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(Quinze heures cinq minutes)
M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Présentation de pétitions. Lecture et réception de
pétitions. Présentation de rapports de comités
élus.
L'honorable ministre de la Justice.
Commission des bills privés et des bills
publics
M. PAUL: M. le Président, rapport de la commission des bills
privés et des bills publics.
La commission des bills privés et des bills publics a l'honneur
de soumettre à votre honorable Chambre son treizième rapport.
Votre commission a décidé de rapporter avec des
amendements les bills suivants:
Bill 94 Loi modifiant la charte du Brome-Missisquoi-Perkins
Hospital.
Bill 95 Loi concernant un immeuble situé dans la
municipalité de la paroisse de Saint-Ambroise-de-Kildare.
Bill 237 - Loi concernant Valleyfield Golf and Country Club Inc. et,
sans amendement, les bills suivants:
Bill 96 Loi concernant un immeuble situé dans la
municipalité de la paroisse de Saint-Esprit.
Bill 104 Loi concernant la Fabrique de la paroisse de
Sainte-Cécile de Salaberry-de-Valleyfield.
Respectueusement soumis.
M. LE PRESIDENT: Ce rapport sera-t-il adopté? Adopté.
Présentation de motions non annoncées. Présentation
de bills privés. Présentation de bills publics.
M. BERTRAND: M. le Président, est-ce que je pourrais obtenir le
concours des membres de cette Chambre pour appeler les trois projets de loi qui
sont en appendice aujourd'hui, l'un au nom de M. Johnston, les deux autres au
nom de M. Paul. Nous pourrons indiquer le bill au nom de M. Johnston qui porte
le numéro 82, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur les
corporations.
M. LESAGE: M. le Président...
M. BERTRAND: Avec le concours de...
M. LESAGE: Oui, d'accord, je n'ai pasd'ob-jectlon à donner mon
concours. Le premier ministre m'a fait parvenir hier les épreuves de ces
trois projets de loi. Je les al examinés hier soir. Je comprends
maintenant qu'ils sont imprimés et prêts pour distribution puisque
apparaissent en appendice les lettres F. A. vis-à-vis chaque titre de
projet de loi.
Mais ma remarque s'adresse au premier ministre et elle est corollaire.
Je remarque que de ces trois projets de loi qui apparaissent en appendice, le
premier ministre n'en a mentionné qu'un. Vendredi de la semaine
dernière, alors qu'il nous a annoncé le menu législatif
d'ici la fin de la session.
Alors, le...
M. BERTRAND: J'ai dit...
M. LESAGE: ... premier ministre comprendra que la question vienne tout
naturellement. Y en a-t-il beaucoup d'autres comme cela...
M. BERTRAND: Non.
M. LESAGE: ... qui seront présentés en dehors de la liste
qui nous a été donnée par le premier ministre?
M. BERTRAND: Non.
M. LESAGE: Parce que si nous continuons, comme il en reste dix dans la
liste qui nous a été soumise par le premier ministre, vendredi de
la semaine dernière, eh bien, s'il faut multiplier par trois, cela fera
trente!
M. BERTRAND: J'avais indiqué dans mon mémoire au chef de
l'Opposition que, s'il y avait de nouveaux projets, je l'en avertirais.
Je regrette de ne pas l'avoir fait. Ayant reçu les
épreuves, il a été averti, mais il conviendra avec moi
que, dans le cas du bill de la Régie des loyers, c'est le projet de loi
annuel.
M. LESAGE: D'accord.
M. BERTRAND: Il n'y a rien de contentieux.
M. LESAGE: D'accord.
M. BERTRAND: Deuxièmement, je lui avais indiqué qu'il y
aurait des amendements à la Loi de la Régie des alcools.
M. LESAGE: Oui, oui.
M. BERTRAND: Je pense que le seul nouveau est celui modifiant...
M. LESAGE: Un sur trois.
M. BERTRAND: ... la Loi de l'impôt sur les corporations.
M. LESAGE: Mais, c'est un sur trois.
M. BERTRAND: Oui. C'est un bill important.
M. LESAGE: J'attendrai les explications détaillées du
ministre.
M. BERTRAND: Oui, le ministre en donnera.
Bill 82
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Revenu propose la
première lecture de la Loi de l'impôt sur les corporations.
MR. JOHNSTON: Mr. President. Bill 82, An Act to amend the Corporation
Tax Act, has to do with a modification to the section 3 of the Corporation Tax
Act to concur with modifications made in other provinces. The Bill removes, in
matters of taxation, of insurance premiums the special rule for reinsurance by
which the company which insures in the first place is exempt from the tax if
the reinsured is the holder of a permit in Quebec, in which case the tax is
then payable by the reinsurer.
Henceforth, the tax will always be payable by the first insurer.
MR. LESAGE: If I understand correctly, it does not alter at all the
amount of revenue to be derived from insurance companies, but if is only a
change in the procedure as to the first responsability for the payment of the
tax. Am I correct?
MR. JOHNSTON: Quite correct.
M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle
adoptée? Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine
séance ou à une séance subséquente.
Bill 84
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la
première lecture de la
Loi modifiant de nouveau la loi de la Régie des alcools.
L'honorable ministre de la Justice.
M. PAUL: M. le Président, ce projet de loi portera le no 84.
L'article premier de ce projet autorise la régie à
délivrer des permis de salle à manger dans les quatre grands
parcs provinciaux du Québec et prévoit qu'ils pourront être
exploités dans un établissement distinct et non
nécessairement dans un hôtel, un motel ou une gare.
L'article 2 diminue de 5,000 à 2,000 âmes la population
minimum requise dans une municipalité pour qu'un permis de restaurant
puisse y être exploité.
L'article 3 affirme le droit de toute personne de prendre connaissance
des objections qui parviennent à la régie à l'occasion
d'une demande de permis.
L'article 4 prévoit que, dans le cas d'une demande de permis
provenant de la municipalité de la côte nord du golfe
Saint-Laurent, il ne sera pas nécessaire de soumettre la demande
à l'approbation de tous les électeurs de la municipalité,
mais uniquement à l'approbation des électeurs de la
localité où le permis doit être exploité.
L'article 5 prévoit que les détenteurs de permis qui
vendent des boissons alcooliques à l'occasion d'un scrutin provincial,
municipal ou scolaire, commettront une infraction punissable d'une amende
pouvant atteindre $2,000. L'article 6 est de concordance.
M. LESAGE: M. le Président... UNE VOIX: Voyons, voyons!
M. LESAGE: ... on calcule la population par le nombre d'âmes.
Pourrais-je signaler au ministre de la Justice que, d'après moi, le
député de Richmond trouve que les âmes ne boivent pas
suffisamment et que les corps boivent trop?
M. PAUL: Nous allons essayer de faire un « mix »!
M. VINCENT: Avec le bill 70?
M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle
adoptée? Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine
séance ou à une séance subséquente.
Bill 85
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la
première lecture de la Loi prolongeant la loi pour favoriser la
conciliation entre locataires et propriétaires.
M. PAUL: M. le Président, en tant que responsable de la
Régie des loyers et en ma qualité de Secrétaire de la
province, je propose ce projet de loi qui portera le numéro 85.
L'article 1 de ce projet a pour but de prolonger d'un an l'application de la
Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires.
C'est une loi qui remonte à 1951...
M. LESAGE: Oui, dispensé.
M. PAUL: Dispensé. .Adopté, Ire, 2e, 3e lecture?
M. LESAGE: Non.
M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle
adoptée? Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. BERTRAND; Le chef de l'Opposition constate que ce n'est pas un menu
nouveau, la Loi de conciliation.
M. LESAGE : Le député de Richmond va trouver que c'est un
menu nouveau. Il y en a d'autres qui vont trouver que c'est un menu nouveau
aussi. Les amendements à la Loi de la Régie des alcools,
particulièrement, permettant aux restaurants de localités de
2,000 de population seulement de vendre de l'alcool.
M. BERTRAND: Je parlais de la dernière loi.
M. LE PRESIDENT: Affaires du Jour. L'honorable ministre de
l'Education.
Question de privilège
M. CARDINAL: M. le Président, je n'ai rien de grave, mais j'ai
informé le président de cette Chambre que je me levais sur une
question de privilège.
Hier après-midi, en cette Assemblée, j'ai donné des
renseignements sur la politique du ministère concernant le
collège dirigé par les clercs de Saint-Viateur, à
Outremont. J'ai alors mentionné qu'il semblait qu'une pétition ou
une requête circulait dont je n'avais pas eu, ni officiellement, ni
officieusement d'ailleurs, de communication. Quand j'ai quitté cette
Assemblée hier et que J'ai lu le journal La Presse, à la
première page de son cahier trois, j'ai découvert que l'on
parlait du même sujet et que l'on disait, entre autres, ceci: « La
requête qui circule à cet effet parmi les parents d'Outremont
aurait déjà recueilli près de 700 signatures, parmi
lesquelles celle de Mme Jean-Guy Cardinal elle-même. »
M. le Président, je veux informer cette Chambre et les
journalistes qu'à aucun moment on n'a requis Mme Cardinal de signer
cette requête, qu'elle n'a pas signé et que, si on la lui
présentait, elle ne signerait pas parce qu'elle est entièrement
d'accord avec les politiques du ministre dans ce domaine.
M. LESAGE: Dans ce domaine seulement!
M. CARDINAL: Je n'ai pas qualifié l'affirmation!
Coût moyen des écoles publiques
M. LESAGE: Le ministre est-il en mesure, aujourd'hui, de donner une
réponse aux questions posées par plusieurs députés
concernant le calcul du coût moyen par élève dans les
écoles publiques?
M. CARDINAL: J'ai demandé un rapport. Cette question est
très technique. Je pourrais donner des explications qui seraient
superficielles. Si le chef de l'Opposition est d'accord et si vous acceptez, M.
le Président, j'apporterai des précisions, probablement
demain.
M. LESAGE: Très bien. Pourrais-je attirer l'attention du ministre
sur la discussion qui a eu lieu en Chambre lors de l'étude du bill 56,
le mardi 17 décembre 1968? C'était lors du débat de
deuxième lecture. J'attire l'attention du ministre sur les
déclarations qu'il a faites à la page 5016 du journal des
Débats. Avec votre permission et probablement pour éviter que le
débat ou encore les discussions sur ce point soient plus longues
à un autre moment, je voudrais très brièvement citer ce
qu'a dit le ministre: « Je tiens à clarifier ici un point
très important. Pour établir ce coût moyen, tant pour les
institutions déclarées d'intérêt public que pour les
institutions reconnues pour fins de subventions, il sera tenu compte des
dépenses affectées au service de la dette et aux immobilisations
».
A la page 5017 le ministre, intervenant au cours de mon discours, a dit:
« Donc, je dis très clairement que ce qu'on appelle
communément le service de la dette est compris dans les frais
d'opération et de fonctionnement d'une institution privée. Par
conséquent, il est contenu dans le calcul pour établir la
subvention de 60% ou de 80%, selon le cas ».
Le ministre, dans l'alinéa précédent, avait dit que
c'était très clair, que les seules exceptions dans les
dépenses du secteur public, les seuls facteurs dont on ne tiendrait pas
compte pour établir le coût moyen seraient ce qui suit: «
Ces exceptions sont le transport et le coût per capita des
étudiants, qui sont assumés par une commission scolaire ».
Il nous avait bien dit que c'étaient les deux seules exceptions. Si j'ai
dit ça, c'est parce que le ministre a dit l'autre jour qu'on n'avait pas
tenu compte des immobilisations pour lesquelles des paiements avaient
été faits, au cours de la construction, par le gouvernement du
Québec et parfois avec participation fédérale.
M. CARDINAL: M. le Président, j'apporterai demain des
précisions à ce sujet. J'apporte quand même tout de suite
une précision, il y a deux jours, le chef de l'Opposition demandait
où se plaçait la majoration d'environ 10% dont il aurait eu
écho à la commission, il est exact qu'à la commission, un
des fonctionnaires qui m'accompagnaient avait prononcé une phrase du
genre, attribuée au ministre, selon l'usage, d'ailleurs, lorsque nous
siégeons en comité ou en commission.
Je puis dire tout de suite qu'à ce sujet-là, c'est
justement ce 10% qui fait que certains journalistes ou certaines personnes
considèrent que l'on finance à 110%. Première
précision: nous l'avons calculé, mais pas d'une façon qui
apparaisse évidente. J'apporterai aussi le détail de ceci.
M. LESAGE: Est-ce 10% de 80% et 10% de 60%?
M. CARDINAL: J'apporterai le calcul précis ici. On aura par
conséquent des réponses. J'apporterai donc une réponse
à deux questions précises: celle qui a déjà
été posée et à laquelle on fait aujourd'hui
référence et cette question de 10%.
Collège Notre-Dame-de-Bellevue
M. CARDINAL: Pendant que nous sommes sur ce sujet, M. le
Président, lors de la discus- sion ou des questions du chef de
l'Opposition, il avait été question du collège
Notre-Dame-de-Bellevue, institution privée. J'ai reçu ce matin de
soeur Hortense Grégoire, recteur du Collège de Bellevue, la
déclaration formelle suivante: « La direction
générale de la congrégation de Notre-Dame ne prend pas
à son compte les déclarations parues dans le journal Le Soleil du
lundi 1er décembre 1969 et du mardi 2 décembre au sujet de la
fermeture probable du collège Notre-Dame-de-Bellevue. » Le reste
est souligné. « Elle a, au contraire, l'intention ferme de
continuer l'enseignement au cours secondaire et au cours collégial. Le
maintien du cours élémentaire au complet est encore à
l'étude. En conséquence, le collège
Notre-Dame-de-Bellevue, tant au cours collégial qu'au cours secondaire,
continue de recevoir les demandes d'admission pour septembre 1970. »
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Gaspé-Sud.
Nouvelle route en Gaspésie
M. FORTIER: M. le Président, une question au ministre des
Affaires intergouvernementales qui pourra prendre cette question comme
préavis. Est-ce que le ministre a été informé que
le gouvernement du Canada était disposé à verser une
contribution de plusieurs millions de dollars pour la construction d'une route
en Gaspésie reliant le parc Forillon à la frontière des
Etats-Unis?
M. MASSE: Je peux la prendre en considération.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.
Démission de M. Buzzanga
M. LAFRANCE: M. le Président, ma question s'adresse à
l'honorable ministre de l'Immigration. Est-ce que le ministre pourrait informer
la Chambre des raisons qui ont motivé le départ de M. Buzzanga
qui était directeur du service d'orientation et de formation des
immigrants?
C'est un homme hautement qualifié comme orienteur et professeur.
Polyglotte, il parle plus de huit langues, il était très
hautement considéré par tout le personnel qui menace de
démissionner à l'heure actuelle.
M. BEAULIEU: M. le Président, je remercie le député
de Richmond de m'avoir prévenu au
tout début de cette séance de la question. Je n'ai pas le
dossier devant moi. M. Buzzanga, en effet, était hautement
considéré à notre ministère. Toutefois, il relevait
du ministère de l'Education et nous devions transporter au
ministère de l'Immigration les services des COFI et des SOFI. Service
d'orientation et de formation des immigrants ou Centre d'orientation et de
formation des immigrants.
M. Buzzanga est venu me voir il y a une quinzaine de jours, alors qu'il
était question de transporter au ministère de l'Immigration tous
ces services. Comme il est employé au ministère de l'Education,
il m'a fait savoir qu'il y avait au ministère de l'Education certaines
promotions possibles et il m'a demandé si je pouvais lui garantir
certaines promotions au ministère de l'Immigration. Je lui ai
répondu que je ne pouvais lui faire aucune promesse que je ne pourrais
pas tenir tant et aussi longtemps que nous ne serions pas plus avancés
au point de vue de l'organisation au ministère de l'Immigration, il a
alors préféré rester au service du ministère de
l'Education, ce que je regrette puisqu'on le considérait très
hautement chez nous.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Laurent.
CEGEP de Saint-Laurent
M. PEARSON: Ma question s'adresse au ministre de l'Education que j'ai
prévenu avant la présente séance. Dans le Devoir de ce
matin, à la page 10, un article signé Gilles Provost est
intitulé: « Le CEGEP de Saint-Laurent pourrait devenir bilingue?
» Dans cet article, le président de l'Association des
étudiants, M. Michel Jacques, résume brièvement les faits
comme suit: « Comme le collège Basile-Moreau est libre, il pouvait
être utilisé de deux manières; ou bien on en fait un CEGEP
ou on en fait une polyvalente. Si cet établissement servait au niveau
secondaire cela règlerait pratiquement les problèmes de double
horaire qui se posent à Saint-Laurent. Cependant, la commission scolaire
a été avisée récemment que le gouvernement
construirait une polyvalente de $10 millions ». Et un autre court
paragraphe: « Cette décision implique que le collège
Basile-Moreau deviendrait CEGEP. On a alors le choix de faire deux
collèges indépendants à 1,000 pieds l'un de l'autre, ou de
ne faire qu'un seul CEGEP... M. Jean-Marie Beauchemin a avisé les
parties que la seconde solution avait été retenue pour des motifs
d'économie... » etc.
Je voulais demander au ministre si les faits relatés dans cet
article sont vraiment bien fondés ou si c'est simplement une rumeur
destinée à mourir.
M. CARDINAL: M. le Président, J'ai lu l'article et une partie des
faits représentent la réalité. Cependant, ce n'est pas
toute la réalité qui est représentée dans cet
article.
L'explication que je pourrais donner et qu'il est d'intérêt
public que je donne pour le moment, est la suivante: il y a lieu d'implanter,
dans le réseau des collèges d'enseignement général
et professionnel pour le Québec, un réseau de collèges
anglais. Il y a déjà le collège Dawson qui a
été créé. Parmi les projets, il y a celui de West
Island aussi qui est présentement étudié.
Il y a lieu de créer un autre collège, mais la
clientèle anglaise ne justifierait pas qu'entre les deux que je viens de
mentionner il se trouve un plein CEGEP. L'une des solutions proposées,
présentement à l'étude et qui, par conséquent,
n'est pas acceptée encore, serait non pas que Basile-Moreau ou
Saint-Laurent deviennent des collèges bilingues c'est une
appellation que je n'accepte pas mais que l'on crée dans cette
région, peut-être à partir des équipements de
Basile-Moreau, un collège d'enseignement général et
professionnel de langue anglaise qui serait associé à celui de
Sainte-Croix qui existe déjà, afin d'utiliser au maximum
l'équipement et le corps professoral et de faire une économie
plutôt que de créer une multitude de collèges.
Ceci n'est pas particulier, d'ailleurs, à Sainte-Croix. Il existe
déjà, dans le Québec, un certain nombre de collèges
associés, lorsque les normes pour créer un collège
entièrement autonome ne sont pas encore remplies. La vocation d'un
collège associé est éventuellement, avec le temps, de
devenir un plein collège. Il ne s'agit donc pas d'un collège
bilingue, mais de la possibilité... Il n'y a aucune décision de
prise, ni au ministère, ni au conseil des ministres. Cest le conseil des
ministres qui, d'après la Loi régissant les collèges,
crée les collèges, crée les corporations. Il y a
présentement étude pour qu'il y ait possibilité de
création d'un collège associé ce qui est
prévu par la loi qui serait de langue anglaise et associé
à celui qui existe déjà à Saint-Laurent.
M. PEARSON: Une question supplémentaire. Si cette solution
était retenue, qu'adviendrait-il du centre transitoire de formation des
maîtres qui est situé actuellement au collège
Basile-Moreau?
M. CARDINAL: Pour ce cas particulier, je ne saurais répondre.
Mais la politique du minis-
tère est la suivante: tous les centres de formation de
maîtres, selon le genre d'enseignement qui se donne et les niveaux de cet
enseignement, seront intégrés soit à des collèges
d'enseignement général et professionnel, soit à
l'Université du Québec, aussitôt que l'opération
intégration, qui est commencée, sera terminée.
Mais, pour ce cas particulier, il faudrait que j'aie le dossier pour
connaître le genre d'enseignement qui se donne à cette
institution. Je puis prendre avis de la question et y revenir.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.
Rapport de la Commission Trahan
M. LAPORTE: M. le Président, je voudrais poser une question au
ministre de la Santé. C'est volontairement que je ne l'en ai pas
prévenu, et il comprendra pourquoi. J'ai lu, dans une revue qui
s'appelle Sept jours, qu'il y aurait une sorte de collusion entre le ministre
de la Santé et le député de Chambly pour qu'on ne
dépose pas le rapport de la commission Trahan qui a enquêté
sur l'administration de l'hôpital Charles-Lemoyne, dans le comté
de Chambly.
Puis-je demander au ministre, avec lequel je n'ai pas communiqué
depuis au moins six mois, s'il a l'intention de le déposer
bientôt? Sinon, pour quelles raisons ce rapport n'est-il pas
déposé?
M. CLOUTIER: M. le Président, il est exact que je n'ai pas eu de
conversation avec le député de Chambly depuis six mois,
même si j'en aurais peut-être eu le désir pour prendre des
informations sur sa santé.
M. LESAGE: Sur sa tournée.
M. LAPORTE: Je puis simplement vous dire que ma santé devrait
vous inquiéter.
M. CLOUTIER: Quant au problème qu'il a soulevé, à
savoir quand nous déposerions le rapport de la commission Trahan qui a
enquêté sur l'hôpital Charles-Lemoyne, je dois confirmer ce
qu'il a dit: il n'y a pas de collusion d'aucune sorte entre le ministre de la
Santé et le député de Chambly ni avec quelque
député que ce soit. La simple raison est que c'est un rapport
très volumineux, qui comporte deux séries de recommandations dont
une première série s'applique à l'hôpital
Charles-Lemoyne. Une deuxième série s'applique aux hôpitaux
en général.
Quant à la première série de recommanda- tions,
nous en faisons l'étude au ministère de la Santé et nous
les mettons actuellement en application. Nous voulons que l'hôpital
puisse, en toute quiétude, avant que les discussions se fassent sur la
place publique, mettre en application les recommandations.
Nous n'avons pas d'objection, aussitôt que possible, M. le
Président, à déposer le rapport de la commission
Trahan.
M. LAPORTE: M. le Président, question supplémentaire. Me
serait-il possible de demander au ministre s'il peut être, si c'est
possible, un peu plus précis quant à la période de temps
après laquelle il pourra déposer le rapport?
M. CLOUTIER: Je voudrais, M. le Président, également
saisir mes collègues du conseil des ministres du contenu du rapport
quant aux recommandations générales de la commission Trahan. Je
crois bien que je ne pourrai pas saisir le conseil des ministres avant le terme
de cette présente session parce qu'il y a beaucoup de projets de lois
encore à étudier et des problèmes urgents qui sont soumis
au conseil des ministres. Mais j'essaierai de le déposer avant la fin de
la présente session.
M. LAPORTE: Merci.
UNE VOIX: Après le 17 janvier?
M. LAPORTE: M. le Président, puisque la question est posée
à la blague, puis-je au moins espérer qu'il sera
déposé avant le 17 janvier 1970? C'est la question qu'on ne veut
jamais poser.
M. CLOUTIER: M. le Président, je ferai l'impossible pour le
déposer avant la fin de la session, mais je peux déjà dire
qu'il n'y a rien dans le rapport Trahan qui pourrait me justifier, à ce
moment-ci, de ne pas le déposer pour avantager ou désavantager un
des candidats.
M. LAPORTE: II n'y a vraiment rien qui pourrait m'aider dans ce rapport?
Quant à me nuire, j'imaginais déjà que ce n'était
pas là.
M. CLOUTIER: Cela dépend quelle interprétation on en
fera.
M. LAPORTE: Merci.
Foyer Notre-Dame-du-Lac
M. CLOUTIER: M. le Président, puisque j'ai la parole, je profite
de l'occasion pour revenir quelques instants à la tragédie de
Notre-Dame-du-Lac et répondre à une question précise que
l'on m'a posée hier et avant-hier au sujet de la possibilité
qu'un conflit syndical ait été à l'origine de cette
tragédie.
M. LESAGE: M. le Président, je regrette, c'est d'abord moi qui ai
posé la question et je n'ai jamais dit ou laissé entendre qu'un
conflit syndical ait pu être à l'origine de la
tragédie.
Un instant! Le ministre vient de faire allusion aux questions qui ont
été posées hier et avant-hier. Hier, c'est le
député de Drummond qui en a parlé. J'ai lu
l'épreuve du journal des Débats et je sais très bien ce
qu'il a dit. Avant-hier on se souviendra que j'ai causé de la
possibilité de l'existence de ce conflit patronal-ouvrier avec beaucoup
de réserve. Ce que le député de Drummond a dit hier, c'est
que nous avions obtenu des précisions et que cette rumeur, dont j'avais
fait rapport à la Chambre, semblait s'avérer beaucoup plus
précise, beaucoup plus véridique.
Je n'ai pas dit que le conflit syndical pouvait être une cause
directe. J'ai dit que le conflit syndical et c'est ce que le
député de Drummond a dit aussi avait pu amener
l'engagement d'un certain nombre de nouveaux employés qui n'auraient pas
été suffisamment au courant des méthodes de
prévention des incendies et des méthodes de protection contre
l'incendie à l'institution même. C'est tout. Je ne voudrais pas
qu'on nous en fasse dire plus que ce que nous avons dit.
M. CLOUTIER: M. le Président, je corrige. Je parle des conflits
syndicaux qui auraient pu avoir quelques relations indirectes avec la
tragédie de Notre-Dame-du-Lac. Voici les informations que nous avons
obtenues ce matin à la suite d'une rencontre entre M.
Bérubé, le directeur du bureau local de bien-être à
Cabano, et M. Tardif, le propriétaire du Repos du Vieillard.
En mai dernier, il y avait trois jeunes filles qui travaillaient au
foyer et qui ont été qualifiées d'indésirables
à cause de leur façon de traiter les personnes
hébergées. Je crois même que les journaux ont
rapporté ces faits. Leur mise à pied devait donc avoir lieu dans
cette période de temps. Cependant, à cause de l'agencement du
personnel en raison des vacances que devaient prendre les propriétaires
ainsi que l'infirmière, leur mise à pied aurait été
retardée au mois d'octobre. On engagea, pour remplacer ces personnes, un
personnel nouveau qui commença effectivement le travail dans la semaine
du 23 au 29 octobre.
M. Tardif affirme qu'il n'y avait aucun syndicat parmi ces
employés, car il n'a pas eu à négocier une convention
collective avec eux. Cependant, les trois ex-employées mises à
pied...
M. LESAGE: C'était cela, la difficulté; M. Tardif refusait
de reconnaître un syndicat, d'après les informations que j'ai.
M. CLOUTIER: Je ne ferai pas de commentaires. Je donne les informations
telles qu'on me les a transmises. Cependant, les trois exemployées mises
à pied ont voulu faire un grief et se sont adressées à un
comité conjoint à Rimouski. M. Lepage, le représentant de
ce comité, aurait adressé une lettre à M. Tardif exigeant
que ce dernier reprenne ces trois employées dans les huit jours suivants
la réception de cette lettre. Cette lettre a été
reçue le jour même de l'incendie, soit le 2 décembre. Il
n'y avait donc pas, au sens où on l'avait peut-être compris, un
conflit syndical, mais bien trois employées qui, par un comité
conjoint, tentaient de réintégrer leurs fonctions.
Mme Hervé Desrosiers, surveillante de nuit, originaire de Cabano,
est entrée au travail le 1er décembre à 7 h 45 minutes
p.m. Il s'agissait donc de sa première nuit à cet endroit.
C'était la surveillante de nuit. C'est Mme Tardif elle-même qui,
à 7 h 45 minutes p.m., l'a mise au courant du système d'alarme et
des procédures à suivre en cas de besoin. Au moment de
l'incendie, il y avait six employés qui étaient sur les lieux, et
ce sont ces derniers qui, en premier, avec l'aide de Mme Desrosiers, ont
procédé à l'évacuation.
M. le Président, j'aurais deux autres remarques à
faire.
M. LESAGE: Le gardien de nuit en charge avait commencé son
travail la veille à 7 h 45 le soir?
M. CLOUTIER: C'était la première nuit de la surveillante,
Mme Desrosiers.
M. LESAGE: Etait-elle en devoir au moment de l'incendie?
M. CLOUTIER: Oui, oui. Mme Desrosiers a effectivement porté
secours elle-même à plusieurs personnes.
M. LESAGE: Est-ce elle qui a donné l'alarme.
M. CLOUTIER: Je ne l'ai pas dans le rapport ici, mais d'après les
renseignements que j'ai eus, la surveillante Mme Desrosiers était sur
les lieux et a aidé des patients à fuir le lieu du sinistre.
D'ailleurs, il y a une enquête policière qui se fait actuellement
par la police et le Commissariat des incendies. Je pense que ces
points-là seront éclaircis, mais je voulais déjà
répondre aux questions posées au sujet des employés.
M. le Président, j'avais l'intention de soulever une question de
privilège au sujet du titre d'un article paru dans le Devoir ce matin,
article qui s'intitulait: « M. Cloutier le reconnaît. Plusieurs
institutions ne répondent pas aux normes minimales ». J'ai
reçu, il y a un instant, une note du journaliste du Devoir, M.
Lépine qui s'excuse, il dit qu'une erreur involontaire s'est
glissée dans le titre qui coiffait l'article. L'erreur a
été corrigée dans l'édition de Montréal,
mais il était trop tard en ce qui concerne Québec Le mot «
minimales » a été remplacé par «
idéales » parce que, évidemment, on constatera que le titre
ne correspondait pas à la teneur de l'article et ce matin, je l'avais
noté...
M. LESAGE: C'est un changement de substance.
M. CLOUTIER: Oui, cela change.
M. Lépine m'envoie donc une note pour dire que la correction a
été faite à Montréal et que pour Québec, il
était trop tard. Je veux le remercier de cette correction et lui dire
que j'apprécie ce geste du journaliste et du journal. C'est une preuve
de la conscience professionnelle du journaliste en question.
M. le Président, troisièmement, je voudrais dire qu'une
équipe d'enquête a été formée au
ministère à la suite d'une rencontre que j'ai eue avec mes
collaborateurs, équipe qui enquêtera sur chacune des institutions
qui détiennent actuellement un permis du ministère. On
enquêtera sur le genre de construction du point de vue de la
prévention des incendies, l'occupation qui est faite des lieux, les
normes en vigueur et aussi le caractère des personnes qui prennent soin
de ces institutions, l'existence de mécanismes ou d'outillage de
protection comme les escaliers de sauvatage, les extincteurs, le personnel de
nuit, l'existence d'un programme d'évacuation efficace, etc.
Cette équipe sera sous la direction de M. Raymond Gendron, qui
est directeur des services d'urgence au ministère de la Santé et
de la Famille et du Bien-Etre social. Elle comprendra des techniciens des
services techniques des deux ministères, un représentant du
service des normes médicales du ministère de la Famille et du
Bien-Etre social et un représentant du ministère du Travail, en
vertu de la Loi des établissements industriels. L'Association des
hôpitaux privés du Québec sera appelée à
participer à cette enquête quand il sera question d'institutions
qui font partie de l'association.
Dans les cas où la ville de Montréal aura émis
elle-même le permis, elle sera appelée à participer
à l'enquête avec notre équipe de fonctionnaires.
M. le Président, cette équipe se met au travail
immédiatement. Nous espérons que d'ici le 1er mars, nous aurons
un rapport substantiel sur les conditions d'exploitation des maisons qui
détiennent actuellement un permis du ministère de la Famille et
du Bien-Etre social comme du ministère de la Santé.
Dès la prochaine session, nous pourrons également
présenter une législation sur les établissements
privés de bien-être.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.
Loi de la communauté urbaine de
Montréal
M. LAPORTE: M. le Président, le jeune et brillant ministre des
Affaires municipales étant absent, puis-je demander au premier ministre
si c'est l'intention de son gouvernement de déférer à la
commission permanente des Affaires municipales, avant la deuxième
lecture, le projet de loi numéro 75, Loi de la communauté urbaine
de Montréal?
M. BERTRAND: Je pense que le ministre des Affaires municipales a
déjà indiqué la voie qu'il entendait suivre. Il proposera
la deuxième lecture et ensuite, l'étude se fera en comité
plénier.
M. LAPORTE: Merci, M. le Président. Puis-je poser une question
supplémentaire? Etant donné que, depuis la déclaration du
ministre, des faits nouveaux peuvent être soumis à cette Chambre,
le principal étant que presque tous les intéressés, les
maires de l'Ile de Montréal, le front commun des employés
des maires, nous avons déjà plusieurs demandes est-ce que
ce fait nouveau du désir exprimé par un très grand nombre
de municipalités et d'association de se faire entendre est suffisant
pour amener démocratiquement le gouvernement à modifier son
attitude?
M. BERTRAND: Je n'ai pas eu l'occasion de causer avec le ministre des
Affaires munici-
pales. Je le verrai, mais il est très probable qu'au moins la
deuxième lecture aura lieu. Si, après la deuxième lecture,
le ministre propose que nous répondions à la demande des maires,
je ne puis pas m'engager parce que je n'en ai pas causé avec lui.
M. LAPORTE: Je remercie encore une fois le premier ministre. Devant ce
début de bonne volonté où je reconnais fort bien le
premier ministre, est-ce qu'il ne serait pas préférable que
d'avance, il informe cette Chambre que le bill sera étudié en
commission publique après la deuxième lecture pour que les
intéressés aient l'occasion de se préparer en
conséquence.
M. BERTRAND: Je pense qu'il y aurait possibilité certainement,
d'ici la fin de l'après-midi, après que j'en aurai causé
avec mon collègue, le ministre des Affaires municipales, que nous
faissions connaître notre attitude. Cela pourrait être de nature
à indiquer à ceux qui veulent être entendus la
procédure qui sera suivie.
M. LAPORTE: Dernière question, si vous me le permettez, M. le
Président: Est-ce que le premier ministre ou le leader parlementaire
seraient d'accord pour que je puisse, si le ministre revient en Chambre cet
après-midi, lui poser des questions sur ce problème qui
m'apparaît d'intérêt immédiat?
M. BERTRAND: Je causerai avec le ministre, si je puis l'atteindre.
J'ignore s'il est à son bureau.
M. LESAGE: Le ministre, à ma connaissance, est
présentement à la salle 91 où il reçoit une
délégation du Front commun des employés municipaux. J'ai
déjà rencontré ces personnes, à l'heure du
déjeuner; elles ont fait des représentations quant aux droits
acquis des employés des municipalités, des employés de la
Commission de transport, des employés du service
d'électricité de la ville de Montréal et des membres de la
Fraternité des policiers et pompiers. Leurs représentations sont
telles, quant aux droits acquis, quant aux problèmes de
l'ancienneté, qu'après une étude assez sérieuse que
j'ai faite moi-même du projet de loi en fin de semaine dernière,
je me demande si, en leur donnant suite, il ne faudrait pas
réaménager certaines sections et sous-sections du projet de loi,
au lieu de se contenter de modifications d'articles, de suppression d'articles
et surtout d'ajoutés d'articles. Dans les circonstances, Je me demande
je prierais le premier ministre d'en discuter avec son ministre
s'il ne vaudrait pas mieux que les intéressés soient entendus
avant la deuxième lecture parce qu'ils pourraient, à la suite de
ces représentations... Ici, je ne parle pas des municipalités; je
parle des associations que j'ai mentionnées.
M. BERTRAND: Tout cela était implicitement contenu dans ma
réponse au député de Chambly, parce qu'il me faudra en
discuter avec le ministre.
M. LESAGE: C'est ça. Mais, comme j'étais au courant des
problèmes soulevés par ceux que le ministre rencontre
présentement, j'ai pensé que je devais en informer le premier
ministre, étant donné qu'il en discutera avec son ministre des
Affaires municipales aussitôt que l'entrevue sera terminée.
M. BERTRAND: Très bien.
Aéroport de Sainte-Scholastique
M. LAPORTE: Le premier ministre n'a pas de nouveau quant au projet du
ministre des Affaires municipales de faire siéger la commission
municipale à propos de l'aéroport de Sainte-Scholastique?
M. BERTRAND: Je pense que le ministre des Affaires municipales sera en
état de répondre un peu plus tard au député de
Chambly, parce que je sais que ça l'intéresse.
M. LAPORTE: Je suis allé dans cette région hier et on
avait bien hâte d'avoir des nouvelles du ministre.
M. BERTRAND: Y êtes-vous allé en avion?
M. LAPORTE: Non, parce que l'aéroport n'est pas terminé;
mais j'ai été obligé de leur révéler le nom
du ministre qu'ils ignoraient complètement.
M. BERTRAND: Voulez-vous me dire quand vous repartez?
M. LAPORTE: Quand je repars!
Bill 79
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre
propose la deuxième lecture de la Loi modifiant la loi des
décrets de convention collective.
L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
M. Maurice Bellemare
M. BELLEMARE: Je suis très reconnaissant à la Chambre
d'avoir bien voulu suspendre d'autres travaux pour
mepermettre,cetaprès-midi, de faire étudier ces trois lois qui
sont certainement dictées par l'intérêt public et par les
circonstances. Cette loi, qui porte le no 79, Loi modifiant la loi des
décrets de convention collective, est devenue nécessaire à
cause des expériences vécues. Je n'ai pas besoin de vous refaire
ici tout le tableau et toute la genèse de la formation des
comités paritaires dans la province de Québec.
Il s'est fait énormément de bien par ces comités
paritaires dans chacun des décrets et dans chacune des régions.
C'est avant tout, M. le Président, cette loi, un grand besoin que nous
avons de modernisation des procédés et particulièrement de
toutes nos méthodes administratives qui ont amené le
ministère à établir ce modèle administratif. Nous
l'avons soumise au conseil supérieur du travail, au conseil consultatif
du travail qui, lui aussi, l'a regardée de très près et
nous a donné son adhésion que j'ai ici je n'ai pas besoin
de la lire c'est sûr.
Mais plusieurs se demandent pourquoi des règlements
généraux au lieu de règlements particuliers dans des cas
spécifiques. M. le Président, le ministère veut
éviter toute forme de discrimination à l'endroit d'un
comité paritaire particulier puisque tous seront soumis, peu importe
leur dimension, aux mêmes normes générales
d'administration. Les règlements particuliers devront s'ajuster, donc,
en conséquence, il est impensable, également, de vouloir
réviser, un à un, les règlements de quelque 100
comités paritaires; ceux-ci présentent actuellement une
véritable mosa'ique de particularismes.
Est-ce que les méthodes et les procédés actuels
sont tellement déficients que les parties elles-mêmes ne
pourraient pas apporter ces correctifs nécessaires au sein même de
leur administration et de leur bureau de direction? Malheureusement, M. le
Président, on constate un manque immense d'uniformité, et le
ministère n'avait aucune autorité pour apporter des correctifs.
On avait véritablement un champ d'administration extrêmement large
sur lequel le ministère et le ministre lui-même n'avaient aucun
pouvoir de sanctions et ne pouvaient apporter, en certaines circonstances,
à cause de certains abus, certaines résolutions qui auraient
avantagé certains membres et causé certains torts à
l'intérêt public. Le ministère, ni le ministre n'avaient
l'autorité pour apporter ces correctifs. Les parties elles-mêmes
ont déjà cherché à créer, je les en
félicite, un climat favorable aux changements, à
l'intérieur même de leurs propres structures, en créant une
fédération des comités paritaires.
Celle-ci n'a pu déterminer, maintenant, des normes identiques
d'administration dans le cadre de la liberté de chacun de ces
comités. Plusieurs nous ont dit, et avec raison: Ne craignez-vous pas,
M. le Ministre, une mainmise de l'Etat sur les comités paritaires? Le
chef de l'Opposition et d'autres membres de cette Chambre pourront
peut-être me dire que c'est un caprice du ministre, que c'est une demande
en vue d'accaparer plus de pouvoirs, plus de contrôle, et que l'Etat
aurait, demain, une certaine mainmise sur tous les comités paritaires.
Je dis, M. le Président, que les parties conservent toute leur autonomie
administrative et aucune norme générale ne sera imposée,
jamais, sans que le conseil consultatif, c'est-à-dire l'ancien conseil
du travail, le conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre soit
consulté et qu'il donne son adhésion. Les parties aux
négociations collectives préalables au décret sont
représentées à ce conseil consultatif par la CSN et par la
FTQ et aussi par le conseil du patronat.
Vous allez peut-être me dire, M. le Président, avec
beaucoup d'à-propos: Mais vous ne pouviez pas, d'autorité,
modifier vous-même les règlements qui sont déjà en
vigueur? Je réponds, M. le Président, que la Loi des
décrets des conventions collectives ne donnait pas au ministre
l'autorité de modifier les règlements déjà en
vigueur.
Ceci ne pouvait être fait que lors d'une présentation
originale pour approbation et les règlements actuellement en vigueur,
déjà vieux de plusieurs années, ont grandement besoin de
revision.
Il y a une dernière question qui s'impose, je crois, M. le
Président, c'est: Qui va payer les frais de cette modernisation de
l'administration de nos comités paritaires? Ce sont les comités
paritaires eux-mêmes qui vont faire les frais de la modernisation, et je
suis sûr qu'ils y sont très bien préparés. Celle-ci,
effectivement, se résoudra en coûts réduits de
fonctionnement en raison de normes générales qui s'appliqueront
demain et qui apporteront beaucoup plus de facilité et aussi de
planification dans l'organisation particulière ou générale
des règlements et des résolutions.
Des procédés nouveaux et des méthodes pourront
maintenant être uniformisés et certains services pourront
être mis en commun comme, par exemple, le traitement des données
ou tout autre projet. Le ministère met actuellement en
place, à sa Direction générale des normes de
travail, des ressources nouvelles pour répondre au besoin de la grande
normalisation de ces comités paritaires.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Ahuntsic.
M. Jean-Paul Lefebvre
M. LEFEBVRE: M. le Président, je voudrais tout d'abord exprimer
ma joie de voir le ministre du Travail revenu en cette Chambre. Nous lui
souhaitons un prompt et complet rétablissement. Je sais que le ministre
a trois bills à proposer à la Chambre cet après-midi; il y
en a peut-être un sur lequel nous aimerons discuter un peu plus
longuement. Quant à celui-ci, le bill 79, nous en favorisons le
principe. Je pense que nous sommes prêts à voter dès
maintenant ou dans quelques instants sur le principe du bill en deuxième
lecture. Cependant, j'aimerais dire d'avance au ministre remarquez que
je n'aurais pas eu d'objection... je viens tout juste de recevoir de ma
secrétaire le texte d'un amendement que nous voulons lui soumettre en
comité que dès ce moment-ci je veux souligner que
l'amendement que nous allons, en toute bonne foi et sans esprit partisan,
suggérer au ministre tout à l'heure, à notre avis, ne fait
que renforcer le principe du bill. Alors, je ne veux pas faire un long discours
à ce moment-ci, je répète que nous sommes heureux de voir
le ministre du Travail en Chambre et que nous sommes prêts à voter
en deuxième lecture et à poursuivre le dialogue en comité
dans un instant.
M. BELLEMARE: M. le Président, pour ne pas allonger le
débat, je voudrais simplement remercier l'honorable député
d'Ahuntsic de ses bons voeux, et Dieu sait que pendant la période que je
traverse, j'en ai besoin! L'amendement qu'il veut proposer est un amendement
qui, dit-il, renforce la portée du bill, mais nous aurons l'occasion
d'en parler tout à l'heure.
Il est complètement inutile, puisqu'au conseil consultatif rien
ne sera passé sans l'avis de ceux-mêmes qui proposent actuellement
l'amendement...
M.LEFEBVRE: On verra cela en temps et lieu.
M. BELLEMARE: Ils seront là pour discuter, approuver ou rejeter,
parce qu'ils sont membres du conseil consultatif.
Alors, M. le Président, je serais prêt, si vous voulez
passer en comité plénier.
M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture sera-t-elle
adoptée?
Adopté.
L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre propose que je
quitte le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier
pour l'étude du bill 79. Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
Comité plénier
M. SAUVAGEAU (président du comité plénier): A
l'ordre!
M. LEFEBVRE: Je ne sais pas si le ministre a un nouvel exposé
à faire à ce stade-ci; s'il le permet, j'expliquerais le
bien-fondé de la modification que nous lui suggérons d'apporter
au bill.
Le ministre, au cours de son exposé en deuxième lecture, a
mentionné qu'il avait reçu l'appui unanime du Conseil consultatif
du travail et de la main-d'oeuvre quant à ce projet. Je prends sa
parole, et je n'ai pas de document à cet effet, mais je prends la parole
du ministre a l'effet qu'effectivement, il a reçu cet appui.
Mais, quant à nous, il nous semble qu'il y a dans le
libellé de l'article 1, deuxième paragraphe... une
imprécision...
M. BELLEMARE: 19a)?
M. LEFEBVRE: Oui, 19a). L'article 1 de la Loi des décrets
modifiant l'article 19a). L'article 1 du bill 79. Or, je lis cet article. Cela
se lit comme suit: « Le lieutenant-gouverneur en conseil peut,
après consultation du Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre, adopter des règlements généraux concernant
les règlements qu'un comité paritaire peut adopter. » Or,
je pense que ce texte n'est pas suffisamment clair. Quant à moi, je ne
mets pas en doute l'esprit qui anime le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre et je crois savoir que, dans le climat actuel, disons, il ne fait
pas de doute que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre va effectivement
consulter le conseil consultatif et que sa façon de le consulter sera de
soumettre à ce conseil les projets de règlements.
Mais quand on adopte des lois, je pense qu'on ne les adopte pas pour
quinze jours, on les adopte le mieux possible de façon à ce
qu'elles répondent aux besoins et à ce qu'elles soient un guide
pour les administrateurs, quelle que soit leur mentalité ou leur
faiblesse particulière. Encore une fois, je ne voudrais pas du tout que
le ministre prenne ça comme une mise en doute de
ses bonnes intentions à lui ou des intentions de ses
fonctionnaires. Si le ministre veut en changer la rédaction, cela nous
est complètement égal, mais il nous semble qu'il y aurait lieu de
clarifier ce paragraphe, par exemple de la façon suivante. Je cite le
texte de l'amendement que nous suggérons: « Le
lieutenant-gouverneur en conseil peut, après en avoir soumis le texte au
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et avoir requis l'avis de
ce conseil, adopter les règlements généraux, etc.
»
Tout ce que ceci change, c'est que cela précise davantage la
nature de la consultation que le ministre doit faire, parce que, selon le texte
de la loi, tel qu'il est proposé, je pense qu'il y a une
équivoque et je crois que le ministre pourrait faire une consultation
qui serait d'ordre très général, ensuite préparer
ses projets de règlements et les faire adopter par le
lieutenant-gouverneur en conseil. Je ne dis pas que c'est ce que le ministre va
faire, ni que c'est ce qu'il se propose de faire, mais je dis, et après
consultation avec ses fonctionnaires, peut-être conviendra-t-il de mon
argumentation. Je dis que, s'il le voulait, il pourrait en respectant le texte
de la loi tel qu'il nous est soumis, faire en sorte que cette consultation soit
très vague.
L'amendement que nous suggérons, on s'en souviendra, s'inspire,
si vous voulez, du même esprit qui a été appliqué
par le législateur lorsqu'il s'est agi d'établir les
responsabilités du Conseil supérieur de l'éducation, par
exemple. On sait que le ministre de l'Education doit soumettre au Conseil
supérieur de l'éducation les projets de règlements.
Alors nous suggérons simplement au ministre, encore une fois,
s'il veut changer deux mots et en faire son amendement à lui on
ne fera pas de chicane de procédure mais nous croyons qu'il y a
là une nuance importante et qu'il y aurait lieu pour le ministre de
boucher, si vous voulez, ce trou, de clarifier cette équivoque, en
indiquant clairement dans l'article 1 amendant l'article 19 a) de la Loi des
décrets, que ce pouvoir du lieutenant-gouverneur en conseil est un
pouvoir qui oblige quand même le lieutenant-gouverneur en conseil
à consulter le conseil consultatif, non pas d'une façon vague,
mais à soumettre au conseil consultatif le texte même des
règlements qu'il se propose d'adopter.
Bien sûr, le gouvernement, ensuite, a la liberté d'accepter
ou non les recommandations du conseil consultatif. Nous ne voulons pas que le
ministre ou le lieutenant-gouverneur en conseil soient liés par les
recommandations, mais nous voulons que ce soient les vrais papiers qui soient
transmis au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et non pas
que cette consultation revête les formes trop floues qui ne
répondraient pas aux aspirations des parties et qui ne
répondraient pas, j'en suis sûr, a l'intention du ministre,
lorsqu'il a fait préparer ce projet de loi.
M. BELLEMARE: Je n'ai pas besoin de vous dire, M. le Président,
que le député d'Ahuntsic n'a pas fréquenté depuis
longtemps notre Conseil consultatif du travail, parce qu'il y trouverait un
changement extraordinaire.
M. LEFEBVRE: C'est parce que vous ne m'avez pas invité.
M. BELLEMARE: Quand les membres du Conseil du patronat et ceux des
centrales syndicales viennent à un comité, comme ils l'ont fait
l'autre jour donner leur témoignage public sur la manière dont
ça fonctionne et sur les résultats heureux qu'ils obtiennent, je
n'ai pas besoin de vous dire que le ministre est heureux de cette
participation.
L'argument de l'honorable député d'Ahuntslc est
peut-être valable, mais il oublie qu'il y a un article de la loi qui est
formel; c'est l'article 2 de la Loi du conseil consultatif. L'article 2, c'est
fantastique, c'est vous-même...
M. LEFEBVRE: Je le sais.
M. BELLEMARE: ... qui, de votre siège, m'avez obligé
à faire ça.
M. LEFEBVRE: C'est ça.
M. BELLEMARE: Alors, j'ai écouté, cette
fois-là.
M. LEFEBVRE: J'ai de la suite dans les idées.
M. BELLEMARE: Vous n'en avez pas aujourd'hui.
M. LEFEBVRE: Ah oui!
M. BELLEMARE: C'est vous qui m'avez dit: « Le ministre doit
». Alors, j'ai dit: C'est inscrit « peut » à l'article
2. Alors, sur votre conseil à vous, en Chambre ou en comité, nous
avons écrit « doit » et c'est devenu une loi.
M. LEFEBVRE: Lisez-le.
M. BELLEMARE: « Le conseil doit donner
son avis au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre sur toute
question que celui-ci soumet relativement aux sujets qui relèvent de la
compétence du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre
». Alors, c'est vous qui m'avez demandé que ce soit un devoir, une
obligation d'aller au conseil.
Nous avons accepté et nous n'avons jamais...
M. LESAGE: C'est un bon employé de chemin de fer; il prend les
« sidings » facilement.
M. BELLEMARE: Bien non!
M. LESAGE: Que faites-vous alors?
M. BELLEMARE: Alors, il reste un fait sûr, c'est que, d'abord,
nous avons notre loi qui dit que le lieutenant-gouverneur en conseil,
après consultation du conseil consultatif...
M. LEFEBVRE: Mais, quelle sera la nature de cette consultation?
M. BELLEMARE: La consultation, lisez l'article: « Adopter des
règlements généraux concernant les règlements qu'un
comité paritaire peut adopter ». Ce seront des règlements
généraux qui seront soumis au conseil. La loi m'oblige à
les envoyer, ces règlements généraux, qui nous sont
transmis par la fédération des comités paritaires.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je ne voudrais pas que le ministre
se force cet après-midi; je vais juste lui poser une question. Le
ministre est-il d'accord pour soumettre au Conseil consultatif de la
main-d'oeuvre et du travail le texte des règlements qu'il se propose de
faire adopter par le lieutenant-gouverneur?
M. BELLEMARE: C'est ça qu'on dit.
M. LEFEBVRE: D'accord. C'est réglé, c'est inscrit au
journal des Débats.
M. BELLEMARE: C'est au journal des Débats et c'est notre
intention...
M. LEFEBVRE: Une minute.
M. BELLEMARE: Le ministre qui ne ferait pas ça... J'en profite
pour dire que c'est la paix au ministère du Travail depuis que nous
faisons ça.
M. LEFEBVRE: Je le sais. D'accord.
M. BELLEMARE: Si le ministre ne s'occupe pas du Conseil consultatif du
travail, ne lui demande pas son opinion, ne la reçoit pas et ne
l'écoute pas, ça sera la chicane dans la cabane. Tandis
qu'aujourd'hui, c'est la paix avec tout le monde.
M. LEFEBVRE: D'accord.
M. BELLEMARE: Pensez-vous que nous allons déroger à cette
bonne tradition que nous sommes à établir: Il y a des relations
amicales qui sont pour le mieux-être de tout le monde.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je suis d'accord avec le ministre,
mais le problème, c'est que nous ne sommes pas dans un conseil de
famille; nous sommes à l'Assemblée nationale.
M. BELLEMARE: Oui, mais j'assure...
M. LEFEBVRE: Attention! Le ministre a très bien répondu
à ma question. D'ailleurs, je l'ai abîmé de fleurs cet
après-midi.
M. BELLEMARE: Oui, c'est vrai et c'est rare.
M. LEFEBVRE: Mais, tout ce que je lui dis, c'est de relire le journal
des Débats. Qu'il se fasse venir l'épreuve tout de suite, il
vient de dire à la Chambre que ce texte de loi, dans son esprit, veut
dire que le ministre sera tenu ou, enfin, qu'il est d'accord il n'est
pas tenu, il peut; nous laissons ça comme ça pour
transmettre au conseil consultatif le texte même de ces projets de
règlements. Il dit: C'est ce que je veux. Mol, je lui dis: Mettez-le
dans la loi. Ce n'est pas ce qui est écrit dans la loi. Entendez-vous
avec vos amis.
M. BELLEMARE: Je dis, M. le Président, que la loi est bien faite,
que les intentions du ministre sont pures...
M. LEFEBVRE: Oui, les intentions du ministre sont pures, mais...
M. BELLEMARE: ... et, surtout, que les résultats vont être
tangibles.
M. LEFEBVRE: Nous n'insistons pas pour que ce soit notre texte. Il
pourrait consulter les officiers et faire un texte qui soit conforme à
sa réponse. Que le ministre écoute attentivement. Ce n'est pas
une bataille de mots. Les mots veulent dire quelque chose. Il est
écrit
ici: « Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, après
consultation du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, adopter
des règlements... » Mais il n'est pas écrit que la
façon de consulter le conseil sera de lui transmettre le projet de ces
textes de règlement.
Le ministre dit que c'est cela qu'il veut faire. Pourquoi ne
l'écrit-il pas dans la loi?
M. BELLEMARE: C'est tellement clair! M. LEFEBVRE: Non, ce n'est pas
clair.
M. BELLEMARE: II faudrait que je dise que ce sera envoyé par
messager spécial...
M. LEFEBVRE: Non, non!
M. BELLEMARE: ... par la poste de l'honorable M. Keirans avec une
augmentation des tarifs postaux...
M. LEFEBVRE: Non, non!
M. BELLEMARE: ... que tout cela devrait être dans la loi pour
être bien sûr que cela se rende. De main à main, de personne
à personne. Et puis surtout que la réponse me revienne, bien sur,
de main à main, par l'auguste poste de Sa Majesté dirigée
par M. Kierans.
M. LESAGE: Le ministre est mieux!
M. BELLEMARE: Oh...
M. LESAGE: Le naturel revient au galop!
M. BELLEMARE: Oui, mais. .
M. LESAGE: J'ai bien confiance, moi.
M. BELLEMARE: Moi aussi, je voudrais bien l'avoir.
M. LESAGE: Je ne vois pas pourquoi le ministre ne voudrait pas adopter
un langage plus précis. Il s'agit de consulter le Conseil consultatif du
travail. Le ministre l'indique.
Il va le faire, mais il y a toute la différence du monde entre
consulter quelqu'un sur un principe et consulter quelqu'un sur un texte.
Je ne voudrais pas déroger au règlement, mais c'est le
cas, par exemple, du bill de la Communauté urbaine de Montréal.
De la Communauté urbaine de Québec aussi. Nous avons
discuté de principes, nous avons discuté sur des textes qui
étaient des documents de travail. Aujourd'hui, nous discutons sur des
textes de projets de loi. Cela fait toute la différence du monde
lorsqu'on discute sur un texte au lieu de discuter sur un principe. Une
consultation sur des textes est toujours beaucoup plus rentable qu'une
consultation sur un principe.
Je ne vois pas pourquoi le ministre aurait des objections. C'est une
modification qui est très simple. Peut-être y a-t-il moyen
d'améliorer le langage suggéré, mais je pense qu'il est
très précis et que le ministre devrait l'accepter.
M. BELLEMARE: M. le Président, c'est ce que nous avons fait au
sujet de la représentativité dans le bill 290 et nous
n'étions pas obligés de le faire. Tout le monde le sait. Nous
n'étions pas obligés de le faire au sujet de la
représentativité et nous avons soumis l'affaire au Conseil
consultatif. Cette fois-là, lui, il s'était battu pour que ce
soit dans le texte. Nous lui avons dit; Ne faites donc pas cela.
M. LESAGE: Lui, c'est qui?
M. BELLEMARE: L'honorable député d'A-huntsic a dit: Cela
n'a pas de bon sens. Il m'a donné une volée avec un quartier de
bois franc. Nous avons dit: Ne faites donc pas cela!
M. LESAGE: Oubliez ces choses-là.
M. BELLEMARE: Je m'en souviens. J'ai encore le journal des
Débats.
M. LESAGE: Encore des marques?
M. BELLEMARE: Des marques. Je dis au député que c'est
sûr que ce sera ainsi. C'est écrit dans le journal des
Débats. On pourra me le dire et me le répéter. Je le
dis.
M. LESAGE: C'est la loi qui compte.
M. BELLEMARE: Vous verrez que le ministre et ceux qui travaillent avec
le Conseil consultatif... Maintenant, c'est un bijou de conseil. Cela
fonctionne avec des représentants dynamiques, des hommes
extraordinaires, qui sont assidus. Ils siègent deux ou trois fois par
mois et quelquefois quatre fois par mois. Cela ne s'était jamais
fait.
M. LESAGE: Si le ministre ne veut pas l'inscrire à l'article
19a), il va certainement consentir à l'inscrire à l'article 19b).
Qu'il lise l'article 19b).
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE: Si le ministre veut bien lire le texte de l'article
19b)...
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE: ... il verra que le conseil des ministres pourrait «
abroger tout règlement en vigueur d'un comité paritaire ou toute
disposition contenue dans un tel règlement ». M. le
Président, le lieutenant-gouverneur en conseil a un pouvoir absolu, il
n'a aucune raison à donner, il n'a qu'à adopter un
arrêté ministériel et il peut d'autorité changer
tout règlement en vigueur d'un comité paritaire. M. le
Président, le moins que l'on puisse demander...
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE: ... c'est que dans le cas de l'article 19b), il y ait
également consultation du conseil consultatif. C'est le moins qu'on
puisse demander, c'est un pouvoir extraordinaire qu'on demande.
M. BELLEMARE: Mais quand est-ce que le lieutenant-gouverneur va aller
à l'arbitraire?
M. LESAGE: Eh bien, si le lieutenant-gouverneur n'est pas pour le faire,
qu'on biffe l'article 19b).
M. BELLEMARE: Non, non!
M. LESAGE: Cest l'un ou l'autre. Ou le lieutenant-gouverneur en conseil
a besoin du pouvoir ou il n'en a pas besoin. S'il n'en a pas besoin, qu'on
biffe l'article. S'il en a besoin, qu'on mette au moins l'obligation de
consultation. Parce que c'est un pouvoir je n'aime pas utiliser le mot
mais c'est un pouvoir dictatorial.
M. BELLEMARE: II y a une chose, M. le Président, qui reste
sûre, c'est que le ministre ne peut pas abroger un décret.
M. LESAGE: Oui, vous allez avoir le droit. M. BELLEMARE: Oui mais...
M. LESAGE: Vous allez avoir le droit d'abroger tout règlement en
vigueur d'un comité paritaire, ou toute disposition contenue dans un tel
règlement et ceci, sans aucune consultation. C'est exorbitant et c'est
un pouvoir dictatorial, me semble-t-il. Et si le ministre s'impose, comme il le
dit, dans l'article 19a)...
M. BELLEMARE: Oh non!
M. LESAGE: ... l'obligation de consulter le conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre, combien, à plus forte raison, devrait-il
se l'Imposer dans les cas prévus à l'article 19b).
M. BELLEMARE: Quand on a, M. le Président, vécu cette Loi
des décrets des conventions collectives et qu'on a eu à la...
M. LESAGE: Vous n'en avez pas besoin du pouvoir de l'article 19b)?
M. BELLEMARE: Un instant, M. le Président.
M. LESAGE: Bien oui!
M. BELLEMARE: Et je n'ai pas d'objection, pas du tout, à trouver
une formulation.
M. LESAGE: Ah, tant mieux! Cela va déjà mieux.
M. BELLEMARE: M. le Président, quand on a vécu cette Loi
des décrets de la convention collective et qu'on s'est aperçu que
ce gros livre, qui donne des pouvoirs extraordinaires à tout le monde,
n'en donnait pas au ministre, lui qui a toute la responsabilité de
justifier cela devant l'opinion publique. Il n'avait seulement pas, en fait, le
pouvoir coercitif, ni le pouvoir de le faire accepter en vertu de la Loi des
enquêtes.
M. LESAGE: C'est mieux.
M. BELLEMARE: Et puis tout le monde, mon cher monsieur, pouvait,
à un moment donné s'accorder et je ne voudrais pas
répéter ici des choses qu'on a trouvées et qui sont
lamentables pour le bien public et pour l'intérêt
général. Les comités paritaires sont composés de
bonnes gens. Il y a eu des excès mais ce n'est pas l'ensemble.
M. LESAGE: Oui, je connais les abus. Je les connais parfaitement
bien.
M. BELLEMARE: Bon, alors...
M. LESAGE: Mais même là, M. le Président...
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE: ... pour éviter l'odieux au ministre...
M. BELLEMARE: Oui, je...
M. LESAGE: ... et au lieutenant-gouverneur en conseil, je pense qu'il y
aurait lieu de consulter le conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre. Et d'ailleurs, cela aidera le ministre. Cela lui donnera plus
d'autorité. Pas « peut », « doit ».
M. BELLE MARE: Disons, M. le Président: Le lieutenant-gouverneur
en conseil peut consulter...
M. LESAGE: Non, non. Le lieutenant-gouverneur en conseil...
M. BELLE MARE: Peut.
M. LESAGE: Non, c'est très simple: « Après
»...
M. BELLE MARE: Peut. M. LESAGE: Peut, après... M. BELLEMARE:
Consultation.
M. LESAGE: « ... consultation du conseil consultatif du travail et
de la main-d'oeuvre... »
M. BELLEMARE: C'est cela.
M. LESAGE: « ... abroger tout règlement en vigueur d'un
comité paritaire ou toute disposition comprise dans un tel
règlement... »
M. BELLEMARE: D'accord.
M. LESAGE: « ... ou, selon le cas,... »
M. BELLEMARE: Vous allez faire un Jaloux, là. Le
député d'Ahuntsic va dire...
M. LESAGE: Mais non.
M. BELLEMARE: ... Il prend le sienet il ne prend pas le mien.
M. LESAGE: M. le Président, c'est son idée...
M. LEFEBVRE: Non, M, le Président, si le ministre ne sortait pas
de l'hôpital, Je lui redonnerais une volée de bois vert, mais
compte tenu des circonstances, Je vais l'en exempter. Mais Je reste convaincu
qu'il n'aurait fait qu'améliorer son affaire, enfin son affaire, notre
affaire.
M. BELLEMARE: Une volée de bols vert?
M. LEFEBVRE: Oui.
M. BELLEMARE: Même si Je ne suis pas en condition trop, trop, Je
ne sais pas ce que je ferais.
M. LEFEBVRE: Non, mais j'aurais mauvaise conscience.
M. BELLEMARE: Merci, M. le député. M. LEFEBVRE: Nous
allons laisser faire. M. BELLEMARE: Il reste, M. le Président...
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Un instant. Est-ce qu'on pourrait
nous donner le texte précis de l'amendement?
M. BELLEMARE: Oui.
M. FRASER: Je veux juste demander au ministre; Est-ce que vous avez
l'espoir, par cet article 2, de changer les règlements du comité
paritaire...
M. BELLEMARE: De les uniformiser, oui.
M. FRASER: Oui. Je vous demande quelque chose. Après le dernier
décret qui est sorti en octobre de cette année...
M. BELLEMARE: Voulez-vous parler devant le micro, s'il vous
plaît?
M. FRASER: ... pour le comté de Huntingdon, un décret est
sorti, en octobre, et le comité paritaire a envoyé des
règlements à tous les entrepreneurs, tous les gens du
comté. Depuis cela, les entrepreneurs ont congédié
beaucoup de monde et les autres ne savent pas quoi faire: les congédier
ou les garder ou envoyer l'argent.
M. BELLEMARE: Il faudrait que le député me dise quel
décret. De quel décret: Il y en a cent.
M. FRASER: Ce sont les plombiers pour une classe et les charpentiers
pour une autre.
M. BELLEMARE: Non. Ce n'est pas un décret, ça.
M. FRASER: Le décret est sorti en octobre.
M. BELLEMARE: Non. C'est une convention collective en vertu du bill 290
qui a été négociée dans la construction. Il y a eu
après la
promulgation de la convention collective qui est devenue applicable
à toutes les régions.
M. FRASER: Dans la région de Saint-Hyacinthe, Saint-Jean, et nous
autres, à Huntingdon, nous n'avons pas d'union du tout. Par le
décret Huntingdon a été ajouté à la
région de Saint-Hyacinthe et Saint-Jean. Comme ça, l'union entre
maintenant.
M. BELLEMARE: II n'y a rien qui concerne le bill qui est
présentement à l'étude. Ceci est une longue discussion
qu'il faudra faire sur le bill 290, quand Huntingdon a été
ajouté aux parties de Saint-Jean et Saint-Hyacinthe, en vertu de 290,
dans les zones et dans les territoires... C'est une convention collective qui
est intervenue entre les cinq grandes associations patronales et les deux
grandes centrales syndicales, CSN et FTQ, qui ont, à ce
moment-là, d'un commun accord accepté une brique
épaisse.
M. FRASER: Je veux vous demander quelque chose. Quand cette loi sera
passée, vous pourrez changer les règlements du comité
paritaire qui gouverne le comté d'Huntingdon et les autres, n'est-ce
pas?
M. BELLEMARE: C'est-à-dire que les négociations, en ce qui
concerne le député doivent commencer sous peu et les
décisions être en vigueur à partir du 1er mai 1970. Cela
couvrira tous les décrets de la construction, des plombiers, des
électriciens, des constructeurs de maisons et de routes. Cela commencera
à être négocié d'ici quelque temps, peut-être
d'ici au 15 décembre, pour être en vigueur et sanctionné le
1er mai 1970. C'est là que l'argument de l'honorable
député pourra avoir sa raison et son explication.
M. FRASER: C'est ce que je demande au ministre, c'est d'essayer de
mettre un peu d'ordre dans l'affaire, parce qu'il y a du monde sans travail
maintenant.
M. BELLEMARE: Croyez-moi, je pense que, si le député
connaissait le travail que nous avons à faire dans ce domaine, il
pourrait peut-être demander à ceux qui se sont
particulièrement intéressés à ce domaine de la
construction quel fouillis indescriptible il y avait avant; aujourd'hui ce
n'est peut-être pas parfait, nous l'admettons, mais, dans les
négociations qui vont commencer très prochainement, nous allons
essayer de faire les alignements voulus pour essayer de rendre justice à
tout le monde.
M. FRASER: Dans le comté de Huntingdon, nous ne sommes pas
habitués de payer $4.50 pour les charpentiers ou les plombiers. Si vous
mettiez ça à $3 maintenant, tout le monde serait d'accord.
M. BELLEMARE: C'est un cas de négociation entre les parties
contractantes, ce n'est pas la faute du ministre. Ce sont les parties
contractantes qui, lors de l'étude du bill 290, dans l'application de la
convention collective, à travers les dix grandes régions de la
province, ont établi des critères, des barèmes de
salaires. Les parties contractantes qui représentent les cinq grandes
associations patronales et la FTQ et la CSN, qui représentent le
syndicalisme, ont dit à ce moment-là: Nous nous sommes entendues.
Cela n'a pas été facile. Cela a duré des jours et des
jours. Et là, ça recommence.
M. FRASER: Mais le décret d'octobre a été
émis par qui? C'était publié dans la Gazette officielle.
Par le ministère du Travail, n'est-ce pas?
M. BELLEMARE: Oui, c'est sûr.
M. FRASER: Pour couvrir le comté de Huntingdon qui n'était
pas couvert avant?
M. BELLEMARE: Le 27 octobre, tout le monde a eu le temps parce
qu'il y a eu des avis dans la Gazette officielle de faire de la
représentation, et un ordre en conseil a sanctionné ces grandes
conventions collectives, qui sont devenues lois. C'est sûr. Je ne peux
pas, à cause d'un particularisme comme vous le dites, intervenir dans
une grande convention collective qui groupe toutes les associations.
M. FRASER: Je sais, mais je demande au ministre, en mai prochain,
d'essayer de régler les salaires... Ce ne sera pas un grand pas tout
d'un coup. Il faut commencer par des petits pas.
M. BELLEMARE: Le meilleur moyen, ce sera peut-être de voir M.
Louis Laberge. Il est bon pour « fighter » ça.
M. FRASER: M. Louis Laberge? Mais, le ministre pourrait nous aider un
peu pour rendre justice.
M. BELLEMARE: Peut-être aussi M. Marcel Pepin.
M. LESAGE: Est-ce que le ministre va nous
faire la même déclaration au sujet de M. Laber-ge lorsque
nous en viendrons à l'étude...
M. BELLEMARE: Non, M. le Président, mais je dirai quelque chose
à son sujet, qui changera peut-être...
M. LEFEBVRE: Non, sans lire les journaux.
M. BELLEMARE: ... ce que pense le chef de l'Opposition.
M. LESAGE: Adopté, M. le Président. M. CLICHE: M. le
Président,... M. BELLEMARE: Oui.
M. CLICHE: ... quelques remarques. Je comprends de par les amendements
qu'apporte le ministre qu'il n'est pas tellement heureux, disons, des
règlements qu'adoptent habituellement les comités paritaires,
puisqu'il intervient pour décréter qu'à l'avenir ces
règlements-là devront suivre certaines normes établies par
lui, disons établies par le lieutenant-gouverneur en conseil.
Alors, à l'avenir, les règlements que pourront adopter les
comités paritaires devront être suivant la réglementation
que le lieutenant-gouverneur va adopter. Si je comprends bien, c'est de cette
façon-là que cela va fonctionner à l'avenir. Ce qui
m'inquiète un peu, c'est... Dans ce cas-là, évidemment,
après consultation, avec...
M. BELLEMARE: Uniformisation.
M. CLICHE: ... le comité. A l'avenir, disons que le ministre
interviendra ou aura le droit d'intervenir pour délimiter le genre de
règlements, la forme de règlements et la sorte de
règlements que les comités paritaires auront le droit d'adopter
à l'avenir. Disons que le ministre obtient ce droit-là. Mais,
c'est pour le passé, pour les règlements qui existent
actuellement. Là, lui, il veut que la Législature lui donne le
droit de les abroger, ces règlements-là. Le ministre demande
ça sans avoir consulté. Sans aucune formalité
préalable, le ministre aura le droit d'abroger tout règlement
actuellement en existence et adopté par les comités paritaires.
Ce qui m'étonne, c'est qu'il n'y a absolument aucun mécanisme de
consultation prévu. Je voudrais que le ministre m'écoute une
seconde. Il n'y a absolument aucun mécanisme de consultation. Il y a
certainement toute une série de règlements qui sont
légaux, qui impliquent toute une série de personnes d'un
métier ou d'un territoire; et puis, on aurait le droit, du jour au
lendemain le ministre, selon l'article 19b) d'intervenir et
d'aborger les règlements.
M. BELLEMARE: Non, non, après consultation du Conseil
supérieur du travail.
M. CLICHE: Oui, oui, le Conseil supérieur du travail, mais est-ce
que l'on consulte les membres d'un comité paritaire, en particulier? On
va aller abolir des règlements qui ont été adoptés
en bonne et due forme selon la réglementation actuelle, et puis on va
les abolir sans même consulter ces gens-là du milieu. Bien oui,
c'est ça. Le ministre se fait donner ces pouvoirs-là. Si ce n'est
pas ça qu'il veut, eh bien, qu'il n'amende pas la loi dans ce
sens-là. C'est ce qui me frappe. C'est qu'il n'y a aucun
mécanisme de consultation. Je me demande pourquoi le ministre vient
demander de tels pouvoirs, actuellement. S'il veut nous le dire, qu'est-ce qui
l'incite à présenter un tel projet de loi?
Il ne veut pas le dire.
M. BELLEMARE: M. le Président, c'est pour uniformiser les
formules administratives. Il n'est pas question de discrimination; au
contraire, nous consultons. D'ailleurs, en vertu de la Loi de la convention
collective, on n'avait rien, rien. On pouvait passer n'importe quelle
résolution et édicter n'importe quel règlement.
M. LESAGE: Payer des montants exorbitants.
M. BELLEMARE: On avait payé des montants, $500 pour une
séance, comme jeton.
M. LESAGE: C'est plus payant que d'être administrateur...
M. BELLEMARE: Voyons donc! M. LESAGE: ... de banque. M. BELLEMARE:
Pardon?
M. LESAGE: C'est plus payant que d'être directeur...
M. BELLEMARE: Voyons donc! M. LESAGE: ... de banque.
M. BELLEMARE: Voyons donc! Il y a des choses que je ne veux pas
dire.
M. LEFEBVRE: M. le Président...
M. BELLEMARE: On ne cherche pas à faire
de la discrimination; au contraire, on cherche à mettre de
l'ordre. Ce n'est pas...
M. LEFEBVRE: ... ce que le ministre ne veut pas dire, je crois que nous
le savons nous aussi, et nous sommes d'accord pour que ce soit
éliminé. Mais, en fait, je trouve que mon collègue a tout
a fait raison. D'ailleurs, cela enchaîne avec ce qu'a dit le chef de
l'Opposition et ce que j'ai dit moi-même. Je me demande s'il n'y aurait
pas lieu d'ajouter une précision, qui probablement est encore là
dans l'intention du ministre. C'est bien beau de dire que le ministre veut
faire cesser des abus ou empêcher la corruption. Nous sommes tous
d'accord là-dessus. Seulement, tel que le texte est fait, les gens
concernés apprendraient que le règlement a été
abrogé en lisant la Gazette officielle.
S'ils ne la lisent pas, ils ne l'apprendront pas, parce qu'il n'y a rien
dans la loi qui oblige le ministre même à aviser les
intéressés. Le ministre a déjà ajouté un
amendement. Là, l'article, tel que je le comprends, se lit
j'essaie de citer au texte ce que nous avons adopté tout à
l'heure, bien que je n'aie pas le texte devant mol Le
lieutenant-gouverneur peut, après consultation du Conseil consultatif de
la main-d'oeuvre et du travail mol, j'ajouterais: et après en
avoir avisé les intéressés abroger tout
règlement en vigueur d'un comité paritaire.
Il faudrait, quand même, qu'à un moment donné les
intéressés soient avisés. Le ministre dit: Je veux
corriger des choses qui n'ont pas d'allure. D'accord, mais ce n'est pas ce que
le texte de loi dit. Le texte de loi donne un pouvoir d'amender les
règlements. Je comprends que le ministre dit: Mol, je suis un bon gars
et je n'abuserai pas. Disons que nous sommes d'accord, même
là-dessus. Alors, nous sommes d'accord sur pas mal de choses. Mais il
reste que, tel que la loi est écrite, cela pourrait prêter
à des abus considérables.
Est-ce que le ministre ne pourrait pas...
M. BELLEMARE: Le député ne semble pas savoir comment cela
fonctionne.
M. LEFEBVRE: Non, mais ce n'est pas une question de savoir.
M. BELLEMARE: Aujourd'hui, quand on nous demande de changer certains
règlements, nous le faisons simplement en disant: Voulez-vous enlever
cela, changer cela ou dans le prélèvement faire attention
à telle chose? Nous n'avons pas de pouvoir pour dire: Vous allez le
faire, sinon nous allons nous servir de la loi.
M. LEFEBVRE: Nous sommes d'accord là-dessus.
M. BELLEMARE: Nous allons continuer ce système-là. Cela ne
pourra pas être changé, parce que c'est dans les moeurs des
comités paritaires d'être consultés pour tout ce que nous
voulons leur faire retrancher ou que nous nous ne voulons pas accepter. Nous
les consultons. Les parties contractantes viennent et c'est devant elles que
cela se discute; c'est là que cela s'élimine ou se règle.
Pensez-vous que nous allons changer cette tactique que nous employons
présentement? Si, par exemple, comme celas'est vu, on nous dit: Non,
nous continuons de payer; nous continuons de faire cela. Que voulez-vous, nous
n'avons plus aucun recours. Nous dirons maintenant; Ecoutez, il y a la loi et,
si vous ne voulez pas le faire, bien sûr, nous allons l'envoyer au
conseil consultatif et nous allons demander consultation et, après cela,
nous l'abolirons.
M. CLICHE: Ne pourrions-nous pas, à l'article 19, mentionner les
cas où l'intervention du ministre pourrait avoir lieu, comme les cas de
malversation?
M. BELLEMARE: Ce n'est pas possible. M. CLICHE: Si le ministre me le
permet... M. BELLEMARE: D'accord.
M. CLICHE : A l'article 23 a), dans l'amendement qu'apporte le ministre,
on parle des cas de malversation, d'abus de confiance ou d'in-condulte. Dans
ces cas-là, le ministre peut intervenir, ordonner que les pouvoirs du
comité soient suspendus et nommer un administrateur. Est-ce qu'il ne
devrait pas limiter son droit d'Intervenir pour l'abrogation d'un
règlement aux seuls cas de malversation, d'abus de confiance et
d'inconduite?
M. BELLEMARE: Si, par exemple, je vais donner un cas concret au
député moi, je m'aperçois, comme ministre, que 1/2%
c'est trop, je dis au comité paritaire: Votre prélèvement
est trop fort, dans les circonstances. Vous avez $30,000 en caisse; vous
devriez exiger seulement 1/4%. Cela est un règlement. Si le gars dit:
Non, je vais rester à 1/2%, qu'est-ce qui arrive? Moi, je suis
obligé de dire que les $30,000 qui sont là, c'est de l'argent qui
a été accumulé. Ce sont des faits comme cela qui peuvent
arriver tous les jours, il y a des centaines de particularismes dans la Loi des
dé-
crets. Aucun décret n'est pareil, que ce soit dans la
tôlerie, dans la menuiserie, dans les manufactures de portes et
châssis ou n'importe quoi, il y a cent décrets, cent
méthodes différentes, cent points où, quelques fois, je
vols une application qui n'est pas correcte.
Je fais venir le type, je dis: Le directeur général, M.
Villeneuve, vous rencontrera; discutez donc de cet aspect-là. Il nous
semble, à nous, que vous allez trop loin, que ce n'est pas raisonnable,
que cela n'est pas dans l'intérêt public. Il discute avec les
parties contractantes; il les fait venir. C'est cela que vous avez fait, M.
Villeneuve? Il a toujours consulté les gens, il y a des gens qui nous
ont dit non, à un moment donné, cela va être 1/2%. La loi
nous donne l'avantage, cela va être 1/2%. Nous savons qu'ils ont une
caisse de $60,000. Quelquefois, il peut arriver des tentations.
M. CLICHE: Ah oui, justement...
M. BELLEMARE: ... des choses difficiles, contrôlées.
M. CLICHE: Justement. Je ne nie pas au ministre le droit et le devoir,
même, d'intervenir, ni à lui ni à son ministère,
mais je dis que la loi lui donne un pouvoir absolument général
d'intervenir sans raison, sans même aucune justification.
Je sais que lui ne le fera pas. Mais il y en a sûrement d'autres
qui vont lui succéder qui pourront le faire et qui seront tentés
de le faire à un moment donné, pour toutes sortes de raisons,
raisons politiques. Cela peut arriver à un moment donné que l'on
utilise les pouvoirs qui nous sont accordés pour nuire à
quelqu'un. C'est déjà arrivé dans le passé. C'est
déjà arrivé. Le ministre est au courant.
M. BELLEMARE: Pas avec le conseil consultatif comme garde.
M. CLICHE: Le conseil consultatif donne un avis. Il ne décide
pas. Il donne un avis. Est-ce qu'on va être au courant des avis que le
conseil va donner avant que le ministre décide? Je ne pense pas. Le
conseil consultatif va donner un avis, et si le ministre a une
personnalité assez forte, le conseil va décider dans le sens de
la consultation qu'il va leur demander. Je pense bien que le ministre du
Travail et de la Main-d'Oeuvre est assez habile pour obtenir une consultation
qui va lui être favorable. Alors c'est pour éviter...
M. BELLEMARE: Le député sait qu'en vertu de l'article 8
des décrets de la convention collective - ledéputé sait
ça-j'ai le droit d'abroger un décret sans le dire à
personne. C'est dans la loi. En vertu de l'article 8, mol je dis, demain
mâtin, il n'y a plus de décret. Il n'y a plus personne qui est
capable de me toucher, parce qu'en vertu de l'article 8, c'est marqué.
Et là, on est rendu...
M. CLICHE: Oui, là on est rendu dans les règlements.
M. BELLEMARE: Comment?
M. CLICHE: On est rendu dans les règlements, là.
M. BELLEMARE: Ah oui! on est rendu dans les règlements
d'administration de régie interne. C'est bien loin de l'abrogation d'un
décret. J'ai le pouvoir, en vertu de l'article 8 de la Loi des
décrets de convention collective, d'abroger les décrets. Je n'ai
à consulter personne. Et là, je demande un pouvoir pour changer
certains règlements parce qu'il y a certains gars qui me disent non. Ils
disent, les fonctionnaires de mon ministère: Nous prétendons
qu'il y a des abus dans certains endroits. C'est justement ça qu'on veut
éviter. On ne veut pas faire de discrimination. Au contraire! Je ne vols
pas la raison de cette tempête, cet après-midi.
M. CLICHE: Ce n'est pas une tempête, non, non! C'est une
discussion amicale et dans l'intérêt du ministre,
probablement.
M. BELLEMARE: Oui, je comprends.
M. LEFEBVRE: J'aimerais essayer de négocier entre mon
collègue d'Abitibi-Est et le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre,
pour voir s'il n'y aurait pas moyen d'établir un compromis. Est-ce que
le ministre serait d'accord pour ajouter, après le paragraphe 19b), une
phrase qui ressemblerait à celle-ci: Dans un tel cas, le ministre du
Travail et de la Main-d'Oeuvre avise immédiatement les premiers
intéressés de toute décision qui est prise par le
lieutenant-gouverneur en conseil? Au moins pour que les gens le sachent. Il me
semble que c'est logique. Je ne vous dis pas que le ministre ne le fait pas
actuellement mais ce n'est même pas écrit. Est-ce que cela ne
serait pas normal que le ministre soit tenu d'aviser...
M. BELLEMARE: Vous devriez lire la Loi des décrets de convention
collective. C'est épouvantable! Epouvantable!
M. LEFEBVRE: Ah, j'ai tout lu ça.
M. BELLE MARE: Demander une affaire comme ça quand la Loi des
décrets me donne des pouvoirs épouvantables sur toutes sortes de
choses. Et sur ça, rouspéter pour rien.
M. LEFEBVRE: Non, non ce n'est pas pour rien. Ce n'est pas pour
rien.
M. BELLEMARE: En tout cas, moi Je prétends que je fais mon
possible pour vous donner tous les renseignements que je possède, sans
blesser personne, surtout ceux que j'ai dans ma tête qui ne sont pas ici.
Alors, je le demande pour l'intérêt public.
M. PINARD: Seulement à titre d'information. Tous ces
règlements qui ont été ou qui seront adoptés par
les comités paritaires, est-ce qu'ils sont obligatoirement soumis au
ministère du Travail à titre d'information, ou à titre
d'accréditation?
M. BELLEMARE: D'approbation.
M. PINARD: D'approbation?
M. BELLEMARE: Certain. Ah oui!
M. PINARD: Alors, à ce moment-là, il me semble que les
abus auxquels le ministre songe et qu'il ne veut pas nous dire peuvent
être facilement évités.
M. BELLEMARE: Les nouveaux, ah oui, d'accord. Les nouveaux, ça va
y être, certainement.
M. PINARD: Bon, alors d'après ce que le ministre nous dit,
à l'article 19b), il voudrait légiférer pour les
règlements qui ont été adoptés dans le passé
et sur lesquels il n'avait pas tellement son mot à dire, lui et ses
fonctionnaires.
M. BELLEMARE: C'est-à-dire d'arrêter certaines choses qui
sont contraires à l'intérêt public. Puis si j'outrepassais
mes pouvoirs, il y a assez de monde dans la province qui me surveillent, moi.
C'est garanti qu'on en entendrait parler demain matin.
M. PINARD: Le ministre dit qu'il existe environ 100 comités
paritaires...
M. BELLEMARE: Cent comités paritaires, 104 ou 102.
M. PINARD: Bon.
M. BELLEMARE: 104.
M. PINARD: Alors est-ce qu'il a objection à nous dire combien de
comités paritaires peuvent être visés par les
pouvoirs...
M. BELLEMARE: Combien?
M. PINARD: Combien, oui, peuvent être visés par les
pouvoirs inclus à 19b)...
M. BELLEMARE: Ecoutez...
M. PINARD: ... en ce qui concerne les règlements qui, disons,
seraient un peu exorbitants quant aux pouvoirs que se sont donnés les
membres du comité paritaire? Enfin...
M. BELLEMARE: Pour être très conservateur, comme je le
suis, c'est 90%.
Si vous voyiez les rapports que nous avons dans mon bureau, les cheveux
qui vous restent seraient droits sur votre tête!
M. PINARD: Pour enchaîner sur les remarques qu'a faites le
ministre tantôt, pour m'éclai-rer un peu sur la justification des
pouvoirs qu'il demande à 19b), le ministre et ses officiers ont-ils des
pouvoirs de surveillance quant à l'utilisation des fonds
accumulés dans certaines caisses dont il a parlé
tantôt?
M. BELLEMARE: Nous avons le pouvoir de surveiller le budget, parce
qu'ils nous le présentent pour fixer le prélèvement en
vertu de la loi. C'est là que nous le surveillons, mais nous l'avons pas
mal surveillé depuis quelques années et nous avons
rencontré des obstacles sérieux. On a dit: Vous avez
dépassé la marge; le « guide line » est ici, et vous
arrêtez là. Ce ne devrait pas être ça, ça
devrait être ça. Tâchez donc d'amender ça.
L'année suivante, nous nous sommes aperçus que l'amendement avait
été suivi presque à la lettre, mais dans l'autre sens.
M. PINARD: J'imagine que, si le ministre se voit obligé
aujourd'hui de demander des pouvoirs que nous qualifions peut-être
d'exorbitants, il doit y avoir eu énormément de plaintes, et ces
plaintes-là sont venues de qui?
M. BELLEMARE: De nos enquêteurs qui sont allés dans les
comités paritaires faire les enquêtes de chacun des comités
et qui ont rapporté des faits extraordinaires qui sont conte-
nus dans des dossiers que nous avons au ministère qui sont
extrêmement confidentiels pour le moment, c'est sûr. Ecoutez,
mettre en accusation certaines personnes, c'est ce que je ne voulais pas dire
cet après midi. Je pense que nous en avons assez dit. Pourquoi entrer
dans ça? Pourquoi commencer à avoir certains noms et commencer
à dire: C'est tel comité ou tel autre? Le pourcentage, où
c'est, et comment s'appelle le gars? Le député de Drummond est
charitable, et je sais que c'est un gentilhomme, il y a des choses que je ne
veux pas aujourd'hui... je dis simplement que j'ai besoin de ces
pou-voirs-là. J'en ai besoin, parce que nous avons vécu une
période, mes officiers sont des hommes extrêmement
compétents et ils connaissent à fond maintenant la situation
à cause des documents que nous avons en main. Ils m'ont fait cette
recommandation, ils m'ont dit; M. le ministre, vous avez le devoir de demander
ça à la Chambre. Alors, je le demande et je l'exécuterai,
selon mon mandat, avec beaucoup de parcimonie.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Adopté?
M. LESAGE: Un instant.
Je voudrais suggérer au ministre du Travail, dans ses moments de
loisir, de relire l'article 8 de la Loi des décrets de conventions
collectives, et il s'apercevra que ces pouvoirs de vie ou de mort sur les
décrets...
M. BELLE MARE: Il s'apercevra de quoi?
M. LESAGE: ... que les pouvoirs de vie ou de mort qu'il a
invoqués tout à l'heure sont qualifiés dans l'article
8.
M. BELLE MARE: C'est bien sûr. Ecoutez. M. LESAGE: Non,
mais...
M. BELLEMARE: Pensez-vous qu'au conseil des ministres je n'aurais pas un
certain pouvoir?
M. LESAGE: Oui, mais il y a d'autres exigences, il faut donner des avis
aux intéressés.
M. BELLEMARE: Oui, d'accord.
M. LESAGE: Très bien, j'ai rétabli les faits.
M. BELLEMARE: C'est le premièrement, le lieutenant-gouverneur en
conseil...
M. LESAGE: Oui, un instant, s'il vous plaît.
Au deuxième alinéa, vous avez des qualifications, des
exigences, la procédure.
M. BELLEMARE: Oui, d'accord.
M. LESAGE: Mais, il est bon qu'il soit dit que les pouvoirs...
M. BELLEMARE: Ne me l'expliquez pas, je connais la loi.
M. LESAGE: ... du ministre ne sont pas aussi absolus que ceux qu'il nous
a laissé entendre tantôt. Cela m'aurait surpris qu'un tel article
8 ait été édicté donnant ce que j'appelle des
pouvoirs de vie ou de mort sans condition sur les décrets de conventions
collectives.
M. BELLEMARE: Je les ai quand même.
M. LESAGE: Je sais que ce n'est pas dans cet esprit-là que le
ministre administre la Loi des décrets de convention collective.
M. BELLEMARE: Non.
M. LESAGE: D'ailleurs, s'il le faisait, il contreviendrait à
l'article 8 de la loi.
M. BELLEMARE: Nous aurions la tempête dans la province.
M. PINARD: Ce n'est pas le fouet à Caouette.
M. LESAGE: Cela ne l'est pas, en vertu de l'article 8.
M. BELLEMARE: Adopté.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Alors, adopté tel
qu'amendé. Article 2, adopté.
M. BELLEMARE: Adopté.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 3, adopté
M. le Président, J'ai l'honneur de vous faire rapport que le
comité a adopté le bill no 79 avec les amendements qu'il vous
prie d'agréer.
M. LEBEL (président): L'honorable ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre propose que les amendements soient maintenant lus et
agréés. Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. BELLEMARE: Pourrais-je avoir le consentement de la Chambre pour la
troisième lecture?
Troisième lecture
M. LE PRESIDENT: De consentement unanime, l'honorable ministre du
Travail et de la Main-d'Oeuvre propose la troisième lecture du bill no
79. Cette motionsera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. BELLEMARE: 9.
Bill 80 Deuxième lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre
propose la deuxième lecture de la Loi modifiant la loi des accidents du
travail.
L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
M. Maurice Belle mare
M. BELLEMARE: M. le Président, depuis longtemps les associations
patronales et particulièrement la FTQ nous demandent, par la voix du
président du Comité de la prévention des accidents du
travail, certaines modifications. Nous avons reçu leurs
représentants, nous avons entendu leurs mémoires et nous avons
cru bon d'ajouter cette année certaines recommandations qu'ils nous ont
faites.
Vous avez, par exemple, les jours comptés lorsqu'un ouvrier est
accidenté. Au lieu de trois jours, comme le veut la loi, ce sera
maintenant payable à partir de la première journée. Il
arrivait que bien des gens, connaissant la loi, étaient malades trois
jours pour bénéficier de la loi. Nous enlevons cela. Plus de
cachette. Nous paierons pour la première journée. C'est un gros
avantage.
Il y a un autre article dans lequel on dit aussi que la revalorisation
des indemnisations pourra, au lieu d'être faite obligatoirement au bout
de trois ans, l'être tout de suite après un an. Elle ne sera pas
faite sur le gain qu'avait à ce moment-là le travailleur, mais
sur le gain qu'a actuellement le travailleur.
Je ne sais pas si on me saisit bien? C'est sur le gain actuel.
M. LESAGE: Oui.
M. PINARD: Au moment de l'aggravation de la maladie.
M. BELLEMARE: Dès qu'il y a aggravation de la maladie.
M. LESAGE: C'était de cinq ans, cela a été
ramené à trois ans et puis on veut le ramener à un an.
M. BELLEMARE: A un an parce que je trouve que c'est bien juste et
équitable.
M. LESAGE: Oui.
M. BELLEMARE: L'autre problème est l'indexation.
M. LESAGE: Avant cela, il y a une Journée...
M. BELLEMARE: Je l'ai dit. Je l'ai expliqué.
M. LESAGE: L'indexation. C'est cela.
M. BELLEMARE: L'indexation. Les gens nous demandent quels sont les
avantages d'une indexation automatique. Une indexation automatique permet de
prévoir le coût approximatif des cotisations annuelles qu'auront
à payer les employeurs. Cette indexation est préférable
aux augmentations sporadiques et arbitraires qu'on a déjà
données dans la loi. Il y a dix ans, on a donné des augmentations
et on disait: Tel pourcentage s'applique ici et là. Mais il y a eu des
gens qui n'en ont pas profité. Etant systématique, elle a
l'avantage surtout d'être prévisible.
Plusieurs nous demandent quelles sont les rentes qui seront
particulièrement touchées par cette indexation, il faut que vous
sachiez un détail assez surprenant. Chez les 16,012 rentiers que la CAT
englobe avec un montant de $779,577.61, sur un nombre global de 16,083 rentiers
avec $782,505.75, il y a plusieurs degrés. C'est un fait assez
extraordinaire de voir que parmi les rentes analysées il se trouve 1,694
rentiers, environ 10.6% du total, pour $34,000, avec un degré
d'incapacité ne dépassant pas 10%. Ce sont en grande partie des
rentes provisoires qui seront annulées ou capitalisées, en
règlement durant l'année.
Elles sont éliminées de l'étude que je vais vous
donner maintenant et qui représente 14,318 rentiers.
La répartition de ces rentiers avec degré
d'incapacité dépassant 10%, est la suivante, et cela c'est
important: de 11% à 20%, il y a 8,915 personnes, soit 62.3%; de 21%
à 30% d'incapacité, il y en a 2,317, soit 16.2%; de 31% à"
40%, il y en a 1,123; de 41% à 50%, il y en a 648; de 51% à 60%,
il y en a 277;
de 61% à 70%, il y en a 245; de 71% à 80%, il y en a 159;
de 81% à 90%, il y en a 47; et, chose assez surprenante, de 91% à
100%, il y en a 587.
M. le Président, on constate avec plaisir que la moitié du
montant versé à ces rentiers revient au récipiendaire dont
le degré d'incapacité ne dépasse pas 30%. C'est une chose
assez extraordinaire, 30%.
La moitié du groupe est comprise entre ceux qui ont de 10%
à 30% d'incapacité; de 20%, 8,915; de 30%, 2,300 et de 31%
à 40%, 1,100. C'est là qu'est le groupe et c'est là que
notre indexation va particulièrement frapper.
Donc, toutes les rentes sont-elles touchées par l'indexation? Je
dis oui. Toutes seront affectées, non seulement celles des
accidentés, mais aussi celles touchant les gens qui sont affectés
par des maladies profesionnnelles et aussi leurs dépendants.
Quelles sont les provinces canadiennes qui sont soumises à un
système d'indexation? Une seule province canadienne est actuellement
soumise à un système tel que celui que nous proposons, c'est la
Colombie-Britannique.
M. PINARD: Seulement une province?
M. BELLEMARE: Juste une province, la Colombie-Britannique.
M. PINARD: Est-ce que le ministre sait, à peu près,
à partir de quelle année?
M. BELLEMARE: Pardon?
M. PINARD: A partir de quelle année y a-t-il eu un régime
d'indexation, là?
M. BELLEMARE : Je crois qu'il y a à peu près trois ou
quatre ans. Je n'ai pas la date, mais c'est très récent. Dans les
conférences qui ont réuni différentes commissions des
accidents du travail, parce qu'il y en a dans tout le Canada, nous demandions
cela très ardemment, nous de la province de Québec. Nous
demandions de l'indexer à 5%, mais on a dit: Nous allons plutôt
l'indexer le coût de la vie à 2% pour ne pas avoir le coût
réel, parce que c'était exorbitant quant au taux que cela aurait
produit et à la capitalisation qu'il aurait fallu faire.
La Commission des accidents du travail, après calculs actuariels,
estime le coût de la revalorisation de toutes les rentes à un
montant de $2 millions pour chaque 1% d'augmentation, soit, pour l'année
1970, $4 millions, puisque l'indice des prix de la consommation a atteint une
moyenne excédant 2%.
Alors, je répète que l'indexation que nous allons donner
à tous les accidentés de travail représentera cette
année, d'après les actuaires, un montant de $4 millions.
Quelques-uns peuvent se demander: Que représente l'augmentation
de la masse des cotisations pour 1969? L'indexation constituera une
augmentation estimative de 5% de la masse des cotisations.
Maintenant, pour les employeurs cotisants, le coût de
l'augmentation de la cotisation sera réparti à travers la masse
des employeurs qui cotisent et se réflétera sur le taux de
chacune des 28 classes de leur groupe proportionnellement à leur
importance relative. Si le coût et ça, c'est important
venait à baisser, est-ce que les rentes seraient
dévalorisées proportionnellement? Plusieurs peuvent se poser la
question. Nous répondons que c'est une éventualité
actuellement imprévisible; toutefois, si une baisse survenait dans
l'indice des prix à la consommation, les rentes demeureraient où
elles étaient l'année antérieure.
Je vous al donné certaines explications, je pourrais aussi vous
dire quel était l'effectif des bénéficiaires des rentes
à la date la plus rapprochée. L'effectif des accidentés:
15,737 avec $736,521.66 par mois; rentiers par maladie, il y en à 346
avec $46,983 par mois; veuves, 2,384 avec un total de $238,400 par mois;
enfants au-dessous de 18 ans, il y en a 3,504 avec $123,114.52 par mois;
enfants-étudiants, il y en a 354, $12,455.23 par mois; enfants
invalides, il y en a 8, $280 par mois; enfants féminins invalides, il y
en a douze, $480; autres dépendants, 33, ce qui fait $1,630 par mois. Au
grand total, cela fait 22,378 rentes pour un montant de $1,158,865.50 par
mois.
M. PINARD: Les statistiques données par le ministre sont pour
quelle année?
M. BELLEMARE: C'est pour 1968. Ce sont les plus récentes que nous
avons. C'est sûr qu'il y a augmentation, parce que nous sommes rendus il
200,000 cas d'accidents de travail actuellement par année.
M. LE SAGE: Quel est le montant du fonds accumulé?
M. BELLEMARE: Je crois que c'est un peu plus de $200 millions.
M. LESAGE: C'est $200 millions. Qu'est-ce que le ministre attend pour
transférer ça à la Caisse de dépôt et de
placement?
M. BELLEMARE: Dans mon discours, il est
en train de m'enlever mes plus beaux arguments. Cela c'est du Jean
Lesage. Il me volt venir. Dans le discours que j'ai préparé
minutieusement sur le régime des rentes...
M. LESAGE: Sur quel bill? Sur le bill 81?
M. BELLEMARE: Sur le régime des rentes, ça s'en vient.
Dans mon discours, Je dirai tout ça.
M. LESAGE: C'est peut-être dans le discours, mais ce n'est pas
dans le projet de loi.
M. BELLEMARE: Non. C'est vrai.
M. PINARD: Cela va être un voeu pieux.
M. BELLEMARE: Pourquoi ne l'avez-vous pas fait quand vous avez
instauré le régime des rentes?
M. LESAGE: Si le ministre veut bien m'é-couter, je le
référerai au journal des Débats et Je lui reprocherai de
ne pas l'avoir fait dès 1966, parce que je l'avais annoncé
à l'automne 1965 et j'avais dit que ce se ferait dès le printemps
1966.
M. BELLEMARE: Oui, j'ai son discours de 1965.
M. LESAGE: On peut trouver ça 5. la page 3314 du journal des
Débats.
M. BELLEMARE: Je n'ai pas besoin des numéros, Je les al.
M. LESAGE: C'est une date, pour le ministre et moi, qui est remarquable,
puisque c'est au mois de juin, le 9, entre la date de son anniversaire de
naissance et la mienne.
M. BELLEMARE: Et le vôtre, le 10. Maintenant, pour les autres
choses incidentes, la réduction de trois jours à un jour comme
période non compensable, je n'ai pas besoin de donner tous les
détails, il a été porté à notre connaissance
que les accidentés ayant subi des accidents mineurs n'entraînant
pas plus qu'une ou deux journées d'arrêt au travail ont obtenu des
compensations quand même. Je l'ai dit tout à l'heure. Quelle
aurait été la compensation basée sur le gain réel
au moment d'une aggravation? Cela, je l'ai expliqué. L'amendement
suggéré à l'article 52 rend-il un juge non éligible
à la fonction de président?
L'amendement a pour objet de permettre la nomination d'un
président qui ne soit pas nécessairement un juge, sans pour
autant rendre cette nomination impossible. On élargit les
possibilités du choix. On constate, par ailleurs, qu'il y a actuellement
une grande pénurie de juges pour répondre aux besoins des
justiciables.
UNE VOIX: Dites ça sans rire!
M. BELLEMARE: Je dis, sans rire, que l'article de la loi qui
prévoit que peut-être un patron, un employeur pourrait devenir un
jour président de la commission...
M. PINARD: Un ancien ministre, peut-être?
M. BELLEMARE: Peut-être un ancien ministre? Non, je dis que je
refuserais, M. le Président, d'être président de la
Commission des accidents du travail.
M. LESAGE: Non, ce n'est pas de vous qu'on...
M. BELLEMARE: Je refuserais d'être dépendant d'un autre
ministre du Travail.
M. LESAGE : J'ai rarement vu un patron aussi bien comprendre ceux qui
doivent lui faire rapport.
M. PINARD: On proposera la création d'un tribunal d'appel. Les
décisions...
M. BELLEMARE: Non, M. le Président. Je dis que quant à mon
sort, la Providence doit d'abord y veiller. Ensuite, je pense que je me suis
battu toute ma vie pour les autres et je crois que j'ai le droit de me battre,
pendant quelques mois, pour moi afin d'essayer de regagner ce que j'ai
perdu.
M. le Président, dans l'affaire du juge, quelques-uns ont
interprété ça comme un geste de
déloyauté...
M. LESAGE: Non, Je vais vous en parler tantôt.
M. BELLEMARE: ... à l'endroit de M. Ma-rineau, notre juge.
M. LESAGE: Je vais vous en parler tantôt.
M. BELLEMARE: M. Marineau est un homme qui a fait
énormément pour la commission. C'est un homme qui a fait des
choses assez remarquables. Mais nous disons que si Jamais un jour il y avait un
changement, si quelqu'un désirait
exercer la justice sur le banc ça peut peut-être
arriver, qu'un homme veuille, à un certain âge, avoir un peu plus
de quiétude, parce que les accidents du travail, aujourd'hui, c'est une
immense responsabilité s'il arrivait un départ, s'il
arrivait, un jour, une démission, eh bien, nous pourrions
peut-être considérer l'opportunité d'avoir là un
employeur ou peut-être le représentant d'une centrale syndicale.
Cela ne s'est pas encore vu!
M. LESAGE: Cela, c'est la morphine, M. le Président.
M. BELLEMARE: J'en ai pris et je sais quelle sorte d'effets ça
a.
M. LESAGE: Oui. C'est la morphine que le ministre est en train de
nous...
M. BELLEMARE: Laissez-moi, M. le Président, convaincre le chef
de...
M. LESAGE: ... dispenser.
M. BELLEMARE: ... l'Opposition, cet homme extraordinairement
intelligent, de mes bonnes intentions. Il me prête des intentions
actuellement, en voulant prétendre que c'est un geste qui est
posé contre quelqu'un. Je suis, au contraire, placé pour admirer
le travail qu'il fait et dire qu'il a fait un excellent travail. Le
président n'a pas demandé d'être relevé de ses
fonctions. Je n'ai pas dit à qui que ce soit qu'il serait envoyé
à la cour Provinciale. Mais si un jour il décidait, lui, d'aller
sur le banc, ce serait, je pense, une bonne précaution d'avoir dans
notre loi qui nous empêche de nommer, peut-être, un employeur ou
peut-être...
M. LESAGE: Cela, je vais vous en parler... M. BELLEMARE: ... un
syndicaliste.
M. LESAGE: Je vais vous dire pourquoi je crois que le président
doit être un homme de loi.
M. BELLEMARE: Oui, je comprends, M. le Président...
M. LESAGE: Je ferai totalement abstraction des personnalités et
je demanderais au ministre de bien vouloir suivre mon argumentation...
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE: ... lorsque je prendrai la parole après lui.
M. BELLEMARE: M. le Président, je considère que
l'argumentation que va faire le chef de l'Opposition...
M. LESAGE: Attendez.
M. BELLEMARE: ... au regard de cet article, ce sera pour vous
démontrer qu'à cause de l'importance et surtout de
l'interprétation qu'il faut donner tous les jours à ces articles
nombreux de la Loi des accidents du travail, il va falloir
nécessairement que ce soit un homme de loi. Moi, je lui réponds
par ceci : II n'y a sûrement pas d'homme au monde il y a
sûrement plusieurs personnes ...
M. LESAGE: II vaudrait peut-être mieux que le ministre attende de
m'avolr entendu avant de me répondre.
M. BELLEMARE: Non, mais il paraît d'après la
procédure que c'est bien mieux de défaire l'argument que l'on
sait de notre opinant que de le recevoir.
M. LESAGE: Comme c'est là, vous ne défaites rien.
M. BELLEMARE: Je dis, M. le Président, que s'il fallait, à
ce compte, que celui qui soit nommé...
M. LESAGE: Attendez mon argument.
M. BELLEMARE: ... à la responsabilité du ministère
du Travail soit nécessairement un avocat...
M. LESAGE: Non, ce n'est pas nécessaire.
M. BELLEMARE: Parce que c'est l'Interprétation d'un volume
extraordinaire de lois. Et c'est à tous les jours que je suis
obligé, moi, l'homme non gâté par les études,
d'aller chercher dans ce texte l'explication de certains articles de loi; il y
en a 24 dans cela. Je ne suis pas un homme de loi, mais je me suis
entouré d'hommes extraordinairement compétents au point de vue de
droit, de droit ouvrier plus particulièrement, puisqu'on professe cela.
Là, le chef de l'Opposition va prétendre qu'il ne pourrait pas y
avoir un contentieux comme il y a actuellement, il y a là toute une
série...
Il y a un M. Delage qui est là, qui est avocat et docteur.
M. LESAGE: Mais attendez donc de m'avoir entendu!
M. BELLEMARE: M. le Président, ce n'est pas le discours du chef
de l'Opposition, c'est le mien que je fais. Je dis que c'est mon discours, M.
le Président.
M. LESAGE: Franchement, le ministre ferait mieux d'attendre mes
arguments, il pourra y répondre, parce que tout ce qu'il dit, là,
cela ne rime absolument à rien.
M. BELLEMARE: Nous verrons cela. Vous verrez comment...
M. LESAGE: Je le sais qu'il y a un contentieux, mais je voudrais attirer
l'attention du ministre non seulement sur les articles de la Loi de la
commission des accidents du travail, qui sont péremptoires, mais
également sur certains articles du code civil. Alors qu'il attende donc,
il a le droit de réplique.
M. BELLEMARE: Sur le droit de réplique, M. le Président,
il va m'avoir certainement.
M. LESAGE: II faut bien que vous le sachiez.
M. BELLEMARE: S'il continue, il va m'avoir.
M. LESAGE: Bien oui, il faut bien que je vous le cite. Justement, nous
allons avoir des notes, ceux qui ne sont pas...
M. BELLEMARE: Quand il parlera de l'article 981o), là, il va
m'avoir certainement.
M. LESAGE: L'article 981o), c'est sur le bill 81 que nous en
discuterons.
M. BELLEMARE: Oui, sur la partie des placements des fonds.
M. LESAGE: C'est cela.
M. BELLEMARE: II y en a là aussi dans les accidents de travail,
alors c'est aussi de cela qu'il me parlera.
De toute façon, M. le Président, je dis que ce n'est pas
nécessairement le chef de l'Opposition qui soit raisonnable. C'est
simplement parce que s'il arrivait, un jour ou l'autre, que nous ayons à
nommer une autre personne qui n'est pas juge à la commission, nous ne
soyons pas empêchés de ramasser un talent, un hom- me
extraordinaire qui pourrait bien servir tous les intérêts de la
commission et qui, je pense, pourrait rendre d'immenses services autant qu'un
juge, parce qu'il est bien plus question, dans la Commission des accidents de
travail, de l'administration en dollars et cents. Et quand je parle
d'administration, je pourrais citer ici, M. le Président, le commissaire
White, que connaît bien le chef de l'Opposition.
M. White, nous savons combien c'est un homme reconnu au point de vue de
la finance, au point de vue de la comptabilité, au point de vue de
l'administration.
M. LESAGE: D'accord, il n'est pas en cause. M. le Président,
c'est un « red herring ». Il brouille les pistes. M. White n'est
pas en cause.
M. BELLEMARE: M. le Président, je sais que le chef de
l'Opposition voit dans cet article, que je n'ai pas besoin de vous expliciter
même je suis en dehors des règlements, je l'ai quasiment
tout récité et je n'en avais pas le droit et je sais que
le chef de l'Opposition ne voudra pas faire pire que moi. Mais, de toute
façon, ce sont des choses qui me semblent bien raisonnables, d'abord les
jours qui sont aujourd'hui payables, recouvrables, l'aggravation de la maladie,
l'indexation, et ce dernier article qui veut que le lieutenant-gouverneur en
conseil désigne une personne, quelle qu'elle soit, juge ou non, pour
occuper les fonctions de président.
M. Jean Lesage
M. LESAGE: M. le Président, je vais certainement suivre l'exemple
du ministre et adopter le ton de la discussion froide pour mon intervention en
deuxième lecture du projet de loi no 80.
Dès le début des remarques du ministre du Travail et de la
Main-d'oeuvre, je lui ai dit ou laissé entendre, au cours d'une
intervention que je n'aurais probablement pas dû faire, que pour ce qui
est de deux des quatre principes contenus dans ce bill, parce qu'il y a quatre
principes, il y a quatre articles, je ne les mentionne pas, mais chaque article
contient un principe différent.
Comme je l'ai dit ou laissé entendre au début de
l'intervention du ministre, je trouve sage et approprié de raccourcir de
trois jours à un jour la période durant laquelle un
accidenté ne reçoit pas de compensation. Je trouve
également raisonnable que, dans les cas d'aggravation à la suite
d'un accident de travail, cette
aggravation puisse être constatée pour fins d'augmentation
de la pension ou des prestations, après un an au lieu de trois ans.
M. BELLE MARE: Sur ses gains.
M. LESAGE: Oui, oui, sur ses gains.
La troisième principe en jeu, c'est celui qui consiste à
indexer les rentes payables au coût de la vie. Il est clair que nous
sommes favorables à ce principe. Si nous ne l'étions pas, nous
renierions la politique qui a été la nôtre, de ce
côté-ci de la Chambre, depuis de nombreuses années. J'ai
mentionné tout à l'heure mes interventions au mois de juin 1965,
lors de l'adoption des projets de loi touchant le régime des rentes du
Québec et la Caisse de dépôt et de placement.
Le 9 juin, lors de l'étude des projets de loi, je disais ceci, et
je cite de la page 3314 du journal des Débats, pour la session de 1965:
« II serait, il me semble, anormal que les pensions d'invalides,
prévues par le régime des rentes, fussent indexées au
coût de la vie, alors que les pensions qui découlent de la loi sur
les accidents du travail ne le sont pas, au moins jusqu'à un certain
degré. Lors de la revision de cette loi, et je parle de celle de l'an
prochain, qui serait possible pour l'an prochain, pas celle de cette
année, nous ne pouvons pas arriver cette année, il y a trop de
calculs à faire, à moins qu'on décide de siéger
jusqu'au mois de décembre ».
J'avais donc annoncé que, dès 1966, nous apporterions des
amendements ou des modifications à la Loi des accidents du travail, de
façon à ce que les pensions soient indexées au coût
de la vie. Cela aurait pu être fait dès 1966. Malgré que si
on compare cette loi, je veux être juste si l'on
procède par comparaison avec les pensions d'Invalides en vertu du
régime des rentes, ces dernières ne sont payées
qu'à partir de cette année. Alors, si on veut que les pensions de
la commission des Accidents du travail soient indexées au même
titre que les pensions payées en vertu du régime des rentes, on
est en retard, mais pas de trois ans, seulement d'un an.
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LESAGE: Parce que c'est à partir de la fin de janvier 1969
qu'en vertu du régime des rentes du Québec les pensions ont
été payées dans les cas d'invalidité. A la fin de
janvier 1968, nous avions commencé à payer les prestations de
décès et les pensions aux veuves et aux orphelins. A la fin de
janvier 1969, les pensions d'invalidité.
L'indexation proposée sera faite suivant les méthodes
suivies pour les pensions du régime des rentes.
C'est l'article 130 du Régime des rentes du Québec qui
prévoit les ajustements annuels consécutifs aux augmentations du
coût de la vie, parce que, comme l'a dit le ministre, s'il y a
diminution, dans l'indice du coût de la vie, la pension reste la
même que l'année précédente.
M. BELLEMARE: Antérieure.
M. LESAGE: II n'y a toujours ajustement qu'à la hausse.
M. BELLEMARE: C'est vrai, ça.
M. LESAGE: L'article 130 se lit comme suit: « Le montant mensuel
initial d'une prestation doit être ajusté annuellement, de la
manière prescrite, de telle sorte que le montant payable pour un mois
d'une année subséquente soit égal au produit obtenu en
multipliant le montant qui aurait été autrement payable pour le
mois par la proportion que représente l'indice des rentes pour cette
année subséquente par rapport à l'indice des rentes pour
l'année qui la précède ».
C'est le même système que celui qui est prévu pour
l'augmentation des pensions de vieillesse universelles. C'est ainsi qu'on a vu,
d'année en année, depuis les hausses du coût de la vie,
augmenter les pensions de vieillesse universelles, augmenter les prestations de
pensions et, dans le cas du régime des rentes, non seulement les
pensions, mais également les cotisations.
Il est évident que c'est une règle où le maximum
est de 2%, mais il y a report, d'une année à l'autre, de
l'excédent de 2%, de façon qu'à la fin, lorsqu'il y a une
période de stabilisation, les rentes, elles, quand même,
continuent d'augmenter, parce que l'excédent de 2% reste en
réserve.
M. BELLEMARE: Il est dû, à ce moment-là.
M. LESAGE: Supposons qu'il y a une augmentation...
M. BELLEMARE: Mais il est dû. D'accord.
M. LESAGE: ... de 4% du coût de la vie, l'augmentation des rentes
est de 2%, mais le 2% reste en réserve...
M. BELLEMARE: C'est ça, parce qu'il est dû.
M. LESAGE: ... et est calculé pour l'année suivante.
Supposons qu'il n'y a pas augmentation du coût de la vie l'année
suivante, il y aura augmentation des rentes parce que le 2% additionnel est
resté en réserve.
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LESAGE: Je pense que nous nous comprenons bien; nous poursuivons le
même but de ce côté là et il n'y a pas de
difficulté. Il n'en va pas de même pour ce qui est du
quatrième principe. Le quatrième principe, c'est de permettre
qu'un juge ou, disons, un homme de loi soit président de la Commission
des accidents du travail. La Loi de la Commission des accidents du travail est
une loi tout à fait particulière. Ce n'est pas une loi qui a
été particulièrement conçue pour le
Québec.
M. BELLEMARE: C'est une des premières, en 1931.
M. LESAGE: Oui mais, quand même, elle était en 1931
totalement d'inspiration ontarlen-ne.
M. BELLEMARE: Ah non!
M. LESAGE: Oui. Si le ministre veut bien aller vérifier, il
constatera que notre première Loi des accidents du travail, en 1931,
était, à toutes fins utiles une traduction de la loi ontarienne.
Si le ministre veut bien vérifier, c'était sous M. Taschereau;
j'étais étudiant en droit, à ce moment-là. Je m'en
souviens.
Alors, elle n'est pas d'inspiration québécoise; c'est une
loi statutaire, c'est évident, et d'inspiration de droit commun.
M. BELLEMARE: II y avait une vieille loi britannique qui avait
été instituée en 1917 et qui avait fourni les
premières données...
M. LESAGE: C'est ce que je veux dire. Cela vient du droit commun, du
droit commercial anglais et de la loi des assurances.
M. BELLEMARE: L'Ontario l'a adoptée en 1927 et nous, en 1931.
M. LESAGE: La loi couvre tous les accidents et maladies dus au travail
ou à l'occasion du travail.
M. BELLEMARE: Les maladies industrielles.
M. LESAGE: Les accidents et les maladies c'est parce que je veux
être complet; je peux bien dire les accidents survenus ou les
maladies contractées à cause du travail ou à l'occasion du
travail.
M. BELLEMARE: On appelle ça communément les maladies
industrielles.
M. LESAGE: Oui, d'accord.
M. BELLE MARE: C»est cela, il y a une différence
énorme.
M. LESAGE: Ce sont les accidents survenus et les maladies industrielles
contractées par suite directe du travail ou à l'occasion du
travail.
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE: La question de savoir s'il s'agit d'une maladie
contractée ou d'un accident subi à l'occasion du travail est en
définitive une question mixte de fait et de droit. Lorsque la Commission
des accidents du travail décide qu'une maladie a été
contractée ou qu'elle n'a pas été contractée, qu'un
accident est survenu ou n'est pas survenu à l'occasion du travail, elle
tranche une question mixte de droit et de fait. Premier argument.
Deuxième argument, l'article 59 de la Loi des accidents du
travail se lit comme suit: « 1) Sous la réserve des dispositions
de l'article 64, la commission a juridiction exclusive pour examiner, entendre
et décider toute affaire et question touchant la présente loi et
disposer de toutes autres affaires ou choses au sujet desquelles un pouvoir,
une autorité ou une discrétion lui sont conférés.
» Il n'y a pas d'appel, il n'y a pas de certiorari, c'est final.
M. BELLEMARE: La commission. M. LESAGE: La commission. M. BELLEMARE: Pas
un homme. M. LESAGE: Non, la commission.
M. BELLEMARE: C'est cela. C'est sa juridiction.
M. LESAGE: Ce sont définitivement... M. BELLEMARE: C'est sa
juridiction.
M. LESAGE: Oui, et puis la réserve de l'article 64 est simplement
l'homologation.
M. BELLE MARE: C'est cela.
M. LESAGE: La commission des accidents du travail est
définitivement un tribunal quasi judiciaire. Définitivement,
puisqu'elle a le pouvoir de décider en dernier ressort; c'est un
tribunal dont il n'y a pas appel. Ses jugements, ses décisions sont
finales. La commission est appelée à juger non seulement les
questions de fait, à approuver non seulement la décision des
médecins quant au pourcentage de l'incapacité, mais à
décider de questions de droit importantes, comme je l'ai
mentionné tout à l'heure au sujet de l'interprétation des
mots « à l'occasion du travail ». Elle rend des
décisions finales.
Or, si vous voulez bien, je vais attirer votre attention sur l'article
56 de la loi. Je pense bien qu'il est difficile qu'un article soit plus clair.
« Le quorum de la commission est de trois membres et elle décide
à la majorité des voix. S'il y a partage des voix, le
président a un vote prépondérant. »
M. BELLEMARE: C'est cela, le président peut décider.
M. LESAGE: « Cependant, l'opinion du président
prévaut en toute question qui, de son avis, est une question de droit.
» Comment voulez-vous que, sans changer l'article 56, on puisse
décréter que le président sera autre qu'un homme de loi?
M. Duplessis l'avait bien compris, M. Taschereau aussi. En fait, les
présidents de la Commission des accidents du travail avaient
été, premièrement, Me Robert Taschereau ce
n'était pas le juge de la cour Suprême, c'était un autre
Robert Taschereau qui n'était pas parent du premier ministre et,
deuxièmement, Me Paul Drouln c.r. qui avait été
nommé par M. Duplessis lors de son premier terme si ma mémoire me
sert bien, entre 1936 et 1939.
M. BELLEMARE: C'est cela.
M. LESAGE: Lorsqu'il est décédé, on a nommé,
pour le remplacer, Me Rodolphe De-Blois. Lorsque ce dernier a été
nommé juge de la cour Municipale, on a nommé Me Joachim Grenier,
qui était le président en 1953, lorsque M. Duplessis, en donnant
justement comme argument les articles que je viens de mentionner les
articles de la loi les articles 56 et 59 que j'ai mentionnés
tantôt, a dit: Voici un tribunal quasi judiciaire. Cela a toujours
été des hommes de loi qui ont été président
de la commission, et il fallait que ce le soit, mais, étant donné
qu'il doit rendre des jugements finals, eh bien, il faudrait qu'il ait
l'autorité d'un juge. Et c'est là qu'il a nommé...
M. BELLEMARE: Juge.
M. LESAGE: ... mon ami Joachim Grenier juge, mon voisin et ex-ami
pardon ami et ex-voisin. Ami et ex-voisin.
M. DEMERS: Il faut se faire une Idée.
M. LESAGE: C'est un lapsus. M. le juge Joachim Grenier.
M. BELLEMARE: Qui a démissionné... M. LESAGE: Oui.
M. BELLEMARE: ... et qui a été remplacé par M.
Ferland.
M. LESAGE: Par M. Ferland.
M. BELLEMARE: M. Ferland qui avait été
congédié par vous autres...
M. LESAGE: Oui, par arrêté ministériel, pour des
raisons que, j'espère, le ministre ne m'obligera pas à
dévoiler.
M. BELLEMARE: Qui cela? M. LESAGE: Pourquoi M. Ferland... M. BELLEMARE:
A été congédié? M. LESAGE: Vous le savez...
M. BELLEMARE: J'ai l'arrêté ministériel avec moi et
j'ai les raisons qui ont motivé votre décision.
M. LESAGE: Les raisons étaient...
M. BELLEMARE : Et j'ai surtout, pour faire...
M. LESAGE: ... des raisons administratives. C'était vrai.
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE : II y avait des raisons administratives très
sérieuses.
M. BELLEMARE: Oui. Je les connais, les raisons administratives.
M. LESAGE: Et puis, disons que M. Ferland s'était promené
aux Iles-de-la-Madeleine en pleine campagne électorale avec un chef de
parti en 1960...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable chef de l'Opposition sur le bill
80.
M. LESAGE: M. le Président, j'ai été interrompu par
l'honorable ministre...
M. BELLEMARE: Je n'ai rien dit. J'ai le droit de me parler.
M. LESAGE: ... du Travail et je lui ai répondu très
gentiment.
M. BELLEMARE : Non, je me parle.
M. LESAGE : Je lui ai répondu très gentiment.
M. BELLEMARE: Je suis en train de me parler.
M. LESAGE: Et j'ai fait un peu comme il a fait tout à l'heure,
j'ai prévu sa réplique D'ailleurs, il n'a même pas
été capable de s'empêcher de la donner pendant que je
parlais.
M. BELLEMARE: C'est terrible!
M. LESAGE: M. le Président, ç'a été le juge
Ferland et, depuis 1960 ou 1961, c'est le juge Marineau.
M. BELLEMARE: Quelques mois après votre arrivée.
M. LESAGE: Je ne sais pas, je ne me rappelle pas de la date.
M. BELLEMARE: Le 11 octobre.
M. LESAGE: Peut-être.
M. BELLEMARE: Le 16 octobre.
M. LESAGE: Alors, M. le Président, je ne crois pas qu'il soit
sage d'envisager la nomination d'un autre homme qu'un homme de loi. Cela a
toujours été un homme de loi et, depuis 1953, cela a
été un juge pour des raisons très valables qui ont
motivé M. Duplessis, alors premier ministre de la province, à
amender la loi que le ministre veut modifier aujourd'hui pour revenir en
arrière.
D'ordinaire, quand quelqu'un déclare: Cela a été
une bonne loi de M. Duplessis, le ministre du Travail s'agenouille, dit: Allah,
Allah, oui! Il ne pouvait pas se tromper.
M. BELLEMARE : Oui. C'est ce qu'on croit.
M. LESAGE : II ne pouvait pas se tromper.
M. BELLEMARE: Vous croyez encore à cela?
M. LESAGE: Comment le ministre du Travail peut-il modifier de fond en
comble...
M. BELLEMARE: Ah oui.
M. LESAGE: ... une loi qui a été l'idée de son
chef, l'honorable Maurice Duplessis? Moi, je ne conçois pas cela.
M. BELLEMARE: Quelle sentimentalité! Vous allez m'avoir!
M. LESAGE: Moi, je ne conçois pas cela. Je ne conçois pas
cela.
M. DEMERS: Il va me faire pleurer. M. BELLEMARE: Oui!
M. LESAGE: M. Duplessis a justifié l'amendement à la Loi
des accidents du Travail...
M. BELLEMARE: C'est vrai.
M. LESAGE: ... disant que cela devait être un juge qui en serait
le président. Il a alors invoqué exactement les raisons que
j'invoque pour maintenir le statu quo.
Et c'est le ministre du Travail, le plus fidèle de ses
disciples...
M. BELLEMARE: Merci du compliment. Je voudrais qu'il l'entende de
l'autre côté.
M. LESAGE: ... qui a brisé son oeuvrel Je ne crois pas que,
depuis 1960, il y ait eu de témoin plus fidèle...
M. BELLEMARE: Oculaire.
M. LESAGE: Oculaire. Les yeux, les oreilles m'ont prouvé que le
député de Champlain a toujours été et est encore le
plus fidèle des témoins de feu son chef, M. Duplessis.
M. BELLEMARE: C'est vrai, et jusque dans la racine de mes orteils.
M. LESAGE: Alors, je ne comprends pas du tout pourquoi il fait ce qu'il
se propose de faire par l'amendement proposé. Je dis très
sérieusement que le ministre fait une erreur fondamentale en voulant
ouvrir la porte à la nomination de quelqu'un qui ne soit pas un homme
de
loi. Ce n'est pas une question d'être bien entouré d'hommes
de loi, d'avoir un contentieux. L'article 56 est précis. Il dit que
c'est le président qui décide s'il s'agit d'une question de droit
et que, de l'instant où il déclare que c'est une question de
droit, c'est lui qui décide sans les deux autres.
M. BELLEMARE: On va voir si c'est vrai, ça. M. LESAGE: Lisez
l'article 56. M. BELLEMARE: Une minute.
M. LESAGE: « Cependant l'opinion du président
prévaut en toute question qui, de son avis, est une question de droit.
» Les mots ne peuvent s'interpréter autrement que par ce qu'ils
disent.
M. BELLEMARE: On va regarder s'il n'y a pas autre chose dans la loi. On
va peut-être trouver autre chose.
M. LESAGE: Le ministre pourra peut-être trouver autre chose, mais
les prescriptions de l'article 56 sont absolument précises; elles sont
claires.
M. BELLEMARE: Attendons.
M. LESAGE: II y a autre chose aussi qui exige que le président de
la Commission des accidents du travail soit un homme de loi. Je voudrais
attirer l'attention du ministre sur l'article 1056 a) du code civil. L'article
1056 du code civil prévoit les cas où la partie contre qui un
délit ou un quasi-délit a été commis
décède en conséquence sans avoir obtenu indemnité
ou satisfaction. Ce sont les droits du conjoint, des ascendants et des
descendants. Or, 1056a) se lit comme suit: « Nul ne peut exercer les
recours prévus par ce chapitre s'il s'agit d'un accident visé par
la Loi des accidents du travail, excepté dans la mesure où ladite
loi le permet. » Un homme meurt à la suite d'un accident du
travail. L'accident de travail est la faute parce qu'il y a une question
de faute quand il s'agit de délit ou de quasi-délit, faute au
sens du code civil de l'employeur et non de tiers. Si c'est la faute de
tiers, il y a, quand même, un recours contre les responsables. Mais, si
c'est la faute de l'employeur, en vertu de la Loi des accidents du travail, la
veuve et les orphelins n'ont pas d'autres recours que celui de la Loi des
accidents du travail. Quelle que soit l'énormité de la perte
qu'ils subissent, ils sont privés, en vertu de la Loi des accidents du
travail, du recours de 1056.
M. BELLEMARE: Vous savez pourquoi cela a été fait?
M. LESAGE: Oui, je sais tout ça, mais il ne s'agit pas de savoir
pourquoi ç'a été fait.
M. BELLEMARE: Ah bon!
M. LESAGE: II s'agit de la situation dans laquelle se trouve la
commission au moment où elle a à décider s'il y a
ouverture au droit en vertu de la Loi des accidents du travail. Si la
commission décide que le paiement à faire à la veuve et
aux orphelins est la responsabilité de la Commission des accidents du
travail en vertu de sa loi, dans le cas où il y a délit ou
quasi-délit de l'employeur lui-même, le recours ordinaire en vertu
de l'article 1056, recours de la veuve et des enfants, leur est nié par
l'article 1056 a).
Il s'agit de choses extrêmement importantes. C'est une question de
droit dans chaque cas. Le ministre et le gouvernement n'ont pas le droit de
songer à confier de telles décisions en vertu de l'article 1056a)
du code civil, en vertu des articles 56 et 59 de la loi, à d'autres
qu'à des hommes de loi. J'oublie complètement les
personnalités en cause. M. Duplessis l'avait compris, il avait dit qu'il
s'agit de décisions tellement graves à prendre qu'elles doivent
être prises par un juge. Ce sont des questions de droit.
Je ne comprends pas le ministre je suis très
sérieux de songer à nommer une autre personne qu'un homme
de loi comme président de la Commission des accidents de travail. Il
encourrait de ce fait, avec ses collègues, une très grave
responsabilité. Je sais qu'il ne voudrait pas prendre le risque de se
tromper. Je voudrais que le ministre réfléchisse à la
gravité du geste qu'il veut poser, au déni de justice possible.
Je sais que ce sont des arguments qu'il peut comprendre. J'oublie
complètement lesper-sonnalités. Je ne parlerai pas du
président actuel de la commission à ce stade-ci. Le ministre lui
a rendu hommage. Il lui a dit qu'il pouvait rester là tant qu'il le
voudrait. Oui, c'est bien facile. On lui donne un salaire de $27,500 au moment
où on hausse le salaire des juges à $28,000. Alors, s'il s'en va
avec les juges qu'on accuse de ne pas travailler, il va recevoir $28,000 par
année; s'il reste président de la Commission des accidents du
travail, à travailler jour et nuit comme un nègre, comme il le
fait depuis qu'il est là, il va recevoir $27,500. Alors, il dit: On ne
fait rien pour le mettre dehors.
M. BELLEMARE: C'est bien mieux que ce que vous lui donniez quand vous
étiez là.
M. LESAGE: C'est bien mieux que de le mettre dehors.
M. BELLE MARE: Il vous avait demandé d'augmenter son
salaire...
M. LESAGE: Oui, M. le Président.
M. BELLEMARE: ... et vous ne vouliez pas.
M. LESAGE: Pardon?
M. BELLEMARE: Il vous avait demandé d'augmenter son salaire et
vous ne vouliez pas.
M. LESAGE: M. le Président, les décisions... M. BELLEMARE:
Il vous appelait...
M. LESAGE: ... que j'ai prises, quant aux augmentations de salaire des
juges et des présidents de commissions, je n'ai pas à les
regretter. J'ai toujours procédé par comparaisons avec les
indemnités des députés. Je ne m'en cache pas. J'ai
toujours prétendu qu'un député avait autant d'ouvrage et
de responsabilités qu'un juge de la cour Provinciale ou qu'un
président de commission. Cela, c'est mon opinion et je n'ai pas
changé d'idée.
M. BELLEMARE: Ils n'aimaient pas ça.
M. LESAGE: C'est évident que ceux qui n'étaient pas
députés n'aimaient pas ça. Les juges non plus n'aimaient
pas ça. Mais, simplement, j'ai toujours considéré que les
députés...
M. BELLEMARE: M. Marineau non plus.
M. LESAGE: ... avaient autant de travail et de responsabilités
que les juges de la cour Provinciale et que les présidents de
commissions. C'est aussi simple que ça. Alors, ce que le ministre dit
est justement une condamnation du geste qu'il pose quand il accorde un salaire,
il offre un salaire de $27,500 pendant que les juges de la cour Provinciale,
des Sessions de la paix ou encore de l'autre cour...
M. BELLEMARE: Ah non! je ne pouvais pas le lui donner dans le temps, la
loi n'était pas passée.
M. LESAGE: ... la cour du Bien-Etre social...
M. BELLEMARE: La loi n'était pas passée.
M. LESAGE: ... vont avoir $28,000.
M. BELLEMARE: Ah oui, mais la loi n'était pas passée,
voyons!
M. LESAGE: Ah, si je comprends bien, le ministre...
M. BELLEMARE: Arrêtez donc! M. LESAGE: ... a l'Intention...
M. BELLEMARE: Vous n'avez pas le droit de m'en prêter.
M. LESAGE: ... de proposer à ses collègues d'augmenter
sensiblement le salaire duprésident de la Commission des accidents du
travail?
M. BELLEMARE: Vous n'avez pas le droit de me prêter des
intentions.
M, LESAGE: Est-ce que c'est ça que je dois comprendre?
M, BELLEMARE: Je vous dirai dans deux minutes ce que j'en pense.
M. LESAGE: Alors, vous allez donner combien? Est-ce $30,000?
M. BELLEMARE: J'ai des petites nouvelles pour vous!
M. LESAGE: Très bien, je vais attendre les nouvelles. Mais ce qui
est important, je fais abstraction du cas du président, je voulais bien
signaler au ministre que tous ses soporifiques de tantôt, j'y croyais
plus ou moins étant donné ce que je viens de dire. Mais disons
que ce qui est important, au fond, c'est que le président de la
commission, étant donné l'état de notre droit,
particulièrement de la Loi des accidents du travail elle-même et
de l'article 1056a) du code civil, il est important, plus qu'important, il est
essentiel que le président de la commission soit un homme de loi.
M. BELLEMARE: M. le Président, seulement deux mots, parce que
l'heure avance et mes forces diminuent. Je voudrais bien être capable de
rester pour le troisième bill, je vais essayer de me garder des
réserves.
D'abord la dernière question, dont il a été
question dans l'intervention de l'honorable chef de l'Opposition.
M. LESAGE: Vous voulez procéder à rebours.
M. BELLE MARE: Ma fidélité à M. Duplessis, je le
confesse, je suis heureux d'ailleurs de la confesser publiquement que c'est
vrai, je suis bien orgueilleux de voir qu'il a été mon
maître...
M. LESAGE: Je savais bien que je ne faisais pas de peine au ministre en
disant cela.
M. BELLEMARE: ... et qu'il a été pour moi un inspirateur
et un grand maître en politique. Je le remercie de tout ce qu'il m'a
donné comme conseils, de l'appui qu'il m'a donné, quand
J'étais jeune député, quand j'ai commencé à
être un peu plus turbulent dans cette Chambre.
Mais, je demande au chef de l'Opposition s'il connaît les noms des
autres présidents des commissions de travail de tout le Canada.
M. LESAGE: Cela dépend des lois. M. BELLE MARE: Ah bon!
M. LESAGE: Cela dépend comment les lois sont faites.
M. BELLEMARE: Un instant là, voyez-vous là, cela
recommence.
M. LESAGE: Le ministre a posé une question, Je
réponds.
M. BELLEMARE: M. le Président, je me pose la question, je dis:
Combien y a-t-il de présidents de commissions des accidents de travail
dans tout le Canada qui sont avocats?
M. LESAGE: M. le Président, est-ce que le ministre me permet une
question?
M. BELLEMARE: Je me pose une question, M. le Président.
M. LESAGE: Dans quelle loi des accidents du travail du Canada
trouve-t-on la reproduction des articles 56 et 59, et est-ce que le ministre
veut prétendre que les dispositions de 1056a du code civil, nous les
retrouvons dans le droit commun qui est celui des autres provinces?
M. BELLEMARE: M. le Président, je réponds
immédiatement que le chef de l'Opposition m'a interrompu quand j'ai
été sage et que je ne lui ai pas enlevé la parole. Au
contraire, je lui réponds simplement ceci: Depuis plusieurs
années, nous avons la conférence annuelle de tous les
présidents et commissaires des acci- dents de travail, qui ont
uniformisé par tout le Canada la législation des accidents de
travail.
Mais son argumentation pêche à sa base même, lui qui
est un avocat et quipourrait faire même un juge de la cour Suprême.
Et je serais prêt à faire des démarches, parce qu'il est
qualifié autant qu'un certain conseiller qu'il a déjà
eu.
Vous ne pigeonnez pas?
M. LESAGE: Comment, le conseiller?
M. BELLEMARE: Pardon?
M. LESAGE: Je ne comprends pas.
M. BELLEMARE: Pas conseiller, juge de la cour Suprême. Est-ce
assez loin?
M. LESAGE: J'espère que le ministre n'est pas jaloux. Est-ce que
le ministre est jaloux, parce qu'il aurait voulu être nommé
à la cour Suprême? Est-ce que le ministre aurait voulu être
nommé à la cour Suprême à la place de M. Pigeon?
M. BELLEMARE: Ah, écoutez! Je ne me prends pas pour lui et je ne
me prends pas pour quelqu'un d'autre.
M. LESAGE: D'accord, n'allons pas plus loin.
M. BELLEMARE: Ah non, c'est un homme extrêmement qualifié.
Je vous garantis que tout le monde s'en réjoui, dans la province et dans
le Canada, de voir une autorité au point de vue du droit comme
l'honorable juge de la cour Suprême, M. Pigeon, accéder à
ce haut poste. Au contraire, je pense que c'est une acquisition pour le Canada
et c'est une gloire pour le Québec.
M. LESAGE: J'aurais bien voulu entendre cela, quand j'étais assis
au siège que j'occupais en face du mien.
M. BELLEMARE: Il ne faisait pas le même « job » non
plus.
M. LESAGE: C'est suave!
M, BELLEMARE: Mais, M. le Président, l'honorable chef de
l'Opposition me dit: 56, 59, 44, 62, code civil 1056a) et bon... Mais il y a un
petit paragraphe à l'article 52 qu'il n'a pas lu, un tout petit
paragraphe qui a une importance capitale pour la loi, et c'est aussi cela qui
compte.
Il ne l'a pas dit, ici. Je vais vous le dire, moi. Je vais vous rendre
service, M. le Président, parce que je sais que vous savez ça par
coeur. Mais pour ceux qui ne l'ont pas entendu, il dit: Le
vice-président remplit les devoirs du président et exerce ses
pouvoirs en cas d'absence, de maladie, d'incapacité d'agir ou de
vacances. Donc...
M. LESAGE: Mais, il ne l'est pas!
M. PINARD: II n'est pas malade et il n'est pas absent.
M. LESAGE: Il n'est pas malade et il n'est pas absent.
M. BELLEMARE: Alors, voyez-vous comment on s'en sort?
M. PINARD: Il est capable. M. LESAGE: Il est capable. M. PINARD: Il
n'est pas parti.
M. BELLEMARE: Voyez-vous, on dit qu'il est capable. Cela, ça
prouve que si ça se produisait, entre nous autres, qu'il soit malade,
incapable, absent ou toutes autres raisons, le vice-président, lui,
pourrait rendre des décisions en faits et en droit. Et ça serait
valable. C'est l'argumentation d'un grand avocat, ça. Pourquoi, M. le
Président, M. Duplessis a-t-il mis ça là? Il n'aurait pas
dû marquer ça là, M. Duplessis.
M. LESAGE: Pas fort!
M. BELLEMARE: C'est donc que le vice-président a le droit de
remplir les mêmes fonctions, il a les mêmes responsabilités
et les mêmes devoirs, surtout de rendre dans les faits, comme il dit si
bien, dans le droit et les faits les mêmes Jugements. Qu'est-ce que
ça vaut, son argumentation? Et cela peut arriver. C'est
déjà arrivé que le président, qui était un
avocat, ait été absent, il a été malade et puis il
a été absent. Cela se produit à toutes les années
que le vice-président agit en droit et en faits sur des causes qui sont
rendues pour des maladies industrielles ou même des accidents qui
produisent des morts. Cela se fait à tous les jours. Cela se fait
continuellement, tellement qu'on a voulu que la Commission des accidents du
travail ait, à Québec son président et, à
Montréal, son vice-président.
Je ne comprends par le chef de l'Opposition quand il dit que ça
prend un juge...
M. LESAGE: Voyons! Voyons!
M. BELLEMARE: Ça prend un avocat...
M. LESAGE: Vous avez très bien compris.
M. BELLEMARE: ... pour juger. Tous les jours, moi, M. le
Président, comme ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, je nomme
des « CRI » des conseillers en relations industrielles. Ils ne sont
pas des avocats.
M. PINARD: Des « CRI ?»
M. BELLEMARE: Oui, des « CRI ». Pas des « cris
», pas avec un « s».
M. PINARD: Dans quelle réserve le ministre les prend-il?
M. BELLEMARE: Des « CRI ». Des conseillers en relations
industrielles. Tous les jours...
M. LESAGE: M. le Président, je veux venir à leur
défense. Les conseillers en relations industrielles vont être
très flattés. Des « CRI » ... Des « Cri
».
M. BELLEMARE: C'est ainsi qu'on les appelle.
M. LESAGE: Est-ce que le ministre sait ce que sont des Cris?
M. BELLEMARE: Mais je suis dans ça, jusqu'aux oreilles. Je suis
membre honoraire de la corporation.
M. LESAGE: Alors, est-ce que je dois comprendre que les ancêtres
du ministre étaient les premiers occupants du Canada?
M. BELLEMARE: Non, non! je n'ai pas de plumes, M. le Président.
Mais, à tous les jours, dans l'exercice de mes fonctions, je nomme des
conseillers en relations industrielles qui ne sont pas des avocats. Je nomme
des gens qui font du droit ouvrier et qui connaissent la pratique et surtout
l'usage qu'on fait du code du travail. Je nomme des arbitres comme
présidents d'un immense tribunal pour juger des cas de millions de
dollars, des millions et des millions... Que ce soit pour l'ancienne Shawinigan
Water and Power ou que ce soit pour n'in-porte quelle compagnie qui demande
à un moment donné, un arbitre où des millions sont en jeu,
où la vie de certains syndicats est en péril.
Tous les jours, le ministre du Travail nomme des hommes qui ne sont pas
des hommes de loi, mais des hommes d'expérience qui ont le sens de la
responsabilité et de l'Intérêt public pour remplir le poste
de juge, d'arbitre dans les différends qui se présentent. Les
commissions scolaires par exemple. Les débats qui se présentent
dans certains griefs qui entrafnent le paiement de sommes extraordinaires pour
certaines compagnies, griefs de congédiement ou autres. Le ministre du
Travail nomme des hommes qui ne sont pas des avocats, qui ne sont pas des
Juges, qui remplissent le rôle, je pense, d'un juge, qui entendent des
témoins, qui suivent une cause pendant des semaines et des semaines et
qui, à la fin, rendent un jugement qui, dans certains cas et on
le sait parce que certains arbitrages sont obligatoires lient les
parties. Cela n'a pas d'appel non plus.
M. LESAGE: Cela n'a rien à faire avec ça.
M. BELLEMARE: Ah oui, parce que mon argument est bon...
M. LESAGE: Ce n'est pas du droit.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas du droit? N'allez pas dire ça devant
la chaire des relations de travail à l'université Laval. Vous
direz ça à votre cousin, M. Lesage.
M. LESAGE: Cela ne m'impressionne pas.
M. BELLEMARE: Non. C'en est, du droit ouvrier. C'est du vrai droit
ouvrier.
M. LESAGE: La Commission des accidents du travail, ce n'est pas du droit
ouvrier, c'est du droit d'assurance.
M. BELLEMARE: Le voyez-vous,pris dans son guêpier, comment il
gigote!
M. LESAGE: Le ministre a toujours la même couleur. C'est
intéressant.
M. BELLEMARE: Un premier argument: M. Duplessis. Quand a-t-on vu le chef
de l'Opposition vanter M. Duplessis?
M. LESAGE: Cela, c'est...
M. BELLEMARE: Ce sera dans les Journaux demain. J'espère que les
journalistes rapporteront ça: L'honorable chef de l'Opposition a
vanté les mérites du grand législateur qu'a
été le président et fondateur de l'Union Nationale.
M. LESAGE: C'était un excellent avocat et il connaissait bien son
droit.
M. BELLEMARE: Voyez-vous, c'est la première fois que j'entends,
en cette Chambre, les louanges de M. Duplessis.
M. LESAGE: Je n'ai pas dit que c'était un excellent premier
ministre, j'ai dit que c'était un excellent avocat.
M. BELLEMARE: Vous avez dit bien autre chose aussi. Vous avez dit des
choses que je n'aimais pas non plus.
M. LESAGE: Je le sais.
M. BELLEMARE: II y a bien des choses dont j'ai dit que c'était
effrayant, mais en tout cas, ce n'est pas ici que nous allons rapporter
ça...
M. LESAGE: Ne commencez pas.
M. BELLEMARE: M. le Président, l'honorable chef de l'Opposition
dit qu'ils sont obligés de rendre des décisions de fait et de
droit. Pensez-vous, M. le Président, que dans le cas d'une maladie
industrielle, l'amiantose, la silicose, la « pneumonlcose », la
sidérose, un avocat peut avoir un gros barème pour juger
ça? Pensez-vous qu'un avocat peut prendre le poulx d'un gars et dire: Tu
ne l'as pas la sidérose, tu ne l'as pas, l'amiantose, tu ne l'as pas la
« pu-benose » et tu ne l'as pas, la silicose?
Faut-il qu'il soit avocat pour savoir cela?
UNE VOIX: L'important, c'est la rose.
M. BELLEMARE: Imaginez-vous donc, il faut être avocat pour savoir
si un gars a la si-licosel Qu'est-ce qu'ils font dans ce temps-là? Ce
sont des décisions en droit et en fait. Pensez-vous qu'à un
moment donné, s'il arrive un gars qui a un orteil plus long que l'autre
parce qu'il s'est fait écraser le pied que, parce qu'il est avocat, il
va dire : « Ton orteil est un petit peu plus long, il mérite plus,
parce que tu l'as plus long que l'autre. »
Un gars va tomber du troisième étage, se fracturer un bras
et va rester infirme et croche, que c'est parce qu'il est avocat qu'il va dire:
Non, il n'est pas croche. Il faut qu'il soit droit. Voyons donc! Ce n'est pas
cela qui arrive à la commission. Jamais! Cela n'est jamais arrivé
comme cela. Ils ont des experts...
M. PINARD: Ce sont des questions de fait.
M. BELLEMARE: ... qui sont entendus par la commission. Ils viennent
faire les rapports. Ils peuvent dire: M. Untel a la silicose. Il l'a à
31%. Sur le grand tableau des barèmes, avec le salaire qu'il gagnait,
soit $4,200 avec les charges de famille, les dépendants, ce
gars-là a droit à un pourcentage de 27% de compensation. C'est
l'expert qui va venir dire cela. Ce n'est pas parce que le gars est avocat,
qu'il est juge et qu'il est sur le banc qu'il sera plus fin qu'un autre qui ne
l'est pas. Mais il a l'expérience du travail, il a gagné sa vie
avec ses mains, il a travaillé avec les gars, et ce n'est pas parce
qu'il est rendu sur le banc qu'il sera moins bon. Vous ne me ferez jamais
croire, parce que je n'ai pas eu la chance de faire un cours de droit, que
lorsqu'il s'agit de rendre une décision administrative, je suis moins
bon qu'un avocat.
Je l'interprète tous les jours, la loi. Je n'ai pas de cours de
droit, j'ai un cours de « brake-man ». Il reste une chose, c'est
que les hommes en place qui ont vécu la vie de certaines gens, qui sont
allés dans les métiers, dans les usines, qui ont connu ce
qu'étaient les comités d'usine pour la prévention des
accidents de travail, qui ont assisté à certains
désastres, et qui ont vu comment on les traitait dans certaines classes
de la société, on a senti, à la commission, depuis quelque
temps, que c'étaient des conservateurs attelés sur des principes
d'aiguilles, de lettres, de chiffres, de barèmes et qu'on avait
chassé l'humain de la commission. La Commission des accidents du travail
doit être traitée et dirigée par des humains, qui
comprennent des humains, et non pas des gens qui sont là parce qu'ils
sont avocats.
M. LESAGE: Le ministre...
M. BELLEMARE: J'ai bien du respect pour les avocats.
M. LESAGE: Je veux bien le croire, mais le ministre plaide à
faux. Qu'il pense donc à l'article 1056c) du code civil, cela va
l'empêcher de dire des choses qui n'ont pas de bon sens comme celles
qu'il dit actuellement.
M. BELLEMARE: L'article 1056...
M. LESAGE: II va au droit fondamental des gens...
M. BELLEMARE: Pourquoi a-t-il été mis là, cet
article?
M. LESAGE: C'est du droit.
M. BELLEMARE: Vous savez pourquoi il a été mis
là?
M. LESAGE: 1056a)?
M. BELLEMARE: Pourquoi a-t-il été mis là?
M. LESAGE : II a été mis là pour une excellente
raison. C'est là qu'il faut que l'homme de loi décide.
M. BELLEMARE: Non.
M. LESAGE : Les droits fondamentaux des gens sont en jeu.
M. BELLEMARE: M. le Président...
M. LESAGE: Le ministre peut bien faire des farces démagogiques
aux dépens des avocats, c'est de ses affaires, mais il y a des questions
de droit à régler.
M. BELLEMARE: Je ne permets pas au chef de l'Opposition...
M. LESAGE: Ce sont des hommes de loi que vous parlez.
M. BELLEMARE: ... de dire que je fais des farces démagogiques
contre les avocats. Elles ne sont pas démagogiques; elles sont vraies.
Alors, cela n'est pas démagogique.
M. LESAGE: Même si elles sont vraies, elles sont
démagogiques.
M. BELLEMARE: Non, elles ne sont pas démagogiques.
M. LESAGE: Nous, les avocats, cela ne nous fait rien. Nous sommes
prêts à nous faire dire n'importe quelle bêtise, nous sommes
habitués. Tout de même, lorsqu'on veut nier...
M. BELLEMARE: M. le Président, il aparlé tout à
l'heure.
M. LESAGE: ... que la connaissance du droit soit essentielle...
M. BELLEMARE: II va être continuellement dans mon discours.
M. LESAGE: ... dans certains cas...
M. BELLEMARE: Cela n'est pas gentil de sa part, lui qui est un grand
civilisé.
M. LESAGE: C'est vous qui m'avez attaqué tantôt.
M. BELLEMARE: Lui qui est un bon garçon habituellement.
M. LESAGE: Continuez votre affaire.
M. BELLEMARE: Oui, mais arrêtez donc, vous, de m'interrompre.
M. LESAGE: Ne me provoquez pas!
M. BELLEMARE: Ne vous choquez donc pas pour rien.
M. LESAGE: Je ne suis pas fâché.
M. BELLEMARE: Cela vous monte, là.
M. LESAGE: Ne me provoquez pas!
M. BELLEMARE: On dirait que le vinaigre vous monte...
M. LESAGE: Allez, à terre. Descendez des nuages.
M. BELLEMARE: Voyez-vous? Je ne pensais pas le choquer comme cela.
M. LESAGE: Je ne suis pas choqué. Je ne suis pas choqué du
tout, mais vous me dérangez dans mon ouvrage.
M. BELLEMARE: Je lui ai dit... M. LESAGE: Ne me provoquez pas.
M. BELLEMARE: II est à corriger ce qu'il a dit pour ôter ce
qui le « tape » trop.
M. LESAGE: Non. Je n'ai pas une seule correction.
M. BELLEMARE: M. le Président, je dis d'abord que ce n'est pas
nécessaire que ce soit un juge. Dans les autres provinces...
M. LESAGE: C'est de vos affaires.
M. BELLEMARE: ... ils adoptent des lois de travail et il y en a qui ne
sont pas des juges. Et ce n'est pas nécessaire qu'ils soient
avocats.
Deuxièmement, le vice-président, en vertu de l'article 52,
a déjà tous les pouvoirs et tous les devoirs qu'a un juge, et un
avocat, et un président. C'est clair? C'est au paragraphe 2, sous-
paragraphe 3. C'est clair, c'est net, c'est en toutes lettres. Tous les jours,
le vice-président décide, lui aussi, en droit et en fait.
M. le Président, je dis qu'il n'y a rien qui empêche toutes
les consultations qui se font et qui doivent se faire par la commission pour
être toujours bien guidée dans le jugement qu'elle doit rendre. On
n'a pas besoin d'avoir un avocat pour entendre les experts qui vont dire;
Monsieur, dans tel cas, c'est un pourcentage de tant; c'est un accident de
telle proportion, vous avez une responsabilité jusque-là. Il y a
des experts pour faire cela. Ils sont là pour cela.
Je comprends mal le chef de l'Opposition qui se sert de l'article
1056a). La Loi des accidents du travail a été faite pour fermer
les études des avocats qui faisaient des causes à
perpétuité et qui ruinaient les gens. C'est clair?
Cela coûtait des fortunes pour se faire défendre et pour
obtenir un petit pain à la fin. Et quand on a eu l'idée de passer
la Loi des accidents du travail, on a fermé bien des bureaux d'avocats
qui, pour des niaiseries, plaidaient et replaidaient, pour des folies, pour
tâcher d'augmenter...
M. LESAGE: Si ce n'est pas de la démagogie ça, je ne sais
pas ce que c'est.
M. BELLEMARE: Est-ce que c'est vrai? M. Taschereau lui-même, de
son siège, en 1931, avait dit: Nous passerons la Loi des accidents de
travail pour rendre justice aux ouvriers qui sont exploités par les
avocats.
M. LESAGE: J'invoque le règlement.
M. BELLEMARE: C'est dans les faits ça.
M. LESAGE: J'ai invoqué le règlement. Le ministre n'a pas
besoin de revenir là-dessus. D'autant plus qu'il m'a posé une
question: Est-ce que c'est vrai? Il est sûr qu'ici au Québec,
comme ailleurs au Canada et aux Etats-Unis et dans d'autres pays du monde, il y
avait eu des abus, non seulement de la part des avocats mais de la part de ceux
que l'on appelle en anglais les « ambulance-chasers », et le
ministre sait ce que je veux dire. On a décidé, à ce
moment-là, d'établir la Commission des accidents du travail pour
éviter non seulement ces abus mais bien d'autres abus. Cela a
été fait. Cela a été un grand bien.
C'est une bonne loi, mais quand j'ai dit que le président devait
être un homme de loi, c'est en vertu de la Loi des accidents du travail
telle que nous l'avons, et en tenant compte des articles que j'ai
mentionnés, qu'on ne retrouve pas
dans les autres provinces, et de l'article 1056 a) du code civil qui
n'existe pas dans les autres provinces.
M. BELLEMARE: Mon intervention veut être une réplique parce
que j'ai été sage, et je n'ai rien dit pendant toute son
intervention.
M. LESAGE: Je veux vous empêcher de faire de la
démagogie.
M. BELLEMARE: Pourquoi me déranger? Pourquoi m'interrompre? Je ne
l'attaque pas personnellement. Il m'a donné lui-même des
arguments, je réponds à ça. Je dis qu'il n'est pas
nécessaire d'être avocat...
M. LESAGE: Mais le ministre m'a posé la question: Est-ce que
c'est vrai? Je dis que c'est partiellement vrai. Alors, il n'y a pas seulement
les avocats qui commettaient des abus, il y avait les employeurs et les
compagnies d'assurance aussi qui traînaient les procès pendant des
mois et des années et qui privaient les accidentés... Cela est
injuste. On revient à des choses qui se sont passées il y a
au-delà de trente ans et que le ministre prétend connaître.
Il y a eu des abus non seulement de la part des avocats mais de la part des
employeurs, de leurs assureurs et de ceux qu'on appelle les «
ambulance-chasers », de la part de certains médecins.
Ce sont tous ces abus que la Commission des accidents du travail a
corrigés. Ma réponse, c'est oui. Mais il n'y avait pas seulement
les abus des avocats.
M. BELLEMARE: Mais, M. le Président, on a enlevé tout
droit de recours aux avocats.
M. LESAGE: C'est une loi qui a près de quarante ans.
M. BELLEMARE: On a enlevé dans la loi tout droit de recours, tout
droit d'appel.
M. LESAGE: C'est pour ça que c'est important que ce soit un homme
de loi qui soit président.
M. BELLEMARE: Alors, c'est pour ça,M. le Président, qu'on
l'a enlevé, parce qu'il y avait eu des abus du côté... des
causes qui ont été instituées et...
M. LESAGE: Mais, partez de la loi telle qu'elle est...
M. BELLEMARE: II y avait dans certains bureaux, des dossiers qui
étaient numérotés, et tel cas ça prenait le
numéro 11 ou le numéro 12.
M. LESAGE: Cela ne donne absolument rien. Cela ne nous avance pas d'un
pouce.
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, je dis donc que ce n'est
pas nécessaire d'être avocat ni juge pour être
président d'un tribunal d'arbitrage pour régler des questions
terriblement, extrêmement difficiles au point de vue financier et les
problèmes qui concernent des relations patronales ou syndicales qui ont
des retentissements de millions de dollars. On prend un homme du milieu qui,
lui, s'entoure d'experts et qui rend la décision. Sa décision est
finale, est obligatoire.
Dans l'article qui fait le sujet de ce débat, je ne vois pas le
pourquoi de cette tempête. Au contraire, c'est qu'on ne dit pas que nous
allons être contre quelqu'un. Non, on dit simplement que si, à un
moment donné, il y a une ouverture et si nous avons en main un homme
d'une grande compétence, eh bien, nous le nommerons. C'est simplement
pour avoir cette liberté. Pourquoi tant d'obstination? Je ne vois pas
pourquoi le chef de l'Opposition fait une guerre contre cet article-là.
Au contraire, il est très simple. Cela ne veut pas dire qu'il va y avoir
un limogeage. Cela ne veut pas dire $27,500. Vous l'avez entendu? Il reste
là, il n'a pas moins que les autres, c'est ci et c'est ça. Qu'il
attende donc. On verra.
M. LESAGE: On verra quoi?
M. BELLEMARE: On verra quand la Loi des tribunaux judiciaires sera
adoptée.
M. LESAGE: C'est $28,000. M. BELLEMARE: Pardon?
M. LESAGE: C'est $28,000 qui sont proposés.
M. BELLEMARE: Bon, on verra ça, M. le Président. Pourquoi
faire de la chicane pour rien? Je suis un bon gars, moi. Il va me faire
tellement de misère que je vais être obligé de me venger
sur quelqu'un.
M. LESAGE: De vous attendrir!
M. BELLEMARE: Pardon!
M. LESAGE: De vous attendrir!
M. BELLEMARE: Non, de me choquer après quelqu'un.
M. LESAGE: Oui, ne me...
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, je vous demande...
M. LESAGE: Sur division. M. BELLEMARE: Merci.
M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture sera-t-elle
adoptée? Adopté.
M. LESAGE: Nous ne pouvons pas admettre ce dernier principe.
M. BELLEMARE: M. le Président, pouvons-nous aller en
comité plénier?
M. LESAGE: Oui, pour libérer M. le président,
d'accord.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre
propose que la Chambre se forme en comité plénier pour
l'étude du bill 80.
Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
Comité plénier
M. BELLEMARE: M. le Président, je demande l'ajournement.
M. LESAGE: La séance du comité est suspendue.
M. BELLEMARE: La séance est suspendue jusqu'à 8 h 15.
M. LESAGE : A 8 heures.
M. BELLEMARE: A 8 h 15. Il faut que j'aille à
l'hôpital.
M. LE PRESIDENT: 8 h 15.
Reprise de la séance à 20 h 20
M. FRECHETTE (président du comité plénier): A
l'ordre, messieurs!
M. BERTRAND: Je regrette que notre collègue, le ministre du
Travail et de la Main-d'Oeuvre, qui s'est rendu à l'hôpital
d'où il était sorti cet après-midi, à l'heure du
souper, ne puisse pas être avec nous ce soir, il m'a
téléphoné pour dire que sa santé ne lui permettait
pas de revenir. Il nous demande donc de tâcher de finir ce projet de loi
no 80. Quant au bill 81, Loi concernant les régimes
supplémentaires de rentes établis en vertu de décrets de
convention collective, il en demande la remise à la semaine
prochaine.
Je dois dire que je pense me faire l'interprète de tous les
collègues en lui réitérant nos voeux de prompt
rétablissement.
M. LESAGE: M. le Président, je suis réellement
désolé que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre n'ait
pas pu revenir ce soir. Si je suis déçu, ce n'est pas parce que
nous ne pourrons pas procéder suivant ce que nous avions
déterminé. Pas du tout. Si je suis déçu, c'est
à cause de la vieille amitié que je porte au ministre du Travail;
et le fait qu'il ne peut se rendre ici, ce soir, me cause une forte peine.
Nous aurions été prêts, comme je l'ai dit au premier
ministre tout à l'heure, à procéder à
l'étude du bill 81, jusqu'au stade du comité; mais, connaissant
bien le ministre du Travail, je me suis rendu de bonne grâce à
l'argument du premier ministre, lorsqu'il m'a dit que le ministre serait
fortement déçu s'il ne pouvait pas lui-même
présenter le projet de loi en deuxième lecture.
Alors, je me joins au premier ministre et à tous nos
collègues pour espérer que le ministre du Travail va se reposer
et que, lorsqu'il nous reviendra la semaine prochaine pour présenter le
bill 81, il sera en pleine forme, il l'était d'ailleurs cet
après-midi. En parfaite forme. A son meilleur. Je suis d'autant plus
déçu de ne pouvoir reprendre la joute avec lui, ce soir.
M. BERTRAND: Je puis concourir à ce que le chef de l'Opposition
vient de dire, que le ministre du Travail était en pleine forme. De mon
bureau, là-bas, durant l'après-midi, j'ai suivi les
débats, et j'ai vu qu'il n'avait rien perdu de sa vigueur, de son
dynamisme et surtout du pittoresque qui l'anime.
M. BERTRAND: Article 1, M. le Président.
M. LESAGE: Si le premier ministre me permet, je vais retrouver mon
projet de loi.
M. BERTRAND: On l'a noté cet après-midl, cet article 1,
cet amendement réduit de trois à un le nombre minimum de jours
d'invalidité requis pour qu'un ouvrier ait droit à la
compensation à la suite d'un accident de travail. Je crois que c'est une
amélioration à la loi. Adopté?
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 2.
M. BERTRAND: Cest le principe de l'indexation qui s'applique à
cet article 2. Les rentes payables à titre de compensation de travail
seront indexées à compter du premier janvier 1970. On leur
appliquera l'indice qui a été établi par le régime
des rentes du Québec.
M. LESAGE: Nous en avons discuté assez longuement en
deuxième lecture, et j'ai donné notre accord.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 2, adopté. Article
3.
M. BERTRAND: L'article 3, c'est de la concordance. Appliquer le
même principe en cas d'aggravation de l'Invalidité.
M. LESAGE: Ce n'est pas de la concordance.
M. BERTRAND: Nous appliquons le même principe pour les deux.
M. LESAGE: Disons que je ne suis pas d'accord avec le premier ministre
qu'il s'agisse du même principe, mais que je suis d'accord avec ce
troisième principe.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 3, adopté, article
4.
M. BERTRAND: A l'article, 4 j'ai suivi le débat qui a eu
lieu cet après-midi je dois dire, comme avocat, que je partage
l'opinion du ministre du Travail.
D'ailleurs, si le président, qui est un juge, tombe malade il est
remplacé par le vice-président qui n'est pas un avocat ou qui
peut ne pas être un avocat, qui peut ne pas être un juge. Je crois
que nous pouvons trouver les avocats ont envahi depuis assez longtemps
le champ de plusieurs activités des domaines où il y a des
personnes très compétentes, des personnes
expérimentées, des personnes douées d'un bon jugement, de
bon sens et qui ont fait des études. Même si ces personnes ne sont
pas avocats, je crois qu'elles peuvent très bien remplir les obligations
et assumer les responsabilités qui sont celles d'un
président.
D'ailleurs, dans ce domaine l'on pourrait trouver des exemples,
où peut-être dans un domaine tout à fait autre, quand on
applique devant nos tribunaux criminels le principe du jury où devant
douze personnes...
M. LESAGE: Sur les questions de fait..
M. BERTRAND: Ce sont des questions de fait, c'est admis. Quand il s'agit
de questions de droit, elles sont soumises à un président qui est
là pour en juger. Un président de la Commission des accidents du
travail ou de certaines autres commissions peut être assisté
d'excellents procureurs. Il peut y avoir un avocat de nommé qui pourra
très bien fournir des conseils juridiques à la personne qui
préside.
Je ne vois pas que l'on doive nécessairement maintenir ce
principe que seuls des juges puissent être nommés là.
M. LESAGE: Qu'on inscrive, au moins, un homme de loi ou qu'on amende
l'article 56.
M. BERTRAND: Quand un gouvernement, quel qu'il soit, nomme un
président d'une commission, comme celle des accidents du travail dont le
quorum doit être de cinq membres, au sein de cette commission, il peut y
avoir un avocat.
M. LESAGE: Oui, mais qu'on change l'article 56.
M. BERTRAND: Ils peuvent avoir autour d'eux des conseillers juridiques.
Rien ne les empêche d'obtenir les renseignements d'un conseiller
juridique. Je crois que l'amendement suggéré par le ministre du
Travail vient à son heure.
M. LESAGE: Oui, c'est surtout cela. M. BERTRAND: Ce n'est pas du
tout...
M. LESAGE: C'est un bill genre Guindon, genre Picard.
M. BERTRAND: Je veux dégager la discussion de toute
personnalité.
M. LESAGE: Oui?
M. BERTRAND: Je connais assez le ministre du Travail et le chef de
l'Opposition le connaît assez pour savoir que ce n'est pas le but qu'il
poursuit, il l'a expliqué cet après-midi. J'ai
écouté son plaidoyer qui était aussi virulent et aussi
vigoureux que peut l'être celui d'un avocat.
M. LESAGE: Lequel?
M. BERTRAND: Celui du ministre du Travail.
M. LESAGE: Oh non! M. le Président, sur une question de
règlement. Tout de même! Je suis bien prêt à faire au
ministre du Travail tous les compliments qu'on veut, mais, cet
après-midi, sa performance d'avocat était assez pauvre en
arguments de droit.
M. BERTRAND: C'est sur que jamais le ministre du Travail n'a voulu
discuter de questions de droit avec le chef de l'Opposition.
M. LESAGE: Rien n'empêche que c'est de cela qu'il fallait
discuter.
M. BERTRAND: Le ministre du Travail connaît, Je le sais, la mesure
de sa taille. Quand il déclare que l'on peut trouver des personnes
compétentes, douées d'un bon jugement et armées de fortes
connaissances pour exercer cette fonction de président de la Commission
des accidents du travail, sans que cette personne soit un avocat ou un juge, je
concours à son opinion, même si je n'utilise pas les mêmes
arguments qu'il a utilisés.
M. LESAGE: M. le Président, je ne puis être d'accord avec
le premier ministre et le ministre du Travail. Il y a, dans la Loi des
accidents du travail, un article très précis qui est l'article
56. Si l'on est pour nommer à la présidence de la Commission des
accidents du travail un autre homme je ne parle pas d'un juge -qu'un
homme de loi, il faudrait modifier l'article 56 qui se lit comme suit, je le
lis de nouveau: « Le quorum de la commission est de trois membres et elle
décide à la majorité des voix. S'il y a partage des voix,
le président a un vote prépondérant. Cependant l'opinion
du président prévaut en toute question qui, de son avis, est une
question de droit ». Est-ce qu'on peut laisser cette décision
à un autre qu'un homme de loi? Je dis que si l'on veut se dispenser de
l'obligation de nommer...
M. BERTRAND: On va biffer ça.
M. LESAGE: ... pas nécessairement un juge, mais un homme de
loi...
M. BERTRAND: Il faudra biffer cet article.
M. LESAGE: Oui, il faudrait aussi biffer 1056a du code civil.
M. BERTRAND: Non.
M. LESAGE: Ah, M. le Président, voici. Dans le cas de 1056a, il
s'agit du recours de la veuve, des orphelins ou des ascendants...
M. BERTRAND: C'est ça.
M. LESAGE: ... dans le cas de décès, à la suite
d'un délit ou quasi-délit. Si la faute la faute en droit
est celle de l'employeur, la veuve et les orphelins de la victime ne
peuvent plus exercer leur recours en vertu de...
M. BERTRAND: Oui.
M. LESAGE: ... l'article 1056. L'article 1056a les en empêche, il
faut donc que la commission, sur une question de droit, décide s'il y a
eu délit ou quasi-délit d'abord et si la faute est celle de
l'employeur. La décision de la commission est sans appel. C'est une
décision sur une question de droit, et elle dispose d'une
réclamation qui peut être très considérable. Je dis
que lorsque M. Duplessis a décidé que ce sera un juge
c'est lui qui a décidé ça...
M. BERTRAND: Oui.
M. LESAGE: ... il tenait compte du fait que tous les présidents
de la Commission des accidents du travail depuis la fondation de la commission
en 1931 avaient été des hommes de loi. Mais il a voulu,
étant donné, l'importance de la commission, l'Importance des
décisions qu'elle doit prendre en fait, ou en fait et en droit, ou en
droit seulement, il a voulu, dis-je, que ce tribunal quasi judiciaire
c'en est un soit présidé par un juge. C'est la
décision du chef du gouvernement dont faisait partie le
député de Missisquoi, le premier ministre actuel.
On pourrait difficilement me convaincre qu'avec l'article 56 de la Loi
des accidents du travail tel qu'il est, étant donné les
très grandes responsabilités que doit prendre en loi le
président de la commission dans des cas où l'article 1056 du code
civil pourrait
avoir une application, on ne pourra pas me convaincre que le
président peut être un autre homme qu'un homme de loi.
M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition me permettra cette question. Si le
président est malade et que le vice-président qui le remplace
n'est pas un avocat, qu'arrive-t-il?
M. LESAGE: A ce moment-là, le président malade sera
consulté et il pourra rendre sa décision. D'ailleurs, la
décision n'a pas besoin d'être rendue dans les quinze jours, on
peut attendre trois semaines pour rendre la décision. Et s'il y a un
défaut dans la loi... je connais l'article, le ministre du Travail me
l'a cité.
M. BERTRAND: Le vice-président remplit les devoirs du
président et exerce ses pouvoirs en cas d'absence, de maladie,
d'incapacité d'agir ou de vacances.
M. LESAGE: D'accord, mais si un président de la Commission des
accidents du travail est incapable d'agir au point où il ne peut rendre
jugement sur des questions de droit, il faut le remplacer. Et ce serait
peut-être une prudence d'avoir un vice-président qui soit
également un homme de loi dans pareilles circonstances. C'est la
meilleure réponse que je puisse donner au premier ministre. Les conflits
de droit qui peuvent survenir sont définitivement trop importants pour
qu'on en laisse la décision à d'autres qu'à des hommes qui
ont une parfaite connaissance du droit.
Le premier ministre est un avocat. Il le sait. Lorsqu'il s'agit de
décider de la responsabilité d'un délit ou
quasi-délit, il se pose une question de droit. Il faut examiner les
faits et appliquer le droit, et c'est le droit qu'il faut appliquer. Si je suis
l'argument du premier ministre, et surtout ceux qui ont été
élaborés cet après-midi par le ministre du Travail, les
gens qui disent, toutes les fois qu'un avocat est nommé juge: Comment?
C'est encore un maudit avocat? Il va falloir les prendre au sérieux et
être prêts à nommer des gens qui ont n'importe quelle
formation. Du moment qu'ils seront intelligents, nous allons leur permettre de
monter sur le banc et de décider des questions de droit. C'est là
que me conduit le raisonnement du premier ministre et celui du ministre du
Travail. Je ne défends pas la classe des avocats. Ceux que je veux
défendre, ce sont ceux qui sont justiciables devant la Commission des
accidents du travail. Ils ont un droit absolu à ce que leurs droits
soient examinés par des gens qui connaissent la loi, qui ont un
entraînement juridique et qui sont en mesure d'en juger.
M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition l'admettra, à la Commission
des accidents du travail, comme partout ailleurs, on a des conseillers
juridiques...
M. LESAGE: Bien oui, mais... M. BERTRAND: ... qui peuvent... M. LESAGE:
... M. le Président...
M. BERTRAND: On n'a qu'à faire disparaître les trois
dernières lignes.
M. LESAGE : Cela ne réglera pas le cas de l'article 1056.
M. BERTRAND: Oui, oui, s'il y a partage des voix, le président a
un vote prépondérant. Cela, c'est la règle partout. A ce
moment-là, le président et les membres de la commission devront,
comme ils le font d'ailleurs, être entourés de conseillers
juridiques.
M. LESAGE: Ce qui veut dire, M. le Président, que nous pourrions
avoir à la cour Provinciale des juges qui décideraient des causes
d'accidents d'automobiles. Ce n'est pas plus difficile que les causes
découlant de l'article 1056; c'est plus facile dans presque tous les
cas. Nous pourrions avoir des tribunaux provinciaux qui jugeraient des causes
d'accidents d'automobiles, jusqu'à $3,000. Nous nommerions des gens de
toutes sortes de disciplines et nous dirions: Ce n'est pas nécessaire
que ce soit un avocat. Eh non, il va être conseillé par les
avocats qui plaident devant lui.
M. BERTRAND: Ce n'est pas tout à fait la même chose.
M. LESAGE: Ou encore, il y a des assesseurs en droit.
M. BERTRAND: Ce n'est pas tout à fait la même chose.
M. LESAGE: Bien, alors il y aura des assesseurs en droit qui le
conseilleront.
M. BERTRAND: Ce n'est pas tout à fait la même chose.
M. LESAGE: M. le Président, je suis convaincu que le premier
ministre ne pourrait pas
être rassuré si des questions de droit allaient être
jugées devant un tribunal quasi judiciaire où les avocats, des
hommes à la connaissance juridique étendue, n'auraient pas le mot
final sur les questions de droit. Si le premier ministre veut modifier
l'article 56 de la Loi des accidents du travail...
M. BERTRAND: L'article 56 qui parle du quorum de la commission et des
décisions.
M. LESAGE: M. le Président, je voudrais voir quelle en est la
source?
M. BERTRAND: Les Statuts refondus 41. M. LESAGE: Je pense qu'il serait
peut-être...
M. BERTRAND: Je n'ai pas d'objection à faire faire les recherches
immédiatement, M. le Président. Statuts refondus 1941...
M. LESAGE: Non, il doit y avoir une erreur. M. BERTRAND: ... 19,
c'était le chapitre. M. LESAGE: Ce doit être de 1941.
M. BERTRAND: Je vais faire faire les recherches.
M. LESAGE: En 1941.
M,, BERTRAND: M. Rioux s'en occupe.
M. LESAGE: Chapitre 160, article 55, et 13, Georges VI, chapitre 53.
Mais 13, Georges VI, ce n'est pas la loi de 1953, cela?
UNE VOIX: Non.
M. LESAGE: Il faudrait aller à la source.
M. BERTRAND: Oui, M. Rioux y est allé.
M. LESAGE: Le premier ministre a dit qu'il ne voulait pas faire de
personnalité, mais il se souviendra sans doute c'est un
problème qui se raccroche à celui-ci qu'il a dit
tantôt que le temps était opportun de faire ces changements. J'ai
laissé entendre en guise de boutade...
M. BERTRAND: Non, ce n'est pas dans ce sens-là que j'ai voulu le
dire. J'ai tout simplement voulu dire que ce n'est pas parce que...
M. LESAGE: Je n'accuse pas le premier ministre.
M. BERTRAND: ... cela a toujours été ainsi que cela doit
nécessairement continuer à l'être.
M. LESAGE: J'ai dit que sous forme de boutade... Vous avez dit: Ah oui,
le temps est opportun; j'ai répondu: on sait pourquoi. Le premier
ministre a très bien compris ce que je voulais dire.
M. BERTRAND: Oui, j'ai saisi l'allusion, mais je ne l'ai pas
acceptée.
M. LESAGE: Le ministre du Travail, cet après-midi, a fait de
grands éloges duprésident actuel.
M. BERTRAND: Oui, et moi aussi, je le connais très bien.
M. LESAGE: C'est un homme de devoir. M. BERTRAND: C'est un de mes
amis.
M. LESAGE: Je sais que c'est un ami du premier ministre. Ils se sont
très bien connus...
M. BERTRAND: Il le sait, d'ailleurs, que c'est un de mes amis.
M. LESAGE: ... au cours d'activités du barreau rural. Mais c'est
quand même curieux qu'on offre au président un salaire de $27,500
comme président de la Commission des accidents du travail, ce qui
comporte une responsabilité et un travail très
considérables alors qu'on augmente le salaire des juges de la cour
Provinciale de ce qu'il est à $28,000.
M. le Président, si ceci ne constitue pas une pression indue sur
le président actuel de la Commission des accidents du travail, je ne
vois pas...
M. BERTRAND: D'ailleurs, cela a été fait avant
l'augmentation du traitement des juges.
M. LESAGE: Pardon?
M. BERTRAND: Cela a été fait avant l'augmentation et
même avant que la décision ne soit prise d'augmenter les
juges.
M. LESAGE: Est-ce alors l'intention du gouvernement de continuer de
tenir compte de cette différence de traitement que l'on a toujours
considérée pour le président de la commission des
accidents du travail, justement à cause de la somme de travail qu'il
doit constamment donner, supérieure à celle que fournissent les
juges des cours Provinciales? J'en prend à témoin le mi-
nlstre de la Justice qui nous en a parlé hier
après-midi.
M. BERTRAND: Voicil'origine.Celadatede 21, George V, 1930, 1931.
M. LESAGE: C'est ça. C'est la loi originale.
M. BERTRAND: C'est l'origine de la loi. M. LESAGE: A son origine.
M. BERTRAND: Oui. Et le quorum, c'était l'article 55: « Le
quorum de la commission est de deux membres, à ce moment-là, je
pense qu'il y en avait trois, et elle décide à la majorité
des voix. S'il y a partage des voix, le président a un vote
prépondérant. Cependant, l'opinion du président
prévaut, en toute question, qui, de son avis, est une question de droit
».
M. LESAGE: C'est mot à mot l'article actuel. Alors, nous vivons
sous ce régime depuis 40 ans, depuis près de 40 ans. Cela n'a
créé, à ma connaissance, aucune difficulté, mais
cela démontre bien l'importance que le législateur, il y a
quarante ans et depuis, a toujours attribué à la décision
des questions de droit par un tribunal quasi judiciaire dont les
décisions sont finales.
M. BERTRAND: A ce moment-là, si le chef de l'Opposition me le
permet, en autant que je puis lire l'article 52: « II est établi
une commission des accidents de travail, constituée en corporation,
revêtue de tous les droits et pouvoirs appartenant en
général aux corporations, ayant son siège social en la
cité de Québec et composée de trois membres...
M. LESAGE: Mais oui.
M. BERTRAND: ... nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil,
dont l'un, comme président, reçoit un salaire annuel de $10,000
et les deux autres, chacun un traitement annuel de $8,000 à compter du
1er septembre 1931.
M. LESAGE: Il faut dire que c'était des gros salaires dans ce
temps-là. En 1931, $10,000, c'était un très gros
salaire.
M. BERTRAND: Oui, mais je ne vois nulle part où le
président doit être un juge...
M. LESAGE: Non, M. le Président... Mais non, j'ai
donné...
M. BERTRAND: ... ni non plus un avocat.
M. LESAGE: Mais non, je l'ai dit cet après-midi. C'est M.
Duplessis qui, en 1953, a apporté cette modification. Je n'ai jamais
prétendu que c'était là depuis le début de la loi.
C'est l'article 56 qui est textuellement ce qu'était l'article 55
à l'origine de la loi.
Mais c'est justement à cause de l'article 56 et à cause de
l'article 1056a) du code civil que le premier ministre du temps, en 1953, M.
Duplessis, a exigé que le président soit un juge. Quant au fait
que les présidents doivent être des hommes de loi, j'ai
donné cet après-midi les noms de tous les présidents
depuis 1931.
M. BERTRAND: D'accord. D'accord.
M. LESAGE: C'étaient tous des avocats jusqu'au moment où
M. Duplessis, en 1953, a amendé la loi et a dit que le président
devait être un juge et a nommé, à ce moment-là, M.
Joachim Grenier, juge.
M. BERTRAND: M. Grenier, oui.
M. LESAGE: Il me semble que c'est M. Joachim Grenier, en 1953, oui.
Alors c'est comme ça que ça s'est passé. Mais l'article 56
est là depuis 1930, 1931. Cela fait 40 ans qu'on vit sous le
régime de l'article 56. Et ç'a toujours été des
hommes de loi qui ont été présidents.
M. BERTRAND: M. le Président, on peut laisser l'article 56 tel
quel. Il appartiendra au président, avant de rendre sa décision,
puisque son vote prédominera sur toute question de droit, il lui
appartiendra de demander avis à son conseiller juridique.
M. LESAGE: Je ne suis pas d'accord. M. BERTRAND: Pourquoi?
M. LESAGE: Je trouve que cela n'a pas de bon sens.
M. BERTRAND: Pourquoi?
M. LESAGE: Il a la responsabilité de décider
lui-même, il doit savoir, d'abord, s'il s'agit d'une question de droit
et, s'il en vient à cette conclusion, où, par son vote
prépondérant, il doit décider de la question de droit, il
faut nécessairement que ce soit un homme de loi. C'est sa
responsabilité à lui. Cela ne peut pas être la
responsabilité de tiers qui sont des conseillers juridiques.
M. BERTRAND: Qu'il fait sienne.
M. LESAGE: Qu'on lise l'article 56. Quelle est l'économie de
l'article 56?
M. BERTRAND: Qu'il fait sienne.
M. LESAGE: M. le Président, le premier ministre m'a
habitué à de meilleurs raisonnements!
M. BERTRAND: Quant à ça, M. Taschereau s'était
profondément trompé; c'était exactement l'économie
de la loi en 1931.
M. LESAGE: L'article 56 était alors l'article 55.
M. BERTRAND: L'article 55 et, à ce moment-là, on
n'exigeait pas que ce soit un juge ou un avocat.
M. LESAGE: M. le Président, une chose est certaine, c'est qu'on
n'a nommé que des avocats. A un moment donné, M. Duplessis a
décidé qu'à cause de l'importance du tribunal ce devrait
être un juge. Qu'on dise, au moins, que ça doit être un
homme de loi. C'est parce que je connais les intentions du ministre; il me les
a dites. Son intention, c'est de remplacer le président actuel par un
homme qui n'est pas un homme de loi.
M. BERTRAND: Peut-être.
M. LESAGE: Oui, peut-être. C'est là le danger. Je mets le
gouvernement et le premier ministre en garde contre cette idée de
remplacer le président de la Commission des accidents du travail par un
homme qui n'est pas un homme de loi. Je dis qu'étant donné la
responsabilité qu'a à prendre le président de la
commission en droit, en vertu de l'article 56, on ne peut pas nommer une
personne qui se contentera de demander des avis juridiques pour savoir,
d'abord, si le dossier qu'il a devant lui soulève une question de droit.
Qu'on lise 56. Cela lui est laissé à lui et à lui seul de
décider, si c'est une question de droit.
M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition est trop absolu dans
l'énoncé de son opinion.
M. LESAGE: Bien, l'article 56 est joliment absolu.
M. BERTRAND: Pendant des années, nous n'étions pas
obligé de nommer un avocat ou un juge; on l'a remplacé seulement
en 1963. Je n'aurais jamais cru que le chef de l'Opposition défendrait
avec autant de vigueur un amendement qui a été
présenté par M. Duplessis et qu'en face de lui un autre
soutiendrait le point de vue contraire.
M. LESAGE: M. le Président, je n'ai pas toujours
été d'accord avec M. Duplessis, mais, au moins, c'était un
excellent avocat.
M. BERTRAND: Oui.
M. LESAGE: Cela, je l'ai toujours reconnu. Je n'ai pas été
d'accord avec ses politiques. Je n'ai jamais été d'accord avec
son conservatisme, mais, tout de même, j'ai toujours reconnu que
c'était un excellent avocat, un homme qui connaissait bien son droit et
qui savait ce qu'il fallait faire pour que le droit soit respecté.
C'était un bon législateur aussi; je vous dis qu'il passait
ça des lois, lui.
Le premier ministre le sait mieux que moi.Il en avait des trucs dans son
sac. C'était un excellent avocat.
M. BERTRAND: Surtout les règlements de la Chambre.
M. LESAGE: C'est un fait. Je l'ai moins vécu que le premier
ministre et certains de mes collègues. Il faut dire qu'il les arrangeait
et les interprétait à son goût, mais il est sûr que
M. Duplessis était un excellent avocat qui connaissait bien le droit
statutaire en particulier.
M. BERTRAND: Oui. Parfaitement.
M. LESAGE: Il connaissait parfaitement le droit statutaire, et je n'ai
pas de raison de croire que, pour ce qui est de la Loi des accidents du
travail, il a pu commettre de si grandes erreurs. Il aurait fallu que tous ses
prédécesseurs en commettent en ne nommant que des hommes de loi.
Cela s'imposait et je suis surpris d'entendre le premier ministre dire que
ça ne s'impose pas et que le président de la commission, sur des
questions de droit, pourrait rendre ses décisions par ouï-dire.
M. BERTRAND: M. le Président, vote!
M. LESAGE: M. le Président, le premier ministre n'a donné
aucune raison.
M. BERTRAND: Il dit que cela a existé comme ça pendant des
années.
M. LESAGE: Quelle est la raison pour laquelle cette année,
à ce moment-ci, on revient...
M. BERTRAND: Le ministre l'a énoncé cet après-
midi.
M. LESAGE: Non, pas du tout. J'aimerais bien savoir la
vérité, toute la vérité venant des banquettes
ministérielles.
M. BERTRAND: Il n'y a pas de vérité à cacher du
tout. Le ministre l'a dit cet après-midi, il a fait l'éloge du
président actuel. J'ai dit tantôt que je ne voyais pas...
M. LESAGE: Doit-on considérer que c'est un éloge
funèbre?
M. BERTRAND: ... pourquoi il fallait absolument être juge ou
avocat pour être président de la Commission des accidents du
travail.
M. LESAGE: Il ne m'a pas donné de bons arguments.
M. BERTRAND: Oui. Ce peut être une personne qui a un bon jugement,
qui a des connaissances et qui peut être assistée de conseillers
juridiques.
M. LESAGE: Je ne suis pas d'accord, et comme argumentation c'est
très pauvre. Le premier ministre le sent bien, d'ailleurs. Je voudrais
savoir pourquoi, à ce moment-ci, on choisit de nous apporter cet
amendement alors qu'on a un président de la Commission des accidents du
travail qui est en parfaite santé, qui est un homme compétent qui
fait bien son travail? Pourquoi?
M. BERTRAND: Et dont le ministre du Travail a lui-même fait
l'éloge cet après-midi.
M. LESAGE: Oui, mais doit-on prendre cet éloge pour un avis de
congé?
M. BERTRAND: Vous auriez pu poser la question au ministre, il vous l'a
dit cet après-midi.
M. LESAGE: Ou un éloge funèbre? Je voulais le lui demander
ce soir.
M. BERTRAND: Il vous a dit qu'il était là.
M. LESAGE: M. le Président, nous étions en deuxième
lecture cet après-midi et le temps des questions et des réponses,
c'est en comité.
M. BERTRAND: J'ai moi-même fait l'éloge tantôt de M.
Marineau que je connais bien.
M. LESAGE: Oui, je le sais.
M. BERTRAND: C'est un de mes amis.
M. LESAGE: Oui, oui.
M. BERTRAND: Je veux dégager totalement de la personne de M.
Marineau la discussion de ce projet de loi. J'aime à
dégager...
M. LESAGE: Je n'ai eu aucune réponse précise.
M. BERTRAND: ... une discussion comme celle-ci des personnes qui
occupent le poste.
M. LESAGE: Jusqu'à ce que la loi soit adoptée pour qu'on
puisse les mettre en cause.
M. BERTRAND: Autrement nous pourrions par nos propos indirectement
porter atteinte à leur réputation, et j'ai trop de respect pour
la réputation de M. Marineau pour le faire.
M. LESAGE: Moi aussi, j'ai beaucoup de respect pour la réputation
de M. Marineau. D'un autre côté, ce que nous faisons là en
amendant la législation, avec les raisons qu'on donne, est
peut-être de la part du gouvernement et de ses membres de nature à
jeter plus de doutes que toute discussion franche et honnête qu'on peut
avoir ici.
M. BLANK: Le fait qu'on aura peut-être cet amendement à la
Loi des accidents du travail créera une situation plus sérieuse
qu'avant qu'il y ait un manque dans cette loi. Comme le chef de l'Opposition
l'a dit, les décisions de la Commission des accidents du travail seront
des décisions finales, absolument finales, il n'y aura aucun appel,
aucun droit de certiorari, aucun droit de prohibition, aucun droit de toucher
à cette décision.
Au moins on avait jusqu'à présent une décision sur
une question de droit qui était rendue par un homme de loi ou un juge.
Maintenant, si l'on nomme une personne qui n'est pas un homme de loi, on pourra
avoir des décisions de droit sans appel, sans droit de surveillance par
n'importe quel tribunal. Ce sera final.
Nous avons d'autres lois qui ont été adoptées par
ce Parlement. Par exemple, un homme qui perd son permis de conduire pour un
mois. Ce n'est pas tellement sérieux. Ce n'est pas comme un homme qui
est tué dans un accident de
travail. Cet homme qui perd son permis pour un mois peut faire appel
à un tribunal. Il peut se présenter devant des hommes de loi: pas
un ni deux, mais trois juges de la cour Provinciale.
On donne ce privilège à un homme qui perd son permis de
conduire pour un mois. Mais ici, on aura un jugement d'un homme qui n'a pas
d'entrafnement en droit, un homme qui ne connaît pas le droit, un homme
qui ne peut pas rendre de décision sur une interprétation de
droit et il n'y aura aucun appel de cette décision.
M. BERTRAND: On me dit que pour la plupart des auditions, dans la
très grande majorité des cas, il y a un commissaire qui fait une
partie de l'enquête.
M. LES AGE: Quand il n'y a que des questions de fait, cela va bien.
M. BERTRAND: Cela peut se présenter combien de fois? Tous ceux
qui exercent la profession d'avocat savent que cela se présente
rarement. Cela s'est présenté combien de fois dans votre
pratique?
M. LESAGE: M. le Président, pourrais-je faire remarquer au
premier ministre qu'en cour Provinciale il arrive beaucoup plus souvent que les
jugements doivent être rendus sur des questions de fait que sur des
questions de droit ou des questions mixtes de fait et de droit.
Ce n'est pas parce que, la plupart du temps, il ne s'agit que d'une
preuve médicale où le débat consiste dans
l'évaluation précise de l'incapacité de l'accidenté
en pourcentage, ce n'est pas parce que dans la plupart des cas c'est ça
qui se présente que ça empêche que dans des cas très
sérieux qui viennent devant le même tribunal, il se
présente des questions de droit et inévitablement dans tous les
cas de mort d'homme au travail, la question de savoir si l'article 1056a) sera
appliqué se présente. Et ça, c'est très
sérieux.
M. BERTRAND: J'ai pratiqué assez activement. J'ai
été en relation avec la Commission des accidents du travail. La
plupart des cas...
M. LESAGE: Oui.
M. BERTRAND: ... sont des cas d'évaluation d'incapacité
et...
M. LESAGE: Je viens de le dire.
M. BERTRAND: ... c'est fait par les médecins qui font un rapport
au président ou...
M. LESAGE: Je viens de le dire. M. BERTRAND: ... aux commissaires. M.
LESAGE: Mais n'empêche... M. BERTRAND: C'est tout.
M. LESAGE: Et à ce moment-là, il y a un seul commissaire
qui examine le dossier, qui prend la décision et ça n'a pas
besoin d'être un avocat, d'accord. Mais il faut qu'il y en ait un. La loi
dit que ce doit être le président parce que c'est lui qui
décide des questions de droit. C'est la loi qui le dit à
l'article 56. Il faut qu'il y en ait un qui soit prêt, au point de vue
juridique, au point de vue entraînement, à rendre des
décisions en droit. Cela se présente, c'est clair que ça
se présente. Cela se présente à toutes les fois qu'il y a
mort d'homme au travail.
M. BERTRAND: Qu'est-ce qui l'empêche d'être conseillé
par des personnes versées en la matière...
M. LESAGE: Est-ce que le premier ministre...
M. BERTRAND: Qu'est-ce qui l'empêche de faire ça?
M. LESAGE: M. le Président...
M. BERTRAND: II n'y a absolument rien d'incompatible...
M. LESAGE: Très bien. Le député de Saint-Louis
vient de donner un exemple. Dans tous les cas de suspension de permis de
conduire, la suspension peut être décrétée par un
homme qui n'est pas un avocat.
M. BERTRAND: C'est un fonctionnaire.
M. LESAGE: C'est le directeur du service...
M. BERTRAND: ... des véhicules automobiles.
M. BLANK: Avec l'avis de ses conseillers.
M. LESAGE: ... des véhicules automobiles avec l'avis de
conseillers juridiques. Mais il y a appel de sa décision devant trois
juges de la cour provinciale et il ne s'agit que d'une suspension d'un mois de
permis de conduire. Lorsqu'il s'agit d'un recours aussi important que celui
prévu à l'article 1056, on va laisser décider ça
par un homme qui n'est pas un homme
de loi, sur le conseil d'assesseurs? C'est impensable, M. le
Président. Je ne sais pas à quoi les membres du gouvernement
pensent?
M. PINARD: M. le Président, est-ce que je pourrais demander au
premier ministre si en présentant le bill qui est en discussion devant
la Chambre ce soir, il n'aurait pas été temps d'apporter un
amendement à la loi pour permettre aux commissaires de la Commission des
accidents du travail de rendre dans le cas de doute, un jugement favorable
à l'accidenté du travail?
M. BERTRAND: C'est la règle.
M. PINARD: C'est la règle! Je suis revenu souvent sur certains
dossiers que j'ai eu la responsabilité de plaider devant des
commissaires et j'ai à l'esprit, entre autres, un dossier qui date
d'assez longtemps. J'avais eu l'occasion d'aller le discuter avec le ministre
du Travail de l'époque qui s'était montré bien
sympathique, mais qui disait qu'à cause des carences de la loi, il ne
pouvait pas outrepasser les décisions prises par les commissaires et
qu'il n'avait pas le pouvoir, même s'il le voulait, de donner une
décision favorable à l'accidenté du travail.
M. BERTRAND: II n'y a absolument rien...
M. PINARD: Je vais donner un exemple au premier ministre. Il comprendra
tout de suite de quoi il s'agit. Il existe des cas de maladie qui
amènent une incapacité partielle permanente très
considérable. Par exemple le cas du glaucome qui, on le sait, est une
maladie de la vue. Le cas que j'avais à plaider devant les commissaires
et un peu plus tard devant le ministre du Travail concernait un ouvrier de la
Canadian Celanese située dans mon comté, qui avait fait une chute
en bas d'une échelle et qui s'était fracturé la colonne
vertébrale. Il a été hospitalisé, il a
été traité et il est resté infirme. Son
incapacité partielle permanente a été fixée
à un certain degré, dont je ne me souviens pas. La commission l'a
indemnisé en conséquence. Mais un peu plus tard, s'est
développé cette maladie du glaucome...
M. BERTRAND: Aggravation du glaucome.
M. PINARD: ... avec aggravation. D'abord, les médecins ont
été obligés de le priver d'un oeil, et finalement l'autre
oeil a dû être enlevé. Il est devenu complètement
aveugle. Médicalement parlant, les spécialistes n'ont jamais
été capables de dire si cette maladie subséquente avait
été une suite directe de l'accident du travail ou non.
A ce moment-là, je disais que le doute devait être
donné en faveur de l'accidenté du travail, et on m'a toujours
répondu qu'à cause de la loi ce doute ne pouvait pas lui
être accordé. Alors, il n'a pas pu être compensé de
façon juste et raisonnable comme je l'avais espéré.
M. BERTRAND: C'est plus que le doute. Si le rapport médical, dans
un cas comme ça, est aussi imprécis, aussi vague, il me semble
qu'il est élémentaire que les commissaires doivent donner
si c'est un doute ils n'ont pas la preuve.
M. PINARD: Il s'agit d'une question de fait à être
établie par des médecins, par des spécialistes.
M. BERTRAND: C'est une question de jugement aussi.
M. PINARD: A ce moment-là, il peut y avoir un litige entre les
spécialistes. Des médecins ne pouvaient pas dire si cette maladie
se rattachait à la première maladie, qui était une maladie
du travail, à un traumatisme; d'autres disaient que c'était
possible, mais qu'ils n'en avaient pas l'assurance. Les spécialistes
s'accordent pour dire qu'ils ne sont pas capables de déterminer la cause
exacte du glaucome. Cela est un cas qui est assez rare, c'est un cas bien
spécifique, Je l'admets.
M. BERTRAND: J'ai eu un cas semblable. Je n'ai pas d'objection à
en prendre bonne note, et Je vais demander aux officiers du ministère
d'examiner le problème avec les gens de la Commission des accidents du
travail, mais je n'ai pas à proposer d'amendement ce soir dans ce
domaine-là.
M, PINARD: Je comprends, mais je donne un exemple pour dire que la loi
pourrait être amendée pour permettre aux commissaires de juger
favorablement un cas comme celui-là, qui est assez rare, qui est bien
spécifique, mais qui peut quand même se produire.
M, BERTRAND: Vous avez souvent, dans certains cas, des rapports
d'experts qui se contredisent, des rapports d'experts, de médecins. A ce
moment-là, ils sont pris devant deux rapports, et j'admets avec vous que
ça peut créer un doute dans l'esprit des commissaires, il y a des
cas, semble-t-il, où le doute a été donné
à la victime; dans d'autres cas, on me rapporte qu'à
certains moments la victime n'a pas bénéficié du doute. Je
leur demande d'examiner ce problème.
M, PINARD: Evidemment, il n'y a pas d'appel des décisions
renduespar les commissaires. Maintenant que la science médicale a
évolué, et, dans ce cas spécifique que je viens de citer,
je pense qu'il y aurait possibilité, peut-être.
M. BERTRAND: Il y a encore des cas marginaux.
M. PINARD: Maintenant que ces spécialistes soient en mesure de
dire qu'il peut y avoir une relation directe dans le cas du glaucome avec ce
traumatisme subi par l'accidenté du travail. Autrefois, ce
n'était peut-être pas possible pour un spécialiste de le
déterminer; maintenant, ça peut être possible. Est-ce qu'il
y a possibilité de revenir en arrière et d'obtenir pour
l'accidenté du travail cette décision favorable dont j'ai
parlé tantôt? Si la loi ne mentionne rien, n'y pourvoit pas, je me
demande comment les commissaires pourront accepter une requête de
façon favorable.
M. BERTRAND: Je pense qu'à la Commission des accidents du
travail, en certains cas du moins, à ce qu'on me dit, des vieux dossiers
ont été réouverts, réétudiés,
réexaminés; il y a des décisions qui ont pu être
rendues. Maintenant, je n'ai pas de cas à l'esprit, mais c'est le
sous-ministre qui me rapporte ça.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Alors, article 4 adopté
sur division?
M. BERTRAND: Adopté.
M. LESAGE: J'aurais une question à poser au premier ministre.
J'avais posé la question indirectement au ministre du Travail cet
après-midi: Est-ce l'intention du gouvernement de voir à ce que
soit transféré le fonds de la Commission des accidents du
travail, qui est d'environ $200 millions, à la Caisse de
dépôt et de placement?
M. BERTRAND: Oui, on me dit que c'est l'intention du ministre.
M. LESAGE: Si la réponse est affirmative, est-ce qu'on a
l'intention de le faire d'ici la fin de la session?
M. BERTRAND: Je ne saurais dire si on le fera d'Ici la fin de la session
ou de l'année.
M. LESAGE: Il y a devant nous le bill 81 qui propose de
transférer les fonds accumulés dans les régimes de rentes
institués en vertu des décrets de la construction. C'est un fonds
qui, à l'heure actuelle, est de $40 millions à $50 millions, il
sera de $100 millions d'ici deux ou trois ans. Nous le transférons.
D'ailleurs, je l'ai dit au premier ministre, je l'avais dit au ministre du
Travail, nous avons quelques modifications à proposer en comité,
mais nous sommes d'accord avec le principe du bill.
M. BERTRAND: Je dois dire au chef de l'Opposition que le ministre du
Travail avait l'intention, en deuxième lecture, à l'occasion de
l'étude de ce projet de loi, d'après ce qu'on me dit, de parler
justement du fonds...
M. LESAGE: Bon, alors, je vais attendre...
M. BERTRAND: ... de la Commission des accidents du travail.
M. LESAGE: ... M. le Président, si tel est le cas, à la
semaine prochaine...
M. BERTRAND: D'accord.
M. LESAGE: ... et Je poserai des questions au ministre du Travail
lors...
M. BERTRAND: Parfait.
M. LESAGE: ... de l'étude du bill 81.
M. BERTRAND: Très bien.
M. LESAGE: Maintenant, sur l'article 4 de ce projet de loi, nous devons
voter contre...
M. BERTRAND: D'accord.
M. LESAGE: ... et nous demandons un vote par assis et levé.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Alors, que les membres du
comité qui sont en faveur de l'article 4 veuillent bien se lever.
Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever.
Adopté sur division.
Article 5?
M. BERTRAND: Adopté.
M. FRECHETTE (président du comité plénier):
Adopté. C'est tout.
M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le
comité a adopté le bill 80 sans amendement.
M. PAUL: Troisième lecture. Troisième lecture
M. LEBEL (président): De consentement unanime, l'honorable
ministre de la Justice, au nom de l'honorable ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, propose la troisième lecture du bill 80. Cette motion
sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. LESAGE: M. le Président, j'étais distrait, c'est
entendu que c'est sur division, l'adoption en troisième lecture, il
fallait d'ailleurs le consentement unanime.
M. BERTRAND: Est-ce que la deuxième lecture a été
adoptée?
M. LESAGE: Oui, la deuxième lecture a été
adoptée à la même séance, à la séance
de cet après-midi.
M. LE PRESIDENT: D'accord, mais vu le silence, j'ai cru qu'il y avait
consentement unanime.
M. BERTRAND: Troisième lecture?
M. LESAGE: J'étais distrait, M. le Président; je n'ai pas
d'objection à donner le consentement à ce que nous
procédions à la troisième lecture. Mais lorsque vous
demandez le vote sur la troisième lecture, je dois dire sur
division.
M. BERTRAND: Sur division? M. LESAGE: Oui. M. BERTRAND: Parfait. M.
PAUL: Quatre.
Bill 72 Deuxième lecture
M. LE PRESIDENT: Reprise du débat sur la motion de l'honorable
ministre de la Justice proposant que le bill 72 soit lu une deuxième
fois.
L'honorable député d'Abitibi-Ouest.
M. Lucien Cliche
M. CLICHE: Lors du débat qui a débuté hier en
deuxième lecture, M. le Président, j'ai donné plusieurs
arguments qui militent en faveur du projet de loi, et j'ai mentionné que
les juges en chef ainsi que le ministre de la Justice et ses hauts
fonctionnaires devaient exercer une surveillance plus étroite de
l'activité des juges de la cour Provinciale, de la cour des Sessions de
la paix et de la cour du Bien-Etre social. J'ai mentionné que cette
surveillance voulait nécessairement dire des sanctions, sanctions qui ne
sont pas prévues, actuellement, par les lois existantes. Et si l'on veut
que les mesures que l'on impose soient observées en totalité, il
va falloir, nécessairement, éventuellement, qu'on exerce des
sanctions.
Je disais que les juges ne donnaient pas toujours, certains, la
minorité, toute l'attention que l'on requérait d'eux
lorsqu'ils ont été assermentés à leur poste. J'ai,
à une autre occasion, fait des observations quant au travail
exercé par certains juges de la cour Provinciale, travail qui consistait
à présider des tribunaux d'arbitrage. J'ai déploré
cette attitude de la part de certains juges, peut-être assez nombreux, de
la cour Provinciale qui délaissaient leur travail pour aller, à
cause, peut-être d'une rémunération spéciale, pour
aller présider des tribunaux, laissent à leurs confrères
un lourd fardeau.
Cela retardait l'application de la justice et l'audition des
procès ou des litiges, avec le résultat que les contribuables en
souffraient préjudice. Comme le disait le ministre de la Justice,
lorsque la justice est retardée, cela a toujours comme
conséquence de causer uncertain préjudice aux citoyens, aux
justiciables.
J'ai déploré, à une autre occasion, que des juges
de nos cours provinciales quittent leur travail régulier, cessent de
siéger au palais de justice pour aller exercer certaines fonctions comme
présidents de tribunaux d'arbitrage, présidence qui leur
apportait une compensation, un traitement intéressant, dans certains
cas, peut-être très intéressant, dans des cas
privilégiés.
Je sais que d'autres juges ont déploré cette
attitude-là. A la suite des observations que j'avais faites à
l'Assemblée nationale, j'ai reçu plusieurs lettres de juges me
félicitant de mon attitude et des observations que j'avais faites.
Je répète ces observations. A cause de l'augmentation de
traitement qui sera accordée lorsque le présent bill sera
voté, je pense que le ministère de la Justice, le ministre en
particulier, devra voir à exiger que les juges donnent tout leur temps
disponible à l'administration de la justice uniquement et non pas
à d'autres travaux, à moins d'y être invités tout
spécialement par une décision du lieutenant-gouverneur en conseil
lorsque certaines commissions d'enquête doivent être
présidées par des juges en particulier. Mais, de façon
gêné-
rale, je pense que le ministre de la Justice doit voir, avec les juges
en chef, à. condamner cette pratique de la part de certains juges. Les
traitements qui leur seront accordés seront sûrement suffisants
pour leur permettre de boucler leur budget et surtout de remplir leur devoir
qui est de voir à rendre justice dans les juridictions qui leur sont
conférées.
C'était là, M.le Président, les remarques que je
voulais faire à l'appui du bill 72. Pour toutes ces raisons, je voterai
en faveur de l'adoption de ce bill.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de D'Arcy-McGee.
M. Victor-C. Goldbloom
M. GOLDBLOOM: M. le Président, je serai très bref. Je
pense que nous sommes tous heureux de voir augmenter le nombre de juges dans
nos cours. Je n'exprime pas d'opinion sur l'augmentation des salaires, quoique
je doive dire que, si j'étais membre du gouvernement, j'aurais un peu de
mal à expliquer au public comment, lundi et mardi de cette semaine, on a
refusé aux assistés sociaux une augmentation suffisante de leurs
allocations alors que, mercredi, on a proposé des augmentations
importantes à nos juges.
Mais je voudrais commenter une situation qui, à mon avis, est un
état de crise dans une des cours touchées par ce projet de loi,
la cour du Bien-Etre social. Il est évidemment nécessaire, pour
avoir soin des jeunes personnes qui comparaissent devant cette cour,
d'augmenter le nombre de juges. Sans être homme de loi, M. le
Président, je crois comprendre que les décisions qui sont rendues
dans cette cour ont des conséquences fort différentes de celles
qui se rendent ailleurs dans notre système judiciaire;
c'est-à-dire, dans les autres cours, la décision est rendue.
Elle devient exécutoire et l'on procède à la mise
en pratique de la décision rendue par le juge, s'il n'y a pas
interjection d'appel.
Mais, dans la cour de Bien-Etre social, on est obligé de
procéder à tout un service de bien-être pour les enfants
impliqués. Pour ce faire, il faut un personnel qui aurait dû
préparer la cause avant, fournir au juge les renseignements
nécessaires pour l'appréciation de la cause. Ces employés
doivent, comme officiers de probation, comme travailleurs sociaux ou dans
d'autres fonctions, suivre le jeune inculpé pendant une période
prolongée par la suite.
Cet état de crise, et j'en ai déjà parlé
dans cette Chambre, existe depuis assez longtemps.
Il est aggravé, depuis quelque temps, par le départ d'un
certain nombre de personnes qui ont bien servi cette cour.
On m'informe qu'au cours de l'année 1969 au moins trois officiers
de probation ont quitté la cour et n'ont pas été
remplacés; on invoque le gel des postes dans la fonction publique. Mais,
il est clair que ce service n'avait jamais assez de personnel avant; avec le
départ de ces personnes et, donc, de ces compétences, la
situation est encore plus grave.
Curieusement, ces personnes quittent la cour à un moment
où les salaires sont meilleurs que jamais, les conditions de travail
sont même meilleures, mais la qualité du travail lui-même
et je ne mets en doute ni la compétence ni la
sincérité ni le dévouement des personnes impliquées
laisse toujours énormément à désirer.
Les rapports dont les juges ont besoin ne sont pas fournis d'avance. Les
Juges eux-mêmes se trouvent dans l'impossibilité de
préparer les causes d'avance et sont obligés, au cours de
l'audition, de vérifier eux-mêmes les moindres détails pour
savoir si l'on a procédé à telle ou telle étude
pour vérifier les faits et pour vérifier l'état de
santé, tant physique que mental, du jeune intimé.
Les services téléphoniques de la cour, les services de
secrétariat laissent aussi à désirer. Les travailleurs
sociaux et les officiers de probation, qui, malheureusement, dans la
majorité des cas, ne sont pas eux-mêmes travailleurs sociaux,
n'ont pas le temps d'assister à des conférences, n'ont pas le
temps d'entrer en relations extérieures, si on peut les appeler ainsi,
avec le public, et le public est très mal renseigné sur ce qui se
passe dans la cour et ne se sent pas impliqué ou même
intéressé dans ce qui se passe là.
Je crois qu'il y a lieu de réexaminer cette décision de
responsabilités entre le ministère de la Famille et du Bien-Etre
social et le ministère de la Justice. Je crois qu'il y a lieu de fournir
aux juges, ceux qui sont en place et ceux qui seront ajoutés par cette
loi que j'ai l'intention pour ma part d'appuyer, parce qu'il faut que le
nombre de juges soit augmenté il faut fournir dis-je à ces
juges tout le personnel compétent dont ils peuvent avoir besoin;
autrement le fait que, ce soir, nous votions le projet de loi et que nous
augmentions le nombre de juges n'aura pas le résultat
désiré.
Il faudra surtout coordonner le travail de tous ceux qui, par leurs
efforts, appuient les juges dans leurs responsabilités extrêmement
délicates. Sinon, ceux qui en souffrent actuellement et continueront
d'en souffrir sont les
institutions telles que les écoles, les hôpitaux, les
agences de bien-être social, nos services policiers et surtout les
parents et les enfants impliqués.
MR. PRESIDENT: The Honourable Member for Saint-Louis.
M. Harry Blank
MR. BLANK: Mr. Speaker, I would like to add a few words to the
discussion in respect to this bill.
Firstly, as to the question of the increase of the number of judges, I
hardly agree with my confrere, the member for D'Arcy-McGee, that it is not
absolutely essential that the number of judges be increased in the various
Courts.
But, I am wondering whether in the Provincial Court when they are
increasing the number of judges from 92 to 102 if that will really be
sufficient. In view of the amendments contained in bill 74, the amendments to
the code of procedure were the Provincial Court will now hear cases up to
including $3,000 whether there will be sufficient judges to have the hearings
as rapidly as we have them now in the Provincial Court.
Most cases at the Provincial Court, I am talking about the district of
Montreal, which is the largest district as far as the number of cases go, most
cases are heared within five or six months as against the Superior Court where
an ordinary case takes anywhere from one to two years.
Most of the cases in the Superior Court up to now have been in the
$3,000 category. The greater majority of them. Yet we have got a roll's court
to somewhere between two in three years. We are now going to have the same
situation in the Provincial Court if the number of judges is not sufficient.
And I think that we must really look at the situation and see whether 102
judges for the Province is sufficient.
We must also remember that, under the recent amendments to the code of
procedure, not only does the Magistrate Court or the Provincial Court now go up
to $3,000, but under certain circumstances there is a right of appeal in cases
of over $5,000 and under $3,000 to the Court of Appeal, which means that the
actual hearing time of the cases is going to be much longer, more than one
hundred are going to be needed, the judges are going to work longer at their
judgments because if they are going to have a judgment that is subject to
appeal, they are going to have then more research and more details in their
judgment.
You will find that the judges are going to be working longer hours at
any particular case and I am afraid that 102 judges will not be sufficient.
Insofar as the increase of the salaries of the judges is concerned, I am
very hardly in favour of this increase and I will vote for the bill.
We must remember now that these judges have another responsibility. No
longer are they dealing with cases in the $1,000 category. They are now dealing
with cases up to and including $3,000. As I said before, these cases or most of
them may be subject to appeal and the work is entailed in handing out written
judgment details so that the Court of Appeal will have to get at the reasonning
of a judgment.
It creates an extra burden of work, an extra time consuming effort on
the part of these men and a greater responsibility. So, if we wish the type of
individual to be a judge, we must be prepared to compensate them
adequately.
There is no point in offering salaries which are unacceptable; if that
is the case, we will not get the proper people, the proper lawyers to be
judges. It is great to have the honour and the priviledge to be a judge but a
man's family has to have a certain standard of living. And one expects a
certain standard from judges and their families. We do not expect the judge's
wife to go out to work. We expect her to have a certain standard of living
which is commensurate to her position and we must be prepared to pay for it. We
must remember that being a judge is the basis of our entire civilization,
because what are we based on? We are based upon the rule of Law and, a man who
must interpret the law is probably the most important man of the community.
The judges themselves realize this. They are prepared to devote their
time. In particular, as mentioned my confrere, the Member for Abitibi-Est, this
question of the judges sitting on various tribunals or boards for inquiries or
arbitrations, the judges that I know in the Montreal district are prepared to
sit upon these arbitrations without extra pay. I think at the last conference
of judges they voted that they were prepared to sit on these arbitrations
without extra pay. So, there will be no question of favouritism that this judge
is going to earn more money or that. I think that in view of this
increase...
MR. LAFRANCE: That was in the past.
MR. BLANK: In the past, it was that. But, in the future, I think that
with an increase of salary the judges are prepared to sit on arbitrations when
they are called upon to do so by
the Chief of Justice without any extra pay. Every judge should be
prepared to sit when his time comes if the Chief Justice is prepared to name
such and such a man, depending upon the situation in this particular Court.
Before, certain judges wanted to be named on arbitrations because they got the
extra salary. On the other hand, you have judges that went the other way.
Today, the Minister of Health was talking about the Trahan Commission of
the Lemoyne Hospital. Well, Judge Trahan did not interfere with his judicial
duties. He sat during the day as a judge and he sat at night at this
arbitration. He did not ask for or receive one extra cent. Now, there is, for
the judges, that my friend the Minister of Justice mentioned, who go out to
play golf, we have the opposite. We have the judges such as Judge Trahan who
deliberately is prepared to offer his services day and night without any extra
pay.
If we want people like this to become judges, we must be prepared to
pay, and to pay a decent salary so that these men can perform their duties
without worry, without bother and have the status in the community that a judge
is entitled to. As a matter of fact, the same conference of judges did research
for the Government without charging them a cent on the question of summary
procedures. And, they are now prepared to accept certain proof before the court
is going to save the Government hundreds of thousands of dollars. It was done
on their own volition. The judges of the Court of Sessions throughout the
Province had their meetings and decided upon this, did research and did not
charge the Government anything.
The judges are conscientious people. They want to perform the fonctions
that they have been named to and if we want decent, good judges we must be
prepared to pay for it. The salary that we are offering them now, $28,000 a
year for the judges in the Session, Provincial and Social Welfare Court is a
minimum, not a maximum as some of my confreres here in the House have said. It
is a minimum that these men are entitled to. They are doing the job for the
community. They are doing, as I say, the justice. Justice is the basis of our
whole civilization. If we want to live by the rule of law, we must have
individuals who are prepared to interpret it diligently, honestly and
efficiently. If we want these individuals, we must be prepared to pay for it
and I shall vote in favour of this bill.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Laurent.
M. Léo Pearson
M. PEARSON: M. le Président, je veux éviter toute
démagogie et dire simplement que je voterai contre le bill.
Brièvement, je suis pour que les juges soient bien payés. Je suis
pour une augmentation du nombre de juges pour éviter les délais
scandaleux dont d'autres ont parlé avant moi. Je suis pour une meilleure
répartition de la charge de travail. Pendant que certains sont
débordés, d'autres ne sont pas fatigués du tout. Par
contre, je suis contre le moment choisi pour présenter un tel bill,
à cause des arguments déjà présentés: le
chômage élevé; cela vient immédiatement après
l'étude de la Loi du bien-être social où les
assistés ont reçu à peine de quoi survivre; de plus, nous
sommes dans une période de restrictions budgétaires, où
certains économistes craignent déjà la
récession.
Je suis également contre l'abus de certaines nominations
politiques en trop grand nombre; cela concerne trop de candidats
défaits, trop de gens dont on veut se défaire. Aussi longtemps
que le peuple considérera cette fonction comme un refuge ou une
sinécure à sécurité absolue: bon salaire, bonne
pension, intouchable... Qui peut oser évaluer le travail ou le jugement
de tel juge sans risquer le mépris de cour? Quand je pose,
personnellement comme député, un jugement, automatiquement, je
trouve des centaines et quelquefois des milliers de gens pour me critiquer.
Mais qu'un juge, honnête ou malhonnête, possédant un
jugement sain exprime un jugement sain ou déverse son humeur sur ceux
qui sont devant lui, qui osera répliquer?
Je suis perplexe devant le nombre de ceux qui n'attendent que le moment
où ils seront casés ou en sécurité, prêts
à se sacrifier politiquement parlant espérant comme
récompense une nomination de juge.
Aussi longtemps que la demande dépassera l'offre, il n'y a pas
lieu, à mon sens, de s'inquiéter. Pas un patron intelligent ou
ayant le minimum de sens des affaires osera payer plus que ce que la
majorité des aspirants candidats sont prêts à accepter.
J'accepte une marge permettant de choisir les meilleurs et non les pires.
Bref, M. le Président, indépendemment du bien ou du mal
fondé du bill, le moment choisi est mauvais, empêche, à mon
sens, de le discuter à son mérite, au risque de
discréditer cette profession. C'est peut-être un bon bill, mais
à un fort mauvais moment.
M. Bernard Pinard
M. PINARD: En participant à ce débat, d'aucuns ont
peut-être l'opinion que, mol aussi, en ma qualité d'avocat, je
veux me porter à la défense des disciples de Thémis qui
ont été passablement attaqués depuis quelques jours dans
cette Chambre. Sans me faire l'avocat des avocats, je voudrais quand
même, en tant que député de mon comté,
représentant de mon comté depuis plusieurs années dans
cette Chambre et en ma qualité de législateur, dire ce que je
pense de ce bill.
Je crois que, dans l'ensemble, c'est un bon projet de loi. Quant
à ce problème de l'opportunité de le présenter
à ce moment-ci, à cause des conditions sociales et
économiques défavorables dans certains secteurs de la population,
je pense que le gouvernement aurait peut-être du attendre un moment plus
favorable pour le présenter à l'attention et à
l'étude des députés. Mais ce n'est pas une raison de juger
aussi sévèrement les juges en tant que membres d'une institution
absolument fondamentale dans une démocratie, en tant que membres d'une
institution qui est gardienne des droits fondamentaux de la personne humaine,
des droits personnels des individus, de leurs droits de propriétaires,
de leurs droits à la justice la plus stricte, la plus équitable
et la plus expéditive. Et je pense que, dans les propos qui ont
été tenus depuis quelques jours, à l'occasion de la
présentation de ce projet de loi, il y a eu des attaques qui ont
été faites de façon démesurée. Je n'accuse
pas ceux qui les ont faites d'avoir volontairement voulu saper à la base
une institution aussi essentielle, aussi fondamentale que l'institution
judiciaire, je ne le pense pas. Je leur accorde beaucoup plus d'intelligence et
beaucoup de meilleure volonté que cela. Mais je me demande si, dans
l'étude du projet de loi, ils ont vu tous les aspects de ce vaste et
complexe problème de l'administration de la justice dans un
régime démocratique, et, c'est ça qui
m'inquiète.
Au moment où les conditions économiques dans la province
sont défavorables, au moment où certains secteurs de la
population sont plus défavorisés que d'autres sur le plan de la
redistribution des richesses, alors que certains prétendent qu'ils n'ont
pas la même chance que d'autres d'avoir un salaire juste et
équitable, compte tenu du travail à accomplir chaque jour. Il y a
peut-être là matière à enquête, matière
à étude plus approfondie. Mais ce n'est pas une raison pour
être aussi sévère qu'on là été
à l'endroit de ceux qui ont la lourde tâche et la
responsabilité très grande d'administrer la jus- tice et que
s'ils le font avec diligence, avec compétence, avec dévouement
avec tout le sens de l'humanisme dont ils doivent faire preuve, eh bien, ne
doivent recevoir que des félicitations de la part de la population et
des élus du peuple.
Je ne m'attarderai pas tellement sur le problème de
l'augmentation des salaires que le projet de loi accorde aux juges des cours
Provinciales, des cours du Bien-Etre social et de la cour des Sessions de la
paix. C'est la responsabilité du gouvernement de décider quel
traitement doit leur être accordé et également le montant
des dépenses qui doit leur être payé lorsqu'ils se
déplacent d'un district judiciaire à un autre, dans l'exercice de
leurs fonctions.
Je pense que ce clivage dont on a fait écho dans cette Chambre
sur le plan de la disparité des richesses, des salaires qu'on dit
être payés grassement à quelques groupes de personnes
privilégiés dans cette province, est plutôt le relent d'une
disparité véritable dans les revenus de certains secteurs de la
population du Québec. C'est partout comme cela, dans tous les pays du
monde et dans toutes les autres provinces du Canada. Je pense que, quand
même, il faut que nos juges soient payés de façon juste et
raisonnable pour leur permettre, d'abord, d'avoir ce désir
d'accéder à la magistrature et d'aller administrer, de
façon compétente, dévouée et diligente, la justice
en faveur de tous les contribuables de quelque rang social qu'ils soient,
riches ou pauvres.
Comme on l'a dit hier, il n'y a pas de grande et de petite justice. M.
le Président, je sais que c'est votre expérience personnelle;
vous avez, dans votre pratique, attaché autant d'importance, j'en suis
certain, au client qui venait vous porter une cause qui pouvait
représenter une réclamation de $10, mais à laquelle il
attachait une grande importance, qu'au client plus riche qui est
peut-être allé à votre bureau avec une cause d'une valeur
de $100,000 et qui demandait qu'elle soit bien plaldée devant les
tribunaux. Si le droit que ce client avait à faire valoir était
un droit bien fondé, à ce moment-là, je crois que vous
avez donné le même talent, le même dévouement, la
même mesure de justice au client plus pauvre qu'à celui qui
était plus riche. Cela a été mon expérience
personnelle, et je pense que cela a été l'expérience de la
majorité des avocats qui pratiquent dans cette province.
Alors, c'est pour cela que je crois qu'il est de mon devoir de faire ces
remarques ce soir. Je me demande si ces propos sévères qui ont
été tenus à l'endroit des avocats et de ceux qui
accèdent à la magistrature ne vien-
nent pas du fait que le système de nomination de nos juges leur
paraît mal équilibré, parfois injuste. Peut-être
certains le considèrent-ils comme une espèce de mécanisme
à fabriquer des récompenses pour ceux qui ont servi dans les
Parlements, de quelque côté de la Chambre que ce soit. C'est
peut-être vrai qu'il y a eu autrefois trop de nominations à
caractère politique. Il y a eu, peut-être, des abus de ce
côté. Ces abus ont été corrigés
progressivement, je pense, par les gouvernements qui se sont
succédé, parce que les gouvernements ont vite compris qu'il faut
avoir, dans notre système de l'administration de la justice, les juges
les plus compétents, les plus aptes à rendre une justice
expéditive et équitable. Je pense que les nominations qui ont
été faites à tous les paliers de l'administration de la
justice ont été excellentes que ce soit à la cour
Suprême du Canada, à la cour d'Appel, à la cour
Supérieure, à la cour Provinciale, à la cour des
Magistrats, à la cour des Sessions de la paix ou à la cour du
Bien-Etre social.
Je pense que, de plus en plus, les gouvernements ont recherché
ces trois critères déterminants dans le choix des juges: la
compétence, le dévouement et le sens de l'humain.
Dans une société troublée comme celle dans laquelle
nous vivons, il faut que les juges comprennent que les problèmes humains
ont une importance particulière. Ils doivent se montrer, bien souvent,
très condescendants envers ceux qui souffrent plus que d'autres de ces
misères sociales, de ces misères économiques qui sont le
lot, malheureusement, d'une forte partie de notre population.
J'ai souligné tantôt l'importance du choix des juges.
J'aimerais, M. le Président, vous présenter l'excellente
étude qui a été faite à ce sujet par M.
André Vinette. Cette étude a été rapportée
dans les cahiers de droit, publiés par la faculté de droit de
l'université Laval, en 1969.
Si vous me le permettez, M. le Président, je voudrais citer les
remarques préliminaires faites par M. Vinette dans cette étude:
« Les institutions juridiques d'une société donnée
ne peuvent rester à l'écart du mouvement d'engagement humanitaire
et de revalorisation sociale qui s'effectue présentement à
l'échelle universelle. « L'évolution même des
individus, qui porte la société tout entière à une
recherche plus accentuée des valeurs humaines, doit trouver
réponse dans un renouvellement ou dans une restructuration des
organismes qui les gouvernent dans leur vie juridique, sociale et familiale. Il
doit y avoir un rapport constant entre l'évolution de la
société et celle des institutions face au modernisme; une
recherche commune et solidaire pour une meilleure communication entre la
société globale et ses multiples éléments, dans un
esprit de compréhension, d'humanitarisme et non d'automatisme. «
Ceci est essentiel pour tous les éléments d'une
société, car ils ont tous des rapports avec l'individu. La
justice n'y échappe pas. En effet, un refus pour la justice
d'obtempérer aux exigences du parallélisme évolutionnel
avec la société pourrait causer le vieillissement d'une
institution qui, si elle tarde trop à se modifier graduellement, peut
arriver à ne plus rien représenter. »
Je pense que ces propos tenus par M. Vinette expliquent bien les
inquiétudes qui ont été exprimées par les
députés qui ont pris la parole dans cette Chambre et qui ont fait
beaucoup de réserves quant à l'à-propos de la
présentation de ce bill, surtout en ce qui concerne l'augmentation du
traitement des juges. Cela a été le cas, par exemple, du
député de Richmond qui a, en quelque sorte,
présenté l'aspect sociologique et économique de tout ce
problème de l'augmentation du traitement des juges. Je pense qu'en toute
justice nous devons lui rendre ce témoignage qu'il a fait avec
objectivité, avec décence et avec mesure, il a donné, bien
honnêtement, son opinion, représentant en cela l'opinion d'une
assez forte partie de la population de cette province. Un jugement comme
celui-là, nous devons le respecter. Moi, je suis prêt à le
faire. Je le respecte ce jugement, même si je ne suis pas tout à
fait d'accord avec les conclusions qu'il a pu tirer de cette étude
personnelle qu'il a faite de ce problème.
Mais je reviens, M. le Président, à tout ce
mécanisme de nomination des juges pour dire que le projet de loi aurait
du, à mon avis, contenir des amendements et proposer, par exemple, la
création d'un collège des juges, qui aurait été
composé, disons, de cinq à dix juges qui auraient eu pour mission
d'analyser ou d'étudier des propositions de candidatures faites par des
avocats pratiquants qui veulent accéder à la magistrature.
Il existe déjà un mécanisme de consultation au
Barreau. De plus en plus les gouvernements demandent au Barreau une opinion sur
l'à-propos de nommer tel avocat ou tel autre avocat à un poste de
la magistrature. Je crois que c'est une excellente initiative et que le
critère de compétence dont je parlais tantôt est mieux
atteint par ce mécanisme de consultation.
M. le Président, je pense qu'il y auraitpeut-être moyen
d'aller plus loin et de créer, comme cela existe en France, je pense, un
collège
des juges et une école de judicature où les aspirants
magistrats devraient nécessairement aller faire des études tout
à fait spécialisées dans l'administration de la justice
ce qui serait en quelque sorte une cléricature d'une durée
de trois ans avant de pouvoir accéder au Barreau, avant d'etre
officiellement nommés juges d'une juridiction civile ou criminelle.
Je pense qu'il s'agit là d'une excellente suggestion que j'ai
puisée ailleurs, je le dis en toute honnêteté pour l'auteur
dans l'étude de M. André Vlnette. Je pense que le ministre de la
Justice a probablement parcouru la même étude que moi, qui a
été rapportée dans les cahiers de droit de la
faculté de droit de l'université Laval, publiés cette
année, au cours du mois d'octobre. Le ministre de la Justice aurait pu
puiser là d'excellentes suggestions pour apporter autre chose que ce que
nous donne le bill no 72 qui est en quelque sorte un bill qui prévoit
l'augmentation du nombre des juges dans différentes juridictions, qui
prévoit l'augmentation du traitement de tous les juges, à tous
les niveaux, et qui prévoit aussi l'augmentation des comptes de
dépenses lorsque les juges ont à se déplacer dans
l'exercice de leurs fonctions.
Peut-être que si ces amendements avaient été
apportés tous ensemble, M. le Président, nous n'aurions pas eu
à entendre des débats du genre de ceux que nous avons entendus
hier venant de députés qui ne sont pas avocats, mais qui
prétendent avoir raison de se plaindre du système judiciaire
parce qu'il n'est pas suffisamment expéditif, parce que parfois des
juges ne sont pas à la hauteur de la compétence qu'on voudrait
leur voir ou dont ils devraient faire preuve et parfois aussi, parce que des
juges ne semblent pas se dévouer à temps plein à
l'administration de la justice.
D'ailleurs, le ministre de la Justice l'a avoué lui-même
dans son intervention en deuxième lecture hier. Il a cité des cas
assez patents de juges qui ne font pas tout leur devoir. Mais, quand cela est
su du public, quand les journaux rapportent ces faits, il est bien
évident que c'est de nature à traumatiser passablement la
population et davantage les secteurs de la population où les conditions
économiques sont plus difficiles que dans d'autres secteurs de la
société où les revenus sont plus élevés et
où on n'a pas à souffrir des disparités économiques
et sociales dont certains ont parlé hier.
M. le Président, pour toutes ces raisons, je crois qu'il serait
encore temps de proposer des amendements à l'occasion de la
présentation du bill no 72, de façon à satisfaire tous
ceux qui ont exprimé une opinion dans cette Chambre, favorable ou non.
Je pense que tout cela a été fait dans un bon esprit, celui de
voir à la tête de nos tribunaux des juges compétents, des
juges savants, complètement dévoués à
l'administration de la justice et des juges qui travailleront à temps
plein. Je pense que c'est cela surtout qu'on a voulu faire valoir et en cela,
je n'ai pas de reproche à adresser à personne.
Si le ministre de la Justice croit qu'il est encore possible d'apporter
des amendements dans le sens de ceux que j'ai indiqués tantôt dans
mes remarques, eh bien je lui en saurai gré. Peut-être est-il trop
tard pour agir maintenant. Dans ce cas, je pense qu'il serait possible
d'apporter ces amendements un peu plus tard au cours d'une prochaine session,
de façon à ce que cette institution vénérable et
extrêmement respectable qu'est la judicature ne soit plus victime
d'attaques venant de certains milieux qui ont intérêt à
saper l'autorité à sa base même et qui commencent par
attaquer les juges pour être mieux en mesure d'arriver à leurs
fins qui sont parfois bien équivoques, pour ne pas dire davantage.
Quand on commence à s'attaquer, dans un régime
démocratique, à l'administration de la justice, à ceux qui
administrent la justice, à ceux qui doivent, en toute
sincérité et en toute équité, rendre des jugements
pour le plus grand bienfait de cette démocratie, pour protéger
les droits des faibles comme des plus forts, à ce moment-là, nous
sommes bien près d'en arriver à la révolution et au
renversement des systèmes qui ont fait le bonheur des
sociétés.
M. le Président, au Québec, il se passe des choses
inquiétantes. Nous devons l'admettre. C'est la responsabilité du
gouvernement de prendre toutes les mesures pour faire respecter la loi, bien
entendu, mais pour que la loi soit respectée, il faut qu'elle soit
respectable. Et pour que les juges soient respectés, il faut qu'ils
soient respectables. Et pour être respectables, il leur faut donner la
preuve à tous les citoyens de cette province qu'ils ont la
compétence, qu'ils ont le dévouement pour administrer de
façon expéditive cette justice dont le peuple a tellement besoin
dans cette province.
M. le Président, je voterai quand même pour le bill, tel
qu'il est présenté, mais j'espère que le ministre de la
Justice apportera les amendements qui pourront satisfaire aux exigences de ceux
qui ne partagent pas nécessairement notre opinion. Et avant de terminer,
j'aurais une autre suggestion à faire au ministre de la Justice. Je ne
crois que cet amendement peut être apporté au cours même de
cette étude devant la Chambre.
Ne croit-il pas que, pour éviter des critiques
malsaines, les juges devraient contribuer, comme tous les
fonctionnaires, à leur fonds de pension? Si les députés
contribuent de façon assez considérable à leur fonds de
pension, si les fonctionnaires de la province y contribuent également,
pourquoi un régime privilégié en faveur des juges qui,
eux, n'ont pas à payer pour accumuler leur fonds de pension, pour
eux-mêmes et pour leurs veuves, en cas de prédécès?
Je pense qu'il y a là un déséquilibre quelque part.
Il s'agit peut-être d'une tradition. Mais est-ce qu'aujourd'hui,
en 1969, cette tradition doit encore durer? Je ne le pense pas. On me dira
peut-être: oui, mais les juges paient de forts impôts au
gouvernement d'Ottawa et au gouvernement de Québec. Mais les
députés également paient de lourds impôts à
Ottawa et à Québec. Les fonctionnaires aussi paient de lourds
impôts à Ottawa et à Québec. Alors pourquoi ce
régime différent pour les fonctionnaires de l'Etat, pour les
députés et ministres par rapport à celui des juges? Il me
semble qu'il y a là un déséquilibre anormal, et c'est
peut-être là aussi la cause des remarques un peu acerbes qui ont
été faites par certains députés dans cette
Chambre.
Je crois que le ministre de la Justice devrait étudier ce
problème en profondeur et nous dire qu'il est possible d'apporter cet
amendement que je suggère bien humblement, à moins que des
études démontrent que les juges sont plus pénalisés
que les fonctionnaires de l'Etat, que les députés et ministres au
plan de l'impôt, et que l'augmentation qui leur est accordée par
le bill 72 serait, en quelque sorte, annulée parce que l'impôt
fédéral et provincial viendrait chercher la majeure partie de
l'augmentation qui leur est consentie par les dispositions du projet de
loi.
Je n'en ai pas la preuve et je ne suis pas convaincu que c'est le cas.
Alors pour ces raisons-là, si on n'est pas capable de nous faire la
preuve qu'ils seraient pénalisés d'autre façon, je crois
qu'il est juste et raisonnable de prétendre qu'ils devraient être
mis sur un pied d'égalité avec tous les fonctionnaires de l'Etat,
avec les députés et ministres qui ont, eux, à payer de
lourds impôts à Ottawa et à Québec.
Alors ce sont là les remarques que je voulais faire et, pour ma
part, je crois qu'il est de mon devoir de voter en faveur de ce projet de
loi.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.
M. Jacques Crôteau
M. CROTEAU: M. le Président, j'ai écouté
très judicieusement le député de Drummond et je dois lui
dire que, dans son intervention, il y avait de très bons points.
Mais, cependant, il m'a bien fait rire lorsqu'il a mentionné le
mécanisme de nomination des juges. Si je me rappelle bien, de 1960
à 1966, le parti de l'Opposition était au pouvoir et, à ce
moment-là, on n'a pas prévu ou on n'a pas suggéré
ou on n'a pas apporté devant cette Chambre...
M. LAFRANCE: Parlez d'avenir un peu.
M. CROTEAU: Je vous parle du moment même.
Alors, M. le Président, depuis le début du débat,
en deuxième lecture, du projet de loi numéro 72, les membres de
cette Chambre ont surtout parlé de l'efficacité de nos tribunaux
et du traitement de nos juges. Certains membres de cette Chambre ont
mentionné que la lenteur de la justice était surtout
causée par certains juges, certains avocats et certaines compagnies
d'assurance. Je dois vous dire bien humblement que c'est vrai. Dans le district
de Montréal, le district que je connais bien, ça existe.
Mais, par ailleurs, il y a un autre point qui est très important.
Cette Chambre a voté et accepté un code de procédure. Je
sais bien qu'en adoptant ce code de procédures, on n'a pas voulu une
justice expéditive, cependant, on a prévu dans ce code un tas de
procédures. Par exemple, on voulait que la défense ait une
défense pleine et entière, mais, par ailleurs, on a prévu
un tas de motions. Alors, avant que la partie défenderesse produise sa
défense, elle peut faire des interrogatoires préalables, des
motions de production de pièces, des examens médicaux, etc.
Alors, tout ce tas de procédures qu'on peut faire retarde cette
justice ou l'administration de la justice. Aussi, M. le Président, il y
a un autre problème, si je m'en rapporte surtout du côté de
la juridiction civile, c'est que le problème primordial du plaideur,
c'est celui du témoin. Combien de causes ont été remises
à cause des témoins? Pourquoi? Témoin absent,
témoin qui a déménagé, qu'on ne peut pas atteindre,
etc. C'est le plus grand problème, à mon sens. Ce n'est pas le
problème de certains juges ou de certains avocats, mais c'est le
problème de la présence des témoins à la cour.
C'est pour ça que souvent... Oui.
M. LAFRANCE: Le député me permettrait-il une question pour
m'éclairer davantage sur ce point... N'est-ce pas un prétexte
dont abusent souvent les avocats?
M. CROTEAU: II y en a certains, comme Je le disais tantôt, il y a
certains avocats qui font
de l'avocasserie, mais je dois vous dire que, normalement, nous sommes
contents qu'un dossier soit terminé.
Pour vous parler de certaines compagnies d'assurance, il est exact qu'on
porte parfois des causes en appel et même à la cour Supreme, mais
je dois vous dire, d'après mon expérience, que ce ne sont que
certaines compagnies d'assurance. Lorsqu'une poursuite ou lorsqu'une
réclamation est portée à un bureau de réclamation
d'une compagnie d'assurance, que doit faire cette compagnie d'assurance? Elle
doit immédiatement porter une certaine somme d'argent à son fonds
de réserve. Alors il y a lieu, pour le gérant des
réclamations, de réduire ce fonds de réserve. Je dois vous
avouer que certaines compagnies d'assurance le font.
Pour la juridiction criminelle, là-dessus, il y a lenteur et je
ne peux pas vous dire que c'est la faute des juges ou que c'est la faute des
procureurs de la couronne. Vous avez une croissance de la population, et je
parle surtout pour le district de Terrebonne, le district de Montréal,
que je connais bien. Vous avez une croissance de la population, il y a des
palais de justice exigus, vous avez aussi la présence, comme je le
mentionnais tantôt, des témoins à la cour, c'était
un autre problème pour cette juridiction. Vous savez que le fardeau de
la preuve incombe à la couronne et que la couronne, à ce
moment-là, doit avoir toutes les pièces à conviction, tous
ses témoins, parce qu'elle droit prouver, comme au civil, de A
jusqu'à Z.
Et, il faut l'avouer, les policiers sont surchargés de travail.
Il arrive aussi que nous sommes obligés de remettre une cause parce
qu'un policier est en vacances ou en congé. A mon sens, ce sont des
facteurs humains et physiques. Mais je dois vous dire, M. le Président,
que du côté civil dans le district de Montréal, depuis au
moins deux ans, il y a eu amélioration, et je tiens ici à rendre
témoignage au juge Challies et au juge Gold.
En ce qui concerne le traitement des juges, il ne faut pas oublier que
le juge représente ou est une institution qu'on pourrait qualifier de
judiciaire. Vous savez que récemment le traitement des fonctionnaires de
la province de Québec ont été augmentés.
Actuellement, nous avons des fonctionnaires qui sont payés $15,000,
$20,000, $25,000, et, à mon sens, ils n'ont pas autant de
responsabilités qu'un juge peut en avoir. Je porterais à
l'attention de la Chambre, le fait que ce matin la ville de Montréal
annonçait une hausse des traitements de ses fonctionnaires. Pour vous
donner quelques exemples, Michel Côté, le chef du contentieux, a
vu son traitement haussé à $28,000. Guy Huot, de Terre des
hommes, à $27,000. Guy Legault, directeur pour l'habitation, à
$27,000. Camille R. Godin, estimation, à $25,000. André
Cour-noyer, pour la santé, à $25,000, et je pourrais vous en
énumérer beaucoup comme cela, M. le Président.
Donc, comme le député de Drummond le disait tantôt,
le juge a des responsabilités. Je parle ici des cours provinciales. Il
n'y a pas de petites causes, il n'y a pas de petites cours. Toute cause est
importante. Et là-dessus, je dois vous dire que c'est dans le même
réservoir d'avocats que l'on choisit des juges pour la cour
Supérieure et pour les cours provinciales. Or, on ne doit pas faire
subir aux avocats qui sont choisis pour être juges une discrimination
parce qu'on les choisit pour telle ou telle cour. Ces gens-là doivent
être traités de la même façon. Il existe actuellement
une injustice depuis longtemps entre le traitement payé au juge de la
cour Supérieure et celui des juges de la cour Provinciale. Je crois
qu'il est temps de mettre le traitement des juges au même niveau.
Prenez, par exemple, le cas du juge de la cour Criminelle ou de la cour
des Sessions qui, parfois, a à juger des cas de fraudes pour une valeur
d'un million. Il a aussi à juger sur la liberté des individus.
Cest la même chose pour la cour du Bien-Etre.
Dernièrement, le ministre de la Justice annonçait que la
juridiction de la cour Provinciale allait être portée à
$3,000. Cela veut dire que les juges de la cour Supérieure qui jugent
actuellement des causes de $2,000 et de $1,000 reçoivent un traitement
de $28,000 et qu'en portant la Juridiction à $3,000 de la cour
Provinciale, les mêmes juges auraient eu un traitement
inférieur.
Je crois, M. le Président, que le bill no 72 en augmentant le
nombre de juges et leur traitement est équitable et raisonnable.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Outremont.
M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE: M. le Président, vous permettrez quelques
brèves remarques sur le projet de loi présenté par le
ministre de la Justice. Je n'ai pas eu l'avantage d'entendre les observations
du ministre de la Justice et de mes collègues de ce côté-ci
de la Chambre observations qui ont été faites hier lors du
débat par le ministre de la Justice et par mes collègues de ce
côté-ci de la Chambre.
J'ai cependant lu les reportages qui ont été faits quant
à leurs interventions dans les journaux. A la lumière de ce
qu'ils ont dit, je voudrais m'exprlmer en faveur du projet de loi,
malgré que j'admette une part de validité à
l'argumentation qu'ils ont présentée. Cependant, je pense que les
arguments en faveur de l'augmentation doivent prévaloir sur les
arguments qui ont été soumis.
M. le Président, pour la préparation de mon discours, Je
me suis rendu à la bibliothèque de l'Assemblée nationale
et j'en ai retiré un livre qui s'intitule « Lettre ouverte
à la Justice », par Maurice Garçon, ancien bâtonnier
de Paris et membre de l'Académie française. Je voudrais commencer
mes observations avec une citation de ce livre, à la page 114, qui me
semble situer le débat à l'endroit où il doit être:
« Nonobstant ces servitudes qui sont faites surtout pour les
protéger et assurer leur indépendance, les magistrats exercent
une fonction magnifique, la plus belle peut-être dans la
société, puisque c'est d'eux que dépendent la paix et
l'ordre social. Arbitres souverains chargés d'assurer la protection des
corps et des esprits, garantissant la liberté individuelle et n'y
portant atteinte que pour l'intérêt de la société
dans des cas strictement prévus par la loi, conciliant la liberté
de l'homme avec les nécessités de l'ordre social et de la vie
collective, arbitrant tous les conflits, protégés par leur
indépendance aussi bien au regard des sollicitations du pouvoir que des
intrigues des particuliers ou des groupes, ils peuvent être fiers des
fonctions qu'ils occupent, il leur faut parfois du courage, mais ils n'en
manquent pas et c'est sur leur courage et leur indépendance que repose
leur prestige ». Et, si je peux me permettre d'ajouter; que repose
l'ordre dans la société.
Par conséquent, lorsque nous parlons des revenus des juges et des
traitements qui doivent leur être versés je pense, quand
même, qu'il faut se reporter à l'institution de la magistrature.
Je crois que, si nous voulons avoir une magistrature qui soit conforme à
l'Idéal prescrit par Me Garçon, dans la citation que je viens de
lire, il est particulièrement important d'assurer leur
indépendance matérielle qui seule peut être la garantie de
leur indépendance morale dans l'accomplissement de leurs fonctions qui
requiert avant tout une impartialité et une liberté totale sur le
plan intellectuel, face aux parties qui se présentent devant eux.
Par conséquent, sur la plan de l'indépendance de la
magistrature, il est nécessaire de leur accorder un traitement conforme
à l'importance de la fonction qu'ils accomplissent dans la
société. Il est nécessaire, également, de pourvoir
au recrutement des meilleurs éléments qui peuvent entrer dans
cette activité si fondamentale pour la préservation de l'ordre
social. On nous a mentionné, à la Chambre, des listes d'attente
d'avocats qui postuleraient le poste de juge. Je ne pense pas que l'on doive
être nécessairement impressionné par ce désir d'un
grand nombre d'avocats d'occuper la fonction de juge, car ce ne sont pas tous
ceux qui postulent qui sont qualifiés ou qui mériteraient
d'être nommés à cette haute fonction. Il est
nécessaire, pour assurer le recrutement des meilleurs juristes, de ceux
qui ont acquis la meilleure réputation dans l'exercice de leur
profession, de donner un traitement matériel qui soit conforme à
la responsabilité dont sont chargés les magistrats et,
jusqu'à un certain point, à l'importance du rôle qu'ils
jouent dans la société. Par conséquent, lorsque nous
parlons du traitement des magistrats, nous pouvons évidemment tomber
dans des aspects assez mesquins de la question.
Je crois quand même qu'il faut situer le débat à un
niveau un peu plus élevé que celui-là et voir
jusqu'à quel point cette institution de la magistrature est importante
pour toute la société.
A ce sujet et malgré les critiques qui ont été
formulées dans le passé quant aux méthodes de nomination
des juges, il faut quand même admettre que le Québec peut
être fier, à tous les niveaux de l'administration de la justice,
de la compétence et de l'Impartialité de ses juges. Je sais que
certains d'entre eux n'échappent pas à la critique et je sais
qu'à l'occasion, dans certaines manifestations publiques ou politiques,
on a pu critiquer certains juges. Mais, malgré tout, je ne connais pas,
dans le Québec, beaucoup de gens qui diraient sérieusement que la
magistrature n'est pas à la hauteur de ses fonctions.
Par conséquent, si nous voulons garder cette pierre angulaire de
tout l'ordre social qui est une magistrature compétente et
intègre, il est nécessaire, compte tenu de l'ensemble de la
situation, de lui accorder le traitement qui est conforme à ses
responsabilités et à l'importance de sa fonction.
Maintenant, si je compare le traitement qui sera accordé aux
magistrats en vertu du projet de loi, soit $28,000 par année, à
celui de fonctions qui me paraissent comparables dans la société
comme, par exemple, celles de sous-ministres ou encore de directeurs
d'entreprises importantes ou enfin d'autres fonctions du même ordre qui
requièrent des qualités intellectuelles semblables à
celles que doivent posséder nos juges, je ne peux pas dire que le
trai-
tement de $28,000 proposé soit si excessif et constitue une
situation de laveur qui serait faite à la magistrature. Par
conséquent, je trouve que le traitement, même s'il est, en somme,
je dois l'admettre, assez généreux, compte tenu de la situation
des finances publiques, est conforme à ce qui s'accorde
généralement à des fonctions qui requièrent la
même compétence intellectuelle que celles qui sont requises des
magistrats.
Il ne faut pas oublier, et je termine ces observations d'ordre
général, que la fonction judiciaire, celle de magistrat, ne
touche pas seulement à des biens matériels, elle ne sert pas
seulement à trancher des conflits d'intérêt. Et à ce
sujet, j'ai noté avec satisfaction que le ministre de la Justice a
augmenté la compétence de la cour de Magistrat ou de la cour
Provinciale à $3,000 de façon à libérer la
tâche des juges de la cour Supérieure qui, en
général, sont écrasés par le nombre des causes. Par
conséquent, on a augmenté la quantité de travail des juges
de la cour de Magistrat et on a également augmenté leurs
responsabilités. Mais la responsabilité de la cour Provinciale
dépasse souvent l'adjudication de jugements dans des causes de $3,000
parce que l'on sait qu'elle a une juridiction très étendue dans
d'autres domaines, par exemple, dans le domaine scolaire, dans le domaine
municipal, dans le domaine des contestations d'élections et j'en passe.
Par conséquent, la compétence de la cour Provinciale, à
l'heure actuelle, se compare passablement à celle de la cour
Supérieure. Je parle toujours au point de vue des conflits qui mettent
en jeu des intérêts matériels.
Mais il y a plus. C'est que l'augmentation proposée irait aux
juges de la cour des Sessions de la paix. On sait jusqu'à quel point la
tâche des juges de la cour des Sessions de la paix est souvent difficile
parce qu'ils ont à trancher dans la vie, dans la liberté des
citoyens, et que c'est une responsabilité extrêmement lourde qui
pèse sur leurs épaules. Je mentionnais tout à l'heure les
juges de la cour Provinciale, mais les juges de district siègent dans
les deux genres de causes, à la fois des causes simplement civiles et
des causes pénales. Par conséquent, ils ont à la fois le
poids de décider des conflits d'intérêt et toujours de ces
causes difficiles en droit qui mettent en jeu la liberté des gens.
Que dire également de la fonction des juges de la cour du
Bien-Etre social qui, eux, ont en particulier la responsabilité des
enfants et des familles et on sait jusqu'à quel point, dans les
conditions sociales où ils vont à l'heure actuelle, l'importance
de la fonction dont ils s'acquittent dans ce domaine.
Par conséquent, je ne peux pas considérer, malgré
que j'admets que le geste est généreux, à tout prendre
qu'il est excessif. Et je crois, pour revenir à ce que je disais au
début de mes observations, que la magistrature et l'administration de la
justice sont une valeur tellement fondamentale dans la société
que le législateur ne doit pas lésiner dans ce domaine-là
et contraindre les juges dans une situation qui leur rendrait la vie impossible
au plan matériel et qui leur enlèverait peut-être
l'indépendance morale dont ils ont besoin pour exercer leurs
fonctions.
Quoi qu'il en soit, M. le Président, j'ai noté que des
collègues de la Chambre, et même le ministre de la Justice, y sont
allés d'observations assez vigoureuses à l'égard de
certains magistrats. S'il est vrai que l'ensemble de la magistrature s'acquitte
très honorablement de ses fonctions, il n'y a pas de doute que des juges
ont été portés et c'est parfaitement humain
à prendre quelques libertés, je pense, avec leurs fonctions. Non
pas sur le plan de l'intégrité, mais c'est un fait connu que
certains magistrats recherchent les mandats extérieurs à leurs
fonctions judiciaires, particulièrement dans le domaine du travail
où il est vrai que leur impartialité est demandée par les
parties à la fois patronale et syndicale parce qu'on a confiance dans
leur jugement et leur impartialité. Mais, en somme, cet état de
choses, cette demande, n'est-ce pas, du monde du travail, en quelque sorte a
constitué une pression sur ces magistrats de venir siéger dans
ces causes du travail et de délaisser leurs fonctions judiciaires.
J'ajouterai que même le pouvoir exécutif, même le
gouvernement depuis longtemps est celui qui invite lui-même les juges
à délaisser leurs fonctions judiciaires, il est connu que lorsque
le gouvernement, quel qu'il soit, a une commission importante à faire
siéger sur un problème mettant en jeu une question de fait et de
droit complexe, il fait appel aux magistrats. C'est un fait qu'on donne,
à ce moment-là, une rémunération additionnelle aux
juges qui siègent à ces commissions, rémunération
qui est en général de $100 par jour.
Par conséquent, ces magistrats reçoivent à la fois
leur traitement de juge et en plus une rémunération de $100 par
jour qui leur vient du gouvernement. Donc, ils sont payés en double et
ils ne s'acquittent pas de leurs fonctions judiciaires. Ce sont leurs
collègues qui sont appelés, à ce moment-là,
à les remplacer au tribunal.
Voilà une situation qui n'est pas normale. Je ne pense pas que ce
soit la responsabilité
des juges. Je pense que c'est le système qui est en faute, et
c'est le système qu'il faut corriger. Il faut que les juges s'habituent
à vivre avec le traitement qui leur sera donné et à
s'acquitter non seulement de leurs fonctions judiciaires au tribunal, mais
également des fonctions extrajudiciaires qui peuvent leur être
confiées à l'occasion dans l'intérêt de la
société lorsqu'il s'agit de siéger à des
commissions d'enquête quelconques qui sont, évidemment,
inévitables. Je crois qu'il faut que les juges considèrent qu'il
s'agit là, en quelque sorte, de leurs fonctions judiciaires ou d'un
prolongement de leurs fonctions judiciaires et qu'ils n'ont pas droit d'exiger
des honoraires additionnels à leur traitement et d'imposer une surcharge
de travail à leurs collègues.
Je pense que le ministre de la Justice est assez sympatique à ce
point de vue. Peut-être même qu'il l'a exposé à la
Chambre. Je ne veux pas prévenir, en somme, ce qu'il dira sur ce sujet,
mais il pourrait peut-être dire à la Chambre combien cela a
coûté dans le passé, ces montants additionnels payés
àdes juges siégeant à des commissions. Si on adoptait un
amendement pour remédier à cet état de chose... je dis
immédiatement, et je le répète, que ce ne sont pas les
juges personnellement qui sont responsables, c'est le système qui a
grandi de cette façon-là. Mais nous en sommes peut-être au
stade, à ce moment-ci, de corriger cette façon de faire afin que
les juges soient occupés à leurs fonctions judiciaires et ne
soient pas à la recherche de revenus additionnels au revenu qui leur
appartient comme juges.
Un autre point que je voudrais soulever, c'est que dans le Québec
je pense que ceci dure depuis très longtemps et fait partie, en
quelque sorte, de notre tradition dans ce do-maine-là.
Les tribunaux commencent à siéger à 10 heures et 10
h 30 de la matinée, ajournent à 12 h 30, reprennent les
séances à 12 h 30 de l'après-midi et souvent ajournent
à 14 h 30 de l'après-midi. Evidemment, je sais qu'il y a des
juges qui sont des bourreaux de travail et qui commencent leur fonction
tôt le matin et vont cela fait rire le député de
Fabre? prolonger les séances très tard. Mais, je
considère que cette journée est insuffisante et qu'il faudrait
instaurer le système qui prévaut aux Etats-Unis,
c'est-à-dire que les juges commencent à siéger à 9
heures le matin et siègent jusqu'à 5 heures de
l'après-midi. A ce moment-là, évidemment, les avocats ne
pourront pas faire la préparation de leur cause dans le couloir avant
l'audition de la cause le matin et ils s'habitueront à préparer
leur cause la veille. Peut-être que leur cause sera mieux
préparée dans ces conditions-là et que la justice sera
plus expéditive. Alors, je pense que le ministre de la Justice, à
ce point de vue-là, pourrait prévaloir sur les juges en chef des
cours, la cour provinciale, comme la cour des Sessions et la cour
Supérieure, et on devrait adopter un horaire beaucoup plus moderne que
celui qui prévaut actuellement dans l'administration de la justice. Je
crois qu'à ce point de vue-là on aura contribué à
l'accélération des auditions, on aura permis que les cours
règlent plus de causes que celles qui existent actuellement et on aura
réduit les délais judiciaires. C'est tout ce que j'avais à
dire sur ce projet.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): L'honorable député
de Fabre.
M. Gilles Houde
M. HOUDE: M. le Président, je voudrais, d'abord pour satisfaire,
peut-être, la curiosité de mon collègue, le
député d'Outremont, lui dire que ce n'était pas moi qui
riais tantôt, mais un groupe ici. J'ai l'impression que ceux qui
s'acharnent à défendre la question des traitements dans cette loi
se sentent presque obligés d'admettre et d'essayer de nous faire pleurer
en disant, par exemple: Eh bien oui, nous connaissons des juges qui travaillent
cinq jours par semaine. Comme si c'était quelque chose d'extraordinaire
que quelqu'un dans la vie travaille cinq jours par semaine. Nous nous sentons
presque obligés de nous dire également, comme d'autres
collègues l'ont dit hier, que nous en connaissons qui négligent
tantôt leur famille et qui tantôt travaillent le soir, comme si,
également, c'était quelque chose de tout à fait
exceptionnel, de dépassé les heures de son travail ou de son
contrat.
Je ne veux pas critiquer les juges, je n'ai jamais eu affaire à
eux personnellement, je ne sou-halte pas particulièrement non plus avoir
affaire aux juges un de ces jours. Je sais que ce sont des gens très
importants, que nous leur devons beaucoup de respect et que nous devons surtout
leur faciliter les conditions de travail, bien sûr.
D'autre part, il serait superflu, quant à moi, d'ajouter
tellement de choses à ce qui a été dit, en particulier par
mon collègue, le député de Bourassa. Je pense que le
gouvernement a peut-être mal choisi l'occasion et je pense
également qu'on a l'impression dans cette Chambre de discuter à
savoir si, oui ou non, on va donner une augmentation partant de $7,000, $8,000,
$9,000 ou $10,000. On semble oublier qu'on joue quand même dans les
$23,000 et plus; on ne joue pas
dans les $6,000 ou $7,000, avec une augmentation de $3,000 ou $4,000. On
part déjà d'assez haut. En ce qui me concerne, c'est une question
de degré. Comme cela a été dit auparavant, je pense bien
qu'actuellement, puisque tout le monde le gouvernement en tête,
à peu près à l'unanimité dans le monde des
affaires, dans le monde de l'industrie et du commerce prêche
l'austérité. Je pense, quant à moi, quand on connaît
en tout cas ceux qui vivent dans des quartiers comme là où nous
vivons, étant donné le chômage, étant donné
les difficultés pour nos finissants de CEGEP et même nos
finissants au niveau universitaire de se trouver de l'emploi, je pense que le
temps est mal choisi, mal venu, actuellement, d'accorder une augmentation de
salaire, non pas à un ou deux juges. Tantôt un
député du gouvernement citait des exemples de hauts
fonctionnaires de la ville de Montréal; bien sûr, on peut nommer
trois, quatre ou cinq personnes, mais ici, à ce que j'ai compris, il
s'agit de quelques centaines d'augmentations de salaire, et cela
représente quand même des chiffres assez considérables.
Je termine tout simplement en demandant, en tout cas, au gouvernement,
et cela a été fait dans d'autres cas, je ne vois pas pourquoi
puisqu'on l'a fait dans d'autres cas pour des lois quand même tout
aussi importantes que la loi qui est devant nous on ne puisse pas
retarder à une autre session; peut-être que d'ici ce
temps-là, l'essor économique du Québec, avec les
politiques du ministère de l'Industrie et du Commerce que nous
apprendrons très bientôt, va s'améliorer.
A ce moment-là, si la loi est reportée à six mois,
à un an, je pense bien qu'à ce moment-là, selon le
contexte de l'actualité, nous pourrions changer d'opinion et voter avec
grand plaisir cette augmentation aux juges. D'ici ce temps-là, je
partage l'opinion d'autres collègues. Que les juges fassent comme tout
le monde, se serrent un peu la ceinture, continuent de travailler de neuf
heures à cinq heures et nous en serons tous plus contents, plus heureux.
Et lorsque, un jour, arrivera leur augmentation de salaire, eh bien, eux aussi
l'auront au moins méritée doublement, peut-être. Ils en
seront très fiers. Quant à moi, s'il y a vote, je voterai contre
ce projet de loi, actuellement.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Je dois signaler à la
Chambre que l'intervention de l'honorable ministre de la Justice mettra fin au
débat de deuxième lecture.
M. Rémi Paul
M. PAUL: M. le Président, je voudrais d'abord remercier tous ceux
qui ont participé au débat. Je ne partage pas
nécessairement leur opinion, mais j'ai l'intention de répondre
aux remarques de tous et chacun d'une façon au moins sommaire.
L'honorable député de Richmond a été le
premier à se lever pour parler du problème de l'augmentation de
salaire, pour Invoquer que la période était peut-être mal
choisie, au lendemain de l'adoption d'un projet de loi portant le numéro
26, où on avait discuté de la Loi de l'aide sociale.
Je dis que le moment était bien choisi. Plus tard, dans le cours
de ma réplique, j'ai bien l'intention de justifier la législation
qu'il me fait plaisir de présenter et de soutenir, avec des arguments
qui ne pourront peut-être pas convaincre spécialement l'honorable
député de Bourassa et l'honorable député de Fabre,
mais qui, j'en suis sûr, pourront peut-être, chez beaucoup
d'autres, trouver une réponse à des points d'interrogation qu'ils
se posent.
L'honorable député de Richmond a soulevé une
opinion quant à la partisanerie politique dans la nomination ou dans la
façon de procéder pour la nomination des juges. Je dois dire que,
comme l'avait fait l'honorable premier ministre, et peut-être, d'une
façon plus accentuée, parce que je n'ai pas, en même temps
que la responsabilité du ministère de la Justice, celle
très lourde d'être premier ministre de la province, j'ai
donné un accent à cette façon de procéder qui est
la même que celle adoptée par le gouvernement
fédéral quant au choix des juges, à qui le gouvernement
veut faire confiance dans l'administration de la justice.
Voici comment la chose se fait. Tout d'abord, je n'ai jamais mis de
côté une demande de la part d'un confrère ou une
recommandation faite en faveur d'un confrère qui semblerait
intéressé à la magistrature. Tous, sans exception, ont vu
leurs noms dirigés au Barreau pour qu'une enquête soit faite, il y
a quelqu'un de désigné au Barreau. On me permettra de taire son
nom, afin de le mettre à l'abri de blendes pressions. Je ne sais trop
qui, dans le cours des remarques, je crois que c'est l'honorable
député de Drummond, je ne suis pas trop, trop certain
disait que ceux qui veulent le plus être nommés juges ne sont pas
nécessairement les mieux qualifiés. Je dis, en passant, que
depuis environ dix jours, j'ai reçu dix-sept lettres de recommandation
en faveur du même avocat. Ayant pratiqué 22 ans le droit, ayant eu
l'avantage d'aller assez
souvent à Montréal, je suis obligé de confesser que
mes humbles activités judiciaires ne m'ont pas permis d'entrer en
relations d'affaires avec cette haute compétence que l'on porte à
mon attention.
Je dis qu'une fois les noms dirigés à M. X. au Barreau, M.
X se charge, quand il s'agit de la nomination d'un juge au provincial, de
demander à six confrères, répartis dans six milieux
différents du Québec, de tenir une enquête quant à
la valeur de cet avocat, son expérience, sa réputation. Ce
confrère à qui cette demande est présentée va
également prendre les moyens nécessaires pour obtenir les
informations du milieu ou d'autres confrères de la profession qui
auraient eu l'occasion d'entrer en relations d'affaires et professionnelles
avec lui.
Une fois tous ces renseignements transmis à M. X, M. X nous
transmet l'opinion et les recommandations qui s'imposent.
M. LAFRANCE: Le ministre me permettrait-il une question?
M. PAUL: Oui.
M. LAFRANCE: M. X est désigné par qui, choisi par qui?
M. PAUL: Par le Barreau, composé de 25 personnes, 25
confrères qui sont nommés en tant que bâtonnier dans des
districts, d'anciens bâtonniers et autres. Le ministère de la
Justice ne choisit pas celui à qui on demande de mettre en marche le
mécanisme de surveillance et d'enquête nécessaire.
Alors, voilà ce que j'avais l'intention de dire en réponse
aux remarques de l'honorable député de Richmond.
L'honorable député de Matane y est allé d'une
remarque qui a retenu mon attention, lorsqu'il a dit: Aucun recul n'est permis,
aucun retard ne doit être admis.
On a signalé, M. le Président, qu'en vertu d'un autre
projet de loi, la juridiction de la cour Provinciale sera porté de
$1,000 à $3,000. Ceci dégagera les rôles de la cour
Supérieure d'environ 20% à 25% des causes actuellement inscrites.
Pour savoir le volume des opérations légales qui se transigent ou
qui se font devant les tribunaux de la cour Provinciale, qu'il me soit permis
de dire qu'ici, à Québec, dans le district de Québec, il
se prend quotidiennement huit actions devant la cour Provinciale contre une
devant la cour Supérieure. On prétend qu'avec cette juridiction
accrue à l'en- droit de la cour Provinciale, nous aurons un rythme ou
une proportion de dix contre 1.
L'honorable député de Matane y est allé de quelques
suggestions. Tout d'abord, pouvoir disciplinaire et d'autorité au juge
en chef. Je voudrais profiter de cette occasion pour informer la Chambre que
j'ai déjà, depuis environ un mois, avec les officiers
supérieurs de mon ministère, travaillé à une
législation possible, que nous présenterons lors de la prochaine
session, aux fins de donner au juge en chef une autorité même
disciplinaire, afin qu'il puisse avoir l'autorité nécessaire pour
imposer et donner des directives aux juges pufnés, afin que
l'administration de la justice se fasse là où le besoin est le
plus urgent et de manière que cette justice devienne de plus en plus
ex-péditive.
L'honorable député de Matane a cependant soulevé un
point auquel je ne peux pas souscrire. C'est lorsqu'il a parlé de cet
avantage que nous aurions de laisser les juges de la cour Provinciale
n'administrer que le droit civil et les juges de la cour des Sessions de la
paix que le droit criminel et le droit pénal.
Or, il arrive que dans au moins deux grandes régions de notre
province, soit la région de la Gaspésie et la région de
l'Abitibi, il est impensable que nous puissions faire nommer deux juges pour
exercer la Justice. Par exemple, pour le bas du fleuve, à Chandler, aux
Iles-de-la-Madeleine, à Percé et à Gaspé. C'est
impensable que nous ayons deux juges pour faire la rotation.
Le même problème se présente en Abitibi. L'honorable
député a parlé de certains amendements qui devraient
être apportés à l'article 73. Je veux dire
immédiatement à la Chambre, pour disposer du fameux
problème des arbitrages, que les juges, à l'avenir, ne pourront
plus faire de l'arbitrage. S'ils en font, ils le feront gratuitement. Je
m'excuse d'avoir été, peut-être, responsable de toutes ces
critiques ou, du moins, d'une partie des critiques adressées à
l'endroit de nos Juges, en omettant de vous Informer, en deuxième
lecture, de cet amendement que nous nous proposions de présenter.
Je crois qu'il n'est pas prévu, à cette période de
la discussion, que nous entrions dans le coeur de l'amendement. Par cet
amendement j'en ai fait parvenir quelques copies à mes honorables
amis d'en face je crois que nous allons répondre à un
besoin et à une certaine inquiétude qui s'emparait de
collègues de cette Chambre. L'honorable député de
Bourassa, je regrette qu'il ne soit pas ici...
Je sais que le mot « démagogie » n'est pas
parlementaire ou, du moins, qu'il est susceptible de débat. Je ne
l'emploierai pas, mais je dirai que l'honorable député de
Bourassa nous a montré une nouvelle personnalité.
M. HOUDE: Il est là. Il arrive. M. PROULX: Il arrive.
M. PAUL: L'honorable député nous a, d'abord, dit que les
juges ne travaillaient pas beaucoup. Cela se comprend, car, quand on ne
connaît pas le métier, on ne peut pas porter de jugement sain.
L'honorable député a oublié que nos juges doivent passer
et j'en connais plusieurs la journée du samedi et
même la journée du dimanche à préparer leurs causes,
soucieux qu'ils sont de résoudre un problème juridique et sachant
que la décision qu'ils sont appelés à rendre aura des
répercussions dans beaucoup de domaines.
Ce n'est pas surtout de ce côté-là que
l'argumentation de l'honorable député m'a frappé. Ce n'est
pas, non plus, lorsqu'il a soulevé le problème de la
pauvreté qui peut exister dans son comté. J'espère qu'il
n'ira pas jusqu'à prétendre que nous finirons par avoir
l'égalité des classes, un jour, dans le Québec.
DES VOIX: Ah! Ah!
M. TREMBLAY (Bourassa): Ah! C'est bien cela!
M. PAUL: L'honorable député a même oublié que
nos juges, avant d'accéder à la magistrature, avaient des revenus
qui étaient de l'ordre de $25,000, $30,000 et $40,000. Que l'on fasse
$20,000, $30,000 et $40,000 dans l'exercice de la profession de droit ou
à vendre des pneus, il n'y a rien de mal.
M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, j'interviens. Je vends
des pneus, mais je n'ai pas attaqué les avocats. On parle des avocats.
Hier, je n'ai pas attaqué les avocats; je n'ai pas attaqué les
juges dans leur fonction. Je n'ai pas dit que les avocats gagnaient de $30,000
à $45,000 par année. Cela m'importe peu. S'ils travaillent pour,
je suis très fier qu'ils les gagnent. J'ai dit qu'à cette
période-ci, vu les problèmes économiques et financiers de
la province, nous ne devons pas, comme administrateurs de la province, accepter
ce bill.
Je n'ai blessé personne, je n'ai sali personne. Je vends des
pneus et je peux dire au ministre que, si je lui vendais des pneus, il pourrait
être sûr qu'il n'aurait pas d'accident à cause de ses
pneus.
UNE VOIX: A l'ordre!
M. PAUL: Je suis heureux d'apprendre que l'honorable
député vend des pneus.
M. TREMBLAY (Bourassa): Je viens de le dire! Le petit avocat de campagne
qui recommence.
M. PAUL: Je ne l'avais appris que par ou'i-dire, ce n'était pas
une preuve légale, mais là...
M. PROULX: Voyons donc!
M. PAUL: Là j'ai un aveu judiciaire.
M. TREMBLAY (Bourassa): Vous sauvez votre vie.
M. PROULX: Pas fort, pas fort.
M. PAUL: Alors l'honorable député, dans sa grande
théorie de la lutte contre la pauvreté, ira sans doute
jusqu'à partager, avec les pauvres de son comté, les profits
qu'il réalisera dans l'exercice de son commerce, car il a
déjà un revenu de $18,000 comme député?
M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, j'invoque le
règlement de la Chambre ou mon privilège de député.
Je vends des pneus, et c'est clair que je ne partagerai pas les profits de la
vente de mes pneus. C'est clair! Seulement il y a une chose, la
différence entre moi, un juge et un ministre, c'est que je fais vivre
quinze personnes ici dans la province. Comprenez-vous? Et puis ils sont
très bien payés. Alors je vois très mal un ministre
s'abaisser et parler dans cette Chambre d'un député qui a un
commerce. Je le vois très mal s'abaisser à ce
point-là.
M. PAUL: M. le Président, non, l'honorable député,
je le comprends, je m'explique pourquoi il n'a pas compris mon
argumentation.
M. TREMBLAY (Bourassa): Vous comprenez tout ça, vous?
M. PAUL: La plupart des collègues ici ont des revenus dans
l'exercice d'un commerce, d'une profession. Est-ce qu'il y a du mal à
ça? Absolument pas. Mais il y a une chose qui est certaine, c'est que le
juge, lui, une fois nommé, ne peut plus avoir qu'un revenu, son
épouse ne peut pas être ambassadrice ou en charge du pavillon
d'Osaka.
M. TREMBLAY (Bourassa): Le petit avocat de campagne qui est parvenu
à être ministre!
M. PAUL: Je dis, M. le Président,...
UNE VOIX: A l'ordre!
M. PAUL: Je dis, M. le Président que...
UNE VOIX: Le petit avocat de campagne qui est parvenu...
M. PAUL: Je dis, M. le Président, que les épouses des
juges ne peuvent pas avoir de revenu, tandis que les épouses de
plusieurs députés en cette Chambre ont des revenus additionnels,
quand ce n'est pas le député lui-même qui en a. C'est
ça que je dis. Lorsque l'honorable député
s'élève contre cette augmentation donnée aux juges, je
crois qu'il doit analyser, dans le contexte, les raisons, et surtout bien
étudier les remarques qui ont été faites par celui qui l'a
suivi, l'honorable député des Iles-de-la-Madeleine, qui nous a
mentionné que l'on devait donner la sécurité
matérielle. L'honorable député d'Outremont, et d'autres,
également, nous ont rappelé qu'on devait donner la
sécurité matérielle à nos juges afin qu'ils soient
à l'abri de toutes tentations, afin qu'ils soient à l'abri de
toutes invitations d'accepter des honoraires autres que ceux que leur accorde
la loi dans l'exercice de leur fonction de juge.
Je dis que l'honorable député des Iles-de-la-Madeleine a
été d'une honnêteté intellectuelle vraiment
remarquable.
M. TREMBLAY (Bourassa): MM. les juges et les avocats...
UNE VOIX: A l'ordre!
M. PAUL: Je comprends, M. le Président, que certaines gens sont
même gênées par l'exercice de l'autorité que peuvent
exercer aujourd'hui nos juges dans notre société si vivement
contestée.
L'honorable député de Gouin nous a fait une suggestion qui
n'est pas acceptable. L'honorable député de Gouin nous a
suggéré de nommer 50 juges additionnels ou environ et
d'éviter de donner une augmentation de salaire à ceux qui
occupent déjà ces fonctions. Je dirai qu'un juge me faisait
parvenir sa démission il y a trois Jours. Sept juges m'ont
signalé leur intention de tenir la même conduite. Pourquoi? Parce
qu'ils ont vite réalisé que, de plus en plus, les avocats
deviennent des experts ou des spécialistes dans une branche
donnée du droit et que leur rémunération serait beaucoup
plus intéressante, en retournant àl'exercicede la profession
d'avocat plutôt que de continuer de siéger dans l'une ou l'autre
de nos cours. C'est tellement vrai que j'essaie actuellement
d'améliorer, d'augmenter le nombre des avocats experts que le
ministère de la Justice pourrait engager dans le domaine de la faillite.
Je vois l'honorable député d'Outremont surtout, l'honorable
député de Saint-Louis, qui savent le revenu que se font les
avocats dans cette spécialité de notre droit aujourd'hui et qui
dépassent largement et rapidement les revenus que nous serons
appelés à payer à" nos juges de la cour Provinciale, des
Sessions de la paix ou du Bien-Etre. Il ne faut pas oublier non plus que nos
juges sans responsabilité de famille devront, comme tout autre citoyen,
payer leur impôt, qui sera de l'ordre d'environ $8,000 à $10,000
je dis comme tout autre citoyen mais avec des
responsabilités très lourdes aujourd'hui. Je ne vois pas pourquoi
nous accepterions cette recommandation ou cette suggestion du
député de Gouin, qui ne réglerait aucunement le
problème avec lequel nous sommes actuellement aux prises.
L'honorable député de Deux-Montagnes à
également exprimé des remarques. Il mentionnait que, pour la
sécurité de tous les justiciables du Québec, nous ne
devions pas craindre de donner à nos juges une
rémunération adéquate aux responsabilités qu'ils
assument.
L'honorable député de Marguerite-Bourgeoys s'est permis de
différer considérablement d'opinion avec l'honorable
député de Bourassa. Elle-même n'a pas hésité
à se prononcer en faveur du présent projet de loi.
L'honorable député d'Abitibi-Ouest a soulevé un
problème très intéressant. C'est celui de
l'activité de nos juges en dehors de celle qui devrait leur être
exclusive, soit le rôle joué par nos juges en tant qu'arbitre dans
des griefs syndicaux.
Je dis que trop de nos juges, parce qu'ils recevaient une
rémunération c'est humain, je ne le leur reproche pas
acceptaient beaucoup trop d'arbitrages au détriment de
l'administration normale de la justice et de l'exécution des
tâches qui devaient leur être assignées et
confiées.
Je dis, M. le Président, que nos juges pourront très
rarement continuer à faire de l'arbitrage, mais qu'ils devront le faire
gratuitement. Cependant, dans un amendement que nous étudierons, nous
verrons que le lieutenant-gouverneur en conseil peut confier un mandat
particulier à un juge, à des conditions qu'il détermine.
L'amendement principal que nous avons, c'est qu'en principe et surtout en
pratique, tout juge
qui voudra faire de l'arbitrage devra demander préalablement au
procureur général la permission de le faire et l'autorisation
devra lui être donnée par écrit par le juge en chef.
M. le Président, quelles vont être les conséquences?
C'est que nous n'aurons plus de remises de causes aussi nombreuses que celles
que nous connaissons, parce que des districts judiciaires ont des rôles
débordés. Parce que le juge ne peut pas disposer de plus d'une
journée, de nombreux témoins sont retournés chez eux; des
frais de transport et autres doivent être assumés par les parties
privées ou par la couronne. Cet ordre que nous allons tenter de mettre
dans l'administration de la justice va présenter une économie
très appréciable pour la province.
L'honorable député d'Outremont m'a posé une
question aux fins de connaître quel était le montant exact que le
gouvernement avait pu payer en arbitrages, de toutes sortes. Malheureusement,
il ne m'est pas possible de lui répondre dans le sens
désiré. Il y aune chose, cependant, c'est que, si nous voulons
dégager cet engouffrement que nous avons dans l'administration de la
justice, nous devons agir dès maintenant. Et ceux-là qui nous
reprochent d'agir immédiatement, je crois qu'ils n'ont pas
analysé toute la portée du problème. Je n'ai pas eu peur
et le gouvernement n'a pas eu peur, dans des conditions difficiles, nous
l'admettons, de prendre ses responsabilités. Ce qui presse, c'est de
tâcher de donner à la population québécoise une
justice expéditive dont nous avons besoin aux fins de maintenir l'ordre,
la justice et la paix dans notre société
québécoise.
Certaines gens diront: Mais, cela n'a pas de sens, $5,000
d'augmentations de salaire ! Je vous dis que les juges qui se
spécialisaient dans les arbitrages vont être
pénalisés par notre législation, par l'article 73. Par
conséquent, il devenait normal de les dédommager en quelque
façon. Il s'agissait également de faire un certain rattrapage
à l'endroit de ceux qui n'avaient pas eu le privilège
d'être choisis comme arbitres depuis peut-être dix, quinze ou vingt
ans.
De cette façon, nous pourrons peut-être garder tous les
juges que nous avons actuellement et tâcher d'effectuer un recrutement de
juges qui soit à l'avantage de l'administration de la justice dans le
Québec.
M. le Président, l'honorable de d'Arcy-Mc-Gee a été
un de ceux qui n'étaient ni pour ni contre, mais il a dit que,
finalement, il se prononcerait pour et il a reproché au gouvernement
d'aller immédiatement dans cette législation. Je vous donne les
raisons; il fallait commencer par mettre de l'ordre, il fallait
également intéresser les juges et leur faire comprendre qu'ils
doivent assumer leurs responsabilités. Comme je le disais hier, lorsque
nous aurons affaire, malheureusement, si cela se présente à des
juges qui ne veulent pas assumer leurs responsabilités, le ministre de
la Justice ne craindra pas d'assumer les siennes et de prendre les
procédures appropriées et prévues par la loi pour que ces
juges soient invités poliment à redescendre de leur banc et
à retourner dans la pratique privée.
Je dis que tout le monde se plaint de la lenteur de la justice, ce n'est
pas dans six mois qu'il fallait agir, c'est dès maintenant. C'est
pourquoi nous avons présenté une loi qui apporte la
sécurité matérielle augmentée à nos juges.
Je sais qu'ils vont assumer la responsabilité qui est leur, afin qu'ils
réalisent immédiatement l'urgence qu'il y a à se rendre
disponibles davantage et qu'ils servent davantage et plus efficacement et
rapidement les justiciables du Québec.
M. le Président, l'honorable député de Saint-Louis
a dit que de nombreux juges étaient disposés à. faire de
l'arbitrage...
M. GOLDBLOOM: M. le Piésident, est-ce que le ministre me
permettrait une question?
M. PAUL: Certainement.
M. GOLDBLOOM: Est-ce qu'il a l'intention de commenter ce qui
était la partie vraiment importante de...
M. PAUL: La cour du Bien-Etre social. Je vais répondre
immédiatement à l'honorable député que,
déjà, j'ai commencé à envisager une réforme
de leur système judiciaire. Mais il faut tenir compte des dispositions
de l'article 96 de la constitution qui traite du tribunal de droit
administratif, mais disons que, s'il y a possibilité, nous allons
réformer nos tribunaux dans le Québec, nous allons
également nous pencher sur le problème. Personnellement, je me
demande si les agents sociaux remplissent réellement, devant nos cours
du Bien-Etre social la tâche qu'ils devraient accomplir. Il semble
manquer de communication, de dialogue entre le ministère de la Famille
et du Bien-Etre social, les agents sociaux, les cours du Bien-Etre social et le
ministère de la Justice.
Dès ce soir, j'avais l'occasion de rencontrer, à la maison
Montmorency, quelques juges, spécialement l'honorable juge en chef
Jean-Paul Lavallée, l'honorable juge Marguerite Choquet-te, qui sont
plongés dans le milieu. A l'occasion d'une rencontre que j'ai eue avec
eux, je leur ai
demandé les renseignements additionnels nécessaires pour
apporter cette réforme. L'honorable député a semblé
reprocher qu'il n'y avait pas de publicité au sujet des activités
qui se déroulaient devant la cour du Bien-Etre social. Je regrette,
mais, en vertu de la loi, on ne peut pas faire de publicité sur ce qui
se passe devant la cour du Bien-Etre social.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, j'invoque le règlement. Ce
n'est point ce que j'ai dit. J'ai dit...
M. PAUL: ... d'Informer le public. M. GOLDBLOOM: J'ai dit que... M.
PAUL: ... d'Informer le public...
M. GOLDBLOOM: J'ai dit que le personnel de cette cour est tellement
accaparé par ses responsabilités qu'il n'est pas en mesure
d'entrer en contact avec le public pour l'informer de ce qui se fait devant la
cour.
M. PAUL: Si par hasard, j'ai mal cité l'honorable
député, je m'en excuse. Je m'en excuse bien honnêtement.
Mais, ce que j'ai cru comprendre dans cette partie de ses remarques, c'est que
le public n'était pas assez informé. Malheureusement, le public
ne peut pas être Informé de ce qui se déroule devant les
cours de Bien-Etre social; mais là où le public devrait
être informé, c'est du rôle que joue et que doit continuer
à jouer la cour du Bien-Etre social et non pas de ce qui se passe
à la cour du Bien-Etre social.
M. GOLDBLOOM: C'est précisément ce que j'ai dit.
M. PAUL: M. le Président, l'honorable député de
Saint-Laurent, comme c'était son droit, s'est prononcé contre le
présent projet de loi, invoquant lui aussi la Loi de l'aide sociale.
Peut-être que si l'honorable député analyse, dans toutes
les conditions, le pourquoi de cette législation, peut-être que
l'honorable député revisera ses dires et son opinion pour
réaliser qu'il nous faut agir dès maintenant, pour toutes les
raisons qui ont été mentionnées par ceux-là qui
sont en faveur du projet de loi, et pour réaliser l'urgence qu'il y a
d'essayer d'expédier l'administration de la justice par des
compétences que nous ne pourrons pas aller chercher dans les conditions
actuelles.
Je dis que l'honorable député de Drummond nous a fait des
suggestions très intéressantes.
Pour ce qui a trait à certaines réformes pour le
recrutement de nos juges, je retiens la recommandation qu'il a faite de
demander à une chambre de nos juges d'analyser la valeur des candidats
qui pourraient être soumis à cette Chambre. Je puis dire qu'il ne
m'arrive jamais de recommander au lieutenant-gouverneur en conseil la
nomination d'un juge, sans consulter l'honorable juge en chef pour savoir s'il
l'a vu plaider, s'il le connaît, pour connaître son opinion, sans
que son opinion me lie. J'essaie d'avoir ce dialogue afin que nous ayons des
juges qui puissent remplir leurs fonctions à l'avantage de tous et pour
une meilleure justice, si possible dans le Québec. Je dis que tout ce
système de réforme judiciaire est actuellement à
l'étude à mon ministère. Peut-être verrons-nous,
à ce moment-là, à introduire un nouveau système de
consultation afin que la nomination de nos juges à la magistrature soit
complètement dégagée de tout ce qui pourrait la faire
interpréter comme une nomination politique.
Pour ce qui est du fonds de pension, un autre point soulevé par
l'honorable député de Drummond et qui permet à de nombreux
députés de s'interroger, je dis et je veux ici être
prudent qu'en aucune province, peut-être à l'exception
d'une ou de deux, les juges ne contribuent à leur propre fonds de
pension. C'est un système universel au Canada, de même que pour
nos juges de la cour Supérieure. Tous conviendront qu'il est assez
difficile qu'une province prenne l'initiative sans consultation avec les autres
provinces préalablement.
J'ai déjà discuté de cette question lors d'un
voyage que je faisais à Ottawa, les 3 et 4 novembre derniers, alors
qu'avec quelques collègues, ministres de la Justice des autres
provinces, nous avons envisagé cette possibilité de
présenter un jour une législation qui serait à peu
près uniforme dans tout le Canada pour que les juges puissent être
appelés à souscrire à leur propre fonds de pension.
Il se peut qu'il y ait une ou deux exceptions, mais je veux être
prudent sur ce point. C'est un peu la raison pour laquelle nous ne pourrons pas
nous rendre à la recommandation qui nous fut faite par l'honorable
député de Drummond.
Je dis qu'il faut fournir je rejoins l'argumentation
présentée par l'honorable député d'Outremont
une indépendance matérielle à nos juges afin de leur
assurer également une indépendance morale.
Comme je le disais, pour obtenir cette indépendance
matérielle de nos juges, il faut leur donner des émoluments qui
puissent, en quelque sorte, les intéresser d'abord à monter sur
le banc et également à y rester.
Je termine. Je sais que l'honorable député de Fabre a
également exprimé son idée quant au mauvais temps de la
présentation de cette législation. J'ai donné les raisons
pour lesquelles le gouvernement et surtout le ministre de la Justice avaient
l'impression qu'ils devaient agir dès maintenant. Je n'ai pas
été sans me poser les mêmes questions que tous les
honorables députés se sont posées. Mais en face de
l'impératif, en face de l'urgence, j'ai dû assumer ces
responsabilités.
Ce n'est pas toujours facile. Je sais que dans certains milieux, dans
certaines écoles de pensée on essaiera d'exploiter cette loi pour
je m'en garde, je ne prête aucunement ces motifs à aucun
député de cette Chambre accentuer davantage la lutte des
classes, ce qui serait regrettable. Vous pouvez être assuré, M. le
Président, que je présente cette législation conscient
qu'elle s'impose dans le meilleur intérêt de la justice et de tous
les justiciables du Québec. C'est pourquoi je propose l'adoption de la
deuxième lecture de cette loi.
M. LAFRANCE: M. le Président, avant que le ministre ne termine
ses remarques, voudrait-il informer la Chambre de ses intentions quant aux
amendements qu'il se propose de présenter afin de mieux éclairer
les députés pour voter en deuxième lecture?
M. LE SAGE: Demain.
M. PAUL: Je suis invité à dire qu'il est onze heures. Je
vais à regret être dans l'obligation de demander à
l'honorable député de retenir sa curiosité jusqu'à
demain. Mais d'un autre côté, pour qu'il puisse bien
méditer, il me fait plaisir de lui faire parvenir...
M. LE SAGE: Je n'ai aucune objection à ce que, avant que la
Chambre soit ajournée, le ministre...
M. PAUL: J'avais fini de toute façon.
M. LESAGE: ... réponde au député de Richmond.
M. LAFRANCE: C'est le seul amendement que le ministre va
présenter à la Chambre?
M. PAUL: II y a une exception cependant pour les juges et ce sera
à l'article 22 qui ont déjà accepté d'agir
comme arbitres. Il ne faut pas non plus mettre en panne de nombreux griefs.
M. LAFRANCE: Je suis assez éclairé.
M. PAUL: C'est pourquoi l'honorable député verra
qu'à l'article 22 il y a un proviso pour ces cas d'espèce, mais
qui ne se répéteront plus. L'honorable député lira
sans doute avec avantage ce qui est exprimé à la troisième
ligne de l'amendement projeté à l'article 5, paragraphe b)...
M. LESAGE: J'apprécierais cependant que le ministre de la Justice
propose l'ajournement du débat, ce qui nous donnera le temps de diriger
ces amendements.
M. PAUL: De toute façon, je crois que ce serait peut être
logique de retarder l'ordre d'adoption en deuxième lecture, parce que
moi, ayant usé mon droit de réplique, je ne peux
nécessairement pas encore parler demain, mais...
M. LESAGE: M. le Président, il nous dira ça demain, le
ministre!
M. PAUL: Je déclare, dès maintenant, que demain je dirai
que j'ai complété ma...
M. LESAGE: Eh bien, ce n'est pas cela. Je n'ai pas vu les amendements,
et il y a des amendements qui peuvent influencer les votes des
députés, il est passé il heures, et je crois qu'il serait
sage pour le ministre de demander l'ajournement du débat.
M. PAUL: M. le Président, je vais demander l'ajournement de ma
réplique jusqu'à demain matin à 10 h 30, alors que nous
compléterons l'étude de ce projet de loi pour ensuite nous
attaquer à l'étude du projet de loi de l'honorable ministre de
l'Industrie et du Commerce, le centre de recherches, pour ensuite
compléter, si possible, le bill 10.
Alors, je propose l'ajournement de la Chambre à demain matin, dix
heures trente.
M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain matin, dix heures
trente.
(Fin de la séance: 23 h 6)