre autres, vous aviez le mémoire du
Conseil de développement social qui avait parlé dans le
même sens, ceux de la Campagne des fédérations du grand
Montréal, du Conseil du bien-être du Québec, du South Shore
Community Service, du Conseil des oeuvres et du bien-être, du Front
commun syndical et de nombreux comités de citoyens. Tous ces organismes,
dans leur mémoire, demandaient une plus grande participation de la part
des citoyens dans les conseils d'administration des centres locaux de services
communautaires.
Dans la nouvelle version du projet de loi que nous a
présentée le ministre, il n'y a pas de changements, semble-t-il.
Je me rappelle, entre autres, qu'en commission parlementaire les
représentants du Front commun des syndicats, par exemple, avaient
beaucoup appuyé là-dessus. Ds avaient même insisté,
en disant qu'il était très bon que les citoyens participent, en
majorité, à ces centres locaux de services communautaires, qu'ils
étaient motivés et que c'était un moyen de faire
fonctionner l'organisme avec la participation de tous les citoyens, de
même que tous les autres organismes que je viens de citer.
Franchement, nous aurions aimé, pour la formation des conseils
d'administration de ces organismes, que les citoyens soient en majorité.
Je me demande pourquoi le ministre n'a pas accepté ces suggestions.
Peut-être qu'il a des raisons et qu'il en parlera dans sa
réplique. Tout de même, j'insiste sur les arguments que nous
avaient présentés, à ce moment-là, les
représentants de tous les organismes.
Ce sont là les quelques observations que j'avais à faire
sur le projet de loi. Il restera à l'étudier en comité
plénier et à proposer les amendements qui s'imposent.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Abitibi-Ouest.
M. Aurèle Audet
M. AUDET: M. le Président, j'ai écouté avec
beaucoup d'attention l'exposé que nous a fait le ministre des Affaires
sociales au sujet du bill 65, Loi de l'organisation des services de
santé et des services sociaux. Lorsqu'il parle de meilleure
coordination, de planification entre les différents services de
santé et de bien-être par des contrôles plus adéquats
en vue d'assurer des services de qualité et le respect de la personne
humaine, ceci m'amène à me poser de sérieuses questions,
à savoir si le ministre est sérieux et s'il n'est pas en train de
nous monter le plus beau bateau qu'aucun gouvernement à tendance
socialiste du Québec nous ait encore présenté à
l'Assemblée nationale.
M. le Président, comment le ministre peut-il prétendre
améliorer la qualité des services de santé et de
bien-être en intensifiant l'emprise de l'Etat sur ces services à
tous les niveaux, quand on peut déjà constater une
détérioration très marquée de cette qualité
des services depuis l'établissement de l'assurance-santé?
Nous comprenons que, maintenant que le gouvernement a pris à sa
charge la responsabilité de l'assurance-santé, en plus de tous
les autres domaines des Affaires sociales, il veuille continuer de planifier
davantage afin de contrôler les abus possibles venant du
côté des patients, des spécialistes et des
fonctionnaires.
Pour cette fin, nous voyons que le gouvernement aura à
établir un tel réseau de structures de bureaucratie, de
système d'enquêtes et de contrôles, qu'il en arrivera
inévitablement à une carence de l'efficacité causée
par cette lourdeur et cette lenteur administrative que nous reconnaissons comme
étant le processus normal d'une structure étatique.
Le député de Saint-Sauveur a félicité le
ministre tout à l'heure pour la façon dont il a
écouté les différents mémoires qui lui ont
été présentés à la commission parlementaire,
et pour les quelques amendements consentis surtout en ce qui concerne la
reconnaissance de certaines institutions privées.
J'admets que les amendements apportés semblent offrir quelques
concessions, mais est-ce que ces concessions ont tellement d'importance
pour que nous acceptions d'emblée le principe fondamental du bill
dont l'apogée est la formation de cette structure régionale des
Affaires sociales? Plusieurs préopinants ont manifesté des
craintes bien fondées sur les conséquences néfastes
possibles de la mise en place de ces structures intermédiaires qui, en
définitive, seront là beaucoup plus pour faire respecter les
conditionnements des politiques du gouvernement que pour favoriser la
participation des groupes mixtes représentant la population.
Ce fameux groupe représentatif, qu'est-ce que ça veut dire
au juste lorsqu'il a comme toute latitude le droit d'être
consulté? Il ne confère aucun pouvoir de décision et
pourtant quel beau bouc émissaire présente-t-il devant la
population en cas d'erreurs éventuelles.
Si j'ai bien compris, M. le ministre allait jusqu'à dire, ce
matin, que cette participation pourrait être vue comme
l'autodétermination de la population en matière sociale. Cette
autodétermination, qui est des plus souhaitables, sera atteinte alors
seulement que la population aura la possibilité économique de
payer elle-même et de choisir elle-même les soins et les services
qu'elle désire. Et cette possibilité économique ne
réside pas nécessairement dans une réforme sociale, mais
bien dans une réforme économique.
Cette réforme économique permettrait de concrétiser
ce revenu minimum garanti universel dont on se plaît à parler
souvent, aujourd'hui, afin que chaque personne puisse choisir librement,
c'est-à-dire faire ce choix nécessaire à
l'épanouissement de la personne humaine.
Merci M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Ahuntsic.
M. François Cloutier
M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, je souhaiterais ne dire
que quelques mots. En effet, le ministre des Affaires sociales, avec sa
compétence habituelle, a donné toutes les explications qui
s'imposaient concernant le projet de loi no 65.
Cependant, étant donné que je ne suis pas
complètement étranger au secteur dont ce projet traite, je
voudrais peut-être apporter mon témoignage.
Lorsque la première version de la loi a été
proposée, j'ai et je ne m'en cache pas entretenu de
sérieuses réserves sur son application et sur les principes en
cause. Je dois dire qu'avec les amendements qui sont maintenant devant la
Chambre, je considère qu'il est plus qu'acceptable et représente
le premier effort d'envergure pour rationaliser le secteur des soins de
santé, de telle sorte qu'il placera le Québec à
l'avant-garde de ce point de vue. Je vous remercie, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Reconnaissant qu'aucun autre opinant ne désire
s'exprimer, le ministre des Affaires sociales, en exerçant son droit de
réplique, mettra fin à ce débat de deuxième
lecture.
M. LEVESQUE: Très bien.
M. Claude Castonguay
M. CASTONGUAY: Je vais être bref, M. le Président et, de
façon générale, je vais tenter de répondre à
quelques points spécifiques et rappeler, puisque je ne l'ai pas fait ce
matin, les principales raisons pour lesquelles nous n'avons pas opté,
à ce moment, pour la décentralisation par le truchement direct de
ce projet de loi. Avant de ce faire, je voudrais d'abord je crois que
c'est important remercier les membres de la commission parlementaire
pour le travail objectif qu'ils ont fait au sein de la commission et aussi au
cours de ce débat de deuxième lecture, de même que ceux qui
ont participé aujourd'hui à cette discussion. Je voudrais aussi
remercier de façon particulière le député de
Gaspé-Sud pour son travail à titre de président de la
commission parlementaire.
Dans tout ce qui a été dit aujourd'hui sur ce projet, je
crois qu'avec raison on m'a rappelé, on a rappelé au gouvernement
à la fois le danger d'aller trop vite ou encore le danger de ne pas
aller suffisamment vite, d'une certaine façon et selon les aspects du
projet qui ont été discutés. Je mentionne uniquement ceci,
pour signaler l'effort que nous avons fait justement aussi bien tout au
long des travaux de la commission parlementaire, que par la suite, ou lors de
ma tournée pour qu'on atteigne un juste milieu et de telle sorte
que certains des dangers qui pourraient nous guetter dans un sens ou dans
l'autre soient réduits au minimum.
Ceci est un des motifs assez importants qui nous ont guidés dans
les amendements apportés. De façon plus spécifique, le
député de Montmagny a rappelé la suggestion qui avait
été faite à l'effet que les règlements qui pourront
être adoptés ou la première série de
règlements qui pourrait être adoptée en vertu de cette loi
soit soumise pour étude à la commission des Affaires sociales.
Sur ce point, il me semble que c'est une suggestion extrêmement heureuse
et quant à moi, je n'ai aucune objection au contraire
à ce que ces règlements soient soumis pour étude et
discussion à la commission parlementaire, tout comme ces
règlements seront soumis en fait à l'attention de tous les
organismes intéressés par le mécanisme prévu dans
le projet de loi.
En second lieu, je voudrais rappeler, en ce qui a trait à cette
question de décentralisation ou concentration, que de multiples raisons
nous ont incités à opter pour le choix, que nous avons fait. Je
comprends le désir profond auquel ont fait allusion le
député de Bourget et d'autres députés de pouvoir
participer, à ce niveau, à l'organisation des services de
santé
autrement que par voie uniquement consultative, de faire en sorte que
l'organisation dans une région s'adapte à la mentalité
propre de cette région, à ses caractéristiques
géographiques, culturelles et autres.
D'autre part, nous ne pouvons oublier que cette réforme des
affaires sociales a été entreprise il y a moins de deux ans.
Déjà, nous avons traversé des étapes assez
importantes, comme celle de l'assurance-maladie et celle de
l'intégration des deux ministères. Nous avons vu certaines
manifestations même des changements qu'apporte l'intégration de
ces deux ministères. Certains groupements professionnels, par exemple,
s'étaient habitués, au cours des années, à
transiger avec une direction particulière du ministère. Je pense,
entre autres, à la direction générale de la psychiatrie.
Aujourd'hui, ils sont obligés de s'habituer à de nouvelles
structures.
Il y a également le problème du recrutement auquel on a
fait allusion. Ce n'est pas le seul problème, mais il n'en demeure pas
moins qu'il ne s'agit pas uniquement de recruter ce personnel; il faut aussi
l'intégrer, faire en sorte que ce personnel, venant s'ajouter au
personnel existant, constitue un ensemble qui fonctionne de façon
cohérente. Bien souvent, les gens recrutés viennent d'autres
secteurs et, particulièrement dans des fonctions comme celles qui
devraient être assumées au niveau régional, actuellement
nous n'en trouvons pratiquement pas au Québec, ailleurs qu'au
ministère et à quelques endroits bien spécifiques, qui ont
une expérience particulière du secteur.
Nous sommes au début d'une nouvelle ère des relations
financières entre le ministère, les hôpitaux et d'autres
institutions, par la voie du budget global qui va demander un nouvel
ajustement. Nous modifions et redéfinissons des politiques et des
programmes. Je pense, en particulier, aux services de santé, aux
services socio-scolaires et à d'autres, sur lesquels nous avons
déjà fait certains exposés. Encore là, il y a
changement. Nous devons implanter un certain nombre de centres locaux de
services communautaires. Il y a également ceci est important et
je l'ai mentionné à plusieurs reprises à l'occasion des
travaux de la commission parlementaire une certaine absence de
traditions dans ce secteur, absence également de mécanismes de
taxation qui rendent la délégation de pouvoirs de
décision, la délégation de pouvoirs de dépenser
beaucoup plus difficiles à un niveau local ou régional.
On n'a qu'à prendre l'exemple des communautés urbaines
pour réaliser jusqu'à quel point la tentation est forte, si on
n'a pas la responsabilité directe d'aller chercher ces revenus, de
dépenser beaucoup plus facilement. Egalement ceci est un des
aspects extrêmement importants il y a le problème de
l'inégalité de la distribution des ressources humaines en
immobilisations sur le territoire. Il est très difficile d'ajuster ces
inégalités, de les mesurer et de mesurer également la
performance des établisse- ments. Quant aux budgets globaux dont on
parle, ceux qui pourraient constituer une réponse et qui sont
attribués aux offices régionaux, nous sommes dans
l'impossibilité d'en arriver, dans l'état actuel de nos
connaissances, à des indices qui nous permettraient de les
équilibrer d'une façon équitable.
Ce sont toutes des raisons dont nous avons tenu compte dans cette
décision de procéder par la voie proposée dans le projet
de loi. Aucune, à mon sens, ne remet en cause, quant à une
étape ultérieure, la poursuite de l'objectif ultime qui est celui
de la décentralisation réelle.
On a discuté, au cours des différentes interventions,
d'autres aspects plus particuliers aux établissements, entre autres, de
la demande qui avait été formulée d'ajouter certains
articles touchant les relations entre les divers établissements. En ce
qui a trait aux fonctions d'enseignement, de recherche, nous avons fait un
effort dans ce sens.
En ce qui a trait aux relations entre les autres établissements,
nous aimerions, au départ, ne pas créer un cadre trop rigide,
mais plutôt expérimenter avec ces mécanismes de
représentation au niveau des conseils, d'une part, et aussi par la
demande de collaboration que nous allons lancer à bien des endroits
entre les établissements, les pressions, aussi, dans certains cas, que
nous pouvons exercer pour que ces relations s'établissent. Nous croyons
qu'il serait préférable, pour le moment, de procéder
ainsi, de telle sorte que l'établissement de ces relations, qui va
constituer un phénomène relativement nouveau dans le secteur,
soit tenté, dans toute la mesure du possible, à ce stade-ci, par
la voie de la collaboration et non pas que ça prenne un caractère
trop rigide et un certain aspect d'obligations imposées.
On a parlé également de la composition des conseils
d'administration des centres locaux de services communautaires. Le
député de Sainte-Marie a fait allusion à cet aspect
particulier et je suis un peu déçu des remarques qu'il a faites
parce que si nous examinons de façon assez attentive la composition de
ces conseils, à moins qu'il y ait un aspect qui m'échappe, je
vois que cinq personnes vont être élues, que quatre autres vont
être élues, une seule étant vraiment un professionnel
exerçant dans le centre, les autres seront nommées, soit deux par
les établissements hospitaliers de services sociaux auxquels le centre
est relié, une par le personnel non professionnel. Donc sur neuf, un
seul professionnel et les gens élus en majorité. De plus, le
projet de loi prévoit la nomination, par le lieutenant-gouverneur en
conseil, de deux personnes résidant dans le territoire; donc deux
personnes représentant aussi les citoyens, ce qui fait un total de onze,
dont sept sont vraiment des représentants des citoyens, cinq
élues, deux nommées.
Alors, nous avons fait un effort pour répondre à cette
demande, mais tout en voulant tenir compte du fait que malgré toute la
bonne
volonté, le désir de participer des citoyens, il nous faut
assurer aussi une présence, au niveau de ces conseils, de personnes qui
ont une certaine responsabilité au plan administratif. Comme le
député de Saint-Jacques l'a mentionné, la participation
c'est un objectif qui est bon, mais aussi, il faut la faire de telle sorte que
des décisions demeurent possibles et qu'on puisse vraiment assurer le
bon fonctionnement de ces centres. Nous avons voulu tenir compte de ces
représentations qui ont été faites tout en prenant,
à notre avis, les moyens qui permettront le bon fonctionnement de ces
centres.
Je voudrais également dire quelques mots sur l'intervention du
député de Dubuc qui a fait, à mon avis, à la fois
certains plaidoyers en faveur du maintien, d'une part plus grande, du statu quo
dans le secteur. Je comprends ce type de voix, elle a été
exprimée d'ailleurs à la commission parlementaire. Mais, d'autre
part, il me semble qu'avec les ajustements que nous avons apportés au
projet de loi, ceux qui ont oeuvré dans le domaine de la santé,
des services sociaux depuis de nombreuses années verront, malgré
les changements, un désir de la part du législateur de faire ce
changement de telle sorte qu'il puisse continuer à se reconnaître
dans le système et à fonctionner dans le système.
D'autre part le député de Dubuc a également mis en
relief certains des problèmes qui résultent des changements
qu'apportent la technologie, la recherche de l'efficacité, et il s'est
demandé si vraiment une des principales raisons de ce projet de loi
n'était pas le coût très élevé des services
de santé et des services sociaux.
Il y a là évidemment toute une série
d'interrogations, d'inquiétudes, de préoccupations qui sont tout
à fait légitimes. Aussi bien aux Etats-Unis qu'au Canada, on
reconnaît que la croissance des coûts des services de santé,
des services sociaux est un phénomène irréversible. Mais
on reconnaît également la nécessité d'apporter un
certain nombre de changements pour que cette croissance des coûts soit
quelque peu plus équilibrée.
Quant aux méfaits de la technologie et de l'introduction de
l'efficacité, nous croyons justement que, par une ouverture plus grande
sur le monde extérieur par divers mécanismes de participation,
nous aurons là un contrepoids aux efforts toujours plus grands qui
viennent de l'intérieur en vue de rechercher cette efficacité.
C'est la solution que nous proposons.
Quant au député de Saint-Jacques, il a fait un
parallèle et a indiqué un certain nombre de dangers qui peuvent
nous guetter, si l'on se reporte à la réforme dans le domaine de
l'éducation. Je voudrais ici rappeler, au tout début, qu'au
moment où nous entreprenons cette réforme dans le domaine des
services de santé et des services sociaux, nous sommes rendus à
une étape de l'évolution de ces services qui est fort
différente de celle dans laquelle s'insérait le début de
la réforme dans le domaine de l'éducation.
Nous avons, dans le domaine de la santé, des
établissements en grand nombre, du personnel compétent. Nous
avons également une bien meilleure connaissance, je crois, des motifs
qui préoccupent la population, par suite du fait qu'elle s'exprime
beaucoup plus librement, de façon beaucoup plus articulée qu'elle
ne le faisait au début de la réforme de l'éducation.
Certains des dangers ou certains des problèmes qui ont pu se manifester
dans le domaine de l'éducation, j'en suis assuré, ont
été signalés, au départ, de façon beaucoup
plus claire dans le domaine des affaires sociales.
On nous dit que cette réforme ne devra pas signifier un
accroissement de la bureaucratie, une dépersonnalisation des services.
Je rappelle que, présentement, dans le domaine des affaires sociales, il
y a déjà une bureaucratie qui est assez lourde. La réforme
proposée vise précisément à alléger cette
structure sous bien des aspects. Elle vise aussi à réintroduire,
sous bien des aspects, de facteur de personnalisation des services qui est
disparu au cours des années.
En même temps, je reviens à une idée qui me
paraît extrêmement importante. C'est que l'efficacité, bien
dosée peut être beaucoup plus synonyme d'un système
humanisé et personnalisé que l'inefficacité. Je ne vois
pas comment, dans un système tel que celui que j'ai décrit ce
matin, on pourrait conclure qu'il s'agit d'un système qui, par
définition, donne des services dépersonnalisés. On n'a
qu'à se reporter à l'expérience que nous avons, de
façon personnelle, dans notre milieu familial pour, d'ailleurs,
constater que déjà le système est beaucoup trop
dépersonnalisé.
Nous visons, au contraire, à réintroduire dans le
système des éléments qui feront que ces services seront
distribués d'une façon beaucoup plus personnalisée. Nous
voulons aussi je crois que le projet de loi, sur ce plan, peut avoir une
incidence majeure alléger la structure bureaucratique qui existe
présentement.
M. le Président, je termine ces quelques commentaires qui
faisaient suite aux interventions qui ont été faites. Je propose
donc l'adoption de ce projet de loi en deuxième lecture.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que je peux poser une question au
ministre avant qu'il ne reprenne son siège?
M. HARVEY (Chauveau): Cela prend l'unanimité.
M. LEVESQUE: Je pense bien qu'il ne faudrait pas commencer à
faire des précédents comme ça. Si le ministre avait mal
cité le député, je comprends que le député
aurait pu avoir recours aux dispositions de l'article 270, mais je ne pense pas
qu'il puisse le faire maintenant. Le droit de réplique, justement,
clôt le débat.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Regardez, il n'est pas question d'engager un
débat. Lorsque le ministre exerce son droit de réplique,
normalement, on peut se lever et demander au président si on peut poser
une question au ministre. Alors, je me suis levé avant...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ...que le ministre ne reprenne son
siège. J'ai demandé de lui poser une question. Si je suis hors
d'ordre, je ne la poserai pas.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre, messieurs!
L'honorable député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, depuis le matin, je vois le ministre de
l'Education qui intervient de son siège, tente de provoquer des
débats. Je vous inviterais, M. le Président, à le rappeler
à l'ordre, même nominativement, si nécessaire. Ainsi, nous
pourrons continuer notre travail dans la quiétude et sans être
dérangé impunément et indécemment par le ministre
de l'Education comme il le fait depuis le matin.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement moi aussi, M. le
Président, pour faire observer que les habitudes militaires du ministre
de l'Education devraient l'avoir habitué à la discipline la plus
rigoureuse.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Je demande la collaboration de
tous et de chacun. Est-ce que le projet de loi no 65, en deuxième
lecture, est adopté?
M. PAUL: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
UNE VOIX: A l'unanimité.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second
reading of this bill.
Projet de loi déféré à la
Commission
M. LEVESQUE: M. le Président, je crois qu'il serait opportun,
à ce moment-ci, d'avoir une motion. Je la formule comme ceci: Je propose
que le projet de loi no 65 soit maintenant déféré à
la commission parlementaire des Affaires sociales pour être
étudié article par article et que ceci...
M. LAURIN: ...l'un après l'autre, ils se recoupent tous,
inclusivement.
M. LEVESQUE: ...se produise le plus rapidement possible, à la
salle 81-A.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion est adoptée?
Adopté.
M. LEVESQUE: M. le Président, article 25, mais cela coincide avec
90.
Projet de loi no 90
Deuxième lecture
Amendement de report à six mois
M. LE PRESIDENT: Reprise du débat sur le bill 90. L'honorable
député de Chicoutimi.
M. Jean-Noël Tremblay
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, vous ne sauriez croire
quelle est, ce soir, ma joie et ma satisfaction de reprendre un débat
qui a, malheureusement, trop tardé. Au moment où j'allais prendre
la parole et où j'ai été obligé de demander que
l'on suspende le débat, nous avions commencé à discuter la
proposition de renvoi présentée par le député de
Missisquoi, motion de renvoi dont l'effet était de reporter à six
mois l'étude du présent projet de loi.
Il y a de multiples raisons pour justifier la demande qu'a faite le
député de Missisquoi dont une raison majeure, qui est celle-ci:
Toute l'application de la loi, si elle était adoptée, est soumise
à des règlements que nous ne connaissons pas et dont le ministre
ne nous a donné aucun avant-goût.
Il est donc impossible de comprendre le sens, la portée de ce
projet de loi si nous ne sommes pas renseignés sur les règlements
qui doivent être élaborés, rédigés,
présentés et acceptés par le lieutenant-gouverneur en
conseil.
Vous comprendrez, M. le Président, que je pourrais reprendre
chacun des sujets qui peuvent éventuellement faire l'objet de la
réglementation que proposera le lieutenant-gouverneur en conseil. Mais
dans un esprit j'attire l'attention du leader parlementaire de la
Chambre, mon excellent ami le député de Bonaventure, qui est en
conversation...
M. PAUL: Osez le faire "trembler"!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je demande au leader
parlementaire de la Chambre de changer de Tremblay et de m'écouter parce
que je veux lui dire que, dans un geste admirable de collaboration, il a plu
à notre formation politique, après consultation, d'indiquer au
gouvernement notre volonté de renoncer à la motion de renvoi,
mais à une condition expresse, formelle, grave, sérieuse,
capitale, péremptoire...
M. BIENVENUE: Primordiale.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... j'allais dire primordiale, si ce
n'était de répéter le député de Matane, M.
le Président, c'est que le ministre
veuille bien, ce soir je lui pose la question tout de suite
répondre à la question suivante: Est-ce qu'il peut,
premièrement, nous assurer que, dans les délais les plus brefs,
le lieutenant-gouverneur en conseil, c'est-à-dire le gouvernement, lui y
compris je l'espère, rédigera lesdits règlements sans
lesquels la loi n'a aucune signification et n'est même pas applicable?
Même s'il y a remaniement ministériel, le ministre comprendra
qu'il sera peut-être quand même associé aux décisions
de l'Exécutif.
Donc, M. le Président, est-ce que le ministre des Richesses
naturelles ou son successeur, le ministre de l'Education, peut nous assurer,
premièrement, que, dans les plus brefs délais, il y aura
rédaction desdits règlements? Deuxièmement, est-ce que le
ministre peut donner une assurance formelle à cette Chambre que lesdits
règlements, une fois rédigés, seront soumis à
l'examen d'une commission parlementaire convoquée spécialement
pour l'étude desdits règlements, afin que tous les membres de
cette Assemblée puissent examiner ces règlements et voir de
quelle façon ils s'articulent à la loi et lui donnent la
signification qu'elle n'a pas à l'heure actuelle?
Je pose donc ces questions au ministre: Est-ce qu'il y aura des
règlements dans un délai très bref? Est-ce que le ministre
accepte que le gouvernement convoque une commission parlementaire ad hoc pour
examiner lesdits règlements lorsque je parle d'une commission
parlementaire ad hoc, il s'agit évidemment de la commission des
Richesses naturelles comme nous l'avons fait dans le cas de la Loi de la
protection du consommateur?
Si le ministre est capable de répondre positivement, formellement
et solennellement à cette question qui est une exigence, je suis
prêt à proposer que la motion soit retirée même si
l'article 226 de notre règlement, si j'ai bonne mémoire, exige le
consentement de la Chambre, consentement qui sera sans doute donné
même si cet article exige que ce soit le proposeur de la motion qui le
demande et que cette demande soit faite en sa présence et par lui.
Mais étant donné que c'est le député de
Missisquoi qui a présenté cette motion et que le
député de Missisquoi, en raison de petits ennuis de santé,
n'est pas présent ici ce soir, nous l'avons consulté et nous
sommes disposés à proposer à la Chambre le retrait de
notre propre motion, mais aux conditions que j'ai fixées,
c'est-à-dire rédaction des règlements et ensuite
convocation de la commission des Richesses naturelles afin d'examiner...
M. BIENVENUE: A quel date?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... ces règlements. Pour conclure tout
cela conformément à la technique législative, le ministre
peut-il me donner l'assurance que la présente loi, qu'il soumet à
notre approbation, sera mise en vigueur par proclamation seulement après
que la commission parlementaire aura eu le loisir d'examiner les
règlements qu'aura bien voulu édicter Sa Majesté le
lieutenant-gouverneur en conseil, dont le ministre des Richesses naturelles est
un membre?
Je pose cette question. Cela ne m'enlève pas mon droit de parole.
Cela ne m'enlève pas mon droit de reprendre le débat.
M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, cela me fait plaisir de
répondre dès maintenant à la question du
député de Chicoutimi, vu cet esprit de compréhension, de
collaboration.
J'avais l'intention d'exercer mon droit de parole sur cette motion. Je
suis certain que les raisons qui m'amenaient à proposer une telle loi,
l'urgence de cette loi et aussi des précédents qui ont
été créés en 1969, entre autres...
M. PAUL: Au sujet de quelle loi?
M. MASSE (Arthabaska): Je vais vous donner le titre de la loi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Au sujet des heures d'ouverture et de
fermeture des établissements commerciaux?
M. MASSE (Arthabaska): A sujet de la Loi sur les matériaux de
rembourrage et articles rembourrés, qui a été
sanctionnée en novembre 1969, et dont vous devez vous souvenir.
Disons que, vis-à-vis de cet esprit de collaboration...
M. PAUL: C'était une équipe ministérielle
intelligente à l'époque.
M. VEILLEUX: C'est pour ça qu'il n'en reste pas beaucoup.
M. MASSE (Arthabaska): C'est une opinion que nous pourrions facilement
contredire. D'autre part, je pense que les règlements...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dans quel cas? Nommez-les.
M. MASSE (Arthabaska): ... qui devaient être rédigés
dans le plus bref délai, c'était déjà mon intention
de les faire le plus rapidement possible, du fait que cette loi touche à
un secteur très important au Québec, le secteur des produits
pétroliers dans lequel nous légiférons pour la
première fois ce soir. Vu l'esprit de collaboration qu'on manifeste,
disons que je suis prêt dans les plus brefs délais à
soumettre à la commission parlementaire des Richesses naturelles,
antérieurement à la promulgation de la loi, les règlements
qui, vous le remarquerez, sont des plus techniques et qui permettront de
constater que nous avions déjà toutes les raisons du monde de
présenter le bill no 90 tel qu'il est et, par la suite, de promulger la
loi formellement et solennellement.
J'accepte la proposition du député de Chicoutimi.
Motion retirée
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, étant
donné que le ministre a compris notre volonté de collaboration,
je suis prêt à proposer que cette motion soit retirée, mais
vous savez, M. le Président, qu'en vertu de l'article 226 il faut le
consentement unanime de la Chambre et que la personne qui a proposé la
motion soit ici. Mais, il y a des circonstances qui expliquent que le
député de Missisquoi ne puisse pas être ici ce soir. Alors,
je déclare mon intention de retirer la motion de renvoi que nous avions
proposée.
M. LE PRESIDENT: J'ai essayé de chercher un autre manteau pour
nous couvrir mutuellement. En vertu de l'article 216, "toute règle
écrite ou non écrite de la Chambre peut être suspendue,
à moins qu'elle ne soit établie par une loi ou par un ordre
spécial, ou qu'elle ne soit fondée sur un principe reconnu de loi
parlementaire". En vertu de l'article 220, "la Chambre, si elle y consent
unanimement, peut toujours, sans y être spécialement
autorisée, faire un acte qui déroge à une règle,
qu'elle a le pouvoir de suspendre". En vertu de l'article 223, "quand les
règlements en général sont suspendus, l'effet de la
suspension est limité aux matières en vue desquelles elle est
votée".
Si vous m'octroyez le consentement unanime sur ces trois articles, je
pense bien que je vais reconnaître comme recevable la motion du
député de Chicoutimi à l'effet que la motion du
député de Missisquoi soit retirée.
Est-ce que cette motion est adoptée?
DES VOIX: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. TETRAULT: Aux conditions prescrites par le député de
Chicoutimi.
M. LEVESQUE: Le ministre avait déjà ses intentions; alors,
il ne les a que confirmées au député de Chicoutimi.
M. PAUL: La question du député d'Abitibi-Est est assez
intelligente. On sait que le ministre ne sera plus là quand il s'agira
de rédiger les règlements. Il y aura eu des changements; le
ministre de l'Education sera rendu aux Richesses naturelles.
M. LE PRESIDENT: Le mort saisit le vif.
M. PAUL: Ah! M. le Président, jamais je n'aurais cru que le
ministre des Richesses naturelles passerait pour un mort !
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, reprenons le
débat maintenant.
M. LE PRESIDENT: Le débat? Vous parliez sur...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... la seconde lecture.
M. LEVESQUE: Est-ce que le député a parlé? Je crois
bien que c'est au parti...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je viens de me rendre
compte que nos collègues d'un autre parti n'ont pas parlé
là-dessus. Alors, je veux bien leur laisser la place, mais,
naturellement, je reviendrai sur cet important sujet, un sujet explosif du
reste.
M. PAUL: Nous reviendrons.
Reprise du débat de deuxième lecture
M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Est
M. Ronald Tétrault
M. TETRAULT: M. le Président, pour ce qui concerne le projet de
loi 90, nous faisons remarquer, si la Chambre me le permet, que nous appuyons
entièrement la demande du député de Chicoutimi en ce qui a
trait à plusieurs explications qui doivent être demandées.
Du même fait, nous reconnaissons, M. le Président, que ce bill est
très important et urgent, afin qu'on puisse donner à la
population une protection adéquate et nécessaire en ce qui
concerne les produits pétroliers.
Nous reconnaissons aussi, M. le Président, que ce bill vient
à la suite de l'adoption du bill 45 qui concerne la protection du
consommateur. Nous savons qu'aucune loi existante ne pouvait contrôler
les produits pétroliers. Nous remarquons que ce bill, si incomplet qu'il
puisse être, est favorable à la population et doit être
accepté, peut-être avec modification, M. le Président,
parce que nous ne sommes pas complètement d'accord avec tout ce qu'il
contient.
Nous pourrions peut-être souligner au ministre qu'il aurait pu
nous présenter ce projet de loi en deux parties. Premièrement, le
ministre ne nous a pas expliqué, dans son projet de loi, ce qu'est un
produit pétrolier. Il nous définit un article et il nous arrive,
dans les notes explicatives, avec une autre explication. Peut-être qu'en
commission parlementaire le ministre pourra nous expliquer plus clairement ce
qu'il entend par un produit pétrolier et ce qu'il veut dire par le
gouvernement ou le lieutenant-gouverneur se laisse le soin de définir ce
qu'est un produit pétrolier. C'est peut-être pour les nouvelles,
les futures inventions qu'il pourra y avoir.
M. LEVESQUE: Si le député me permet de le corriger, c'est
en comité plénier.
M. TETRAULT: En comité plénier, d'accord.
M. SAMSON: Vous n'avez pas l'intention de convoquer la commission
parlementaire?
M. LEVESQUE: Pas aujourd'hui . C'est pour les règlements, ce
n'est pas pour la loi-cadre.
M. TETRAULT: D'accord. Nous remarquons aussi dans ce bill 90 qu'il y a
un article en particulier que nous n'aimons pas. Peut-être qu'en
comité plénier le ministre va pouvoir nous expliquer quelle en
est la raison. C'est un article qui nous dit que ce projet de loi peut
être accepté en deux, trois ou quatre parties; c'est probablement
ce qui a soulevé la motion du député de Missisquoi. Les
règlements, le gouvernement n'en était même pas au courant.
Peut-être est-ce pour cela qu'on veut le faire en deux parties.
Nous savons aussi que présentement, dans la population de la
province de Québec, ceux qui achètent des produits
pétroliers se voient souvent obligés d'acheter un produit de
seconde classe ou vendu sous une étiquette qui n'est pas
nécessairement de la qualité que la personne le voudrait. Ceci
existe encore dans plusieurs domaines, dans plusieurs secteurs. Ce bill-ci, qui
veut réglementer, va pouvoir donner au consommateur de la protection
comme je le disais avant.
Nous reconnaissons qu'il y a plusieurs lacunes dans le bill. J'aimerais
ici me servir de deux associations complètement différentes, qui
règnent sur la même chose, l'Association des services de
l'automobile et l'Association des marchands d'huile du Québec, qui
préconisent que ce bill devrait être accepté même
s'il est incomplet parce que la population en a besoin pour se protéger,
tant que les distributeurs d'essence ou d'huile ne savent pas quelle
qualité ils achètent. Ils sont obligés de se fier à
la personne qui les vend sans aucun recours envers la loi, sans aucun recours
envers personne.
Je ne voudrais pas m'attaquer aux grosses compagnies parce que le
consommateur à domicile est pris avec le même problème,
mais le consommateur achète des produits inférieurs à ce
qu'il paie, des produits inférieurs en qualité et qui peuvent
occasionner certains problèmes minimes à domicile mais qui
peuvent être assez considérables dans l'industrie. Avec ce projet
de loi, le consommateur sera protégé, pour une fois, et il pourra
aller acheter un produit de qualité. Lorsqu'il achètera une huile
de chauffage, il saura que c'est strictement un no 2, pas un no 10 ou un fond
de réservoir.
La même chose existe dans l'achat des essences et des produits
d'huile dont il peut se servir pour son auto. Donc, comme je le disais, ce bill
est favorable à la protection du consommateur, même si on
l'appelle Loi sur les commerces des produits pétroliers. Nous nous
voyons dans l'obligation de l'accepter tel qu'il est, en partie, et
j'espère qu'en comité plénier le ministre va donner des
réponses favorables à plusieurs questions qu'on voudrait lui
poser.
De ce fait, nous voyons d'un très bon oeil le bill 90.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.
M. Lucien Lessard
M. LESSARD: M. le Président, le projet de loi qui nous est soumis
a pour objet premier de régir le commerce des produits
pétroliers. C'est le but général de la loi qui s'intitule
d'ailleurs Loi sur le commerce des produits pétroliers. C'est même
là le grand principe de la loi, son essence même; ce qui vient par
la suite n'est que le côté explicatif de la loi qui permettra
notamment de déterminer les normes de qualité de ces produits et
du matériel utilisé dans le commerce de ces produits.
Le projet de loi nous laisse donc supposer que le ministre a l'intention
d'instaurer un contrôle, non seulement sur la distribution des produits
pétroliers au niveau de la vente au détail, mais aussi à
toutes les différentes étapes du marché des produits
pétroliers. Il s'agit donc, si on s'en tient au principe de la loi, de
réglementer l'ensemble de la commercialisation des produits
pétroliers.
Actuellement le marché de la distribution des produits
pétroliers aux consommateurs est partagé entre une kyrielle de
petits distributeurs qui se livrent une concurrence vive, et cela au profit des
grosses compagnies pétrolières qui continuent de financer, entre
autres, la construction de postes de service, alors que le marché est
déjà sursaturé. On sait pourquoi d'ailleurs. Comme ces
constructions augmentent les amortissements des grandes compagnies, c'est
autant d'argent qu'elles n'auront pas à payer au trésor
fédéral ou provincial, tout en retirant des profits
considérables sous forme d'intérêts de la part du
propriétaire, selon le cas, ou sous forme de loyer s'il s'agit d'un
locataire.
Le projet de loi qui nous est soumis ce soir semble vouloir s'attaquer
au problème de la commercialisation des produits pétroliers en
commençant par les petits producteurs. Je soumets que le problème
qui existe aujourd'hui au niveau de la commercialisation de ces produits
n'existe pas d'abord et avant tout au niveau du petit distributeur mais d'abord
au niveau des grosses compagnies internationales où existe un cartel
financier à ce sujet.
Pendant ce temps, le distributeur sérieux, comme l'expliquait le
ministre, est soumis à une concurrence déloyale de la part
d'aventuriers plus intéressés à faire des profits rapides
qu'à accorder un honnête service au public.
Que le gouvernement veuille établir un contrôle dans cette
jungle que constitue la redistribution des produits pétroliers, c'est
évidemment une nécessité qui s'imposait depuis fort
longtemps, nécessité à la fois pour le petit distributeur
et le consommateur. Malheureusement la loi qu'il nous présente est
incomplète et ne permet pas de nous assurer que le problème sera
véritablement réglé. C'est d'ailleurs ce que nous avons
voulu souligner en appuyant la motion de renvoi à six mois et nous
espérons, même si cette motion a été retirée,
que le ministre, comme il vient de nous l'affirmer tout à l'heure,
profitera du temps qu'il lui reste avant l'adoption de ce projet de loi pour
nous soumettre des amendements majeurs qui bonifieront sa loi.
Nous espérons aussi que le ministre fera connaître les
règlements aussitôt que possible afin que la loi puisse entrer en
vigueur dans le plus bref délai.
D'ailleurs, telle que la loi est rédigée actuellement,
elle ne nous permet aucunement de dire que c'est une bonne ou mauvaise loi.
Nous savons qu'il s'agit d'une loi incomplète, mais c'est seulement
lorsque le ministre nous fera connaître les règlements que nous
pourrons dire s'il a véritablement l'intention de s'attaquer au
problème de la commercialisation des produits pétroliers.
Mais, même si cette loi est imparfaite, même si nous y
trouvons quantité de lacunes, il est évident que nous voterons en
faveur du principe de cette loi car nous jugeons la situation actuelle
tellement déplorable, tant pour le public que pour les petits
distributeurs, que nous croyons que même une loi aussi incomplète
dans ses modalités est préférable à l'absence
totale de législation en ce domaine, comme c'est le cas
présentement.
Simplement pour décrire la situation qui existe au niveau de la
distribution des produits pétroliers, et surtout la situation dans
laquelle se trouvent actuellement les petits distributeurs, vous me permettrez
de faire écho d'une lettre envoyée le 15 juin 1971 à M.
Robert Bourassa, par l'Association des services de l'automobile.
On décrivait comme suit la situation des petits distributeurs. En
quelques lignes, voici la situation des détaillants d'essence au
Québec. "Les détaillants d'essence sont à la merci des
compagnies pétrolières qui manipulent lois et frontières
au détriment des intérêts des collectivités, font fi
des données fiscales, contrôlent tous les mouvements de biens et
de ressources humaines de cette industrie, dictent le ton à tous les
rapports, déterminent les règles à suivre, imposent les
procédés à appliquer, bref, toute cette industrie est bien
assujettie par leur carcan. "Les détaillants d'essence sont, non libres
de fixer leurs propres heures de travail, non libres d'accepter la gazoline de
leur choix, non libres de publier leur propre nom et forcés de publier
le nom de la compagnie pétrolière, forcés d'acheter les
marques désignées et l'antigel à des prix n'étant
pas toujours compétitifs, forcés de payer pour les programmes de
promotion et les concours commandités par les compagnies
pétrolières, forcés d'accepter les changements de baux et
de contrats, la seule alternative qu'ils ont est d'abandonner leur commerce.
"Bref, ils jouissent de deux libertés seulement. La liberté de
faire tout ce que leur compagnie pétrolière suggère, la
liberté de devenir cassés."
Cette situation, telle qu'elle nous est décrite, mérite
certainement qu'on lui apporte une solution. C'est pourquoi, même si
cette loi ne nous donne aucunement satisfaction, même si nous pensons que
cette loi ne corrigera pas la situation, surtout au niveau des grands cartels
pétroliers, nous allons certainement l'appuyer et nous espérons
que le ministre utilisera le temps qui lui reste pour faire connaître ses
règlements qui lui permettront de l'améliorer et d'avoir une
action précise sur un problème qu'il est actuellement urgent de
résoudre.
J'ai dit, dans mon introduction, que le projet de loi tel
qu'intitulé, Loi sur le commerce des produits pétroliers, faisait
présumer l'intention de la part du gouvernement de régir tout le
commerce des produits pétroliers au Québec, à partir de
l'importation jusqu'à la distribution au détail.
C'est donc toute l'élaboration d'une véritable politique
énergétique qui est en cause ici. Nous aurions souhaité
que le ministre nous en parle un peu plus longuement dans son discours de
deuxième lecture. Mais si nous regardons attentivement le projet de loi
qui nous est présenté, nous voyons qu'il ne s'agit aucunement
d'une loi-cadre couvrant tout le secteur des produits pétroliers, mais
uniquement une loi régissant le commerce de détail.
Sur ce sujet comme sur tant d'autres problèmes, le gouvernement
actuel a décidé d'attendre. H est tellement facile de s'attaquer
aux petits pendant que l'on laisse les gros cartels financiers agir comme bon
leur semble. Car, si nous estimons à $17 millions par année la
perte annuelle que subit le trésor québécois, par suite de
la substitution de produits, le consommateur québécois, lui, paie
chaque année des centaines de millions de dollars de trop pour obtenir
un produit qu'il pourrait avoir à meilleur compte si ce n'était
de "l'aplatventrisme" du gouvernement actuel.
Chaque année, depuis 1961, le Québec perd des milliers
d'emplois parce que le gouvernement actuel a peur d'agir, a peur de
déplaire aux grosses compagnies pétrolières et à
son maître, qui est à Ottawa.
Pendant que toute l'industrie pétrolière du Québec
est en train de péricliter à cause d'une politique
fédérale qui nous défavorise, le ministre nous dit: Un
effet indirect de ce projet de loi sera d'obtenir de meilleures informations ou
statistiques sur la distribution des produits pétroliers. Donc, une
meilleure connaissance de
ce secteur permettra de compléter la politique
énergétique du Québec.
Parler du commerce du pétrole au Québec, c'est d'abord
soulever le problème de toute la politique nationale
pétrolière du gouvernement canadien depuis 1946 et plus
particulièrement depuis 1961. Car si on veut régir le commerce
des produits pétroliers, il faut d'abord connaître la situation
générale de ce commerce au Québec et au Canada. C'est, en
effet en 1947 que commence l'histoire de l'industrie pétrolière
canadienne par la découverte d'importants gisements de pétrole
à Leduc, en Alberta. Auparavant, le Canada importait 90 p.c. de ses
produits pétroliers. De 1946 à 1956, la production canadienne
passe de 10 p.c. à 50 p.c. de la consommation intérieure.
Graduellement, les producteurs de l'Ouest s'emparent du marché
intérieur disponible de Vancouver à Sarnia. En 1956, la crise de
Suez ouvre le marché américain aux producteurs de l'Ouest. Pour
satisfaire ce nouveau débouché, on doit faire des investissements
considérables tant au point de vue de production que d'exploration.
Mais, après la crise, les raffineurs américains
délaissent le pétrole canadien au profit de celui du Moyen-Orient
qui leur coûte beaucoup moins cher. C'est en même temps que le
gouvernement américain établit un système de
contrôle obligatoire des importations en invoquant le principe de la
sécurité nationale, ce qui devait nécessairement
contribuer au ralentissement des exportations canadiennes aux Etats-Unis.
Pendant ce temps, le Québec continuait d'importer son pétrole de
l'extérieur et un vaste réseau de raffineries commençait
à se développer à Montréal non seulement pour les
besoins de la consommation intérieure des Québécois, mais
aussi pour fins d'exportation puisque le marché de l'Ontario leur
était ouvert.
Le Québec était donc un exportateur de produits
pétroliers. La perte du marché américain devait
libérer une importante production de pétrole de l'Ouest qui ne
trouvait pas preneur puisque le pétrole importé coûtait
moins cher que le pétrole canadien. C'est alors que les gros producteurs
commencèrent à faire du "lobbying" auprès du gouvernement
canadien pour que celui-ci limite les importations au profit de la production
intérieure. Sous les pressions, le gouvernement du Canada institue en
1957 la commission Borden pour étudier les problèmes de
l'énergie. Incidemment, M. le Président, aucun
représentant québécois ne siégeait à cette
commission. Au cours des délibérations de cette commission, deux
thèses se sont affrontées.
D'un côté, d'abord, les producteurs de l'Ouest qui
désiraient que le gouvernement canadien leur donne non seulement le
marché de l'Ouest, mais aussi le marché de l'Est et qui
demandaient au gouvernement canadien de construire un oléoduc
jusqu'à Montréal pour alimenter ce marché de l'Est.
La deuxième thèse était défendue par les
compagnies multinationales qui approvisionnaient l'Est et qui soutenaient qu'il
serait illogique de faire approvisionner un marché très
éloigné et de faire payer cette différence aux
consommateurs de l'Est.
A la suite de ses délibérations, la commission Borden
recommande dans son mémoire que les producteurs canadiens devraient
tenter énergiquement de développer les marchés
américains avant de considérer une extension jusqu'à
Montréal.
Une deuxième recommandation, M. le Président, est la
limitation des importations à l'est de la vallée de l'Outaouais,
ce qui est devenu maintenant la frontière de l'Outaouais. Ces
recommandations sont acceptées en 1961 par le gouvernement canadien. Le
marché de l'Ontario est donc fermé aux raffineurs du
Québec et le pipe-line qui transportait vers l'Ontario les produits
pétroliers du Québec est partiellement inversé au profit
des raffineries de Sarnia qui desservent tout l'Ontario jusqu'à la
vallée de l'Outaouais.
L'industrie pétrolière du Canada connaît donc un
nouvel essort, mais c'est aux dépens de celle du Québec qui
périclite depuis cette date. En effet, M. le Président,
même si le chiffre absolu de capacité de l'industrie de raffinage
québécoise a augmenté, son taux de croissance est
demeuré très inférieur à celui de l'Ontario.
Pour le gouvernement fédéral, l'établissement de la
frontière de l'Outaouais avait ses avantages, tant sur le plan politique
qu'économique. Sur le plan politique, une telle décision
était conforme, jusqu'à un certain point, au système
confédéral, en favorisant les membres de la
confédération. Mais on ne s'est guère soucié que
cette politique nuise aux intérêts économiques du
Québec.
Comme par hasard, ce sont toujours les Québécois qui
paient le tribut du système confédératif. On se surprend
par la suite que, comme un assisté social, nous recevions plus que les
autres provinces sous forme de péréquation parce que nous sommes
une province pauvre. Pendant ce temps, nos industries périclitent
à cause des politiques économiques discriminatoires du
gouvernement fédéral. Notre main-d'oeuvre chôme avec la
bénédiction du gouvernement actuel et comme nous sommes de plus
en plus pauvres, nous recevons de plus en plus de
péréquation.
Notre gouvernement chantera béatement les mérites de la
confédération canadienne parce qu'il a trop peur de
présenter une autre solution à la population
québécoise, la seule solution qui nous permettrait de
défendre nos intérêts propres.
Sur le plan économique, le gouvernement fédéral y
trouvait aussi son avantage. Le fédéral perçoit, en effet,
80 p.c. des impôts que paie l'industrie pétrolière. Mais,
pour le Québec, la politique nationale pétrolière du
gouvernement canadien a eu de multiples conséquences néfastes sur
son industrie, particulièrement en ce qui
concerne sa production, les structures de sa production et
l'évasion fiscale que rend possible le système.
La décision du gouvernement canadien d'interdire l'entrée
de produits raffinés à partir du pétrole brut
importé mit un frein, en effet, au transfert de l'Est canadien vers
l'Ontario. En 1963, la très grande proportion, soit 80 p.c. des produits
pétroliers qui entrent en Ontario viennent du Québec. En 1964,
trois ans seulement après l'application de la politique
pétrolière canadienne, cette proportion tombe à environ 60
p.c.
Malheureusement, M. le Président, nous n'avons pas aujourd'hui
les chiffres, mais nous croyons que, si nous avons conservé, au cours
des années, le même taux de décalage, actuellement nous
exportons très peu, comme nous le verrons tout à l'heure, en
Ontario.
L'industrie du raffinage est passée, au cours des dix
dernières années, soit précisément en 1963 et en
1964, d'un niveau de production exédentaire, au Québec, à
une situation déficitaire. Cette situation ne cesse de s'aggraver.
En effet, la production du Québec, qui accusait en 1960 un
excédent de 24 p.c, passe à un déficit de 5.7 p.c. en
1968.
H s'agit, M. le Président, de consulter quelques statistiques que
j'ai ici pour démontrer qu'actuellement nous sommes obligés
d'importer quantité de produits pétroliers qui, autrefois,
étaient produits sur le territoire québécois par
l'industrie de raffinage québécoise. Le Québec,
aujourd'hui, ne produit plus suffisamment de produits finis pour satisfaire
à sa propre demande, et il doit, par conséquent, importer plus du
quart de sa consommation.
Quant à l'industrie de raffinage elle-même, elle est
demeurée à peu près stationnaire par rapport à la
production canadienne. De 34.2 p.c. qu'elle était en 1960, elle baisse
légèrement à 33.2 p.c. en 1968.
Depuis 1961, une seule entreprise est venue s'installer au
Québec, soit Golden Eagle. Et dernièrement la compagnie Caloil
annonçait qu'elle devait mettre fin à ses projets
d'investissement dans la région de Québec par suite d'une
décision des tribunaux canadiens qui lui refusaient le droit d'alimenter
le marché onta-rien. En même temps, l'industrie de raffinage se
développait considérablement en Ontario.
On sait d'ailleurs avec quelle faiblesse le gouvernement du
Québec est allé tenter de défendre l'entreprise Caloil
auprès des tribunaux canadiens. Et à maintes et maintes reprises,
j'ai soulevé des questions en Chambre pour savoir de la part du ministre
s'il négociait auprès du gouvernement d'Ottawa pour tenter de
faire annuler cette politique qui, comme on le voit, est contre les
intérêts du Québec. A chaque fois, le ministre nous disait
qu'il négociait.
Je comprends, à voir le ministre, en particulier lorsque nous
l'avons vu lors du débat sur le projet de loi no 50, que sa
négociation doit être certainement faible devant certains
ministres fédéraux. Nous aimerions savoir, lorsque le ministre
nous répondra tout à l'heure, où en sont rendues
actuellement les négociations du gouvernement québécois
vis-à-vis du gouvernement fédéral en ce qui concerne la
frontière de l'Outaouais et l'industrie pétrolière au
Québec.
Il existe encore des gens qui nieront la relation entre la politique
pétrolière canadienne et la baisse de la production
québécoise. Ils tenteront encore un peu, comme à
l'ère des cavernes, d'expliquer ce phénomène par le
hasard. C'est arrivé comme ça, diront-ils. Et ils continueront de
prêter une foi aveugle au fédéralisme canadien. Ces gens
ont tout simplement peur de voir la vérité en face et aiment
mieux prendre leurs désirs pour des réalités.
La vérité, c'est que le Québec est en train de
perdre la bataille du pétrole, comme il en a perdu de nombreuses autres
à cause de la politique discriminatoire du gouvernement canadien. Ce qui
s'est produit dans le passé, et ce qui se produit encore dans
l'agriculture, continue de se produire dans l'industrie
pétrolière. Et pendant ce temps, pendant que les gouvernement
canadien et le gouvernement américain sont en négociation,
où le Québec d'ailleurs est encore absent comme il l'a toujours
été, pour créer une politique continentale de
l'énergie, notre ministre des Richesses naturelles joue au Don
Quichotte, et propose à l'Assemblée nationale un projet de loi
complètement bénin, même insignifiant par rapport aux
véritables besoins du Québec. Et j'insiste, par rapport aux
véritables besoins du Québec.
Pour se donner de temps en temps un air de ministre, il faut bien qu'il
propose quelque chose à l'Assemblée nationale. Il est d'ailleurs
assez curieux que le premier ministre ait choisi comme ministre des Richesses
naturelles, malgré ses grandes qualités humaines,
ministère pourtant fort important, un homme aussi serein, calmé,
gentil, tout plein de douceur. Comme disait quelqu'un, il ne ferait pas mal
à une mouche. Certainement pas.
M. MASSE (Arthabaska): On peut se poser la même question pour
votre élection.
M. LESSARD: Mais il ne fera pas mal aux grosses compagnies non plus.
Certainement pas. C'est peut-être là la rançon qu'a
dû payer le gouvernement Bourassa en retour de petits cadeux que lui
auraient donnés ces grosses compagnies pour ses élections le 29
avril dernier.
M. MASSE (Arthabaska): Voyons! voyons! M. LEDUC: Soyez
sérieux.
M. PARENT: Quand on n'a rien à dire, c'est ce que l'on fait.
M. LESSARD: Je pense que le ministre des Affaires intergouvernementales,
même s'il est
très proche du gouvernement canadien, n'a pas pris conscience des
problèmes pétroliers.
M. PARENT: Beaucoup plus que vous.
M. LESSARD : Il devrait se pencher un peu sur les conséquences
que ça comporte pour le gouvernement québécois. La seule
chose que le ministre des Affaires intergouvernementales...
M. PARENT: Le député ne devrait pas s'aventurer sur un
terrain semblable.
M. LESSARD: ... est en train de faire c'est de céder un
territoire québécois comme on l'a fait pour un autre territoire
du Québec.
C'est sa seule réalisation actuellement qu'il est en train de
faire à l'intérieur du gouvernement du Québec et je lui
demande, s'il ne comprend absolument rien au commerce des produits
pétroliers, de conserver le silence et de nous laisser discuter
sérieusement.
M. PARENT: Celui qui ne comprend pas est celui qui parle.
M. BIENVENUE: Le bill, le bill. Parlez-nous du pétrole.
M. LESSARD: Le ministre veut récupérer des petits
distributeurs et des petits consommateurs $17 millions, mais a-t-il l'intention
de récupérer les $65 millions que nous perdons chaque
année, au profit des grosses compagnies internationales?
M. PARENT: Des insignifiants qui ont réussi à se faire
élire.
M. LESSARD: On sait en effet, et cela avec l'accord tacite du
gouvernement canadien qui doit protéger la barrière de
l'Outaouais, que ces grosses compagnies multinationales ne déclarent
qu'une partie minime de leur profit et que ce que nous appelons le "off show
profit" est soustrait à l'imposition tant du gouvernement canadien que
celui du Québec. Ce système consiste essentiellement à
localiser les profits chez les filiales les moins soumises à
l'impôt, par l'entremise des prix de vente que celles-ci se facturent
entre elles. Comme ces compagnies possèdent des filiales au stade de la
production du transport et du raffinage, elles n'ont qu'à localiser
leurs profits dans leur industrie de transport, pour se soustraire à
l'impôt.
En effet, le profit "off show" est fait sous pavillon de complaisance et
donne en définitive aux compagnies multinationales des surprofits qui ne
bénéficient en rien au gouvernement québécois.
C'est d'ailleurs ce qui explique pourquoi les grosses entreprises ont
été les seules à défendre les intérêts
du Québec devant la commission Borden, alors que le gouvernement du
Québec était absent de cette commission en 1961. Tout en
défendant cependant leurs inté- rêts propres, elles ne
pouvaient d'ailleurs qu'être d'accord sur les recommandations de la
commission.
A l'est du pays elles bénéficient actuellement de l'"off
show profit". En Ontario, elles raffinent des produits qu'elles peuvent vendre
au niveau du prix et dans l'Ouest elles produisent du pétrole qu'elles
vendent à leurs filiales canadiennes ou américaines, toujours
à un prix élevé. Il serait pourtant possible de mettre fin
à ce système, en autant que le ministre veuille bien accoucher de
sa politique énergétique. Il serait même possible de casser
la politique nationale canadienne, qui défavorise les
intérêts des Québécois.
Il suffirait simplement de vouloir et de ne pas avoir peur, mais pas par
de perpétuelles négociations avec Ottawa, c'est peine perdue,
nous sommes toujours perdants dans ces négociations. Il y a trop
d'intérêts en jeu...
M. PARENT: Vous n'iriez pas loin avec votre régime.
M. PAUL: M. le Président, sur un rappel au règlement; si
mon bon ami le député de Hull intervient constamment, je vais
être obligé de vous signaler que nous n'avons pas quorum, mais je
ne le fais pas.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESSARD: Revenons au sérieux, M. le Président, revenons
à des choses que certains membres ne comprennent pas en cette Chambre.
Il y a trop d'intérêts en jeu dans la politique
pétrolière du gouvernement canadien pour que celui-ci accepte les
revendications québécoises à ce sujet. Qu'on agisse
simplement en homme d'affaires. Qu'on cesse d'agir en colonisé. Il
s'agit d'utiliser le moyen que nous nous sommes donné en créant
en 1969, sous le régime de l'Union Nationale, la Société
québécoise d'initiatives pétrolières. Ce ne serait
pas nouveau, si nous voulions utiliser cette entreprise qui nous
appartient.
Cela se fait d'ailleurs dans tous les pays normaux civilisés au
monde. La participation des gouvernements dans le domaine de l'énergie
est devenue aujourd'hui une constante dans les pays économiquement
avancés. Le Québec possède cet instrument, mais il s'en
est malheureusement mal servi jusqu'ici ou du moins ne l'a pas utilisé
comme il aurait pu le faire.
C'est encore la peur qui nous empêche d'agir. Tous ces outils de
développement économique qui furent créés depuis
les débuts de la révolution tranquille se meurent parce que le
gouvernement n'a pas le cran, n'a pas le courage nécessaire pour les
utiliser.
De par sa charte, Soquip possède non seulement le droit de faire
des recherches de gisements, mais elle a aussi le pouvoir de raffiner et de
distribuer les produits pétroliers. Cette société
possède donc tous les moyens
juridiques souhaitables pour s'installer sur le marché des
produits pétroliers pour autant qu'on veuille bien augmenter son budget
pour lui donner les moyens de le faire. Quels seraient les avantages, pour le
Québec, de l'entrée de Soquip sur le marché
pétrolier?
Le Québec, nous l'avons vu, est obligé de payer son
pétrole à un prix très élevé, et cela avec
l'appui tacite du gouvernement fédéral qui veut tout simplement
protéger la frontière de l'Outaouais. En effet, si les prix du
pétrole baissaient assez considérablement dans l'Est, la
frontière outaouaise ne pourrait tenir longtemps, car les producteurs de
l'Ontario exigeraient de s'alimenter au marché du Québec ou bien
il se développerait un marché noir tellement considérable
que le gouvernement canadien ne pourrait plus tenir. Pour conserver cette
frontière artificielle, on permet aux compagnies de transport, filiales
d'entreprises pétrolières multinationales, qui y trouvent,
d'ailleurs, leur profit, de vendre aux raffineurs québécois le
pétrole à prix élevé, faisant ainsi un large profit
"off-show" non imposable.
Ces profits sont estimés par les spécialistes à
$0.55 le baril. Ces profits constituent une véritable spoliation des
consommateurs québécois. L'entrée d'une compagnie
gouvernementale, à savoir Soquip, sur le marché des produits
pétroliers obligerait certainement les compagnies internationales
à faire disparaître ce surprofit. Par ailleurs, les grandes
compagnies internationales se basent, pour établir leur prix à la
clientèle, sur ce qu'on appelle les prix affichés par rapport aux
prix facturés. Le prix affiché, c'est un prix sur lequel se base
les gouvernements, excepté les gouvernements américain et
canadien, pour imposer des taxes aux grandes compagnies internationales.
Si, pour donner un exemple, le prix affiché en Iran était
de $1.67, le prix payé par les entreprises multinationales serait bien
inférieur à ce prix affiché, soit à peu près
$1.07. Le prix affiché, comme je le disais, n'est donc pas le prix
réel payé par les compagnies pétrolières. Il sert
seulement de base aux impôts ou redevances que paient les compagnies
productrices au gouvernement sur le territoire duquel elles opèrent. Le
prix réel payé par l'entreprise est le prix facturé qui
est considérablement inférieur au prix affiché. Par
exemple, la revue Platts Oilgram Service du 30 janvier 1968 mentionnait la
vente du pétrole brut vénézuélien par un
indépendant à une raffinerie française, avec un rabais de
$0.75 le baril sur le prix affiché.
A ce sujet, il est même possible des experts l'affirment
de démontrer que cela ne se fait pas seulement au Venezuela, mais
aussi dans tous les autres pays. On voit qu'on peut obtenir des rabais allant
de $0.70 jusqu'à $0.40 le baril. Soquip, en entrant sur le marché
pétrolier, pourrait aussi obtenir ces rabais et pourrait établir
son prix non pas à partir du prix affiché, tel que le font les
compagnies actuelles, mais à partir du prix véritablement
payé.
Si on fait une estimation, étant donné que nous importons
environ 70 p.c. de notre pétrole du Venezuela c'est, d'ailleurs,
le pays qui vend le plus cher son pétrole par rapport à d'autres
pays, si on délaisse le Canada et les Etats-Unis et que 30 p.c.
de notre pétrole provient des autres pays, il est possible d'estimer
entre $1.07 et $1.87 selon que nous achetons notre pétrole de l'Iran ou
du Vénézuéla.
Ce seraient à peu près les prix qui seraient payés,
mais j'ai bien dit que nous importions 70 p.c. de notre pétrole du
Venezuela. Il serait possible de disperser nos sources de pétrole et
d'aller chercher du pétrole à un prix passablement
inférieur.
Cependant, si nous nous en tenons exactement à l'importation
telle qu'elle se fait actuellement, il est possible d'estimer à environ
$1.97 le prix moyen que nous aurions à payer pour notre
pétrole.
Mais, comme je le disais, il s'agirait simplement de diversifier nos
importations pour obtenir un prix encore inférieur qui pourrait aller
jusqu'à $1.75.
Si on compare ce prix au prix que nous payons, nous allons constater
qu'il y a une différence considérable. En effet actuellement le
prix du pétrole au Québec est d'environ $2.60 le baril, et celui
de l'ouest est de $3.27.
En retenant le prix de $1.97, le fait que le Québec
s'approvisionne à l'étranger plutôt que de l'ouest canadien
lui procurerait une rente de $1.30 du baril, soit la différence entre le
prix de l'ouest $3.27 et le prix de $1.97 que Soquip pourrait payer si elle
importait son pétrole directement sans passer par les grandes compagnies
internationales.
Considérant que la consommation de produits pétroliers
s'est élevée en 1969 à environ 130 millions de barils, la
rente du Québec aurait atteint $169 millions. En 1978, selon les
prévisions estimées, la consommation québécoise
sera de 280 millions de barils. Ce qui donnerait la somme de $364 millions en
rentes.
En admettant que nous vendions notre pétrole au même prix
que les compagnies internationales nous constatons que ce serait là des
profits considérables pour Soquip. Cependant je crois que le
problème fondamental, c'est d'abord de pouvoir fournir au Québec
des produits pétroliers à un coût passablement
inférieur à celui qui existe actuellement.
Il est facile de concevoir qu'avec une baisse aussi considérable
du prix du pétrole de l'est, la frontière outaouaise ne saurait
survivre sous peine de créer entre le Québec et l'Ontario, comme
je le disais, un marché noir qu'on ne pourrait empêcher.
Il est certain que l'entrée de Soquip sur le marché
international posera des problèmes assez considérables et assez
importants. Il est certain que les compagnies internationales, les cartels
financiers n'accepteront pas facilement que Soquip pénètre
à l'intérieur d'un marché qu'elles contrôlent
actuellement.
Mais nous en avons déjà parlé, Soquip s'est
déjà préoccupée de ce problème, nous avons
déjà pensé, ou du moins la nouvelle a couru voulant que
Soquip devait au moins créer ses propres moyens de distribution du
pétrole. Nous avions espéré, cette fois, que le
gouvernement allait appuyer Soquip et faire en sorte que cette entreprise
québécoise s'impose sur le marché des produits
pétroliers.
Malheureusement, depuis, c'est un silence complet. Et nous savons que
Soquip avait reçu alors l'assurance de plusieurs détaillants
d'essence, qui désiraient certainement l'appuyer dans cette nouvelle
politique, en particulier, de l'Association des services de l'automobile qui
écrivait ceci, encore dans la même lettre, le 15 juin 1971, et
continuait, à la suite d'une description qu'elle faisait de la situation
des petits détaillants d'essence. "Pourquoi cet esclavage? Une
oligarchie internationale existe dans l'industrie pétrolière.
Huit compagnies pétrolières internationales dominent l'industrie
pétrolière du Québec. Avec tous les problèmes
énumérés ci-haut, il est impossible de prendre une
mauvaise décision en supportant le projet de Soquip au Québec.
L'Association des services de l'automobile entrevoit présentement la
possibilité, avec Soquip, de contrôler une partie de l'industrie
du pétrole. L'entrée de cette jeune société
pétrolière pourrait forcer des compagnies
pétrolières à se montrer plus humaines envers ses
"jobbers" ou détaillants d'essence. Qui a inventé la
compétition féroce que se livrent présentement les
compagnies pétrolières? Guerre de prix dans certaines
régions. Pourquoi une différence de $0.19 le gallon pour la
même essence d'une région à l'autre? "Soquip n'a pas
inventé ceci et ce n'est pas Soquip qui ouvre de nouvelles stations. Ce
sont encore les compagnies majeures. La venue de Soquip dans l'industrie
pétrolière nous paraît donc non seulement utile mais
essentielle pour l'intérêt des Québécois. La
participation des détaillants d'essence pourrait favoriser un meilleur
équilibre des prix, permettrait aux détaillants d'investir et de
réaliser des profits qui seront réinvestis au Québec au
lieu d'envoyer ces montants d'argent à l'étranger, permettrait
aux détaillants indépendants d'acheter leurs produits d'une
société de l'Etat plutôt que d'être à la merci
des gros du pétrole."
Cette association continuait: "M. le premier ministre, messieurs les
ministres et députés, voilà un marché de plusieurs
centaines de millions de dollars où notre participation est
limitée et où toutes les décisions importantes nous
échappent. Il est un devoir pour nous tous de supporter cette jeune
société afin de lui permettre d'atteindre ses objectifs fort
importants pour l'économie de notre belle province. Oublions pour un
moment les intérêts des grosses compagnies
pétrolières et pensons plutôt aux intérêts des
Québécois. D'autres l'ont fait, pourquoi pas le Québec?
"
C'est une invitation que nous lançons au ministre de
développer ou de sortir immédiatement, le plus tôt
possible, sa politique pétrolière, sa politique
énergétique, parce que la lutte que nous voulons entreprendre
aujourd'hui sur le commerce des produits pétroliers sera d'autant plus
difficile si nous attendons encore.
J'espère, au cours de sa réponse, que le ministre
élaborera un peu plus qu'il ne l'a fait lors de son discours de
deuxième lecture sur sa politique énergétique.
Un autre avantage de l'entrée de Soquip sur le marché
pétrolier serait la possibilité de la création d'un
complexe pétrolier à proximité de Québec. H ne
s'agit pas de rêver en couleur, cette possibilité a
déjà été étudiée par Soquip et il est
possible de la réaliser.
A l'heure actuelle, 95 p.c. du pétrole raffiné à
Montréal, transite par Portland, aux Etats-Unis. Ces activités
à Portland rapportent un revenu de $5 millions annuellement. Pendant ce
temps, les ports de mer du Québec ne profitent aucunement ou à
peu près pas de cette industrie. Pourtant les avantages
géographiques du Québec nous permettent d'envisager la
possibilité de rapatrier au moins une partie de ces revenus. Ce qu'il
nous faut, c'est un port en eau profonde, aussi proche que possible des
marchés et qui puisse approvisionner Montréal par un
oléoduc.
Soquip, d'après les informations sérieuses que nous avons,
a déjà envisagé cette alternative. A cause de certaines
déficiences géographiques, le port de Québec ne pourrait
être choisi. En effet, la largeur du fleuve, entre
Saint-Irénée et Québec, ne permettrait pas l'entrée
de navires aussi imposants que le sont ceux qui sont utilisés
actuellement dans le commerce pétrolier.
Par ailleurs, il serait possible d'installer un port pétrolier
à Saint-Irénée, entre Baie Saint-Paul et La Malbaie, ce
qui permettrait de créer, dans cette région fort
délaissée actuellement par nos gouvernements, des perspectives
économiques considérables dont les conséquences se
feraient très vite sentir sur l'ensemble du Québec.
De Saint-Irénée, le pétrole brut serait
acheminé à Québec et à Montréal par
oléoduc. Le port de Québec serait tout désigné pour
recevoir une base de raffinage. D'ailleurs, la construction de cet
oléoduc a été estimée à $15 millions par la
Société québécoise d'initiatives
pétrolières. Nous constatons que le Québec possède
tous les atouts non seulement pour créer une structure
d'approvisionnement autonome, mais aussi pour développer sa propre
industrie pétrolière. Ce projet est ambitieux. Mais il est
possible pour autant que ce gouvernement aura le cran et le courage de donner
le feu vert à Soquip. Il est possible, M. le Président, pour
autant que le gouvernement libéral actuel retrouve le courage qu'ont
déjà eu certains hommes en créant Soquip et en
créant aussi des entreprises québécoises comme
Soquem, Rexfor et autres, mais en leur donnant des pouvoirs de telle
façon qu'elles s'inscrivent dans le marché dans lequel elles sont
spécialisées.
Les retombées économiques d'un tel projet seraient
considérables et nous cesserions peut-être d'être un
éternel assisté social du fédéralisme rentable. De
plus, des sommes importantes seraient épargnées par le
consommateur québécois et nous mettrions fin au cartel du
commerce des produits pétroliers des grosses compagnies nationales. Nos
détaillants et distributeurs de produits pétroliers pourraient
retrouver la liberté que ne leur donnera certes pas le projet de loi
actuel.
M. le Président, j'ai tenté, à partir
d'études sérieuses, études qui sont d'ailleurs connues par
le gouvernement actuel, de développer ce que pourrait être une
politique pétrolière au Québec. J'espère que le
ministre en tiendra compte. Je sais que la "révolution tranquille", pour
le gouvernement libéral actuel, c'est bien mort. J'espère qu'il
retrouvera un peu d'énergie, j'espère qu'il arrêtera de
penser exclusivement en vue de ses intérêts politiques actuels,
à court terme, et qu'il pensera au développement du
Québec, en particulier dans une industrie fort importante qui est celle
du pétrole. Si le ministre actuel voulait faire cela, je crois que les
100,000 emplois que le gouvernement Bourassa nous a promis au cours de la
campagne électorale pourraient être, du moins en partie,
réalisés.
Nous lui demandons donc de sortir les quantités d'études
sérieuses qui existent actuellement à l'intérieur de son
ministère, à l'intérieur du ministère de
l'Industrie et du Commerce et de développer sa politique
pétrolière de telle façon qu'enfin le gouvernement
québécois puisse s'imposer dans un marché aussi important
et aussi considérable. Merci.
M. ROY (Beauce): M. le Président... M. Jean-Noël
Tremblay
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président,...
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... j'ai écouté avec
intérêt le discours que vient de faire le député de
Saguenay. Il a abordé le problème dans une perspective
très vaste et il a fait appel à une série de
renseignements, de documents dont j'aurais voulu, toutefois, qu'il nous
donnât les sources. Cela n'invalide pas, pour autant, les propos qu'il a
tenus, les représentations qu'il a faites et les exhortations qui ont
marqué la fin de son discours.
Il est évident qu'en présentant cette loi sur le commerce
des produits pétroliers, le ministre des Richesses naturelles n'a pas
voulu couvrir l'ensemble du problème, n'a pas voulu que la Chambre
légifère sur le problème général du commerce
du pétrole au Québec. Il a pris un aspect, un très petit
aspect de ce problème, aspect quand même important.
Mais, il n'a pas encore manifesté son intention de s'attaquer au
problème global qu'a évoqué, il y a quelques moments, le
député de Saguenay.
J'écoutais le député de Saguenay, M. le
Président, et j'étais en très grande partie d'accord avec
ce qu'il disait, ayant été membre d'un gouvernement qui s'est
particulièrement occupé de ce domaine du commerce des produits
pétroliers. Je suis en même temps au courant de bien des
études et de bien des documents. Je sais qu'il est possible au
gouvernement, s'il s'en donne la peine, de mettre de l'avant et cela
dans un délai assez bref une politique générale qui
s'inspire des recommandations qui lui ont été faites notamment
par Soquip et par d'autres organismes qui ont été appelés
en consultation par le gouvernement.
Il y avait toutefois, dans le discours qu'a fait le député
de Saguenay, un aspect un peu pour employer le terme, si vous voulez, le
plus commode utopique. Le député nous a brossé un
tableau à l'aide de statistiques qu'il a puisées, notamment, dans
le bulletin de la Banque Impériale de Commerce, dans la revue "Stock
Exchange", dans la revue "Commerce", dans la revue "Marketing", etc., et
même dans le Financial Post, and so on. Il a puisé une
série de renseignements qui sont valables, renseignements que nous
connaissons et qui proviennent de sources que nous consultons
nous-mêmes.
Mais il a brossé un tableau utopique en ce sens qu'il nous a
montré comme réalisable dans l'immédiat ou dans un avenir
assez rapproché cet objectif qu'il a proposé à l'attention
du ministre des Richesses naturelles. Il s'est attaqué, par exemple, aux
grosses compagnies. Disons que c'est un thème facile et commode, je ne
dirai pas démagogique. Mais il reste ceci, c'est que le jour où
Soquip ou le gouvernement du Québec ou qui que ce soit qui voudra mettre
de l'avant une politique globale du pétrole voudra agir dans ce domaine,
le gouvernement, le ministère des Richesses naturelles et Soquip devront
quand même traiter avec les grandes sociétés
pétrolières, où qu'elles soient. H ne faut pas oublier
cela.
On peut très bien dire: Les grosses compagnies nous
étouffent. Les grosses compagnies échappent aux lois de
l'impôt, etc. C'est vrai. Dans une certaine mesure, c'est vrai. Le
député de Saguenay a bien fait de le mentionner. Mais il ne faut
quand même pas laisser entendre à la population que nous pourrions
bâtir ce monde idéal, dans le domaine du commerce du
pétrole, sans avoir à traiter avec des entreprises qui ont des
ramifications internationales.
Le député a également parlé de la faiblesse
du gouvernement du Québec face au gouvernement central. C'est vrai
à bien des égards et Dieu
sait si nous le lui rappelons souvent. Mais je n'en fais pas un argument
majeur ce soir. Nous aurons d'autres occasions d'en parler. Il reste toutefois
que même dans la perspective de l'option politique que propose le Parti
québécois et qu'a évoquée encore ce soir le
porte-parole de ce parti, le Québec, même indépendant,
aurait à négocier, et de façon fort difficile, fort
douloureuse et fort longue d'abord avec ceux qui deviendraient ses
ex-partenaires dans la fédération canadienne et avec les grandes
entreprises multinationales qui contrôlent actuellement l'industrie
pétrolière.
Il ne faut donc pas, M. le Président, même en souhaitant
que le gouvernement agisse, et le plus vite possible, dans ce domaine de la
politique commerciale du pétrole, oublier les réalités,
les faits.
Il ne faut quand même pas non plus faire luire des espoirs qui
pourraient être déçus, trompés par les faits, par
les événements. Il faut prendre le problème avec
réalisme, avec calme, avec énergie, certes, et avec la
célérité qui s'impose. Le ministre aurait fort bien pu,
avant de nous présenter ce petit projet de loi, penser à nous
présenter d'abord un projet de loi qui aurait été
l'amorce, en collaboration avec Soquip, de cette grande politique en
matière de commerce des produits pétroliers.
Mais je crois qu'il a voulu réduire ou circonscrire son effort
à un domaine particulier qui est en fait le domaine des
commerçants de détail des produits pétroliers. A cet
égard, la loi qu'il nous présente, nous l'avons dit et cela avait
fait l'objet de notre motion, est incomplète; non seulement
incomplète, mais même incompréhensible, du fait que rien de
ce qui doit faire l'objet de la réglementation par le
lieutenant-gouverneur en conseil n'est indiqué dans le projet de
loi.
On n'a même pas défini ce qu'est un produit
pétrolier. On laisse au lieutenant-gouverneur en conseil le soin de le
faire. Le ministre nous a donné tout à l'heure des assurances
à ce sujet; par conséquent nous attendrons cette
réglementation, nous l'examinerons afin de voir dans quelle mesure elle
servira la cause de ceux que le ministre veut protéger et
défendre.
Le ministre nous a dit: Il y a nécessité de
légiférer. Nous sommes d'accord. Le ministre nous a dit: Il y a
urgence à légiférer. Nous sommes ici d'accord, mais je
pense que le gouvernement n'est pas d'accord avec lui-même, parce que,
s'il invoque l'urgence de légiférer, il aurait dû quand
même avoir la précaution de préparer tout de suite la
réglementation pour bien montrer qu'il y a urgence à
légiférer et à appliquer une réglementation qui
aurait été déjà soumise à la Chambre en
même temps que le projet de loi.
S'il y a urgence à légiférer, il y a urgence
à adopter une loi et il y a urgence à l'appliquer. Mais, pour que
cette loi puisse devenir applicable, il est nécessaire que la
réglementation soit prête; or, cette réglementation ne
semble pas encore exister et nous avons pris la parole solennelle du ministre
qu'elle sera rédigée bientôt et soumise à une
commission parlementaire.
Cette loi est faite pour réglementer le commerce des produits
pétroliers. Elle est demandée par un bon nombre d'organismes,
parce qu'il y a dans ce domaine une sorte de jungle, une pagaille, qui fait
qu'on ne sait plus trop comment s'y retrouver.
Le ministre, je le sais, veut protéger les détaillants,
particulièrement les petits détaillants. Je me suis
demandé j'ai examiné longuement la loi, j'attends,
évidemment, toujours la réglementation si le ministre va
réellement atteindre les buts qu'il se propose, soit protéger les
petits détaillants. Il y en a des centaines et des centaines dans le
Québec. Il y en a qui vivent assez bien, il y en a qui vivent
couci-couça et il y en a qui meurent, réapparaissent, meurent
à nouveau, réapparaissent, renaissent, meurent, continuellement
dans le Québec, parce que justement il n'y a pas de
réglementation qui permettrait à ces gens de s'établir sur
une base stable et d'assurer la permanence de leur entreprise ou de leur
exploitation.
Mais les exigences que le ministre semble vouloir imposer par ce projet
de loi paraissent à certains égards exorbitants.
On se demande je prie le ministre d'y penser sérieusement
si les petits détaillants seront véritablement
protégés par ce texte de loi qui va les obliger, sous peine
d'amendes et d'amendes et d'amendes graves, à se soumettre à une
série d'exigences qui peuvent être extrêmement
tatillonnes.
M. le Président, sans faire aucune politique partisane, je dis
tout de suite au ministre qu'il y a grand danger que l'émission des
permis, les contrôles, les enquêtes, la surveillance par des
inspecteurs, etc., donnent lieu à ce qu'on appelle ce n'est pas
le ministre qui va le faire, mais des gens peuvent le faire chez nous
communément du patronage.
Pour avoir une station-service, M. le Président je prends
un exemple concret il va falloir obtenir un permis, c'est bien vrai. Il
va falloir, pour établir une station-service, que
l'établissement, le lieu physique où l'on vendra du
pétrole réponde à telles ou telles exigences et que celui
qui deviendra le requérant remplisse telles et telles conditions. Cela
paraît normal, régulier et cela s'impose, mais ça me fait
penser à ce qui se passe dans le domaine des permis de la Régie
des alcools où il y a de telles exigences et où l'on impose
à certaines gens des conditions telles qu'il leur devient impossible
d'obtenir un permis sans passer par mille et un canaux. Cela les amène
fatalement chez un avocat, ami d'un parti politique, qui leur dit: Je vais te
régler ça, moi, pour tant et tant de centaines de dollars. Je le
sais parce que j'ai dû prévenir dans mon comté, comme je le
fais encore souvent, les gens qui veulent obtenir un permis de la Régie
des alcools, en leur disant: De grâce, n'allez pas remettre votre affaire
entre
les mains de gens qui sont intéressés à retirer des
honoraires, mais qui ne peuvent quand même pas influencer les
décisions d'une commission qui, elle, est indépendante.
Alors, parmi les détaillants, parmi ceux qui transportent le
pétrole, il y en a de gros et de petits. Il va falloir des permis, il va
falloir remplir telles et telles conditions, répondre à telles ou
telles exigences. Je crains que, par la réglementation que va
préparer le ministre, comme la loi l'exige, cette loi soit à ce
point, si vous voulez, précise, détaillée, exigeante,
tatillonne que les petits détaillants qui demandent qu'on les
protège se trouvent dans une situation plus mauvaise que celle qui est
actuellement la leur.
Je demande au ministre de penser à cela. Je connais sa bonne foi,
je sais qu'il veut aider tous ceux qui font le commerce des produits
pétroliers au Québec, mais il ne faudrait pas qu'en voulant les
aider le ministre les soumette à des exigences qui les
découragent et les fassent abandonner toute idée de poursuivre un
commerce ou d'entreprendre une exploitation de cette nature.
Le ministre, je le sais, est conscient de cette réalité.
Il y a, dans ce projet de loi je ne peux pas l'examiner article par
article à ce stade-ci de nos débats toute une série
de prescriptions concernant les exigences que le ministre va imposer à
ceux qui s'occuperont de faire le commerce de produits pétroliers. Ces
exigences peuvent être normales, régulières, humaines, des
exigences de bon sens, mais elles peuvent aussi, si elles sont
appliquées par des gens qui ne sont pas toujours de bonne foi, devenir
des dangers, des entraves et elles peuvent constituer, pour tous ceux qui font
le commerce des produits pétroliers au Québec, des
empêchements qui fassent qu'ils abandonnent la partie.
J'ai causé longuement, il y a quelques jours encore, avec des
représentants de ces associations de détaillants de produits
pétroliers, etc., avec des personnes qui ont des stations de service,
qui s'occupent du commerce des produits pétroliers d'une façon ou
de l'autre. Ils m'ont dit qu'ils étaient heureux que le gouvernement
présente une loi mais ils m'ont par ailleurs demandé de voir
à ce que la réglementation ne soit pas exorbitante. Je soumets
cela très simplement au ministre. Le ministre a l'obligation
d'élaborer une politique générale dans le domaine du
pétrole. Le député de Saguenay en a parlé tout
à l'heure et je ne crois pas nécessaire d'en parler ici.
Le ministre a circonscrit le problème du commerce des produits
pétroliers au Québec en pensant particulièrement à
ceux qui font le transport et à ceux qui vendent au détail, ou
d'une façon ou de l'autre, les produits pétroliers. Son intention
est excellente et nous n'avons pas d'objection à approuver son projet de
loi. Mais nous aurons d'ailleurs l'occasion de le lui demander le
ministre ne parle pas, dans son projet de loi, de la publicité qui est
faite, par exemple, par les grandes entreprises de produits pétroliers,
publicité qui est imposée aux détaillants. Il ne parle pas
non plus de ces magasins qu'on retrouve à peu près dans toutes
les stations de service et qui sont imposés aux détaillants de
produits pétroliers. Le ministre ne parle pas des primes non plus. On
nous donne un verre, un bol à salade et je ne sais trop quoi en retour
de l'achat de $5 d'essence.
Le ministre ne semble pas s'être préoccupé de cela
et cela gêne, embarrasse, ennuie considérablement les
détaillants, particulièrement les petits détaillants. Il y
en a un grand nombre dans mon comté et je les rencontre souvent. Ils se
sont plaints à moi des exigences des grandes compagnies
pétrolières.
Le député de Saguenay disait tout à l'heure, et
c'est une évidence: Ils se sont plaints à moi aussi de ces
problèmes de publicité, d'être obligés d'avoir de
petits magasins, de donner des primes, ainsi de suite, un tas de servitudes qui
les embarrassent.
J'aurais voulu que le ministre touche à ces problèmes dans
la loi qu'il nous présente et que, dans les conditions qui sont
prescrites pour qu'un requérant puisse obtenir un permis, certaines de
ces conditions touchent les sujets que je viens d'évoquer et de porter
à l'attention du ministre.
M. le Président, je ne voudrais pas être méchant,
inutilement dur et charger le ministre. Je dis simplement en terminant que
cette loi est une petite loi nécessaire, certes, urgente, oui, pour
nous, mais dont le gouvernement n'a pas vraiment saisi l'urgence puisqu'il nous
la présente sans nous présenter en même temps la
réglementation. C'est une petite loi qui ne constitue même pas
l'amorce d'une loi générale sur ce qu'on appelle l'industrie
pétrolière.
Mais quand je parle d'industrie pétrolière, ayant
l'expérience de l'administration, étant informé de la
question, je ne rêve pas en couleur. Je sais que même si le
gouvernement a le devoir d'élaborer une politique
pétrolière globale, d'y associer évidemment le
ministère de l'Industrie et du Commerce, de négocier avec le
gouvernement central la question des ententes nationales et internationales en
matière de commerce, même si le gouvernement a toutes ces
obligations, il reste que pour ceux qui ne rêvent pas en couleur, ceux
qui ont un certain réalisme, cela ne peut se faire en un jour. Mais
même si cela ne peut pas se faire en un jour, ce n'est pas une raison
pour le gouvernement de différer le moment, de retarder
indéfiniment le moment de passer à l'action.
Je ne porte pas de jugement sur le ministre, sur son énergie,
mais comme il est responsable de l'énergie au Québec, je le prie
de reprendre ce projet de loi, de lui donner une dimension beaucoup plus vaste
et de nous présenter, dès la prochaine session, un texte
législatif qui indiquera la volonté du gouvernement de donner
à Soquip la dimension qu'elle doit avoir et de lui confier les
responsabilités que ses créateurs lui
avaient confiées, et cela de façon pratique, efficace,
dynamique, avec réalisme. Compte tenu de toutes ces réserves,
pour ma part, je suis prêt à accepter le principe du projet de loi
parrainé par le ministre des Richesses naturelles.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.
M. Fabien Roy
M. ROY (Beauce): M. le Président, quelques brefs commentaires
seulement. Je ne veux pas ajouter à ce qu'a dit mon collègue
d'Abitibi-Est tout à l'heure. Cependant, on me permettra d'ajouter
quelques commentaires à l'exposé qu'a fait le
député de Saguenay lorsqu'il a énoncé les grands
principes de ce que pourrait être une politique globale en matière
d'énergie, en matière pétrolière au
Québec.
En l'écoutant, je n'ai pu faire autrement que de m'interroger
sérieusement, à savoir de quelle façon ces beaux grands
principes pourraient être appliqués, principes avec lesquels je
suis d'accord dans une certaine mesure. Quant aux objectifs, quant aux moyens
à prendre, nous pourrions en discuter, si le gouvernement
québécois n'a pas de pouvoir économique.
Nous savons que notre gouvernement est obligé, actuellement,
d'emprunter de l'argent des propriétaires pétroliers
internationaux pour pouvoir continuer à donner du bien-être social
dans la province de Québec. Je suis bien d'accord qu'on puisse
élaborer une politique de l'énergie au Québec, que le
Québec prenne ses responsabilités, mais auparavant, si on veut
être logique avec soi-même, si on veut avoir de la
continuité dans les idées, il va falloir certainement faire en
sorte que le gouvernement du Québec prenne ses responsabilités en
matière économique et qu'il réclame un véritable
pouvoir économique pour être souverain. Parce qu'on sait, et je ne
veux pas élaborer davantage là-dessus, qu'il y aurait
énormément de choses à dire de ce côté.
Cependant, sur le projet de loi no 90, Loi sur le commerce des produits
pétroliers, il est évident que nous sommes en faveur de ce projet
de loi et que nous voterons pour ce projet de loi en deuxième lecture.
Même si ce projet de loi est très incomplet et aurait dû
contenir beaucoup plus de précisions en ce qui a trait par exemple
à la définition des produits pétroliers, en ce qui a trait
à certaines dispositions concernant la réglementation et aussi en
ce qui a trait à la date d'entrée en vigueur du projet de loi.
Mais, nous pourrons y revenir lors de l'étude en comité
plénier.
Je veux mettre le gouvernement en garde de ne pas se limiter, une fois
que ce projet de loi sera adopté, à exiger des permis de ceux qui
font le commerce et la distribution dans les postes d'essence. Il va falloir
que cela aille beaucoup plus loin, parce que je ne sache pas qu'on
réglera le problème du commerce des produits pétroliers au
Québec uniquement en exigeant des permis de ceux qui en font le commerce
ou de ceux qui en font le détail.
On sait que, dans ce domaine, ici au Québec, c'est une
véritable jungle où le consommateur est exploité,
où ceux qui en font le détail sont exploités, où
ceux qui en font le commerce sont exploités. Il est temps que le
gouvernement prenne ses responsabilités et qu'il intervienne de
façon à mettre de l'ordre là-dedans, de façon
à protéger nos propriétaires québécois
d'entreprises commerciales qui sont dans le commerce des produits
pétroliers et de protéger aussi les consommateurs
québécois. Uniquement au niveau du consommateur, après
avoir fait une brève petite enquête au Québec, on constate
que pour acheter une qualité donnée d'essence à
différents endroits de la province, il y a un décalage de $0.19
le gallon pour la même qualité d'essence dans les
différents postes dans la province de Québec, peu importe la
région où nous l'achetons.
L'argument qui nous a toujours été servi est que
c'était le transport qui occasionnait des frais supplémentaires.
D'après d'autres études qui ont été faites et
après en avoir discuté avec des transporteurs, on constate que le
coût du transport pétrolier au Québec ne peut pas varier au
maximum de plus $0.03 le gallon. Alors le décalage de $0.19 ne se
justifie pas uniquement par le transport, c'est qu'il y a autre chose qu'on
nous cache, qu'il y a d'autres faits qui maintiennent cette politique.
Il y a aussi le point des locateurs de postes d'essence, autrement dit,
qui sont locataires des grosses entreprises d'essence. Sur 7,300
détaillants de postes loués, je ne pourrais pas vous dire si
c'est pendant une période de quatre ou cinq ans environ, il y a 29.7
p.c. de ces postes qui ont changé de locataires. Ceci a fait qu'il y a
2,400 locateurs de postes d'essence qui ont dû abandonner. Sur 142
interviews qui ont été faites, la moyenne de pertes pour ces
locateurs a été de $5,600 chacun. Ce qui veut dire qu'il y a des
pertes de $1 million par année par ceux qui sont locateurs des postes
d'essence qui sont pris dans les poches de ces individus pour favoriser les
grosses compagnies pétrolières.
Il y a un autre point. Il y a tout l'aspect des contrats de location que
les grosses compagnies pétrolières signent avec leurs locataires.
Dans ces contrats de location, il y a toujours des garanties
hypothécaires sur une période de vingt ans mais dont les
versements sont échelonnés sur une période de dix ans.
Je demande au ministre de prendre bonne note de ce qui suit pour que
dans sa réplique il puisse me donner des explications: Dans les contrats
de locataires de stations de service, il y a toujours une clause où on
laisse une somme de $100 à $200 en première hypothèque
pour une période de dix années additionnelles et les
détenteurs et les locataires ne peuvent même pas payer la
compagnie pour pouvoir trouver un moyen de se refinancer afin d'être
capables
d'améliorer leur commerce ou encore devenir propriétaires
de leur commerce un jour.
Or, c'est de l'exploitation pure et simple et j'ose espérer que
dans le projet de loi no 90, même s'il n'en fait pas mention, le ministre
prendra ses responsabilités et qu'il légiférera dans ce
domaine de façon à protéger ces individus.
M. le Président, il y a un autre point sur lequel je veux attirer
l'attention du ministre, c'est qu'il ne faudra pas, lorsqu'on demandera des
permis à ceux qui font le détail, aux petits postes d'essence,
les petits postes privés dans de petites municipalités rurales,
dans des municipalités éloignées du Québec,
établir des exigences telles que seuls les gros postes de compagnies,
les grosses intallations des compagnies puissent, autrement dit, satisfaire aux
exigences réglementaires du gouvernement et que ces gens, à un
moment donné, ne puissent pas conserver le privilège ou encore
leur petit commerce qu'ils ont exploité pendant 10, 15 ou 20 ans.
Je soulève une question de privilège, M. le
Président; qu'est-ce que nous faisons ici ce soir en cette Chambre? Il y
a à peu près huit députés en cette Chambre. Le
ministre ne m'écoute même pas. On est dans des coins. On est
à discuter de différentas choses. Je me demande si cela peut
être logique de faire une intervention à ce stade-ci. Je ne
voudrais pas invoquer le règlement pour que nous ayons quorum en cette
Chambre. Mais la tenue de la séance, à l'heure actuelle, est tout
de même illégale, je pense. Nous n'avons même pas quorum et
on n'écoute même pas ce que nous avons à dire. Je crois que
nous avons des choses assez importantes à demander au ministre et le
ministre devrait s'organiser pour en prendre note afin de nous répondre.
Lors de l'étude en comité plénier, nous allons demander
des explications et nous allons demander que le gouvernement nous fasse
connaître ses intentions dans ce domaine.
M. le Président, je disais donc qu'il ne faudra pas, dans
l'élaboration des règlements pour accorder des permis à
ceux qui font le commerce et la distribution de l'essence au Québec
ainsi que des produits pétroliers, qu'on impose des exigences telles que
seules les installations des grosses compagnies puissent satisfaire à
ces exigences et qu'une quantité de petits propriétaires de
commerces, de petites entreprises qui donnent un très bon service et qui
ont servi la population avec justice, qui ont servi la population avec
compétence, avec toute honnêteté, soient
lésés dans leurs droits et qu'ils perdent des privilèges
et des droits qu'ils ont depuis 10, 15 ou 20 ans. Je demande au ministre,
à ce stade-ci, de prendre en considération les droits acquis de
ceux qui font le commerce des produits pétroliers, à l'heure
actuelle, dans l'élaboration des règlements. Je sais que le
gouvernement a, par contre, l'obligation de faire des règlements pour
protéger le public. Mais il faudrait que le gouvernement ait un juste
milieu de façon à ne pas pénaliser les petits
propriétaires honnêtes qui font un commerce honnête,
à l'heure actuelle, et ils ont besoin de ce commerce pour gagner leur
vie.
M. le Président, le gouvernement doit être conscient, du
moins, que les taxes qu'il retire du commerce des produits pétroliers,
qui consistent, tout de même, en un volume d'affaires de plus de $800
millions par année, constituent, en quelque sorte, la deuxième
source de revenus pour la province.
Je pense que le gouvernement devrait en tenir compte et que, lors de
l'élaboration de sa loi, de ses règlements et de la mise en
application il pourra procéder vers une autre étape pour faire
l'inventaire de nos besoins pétroliers au Québec, faire une
espèce de plan d'ensemble, si l'on veut, de façon à ce que
ceci puisse constituer une étape importante dans l'élaboration
d'une véritable politique de l'énergie, une véritable
politique pétrolière au Québec.
M. le Président, et je termine là-dessus, je demanderais
au gouvernement de bien vouloir, dans sa législation, permettre la
création et la survie de l'entreprise québécoise et que
cette réglementation ne se fasse pas uniquement au niveau des grosses
entreprises internationales. Je ne veux pas partir en guerre contre les grosses
entreprises internationales parce qu'à l'heure actuelle elles ont des
droits sur les ressources pétrolières d'une quantité de
pays qui, en quelque sorte, nous alimentent à l'heure actuelle.
Le gouvernement du Québec n'y peut rien. Mais, si nous voulons un
jour être capables de dire notre mot dans le monde des affaires, si nous
voulons être capables de nous imposer dans ce commerce, si nous voulons
permettre aux Québécois de prendre la place qui leur revient dans
le commerce et dans nos entreprises, je pense que le gouvernement se doit de
prendre ses responsabilités, d'être conscient de ce fait et de
voir à faire sa réglementation de telle sorte que ceci constitue
un avancement non seulement pour les consommateurs québécois,
mais pour toute l'économie québécoise.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.
M. Guy Joron
M. JORON: M. le Président, je désire prendre la parole
brièvement, non pas pour m'opposer au projet de loi, parce que nous
l'appuyons, mais plutôt parce qu'il nous invite à dire quelques
mots sur tout ce qu'il ne dit pas, puisqu'il ouvre, en quelque sorte la porte
sur un problème très important dont nous avons rarement eu
l'occasion de discuter en cette Chambre, celui d'une véritable politique
pétrolière globale et sur le problème plus large d'une
politique de l'énergie.
A ce propos, M. le Président, j'aimerais d'abord rappeler
quelques faits. D'une part, le
Québec est un grand consommateur d'énergie. Per capita,
c'est l'un des plus grands consommateurs d'énergie au monde. Il y a,
bien sûr, à cela des raisons qui ne sont pas seulement
reliées au fait que le Québec a une économie industrielle
relativement avancée, mais à des considérations tout
simplement d'ordre climatologique. Du fait de la rigueur de l'hiver, ici, nous
avons besoin de consommer passablement d'énergie, ne serait-ce que pour
les strictes fins de chauffage.
Le Québec est donc un grand consommateur d'énergie. Par
définition, ou par voie de conséquence, sa politique
énergétique doit avoir une importance considérable.
Quelles sont les sources principales d'énergie au Québec? Les
principales, M. le Président je le rappelle sont toujours
les dérivés du pétrole, qui comptent, si ma mémoire
est fidèle, pour environ 70 p.c. à 80 p.c. de la production
énergétique au Québec.
D'autre part, l'électricité, dont la production, au
Québec, est à peu près exclusivement assurée par la
méthode hydraulique, donc, l'hydro-électricité, occupe
environ 20 p.c. de notre production énergétique totale. Le reste,
si vous voulez, c'est relativement mineur. C'est probablement le charbon et le
gaz naturel que nous importons de l'Ouest canadien qui occupe le reste.
De ces différentes sources d'énergie, une seule est
d'origine locale, une seule est d'origine québécoise:
l'hydro-électricité. A cet égard, nous souhaiterions, bien
entendu c'est ce que, dans le passé, la plupart des gouvernements
québécois ont tenté de faire développer au
maximum la part qu'occupe l'hydro-électricité ou
l'électricité produite sous d'autres formes dans le total de
notre consommation énergétique.
Il reste, quand même, un fait capital, c'est que la plupart des
études, des statistiques et des projections font voir que, pour
longtemps encore, et bien au-delà des années 1980 et 1990, nous
resterons dépendants, pour plus de la moitié de notre
consommation énergétique, du pétrole. C'est donc une
industrie très importante.
Elle a ce désavantage pour nous que sa matière
première, le pétrole brut, n'existe pas en quantité
suffisante ou en quantité industrielle au Québec et qu'en
conséquence la matière première est importée. Nous
importons donc du pétrole brut du Moyen-Orient, du Venezuela, de
Trinidad et du Golfe du Mexique.
Il est intéressant de souligner que les importations de
pétrole brut sont équivalentes pour possiblement la
moitié, sinon davantage du déficit commercial du Québec
dans sa balance des paiements avec l'extérieur. C'est donc un poste, au
chapitre de nos transactions internationales, très important et qui est
largement responsable de notre déficit commercial, doublé du fait
que l'importance de cette industrie n'est appelée qu'à
s'accroître, que sa proportion, comme je le disais tout à l'heure,
dans le total de notre consommation énergétique n'est pas
appelée à baisser, au moins pour les prochains vingt ans, en tout
cas. Il est donc très important d'essayer de se tirer de cette situation
du mieux possible et de tirer notre énergie du jeu de ce grand jeu
pétrolier.
Nous disions, il y a un moment, qu'il faudrait, bien entendu,
développer l'électricité au maximum. C'est un point. Il
faudrait d'autre part faire de l'exploration pour du pétrole brut.
Très timidement, jusqu'à ce jour, et tout récemment
encore, l'Etat du Québec s'est engagé dans cette voie en
créant Soquip, la Société québécoise
d'initiatives pétrolières, qui, avec des compagnies
pétrolières privées, a fait jusqu'ici un certain nombre de
travaux d'exploration.
Mais il faut comprendre qu'avec l'effort financier relativement timide
que le gouvernement a engagé dans cette société d'Etat, il
ne faut pas s'attendre à des merveilles. Quand on vote $1 million, $1.5
millions, $2 millions par année, par exemple, pour augmenter le fond de
roulement de capital de Soquip, il ne faut pas s'attendre à des
merveilles, quand on sait que surtout dans le domaine de l'exploration
sous-marine, le creusage d'un seul puits de pétrole peut coûter
jusqu'à $1 million. Souvent il faut considérablement faire
plusieurs de ces puits avant d'avoir véritablement prospecté un
terrain et finalement trouver quelque chose.
C'est un jeu très dispendieux, qu'il vaut mieux, dirais-je
même, faire à une très grande échelle,
c'est-à-dire consentir à y engager des ressources
considérables ou alors ne pas le faire du tout, parce qu'autrement on
perd peut-être à peu près son temps. A ce propos, je
souhaiterais que l'Etat du Québec engage dans Soquip des capitaux
beaucoup plus considérables que ceux qui ont été
engagés jusqu'à maintenant et qu'on s'engage dans une
véritable politique d'exploration pétrolière dans le but,
je le répète, de trouver du pétrole brut.
Mais en attendant cette perspective qui reste toujours aléatoire,
il y a d'autres façons de tirer notre épingle du jeu de ce grand
problème pétrolier, de cette situation pétrolière.
Il y aurait par exemple la possibilité et un effort devrait
être fait de tenter de diminuer ce déficit d'importation
qu'occasionne l'importation de pétrole brut en tentant d'obtenir du brut
au meilleur compte possible. Ce qui n'est pas nécessairement le cas
à l'heure actuelle, étant donné que le marché au
Québec est dominé par sept raffineurs qui tous
représentent des membres du grand cartel international du pétrole
et qui, bien entendu, s'alimentent principalement à même leurs
sources, à eux, de pétrole.
Vous savez à quel point cette industrie mondiale est
intégrée à partir de l'exploration, passant par le
transport, au raffinage et finalement jusqu'à la distribution, ce qui
fait que si on ne brise pas à un endroit ou à un autre le maillon
de cette grande chaîne, on reste forcé-
ment prisonnier du cartel du système international.
Ainsi, il faudrait donc, à notre avis, tirer notre épingle
du jeu en s'intéressant directement nous-mêmes au raffinage et
à la distribution des produits pétroliers au Québec. Ce
n'est que par cette voie, en retirant de cette phase de l'industrie
pétrolière les profits qui sont possibles d'y être
retirés que nous réussirons non pas à concurrencer, ou
à briser un cartel international mais nous tailler une place et à
retirer un profit quelconque de cette situation.
Tenter enfin d'exporter le produit fini, c'est-à-dire le produit
une fois raffiné, en profitant, et ce n'est pas un avantage
négligeable, de notre localisation géographique.
Le député de Saguenay, plus tôt, rappelait que,
voilà déjà une dizaine d'années, avant
l'établissement de la politique énergétique
pétrolière du gouvernement central, le Québec a
été pendant assez longtemps exportateur de produits finis vers
les marchés ontariens. La politique canadienne, à l'heure
actuelle, bloque cette possibilité d'exportation et cette
possibilité si vous voulez d'élargir l'industrie locale,
l'industrie québécoise de raffinage.
Mais il y aurait quand même, au-delà d'une politique
établie, un moyen de faire tomber une politique, M. le Président.
Et ce moyen, c'est que si le prix était à ce point
alléchant et à ce point inférieur, je doute que les
consommateurs de l'Ontario y résisteraient longtemps et accepteraient
longtemps une politique fédérale qui, finalement, leur
coûterait passablement cher.
Et cette politique et ce prix, nous pourrions les faire tomber si nous
nous introduisions dans le commerce, dans l'industrie pétrolière,
et pas seulement en établissant une raffinerie. Cela obligera,
évidemment, à trouver des sources d'approvisionnement brutes, ce
qui impliquera, par le fait même des sources extérieures,
dominées par des Etats indépendants maintenant, je pense à
l'Algérie ou la Lybie ou des Etats semblables, ou alors dans d'autres
cas par les compagnies internationales. Il y a moyen à cause de la
situation actuelle où le cartel sur le pétrole international est
en voie d'être brisé; il a déjà commencé
à craquer par l'action des Italiens avec l'ENI, par l'action des
Français avec l'ERAP, par l'action des Japonais, par l'action des
producteurs du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, plus récemment.
Cette situation nous ouvre donc une possibilité de conclure une
entente d'approvisionnement brut qui pourrait alimenter une raffinerie
québécoise. Or, quelle est la situation, M. le Président?
Justement, puisque nous voulons parler de l'industrie du raffinage du
pétrole et que nous croyons que c'est là que le premier geste
important, que le seul geste significatif que l'Etat du Québec pourrait
poser, dans une politique pétrolière globale commence par
là, il faudrait, je pense, il serait nécessaire, de faire un tour
d'horizon de la situation de ce secteur, de ce segment, si vous voulez, de
l'industrie au Québec.
Nous sommes en présence, M. le Président, de six
raffineries dans la région est de l'île de Montréal et
d'une plus récente dans la région de Québec. Les six
raffineries de Montréal représentent une capacité de
production d'environ 300,000 à 350,000 barils par jour, ce qui fait de
Montréal l'un des plus grands centres mondiaux de raffinage du
pétrole. Est-ce 50,000 ou 100,000 barils, de la raffinerie de Golden
Eagle? De mémoire, est-ce que le ministre pourrait me le dire?
M. MASSE (Arthabaska): C'est 100,000 barils.
M. JORON: Avec les 100,000 barils que la raffinerie de Golden Eagle de
la région de Québec vient ajouter, nous sommes donc en face d'une
industrie considérable, mais il est important de noter je pense que le
député de Saguenay le faisait quand même tout à
l'heure, qu'en incluant même la production de Golden Eagle, la
capacité de raffinage installée à l'heure actuelle au
Québec est quand même inférieure à notre
consommation interne. Non seulement nous n'avons pas de surplus de produits
finis à exporter, mais nous sommes même en situation de
déficit, c'est-à-dire qu'il faut importer à l'heure
actuelle du produit fini.
C'est un autre des effets de la politique du gouvernement central qui
s'est traduit par un ralentissement considérable de l'expansion des
raffineries au Québec. Nous sommes donc, je le répète, en
présence de sept raffineries au total au Québec qui, toutes, sont
des filiales de grandes entreprises internationales.
Vous avez, à Montréal, Imperial Oil, filiale de Standard
Oil of New Jersey; Gulf, filiale de Gulf des Etats-Unis; Texaco, filiale de
Texaco des Etats-Unis; Shell, filiale de Royal Dutch-Shell, compagnie
néerlandaise et britannique; Fina, filiale de Petrofina de Belgique; BP,
filiale de British Petroleum de Londres et Golden Eagle, filiale de Ultramar
à Québec, toutes des compagnies étrangères, sans
exception.
A un autre chaînon de cette industrie, M. le Président,
vous avez, avant d'en arriver au détaillant lui-même, des
intermédiaires, des grossistes. J'aimerais en dire un mot. Je me sens
assez bien placé pour en parler puisque ma famille a été
impliquée dans ce commerce. Vous avez donc les grossistes. Qu'est-ce qui
se passe dans ce secteur de l'industrie au Québec, et ce depuis le
début du siècle? Vous avez, à différentes
époques, des grossistes ou, en termes du milieu, des "jobbers" qui
établissent graduellement des réseaux de distribution qui
deviennent des entreprises moyennes, parfois assez considérables et
assez importantes. Ceci se fait graduellement jusqu'à un certain niveau
où le grossiste prend une importance relativement grande. A partir de ce
moment-là, évidemment, ses achats du raffineur commandent des
prix assez intéressants.
En quelque sorte, il peut, sauf pour les très gros contrats,
concurrencer le raffineur sur son
propre terrain. En conséquence, il devient assez gênant
pour le raffineur. D'autre part, c'est aussi, pour le raffineur, un client
très intéressant parce qu'il achète en bloc des
quantités énormes. Or, vous arrivez toujours à la
situation suivante: dès l'instant où l'industrie s'est
suffisamment développée et qu'elle a vu apparaître un
nombre assez élevé de grossistes de taille assez
considérable, vous avez toujours, immanquablement, une situation de
guerre de prix entre les raffineurs, de coupage de prix.
Le raffineur, à ce moment-là, est placé devant
l'option suivante: ou bien il tente d'éliminer cet intermédiaire
qui, parce que sa taille est trop grosse, est devenu gênant; il tente de
l'éliminer par une guerre de prix en le faisant donc disparaître
par une faillite à plus ou moins longue échéance ou bien,
de crainte de le voir partir, il tente de garder ce marché captif en
achetant le grossiste en question.
Vous avez connu, au XXe siècle, deux cycles semblables au
Québec. Vers les années 1930, un certain nombre de grossistes,
surtout dans la région de Montréal, puisqu'elle représente
un peu plus de 50 p.c. du marché de tout le Québec,
étaient devenus relativement importants.
Qu'avons-nous vu à cette époque? Au début des
années trente, systématiquement, les raffineurs ont entrepris
d'éliminer ces grossistes en procédant à leur acquisition.
C'est ainsi que, par l'absorption de l'Oil and Oil and Gaz, L'AOA du
père de Pierre Elliot Trudeau, de ENI et d'un certain nombre d'autres
dont les noms m'échappent, vous avez eu la constitution de ce qui
s'appelle aujourd'hui Champlain, qui est une filiale à 100 p.c. de
l'Imperial Oil. Dès cet instant, la plupart des distributeurs importants
sont disparus. Pendant une certaine période, il n'y a plus eu que de
petits détaillants. Les raffineurs, ou les compagnies majeures comme on
les appelle dans le métier, avaient fait le nettoyage du terrain et
s'étaient débarrassés de grossistes qui avaient atteint
une taille gênante.
Le même phénomène se retrouve après la
guerre, vers la fin des années cinquante. A cette
époque-là, vous êtes en présence de distributeurs
importants, encore dans la région de Montréal il y en a un
ou deux dans la région de Québec, d'ailleurs qui se sont,
au cours des 25 dernières années, reconstitués, qui ont
à nouveau acquis une place relativement importante sur le marché
et qui à nouveau encore sont devenus gênants pour les compagnies
majeures.
Avec l'installation, vers le milieu des années cinquante, de deux
raffineries nouvelles au Québec, celle de Fina et celle de BP dans la
région de Montréal, nous sommes en présence, vers la fin
de ces années, d'une situation de compétition et de concurrence
aiguë et très difficile. Dans cette situation les grossistes sont
menacés, extrêmement menacés parce que les raffineries
veulent passer outre, si vous voulez, leur couper l'herbe sous le pied et
rencontrer la compétition nez à nez.
Le gros distributeur placé dans une telle situation a trois
choix. Se regrouper avec les autres pour devenir lui-même de taille
égale et, si son groupement est capable de trouver le financement,
devenir raffineur pour entrer sur le même terrain et ne plus être
dépendant pour sa fourniture des raffineurs installés sur le
territoire du Québec. C'est son premier choix. Mais vous comprendrez que
réunir cinq, six, sept, huit grossistes différents dont les
intérêts sont divers et ainsi de suite, ce n'est pas tâche
facile. Ce n'est pas tâche facile non plus quand à cette
époque c'est la fin des années cinquante, je le rappelle
vous n'avez pas d'organisme public, d'organisme d'Etat pour assister
cette industrie, pour la pousser à la naissance de quelque chose de
nouveau et de plus gros encore.
Le deuxième choix qui s'offre aux grossistes dans une situation
semblable est de passer à travers au risque de faire faillite. Je le
rappelle, vers la fin des années cinquante, c'était le cas de la
plupart des grossistes de Montréal. Non pas qu'ils ont fait faillite,
parce qu'ils ont pris la troisième option dont je vais dire un mot dans
quelques instants. Donc, la plupart des distributeurs de la région de
Montréal en étaient venus à une situation où,
à toutes fins utiles, ils ne faisaient plus de profits et fonctionnaient
strictement sur une base qui leur permettait tout juste d'arriver.
La troisième option, c'est de capituler, de vendre aux raffineurs
qui sont évidemment éminemment intéressés à
acquérir ces distributeurs parce qu'ils représentent un
marché captif. Et c'est encore ce que les distributeurs les plus
importants, de la région de Montréal, comme ceux de la
région de Québec, ont fait à nouveau vers les
années 1960 fin des années 1950, début 1960
de la même façon que 30 ans auparavant le même cycle
s'était reproduit. C'est un cycle. On a vu disparaître les
principales maisons canadiennes-françaises comme Joseph Elie, Monjeau et
Robert, Independant Petroleum, Ideal Petroleum, National Petroleum, Canadian
Petroleum. Même si les noms sont anglais, c'étaient des
distributeurs qui étaient la propriété de
Québécois français.
Tous disparus, plus quelques-uns d'ailleurs dont j'oublie les noms. A
l'heure actuelle nous sommes à nouveau dans une situation où il
n'y a, à toutes fins utiles, aucun distributeur d'importance au
Québec.
A la longue, avec les années, ces réseaux de distribution
se reconstitueront probablement mais ils arriveront dans dix ou quinze ans au
même stade d'évolution, seront placés devant le même
dilemme et à nouveau les quelques entreprises naissantes, embryons de
grandes entreprises industrielles, disparaîtront si à ce
moment-là il n'y a pas en place une industrie québécoise
dans le domaine du raffinage. C'est la seule façon de sortir du cycle
infernal de cette domination étrangère. Il faut entrer dans cette
industrie.
A l'heure actuelle, il n'y a aucun entrepre-
neur privé québécois qui a la compétence, la
connaissance de ces marchés ou même les capitaux pour envisager un
tel investissement. Seul l'Etat est à la mesure d'un investissement
aussi considérable.
Nous avons les prérequis, nous avons un marché. Il est
possible de trouver une source d'approvisionnement de pétrole brut parce
que, comme je le signalais tout à l'heure, ce domaine n'étant
plus maintenant la chasse gardée des seuls anciens grands du cartel
international, l'apparition des trouble-fête internationaux que sont
l'ENI italienne, l'ERAP française, les sociétés
japonaises, la Sonetrac algérienne, les compagnies lybiennes, qui
viennent justement de nationaliser la British petroleum, ainsi de suite, ce
fait nouveau nous procurerait une occasion intéressante de trouver des
fournitures de pétrole brut.
Finalement, le financement d'une industrie semblable, on calcule environ
$1 million par 1,000 barils d'installation de raffinage. Une raffinerie de
50,000 barils par jour, cela coûte pas loin de $50 millions. Ce sont des
investissements considérables.
Il est évident que, dans une circonstance semblable, il faut
considérer un financement conjoint. Il serait de mise, dans une
situation semblable, d'établir ce qu'on appelle un "join venture" un
"partnership", si vous voulez, avec le fournisseur de la matière brute.
Nombreux sont les candidats qui attendent qu'on leur en fasse la demande.
D'ailleurs, à ce sujet, une équipe de technocrates
compétents, dynamiques peut-être séparatistes comme
dirait le ministre des Affaires municipales, cela je l'ignore avaient
constitué, autour des années 1967, 1968 et 1969, un projet
élaboré au sein de l'une des directions du ministère des
Richesses naturelles, avaient conçu cette société
québécoise de raffinage. Le projet est allé passablement
loin. Les discussions avec l'ERAP, une compagnie nationale française qui
appartient à l'Etat français, sont allées également
assez loin. Le projet était l'établissement d'une raffinerie dans
la région de Québec. Tout à coup, tout s'est
écroulé assez rapidement, sans explication et qu'apprend-on? Une
compagnie britannique, Golden Eagle, vient installer à Québec une
raffinerie de 100,000 barils par jour. Le beau projet du ministère des
Richesses naturelles, envolé! Tout ce qu'on appris par la suite,
c'était qu'un certain trésorier du parti qui formait le
gouvernement à l'époque était également
administrateur de la Golden Eagle, un nommé Lagarde. Est-ce qu'il y a
une relation de cause à effet? Ce n'est pas à moi de
répondre à cette question.
Peut-être pour des raisons de politicailleries,
d'intérêts mesquins, le gouvernement du Québec d'alors a
raté une occasion superbe de faire une entrée facile dans une
industrie essentielle, capitale pour notre développement futur. On l'a
complètement ratée. Je me souviens de la position du critique
financier de l'Opposition à cette époque, aujourd'hui premier
ministre. A l'occasion de plusieurs débats conjoints que j'avais eus
avec lui dans différents collèges, CEGEP, universités,
à l'époque de ces années de discussions fébriles de
1967 et 1968, toujours nous étions tombés d'accord, mais
absolument d'accord, pour dénoncer ce que nous appelions tous les deux
la trahison du gouvernement d'alors.
M. Bourassa, à cette époque, tout comme moi,
réclamait vertement l'initiative de l'Etat, l'investissement direct de
l'Etat dans ce domaine pétrolier pour constituer cette
société québécoise de raffinage.
Evidemment, le temps passe. De l'Opposition, on passe au pouvoir et les
priorités se déplacent et peut-être aussi les
intérêts, je ne sais pas. Mais jusque là, tant que, de la
part du gouvernement, on n'en aura pas entendu plus long sur ce sujet, je
préfère quand même lui laisser le bénéfice du
doute et attendre une réponse à ces questions.
Je termine donc en rappelant que, même si nous avons raté
l'occasion intéressante qui s'offrait à nous dans les
années 1967, 1968, etc., si le gouvernement d'alors a laissé
passer cette belle occasion, que Golden Eagle s'est installée à
Québec, il reste que même aujourd'hui nous sommes encore dans une
situation où la capacité de raffinage installée au
Québec est inférieure à la consommation. Or, il y a encore
une déficit à combler. Toute nouvelle raffinerie pourrait encore,
rapidement, se tailler une place dans le marché québécois.
L'occasion existe encore. Elle est encore là. Nous souhaiterions que
l'Etat du Québec, à travers Soquip, en profite.
Comme je le disais tout à l'heure, et je tiens à le
répéter ce ne sont pas là des sommes astronomiques
parce que, de toute façon, cela ne pourrait possiblement pas prendre de
forme autrement qu'un financement conjoint avec un associé
étranger. Donc, nous parlons de quoi? Nous parlons peut-être
finalement d'un investissement sous forme d'équités de $5
millions ou $10 millions, la balance pouvant être financée,
possiblement, par les marchés ordinaires, par l'émission
d'obligations. On ne parle pas d'une affaire mirobolante et astronomique. Nous
croyons que l'utilisation des fonds publics à des investissements
semblables, qui nous laissent quelque chose en retour, qui nous laissent un
contrôle d'une partie importante de notre économie, vaut mieux
qu'utiliser des $10 millions et $20 millions en subventions perdues à
l'entreprise privée. Nous croyons que, de toute façon, comme dans
le cas, par exemple, de l'ITNT. Je suis absolument convaincu et je le resterai
toujours que, même si l'Etat du Québec n'avait pas joué,
à même les fonds publics, à la Saint-Vincent-de-Paul avec
l'ITNT au point qu'il l'a fait, ITNT se serait quand même installé
au Québec, parce que ITNT avait besoin d'une chose, du papier. Pour
faire du papier, il faut trouver de la forêt, de la
forêt en quantité dans le cas de cette usine-là. Et
où à proximité des marchés qu'ITNT voulait
desservir se trouvait cette forêt, sinon au Québec?
J'ai l'absolue conviction que ces investissements se seraient
réalisés quand même bien que je ne suis pas encore
convaincu que ce sont là des investissements auxquels nous allons
contribuer et auxquels nous contribuerons dans le futur par les prêts que
nos banques avanceront à cette société, par les
obligations que celle-ci émettra éventuellement pour un
financement et que nos institutions financières acquerront. Nous allons
financer cet investissement qui, malheureusement, ne fait rien pour redresser
le déséquilibre déjà installé dans la
structure industrielle du Québec et qui met tellement l'accent sur les
ressources naturelles, qui accentue même notre dépendance face
à l'étranger. Plus nous nous enlisons et plus nous continuons ce
genre de politique d'investissement dont l'initiative est laissée
à l'étranger, il est évident que le type d'investissements
que ces gens-là vont faire ici vont être conditionnés par
leurs besoins à eux et non pas par les nôtres. Il ne faudrait pas
se surprendre si un jour on se retrouve avec une économie
complètement déséquilibrée. Elle l'est
peut-être déjà quand on voit ce taux de chômage
chronique qui nous afflige depuis si longtemps.
Enfin, j'ai l'impression que je suis en train de m'égarer un peu
des propos du bill 90 qui est plus restrictif et qui porte sur l'industrie
pétrolière.
Je termine tout simplement en disant que plutôt que de jouer
à la Saint-Vincent-de-Paul avec l'entreprise privée, nous
souhaiterions que le gouvernement utilise les fonds publics, les deniers des
contribuables, pour poser des gestes directs qui créent directement de
l'industrie nouvelle au Québec et que cela crée des emplois
aussi, si cela peut faire plaisir au premier ministre. Mais surtout cela nous
assure une place dans une industrie où, à l'heure actuelle, nous
sommes complètement, mais totalement absents.
M. LE PRESIDENT: Reconnaissant qu'aucun autre opinant ne désire
s'exprimer, l'honorable ministre des Richesses naturelles, en s'exprimant le
dernier...
M. PAUL: M. le Président,...
M. LE PRESIDENT: ... clôturera le débat, je crois.
M. PAUL: ... je regrette. Vous lirez l'article 269 qui dit que le
président doit s'assurer que tous les députés qui ont
l'intention de parler sur un projet de loi aient l'avantage de parler avant que
le parrain d'un projet de loi mette fin au débat.
Par conséquent, j'ai l'intention de parler sur le principe du
projet de loi no 90.
M. LE PRESIDENT: Je regrette infiniment que l'honorable
député de Maskinongé se soit levé un peu en retard.
Mais je lui accorde la parole quand même.
M. Rémi Paul
M. PAUL: M. le Président, je vous remercie mais je n'aurais pas
aimé que vous essayiez de m'enlever la parole parce que je pense que je
l'aurais prise quand même.
De toute façon, M. le Président, j'ai écouté
avec beaucoup d'intérêt les différents discours qui ont
été prononcés ce soir. Et lorsque j'ai
écouté l'honorable député de Gouin, je me suis
demandé si, alors que nous étions au pouvoir, nous avions
adopté une législation pour permettre le versement de subventions
à l'industrie pétrolière au Québec, je me demande
si l'honorable député aurait vendu ses intérêts dans
la compagnie Joy Oil à des financiers suisses...
M. LEDUC: C'est pas possible!
M. PAUL: ... pour ensuite aller investir ses capitaux dans la province
d'Ontario...
M. LEDUC: C'est pas possible!
M. PAUL: ... considérant qu'il a tellement confiance dans un
Québec séparé de l'Etat canadien.
M. LEDUC: Il s'est séparé du Québec avant tout le
monde! C'est une honte de la part du député de Gouin. C'est
effrayant.
M. PAUL: M. le Président, j'ai remarqué que l'honorable
député de Gouin parlait d'expérience de ce problème
du pétrole au Québec.
M. LEDUC: Il est probablement bien huilé.
M. PAUL: J'ai remarqué, M. le Président, qu'il avait
été dans la même ligne de pensée que son
collègue, le député de Saguenay. Mais je m'en voudrais, M.
le Président, d'enfreindre le règlement d'une façon aussi
scandaleuse. Je préfère m'en rapporter non pas à
l'étude d'un projet de loi éventuel du pétrole au
Québec mais plutôt de considérer le principe que l'on
retrouve dans le projet de loi no 90, Loi sur le commerce des produits
pétroliers.
M. le Président, je crois que, ce soir, nous assistons au chant
du cygne de la part de l'actuel ministre des Richesses naturelles. Cela ne sera
pas un gros chant.
M. MASSE (Arthabaska): Une chance que vous avez un souffleur !
M. PAUL: Je regrette. M. le Président, le souffleur est venu me
dire de saluer le maire de la ville de La Tuque et ses compagnons. Je le fais
avec plaisir. Ecoutez, j'ai répondu au
ministre. Il m'a accusé d'avoir accepté le sage conseil
que m'avait donné le député de Saint-Maurice.
M. LEDUC: Vous avez accepté le souffle du député de
Saint-Maurice.
M. PAUL: Je lui prouve que je n'ai pas eu un souffleur dans la voie
qu'il m'a indiquée. Il m'a tout simplement demandé de saluer le
dynamique maire de La Tuque et le procureur de la ville de La Tuque, Me
Carrier.
Je suis bâtonnier, M. le Président. Moralement, je suis
obligé de saluer... D'ailleurs, ce sont vos électeurs, M. le
Président. Alors c'est par courtoisie pour vous que j'ai accepté
l'invitation que m'a faite mon collègue. Mais je continue, M. le
Président.
M. LEDUC: Oui. Il serait mieux que nous filions vers le principe du
bill.
M. PAUL: C'est cela.
M. le Président, dans ce projet de loi, je me demande ce qu'il y
a. Il y a un grand principe, une intention pieuse, de la part du ministre, de
légiférer aux fins de réglementer le commerce des produits
pétroliers au Québec, point final. C'est une "loisette"
j'aime ce mot ...
M. MASSE (Arthabaska): "Billette". M. PAUL: Pardon?
M. MASSE (Arthabaska): "Billette". Vous ne comprenez pas.
M. PAUL: "Billette". Si au moins c'était un "billette", M. le
Président. Il n'y a rien. Il n'y a rien. Je vois l'honorable
député de Terrebonne...
M. DEMERS: Un touriste.
M. PAUL: ... qui partage mon idée.
M. DEMERS: Un étranger en Chambre.
M. PAUL: S'il pouvait être libre de participer au débat
après mon intervention, je suis sûr qu'il en viendrait aux
mêmes conclusions que moi.
M. HARDY: M. le Président, j'invoque mon privilège de
député.
M. PAUL: Je m'asseois.
M. HARDY: Comme député de Terrebonne, membre de cette
Chambre, j'ai toujours joui de ma plus entière liberté. Les
règlements ne m'empêchent pas de prendre part à un
débat sur une motion de deuxième lecture. Chaque fois que je le
juge à propos et, surtout, que je considère que les
intérêts de mes électeurs sont en cause, je me fais un
devoir d'exprimer toute ma pensée, sans aucune entrave. Donc, M. le
Président...
M. DEMERS: Cela ne fait pas un gros "barda"!
M. HARDY: ... j'ai toujours été absolument libre de
participer aux débats et je ne vois pas pourquoi l'honorable
député de Maskinongé a dit tantôt que si
j'étais libre je dirais que je partage la pensée du
député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, je n'aurais jamais pensé qu'il
aurait monté si rapidement dans les rideaux. Voici pourquoi j'ai dit
ça. C'est parce que c'est lui qui est vice-président de la
Chambre et comme vous occupez le fauteuil depuis le début de la
séance, j'ai pensé que l'honorable député irait
prendre son fauteuil, ce qui ne le rendrait pas libre de participer au
débat, c'est tout.
C'est dans ce sens que j'ai parlé de liberté chez mon
collègue le député de Terrebonne.
M. DEMERS: On ne peut pas en asseoir deux dans le même
fauteuil.
M. PAUL: M. le Président, il est regrettable que le ministre nous
ait présenté une loi aussi squelettique. A part de trouver un
principe que nous approuvons, il y a nécessité urgence, ce
n'est pas certain de légiférer dans le commerce des
produits pétroliers.
Mais ce qui m'inquiète, c'est le silence de la loi. L'honorable
ministre, à une question que lui posait mon collègue le
député de Chicoutimi, s'est levé et il a voulu invoquer un
précédent législatif, soit la loi no 61, capitre 61 des
statuts de 1969, sur les matériaux de rembourrage et articles
rembourrés.
Je me demande si le ministre l'a lue. Il a parlé de l'article 38.
A l'article 38, on prévoit cette possibilité pour le
lieutenant-gouverneur de légiférer sur des sujets bien
déterminés et on revoit dans le projet de loi no 90 à peu
près le même texte que l'article 38 du chapitre no 61. Or, dans la
loi concernant les matériaux de rembourrage et articles
rembourrés, nous avons des définitions, nous avons un texte, nous
avons des dispositions, nous avons des infractions déterminées.
Mais dans la loi qui nous est soumise, nous n'avons seulement pas la
définition du produit pétrolier.
Par contre, le ministre nous propose de laisser au lieutenant-gouverneur
en conseil le soin de définir le produit pétrolier. Un peu plus
loin, dans un geste magnanime et un souci d'alimenter la caisse du ministre du
Revenu, il nous demande d'approuver à l'avance des
pénalités allant de $500 à $2,000, si ma mémoire
est bonne, pour des infractions pour un commerce bien spécifique qui
n'est pas défini dans la loi.
Je me demande si le ministre a lu la loi avant de la présenter,
ou du moins je me demande s'il
l'a comprise. En fin de semaine dernière, j'ai rencontré
plusieurs détaillants, plusieurs garagistes qui m'ont demandé:
Qu'est-ce que c'est, la loi des produits pétroliers? J'ai dit: Il faut
attendre. Attendre quoi? De connaître la loi. Ils ont dit: Cela a paru
à la télévision.
M. le Président, j'ai été obligé de
répondre que le ministre ne connaissait pas encore la nature des
produits qui seraient intégrés dans cette loi-là.
M. OSTIGUY: M. le Président, sur une question de
règlement, est-ce que je pourrais poser une question au
député de Maskinongé?
M. PAUL: Une question de règlement? Tâchez de vous mettre
les pieds à terre d'abord.
M. OSTIGUY: Une question de privilège tout simplement. Non, pas
de privilège.
M. PAUL: M. le Président, j'aimerais que vous décidiez si,
à ce moment-ci, vous allez recevoir la question de privilège, la
question de règlement ou si moi je vais me prévaloir des
avantages que me donne l'article 286 du règlement. J'attends votre
directive, M. le Président.
M. OSTIGUY: M. le Président, je demanderai...
M. LE PRESIDENT: Le député de Rouville, sur une question
de privilège.
M. OSTIGUY: Non, non, je m'excuse, j'ai demandé au
député de Maskinongé s'il me permettait une question.
M. PAUL: Ah bon, ça c'est très bien.
M. OSTIGUY: Afin de faciliter le débat, est-ce que vous pourriez
nommer les garagistes que vous avez rencontrés?
M. PAUL: Les garagistes que j'ai rencontrés? Mon cher monsieur,
je ne vis pas dans le cidre. Je suis tout à fait dégrisé
quand je me promène dans mon comté, M. le Président. Je
vais vous nommer Raymond Lessard, garagiste de Sainte-Ursule, je vais vous
nommer le garage Germain et Frères; je vais vous réciter toute la
liste. Vous savez que j'ai 31 garages, on a à Louiseville 30 vendeurs
d'essence sur le boulevard est, j'espère que vous ne m'arrêterez
pas.
Un excellent petit gars de chez nous, M. le Président, Foucher,
vous le connaissez bien.
M. VEILLEUX: J'espère que vous n'avez pas vendu ça
à des intérêts suisses.
M. PAUL: Tiens, voici que l'enfant terrible du parti n'occupe pas son
fauteuil; probablement que ce soir il avait besoin d'un tuteur...
M. VEILLEUX: J'ai l'impression que le député...
M. PAUL: ... comme tout arbre croche a besoin souvent d'un tuteur pour
reprendre sa pousse.
M. VEILLEUX: C'est pour ça que le député de
Maskinongé vient souvent en arrière pour me demander des
conseils.
M. PAUL: M. le Président, j'entends des voix mais je ne peux pas
reconnaître le député de Saint-Jean. Je dis donc, M. le
Président, non, non je ne succomberai pas à la tentation. Je dis
donc que les garagistes m'ont demandé quelle serait la portée,
l'application de cette loi. J'ai été obligé, et ça
m'a fait mal au coeur, de dire à des amis que le ministre n'a pas encore
déterminé ce qui serait contenu dans sa loi.
Ils m'ont demandé: Mais quel est ce ministre-là? J'ai dit:
Je ne peux pas vous le nommer pour le moment; d'ailleurs, il n'est que de
passage, on va le transférer avant longtemps.
M. DEMERS: Cela va faire mal au coeur.
M. PAUL: M. le Président, qu'est-ce que le ministre a l'intention
de réglementer et de régir dans le Québec? Est-ce que le
ministre a l'intention de régir le commerce d'huile à chauffage?
Est-ce qu'il a l'intention de régir l'entreposage, la distribution, le
mazout, l'huile de charbon, l'huile à briquet, l'huile à
pétrole, la parafine? Je me le demande. Il n'y a rien dans la loi, et
par contre le ministre nous dit: Il y a 13,000 détaillants au
Québec et quelque 700 distributeurs d'huile, puis on vous demande de
voter un principe de loi.
Faites attention, M. le ministre, vous allez être très mal
conseillé si vous l'écoutez. Je vous demande de ne pas
l'écouter, monsieur le ministre. Et c'est beaucoup plus rentable et
profitable pour vous de m'écouter...
M. VEILLEUX: Je veille sur vous.
M. PAUL: ... dans les suggestions que j'ai à vous faire.
Franchement on est quelque peu satisfait de réaliser que le ministre a
compris l'erreur monumentale qu'il avait faite et que les revendications, les
raisons qu'avait exposées le député de Missisquoi dans sa
réplique de deuxième lecture, au discours du ministre, ont
soulevé certains points qui n'ont pas été sans torturer le
ministre. Il a été aux prises avec des crises de conscience et,
ne pouvant compter sur les membres de son parti, il s'est rassuré
à la pensée que la vigilante Opposition verrait à lui
faire réaliser les faiblesses de son projet de loi.
Il faudra, dans les règlements que le ministre proposera au
lieutenant-gouverneur d'adopter, couvrir plusieurs facettes du commerce de
produits pétroliers. Il y a d'excellentes mesures qui peuvent être
adoptées. Je suis sûr que le ministre, en relisant le discours
qu'on lui a préparé pour la présentation en
deuxième lecture de ce projet de loi, réalisera qu'on lui a
suggéré de nous énoncer certains grands thèmes
qui nous ont frappés et qui, de prime abord, nous portaient
à endosser ce projet de loi à l'aveuglette.
Mais lorsque nous nous sommes arrêtés pour analyser le vide
béant que l'on retrouve dans cette loi, nous avons été
dans l'obligation de présenter la motion qui fut reçue
heureusement, et nous en félicitons le ministre. Il y a urgence et il y
a surtout nécessité. Il s'agit d'une quasi-loi-cadre pour
régler le commerce des produits pétroliers dans tout le
Québec; cela touche les distributeurs d'essence, les postes d'essence,
l'huile à chauffage. Il faudra donc que nous prenions les moyens
nécessaires pour exiger le respect des droits de ces détenteurs
de postes d'essence. Ce qui m'inquiète, ce sont les pouvoirs que Papa
Doc a, encore une fois, donnés au ministre des Richesses naturelles: Le
ministre des Richesses naturelles aura, en effet, le droit, et lui seul, de
déterminer si un détenteur de poste d'essence ou un
commerçant d'huile aura le droit de continuer à exploiter son
commerce. H aura le droit de refuser le renouvellement de son permis.
On me dira que ce sera nécessairement pour cause et raison. Au
renouvellement d'un permis, le ministre aura discrétion absolue de
l'accepter ou de le refuser. Pourquoi ne pas permettre que la décision
du ministre puisse être portée en appel devant un juge de la cour
Provinciale? Nous retrouvons ce droit d'appel dans la loi 61, concernant les
matériaux de rembourrage et les articles rembourrés; l'article 26
traite des appels. Le ministre peut se tromper de bonne foi; il peut se tromper
aussi par faiblesse. A ce moment-là, le contribuable, victime de la
décision du ministre, se verra privé, souvent après avoir
investi un capital c'est, dans bien des cas, la seule source de revenu
familial de l'exercice de ce commerce et il pourra être
exposé, sans explications, à voir son permis suspendu ou
annulé. Il faudra, à ce moment-là, commencer les
pèlerinages auprès de je ne sais qui pour essayer de faire
revivre ou d'obtenir un permis que le ministre aura suspendu.
Le ministre devra supporter l'odieux des recommandations que pourront
lui faire les inspecteurs dont la loi prévoit la nomination et qui
normalement devraient être en mesure, et eux seuls, d'informer le
ministre sur la qualité des produits que l'on vend dans tel ou tel
établissement, sur la façon d'exploiter un commerce dans un
établissement donné. Pourquoi le ministre ne prendrait-il pas en
considération la planche de salut et de protection que je lui offre ce
soir pour que la décision qu'il rendra puisse être
confirmée en cas de refus de renouvellement de permis, puisse être
ratifiée, annulée ou confirmée par un juge de la cour
Provinciale?
Je crois que c'est une excellente mesure que je suggère au
ministre, et, M. le Président, nous allons, du même coup, faire
disparaître beaucoup de craintes de la part de ceux qui auront à
demander des permis et à payer des droits dont on ignore actuellement le
tarif, le coût. Je connais la vigilance du ministre du Revenu qui ne se
contentera pas d'un coût normal de permis mais qui ira, suivant les
appétits bien légitimes qui doivent être siens dans
l'accomplissement de son mandat de ministre du Revenu, chercher une source
additionnelle de revenus, et à quel taux, à quelles conditions?
Nous ne le savons pas, la loi est muette. Je dis donc qu'il y a
énormément de travail à faire pour bonifier cette loi. Il
faut absolument que le ministre soit à l'abri du patronage qui est la
marque de commerce du gouvernement gélatineux qui nous conduit
actuellement dans le Québec.
M. VEILLEUX: Vous autres, vous connaissez ça?
M. PAUL: Tiens, j'ai même vu l'honorable député de
D'Arcy-McGee me regarder d'un oeil approbateur.
M. DEMERS: Il est contre la pollution.
M. PAUL: Je sais que le ministre est contre la pollution et, par voie de
conséquence, il doit être, et je sais qu'il est contre le
patronage.
M. DEMERS: C'est ça.
M. PAUL: C'est un des rares, et je l'en félicite. J'invite donc
le ministre à considérer toutes les remarques qui lui ont
été faites ce soir. Je sais que les honorables
députés de Saguenay et de Gouin ont soulevé des
problèmes très importants. Et dans la loi-cadre que le ministre
nous présentera pas lui, son successeur il faudra que l'on
ait une véritable politique québécoise, il faudra que l'on
fasse jouer un véritable rôle à Soquip. En attendant le
remaniement ministériel, il faudra que le ministre, dès demain ou
après-demain, entre en contact avec ses fonctionnaires ou avec ses
légistes pour leur demander de préparer des règlements,
puisqu'il n'y a aucune urgence à voter cette loi. La preuve, c'est qu'il
est prévu dans la loi qu'elle n'entrera pas en vigueur le jour de sa
sanction mais le jour de sa proclamation. Par conséquent, c'est une
prudence nécessaire.
Mais il faudra que le ministre soumette à la commission
parlementaire des Richesses naturelles les règlements qu'il a
l'intention d'appliquer dans le cadre de cette loi. Il faudra l'habiller. C'est
un enfant tout nu que nous allons donner au ministre. Il faudra que le ministre
lui donne des vitamines. Il faudra qu'il le nourrisse. Il faudra qu'il prenne
les moyens nécessaires pour que cette loi atteigne le but visé,
l'excellent but visé par les hauts fonctionnaires du service de
l'énergie de son ministère. Je crois que c'est le service des
hydrocarbures. Je n'en fais pas un reproche. Ce n'est pas le ministre qui a
pensé à la présentation de cette
loi. Le ministre a autre chose à faire que cela. Il faudra donc
que le ministre attire l'attention des hauts fonctionnaires de son
ministère pour que tous les aspects du commerce des produits
pétroliers soient couverts.
Il y a un problème qui a été soulevé par mon
collègue, le député de Chicoutimi, c'est celui des billets
ou bons-primes. Il faudra qu'il y ait une clause dans les règlements
pour empêcher ce que, personnellement, je considère comme une
concurrence déloyale.
Il faudra que le ministre nous convoque le plus tôt possible. La
loi est tellement urgente que nous siégeons à des heures
anormales pour adopter une loi dont les règlements ne sont pas
prêts. Je me rappelle avoir posé moi-même la question au
ministre des Richesses naturelles lorsqu'il a présenté son
discours de première lecture. Je crois que c'est le 1er décembre.
Peut-être que je me trompe d'une journée ou deux, mais je ne
m'absente pas souvent de la Chambre. Il me semble que c'est le 1er
décembre. Le ministre nous a déclaré: Non, les
règlements ne sont pas encore prêts. Cette loi est
demandée. Il y a l'Association des services de l'automobile, il y a
l'Association des marchands d'huile du Québec qui demandent l'adoption
d'une loi pour régir le commerce des produits pétroliers au
Québec. C'est une nécessité. Mais autant le ministre est
imbu de bonnes intentions, autant il pèche par les lacunes de sa
loi.
J'invite donc le ministre à la méditation. J'invite donc
le ministre à une action positive immédiate. Le ministre nous
convoquera lorsque nous reprendrons nos travaux après Noël,
n'importe quand. Nous allons avoir tout le temps voulu pour étudier ces
règlements et la proclamation pourra être faite pour le
début de l'année financière ou je ne sais pas trop quelle
date, peut-être pour la Saint-Valentin, le 14 février. Mais,
entre-temps, il faudra qu'en quittant son ministère le ministre donne
des directives et rappelle à son successeur les discussions que nous
avons eues. Cela se comprend, cela peut rester dans la parenté. Cela
peut être le beau-frère qui prendra la place.
Nous demandons donc au ministre de l'action. Le ministre nous a, ce
soir, réellement émerveillés par la
générosité de ses sentiments. Nous avons commencé
à croire qu'il était sincère, lorsqu'il a accepté
l'excellente recommandation que lui a faite l'honorable député de
Chicoutimi. Pour lui prouver que nous sommes derrière lui pour une
excellente loi du commerce des produits pétroliers, nous allons voter
pour le principe de cette loi, tout en regrettant je n'emploie pas le
terme dans le but de faire une motion les lacunes et le silence que le
projet de loi no 90 nous présente.
M. le Président, bonne chance au ministre, bon courage et,
lorsque nous étudierons la loi 90 et son prolongement que sont ses
règlements, nous aurons une bonne pensée pour lui.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que d'autres membres de cette Chambre
désirent s'exprimer sur ce projet de loi? Alors, en accordant son droit
de réplique à l'honorable ministre des Richesses naturelles, ceci
met fin au présent débat.
M. SAMSON: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Richesses naturelles.
M. SAMSON: ... est-ce que je pourrais parler quelques minutes avant? Le
projet de loi qui nous est présenté nous plaît,
étant donné...
M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'honorable député a
l'intention de parler sur le projet de loi?
M. SAMSON: Oui, avec votre permission évidemment, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: J'avais accordé, à ce moment-là,
le droit de réplique.
M. BIENVENUE: Est-ce que cela va être long?
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement unanime de la
Chambre?
M. PAUL: Bien oui, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: Merci, M. le Président; vous êtes bien
aimable.
M. PAUL: Nous aussi!
M. SAMSON: L'Opposition officielle également. A l'heure où
nous sommes rendus, M. le Président, je pense que nous devons nous
permettre d'être aimables, étant donné que nous aurons
à recommencer demain, j'espère dans la plus grande
collaboration.
Je disais donc, M. le Président, que ce projet de loi nous
plaît grandement puisque, dans le domaine du commerce des produits
pétroliers nous aurions dû avoir une loi qui contrôle ce
commerce afin de protéger le consommateur.
Ceci aurait dû se faire depuis longtemps. Evidemment, je n'ai pas
besoin, M. le Président, d'expliquer les avantages que nous attendons
d'une telle loi, mais je crois que si le ministre consent, en comité
plénier, à accorder quelques amendements, cette loi sera
sûrement une loi qui permettra au consommateur québécois
d'être protégé, ce consommateur qui a sûrement des
droits et qui, également, fait toujours, comme nous le savons, les frais
puisque c'est toujours le consommateur qui paie.
Comme le disait l'honorable député de Beauce, nous avons,
d'une région à une autre, un
décalage ou une différence dans les prix qui n'est
sûrement pas due à des taux de transport ou autres mais qui est
sûrement due à certaines habitudes qu'ont quelques
détaillants ou grossistes d'offrir au consommateur un produit à
moindre prix mais qui est, sans que la publicité le dise, souventefois
de moindre qualité aussi. Mais comme il est très difficile pour
un consommateur de pouvoir reconnaître la différence entre un
produit de première qualité et un produit de seconde classe, dans
ces domaines pétroliers, évidemment la seule possibilité
que nous avons, c'est que le gouvernement, par l'entremise de ce projet de loi
et des inspections qui seraient faites régulièrement, nous
garantisse la qualité du produit offert sur le marché.
Evidemment, ce système d'inspection, qui sera sûrement
inauguré en vertu du présent projet de loi, sera de la part du
gouvernement une façon de prévenir des choses que nous avons
connues dans le passé, tant dans le domaine de l'essence, du carburant
d'automobile ou encore dans le domaine de l'huile à chauffage là
où beaucoup de consommateurs ont eu, dans le passé, à se
plaindre.
M. le Président, je n'irai pas plus loin puisque je crois qu'il
n'est pas utile de parler tellement longtemps lorsque nous avons entendu,
durant cette soirée, de nombreux orateurs qui ont commenté ce
bill tant en bien qu'en mal.
Quant à nous, nous croyons, nous basant sur les
représentations qui nous ont été faites par les organismes
concernés et également par une partie de nos électeurs ou
consommateurs, si vous voulez, nous voterons pour le principe du bill 90 en
deuxième lecture, nous réservant le droit de demander au ministre
de faire quelques modifications en comité plénier à la
suite de certaines suggestions que nous aurons à lui faire.
M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, j'aurais quelques
remarques à faire à la suite de certaines questions que les
députés...
M. LE PRESIDENT: Si je comprends bien, c'est la réplique du
ministre.
M. PAUL: Oui.
M. LE PRESIDENT: Cela mettra fin au débat.
M. MASSE (Arthabaska): Maintenant, je demande, étant donné
qu'il est minuit, l'ajournement du débat.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. BIENVENUE: M. le Président, demain, nous compléterons
l'étude du projet de loi no 90, comité plénier,
troisième lecture.
M. SAMSON: Est-ce que je pourrais demander à l'honorable leader
adjoint de répéter? Je n'ai pas compris.
M. BIENVENUE: Nous compléterons demain, en comité
plénier et en troisième lecture, le présent bill 90. Nous
étudierons ensuite les projets de loi nos 48 et 84. Nous n'essaierons
pas, mais nous nous pencherons sur le budget supplémentaire. Ensuite, si
le temps le permet, les projets de loi nos 23, 81 et 64.
M. SAMSON : Le leader adjoint ne manque pas d'optimisme.
M. BIENVENUE: Le temps le permettant. M. le Président, s'il n'y a
pas d'autres remarques, je demande l'ajournement de la Chambre à dix
heures trente demain matin.
M. BURNS: M. le Président, il faut comprendre, je pense, que ce
que le leader adjoint vient de nous dire sera l'ordre des travaux de demain et
en principe, à moins d'avis contraire, cela ne devrait pas changer dans
le cours de la journée.
M. BIENVENUE: Non. Evidemment tout peut survenir, mais normalement
l'ordre que j'ai donné est celui que nous allons suivre.
M. BURNS: Merci.
M. LE PRESIDENT: La Chambre ajourne ses travaux à demain, dix
heures trente.
(Fin de la séance à 0 h 1 )