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(Quinze heures)
M. LE SECRETAIRE: A l'ordre, messieurs! Démission du
président, M. Gérard Lebel
M. LE SECRETAIRE: J'ai l'honneur d'informer la Chambre que j'ai
reçu de l'honorable Gérard Lebel, président de
l'Assemblée nationale, la lettre suivante:
«Le 23 décembre 1969. M. le Secrétaire
général: Ayant accepté, ce matin, de siéger
désormais au Conseil exécutif, je vous remets ma démission
comme président de l'Assemblée nationale.
« Vous voudrez bien en aviser les honorables membres
de l'Assemblée nationale à la plus proche opportunité. Je
vous remercie, M. le Secrétaire général, de votre
bienveillante attention et vous prie de me croire,
Votre tout dévoué,
Gérard Lebel.
« Me René Blondin, secrétaire
général, Assemblée nationale, Hôtel du Gouvernement,
Québec. »
En conséquence, j'ai l'honneur d'informer la Chambre
que la charge de président est vacante.
Election de M. Raynald Fréchette
M. Jean-Jacques Bertrand
M. BERTRAND: M. le Secrétaire, comme le veut la coutume, en
décembre dernier, lors du dernier remaniement ministériel, f ai
informé le chef de l'Opposition que fallals proposer, dès la
reprise des travaux parlementaires, la nomination de Me Raynald
Fréchette, député de Sherbrooke, comme président de
cette Assemblée.
Je m'en voudrais, M. le Secrétaire, de ne pas
remercier notre collègue qui est devenu ministre des Communications de
la tâche qu'il a abattue comme président de cette Chambre.
L'esprit d'objectivité, de travail et de discipline dont il a fait
preuve lui a mérité d'accéder à des fonctions
toutes nouvelles où nous pourrons mettre à contribution son
talent.
Cette Chambre, d'ailleurs, avait pu apprécier le
jugement et la serviabilité du député de
Rivière-du-Loup. Il agira, dorénavant, comme leader parlementaire
adjoint et secondera notre collègue, le ministre de la Justice,
étant donné que notre doyen, le député de
Champlain, a demandé et c'est bien à regret que je l'ai
accepté d'être relevé de ses fonctions de leader
parlementaire.
Le député de Sherbrooke, que je propose
à l'Assemblée, est non moins bien préparé que son
prédécesseur. Comme lui, il est jeune; il a 36 ans. Il n'a pas
moins montré une assiduité au travail parlementaire vraiment
digne de mention. Le député de Sherbrooke est l'aîné
de la famille de cinq enfants d'un brave mineur d'Asbestos. Il a fait ses
études classiques et universitaires â Sherbrooke où il a
été admis au Barreau en 1961. Durant ses études, il
manifesta déjà des qualités de chef et d'orateur.Il a
été successivement président de sa promotion au
séminaire de Sherbrooke, président de la faculté de droit
de l'université de Sherbrooke et président de l'Association
générale des étudiants. Il a de plus remporté le
trophée Villeneuve, enjeu de débats oratoires entre les
universités de langue française.
Durant les années qui ont suivi, aussi bien comme
membre d'associations locales que comme spécialiste en droit criminel,
il s'est surtout signalé par son souci constant de servir le public et
de secourir les infortunés.IL a participé aux cours
organisés par la CSN dans les paroisses de Sherbrooke et des environs
sur l'assainissement des finances familiales.Il a donné des
conférences sur la délinquance juvénile. Il a
été le président fondateur de la Société de
criminologie de Sherbrooke et il a, cette année, enseigné le
droit criminel â la faculté de droit de l'Université de
Sherbrooke.
Depuis qu'il a été élu, en 1966, le
député de Sherbrooke s'est fait un point d'honneur de suivre de
près les travaux parlementaires. En septembre 1967, le président
de l'Assemblée nationale, qu'on appelait alors l'orateur, l'a choisi,
avec trois autres députés, pour représenter la Chambre au
congrès de l'Association des parlementaires du Commonwealth, tenu
à Frédéricton au Nouveau-Brunswick. Huit mois plus tard,
le gouvernement du Québec le déléguait au congrès
de l'Organisation internationale du travail. Comme président du
comité plénier, depuis octobre 1968, 11 a montré, durant
l'étude détaillée des projets de loi, un tact, une
patience et un sens de l'équité qui augurent bien de son
règne au fauteuil présidentiel.
Je lui demande, comme je l'ai fait à son
prédécesseur, de ne pas hésiter à être
toujours et partout le gardien des libertés de cette Chambre, surtout de
la liberté d'expression que la jeunesse d'aujourd'hui tient en si haute
estime, sans oublier, cependant, que l'ordre et le décorum doivent
être de rigueur dans une assemblée comme la nôtre où
se joue souvent l'avenir de la collectivité québécoise et
où, de
plus en plus, grâce aux moyens modernes de
communication, se tournent les yeux d'un public de plus en plus instruit, de
mieux en mieux formé. Que nos travaux se déroulent avec
célérité et efficacité, tous le souhaitent et tous
peuvent y concourir en améliorant nos procédures et en aidant le
président à remplir son rôle.
J'ai donc l'honneur, M. le Secrétaire, de proposer
que Me Raynald Fréchette, député de Sherbrooke, soit
élu président de notre Assemblée nationale du
Québec et qu'il occupe, dès maintenant, le fauteuil
présidentiel.
M. BOURASSA: Vous serez plus à l'aise pour applaudir, dans
quelques mois, de ce côté-ci.
M. BERTRAND: On voulait vous montrer que vous aviez besoin d'appui.
M. Robert Bourassa
M. BOURASSA: M. le Président, sans la moindre hésitation
j'appuie la proposition du premier ministre. J'admets bien volontiers que la
tâche ne sera pas facile pour le nouveau président. Il remplace,
d'abord, un président qui a fait son travail de façon excellente,
le député de Rivière-du-Loup. Au surplus, il devra diriger
les travaux de la Chambre dans une période délicate, dans une
période difficile qui précède les prochaines
élections. Je ne doute pas qu'il saura manifester de la
pondération, de l'impartialité, et qu'il n'hésitera pas,
au besoin, à rappeler à l'ordre les membres de son propre parti
pour que les travaux de la Chambre s'exécutent dans la meilleure
atmosphère possible.
La seule remarque que je pourrais ajouter, c'est que le
président, député de Sherbrooke, n'aura pas l'occasion
d'exercer son métier ou sa profession tellement longtemps, puisque les
élections auront lieu dans quelques mois, donnant le pouvoir au Parti
libéral.
De toute manière, son expérience
passée est garante du travail qu'il saura exercer au cours des prochains
mois. Alors, j'appuie sans réserve et avec plaisir la proposition du
premier ministre et, au nom du leader parlementaire et de tous les membres du
caucus libéral, j'assure le nouveau président de toute notre
coopération.
M. LE SECRETAIRE: J'ai l'honneur de proclamer M. Raynald
Fréchette, député du district électoral de
Sherbrooke, élu président de la Chambre à
l'unanimité.
M. Raynald Fréchette
M. FRECHETTE (président): Madame, messieurs, me sera-t-il permis,
en tout premier lieu, de présenter mes remerciements bien sentis
à l'endroit du premier ministre pour la proposition qu'il vient de
formuler, proposition qui m'amène à la présidence de cette
assemblée. C'est avec beaucoup de plaisir également que je
présente mes remerciements au chef de l'Opposition qui a appuyé
la motion du premier ministre.
Le chef de l'Opposition et celui qui vous parle ont quelque
chose en commun, c'est l'âge. Je me permets d'espérer que cette
situation nous fera nous bien comprendre l'un et l'autre et nous permettra de
nous tirer des impasses qui pourront se présenter tout au cours des
travaux de la Chambre.
Je m'en voudrais de ne pas dire toute ma reconnaissance
à tous les membres de la Chambre qui ont unanimement accepté le
choix du proposeur et du secondeur de la motion.
Je sais fort bien que la fonction qui m'incombe comporte
des honneurs. D'autre part, elle m'impose de grandes
responsabilités.
Je n'ai pas d'hésitation à déclarer
que je me sens peu qualifié pour accomplir adéquatement la
tâche, surtout quand je considère qu'il y a devant moi, à
ma droite et â ma gauche, des procéduriers et des parlementaires
possédant une longue expérience et une connaissance approfondie
de nos règlements. Je compte donc sur la collaboration de tous pour
m'aider à mener à bien les travaux que nous entreprenons
aujourd'hui.
Je me propose, avec l'aide des officiers de
l'Assemblée nationale, de tenter de marquer nos travaux au coin de
l'efficacité tout en ne perdant jamais de vue que la Chambre jouit de
droits et privilèges que je défendrai toujours jalousement, et
cela au meilleur de ma connaissance.
Madame et messieurs, je demande à l'Esprit-Saint de
m'éclairer et de m'aider à bien remplir fidèlement les
devoirs de ma charge.
La Chambre suspend ses travaux à
loisir.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Madame, Messieurs, à l'ordre!
L'honorable lieutenant-gouverneur va faire son
entrée, veuillez vous lever.
Discours inaugural
M. LE LIEUTENANT-GOUVERNEUR: Madame et Messieurs de l'Assemblée
nationale. Madam and Gentlemen of the National Assembly.
En ouvrant cette cinquième session de la 28e
Législature, le gouvernement désire manifester de nouveau sa
ferme intention de continuer à placer les travaux parlementaires sous le
signe de
l'action et de l'efficacité. Déjà,
l'an dernier, le discours inaugural a changé de ton et de
caractère. On ne saurait arrêter d'avance le programme d'une
session entière à une époque où l'Assemblée
nationale doit être en tout temps au service du Québec et
où l'élaboration des lois exige une participation croissante et
continue des commissions parlementaires et du public.
Il faut par contre aux législateurs, pour bien
orienter leur travail, autre chose que des indications vagues sur les mesures
qu'ils auront à étudier. Le gouvernement déposera sans
délai les textes même des divers projets de loi qu'il est
actuellement prêt à leur soumettre.
Since the last session, when you broke with an outmoded
formalism, you have been undertaking to free our parliamentary system of
certain customs which no longer suit today's aspirations and needs. With the
cooperation of all, it is hoped that you may speed this process and maintain
Quebec's position in the fo refront of parliamentary reform.
Le gouvernement est d'avis que l'inflation verbale et
l'abus des subtilités procédurières seraient
particulièrement déplacés dans la période que nous
traversons, où chaque dollar prélevé des contribuables
doit être utilisé avec un maximum de rendement.
Without prejudice to what might be done at the opening of a
new Legislature, it has seemed fitting this year to further simplify the
ceremonies which mark the opening of the session.
Nécessitées par des conditions qui ne sont
pas particulières â notre province ni même à notre
pays, les mesures d'austérité auxquelles nous collaborons
volontiers ne doivent entamer en rien notre foi en l'avenir du Québec et
de la collectivité québécoise.
Aucun objectif, si ambitieux soit-il, ne nous est
inaccessible, si nous savons cultiver les vertus d'optimisme et de
solidarité qui font les peuples économiquement forts.
Madame, messieurs de l'Assemblée nationale, je prie
Dieu de vous éclairer dans vos travaux et de répandre ses
bénédictions sur le Québec et tous ceux qui
l'habitent.
Madam and Gentlemen of the National Assembly, I pray God to
enlighten your deliberations and to bestow his blessings on Quebec and all who
live here.
Loi modifiant la loi électorale 1re
lecture
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): A l'ordre! L'honorable premier
ministre propose la première lecture d'une loi intitulée Loi
modifiant la loi électorale.
M. BERTRAND: M. le Président, il paraît qu'il s'agit d'un
projet de loi bien à propos au cours de l'année 1970.
Quelques amendements suggérés à la loi
sont les résultats des recommandations du président
général des élections, d'autres d'un débat que nous
avons eu en Chambre l'an dernier. Etant donné qu'il s'agit d'un projet
de loi où nous pourrions l'étudier d'une manière plus
approfondie en commission, je suggérerais que, dès sa
première lecture, il soit renvoyé à la commission de
l'Assemblée nationale.
M. LAPORTE: M. le Président, est-ce que je peux suggérer
au premier ministre que nous ayons au moins pris connaissance de ce projet de
loi avant de prendre une décision? Il y a peut-être des gens qui
voudraient faire un débat en deuxième lecture avant qu'il ne soit
renvoyé. Le premier ministre...
M. BERTRAND: Non, le renvoyer après la première
lecture...
M. LAPORTE: Après la première, mais...
M. BERTRAND: ... à la commission de l'Assemblée
nationale.
M. LAPORTE: M. le Président,...
M. BERTRAND: Je n'ai pas d'objection.
M. LAPORTE: ... comme c'est une procédure qui est je ne dirais
pas anormale mais insolite, j'aimerais mieux que nous voyions le texte du
projet de loi avant de prendre une décision.
M. BERTRAND: Admis. Je voulais tout simplement indiquer par là
qu'on aura d'autres recommandations, d'autres suggestions à faire;
surtout quand on examine les modalités d'un projet, il ne s'agit pas
tant de questions de principes que de questions de modalités.
UNE VOIX: Est-ce qu'il est imprimé?
M. LAPORTE: Est-ce qu'il est prêt à être
distribué?
M. BERTRAND: Oui, le projet de loi va être distribué sans
délai.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que la motion de première lecture est
adoptée? Adopté.
M. LE SECRETAIRE: Première lecture de ce bill. First reading of
this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à une prochaine
séance ou à une séance subséquente.
Numéro 7.
L'honorable premier ministre propose la prise en considération du
discours inaugural.
Débat sur le discours inaugural M. Jean-Jacques Bertrand
M. BERTRAND: M. le Président, mes premiers mots seront pour
réitérer à mon collègue, le ministre de la Voirie,
l'expression de notre plus profonde sympathie dans le deuil si tragique et si
cruel qui l'afflige, lui et tous les membres de sa famille.
Mme Lafontaine était bien connue de tous. Elle était
admirée et aimée de tous. Je réitère donc, au nom
de la Chambre, j'en suis sur, à notre collègue et à la
population du comté de Labelle, nos plus profondes
condoléances.
M. le Président, avec la collaboration des députés
qui siègent à votre gauche, nous avons, cette année
encore, bousculé pas mal de traditions. Je n'en éprouve,
personnellement, aucun regret mais il est un usage que, pour ma part, Je
maintiendrai avec infiniment de plaisir, celui qui consiste à profiter
de ce premier grand débat pour vous offrir nos hommages et nos
voeux.
Vous saurez, je n'en doute pas, conduire les délibérations
de cette Chambre avec beaucoup de compétence et
d'objectivité.
On sait qu'il faut parfois une adresse et une autorité peu
communes pour induire les Latins que nous sommes â maîtriser leurs
impulsions. Voilà justement pourquoi la Chambre vient tout juste de vous
choisir à l'unanimité.
En ce qui me concerne, j'entends faire tout mon possible pour ne pas
alourdir votre tâche. N'hésitez pas â me rappeler à
l'ordre si je m'écarte d'un règlement devant lequel nous sommes
tous égaux.
D'après une coutume antique et solennelle, je devrais, à
ce moment-ci, féliciter le proposeur et le secondeur de l'adresse. Mais
nous nous sommes entendus, d'un côté et de l'autre, pour supprimer
ces deux discours traditionnellement consacrés à l'apologie du
gouvernement. Avant même qu'une décision ne soit prise à ce
sujet par la commission concernée, j'avais eu soin de communiquer avec
le nouveau chef de l'Opposi- tion, qui était, à ce
moment-là, dans l'euphorie d'un repos bien mérité. Ne
croyez-vous pas, lui ai-je dit, que ces louanges officielles sont aujourd'hui
superflues? Pourquoi deux discours pour redire une chose que tout le monde
sait, soit que nous avons un bon gouvernement? Le chef de l'Opposition m'a
répondu qu'il était tout à fait d'accord, ce dont j'avais
hâte de le remercier publiquement, tout en lui réitérant
mes sincères félicitations pour son élection
récente à la tête de son parti.
Je pense qu'il y a un certain nombre de choses sur lesquelles lui et moi
n'aurons pas trop de difficulté à nous entendre. Certains en
concluront que les deux vieux partis n'en font qu'un, mais je proteste d'avance
contre cette affirmation, car il y a des problèmes, parmi les plus
vitaux de l'heure, sur lesquels j'ai bien peur que nous nous entendions fort
mal. Mais je reviendrai là-dessus dans une autre partie de mon
discours.
Pour l'instant, puisque j'en suis à saluer l'accession du
député de Mercier à son nouveau poste, je
préfère évoquer d'abord ce qui nous rapproche.
Après tout, nous sommes tous des Québécois en cette
Chambre. Nous ne sommes pas devenus des ennemis du fait que certains
siègent à droite et d'autres à gauche. Et il ne me
paraît pas possible que tout le bien se trouve d'un côté et
tout le mal de l'autre.
De plus, je n'ai pas le droit de présumer que nos amis d'en face
ne recherchent pas le bien du Québec aussi sincèrement que nous
le recherchons nous-mêmes. H serait donc étonnant que nous
n'arrivions pas à nous rejoindre au moins sur certains objectifs
à poursuivre, sinon sur les moyens de les atteindre.
Je pense que la réforme parlementaire est l'un de ces objectifs
vers lesquels convergent tous les partis à l'heure actuelle. Et pour
cause. Dans un monde qui change de bases et où tant d'institutions ont
besoin d'être repensées, le parlementarisme ne survivra
qu'à la condition de savoir s'adapter, de savoir répondre
victorieusement aux défis des temps nouveaux.
Hâtons-nous donc de le débarrasser de ce rituel encombrant
et poussiéreux qui pouvait avoir une signification en d'autres temps et
en d'autres lieux, mais qui n'a plus aucun rapport avec les
réalités du Québec de 1970. Hâtons-nous d'en faire
un outil moderne, pratique et fonctionnel. Quand il aura été
allégé de tous ces oripeaux, quand il aura appris à
fonctionner au même rythme que la société dont il est
l'instrument politique, il aura alors de bien meilleures chances d'être
perçu par les jeunes pour ce qu'il est en réalité, soit
l'une des inventions les plus
merveilleuses du génie humain. Car, n'oublions pas
que notre parlementarisme porte en lui-même le ferment d'une
résolution permanente. Bien loin d'exclure la contestation, il
l'institutionnalise. Qu'est-ce que l'Opposition, sinon la contestation
implantée à demeure â l'intérieur même du
système et protégée par tout un ensemble de règles
et de traditions contre les abus possibles de la majorité?
Par ailleurs, cette Opposition pourrait être
tentée de se livrer à une critique stérile et anarchique,
si elle ne partageait pas, d'une certaine façon, les
responsabilités du pouvoir. Mais, 11 se trouve justement qu'elle ne peut
pas se contenter de critiquer. Ce n'est là que la partie négative
de son rôle. Elle doit surtout offrir des alternatives, proposer des
solutions de rechange et se préparer à prendre la relève,
le cas échéant.
Je comprends que le député de Mercier et les
membres de son équipe ont encore un long chemin à parcourir avant
de posséder l'expérience et la maturité nécessaires
pour constituer une alternative valable au gouvernement actuel. Mais, qu'ils ne
s'inquiètent pas outre mesure: il n'y a aucune urgence en la
matière et le peuple, j'en suis convaincu, verra à ce qu'ils
puissent prolonger leur apprentissage aussi longtemps qu'il le faudra.
En attendant, M. le Président, je souhaite que, sous
la direction de...
M. CADIEUX: Vous n'avez pas l'air convaincu!
M. BERTRAND: ... son nouveau chef, l'Opposition soit pour le
gouvernement actuel, non pas un frein, mais un aiguillon. Je souhaite que son
action n'ait pas pour effet de ralentir, mais de stimuler l'élan de la
communauté québécoise.
Dans le domaine de la réforme parlementaire, il est
clair que nous avons encore un long chemin à parcourir.
Nous avons fait disparaître pas mal de folklore, ce
qui en a réjoui beaucoup et attristé quelques-uns, je dois le
dire. H y a des gens, il faut les comprendre, qui sont attachés à
toutes ces coutumes, des gens qui ne voudraient même pas que l'on ose
appeler cela du folklore.
Pour moi, c'est bel et bien du folklore, et ces
résistances n'empêcheront pas une évolution
nécessaire; mais, elle montrent le danger de changements trop brusques,
auxquels l'opinion n'aurait pas été suffisamment
préparée. Mieux vaut ne pas brûler les étapes, si
l'on veut avancer sûrement.
Sur la foi de je ne sais quelle rumeur, des gens se sont
imaginé que j'allais, aujourd'hui, à l'exemple de ce qui se passe
aux Etats-Unis, prononcer en ce moment ce qu'ils ont appelé un «
discours sur l'état de la nation ». Le plus drôle, c'est que
le député de Laurier l'a cru.
Au lieu de prendre cette rumeur au sérieux et de
partir en guerre avec les épithêtes les plus tranchantes entre les
dents, il aurait dû se contenter d'en rire.
Ceux qui me connaissent savent que je n'ai ni la manie de
vouloir imiter les Américains, ni celle de me prendre pour ce que je ne
suis pas. Je me contente d'être modestement ce que je suis,
c'est-à-dire un chef de gouvernement qui n'a pas le droit d'oublier
qu'il est aussi un chef de parti parce qu'il sait très bien que ses
adversaires, eux, ne l'oublieront pas. Je ne saurais oublier davantage que j'ai
des comptes à rendre à la Chambre et que j'en aurai très
bientôt à rendre au peuple.
Si l'Opposition veut bien nous seconder, nous sommes
prêts à aller de plus en plus loin et de plus en plus vite dans la
voie de la réforme parlementaire. Mais c'est un domaine où nous
ne pouvons progresser vraiment qu'avec l'accord et le concours de tous les
députés.
Nous accueillerons donc avec beaucoup
d'intérêt les suggestions que l'on voudra nous faire pour
accélérer cette réforme et la pousser en profondeur. Par
ailleurs, le gouvernement ne saurait revendiquer pour lui seul tout le
crédit de ce qui se fait de bien en cette matière. Il en
partagera volontiers le mérite avec toute la Chambre.
Je suis heureux de constater que les préoccupations
de l'Opposition officielle se rapprochent également des nôtres
dans le secteur aujourd'hui primordial du développement
économique.
Le discours inaugural de la dernière session
accordait justement une très haute priorité aux mesures
susceptibles de stimuler les investissements, de faciliter l'intégration
de nos jeunes diplômés au marché du travail et de tonifier
l'économie des régions les moins favorisées. Voilà
encore un domaine où le gouvernement actuel a conscience d'avoir
beaucoup travaillé, non pas seul encore une fois, mais avec la
coopération indispensable des chefs d'entreprises, des administrateurs
de capitaux et des autres agents de l'économie.
Il nous fallait d'abord poursuivre ce qui avait
été entrepris de valable avant 1966. Car dans le domaine
économique comme dans tous les autres, ce n'est pas la méthode du
gouvernement actuel de tout jeter par terre, le bon avec le mauvais, pour
recommencer à zéro. Mieux vaut partir de ce qui existe et le
compléter, l'enrichir, le parfaire graduellement en y apportant
les adaptations nécessitées par les temps nouveaux.
Il y a malheureusement des cas où il fallait bien partir à
zéro puisqu'il n'existait rien de tangible. Prenez l'exemple de ESdbec,
M. le Président. Pendant des années, nos amis de l'autre
côté en avaient fait l'un des thèmes majeurs de leurs
discours. A les entendre, c'était la trouvaille économique du
siècle. Mais qu'ont-ils laissé en partant? Des projets, des
études et de la paperasse. Tous leurs beaux discours n'avaient produit
qu'une sidérurgie de papier!
Aujourd'hui, nous avons en Sidbec une entreprise qui reste
proportionnée à nos moyens actuels, mais qui fonctionne; qui
fonctionne même très bien puisqu'en 1969, elle a ouvré
540,000 tonnes d'acier et terminé l'année avec un profit de plus
d'un million de dollars.
Il s'agit maintenant d'agrandir et de compléter
graduellement...
M. CADIEUX: C'était bien préparé !
M. BERTRAND: ... les installations actuelles. D'après les
précisions fournies ces jours derniers par le président, M.
Jean-Paul Gignac, une sidérurgie entièrement
intégrée existera en 1973. Elle aura créé entre
1,000 et 1,500 nouveaux emplois et entraînera dans son sillage beaucoup
d'industries secondaires; elle réalisera alors des profits de $10
à $15 millions par année. Tels sont les résultats que l'on
obtient quand, au lieu de toujours parler d'économie, on se met à
en faire d'une manière réaliste.
Nos amis de l'Opposition se sont aussi beaucoup glorifiés d'avoir
lancé la Société générale de financement. En
fait, c'était une excellente initiative à laquelle tous les
partis ont concouru, puisque la loi a été adoptée à
l'unanimité.
Mais, encore là, que d'inflation verbale! Dans la loi d'abord,
qui parlait d'un capital de $150 millions, et plus encore dans les discours qui
faisaient se multiplier, comme par enchantement, les nouvelles industries et
les nouveaux emplois. En fait, sur un budget annuel de plus de $2 milliards,
l'ancien gouvernement n'a trouvé que $5 millions à investir dans
la Société générale de financement.
Soyons réalistes. Comment voulez-vous multiplier les industries
et les emplois avec $5 millions?
Le gouvernement actuel a triplé les engagements de l'Etat dans la
SGF et il entend faire encore davantage dans un proche avenir. Avec les
investissements des caisses populaires et les capitaux qu'elle a pu recueillir
d'autres sources, l'entreprise dispose présentement d'un actif de $50
millions. C'est un début prometteur, et j'ai pleinement confiance en
l'avenir de la SGF.
Cependant, même avec $50 millions, serait-il réaliste de
prétendre qu'on pourrait changer miraculeusement la face du
Québec? Je dis non. Il en faut bien davantage pour transformer
l'économie d'un territoire. C'est par dizaines et par centaines qu'il va
falloir multiplier, dans tout le Québec, les entreprises de toute taille
et de toute nature.
Voilà pourquoi, après avoir consolidé ce qui avait
été entrepris avant nous, nous avons voulu offrir aux industries
susceptibles de s'implanter ou de s'agrandir au Québec des avantages qui
ne leur avaient jamais été accordés auparavant, soit sous
forme de prêts, soit sous forme de stimulants fiscaux ou de primes
à l'investissement, soit encore sous forme d'aide à
l'implantation d'industries de pointe.
C'est cette gamme extrêmement variée d'Incitations
nouvelles qui a fait dire à M. Arthur Smith, président du Conseil
économique du Canada, que « le Québec, après avoir
accusé du retard, est en voie de se donner l'un des programmes
d'expansion industrielle les mieux articulés et les plus complets de
toutes les provinces canadiennes ».
Pour être juste, je tiens à ajouter ici que, par son
ministère de l'Expansion économique régionale, le
gouvernement d'Ottawa nous donne, dans le domaine de la promotion industrielle,
un appui vigoureux et hautement apprécié.
Toujours dans le but de stimuler la croissance de notre économie,
nous avons doté le Québec de plusieurs instruments nouveaux,
comme l'Office du crédit industriel, le ministère des
Institutions financières, compagnies et coopératives, l'Office de
l'habitation du Québec, la Société
québécoise d'initiatives pétrolières, le Centre de
recherche industrielle, qui consacrera $20 millions, en cinq ans, à la
mise au point de nouvelles méthodes de fabrication et de nouveaux
produits, l'Institut national de recherche et l'Office de planification et de
développement du Québec, sans oublier, bien entendu, le Conseil
général de l'industrie qui assure une coopération plus
étroite que jamais entre ces deux partenaires que sont l'Etat et
l'entreprise privée.
Nous avons augmenté très substantiellement les budgets des
divers ministères â vocation économique. Avec
l'autorisation du gouvernement, l'Hydro-Québec est à
ériger, près de Boucherville, des laboratoires de recherche qui
seront les plus avancés du genre dans toute l'Amérique du
Nord.
Nous avons ouvert de nouveaux bureaux du Québec à Chicago,
Dallas, Boston et Los Angeles
et nous en ouvrirons bientôt un autre â Dussel-dorf, en
Allemagne de l'Ouest. Quoi qu'en disent les tenants d'une démagogie
facile, c'est là un investissement des plus profitables, surtout quand
nous avons la bonne fortune d'avoir, pour diriger notre agence
générale de New York et nos campagnes de promotion aux
Etats-Unis, un homme aussi prestigieux que le général Allard.
Les techniques les plus modernes de publicité ont
été mises en oeuvre pour populariser les produits du
Québec sur nos propres marchés et stimuler du même coup la
création de nouveaux emplois. Nous avons fait aussi notre large part
pour assurer la survivance de Terre des Hommes, qui vaut bien des industries
par le nombre d'emplois qu'elle procure et par l'activité
économique qu'elle alimente.
M. le Président, Je pourrais allonger encore cette
énumération. Je pourrais parler, par exemple, de l'impact
économique des sommes dépensées pour l'éducation.
Je pourrais parler également de ce que font, pour parfaire l'outillage
économique de la population québécoise, des
ministères comme ceux de la Voirie et des Travaux publics.
Prenez la région de Québec: jamais elle n'a connu un
élan comparable à celui qui est en train de la transformer de
fond en comble. Cet essor n'est pas dû au seul gouvernement provincial.
L'entreprise privée y contribue énormément par des
réalisations comme celle de la raffinerie de Saint-Romuald, au
coût de $70 millions. Le gouvernement fédéral y participe
également par les travaux du port et de la rivière Saint-Charles.
Mais je me flatte de croire que c'est l'Etat québécois qui a
déclenché le mouvement par les énormes travaux du pont
Frontenac et de la cité parlementaire, auxquels s'en ajoutent bien
d'autres, comme la construction de plusieurs nouveaux boulevards, du complexe
scientifique de Sainte-Foy et de plusieurs autres édifices, sans compter
les investissements très considérables de
l'Hydro-Québec.
Nous avions promis qu'après le « boom » de l'Expo
à Montréal, ce serait le tour de la ville et de la région
de Québec. Je pense que nous avons tenu parole.
En résumé, je suis convaincu qu'aucun gouvernement n'avait
fait autant que le nôtre pour stimuler la croissance économique du
Québec; et qu'aucun gouvernement n'aurait pu faire mieux que le
nôtre en ces dernières années, compte tenu des moyens dont
nous disposions.
Le chef de l'Opposition dira que nous n'avons pas fait de miracle et
j'en conviens.Il y a encore trop de chômage au Québec; il y a
encore trop de régions qui souffrent de sous-dévelop- pement et
d'anémie économique. La plupart des mesures dont j'ai
parlé ne produiront d'ailleurs leurs pleins résultats qu'au cours
des années qui viennent.
Cependant, bien des indices montrent que nous sommes sur la bonne voie.
Pendant qu'en d'autres parties de l'Amérique du Nord, l'activité
économique tend à se ralentir dangereusement, on peut
déjà percevoir au Québec les signes d'un rebondissement
qui pourrait être spectaculaire.
Je sais que les économistes ne sont pas tous du même avis
là-dessus. Certains semblent croire que le Québec aura toujours
un taux de chômage excessivement élevé. D'autres
soutiennent au contraire qu'avant dix ans, nous commencerons à manquer
de main-d'oeuvre.Il ne faut pas trop s'étonner de ces divergences de
vues, qui n'existent pas seulement chez les avocats.
Ainsi, il y a un économiste en face de nous qui voit les choses
d'une certaine façon puisqu'il est chef du Parti libéral; il y en
a un autre, avec des diplômes non moins reluisants, qui vient de se
ranger avec les péquistes parce qu'il a des vues diamétralement
opposées à celles du chef de l'Opposition.
La vérité économique, comme la vérité
politique, se trouve habituellement entre les extrêmes,
c'est-à-dire entre M. Parizeau et le chef de l'Opposition. Elle
réside dans des solutions de synthèse, de bon sens et
d'équilibre qui sont celles du gouvernement actuel.
Même s'il y a toujours eu plus de chômage au Québec
qu'en certaines autres provinces et même si les pays politiquement
indépendants, comme le Canada, n'en subissent pas moins les
retombées économiques de ce qui se passe ailleurs, le
gouvernement croit qu'il n'y a pas lieu d'être fataliste, que les
Québécois seront toujours les premiers artisans de leurs
réussites et que, s'ils savent unir leurs efforts, avec cet
entêtement magnifique qui leur a si bien servi dans le passé, ils
peuvent relever victorieusement les défis de l'ère technologique
comme ils ont su relever tous les autres défis de leur histoire.
C'est pourquoi, même si nous avons conscience d'avoir
déjà fait beaucoup pour accélérer la croissance
économique du Québec, nous sommes bien déterminés
à faire encore davantage au cours des quatre ou cinq prochaines
années.
Nous avons, dans la fonction publique et dans nos divers organismes
gouvernementaux, d'excellentes équipes d'économistes qui
travaillent très fort, en étroite collaboration avec des
spécialistes d'autres disciplines, pour mettre au point et appliquer les
politiques les plus propres à encourager les investissements, à
multiplier
les emplois et à réduire aussi vite que possible les zones
de pauvreté et de sous-développement.
Nous avons des planificateurs et des chercheurs de mieux en mieux
équipés pour éclairer la voie, guider le Québec
d'aujourd'hui et préparer le Québec de demain.
Nous avons aussi, dans le Conseil général de l'industrie
en particulier, des hommes d'affaires prestigieux qui ont une connaissance pas
seulement théorique mais pratique de nos problèmes, qui savent
comment l'argent se gagne et comment se crée la richesse. Ils nous font
généreusement profiter de leur expérience et je les en
remercie.
Nous avons enfin l'avantage, car c'est est un, d'avoir en face de nous
un chef de l'Opposition qui est largement ouvert aux problèmes
économiques. S'il croit avoir des recettes merveilleuses que nous ne
connaissons pas, je lui demande de les verser dans le fonds commun, de les
soumettre au feu de la discussion et d'en faire profiter ainsi tous ses
compatriotes.
Je lui promets, d'ailleurs, de toujours lui donner le crédit de
ses trouvailles si elles sont agréées et incluses dans les
politiques gouvernementales. L'important n'est pas de faire grandir un homme
politique, un parti politique, mais de faire grandir le Québec.
Cependant, M. le Président, si importantes que soient les valeurs
économiques, elle ne sont pas les seules qui comptent. Elles sont des
moyens et non des fins.
Au moment où les jeunes, avec beaucoup de raison, à mon
sens, reprochent â la société de consommation de manquer
d'envolée, de ramper au niveau du sol et du dollar, ce n'est pas le
temps, il me semble, de vouloir tout ramener à des questions de pain et
de beurre.
Il y a tout de même d'autres valeurs que le dollar dans la vie des
hommes et des peuples. Si c'était la seule valeur, il y a longtemps que
le Québec serait anglophone et que le Canada serait
américain.
Le Québec doit son originalité non pas à son niveau
de vie, bien que ce soit là un élément très
important dans la conservation de son héritage particulier, mais au fait
qu'il est le foyer national des Canadiens français dont 83 pour cent
vivent sur son territoire.
Voilà pourquoi le Québec n'est pas et ne peut pas
être une province comme les autres. C'est son destin propre d'être
à la fois une terre française et une terre
nord-américaine.
Car il faut dire que si les Canadiens français sont fiers de leur
appartenance culturelle, ils ne sont pas moins fiers de leur appartenance
géographique et économique. Trois siècles et demi
d'enracinement au coeur de l'Amérique septentrionale les ont
marqués tout autant que leur culture. Et de même qu'ils ne veulent
pas être moins français du fait qu'ils vivent sur ce continent,
ainsi ne veulent-ils pas être des sous-Américains du fait qu'ils
parlent, pensent et vivent en français.
Or, ce n'est pas facile, M. le Président, de réaliser
pleinement cette double ambition. Ce n'est pas facile de faire en sorte que la
qualité de notre vie française et notre niveau de vie ne se
fassent pas mutuellement obstacle. Pour y arriver, il faut de solides
institutions, au premier rang desquelles il faut bien placer les institutions
politiques, surtout â une époque où tend malheureusement
à diminuer l'influence des structures sociales et religieuses qui
contribuaient jadis à encadrer notre peuple.
D'où la question capitale qui se pose: compte tenu du fait que la
nation canadienne-française n'est majoritaire qu'au Québec,
quelles sont les institutions politiques qui lui permettront d'assurer au
maximum la promotion de ses valeurs propres en milieu nord-américain?
Où trouver la juste mesure entre l'autonomie et la participation?
Où trouver le point d'équilibre entre les pouvoirs que l'on doit
exercer au Québec et ceux que l'on peut profitablement confier à
un fonds commun canadien ou nord-américain?
Tel est le problème central de la politique
québécoise. C'est ce qui fait sa difficulté et aussi sa
grandeur, son immense intérêt.
Problème tellement central que c'est à partir de
là, c'est-à-dire par leurs options constitutionnelles beaucoup
plus que par leurs options sociales de droite ou de gauche, que se
définissent, au Québec, les partis politiques, du moins ceux qui
ont été spécialement conçus et organisés en
fonction de nos besoins et de nos valeurs à nous.
Je ne suis pas d'accord, M. le Président, avec la solution
préconisée par le parti du député de Laurier, mais
il faut au moins reconnaître qu'il ne craint pas, lui, d'aller au fond
des choses et de poser le vrai problème. Il nous offre, en termes
clairs, une mauvaise réponse à la vraie question.
Malheureusement, on ne trouve pas la même clarté dans la
doctrine constitutionnelle du chef de l'Opposition et de son parti, si tant est
qu'ils aient encore une doctrine constitutionnelle, ce dont je doute fort.
Pendant la récente course à la direction de ce parti, on
aurait dit d'un concours entre les trois candidats pour déterminer
lequel réussirait le mieux à escamoter le problème. Je
manque peut-être de subtilité, mais je n'ai pas encore
réussi à comprendre ce qu'il faut
entendre par un fédéralisme rentable, un
fédéralisme de conjoncture ou un fédéralisme
dialectique.
UNE VOIX: Une théorie !
UNE VOIX: C'est ce qu'elle a de plus rentable!
M. BERTRAND: On a l'impression qu'après avoir pris attitude,
à son congrès de 1967, en faveur d'une constitution nouvelle
fondée sur le concept des deux nations et comportant un statut
particulier pour le Québec, le Parti libéral a graduellement
retraité je ne sais trop sous quelle influence vers une
grisaille de plus en plus opaque.
Dans le Devoir du 21 juin 1968, M. Claude Ryan parlait de
« l'opportunisme gluant de certains libéraux », qui
venaient, à ce moment-là, de donner leur appui à un
politicien fédéral qui avait qualifié de « connerie
» le statut particulier pour lequel ils avaient eux-mêmes
voté. La confusion et l'illogisme n'ont fait qu'empirer par la
suite.
Beaucoup de gens espéraient que, grâce
à la lutte au leadership, le Parti libéral dit du Québec
pourrait enfin sortir de cette brume malsaine. Hélas! On a l'impression
qu'il s'y perd de plus en plus, qu'il ne sait plus où il va, qu'il n'est
même plus le maître de sa propre orientation.
Et c'est extrêmement grave. Car nous sommes, depuis
janvier 1968, en pleine revision constitutionnelle. Et s'il est un domaine
où l'Opposition pourrait et devrait jouer un rôle positif, c'est
bien celui-là.
Quand notre équipe siégeait de l'autre
côté de la Chambre, elle était, pour le gouvernement
d'alors, un stimulant, et non pas un somnifère.
M. LEDUC (Taillon): C'est effrayant!
M. BERTRAND: Songez, par exemple, aux motions présentées
par mon camarade Daniel Johnson sur la récupération fiscale, ou
encore sur l'urgence d'instituer un régime des rentes
spécifiquement québécois avant qu'Ottawa n'ait envahi ce
champ d'action. Rappelez-vous la motion que j'ai moi-même
présentée et qui a provoqué la création de notre
commission parlementaire de la Constitution.
Toutes ces initiatives, M. le Président,
n'étaient-elles pas de nature à aider le gouvernement du temps
dans ses négociations avec Ottawa? Est-ce qu'elles n'étaient pas
de nature à mieux servir les meilleurs intérêts du
Québec?
Rappelez-vous les efforts constants que nous avons faits
pour maintenir, au sein de cette même commission, un climat d'harmonie et
même d'unanimité. Efforts méritoires s'il en fut; car, sur
des questions comme celle de la formule Fulton-Favreau, ou encore celle de
l'adresse que le gouvernement du temps avait envoyée à Londres au
sujet du Conseil législatif, c'est nous qui incarnions vraiment l'esprit
du Québec nouveau.
J'aimerais bien, à mon tour, avoir en face de moi
une opposition qui pousse plutôt qu'une opposition qui se laisse
traîner comme un poids mort. Si nous savions faire l'union sacrée
dès que les intérêts essentiels du Québec sont
concernés, il nous serait beaucoup plus facile d'obtenir gain de
cause.
Mais non, M. le Président, nous nageons en pleine
ambiguïté.
Ainsi, quand le chef de l'Opposition a été
interrogé par les journalistes à son retour de vacances, et
encore jeudi dernier dans sa conférence de presse, il a admis que nous
avions raison de réclamer les $200 millions perçus par Ottawa au
moyen de sa taxe dite de progrès social; mais il a ajouté du
même souffle: « II ne faut pas que l'Union Nationale fasse ses
élections sur le dos d'Ottawa. »
M. BOURASSA: M. le Président, puisque le premier ministre a dit
qu'il me citait...
DES VOIX: A l'ordre!
M. BOURASSA: M. le Président, si le premier ministre me le
permet...
M. BERTRAND: Avec plaisir.
M. BOURASSA: Merci. Puisque le premier ministre a dit qu'il me citait,
je n'ai pas dit que je m'opposais à ce que l'Union Nationale fasse les
élections sur le dos d'Ottawa, elle les fera sur le dos de n'importe
qui, le résultat ne changera pas. Ce que j'ai dit, c'est que sa
façon de réclamer les $200 millions relevait davantage...
DES VOIX: Ce n'est pas une question...
M. BERTRAND: M. le Président, j'ai permis au chef de
l'Opposition...
M. BOURASSA: ... de la stratégie électorale.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!
M. BERTRAND: M. le Président, j'avais per-
mis une question. Le chef de l'Opposition pourra me répondre. Il
n'en reste pas moins que, devant l'opinion publique québécoise,
le chef de l'Opposition actuel est en train de devenir la voix de son
maître et de son maître qui n'est pas ici. Lorsqu'on nous prend
$200 millions...
DES VOIX: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BOURASSA: L'électoralisme...
M. BERTRAND: Lorsqu'on nous prend $200 millions...
M. LAPORTE : Dans quelle partie de votre...
M. BERTRAND: ... et qu'on refuse de nous les remettre...
M. LAPORTE: Dans quelle partie de votre discours allez-vous citer M.
Standfield, qui demande votre appui?
M. BERTRAND: Et lorsqu'on nous prend... M. Standfield n'a jamais
été mon maftre, jamais! Depuis 22 ans...
M. LAPORTE: Le premier ministre...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! Cela allait
trop bien depuis le début, il faut croire... A l'ordre! A l'ordre! A
l'ordre!
Je sais, messieurs, je sais que la commission de l'Assemblée
nationale a travaillé sur la refonte des règlements; je ne sache
pas, cependant, que ce qui se passe actuellement ait été permis
dans les nouveaux règlements.
A l'ordre! J'ai vu le député de Chambly debout; à
moins qu'il ne veuille invoquer ou bien une question de règlement ou
d'ordre, c'est l'honorable premier ministre qui doit maintenant continuer.
M. LAPORTE: M. le Président, si vous me permettez, puisque vous
m'avez interpellé, il est permis, je pense, en vertu du
règlement, de solliciter de la personne qui opine le droit de lui poser
une question. Le premier ministre n'a pas voulu, je n'insiste pas.
M. BERTRAND: Très bien.
M. le Président, depuis 22 ans que je fais de la politique au
Québec, je n'ai jamais pris part à aucune élection
fédérale, j'ai comme seul maftre le peuple du Québec, pas
d'autre.
Lorsqu'on nous prend un montant de $200 millions et qu'on refuse de nous
le remettre, qui est sur le dos de qui? Pourquoi toujours blâmer la
victime et jamais l'agresseur? Pourquoi cette peur que l'on fasse mal à
Ottawa? Pourquoi ce cri du coeur?
Le chef de l'Opposition a dit en outre que nous avions essuyé un
refus parce que nos dossiers étaient mal préparés.
M. TETLEY: C'est vrai.
M. BERTRAND: Je lui demande ceci: Esti-me-t-il que, dans une
société juste, le montant de $200 millions doit aller à
ceux qui y ont droit ou à ceux qui ont les meilleurs dossiers? De plus,
il sait fort bien que ce qui a changé depuis l'époque de M.
Pearson...
M. BOURASSA: Des jeux de mots!
M. BERTRAND: ... ce n'est pas la qualité des dossiers du
Québec. Le chef de l'Opposition sait très bien ce qui a
changé à Ottawa depuis 1968.
Il sait très bien aussi...
M. BOURASSA: ... au Québec...
M. BERTRAND: ... par sa propre expérience personnelle, qu'on peut
avoir les meilleurs dossiers du monde et avoir comme interlocuteur quelqu'un
qui ne veut même pas les voir parce qu'il a décidé de dire
non, non et non; non avant, non pendant et non après.
Est-ce parce que le chef de l'Opposition avait de mauvais dossiers qu'il
a essuyé un refus de la part de M. Claude Wagner?
Ceux qui me connaissent savent fort bien...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BERTRAND: ... que je ne suis pas chicanier, que je ne suis pas homme
à chercher des querelles inutiles. C'est justement pour restreindre
autant que possible les occasions de conflits que je milite avec mes
collègues pour une constitution nouvelle.
Si donc c'est par devoir, et non par tempérament ou par plaisir,
que je me bats pour les droits du Québec, il doit m'arriver quelquefois
d'avoir raison. Cela n'a tout de même pas de bon sens qu'on veuille faire
un dogme de l'infaillibilité fédérale.
Or, dans toutes les disputes qui ont mis aux prises les deux
gouvernements en ces dernières années, quand l'Opposition
a-t-elle pris carrément parti pour le Québec? Quand
l'Opposition
ne s'est-elle pas retranchée dans une attitude
ambiguë, soit par ses déclarations ou même par ses
silences?
Eh bien, je dis qu'il est temps que le chef de l'Opposition
sorte son parti de la brume! Il est temps que le peuple sache ce que pensent et
ce que veulent ceux qui se préparent à lui demander un mandat
québécois.
Finies les ambiguïtés! Finies les
équivoques! Finies les pirouettes! Et finis, quant à nous, les
nons! C'est oui!
Pour aider le chef de l'Opposition à nous donner des
réponses claires, je vais lui poser trois petites questions bien
précises.
Premièrement, quelle attitude l'Opposition
entend-elle prendre au sujet du document de travail que le Québec a
soumis à la conférence constitutionnelle dès juillet 1968
et que j'ai rendu public le 9 octobre de la même année
après en avoir adressé des exemplaires à chacun des
députés?
Le chef de l'Opposition a ce document en sa possession
depuis près d'un an et demi.
M. BOURASSA: J'ai déjà donné mon point de vue
là-dessus.
M. BERTRAND: II sait ou devrait savoir qu'il y a des propositions
précises et clairement expliquées sur tous les aspects du
problème constitutionnel canadien. C'est donc le schémade ce
fédéralisme nouveau qui pourrait, d'après nous, tenir
compte aussi bien de la situation particulière du Québec que des
besoins du reste du pays.
Je ne demande pas au député de Mercier de se
prononcer sur chaque mot et sur chaque virgule; mais je lui demande de nous
dire au moins si, après dix-sept mois de réflexion sur un dossier
qui a été bien préparé, 11 est en mesure de nous
dire s'il en approuve au moins l'esprit et la substance.
Deuxièmement, quelle attitude l'Opposition
entend-elle prendre sur les documents soumis à la même
conférence par le gouvernement fédéral, en particulier
celui qui porte sur la sécurité sociale et qui a
été rendu public au moment de la conférence de
décembre dernier?
On sait que, loin de vouloir concéder au
Québec une plus grande latitude en matière de
sécurité sociale, Ottawa propose que soit renversée en sa
faveur la priorité de l'article 94-A, de façon que les lois
fédérales aient désormais préséance sur les
lois provinciales en matière de régie des rentes et de tout ce
qui s'y rattache.
Il s'agit là d'un dossier fédéral, donc, qui doit
être bien préparé, suivant les normes du chef de
l'Opposition, qui n'aura aucune difficulté, je l'espère, à
nous dire ce qu'il en pense.
Troisièmement, le chef de l'Opposition est-il d'avis
que, pour communiquer avec d'autres communautés francophones dans les
matières qui sont de son ressort exclusif, comme l'éducation, le
Québec doive se faire interpréter par M. Sharp ou par d'autres
représentants d'un ministère canadien des Affaires
extérieures où le français tient la place que l'on
sait?
La population québécoise a le droit de
connaître les réponses à ces trois questions et je suis
sûr qu'elle les attendra avec un immense intérêt.
M. le Président, si les réponses de
l'Opposition sont substantiellement les mêmes que celles du gouvernement,
alors la question constitutionnelle cessera d'être un enjeu
électoral, du moins entre les deux partis majeurs. Pour ma part, je n'en
serai aucunement fâché. Je serai même ravi de pouvoir parler
d'autre chose.
Si, par contre, le chef de l'Opposition et ses amis
maintiennent l'attitude polyvalente qui les caractérise depuis deux ans
et continuent d'abandonner une à une les positions qui, à une
certaine époque, ont fait la force de leur parti parce qu'elles
faisaient d'abord et avant tout la force du Québec, alors les
électeurs auront un choix facile à faire.
Ils auront à choisir entre les
fédéralistes d'abord, qui sont prêts d'avance à
accepter n'importe quelle condition pour maintenir les structures actuelles;
les séparatistes d'abord, qui sont prêts d'avance à lancer
le Québec dans n'importe quelle aventure sans savoir comment ils
pourront réparer, après coup, les pots cassés; et les
Québécois d'abord, qui cherchent à adapter les structures
politiques aux meilleurs intérêts du Québec, plutôt
que d'adapter le Québec à des structures
prédéterminées.
M. le Président, le discours inaugural et ce
sera ma conclusion parle de deux vertus qui pourraient, si nous savions
les pratiquer davantage, changer complètement la face du Québec,
soit l'optimisme et la solidarité.
Quand je songe à la multiplicité des partis
qui se feront la lutte aux prochaines élections, je ne m'en
inquiète pas pour le gouvernement; plus il y aura de groupuscules pour
diviser les mécontents, mieux ce sera pour nous; mais Je m'en
inquiète sérieusement pour le Québec.
Car, à l'exception du parti ministériel, tous
ces groupements chercheront à décrire la situation en des termes
aussi noirs que possible afin de se faire acclamer comme des sauveurs. Ce sont
autant de partis et de candidats qui s'ingénieront à trouver des
maladies pour toutes
leurs panacées et des problèmes pour toutes
leurs solutions.
C'est d'autant plus grave qu'avec notre tempérament
individualiste et naturellement grognard, nous sommes portés d'avance
à exagérer nos bobos, à nous quereller entre nous et, ce
qui est encore pire, à porter nos querelles sur la place publique.
Un humoriste (Daninos) a dit que la France était un
pays divisé en 48 millions de Français. Je pense que, sur ce
point-là du moins, nous sommes restés furieusement
français. Le moindre incident, surtout s'il peut servir à nourrir
une polémique ou à mettre quelqu'un dans l'eau bouillante,
paraît toujours plus grave au Québec qu'ailleurs.
Prenons les grèves. A en juger par le bruit qu'elles
font, on les croirait bien plus nombreuses et bien plus graves au Québec
qu'en Ontario. Or, c'est exactement le contraire qui est vrai.
D'après les statistiques fédérales,
qui n'ont pas coutume de refléter un parti pris
pro-qué-bécois, il y a eu, en 1968, 137 grèves au
Québec et 289 en Ontario. Ces grèves ont impliqué 34,421
travailleurs au Québec et 131,000, près de 132,000 en Ontario,
soit quatre fois plus.
UNE VOIX: ... la grève de la faim...
M. BERTRAND: Elles ont entraîné la perte d'un million de
jours de travail au Québec et de deux millions et demi en Ontario.
En 1969, la situation s'est encore améliorée
au Québec, grâce à l'excellent travail de notre doyen, le
député de Champlain, et de toute son équipe. En 1969, le
nombre de jours de travail perdus par les grèves au Québec est
tombé à 736,000, alors qu'elle s'aggravait
énormément en Ontario, où il y a eu une perte de 5,375,000
jours de travail, soit huit fois plus que dans notre province. Prenons
maintenant la situation économique...
M. MALTAIS (Saguenay): Ils ne travaillent pas ici. Ils ne peuvent pas
arrêter ça.
M. BERTRAND: ... à entendre ou à lire nos broyeurs de noir
professionnels, est-ce...
M. MALTAIS (Saguenay): Oui, oui, oui.
M. BERTRAND: ... qu'on ne croirait pas que la situation se
détériore lamentablement d'une année à l'autre?
Mais ce n'est pas tout ce que disent les statistiques
fédérales.
Notre revu provincial brut est passé de $14
milliards, 263 millions en 1965 à $15 milliards 867 millions en 1966; 17
milliards, 22 millions en 1967; $18 milliards 314 millions en 1968 et $19
milliards 880 millions en 1969.
Le revenu personnel a été de $10 milliards
555 millions en 1965; $11 milliards 820 millions en 1966; $13 milliards 139
millions en 1967; $14 milliards 263 millions en 1968; et $15 milliards 600
millions en 1969.
M. le Président, le revenu personnel par habitant,
qui était de $1,857 en 1965, a monté à $2,045 en 1966;
$2,239 en 1967...
M. BOURASSA: L'inflation.
M. BERTRAND: ... $2,239 en 1967, $2,406 en 1968; et $2,607 en 1969.
La valeur des expéditions provenant de nos
industries manufacturières a été de $9 milliards 492
millions en 1965; $10 milliards 380 millions en 1966; $10 milliards 946
millions en 1967; $11 milliards 334 millions en 1968; et $12 milliards 184
millions en 1969.
M. BOURASSA: Cela comprend la hausse des coûts?
M. BERTRAND: On retrouve la même progression dans les ventes au
détail. Et le nombre de personnes ayant un emploi au Québec est
passé de 1,912,000 en 1965 â 2,132,000 en 1969, soit une
augmentation de 220,000 en quatre ans ou une augmentation moyenne de 55,000 par
année.
DES VOIX: Des chômeurs, combien?
M. BERTRAND: Est-ce que tous ces chiffres, et bien d'autres que je
pourrais citer, par exemple sur l'enregistrement des
véhicules-automobiles et les autres Indices du niveau de vie, ne
reflètent pas une progression constante et régulière
d'année en année?
Voulez-vous des exemples où l'on critique
Québec? Je vais reprendre une histoire qui est heureusement
réglée. Prenons l'affaire de Saint-Léonard à
l'époque. Il y en a eu une seule au Québec en 102 ans. Combien y
en a-t-il eu de centaines d'autres dans les autres provinces?
M. LEDUC (Taillon): Nommez-les.
M. BERTRAND: A qui fera-t-on croire qu'il y avait plus de droits et de
principes en cause dans l'affaire de Saint-Léonard que dans celle de
Maillardville, par exemple, en Colombie canadienne, où les Canadiens
français étaient soumis jadis à une triple taxation
puisqu'ils devaient payer les mêmes impôts que tous les autres
contribuables, tous les frais de construction, d'en-
tretien et d'administration des écoles en plus d'un
impôt foncier pour leurs écoles séparées?
Je sais que la situation a heureusement été
corrigée et je n'ai pas l'intention de ressusciter le passé. Mais
pourquoi faut-il qu'en 1970, comme on l'a entendu dernièrement, des
Canadiens français tentent de faire peur â nos minorités,
au Québec, en leur donnant â entendre que seul le gouvernement
fédéral aurait l'esprit assez large et le coeur assez
généreux pour protéger les droits fondamentaux des
personnes et des groupes?
Ont-ils oublié, ces dénigreurs, que, par
l'article 93 de la Constitution canadienne, le gouvernement
fédéral avait le droit et le devoir d'intervenir, â
l'époque, pour protéger les écoles séparées
partout au pays et qu'il ne l'a Jamais fait pour les centaines de cas comme
Saint-Léonard qui se sont produits ailleurs? Ont-ils oublié que
le Québec, par contre, a toujours fait, pour ses propres
minorités, beaucoup plus que ce â quoi il était tenu par la
Constitution?
Quelles fins politiques ou idéologiques
espère-t-on servir en soufflant ainsi sur la braise des
préjugés? Et comment un Québécois peut-il
espérer se grandir en rapetissant le Québec?
M. le Président, il m'arrive de rêver aux
prodigieux résultats que l'on pourrait obtenir si, au cours de la
prochaine campagne électorale, tous les partis en lice utilisaient les
talents, les énergies et les moyens financiers dont ils disposent pour
construire le Québec au lieu de le démolir; pour unir les
Québécois au lieu de les diviser; pour communiquer â tous
une foi inaltérable en l'avenir de leur province et de leur pays.
Nous déployons beaucoup d'efforts pour mieux faire
connaître à l'étranger le Québec, ses ressources et
ses produits; je me demande souvent s'il ne faudrait pas commencer par vendre
le Québec aux Québécois eux-mêmes.
Voici un territoire immense, situé au carrefour de
deux mondes et de deux cultures, traversé par la plus grande voie
maritime du monde et regorgeant de richesses à peine entamées.
Pourquoi serions-nous les derniers à découvrir tout ce qui reste
â créer et â mettre en valeur dans ce Québec qui nous
appartient?
« Ne vous demandez pas ce que la patrie peut faire
pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour elle » disait Kennedy. Si
donc il reste tant de choses à réaliser au Québec, ce
n'est pas le temps de nous chercher mutuellement querelle. A nous d'entrer dans
la ronde, de nous épauler les uns les autres et de participer d'une
façon positive au progrès de la collectivité dont nous
sommes solidaires.
Il nous faut même regarder plus loin que la
présente décennie, puisque ceux qui voteront pour la
première fois cette année auront â peine 50 ans quand
débutera le prochain millénaire.
Québécois de toute langue et de toute
origine, c'est ensemble que nous devons vivre la grande aventure du
Québec moderne. En construisant ensemble le Québec des
années 70, nous devons commencer dès maintenant à inventer
ensemble le Québec de l'an 2,000.
M. le Président, j'ai l'honneur de proposer, secondé par
le député du comté de Champlain, M. Maurice Bellemare, que
l'adresse suivante soit présentée â l'honorable
lieutenant-gouverneur: Nous, les membres de l'Assemblée nationale du
Québec, vous remercions pour le discours inaugural qu'il vous a plu de
prononcer.
M. BOURASSA: M. le Président, je demande l'ajournement du
débat.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Est-ce que la motion de
l'honorable chef de l'Opposition est adoptée?
Adopté.
Rapport de la commission de l'Assemblée
nationale
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que je pourrais obtenir le
consentement unanime de la Chambre pour qu'il me soit permis de
présenter le rapport de la commission de l'Assemblée nationale?
Cette commission s'est réunie le 13 février 1970, et elle
recommande que les amendements apportés aux règlements de
l'Assemblée nationale au cours de la session précédente
soient adoptés de nouveau par cette Chambre, afin que nos travaux, au
cours de la présente session, soient régis par ces dits
amendements et que ceux-ci soient inscrits in extenso au
procès-verbal.
Que le feuilleton soit amendé pour y inclure aux
affaires courantes, après « présentation de bills publics
», les trois articles suivants: déclarations
ministérielles, dépôt de documents et questions des
députés.
M. BERTRAND: Adopté.
M. PAUL: M. le Président, après en avoir discuté
avec l'honorable député de Chambly des consultations ont
sûrement été faites des deux côtés de cette
Chambre j'aurais l'honneur de proposer, appuyé par l'honorable
député de Chambly, que le rapport de M. Fréchette,
président de la commission de l'Assemblée
nationale, produit ce jour et amendant notre règlement, soit
transformé en motion pour son adoption par la Chambre afin que nos
travaux, durant la présente session, soient régis par ces
amendements.
M. LE PRESIDENT: Adopté? Adopté. Commissions
permanentes
M. BERTRAND: M. le Président, au prochain article du feuilleton,
il s'agit d'instituer les commissions permanentes ordinaires. Si la Chambre n'a
pas d'objection, ce seront les mêmes commissions.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. BERTRAND: J'ai l'honneur de faire motion pour que les commissions
permanentes suivantes soient instituées je n'ai pas besoin de les
appeler toutes, on pourra reproduire cela.
(Voir annexe)
M. LE PRESIDENT: La motion de l'honorable premier ministre est-elle
adoptée? Adopté.
Comité de onze membres
M. BERTRAND: J'ai maintenant l'honneur, M. le Président, de
proposer qu'un comité spécial de onze membres soit
institué pour choisir les membres ainsi que le président de
chaque commission dont la Chambre vient de décider la formation et pour
fixer le nombre des membres ainsi que le quorum de chacune de ces commissions.
Que messieurs Bertrand, Bourassa, Cliche, Demers, Hyde, Laporte, Lavoie, Lebel,
Maltais (Limoilou), Paul et Pinard forment ledit comité spécial.
Suivant la coutume, nous pourrions nous réunir demain matin à
onze heures et demie à ma salle de conférence.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. Roland Théorêt. vice-président
de la Chambre
M. BERTRAND: M. le Président, je me suis entendu avec le chef de
l'Opposition tantôt pour procéder immédiatement à la
proposition pour le vice-président de la Chambre, avec la permission des
collègues. J'avais d'ailleurs averti, à l'époque, le chef
de l'Opposition que j'aurais l'honneur de suggérer comme
vice-président le président du comité plénier, M.
Roland Théorêt, député du comté de
Papineau.
M. Théorêt est un homme débordant
d'activités...
M. LAPORTE: Débordant!
M.BERTRAND: ...travailleur.Il a un sens aigu de ses
responsabilités. Nous l'avons connu comme président du
comité des bills publics et privés...
M. LACROIX: II n'a pas l'apparence d'un grand avocat, mais en tout
cas...
M. BERTRAND: ... où il s'est acquitté de sa tâche
avec impartialité. Il a acquis une belle expérience,
également en Chambre, en remplaçant a l'occasion le
vice-président.
Je suis donc heureux de proposer, comme
vice-président de l'Assemblée nationale, Me Roland
Théorêt, député du comté de Papineau.
M. BOURASSA: M. le Président, j'appuie avec plaisir la motion du
premier ministre. Je ne doute pas que le député de Papineau
contribue avec talent à alléger la tâche du
député de Sherbrooke.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
Commission de l'éducation
M. PAUL: M. le Président, je voudrais faire motion pour qu'on
mette de côté l'article 760 de notre règlement afin que la
commission de l'Education puisse siéger demain après-midi et
poursuivre son travail dans l'étude du projet de loi 62 qui devra
être considéré, aux fins de la présente session,
comme un instrument de travail.
M.LAPORTE: M. le Président, j'en ai dit un mot au chef de
l'Opposition; nous n'avons pas d'objection à la condition qu'il soit
bien clair que nous suspendons, a l'unanimité, l'application du
règlement no 760 seulement pour les fins de la commission qui doit
siéger demain.
M. PAUL: C'est ça.
M. LE PRESIDENT: La motion est adoptée.
M. PAUL: M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre
à demain après-midi, trois heures. Après la période
des questions, la commission de l'Education siégera.
M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain après-midi,
trois heures.
(Fin de la séance: 16 h 39)
ANNEXE
1 Commission de la présidence du conseil.
2 Commission de l'administration de la justice.
3 Commission du Secrétariat de la
province.
4 Commission des Affaires intergouvernementales.
5 Commission des Affaires culturelles.
6 Commission des Finances.
7 Commission du Revenu.
8 Commission des Richesses naturelles.
9 Commission des Terres et Forêts.
10 Commission de l'Agriculture et de la
Colonisation.
11 Commission de la Voirie.
12 Commission des Travaux publics.
13 Commission du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
14 Commission de la Santé.
15 Commission des Affaires municipales.
16 Commission du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche.
17 Commission de l'Industrie et du Commerce.
18 Commission de la Famille et du Bien-Etre
social.
19 Commission des Transports et Communications.
20 Commission de l'Education.
21 Commission des Institutions financières,
Compagnies et Coopératives.
22 Commission de l'Immigration.
23 Commission des bills privés et des bills
publics.
24 Commission des comptes publics.
25 Commission de l'Assemblée nationale.
MEMBRES DU CABINET PROVINCIAL
L'honorable Jean-Jacques Bertrand
Premier
Ministre et Président du Conseil exécutif
L'honorable Maurice Bellemare
Ministre du Travail
et de la Main-d'Oeuvre
L'honorable Raymond Johnston
Ministre du
Revenu
L'honorable Fernand Lizotte
Ministre des
Transports
L'honorable Francis Boudreau
Ministre d'Etat aux
Affaires municipales
L'honorable Armand Russell
Ministre des Travaux
publics
L'honorable Armand Maltais
Solliciteur
général, et
Ministre des Institutions Financières, Compagnies
et Coopératives
L'honorable Claude G. Gosselin
Ministre des
Terres et Forêts
L'honorable Fernand J. Lafontaine
Ministre de la
Voirie
L'honorable Paul Allard
Ministre des Richesses
naturelles
L'honorable Jean-Paul Cloutier Ministre de la
Santé, de la Famille et du Bien-Etre social
L'honorable Gabriel Loubier
Ministre du Tourisme,
de la Chasse et de la Pêche
L'honorable Jean-Noël Tremblay
Ministre des
Affaires culturelles
L'honorable Clément Vincent
Ministre de
l'Agriculture et de la Colonisation
L'honorable Roch Bolvin
Ministre d'Etat à
la Santé, à la Famille et au Bien-Etre social
L'honorable Marcel Masse
Ministre des Affaires
Intergouvernementales
L'honorable François-Eugène Mathieu
Ministre d'Etat aux Finances
L'honorable Jean-Paul Beaudry Ministre de l'Industrie et
du Commerce
L'honorable Robert Lussier
Ministre des Affaires
municipales
L'honorable Jean-Guy Cardinal Vice-président du
Conseil exécutif, Ministre de l'Education
L'honorable Jean-Marie Morin
Ministre d'Etat
à l'Education
L'honorable Rémi Paul
Ministre de la
Justice
L'honorable Mario Beaulieu
Ministre des Finances
et de l'Immigration
L'honorable François Gagnon
Ministre
d'Etat aux Travaux publics
L'honorable Gérard LeBel
Ministre des
Communications
L'honorable Jean Cournoyer
Ministre de la
Fonction publique
ADJOINTS PARLEMENTAIRES
MM.
DEMERS, Philippe.................
Cabinet du
Premier ministre
BERGERON, Marc.................
Tourisme,
Chasse et Pêche
BERNATCHEZ, René...............
Agriculture et Colonisation
GAUTHIER, J.-Georges .............
Agriculture
et Colonisation
GAUTHIER, Guy ..................
Santé
MARTEL, Maurice ................
Famille et
Bien-Etre social
PLAMONDON, Marcel R.............
Terres et
Forêts
SAUVAGEAU, Paul-Emile............
Institutions
financières, compagnies et coopératives
ROY, Pierre.....................
Voirie
THEORET, Roland.................
Revenu
DEPUTES DE L'ASSEMBLEE NATIONALE
District électoral Nom Profession Affiliation
politique
Abitibi-Est Lucien Cliche Avocat Lib.
Abitibi-Ouest Alcide Courcy Agronome Lib.
Ahuntsic Jean-Paul Lefebvre Administrateur scolaire Lib.
Argenteuil Zoël Saindon Médecin Lib.
Arthabaska Roch Gardner Professeur U.N.
Bagot Jean-Guy Cardinal Notaire U.N.
Beauce Paul-E. Allard Agent U.N.
Beauharnois Gérard Cadieux Commerçant Lib.
Bellechasse Gabriel Loubier Avocat U.N.
Berthier Guy Gauthier Médecin U.N.
Bonaventure Gérard-D. Lévesque Avocat et homme d'affaires
Lib.
Bourassa Georges-E. Tremblay Marchand industriel Lib.
Bourget Paul-Emile Sauvageau Homme d'affaires U.N.
Brome Glendon-Pettes Brown Cultivateur Lib.
Chambly Pierre Laporte Avocat et journaliste Lib.
Champlain Maurice Bellemare Serre-freins U.N.
Charlevoix Raymond Mailloux Homme d'affaires Lib.
Châteauguay George Kennedy Comptable agréé Lib.
Chauveau François-Eugène Mathieu Comptable
agréé U.N.
Chicoutimi Jean-Noël Tremblay Professeur U.N.
Compton Claude-G. Gosselin Commerçant U.N.
D'Arcy-McGee Victor-C. Goldbloom Médecin Lib.
Deux-Montagnes Gaston Binette Notaire Lib.
Dorchester Paul-Henri Picard Assureur-vie U.N.
Dorion Mario Beaulieu Notaire U.N.
Drummond Bernard Pinard Avocat Lib.
Dubuc Roch Boivin Médecin U.N.
Duplessis Henri-L. Coiteux Ingénieur forestier Lib.
Fabre Gilles Houde Directeur d'éducation Lib. physique
Frontenac Fernand Grenier Professeur U.N.
Gaspé-Nord François Gagnon Gérant U.N.
Gaspé-Sud J.-Arthur-Guy Fortier Médecin chirurgien
Lib.
Gatineau Roy Fournier Avocat Lib.
Gouin Yves Michaud Journaliste L. Ind.
Hull Oswald Parent Administrateur professionnel Lib.
Huntingdon Kenneth Fraser Cultivateur Lib.
Iberville Alfred Croisetière Expéditeur U.N.
Iles-de-la-Madeleine Louis-Philippe Lacroix Comptable Lib.
Jacques-Cartier Noël St-Germain Optométriste Lib.
Jeanne-Mance Aimé Brisson Comptable agréé Lib.
Jean-Talon Henri Beaupré Avocat Lib.
Joliette Pierre Roy Assureur-vie U.N.
Jonquière Gérald Harvey Comptable Lib.
Kamouraska Adélard D'Anjou Industriel U.N.
Labelle Fernand Lafontaine Ingénieur U.N.
Lac St-Jean J.-Léonce Desmeules Entrepreneur U.N.
Lafontaine Jean-Paul Beaudry Industriel U.N.
L'Assomption Robert Lussier Médecin U.N.
Laurier René Lévesque Journaliste Ind.
Laval (siège vacant depuis le 24 octobre 1969)
Laviolette André Leduc Négociant en gros U.N.
Lévis Jean-Marie Morin Professeur U.N.
Limoilou Armand Maltais Avocat U.N.
L'Islet Fernand Lizotte Médecin U.N.
Lotbinière René Bernatchez Agronome U.N.
Louis-Hébert Jean Lesage Avocat Lib.
Maisonneuve André Léveillé
Secrétaire exécutif U.N.
Marguerite-Bourgeoys Claire Kirkland-Casgrain Avocate Lib.
Maskinongé Rémi Paul Avocat U.N.
Matane Jean Bienvenue Avocat Lib.
Matapédia Bona Arsenault Journaliste et homme
d'affairesLib.
Mégantic Marc Bergeron Avocat U.N.
Mercier Robert Bourassa Avocat et économiste Lib.
Missisquoi Jean-Jacques Bertrand Avocat U.N.
Montcalm Marcel MasseProfesseurU.N.
Montmagny
Jean-Paul Cloutier
Comptable
U.N.
Montmorency
Gaston Tremblay
Médecin
Ind.
Napierville-Laprairie
Laurier Baillargeon
Industriel
Lib.
Nicolet
Clément Vincent
Cultivateur
U.N.
N.-D.-de-Grâce
William Tetley
Avocat
Lib.
Olier
Fernand Picard
Industriel
Lib.
Outremont
Jérôme Choquette
Avocat
Lib.
Papineau
Roland Théorêt
Notaire
U.N.
Pontiac
Raymond Johnston
Marchand
U.N.
Portneuf
Marcel-R. Plamondon
Courtier
d'assurance agréé
U.N.
Richelieu
Maurice Martel
Pharmacien
U.N.
Richmond
J.-Emilien Lafrance
Agent
d'immeubles
Lib.
Rimouski
Maurice Tessier
Avocat
Lib.
Rivière-du-Loup
Gérard Lebel
Avocat
U.N.
Robert-Baldwin
Arthur-E. Séguin
Entraîneur
Lib.
Roberval
J.-Georges Tremblay dit Gauthier
Garagiste
U.N. dit Gauthier
Rouville
Paul-Yvon Hamel
Agent
d'affaires
U.N.
Rouyn-Noranda
P.-Antonio Flamand
Professeur
Ind.
Saguenay
Pierre Maltais
Avocat
Lib.
Sainte-Anne
Francis dit Frank
Hanley
Agent
Ind.
Sainte-Marie
Jean-Jacques Crôteau
Avocat
U.N.
Saint-Henri
Carmine dit Camille Martellani
Entrepreneur spécialisé
U.N.
Saint-Hyacinthe
Denis Bousquet
Professeur
U.N.
Saint-Jacques
Jean Cournoyer
Avocat
U.N.
Saint-Jean
Jérôme Proulx
Professeur
Ind.
Saint-Laurent
Léo Pearson
Instituteur
Lib.
Saint-Louis
Harry Blank
Avocat
Lib.
Saint-Maurice
Philippe Demers
Vétérinaire
U.N.
Saint-Sauveur
Francis Boudreau
Comptable
U.N.
Shefford
Armand Russell
Industriel
U.N.
Sherbrooke
Renald dit Raynald
Fréchette
Avocat
U.N.
Stanstead
Georges Vaillancourt
Commerçant
Lib.
Taillon
Guy Leduc
Publicitaire
Lib.
Témiscamingue
Gilbert Théberge
Chirurgien dentiste
Lib.
Témiscouata
Montcalm Simard
Industriel
U.N.
Terrebonne
Hubert Murray
Ingénieur
conseil
U.N.
Trois-Rivières
Gilles Gauthier
Avocat
U.N.
Vaudreuil-Soulanges
F-Edouard Belliveau
Notaire
U.N.
Verchères
Guy LeChasseur
Avocat
Lib.
Verdun
Claude Wagner
Avocat
Lib.
Westmount
J.-Richard Hyde
Avocat
Lib.
Wolfe
J.-Benoît-René Lavoie
Agent d'affaires
U.N.
Yamaska
Paul Shooner
Marchand
U.N.
Lib. Libéral
U.N. Union Nationale
Ind. Indépendant