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(Quinze heures cinq minutes)
M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Présentation de pétitions. Lecture et réception de
pétitions. Présentation de rapports de comités
élus. Présentation de motions non annoncées.
Présentation de bills privés. Présentation de bills
publics.
M. BERTRAND: A.
Bill 74 Loi modifiant de nouveau
le code de procédure civile
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la
première lecture de la Loi modifiant de nouveau le code de
procédure civile.
L'honorable ministre de la Justice.
M. PAUL: M. le Président, sans doute les honorables
députés me dispenseront-ils de lire toutes les notes explicatives
qui apparaissent au projet de loi et dans lesquelles on retrouvera la
justification de chacun des amendements que l'on apporte au code de
procédure civile.
Disons que les principes majeurs contenus dans ce bill sont:
premièrement, aux fins de porter la juridiction de la cour Provinciale
de $1,000 à $3,000; deuxièmement, aux fins de donner aux
protonotaires de la cour Supérieure le pouvoir de rendre jugement sur
les motions pour examen médical et autres procédures similaires,
ce qui hâtera sûrement l'expédition de la justice;
troisièmement, il y aura une présomption juris de jure à
l'effet que dans le cas d'un employé qui est remercié de ses
services par son patron à l'occasion d'une saisie-arrêt,
l'employeur devra démontrer que le congédiement n'est pas
lié à la saisie-arrêt qui lui a été
signifiée.
Il y a ensuite d'autres articles de concordance. Je crois, M. le
Président, que je viens de donner les grands principes de ce projet de
loi qui s'impose. Il y aura également des articles de concordance avec
le bill 10: les articles 814, 815 et 817 que nous soustrairons du projet de loi
no 10 parce qu'ils figurent comme étant inscrits au projet de loi no
74.
M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle
adoptée? Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine
séance ou à une séance subséquente.
M. BERTRAND: C.
Bill 83
Loi concernant le registre central des régimes
matrimoniaux
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la
première lecture de la Loi concernant le registre central des
régimes matrimoniaux.
M. PAUL: Ce projet propose l'établissement d'un registre central
des régimes matrimoniaux au ministère de la Justice pour donner
suite aux dispositions du bill no 10, Loi concernant les régimes
matrimoniaux. Ce registre contiendra tous les avis de contrats de mariage
conclus après le 1er juillet 1970 et le changement apporté au
régime matrimonial des conjoints après cette date soit par
jugement, soit conventionnellement. Ce registre sera tenu selon les noms de
chacun des époux et les avis qui y seront enregistrés devront
être transmis en deux copies en plus de l'original.
Le fonctionnaire chargé d'effectuer l'enregistrement indiquera le
numéro et la date d'enregistrement sur les copies et sur l'original et
retournera ce dernier document à la personne de qui il l'aura
reçu. Le public aura le droit d'obtenir des copies des documents
enregistrés au registre central des régimes matrimoniaux en
versant les honoraires fixés par le lieutenant-gouverneur en
conseil.
M. LE PRESIDENT: La motion en première lecture sera-t-elle
adoptée? Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. SEGUIN: A titre de renseignement, même si l'ordre du jour
n'indique pas que ces deux bills ne sont pas les mêmes, est-ce qu'on doit
comprendre qu'ils seront étudiés...
M. PAUL: Ils vont être incessamment distribués.
M. SEGUIN: Merci.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine
séance ou à une séance subséquente.
M. BERTRAND: Affaires du jour.
M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. Le député de
Drummond.
Questions et réponses
Foyer Notre-Dame-du-Lac
M. PINARD: A la suite des questions et des remarques qui ont
été faites hier par le chef de l'Opposition relativement au
sinistre qui a causé la mort d'une cinquantaine de personnes au foyer de
Notre-Dame-du-Lac, me serait-il permis, M. le Président, de poser des
questions au ministre responsable, le ministre de la Santé et de la
Famille et du Bien-Etre social, pour savoir de lui si l'enquête sommaire
qui a été faite ne révélerait pas que,
effectivement, il y avait un conflit de travail assez grave dans cette
institution qui aurait occasionné le départ d'une dizaine
d'employés, et, ce qui aurait été plus grave, le
départ des gardiens qui avaient la charge de l'institution durant la
nuit, pour donner l'assurance que toutes les mesures de sécurité
étalent suivies, pour la plus grande protection des pensionnaires de
l'établissement?
Nous savons, de source beaucoup plus sûre maintenant, que ce
conflit de travail était bel et bien une réalité...
M. BERTRAND: Posez votre question... M. PINARD: Enfin...
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Drummond a
posé sa question. Il aurait pu la faire précéder d'une
brève entrée en matière pour permettre la
compréhension de la question. Mais il semble bien que l'honorable
ministre a compris le sens de la question.
M. PINARD: Vous avez raison, J'ai peut-être fait des remarques
préliminaires un peu trop longues. Ma question, c'est à l'effet
de savoir du ministre s'il sait maintenant qu'il y avait des gardiens de nuit
en exercice au moment de l'incendie et si d'autres mesures de
sécurité avaient été mises en place pour la
protection des pensionnaires de l'établissement et si c'est vrai qu'il y
avait véritablement un conflit de travail qui avait occasionné le
congédiement de dix employés à cette institution.
M. CLOUTIER: Je veux dire, d'abord, que je suis disposé à
répondre à toutes les questions que l'on voudra me poser en
rapport avec cette tragédie de Notre-Dame-du-Lac. Je voudrais le faire
aussi objectivement que possible, parce qu'on comprendra facilement que le
sujet ne se prête ni à la démagogie, ni à la
politique partisane. Il est déjà assez triste que cet
événement se soit produit.
Je suis constamment en contact avec mes officiers qui ont
été délégués là-bas. Il y en a qui
reviendront cet après- midi. J'aurai un rapport détaillé
sur ce que l'on a constaté et sur les événements qui se
sont produits là-bas, depuis hier. Mais, jusqu'à maintenant, je
puis dire à cette Chambre que rien ne me permet de déduire ou de
conclure que ce serait un conflit de travail qui aurait été la
cause d'une telle tragédie.
J'aurai des renseignements plus complets. J'en ferai part à la
Chambre dès que mes officiers seront revenus de là-bas et
m'auront fait un rapport détaillé sur tout ce qu'ils ont
constaté et appris.
Toujours sur le même sujet, je voudrais ajouter autre chose. Je
voudrais le faire aussi objectivement et de façon aussi sereine que
possible. On m'a rapporté la déclaration assez violente du
député de Laurier. Je n'ai pas entendu cette déclaration.
Je voudrais dire qu'en ce qui concerne la question que m'a posée le
député de Laurier hier à l'effet qu'il avait fait une
recommandation, en mal 1966, recommandant de fermer cette institution, j'ai
fait très objectivement des recherches au ministère et j'ai
fouillé le dossier moi-même. C'est un dossier très
volumineux. Je l'ai examiné pièce par pièce et j'ai
demandé à mes officiers de l'examiner. Il n'y a rien au dossier
d'écrit qui indique que le député de Laurier aurait
demandé ou exigé la fermeture de cet établissement. J'ai
également communiqué...
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre...
M. CLOUTER: Je vais ajouter autre chose. Je veux être très
objectif pour le député de Laurier. Je vais dire très
calmement ce que je sais, et j'ajouterai mes propres commentaires. J'ai
communiqué également avec le sous-ministre en titre au
ministère, avec les principaux officiers et également avec le
directeur général du service des personnes âgées qui
était en fonction à ce moment-là, M. Neveu, qui est
aujourd'hui à la commission Castonguay de même qu'avec d'autres
officiers.
A leur connaissance, le ministre ou le cabinet du ministre n'a pas
demandé la fermeture de cet établissement. Mais, connaissant le
député de Laurier comme Je le connais, je lui dis de mon
siège que je suis prêt à prendre sa pa-
role à l'effet qu'il aurait, à la suite de cette
enquête, demandé la fermeture de cette institution. Probablement
que je l'aurais fait moi-même, si j'avais visité cette
institution. Je ne le sais pas, car je ne l'ai pas visitée. Je ne sais
pas quelle a été sa réaction, à ce
moment-là, en 1966. Je suis prêt à accepter sa parole et
à dire qu'il avait l'intention ou qu'effectivement il a demandé
à son chef de cabinet d'exiger la fermeture de cet
établissement.
Mais peut-être que les communications entre son cabinet et nos
officiers ne se sont pas établies à ce moment-là. A tout
événement, je ne retrouve, dans le dossier, aucun écrit
qui justifierait cette déclaration du député de Laurier.
Mais, voulant être très objectif, M. le Président, je dis
au député de Laurier que je suis prêt à prendre sa
parole et à accepter qu'il ait demandé cette intervention.
D'autre part, cela ne règle pas le problème. Même si
cela s'est produit comme ça en 1966, il reste qu'il y avait un permis
d'exploitation pour 68 personnes âgées dans cette institution.
Elle était remplie, à ce moment-là. J'ai dit, hier,
qu'à différentes reprises, depuis quelques années, le
permis avait été augmenté; on était parti d'un
permis initial de 20 personnes pour monter à 68 personnes, à la
suite d'agrandissements, etc.
Alors, M. le Président, même si le député de
Laurier avait demandé la fermeture de cet établissement,
évidemment, il aurait fallu reloger ailleurs ces personnes
âgées. C'est pour ça que nous avons entrepris ce programme
de construction. Dans le comté du député de
Té-miscouata, il y a actuellement deux foyers que nous espérions
pouvoir terminer plus tôt pour y déménager des personnes du
foyer qui a été incendié et reconstruire, à
Notre-Dame-du-Lac, une institution nouvelle.
Mais, il y a un problème de logement. Actuellement, si nous
devions fermer toutes les institutions qui ne respectent pas les normes
maximales de sécurité... Il y a des degrés dans les normes
de sécurité; il y a des normes qui sont aussi acceptables, mais
qui ne sont pas, évidemment, des normes idéales. On comprendra
qu'un édifice qui a été construit il y a plus de 50 ou 75
ans, même s'il est bien aménagé, même si le
ministère du Travail a exigé des conditions spéciales
d'aménagement, évidemment, des bâtisses en bois ne
respectent pas des normes maximales de sécurité. S'il fallait
appliquer partout ces normes maximales de sécurité, je pense bien
qu'il y aurait beaucoup d'édifices dans la province qui devraient
fermer. Il n'y aurait pas que ceux qui relèvent des ministères
que je dirige, mais il y aurait des églises, des écoles, des
centres de loisirs, des salles paroissiales qui seraient fermés
automatiquement.
Peut-être que cette maison où nous sommes actuellement, M.
le Président, ne rencontre pas non plus toutes les normes maximales de
sécurité. Mais de toute façon, j'ai ici des documents qui
sont dans le dossier selon lesquels des inspections ont été
faites par le ministère du Travail. Je les ai pour 1966, 1967, 1968, et
la dernière est en date du 10 octobre 1969, cela vient du
ministère du Travail service d'inspection. On y dit; « Nous vous
informons par la présente que le tout a été trouvé
conforme aux exigences de la loi concernant la sécurité dans les
édifices publics ». C'est à partir de là que le
ministère de la Famille donne un permis d'exploitation qui était
accordé depuis douze ans.
Mais, cela, c'est pour le passé, je comprends que cela ne donnera
pas la vie à ceux qui ont péri aussi tragiquement. Pour l'avenir,
évidemment, il y a urgence. J'ai dit aux membres de cette Chambre hier
qu'il y avait urgence à accélérer encore, si possible, le
programme de construction de foyers pour personnes âgées,
programme qui est réalisé par le ministère de la Famille
et la Société d'habitation avec le concours des prêts de la
Société d'habitation.
Nous avons actuellement une centaine de foyers en chantier ou qui le
seront dans le courant de l'hiver. Nous espérons, l'an prochain, en
construire encore autant, 75 à 100 foyers. Nous espérons, d'ici
deux ans, avoir réalisé un programme qui nous permettra
d'éliminer, dans le domaine des personnes âgées, ces
institutions qui ne rencontrent peut-être pas des normes suffisantes de
sécurité. En attendant, nous sommes prêts à apporter
des exigences accrues. J'ai demandé à mes sous-ministres, que je
rencontrerai tout à l'heure, pendant la séance de la Chambre, de
constituer une équipe spéciale dirigée par le responsable
des services d'urgence au ministère de la Santé et au
ministère de la Famille et du Bien-Etre social. Nous allons envoyer
cette équipe en province pour visiter, pour commencer, les institutions
où on a raison de croire qu'il y a peut-être, là encore,
des dangers que de semblables tragédies se répètent.
A partir de ces travaux d'inspection, nous reviserons l'ordre de
priorité des foyers et des institutions de l'enfance, parce que
là aussi de ce côté, vous savez que nous avons des
investissements, des projets qui sont en construction, il y en a actuellement
une dizaine ou une douzaine qui sont en construction durant cet hiver. Nous
espérons, avec toutes ces mesures, que de semblables tragédies ne
se répéteront pas.
De toute façon, M. le Président, j'espère
que, même si le sujet par lui-même ne se prête pas
à des déclarations fracassantes, il ne faudrait pas être
pris de panique, de façon à ne pas apeurer non plus toutes nos
personnes âgées, qui sont actuellement dans des institutions. Les
conséquences du seul fait de les apeurer, de les traumatiser, peut
n'être pas aussi grave que le décès, mais, dans certains
cas, cela peut aller chercher assez loin.
Nous prenons donc toutes les précautions et toutes les mesures
nécessaires dans les circonstances pour remplacer ces institutions
désuètes et pour améliorer la condition de celles qu'on ne
peut pas remplacer immédiatement.
M. PINARD: Je remercie le ministre pour les remarques qu'il vient de
faire. Je crois qu'elles éclairent beaucoup mieux les
députés de cette Chambre qui ont quand même le devoir de
veiller à l'intérêt public. Dans cet ordre d'idée,
puisque le ministre a fait une revue assez globale et générale de
tout ce système de foyers d'hébergement pour personnes
âgées, Je pense que nous sommes en droit de lui poser des
questions plus précises et d'attendre des réponses plus
précises que celles qu'il nous a données.
Par exemple, je lui ai posé la question tantôt à
savoir s'il y avait un gardien attitré au foyer Notre-Dame qui a
été dévasté par l'incendie. Il me semble que c'est
une réponse qui est assez facile à donner. Il y en avait un ou il
n'y en avait pas. Il était en fonction ou il n'était pas en
fonction. S'il n'était pas en fonction, qu'on essaie de savoir pourquoi.
Est-ce qu'il y avait eu une inspection de l'établissement?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
J'ai cru que sur cette question et sur celle qui a
précédé, l'honorable ministre a déclaré
qu'il attendait un rapport de certains fonctionnaires qui avaient
été dépêchés sur les lieux. Je crois qu'il y
aurait lieu de ne pas engager un débat sur cette question si on attend
vraiment les réponses.
M. PINARD: M. le Président, pour enchaf-ner avec les remarques
que je viens de faire, je voudrais que le ministre nous dise combien il y a
d'établissements dans la province de Québec qui servent à
l'hébergement des personnes âgées et qui pourraient
être inscrits dans la série des institutions qui ne
répondent pas aux normes maximales de sécurité et qui
devront faire l'objet, comme il l'a souligné tantôt, d'une
enquête rapide de la part d'un service d'inspection spécial qu'il
dépêchera sur les lieux partout où il y a des foyers de
cette sorte dans la province. Je pense qu'il est important que nous le
sachions. Et cela ne couvre pas seulement les institutions pour
l'hébergement des personnes âgées. C'est également
le cas des institutions qui ont pour vocation d'héberger les malades
chroniques, les orphelins, les infirmes, les handicapés. Je pense que
c'est tout un problème d'ensemble sur lequel le ministre devra veiller
de façon très attentive et pour lequel il devra créer ce
service spécial d'inspection qui ira rapidement faire une enquête
à travers toute la province, de façon à s'assurer que
toutes les mesures de sécurité ont été
prises...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! C'est mon devoir de rappeler aux honorables
membres de la Chambre que nous sommes encore à la période des
questions.
M. LEVESQUE (Laurier): Sans vouloir en faire une question de
privilège, je voudrais juste reprendre les propos du ministre de la
Famille et du Bien-Etre social à mon endroit pour préciser de
nouveau je le remercie beaucoup d'avoir pris ma parole que
c'était pendant une campagne électorale où on ne passe pas
très souvent au ministère. Je me souviens non seulement d'avoir
fait la recommandation très précise et qui a dû être
au dossier, mais d'en avoir reparlé avec insistance au moins deux fois
avant le scrutin du mois de juin 1966, lors de passages du ministère. Il
doit y avoir des traces. Sinon, je m'engage vis-à-vis du ministre
à les retrouver, peut-être dans mes propres copies de dossiers ou
dans celles de mon ancien secrétaire. Il ne s'agit pas d'en faire un cas
partisan. Il s'agit de voir simplement si le ministre a été bien
mis au courant de certaines des urgences qui se présentaient parce que
l'impression que j'avais moi, après quelques mois, seulement
c'était la première visite des institutions du ministère
était que ce secteur des institutions privées
basées en bonne partie sur le profit ou sur un notion de profit...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
L'honorable député de Laurier conviendra que ce n'est pas
le moment d'un débat sur cette question et qu'il aura sûrement
d'autres occasions de soulever ces problèmes.
M. LEVESQUE (Laurier): Sans faire de débat, M. le
Président, je pensais que c'était le moment de faire aussi
quelques commentaires.
M. LE PRESIDENT: Non. Malheureusement, c'est la période des
questions. L'usage et la tradition ont voulu qu'il soit permis de profiter de
cette période pour faire des déclarations minis-
térielles. On connaît le règlement sesslonnel qui a
été confirmé et consacré par les membres de cette
Chambre à l'effet qu'un membre de l'Opposition peut user d'un court
droit de parole et le chef de l'Opposition ou son porte-parole d'un droit
très bref de parole pour commenter la déclaration
ministérielle. L'honorable député de Gouin.
Commission des
télécommunications
M. MICHAUD: M. le Président, j'ai fait prévenir le premier
ministre par ministre interposé de la question que je m'apprête
à lui adresser immédiatement. L'agence Reuter annonçait
hier que le ministre fédéral des postes et
télécommunications a été élu
président, sous l'égide de l'UNESCO, d'une commission visant
à promouvoir l'usage des télécommunications par satellite
spécial aux fins d'une rapide extension de l'enseignement et de
là culture.
Ma question est la suivante: Le premier ministre peut-il nous dire si
les compétences constitutionnelles du Québec sont
sauvegardées?
(Le président est debout.)
M. BERTRAND: M. le Président, d'abord, je dois déclarer
ceci: Il y a deux Québécois qui font partie de la
délégation canadienne: M. Jean-Marie Beauchemin, qui a
été délégué par la conférence
interprovinciale des ministres de l'Education, et M. Yvon Côté,
sous-ml-nlstre adjoint aux communications et conseiller spécial
auprès de l'exécutif.
Le fédéral avait communiqué avec la
conférence des ministres de l'Education, par son secrétariat, et
c'est ainsi que M. Beauchemin a été choisi. Quant à M.
Côté, c'est le ministère des Affaires intergouvernementales
qui a demandé qu'il soit ajouté à la
délégation canadienne. Cela a été accepté.
Tout cela démontre l'intérêt majeur que le Québec
porte aux communications et aux télécommunications. Le
Québec a l'intention de continuer à suivre les
développements internationaux dans ce domaine comme dans les autres.
La présidence de M. Kierans ne donne aucun droit nouveau au
gouvernement fédéral, sur l'éducation ou sur la culture.
J'ajouterai qu'un projet de loi a été annoncé qui nous
permettra, au Parlement ici, de créer un ministère des
Communications, qui existe déjà, mais dont nous ferons une
unité à part, puisqu'il est déjà relié au
ministère des Transports. Nous délimiterons, à ce
moment-là, sa compétence et ses fonctions, dans le cadre de la
compétence juridictionnelle du Québec.
Mises à pied éventuelles à
Saint-Jérôme
M. BERTRAND: M. le Président, je voudrais fournir quelques
informations supplémentaires concernant la lettre que le chef de
l'Opposition aurait reçue du président d'un syndicat
régional de la fonction publique de la division de voirie 7-1 de
Saint-Jérôme, Lac-Saint-Jean. La question que m'a posée
hier le chef de l'Opposition était: « Ces congédiements ou
le fait de non-emploi seraient-ils dûs à une décision du
ministère de la Voirie d'accorder le contrat de déneigement et de
sablage à un entrepreneur, au lieu de faire effectuer cet ouvrage par
les employés du ministère? » Le ministère de la
Voirie m'informe que, dans le but d'offrir une meilleure sécurité
au public dans les cantons de Taché, Labrecque et Rouleau,
Lac-Saint-Jean, pendant la période de l'hiver, le ministère de la
Voirie a décidé d'octroyer un contrat de sablage dans ces
cantons, soit sur une distance de 33 milles, à l'un des trois
entrepreneurs effectuant le déneigement des routes dans ce coin du
Québec.
Cette décision, me dit-on, s'imposait parce que
l'expérience de l'an passé, de l'avis du divisionnaire
lui-même, a démontré qu'il fut extrêmement difficile
de synchroniser le travail des équipes de la voirie
préposées au sablage des routes dans cette division et partant,
de donner un service adéquat aux citoyens. Il était alors
nécessaire de remédier à ce grave inconvénient;
c'est pourquoi cette décision a été prise. En plus
d'améliorer la qualité de l'entretien, le fait d'avoir
accordé le sablage à l'un des entrepreneurs chargés du
déneigement va entraîner une économie de l'ordre de $4,000,
ce qui est tout de même à considérer, et un meilleur
service, à un coût moindre.
Par contre, il arrive que la mise en application de cette mesure va
affecter prochainement le travail de six employés réguliers de la
voirie à cette division, mais pour une période d'un mois. Cela
n'est donc que passager.
Comme je l'ai dit hier, ceux-ci auront priorité lors d'un rappel
au travail, vers la mi-janvier.
Il s'agit donc, tout simplement, d'une décision administrative en
vue de donner un meilleur service et surtout une plus grande
sécurité au public voyageur.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education.
Subventions aux institutions privées
M. CARDINAL: M. le Président, j'aurais
une première réponse à deux questions posées
hier par le chef de l'Opposition concernant les subventions de l'Etat aux
Institutions privées. Vu l'absence, motivée d'ailleurs, du chef
de l'Opposition, Je réserverai, je pense, à demain ces
réponses, tout en soulignant que, dans les Journaux d'aujourd'hui, la
directrice du collège Bellevue confirme ce que J'avais mentionné
hier, qu'il n'est pas question de fermer ce collège. Quant aux autres
questions techniques qui ont été posées, J'y reviendrai
demain.
Profitant de votre permission, M. le Président, je n'ai pas
l'intention de faire une déclaration ministérielle mais de donner
certains renseignements concernant une autre institution privée au sujet
de laquelle il y a actuellement beaucoup d'articles dans les journaux, beaucoup
de rumeurs et beaucoup de pression. Je voudrais, pour rassurer les membres de
cette Chambre, le député du comté en question et la
population, apporter les renseignements suivants.
C'est au sujet du collège d'Outremont, dirigé par les
Clercs de Saint-Viateur. On a lancé l'information que j'aurais
reçu une pétition de plus de cinq cents noms. A ce sujet, je n'ai
reçu aucune pétition au moment où je m'adresse aux
députés.
L'on mentionnerait de plus que j'aurais consenti à recevoir les
représentants d'une société privée. Jamais je n'ai
eu de demande de recevoir des représentants d'une telle
société. Par conséquent, jamais je ne les al
reçus.
La commission scolaire d'Outremont n'a jamais administré
d'école secondaire pour sa clientèle mais s'est contentée
de conclure, d'une part, une contrat d'association avec le collège
privé dirigé par les Clercs de Saint-Viateur. Depuis quelques
années, en vertu d'une entente entre la commission scolaire de la ville
de Mont-Royal et la commission scolaire d'Outremont, d'autre part, le
collège reçoit tous les garçons catholiques sous la
juridiction des deux commissions scolaires.
Le conseil métropolitain de planification a prévu que ce
collège servirait de point de départ à un complexe
polyvalent pour les garçons catholiques d'un secteur englobant la ville
de Mont-Royal, Outremont et une petite partie du territoire de la Commission
des écoles catholiques de Montréal. On sait que le complexe pour
les filles du même âge faisant partie de l'école secondaire
d'Outremont et de la même région se retrouve à la
commission scolaire de la ville de Mont-Royal. C'est l'école Mont-Royal
sur le boulevard Rockland.
Le printemps dernier, pour mettre au point ce qui est rapporté
dans les journaux, le comi- té de mise en place des écoles
polyvalentes avait étudié une demande de la commission scolaire
d'Outremont, à l'effet de conclure une entente à très long
terme c'est exact que c'était dix ans qui étaient
demandés avec le collège, entente incluant la
transformation du collège en école polyvalente aux frais de la
commission scolaire et du ministère en entier. Et en même temps,
M. le Président, que l'on demandait ceci on demandait que l'institution
ne perde pas son caractère d'institution privée, ce qui
était une demande paradoxale. On demandait en même temps qu'elle
soit publique et privée.
Ce problème a été porté au comité des
sous-ministres dont la décision, conformément aux lois et la
recommandation du comité de mise en place, a été
négative. C'était d'ailleurs inacceptable comme proposition.
Au cours d'une rencontre avec l'un des sous-ministres et de la
commission scolaire d'Outremont, on a attiré l'attention des
commissaires sur le fait qu'ils n'administraient aucune école du niveau
secondaire et qu'il était plus normal, pour la commission scolaire, de
se porter d'abord acquéreur du collège pour ensuite le rendre
polyvalent comme école publique. Et si l'on voit la réaction de
la population dans son ensemble, c'est ce qui est demandé, que ce
collège soit acquis par la commission scolaire.
L'accord de la commission scolaire a été spontané
à ce moment-là. De plus, M. le Président, j'ai appris
qu'un certain nombre de parents, d'Outremont en particulier, entendaient former
une corporation privée, après avoir eu d'avance la garantie du
ministère qu'elle serait subventionnée comme une institution
d'intérêt public.
Je fais deux commentaires: Le ministre ne peut pas d'avance garantir
ceci. La loi ne le prévoit pas, ne le lui permet pas. Et d'autre part,
en le faisant, j'irais à l'encontre des recommandations du
ministère, du comité de mise en place et du comité de
planification.
Le cas de Saint-Viateur n'a rien de commun avec le cas du Mont
Saint-Louis, auquel on le compare, et présentement, les projets du
ministère sont de voir à l'agrandissement, d'une part, de
l'école secondaire de la ville de Mont-Royal pour les filles, d'autre
part de poursuivre les démarches avec la commission scolaire d'Outremont
pour qu'il y ait un complexe polyvalent secondaire pour garçons à
Outremont.
Il n'entre pas dans les intentions du ministère de faire des
promesses sur la reconnaissance d'une institution privée à un
groupe privé qui voudrait acquérir le collège
présentement.
Polyvalente de Deux-Montagnes
M. BINETTE: Ma question s'adresse au ministre de l'Education. Il s'agit
plutôt d'un rappel. Je lui ai posé la semaine dernière, une
question qui se trouve Je ne me rappelle plus à quelle page du
journal des Débats mais en date du 27 novembre, et il devait
communiquer avec ses officiers afin de me fournir une réponse. Est-ce
qu'il pourrait me dire s'il a obtenu ces informations de ses officiers
concernant la polyvalente de Deux-Montagnes?
M. CARDINAL: Est-ce qu'on pourrait me rappeler le texte de la question?
Je serait peut-être en mesure d'y répondre.
M. BINETTE: Il s'agissait de savoir quand le ministère
déciderait de construire la section des métiers à la
polyvalente Deux-Montagnes.
M. CARDINAL: Si je me souviens bien, la question n'a pas
été jugée acceptable à ce moment-là, et je
m'étais tout simplement assis. Je donnerai la politique du
ministère. J'ai annoncé qu'il y aurait, d'accord avec le ministre
des Finances, 25 ou 26 écoles polyvalentes qui seraient construites ou
agrandies. Mais, il n'entre pas dans les intentions ni du gouvernement ni du
ministre de faire des promesses sur des écoles précises, dans des
endroits précis, à dates précises, puisque tout ceci
comme j'ai répondu ce Jour-là et malgré ce que je
viens de dire dépend des priorités établies par le
ministère, et je m'en tiens à ces priorités. Ce n'est que
lorsque tout est mûr, tout est prêt et que les priorités
sont satisfaites que j'annonce les écoles; sans quoi, chacun des 108
députés de cette Chambre serait en mesure de poser cette question
pour savoir quand son école serait accordée.
M. BINETTE: Je comprends que le ministre n'est pas en mesure de
répondre à ma question dans le moment, parce que ses
priorités ne sont pas encore établies. C'est bien ça?
Lorsque ses priorités seront établies, nous pourrons avoir une
réponse à cette question.
M. CARDINAL: Les priorités sont établies, le
député aura, comme tous les autres, la réponse en temps et
lieu.
Conférence administrative de l'ODEQ
M. BINETTE: Pourvu que ce ne soitpas aux calendes grecques.
J'aurais une question à poser au ministre des Richesses
naturelles. Dans un article sur l'ARDA qui a paru dans la revue Relations,
l'auteur soulignait qu'il y avait une lacune assez considérable qui
s'était produite je m'excuse, je dois faire ce court
préambule pour faire comprendre ma question dans la formation de
ce qu'on appelle la conférence administrative de l'ODEQ. Voici ma
question: Est-ce que le ministre des Richesses naturelles pourrait dire
à cette Chambre si le ministère des Richesses naturelles a
été invité à faire partie de la conférence
administrative de l'ODEQ?
M. ALLARD: A ma connaissance, non.
M. BINETTE: Est-ce que le ministre a l'intention de faire une demande
à cette conférence administrative pour que le ministère
des Richesses naturelles soit représenté à cette
conférence qui est très importante dans l'ODEQ? Je
considère que le ministère des Richesses naturelles se doit
d'être là.
M. ALLARD: Je vais prendre les informations et j'aviserai, s'il y a lieu
de faire cette demande.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Matane.
Rivière Matane
M. BIENVENUE: Ma question s'adresse au ministre des Richesses
naturelles. Je n'ai pas eu le temps de lui en parler. Je n'ai pas d'objection
à ce que cette question que je formule serve de préavis. Pour sa
meilleure compréhension et afin qu'on me comprenne mieux, je ferai
rapidement lecture d'un télégramme dont J'ai reçu copie et
d'un extrait très court d'une lettre. Je recevais et je le dis au
ministre des Richesses naturelles, un télégramme se lisant comme
suit: « Re lettre du 17 octobre 1969, dossier no..., de l'honorable Paul
Allard, adressée à la ville de Matane, concernant
l'érosion de la berge de la rivière Matane. « Devant
l'urgence de la situation, laquelle situation est intolérable, les
soussignés sollicitent votre intervention personnelle et
immédiate avant qu'un malheur ne se produise. La ville de Matane, dans
sa lettre du 14 novembre 1969, refuse d'assumer les responsabilités de
l'érosion. Nous comprenons que les responsabilités légales
ne sont peut-être pas faciles à déterminer dans
l'immédiat. Cependant, il nous apparaît clairement qu'il s'agit
pour un gouvernement d'une grave responsabilité morale, car des vies
humaines sont en danger et des propriétés durement
affectées. « M. le ministre, nous savons que vous ne serez pas
insensible à une situation aussi d'ur-
gence et nous vous prions de prendre action immédiatement avant
qu'un autre drame, dans le genre de celui de Nicolet, ne se reproduise. »
Original envoyé à l'honorable Paul Allard, etc.
J'arrive à ma question, M. le Président. Neuf
contribuables, neuf propriétaires riverains de la rivière Matane,
dont les propriétés sont menacées à tout instant de
tomber, de se ramasser, si on me permet le mot, dans la rivière à
cause d'un phénomène d'érosion, ont signé le
télégramme. Leur panique je termine là-dessus mes
explications provient de cette lettre que le ministre leur avait
envoyée et qu'il connaît, j'imagine, mieux que moi.
Il indiquait que les travaux d'analyse des sols pour parer à
cette situation seraient trop dispendieux pour la province, il suggérait
que la ville de Matane les fasse. Cette dernière ayant refusé, ma
question est la suivante, M. le Président: Le ministre a-t-il
reçu l'original de ce télégramme et, dans l'affirmative,
le ministère entend-il modifier sa première attitude ou prendre
des mesures appropriées? Je ne veux pas qu'il arrive chez moi ce qui est
arrivé ailleurs, M. le Président.
M. ALLARD: M. le Président, en effet, j'ai reçu le
télégramme hier midi et j'ai demandé aux officiers du
ministère de renvoyer sur les lieux un ingénieur afin
d'étudier, à nouveau, la situation et de voir s'il n'y aurait pas
une solution à apporter dans le cas précité.
MR. PRESIDENT: The honorable Member for Brome.
Subventions pour chemins d'hiver
MR. BROWN: Mr. Speaker, I have a question for the Prime Minister. In
view of the hardship placed on the shoulders of the municipalities by their
loss of grants for winter roads, does the Government intend to reconsider the
situation and replace them?
MR. BERTRAND: I take notice of your question and shall present the same
to the Minister of Roads.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Marguerite-Bourgeoys.
Utilisation de l'ivressomètre
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ma question s'adresse au ministre des Transports
et des Communications. Le ministre a-t-il l'intention de présenter,
à cette session, des amendements au code de la route relativement
à l'utilisation de l'ivressomètre?
M. LIZOTTE: Ma réponse est la suivante: Nous présenterons,
à l'ouverture de la prochaine session, au mois de février, je
crois, des amendements au code de la route.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, il me semble
qu'étant donné l'adoption d'une loi fédérale dans
ce sens-là il aurait été normal de prévoir...
DES VOIX: A l'ordre!
MME KIRKLAND-CASGRAIN: ... étant donné que cela a
été étudié au comité...
M. LAFRANCE: II s'agit d'une question d'urgence et
d'intérêt provincial, M. le Président. Le ministre a dit,
à plusieurs reprises, qu'il était prêt à
présenter cette législation. Je ne vois pas pourquoi on
laisserait continuer la tuerie sur les routes encore durant cinq ou six
mois.
M. LIZOTTE: Sans vouloir faire un débat, M. le Président,
il nous fallait attendre la publication de la loi fédérale afin
de ne pas présenter une loi qui serait en contradiction avec une loi
fédérale ou quelques-unes de ses parties. C'est la raison pour
laquelle nous avons attendu; ainsi, lorsque cette loi sera
présentée, elle sera très près de la
perfection.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, je suis obligée de
me lever sur un point d'ordre. Déjà, la commission du code de la
route a étudié le problème. Il y a eu un amendement
d'étudié dans le sens de l'utilisation de l'ivressomètre
au Québec. Je considère que le ministère des Transports et
des Communications est plus que prêt à présenter cet
amendement à cette session.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Olier.
Sécurité au sujet du gaz naturel
M. PICARD (Olier): M. le Président, à propos du sinistre
de Notre-Dame-du-Lac, j'aurais une question à l'adresse du ministre du
Travail. Mais, en son absence, peut-être que le premier ministre pourrait
prendre avis de cette question.
Vous me permettrez, M. le Président, de faire un court
préambule afin de bien situer ma question. Les sinistres du genre de
celui de Notre-
Dame-du-Lac ne sont pas les seuls auxquels le Québec a à
faire face. Nous avons, apparemment, la réputation d'avoir le plus grand
nombre de sinistres de ce genre dans le monde entier. J'aimerais attirer
l'attention de cette Chambre sur l'explosion qui avait eu lieu à ville
de LaSalle, à l'occasion du gaz naturel.
M. LE PRESIDENT: Je veux bien permettre à l'honorable
député d'Olier de faire un court préambule, mais il
conviendra qu'on s'éloigne passablement de la question que je
prévois.
M. PICARD (Olier): Alors, voici ma question: J'aimerais savoir du
ministre du Travail ce qui est arrivé de la suggestion que je lui avais
faite, en mai dernier, à l'effet d'exiger dans tous les édifices
publics l'installation d'appareils détecteurs d'émanation de gaz
naturel.
Il m'avait dit, à ce moment-là, qu'un M. Bergeron
étudiait la question. J'aimerais savoir où en est cette
étude.
M. BERTRAND: J'en prends note, M. le Président, et je la
transmettrai au ministère.
M. LE PRESIDENT: Le temps réservé à la
période des questions est maintenant expiré.
Questions inscrites au feuilleton
M. PAUL: M. le Président, qu'il me soit permis d'appeler quelques
questions auxquelles des réponses seront fournies.
Question no 1, de M. Michaud. Réponse de M. Bertrand.
M. BERTRAND: Lu et répondu.
M. PAUL: Question no 4, de M. Tessier. Je voudrais faire motion pour que
cette question soit transformée en motion pour production de documents.
Documents produits par M. Cardinal au nom de M. Loubier.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. PAUL: Question no 11, de M. Lacroix. Réponse de M.
Bertrand.
M. BERTRAND: Lu et répondu.
M. PAUL: Question no 18, de M. Pinard. Réponse de M.
Bertrand.
M. BERTRAND: Lu et répondu.
M. PAUL: Question no 20, au nom de M. Parent. Réponse de M.
Bertrand.
M. BERTRAND: Lu et répondu.
M. PAUL: Question no 21, de M. Parent. Réponse de M.
Bertrand.
M. BERTRAND: Lu et répondu.
M. PAUL: Question no 22, de M.Houde. Réponse de M. Loubier par M.
Cardinal.
M. CARDINAL: Pour M. Loubier, lu et répondu.
M. PAUL: Question no 24, de M. Lacroix. Réponse de M.
Bertrand.
M. BERTRAND: Lu et répondu.
M. PAUL: Question no 25, au nom de M. Bergeron. M. le Président,
je comprends que vous ne pouvez pas répondre aux questions qui regardent
l'Assemblée nationale. J'ai, cependant, obtenu, de bonne source, la
réponse à cette question et je réponds en votre nom.
Question no 27, de M. Leduc (Taillon). Réponse de M. Russell.
M. RUSSELL: Lu et répondu.
M. PAUL: Question no 31, de M. Houde. Je fais motion, M. le
président, pour que cette question soit transformée en motion
pour production de documents.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. PAUL: Réponse par M. Cardinal, au nom de M. Loubier.
Question no 33, de M. Bourassa. Réponse de M. Lizotte.
M. LIZOTTE: Lu et répondu.
M. PAUL: Question no 34, de M. Beaupré. Je fais motion pour que
cette question soit transformée en motion pour production de
documents.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. PAUL: Réponse de M. Gosselin. M. GOSSELIN: Documents
déposés.
M. PAUL: Question no 44, de M. Parent. Réponse de M. Loubler par
M. Cardinal.
M. CARDINAL: Pour M. Loubler, lu et répondu.
M. PAUL: Question no 51, de M. Saint-Germain. Réponse au nom de
M. Lafontaine par M. Cardinal.
M. CARDINAL: Pour M. Lafontaine, lu et répondu.
M. PAUL: Question no 75, ordre de la Chambre au nom de M. Laporte. Cette
motion est adoptée; documents déposés par M. Cloutler.
M. CLOUTIER: Documents déposés.
M. PAUL: Question no 85, ordre de la Chambre au nom de M. Pinard. Cette
motion est acceptée; documents déposés par M. Allard.
M. ALLARD: Lu etrépondu.
M. PAUL: Article 64, M. le Président.
Bill 72 Deuxième lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la
deuxième lecture de la Loi modifiant de nouveau la Loi des tribunaux
judiciaires.
L'honorable ministre de la Justice.
M. Rémi Paul
M. PAUL: M. le Président, le lieutenant-gouverneur a pris
connaissance de ce bill et en autorise la présentation.
Ce projet de loi, portant le numéro 72, est
présenté tout d'abord pour établir un certain
équilibre et pour que nous ayons une législation de concordance
avec certaines dispositions du bill omnibus, adopté par la Chambre des
communes d'Ottawa. Voici en quoi, M. le Président, ce projet de loi
s'impose pour obtenir une législation de concordance. En vertu du texte
actuel de la Loi des tribunaux judiciaires, il est prévu que nos juges
de la cour Supérieure peuvent, en tout temps...
M. PINARD: Avez-vous le texte?
M. PAUL: En vertu des dispositions actuelles de la Loi des tribunaux
judiciaires, il est prévu que nos juges de la cour Supérieure
peuvent entendre en tout temps un procès de novo venant de la cour des
Sessions de la paix, c'est-à-dire en vertu de la partie 24 du code
criminel. Or, il arrive qu'à la suite des modifications apportées
au code criminel par le bill omnibus certains de nos juges de la cour
Supérieure ont interprété ces dispositions nouvelles du
code criminel comme limitant à un terme d'assises seulement le droit
qu'ils auraient d'entendre un procès de novo ou pour reviser une
sentence consécutive à un procès qui se serait
déroulé devant la cour des Sessions de la paix.
Or, nous voulons, par cette législation, autoriser
spécifiquement nos juges de la cour Supérieure à entendre
ces procès de novo dans tous les districts et en tout temps, surtout et
spécialement en dehors des termes d'assises criminelles prévus
pour chacun de nos districts.
Cet après-midi, M. le Président, vous avez appelé
la première lecture du projet de loi 74, Loi modifiant de nouveau le
code de procédure civile. En vertu de ce projet de loi, nous amenderons
la juridiction de la cour Provinciale pour porter sa juridiction de $1,000
à $3,000. Actuellement, nos savants juges de la cour Supérieure
ont la compétence qui leur est accordée pour entendre
exclusivement toute cause où le montant ou la valeur en litige est de
$1,000 et plus; avec l'amendement que nous apporterons au code de
procédure civile, il n'est que normal que nous puissions payer à
nos juges de la cour Provinciale le même salaire que celui qui est
actuellement versé à nos juges de la cour Supérieure. Sans
parler en aucune façon au nom d'une autre juridiction, je suis
moralement bien assuré que le traitement de nos juges de la cour
Supérieure devrait être reconsidéré de la part des
autorités compétentes.
Un problème se présente également. C'est le besoin
de juges que nous avons, tant pour nos cours des Sessions de la paix, nos cours
Provinciales et nos cours de Bien-Etre social. Je voudrais citer quelques
statistiques qui serviront d'arguments au soutien de la présentation de
cet amendement proposé par le projet de loi 72. Tout d'abord, pour ce
qui a trait aux statistiques de la cour des Sessions de la paix, nous verrons
que les causes sont de plus en plus nombreuses.
Est-ce que l'honorable député aurait une question?
M. PINARD: M. le Président, pour nous permettre de mieux suivre
la discussion qui s'engagera sans doute avec le ministre de la Justice
tantôt, est-ce que le ministre aurait l'obligeance de nous faire envoyer
un certain nombre de tableaux dont il a l'intention de se ser-
vir pour établir ses comparaisons? Je pense que cela faciliterait
beaucoup la discussion.
M. PAUL: Disons que c'est une excellente suggestion de l'honorable
député. Je vais tâcher de la combler le plus tôt
possible en faisant faire des photocopies. Je m'excuse de n'avoir pas eu cette
délicate pensée à l'attention de mes collègues;
c'est parce que je suis revenu un peu tard à mon bureau ce midi,
après avoir assisté à une partie des
délibérations du colloque de Montmorency. Cela explique pourquoi
je ne dispose pas dans le moment de ces tableaux, mais je vais faire en sorte
qu'ils soient polycopiés pour distribution a tous les collègues
de la Chambre.
Par exemple, nous voyons une ascension progressive, soutenue, au niveau
de la cour des Sessions de la paix, pour le district de Hull. En 1965, nous
avions 3,114 causes; en 1966, 3,656; en 1967, 4,069; et en 1968, 4,108.
Pour le district de Saint-Jérôme: 3,640 en 1965; 4,037 en
1966; 3,970 en 1967; et 4,678 en 1968.
Pour le district de Montréal: en 1965, 26,764 causes, en 1966,
25,747; en 1967, 27,212; et en 1968, 30,602.
Pour le district de Québec, je donne les chiffres par ordre mais
toujours en me référant aux années 1965, 1966, 1967, 1968:
7,629 - 12,074 - 9,491 et 11,316.
Je voudrais citer deux autres districts. Le district de Chicoutimi:
2,045 - 2,257 - 2,614 -2,772.
Joliette: 2,325 2,106 malheureusement je n'ai pas les
statistiques de 1967 pour le district de Joliette, mais en 1968, 3,066.
Nous avons là certains chiffres au soutien de l'acitivlté
de la cour des Sessions de la paix. Je voudrais également fournir
quelques statistiques sur l'activité de toutes les cours, y compris
celle de la cour Supérieure. Il faut cependant tenir compte qu'avec la
nouvelle juridiction, un certain nombre de causes seront automatiquement
rayées des rôles de la cour Supérieure pour être, de
droit et de fait, immédiatement déférées aux
tribunaux de la cour Provinciale.
Alors je dis donc que le tableau dont je veux donner les chiffres
indique les causes en suspens au 1er décembre 1969 dans les cours
civiles et criminelles des principaux districts judiciaires de la province.
Cour Supérieure de Montréal: 13,002 causes; cour
Provinciale, 3,633; Sessions de la paix, 5,777.
Québec: cour Supérieure, 1,815; cour Provinciale, 482;
cour des Sessions de la paix, 2,783.
Saint-Jérôme: cour Supérieure, 670; cour
Provinciale, 300; Sessions de la paix, 3,999.
Voici une situation qui constitue un véritable déni de
justice. A Saint-Jérôme, par exemple, quelqu'un qui
comparaîtrait demain matin à une enquête préliminaire
verrait cette enquête fixée à la fin d'avril, début
de mai 1970. C'est une situation intolérable. Tout à l'heure,
j'ai bien l'intention de toucher du doigt certaines lacunes qui existent pour
tâcher que les principaux intéressés, juges, procureurs,
avocats, compagnies d'assurances puissent faire un effort commun pour que nous
puissions mettre fin à une telle situation qui existe dans trop de
tribunaux de la province.
Pour le district de Hull, cour Supérieure: 330 causes; cour
Provinciale: 256 causes; cour des Sessions de la Paix: 605 causes.
A Chicoutimi, cour Supérieure: 567 causes; cour Provinciale; 308
causes; cour des Sessions de la paix: 1,116 causes.
A Joliette, cour Supérieure: 451 causes; cour Provinciale: 249
causes; cour des Sessions de la paix: 1,222 causes.
Je pourrais diposer immédiatement d'une copie de ce tableau que
j'ai en duplicata, ce qui permettrait aux principaux collègues et
confrères de la profession de posséder ces chiffres pour
être en mesure de les commenter s'ils croient bon et nécessaire de
le faire.
M. LAFRANCE: Est-ce réservé aux confrères
seulement?
M. PAUL: Non, j'ai dit: aux collègues et aux confrères.
J'ai dit les deux.
Maintenant, un autre tableau qui peut également nous faire part
d'une situation que personnellement je considère comme alarmante dans le
Québec au point de vue de l'administration de la justice. Je voudrais
cependant ne traiter que le côté matière criminelle et
pénale dans les chiffres que je viens de donner.
Dans certains districts judiciaires comme l'Abitibi, qui comprend Amos,
Chibougamau, La Sarre et Val d'Or, nous avons comme causes inscrites à
Amos à la cour des Sessions de la paix les chiffres que je donne
n'affectent que la cour des Sessions de la paix en 1968: 552. On en a
disposé de 422 et il en reste 130; c'est donc dire qu'il y a un
décalage de 23.55%. A Chibougamau, il y a un décalage de 18.95%.
A La Sarre, 242 causes inscrites, 172 liquidées; il en reste 70, soit un
décalage de 28.92%. A Val d'Or, 475 causes inscrites, 375
liquidées, solde de 21%.
J'ai cité ces chiffres parce que je me suis rappelé le
district judiciaire de l'honorable
député d'Abitibi-Est. Je voudrais surtout signaler
certains districts où la situation est vraiment anormale. A Chicoutimi,
1,117 causes inscrites en 1968, 657 dont on a disposé, il reste 460
causes. C'est donc dire qu'il y a eu un retard de 41.24% dans l'audition des
causes.
Si l'on tient compte que dans certains cas il y a des détenus qui
n'ont pas été capables de fournir de cautionnement et qu'il y a
des détenus qui se trouvent en quelque sorte gênés par de
tels délais, je dis que nous n'avons pas le droit de tolérer plus
longtemps une telle situation.
Dans le district de Joliette, 1,302 causes inscrites en 1968; 927 ont
été terminées, 375 représentent le solde, ce qui
fait un déficit de 28.80%. Je dis donc qu'une telle situation ne peut
pas être tolérée dans ce district non plus.
A Montréal, 7,242 plaintes ont été portées.
On a disposé de 5,063, il en reste 2,179. C'est pour l'année
1968. C'est donc dire qu'en 1969 il y avait, inscrites au rôle au
début de l'année, 2,179 causes non encore liquidées pour
l'année 1968, ce qui représente un déficit de 30,09%.
Je pourrais continuer, et j'ai l'intention, également, de faire
faire une photocopie de ces tableaux pour l'information de tous les
députés de la Chambre.
M. MICHAUD: Merci.
M. LAFRANCE: Le ministre me permettrait-il une question?
M. PAUL: Certainement.
M. LAFRANCE: A quoi attribue-t-il ce retard?
M. PAUL: Je vais répondre à cette question de mon
honorable ami dans quelques instants.
Il y a également, M. le Président, nos tribunaux de la
cour du Bien-Etre social qui, malheureusement, se voient de plus en plus
fréquentés par les jeunes de moins de 18 ans. Et à un tel
point qu'à Montréal il nous faudra nommer deux juges
additionnels.
La situation se présente également à Sherbrooke. Je
dois immédiatement signaler que nous devrons et nous sommes dans
l'obligation de demander i la Chambre d'accepter de majorer de dix le
nombre de juges de la cour Provinciale. Et je vois mon honorable ami de Gouin
qui est surpris, mais, comme je sais qu'il est un assidu à tous nos
travaux de la Chambre, il se rappellera que nous avons créé un
tribunal du Travail qui va commander la nomination de sept juges. Comme il se
présente une ques- tion de droit constitutionnel en vertu de l'article
96, nous avons inséré, dans la Loi du travail, la cour
Provinciale comme étant le bassin d'approvisionnement du tribunal du
Travail.
Par conséquent, en réalité, nous n'aurons que trois
juges additionnels à la cour Provinciale pour faire face à tous
les besoins.
M. le Président, depuis que j'assume les re-ponsabilités
de ministre de la Justice, j'ai tâché d'accélérer,
si possible, l'administration de la justice. J'ai demandé et obtenu de
l'honorable juge Challies, juge en chef adjoint de la cour Supérieure
à Montréal, la création d'une troisième chambre
d'Assises, qui, en fait, siège depuis le début de l'automne.
Nous avons maintenant six cours ou six chambres des Sessions de la paix
qui siègent à tous les jours, cinq jours par semaine. Et nous
sommes actuellement à examiner, nous sommes à la recherche d'un
local convenable pour aménager deux cours additionnelles des Sessions de
la paix. Il est probable que nous pourrons trouver sur la rue Saint-Laurent un
local qui puisse convenir à la marche d'au moins deux chambres
additionnelles de la cour des Sessions de la paix.
Je ne désespère pas, M. le Président, que nous
puissions mettre en action une quatrième chambre des Assises, à
Montréal. L'honorable juge Challies est tout à fait
disposé à nous céder un juge de plus, mais le
problème, c'est celui de l'exiguïté des locaux qui ne
peuvent, actuellement, se prêter à l'aménagement d'une
pièce convenable pour un procès devant jury.
Nous sommes dans une période transitoire en attendant l'ouverture
du nouveau palais de justice de Montréal prévue pour le 1er juin
ou juillet 1971. Mais nous ne désespérons pas de pouvoir trouver
un local, peut-être sur la rue Saint-Denis, là où se trouve
la cour des Sessions de la paix, pour tâcher d'aménager ou de
déménager quelques salles de la cour des Sessions de la paix pour
prendre de ces salles actuellement occupées par la cour des Sessions de
la paix et les aménager en une salle de la cour d'Assises et nous
pourrions peut-être à cet endroit diriger toutes les causes de
droit pénal qui ne nécessitent pas une présence dangereuse
de certains prévenus qui deviennent accusés.
Voilà en toute franchise le pourquoi de la demande de
modification de la Loi des tribunaux judiciaires. Gladstone disait un jour:
« Justice delated is justice denied. » Et, malheureusement, nous
sommes placés et nous courons vers un tel état de fait
actuellement au Québec. Tous, dans une proportion plus ou moins grande,
doivent en supporter les responsabilités. Je sais que la très
grande majorité
de nos juges, tant de la cour Provinciale, des Sessions de la paix que
du Bien-Etre, sont des compétences, qu'ils sont soucieux de rendre une
justice expéditive, mais il y en a trop qui préfèrent le
golf à leurs responsabilités de la judicature. C'est
peut-être dur ce que je dis, mais s'il y a un endroit où on doit
le dire, c'est ici, et c'est à l'occasion de l'étude d'un projet
de loi comme celui-là. Je ne voudrais pas cependant que l'on
généralise parce que j'ai bien dit au début que la
très grande majorité de nos magistrats accomplissent un travail
excellent, sans relâche, d'assiduité de jugements
élaborés, mais il y a quelques exceptions qui, je
l'espère, entendront cet appel au sens de la responsabilité et du
devoir que je leur fais cet après-midi.
Il y a également les avocats de la couronne et je me propose,
après la session, d'envoyer une lettre à chacun des procureurs de
la couronne afin de ne pas consentir aussi facilement, en vertu de la loi du
moindre effort, à des remises aussi nombreuses de procès devant
nos tribunaux. Encore là, je regrette d'être obligé de
signaler ces faits qui ne concernent qu'une minorité de nos substituts
du procureur général, mais je me dois de le faire et j'irai
même jusqu'à demander, lorsqu'il y aura trop de remises, que les
prévenus soient libérés, je ne dis pas acquittés,
je dis libérés. Et là où nous trouverons une
incompétence ou un manque sérieux au devoir qui leur est
assigné, je n'hésiterai pas à demander leur
remplacement.
Il y a également les procureurs de la défense, qui
doivent, eux aussi, jouer leur rôle et faire leur part pour que la
justice devienne expéditive. Il est anormal, M. le Président, que
nous ne puissions pas atteindre un délai maximum de six ou huit mois
avant qu'un individu soit traduit devant les tribunaux, ait eu son
enquête préliminaire, son procès devant jury, le cas
échéant, ou son procès devant le juge lorsqu'il aura
choisi de revenir devant le juge. Disons que c'est l'idéal que les
justiciables, d'abord, attendent et qu'une bonne administration de la justice
commande. Il y a un autre facteur, M. le Président, c'est l'aisance et
la complaisance de trop de confrères, les uns envers les autres, pour
remettre indûment les causes qu'on laisse traîner, pour ne pas dire
qu'on raye durant un certain temps, pour les inscrire de nouveau sur les
rôles de la cour Supérieure ou de la cour Provinciale.
Je dis que tous les confrères de la profession devraient faire un
effort pour éviter les remises de causes lorsqu'on n'a pas de motifs
sérieux de faire une telle demande à nos juges, soit de la cour
Provinciale, soit de la cour des Sessions de la paix ou de la cour de Bien-Etre
social. Si, aujourd'hui, la justice est si vilipendée, est-ce que tous
les avocats n'ont pas un certain reproche à se faire? Il arrive, M. le
Président, que la très minime proportion porte atteinte à
l'intégrité et à l'honneur de la profession
elle-même, il y a un autre complice dans l'encombrement de nos
rôles devant la cour Supérieure, c'est l'indécence des
compagnies d'assurance à porter en appel des causes futiles dans
l'espoir de bénéficier, pendant un certain temps,
d'intérêts sur des capitaux au taux de 10%, alors que
l'intérêt légal accordé par les jugements n'est que
de 5%.
UNE VOIX: Très bien.
M. MICHAUD: Bravo! Si le ministre...
M. PAUL: Je voudrais, M. le Président...
M. MICHAUD: ...me le permet...
M. PAUL: Oui.
M. MICHAUD: Sur ce sujet-là, le ministre est-il au courant qu'il
y a un projet de loi 97 visant à corriger cette situation?
M. PAUL: Je crois que l'honorable député s'est très
mal pris lorsqu'il a voulu présenter son amendement, parce que c'est une
question constitutionnelle à laquelle je vais répondre, ce ne
sera pas long.
M. MICHAUD: On disposera de ça en temps et lieu.
M. PAUL: M. le Président, des confrères ont porté
à ma connaissance, dans le cours de la semaine dernière
ils sont deux à pratiquer dans une ville de la périphérie
de Montréal qu'actuellement, ils ont pour $1 million en suspens
devant la cour d'Appel, il s'agit de jugements obtenus dans des causes qu'ils
ont gagnées et le calcul des intérêts, au taux de 5% dans
ces causes, se totalisent à $78,000. Cela importe peu aux compagnies
d'assurance parce que, si l'on paie 5% d'intérêts, on
réalise encore des bénéfices et des profits puisqu'on
prête à 9%, 10% et même plus, dans certains cas. Je dis, M.
le Président, que c'est le droit de tout individu ou de toute personne
physique ou morale de porter une cause en appel.
Mais je dis que ce sont des actes dont l'honnêteté est
douteuse, quand on agit de cette façon au détriment, parfois,
d'une victime d'accident
d'automobile, infirme pour sa vie et qui est obligée d'attendre
quatre, cinq et sept ans avant que sa cause soit complètement
liquidée. On en est même rendu et on pousse même, je suis
obligé de dire l'immoralité judiciaire jusqu'à partir de
la cour d'Appel pour s'en aller maintenant en cour Suprême.
Je dis que nous allons trouver un moyen constitutionnel et
légal.
M. MICHAUD: Il y en a.
M. PAUL: Et la façon pour résoudre ceproblème n'est
pas de changer le taux de l'intérêt parce qu'en vertu de la Loi
des lettres de change seul le gouvernement fédéral a juridiction
pour changer le taux d'intérêt.
M. MICHAUD: En matière de propriété.
M. PAUL: Nous allons cependant, et disons que c'est un projet qui est
encore à l'état de gestation, nous verrons à amender
l'article 1056c du code pour imposer l'obligation à nos juges de
considérer comme un dommage liquidé la différence du taux
entre l'intérêt courant du marché et l'intérêt
qui est, aujourd'hui, considéré comme légal. A ce
moment-là, cela sera tout à fait constitutionnel.
Je préviens immédiatement les compagnies d'assurance que,
si elles continuent à adopter une attitude d'appels
généralisée, les fonctionnaires de mon ministère se
pencheront comme moi, avec empressement, pour essayer de mettre fin à
cet abus de procédures qui est au détriment de la masse des
justiciables dans le Québec.
Il y aura également dans ce projet de loi des amendements que
nous devrons soustraire du projet 10, pardon, je me trompe, M. le
Président. J'ai tellement de projets de loi...
M. MICHAUD: 72.
M. PAUL: ... qu'actuellement il y a confusion dans mon esprit. Je crois
que ces modifications s'imposent. Nous avons également, par la
même occasion, apporté certaines modifications aux montants des
pensions de retraite, ce qui va de soi; il n'est que normal que l'accessoire
suive le principal.
Voilà, M. le Président, dans un bref exposé, avec
franchise, sans vouloir rien cacher, les principes contenus dans le projet de
loi 72, que je suis prêt à discuter dans ses modalités
lorsque la Chambre aura accepté le principe de deuxième lecture.
Il y aura deux petits amendements sans conséquence aux fins
d'éclaircir davantage le texte de deux articles, et j'en informerai mes
collègues lorsque nous commencerons l'étude de ce projet de loi
en comité plénier.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): L'hono-rabe député
de Richmond.
M. Emilien Lafrance
M. LAFRANCE: M. le Président, je n'ai pas l'Intention,
évidemment, de commenter les propos que vient de tenir l'honorable
ministre de la Justice. D'autres de mes collègues le feront sans doute.
Je dois tout simplement dire que je me réjouis avec tous ceux qui ont
soif de justice en face des moyens auxquels entend recourir le ministre pour
accélérer l'exercice de la justice en cette province.
Comme je me propose d'apporter quelques objections et quelques
réserves concernant certains avantages accordés aux juges par
cette importante législation, je tiens d'abord à ce que l'on
sache que je suis l'un de ceux qui éprouvent encore le plus grand
respect à l'endroit de nos tribunaux judiciaires.
Ils constituent pour moi le fonde ment de notre système
démocratique, car le jour où le peuple aura perdu confiance dans
notre magistrature, eh bien, ce sera alors l'instauration du « mob rule
» où nous verrons s'écrouler comme un château de
cartes nos institutions les plus vénérables. Pour ma part, je
tiens à dire que jamais je n'ai senti autant l'Imminence de ce
péril qui nous menace depuis quelque temps que depuis que certains
agitateurs, genre Chartrand et Vallières, s'acharnent à injurier
et à contester la dignité et la légitimité de nos
juges.
C'est donc avec raison que l'on considère nos tribunaux comme
étant le dernier rempart de la démocratie. D'autre part, on sait
sans doute que cet antique et sécuritaire banc auquel rêvent tous
les disciples de Thémis n'est plus une sinécure, surtout depuis
que les valeurs et les institutions les plus anciennes et les plus
sacrées ne sont plus à l'abri du pic je dis bien de
nos contestataires, experts démolisseurs de notre société.
C'est donc dire que nos juges, qu'ils soient de la haute ou de la basse cour,
assument des responsabilités de plus en plus lourde et aussi de plus en
plus fastidieuses.
Personnellement, je connais des présidents de tribunaux, parmi
ceux qui ont encore le courage d'accomplir tout leur devoir, si pénible
soit-il, qui sont présentement menacés, eux et leurs familles,
par certains criminels et par certains agitateurs. Donc, la magistrature joue
un rôle des plus éminents au sein de notre so-
ciété démocratique, et l'exercice de ses hautes
fonctions ne constitue plus un lieu de tout repos.
Si j'ai recours à ce long préambule, c'est afin que l'on
ne s'offusque pas en certains milieux des quelques observations que je me crois
obligé de faire concernant certaines dispositions du bill 72. C'est donc
en toute objectivité que je ferai ces remarques, avec la seule et unique
préoccupation de contribuer à conserver cette haute
réputation dont jouissent encore la plupart de nos juges. En
considérant certaines dispositions de ce projet de loi accordant une
hausse de traitement substantielle et d'autres avantages aux juges du
Québec, je me demande et croyez-moi, je ne suis pas seul à
le faire si le moment est bien opportun pour adopter une telle
législation. Ne sommes-nous pas, comme on nous le rappelle très
souvent, en pleine crise d'inflation où nos gouvernants à tous
les niveaux sont aux prises avec des difficultés financières
inouïes, ce qui les oblige à pratiquer une politique
d'austérité qui affecte souvent tragiquement la classe des
économiquement faibles, comme on vient de le constater lors de
l'étude du bill 26 créant la Loi de l'aide sociale?
Ceux qui ont participé de près à l'étude du
bill 26 ont pu constater comment des familles de cinq, six ou sept personnes,
et même davantage, éprouvées soit par l'invalidité
ou la perte du chef de famille, doivent encore se contenter d'une maigre
pitance de moins de $3,000 par année, tandis que d'autres citoyens plus
privilégiés se verront accorder des traitements de plus de
$30,000.
Je ne voudrais pas que l'on considère ces propos comme
étant démagogiques, mais plutôt comme étant le
reflet d'une triste réalité de notre société dite
d'opulence où l'écart s'élargit sans cesse entre les
différentes classes»
Je crois qu'il est grand temps que l'on se rende compte de cette
disparité absolument intolérable. Certaines crises
récentes, comme celles que nous venons de vivre au sujet des professeurs
et des employés d'hôpitaux, par exemple, pour me limiter à
ces deux dernières, ne nous ont-elles pas démontré combien
il est devenu difficile à la fois d'arrêter cette escalade de
l'augmentation vertigineuse des salaires et en même temps de tenter de
satisfaire aux exigences de la justice sociale?
Aussi, je me demande comment nous, les bien nantis, ce qu'on appelle
dans cette province, dans certains milieux, 1' « establishment »,
hommes publics, députés, maires, juges et autres pourront,
demain, décemment prêcher la modération aux autres classes
de la société qui sont moins favorisés que nous le
sommes.
Comment pourrions-nous, en toute bonne foi, si nous abusons des pouvoirs
dont nous disposons, devant les réclamations souvent légitimes
des petits salariés, nous scandaliser devant certaines méthodes
radicales auxquelles ils se croient justifiés de recourir, même
si, en leur for intérieur, ils les abhorrent? Si nous, les hommes
publics, voulons vraiment conserver la confiance et le respect du peuple, ne
devrions-nous pas commencer par prêcher par l'exemple cette politique
d'austérité que nous sommes obligés d'imposer aux
autres?
Je me demande comment nous pouvons justifier et expliquer, dans une
période d'austérité toujours, des majorations de
traitements de $5,000 ou $7,000, quand des gens touchent des salaires de plus
de $20,000 comme c'est précisément le cas, par exemple, pour
toute une catégorie de hauts fonctionnaires, de sous-ministres, de
présidents de commissions, conseillers techniques, voire même de
secrétaires particuliers.
Quant à nos magistrats, qu'ils soient mieux
rémunérés que les autres, j'y acquiescerai le jour
où on exigera d'eux je devrais dire de certains d'entre eux pour
être plus juste un plus haut rendement, ou encore quand ils nous
auront prouvé qu'ils sont, selon l'expression populaire, à plein
temps au service de la société et de la justice.
En un mot, il faudrait qu'ils consacrent tout leur temps à
remplir exclusivement les hautes fonctions qui leur ont été
attribuées par le lieutenant-gouverneur en conseil, c'est-à-dire
qu'on leur refuse dorénavant le privilège de présider
certaines commissions d'arbitrage, ce qui malheureusement a prêté
à certains abus scandaleux tout en retardant indûment
l'expédition de la justice.
N'est-il pas aussi notoire que certains juges ils constituent
probablement une minorité abusent trop souvent de cette trop
grande discrétion qui leur est accordée dans l'exercice de leurs
fonctions? Aussi je me demande si le temps n'est pas venu d'exercer un certain
pouvoir de coercition pour obliger certains d'entre eux à siéger
plus souvent, sinon à quoi servira-t-il d'augmenter leur
compétence, comme on se propose de le faire dans un autre projet de
loi?
Ne serait-il pas aussi temps, M. le Président, de nous demander
pourquoi les juges, eux, jouissent d'un régime d'exception concernant
leur pension qui, soit dit en passant, me semble être l'une des plus
élevées de la société québécoise.
Pourquoi donc des juges, comme tous les autres profanes, les
députés, par exemple, ne seraient-ils pas tenus de contribuer
personnellement de
leurs deniers à un fonds de pension? Surtout, que l'on n'essaie
pas de justifier ce privilège en évoquant une certaine
tradition.
Le temps ne serait-il pas aussi venu de nous interroger sur la
façon dont, trop souvent, nos juges sont choisis, sur les
critères sur lesquels on s'appuie? On se demande parfois si l'une des
premières qualifications qui président à ce choix ne
constitue pas l'allégeance politique ou les services rendus à un
parti. Si nous voulons vraiment maintenir l'intégrité de nos
institutions judiciaires, il est urgent d'extirper ce genre de haut patronage
de nos moeurs politiques.
M. PAUL: L'honorable député me permettrait-il ici de
l'informer d'une situation? Je le fais bien honnêtement, c'est que mon
prédécesseur, l'honorable Jean-Jacques Bertrand, premier
ministre, alors qu'il était ministre de la Justice, avait établi
cette coutume qu'une série de noms, qu'importe la couleur politique,
soit transmise au Barreau qui fait l'enquête administrative sur
l'expérience, la réputation du confrère et qui, par la
suite, fait certaines recommandations au ministère de la Justice.
M. LAFRANCE: II est cependant étrange de constater, M. le
Président, qu'on peut relier l'allégeance politique à la
plupart des nominations qui ont été faites par le présent
gouvernement.
Pour toutes ces raisons, je me demande s'il ne serait pas plus sage,
dans les circonstances actuelles, de surseoir, du moins, à certaines
dispositions de cette législation. Dans des conditions plus favorables,
à la lumière du rendement que seront appelés à
fournir les juges, avec les nouvelles compétences qui leur sont
attribuées, nous, les législateurs nous serons alors mieux
éclairés, peut-être plus justifiés d'adopter
certaines mesures visées par ce projet de loi.
Quant à moi je parle en mon nom personnel et non au nom de
l'Opposition à moins que l'on n'apporte certains amendements au
bill 72, je me demande quelle sera mon attitude en deuxième lecture.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): L'honorable député
de Matane.
M. Jean Bienvenue
M. BIENVENUE: M. le Président, il y a un peu plus de deux ans,
soit le 14 juillet 1967, nous votions en cette Chambre un projet de loi qui,
par un curieux hasard, portait le no 71, un chiffre de moins que celui que nous
étudions présentement, et traitait du même sujet quant
à l'ensemble. J'avais alors eu l'occasion d'exprimer le point de vue de
l'Opposition.
Il n'est pas dans mes habitudes de me lire et encore moins de me relire.
Je vous avoue que j'ai succombé à la tentation, cette fois-ci, de
voir ce que j'avais dit à ce moment-là. J'ai constaté
et je le dis avec modestie que j'ai de la suite dans les
idées et que je suis conséquent avec moi-même. Je me
proposais cet après-midi et je vais le faire de tenir des
propos du genre de ceux que j'ai tenus il y a deux ans. J'entends
énoncer substantiellement les mêmes principes, tout en y allant
peut-être de quelques suggestions ou idées qui sont de mon cru et
d'autres qui me viennent soit d'entretiens récents avec des magistrats
fort autorisés, soit du fruit de ma bien modeste expérience de
près de 18 ans devant le prétoire.
Comme on le verra, je n'irai pas jusqu'à faire des motions
formelles d'amendement de ces suggestions et de ces idées qui me
viennent. Je voudrais faire au gouvernement et au ministre de la Justice en
particulier des recommandations dont ils pourraient peut-être tenir
compte au moment où nous franchirons les étapes de l'adoption de
cette loi, et plus particulièrement lors de l'étude en
comité plénier. Il est assez difficile de cerner de façon
précise le principe même d'un bill de cette nature, parce qu'on a
tôt fait de réaliser que son but est de replâtrer
différents murs de plusieurs pièces de législation
touchant le traitement et le nombre des juges des trois cours dont on parle,
touchant leur juridiction et leurs pouvoirs, frôlant au passage la cour
du Banc de la reine, les commissaires à l'assermentation et même
notre président général des élections, et que
sais-je encore?
Toutefois, après avoir déblayé le terrain pour
extraire le principe du bill 72 présentement à l'étude, je
pense qu'il s'agit de l'importance accrue accordée par le
législateur aux trois cours qui ressortent de sa juridiction et de son
contrôle, au triple chapitre du nombre, du traitement, des
responsabilités, des devoirs et des pouvoirs qui incombent à tous
les magistrats qui composent ces trois cours. Je voudrais m'arrêter
d'abord à cette augmentation du nombre des magistrats qui composent les
trois cours de la juridiction provinciale.
Je dis tout de suite, sans détour, que cette augmentation me
paraît parfaitement justifiée par cette vieille théorie
dite, si l'on veut, de l'offre et de la demande ou mieux encore du besoin
créant la nécessité. Nous connaissons tous cette
expression proverbiale elle est sur bien des lèvres, sur trop de
lèvres malheureusement au sujet de la lenteur de la justice,
qu'il s'agisse de justiciables intéressés aux matières
civiles ou, comme le disait le
ministre de la Justice avant moi, de matières pénales.
Je m'empresse de dire, cependant, que des progrès
considérables ont été réalisés depuis
quelques années dans ce domaine, grâce à différents
facteurs dont les moins négligeables sont certes l'adoption de
législations telles que ce bill 71 dont j'ai parlé
précédemment.
Il était le fruit, je tiens à le dire, de
l'unanimité de cette Chambre à l'époque ou, mieux encore,
grâce au travail inlassable, appuyé par un véritable esprit
d'équipe, auquel se sont astreints les juges en chef et les juges
puînés des différentes cours qui administrent la justice
dans cette province, travail dont j'ai et dont un si grand nombre de plaideurs
ont été témoins.
Je ne veux nommer aucun de ces juges en chef puînés pour
des raisons manifestes. Et je ne puis chasser de mon esprit le labeur
intelligent et les initiatives louables de certains magistrats qui laisseront
le souvenir impérissable d'avoir contribué à rendre cette
justice, si discutée, efficace, accessible à tous et
prononcée dans les meilleurs délais.
L'augmentation du nombre des juges à ces trois paliers
accentuera, je pense, de façon appréciable l'expédition
des affaires judiciaires dans notre province. Cette augmentation me
paraît également parfaitement justifiée par cette autre
augmentation, surtout en matière pénale je fais allusion
au niveau de ceux de moins de 18 ans devant la cour du Bien-Etre social et de
ceux de plus de 18 ans devant nos tribunaux communs je dis cette
augmentation est justifiée par cette autre, effarante augmentation du
crime, cette montée tragique du banditisme et de la violence sous toutes
ses formes, lesquels sont bien caractéristiques des périodes de
récession économique et de chômage ou encore de
léthargie des autorités gouvernementales.
Je pense qu'aucun recul n'est permis, aucune faiblesse ne doit
être tolérée, aucun retard ne doit être admis,
même sous prétexte de l'insuffisance des juges ou de la saturation
des rôles, lorsque les forces occultes ou connues de ceux qui
transgressent l'ordre établi et la paix publique se livrent à
leurs activités destructives, activités qui détruisent la
personne, les biens des individus ou encore ceux de l'Etat.
Cette même augmentation du nombre des juges, j'en trouve
également une justification aux matières civiles, dont je
voudrais dire un mot très bref à la suite du ministre de la
Justice. Ce bill 74 que nous étudierons à brève
échéance nous offre ce nouvel article qui a pour but de faire
changer la juridiction de la cour Provinciale, ancienne cour de Magistrat, d'un
montant de $1,000 à celui de $3,000.
Il est évident que ce changement, cet amendement dans la
juridiction de la cour quant au quantum sur lequel elle sera appelée
à se prononcer aura pour effet de donner un surplus de travail assez
considérable aux juges en matières civiles de notre cour
Provinciale, et les faits sont là pour l'établir, il peut y avoir
des variantes d'un district judiciaire à l'autre, mais nous savons tous
que devant notre cour Supérieure actuelle, et cela avant et sans tenir
compte de l'amendement qu'on nous annonce, une proportion variant de 60%
à même, parfois, 75% des causes civiles concerne des causes dites
d'accident d'automobile.
Or, une autre statistique qui est accessible à tous veut que, sur
ces 60% à 75% de causes embourbant le rôle de la cour
Supérieure pour des matières d'accident d'automobile, il y en ait
une proportion d'environ 50% dans lesquels le montant en litige est de $3,000
ou moins. On peut facilement se rendre compte, à ce moment-là,
qu'un pourcentage substantiel des causes qui encombraient les rôles de
notre cour Supérieure seront dorénavant portées, entendues
et jugées devant notre cour Provinciale. Et je pense que l'augmentation
du nombre à ce chapitre est également parfaitement
justifié.
Pour ce qui est du traitement, y compris l'augmentation des pensions que
l'on nous annonce donc l'augmentation du traitement et des pensions
je dis que cette augmentation me paraît également
justifiée. Je ne voudrais pas revenir sur les raisons que j'avais
longuement évoquées il y a un peu plus de deux ans, lors de
l'étude du bill 71 dont j'ai parlé. J'ai dit que je voulais
être conséquent avec moi-même.
Les raisons qui valaient à ce moment-là n'ont pas
changé, sauf en ce qu'elles peuvent être affectées par
certaines opinions, certains faits que je voudrais porter à la
connaissance de cette Chambre.
Il est manifeste que l'on veut placer nos magistrats provinciaux des
trois cours dont il s'agit sur le même pied que les juges qui sont
nommés par le gouvernement du Canada. Je n'y vois absolument aucune
objection d'ordre rationnel et encore moins d'ordre émotif. De plus en
plus, ces cours dites provinciales soulagent les juridictions
supérieures d'une partie considérable de leur travail. Il y a de
nombreux exemples en matière civile, et j'ai fait allusion il y a un
instant à ce bill 74 qui portera la juridiction, quant au quantum, de
$1,000 à $3,000 et où dorénavant, comme conséquence
directe de ce changement de juridiction je le dis, qu'on me comprenne
bien, je ne dirai rien de plus que ce que je dis et je ne sous-entendrai rien
où dorénavant, dis-je, les juges de notre cour
Provinciale en matière civile devront être soumis eux aussi
à la censure de la cour d'Appel, et l'étant, devront
nécessairement mettre autant de soin, autant de zèle, autant de
préparation et autant de compétence dans les jugements qu'ils
rendront sur les litiges qui leur seront soumis.
En matière criminelle ou pénale, et sans mettre de
côté ce qu'a dit le ministre de la Justice au sujet du plus grand
nombre de cours d'Assises qu'il veut faire organiser ou mettre sur pied
à Montréal, mais parlant de l'ensemble de la province, je dis
qu'en matière pénale, nos cours d'Assises en
général et je ne parle pas toujours de Montréal
sont devenues de plus en plus, ou de moins en moins si l'on veut, des
ateliers de justice moins fréquentés et dont les murs deviennent
de plus en plus les témoins historiques et parfois nostalgiques, et
j'avoue que je participe parfois à cette nostalgie, les témoins
historiques, dis-je, de grands procès fracassants du passé ou
pour lesquels de brillants plaideurs ont contribué, autant par leurs
intonations sonores que par la froide logique, à des instances où
le spectaculaire l'emportait souvent sur le judiciaire.
Les prévenus, les accusés et leurs procureurs,
étant modernes, n'échappent pas 9. cette règle nouvelle du
sens pratique, du sens expé-ditif, s'accommodant souvent plus du
résultat simple et concret que des moyens complexes et incertains. Aussi
optent-ils pour des procédés plus rapides devant des tribunaux
plus accessibles présidés par des juges aussi compétents
et aussi justes et aussi assidus au travail que tous les autres magistrats des
juridictions supérieures.
Je ne veux pas revenir sur mes propos d'il y a deux ans mais,
succinctement, je désire rappeler que nos juges provinciaux
siégeant en matière pénale exercent des
responsabilités quotidiennes parfois et fort souvent aussi grandes et
même plus terribles que celles de leurs collègues dont je viens de
parler. En effet, alors que, plus souvent, ces derniers, ceux de la cour du
Banc de la reine, ceux de la cour Supérieure, n'exercent que la fonction
quasi unique de diriger en droit des corps de jurés et de prononcer des
sentences, les premiers, ceux qui sont intéressés par ce projet
de loi, cumulent le double mandat de rendre une justice totale, soit si l'on
veut, de croire ou de ne pas croire, d'acquitter ou de condamner et, dans ce
dernier cas, d'imposer des sentences allant parfois jusqu'à priver des
individus de leur liberté pour la vie.
Quant aux juges de la cour du Bien-Etre social dont on a parlé
avant moi, j'ai déjà eu l'occasion de dire en cette Chambre, et
je tiens à redire aujourd'hui, que leur responsabilité et
l'ampleur de leur travail ne sont pas moins importantes. Tous savent qu'ils
reçoivent devant eux, ces juges de la cour dite du Bien-Etre social, le
criminel en herbe et même parfois hélas, le criminel qui est
déjà reconnu comme tel alors qu'il est âgé de moins
de 18 ans.
Très souvent, selon la façon dont la justice aura
été comprise et rendue par ces juges de la cour du Bien-Etre
social, dépendra la vie de citoyens honnêtes, d'un adolescent ou
sa chute irréversible sur la pente fatale de la criminalité.
Les crises que traverse notre société comptemporaine
pas seulement au Québec, Dieu merci crises
engendrées ou aggravées par l'usage et la consommation
répandue des narcotiques chez les jeunes...
M. LAFRANCE: Les boissons alcoolisées.
M. BIENVENUE: Mon collègue de Richmond m'a volé les
paroles de la bouche, M. le Président... engendrées par la juste
contestation dégénérant en violence, bris
d'édifices, explosions de bombes, glorification de criminels prenant
figures de vedettes, sédition et courses folles à la
révolution contre l'ordre établi ou la guerre civile, tout cela
sous l'oeil encourageant de certaines émissions du réseau
français de Radio-Canada, ces crises, dis-je, ajoutent de façon
bouleversante aux immenses responsabilités des magistrats de cette cour
qu'un trop grand nombre d'individus et même de juristes voient d'un oeil
insouciant et même moqueur.
Je formule donc la proposition suivante, M. le Président: A
travail égal, responsabilités égales, traitement
égal, respect égal pour ces magistrats de nos cours provinciales.
On entend parfois des récriminations. Le ministre de la Justice vient
d'en faire état. On parle d'incompétence, on parle de manque
d'ardeur au travail, et que sais-je encore? Je ne connais point, M. le
Président, de professions les députés
n'échappent pas à la règle les
médecins...
M. LAFRANCE: Les avocats.
M. BIENVENUE: ... les avocats, pour faire plaisir à mon ami, le
député de Richmond, je ne connais point de profession ou de
discipline parfaite. Je sais cependant que c'est au prix de bien des facteurs,
de bien des considérants que l'on obtient plus de compétence,
plus d'efficacité dans la vie. L'un d'entre eux, et non le moindre de
ces considérants, c'est celui du
traitement accordé. Nous attirerons, M. le Président, de
meilleurs juristes vers nos tribunaux lorsque les sacrifices nombreux qu'ils
s'imposent trop souvent seront allégés par l'assurance
d'émoluements un tant soit peu, plus compétitifs. J'ai
parlé de sacrifices. Je ne veux pas toucher à tant d'autres
problèmes auxquels mon collègue, le député de
Richmond, a touché brièvement, tant d'autres problèmes qui
se posent aujourd'hui à notre magistrature et qui me font dire d'elle
qu'elle exige souvent de ses membres un véritable esprit de renoncement
quand ce n'est pas davantage, quand ce n'est pas d'aller jusqu'à endurer
l'injure, l'insulte ou l'opprobre. Enfin, M. le Président, j'avais dit
au début et je le ferai très, très rapidement
que je voulais formuler quelques suggestions avant que nous traversions
toutes les étapes de la procédure pour l'adoption de ce bill.
Mes suggestions, et je n'en fais pas, évidemment, une motion
d'amendement, ont trait en particulier à la cour des Sessions de la paix
et à la cour Provinciale qui sont directement intéressées
par notre projet de loi actuel.
Nous savons tous et le ministre de la Justice le sait mieux que
moi, M. le Président qu'en vertu du chapitre 20 des Statuts
refondus de 1964, qui constitue la grande charte de cette cour des Sessions de
la paix, le juge en chef de cette cour n'a sur ses membres, sur ses juges, que
des pouvoirs de surveillance et de contrôle. Je sais que des situations
assez délicates sont survenues et pourront encore survenir, situations
qui placent le juge en chef de cette cour dans une position où ses
responsabilités, son contrôle se limitent à la
surveillance, à l'incitation, et rien davantage. Si l'on pouvait ajouter
a ces pouvoirs des pouvoirs que je ne craindrais pas d'appeler des pouvoirs de
coercition pour le juge en chef, je pense qu'on faciliterait grandement son
travail et qu'on obtiendrait des résultats beaucoup plus positifs dans
l'administration de cette cour.
Il ne serait pas anormal, M. le Président, alors que vous
êtes président en quelque sorte ici d'une Chambre
législative et que vous avez des pouvoirs coercitifs je ne
voudrais pas vous mettre à l'épreuve de ce côté
que le juge en chef d'une cour aussi importante que celle-là
puisse bénéficier de tels pouvoirs.
Une autre suggestion qui me venait à l'idée et je
m'adresse surtout au ministre de la Justice serait celle qui tendrait,
dans cette province, à la séparation de la juridiction civile et
de la juridiction pénale, lorsqu'on parle de notre cour Provinciale.
Nous savons tous que notre cour Provinciale a une juridiction mixte, une
juridiction double dans certains districts je pense surtout aux
districts ruraux par laquelle ses membres administrent la justice tant
criminelle que pénale. Je verrais d'un bon oeil c'est une bien
modeste suggestion que je fais au ministre en cette Chambre que,
dorénavant, seule la cour des Sessions de la paix administre la justice
pénale dans cette province y compris dans les districts ruraux, mais
que, grâce à l'augmentation du nombre de ses juges, grâce
à des dispositions administratives nouvelles, l'on puisse, deux fois par
mois, faire siéger ses membres dans les districts ruraux, même les
plus éloignés, afin de libérer les rôles qui sont
déjà fortement encombrés.
M. le Président, je fais cette suggestion et je le dis au
ministre de la Justice parce que je ne crois pas au génie
transcendant, je ne crois pas à ces magistrats qui possèdent avec
une égale compétence la science de deux matières, de deux
champs d'activités juridiques tellement différentes; celui du
civil et celui du pénal. D'ailleurs, je pense qu'il devrait en
être ainsi à tous les paliers de la justice dans la province et
dans le pays. Je pense qu'un jour la cour du Banc de la reine devrait subir,
elle aussi, cette division quant aux matières afin que les causes
criminelles ou pénales ne soient entendues que devant cette section, si
je peux l'appeler ainsi, de la cour du Banc de la reine, composée, comme
on le sait, de juges de notre actuelle cour Supérieure.
La cour d'Appel, je le sais, a fait elle-même dernièrement,
des remarques au sujet de ce partage des juridictions ou des compétences
chez nos cours de juridiction de droit commun.
Enfin, M. le Président, ce sera ma dernière suggestion:
mon collègue, le député de Richmond, y a fait une
brève allusionprécédemment. On sait qu'actuellement, en
vertu des dispositions de l'article 73 de la Loi des tribunaux judiciaires,
chapitre 20 toujours, les juges de ces cours peuvent, avec la permission du
procureur général, s'occuper d'organismes d'arbitrage
privés. L'on me rapporte et je crois ne pas me tromper en
l'affirmant qu'à toutes fins utiles cette permission-là
n'est pas demandée au procureur général et que cet article
ne reçoit pas d'application. Je verrais d'un bon oeil là
aussi, je le dis bien humblement que dorénavant ou cet article
reçoive pleinement son application et cela, évidemment, via le
juge en chef de la cour concernée ou mieux encore soit abrogé
complètement. En effet, nos magistrats et nos juges de juridiction
provinciale ont déjà suffisamment de travail; ils seront en
nombre suffisant et auront un traitement suffisant pour
accomplir à la satisfaction des justiciables le travail qui
ressort normalement de leur juridiction.
M. le Président, je le dis sans détour, je ne me pose pas
de question; je voterai pour le principe que j'ai dégagé de ce
projet de loi no 72. Evidemment, certains de mes collègues ont fait et
feront des réserves. Je leur en reconnais, Dieu merci, le droit absolu
et je respecte ces réserves. Je crois que, face à ce projet de
loi, pour les raisons que j'ai exposées et pour les motifs dont j'ai
traité, il ne devrait pas être du devoir ou du lot de l'Opposition
de mettre des bâtons dans les roues du gouvernement pour cette
législation quant à son principe et que nous devrions laisser le
gouvernement prendre ses responsabilités et adopter ce projet de loi
dans l'intérêt supérieur des justiciables de cette
province.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourassa.
M. Georges-E. Tremblay
M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, vous conviendrez avec
moi que ce n'est pas avec un goût sucré que je me lève, cet
après-midi, pour parler du bill 72. Mais, par contre, je me verrais
manquer à mes devoirs envers les citoyens de mon comté, les
électeurs du comté de Bourassa, si je ne participais pas à
ce débat.
Je dois d'abord vous dire que je suis entièrement d'accord pour
reconnaître que, dans notre province, nous avons besoin de juges, tant
dans nos cours Provinciales que dans celles du Bien-Etre social et celles des
Sessions de la paix. Je vois très mal qu'on nous présente un
projet de loi comme celui-ci dans les années difficiles que nous
traversons, à un moment où les taux de chômage
s'élèvent constamment dans toutes les régions du
Québec et que la majorité des travailleurs doit se contenter d'un
salaire moyen de $3,000 par année. Et je suis très libéral
du côté des salaires.
Alors que tous les Parlements prennent des mesures pour réduire
l'inflation, nous pouvons nous vanter de payer les taxes les plus
élevées dans tout le Canada. Nous pouvons également
affirmer que l'administration du gouvernement du Québec a atteint le
plus haut niveau au pays, au point que nous finançons nos emprunts au
taux de 11%.
A ce moment précis où on nous présente un bill qui
occasionnera des dépenses, je ne dirai pas supplémentaires, mais
exorbitantes et scandaleuses, on nous demande d'accepter ces dépenses,
mais pas pour venir en aide à nos assistés sociaux. On vient de
passer un bill hier, et on donne ça à nos assistés sociaux
à la petite cuillère à thé. Là, ce n'est pas
pour ça, c'est pour d'autres personnes, non pour les infirmes qui sont
au crochet de leur famille ou de leurs amis qui n'en ont même pas assez
pour se subventionner eux-mêmes, non pour les malades mentaux que les
parents sont incapables de placer dans les hôpitaux... Non pas pour
amener de nouvelles industries destinées à relancer notre
économie. Non pas pour les mères de famille qui, avec deux
enfants, doivent vivre avec une maigre pension de bien-être social, de
$145 par mois, montant sur lequel elles doivent payer un loyer de $75 a $85 par
mois. Le chauffage, le téléphone, et manger trois repas par jour.
Non pas pour ceux-là, M. le Président. Ceux-là, on les
oublie. Non pas pour les travaux d'hiver dans les municipalités
où on pourrait intervenir en donnant un peu plus d'argent pour aider ces
municipalités à engager des personnes sans travail. Non pas pour
ceux-là. Non pas davantage pour donner du travail aux personnes en
chômage.
M. le Président, on nous demande d'accepter ce bill pour
augmenter messieurs de la magistrature. Je sais qu'ils font un travail
sérieux. Je n'en discute pas. Mais personne ne les force à
accepter le rôle de magistrat. D'ailleurs, tous les membres dans cette
Chambre sont au courant qu'il y a des listes assez chargées qui
attendent. Je ne dirais pas qu'ils ont toutes les compétences, mais je
suis au courant moi-méme qu'il y a des listes assez chargées qui
attendent ceux qui peuvent en sortir si ce n'est pas assez payant.
Lors des élections générales et ça me
choque un peu, c'est pour ça que j'interviens dans ce bill-là
on a embrassé les pauvres contribuables, les pauvres citoyens, le
petit salarié, on les a embrassés pour gagner ses
élections, et maintenant on couche avec les gros et on les
protège. C'est ça que nous donne ici, au Québec, le
gouvernement d'aujourd'hui.
Ce bill porte les salaires des juges en chef de $25,000 à
$32,000, c'est-à-dire $7,000 d'augmentation.
M. PAUL: M. le Président, je suis obligé ici, en vertu de
l'article 270, de faire un rappel au règlement. Tout d'abord,
l'augmentation des juges n'est pas de $25,000 à $32,000. L'augmentation
des juges est de $23,000 à $28,000.
M. TREMBLAY (Bourassa): Les juges en chef...
M. PAUL: Et pour les juges en chef seulement à $32,000. Ce qui ne
constitue que quelques exceptions...
DES VOIX: C'est ce qu'il a dit...
M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, je ne suis jamais
intervenu, moi, auprès du ministre quand il parle. Qu'il me laisse faire
mon discours; après ça, il fera ses remarques. Quand est-ce que
je me lève en Chambre pour intervenir auprès d'un ministre?
Jamais. Je le laisse parler. Bien, qu'on me laisse parler; après
ça, il posera ses questions.
M. le Président, le salaire des juges en chef je vais
recommencer, ça va faire plaisir à l'honorable ministre que je
mette les points sur les « i » passe de $25,000 à
$32,000. Cela veut dire $7,000 d'augmentation. Quant à la pension, avec
les années, de$16,000, elle sera augmentée à $18,000.
Pour ce qui est des juges de nos trois cours, Bien-Etre social,
Provinciale et Sessions de la paix, leur salaire sera porté de $23,000
à $28,000: augmentation de $5,000. Leur pension, avec les années,
ira de $14,000 à $16,000. Que dire des frais de voyages qui seront
portés de $30 à $35 par jour?
Est-il nécessaire d'ajouter que la cour siège à dix
heures le matin? Je comprends que M. le Juge est obligé de partir de
chez lui et qu'il lui faut peut-être se lever à neuf heures. Par
contre, il y en a d'autres qui doivent faire la mime chose pour aller
travailler. Dans l'après-midi, ça va jusqu'à quatre heures
et demie, peut-être cinq heures. Cinq heures, c'est tard. Si nous allons
à la cour à Montréal, cinq heures, c'est très tard.
Il ne faudrait pas oublier le lunch. Il faut qu'ils mangent, c'est sûr,
mais ce n'est pas trente minutes. Je pense que nous allons nous entendre; c'est
un peu plus que trente minutes.
Alors, on dit qu'ils vont travailler davantage. Il ne faut pas se conter
des histoires, M. le Président. Ils ne pourront pas entendre plus d'une
cause à la fois; il faut bien se rendre compte de ça.
Alors, nous disons qu'ils vont travailler davantage, mais ils ne
siègent pas tous les jours. Alors, la journée où ils ne
siègent pas, ils ont le droit, je crois, de préparer leur
jugement sur certaines causes.
Le salaire d'un juge, vous savez, si nous le comparons avec celui
d'autres personnes de la population qui ont aussi un travail sérieux,
est de $1,916.80 par mois et ils ont la possibilité de rester en
fonction jusqu'à l'âge de 70 ans. Mais, ils peuvent se retirer
égale- ment après vingt ou vingt-cinq ans de service. Pour
établir une comparaison, songeons aux propriétaires de petites
entreprises, de petites industries, qui travaillent de quinze à dix-huit
heures par jour, qui paient de plus en plus d'impôts, des taxes de toute
nature et qui, à l'âge de 60 ans, ne peuvent pas jouir d'une
pension raisonnable.
Que dire des cols blancs, des cols bleus, des professeurs de nos
universités, de nos CEGEP, qui, bien qu'ils possèdent 18 ans, 19
ans et parfois 20 ans et plus de scolarité, auront une pension qui
n'atteindra pas la moitié de celle de ces messieurs de la
magistrature?
MM. les Juges se sont-ils arrêtés un instant pour penser
que, dans notre société actuelle, des hommes et des femmes de 45
ans, même avec une très bonne formation, sont incapables de
trouver le moindre emploi? Pour ma part, je trouve qu'un traitement de $23,000
annuellement est fort juste et raisonnable. En raison même du climat
économique difficile de la province de Québec, je demanderais
à MM. les juges de comprendre que le moment est très mal choisi
pour envisager une augmentation de cette importance, soit de $5,000 à
$7,000 annuellement, pour un nombre approximatif de 250 juges, ce qui
comporterait une dépense additionnelle pour la province de $1,250,000,
sans compter la majoration de la pension pour tous.
Je suis assuré qu'à ce moment-ci il est impossible, pour
des députés qui prétendent être de bons
administrateurs, d'accepter ce bill. Il faut également songer à
l'économie qui est à la baisse partout dans la province et aux
difficultés énormes qui touchent toutes les classes de la
société.
Les agriculteurs, à l'heure actuelle, tirent le diable par la
queue, surtout depuis qu'ils ont vu leurs subsides diminués de la part
d'Ottawa. Les petites industries font des tours de passe-passe il ne
faut pas se le cacher pour réussir à se maintenir. Comme
j'en ai parlé il y a quelques instants, les cols bleus et les cols
blancs, les employés d'hôpitaux, les professeurs, les policiers,
les pompiers, les travailleurs syndiqués dans d'autres régions,
enfin, tous ceux qui ne sont pas syndiqués ont toute la peine du monde
à obtenir une misérable augmentation de $4, $5, $6 ou $7 par
semaine.
Actuellement, les contribuables ont peine à faire face à
leurs obligations. Pour eux comme pour messieurs les juges, le coût de la
vie ne cesse de s'accroître. Quand on voit dans les épiceries le
prix du pain, du lait, du beurre et de la
viande qui est très élevé dans toute la province,
ces prix sont pour toutes les classes de la société.
Qu'ils soient magistrats, qu'ils soient chauffeurs de camion ou
ouvriers, le beurre est au même prix, $0.75 ou $0.80 la livre. Afin de
vous convaincre du bien-fondé de mes objections à ce bill, je
pourrais allonger indéfiniment la liste des défavorisés
qui verront d'un mauvais oeil qu'une classe déjà
privilégiée soit encore plus protégée. On parle de
justice, il faut être juste pour toute la population.
Je suis assuré que vous, M. le Président, et messieurs les
ministres comprendrez que pour toutes les considérations
énumérées, gardant toujours en vue l'état financier
et économique de la province et le bien commun général, je
me verrai forcé en mon nom personnel, de voter contre le projet de loi
no 72.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député des Iles-de- la-
Madeleine.
M. Louis-Philippe Lacroix
M. LACROIX: M. le Président, je ne prétends pas me faire
le défenseur des avocats et des juges. Je crois qu'ils ont la
compétence voulue pour se défendre seuls. Actuellement, comme
dans toutes les classes de la société, on se plaint tellement de
l'administration de la justice que je crois qu'il y a lieu d'étudier
sérieusement la situation et de ne pas oublier que si nous voulons que
la justice soit bonne, il faut qu'elle soit rendue par des gens
compétents.
Les bons avocats quitteront leur étude pour accepter de monter
sur le banc si nous leur versons une rémunération raisonnable et
correspondant à leurs qualités. Le bill no 72, à mon
humble avis, ne doit pas être une possibilité, pour certaines
personnes, de pêcher en eaux troubles. Il ne faut pas profiter de cette
loi pour alimenter une lutte de classes qui ne pourrait que servir les
intérêts des agitateurs professionnels qui ne peuvent
eux-mêmes se satisfaire d'un revenu moindre que celui qu'on propose de
verser actuellement aux juges.
Je me demande, étant donné que les juges ne peuvent
absolument pas exercer un autre travail que celui de juge, qu'ils ne peuvent
exploiter aucun commerce ni maintenir leur étude, je me demande, si la
même obligation était faite aux députés de s'en
tenir uniquement à leur seul revenu de députés, s'il n'y
aurait pas des personnes qui reviseraient leur jugement. Les
économiquement faibles, les moins bien nantis ne sont-ils pas ceux qui
comptent le plus sur des juges impartiaux et compétents? Un juge doit
pouvoir compter recevoir un salaire raisonnable. Je pense que ce n'est que
justice pour ces gens à qui l'on demande d'être savants,
d'être toujours présents et d'avoir un excellent jugement. Le
juge, comme tous les autres travailleurs, a deux partenaires qui partagent avec
lui son salaire, soit les gouvernements fédéral et
provincial.
Sur le salaire de $28,000 que nous verserons au juge, celui-ci devra
verser environ $10,000 aux trésors fédéral et provincial.
Il lui restera environ $18,000 pour son travail. Je crois qu'un juge a droit
à un niveau de vie raisonnable de même que sa famille, sa femme et
ses enfants. On parle toujours de M. le juge, des enfants de M. le juge, de la
famille de M. le juge. Ils doivent avoir un standard de vie raisonnable et
correspondant au niveau social qui est le leur.
Je comprends que la situation économique de notre province n'est
pas des plus favorable. Mais l'augmentation du coût de la vie, des
impôts, des obligations sociales atteint les juges comme toutes les
autres classes de la société. On ne paie jamais trop cher de bons
serviteurs. Il ne s'agit que de choisir les meilleurs avocats pour faire de
bons juges; et les meilleurs avocats n'accepteront de monter sur le banc qu'en
autant que leur compétence sera rémunérée à
sa juste valeur.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.
M. Yves Michaud
M. MICHAUD: M. le Président, il y a deux aspects fondamentaux
dans ce projet de loi qui est soumis à l'adoption de l'Assemblée
nationale. L'étude la plus rapide et je dirais la moins attentive
révèle qu'il y a là deux volets. Le premier concerne
l'augmentation du nombre de juges afin d'expédier et
d'accélérer les méthodes et les moyens qui rendent la
justice au Québec, et le second vise à donner à ceux qui
exercent la fonction de juge des traitements supérieurs à ceux
qu'ils possèdent déjà.
Ce sera là, M. le Président, un bel exemple pour faire
fonctionner cet article de notre règlement qui prévoit, dans
certains cas, que l'on peut scinder un bill en deux parties lorsque le
Parlement décide qu'il pourrait en adopter une et en rejeter une autre,
il me semble que cet article pourrait s'appliquer dans l'étude du
présent projet de loi. Car s'il est manifeste que nous avons besoin d'un
nombre additionnel de juges pour accélérer l'audition des causes,
il est, par ailleurs, moins manifeste que les traitements des juges doivent
être augmentés à ce
moment-ci, et surtout dans une période où
l'économie québécoise connaît des périodes
d'essoufflement notoire...
Or, M. le Président, ces deux aspects font que nous sommes assez
partagés quant au vote que nous allons donner. Puisque, rejetant la
partie, nous ne pouvons accepter le tout, il y aurait peut-être lieu,
encore, je le répète, d'appliquer cet article de notre
règlement.
Il y a bien sûr, quand on discute de choses aussi sacro-saintes et
taboues que l'administration de la justice chez nous, des gens qui diront
qu'à chaque fois que l'on ose s'attaquer à l'ordre établi,
l'on remet en question les fondements mêmes sur lesquels notre
société repose.
Pour ma part, bien qu'à l'occasion on puisse me tancer du fait
que je remets en question des institutions, j'ai toujours
éprouvé, pour ceux qui sont commis à cette redoutable
fonction de rendre la justice des hommes, un inconditionnel respect. J'essaie,
comme tout le monde, de me comporter en honnête citoyen, respectueux de
la loi et de ceux qui sont chargés d'en actionner les mécanismes
administratifs.
Mais, M. le Président, il faut quand même nous poser des
questions en fonction du mandat que nous avons reçu ici de
légiférer en fonction des intérêts de l'ensemble. La
démonstration du ministre de la Justice, parrain du projet de loi, ne
m'a pas convaincu du bien-fondé de l'augmentation de traitement des
juges, encore que sa démonstration ait été fort pertinente
et fort intelligemment défendue pour ce qui concerne le problème
de l'augmentation du nombre des juges au Québec.
Il y a là un problème fondamental et je me
réfère à quelques dossiers, quelques documents qui ont
été publiés il y a quelques mois sur le pourcentage
d'occupation des salles d'audience des tribunaux dans le Québec, tant
à nos cours de la Vieille Capitale que dans nos cours à
Montréal. Je voudrais pouvoir voter, en toute intelligence et en toute
connaissance de cause, sur des faits précis. Quel est le pourcentage
exact d'occupation de nos salles d'audience? C'est-à-dire est-ce que les
juges, dans l'état actuel des choses et tenant compte de la situation
réelle et concrète, effectuent le travail que, normalement, la
société s'attend qu'ils doivent faire?
Le ministre de la Justice a parlé, et je pense bien que nous
concourrons dans cette affirmation, qu'il y a dans ces retards inqualifiables
apportés à rendre la justice, des citoyens qui sont
considérablement lésés dans leurs droits les plus naturels
et dans leur droit d'avoir une justice pleine et entière.
Lorsque le ministre, parrain du projet de loi, parle du fait que «
to delay justice is to deny justice », je pense qu'il a raison et qu'il
touche là l'un des problèmes les plus cruciaux de
l'administration de la justice au Québec. Bien sûr, s'opposer
à une loi qui, d'une part, prévoit une plus-value du traitement
de la magistrature, c'est y aller à nos risques et périls, c'est
nous faire accuser facilement d'être des démagogues, de vouloir
exploiter les instincts les plus bas de la population, de mettre en
parallèle les classes les unes contre les autres, c'est encourir le
risque de nous faire accuser de réveiller chez les moins nantis, chez
les moins riches, ceux qui souffrent par rapport à ceux qui en
ont plus des instincts de contestation qui pourraient, lorsqu'ils sont
trop exacerbés, verser dans la démesure et dans
l'exagération. Aussi, ce n'est pas sans réserve que nous abordons
ce problème de la critique de cette institution sacro-sainte et taboue,
je le répète, de notre société
québécoise.
Il y a le danger de nous faire traiter d'iconoclastes et de briseurs
d'idoles, de nous faire accuser de mettre en danger et en cause les fondements
et les piliers de l'administration de la justice. Mais, devons-nous pour
autant, courant le risque de ces accusations faciles et grossières,
hésiter à demander des comptes à ceux-là qui,
magistrats, juges, commis à la justice, sont chargés
d'administrer en notre nom et de rendre la justice des hommes en notre nom,
c'est-à-dire au nom des élus du peuple? Devons-nous maintenir
cette atmosphère feutrée de silence et parfois de conspiration
à l'endroit de ceux-là qui, sur le banc, rendent la justice?
N'ont-ils pas à nous rendre compte ici, à nous, les élus,
du travail qu'ils effectuent dans toutes les cours de justice, à tous
les niveaux et à toutes les instances? Quelles garanties avons-nous que,
dans l'état actuel des choses, les intérêts de la justice
et du peuple sont servis dans des conditions maximales ou je dirais même
normales d'efficacité? Lorsque le ministre de la Justice lui-même
dit que dans certains cas il y en a trop qui préfèrent le golf au
banc, il touche là un problème, et ça éveille chez
moi les mêmes échos, les mêmes interrogations que ça
éveille chez lui. Lorsqu'il affirme qu'il s'agit là d'un
déni de justice, l'affirmation est grave; lorsque le ministre de la
Justice parle du problème, celui-là aussi est extrêmement
grave, des compagnies d'assurances qui chez nous, grâce aux artifices de
la loi et à une spéculation honteuse de la procédure
devant nos tribunaux, peuvent retarder trois, quatre, cinq, six, sept ans
l'audition des causes lorsqu'il y a des victimes qui attendent le paiement
d'indemnités lorsqu'un jugement en première ins-
tance a reconnu le bien-fondé de leur réclamation, il y a
là un problème qui touche aux libertés les plus
fondamentales du citoyen. N'y aurait-il pas lieu de faire en sorte que l'on
puisse augmenter le nombre de juges de telle sorte que l'on puisse
éviter ce goulot d'étranglement des causes qui sont
stoppées entre le tribunal de première instance et la cour
d'Appel ou la cour Suprême lorsque les montants sont importants? Ce
problème des compagnies d'assurance, on pourra discuter sur la
façon de le régler, c'est-à-dire par le moyen d'un
amendement au code civil au sujet du taux d'intérêt ou par le
moyen qu'a suggéré le ministre de la Justice, l'essentiel
n'étant pas de réussir ou de gagner des victoires parlementaires,
mais de faire en sorte que cette question soit réglée une fois
pour toutes et que ceux-là qui n'ont que leur propre voix pour se
défendre contre les hautes puissances de l'argent puissent avoir
véritablement justice et ne pas attendre des années
entières que les jugements de cour d'Appel ou de cour Supérieure
ou de cour Suprême viennent confirmer leurs droits.
Mes propos seront brefs. J'ai dit au tout début et je le
répète que, pour ce qui concerne l'augmentation du nombre
de juges, je ratifiais, parlant en mon nom personnel, bien sûr, cette
proposition qui m'apparaît compatible avec les intérêts
supérieurs de la justice québécoise.
Ne pourrions-nous pas j'en fais simplement une suggestion, quitte
à ce qu'elle pénètre dans les cerveaux pendant une
période d'un an, disons, effectuer un certain moratoire? Le projet de
loi 72 prévoit l'augmentation de dix juges. Avec les augmentations
prévues au salaire des juges il y a 250 augmentations de $5,000
nous avons là un réservoir de $1,250,000. Les fonds
publics ne seraient-ils pas mieux dépensés si, à
même ces $1,250,000, le ministère de la Justice et le
lieutenant-gouverneur en conseil, par le truchement des consultations avec le
Barreau, augmentaient le nombre de juges dans la même proportion que les
augmentations sont suggérées par le projet de loi 72? Ce qui veut
dire que la magistrature québécoise pourrait voir ses rangs
passer de 250 à 300.
Si je divise $1,250,000 par la somme augmentée, $5,000 nous en
arrivons à ce calcul d'une cinquantaine de juges qui pourraient
être, demain, une fois ce projet de loi adopté, nommés par
le lieutenant-gouverneur en conseil et qui pourraient s'attaquer aux
problèmes dont a parlé avec vérité le ministre de
la Justice. Ce serait là régler une situation ou, à tout
le moins, diminuer, d'une façon beaucoup plus efficace, beaucoup plus
dynamique, les causes qui sont actuellement pendantes devant les tribunaux. Je
n'ai pas fait le calcul, mais le ministre de la Justice a parlé de
milliers de causes qui, à l'heure actuelle, sont pendantes devant les
tribunaux. Je fais simplement cette proposition. Ces $1,250,000, puisqu'ils
existent dans les fonds publics, ne seraient-ils pas mieux consacrés
à l'augmentation du nombre de juges au prorata de la somme, quitte
à ce que, dans un an, nous puissions voter cette augmentation qui est
actuellement demandée par le ministre, parrain du projet de loi?
Il n'y a pas, que je sache, péril en la demeure. Cela ne presse
pas d'augmenter le salaire des juges. Nous pourrions attendre cette
année, et, l'an prochain, voyant les progrès qu'auront pu
accomplir à la fois le ministère de la Justice, les procureurs
permanents de la couronne et les juges eux-mêmes, nous pourrions, si
l'intérêt supérieur de toute la collectivité
québécoise est bien satisfait, voter cette augmentation qui
pourrait être assortie, à ce moment-là, de chiffres sur le
travail des juges, sur le nombre de causes qu'ils entendent par semaine ou par
mois, puisque nous avons le droit fondamental de demander et d'exiger des
comptes au niveau de la magistrature. C'est la proposition, M. le
Président, qui me semblerait, dans les circonstances, la plus logique,
la plus intelligente et la plus compatible avec les intérêts
supérieurs, je le répète, de la collectivité
québécoise dans son ensemble.
Les députés doivent toujours, ce me semble,
légiférer non pas en fonction des intérêts
immédiats d'un groupe de citoyens, mais en tenant compte des
impératifs de l'ensemble des citoyens qui composent le corps social.
Je crois honnêtement que cette proposition devrait être
agréablement reçue, qu'elle pourrait constituer une amorce, une
tentative de solution à ce problème d'engorgement et de goulot
d'étrangelement des causes devant nos cours. Finalement, si cette
suggestion était acceptée, elle pourrait servir les fins ultimes
de toute la société québécoise, d'une part, et
aussi celles de la justice. Si cet amendement n'est pas apporté, si
cette suggestion est déclarée irrecevable ou si le
ministère public décide qu'elle est frivole ou farfelue, je me
verrai dans l'obligation, en toute conscience, de voter contre le projet de loi
72.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Deux-
Montagnes.
M. Gaston Binette
M. BINETTE: M. le Président, je n'ai pas l'intention de
répondre aux remarques du député de Bourassa ni du
député de Gouin. C'est leur
droit de s'exprimer et je les al écoutés avec beaucoup
d'attention.
Voici quelques remarques d'ordre très général que
J'ai l'intention de faire sur ce projet de loi. Le banc étant
inaccessible aux notaires, c'est avec toute l'objectivité dont je suis
capable que je ferai ces quelques brèves remarques d'ordre
général sur le projet de loi no 72, Loi modifiant de nouveau la
loi des tribunaux judiciaires. Il s'agit d'un projet de loi qui, en fait,
intéresse toute la communauté parce qu'il permet la
présence d'un plus grand nombre de juges pour assurer une justice plus
expéditive et parce qu'il revalorise cette haute fonction par une
rémunération plus adéquate et une sécurité
plus avantageuse à la retraite. Rémunération et
sécurité qui doivent correspondre le mieux possible à la
responsabilité considérable qui incombe à cette
fonction.
Je pense, contrairement au député de Bourassa, qu'il est
sain et profitable pour les citoyens de cette province de permettre dans un
domaine aussi important que celui de l'administration de la justice, le
meilleur rendement possible. Les délais encourus devant nos tribunaux
sont préjudiciables. Si le nombre des juges est insuffisant, comme l'a
prouvé le ministre de la Justice, il est évident qu'il faut y
remédier pour la protection non seulement du gros contribuable, pour
employer une expression chère au député de Bourassa, mais
aussi et surtout, et plus souvent qu'autrement, pour protéger le petit
contribuable qui attend que justice soit rendue ou soit faite dans sa
cause.
D'autre part, M. le Président, la hausse du coût de la vie
depuis quelques années impose, je dirais, une certaine réforme
des traitements et des moyens de sécurité pour ces personnes qui
rendent un service essentiel à la société. S'il en
était autrement, il ne serait pas possible d'intéresser à
ces fonctions des avocats qui possèdent véritablement les
qualifications requises. Je pense en particulier au tribunal du travail qui est
une institution nouvelle qui requiert ou requerra la présence de juges
provinciaux spécialisés en droit du travail.
Ceux qui se scandalisent de cette augmentation du traitement et de la
sécurité des juges je ne leur nie pas ce droit mais
j'ai l'impression que ces députés semblent oublier que les juges
ne travaillent pas seulement quand ils sont sur le banc, mais qu'ils ont des
jugements à rédiger, qu'ils sont souvent obligés de
travailler tard dans la nuit pour préparer, étudier et
rédiger les jugements qu'ils doivent rendre le lendemain ou dans les
quelques jours qui suivront. C'est une responsabilité morale
considérable.
C'est un peu comme le député, d'ailleurs. Son travail
n'est pas représenté par sa seule présence en Chambre, ce
que beaucoup de gens, malheureusement, croient. Je dirai même que
beaucoup de journalistes le croient. La fonction de député
requiert que cet homme représente son comté dans plusieurs
milieux, que cet homme travaille, je ne dirai pas jour et nuit, mais à
longueur de semaine, sept jours par semaine, pour rencontrer ses
électeurs, pour être capable de leur donner le service qu'on
requiert de lui. C'est du travail qui ne paraît pas nécessairement
en Chambre et que souvent les journalistes ne volent pas, ne connaissent pas ou
font semblant de ne pas connaître.
M. le Président, je ne veux blâmer personne, mais je tenais
à faire ces quelques remarques qui, je crois, pouvaient être dites
par une personne qui, en toute objectivité, pouvait le faire car, comme
je le signalais au début, je n'ai aucune prétention au banc.
C'est pourquoi, même si je n'ai aucune prétention au banc, je
voterai en faveur de ce projet de loi qui, je crois, est dans
l'intérêt de la population du Québec.
DES VOIX: Très bien.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme Claire Kirkland-Casgrain
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Vous permettrez à un disciple de
Thémis, une autre, parce qu'il y en a d'autres qui ont parlé, qui
a exercé sa profession pendant neuf ans et qui a, par la suite,
substitué la politique àl'exercice du droit, pendant le
même nombre d'années, de s'exprimer sur l'un des points
soulevés dans le bill 72, c'est-à-dire l'augmentation du salaire
des juges.
Peut-être devrais-je immédiatement informer cette Chambre
que je n'ai pas l'ambition d'être nommée juge. Non seulement je
n'ai pas l'ambition d'être nommée juge, mais si cela
m'était offert aujourd'hui, et Je peux parler également pour
l'avenir, je refuserais. Je refuserais parce que, d'une part, je
considère que si je cessais mon travail, comme représentante
à l'Assemblée nationale, je préférerais retourner
à l'exercice de la profession légale où Je serais mon
propre chef et où la profession serait exercée à ma guise
et pendant les heures de travail de mon choix. Ce qui me donnerait beaucoup
plus d'argent, serait sûrement plus lucratif et cela me permettrait de
choisir les heures que je pourrais consacrer à mes enfants.
Ceci étant dit, je me demande si certains opinants dans ce
débat pourraient répondre à la question suivante:
Pourraient-ils vivre sur les salaires de députés à
l'Assemblée nationale s'ils n'avaient pas le revenu d'un commerce ou de
capitaux accumulés?
M. LAFRANCE: Est-ce que le député me pose la question?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Il y a eu plusieurs opinants... Je ne m'adressais
pas, en la posant, particulièrement à mon collègue, le
député de Richmond, mais je n'ai pas objection à ce qu'il
y réponde. De deux choses l'une...
M. BINETTE: Sa ferme...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, en effet...
M. LAFRANCE: On fait allusion aux revenus de ma ferme.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Le député de Richmond se rendra
compte que je le visais tellement peu que je ne me suis pas souvenue qu'il
exploitait une ferme en plus de faire le travail magnifique qu'il exerce pour
les électeurs de son comté, ici à l'Assemblée
nationale et à l'extérieur.
Alors je repose la question. Peut-être que d'autres se sentiront
visés et pourront y répondre. Les députés
pourraient-ils vivre sur leur seul salaire à l'Assemblée
nationale s'ils n'avaient pas le revenu d'un commerce ou de capitaux
accumulés? De deux choses l'une. S'ils me répondent oui, alors je
crois sincèrement qu'ils ne pourraient pas garder le train de vie qu'ils
mènent actuellement, les voyages à leur domicile dans leur
comté et au parlement. Si, par contre, ils me répondent non, je
comprends parfaitement qu'un juge qui, souvent, contrairement à eux, ne
dispose d'aucun autre revenu et, qui en plus est, dans bien des circonstances,
a des responsabilités familiales, ce même juge, dis-je, ne doit
accepter aucun émolument en dehors de son salaire, alors qu'il voit son
travail de magistrat augmenter. Je pense que, d'ailleurs le ministre de la
Justice nous a souligné ce fait, puisque, et là, cela s'applique
particulièrement à la cour Provinciale, la juridiction de cette
cour sera accrue. Pour ceux de la magistrature qui n'ont pas de
responsabilité familiale et qui ont accumulé des biens propres,
il est clair qu'ils peuvent sacrifier un montant de revenus qu'ils obtenaient
à leurs bureaux d'avocat pour se dévouer à la justice.
Mais à ce compte-là, ne devrait-on pas de- mander à
tous les députés, qui travaillent à temps partiel au
Parlement, de donner tout leur temps à leur tâche de
représentant du peuple et à cesser immédiatement d'exercer
leur profession ou d'exploiter les commerces qu'ils possèdent
déjà?
On a donné des chiffres relativement aux heures de travail des
juges. Vous me permettrez d'en donner à mon tour. Je ne parlerai pas de
la cour Provinciale, parce que je dirai tout de suite que, même si je
connais plusieurs des juges de la cour Provinciale, je n'ai pas d'ami à
cette cour. Je ne parlerai pas non plus de la cour des Sessions de la paix,
parce que, même si j'ai de mes confrères que j'estime beaucoup qui
sont là, je n'ai aucun ami qui s'y trouve. Mais je parlerai, par
exemple, de la cour du Bien-Etre social où j'ai une excellente amie qui
a été nommée, il y a un certain nombre
d'années.
J'espère qu'elle ne m'en voudra pas si je mentionne certaines
informations que je lui ai demandées et que j'ai obtenues à
l'occasion de conversations avec elle.
Ce juge, qui a été nommé à la cour du
Bien-Etre social il y a environ quatre ou cinq ans, travaille cinq jours par
semaine, il lui arrive même de travailler six jours par semaine, parce
qu'il lui arrive d'être de garde en fin de semaine; à tour de
rôle, les juges de cette cour sont obligés d'être de garde,
pour les causes de délinquance et de crimes qui surviennent pendant les
fins de semaine.
Elle travaille donc généralement cinq jours par semaine,
huit heures par Jour, mais son travail ne se termine pas là, comme
d'autres l'ont dit, après avoir... Elle me dit qu'elle examine en
moyenne de 20 à 25 cas par jour, ce qui représente un cas, parce
qu'à la cour du Bien-Etre ce ne sont pas des plaintes, c'est une cour
assez spéciale, elle reçoit des témoins, dans chaque cas.
Ce juge doit, par la suite, recevoir, dans la majorité des cas, les
conseils d'un psychiatre, discuter du problème avec un psychologue ou un
sociologue, elle doit rencontrer les travailleuses sociales, et ce n'est pas
tout. Très souvent, il faut que l'enfant qui s'est
présenté devant elle soit placé, parce qu'on sait
qu'à la cour du Bien-Etre social ce sont des enfants qui, depuis
l'âge de raison jusqu'à l'âge de 18 ans, sont reçus
par cette cour, lorsqu'il y a des actes de délinquance. On sait à
l'heure actuelle quelles difficultés ont les juges de cette cour
à trouver des endroits appropriés pour les différents cas
de placement qui sont en général des cas d'espèce et qui
se présentent devant eux.
Je sais que les juges de cette cour travail-
lent sous une tension nerveuse et ce n'est pas exagéré de
dire que, dans certains cas, ils en perdent même le sommeil. Ce n'est pas
le fait que ce juge soit une femme, je sais que la même chose arrive
à d'autres juges. Les cas qui sont présentés devant cette
cour sont tellement pitoyables! Habituellement, les enfants qui viennent devant
cette cour sont des enfants de foyers brisés où ils sont
déchirés entre, d'une part, l'amour qu'ils ont pour le
père et la mère et, en même temps, les conflits
épouvantables qui se présentent dans leur foyer.
Tout cela pour souligner à cette Chambre non seulement qu'il y a
des heures de travail qui se font à la cour, mais qu'il y a à
l'extérieur des problèmes qui doivent être résolus.
C'est donc dire que les délibérés, aussi faciles que l'on
puisse penser qu'ils sont, sont loin de l'être
généralement.
Je compare le rôle du député à celui du juge,
même si notre salaire est un peu moindre que celui du juge; pour ma part,
j'ai pu cesser l'exercice de la profession légale en devenant
député et j'ai pu endurer la perte de revenus que ceci comportait
parce que je suis mariée, que mon mari exerce une profession et qu'il
partage avec mol les responsabilités pécuniaires de notre
famille.
Tout comme certains l'ont préconisé, il y a quelques
années, l'augmentation du salaire des députés permettra
d'obtenir une qualité accrue d'hommes et de femmes. Je pense que l'on
pourra de même attirer à cette noble tâche des personnes de
qualité, mais cela, à* condition qu'on leur fournisse la
sécurité qui s'impose quand on a affaire à des gens qui
vivent dans le contexte nord-américain.
En terminant, je dois dire que je ne me fais pas d'illusions. Je sais
que ce discours, comme ceux de mes collègues qui étaient d'accord
pour dire qu'ils voteraient en faveur de ce bill, ne fera pas la manchette.
J'ai, d'ailleurs, remarqué que les journalistes, qui se trouvaient dans
la tribune de la presse, ne se sont pas gênés pour écrire
ou sembler écrire religieusement tout ce que disaient les opinants qui
étaient contre ce bill. Evidemment, c'était de la nouvelle.
Remarquez que je ne leur en voudrai pas. J'espère qu'ils ont
remarqué le bill 10, cependant; cela, c'est de la nouvelle.
M. PROULX: Cela ne changera pas grand-chose.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: II y a une chose certaine, c'est que ceux qui ont
parlé en faveur de ce bill n'auront pas la manchette; ils n'auront pas
d'articles dans les journaux. Je pense que ce n'est pas important; on s'y
habitue avec le temps. On s'y habitue, parce que ce sont ceux qui sont contre
qui ont toute la publicité généralement, dans certains
journaux. Je terminerai sur ce point. Mais cela ne m'impressionne pas qu'on ne
nous donne pas de manchette et qu'on ne nous donne pas d'importance. C'est
facile de faire, de la démagogie, surtout sur un bill comme
celui-là qui est présenté à un moment
peut-être peu opportun à cause des études que nous avons
faites hier sur un autre bill. Je pense qu'il faut passer par-dessus cette
facilité que peuvent avoir les hommes publics de faire de la
démagogie et s'exprimer avec franchise en votant pour un bill lorsque
nous croyons que ce bill s'impose dans l'Intérêt de tous les
contribuables pour obtenir la meilleure justice possible.
MR. PRESIDENT: The Honourable Member from Huntingdon.
Mr. Kenneth Fraser
MR. FRASER: Thank you, Mr. President. This bill number 72 today in
second reading deals with the number of judges in our courts. It also sets
their salaries and the pensions that they may receive after 20 or 25 years of
service to their Province. Mr. President, the minister of Justice has given us
the number of cases which have been heard in our courts during the past three
or four years and the number has increased. This is normal. To use this as an
argument in favor of increased salaries for the judges is the same as saying
that the bus driver should be paid more when the bus is full than when it is
half-full.
I presume that the articles 12 and 14 that increase the number of judges
from 35 to 40 in one case and from 90 to 102 in the other is the answer to the
increased number of cases before the courts in this province. Mr. President,
may I express to the Government my concern regarding this raising of the
salaries of the already favored segment of the population. In face of the
financial position of the Government, when money cannot be found for so many
programs that are so badly needed for hospitals, for schools, for roads in all
of the Departments of the Government, I feel that the Government is preaching
poverty and then handing out this same sort of salary increases to people who
are already in a salary range that will never be achieved by 80% or 90% of the
population.
These same people must practice austerity to pay all the taxes that the
Government demands of them.
Will the farmers in Huntingdon County who have had their subsidy on
industrial milk cut severely be happy because the salary of a judge has been
increased from $23,000 to $28,000. And, in the case of the chief judges, from
$25,000 to $32,000? Farmers work seven days a week and would be happy if they
could clear $5,000 for their whole year's work.
It is the same old story: the rich get richer and the poor get poorer. I
think it is time to call a halt to the continuing rising prices in salaries.
The Minister today is proposing the first act to encourage a new round of
demands for higher wages by every person working for the Government, and they
will be justified in their demands. Why should a judge have more of a raise all
at one time than many of them receive for a whole year's work? If we want the
people of this Province to put their shoulders to the wheel and pay their part
of the price of putting Quebec back on its feet, I think we, as members of
Parliament, must speak out against the wasting of these taxes in luxuries that
Quebec cannot afford. If the Government practices what it preaches, if we have
austerity for the poor, it is only just that the same austerity touch the
already favoured classes of our society.
For these reasons, I must speak out against these raises in salaries
that appear to me unjustified.
M. Lucien Cliche
M. CLICHE: M. le Président, vous me permettrez certaines
observations à la suite des députés qui ont
déjà exprimé leur opinion sur le projet de loi qui fait
l'objet de la présente discussion.
Je veux d'abord dire que, dans le territoire qui me concerne, dans la
région du Nord-Ouest québécois, comme l'a souligné
le ministre tout à l'heure, le nombre de causes criminelles a
augmenté considérablement, ce qui veut dire un fardeau plus
considérable sur le nombre de juges, qui n'a pas augmenté depuis
plusieurs années. Cela, c'est au point de vue criminel. Au point de vue
du bien-être social, le nombre de causes a également
augmenté en flèche. Quant au point de vue civil, à la cour
dite Provinciale, évidemment et nécessairement, le nombre de
causes va augmenter et l'augmentation des traitements des juges est, à
mon point de vue, amplement justifiée par cette augmentation de la
juridiction de la cour Provinciale.
La plupart des membres de l'Assemblée nationale savent que la
juridiction provinciale, en matière civile, était, il n'y a pas
tellement d'années, de $100. Le maximum était de $100 pour les
causes que les magistrats de la province avaient juridiction d'entendre.
Cette juridiction a été augmentée par la suite, au
cours des années à $200. Par la suite encore, on l'a
augmentée, et à la suite de pourparlers avec les autorités
fédérales, parce qu'il y avait des problèmes
constitutionnels, la juridiction de la cour Provinciale a été
augmentée à $500, c'est-à-dire que les causes de $500 et
moins étaient entendues et allaient nécessairement devant la cour
Provinciale de juridiction civile. Par la suite, cette juridiction est
portée à $1,000 et maintenant à $3,000. Ce qui veut dire
qu'auparavant, la cour Supérieure avait juridiction dans les causes de
$100 et plus dans la province de Québec il y a une vingtaine
d'années. Maintenant, cette juridiction ne commencera qu'à partir
de $3,000, ce qui veut dire un fardeau de moins pour la cour Supérieure
mais un fardeau certainement plus lourd pour la cour Provinciale du
Québec.
Je suis très favorable à cette augmentation de juridiction
qui correspond nécessairement à la juridiction de la cour d'Appel
commencée depuis septembre dernier et ne concernant que les causes de
$3,000 et plus. Alors, la juridiction de la cour Provinciale, c'est à
notre honneur, a juridiction jusqu'à la somme de $3,000, mais ceci veut
dire nécessairement, comme je le disais, une augmentation du nombre de
causes, une augmentation du travail des juges. Je suis pour une augmentation
raisonnable. Je prétends que l'augmentation suggérée par
le présent bill est raisonnable et devrait être accordée,
à condition que le ministre de la Justice, que les juges en chef
concernés continuent et voient peut-être davantage à une
meilleure distribution de la justice, à une justice plus
expéditive.
Je ne veux pas poser sur les épaules du ministre de la Justice le
fardeau unique de cette administration, parce que l'administration de la
justice et la rapidité avec laquelle les causes doivent procéder
dépendent nécessairement d'une série de facteurs dont
celui d'abord de la présence, de la ponctualité des juges au
palais de justice, du nombre d'heures que les juges accordent, de la
rapidité avec laquelle ils peuvent entendre les causes, quoiqu'il y a
une rapidité qui ne doit pas exclure l'audition de tous les
témoins, des faits et des plaidoiries des avocats pour donner pleine et
entière justice.
Je disais donc qu'en plus de la responsabilité qui incombe au
ministre de la Justice et à ses fonctionnaires, il y a en plus le
travail, comme le disait le ministre de la Justice, des avocats de la couronne,
des fonctionnaires des tribu-
naux et également de la Sûreté du Québec. Il
faut pour que les causes puissent être appelées, que les
témoins soient disponibles, que les officiers soient présents
avec les accusés et, encore une fois, que les témoins soient
appelés à temps pour que la cour puisse
procéder»
Est-ce que le ministre de la Justice peut faire plus qu'il fait
actuellement? Je prétends que oui. Je prétends que le ministre de
la Justice peut surveiller plus étroitement, connaissant la situation,
situation qu'il déplorait tout à l'heure jusqu'à un
certain point, c'est-à-dire l'attitude de certains juges, l'attitude de
certains avocats de la couronne, l'attitude de certains membres du Barreau,
à l'effet qu'une cause peut être retardée sans causer de
préjudice à qui que ce soit. Si le ministre de la Justice,
conjointement avec les juges en chef, exerce une surveillanceplus
étroite sur l'administration de la justice, dans les districts ruraux en
particulier par la visite qu'il peut faire dans ces districts soit lui,
soit ses officiers supérieurs réunissant les membres du
Barreau, les officiers de justice, les juges, et leur faisant comprendre
régulièrement le sens de leurs responsabilités,
vis-à-vis de la population, je pense que l'on peut obtenir une justice
objective, juste, très équitable, mais en même temps plus
expédi-tive, plus rapide, surtout le travail du juge en chef.
Je ne veux pas critiquer les juges en chef actuels, mais je dis que le
juge en chef c'est son devoir, à lui, d'obtenir des rapports quant au
nombre de causes entendues, de surveiller la ponctualité et la
présence des juges. Si le juge en chef pouvait
régulièrement imposer des sanctions aux juges qui ne sont pas
à leur poste, qui ne siègent pas comme ils doivent siéger
et c'est là l'exception rare, j'en suis convaincu je pense
qu'on pourrait procéder beaucoup plus rapidement. Ces problèmes
ne sont pas limités au Québec. C'est la même situation qui
se présente dans les autres provinces du Canada et même aux
Etats-Unis. A tel point que dans certains Etats des juges en chef ont, à
un moment donné, défendu à des juges d'assister à
des funérailles. On sait qu'aux Etats-Unis, la majorité des juges
sont élus lors d'élections régulières avec le
résultat qu'ils doivent rencontrer leurs électeurs, leurs
partisans, leurs lieutenants.
On a constaté qu'un nombre considérable de jours
d'administration de la justice étaient perdus par le fait que les juges
assistaient à des funérailles. Alors, on leur a donné des
ordres très sévères, dans certains états,
d'éviter cette pratique et de demeurer à leur poste, de demeurer
au travail.
Je disais donc qu'il y a lieu pour le juge en chef, pour le ministre de
la Justice de faire une surveillance plus étroite et d'imposer des
sanctions, s'il y a lieu. On devrait imposer des sanctions dans les cas
où des juges ne veulent pas accepter les ordres soit du ministre de la
Justice ou du juge en chef de leur cour. Je dis que l'augmentation
suggérée est sûrement justifiée, parce que et
ici je crois répondre au député de Richmond lorsqu'il
présentait son argumentation tout à l'heure il n'y a pas
et il ne doit pas y avoir de petite justice. Si les juges de la cour
Supérieure ont droit à un traitement...
M. LAFRANCE: Je ne voudrais pas que le député
interprète mal mes paroles. Je n'ai jamais exprimé une opinion de
cette nature, M. le Président. J'ai trop de respect pour la justice pour
penser qu'il y a la haute et la basse cour.
M. CLICHE : Evidemment, le député de Richmond ne s'est pas
exprimé en ces termes, mais je veux lui dire que, si les juges de la
cour Supérieure ont droit, eux, à un traitement qui est
équivalent à celui suggéré actuellement pour les
juges de la cour Provinciale, l'on doit être équitable et,
qu'encore une fois, il n'y ait pas de petite justice...
M. LAFRANCE: D'accord.
M. CLICHE: Il y a une justice, qu'elle soit celle des juges de la cour
de la province, nommés par la province, ou celle appliquée par
des juges nommés par le fédéral. Je prétends
qu'elle doit être la même, elle doit être exercée de
la même façon avec autant d'équité, autant
d'impartialité et avec autant de célérité. Comme il
est six heures, je continuerai demain. Je demande l'ajournement.
M. LE PRESIDENT: La motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. PAUL: Voici, M. le Président, l'ordre des travaux pour demain.
Nous appellerons, dans l'ordre suivant, les projets de loi. Tout d'abord no 68,
Loi modifiant la loi des décrets de convention collective.
Deuxièmement, no 69, Loi modifiant la loi des accidents du travail; no
70, deuxième lecture, Loi concernant les régimes
supplémentaires de rentes établis en vertu de la loi des
décrets de conventions collectives.
Quatrièmement, reprise du débat sur la motion de
deuxième lecture du bill 10 et, finale-
ment, reprise du débat en deuxième lecture sur le bill 72,
Loi modifiant de nouveau la loi des tribunaux judiciaires.
Qu'il me soit permis de rappeler que, demain matin, la commission des
bills privés et des bills publics siégera à dix heures,
à la salle 81.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, est-ce qu'il n'y aurait
pas moyen d'intervertir la discussion de deuxième lecture, de sorte que
cela vienne après le dernier article mentionné? Comme je l'ai
déjà mentionné au ministre de la Justice, je ne serai pas
en cette Chambre demain soir et je tiens beaucoup à être
présente pour la discussion du bill 10.
M. PAUL: Je m'excuse. Effectivement, l'honorable député de
Marguerite-Bourgeoys m'avait signalé son empêchement d'être
ici demain soir. Alors, nous pourrions peut-être continuer, après
les trois projets de loi de M. Bellemare, avec le projet de loi no 72.
M. PINARD: M. le Président, permettez-moi d'attirer l'attention
du ministre sur ce que je crois être une erreur. Il a dit que, demain,
nous prendrions les bills 68,69...
M. PAUL: Ce ne sont pas les numéros de bills. Ce sont les
articles qui figurent au feuilleton. Ce sont ces numéros-là.
M. PINARD: Ah bon! II s'agira effectivement des bills 79, 80 et 81 qui
seront présentés par le ministre du Travail et de la
Main-d'oeuvre.
M. PAUL: Et les bills 72 et 10. M. le Président, je propose
l'ajournement de la Chambre à demain après-midi, trois
heures.
M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain après-midi,
trois heures.
(Fin de la séance: 18 h 3)