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Version finale

29e législature, 1re session
(9 juin 1970 au 19 décembre 1970)

Le mardi 1 décembre 1970 - Vol. 10 N° 35

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures neuf minutes)

M. LAVOIE (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes. Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de comités élus.

Commission des bills privés et publics

M. BLANK: M. le Président, la commission des bills privés et des bills publics a l'honneur de soumettre à votre honorable Chambre son quatrième rapport.

Votre commission a décidé de rapporter avec des modifications les bills suivants: bills 109, 123, 175 et 180.

M. LE PRESIDENT: Ce rapport sera-t-il accepté?

M. PAUL: Accepté.

M. LE PRESIDENT: Accepté.

Présentation de motions non annoncées. L'honorable chef de l'Opposition.

Félicitations aux Alouettes et à M. Springate

M. BERTRAND: M. le Président, j'ai une motion d'un caractère très particulier, qui ne reviendra pas souvent. Je voudrais proposer que cette Chambre vote des remerciements et des félicitations au club des Alouettes pour la victoire que cette équipe a remportée en représentant le Québec. Félicitations à Sam Etche-verry et, en particulier, à notre collègue, excellent joueur, député du comté de Sainte-Anne, M. Springate. J'invite le premier ministre à faire appel à l'esprit de combativité et d'agressivité du député de Sainte-Anne pour renforcer son équipe.

M. BOURASSA: M. le Président, j'avais l'intention, à l'appel des déclarations ministérielles — j'en avais prévenu le président — de dire quelques mots. Je remercie le chef de l'Opposition d'avoir parlé au nom de toute l'Assemblée nationale et de tous les députés pour féliciter chaleureusement le député de Sainte-Anne et les membres du club des Alouettes pour leur victoire spectaculaire.

Comme chef de parti, M. le Président, je puis dire que la performance du député de Sainte-Anne souligne d'une façon certaine le caractère polyvalent, une fois de plus, de la députation libérale. Je suis convaincu que le député de Sainte-Anne saura montrer en Chambre le même dynamisme, le même esprit de combativité qu'il a montrés sur le terrain de jeu, mutatis mutandis comme l'aurait dit l'ancien député de Champlain, M. Bellemare.

M. LACROIX: M. le Président, je dirai à l'honorable Opposition de faire attention: le député de Sainte-Anne est un botteur de précision.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! s'il vous plaît.

M. SAMSON: M. le Président, nous aurions aimé, nous aussi, être les premiers à féliciter le député de Sainte-Anne pour sa magnifique performance, mais nous devons reconnaître que nous avons été battus par quelques verges par le chef de l'Opposition. Cependant, c'est avec plaisir ... Je vous demande pardon...

M. BERTRAND: J'ai déjà joué à ce jeu-là. UNE VOIX: Ça ne paraît pas.

M. SAMSON: C'est probablement pour ça qu'on voit partir des ballons de temps à autre de la part de l'Opposition officielle.

De toute façon, M. le Président, c'est avec plaisir que nous offrons nos hommages et nos sincères félicitations à l'honorable député de Sainte-Anne.

M. SPRINGATE: M. le Président, je voudrais remercier le premier ministre,...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. SPRINGATE: ...le chef de l'Opposition et le leader des créditistes pour les hommages qu'ils m'ont rendus personnellement ainsi qu'à mes coéquipiers des Alouettes. Je dois vous dire que le football est un sport qui fait beaucoup pour le Canada, et d'avoir remporté la coupe Grey a haussé le prestige de Montréal et de la belle province de Québec à travers le pays.

En terminant, je dois dire que tout ce qu'il me reste à faire, c'est de faire sept convertis en cette Chambre, ici.

M. LEGER: Vous ne nous avez pas encore touchés.

M. LE PRESIDENT: Si vous me voyez lancer le mouchoir, c'est un signe de hors-jeu, n'oubliez pas!

Motions non annoncées

M. BURNS: M. le Président, j'aimerais faire motion pour que le nom de Robert Burns soit substitué à celui de Guy Joron, à la commission des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

M. LEVESQUE: M. le Président, qu'il me soit permis de proposer que M. William Tetley soit substitué à M. Jean-Marie Pelletier, comme membre de la commission parlementaire perma-

nente des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

M. LE PRESIDENT: Ces motions seront-elles adoptées?

M.PAUL: Adopté. M. LE PRESIDENT:

Présentation de bills privés. Présentation de bills publics.

M. LEVESQUE: Article d).

M. LE PRESIDENT: Article d). Est-ce que le projet de loi est imprimé?

M. LEVESQUE: Oui.

Projet de loi no 54 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Santé propose la première lecture du projet de loi abrogeant la Loi concernant les services médicaux. Le ministre de la Santé.

M. CASTONGUAY: Ce projet abroge la Loi concernant les services médicaux 1970, c'est-à-dire le bill 41.

M. PAUL: Est-il imprimé? Est-ce qu'il sera distribué?

M. CASTONGUAY: II sera distribué.

M. LE PRESIDENT: Déclarations ministérielles. Oui? Excusez-moi. Est-ce que cette motion de première lecture est adoptée?

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à une prochaine séance.

Déclarations ministérielles. L'honorable ministre de l'Education.

Commissaire-enquêteur à l'éducation

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, à la suite de ma déclaration en Chambre le 19 novembre dernier, je voudrais informer les membres de l'Assemblée nationale de la nomination d'un commissaire-enquêteur. Il s'agit de M. l'abbé Gérard Dion, professeur au département des relations industrielles à la Faculté des sciences sociales. Ce dernier jouera le rôle d'ombudsman dans tous les cas que je mentionnerai, à savoir les cas touchant le comportement des enseignants qui auraient pu se prêter à des formes d'endoctrinement ou de propagande politique à tous les paliers de l'enseignement.

Son mandat sera essentiellement le suivant, à savoir étudier les plaintes présentées au ministre de l'Education, juger de leur fondement et les acheminer avec les recommandations appropriées aux instances responsables de prendre les décisions qui s'imposent en vertu de l'article 18 de la Loi de l'Instruction publique, des conventions collectives en vigueur ou d'autres documents juridiques. Dans le cas précis de l'article 18, si la plainte est fondée, celle-ci sera portée sous serment par le commissaire-enquêteur lui-même.

Ce mandat aura une durée de trois mois et sera restreint aux cas touchant le comportement d'enseignants ou de professeurs durant l'année scolaire en cours. A la demande du commissaire-enquêteur, un commissaire-enquêteur adjoint sera nommé d'ici quelques jours.

De plus, je voudrais rappeler à cette Chambre que cette décision de la part du ministre de l'Education vise essentiellement à établir un mécanisme pour s'assurer que les griefs des parents, des étudiants ou même des professeurs soient effectivement reçus par quelqu'un et que suivant les dispositions de la loi, nous puissions atteindre les fins poursuivies par notre système d'éducation. Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.

M. CARDINAL: M. le Président, je sais bien qu'à la suite d'une déclaration ministérielle, on ne peut ni ne doit poser de questions. J'avais cependant posé une question le 27 novembre à l'honorable premier ministre.

Le ministre, dans sa déclaration, vient d'y répondre puisqu'il indique que cette enquête se fait à tous les niveaux. Cette enquête part certainement d'un bon naturel; il y a certainement eu, du temps de l'administration actuelle comme de l'administration passée, des plaintes venant de parents qui pouvaient être réglées en vertu de l'article 18 de la Loi de l'instruction publique.

Le ministre veut probablement, comme il l'a mentionné en dehors de cette Chambre, revaloriser le rôle de l'enseignant dans le Québec. Cependant, je ne puis m'empêcher de trouver malheureux que cette décision survienne au moment où nous sommes dans une crise et au moment où, par conséquent, le geste posé peut être interprété comme étant partie ou suite de cette crise. On sait les réactions qu'il y a présentement. Je pense que les autres commentaires devront être exprimés plus tard, au moment où l'on verra comment se déroulera — je ne sais pas si je puis employer ce terme — cette enquête. C'est aux fruits qu'on reconnaît les arbres et non pas aux intentions dont parfois les enfers sont pavés.

J'ai donc hâte, j'éprouve une certaine anxiété — je l'emploie dans le sens français du mot —

de voir le résultat du travail d'un commissaire-enquêteur et d'un adjoint qui doivent travailler sur tout le territoire du Québec et à tous les niveaux, semble-t-il, même au niveau universitaire. Ici, sans être méchant, je rappelerai au premier ministre que, moi-même, je me trouvais à ce niveau comme enseignant à l'université, même député, lorsque j'étais doyen; à mon tour, je suis enseignant à l'université. Comment ceci nous affecte-t-il?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, cette déclaration arrive à point. Nous avions déjà réclamé, dans le passé, qu'une certaine enquête soit faite sur les agissements de certains professeurs qui endoctrinaient politiquement certains des étudiants. Nous souhaitons que la nomination de l'abbé Dion soit la bonne; cependant, nous n'en sommes pas certains. Est-ce que son rôle verra à protéger les parents contre l'abus de certains enseignants, dans le domaine de l'endoctrinement politique de nos étudiants, ou est-ce que ce sera vice versa?

Nous posons la grande question et nous espérons que cette nomination sera la bonne et qu'elle apportera des résultats concrets.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Qu'il nous soit permis, d'abord, M. le Président, de saluer l'occasion de pouvoir enfin nous exprimer sur cette décision, puisque l'annonce en avait été faite au moment du discours du député de Verchères sur la crise et il nous avait été impossible de poser des questions à ce moment-là. Nous avons dû suivre.

M. BOURASSA: Le député aurait pu commenter cette décision le lendemain.

UNE VOIX: Vous n'êtes pas pour ça, vous.

M. CHARRON: Par la suite, M. le Président, il est quand même permis de dire que cette décision demeure extraordinairement malheureuse. Elle arrive dans une crise où tous les corps de la société ont subi le fiel d'une autre société qui en était plus mal à l'aise et au moment aussi où le groupe enseignant au Québec est déjà engagé dans des négociations qui peuvent être touchées gravement par l'espèce de décision que vient de prendre le ministère de l'Education.

Je pense que le mécanisme en place est déjà amplement suffisant pour assurer l'honnêteté et l'objectivité du corps enseignant. Il a été trop coûteux à établir pour qu'on accepte de façon aussi rapide qu'au milieu d'une panique générale les enseignants soient les derniers à y goûter après les journalistes, après les partis de l'Oppo- sition, après les syndicats. Cela a été trop coûteux à établir pour que nous acceptions en silence de tomber dans la période d'inquisition invraisemblable qui risque de se produire, quel que soit l'homme qui dirige cette commission d'enquête sur le comportement des enseignants. C'est trop grave pour qu'on accepte, d'un revers de la main, que ça passe et qu'on l'oublie demain matin. C'est la dernière étape de la dégradation politique que le Québec a connue depuis un certain temps.

M. LACROIX: Vous n'avez pas constaté ça à Cuba!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, est-ce que la Chambre me permettrait d'intervenir pendant deux secondes pour rétablir peut-être les faits? Je tiendrais à établir un fait que le député de Saint-Jacques n'a pas soulevé. C'est que, pour régler l'ensemble des plaintes, il y a actuellement, c'est vrai, des mécanismes, entre autres, l'article 18. Plus que ça, la Corporation des enseignants du Québec, par son article 78, je crois, a les mécanismes voulus, une espèce de code de discipline par lequel elle peut juger des plaintes. Mais, à la fois les enseignants et le ministère doivent reconnaître qu'aucune plainte n'a été portée depuis deux ans touchant ce problème particulier.

S'il y a un problème, je pense que nous devons assumer nos responsabilités, établir clairement le degré d'endoctrinement et le nombre de professeurs impliqués pour, d'une part, cerner le problème et corriger les lacunes qui pourraient exister et, d'autre part, pour revaloriser ceux qui injustement peut-être sont blâmés par d'autres secteurs de la profession. Le fait que nous entamions des négociations provinciales ne doit pas être un argument qui nous empêche de prendre nos responsabilités. C'est dans cette perspective que j'ai annoncé des mesures la semaine dernière et la nomination de l'abbé Dion, aujourd'hui.

M. LESSARD: Est-ce que ça va se faire des deux côtés, cette étude-là?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable ministre de la Justice.

Suspension de surveillants de prison

M. CHOQUETTE: M. le Président, le ministre de la Justice a suspendu de leurs fonctions pour une période d'un mois, avec traitement, MM. Stanley Summerville, assistant-chef des surveillants au centre de détention de Québec, c'est-à-dire la prison d'Orsainville; Marcel Mathieu, Hector Lamoureux et Yves Mecteau, tous trois surveillants à cette prison, pendant la durée d'une enquête déjà ordonnée sur l'administration de cette prison.

Le 5 novembre 1970, M. Marc O'Neil, directeur de l'établissement, a été suspendu de ses fonctions pour une période de deux mois, pendant la durée de l'enquête. Entre autres, l'enquête porte sur les allégations de mauvais traitements envers des détenus au cours de leur détention. Un rapport préliminaire a été reçu, mais il appert nécessaire de clarifier les questions qu'il soulève.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, sans vouloir passer pour un prophète de malheur, nous avions, il y a environ quinze jours, signalé au ministre de la Justice certaines mesures de sécurité qui s'imposaient pour éviter d'autres évasions à la prison de Charlesbourg.

M. CHOQUETTE: J'invoque le règlement, M. le Président. Je pense que l'honorable député est complètement à côté de la question. Il ne s'agit pas d'évasions du tout, dans cette déclaration ministérielle.

M. PAUL: Je comprends, M. le Président, mais les suspensions qui se produisent actuellement sont inexplicables quand on sait qu'il y a un manque de personnel pour protéger la société contre les évadés éventuels de la prison d'Orsainville. J'espère qu'à la lumière des renseignements qui nous seront communiqués et des événements qui se sont produits, on s'empressera de réintégrer M. O'Neil dans ses fonctions puisque, durant qu'il a occupé ses fonctions à la prison de Québec, aucune évasion n'a été signalée. Le ministre de la Justice est aux prises avec une situation qui justifie une enquête, et nous espérons que la lumière complète sera faite et que nous n'aurons pas à déplorer certains arrosages à cette période de l'année.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, l'honorable ministre de la Justice nous annonce certaines suspensions. Nous ne sommes pas certains que ce soit la bonne solution parce qu'il semble qu'à la prison d'Orsainville, lorsque le personnel était au complet, tout le monde pouvait en sortir; maintenant qu'on suspend le personnel, est-ce que tout le monde pourra rentrer?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, un peu comme mes deux collègues qui m'ont précédé, je pense qu'à l'occasion de cette enquête, le ministre de la Justice devrait vérifier très sérieusement les plaintes des agents de la paix eux-mêmes qui prétendent qu'ils sont en nombre insuffisant.

Ce serait peut-être l'occasion. Le fait de suspendre des gens ne règlera pas ce problème-là, il ne fera peut-être que l'augmenter.

Alors, j'engage le ministre de la Justice à examiner très sérieusement ce problème de manque de personnel dont les agents de la paix se plaignent régulièrement.

M. CHOQUETTE: M. le Président, puis-je dire simplement un mot? Les honorables députés de l'Opposition ne semblent pas avoir compris la portée de la déclaration. Il ne s'agit pas d'évasion à l'occasion de ces suspensions.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres déclarations ministérielles?

Dépôts de documents.

Lettre d'intention non déposée

M. CASTONGUAY: M. le Président, jeudi dernier j'ai annoncé mon intention de déposer, aujourd'hui, la lettre d'intention signée avec la Fédération des médecins spécialistes. Toutefois, dans la poursuite des négociations, depuis, les négociateurs des deux parties ont signifié le désir que cette lettre d'intention ne soit pas immédiatement rendue publique afin de faciliter la poursuite des négociations.

Alors, j'ai consulté, hier, les trois représentants des partis d'Opposition les plus intéressés aux questions de santé et je leur ai fait part de mon désir de reporter le dépôt de ce document. Merci.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres dépôts de documents?

Questions des députés. L'honorable chef de l'Opposition.

Questions et réponses

Loi des référendums

M. BERTRAND: M. le Président, au cours de l'automne 1969, j'avais, au nom du gouvernement, déposé un projet de loi, le projet 55, intitulé Loi des référendums. Au sujet de ce projet de loi, nous avons tenu deux séances à la commission parlementaire de la Constitution, la première le 27 novembre 1969 et la deuxième le 12 février 1970. Ma question s'adresse au premier ministre: A-t-il l'intention de déposer à nouveau ce projet de loi au cours de la présente session?

M. BOURASSA: Pas au cours de la présente session, M. le Président. Mais, je considère sérieusement la suggestion du chef de l'Opposition. Si nous sommes convaincus, au conseil des ministres, qu'il peut être utile de convoquer à

nouveau cette commission parlementaire et de déposer le projet de loi au cours de la prochaine session, nous le ferons. Mais je ne peux faire autrement, au stade actuel, que de prendre avis de la suggestion du chef de l'Opposition.

M. BERTRAND: Merci. M. le Président, j'avais d'autres questions, mais je laisse à celui à qui nous confions d'habitude la discussion des affaires sociales, le député de Montmagny, de poser ces questions.

M. LE PRESIDENT: Je vais permettre immédiatement la question du député de Montmagny.

Livre blanc fédéral sur la sécurité sociale

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, j'aurais certainement une question et probablement des questions supplémentaires à la suite des réponses que me donnera le premier ministre sur un sujet extrêmement important et d'actualité qu'est le dépôt du livre blanc du gouvernement fédéral sur la sécurité du revenu.

Je voudrais d'abord, comme première question, demander au premier ministre s'il y a eu consultations entre le gouvernement fédéral et les provinces, et en particulier le Québec, avant le dépôt du livre blanc. S'il y a eu des consultations, à quel niveau se sont-elles faites?

M. BOURASSA: M. Munro a rencontré M. Castonguay à Québec, il y a une dizaine de jours, pour discuter de cette question.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, une question supplémentaire. Est-ce que le dépôt du livre blanc, les mesures et les propositions qu'il contient sont interprétées, par le premier ministre et le gouvernement du Québec, comme un refus catégorique d'accéder au désir et aux représentations du Québec de rapatrier la sécurité sociale notamment le champ des allocations familiales et la sécurité de la vieillesse?

M. BOURASSA: M. le Président, nous interprétons cela comme une position de départ dans des négociations qui auront lieu. Nous attendons sous peu, quant à nous, le dépôt de la cinquième tranche, je crois, du rapport Nep-veu-Castonguay sur la sécurité du revenu. Nous avons dit que nous publierions très prochainement un livre blanc sur la main-d'oeuvre. Donc, à la lumière de ces deux documents, à la lumière de la prise de position du gouvernement du Québec au cours de la dernière conférence constitutionnelle, nous établirons la position officielle du Québec. Mais il est évident que le livre blanc qui a été déposé hier au Parlement du Canada ne change en aucune façon la position actuelle du gouvernement du Québec sur la question de la sécurité sociale telle qu'énoncée dans notre mémoire soumis à la conférence constitutionnelle.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, une autre question supplémentaire.

M. LE PRESIDENT: Je permettrai au député de Montmagny une dernière question. Autrement, cela devient un contre-interrogatoire.

M. CLOUTIER (Montmagny): Une dernière question. M. le Président, je voudrais pouvoir résumer dans cette question toutes les...

M. LE PRESIDENT: Je pense qu'on aurait besoin de plus d'une demi-heure.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, étant donné que le livre blanc qui a été déposé entre dans plusieurs secteurs : les allocations familiales, le régime des rentes, la sécurité de la vieillesse, évidemment, tous des points qui ont des implications sur notre législation à nous, je voudrais demander au premier ministre quelles sont les initiatives qu'il entend prendre maintenant. Plusieurs initiatives ont été prises dans le passé, par le gouvernement du Québec, notamment la Loi des allocations scolaires, la Loi du régime des rentes, la Loi du régime québécois d'allocations familiales et notre Loi d'aide sociale qui allait plus loin. Dans l'esprit du premier ministre et du futur ministre des Affaires sociales, quelles sont maintenant les mesures que le gouvernement pourrait prendre, avec la collaboration et l'approbation de l'Opposition, pour ajouter, pour reprendre des initiatives qui pourraient faire prévaloir le point de vue du Québec?

M. BOURASSA: J'ai déjà répondu partiellement à cette question, M. le Président. On ne doit pas considérer le livre blanc comme une politique définitive. Qu'on se souvienne de l'exemple du livre blanc sur la fiscalité. J'ai obtenu des modifications importantes dans le livre blanc sur la fiscalité, au cours du mois d'août, notamment dans le secteur minier. J'ai dit, il y a quelques jours, que le ministre de la Santé et le ministre du Travail avaient rencontré leurs collègues fédéraux pour discuter de cette question. Nous attendons actuellement le rapport de la commission Nepveu-Castonguay, le cinquième volume, précisément sur cette question de la sécurité du revenu, pour déterminer, d'une façon définitive, la position du Québec, à la lumière des principes qui ont été énoncés dans le passé par le gouvernement actuel du Québec et par les précédents gouvernements.

M. LAURIN: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Une question supplémentaire sur le même sujet?

L'honorable député de Bourget.

M. LAURIN: Etant donné qu'à la conférence de Winnipeg, le premier ministre a dit que la responsabilité prioritaire appartenait au gouvernement du Québec dans ce domaine, étant donné que lors de la campagne électorale, le programme du Parti libéral prévoyait le rapatriement complet des pensions de vieillesse et des allocations familiales, ce qui est très précis et très net, étant donné que dans les intentions qui nous ont été communiquées hier, il y a l'annonce de projets portant sur ces deux points particuliers, est-ce que le premier ministre entend, sur ces deux points au moins, affirmer immédiatement ce qu'il a toujours affirmé ou au contraire, s'il ne le peut pas, est-ce qu'il peut manifester son intention d'aligner la politique du Québec sur celle d'Ottawa?

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai répondu tantôt. Si le député de Bourget avait écouté...

M. LAURIN: J'ai écouté...

M. BOURASSA: J'ai dit que le livre blanc qui a été déposé hier ne changeait d'aucune façon le point de vue du Québec, qui avait été exprimé à la conférence constitutionnelle de septembre. Si le député de Bourget avait écouté, il ne poserait pas de question inutile.

M. LAURIN: J'ai bien écouté, mais de nouveau, vos réponses m'ont semblé confuses et imprécises.

M. BOURASSA: C'est confus pour le député parce qu'il veut trouver cela confus, parce que, précisément, cela crée de la confusion chez lui.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lotbinière.

Don fédéral de blé

M. BELAND: M. le Président, en l'absence du ministre de l'Agriculture et de la Colonisation, je poserai une question à l'honorable premier ministre. A la suite de l'annonce du don de 100,000 tonnes de blé, d'une valeur de $7 millions, fait par le gouvernement canadien à la Turquie — blé provenant de l'Ouest canadien — le premier ministre a-t-il l'intention de demander au gouvernement fédéral de faire des dons équivalents aux producteurs agricoles du Québec aux prises présentement avec une situation de misère?

M. BOURASSA: Je m'excuse. Je parlais avec mon collègue. Vous avez parlé de la Turquie, de ce qui avait été fait pour la Turquie?

M. BELAND: Je reposerai volontiers ma question à l'honorable premier ministre. A la suite de l'annonce du don de 100,000 tonnes de blé, d'une valeur de $7 millions, fait par le gouvernement canadien à la Turquie — blé provenant de l'Ouest canadien — le premier ministre a-t-il l'intention de demander au gouvernement fédéral de faire des dons équivalents aux producteurs agricoles du Québec aux prises avec une situation de misère?

M. BOURASSA: Le ministre de l'Agriculture a assisté à la conférence fédérale-provinciale sur la politique fédérale en matière d'agriculture. Il a fait valoir le point de vue du Québec. Il pourra répondre, demain probablement, à des questions de cette nature. Le député traite d'une question très générale: l'aide qu'un pays comme le Canada doit apporter au Tiers-Monde dans différents secteurs, notamment dans le secteur agricole. Je pense que le député pourra poser sa question au ministre de l'Agriculture.

M. BELAND: Une question supplémentaire, M. le Président. A la suite justement de cette rencontre fédérale-provinciale du ministre de l'Agriculture avec son homologue du fédéral, est-ce que le ministre a obtenu la certitude du remboursement des $10 millions de subsides sur le lait annulés aux producteurs de lait du Québec?

M. BOURASSA: Vous poserez la question au ministre.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

Spectacle destiné aux CEGEP

M. SAMSON: J'aimerais poser une question à l'honorable ministre de l'Education. Nous apprenons qu'une troupe théâtrale ayant joué dans la région de Gaspé l'été dernier, dont les recettes ont profité apparemment à la Maison du pêcheur libre et dont, selon mes informations, les participants se produisent de façon indécente sur scène, serait sur le point de se produire lors d'une tournée de certains CEGEP. Selon toute apparence, les arrangements seraient déjà fait. Est-ce que le ministre peut dire s'il a l'intention d'empêcher ce genre de choses dans nos CEGEP.

UNE VOIX: Cela relève des Affaires culturelles.

M. SAINT-PIERRE: II y a réellement beaucoup d'hypothèses et de suppositions dans votre question. Je suis pour la liberté individuelle, mais je suis aussi d'avis lorsque la liberté individuelle atteint celle des autres de voir à ce que l'ordre soit rétabli.

M. SAMSON: M. le Président, je conçois que

le ministre a le droit de me répondre ou de ne pas me répondre; mais s'il n'a pas bien compris ma question, je pourrais la reprendre. Il s'agirait de spectacles soi-disant indécents qui seraient sur le point de se produire dans nos CEGEP. Et je voudrais savoir si le ministre est d'accord avec cela, oui ou non.

M. LE PRESIDENT: Je ferai remarquer au député de Rouyn-Noranda que, dans la forme de sa question, il y a beaucoup d'hypothèses et de suppositions, ce qui n'est pas permis d'après les règlements. Le député de Rouyn-Noranda pourrait peut-être poser la même question sous une autre forme.

M. SAMSON: II me fait plaisir de me plier à vos directives et de reprendre la question. Il s'agit de la troupe de théâtre "La Trinité" au sujet de laquelle j'ai un article de journal en main. Je n'ai pas le droit de le citer, mais je pourrai le donner au ministre si cela l'intéresse.

M. SAINT-PIERRE: Je prends avis de la question, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

Investissements à la baie James

M. PAUL: M. le Président, est-ce que je pourrais demander à l'honorable premier ministre, lui qui est toujours heureux de nous annoncer des mesures susceptibles de stimuler l'économie, s'il a des renseignements supplémentaires à nous communiquer au sujet de l'investissement éventuel des Caisses Populaires Desjardins dans un grand, grand projet qu'on situerait à la baie James?

M. BOURASSA: M. le Président, je pense que le gouvernement ne peut pas annoncer de politique définie sur cette question avant d'avoir reçu le rapport de rentabilité de l'HydroQuébec. Il y a différentes hypothèses de manière à favoriser la participation des Québécois et de manière à permettre au Québec de tirer bénéfice au maximum de ces ressources qui peuvent être discutées. Mais, la politique définie du gouvernement du Québec ne pourra être énoncée que lorsque nous aurons le rapport de l'Hydro-Québec sur la rentabilité du projet.

M. PAUL: M. le Président, je remercie le premier ministre; cela complète les renseignements fournis par le ministre de l'Education.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

Rencontres fédérales-provinciales

M. LAURIN: Ma question s'adresse au premier ministre. La semaine dernière, le premier ministre a annoncé toute une brochette de rencontres importantes avec des ministres fédéraux; ainsi par exemple, il nous avait dit que le ministre des Finances devait rencontrer son homologue, M. Benson; que lui-même devait rencontrer M. Andras, celui qui s'occupe des logements, et aussi M. Marchand. J'aimerais poser les questions suivantes au premier ministre. La première: Est-ce que le gouvernement fédéral contribuera au financement des travaux de voirie de $162 millions déjà annoncés, étant donné qu'il nous avait dit que l'entente transcanadienne n'était pas renouvelable?

La deuxième: Est-ce que l'entente concernant les $180 millions destinés à l'habitation a pu être signée?

La troisième: Est-ce que le gouvernement a réussi à faire débloquer les fonds nécessaires pour financer un programme de rénovation urbaine, étant donné que les chiffres avancés restaient encore dans l'imprécision et la confusion?

M. BOURASSA: M. le Président, de fait, le ministre des Finances a rencontré M. Benson. J'ai discuté, personnellement, durant quelques heures, avec MM. Andras et Marchand. Les résultats de toutes ces rencontres, je suppose, seront connus au cours du discours sur le budget prononcé par M. Benson jeudi soir.

Je peux répondre d'une façon plus précise à la deuxième question: Le gouvernement du Québec a reçu une lettre du ministre, M. Andras, lui disant qu'il pouvait engager les fonds de $150 millions, la contribution provinciale étant de $30 millions, donc la somme totale est de $180 millions, pour la construction d'habitations à loyer modique créant par là près de 20,000 nouveaux emplois.

M. LAURIN: J'ai une autre question supplémentaire. Il reste donc que, pour les deux autres projets, on sera obligé, encore, d'attendre les annonces et les décisions d'Ottawa.

M. BOURASSA: Le député de Bourget, avec son expérience maigre mais quand même suffisante, devrait comprendre que le gouvernement du Québec ne peut pas... Le député doit savoir qu'un discours sur le budget est quelque chose de secret que le gouvernement ne peut pas dévoiler. De toute façon, ce n'est pas à lui d'énoncer ces programmes; il peut avoir fait ses représentations. Nous avons fait les représentations du Québec auprès de M. Andras, de M. Benson et de M. Marchand, mais c'est le gouvernement fédéral qui prendra les décisions finales; c'est normal, puisque c'est M. Benson, le ministre fédéral des Finances, qui va faire le discours, jeudi soir.

Ce que me demande le député de Bourget, c'est de dire ce que M. Benson va déclarer dans son discours sur le budget, jeudi soir. Je trouve étonnant qu'il me pose une telle question.

M. LAURIN: C'est parce qu'il s'agissait de vieux projets, que le gouvernement connaît bien et pour lesquels la population du Québec attend une décision depuis longtemps, surtout dans la crise actuelle.

M. BOURASSA: Un discours sur le budget aura lieu dans les 48 heures.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Maurice;

Carte d'identité

M. DEMERS: Ma question s'adresse au ministre de la Justice. Le ministre de la Justice pourrait-il dire à cette Chambre s'il a pris oui ou non connaissance du sondage à l'effet que la population serait favorable à la carte d'identité, dans la mesure de 83 p. c. ?

M. CHOQUETTE: Oui.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beau ce.

UNE VOIX: C'est un oui éloquent. M. DEMERS: Cela vous impressionne?

Taxe du progrès social

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais une question à poser à l'honorable premier ministre. Par suite de l'annonce faite par M. Trudeau, la semaine dernière, à l'effet que les $230 millions, que devait recevoir le Québec pour la taxe de progrès social, ne lui seraient pas remis, le premier ministre pourrait-il informer les membres de cette Chambre si c'est l'intention de son gouvernement d'entreprendre de nouveaux pourparlers en vue de récupérer cette somme pour les différents besoins du Québec?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je crois que cette question a été posée à plusieurs reprises depuis quelques semaines. J'ai remarqué également, jeudi ou vendredi dernier, que le premier ministre a répondu, d'une manière assez élaborée, à cette question. Ce n'est pas à moi de répéter la réponse. Quand même, plusieurs députés ont des questions à poser et je crois qu'on a répondu d'une manière très explicite et à la satisfaction de la Chambre. Je ne sais pas si le député de Beauce était absent.

M. ROY (Beauce): J'étais présent, M. le Président, mais disons que je voulais demander au premier ministre s'il y avait eu de nouveaux pourparlers ou de nouvelles démarches de faites en fin de semaine à ce sujet-là.

M. BOURASSA: M. le Président, des démar- ches constantes se font sur ce sujet-là. Je viens de répondre au député de Bourget. Je réfère le député à l'article 679, à la suggestion du leader parlementaire de l'Opposition.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.

Travaux de voirie

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Le premier ministre est-il d'accord avec les déclarations de son ministre du Travail, à l'effet que les investissements récemment annoncés dans le domaine de la voirie ne créeraient aucun nouvel emploi et serviraient tout simplement à maintenir le niveau actuel des emplois?

M. BOURASSA: M. le Président, je pense que le député fait un jeu de mots. Le ministre du Travail a déclaré que les nouveaux emplois que nous créons par les investissements publics accrus au niveau provincial et fédéral vont empêcher la hausse du chômage. Cela crée de nouveaux emplois, mais le problème est qu'il y a une hausse du chômage due à une conjoncture nord-américaine et à des événements qui sont survenus au Québec. Le fait que le gouvernement du Québec agisse, et agisse substantiellement — une dizaine de mesures ont été annoncées — révèle que le gouvernement du Québec est conscient du problème.

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): Question supplémentaire, M. le Président.

UNE VOIX: C'est donc malheureux!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Le ministre du Travail a bel et bien annoncé que cela ne créerait aucun nouvel emploi.

M. BOURASSA: M. le Président, j'invoque le règlement. Le député de Sainte-Marie prend un titre de journal pour conclure que le ministre du Travail a dit telle chose. Le ministre du Travail a dit, de fait, que les investissements publics qui étaient faits empêcheraient une hausse plus grande du chômage. C'est ce qu'il a dit. Le député ne peut pas nier que de nouveaux emplois seront créés, quand même! C'est évident que les $162 millions de travaux de voirie et les investissements dans Sidbec, dans l'habitation ou dans les autres secteurs vont créer inévitablement de nouveaux emplois.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Une dernière question, M. le Président. Etant donné que j'aimerais être renseigné là-dessus, est-ce que je dois prendre la déclaration du premier ministre ou celle du ministre du Travail?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le député de Lafontaine.

United Aircraft et aéroport de Sainte-Scholastique

M. LEGER: Une question supplémentaire au premier ministre. Etant donné qu'on est dans le domaine des emplois nouveaux qui ne remplacent pas les anciens emplois qui ont été perdus, le premier ministre serait-il prêt à donner une réponse aux questions que j'ai posées la semaine dernière et dont il a dit qu'il prenait avis, concernant la United Aircraft et Sainte-Scholastique? Dans le premier cas, je lui disais que le gouvernement avait accordé une subvention de $5 millions dans le but justement de permettre à la compagnie United Aircraft d'investir $40 millions additionnels qui amèneraient 650 emplois de plus. D'après nos renseignements, il y avait déjà 700 mises à pied.

M. LEVESQUE: M. le Président, les renseignements, le député...

M. LEGER: Est-ce que je puis terminer ma question?

M. LEVESQUE: ...s'il veut les donner...

M. LE PRESIDENT: Une question de règlement.

M. LEVESQUE: Un instant. Est-ce qu'on demande des renseignements ou si on veut en donner?

M. LEGER: Je n'ai même pas terminé ma question, M. le Président.

M. LEVESQUE: D'après moi, la question a été posée la semaine dernière. Elle est terminée et la réponse sera donnée au cours de la semaine.

M. LEGER: Alors, la deuxième question, pour Sainte-Scholastique, la même chose?

M. LEVESQUE: Même chose.

M. LEGER: Avec sa grande expérience, on n'avance pas.

M. CHARRON : Cela ne presse pas, de toute façon!

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Sauveur.

La prison d'Orsainville

M. BOIS: M. le Président, est-ce que le ministre de la Justice pourrait dire à cette Chambre par qui et comment on a pu faire enlever du contrat de construction de la prison ou de la pouponnière d'Orsainville, si vous préférez, les tours de contrôle en périphérie, ainsi que les clôtures de béton qui dégagent près de la moitié du complexe de la prison?

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député pourrait répéter sa question? Je ne l'ai pas comprise.

M. BOIS: Le ministre de la Justice sait-il par qui et comment on a fait enlever du contrat de construction de la prison, j'ajouterai même de la pouponnière d'Orsainville, les tours d'observation en périphérie, ainsi que les clôtures de béton qui dégageraient près de la moitié du complexe de la prison?

M. CHOQUETTE: Je n'ai pas compris la question. C'est une question qui est trop compliquée pour le ministre de la Justice.

M. LESSARD: M. le Président... M. BOIS: Merci, M. le ministre. UNE VOIX: Au feuilleton.

M. CHOQUETTE: J'invite le député à poser sa question au ministre des Travaux publics.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le député de Saguenay.

Le Conseil régional de l'Est du Québec

M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre responsable de l'Office de développement de l'Est du Québec. En fin de semaine dernière, le ministre déclarait à Rimouski que le Conseil régional de développement de l'Est du Québec ne serait plus son interlocuteur valable. Il a également laissé entendre qu'il serait favorable à la disparition de cet organisme de consultation qui, selon lui, ne joue plus le rôle qui lui revient.

Ma première question est celle-ci: Le ministre peut-il d'abord nous dire s'il a été bien cité? Il semble que oui. Est-ce que le ministre a été bien cité cette fois?

M. TESSIER: Très bien.

UNE VOIX: Comme à Halifax?

M. LESSARD: Très bien cité. Ma deuxième question s'adresse au premier ministre:

Cette déclaration représente-t-elle la position du gouvernement vis-à-vis du CRD de l'Est du Québec et les CRD en général?

M. BOURASSA: M. le Président, je n'ai pas pris connaissance de la déclaration en question, mais je crois, si je comprends bien la question du député, que le CRD, dans la vue du ministre,

ne serait pas l'interlocuteur exclusif de la région.

M. LESSARD: Ne serait plus l'interlocuteur valable.

M. BOURASSA: Or, si c'est le sens de la déclaration...

M. LESSARD: M. le Président, on vient de dire qu'il a été bien cité. J'ai pris la précaution de lui faire dire qu'il a été bien cité.

M. BOURASSA: Est-ce que le député va me laisser le temps de lui répondre?

M. LESSARD: Allez-y, mais répondez directement.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BOURASSA: Le ministre a dit, si j'ai bien compris, que le CRD n'était pas l'interlocuteur exclusif de la Gaspésie, que les députés avaient un rôle à jouer. C'est ce que le ministre a dit. Nous sommes d'accord avec le ministre.

M. LESSARD: Est-ce que vous pourriez informer le premier ministre?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable ministre des Affaires municipales.

M. TESSIER: M. le Président, j'aimerais apporter certaines précisions. Comme je l'ai dit, au moins un journal — parce que c'est le seul que j'aie lu aujourd'hui — a rapporté mes propos d'hier soir à Rimouski, lors d'une causerie devant la chambre de commerce et les clubs sociaux. J'ai lu le journal Le Soleil qui a parfaitement rapporté mes déclarations. Je disais ceci: Je crois qu'on doit se poser la question et repenser le rôle que doit jouer le CRD parce que je crois qu'actuellement la population du territoire est saturée et même écoeurée de l'animation et de la consultation, et que l'on doit redonner aux députés du territoire leur véritable rôle comme élus du peuple pour faire les représentations qui s'imposent auprès de l'ODEQ et du ministre responsable du plan de développement. Il y a lieu également de redonner aux conseils municipaux leur rôle en tant qu'élus du peuple, leur rôle consultatif, de même qu'aux chambres de commerce et autres associations comme l'UCC et les syndicats.

C'est ce que j'ai déclaré hier soir à Rimouski. Je tiens à le préciser de nouveau devant cette honorable Chambre et je crois que, dans ce cas-là, le journal Le Soleil a très bien rapporté mes déclarations.

M. LESSARD: Question supplémentaire. Est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il prévoit d'autres organismes de planification, puisqu'on sait actuellement, par exemple, qu'auprès de l'Office de planification et de développement économique du Québec ce sont les CRD qui sont les interlocuteurs valables? Le ministre pourrait-il nous dire quand même s'il veut laisser la planification au petit patronage ou s'il prévoit d'autres organismes qui représenteront l'intérêt de l'ensemble de la population?

M. LEVESQUE: M. le Président, pourrais-je attirer votre attention sur le genre de question qui vient d'être posée par l'honorable député? Ce n'est pas une question.

M. CHARRON: C'est "achalant".

M. LEVESQUE: C'est "achalant" mais ce n'est pas selon les règles parlementaires. Et si on met de côté — et je parle particulièrement à l'intention du député de Saint-Jacques — les règles parlementaires, on s'attaque directement à l'Opposition, parce que, justement, les règles parlementaires sont faites pour protéger l'Opposition et les minorités, dans cette Chambre.

UNE VOIX: C'est ça.

M. LEVESQUE: C'est justement pour protéger les minorités dans cette Chambre. Vous n'avez qu'à faire fi des règles parlementaires, vous n'avez qu'à mettre de côté le livre de règlements, et en même temps vous mettez de côté votre liberté d'expression.

M. PAUL: M. le Président, j'invoque le règlement. Je vous demande de ne pas mettre de côté le règlement ni aucune des mesures suggérées par le leader du gouvernement parce qu'en partie il a raison.

Et, ayant le privilège d'être debout, est-ce que je pourrais demander à l'honorable ministre l'insigne privilège de recevoir une copie de son discours?

M. TESSIER: M. le Président, malheureusement, je n'avais pas de texte.

M. BERTRAND: Cela a dû être un de vos bons.

M. TESSIER: J'ai parlé avec des notes, mais avec votre permission, M. le Président, je vais essayer de deviner la question qui m'était posée...

DES VOIX: Non, non.

M. TESSIER: ... par mon honorable collègue qui a peur du patronage.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il n'y a pas eu de question à cet effet-là, à ma connaissance.

M. TESSIER: Je voudrais, M. le Président,

avec votre permission, préciser davantage au sujet de la déclaration que j'ai faite tout à l'heure...

M. CARDINAL: II n'y a pas eu de question et nous ne donnons par la permission.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela allait bien...

M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'honorable ministre des Affaires municipales aimerait expliciter la réponse qu'il a apportée tout à l'heure?

M. TESSIER: D'accord, c'est ça, M. le Président, que je veux faire. J'ai, de plus, déclaré que le CRD, dans la nouvelle entente, ne serait pas le seul et unique interlocuteur pour représenter la population vis-à-vis des gouvernements. C'est ça que j'ai précisé...

M. PAUL: Vous rejoignez presque la suggestion du premier ministre.

M. TESSIER: ... comme la chose existait et existe dans l'entente actuelle, signée en mai 1968 mais qu'en plus le CRD coûte énormément cher à la population, puisque le CRD reçoit des subventions de l'ordre d'environ $300,000 annuellement, ce qui veut dire $1,500,000 en cinq ans. Je crois par conséquent, que cette somme de $1,500,000 peut être dépensée à bien meilleur escient, à réaliser des projets et à créer des emplois nouveaux dans le territoire. C'est pour cela que je crois qu'il vaut mieux qu'il n'y ait pas qu'un seul interlocuteur mais que les députés soient consultés à l'avenir, tout comme les conseils municipaux.

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais une question supplémentaire. Suite à sa déclaration, est-ce que le ministre pourrait nous dire si c'est son intention ou l'intention du gouvernement de reconsidérer complètement la politique de subventions aux conseils économiques régionaux et aux conseils régionaux de développement? J'avais posé une question là-dessus la semaine dernière.

M. TESSIER: Je n'ai pas, M. le Président, du tout considéré cette question. Je sais, par contre, que la plupart des CRD, dans toute la province, reçoivent une subvention d'environ $30,000. Je crois que la somme de $30,000 est raisonnable mais non pas la somme de $300,000 annuellement. Je veux que le CRD de l'Est du Québec soit, en somme, sur un pied d'égalité avec les CRD des autres territoires de la province.

M. VINCENT: Question supplémentaire, M. le Président. A quel moment le CRD doit-il présenter son rapport annuel d'activités?

M. TESSIER: Je regrette, mais je ne pourrais pas répondre à cette question.

M. LE PRESIDENT: Je vais permettre... M. TESSIER: Je l'ignore.

M. LE PRESIDENT: ... deux dernières questions aux députés de Mégantic et de Chicoutimi.

Enseignants non payés

M. DUMONT: Ma question, M. le Président, s'adresse au ministre de l'Education. Au-delà de 25 enseignants de la région de Matane et de la régionale des Monts n'ont pas été payés depuis le début de l'année scolaire. Est-ce que le ministre de l'Education songe à résoudre ce problème, qui devient très grave dans cette région?

M. SAINT-PIERRE: Oui, nous avons déjà eu des discussions avec le ministère des Finances. Nous comptons, d'ici une dizaine de jours, pouvoir dans ces cas précis, transmettre des subventions, même lorsqu'il y a eu des déficiences marquées au niveau de la perception de la taxe locale pour qu'avant la période des fêtes, tous les professeurs reçoivent leur traitement.

M. DUMONT: A Noël, pas à Pâques. M. SAINT-PIERRE: Pardon?

M. DUMONT: A Noël, pas à Pâques. Cela va être réglé pour Noël.

M. SAINT-PIERRE: J'ai dit dans dix jours.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je préfère ne pas parler après le député de Mégantic. Je poserai ma question demain!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Affaires du jour.

Question de privilège

Article du Nouvelliste

M. LEVESQUE: M. le Président, sur une question de privilège, je voudrais faire simplement une mise au point à la suite d'un article publié dans le Nouvelliste de Trois-Rivières, en date du 24 novembre 1970, concernant la fermeture de la Wabasso de son usine de Grand'Mère.

Un journaliste, M. Jean-Pierre Gagnon, m'avait téléphoné pour me demander si le ministère

de l'Industrie et du Commerce allait donner une subvention à la Wabasso, si cette compagnie s'installait ailleurs. J'ai répondu, entre autres, à la questions suivante: Si l'industrie s'établit à tel endroit, est-ce que vous allez verser une subvention? J'ai répondu que, dans ce territoire, il y avait des subventions de l'ordre de 25 p. c. .

C'est toujours là le danger lorsque le ministre de l'Industrie et du Commerce répond, et surtout d'une façon incomplète, parce qu'on ne peut non plus donner toutes les lois ni surtout toutes les circonstances qui entourent quelquefois des demandes de cette sorte. Le titre de cet article est: "Wabasso pourrait profiter d'une prime à l'investissement de $1,250,000." M. le Président, je dois premièrement rappeler à ce journaliste que la loi prévoit un maximum de $500,000 d'investissement. Et même si je dis que c'est une zone de 25 p. c, on ne peut pas tenir pour acquis que, s'il y a un investissement de $5 millions, il y a une subvention de $1,250,000. Ces choses m'ont été signalées en fin de semaine. Je tiens à dire que cet article n'est ni conforme aux faits, ni conforme à notre loi.

Je puis simplement ajouter, pour compléter ma réponse, qu'encore faudrait-il qu'une demande ait d'abord été adressée au ministère fédéral de l'Expansion économique régionale. Nous ne serions, en effet, habilités à intervenir que dans le seul cas où une demande bona fide de subvention aurait été refusée par Ottawa.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. M. LEVESQUE: Article 3.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité. Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. HARDY (président du comité plénier): A l'ordre, messieurs! Article 9 du bill 48.

Projet de loi no 48 Comité plénier (suite)

M. CHOQUETTE: A l'article 9, M. le Président, lors de notre dernière séance, le député de Maisonneuve avait suggéré deux amendements: un à l'article 240 pour y ajouter les mots "suivant les besoins" et un autre à l'article 240a) pour y ajouter "s'ils ne l'ont pas abandonné".

Quant à la première suggestion, je crois devoir répondre que l'amendement suggéré par le député est conforme aux règles qui s'appliquent habituellement en matière alimentaire, c'est-à-dire que la pension alimentaire ou les aliments sont toujours dus en fonction des besoins de celui qui réclame et en fonction des moyens de celui qui donne. Par conséquent, je ne crois pas que l'amendement suggéré soit nécessaire dans les circonstances puisque l'article 240 soumet les devoirs alimentaires des parents et des enfants naturels aux règles qui s'appliquent pour les enfants légitimes.

Je ferais une réponse identique quant à la suggestion d'amendement à l'article 240a). Le député soulève, à juste titre, je crois, une situation qui peut se produire, celle d'abandon d'enfants. Evidemment, il faut se rappeler que même des parents légitimes peuvent, en quelque sorte, abandonner leurs enfants ou ne pas s'acquitter normalement de leurs devoirs alimentaires ou de leurs devoirs de parents à l'égard de leurs enfants, mais ceci n'est pas une raison pour qu'il n'y ait plus de devoirs alimentaires réciproques entre les deux. Par conséquent, même si la suggestion du député part de la constatation d'une situation réelle qui peut se produire, d'une situation qui peut poser quelque problème, je crois qu'il comprendra que le juge, qui serait appelé à statuer sur des aliments qui pourraient être dus à des parents par l'enfant naturel, considérera quand même sur le plan de l'équité l'obligation de l'enfant naturel à l'égard des parents qui l'auraient adandonné. Il va la considérer avec toute la circonspection et avec tout le sérieux ou l'absence de sérieux que mériterait une demande de cette nature-là. Mais, je ne crois pas, en somme, même si la situation concrète, soulignée par le député, peut correspondre à la réalité dans certaines circonstances, que c'est une raison suffisante pour mettre de côté le principe que nous cherchons à faire passer dans ce projet de loi, c'est-à-dire, de rétablir le statut de l'enfant naturel pour qu'il soit le plus possible conforme à celui de l'enfant légitime.

M. BURNS: M. le Président, cette observation que j'ai faite vendredi, à l'article 240, était beaucoup plus une question que je posais au ministre de la Justice qu'une suggestion. Quant à l'article 240a), je faisais une suggestion, étant donné que, sans doute, le comité de révision du code civil s'était penché, lui, sur le problème et qu'il la faisait, cette suggestion-là. En somme, je n'inventais rien en faisant cette suggestion. Je me demandais s'il n'y avait pas lieu, tout simplement, de donner suite à la recommandation textuelle du comité de révision du code civil qui, lui, mentionne le phénomène de l'abandon. Il le mentionne, d'ailleurs, à un autre endroit, un peu plus loin, mais le texte du bill 48 n'en tient pas compte.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 9, adopté?

M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais juste répondre à l'honorable député et lui dire que Me Morin, qui était à côté de moi et qui a préparé le projet de loi définitif, a consulté Me Crépeau et Me Myrand et qu'ils sont d'accord avec le texte final suggéré, en rapport avec l'article 240a). Comme je le disais tout à l'heure, le problème soulevé par le député est réel, mais je crois qu'il faut faire confiance aux tribunaux pour régler ces problèmes de façon équitable. Quant à l'abandon, je ne pense pas que nous puissions introduire cette notion à l'occasion des obligations alimentaires.

M. BURNS: Je crois qu'elle existe déjà ailleurs, M. le Président. En tout cas, je n'insisterai pas là-dessus. Je soulevais le problème.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 9, adopté. Article 10? Adopté. Article 11? Adopté?

M. BERTRAND: L'article 2 avait été suspendu.

M. BURNS: M. le Président, à l'article 11, encore une fois, je le souligne, c'est un autre endroit où l'office de révision suggérait, à la fin du texte, d'ajouter "pour autant qu'il n'y ait pas d'abandon". Evidemment, je pourrais faire les mêmes remarques...

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 11, adopté?

M. CHOQUETTE: Oui, nous avons voulu, encore ici, que nos lois situent les enfants naturels sur un pied d'absolue égalité avec les enfants légitimes.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 12, adopté? Adopté. L'article 2 avait été suspendu.

M.PAUL: C'est ça.

M.BERTRAND: Etant donné le deuxième paragraphe, nous voulions faire disparaître les derniers mots du premier paragraphe: "L'enfant naturel mineur doit, pour contracter mariage, obtenir le consentement de son père ou de sa mère."

M. CHOQUETTE: Me Morin me dit, en réponse à la suggestion de l'honorable chef de l'Opposition, que les situations prévues au premier alinéa et au deuxième alinéa quant à l'abandon de l'enfant naturel ne sont pas exactement identiques. Au premier alinéa, l'enfant mineur devrait obtenir le consentement du parent qui ne l'a pas abandonné pour se marier. En somme, si le père a abandonné l'enfant, on sera satisfait, en vertu du texte de loi, que l'enfant ait le consentement de sa mère pour se marier, même lorsqu'il est mineur.

Au deuxième alinéa, il s'agit d'une situation différente, puisque les mots sont au pluriel, ce qui indique que les deux parents auraient abandonné l'enfant et que, par conséquent, l'enfant se trouverait privé de tout parent.

M.BERTRAND: Je n'ai pas d'objection, mais je pense que cela ne répond pas à ma question.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 2, adopté?

M. PAUL: Adopté.

M. LAURIN: M. le Président, avant que ne soit terminée l'étude en comité plénier, — malheureusement, je n'étais pas ici quand l'étude a commencé — est-ce que le ministre pourrait nous dire où en sont les travaux de l'Office de révision du code civil pour les autres matières qui concernent les enfants naturels mais qui ne sont pas encore touchées, comme par exemple la successibilité, l'ab intestat, etc?

M. CHOQUETTE: Je peux donner fort peu de renseignements à l'honorable député, parce que je n'ai pas en mémoire les renseignements qu'il me demande. Et comme il le sait lui-même, je crois, il s'agit d'une matière extrêmement difficile sur le plan juridique que celle du sujet qu'il a soulevé, d'ailleurs, dans son intervention en deuxième lecture, c'est-à-dire tout le problème de la famille naturelle, ou de la famille qui n'a pas de statut juridique fondé...

M. LAURIN: Pleine égalité du statut. M. CHOQUETTE: Pardon?

M. LAURIN: La pleine égalité du statut juridique de l'enfant naturel par rapport à l'enfant légitime.

M. CHOQUETTE: Oui, mais je veux dire que la question qu'il pose s'insère dans le contexte général de cette famille dont il a lui-même parlé et on comprendra que, malgré tous les prodiges d'imagination et de technique législative que l'on puisse mettre à la disposition des députés, il sera impossible, en définitive, d'en arriver à l'absolue égalité sous tous les rapports et en toutes circonstances, parce qu'après tout, il y en a un qui est fondé socialement sur des régies acceptées, et l'autre s'est érigé en marge. Evidemment, nous cherchons à corriger les situations les plus injustes pour l'individu, pour la personne de l'enfant naturel. Je crois que c'est un objectif qui a été manifesté par tous les députés, à quelque parti qu'ils appartiennent. Mais, il reste tout de même qu'on ne peut pas arriver à cette situation, théoriquement idéale, de reconnaître autant de validité à la situation irrégulière par rapport à la situation régulière.

Mais je note l'intérêt du député, et je me permets de l'assurer que j'en parlerai au président de l'Office de révision du code civil pour que les travaux soient accélérés dans ce domaine.

M. BERTRAND: Même si le ministre ne peut pas me donner de précisions immédiatement, est-ce que je l'ai bien compris lorsqu'il a dit que l'ensemble des travaux de l'Office de révision du code civil, en vue de l'élaboration d'un nouveau code, serait terminé d'ici deux ans, et que nous pourrions alors avoir un projet qui serait examiné par une commission de la Chambre?

M. CHOQUETTE: C'est exactement ce que j'ai dit. M. Prévost m'a dit que son calendrier de travaux, c'est-à-dire les comités qu'il a mis sur pied — dix-huit, m'a-t-il dit — travaillent à refaire toutes les parties du code civil, et je crois que, dans deux ans, étant donné que nous serons encore là, occupant les responsabilités du gouvernement...

M. BERTRAND: Je ne gagerai pas sur votre avenir.

M. CHOQUETTE: ... nous aurons le plaisir de déposer à la Chambre un nouveau projet de code civil.

M. BERTRAND: Mais, vous aurez besoin de nous pour l'améliorer.

M. CHOQUETTE: Sûrement.

M. HARDY (président du comité plénier): M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que le comité a procédé à l'étude du projet de loi numéro 48, et il l'a adopté sans amendement.

M. LAVOIE(président de la Chambre): Est-ce qu'il y a troisième lecture?

M. BERTRAND: Oui.

Troisième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la troisième lecture du projet de loi numéro 48: Loi modifiant le Code civil et concernant les enfants naturels. Est-ce que cette motion est adoptée?

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose la deuxième lecture du projet de loi numéro 42: Loi du ministère des Affaires sociales.

L'honorable premier ministre.

Projet de loi no 42

Deuxième lecture

M. Robert Bourassa

M. BOURASSA: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce bill et il en recommande l'étude à la Chambre.

Il est moins que jamais permis, aujourd'hui, à l'Etat d'ignorer ou de négliger une partie quelconque de ses responsabilités. L'économique, le social, le culturel, le politique sont à ce point imbriqués les uns dans les autres, que le sous-développement d'un secteur particulier risque de saper cet équilibre toujours précaire sur lequel repose notre société démocratique.

Cet équilibre n'est pas facile à atteindre. Il est encore plus difficile à maintenir tant il est vrai que la complexité des problèmes et la dynamique du changement imposent d'incessantes remises en question de positions acquises.

Aussi, l'Etat doit-il tenter de faire face à la situation avec le maximum de réalisme et de clairvoyance. Il lui faut savoir choisir, il lui faut surtout savoir prévoir. Certes, l'Etat doit, à certains moments, favoriser un secteur d'action, mettre l'accent sur une dimension particulière des problèmes de la société; mais, il ne doit surtout pas, alors, se désintéresser pour autant des autres aspects de la réalité politique, car son action privilégiée, dans un secteur donné, en-trafne nécessairement des conséquences sur les autres secteurs d'activité étatique.

La priorité, accordée à juste titre à l'éducation durant la dernière décennie, était la première étape de l'évolution de la société québécoise, qui doit maintenant relever les défis de développement économique, en général, et de création de nouveaux emplois, en particulier. Notre action d'alors, dans le domaine particulier de l'éducation, ne déterminait-elle pas d'avance nos actuelles urgences économiques? Nous devrions pouvoir tirer, de cette expérience passée, des leçons utiles.

Parmi ces leçons, sans doute qu'une plus grande prise de conscience de la complémentarité naturelle des grands secteurs de l'activité de l'Etat nous permettrait de donner à notre développement un rythme plus régulier et plus fécond. Nous pourrions éviter ainsi les risques considérables d'une action gouvernementale trop exclusivement commandée par l'émergence de crises ou d'urgences plus ou moins dramatiques.

Bref, établir une priorité, ce n'est pas décréter une exclusivité. Nous croyons, évidemment, qu'une amélioration sensible de la situation de l'emploi, un accroissement général des salaires et des revenus, une atténuation des disparités régionales, un développement économique plus

articulé constituent des objectifs prioritaires. Ces objectifs ne peuvent pas être exclusifs, comme nous le signalions au début de cette session, car, même si nous parvenions à les atteindre d'une façon raisonnable, nous n'aurions pas, pour autant, résolu les tensions énormes qui confrontent notre société sur le plan de la langue et de la culture, sur celui de la qualité de notre vie démocratique et de nos institutions politiques et sur celui de la justice et du progrès social.

C'est pourquoi, dans le programme du Parti libéral rendu public au cours de la dernière campagne électorale, nous fixions quatre grandes priorités: développement économique, progrès social, épanouissement culturel, renouveau politique. C'est dans cet esprit que le gouvernement propose aujourd'hui la création du ministère des Affaires sociales. Ce nouveau ministère des Affaires sociales cesse de se définir, selon l'expression consacrée, comme un simple ministère des conséquences. Ses pouvoirs et ses responsabilités l'amèneront à s'attaquer aux causes elles-mêmes des disparités et des injustices sociales.

Le nouveau ministère se souciera davantage d'harmoniser ses politiques particulières avec l'ensemble de notre politique d'éducation, de travail, de main-d'oeuvre et de développement économique et culturel. Le cloisonnement étan-che entre les différents services gouvernementaux, largement responsable d'une certaine inefficacité administrative, doit pouvoir disparaître à brève échéance. Le nouveau ministère des Affaires sociales constitue un premier pas, mais important, dans cette voie, en ce qu'il favorise l'intégration du domaine social à l'ensemble de la politique de l'Etat.

Nous ne pouvons plus concevoir nos politiques sociales à partir des anciens schèmes de pensée. Nous nous refusons à perpétuer plus longtemps une certaine conception parternaliste des problèmes sociaux du citoyen; conception qui ne révélait souvent qu'un subtil désir de nous donner bonne conscience devant des institutions dont nous étions les premiers responsables.

Nos lois sociales ne doivent plus prendre l'allure de concession aux défavorisés.

Elles doivent venir sanctionner un droit légitime du citoyen et témoigner du degré de respect que notre société porte à la dignité et à la liberté de l'homme. Ce respect de la liberté ne peut se référer uniquement aux grandes libertés démocratiques et civiles. Il concerne aussi les droits sociaux et économiques du citoyen, son droit à une qualité et à un niveau de vie compatible avec les exigences de la vie moderne. Malgré l'ampleur de ces objectifs, le futur ministère des Affaires sociales se veut un instrument particulièrement privilégié de progrès et de justice sociale.

La création d'un ministère intégré et fonctionnel des Affaires sociales n'est pas le fruit d'une improvisation spontanée. Il y a déjà plusieurs années que l'on songeait à regrouper le secteur de la santé et celui du bien-être. L'accroissement des responsabilités de ces deux ministères, la multiplicité des services sociaux, l'importance exceptionnelle des budgets alloués, la nécessité de contrôler la croissance inconsidérée des coûts, les relations naturelles existant entre la santé et le bien-être, voilà autant de raisons qui militaient en faveur d'une intégration des deux ministères.

La simple efficacité de nos politiques sociales l'exigeait. Notre dernier manifeste électoral, comme, sauf erreur, celui d'autres partis, témoignait de cette volonté de transformer les ministères de la Santé et de la Famille et du Bien-Etre social en un véritable ministère des Affaires sociales, spécialement chargé de la formulation et de l'application des politiques de santé, de sécurité du revenu et de services sociaux, en fonction des besoins de l'enfance, de la jeunesse, de la famille et de certaines autres catégories de citoyens.

Il ne faudrait cependant pas croire que l'adoption d'un projet de loi à cet effet réalise pour autant les objectifs d'efficacité recherchés par la fusion des deux ministères. D'importantes réformes s'imposent au niveau de l'administration interne des ministères concernés. Une intégration sur papier n'aurait — on le comprend aisément — que peu de résultats pratiques. L'efficacité administrative n'est toutefois pas un objectif en soi. Elle n'est qu'un moyen de servir les objectifs visés par une politique en permettant une utilisation maximale des ressources humaines et financières. Un simple regard sur l'organisation, le personnel et les budgets consacrés aux Affaires sociales, nous convainc aisément de la nécessité élémentaire d'en accroître l'efficacité administrative.

On n'a qu'à constater, M. le Président, le pourcentage du budget actuel qui est affecté aux affaires sociales en général et qui est de loin le plus important accordé par tous les ministères, près de 40 p. c, pour se convaincre et se persuader de l'urgence d'accorder cette efficacité à ce ministère, si nous voulons disposer de sommes suffisantes pour répondre aux besoins sociaux.

On est souvent porté à garder une certaine distance devant ces plaidoyers sur l'efficacité. On appréhende la froideur d'une telle approche, surtout quand cette efficacité recherchée s'applique à des politiques qui ont une résonnance aussi humaine que celle de la politique sociale. Une politique sociale inefficace, c'est nécessairement une politique qui comporte des ratés. C'est une politique qui n'atteint pas ses objectifs; des énergies et des sommes sont dépensées inutilement; des services requis sont rendus inadéquatement. Les bénéficiaires de ces politiques en sont alors les véritables victimes. Aussi, une plus grande efficacité administrative, loin d'entraîner une déshumanisation des rapports

sociaux, s'avère au contraire une garantie additionnelle du respect de l'humain dans l'administration des affaires sociales.

Plus nous aurons de ressources disponibles, pour l'ensemble de la population qui a droit à ces ressources, plus nous pourrons satisfaire d'une façon appropriée ses propres besoins. Enfin, je voudrais simplement rappeler que le présent projet de loi créant un ministère des Affaires sociales est complété par celui instituant le Conseil des affaires sociales et de la famille.

Nous avons voulu que la formation des politiques sociales de l'Etat puisse se faire avec la participation des intéressés. S'il est un domaine où les décisions unilatérales de l'Etat sont malvenues, c'est bien celui des affaires sociales. Cette participation nécessaire,c'est aussi la condition du succès de nos politiques sociales.

Dans ce débat sur cet important projet de loi, le ministre de la Santé, de la Famille et du Bien-Etre social, qui sera le nouveau ministre des Affaires sociales, sera en mesure de répondre à la Chambre à toutes les questions ou les interrogations sur le calendrier ou les mesures pratiques qui vont être choisies pour mettre en vigueur ce ministère des Affaires sociales.

Et je me permettrai, en terminant, de signaler que le député de Louis-Hébert est particulièrement compétent, en raison de son expérience passée, pour assumer les nouvelles tâches de l'un des plus importants ministères dans l'histoire du Québec.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Santé.

M. Claude Castonguay

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais, dans cette allocution, toucher certains des points plus concrets que n'a pu le faire le premier ministre dans son discours de présentation de ce projet de loi, c'est-à-dire des points qui se collent davantage au principe de fonctionnement du Ministère, des objectifs plus immédiats qui sont recherchés et, avec votre indulgence, je vais tenter d'éviter les répétitions, étant donné que les représentants de l'Opposition n'ont pu encore prendre la parole dans ce débat.

La réforme, comme l'indiquait le premier ministre, au terme de son allocution, vise, en définitive, ou implique trois projets de loi, c'est-à-dire la Loi du ministère des Affaires sociales, la Loi du Conseil des affaires sociales et de la famille, la Loi modifiant le Régime de rentes du Québec, et d'autres dispositions législatives analogues qui y sont rattachées.

Si je mentionne ces trois projets de loi, c'est que les trois ont été conçus dans un ensemble et à partir du principe que les besoins et les problèmes de l'homme ne sont pas isolés les uns des autres et que, trop souvent, bien souvent ils se complètent et s'engendrent mutuellement. La réforme proposée par ces projets de loi, et particulièrement par le projet de loi 42, vise justement à intégrer certains secteurs de la politique sociale, c'est-à-dire le secteur de la santé, des services sociaux, des mesures de sécurité de revenus, de telle sorte que, par cette intégration, on puisse retrouver davantage l'objet de ces mesures, c'est-à-dire l'homme.

Elle est donc centrée, cette réforme, en fin de compte ou en fin d'analyse, sur le citoyen dont les besoins essentiels présentement ne sont pas toujours satisfaits, non pas nécessairement par l'absence de politiques ou de mesures ou de programmes appropriés, mais par le fait que, bien souvent, dans leur application, ils sont fragmentés en des systèmes distincts et particulièrement dans le domaine de la santé et des services sociaux.

La réforme vise donc à ce que le citoyen n'ait plus à se relier lui-même à ces divers systèmes de services, mais que l'on puisse faire en sorte, par une plus grande intégration, une plus grande coordination des services, qu'il lui soit possible de trouver, pour satisfaire ses besoins, un ensemble réellement coordonné et intégré. Ce qui ne suppose pas pour autant — et je désire le mentionner à ce stade-ci — le changement de statut d'organismes existants ou encore l'adoption d'un modèle de constitution de services identique dans tous les secteurs, mais il s'agit pour nous de viser à une plus grande intégration et coordination de services, sans pour autant qu'on remettre nécessairement toutes les formules à partir desquelles les institutions fonctionnent, font appel à la participation des citoyens, des intéressés à la dispensation des services.

La réforme est axée également sur le fait que l'individu doit être envisagé comme une entité qui a sa vie propre et dont les besoins essentiels doivent être satisfaits à partir d'une approche plus globale. Il ne s'agit pas ici uniquement de faire en sorte qu'à l'intérieur d'un système ou d'un domaine, celui de la santé, nous ayons des services plus intégrés, mais qu'également, dans des secteurs ou des domaines connexes comme celui de la santé, des services sociaux, celui des mesures de sécurité de revenu, il y ait davantage une conception unifiée dans les politiques, dans l'organisation et la distribution des services.

Dans cette réforme, nous voulons également continuer d'apporter un intérêt particulier et, si possible, accru à la famille. Même si nous ne retrouvons plus, dans l'appellation du nouveau ministère, la désignation de la famille comme étant un sujet de préoccupation — c'est voulu — cela ne signifie pas pour autant un manque d'intérêt, un manque ou une absence de reconnaissance du rôle extrêmement important que la famille joue dans notre société.

D'autre part, il nous faut reconnaître que nous sommes dans une organisation gouvernementale, que les ministères assument des res-

ponsabilités sectorielles et que les problèmes ou les tensions auxquels fait face la famille impliquent toute la gamme, bien souvent, des ministères ou, à tout le moins, un très grand nombre de ministères. Ce qui importe donc davantage, c'est que non pas seulement un ministère s'intéresse aux problèmes de la famille, mais que surtout les politiques qui peuvent avoir des incidences sur la famille soient bien identifiées, que les problèmes de la famille soient également identifiés, analysés et que dans ces politiques, dans les programmes qui sont mis en oeuvre par divers ministères, l'on tienne compte de cette préoccupation.

C'est pourquoi nous avons voulu, dans un des trois projets de loi qui font partie de cet ensemble, donner une responsabilité particulière, dans l'étude, dans la consultation, à tout ce qui a trait à la famille. Nous retrouvons d'ailleurs, dans le conseil qui sera formé, cette particularité de façon très claire, et même dans la désignation de ce conseil.

La réforme — c'est un des points qui m'apparaît nécessaire dans cette présentation un peu plus globale — doit également être envisagée dans une perspective à plus long terme. Il m'apparaît de plus en plus nécessaire que nous ayons non pas seulement un service de recherche et de planification au sein du ministère, mais qu'il y ait également un organisme qui soit dissocié dans une certaine mesure des responsabilités du ministère, qui puisse se détacher aussi des problèmes quotidiens, des problèmes à court terme, des problèmes administratifs, qui puisse davantage prendre une vue d'ensemble, qui soit un peu plus détaché des problèmes qui feront l'objet des responsabilités du futur ministère des Affaires sociales. C'est la raison première de la création, en même temps que l'intégration des deux ministères en un seul, du conseil des Affaires sociales et de la Famille, de telle sorte qu'il y ait complémentarité entre les deux organismes.

Pour éviter que cette intégration donne lieu — et c'est un danger réel — à un ministère trop complexe ou encore à un ministère qui implique un personnel tellement nombreux qu'il devienne assez difficile à administrer, il est également apparu important dans cette réforme de déléguer à certains organismes spécialisés, habilités à administrer certains programmes qui font présentement l'objet de responsabilités du ministère de déléguer à ces organismes les fonctions purement administratives reliées à ces programmes.

C'est pourquoi nous avons voulu, dans un premier temps, confier à la Régie des rentes du Québec l'administration du régime des allocations familiales de même que celle du régime des allocations scolaires. Dans des étapes subséquentes, à mesure que nous identifierons d'autres fonctions qui pourraient être confiées à de tels organismes, nous le ferons soit par recours à la législation ou encore par des décisions d'ordre administratif.

Plus particulièrement en ce qui a trait au ministère des Affaires sociales, je voudrais mentionner que, pour des raisons d'économie au plan des dépenses pour fins administratives comme aussi pour des motifs d'efficacité accrue, la mise en commun de services propres à chacun des deux ministères, a déjà été commencée sous le gouvernement précédent. Ainsi, les services administratifs, comprenant la gestion du personnel des deux ministères, les services d'approvisionnement, d'organisation et de méthode, des finances, comme aussi de l'information ont déjà été regroupés à la faveur du rapprochement physique de ces unités administratives qui se sont trouvées à être logées sous un même toit à l'édifice Joffre, il y a environ deux ans.

D'ailleurs, cette intégration des deux ministères — je crois qu'il faut aussi le mentionner — se fera à partir du principe de structures fonctionnelles conformes aux recommandations, à tout le moins aux plus fondamentales, formulées dans le rapport Mineau, à la suite d'une première étude du fonctionnement du ministère de la Santé.

Alors, cette intégration des deux ministères n'arrive pas de façon subite. Elle est la continuation d'un processus déjà amorcé. Elle se fera à partir de principes fonctionnels déjà identifiés comme devant être utilisés en ce qui a trait, à tout le moins, au ministère de la Santé. D'ailleurs, du côté du ministère de la Famille et du Bien-Etre social, les modifications apportées au plan des structures internes au cours des dernières années avaient évolué dans cette direction.

Cette entreprise de fusion et d'intégration plus complète, maintenant, des diverses directions des deux ministères est de nature à favoriser non pas une mosaïque de fonctionnaires et de services qui auraient tendance à traiter les problèmes de façon dispersée ou isolée — c'est bien souvent le cas présentement, pour diverses raisons, soit le nombre assez élevé des fonctionnaires, soit le fardeau de travail qui empêche ou qui ne facilite pas nécessairement les communications — mais de faire également, à l'image du réseau d'interdépendance que constitue toute société humaine, du ministère des Affaires sociales un organisme vivant, capable de combiner l'action de tous ces éléments au service d'une politique dans le domaine des affaires sociales et familiales, de façon dynamique et efficace. Nous voulons, également, qu'il soit aussi rapproché que possible des citoyens auxquels cette politique s'adresse.

A ce sujet, le conseil des affaires sociales devra jouer un rôle assez important. De même, c'est notre intention, dans un deuxième temps, de proposer une régionalisation qui constituera une autre étape dans cette recherche d'un ministère qui, dans l'application des programmes et des politiques, se rapprochera davantage des citoyens.

Alors que les ministères de la Famille, du Bien-Etre social et de la Santé doivent se faire,

en 1970 et dans les années à venir, les champions de la réadaptation et de la prévention individuelle et collective, le gouvernement se devait donc d'éviter de sous-estimer la nécessité d'une réadaptation de sa propre organisation ou de sa propre administration dans ce domaine, d'autant plus qu'il est de plus en plus évident qu'il s'agit d'un domaine où les besoins évoluent sans cesse et à un rythme de plus en plus rapide.

De nos jours, l'administration nouvelle des Affaires sociales a donc besoin de plus en plus de souplesse pour la réalisation de ses tâches qui vont constamment en s'accroissant. C'est pourquoi le nouveau ministère fera une place plus grande à l'esprit d'initiative, c'est du moins notre objectif, comme aussi à la participation des usagers à ces activités. Et, sur ce plan, je voudrais rappeler, encore une fois, l'importance du processus de confier des fonctions administratives à des régies, l'importance de l'étape subséquente de la décentralisation, de la régionalisation et aussi l'importance de structures fonctionnelles.

De même, cette clarification des structures, cet allègement du ministère devrait faire en sorte qu'il sera possible d'établir dans l'avenir, encore davantage, une coordination plus étroite avec des ministères à vocation sociale, comme les ministères de l'Education, du Travail et de la Main-d'Oeuvre, de la Justice et d'autres encore à vocation économique, avec lesquels nous devons établir une coordination aussi étroite que possible.

Même si le gouvernement du Québec est en faveur de réformes administratives, nous ne sommes pas moins conscients de la nécessité de reconnaître que l'organisation préconisée par les projets de loi qui forment cet ensemble révèle, avant tout, un état d'esprit et qu'il est nécessaire de favoriser l'éclosion d'un climat, tant auprès des fonctionnaires qu'auprès du public qui s'accorde pleinement avec les conditions psychologiques et sociales que suppose l'intégration des deux ministères, ici, en cause. Et, sur ce point, je fais davantage appel à notre désir d'intégrer dans nos structures, à divers paliers et à mesure que nous pourrons mettre de nouvelles formules à l'essai, une plus grande place à la participation et à la consultation.

Les tâches, les directions et les services relevant respectivement de l'un ou de l'autre des deux ministères en cause sont également très divers. Rares sont ceux qui peuvent être accomplis indépendamment les unes les autres, et aussi, accomplis sans qu'il nous soit possible de le faire efficacement et en fonction des besoins, sans cette participation et cette consultation.

Les actions et les programmes à développer, étant tous complexes, requerront donc, non seulement d'être animés par le ministre, ou les fonctionnaires qui en auront la responsabilité, d'être coordonnés, d'être liés de façon fonction- nelle avec les autres ministères, mais d'être conçus constamment dans ce climat de participation et de consultation.

En terminant, M. le Président, je voudrais mentionner que le besoin de fondre en un seul ministère les nombreux services et les directions s'explique par la nécessité première d'éviter cette fragmentation à laquelle j'ai fait allusion au début de mon allocution, de telle sorte, que les politiques, les programmes, les services soient aussi coordonnés que possible dans leur conception, dans leur administration, afin que l'homme, ou le citoyen qui est la fin de l'action du ministère des Affaires sociales puisse recevoir de ce ministère, des politiques et des lois qu'il applique, des services davantage adaptés à ses besoins.

M. LE PRESIDENT (Bienvenue): L'honorable député de Montmagny.

M. Jean-Paul Cloutier

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, c'est avec satisfaction que je prends part à ce débat sur le projet de loi no 42 qui concrétise une politique et des objectifs que nous avons poursuivis pendant quatre ans, pendant que nous avons assumé les fonctions de ministre de la Santé, de la Famille et du Bien-Etre social.

Nous assistons aujourd'hui à la création du plus important ministère du gouvernement. D'abord par les budgets qui seront impliqués.

Je ne sais pas si le ministre a fait un calcul, probablement qu'il l'a fait rapidement; de la fusion des deux budgets de l'exercice en cours, 70/71, il en résultera un budget global d'au-delà de $1,300,000,000, auxquels il faut ajouter les dépenses d'immobilisation des programmes financés par la Société d'habitation et aussi des hôpitaux financés par le moyen d'obligations.

Il faut, également, ajouter à cela le budget de la Régie de l'assurance-maladie, dont le ministre de la Santé est responsable et qui, probablement, se révélerait plus proche de $300 millions que de $266 millions. De toute façon, nous aurons l'occasion d'en reparler, le ministre des Finances interviendra probablement, à ce moment, dans le débat.

M. GARNEAU: Trois cents millions de dollars avec les frais d'administration ou seulement pour les médecins?

M. CLOUTIER (Montmagny): Non, je comprends, lorsque nous avons dit $300 millions, dans notre esprit c'était l'assurance-maladie sans distinction.

M. le Président, cela veut dire que si nous ajoutons aux sommes que je viens de mentionner, la Régie des rentes, le ministre de la Santé — le futur ministre des Affaires sociales — est

responsable dans le budget d'au-delà de $2 milliards.

C'est ce qui faisait probablement dire au chef du Parti québécois que le ministre de la Santé lui faisait penser à un vieux chêne solide. Il a besoin d'être solide pour assumer de telles responsabilités dans un ministère qui est complexe, qui doit régler des problèmes complexes. D'ailleurs, on l'a vu à l'occasion des législations qui nous ont été présentées récemment et particulièrement l'assurance-maladie.

M. le Président, je ne voudrais pas trop insister sur l'aspect "importance du budget en argent". D'ailleurs, les remarques qui seront faites au cours de ces débats par les différents orateurs mettront en lumière, je pense bien, surtout les objectifs que doit poursuivre ce ministère, la politique qu'il doit appliquer, les programmes qu'il doit proposer. On a eu aussi raison d'insister, comme le ministre de la Santé et le premier ministre l'ont fait tout à l'heure, sur la coordination entre ce nouveau et important ministère et les autres ministères du gouvernement.

Je voudrais rappeler au ministre des Affaires sociales — je l'appelle comme cela, c'est plus court que de le nommer par ses deux ministères — que j'ai attiré son attention, lors de l'étude des prévisions budgétaires, sur les nouvelles responsabilités qui pourraient être les siennes par suite de la fusion de ce ministère et sur l'importance qu'il prendrait dans l'appareil gouvernemental. Et le ministre, à ce moment-là, s'est montré assez sensible, je crois, par la réponse qu'il m'a faite; il m'a démontré qu'il était conscient que le ministère sera important, qu'il prendra beaucoup de place dans les budgets financiers du gouvernement. Le ministre devrait être prudent, à ce moment, pour n'exercer que ses responsabilités, de façon à ne pas empêcher le développement des autres ministères qui sont appelés à le côtoyer.

Je me suis posé la question: Quel serait le rayonnement d'un ministère moins considérable comme celui des Affaires culturelles, comme celui de l'Economique, qui, toutes proportions gardées avec un ministère comme celui des Affaires sociales, disposent de budgets beaucoup moins importants et qui se verraient peut-être paralysés dans leur action par une omniprésence d'un ministère aussi important?

Je voulais revenir brièvement sur cette question, mais je sais que le ministre en est bien conscient, aussi je n'insiste pas.

M. le Président, le ministre a fait allusion à l'historique de la fusion de ces deux ministères en rappelant certaines intégrations qui se sont accomplies. Je voudrais y revenir brièvement pour montrer que, dans ce domaine particulièrement, celui qui nous concerne: la création d'un nouveau ministère, cela ne s'est pas produit spontanément ; il y a eu un travail préparatoire important, et sur le plan physique et sur le plan du conditionnement, et la préparation de la mentalité et de l'idée de cette fusion.

Le premier geste, je le rappelle avec plaisir, d'ailleurs je l'ai fait antérieurement en 1968. On pourra se référer au débat sur le budget qu'il y a eu en Chambre, de la page 1132 à la page 1142 des Débats de 1968. J'avais exposé, à ce moment-là, toute la politique d'intégration des deux ministères avec l'objectif d'une fusion à plus ou moins long terme, suivant l'état d'acceptation, dans les deux ministères, et l'état de préparation de cette opération importante. Je ne voudrais pas reprendre les termes du discours que j'ai prononcé à cette occasion, mais je voudrais mentionner, brièvement, les principales étapes afin que les nouveaux députés, qui siègent en cette Chambre, voient comment on en est arrivé à présenter aujourd'hui cette loi importante.

D'abord, en 1966, le 1er avril, le titulaire du ministère de la Famille et du Bien-Etre social, M. René Lévesque, avait posé un premier geste en nommant un directeur général de l'administration au sein du ministère de la Famille, avec fonction particulière d'étudier, à plus ou moins long terme, la possibilité d'intégration de certains services. A ce moment-là, il y avait deux titulaires de ministères distincts: M. Kierans était titulaire du ministère de la Santé, et M. Lévesque était titulaire du ministère de la Famille et du Bien-Etre social. Ils ont travaillé en étroite collaboration à la première loi, la Loi d'assistance médicale qui, à ce moment-là, essayait de concilier les impératifs et les besoins des deux ministères.

D'un côté, un impératif afin de satisfaire les assistés sociaux, et de l'autre côté, pour tenir compte des besoins dans le domaine de la santé. On a vu, par la suite, étant donné que chacun de ces deux titulaires a pris un chemin différent, qu'il aurait peut-être été difficile, à certains moments, qu'ils concilient leur propre point de vue sur le développement futur du ministère des Affaires sociales.

Les étapes suivantes ont été, en juin 1966, la nomination d'un seul ministre, avec deux ministres d'Etat, une équipe de trois, responsable de ces deux ministères. Je crois que c'était réellement là le premier geste gouvernemental significatif de l'orientation que l'on voulait donner, ou du moins la coordination, d'abord coordination très étroite, que l'on voulait demander à ces deux ministères-là de mettre en pratique et qui déboucherait éventuellement plus tard sur une fusion.

Donc, nous avons assumé ces responsabilités de coordination et nous avons mobilisé et sensibilisé les fonctionnaires supérieurs du ministère par certains gestes que nous avons posés tels que l'intégration de certains services. Le ministre, il y a un instant, a mentionné les plus importants. On peut relever surtout une direction unique pour le personnel, une direction unique pour les relations de travail, une direction unique pour l'administration, une direction unique pour l'information, la coordination et le rapprochement des services financiers, et aussi

l'intégration de certains services administratifs primaires tels que la poste, les messageries, la bibliothèque et tout ce qui est à la disposition d'un ministère. Cette politique d'intégration par petits secteurs nous a permis d'établir une espèce de consensus à l'intérieur du ministère et d'éprouver le système. Elle nous a permis de roder la machine en vue d'une fusion plus considérable plus tard.

J'ai mentionné, dans cette intervention à laquelle j'ai fait allusion tantôt, l'intervention de 1968, que ce qui nous retenait particulièrement et ce qui nous faisait hésiter à poser plus rapidement des gestes, c'est que ces deux ministères, pendant des années, avaient été appelés à travailler indépendamment l'un de l'autre. Chacun avait adopté sa propre mentalité, sa propre façon de travailler, et avait développé aussi, dans ce domaine social, certaines optiques qui, parfois, étaient assez différentes.

Il nous fallait donc rapprocher d'abord les deux ministères dans un lieu physique, avant de rapprocher les deux mentalités. C'est pourquoi nous avons emménagé en 1967-1968 dans l'édifice Joffre, où les deux ministères sont maintenant logés.

M. le Président, nous avons donc posé ces gestes et nous étions en train de reprendre et de réétudier les organigrammes à l'intérieur du ministère. J'avoue que, personnellement — et le ministre l'a probablement constaté — ça allait plus rapidement du côté du ministère de la Famille et du Bien-Etre social que du côté de la Santé, pour toutes sortes de raisons sur lesquelles je n'ai pas besoin de m'étendre aujourd'hui.

De toute façon, nous voulions, en procédant avec succès à l'opération d'un côté, que ç'ait un effet d'entraînement sur l'autre ministère et sur les structures que nous élaborions. Nous tenions compte aussi du fait qu'à un moment donné, les structures du ministère de la Santé viendraient s'agencer à cet organigramme. Le ministère de la Famille et du Bien-Etre social était, dans le temps, mon ministère de gauche et le ministère de la Santé était mon ministère de droite. Ceci sans allusion évidemment; il s'agit d'un emplacement ou plutôt d'une position géographique, s'il y en a qui veulent y voir vraiment autre chose.

Le ministre nous présente aujourd'hui un projet de loi créant la fusion. Sur le principe du projet de loi, nous sommes complètement d'accord et j'ai expliqué brièvement pourquoi, parce que c'était une opération que nous avions nous-mêmes envisagée. D'autre part, je m'interroge un peu sur les modalités envisagées pour effectuer cette opération importante. J'ai retenu les paroles du ministre de la Santé tout à l'heure. Il a dit souvent qu'il est réellement convaincu — je sais que c'est sa conviction personnelle, parce qu'il l'a dit dans cette Chambre et à l'extérieur de la Chambre — de l'importance de la consultation et de la participation.

Dans cette opération importante, nous avions hésité quant à l'échéancier que nous devions adopter pour la mise en oeuvre de cette fusion, parce que —je l'ai dit tantôt et j'y reviens — il ne s'agit pas seulement de dire, par une loi: Nous fusionnons deux ministères en un seul. Nous fusionnons des budgets, nous fusionnons des programmes. Il faut aussi que, dans cette équipe de 4,000 à 5,000 fonctionnaires, qui vont en fin de compte continuer les opérations, la mise en place des politiques, le développement des politiques, des propositions de législation, il faut, dis-je qu'ils sentent réellement qu'ils participent eux aussi à cette opération. Car, après que nous aurons adopté ce projet de loi, après que le ministre, un peu plus tard peut-être, détaillera un peu devant la commission l'échéancier qu'il nous propose, il reste un fait, évident, c'est que ce seront ces équipes de fonctionnaires, qui au ministère des Affaires sociales, ici à Québec, au centre important à Montréal et aussi dans toutes les régions, vont appliquer dans les faits, en pratique et prolonger l'action du ministère des Affaires sociales.

Je voudrais que le ministre en soit bien conscient. Peut-être est-ce plus facile pour celui-là qui a exercé ces fonctions-là et qui peut maintenant profiter d'un certain recul. Il n'est pas directement impliqué dans l'opération. Peut-être est-il plus facile d'apercevoir et de déceler les dangers d'un échéancier insuffisamment préparé, d'un échéancier trop rapide, d'un manque de consultation à l'intérieur de son ministère et particulièrement de ses officiers supérieurs. Et c'est important, parce que même si le ministre a toute l'expérience, même si on lui reconnaît tout le talent pour diriger de façon raisonnable et positive ce ministère, il reste qu'il doit avoir autour de lui des collaborateurs qui vont participer à l'opération.

Je crois que le ministre ne négligera rien et s'interrogera sérieusement sur l'opération telle qu'elle s'est poursuivie jusqu'à maintenant, à savoir si le ministre a mis de son côté toutes les chances de succès. Ce qui me fait dire qu'il peut y avoir certaines déficiences de ce côté, c'est que des fonctionnaires travaillent au sein de ces deux ministères depuis de nombreuses années particulièrement au ministère de la Santé qui est un ministère âgé. Si ma mémoire est bonne, il remonte à 1936, je crois, ou 1934. Le ministère de la Santé a donc à son service des fonctionnaires de carrière, des fonctionnaires de longue date qui pensent avec raison avoir acquis à l'intérieur du ministère un certain statut d'expérience et d'ancienneté et qui sont prêts à mettre à contribution cette expérience acquise dans l'exercice de leurs fonctions quotidiennes.

Je n'en ai pas contre le fait que le ministre ait requis les services d'une maison de consultation de l'extérieur, une maison d'experts qui avait déjà fait des travaux également pour la Régie de l'assurance-maladie, mais cela peut comporter parfois certaines frictions et certai-

nes frustrations vis-à-vis des fonctionnaires de son ministère. Je voudrais le convaincre qu'il y a là un point délicat et dangereux. Je voudrais ainsi que tous les membres de cette Chambre, que non seulement cette opération de fusion des deux ministères se déroule bien en Chambre, mais aussi, quand l'opération sera terminée, que le ministre ait en main un outil de travail. Ce n'est pas seulement le ministre qui va le manier, cet outil, c'est toute son équipe de sous-ministres, de directeurs généraux, de chefs de service et de ses 5,000 fonctionnaires répartis à travers tout le Québec.

Le ministre a aussi mentionné tantôt la collaboration interministérielle. Cela est extrêmement important. Là-dessus, je crois que nous avions réussi — je le dis modestement — à abattre certaines barrières entre le ministère de la Santé et le ministère de la Famille et du Bien-Etre social — c'était pour ça, le rapprochement — mais aussi entre ces deux ministères et d'autres ministères, grâce à des comités interministériels qui ont réllement fait un excellent travail. Je voudrais mentionner particulièrement le comité interministériel Famille et Bien-Etre social-Education-Travail et Main-d'Oeuvre en ce qui concerne les problèmes de formation de la main-d'oeuvre. C'est un comité qui a fait un excellent travail. Il y a eu aussi ce comité qui, avec le ministère des Finances, le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre et le ministère de l'Industrie et du Commerce s'est penché particulièrement sur le cas de la réhabilitation des assistés sociaux et leur retour au travail. Ce sont des comités qui ont assumé pleinement leurs responsabilités. C'est ce qui a permis de déboucher sur des politiques, sur des programmes dont nous voyons l'application pratique depuis quelques années, particulièrement dans le cas des travaux de sylviculture, dans le cas des travaux de reboisement, dans le cas de programmes de formation de main-d'oeuvre et aussi dans la recherche d'emplois, dans l'exploration du marché du travail chez les employeurs pour ramener au travail des assistés sociaux.

Un autre comité qui a fonctionné de façon fort efficace est le comité de l'enfance inadaptée qu'on appelait autrefois l'enfance exceptionnelle. J'en parle parce que c'est d'actualité. On vient de lire dans les journaux le compte rendu du congrès qui a eu lieu en fin de semaine au sujet de l'enfance inadaptée.

Ce comité-là a pris l'initiative de publier un livre blanc. Je crois que, dans ce domaine de l'enfance inadaptée, le ministère de la Famille et du Bien-Etre social — cela a été reconnu, je pense, au congrès dernièrement — a tenu un rôle de leader. Il a pris véritablement l'initiative par la préparation du livre blanc, par la mise en place des politiques, par la formation du personnel et par l'implantation de ressources décentralisées dans toutes les régions du Québec. Voilà un autre exemple d'un comité qui a réellement répondu aux buts que nous nous étions fixés en le créant.

Il y a eu d'autres comités, M. le Président. Je n'ai pas l'intention de les nommer tous. Ce que je voudrais que nous retenions de cette nomenclature que j'ai faite, c'est que des barrières ont été abolies entre le ministère de la Santé, celui de la Famille et les autres par cette politique de comités interministériels. J'étais heureux d'entendre le ministre nous dire qu'il voulait poursuivre davantage cette politique — le premier ministre l'a mentionné d'une façon non équivoque — de façon que ce ministère des Affaires sociales, au lieu d'avoir une omniprésence trop exigeante vis-à-vis des autres ministères — soit au sein du conseil des ministres ou peut-être aussi au sein du Conseil du trésor; nous le saurons dans quelques jours — ait un rôle de coordination et d'appui vis-à-vis des autres ministères, étant donné que ce n'est plus le ministère des conséquences, mais un ministère dynamique qui propose des programmes et des politiques.

C'est devenu, avec les années, un ministère positif qui veut être, dans tout l'appareil gouvernemental, un ministère d'avant-garde qui entraîne après lui ou avec lui les autres ministères. Pour cela, il faut, évidemment, que le ministre des Affaires sociales et le gouvernement réussissent enfin à faire admettre par un autre niveau de gouvernement — ici, je ne veux pas entrer dans un autre débat ou dans d'autres questions que nous avons posées tout à l'heure — que ce qu'ils poursuivent véritablement, ce n'est pas une lutte de prestige pour récupérer des millions ou des milliards de dollars. Ce que nous poursuivions et ce que, je crois, le gouvernement va poursuivre, c'est une politique de meilleure coordination dans ce secteur de la sécurité sociale. C'est aussi une politique de rapatriement de certains programmes, puisque c'était la seule façon d'en arriver à cette véritable coordination et à cette véritable efficacité dans le domaine social. Cela nous donnait aussi la possibilité d'établir dans le domaine social, des politiques qui collent à la réalité du Québec et qui tiennent compte de notre aspect culturel. Ce sont toutes ces options que nous avions fait valoir au gouvernement central lors des conférences fédérales-provinciales. Je crois que toutes ces options et la façon de les faire valoir sont encore valables, M. le Président. J'incite le ministre des Affaires sociales et son gouvernement à maintenir vigoureusement cette position et à poser les gestes — on faisait allusion, tout à l'heure, à des initiatives nouvelles — qu'il faut afin que, dans ce secteur de la sécurité sociale, on reconnaisse enfin que les revendications du Québec ne sont pas de vaines luttes de prestige, mais qu'elles correspondent véritablement à quelque chose de réel, d'essentiel et de vital, pour le Québec.

Le ministre a aussi mentionné qu'il pouvait arriver — non seulement il pouvait arriver mais il arrive, en fait — que par la réorganisation de son ministère, certains services comme le programme des allocations scolaires, le programme

des allocations familiales seront transférés à la Régie des rentes pour des raisons que le ministre nous a indiquées. Par contre, dans l'avenir, il est possible aussi que certains autres secteurs moins directement reliés aux services sociaux, à la santé, à la sécurité du revenu soient transférés à d'autres ministères. Nous en parlerons en comité, M. le Président. Je crois bien qu'étant donné que c'est, un peu, un geste de non-retour, il faudrait qu'avant que ces amputations se fassent, au ministère des Affaires sociales, que le ministre ait le temps d'étudier à fond chacun de ces transferts afin de voir à ce que l'efficacité que l'on connaissait dans ces services au ministère de la Santé ou au ministère de la Famille et du Bien-Etre social ne soit pas compromise par un transfert prématuré dans d'autres services, dans d'autres organisations ou dans d'autres ministères moins bien équipés en hommes, ou en expérience, pour recevoir ledit service. Alors nous aurons l'occasion, en comité, de parler particulièrement de ce point.

M. le Président, il y avait aussi un projet sur lequel nous avions travaillé de façon particulière. C'était la démographie. Le professeur Henri-pin avait fait des études en ce sens. Nous avions même annoncé la création d'un institut de démographie. Le ministre a semblé indiquer que tout ce qui concerne la statistique, au ministère, la collecte des statistiques, probablement, serait reliée à un autre ministère mieux équipé, tel que le ministère de l'Industrie et du Commerce. Même si cela se produisait, je ne suis pas en mesure, aujourd'hui, de porter un jugement de valeur sur le transfert du département de la statistique de nos ministères au ministère de l'Industrie et du Commerce. Je sais que le ministre est désireux de voir que l'appareil de son ministère soit le plus parfait et le plus compétent possible. Mais il ne faudrait pas que la démographie, l'aspect recherche sur l'évolution de la population, sur les éléments qui composent la population... A l'occasion de certains débats, particulièrement l'an dernier, pour le bill 63, on a eu l'occasion de voir comment l'aspect démographique se relie très étroitement à des problèmes ou à des phénomènes auxquels nous assistons actuellement dans le Québec et comment il est relié particulièrement au phénomène de la famille. Le ministre a mentionné tantôt, au sujet de la famille, que même si le mot famille disparaissait dans l'appellation du ministère, il voulait tout de même continuer de donner à ce secteur famille toute l'importance qu'il avait au sein de l'ancien ministère de la Famille et du Bien-Etre social parce que c'est le seul ministère, — je donne cela sous réserve — en Amérique du Nord, qui portait le nom de ministère de la Famille, qui avait le mot famille dans son appellation. Ce n'était donc pas là seulement une question d'appellation, mais cela traduisait, et cela devra continuer de traduire, dans l'avenir, un souci, une préoccupation de l'établissement d'une véritable politique familiale. Nous savons qu'il nous manquait des éléments pour établir une véritable politique familiale. H nous manquait entre autres, les moyens financiers. C'est pour cela que nous avions réclamé, avec tellement d'insistance, le rapatriement des allocations familiales pour l'ajuster à notre propre programme, pour proposer une politique cohérente et solide dans le domaine de la famille.

Je n'insiste pas, M. le Président, parce qu'il y a une motion au feuilleton et si nous avions l'avantage de l'étudier, nous pourrions élaborer plus avant dans l'importance de l'établissement de cette politique familiale.

Je sais que le ministre, probablement, a eu des représentations jusqu'à maintenant, depuis que les projets de loi ont été déposés en Chambre.

Je sais quel est l'intérêt, actuellement, que les mouvements familiaux, les organismes familiaux, le Conseil supérieur de la famille qui sera aboli par notre projet de loi no 43, quel est l'intérêt qu'ils portent véritablement à connaf-tre la place qui leur sera réservée, non seulement dans l'organigramme du ministère, mais aussi dans les politiques du ministère. On a crée, en 1969, une Direction générale de la famille et de la population, au sein du ministère de la Famille et du Bien-Etre social. Il faudrait tout de même que cette direction générale — et le ministre pourra me dire, en comité, où il la rattache dans son organigramme — soit en mesure de continuer son travail, parce que, dans ce domaine-là, même s'il y a un Conseil des affaires sociales, dont nous parlerons plus tard, même s'il y a un conseil qui a un rôle consultatif, il reste que la Direction générale de la famille a un rôle administratif, a un rôle d'exécution. Il ne faudrait pas non plus qu'elle se désintéresse de la conception d'une politique familiale, mais qu'elle la propose au ministère des Affaires sociales et qu'elle se fasse le point de départ de la mise en place d'une politique familiale aussi dans les autres ministères.

Ce n'est pas parce qu'on a une direction générale de la famille, dans un ministère, que cela veut dire qu'on peut avoir, du jour au lendemain, une politique familiale. Toutes les autres lois, les autres ministères ont un impact et ont une incidence sur la politique familiale. Que ce soient les lois que les ministres des Finances et du Revenu nous apportent en fiscalité, cela touche de près à la famille. Que ce soit le ministre de l'Education qui apporte une législation, là aussi, cela touche à la famille. Alors il n'y a pas beaucoup de ministères qui, par des programmes législatifs, par des programmes administratifs, à certains moments, ne touchent pas, de façon vitale, à ce secteur.

Alors la Direction générale de la famille doit continuer d'être, dans le ministère des Affaires sociales, véritablement le point central, le point de ralliement des préoccupations dans le domaine de la famille.

Je voulais, M. le Président, faire ces brèves

considérations sur le projet de loi qui nous est présenté, et en comité, nous aurons l'occasion de discuter de façon plus détaillée de l'organigramme, de calendrier que le ministre a préparé et qu'il entend mettre en partique pour cette opération importante. Je voudrais dire, en terminant, M. le Président, que nous sommes bien conscients de l'importance de cette opération que nous accomplissons, par le projet de loi no 42, mais que nous sommes conscients aussi que ce n'est là qu'un point de départ, et que le ministre des Affaires sociales et le gouvernement devront s'attaquer aux problèmes fondamentaux dans le domaine social, problèmes qui ont été soulevés à certains moments du débat que nous avons vécu, il y a quelques jours, problèmes, dans le domaine social, qui ont été suffisamment exposés pour en connaître toute l'acuité et l'urgence.

M. Armand Bois

M. BOIS: M. le Président, je regrette aujourd'hui de prendre la parole devant une Chambre où il semble que l'honorable gouvernement soit devenu l'opposition.

A l'heure présente, nous avons devant nous...

M. DEMERS: Toute vérité n'est pas bonne à dire...

M. BOIS: ...le projet de loi numéro 42 qui s'intitule: Loi du ministère des Affaires sociales, et qui est certainement en voie d'amener une modification profonde et radicale dans le gouvernement de cette province.

Après une analyse succincte du projet de loi dans son ensemble, j'aimerais ici formuler certains commentaires qui n'iront peut-être pas d'emblée avec ce que le bill propose, mais qui, dans la pratique, exprimeront sans doute un point de vue différent et que nous apprécierions tout de même qu'on nous prête une oreille attentive.

Il y a certains articles qui sont mentionnés dans ce bill, des sujets divers, comme celui où, entre autres, on mentionne l'amélioration ou encore l'appoint d'un niveau de vie convenable à chaque individu ou à chaque famille. Je me demande vraiment si c'est par la société de consommation que nous sommes en voie de devenir que nous améliorerons vraiment le statut réel et créateur des citoyens de cette province.

Nous sommes en voie, présentement, d'unir des parties de notre gouvernement, des ministères et une régie; à la longue, ils feront un colosse qui, nonobstant toutes les opinions, s'éloignera davantage de ce que l'on appelle le contrôle du public et la compréhension du peuple.

Nous comprenons fort bien, avec l'honorable ministre de la Santé, que la protection sociale des individus est quelque chose qui doit définitivement retenir l'attention du gouvernement.

Nous l'avons déjà manifesté l'été dernier, lors de tous les débats que nous avons eus à la commission sur la Santé; mais, à la même occasion, j'ai aussi fait mention qu'il serait inopportun pour le présent gouvernement d'en venir à unir des ministères qui constitueraient éventuellement une partie du gouvernement du Québec, autant dans sa création, dans la rétention des impôts et des taxes que dans le versement du produit de ceux-ci à la population.

L'assainissement du milieu physique est quelque chose qui doit retenir l'attention des législateurs. C'est exact. Cependant, nous ne croyons pas que c'est par une loi de consommation de services sociaux que nous allons vraiment faire disparaître le malaise qui règne dans les familles de mon comté ainsi que dans les familles de plusieurs comtés de la province de Québec.

Nous sommes actuellement intéressés, au même titre que l'honorable ministre de la Santé ainsi que des députés du gouvernement, à étudier ce qu'on appelle la participation et les moyens de satisfaire aux besoins de la grande majorité. Mais, certainement, nous ne croyons pas que c'est en réunissant trois colosses de pauvreté que nous ferons une pauvreté riche. Cela semble absolument faux, c'est un théorème qui semble difficile à appliquer, lorsque dans l'ensemble on parle déjà d'avoir recours à des sociétés, à des expertises, si vous voulez, pour aider le gouvernement dans son administration.

Nous sommes d'accord pour dire que la population a besoin de bénéfices sociaux. Mais, le vrai malaise, ce n'est pas là qu'il réside. Ce n'est pas dans la concentration de trois ministères dont nous sommes assurés qu'ils fonctionnent déjà très bien, à l'exception d'une chose. Si nous allons dans la rue, M. le Président, nous allons constater immédiatement que le citoyen, lorsqu'il parle de lois sociales, ce n'est pas la loi elle-même qu'il méprise, c'est le petit montant qu'il en perçoit pour compenser ce qu'il vient de perdre, soit lorsqu'il est malade, soit lorsqu'il est en chômage, ou encore lorsqu'il quitte son travail en prenant sa retraite.

Lorsqu'un ministère est créé, lorsqu'une organisation est créée et qu'elle en est au point d'administrer près de 40 p. c. du budget de la province de Québec — soit tout près de $2 milliards — nous sommes vraiment rendus à croire que nous atteindrons le summum du gouvernement dans le gouvernement.

Nous atteindrons ce que nous appelons le contrôle par deux ou trois personnes car, éventuellement, si on propose — comme j'entendais un collègue le faire tout à l'heure — d'imiter la même chose dans d'autres ministères, demain, la province de Québec, ses budgets et ses dépenses seront décidés, votés et contrôlés par qui? Par une toute petite poignée de personnes.

Ce que nous voyons, dans le projet de loi qui

nous est soumis, c'est bien la mise en oeuvre d'un programme, oui, mais pas d'un programme qui va donner compensation pleine et entière au public pour des pertes dans le domaine de la santé, malgré l'instauration d'un régime d'assurance-maladie qu'heureusement nous verrons amélioré très bientôt. Même là, il ne faudrait pas perdre de vue que trop de lois sociales peuvent devenir socialisantes parce qu'elles amèneront définitivement le contrôle de la très grande majorité silencieuse du peuple par un tout petit nombre d'individus dans la province de Québec, même si aujourd'hui nous savons que l'honorable ministre de la Santé est un homme extrêmement bien intentionné et à qui je n'oserais pas enlever un cheveu de sa tête.

M. CASTONGUAY: Merci.

M. BOIS: Je lui fais ce compliment, mais il reste quand même que le ministre d'aujourd'hui ne sera peut-être pas le ministre de demain et que la Chambre d'aujourd'hui ne sera peut-être pas la même Chambre demain. Un autre facteur est celui que j'ai déjà mentionné lors de l'étude du bill 8 et qui peut revenir ici aujourd'hui. J'avais fait une constation qui m'avait assez frappé. Dans l'administration publique, nous avons présentement un taux d'administration qui dépasse 14 p. c.

Vraiment, nous ne sommes même plus compétitifs avec les entreprises sociales, les entreprises indépendantes, les sociétés de secours mutuel, entre autres. Il a fallu y participer et avoir lu les bilans de ces corporations pendant des années pour constater qu'à l'heure actuelle nous sommes en voie de créer trop de partenaires dans l'administration d'une loi comme celle-ci. C'est justement cela qui va ôter le pain à celui qui en aura le plus besoin. Est-ce qu'on va vraiment améliorer une chose qui est déjà difficile à administrer en la grossissant à un tel point qu'elle ne sera plus vérifiable par personne à l'exception d'individus ou de corporations comptables extrêmement spécialisés?

Je comprends bien qu'ici, dans le projet de loi, on mentionne la possibilité de conclure des accords avec tout gouvernement. Naturellement et comme toujours, cela comprend le gouvernement central. Est-ce que, chaque fois que l'on comprend le gouvernement central, il n'y aurait pas lieu plutôt de rapatrier vraiment une partie de la constitution financière dont il est fait mention dans la charte de la Banque du Canada et de l'apporter chez nous pour nous en servir en entier afin justement d'avoir l'immense privilège d'enlever des articles comme ceux-là qui, malgré tout, ne nous remettent jamais le contrôle personnel de notre administration?

En fait, plus nous allons vers des condensations de ministères de ce genre, même si c'est extrêmement bien intentionné, plus je crois que nous sommes à faire une répartition de la pauvreté et non pas une concentration de la richesse parce que nous ne nous attardons pas à la création, à la production, aux moyens d'amener la production aux familles. Nous sommes là et nous créons toujours un immense ministère, un ministère d'épuisement de la finance. Demain, où irons-nous chercher exactement ce dont nous allons avoir besoin pour servir ce qu'il faudra parce que ceux qui, aujourd'hui, se réclament des lois sociales... On sait qu'il y a des abus là-dedans, mais même si on oublie les abus... Je ne prends qu'un fait.

On m'a annoncé, encore hier, que des centaines d'employés venaient de quitter une industrie comme celle de Valcartier. Où iront-ils? Sur le marché du travail ou bien sur le marché de la consommation des oeuvres sociales?

Ce que nous voudrions, ce n'est pas réformer la consommation des oeuvres sociales, mais réformer le système qui va comptabiliser la production pour l'amener chez nous, dans nos foyers. On a mentionné tout à l'heure que l'intégration ne se ferait pas de façon subite. Je comprends très bien; c'est une phrase extrêmement bien dite. En effet, si l'intégration des bénéfices sociaux se produisait demain matin, ça irait beaucoup plus mal chez le peuple qu'il y à un mois à peu près. Pourquoi? Parce que beaucoup plus d'individus comprendraient qu'il nous faudra toujours aller puiser les mêmes taxes aux mêmes sources. Ce sont toujours les mêmes individus, les mêmes corporations qui auront à faire les frais de cette intégration: frais d'enquête, frais d'étude, frais d'analyse, frais de recherche. On n'en finit plus avec ces commissions de recherche qui augmentent l'administration à un point tel que l'amalgamation de bénéfices sociaux de ce genre ne devient plus rentable pour la province de Québec.

D'ailleurs, on l'a bien mentionné aussi tout à l'heure: On veut confier à des régies l'étude des possibilités administratives. Des administrateurs, on n'en manque pas. Il y en a déjà d'excellents ici, dans la province de Québec. Nous avons un tas de fonctionnaires; ces gens ont été nommés et sont compétents. Ils connaissent déjà les structures administratives. Pour compliquer l'administration d'une loi faible où nous ne devenons que des consommateurs de pauvreté, il faudra encore faire des études pour nous spécialiser dans la distribution de la pauvreté.

M. le Président, il y a un point surtout sur lequel je désirerais attirer l'attention des députés de cette Chambre. C'est qu'actuellement, avec l'intégration de ministères, avec un pouvoir d'achat, d'investissements, de dépense ou de transfert d'argent — appelons-ça comme nous le voulons — aussi volumineux et aussi gros, nous allons définitivement concentrer le pouvoir d'administration entre les mains de quelques personnes. Il y a un autre chose que nous

sommes en train de faire. Nous sommes en voie de présenter au peuple ses propres chaînes sur un plateau d'argent. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.

M. Raymond Garneau

M. GARNEAU: M. le Président, je ne sais pas si, par mon discours, j'ajouterai un maillon à la chafne du député de Saint-Sauveur. Une chose est certaine, c'est que, pour quiconque a eu le moindrement l'expérience de l'administration de la chose publique, il est évident que la multiplication des services amène une augmentation des coûts qui prive la population de bénéfices auxquels elle a droit en vertu des impôts qu'elle paie.

C'est évident que le ministère des Affaires sociales ne fera pas uniquement l'administration pure et simple d'un budget. Comme d'autres ministères, il appliquera des lois. Le ministère des Affaires sociales utilisera les fonds qui sont nécessaires pour appliquer des lois qui ont été votées par cette Chambre, entre autres le bill 26. Les bénéfices qui seront versés à la population par le projet de loi no 26 ne sont pas laissés à la seule discrétion du ministre, mais ils seront versés en vertu d'une loi votée par cette Chambre.

C'est la même chose pour la Loi de l'assuran-ce-hospitalisation. Les bénéfices sont payés à la population en vertu de lois existantes. C'est la même chose pour l'assurance-maladie. Il faut distinguer, je pense, M. le Président, entre une concentration administrative qui aurait un pouvoir discrétionnaire sur l'ensemble des sommes qui sont versées et une concentration administrative qui veut gérer d'une façon plus efficace des lois votées par les représentants du peuple.

Depuis une dizaine d'années, les demandes du public de services fournis par l'Etat se sont accrues à un rythme peut-être plus rapide que celui que ne pouvait normalement absorber une saine administration de la chose publique. La nécessité d'une plus grande justice sociale et économique n'est qu'un des facteurs qui ont amené l'Etat à intervenir de plus en plus dans la vie de la collectivité.

Le gouvernement québécois, à l'instar de ceux des autres pays occidentaux, a accru ses services et ses activités dans bien des domaines. La réforme de l'éducation, l'accroissement des mesures à caractère social, la Loi de l'assurance-hospitalisation et la Loi de l'assurance-maladie, la Loi de la nationalisation des compagnies privées d'électricité, la création de Soquem, de Sidbec, toutes ces politiques ont imposé à l'État des responsabilités nouvelles. 11 est devenu impérieux de revoir les structures administratives afin d'accroître au maximum l'efficacité des sommes dépensées, mais aussi pour que la population puisse recevoir la qualité des services à laquelle elle a droit de s'attendre. Il n'y a certes pas de solution miracle à pareil problème, mais nous croyons qu'il est possible de remédier en partie aux faiblesses du système en concentrant nos efforts sur l'amélioration de l'administration afin de tirer une meilleure utilisation des ressources financières et humaines.

Certes, des efforts ont été faits pour adapter l'appareil administratif gouvernemental aux nouvelles exigences, mais les besoins ont évolué d'une façon telle qu'il faut apporter des modifications profondes, non seulement à nos structures, mais aussi à notre style de gestion. Après avoir augmenté la quantité des services offerts à la population, il est maintenant temps que le gouvernement se préoccupe d'en améliorer la qualité et l'efficacité s'il veut être en mesure de faire face à la croissance normale des coûts due à l'augmentation des clientèles.

Créer de nouveaux organismes pour répondre à de nouveaux besoins, telle fut la première étape que l'on pourrait appeler celle du développement. Il s'agit maintenant d'adapter, de regrouper, de mieux coordonner ces différents services mis sur pied. Il s'agit, en somme, de gérer d'une façon plus efficace afin d'être en mesure, comme je viens de le dire, de supporter l'augmentation des coûts administratifs qui est due d'abord et avant tout à l'augmentation des clientèles, sans pour autant devoir augmenter trop lourdement le fardeau fiscal du contribuable.

Depuis 1968 — et le député de Montmagny l'a souligné tout à l'heure, un premier pas a été fait en 1966, mais d'une façon particulière depuis 1968 — des études ont été effectuées concernant une meilleure organisation de l'appareil gouvernemental et des organismes qui en font partie. Dans ce domaine, il faut souligner le travail de recherche que le gouvernement précédent avait confié à la compagnie Price Waterhouse, dont M. Mineau, conseiller en administration de cette entreprise, était le directeur de projets.

Parmi les principales constatations que l'on a retrouvées dans cette étude et dans d'autres qui ont été faites concernant l'administration des ministères de la Famille et du Bien-Etre social et surtout de la Santé, il y a, entre autres, le fait que la gestion financière n'est pas exercée et coordonnée dans des structures centralisées. On souligne également l'insuffisance des moyens de contrôle et d'analyse à long terme, l'insuffisance des moyens aptes à accélérer la gestion financière dans le traitement électronique des données, et l'insuffisance des moyens d'analyse du rendement du personnel dans le secteur hospitalier.

Du côté de la planification, le même rapport souligne que la plupart des études faites, soit par M. Mineau, soit par d'autres, soulignent la dispersion des structures de planification, l'absence de programmes d'action pour les services

du ministère, à court et à long terme, et l'insuffisance de normes de rendement pour déterminer l'efficacité des hôpitaux.

Du côté des structures, il y a le fait que le travail est mal réparti à l'intérieur du ministère, que les structures ne permettent pas l'évaluation et l'élaboration intégrées des politiques, et qu'il n'existe pas de descriptions des fonctions des principaux cadres. On parle aussi de l'absence de service de coordination de la gestion financière.

Il convenait donc que des hommes comme le député de Louis-Hébert s'attaquent de façon particulière à ce problème, et je pense que le député de Louis-Hébert est tout particulièrement bien préparé à entreprendre cette réforme après les longues études qu'il a effectuées alors qu'il était président de la commission qui porte son nom. Le projet de loi que nous avons devant nous constitue, en fait, le premier geste concret du gouvernement dans le sens d'une réforme de l'administration, réforme qui se situe à deux niveaux, celui des cadres institutionnels et celui du mode ou du style de gestion.

Du point de vue administratif, le regroupement en une seule entité du ministère de la Santé et du ministère de la Famille et du Bien-Etre social comporte certains avantages. En premier lieu, le nombre d'unités de services de soutien sera diminué. Il n'y a déjà qu'un seul service comptable, et des efforts pour coordonner les activités d'autres services avaient déjà été amorcés au cours des années passées.

A long terme, il faut faire en sorte que le rapport entre les sommes affectées au fonctionnement interne du ministère et celles utilisées effectivement pour la production de biens et de services à la population, soit plus avantageux pour cette dernière. La mesure des coûts de production et de contrôle est une opération fréquente dans l'entreprise privée. Elle doit aussi le devenir dans le secteur public et la recherche de l'efficacité passe par un contrôle strict du coût administratif de chaque opération. La création du ministère des Affaires sociales, en intégrant des services similaires, facilitera ce contrôle.

Le regroupement des deux ministères concernés, soit ceux de la Santé et de la Famille et du Bien-Etre social, est aussi valable pour plusieurs services sectoriels. L'examen du budget d'un hôpital ou de celui d'une institution de bien-être pour l'enfance est en fait un acte semblable appliqué à des sujets différents. Le regroupement des deux ministères permettra donc l'uniformisation des normes utilisées, la standardisation des procédés et la coordination des opérations.

Le regroupement de ces deux ministères amène également un second groupe d'avantages. La nécessité de planifier le développement social et la croissance économique exige la coordination et l'orientation des actions admi- nistratives dans le cadre d'une politique d'ensemble. Pour être efficaces, ces actions doivent être regroupées dans des programmes globaux qui couvrent souvent plus d'un ministère et qui ont des répercussions sur l'ensemble de la vie sociale et économique. Le système de la rationalisation des choix budgétaires que nous avons l'intention de mettre en application le plut tôt possible exige le regroupement d'activités similaires car, pour choisir des priorités à l'action gouvernementale, il faut exprimer les besoins et concevoir les réponses dans un contexte global. Si on ne parvient pas, au niveau de la direction générale de l'Etat, à posséder cette vision globale, on se retrouve face à une impossibilité d'agir, ce qui a pour conséquence la prise d'une foule de décisions incohérentes, errotiques, sans influence sur la situation réelle que l'on veut corriger. La création du ministère des Affaires sociales répond donc, dans ce domaine, à un besoin véritable d'une meilleure coordination afin de pouvoir profiter à fond des ressources affectées dans ce secteur.

Enfin, le regroupement du ministère de la Famille et du Bien-Etre social à celui de la Santé permettra à l'administration de mieux évaluer les coûts des gestes posés et la valeur des programmes mis en l'avant, en fait, d'évaluer l'impact de ces politiques sur l'ensemble du secteur social et de mesurer dans quelle proportion cet impact répond aux besoins et aux objectifs préalablement définis.

Une telle évaluation n'apparaît en effet possible et valable que lorsqu'elle comprend tous les domaines touchés, de près ou de loin, par l'activité principale d'un secteur administratif. Dans le cas qui nous intéresse présentement, le ministère des Affaires sociales regroupera en quelque sorte sous une même direction, l'ensemble des activités de bien-être et de santé et permettra donc une meilleure réorganisation et un meilleur contrôle de toutes les politiques gouvernementales à caractère social.

Au début de mon exposé, je mentionnais non seulement l'importance de modifier les structures administratives pour qu'elles répondent aux besoins nouveaux, mais je disais aussi qu'il était impérieux de modifier le style de gestion et le mode de consultation entre l'administration et la population.

C'est pour cette raison qu'en présentant à cette Chambre l'étude du projet de loi numéro 42, le gouvernement a cru qu'il se devait de l'associer étroitement à un autre projet qui sera étudié un peu plus tard et qui proposera la création du Conseil des affaires sociales et de la famille. D'ailleurs le député de Montmagny, comme l'avait fait antérieurement le premier ministre et le ministre de la Santé, a souligné l'avantage qu'il y avait d'associer ces deux projets.

Cet organisme consultatif aura pour fonction d'entreprendre des études et recherches dans les domaines de la santé, des services sociaux ainsi

que de l'aide des allocations et des assurances sociales, de recevoir et d'entendre les suggestions qui peuvent venir des groupes, de la population et, finalement, de faire des recommandations au ministre.

Il est évident que l'on peut parler, dans le cadre de ce projet de loi, de la création d'un ministère qui serait immense, gigantesque. Je pense que ce n'est pas là le but recherché par le ministre de la Santé puisqu'il a indiqué lui-même en présentant le projet de loi — et là-dessus, je suis parfaitement d'accord avec lui — de dégager l'administration, lorsqu'il parle, par exemple, des allocations scolaires, en particulier, et des allocations familiales, de déplacer l'administration de ces politiques à une régie d'Etat qui est déjà bien équipée pour produire de tels services. Je pense que c'est là une sage décision puisqu'elle permettra au nouveau ministère des Affaires sociales non seulement de concevoir la politique mais de confier l'administration technique, et uniquement technique, — puisqu'il s'agit de l'émission des chèques et du contrôle d'une population apte à recevoir ces chèques — à la Régie des rentes du Québec.

En conclusion, les deux projets de loi, soit celui créant le ministère des Affaires sociales et celui créant le Conseil des affaires sociales, vont de pair. Ils revêtent deux des aspects de la réforme administrative que nous entreprenons: la recherche de l'efficacité et le contact étroit avec la population.

L'importance de ces deux projets de loi est intéressante parce qu'ils constituent, en quelque sorte, un pas en avant dans cette voie de la réforme administrative. Il ne faudrait cependant pas croire que ce regroupement de ministères constitue une règle absolue que le gouvernement appliquera à tous ses ministères et organismes gouvernementaux sans discernement. Si nous regroupons le ministère de la Santé et celui de la Famille et du Bien-Etre social, c'est que nous croyons que, dans ce cas précis, l'efficacité de l'administration publique et la qualité des services seront accrues. Il peut en être autrement dans d'autres cas. Notre premier but n'est pas une réduction du nombre des unités administratives mais une amélioration de la qualité de leurs services et une meilleure adéquation entre les structures et les responsabilités confiées à ces structures.

Plusieurs autres projets de réforme seront présentés en cette Chambre au cours de cette session et de celle qui viendra, l'an prochain. L'un des projets importants concernera la réorganisation ou le mode de la gestion financière. Dans tous les cas, nous visons à doter le gouvernement québécois d'une administration moderne, efficace, capable de s'adapter aux besoins changeants de notre société, consciente du coût de ces opérations et de la nécessité de tirer le maximum des ressources financières et humaines dont dispose l'Etat. On ne juge pas de la qualité d'un gouvernement uniquement par le nombre des décisions qu'il prend, mais surtout par la justesse et l'opportunité des choix qu'il effectue. On ne juge pas non plus de la qualité de l'administration par la quantité de ressources que cette administration consomme, mais par son aptitude à répondre aux objectifs définis par le législateur et par le gouvernement, ainsi que par l'efficacité de son action et la qualité des services produits.

M. le Président, c'est pour répondre à ce besoin que le gouvernement propose à cette Chambre le projet de loi numéro 42 dont on demande l'approbation.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, est-ce que je puis, au nom du député de Bourget, qui aurait à parler, demander la suspension des travaux de cette Chambre, pour qu'ils reprennent à 20 h 15, si possible?

M. LE PRESIDENT: A quand?

M. LEGER: A 20 h 15.

M. LE PRESIDENT: Suspension?

M. LEVESQUE: M. le Président, le député de Bourget, en effet, a mentionné qu'il devait quitter la Chambre et pourrait participer au débat ce soir, et nous avions convenu que le ministre des Finances interviendrait à ce moment-ci. Par contre, il y a peut-être d'autres opinants, dans la Chambre, qui aimeraient se faire entendre sur ce sujet.

Alors, dans les circonstances...

M. PAUL: Le député de Joliette.

M. CHARRON: Le député de Mégantic peut dire le chapelet.

M. LEVESQUE: Nous allons conclure qu'il est six heures, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement unanime?

M. LEGER: Alors, le député de Bourget parlera à 20 h 15.

M. LEVESQUE: Cependant, j'en profiterais, M. le Président... Est-ce que le député a mentionné quelque chose?

M. LEGER: J'ai simplement dit la conclusion de cette entente, c'est que le député de Bourget parlera à 20 h 15.

M. LE PRESIDENT: A moins que le député de Lafontaine demande lui-même la suspension.

II parlera deux minutes à 20 h 15 et il donnera la parole...

M. LEGER: Je pourrai présenter le député de Bourget à 20 h 15.

M. LEVESQUE: Très bien. M. le Président, je crois que je devrais en profiter immédiatement pour faire une motion qui va peut-être prendre la moitié du temps qui reste.

M. LE PRESIDENT: Dans ce cas-là, il n'est pas six heures.

Commissions parlementaires

M. LEVESQUE: Je voudrais, avec le consentement unanime de la Chambre, revenir aux motions non annoncées. M. le Président, avec le consentement unanime de cette Chambre, qu'il me soit permis de faire motion pour que la commission parlementaire permanente des Institutions financières, Compagnies et Coopératives, qui doit prendre en considération le projet de loi no 45, Loi de la protection du consommateur, et qui se réunira à compter de dix heures, demain matin, puisse poursuivre ses travaux pendant que la Chambre est en séance.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion est adoptée?

M. PAUL: M. le Président, avant que la motion soit adoptée, j'aurais peut-être une explication à demander au leader du gouvernement. Est-ce que c'est une mesure de sécurité, cette intention du gouvernement de faire siéger cette commission pendant que la Chambre procédera à ses travaux normaux, ou si c'est tout simplement pour prévoir qu'éventuellement, d'ici la fin de la session, cette commission pourra siéger, même pendant que la Chambre siège?

M. LEVESQUE: On se rappelera qu'en deuxième lecture les diverses Oppositions ont, à la suite du gouvernement, manifesté leur intention de voir siéger la commission pour entendre toutes les parties intéressées au problème. Depuis ce temps de nombreux mémoires ont commencé à entrer au secrétariat des commissions parlementaires.

Beaucoup de groupements ont fait connaître leur intention de venir exposer leur point de vue devant la commission. Nous avons 19 mémoires jusqu'à présent, venant de groupements qui ont fait connaître leur intention de venir devant la commission. Or, nous voyons que la session arrive à ses derniers jours. Il y a donc déjà au programme des séances de la commission des bills publics et privés, de la commission parlementaire des Richesses naturelles, au sujet de l'Hydro-Québec, mercredi prochain.

Enfin, presque toutes les journées sont prises.

M. PAUL: Est-ce que...

M. LEVESQUE: C'est pourquoi nous avons cru bon d'apporter cette motion. Mais cela ne veut pas dire, pour répondre directement à la question du leader parlementaire de l'Opposition officielle, que nous allons nécessairement nous en prévaloir très souvent d'ici la fin de la session. C'est plutôt, comme on l'a mentionné, par mesure de sécurité. Il est donc possible, si l'intérêt manifesté jusqu'à maintenant pour les travaux de la commission est réel et nous paraît aussi fondé que présentement, que nous soyons prêts à présenter une motion pour que cette commission parlementaire puisse siéger entre les deux sessions.

M. PAUL: M. le Président, je me demande si le leader du gouvernement n'a pas fait une restriction mentale volontaire, lorsqu'il a parlé des commissions qui doivent siéger. Il les a énumérées. Est-ce que c'est volontairement s'il n'a pas mentionné la commission de l'Agriculture et de la Colonisation pour étudier les politiques de l'Office des marchés agricoles?

M. LEVESQUE: On ne peut pas présumer de la volonté de la Chambre.

M. CHARRON: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député...

M. LEVESQUE: Est-ce que ma motion... Très bien.

M. ROY (Beauce): M. le Président, nous voulons bien collaborer avec le gouvernement de façon à faire avancer les travaux de cette Chambre et de permettre à tous les partis de se faire entendre. D'un autre côté, nous sommes face à deux projets de loi extrêmement importants: soit le projet de loi du ministère des Affaires sociales, et, d'autre part, le projet de loi concernant la protection des consommateurs. Nous voulons évidemment participer le plus attentivement possible aux travaux et prendre part à tous les débats, mais, comme nous devons siéger à deux endroits en même temps, il est difficile surtout pour l'Opposition, je pense, de participer de façon intense aux deux endroits en même temps.

Maintenant, me serait-il permis de faire la suggestion au gouvernement que la commission parlementaire siège de dix heures à une heure de l'après-midi, de façon que nous puissions aller dîner et revenir en Chambre pour trois heures? Ainsi, il n'y aurait peut-être pas lieu de doubler les séances, c'est-à-dire de faire siéger la commission en même temps que la Chambre.

M. LAURIN: M. le Président, nous admettons le bien-fondé des raisons invoquées par le leader parlementaire. Il est vrai que plusieurs organismes veulent se faire entendre. C'est leur droit et je crois que la loi ne pourra qu'en profiter. Par ailleurs, comme tout le monde le sait, nous ne sommes que sept députés de notre parti et nous entendons participer à fond à tous les travaux de la Chambre, aussi bien en commission que dans les débats. Nous n'avons malheureusement pas le don d'ubiquité; peut-être aurions-nous pu être plus nombreux, mais nous ne le sommes pas.

De toute façon, nous entendons aider le gouvernement dans la mesure du possible, à condition, bien sûr,qu'il ne profite pas trop de l'occasion pour nous placer dans des difficultés qui nous mettraient en conflit avec notre devoir de député.

M. LEVESQUE: M. le Président, loin de nous une telle pensée. Cependant, je pense qu'il est bon, à ce moment-ci, d'une façon bien amicale et très objective, de rappeler que ces motions pourraient être adoptées par la majorité, tout simplement. Mais nous essayons d'avoir un consensus dans nos travaux parlementaires. Il est bon de rappeler ces choses pour que l'on voie que de ce côté-ci nous essayons de trouver un moyen pour que toutes les options puissent se faire entendre, soit en Chambre, soit dans les commissions parlementaires.

D'un autre côté, il y a parfois des urgences qui amènent le gouvernement à vouloir non pas précipiter les choses... mais, pour ne pas être complètement paralysé, nous suggérons à l'Opposition de convenir et de consentir de plein gré à ce que nous procédions ainsi. De toute façon, si c'est tel que prévu, nous ne pourrons pas, d'ici la fin de la session, entendre tous les groupements qui se sont déjà annoncés. Il sera peut-être plus facile demain, à la fin de la séance, alors que plusieurs d'entre nous serons là, sans doute, de nous consulter et voir si la séance doit être prochaine ou plus éloignée, peut-être même entre les deux sessions, comme je le mentionnais tout à l'heure.

M. BERTRAND: Si le leader du gouvernement me le permet, cela nous aiderait à planifier nos travaux s'il pouvait, demain ou jeudi, nous donner la liste des autres projets de loi que nous aurons avant le congé de Noël. Cela nous permettrait d'établir un calendrier suivant l'importance de ces lois. Est-ce qu'on doit avoir encore beaucoup d'autres projets de lois?

M. LEVESQUE: C'est justement ce que nous sommes en train d'établir. J'espère être en mesure, d'ici la fin de la semaine, avec le consentement du gouvernement dans son ensemble et le concours du premier ministre, de laisser entendre à cette Chambre, aussi précisément que possible, quels sont les projets de loi qui restent à étudier.

M. SAMSON: M. le Président, je pense que le leader du gouvernement conviendra avec nous qu'il y a certains cas qui peuvent être particuliers. Nous convenons que, dans certains domaines, nous puissions siéger ici en Chambre en même temps qu'en commission. Cela va bien et ça permet à tout le monde de s'exprimer assez librement. Dans un cas particulier comme celui qui nous occupe, par exemple, le leader du gouvernement nous demande si nous voulons bien collaborer. Je pense que c'est de plein gré que nous allons le faire. Nous pourrions peut-être aussi demander la même coopération au gouvernement. Pour la question spéciale qui nous occupe présentement, ça permettrait aux partis de l'Opposition de donner un rendement meilleur que celui que nous donnerions si nous étions obligés de siéger en même temps et de courir d'une chambre à l'autre, comme ça nous est déjà arrivé l'été dernier. Malheureusement, je crois que nous n'avons pas pu donner notre pleine mesure. Je sais pertinemment que le gouvernement ne voudrait pas bâillonner l'Opposition. On sait que nous pouvons aider plutôt et non pas faire de l'obstruction. Pour toutes ces raisons, M. le Président, je demande au gouvernement s'il y aurait possibilité, pour ce cas particulier des affaires sociales, et de la protection des consommateurs, qu'on ne siège pas en même temps. Cela permettrait à tous les députés de l'Opposition de faire leur plein travail.

M. LEVESQUE: C'est la raison pour laquelle j'avais suggéré que, vers la fin de la séance demain, pour ce cas particulier, nous pourrions avoir une consultation.

Alors, M. le Président, est-ce que la motion est adoptée?

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion est adoptée?

M. BERTRAND: Oui.

DES VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEVESQUE : Je proposerais que la Chambre suspende ses travaux jusqu'à huit heures et quart.

M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à huit heures et quart.

Reprise de la session à 20 h 20

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

L'honorable député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, je voudrais d'abord remercier le député de Montmagny pour avoir fait ressortir le rôle positif qu'a joué l'ex-député de Laurier, maintenant chef du Parti québécois, dans la structuration des ministères dont il est ici question aujourd'hui.

M. LEVESQUE: M. le Président, vous me permettrez d'interrompre l'opinant, avec beaucoup de regret. Est-ce que l'on a compris que le député de Lafontaine devait continuer ce soir ou est-ce que c'était...

M. LESSARD: M. le Président, sur le point de règlement, c'est que, vers six heures moins dix, le député de Lafontaine a proposé l'ajournement. Mais, tout à coup, le leader parlementaire du parti au pouvoir a commencé à parler. C'est à ce moment-là que le président de la Chambre a dit: Dans ce cas-là, il n'est pas six heures. L'ajournement a été fait par le leader parlementaire.

M. LEVESQUE: Je ne crois pas que personne n'ait ajourné le débat autrement, M. le Président. De toute façon, je donne mon consentement, avec plaisir.

M. PAUL: De toute façon, M. le Président, c'est un mandat que le député de Lafontaine avait reçu, articles 1701 du code civil et suivants.

M. LE PRESIDENT: C'est du député de Lafontaine au député de Bourget et maintenant du député de Bourget au député de Lafontaine. Mais avec le consentement unanime...

M. LEVESQUE: Je crois que ça demande le consentement unanime, parce que je ne voudrais pas que ça crée de précédent...

M. PAUL: D'accord.

M. LEVESQUE: ... et qu'on procède par mandat à l'intérieur de la Chambre.

M. PAUL: Très bien.

M. SAMSON: M. le Président, nous comprenons que ce n'est peut-être pas conforme au règlement. Etant donné que les quatre chefs du parti étaient en consultation, à un certain moment, et que nous n'aurions pas eu la présence du député de Bourget si nous n'avions pas concédé certaines choses, c'est avec plaisir que nous consentons qu'il fasse son intervention.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget, avec le consentement unanime de la Chambre.

M. LAURIN: Je remercie beaucoup la Chambre de son obligeance. Donc, je voudrais remercier le député de Montmagny — cela me donne le plaisir de le répéter — pour les paroles élogieuses qu'il a eues à l'endroit de l'ancien député de Laurier, qui a joué son rôle dans la structuration des ministères dont il est question aujourd'hui. Je le souligne tout particulièrement, parce que c'est la première fois depuis mon arrivée dans cette Chambre que j'entends un éloge à l'endroit du député de Laurier; je me devais de le souligner.

M. BERTRAND: II n'y a pas eu de sujet où on pouvait le faire.

M. LAURIN: Donc, en avril 1968 le Parti québécois, dès les premières assises qui le constituaient en parti, avait inscrit dans son programme la création d'un ministère des Affaires sociales. C'est donc vous dire, puisque le Parti québécois a été le premier parti politique à inscrire publiquement et officiellement cette mesure dans son programme, le plaisir que j'éprouve à parler aujourd'hui de ce projet de loi.

Je sais bien que cette mesure peut paraître, à première vue, dangereuse. Le député de Montmagny a souligné, en effet, que le budget de ce double ministère unifié équivaudrait à près des deux tiers du budget total du Québec. Ce qui n'était qu'une appréhension chez le député de Montmagny est devenu une crainte véritable dans l'esprit de mes collègues créditistes.

Il est bien entendu que nous-mêmes avons, à première vue, cette appréhension, même si nous n'avons pas cette crainte. Mais je crois que cette objection est facilement réfutable avec des raisons de fait et des raisons de principe. Des raisons de fait, puisque dans presque toutes les sociétés, actuellement, nous voyons une portion très importante du budget affectée au domaine de la santé et du bien-être. Il s'agit, la plupart du temps, de dépenses quasi incompressibles qui résultent de l'accumulation des prestations que les gouvernements se doivent d'affecter à ces deux domaines, aussi bien à cause du progrès de la médecine et des institutions sanitaires qui en découlent qu'en raison des besoins sociaux qui deviennent de plus en plus aigus dans cette société moderne dans laquelle nous vivons. Il s'agit donc, si l'on regarde aussi bien les salaires que les prestations, de dépenses incompressibles auxquelles ont à faire face actuellement la plupart des gouvernements du monde et surtout les gouvernements des sociétés occidentales les plus évoluées.

Ces dépenses incompressibles, bien sûr, peuvent être masquées et, dans certains pays, on a préféré créer des régies gouvernementales qui administrent une certaine partie de ces produits. Je crois que c'est d'ailleurs là l'intention du gouvernement. Dans certains autres pays, on a créé plutôt des caisses de sécurité sociale ou autres qui font que ces sommes n'apparaissent pas au budget gouvernemental, même si nous savons que le gouvernement y contribue cependant beaucoup.

Donc, du point de vue des faits, il s'agit d'une situation que nous retrouvons dans presque tous les pays du monde. Mais, de plus, il y a un autre argument. Cette question des besoins sociaux des citoyens de nos sociétés, devient de plus en plus urgente, étant donné les disparités sociales auxquelles a d'ailleurs référé le député de Louis-Hébert, et peut-être en raison même de l'accroissement de ces besoins, du caractère plus impératif de ces urgences, il est devenu de plus en plus nécessaire de consacrer une portion toujours plus importante du budget des Etats à ces besoins.

Ce qui nous indique, dans ce domaine en particulier, la nécessité d'un ministère unifié, que je ne crains pas, pour ma part, d'appeler un superministère. C'est le premier superministère que crée le gouvernement libéral. Je crois qu'il sera appelé à en créer d'autres et que tous les gouvernements qui se succéderont au Québec devront faire de même.

C'est un peu la raison pour laquelle, dans notre parti, nous avons prévu au programme la création de sept superministères, le superministère de l'Economie en particulier dont le rôle, au point de vue de la gestion, au point de vue de l'orientation, devient de plus en plus important. Car, on confie, on confiera aussi à ces superministères le soin d'élaborer les grandes politiques de l'Etat qui doivent coordonner les activités de plusieurs ministères, comme on les appelle aujourd'hui. Ce qui implique aussi qu'il deviendra nécessaire de créer dans nos gouvernements de plus en plus compliqués, qui doivent s'occuper de portions toujours plus grandes de la vie collective, et même jusque dans les détails, non plus un cabinet de 21, 23 ou 24 membres, mais à l'intérieur de ces cabinets, l'exécutif de l'exécutif qui, d'une façon plus cohérente, d'une façon plus continue, est appelé justement à élaborer, au fil des mois, au fil des années, ces grandes politiques et qui doit être chargé de donner aux autres ministères, les grandes lignes de l'action gouvernementale.

Donc, nous n'avons pas peur de ces superministères. Nous croyons que c'est dans la ligne de l'évolution et nous croyons que cette évolution est appelée à se continuer pour l'efficacité même de l'action gouvernementale qui est de régler les problèmes de la collectivité le plus rapidement possible, le mieux possible et avec la plus grande sagesse possible.

De toute façon, en ce qui concerne les domaines de la santé, de la famille et du bien-être, il semble que le moment de la création d'un pareil superministère soit arrivé, car, nous le voyons couramment, l'interpénétration de ces divers domaines se fait tous les jours d'une façon de plus en plus marquée, au niveau même de l'activité des citoyens, au fur et à mesure, justement, de l'évolution des collectivités.

Et cette interpénétration est due, pour une grande part, à deux facteurs: d'abord le progrès des sciences, qui est tel qu'en médecine on est obligé de s'occuper de sociologie, en sociologie on est obligé de s'occuper de médecine, et dans ces deux domaines on ne peut plus rien faire actuellement, on ne peut plus rien, en tout cas, traduire au niveau des réalités si on ne tient pas compte du facteur économique. On appelle ce phénomène l'interdisciplinarité, et cette interdisciplinarité est devenue la marque de commerce de toute la science moderne. Il serait bien étonnant qu'elle ne soit pas obligée de se traduire au niveau de l'action gouvernementale.

De la même façon, nous assistons, en ce qui concerne les modes de vie, à une évolution qui nous force à jeter un regard neuf sur la façon dont ces besoins doivent être aménagés. Je n'ai pas besoin de vous souligner les progrès extrêmement rapides de la technologie; je n'ai pas besoin de souligner les caractéristiques de la société de consommation, ainsi que les conséquences extrêmement importantes de l'urbanisation progressive du Québec.

Si vous mettez ensemble ces trois facteurs, une technologie qui est naturellement sans âme, puiqu'elle ressortit aux sciences de la nature, si vous ajoutez les impératifs de la société de consommation et les conséquences de l'urbanisation, nous nous rendons compte qu'on ne peut traiter de ces différents aspects sans l'interdisciplinarité, non plus maintenant vécue au niveau des principes, au niveau des principes du savoir, mais au niveau de la vie existentielle de chaque citoyen.

En raison donc de cette interdisciplinarité et de cette convergence de plusieurs facteurs, nous voyons que l'interpénétration est devenue une réalité quotidienne. La meilleure preuve, d'ailleurs, en est que, même dans les lois actuelles, nous voyons que le législateur n'a pas pu s'empêcher de traduire ces impératifs au niveau de la réalité. J'en prends comme exemple la Loi de l'aide sociale qui, à plusieurs de ses paragraphes, prévoit une aide sanitaire et une aide médicale.

Je vois aussi dans le projet de loi de l'assurance-chômage, qui est prévu au livre blanc du gouvernement fédéral, que même en ce qui a trait à l'assurance-chômage, c'est-à-dire un domaine qu'on avait l'habitude de relier au travail, le législateur fédéral pense à faire des intrusions dans le domaine des services, d'abord, et même dans le domaine des services médicaux, ce qui montre bien que, nolens,

volens, le législateur est obligé de s'introduire dans le niveau des services sociaux ou médicaux, même s'il ne le voudrait pas, même si sa compétence le lui interdit quelquefois.

De la même façon, nous voyons que, dans les normes opérationnelles actuelles des divers programmes, nous assistons à une accentuation de ce caractère de liaison du social et du sanitaire. Je pense, par exemple, à cette notion d'équipe pluridisciplinaire qui existe de plus en plus, aussi bien dans nos hôpitaux que dans les organismes de bienfaisance. Nous savons maintenant que nous ne soignons plus le malade dans un lit d'hôpital; de plus en plus, nous le soignons à la clinique externe. Nous le soignons au foyer de postcure, parfois bien plus longtemps qu'à l'hôpital et d'une manière beaucoup plus efficace.

Ces soins communautaires, qu'ils précèdent ou qu'ils suivent la cure, exigent, la plupart du temps, une immixtion marquée dans le champ du social, puisqu'il s'agit souvent de procurer un secours financier ou technique à des familles ou à des individus qui en ont un très grand besoin. De la même façon, nous avons pu lire le projet Castonguay-Nepveu, qui prévoit la création d'équipes pluridisciplinaires au niveau local, ensuite au niveau régional et ensuite au très haut niveau des centres hospitalo-universitaires. Tous ces centres sont marqués au coin de cette notion d'équipe, équipe pluridisciplinaire qui postule nécessairement la conjonction de l'élément social et de l'élément sanitaire.

Donc, toutes les normes opérationnelles actuelles et, encore beaucoup plus, futures, exigent cette polyvalence, exigent cette coordination, exigent cette intégration du social et du sanitaire, aussi bien au niveau des principes qu'au niveau de la réalisation des programmes. Je crois que ceci sera de plus en plus nécessaire non seulement parce que la logique nous y mène, mais également pour éviter des obstacles, des dangers que, malheureusement, nous avons commencé à noter, comme, par exemple, le cloisonnement dont parlait le député de Montmagny, avant l'ajournement, ou, ce qui peut être encore plus grave, le dédoublement qui coûte tellement cher sur le plan des énergies, aussi bien qu'au niveau de l'argent, ou encore ce chevauchement qui amène souvent des conflits à l'intérieur même des ministères ou entre les ministères, tout cela se traduisant par une inefficacité des services et la négation même de l'idéal gouvernemental.

D'ailleurs ce décloisonnement, comme je l'ai noté, encore une fois, dans l'historique que faisait le député de Montmagny tout à l'heure, est commencé déjà depuis plusieurs années. Mais je crois, et ici je suis d'accord avec le député de Louis-Hébert, qu'il importe de pousser, d'accélérer ce décloisonnement, afin que nous en arrivions le plus tôt possible à cet idéal que la logique nous impose de suivre et pour une autre raison aussi qu'a soulignée le député de Louis-Hébert, et ici encore je suis tout à fait d'accord avec lui, à cause de l'urgence des besoins sociaux, à cause des très nombreuses et très criantes disparités sociales, à cause des réformes urgentes qui s'imposent dans ces domaines, surtout lorsque l'on songe à la crise qui ébranle actuellement le Québec jusque dans ses profondeurs.

Donc, nous sommes d'avis que la création de ce ministère des Affaires sociales, non seulement favorisera une politique globale qui s'impose, mais que cette politique globale qui s'impose ne serait pas réalisable autrement. Et cela doit d'abord se faire au niveau des principes et de la philosophie. Non pas parce qu'il faut privilégier les principes et la philosophie, non pas parce qu'il faut y perdre indûment notre temps, mais nous savons très bien que ces principes et cette philosophie, si on les néglige, nous serons obligés d'en faire plus tard, pour réparer les dégâts qui accompagnent la négligence que trop souvent on accorde à cette philosophie et à ces principes. Car avant de se lancer dans une action, il faut quand même la concevoir, il faut quand même essayer d'en connaître les articulations principales, afin que l'exécution soit programmée, pour employer un terme plus moderne, selon les lois de la logique et la connaissance que nous avons de notre milieu.

Cette politique, comme on l'a souligné, doit être au service de l'homme et non le contraire. Trop souvent, les tenants de l'empirisme et du pragmatisme, à leur insu, ont une philosophie et précisément cette philosophie se retrouve à mettre l'homme au service des structures qu'il invente, au service des mécanismes qu'il met en branle et cela amène très souvent des pertes de temps et des injustices.

Quant à moi, je préfère mettre les principes et la philosophie d'abord, comme on met le cheval avant la charrue, afin de savoir exactement et très clairement, où l'on va.

Je pense qu'il faut tendre d'abord — comme le soulignait le député de Louis-Hébert — à l'humanisation de toutes les structures que nous possédons déjà et qui nous coûtent très cher, soit nos structures hospitalières et nos structures sociales. Combien de fois avons-nous répété en cette Chambre et ailleurs que, dans une société basée sur la notion de profit et où les progrès des sciences de la nature ont été beaucoup plus rapides que ceux des sciences humaines, nous courons le risque d'oublier l'homme et de le sacrifier à des impératifs plus techniques.

Je pense que ce souci d'humanisation doit être au fond de toutes les tentatives que nous faisons de réformer les structures. Cette tentative d'humanisation, bien sûr, doit se traduire rapidement au niveau de la réalité afin d'éviter cette fragmentation dont parlaient à juste titre les orateurs qui m'ont précédé, car il importe de considérer l'homme et non pas l'individu. Je préfère de beaucoup cette notion d'homme à

celle d'individu dont on entend parler si souvent lorsqu'on analyse les programmes de sécurité du revenu. En effet, l'homme n'est pas qu'un numéro ou une unité statistique, mais il est un ensemble de motivations, un ensemble de besoins, animé par des facultés supérieures. Cet homme a des besoins que la collectivité, par le moyen de l'Etat, doit absolument lui permettre de réaliser.

A ce titre, nous retrouvons justement ces disparités, ces injustices dont on a parlé et qu'il importe, pour un programme de sécurité sociale, de faire disparaître ou, du moins, d'atténuer le plus possible.

L'homme aussi doit être conçu dans le sein de sa famille et, là, je rejoins les préoccupations de ceux qui m'ont précédé. Même si l'appellation "ministère de la Famille" doit disparaître, il est bien évident que ce souci de protection, de développement et d'épanouissement de la famille doit rester très vivant dans nos préoccupations et inspirer des mesures pratiques que nous serons obligés d'adopter.

Mais, il n'est pas suffisant de ne penser qu'à l'homme et de ne penser qu'à la famille. Cet homme, cette famille vivent dans une société de plus en plus complexe, de plus en plus dynamique, de plus en plus mouvante sur tous les plans, que ce soit le plan économique ou le plan politique. Ici, nous retrouvons cette conjonction dont je parlais tout à l'heure du social et du sanitaire. Cette préoccupation, nous pouvons maintenant l'avoir à partir des principes dont je parlais jusqu'à la réalité concrète dans ces exigences qui nous sont posées dans notre travail de tous les jours; par exemple, au niveau de l'homme, cette nécessité de lier la prévention, le traitement et la réadaptation.

Je vois, d'ailleurs, que les boîtes de l'organigramme du ministère des Affaires sociales font justement la part belle à ces trois types de préoccupations: prévention, c'est-à-dire avant que nous ayons affaire à une difficulté afin de tenter de le prévenir; traitement pour la corriger et ensuite réadaptation afin de faciliter la nouvelle insertion de l'homme dans la société.

Ceci épouse la démarche naturelle du clinicien, que ce clinicien soit médecin, travailleur social ou même animateur social. Cette démarche naturelle du clinicien doit être également celle de l'organisme supérieur qui doit régir, organiser les efforts des cliniciens. C'est la raison pour laquelle, je me réjouis de trouver dans cet organigramme une classification des tâches, une fonctionnalisation des tâches beaucoup plus appropriée que l'empirisme que l'on pouvait y trouver auparavant. Mais également, ce souci doit se traduire au niveau concret, non seulement pour l'homme, mais également pour la collectivité. Combien de fois, à titre de praticien de la médecine, je me suis rendu compte que certaines des maladies de mes clients étaient dues beaucoup moins à des facteurs pathologiques que la médecine m'avait enseignés, comme les microbes ou comme les irritations, qu'à des facteurs sociaux qui avaient été négligés, qui n'avaient pas été corrigés! Combien de fois me suis-je dit que de la correction de ces facteurs sociaux par législations ou règlements pourraient s'ensuivre des progrès qui empêcheraient la maladie ou abrégeraient, à tout le moins, sa durée!

De plus en plus, nous nous rendons compte, dans toutes les disciplines médicales, dans toutes les disciplines sociologiques d'assistance sociale que l'évaluation et la correction de certaines plaies sociales sont absoluement essentielles pour toute politique de bien-être ou toute politique sanitaire. C'est donc cette philosophie, ces principes qui doivent s'incarner dans la réalité du ministère, dans la réalité de l'action de ceux qui dépendent de lui, qui travaillent au sein de ce ministère et que seule peut apporter une intégration, une unification des deux ministères de la Famille et du Bien-Etre social et de la Santé.

Mais, également, cette unification doit maintenant se retrouver au niveau des programmes concrets. Là, nous voyons beaucoup de programmes puisque — on le rappelait tout à l'heure — le ministère de la Santé est un vieux ministère qui existe depuis la Confédération. Même si le ministère de la Famille et du Bien-Etre social est plus récent, il reste que plusieurs des mesures qui sont administrées maintenant par le ministère de la Famille et du Bien-Etre social existaient bien avant qu'existe ce ministère. Il y a donc pléthore de programmes, programmes anciens, programmes nouveaux — je n'ai pas à les énumérer — assurance-hospitalisation, assurance-maladie, prestations d'assistance sociale, toutes les mesures de protection de l'enfance, protection de la famille, épanouissement de la famille, tout le domaine des assurances sociales et, de plus en plus, maintenant, les mesures de sécurité du revenu. Nous voyons également une pléthore de programmes fédéraux et, là aussi, nous les voyons augmenter d'année en année. Nous pouvons ne pas nous entendre sur la compétence, la juridiction respective des deux gouvernements. Mais si nous ne regardons que la somme de ces programmes, nous voyons quand même qu'ils s'accroissent de plus en plus, qu'ils deviennent de plus en plus nombreux, de plus en plus compliqués.

Je pense que cette unification s'impose parce que tous ces morceaux de programmes se tiennent, ont des rapports les uns avec les autres et que, si on ne parvient pas à les unifier, à les coordonner, à les rationaliser, il y aura ces dédoublements et chevauchements dont je parlais, bien sûr, au point de vue négatif mais, au point de vue positif, on ne pourra pas leur faire produire tous leurs fruits. Je pense que tous ces morceaux exigent une politique globale et, à toutes fins pratiques, un ministère qui sera capable, qui aura les moyens, aussi bien finan-

ciers que politiques, d'administrer, d'intégrer tous ces programmes les uns avec les autres.

Ici, je voudrais joindre ma voix à celle du député qui m'a précédé et qui a demandé au gouvernement de ne pas s'éloigner de la ligne qui a été prise depuis dix ans par les gouvernements successifs du Québec. Nous nous rendons compte, de plus en plus, que tous ces programmes provinciaux ou fédéraux doivent faire partie d'un programme unique, si on veut que leur efficacité soit maximale. Nous savons que des efforts majeurs ont été faits depuis une dizaine d'années. Je pense, par exemple, au retrait des programmes conjoints, à l'équivalence fiscale qui a permis de les continuer au Québec. Je pense à tous ces programmes nouveaux que nous pouvons lire tous les jours dans les livres blancs, qu'ils viennent du fédéral ou du provincial. Ce qui revient à dire qu'il ne faut pas vider de leur contenu les politiques que l'on veut instaurer au niveau du Québec. Et si l'on ne veut pas les vider de leur contenu, il faudra unifier tous ces programmes, qu'ils soient sanitaires, qu'ils soient sociaux ou qu'ils touchent à la sécurité du revenu car, encore une fois, ce sont des morceaux d'une même robe, et si on y crée des trouées, si on les divise, ils perdent leur unité, ils perdent leur logique, ils perdent leur efficacité. Qui en souffrira? C'est le citoyen québécois.

Je ne voudrais pas, ici, répéter toutes les raisons qui ont motivé l'attitude passée des gouvernements québécois. Je ne veux en donner que celle-ci: cette nécessité, dans une société de plus en plus complexe, moderne, qui se veut efficace, de traiter en même temps tous les aspects du problème, et cette autre, surtout, qui est peut-être la plus importante, c'est que notre société québécoise a ses caractéristiques socioculturelles propres, ses besoins propres. Elle a son besoin d'identité, aussi. Elle a sa fierté, sa dignité et peut-être que ses besoins ne peuvent être nulle part mieux servis qu'au Québec, ne peuvent être mieux servis que par un ministère québécois, administré par des Québécois qui partagent, justement, avec ceux qui l'administrent, les mêmes préoccupations, les mêmes besoins, les mêmes aspirations, la même philosophie.

Dans ce domaine de la sécurité sociale et de la santé, qui est tellement lié à la vie quotidienne du citoyen, qui est tellement lié à ses facultés supérieures, qui est tellement lié à la nécessité de son épanouissement et de son développement sur tous les plans, cette préoccupation que je n'appellerai pas nationale mais que j'appellerai simplement humaine, s'impose de plus en plus. J'espère que les mauvaises nouvelles que l'on peut avoir entendues ces jours-ci et qui laissent présager des affrontements très prochains, se régleront dans le sens de cette identité de plus en plus affirmée du Québec et se soldera par le rapatriement complet de tous les programmes de sécurité sociale.

Mais il faudra éventuellement continuer. Peut-être n'est-il plus suffisant d'envisager simplement l'unification des programmes de sécurité sociale et de santé. Peut-être faudra-t-il y ajouter bientôt d'autres domaines. Contrairement, donc, à ceux qui ont déjà un peu peur de l'extension du ministère, je dis que, peut-être, il faudra ajouter certains autres domaines. Je parlais tout à l'heure de l'assurance-chômage où, par nécessité interne, on en arrive à faire des immixtions dans le domaine de la santé et du bien-être, eh bien! peut-être faudra-t-il rapatrier également...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je crois que l'intervention du député de Bourget, que j'ai suivie, d'ailleurs, avec beaucoup d'intérêt, jusqu'à il y a quelques minutes, était tout à fait à point lorsqu'il est allé, vraiment, au fond du problème de l'intégration des deux ministères de la Santé, de la Famille et du Bien-Etre social.

En ce qui me concerne, je n'ai aucune objection à ce qu'il fasse une révision de tous les besoins de santé et de bien-être de la population du Québec. Personnellement, je n'y vois aucune objection, mais je me demande si c'est permis dans les limites du débat actuel. Je pense bien que le député de Bourget aura toutes les occasions d'y revenir lors de l'étude des crédits du ministère des Affaires sociales.

Je sais que la tentation est facile d'aborder toutes les questions de bien-être, de rapatriement des allocations sociales, du bien-être social et d'autres. Mais, je me demande si on n'élargit pas le débat et si on ne verra pas, à ce moment-là, tous les députés de cette Chambre traiter du sujet.

Je pense bien que le député de Bourget le fait par corollaire, si vous voulez, pour ajouter quelque chose à son discours, mais j'aimerais bien qu'il revienne au débat de deuxième lecture du projet de loi que nous avons devant nous.

M. LAURIN: Très bien, M. le Président. Je me contente donc d'émettre le voeu que, dans l'avenir, peut-être, il faudra continuer d'élargir les responsabilités du ministère de façon qu'elles incluent des domaines connexes, comme celui du travail, ainsi qu'en témoigne l'évolution qui se dessine actuellement dans le champ de l'assurance-chômage, des accidents du travail et des politiques de main-d'oeuvre.

On a également parlé des difficultés, des problèmes qui pourraient être causés par la création de ce ministère unifié des Affaires sociales. J'en vois plusieurs. Il est bien évident qu'avec un ministère aussi vaste, qui comporte des responsabilités aussi variées, nombreuses et lourdes, la difficulté de coordonner tous ces travaux et de faire marcher de concert toutes les sections, tous les services, sera beaucoup plus grande.

C'est, d'ailleurs, la raison pour laquelle notre

parti avait déjà prévu que, dans ce superministère, on pourrait peut-être former, un jour, des secrétariats d'Etat qui seraient affectés, d'une façon plus particulière, à telle ou telle fonction qu'entend servir le superministère. Mais, peut-être, en attendant la création de ces secrétariats d'Etat que seul un régime présidentiel pourrait nous donner, pourrons-nous, avec l'institution des comités interministériels ou même des comités intraministériels, étant donné que ce ministère sera très élaboré, arriver à régler ce problème de concertation et de coordination. Il s'agit, bien entendu, d'éviter les obstacles que tout le monde connaît, lorsqu'on a affaire à de vastes structures: les problèmes de lourdeur, de lenteur et d'inertie. Je pense, quand même, qu'il y a moyen, avec les techniques appropriées, d'obvier à cette lenteur ou à cette lourdeur et de les remplacer par des mécanismes de gestion plus efficaces.

D'ailleurs, le député de Louis-Hébert a parlé de son objectif de fonctionnalisation. Je pense que nous en sommes tous, malgré qu'il ne faudrait peut-être pas élever à l'état de mythe l'efficacité de ces nouvelles techniques de fonctionnalisation, centrées sur la budgétisation et sur la programmation. Ce sont là des techniques qui doivent être mises, bien entendu, au service de cette philosophie, de ces principes dont je parlais tout à l'heure et qui, justement, rendent tous leurs fruits quand elles ne remplacent pas l'idéal qu'elles prétendent servir.

De la même façon, je crois qu'il faudra accorder une grande attention aux relations avec le secteur parapublic. Dans le domaine de la santé, dans le domaine du bien-être, nous savons que, depuis plusieurs années, justement parce que la charité, auparavant, n'était pas une responsabilité gouvernementale, il existe encore plusieurs organismes qui peuvent suppléer d'une façon utile à l'action du gouvernement ou qui peuvent la compléter. Aussi longtemps que ces organismes du secteur parapublic existeront, il faudra prendre bien garde de s'assurer leur collaboration maximale et, pour cela, prévoir les mécanismes appropriés.

Je voudrais surtout mettre l'accent, pour ma part, sur une des préoccupations marquantes du futur ministre des Affaires sociales: la régionalisation. Cette régionalisation nous parait nécessaire à plusieurs égards: d'abord, pour l'élaboration des politiques et, ensuite, pour l'administration des programmes. Le ministre a parlé de la nécessité de la consultation et de la participation. Je suis bien d'accord avec lui, beaucoup plus, en tout cas, qu'avec le député de Rimouski, lorsqu'il nous parlait tout à l'heure de l'ODEQ.

Justement, je crois que, plus particulièrement dans ce domaine qui touche de si près à la vie quotidienne des personnes, la consultation s'avère absolument essentielle, étant donné que nous avons souvent affaire, là, à des gens qui connaissent d'une façon intime les réalités de leur milieu et qui nous rappellent parfois quelque vérité que les programmeurs seraient portés à oublier.

De la même façon, au niveau de l'administration des programmes, il est bien entendu que ces personnes et ces organismes qui sont en contact avec la vie quotidienne sont parfois beaucoup plus capables de comprendre les besoins, de corriger, par une souplesse humaine, ce que peuvent avoir d'hiératique ou de rigide les normes opérationnelles ou administratives.

C'est la raison pour laquelle on peut émettre le souhait que lorsque le travail commencé depuis quelques années au domaine de la régionalisation des services d'éducation, de santé, de bien-être, sera complété, il sera possible de donner à ces administrations régionales un budget qui leur permettra de s'acquitter de leur tâche. Car ces deux impératifs doivent s'articuler. Bien sûr, il reviendra toujours au gouvernement d'élaborer les politiques globales, à l'aide des consultations faites au niveau local, mais il reviendra toujours aux administrations locales d'élaborer, d'administrer au jour le jour, avec la plus grande efficacité possible, près du lieu où les besoins se font sentir, les politiques gouvernementales.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, il nous semble important de donner au futur ministre des Affaires sociales l'instrument dont il a besoin pour appliquer la politique dont il nous a fait part tout à l'heure. Et puisque le député de Montmagny y faisait allusion, je n'ai pas de doute moi-même que ce chêne, non pas solide, mais serein dont on avait parlé, saura faire rendre à cette Loi des Affaires sociales tout le fruit et tout le progrès que nous en attendons.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Mégantic.

M. Bernard Dumont

M. DUMONT: M. le Président, nous avons devant nous un projet de loi qui veut créer, par son appellation, le ministère social de l'épuisement financier et un ministère qui, à mon sens, sera un ministère géant, un ministère du Roi-Etat, qui ne sera d'ailleurs dépassé en milliards que par le Roi-Etat fédéral Munro qui, lui, à son tour, dispensera à son bon gré les millions qu'il aura récupérés du Québec. Et, nombre de fois, la note sera très souvent allégée d'un bon montant de $230 millions, comme nous le voyons pour la taxe dite de progrès social; c'est d'ailleurs la même chose que nous voyons cette année dans le domaine des sports.

M. le Président, même — nous l'avons d'ailleurs vu dans l'exposé que nous venons d'entendre, le supposé faux nationaliste, membre d'un parti censé indépendantiste, votera en faveur d'une loi permettant à notre ministère de

l'épuisement social financier de dépendre d'Ottawa et d'être obligé d'accepter ses plans conjoints avec Ottawa, tout simplement parce qu'il trouve dans le projet qui nous est présenté suffisamment de socialisme pour l'appuyer.

Loin de moi l'idée de critiquer l'esprit administratif pour l'Etat du ministre actuel de l'épuisement social financier; au contraire, on lui reconnaît — et tout le monde l'a reconnu dans cette Chambre — des qualités d'administrateur lui permettant de dépenser à satiété les montants d'argent qui le proclameront le Roi-Etat. Ce que le ministre, avec son chef, semble toutefois oublier, c'est le droit inaliénable de l'homme à la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur. Si ces mots ont un sens, il s'agit d'une affirmation absolue du droit de l'individu pris collectivement au-dessus de tout intérêt externe.

Mais cela ne signifie pas l'anarchie, ni ce que l'on appelle communément l'individualisme, c'est-à-dire la subordination de l'indivitu à l'idée des autres, à l'idée de celui qui veut dominer dans son propre intérêt. La première condition suggérée par ces projets de lois qui nous sont présentés serait donc d'obtenir pour les individus un tel degré d'initiative dans le rajustement des structures politiques et économiques qu'ils puissent eux-mêmes bénéficier des avantages de la science et du machinisme et qu'ils se trouvent dans une situation telle que ces personnes aient la liberté de dire, avec une indépendance de plus en plus grande, si elles participeront ou si elles ne participeront pas à tout projet ou à toute oeuvre qu'on leur proposera.

C'est à mon sens, fausser la vérité que de découvrir, si cette liberté ne permet pas aux individus, en retour d'un effort exercé comme un droit, non comme un privilège ou une concession, qu'une équivalence économique ne leur soit rendue. Les systèmes sont faits pour les hommes et non les hommes pour les systèmes.

L'intérêt de l'homme, qui consiste en son développement personnel, est au-dessus, à mon sens, de tout système, qu'il soit même théologique, politique ou économique, car l'être humain est la créature la plus précieuse de toute société bien organisée. Tout homme, en tant qu'être vivant doué de raison, tient, en fait, de la nature, le droit fondamental d'user des biens de la terre, bien qu'il soit laissé à la volonté humaine et aux institutions juridiques des peuples de régler plus en détail les réalisations pratiques de ce droit. C'est pourquoi le gouvernement doit, à mon sens, servir l'homme et non l'asservir.

C'est d'ailleurs en vertu d'un droit naturel que les hommes choisissent de s'associer entre eux en vue d'obtenir, pour chacun, un mieux-être dans le domaine pour lequel ils se sont groupés. Les différentes communautés ainsi formées peuvent présenter des différences très considérables, mais dans tous les cas, ce sont les personnes humaines qui les composent qui ont des droits prioritaires.

Que ce soit au niveau des organisations locales ou professionnelles, ou au niveau des collectivités nationales ou internationales, il faut veiller à ce que les droits de chaque communauté soient sauvegardés. En cas de conflit, il faut donner, tout d'abord, la priorité aux droits des personnes, puis à ceux de la famille. Plus un groupement, une association ou une communauté est proche de la personne humaine, plus ces droits doivent être respectés. Ces considérations valent surtout pour l'Etat ou la société internationale. C'est pourquoi, dans les objections que vous avez entendues de ce coin-ci de la Chambre cet après-midi, M. le Président, et que je continue d'exprimer ce soir, vous ressentez réellement une opposition à la réunion de ces projets de loi pour former ce que j'ai appelé un ministère qui provoque le gigantisme.

Ce que chacun de nous désire, je crois, c'est une situation telle qu'il serait possible à chacun d'avoir recours, sans restriction, aux trésors de la science afin de réaliser nos propres idées et de satisfaire nos légitimes désirs selon nos besoins. Naturellement, ces idées ces désirs seront différents. Les choses étant ce qu'elles sont, tout comme nos personnalités sont différentes, elles le deviendront de plus en plus à la suite des individus qui veulent eux-mêmes s'individualiser. C'est pourquoi il ne faut pas considérer ces projets de lois qui nous sont présentés, comme étant cette liberté d'action, mais plutôt comme une certaine forme de socialisme d'Etat et un semblant de fascisme.

Le rôle, au contraire, d'un gouvernement élu devrait être de fournir la responsabilité au peuple des résultats qu'il désire dans l'administration des affaires publiques, autant qu'il soit physiquement possible et moralement souhaitable. Sauvegarder le domaine intangible de la personne humaine et lui faciliter l'accomplissement de ses devoirs doit être le rôle essentiel du pouvoir public. Il faut toujours rappeler ce principe: la présence de l'Etat, dans le domaine économique, si vaste et pénétrante qu'elle soit, n'a pas pour but de réduire de plus en plus la sphère de l'initiative et de la liberté personnelle des particuliers.

Tout au contraire, elle a pour objet d'assurer, à ce champ d'action, la plus vaste ampleur possible grâce à la protection effective, pour tous et pour chacun, des droits essentiels de la personne humaine. Tout homme doit avoir la possibilité de choisir librement parmi les choses moralement bonnes. La sécurité économique ne doit pas être une entrave à l'exercice de cette liberté. Elle doit, au contraire, en favoriser l'expression entière.

La liberté est le propre de ceux qui ont reçu la raison et l'intelligence en partage. Et cette liberté, à en examiner la nature, consiste dans la faculté de choisir entre les moyens qui condui-

sent à une chose, en ce sens que celui qui a la faculté de choisir une chose entre plusieurs autres, celui-là seulement est maître de ses actes.

C'est pourquoi, M. le Président, considérant que la famille constitue la cellule vitale de la société et que le véritable but des activités économiques est d'assurer un vrai bien humain, des ressources nécessaires à la vie du foyer.

Considérant de plus, que tous les hommes ont un droit égal à utiliser les biens terrestres en ce qui concerne les besoins premiers et matériels de l'être humain, il convient que l'on ait pour rien le plus de choses possible.

Considérant que les fruits de la production actuelle, proviennent, pour une majeure partie, d'un capital social acculé depuis des générations et que les fruits de ce capital social devraient être distribués d'une façon sociale à tous et à chacun.

Considérant que la garantie d'un minimum vital permettrait de fournir ces besoins élémentaires de nourriture, de vêtement, de logement et que cette façon de procéder serait parfaitement réalisable aujourd'hui dans des conditions économiques où se trouvent la production et la capacité de production dans le Québec.

Considérant qu'avec l'avènement de l'automatisation, la cybernétique et la mise en application de techniques nouvelles de production, le travail productif de l'homme devient de moins en moins nécessaire et cède la place au travail des machines dans des usines de plus en plus automatisées.

Considérant que des économistes et des sociologues américains ont réclamé, aux Etats-Unis, dans une lettre ouverte, que la première condition pour éviter un désordre économique et social sans précédent dans l'état actuel de la production, qui libère le travail humain et ne réussit pas à le réemployer utilement consiste d'abord à assurer d'une façon non équivoque à chaque individu et à chaque famille un revenu minimum qui lui sera garanti comme un droit, c'est pourquoi, en présence de ces bills qui produisent, comme je l'ai dit tout à l'heure, ce gigantisme en présence de bills qui briment la liberté des individus, nous voterons contre ces bills qui sont, à mon sens, une forme de socialisme qui nous enchaîne petit à petit pour mieux nous étouffer psychologiquement parlant et financièrement agissant.

D'ailleurs c'est ce qui a produit dans le passé, une liberté enlevée petit à petit, de la part de nos gouvernements modernes.

DES VOIX: Vote.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce. M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): M. le Président, quelques mots seulement. Je ne voudrais pas prolonger le débat sur ce bill que le gouvernement estime extrêmement important, mais avant de débuter, je ne voudrais pas répéter ce que mes collègues de notre groupement politique ont dit, et je fais miennes les paroles des députés de Saint-Sauveur et de Mégantic.

On nous propose le bill 42, Loi du ministère des Affaires sociales, qui en quelque sorte favorise la fusion de deux importants ministères dans le gouvernement, soit le ministère de la Santé et le ministère de la Famille et du Bien-Etre social.

Le nom lui-même du projet de loi peut paraître extrêmement intéressant, peut paraître tout à fait alléchant, parce que, lorsqu'on parle d'affaires sociales, les gens sont portés à penser que c'est un projet de loi qui va contribuer à améliorer énormément leur sort et les conditions sociales de tous les milieux du Québec et de toutes les classes de la société.

Quant à la fusion, si on dit que ce grand objectif qu'annonce le ministère des Affaires sociales est de regrouper ces deux importants ministères, on pourra aussi bien prendre les mêmes arguments pour regrouper aussi dans un seul ministère toutes les affaires économiques et regrouper dans un autre ministère, les affaires politiques. On pourrait se retrouver ainsi, en vertu du même principe, avec trois grands ministères dans le gouvernement provincial, soit les ministères des Affaires sociales, des Affaires économiques et des Affaires politiques.

Or, M. le Président, le ministre des Finances nous a dit que cela allait favoriser la coordination. Il est toujours possible de la favoriser sans organiser la fusion, lorsqu'il y a de l'entente, qu'il y a de la collaboration entre les différents ministères.

Je ne vois pas en quoi cela peut améliorer le sort de ceux qui sont concernés par le ministère de la Santé et le sort de ceux qui peuvent être concernés par le ministère de la Famille et du Bien-Etre social. Si on veut parler de coordination dans le gouvernement — je ne fais pas plus de reproche au gouvernement actuel qu'aux gouvernements passés — je pense que, dans le gouvernement du Québec, nous n'avons pas tellement vu de politique globale qui aurait été justement une politique de coordination entre les différents ministères. Si on parle de politique de coordination, si on parle de politique d'efficacité, il est évident que la coordination, avec une politique globale, il est assez difficile de s'y reporter si on veut parler de la politique agricole, car elle est tout simplement absente. On pourrait dire la même chose en ce qui a trait à la politique commerciale du gouvernement. On pourrait dire aussi la même chose en ce qui a trait à la politique financière du gouvernement.

Il est évident qu'entre les différents secteurs de l'activité économique du Québec, entre les différents secteurs de l'administration du Québec, la coordination ne semble pas tellement

exister. Mais si le projet de loi avait pour effet d'assurer une meilleure coordination, nous disons, nous, qu'il n'était pas nécessaire de le présenter pour assurer une meilleure coordination entre les différents ministères.

M. le Président, je ne veux pas par mes paroles mettre en doute la capacité du ministre actuel. Mes collègues l'ont dit tout à l'heure: nous avons un ministre d'une grande compétence et nous savons le reconnaître. Mais nous savons qu'aujourd'hui il est ministre et que demain il y aura un autre ministre. Or, ce ministère a justement pour effet de regrouper un budget qui dépasserait cet année $1,350 millions. Avec le ministère de l'Education, les deux superministères à eux seuls administrent 75 p. c. du budget de la province de Québec, alors que les 22 autres ministères n'administrent que 25 p. c. du budget, soit à peine plus de 1 p. c. chacun.

Je pense que si on parle de coordination dans un sens, il y a certainement un déséquilibre très prononcé dans un autre sens. On pourrait tout simplement appeler cela du gigantisme. Je ne voudrais pas me faire prophète de malheur et je souhaiterais me tromper, mais autant le superministère de l'Education a pu perdre l'ancien gouvernement Lesage, autant le gouvernement actuel prend des chances énormes de se perdre par ce regroupement. Pourquoi? Parce qu'il est évident que l'administration de ce superministère avec ses énormes capitaux va être de plus en plus sous la responsabilité des fonctionnaires, ce qui veut dire que toute la sécurité sociale, toute la santé au Québec vont être administrées par des fonctionnaires. Nous reconnaissons leur compétence, mais nous savons aussi que les fonctionnaires ne sont pas responsables devant le peuple du Québec. Les fonctionnaires sont bien protégés par la Fonction publique et par un syndicalisme omniprésent.

Je dis en terminant, M. le Président, que sur le plan administratif, la fusion de ces ministères est plus que discutable, et que sur le plan social, c'est antisocial.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Camil Samson

M. SAMSON: M. le Président, nous reconnaissons dans la présentation des trois bills qui sont devant nous, évidemment, les bonnes intentions du ministre, les bonnes intentions des fonctionnaires qui ont préparé ces bills et également les bonnes intentions du gouvernement. Ceci dit, les bonnes intentions ne règlent tout de même pas les problèmes. Ce n'est pas seulement avec de bonnes intentions qu'on pourrait régler, par exemple, le problème du chômage. Ce n'est pas seulement avec de bonnes intentions qu'on pourrait régler le pro- blème de la pauvreté et le problème — qui se pose — du respect de la liberté des individus.

Il est bien évident qu'avec toutes les bonnes intentions du monde, on ne peut pas tout régler, car les bonnes intentions, à ce qu'on sache, n'ont jamais encore remplacé les bonnes actions. Quoique nous reconnaissions — nous l'avons dit avec plaisir, je le répète — la grande compétence du ministre actuel, je pense qu'il nous faut voir plus loin que ce qu'on nous présente aujourd'hui. Il nous faut voir pour les années à venir. Un gouvernement gouverne pour le présent, mais il doit aussi gouverner pour l'avenir.

Qu'est-ce que l'avenir peut nous réserver avec ce qu'on nous présente aujourd'hui, qui est en quelque sorte une espèce de "package deal" où on a trois projets de loi ensemble?

Si on adopte le premier, les deux autres le sont automatiquement. Si on n'adopte pas le premier, les deux autres ne valent rien. Or, on nous oblige à discuter de trois projets de loi en même temps. Evidemment, on voit dans le projet de loi numéro 42 les bonnes intentions du gouvernement qui nous présente ces projets de loi. On y lit, à l'article 3: "Le ministre doit plus particulièrement: "a) assurer la protection sociale des individus, des familles et des autres groupes." Nous sommes d'accord avec ça. "b) prendre les mesures requises pour assurer la protection de la santé publique"; également, on doit être d'accord avec ça. "c) voir à l'amélioration de l'état de santé des individus et du niveau de santé de la population". Il n'y a pas de problème à ce niveau-là. Nous sommes d'accord sur le fait qu'il nous faut faire ça.

Mais, c'est dans la façon de s'y prendre que, nous, nous avons un peu à redire, car ces projets de loi qui visent a regrouper des ministères en un seul ministère géant, un superministère, c'est évidemment de la centralisation. Je pense qu'aujourd'hui, tout en nous en tenant à l'essence même du projet de loi, nous devons quand même prendre pour exemple l'expérience du passé et celle de certains autres ministères qui ont essayé, à un certain moment ou à un autre, de faire de la centralisation. C'est comme ça, par exemple, qu'on a vu, dans le domaine de l'éducation, l'administration être centralisée de plus en plus. Plus on a centralisé l'administration, plus on a éloigné l'administration des parents, plus on a éloigné l'administration des individus, plus nous nous sommes créé de problèmes. Plus on s'éloigne du peuple, plus on assiste à des regroupements; à ce moment-là, le peuple se sent perdu à travers ces ministères géants ou ces administrations géantes, de sorte que c 'est bien évident que la population n'a pas le recours auquel elle aurait droit si on décentralisait.

Or, ce qu'on nous propose aujourd'hui, c'est le contraire de ce qu'on devrait nous proposer, c'est-à-dire qu'au lieu de nous proposer de centraliser tout ça on devrait plutôt nous proposer de le décentraliser pour le rapprocher

de la population. C'est ce qu'on ne fait pas. Evidemment, cela complique la situation. Cela complique la situation à un tel point qu'aujourd'hui, avec les budgets assez ronflants dont on doit se servir dans ces domaines de l'assistance sociale, par exemple, on en est rendu à se demander à quel moment on pourra modérer ces budgets, à quel moment on pourra peut-être faire en sorte que soit allégé le fardeau du contribuable, à un tel point qu'aujourd'hui le contribuable est très chargé; surtout avec ces centralisations, nous allons le charger encore plus. Nous allons créer des postes de contrôleurs, de vérificateurs. Les contrôleurs vérifieront les vérificateurs; les vérificateurs contrôleront les contrôleurs. C'est à peu près cela qui va se produire et, évidemment, on en arrive qu'on se perd dans cette machine, et, un jour ou l'autre, le contribuable aura son voyage et demandera qu'on allège ce fardeau. A ce moment-là, quelle solution nous apportera-t-on? On ne le sait pas. Quelles seront les suggestions? Peut-être que quelqu'un de ces centralisateurs nous proposera de taxer les assistés sociaux qui en retirent plus pour en donner aux assistés sociaux qui en retirent moins. Toutes les hypothèses sont bonnes.

Evidemment, avec cette centralisation, nous aurons — c'est déjà difficile aujourd'hui — de la difficulté à retrouver quelqu'un qui pourra prendre des décisions. Aujourd'hui, les ministères ne sont pas regroupés, et c'est déjà difficile. On nous transporte de l'un à l'autre. Il semble que plus on se transporte de l'un à l'autre, moins on trouve quelqu'un capable de prendre des décisions. On nous renvoie aux sous-ministres; on nous transporte d'une région à une autre, de l'administration provinciale à l'administration régionale. Tout ceci pour dire que, lorsque dans ce domaine particulier de l'assistance sociale où nous aurons à continuer à faire des demandes au ministère pour des personnes qui se sentent, à tous les jours, lésées dans leurs droits, eh bien, nous ne pourrons pas trouver ce centre de décision.

Nous nous retrouverons, comme c'est le cas aujourd'hui, devant des personnes qui viendront nous faire des plaintes, soit au bureau du député ou au bureau de certains ministres, pour nous dire de quelle façon on les reçoit. Pourquoi cela se produit-il comme cela aujourd'hui? Pourquoi les assistés sociaux ont-ils de la difficulté à être reçus? Pourquoi les assistés sociaux ont-ils de la difficulté à faire évaluer ce dont ils ont besoin? Tout simplement parce que, semble-t-il, personne ne peut prendre de décisions.

Evidemment, avec la mise en pratique d'un tel ministère, — ministère gigantesque ou superministère — on s'éloignera de plus en plus, on rendra de plus en plus la vie difficile aux citoyens, qui ne demandent pas mieux que de ne pas se servir de cette assistance sociale mais qui n'ont pas tellement le choix aujourd'hui, surtout avec le chômage qu'on nous annonce pour l'hiver qui vient.

Evidemment, dans la mise en pratique de ce superministère, nous reverrons peut-être un échantillon de ce que nous connaissons actuellement et de ce que nous avons connu dernièrement, par exemple, lors de la mise en marche du plan d'assurance-maladie. On a centralisé, avec ce plan d'assurance-maladie et les gens se plaignent. Pourquoi? Parce qu'ils se sentent perdus dans cette administration de plus en plus compliquée. Les médecins se sentent perdus, la population se sent perdue et les patients se sentent perdus. Le résultat est le suivant: tout le monde croit qu'il est lésé dans ses droits.

Je pense assurément que le ministre et le gouvernement sont de bonne foi et de bonne volonté. Je pense qu'ils ne voudraient pas que cela leur arrive. Pour ces raisons, nous leur demandons de réviser leurs positions. Nous leur demandons de réviser ce fait qui obligera un seul ministre à administrer presque 40 p. c. du budget, où un seul ministre aura les cordons de 40 p. c. de la bourse gouvernementale. Evidemment, si on crée un autre ou deux autres superministères, comme on nous l'a laissé entendre, cela voudrait dire qu'à deux ou trois ministres, ils auront à administrer la totalité du budget.

Je pense que c'est inconcevable. C'est inconcevable, parce qu'un gouvernement démocratique doit décentraliser pour donner des responsabilités et permettre à plus de personnes de participer à certaines décisions.

Evidemment, ce superministère nous amènera à cette grande centralisation et nous mettra devant le fait où ce seront les fonctionnaires qui prendront les décisions les plus importantes. Comme l'a dit mon collègue de Beauce tantôt si les décisions proviennent des fonctionnaires, quoique nous respections ces personnes, il demeure un fait établi, à savoir que ces gens n'ont pas besoin de venir devant le peuple, que ces gens n'ont pas à rendre compte de leur mandat. Si cela se fait au détriment des intérêts de la population, ils n'auront pas à en rendre compte, alors que les ministres doivent et devront un jour rendre compte de leur mandat devant le corps électoral.

C'est le genre de situation devant laquelle nous nous trouvons, M. le Président, en vertu du bill 43, avec le Conseil des affaires sociales. Le bill 43, prévoit un conseil d'étude; cela fait partie de la centralisation. Les conseils d'étude sont des conseils où les gens en profiteront pour étudier, pour déterminer, et c'est ce qui se fera, comme cela s'est fait dans le passé. On étudie, et plus on étudie, moins on trouve quelque chose. A quoi cela servira-t-il? En quelque sorte, cela servira à déterminer le pourcentage de pauvres ordinaires que nous avons et le pourcentage...

M. LEVESQUE: M. le Président...

M. SAMSON: ... de pauvres chroniques que nous avons, etc.

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. SAMSON: Alors, M. le Président...

M. LEVESQUE: J'invoque le règlement. Je m'excuse auprès du chef du Ralliement crédi-tiste de l'interrompre ainsi dans une envolée. Je voudrais simplement que, pour respecter le règlement, il nous confirme que le discours qu'il fait présentement sera considéré comme un discours qui couvre son opinion sur les trois lois auxquelles il réfère.

Autrement, je devrai m'opposer et lui demander de s'en tenir au projet de loi à l'étude.

M. SAMSON: M. le Président, je m'excuse auprès du leader parlementaire du gouvernement et je l'excuse aussi de m'avoir arrêté dans ce qu'il a appelé une envolée oratoire. Je l'excuse, parce que je pense qu'il m'est assez facile de recommencer. Si cela dérange trop le leader parlementaire, je l'invite à m'arrêter encore.

M. BOURASSA: II est en forme!

M.SAMSON: De toute façon, M. le Président, c'est ce qui nous arrivera. L'opinion que j'émets là, je pense que le leader parlementaire du gouvernement a parfaitement compris que c'est la mienne et, si on m'a élu, c'est, d'ailleurs, pour venir donner mon opinion ici.

Alors, comme je le disais tantôt, toutes ces choses, nous les savons par expérience. Actuellement, d'ailleurs, on n'a pas besoin d'aller tellement loin; ce n'est même pas regroupé encore et nous recevons des plaintes des citoyens contre le ministère, et contre les bureaux de bien-être social. Les gens qui ont un urgent besoin d'argent sont obligés d'attendre. Dans certains cas, des rendez-vous qui sont donnés pour le 15 ou le 16 décembre ont été pris la semaine dernière, alors que les gens ont un urgent besoin d'argent. Il est bien évident qu'on ne peut pas blâmer les travailleurs sociaux qui en ont par-dessus la tête. Quand même, si on centralise encore plus, si on éloigne encore plus le pouvoir de décision, on éloignera encore plus ces rendez-vous. A certains moments, nous avons demandé de faire ajouter les employés nécessaires, mais, malheureusement, les normes établies ne le permettent pas.

C'est écrit dans un de ces projets de lois, ici, qu'on devrait établir des normes encore, alors que celles que nous avons, nous le savons, ne sont pas faites pour la population; elles sont faites suivant l'ensemble. Or, dans les cas de bien-être social, on ne peut pas considérer l'ensemble, je pense. Il faut que chacun des cas soit considéré particulièrement, si nous voulons, tel que l'a dit l'honorable député de Bourget tantôt, humaniser le système. Comment voulez-vous, d'un côté, humaniser le système alors que, de l'autre côté, on établit des normes pour tout le monde et qu'on passe tous les gens dans le même trou ou dans le même carcan? A ce moment-là, on ne l'humanise pas, le système; on le déshumanise. C'est tout simplement ça, la différence.

M. le Président, en terminant, nous regrettons, mais, devant ces faits, devant les arguments qu'on nous a présentés, nous devrons maintenir nos positions. Malheureusement, pour le ministre que nous considérons beaucoup, c'est évident que nous devrons voter contre ce bill, lorsqu'on nous demandera de le faire tantôt. Sachez bien, cependant, que, lorsqu'on voudra nous proposer une version modifiée où l'on décentralisera et où l'on se rapprochera de plus en plus de la population, à ce moment-là, comme dans le passé, en voulant demeurer objectifs, nous serons d'accord. Pour le moment, nous ne le sommes pas.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cinq députés demandent le vote?

M. DUMONT: Un vote enregistré, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.

Que celle et ceux qui sont en faveur de cette motion de deuxième lecture veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Lévesque, Hardy, Castonguay, Madame Kirkland-Casgrain, MM. Tremblay (Bourassa), Parent, Quenneville, Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond, Saint-Pierre, Lacroix, Massé, Goldbloom, Vaillancourt, Mailloux, Houde (Fabre), Coiteux, Bienvenue, Théberge, Perreault, Brown, Blank, Saindon, Picard, Pearson, Leduc, Fraser, Fortier, Bacon, Berthiaume, Caron, Carpentier, Cornelier, Dionne, Faucher, Giasson, Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Lari-vière, Marchand, Ostiguy, Pépin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Veilleux.

MM. Bertrand, Paul, Boivin, Cloutier (Montmagny), Loubier, Gagnon, Gauthier, Simard.

MM. Laurin, Lessard.

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion de deuxième lecture veuillent bien se lever.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Samson, Dumont, Roy (Beauce), Béland, Drolet, Bois, Roy (Lévis), Brochu, Tétreault, Guay.

M. LE SECRETAIRE: Pour: 59, Contre: 10. Yeas: 59, Nays: 10.

M. LE PRESIDENT: La motion est adoptée. L'honorable premier ministre propose que je quitte maintenant le fauteuil et que cette Chambre se forme en comité. Cette motion est-elle adoptée?

Adopté.

M. PAUL: Adopté. M. LAURIN: Adopté.

M. HARDY (président du comité plénier): A l'ordre, messieurs! Article 1.

Comité plénier

M. CASTONGUAY: M. le Président, n'ayant pas pu parler au terme du débat en deuxième lecture, au moment où nous prenons l'article 1 j'aimerais faire de brefs commentaires, avec votre permission. Je voudrais simplement rappeler, à la suite du député de Montmagny et du député de Bourget, que le régime d'assistance médicale, qu'on a identifié comme étant l'origine ou la première mesure de rapprochement des deux mesures, alors que M. Lévesque était ministre de la Famille et du Bien-Etre, et M. Kierans, ministre de la Santé et avant qu'eux prennent action, j'avais présidé le comité qui a préparé ce régime.

Dans le temps, également, j'ai été associé aux premiers gestes posés en vue de l'intégration de ces deux ministères. J'aimerais relever également, très brièvement, un aspect de la question en ce qui a trait au danger d'une intégration trop rapide des deux ministères. Je voudrais rappeler qu'il y a également un danger à ne pas procéder suffisamment rapidement, étant donné l'incertitude que la venue imminente d'une telle intégration suscite, à un moment donné, chez les fonctionnaires du ministère. Autant, d'une part, on peut, pour diverses raisons, ne pas vouloir aller trop rapidement, d'autre part, il est nécessaire de procéder aussi avec une certaine diligence, pour autant, évidemment, que l'on assure que, dans les réaménagements, les fonctionnaires impliqués n'en souffrent pas injustement.

Je voudrais dire également un bref mot en ce qui a trait à la question de la démographie à laquelle a fait allusion le député de Montmagny. Je suis tout à fait conscient de la nécessité de ne pas confondre compilation de données statistiques et étude ou préoccupation au plan démographique. Simplement, si, à ce stade-ci, nous ne retrouvons rien d'identifié de façon précise en ce qui a trait à un institut, par exemple, d'études démographiques, c'est que nous avons au Québec, au sein des universités, divers projets.

Certains professeurs, des doyens de faculté, etc., à l'Université de Montréal ont mûri un projet de centre d'étude en politique sociale. Il en est de même à l'Université Laval, et à l'université McGill. L'Université du Québec également entend s'intéresser à des études qui touchent plus particulièrement le domaine de la rénovation urbaine et des problèmes sociaux qui y sont associés. Il y a également le rapport Henripin qui propose la création d'un institut d'études démographiques. Devant toutes ces initiatives, il me paraît nécessaire d'établir un certain consensus entre les diverses universités et d'assurer une certaine coordination entre les efforts qui sont faits au niveau du ministère par le Conseil des affaires sociales et de la famille. A cette fin, nous entendons étudier avec tous ces gens, tous les intéressés, les meilleures façons d'aborder le problème afin d'éviter un éparpillement des ressources qui sont extrêmement limitées, aussi bien au plan des chercheurs qu'au plan des crédits disponibles.

Mes derniers commentaires ont trait aux remarques qui ont été faites par les membres du Ralliement créditiste. On voit dans l'intégration de ces deux ministères — ce que l'on appelle une centralisation — un danger que la liberté des individus soit brimée, à partir d'un énoncé d'une doctrine de la liberté.

Je voudrais tout simplement faire mention du fait qu'en intégrant deux ministères qui sont déjà en place, en intégrant des services qui existent présentement, mais qui se dédoublent bien souvent, nous ne centralisons rien de plus et, comme je l'ai mentionné dans mes remarques, c'est notre intention, dans une étape subséquente, de régionaliser les structures du ministère et de permettre, dans cet effort de régionalisation, d'introduire dans toute la mesure du possible une représentation des usagers des services.

Comme l'a mentionné le ministre des Finances, le fait que le budget combiné des deux ministères est relativement élevé ne doit pas non plus être synonyme ou considéré comme étant synonyme de pouvoirs discrétionnaires. Les sommes qui sont affectées aux budgets des deux ministères doivent être dépensées à partir de lois qui sont précises; je pense par exemple aux allocations familiales et scolaires. Dans d'autres cas, lorsqu'il s'agit de programmes comme l'assurance-hospitalisation, c'est uniquement un véhicule pour transmettre des sommes à des hôpitaux qui, comme vous le savez, sont administrés par des corporations.

Lorsqu'on regarde l'utilisation de l'ensemble du budget des deux ministères, on se rend donc compte assez rapidement que la marge de latitude qu'a le ministre est relativement faible et que, de toute façon, il doit s'en tenir aux politiques qui sont celles du ministère et qui sont discutées lors de l'étude des crédits.

C'étaient ces quelques remarques que je voulais faire, M. le Président, à ce stade-ci.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, quelques brèves remarques également, étant donné que j'ai eu l'occasion, en deuxième

lecture, d'exprimer le point de vue de notre parti sur ce projet de loi qui fusionne les deux ministères. Je voudrais dire comme première remarque que le ministre de la Santé a raison quand il dit que déjà en 1965, au moment de la préparation de la Loi de l'assistance médicale... Etant donné qu'il était responsable des travaux du comité de recherche sur l'assurance-maladie il a présenté, si on se souvient bien, son rapport à la commission mixte des deux Chambres, le Conseil législatif et l'Assemblée législative qui formaient un comité pour étudier le rapport soumis par la commission d'enquête que présidait à ce moment-là M. Castonguay, qui est devenu, par la suite, le ministre.

Etant donné que, dans ce temps-là, il travaillait beaucoup plus dans l'ombre, comme fonctionnaire, évidemment nous avons omis de metionner ce fait. Mais, je crois qu'il est juste de dire qu'il a déjà, à ce moment-là, exprimé l'opinion que les deux titulaires des deux ministères, M. Lévesque et M. Kierans, devaient, dans cette législation précise de l'assistance médicale, travailler en étroite collaboration.

Je n'ai pas l'intention, moi non plus, de reprendre les propos qui ont été prononcés tantôt. Je n'ai pas à relever les propos du député de Bourget. Je crois qu'ils sont bien dans la ligne et dans l'esprit de cette législation. Je ne voudrais pas insister de façon exagérée non plus sur les propos du Ralliement créditis-te. Le ministre l'a fait il y a un instant.

Mais je voudrais revenir sur cette crainte qu'ont les députés créditistes, à ce moment-ci, au sujet de cette centralisation, c'est-à-dire cette fusion, cette intégration des deux ministères. Cela comporte en soi une contradiction. La contradiction serait celle-ci: c'est que s'il y a fusion, s'il y a intégration de deux ministères, il est impossible de rapprocher les services de la population. Les services seront rapprochés de la population par la régionalisation, la décentralisation. C'est une opération qui est bien engagée, qui est bien entreprise avec la Loi de l'aide sociale, du côté du ministère de la Famille et du Bien-Etre social. Il y a — on sait comment ça fonctionne — 80 bureaux locaux et régionaux qui, dans le territoire, vont servir la population en ce qui concerne l'aide sociale, si j'ai compris l'argumentation du ministre, cet après-midi, et lors des discussions à la commission parlementaire, lorsque nous avons étudié les crédits des deux ministères, au moment où j'avais demandé au ministre de la Santé et au ministre de la Famille et du Bien-Etre social d'expliciter sa politique, comment il concevait la politique de ses deux ministères. J'ai retenu, à la suite de ses déclarations, que non seulement la décentralisation se ferait aussi autour des bureaux régionaux et des bureaux locaux chargés d'appliquer la Loi de l'aide sociale, mais aussi autour des services sociaux qui, dans chacune des régions, seraient coordonnés avec l'action des bureaux régionaux; les unités sanitaires dans le domaine de la santé et les autres services de santé qui eux aussi seraient rattachés, travailleraient en étroite collaboration. D'ailleurs, c'était ce sens, cette orientation que nous avions donnée nous-mêmes à la décentralisation.

Je crois donc qu'il est exact de dire qu'il n'y a pas de contradiction entre les objectifs poursuivis par cette fusion des deux ministères à l'intérieur du bill 42, et la décentralisation des services, à condition que les deux opérations soient menées à bonne fin.

Evidemment, à ce moment-ci, on ne peut qu'exprimer un souhait et un voeu: c'est que cette orientation qui a été indiquée par l'ancien gouvernement, qui est poursuivie par le gouvernement actuel, se précise davantage dans l'avenir, qu'elle se traduise par des gestes concrets et qu'en définitive, cette fusion, cette intégration des services permette d'éviter un dédoublement non seulement à l'intérieur des deux ministères mais aussi facilite les contacts et évite certaines contradictions. On a déjà eu l'occasion, en cette Chambre, de dire combien, dans certains secteurs, particulièrement ceux des personnes âgées et de l'enfance inadaptée où, parfois, on se trouve dans des zones grises, il y a des possibilités non seulement de dédoublement mais de contradiction. Je crois que les craintes qu'ont exprimées les députés créditistes et qui les ont portés, je pense bien, à voter contre ce projet de loi, sont peut-être, à ce moment-ci, trop prononcées. Ils pourront porter un jugement, comme nous, de l'Opposition, nous pourrons porter un jugement et surveiller afin que les objectifs poursuivis par le projet de loi no 26, par le projet de loi no 42 et par la politique de décentralisation, atteignent véritablement ceux qui ont été fixés.

M. le Président, je ne sais pas si, ce soir, étant donné qu'il ne reste que trois minutes, on peut entrer... J'aurais voulu poser au ministre des Affaires sociales...

M. LEVESQUE: M. le Président, je suggérerais qu'on fasse rapport.

M. CLOUTIER (Montmagny): Ma première question — disons qu'il en prendra avis — serait pour lui parler de la structure du ministère, de l'organigramme, et de nous dire quelle sera la charpente de ce nouveau ministère. Ce sera la première question qui sera posée lors de la reprise du comité.

M. HARDY (président du comité plénier): M. le Président, le comité a procédé à l'étude du bill 42 et demande la permission de siéger à nouveau.

M. LAVOIE (Président): Quand siégera-t-il?

M. PAUL: Prochaine séance.

M. LE PRESIDENT: Prochaine séance.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre trois heures, demain après-midi.

M. LE PRESIDENT: La Chambre ajourne ses travaux jusqu'à demain après-midi, à trois heures.

(Fin de la séance: 21 h 59)

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