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(Quinze heures huit minutes)
M. LAVOIE (président); Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Affaires courantes.
Présentation de pétitions.
Lecture et réception de pétitions.
Présentation de rapports de commissions élues.
Présentation de motions non annoncées.
Présentation de bills privés.
Présentation de bills publics.
M. LEVESQUE: Article f).
Projet de loi no 257 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable leader parlementaire du gouvernement, pour
le Solliciteur général, propose la première lecture du
projet de loi modifiant la Loi des médecins
vétérinaires.
M. LEVESQUE: M. le Président...
UNE VOIX: Il n'est pas ici?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. LEVESQUE: Il est ici... il s'agit d'un autre projet de loi qui fait
partie de cette série de lois sur les professions. On retrouvera, dans
les notes explicatives, à moins qu'on ne veuille que j'en fasse la
lecture, tous les détails se rapportant au projet.
M. PAUL: On va connaître les secrets de vos médecins.
M. LEVESQUE: Ce projet a pour principal objet de modifier la Loi des
médecins vétérinaires de façon qu'elle concorde
avec les dispositions du code des professions. Les vétérinaires
du Québec constitueront une corporation désignée à
l'avenir sous le nom de Corporation professionnelle des médecins
vétérinaires du Québec.
On verra, dans les notes explicatives, toutes les dispositions qui se
rapporteront à cette profession.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Il y aura déférence, tout à
l'heure.
M. LEVESQUE: Oui, à la fin. Article h).
Projet de loi no 259 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable Solliciteur général propose
la première lecture du projet de loi modifiant la Loi des
architectes.
DES VOIX: Ah!
M. FOURNIER: Ce projet de loi...
M. DEMERS: Cela a plus de charpente.
M. LE PRESIDENT: Dispensé?
M. FOURNIER: C'est la même chose, c'est pour
déférer.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT : Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LEVESQUE: Article k), M. le Président.
Projet de loi no 262 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable Solliciteur général propose
la première lecture de la Loi modifiant la loi des ingénieurs
forestiers.
UNE VOIX: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté?
M, LE SECRETAIRE-ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LEVESQUE: On s'est plaint de l'absence du Solliciteur
général, il y a deux instants, et lorsqu'il vient pour parler on
ne le laisse pas faire. Qu'est-ce que c'est, ça?
M. DEMERS: Ce n'est pas de l'entendre parler, c'est de le voir.
M. PAUL: Nous voulons l'entendre sur le projet de loi no 86.
UNE VOIX: Nous ne voulons pas qu'il soit mal commenté par les
journalistes.
M. LEVESQUE: Article 1).
Projet de loi no 263 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable Solliciteur général propose
la première lecture de la Loi modifiant la loi des chimistes
professionnels.
M. PAUL: Explications.
M. FOURNIER: Il s'agit de rendre conforme au code des professions,
déposé sous le no 250, la Loi des chimistes professionnels.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE-ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LEVESQUE: Article p).
Projet de loi no 269 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la
première lecture de la Loi sur la chiropraxie.
M. CASTONGUAY: Ce projet a pour principal objet de constituer la
Corporation professionnelle des chiropraticiens du Québec et
d'établir des règles concernant l'exercice de la chiropraxie au
Québec en tenant compte des dispositions du projet de code des
professions.
Je vais passer certaines notes explicatives, mais je pense qu'il serait
intéressant de lire celles qui touchent l'exercice de la chiropraxie. A
la section IV, on décrit l'exercice de la chiropraxie comme tout acte
qui a pour objet de pratiquer des corrections de la colonne vertébrale,
des os du bassin ou des autres articulations du corps humain à l'aide
des mains seulement. On prévoit en outre...
M. PAUL: On peut toucher.
M. CASTONGUAY: ...que le chiroprati-cien...
UNE VOIX: ...les pieds...
M. CASTONGUAY: Là, ce sont les podia-tres, le bill suivant.
M. DEMERS: Les deux pieds dans la même bottine.
M. CASTONGUAY: On prévoit en outre que le chiropraticien pourra
déterminer l'indication du traitement chiropratique au moyen d'un examen
clinique ou radiologique, mais qu'il devra détenir un permis de
radiologie délivré conformément au code des professions
pour faire un examen radiologique. On réserve, par ailleurs, au
chiropraticien le droit de poser ces actes. Les autres notes sont de la
même nature que celles que nous retrouvons dans les projets de loi que
j'ai déposés hier.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
DES VOIX: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. LE SECRETAIRE-ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LEVESQUE: Article r), M. le Président.
Projet de loi no 271 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la
première lecture du projet de loi intitulé Loi sur la
podiatrie.
M. CASTONGUAY: M. le Président, il s'agit du même type de
projet. Je pourrais peut-être lire une partie de la section IV, où
on décrit l'exercice de la podiatrie comme tout acte qui a pour objet de
traiter les affections locales des pieds qui ne sont pas des maladies du
système. On prévoit, dans le projet, que le podiatre pourra
déterminer l'indication du traitement podiatrique au moyen d'un examen
clinique ou radiologique, mais qu'il devra détenir un permis de
radiologie délivré conformément au code des professions,
pour faire un examen radiologique.
Quant au reste, c'est le même type de notes.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
DES VOIX: Adopté.
M. LE SECRETAIRE-ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LEVESQUE: Article t).
Projet de loi no 278 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education propose la
première lecture de la Loi du Haut-Commissariat à la jeunesse,
aux loisirs et aux sports.
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, ce projet a pour objet
principal de constituer au ministère de l'Education, sous la direction
d'un sous-ministre adjoint, un organisme désigné sous le nom de
Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports. Il en
précise les fonctions à l'égard des domaines de la
jeunesse, des sports, des activités de plein air et des loisirs en
général.
Ce projet permet au lieutenant-gouverneur en conseil de nommer un
conseil consultatif constitué pour donner des avis sur toute question
relative à l'élaboration et à l'exécution d'une
politique de loisirs. Ce projet attribue au haut-commissariat une
compétence particulière
à l'égard des camps de vacances, des auberges de jeunesse,
des plages et piscines publiques et des établissements commerciaux de
conditionnement ou d'entraînement physique.
Pour les fins de ce projet, le ministre peut confier à une
institution d'enseignement et à un organisme ou une association qui
oeuvre dans les domaines qui relèvent de la compétence du
haut-commissariat le mandat d'assurer la formation d'administrateurs, de
moniteurs, d'animateurs ou d'arbitres nécessaires au
développement des domaines de la jeunesse, des sports, des
activités de plein air ou des loisirs en général.
Le haut-commissariat approuve les programmes de formation,
détermine les catégories de certificat qui sont donnés aux
personnes qui ont subi avec succès un stage de formation et
décerne les certificats.
M. PAUL: M. le Président, une question à l'honorable
ministre. Est-ce que j'ai bien compris que c'est la loi abolissant la loi des
pouvoirs actuels du Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux
sports?
DES VOIX: Modifiant.
UNE VOIX: Vous n'aimez pas mieux nommer un ministre?
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. PAUL: Bien, il ne m'a pas répondu.
M. LOUBIER: C'est une farce monumentale!
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. LE SECRETAIRE-ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a déférence de ce
bill?
M. LEVESQUE: M. le Président, je ferai une motion après
pour couvrir toutes les lois.
M. LE PRESIDENT: Il n'y a pas de déférence.
M. LEVESQUE: Non.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M. LEVESQUE: Exactement. Article u).
Projet de loi no 93 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chauveau propose la
première lecture du projet de loi concernant le Bureau d'assainissement
des eaux du Québec métropolitain.
M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, ce projet de loi a pour
objet de maintenir en existence le Bureau d'assainissement des eaux du
Québec métropolitain jusqu'au 1er janvier 1975 ou toute autre
date antérieure fixée par le gouvernement à la demande de
la Communauté urbaine de Québec.
Par suite de certaines dispositions législatives actuellement en
vigueur, le Bureau d'assainissement des eaux du Québec
métropolitain cesserait d'exister le 31 décembre 1971,
c'est-à-dire à la fin de l'année courante.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. CARDINAL: M. le Président, pour bien se comprendre, est-ce que
c'est un bill privé ou un bill public? C'est un député qui
l'a présenté.
M. LEVESQUE: Vous le savez.
M. CARDINAL: Alors, pourquoi n'est-ce pas un ministre qui l'a
présenté?
M. LEVESQUE: C'est un bill public.
M. PAUL: Le rapport nous est fourni par le ministre.
M. LEVESQUE: Un bill de député.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
Déférence à la commission
parlementaire des professions
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que les projets de loi
qui viennent de franchir l'étape de la première lecture,
apparaissant aux articles f, h, k, 1, p et r, soient
déférés à la commission parlementaire des
professions.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
Déclarations ministérielles. Dépôt de
documents. Questions des députés.
Questions et réponses Jeux d'hiver du
Québec
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Maurice.
M. DEMERS: Ma question, M. le Président, s'adresse au ministre de
l'Education. Je voudrais savoir si le ministre de l'Education a
décidé de l'endroit où se tiendront les jeux d'hiver, et
dans l'affirmative, le montant de $50,000 qui sera versé par le
fédéral a-t-il été accepté par la province
pour faire des jeux d'hiver à Shawinigan?
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, ce n'est pas le ministre de
l'Education qui décide de l'endroit où seront tenus les jeux
d'hiver. C'est une corporation autonome. Cela a été
répété, ici, en Chambre, à plusieurs reprises.
Alors, c'est elle qui doit assumer la responsabilité de choisir. Elle a
choisi la ville de Shawinigan.
En ce qui touche la contribution possible du gouvernement
fédéral, je pense qu'il y a eu, au cours des derniers jours,
effectivement, des tentatives pour résoudre les problèmes qui
avaient été soulevés quant à l'aide
financière possible. Nous avons exploité les programmes d'ARDA et
les programmes de zones spéciales. Je pense qu'au cours des derniers
jours, on a tenté, par le biais des nouveaux programmes du gouvernement
fédéral, de trouver une somme de $50,000 qui pourrait permettre,
semble-t-il, à la ville de Shawinigan de faire face aux
responsabilités qu'elles a contractées il y a déjà
quelques mois.
Mais je laisse au gouvernement fédéral d'annoncer si, oui
ou non, il acceptera.
M. DEMERS: Une question additionnelle, M. le Président. Le
ministre pourrait-il me dire par quel ministère du gouvernement
fédéral ces sommes seront versées?
M. SAINT-PIERRE: Je pense que cela revient au gouvernement
fédéral. Il faut lui poser la question.
M. DEMERS: M. le Président, nous ne pouvons pas les questionner,
nous autres. Nous ne sommes pas parents avec eux.
M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, mais je ne comprends pas. Que
dites-vous?
M. DEMERS: Nous avons un peu de difficulté à questionner
le gouvernement fédéral. Nous ne sommes pas parents.
M. SAINT-PIERRE: En vertu des règlements de cette Chambre, je ne
peux répondre à des questions qui ne relèvent pas de la
juridiction provinciale.
M. LOUBIER: Une question additionnelle, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.
M. LOUBIER: M. le Président, pourrais-je demander au ministre de
l'Education s'il accepte ce principe d'intrusion sans aucune consultation avec
le gouvernement du Québec? On donne des subventions dans les domaines
des loisirs et des sports, sans aucune consultation préalable,
directement à des organismes ou à des institutions. Le ministre
de l'Education accepte-t-il ce principe? Deuxièmement, peut-il nier la
nouvelle lancée par M. Chrétien et le ministre Marchand à
l'effet que cette somme a bel et bien été accordée?
M. SAINT-PIERRE: A la première question, M. le Président,
je pense bien qu'il n'est pas question d'une somme de $50,000 pour une
intrusion dans le domaine des sports. La ville de Shawinigan a certaines
difficultés sur le plan des immobilisations. C'est le même type de
programmes qu'elle n'a pu avoir autrement; si elle peut obtenir des sommes
équivalentes pour des programmes qui correspondent aux données du
gouvernement fédéral, je ne vois pas pour quelle raison nous
pourrions nous y opposer.
Deuxièmement, à savoir si on peut confirmer cela ou non,
je ne saurais le dire. Je sais qu'au cours des deux ou trois derniers jours il
y a eu des démarches de faites par de hauts fonctionnaires qui ont
tenté, en collaboration avec les gens de Shawinigan, de voir les
possibilités d'obtenir une aide financière quelconque qui
permettrait la réalisation des Jeux du Québec à
Shawinigan. Est-ce qu'effectivement la somme a été
octroyée? Ce n'est pas sous la responsabilité directe du
gouvernement provincial, si ceci est dans le cadre d'un programme qui ne
relève pas d'un programme conjoint. Si cela relève d'un programme
conjoint, en temps et lieu, dès que la décision sera prise, je
pense que le ministre des Affaires municipales ou le responsable des programmes
d'initiatives locales pourra annoncer la nouvelle.
M. LOUBIER: Le ministre admet qu'il n'y a eu aucune consultation.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Portneuf.
M. DROLET: Question supplémentaire. Concernant toujours ces
mêmes Jeux d'hiver, le maire de Shawinigan a laissé entendre qu'il
avait demandé au premier ministre lui-même d'intervenir.
M. LE PRESIDENT: Question.
M. DROLET: Est-ce que le premier ministre a reçu effectivement
une lettre du maire de Shawinigan, et est-ce qu'il lui a répondu?
M. BOURASSA: J'ai reçu une lettre, j'en ai discuté avec le
ministre de l'Education et une réponse est partie aujourd'hui.
M. CARDINAL: Question additionnelle, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.
M. CARDINAL: Devant la réponse du ministre de l'Education, qui
réfère au ministre des Affaires municipales, je comprends qu'il
ne s'agit pas d'une intrusion dans le domaine de l'éducation. Par
contre, est-ce qu'un des ministres ou le premier ministre peut répondre
à la question suivante: Est-ce qu'il s'agit d'une intrusion dans le
domaine municipal, qui dépend aussi du provincial?
M. CHARRON: Question additionnelle, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: Sur le même sujet, mais au ministre des Affaires
municipales. Le ministre était-il au courant que la ville de Shawinigan
avait fait une telle demande auprès du ministère de l'Expansion
régionale à Ottawa?
M. TESSIER: Aucunement.
M. CHARRON: Aucunement. Vous surveillez bien vos affaires!
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce. A l'ordre,
s'il vous plaît!
M. TESSIER: Je ne suis pas le chien de garde des municipalités du
Québec.
M. CHARRON: Vous êtes mandaté par l'Assemblée
nationale pour vous occuper des affaires municipales et il n'y a aucune raison
pour vous d'y échapper.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Beauce.
Exemption de la taxe de vente
M. ROY (Beauce): J'aurais une question à poser à
l'honorable ministre des Finances. Est-ce qu'il pourrait nous dire s'il a
reçu une demande de l'Association des consommateurs du Canada, section
Québec, pour que le gouvernement étudie la possibilité
d'accorder une exemption de la taxe de vente sur tous vêtements et
chaussures destinés aux enfants de moins de 18 ans? Si oui, quelles sont
les intentions du ministère des Finances? Va-t-il accéder
à cette demande et, si oui, quand?
M. GARNEAU: Je n'ai pas reçu de telle lettre, à moins
qu'elle ne soit entrée aujourd'hui et qu'elle ne m'ait pas encore
été remise. Je n'ai pas vu de telle correspondance à ce
jour.
M. ROY (Beauce): Pour l'information du ministre, j'ai ici une copie de
la lettre qui a été adressée à l'honorable ministre
des Finances, en date du 27 octobre 1971.
M. LE PRESIDENT: Question.
M. GARNEAU: Pourquoi me posez-vous la question?
M. ROY (Beauce): Pour savoir justement les intentions du gouvernement et
si vous avez l'intention d'y donner suite. Je vais faire parvenir une copie de
cette question à l'honorable ministre des Finances qui pourra me
répondre à une séance ultérieure.
M. GARNEAU: Quand j'aurai pris connaissance de la lettre et de certains
détails, je pourrai voir de quoi il s'agit. Pour le moment, je n'ai pas
pris connaissance de cette lettre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! L'honorable député
de Bourget.
Vente de la Prévoyance
M. LAURIN: Ma question s'adresse au premier ministre. A-t-il obtenu
l'assurance que La Prévoyance ne serait pas vendue à des
intérêts américains, avant que le gouvernement ne soit
prêt à intervenir et à prendre une décision dans le
meilleur intérêt du Québec?
Deuxième question, est-ce que le premier ministre a
étudié la possibilité soit d'une mutua-lisation, soit
d'une réglementation en vertu de la loi, amendée, des valeurs
mobilières afin de garder au Québec cette compagnie?
M. BOURASSA: M. le Président, à la première
question, on doit dire que l'offre n'a pas encore été
reçue, selon toutes les informations qui nous sont fournies. Aucune
offre n'a été reçue à ce jour, même s'il peut
y avoir eu des discussions ou des négociations. Mais la compagnie La
Prévoyance n'a pas encore reçu d'offre formelle de la
compagnie.
Quant à la deuxième question, tout ce que je peux dire est
que le cabinet, hier, a examiné différentes hypothèses y
compris les précédents qui ont pu survenir dans le passé,
dans des cas particuliers, et nous sommes à examiner actuellement les
implications pratiques de toutes ces hypothèses.
M. LAURIN: Une question additionnelle, M. le Président. Si
l'offre n'a pas encore été reçue, est-ce que le premier
ministre entend obtenir l'assurance que cette compagnie ne sera pas vendue
avant que le gouvernement soit prêt à intervenir?
M. BOURASSA: M. le Président, j'ai dit hier qu'il n'était
pas dans l'intérêt public les actions se transigent
aujourd'hui que toutes les déclarations que je peux faire sur
cette question peuvent affecter le cours normal des
transactions. Je pense que j'ai répondu tantôt que le
gouvernement a examiné toutes les hypothèses et les implications
pratiques et que le gouvernement possède tout un éventail de
moyens d'intervention.
M. PAUL: Une question additionnelle, M. le Président. Quand le
gouvernement va-t-il choisir le meilleur moyen pour résoudre le
problème?
M. BOURASSA: Au meilleur temps possible.
M. LOUBIER: M. le Président, une question additionnelle au
premier ministre. Est-ce que le premier ministre pourrait nous faire
connaître, dans un avenir rapproché, quelle est la politique
économique du gouvernement, quelle est sa planification pour les
années à venir, pour qu'on puisse éviter que chaque cas
particulier devienne l'occasion d'éteindre des feux quand le feu est
pris et justement à cause de l'absence de politique économique du
gouvernement. Alors quand le premier ministre dira-t-il...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LOUBIER: ...aux Québécois quelle est sa
véritable politique économique à court terme et à
long terme?
M. BOURASSA: M. le Président, on sait que le chef de l'Opposition
s'est fixé comme objectif de créer 60,000 nouveaux emplois par
année, ça c'est l'objectif d'Unité-Québec.
M. LOUBIER: Je m'excuse, M. le Président, j'ai tout simplement
dit que pour créer 62,000 nouveaux emplois par année, ça
exigeait un investissement annuel de $5,700 millions, peu importe le
gouvernement en place et peu importe le premier ministre. C'est dans ce
sens-là que je l'ai dit, mais l'objectif que je voudrais atteindre,
c'est d'éviter qu'il y ait 250,000 chômeurs au Québec.
M. BOURASSA: M. le Président, j'ai toutes les citations, mais
évidemment, c'est une période de questions, ce n'est pas un
débat. Je pourrais citer abondamment le chef de l'Opposition qui disait
qu'au cours des cinq prochaines années, on doit créer, par
année, 62,000 nouveaux emplois.
Or, on est sur le point pour 1971 c'est tout proche de
créer ou d'atteindre cet objectif. J'ai eu l'occasion d'énoncer
la politique du gouvernement je ne pense pas que ce soit le moment ici
que ce soit à moyen terme ou à long terme, notamment pour
ce qui a trait au renforcement de la structure industrielle dans le secteur
manufacturier et des nécessités de tenir compte du court terme.
Quand on a un taux de chômage comme celui que nous avons actuellement, il
est clair que les politiques gouvernementales doivent viser à l'abaisser
à un niveau tolérable.
Je crois que j'ai eu l'occasion de le faire à de multiples
reprises et je ne vois pas en quoi cela ferait avancer le débat
d'énumérer tous les actes législatifs et administratifs
qu'a posés le gouvernement sur le plan économique.
M. LOUBIER: Dans des secteurs extrêmement importants de notre
économie, par exemple, dans les secteurs des pâtes et papier, du
textile, etc., quelle est la politique, les structures que veut mettre en
place...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! Je ne peux
pas permettre cette question parce qu'il ne s'agit pas, en somme, d'une
question additionnelle à la question principale portant sur le cas de la
Prévoyance.
M. LOUBIER: Au sens large.
M. LE PRESIDENT: Cela donne une latitude, comme le dit d'ailleurs le
chef de l'Opposition, un peu plus large même que la Chambre.
L'honorable député de Gaspé-Nord.
Disparition du comté de
Gaspé-Nord?
M. GAGNON: Une question au premier ministre, M. le Président.
Suite aux informations des media d'information de la fin de semaine, le premier
ministre pourrait-il nous dire s'il est exact que le comté de
Gaspé-Nord serait appelé à disparaître très
prochainement du district électoral...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!
Je me demande si je dois justement admettre cette question alors qu'une
commission d'étude, qui a un mandat de la Chambre en vertu d'une loi,
étudie actuellement cette nouvelle distribution de la carte
électorale.
M. GAGNON: Je vais formuler de nouveau ma question, M. le
Président. Je voulais d'ailleurs en venir là. Avant qu'il y ait
redistribution de la carte électorale, est-ce que le premier ministre
pourrait nous dire si c'est une nouvelle fondée que le comté de
Gaspé-Nord serait appelé à disparaître, de
même que d'autres comtés de la Gaspésie?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BOURASSA: M. le Président, je ne suis pas censé le
faire, mais je vais répondre à cette question suicide. Le
député devrait savoir qu'il y a une commission, la commission de
la réforme électorale, qui siège actuellement. Je ne puis
rien lui dire, parce que je ne crois pas que ce soit dans l'ordre des choses
que les hommes politiques soient informés des moindres détails
des travaux de cette commission. Cette commission travaille d'une façon
complètement objective, sans interférence des hommes politiques
impliqués.
Lorsqu'elle aura terminé son travail, elle le soumettra à
l'Assemblée nationale.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Portneuf.
Remboursement d'impôt
M. DROLET: M. le Président, j'aurais une question à poser
à l'honorable ministre du Revenu. Le ministre peut-il nous assurer que
les citoyens du Québec recevront leur remboursement d'impôt avant
la période des Fêtes? Il semblerait que la plupart ont reçu
celui du fédéral mais attendent celui du Québec.
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, pour
répondre au député de Portneuf, tous les citoyens du
Québec qui avaient dûment et convenablement rempli leur rapport
d'impôt et qui avaient droit à un remboursement l'ont reçu
depuis déjà plusieurs mois.
DES VOIX: Ah!
M. HARVEY (Jonquière): Un instant! Sur 2,243,818 rapports soumis
au ministère, il y en a encore 14,397 qu'on appelle communément
des "snags", c'est-à-dire des rapports qui nécessitent de la
correspondance entre celui qui l'a fait et le ministère.
Dès que le contribuable répond aux informations
demandées par le fonctionnaire concerné, le chèque est
fait de façon manuelle pour accélérer le remboursement. Si
le député de Portneuf a un cas précis à soumettre,
qu'il fasse comme la majorité des membres de cette Chambre, qu'il
soumette son cas, soit au sous-ministre du Revenu ou à moi-même
et, dans les jours qui suivront, ce contribuable verra que son
député a bien fait son travail.
M. DROLET: C'est ce que disent les contribuables, que leur
député fait toujours bien son travail.
M. LE PRESIDENT: Question supplémentaire?
M. ROY (Beauce): Question supplémentaire au ministre du Revenu
également. Le ministre est-il au courant qu'il y a justement des cas qui
ne nécessitent pas de correspondance et que ces cas se trouvent par
centaines et même par milliers?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. ROY (Beauce): Je demande au ministre s'il est au courant.
M. LE PRESIDENT: Ce sont des affirmations qui ne sont pas permises. Je
demanderais à l'honorable député de poser sa question.
M. ROY (Beauce): M. le Président, le ministre pourrait-il nous
dire si, pour tous les cas qui ne nécessitent pas de correspondance il
donnera des instructions aux officiers de son ministère pour qu'ils
postent les chèques au cours des prochains jours?
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, pour
répondre au député de Beauce, il se peut que des
contribuables, dans des cas d'exception, n'aient pas reçu un
remboursement. Ceci peut être dû à la perte du rapport dans
le courrier. Tout le monde sait que, depuis l'opération des gars de
Lapalme, certaines boites à lettres dans le secteur de Montréal
et d'autres en province ont été saccagées. Dans d'autres
cas, le courrier a été endommagé. Certains contribuables,
quelques centaines, ont dû nous envoyer des photocopies de leur rapport
et de leur TP-4 pour nous permettre de leur expédier leur
remboursement.
Si le député de Beauce a des cas précis de gens qui
auraient transmis leur formulaire d'impôt et qui n'auraient pas
reçu leur remboursement, il n'a qu'à soumettre les cas et, comme
aux autres qui les soumettent au ministère, nous verrons à faire
ces remboursements le plus rapidement possible le député
de Beauce devrait le savoir; c'est lui qui était le critique officiel de
son parti lors de l'adoption des lois du revenu nous sommes dans
l'obligation de payer 6 p.c. d'intérêt depuis la date de
l'adoption de la loi, ceci a modifié nos obligations envers ce
contribuable à qui nous négligerions de donner son
remboursement.
M. ROY (Beauce): Je voudrais poser une question supplémentaire au
ministre. Le ministre du Revenu ne pourrait-il pas émettre un
communiqué de presse pour informer la population de ce qu'il vient de
nous dire en Chambre de façon que les gens ne soient pas dans
l'obligation de communiquer avec leur député, ce qui nous oblige
à faire de la correspondance additionnelle?
M. HARVEY (Chauveau): Les journalistes sont là; ils vont le
couvrir.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
Subventions aux CEGEP
M. CHARRON: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de
l'Education. Le ministre a-t-il l'intention de répondre favorablement
aux étudiants membres de conseils d'administration de CEGEP, qui ont
demandé une subvention ou une aide quelconque du ministère pour
être capables de se réunir, de se rencontrer, de prendre des
décisions ensemble, comme il est permis de le faire aux
directeurs-généraux de CEGEP, aux directeurs de services
pédagogiques, etc.?
M. SAINT-PIERRE: Le ministre de l'Education a déjà
donné, il y a quelques jours, à cette requête qui nous
avait été formulée, une réponse favorable, de telle
sorte qu'au cours des prochaines semaines, tout au plus, à la
mi-janvier, il devrait y avoir une réunion de tous les
représentants étudiants qui siègent aux conseils
d'administration de CEGEP pour leur permettre un échange d'information,
ici même à Québec.
M. CHARRON: Merci.
M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Est-ce une question? Rapport de la commission de
l'agriculture
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Non, en vertu de l'article 114, je voudrais
poser une question au leader parlementaire. Pourrait-il nous dire quand il a
l'intention d'étudier en cette Chambre l'article 15 du feuilleton? Il
s'agit du deuxième rapport de la commission parlementaire de
l'Agriculture et de la Colonisation.
M. LEVESQUE: Est-ce que vous avez terminé?
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui.
M. LEVESQUE: M. le Président, je crois bien que cette question
aurait pu venir en son temps, lors de l'appel des affaires du jour, en vertu de
l'article 114, mais il me fait plaisir, cependant...
M. LE PRESIDENT: C'est ça. Ce sont les affaires du jour.
M. LEVESQUE: Ah! vous êtes rendu là? M. LE PRESIDENT:
Oui.
M. LEVESQUE: Alors, la période des questions est
terminée?
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. LEVESQUE: Alors, je m'excuse auprès du député et
je tiens à le rassurer. Dès que le calendrier nous le permettra,
nous arriverons à cet article.
UNE VOIX: C'est précis. M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.
Ordre des travaux de la Chambre
M. LEVESQUE: M. le Président, je veux, afin que tous les
députés de cette Chambre soient bien au courant de l'ordre des
travaux de la Chambre, faire motion pour que demain, vendredi, la Chambre
siège de 10 h 30 de la matinée à 1 h 30 de
l'après-midi sans interruption, et que nous ajournions à 1 h 30
demain après-midi. Il est probable que ce sera jusqu'à lundi, 15
heures.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion pour l'horaire des travaux de
demain est adoptée?
M. BURNS: M. le Président, nous n'avons pas d'objection de
principe à ce que le leader du gouvernement vient de proposer, sauf que
je pense qu'il serait très utile que, dès la fin de la
séance d'aujourd'hui, nous sachions exactement quel ordre les travaux
vont suivre. Etant donné que la fin de la session se rapproche davantage
et qu'il n'y a pas ce jour du lundi comme intermission, je pense qu'il est
essentiel pour les députés de l'Opposition de savoir exactement
quel ordre les travaux suivront.
M. LEVESQUE: Nous entreprendrons dans quelques minutes l'étude du
projet de loi no 28. S'il était adopté cet après-midi,
nous pourrions entreprendre l'étude du projet de loi au nom du ministre
des Richesses naturelles, et peut-être le projet de loi au nom du
Solliciteur général pour terminer le projet de loi sur les
Corporations religieuses.
Mais, comme il est possible que nous n'ayons pas à
procéder ainsi sujourd'hui, nous attendrons donc la fin de la
journée pour annoncer les travaux de demain. Demain, nous annoncerons
enfin nous tenterons d'annoncer, plutôt l'ordre des travaux
de la semaine prochaine. Nous remettrons à chacun des leaders, comme
nous le faisons chaque semaine, une idée approximative de ce que nous
entendons faire la semaine prochaine.
M. DUMONT: M. le Président, nous aurions tout de même
préféré continuer les travaux un peu plus tard vendredi
pour nous permettre, lundi, de demeurer dans nos comtés afin de nous
occuper de nos électeurs, et ne siéger qu'à deux heures,
mardi. Nous espérons qu'il y aura une possibilité d'entente pour
quelques heures de plus vendredi, et ne revenir que mardi à deux
heures.
M. LEVESQUE: M. le Président, je sais que les électeurs de
l'honorable député de Mégantic voudront bien le voir pour
lui souhaiter la bonne année...
M. DUMONT: Les gens de toute la province. Toute la province.
M. LEVESQUE: Si on veut que le député de Mégantic
soit dans son comté pour les voeux de bonne année, il est
important de siéger le lundi et même le vendredi plus longuement,
si l'on veut arriver à Noël...
M. DUMONT: On aurait dû siéger un certain mardi au lieu de
voter.
M. LEVESQUE: ... et faire les travaux qui s'imposent. Je comprends
très bien les remarques de l'honorable député et rien ne
ferait plus plaisir à chacun d'entre nous de pouvoir faire du bureau
dans notre comté ou encore aux membres du cabinet, qui doivent souvent
contremander des rendez-vous extrêmement importants.
Mais que voulez-vous? Nous sommes présentement au début de
décembre et il ne reste que quelques "shopping days before
Christmas"!
M. DUMONT: ...mardi.
M.PAUL: M. le Président, est-ce que le leader du gouvernement
serait en mesure de nous donner la liste des travaux parlementaires, par ordre
de priorité, d'ici à la prorogation?
M. LEVESQUE: J'ai l'intention, M. le Président, de convoquer les
leaders parlementaires des partis d'Opposition la semaine prochaine afin de
faire une revue de la situation. Je n'ai aucun doute qu'ils m'accorderont leur
plus grande coopération.
M. PAUL: En autant, M. le Président, que ce seront des lois
importantes et non pas insignifiantes comme le bill 90.
UNE VOIX: Il faut bien marcher avec l'Opposition.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Est-ce que cette motion,
concernant les heures de séance de demain, est adoptée?
M. DUMONT: Adopté.
M. PAUL: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. LEVESQUE: M. le Président, au salon rouge, la commission des
Affaires sociales siégera à partir de seize heures, ou même
immédiatement si possible.
Article 9).
M.CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, selon l'ordre des
travaux de la Chambre, le leader parlementaire vient de dire que la commission
parlementaire des Affaires sociales siège au salon rouge. Nous avons
reçu un avis nous disant que c'était à la salle 81-A. Quel
avis devons-nous prendre?
M. LEVESQUE: Des changements d'ordre technique m'ont peut-être
échappé mais, si nous nous référons à
l'appendice du feuilleton, nous voyons que le jeudi 2 décembre, à
quatre heures, cela se passe au salon rouge.
M. CLOUTIER (Montmagny): Nous allons y aller et nous verrons.
M. LEVESQUE: On me confirme que c'est au salon rouge. Alors, il y a
peut-être eu une erreur de dactylographie.
Projet de loi no 28 Deuxième lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education propose... Est-ce
bien l'article 9?
M. LEVESQUE: Oui, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: ...la deuxième lecture du projet de loi no 28,
Loi concernant la restructuration des commissions scolaires sur l'île de
Montréal.
M. Guy Saint-Pierre
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, le lieutenant gouverneur a pris
connaissance du projet de loi et en recommande l'approbation à cette
Chambre.
Le 6 juillet dernier, je présentais devant cette
Assemblée...
M. CHARRON: Vous le saluerez pour moi!
M. SAINT-PIERRE: ...en première lecture, le projet de loi no 28
établissant de nouvelles structures scolaires sur l'île de
Montréal. Depuis, en plus de 50 heures de commission parlementaire, les
points de vue d'une soixantaine d'organismes ont été
exprimés quant à la teneur de ce projet de loi et ont
été analysés par le gouvernement en vue d'apporter des
améliorations à ce texte de première lecture.
Qu'il me soit permis aujourd'hui, en cette Chambre, au moment d'aborder
la seconde lecture du projet, de tenter de décrire les objectifs qu'il
poursuit, la nature des interrogations qu'il suscite et les moyens que le
gouvernement entend prendre pour réaliser les objectifs
décrits.
Je crois personnellement que nous avons répondu à beaucoup
de ces interrogations, mais je voudrais tenter ici de donner à tous les
députés de cette Chambre un tour d'horizon des points de vue
émis par le gouvernement pour la défense de certains aspects de
ce projet.
Ces points de vue ne constituent nullement une plaidoirie mais la trame
logique qui sous-tend l'action du gouvernement dans le processus de
modification des structures scolaires de l'île de Montréal.
Il y a plusieurs années, je le rappelle, que des commissions
d'enquête diverses soulignent la nécessité d'une
révision complète et systématique du système
administratif de Montréal au plan scolaire. La première fois
qu'il a été
question sérieusement d'une telle réforme, nous nous
trouvions au coeur de la "révolution tranquille", en 1964, alors que le
volume IV du rapport de la commission d'enquête sur l'enseignement,
communément appelé le rapport Parent, donnait et proposait les
lignes d'une réforme administrative sur l'île de
Montréal.
Je cite ce volume IV de la commission Parent : "Nous croyons que pour
insuffler un nouveau dynamisme au système d'éducation, les
services pédagogiques et administratifs doivent être partout
égaux et semblables autant que possible. Nous souhaitons que toutes les
écoles et toutes les administrations puissent bénéficier
de leur expérience réciproque, et nous croyons que cette
collaboration, cet enrichissement mutuel, cet échange d'idées et
de services, cette communication peuvent être possibles dans de nouvelles
structures identiques à l'échelle de la province".
La commission Parent recommandait, bien sûr, l'instauration d'un
conseil scolaire de même que sept commissions scolaires unifiées
ou uniques au niveau de l'ensemble de l'île de Montréal.
Quelque temps après, le gouvernement précédent
créait la commission Pagé, chargée elle aussi de regarder
en plus grand détail ce problème de restructuration scolaire sur
l'île de Montréal. Le rapport Pagé venait confirmer en
plusieurs points les suggestions émises par le rapport Parent et, dans
un rapport minoritaire, on voyait déjà percer la
complexité du problème que pouvait soulever la restructuration
scolaire sur l'île de Montréal.
Pourtant, nous retrouvions dans les recommandations, chapitre V du
rapport Pagé: "C'est à la lumière de principes et
d'objectifs mentionnés plus tôt que nous avons conçu la
réforme des structures scolaires de l'île de Montréal. Nous
avons pu constater que le système actuel n'est pas satisfaisant
puisqu'il n'offre pas à tous, jeunes ou adultes, les mêmes
possibilités d'épanouissement et de culture. D'autre part, il
faut offrir aux parents les moyens d'exercer leur liberté efficacement.
Ces objectifs essentiels pourront être atteints, d'une part, grâce
à la centralisation de certaines ressources et, d'autre part, au moyen
de la décentralisation pédagogique obtenue grâce à
la participation active et réelle des parents au niveau de
l'école".
Ce qui était recommandé comme une mesure urgente dans le
rapport Parent serait-il possible et réalisable en 1972, 1973 et 1975?
M. le Président, le gouvernement considère fermement que le
problème de la restructuration scolaire à Montréal est un
problème urgent, qui ne demande pas d'études
supplémentaires. Nous avons suffisamment étudié le fond du
problème pour maintenant assumer nos responsabilités, passer de
l'étape recherche à l'étape action, à
l'étape de poser des gestes précis. C'est le sens du projet de
loi no 28, avec les objectifs qu'il sous-entend.
Car, M. le Président, je pense que dans l'analyse des
mémoires sur le projet de loi no 28, il y a au moins un point où
l'on retrouve une véritable unanimité parmi tous les groupes qui
sont venus devant la commission parlementaire, que ces groupes
représentent des milieux anglophones, des milieux francophones, des
milieux catholiques ou des milieux protestants, des milieux neutres, des
milieux syndicaux, des milieux de parents. C'est cette Unanimité
derrière ce thème que le problème est réel, que le
gouvernement doit faire quelque chose et qu'en particulier le statu quo que
nous avons est inadmissible.
Car quel est exactement ce statu quo? Ce statu quo, M. le
Président, c'est un déséquilibre énorme entre,
d'une part, une commission scolaire très grande, qui est la plus grande
commission scolaire d'Amérique du Nord, la Commission des écoles
catholiques de Montréal et, d'autre part, du côté
catholique, une foule d'autres petites commissions scolaires, les unes ayant
certaines difficultés à donner, en 1971, un leadership digne de
nos structures scolaires décentralisées sur le plan
pédagogique et sur le plan de l'administration.
Ce statu quo, M. le Président, c'est également l'injustice
par le fait qu'il y a absence de péréquation au niveau de
l'ensemble de l'île de Montréal, que certaines commissions
scolaires peuvent se permettre d'offrir plus à des élèves
que d'autres qui proviennent d'un milieu moins fortuné. Ce statu quo, M.
le Président, c'est l'absence de démocratisation, de
démocratie réelle que nous retrouvons au niveau de nos
commissions scolaires de l'île de Montréal, en particulier compte
tenu du fait qu'à la CECM des commissaires sont nommés soit par
le gouvernement, soit par l'archevêque.
Ce statu quo, c'est l'absence d'un respect pour le pluralisme religieux
à une époque où, à l'intérieur de notre
population, nous sentons un désir peut-être pas majoritaire, mais
réel d'avoir des écoles qui ne sont pas nécessairement
confessionnelles, tout en respectant, bien entendu, le désir de ceux que
je considère personnellement comme encore une majorité, qui
veulent une école confessionnelle, tant sur le plan catholique que
religieux.
Le statu quo, c'est aussi cette difficulté de planification qui
fait que, face à des mouvements de population, nous nous retrouvons dans
des situations absurdes où certaines commissions scolaires ont des
surplus de places-élèves, alors que d'autres doivent entasser des
élèves devant l'absence de constructions.
Pour toutes ces raisons et bien d'autres, le problème est
réel et le statu quo inadmissible. Le gouvernement, dans le projet de
loi no 28, donne les principes qui ont guidé son action pour effectuer
une réforme nécessaire.
Les contraintes étaient cependant vastes pour le gouvernement
actuel et, je crois que tous les partis d'Opposition en conviendront, elles le
demeurent. Nous avons accepté de mettre en oeuvre rapidement les
principes
énoncés il y a longtemps et discutés abondamment
avant et après le projet de loi no 28. Nous nous sommes inspirés
des critiques qui avaient pu être formulées sur le projet de loi
no 62, déposé par le précédent gouvernement. Nous
avons tenté dans la mesure du possible, humainement et tenant compte
également des points de vue exprimés lors des séances de
la commission parlementaire sur le projet de loi no 28, d'apporter à ce
projet de loi plusieurs amendements dont le gouvernement a fait état
hier et qui tentent de parfaire le projet de loi, d'en faire un instrument
susceptible d'apporter à l'ensemble de l'île de Montréal de
nouvelles structures administratives qui favorisent, d'une part, la
démocratie réelle au niveau de l'île de Montréal et,
d'autre part, un équilibre entre les collectivités. Finalement,
il y a des objectifs de péréquation complète pour assurer
à tous, peu importent leur religion, leur race et leur langue, des
services de même qualité permettant même dans certaines
régions d'avoir une véritable politique de rattrapage.
Nous avons accepté de mettre en oeuvre rapidement les principes
énoncés il y a longtemps et c'est le sens du projet de loi no 28.
Nous nous trouvons en face d'un problème véritable et crucial
auquel une solution immédiate s'impose.
Tous s'entendent pour reconnaître des défauts majeurs au
système scolaire actuel de l'île de Montréal. Nous nous
apprêtons à légiférer pour corriger les principaux
de ces défauts.
A la recherche d'une solution équitable, nous ne devons ni brimer
des minorités au nom d'une attitude raciste et aveugle, ni mettre la
majorité dans une situation de sujétion et de faiblesse à
un moment où elle a le droit et le devoir urgent d'exprimer ses
dynamismes propres comme jamais auparavant elle ne l'a fait.
Ce sont là les possibilités que chacun des groupes a
tenté de faire ressortir et dont, je crois, nous avons une image
claire.
Tout au long de ce débat, j'ai porté beaucoup d'attention
aux anglophones de Montréal. Je leur ai répété et
expliqué les garanties majeures que leur offre la loi actuelle. Nous
avons procédé avec prudence envers le groupe anglophone, non par
crainte, mais parce que nous étions conscients que les anglophones de
Montréal étaient effectivement le groupe dont les craintes
étaient les plus justifiées face à un système qui
met fin à certains privilèges enracinés pendant plus d'un
siècle.
Mais, les droits essentiels étant saufs, nous sommes convaincus
que les anglophones de Montréal pourraient profiter de l'occasion pour
modifier leur comportement et leur rôle au Québec, comme beaucoup
d'entre eux ont déjà entrepris de le faire, d'autres ayant, de
tout temps, agi conformément au bien-être de l'ensemble des
Québécois.
Quant aux francophones, s'ils n'acquièrent pas de nouveaux droits
ou privilèges linguistiques, ils trouveront avantage à la
démocra- tisation des structures scolaires que propose le projet de loi
no 28. J'en demeure convaincu après tout ce que j'ai entendu.
Nous n'entendons pas, je le répète, intégrer au
projet de loi no 28 des dispositions linguistiques qui, à mon avis,
seraient partielles. Je crois en toute bonne foi qu'on ne peut facilement
prouver que ce projet aura une influence déterminante sur la question
linguistique dans l'île de Montréal.
D'ailleurs, comme nous l'avons mentionné à la commission
parlementaire, il me paraît à la fois juste et cohérent que
nous terminions une étape de recherche avant d'analyser les solutions
qui pourraient s'offrir au gouvernement pour aborder l'ensemble de la question
linguistique et offrir des solutions globales à ce problème. Or,
cette étape de recherche, c'est justement cette commission Gendron,
créée par le gouvernement précédent, où,
pour la première fois, nous avons investi plusieurs millions de dollars
pour nous pencher sur le problème de la langue, qui la fera.
Il me parait incohérent et illogique de tenter d'offrir des
éléments de solution, qui, dans le système scolaire,
demeureraient forcément partiels et fragmentaires, avant même que
nous ayons pu bénéficier de cette étape de recherche et
des recommandations d'une commission qui s'est penchée sur le
problème de la langue.
Si le gouvernement veut légiférer sur la langue, il le
fera globalement et en dehors du projet de loi no 28.
D'ailleurs, compte tenu des amendements mentionnés hier dans
lesquels nous voyons que les nouvelles commissions scolaires pourraient voir
jour uniquement en 1975, on se rend bien compte que le gouvernement a amplement
de temps d'apporter sur l'ensemble de la question linguistique les
modifications qu'il pourrait juger à propos et qui pourraient influencer
le comportement des nouvelles commissions scolaires.
Je crois que ce serait faire fi de tout le système
démocratique que de supposer avant la lettre que les mécanismes
du projet de loi no 28 donneront des résultats désastreux.
Ce projet prévoit remplir trois objectifs majeurs: 1) Il se veut
avant tout une rationalisation administrative. Dans ce sens, il tend à
créer à Montréal des structures équilibrées,
non trop grandes, car l'expérience nous apprend que la surcentralisation
donne des résultats aussi piètres que le morcellement, ni trop
petites, car la disparité flagrante en certains organismes scolaires
confère à certaines commissions scolaires, notamment, un
rôle ingrat et parfois dangereux pour la qualité des services
offerts à la population étudiante.
En 1975, selon les prévisions démographiques, chaque
commission scolaire actuellement définie par le projet de loi no 28
comptera environ 30,000 élèves. Nous avons actuellement, à
l'échelle provinciale, plusieurs commissions scolaires de 2,000
élèves. Il suffit de se
rappeler les débats qui ont entouré l'adoption du projet
de loi no 27 pour se rappeler que ce chiffre de 2,000 élèves
semblait, à plusieurs coins de la province, une norme qui était
beaucoup trop grande et qu'on aurait préféré, dans
certains milieux, conserver les commissions scolaires beaucoup trop
petites.
On comprend mal lorsque nous avons un chiffre moyen de 30,000
élèves, ce qui est déjà quinze fois plus grand, que
des gens nous reprochent d'avoir trop de commissions scolaires ou d'avoir des
commissions scolaires trop petites. Pourtant, avec les amendements
apportés hier, nous allons confier au conseil provisoire le soin de se
pencher sur le problème de la carte scolaire tout en maintenant deux
contraintes, c'est-à-dire ne pas avoir moins de sept commissions
scolaires et ne pas en avoir plus de onze. Ces normes, ces critères nous
paraissent permettre une grande flexibilité au conseil scolaire de
revoir avec la population le problème de la carte, le problème de
l'agencement des différentes collectivités et soumettre au
gouvernement un plan qui pourrait être supérieur à celui
que nous avons dans le projet de loi no 28.
Et cette période de six mois, je pense, ne sera pas un temps
perdu. Elle permettra à plusieurs groupes de faire valoir des plans
intéressants sur le plan du regroupement des minorités, sur le
plan de regroupement des lignes de conduite.
M. CHARRON: Est-ce que le ministre me permettrait une petite question
sur ce qu'il vient de dire? Est-ce que les recommandations du conseil
provisoire c'est ce que j'ai mal entendu peut-être dans les
amendements annoncés hier qui devraient être faites avant
le 15 novembre 1972, je pense, seraient décidées par la suite par
arrêté ministériel tout simplement ou si, par une
façon ou une autre, tous les députés de la Chambre
seraient impliqués? Cette décision-là peut avoir un effet
assez important sur l'unification des commissions scolaires.
M. SAINT-PIERRE: L'intention était qu'avant le 15 novembre, le
conseil provisoire soumette au gouvernement un plan d'intégration avec
une nouvelle carte scolaire. Compte tenu de l'aspect fort technique de ceci,
c'est notre intention que ce soit simplement une ratification de la proposition
du conseil scolaire, une approbation qui serait donnée par le
lieutenant-gouverneur en conseil et qui pourrait être rendue publique au
moment de la commission parlementaire.
Mais je pense que, dans l'esprit du gouvernement, en donnant ce mandat
au conseil scolaire, nous reconnaissons d'une part qu'il peut y avoir
possibilité d'améliorer la carte scolaire et que nous confIlons
au conseil scolaire le soin de se pencher sur ce problème avec un mandat
de six mois. L'intention est qu'après six mois, si le conseil scolaire
n'a pas formulé de recommandations de plans différents, celui qui
est décrit dans le projet no 28 sera alors en vigueur.
Mais je pense qu'en donnant l'amendement on peut réellement
apporter des modifications.
M. CHARRON: Merci.
M. SAINT-PIERRE: Pour des raisons bien claires, M. le Président,
les milieux urbains ne répondent pas aux mêmes normes que les
milieux ruraux. Nous avons donc choisi pour Montréal le chiffre
approximatif de 30,000 élèves, tout en admettant un accroissement
ou une diminution de ce nombre. Sur ce plan, cependant, la position du
gouvernement n'est pas fermée, comme vous le savez. Le nombre de
commissions scolaires, de même que leurs limites, sera
précisé. Le conseil provisoire proposera au gouvernement, avant
le 15 novembre 1972, une répartition définitive des territoires
des commissions scolaires, tout en respectant, comme je l'ai mentionné,
un nombre minimum de sept et un nombre maximum de onze commissions scolaires et
en visant le meilleur équilibre démographique possible.
Il remplace 34 commissions scolaires dont les plus petites parviennent
difficilement à offrir des services complets et dont les plus grosses
sont forcément gigantesques dans une certaine mesure, selon les
commentaires de gens et d'organismes divers très près de la chose
scolaire à Montréal.
Deuxième objectif du projet de loi no 28. Le projet no 28
prétend démocratiser les structures scolaires de l'ile de
Montréal.
Si, d'une part, il permet le suffrage universel et l'élection des
commissaires par l'ensemble de la population, il crée également
des comités confessionnels, des comités de parents et des
comités d'école à des paliers différents.
Il stipule enfin que tous les commissaires seront élus, dans
chaque nouvelle commission scolaire, sur la base des quartiers.
Je pense qu'il faut faire confiance à la démocratie. De
nouvelles générations de commissaires sortiront certainement de
ces élections; le nouveau commissaire devra représenter, sans
doute, le désir et les aspirations de l'ensemble de la population.
Même ceux qui mettent en doute les principes démocratiques
sur le plan politique pourront difficilement nier que le fait qu'il s'agisse du
secteur scolaire, du secteur de l'éducation, où malgré le
libre jeu de la démocratie, ceux des parents qui s'intéressent le
plus à la chose scolaire ou possèdent des compétences en
ce domaine seront plus facilement choisis au poste de commissaire, ce qui
m'apparaît une justice...
Troisièmement, enfin, le projet de loi no 28 veut créer un
mécanisme de distribution des richesses, des chances, un
mécanisme d'équilibre qui complète ce qui s'appelle une
"subvention d'équilibre budgétaire" au niveau de l'ensemble de la
province et qui est donnée par le
ministère de l'Education. Certaines théories veulent que
tous les enfants aient le même potentiel à la naissance et que
seules les conditions qu'offre la société à leur
développement créent ensuite la disparité qui les marque
pour la vie et les range d'emblée dans une classe ou une autre, ce qui
contribue sûrement à provoquer des tensions au sein de notre
société.
Si nous voulons éliminer la disparité entre les classes
sociales, ce qui est l'un des objectifs de la démocratie, nous devons
tenter de saper les inégalités à la racine. Dans ce but,
un organisme doit veiller particulièrement sur les populations
défavorisées de Montréal où les différences
de revenu sont en coexistence permanente, où la richesse hautaine peut
se pencher pour observer, dans son ombre même, la plus criante
pauvreté. La réalité urbaine a de ces contrastes et
appelle une action. Si le Conseil scolaire de l'île de Montréal
est un outil de redressement, il ne faudrait surtout pas attendre de lui des
miracles ou le voir comme une véritable panacée à tous les
problèmes.
Il ne faut pas s'attarder à rêver à ce que pourrait
créer un tel conseil s'il disposait de pleins pouvoirs et avait seul la
tâche de relever le niveau de vie et d'instruction des enfants des zones
grises. La réalité est tout autre. Le Conseil de l'île est
un élément important de répartition des richesses dans
l'île de Montréal mais il existe déjà des
mécanismes d'équilibre qui assurent le minimum de revenu à
toutes les commissions scolaires et le minimum de services à chaque
élève. Chaque année de nouveaux services sont offerts aux
enfants des zones grises. Chaque année, de nouvelles polyvalentes
ouvrent leurs portes dans certaines de ces zones grises. Aussi, il
n'appartiendra pas au Conseil de l'île de commencer à zéro.
Il n'aura pas le privilège, et ne le rechercherait certainement pas, de
transporter les élèves de Montréal-Est dans une
école de Westmount.
La répartition n'est pas une vengeance. La justice doit se faire,
mais certainement pas au détriment d'un minimum de logique
administrative. Il faut prévoir que tout en construisant de nouveaux
équipements scolaires à l'intérieur de l'île de
Montréal, le gouvernement du Québec ne recherche pas un jeu
d'échange d'écoles. Dans certains cas, les échanges
peuvent être facilités par la restructuration, là en
particulier où la mauvaise foi manifeste d'édiles municipaux ou
scolaires peut, à l'occasion, empêcher une juste
répartition des équipements à l'intérieur d'un
secteur homogène sur le plan géographique.
Quant au Conseil scolaire de l'île, il devra se faire le
porte-parole de la communauté montréalaise auprès du
gouvernement du Québec. Il décrétera les taux de taxation
scolaire et distribuera les excédents et subventions spéciales en
fonction des besoins particuliers de certaines zones. Il disposera de fonds
assez importants à cet effet qui pourront lui parvenir soit du
ministère de l'Education directement soit par le biais d'une taxe
supplémentaire.
Le projet de loi no 28 répond à trois critères que
je viens d'énumérer. Il permet la rationalisation, la
démocratisation et la répartition équitable entre les
couches de notre société. Selon nous, il offre, en plus de ces
éléments nouveaux et indispensables, des garanties qui permettent
à tous d'espérer recevoir au moins l'équivalent des
services actuels, les moins défavorisés devant recevoir
passablement plus. Nous avons vu le débat glisser à certains
moments sur des questions majeures mais, selon nous, étrangères
aux fonctions essentielles que veut remplir la loi no 28.
On disait, encore récemment en cette Chambre, qu'il est
nécessaire de faire des lois claires...
M. PAUL: M. le Président, sur un rappel au règlement.
Même si c'est un important projet de loi qui devrait intéresser
tous les députés de Montréal, je constate que nous n'avons
pas quorum.
M. SAINT-PIERRE: On disait encore récemment en cette Chambre
qu'il est nécessaire de faire des lois claires qui ne s'encombrent pas
inutilement de principes particuliers et multiples et de détails
techniques qui peuvent devenir gênants advenant une évolution. Je
crois que le projet de loi no 28, indépendamment de toute
considération politique, est une loi ample mais également souple
et réaliste. Elle tend à respecter, dans les faits, les droits
des anglophones et des francophones, des catholiques et des protestants mais
elle offre également des droits nouveaux à ceux qui ne pratiquent
aucune de ces deux religions et qui désirent un enseignement non
confessionnel.
D'ailleurs ce respect du pluralisme religieux rejoint même des
recommandations formulées à la fois par le Conseil
supérieur de l'éducation et le Comité catholique du
Conseil supérieur de l'éducation, de même que par l'avis
rendu public par l'archevêque de Montréal.
Nous nous sommes donc attardés longtemps à définir
l'enseignement catholique et l'enseignement protestant. Aujourd'hui, il nous
faut mettre un accent nouveau sur un enseignement de type neutre. Il existe un
important contingent de Québécois montréalais qui
désirent un enseignement neutre pour leurs enfants. C'est là un
besoin du vingtième siècle et qu'il nous appartient de satisfaire
en toute justice.
Quant aux catholiques et aux protestants, ils constituent toujours un
groupe fort important qui continuera d'être desservi par un
système scolaire, avec toutes les garanties qui se trouvent actuellement
dans ce système. D'ailleurs il est à prévoir qu'encore
pour plusieurs décennies ce groupe catholique et protestant formera la
très grande majorité de notre population scolaire à
Montréal.
Mais, s'il n'y a pas de gouvernement catholique ou protestant, ni au
Québec, ni à Montréal, ni sur le plan municipal, ni sur le
plan d'une multitude d'organismes administratifs, il nous semble logique de
retenir la multiconfessionna-
lité comme principe pour les structures administratives des
commissions scolaires unifiées. Dans plus d'un de ces secteurs, la
commission scolaire ne peut avoir une option catholique ou une option
protestante.
Nous nous sommes attardés au niveau de plusieurs
mécanismes nouveaux, comités de parents, comités
confessionnels, à donner de véritables garanties aux groupes
linguistiques et à donner au niveau des structures administratives un
concept nouveau de structures qui, en ce sens, rejoint les
préoccupations mêmes du ministère de l'Education. De la
même façon qu'il eût été tragique d'avoir un
ministère de l'Education catholique, un ministère de l'Education
protestant, de la même façon qu'il est inconcevable d'avoir dans
différents milieux des structures administratives qui se veulent
confessionnelles, je pense qu'il était révolu, en 1971, d'avoir
des structures administratives qui ne sont ni catholiques ni protestantes mais
qui tentent de respecter, dans les faits, le pluralisme d'une
société montréalaise tant sur le plan linguistique que sur
le plan confessionnel.
Dans les faits, cette concentration de la confessionnalité au
niveau de l'école, doublée de l'influence considérable qui
revient aux responsables de l'enseignement catholique et protestant dans les
commissions scolaires, de même qu'aux comités confessionnels qui
ont été mis sur pied, ainsi qu'aux vastes pouvoirs de
réglementation que possède le Comité catholique du Conseil
supérieur de l'éducation, nous parait offrir un champ d'action
très vaste aux représentants confessionnels.
Nous avons constaté que la question confessionnelle soulevait un
certain nombre d'interrogations. A notre avis, de nouvelles écoles
confessionnelles assureront une homogénéité plus grande
à leur population, car demain choisir l'école confessionnelle
pour les parents, c'est faire un véritable choix qui implique pour
l'élève des différences entre l'école
confessionnelle et l'école neutre.
Aussi, je pense qu'il est approprié de dire que l'école
confessionnelle de demain, dans un système administratif neutre, a des
chances de respecter davantage l'esprit et la philosophie de l'école
catholique que ceux que nous pourrions retrouver aujourd'hui dans une
école dite confessionnelle, avec des structures dites confessionnelles
ou catholiques, mais dans laquelle, puisque nous n'offrons pas un secteur
d'écoles neutres, un nombre considérable d'élèves
s'abstiennent des cours de religion et, peut-être, introduisent à
l'intérieur de l'école catholique une influence neutre qui, je
pense, diminue la qualité de l'atmosphère à
l'intérieur de l'école catholique.
Ces écoles catholiques devront réunir des catholiques ou
des protestants par choix et non plus par entraînement. Un
caractère confessionnel ainsi assumé nous paraît
correspondre à la maturité de la population. Dans l'étude
du projet de loi no 28, nous avons étudié un nombre important de
principes, nous avons envisagé la possibilité de maintenir trois
secteurs indépendants à Montréal. Cette possibilité
que plusieurs nous ont suggérée nous a semblé
coûteuse au regard des dispositions du présent projet de loi.
La proposition visant, par exemple, au maintien de structures
séparées, du moins durant un certain temps, tout en
procédant à un regroupement basé sur la
confessionnalité ou la langue, nous semblent difficilement
réalisables si l'on songe aux mécanismes transitoires que sont
les commissions scolaires provisoires et les conseils provisoires et aux
difficultés qu'une telle période de transition pourrait impliquer
sur le plan des relations de travail, de l'intégration du personnel de
cadre et des modifications à apporter à la direction
pédagogique des écoles. Il nous a semblé c'est
l'esprit de nos amendements d'hier préférable de prolonger
la période de transition que de n'avoir qu'un seul changement entre le
statu quo actuel, qui, comme je le répétais au début, est
inadmissible pour tous, et les structures que plusieurs nous ont
suggérées comme étant un type et un modèle
appropriés pour un système scolaire montréalais.
D'ailleurs, si, dans le secteur de l'éducation, nous pouvons,
comme parlementaires, nous fier à un groupe, c'est bien, il me semble,
au Conseil supérieur de l'éducation qui occupe, en matière
de consultation vis-à-vis du gouvernement dans sa politique
d'éducation, une place particulière. Or, le conseil
supérieur, dans son avis du 9 novembre 1971, a émis plusieurs
principes qui rejoignent exactement ceux mis de l'avant par le projet de loi no
28. Ces principes que le Conseil supérieur de l'éducation fait
siens, dans la recommandation de la mise en place d'une nouvelle structure
à trois paliers démocratiques et adaptée aux besoins,
sont, "premièrement, l'institution de commissions scolaires uniques."
C'est le principe même du projet de loi: la mise sur place de commissions
scolaires uniques ou uniIlées, chargées d'offrir l'enseignement
catholique, protestant ou autre aux enfants de leur territoire et ce, en langue
anglaise et en langue française. "Deuxièmement, la
création d'un conseil scolaire chargé de planifier et de
coordonner les activités des commissions scolaires de son territoire.
"Troisièmement, l'instauration de comités d'écoles comme
mécanisme de participation des parents."
Je continue. "Le Conseil supérieur de l'éducation
réitère son accord de principe avec ce modèle
d'organisation scolaire et considère que son application peut satisfaire
à la fois les besoins multiples d'une clientèle scolaire
pluraliste et les exigences d'une administration rationnelle."
Un peu plus loin, une nouvelle citation. "La commission scolaire unique
semble au conseil une formule valable à divers points de vue et, en
particulier, propice au rapprochement des divers groupes composant la
société montréalaise, sans compter la mise en commun des
ressources, favorisant leur utilisation plus rationnelle."
Le regroupement progressif, selon des lignes confessionnelles ou
linguistiques, entraînerait une véritable jungle dans la
préparation de plans d'intégration des personnels,
déjà passablement complexes dans les dispositions actuelles de la
loi. Dans le cas où ces structures seraient mises en place par
étapes très lentes, nous avons cru que l'instabilité ainsi
créée serait susceptible de maintenir le débat ouvert
à perpétuité, tout en donnant des répecusssions
politiques à un geste d'abord administratif.
Puisque la majorité est d'accord sur le fond, aussi bien
procéder avec autant de célérité que possible,
selon nous. Les seules étapes fixées à la mise en place
des structures du projet de loi no 28 sont destinées à rendre la
loi praticable. Elles répondent à des demandes purement
techniques formulées par des groupes spécialisés et
logiques dont les recommandations ont été faites sans passion,
mais avec un souci de la réalité et du bien commun qui nous
semble convaincant.
Sur le plan de la confessionnalité, il faut bien observer que la
responsabilité de l'enseignement religieux revient aux comités
catholique et protestant du Conseil supérieur de l'éducation, qui
possèdent au Québec des droits clairs et précis à
cet effet et qui possèdent une réglementation tant sur le plan de
la formation des maîtres que sur le plan de tout ce qui peut toucher
l'atmosphère de l'école catholique dont on ne saurait minimiser
l'importance.
Au niveau de chaque commission scolaire, se retrouvent des responsables
jouissant de pouvoirs qui découlent directement des pouvoirs des
comités catholique et protestant. Cependant, je crois que la
décentralisation des tâches religieuses, les prérogatives
laissées aux comités d'écoles quant au choix des
principaux d'écoles confessionnelles, un droit de regard permanent des
membres des comités confessionnels sur les activités religieuses
de l'école offrent des garanties suffisantes qui améliorent
grandement la situation actuelle. D'ailleurs, si on examine l'avis du
comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation, on
se rend compte que les amendements et le texte original du projet de loi no 28
rencontrent dans une très large mesure les recommandations que nous a
formulées ce groupe particulier chargé de veiller au
développement et à l'épanouissement de l'école
catholique comme institution au Québec.
A notre avis, le projet de loi no 28 offre des garanties
confessionnelles nouvelles dans des structures dont le Conseil supérieur
de l'éducation a agréé l'uniformité.
Dans les faits, le contrôle des membres de certains groupes
confessionnels sur leurs écoles deviendra plus fort avec ce projet de
loi qu'on pouvait le retrouver dans les structures actuelles, compte tenu, en
particulier, que les com- missaires étaient non pas élus par la
population, mais désignés à la fois par la
hiérarchie catholique et par le gouvernement.
Enfin, sur le plan linguistique, le gouvernement actuel ne peut pas
inclure des clauses particulières qui ne correspondent pas à
l'esprit de la loi ou qui, par leur caractère excessif, vont contre des
droits fondamentaux. Le projet de loi no 28 doit amener tous les
Québécois de Montréal à mettre en commun leur
dynamisme. Il offre des garanties de progrès et de conservation dans un
partage qui nous semble réaliste. Il maintient des droits confessionnels
et linguistiques et crée de nouveaux mécanismes de
répartition des richesses et d'élection.
J'ose espérer que nous aurons collectivement le courage et la
lucidité de nous donner rapidement les instruments que crée le
projet de loi no 28. L'avenir permettra à tous nos électeurs de
nous juger. Entre-temps, nous resterons ouverts aux suggestions de chaque parti
en cette Chambre. Je souhaiterais que, de part et d'autre, le changement ne
nous effraie pas, que ce choc du futur ne soit pas une raison pour ne pas
avancer, pour se satisfaire d'un statu quo que tous les groupes qui sont venus
devant la commission parlementaire ont condamné, qu'il s'agisse de
mettre sa foi à l'épreuve dans un monde pluraliste ou de partager
des structures communes où la majorité est entendue aussi bien
que la minorité.
En plusieurs endroits, on a eu peur que, forçant par le principe
de la commission scolaire unifiée différents groupes à se
retrouver autour d'une même table commune, la majorité aille
écraser la minorité et on pense qu'il était
préférable de garder des groupes séparés dans des
endroits différents.
Je reprendrai les propos tenus par mon collègue, le
député de D'Arcy-McGee, en disant qu'en 1971, dans notre
société pluraliste, il est beaucoup plus dangereux que les
groupes n'aient pas l'occasion de se rencontrer autour de la même table,
que les francophones soient dans une chambré séparée des
anglophones, que les protestants et les catholiques ne puissent aborder de
front plusieurs des problèmes auxquels ils font face tant comme
collectivité religieuse que comme groupe préoccupé par le
bien de l'éducation de leurs enfants. Au contraire, le projet de loi no
28 nous donnera des mécanismes qui permettront à tous ces groupes
de se retrouver autour de la même table. Je pense que cet effort de
concertation, cette possibilité de dialogue, cette possibilité de
communication permettra énormément de réduire les tensions
que nous pouvons retrouver dans le monde scolaire au niveau de l'île de
Montréal.
Ce que je souhaite également, c'est qu'en entreprenant de
rapprocher les Québécois de Montréal à la
même table en leur suggérant des mécanismes communs et
démocratiques, nous parvenions à une harmonie plus grande entre
les composantes de ce peuple du Québec pour qui
nous voulons travailler comme gouvernants sans tenir compte des
états de religion, de langue, de fortune ou de parti de chacun. C'est
pour cette raison que j'ai la conviction profonde que le projet de loi no 28
signifie une action directe, une action positive du gouvernement pour poser un
geste dans une situation que je reconnais fort complexe mais qui
m'apparaît, à plusieurs égards, comme devant régler
un problème qui trame en longueur depuis plusieurs années.
Lorsqu'on examine la législation scolaire au Québec, on se
rend compte que par tradition, par difficulté de faire face à des
changements sur le plan sociologique ou autres, on a peut-être
toléré des structures archaïques, des structures
dépassées qui ont fait un tort considérable non seulement
à la majorité francophone mais également à toutes
les minorités qui se sont retrouvées complètement
séparées et isolées alors qu'on était prêt,
dans plusieurs des cas, à coopérer avec tous pour
améliorer notre système scolaire québécois. Je
pense que l'objectif même du projet de loi no 28, la commission scolaire
unifiée, par les mécanismes qui y sont prévus, ses
garanties linguistiques nombreuses, ses garanties sur le plan de la
confessionnalité qui correspondent à un nombre
considérable de recommandations du comité catholique, incluant la
démocratisation des structures permettant d'institutionnaliser la
participation des parents... Je mentionnais que nos projets de loi nos 27 et 28
sont, à mon point de vue nous avons fait quelques recherches dans
ce secteur les législations les plus d'avant-garde de l'Occident,
non pas de l'Amérique du Nord, non pas du Canada, mais de l'Occident.
Dans aucun autre pays on retrouve ce type de participation des parents au
niveau de l'école, au niveau de la commission scolaire. C'est un geste
que certains ont qualifié de modeste, mais c'est un geste qui est plus
que consultatif. C'est un geste qui peut réellement influencer la vie
même de l'école.
Pour toutes ces raisons, M. le Président, je prétends que
le projet de loi no 28 correspond à un désir profond, qu'il
corrige une situation que plusieurs ont décriée et qu'il me
parait, dans les circonstances, la structure, le type de législation le
plus apte à corriger des inégalités, des
difficultés que nous avons eues dans le passé et permettre un
souffle nouveau, un dynamisme nouveau dans les structures scolaires de
l'île de Montréal. Merci.
M. LE PRESIDENT (Blank): Le député de Bagot.
M. LEVESQUE: C'est un solo! M. CARDINAL: Merci.
M. PAUL: Ce n'est pas commandé et orchestré comme l'autre
bord.
M. BOURASSA: S'il n'était pas de l'autre bord, nous
applaudirions, nous aussi.
M. PAUL: Pardon?
M. BOURASSA: S'il n'était pas de l'autre côté, nous
applaudirions.
M. PAUL: Soyez sans inquiétude, il n'ira jamais vous rejoindre.
J'en suis convaincu. Il est trop puissant pour cela.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! M. Jean-Guy Cardinal
M. CARDINAL: M. le Président,-avant d'entrer dans le vif du
sujet, même si la circonscription que je représente n'est pas sur
l'île de Montréal, on me permettra vous me rappellerez
à l'ordre si j'enfreins le règlement de saluer dans les
galeries des gens du comté de Bagot.
Ceci étant dit, M. le Président, j'ai écouté
avec beaucoup d'attention et d'intérêt le ministre de l'Education
nous parler du projet de loi no 28, qui s'intitule Loi concernant la
restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal.
Il y a déjà un premier défaut dans le titre de la loi
parce que, comme je l'ai dit hier en réponse à une
déclaration ministérielle, on devrait dire: Sur l'île de
Montréal, avec annexes, puisqu'on inclut au moins l'île Bizard et,
comme nous ne connaissons pas encore tout à fait le projet de loi no 28,
peut-être des parties de Vaudreuil ou de Dorion. Nous n'en savons rien au
moment où la deuxième lecture de ce projet de loi
débute.
Le ministre, dans son exposé, a dit en particulier ceci: Je
souhaiterais que, de part et d'autre, le changement ne nous effraie pas, qu'il
s'agisse de mettre sa foi à l'épreuve dans un monde pluraliste ou
de partager des structures communes où la majorité est entendue
aussi bien que la minorité.
Sur ce point, M. le Président, nous ne pouvons être
qu'entièrement d'accord avec le ministre. Mais ce qui nous
inquiète, c'est ce qui s'est passé hier et aujourd'hui. J'ai dit
que j'avais écouté avec attention le ministre, tant hier
qu'aujourd'hui. J'ai fait un bref commentaire à la suite de sa
déclaration ministérielle d'hier. Hier, le ministre, dans sa
déclaration ministérielle qui précédait son
discours de deuxième lecture, nous disait que déjà le
projet de loi qui est devant nous n'était plus le projet de loi que nous
étudions. Il nous a mentionné, en effet, que des amendements
toucheront six aspects il l'a dit lui-même importants de la
législation proposée, à savoir les étapes de la
mise en oeuvre de la loi, les pouvoirs des commissions scolaires et du conseil
scolaire, les interventions du ministre de l'Education et du
lieutenant-gouverneur en conseil, le système électoral, les
comités confessionnels, la composition des comités de
parents.
Hier, si nous nous sommes réjouis, nous de l'Opposition
officielle, de cette déclaration ministérielle, nous sommes
aujourd'hui je dois
l'avouer avec tout le respect et l'estime que j'ai envers mon cher ami,
le député de Verchères et ministre de l'Education
un peu déçus qu'il ne soit pas revenu sur ces sujets pour les
éclairer davantage.
La question que je pose, au début de cette période
illimitée qui m'est accordée, M. le Président, de par les
règlements de cette Assemblée nationale, est la suivante:
Qu'est-ce que le projet de loi no 28? Je comprends qu'un principe semble
demeurer inchangé, irréfragable, immuable, soit le principe de
l'unicité des commissions scolaires. Cela me parait tel, à la
suite de ce qu'a dit le ministre. Mais si le ministre a suivi ce qui s'est
passé, par exemple, à la radio et à la
télévision, à la suite de sa déclaration d'hier,
les commentateurs ont dit: Le ministre a proposé six groupes
d'amendements mais il n'a pas parlé de la notion même de
commission scolaire. C'est que, pour les commentateurs de l'extérieur,
ceci demeurait dans l'ombre. Le ministre ne nous a pas plus
éclairés aujourd'hui.
M. le Président, lorsqu'on parle du projet de loi no 28, on peut
faire comme le ministre c'est mon intention un bref historique de
ce projet, en étudier les objectifs, en faire ressortir les principes
pour tenter d'établir nos positions vis-à-vis de ce projet de
loi.
Le projet de loi no 28 comme le ministre l'a indiqué
est l'héritier d'une histoire assez longue qui a duré
environ sept ans. Il y a d'abord comme il l'a mentionné
lui-même les recommandations qui apparaissent dans le volume IV du
rapport Parent, publié en 1964.
Il a sauté une petite étape qui a été le
comité de coordination qui a été établi en 1967 et
qui était dirigé par Me Jacques Viau. Il a rappelé le
rapport Pagé de 1969, ainsi que le rapport minoritaire qui
l'accompagnait. Il a rappelé mais bien brièvement
le projet de loi no 62 déposé au tout début de novembre
1969 et au sujet duquel il y a eu des commissions parlementaires qui ont
commencé le 27 novembre 1969 pour se poursuivre jusqu'au 11 mars 1970 et
nous donner environ 1,000 pages de texte.
Ce n'est donc pas le gouvernement actuel qui crée quelque chose,
c'était déjà sous l'ancien gouvernement et sous l'ancien
ancien gouvernement. C'est donc à un héritier que nous faisons
face, un héritier appauvri parce qu'on n'en connaît pas
entièrement les richesses, le ministre ayant encore refusé de
dévoiler son texte définitif. C'est quand même dans le
texte définitif d'une loi que l'on peut reconnaître les
principes.
Quelqu'un avait suggéré qu'il y ait un préambule
à ce texte de loi. A la commission parlementaire j'avais souligné
que les préambules ne permettent pas d'interpréter des lois,
qu'ils ne sont, suivant les Statuts refondus de 1964, chapitre 1, article 40,
que partie de la loi et que ça n'en fait qu'expliquer l'objet et la
portée, c'est-à-dire les objectifs. C'est donc une addition ou un
appendice qui serait utile et qui ne nous apporterait rien.
Là-dessus, je suis d'accord avec le ministre que ce n'est pas
nécessaire d'apporter une telle addition. Cependant, ce projet de loi no
28 que j'ai appelé tantôt un héritier appauvri, est ralenti
aussi. Le ministre a cité lui-même des extraits du rapport Parent
où l'on employait déjà en 1964 les mots urgent et
immédiat. Le ministre lui-même dans son texte disait ceci:
"L'usage des mots urgent et immédiat est abondant dans cette section du
rapport Parent".
Le ministre va me répondre: Pourquoi n'êtes-vous pas
allé plus rapidement vous-même? Ce n'est pas ça. Il y a
quand même plus de 18 mois que le gouvernement qui est en face de nous
est là, et nous en sommes aujourd'hui, à plus de deux ans
après le dépôt du projet de loi no 62, à discuter de
la restructuration scolaire du Montréal métropolitain.
Ce projet de loi no 28 prétend toujours poursuivre trois
objectifs fondamentaux. Le ministre pourra me corriger dans sa réplique,
si je me trompe et si j'erre: 1- donner aux structures scolaires de l'île
de Montréal une plus grande efficacité administrative; 2-
réaliser une meilleure répartition des ressources scolaires entre
tous les enfants de Montréal; 3- favoriser la démocratisation et
la participation plus active des citoyens, en particulier des parents
ceci a été débattu d'ailleurs en commission parlementaire
des maîtres et des étudiants à la gestion, au sens
très vaste du terme, des écoles, au sens déjà
défini dans le projet de loi no 27, devenu loi depuis juillet
dernier.
Tous les mémoires entendus jusqu'à maintenant au cours des
auditions sur le projet de loi no 28, en plus des auditions sur le projet de
loi no 62, me permettent de croire que ces gens devant la commission
parlementaire souscrivent volontiers à l'énoncé
théorique de ces trois objectifs généraux. Tout le monde
est pour la vertu, on le sait.
Pourtant tous ces mémoires s'insurgent contre l'une ou l'autre
des dispositions de ce projet de loi et là je ne suis pas
entièrement d'accord sur l'affirmation du ministre sur
l'unanimité des conclusions de ces mémoires tant
anglophones que francophones, tant protestants que catholiques ou autre, au
sens de la loi, du Conseil supérieur de l'éducation ou du projet
de loi no 28, enfin, si c'est encore le même, c'est-à-dire neutre
ou multiconfessionnel.
Tous ces mémoires s'y attaquent avec une force telle dans
certains cas qu'à moins d'amendements majeurs ce projet de loi
paraît à ceux qui ont comparu devant nous pour des raisons
fort diverses et, le ministre le sait, parfois contraires ou contradictoires
tout à fait inacceptable. Je le dis parce que ce sont les
conclusions auxquelles j'en suis venu après avoir écouté
tous les groupes qui se sont présentés devant nous.
Si nous analysons le projet de loi no 28 en
regard des trois objectifs généraux que le ministre a
mentionnés et que j'ai rappelés, nous nous apercevons rapidement
que ce n'est pas au plan des objectifs que les divisions s'établissent,
mais que les motifs de discussions, d'attaques, de contradictions, de
mécontentement, d'affrontement même on sait ce qui s'est
passé certains matins ou certains après-midis à la
commission parlementaire des divers groupes se situent au plan des
modalités.
Or, justement, quelles sont ces modalités? Il y en a dans ce
projet de loi no 28, M. le Président. Le ministre, hier, nous a dit que,
sur six aspects importants de la législation proposée, le
gouvernement avait changé d'idée, probablement à la suite
du caucus du 25 novembre et du conseil des ministres du même jour. Je
rappelle au sujet des objectifs, M. le Président, que, lorsque le projet
de loi no 62 fut déposé, le 4 novembre 1969, et lorsqu'il fut
présenté devant la commission parlementaire permanente de
l'Education, le 27 novembre 1969, celui qui occupait le poste qu'occupe
aujourd'hui le député de Verchères avait mentionné
quatre objectifs.
Est-ce qu'on en a perdu un en chemin? Ces quatre objectifs
étaient les suivants: premièrement, "égalité des
services sur tout le territoire", c'est-à-dire là, je suis
d'accord avec le ministre toute cette question des commissions scolaires
situées sur les territoires défavorisés ou même des
commissions scolaires situées sur des territoires très
favorisés et où il n'y a pas de services adéquats. Je n'en
donnerai que deux exemples, M. le Président, qui d'ailleurs sont venus
devant la commission parlementaire. D'abord, que l'on songe à Outremont.
J'aurais aimé que le ministre de la Justice soit ici, comme
député de Montréal, pour écouter le discours de son
collègue, le ministre de l'Education. A Outremont, qui n'est
certainement pas un centre défavorisé, où il y a à
peu près un ministre aux 100 pieds carrés, il n'y a pas
d'école secondaire pour les jeunes filles.
Que l'on songe à la ville de Mont-Royal. Ce n'est certainement
pas un secteur défavorisé, mais il n'y a pas d'école
secondaire pour les garçons. Des inepties semblables je m'excuse
de l'expression; elle est certainement parlementaire parce qu'elle n'attaque
personne en cette Chambre, pour ceux qui comprennent le terme; ah! ils sont en
train de lire M. le Président, démontrent l'utilité
du projet de loi no 28, pourvu qu'on en connaisse les principes exacts et
l'essence substantielle.
Donc, le premier objectif poursuivi, en 1969, était
"l'égalité des services sur tout le territoire". Simplement sur
ce sujet, l'on pourrait faire un long développement pour souligner que,
dans un endroit comme Montréal, il y avait, à ce
moment-là, 42 commissions scolaires. Le ministre a dit qu'il y en avait
34, je pense, aujourd'hui, parce que, quand même, à Outremont, il
y en a deux qui se sont réunies, puis, il y a eu la ville de Mont-Royal
aussi qui a fait des ententes, etc. Il y a encore des commissions scolaires qui
ont posé des problèmes énormes. Rappelons le cas de
Saint-Léonard, parce qu'il faut faire face aux problèmes qui se
présentent.
Le gouvernement n'est pas là pour éviter des
problèmes, mais pour les résoudre. Rappelons les deux cas que je
viens de souligner, d'Outremont et de la ville de Mont-Royal. Rappelons la
situation privilégiée du Protestant School Board of Greater
Montreal qui n'a jamais eu besoin de subventions de l'Etat, contrairement
à la CECM, la Commission des écoles catholiques de
Montréal, qui en a eu besoin pour combler ses déficits.
Songeons à tous ces anciens édifices, dans les secteurs
défavorisés, alors qu'en certains endroits nous avons des
polyvalentes luxueuses. Le ministre a lui-même mentionné que,
chaque année, il s'est construit de nouvelles écoles beaucoup
mieux équipées et beaucoup plus modernes.
Le deuxième objectif poursuivi en 1969, comme aujourd'hui en
1971, était la démocratisation de l'administration. Là
aussi, tout le monde est d'accord. On sait le ministre ne nous apprenait
rien en le mentionnant qu'à la CECM une partie des commissaires
était nommée par l'archevêque de Montréal et un
autre groupe par le lieutenant- gouverneur en conseil, c'est-à-dire par
le gouvernement, par le cabinet, le ministre. On sait qu'au Protestant School
Board of Greater Montreal il n'y a pas plus de démocratie et que le
statut des autres commissions scolaires, même s'il apparaît
démocratique, joue plus ou moins. D'ailleurs, ces commissions scolaires
ont encore un statut de commission commune avec le droit à la dissidence
comme au temps où Montréal était, je ne dirais pas
Ville-Marie, mais une région où il y avait un centre-ville
entouré d'une campagne.
Le troisième but poursuivi en 1969, c'était la
participation des parents. Sur ce point, les amendements que semble nous
présenter le ministre au sujet de la composition des comités de
parents nous réjouissent, comme le mentionnait un député
hier, et nous paraissent être une ouverture vers une amélioration
du projet de loi. Quels seront exactement les textes? On sait quelles ont
été, à la commission parlementaire, les discussions sur la
participation efficace, réelle et dynamique des parents. Quels seront
leurs droits, que l'on augmente ou non leur nombre, que l'on nomme un
comité exécutif ou non? Ceci n'est que question de structures; il
n'est pas question de participation, celle-ci n'étant pas une question
d'organisation, de structuration mais de dynamique de groupe à la suite
d'un leadership permis ou poursuivi ou développé par une
législation adéquate.
Le quatrième objectif, qui s'infère peut-être des
autres mais qui est disparu dans la nature, était à ce
moment-là le respect du pluralisme religieux. Je n'insisterai pas sur le
fait que nous sommes passés de quatre à trois objectifs; on peut
quand même le sous-entendre d'après les
conclusions du discours de deuxième lecture du ministre de
l'Education. Nous retenons de ce discours que les commissions scolaires seront
uniques. Sur ce point, je ne sais pas si te ministre a affirmé que tout
le monde de la commission parlementaire était d'accord. Nous sommes
certainement d'accord, nous, parce que le projet de loi no 62 le proposait
déjà. Il est évident que ce ne sera pas facile de faire
cette unification. La période d'environ deux ans proposée par le
ministre, non pas dans son discours de deuxième lecture mais dans sa
déclaration d'hier, permettra peut-être aux gens de finir par
accepter vraiment la démocratie, accepter vraiment d'être
majorité ou minorité.
Il faut souligner qu'au Québec nous sommes tous un peu
traumatisés par le fait que nous sommes tous partie de la
minorité. Les francophones, comme on les appelle maintenant, sont en
minorité dans ce pays qui s'appelle le Canada et ils ont
été habitués à se sentir minoritaires. Les
anglophones sont minoritaires au Québec; à Montréal, ils
sont certainement minoritaires même s'ils n'ont pas été
habitués à se sentir minoritaires. Il faut comprendre leur
attitude dans ce cas. Les Juifs ont toujours été minoritaires et
on sait que, par des dispositions administratives qui ne sont peut-être
pas constitutionnelles, au Protestant School Board of Greater Montreal on a
fini, après plusieurs années, par admettre des commissaires de
cette foi ou de cette nationalité.
Tous les autres groupes, qu'ils soient orthodoxes, arméniens,
agnostiques, etc., sont aussi minoritaires.
Dès que l'on touche aux questions de confes-sionnalité ou
aux questions linguistiques, l'émotion l'emporte sur la raison et sur la
cohérence. On a vu sur le plan canadien, avec le multiculturalisme
j'espère que le premier ministre continuera à ne pas
l'accepter que l'on peut facilement s'enferrer dans une situation pire
que la situation présente.
L'une des craintes profondes de l'Opposition vis-à-vis du projet
de loi no 28 tel qu'il est rédigé présentement ou
même avec certains amendements que nous ne connaissons pas encore
et, entre parenthèses, j'en appelle toujours au ministre pour qu'il se
presse de nous les remettre afin que nous puissions discuter du
véritable projet de loi et connaître les principes qui
émaneront de ces textes c'est que même si le ministre nous
dit que la commission Gendron n'a pas présenté de rapport
définitif sur la question globale des langues au Québec, cela ne
me satisfait pas, parce que la commission Parent, qu'il a citée, n'a pas
soumis son rapport définitif en 1964, quand le ministère de
l'Education a été créé, et on l'a quand même
créé. Cette crainte, c'est que le projet de loi no 28
n'établisse dans l'ordre du droit, dans l'ordre juridique, de jure des
situations de fait qui...
M. SAINT-PIERRE: Le député me permettrait-il une
question?
M. CARDINAL: Avec un plaisir remarquable.
M. SAINT-PIERRE: Le député de Bagot est-il cependant
d'accord que, dans le cas de la commission Parent, les gouvernements d'alors
n'ont jamais pris de décision, n'ont jamais mis de l'avant des
réformes avant au moins d'avoir un premier volume qui justement
recommandait certaines choses? Dans le cas de la commission Gendron, il n'y a
même pas eu un premier rapport de présenté même
partiel. Si nous nous reportons à la commission Parent, je suis d'accord
avec le député que le ministère de l'Education a
été créé avant que nous recevions tous les volumes
de la commission Parent, mais je pense que chaque élément de
réforme adopté par le gouvernement Lesage, le gouvernement
Johnson ou le gouvernement Bertrand donnait suite quand même à une
recommandation précise de la commission Parent. Le ministère de
l'Education n'a été créé qu'après une
recommandation de la commission Parent qui avait analysé le
problème des structures au niveau provincial. C'est pour cette raison
que je dis que tant que nous n'avons pas au moins un premier volume contenant
quelques recommandations de la commission Gendron sur le problème de la
langue, il me semble que c'est une démarche intellectuelle fausse de
proposer des solutions avant même d'avoir terminé l'étape
de la recherche.
M. CARDINAL: M. le Président, j'aurais deux réponses
à cette question, si question il y a. La première, c'est que si
celui qui est maintenant premier ministre du Québec n'avait pas fait des
promesses pendant la dernière campagne électorale pour dire
qu'à brève échéance et tout de suite il y aurait
une politique globale de la langue et que la langue française
deviendrait langue de travail et langue d'enseignement, je n'aurais
peut-être pas fait ce reproche déguisé non paa au ministre
individuellement, mais au gouvernement. La deuxième réponse est
que justement son argument est à double tranchant en ce sens que si l'on
crée par le projet de loi no 28 une situation juridique donnée
que nous ne connaissons pas tout à fait d'ailleurs, parce que le
ministre a dit ou a laissé entendre qu'il pourrait même être
amendé avant 1975, c'est-à-dire avant même que la loi
elle-même ne soit complètement en vigueur l'on aura en 1975
ou en 1980 des gens qui, lorsque le gouvernement de ce temps voudra amender le
projet de loi no 28 devenu loi, viendront nous dire: Nous avons des droits
acquis nous l'avons entendu souvent et non des privilèges;
par conséquent, qu'il y ait un rapport complet de la commission Gendron
ou pas, ces droits étant acquis, vous ne pouvez plus modifier le projet
de loi no 28 devenu loi.
D'ailleurs, pour revenir à cette question, dans "Québec au
travail", programme 1970, Parti libéral, on disait: "Le français
langue de travail. Un effort total et collectif sera entrepris
afin d'établir une véritable politique linguistique
correspondant aux aspirations des Québécois. L'objectif du
prochain gouvernement libéral sera de rendre le français
prioritaire au Québec et d'en faire la langue d'usage et de travail. "A
cet effet, un programme dynamique et énergique sera
élaboré par tous les ministères concernés, y
compris donc le ministère de l'Education, tels que les ministères
du Travail et de la Main-d'Oeuvre, de l'Immigration, de l'Industrie et du
Commerce, des Affaires culturelles, de l'Education, en collaboration avec les
entreprises publiques et privées, les syndicats et les corps
intermédiaires. Les milieux des affaires devront accepter cette
réalité, car il y va non seulement de l'épanouissement
culturel des Québécois mais aussi de l'originalité de
l'ensemble fédéral canadien." Cela pour que le ministre se
rappelle ses promesses ou cette partie du programme.
C'est pourquoi je ne puis pas faire autrement que de m'inquiéter
de cette situation, si vous voulez, de bilinguisme que l'on établit
juridiquement. Je sais qu'elle existe de fait. Je la reconnais. Je suis
allé, comme le ministre lui-même, dans les milieux anglophones
entre parenthèses, terme qui n'existe pas dans le dictionnaire
Robert, j'ai encore vérifié hier. C'est probablement un
anglicisme qu'on a créé au Québec pour ne pas employer
d'autres termes qui blessent de chastes oreilles et dans les milieux
francophones. J'ai entendu les craintes des gens de chacun de ces milieux. D'un
côté comme de l'autre, qu'est-ce que l'on craint? L'on craint que
ce projet n'établisse un carcan qui emprisonne une majorité ou
une minorité de l'une quelconque des régions, sept ou onze, ou
entre les deux qui vont être établies, et qui fasse qu'on ne
puisse plus, par la suite, le modifier.
Evidemment, tout le monde sait qu'en dehors des actes, des statuts qui
font partie de la constitution, l'on peut toujours abroger, modifier, amender,
refaire une loi ou un projet de loi. On peut même la ou le retirer. C'est
justement ce qui inquiète les Québécois, tant d'une langue
que de l'autre. Je ne dirai pas tant d'une religion que de l'autre. Encore
là, il faut regarder les faits en face. Les protestants sont venus
devant nous et jamais comme protestants, mais toujours comme anglophones. Les
catholiques sont venus devant nous, parfois comme catholiques, parfois comme
catholiques anglophones, parfois comme catholiques francophones. Certains sont
venus devant nous uniquement comme francophones en dehors de la question
confessionnelle.
C'est pourquoi, dans une question aussi difficile, surtout à
Montréal, qui a valeur d'exemple pour le reste du Québec,
où se situent la plupart des industries, la plus grande puissance du
marché du travail, le projet de loi no 28 devenu loi va établir
un état de droit au lieu d'un état de fait et même si le
gouverne- ment peut amender, il verra les difficultés qu'il aura
à surmonter.
Le gouvernement je ne dirais pas a reculé en établissant
des étapes pour le projet de loi no 28. C'était
déjà l'intention de l'ancien gouvernement. Je
référerais le ministre, s'il veut bien le lire je ne
prendrai pas le temps de lire tout ça aujourd'hui au journal des
Débats, au sujet du projet de loi no 62. Ceci, je pense, aurait
été utile au ministre pour bâtir un héritier qui ne
soit pas taré, héritier du projet de loi no 62 et du rapport
Pagé. Je dis taré, non pas parce qu'en soi ce projet de loi ait
des vices on dirait, en droit: ou apparents ou cachés mais
parce qu'on ne sait pas ce qu'est le projet de loi no 28. En plus de la crainte
que je viens de mentionner quant à cette situation de droit qui
remplacerait une situation de fait et qui créerait même une
nouvelle situation de fait constatée par statut, par loi, on ne saura
probablement pas avant le comité plénier ou avant la
troisième lecture, on ne le saura certainement pas avant ma
réponse au ministre, ce qu'il y a dans le projet de loi.
J'espère qu'un de mes collègues
d'Unité-Québec aura la chance de parler sur le vrai projet de loi
no 28 et non pas sur celui qui est devant nous et qui, déjà,
d'après la déclaration du ministre, hier, n'est plus le projet de
loi no 28.
Rappelons, M. le Président, s'il m'est permis de le faire par le
règlement, le projet de loi no 27 où le ministre et l'Opposition
ont collaboré ensemble, jour et nuit, on s'en rappelle, durant le mois
de juillet, pour partir d'un projet rempli d'erreurs et revenir à une
doctrine plus orthodoxe qui étaient les régions
déjà déterminées au moment de la création du
ministère de l'Education.
Grâce à l'aide de l'Opposition et grâce à la
collaboration du ministre qui a bien voulu nous soumettre le texte des
amendements et non pas les principes des amendements, nous avons pu quand
même, en assez peu de temps et à la surprise même du
gouvernement, adopter ce projet de loi et nous prononcer sur le principe, sur
le texte et sur les amendements.
Aujourd'hui, nous sommes très mal placés. Malgré
qu'il y ait eu le rapport Parent en 1964, le comité de coordination en
1967, le rapport Pagé en 1969, le projet de loi no 62 en novembre 1969,
la commission parlementaire de novembre 1969 à mars 1970 et six semaines
de commission parlementaire avec une cinquantaine d'institutions ou d'individus
qui sont venus devant nous, nous sommes encore avec ce que j'appelle un
document de travail qui, de l'aveu même du ministre dans sa
déclaration d'hier, sera profondément modifié.
Quels sont donc les principes du projet de loi no 28? Je dis les
principes, M. le Président. Devant un projet de loi aussi complexe, qui
change aussi radicalement les structures scolaires dans un endroit aussi
important que ce que j'appelle le grand Montréal, on ne peut pas se
permettre de tirer des principes d'articles dont certains vont
être entièrement remplacés. Les étapes de mise en
oeuvre de la loi, cela nous le comprenons et le ministre a été
suffisamment clair à ce sujet, M. le Président. Mais, quand il
est question des pouvoirs des commissions scolaires et du conseil scolaire,
question fort débattue pendant l'étude du projet de loi no 62 et
du projet de loi no 28, nous ne savons pas, par des textes, quels sont ces
pouvoirs et ces devoirs. Cela, ce ne sont pas des principes
généraux; c'est des textes mêmes que ressortent les
principes d'autonomie de chacun de ces deux niveaux que sont le conseil de
l'île d'une part et les commissions scolaires, d'autre part.
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permettrait une
question?
M. CARDINAL: Toujours, avec plaisir.
M. SAINT-PIERRE: Merci. Je remarque, depuis hier d'ailleurs, sa
réaction a été la même aujourd'hui que le
député est en difficulté de se prononcer sur les
principes. Il me semblait que c'est ce qui avait été convenu,
c'est-à-dire que le gouvernement, avant le débat de
deuxième lecture, donnerait, dans un texte suffisamment précis,
l'étendue des amendements, les types d'amendements envisagés. Il
avait également été convenu qu'avant le comité
plénier le gouvernement apporterait, par le biais des...
M. PAUL: De papillons.
M. SAINT-PIERRE:...papillons merci au député de
Maskinongé ...
M. PAUL: De rien.
M. SAINT-PIERRE: ...le texte précis des amendements. Je ne sais
pas si je pourrais aider, mais il me semble que la déclaration
ministérielle d'hier était suffisamment claire quant aux types
d'amendements envisagés, aux étapes et à tous les
pouvoirs. Par exemple, si on reprend quant aux pouvoirs scolaires le texte
mentionné par le député, je pense qu'on dit très
clairement ici que nous allons ajouter, dans le texte du projet de loi, au
mandat du conseil scolaire les quatre articles mentionnés à la
page 4 de la déclaration ministérielle: l'utilisation des
équipements scolaires, le rattrapage des milieux
défavorisés et un pouvoir de réglementation pour le
conseil scolaire. J'essaie de comprendre et je reconnais que, pour le texte
même, nous pourrons, peut-être, en comité, discuter à
savoir s'il correspond très bien. Mais, le plus honnêtement
possible, ce sont les intentions du gouvernement quant aux types d'amendements
proposés.
M. PAUL: Est-ce que l'honorable ministre me permet une question?
M. SAINT-PIERRE: Nous allons continuer.
M.PAUL: Est-ce que le ministre peut nous dire si le texte des
amendements a été arrêté, finalisé?
M. SAINT-PIERRE: Non, nous sommes à le préparer. Tel que
convenu à la commission parlementaire, j'entendais le présenter.
Dès qu'il sera prêt, je vais le faire. Nous sommes à
l'arrêter. Mais, tel que convenu, avant le comité plénier,
nous allons, par le biais des papillons, donner un texte d'amendements, comme
nous l'avons fait pour le projet de loi no 27. J'avais reconnu l'objection du
député de Bagot. Il me semblait que, compte tenu des
modifications que nous pouvions apporter, il était difficile de parler
en deuxième lecture et d'objecter, peut-être, que les
délais d'implantation étaient insuffisants, que c'était
trop de changements en peu de temps, sans savoir si le gouvernement entendait
augmenter d'un an, deux ans ou trois ans les délais d'implantation.
C'est pour cette raison qu'après en avoir discuté avec les
partis d'Opposition nous avions, hier, donné un texte qui, très
honnêtement, se veut le reflet des amendements qui ont été
approuvés par le conseil des ministres et par le caucus et que des
légistes, dans le moment, tentent de préciser dans un texte de
loi qui, le plus rapidement possible, pourrait être donné aux
membres, comme je m'étais engagé à le faire avant le
comité plénier.
M. CARDINAL: M. le Président, je retiens un certain nombre de
choses des affirmations que vient de faire le ministre. La première,
c'est que je ne visais en rien le ministre personnellement. D'ailleurs, c'est
fort galamment et poliment qu'il vient de m'interpeler.
Il est vrai qu'à la commission parlementaire, lorsque nous avons
siégé in camera, nous avions accepté le mot convenu
me parait un peu fort qu'il y ait une déclaration d'intention
à défaut d'avoir les amendements. Si on se référait
au journal des Débats, on verrait que ce jour-là j'ai
pressé, pressé et pressé le ministre, non pas de nous
donner des intentions, mais de nous soumettre des amendements.
Le ministre, c'est exact, a fait aussi référence à
des conversations privées d'hier...
M. PAUL: M . le Président, je m'excuse auprès de mon
collègue pour vous signaler qu'il n'y a pas quorum et, même plus,
pas un député du Parti québécois de
présent.
M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!
Si les députés veulent bien reprendre leurs sièges,
nous avons maintenant quorum.
Je donne la parole au député de Bagot.
M. CARDINAL: Merci, M. le Président.
Je répondais donc à une intervention du ministre de
l'Education, rappelant qu'à la commission parlementaire, à la
suite des pressants appels que je lui avais faits de déposer les
amendements, il a consenti je m'en suis réjoui non en mon
nom personnel mais au nom d'Unité-Québec, avec d'ailleurs les
deux autres représentants de l'Opposition à prendre
position sur les six aspects importants de modification au projet de loi no 28.
Je lui en sais gré.
D'autre part, il est exact que le ministre a eu la gracieuseté de
me prévenir de cette déclaration, de m'envoyer, ainsi qu'à
deux autres députés, le texte auparavant, après des
conversations qui avaient eu lieu hier matin, de toute urgence d'ailleurs.
Il est vrai qu'il y a eu cette déclaration hier, mais ce qui
concrétiserait ma déception aujourd'hui, c'est que le texte du
ministre qui a peut-être été préparé
avant ou après, je ne sais quand et je ne veux pas faire d'attaque
contre un individu, membre de cette Assemblée nationale ne
reflète pas justement ce qui a été dit hier. J'aurais
aimé qu'aujourd'hui dans son discours de deuxième lecture
qui est un discours important pour un projet de loi que nous reconnaissons
extrêmement important le ministre récidive et revienne avec
plus de détails sur sa déclaration d'hier. D'après notre
règlement, M. le Président, une déclaration
ministérielle ne peut quand même pas être aussi longue qu'un
discours de deuxième lecture. Le temps en est limité, elle doit
être claire, précise et concise et elle n'appelle que de brefs
commentaires de la part du ou des partis de l'Opposition.
C'est dans ce sens que j'ai fait un certain nombre de motions tout
à l'heure et qu'à plusieurs reprises j'ai souligné le fait
que je me demandais exactement quand je dis exactement, je veux dire
dans la concrétude du libellé de chacun des articles... Je vois
que le député de Notre-Dame-de-Grâce, ministre des
Institutions financières, Compagnies et Coopératives a
relevé les yeux. Son sens juridique ne peut pas faire autrement que se
manifester devant un texte qui n'est pas parfait. Pas parfait au sens qu'il
soit imparfait, mais au sens qu'il ne soit pas complété dans sa
forme et dans son fond pour nous donner les principes qui en émaneraient
et qui permettraient d'éclairer tous les membres de cette
Assemblée sur ce que sera le véritable projet de loi no 28.
Je ne sais pas si j'ai bien répondu au ministre, mais c'est le
sens de mon intervention, et je pense qu'il ne peut pas me reprocher je
ne lui impute pas d'ailleurs de tel sentiment d'agir dans un esprit
d'une part de collaboration avec le gouvernement, et d'autre part d'information
de la population.
Et ici le ministre me permet d'entrer dans un autre sujet. Je ne ferai
certainement pas reproche au ministre d'avoir, comme je l'ai fait en 1969 et
1970, parcouru la route no 20 ou à vol d'oiseau la distance entre
Montréal et Québec, jour après jour pour rencontrer une
quarantaine de groupes, pour essayer de les rassurer, de les assurer, de les
convaincre et de les informer, de n'avoir pas fait suffisamment
d'information.
Mais l'expérience, lors du projet de loi no 62 comme lors du
projet de loi no 28... Encore tout récemment, la semaine
dernière, j'étais je vais indiquer à quel endroit
à un poste et ce n'est pas une annonce commerciale que je
fais comme souvent le gouvernement fait qui s'appelle CFOX et qui
comprend par conséquent le... c'est-à-dire tout le "west island"
de Montréal...
M. CHARRON: Le poste CFOX.
M. CARDINAL: ...oui, c'est ça, CFOX comme dit le
député de Saint-Jacques. Qui comprend entre autres une commission
scolaire qui déborde les limites de l'île de Montréal, que
j'ai senti pendant deux heures les inquiétudes de ces gens à la
suite de déclarations du premier ministre sur le projet de loi no 63
déclarations qui paraissaient dans la Gazette de ce
jour-là et des déclarations du ministre. Et je lui
rappelais en commission parlementaire quand il a dit qu'on pouvait
peut-être même pendant la période de mise en application
encore apporter des amendements qu'il ne rassurait pas la population,
qu'au contraire, il la plaçait dans un état
d'insécurité.
Qu'est-ce qu'on cherche aujourd'hui au Québec? On cherche une
sécurité qu'on a perdue sur tous les plans. Je ne dis pas que le
gouvernement et le ministre vont trop rapidement, ça irait contre tout
ce que j'ai dit au début. Mais je voudrais que le gouvernement se
déclare, se compromette, qu'il donne des précisions et non
seulement des assurances générales, des idées
générales.
Je sais que d'autres en cette Chambre sur la question fondamentale dont
je discutais au moment où j'ai été interrompu, la question
linguistique, vont faire reproche au gouvernement, tant d'un côté
que de l'autre, sur le vague et l'imprécision, mais sur le cadre
qu'établit le projet de loi no 28 quant à la question de la
langue, vis-à-vis tant de la majorité que de la
minorité.
Je disais donc que les étapes de la mise en place de la loi nous
paraissent claires. Les pouvoirs des commissions scolaires et du conseil
scolaire c'est là que le ministre m'a interrompu lui
paraissent clairs mais nous paraissent moins clairs. Les interventions du
ministre de l'Education, du lieutenant-gouverneur en conseil, autre question
importante, peuvent paraf-tre claires au ministre dans son intention, intention
fort louable et qui part d'un excellent naturel et qu'on reconnaît au
ministre député de Verchères.
Mais les intentions du gouvernement, le député de
Maskinongé vient de dire qu'il ne les connaît pas, puisque le
cabinet ne s'est pas prononcé sur ces amendements.
Devant un semblable aveu, je reconnais bien les bonnes intentions du
ministre et ses assurances, mais quel est le projet de loi no 28? C'est un peu
comme la loi d'hier sur les pétroles. C'est une loi dans laquelle il n'y
a pas de
substance, parce qu'on ne connaît pas la réglementation. Je
ne dis pas que le projet de loi no 28 est aussi vide que le projet de loi no 90
mais il est bien plus explosif, avec ou sans jeu de mots, et on l'a vu à
la commission parlementaire. On l'a vu même au sein de la
députation ministérielle.
Quant au système électoral, là on est d'accord,
cela parait suffisamment clair, bien que l'on puisse s'interroger. Dans les
débats, pendant les auditions à la commission parlementaire, le
ministre a subitement changé d'avis sur la nomination non
démocratique de deux personnes en plus des élus du peuple, un peu
comme les anciens comtés protégés.
D'ailleurs, à ce moment, j'ai fait une intervention, parce que
cela me surprenait qu'un gouvernement qui quelques mois auparavant avait aboli
les comtés protégés vienne créer des commissions
scolaires protégées où le gouvernement intervient parce
qu'il n'a pas confiance au jeu de la démocratie. Le jeu de la
démocratie, M. le Président et là je veux que le
ministre soit bien attentif nous le subissons, nous, comme
minorité au Canada. Il va falloir que tous les groupes au Québec
le subissent aussi, le jeu de la majorité. Nous l'avons subi, nous, aux
dernières élections, le jeu de la démocratie. Pourquoi le
jeu de la démocratie, à Montréal, ne jouerait-il pas dans
le système scolaire où on établit le suffrage universel?
Le ministre rend un jugement de Salomon, coupe l'enfant en deux et nous
présente des observateurs. Cela va faire quoi, des observateurs, dans
une commission scolaire? Cela va observer au nom de qui, faire rapport à
qui, suivant quel texte qu'on ne connaît pas?
Il y aura donc des commissaires qui vont délibérer avec
les observateurs. Les observateurs vont ensuite se croiser les bras et vont les
observer voter. Cela sera presque un Conseil législatif des commissions
scolaires, M. le Président, et je parle d'expérience. Alors,
j'aimerais bien connaître le texte qui va donner les pouvoirs
d'observation, envers je ne sais qui, à ces observateurs.
Les comités confessionnels, là c'est plus clair. On sait
qu'ils passent de tant à tant, puis qu'ils auront plus de pouvoirs.
D'accord. D'ailleurs, personne ne s'était levé en commission sur
la question des comités confessionnels, si ce n'est pour faire
préciser davantage la position du gouvernement. Et c'est alors, comme le
cite un journal de ce matin, que le député de Saint-Jacques a
frappé son chemin de Damas a vu la lumière fulgurante
L'éclairer et qu'il nous a fait une conversion soudaine.
M. CHARRON: M. le Président, sur une question de
privilège. Je n'ai pas eu de chemin de Damas. J'ai simplement fait ce
que n'importe quel parti politique aurait pu faire, c'est-à-dire que je
suis allé rencontrer la population et vérifier ses désirs
et, comme n'importe quel parti démocratique pourrait le faire, j'ai
ajusté mes positions selon les demandes de la population. C'est
exactement ce que j'ai fait.
M. CARDINAL: M. le Président, je félicite le
député de Saint-Jacques d'imiter l'Unité-Québec
qui, avec ses sept points de contact, fait ça continuellement depuis
trois mois.
M. CHARRON: Cela fait trois mois, puis ils ont 36 ans, M. le
Président.
M. CARDINAL: Ah! je ne soulèverai pas une question de
privilège, M. le Président, j'ai la parole...
M. PAUL: Cela vient d'un enfant, continuez.
M. CARDINAL: Quant à la composition des comités de
parents, là encore j'ai beaucoup d'hésitation. Qu'est-ce qu'un
comité exécutif, un comité consultatif dont on ne connait
pas exactement les pouvoirs, parce que qu'on n'a pas le texte, vient ajouter?
Est-ce que cela aide à la participation ou si cela la détruit? Je
m'interroge, M. le Président, je ne réponds pas.
J'ai connu le milieu des affaires pendant sept ans, où il y avait
des comités exécutifs. Les gens du grand conseil ou du
comité non exécutif avaient délégué un
certain nombre de leurs pouvoirs, parce qu'il faut quand même qu'un
exécutif ait des pouvoirs délégués, ce qui suppose
que le comité de parents ait déjà des pouvoirs. Je le
souligne simplement. Qu'est-ce qui va arriver? Il va arriver comme dans le
milieu des affaires. Le comité exécutif sera celui qui se
réunira et le grand comité, qui aura délégué
les pouvoirs qu'il n'a pas, ne se réunira plus et il n'y aura pas de
participation.
C'est une interrogation, M. le Président, et j'en appelle
à la prudence, à la sagesse du ministre de l'Education. Qu'il se
fasse conseiller, par les députés absents de Montréal, sur
la situation à Montréal pour voir quelle sera la participation
des parents avec la création de ce comité exécutif;
l'absence de texte ne nous permet pas de juger de l'efficacité de son
rôle et de la portée de cet amendement un peu surprenant.
Hier, M. le Président, il ne m'était pas possible de faire
ces commentaires parce que la présidence m'aurait rappelé
à l'ordre, me disant que j'étais déjà rendu en
deuxième lecture à la suite d'une déclaration
ministérielle. Mais j'ai repassé chacun de ces six aspects
importants de la législation proposés à titre d'amendement
au défunt projet de loi no 28, devenu instrument de travail, et dont
nous discutons sans savoir quelle sera la prochaine forme.
M. DEMERS: Il n'y aura pas de deuxième lecture.
M. CARDINAL: Il va peut-être falloir quatre lectures, à
moins que Saint-Pierre et Cardinal ne décident, comme on dit dans le
langage liturgique, de biner et que, par une extravagance au règlement
de cette Chambre, on repermette au
ministre de se lever pour faire une réplique aux discours que
nous ferons de ce côté-ci et qu'on nous repermette de nous relever
pour rerépondre au deuxième discours de deuxième lecture
du ministre de l'Education sur le deuxième projet de loi 28.
C'est pourquoi nous sommes obligés, malgré notre
désir véritable de vouloir la restructuration scolaire de
Montréal, malgré notre désir véritable d'avoir des
commissions scolaires unifiées, malgré notre désir
véritable de vouloir l'égalité des services sur tout le
territoire, du rattrapage pour les régions défavorisées,
malgré notre désir de démocratisation de l'administration
scolaire dans Montréal, malgré notre désir d'une
participation effective et efficace des parents, malgré notre
désir du respect du pluralisme religieux et linguistique à
Montréal, nous sommes obligés, à ce stade, à ce
jour et non pas comme le dit toujours l'honorable premier ministre:
à ce stage et à date, ainsi que son collègue le ministre
des Finances de nous réserver sur les positions
définitives que nous devrons prendre.
C'est un peu la même position que j'avais dû, en tant que
représentant de l'Opposition officielle, tenir au moment où on a
commencé les débats sur le projet de loi no 27. Nous sommes donc
dans la même situation qu'en juillet dernier vis-à-vis de cet
autre projet de loi devenu maintenant loi.
Je désire souligner une autre question, en dehors des
problèmes linguistiques, carcans de droits établis à
partir de la mise en vigueur de cette législation, en dehors des
problèmes de manque de texte pour certains sujets que j'ai
soulignés. C'est une question qui est laissée sous silence dans
la déclaration ministérielle, dans le discours de deuxième
lecture et dans les réponses à la commission parlementaire. C'est
toute la question des relations syndicales concernant les enseignants de
Montréal.
S'il est un vice juridique fréquent qu'il faut éviter,
c'est la législation par référence.
Chaque fois que, dans une loi, on dit que pour telle fin, les articles
de telle autre loi s'appliqueront, l'on en vient à une série de
lois qui doivent sans cesse être toutes amendées, parce que si
l'on n'en amende qu'une partie et qu'on en oublie d'autres, on ne sait plus
où on en est.
L'on a vu, lors de la création des communautés urbaines,
la référence, je cite par coeur, à l'article 36 du code du
travail devoir ou ne pas devoir s'appliquer parce qu'on ne savait pas, on
n'était pas dans une situation prévue par l'économie
générale et les dispositions particulières du code du
travail.
Or, d'autant plus qu'il y a ces étapes de mise en oeuvre de la
loi, la situation sera plus grave parce qu'on ne peut plus, à ce
moment-là, légiférer par référence parce que
ce ne seront pas des fusions qu'il y aura, ce seront des extinctions, des
regroupements, ce ne seront même pas des regroupements, nous ne savons
pas s'il y aura 7, 8, 9, 10 ou 11 territoires. Non seulement, quand je parle de
relations syndicales, je parle de la question de salaires, de la question de
classement, de la question de relations de travail, de la question de charge
d'enseignement, mais je parle de questions aussi précises que cette
fondation, au sens français et juridique du terme, qui existe à
la Commission des écoles catholiques de Montréal. Où
est-ce que ça ira?
Le comité provisoire va décider de ça, par
l'inspiration du Saint-Esprit ou par réglementation
ministérielle, je ne le sais pas mais j'interroge le ministre, voulant
par là l'aider parce qu'il se fera interroger ou il aura des
problèmes, et nous retomberons dans des problèmes comme ceux des
projets de loi no 25, 30, 38 ou enfin tous ces projets de loi adoptés en
période de crise et qui laissent toujours des plaies béantes
lentes à cicatriser et difficiles à guérir.
Enfin, M. le Président, autre inquiétude, cette
possibilité qu'avant la mise en oeuvre totale de la loi d'autres projets
de loi nous soient présentés en cette Assemblée nationale
pour venir modifier ce qui est devant nous, sujet d'inquiétude et
d'insécurité pour les élèves, les parents, les
enseignants, les cadres, les administrateurs en matière scolaire dans le
Montréal métropolitain.
Si j'ai rappelé les quatre objectifs du projet de loi 62, si je
les ai analysés en comparaison de ceux du projet de loi 28, si je refais
un bref historique depuis 1964 des tentatives de réorganisation ou de
restructuration scolaire sur l'île de Montréal ou sur le
territoire des commissions scolaires du Montréal métropolitain,
si j'ai mentionné plusieurs sujets d'inquiétude d'après le
texte que nous avons là ou d'après la déclaration
ministérielle d'hier, si j'ai insisté sur le fait qu'il est
urgent que les membres de cette Assemblée aient en leur possession le
texte précis et définitif des amendements dont le ministre nous a
donné hier un texte sous forme d'ouverture le
député de Chicoutimi dirait ouverture d'opéra, comme
probablement le ministre des Affaires culturelles opéra prenons
le au sens latin du terme, au sens de l'acte de l'opération que le
ministre ou le gouvernement entend faire, c'est pour savoir où nous en
sommes, où le gouvernement en est. Mais comme il ne le sait pas
lui-même, nous n'en savons évidemment rien.
Ces remarques ne valent rien, je ne veux pas attaquer
l'intégrité du ministre de l'Education qui a
écouté, avec les membres de l'Opposition, pendant de nombreuses
heures, ceux qui sont venus devant nous, mais elles veulent être un
caveat au gouvernement de se décider, de se brancher, de nous dire si
justement les ministres et les députés s'entendent sur un certain
projet de loi qui s'appellera 28 ou 29 pour qu'on ne fasse pas comme on a fait
pour d'autres projets; les déposer, les retirer, les amender, les
mélanger, etc.
C'est la première fois que je vois une façon semblable de
légiférer.
M. le Président, c'est donc au gouvernement
que mes inquiétudes sont exprimées, que mes interrogations
sont adressées et que mes remarques sont faites. C'est dans un
désir, justement, de nous situer, comme membres de l'Assemblée
nationale, et de rassurer la population de Montréal sur ce que sera, en
1972, en 1973, en 1975 ce sont là des étapes que le
ministre nous a indiquées hier la situation scolaire à
Montréal.
On a connu, par l'Opération 55, par la création des
collèges d'enseignement général et professionnel, par la
création de l'Université du Québec, des problèmes
qu'on appelle d'implantation. Mais ces problèmes n'ont rien de commun
avec ceux que l'on connaîtra à Montréal avec la mise en
oeuvre, par étapes, de la loi no 28, si l'on ne sait pas ce qu'est
exactement cette loi avant d'arriver au comité plénier.
H ne faut pas se faire d'illusions. La population, le comité
plénier, elle n'a pas cela comme livre de chevet. Comme nous sommes
déjà engagés dans un débat de deuxième
lecture, les membres de cette Assemblée, sauf quelques brèves
apparitions à la télévision ou à la radio, doivent
s'en tenir au débat et se déclarer les uns aux autres quelles
sont leurs positions, leurs intentions, leurs décisions et leurs
suggestions.
Quand nous aurons ces amendements, nous pourrons, à notre tour,
suggérer des amendements. Nous avions, à la première
séance de la commission parlementaire permanente de l'Education, en
réponse à une déclaration du ministre que nous avions
alors appréciée, souligné certaines de ces
inquiétudes que j'ai relevées encore une fois aujourd'hui. Nous
avons quand même eu toutes ces séances, la déclaration
ministérielle d'hier, le discours du ministre en deuxième lecture
aujourd'hui et, malgré l'ouverture d'esprit manifestée hier
je me dois de le souligner et de l'admettre nous en sommes encore
un peu, pas mal, beaucoup dans la même situation vis-à-vis d'un
projet de loi héritier d'un autre qui, tous deux, ont fait couler
beaucoup d'encre et fait beaucoup parler.
Comme ils ont fait déjà beaucoup parler et que le temps
avance, je ne veux pas être trop long. Je voudrais conclure, sans
référer à tous ces documents qui sont devant moi
selon le règlement, j'ai parlé avec des notes; j'ai appris cela
dans un petit livre à l'article 285, premièrement que je
n'ai peut-être pas pu établir d'une façon parfaitement
synthétique et parfaitement analytique toutes les inquiétudes de
l'Opposition officielle et son désir qu'il y ait restructuration
scolaire de l'île de Montréal, mais, à la fois aussi que
l'on connaisse exactement, tant ici qu'à l'extérieur, quelle est
la position précise, exacte, concrète du gouvernement
libéral.
M. le Président, je vous remercie de m'avoir permis d'aider ainsi
le ministre de l'Education. Je termine en le pressant encore davantage de se
hâter de nous produire son véritable projet de loi no 28. Merci,
M. le Président.
M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de
Richmond.
M. Yvon Brochu
M. BROCHU: M. le Président, on a, à maintes reprises,
souligné les objectifs du projet de loi no 28 qui sont les suivants, au
dire même du ministre: 1) assurer l'équilibre administratif entre
les diverses corporations scolaires de l'île; 2) voir à une
répartition équitable des ressources en fonction de la
communauté de l'ensemble du territoire de l'île de Montréal
sans distinction de religion, de race ou de fortune; 3) compléter un
plan de rationalisation administrative amenant une décentralisation des
services du ministère de l'Education; 4) doter l'île de
Montréal d'un système scolaire où jouent harmonieusement
les mécanismes démocratiques; 5 ) favoriser les échanges
de cours, de services et d'enseignants entre les divers groupes qui forment la
population de l'île de Montréal.
Le projet de loi en question n'est pas simple au point de vue des
principes puisqu'il en contient plus d'un, c'est-à-dire qu'il comprend,
en plus de l'aspect administratif comme tel, un aspect linguistique, un aspect
confessionnel, un aspect se rapportant à la démocratie ainsi que
le besoin dans les faits d'une approche qui tienne compte de la
réalité. Ce bill touchant la restructuration scolaire de
l'île de Montréal revêt une importance de tout premier ordre
qui n'est pas, je pense, à démontrer ici puisque le nombre de
personnes venues à la commission parlementaire, la quantité comme
la qualité des mémoires soumis et surtout l'intérêt
que le projet de loi a créé dans la population en
général sont amplement éloquents à cet effet.
D'ailleurs, le projet de loi comme tel n'est pas nouveau puisqu'il
émane du tombeau même du bill no 62 et de l'Union Nationale.
UNE VOIX: Ah ! les vraies tombes!
M. BROCHU: C'est une autre repousse, semblable à la
première, alimentée d'on ne sait où, peut-être de la
main même des fabricants de sarcophages politiques. Quoi qu'il en soit,
le bill no 28 est là et les opinions à son sujet sont fort
diverses et controversées. Un fait demeure, cependant. C'est que
l'impact qu'il crée est d'une envergure considérable et que la
vague de fond qu'il soulève actuellement est loin d'être
négligeable.
Nous vivons, au Québec, dans une société
pluraliste. C'est un fait et ce serait faire le jeu de l'autruche que de ne
point reconnaître cette réalité. Cependant, tout en
veillant à ce que les droits de la majorité ne soient pas
compromis, les minorités ont droit également au respect du
législateur.
Le pluralisme, dans une société moderne,
loin d'être un fait négatif, peut devenir un facteur de
dynamisme pour toute une collectivité. D n'y a, je pense, que
très peu de chances de se tromper en disant ici que la
réorganisation du système scolaire sur l'île de
Montréal est de nature à réjouir tous et chacun puisqu'il
existe certains problèmes à ce niveau et qu'un tel objectif peut,
en principe, établir un meilleur système.
Le bill no 28 veut donc établir de nouvelles structures
scolaires, et même si les principaux objectifs, tracés par le
ministre lui-même, sont d'ordre administratif, il faudra quand même
que ces structures jouent un rôle subordonné par rapport aux
valeurs qui sont en cause dans le bill. Qu'on accepte ou qu'on refuse cet
énoncé en disant que les structures conditionnent le contenu, que
ce soit sur les plans juridique, confessionnel, démocratique ou autres,
par ce projet de loi no 28 l'Etat démontre nettement que, par-dessus
tout, l'aspect administratif doit primer sur tout le reste et qu'à cet
aspect on doit sacrifier le principal, les valeurs de fonds qui doivent faire
de l'enfant un homme intégral. Au fond, pour l'Etat, l'éducation
est avant tout de l'administration.
Tant il est vrai que lorsqu'un Etat se mêle de vouloir être
un Etat éducateur à la place des parents, aussitôt les
qualités de fond de l'enseignement et l'intérêt propre des
enfants sont sacrifiés à ce que l'Etat juge être des
intérêts de finance et de facilité de gestion.
De plus, la logique la plus simple est celle qui veut s'appuyer sur la
réalité des faits. L'expérience administrative comme
pédagogique nous commande de procéder à une
restructuration scolaire réellement progressive, tel que le demande Mgr
Grégoire dans son mémoire: "Nous pensons qu'au lieu de mettre en
oeuvre en un seul temps une réforme globale il convient de
procéder à une restructuration scolaire progressive. C'est ainsi
que, pour répondre à des besoins d'ailleurs nettement ressentis,
on devrait s'appliquer d'abord à mettre en place ce qui est
généralement souhaité un conseil scolaire au niveau
de l'île et des comités d'écoles au niveau local. Cette
opération se compléterait par un regroupement ou une redivision
des commissions scolaires actuelles en commissions scolaires catholiques,
protestantes et autres. Une fois cette expérience vécue, on
pourrait mettre au point le type de commissions scolaires qu'un sain
réalisme commandera".
Ici, je pense qu'avec la connaissance d'une expérience comme
telle, réellement progressive, on pourrait arriver, dans le sens que
suggère Mgr Grégoire, à établir
véritablement un système qui réponde à une
réalité qui est là, sur l'île de
Montréal.
Je continue la citation: "Cette façon de faire, en plus
d'obéir à une loi externe d'efficacité et de rendement des
structures, respecterait aussi la loi interne de croissance des
mentalités." Je pense que cette loi interne de croissan- ce des
mentalités dont parle Mgr Grégoire dans son mémoire est
d'une importance capitale puisqu'elle met en cause, quand même,
l'évolution de toute une société qui existe, en comprenant
un pluralisme aux différents paliers mêmes de son existence.
Par une telle progression, on tiendrait compte du pluralisme et on
éviterait des heurts à ce niveau également. C'est
déjà loin, je pense, de ce que le ministre a proposé hier,
en disant qu'il y aurait progression par le simple fait qu'on remettait
à plus tard l'application de la loi. Ce n'est donc pas une application
progressive qui existe dans le projet de loi, mais une remise à plus
tard, purement et simplement.
A mon sens, une telle tactique est inacceptable, puisqu'elle deviendrait
électorale par le fait que le ministre reporte l'application globale de
la loi après les prochaines élections, en caressant
peut-être, dans le noir, l'espoir que l'impact du bill 28 sera
également ressenti plus tard. Cela ne touche pas du tout à la
chaloupe. On peut continuer à la "booster" par en dedans, mais on n'y
touche pas.
M. LEDUC: Seigneur! C'est un comédien né, ce monsieur!
M. BROCHU: M. le Président, la population montréalaise
croit encore malgré tout il faudrait écrire "malgré
tout" en majuscules à la démocratie. Si le bill 28 est
accepté comme tel, avec les amendements de mots proposés, mais
qui ne changent rien aux principes primordiaux en cause, le cercueil dont j'ai
parlé au début pour le bill 62 ne pourra pas servir pour le bill
28 puisqu'il sera accepté. Alors, pour qui, M. le Président,
servira-t-il?
M. LEDUC: C'est pour vous, ce cercueil.
M. BROCHU: D'autre part, M. le Président, lorsqu'on jette...
M. DROLET: Cruches vides!
M. BROCHU: ... d'un coup d'oeil général l'organigramme du
projet de loi no 28 en partant du sommet, le conseil scolaire de l'île,
jusqu'au bas de l'échelle où nous rencontrons les comités
de parents, nous constatons que tous les fonctionnaires, pour ce qui regarde
l'administration proprement dite à l'intérieur de ce projet de
loi depuis les fonctionnaires qui sont dans le conseil scolaire de
l'île, ceux des commissions scolaires, le directeur général
pour atteindre ensuite leurs adjudants, qui sont les sous-directeurs
francophones et anglophones des services de l'enseignement, des
étudiants et du personnel tous ces fonctionnaires de l'Etat
représentent l'Etat neutre comme tel et agissent comme fonctionnaires
neutres avec des pouvoirs exécutifs en main.
D'autre part, les fonctionnaires qui ont affaire aux groupements
d'élèves catholiques, protestants et autres et les membres des
comités de parents au niveau confessionnel sont unique-
ment consultatifs, quoi que disent et quoi que fassent les soi-disant
amendements qui ont été déposés à ce sujet
hier.
Excepté que j'entrevois une autre possibilité. Parce que,
depuis que je travaille avec le ministre de l'Education, j'ai pu entrevoir son
envergure d'esprit. H pourrait même travailler dans une certaine banque
puisqu'il a l'esprit ouvert.
M. PERREAULT: La Banque du Canada.
M. BROCHU: Je pense que le ministre a peut-être voulu, dans son
intelligence, garder quand même une petite boîte à
surprises...
M. LEDUC: Quoi, à surprises?
M. BROCHU: ... dans laquelle il y aurait possibilité de changer
l'amendement ou non, tellement il a été vaguement
présenté hier. J'ose espérer, connaissant l'intelligence,
le sens de la démocratie...
M. SAMSON: N'en mets pas trop.
M. BROCHU: ... du ministre, connaissant ses grandes qualités,
qu'il s'est volontairement conservé cette possibilité afin de
voir et ce que les partis de l'Opposition penseraient et ce que la population
continuerait de lui manifester, parce que je pense qu'il continue d'affluer
chez le ministre un certain nombre de lettres et de représentations
à ce sujet.
On ne trouve aucun soutien juridique véritable qui puisse donner
des garanties suffisantes du côté confessionnel. On a des voeux
pieux, on a une espèce d'amendement poétique qui couvre un peu
tous les aspects de la confessionnalité, sans cependant en toucher
profondément aucun.
M. LEDUC: Ainsi soit-il.
M. BROCHU: Le comité confessionnel est réduit...
M. DROLET: Il y en a un qui est bien malade de l'autre
côté, il n'y a pas un médecin quelque part ici?
M. BROCHU: ... à un rôle de vigilance. Et le responsable
des questions religieuses, lui, c'est un simple conseiller. Je ne parle pas
d'un conseiller avec des pouvoirs comme Paul Desrochers. Je parle d'un simple
conseiller qu'on ne sait pas trop sur quelle tablette mettre, parce qu'il faut
le mettre dans la loi, les gens en veulent; d'un autre côté, il ne
faut pas lui donner trop de pouvoirs, parce qu'il serait fatigant. On cherche
la tablette pour le mettre. On présente un amendement assez vague pour
dire qu'il va exister, sans dire qui il va être; on ne dira pas ce qu'il
va faire, ni quelles responsabilités ni quels pouvoirs il aura.
Au fond, le projet de loi no 28 nous apparaît comme un immense
cheval de Troie. H s'avance vers nous avec on pourrait peut-être
le concéder certains principes généraux qui
s'accordent avec nos théories.
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permet une
question?
M. BROCHU: Certainement.
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député est en accord ou non
sur les trois recommandations formulées par le comité catholique
et j'ai beaucoup de respect pour le comité catholique du
Conseil supérieur de l'éducation touchant le responsable des
questions religieuses?
M. BROCHU : Je pense que le ministre est à même de voir
quel genre d'attitude j'ai prise à la suite de l'étude de ces
mémoires et la décision nous l'avons prise nous-mêmes en
caucus.
M. SAINT-PIERRE: C'est une question fort intéressante que vous
soulevez, le responsable des questions religieuses. Je cite ici, en page 10, le
mémoire du comité catholique, du 12 novembre 1971, touchant le
responsable des questions religieuses. Ce comité fait trois
recommandations.
D'une part, il dit: "Pour fins d'autorité et d'efficacité,
le responsable des questions religieuses devrait faire partie de la direction
générale". Donc, ça veut dire ne pas être un
vulgaire commis.
Or, quel est l'essence des amendements proposés hier? On dit,
c'est un conseiller auprès du directeur général des
écoles. Est-ce que ça n'a pas donné à ce dernier,
justement, de donner suite aux recommandations du comité catholique?
Deuxième recommandation du comité catholique: vu l'importance des
fonctions, le choix de celui-ci devrait se faire après consultation du
comité catholique des parents. Qu'est-ce qu'on retrouve dans les
amendements d'hier? Le conseil doit consulter le comité catholique avant
de nommer cette personne. Troisièmement, la tâche du responsable
des questions religieuses devrait être définie par une
recommandation, édictée ou approuvée par le comité
catholique du Conseil supérieur de l'éducation qu'on a fait
nôtre dans nos amendements d'hier.
Alors, sur ce point précis, et d'ailleurs sur toutes les autres
recommandations du comité catholique, j'aimerais savoir si, oui ou non,
le député est d'accord puisqu'il invoque tellement cet argument
de constitutionnalité. J'ai beaucoup de respect pour lui, mais en
matière de constitutionnalité, mon conseiller, c'est le
comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation et
je pense qu'on a inclus à peu près 95 p.c. de ses recommandations
dans nos amendements mentionnés hier.
M. BROCHU: Je trouve très bon que le ministre mentionne
ça, cependant ce n'est pas sur l'aspect constitutionnalité quand
on parle toujours de nos peurs inconscientes.
M. SAINT-PIERRE: Confessionnalité. Moi je parle de la
confessionnalité. Le comité catholique ne peut pas parler de la
constitutionnalité. Il y en a d'autres qui m'en ont parlé,
mais...
M. BROCHU: Non, c'est parce que vous avez mentionné ça
tout à l'heure. Je ne voudrais pas que vous fassiez part à la
Chambre de peurs inconscientes, par un lapsus. Mais je pense que le ministre
quand même a assez, comme je l'ai mentionné' tout à
l'heure, de qualités, d'envergure et d'intelligence, pour pouvoir quand
même, donner réponse à ce qu'il a dit aux recommandations
du mémoire qui lui a été soumis. Pour notre part, nous
restons libres quand même de prendre les positions que nous voulons et
nous demandons qu'une certaine autorité soit donnée à ces
représentants-là.
Alors, M. le Président, pour revenir à ce que je
mentionnais tout à l'heure, le projet de loi no 28, c'est un petit peu
comme un immense cheval de Troie qui s'avance vers nous. Et comme j'ai
mentionné, on pourrait le concéder avec certains principes
généraux qui s'accordent avec nos théories
chrétiennes mais qui, dans ses modalités et ses plans
d'exécution, expriment une nette tendance à négliger
l'aspect religieux, et à faire passer le rouleau-compresseur de la
conception de neutralité pour parvenir à l'établissement
d'une école pour tout le monde au service d'une société
globale.
Nous en sommes là et à mon sens c'est humiliant, et c'est
dégradant pour la démocratie aussi. Et c'est surtout
décevant pour tout un peuple à grande majorité
confessionnelle, pour tout un peuple où il n'y a même pas 1 p.c.
d'incroyants réels, de constater que le serviteur de ce peuple se dit
non confessionnel, s'organise une administration immense non confessionnelle et
entend dialoguer avec le peuple, peuple chrétien, avec un langage
non-confessionnel, quitte à tolérer qu'il soit question de
confession religieuse au bas de l'échelle mais au niveau purement
consultatif.
On se croirait dans le climat éducatif de la France, au temps
où Jules Ferry, ministre de l'Education, a tout fait pour installer
l'Etat éducateur et le neutralisme en France. On se croirait dans la
société de la ligue d'enseignement de France. On se croirait en
pleine compagnie de notre bon ami M. John Dewey, aux Etats-Unis, avec sa
conception matérialiste et neutre des écoles publiques,
conception d'éducation qui est d'ailleurs maintenant
désavouée, dépassée, ainsi que son
précurseur.
Nous ne pouvons croire à la thèse de la neutralité
ou de l'impartialité des corps administratifs lorsqu'il s'agit
d'école et d'éducation. C'est la commission scolaire qui a la
responsabilité d'engager les maîtres pour les clientèles
scolaires catholiques. Elle ne peut ni ne doit être neutre à
l'égard des valeurs propres à cette école. C'est la
commission scolaire qui a la responsabilité de réclamer,
auprès des universités et du ministère, des institutions
capables de donner une formation chrétienne aux candidats à
l'enseignement. Nous préférons que ces responsables,
légalement mandatés, soient des corporations scolaires
catholiques pour les clientèles catholiques et, dans l'autre cas,
l'inverse.
J'aimerais faire remarquer au ministre qu'il serait fort imprudent,
même s'il juge cela comme il le disait dernièrement au
Canadian Club économiquement impossible d'aller contre la
majorité confessionnelle catholique et protestante qui s'est
prononcée contre les commissions scolaires unifiées. S'il veut
être démocrate, pourquoi n'adopte-t-il pas au moins la
thèse d'un regroupement progressif des commissions scolaires à
Montréal? Qu'est-ce que c'est, pour lui, la démocratie? Il a tant
parlé de démocratisation; veut-il établir une
démocratisation en sacrifiant sur son autel ce qui est proprement la
démocratie et le vrai pluralisme?
Il est toujours temps de défaire une loi adoptée, si elle
est injuste. Ce serait grand dommage pour le peuple et pour la culture
canadienne-française, en ce qui nous concerne de même que pour
l'aspect confessionnel, que le bill soit adopté tel quel. Dans une
province où le peuple est en majorité confessionnel et
chrétien, tout le système administratif se veut et se
déclare neutre. L'aspect religieux, qui, pour nous, même en
éducation est fondamental, apparaît ici dans l'organigramme du
projet de loi no 28 comme simplement marginal. Les parents, qui ont ou
devrais-je dire qui devraient avoir la première voix en
éducation, qui sont les premiers intéressés, ceux qui, par
nature, sont les plus responsables puisqu'il s'agit de l'éducation de
leurs propres enfants, sont considérés ici comme partie
négligeable que l'Etat voudra bien, par tolérance, consulter. Que
signifie et que vaut cette consultation?
De plus, le ministre a mentionné tout à l'heure, dans
l'exposé qu'il a fait, que la confessionnalité ne devait pas
faire partie de la structure en somme, ne pas être garantie par le
soutien juridique puisqu'il s'agissait d'une question personnelle. Son
raisonnement me fait un peu sourire, parce qu'il s'approche peu à peu,
à pas de loup, dans ce secteur, de la position qu'avait prise le Parti
québécois à la commission parlementaire. C'est un
raisonnement qui est comme une arme à deux tranchants. Il faut bien en
mesurer toute la portée. En effet, si on pousse le raisonnement du
ministre jusqu'au bout, pourquoi dépense-t-on autant d'argent pour la
prétendue commission Gendron alors que la question linguistique devrait
être une question personnelle? Ce n'est pas moi qui le dis; je pousse
votre raisonnement au bout.
Je pense que, simplement au niveau de cette argumentation, nous pouvons
nous poser de
sérieuses questions sur l'orientation du projet de loi dans ces
deux matières, et linguistique et confessionnelle. Puisque, pour le
moment, j'en suis à la question confessionnelle, je dis c'est la
position de mon parti que les soutiens juridiques doivent maintenir la
confessionnalité.
De toute façon, il s'est fait un certain cheminement avant que le
bill 28 soit déposé. Les leçons d'un passé pas
très lointain devraient nous servir pour l'avenir que nous sommes
à construire aujourd'hui ou, plus précisément, que le bill
28 dessine dans son essence en matière d'éducation. Qu'il nous
suffise ici, M. le Président, de mentionner le cheminement
effectué par le MLF, Mouvement laïque de langue française,
qui, tout bénin qu'il pouvait paraître au point de départ,
a su mener à bonne fin son idéologie, le tout avec la
bénédiction des Paul Gérin-Lajoie, Lesage, Paul Desrochers
et compagnie.
Ainsi, en 1967, un présumé membre du MLF publia dans
certains journaux, dont le Soleil, un article intitulé "Fumez vos
pipes," qui était une attaque dirigée contre toute
autorité, particulièrement dans le domaine
ecclésiastique.
Soulignant que son mouvement n'était pas étranger à
l'élaboration du rapport Parent d'ailleurs, je me demande encore
ce que c'est, le rapport Parent; j'ai hâte qu'il soit proposé, que
l'on sorte les quelque 400 mémoires qu'il y avait on pourrait
peut-être l'appeler aussi rapport Desrochers, Arthur Tremblay ou quelque
chose du genre ce monsieur avouait modestement: "L'intrusion habile et
subtile des agnostiques dans le domaine de l'éducation est notre trait
de génie et les nôtres sont tellement nombreux je
pense que, comme le disent les Anglais, "it may ring a bell" pour le ministre,
s'il a fait le tour de son ministère au ministère de
l'Education qu'ils ont établi une muraille autour des ministres en
charge.
Nous avons tellement bien joué notre jeu que ce ne sont plus eux
qui dirigent les destinées de l'éducation, mais nos
fonctionnaires, nos technocrates, si vous aimez mieux. Cet article qui a paru
dans plusieurs journaux est singé: Alain Dousy, de Montréal.
Le mouvement en question, d'ailleurs, vient d'être dissout puisque
ses objectifs sont maintenant atteints. L'on constate que ceux-ci seraient fort
bien servis encore par l'actuel bill 28 quant à la
non-confessionnalité.
Je voyais sourire le ministre, tout à l'heure, lorsque je lui ai
mentionné l'implantation de ce noeud à l'intérieur de son
ministère. Je ne sais point interpréter pour le moment la nature
de ce sourire, si cela en est un de satisfaction ou d'appréhension
devant quelque chose qui nous pèse et dont nous ne voulons pas montrer
le poids à ceux qui nous entourent. A présent, je pense que le
ministre est conscient qu'à l'intérieur de son ministère
les mots ordre, efficacité, organisation ne sont pas écrits en
trop grosses lettres sur les murs et que les centres de décision
n'appartiennent peut-être pas aux élus du peuple mais qu'il s'en
fait peut-être simplement le porte-voix. Ici, je ne parle pas du ministre
tel quel, à l'heure actuelle, comme de tous ceux qui se sont
succédé à ce digne siège de l'éducation
depuis quelques années.
Les porte-voix ont bien fonctionné et on a vu, malgré les
changements de partis, les mêmes bills revenir sous les mêmes
formes parce que l'idée de ceux qui les avaient décidés
n'avait point été satisfaite.
Suite à tout cela, le bill 28 a-t-il une visée
étatique ou s'il est la volonté d'un peuple qui croit encore
à ses valeurs de fond qui ont construit notre nation
québécoise? Il s'agit bel et bien en tout cas d'un retour en
arrière d'une loi archaïque sur bien des points. Si je reviens
simplement au niveau confessionnel, non content de ne pas respecter la
majorité québécoise, qui est confessionnelle, qu'elle soit
protestante ou catholique ou autres, non seulement content de ne pas les
respecter, on en fait, comme disaient jadis les textes grecs, un "metling
pot".
On dit, après cela: A l'intérieur de ces nouvelles
structures que nous avons la générosité de vous donner
mais on ne mentionne pas qu'on n'a pas pensé et rien de cela
vous allez devoir manifester, messieurs, votre foi sous prétexte,
comme le disait tout à l'heure le ministre dans son exposé, que
certains étudiants peuvent, peut-être, à l'intérieur
d'une école confessionnelle, être dissidents et ne pas assister
aux cours de religion. A cause de cette majorité, qui est au nombre de
combien, on dit: Il ne faut pas brimer le climat religieux confessionnel qui
existe dans une école. Alors, pour ne pas brimer ce climat, on va
enlever toute confessionnalité. Là, on l'a réglé,
le problème! Là, on l'a réglé, on l'a
tranché de A à Z, de haut en bas. Je connais des fonctionnaires
qui vont être contents. Il y en a qui vont être fiers.
M. SAINT-PIERRE: Ridicule, ridicule. M. BROCHU: Je prends
certaines...
M. SAINT-PIERRE: C'est une vieille rengaine que vous nous donnez
constamment. Changez de phonographe parce que nous aimerions entendre autre
chose sur le bill 28.
M. SAMSON: L'aiguille commence à vous piquer !
M. SAINT-PIERRE: Pardon?
M. SAMSON: L'aiguille du phonographe commence à vous piquer !
M. SAINT-PIERRE: Absolument pas. Mais l'absence de propos sur le bill 28
m'irrite.
M. BROCHU: C'est que malgré...
M. SAINT-PIERRE: L'absence de propos intelligents sur le bill 28, cela
m'irrite.
M. SAMSON: Ah! si vous parlez de votre côté, parlez pour
vous, d'accord, nous acceptons ce que vous dites...
M. BROCHU: Pour continuer dans les propos...
M. SAINT-PIERRE: Nous allons écouter.
M. BROCHU: ... soi-disant non intelligents dont le ministre
parlait...
DES VOIX: Ah!
M. BROCHU: ... c'est qu'ayant remarqué le quotient intellectuel
du ministre, du moins ayant soupçonné son quotient intellectuel,
j'ai été surpris qu'il ne comprenne pas plus vite les
appréhensions et les faits que, depuis quelque temps, nous lui
soulignons en cette Chambre. Je pense qu'avant de répliquer de la
façon dont il vient de le faire, le ministre aurait peut-être
intérêt, sans en parler à personne, à aller à
l'intérieur de son ministère et à prendre les
décisions qui s'imposent. Que ce soit lui qui prenne les
décisions. J'ai le regret, M. le Président, aujourd'hui, de ne
pouvoir dialoguer avec le centre de décisions du ministère de
l'Education, puisqu'il ne s'agit simplement que du porte-parole !
M. LEDUC: Qu'est-ce que cela a à faire avec le principe...
M. BROCHU: Le jour...
M. LEDUC: ... du projet de loi no 28?
M. BROCHU: M. le Président, si le député en
question veut parler, qu'il aille donc à son siège.
M. LEDUC: J'aime vraiment mieux vous regarder de face !
M. BROCHU: A part cela, je voudrais faire remarquer au
député qui vient de parler que je n'attaque pas le Parti
libéral. Ce n'est pas la question. C'est que nous réalisons que
dans la structure actuelle du ministère de l'Education, cela ne va
pas.
M. LEDUC: Ah! Ah! Ah!
UNE VOIX: Il rit comme le père Noël!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permet une
question?
M. BROCHU: Allez donc!
M. SAINT-PIERRE: C'est que vous soulevez cette question des
fonctionnaires. Cette rengaine nous l'avons entendue durant les débats,
mais, habituellement, cela dure trois minutes et, ensuite, on passe à
des choses plus sérieuses et on tente d'avancer.
Je vous signale simplement que vos propos laissent supposer que le
projet de loi no 28, tente de tuer l'école catholique. Je ne suis pas
capable d'admettre cela. Vous avez cité des exemples de la France et de
l'Angleterre. Je m'excuse! Regardez le projet de loi no 28, avec des
comités confessionnels, avec le droit des parents à
l'école confessionnelle, qui est identifiée à
l'école catholique. Vos propos tendent plutôt à ridiculiser
ceux qui ont véritablement un attachement profond pour l'école
catholique.
Je vous invite simplement à regarder ce que l'archevêque de
Montréal disait. Je le respecte plus que je ne vous respecte, sur le
plan de la confessionnalité, malgré tout le respect que je vous
porte comme individu. L'archevêque disait: "Nous reconnaissons à
tous nos concitoyens, quelle que soit leur position religieuse, le droit
à des services adéquats et nous appuierons leurs demandes dans ce
sens. Dans une société pluraliste, les minorités ont droit
à la reconnaissance".
Il me semble que ce pluralisme, il faut le respecter. Ce n'est pas parce
que nous permettons l'école neutre que nous abolirons l'école
catholique. C'est tout le contraire. Je l'ai dit dans mon discours de
deuxième lecture: J'ai la ferme conviction que la très grande
majorité des parents continuera à choisir l'école
catholique. Plus que cela, j'ai la conviction que l'école catholique
sera améliorée parce que, justement, ceux qui ne voudront pas de
l'école catholique ne seront pas, comme aujourd'hui, à
l'intérieur de structures dites confessionnelles.
Au niveau administratif, je vous repose la question, c'est une question
pertinente: Est-ce que, dans votre localité, à Richmond, au
niveau des loisirs, il faut avoir des loisirs catholiques et des loisirs
protestants? Au niveau des patinoires, faut-il avoir une patinoire catholique
et une patinoire protestante? On parle d'une structure administrative. On donne
des garanties à des gens au niveau de l'école. La
confessionnalité, on la place au niveau de l'école. Je vous
invite à regarder le pouvoir de réglementation du comité
catholique du Conseil supérieur de l'éducation pour voir qu'il y
a là des éléments qui sont plus pertinents que ceux que
vous avez soulevés.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques, sur
une question de règlement.
M. CHARRON: M. le Président, ce n'est pas sur les propos du
ministre de l'Education, mais simplement pour vous signaler qu'il est six
heures.
M. BROCHU: Je demande la suspension du débat, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Cette motion de suspension est-elle adoptée?
Adopté.
La Chambre suspend ses travaux jusqu'à huit heures quinze.
(Suspension de la séance à 18 h 1 )
Reprise de la séance à 20 h 17
M. HARDY (Président): A l'ordre messieurs!
Je dois faire remarquer à l'honorable député de
Richmond avant qu'il reprenne son droit de parole que le temps qui lui est
alloué est pratiquement terminé, même en tenant compte des
interruptions qui ont pu se produire au cours de son discours.
M. SAMSON: M. le Président, en vertu de l'article 87, s'il vous
plaît, nous n'avons pas le quorum.
M. LE PRESIDENT: Je dois constater, à l'instar du
député de Rouyn-Noranda, qui semble de plus en plus
connaître son règlement, que nous n'avons pas quorum. De ce fait,
je demande que l'on appelle les députés. A l'ordre!
M. BROCHU: M. le Président, si vous permettez, j'aimerais
répondre brièvement aux quelques points qu'a soulignés le
ministre, avant que nous remettions les débats à ce soir, huit
heures et quinze.
Le ministre a mentionné tout à l'heure qu'il trouvait
curieux pour employer un terme généreux que je
revienne souvent à la charge au sujet du ministère de l'Education
et du soi-disant manque d'ordre ou encore que je trouve anormal que ce ne soit
pas le ministre élu qui soit en mesure de prendre des décisions
en matière d'éducation, mais que ce soit plutôt les hauts
fonctionnaires et les technocrates. J'aimerais simplement mentionner que je
reviendrai sur ce point tant et aussi longtemps que le ministre n'aura pas,
dans les faits, pris une initiative qui me confirme le contraire ou qu'on ne
m'ait pas démontré clairement que ce n'est pas la situation qui
prévaut à l'heure actuelle au ministère de
l'Education.
A ce fait, M. le Président, j'aimerais ajouter puisqu'on
semblait douter un peu de ma parole en ce qui a trait au ministère de
l'Education et au rapport Parent, ou au rapport Guy Rocher - Arthur Tremblay
qui était la même chose que le rapport Parent les
déclarations d'un ex-membre de la commission Parent au sujet des
réformes en matière d'éducation, depuis les années
1960; il s'agit de M. Gérard Filion.
Le 31 juillet dernier, M. Filion, président de Marine Industrie
et ex-membre de la célèbre commission Parent, était
interrogé à la radio d'Etat dans le cadre d'une série
d'émissions sur le Québec d'une décennie, où il a
été longuement question de la marche de l'éducation depuis
1960 à aujourd'hui au Québec.
M. Filion, qu'on ne peut accuser d'incompétence en ce qui
concerne le rapport Parent, n'y est pas allé par quatre chemins. Avec la
franchise non influençable qu'on lui connaît, il a avoué,
entre autres choses, que de la manière dont on a conduit et
poussé la réforme scolaire on avait sacrifié une
génération. Il ajoutait de plus que la Belle province
était allé beaucoup trop vite en chambardant le système
d'éducation, par l'improvisation.
On à, ponctuait-il, procédé au regroupement des
commissions scolaires, créé des écoles polyvalentes et des
CEGEP, sans parallèlement repenser le système et préparer
les cadres susceptibles de s'y adapter.
M. Filion faisait encore la réflexion que cela n'a pas
prouvé, jusqu'à présent, que les élèves
soient mieux partagés qu'autrefois lorsqu 'arrive l'heure grave d'une
option à prendre qui soit apte à les orienter efficacement dans
leur vie.
A partir d'une telle déclaration ce n'est pas le
député de Richmond qui l'a faite, c'est M. Gérard Filion
on peut réellement se poser de sérieuses questions sur le
ministère de l'Education, sur les centres de décisions qu'il
devrait prévoir et sur la mise en application de certaines politiques ou
tout au moins sur la pensée fondamentale philosophique qui les
oriente.
Les amendements qui nous ont été soumis hier, comme je
l'ai mentionné, n'offrent aucune garantie, n'offrent aucun soutien
juridique dans la loi quant à la confessionnalité au niveau de
l'île de Montréal. Je pense que ceci est clair. Nous ne
défendons personne sinon la majorité, et c'est notre prise de
position. Nous n'avons pas appuyé le Conseil supérieur de
l'éducation, mais si certaines choses se regroupent, c'est possible que
ce soit normal. D'ailleurs, je ne défie pas le ministre puisque le
règlement ne le permet pas mais je peux faire quelque chose qui y
ressemble en lui demandant de me prouver si le Conseil supérieur de
l'éducation n'a pas donné un avis approuvant la commission
scolaire unifiée mais recommandant certaines étapes dans la mise
en application, de sorte qu'il y ait une gradation dans les faits.
Quant au Conseil supérieur de l'éducation, qui se divise
en deux secteurs, catholique et protestant, le secteur catholique a
dernièrement donné un avis ne recommandant pas la commission
scolaire unifiée mais une expérience-pilote, dans une zone
donnée. Ceci revient encore à ce que je mentionnais tout à
l'heure, soit de faire l'expérience progressive au lieu d'implanter une
structure globale dont on n'est aucunement certain.
Deuxièmement, le Conseil supérieur de l'éducation,
section protestante, a donné aussi un avis pour que la mise en
application du projet de loi se fasse de façon graduelle, de sorte qu'on
ne mette pas en place certains organismes qui soient de nature à
chambarder l'harmonie qui peut exister sur l'île de Montréal. Je
pense que notre position à ce sujet-là est passablement claire.
Nous défendons certains principes qui sont les nôtres et nous
entendons les défendre jusqu'au bout.
En terminant, je regrette énormément que le
ministre, à ce sujet-là, n'ait pas déposé
les amendements précis qu'il entend apporter au projet de loi puisque
à l'heure actuelle, en deuxième lecture, nous vivons une
situation complètement anormale parce que nous discutons, à
certains points de vue, encore sur des hypothèses. Les amendements qui
nous ont été soumis hier dans certains secteurs restent trop
flous.
Ils sont simplement l'émission de certains voeux ou la
présentation d'une suite de mots qui ne reflètent aucunement dans
les faits ce qu'ils veulent laisser entendre.
Je regrette également qu'il n'y ait pas eu une autre forme de
consultation sur un projet de loi aussi important. Un certain cheminement s'est
poursuivi à travers une prétendue commission pour un
prétendu rapport Parent. Ensuite, il y a eu la commission
parlementaire.
J'aimerais citer, au niveau de la commission parlementaire, un
communiqué émis par le comité protestant du Conseil
supérieur de l'Education qui dit ceci: "Un gouvernement pourrait-il
croire qu'il satisfait aux principes de la démocratie par le seul
truchement d'un comité parlementaire qui donnerait l'occasion à
tous les groupes de venir s'exprimer. Notre réponse est non. Le
comité parlementaire peut-être aussi bien un paravent de dictature
qu'une garantie authentique de démocratie. Dans les mémoires
présentés, se retrouve l'éventail de toutes les opinions
et le gouvernement peut toujours justifier les décisions qu'il prend
face à cette diversité. Rien ne prouve cependant que la
volonté et les droits des groupes auront été
respectés."
Sur cet aspect, nous croyons donc qu'il vaudrait mieux faire une
consultation plus adéquate, si elle n'a pas été faite ou,
tout au moins, nous appuyer sur certains principes qui sont à la base de
notre démocratie et qui veulent que le gouvernement représente la
majorité qui est, jusqu'à avis contraire, confessionnelle sur
l'île de Montréal.
Encore sur l'aspect de la confessionnalité, j'aimerais attirer
l'attention du ministre sur un point qui pourrait le justifier de
s'arrêter davantage afin, comme disent encore les Grecs, qu'il se "gear"
d'une autre façon au besoin, parce que nous avons remarqué
dernièrement, à la fin des séances de la commission
parlementaire, que le Parti québécois même avait fait
volte-face sur cette question.
M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement. Il ne
s'agissait pas d'une volte-face; il s'agissait d'amplifier une position qui
était déjà prise, que nous avions endossée et que
le ministre a lui-même reprise dans ses propres amendements.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il est évident que le point de
règlement soulevé par le député de Saint-Jacques
n'en est pas un. Il pourra très bien, au cours de son discours sur la
motion de deuxième lecture, rétablir les faits, mais il ne s'agit
pas, pour le moment, d'un point de règlement.
Maintenant, puisque je suis debout, je dois rappeler au
député de Richmond qu'il dépasse de plus en plus le temps
qui lui est alloué et je suis obligé de demander le consentement
unanime de la Chambre pour lui permettre de continuer.
M. BURNS: M. le Président, vous n'avez pas le consentement
unanime de la Chambre.
M. BROCHU: M. le Président, il y a eu de nombreuses
interruptions.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Il faut le consentement unanime,
et l'honorable député de Maisonneuve le refuse. Je suis
obligé d'enregistrer le fait qu'il n'y a pas consentement unanime de la
Chambre.
M. DROLET: Si c'était pour défendre Char-trand,
peut-être qu'il serait d'accord.
M. BURNS: M. le Président, peut-être un
rétablissement des faits. Je m'excuse de l'expression le leader
du gouvernement n'est pas là, je m'en réfère au leader
adjoint il y a un "gentlemen agreement" à l'effet que le
représentant même des deux partis reconnus, malgré le
règlement sessionnel, a une tolérance jusqu'à une heure.
Je crois que c'était le cas pour le député de Richmond.
S'il n'est pas rendu à cette période d'une heure,
évidemment, je retire mon refus de consentement.
M. LE PRESIDENT: Il est évident que le président ne peut
pas appliquer des ententes tacites; c'est la raison pour laquelle je demande
s'il y a consentement unanime. La Chambre demeure toujours absolument libre de
consentir ce qu'elle veut. Dans le moment, le député de Richmond,
en vertu des règlements, a une demi-heure. Il l'a actuellement
dépassée et c'est pourquoi je demande s'il y a consentement
unanime pour qu'il puisse poursuivre.
M. BURNS: M. le Président, je m'excuse, je croyais que cela
faisait une heure que le député de Richmond parlait.
M. LEDUC: Cela nous a paru long à nous aussi.
M. BURNS: Comme il ne s'agit pas d'un discours d'une heure, vous avez
mon consentement; à moins que quelqu'un d'autre ne s'y oppose, vous avec
le consentement unanime de la Chambre, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.
M. BROCHU: M. le Président, j'en étais
rendu, de toute façon, au niveau d'une conclusion. Je ne veux pas
étirer le débat. J'ai voulu synthétiser l'exposé
que j'avais à faire...
M. DROLET: Retournez donc au Café vous autres!
M. BROCHU: Voici le père Noël du Parti libéral qui se
met à applaudir. Je vois que c'est bon signe quand même. C'est
parce qu'il se sent un peu "gorlot" probablement. C'est le temps des
Fêtes.
M. ROY (Lévis): Ah! il se sent un peu "gorlot".
M. BROCHU: M. le Président, je demandais simplement l'attention
du ministre sur l'importance que des pouvoirs décisionnels soient
accordés en matière de confessionnalité, tel que
demandé par le Parti québécois et tel que nous l'avions
d'abord demandé.
J'ai simplement souligné le fait que si le Parti
québécois avait changé subitement d'attitude,
dernièrement, c'est qu'il s'était rendu compte que la population
de Montréal désirait vraiment que certains pouvoirs
décisionnels soient accordés en matière de
confessionnalité.
Je pense ne pas tromper les faits en attirant l'attention du ministre
sur un fait aussi important que celui-là.
M. le Président, je voudrais terminer en mentionnant qu'on ne
peut pas, par un projet de loi, aussi bien intentionné soit-il, rejeter
du revers de la main ou d'une Législature certaines valeurs
fondamentales qui ont mené une société à être
ce qu'elle est. C'est justement le chanoine Lionel Groulx qui écrivait:
"Les peuples commencent de mourir le jour où ils changent leur
expression humaine dans l'histoire. Il faudra bien que nous soyons de chez nous
et de notre passé si nous voulons continuer quelque chose". Je pense que
simplement sur cet avertissement du chanoine Groulx, nous devons prendre en
considération les principes fondamentaux qui sont en cause dans le
projet de loi no 28. Je demande au ministre, encore une fois, de
reconsidérer sérieusement les questions que nous lui avons
posées sur la mise en place progressive des mécanismes au niveau
de la réalité et non pas simplement en termes de temps et de
reconsidérer aussi la question de pouvoirs décisionnels
accordés au niveau de la confessionnalité.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
M. Claude Charron
M. CHARRON: M. le Président, nous sommes rendus à
l'étape cruciale de ce projet de loi no 28, celle de l'adoption de son
principe. Je pense que tous les membres, à tout le moins ceux de la
commission parlementaire de l'Edu- cation, doivent éprouver aujourd'hui,
plus précisément ce soir, une certaine satisfaction à
savoir que depuis son dépôt le 6 juillet dernier, jusqu'à
ce soir, à tout le moins, le débat qui a entouré
l'étude de ce très important projet de loi a été
d'une nature élevée et d'une qualité, d'après mon
expérience parlementaire, sans précédent. J'espère
que, jusqu'à la toute fin soit de son adoption ou de son rejet en
troisième lecture, le projet de loi connaîtra des débats
d'une pareille qualité.
Il est bien entendu que je ne veux pas profiter de cette période
pour reprendre des positions moult fois répétées au moins
au cours des dix séances de la commission sur chacun des articles ou
chacune des modalités prévues au projet de loi puisque de toute
façon également l'ordre des travaux parlementaires nous permettra
de le faire en comité plénier comme en troisième
lecture.
Mais il s'agit de reprendre une dernière fois, et une
première fois aussi, avant le comité plénier, aux yeux du
ministre, les principes généraux qui sous-tendent notre appui au
principe du bill et qui soutiendront plus tard chacun des amendements que nous
proposerons au projet de loi.
La première remarque, M. le Président, sera à
l'effet que l'importance de la loi ne peut quand même pas faire oublier
son retard. Je pense qu'on aurait tort de voir, dans cette remarque, si vous
voulez, la remarque traditionnelle d'un parti de l'Opposition sur les lenteurs
et l'inefficacité aussi traditionnelle d'un gouvernement. Je pense que
cela va beaucoup plus loin que cela. Je prendrai les prochaines minutes pour
expliquer pourquoi j'ai dit que l'importance de la loi ne peut faire oublier
son retard.
Il s'agit, en fait, de porter à l'attention de nos concitoyens un
décalage marquant entre le geste actuel du gouvernement qu'est le projet
de loi no 28 et l'évolution de notre système scolaire.
Le projet de loi no 28, c'est, en fin de compte - les orateurs
précédents l'auront rappelé l'achèvement de
l'opération 55, opération menée il y a maintenant
plusieurs années par le premier ministre de l'Education et plusieurs
fonctionnaires de son ministère. L'opération 55, vous
rappellerais-je, M. le Président, était le premier effort de
régionalisation des services scolaires, en province, axé
principalement sur le désir d'accessibilité
générale à l'enseignement secondaire, que les commissions
scolaires étaient tenues d'offrir à partir d'une loi
adoptée en 1961.
Pour une raison ou pour une autre, dont une serait le fait qu'il
était moins urgent qu'ailleurs d'effectuer la régionalisation
puisque l'enseignement secondaire public y était organisé depuis
longtemps, le gouvernement de l'époque décida de différer
la restructuration scolaire de la complexe et compliquée île de
Montréal. Ce n'est que six ou sept ans plus tard que Montréal
connaît enfin son tour.
Or, M. le Président, six ou sept ans plus tard, le contexte a
changé. Le projet de loi le reconnaît lui-même. Il est clair
qu'un pareil geste gouvernemental eut été de nature
différente il y a quelques années. Peut-être, M. le
Président, n'aurait-il même pas intégré
l'élémentaire et le secondaire, comme la loi 27 vient
récemment de se refuser à le faire pour le reste de la
province.
Mais il me semble que, à tort ou à raison, le
ministère garde la mentalité de l'opération 55. Il n'a pas
tort quand il s'appuie sur l'importance des structures scolaires dans la vie de
l'éducation.
Mais le malaise actuel si vous me permettez cette expression
modérée du monde de l'éducation, en même
temps que le temps qu'il a mis à légiférer, aura sans
doute appris au gouvernement qu'un débat sur le contenant ne fait que
retarder celui sur le contenu.
Par contenant, j'entends les structures du système scolaire
québécois, les institutions, neuves ou replâtrées,
qu'il s'est données, les règlements qui s'appliquent à
leurs rapports ou à leur vie interne.
Le contenu, c'est ce à quoi on veut les faire servir, les valeurs
qu'il protège ou qu'il crée, les défis qu'il relève
ou qu'il se refuse à relever. Et ce n'est pas découvrir le
Pérou que de dire qu'en 1971 c'est le contenu de cet immense appareil
qui est devenu l'objet discutable et discuté.
Notre système d'éducation repose sur des valeurs
désormais contestées. L'efficacité économique qu'il
devait assurer se trouve maintenant démentie de façon quotidienne
par les chômeurs instruits, aussi bien que par les commis d'industrie,
version pour société industrielle de notre antique "cheap
labour"
On sait désormais et à Montréal
peut-être plus qu'ailleurs qu'on ne renverse pas une
infériorité économique simplement par une structure
scolaire. La fameuse vie meilleure, l'ouverture aux changements que devaient
signifier les bouleversements de l'éducation deviennent une mythologie
assez douloureuse pour les milliers de "dropouts" que la ville de
Montréal abrite et qui représentent tout le monde le sait
un procès vivant à notre société et au
système d'éducation qu'elle maintient.
Je sais bien, M. le Président, que vous seriez tenté de me
dire que je m'éloigne du sujet. Un projet de restructuration scolaire,
ce n'est quand même pas un remède pour tous les maux de la
société, j'en conviens. Mais on aurait tort et en tout cas nous
refuserons de faire du débat sur le projet de loi no 28 un débat
théorique ou, si vous voulez, une querelle d'organigrammes autour d'une
structure administrative, alors que chacun des membres de la Chambre sait
très bien qu'elle intervient dans un milieu bien précis, qui est
considéré désormais à peu près comme une
poudrière, celui de l'île de Montréal.
Une structure, aussi structurelle soit-elle si vous me permettez
le pléonasme sert quand même à quelque chose et nous
devons savoir à quoi. Et ceux qui doutent du fait que le retard qu'on a
mis à faire la restructuration scolaire de Montréal ait eu un
effet sur la qualité du contenu ne pourront quand même pas ignorer
la vérité latente d'un des derniers avis du Conseil
supérieur de l'éducation sur l'école en milieux
défavorisés.
La lenteur de la réforme de structure à Montréal a
retenu plusieurs milliers de jeunes citoyens de ce qui est encore à
leurs yeux les rêves du rapport Parent. La faiblesse économique de
certains secteurs de la CECM, par exemple, a chez nous réduit la grande
réforme pédagogique à sa plus simple expression. Et ceux
qui se faufilaient jusqu'aux CEGEP se trouvaient désincarnés d'un
milieu qui garde l'impression pénible d'avoir fait les frais de la
nouvelle structure sans en avoir eu tellement les fruits.
M. le Président, je ne fais que mentionner, pour ne pas envenimer
le débat, le fait qu'à Montréal
l'infériorité socio-économique des francophones ne reste
pas à la porte de l'école et que l'urgence du correctif pour la
majorité s'impose chez nous à chaque coin de rue.
Cette remarque, je pense, M. le Président, s'imposait pour que
l'on comprenne bien la position que le Parti québécois prendra
sur les différentes modalités du projet de loi. Il n'y a qu'un
seul moyen, selon nous, de reprendre le temps perdu, sinon de ne plus en
perdre, c'est dans la profondeur de la réforme. Les institutions que
l'on établira par ce projet de loi auront, chez nous à
Montréal, une contrainte particulière, celle de désormais
faire face au débat sur le contenu et il est déjà
prévisible que ces structures fonctionneront avec des limites de
résistance qu'aucune garantie superficielle ne pourrait maintenir.
Au contraire, le délai qu'on a mis à faire cette
réforme nous aura seulement permis d'apprendre que chez nous la
réforme doit être radicale. M. le Président, quand je dis
que le projet de loi doit faire face à des obligations
différentes en 1971 que s'il eût été
présenté en 1966-1967, je n'en prends comme seul exemple que la
démocratisation du système scolaire. Si on avait
procédé à cette réforme scolaire en 1964-1965,
peut-être que la commission parlementaire qui a siégé
n'aurait pas entendu du tout des mémoires du type de ceux que nous avons
entendus, par exemple, sur le chapitre de la démocratisation.
Le fait qu'on ait attendu, a permis à Montréal
d'évoluer, à certaines idées d'apparaître, de
grandir, de croître, de gagner un plus grand nombre de citoyens. Alors
que la structure actuelle du projet de loi no 28 aurait peut-être
été parfaitement acceptable en 1964-1965, les citoyens, eux, ont
évolué. Ils en demandent plus et exigent des garanties et des
pouvoirs adaptés au degré de politisation, au degré
d'évolution que la société québécoise,
en
particulier la société montréalaise, à
atteint depuis quelques années.
Donc, je dis que le retard qu'on à mis je n'en blâme
pas le ministre actuel: cela s'applique à tous les gouvernements
à apporter cette réforme fait qu'elle doit répondre
à des obligations particulières. Mais, M. le Président, il
faut se demander pourquoi une pareille réforme, dont tout le monde
à peu près a clamé la nécessité, l'urgence,
a mis autant de temps à paraître. Comment se fait-il je le
demande à tous les membres de la Chambre qu'alors qu'on
n'hésitait pas à bousculer les structures scolaires d'un coin
à l'autre de la province, à chambarder l'antique système
d'éducation du Québec, il se soit trouvé qu'une charpente
scolaire touchant presque la moitié des jeunes Québécois
résiste, non sans craquer, aux vents de démocratisation et aux
marées de renouveau?
Comment se fait-il que cette structure-là ait
résisté jusqu'à la toute fin? Peut-être que
l'adoption du projet de loi en deuxième lecture marquera la fin d'une
étape de démocratisation et de changement de structures.
On se l'est demandé. Je crois que l'explication ne peut tenir
à la nature de ces structures, au contraire. Le ministre l'a
mentionné lui-même dans son discours et à peu près
chacun des témoins que nous avons entendus à ces
intéressantes séances de la commission parlementaire est venu
nous décrire, avec des exemples plus abracadabrants les uns que les
autres, l'archaïsme des structures scolaires de Montréal, qui est
indéfendable sur tous ses plans. On ne peut plus défendre, sur le
strict plan administratif par exemple, la structure actuelle des dizaines de
commissions scolaires, non plus que le mode de nomination des commissaires.
Croiriez-vous encore, M. le Président, si je vous l'apprenais ce
soir mais je sais que vous le savez déjà que, des
sept commissaires de la Commission des écoles catholiques de
Montréal, quatre sont nommés par le gouvernement et trois par
l'archevêque de Montréal, encore en 1971? C'est aussi vieux, aussi
vétusté, aussi dépassé et aussi ridicule que la
constitution du pays dans lequel on vit encore. Puisqu'on s'attaque
désormais à toutes ces vieilles structures, c'est à se
demander comment on peut trouver encore des gens pour défendre cette
vieille structure. Le système de taxation à Montréal est
une injustice flagrante dénoncée depuis des années;
pourtant, il a résisté à tous les assauts. Ce n'est que ce
soir, ce n'est que par cette loi 28, après une dizaine d'années
d'efforts dans le domaine de l'éducation, qu'on commence à
l'atteindre un peu profondément.
Sur le seul plan administratif, le parallélisme des structures
confessionnelles et linguistiques constitue un gaspillage aussi incroyable que
dénoncé depuis plusieurs années. Les iniquités,
dans la répartition des ressources et de l'équipement le
ministre en a fait mention et les collègues de l'Opposition aussi
sont visibles à tous ceux qui veulent les voir sur l'île de
Montréal. L'écart, le fossé qui existe entre anglophones
et francophones, entre zones riches et zones qu'on appelle modestement et
pudiquement défavorisées, est devenu provoquant pour chaque
Montréalais. C'est à se demander comment il se fait que ces
structures aient pu résister pendant aussi longtemps.
Les structures ont résisté parce qu'elles couvrent des
privilèges, et des privilèges ça se défend. Me
permettriez-vous ce pléonasme, M. le Président? Les
privilégiés sont mieux placés que n'importe qui pour
défendre leurs privilèges. Sans crainte, on peut dire que
l'histoire socio-économique de la métropole fourmille d'incidents
qui viennent nous rappeler l'inégalité des rapports de force
à Montréal et la pénible, la cruelle "minorisation" d'une
majorité. Les privilèges indescriptibles dont les anglophones ont
su entourer leur droit à un enseignement dans leur foi,
l'habileté qu'ils ont eue à confondre les deux dans l'esprit de
la population, la discrétion qu'ils ont mise à
s'échafauder un système parallèle, sinon
complètement contradictoire, à certaines dispositions de nos
lois, l'ignorance qu'ils ont eue et qu'ils ont entretenue de l'autre groupe, le
privilège légitime qu'on leur a consacré, en droit,
d'assimiler les immigrants à un rythme destructeur pour la
majorité et les fameuses "entrées" politico-financières'
que leur puissance leur a values sur toutes les scènes de notre vie,
tout cela est reconnu.
Plus personne, j'espère, aux lendemains des séances de la
commission parlementaire, n'est dupe de la confusion richement et savamment
entretenue entre le confessionnel et le linguistique. La loi 63 a
consacré le droit à l'enseignement dans la langue anglaise. Il
serait inutile, peut-être même malhonnête, je crois
malhonnête, de recourir à l'article 93 de cette antique
constitution comme l'unique argument contre l'unification des commissions
scolaires. L'enseignement dans la langue anglaise est un droit. Les structures
scolaires propres à une minorité, c'est une privilège, et
aucune facétie de "constitutionnalite" aiguë ne réussira
à masquer cette défense de privilèges.
Aujourd'hui, consacrer deux systèmes séparés selon
la langue, ou encore permettre à une confessionnalité
particulière de coiffer un système scolaire, c'est
privilégier un groupe au détriment d'un autre, et
là-dessus le gouvernement n'a pas à craindre d'être
radical.
Intervenant donc avec un retard qui lui vaut des contraintes
particulières et dans un contexte où l'injustice s'est, chez nous
à Montréal, érigée en système, la Loi
concernant la restructuration des commissions scolaires sur l'île de
Montréal doit désormais répondre à des objectifs
essentiels. Le premier est évidemment celui de rétablir chez nous
les droits de la majorité francophone. On ne le fait pas, je le disais
tantôt, par une simple restructuration scolaire,
mais une restructuration scolaire peut y contribuer. L'unification des
commissions scolaires sous un conseil scolaire fort, principe de la loi 28, est
un pas en ce sens, et c'est pourquoi nous allons voter en faveur de cette loi
en deuxième lecture.
Nous ne sommes pas sans connaître les réticences et les
tiraillements que ce geste va poser chez nous. On n'intervient pas après
100 ans de laisser-aller sans déranger du monde, mais nous croyons
sincèrement, sans vouloir ignorer ces dérangements, sans vouloir
ignorer ces tiraillements, que le jeu en vaut la chandelle, que les
conséquences et les impératifs socio-culturels en valent la
peine, sans compter la nécessaire intégration que tout le monde,
je pense, en cette Chambre est prêt à accepter.
La démocratisation du système scolaire reçoit dans
ce projet de loi un droit d'entrée sur l'île de Montréal.
La porte s'est même encore plus largement entrouverte hier par les
amendements que le parti gouvernemental a accepté d'apporter à
son propre projet de loi. Certains reprenaient presque mot à mot des
suggestions que nous avions faites depuis la première séance de
la commission parlementaire. Le ministre le sait, d'ailleurs, qui a
accepté bien sincèrement cette contribution que nous avons pu
fournir à édifier un meilleur projet de loi.
Il restera quand même au Parti québécois, à
travers une porte désormais entrouverte, à en augmenter la
portée prévue à chaque palier de la nouvelle structure, et
nous soumettrons une série d'amendements en ce sens, et le ministre les
connaît à peu près complètement à l'avance,
lors de l'étape du comité plénier.
Donc, le projet de loi no 28 doit répondre à des objectifs
essentiels. On ne peut pas manquer le bateau. On a mis 100 ans j'ai
failli vous citer Charlebois, mais je ne le ferai pas: C'est long 100 ans
avant d'intervenir, et si on calcule la fréquence de nos
interventions dans les structures scolaires à Montréal, il ne
faudrait pas attendre un autre 100 ans avant de modifier ou d'améliorer
une structure scolaire. On ne doit pas faire les choses à moitié.
D'abord parce qu'on ne changera pas une structure scolaire à tous les
cinq ans.
Donc, celle que nous édifions doit non seulement corriger les
injustices passées, non seulement répondre aux besoins
présents, mais également prévoir les besoins futurs. C'est
un défi. C'est un défi pour n'importe quelle décision
gouvernementale. Nous sommes prêts, en ce sens, étant d'accord sur
le principe de la loi, à épauler le gouvernement pour que dans
chacune de ses dispositions, dans chacun de ses articles, la loi puisse relever
ce triple défi.
Nous ne pouvons pas faire les choses à moitié et nous
devons là-dessus analyser profondément chacune des
conséquences de nos décisions. Nous ne pouvons pas accepter une
structure trouée ou, comme je le disais en réponse à la
déclaration ministérielle du député de
Verchères hier après-midi, nous ne pouvons pas accepter une
incohérence de principe à travers ce projet de loi qui risquerait
d'affecter, sur le plan des faits, sur le plan de la réalisation, le
principe heureux qu'il contient, celui de l'unification des commissions
scolaires et celui de la création d'un conseil scolaire.
Quels sont donc, M. le Président, les impératifs auxquels
une restructuration doit répondre et, comme je viens de le dire, doit
répondre complètement? Le premier, celui qui me saute aux yeux,
est celui qui est à la base de la position du Parti
québécois sur cette question, c'est celui de répondre
à un besoin de justice sociale.
H s'agit en fait de convertir en réalité un droit reconnu,
répété, affiché, publié; de faire en sorte
que ce prétendu droit, cette accessibilité générale
à l'éducation devienne une réalité. Le droit est
inscrit dans les règles et dans les décisions de cette Chambre
depuis plusieurs années. Il faut désormais que cette Chambre se
penche sur les possibilités d'exercice de ce droit.
Nous aurions pu, si nous avions disposé d'un matériel
audio-visuel, informer les membres de cette Chambre de certains graphiques que
nous ont fournis les autorités de la Commission des écoles
catholiques de Montréal. Je suis convaincu que plusieurs
députés, en particulier peut-être, et je ne les en
blâme pas, les députés de l'extérieur de
Montréal auraient été étonnés de voir le
fruit de certaines études menées par la Commission des
écoles catholiques de Montréal quant au résultat de ces
étudiants.
Je dis, pour l'information de mes collègues qui ne sont
peut-être pas familiers avec les choses scolaires, comme j'ai dû le
devenir dans ce métier, que la Commission des écoles catholiques
de Montréal fonctionne maintenant en cinq régions
administratives. Une, en particulier, qui s'appelle la région no 2,
couvre ce qu'on pourrait appeler une région défavorisée,
c'est-à-dire, en gros, le comté de Saint-Jacques et le
comté de Sainte-Marie, pour se situer dans une géographie que
l'on connaît beaucoup mieux.
On a analysé les résultats scolaires d'enfants allant
à l'école dans cette région no 2, donc issus de milieu
défavorisé, et les résultats scolaires d'enfants allant
dans la région no 5, celle du nord de Montréal, le quartier
d'Ahunt-sic, le quartier de Montréal-Nord, etc. Dans toutes les
disciplines on voit effectivement, quand on analyse la courbe, une
supériorité dans les résultats pour les enfants issus des
zones riches par rapport à ceux qui sont issus des zones pauvres.
Je ne crois pas et je n'espère pas qu'un seul membre de cette
Chambre croie que ces résultats sont dus au fait que les enfants des
zones pauvres seraient moins intelligents que les enfants des zones riches. Ils
sont tout simplement moins équipés. Ils ont tout simplement moins
de chances au départ. Ils sont tout simplement issus d'un milieu qui
doit continuellement
penser au rattrapage plutôt que de penser à avancer.
Ces statistiques que nous pourrions fournir et que nous avons, de toute
façon, entendues à la commission parlementaire, ne deviennent
qu'un instrument de plus pour nous dire que l'impératif de justice
sociale auquel le projet de loi no 28 doit répondre, doit figurer comme
une de ses priorités. C'est pourquoi le ministre n'en a pas
été étonné, je crois bien. Il nous a vus insister.
Nous le savions disponible. Nous savions comment il s'est senti mal à
l'aise quand le Conseil supérieur de l'éducation a émis
son dernier avis sur l'école en milieux défavorisés et
qu'il n'avait alors à annoncer, comme mesure de son gouvernement, qu'un
mince budget de $1 million, sur $1,400 millions, consacré à
l'école en milieux défavorisés.
Nous connaissons la disponibilité du ministre, mais il ne nous en
voudra pas d'exiger plus qu'une disponibilité morale d'un ministre qui
ne peut être que passager je ne le souhaite pas au poste
qu'il occupe. Les gens de ces quartiers, les habitants de ces milieux
défavorisés ne se contentent plus de garanties morales ou de
tapes dans le dos ou de "je pense à vous le soir en me couchant". Ils
exigent désormais des décisions concrètes. Ils ne croient
plus qu'en des décisions concrètes. Ils veulent les voir figurer
non seulement dans les discours devant les chambres de commerce ou les clubs
Canadian, mais dans des articles précis et dans des obligations
précises émises à des structures scolaires qu'on
édifie.
C'est pourquoi nous avons insisté, Nous ne doutions pas encore
une fois, de la disponibilité du ministre sur cette question, mais nous
voulions que cette disponibilité morale se transposât
concrètement dans le projet de loi. M. le Président, s'il est un
amendement annoncé par le gouvernement que nous avons accueilli, pour le
moment, très favorablement, c'est celui où, hier, à la
demande répétée de certains organismes et du Parti
québécois, il acceptait de parler de rattrapage des milieux
défavorisés quand il indiquait les fonctions précises que
le Conseil scolaire de l'île de Montréal aurait à remplir.
Je disais, tout à l'heure, que nous n'édifions pas une structure
sans savoir à quoi elle allait servir. Il est bon, quand les membres de
la Chambre édifient une structure, que nous leur disions aussi, puisque
c'est notre devoir, à quoi elle doit servir.
Or, si cet amendement, dont je ne connais pas encore la rédaction
juridique, correspond à ces intérêts et à ces
désirs que nous avons, maintes fois, formulés à la
commission parlementaire, le ministre est sûr d'avoir, sur ce point,
l'appui entier des députés du Parti québécois dont
quatre représentants, par exemple, ont été élus
dans ces régions dites défavorisées.
M. le Président, on ne peut pas nous blâmer, non plus, de
ne pas avoir accepté le coeur large et l'esprit large dont a voulu faire
montre, à la commission parlementaire, la minorité anglophone ou
enfin les représentants qu'elle déléguait. Pouvons-nous
blâmer les gens de ces milieux de ne plus faire confiance
aveuglément aux dames patronnesses de Westmount ou au "bon ententisme"
qu'on essaie de nous démontrer quand, au fond, on essaie de venir
défendre des privilèges?
Nous demandons une disposition dans la loi, bien sûr qu'il nous
restera à la faire fonctionner, la structure, mais nous saurons au moins
qu'elle est née avec ce mandat précis. Ce sera aux
Montréalais, par l'élection des. commissaires, par ceux qu'ils
délégueront au Conseil scolaire de l'île de Montréal
et par leur participation au niveau des écoles, de rappeler constamment
à cette structure qu'elle est née avec d'abord une mission, celle
d'établir une politique de rattrapage pour les milieux
défavorisés, celle de répondre à l'impératif
premier de justice sociale.
L'amendement présenté par le gouvernement est bon, mais
est-il suffisant? Je pense que le premier à dire non, ce sera le
ministre de l'Education. Il faudra ce sera notre tâche à
nous, ici à l'Assemblée nationale veiller à ce que
le gouvernement, dans son budget, dans les décisions du ministère
de l'Education, continue à épauler la structure qu'il aura ainsi
mandatée.
M. le Président, sans vouloir présager les prochains mois
que nous passerons en cette Chambre, soyez sûr que les
députés du Parti québécois seront ici constamment
pour le rappeler au ministre.
Mais, M. le Président, si nous confions donc une
responsabilité aussi grande au conseil scolaire, celle de
répondre à l'impératif de justice sociale, encore
faudrait-il ne pas le limiter, encore faudrait-il donner toutes les chances,
dans sa structure, de répondre à ce mandat.
C'est pourquoi il nous semblerait tout à fait logique, si nous
lui confions cette responsabilité, que dans le même esprit il ait
la propriété des équipements scolaires à
Montréal. Pourquoi, après lui avoir confié ce mandat,
l'obligerait-on désormais pour réaliser cette politique, à
négocier avec onze partenaires qui, c'est facilement prévisible,
seront jalousement propriétaires de leur équipement? Pourquoi,
après lui avoir confié un mandat le gouvernement l'accepte
de lui-même par l'amendement qu'il a présenté hier
mettrait-on dans les roues du conseil scolaire autant de bâtons, celui,
par exemple, de la propriété des équipements aux
commissions scolaires ou celui que chaque commission scolaire sera l'employeur
de ses propres syndiqués? Je crois, M. le Président, qu'en toute
logique, pour épauler le conseil scolaire dans le mandat que nous lui
donnerons, il faut le rendre propriétaire des équipements, en
faire l'unique employeur sur l'île de Montréal et aussi faire
disparaître de la loi cette mention qui veut que les commissions
scolaires soient les donataires de tout legs ou don qui pourrait entraver
l'action de planification, l'action de justice
sociale que nous attendons légitimement du conseil scolaire de
l'île de Montréal.
Le deuxième impératif, M. le Président, est celui
d'une démocratie politique. Je n'entrerai pas dans les
définitions qui parsèment les bibliothèques mais pour moi,
en gros et rudement, si vous voulez, c'est de rendre la décision et le
centre de décision accessible à chacun. Là-dessus, ce qui
vaut notre adhésion également, le projet de loi no 28 est une
réforme profonde concernant le système actuel.
Je vous décrivais tantôt la nomination des commissaires
à la CECM; vous reteniez à peine votre rire, M. le
Président, quand je vous décrivais comment étaient
nommés les commissaires actuellement. Eh bien le projet de loi no 28
institue le suffrage universel au niveau de chacune des commissions scolaires.
Enfin, une mesure qui ne peut plus être rejetée par personne, je
crois bien, en 1971.
Le nouvel amendement fait même disparaître cette
fameuse élection par rotation, cette dilatation de démocratie que
contenait le projet de loi original. Nous rendons grâce au ministre
d'avoir apporté cet amendement.
Mais alors, si vraiment on veut installer une démocratie
politique sur l'île de Montréal, dans le domaine scolaire,
pourquoi s'entêter à nommer deux observateurs qui viendraient, aux
côtés des gens élus par la population, jouer le rôle
de chiens de garde, jouer le rôle d'embêteurs, si vous voulez, de
ceux qui auront été mandatés par la population? Aucun des
membres de la Chambre n'accepterait qu'aux côtés des élus
du peuple, par exemple, M. le Président, il y eût une
rangée d'observateurs, à l'arrière, dont le rôle
serait de représenter ceux que l'élection générale
du Québec n'a pas amenés à l'Assemblée
nationale.
M. PAUL: Les patroneux!
M. CHARRON: Le député de Maskinongé, qui est
méchant, me suggère les patroneux. Je n'entrerai pas dans ce
sujet, M. le Président.
M. VEZINA: Il est le seul qui connaisse cela.
M. CHARRON: Je dis qu'il pourrait y avoir, si par exemple
l'élection n'avait pas amené de représentants de la
minorité italienne à l'Assemblée nationale, des
dispositions qui diraient que, sans qu'il ait le droit de vote, mais avec tous
les autres privilèges des députés, il y aurait un
représentant de la minorité italienne, assis au bout de la table,
qui pourrait participer à nos discussions, s'abstenant au moment de
voter. Personne ne peut accepter le principe du suffrage universel pour ensuite
lui mettre des entraves inacceptables après qu'on a énoncé
avec emphase qu'enfin la démocratie politique entrait à
Montréal.
Une fois qu'on a accepté aussi le principe du suffrage universel,
ce qui veut dire en d'autres termes la responsabilité par des gens
élus par la population et devant lesquels ils doivent répondre,
pourquoi, sur le plan administratif, s'appliquer à fausser la
réalisation de l'unification des commissions scolaires en maintenant un
réseau parallèle d'administrateurs membres de la minorité
locale de chacune des commissions scolaires?
Pourquoi risquer que, sur le plan administratif, par un
dédoublement de fonctions dont on ne nous a pas prouvé
l'utilité, loin de là, se trouve posé le risque et
pour ceux qui ont l'expérience de la CECM c'est un risque
prévisible qu'on se retrouve tôt ou tard, demain matin,
avec, en fait, 22 commissions scolaires sur l'île de Montréal,
pendant que sur papier pour les journalistes, pour la population et pour les
discours devant le club Richelieu, on se vantera d'avoir fait l'unification des
commissions scolaires sur l'île de Montréal?
Pourquoi si on est si intéressé à instaurer
la démocratie politique sur l'île de Montréal
permet-on encore le droit de vote censitaire du XIXe siècle? Pourquoi
permettre aux propriétaires d'avoir un plus grand nombre de votes, selon
les propriétés qu'ils occupent, alors qu'on vante partout le fait
qu'on installe le suffrage universel à 18 ans? Si vraiment on accorde
un. droit d'entrée à la démocratie politique sur
l'île de Montréal dans le monde scolaire, je dis: Faisons-le
jusqu'au bout et faisons disparaître cette clause d'une démocratie
du XIXe siècle.
Je pense que le ministre sera d'accord, c'est un amendement qu'il a
oublié d'apporter...
M. SAINT-PIERRE: Mineur.
M. CHARRON: C'est un amendement mineur qu'il apportera plus tard. Je
n'insiste pas, vous voyez je viens de marquer un autre point.
M. SAINT-PIERRE: Le point avait été marqué par
d'autres avant, et j'avais été convaincu.
M. CHARRON: Oui, je le sais très bien, mais...
M. BURNS: Il avait une assistance.
M. CHARRON: Si vous voulez j'ai poussé dans le fond du filet.
UNE VOIX: Dans votre petit club.
M. CHARRON: Pourquoi si vraiment on donne un droit d'entrée
à la démocratie politique sur l'île de Montréal,
maintenir les nominations gouvernementales à ce conseil scolaire de
l'île? Pourquoi, après avoir affirmé qu'on faisait
confiance à la maturité de la population pour se choisir
elle-même les commissaires qu'elle voudrait s'appliquer à
restreindre ce droit par la suite en disant qu'on nommera quatre conseillers
sur quinze au conseil scolaire de l'île? Si on fait confiance au suffrage
universel et à ses fruits, et nous sommes mal
placés pour ne pas croire en l'intelligence de la population
lorsqu'elle se prononce par élection, à moins de faire preuve
d'une humilité très grande pourquoi ne pas permettre que
ces élus du peuple qui sont censés être des gens
intelligents puissent choisir entre eux tous les membres du conseil
scolaire de l'île de Montréal?
Et surtout pourquoi limiter leur action par l'intervention constante,
anodine, bénigne et vraiment superflue du ministère dans un
nombre incalculable de décisions que cette structure scolaire-là
aura à prendre? Le ministre a déjà annoncé des
amendements en ce sens-là, dont nous ne connaissons pas exactement la
teneur, mais il sait déjà, depuis le début de la
séance de la commission, que là-dessus nous désirons le
minimum d'interventions possibles du ministère dans cette structure,
reconnaissant bien sûr que l'autorité suprême en
matière d'éducation au Québec demeure le ministère
de l'Education nationale, ou si vous voulez, en termes de
responsabilités, celui qui occupe le fauteuil du ministre de l'Education
actuellement.
Pourquoi aussi, si on se targue de démocratie politique, ne
l'amplifions-nous pas plus au niveau de l'école, pilier de la structure
scolaire? Je disais tantôt que le retard qu'on a mis à
présenter la loi apportait des défis particuliers à la
loi. Un de ceux-là est certainement la participation des parents.
En 1964 la structure actuelle et les pouvoirs prévus par le
projet de loi aux comités d'école auraient peut-être
je ne sais pas, je n'étais pas en âge à ce moment-là
d'analyser la société ...
UNE VOIX: Comment à ce moment-là?
M. CHARRON: ...été satisfaisants à ce
moment-là. Mais le ministre sait très bien que la demande de
participation des parents, bien qu'elle soit encore faible bien trop
faible à mon avis est croissante et que c'est le rôle d'un
gouvernement démocratique de l'encourager. C'est pourquoi le
comité d'école doit avoir des impératifs précis,
des pouvoirs précis, beaucoup plus larges, en fin de compte, en teneur
que ceux anodins que lui suggère le projet de loi actuel.
On a parlé de la participation des parents au niveau
pédagogique. Nous avons modifié notre position la semaine
dernière en demandant des garanties plus amples quant à la
participation des parents sur le plan confessionnel. Je retiens dans les
amendements du ministre de l'Education à ce chapitre, comme l'a
signalé le député de Bagot hier, une suggestion que nous
lui avions formulée, non pas après mon chemin de Damas, M. le
Président, mais après avoir assisté, comme n'importe quel
membre de la Chambre, à chacune des séances de la commission
parlementaire et après avoir fait une quinzaine ou une vingtaine
d'assemblées publiques sur l'île de Montréal à ce
sujet. Je me suis alors aperçu que c'était un besoin auquel il
fallait répondre, non pas comme les catholiques du XIX siècle
voudraient nous le faire dire, non pas dans des termes ultramontains et
ultraromains, non pas, mais je me suis aperçu qu'il existait
contrairement à ce que certains membres de la Chambre avaient pu me
donner comme impression autre chose que des catholiques
réactionnaires, qu'il existait à Montréal des catholiques
progressistes qui entendent avoir droit à leurs écoles
confessionnelles. Je ne surprendrai pas les membres de la Chambre en leur
disant que ce n'est pas là la position personnelle du
député de Saint-Jacques, mais c'est mon devoir en tant qu'homme
politique, je pense, comme porte-parole en matière d'éducation
pour mon parti, de laisser de côté mes idées personnelles
à certains moments pour plutôt répondre aux besoins de la
population.
Aux commissions scolaires, comme à l'école, il faut
encourager les mesures incitatrices à la participation des parents, que
ce soit sur le plan pédagogique ou sur le plan confessionnel, et
là-dessus nous aurons aussi des amendements à proposer au
ministre.
M. le Président, avant que mon temps ne se termine, vous me
permettrez de signaler un troisième objectif auquel la loi doit
répondre: celui d'une égalité économique. C'est
celui que nous devons viser. La loi là-dessus fait un pas
considérable quand elle dit que la folie furieuse qui s'appelait taxe
catholique, taxe protestante, taxe neutre disparaît. C'est incroyable, M.
le Président, qu'en 1971 on vive encore avec ça. Mais la
véritable recherche d'une égalité économique, la
véritable démocratie économique aurait été
plus que d'abolir la confession religieuse autour de la taxe foncière,
elle aurait été d'abolir la taxe foncière
elle-même.
Plusieurs témoins sont venus nous dire à la commission
parlementaire de faire reposer essentiellement le financement de
l'éducation sur un impôt progressif sur le revenu plutôt que
de le faire reposer sur une taxe foncière sur lequel des milliers
d'études ont été faites à plusieurs reprises et qui
nous expliquent que finalement ceux qui la payent sont les plus petits.
Chacun sait le vieux truc qu'on emploie quand une taxe foncière
augmente. On l'a vécu à Montréal quand le malade qui nous
sert de maire actuellement, à un moment donné, a
décidé d'augmenter la taxe d'eau. M. le Président,
qu'est-ce qui s'est passé? Les propriétaires fonciers se sont
repris sur les locataires. On augmentait la taxe d'eau, supposons, de $12;
alors, un propriétaire qui avait six locataires a augmenté de $3
le loyer de chacun, ce qui a fait $18. Il a payé sa taxe foncière
et il a gardé $6 pour frais d'administration, probablement.
C'est presque toujours les locataires, c'est presque toujours les plus
petits qui font les frais d'une taxe foncière qui est
foncièrement si je peux faire un autre pléonasme
injuste. Nous aurons aussi une discussion intéressante sur ce chapitre
lorsque nous l'atteindrons, M. le Président.
Quatrième objectif auquel doit répondre la loi: celui
l'expression peut paraître farfelue d'une
sécurité culturelle. Et, aussi curieux que cela puisse
paraître, M. le Président, à Montréal, c'est la
majorité qui a le plus besoin d'une sécurité culturelle.
Nous sommes, nous les majoritaires francophones de Montréal, dans une
position assez curieuse, si curieuse qu'on ne peut pas reconnaître un
droit à la minorité sans qu'en même temps nous nous
mettions à encourir des craintes pour les nôtres.
Nous reconnaissons le droit à la minorité anglophone
d'avoir un enseignement dans sa langue je suis prêt à me
battre sur cette question mais nous ne pouvons pas accepter une pareille
disposition sans qu'en même temps, surtout quand vous connaissez les
conséquences de la loi no 63, nous ayons à craindre une
anglicisation massive des immigrants et de certains parents colonisés
qui inscrivent leurs enfants à l'école anglaise.
Vous voyez, M. le Président, nous ne pouvons pas souhaiter
l'unification des commissions scolaires sans, en même temps, nous mettre
à craindre le fait que nous sommes à créer chez nous le
premier district bilingue scolaire à Montréal. S'il est un point
sur lequel le ministre a été loin d'éclairer la
commission, c'est bien sur cette crainte. Nous sommes en mesure de croire, ce
soir, que l'adoption telle quelle du projet de loi no 28, sans précision
sur la langue de travail et sur la langue de communication dans cette
structure, équivaut à la création d'un district scolaire
bilingue à Montréal.
Il faudra que le ministre, dans son droit de réplique ou au
niveau du comité plénier, renouvelle les preuves qu'il a voulu
nous donner du contraire à la commission, parce qu'au fur et à
mesure que le ministre précisait sa pensée là-dessus il
nous semblait confirmer notre crainte. Je parlais de sécurité
culturelle. Il y a des francophones, membres des quatre commissions scolaires
à majorité anglaise que la carte actuelle, si elle n'est pas
modifiée, prévoit, qui sont venus nous dire qu'ils craignaient de
se retrouver, à Montréal, dans une espèce de Manitoba
où ils devraient, à chaque minute, se battre pour leurs droits.
Ont-ils tort, ont-ils raison? La commission ne nous a pas
éclairés là-dessus. Le simple fait que cette crainte
existe m'oblige à demander au gouvernement, et au ministre en
particulier, des précisions sur cette question-là.
Quand je parlais de sécurité culturelle, je voulais
mentionner ce fait. Devant le retard qu'on veut mettre à l'implantantion
de cette nouvelle structure on la reporte à quatre ans, mais
c'est long, quatre ans quand on connaît déjà les
résultats de l'infâme loi 63, nous nous disons que la
majorité francophone de Montréal, qui espère se resaisir
autour d'une structure scolaire et qui la voit retardée à quatre
ans, est en mesure de craindre pour sa sécurité culturelle.
Si la loi 28 vise à assurer aux deux groupes de Montréal,
aux Québécois anglophones comme aux Québécois
francophones, cette sécurité culturelle qui semble leur manquer
depuis plusieurs années, il faut alors la compléter par un
retrait ou par un amendement considérable à la loi 63. A la
commission parlementaire, on a décrit souvent la loi 28 comme
étant la réponse administrative à cette loi qui a
taché l'histoire du Québec. C'est le temps pour tous les membres
de cette Chambre de faire amende honorable. La loi 28 est une occasion
considérable, en même temps que nécessaire, d'amender la
loi 63 dans le sens que les immigrants, comme chez n'importe quel peuple normal
au monde, se trouveraient appelés par la loi à participer
à la vie scolaire du groupe francophone et que les parents francophones
se verraient obligés, comme dans n'importe quel pays normal
également, de participer à la vie de leur collectivité,
dans la langue de la majorité.
En fin de compte, M. le Président, si vous me permettez de
terminer ainsi, tout au long des débats qui ont entouré le projet
de loi no 28, de ces très intéressantes séances de la
commission parlementaire, des très intéressantes
assemblées publiques que j'ai eues d'un coin à l'autre de
l'île de Montréal, des nombreuses rencontres que j'ai eu
l'occasion de faire avec des parents, avec des enseignants de l'île de
Montréal, je me suis aperçu que, finalement, cette loi-là
était l'occasion, pour à peu près tout l'ensemble de la
collectivité montréalaise, de se redéfinir, de regarder
où elle était rendue et d'apporter à la
collectivité montréalaise le fruit de ses réflexions.
C'est une occasion admirable pour le gouvernement de procéder
à une réponse aux objectifs qui sont inscrits dans le coeur de
tous les montréalais. C'est une occasion admirable pour
l'Assemblée nationale de toucher le fond du problème
québécois. Ce sera une occasion fantastique pour, par exemple,
les catholiques de Montréal de prouver qu'ils sont autre chose que la
caricature qu'on a voulu faire d'eux, qu'ils peuvent être un
élément dynamique de la société, qu'ils ne sont pas
nécessairement des gens qui mettent des entraves à tout projet de
loi qui veut répondre à des impératifs de justice sociale
ou d'égalité économique, qu'ils sont des gens actifs et
qu'ils apportent en ce sens le message de l'Evangile dans le rôle qu'ils
ont à jouer dans la collectivité québécoise.
C'est une occasion pour les protestants montréalais de retrouver
l'esprit qui devait les animer dès le départ et de participer
à la collectivité montréalaise. C'est là une
occasion pour les anglophones de Montréal, et j'ai eu l'occasion de le
leur dire; bien sûr, je ne me leurre pas, je ne les atteint pas comme si
j'étais membre du parti gouvernemental. Mais je me dis quand même
que les anglophones ont l'occasion de découvrir qu'ils sont membres
d'une minorité importante et reconnue au Québec, qu'ils ont
l'occasion de découvrir qu'aucun des partis de la Chambre ne leur
reproche ou ne veut leur retirer ce droit fondamental qu'ils ont
à un enseignement dans leur langue mais qu'ils ont simplement à
suivre l'évolution du Québec, qu'ils auraient tort de s'en tenir
à côté parce qu'au fond ils se nuisent beaucoup à
eux. Faut-il leur apprendre? Je pense que oui. Mais aussi ils nuisent beaucoup
à l'ensemble du Québec en nous empêchant d'avoir des
projets de loi qui peuvent, sur certains plans, créer une justice
sociale et une égalité économique. Enfin de compte,
lorsqu'ils s'acharnent à défendre des privilèges comme si
c'étaient des droits, ils créent eux-mêmes des
extrémistes francophones qui tôt ou tard, selon leur propre
modèle, vont épouser la même conviction et, en s'attaquant
à leurs privilèges, s'attaqueront à leurs droits. Eux, ils
défendent leurs privilèges comme si c'étaient des droits;
demain matin, on attaquera leurs droits comme si c'étaient des
privilèges.
Au fond, ils se trouvent à amplifier l'insécurité
dans laquelle ils vivent par le fait même qu'ils veulent se tenir
à part de l'évolution du Québec.
Dans une émission de télévision,
dernièrement, j'avais l'occasion de leur dire dans leur langue qu'ils
devaient réfléchir sur le fait que c'est un parti dans lequel ils
se sont massivement lancés en avril 1970 et probablement un parti qui ne
serait pas au pouvoir, n'eût été de leur appui. Je leur
demandais de réfléchir sur ce fait que c'est leur propre parti
qui aujourd'hui présente le projet de loi 28. Je leur disais:
Réfléchissez là-dessus, même le Parti
libéral, qui est devenu le ghetto dans lequel vous vous enfermez
consciemment ou non, même lui est obligé de répondre,
peut-être pas comme nous le voudrions, mais obligé de
répondre à une évolution politique et sociale
nécessaire au Québec.
Même un ministre libéral de l'Education est obligé
de faire une restructuration scolaire à Montréal. Je leur disais:
Est-ce que c'est assez clair pour comprendre que vous n'avez plus d'autres
moyens? "Join the band wagon" de l'évolution du Québec; il n'y a
plus d'autres moyens pour vous de stopper une évolution à
laquelle votre propre parti est obligé de se plier.
C'est une occasion, finalement, fantastique pour les francophones de
Montréal d'apprendre à se comporter comme une majorité.
Nous avons chez nous, c'est incroyable d'être colonisés de cette
façon-là, un comportement de minorité. Nous avons peur
comme si nous n'étions pas chez nous; où pouvons-nous être
si ce n'est pas ici? Et pourtant, à Montréal, il existe cette
crainte chez les francophones quant à leur avenir. Nous leur disons:
C'est une occasion de prouver chez vous que vous êtes une majorité
respectable, respectée et en même temps une majorité
respectueuse de sa minorité.
Voilà, au fond, peut-être pas contenu dans le projet de
loi, mais qui sera contenu quand le projet de loi sera une loi et quand la
structure sera réelle, un défi qui sera posé à tous
les groupes qui composent le pluralisme montréa- lais actuellement.
Chacun des groupes montréalais y trouve, en même temps qu'une
réponse, un défi. Au fond, ce sont tous les citoyens
montréalais qui sont appelés, par cette réforme en
profondeur de la structure scolaire de Montréal, à relever un
défi, celui de leurs propres responsabilités.
M. le Président, s'il est un projet de loi sur lequel il me fera
plaisir de donner mon appui de principe, c'est bien celui de la restructuration
scolaire de Montréal, parce qu'il est non seulement porteur d'un
correctif important dans un endroit où l'injustice est règle,
mais il est en même temps un défi pour tout le monde, et à
commencer par celui qui vous parle, à apprendre à être,
chez lui, membre d'une majorité responsable, d'une majorité
respectable et en même temps d'une majorité respectueuse.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Henri.
M. Gérard Shanks
M. SHANKS: M. le Président, le projet de loi no 28 vise à
simplifier et à mieux ordonner l'organisation scolaire de l'île de
Montréal. Le régime actuel est fait de 18 commissions scolaires
catholiques et de quinze commissions scolaires protestantes regroupées
en deux commissions scolaires régionales, les unes et les autres
établies par des lois et possédant des prérogatives
différentes.
Le projet de loi cherche à instaurer un régime qui soit
plus équitable, grâce à une meilleure répartition du
produit de la taxe scolaire en fonction des besoins variables des divers
milieux. Le projet de loi veut favoriser davantage la participation
démocratique de la population à la chose scolaire, d'une part en
établissant que tous les postes de commissaires seront désormais
soumis à une élection, ce qui n'est pas toujours le cas
actuellement, d'autre part en accentuant la participation des parents à
la vie de l'école.
Le projet de loi entend respecter les diverses options religieuses de la
société montréalaise en créant, en plus des
écoles catholiques et des écoles protestantes, des écoles
autres que catholiques ou protestantes.
La pensée de Mgr Paul Grégoire sur ce projet de loi est
celle d'une attitude ouverte, nuancée, réaliste, positive. Je
cite quelques extraits de l'avis de l'archevêque catholique de
Montréal sur la restructuration des commissions scolaires sur
l'île de Montréal. "Le projet de loi no 28 traduit l'intention du
gouvernement de mener à terme les efforts déjà entrepris
pour réorganiser le système scolaire de l'île de
Montréal. L'égalité des services sur tout le territoire,
une participation plus large de la population, notamment des parents, à
la chose scolaire, le respect du pluralisme religieux sont autant d'objectifs
à favoriser l'instauration d'un meilleur régime scolaire. "A
cause de ces aspects religieux et culturels,
cette question concerne tous les Montréalais. L'intervention que
nous voulons faire aujourd'hui, au nom de la population catholique, se fonde
principalement sur les considérations suivantes: l'importance, dans
l'édification de la société, de valeurs telles que la
dimension spirituelle de l'homme, la paix sociale, le respect des autres, le
rôle subordonné mais nécessaire des structures par rapport
à ces valeurs. "A ces fins, le projet de loi propose de supprimer les
commissions scolaires actuelles et, en leurs lieu et place, de créer au
niveau de l'île un conseil scolaire ayant le devoir de pourvoir au
financement, à la planification du fonctionnement et du
développement des commissions scolaires et à l'organisation des
services pouvant bénéficier à toutes les commissions
scolaires; instaurer au niveau de chaque école un comité
consultatif ayant pour tâche d'encourager les parents à collaborer
à l'amélioration des services scolaires et de faire, à la
direction de l'école, toute recommandation qu'il juge pertinente
relativement à l'éducation, à la qualité de
l'enseignement et à la vie scolaire."
Dans une déclaration ministérielle du 1er décembre,
M. Guy Saint-Pierre, ministre de l'Education, affirmait: "Ayant
étudié toutes les suggestions et recommandations sur le sujet, le
gouvernement est disposé à présenter certains amendements
au projet de loi no 28". Un de ces amendements touche les comités
confessionnels. En cela, il rejoint l'avis de monseigneur l'archevêque
catholique que je cite: "Plus que jamais l'école catholique constitue un
riche support à notre société par le rappel et la
promotion qu'elle fait des valeurs spirituelles. Une telle institution est,
à nos yeux, un lieu privilégié de formation pour le jeune
qui y poursuit son développement personnel, avec la possibilité
d'éclairer par la foi la connaissance graduelle qu'il acquiert du monde,
de la vie, de l'homme. "La réforme de notre système
d'éducation doit se réaliser dans la paix. Cette paix est le
climat obligé de l'éducation des jeunes et du progrès de
notre société. Il faut éviter les conflits scolaires
susceptibles de compromettre, au départ, la restructuration
désirée. Nous reconnaissons à tous nos concitoyens, quelle
que soit leur opposition religieuse, le droit à des services
adéquats et nous appuierons leur demande en ce sens. Dans une
société pluralisme, les minorités ont droit à la
reconnaissance et au respect sans que soient compromis, pour autant, les droits
de la majorité. Les meilleures structures ne suppléeront jamais
à l'engagement des personnes. Mais il faut se garder de sous-estimer les
réalités juridiques sous prétexte que, dans le
passé, on a pu parfois leur accorder plus d'importance qu'aux dynamismes
vivants de la communauté. "Les soutiens juridiques et les cadres
institutionnels sont toujours indispensables pour assurer à des projets
collectifs une stabilité et une continuité que les seuls efforts
individuels, si intense soient-ils, ne sauraient obtenir. La philosophie et les
objectifs de l'éducation catholique ne peuvent se concrétiser
sans un réseau de décisions et d'autorité qui les assume
pleinement".
Dans l'amendement proposé par M. Guy Saint-Pierre, ministre de
l'Education, on relève les mots suivants: "Le nombre de membres des
comités confessionnels au niveau de la commission scolaire sera
porté de trois à sept. Ces comités devront, de plus,
veiller à la promotion de l'éducation catholique ou protestante,
selon le cas. Le responsable des questions religieuses, catholiques ou
protestantes, aura la responsabilité de l'orientation et de l'animation
religieuses des écoles reconnues comme catholiques ou protestantes,
selon le cas, dans le cadre, évidemment, des règlements des
comités catholiques et protestants du Conseil supérieur de
l'éducation. Ce responsable sera, à ce titre conseiller
auprès du directeur général, sous l'autorité de la
commission scolaire. Il sera, de plus, membre du comité confessionnel
qui le concerne. Enfin, il ne pourra être nommé par la commission
scolaire sans que celle-ci obtienne, préalablement, un avis du
comité confessionnel intéressé".
Dans son avis adressé à la commission parlementaire de
l'Education de l'Assemblée nationale du Québec, Mgr Paul
Grégoire poursuit: "Nous pensons qu'au lieu de mettre en oeuvre en un
temps une réforme globale il convient de procéder à une
restructuration scolaire progressive. C'est ainsi que, pour répondre
à des besoins d'ailleurs nettement ressentis, on devrait s'appliquer
d'abord à mettre en place ce qui est généralement
souhaité, à savoir un conseil scolaire au niveau de l'île
et des comités d'écoles au niveau local. "Cette opération
se compléterait par un regroupement ou une redivision des commissions
scolaires actuelles en commissions scolaires catholiques, protestantes et
autres. Une fois cette expérience vécue, on pourrait mettre au
point le type de commissions scolaires qu'un sain réalisme commandera.
Cette façon de faire, en plus d'obéir à une loi externe
d'efficacité et de rendement des structures, respecterait aussi la loi
interne de croissance des mentalités. De plus, cette proposition aurait
l'avantage de s'harmoniser avec la loi récemment adoptée
concernant le regroupement et la gestion des commissions scolaires pour
l'ensemble de la province. On éviterait ainsi de créer, dans une
même région métropolitaine, celle du grand Montréal,
des organismes scolaires dissemblables pour des milieux socio-culturels
pratiquement identiques. "Une restructuration progressive tient compte, selon
nous, du bien commun d'une société qui se veut respectueuse des
justes aspirations de ses diverses communautés. Elle ne s'oppose en rien
aux objectifs généreux poursuivis par le projet de loi".
Toujours en répondant aux désirs de l'archevêque de
Montréal, le ministre de l'Education apporte un amendement substantiel
au projet de loi concernant les étapes de la mise en oeuvre de la loi.
Je cite M. Guy Saint-Pierre dans sa déclaration ministérielle du
1er décembre: "Nous nous proposons de reporter du 1er juillet 1973 au
1er juillet 1975 l'application intégrale de la Loi, les commissions
scolaires nouvelles et le conseil scolaire exerçant, à partir de
cette dernière date, les devoirs et pouvoirs prévus. Entre-temps,
le conseil provisoire, dont la formation devrait être
complétée avant le 15 février 1972, aurait, en plus des
devoirs qui lui sont dévolus dans le projet de loi no 28 tel que
présenté en première lecture, les responsabilités
suivantes: "Proposer au lieutenant-gouverneur, avant le 15 novembre 1972, une
répartition définitive du territoire des commissions scolaires,
tout en respectant un nombre minimum de sept et un nombre maximum de onze
commissions scolaires, et en visant le meilleur équilibre
démographique possible. "Former, dès l'approbation des
territoires des nouvelles commissions scolaires par le lieutenant-gouverneur en
conseil, un comité d'implantation sur chaque territoire des futures
commissions scolaires, permettant aux responsables de préparer
concrètement l'implantation des nouvelles commissions scolaires au 1er
juillet 1975. "Appliquer, à partir du 1er juillet 1973, les sections de
la loi portant sur la taxation et le financement."
Un autre amendement apporté par le ministre de l'Education, lors
de sa récente déclaration ministérielle sur le bill 28,
est la composition des comités de parents à l'échelon des
commissions scolaires:
Etant donné le grand nombre d'école qui seront sous la
juridiction de chaque commission scolaire, nous prévoirons la formation
d'un conseil exécutif élu par le comité de parents, pour
assurer une liaison plus réaliste entre ce comité de parents et
la commission scolaire".
Le projet de loi tel qu'amendé satisfait donc, dans son essence,
aux objectifs que s'était fixés l'archevêque de
Montréal. Dans sa pensée, il reconnaît que la
création d'un conseil scolaire de l'île est de nature à
favoriser une meilleure coordination du régime scolaire
montréalais et une répartition plus équitable du produit
de la taxe scolaire.
Il reconnaît que la création de comités consultatifs
d'écoles pourra susciter l'intérêt des parents et accentuer
leur collaboration au travail des maîtres.
Le projet de loi tel qu'amendé accepte la proposition
concrète de Mgr Grégoire, considérant qu'une unification
trop rapide des commissions scolaires peut engendrer des tensions et des
querelles stériles entre les divers groupes culturels et religieux du
milieu montréalais.
La proposition de l'archevêque de Montréal d'une
réforme progressive a entraîné des amendements substantiels
au projet de loi mais ne va pas dans le sens d'un rejet de celui-ci. Au
contraire, elle facilite la réalisation des objectifs poursuivis. Elle
répond à son intention d'instaurer un régime scolaire qui
soit plus équitable, de favoriser davantage la participation
démocratique à la chose scolaire, de respecter les diverses
options religieuses de la société montréalaise.
La réflexion de Mgr Grégoire ne porte pas sur certains
aspects sans doute importants mais qui ne sont pas de son ressort et qu'il
appartient au pouvoir politique de déterminer: mode d'élection,
taxation, pouvoirs et prérogatives des diverses instances, cartes
scolaires. Elle ne traite pas non plus expressément, et pour les
mêmes raisons, de la question linguistique. Mais on aura observé
que la solution qu'elle propose ne va pas à l'encontre ni ne
préjuge d'une éventuelle et juste politique de la langue au
Québec.
Cette question vitale, comme le montrent les débats actuels, ne
saurait être réglée d'une façon satisfaisante par
une loi concernant le seul domaine scolaire. A ce propos sur les dires de Mgr.
Grégoire, je cite M. Joseph Bourdon, dans un éditorial de
Montréal-Matin, en date du 25 novembre: "Nous comprenons mal que Michel
Chartrand s'insurge contre le fait que Mgr Grégoire prenne la
liberté de dire ce qu'il pense. L'archevêque de Montréal
est le porte-parole d'au moins autant de gens que le président du
Conseil central de la CSN et il défend son point de vue sans blesser qui
que ce soit."
Sur ce, trêve de commentaires. Même si la réflexion
de Mgr Grégoire ne porte pas sur des aspects qui sont aussi importants,
le ministre de l'Education a bien voulu apporter au projet de loi no 28 des
modifications profondes qui le rendent plus sain et plus acceptable. Ces
amendements toucheront aux pouvoirs des commissions scolaires et du conseil
scolaire.
Dans le cadre de ses pouvoirs de réglementation relativement au
financement, à la planification du fonctionnement et du
développement des commissions scolaires et à l'organisation de
services pouvant bénéficier à toutes les commissions
scolaires, le conseil devra en priorité mettre au point, par voie de
règlement, des mesures propres à assurer une utilisation des
équipements scolaires à la fois rationnelle et juste du point de
vue des diverses clientèles à desservir; le rattrapage des
milieux défavorisés en matière d'éducation; le
développement de l'éducation de l'enfance inadaptée et de
l'éducation des adultes; des ententes entre les commissions scolaires,
les municipalités ou tout autre organisme aux fins de favoriser le
développement des services communautaires.
De plus, étant donné la responsabilité du conseil
scolaire de voir à une répartition juste des fonds des
commissions scolaires, compte tenu notamment de certains milieux
défavori-
sés, il ne pourra pas, sans l'accord de la commission scolaire
concernée, ne pas lui permettre de recevoir au moins le minimum de
revenus correspondant à l'application des règles régissant
les dépenses normalisées des commissions scolaires de la
province.
Ces amendements toucheront également aux interventions du
ministre de l'Education et du lieutenant-gouverneur en conseil. A ce sujet,
nous proposerons que la nomination du président et du
vice-président du conseil scolaire par le lieutenant-gouverneur en
conseil ne s'applique qu'aux premières nominations.
De plus, nous voulons que les sept membres du conseil provisoire qui
doivent être recrutés parmi les commissaires de la CECM et de la
PSBGM soient choisis parmi et par ces commissaires. Les deux personnes
susceptibles d'être nommées lorsqu'une minorité
linguistique n'est pas représentée à la suite d'une
élection deviennent des observateurs avec tous les droits et pouvoirs
des commissaires, sauf le droit de vote. Une révision attentive du
projet de loi se poursuit en vue de diminuer le nombre d'interventions du
ministre ou du conseil des ministres sans mettre en cause la cohérence
nécessaire de l'ensemble du système d'éducation.
Ces amendements toucheront enfin au système électoral.
Nous proposerons l'élection en bloc des commissaires tous les quatre
ans, plutôt qu'un système de rotation, ainsi qu'un mandat de
même durée pour tous les membres du conseil scolaire.
Je dois féliciter le ministre de l'Education pour la
totalité de ces amendements. Quand on sait le sérieux avec lequel
l'Office de l'éducation de l'archevêché de Montréal
a fait tenir des séances d'information dans les quelque 200 paroisses de
l'île de Montréal; quand on connaît le nombre impressionnant
de fidèles catholiques qui ont assisté à ces mêmes
séances, je vous dis que nous ne faisons pas fausse route.
Je veux également remercier en cette Chambre le juge Maurice
Perron, député d'Etat de l'ordre des chevaliers de Colomb qui, au
nom des 65,000 membres de l'ordre, m'a fait parvenir un
télégramme dont j'ai tiré copie à l'intention de
mes 107 collègues de l'Assemblée nationale,
télégramme qui appuyait sans réserve la position prise par
l'archevêque de Montréal.
Je m'en voudrais de ne pas signaler le magnifique travail fait par le
chapitre métropolitain de Montréal de l'Ordre des chevaliers de
Colomb pour sensibiliser tous ses membres à ce problème
d'envergure.
Quant à moi, n'eût été de ces amendements
majeurs apportés au bill 28, il m'eût été impossible
de voter pour un tel projet de loi, mais avec de tels amendements, à
titre de député de Saint-Henri, comté comptant onze
paroisses catholiques, à titre de catholique pratiquant et convaincu et
à titre de député de district de l'Ordre des chevaliers de
Colomb, je voterai pour le bill no 28, considérant qu'il s'agit d'une
formule qui permet l'évolution graduelle vers une unité organique
et non pas artificielle du régime scolaire montréalais. M. le
Président, je vous remercie.
M. DEMERS: Il y avait longtemps que nous n'en avions pas entendu de bon
comme ça.
M. DUMONT: Bon cours de religion.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. Camille Samson
M. SAMSON: M. le Président, c'est avec plaisir que nous avons
applaudi l'orateur qui m'a précédé; c'est une très
bonne tradition en cette Chambre que d'applaudir même un adversaire
lorsqu'il se lève pour la première fois. C'est avec plaisir que
nous l'avons applaudi et nous espérons pouvoir applaudir beaucoup de ses
collègues qui n'ont pas encore eu l'occasion de se lever depuis qu'ils
sont ici, soit un an et demi.
M. le Président, ce projet de loi no 28, suivant les paroles d'un
orateur qui m'a précédé, devrait intéresser
davantage les députés de la région métropolitaine
de Montréal. Alors, j'espère qu'ils trouveront le moyen de nous
rejoindre d'ici la fin de ces débats puisque, si ça doit les
intéresser davantage, ils devraient aussi être présents,
nous ne sommes pas tellement nombreux. Evidemment, il y a des commissions
parlementaires, nous comprenons la situation, mais je les invite, parce que,
des députés qui représentent la région de
Montréal, le parti ministériel doit reconnaître qu'une
grosse majorité siège à votre droite, M. le
Président.
La restructuration scolaire, telle que préconisée par le
bill no 28, ce n'est rien de nouveau. Cela ne nous est pas arrivé
aujourd'hui; on en parle depuis longtemps. On en a parlé sous le
gouvernement précédent, sous l'autre gouvernement qui a
précédé et on sent que, depuis une bonne dizaine
d'années, ça mijotait dans les têtes de certains
fonctionnaires ou technocrates. On savait qu'un jour ou l'autre ça
déboucherait à l'Assemblée nationale et que ces
fonctionnaires ou technocrates trouveraient un ministre pour les endosser.
Je regrette que ce soit le présent ministre de l'Education qui
soit obligé de défendre les positions qui ne sont probablement
pas les siennes. Mais ces gens qui ont tout intérêt à faire
adopter de telles lois ont pris toutes les précautions pour l'en
convaincre sûrement depuis quelques mois. C'est évidemment au nom
de l'efficacité administrative, au nom de cette efficacité dont
le gouvernement s'est gargarisé depuis longtemps qu'on profite de
l'occasion du bill 28 pour mettre en cause les structures confessionnelles,
pour mettre en cause, également, les droits des parents et leurs
responsabilités en matière d'éducation; pour mettre en
cause aussi le droit à la dissidence pour les
minorités qui est garanti en vertu de l'article 93 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique.
Donc, on met également en cause les droits acquis dans le
passé, et ce depuis de nombreuses années. M. le Président,
quant à ce qui concerne le droit à la dissidence, c'est inscrit
assez clairement, à l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique: "La Législature aura le droit exclusif de
légiférer sur l'enseignement dans les limites et pour la
population de la province, sous la réserve et en conformité des
dispositions suivantes: 1 ) Ses lois ne devront aucunement porter
préjudice aux droits ou avantages que la loi, au moment de l'Union,
conférera à une classe particulière de personnes
relativement aux écoles confessionnelles. 2 ) Tous les pouvoirs, tous
les droits et tous les devoirs que la loi, au moment de l'union,
conférera ou imposera dans le Haut-Canada aux écoles
séparées et aux administrateurs des écoles des sujets
catholiques romains de la reine seront et sont par la présente loi
étendus aux écoles dissidentes des sujets protestants et des
sujets catholiques romains de Sa Majestée dans la province de
Québec. 3 ) Quand, dans une province, un système d'écoles
séparées ou dissidentes existera au moment de l'union en vertu de
la loi ou sera subséquemment établi par la Législature, il
y aura appel au gouverneur général en conseil de toute loi ou de
toute décision d'une autorité provinciale qui portera atteinte
à quelque droit ou à quelque avantage de la minorité
protestante ou catholique romaine de la reine relativement à
l'enseignement."
C'est à se demander...
M. CARDINAL: Est-ce que le député de Rouyn-Noranda me
permettrait une question?
M. SAMSON : Je regrette, mais, si vous voulez, je vais continuer
à faire mon discours. Cet après-midi, je vous ai laissé
faire votre discours et j'ai l'intention de faire le mien sans obstruction ni
de la part du député de Bagot, ni de la part du ministre, ni de
la part de n'importe quel autre membre de cette Chambre. C'est mon droit de
parole et j'ai l'intention de l'exercer jusqu'au bout.
M. CARDINAL: D'accord, M. le Président.
M. SAMSON: M. le Président, quand on voit...
M. CARDINAL: Les gens ont peur.
M. SAMSON : Le règlement s'applique à vous comme aux
autres. Je ne vous ai pas donné la permission de poser une question et
vous n'en poserez pas.
M. CARDINAL: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. SAMSON: Il n'y a pas de règlement...
M. CARDINAL: J'ai le droit d'invoquer le règlement...
M. SAMSON: ... il m'a posé une question.
M. CARDINAL: ... je regrette. M. le Président, on vient de faire
des affirmations qui ne sont pas conformes aux faits qui se sont passés
cet après-midi. Cet après-midi, j'ai permis des questions
à n'importe quel député pendant mon intervention, qui a
duré une heure et quart. Il n'est donc pas exact de dire qu'on ne m'a
pas interrompu.
Le ministre m'a posé des questions, le député de
Maskinongé m'a posé des questions et j'ai eu le courage de
répondre aux questions qui m'ont été posées.
M. SAMSON: M. le Président, je pose la question de
privilège. Le député de Bagot a mentionné qu'il
avait donné le privilège de poser des questions et qu'il
rétablissait, les faits. Ce n'est pas cela. Je n'ai jamais dit qu'il
n'avait pas donné le privilège de poser des questions; j'ai dit
que je ne lui en avais pas posées et que je n'ai pas l'intention qu'il
m'en pose non plus. C'est aussi claire que cela; c'est mon droit, et je vais le
maintenir.
M. le Président, dans cet article 93 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, il y a des droits. Aujourd'hui, et
surtout à la suite de différents témoignages entendus
devant les commissions parlementaires, c'est à se demander si ceux qui
ont préparé ces lois... Cela vient rejoindre, à ce
moment-ci, les projets de loi 35, 36 et 37 qui, eux aussi, ont des incidences
constitutionnelles.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demanderais à l'honorable
député de Rouyn-Noranda de ne pas discuter d'autres lois qui ont
été déjà discutées devant cette Chambre.
M. SAMSON: Je regrette, M. le Président, mais j'ai le droit de
les citer en exemple, parce que cela vient rejoindre exactement l'esprit des
projets de loi 35, 36 et 37 quant à leur consistance en matière
constitutionnelle.
Il y a des possibilités que ces lois soient attaquées
constitutionnellement. Cela, le gouvernement le sait. Le ministre le sait
très bien et c'est, d'ailleurs, lui-même qui a dit, lors des
séances de la commission parlementaire, qu'il était possible
qu'il demande un avis juridique sur la question. Or, si aujourd'hui, avec le
bill 28, nous pouvons voir relancer un débat constitutionnel et que nous
venons de voir, la semaine dernière encore, les mêmes
possibilités avec d'autres lois qui ont été
adoptées en deuxième lecture, M. le Président, c'est
à se demander si, dans le gouvernement, il n'y a pas de l'infiltration
de personnes séparatistes intéressées à relancer le
débat constitutionnel sur la place publique.
C'est à se demander si le gouvernement, à ce
moment-ci, ne fait pas le jeu de séparatistes qui se sont
infiltrés dans ces ministères. D'ailleurs, plusieurs ministres se
sont plaints, occasionnellement, du fait que dans des ministères il y a
de l'infiltration séparatiste. Je dirai, comme c'est mon habitude
d'appeler les choses par leur nom, que des militants du Parti
québécois, dans différents ministères, auraient
tout intérêt à relancer publiquement le débat sur la
question constitutionnelle. Cela ferait la propagande du Parti
québécois; Ce serait une propagande qui ne coûterait pas
cher à ce parti, mais dont le gouvernement ferait les frais. Ce sont les
questions qu'on se pose et ce sont les questions qu'on est en droit de se
poser.
Je pense que c'est surtout du côté confessionnel que nous
devons faire comprendre au ministre de l'Education qu'actuellement il est
à nous amener, au point de vue de l'éducation, sur une voie dont
il sera probablement le premier à reconnaître qu'il devra revenir
un jour, mais, alors, il ne sera probablement pas capable de le faire.
Au point de vue confessionnel, nous avons le mémoire d'un groupe
de parents qui nous disent, dès le début: Nous reconnaissons la
nécessité d'une restructuration scolaire...
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, j'invoque le règlement.
On nous parle de mémoire, peut-on nous citer le nom de l'organisme? On
parle et nous ne savons pas...
M. SAMSON: Je viens de le dire, M. le Président.
M. SAINT-PIERRE: D'un groupe de parents mais...
M. SAMSON: D'aileurs, je n'ai pas permis au ministre de poser des
questions plus qu'aux autres.
M. LEDUC: D'un groupe de parents, mais ils sont d'où, ces
parents-là? Des parents de combien d'enfants, combien de garçons,
combien de filles?
M. SAMSON: Mais je peux lui dire, que s'il avait voulu comprendre, s'il
s'ouvrait les deux oreilles quand c'est le temps, il aurait su que c'est un
mémoire provenant d'un groupe de personnes, un groupe de parents.
M. LEDUC: Des parents d'où?
M. SAMSON: Il les a sûrement vus, le ministre, s'il était
à la commission parlementaire.
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'invoque le règlement.
Il y a un article du règlement qui prévaut et qui dit que
lorsqu'un député veut adresser la parole il doit se lever de son
siège. Alors, je veux tout simplement souligner que les
députés du Lac-Saint-Jean et de Taillon ne sont pas à leur
siège et ne se sont pas levés pour adresser la parole,
M. LEDUC: Cela n'a pas été enregistré au journal
des Débats.
M. LE PRESIDENT (Hardy): Le député de Rouyn-Noranda
désire-t-il que je rende une décision sur le rappel au
règlement du député de Beauce?
M. ROY (Beauce): Oui.
M. LE PRESIDENT: Je dois déclarer que le rappel au
règlement du député de Beauce est fondé.
M. SAMSON: Sur le point de règlement, M. le Président, on
dit aussi que, pour obtenir le droit de parole, il faut s'adresser au
président, demander la parole, être debout et ne pas porter de
coiffure, si je me rappelle bien. Alors je vous demanderais aussi de rappeler
au député du Lac-Saint-Jean qu'il doit être à son
siège et qu'il aurait pu vous demander la parole.
Ce mémoire des parents dit ceci: "Nous reconnaissons la
nécessité d'une restructuration scolaire dans la région de
Montréal, nous faisons nôtres les objectifs que cette entreprise
s'est donnés publiquement sous le gouvernement actuel comme sous le
précédent. Comme vous pouvez le voir, sur certains objectifs, il
y a quand même entente, de ce côté-là nous ne sommes
pas prêts à dire que l'ensemble du bill 28 est mauvais, nous
sommes d'accord sur certains principes, c'est-à-dire qu'il faut remanier
certaines choses. Mais là où nous ne sommes pas d'accord c'est de
détruire les structures confessionnelles".
Alors, promotion de l'école catholique, voici ce que disent les
parents et c'est important: "Ce qui de plus nous unit, nous distingue et motive
notre intervention comme front commun c'est un front commun des parents
face au projet de loi no 28, c'est notre libre choix de l'école
catholique de préférence à des écoles que l'on
pourrait appeler multiconfessionnelles ou non confessionnelles, et en cela nous
envisageons le bien de nos enfants, le bien commun de la région
métropolitaine et de la société québécoise.
Nous croyons qu'un système catholique est non seulement conciliable avec
le bien commun de la société globale mais est nécessaire
au bien commun social et que ce type d'écoles et d'éducation doit
demeurer comme service public offert à tous les parents catholiques et
non catholiques partout où les clientèles scolaires qui ont ces
mêmes préférences sont en nombre suffisant pour organiser
des écoles".
Evidemment on pourrait citer plusieurs passages de ce même
mémoire, on pourrait aussi parler de Mgr Grégoire puisque le
député qui m'a précédé en a largement
parlé. Mgr Grégoire nous disait, c'est rapporté dans
l'Action du 21
juillet 1971, dans l'allocution qu'il prononçait à la
clôture de la session pastorale en milieux d'éducation, le 10 juin
1971. Mgr Grégoire, archevêque de Montréal, s'est
adressé aux agents responsables, etc... mais voici ce qu'il dit:
"Certains voudraient, au nom d'une ouverture généreuse mais
irréaliste, que l'école renonce à ses visées
idéologiques, qu'elle se contente d'être le milieu de transmission
du seul savoir devant l'émergence de groupes qui ne se sentent plus
à l'aise dans l'école catholique. Et dans un souci de
simplification administrative sans doute louable, on voudrait ainsi une
école pour tous qui laisserait tomber toute caractéristique trop
particularisante. "L'expérience suffit à prouver cependant qu'il
y a des particularités auxquelles on ne renonce pas. Je n'en veux comme
exemple que la caractéristique de la langue qui est tout de même
le moyen d'expression premier d'une culture et que l'on a le juste souci de
respecter. Il y a surtout le trait déterminant des buts qu'on poursuit
et de l'intention avec laquelle on oeuvre. Une élémentaire
philosophie nous apprend que tout agent agit pour une fin, et une quotidienne
observation nous révèle que nul n'opère dans le vide
idéologique. Supprimez une foi, un objectif, une orientation, vous
verrez naître une autre foi, un autre objectif, une autre orientation.
"La neutralité, particulièrement en milieu d'éducation,
est une illusion". C'est ce que Mgr Grégoire disait. C'est ce qui a
été rapporté dans l'Action du 21 juillet 1971. Nous avons
raison, M. le Président, de parler contre la neutralité que le
ministre de l'Education, par son bill no 28, veut instaurer sur l'île de
Montréal. Si on veut se baser sur les déclarations de Mgr
Grégoire, je pense que celle-là est importante et même
très importante. Mgr Grégoire, lorsqu'il dit que la
neutralité...
M. SAINT-PIERRE: ... dans les écoles...
M. SAMSON: ... est illusoire, il a raison de le dire... Attendez, j'y
arrive plus loin et vous allez comprendre ce que je veux dire. Egalement, dans
un petit feuillet qui a été distribué, je pense, dans les
églises, on voit un certain passage qui dit ceci: "En somme, le projet
de loi vise à l'unification et prend comme critère d'organisation
le territoire en n'accordant dans les structures supérieures qu'une
place secondaire ou marginale à l'option religieuse ou linguistique de
la population. La question fondamentale qui se pose alors à la grande
majorité des catholiques montréalais qui tiennent à avoir
des écoles catholiques est la suivante : De telles structures sont-elles
aptes à assurer le maintien et le développement d'écoles
catholiques à la base? " Cela aussi a été écrit par
l'archevêque de Montréal et cela a été publié
le 23 octobre 1971. Cela est aussi assez récent. Mgr Grégoire se
pose aussi des questions à savoir... Il est vrai que le ministre de
l'Education a souligné tantôt que c'est au niveau scolaire, mais
Mgr Grégoire dit que c'est au niveau des structures qu'on doit donner
les garanties.
D y a aussi M. Raymond Dumas qui écrivait une lettre...
M. SAINT-PIERRE: Sur un point de règlement, M. le
Président. J'ai trop de restect pour Mgr Grégoire pour qu'on lui
fasse dire des choses qui sont fausses. J'ai devant moi l'avis du conseil
supérieur et on vient de dire que Mgr Grégoire a dit que
c'était les structures qui étaient importantes. Or, Mgr
Grégoire dit dans son avis: "Les meilleures structures ne
suppléeront jamais à l'engagement des personnes". Ce n'est pas la
même chose que ce que vous venez de dire.
M. SAMSON: J'ai vu, que vous n'avez pas cru bon, M. le Président,
de prendre de décision sur le rappel au règlement, parce que vous
avez sûrement convenu, comme moi, qu'il ne s'agissait pas d'un rappel au
règlement de la part du ministre de l'Education.
Alors, je continue. Voici une lettre écrite dans le journal en
provenance de M. Raymond Dumas, d'Outremont. Je cite des passages parce que si
je devais lire tout ce qui est écrit à ce sujet, le ministre de
l'Education n'adopterait pas son bill avant 1975, donc on serait au moins
certain qu'il ne s'appliquerait pas avant 1975...
M. SAINT-PIERRE: Vous ne serez pas élu dans ce
temps-là.
M. SAMSON: M. le Président, il y est dit ceci: "La
majorité des membres de plusieurs associations qui se sont
prononcées en faveur des bills nos 27 et 28 sont plus
intéressés à l'aspect intellectuel et physique de
l'éducation. Ils se préoccupent plutôt d'activités
sociales et parfois même de gains personnels." C'est un témoignage
qui a été écrit dans le journal. Plus loin: "L'effort des
mouvements..."
Je vous passerai certains passages, mais il y a quelque chose qui va
intéresser particulièrement le ministre ici: "Le mouvement
laïc a même été dissout l'an dernier pour la simple
raison que ses membres ne voyaient plus de raison d'être, notre
système ayant été laïcisé au-delà de
leurs espoirs..."
M. SAINT-PIERRE: Il est encore confessionnel.
M. SAMSON: "... et si tout continue au rythme actuel, leur objectif,
tout faire pour détacher la Nouvelle-France de l'Eglise par la
laïcisation complète de notre système d'éducation
deviendrait une réalité d'ici quinze à vingt ans."
Vous voyez, même sans que le ministre ait voulu que cela aille
aussi loin, on a des témoignages à l'effet que les espoirs du
mouvement laïc sont dépassés tellement le système
d'éducation est allé loin.
Il y a aussi cette lettre ouverte à M. Robert Bourassa, premier
ministre du Québec et M. Guy Saint-Pierre, ministre de l'Education, en
provenance de Verdun, le 8 octobre 1971, signée par M. Maurice Frenette
: "Premièrement, le bill no 28 donne aux catholiques autant de garanties
que les lois actuelles..."
Ce sont des affirmations faites par le ministre. Il donne ses
commentaires suivant ces affirmations. Les lois actuelles garantissent et une
commission scolaire pour la majorité et le droit de dissidence pour la
minorité, soit catholique, soit protestante. Le bill no 28, par
l'article 595, ne fait que prévoir, au niveau d'une commission scolaire,
les comités catholiques et protestants qui doivent veiller à
l'application des règlements des comités respectifs du Conseil
supérieur de l'Education. Ces comités créés par
l'article 595 ne sont pas et ne peuvent pas être dans la ligne
d'autorité et n'ont aucun pouvoir d'exécution. Où est donc
la garantie? Où est donc la sauvegarde de la religion dans les
écoles? De plus, quelle garantie donnez-vous aux neutres?
M. le Président, on croit, on nous laisse croire, du moins, qu'on
donne des garanties aux catholiques, qu'on donne des garanties aux protestants
et on ne voit pas de garantie pour les neutres. C'est probablement parce
qu'eux, les seuls qui sont la vraie minorité, les seuls qui
représentent environ un demi de un pour cent de la population, n'ont pas
besoin de garantie parce qu'ils ont tout ce qu'ils veulent. Ils s'attendent que
le bill no 28 va justement combler leurs désirs sans même qu'ils
demandent aucune garantie, alors que les catholiques qui sont la grande
majorité, à Montréal et au Québec, sont
obligés de demander des garanties. Les neutres ne croient même pas
bon de faire cela parce qu'ils savent, et ils s'attendent, à l'avance,
qu'ils auront toute satisfaction dans le système préconisé
par le bill no 28.
Un peu plus loin, il dit: "Il n'y a qu'une façon de
résoudre efficacement le problème scolaire: établir des
commissions scolaires confessionnelles, catholiques et protestantes, qui auront
chacune l'obligation de donner à l'enfant une formation dans les deux
langues officielles du pays et, si nécessaire créer une
commission scolaire neutre pour les besoins de l'infime minorité. En
créant cette dernière commission scolaire, vous éliminerez
les autres structures, les éléments de contradiction et vous
empêcherez une détérioration des valeurs religieuses qui
doivent demeurer."
M. le Président, évidemment, on peut continuer aussi en
nous en prenant à l'organigramme du bill no 28. Selon l'organigramme du
bill no 28, tel que paru dans le journal Plein Jour de septembre 1971, le
conseil scolaire de l'île cela s'est la tête, c'est cela
qu'il y a en haut sera neutre. Les commissions scolaires seront aussi
neutres. Le directeur général sera également neutre.
Là, cela se subdivise en deux sections: une francophone et l'autre
anglophone. Or, le sous-directeur francophone, c'est encore un neutre. En
dessous de cela, vous avez le service de l'enseignement dont un en
français et un en anglais; encore là, le service de
l'enseignement est neutre. Le service des étudiants, un en
français et l'autre en anglais; le service des étudiants est
aussi un service neutre. Le service du personnel, un en français,
l'autre en anglais; c'est encore un service du personnel neutre. Ce n'est qu'en
bas de tout cela, au cinquième palier, que nous retrouvons un principal
d'un groupement d'élèves catholiques, un principal d'un
groupement d'élèves protestants et un principal d'un groupement
d'élèves qu'on appelle les autres.
Vous avez les comités d'écoles, en dessous de cela, avec
des présidents. Là, évidemment, il y a catholique,
protestant et les autres. En dessous de tout cela, vous avez le comité
consultatif des parents. C'est ce fameux comité consultatif qui a fait
l'objet, paraît-il, d'une déclaration ministérielle, hier,
nous disant qu'on porterait le nombre de trois à sept. Il paraît
que cela a été suffisant pour permettre à certains
députés, qui se sentaient obligés, en conscience, de voter
contre le bill no 28, de changer d'avis.
Or, si on a changé de trois à sept les membres du
comité consultatif, cela ne change pas grand-chose parce que ce sont
ceux que nous retrouvons dans l'organigramme du bill no 28 comme étant
au bas de l'échelle.
M. le Président, à moins que je ne me trompe,
généralement ce n'est pas par les pieds qu'on prend les
meilleures décisions mais c'est la tête qui mène. Or, la
tête, le ministre et le ministère ont voulu qu'elle soit neutre
jusqu'au cinquième palier. Quand la tête est neutre, on appelle
cela nous donner des garanties de confessionnalité. Tout ce qu'on a
donné comme garanties confessionnelles, on l'a donné par les
pieds. M. le Président, ce gouvernement...
M. SAINT-PIERRE: Une question de privilège, M. le
Président.
M. SAMSON: Privilège de quoi?
M, SAINT-PIERRE: Assoyez-vous. J'ai demandé le droit de parole,
une question de privilège.
M. le Président, je refuse qu'on décrive la tête du
système d'éducation comme étant neutre. C'est contraire
aux faits. Je voudrais bien que le député de Rouyn-Noranda
corrige cela pour dire que la tête du système d'éducation,
qui est le ministre de l'Education, est un catholique pratiquant.
M. SAMSON: M. le Président, je n'ai rien à retirer et je
ne retirerai rien. Je dis que la tête de l'organigramme du bill 28 est
neutre. A ce moment-ci, si le ministre veut faire une question de
privilège pour changer les faits, s'il veut que ce soit confessionnel
à la tête, je suis bien
d'accord. Alors, M. le Président, non seulement je serais
obligé de continuer mon discours mais j'applaudirais le ministre, s'il
voulait changer son opinion et s'il voulait que réellement, à la
tête de cet organigramme, ce soit confessionnel.
Mais non, à la tête, c'est neutre. Je maintiens donc ce que
j'ai dit. Dans votre organigramme du bill 28, vous avez la tête qui est
neutre et ce sont seulement les pieds qui sont confessionnels. M. le
Président, ce n'est pas par les pieds qu'on prend des décisions.
Si c'est comme cela, au ministère de l'Education, qu'on croit qu'on peut
administrer une province, il n'est pas surprenant que ce gouvernement ait eu
aussi peu de résultats depuis qu'il a été élu, s'il
administre par les pieds au lieu de se servir de la tête.
M. le Président, l'Association des parents catholiques mentionne,
concernant le bill 28, qu'il y aurait des possibilités de l'amender pour
le rendre acceptable par la population. A ce moment-ci, je répondrai
à certaines argumentations qui disent que les députés qui
ne représente pas l'île de Montréal ne connaissent pas le
problème autant que les autres. M. le Président, que nous soyons
représentants de l'île de Montréal ou non importe peu. Cela
regarde tout le monde, tous les députés de cette province. Autant
cela regarde les députés qui représentent des sections
rurales de s'occuper du bill 28 qui sera mis en application sur l'île de
Montréal, autant cela regarde les députés de l'île
de Montréal de s'occuper des questions agricoles quand c'est le temps de
s'en occuper, même si chez eux leurs terres ne sont pas aussi grandes que
les terres que nous avons dans nos belles paroisses, à travers la
province de Québec.
Nous ne pouvons laisser adopter le bill 28 sans dire un mot. M. le
Président, ce qui nous inquiète également, c'est qu'il y a
dans la province, actuellement, l'application d'un autre bill, le bill 27, qui,
déjà, a fait assez de dégâts. Même si, avant
même l'adoption de ce bill, nous avons mis le ministre en garde, il n'a
pas voulu prendre nos avis, n'a pas voulu prendre nos conseils. Mais
aujourd'hui, dans l'application, on s'aperçoit même les
députés libéraux qui sont obligés d'applaudir le
ministre quand il parle que dans les comtés l'application n'est
pas exactement comme c'est prévu, en théorie, dans le bill
27.
M. GIASSON: Cela va mieux! Cela va mieux avec cela !
M. SAMSON: Nous pouvons donc prévoir et dire à la
population du Québec que le bill 28, par voie d'extension, pourrait un
jour s'appliquer à l'ensemble du Québec, du moins en ce qui
concerne la question confessionnelle.
C'est pour ces raisons, M. le Président, que nous nous devons
absolument d'alerter la population de Montréal, ainsi que celle du reste
de la province de Québec. Cette population doit savoir exactement ce
à quoi elle doit s'attendre avec un gouvernement qui n'a pas fait autre
chose, en matière d'éducation, que de ramener des projets de loi
qui ont été préparés par son
prédécesseur. Cela se ressemble, M. le Président. Il n'y a
rien qui est plus pareil, en matière de projets de loi, que les projets
de loi de l'Education.
Ce qu'on nous présente aujourd'hui a été
préparé par l'ancien gouvernement et commencé à
être préparé par le gouvernement précédent,
de sorte qu'on peut sérieusement se demander s'il y a eu
réellement changement de gouvernement le 29 avril 1970. Je ne crois pas
qu'il y ait eu changement de gouvernement. Il y a eu changement d'hommes, de
représentants qui siègent à l'Assemblée nationale.
Il y a eu changement de couleur, mais nous sommes portés à croire
je pense que nous ne nous trompons pas que, plus ça change
entre les vieux partis, plus c'est pareil. Plus ça change, plus on se
retrouve avec la même chose, parce que, derrière les ministres,
ceux qui réellement ont le pouvoir et ceux qui le détiennent
réellement sont toujours les mêmes.
Les ministres et les députés sont obligés de se
faire élire, ils sont obligés de retourner devant le peuple, par
conséquent, ils représentent le peuple et ont des comptes
à rendre à la population, alors que ceux qui prennent les vraies
décisions, qui orientent les politiques, ceux qui ont
préparé tout ce gâchis dans l'éducation sont des
gens qui ont leur permanence, des gens qui étaient là avant le
ministre, qui seront là après que le ministre sera battu aux
prochaines élections et qui seront encore là probablement si
c'est encore un des deux vieux partis qui a le pouvoir.
Mais, grâce à Dieu, ça va changer, parce que le
régime des vieux partis, la population en a assez. Je suis
persuadé que nous serons appelés à remplacer le
gouvernement après les prochaines élections et c'est à ce
moment-là que nous aurons le devoir de rappeler le bill 28, comme le
gouvernement actuel a parlé, lui, de rappeler l'ancien bill 63,
adopté par le gouvernement qui le précédait.
M. SAINT-PIERRE: Revenez sur la terre; vous êtes au ciel.
M. BIENVENUE: Le député me permettrait-il une
question?
M. SAMSON: Pas plus à vous qu'à d'autres. J'ai dit:
à personne au commencement...
M. BIENVENUE: Même une courte?
M. SAMSON: ... et je regrette, même si je reconnais que le
député de Matane est un bon diable, un gars qui veut comprendre.
Je suis persuadé qu'il aurait tout intérêt à
étudier le bill 28 et à dire à son ministre de l'Education
jusqu'à quel point il est dans l'erreur.
Je sais que le député de Matane est un
député qui, au point de vue de la ligne de pensée,
rejoint les idées que je suis en train d'émettre. La question
qu'il voulait me poser, c'était sûrement pour me demander si
j'accepterais qu'il dise la même chose que moi. Il n'a pas besoin de me
poser la question; il peut dire la même chose que moi. Qu'il dise donc ce
qu'il pense, qu'il le dise donc, comme les autres députés qui, en
cette Chambre, sont contre le bill 28, comme les autres du parti
ministériel qui, en conscience, voudraient voter contre le bill 28, mais
qui, par la discipline de parti sont obligés de voter avec le
gouvernement, comme des "suiveux" malheureusement. Que voulez-vous, il faut
appeler les choses par leur nom.
M. SAINT-PIERRE: La démagogie.
M. SAMSON: Ils sont obligés de suivre. Mon bon ami, le
député de Saint-Henri, avait l'intention de voter contre ce bill.
Il n'a pas changé tellement d'idée, mais, pourtant ils ont su
trouver tout ce qu'il fallait pour envelopper son magnifique discours. C'est un
magistral discours, d'ailleurs, que nous a présenté le
député de Saint-Henri, mais un discours qui lui permettait de
faire volte-face honorablement. Je suis certain qu'il n'est pas encore
convaincu qu'il doit voter pour le bill 28 et qu'il reprendra conscience avant
même la fin des débats et qu'il votera, selon sa conscience,
contre ce bill 28 au risque de voter contre son gouvernement. Mais, au moins,
il voterait suivant sa ligne de pensée à lui.
Dans le journal Plein Jour du mois de février 1971, quand on
parle de confessionnalité, qu'on parle de système neutre, on voit
un magnifique exposé qui dit, concernant le système neutre que
veulent nous imposer les technocrates au Québec: L'Association des
parents catholiques. Nous rejetons le système scolaire neutre. Le
système scolaire neutre pourrait devenir très rapidement celui de
l'école neutre pour tous, au mépris de la conscience
chrétienne d'une majorité de parents.
Que désire la population? Il suffit de connaître les
mémoires qui ont été soumis à la commission Parent,
les sondages et les requêtes organisés par l'Association des
parents catholiques du Québec, les résultats de la consultation
faite par l'archevêque de Montréal en 1970 pour savoir que la
majorité des parents dans le secteur catholique juge que la corporation
scolaire catholique est le cadre juridique et le moyen normal pratiquement
nécessaire pour maintenir de vraies écoles catholiques.
Pour les villes de Montréal et de Québec, c'est un droit
garanti par l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
Une loi provinciale qui supprimerait ce droit pourrait être
attaquée devant les tribunaux comme inconstitutionnelle. Ni le
gouvernement actuel, ni aucun autre avant lui, n'ont jamais été
mandatés par l'électorat pour supprimer ce droit,
c'est-à-dire remplacer les commissions scolaires confessionnelles par
des corporations neutres. A propos du système confessionnel, on nous dit
que le système confessionnel, c'est la justice et la liberté.
Il n'est pas question de créer dans la loi dix sortes de
commissions scolaires ou dix religions ou églises qui n'ont pas ou
presque pas de fidèles dans la province. Il est question de droits
acquis de la majorité catholique, seul groupe qui peut, à cause
de son nombre, organiser son système d'école dans toutes les
régions de la province, y compris l'île de Montréal. Un
système confessionnel n'interdit pas un secteur d'écoles neutres
ou non confessionnelles.
Voici quelques principes qui devraient être respectées dans
la restructuration scolaire de l'île de Montréal. 1 ) Les
écoles catholiques doivent être sous le contrôle de
corporations scolaires catholiques. Sous le contrôle de corporations
scolaires catholiques, cela ne veut pas dire un petit comité qu'on va
laisser de côté ou qu'on pourrait laisser de côté
à n'importe quel moment. 2 ) Les commissaires doivent être
élus par la communauté catholique, parents et contribuables, et
être responsables devant leurs électeurs. 3 ) Les commissions
scolaires et les écoles ne doivent pas être trop grosses ni trop
petites; la population concernée mérite d'être
consultée sur la carte scolaire des écoles catholiques de
l'île. 4 ) Les fonds publics doivent être répartis en
justice distributive selon un per capita entre toutes les commissions
scolaires. 5 ) Toutes les écoles catholiques devraient être
ouvertes et accueillantes pour les familles catholiques et non-catholiques de
leur milieu. 6) Les commissions scolaires doivent jouir des pouvoirs
prévus dans la Loi de l'instruction publique. 7 ) Les commissions
scolaires de l'île de Montréal pourraient déléguer
des membres à un conseil de l'île qui serait chargé
d'établir un système adéquat de taxation pour fins
scolaires.
Si c'est ce que le gouvernement recherche, la taxation, la planification
des moyens de taxation, de pouvoir chercher davantage des revenus, il n'est pas
besoin de détruire les commissions scolaires confessionnelles, il n'est
pas besoin de détruire les structures confessionnelles pour atteindre
cette fin, si c'est la fin pour laquelle le gouvernement nous a
présenté le bill no 28.
Les écoles protestantes. Les protestants ont, comme les
catholiques, des droits acquis à des corporations scolaires
protestantes, droits qui sont garantis par la constitution canadienne. Il leur
appartient de décider s'ils veulent les conserver ou les abandonner pour
se fusionner dans un autre secteur d'école: autre, non confessionnelle
ou commune. Les auteurs de ce message ne préjugent pas de la
volonté des non-catholiques.
Les écoles dites autres. Il faut amender la
Loi de l'instruction publique afin que tous les parents qui
désirent des écoles non confessionnelles, neutres ou
multiconfessionnelles puissent créer des corporations scolaires
autonomes et organiser leurs écoles selon leur conception de
l'éducation. C'est le principe du droit de dissidence qui est
appliqué dans la loi actuelle pour les catholiques et les
protestants.
En ce qui concerne la liberté de choix, la loi scolaire doit
assurer à tous les parents, quelle que soit leur religion, un choix
libre entre les secteurs catholique, protestant ou autres. Ainsi les parents et
les maîtres qui opteront pour l'école catholique le feront
librement. Ils n'y seront pas forcés par le système.
Ils la voudront authentique et différente d'une école
neutre. Quelle est la différence? L'école neutre place la
religion en dehors ou en marge de l'éducation. L'école catholique
place la religion et la foi à l'intérieur de l'éducation,
de la culture et de la vie. Le Parti libéral de l'Ontario a voté
le maintien d'un système de corporations scolaires confessionnelles
catholiques, il s'agit des Separate Schools Boards.
Le système neutre est l'uniformité imposée d'en
haut. C'est justement ce que je viens de mentionner au ministre. C'est cela, le
système neutre imposé par la tête. J'ai appelé cela
la tête et ils appellent cela en haut, ici. Si vous
préférez, je vais changer le mot tête par en haut puisqu'il
est possible qu'après avoir voté le bill 28 on soit obligé
d'appeler les têtes en haut.
M. SAINT-PIERRE: Parlez au niveau des pieds, on se comprend mieux.
M. SAMSON: Le système neutre, c'est l'uniformité
imposée d'en haut. Le système confessionnel, c'est la
diversité qui naît d'une liberté fondamentale, la
liberté de conscience des parents. C'est justement au nom du modernisme,
au nom de ce développement ou encore de cette grande efficacité
administrative dont se gargarise si facilement le gouvernement du Québec
qu'on rejette, par le bill 28, la confessionnalité, ce qui nous
éloigne en même temps de notre foi, de nos principes moraux, voire
même d'une de nos meilleures et de nos plus belles traditions; c'est
renier nos antécédents pour les remplacer par quoi? C'est la
force des choses qui va nous amener vers ce remplacement.
On remplacera la foi, nos principes moraux, nos bonnes moeurs, nos
traditions, par ce qui se fait déjà aujourd'hui dans plusieurs de
nos écoles du Québec, par le matérialisme, par
l'athéisme, dans certains endroits, par la drogue. Le ministre sait,
lorsqu'on parle de drogue, ce qu'on veut dire. Dans plusieurs écoles du
Québec, il y a déjà un très bon marché pour
ce genre de choses. Déjà, il y a des consommateurs qui devraient
être protégés par le bill sur la protection du
consommateur, au moins.
M. SAINT-PIERRE: Cela, ça arrive dans les systèmes
confessionnels.
M. SAMSON: Il y a déjà, dans plusieurs de nos
écoles du Québec, des commerces.
M. SAINT-PIERRE: Cela arrive dans un système confessionnel.
M. SAMSON : Justement parce que vous êtes en train de
détruire le système confessionnel; justement parce que vous
êtes là, vous avez déjà commencé à
détruire le système confessionnel; justement par le gouvernement
qui vous a précédés, qui vous a ouvert le chemin pour
détruire le système confessionnel.
Si on avait laissé le système confessionnel avec toutes
les garanties dont nous avons besoin, on ne verrait pas ces choses-là,
on ne verrait pas ce qu'on voit aujourd'hui. On pourrait au moins s'attendre
que le système d'éducation fasse de nos enfants des personnes
aptes à prendre la relève, à devenir des citoyens
honorables et honnêtes. Mais non. Qu'est-ce qu'on fait actuellement avec
le système, alors que les parents sont quand même les premiers
responsables en éducation, qu'est-ce qu'on en fait?
Le ministre de l'Education, qui a sûrement des
responsabilités familiales, le sait lui aussi. Dans la plupart des
écoles du Québec, les enfants partent de bonne heure le matin de
la maison pour ne revenir que le soir. Après le souper, ce sont les
devoirs et tout cela, de sorte que ceux qui ont réellement la
responsabilité des enfants, c'est-à-dire les parents, ne l'ont
plus. Les enfants passent plus de temps à l'école, dans votre
système scolaire actuel, qu'ils en passent à la maison, alors que
c'est encore à la maison qu'on est capable de donner la meilleure
éducation aux enfants.
A l'école, c'est l'instruction, je l'accorde au ministre. Qu'on
aille à l'école pour l'instruction et qu'on donne tout ce qui est
possible pour l'instruction de nos enfants mais qu'on respecte au moins ce que
nous connaissons, c'est-à-dire ces principes moraux, ces principes
religieux que nous connaissons et qui nous ont été
inculqués, et le ministre est un de ceux-là qui ont
été formés par l'ancien système ou le soi-disant
ancien système scolaire confessionnel. Je suis certain que le ministre
est l'un des premiers à reconnaître que ce système a
formé des hommes qui savent prendre des responsabilités. Pour
quelle raison, aujourd'hui, est-on prêt à tout faire sauter
par-dessus bord pour remplacer cela par un système neutre, un
système qui ne reconnaîtra pas les aspirations légitimes de
toutes les religions du Québec et du moins de celle de la
majorité?
M. SAINT-PIERRE: La seule chose que j'ai apprise c'est...
M. SAMSON: On est à remplacer tout ça par l'incitation au
manque de respect envers l'autorité. Les enfants qui sortent de
l'école, les jeunes gens, les jeunes filles à l'âge de 18
ou 19 ans aujourd'hui, vous les retrouvez facilement
dans la rue à faire des manifestations, et toutes les raisons
sont bonnes pour que ces jeunes descendent dans la rue. Pourquoi? Parce que
c'est à l'intérieur même de votre système scolaire
qu'ils apprennent à devenir des gens qui ne respectent pas
l'autorité. C'est à l'intérieur de votre système
actuel que ça arrive...
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. SAMSON: ... et je vous dis que lorsque vous aurez changé ce
système, quand vous aurez un système neutre, ce sera encore
pire.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education invoque le
règlement.
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, pourriez-vous rappeler au
député de Rouyn-Noranda que nous sommes ici pour discuter le
projet de loi no 28 et qu'il n'est nullement question de toucher à tous
les problèmes qui peuvent toucher cette province.
En passant, puisque j'ai la parole, je vais lui dire une chose que
l'ancien système m'a appris, c'est que l'engagement des personnes et le
dynamisme des individus c'est beaucoup plus important que la nature des
structures.
M. SAMSON: M. le Président, je n'ai sûrement pas de
leçon de dynamisme à recevoir du ministre de l'Education, je peux
vous dire ça.
M. SAINT-PIERRE: Non, surtout pas dans les jeux de pieds.
M. SAMSON: D'ailleurs, mes opinions ne changeront pas, parce que ce que
je dis là entre dans les données du bill no 28, parce que c'est
ce que vous apportera le bill no 28, c'est exactement ce que vous risquez parce
que vous l'avez déjà, et le bill no 28 n'est même pas
appliqué.
C'est un manque de respect, on va changer nos valeurs réelles, on
va changer cette confessionnalité, pourquoi? Pour le manque de respect
des valeurs réelles et aussi pour le laisser-aller général
dont nous a parlé tantôt le député de Saint-Jacques,
peut-être pas dans les mêmes termes mais il a parlé lui
aussi d'un laisser-aller général. Alors, c'est pour ça que
nous allons changer nos principes moraux...
M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. SAMSON: ... que nous allons changer notre loi...
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques
invoque le règlement.
M. CHARRON: En aucune circonstance je ne veux être
mêlé à ce que vient de dire le député de
Rouyn-Noranda. Quand j'ai parlé de laisser-aller général,
je disais que l'actuel...
M. DUMONT: ... un rappel au règlement...
M. CHARRON: Je voudrais rétablir les faits, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je dois reconnaître que le
député de Mégantic a entièrement raison. Si
l'honorable député de Saint-Jacques a des raisons de
rétablir les faits, il devra le faire lorsque l'honorable
député de Rouyn-Noranda aura terminé son discours.
M. PAUL: M. le Président, puis-je vous demander une directive?
Que vient faire l'article 200 de notre règlement dans les
circonstances?
M. LE PRESIDENT: Et l'article 270? Alors, en continuant d'écouter
l'honorable député de Rouyn-Noranda, je vais
délibérer.
M. SAMSON: Merci, M. le Président, je remercie également
l'honorable député de Saint-Jacques qui, par son rappel au
règlement, m'a permis de respirer un peu, et je l'encourage à
continuer à intervenir encore assez souvent, parce que j'en ai encore
à vous dire.
M. le Président, je parlais de ce laisser-aller
général et qui forme les esprits révolutionnaires au
Québec. Ce que nous avons vu dernièrement dans les rues, se forme
au sein même de certaines de nos écoles. On s'en prend facilement
à des Chartrand, à des Lemieux et compagnie mais, c'est le
système qui leur permet d'aller visiter nos étudiants. On l'a
dit, c'est l'honorable député de Richmond qui l'a dit
dernièrement lorsqu'il posait une question au ministre de l'Education
à savoir ce qui se passait, pour quelle raison on invitait les
Chartrand, les Lemieux et compagnie à aller visiter nos étudiants
et leur faire des conférences. Je ne me rappelle pas trop ce qu'a
répondu le ministre mais je sais que le député de Richmond
a suggéré qu'ils étaient intégrés au
système. Et c'est probablement ce qui arrive, on les a
intégrés au système de sorte qu'on n'a même pas
besoin de les inviter, ils sont là régulièrement et ils
donneront à nos étudiants de bonnes leçons...
M. SAINT-PIERRE: Ils viennent d'en intégrer un autre qui
s'appelle Caouette.
M. SAMSON: ... ils leurs donneront de la bonne préparation pour
qu'ils puissent continuer à faire ce qui se fait ou ce qui se fera parce
que...
M. BOIS: Le ministre ne peut même plus y aller.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai terminé mes
délibérations. Je voudrais rendre ma déci-
sion sur le point de règlement soulevé par le
député de Saint-Jacques et par l'honorable député
de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, je n'ai pas soulevé un point de
règlement. Je vous ai demandé une directive.
M. LE PRESIDENT: Une directive, oui. Alors, je dois dire qu'en donnant
la directive au député de Maskinongé je suis obligé
de considérer que ma décision était fondée, puisque
l'article 270, deuxièmement, dit bien que l'on ne doit rétablir
les faits que lorsque l'opinant a terminé. L'article 200, lui, parle
d'une violation de règlement. Ce que le député de
Saint-Jacques invoquait tantôt, ce n'était pas une violation de
règlement. Il voulait rétablir les faits. Bien sûr, si le
député de Saint-Jacques avait voulu démontrer que le
député de Rouyn-Noranda violait le règlement, l'article
200 se serait appliqué et la chose aurait pu se faire
instantanément. Mais, comme le député de Saint-Jacques
voulait rétablir les faits, c'est l'article 270 qui s'applique. Donc, ma
décision était fondée.
L'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Loin de moi
l'idée de violer qui que ce soit en cette Chambre, et surtout pas le
député de Saint-Jacques.
UNE VOIX: Il n'est pas violable!
UNE VOIX: C'est comme Jean-Noël Tremblay, ça.
M. SAMSON: Je disais que, justement, le système neutre est celui
qui permet le plus ces choses-là. Si nous tenons mordicus au
système confessionnel, c'est qu'il a fait ses preuves et que la
majorité doit encore être respectée. Aujourd'hui, c'est
devenu une mode dans notre province d'écouter la minorité, parce
que la minorité est tapageuse et fait du bruit. A la radio, à la
télévision ou dans les journaux, lorsqu'il se fait beaucoup de
bruit, bien, on pense que c'est ça que la population pense. Ce n'est
malheureusement pas toujours cela.
Il faut aller voir la population, comme le député de
Saint-Jacques dit l'avoir fait dernièrement. C'est ce qui l'a fait
changer d'idée, d'ailleurs, sur certains points. Imaginez-vous donc, il
a consulté! Il aurait dû en faire depuis longtemps, de la
consultation et le gouvernement aurait avantage à en faire aussi, de la
consultation, à descendre un peu de son piédestal, à se
rendre voir les gens et les rencontrer chez eux.
Cela se fait encore par les députés du Ralliement
créditiste. Nous nous rendons dans les maisons, nous consultons les gens
et nous parlons avec eux. Lorsque vous les consulterez, vous verrez que la
majorité n'est pas celle qui se fait entendre par la voix souvent des
media d'information. Ce n'est pas le tapage qui est la majorité. Ce sont
encore ceux qui parlent le moins souvent, ceux qui crient le moins fort qui
sont la majorité. Ce sont eux que nous devons respecter en tant que
gouvernement, en tant que députés. Nous avons été
élus par la population du Québec, qui que nous soyons et,
à ce niveau-là, tous nous avons les mêmes privilèges
parce que nous avons été élus de la même
façon et tous, nous représentons dans notre coin, la
majorité.
Or, M. le Président, le gouvernement en tant que tel et
l'Assemblée nationale en tant que telle se doivent de respecter les
voeux de la majorité.
En ce qui concerne la conf essionnalité, en ce qui concerne la
destruction de nos structures confessionnelles, la majorité n'est pas
d'accord sur cela, tellement qu'il y a eu certaines levées de boucliers.
Il y a eu les Chevaliers de Colomb, il y en a eu d'autres. Il y a aussi cette
population qui ne parle pas fort mais qui pense. Et cette population...
M. SAINT-PIERRE: Vous, vous parlez fort!
M. SAMSON: ... est attachée à ses principes. Quoi qu'en
pense le ministre de l'Education ou certains autres députés, il y
a encore beaucoup plus de monde qui fréquentent nos églises le
dimanche qu'il y en a qui se rendent à des assemblées politiques,
surtout lorsqu'elles sont faites par le Parti libéral. M. le
Président, c'est cela la majorité. C'est cela la population et
c'est cela que la population pense sur l'île de Montréal. La
population est en majorité catholique et la majorité catholique a
des droits. La majorité catholique a le droit d'être
respectée. C'est cette majorité-là que nous voulons
défendre en cette Chambre et j'espère que d'autres partis
viendront nous appuyer. J'espère que dans la population les gens se
lèveront pour nous appuyer. J'espère aussi que le ministre, avant
la fin de ce débat, changera ses intentions et se décidera de
respecter la majorité parce que s'il continue avec les intentions qu'il
a là et s'il continue avec son bill de la façon actuelle, le
ministre s'en va vers un fiasco monumental dont il sera le responsable parce
que c'est quand même lui qui est le ministre, même si ce sont des
hauts fonctionnaires ou des conseillers ou d'autres personnes qui sont
responsables de ce bill. C'est quand même le ministre qui en supportera
l'odieux après son application.
M. le Président, le gouvernement veut nous laisser croire
à la garantie de la confessionnalité. Pourtant, tout ce qu'on
nous propose, tout ce qu'on nous suggère, ce sont des comités
consultatifs confessionnels, quand on parle de confessionnalité. Le
ministre vient justement de me dire qu'il ne changera pas ses intentions, qu'il
ne changera pas ses idées. C'est donc dire que le ministre a
changé ses idées depuis qu'il siège en cette Chambre parce
que lorsqu'il est arrivé, il
avait des idées neuves, des idées qui respectaient
l'ensemble de la population du Québec, probablement. Mais aujourd'hui il
vient de me dire, en me faisant un signe de la tête, qu'il n'est pas
prêt à changer ses intentions, c'est-à-dire la structure
qui nous est proposée par le bill no 28, soit la tête neutre et
les pieds confessionnels. Pourtant, voici ce que le ministre nous disait et qui
est rapporté dans le Soleil du 18 novembre 1970, alors même qu'il
était encore, avec ses idées neuves, dans l'euphorie de la prise
du pouvoir...
M. BOIS: Un vrai enfant!
M. SAMSON: Il avait des idées différentes. Voici ce qui
est rapporté: "De l'avis du ministre, la réduction du nombre des
commissions scolaires se place en tête des priorités. Vient
ensuite la nécessité d'une décentralisation des structures
administratives." En terminant, le journaliste dit ceci: "Dans son discours, le
ministre Saint-Pierre a dit que l'école confessionnelle était,
à l'heure actuelle, la meilleure pour le Québec."
Or, M. le Président, il fait signe qu'il a dit cela. Si c'est
vrai qu'il l'a dit, c'est encore vrai. Et il me dira qu'il respecte ce qu'il a
dit là parce qu'il veut des écoles confessionnelles.
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que vous me permettez...
M. SAMSON: Il me le dira et je le comprendrai. Mais pourtant, ce n'est
pas cela qu'il fait.
Ce n'est pas cela qui se passe dans les faits, M. le Président,
parce que le bill 28, même si des voeux pieux sont émis, en disant
qu'on respectera la confessionnalité, dit, en bas: Oui, nous permettrons
des écoles confessionnelles. Mais la structure, les patrons, ceux qui
seront le centre des décisions, la machine ordinatrice seront
neutres.
M. le Président, comment voulez-vous que nous puissions croire le
ministre lorsqu'il nous parle de garanties confessionnelles? Comment
voulez-vous que nous puissions le croire puisqu'il est impossible, M. le
Président, de reconnaître des garanties d'écoles
confessionnelles si la tête, c'est-à-dire les patrons, ceux qui
prennent les décisions, ceux qui sont les responsables, est neutre? Si
nous voulons une école confessionnelle respectée, cela nous
prendra des professeurs qui seront aussi d'accord sur cela. Pour avoir des
professeurs qui seront d'accord sur cela, cela nous prendra des responsables
qui seront d'accord sur cela. Cela nous prendra aussi, à tous les
niveaux, des gens qui sont d'accord sur la confessionnalité. Sinon,
c'est un fiasco à la base. Sinon, M. le Président, c'est tout
simplement courir vers la faillite monumentale du système
d'éducation au Québec.
Evidemment, nous reconnaissons que nous avons besoin de certaines
modifications sur l'île de Montréal. Tout au plus un bill 27
modifié aurait été acceptable sur l'île de
Montréal, avec certaines modifications, remarquons bien. Le bill 27,
quand même, permet une structure catholique et une structure protestante.
Evidemment, il y a des améliorations possibles, à savoir que les
commissaires qui devront siéger aux commissions scolaires catholiques
soient tous des catholiques au lieu d'être soit catholiques ou
protestants, ou vice versa. Avec certaines modifications, le bill 27 aurait
peut-être pu s'appliquer sur l'île de Montréal.
M. SAINT-PIERRE: ...contre le bill 27?
M. SAMSON: Mais le bill 28, lui, c'est une autre chose. Le bill 28 a des
dents plus longues que le bill 27. Cela mordra plus fort pour les gens de
Montréal.
M. le Président, les députés du Québec
verront c'est ce que je vous ai dit tantôt l'extension du
bill 28 en territoire du Québec. Et là, l'expérience est
mauvaise. Si on veut comparer avec l'application du bill 27 en province, nous
verrons qu'avec les meilleures intentions du monde parce que, quand
même, je reconnais que le ministre a sûrement de très bonnes
intentions dans certaines régions, des enfants qui doivent se
rendre à la maternelle doivent faire 50 milles par jour d'autobus
scolaire. Alors cela est totalement inacceptable.
Le système est fait comme cela. Les structures prévoient
que cela sera comme cela. Même si c'est inhumain et inacceptable, comme
les structures sont faites comme cela, les gens qui les appliquent, eux, les
appliquent à la lettre parce qu'il y a des normes d'établies. Au
ministère de l'Education, Dieu sait si les normes sont des choses qu'on
respecte beaucoup plus qu'on peut respecter n'importe quoi. Alors quand les
normes sont établies, c'est bien simple. C'est dommage pour tout le
monde mais, même si c'est inhumain, on les applique quand même.
Comme résultat, les enfants en bas âge sont obligés
de passer une bonne partie de leur vie en autobus scolaire et l'autre partie,
avec la boîte à lunch sous le bras pour manger des sandwichs.
Alors que, dans le système actuel, on veut faire des efforts pour
être plus humain et qu'on reconnaît que même les ouvriers ne
doivent pas manger de repas froids à l'usine, pourtant, on oblige les
enfants de cinq, six ou sept ans à manger des repas froids parce qu'ils
ne sont pas à la maison à l'heure du diner.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Rouyn-Noranda, chef parlementaire du Ralliement créditiste, a maintenant
épuisé le temps qui lui était alloué.
L'honorable député de D'Arcy-McGee.
M. GOLDBLOOM: M. le Président...
M. SAMSON: M. le Président n'a pas cru bon de demander
l'unanimité pour me permettre de terminer.
M. LE PRESIDENT: J'ai vu l'honorable député de
D'Arcy-McGee se lever, ce qui impliquait qu'il n'accordait pas son
consentement.
M. SAMSON: Si on ne me le permet pas, nous nous arrangerons pour ne pas
le permettre aux autres, non plus.
M. GOLDBLOOM: Si le député de Rouyn-Noranda peut terminer
dans l'espace de deux ou trois minutes, je n'ai aucune objection à lui
céder la parole.
M. SAINT-PIERRE: C'est pourtant beaucoup de pollution.
DES VOIX: Allez-y!
M. SAMSON: Merci, M. le Président. Merci à ceux qui nous
permettent l'unanimité.
En terminant, je pense que ce gouvernement n'a pas été
élu avec un mandat pour détruire les structures confessionnelles.
Parce qu'il n'a pas de mandat pour les détruire, la population saura
sûrement le juger en temps et lieu. Quant à nous, à moins
que ce bill ne soit amendé, en garantissant de façon claire,
nette, précise le respect des structures confessionnelles, et ce de
façon complète sur l'île de Montréal, nous voterons
contre ce bill. Nous nous verrons dans l'obligation et ce sera notre
devoir de lutter contre aussi longtemps qu'il ne sera pas
appliqué et même après son application, parce qu'un jour on
changera ce gouvernement-là et nous nous arrangerons pour rappeler le
bill en temps et lieu.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
D'Arcy-McGee, ministre responsable de l'Environnement.
M. Victor Goldbloom
M. GOLDBLOOM: M. le Président, il est presque onze heures et
j'aimerais proposer l'ajournement du débat.
M. LE PRESIDENT: Cette motion d'ajournement est-elle adoptée?
Adopté.
Ajournement
M. BIENVENUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la
Chambre à demain, dix heures trente. Comme on l'a annoncé cet
après-midi, nous siégerons jusqu'à une heure trente et
nous étudierons le bill no 28 toujours.
M. PAUL: Est-ce que le ministre est en mesure de nous annoncer si nous
siégerons lundi après-midi à trois heures?
M. BIENVENUE: Je ne suis pas en mesure de l'annoncer M. le
Président, mais le leader parlementaire le fera sûrement demain
matin. Je l'ignore quant à moi.
M. PAUL: Je ne suis pas sûr que le leader le fasse demain
matin.
M. BIENVENUE: Ah! je suis sûr qu'il va l'annoncer demain.
M. LE PRESIDENT (Hardy): La Chambre ajourne ses travaux à demain,
dix heures trente.
(Fin de la séance à 22 h 56)