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(Seize heures trois minutes)
M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Sanction de lois
M. LE PRESIDENT: J'ai l'honneur d'informer la Chambre que le vendredi,
28 novembre 1969, à quatre heures de l'après-midi, au cabinet du
lieutenant-gouverneur, en présence du président de
l'Assemblée nationale, de M. Paul, délégué du
premier ministre; du chef de l'Opposition et du secrétaire de la
chancellerie, il a plu à l'honorable lieutenant-gouverneur de
sanctionner les lois suivantes:
No 23, Loi du ministère de la Fonction publique.
No 24, Loi des heures d'affaires des établissements
commerciaux.
No 29, Loi concernant la copropriété des immeubles.
No 54, Charte de la société québécoise
d'initiatives pétrolières.
No 57, Loi de la société de récupération et
d'exploitation forestières du Québec.
No 58, Charte de la société de cartographie du
Québec.
No 63, Loi pour promouvoir la langue française au
Québec.
No 69, Loi sur les matériaux de rembourrage et les articles
rembourrés.
No 70, Loi des produits laitiers et de leurs
succédanés.
No 73, Loi concernant l'Institut de microbiologie et d'hygiène de
l'Université de Montréal.
Présentation de pétitions. Lecture et réception de
pétitions. Présentation de rapports de comités
élus. Présentation de motions non annoncées.
Présentation de bills privés. Présentation de bills
publics.
M. BERTRAND: F.
Bill 76
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose
la première lecture de la Loi de la Communauté urbaine de
Québec.
L'honorable ministre des Affaires municipales.
M. LUSSIER: M. le Président, le chef de l'Opposition me
permettra, sans doute, de faire un court résumé des notes
explicatives du bill.
M. LESAGE: II ne faudrait pas recommencer la lecture des notes
explicatives. Cela ne finit plus.
M. LUSSIER: Non, non.
M. LESAGE: Un court résumé, ça va.
M. LUSSIER: Un très court résumé. J'ai
résumé ça.
M. LESAGE: Que le ministre nous dise quelles sont les différences
entre ce projet de loi et le projet de loi concernant la Communauté
urbaine de Montréal et cela va très bien faire.
M. LUSSIER: Oui, je vous dirai cela à une autre lecture.
M. LESAGE: II me semble que c'est l'occasion toute trouvée.
M. LUSSIER: Oui, oui, ce n'est pas compliqué. Il n'y a pas
tellement de différences.
Alors, ce projet propose la création d'un organisme
métropolitain dans la région de Québec et
l'établissement d'une commission de transport. Cette commission de
transport et l'actuel bureau d'assainissement des eaux sont rattachés
à l'organisme ainsi créé. La communauté est
administrée par un conseil et par un comité exécutif.
Le comité exécutif se compose de huit membres,
désignés comme suit: le président, par le
lieutenant-gouverneur en conseil, trois membres de la ville de Québec,
un de Sainte-Foy et les trois autres des trois autres secteurs.
Le conseil se compose du maire ou d'un autre membre du conseil de
chacune des municipalités. Les membres du comité exécutif,
sauf le président, doivent être choisis parmi les membres des
conseils locaux. Les décisions du conseil sont prises à la
majorité des voix des membres présents, chacun d'eux disposant
d'une voix pour chaque millier d'habitants de sa municipalité. Les
compétences, on pourra les lire dans le texte de loi.
La Commission de transport de la communauté de Québec a
juridiction sur un territoire de 29 municipalités. Elle se compose d'un
président directeur général nommé par le
lieutenant-gouverneur en conseil et de deux commissaires nommés pas le
conseil de la communauté.
Le Bureau d'assainissement des eaux du Québec
métropolitain, créé par le chapitre 56 des
lois de 1968, est rattaché à la communauté. La
Commission d'aménagement de Québec est dissoute. Cependant, le
projet prévoit la création d'une commission d'aménagement
de la communauté urbaine de Québec qui agira à titre
consultatif en matière d'aménagement, de restauration et
d'embellissement du territoire auprès de la communauté des
municipalités qui la composent et du gouvernement du Québec.
Outre la subvention de $11,500,000 accordée au bureau
d'assainissement, le ministre des Affaires municipales est autorisé
à verser à la Commission des transports une subvention
représentant 50% du remboursement en capital et intérêts
des emprunts contractés par elle, et une subvention pour l'achat de
l'équipement actuel des sociétés qui font le transport en
commun dans la ville et les environs de Québec et il est aussi
autorisé à verser une subvention d'établissement de $2 per
capita.
M. LESAGE: M. le Président, un point de clarification. J'ai
entendu le ministre dire, au cours de ses explications, que les votes des
représentants des municipalités se distribuaient comme suit: ces
ou ce représentant de la ou des municipalités avaient droit
à un vote par 1,000 contribuables ou par 1,000 électeurs. Est-ce
au niveau du conseil ou au niveau de l'exécutif ou aux deux niveaux?
M. LUSSIER: M. le Président, au niveau du conseil. Le conseil est
composé d'un membre de chacune des municipalités et ce membre a
droit à autant de votes qu'il y a de millier de population dans sa
municipalité. Par exemple, Québec compte 165,000 citoyens; alors,
il aurait droit à 165 votes; à Sainte-Foy, il y a 63,000 ou
65,000, il aurait droit à 65 votes, et ainsi de suite pour chacune des
municipalités.
M. LESAGE: Le ministre n'a pas songé à adopter le
même système pour la communauté urbaine de
Montréal?
M. LUSSIER: M. le Président, je pense bien qu'à cette
occasion-là, nous pourrons en discuter. C'est un autre problème.
Il n'est pas aussi facile. Il est beaucoup plus complexe à
Montréal d'établir ce système. Nous pourrions en discuter
à cette époque.
M. LESAGE: Si c'était facile, évidemment, Je n'aurais pas
posé de question.
M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle
adoptée? Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine
séance ou à une séance subséquente.
M. BERTRAND: M. le Président, il apparaît en appendice
à notre feuilleton d'aujourd'hui, à la page 3, trois projets de
loi qui ont été imprimés. J'ai transmis les galées
au chef de l'Opposition. Je voudrais les appeler avec la permission et le
consentement de la Chambre.
M. LESAGE: Je regrette de ne pouvoir donner mon consentement,
étant donné qu'il est absolument impossible de réunir
avant demain les membres de la commission du caucus libéral s'occupant
du travail et de la main-d'oeuvre. De plus, j'ai tenté d'obtenir,
après avoir reçu les épreuves j'en remercie le
premier ministre des consolidations des lois qui sont modifiées;
or, il n'en existe pas. Ce sont les membres du secrétariat de
l'Opposition qui sont à préparer les consolidations, qui seront
prêtes demain. Dans les circonstances, il n'y a aucune utilité
à ce que ces projets de loi soient lus en première lecture,
aujourd'hui. Enfin, pourrais-je attirer, par votre entremise, l'attention du
premier ministre sur le fait qu'étant donné les circonstances
nous serions prêts, quant à nous, à ce que l'étude
de ces trois projets de loi en deuxième lecture soit fixée
péremptoirement à jeudi, afin de ne déranger le ministre
du Travail et de la Main-d'Oeuvre qu'une fois.
M. BERTRAND: Le ministre, d'après les renseignements que j'avais
obtenus, doit sortir demain...
M. LESAGE: II doit sortir demain, je le sais. J'ai causé avec lui
au téléphone et je lui ai expliqué que je ne croyais pas
que nous puissions procéder mardi...
M. BERTRAND: Avant jeudi.
M. LESAGE: Quant à moi, je serais fort disposé à
accepter que l'étude de ces trois projets de loi ait lieu jeudi
péremptoirement, afin que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre
n'ait à se déranger qu'une fois.
Demain, malheureusement, ce n'est pas possible.
M. BERTRAND: Jeudi. J'en appellerai la première lecture
demain.
M. LESAGE: Oui... Et je suis prêt...
M. BERTRAND: Simplement parce qu'ils auraient été
distribués plus rapidement.
M. LESAGE: Même si j'ai des remarques qui prouveront que je ne
suis pas d'accord avec tout ce qu'il y a dans les projets de loi, disons que je
veux collaborer avec le gouvernement pour procéder à
l'étude de ces bills. J'aurai des remarques à faire, sous
réserve de ce que le comité spécial de mon caucus aura
à dire à la suite des études qu'il fera...
M. BERTRAND: M. le Président, je voulais dire au chef de
l'Opposition que j'en demandais la première lecture, aujourd'hui,
beaucoup plus en vue d'informer les membres de la Chambre...
M. LESAGE: Oui. Disons...
M. BERTRAND: Est-ce qu'on a objection à ce qu'on en appelle la
première lecture aujourd'hui?
M. LESAGE: Je n'aurais pas objection, à condition qu'on n'essaie
pas de forcer la deuxième lecture demain.
M. BERTRAND: Non, non. Alors, M. le Président, je demanderais
d'appeler la première lecture de la Loi modifiant la loi des
décrets de convention collective, projet de loi 79.
Bill 79
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre, au nom de l'honorable
ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, propose la première lecture
de la Loi modifiant la loi des décrets de convention collective.
M. BERTRAND: Etant donné, M. le Président, que les projets
de loi seront instamment distribués, je ne donnerai pas lecture des
notes explicatives.
M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle
adoptée? Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. BERTRAND: Le deuxième projet, Loi modifiant la loi des
accidents du travail. Projet de loi 80.
Bill 80
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre, au nom de l'honorable
ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, propose la première lecture
de la Loi modifiant la loi des accidents du travail.
M. BERTRAND: On verra également les notes explicatives,
très courtes d'ailleurs.
Le troisième: Loi concernant les régimes
supplémentaires de rentes établis en vertu de décrets de
convention collective, projet de loi 81.
Bill 81
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre, au nom de l'honorable
ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, propose la première lecture
du projet de loi 81.
Les motions de première lecture seront-elles adoptées?
M. LESAGE: M. le Président, quant au projet de loi 81, j'ai
rencontré, ce matin, le sous-ministre du Travail, M. Robert
Sauvé. Je lui ai fait des remarques sur un problème
soulevé par le bill 81, problème que je considère
très important, très sérieux, et je lui ai demandé
de bien vouloir les transmettre à qui de droit. Alors, j'aimerais que le
premier ministre soit au courant des remarques que je lui ai faites. C'est
assez technique, c'est au sujet de la Caisse de dépôt et de
placement.
M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture de ces trois
projets de loi sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ces bills. First
reading of these bills.
M. LE PRESIDENT; Deuxième lecture à une séance
subséquente.
Question de privilège
M. LESAGE: M. le Président, je voudrais soulever une question de
privilège dont je vous ai brièvement donné avis.
J'ai en main une lettre qui a été adressée par le
député de Terrebonne aux contribuables de Rosemere, comté
de Terrebonne. C'est une lettre écrite sur du papier de
l'Assemblée nationale, enveloppe de l'Assemblée nationale et
timbre payé par la princesse, par le gouvernement quoi. Dans
cette...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... qui paie les pauvres...
M. BERTRAND: Mme Klerans...
M. LESAGE: C'était adressé à tous les
contribuables. Dans le fond, ma question de privilège n'est pas une
attaque contre le député de Terrebonne. C'est beaucoup plus ce
que je voudrais être une mise eh garde contre certaines pratiques qui ne
sont plus de notre temps.
Cette lettre dit, entre autres: « A l'automne 1968, nous avions
rencontré les autorités municipales de Rosemere,
évidemment t avions pris connaissance d'un projet au montant
d'environ $240,000 pour réfection et pavage d'une distance de deux
à trois milles de rue. Nous avions, M. Denis Légaré,
ingénieur divisionnaire et moi-même, fait l'inspection de ce
projet. « A ce moment-là, nous avions trouvé le coût
très élevé pour la distance effectuée. »
UNE VOIX: II s'agit du député de Terrebonne.
M. LESAGE: Je sais, oui. Il n'est pas un ingénieur à
l'emploi du gouvernement; il est député. « Lorsque M. Guy
Clément, conseiller municipal, et M. Marcel Di Tullio, maire, sont venus
nous rencontrer, ils nous ont fait part » à ce
moment-là, nous ne savons plus si c'est l'ingénieur divisionnaire
et lui ou s'il s'exprime comme un évêque, je ne sais pas
« qu'ils avaient changé leur projet et que, pour le même
montant, la municipalité effectuerait pour environ quinze milles de
pavage. « Ç'est ce que M. Légaré et moi-même
avions envisagé que, pour ce même montant, la municipalité
pouvait effectuer beaucoup plus que deux à trois milles de pavage, tel
que le projet initial. « C'est la raison pour laquelle nous avons
consenti un octroi à la municipalité. » « Nous avons
consenti un octroi à la municipalité. » Je ne savais pas
que le député de Terrebonne avait des pouvoirs administratifs
quand il s'agit de la dépense publique. »
M. BERTRAND: II n'est pas là.
M. LESAGE: « Cet octroi sera de l'ordre de $6,000 par
année. » Là, il apporte une correction. En toute franchise,
je lis la lettre telle qu'elle est écrite. « Cet octroi est un
engagement personnel du député qui n'engage pas le
ministère de la Voirie et qui pourra durer tant et aussi longtemps que
je serai député... »
UNE VOIX: Cela va durer longtemps. M. BERTRAND: Alors, c'est
éternel.
M. LESAGE: « ... et que le ministère de la Voirie
maintiendra un budget de subvention. S'il y a changement de gouvernement, la
municipalité devra à nouveau négocier avec le
député et le gouvernement en place. »
M. BERTRAND: II est honnête. C'est de
l'honnêteté.
M. LESAGE: « Nous avons négocié des ententes
semblables avec les municipalités suivantes... »
UNE VOIX: II est réaliste, le gars!
M. LESAGE: « Saint-Louis-de-Terrebonne, Sainte-Anne-des-Plaines,
Blainville, Saint-Antoine, Sainte-Adèle, Mont-Tremblant et autres.
» M. le Président, malgré le petit correctif qu'il y a,
à un moment donné, je dis que la lettre...
M. BERTRAND: II y en a plusieurs.
M. LESAGE: ... est écrite par un député qui
s'adresse à des électeurs, dans un langage qui laisse entendre
qu'il engage le gouvernement.
Deuxièmement, il avise directement les électeurs que, si
le gouvernement n'est pas réélu aux prochaines élections,
il va falloir renégocier, laissant entendre par corollaire que, si lui
est réélu et que si le gouvernement est réélu, on
n'aura pas à renégocier et que les $6,000 d'engagement par
année seront versés tous les ans.
Je dis, M. le Président, que c'est le genre de lettre
étant donné...
M. DE MERS: II est franc, c'est tout!
M. LESAGE: Oui, c'est peut-être franc pour ceux qui suivent cette
méthode, mais je dis qu'en l'année 1970 de telle méthodes
sont franchement dépassées. Qu'un député
écrive à ses électeurs pour dire: Mon cher monsieur,
grâce aux démarches que j'ai faites, le gouvernement a consenti...
Cela, je ne puis rien y dire, mais les « je » et les « nous
» d'évêque, c'est un peu fort.
M. GRENIER: Ce n'est pas un évêque dans ce coin-là;
c'est un pape.
M. LESAGE: M. le Président, ça valait la peine
d'être souligné, et d'ailleurs je l'ai fait sans acrimonie.
M. BERTRAND: Au lieu d'utiliser la formule dont vient de parler le chef
de l'Opposition, disons que le député a peut-être
été plus direct.
M. LESAGE: Oui, il dit: C'est un engagement personnel. Tant que je vais
être là, ça va bien aller. Si vous me battez, par exemple,
guettez-vous!
M. BERTRAND: D'autre part, il est clair que, sans utiliser les premiers
mots qu'utilisait le chef de l'Opposition tantôt, « grâce
à mes démarches », c'est implicite que c'est grâce
à ses démarches. C'est tellement vrai que, ses démarches
cessant, ils devront faire des démarches avec un autre.
M. LESAGE: Evidemment, M. le Président, il appartient à la
mère poule de défendre ses poulets, et je comprends bien
l'attitude du premier ministre. Quand même, si je n'étais pas ici,
si les journalistes n'étaient pas ici, si le premier ministre
était seul à son caucus, je suis certain qu'il tiendrait
peut-être un autre langage.
M. GRENIER: Est-ce qu'il envoie une copie au ministre?
M. PAUL: Je crois que nous devons trouver que l'honorable
député de Terrebonne a une suite dans son action entre...
M. LESAGE: Ah, il a de la suite dans les idées.
M. PAUL: ... la rencontre qui a eu lieu en 1968 et la lettre qu'il
envoyait récemment à un certain nombre de ses électeurs,
qui doivent être convaincus de son dévouement continu. Mais, je
crois, M. le Président, que l'honorable député de
Terrebonne, vu qu'il est absent, devra sans doute invoquer très
probablement une question de privilège...
M. LESAGE: Pourquoi?
M. PAUL: ... et je crois qu'il conviendrait que sa position lui
soit...
M. LESAGE: Tout ce que j'ai fait, c'est de lire sa lettre, d'attirer
l'attention de la Chambre.
M. PAUL: ... pour donner des bonnes explications à la
Chambre.
M. LESAGE: Ah oui, j'ai lu le mot à mot. Il fera ce qu'il voudra,
mais ce n'est plus une chose qu'on doive faire.
Questions et réponses
Coûts moyens de l'éducation
M. LESAGE: M. le Président, une question pour le ministre de
l'Education. Je lui en ai donné avis.
Il s'agit du calcul des coûts moyens de l'enseignement dans les
écoles publiques et privées pour fins d'octroi des subventions
aux institutions privées aux niveaux collégial, secondaire et
élémentaire. Il semble, d'après ce que j'en ai lu dans les
journaux, que le ministre ou son ministère aurait fait parvenir une
lettre aux institutions privées donnant les barèmes de
subventions pour l'année courante. Je demanderais au ministre si c'est
exact et si cette lettre a été écrite. Est-ce qu'il peut
en fournir une copie aux députés?
M. CARDINAL: Je remercie le chef de l'Opposition de m'avoir donné
avis de cette question au début de l'après-midi ou au cours de la
matinée. Premièrement, la semaine dernière, j'ai
approuvé, comme la loi m'y autorise et m'y enjoint, les taux de
subventions aux institutions déclarées d'intérêt
public ainsi qu'aux institutions reconnues pour fins de subventions.
Deuxièmement, M. Rossignol, directeur du bureau de la
reconnaissance des études et des institutions, a adressé, jeudi
et vendredi derniers, à chacune des institutions concernées non
pas une lettre, mais une formule ainsi qu'une copie d'un mémoire
adressé par M. Yves Martin à M. Rossignol, et que j'avais
approuvé. Je vais lire ce mémoire.
Malheureusement, je n'ai qu'un exemplaire au moment où je
réponds à la question, quitte à apporter des copies pour
le chef de l'Opposition. Je vais le lire il est bref et
j'ajouterai un commentaire. « Sujet: Subvention par élève
payable en vertu de la Loi de l'enseignement privé. «
Conformément aux dispositions de la Loi de l'enseignement privé,
les coûts moyens par élève dans l'enseignement public en
1968-1969 ont été établis à la suite
d'études effectuées par les directions générales de
l'enseignement collégial, du financement et de la planification.
Avec l'autorisation du ministre de l'Education, je vous communique
ci-après les coûts moyens ainsi établis.
Les subventions payables aux deux catégories d'institutions selon
les niveaux de même que les droits de scolarité maximaux que
peuvent exiger
les institutions. Donc, niveau collégial, coût moyen de
l'enseignement public: $1,245 par élève.
Subvention par élève dans les institutions
déclarées d'intérêt public, soit 80% de ce montant,
$996 par élève; subvention par élève dans les
institutions reconnues, pour fins de subventions, c'est-à-dire 60% du
même montant, $747.
Niveau secondaire, je reprends chacune des trois divisions
: Coût moyen de l'enseignement public, $717; subvention dans les
institutions déclarées d'intérêt public, $574, et
dans les institutions reconnues pour fins de subventions, $430.
Elémentaire, excluant le préscolaire: $385, $308 et
$231.
Je continue la lecture du mémoire. « ... Les droits de
scolarité maximum que peuvent exiger les institutions seront les
suivants: or les mêmes niveaux, les mêmes institutions
au collégial, institutions déclarées
d'intérêt public, $373; institutions reconnues pour fins de
subventions, $622; Secondaire, $215, $359; Elémentaire, $115, $192.
« Je vous saurais gré de prendre le plus rapidement possible les
mesures nécessaires pour assurer le paiement des subventions. Vous
voudrez bien également faire préparer à mon intention une
estimation aussi précise que possible des sommes requises pour la
présente année scolaire de même qu'une répartition
de ces sommes selon les versements effectués avant le 1er avril 1970 et
après cette date. Je vous remercie de votre collaboration. »
Le seul commentaire que j'ajouterai, M. le Président, de
façon à éviter un débat sur ce sujet qui
mériterait peut-être, aujourd'hui, de longs développements,
c'est que, dans un journal d'aujourd'hui, si je ne me trompe, le Devoir, l'on
indique ces chiffres d'une façon générale. Une
association, réunie en fin de semaine, se plaint que ce qui est
accordé est trop faible. Dans un journal d'aujourd'hui, le Soleil, l'on
nous dit que nous finançons à 110% les institutions
privées...
M. LE SAGE: M. le Président, après notre conversation
téléphonique, j'ai vérifié et c'est dans le Devoir
qu'on mentionne 110%...
M. CARDINAL: Bien, enfin...
M. LESAGE: ... dans le même article.
M. CARDINAL: Dans le même journal, ce qui est... je ne juge pas.
Je souligne donc que, dans le même journal d'une part, on soutient que ce
n'est pas suffisant et d'autre part que c'est 110%. Il y a d'autre part,
présentement, des articles écrits dans le journal La Presse
à ce sujet. Probablement, M. le Président, que, comme en toute
chose, la vérité se situe au milieu, et j'aurais aimé
donner des explications plus longues mais je pense que ça peut se faire
à un autre moment. Je soulignerai qu'au ministère,
présentement, j'ai demandé que l'on étudie de très
près cette question. Mais les chiffres que j'ai donnés ont
été vérifiés. J'ai même demandé une
deuxième vérification après un premier mémoire
qu'on m'avait soumis.
D'autre part, je dois dire qu'au ministère même, à
ma connaissance, il n'y a pas de plainte, actuellement, qui soit venue
d'institutions privées, des secteurs que j'ai mentionnés.
M. LESAGE: Une question seulement. Peut-être que le ministre
pourrait me rafraîchir la mémoire. Cela a peut-être
été discuté ici; probablement que ce l'a été
en commission, à un moment où je n'y étais pas, sur le
bill 56. Il s'agit des barèmes pour établir le coût moyen
dans le secteur public, coût moyen par élève à
chacun des niveaux.
Est-ce qu'on a tenu compte des immobilisations?
M. CARDINAL: M. le Président, le chef de l'Opposition, justement,
touche un point très précis. A cause des investissements
considérables en matière d'équipement qu'il y a eu,
particulièrement après les années 1960, dans le secteur
privé, certaines institutions se trouvent dans des situations difficiles
parce que 15 je donne le point précis d'après la
loi, le projet de loi 56 qui est maintenant loi, le service de la dette est
compris dans les subventions.
Il est compris, évidemment, non pas pour l'institution
prévue; il est compris comme service moyen de la dette au même
niveau, dans le secteur public.
La différence se retrouve dans le fait qu'en certaines
institutions des investissements considérables ont été
effectués, disons depuis 1960. Par conséquent, la comparaison
avec le secteur public fait que les sommes qui sont accordées
d'après le projet de loi 56 peuvent sembler insuffisantes. Mais il ne
faut pas se placer devant une situation qui serait ridicule, où les
secteurs privés seraient financés à 80% et recevraient des
montants plus élevés que le secteur public, puisqu'il s'agit de
80% de l'année précédente dans le secteur public.
Mais malgré ce que je viens de dire, je répète ce
que j'ai mentionné tantôt, à cause de situations
particulières, même s'il n'y a pas eu de demande, même s'il
n'y a eu que les ar-
ticles dans les journaux, même s'il n'y a eu que ce colloque de
fin de semaine, j'ai demandé que l'on étudie ceci au
ministère.
M. LESAGE: M. le Président, je ne parlais pas des coûts
dans le secteur privé; je m'en tenais à l'établissement du
coût moyen basé sur le coût dans le secteur public. Le
ministre vient de répondre que, dans l'établissement des
coûts moyens dans le secteur public, on a tenu compte du service de la
dette. Est-ce qu'on a tenu compte du service de la dette assumée par le
gouvernement, y compris les subventions fédérales, suivant le
système que m'a expliqué assez longuement, à la commission
des engagements financiers, le sous-ministre de l'Education, M. Houde?
M. CARDINAL: M. le Président, oui, quand je parle du coût
moyen, je parle... Au niveau secondaire, M. le Président, plutôt
que de...
M. LESAGE: M. le Président, je parle en particulier des
polyvalentes qui sont financées suivant des méthodes
particulières je n'ai pas l'intention de revenir là-dessus
où le gouvernement assume, ni plus ni moins, les obligations
découlant des investissements qui sont payables tant par année,
et il est inclus là-dedans une proportion de subvention
fédérale.
Est-ce qu'on tient compte de ces montants dans l'établissement du
coût moyen?
M. CARDINAL: M. le Président, je vérifierai ce point
particulier qui est très technique. Je ferai comme le chef de
l'Opposition, je n'entrerai pas dans le détail du financement des
polyvalentes parce qu'il y a une échelle, d'après une entente
fédérale-provinciale, à ce sujet, mais je répondrai
à la prochaine occasion à la question précise qui vient
d'être posée.
Collège Bellevue
M. LESAGE: Maintenant, M. le Président, lors de ma conversation
téléphonique avec le ministre de l'Education cet
après-midi au sujet de ce problème que nous venons d'entamer
c'est tout ce que nous avons pu faire j'ai attiré son
attention sur des déclarations de la directrice du Collège de
Bellevue, ici à Québec, qui a laissé entendre que le
collège ne serait pas rouvert en septembre. Il est possible que le
ministre n'ait pas eu le temps de prendre les informations
désirées. S'il n'a pas eu le temps de le faire,
j'apprécierais qu'il considère ma question comme avis.
M. CARDINAL: Je remercie le chef de l'Opposition encore une fois pour
l'avis. Disons que j'ai déjà certains renseignements. C'est
justement un de ces cas d'institution où des investissements importants
ont été faits et où le service de la dette, tant au niveau
secondaire qu'au niveau collégial, puisqu'il s'agit des deux niveaux, je
le souligne, pour l'avantage du chef de l'Opposition, puisqu'au
téléphone nous n'avons parlé que du niveau secondaire...
Il y adeux niveaux dans cette institution privée, le niveau secondaire
et le niveau collégial.
Il y a eu des investissements considérables, ce qui fait que ce
collège est obligé de faire face à un service de la dette
dont je n'ai pas les chiffres précis, mais qui est plus
élevé que le coût moyen dans le secteur public.
D'autre part, dans l'article du journal qui s'intitule: «
Réouverture improbable du collège Bellevue », l'on
allègue des raisons internes. J'ai communiqué avec Mlle
Thérèse Baron, sous-ministre, qui, en fin de semaine,
était à cette réunion où l'une des religieuses a
été in-torrogée. Cette religieuse, de fait, a donné
à Mlle Baron des raisons qu'elle appelle confidentielles pour le moment,
qui sont purement de régie interne, et je n'ai pas été
libéré de la confidence pour informer cette assemblée.
Tout ce que je peux dire, c'est qu'il s'agit vraiment de raisons
internes qui concernent, disons, l'optique que peuvent avoir certaines
religieuses responsables de l'administration de cette institution.
J'ajoute ceci: II n'y a eu de la part de cette institution et
là, c'est vérifié aucune communication, ni avec 1e
ministère, ni avec le ministre, à ce sujet. Quatrièmement,
j'ai demandé pour ces jours-ci un rapport sur les raisons publiques et
les raisons confidentielles qui, d'après l'article de ce journal qui
rapporte les déclarations de Soeur Andrée Marcil, conduiraient
à la réouverture improbable du collège de Bellevue;
M. LESAGE: Ce sont les Dames de la congrégation qui...
M. CARDINAL: Pardon?
M. LESAGE: Ce sont les Dames de la congrégation qui sont
propriétaires?
M. CARDINAL: C'est exact. C'est ça.
Je pense que, pour aujourd'hui, cela donne une partie de la
réponse. Aussitôt que j'aurai eu ce mémoire au
ministère, j'en ferai part au chef de l'Opposition; si le sujet est
jugé d'inté-
rêt plus général, on pourra en revenir à la
période des questions devant cette assemblée.
M. LESAGE: Je remercie le ministre de l'Education, et j'attire de
nouveau son attention sur notre intérêt à connaître
la base du calcul du coût moyen dans le secteur public,
particulièrement en ce qui touche le service de la dette et cette part
du service de la dette assumée par le gouvernement, partie par le
gouvernement provincial et partie parce qu'il y a réception de
subventions fédérales.
Mise à pied éventuelle d'employés
de la voirie
M. LESAGE: Maintenant, j'avais fait donner avis par mon
secrétaire, mon chef de cabinet, au secrétaire du ministre de la
Voirie d'une question que j'avais l'intention de poser,
M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition la pose. J'ai ma réponse,
mais pas la réponse à la question. Je répondrai que je
prends avis de la question...
M. LESAGE: Bon, très bien.
M. BERTRAND: Je fournirai la réponse demain.
M. LESWGE: Entendu.
M. BERTRAND: II s'agirait d'une question dont le chef de l'Opposition a
donné avis au sujet d'une mise à pied éventuelle
d'employés à la division 7-1 de la Voirie,
Saint-Jérôme, Lac Saint-Jean. Je déclare en prendre avis,
et nous répondrons demain.
M. LESAGE: C'est à la suite d'une lettre que j'ai reçue du
président d'un syndicat régional de la fonction publique.
M. BERTRAND: Le secrétaire du ministre de la Voirie, M. Pierre
Tremblay, vient de m'en informer.
Projets de loi retirés du feuilleton
M. LESAGE: M. le Président, je ne veux pas abuser de votre
bonté, mais, cette fois-ci, c'est au sujet des travaux de la Chambre. Je
voudrais attirer l'attention du premier ministre et du leader du gouvernement
sur le feuilleton d'aujourd'hui.
M. BERTRAND: Le feuilleton.
M. LESAGE: Les articles a), b), c). Est-ce l'intention... Le premier
ministre, vendredi, a bien voulu nous donner la liste des projets de loi qu'il
avait l'intention de présenter d'ici la fin de la session.
Evidemment, vendredi il s'en est tenu aux projets de loi qui
n'apparaissaient pas au feuilleton, c'était normal. Mais je sais fort
bien, pour ce qui est des autres, que le premier ministre a l'intention...
M. BERTRAND: Je vais déclarer immédiatement que a est
retiré.
M. LESAGE: La Loi modifiant la loi des coroners.
M. BERTRAND: Oui.
M. LESAGE: Retirée, consentement accordé.
M. BERTRAND: b est retiré.
M. LESAGE: La Loi modifiant la loi des assurances. On n'est pas
prêt? Qu'y a-t-il?
M. BERTRAND: Nous étions prêts, mais nous n'en avons pas eu
besoin.
M. LESAGE: Eh bien, ça aiguise ma curiosité.
M. BERTRAND: Il y aura peut-être autre chose qui viendra...
M. LESAGE: La Loi des assurances a besoin...
M. BERTRAND: Cela, c'est un autre problème.
M. LESAGE: Ce n'était pas la refonte qu'on nous a...
M. BERTRAND: Non, ce n'était pas la refonte. C'était le
fameux problème de la mutualisation.
M. LESAGE: Ah! alors consentement au retrait.
M. BERTRAND: C'est également retiré; nous n'en avons plus
besoin.
M. LESAGE: Le parc Forillon, vous n'en avez pas besoin?
M. BERTRAND: Le parc y sera, mais nous n'avons pas besoin de la loi.
M. LESAGE: Vous n'avez pas besoin de loi. C'est bien ce que je croyais,
j'ai toujours pensé que c'était un peu de la poudre aux yeux.
D'accord. Je suppose bien que l'article 3 aussi, le bill 56 le
ministre des Terres et Forêts ne doit pas avoir envie de courir une autre
aventure.
M. BERTRAND: Non, nous n'en avons pas besoin, nous avons Rexfor, c'est
suffisant.
M. LESAGE: C'est mieux!
M. BERTRAND: Si on me permet, quant à corriger le
feuilleton...
M. LESAGE: Nous consentons à la motion pour le rappel de l'ordre
de deuxième lecture du projet de loi numéro 56, et je puis
assurer le premier ministre...
M. BERTRAND: C'est ça.
M. LESAGE: ... que le député de Duplessis et moi en sommes
très heureux. Le député de Duplessis sera
évidemment obligé de mettre dans sa poche l'excellent discours
qu'il avait préparé.
M. BERTRAND: Alors il l'avait retiré parce qu'il l'a fait sur
Rexfor.
Substitution du parrain au bill 10
M. BERTRAND: Si on me permet, quant à corriger le feuilleton,
l'article 4 aux affaires du jour, 20 novembre, deuxième lecture bill 10,
Loi concernant les régimes matrimoniaux, voudrait-on substituer à
mon nom le nom de M. Paul, le ministre de la Justice.
M. LESAGE: Je voudrais dire au premier ministre et au ministre de la
Justice que le député de Marguerite-Bourgeoys m'a dit et
je réitère un peu ce que j'ai dit vendredi qu'elle serait
prête à procéder en Chambre et en comité
plénier, à l'étude du bill 10, immédiatement
après que nous aurons terminé l'étude du bill 26.
M. BERTRAND: La Loi de l'aide sociale. Si on me permet,
là-dessus, Je dois dire que le bill 10 sera imprimé en
épreuves, d'un format un peu plus grand, pour éviter de le faire
réimprimer deux ou trois fois. D'accord?
M. LESAGE: J'en ai reçu deux exemplaires ce matin.
M. BERTRAND: C'est ça.
M. LESAGE: Et j'en ai remis un exemplaire au député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. PAUL: M. le Président, pour répondre à la
suggestion de l'honorable chef de l'Opposition, disons que le bill 10 suivra
l'étude du bill 26.
M. LESAGE: C'est ça.
M. PAUL: Mais, il peut arriver qu'il y ait un autre projet de loi qui
soit intercallé entre les deux et il est possible que la Loi des
tribunaux judiciaires soit appelée avant ou pendant la lecture du bill
10. De toute façon, nous nous entendrons, l'honorable
député de Marguerite-Bourgeoys et moi, pour procéder
suivant cette convention que l'étude du bill 10 viendrait
immédiatement après la Loi de l'aide sociale.
M. LESAGE: Disons que ça vaut jusqu'à demain soir. Je
pense que c'est ce que le ministre de la Justice avait en tête.
M. PAUL: C'est ça.
M. BERTRAND: Il vaut mieux prévoir certains départs.
M. PAUL: Numéro 5.
M. LESAGE: Je n'ai pas compris.
M. BERTRAND: Moi non plus.
M. LESAGE: II faut quand même ménager le ministre du
Travail, étant donné sa maladie. Je ne voudrais pas le faire
venir ici jeudi pour qu'il attende.
M. PAUL: Je vais communiquer avec le ministre du Travail pour l'en
informer immédiatement.
M. BERTRAND: Nous l'appelons immédiatement.
M. LESAGE: C'est cela. M. PAUL: Cinq.
Bill 26 Deuxième lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Santé, et de la
Famille et du Bien-Etre social propose la deuxième lecture de la Loi de
l'aide sociale.
L'honorable ministre de la Santé et de la Famille et du Bien-Etre
social.
M. Jean-Paul Cloutier
M. CLOUTIER: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur
de la province ayant pris connaissance de ce bill en recommande l'étude
à la Chambre.
Nous sommes maintenant au terme de l'étude du projet de loi no 26
qui a été déposé en cette Chambre au mois de mai
dernier et qui a fait l'objet de quatre séances de la commission
parlementaire de la Famille et du Bien-Etre social qu'a présidée
le député de Portneuf. Ces séances ont été
tenues le 11 septembre, le 18 septembre, le 6 novembre et le 20 novembre.
Au cours de ces réunions de la commission parlementaire, nous
avons eu l'avantage de recevoir et d'entendre des groupes représentatifs
qui s'intéressent aux problèmes sociaux, qui s'intéressent
à la législation dans le domaine social. Je voudrais les
remercier, au début de cette intervention, de leur collaboration et du
sérieux des travaux qu'ils ont apportés devant la commission.
Je les nomme pour renseigner les membres de cette Assemblée qui
n'ont pas participé aux travaux de la commission. Il y a une liste assez
imposante. Il y a d'abord le Montreal Diet Dispensary, The Allied Jewish
Community of Montreal, The Victorian Order of Nurses, le Chapitre
français de la Corporation des travailleurs sociaux professionnels du
Québec, de Montréal, la Fédération des services
sociaux à la famille, le Comité des assistés sociaux du
centre-ville - qui est venu deux fois devant la commission le Conseil
régional du bien-être de Sherbrooke, l'Agence de service social de
la région de Sherbrooke, le chapitre de la Corporation des travailleurs
sociaux professionnels de Sherbrooke, l'Association des familles
ouvrières, l'Association des propriétaires des laboratoires
médicaux privés du Québec, l'Opération Alarme de
Montréal, le Comité d'action sociale de Saint-Jean-d'Iberville,
le Comité ouvrier de Saint-Jérôme, le Comité des
citoyens de Mercier, le Comité des assistés sociaux du
centre-ville de Québec, The School of Social Work at the McGill
University, plusieurs groupes d'assistés sociaux de Montréal,
plusieurs assistés sociaux à titre individuel, le
Secrétariat social de Saint-Roch avec Mgr Lavoie, le Comité des
assistés sociaux de la rive sud, le Comité des citoyens de Val
d'Or, le Conseil des oeuvres de Montréal, The Montreal Council of Social
Agencies, The Montreal Council of Social Aid, la Corporation des travailleurs
sociaux et professionnels de la province de Québec, The Family Service
Association of Montreal, la Corporation des conseillers sociaux du
Québec.
Il y a aussi des organismes qui n'ont pu se présenter, mais qui
nous ont fait parvenir des mémoires, lesquels nous avons fait inscrire
au journal des Débats.
C'est donc une preuve éloquente de l'avantage et de
l'opportunité de donner une chance aux groupements et aux individus qui
veulent se faire entendre devant l'Assemblée nationale de le faire au
moyen des commissions parlementaires.
Je voudrais également, avant d'entrer dans le vif du sujet, dans
le projet de loi lui-même, remercier les membres de la commission
parlementaire qui ont suivi assidûment les travaux et qui ont
apporté leur entière collaboration dans l'étude d'un sujet
qui est, par sa nature même, complexe, délicat. C'est la nature
des problèmes que nous étudions, des problèmes qui
touchent l'individu et sa famille.
Je veux les remercier, M. le Président, de la façon
objective, de la façon pondérée avec laquelle les membres
de la commission ont travaillé à ce projet de loi et à sa
réglementation. Egalement, il y a un autre précédent que
je crois devoir mentionner à cette Chambre, c'est que, peut-être
pour la première fois sauf erreur, nous avons étudié un
projet de loi tout en ayant à notre disposition le projet lui-même
de réglementation et aussi, évidemment, les tables qui appuieront
le projet de réglementation et le projet de loi.
Nous avons posé ce geste, afin, comme Je l'ai dit
antérieurement, d'aider les membres de la commission parlementaire
à se faire une idée du projet de loi et à se faire une
meilleure opinion. Peut-être que ç'a été fait en
d'autres circonstances...
M. HARVEY: L'assurance-hospitalisation.
M. CLOUTIER: ... mais disons que cette façon excessivement
élaborée, je crois que ç'a aidé les travaux de la
commission parlementaire.
M. le Président, j'essaierai d'être le plus bref possible,
mais pour un projet de loi aussi
important, qui marque une transformation aussi profonde de la
législation sociale dans le Québec et également de
l'organisation du ministère de la Famille et la dispensation des
services à l'échelle de la région, je crois qu'il est
important à ce moment-ci, non seulement pour les membres qui
siègent dans cette Chambre, mais pour ceux qui viendront après et
qui se référeront à nos travaux, que je m'attarde quelques
instants sur certains aspects de ce projet de loi et notamment en faisant
d'abord un historique de la législation sociale qui nous montrera
l'évolution jusqu'à ce jour.
Si on remonte à quelques décennies en arrière et si
on se rappelle les principales étapes, la première qu'il faut
mentionner, c'est 1921 avec l'adoption de la Loi de l'assistance publique, qui
a constitué une des étapes importantes dans le
développement des lois sociales au Québec. Avant cette date, les
charges de l'assistance furent assumées par la famille et, à son
défaut, par la paroisse et les institutions religieuses. La population
considérait alors le domaine du bien-être social comme celui de la
charité privée et où l'action de l'Etat tenait très
peu de place. La preuve de cet état de chose, on la retrouve dans une
citation du père Gonzague Poulin dans les travaux qu'il a faits pour la
commission d'enquête sur les problèmes constitutionnels à
la page 88 Québec, 1955: « On ne concevait pas alors qu'un
indigent valide ne puisse pas trouver du travail ou du secours parmi ses
proches. Seul l'Indigent inapte au travail, soit à cause de maladie ou
de vieillesse, avait droit à l'assistance publique si personne ne
pouvait en prendre soin. » Alors on voit quel était à ce
moment-là le concept que l'on avait de l'intervention de l'Etat dans ce
domaine social.
La situation que j'ai évoquée il y a un instant, celle
décrite par le père Poulin, devait subir de profondes
modifications, conséquences, évidemment, de l'industrialisation
et de l'urbanisation que nous devions connaître au début du
siècle et qui devaient peu à peu transformer le mode de vie des
Québécois.
En effet, alors qu'en 1867 plus de 80% de la population du Québec
vivait en milieu rural, en 1921 cette proportion était de 44%. La
période de transition dans laquelle le Québec s'engageait
à ce moment-là allait apporter des problèmes nouveaux et
nombreux. Le système familial d'assistance se trouva bientôt
débordé. Les institutions virent leur tâche prendre
rapidement une ampleur à laquelle elles n'étaient pas
préparées. Certaines d'entre elles sollicitèrent des
contributions financières accrues de l'Etat. La réponse du
gouvernement prit alors la forme de la loi de 1921, la Loi de l'assistance
publique. Le résultat principal de cette loi fut de confirmer le
caractère privé des institutions d'assistance et de leur
permettre de puiser dans les fonds publics lorsqu'elles accueillaient ou
aidaient une personne indigente.
A la suite de l'adoption de cette loi, un service d'assistance publique
fut créé et placé sous l'autorité du
Secrétaire de la province. Ce précédent devait ouvrir la
voie à l'extension des services publics dans le domaine du
bien-être. En vertu de la loi, la charge financière de
l'assistance est désormais répartie également entre le
gouvernement provincial, les municipalités et les institutions
elles-mêmes. Ceux qui travaillent dans le domaine municipal ont
eul'occaslon de vérifier cette répartition. Les contributions
municipales et gouvernementales sont versées directement aux
institutions qui assument la responsabilité de la distribution des
services. Aucun organisme gouvernemental n'est habilité à
distribuer des services à domicile. Chaque requérant doit faire
la preuve de son indigence, d'abord, devant le maire de la municipalité,
puis devant l'institution où il désire être admis. En 1936,
le Québec a adhéré au programme fédéral
conjoint pour aider les personnes âgées de 70 ans ou plus. En
1937, il adopte une loi d'assistance aux mères nécessiteuses. La
même année, il accepte encore un amendement à la loi
fédérale des pensions de vieillesse et autorise ainsi le
versement d'allocations d'assistance aux aveugles nécessiteux.
Cette multiplication des lois sociales, le dé-croissement graduel
de la responsabilité familiale à l'endroit de ces indigents, les
responsabilités grandissantes des municipalités dans d'autres
secteurs, comme l'aménagement urbain et l'éducation par la taxe
scolaire, et surtout l'extension de la Loi de l'assistance publique de 1921
à des institutions qu'on appelait « sans mur » allaient
obliger l'Etat à intervenir beaucoup plus avant dans le domaine du
bien-être social. L'apparition des agences de bien-être et de
service social, en même temps que l'adoption d'une mesure permettant le
versement d'une assistance à domicile, devait constituer une autre
étape importante dans le développement des mesures de
bien-être social au Québec.
Le 1er juillet 1959, le gouvernement du Québec signe, avec celui
du Canada, un accord rétroactif au 1er juillet 1958. En vertu de cette
entente, le gouvernement fédéral s'engage à
défrayer la moitié des sommes versées aux personnes en
chômage qui sont nécessiteuses. Pour la première fois donc,
des prestations sont versées à des personnes qui sont aptes au
travail, mais qui sont en chômage. La croissance con-
sidérable et rapide du coût de l'assistance-chômage
au Québec qui allait s'ensuivre devait amener le gouvernement du
Québec à instituer, le 6 décembre 1961, du temps où
le député de Richmond était au ministère de la
Famille, le comité d'étude sur l'assistance publique, mieux connu
sous le vocable de comité Boucher.
Rendues publiques en 1963, les 71 recommandations du rapport Boucher
peuvent être regroupées sous cinq titres. Premièrement, le
droit à l'aide sociale. Ce principe veut que tout individu
nécessiteux ait droit à une assistance de la part de l'Etat,
quelle que soit la cause immédiate ou éloignée de ce
besoin.
Deuxièmement, l'unification des lois. Le comité recommande
que les diverses lois d'aide sociale à des catégories de
personnes nécessiteuses devraient être remplacées par une
loi générale, dite loi-cadre. Les lois suivantes sont
touchées par cette recommandation: la Loi de la Commission des
allocations sociales du Québec; la Loi de l'assistance publique, article
31; la Loi des allocations scolaires, article 8; la Loi de l'assistance aux
mères nécessiteuses; la Loi des allocations aux aveugles et la
Loi de l'assistance aux personnes âgées.
Troisième recommandation générale, l'unification de
l'administration. En effet, depuis sa création, la Commission des
allocations sociales du Québec administrait les lois dites
catégorisées: assistance aux personnes de 65 à 70 ans, aux
aveugles, aux invalides, aux mères nécessiteuses. En 1960, la
commission se vit remettre l'administration du programme d'assistance publique
à deux catégories nouvelles: inaptes au travail pour douze mois
ou plus, que l'on appelle catégorie d), et les veuves et
célibataires de sexe féminin de 60 à 65 ans, que l'on
nomme catégorie f).
En 1961, les suppléments à ces diverses pensions
devenaient aussi de la compétence de la Commission des allocations
sociales. D'autre part, les services d'assistance sociale du ministère
continuaient de s'occuper des inaptes au travail pour moins de douze mois et
des aptes au travail. A l'automne 1966, le ministre de la Famille et du
Bien-Etre social rendait possible le rapprochement de la commission et des
services d'assistance sociale du ministère. L'intégration
graduelle de la commission au ministère s'est réalisée
grâce à la collaboration de son président et des
commissaires.
Cette unification de l'administration fut favorisée
également par la réunion sous un même toit, dans un mime
édifice, de tous les services du ministère, également ceux
du ministère de la Santé. C'est pour restructurer tous les
services d'assistance financière du ministère que le rap- port
Boucher devait recommander de faire disparaître le cloisonnement qui
existait entre la Commission des allocations sociales et les services
d'assistance sociale. Selon le rapport, tous les services responsables de
l'assistance financière devraient dorénavant relever
intégralement du sous-ministre.
Quatrièmement, le rapport Boucher recommandait que le
gouvernement du Québec, pour faire face à ses
responsabilités, oriente son action sociale dans la voie de la
prévention individuelle et collective et l'exprime dans sa
législation. En outre, dans ce souci de réadaptation individuelle
et communautaire, il recommandait au gouvernement d'entreprendre des
expériences-pilotes axées sur des problèmes sociaux bien
définis.
Cinquièmement, le rapport Boucher recommandait que, dans la
conception et l'application des mesures de bien-être social, soient
établies des relations constantes entre le ministère de la
Famille et du Bien-Etre social et les autres ministères. Cette
coordination pourrait prendre la forme d'un comité
interministériel permanent formé au niveau des
sous-ministres.
Comme on vient de le constater, M. le Président, le rapport
Boucher permettait au ministère de prendre une orientation
générale mieux planifiée, mais ne contenant pas, comme
telle, une législation. Il fallait donc tendre à l'application
graduelle des recommandations du comité, tout en continuant à
distribuer des services à une clientèle de
bénéficiaires toujours de plus en plus nombreuse.
Il fallait que le ministère recrute les services de
professionnels de qualité en nombre suffisant et qu'il développe
un service bien structuré et efficace de planification et de recherche
susceptible de lui fournir les éléments requis à
l'élaboration d'une politique sociale générale.
La venue au ministère de professionnels de qualité nous a
permis d'étudier les lois actuelles en regard des besoins de la
population. Cette longue étude nous fit constater, entre autres choses,
qu'il n'était pas possible d'adopter une loi générale
d'aide sociale sans que, d'autre part, le gouvernement fédéral
développe, en collaboration avec nous, son régime canadien
d'assistance publique. En même temps que nous participions à ces
travaux, tant à Québec qu'au plan des relations
fédérales-provinciales, un comité spécial
élaborait le cheminement critique de toutes les opérations
administratives et autres, nous permettant de mettre au point un projet de loi
que j'avais l'honneur de présenter à l'Assemblée nationale
durant la session en cours.
Quelle est, M. le Président, après ces brèves
notes historiques, la situation de l'aide sociale dans tout cet ensemble
de la sécurité sociale?
L'objectif général des mesures d'aide sociale est de
rétablir le niveau de vie si ce niveau de vie est tombé en
dessous du minimum déterminé par le législateur. Ces
mesures sont complémentaires et constituent un dernier recours une fois
que tous les autres moyens ont été épuisés. Ces
mesures se reconnaissent à leur caractère résiduaire par
rapport au caractère d'universalité des mesures de
sécurité sociale proprement dites.
Parmi ces dernières, qui sont à caractère
universel, nous retrouvons les autres régimes de maintien du revenu et
je nommerai, par exemple, les allocations pour les accidents de travail et
maladies professionnelles, les prestations d'assurance-chômage, le
régime des rentes, les allocations familiales et les allocations
scolaires.
Nous retrouvons aussi des mesures prévoyant la prestation de
services. Par exemple, l'assurance-hospitalisation, assistance médicale,
assurance-maladie, service de placement d'adultes, service de diagnostic et
d'assistance pour enfants et adolescents délinquants, service de
diagnostic et d'assistance pour adultes délinquants, service
spécialisé pour les mères célibataires, service
d'orientation professionnelle et de placement pour les personnes qui entrent
pour la première fois sur le marché du travail, pour les
chômeurs et les handicapés, service de recyclage, service de
réadaptation des invalides, service spécialisé pour les
alcooliques et les narcomanes, service spécialisé pour les
voyageurs et les immigrants, service aux anciens combattants, aux Indiens, aux
Esquimaux, service d'aide à la famille qui sont, évidemment,
parmi les services les plus importants, les aides familiales et les soins
à domicile.
L'aide sociale, en regard des instruments de sécurité
sociale et des services, est un dernier recours et constitue un
complément nécessaire aux autres mesures de
sécurité sociale. M. le Président, lors des séances
de la commission parlementaire, j'ai insisté sur cet aspect de dernier
recours de la loi d'aide sociale qui n'est pas un régime
général de sécurité sociale devant régler
universellement tout le problème de l'aide et de la dépendance
sociale. Le projet de loi de l'aide sociale s'impose non seulement dans le but
d'améliorer l'action gouvernementale auprès des assistés
sociaux, mais aussi d'assurer une plus grande rationalisation de
l'administration des programmes actuels d'assistance sociale.
Je reviens à une affirmation que j'ai faite tout à
l'heure, à propos du rapport Boucher. Ce rapport avait identifié
un certain nombre de problèmes administratifs dans le domaine de
l'assistance sociale. Précisément, le rapport Boucher se
référait au morcellement administratif, au caractère
fortement centralisé et distant de l'administration, à la
délégation mal définie des pouvoirs, aux normes
administratives défectueuses et au manque de personnel
qualifié.
L'expérience du ministère depuis ce temps a
confirmé l'acuité de ces problèmes administratifs, surtout
si l'on tient compte du fait que la population assistée a
augmenté rapidement au cours des dernières années. De
plus, l'extension de l'assistance spéciale et supplémentaire a
rendu encore plus difficile l'obligation pour les fonctionnaires de tenir
compte de multiples critères d'admissibilité et de
différents modes de calcul des prestations.
Dans ces circonstances, les opérations devaient demeurer assez
fortement centralisées et ne pouvaient donner lieu à une
délégation d'autorité nécessaire à
l'administration efficace de programmes aussi importants. D'ailleurs, la
nécessité pour le personnel d'effectuer dans chaque dossier des
opérations assez complexes ne laissait que peu de temps et de ressources
à concentrer sur la prévention et la réhabilitation des
requérants. Dans un tel contexte, des contrôles financiers
très efficaces étaient extrêmement difficiles à
exercer.
Le ministère a cependant mis en marche, depuis l'automne 1967,
des enquêtes de vérification de façon constante. Ces
enquêtes ont démontré combien il est difficile d'exercer
une surveillance convenable de programmes divers gérés par des
unités administratives ne relevant pas toutes du ministère et
basées sur des réglementations différentes. Des
enquêtes administratives de contrôle se sont poursuivies à
un rythme accéléré et ont continué de se poursuivre
parallèlement à la refonte et à la réorganisation
des services administratifs de l'aide sociale.
Le ministère a également poursuivi la
réorganisation de ses services extérieurs, qui était
l'intégration du personnel qualifié des agences sociales et des
services municipaux là où le programme d'assistance était
encore administré à ce niveau. Il a entrepris une
déconcentration d'opérations dans un circuit complet de bureaux
gouvernementaux qui assurent la présence de fonctionnaires aux
problèmes des individus et des familles, de leurs besoins et de leur
circonstance partout sur le territoire.
L'action qui s'imposait était, on le comprendra, d'une
extrême complexité, demandait des analyses qualificatives et
quantitatives poussées, la conception d'un type de bureau local
où
les tâches administratives seraient divisées efficacement,
la présence dans chaque bureau, comme au bureau central, d'un groupe
diversifié de fonctionnaires à la mesure des taches, y compris
celle de la prévention de la dépendance sociale et celle de la
réintégration des assistés sociaux à un
régime de vie plus normal que celui de l'assistance.
Nous avons adopté des mesures intérimaires ou provisoires
au plan de la réglementation, de la coordination des diverses
allocations de base avec l'assistance spéciale, de la
décentralisation de certains pouvoirs de décision, non seulement
aux bureaux locaux, mais aussi à dix responsables régionaux de
l'assistance sociale.
Nous sommes encore engagés dans l'application d'un plan
d'implantation des bureaux locaux, dans leurs nouvelles dimensions physique et
administrative déterminées aussi par la mise en
disponibilité des locaux, des emplacements par le ministère des
Travaux publics et de la mise en disponibilité des effectifs par la
commission de la Fonction publique. Ces mesures ne pourraient toutefois pas
suppléer à l'adoption d'une législation unique et plus
facile à administrer comme le projet de loi de l'aide sociale
présenté actuellement.
Divers groupes sociaux, les assistés eux-mêmes, ont, pour
leur part, déploré à maintes reprises la complexité
de nos lois d'assistance sociale et de leurs réglementations
diverses.
M. le Président, le projet de loi de l'aide sociale s'inspire de
la méthode d'assistance reconnue partout pour être la forme
primaire de sécurité sociale. Cette approche du projet de loi ne
constitue pas par elle-même un système de sécurité
sociale, comme je l'ai dit il y a quelques instants, mais elle doit s'inspirer
et tenir compte dans la définition de ses objectifs des autres
éléments essentiellement complémentaires d'un
système de sécurité sociale. Plus le système est
évolué, moins important sera le rôle et devra être le
rôle de l'aide sociale proprement dite. Quel que soit cependant le
degré d'évolution d'un système de sécurité
sociale, l'aide sociale fait partie constituante d'un tel système et
doit faire corps avec les autres mesures de sécurité sociale et
jouer un rôle bien précis et bien déterminé dans le
développement socio-économique d'un Etat.
Contrairement à d'autres mesures de sécurité
sociale, telles que l'assurance-maladie, le régime des rentes, les
accidents du travail, l'assurance-chômage, les objectifs de l'aide
sociale ne s'orientent pas vers la protection contre un risque social
particulier, ni vers une politique générale de redistribution du
revenu. Le motif de l'intervention de l'aide sociale est d'ordre très
général, un état de besoins essentiels ne pouvant
être satisfait autrement que par l'aide sociale. Cet état de
besoins donne ouverture à un droit à l'aide et ce droit est une
notion qui situe bien l'aide sociale dans le contexte de la
sécurité sociale moderne.
La satisfaction normale d'un état de besoins ne se trouve donc
pas dans une aide sociale. Si l'aide sociale parait être la seule source
de satisfaction dans une situation ou dans un cas donné, elle ne peut
essentiellement être considérée que comme une
réponse palliative, une réponse provisoire et non pas
définitive.
Assurer à la population la sécurité du maintien du
revenu par un régime d'aide sociale appelle d'autres mesures, des
mesures de prévention et de réhabilitation qui sont aptes
à maintenir la satisfaction des besoins par des sources ordinaires ou
normales. Le bénéficiaire d'une aide sociale, qu'il soit tout
simplement victime d'une situation sociale, ou qu'il ait lui-même
contribué à la création de son état de besoins, est
dans une situation anormale, et l'exercice de son droit à cette aide
n'est possible que pour le temps où une réponse valable à
sa situation de besoins ne peut être donnée que par les
mécanismes normaux de satisfaction.
L'aide sociale est donc un moyen d'assurer un certain niveau de vie,
mais un moyen rési-duaire par rapport à tous les autres. Les
objectifs d'un programme tel que celui-ci seraient faussés s'ils
entravaient la satisfaction normale des besoins des individus et des familles
ou s'ils ignoraient les mesures de prévention, de réhabilitation
destinées à maintenir ou à réinstaller cette
satisfaction normale dans la mesure du possible.
C'est donc dans ce contexte de la sécurité sociale,
mesures à caractère résiduaire, que le projet de loi no 26
a été conçu et a été élaboré.
Il ignore les causes des situations de besoins. Il rrconnaît le droit
à l'aide et établit des mécanismes modernes tant pour le
faire valoir que pour en décider. Il ne tient aucun compte des
caractérisques politiques, sociales ou culturelles de ceux qui
désirent s'en prévaloir. Il facilite les conditions d'exercice de
ce droit. Il rrconnaît par contre qu'il s'agit d'un moyen exceptionnel et
prévoit des mesures et des services pour prévenir ou corriger les
situations qui donnent lieu à son application. Ces objectifs se
vérifient dans les commentaires que j'aimerais maintenant faire
relativement au droit à l'aide sociale, aux modalités de sa
détermination ainsi qu'aux instruments qui sont associés à
son application.
Pour faciliter à cette Assemblée l'étude du
projet de loi, j'ai déposé un projet de règlements
généraux que nous avons étudiés à la
commission parlementaire et que je soumettrai à la considération
de mes collègues du cabinet, une fois le projet de loi no 26
adopté.
Quel est le droit et l'admissibilité à l'aide sociale? Le
projet de loi proclame le droit à des personnes seules et des familles
qui sont dans le besoin de retirer des bénéfices de l'aide
sociale sans aucune discrimination. Pour garantir le respect et l'exercice de
ce droit, le projet de loi no 26 prévoit des possibilités de
recours qui sont mises à la portée de tout
réquérant ou bénéficiaire qui se sent
lésé. Il s'agit du pourvoi en revision et en appel. Ce droit
n'est cependant pas illimité. Vous en comprenez certes les raisons. Il
faut bien préciser que le droit à l'aide s'interprète
comme étant le droit de toute personne qui est privée de moyens
de subsistance et dont l'ensemble des biens qu'elle possède ne
dépasse pas les normes prévues par règlement de percevoir
une aide ou prestation qui correspond à ses besoins.
Vous remarquez qu'en vertu des énoncés
précédents l'exercice du droit à l'aide implique la
réalisation de certaines conditions, à savoir,
premièrement, la privation de moyens de subsistance et,
deuxièmement, la nécessité que le montant de l'ensemble
des biens possédés soit égal ou inférieur aux
normes prescrites par le règlement.
Sans entrer dans les articles mêmes du projet de loi, je voudrais
signaler à l'attention des membres de cette Chambre
particulièrement les articles 7, 8, 9, 10 et 12 qui précisent la
signification de l'expression « moyens de subsistance », en ce qui
concerne l'article 7. Cette définition des moyens de subsistance
constitue une définition principale autour de laquelle pivote ce projet
de loi.
Ce concept fait référence à tout emploi à
plein temps, à temps partiel ou saisonnier qui est exercé de
façon régulière et non occasionnelle.
Cette conception que nous avons jugé essentiel d'Inscrire dans
les stipulations mêmes qui ouvrent la porte de l'admissibilité aux
bénéfices prévus dans le projet de loi est la
résultante logique de l'un des grands principes sous-jacents à ce
projet de législation. En vertu de ce principe, le travail est
considéré comme le moyen habituel pour tout adulte de subvenir
à ses propres besoins personnels, de même qu'à ceux des
membres de sa famille.
Bref, le travail est vu comme étant la voie normale de gagner sa
vie. Ainsi, bien que la philosophie sous-jacente au projet de loi con-
sidère comme essentiel que tous les individus et familles du
Québec, qui sont dans un état de besoin, ne soient pas
privés d'un certain minimum décent, on aurait tort d'entendre par
là et de conclure que cette nouvelle orientation donnée à
ce programme de bien-être encourage la paresse et la dépendance
sociale et économique. Bien au contraire, notre objectif est d'un tout
autre ordre. Le projet de loi comprend et fait appel, en effet, à tout
un ensemble de possibilités nouvelles, de moyens et de ressources dont
la nature même combine les impératifs d'une prévention et
d'une réhabilitation articulés de façon empirique, mais
dynamique.
Je donne un exemple de cet aspect préventif de la loi: l'aide que
l'on pourra accorder sous forme de prêts, et un exemple de ces mesures de
réhabilitation; l'aide qui est accordée sous forme de services,
tel que les auxiliaires familiales, les cours de formation professionnelle, les
stages de réhabilitation sociale, de réadaptation au travail et
tout le processus de retour à la vie normale. Il y en a bien d'autres,
évidemment.
Je crois pertinent d'ajouter que le montant de l'aide accordé
dans chacun des cas est variable, puisqu'il a pour base de calcul du
déficit. Le montant de l'aide qui est fournie à une personne ou
à une famille est donc égal à cet écart
déficitaire qui existe entre, d'une part, l'ensemble des revenus et
d'autre part, les besoins qui sont calculés selon des normes et des
modalités prescrites par règlement. J'aurai, tout à
l'heure, l'occasion d'élaborer davantage sur cet aspect. Le tout,
évidemment jusqu'à concurrence de certains maxima qui seront, eux
aussi, fixés par règlements.
Exceptionnellement et pour fins de prévention et de
réhabilitation, nous avons jugé absolument nécessaire
d'étendre la portée du droit à l'aide sociale
au-delà de celle que je viens de décrire.
C'est ainsi qu'à l'article 8 on prévoit qu'une aide pourra
être fournie pour combler les besoins spéciaux d'une famille ou
d'une personne seule qui n'est pas privée de ses moyens de subsistance,
au moment où il sera jugé nécessaire de verser cette aide
pour éviter un plus grand mal, c'est-à-dire avant qu'elle soit
privée de subsistance ou qu'elle ne se trouve dans une situation qui
constitue un danger pour sa santé ou risque de la conduire au
dénuement total.
De plus, il est prévu, à un autre article, qu'au moment
où l'aide versée en vertu de l'article 8 s'avérera
insuffisante pour éviter que cette famille ou cette personne ne soit
privée de ses moyens de subsistance, le ministre pourra lui
proposer un plan de relèvement et lui accorder l'aide sociale
pour combler ses besoins ordinaires et spéciaux, à la condition
qu'elle accepte de se conformer aux prescriptions du plan quilui est
ainsi proposé. A cet égard, vous noterez...
M. LESAGE: M. le ministre, me permettrlez-vous une question?
M. CLOUTIER: Oui.
M. LESAGE: Ces plans de relèvement sont-ils limités au cas
où une personne est dans le complet dénuement, sans source de
revenus?
M. CLOUTIER: Non, ces plans ne sont pas limités. Dans ce
cas-là, la réhabilitation devra s'accompagner d'un plan de
relèvement, mais, dans les autres cas, c'est implicite. Il peut y avoir
des plans de relèvement.
M. LESAGE: Oui, mais c'est implicite, parce que, d'après le texte
du projet de loi, il faut qu'une personne soit complètement
démunie de ressources.
M. CLOUTIER: II est implicite dans les autres cas, mais dans
celui-là il est nommément mentionné afin que l'agent de
sécurité sociale ait l'obligation de proposer au requérant
ce plan de relèvement.
M. LESAGE: J'ai l'impression que le député de d'Arcy-McGee
fera des remarques au ministre, là-dessus. C'est dangereux, les choses
implicites dans du droit statutaire.
M. CLOUTIER: D'accord. Le projet de loi de l'aide sociale comprend aussi
deux stipulations qui apportent un complément nécessaire aux
trois articles dont je viens de parler. Il est prévu par la loi qu'une
personne peut bénéficier de l'aide sociale en attendant le
versement d'une somme qui doit lui parvenir, de la réalisation d'un
droit ou de la liquidation d'une affaire si elle est autrement admissible
à l'aide sociale.
Elle assume alors l'obligation de rembourser, évidemment
jusqu'à concurrence des sommes d'argent ou de la valeur des biens
qu'elle recevra. Enfin, la loi permet d'aider toute personne qui, en vertu
d'une loi, d'un contrat ou d'un jugement, dépend d'une autre personne
pour sa subsistance lorsque cette dernière refuse ou néglige de
subvenir à ses besoins. Il est cependant prévu que cette
personne, dite obligée envers l'autre, doit rembourser là aussi,
jusqu'à concurrence du montant de ses obliga- tions envers cette
personne, les sommes d'argent et la valeur des autres prestations
accordées en vertu de la présente loi.
Le gouvernement est évidemment subrogé aux droits de cette
personne jusqu'à concurrence du montant de la valeur des prestations.
Dans tous les cas de cette dernière catégorie, pour rendre
possible l'établissement d'un déficit, il ne sera pas tenu compte
des biens et des revenus de la personne qui est dans l'obligation de subvenir
aux besoins de ladite personne ou famille, sans quoi la mojorité des
demandes d'aide de ce type devra faire l'objet d'un refus qui risquerait
dangereusement de provoquer la détérioration de situations
individuelles ou familiales déjà très difficiles et qui
sont trop souvent, d'ailleurs, caractérisées par un niveau
avancé de désintégration ou de marginalité.
Je vous signale que ces deux derniers articles n'ont pas pour but de
remplacer les procédures légales ordinaires qui prévalent
dans de telles situations. Au contraire, ils viennent répondre à
des situations toutes particulières et temporaires. Par ailleurs, la
subrogation légale assure que les procédures normales suivront
effectivement leur cours. Voilà, M. le Président,
1'énumération explicite des grands principes et des conditions
qui régissent le droit et l'admission à l'aide sociale.
Quelles sont les modalités de détermination de ce droit?
Nous venons de voir dans quelles situations l'Individu ou les familles peuvent
devenir admissibles à l'aide sociale. Cette admissibilité est
toutefois conditionnelle. Si on a pu déterminer un cas de situation
difficile, il reste à l'apprécier de façon précise
par une étude des biens possédés ainsi que du
déficit entre les besoins et les revenus.
En ce qui concerne les biens, l'évaluation des biens constitue,
d'une certaine façon, un critère d'admissibilité en ce
sens que, malgré l'existence d'an déficit, elle peut conduire au
refus de l'aide, si un individu ou une famille possède des biens
supérieurs au montant qui sera fixé par les règlements. Si
l'aide sociale doit demeurer une mesure résiduaire, il est normal que
les familles et les individus tentent de résoudre leur problème
eux-mêmes avant d'avoir recours à l'Etat, surtout s'ils ont
accumulé des biens importants.
C'est d'ailleurs dans cet esprit que le règlement sera
vraisemblablement plus restrictif au titre de l'avoir liquide pour ceux qui ne
sont pas privés de leur moyen de subsistance que pour les autres.
Cependant, il ne faudrait pas croire qu'on risquerait, avec une telle
disposition, de priver qui que ce soit de ses biens nécessaires et
essentiels. C'est ainsi que nous
avons prévu une série d'exclusions dans
l'évaluation des biens. On peut citer, par exemple, les meubles
essentiels, les effets personnels, tel que prévus au code de
procédure civile, l'ensemble des outils, des instruments
nécessaires à l'exercice d'un travail, l'équité
modeste investie dans la résidence d'un propriétaire. Le projet
de règlement permet même de conserver quelque temps un bien dont
on ne pourrait disposer immédiatement sans perte importante.
Quant au déficit, une fois admissible au plan des moyens de
subsistance comme à celui des biens, le requérant pourra se
prévaloir d'une prestation qui est égale au déficit
déterminé par la différence entre ses besoins et ses
revenus. Si vous le voulez bien, nous allons étudier plus à fond
la détermination du déficit. Pour ce faire, j'aborderai
successivement le problème des besoins et celui des revenus. Il va de
soi que, dans une loi de caractère résiduaire, les besoins
considérés doivent l'être dans le contexte d'un minimum
décent.
Comment déterminer ce minimum? Car c'est une donnée qui
est étroitement reliée à une certaine structure
socio-économique. Le minimum du Québec ne sera pas celui de la
Californie ou encore celui de pays sous-équipés comme l'Inde. Une
structure socio-économique s'évalue à l'aide d'indices.
Parmi ceux-ci on a tenu compte, en plus des coûts effectifs, des besoins,
du niveau du salaire minimum et de la situation financière, pour ne
donner que quelques exemples. Car on ne pourrait considérer la
satisfaction des besoins en espèces à un niveau supérieur
au salaire minimum en vigueur sans perturber tout le marché du travail
et de la main-d'oeuvre.
De même le développement de la sécurité
sociale d'un Etat doit suivre et s'appuyer sur son développement
économique. Car, dans le cas contraire, elle le ralentirait. Le
Québec est actuellement dans une situation financière qui n'est
pas facile, et il serait inopportun, à ce moment-ci, de trop grever le
budget. Onpeutprévoir une augmentation du niveau des prestations quand
le projet de loi sera en vigueur. Il ne faudrait pas cependant s'attendre
à une très forte augmentation des prestations. Il faut
évidemment procéder par étapes. Le projet sera au
début caractérisé davantage par la rationalisation,
l'évaluation des besoins qu'il effectuera. C'est ainsi qu'au lieu de
prévoir un montant couvrant tous les besoins et ne variant qu'en
fonction du nombre de personnes à charge, le projet de
réglementation tendra à tenir compte le plus possible de la
réalité.
On prévoit, par exemple, un montant couvrant la nourriture, le
vêtement ainsi que les nécessités personnelles et
domestiques en vertu d'une table bien précise. Ce montant variera en
fonction du nombre d'adultes ainsi que du nombre et de l'âge des enfants.
Le coût de ces besoins varie peu d'une région à l'autre et
d'une personne à l'autre. Le projet de règlement prévoira
donc un montant prédéterminé pour tous. C'est ce que j'ai
désigné, au cours des travaux de la commission parlementaire,
comme la table des besoins ordinaires. Par contre, la situation est
différente dans le cas des frais relatifs à l'habitation. Le
projet de règlement prévoira donc le paiement au coût,
jusqu'à concurrence d'un maximum, de l'ensemble des frais de
l'habitation en fonction du nombre de personnes seulement, et non pas de
l'âge des enfants.
Enfin, toujours suivant les mêmes critères, il sera tenu
compte des variations dues à la condition de logement et des
dispositions et différences s'appliquant aux locataires,
auxproprié-taires et aux pensionnaires.
Je ne donnerai pas, M. le Président, d'exemple de chiffres; nous
en avons discuté à la commission parlementaire. J'ai
déposé des tableaux. Je ne crois donc pas, à ce moment-ci,
devoir entrer dans des calculs ou des tableaux précis. Nous y
reviendrons à une autre occasion, soit au cours des travaux
d'étude du comité. Si par rapport aux lois actuelles on ne
remarque qu'une faible augmentation pour la personne seule, par contre la
famille se voit grandement avantagée par une évaluation beaucoup
plus généreuse des besoins des enfants.
C'était une lacune importante de nos législations
actuelles et il était opportun de réaliser ce redressement
dès une première étape pour que tous reçoivent un
montant comparable, quel que soit le nombre de personnes couvertes par ce
montant. Cela ne veut pas dire toutefois que nos prestations soient tellement
plus basses que celles du reste du Canada, des autres provinces canadiennes ou
des Etats-Unis. Au contraire, chez les familles, sauf dans des cas très
rares, seul l'Ontario prévoit une prestation supérieure à
celle du Québec, ce qui est très acceptable en raison du
coût du logement supérieur en Ontario et de la meilleure situation
économique de cette province. Aux Etats-Unis, les deux-tiers des Etats
prévoient des prestations inférieures pour les familles. On peut
donc dire que la loi d'aide sociale avec le projet de
réglementation et des tables si elle n'est pas la plus
généreuse du continent nord-américain, répond quand
même relativement bien aux besoins ordinaires.
Dans le cas des besoins spéciaux, le problème est
différent. De par leur caractère, ces besoins ne sont
accordés que s'ils sont manifestes, et dans certaines circonstances
seulement.
On peut dire qu'en principe un besoin spécial
ne sera accordé que si son refus présente un danger pour
la santé au risque d'empêcher le retour à la vie normale ou
sur le marché du travail normal. Vous pouvez voir, à la suite de
cette étude de l'évaluation des besoins, que le gouvernement
entend bien respecter l'esprit du projet de loi d'aide sociale, et que s'il
tient à lui conserver son caractère résiduaire par rapport
aux autres législations, il désire encore plus s'assurer de
pouvoir agir dans toutes les situations où les personnes ou les familles
pourraient avoir besoin de l'Etat.
Mais, si l'Etat est prêt à faire sa part, il n'agit qu'en
dernier lieu, après qu'un requérant a utilisé toutes les
ressources à sa disposition. Il faut ainsi faire une évaluation
des revenus dont il jouit. C'est ici peut-être que se retrouvent
davantage les dispositions positives de la loi, celles qui agiront vraiment
pour inciter un bénéficiaire d'aide sociale à reprendre sa
situation en main. C'est donc dire que, comme règle
générale, si les revenus sont comptabilisés en
totalité, on prévoit des dispositions particulières pour
les revenus du travail et de la location. Ainsi, dans les cas des personnes et
des familles privées des moyens de subsistance, on ne comptabilisera
qu'une partie des revenus du travail, les incitant à profiter de toute
possibilité de travail qui puisse s'offrir. Ils demeurent ainsi plus
prêts à retourner sur le marché régulier du travail
tout en contribuant à leur bien-être.
Ici, je voudrais faire remarquer à tous les
députés, et particulièrement aux membres de la commission
parlementaire, qu'il y aurait probablement lieu, dans les règlements,
d'élargir cet article de revenu du travail permis aux
bénéficiaires de prestations d'assistance sociale. Nous y
reviendrons en comité. Je pourrai indiquer à ce moment-là
de quelle façon et jusqu'à quel niveau nous pourrions envisager
l'élargissement des mesures projetées.
On a aussi voulu tenir compte de celui qui, après avoir
bénéficié de l'aide sociale, retourne sur le marché
régulier qu'il avait laissé. Dans certains cas, ce retour est
difficile car les risques de redevenir chômeur sont grands. Dans ces cas,
on appliquera les mêmes principes que ceux qui sont privés de
moyens de subsistance. Pendant une période maximale de six mois, on ne
comptabilisera encore qu'un pourcentage des revenus du travail. On peut
finalement résumer ces dispositions par une volonté de retourner
le plus rapidement possible au travail, celui qui, à cause de diverses
circonstances, l'a laissé. Les dispositions reliées au revenu de
locations sont du même type que les précédents et visent
à ne pas décourager ceux qui aimeraient prendre un chambreur ou
un pensionnaire et ainsi arron- dir la prestation gouvernementale. Enfin, il y
a aussi divers revenus qui ne seront pas comptabilisés. Je cite les
allocations familiales, tant fédérales que provinciales, car
elles sont évidemment très importantes pour les grandes familles.
Les autres consistent en des montants de faible valeur.
Quels sont maintenant les instruments que nous utiliserons pour mettre
cette loi en application? Il y aura, bien certainement, à mettre en
place, et ce que nous avons commencé depuis plusieurs mois,
l'infrastructure qui aura charge d'administrer ce programme de même que
certains autres programmes qui le complètent. J'esquisserai donc
rapidement les grandes avenues que l'on prévoit de développement
progressif de tous les mécanismes dans l'optique de
l'amélioration des services qui doivent être rendus à
l'ensemble de la population.
Le ministère compte actuellement 111 points de services
répartis à travers la province et qui administrent
déjà l'ensemble des programmes d'assistance sociale que le
présent projet veut incidemment refondre totalement, unifier rendre
cohérent et conforme aux réalités sociales nouvelles. Ces
points de services dans la province se répartissent comme suit: 10
bureaux régionaux, qui correspondent aux dix régions
administratives de la province, 54 bureaux locaux, 32 bureaux satellites, 6
agences de service social et 9 services municipaux. Donc, actuellement, il y a
111 points de services avant l'application de cette nouvelle loi. L'orientation
prise par le ministère de la Famille vise à regrouper dans des
bureaux gouvernementaux l'administration directe de l'aide sociale. Ce plan de
regroupement, amorcé depuis un peu plus d'un an, comporte, en plus de la
nécessité de l'ouverture de nouveaux bureaux, le transfert de
responsabilités à partir des agences, des sections
économico-sociales des agences de service social ainsi que des services
municipaux.
Signalons, M. le Président, que ce plan est en voie d'être
complété dans la presque totalité des régions de la
province. Je donnerai un exemple: dans la ville de Québec, il n'y avait
qu'un seul bureau, autrefois, pour des milliers et des milliers
d'assités sociaux; je crois, sauf erreur, qu'il y avait 18,000 dossiers.
Il y aura maintenant cinq points de service, cinq bureaux
décentralisés et mieux répartis dans Québec, afin
d'en faciliter l'accès, d'abord, aux assistés sociaux et,
ensuite, d'avoir un meilleur contrôle administratif.
Au cours de l'énumération de ces catégories de
points de service que je viens de brosser, M. le Président, vous avez
remarqué qu'en tê-
te de liste j'ai rapporté l'existence des dix bureaux
régionaux. L'objectif d'une régionalisation progressive,
basée sur les principes de la décentralisation administrative et
de la déconcentration des pouvoirs de décision et des
responsabilités correspondantes, a effectivement présidé,
depuis plus d'un an, à la mise en oeuvre et au déroulement
progressif du programme de réorganisation des structures administratives
des services du ministère de la Famille, plus spécialement
à la Direction générale de l'assistance sociale à
domicile, qui est devenue depuis la Direction générale de l'aide
sociale et qui deviendra, dans les prochaines semaines, la Direction
générale de l'aide et de la sécurité sociales.
Cette réorganisation radicale au sein du ministère, ayant
présidé à la constitution d'un palier intermédiaire
entre le local et le central, s'Inscrit dans toute la politique gouvernementale
de régionalisation de chacun des ministères. Elle a pour objectif
ultime d'accélérer les prises de décision qui
conditionnent directement l'efficacité de nos interventions et
contribuent à améliorer sensiblement la qualité des
services que nous devons rendre à l'ensemble de la population.
C'est d'ailleurs ce désir de voir s'améliorer sensiblement
l'efficacité et la qualité de nos services qui a donné
naissance, au sein du ministère de la Famille, à la
préoccupation d'une coordination plus poussée de tous les
services sociaux. L'articulation des efforts et de toutes les ressources qui
oeuvrent dans le champ du bien-être devient la prochaine grande
étape à franchir.
A cet égard, nous sommes déjà témoins d'un
projet pilote mené à Montréal et qui consiste en une
intégration physique de toute une série de services qui oeuvrent
dans un même secteur géographique. En l'occurrence, il s'agit du
centre communautaire de Pointe-Saint-Charles. Nous suivons avec grand
intérêt cette expérience, puisque les interventions
unifiées de cette multitude de services nous apparaissent pouvoir
produire un service plus complet, adéquat, accessible et efficace. Cette
préoccupation a commandé la formation d'une autre nouvelle
direction générale, au ministère de la Famille. Il s'agit
de la Direction générale de la famille et de la population, dont
le titulaire en poste aura précisément pour rôle la
coordination des actions et de toutes les ressources en services sociaux divers
au Québec. Au sein des services sociaux, il tentera de structurer une
saine participation active de tous les éléments de la
communauté québécoise afin que toute la
collectivité soit mise à contribution et participe directement et
activement à la mise en oeuvre des meilleures solutions.
Nous escomptons, M. le Président, enrichir tous ces efforts et
énergies déployés dans le but de rendre le meilleur
service possible, en multipliant nos tentatives en vue de raffiner la
coordination interministérielle et gouvernementale que commande
l'extrême complexité et les multiples facettes des
problèmes sociaux auxquels mon ministère doit faire face de
façon quotidienne.
Nous avons déjà acquis une certaine expérience dans
ce domaine, avec le programme de retour à la vie normale, qui tente de
mobiliser tous les services gouvernementaux, parapublics et privés qui
sont concernés et qui ont foi en la nécessité d'aider les
sans-travail à devenir des travailleurs stables et permanents. D'autres
députés, je crois bien, élaboreront sur ces travaux
spéciaux de coordination interministérielle et sur ces projets
pilotes de retour à la vie normale que nous avons explorés avec
beaucoup de succès depuis plusieurs années.
Il y a particulièrement, à ce moment-ci, une
expérience qui se déroule à Montréal qui a
été amorcée par le ministère de l'Industrie et du
Commerce et par le ministère du Travail.
Il a pour objet bien précis ils appellent cela
l'opération 5000 de trouver 5,000 emplois actuellement aux
assistés sociaux ou aux personnes aptes au travail qui sont en
chômage.
Déjà, j'ai un dossier des premiers rapports sur cette
expérience. Après avoir visité quelques industries
seulement, il est surprenant de voir quelle est la demande, quel est le chiffre
de besoin de travailleurs que ces industries ont mentionné à
cette équipe formée de plusieurs des ministères que j'ai
mentionnés, aussi d'autres ministères tels que l'Education, de
combien de travailleurs ils ont besoin à court terme pour poursuivre des
programmes. Il y a donc là une communication étroite à
établir entre, d'une part, les employeurs et, d'autre part, ceux qui
désirent avoir un emploi. Il y a une communication qui ne se fait pas
actuellement. Par cette opération que l'on poursuit actuellement, on a
la preuve éloquente des difficultés de communication entre ceux
qui désirent obtenir des travailleurs et ceux qui désirent de
l'emploi.
Les aspects financiers du projet de loi d'aide sociale, M. le
Président, ont retenu notre attention. J'ai dit devant la commission
parlementaire que les montants d'augmentation estimés des
dépenses totales à faire avec cette nouvelle loi, y compris
l'augmentation naturelle des budgets d'année en année, se
situeraient entre $25 et $40 millions. Alors que le taux d'augmentation de la
population assistée a été fort rapide
au cours des dernières années, ce taux semble actuellement
décroître, de sorte qu'en l'absence de modifications profondes aux
conditions économiques actuelles on peut espérer que le nombre
total des assistés sociaux va tendre à se stabiliser. Il faut
cependant se souvenir que, déjà, le Québec compte
relativement plus d'assistés sociaux que la moyenne canadienne. De plus,
nombre d'assistés sociaux reçoivent déjà des
prestations plus élevées que celles prévues par les
barèmes de base de la loi actuelle d'assistance publique ou des lois
catégorisées d'assistance, par suite des mesures additionnelles
de l'assistance spéciale et de l'assistance supplémentaire
accordées par arrêté en conseil.
En dernier lieu, les enquêtes administratives ont pour objet
d'éliminer de l'assistance sociale les personnes qui ne sont pas dans le
besoin au sens de la loi. L'application des normes intérimaires et
l'accent mis sur le retour au travail commencent à porter leurs fruits.
Ils peuvent faire que l'augmentation de la population assistée,
même dans le cadre d'une nouvelle loi, sera faible, du moins à
court terme. A ce point, il est important de souligner le caractère
difficilement prévisible des déboursés d'assistance
sociale, même si nous faisons, évidemment, des estimations que
nous tentons de rendre le plus précis possible.
Au cours des récentes années, tant au Canada qu'aux
Etats-Unis, il n'a pas existé de relation directe entre les variations
du niveau de chômage et l'augmentation de la population assistée,
même dans des périodes où le chômage a
diminué. Le nombre des assistés a eu tendance à augmenter.
D'un autre côté, les périodes d'augmentation du
chômage ont entraîné presque nécessairement des
accroissements de la population assistée. En conséquence, il est
possible que l'assistance sociale se ressente des récentes augmentations
de chômage auxquelles peuvent donner lieu dans le Québec des
mesures anti-inflationnistes décrétées par un autre ordre
de gouvernement.
Dans ces circonstances, les coûts de l'aide sociale pourraient
s'accroître encore plus que prévus. A cause du fait que la loi se
veut résolument de caractère résiduaire par rapport aux
autres programmes gouverne mentaux et par rapport au marché du travail,
parce qu'elle prévoit des contrôles administratifs rigoureux et
parce que son application s'appuiera sur des mesures complémentaires
visant à assurer le retour au travail des assistés sociaux, le
gouvernement voit donc à ce que les implications financières de
cette législation ne posent pas de problèmes sérieux dans
une conjoncture financière déjà difficile pour le
Québec.
La loi d'aide sociale et sa réglementation vont aussi loin que
possible pour soulager les difficultés des familles assistées du
Québec tout en respectant les priorités auxquelles le
gouvernement fait face dans l'utilisation du budget de l'Etat.
Le gouvernement croit nécessaire, dans la conjoncture actuelle,
d'orienter l'emploi de nos ressources vers des mesures de développement
économique et social.
On ne doit pas permettre une politique d'aide sociale qui, en accaparant
une trop large partie de ses ressources, mette en danger l'application des
politiques nécessaires de développement. Le contenu de la Loi de
l'aide sociale et ses règlements apparaît au gouvernement
susceptible d'apporter le meilleur équilibre possible en fonction des
priorités du Québec. La position du gouvernement dans ce domaine
n'est cependant pas mue par le seul motif de considération
financière, même si nous y apportons une grande attention. Elle
rejoint des considérations beaucoup plus profondes, au plan des
objectifs, de l'action de l'Etat. Du point de vue du gouvernement, l'Etat doit
surtout orienter son action pour établir des conditions qui rendront
possible aux citoyens de répondre en toute dignité à leurs
besoins et à ceux de leur famille au moyen des résultats de leurs
activités sur le marché normal du travail ou par le recours au
programme existant de sécurité sociale.
L'attitude du gouvernement ne veut donc pas demeurer passive, et la
population du Québec vient d'être saisie d'une première
tranche d'un plan destiné à assurer la revision des programmes de
sécurité sociale. A ce premier document intitulé: «
Orientation pour une politique d'allocation familiale », viendront
s'ajouter d'autres documents de cette nature portant sur les autres aspects du
problème dans ses relations avec la main-d'oeuvre et l'emploi et avec
les réseaux de service.
A ce sujet, en terminant, je voudrais, si je n'enfreins pas le
règlement, je crois bien que vous me permettrez de faire, en me
référant au plan que nous avons déposé
récemment pour la réforme des allocations familiales, vous dire
que c'est le résultat d'un travail de plusieurs mois et de plusieurs
années, qui nous apparaît la base d'un système
cohérent de sécurité sociale dont feront partie et le bill
26 et une réforme des allocations familiales dans l'optique d'une
revision totale de la sécurité sociale. Nous avons
déposé ce document dans l'espoir que cette orientation que veut
donner le Québec à la rénovation de la politique sociale
sera entendu et sera pris en considération pour le plus grand
bénéfice des citoyens du Québec.
M. Victor-C. Goldbloom
M. GOLDBLOOM: M. le Président, au nom de l'Opposition, je
voudrais déclarer que nous allons, il va sans dire, voter pour le projet
de loi en deuxième lecture, en troisième lecture
également.
Nous ne pouvons cependant nous empêcher, en ce moment
précis, de souligner le fait que c'est enfin aujourd'hui, le 1er
décembre 1969, trois années et demie après la prise du
pouvoir par le gouvernement actuel, que nous sommes enfin en mesure
d'étudier en cette Chambre, un projet de loi d'une telle importance.
Cette période de trois années et demie a été
marquée par de multiples promesses de la présentation de ce
projet de loi et à chaque fois, nous avons connu la déception de
la remise de l'étude du projet.
J'ai dit, devant la commission parlementaire qui a étudié
ce projet de loi, que la seule partie de cette période d'attente que
nous n'avons pas regrettée est celle qui a été
consacrée à l'audition des mémoires
présentés par le grand nombre d'organismes dont le ministre a
donné, au début de ses remarques, la liste impressionnante.
Mais à vrai dire, M. le Président, en lisant et relisant
le projet de loi et ses règlements, nous ne trouvons à peu
près rien là-dedans qui n'aurait pu être adopté il y
a trois ans et demi, sauf peut-être les barèmes de prestations
qui, évidemment, sont conçus en fonction de la conjoncture
économique, et peut-être que la conjoncture économique
avant aujourd'hui n'aurait pas permis de présenter les barèmes
que nous avons maintenant devant nous.
Quant aux règlements, c'est un regroupement des services, un
regroupement des forces, si vous voulez, mais ce n'est pas le pas de
géant vers un vrai régime de sécurité sociale que
nous aurions espéré faire.
Le ministre a fait l'historique des régimes d'aide sociale. Je me
contenterai de faire allusion au rapport Boucher. J'aurai l'occasion, au cours
de mes remarques, d'y revenir pour citer certaines de ses recommandations.
La préparation de ce projet de loi a été
commencée sous le régime du gouvernementprécé-dent
et grâce à l'initiative du député de Richmond. Un
texte était déjà en préparation avant les
dernières élections provinciales.
Le gouvernement avait à sa disposition tous ces
éléments. Il est allé au fil de l'eau pour nous
présenter enfin un projet de loi qui a son mérite, mais qui est,
en même temps, un peu décevant. Il est décevant parce que
nous l'aurions voulu meilleur, nous l'aurions voulu plus aven- tureux, nous
l'aurions voulu plus Imaginatif, nous l'aurions voulu plus humain.
Le ministre a souvent dit que c'est une loi-cadre, que le cadre est
assez large pour permettre d'y insérer toutes les mesures voulues pour
l'aide sociale, pour la réadaptation de l'assisté social.
Il faut dire que nous ne connaissons que le cadre. Pourtant, nous voyons
que c'est à la discrétion du ministre de choisir essentiellement
ce qui sera inséré là-dedans. Nous avons les grandes
lignes de ce qui est dessiné à l'intérieur, mais nous
restons devant une discrétion ministérielle qui nous laisse,
comme je l'ai dit, un peu déçus.
Si nous faisons l'historique de tous les régimes d'assistance ou
d'aide sociale, nous pouvons constater que, même sans indexation, les
barèmes de prestations ont suivi plus ou moins j'insiste
là-dessus l'augmentation du coût de la vie. Mais, cette
augmentation n'a jamais été régulière comme sur une
rampe. Elle a été très irrégulière comme sur
un escalier mal fait. Voici que, de nouveau, nous faisons un autre pas sur cet
escalier, mais nous ne bâtissons pas de rampe sur laquelle notre aide
sociale pourra monter de façon régulière pour
éviter les plaintes et les confrontations que nous avons connues trop
souvent au cours des récentes années.
Toute loi d'aide sociale, par le truchement de laquelle l'Etat donne des
prestations, est en quelque sorte un régime de revenu minimum garanti.
Il en est ainsi de ce projet de loi que nous étudions aujourd'hui. Mais,
c'est plutôt une compilation de mesures correctives que nous
étudions mesures qui devront être appliquées post
facto, après la panne économique qu'un vrai moyen de
prévenir les difficultés qui peuvent rendre l'aide sociale
nécessaire.
Cette aide sociale sera, selon notre projet de loi, accordée sur
la base du déficit qui existe entre les besoins d'une famille ou d'une
personne seule et les revenus dont elle dispose. Je souligne que la
constatation de ce déficit vient après le fait. La
révision et l'appel contre cette révision, viennent
également après le fait. Même le revenu minimum garanti est
une mesure qui est appliquée après le fait de la panne
économique. Mais, par le truchement d'un mécanisme d'impôt
négatif, un régime de revenu garanti peut réagir un peu
plus rapidement. La recommandation 53 du rapport Boucher disait ceci : «
En plus de l'assistance financière, on devrait mettre davantage l'accent
sur les services à fournir de façon prioritaire aux personnes et
aux familles menacées de dépendance sociale. »
Ce principe trouve des allusions dans le bill 26, mais n'y trouve pas
les mécanismes néces-
saires pour agir de façon efficace pour prévenir la
dépendance sociale. J'ai souvent dit, M. le Président vous
connaissez mon intérêt dans ce domaine de la législation
que, même si nous ne sommes pas en mesure de tout faire pour les
assistés sociaux d'aujourd'hui, même si nous ne sommes pas en
mesure de fournir aux défavorisés d'aujourd'hui tous les moyens
financiers qui leur permettraient de sortir du pétrin, notre
régime d'aide sociale doit être ce qu'un organisme bien connu
appelle « The Save the Children Fund ». Il faut que nous agissions
de façon à sortir les enfants défavorisés, les
enfants qui ne sont pas pour leurs propres raisons des assistés sociaux
aujourd'hui et qui risquent de demeurer des assistés sociaux à
l'avenir, à cause du cercle vicieux dans lequel se trouvent leurs
parents, il faut que nous agissions de façon à sortir les enfants
défavorisés d'aujourd'hui de ce cercle vicieux et leur
épargner cette vie de dépendance que connaissent leurs
parents.
Nous savons que les enfants défavorisés absorbent moins
bien l'éducation qui leur est offerte et finissent par fonctionner
à un quotient intellectuel inférieur à celui duquel le bon
Dieu les a doués. C'est grave, M. le Président! Nous devons agir
de façon à empêcher cette détérioration qui
arrive à trop de nos enfants, tous les jours, dans nos
écoles.
Je retourne au rapport Boucher pour en citer la première partie
de la recommandation 13: « Le gouvernement du Québec devrait
promulguer une législation distincte et unifiée sur le
bien-être de l'enfance. »
Cette recommandation remonte à 1963. Nous avons devant nous
aujourd'hui une loi d'aide sociale, mais nous n'avons pas devant nous une loi
sur le bien-être de l'enfance, et nous en avons un grave et urgent
besoin.
Un des problèmes qui me frappent en étudiant ce projet de
loi, c'est que nous ne procédons pas à simplifier l'admission au
régime d'aide sociale. Le rapport Boucher, dans sa recommandation 25, et
je cite encore une fois, disait: « Les procédures de
vérification devraient être simplifiées et réduites
en nombre pour reposer davantage sur les méthodes modernes
d'échantillonnage. » Cette recommandation rejoint l'idée du
mécanisme de l'impôt négatif. C'est l'idée
d'éviter autant que possible et je sais que ce n'est pas toujours
facile de le faire les lenteurs, les lourdeurs, les complexités
de l'administration bureaucratique pour permettre l'accès au
régime à presque tous ceux qui en font une demande qui
paraît, au premier abord, justifiée, quitte à
vérifier par échantillonnage par la suite.
Il me semble, je n'ai pas de chiffres pour le prouver, mais il me semble
que l'étude, la vérification, la revision de chaque cas nous
coûte plus cher que la fraude possible de la part des assistés
sociaux. Il faut protéger l'argent des contribuables qui est
versé aux assistés en prestations. D'accord. Mais nous regrettons
de constater que ce projet de loi et de règlements vise beaucoup plus la
protection du trésor public que la promotion du potentiel humain des
assistés sociaux. Je ne parle pas des intentions du ministre; je parle
du texte de la loi et des règlements et de l'impression conservatrice et
négative qui s'en dégage.
La crainte de fraude est justifiée surtout dans le cas de ceux
qui, par paresse, retirent des bénéfices du régime d'aide
sociale mais qui sont aptes au travail et devraient travailler, ou de ceux qui
cachent le fait qu'ils travaillent et continuent ainsi de recevoir des
allocations sociales.
Je soumets, M. le Président, que la forte majorité de nos
assistés sociaux sont inaptes au travail et que ces
considérations ne jouent pas à leur égard.
M. le Président, il est six heures, je demande la suspension du
débat.
M. PAUL: Jusqu'à huit heures, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à huit
heures ce soir.
Reprise de la séance à 20 heures
M. LEBEL (président): A l'ordre, messieurs!
M. GOLDBLOOM: M. le Président, je parlais de la façon de
déterminer l'admissibilité des assistés sociaux au
régime d'aide sociale.
Je voudrais citer un des mémoires qui a été soumis
à la commission parlementaire, mémoire publié
conjointement par le Conseil des oeuvres de Montréal et le Montreal
Council of Social Agencies: « Nous reconnaissons la
nécessité d'une certaine vérification des demandes d'aide
sociale afin que l'aide accordée réponde à des besoins
réels. Cependant, nous croyons que la procédure de
détermination de l'éligibilité telle que prévue au
règlement... risque d'entraîner la violation de la vie
privée et le manque de respect de la dignité humaine des
citoyens. « Des expériences ont été et sont faites
dans divers états américains sur de nouvelles méthodes de
détermination d'admissibilité. Un petit groupe d'états a
déjà adopté des méthodes simplifiées; un
autre groupe effectue des expériences dont le début remonte
à plusieurs années et un grand nombre d'états effectuent
des expériences pilotes actuellement. « Une publication
américaine du « Public Welfare Reporting Center of National Study
Service Incorporated » intitulée « Declarations or A
Simplified Method of Eligibility Determination » rapporte les
résultats de ces expériences de simplification des
procédures de détermination d'éligibilité
effectuées par plusieurs états américains depuis quelques
années. « Ces procédures de détermination de
l'éligibilité des candidats à l'aide sociale sur la base
d'une déclaration personnelle du candidat sont selon cette publication,
appuyées sur l'hypothèse que les individus sont responsables et
capables de fournir l'information nécessaire à la
détermination de l'éligibilité sans qu'une entrevue
personnelle et des efforts souvent inutiles et humiliants de
vérification de l'information soient nécessaires. «
L'expérience américaine comporterait les avantages suivants:
Respect de la dignité des candidats, meilleure utilisation du personnel
professionnel, participation maximum des candidats, diminution des erreurs dues
aux fonctionnaires, grande rapidité dans l'attribution de l'aide, plus
grande efficacité administrative. « Des vérifications de
l'efficacité des méthodes simplifiées montrent que dans
certains cas il y a régression du nombre de ces inéli- gibles
recevant l'aide et que les cas de fraude ne sont pas plus nombreux,
étant donné certaines conditions, que dans des procédures
plus complexes. « Nous ne pouvons énumérer tous les
avantages et inconvénients de ces méthodes simplifiées de
détermination d'éligibilité sur la base d'une
déclaration personnelle, mais il nous semble que les expériences
sont suffisantes pour que l'on envisage l'adoption d'un système
semblable au Québec. « Nous recommandons donc que la
procédure de détermination de l'éligibilité des
candidats à l'aide sociale soit réétudiée à
la lumière des expériences étrangères et que tous
les efforts soient faits pour expérimenter ici ce qui semble constituer
une grande amélioration administrative et sociale. »
Un peu plus loin dans le même mémoire, faisant allusion aux
analyses des circonstances et des besoins qui amènent les personnes en
cause à recourir à l'aide sociale, le Conseil des oeuvres de
Montréal et le Montreal Council of Social Agencies disent ce qui suit:
« Nous suggérons également que toutes les
précautions soient prises pour respecter la vie privée et la
dignité humaine des requérants... Nous recommandons que les
vérificateurs évitent de baser leur décision sur des
délations. Une des façons d'empêcher les abus en ce sens et
dans l'application générale de la loi est de veiller à ce
que les administrateurs de la loi reçoivent une formation
adéquate. »
Ecoutez ce que le rapport Boucher a à dire sur ce dernier point,
les recommandations 27 à 30 inclusivement: « Pour la bonne marche
et l'administration ordonnée de l'assistance à domicile, le
ministère devrait recruter du personnel préparé aux
tâches nouvelles. « Il devrait être possible à un plus
grand nombre de fonctionnaires des cadres supérieurs et
intermédiaires d'acquérir une formation universitaire plus
poussée dans les domaines du bien-être social et de
l'administration publique. « Le ministère devrait prévoir
pour son personnel un programme continu de formation sur place. « Le
ministère de la Famille et du Bien-Etre social devrait accorder une
attention toute particulière au choix et à la formation de ceux
de ses fonctionnaires qui, de par leurs fonctions, doivent entrer en contact
direct avec le public. »
Ce n'est pas l'argent versé en allocations sociales qui peut,
à lui seul, modifier la dépendance sociale.
Pour sortir l'assisté social de son cercle vicieux, il faut un
intérêt humain, des compé-
tences professionnelles et des services très variés.
Le travailleur social est en mesure de faire un diagnostic social et
souvent psychique qui est souvent beaucoup plus important que les calculs
financiers faits par l'agent du bureau du ministère de la Famille et du
Bien-Etre social.
Il peut discerner et rebâtir la stabilité de la famille ou
de la personne. Il peut guider les efforts de l'assisté vers des
solutions pratiques et constructives en analysant les compétences de
celui-ci et en le dirigeant vers les organismes de la communauté qui
peuvent l'aider et que l'assisté lui-même ne connaît
pas.
Le rôle du travailleur social, comme avocat de l'assisté,
est parmi les plus importants, l'assisté étant plus
vulnérable que d'autres citoyens à des abus par des
prêteurs, des propriétaires de logements, des hôpitaux, des
médecins même et des fonctionnaires. Surtout, M. le
Président et Je retourne pour la dernière fois au rapport
Boucher parce que nous ne donnons pas encore suite à la
recommandation 69: « Un bureau d'assistance judiciaire devrait exister
dans chaque district. »
Je voudrais terminer mes remarques sur ce projet de loi par trois
critiques. Premièrement, le principe de l'indexation des barèmes
de prestations à l'indice du coût de la vie ne paraît pas
dans le projet de loi. Nous avons reçu, à un moment donné,
ce qui se voulait un texte préliminaire du bill 26, texte qui, à
ce moment, avait été distribué aux députés
de cette Chambre par certains assistés sociaux eux-mêmes. Dans ce
texte et je sais que le ministre n'en a jamais reconnu la
paternité et qu'il n'est pas prêt à dire que c'était
mon intention à l'époque il est frappant que dans ce texte
il y avait ce principe de l'indexation qui ne paraît pas dans le texte
que nous avons devant nous aujourd'hui.
Le ministre a présenté l'argument que son ministère
étant, comme on le sait très bien, le ministère des
conséquences et vu que d'autres programmes d'aide sociale, telle
l'assurance-chômage, ne sont pas indexés au coût de la vie,
II est assez difficile pour son ministère, dans ce temps présent,
d'appliquer un tel principe. Je soumets de nouveau qu'au moins dans le cas de
l'assurance-chômage, la forte proportion des assistés sont inaptes
au travail et l'assurance-chômage ne joue point dans leur cas.
Deuxième critique: Les barèmes dont nous venons de prendre
connaissance assez récemment se veulent basés sur des principes
énoncés et des chiffres soumis dans certains mémoires que
nous avons reçus à la commission parlementaire, surtout dans
celui du Montreal Diet Dispensary intitulé: Budgeting for basic
needs.
Il faut dire qu'à l'analyse de ce que nous présente le
ministre on doit conclure que pour dépasser les montants proposés
par le Montreal Diet Dispensary comme minimum vital requis, il faut ajouter aux
prestations qui sont accordées à tous les assistés sociaux
des montants supplémentaires de revenu possible, admissible, acceptable.
Là aussi, vu que la plupart des assistés sociaux sont inaptes au
travail, il leur sera difficile, voire même impossible, d'obtenir ces
montants supplémentaires, additionnels et leur niveau de prestations
d'allocations sociales demeurera en bas de ce qui est recommandé par un
organisme qui a étudié en profondeur le problème du budget
de l'individu ou de la famille qui n'est pas en mesure de pourvoir à ses
propres besoins.
Je viens de recevoir une lettre qui me vient du directeur
exécutif du Montreal Council of Social Agencies. Je me permets d'en
citer trois paragraphes: « In a province whichhad,in 1968, a gross
national product of over 17 billions dollars, we find the suggested cash scales
reserved for our social casualties to be unacceptable. « As you know, the
Diet Dispensary figures are considered the bare minimum for decent human
welfare. The gap between its cash figures and those suggested under Bill 26
must be closed. Furthemore, we maintain the position that the family allowance
must be computed over and above the amount considred as bare minimum. «
We urge you to strongly present our view to the National Assembly ».
C'est ce que je viens de faire, M. le Président.
Finalement, je cite de nouveau le mémoire soumis conjointement
par le Conseil des oeuvres et le Montreal Council of Social Agencies: «
En considérant le bill 26 dans sa réelle perspective,
c'est-à-dire comme une mesure d'assistance, nous devons formuler une
critique générale très sévère: la
possibilité d'arbitraire présente dans beaucoup d'articles du
bill qui en diminue singulièrement la portée
bénéfique ».
M. le Président, j'ai dit, au début de mes remarques, que
nous avons l'intention d'appuyer ce projet de loi, de voter pour son principe
en deuxième lecture, de le voir adopter comme statut dans
l'intérêt de nos assistés sociaux présents et
futurs. Mais il faut dire qu'il nous manque d'autres et de meilleures armes si
nous sommes pour entrer en guerre contre la pauvreté, guerre qui,
malgré l'adoption du bill 26, ne sera qu'à peine
engagée.
M. LE PRESIDENT; L'honorable ministre d'Etat à la Famille et au
Bien-Etre social.
M. François-Eugène Mathieu
M. MATHIEU: M. le Président, il y a un point sur lequel je
voudrais attirer l'attention de cette Chambre, c'est l'orientation nouvelle de
ce projet de loi no 26.
Les diverses lois sociales au Québec datent des années
où sévissaient les crises économiques que nous avons
connues et, de ce fait, ces lois reconnaissaient presque uniquement le besoin
à soulager. Leur grande préoccupation était d'obvier
à ce besoin sans trop se soucier, ni de prévention, ni de
réhabilitation. Elles reconnaissaient l'état de pauvreté
et lui donnaient un genre de sanction ou à peu près.
Ce projet de loi no 26 reconnaît lui aussi le besoin, mais il
porte en lui deux principes nouveaux: prévention et
réhabilitation, dans leur sens le plus large connu. Il rend possible un
plan de relèvement en faisant la liaison et des services en nature et
des prestations en argent. Il répond ainsi, au sujet des lois sociales
en vigueur, à une critique assez sévère qui était
faite jusqu'à ce jour : Les services n'atteignent pas ou presque pas
ceux qui devraient en bénéficier. Le renouveau administratif qui
accompagne ce projet de loi est orienté pour prévenir ces
critiques : service de statistiques, bureau de planification, réseau de
bureaux régionaux et locaux et réseau de services aux familles et
aux personnes seules sont agencés de façon à faire
profiter les récipiendaires d'assistance qui pourront les soutenir dans
leur effort de retour à la vie normale.
Dans le but de créer une atmosphère favorable à
l'administration de cette nouvelle loi, le ministre de la Famille et du
Bien-Etre social a déjà mis sur pied dix comités de retour
à la vie normale. Sept autres seront organisés d'ici la fin de
cette année fiscale. Il semble que c'est une formule qui
intéresse grandement les assistés sociaux, car, à
Québec, le président du Comité centre-ville a cru bon
devoir jeûner pour hâter la mise sur pied d'un tel comité
dans la région où il demeure.
Nous avons aussi, grâce à la collaboration des autres
ministères du gouvernement, réussi le retour au travail de
nombreux assistés et exploré la création possible de
nouveaux emplois, soit dans le domaine des pêcheries, soit dans le
domaine des forêts.
Une expérience débute actuellement dans le domaine
agricole. Pour faire avancer plus vigoureusement les plans de retour à
la vie normale, un comité interministériel a été
mis sur pied, le 18 février dernier, dans le but de trouver rapidement
de nouvelles méthodes pour ouvrir le marché du travail aux
récipiendaires d'assistance sociale. Des suggestions pratiques de ce
comité ont déjà été appliquées, par
exemple, l'arrêté ministériel numéro 1371 qui
prévoit un système de primes pour l'engagement d'assistés
sociaux. Ce plan est administré par le ministère du Travail.
L'opération 5,000 qui a lieu présentement à
Montréal fait aussi partie des mesures suggérées.
L'objectif de cette opération est de rechercher les emplois disponibles
immédiatement. Un premier rapport des dirigeants de cette
opération est très encourageant. On a trouvé une moyenne
de 3.6 emplois disponibles par industrie visitée jusqu'à
présent. Le comité a, de plus, fait explorer la
possibilité de la création d'emplois dans d'autres secteurs du
Québec.
Le renouveau administratif, avec regroupement des ressources publiques
et des collaborateurs du secteur privé au niveau local et
régional, permettra de mieux répondre aux besoins des
récipiendaires d'assistance sociale.
Les publications du ministère, M. le Président, ont mis en
lumière ce genre d'activités qui font partie de la nouvelle
orientation de l'assistance sociale au Québec. J'ai l'impression que
nous franchissons, aujourd'hui, d'une certaine façon, la même
étape que la Loi des accidents du travail a franchie lorsque, au lieu de
verser simplement des prestations à l'accidenté, on a
ajouté dans le texte de la loi des articles sur la prévention des
accidents et sur la réhabilitation des accidentés.
C'est de ce jour que datent les véritables progrès de la
Loi des accidents du travail.
M. LESAGE: Vous n'êtes pas sérieux quand vous dites ce que
vous venez de dire?
M. MATHIEU: Certainement. Je crois qu'honnêtement...
M. LESAGE: C'est une comparaison qui n'a pas de sens!
M. MATHIEU: ... on peut présumer qu'un virage semblable est
effectué par ce projet de loi d'aide sociale soumis à cette
Chambre. Je serai fier, M. le Président, de voter pour le projet de loi
26 en deuxième lecture.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Portneuf.
M. Marcel-R. Plamondon
M. PLAMONDON: Je ne voudrais pas prolonger davantage le débat
mais vous me permettrez de dire quelques mots seulement. Je serai très
bref.
Etant le président de la commission du ministère de la
Famille et du Bien-Etre social qui a eu à étudier ce projet de
loi, je voudrais, M. le Président, exprimer ma satisfaction pour la
façon dont s'est déroulée l'étude de ce projet de
loi. Je voudrais dire au ministre que la façon dont il a
procédé m'apparaît, en tout cas et est apparue
à plusieurs comme étant la formule idéale.
Ce projet a été soumis, il a été
déféré à la commission, et chacun des organismes
intéressés a pu faire valoir son point de vue sur cette loi.
Le caractère positif des débats a été
maintenu à un très haut niveau et c'est dû, je pense bien,
aux membres de la commission qui siégeaient et c'est dû
également aux organismes qui s'y sont présentés. Comme le
ministre l'a souligné, une vingtaine d'organismes ont fait des
représentations, ont présenté leur mémoire. Et j'ai
toutes les raisons de croire que les modifications que le ministre a dit qu'il
apporterait, en comité, eh bien, ces modifications ont certainement ou
auront certainement quelque chose à voir avec les représentations
qui ont été faites. Ce qui démontre bien que lorsqu'un
projet de loi est déféré à une commission, ce n'est
pas pour le plaisir de la chose mais bien pour tenter de l'améliorer et
de faire un projet de loi qui soit le meilleur possible.
Le bill 26, M. le Président, marque une étape importante
dans notre législation d'aide sociale. Depuis de nombreuses
années, cette législation était attendue. Il est bien
évident qu'on ne peut pas prétendre avoir une loi qui soit
parfaite. Si on attendait qu'elle soit parfaite, eh bien, il est fort probable
que nous attendrions toute notre vie et toute la vie de ceux qui nous suivront.
Mais quand même, c'est une étape importante, et tous les
organismes ou presque qui se sont présentés devant la commission
ont été unanimes, je dirais, à reconnaître qu'il y
avait un élément très valable dans cette loi et que
c'était un pas important dans la bonne voie, même si l'on
émettait quelques réserves à certains égards.
Cette loi regroupe plusieurs des lois qui étaient
éparpillées dans le domaine social. Elle implique une
décentralisation administrative, et un point qui m'apparaîl
très important, c'est cet aspect sur la réhabilitation, sur la
réadaptation sociale, si je puis dire.
Ce problème de réhabilitation est évidemment en
relation directe avec tous les autres secteurs de la société, les
secteurs de l'économie. Il est en relation directe, aussi, avec tous les
autres ministères. Et il est bien évident qu'il est aussi en
relation directe avec les autres paliers de gouvernement qui s'occupent de
sécurité sociale. On n'a qu'à penser à
l'assurance-chomage, aux allocations familiales et à quelques autres
lois du genre.
Or je pense, M. le Président, que nous sommes rendus à un
point où il faut faire un effort très considérable pour
que les assistés sociaux...
Oh, bien sûr, on ne peut pas généraliser. On ne peut
pas prêter à tous les mêmes motifs. La plupart sont des gens
qui sont dans le besoin, que ce soit de façon permanente ou de
façon occasionnelle. Ce qu'il faudrait, dans un système
idéal, c'est que ce besoin d'assistance qu'ont certaines personnes dans
notre société soit le plus temporaire possible si je peux
m'exprimer ainsi qu'on puisse replacer ces gens sur le marché du
travail, du moins ceux qui le peuvent, rapidement.
Pour ça, on a tort de croire que seules les contingences
financières et économiques doivent être
considérées. Il y a beaucoup plus que ça. Il faut du
personnel compétent. Il faut des travailleurs sociaux à qui on
donnera des charges de travail pas trop lourdes afin qu'ils puissent suivre les
assistés sociaux, afin qu'ils puissent vraiment les orienter. Ils ont un
travail moral, si je puis dire, à faire. Il faut que l'on redonne
à certains de ces assistés sociaux qui sont dans un état
de dépendance économique, qui sont dans un état de
dépendance sociale le goût de vivre. Il faut leur redonner ce
sentiment d'être utiles à la société. Il faut que
ces gens-là puissent s'intégrer dans le système
économique et social. Il faut qu'ils puissent être un actif pour
toute la société québécoise. Pour ce faire, il faut
des travailleurs sociaux compétents. Il faut des législations
adéquates, bien sûr. Il faut l'action de l'Etat. Mais il faut
aussi l'intérêt de tous les autres secteurs de la
société. Il faut l'intérêt et la collaboration de
l'entreprise privée. Il faut aussi la collaboration de la population. Il
faut que la population adopte une attitude positive à l'endroit des
assistés sociaux. Qu'on ne les considère pas comme des gens
rejetés de la société. Qu'on ne les considère pas
comme des parasites, mais qu'on tente vraiment de les considérer comme
des citoyens à part entière et qu'on fasse le nécessaire
pour les faire réintégrer la société.
Il est bien évident, il est bien certain que des
événements se sont produits récemment où des gens
qui bénéficiaient d'assistance sociale ont été
accusés de fraude. Mais encore là, il ne faut pas
généraliser. Ce n'est pas l'ensemble des nécessiteux qui
sont dans cette situation. Il faut tenter de les comprendre, d'éliminer
les profiteurs, mais autant que possible de faire confian-
ce à la très grande majorité qui est honnête,
qui est sincère et qui ne demande qu'une chose, vivre par ses propres
moyens.
Je crois que le bill que nous étudions en ce moment, la Loi de
l'aide sociale, est une étape importante dans cette direction et je
souhaite que ceci nous permette, avec les plans de relèvement social qui
sont prévus dans cette loi et d'autres étapes, de vraiment
atteindre le but parce que, en fait, cela doit être le but
d'avoir le moins d'assistés sociaux possible dans la
société. Je crois que cette loi devrait nous y aider.
Je pense que la loi présentement à l'étude a eu un
long cheminement, mais il ne faudraitpas juger on parlait tout à
l'heure du rapport Boucher de la réalisation des recommandations
du rapport Boucher exclusivement par la présentation de la loi que nous
avons devant nous.
Ce rapport contenait beaucoup d'autres recommandations dont plusieurs
ont été mises en application, sinon en totalité, du moins
en partie. Le bill 26 est une étape très valable. Je pense
qu'elle mérite que nous en fassions un essai loyal. Je sais que la
Chambre a accepté ce principe parce qu'on a dit tout à l'heure
qu'on voterait en faveur du principe de cette législation.
C'est ce que je ferai moi-même, M. le Président, avec
beaucoup de plaisir. Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.
M. Emilien Lafrance
M. LAFRANCE: M. le Président, disons que j'ai quelques
observations à faire, mais je me propose surtout de les faire lors de
l'étude en comité.
Je voudrais, en ce moment, me contenter de quelques
considérations générales seulement. Disons d'abord que les
vues de l'Opposition ont été clairement et bien exposées
par le député de d'Arcy-McGee. Nous sommes favorables à
cette loi avec certaines réserves, que nous formulerons d'ailleurs en
comité. Je crois que nous serions très mal venus, nous de
l'Opposition, de nous opposer à cette loi que nous réclamons
à cor et à cri depuis 1966, car le ministre actuel s'était
bien engagé à présenter ce projet de loi dès la
session 66/67.
Ce projet de loi, comme on le sait sans doute, a été
amorcé par le gouvernement précédent, dès 1961,
d'abord par des représentations qui avaient été faites
à la commission Boucher. Nous l'avons mis en chantier, ce projet de loi,
dès 1963, en créant un comité ministériel,
judiciaire, je ne sais trop comment l'appeler, qui devait préparer ce
texte de loi.
Mais, la Chambre comprendra que si le gouvernement
précédent n'a pas pu présenter cette loi, c'est qu'il y
avait des obstacles. C'est qu'une bonne partie du champ de la
sécurité sociale était déjà occupée
par Ottawa. Il fallait qu'Ottawa se retire, par exemple, du plan
d'assistance-vieillesse de 65 à 70 ans, des pensions d'aveugles, des
pensions d'invalides et d'autres. C'est ce que le gouvernement de 1960 à
1966 s'est appliqué à faire, en rapatriant une bonne partie de la
législation. Dès 1965, je me souviens personnellement que, au
cours d'une conférence fédérale-provinciale, connaissant
les intentions du gouvernement fédéral qui se proposait d'adopter
une loi générale d'assistance sociale, nous leur avons dit: N'y
touchez pas! ça appartient aux provinces, et le Québec,
déjà, se propose d'adopter une loi générale
d'assistance sociale.
Ici, je me permettrai de dire, pour démontrer qu'il n'y a rien de
nouveau dans l'orientation actuelle. Dès 1960, à peine quelques
jours après l'assermentation du nouveau gouvernement, celui qui à
ce moment-là était premier ministre de la province, le
député de Louis-Hébert, déclarait: Toutes les lois
sociales seront exclusivement provinciales. Je ne signerai pas d'entente
fiscale avec Ottawa. Des ce moment-là, nous avions déjà
commencé à orienter la politique sociale du gouvernement.
On a fait grand état de l'espèce de fouillis qui
était censé exister au ministère de la Famille et du
Bien-Etre social. Eh bien je dois dire, non pas pour me justifier, mais
plutôt en toute honnêteté et en toute justice pour mes
collaborateurs d'alors, qui sont encore d'ailleurs les principaux
collaborateurs du ministre actuel, il faut dire que ce fouillis consistait en
des lois dont nous avions hérité en 1960 et en particulier cette
loi d'assistance-chômage qui a été votée à la
vapeur en 1959 et pour lesquelles nous n'avions aucun cadre ni aucun personnel.
Nous avons compté surtout sur les services sociaux pour nous
dépanner.
Des le lendemain de la présentation du rapport Boucher, en 1963,
nous avons adopté une foule de mesures que je suis très heureux
de retrouver aujourd'hui, des mesures qui ne sont pas nouvelles. Par exemple,
nous avons embauché des cadres administratifs nouveaux, nous avons
créé des bureaux régionaux.
Dès 1966, il existait dans la province au moins une cinquantaine
de bureaux régionaux qui avaient pour but de décentraliser
l'administration du bien-être. Nous avions trois co-
mités interministériels pour empêcher justement ce
chevauchement de direction, d'administration de différents
ministères. Nous avions déjà deux projets pilotes qui,
depuis ce temps-là, ont été développés. Je
félicite le ministre de continuer la politique qu'il a si bien
expliquée dans un document intitulé: Retour à la vie
normale.
Nous avions deux projets pilotes qui ont d'ailleurs fait leur preuve,
soit celui des pêcheurs des Iles-de-la-Madeleine et celui des
travailleurs en forêt. Nous avons aussi recruté un personnel. Il
faut dire que lorsque nous sommes arrivés au ministère du
Bien-Etre social, en 1966, chose assez paradoxale, il n'y avait alors aucun
travailleur social au sein du ministère. Depuis ce temps, on sait que
les principaux...
M. HARVEY: En 1960.
M. LAFRANCE: En 1960, plutôt. Il faut dire que depuis ce temps
nous sommes très heureux d'avoir au service du ministère, en
particulier comme sous-ministre, des travailleurs sociaux qui étaient
autrefois des professeurs d'université. Le projet de loi actuel causera
sûrement d'amères déceptions en certains milieux, d'abord
chez certains rêveurs, des gens qui s'imaginent qu'on peut avoir une
espèce de loi messianique, une espèce de loi miracle qui va faire
disparaître la misère et la pauvreté à jamais.
Deuxièmement, elle causera sûrement des déceptions
chez les assistés sociaux, chez certaines personnes ce n'est
sûrement pas le ministre qui ont suscité, ce que disait
autrefois M. Duplessis, des appétits stériles. Le ministre, cet
après-midi, les a mis en garde quand il a dit qu'il ne fallait pas
s'attendre à une forte augmentation de l'aide accordée aux
nécessiteux. Donc, c'est une loi qui s'est fait beaucoup attendre et qui
arrive de façon un peu tardive. Il est très difficile, je crois,
de pouvoir faire des comparaisons quant au taux, parce que je crois que l'un
des vices de la loi c'est qu'on ne fait pas la distinction entre ceux qui sont
aptes au travail et ceux qui sont inaptes au travail.
Dans les taux qui ont été établis par le
ministère, on tient compte des gains possibles des assistés
sociaux. On sait qu'une forte partie des assistés sociaux ne peuvent pas
songer à faire des gains quelconques. En fait, j'écoutais tout
à l'heure le député de... je ne me souviens pas
quel comté .
DES VOIX: Portneuf.
DES VOIX: Chauveau.
M. LAFRANCE: ... de Chauveau qui parlait de la révolution de
cette loi. Je crois qu'il faut être un peu plus réaliste. Il y a
peu de principes nouveaux dans cette loi. Il n'y a pas d'orientation nouvelle
dans cette loi. C'est tout simplement celle qui a été
adoptée au cours des années 1960-1966, qui est poursuivie et qui
a été améliorée. Presque toutes les mesures que
nous trouvons dans ce texte de loi étaient déjà en
application par l'intermédiaire de ce qu'on appelle les cas
spéciaux. Je crois qu'on vient mettre un peu d'ordre aujourd'hui dans
cela en présentant ces textes de loi.
Donc, c'est une bonne loi qui vient mettre de l'ordre dans une loi.
C'était le temps de le faire. Un point important, que je me propose de
souligner lorsque nous discuterons en comité, c'est que c'est une loi
où il y a beaucoup de discrétion qui est réservée
au ministre et aux fonctionnaires. On comprendra alors que ce qui pourra donner
une certaine valeur à cette loi c'est la compétence des
fonctionnaires, des agents de bien-être qui seront chargés de
l'appliquer.
Donc, M. le Président, je m'excuse d'apporter quelques
considérations aussi décousues, mais ce sont les quelques
remarques que je voulais faire à ce stade-ci de l'étude.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Jonquière.
M. Gérald Harvey
M. HARVEY: M. le Président, cet après-midi, le ministre de
la Famille et du Bien-Etre social nous a fait un historique très complet
des lois de sécurité sociale, autant de celles adoptées
par le gouvernement du Canada que de celles qui l'ont été par les
gouvernements provinciaux du Québec qui se sont
succédé.
Dans les remarques qu'il a faites, il a mentionné, d'une
façon très brève, qu'en 1959 le gouvernement provincial
avait signé avec le gouvernement fédéral, avec une
rétroactivité d'un an, une loi d'assistance-chômage. A ce
moment-là, faute de structures gouvernementales au Québec pour
l'application et surtout pour la surveillance des deniers qui étaient
accordés aux assistés sociaux en chômage, cette loi a
conduit à des abus qui ont dû être corrigés par la
suite, autant par le gouvernement qui a précédé celui-ci
que par le gouvernement actuel.
Le ministre a oublié que, lorsque cette entente a
été signée, il y avait au Québec des
élections générales quelques mois après.
C'était une magnifique occasion pour le gouvernement du temps, qui avait
négligé d'occuper le champ qui était de sa juridiction,
soit celui de la sécurité sociale, de tenter, par la signature
d'un accord avec le gouvernement fédéral, de légaliser
certains cas frontières et d'aider plusieurs milliers de personnes qui
étaient alors incapables d'obtenir des pensions qu'on appelait
catégorisées, qu'il s'agisse de pensions aux invalides ou
autres.
M. le Président, à ce moment-là, les agences de
service social du Québec, avec du personnel qu'elles ont recruté
du mieux qu'elles ont pu, ont pendant quelques années servi
d'administrateurs pour le ministère de la Famille et du Bien-Etre
social. Le gouvernement libéral de 1960 s'est vite aperçu qu'il
fallait, dans le domaine de la sécurité sociale au Québec,
poser des gestes concrets, c'est-à-dire des gestes qui permettraient
à un assisté social, à celui qui normalement ne peut pas
gagner sa vie, de se sentir une personne humaine comme les autres. Nous
voulions qu'il reçoive non pas une pitance de l'Etat, mais une
allocation lui permettant de vivre selon son état, qu'il s'agisse d'une
veuve, d'un aveugle ou d'un invalide. Nous croyions qu'il devait être
capable de vivre décemment dans une province aussi riche que la
nôtre.
Aussi, dès juillet 1960, le premier ministre du temps, le
député de Louis-Hébert, déclarait que toute la
sécurité sociale était de juridiction provinciale. Il n'a
pas attendu; dès 1961 une commission d'enquête a été
créée, comprenant des personnes très compétentes
qui, sur le territoire du Québec, ont entendu les divers organismes
sociaux faire des suggestions. En 1963, la commission Boucher présentait
un rapport très détaillé, suggérant au gouvernement
provincial du temps d'aller rapidement vers une loi-cadre qui mettrait de
l'ordre dans le domaine de la sécurité sociale au
Québec.
Bien sûr, à ce moment-là, il était impossible
d'adopter une loi-cadre parce que, à cause de l'inertie du gouvernement
qui avait précédé le gouvernement libéral, il y
avait des lois dont le champ était occupé par le gouvernement
fédéral et il fallait de toute nécessité
récupérer ces plans conjoints
fédéraux-provinciaux.
M. le Président, dès 1966, alors qu'à ce
moment-là la majorité des plans conjoints de la
sécurité sociale, à quelques exceptions près,
était récupérée, d'aucuns en 1965, d'autres au
début de 1966, il devenait alors possible de présenter une
loi-cadre, loi-cadre qu'on aurait espéré voir venir plus vite et
surtout tenir compte de ceux dont le retour au travail est possible. Il y en a
d'autres qui jamais ne retourneront au travail, c'est-à-dire ceux qui
ont reçu une allocation en vertu de l'assistance publique ou encore par
la voie de l'assistance-chômage, des gens qui médicalement ne sont
pas reconnus comme invalides au sens de la loi actuelle. Ces gens-là ne
retourneront jamais au travail, et la loi actuelle ne fait aucune distinction
entre ceux dont la possibilité d'un retour au travail est imminente ou
ne l'est pas.
M. le Président, il y a également dans cette loi une
faiblesse. On incite de nouveau au démembrement de la famille. Bien
sûr, la philosophie de considérer la provenance du revenu au foyer
est bonne à la base, mais elle permet également le
démembrement de certaines familles. On ne considère aucunement
une veuve, par exemple, qui a un enfant qui est sur le point de se marier.
Celui-ci sera pénalisé et devra lui-même fonder un propre
foyer sans avoir eu l'occasion de mettre quelques dollars de côté
pour pouvoir fonder son propre foyer. Où re-trouve-t-on, dans la
loi-cadre actuelle, un tel principe qui ferait en sorte de cristalliser la
famille? Non, c'est en quittant son foyer que ce jeune pourra voir sa
mère recevoir une augmentation d'après les tableaux des
allocations versées en vertu de la loi-cadre que nous avons
actuellement. Où retrouve-t-on le principe d'un adulte qui vit avec ses
frères et soeurs ou encore avec son père et sa mère qui a
27 ans ou 28 ans et qui reçoit une allocation comme aveugle ou encore
comme invalide? Il se sentira toute sa vie moralement aux crochets de son
père et de sa mère. Nous ne retrouvons aucun principe incitant
à l'indépendance d'une personne qui est pénalisée
en raison d'une infirmité.
M. le Président, bien sûr, la loi-cadre était
nécessaire et elle permettra dans certaines circonstances à des
assistés sociaux de retourner au travail, mais je trouve
extrêmement dangereux qu'on multiplie les cas spéciaux qui
prendront le chemin de Québec pour être adopté, non pas
parce que je n'ai pas confiance au titulaire du ministère de la Famille
et du Bien-Etre social, que je sais un honnête homme, mais les cas
spéciaux les députés le savent, ceux qui
représentent des citoyens des régions éloignées,
nos bureaux sont inondés par ceux qui viennent nous dire à
l'heure actuelle que leur cas considéré comme un cas
spécial par un de nos agents des bureaux régionaux que nous avons
sur le territoire et qu'il a été expédié à
Québec depuis deux mois ou depuis trois mois. Qu'est-ce qui arrivera
lorsque la loi entrera en vigueur et que, pour huit ou neuf sur dix cas
d'assistés sociaux, il y aura une demande spéciale en vertu des
nouveaux règlements ou en vertu de la loi-cadre?
L'agent du Bien-Etre social répondra à cet assisté
social: Il s'agit d'un cas spécial pour lequel nous devons obtenir
l'approbation à Québec. Eh bien, pendant trois mois les bureaux
de députés seront inondés. J'espère que le ministre
corrigera la situation actuelle qui prévaut spécialement dans la
région duSaguenay-Lac-Saint-Jean, et j'imagime partout ailleurs dans la
province. Je ne l'accuse pas d'avoir donné des instructions, mais on ne
répond même plus aux lettres qu'on expédie demandant la
révision d'un cas d'un assisté social. On nous dit: On peut vous
donner l'information par téléphone. Et qu'est-ce que cet
assisté social nous répond par la suite? Rien, bien sûr,
mais il part de notre bureau convaincu que nous ne nous sommes même pas
occupés de son cas.
M. le Président, la philosophie de cette loi aurait
été meilleure si on avait considéré d'abord, comme
principe, celui ou celle dont on ne peut espérer un retour au travail
c'est par la voie de réglementation ou de tableaux, tels que
présentés à la commission, bien sûr pour une
autre catégorie, ceux dont le retour au travail est possible. Vous me
direz: L'article 10 les couvre. Si ont lit bien la loi, à l'article 6 on
donne la condition pour bénéficier de la Loi d'assistance
sociale. A l'article 10, on donne le pouvoir au ministre de continuer
d'accorder de l'assistance à une personne qui est qualifiée en
vertu de l'article 6. Eh bien, M. le Président, il est bien sûr
qu'un type qui a des difficultés présentement et qui a un emploi
ne pourra en aucune façon sinon en vertu de règlements
spéciaux qui seraient adoptés par le lieutenant-gouverneur en
conseil, obtenir de l'aide pour sauver son bateau qui est le bateau
familial.
M. le Président, on nous a remis il y a quelques instants des
amendements qui seront apportés tout à l'heure en comité
à des articles du bill 26. Nous allons, au cours de l'étude en
comité, étudier les différents articles de la loi, faire
des suggestions ou approuver les suggestions ou les amendements que vient de
nous faire remettre le ministre de la Famille et du Bien-Etre social. Mais je
voudrais qu'il soit bien entendu qu'en plus de la nourriture, du
vêtement, des besoins personnels, des besoins domestiques, il faudrait au
Québec, après avoir dépensé des sommes fantastiques
pour expérimenter dans deux régions, la région de
Sainte-Anne-de-la-Pocatière, si je me souviens bien, et la région
de Saguenay-Lac-Saint-Jean, la possibilité de retour à la vie
normale des assistés sociaux aptes au travail. Partant de ces
expériences, il aurait été, je pense, beaucoup plus facile
pour le ministre actuel de préparer un projet de règlements
considérant les deux catégories d'assistés sociaux. Je
considère, M. le Président, qu'une épouse qui perd son
mari et qui a plusieurs enfants à sa charge est beaucoup plus productive
pour un Etat si elle reste à la maison pour éduquer ses enfants
qui ne seront pas eux-mêmes plus tard des assistés sociaux. Il
vaudrait mieux lui donner une allocation convenable et lui permettre
également d'avoir le strict nécessaire pour elle et ses enfants
plutôt que de l'inciter, par des règlements, à trouver
à l'extérieur des gains qui font en sorte qu'elle néglige
elle-même ses propres devoirs familiaux. L'Etat, quelques mois plus tard
est dans l'obligation de verser des sommes fantastiques pour placer ces enfants
dans des foyers nourriciers.
M. le Président, le bill 26, actuellement, a également une
très grande faiblesse. Nulle part l'on retrouve la catégorie de
personnes qui, au Québec, reçoivent une allocation avec le
sourire. Je pense que le ministre sera d'accord avec moi. Sur 100
assistés sociaux au Québec, parce qu'ils sont tous dans la
même boîte, quel que soit le montant que permettrait d'obtenir en
supplément le bill 26, un mois après son adoption, il y aura
encore un très grand nombre d'insatisfaits. Mais il y en a une
catégorie de personnes qui reçoivent une allocation qui est
appelée allocation de sécurité de vieillesse; ce sont
maintenant toutes les personnes ayant 66 ans ou plus et, dès janvier
prochain, celles qui auront 65 ans ou plus. Elles, nous les voyons, à
l'occasion.
Tout ce qu'elles demandent, c'est d'être capables, parce qu'en
raison de leur âge, elles en ont besoin, de consulter le médecin
plus souvent que nous, les jeunes, parce qu'en grande majorité victimes
d'une maladie chronique ou ayant besoin de médicaments
régulièrement, elles ont besoin d'une carte d'assistance
médicale. Où retrouve-t-on, M. le Président, dans ce texte
du bill 26, le principe de donner à une personne âgée,
celle qui a donné le meilleur de sa vie pour construire sa province, qui
a élevé souvent des familles nombreuses, qui n'a même pas
réussi, pendant toute une vie, à payer une
propriété, qui paie encore loyer, où retrouve-t-on le
principe de lui accorder une carte lui permettant l'examen, à
l'occasion, chez son médecin de famille, et la possibilité de
pouvoir se procurer les médicaments nécessités par son
état de santé?
M. le Président, le député de D'Arcy-McGee, cet
après-midi, parlait de l'urgence de présenter une
législation pour l'enfance. Je suis d'accord avec lui, il y a urgence
dans ce domaine. Et il y a également urgence que l'Etat du
Qué-
bec s'occupe davantage de ceux qui, avant nous, l'ont construit cet
état, ceux qu'on peut considérer comme les personnes
âgées de 65 ans et plus, ceux qui, malgré que quelques-unes
ont une excellente santé, ne peuvent plus travailler. Ces deux
faiblesses de la loi ne m'empêcheront pas de voter en deuxième
lecture pour le principe de la loi mais J'aurais espéré que cette
loi englobe le groupe de personnes que je viens de mentionner.
M. le Président, avant de terminer, je voudrais signaler de
nouveau au ministre de la Famille et du Bien-Etre social de bien vouloir
vérifier auprès de ses fonctionnaires supérieurs afin que,
dans nos régions, non seulement un accusé de réception
soit donné à la suite des plaintes qui sont formulées
à nos bureaux. Je ne veux pas faire de personnalités ni donner de
noms, mais lorsque quelqu'un vient nous voir à nos bureaux et nous
explique une situation, bien sûr il peut se trouver que cette personne
nous induise en erreur parce que nous n'avons pas de personnel, dans les
bureaux de députés, pour faire enquête si M. Untel ou Mme
Unetelle nous a dit la vérité: nous recevons des agents de
bien-être, des téléphones nous disant que nous leur avons
menti. Ce n'est pas nous. Quand nous écrivons: « Madame m'informe
», « elle nous déclare », « elle me fait part
», au lieu de recevoir des bêtises semblables, ou encore au lieu de
dire aux assistés sociaux de ne plus aller à tel endroit ou
à tel endroit, le ministre serait bien mieux de voir à ce que ces
directeurs régionaux, ces agents de bien-être prennent en
considération la lettre et refusent le cas parce que la lettre dit
souvent: On demande la revision de tel ou tel cas selon la loi et les
règlements. Bien sûr, si l'électeur ou la personne qui
s'est présentée au bureau du député l'a induit en
erreur, ce même député sera très heureux de
démontrer à cette personne qu'elle-même l'a induit en
erreur et qu'il y a impossibilité de reviser son cas.
Enfin, M. le Président, en terminant ces brèves remarques,
je dis que le ministre de la Famille et du Bien-Etre social nous apporte
aujourd'hui son bill 26 avec trois ans et demi de retard, c'est-à-dire
trois ans, pour être plus gentil, parce que cela va faire trois ans et
demi seulement dans un mois que l'Union Nationale a pris les rênes du
pouvoir et la responsabilité d'administrer. Nous n'y voyons, dans ce
projet de loi, qu'un article qui permet de continuer une politique
déjà commencée au temps où le député
de Richmond occupait le poste de ministre de la Famille et du Bien-Etre social,
soit l'incitation d'un retour du travail pour les assistés sociaux qui
sont aptes à retourner travailler.
Je voterai donc, en deuxième lecture, pour le bill.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
M. Jean Lesage
M. LESAGE: M. le Président, je pourrais peut-être commencer
par quelques mots que j'ai entendu prononcer si souvent et qui n'ont pas leur
raison d'être, en fait. Ce sont les suivants; « Je n'avais pas
l'intention de participer a de débat. » Mais, je refuse de les
prononcer.
En effet, il s'agit d'une législation très importante,
à laquelle le gouvernement prédécent a participé
très activement au cours d'un certain nombre d'années. Lorsque
nous avons pris le pouvoir, en 1960 c'était le 5 ou le 6 juillet
nous étions déjà passablement au courant des
besoins essentiels que posait l'élaboration d'une politique d'aide
sociale au Canada et au Québec.
Nous avions vécu la période de la création du
système d'assistance-chômage par le Parlement du Canada. Nous
avions vécu, après le fameux « désormais », la
signature d'une entente avec effets rétroactifs par le gouvernement
Sauvé, à l'automne 1959. Ces faits ont été
rappelés, d'ailleurs, par mes collègues qui ont pris la parole
dans ce débat avant moi.
Le 25 juillet 1960, je participais, vingt jours après mon
assermentation comme premier ministre, à une conférence
fédérale-provinciale qui se tenait dans la capitale canadienne.
Avec l'expérience acquise au Parlement du Canada et en suivant de
près les événements qui se déroulaient et au Canada
et au Québec, durant ma période de préparation intense de
1958 à 1960, j'avais pu réaliser jusqu'à quel point il
était essentiel, si l'on voulait avoir une politique d'aide sociale
efficace, qui ne fasse pas des assistés sociaux une caste à part,
qui puisse en même temps établir des systèmes de
prévention, de réhabilitation, qu'il n'y ait qu'un centre de
décision. De là, la déclaration faite à la
conférence fédérale-provinciale de juillet 1960, qu'ont
rappelée, et le député de Richmond et le
député de Jonquière.
Par la suite, nous avons, à la recommandation du
député de Richmond, institué la commission qui,
finalement, a reçu le nom de commission Boucher. C'était au mois
de décembre 1961. Le rapport de cette commission a été
remis au gouvernement au mois de juin 1963. Déjà, les principes
de base du projet de loi qui est à l'étude je ne parle
pas, évidemment, de certains détails que nous nous permettrons de
discuter en comité plénier étaient explicites
dans certaines des recommandations du rapport Boucher que je n'ai pas
l'intention de citer toutes ici. Il y en avait soixante et onze. Je voudrais
cependant, pour que le dossier soit le plus complet possible, rappeler en
particulier les recommandations 9, 10, 11 et 14.
La recommandation 9: « La Loi de l'assistance publique devrait
être abrogée et remplacée par une nouvelle loi
générale d'assistance sociale ». Qu'on lise aide sociale,
si l'on veut. C'est essentiellement ce que l'on fait par le bill no 26.
La recommandation numéro 10: « La nouvelle loi
générale d'assistance sociale devrait former un tout
intégré et adapté aux nécessités actuelles
et futures du bien-être. Pour ce faire, elle devrait absorber toutes les
autres lois sociales similaires. »
Recommandation numéro 11: « Avant que la nouvelle loi
générale d'assistance sociale englobe tous les versements
d'assistance, il faudrait prévoir une période de rajustement. Les
allocations déjà accordées devraient continuer
d'être versées pendant un certain temps sous leur forme actuelle.
» Et l'on voit le pourquoi de cette recommandation, si nous lisons la
recommandation 14 qui suit : « Le gouvernement du Québec devrait
poursuivre et intensifier ses efforts pour que le gouvernement du Canada se
retire des programmes conjoints d'assistance sociale et compense par un
élargissement des champs de taxation les charges accrues qui en
découleraient pour le Québec. »
La première chose à faire, c'était
d'établir, dans tout le champ de la sécurité sociale, le
centre de décision à Québec. Il fallait donc que nous
puissions nous retirer des programmes conjoints comme ceux qu'a cités le
député de Richmond, pensions aux invalides,
assistance-vieillesse, pensions aux aveugles, assistance-chômage,
etc.
Nous avons d'abord fait porter nos efforts de ce
côté-là. Dès 1963, à une conférence
fédérale-provinciale, nous avions réitéré
les déclarations faites en 1960, 1961, 1962, lors des conférences
fédérales-provinciales. Nous avions particulièrement
insisté sur le rapatriement des domaines de la sécurité
sociale.
Ce n'est qu'en 1964, dans les quinze jours qui ont suivi la
conférence fédérale-provinciale qui s'est tenue ici,
à Québec, les 31 mars et premier avril, après que nous
eussions discuté d'allocations scolaires, de régime de rente et
de retrait des programmes conjoints, particulièrement dans le domaine de
la sécurité sociale, que nous avons eu un accord du gouvernement
fédéral sur ces points, sur les trois.
Il fallait alors commencer à donner suite aux recommandations du
rapport Boucher, comme le disait la recommandation numéro 11: « II
faudrait prévoir une période de rajustement. Les allocations
déjà accordées devraient continuer à être
versées pendant un certain temps sous leur forme actuelle. »
En fait, il y a eu accord de principe pour le retrait des programmes
conjoints vers le milieu ou la fin d'avril 1964. La législation
fédérale nécessaire n'est venue que de nombreux mois plus
tard, en 1965. Alors nous avons continué à presser et à
presser pour l'établissement d'un système complet et
intégré d'assistance sociale ou d'aide sociale, en vertu d'une
loi unique, comme le suggérait le rapport Boucher.
Sur le plan constitutionnel, nous avons réclamé, non
seulement le rapatriement de l'assistance-vieillesse, ce qui avait
été convenu au mois d'avril 1964, nous avons également
insisté, mais sans succès, pour que le champ des pensions de
sécurité de la vieillesse contribu-toires soit retourné
aux provinces ou du moins, en autant que nous étions concernés,
au Québec, moyennant les compensations fiscales qui, dans le cas de ce
régime, sont assez faciles a déterminer. En effet, il y a un
fonds d'établi par le versement par les sociétés et les
individus d'une partie de l'impôt sur les profits des corporations, une
partie de l'impôt sur le revenu personnel et une partie de la taxe de
vente fédérale.
C'était assez facile, il s'agissait de trouver un
mécanisme pour compenser pour la taxe de vente fédérale
qui est une taxe indirecte. Nous n'avons pas réussi.
Nous avons réclamé également le retour des
allocations familiales, c'est-à-dire la compétence exclusive dans
le domaine des allocations familiales. Nous l'avons réclamée,
cette compétence exclusive, je m'en souviens très bien, en 1963,
en 1964, en 1965. Lors de la conférence sur la pauvreté, qui a
été tenue à Ottawa du 7 au 10 décembre 1965, le
gouvernement du Québec avait fait des représentations très
précises dont je trouve un résumé dans un autre
mémoire présenté lors d'une conférence
fédérale-provinciale tenue les 7 et 8 janvier 1966 à
Ottawa sur le plan canadien d'assistance publique qui, à ce
moment-là, était présenté aux provinces,
remplaçant l'assistance-chômage.
Dans le mémoire présenté par le gouvernement, plus
particulièrement par le ministre de la Famille et du Bien-Etre d'alors,
il était suggéré que l'administration des allocations
familiales soit transférée au plus tôt au gouvernement
provincial. Je cite: « en ce qui nous con-
cerne nous devons dire sans ambages qu'un tel transfert nous
paraît éminemment justifié de toute façon, et cela
aussi bien pour des motifs d'ordre constitutionnel nous parlons surtout
de la substance et de l'esprit de la constitution sans lesquels, sans jeu de
mot, la lettre est morte. Qu'en vue de cette unité harmonieuse de la
politique sociale dont nous disions dans notre récent mémoire sur
la guerre à la pauvreté on réfère à
ce moment-là au mémoire présenté en décembre
que le gouvernement du Québec est le seul qui puisse et qui
doive, sur son territoire, la concevoir et la mettre en oeuvre. »
C'est donc dire que le livre blanc présenté par le
ministre de la Famille et du Bien-Etre, et je n'y fais qu'une allusion, comme
le ministre l'a d'ailleurs fait à la fin de son intervention de
deuxième lecture cet après-midi, livre blanc qu'il a
déposé en Chambre il y a peu de temps, n'est pas strictement une
innovation. C'est le cheminement lent de la politique que nous avions
clairement établie en principe à partir de 1963 et
exprimée d'une façon très claire jusqu'en janvier 1966,
puisque c'était la dernière conférence
fédérale-provinciale à laquelle nous participions avant
les élections de juin, et au cours de laquelle il était loisible
de mentionner notre réclamation.
Tout de même, nous avions réussi, au début de 1966,
à atteindre le point où nous pouvions songer à l'exclusion
des pensions de vieillesse et des allocations familiales
fédérales dont nous pouvions toujours tenir compte dans nos
législations d'aide sociale, le point où il était possible
d'avoir une seule loi qui soit administrée suivant les principes que
nous trouvions dans les recommandations du rapport Boucher qui, entre autres,
recommandait bien et j'attire l'attention de deux députés
de l'Union Nationale qui ont participé au débat ce soir, les
députés de Chauveau et de Portneuf aux recommandations 15
et 16: « Le gouvernement du Québec, face à ses
responsabilités, devrait orienter son action sociale dans la voie de la
prévention individuelle et collective et l'exprimer dans sa
législation. »
Ce n'est donc rien de neuf. Ce n'est pas une invention mirobolante du
ministre actuel de la Famille et du Bien-Etre, comme a voulu le laisser croire
le député de Chauveau. Pour lui, c'était toute une
révélation, c'était une affaire formidable, une nouvelle,
un coup de théâtre. Or, c'est la recommandation no 15 qui a
été publiée en juin 1963. La recommandation no 16: «
Le gouvernement du Québec devrait, en outre, compléter son action
sociale préventive d'un souci sans cesse renouvelé et
explicitement reconnu dans sa législation sociale de réadaptation
individuelle et communautaire. » Alors, ce n'est rien de bien neuf, mais
enfin ça y est. Je suis satisfait, ça y est.
M. MATHIEU: C'est l'usage qu'on en fait qui compte.
M. LESAGE: Non, non! il y a plus que ça: c'est qu'on l'inclut
dans la législation. Jusqu'à maintenant, les efforts ont
été faits, je l'espère, pour diriger la politique
d'administration de la sécurité sociale dans ce sens-là.
J'ai dit que le projet de loi se basait sur une philosophie sociale qui avait
été exposée dans le rapport Boucher. Cette philosophie de
la sécurité sociale, que l'on reconnaît comme sous-jacente
dans tout le projet de loi no 26 qui est à l'étude, avait
été exposée lors de cette conférence sur la
pauvreté par le gouvernement du Québec dans le mémoire
qu'il avait présenté à cette occasion.
Je pense bien que tout le mémoire serait à lire. Mais ce
serait peut-être fastidieux. Je voudrais attirer l'attention sur de brefs
extraits: « Dans la mesure où l'on s'occupe d'exercer une action
profonde sur l'économie elle-même, il importe que la politique
d'assistance soit agencée de façon à pousser, aussi loin
qu'il est possible, la réhabilitation et la mobibité des
travailleurs, ou de ceux qui peuvent le devenir, et ainsi redonner leur
fierté humaine aux assistés sociaux qui l'auraient perdue et les
rendre plus rapidement au circuit productif. Une telle politique implique que
des ressources importantes soient consacrées à identifier les
facteurs qui ont contribué à l'apparition de cas individuels ou
collectifs d'assistance. Cette identification des causes permet alors de
recourir à ceux des services gouvernementaux qui peuvent corriger la
situation. »
Et plus loin, je trouve dans ce mémoire les principes que l'on
reconnaît dans le projet de loi à l'étude: « Un tel
développement exige une décentralisation géographique de
l'organisation des services de bien-être, de santé et
d'éducation, pour que les bénéficiaires de ces services
puissent les utiliser facilement et qu'en même temps leur
développement s'appuie sur la participation des communautés
locales, la décentralisation doit prendre la forme d'une
régionalisation accompagnée d'une large mesure de
responsabilité déléguée. Cette
décentralisation pourra se faire sur la base de grandes régions
administratives regroupant des unités locales de service. « II est
important de comprendre que nous
ne cherchons pas à développer l'assistance sociale de
manière à accroître les charges qu'elle représente
pour notre budget, mais au contraire de manière à en augmenter
l'efficacité et donc, en conjugaison avec une réorganisation de
l'économie, à rendre ces interventions de moins en moins
fréquentes et de moins en moins lourdes. »
J'écoutais, cet après-midi, le ministre de la Santé
et du Bien-Etre social parler des charges financières, donner ses
estimations de la hausse ou de la baisse possible du coût de l'aide
sociale, et je ne pouvais m'empêcher de songer que toute son
argumentation était évidemment motivée par les principes
que je viens d'énoncer et qu'il a sans doute fait siens.
Et enfin, dernière citation, de ce mémoire du gouvernement
du Québec à la conférence sur la pauvreté: «
Dans ces conditions, le gouvernement du Québec est à mettre sur
pied c'était, voyez-vous, en décembre 1965 une
nouvelle politique de sécurité sociale qui implique non seulement
une réorganisation des programmes qu'il administre à l'heure
actuelle, mais aussi la récupération de programmes
fédéraux qui n'auront leur pleine efficacité qu'une fois
imbriqués et au besoin repensés dans un tout bien
coordonné et bien ajusté aux exigences du groupe humain auquel il
s'adresse. Une telle intégration est d'ailleurs requise par la
nécessité évidente de considérer les mesures
sociales comme partie intégrante de notre politique d'ensemble de
développement économique et social. »
C'est donc dire, M. le Président, que personne ne peut être
surpris que nous soyons favorables au principe du projet de loi qui est
à l'étude. J'y retrouve tous les principes que je viens
d'énoncer, je les y retrouve soit sous-jacents au projet de loi, soit
clairement indiqués ou clairement précisés dans le projet
de loi.
Dans les circonstances, il est évident que c'est sans
hésitation que nous voterons pour le principe du projet de loi. Mais,
après tout ce que je viens de dire, le ministre de la Famille et du
Bien-Etre social et le premier ministre ne seront pas surpris si je me
déclare d'accord avec mes trois collègues libéraux qui ont
déjà pris la parole en deuxième lecture, soit les
députés de D'Arcy-McGee, de Richmond et de Jonquière, pour
dire que ç'a pris bien du temps au gouvernement à se
réveiller aux réalités et au bien fondé des
principes que nous avions déjà élaborés et que le
gouvernement de l'Union Nationale a trouvé en blanc et en noir dans les
bureaux que ses ministres ont occupés en juin 1966. Tout était
là, mais rien ne s'est fait. C'est le retard, le premier ministre pourra
dire: Il faut toujours que le chef de l'Opposition trouve quelque chose
à redire!
M. BERTRAND: Je n'ai pas eu besoin de le dire, c'est le chef de
l'Opposition qui l'a dit.
M. DE MERS: II est payé pour ça.
M. BERTRAND: II se sentait tellement coupable, il a prévenu mes
coups!
M. LESAGE: Je ne me sens pas coupable, M. le Président, au
contraire je dis que le gouvernement aurait pu agir beaucoup plus rapidement,
parce qu'il avait en main toutes les données, tous les principes, toutes
les recommandations nécessaires pour agir avec
célérité; aujourd'hui, au lieu de nous préparer
simplement à l'application d'une nouvelle loi, eh bien
déjà à l'expérience cette nouvelle loi serait
rodée et nous vivrions peut-être des jours plus heureux pour ceux
qui bénéficient de l'aide sociale, jours plus heureux que
laissait entrevoir le ministre de la Famille et du Bien-Etre social à la
fin de ses remarques.
M. Jean-Paul Cloutier
M. CLOUTIER: M. le Président, s'il n'y en a pas d'autres qui
désirent parler, j'ai l'intention d'utiliser mon droit de
réplique pendant quelques brèves minutes.
M. LE PRESIDENT: Je ferai remarquer que l'usage du droit de
réplique par l'honorable ministre mettra fin au débat de
deuxième lecture.
L'honorable ministre de la Santé, de la Famille et du Bien-Etre
social.
M. CLOUTIER: M. le Président, très brièvement,
parce que j'aurai certainement l'occasion, en comité, de revenir sur
certains points qui ont été mentionnés par les membres de
cette Chambre qui ont participé au débat et que je veux remercier
de façon particulière, les deux députés du
côté ministériel, le député de Chauveau,
ministre d'Etat à la Famille, et le député de Portneuf,
président de la commission parlementaire; et également, du
côté de l'Opposition, tous ceux qui dans cette Chambre
s'intéressent de façon tout à fait particulière aux
législations sociales, le député de D'Arcy-McGee, parce
qu'il est le porte-parole de l'Opposition, le député de Richmond,
comme ex-ministre de la Famille et du Bien-Etre social, le député
de Jonquière, comme son assistant à ce minis-
tère, je crois, et le chef de l'Opposition, évidemment,
qui, par ses responsabilités de 1960 à 1966 et maintenant, a eu
l'occasion maintes fois de prendre position et de se pencher sur ces
législations dans le comaine social.
M. le Président, je n'ai pas l'intention de revenir sur chacune
des affirmations qui ont été faites ou chacune des remarques;
c'est de bonne guerre, évidemment, que l'on mentionne ce qui, dans
l'optique de l'Opposition, lui apparaît comme des insuffisances ou des
lacunes dans la législation ou dans le projet de
réglementation.
J'ai remarqué surtout que toutes les observations qui ont
été faites par nos amis de l'Opposition avaient un point commun.
C'est qu'on a, évidemment, tenté de démontrer je ne
serai pas mauvais joueur, M. le Président que la
législation présente s'inspire de la pensée, de la
politique et des travaux qui ont été faits de 1960 à 1966.
M. le Président, il est indéniable que ce projet de loi fait
suite aux travaux du rapport Boucher. D'ailleurs, je l'avais dit dans mon
intervention de cet après-midi et j'avais eu l'occasion, maintes fois,
auparavant de le dire. Cela faisait suite aux 71 recommandations contenues dans
le rapport Boucher, qui, évidemment, ont inspiré le travail des
législateurs au ministère de la Famille pour mettre sur papier
cette législation.
Donc, M. le Président, je ne m'opposerai pas à ces
affirmations qui ont été faites par les membres de cette Chambre,
du côté de l'Opposition, qui disent que cette législation
est issue, en fait, du travail du gouvernement précédent et que
c'est la conclusion logique du rapport Boucher. C'est évident que nous
nous sommes inspirés de ces travaux qui étaient complets,
à notre sens, en ce qui concerne le mandat précis de la
commission Boucher. D'autre part, entre des principes énoncés
dans les travaux, dans un rapport, dans les résultats d'une commission
d'étude et la mise en législation de toutes ces recommandations,
eh bien, il y a un travail très considérable.
A ce moment-ci, je pense que ce ne serait pas une contribution positive
au débat si je m'appliquais à faire le partage entre ce qui
était fait, d'une part, avant mon arrivée au ministère de
la Famille et ce que j'ai dû faire après. Je ne ferai pas ce
partage. Disons que ce qui m'intéresse, M. le Président, ce n'est
pas la partie qui est en arrière, mais ce sont les taches que nous avons
accomplies et celles que nous aurons à accomplir dans l'avenir. Je
m'intéresse également à ce qui résultera de la mise
en application de cette importante législations la réorganisation
des bureaux, la formation du personnel et toutes les tâches
associées à cette entreprise complexe et importante.
Alors, M. le Président, dans ce domaine-là, on sait que
j'ai l'habitude de rendre à César ce qui est à
César et de reconnaître à mes prédécesseurs
les efforts qui ont été faits dans les domaines où
j'exerce présentement. Je crois bien que l'on nous rendra le
témoignage d'avoir pris tous ces travaux qui avaient été
faits préalablement et de les avoir traduits, sérieusement, en
prenant toutes les précautions d'usage, dans une législation qui
va marquer certainement une étape importante dans le domaine de la
législation sociale au Québec.
Je crois pouvoir dire, M. le Président, que les gestes que nous
avons posés, par ailleurs, dans le secteur de la sécurité
sociale je ne ferai qu'une brève allusion à la
législation que nous avons apportée, en 1967, dans le domaine des
allocations familiales montrent que nous avons sérieusement
tenté d'apporter dans tout le système cette cohérence
nécessaire et essentielle afin que, dans ce domaine de la
sécurité sociale et de la législation sociale, nous
puissions véritablement, en ayant assumé toutes nos
responsabilités et en ayant pris la place que nous réclamons dans
ce secteur, dans cette juridiction, que nous puissions véritablement
apporter dans la législation, dans l'administration et dans la mise en
place des programmes plus de cohérence, de coordination, de
rationalisation.
M. le Président, si en d'autres années, comme en 1921 au
moment où on a apporté, dans cette Chambre, la première
véritable loi dans le domaine de la sécurité sociale,
subséquemment en 1936, 1937,1959 et dans les années auxquelles a
fait allusion le chef de l'Opposition et les députés du
côté de l'Opposition où on a, dans des mémoires
sérieux, bien faits, bien présentés,
représenté aux autorités fédérales
l'importance de rapatrier le secteur de la sécurité sociale, je
crois que je puis dire honnêtement que si sont exactes les
représentations qu'a faites, il y a un instant, le chef de l'Opposition
quand il a raconté toutes les étapes qui ont
précédé celle-ci, il est exact de dire que les
gouvernements qui se sont succédé ont véritablement
compris l'importance qu'il y avait pour le Québec d'avoir en main les
outils nécessaires pour faire une action véritablement
planifiée dans le domaine social.
Et c'est pour cela que lors des conférences
fédérales-provinciales auxquelles j'ai eu le plaisir d'assister
et de représenter le Québec, notamment en 1968 et deux fois en
1969, nous avons pris une position très claire dans ce domaine, position
logique et continue, dont on peut suivre le fil et la trame à travers
les années et à travers les gouvernements.
M. le Président, je crois que ce n'est pas hors contexte
maintenant d'en parler juste à la
veille d'une autre conférence dans le domaine constitutionnel,
conférence qui se tiendra la semaine prochaine, lundi, mardi et mercredi
prochains. Au moment où nous travaillerons sérieusement dans ce
domaine de la sécurité sociale avec l'autre ordre de gouvernement
et les neuf autres provinces canadiennes, il est important que l'on comprenne
que la position du Québec n'est pas une position simplement
adoptée pour fins de prestige, pour grossir une masse monétaire
ou une masse budgétaire. Ce n'est pas pour cela que nous
réclamons, comme le chef de l'Opposition l'a dit tout à l'heure,
la sécurité de la vieillesse, que nous réclamons les
allocations familiales, continuant en cela la position déjà
adoptée par des gouvernements précédents. Je crois que,
dans le contexte actuel, ces réclamations prennent une autre dimension.
Et j'étais heureux, tout à l'heure, d'entendre les
députés de l'Opposition, particulièrement le chef de
l'Opposition, dire implicitement combien ils approuvaient et combien toute
cette Chambre est unanime pour appuyer la position du Québec dans le
domaine du rapatriement de la législation de la sécurité
sociale. Je crois qu'avec les gestes que nous avons posés, les travaux
que nous avons déposés actuellement vis-à-vis de l'autre
ordre de gouvernement, vis-à-vis du gouvernement fédéral,
au moment où on se prépare à faire la refonte de toute la
sécurité sociale, J'espère que l'on tiendra compte de la
position du Québec qui, d'ailleurs, est appuyée sur des documents
techniques, est appuyée sur la simple logique et le simple bon sens.
Nous voulons mettre de l'ordre dans tout ce secteur de la
sécurité sociale.
Le bill 26, celui que nous adoptons présentement, est
déjà une base qui fait suite, évidemment, aux travaux du
rapport Boucher, au régime canadien d'assistance publique, et c'est la
suite logique.
Les autres pièces de cette législation je l'ai dit
dans mon intervention en deuxième lecture cet après-midi
le rapatriement, le dossier des allocations familiales est lui aussi une
pièce importante de ce dossier.
Mais nous avons demandé également la
sécurité de la vieillesse, nous avons demandé
l'intégration de l'assurance-chômage, non pas, comme je l'ai dit
tantôt, pour fin de prestige ou pour que le Québec se dise qu'il a
ajouté à des programmes, qu'il a ajouté à des
budgets mais parce que, en pratique, et nous l'avons mentionné dans nos
mémoires, il y a une coordination, une interdépendance
très étroite entre tous ces programmes. On n'a qu'à relire
les mémoires soumis par le Québec aux conférences pour
voir, dans tous les détails, quelle est cette interdépendance,
quelle est cette amélioration et cette coordination que nous
désirons apporter dans tous les régimes de sécurité
sociale.
Or, je crois que c'est le point important qui ressort de toute cette
discussion que nous avons eue en deuxième lecture. Et je suis heureux de
constater que les membres de l'Opposition votent et approuvent en
deuxième lecture et approuveront en troisième lecture cette loi
importante qui, encore une fois, comme le disait le député de
Portneuf, n'est certainement pas parfaite, malgré le temps,
malgré les mois, malgré les efforts, malgré tout ce qu'on
apu apporter, malgré tout ce que nos fonctionnaires qui se sont
penchés pendant aussi longtemps sur une telle loi ont pu apporter.
Je voudrais dire un mot des délais. On m'a reproché et on
a reproché au gouvernement à plusieurs moments,
évidemment, les délais de cette législation. Il est
entendu qu'il y a eu des délais. C'est mathématique. Je n'ai pas
l'intention de le nier. Je n'ai pas l'intention de m'esquiver derrière
ces remises qui, à certains moments, ont, disons, déçu
celui qui vous parle. Mais d'autre part, en attendant cet
événement, cette adoption par l'Assemblée nationale du
projet de loi, nous ne sommes pas restés inactifs. Nous en avons
profité pour mettre sur pied des mécanismes administratifs
nécessaires pour administrer cette loi. Nous en avons profité
pour moderniser nos méthodes, moderniser nos contrôles,
l'information, la gestion, la formation du personnel, le recrutement du
personnel, toutes opérations qu'il nous aurait fallu faire après
l'adoption de la loi.
Et là, nous les avons faites avant l'adoption de la loi, de sorte
que, une fois cette loi adoptée, je crois bien qu'il ne
s'écoulera pas beaucoup de temps avant que nous ayons terminé de
recruter les effectifs nécessaires, les agents de sécurité
sociale, des travailleurs sociaux, du personnel de soutien, que nous ayons
centralisé dans les régions, que tous les effectifs soient en
place, que les décisions soient rendues rapidement, et non pas, comme
faisait allusion tantôt le député de Jonquière, que
cela prenne deux mois, trois mois avant que des décisions ne soient
rendues. C'est vers ça que nous tendons et c'est à toutes ces
choses que nos efforts ont tendu depuis plusieurs mois de façon à
avoir des mécanismes administratifs les plus souples possible, tout en
ne négligeant pas les contrôles.
On sait pourquoi ces contrôles sont Importants. Je n'ai pas besoin
d'y revenir ici ou d'élaborer longuement sur ces enquêtes que nous
sommes obligés de faire, ces vérifications dans un programme qui
coûte aux contribuables du
Québec la somme de $250 millions. Il est entendu que nous devons
faire des vérifications même si, comme le député de
D'Arcy-McGee le disait cet après-midi ou ce soir, nous devions de
préférence procéder par échantillonnage. Je crois
que nous n'en sommes pas rendus là. Il nous faut être encore plus
prudents et plus sévères au début de l'application d'une
loi. Quand tout le système aura été rodé, quand
notre personnel aura été formé, quand toute la loi sera en
marche, à ce moment-là, je crois bien que, le temps ayant fait
son oeuvre et les mécanismes étant mieux rodés, nous
pourrons abandonner certains contrôles qui, peut-être,
apparaissent, aux yeux de certains membres de cette Chambre ou des
assistés sociaux, trop tatillons ou trop sévères.
Je voudrais relever juste une autre remarque. Le député de
Jonquière a mentionné tout à l'heure que l'on faisait aux
députés certaines réponses non pertinentes et on avait
l'air de dire aux membres de cette Chambre, quand ils s'occupaient de faire des
représentations au nom des assistés sociaux, que ce
n'était pas de leur ressort et qu'ils avaient apporté de faux
renseignements, de fausses considérations.
De mon siège, comme titulaire du ministère de la Famille
et du Bien-Etre, je veux dire à tous les membres de cette Chambre que je
ne tolérerai pas que des agents de sécurité sociale et du
personnel de nos bureaux disent aux membres de l'Assemblée nationale que
ce n'est pas leur affaire quand ils écrivent pour transmettre des
représentations des électeurs de leur comté ou de ceux qui
se sont adressés à eux.
M. le Président, si c'est le devoir du député de
voter, en Chambre, le bill 26, de s'être penché, durant les
travaux de la commission parlementaire, sur un projet de réglementation
et un projet de loi, si c'est le devoir du député de contribuer,
par son travail, à bâtir la meilleure législation possible,
c'est aussi son devoir de représenter son électeur et de
transmettre, à nos bureaux locaux et nos bureaux régionaux, des
observations qui peuvent être faites par son électeur ou celui qui
vient le voir. Il y a une façon de les transmettre, et la façon
qui est correcte, c'est celle qui a été mentionnée par le
député de Jonquière-Kénogami: M. Untel ou Mme
Une-telle m'a demandé de vous transmettre telles informations qui,
peut-être, ont échappé à votre attention. Vous
ignorez peut-être ces faits qui ont été portés
à mon attention. Je vous les soumets, voulez-vous les prendre en
considération? Je crois que c'est véritablement là, pour
un député, assumer son rôle et rester en contact avec sa
population pour prendre la dimension des problèmes humains.
J'espère ne pas avoir à revenir sur cette question
vis-à-vis du personnel qui sera chargé d'appliquer la loi, le
bill 26 et sa réglementation. Je crois que ces responsabilités
seront bien expliquées au personnel qui, dans la pratique, tous les
jours, administrera cette loi. J'invite les députés à
continuer à assumer pleinement leur rôle, ça fait partie du
mandat quileur a été confié par leurs électeurs,
s'occuper des problèmes matériels ou des problèmes
humains.
M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture sera-t-elle
adoptée? Adopté.
M. LE SECRETAIRE: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of
this bill.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Santé, de la Famille
et du Bien-Etre propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre
se forme en comité plénier pour l'étude du bill 26.
Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
Comité plénier
M. FRECHETTE (président du comité plénier): A
l'ordre!
Bill 26, Loi de l'aide sociale, article 1.
M. CLOUTIER: M. le Président, il y a des amendements qui ont
été remis au chef de l'Opposition et à ses
collègues. A l'article 1, déjà.
M. LESAGE: En avez-vous une copie, M. le Président?
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Non, je n'en ai pas.
M. CLOUTIER: Article 1, au paragraphe b), il faudrait remplacer la
définition « famille ».
La nouvelle lecture de l'article serait celle-ci : « Les conjoints
ou le survivant ainsi que tout enfant à leur charge et tout enfant non
marié qui subvient habituellement et principalement aux besoins de cette
famille, le conjoint séparé judiciairement ou de fait ainsi que
tout enfant à sa charge et tout enfant non marié qui subvient
habituellement et principalement aux besoins de cette famille, les conjoints
sans enfants, tout homme ou femme célibataire et tout enfant à sa
charge. »
Egalement, à l'article 1, au paragraphe e), il faudrait
retrancher, dans les quatrième et cinquième lignes, le mot
« assidûment ».
M. GOLDBLOOM: M. le Président, c'est surtout une rédaction
différente qui ajoute, à la fin, « tout homme ou femme
célibataire et tout enfant à sa charge. » Le ministre
pourrait-il, en ce moment, faire pour nous la concordance entre cette
définition, qui paraît à l'article 1 b), et les articles 14
et 15, qui parlent de la personne « qui se trouve temporairement hors du
foyer familial? » Or, à l'article 1, on parle du conjoint
séparé judiciairement ou de fait.
Y a-t-il une définition que le ministre pourrait nous fournir
pour indiquer quand la séparation cesse d'être temporaire et
devient une séparation de fait? Je pose la question parce que plusieurs
agences de bien-être social se sont inquiétées de la
définition de la famille qui est fournie ici dans la loi. On dit:
Qu'arrive-t-il quand il y a séparation? Est-on obligé, dans tous
les cas de séparation, s'il n'y a pas séparation Judiciaire, de
tenir compte de celui ou de celle qui n'est pas à la maison, en
calculant les besoins de la famille? Je pense que la réponse se trouve
entre les articles 1 et 14, mais j'aimerais que le ministre précise pour
que nous comprenions exactement de quelle façon il a l'intention de
traiter le revenu du conjoint, par exemple, qui n'est pas à la
maison.
M. CLOUTIER: Le député de D'Arcy-McGee a-t-il d'autres
observations sur les définitions?
M. GOLDBLOOM: Sur?
M. CLOUTIER: Sur les définitions de la famille?
M. GOLDBLOOM: Une seule autre, sur la définition d'un enfant
à charge. Là aussi, c'est pour faire la comparaison avec d'autres
articles qui paraissent ultérieurement. Si je comprends bien je
reviendrai sur ce sujet un peu plus tard on définit ici un enfant
à charge comme étant celui qui est âgé de moins de
18 ans ou, s'il a plus de 18 ans, qui fréquente une institution
d'enseignement.
Il y a des personnes à charge qui ont plus de 18 ans, mais qui ne
sont pas en mesure de travailler ou de fréquenter une institution
d'enseignement. Je parle tout particulièrement des
arriérés mentaux qui doivent rester à la maison, dans
certains cas, ou être admis dans des institutions, dans d'autres cas. Je
veux comprendre parfaitement l'intention du ministre quant à
l'interprétation de la loi. Si je la comprends bien, on ne
définit pas « personne à charge »
indépendamment d'un enfant à charge.
Si une personne à charge a plus de dix-huit ans, ne
fréquente pas d'institution d'enseignement, mais n'est pas capable de
subvenir à ses propres besoins, il y aurait lieu de lui accorder, dans
le cas par exemple d'un arriéré mental, une aide sociale à
titre individuel qui ne serait plus comprise dans les prestations fournies
à la famille. Ce sont les deux principales inquiétudes qui m'ont
été exprimées par les agences de bien-être
social.
M. CLOUTIER: Si c'est un adulte qui a plus que 18 ans, ça devient
une personne seule aux fins de la loi; à ce moment-là, il retire
des prestations.
M. HARVEY: Pas s'il est au foyer actuellement et que son père
travaille et a un revenu convenable; il ne reçoit aucune allocation.
J'ai plusieurs cas dont les décisions ont été rendues par
la commission, considérant le revenu du père...
M. CLOUTIER: Le député parle de la loi actuelle?
M. HARVEY: Oui, oui, mais même dans celle-là si on ne le
définit pas, le même problème, on va le retrouver. Je vous
donne un exemple concret, sans nommer de nom; un individu est invalide au sens
de la loi même actuelle, médicalement, son père est
contremaître ou travaille régulièrement à
l'Alcan...
M. LESAGE: Comme député.
M. HARVEY: ...ou comme député.
M. LESAGE: Vous allez briser votre affaire.
M. HARVEY: Non, non, je ne la briserai pas. Je ne la briserai pas.
L'individu a 27 ans. Il se sent aux crochets de ses parents et n'a pas cette
indépendance qui est censée être la sienne, parce qu'il est
rendu à 27 ou à 28 ans. Si on ne corrige pas ça dans la
définition, ça donnera ce que c'était autrefois.
M. CLOUTIER: Mais, le député parle d'un exemple, il prend
l'exemple d'un enfant adulte de 27 ans qui reste à la maison, chez lui,
qui reste dans sa famille, il ne peut pas retirer d'allocation parce qu'il
demeure chez lui. Mais, au sens de la nouvelle loi, il est une personne seule
et, même s'il demeure chez lui, il peut retirer des allocations parce
que, quand ils ont 18 ans et plus, ils sont considérés comme des
personnes seules. S'il est en état de besoin, il va retirer des
prestations comme une personne seule, parce que ne faisant pas partie de la
famille.
M. LESAGE: Bien oui, s'il est en état de besoin, c'est parce que
les personnes obligées à lui ne sont pas en état de
subvenir à ses besoins. Est-ce que je comprends bien?
M. CLOUTIER: S'il est une personne seule, qu'il est en état de
besoin, c'est parce qu'il n'a pas... il lait la preuve de son besoin, il fait
la preuve de l'admissibilité en vertu de la loi.
M. LESAGE: Oui, oui, voici, le cas que soumet le député de
Jonquière est le suivant: C'est le fils d'un contremaître, il a 27
ans, il est invalide, absolument, il ne travaillera jamais de sa vie, inutile
d'y penser. A quel moment peut-il faire la preuve de son besoin? Le ministre
dit c'est une personne seule. Mais, est-ce que même en vertu de la
nouvelle loi, si le père est contremaître, supposons que le
père gagne $75,000 ou $100,000 par année, supposons, bien oui!
mais Ù faut une ligne de démarcation quelque part...
M. HARVEY: Ce n'est pas ça.
M. LESAGE: Est-ce que la ligne de démarcation n'est pas
l'obligation des parents en ligne directe? C'est ça que je veux savoir,
puis est-ce que ce n'est pas la même chose dans la nouvelle loi que dans
l'ancienne loi. Il me semble qu'il n'y a rien de changé. J'ai lu le
bill, j'ai lu les règlements. L'obligation des personnes obligées
en loi demeure, sauf qu'on atténue peut-être, il me semble avoir
lu ça, celle des grands-parents et des petits-enfants.
Mais pas dans le cas du père vis-à-vis de son fils et du
fils vis-à-vis de son père.
M. CLOUTIER: Dans le cas mentionné par le chef de l'Opposition,
évidemment l'obligation des parents demeure...
M. LESAGE: En vertu du code civil.
M. CLOUTIER: ... en vertu du code civil oui, mais en vertu de l'article
26 si le chef de l'Opposition veut se référer à
l'article 26 il y a subrogation des droits du gouvernement dans le cas
où on va venir en aide à cette personne seule qui, par ailleurs,
devrait être assistée par...
M. LESAGE: Bien oui, mais...
M. CLOUTIER: Bien, c'est la même chose que pour la pension
alimentaire.
M. LESAGE: Oui, mais c'est blanc bonnet, bonnet blanc. Il est clair que,
dans le cas soumis par le député de Jonquière, si le
ministre puisqu'on parle toujours du ministre dans la loi verse
des allocations au fils de 27 ans, il sera subrogé et pourra
réclamer du père la pension alimentaire du fils en vertu des
dispositions de notre code civil. Alors, c'est blanc bonnet, bonnet blanc. Il
n'y a rien de changé.
M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, j'ai moi-même,
dans mon comté, un garçon de 19 ans qui est incapable de
travailler, invalide pour le reste de ses jours. Le père gagne $6,400
par année et il a cinq enfants. Les quatre autres enfants sont aux
études. Il a fait une demande au ministère de la Famille et du
Bien-Etre social. Je m'en suis occupé personnellement et il a eu un
refus catégorique. Alors, il faut qu'il fasse instruire les autres
enfants et qu'il paye un loyer de $125 par mois. Or, ce garçon-là
ne reçoit pas d'allocation.
M. CLOUTIER: Evidemment, dans l'étude que l'on fait de la demande
du requérant, il faut prendre en considération les revenus et les
obligations du chef de famille, du père. Si le ministère juge
qu'il doit assister cette personne seule qui demeure dans sa famille, il y a
subrogation. C'est plus facile pour le ministère de réclamer du
père le remboursement d'une allocation que pour le fils de
réclamer de son père la subsistance.
M. LESAGE: Bien, s'il demeure chez son père. C'est le cas qui est
soumis par le député de Jonquière. Si l'enfant est dans
une institution, il y a, évidemment, subrogation et c'est au
ministère de décider s'il fait valoir sa subrogation contre
l'obligé en droit. Mais, dans le cas où le fils demeure chez son
père, qu'est-ce que ça donne? S'il doit y avoir subrogation et
réclamation du ministère, il est bien mieux de ne pas demander de
pension, puisque c'est le père qui va la payer, de toute
façon.
M. LAFRANCE: Je me demande, M. le Président, s'il ne s'agit pas
de cas d'exception, surtout. Je connais, chez nous, de nombreux enfants qui
demeurent avec leurs parents. Les parents ont certainement des revenus
suffisants pour pourvoir aux besoins de leur enfant, mais on leur accorde une
allocation réduite, à ce moment-là. J'en ai justement deux
ou trois cas à soumettre cette semaine. Alors, je pense que la politique
de la Commission des allocations sociales était d'accorder une
allocation réduite dans ces cas-là, en tenant compte de certains
avantages qu'ils avaient dans leur famille.
M. CLOUTIER: De toute façon, M. le Président, comme le
député de Richmond le dit, ce sont des cas marginaux. Evidemment,
ça ne peut pas se reproduire...
M. LESAGE: Ce sont des cas où la ligne de démarcation
n'est pas bien claire.
M. CLOUTIER: Disons que chaque cas pourra faire l'objet d'une
étude de la part du ministère. On verra, à ce
moment-là, quelles sont les possibilités ou quels sont les
besoins de cette...
M. LESAGE: Comme me le souffle le député de Bourassa, s'il
s'agit d'une famille à revenu très modeste où le fils,
invalide pour le reste de ses jours, doit faire comme le petit bonhomme qui
s'en va à l'école et qui demande $0.50 à son père
pour la cantine, et demande $1 pour avoir des cigarettes cela arrive
souvent cela peut créer des situations de friction qui sont plus
ou moins agréables dans les familles. Alors, s'il avait au moins une
allocation, dans les cas, évidemment, où les revenus sont
modestes cela, c'est une question d'appréciation il y
aurait moyen, peut-être, d'éviter des difficultés dans la
famille en accordant ce que le député de Richmond mentionnait
tantôt, une espèce d'allocation réduite, comme celle que
l'on accorde par exemple, pour les médicaments aux personnes qui
reçoivent une pension de la sécurité de la vieillesse.
M. HARVEY: II est obligé de demander un paquet de cigarettes.
M. LESAGE: Oui, c'est ça.
M. CLOUTIER: En pratique, je pense bien qu'il s'agit d'une
question...
M. LESAGE: II s'agit d'êtres humains et d'éviter, dans les
familles, les causes de friction. Pour l'invalide, c'est une vie impossible et
ça rend la vie des parents difficile. Ces invalides qui vivent chez
leurs parents ont bien assez d'être invalides et de se sentir à la
charge des leurs sans qu'on ajoute cet élément qui alourdit les
relations familiales.
M. HARVEY: Le député de Bourassa, dans son exemple, avait
tellement raison! Prenez un type qui gagne un salaire brut de $6,400 par
année; il essuie présentement un refus en raison de son salaire.
Ceci est un salaire brut. Quand on considère l'impôt provincial,
l'impôt fédéral, la régie des rentes, le fonds de
pension, ce type-là gagne à peu près $5,000 par
année et son fils de 27 ou 28 ans qui est invalide doit quémander
tous les jours, même pour s'acheter un paquet de cigarettes. Je
considère que ce n'est pas tellement une politique sociale. Je serais de
l'avis du député de Richmond qu'il y aurait moyen, pour certaines
nécessités, d'avoir une allocation réduite qui lui
permettrait une certaine indépendance relativement à des besoins
qui sont autres que le toit car il en a un, puisqu'il est chez lui. Souvent la
nourriture que ses parents lui donnent ne coûte pas tellement plus cher
quand on a une bouche de plus à nourrir. Une de plus ou une de moins!
C'est le principe de donner à cet être humain qui est invalide et
parfois le père de son copain invalide retire un peu moins, étant
en bas de la ligne de démarcation... Ce sont deux citoyens qui se
sentent injustement traités, l'un et l'autre, par le même
gouvernement. C'est dans ce sens-là que j'ai...
M. CLOUTIER: De toute façon, il est une personne seule, il peut
être requérant. Il peut demander une allocation. Disons qu'on
tiendra compte de toutes...
M. HARVEY: Moi, je l'accepte, si le ministre...
M. CLOUTIER: ... les situations de fait.
M. HARVEY: ... me répond que dès qu'il dépasse 18
ans, il est considéré comme une personne seule, même s'il
vit au foyer.
M. CLOUTIER: C'est ça.
M. HARVEY: A ce moment-là...
M. CLOUTIER: Oui, d'accord.
M. HARVEY: ... je l'accepte parce qu'il devient éligible.
M. CLOUTIER: Oui, on fera l'étude de ses besoins, de son
déficit et la même considération sera apportée
à son cas qu'à tous les autres qui sont soumis.
M. HARVEY: Je remercie le ministre de sa précision parce que
ça corrige cette lacune.
M. GOLDBLOOM: C'est ça.
UNE VOIX: Un instant.
M. LESAGE: M. le Président, je pense bien
que, dans sa substance, l'amendement améliore le texte, mais il
est loin d'améliorer la ponctuation.
M. CLOUTIER: La ponctuation?
M. LESAGE: Oui, clairement. On avait des virgules dans le texte original
et on fait la faute d'inscrire des points-virgules. Excusez-moi de m'attacher
à ce détail, mais cela ne se fait pas en français.
Remplacez les points-virgules dans votre amendement par des virgules parce
qu'autrement ce n'est pas français.
M. CLOUTIER: Oui, disons que dans la rédaction...
M. LESAGE: Le texte original était bien ponctué.
M. CLOUTIER: Oui.
M. LESAGE: Mais là, il est mal ponctué.
M. CLOUTIER: Nos légistes n'ont pas d'objection.
M. LESAGE: Mettez des virgules.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 1, adopté avec les
amendements. Article 2?
M. LESAGE: M. le Président, avant qu'il soit question
d'amendement, est-ce que nous pourrions régler une question tout de
suite? Il est question des règlements à l'article 2 pour la
première fois. Est-ce que nous pourrions nous entendre pour
étudier les règlements proposés lorsque nous
étudierons l'article 48?
M. CLOUTIER: Oui, oui, là où on parle...
M. LESAGE: Avec cette assurance de la part du ministre...
M. CLOUTIER: Oui, oui, au lieu de revenir à chacun des
articles...
M. LESAGE: ... nous attendrons... M. CLOUTIER: ... nous en
parlerons...
M. LESAGE: ... à l'article 48 pour étudier tous les
règlements d'un coup au lieu de le faire à chaque fois.
M. CLOUTIER: II est préférable de les étudier
à ce moment-là.
M. LESAGE: Nous voyons une autorisation d'adopter des règlements
dans des articles...
M. CLOUTIER: D'accord.
M. LESAGE: ... qui sont assez nombreux tout au long du projet de
loi.
UNE VOIX: D'accord.
M. CLOUTIER: M. le Président, dans la version anglaise, il y a
une modification à l'article 2. Au lieu du mot « may » c'est
« is authorized to ».
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 2 adopté avec
l'amendement.
Article 3?
M. GOLDBLOOM: M. le Président, est-ce que l'on peut demander de
quelle façon le déficit sera calculé?
En particulier, est-ce qu'il sera calculé sur le revenu de
l'année précédente ou est-ce qu'il y a un moyen
prévu pour faire un calcul plus immédiat, plus courant?
M. CLOUTIER: C'est au moment de la demande, les revenus sont
examinés à ce moment-là. Il peut y avoir une variation
très rapide entre les revenus de l'année précédente
et les revenus du moment où la demande est faite par le
requérant.
M. GOLDBLOOM: Oui.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Adopté?
M. GOLDBLOOM: Adopté.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 3adopté.
Article 4.
M. GOLDBLOOM: Adopté.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Adopté. Article 5.
M. GOLDBLOOM: Je pense, M. le Président, que nous reviendrons sur
les éléments de cet article quand nous discuterons les
règlements parce qu'il y a certaines distinctions à faire entre
besoins ordinaires et besoins spéciaux, qui sont faites peut-être
différemment dans l'esprit du ministre et dans l'esprit de certains
organismes qui ont présenté des mémoires. Je pense qu'il
serait utile de revenir là-dessus pour faire préciser, dans
l'esprit
du ministre, exactement ce que sont les besoins ordinaires. En termes
généraux, nous les connaissons mais il y a des nuances à
apporter, je pense. Revenons là-dessus quand nous aurons les
règlements devant nous.
M. CLOUTIER: Le député de D'Arcy-McGee ne se scandalisera
pas qu'il y ait des différences entre ce qu'ils ont voulu dire, dans les
mémoires, et ce que nous avons l'intention d'Inscrire dans les
règlements. D'ailleurs, c'est le sens des représentations qui ont
été faites par ceux qui sont venus devant la commission.
Mais enfin, nous pouvons réconcilier, aux endroits où le
député aura des remarques à faire, l'interprétation
que l'on doit donner au règlement, à ce moment-là nous le
ferons, à l'article 48.
M. GOLDBLOOM: Oui. M. CLOUTIER: D'accord. M. GOLDBLOOM; D'accord.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Alors article 5 adopté.
Article 6. Adopté aussi?
M. GOLDBLOOM: Oui.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette); Article 7.
M. CLOUTIER: Article 7, il y a un amendement, M. le Président.
Dans les deux dernières lignes du premier alinéa, pour remplacer
les mots « ou travaille pour son propre compte » par les mots
« travaille pour son propre compte ou fréquente une institution
d'enseignement ».
M. GOLDBLOOM: Est-ce que le ministre peut nous donner l'explication de
cet amendement? Celui qui fréquente une institution d'enseignement ne
reçoit pas souvent un revenu pour ce faire. Et pourtant il est, selon
l'article modifié, réputé ne pas être privé
de moyens de subsistance. Je pense que je comprends un peu la pensée
mais je voudrais que le ministre la précise.
M. CLOUTIER: Eh bien évidemment, il y a analogie entre celui qui
travaille à temps plein et celui qui fréquente une institution
d'enseignement. Ç'est un emploi à temps complet, si l'on veut,
excepté les interruptions pour les vacances. Mais celui qui
fréquente une institution d'enseignement profite d'aide du gouvernement
sous d'autres formes, soit sous forme de bourses d'étude ou
d'allocations de formation professionnelle ou enfin... Alors, je crois bien
qu'il est assimilé à celui qui détient un emploi à
temps régulier.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 7 adopté avec
l'amendement. Article 8.
M. GOLDBLOOM: Sur l'article 8, M. le Président, nous arrivons
pour la première fois à cette expression « conduire au
dénuement total ». Voici que l'on parle de l'aide sociale «
qui comble les besoins spéciaux d'une famille ou d'une personne seule
qui n'est pas privée de moyens de subsistance lorsque cette aide est
nécessaire pour éviter qu'elle n'en soit privée »
d'accord jusqu'à ce point là « ou qu'elle ne
se trouve dans une situation qui constitue un danger pour sa santé
» d'accord encore une fois « ou risque de la conduire
au dénuement total. »
N'y a-t-il pas, M. le Président, des situations qui ne sont pas
aussi graves que celles qui risqueraient de conduire une personne ou une
famille au dénuement total mais qui seraient quand même des
situations qui exigeraient une intervention du ministère?
Est-ce que l'on doit spécifier « dénuement total
»?
M. CLOUTIER: Non, voici. Ce n'est pas « et ». Il y a trois
cas mentionnés ici. C'est « ou » ! Le premier cas est le
moins grave. « Lorsque cette aide est nécessaire pour
éviter qu'elle n'en soit privée ou qu'elle ne se trouve dans une
situation qui constitue un danger pour sa santé » c'est
déjà plus grave que la première note et
troisièmement, encore plus grave » ou risque de la conduire au
dénuement total ». Donc, il y a une gradation. Mais l'un ne
renferme pas l'autre évidemment. Il y a trois possibilités donc,
qui comportent chacune leur caractère de gravité.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 8, adopté?
M. GOLDBLOOM: Adopté.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 9,il y a un
amendement?
M. CLOUTIER: A l'article 9, pour remplacer cet article par le suivant:
« Lorsque l'aide sociale accordée à une famille ou à
une person-
ne seule en vertu de l'article 8 n'est pas suffisante pour éviter
qu'elle soit privée de moyens de subsistance ou qu'elle se trouve dans
une situation qui constitue un danger pour sa santé ou risque de la
conduire au dénuement total, le ministre lui accorde l'aide sociale pour
combler ses besoins ordinaires et spéciaux et peut lui proposer un plan
de relèvement. A défaut par cette famille ou personne seule
d'accepter le plan qui lui est ainsi proposé, le ministre peut refuser
de lui accorder l'aide sociale ou réduire les bénéfices
qu'il lui aurait autrement accordés ».
M. GOLDBLOOM: Est-ce que le ministre peut nous dire qu'est-ce qui
constitue, pour lui, un plan de relèvement? Est-ce que c'est surtout une
aide budgétaire, une aide pour trouver le moyen d'honorer les
obligations financières ou est-ce que ce plan peut comprendre
également les services nécessaires, les services professionnels
de réadaptation?
M. CLOUTIER: Oui. Cela peut comprendre non seulement l'assistance
financière qui lui est accordée, en vertu de cet article, mais
aussi tout ce qui est connexe. Si le député se
réfère à l'article 48h), il aura l'explication
complète. L'article se lit comme suit: « Les modalités
suivant lesquelles sont établies les prescriptions que peut contenir
tout plan de relèvement proposé par le ministre à une
famille ou personne seule conformément à l'article 9, y compris
les prescriptions relatives à la consolidation des dettes de cette
famille ou personne seule et les mesures de formation et de réadaptation
auxquelles elles doivent se soumettre ». Il y a donc là un
ensemble de possibilités, de mesures ou de services qui sont
ajoutés à l'aide financière et qui vont à la
source, à la racine des problèmes de ce requérant.
M. GOLDBLOOM: Maintenant, deuxième question. Cet article
diffère un peu de celui qui le précède, parce qu'on parle
ici de l'aide sociale qui est accordée dans l'article
précédent ou plutôt dans l'article 7, on a parlé du
risque pardon, c'est l'article 8, je pense de tomber dans une
situation de dénuement total ou partiel. On parle de l'aide sociale qui
est déjà accordée et l'on dit que lorsque cette aide
sociale n'est pas suffisante pour éviter ces difficultés dont on
vient de parler à l'article précédent et que si cette aide
ne semble pas suffisante, là, on proposera il est loisible au
ministre de proposer à cette famille ou à cette personne
un plan de relèvement. Mais n'y a-t-il pas des situations où
l'aide sociale est suffisante pour combler les besoins, quand même un
plan de relèvement serait indiqué, surtout si l'on tient compte
des services de réadaptation dont nous venons de parler?
M. CLOUTIER: Je voudrais juste faire une remarque sur l'observation qu'a
faite le député. A l'article 9, on dit que lorsque l'aide sociale
est accordée à une famille ou personne seule en vertu de
l'article 8 et que ce n'est pas suffisant, mais c'est l'aide sociale qui est
accordée pour les besoins spéciaux.
Si ce n'est pas suffisant, en vertu de l'article 9, on lui accorde aussi
de l'aide sociale au titre des besoins ordinaires. Là, ça
s'accompagne spécifiquement d'un plan de relèvement social
complet, avec les services auxquels on a fait allusion, il y a un instant.
On le mentionne de façon spécifique, parce que, là,
il s'agit d'une personne qui n'est pas privée de ses moyens de
subsistance. On lui accorde des besoins spéciaux, mais aussi des besoins
ordinaires, même si elle est sur le marché du travail et si elle
n'a pas perdu ses moyens ordinaires de subsistance.
Donc, nous allons plus loin en exigeant un plan de relèvement.
Mais, dans les cas mentionnés par le député de
D'Arcy-McGee, il n'y a rien qui empêche le ministère par ses
agents de sécurité sociale, même pour une personne qui
reçoit de l'aide en vertu de l'article 6 c'est-à-dire une
personne qui est complètement privée de travail ou qui est inapte
au travail, qui est handicapée, qui reçoit des prestations au
titre des besoins ordinaires de lui proposer aussi un plan de
relèvement. Dans ce cas-là, c'est moins indiqué,
cependant. En effet, s'il s'agit d'une personne malade, quel est le plan de
relèvement? C'est de lui procurer des soins médicaux. S'il s'agit
d'une personne qui est privée d'emploi, il s'agit de lui trouver du
travail. Cela, c'est dans des cas bien spécifiques où l'on ajoute
aux besoins spéciaux des besoins ordinaires, même si la personne
travaille.
M. LESAGE: Si je comprends bien, les articles 8 et 9 couvrent le cas des
personnes qui ne sont pas complètement démunies, alors que les
articles 6 et 10, ensemble, couvrent le cas des personnes complètement
démunies.
M. CLOUTIER: C'est ça.
M. LESAGE: Si je comprends bien, c'est un peu une réponse
à certaines objections qui ont été faites.
M. CLOUTIER: C'est ça, c'est exact, oui.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Alors, article 9,
adopté?
M. GOLDBLOOM: Adopté.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 10?
M. GOLDBLOOM: M. le Président, le ministre a fait allusion
à certaines améliorations qu'il était pour nous
présenter en ce qui concerne la possibilité pour une famille ou
une personne de garder sur le montant gagné au travail, après le
retour sur le marché du travail, une plus forte proportion. Est-ce
qu'il...
M. CLOUTIER: Dans la réglementation projetée, nous avons
l'intention d'accorder un peu plus de latitude aux gens qui vont retirer des
revenus du travail. Ici, il s'agit du cas d'un récipiendaire
d'allocation qui retourne au travail.
Pendant une période de six mois, nous allons lui accorder une
partie des revenus de son travail, justement pour lui assurer une meilleure
intégration sur le marché du travail et une plus grande
sécurité.
Alors, pendant six mois, nous ne lui enlèverons pas tous les
revenus de son travail. Il y aura une diminution chaque mois, jusqu'à un
maximum de six mois. Quand nous passerons à l'article numéro 48,
l'article des règlements, nous pourrons considérer de
façon plus large les revenus admissibles pour le travail dans le cas de
tous les assistés sociaux.
M. GOLDBLOOM: Mais, le ministre, tel que nous l'avions
suggéré à la commission parlementaire, semble avoir
trouvé une façon de permettre aux revenus d'augmenter un peu plus
rapidement que les allocations sociales ne diminueraient pendant cette
période critique du retour au travail.
M. CLOUTIER: II s'agit de favoriser davantage l'incitation au travail et
de ne pas décourager celui qui...
M. GOLDBLOOM: Exactement.
M. CLOUTIER: ... trouve du travail ou qui cherche, par tous les moyens,
à réintégrer le marché du travail. Alors, il s'agit
de faciliter son intégration...
Quand nous passerons à l'article des règlements, nous
pourrons y revenir et je pourrai, peut-être, donner des exemples,
à ce moment-là.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Adopté. Article 11, il y a
amendement.
M. CLOUTIER: Il y a un amendement, M. le Président. A la
troisième ligne de l'article 11, il faudrait remplacer le mot «
subvenant » par les mots « en état de subvenir. »
M. LAFRANCE: Je crois que c'est une correction qui est plus juste parce
que je voyais là une certaine discrimination. Je ne vois pas pourquoi un
religieux qui deviendrait invalide à la suite d'un accident ou d'une
maladie à un âge relativement jeune et qui est un contribuable
comme les autres aujourd'hui, qui paie de l'impôt, ne serait pas
éligible à l'aide de l'Etat. Je crois que cet amendement que vous
apportez...
M. LESAGE: Non, non.
M. LAFRANCE: Non?
M. LESAGE; Non, non.
UNE VOIX: C'est le contraire.
M. LAFRANCE: En état de subvenir...
M. LESAGE: L'amendement proposé provient d'un excès de
prudence de la part du ministre, mais n'apporte aucun remède à
l'objection du député de Richmond.
M. CLOUTIER: Oui.
M. LESAGE: L'objection du député de Richmond demeure,
même avec l'amendement proposé. Si le député de
Richmond veut qu'un religieux invalide, même si la communauté
pourvoit à ses besoins, ait droit à une prestation, il faudrait
changer l'amendement.
M. LAFRANCE: J'insite moins si la communauté est en état
de subvenir. C'est un peu comme une famille.
M. LESAGE: Enfin...
M. LAFRANCE: J'Insiste un peu moins à ce moment-là,
quoique j'y voie une certaine discrimination.
M. LESAGE: C'est une prohibition absolue. M. LAFRANCE: Oui.
M. LESAGE: Le cas qui était soumis au ministre tout à
l'heure par le député de Jonquière,
en particulier, et le député de Bourassa, de l'invalide
dans une famille qui devient une charge au point où cela peut
détériorer les relations familiales, cet exemple pourrait
être donné pour des communautés. Et à combien plus
forte raison l'invalide, dans une communauté, quin'a aucune source de
revenu, le pauvre frère ou le pauvre père qui a peut-être
35 ou 40 ans et qui est devenu invalide pour le restant de ses jours! Il n'a
pas un cent de revenu personnel. Il est à la charge d'une
communauté qui est en état de subvenir à ses besoins, mais
qui ne lui versera pas d'argent pour les menues choses comme les cigarettes ou
le tabac dont il peut avoir besoin. Le ministre a dit que, dans le cas de
l'invalide dans une famille, on pourra tenir compte des circonstances. Mais
ici, on ne pourrait pas en tenir compte parce que c'est une prohibition absolue
qui est apportée par l'article 11.
M. LAFRANCE: Je pense que c'est la première fois qu'on voit une
disposition comme celle-là dans une loi.
M. CLOUTIER: Pardon?
M. LAFRANCE: Est-ce lapremiêre fois que l'on voit une disposition
comme celle-là à l'endroit des religieux dans une loi?
M. CLOUTIER: Mes collaborateurs m'informent qu'actuellement les
communautés religieuses, subviennent habituellement, aux besoins des
membres de leur communauté. Disons habituellement.
M. LESAGE: Oui.
M. CLOUTIER: II peut y avoir des cas extrêmes, évidemment,
où même la communauté qui est en état de subvenir
aux besoins de ses membres refuse une contribution pour le genre de
dépenses mentionnées par le chef de l'Opposition, les
dépenses personnelles. Disons les petites dépenses
personnelles.
M. LESAGE: J'ai choisi le tabac pour que le député de
Richmond ne s'insurge pas.
M. LAFRANCE: Je crois, comme le dit le ministre,
qu'habituellement...
M. CLOUTIER: II y a des membres de communautés qui connaissent le
tabac.
M. LAFRANCE: ... les communautés pourvoient aux besoins de leurs
membres. Je crois qu'il y a là, comme l'a fait remarquer le
député de Louis-Hébert, une prohibition qui est assez
radicale.
M. CLOUTIER: Disons qu'il serait de plus en plus incompréhensible
qu'une communauté ne verrait pas à aider tous les membres de sa
communauté, surtout dans ces menues allocations pour dépenses
personnelles.
De plus en plus, dans le domaine de l'enseignement, dans le domaine de
la santé et dans le domaine du bien-être le personnel des
communautés qui oeuvrent dans ces secteurs reçoivent presque la
parité de salaire avec les laïques. Bien, pas actuellement...
M. LAFRANCE: Ils ne paient pas d'Impôt?
M. CLOUTIER: ... il y a une allocation qui tient lieu, je crois...
DES VOIX: Ah oui, ils payent des impôts.
M. CLOUTIER: Le député de Saint-Jacques me dit que de ce
côté-là il y a actuellement des discussions qui se
poursuivent avec les communautés, au point de vue de l'impôt. Je
ne crois pas qu'actuellement il y ait des retenues faites sur les salaires dans
le domaine de la santé et dans le domaine du bien-être.
M. LESAGE: Pardon? Il est sûr que les enseignants religieux payent
de l'impôt sur le revenu.
M. HARVEY: Ils payent à la Régie des rentes, aussi.
M. COURNOYER: On semble ne pas s'entendre sur les exemptions. On ne les
considère pas nécessairement.
M. LESAGE: Je sais tout ça. Evidemment, il n'y a personne qui
s'entend sur les exemptions.
M. COURNOYER: Non, mais à savoir si un...
M. LESAGE: A savoir quel doit être le montant des exemptions, des
déductions, ça c'est le jeu normal de ceux qui préparent
des rapports d'impôt sur le revenu. Le député de
Saint-Jacques, s'il se tient près du ministre du Revenu, va l'apprendre
bientôt.
M. COURNOYER: Je l'ai appris avant aujourd'hui.
M. LESAGE: Bien oui, il l'a probablement appris à ses
dépens.
M. COURNOYER: Aux miens!
M. LESAGE: Bien oui, c'est ce que je viens de dire, à ses
dépens. Mais, sur ça, il y en a toujours des discussions, surtout
pour ce qui est des religieux, des religieuses enseignantes et autres dans le
domaine hospitalier, etc. Mais, d'un autre côté, il est sûr
qu'en principe et en fait ceux qui reçoivent des salaires payent de
l'impôt.
M. COURNOYER: Ah oui, ils payent de l'impôt.
M. CLOUTIER: M. le Président, j'aurai une conversation avec le
député de Saint-Jacques parce que la question des retenues
d'impôt, dans mon esprit, dans le secteur de la santé, de
l'éducation, c'est-à-dire je ne touche pas l'éducation,
mais santé et bien-être, dans mon esprit on ne retenait pas d'une
façon générale les impôts. Il y a encore un
décalage du point de vue des salaires qui tient compte de ce manque
à payer de l'impôt. Je sais qu'il y a des discussions
actuellement.
M. LESAGE: Le décalage au point de vue des salaires n'est pas
particulièrement à cause de l'impôt.
M. CLOUTIER: J'exclus l'enseignement, je parle de la santé et du
domaine du bien-être.
M. LESAGE: Même dans les hôpitaux, les religieuses qui sont
dans le « nursing » payent de l'impôt.
M. CLOUTIER: D'une façon générale. Bien, avec la
nouvelle convention, peut-être là...
M. LESAGE: Ce n'est pas une question de convention, c'est une question
de loi fédérale et de loi provinciale.
M. CLOUTIER: De toute façon, je sais que le problème se
discute au niveau des communautés...
M. LESAGE: II se discutera toujours. M. CLOUTIER: Oui.
M. LESAGE: Tant qu'il y aura des lois d'impôt et qu'il y aura des
communautés.
M. CLOUTIER: Mais là il se discute de façon plus intense.
En tout cas, pour revenir à l'observation du député de
Richmond, étant donné que de plus en plus on se dirige vers la
parité de salaire, je crois bien que les communautés religieuses
auraient bien mauvaise grâce de refuser à leur membre des
allocations ou des contributions nécessaires surtout pour ces petites
dépenses personnelles.
M. LAFRANCE: Je n'insiste pas, M. le Président, mais il me semble
qu'il y a une discrimination évidente.
M. CLOUTIER: Mais, de toute façon, si la communauté
n'était pas en état de subvenir aux besoins de ses membres, il y
a des communautés qui ont fait essentiellement le voeu de
pauvreté, et je pense bien que dans ces cas-là, il est
évident que la communauté qui vit de la charité du public,
on pourrait donner des noms de communautés...
M. LESAGE: La communauté du frère Jean, c'est comme
ça qu'on l'appelait?
M. CLOUTIER: Le frère Jean, l'apôtre de l'amour infini.
M. LESAGE: L'apôtre de l'amour infini. Jean de la
Trinité.
M. CLOUTIER: Le chef de l'Opposition a des conversations avec...
M. LESAGE: Est-ce qu'ils ont fait voeu de pauvreté, eux?
M. CLOUTIER: Non. Le chef de l'Opposition a des conversations avec le
député de Terrebonne; il pourra en parler.
M. LAFRANCE: Ce n'est pas à cette communauté-là que
je faisais allusion. Alors, moi je ne veux pas en faire une tempête,
mais, à mon humble avis il n'y a personne qui m'en a parlé
il m'a semblé qu'il y avait quelque chose d'un peu extravagant
dans cet article. Je n'insiste pas outre mesure. Je veux attirer l'attention du
ministre tout simplement.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Alors, adopté avec
l'amendement.
M. LESAGE: Comme dit le député de Matane, c'est une
atteinte à la religion. Dire que c'est nous qui avons été
accusés de décrocher les crucifix des écoles!
M. LE PRESIDENT: Article 12.
M. CLOUTIER: Article 12, il y a un amendement.
M. LESAGE: Vous n'aviez qu'à ne pas me...
M. CLOUTIER: Au sous-article 1, premièrement.
Il faudrait ajouter à la fin du paragraphe b), après le
mot « ministre », les mots « sauf dans la mesure prescrite
par les règlements ». Il faudrait insérer, après le
paragraphe e), le paragraphe suivant: « f) refuse ou néglige de
fournir les renseignements et documents requis pour l'étude de sa
demande. »
M. GOLDBLOOM: Est-ce que je peux demander au ministre si l'aide sociale
dont parle l'article 12 fait l'objet d'un accord entre le gouvernement du
Québec et celui du Canada?
M. CLOUTIER: Oui.
M. GOLDBLOOM: Dans ce cas-là, je suis obligé de demander
au ministre comment il établit la relation entre la phraséologie
de cet article 12 qui dit que « l'aide sociale peut être
refusée, discontinuée, suspendue ou réduite » dans
certains cas qui sont énumérés et la loi
fédérale du régime d'assistance publique qui dit que le
ministre fédéral peut conclure un accord avec toute province
selon certaines conditions, certaines stipulations à inclure dans les
accords. Et voici que je lis à l'article 15, paragraphe 3),
sous-paragraphe a): Stipuler qu'aucune personne ne doit être
privée d'assistance publique parce qu'elle refuse ou qu'elle a
refusé de participer à un projet d'adaptation au travail.
Il me semble que...
M. CLOUTIER: M. le Président, le député a raison,
il y avait une contradiction entre cet article et les stipulations actuelles du
régime canadien d'assistance publique. Nous avons fait des
représentations au gouvernement fédéral, et on nous assure
que les représentations du Québec sont acceptables, ce qui laisse
sous-entendre qu' il pourrait y avoir des modifications au régime
canadien d'assistance publique.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 13, adopté?
M. GOLDBLOOM: M. le Président, nous étions toujours
à l'article 12.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): D'accord.
M. GOLDBLOOM: Je voudrais poser une autre question au ministre au sujet
du paragraphe b), qui parle des mesures appropriées de formation ou de
réadaptation qui sont indiquées par le ministre. Est-ce que dans
cette phraséologie on comprend également la formation ou la
réadaptation qui peut être indiquée par le ministre pour
une personne autre que le chef de famille?
M. CLOUTIER: Est-ce que le député veut dire une personne
autre que le chef de famille qui retirerait des allocations à
l'intérieur de la famille?
M. GOLDBLOOM: Non, pas nécessairement, voici ce que je veux dire.
Je reviens au cas de l'arriéré mental ou de l'invalide pour qui
un programme de réadaptation ou de formation spéciale aurait pu
être proposé. L'Association québécoise pour les
arriérés mentaux souligne qu'il n'est pas dans
l'intérêt de ces personnes de rester à la maison à
ne rien faire s'il y a possibilité de leur offrir un tel programme.
Donc, cette association voudrait que la condition soit imposée,
c'est-à-dire que, s'il y a possibilité de faire quelque chose
pour l'arriéré mental et il en serait de même pour
l'invalide, celui qui souffre d'une invalidité physique l'on
impose la condition dans le même sens que le ministre l'impose ici dans
le règlement. Donc, je veux savoir simplement si c'est compris dans la
phraséologie que nous lisons.
M. CLOUTIER: Non, la contrainte est pour celui qui retire la prestation
et non pas tous ses dépendants; je prends exemple du fils de 16 ou 17
ans...
M. HARVEY: Cela n'affecte pas le dépendant.
M. CLOUTIER: Non. Le travailleur social ou l'agent de
sécurité sociale peut évidemment suggérer et
fortement recommander au chef de famille de faire en sorte que son enfant
profite d'un programme de formation professionnelle, s'il a déjà
abandonné l'école.
Mais il ne peut pas se servir de cet article-là comme contrainte
parce qu'il s'applique au récipiendaire de cette allocation.
M. GOLDBLOOM: Donc, l'incitation sera faite, mais si cette incitation
n'est pas acceptée, ce ne sera pas une raison pour le refus de l'aide
sociale à cette famille.
M. CLOUTIER: C'est exact. M. GOLDBLOOM: Parfait.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Alors, l'article 12,
adopté.
L'article 13? Article 13, adopté.
M. HARVEY: Vous ne faites pas payer l'Intérêt sur l'argent
prêté?
M. CLOUTIER: Non.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Adopté. Article 14?
M. GOLDBLOOM: Le ministre n'a pas d'autres commentaires à faire
sur la question que je lui ai posée au début?
M. CLOUTIER: Est-ce que le député voudrait... Je ne me
souviens pas exactement.
M. GOLDBLOOM: Sur la question de l'absence temporaire, sur la
séparation temporaire.
M. CLOUTIER: La séparation de fait ou la séparation
juridique? Est-ce que le député me demandait si on comptabilisait
les revenus, justement, de la personne qui fait une demande?
M. GOLDBLOOM: Si j'interprète bien l'intention du gouvernement,
si la séparation est définie comme étant temporaire, on
tiendra compte du revenu du conjoint qui n'est pas à la maison dans le
calcul des besoins, donc des allocations de la famille.
Mais si l'on définit la séparation comme étant une
séparation de fait, même s'il n'y a pas de statut juridique
à cette séparation, alors à ce moment-là on
permettra au conjoint qui demeure à la maison avec les enfants, par
exemple, de ne plus être obligé de tenir compte de ce que l'autre
gagne et pourrait, en théorie, contribuer mais ne contribue pas. Alors,
est-ce qu'il y a une ligne de conduite qui est tracée aux agents de
bien-être social? Est-ce qu'il y a une définition qui peut
être donnée pour faire la distinction?
M. CLOUTIER: Les légistes, M. le Président, nous disent
que c'est toujours l'article 26 qui s'applique. Même s'il y a
séparation de fait, il y a toujours recours possible dans le même
cas où il y a séparation légale, séparation
juridique.
M. GOLDBLOOM: Or, cela veut dire qu'en principe, quand le
ministère constate une séparation de fait, il accorde les
prestations qui sont indiquées, quitte à trouver le mari
disparu...
M. CLOUTIER: A ce moment-là, si le ministère retardait sa
décision d'aider jusqu'à ce qu'il ait éclairci la
situation de cette famille, il pourrait se produire un état de
dépendance chez cette famille qui a besoin d'être assistée.
Le mal pourrait être plus considérable s'il y a délai et
s'il y a retard à intervenir. Alors, il y a intervention de la part du
ministère. Il n'y a pas comptabilisation des revenus de l'autre
conjoint. S'il y a lieu d'exercer des recours, il y a toujours
possibilité, par la suite, de les exercer.
M. GOLDBLOOM: D'accord.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Adopté?
M. GOLDBLOOM: Adopté.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 15?
M. GOLDBLOOM: L'article 15, adopté. Nous comprenons que c'est une
modification de la politique qui a existé jusqu'à maintenant,
c'est-à-dire que la définition donnée par l'article 15 est
la même qui paraît à l'article 1, évidemment. On ne
dit pas: celui qui reste au foyer ne peut recevoir d'aide sociale à
titre individuel, mais: celui qui, selon la définition est membre d'une
famille. Ce n'est pas du tout la même chose.
M. CLOUTIER: C'est là où je pourrais dire au
député de Jonquière que cela favorise la cohésion
de la famille.
M. HARVEY: Parfait.
M. CLOUTIER: C'est un des aspects...
M. GOLDBLOOM: Parfait.
M. LE PRESIDENT: Alors, l'article 15 adopté.
L'article 16?
M. GOLDBLOOM: Adopté.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Adopté. M. HARVEY:
Adopté.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 17.
M. LAFRANCE: A l'article 17, M. le Président, il semble y avoir
une certaine tendance, en certaines régions, à
généraliser ces cas. J'ai l'impression que c'est de nature
à développer un peu un certain paternalisme.
Je connais, par exemple, dans une petite localité de mon
comté, au moins une quinzaine de familles qui sont assujetties à
une espèce d'organisme fiduciaire comme cela. Elles ne disposent pas
d'un cent, et ce sont des gens qui seraient certainement capables d'administrer
une partie de leur pension. Je me demande s'il n'y a pas une tendance, à
l'heure actuelle, à trop généraliser ces cas qui sont
certainement de nature à développer cette dépendance, ce
paternalisme d'Etat.
M. CLOUTIER: Non. M. le Président, il y a moins de cas
actuellement. Cela va en diminuant, les cas qui sont confiés à
une tierce personne pour l'administration de l'allocation.
D'autre part, je dois signaler ici qu'il se fait beaucoup
d'éducation du point de vue de l'administration du budget familial soit
par les associations de coopératives d'économie familiale, les
ACEF, que nous subventionnons soit par les mouvements syndicaux, soit par les
caisses populaires ou d'autres groupements qui s'occupent d'éducation
dans ce domaine. Je pense que, dans plusieurs cas, c'est la réponse aux
besoins d'une famille. La réponse, c'est une meilleure administration du
budget familial. Et une fois que l'étude du problème ou de la
demande du requérant est faite, on constate, dans certains cas,
après une période d'administration par une tierce personne, que
c'était là le problème et qu'avec une meilleure
administration, il est possible de réhabiliter cette famille pour
qu'après cela elle puisse, sans retirer d'aide sociale, répondre
à ses besoins.
M. LAFRANCE: Mais, si le ministre me dit que ces cas diminuent, cela me
rassure. J'avais eu l'impression contraire.
M. CLOUTIER: Très bien.
M. HARVEY: Est-ce que le ministre est au courant qu'on connaît le
nom de personnes qui sont censées agir comme administrateurs d'un
assisté et que ces personnes ne sont nulles autres que l'épicier
qui leur fournit le strict nécessaire en nourriture pour vivre pendant
un mois? A plusieurs reprises, j'ai constaté que l'administrateur qui
avait été nommé était justement l'épicier
qui avait dit: Ecoutez, madame ou monsieur, si vous voulez avoir des
denrées alimentaires chez moi, faites-moi envoyer votre chèque.
Alors, s'ils achètent pour $70, $75 ou $80 dans le mois et que le
chèque est de $120, il leur remet la différence.
A ce moment-là, le principe d'un administrateur pour une
personne, ou un foyer qui est censé être incapable de bien
équilibrer son affaire en fonction d'une allocation qui lui est
versée selon ses besoins se trouve faussé. Et ce ne sont pas des
cas d'exception, je vous l'assure! Mais si, comme vous l'avez dit tout à
l'heure au député de Richmond, le nombre d'administrateurs pour
les assistés sociaux, en raison de l'éducation qui est faite par
divers organismes, a tendance à diminuer, il est fort possible, avec les
bureaux régionaux et des agents de bien-être qui auront un nombre
restreint d'assistés sociaux à suivre dans les dossiers chaque
jour, que cela diminuera davantage.
M. CLOUTIER: Oui, le personnel sera plus nombreux dans les bureaux
locaux. Nous aurons aussi des agents, spécialisés dans
l'administration et dans cette section de la réhabilitation des
assistés sociaux, qui pourront eux-mêmes voir à la bonne
administration de l'allocation et de la prestation de l'assisté social,
quand ce sera indiqué. Auparavant, avec le manque de personnel, une
certaine tradition s'était établie avec les années.
D'autres mouvements privés, comme la Saint-Vincent-de-Paul, faisaient
administrer leurs allocations par l'épicier ou par le marchand
général. Evidemment, le député a raison de dire
que, dans certains cas, cela ne donne pas tout le rendement que cela devrait
donner comme administration. A ce moment-là, l'administrateur ne fait
que fournir de la marchandise. Ici, on conçoit l'administration comme
une mesure de réhabilitation et d'éducation.
M. HARVEY; Le ministre me permettra également. Moi, je connais
quelques personnes qui sont administrateurs pour quinze ou vingt
assistés sociaux. Le ministre étant lui-même comptable, il
admettra qu'il est très difficile pour un type, qu'il soit membre d'une
société Saint-Vincent-de-Paul ou d'un organisme de bienfaisance,
de tenir une comptabilité à point et, même s'il le fait, de
faire comprendre réellement à l'assisté social qu'il n'est
pas un peu spolié. A ce moment-là, cela augmente l'insatisfaction
de celui qui reçoit de l'aide de l'Etat, aide qui provient de l'argent
des contribuables. Mais, si cela a tendance à diminuer...
M. CLOUTIER: De plus en plus, le personnel spécialisé de
nos bureaux fournira ces services aux assistés sociaux.
M. HARVEY: Vos officiers conseilleront à ces travailleurs sociaux
d'accentuer leur travail d'éducation pour que les assistés en
vien-
nent à administrer eux-mêmes leurs propres chèques
d'allocations.
M. CLOUTIER: Oui, et pour qu'Us utilisent aussi tous les services
polyvalents fournis par les agences et par les groupes qui s'occupent de
l'éducation.
M. HARVEY: D'accord.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Adopté. Article 17?
M. GOLDBLOOM: Adopté.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 18?
M. GOLDBLOOM: Adopté.
M. LAFRANCE: Article 18, à titre d'information, quelles sont
déjà les conditions d'éligibilité pour un
immigrant, un Néo-Québécois?
M. CLOUTIER: Pour les immigrants, c'est encore le fédéral
qui s'en occupe, pour la première année, un an et un jour.
M. LAFRANCE: Après un an, ils sont éligibles...
M. CLOUTIER: Ils sont éligibles pour les prestations de la
province.
M. LAFRANCE: Très bien. Je me demandais si c'était
modifié.
M. HARVEY: Alors, il n'y a eu aucune modification?
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 19?
M. GOLDBLOOM: Adopté.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 20?
M. GOLDBLOOM: A l'article 20, deux choses. « La forme la mieux
appropriée » de l'aide sociale comprend-elle, encore une fois, les
services, le plan de relèvement ou de réadaptation? Tout cela
peut-il être compris dans cette définition de « la forme la
mieux appropriée »?
M. CLOUTIER: C'est ça.
M. GOLDBLOOM: Deuxième question.
Il est dit que le ministre doit, dans le plus bref délai
possible, procéder à l'étude du cas de chaque
requérant. Qu'arrive-t-il lorsqu'en fin de semaine un problème se
pose où l'on a un besoin immédiat de dépannage sans qu'on
puisse faire une étude? Je n'ai pas trouvé, dans la loi, de
solution exprimée de façon explicite.
M. CLOUTIER: Le ministère a des allocations d'urgence qu'il peut
utiliser...
M. GOLDBLOOM: Oui.
M. CLOUTIER: ... dans les cas mentionnés par le
député de D'Arcy-McGee, par exemple, en fin de semaine. Il peut
aussi utiliser les services de la Saint-Vincent-de-Paul ou des autres groupes
qui ont l'habitude de ne pas refuser leur aide.
M. GOLDBLOOM: Je comprends cela, M. le Président, mais nous avons
devant nous la loi-cadre de l'aide sociale et je ne trouve pas,
là-dedans, une allusion à ces services de dépannage
d'urgence. Ne devrait-on pas trouver, dans la loi, une allusion très
explicite?
M. CLOUTIER: L'allocation d'urgence est permise par les
règlements; ce n'est pas mentionné dans la législation.
Ces allocations d'urgence existent actuellement et c'est versé dans des
cas d'urgence. Alors, la réglementation nouvelle n'enlèvera pas
la possibilité du recours à des allocations d'urgence par le
bureau local, dans les cas auxquels pense le député.
M. GOLDBLOOM: Cela n'obligera pas le ministère à
procéder à une étude quelconque avant d'accorder une telle
aide d'urgence? C'est mon inquiétude au sujet de cet article.
M. CLOUTIER: Le député voudrait-il
répéter?
M. GOLDBLOOM: Cet article nous dit que le ministre doit procéder
à une étude. Mais, dans les cas d'urgence, on accorde de l'aide
sans procéder à une étude. Alors, c'est...
M. CLOUTIER: L'étude ne vient pas du ministère. L'urgence
se produit, disons, dans une région éloignée, en
Gaspésie, en fin de semaine. Il y a possibilité d'utiliser une
allocation d'urgence, et c'est le bureau local qui est habilité à
en décider, après une étude sommaire du cas. Il y a aussi,
dans toute cette région économique de la Gaspésie, un
bureau régional. Au cas où
le bureau local aurait besoin de références ou de
renseignements additionnels, il y a un deuxième palier qui est le bureau
régional qui est encore plus rapproché. Dans les jours qui
suivent, une communication peut s'établir entre le siège social,
le ministère et la région.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 20, adopté.?
M. GOLDBLOOM: Adopté.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 21?
M. GOLDBLOOM: En ayant discuté assez longuement avec mon
collègue, le député de Richmond, je comprends la
nécessité de cet article 21.
Qu'arrlve-t-il dans le cas où l'endettement de l'assisté
social dépasse les montants qu'il aurait le droit de recevoir selon la
loi? Y a-t-il des moyens... Evidemment, je comprends que le ministère ne
peut pas assumer toutes les obligations de tous ceux qui tombent en panne
économique, mais il y a des cas où l'endettement
dépasserait les montants auxquels l'assisté social aurait droit.
Dans le plan de relèvement y a-t-il moyen de tenir compte de ces
choses-là, ou le ministre croit-il que c'est justifié,
après étude?
M. CLOUTIER: Justement le député mentionne là un
cas où ce sera complexe et difficile. Je pense bien que chaque cas devra
faire l'objet d'une étude attentive. Le député comprendra
que si l'on ouvre la porte dans un secteur comme celui-là, de
l'endettement, on sait en pratique comment cela va se passer. Il y a des gens
qui procéderont à des achats de mobilier et d'automobile et qui
vont emprunter « sur la finance », comme on dit couramment, et qui
vont mettre le ministère en face d'obligations qu'ils ont
assumées mais auxquelles ils ne peuvent faire face.
Je crois bien que nous devons être prudents et c'est pour cela que
l'article est rédigé de cette façon. Je prends un cas
particulier. Je crois bien que dans la réglementation, on traitera
différemment le cas d'une personne qui a une automobile qui lui est
absolument nécessaire pour son travail. Disons le camionneur qui gagne
sa vie avec un camion ou l'assisté social qui a besoin de son automobile
ou d'un outil qu'il aurait acheté, je prends le cas du bûcheron
avec une scie mécanique. Je pense bien qu'on devra traiter
différemment chacun des cas dans l'optique du plan de relèvement.
Il n'est pas question d'ouvrir la porte et de payer les dettes
contractées par n'importe qui et dans n'Importe quelle condition.
M. GOLDBLOOM: Nous avons parfaitement compris cela. Il est quand
même vrai que, dans certains cas, des cas bona fide, cet endettement peut
empêcher la réadaptation ou le relèvement de cette
famille.
M. LESAGE : II y a beaucoup plus de personnes endettées au
Québec et au Canada qu'il n'y a d'assistés sociaux,
d'après les chiffres astronomiques qui nous sont...
M. GOSSELIN: D'ailleurs, c'était... M. LESAGE: Pardon?
M. GOSSELIN: Cela a été un slogan du Parti
libéral...
M. LESAGE: M. le Président, si le député de Compton
veut faire son fin, on peut le faire à deux. S'il veut recommencer
il s'est ennuyée on peut recommencer, et pas plus tard que
tout de suite.
Je vais lui montrer comment on doit compter dans le domaine de la
finance. Lui, il n'a jamais compris ça, et il ne comprendra jamais. Tout
le monde le réalise.
M. GOSSELIN: Je n'ai jamais eu besoin de la Fédération
libérale...
M. LESAGE: Tout le monde le réalise. C'est pour ça que le
ministère des Terres et Forêts est si mal administré.
M. CLOUTIER: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Article 21. A l'ordre!
M. CLOUTIER: ... c'est peut-être de ma faute si...
M. LESAGE: Demain. Il est onze heures, M. le Président.
M. CLOUTIER: M. le Président...
M. LESAGE: Vous enverrez fumer le député de Compton,
demain.
M. CLOUTIER: ... c'est peut-être ma faute s'il y a eu cette
digression, j'ai parlé du bûcheron avec la scie
mécanique.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): L'article 21 est
adopté?
M. LESAGE: Oui.
M. GOLDBLOOM: Oui.
UNE VOIX: Article 21, adopté. Il est onze heures.
M. LE PRESIDENT: Article 22.
M. LESAGE: Il est onze heures, j'ai des questions à poser.
M. FRECHETTE (président du comité plénier): M. le
Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité n'a pas
fini de délibérer et qu'il demande la permission de siéger
à nouveau.
M. LEBEL (président): Quand siégera-t-il? Prochaine
séance.
M. PAUL: M. le Président, demain nous pourrons reprendre
l'étude en comité du projet de loi 26, Loi de l'aide sociale, et
peut-être la troisième lecture. Ensuite, la deuxième
lecture et l'étude en comité du bill no 10 puis la Loi modifiant
de nouveau la Loi des tribunaux judiciaires.
M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à
demain après-midi, trois heures.
M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain après-midi,
trois heures.
(Fin de la séance: 22 h 58)