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Version finale

28e législature, 5e session
(24 février 1970 au 12 mars 1970)

Le mardi 24 février 1970 - Vol. 9 N° 1

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures)

M. LE SECRETAIRE: A l'ordre, messieurs! Démission du président, M. Gérard Lebel

M. LE SECRETAIRE: J'ai l'honneur d'informer la Chambre que j'ai reçu de l'honorable Gérard Lebel, président de l'Assemblée nationale, la lettre suivante:

«Le 23 décembre 1969. M. le Secrétaire général: Ayant accepté, ce matin, de siéger désormais au Conseil exécutif, je vous remets ma démission comme président de l'Assemblée nationale.

« Vous voudrez bien en aviser les honorables membres de l'Assemblée nationale à la plus proche opportunité. Je vous remercie, M. le Secrétaire général, de votre bienveillante attention et vous prie de me croire,

Votre tout dévoué,

Gérard Lebel.

« Me René Blondin, secrétaire général, Assemblée nationale, Hôtel du Gouvernement, Québec. »

En conséquence, j'ai l'honneur d'informer la Chambre que la charge de président est vacante.

Election de M. Raynald Fréchette

M. Jean-Jacques Bertrand

M. BERTRAND: M. le Secrétaire, comme le veut la coutume, en décembre dernier, lors du dernier remaniement ministériel, f ai informé le chef de l'Opposition que fallals proposer, dès la reprise des travaux parlementaires, la nomination de Me Raynald Fréchette, député de Sherbrooke, comme président de cette Assemblée.

Je m'en voudrais, M. le Secrétaire, de ne pas remercier notre collègue qui est devenu ministre des Communications de la tâche qu'il a abattue comme président de cette Chambre. L'esprit d'objectivité, de travail et de discipline dont il a fait preuve lui a mérité d'accéder à des fonctions toutes nouvelles où nous pourrons mettre à contribution son talent.

Cette Chambre, d'ailleurs, avait pu apprécier le jugement et la serviabilité du député de Rivière-du-Loup. Il agira, dorénavant, comme leader parlementaire adjoint et secondera notre collègue, le ministre de la Justice, étant donné que notre doyen, le député de Champlain, a demandé — et c'est bien à regret que je l'ai accepté — d'être relevé de ses fonctions de leader parlementaire.

Le député de Sherbrooke, que je propose à l'Assemblée, est non moins bien préparé que son prédécesseur. Comme lui, il est jeune; il a 36 ans. Il n'a pas moins montré une assiduité au travail parlementaire vraiment digne de mention. Le député de Sherbrooke est l'aîné de la famille de cinq enfants d'un brave mineur d'Asbestos. Il a fait ses études classiques et universitaires â Sherbrooke où il a été admis au Barreau en 1961. Durant ses études, il manifesta déjà des qualités de chef et d'orateur.Il a été successivement président de sa promotion au séminaire de Sherbrooke, président de la faculté de droit de l'université de Sherbrooke et président de l'Association générale des étudiants. Il a de plus remporté le trophée Villeneuve, enjeu de débats oratoires entre les universités de langue française.

Durant les années qui ont suivi, aussi bien comme membre d'associations locales que comme spécialiste en droit criminel, il s'est surtout signalé par son souci constant de servir le public et de secourir les infortunés.IL a participé aux cours organisés par la CSN dans les paroisses de Sherbrooke et des environs sur l'assainissement des finances familiales.Il a donné des conférences sur la délinquance juvénile. Il a été le président fondateur de la Société de criminologie de Sherbrooke et il a, cette année, enseigné le droit criminel â la faculté de droit de l'Université de Sherbrooke.

Depuis qu'il a été élu, en 1966, le député de Sherbrooke s'est fait un point d'honneur de suivre de près les travaux parlementaires. En septembre 1967, le président de l'Assemblée nationale, qu'on appelait alors l'orateur, l'a choisi, avec trois autres députés, pour représenter la Chambre au congrès de l'Association des parlementaires du Commonwealth, tenu à Frédéricton au Nouveau-Brunswick. Huit mois plus tard, le gouvernement du Québec le déléguait au congrès de l'Organisation internationale du travail. Comme président du comité plénier, depuis octobre 1968, 11 a montré, durant l'étude détaillée des projets de loi, un tact, une patience et un sens de l'équité qui augurent bien de son règne au fauteuil présidentiel.

Je lui demande, comme je l'ai fait à son prédécesseur, de ne pas hésiter à être toujours et partout le gardien des libertés de cette Chambre, surtout de la liberté d'expression que la jeunesse d'aujourd'hui tient en si haute estime, sans oublier, cependant, que l'ordre et le décorum doivent être de rigueur dans une assemblée comme la nôtre où se joue souvent l'avenir de la collectivité québécoise et où, de

plus en plus, grâce aux moyens modernes de communication, se tournent les yeux d'un public de plus en plus instruit, de mieux en mieux formé. Que nos travaux se déroulent avec célérité et efficacité, tous le souhaitent et tous peuvent y concourir en améliorant nos procédures et en aidant le président à remplir son rôle.

J'ai donc l'honneur, M. le Secrétaire, de proposer que Me Raynald Fréchette, député de Sherbrooke, soit élu président de notre Assemblée nationale du Québec et qu'il occupe, dès maintenant, le fauteuil présidentiel.

M. BOURASSA: Vous serez plus à l'aise pour applaudir, dans quelques mois, de ce côté-ci.

M. BERTRAND: On voulait vous montrer que vous aviez besoin d'appui.

M. Robert Bourassa

M. BOURASSA: M. le Président, sans la moindre hésitation j'appuie la proposition du premier ministre. J'admets bien volontiers que la tâche ne sera pas facile pour le nouveau président. Il remplace, d'abord, un président qui a fait son travail de façon excellente, le député de Rivière-du-Loup. Au surplus, il devra diriger les travaux de la Chambre dans une période délicate, dans une période difficile qui précède les prochaines élections. Je ne doute pas qu'il saura manifester de la pondération, de l'impartialité, et qu'il n'hésitera pas, au besoin, à rappeler à l'ordre les membres de son propre parti pour que les travaux de la Chambre s'exécutent dans la meilleure atmosphère possible.

La seule remarque que je pourrais ajouter, c'est que le président, député de Sherbrooke, n'aura pas l'occasion d'exercer son métier ou sa profession tellement longtemps, puisque les élections auront lieu dans quelques mois, donnant le pouvoir au Parti libéral.

De toute manière, son expérience passée est garante du travail qu'il saura exercer au cours des prochains mois. Alors, j'appuie sans réserve et avec plaisir la proposition du premier ministre et, au nom du leader parlementaire et de tous les membres du caucus libéral, j'assure le nouveau président de toute notre coopération.

M. LE SECRETAIRE: J'ai l'honneur de proclamer M. Raynald Fréchette, député du district électoral de Sherbrooke, élu président de la Chambre à l'unanimité.

M. Raynald Fréchette

M. FRECHETTE (président): Madame, messieurs, me sera-t-il permis, en tout premier lieu, de présenter mes remerciements bien sentis à l'endroit du premier ministre pour la proposition qu'il vient de formuler, proposition qui m'amène à la présidence de cette assemblée. C'est avec beaucoup de plaisir également que je présente mes remerciements au chef de l'Opposition qui a appuyé la motion du premier ministre.

Le chef de l'Opposition et celui qui vous parle ont quelque chose en commun, c'est l'âge. Je me permets d'espérer que cette situation nous fera nous bien comprendre l'un et l'autre et nous permettra de nous tirer des impasses qui pourront se présenter tout au cours des travaux de la Chambre.

Je m'en voudrais de ne pas dire toute ma reconnaissance à tous les membres de la Chambre qui ont unanimement accepté le choix du proposeur et du secondeur de la motion.

Je sais fort bien que la fonction qui m'incombe comporte des honneurs. D'autre part, elle m'impose de grandes responsabilités.

Je n'ai pas d'hésitation à déclarer que je me sens peu qualifié pour accomplir adéquatement la tâche, surtout quand je considère qu'il y a devant moi, à ma droite et â ma gauche, des procéduriers et des parlementaires possédant une longue expérience et une connaissance approfondie de nos règlements. Je compte donc sur la collaboration de tous pour m'aider à mener à bien les travaux que nous entreprenons aujourd'hui.

Je me propose, avec l'aide des officiers de l'Assemblée nationale, de tenter de marquer nos travaux au coin de l'efficacité tout en ne perdant jamais de vue que la Chambre jouit de droits et privilèges que je défendrai toujours jalousement, et cela au meilleur de ma connaissance.

Madame et messieurs, je demande à l'Esprit-Saint de m'éclairer et de m'aider à bien remplir fidèlement les devoirs de ma charge.

La Chambre suspend ses travaux à loisir.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Madame, Messieurs, à l'ordre!

L'honorable lieutenant-gouverneur va faire son entrée, veuillez vous lever.

Discours inaugural

M. LE LIEUTENANT-GOUVERNEUR: Madame et Messieurs de l'Assemblée nationale. Madam and Gentlemen of the National Assembly.

En ouvrant cette cinquième session de la 28e Législature, le gouvernement désire manifester de nouveau sa ferme intention de continuer à placer les travaux parlementaires sous le signe de

l'action et de l'efficacité. Déjà, l'an dernier, le discours inaugural a changé de ton et de caractère. On ne saurait arrêter d'avance le programme d'une session entière à une époque où l'Assemblée nationale doit être en tout temps au service du Québec et où l'élaboration des lois exige une participation croissante et continue des commissions parlementaires et du public.

Il faut par contre aux législateurs, pour bien orienter leur travail, autre chose que des indications vagues sur les mesures qu'ils auront à étudier. Le gouvernement déposera sans délai les textes même des divers projets de loi qu'il est actuellement prêt à leur soumettre.

Since the last session, when you broke with an outmoded formalism, you have been undertaking to free our parliamentary system of certain customs which no longer suit today's aspirations and needs. With the cooperation of all, it is hoped that you may speed this process and maintain Quebec's position in the fo refront of parliamentary reform.

Le gouvernement est d'avis que l'inflation verbale et l'abus des subtilités procédurières seraient particulièrement déplacés dans la période que nous traversons, où chaque dollar prélevé des contribuables doit être utilisé avec un maximum de rendement.

Without prejudice to what might be done at the opening of a new Legislature, it has seemed fitting this year to further simplify the ceremonies which mark the opening of the session.

Nécessitées par des conditions qui ne sont pas particulières â notre province ni même à notre pays, les mesures d'austérité auxquelles nous collaborons volontiers ne doivent entamer en rien notre foi en l'avenir du Québec et de la collectivité québécoise.

Aucun objectif, si ambitieux soit-il, ne nous est inaccessible, si nous savons cultiver les vertus d'optimisme et de solidarité qui font les peuples économiquement forts.

Madame, messieurs de l'Assemblée nationale, je prie Dieu de vous éclairer dans vos travaux et de répandre ses bénédictions sur le Québec et tous ceux qui l'habitent.

Madam and Gentlemen of the National Assembly, I pray God to enlighten your deliberations and to bestow his blessings on Quebec and all who live here.

Loi modifiant la loi électorale 1re lecture

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): A l'ordre! L'honorable premier ministre propose la première lecture d'une loi intitulée Loi modifiant la loi électorale.

M. BERTRAND: M. le Président, il paraît qu'il s'agit d'un projet de loi bien à propos au cours de l'année 1970.

Quelques amendements suggérés à la loi sont les résultats des recommandations du président général des élections, d'autres d'un débat que nous avons eu en Chambre l'an dernier. Etant donné qu'il s'agit d'un projet de loi où nous pourrions l'étudier d'une manière plus approfondie en commission, je suggérerais que, dès sa première lecture, il soit renvoyé à la commission de l'Assemblée nationale.

M. LAPORTE: M. le Président, est-ce que je peux suggérer au premier ministre que nous ayons au moins pris connaissance de ce projet de loi avant de prendre une décision? Il y a peut-être des gens qui voudraient faire un débat en deuxième lecture avant qu'il ne soit renvoyé. Le premier ministre...

M. BERTRAND: Non, le renvoyer après la première lecture...

M. LAPORTE: Après la première, mais...

M. BERTRAND: ... à la commission de l'Assemblée nationale.

M. LAPORTE: M. le Président,...

M. BERTRAND: Je n'ai pas d'objection.

M. LAPORTE: ... comme c'est une procédure qui est je ne dirais pas anormale mais insolite, j'aimerais mieux que nous voyions le texte du projet de loi avant de prendre une décision.

M. BERTRAND: Admis. Je voulais tout simplement indiquer par là qu'on aura d'autres recommandations, d'autres suggestions à faire; surtout quand on examine les modalités d'un projet, il ne s'agit pas tant de questions de principes que de questions de modalités.

UNE VOIX: Est-ce qu'il est imprimé?

M. LAPORTE: Est-ce qu'il est prêt à être distribué?

M. BERTRAND: Oui, le projet de loi va être distribué sans délai.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que la motion de première lecture est adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à une prochaine séance ou à une séance subséquente.

Numéro 7.

L'honorable premier ministre propose la prise en considération du discours inaugural.

Débat sur le discours inaugural M. Jean-Jacques Bertrand

M. BERTRAND: M. le Président, mes premiers mots seront pour réitérer à mon collègue, le ministre de la Voirie, l'expression de notre plus profonde sympathie dans le deuil si tragique et si cruel qui l'afflige, lui et tous les membres de sa famille.

Mme Lafontaine était bien connue de tous. Elle était admirée et aimée de tous. Je réitère donc, au nom de la Chambre, j'en suis sur, à notre collègue et à la population du comté de Labelle, nos plus profondes condoléances.

M. le Président, avec la collaboration des députés qui siègent à votre gauche, nous avons, cette année encore, bousculé pas mal de traditions. Je n'en éprouve, personnellement, aucun regret mais il est un usage que, pour ma part, Je maintiendrai avec infiniment de plaisir, celui qui consiste à profiter de ce premier grand débat pour vous offrir nos hommages et nos voeux.

Vous saurez, je n'en doute pas, conduire les délibérations de cette Chambre avec beaucoup de compétence et d'objectivité.

On sait qu'il faut parfois une adresse et une autorité peu communes pour induire les Latins que nous sommes â maîtriser leurs impulsions. Voilà justement pourquoi la Chambre vient tout juste de vous choisir à l'unanimité.

En ce qui me concerne, j'entends faire tout mon possible pour ne pas alourdir votre tâche. N'hésitez pas â me rappeler à l'ordre si je m'écarte d'un règlement devant lequel nous sommes tous égaux.

D'après une coutume antique et solennelle, je devrais, à ce moment-ci, féliciter le proposeur et le secondeur de l'adresse. Mais nous nous sommes entendus, d'un côté et de l'autre, pour supprimer ces deux discours traditionnellement consacrés à l'apologie du gouvernement. Avant même qu'une décision ne soit prise à ce sujet par la commission concernée, j'avais eu soin de communiquer avec le nouveau chef de l'Opposi- tion, qui était, à ce moment-là, dans l'euphorie d'un repos bien mérité. Ne croyez-vous pas, lui ai-je dit, que ces louanges officielles sont aujourd'hui superflues? Pourquoi deux discours pour redire une chose que tout le monde sait, soit que nous avons un bon gouvernement? Le chef de l'Opposition m'a répondu qu'il était tout à fait d'accord, ce dont j'avais hâte de le remercier publiquement, tout en lui réitérant mes sincères félicitations pour son élection récente à la tête de son parti.

Je pense qu'il y a un certain nombre de choses sur lesquelles lui et moi n'aurons pas trop de difficulté à nous entendre. Certains en concluront que les deux vieux partis n'en font qu'un, mais je proteste d'avance contre cette affirmation, car il y a des problèmes, parmi les plus vitaux de l'heure, sur lesquels j'ai bien peur que nous nous entendions fort mal. Mais je reviendrai là-dessus dans une autre partie de mon discours.

Pour l'instant, puisque j'en suis à saluer l'accession du député de Mercier à son nouveau poste, je préfère évoquer d'abord ce qui nous rapproche.

Après tout, nous sommes tous des Québécois en cette Chambre. Nous ne sommes pas devenus des ennemis du fait que certains siègent à droite et d'autres à gauche. Et il ne me paraît pas possible que tout le bien se trouve d'un côté et tout le mal de l'autre.

De plus, je n'ai pas le droit de présumer que nos amis d'en face ne recherchent pas le bien du Québec aussi sincèrement que nous le recherchons nous-mêmes. H serait donc étonnant que nous n'arrivions pas à nous rejoindre au moins sur certains objectifs à poursuivre, sinon sur les moyens de les atteindre.

Je pense que la réforme parlementaire est l'un de ces objectifs vers lesquels convergent tous les partis à l'heure actuelle. Et pour cause. Dans un monde qui change de bases et où tant d'institutions ont besoin d'être repensées, le parlementarisme ne survivra qu'à la condition de savoir s'adapter, de savoir répondre victorieusement aux défis des temps nouveaux.

Hâtons-nous donc de le débarrasser de ce rituel encombrant et poussiéreux qui pouvait avoir une signification en d'autres temps et en d'autres lieux, mais qui n'a plus aucun rapport avec les réalités du Québec de 1970. Hâtons-nous d'en faire un outil moderne, pratique et fonctionnel. Quand il aura été allégé de tous ces oripeaux, quand il aura appris à fonctionner au même rythme que la société dont il est l'instrument politique, il aura alors de bien meilleures chances d'être perçu par les jeunes pour ce qu'il est en réalité, soit l'une des inventions les plus

merveilleuses du génie humain. Car, n'oublions pas que notre parlementarisme porte en lui-même le ferment d'une résolution permanente. Bien loin d'exclure la contestation, il l'institutionnalise. Qu'est-ce que l'Opposition, sinon la contestation implantée à demeure â l'intérieur même du système et protégée par tout un ensemble de règles et de traditions contre les abus possibles de la majorité?

Par ailleurs, cette Opposition pourrait être tentée de se livrer à une critique stérile et anarchique, si elle ne partageait pas, d'une certaine façon, les responsabilités du pouvoir. Mais, 11 se trouve justement qu'elle ne peut pas se contenter de critiquer. Ce n'est là que la partie négative de son rôle. Elle doit surtout offrir des alternatives, proposer des solutions de rechange et se préparer à prendre la relève, le cas échéant.

Je comprends que le député de Mercier et les membres de son équipe ont encore un long chemin à parcourir avant de posséder l'expérience et la maturité nécessaires pour constituer une alternative valable au gouvernement actuel. Mais, qu'ils ne s'inquiètent pas outre mesure: il n'y a aucune urgence en la matière et le peuple, j'en suis convaincu, verra à ce qu'ils puissent prolonger leur apprentissage aussi longtemps qu'il le faudra.

En attendant, M. le Président, je souhaite que, sous la direction de...

M. CADIEUX: Vous n'avez pas l'air convaincu!

M. BERTRAND: ... son nouveau chef, l'Opposition soit pour le gouvernement actuel, non pas un frein, mais un aiguillon. Je souhaite que son action n'ait pas pour effet de ralentir, mais de stimuler l'élan de la communauté québécoise.

Dans le domaine de la réforme parlementaire, il est clair que nous avons encore un long chemin à parcourir.

Nous avons fait disparaître pas mal de folklore, ce qui en a réjoui beaucoup et attristé quelques-uns, je dois le dire. H y a des gens, il faut les comprendre, qui sont attachés à toutes ces coutumes, des gens qui ne voudraient même pas que l'on ose appeler cela du folklore.

Pour moi, c'est bel et bien du folklore, et ces résistances n'empêcheront pas une évolution nécessaire; mais, elle montrent le danger de changements trop brusques, auxquels l'opinion n'aurait pas été suffisamment préparée. Mieux vaut ne pas brûler les étapes, si l'on veut avancer sûrement.

Sur la foi de je ne sais quelle rumeur, des gens se sont imaginé que j'allais, aujourd'hui, à l'exemple de ce qui se passe aux Etats-Unis, prononcer en ce moment ce qu'ils ont appelé un « discours sur l'état de la nation ». Le plus drôle, c'est que le député de Laurier l'a cru.

Au lieu de prendre cette rumeur au sérieux et de partir en guerre avec les épithêtes les plus tranchantes entre les dents, il aurait dû se contenter d'en rire.

Ceux qui me connaissent savent que je n'ai ni la manie de vouloir imiter les Américains, ni celle de me prendre pour ce que je ne suis pas. Je me contente d'être modestement ce que je suis, c'est-à-dire un chef de gouvernement qui n'a pas le droit d'oublier qu'il est aussi un chef de parti parce qu'il sait très bien que ses adversaires, eux, ne l'oublieront pas. Je ne saurais oublier davantage que j'ai des comptes à rendre à la Chambre et que j'en aurai très bientôt à rendre au peuple.

Si l'Opposition veut bien nous seconder, nous sommes prêts à aller de plus en plus loin et de plus en plus vite dans la voie de la réforme parlementaire. Mais c'est un domaine où nous ne pouvons progresser vraiment qu'avec l'accord et le concours de tous les députés.

Nous accueillerons donc avec beaucoup d'intérêt les suggestions que l'on voudra nous faire pour accélérer cette réforme et la pousser en profondeur. Par ailleurs, le gouvernement ne saurait revendiquer pour lui seul tout le crédit de ce qui se fait de bien en cette matière. Il en partagera volontiers le mérite avec toute la Chambre.

Je suis heureux de constater que les préoccupations de l'Opposition officielle se rapprochent également des nôtres dans le secteur aujourd'hui primordial du développement économique.

Le discours inaugural de la dernière session accordait justement une très haute priorité aux mesures susceptibles de stimuler les investissements, de faciliter l'intégration de nos jeunes diplômés au marché du travail et de tonifier l'économie des régions les moins favorisées. Voilà encore un domaine où le gouvernement actuel a conscience d'avoir beaucoup travaillé, non pas seul encore une fois, mais avec la coopération indispensable des chefs d'entreprises, des administrateurs de capitaux et des autres agents de l'économie.

Il nous fallait d'abord poursuivre ce qui avait été entrepris de valable avant 1966. Car dans le domaine économique comme dans tous les autres, ce n'est pas la méthode du gouvernement actuel de tout jeter par terre, le bon avec le mauvais, pour recommencer à zéro. Mieux vaut partir de ce qui existe et le compléter, l'enrichir, le parfaire graduellement en y apportant

les adaptations nécessitées par les temps nouveaux.

Il y a malheureusement des cas où il fallait bien partir à zéro puisqu'il n'existait rien de tangible. Prenez l'exemple de ESdbec, M. le Président. Pendant des années, nos amis de l'autre côté en avaient fait l'un des thèmes majeurs de leurs discours. A les entendre, c'était la trouvaille économique du siècle. Mais qu'ont-ils laissé en partant? Des projets, des études et de la paperasse. Tous leurs beaux discours n'avaient produit qu'une sidérurgie de papier!

Aujourd'hui, nous avons en Sidbec une entreprise qui reste proportionnée à nos moyens actuels, mais qui fonctionne; qui fonctionne même très bien puisqu'en 1969, elle a ouvré 540,000 tonnes d'acier et terminé l'année avec un profit de plus d'un million de dollars.

Il s'agit maintenant d'agrandir et de compléter graduellement...

M. CADIEUX: C'était bien préparé !

M. BERTRAND: ... les installations actuelles. D'après les précisions fournies ces jours derniers par le président, M. Jean-Paul Gignac, une sidérurgie entièrement intégrée existera en 1973. Elle aura créé entre 1,000 et 1,500 nouveaux emplois et entraînera dans son sillage beaucoup d'industries secondaires; elle réalisera alors des profits de $10 à $15 millions par année. Tels sont les résultats que l'on obtient quand, au lieu de toujours parler d'économie, on se met à en faire d'une manière réaliste.

Nos amis de l'Opposition se sont aussi beaucoup glorifiés d'avoir lancé la Société générale de financement. En fait, c'était une excellente initiative à laquelle tous les partis ont concouru, puisque la loi a été adoptée à l'unanimité.

Mais, encore là, que d'inflation verbale! Dans la loi d'abord, qui parlait d'un capital de $150 millions, et plus encore dans les discours qui faisaient se multiplier, comme par enchantement, les nouvelles industries et les nouveaux emplois. En fait, sur un budget annuel de plus de $2 milliards, l'ancien gouvernement n'a trouvé que $5 millions à investir dans la Société générale de financement.

Soyons réalistes. Comment voulez-vous multiplier les industries et les emplois avec $5 millions?

Le gouvernement actuel a triplé les engagements de l'Etat dans la SGF et il entend faire encore davantage dans un proche avenir. Avec les investissements des caisses populaires et les capitaux qu'elle a pu recueillir d'autres sources, l'entreprise dispose présentement d'un actif de $50 millions. C'est un début prometteur, et j'ai pleinement confiance en l'avenir de la SGF.

Cependant, même avec $50 millions, serait-il réaliste de prétendre qu'on pourrait changer miraculeusement la face du Québec? Je dis non. Il en faut bien davantage pour transformer l'économie d'un territoire. C'est par dizaines et par centaines qu'il va falloir multiplier, dans tout le Québec, les entreprises de toute taille et de toute nature.

Voilà pourquoi, après avoir consolidé ce qui avait été entrepris avant nous, nous avons voulu offrir aux industries susceptibles de s'implanter ou de s'agrandir au Québec des avantages qui ne leur avaient jamais été accordés auparavant, soit sous forme de prêts, soit sous forme de stimulants fiscaux ou de primes à l'investissement, soit encore sous forme d'aide à l'implantation d'industries de pointe.

C'est cette gamme extrêmement variée d'Incitations nouvelles qui a fait dire à M. Arthur Smith, président du Conseil économique du Canada, que « le Québec, après avoir accusé du retard, est en voie de se donner l'un des programmes d'expansion industrielle les mieux articulés et les plus complets de toutes les provinces canadiennes ».

Pour être juste, je tiens à ajouter ici que, par son ministère de l'Expansion économique régionale, le gouvernement d'Ottawa nous donne, dans le domaine de la promotion industrielle, un appui vigoureux et hautement apprécié.

Toujours dans le but de stimuler la croissance de notre économie, nous avons doté le Québec de plusieurs instruments nouveaux, comme l'Office du crédit industriel, le ministère des Institutions financières, compagnies et coopératives, l'Office de l'habitation du Québec, la Société québécoise d'initiatives pétrolières, le Centre de recherche industrielle, qui consacrera $20 millions, en cinq ans, à la mise au point de nouvelles méthodes de fabrication et de nouveaux produits, l'Institut national de recherche et l'Office de planification et de développement du Québec, sans oublier, bien entendu, le Conseil général de l'industrie qui assure une coopération plus étroite que jamais entre ces deux partenaires que sont l'Etat et l'entreprise privée.

Nous avons augmenté très substantiellement les budgets des divers ministères â vocation économique. Avec l'autorisation du gouvernement, l'Hydro-Québec est à ériger, près de Boucherville, des laboratoires de recherche qui seront les plus avancés du genre dans toute l'Amérique du Nord.

Nous avons ouvert de nouveaux bureaux du Québec à Chicago, Dallas, Boston et Los Angeles

et nous en ouvrirons bientôt un autre â Dussel-dorf, en Allemagne de l'Ouest. Quoi qu'en disent les tenants d'une démagogie facile, c'est là un investissement des plus profitables, surtout quand nous avons la bonne fortune d'avoir, pour diriger notre agence générale de New York et nos campagnes de promotion aux Etats-Unis, un homme aussi prestigieux que le général Allard.

Les techniques les plus modernes de publicité ont été mises en oeuvre pour populariser les produits du Québec sur nos propres marchés et stimuler du même coup la création de nouveaux emplois. Nous avons fait aussi notre large part pour assurer la survivance de Terre des Hommes, qui vaut bien des industries par le nombre d'emplois qu'elle procure et par l'activité économique qu'elle alimente.

M. le Président, Je pourrais allonger encore cette énumération. Je pourrais parler, par exemple, de l'impact économique des sommes dépensées pour l'éducation. Je pourrais parler également de ce que font, pour parfaire l'outillage économique de la population québécoise, des ministères comme ceux de la Voirie et des Travaux publics.

Prenez la région de Québec: jamais elle n'a connu un élan comparable à celui qui est en train de la transformer de fond en comble. Cet essor n'est pas dû au seul gouvernement provincial. L'entreprise privée y contribue énormément par des réalisations comme celle de la raffinerie de Saint-Romuald, au coût de $70 millions. Le gouvernement fédéral y participe également par les travaux du port et de la rivière Saint-Charles. Mais je me flatte de croire que c'est l'Etat québécois qui a déclenché le mouvement par les énormes travaux du pont Frontenac et de la cité parlementaire, auxquels s'en ajoutent bien d'autres, comme la construction de plusieurs nouveaux boulevards, du complexe scientifique de Sainte-Foy et de plusieurs autres édifices, sans compter les investissements très considérables de l'Hydro-Québec.

Nous avions promis qu'après le « boom » de l'Expo à Montréal, ce serait le tour de la ville et de la région de Québec. Je pense que nous avons tenu parole.

En résumé, je suis convaincu qu'aucun gouvernement n'avait fait autant que le nôtre pour stimuler la croissance économique du Québec; et qu'aucun gouvernement n'aurait pu faire mieux que le nôtre en ces dernières années, compte tenu des moyens dont nous disposions.

Le chef de l'Opposition dira que nous n'avons pas fait de miracle et j'en conviens.Il y a encore trop de chômage au Québec; il y a encore trop de régions qui souffrent de sous-dévelop- pement et d'anémie économique. La plupart des mesures dont j'ai parlé ne produiront d'ailleurs leurs pleins résultats qu'au cours des années qui viennent.

Cependant, bien des indices montrent que nous sommes sur la bonne voie. Pendant qu'en d'autres parties de l'Amérique du Nord, l'activité économique tend à se ralentir dangereusement, on peut déjà percevoir au Québec les signes d'un rebondissement qui pourrait être spectaculaire.

Je sais que les économistes ne sont pas tous du même avis là-dessus. Certains semblent croire que le Québec aura toujours un taux de chômage excessivement élevé. D'autres soutiennent au contraire qu'avant dix ans, nous commencerons à manquer de main-d'oeuvre.Il ne faut pas trop s'étonner de ces divergences de vues, qui n'existent pas seulement chez les avocats.

Ainsi, il y a un économiste en face de nous qui voit les choses d'une certaine façon puisqu'il est chef du Parti libéral; il y en a un autre, avec des diplômes non moins reluisants, qui vient de se ranger avec les péquistes parce qu'il a des vues diamétralement opposées à celles du chef de l'Opposition.

La vérité économique, comme la vérité politique, se trouve habituellement entre les extrêmes, c'est-à-dire entre M. Parizeau et le chef de l'Opposition. Elle réside dans des solutions de synthèse, de bon sens et d'équilibre qui sont celles du gouvernement actuel.

Même s'il y a toujours eu plus de chômage au Québec qu'en certaines autres provinces et même si les pays politiquement indépendants, comme le Canada, n'en subissent pas moins les retombées économiques de ce qui se passe ailleurs, le gouvernement croit qu'il n'y a pas lieu d'être fataliste, que les Québécois seront toujours les premiers artisans de leurs réussites et que, s'ils savent unir leurs efforts, avec cet entêtement magnifique qui leur a si bien servi dans le passé, ils peuvent relever victorieusement les défis de l'ère technologique comme ils ont su relever tous les autres défis de leur histoire.

C'est pourquoi, même si nous avons conscience d'avoir déjà fait beaucoup pour accélérer la croissance économique du Québec, nous sommes bien déterminés à faire encore davantage au cours des quatre ou cinq prochaines années.

Nous avons, dans la fonction publique et dans nos divers organismes gouvernementaux, d'excellentes équipes d'économistes qui travaillent très fort, en étroite collaboration avec des spécialistes d'autres disciplines, pour mettre au point et appliquer les politiques les plus propres à encourager les investissements, à multiplier

les emplois et à réduire aussi vite que possible les zones de pauvreté et de sous-développement.

Nous avons des planificateurs et des chercheurs de mieux en mieux équipés pour éclairer la voie, guider le Québec d'aujourd'hui et préparer le Québec de demain.

Nous avons aussi, dans le Conseil général de l'industrie en particulier, des hommes d'affaires prestigieux qui ont une connaissance pas seulement théorique mais pratique de nos problèmes, qui savent comment l'argent se gagne et comment se crée la richesse. Ils nous font généreusement profiter de leur expérience et je les en remercie.

Nous avons enfin l'avantage, car c'est est un, d'avoir en face de nous un chef de l'Opposition qui est largement ouvert aux problèmes économiques. S'il croit avoir des recettes merveilleuses que nous ne connaissons pas, je lui demande de les verser dans le fonds commun, de les soumettre au feu de la discussion et d'en faire profiter ainsi tous ses compatriotes.

Je lui promets, d'ailleurs, de toujours lui donner le crédit de ses trouvailles si elles sont agréées et incluses dans les politiques gouvernementales. L'important n'est pas de faire grandir un homme politique, un parti politique, mais de faire grandir le Québec.

Cependant, M. le Président, si importantes que soient les valeurs économiques, elle ne sont pas les seules qui comptent. Elles sont des moyens et non des fins.

Au moment où les jeunes, avec beaucoup de raison, à mon sens, reprochent â la société de consommation de manquer d'envolée, de ramper au niveau du sol et du dollar, ce n'est pas le temps, il me semble, de vouloir tout ramener à des questions de pain et de beurre.

Il y a tout de même d'autres valeurs que le dollar dans la vie des hommes et des peuples. Si c'était la seule valeur, il y a longtemps que le Québec serait anglophone et que le Canada serait américain.

Le Québec doit son originalité non pas à son niveau de vie, bien que ce soit là un élément très important dans la conservation de son héritage particulier, mais au fait qu'il est le foyer national des Canadiens français dont 83 pour cent vivent sur son territoire.

Voilà pourquoi le Québec n'est pas et ne peut pas être une province comme les autres. C'est son destin propre d'être à la fois une terre française et une terre nord-américaine.

Car il faut dire que si les Canadiens français sont fiers de leur appartenance culturelle, ils ne sont pas moins fiers de leur appartenance géographique et économique. Trois siècles et demi d'enracinement au coeur de l'Amérique septentrionale les ont marqués tout autant que leur culture. Et de même qu'ils ne veulent pas être moins français du fait qu'ils vivent sur ce continent, ainsi ne veulent-ils pas être des sous-Américains du fait qu'ils parlent, pensent et vivent en français.

Or, ce n'est pas facile, M. le Président, de réaliser pleinement cette double ambition. Ce n'est pas facile de faire en sorte que la qualité de notre vie française et notre niveau de vie ne se fassent pas mutuellement obstacle. Pour y arriver, il faut de solides institutions, au premier rang desquelles il faut bien placer les institutions politiques, surtout â une époque où tend malheureusement à diminuer l'influence des structures sociales et religieuses qui contribuaient jadis à encadrer notre peuple.

D'où la question capitale qui se pose: compte tenu du fait que la nation canadienne-française n'est majoritaire qu'au Québec, quelles sont les institutions politiques qui lui permettront d'assurer au maximum la promotion de ses valeurs propres en milieu nord-américain? Où trouver la juste mesure entre l'autonomie et la participation? Où trouver le point d'équilibre entre les pouvoirs que l'on doit exercer au Québec et ceux que l'on peut profitablement confier à un fonds commun canadien ou nord-américain?

Tel est le problème central de la politique québécoise. C'est ce qui fait sa difficulté et aussi sa grandeur, son immense intérêt.

Problème tellement central que c'est à partir de là, c'est-à-dire par leurs options constitutionnelles beaucoup plus que par leurs options sociales de droite ou de gauche, que se définissent, au Québec, les partis politiques, du moins ceux qui ont été spécialement conçus et organisés en fonction de nos besoins et de nos valeurs à nous.

Je ne suis pas d'accord, M. le Président, avec la solution préconisée par le parti du député de Laurier, mais il faut au moins reconnaître qu'il ne craint pas, lui, d'aller au fond des choses et de poser le vrai problème. Il nous offre, en termes clairs, une mauvaise réponse à la vraie question.

Malheureusement, on ne trouve pas la même clarté dans la doctrine constitutionnelle du chef de l'Opposition et de son parti, si tant est qu'ils aient encore une doctrine constitutionnelle, ce dont je doute fort.

Pendant la récente course à la direction de ce parti, on aurait dit d'un concours entre les trois candidats pour déterminer lequel réussirait le mieux à escamoter le problème. Je manque peut-être de subtilité, mais je n'ai pas encore réussi à comprendre ce qu'il faut

entendre par un fédéralisme rentable, un fédéralisme de conjoncture ou un fédéralisme dialectique.

UNE VOIX: Une théorie !

UNE VOIX: C'est ce qu'elle a de plus rentable!

M. BERTRAND: On a l'impression qu'après avoir pris attitude, à son congrès de 1967, en faveur d'une constitution nouvelle fondée sur le concept des deux nations et comportant un statut particulier pour le Québec, le Parti libéral a graduellement retraité — je ne sais trop sous quelle influence — vers une grisaille de plus en plus opaque.

Dans le Devoir du 21 juin 1968, M. Claude Ryan parlait de « l'opportunisme gluant de certains libéraux », qui venaient, à ce moment-là, de donner leur appui à un politicien fédéral qui avait qualifié de « connerie » le statut particulier pour lequel ils avaient eux-mêmes voté. La confusion et l'illogisme n'ont fait qu'empirer par la suite.

Beaucoup de gens espéraient que, grâce à la lutte au leadership, le Parti libéral dit du Québec pourrait enfin sortir de cette brume malsaine. Hélas! On a l'impression qu'il s'y perd de plus en plus, qu'il ne sait plus où il va, qu'il n'est même plus le maître de sa propre orientation.

Et c'est extrêmement grave. Car nous sommes, depuis janvier 1968, en pleine revision constitutionnelle. Et s'il est un domaine où l'Opposition pourrait et devrait jouer un rôle positif, c'est bien celui-là.

Quand notre équipe siégeait de l'autre côté de la Chambre, elle était, pour le gouvernement d'alors, un stimulant, et non pas un somnifère.

M. LEDUC (Taillon): C'est effrayant!

M. BERTRAND: Songez, par exemple, aux motions présentées par mon camarade Daniel Johnson sur la récupération fiscale, ou encore sur l'urgence d'instituer un régime des rentes spécifiquement québécois avant qu'Ottawa n'ait envahi ce champ d'action. Rappelez-vous la motion que j'ai moi-même présentée et qui a provoqué la création de notre commission parlementaire de la Constitution.

Toutes ces initiatives, M. le Président, n'étaient-elles pas de nature à aider le gouvernement du temps dans ses négociations avec Ottawa? Est-ce qu'elles n'étaient pas de nature à mieux servir les meilleurs intérêts du Québec?

Rappelez-vous les efforts constants que nous avons faits pour maintenir, au sein de cette même commission, un climat d'harmonie et même d'unanimité. Efforts méritoires s'il en fut; car, sur des questions comme celle de la formule Fulton-Favreau, ou encore celle de l'adresse que le gouvernement du temps avait envoyée à Londres au sujet du Conseil législatif, c'est nous qui incarnions vraiment l'esprit du Québec nouveau.

J'aimerais bien, à mon tour, avoir en face de moi une opposition qui pousse plutôt qu'une opposition qui se laisse traîner comme un poids mort. Si nous savions faire l'union sacrée dès que les intérêts essentiels du Québec sont concernés, il nous serait beaucoup plus facile d'obtenir gain de cause.

Mais non, M. le Président, nous nageons en pleine ambiguïté.

Ainsi, quand le chef de l'Opposition a été interrogé par les journalistes à son retour de vacances, et encore jeudi dernier dans sa conférence de presse, il a admis que nous avions raison de réclamer les $200 millions perçus par Ottawa au moyen de sa taxe dite de progrès social; mais il a ajouté du même souffle: « II ne faut pas que l'Union Nationale fasse ses élections sur le dos d'Ottawa. »

M. BOURASSA: M. le Président, puisque le premier ministre a dit qu'il me citait...

DES VOIX: A l'ordre!

M. BOURASSA: M. le Président, si le premier ministre me le permet...

M. BERTRAND: Avec plaisir.

M. BOURASSA: Merci. Puisque le premier ministre a dit qu'il me citait, je n'ai pas dit que je m'opposais à ce que l'Union Nationale fasse les élections sur le dos d'Ottawa, elle les fera sur le dos de n'importe qui, le résultat ne changera pas. Ce que j'ai dit, c'est que sa façon de réclamer les $200 millions relevait davantage...

DES VOIX: Ce n'est pas une question...

M. BERTRAND: M. le Président, j'ai permis au chef de l'Opposition...

M. BOURASSA: ... de la stratégie électorale.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!

M. BERTRAND: M. le Président, j'avais per-

mis une question. Le chef de l'Opposition pourra me répondre. Il n'en reste pas moins que, devant l'opinion publique québécoise, le chef de l'Opposition actuel est en train de devenir la voix de son maître et de son maître qui n'est pas ici. Lorsqu'on nous prend $200 millions...

DES VOIX: A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BOURASSA: L'électoralisme...

M. BERTRAND: Lorsqu'on nous prend $200 millions...

M. LAPORTE : Dans quelle partie de votre...

M. BERTRAND: ... et qu'on refuse de nous les remettre...

M. LAPORTE: Dans quelle partie de votre discours allez-vous citer M. Standfield, qui demande votre appui?

M. BERTRAND: Et lorsqu'on nous prend... M. Standfield n'a jamais été mon maftre, jamais! Depuis 22 ans...

M. LAPORTE: Le premier ministre...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! Cela allait trop bien depuis le début, il faut croire... A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!

Je sais, messieurs, je sais que la commission de l'Assemblée nationale a travaillé sur la refonte des règlements; je ne sache pas, cependant, que ce qui se passe actuellement ait été permis dans les nouveaux règlements.

A l'ordre! J'ai vu le député de Chambly debout; à moins qu'il ne veuille invoquer ou bien une question de règlement ou d'ordre, c'est l'honorable premier ministre qui doit maintenant continuer.

M. LAPORTE: M. le Président, si vous me permettez, puisque vous m'avez interpellé, il est permis, je pense, en vertu du règlement, de solliciter de la personne qui opine le droit de lui poser une question. Le premier ministre n'a pas voulu, je n'insiste pas.

M. BERTRAND: Très bien.

M. le Président, depuis 22 ans que je fais de la politique au Québec, je n'ai jamais pris part à aucune élection fédérale, j'ai comme seul maftre le peuple du Québec, pas d'autre.

Lorsqu'on nous prend un montant de $200 millions et qu'on refuse de nous le remettre, qui est sur le dos de qui? Pourquoi toujours blâmer la victime et jamais l'agresseur? Pourquoi cette peur que l'on fasse mal à Ottawa? Pourquoi ce cri du coeur?

Le chef de l'Opposition a dit en outre que nous avions essuyé un refus parce que nos dossiers étaient mal préparés.

M. TETLEY: C'est vrai.

M. BERTRAND: Je lui demande ceci: Esti-me-t-il que, dans une société juste, le montant de $200 millions doit aller à ceux qui y ont droit ou à ceux qui ont les meilleurs dossiers? De plus, il sait fort bien que ce qui a changé depuis l'époque de M. Pearson...

M. BOURASSA: Des jeux de mots!

M. BERTRAND: ... ce n'est pas la qualité des dossiers du Québec. Le chef de l'Opposition sait très bien ce qui a changé à Ottawa depuis 1968.

Il sait très bien aussi...

M. BOURASSA: ... au Québec...

M. BERTRAND: ... par sa propre expérience personnelle, qu'on peut avoir les meilleurs dossiers du monde et avoir comme interlocuteur quelqu'un qui ne veut même pas les voir parce qu'il a décidé de dire non, non et non; non avant, non pendant et non après.

Est-ce parce que le chef de l'Opposition avait de mauvais dossiers qu'il a essuyé un refus de la part de M. Claude Wagner?

Ceux qui me connaissent savent fort bien...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BERTRAND: ... que je ne suis pas chicanier, que je ne suis pas homme à chercher des querelles inutiles. C'est justement pour restreindre autant que possible les occasions de conflits que je milite avec mes collègues pour une constitution nouvelle.

Si donc c'est par devoir, et non par tempérament ou par plaisir, que je me bats pour les droits du Québec, il doit m'arriver quelquefois d'avoir raison. Cela n'a tout de même pas de bon sens qu'on veuille faire un dogme de l'infaillibilité fédérale.

Or, dans toutes les disputes qui ont mis aux prises les deux gouvernements en ces dernières années, quand l'Opposition a-t-elle pris carrément parti pour le Québec? Quand l'Opposition

ne s'est-elle pas retranchée dans une attitude ambiguë, soit par ses déclarations ou même par ses silences?

Eh bien, je dis qu'il est temps que le chef de l'Opposition sorte son parti de la brume! Il est temps que le peuple sache ce que pensent et ce que veulent ceux qui se préparent à lui demander un mandat québécois.

Finies les ambiguïtés! Finies les équivoques! Finies les pirouettes! Et finis, quant à nous, les nons! C'est oui!

Pour aider le chef de l'Opposition à nous donner des réponses claires, je vais lui poser trois petites questions bien précises.

Premièrement, quelle attitude l'Opposition entend-elle prendre au sujet du document de travail que le Québec a soumis à la conférence constitutionnelle dès juillet 1968 et que j'ai rendu public le 9 octobre de la même année après en avoir adressé des exemplaires à chacun des députés?

Le chef de l'Opposition a ce document en sa possession depuis près d'un an et demi.

M. BOURASSA: J'ai déjà donné mon point de vue là-dessus.

M. BERTRAND: II sait ou devrait savoir qu'il y a des propositions précises et clairement expliquées sur tous les aspects du problème constitutionnel canadien. C'est donc le schémade ce fédéralisme nouveau qui pourrait, d'après nous, tenir compte aussi bien de la situation particulière du Québec que des besoins du reste du pays.

Je ne demande pas au député de Mercier de se prononcer sur chaque mot et sur chaque virgule; mais je lui demande de nous dire au moins si, après dix-sept mois de réflexion sur un dossier qui a été bien préparé, 11 est en mesure de nous dire s'il en approuve au moins l'esprit et la substance.

Deuxièmement, quelle attitude l'Opposition entend-elle prendre sur les documents soumis à la même conférence par le gouvernement fédéral, en particulier celui qui porte sur la sécurité sociale et qui a été rendu public au moment de la conférence de décembre dernier?

On sait que, loin de vouloir concéder au Québec une plus grande latitude en matière de sécurité sociale, Ottawa propose que soit renversée en sa faveur la priorité de l'article 94-A, de façon que les lois fédérales aient désormais préséance sur les lois provinciales en matière de régie des rentes et de tout ce qui s'y rattache.

Il s'agit là d'un dossier fédéral, donc, qui doit être bien préparé, suivant les normes du chef de l'Opposition, qui n'aura aucune difficulté, je l'espère, à nous dire ce qu'il en pense.

Troisièmement, le chef de l'Opposition est-il d'avis que, pour communiquer avec d'autres communautés francophones dans les matières qui sont de son ressort exclusif, comme l'éducation, le Québec doive se faire interpréter par M. Sharp ou par d'autres représentants d'un ministère canadien des Affaires extérieures où le français tient la place que l'on sait?

La population québécoise a le droit de connaître les réponses à ces trois questions et je suis sûr qu'elle les attendra avec un immense intérêt.

M. le Président, si les réponses de l'Opposition sont substantiellement les mêmes que celles du gouvernement, alors la question constitutionnelle cessera d'être un enjeu électoral, du moins entre les deux partis majeurs. Pour ma part, je n'en serai aucunement fâché. Je serai même ravi de pouvoir parler d'autre chose.

Si, par contre, le chef de l'Opposition et ses amis maintiennent l'attitude polyvalente qui les caractérise depuis deux ans et continuent d'abandonner une à une les positions qui, à une certaine époque, ont fait la force de leur parti parce qu'elles faisaient d'abord et avant tout la force du Québec, alors les électeurs auront un choix facile à faire.

Ils auront à choisir entre les fédéralistes d'abord, qui sont prêts d'avance à accepter n'importe quelle condition pour maintenir les structures actuelles; les séparatistes d'abord, qui sont prêts d'avance à lancer le Québec dans n'importe quelle aventure sans savoir comment ils pourront réparer, après coup, les pots cassés; et les Québécois d'abord, qui cherchent à adapter les structures politiques aux meilleurs intérêts du Québec, plutôt que d'adapter le Québec à des structures prédéterminées.

M. le Président, le discours inaugural — et ce sera ma conclusion — parle de deux vertus qui pourraient, si nous savions les pratiquer davantage, changer complètement la face du Québec, soit l'optimisme et la solidarité.

Quand je songe à la multiplicité des partis qui se feront la lutte aux prochaines élections, je ne m'en inquiète pas pour le gouvernement; plus il y aura de groupuscules pour diviser les mécontents, mieux ce sera pour nous; mais Je m'en inquiète sérieusement pour le Québec.

Car, à l'exception du parti ministériel, tous ces groupements chercheront à décrire la situation en des termes aussi noirs que possible afin de se faire acclamer comme des sauveurs. Ce sont autant de partis et de candidats qui s'ingénieront à trouver des maladies pour toutes

leurs panacées et des problèmes pour toutes leurs solutions.

C'est d'autant plus grave qu'avec notre tempérament individualiste et naturellement grognard, nous sommes portés d'avance à exagérer nos bobos, à nous quereller entre nous et, ce qui est encore pire, à porter nos querelles sur la place publique.

Un humoriste (Daninos) a dit que la France était un pays divisé en 48 millions de Français. Je pense que, sur ce point-là du moins, nous sommes restés furieusement français. Le moindre incident, surtout s'il peut servir à nourrir une polémique ou à mettre quelqu'un dans l'eau bouillante, paraît toujours plus grave au Québec qu'ailleurs.

Prenons les grèves. A en juger par le bruit qu'elles font, on les croirait bien plus nombreuses et bien plus graves au Québec qu'en Ontario. Or, c'est exactement le contraire qui est vrai.

D'après les statistiques fédérales, qui n'ont pas coutume de refléter un parti pris pro-qué-bécois, il y a eu, en 1968, 137 grèves au Québec et 289 en Ontario. Ces grèves ont impliqué 34,421 travailleurs au Québec et 131,000, près de 132,000 en Ontario, soit quatre fois plus.

UNE VOIX: ... la grève de la faim...

M. BERTRAND: Elles ont entraîné la perte d'un million de jours de travail au Québec et de deux millions et demi en Ontario.

En 1969, la situation s'est encore améliorée au Québec, grâce à l'excellent travail de notre doyen, le député de Champlain, et de toute son équipe. En 1969, le nombre de jours de travail perdus par les grèves au Québec est tombé à 736,000, alors qu'elle s'aggravait énormément en Ontario, où il y a eu une perte de 5,375,000 jours de travail, soit huit fois plus que dans notre province. Prenons maintenant la situation économique...

M. MALTAIS (Saguenay): Ils ne travaillent pas ici. Ils ne peuvent pas arrêter ça.

M. BERTRAND: ... à entendre ou à lire nos broyeurs de noir professionnels, est-ce...

M. MALTAIS (Saguenay): Oui, oui, oui.

M. BERTRAND: ... qu'on ne croirait pas que la situation se détériore lamentablement d'une année à l'autre? Mais ce n'est pas tout ce que disent les statistiques fédérales.

Notre revu provincial brut est passé de $14 milliards, 263 millions en 1965 à $15 milliards 867 millions en 1966; 17 milliards, 22 millions en 1967; $18 milliards 314 millions en 1968 et $19 milliards 880 millions en 1969.

Le revenu personnel a été de $10 milliards 555 millions en 1965; $11 milliards 820 millions en 1966; $13 milliards 139 millions en 1967; $14 milliards 263 millions en 1968; et $15 milliards 600 millions en 1969.

M. le Président, le revenu personnel par habitant, qui était de $1,857 en 1965, a monté à $2,045 en 1966; $2,239 en 1967...

M. BOURASSA: L'inflation.

M. BERTRAND: ... $2,239 en 1967, $2,406 en 1968; et $2,607 en 1969.

La valeur des expéditions provenant de nos industries manufacturières a été de $9 milliards 492 millions en 1965; $10 milliards 380 millions en 1966; $10 milliards 946 millions en 1967; $11 milliards 334 millions en 1968; et $12 milliards 184 millions en 1969.

M. BOURASSA: Cela comprend la hausse des coûts?

M. BERTRAND: On retrouve la même progression dans les ventes au détail. Et le nombre de personnes ayant un emploi au Québec est passé de 1,912,000 en 1965 â 2,132,000 en 1969, soit une augmentation de 220,000 en quatre ans ou une augmentation moyenne de 55,000 par année.

DES VOIX: Des chômeurs, combien?

M. BERTRAND: Est-ce que tous ces chiffres, et bien d'autres que je pourrais citer, par exemple sur l'enregistrement des véhicules-automobiles et les autres Indices du niveau de vie, ne reflètent pas une progression constante et régulière d'année en année?

Voulez-vous des exemples où l'on critique Québec? Je vais reprendre une histoire qui est heureusement réglée. Prenons l'affaire de Saint-Léonard à l'époque. Il y en a eu une seule au Québec en 102 ans. Combien y en a-t-il eu de centaines d'autres dans les autres provinces?

M. LEDUC (Taillon): Nommez-les.

M. BERTRAND: A qui fera-t-on croire qu'il y avait plus de droits et de principes en cause dans l'affaire de Saint-Léonard que dans celle de Maillardville, par exemple, en Colombie canadienne, où les Canadiens français étaient soumis jadis à une triple taxation puisqu'ils devaient payer les mêmes impôts que tous les autres contribuables, tous les frais de construction, d'en-

tretien et d'administration des écoles en plus d'un impôt foncier pour leurs écoles séparées?

Je sais que la situation a heureusement été corrigée et je n'ai pas l'intention de ressusciter le passé. Mais pourquoi faut-il qu'en 1970, comme on l'a entendu dernièrement, des Canadiens français tentent de faire peur â nos minorités, au Québec, en leur donnant â entendre que seul le gouvernement fédéral aurait l'esprit assez large et le coeur assez généreux pour protéger les droits fondamentaux des personnes et des groupes?

Ont-ils oublié, ces dénigreurs, que, par l'article 93 de la Constitution canadienne, le gouvernement fédéral avait le droit et le devoir d'intervenir, â l'époque, pour protéger les écoles séparées partout au pays et qu'il ne l'a Jamais fait pour les centaines de cas comme Saint-Léonard qui se sont produits ailleurs? Ont-ils oublié que le Québec, par contre, a toujours fait, pour ses propres minorités, beaucoup plus que ce â quoi il était tenu par la Constitution?

Quelles fins politiques ou idéologiques espère-t-on servir en soufflant ainsi sur la braise des préjugés? Et comment un Québécois peut-il espérer se grandir en rapetissant le Québec?

M. le Président, il m'arrive de rêver aux prodigieux résultats que l'on pourrait obtenir si, au cours de la prochaine campagne électorale, tous les partis en lice utilisaient les talents, les énergies et les moyens financiers dont ils disposent pour construire le Québec au lieu de le démolir; pour unir les Québécois au lieu de les diviser; pour communiquer â tous une foi inaltérable en l'avenir de leur province et de leur pays.

Nous déployons beaucoup d'efforts pour mieux faire connaître à l'étranger le Québec, ses ressources et ses produits; je me demande souvent s'il ne faudrait pas commencer par vendre le Québec aux Québécois eux-mêmes.

Voici un territoire immense, situé au carrefour de deux mondes et de deux cultures, traversé par la plus grande voie maritime du monde et regorgeant de richesses à peine entamées. Pourquoi serions-nous les derniers à découvrir tout ce qui reste â créer et â mettre en valeur dans ce Québec qui nous appartient?

« Ne vous demandez pas ce que la patrie peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour elle » disait Kennedy. Si donc il reste tant de choses à réaliser au Québec, ce n'est pas le temps de nous chercher mutuellement querelle. A nous d'entrer dans la ronde, de nous épauler les uns les autres et de participer d'une façon positive au progrès de la collectivité dont nous sommes solidaires.

Il nous faut même regarder plus loin que la présente décennie, puisque ceux qui voteront pour la première fois cette année auront â peine 50 ans quand débutera le prochain millénaire.

Québécois de toute langue et de toute origine, c'est ensemble que nous devons vivre la grande aventure du Québec moderne. En construisant ensemble le Québec des années 70, nous devons commencer dès maintenant à inventer ensemble le Québec de l'an 2,000.

M. le Président, j'ai l'honneur de proposer, secondé par le député du comté de Champlain, M. Maurice Bellemare, que l'adresse suivante soit présentée â l'honorable lieutenant-gouverneur: Nous, les membres de l'Assemblée nationale du Québec, vous remercions pour le discours inaugural qu'il vous a plu de prononcer.

M. BOURASSA: M. le Président, je demande l'ajournement du débat.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Est-ce que la motion de l'honorable chef de l'Opposition est adoptée?

Adopté.

Rapport de la commission de l'Assemblée nationale

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que je pourrais obtenir le consentement unanime de la Chambre pour qu'il me soit permis de présenter le rapport de la commission de l'Assemblée nationale? Cette commission s'est réunie le 13 février 1970, et elle recommande que les amendements apportés aux règlements de l'Assemblée nationale au cours de la session précédente soient adoptés de nouveau par cette Chambre, afin que nos travaux, au cours de la présente session, soient régis par ces dits amendements et que ceux-ci soient inscrits in extenso au procès-verbal.

Que le feuilleton soit amendé pour y inclure aux affaires courantes, après « présentation de bills publics », les trois articles suivants: déclarations ministérielles, dépôt de documents et questions des députés.

M. BERTRAND: Adopté.

M. PAUL: M. le Président, après en avoir discuté avec l'honorable député de Chambly — des consultations ont sûrement été faites des deux côtés de cette Chambre — j'aurais l'honneur de proposer, appuyé par l'honorable député de Chambly, que le rapport de M. Fréchette,

président de la commission de l'Assemblée nationale, produit ce jour et amendant notre règlement, soit transformé en motion pour son adoption par la Chambre afin que nos travaux, durant la présente session, soient régis par ces amendements.

M. LE PRESIDENT: Adopté? Adopté. Commissions permanentes

M. BERTRAND: M. le Président, au prochain article du feuilleton, il s'agit d'instituer les commissions permanentes ordinaires. Si la Chambre n'a pas d'objection, ce seront les mêmes commissions.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. BERTRAND: J'ai l'honneur de faire motion pour que les commissions permanentes suivantes soient instituées — je n'ai pas besoin de les appeler toutes, on pourra reproduire cela.

(Voir annexe)

M. LE PRESIDENT: La motion de l'honorable premier ministre est-elle adoptée? Adopté.

Comité de onze membres

M. BERTRAND: J'ai maintenant l'honneur, M. le Président, de proposer qu'un comité spécial de onze membres soit institué pour choisir les membres ainsi que le président de chaque commission dont la Chambre vient de décider la formation et pour fixer le nombre des membres ainsi que le quorum de chacune de ces commissions. Que messieurs Bertrand, Bourassa, Cliche, Demers, Hyde, Laporte, Lavoie, Lebel, Maltais (Limoilou), Paul et Pinard forment ledit comité spécial. Suivant la coutume, nous pourrions nous réunir demain matin à onze heures et demie à ma salle de conférence.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. Roland Théorêt. vice-président de la Chambre

M. BERTRAND: M. le Président, je me suis entendu avec le chef de l'Opposition tantôt pour procéder immédiatement à la proposition pour le vice-président de la Chambre, avec la permission des collègues. J'avais d'ailleurs averti, à l'époque, le chef de l'Opposition que j'aurais l'honneur de suggérer comme vice-président le président du comité plénier, M. Roland Théorêt, député du comté de Papineau.

M. Théorêt est un homme débordant d'activités...

M. LAPORTE: Débordant!

M.BERTRAND: ...travailleur.Il a un sens aigu de ses responsabilités. Nous l'avons connu comme président du comité des bills publics et privés...

M. LACROIX: II n'a pas l'apparence d'un grand avocat, mais en tout cas...

M. BERTRAND: ... où il s'est acquitté de sa tâche avec impartialité. Il a acquis une belle expérience, également en Chambre, en remplaçant a l'occasion le vice-président.

Je suis donc heureux de proposer, comme vice-président de l'Assemblée nationale, Me Roland Théorêt, député du comté de Papineau.

M. BOURASSA: M. le Président, j'appuie avec plaisir la motion du premier ministre. Je ne doute pas que le député de Papineau contribue avec talent à alléger la tâche du député de Sherbrooke.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

Commission de l'éducation

M. PAUL: M. le Président, je voudrais faire motion pour qu'on mette de côté l'article 760 de notre règlement afin que la commission de l'Education puisse siéger demain après-midi et poursuivre son travail dans l'étude du projet de loi 62 qui devra être considéré, aux fins de la présente session, comme un instrument de travail.

M.LAPORTE: M. le Président, j'en ai dit un mot au chef de l'Opposition; nous n'avons pas d'objection à la condition qu'il soit bien clair que nous suspendons, a l'unanimité, l'application du règlement no 760 seulement pour les fins de la commission qui doit siéger demain.

M. PAUL: C'est ça.

M. LE PRESIDENT: La motion est adoptée.

M. PAUL: M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain après-midi, trois heures. Après la période des questions, la commission de l'Education siégera.

M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain après-midi, trois heures.

(Fin de la séance: 16 h 39)

ANNEXE

1 — Commission de la présidence du conseil.

2 — Commission de l'administration de la justice.

3 — Commission du Secrétariat de la province.

4 — Commission des Affaires intergouvernementales.

5 — Commission des Affaires culturelles.

6 — Commission des Finances.

7 — Commission du Revenu.

8 — Commission des Richesses naturelles.

9 — Commission des Terres et Forêts.

10 — Commission de l'Agriculture et de la Colonisation.

11 — Commission de la Voirie.

12 — Commission des Travaux publics.

13 — Commission du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

14 — Commission de la Santé.

15 — Commission des Affaires municipales.

16 — Commission du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche.

17 — Commission de l'Industrie et du Commerce.

18 — Commission de la Famille et du Bien-Etre social.

19 — Commission des Transports et Communications.

20 — Commission de l'Education.

21 — Commission des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

22 — Commission de l'Immigration.

23 — Commission des bills privés et des bills publics.

24 — Commission des comptes publics.

25 — Commission de l'Assemblée nationale.

MEMBRES DU CABINET PROVINCIAL

L'honorable Jean-Jacques Bertrand Premier Ministre et Président du Conseil exécutif

L'honorable Maurice Bellemare Ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre

L'honorable Raymond Johnston Ministre du Revenu

L'honorable Fernand Lizotte Ministre des Transports

L'honorable Francis Boudreau Ministre d'Etat aux Affaires municipales

L'honorable Armand Russell Ministre des Travaux publics

L'honorable Armand Maltais Solliciteur général, et

Ministre des Institutions Financières, Compagnies et Coopératives

L'honorable Claude G. Gosselin Ministre des Terres et Forêts

L'honorable Fernand J. Lafontaine Ministre de la Voirie

L'honorable Paul Allard Ministre des Richesses naturelles

L'honorable Jean-Paul Cloutier Ministre de la Santé, de la Famille et du Bien-Etre social

L'honorable Gabriel Loubier Ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche

L'honorable Jean-Noël Tremblay Ministre des Affaires culturelles

L'honorable Clément Vincent Ministre de l'Agriculture et de la Colonisation

L'honorable Roch Bolvin Ministre d'Etat à la Santé, à la Famille et au Bien-Etre social

L'honorable Marcel Masse Ministre des Affaires Intergouvernementales

L'honorable François-Eugène Mathieu Ministre d'Etat aux Finances

L'honorable Jean-Paul Beaudry Ministre de l'Industrie et du Commerce

L'honorable Robert Lussier Ministre des Affaires municipales

L'honorable Jean-Guy Cardinal Vice-président du Conseil exécutif, Ministre de l'Education

L'honorable Jean-Marie Morin Ministre d'Etat à l'Education

L'honorable Rémi Paul Ministre de la Justice

L'honorable Mario Beaulieu Ministre des Finances et de l'Immigration

L'honorable François Gagnon Ministre d'Etat aux Travaux publics

L'honorable Gérard LeBel Ministre des Communications

L'honorable Jean Cournoyer Ministre de la Fonction publique

ADJOINTS PARLEMENTAIRES

MM.

DEMERS, Philippe................. Cabinet du Premier ministre

BERGERON, Marc................. Tourisme, Chasse et Pêche

BERNATCHEZ, René............... Agriculture et Colonisation

GAUTHIER, J.-Georges ............. Agriculture et Colonisation

GAUTHIER, Guy .................. Santé

MARTEL, Maurice ................ Famille et Bien-Etre social

PLAMONDON, Marcel R............. Terres et Forêts

SAUVAGEAU, Paul-Emile............ Institutions financières, compagnies et coopératives

ROY, Pierre..................... Voirie

THEORET, Roland................. Revenu

DEPUTES DE L'ASSEMBLEE NATIONALE

District électoral Nom Profession Affiliation politique

Abitibi-Est Lucien Cliche Avocat Lib.

Abitibi-Ouest Alcide Courcy Agronome Lib.

Ahuntsic Jean-Paul Lefebvre Administrateur scolaire Lib.

Argenteuil Zoël Saindon Médecin Lib.

Arthabaska Roch Gardner Professeur U.N.

Bagot Jean-Guy Cardinal Notaire U.N.

Beauce Paul-E. Allard Agent U.N.

Beauharnois Gérard Cadieux Commerçant Lib.

Bellechasse Gabriel Loubier Avocat U.N.

Berthier Guy Gauthier Médecin U.N.

Bonaventure Gérard-D. Lévesque Avocat et homme d'affaires Lib.

Bourassa Georges-E. Tremblay Marchand industriel Lib.

Bourget Paul-Emile Sauvageau Homme d'affaires U.N.

Brome Glendon-Pettes Brown Cultivateur Lib.

Chambly Pierre Laporte Avocat et journaliste Lib.

Champlain Maurice Bellemare Serre-freins U.N.

Charlevoix Raymond Mailloux Homme d'affaires Lib.

Châteauguay George Kennedy Comptable agréé Lib.

Chauveau François-Eugène Mathieu Comptable agréé U.N.

Chicoutimi Jean-Noël Tremblay Professeur U.N.

Compton Claude-G. Gosselin Commerçant U.N.

D'Arcy-McGee Victor-C. Goldbloom Médecin Lib.

Deux-Montagnes Gaston Binette Notaire Lib.

Dorchester Paul-Henri Picard Assureur-vie U.N.

Dorion Mario Beaulieu Notaire U.N.

Drummond Bernard Pinard Avocat Lib.

Dubuc Roch Boivin Médecin U.N.

Duplessis Henri-L. Coiteux Ingénieur forestier Lib.

Fabre Gilles Houde Directeur d'éducation Lib. physique

Frontenac Fernand Grenier Professeur U.N.

Gaspé-Nord François Gagnon Gérant U.N.

Gaspé-Sud J.-Arthur-Guy Fortier Médecin chirurgien Lib.

Gatineau Roy Fournier Avocat Lib.

Gouin Yves Michaud Journaliste L. Ind.

Hull Oswald Parent Administrateur professionnel Lib.

Huntingdon Kenneth Fraser Cultivateur Lib.

Iberville Alfred Croisetière Expéditeur U.N.

Iles-de-la-Madeleine Louis-Philippe Lacroix Comptable Lib.

Jacques-Cartier Noël St-Germain Optométriste Lib.

Jeanne-Mance Aimé Brisson Comptable agréé Lib.

Jean-Talon Henri Beaupré Avocat Lib.

Joliette Pierre Roy Assureur-vie U.N.

Jonquière Gérald Harvey Comptable Lib.

Kamouraska Adélard D'Anjou Industriel U.N.

Labelle Fernand Lafontaine Ingénieur U.N.

Lac St-Jean J.-Léonce Desmeules Entrepreneur U.N.

Lafontaine Jean-Paul Beaudry Industriel U.N.

L'Assomption Robert Lussier Médecin U.N.

Laurier René Lévesque Journaliste Ind.

Laval (siège vacant depuis le 24 octobre 1969)

Laviolette André Leduc Négociant en gros U.N.

Lévis Jean-Marie Morin Professeur U.N.

Limoilou Armand Maltais Avocat U.N.

L'Islet Fernand Lizotte Médecin U.N.

Lotbinière René Bernatchez Agronome U.N.

Louis-Hébert Jean Lesage Avocat Lib.

Maisonneuve André Léveillé Secrétaire exécutif U.N.

Marguerite-Bourgeoys Claire Kirkland-Casgrain Avocate Lib.

Maskinongé Rémi Paul Avocat U.N.

Matane Jean Bienvenue Avocat Lib.

Matapédia Bona Arsenault Journaliste et homme d'affairesLib.

Mégantic Marc Bergeron Avocat U.N.

Mercier Robert Bourassa Avocat et économiste Lib.

Missisquoi Jean-Jacques Bertrand Avocat U.N.

Montcalm Marcel MasseProfesseurU.N.

Montmagny Jean-Paul Cloutier Comptable U.N.

Montmorency Gaston Tremblay Médecin Ind.

Napierville-Laprairie Laurier Baillargeon Industriel Lib.

Nicolet Clément Vincent Cultivateur U.N.

N.-D.-de-Grâce William Tetley Avocat Lib.

Olier Fernand Picard Industriel Lib.

Outremont Jérôme Choquette Avocat Lib.

Papineau Roland Théorêt Notaire U.N.

Pontiac Raymond Johnston Marchand U.N.

Portneuf Marcel-R. Plamondon Courtier d'assurance agréé U.N.

Richelieu Maurice Martel Pharmacien U.N.

Richmond J.-Emilien Lafrance Agent d'immeubles Lib.

Rimouski Maurice Tessier Avocat Lib.

Rivière-du-Loup Gérard Lebel Avocat U.N.

Robert-Baldwin Arthur-E. Séguin Entraîneur Lib.

Roberval J.-Georges Tremblay dit Gauthier Garagiste U.N. dit Gauthier

Rouville Paul-Yvon Hamel Agent d'affaires U.N.

Rouyn-Noranda P.-Antonio Flamand Professeur Ind.

Saguenay Pierre Maltais Avocat Lib.

Sainte-Anne Francis dit Frank Hanley Agent Ind.

Sainte-Marie Jean-Jacques Crôteau Avocat U.N.

Saint-Henri Carmine dit Camille Martellani Entrepreneur spécialisé U.N.

Saint-Hyacinthe Denis Bousquet Professeur U.N.

Saint-Jacques Jean Cournoyer Avocat U.N.

Saint-Jean Jérôme Proulx Professeur Ind.

Saint-Laurent Léo Pearson Instituteur Lib.

Saint-Louis Harry Blank Avocat Lib.

Saint-Maurice Philippe Demers Vétérinaire U.N.

Saint-Sauveur Francis Boudreau Comptable U.N.

Shefford Armand Russell Industriel U.N.

Sherbrooke Renald dit Raynald Fréchette Avocat U.N.

Stanstead Georges Vaillancourt Commerçant Lib.

Taillon Guy Leduc Publicitaire Lib.

Témiscamingue Gilbert Théberge Chirurgien dentiste Lib.

Témiscouata Montcalm Simard Industriel U.N.

Terrebonne Hubert Murray Ingénieur conseil U.N.

Trois-Rivières Gilles Gauthier Avocat U.N.

Vaudreuil-Soulanges F-Edouard Belliveau Notaire U.N.

Verchères Guy LeChasseur Avocat Lib.

Verdun Claude Wagner Avocat Lib.

Westmount J.-Richard Hyde Avocat Lib.

Wolfe J.-Benoît-René Lavoie Agent d'affaires U.N.

Yamaska Paul Shooner Marchand U.N.

Lib. Libéral

U.N. Union Nationale

Ind. Indépendant

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