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(Dix heures trente-sept minutes)
M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Présentation de pétitions. Lecture et réception de
pétitions. Présentation de rapports de comités
élus. Présentation de motions non annoncées.
Présentation de bills privés. Présentation de bills
publics.
Membres des comités
M. BELLEMARE: M. le Président, je m'excuse. Auriez-vous
l'obligeance d'accepter qu'on revienne à l'article de la
présentation de motions non annoncées? Hier soir, il a
été entendu que, pour remplacer les membres de certains
comités, le chef du parti ou son représentant donnait un avis
à la présidence.
M. LESAGE: Oui.
M. BELLEMARE: Supposons qu'il n'y est pas. Ne pourrait-on pas dans ce
cas, donner une copie au secrétaire des comités, en bas? Il
prévoit les séances et peut en aviser les membres du
comité.
M. LESAGE: D'accord.
M. BELLEMARE: D'accord.
M. LESAGE: Non n'avons pas besoin de 48 heures non plus; 24 heures, ce
serait assez.
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, si le chef de l'Opposition
n'avait pas d'objection, on pourrait ajouter à notre motion d'hier que
copie doit être remise au secrétaire des comités.
M. LE PRESIDENT: Cette motion d'amendement sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. HYDE: Je dois comprendre que même s'il n'y a pas d'avis
donné, le comité pourrait, la journée même... Si le
ministre des Transports, par exemple, devait siéger à un
comité et qu'à la dernière minute il lui était
impossible de se rendre où le comité siégera, il va de soi
que le comité comme on le fait en Chambre d'habitude
aurait le droit de le remplacer, de consentement unanime.
M. BELLEMARE: Cela peut être une question de stratégie
aussi, mais je ne le pense pas.
Nous ferons un essai loyal de cette nouvelle formule, pendant six, sept
ou huit semaines. Nous verrons, à la reprise de la session, s'il y a
lieu, à la modifier pour la rendre plus conforme aux impératifs
que nous aura donnés l'expérience que nous allons vivre.
M. HYDE: Nous pourrions le faire à l'avenir. La seule raison pour
laquelle je fais cette remarque, c'est qu'on complique l'affaire au lieu de la
simplifier. Il me semble que cela va assez bien en Chambre et qu'on devrait
accorder le même pouvoir au comité.
M. LE PRESIDENT:
Présentation de bills privés. Présentation de bills
publics. Affaires du jour.
M. BELLEMARE: M. le Président, ce sont des réponses
complémentaires, ce matin...
Questions et réponses
Régionale de Lignery
M. LESAGE: M. le Président, avant que nous passions aux
réponses complémentaires. Lundi, à la suite de questions
que j'avais posées jeudi, vendredi et samedi, le ministre d'Etat
à l'Education a fait une déclaration concernant la situation qui
prévaut à la commission scolaire régionale de Lignery,
Laprairie, et particulièrement en ce qui touche l'école
Romain-Robidoux. Or, d'après au moins un journal que j'ai lu ce matin,
il semble bien que l'école soit toujours fermée. Les enseignants
accusent la commission scolaire d'avoir procédé à ce qu'on
appelle un « lock-out ». Les élèves, qui ont
déjà perdu beaucoup de classe au début de l'année,
car l'année scolaire a commencé avec un mois de retard, se voient
privés de classe...
M. GRENIER: M. Lajoie, qui est revenu.
M. GERIN-LAJOIE: J'ai signalé tout simplement...
M. LESAGE: La joie règne aussi. Alors, M. le Président,
à la fin de son exposé, lundi, le ministre d'Etat à
l'Education avait déclaré que si une entente n'intervenait pas,
il devait y avoir une réunion des commissaires avec les enseignants ou
de la direction des écoles avec les enseignants. Il avait dit ceci, et
je cite, à la page 4927, du journal des Débats: « Si une
entente n'inter-
vient pas, le ministère de l'Education déléguera
quelqu'un sur les lieux. » Je voudrais savoir, ce matin, si quelque chose
se fait, si nous pouvons espérer que les étudiants pourront
rentrer en classe incessamment, ce que le ministère de l'Education a
fait. C'est une situation d'urgence, je crois.
M. CARDINAL: M. le Président, il est exact, d'après les
renseignements que je possède, que l'école soit fermée
présentement. C'est pourquoi j'ai demandé hier que l'on agisse
comme on l'a fait dans le cas d'une autre commission scolaire. J'ai
demandé que le sous-ministre en titre, c'est-à-dire mademoiselle
Baron, qui est responsable de l'élémentaire et du secondaire,
envoie dès aujourd'hui sur place quelqu'un du ministère, pour
tenter de créer un comité qui réunirait les
intéressés, c'est-à-dire les enseignants, la direction de
l'école et les représentants du ministère en vue d'en
arriver à une solution. Ce procédé a toujours
été utilisé...
M. LESAGE: II faudrait bien que les commissaires soient là aussi,
parce que ce sont eux qui ont pris les décisions.
M. CARDINAL: Oui, quand je parle de la direction de l'école, je
comprends administrateurs et directeurs.
M. LESAGE: C'est-à-dire commissaires et direction.
M. CARDINAL: Exactement. C'est-à-dire tous les groupes
intéressés qui se réunissent à une table de
façon à en arriver à une entente, comme le cas s'est
produit à la régionale de Chambly.
Il y a un fait nouveau aujourd'hui. L'honorable chef de l'Opposition
sait qu'hier la responsable dont je viens de parler était occupée
au comité plénier ici, puisque nous avons siégé
toute la journée sur le bill 56. D'ailleurs, nous n'avions pas, à
ce moment-là, de nouvelle récente de la commission scolaire. J'en
ai obtenu ce matin, à la suite de l'article que j'ai moi-même lu
dans un journal. J'ai demandé qu'on envoie, dès aujourd'hui et
sans délai, un représentant du ministère sur place, de
façon à créer cet organisme et à en arriver le plus
rapidement possible à une solution, pour le bien des étudiants de
cette commission scolaire.
M. LESAGE: Je regrette que ce soit la dernière journée de
la session, parce que nous ne pourrons pas continuer à pousser dans le
dos du gouvernement. Or, c'est souvent le seul moyen de le faire fonctionner.
Le ministre d'Etat à l'Education avait dit qu'il
déléguerait quelqu'un. Or, il n'y a personne de rendu,
d'après ce que nous dit le ministre de l'Education.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.
Question de privilège
M. LAFRANCE: Je me lève sur une question de privilège. Un
collègue vient justement d'attirer mon attention sur une accusation que
porte contre moi un pseudo-journaliste, en disant que, si je ne fais pas usage
de boissons, c'est parce que je souffre du foie.
Je veux tout simplement faire une correction pour dire que ce n'est pas
du foie, mais du coeur que je souffre devant la malhonnêteté de
certains pseudo-journalistes.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas un article; c'est seulement une caricature.
Le député ne devrait pas se choquer.
M. LAFRANCE: Je ne me choque pas. Je ne suis pas choqué.
M. BELLEMARE: Nous sommes tous exposés à être
caricaturés.
M. LAFRANCE: Je suis content de dire ce que j'ai sur le coeur.
Négociations à
l'éducation
M. LESAGE : En l'absence du ministre d'Etat à la Fonction
publique, pourrais-je demander au ministre de l'Education, et vice-premier
ministre, quelle est la situation, ce matin, en ce qui touche les
négociations entre le ministère et les commissions scolaires,
d'une part, et la CEQ, d'autre part?
Quelle est la situation ce matin?
M. CARDINAL: M. le Président, je ne puis répondre à
l'honorable chef de l'Opposition. Je puis prendre avis de cette question. Je
comprends que c'est peut-être le dernier jour de la session, mais je sais
que l'honorable ministre d'Etat à la Fonction publique doit être
de retour d'un moment à l'autre. Je ne sais pas si cette question
pourrait lui être posée à un autre moment, mais je n'ai pas
de rapport récent sur la situation. Je ne connais pas de
développement nouveau dans ce domaine.
M. BELLEMARE: M. le Président, le ministre d'Etat à la
Fonction publique, l'honorable député de Montcalm, est bien au
courant de la situation. Il en a suivi toutes les péripéties,
toutes les données de jour en jour. Il a été tenu au
courant des différentes rencontres qui ont eu lieu, surtout des derniers
développements. Je pense que si la Chambre l'autorisait, dès le
retour de l'honorable député de Montcalm en cette Chambre, nous
pourrions peut-être l'entendre, à la demande de l'honorable chef
de l'Opposition. Je pense que ce serait bien plus simple, car il y a un
responsable de toute la fonction publique, et il a été
décidé par le conseil des ministres que ce serait l'honorable
député de Montcalm...
M. LESAGE: Oui, je suis bien d'accord. Je ne pouvais pas deviner s'il
était absent pour la journée...
M. BELLEMARE: Non, non, non.
M. LESAGE: ... ou seulement quelque temps.
M. BELLEMARE: II va être ici.
M. LESAGE: S'il doit être ici, je serais heureux que le leader du
gouvernement en Chambre accepte...
M. BELLEMARE: Certainement.
M. LESAGE: ... que nous revenions à la période des
questions pour permettre au député de Montcalm de répondre
a la question que j'ai posée.
M. BELLEMARE: D'accord.
M. LESAGE: Et aussi pour permettre toute autre question additionnelle
qui pourrait être posée sur le même sujet, à la suite
de la déclaration du ministre. Nous ne presserons pas le ministre de
répondre dès son entrée en Chambre...
M. BELLEMARE: Non, non.
M. LESAGE: ... parce que je pense qu'il serait important, en ce dernier
jour de la session, que nous sachions exactement où en sont les
choses...
M. BELLEMARE: D'accord, très bien.
M. LESAGE: ... en ce qui concerne les menaces de grève, parce
qu'il y a des menaces de grève pour le début de
l'année.
Réponses complémentaires
M. BELLEMARE: Voici maintenant, les réponses
complémentaires qui nous ont été demandées par
l'honorable député de Louis-Hébert, en vertu de l'article
114. Il y en a une qui apparaît au journal des Débats, le 26
novembre 1968, et qui se lit comme ceci: On comprendra que je lise rapidement
parce que je dicte beaucoup plus pour le journal des Débats afin que les
leaders du gouvernement puissent y retracer mon intervention. Il y a lieu de se
demander si ce chiffre est exact lorsqu'on examine d'autres réponses
fournies. Voici quelques exemples seulement.
Premièrement, le 23 octobre 1968, soit le même jour,
réponse de M. Russell, déclarant que, pour l'édifice
Joffre seulement, le gouvernement a acheté pour $140,927.11 de tapis,
document déposé 209.
Toujours à la même date, le 23 octobre 1968, réponse
de M. Russell, déclarant que pour l'aménagement des bureaux ou
suites des bureaux de tous les membres du Conseil exécutif, a
Québec et ailleurs, le gouvernement a payé $19,224 pour l'achat
des tapis du 16 juin 1966 au 29 mars 1968. C'est le document 206.
Et enfin le 12 août 1967, il y avait une réponse de M.
Lafontaine, déclarant que le gouvernement avait négocié un
contrat de $24,712.36 avec la compagnie Emilien Rochette et Fils
limitée, relativement aux bureaux du cabinet du premier ministre. C'est
la page 841 des journaux pour la session 1966-1967.
Il y a deux ou trois réponses qui semblaient contradictoires et
incomplètes.
Après vérification et étude très
sérieuse de tous les documents que j'ai ici en main, il n'y a aucune
correction à apporter et les chiffres correspondent exactement aux
réponses données.
La première question concernait les bureaux de l'édifice
Joffre; c'était un montant de $ 140,000. L'autre concernait les bureaux
des ministres, depuis le 16 juin; c'était $19,000. En ce qui concernait
les bureaux du cabinet du premier ministre, c'était bien $24,000. J'ai
ici toutes les pièces qui peuvent prouver qu'après compilation de
tout ce qui est apparu au Service des achats et tout ce qu'on a retrouvé
dans les documents qui ont été déposés, les
documents 206 et 209, déposés à cette session, sont
conformes et véridiques.
M. LESAGE: Un instant, M. le Président, sur ce point, si mon
souvenir est bon, à une question générale, à savoir
combien le gouvernement et tous ses ministères et commissions avaient
acheté de tapis depuis le mois de juin
1966, on a répondu en donnant un chiffre. Or, ce chiffre est
inférieur à l'addition des coûts des achats de tapis que le
gouvernement a reconnu avoir faits, dans des réponses à des
questions précises.
M. BELLEMARE: Je ferai remarquer, avant que l'honorable chef de
l'Opposition aille trop loin, que le chiffre total qui nous avait
été demandé, c'était pour l'aménagement:
tentures, tapis et toute autre décoration intérieure.
M. LESAGE: Ameublement, tentures et toute autre décoration
Intérieure.
M. BELLEMARE: Tout ça ensemble faisait un chiffre. Nous avons
refait en détail tout ce qui regardait la question de l'honorable
député qui nous avait demandé la vérification de ce
qui concernait l'édifice Joffre, déclarant que, pour cet
édifice, le gouvernement avait acheté pour $140,000 de tapis.
M. LESAGE: Oui.
M. BELLEMARE: C'est exactement la réponse qu'on a
donnée.
M. LESAGE: Oui, mais je pense que le ministre va comprendre la plainte
que j'ai faite. Le 23 octobre 1968, on déclare que, depuis le 16 juin
1966, le gouvernement a acheté, pour ses offices, régies et
commissions, pour $76,505 de tapis; ça c'est pour le tout.
M. BELLEMARE: Non.
M. LESAGE: Or, seulement pour l'édifice Joffre, on répond,
le même jour, qu'il y a eu pour $140,000 d'achats de tapis. C'est
là que je perds mon latin. Si on a acheté en tout pour $76,000,
comment peut-on concilier cela avec une réponse disant que, pour
l'édifice Joffre seulement, on en a acheté pour $140,000?
M. BELLEMARE: M. le Président, nous avons fourni tous les
documents que nous avions concernant les achats qui ont été faits
pour le bureau du premier ministre; pour les bureaux des membres de
l'Exécutif et aussi pour l'édifice Joffre.
Le chef de l'Opposition nous a demandé si ces chiffres
correspondaient bien à l'autre réponse qui avait
été faite par le premier ministre aux procès-verbaux et
qui établissait le coût total des achats à $76,000, C'est
pourquoi, ce matin, nous disons que les montants qui apparaissent dans nos
réponses sont.,,.
M. LESAGE: C'est impossible. On nous répond que le gouvernement,
pour tous ses services, offices, régies, commissions, a acheté
pour $76,000 de tapis. Cela, c'est la réponse à la question
générale. Or, à une question précise posée
par un autre député, on dit que, pour l'édifice Joffre
seulement, on en a acheté pour $140,000. Cela ne tient pas debout. C'est
ça que je voudrais que le ministre nous explique, et nous n'avons pas
d'explication.
Comment voulez-vous que nous croyions le chiffre de $76,000 quand le
gouvernement lui-même nous dit que, pour un seul édifice, le
gouvernement en a acheté pour $140,000?
M. BELLEMARE: M. le Président, je vais revérifier les
$76,000 du 23 octobre et je donnerai, cet après-midi, la vraie
réponse. Il n'y a rien à cacher.
M. LESAGE: M. le Président, je n'ai pas accusé
juqu'à maintenant, sur ce point, le gouvernement de vouloir cacher
quelque chose. Qu'on n'essaie pas de bâtir des bonshommes de paille pour
les détruire.
M. BELLEMARE: Non.
M. LESAGE: J'ai demandé des explications, poliment Il y a quelque
chose qui ne marche pas. Je demande qu'on me l'explique, c'est tout,,
M. BELLEMARE: Je vais certainement vous l'expliquer. Maintenant, l'autre
question, M. le Président, c'était une intervention du 31 octobre
1968. C'était le feuilleton du 3 juillet, numéro 25, la question
de M. Binette. Il y avait dans ça, M. le Président, une
rectification.
M. LESAGE: Cela concernait le parc d'Oka?
M. BELLEMARE: Cela concernait le camping de l'île
d'Orléans.
M. LESAGE: Très bien.
M. BELLEMARE: Il y avait également une question de M. Lavoie pour
l'achat de certains campings à Saint-Jean, Ile d'Orléans;
réponse donnée par le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche, qui disait le 5 juillet, au député de
Deux-Montagnes, article 20 du feuilleton: Il s'agit d'un contrat pour la
construction d'une usine d'épuration. Dans le mentant de $678,857.57,
qui est exact, il y avait un article qui avait été sauté
dans la transcription,
et que nous regrettons de ne pas avoir fourni dans le temps,
c'était un montant de $17,186.50 payé: i Les puits du
Québec enregistré.
M. LESAGE: Les quoi?
M. BELLEMARE: Les puits... Nous déposons le document ce
matin.
M. LESAGE: C'est bien, c'était le montant qui manquait.
M. BELLEMARE: û arrive, lorsqu'une liste est très longue,
qu'à un moment donné, un montant saute. A l'autre question, en ce
qui concerne la question de M. Binette du 24 avril, on nous avait
demandé de produire le contrat de gestion, et nous avions produit,
à ce moment-là, le contrat d'aménagement. Ce matin, nous
déposons le contrat de gestion.
M. LESAGE: C'est-â-dire qu'il y avait eu erreur.
M. BELLEMARE: Oui, oui»
M. LESAGE: Vous aviez déposé le mauvais contrat.
M. BELLEMARE: C'est-â-dire que nous avions déposé le
contrat d'aménagement,...
M. LESAGE: C'est ça,
M. BELLEMARE: ... au lieu de déposer le contrat de gestion.
M. LESAGE: C'est ça.
M. BELLEMARE: Ce matin, M. le Président, nous déposons le
contrat de gestion.
L'autre question c'était pour le parc d'Oka. On nous demandait de
fournir, pour le parc d'Oka, certains compléments à certaines
réponses qui apparaissent au procès-verbal du 5 juillet. Je suis
bien prêt à le déposer et à demander que ce soit une
motion pour production de documents.
Nous reproduisons exactement les chiffres que l'ingénieur nous a
fournis quant à la question qui complète maintenant celle
posée par le député de Louis-Hébert.
M. LESAGE: Qui a eu le contrat et à quel prix en
définitive? Il n'y a Jamais eu moyen de le savoir.
M. BELLEMARE: Pardon?
M. LESAGE: Il n'y a jamais eu moyen de savoir qui avait eu le contrat et
à quel prix.
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, vous allez l'avoir ici,
dans les documents. Il y a maintenant d'autres questions auxquelles nous avons
les réponses, à l'article 7.
M. LESAGE: Un instant. Cela était pour la construction d'une
usine d'épuration des eaux.
M. BELLEMARE: Oui, c'est ça.
M. LESAGE: Ah oui. Maintenant, il reste deux observations que j'ai
faites, une le 31 octobre, l'autre...
M. BELLEMARE: Il paraît que l'honorable chef de
l'Opposition...
M. LESAGE: ... le 3 décembre.
M. BELLEMARE: ... à ce qu'on m'a dit, s'était entendu avec
le ministre de la Voirie quant aux réponses qui devraient être
données.
M. LESAGE: Non.
M. BELLEMARE: Avec le ministre de la Voirie, non?
M. LESAGE: Non, pas du tout.
M. GRENIER: Avec le député de D'Arcy-McGee. Il fait signe
que oui.
M. LESAGE: Pardon?
UNE VOIX: Avec le député de D'Arcy-McGee.
M. BELLEMARE: Alors, je revérifierai...
M. LESAGE: II ne s'est certainement pas entendu avec moi en ce qui
concerne les observations que j'ai faites sur l'octroi d'un contrat dans le
comté de Missisquoi, nous ne savons pas si le contrat a
été accordé à Les Constructions Frontières
Limitée ou à Les Développements Frontenac Limitée,
et nous ne savons pas à quel prix.
M. BELLEMARE: Je vais vérifier ça, M. le
Président.
M. LESAGE: Et le ministre de la Voirie ne m'a donné aucun
renseignement.
M. BELLEMARE: C'est ce qu'on m'a di., J'ai répété
exactement.
M. LESAGE: Je n'ai reçu aucun renseignement du ministre de la
Voirie.
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, article no 7.
M. LESAGE: Il y a, en plus, les observations que j'ai faites le 3
décembre, concernant les permis et licences accordés à des
Industries pour la fabrication de nouveaux produits. Nous avons eu une
réponse du ministre de l'Industrie et du Commerce, à l'effet
qu'il n'avait pas émis de permis et qu'il n'en émettait pas.
C'est clair, on sait qu'il n'en émet pas. Mais nous avons demandé
quels permis ont été émis par le gouvernement. Or, nous
savons bien que le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation,
entre autres, émet des permis pour la fabrication des
succédanés du beurre et aussi des dérivés des
produits laitiers. C'était le 3 décembre, journal des
Débats, page 4457.
M. BELLEMARE: Je l'ai ça, M. le Président. Article no 7,
M. le Président.
M. LESAGE: Alors, est-ce que je puis espérer avoir une
réponse?
M. BELLEMARE: Oui, oui. J'ai des journées de 24 heures, moi
aussi. Je pense bien que...
M. LESAGE: M. le Président, Je serais le dernier à vouloir
presser outre mesure le ministre du Travail. Et les deux cas qui sont
restés sans réponse ne relèvent pas de son
ministère. Un des cas...
M. BELLEMARE: Non, mais c'est moi...
M. LESAGE: ... relève du ministre de la Voirie et l'autre, en
particulier, du ministre de l'Agriculture et de la Colonisation,,
M. BELLEMARE: On a répondu, M. le Président, à 473
questions pendant la session. Avec tout ce qu'il reste à faire...
M. LESAGE: Mais quand même il y en aurait eu 1,000, il aurait
fallu y répondre, c'est le devoir du gouvernement.
M. BELLEMARE: Certainement, seulement il y a une limite à mettre
toute la responsabilité sur un seul homme. Oui, M. le
Président.
M. LESAGE: M. le Président, je ne voudrais pas que le ministre du
Travail s'Imagine que je lui fais des reproches, pas du tout. Je pourrais me
servir d'une expression bien connue, il travaille comme un nègre. Je
sais qu'il est fatigué, je ne voudrais pas aujourd'hui le rendre
à bout. Mais c'est la dernière journée de la session, et
voici deux cas qui ne relèvent pas directement du ministre. Il me semble
que ces deux ministres pourraient obtenir les renseignements et me les donner
au cours de la journée. Je veux décharger le ministre du Travail
de ces choses-là.
M. BELLEMARE: M. le Président, nous avons, entre les deux
sessions, entre l'ajournement et la reprise des travaux parlementaires,
déposé au moins 60 réponses. Nous n'avons pas
essayé de prendre un faux-fuyant. Au contraire, nous disons que nous
allons déposer tout ce qu'on nous a demandé. Mais avec les
travaux que nous avons à accomplir ici, avec les autres choses que j'ai
à mon ministère, avec les renseignements que nous sommes
obligés de coordonner, c'est un travail fort onéreux et
difficile. Et ce matin, j'ai justement l'Intention de le dire dans quelques
minutes, pour tout ce qui restera au feuilleton, nous allons essayer, entre les
deux sessions, de préparer tous les documents qui pourront être
déposés. Quant aux autres, nous donnerons les raisons qui
motiveront pourquoi nous ne le pouvons pas.
M. le Président, dans l'Opposition, on avait accepté, sur
le même principe, de recevoir les documents entre les sessions. Nous
continuons exactement la même politique, qui est bonne, d'ailleurs.
Article 7, M. le Président. Question de M. Laporte,
réponse de M. Lussier.
Article 12, M. le Président. Question de M. Wagner,
réponse de M. Bertrand.
Article 14. Question de M. Pinard, réponse de M. Lussier.
Article 60. Adresse de M. Lesage, réponse de M. Allard. Je
voudrais ici la lire. Voici, M. le Président: « Qu'il soit
présenté à l'honorable lieutenant-gouverneur une adresse
le priant de faire déposer sur le bureau de cette Chambre copie de tous
les arrêtés en conseil adoptés depuis le 1er juillet 1968
pour autoriser la Commission hydroélectrique de Québec â:
a) Signer un accord avec Churchill Falls Labrador Corporation Limited;
b)acquérir des unités, des titres hypothécaires et des
actions de cette compagnie ». Réponse de M. Allard: « II
n'est pas dans l'intérêt public, à l'heure présente,
de déposer ces arrêtés en conseil, parce que le contrat
entre Churchill Falls Labrador Corporation Limited et l'Hydro-Québec
n'est pas encore signé ».
M. LESAGEs II n'est pas signé?
M. BELLEMARE: « Lorsque le contrat sera signé, ces
documents seront déposés à l'Assemblée
législative et les membres de l'Assemblée auront toute la
latitude d'interroger les dirigeants de l'Hydro-Québec sur ce sujet, au
comité des régies gouvernementales à caractère
industriel et commercial ».
M. LESAGE: Quelle est la date de ce que lit le ministre? Est-ce
aujourd'hui?
M. BELLEMARE: Votre question a été posée le
22octobre 1968 et la réponse est d'aujourd'hui.
M. LESAGE: Alors, aujourd'hui, le ministre peut déclarer qu'il
n'y a pas encore de contrat de signé entre Churchill Falls Labrador
Corporation Limited et l'Hydro-Québec?
M. BELLEMARE: Voulez-vous que le ministre responsable vous le dise?
M. ALLARD: M. le Président, le contrat entre CFLCO et 1'Hydro
n'est pas signé. Cela se comprend facilement. Il s'agit d'un contrat
excessivement important c'est le plus gros contrat jamais signé
en Amérique du Nord qui présente des difficultés
que vous comprenez. Les discussions devant nous conduire à la signature
continuent très normalement. Nous avons bonne espérance qu'au
tout début de l'année l'entente sera signée
définitivement.
M. LESAGE: Alors, ce qui se fait actuellement, les relations entre
l'Hydro-Québec et Churchill Falls Corporation Limited...
M. BELLEMARE: II n'y a aucun débat sur les questions
répondues.
M. LESAGE: Ce n'est pas pour embêter le gouvernement; c'est pour
tenter d'éclaircir la situation. Dois-je comprendre que les rapports
actuels entre l'Hydro-Québec, d'une part, et Churchill Falls Labrador
Corporation, d'autre part, se font sur la base de la lettre d'intention que
l'Hydro-Québec a signée avec l'autorisation du gouvernement il y
a déjà de nombreux mois?
M. BELLEMARE: Oui, c'est ça.
M. ALLARD: Disons que les ententes devront être conclues suivant
les intentions du gouvernement et du Conseil exécutif.
M. LESAGE: Non, ce n'est pas cela. Ma question était très
précise. Est-ce que les rapports, actuellement il y en a
constamment entre 1'Hydro-Québec et Churchill Falls Corporation
sont sur la base de la lettre d'intention...
M. BELLEMARE: A l'ordre! M. le Président, il ne vous voit
pas.
M. LESAGE: ... qui a été signée avec l'autorisation
du gouvernement?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: Ce n'est pas un débat; c'est une question.
M. BELLEMARE: Non, il n'y a pas de débat là-dedans.
M. LE PRESIDENT: La réponse donnée originairement par
l'honorable ministre du Travail aurait dû mettre fin immédiatement
à cette question.
M. LESAGE: Comment mettre fin? M. le Président, toute motion pour
production de documents peut faire l'objet d'un débat, d'abord.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il s'agissait d'une question...
M. LESAGE: Non, M. le Président, c'est une motion pour production
de documents.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! La réponse de l'honorable
ministre mettait fin à ce débat, si débat il y a eu. En
effet, du moment qu'il y a déclaration à l'effet qu'il ne va pas
de l'intérêt public de produire tel document, il faut s'en tenir
à la déclaration du ministre.
M. LESAGE: M. le Président, toute motion pour production de
documents, quelle que soit la déclaration du gouvernement, peut
être débattue.
M. BELLEMARE: Ah bien, non!
M. LESAGE: Ce n'est pas parce qu'un gouvernement ou un ministre peut
déclarer que ce n'est pas d'intérêt public
qu'immédiatement tout le monde doit se prosterner en disant: Très
bien, on se couche et puis on fait le mort.
M. GRENIER: A genoux!
M. LESAGE: Ce n'est pas cela du tout, et
surtout pas à genoux. C'est bon pour le député de
Frontenac, de se mettre à genoux devant ses chefs. Lui, il comprend
cela, se mettre à genoux.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Si l'honorable chef de
l'Opposition entend débattre la motion, je pense qu'à ce
moment-là il y aura lieu de le faire.
M. LESAGE: M. le Président, nous sommes à la
dernière journée de la session. Au lieu d'entreprendre un long
débat sur la motion, f ai posé une question précise. Je
saurai à quoi m'en tenir si le ministre des Richesses naturelles veut
bien me répondre.
M. ALLARD: Disons, M. le Président, que c'est suivant la lettre
d'intention.
M. LESAGE: Pardon?
M. ALLARD: Suivant la lettre d'intention du gouvernement de conclure
l'entente.
M. LESAGE: Alors, la réponse à ma question est
affirmative.
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président... M. DOZOIS: C'est encore
plus avantageux... M. LESAGE: Pardon?
M. DOZOIS: C'est encore plus avantageux que la lettre d'intention.
M. LE PRESIDENT: A l'ordrel
M. LESAGE: Cela n'a pas d'importance; le contrat, n'est pas
signé. Comment le ministre peut-il dire que c'est plus avantageux que la
lettre d'Intention?
M. BELLEMARE: Parce que le conseil des ministres connaît le
projet.
M. DOZOIS: Parce qu'on connaît le projet.
M. LESAGE: Oui, mais, si le conseil des ministres est en mesure de
donner des réponses et de donner des appréciations, les contrats
ou les lettres d'intention devraient être déposés pour que
nous puissions contredire le gouvernement sur l'appréciation de la
situation.
M. BELLEMARE: Non, ce n'est pas là la question.
M. DOZOIS: Ce n'est pas dans l'intérêt public.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Ce n'est pas ça...
M. ALLARD: D'ailleurs, M. le Président...
M. LESAGE: ...le gouvernement se vante, lui, pendant ce temps-là,
puis nous ne sommes pas en mesure de savoir s'il a raison ou s'il a tort.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. DOZOIS: En temps opportun.
M. ALLARD: M. le Président, d'ailleurs, dès que le contrat
aura été signé, dans le délai le plus court
possible, une semaine si vous voulez, nous convoquerons le comité des
régies et on pourra poser toutes les questions qu'on voudra.
M. BELLEMARE: M. le Président, article 61. Ordre de la Chambre,
réponse de M. Allard,
M. LESAGE: Est-ce un refus encore ou bien si c'est... M. le
Président...
M. BELLEMARE: C'est la même chose.
M. LESAGE: ... j'aime bien, quand on refuse, qu'on ne dise pas:
Réponse. C'est une motion pour production de documents. Si le
gouvernement refuse de produire les documents, qu'il le dise.
M. BELLEMARE: Certainement, aucune objection.
M. LESAGE: Qu'il invoque l'intérêt public.
M. BELLEMARE: Certainement. Certainement, M. le Président.
L'honorable chef de l'Opposition qui était de si bonne humeur tout
à l'heure...
M. LESAGE: Oui, je le suis encore, mais... M. BELLEMARE: ... la
tempête.
M. LESAGE: ... nous nous sommes fait jouer le tour pour le rapport
Dorion: Réponse déposée...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, M. le Président.
M. LESAGE: ... or, c'était un refus de produire.
M. BELLEMARE: Jamais dans cent ans, M. le Président!
M. LESAGE: Non, on disait là-dedans qu'on produirait plus
tard.
M. BELLEMARE: M. le Président, nous avons d'abord dit que dans le
rapport Dorion, il y avait une entente tripartite qu'il fallait respecter et
que nous ne répondrions pas. C'est ce que nous avons dit, puis nous nous
sommes engagés à déposer les documents quand nous les
aurions. Quand nous les avons reçus, nous les avons
déposés. C'est ça qui est la vérité
vraie.
M. LESAGE: Oui, et puis il y a un député du
côté gouvernemental qui s'est emparé de la copie.
M. BELLEMARE: M. le Président, c'était son droit d'aller
chez M., Châteauvert, qui est le dépositaire, dès que le
document a été déposé, comme, plusieurs fois de
votre côté, vous alliez les prendre sur la table.
M. LESAGE: II a été enlevé, le document. M. LE
PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Enlevé? Non, M. le Président. Le
député a certainement été chez M. Châteauvert
le chercher. C'était son droit, d'ailleurs. C'était son droit d'y
aller.
M. LESAGE: II est allé le chercher, oui. Et les autres
députés ne l'avaient plus a leur disposition.
M. BELLEMARE: C'était son droit de faire ça, M. le
Président,
M. LESAGE: Ce n'est pas son droit de l'apporter. Il doit le consulter
sur place.
M. BELLEMARE: Non, M. le Président...
M. LESAGE: Il n'avait pas le droit de l'enlever. Il enlevait à ce
moment-là le droit des autres députés de le consulter.
M. BELLEMARE: M. le Président, si l'officier n'a pas fait son
devoir, c'est à l'officier qu'il faut s'en prendre, pas au
député.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: Certainement au député qui n'a pas le droit
d'agir comme ça.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Jamais, M. le Président!
Ordre de la Chambre, 22 octobre 1968: Qu'il soit déposé
sur le bureau de cette Chambre, copie de tout contrat passé entre la
Commission hydro-électrique de Québec d'une part et Churchill
Falls (Labrador) Corporation d'autre part, depuis le 1er juillet 1968
jusqu'à ce jour.
Réponse de M. Allard: Le contrat entre l'Hydro-Québec et
Chruchill Falls (Labrador) Corporation n'est pas signé. Lorsque le
contrat sera signé, ces documents seront déposés à
l'Assemblée législative et on aura toute la latitude voulue pour
interroger les dirigeants de l'Hydro-Québec sur ce sujet au
comité des régies gouvernementales à caractère
industriel et commercial.
Article 63, M. le Président.
M. LESAGE: Oui, mais alors, quelle est la réponse du
gouvernement?
M. BELLEMARE: Comment?
M. LESAGE: Quelle est la réponse du gouvernement à la
motion? Il n'y a pas de contrat?
M. BELLEMARE: Ce n'est pas dans l'intérêt public de...
M. LESAGE: Non, non, il dit que ce n'est pas dans l'intérêt
public.
M. ALLARD: Il n'est pas signé.
M. LESAGE: Alors, il n'y a pas de contrat.
M. ALLARD: Oui, mais il n'est pas signé.
M. LESAGE: Il n'y a pas de contrat.
M. BELLEMARE: II n'a pas encore perdu sa manie de vouloir essayer de
plaider quand il a de mauvaises causes.
M. le Président, article 63, l'ordre de la Chambre de M. Lacroix,
réponse de M. Russell.
M. LESAGE: Est-ce que le document est déposé...
M. BELLEMARE: Est-ce que je dois lire le document? Non.
M. LESAGE: ... ou bien si c'est un refus encore?
M., BELLEMARE: Une minute. Bon, nous allons déposer tout
ça, mais seulement il y a des bénédictins, M. le
Président. Il y a des bénédictins qui grattent
ça.
M. le Président, article 58, ordre de la Chambre de M. Lesage:
Qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre une copie des
minutes suivantes du Conseil de la trésorerie... M. Dozois.
M. DOZOIS: M. le Président. Je déclare qu'il n'est pas
dans l'intérêt public de déposer les minutes du Conseil de
la trésorerie. D'ailleurs, au Parlement fédéral, la
coutume est bien établie à l'effet que les minutes du Conseil du
trésor ne sont jamais déposées devant la Chambre des
communes. Elles doivent être considérées comme des
documents confidentiels.
M. LESAGE: M. le Président... M. PINARD: L'ottawamanie.
M. LESAGE: Je vous avoue que l'attitude du gouvernement, et en
particulier celle du ministre des Finances est assez incompréhensible.
Disons d'abord qu'il s'agit d'ordres du Conseil de la trésorerie, dont
le ministre des Finances lui-même a rendu les numéros publics dans
une réponse qu'il a donnée à une série de questions
que j'avais posées.
Dans ces questions, je demandais de quelle façon avaient
été utilisés certains montants qui, au cours du dernier
exercice financier, avaient été puisés à même
la réserve de $500,000 ou $1 million.
M. DOZOIS: Au fonds de secours, $1.5 million.
M. LESAGE: Du fonds de secours du ministère des Finances. Le
ministre a répondu en me donnant chaque montant, et en me disant
pourquoi cela avait été fait. Dans cette réponse, dans
chaque cas, le ministre donnait le numéro de la décision ou du
procès-verbal du Conseil de la trésorerie. Il était normal
que je demande la production du document qui était à la base du
transfert de crédits. C'était d'autant plus normal qu'au
printemps de 1966, le ministre des Finances lui-même, le
député de Saint-Jacques, le ministre du Travail, feu le premier
ministre Johnson, et le premier ministre actuel, avaient demandé au
gouvernement du temps, et plus particulièrement au ministre des Finances
et premier ministre du temps, le député de Louis-Hébert,
de former un comité des en- gagements financiers qui serait
chargé spécifiquement de revoir une fois par mois les
décisions du Conseil de la trésorerie. Le premier ministre et
ministre des Finances du temps avait accepté la suggestion et il
était entendu qu'un comité des engagements financiers serait
établi par cette Chambre pour revoir, examiner.
M. DOZOIS: Un point d'ordre. J'estime qu'on ne peut revenir sur une
question qui a été décidée par cette Chambre. Cette
motion qu'a faite le chef de l'Opposition n'a pas été
acceptée par la Chambre. Quand le comité des engagements
financiers existera, si jamais il existe et s'il est proposé, on verra.
Mais je ne peux revenir sur ce débat et dire pourquoi cela a
été mis de côté, quand il pourra être
institué. Je ne me rappelle pas le débat, mais, une chose est
certaine, c'est que la Chambre s'est prononcée sur cette question.
M. LESAGE: C'est au mois de mars 1966 que le ministre des Finances avait
fait cette motion.
M. DOZOIS: Le chef de l'Opposition a fait une motion en cette Chambre et
la Chambre a déposé de cette motion.
M. LESAGE: Sur un point d'ordre et de règlement. La Chambre n'a
pas décidé de la question au fond. Cela a été
décidé sur un point d'ordre et de règlement.
M. DOZOIS: Il reste quand même qu'il y a eu une motion...
M. LESAGE: Pour invoquer que seul le gouvernement pouvait proposer la
formation de comités. Une affaire qui n'a pas de bon sens.
M. DOZOIS: ... au feuilleton et la Chambre en a disposé. Cette
motion traitait précisément de cette suggestion.
M. LESAGE: La Chambre en a disposé sur une question de forme.
M. DOZOIS: II en a disposé comme...
M. LESAGE: ET comme il est admis à la présidence, que
lorsque la Chambre dispose d'une motion sur une question de forme et non pas
sur le fond de la question, il reste toujours permis de débattre le fond
de la question, parce qu'il n'y a pas de débat antérieur sur le
fond. La question en discussion a été rejetée sur la
forme, parce que le premier ministre du
temps a prétendu que seul le gouvernement avait le droit de
proposer l'établissement de comités. Nous avons eu beau nous
débattre et prouver l'incongruité d'une telle prétention,
la force du nombre nous a renversés. Mais c'était sur une
question de forme et non pas sur la question de fond. D'ailleurs, je n'ai pas
l'intention d'insister plus longtemps. Je le rappelle au ministre des Finances
et au ministre du Travail particulièrement au ministre des
Finances, c'est lui-même qui a demandé ça le contrôle
des engagements financiers par la Chambre, par un comité de la Chambre
en 1966. Et depuis ce temps-là, depuis deux ans et demi qu'on nous le
refuse, alors que nous l'avions accepté comme gouvernement.
M. DOZOIS: On va en discuter.
M. LESAGE: Et aujourd'hui, simplement, on nous refuse la production de
procès-verbaux du Conseil de la trésorerie dont les
numéros nous ont été donnés par le ministre des
Finances lui-même.
M. DOZOIS: Le président est debout.
M. LE PRESIDENT: Si l'honorable chef de l'Opposition insiste pour
continuer, je dois dire immédiatement que je devrai réserver ma
décision sur ce point parce que, personnellement, je n'ai pas pris
connaissance de la motion que l'on allègue à l'appui des
prétentions de l'honorable chef de l'Opposition qui dateraient de 1966.
Je dois dire que les officiers de la Chambre eux-mêmes ne retracent pas
facilement ce précédent qui aurait été
créé en cette Chambre. Je vais donc le rendre sous
réserve.
M. LESAGE: M. le Président, si vous le permettez, je vais mettre
fin à l'affaire. J'ai l'intention, dès le début de la
prochaine session de proposer de nouveau la formation d'un comité des
engagements financiers. J'espère que cette fois-là nous pourrons
débattre la question à fond et que le gouvernement ne se
réfugiera pas derrière des arguments de forme, des arguments qui
sont abracadabrants. J'ai de plus l'intention de faire la même motion
l'an prochain, à la prochaine session. La même motion!
J'espère que cette-fois là elle sera appelée au
début de la session afin que nous puissions en discuter à
fond.
Je ne voudrais pas le dernier jour de la session, alors que depuis
déjà presque une heure nous siégeons, allonger inutilement
les débats. Je crois que ce serait utile, mais que dans l'esprit de ceux
qui sont en face de moi ce serait inutile. Je ne veux pas leur déplaire
aujourd'hui. Alors, je recommencerai au début de la prochaine session
mais je voudrais bien avoir l'occasion de débattre cette question
à fond, pas simplement l'effleurer comme je suis obligé de le
faire ce matin pour bien prouver au ministre du Travail que je comprends la
situation dans laquelle il se trouve.
M. DOZOIS: Je voudrais qu'il soit clair que je me suis acquitté
des engagements que j'avais pris envers le chef de l'Opposition à
l'occasion de l'étude des crédits du ministère des
Finances, le 14 juin 1968. L'on retrouve au journal des Débats à
la page 1097, ce que je m'étais engagé à fournir au chef
de l'Opposition. A la page 1097, à un moment donné, après
avoir...
M. LESAGE: Je n'ai pas accusé le ministre des Finances de ne pas
s'être rendu aux engagements qu'il avait pris au comité. Ce n'est
pas cela du tout. Je dis qu'on a tort de ne pas produire les...
M. DOZOIS: Laissez-moi parler. J'estime que j'ai le droit de dire
pourquoi je refuse...
M. LESAGE: Vous bâtissez un bonhomme de paille.
M. DOZOIS: Je ne tenterai pas de vous bâtir.
M. LESAGE: Bien, il y a longtemps que vous êtes
brûlé.
M. LE PRESIDENT: A l'ordrel
M. DOZOIS: Alors à la page 1097, on voit ceci; « M. Lesage:
Poste budgétaire quatre, est-ce que les $1,266,300 qui sont
mentionnés ici... « M. Dozois: C'est le fonds de secours. «
M. Lesage: Oui. Est-ce que le fonds de secours a été
remboursé à chaque reprise pour chaque dépense, par une
prévision dans les budgets supplémentaires? « M. Dozois:
Règle générale, oui. En 1967-1968, il y en a quelques-uns
qui n'ont pas été remboursés. « M. Lesage: Est-ce
que le ministre aurait objection à nous fournir la liste des... «
M. Dozois:... des ministères qui n'ont pas etc... « M. Lesage: ...
des montants puisés au fonds de secours, mais qui n'ont pas
été remboursés par des budgets supplémentaires?
« M. Dozois: Non, je n'ai pas d'objection. Vous trouveriez cela
dans les comptes publics, « M. Lesage: Oui, je le sais mais... « M.
Dozois; Non, je n'ai pas d'objection à vous le donner maintenant, mais
je vous dis que c'est une information qui est du domaine public. Alors, je n'ai
pas d'objection à vous la donner maintenant. « M. Lesage: C'est
normal que je le demande. « M. Dozois: C'est normal que je vous dise oui.
»
Par la suite, lorsque j'ai eu les renseignements des
déboursés ou des dépenses imputés au fond de
secours, j'en ai remis au chef de l'Opposition la liste. Cette liste avait
été préparée et on mentionnait le numéro du
CT du procès-verbal du Conseil de la Trésorerie. Le chef de
l'Opposition est revenu à la charge et a posé cette question que
je trouve à l'article 58 du feuilleton et me demande la production des
procès-verbaux de la trésorerie. Je dis que, tant et aussi
longtemps que la Chambre ne se sera pas prononcée j'ajoute ceci
pour la deuxième partie de sa question sur la constitution d'un
tel comité, qui pourra être discutée au comité des
règlements qui siégera entre les deux sessions si l'on veut, je
dis que je m'en tiens au fait que cela n'a jamais été l'usage de
révéler le contenu des CT; on a toujours considéré
comme n'étant pas d'intérêt public de révéler
le contenu des CT.
Cette même pratique est suivie dans l'autre juridiction, qui est
celle d'Ottawa. C'est tout
M. BELLEMARE: Très évident. Article 59, M. le
Président.
M. DOZOIS: Même réponse.
M. LESAGE: Même débat.
M. DOZOIS: Même conclusion.
M. LESAGE: Alors, M. le Président, je poserai de nouveau la
question, parce qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette
affaire, des Placements T.R.
M. BELLEMARE: Bon, encore une cible. Je pense qu'on va l'abandonner,
c'est certain.
M. LESAGE: Oui.
M. DOZOIS: Le bail a été produit.
M. LESAGE: Oui, mais nous voulons l'arrêté
ministériel.
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président...
M. LESAGE: Seulement par le bail, vous allez voir que ça ne
tourne pas rond.
M. DOZOIS: Faites-en un débat.
M. BELLEMARE: Article 1, comité des subsides, M. le
Président.
M. LEVESQUE (Laurier): Etes-vous rendu à l'ordre du jour?
M. BELLEMARE: Oui, à l'ordre du jour.
Comité sur la situation de la presse
M. LEVESQUE (Laurier): Permettez-moi de soulever une question de
privilège, très rapidement. J'en ai averti le président;
je regrette de n'avoir pas pu en toucher un mot au leader du gouvernement, car
il a probablement la réponse. Il aurait pu m'éclairer en tout
cas. Il s'agit des comités, et spécifiquement d'un comité,
celui qui comprend neuf membres, sauf erreur, et qui vient d'être
chargé d'étudier la situation de la presse et des moyens
d'information en général, à la suite de la motion du
député de Gouin.
Pour des raisons évidentes parce que j'ai passé la
plus grande partie de ma vie dans ce métier j'ai suivi de
très près la préparation du dossier par le
député de Gouin. Pour les mêmes raisons, il me semble que
je pourrais jouer un rôle utile à ce comité, à
condition, évidemment, de pouvoir en faire partie.
Il y a, d'ailleurs, un précédent, parce que je suis membre
du comité des régies gouvernementales à caractère
industriel et commercial. Comme c'est la dernière journée de la
session et que le comité peut être appelé à
siéger avant la nouvelle session... J'ai eu beau lire et relire les
articles 388 à 402 sur les comités spéciaux je ne
suis pas un grand procédurier je n'ai rien trouvé qui
touche mon cas. Y aurait-il une réponse à ça?
M. BELLEMARE: Je pourrai, je pense, au cours de la journée,
indiquer la voie que devra suivre l'honorable député de
Laurier.
M. LEVESQUE (Laurier): Trouvez-moi une voie.
M. LE PRESIDENT: L'honorable Solliciteur général.
M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, j'ai une brève
déclaration à faire.
M. LESAGE: Qu'est-ce qui arrive du reste du feuilleton?
Questions restées au feuilleton
M. BELLEMARE: J'ai dit, tout à l'heure, qu'aujourd'hui on
l'a fait exprès, à ma demande nous avons
résumé au feuilleton toutes les questions posées depuis le
27 novembre. Nous avons voulu les codifier toutes dans un dernier numéro
de feuilleton pour que la référence soit plus facile.
Je dis que nous allons essayer, pendant le mois de janvier et une partie
du mois de février, d'obtenir les réponses, car il y en a
quelques-unes qui demandent une longue préparation et une longue
compilation. Nous avons déjà du travail de fait dans plusieurs
cas, mais on a inondé le feuilleton. Je ne critique pas l'Opposition.
Dans un temps très bref, on avait vidé le feuilleton jusqu'au 22
octobre. Il n'en restait presque pas, une ou deux je pense. Cela nous avait
donné beaucoup de travail dans les différents ministères.
On a voulu recharger de nouveau le feuilleton. Nous avons fait diligence et,
sur au-delà de 500 questions il y a 528 questions il y en
a 473 auxquelles nous avons répondu, depuis le début de la
session.
Nous allons continuer le travail de recherche et, dès qu'elles
seront terminées, nous pourrons les remettre au greffier de
l'Assemblée législative, si le chef de l'Opposition veut les
avoir là le plus rapidement possible, ou nous pourrons attendre.
M. LESAGE: Que le ministre du Travail ne se surprenne pas si
j'étais un peu fringant tout à l'heure. Le gouvernement
répond à toutes les questions et produit tous les documents.
Tout ce que j'avais en mon nom, c'étaient quatre motions pour
production de documents. Ce sont les quatre seules auxquelles on refuse de
répondre en invoquant l'intérêt public. Je n'étais
pas bien de bonne humeur...
M. BELLEMARE: Je comprends.
M. LESAGE: J'étais jaloux de mes collègues.
M. BELLEMARE: Je n'ai jamais connu le chef de l'Opposition jaloux. Parce
que s'il avait été jaloux, il y a longtemps qu'il aurait
développé un autre...
M. LESAGE: C'est de la discrimination à l'endroit du chef de
l'Opposition.
M. BELLEMARE: Non, je ne crois pas.
M. LESAGE: Il y a quatre motions à mon nom, ce sont les quatre
seules que l'on refuse.
M. BELLEMARE: Ce n'est certainement pas un nègre blanc Tout
à l'heure, il a dit que je travaillais comme un nègre. Je lui
retourne son compliment.
Je dis que j'espère que tout le monde comprendra que je ne peux
pas faire plus. J'ai donné 100% de tout ce que je pouvais pour me rendre
aux demandes que nous a faites l'Opposition. Il en reste, c'est sûr. Mais
nous disons, comme nous l'avons fait dans toutes les autres sessions, que les
documents qu'il sera possible de déposer, nous les déposerons.
Les questions auxquelles il sera possible de répondre auront une
réponse d'ici la prochaine session. Si le chef de l'Opposition aimait
mieux que nous déposions les réponses entre les mains du
greffier, au fur et à mesure que nous les aurons je n'y ai aucune
objection.
M. LESAGE: Oui. Qu'elles soient déposées entre les mains
du greffier, avec une copie additionnelle. Le greffier et moi, nous sommes les
deux hommes qu'on retrouve le plus souvent dans les corridors, entre les
sessions.
M. BELLEMARE: Nous allons compléter ça et nous enverrons
même une copie au député qui a posé la question.
Pour vous montrer notre grand désir de collaborer et d'essayer de
renseigner et instruire l'Opposition, s'il y a moyen au sujet de nos
activités nombreuses et surtout productives.
M. le Président, troisième lecture de la Loi de la ville
de Montréal.
M. LESAGE: Le ministre du Travail aurait dû faire ça au
sujet du rapport Dorion.
M. BELLEMARE: Dans le cas du rapport Dorion, je demande au
député de Hull de dire s'il n'a pas eu la copie en même
temps que le député de Gatineau.
M. LESAGE: Non.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: II a eu sa copie hier soir.
M. LESAGE: Le député de Papineau.
M. BELLEMARE: Le député de Hull a-t-il sa copie?
M. PARENT: A six heures hier soir. M. BELLEMARE: Bon! M. LESAGE:
Oui.
M. BELLEMARE: C'est la même chose pour le député de
Gatineau.
M. LESAGE: Pas le député de Gatineau, le
député de Papineau.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: II l'a eu bien avant ça.
M. BELLEMARE: Oui, deux copies.
Une tempête dans un verre d'eau pour essayer de prendre le
gouvernement en défaut. Eh bien, encore, « patate »!
M. LESAGE: Non, c'est le contraire. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Vous ne brouillerez pas l'Outaouais.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Avant que nous ne soyons trop dans les
patates, nous allons appeler...
M. BELLEMARE : La troisième lecture du bill de la ville de
Montréal, M. le Président.
Bill 295 Troisième lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose
la troisième lecture de la Loi concernant la ville de
Montréal.
Cette motion sera-t-elle adoptée?
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE: Un instant. Pourrais-je poser une question?
M. DOZOIS: Tel qu'adopté hier soir.
M. LESAGE: Oui, tel qu'adopté hier soir, c'est-à-dire que
le document qui m'a été remis, qui apparaissait comme un
amendement à l'article neuf, remplaçant tout l'article 9,...
M. DOZOIS: C'est ça.
M. LESAGE: ... devient l'article 9 que nous adoptons en troisième
lecture.
M. DOZOIS: Il n'y a plus d'alternative. M. LESAGE: Très bien.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. BELLEMARE: M. le Président, troisième lecture
adoptée. Article 5, bill 53.
Bill 53 Budget supplémentaire no 2
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances propose que je quitte
maintenant le fauteuil et que la Chambre se forma en comité des
subsides.
Cette motion sera-t-elle adoptée?
M. LESAGE: M. le Président. J'aurais pu faire une motion de non
confiance sur un sujet donné. Etant donné que ce sujet est
l'objet d'un article dans le budget supplémentaire, quant à moi,
j'interviendrai lorsque nous étudierons cet article en
comité.
M. BELLEMARE: D'accord.
M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, je regrette. Je crois
qu'à un moment donné, pendant la période des questions, du
moins, j'ai cru que c'était pendant cette période, je me suis
levé parce que j'avais justement une brève déclaration
à faire et j'ai pris mon siège subséquemment, je ne sais
si l'Opposition...
M. LESAGE: Nous n'avons pas d'objection. Si le ministre
intérimaire de la Justice a une déclaration à faire, je
n'ai aucune objection I ce qu'il la fasse.
M. LE PRESIDENT: Vu le consentement unanime, nous donnons la parole
à l'honorable Solliciteur général.
Déclaration ministérielle Attentats
à la bombe
M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, M. Lucien Saulnier, le
président de l'exécutif de la ville de Montréal, faisait
récemment une déclaration par laquelle il informait le public que
la ville de Montréal avait mis une somme de $10,000 à la
disposition du chef Gilbert, de la Sûreté municipale de
Montréal afin de faciliter les recherches, particulièrement en ce
qui concerne les auteurs des attentats à la bombe.
En second lieu, au cours de cette déclaration, il avait fait
appel à la collaboration de centrales syndicales, afin qu'elles
coopèrent dans le même sens. Il avait, en troisième lieu,
mentionné qu'il y avait dans ce travail et ces recherches difficiles,
une collaboration étroite entre la Sûreté municipale de
Montréal et la Sûreté du Québec. Et il invitait les
autorités provinciales à collaborer au même titre,
c'est-à-dire dans cette forme de recherche.
Hier, dans cette Chambre, le député de Verdun m'a
demandé, à la suite de cet appel à la collaboration
adressé aux autorités provinciales, si le gouvernement
était disposé à collaborer et à y aller lui aussi
d'un montant de $10,000, comme ce fut le cas, et tel qu'annoncé par M.
Saulnier, pour la ville de Montréal.
Je voudrais déclarer ce matin que J'ai autorisé,
après avoir consulté mes collègues, dans ce cas
particulier et grave de la recherche de criminels terroristes, auteurs des
attentats à la bombe, que soit mise à la disposition de M.
Saint-Pierre, qui est actuellement l'assistant-directeur de la
Sûreté du Québec et qui, très prochainement,
deviendra le directeur de la Sûreté du Québec, une somme de
$10,000, qu'il pourra utiliser à ces fins et suivant
discrétion.
M. LE PRESIDENT: La motion de l'honorable ministre des Finances
sera-telle adoptée?
M. BELLEMARE: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. BELLEMARE: Comité des subsides.
Comité des subsides
M. FRECHETTE (Président du comité des subsides):
Ministère des Affaires culturelles, poste 14.
M. BELLEMARE: Un instant.
M. LESAGE: Pour le ministère des Affaires culturelles, je pense
qu'il s'agit beaucoup plus d'une question de finance...
M. BELLEMARE: Oui, oui. Dans une minute.
M. LESAGE: ... malgré que J'aurai des questions à
poser.
M. BELLEMARE: Une minute.
M. DOZOIS: Est-ce qu'il y a eu une question? J'étais dans le
corridor et je ne sais pas si on a posé une question durant mon
absence.
M. LESAGE: Non.
M. BELLEMARE: Non. Nous avons attendu justement pour cela.
M. LESAGE: Les questions que j'avais à poser s'adressent beaucoup
plus au ministre des Affaires culturelles qu'au ministre des Finances. Le
ministre des Finances a eu l'amabilité, comme d'habitude, de me remettre
des notes explicatives sur chacun des articles du budget supplémentaire.
L'article à l'étude comporte l'autorisation de la dépense
d'une somme de $2 millions, dont une partie, soit $1,200,000, me semble
très bien expliquée dans les notes que m'a remises le ministre
des Finances. Il s'agit d'une erreur comme il s'en produit au moment de la
préparation du budget. On inscrit un montant brut de $4 millions alors
qu'il aurait fallu inscrire un montant brut de $5,200,000 parce que la
dépense sera de $5,200,000, avec une contribution fédérale
de $1,200,000. Le montant net se trouve donc, à cause de la façon
dont le budget principal est présenté de $2,800,000 seulement, et
il manque $1,200,000 qu'il faut combler.
Mais, c'est la différence des $760,000, représentant des
additions au contrat, principalement pour des équipements de
scène, sur laquelle j'aurais bien voulu avoir des détails. Je
trouve cela fort, $760,000 pour des équipements de scène. Je ne
suis pas un expert, mais je trouve cela cher.
M. PINARD: Est-ce qu'il y a un plateau...
M. DOZOIS: Je pense que c'est très cher. Malheureusement, si on
veut suspendre l'article, nous allons demander au ministre des Affaires
culturelles de venir en Chambre. Je n'ai pas beaucoup plus de renseignements
que le chef de l'Opposition. Je lui ai transmis les renseignements que j'avais.
Je sais, cependant,
que les équipements de scène sont très, très
dispendieux. J'en ai entendu parler lorsque la Place des Arts de
Montréal a été construite.
M. LESAGE: Est-ce que cela a coûté cher? M. DOZOIS: Oui.
Cela a coûté très cher,
M. LESAGE: Ce sont des scènes qui peuvent s'élever...
M. DOZOIS: Ah! mobiles, il y a les...
M. LESAGE: ... des plateaux hydrauliques des plateaux tournants.
M. DOZOIS: Il y a toutes les installations pour le déplacement
des décors; les projecteurs, et., je sais que c'est très
dispendieux. Si on veut suspendre l'étude de cet article, on m'Informe
que mon collègue des Affaires culturelles sera là dans quelques
instants.
M. LESAGE: D'accord. Mais quoi qu'en pense le député de
Frontenac, je ne suis pas assez expert en théâtre pour avoir une
idée du coût des aménagements de scène.
M. DOZOIS: Il est aussi possible que le ministre des Travaux publics
soit en mesure de fournir des renseignements. Je ne sais pas, mais c'est lui
qui a la responsabilité...
M. LESAGE: Si le ministre des Finances ne le sait pas, comment veut-il
que je le sache?
M. DOZOIS: Si on veut suspendre l'article... Je ne pouvais pas
prévoir les questions, je vais m'informer...
M. LESAGE: Très bien, monsieur. Il n'est pas besoin de se
fâcher.
M. DOZOIS: Oh, je ne me fâche pas du tout.
M. LESAGE: Nous allons discuter d'agriculture.
M. DOZOIS: C'est cela.
M. BOUSQUET: Vous connaissez ça, le théâtre.
M. LESAGE: L'ancien ministre de l'Agriculture s'ennuit.
M. DOZOIS: Les arts agricoles.
M. LESAGE: Il y a longtemps qu'il n'est pas intervenu en Chambre.
M. DOZOIS: Vous pensez aux arts agricoles?
M. LE PRESIDENT: Alors, ce poste est en suspens?
M. LESAGE: Oui.
M. LE PRESIDENT: Agriculture et Colonisation, poste 3. Cet article
est-il adopté?
Raffinerie de Saint-Hilaire
M. BOURASSA: J'ai une question à poser au ministre en ce qui a
trait à la raffinerie de sucre. Est-il au courant du travail qui a
été fait par un professeur de l'université d'Ottawa,
travail qui a été publié, je crois, dans le Devoir
récemment et qui suggère certains moyens d'augmenter
l'efficacité de la raffinerie de Saint-Hilaire. On sait que, depuis un
grand nombre d'années, il y a des déficits qui se prolongent et
qui aggravent le déficit global de l'entreprise. M. Barker propose dans
son étude une transformation du conseil d'administration, de même
que l'élargissement des attributions de la raffinerie. Le ministre
est-il au courant de cette étude-là et quelles sont ses
intentions vis-à-vis de la raffinerie?
M. VINCENT: La semaine dernière ou il y a quinze jours, j'ai
reçu une lettre de M. Barker professeur à l'université
d'Ottawa, m'informant qu'il avait l'intention de faire connaître au
public une étude que lui-même avait bien voulu faire en ce qui
concerne l'administration de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire. Je lui ai
répondu au début de la semaine, mais on m'a informé qu'une
lettre avait paru dans le Devoir et dans le journal Le Droit. J'ai donc
demandé de lire cette lettre.
Je puis confirmer, cet après-midi, qu'il est dans les intentions
de la Corporation de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, après
l'analyse du rapport Comtois, Bélanger & Sirois, de faire des
recommandations au conseil des ministres pour apporter des changements dans la
structure administrative et même dans la composition de la Corporation de
la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire.
Entre la prorogation et la reprise de la nouvelle session, nous avons
demandé au secrétaire de la corporation, Me Gamache, de bien
vouloir réunir tous les membres de la corporation pour une
journée complète, afin d'étudier toutes ces
recommandations qui ont déjà fait l'objet
d'une analyse complète d'un groupe spécial. Par la suite,
nous soumettrons au conseil des ministres une série de recommandations
qui, je le crois, peuvent apporter certains changements administratifs.
Ces changements administratifs permettront-ils de réaliser des
profits? J'aime autant le dire tout de suite: II n'est pas possible, dans le
contexte actuel, surtout à cause du prix du sucre, de réaliser
des profits avec la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire.
M. BOURASSA: Oui, mais si on étendait ses attributions. Il y a
deux ans, en novembre 1966, je pense, le ministre de même que le chef de
l'Opposition avaient fait des suggestions en ce qui a trait à la canne
à sucre. Alors, ça fait déjà deux ans, je pense,
que le ministre s'intéresse au problème et il ne paraît pas
être en mesure, ce matin, de dire si on va faire, oui ou non, des
transformations.
M. VINCENT: M. le Président, je crois que le gouvernement du
Québec est intéressé au problème depuis 1887.
M. BOURASSA: Oui, mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire.
M. VINCENT: A cette époque, il était déjà
question de la première raffinerie de sucre. La raffinerie que nous
avons à l'heure actuelle à Saint-Hilaire existe depuis 1944, donc
22 ans avant que je sois nommé président de la Corporation de la
raffinerie de sucre de Saint-Hilaire.
M. BOURASSA: Ce n'est pas une excuse, ça.
M. VINCENT: Non, d'accord, ce n'est pas une excuse, mais il reste quand
même que, 22 ans avant que je sois nommé président de la
Corporation de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, on cherchait d'autres
utilisations à l'usine. Nous en cherchons encore présentement et
nous espérons recevoir des suggestions concrètes qui vont nous
permettre d'utiliser pleinement les facilités physiques et la
main-d'oeuvre que nous avons à Saint-Hilaire. D'ailleurs, encore
récemment, l'adjoint parlementaire, M. Bernatchez, accompagné du
gérant de la raffinerie et du directeur des services spéciaux de
mise en marché, s'est rendu aux Etats-Unis pour voir fonctionner une
usine polyvalente et pour revoir de quelle façon on utilisait au maximum
les facilités physiques qu'ils ont là.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, avec toutes ces compilations,
les suggestions qui nous sont venues de part et d'autre, nous voulons voir
jusqu'où nous pourrons aller pour utiliser cette usine.
M. BOURASSA: Des voeux pieux, et le déficit augmente!
M. LEVESQUE (Laurier): Juste une question. Ce ne sera pas long. Il y a
une chose qui me frappe, et Dieu sait que je ne suis pas un grand expert
agricole, mais puisqu'on parle de sucre j'en entends parler à
l'occasion, dans divers coins au Québec l'Allemagne par exemple,
la France, couvrent une grande partie de leurs besoins, de leur consommation en
sucre à partir de la betterave sucrière en faisant leur propre
transformation. Je ne sais pas quelle est la proportion de leur marché
de consommation domestique qu'ils réussissent à couvrir, mais
chose certaine c'est que ces deux pays, 50 millions d'habitants dans le cas de
la France, 60 millions et plus dans le cas de l'Allemagne de l'Ouest, je parle
de l'Allemagne fédérale, réussissent... Et je lisais tout
récemment un bulletin allemand, le bulletin que tout le monde doit
recevoir, qui est distribué par le service d'information de la
République fédérale allemande, où on se vantait
que, dans ce domaine-là, je crois, on réussissait à
satisfaire quelque chose comme 75% du marché domestique. Alors, ici dans
Québec, on a 5 ou 6 millions d'habitants, peu importe ce qu'on peut
aller trouver comme polyvalence aux Etats-Unis, etc., est-ce que le ministre
pourrait nous dire quelle proportion de notre marché
québécois on couvre actuellement avec notre propre production?
Là, c'est vraiment une question d'Information, on pourra se poser des
questions sur le reste après ou lors d'un autre débat.
M. VINCENT: C'est 6%.
M. LEVESQUE (Laurier): Je ne veuxpas faire répéter, est-ce
que le député de Mercier avait posé cette question? Bon,
Une seule autre question, quant à moi. Est-ce que le ministre a une
idée de la progression ou de la régression de ce pourcentage du
marché par rapport à la production? Je présume que le 6%
vient à peu près exclusivement de Saint-Hilaire.
M. VINCENT: Oui.
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre pourrait dire, depuis
quelques années, en plus ou en moins, est-ce qu'il y a eu un changement
dans ce pourcentage ou bien si c'est à peu près stable, ou
stagnant si l'on veut?
M. VINCENT: C'est à peu près stable, mais il faut quand
même admettre que certaines années, comme cette année, nous
allons avoir un record de production de betteraves à sucre.
M. LEVESQUE (Laurier): De production, oui.
M. VINCENT: Environ 200,000 tonnes, je crois. Nous avons un record
depuis le début. L'an dernier ou il y a deux ans, nous avions eu
seulement 135,000 tonnes. Donc, ça peut varier quelque peu à tous
les ans; mais la moyenne, je crois, a été établie à
6% depuis 1950, la moyenne des années,
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que ça veut dire c'est la
seule autre question, parce que ça m'en suggère une, et je vais
arrêter pour vrai, je vais tenir ma promesse est-ce que ça
veut dire qu'il y a évidemment ce n'est jamais écrit ces
choses, à moins que ça le soit une espèce
d'entente, genre « gentlemens's agreement » avec ce qui est
à toutes fins pratiques un cartel, avec le cartel sucrier, pour que
ça ne dépasse pas certaines limites. Autrement dit que
jusqu'à un certain point, notre production est tolérée sur
notre propre marché.
M. VINCENT: Non, il n'y a pas d'entente ici au Canada en ce qui concerne
les prix du sucre, mais il faut quand même admettre qu'il n'y a pas de
politique de sucre au Canada.
M. LEVESQUE (Laurier): Je parle du Québec là,
évidemment, ça Implique nécessairement des attitudes
pancanadiennes, mais au Québec, non plus, il n'y a pas de politique
sucrière du tout à ce point de vue.
M. VINCENT: Non. Mais il y a une chose que je dois dire quand même
ici, cet après-midi, c'est que plus la production est
considérable, considérant le prix du sucre tel qu'il est depuis
1965, plus le déficit est considérable. En 1966, pour la
production de 1965, nous avons dépassé $1,400,000 de
déficit à la raffinerie. L'an dernier, nous avions atteint tout
près de $1,750,000 de déficit à la raffinerie. Cette
année, avec la production de deux cent milliers de tonnes, le prix du
secre étant à $6.80 les cent livres, nous dépasserons le
million de dollars comme déficit, et j'aime autant ne pas avancer de
chiffres, nous devons avoir un rapport cet après-midi, lors d'une
séance spéciale des membres de la corporation, cet
après-midi.
M. BOURASSA: Le déficit global, le déficit accumulé
est de combien?
M. VINCENT: Il faudrait que j'aie tous les chiffres, mais il y a un
déficit global accumulé, je parle de mémoire, de $5
millions, je crois.
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre pourrait fournir une
étude, un tableau de la situation, parce que c'est une entreprise, on
vit dans le monde des entreprises, qui accumule des déficits. On finit
par se sentir terriblement concombres. Je me souviens, quand nous étions
au gouvernement, nous avions le même sentiment. Nous aurions dû
l'avoir à ce moment-là, je le suppose, mais vu que nous ne
l'avons pas, n'y aurait-il pas moyen d'avoir une étude qui pourrait
être utile à la Chambre et certainement à la population
aussi, pour qu'on arrête d'avoir des déficits inexpliqués?
Pourquoi ne pas avoir un tableau un peu cohérent de l'Industrie du
sucre, qui affecte directement sur le marché québécois
cette entreprise qu'on a mis sur pied avec l'argent des contribuables et dont
on bouche les trous indéfiniment, de façon à ce qu'on s'y
retrouve? N'y aurait-il pas moyen d'avoir cela?
M. VINCENT: Oui, il serait possible d'avoir ce genre d'étude dont
le député de Laurier parle. C'est d'ailleurs notre intention de
distribuer à tous les députés de cette Chambre
l'état des opérations de la raffinerie de sucre depuis
1944...
M. LEVESQUE (Laurier): Des analyses du marché.
M. VINCENT: C'est cela, des analyses du marché. Nous sommes
à faire cette compilation. La compilation qui a été faite
n'était pas complète. Nous avons demandé des chiffres
supplémentaires. Il faut quand même ajouter ceci, c'est que,
depuis 1944, le gouvernement du Québec garantit aux producteurs de
betterave à sucre un prix de $13 la tonne, sans tenir compte de la
teneur en sucre et du prix du sucre. Il y a un prix minimum garanti de $13 la
tonne aux producteurs, qui ne tient absolument pas compte du prix du sucre, qui
ne tient pas compte également de la teneur en sucre de la betterave. Ce
qui n'existe nulle part au monde. Aux Etats-Unis, en Ontario, dans les pays
d'Europe, on paye la betterave suivant le prix de revient du sucre et suivant
la teneur en sucre, c'est cela, à la tonne.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est que l'on a
fait des industries rentables. Il s'agirait que nous puissions avoir des
éléments pour voir si cela peut être rentable chez
nous.
M. VINCENT: L'industrie elle-même est rentable, mais la
production, à l'heure actuelle, est plus rentable au Québec
à cause du prix garanti de $13 la tonne et également à
cause d'un autre montant qui s'ajoute à ces $13 la tonne, et qui vient
du fédéral.
M. LEVESQUE (Laurier): Et peut-être aussi à cause de notre
insignifiance sur notre propre marché. C'est évident que si nous
avons seulement 5% de notre marché, nous ne sommes pas forts.
M. VINCENT: Non parce qu'à l'heure actuelle, si nous comptions la
subvention du gouvernement provincial...
M. LEVESQUE (Laurier): ... autrement dit, prix unitaire.
M. VINCENT: ... si nous comptions la subvention du gouvernement
fédéral, cela veut dire qu'il y a une subvention pour la
betterave à sucre d'environ $10 ou $11 la tonne.
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, mais qu'est-ce que cela fait? Il faudrait
les chiffres mais, en tout cas... C'est parce qu'il y a un prix unitaire, il y
a la capacité de production. Autrement dit, une machine qui fait, quel
que soit l'équipement, supposons 1,000 tonnes, est plus rentable qu'une
machine qui en fait 10. Cela se relie directement à la place
occupée sur le marché. Alors, si nous n'avons pas tous les
chiffres, on ne peut pas juger.
M. VINCENT: Il nous faut absolument tous les chiffres. L'ex-ministre de
l'Agriculture, qui a été président de la raffinerie de
sucre de Saint-Hilaire, va quand même confirmer ceci. C'est que la
raffinerie de sucre de Saint-Hilaire existe depuis 1944. Les machines qui ont
été achetées en 1944 ou 1942 étaient
déjà de vieilles machines, elles sont encore là, nous les
utilisons encore pour faire une opération de 1,500 tonnes, au maximum
2,000 tonnes de betterave par jour que l'on peut usiner. Aux Etats-Unis, la
nouvelle usine qu'un groupe est allé voir la semaine dernière
peut usiner 3,000 tonnes par jour. C'est donc le double avec de la machinerie
plus moderne, avec moins d'employés, on peut usiner le double de ce que
nous pouvons usiner à Saint-Hilaire.
C'est pour cela qu'il faut faire une étude de rentabilité.
D'ailleurs, le ministre des Finances nous a demandé, quand nous allons
le voir pour faire combler nos déficits, s'il n'y aurait pas lieu de
changer ce qui, à la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, date de 30 ou
40 ans.
M. BOURASSA: Une question du ministre des Finances.
M. DOZOIS: Je voudrais seulement ajouter quelques commentaires à
ce que vient de dire le ministre de l'Agriculture. Je confesse, dès le
début de ces remarques, que je ne connais pas l'agriculture et que je ne
connais pas la culture de la betterave à sucre.
M. LEVESQUE (Laurier): Vous lisez les chiffres.
M. DOZOIS: Oui, mais je me suis intéressé à ce
problème parce que l'on me demande, justement à titre de ministre
des Finances, des subventions assez substantielles chaque année.
UNE VOIX: Presque régulièrement.
M. DOZOIS: Il y a une chose qui me frappe d'une façon
particulière, c'est que, dans ce commerce du sucre, on occupe seulement
la petite place qu'on a signalée sur le marché du Québec
et qu'on fait face, en apparence, à un trust considérable, qui
est le trust du sucre dans toute l'Amérique et qui, lui, contrôle
les prix.
Nous n'avons pas le choix. Lorsqu'on a établi que le prix du
sucre était de $6.50 les 100 livres, il faut suivre.
Or, règle générale, le prix du sucre ne nous permet
pas, en payant $13 la tonne comme nous le faisons, prix minimum, de faire des
bénéfices et nous connaissons des déficits. Mais il arrive
ceci d'assez cocasse, c'est que le gouvernement fédéral
intervient pour aider les producteurs de betterave à sucre avec un
subside lorsque le prix du sucre aescend, sans tenir compte que nous, nous
payons $13 la tonne, quel que soit le prix du sucre. Si bien que nous nous
trouvons dans la situation assez cocasse que, plus le prix du sucre est bas,
plus nous perdons d'argent, mais plus le cultivateur reçoit d'argent
pour sa tonne de betteraves.
UNE VOIX: Un autre argument de séparatiste.
M. DOZOIS: C'est assez cocasse, tout de même. Je me demande s'il
ne faudrait pas ra-
juster le prix de la tonne, pour être plus objectif, et s'il ne
faudrait pas que le subside vienne à la raffinerie de sucre plutôt
qu'au cultivateur qui, si le marché est mauvais pour nous et que nous
faisons des pertes, encaisse la compensation de la perte alors qu'il a un prix
minimum garanti.
Or le ministre de l'Agriculture en a fait mention la
raffinerie de sucre a été installée en 1942 ou 1943 avec,
à cette époque, une machinerie de seconde main. Il y a 25 ans de
ça. Moi, j'ai posé le problème suivant: N'y aurait-il pas
lieu de dépenser quelques millions de dollars pour renouveler la
machinerie et ne serait-ce pas plus rentable d'investir $1
million, $2 millions ou $3 millions je ne sais pas ce que cela peut
coûter pour se moderniser? Parce que je pense bien que c'est une
culture que nous ne pouvons pas abandonner.
M. LEVESQUE (Laurier): Et assurer la pénétration de notre
damné marché à nous autres, toujours!
M. DOZOIS: Oui, peut-être. Alors tout ça est actuellement
à l'étude.
M. VINCENT: Je voudrais ajouter quelque chose. Peut-être
faudrait-il également casser la chaîne de fabrication que nous
avons. A l'heure actuelle, nous recevons la betterave à sucre, nous
l'usinons, nous fabriquons le sucre brut, nous en retirons la mélasse,
nous en retirons la pulpe, nous ensachons le sucre, nous l'entreposons et par
la suite, nous avons des vendeurs sur la route pour vendre le sucre.
N'y aurait-il pas lieu et c'est ça que l'analyse nous
apprendra à un moment donné d'ailleurs, nous avons
demandé à des compagnies de nous faire des prix sur le sucre brut
ou sur le sucre liquide, sur le sirop au lieu de procéder
à l'ensachage, à l'entreposage, de vendre le produit en sucre
brut ou en sirop? C'est tout ça que nous analysons à l'heure
actuelle pour éviter que la raffinerie de sucre continue ce processus
jusqu'à la fin de la chaîne. Nous savons très bien que
lorsque nous sommes obligés d'acheter pour$100,000ou$125,000 de sacs,
que nous sommes obligés de payer au-dessus de $100,000 d'entreprosage,
ce n'est certainement pas une façon de faire un profit pour la
raffinerie, surtout lorsque nous sommes sur le marché seulement pour 6%
de la consommation.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est ça, quand les quantités ne
justifient pas...
M. VINCENT: Par la suite également, comme l'ont
suggéré plusieurs députés, comme le
suggèrent également plusieurs hommes d'affaires, si, avec les
autres productions qui s'annoncent: production industrielle dans la
région de colza, de soja et de mais, on pouvait arriver à avoir
une usine quelque peu polyvalente, on pourrait faire autre chose à
d'autres moments de l'année, parce qu'en définitive la betterave
à sucre, ça dure entre 80 et 100 jours tous les ans. Le reste du
temps, il n'y a rien à faire là, excepté entretenir la
machinerie, effectuer les réparations nécessaires, faire la
publicité auprès des producteurs, rencontrer ces derniers et
élaborer de nouveaux plans de culture.
Donc, si nous pouvions utiliser cette bâtisse et ces terrains,
ainsi que les facilités humaines que nous avons là, dans d'autres
domaines, ça deviendrait probablement intéressant non pas pour
réaliser des profits, mais pour permettre à la classe agricole de
la région d'avoir un débouché pour un marché via la
raffinerie de sucre de Saint-Hilaire et pour permettre également
à une partie de la population de la région de travailler à
la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire.
M. COURCY: En réponse au député de Laurier, c'est
la capacité de l'usine qui fait notre possibilité de vente, parce
qu'on n'a aucun problème de vente à l'usine. Qu'on produise
200,000 tonnes ou 300,000 tonnes de sucre, on vale vendre facilement; mais
c'est l'usine qui a une capacité de 200,000 tonnes ou moins. On ne peut
pas aller plus loin actuellement.
Maintenant les prix fixés aux cultivateurs sont de $13 la tonne.
D'après le ministre des finances, une de ses suggestions voudrait
réduire ce prix minimum pour pouvoir équilibrer...
M. VINCENT: Mais le député...
M. COURCY: ... les opérations, ce serait de réduire les
opérations. Si nous regardons toute l'agriculture
québécoise, dans tous les domaines de production, que ce soit
pour le lait, pour le beurre, le porc, l'achat des engrais chimiques, que ce
soit les grains de consommation qui viennent de l'Ouest, que ce soit même
les grains de semence, tout est subventionné ou pratiquement dans le
Québec. Il y a une raison, c'est parce que le coût de production
au Québec coûte plus cher que dans l'Ontario et les autres
provinces de l'Ouest.
Alors notre agriculture est subventionnée; autrement elle
disparaîtrait. Elle disparaîtrait du Québec à cause
de nos conditions climatiques et de nos conditions de sol.
Alors, est-ce que la betterave à sucre, avec $300,000 de
déficit par année à la raffinerie, est-ce que ce n'est pas
une subvention donnée aux cultivateurs?
M. VINCENT: C'est plus que $300,000 de déficit, c'est une
subvention qui dépasse le $1 million.
M. COURCY: C'est une compensation à celui qui produit de la
betterave à sucre, comme il y a compensation à celui qui produit
du lait industriel, à celui qui élève du porc, ou du
boeuf. Alors notre agriculture, en général, est
subventionnée...
M. LEVESQUE (Laurier): Le député d'Abitibi-Ouest me
permet-il? Quant au sol, je ne sais pas, mais puisque nous avons des experts,
on m'a dit à quelques reprises qu'au point de vue du sol les
conditions climatiques, c'est autre chose, tous les pays ont des hivers, tous
ceux que je nommais tantôt - mais on a un sol qui, dans plusieurs
régions, est plutôt propice à la betterave, contrairement
à d'autres cultures.
M. COURCY: Moins que l'on dit en général. Parce qu'une
étude a été faite par M. Lagacé...
M. VINCENT: Dans Saint-Hyacinthe, c'est excellent.
M. LEVESOUE (Laurier): C'est ce qu'on m'a dit.
M. COURCY: ... directement dans des régions comme Portneuf,
directement dans d'autres parties de la province, dans l'Ouest
québécois, où les gens disaient: On devrait établir
ici une usine de transformation pour la betterave à sucre; mais quand
arrivent les études, faites entre autres par M. Lagacé, un expert
à la raffinerie, il dit; A Sainte-Anne-de-la-Pocatière, à
la ferme expérimentale, on a découvert qu'il y aurait
peut-être des possibilités. C'était peut-être,
à ce moment-là, une des régions qui pouvait s'adapter le
mieux, mais le gouvernement doit-il partir une autre raffinerie, car
l'industrie privée n'en partira jamais?
M. LEVESOUE (Laurier): On est mieux de rendre celle-là
rentable.
M. COURCY: Oui, alors mieux vaut rendre celle-là rentable que
d'essayer d'en ouvrir d'autres dans de mêmes conditions. Alors il y a eu
des comités formés par le ministre, par l'ancien ministre aussi
pour faire une étude, et nous arrivons à toutes sortes de
recommandations: Transformer la canne à sucre, faire le cidre et
transformer les autres produits de la pomme. Vous avez eu ces
recommandations-là, nous avons eu aussi la recommandation de transformer
l'ensachage en faisant du sirop et du sucre liquide, en faisant du sucre en
vrac dans les silos pour satisfaire quelques maisons, par exemple les
confiseries qui emploieraient plutôt ce genre de sucre que le sucre
ensaché. C'est vrai. Mais il y a un investissement à faire, et le
ministre le sait.
D'ailleurs, le ministre des Finances l'a dit tout à l'heure parce
qu'il se pose la question. Ne devrions-nous pas investir quelques millions de
plus pour l'améliorer et la rendre plus rentable? Moi, je dis je le
crois sincèrement. Il en était question de mon temps et,
d'ailleurs, il en est encore question. Le comité formé avec MM.
Comtois, Bélanger et Sirois a fait des recommandations certaines, et
j'apprends que l'adjoint parlementaire, M. Bernatchez, député de
Lotbinière, est allé, avec cette commission probablement, faire
des études aux Etats-Unis. Nous avons des méthodes de production
ici, dans la province de Québec, qui diffèrent un peu de ce qui
se passe à l'extérieur, à ma connaissance.
Nous avons surtout des méthodes de conservation qui. sont
complètement différentes de celles d'ailleurs. Par exemple
à l'usine, ici, on reçoit à un moment donné de
30,000 à 40,000 tonnes: on empile des tas de betteraves. On a
jusqu'à 150,000 tonnes de betteraves qui sont empilées. Cela ne
se produit pas comme ça ailleurs, parce qu'ailleurs on paie selon le
pourcentage en sucre et le pourcentage en sucre diminue par exemple avec les
gelées, diminue avec le chauffage, et avec la betterave en tas: le
pourcentage diminuant, c'est la raffinerie qui en subit la baisse. C'est
toujours la raffinerie qui subit le contre-choc.
Si nous regardons un peu ce qui se passe à l'extérieur, ce
ne sont pas les raffineries qui subissent les chocs; ce sont les producteurs
eux-mêmes qui, ne prenant pas soin de leur entreposage de betteraves
avant de les transporter à la raffinerie, subissent eux-mêmes la
baisse du pourcentage par la diminution en sucre.
Est-ce que nous pouvons, aujourd'hui, nous du Québec, continuer
de payer les cultivateurs selon le pourcentage en sucre? Si nous le faisons, le
ministère de l'Agriculture et de la Colonisation ou le gouvernement du
Québec sera dans l'obligation, par l'assurance-récolte, de payer
la différence. Cela revient au même vu qu'une mauvaise
année se produira et que la
betterave sera pauvre en sucre; alors, il y aura des réclamations
auprès de l'assurance-récolte en disant: L'an passé, nous
avions eu 15%; cette année nous avons seulement 8%. Donc il y a des
dommages aux récoltes payables par l'assurance-récolte.
Alors on va être pris d'un côté comme de l'autre.
Compenser par la raffinerie ou compenser par l'assurance-récolte, cela
revient au même pour l'ensemble du gouvernement. Alors, étant
donné, selon moi, que toutes les productions agricoles sont
subventionnées, je ne trouve pas scandaleux, à un moment
donné, que la betterave à sucre ait un prix minimal garanti. Nos
cultivateurs pourront arriver à produire de la betterave à un
prix raisonnable et je ne trouve pas scandaleux de leur fournir une subvention
pour compenser les pertes s'il y en a. Cela se fait dans toutes les autres
productions; pourquoi cela ne se ferait-il pas pour la betterave?
M. LESAGE: M. le Président, juste un instant, avant que le
ministre de l'Agriculture et de la Colonisation ne réponde à la
question du député d'Abitibi-Ouest...
M. DOZOIS: A moins que ça ne soit adopté...
M. LESAGE: Non, mais voici ce que...
M. DOZOIS: Nous n'avons pas d'objection...
M. LESAGE: Bien, un instant, ça va prendre un instant. Le
ministre des Finances m'avise qu'il va y avoir une séance du Conseil de
la trésorerie à laquelle doit assister le ministre des Travaux
publics et ce dernier a, en ce qui concerne le Grand Théâtre de
Québec, la réponse à la question que j'ai posée
quant à la dépense du montant de $760,000 pour
l'aménagement de la scène.
M. RUSSELL: Bien, voici...
M. LESAGE: Cela va prendre deux minutes.
M. RUSSELL: M. le Président...
M. LESAGE: Le ministre m'a donné la réponse dans le
corridor; elle m'a satisfait, mais il faut qu'il la donne en Chambre.
M. RUSSELL: Voici, M. le Président: la scène fait partie
du contrat principal; donc le coût global à la suite des
soumissions publiques était de $1,200,000. Par suite de revisions par
des spécialistes dans ce domai- ne je ne connais pas ce
système de toute façon, le montant a été
réduit à $750,000; c'est donc qu'il est compris dans ce montant
et la balance des $2 millions est pour...
M. LESAGE s Cela a été expliqué.
M. RUSSELL: Si ça a été expliqué, c'est
très bien.
M. LESAGE: Alors, le ministère des Affaires culturelles,
adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté. M. DOZOIS: Adopté.
M. BROWN: Mr. Speaker, there are several points that are most difficult
for the farmers today and I would like to list these and find out how much of
this money is going to help them out in these certain points?
One; The net income of the farmers today is insufficient and it is
becoming increasingly so; this is a great burden on the farmers' shoulders.
Two; The market prices are below par. Does this budget in any way help
out these market prices?
Three: The future on the milk policy undeclared by the Government, is
that there is going to be a new policy coming out of this budget to help the
farmers in setting up a normal price for fluid and commercial milk.
And, under the milk question, one of the greatest things bothering the
farmers is what is happening to the surplus milk? Do they get a decreased price
for it?
M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais attirer votre
attention sur l'intervention que fait présentement l'honorable
député de Brome. Il est question dans nos règlements, que
nous devons étudier article par article en comité des subsides,
des postes qui sont bien précis.
Au poste 3, il s'agit de la Direction générale de la
production et de l'aménagement agricole, de cela strictement. On a fait
un débat, pendant quelques minutes sur la raffinerie de Saint-Hilaire.
J'attire votre attention, M. le Président, sur le fait que, si l'on
parle du prix du lait, de l'aménagement ou de différentes choses
l'article porte ce titre-là, mais le débat devrait se
restreindre et si l'on veut refaire tout le débat fait en
comité des subsides, lors de l'étude des budgets, nous serons
sûrement obligés de passer plusieurs jours à discuter.
MR. BROWN: Well, Mr. Chairman, if the Government does not want to
discuss these outsiding points, certainly, I am not going to ask them but it is
something that all farmers are worrying about.
M. VINCENT: Non, M. le Président, je ne crois pas que c'est parce
que le gouvernement ne veut pas discuter ces points particuliers; c'est parce
qu'à l'heure actuelle nous avons au budget supplémentaire pour la
raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, plus un autre montant de $450,000 pour
perte de récolte. Je prends note des observations de l'ex-ministre de
l'Agriculture, le député d'Abitibi-Ouest, au sujet de la
raffinerie de sucre de Saint-Hilaire. Je voulais simplement dire au
député de Laurier et aux autres que, lorsque le ministre des
Finances a parlé des subventions que nous payons aux producteurs de
betterave à sucre, il voulait mentionner que, lorsque le prix du sucre
était très bas, à $6 les cent livres, le gouvernement
fédéral donnait une subvention plus forte aux producteurs.
Nous, nous continuons à payer $13 la tonne. Si, par hasard, le
prix du sucre, comme ce fut le cas en 1963 ou 1964, augmentait à $10 ou
$11 les cent livres, nous paierions encore aux producteurs $13 la tonne, alors
que le gouvernement fédéral n'aurait probablement pas de
subvention à verser aux producteurs. A ce moment-là, nous
pourrions réaliser un profit. C'est cela que nous ne pouvons concevoir
dans une politique bien établie concernant la raffinerie. Le producteur
n'a pas, avec la politique actuelle, la protection qu'il devrait avoir. Si le
prix du sucre est bas, d'accord, il reçoit une subvention du
gouvernement fédéral et il reçoit encore $13 la tonne du
gouvernement provincial. Si le prix du sucre est élevé, il ne
reçoit plus rien du gouvernement fédéral et il ne recevra
que $13 la tonne du gouvernement provincial.
M. COURCY: Oui.
M. VINCENT: Donc, ce n'est pas rationnel. En ce qui concerne la
production de la bettra-ve, nous sommes conscients qu'il y a là tout
près de 1,000 producteurs qui vont chercher un revenu pour un bon
pourcentage d'entre eux très substantiel et très
intéressant. On me dit que, l'an dernier, l'un des producteurs a
reçu tout près de $40,000 de la raffinerie de sucre de
Saint-Hilaire pour vente de bettraves. Ce producteur a fait une assez bonne
année.
C'est intéressant de regarder également, sur le plan
économique, l'apport de la raffi- nerie à la région de
Saint-Hilaire. C'est pour cela que le ministre des Finances nous a
demandé, avec raison, s'il n'y aurait pas lieu de réexaminer
toute la structure physique de la raffinerie et même, peut-être, de
demander au conseil des ministres des investissements d'un, de deux ou de trois
millions répartis sur une période de X année, afin de
rendre cette usine plus fonctionnelle et plus moderne, parce que
réellement, nous devons le confirmer, elle ne répond plus aux
exigences de 1968. Elle est encore à l'heure de 1944.
M. COURCY: Mais, il y a une raison à ce que le
fédéral augmente ses subsides.
M. VINCENT: Oui, oui, je sais, mais il reste que cette
politique-là n'a pas été bâtie avec nous.
M. COURCY: Nous sommes la seule raffinerie au monde...
M. VINCENT: Oui.
M. COURCY: ... qui paie sur le tonnage. Partout ailleurs, au Canada et
même aux Etats-Unis et en Europe, on fait les paiements suivant le
pourcentage de sucre dans la bettrave et suivant le prix du sucre. C'est comme
dans nos beurreries au Québec, où l'on fait les paiements selon
le pourcentage de gras et le prix de vente du beurre.
Alors, étant donné que nous avons la seule raffinerie
comme ça, c'est vrai ce que le ministre dit: Parce que le cultivateur va
retirer ses $13 la tonne, peu importe que le sucre soit à $15, $16 le
sac ou qu'il soit à $6 ou $7 le sac. Mais le gouvernement donne plus, si
le prix du sucre est moindre. Ici dans le Québec, nous avons fixé
un prix, quand je dis nous, le gouvernement a fixé un prix de $13 la
tonne. Peu Importe ce qui arrive. Il a pris le risque, à ce
moment-là, d'établir une production nouvelle dans la province de
Québec. Il faut bien se placer au temps où la raffinerie, en
1944, a été établie. Il s'agissait d'établir une
production nouvelle dans la province de Québec. D'ailleurs, on a
aidé aussi à l'établissement de vergers, à un
moment donné. On a aidé à l'établissement de
fraisières, un peu partout, dans la province. On a aidé à
l'Introduction d'animaux de boucherie dans le Nord-Ouest
québécois et ailleurs dans la province. On a aidé à
l'établissement de la production de la pomme de terre, par exemple dans
le Bas Saint-Laurent avec la Manic, que le ministre connaît. On a
aidé à l'établissement de différentes productions.
D'ailleurs,
c'est dans le programme de tous les partis, d'aider à
établir dans le Québec des productions nouvelles qui sont
adaptées. Dans le cas de la betterave à sucre, la production est
adaptée au sol et au climat de cette région, mais que nous
subventionnions en payant les déficits ou que nous subventionnions
directement le producteur, ça revient au même. Maintenant les
études qui ont été faites,...
M. BELLEMARE: Adopté.
M. COURCY: Non, M. le Président, juste un instant. Les
études qui ont été faites par Comtois, Bélanger
& Sirois, il y a une couple d'années que ces études-là
ont été commandées...
M. VINCENT: Commandées, oui.
M. COURCY: Les études qui ont été commandées
contiennent certainement des recommandations. Je vois difficilement que le
ministre des Finances recommande qu'on fasse une étude, encore une fois,
sur la rentabilité de l'industrie. Comtois, Bélanger & Sirois
ont dû la faire, cette étude de rentabilité, après
avoir visité différentes autres usines, non seulement au Canada,
mais aux Etats-Unis, ont dû faire des recommandations, pour la
transformation de l'usine et non seulement la transformation de la direction,
comme Barker vient de faire actuellement. Alors tout ça existe. Il
suffit, à un moment donné, de passer à l'action. Quelle
sera l'action? Il appartient au conseil des ministres d'en décider. Il
appartient au conseil des ministres, qui a en main les chiffres, qui a les
recommandations, toutes les études actuellement faites, de passer
à l'action. Quelles sont les intentions du ministre à ce sujet?
A-t-il l'intention de passer à l'action sous peu, suivant les
recommandations faites par ces différents comités qui ont
été formés?
M. VINCENT: Je l'ai dit dès le début, une réunion
se tiendra probablement au début de Janvier, la date n'est pas encore
fixée. Tous les membres de la corporation, plus les principaux
responsables de la raffinerie, doivent y faire une série de
recommandations au conseil des ministres. A ce moment-là, bien...
M. COURCY: Quels sont les changements qui ont été
opérés?
M. VINCENT: Voici. Toute une série de changements ont
été apportés à la raffinerie de sucre. A l'heure
actuelle, je sais que je pourrais les énumérer, mais Je pense que
l'ex-ministre comprendra qu'il serait préférable qu'on ait tous
les points. Je n'ai pas la documentation ici du tout, je n'ai pas le dossier de
la raffinerie. Je parle seulement de mémoire, je ne voudrais pas donner
des renseignements qui ne sont pas exacts. Je parle seulement de
mémoire, mais je suis, je serai en mesure, dès la reprise de la
session, au prochain comité de l'agriculture, d'avoir tous les
renseignements. Je crois bien qu'à ce moment-là, et c'est une
suggestion que je fais bien gentiment, à ce moment-là, je pense
que, pour la première fois, nous devrions faire venir le gérant
de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire et les principaux officiers, pour
avoir une discussion de quelques heures, pour que les députés
puissent poser des questions.
On parle de cette question de raffinerie depuis nombre d'années,
mais jamais on est allé au fond du problème, jamais on n'a
posé des questions aux Ingénieurs qui sont là, à M.
La-gacé, qui est le gérant adjoint ou à M. Filion, qui est
le gérant. Je pense que ce serait une suggestion qui devrait être
acceptée...
M. COURCY: Oui.
M. VINCENT: ... pour qu'au prochain comité de l'agriculture, on
puisse poser des questions aux officiers de la raffinerie.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. COURCY: Je crois bien que le bureau de direction de la raffinerie
siège actuellement assez souvent avec ses officiers supérieurs
à la raffinerie.
M. VINCENT: Oui.
M. COURCY: Cela se passait comme ça...
M. VINCENT: Oui.
M. COURCY: ... et toutes les questions pertinentes étaient
posées à ces officiers-là, qui nous donnaient les
réponses et qui faisaient des suggestions. Maintenant,
adopté.
M. BELLEMARE: Adopté. Article du Conseil exécutif.
M. LE PRESIDENT: Conseil exécutif, poste 20.
M. BELLEMARE: Ce sont les $30,000 pour l'enquête qui a
été demandée sur la langue.
Dommages aux récoltes
M. COURCY: Ce sont les subventions aux agriculteurs pour dommages aux
récoltes de 1967, $450,000.
M. VINCENT: Très succintement, voici, c'est qu'en 1967, il y a eu
des pertes de récoltes dans différents comtés de la
province. A ce moment-là, le Conseil des ministres avait consenti
à verser une Indemnité de $6 l'acre pour le grain ou pour les
céréales. Nous avions fait des recherches, des enquêtes ou
des analyses avec les groupements de l'UCC. Nous avions des listes de
cultivateurs, à qui nous avons fait parvenir des chèques, mais,
à ce moment-là, nous étions presque certains que la liste
n'était pas complète, que nous devions faire d'autres
vérifications, même des contre-vérifications. Ce qui est
arrivé, c'est qu'en juin, juillet, nous avons payé avec toutes
les pertes de récoltes pour 1967, $1,650,000. Et comme nous manquions de
fonds à ce moment-là, nous avons dit: Nous demanderons un budget
supplémentaire après que l'enquête sera
complétée. C'est la raison pour laquelle nous demandons
aujourd'hui $450,000. Les cultivateurs attendent ce montant depuis le mois de
septembre, mais il fallait passer par le budget supplémentaire pour
compléter les paiements qui ont été faits en juin, juillet
et août aux cultivateurs de certains comtés de la province.
M. COURCY: Si je comprends bien, la nature des dommages, c'est?
M. VINCENT: C'est $6 l'acre, pour perte de céréales.
M. COURCY: Quelle est la nature des dommages? Quelles régions ont
été affectées?
M. VINCENT: Cela a affecté le bas Saint-Laurent, la région
autour de Québec ici. En Abitibi, en 1967, il y a également eu
des dommages, et des demandes qui ont été acceptées par le
ministère, qui a accepté, comme ce fut le cas au cours des deux,
trois ou quatre dernières années, de donner une aide pour le
transport et l'achat d'avoine de semence. Cela donnait satisfaction,
après discussion dans la région de l'Abitibi mais, dans d'autres
régions, il y avait des pertes complètes de grain quiétait resté sur le champ, et nous en étions venus
à la conclusion que nous devions payer $6 l'acre pour tout l'acrage de
grain ensemencé.
M. COURCY: Le ministre dit qu'il payait $6 l'acre.
M. VINCENT: Oui.
M. COURCY: Dans d'autres parties, comme le Nord-Ouest
québécois, combien le ministre a-t-il payé?
M. VINCENT: L'aide au transport et à l'achat de l'avoine de
semence.
M. COURCY: Cela se chiffre par combien, à l'acre?
M. VINCENT: Je n'ai pas les chiffres. M. COURCY: $2?
M. VINCENT: A peu près, mais je n'ai pas les chiffres.
Maintenant, voici. Je pourrais quand même dire que nous avons
réglé dans Portneuf, Lotbinière, la Beauce. Je
reçois des demandes de dommages, dans la région de Nicolet, mais
elle n'est pas comprise.
M. COURCY: Nicolet doit être compensé à $6
l'acre?
M. VINCENT: Non. Nicolet n'est pas compris.
M. COURCY: Lotbinière a été plus fort que le
ministre.
M. VINCENT: Il ne s'agit pas d'être plus fort ou moins fort, c'est
une question de climat.
M. COURCY: D'accord. Est-ce que le ministre peut me dire comment s'est
faite cette enquête? Il me dit qu'après le début de
l'exercice financier, ça veut dire au 31 mars 1968, le ministre a
reçu des réclamations pour dommages aux récoltes de 1967,
après le début de l'exercice. Cela veut dire qu'au 31 mars 1968
et à venir jusqu'à maintenant, le ministre a reçu des
demandes pour dommages de récoltes pour 1967. C'est ça? C'est
écrit ici.
M. VINCENT: C'est ça.
M. COURCY: Est-ce que le ministre peut me dire comment s'est faite cette
évaluation, par qui elle a été faite. Est-ce en 1968?
M. VINCENT: La première évaluation a été
faite sur les pertes de grain, les pertes de foin. Nous en sommes venus
à la conclusion, à la fin de l'année financière,
que nous paierions $6 l'acre de grain ensemencé au cours de
l'année 1967.
M. COURCY: Quels officiers du ministère de l'Agriculture ont
été capables, à l'automne 1968 ou à
l'été 1968, d'établir les pertes sur des récoltes
de 1967?
M. VINCENT: C'est justement. C'était absolument impossible avant
le mois de mai.
M. COURCY: C'était impossible.
M. VINCENT: Il était impossible, au cours de l'hiver 67/68, de
voir sur place quel était l'acrage de grain ensemencé
l'année précédente. Mais, dès le mois de mai,
dès juin, dans certaines régions, d'autres régions le 15
mai, un officier du ministère ou un administrateur du ministère
pouvait quand même vérifier sur une ferme qu'il y avait là
du chaume ensemencé l'année précédente, ce qu'il ne
pouvait pas faire au mois d'avril ou au mois de février.
C'est la raison pour laquelle en février-mars, il nous
était impossible de vérifier sous la neige, mais qu'en mai-juin,
un représentant du ministère pouvait vérifier si M. Untel,
qui avait fait une réclamation tardive, avait bien raison de
réclamer pour 20, 25 ou 30 acres d'avoine ensemencées au cours de
l'année 1967.
M. COURCY: Faire des réclamations pour 20, 25 ou 30 acres, c'est
facile, mais ce n'est pas là-dessus que le ministre s'est
basé.
M. VINCENT: Non, non, non.
M. COURCY: Le ministre a dû se baser sur la perte de
récolte. D'ailleurs, c'est ce qu'il dit pour la perte de récolte.
Comment le ministre et ses collaborateurs ont-ils pu un an après
déterminer une perte de récolte?
M. VINCENT: La perte de récolte a été
considérée comme réelle dans tous ces comtés. C'est
là que le ministère en est arrivé à un
barème qu'il a utilisé, soit $6 l'acre partout où les
cultivateurs avaient ensemencé du grain en 1967.
M. COURCY: A l'exception du Nord-Ouest québécois
cependant.
M. VINCENT: A l'exception du Nord-Ouest québécois,
à l'exception des comtés de Drummond, Arthabaska, Nicolet,
Joliette, l'Assomption et tous les autres comtés. Cela touche seulement
une dizaine de comtés de la province.
M. COURCY: Mais est-ce que le ministre est capable d'expliquer comment
il a pu faire l'évalution des dommages?
M. VINCENT: Bien, cela dépendait du temps qu'il faisait. Je ne
peux pas expliquer pourquoi il n'y a pas eu de perte dans Nicolet et pourquoi
il y en a eu dans Lotbinière.
M. COURCY: J'ai l'impression que le ministre de l'Agriculture...
M. VINCENT: Bien, il faut quand même affirmer ceci...
M. COURCY: ... a laissé le cultivateur déterminer
lui-même sa perte.
M. VINCENT: Tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas de barème
bien établi pour analyser les pertes de récoltes ou les dommages
aux récoltes l'ex-ministre est au courant tant et aussi
longtemps qu'il n'y aura pas de critères bien établis, ce sera
généralement fait au « piffomètre ». C'est
d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons proposé un régime
d'assurance-récolte afin qu'à l'avenir, on puisse analyser sur
place et de façon méthodique les pertes de récoltes. S'il
n'y a pas de régime d'assurance-récolte, s'il n'y a pas de
barème ou de critère bien établis, l'analyse des pertes de
récoltes malgré la meilleure volonté de nos
fonctionnaires, malgré la meilleure volonté de nos techniciens,
de nos experts, malgré la meilleure volonté de nos
professionnels, est très difficile à évaluer. Il faut
faire cela en tenant compte de bien des facteurs, en tenant compte des
déclarations des exploitants eux-mêmes, en tenant compte de
l'expérience de nos fonctionnaires et de l'expérience,
également, de reux qui travaillent dans ce domaine depuis six, sept,
huit ou dix ans.
M. COURCY: Alors pour la nature des dommages, le ministre s'est
basé...
M. BELLEMARE: Adopté.
M. COURCY: ... sur la déclaration des cultivateurs
eux-mêmes...
M. BELLEMARE: A l'ordrel M. le Président.
M. COURCY: ... qui lui ont déclaré avoir perdu, par
exemple, 50 minots d'avoine...
M. VINCENT: Déclaration des cultivateurs et
contrevérification par la suite...
M. COURCY: Un an après, impossible. Cela, le ministre doit
l'admettre.
M. VINCENT: Pardon?
M. COURCY: Le ministre doit admettre qu'un an après, il est
impossible de faire la contre-vérification, tout ce qu'on peut faire,
c'est retourner chez le cultivateur et lui demander; Tu as
déclaré avoir perdu 1,000 minots d'avoine, est-ce vrai, oui ou
non?
M. VINCENT: Si le cultivateur a fait sa déclaration ou sa
réclamation au mois d'octobre 1967, un officier d'administration dans un
comté donné ou dans une région donnée, peut aller
sur place vérifier si M. Untel avait 15, 20 ou 30 acres
d'ensemencées.
M. COURCY: C'est secondaire.
M. VINCENT: C'est secondaire, mais il faut quand même, si nous
payons $6 l'acre, vérifier s'il y avait réellement 25 ou 30 acres
de terrain d'ensemencées. Mais si la demande arrive au mois d'octobre ou
novembre et que la neige est arrivée, l'officier ne peut pas
vérifier s'il y avait réellement 20, 30 ou 35 acres
d'ensemencées. C'est pour cela qu'il a fallu faire ces
contrevérifications aux mois de mai et juin 1968.
M. COURCY: Si le ministre avait voulu donner une subvention à
l'ensemencement, très bien, il a la bonne méthode, mais s'il veut
couvrir des pertes de récolte, je ne comprends rien dans sa
méthode.
Ce n'est pas le nombre d'acres qui compte; c'est le nombre de minots
perdus à l'acre. Le ministre n'en a pas tenu compte du tout, mais il se
base sur des recommandations qu'il a reçues de je ne sais où et
qu'il ne peut pas contrôler un an après, pour nous demander,
à un moment donné, de lui voter $450,000 pour couvrir des pertes
qu'il ne connaît pas, et qui ont été approuvées par
quelqu'un que je ne connais pas, mais que le ministre doit connaître,
lui.
M. VINCENT: M. le Président, c'est une compensation...
M. COURCY: Le ministre doit le savoir.
M. VINCENT: ... pour perte de récoltes.
M. COURCY: Alors, combien à l'acre? Il y a eu une diminution.
M. VINCENT: $6 l'acre.
M. COURCY: Bien non, il y a eu une diminution; combien y a-t-il eu de
perte à l'acre?
M. VINCENT: Il y a eu diminution.
M. COURCY: Dans le comté de Lotbinière, par exemple?
M. VINCENT: II y a eu diminution... M. COURCY: De combien?
M. VINCENT: ... de rendement à l'acre. Mais le barème de
la compensation pour perte de récoltes a été établi
à $6 l'acre. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il n'y a jamais eu
de critère, tant au niveau provincial que fédéral, avant
le régime de l'assurance-récolte pour établir, surtout
dans les grandes cultures, quelles étaient les pertes réelles de
récoltes. Nous les avons, ces critères, en cequi concerne les
pommes et en ce qui concerne d'autres productions; c'est plus facile. Mais, en
ce qui concerne les céréales et les grandes cultures, là,
c'est très difficile d'arriver avec un barème ou avec des
critères pour établir clairement quelle était la perte
réelle.
C'est pour ça qu'au cours des cinq, six ou sept dernières
années, quand il a été question de payer pour perte de
récoltes, nous avons donné une compensation pour perte de
récoltes. D'ailleurs, l'ex-ministre, est parfaitement au courant.
Lorsque le fédéral et le provincial en sont venus à une
entente pour donner des coupons, on a établi les critères sur le
nombre de bêtes que le cultivateur avait à nourrir et, suivant les
régions, on donnait un coupon pour deux vaches, un coupon pour trois
bêtes ou un coupon pour quatre bêtes. Nous avons essayé de
trouver un barème pour compenser les pertes de récoltes sans
regarder sur chaque ferme ou dans chaque région, de façon
méthodique, systématique et jusqu'au fond, qu'elle était
exactement la perte.
M. COURCY: Pas jusqu'au fond, même pas au bord! D'après le
principe du ministre qui paie $6 l'acre, comment se fait-il que, dans le
Nord-Ouest québécois, ce n'est pas sur la même base?
Comment a-t-il pu, un an après, déterminer que, dans le
Nord-Ouest québécois, c'était une diminution de 55% ou de
60%, alors que, dans Lotbinière je prends ce
comté-là en particulier c'est 40%? Comment fait-11 pour
découvrir cela un an après? Impossible. Alors, il a pris des
chiffres quelque part, des chiffres qui n'ont pu être
contrôlés, je le sais. Mais, je dis au ministre que, lorsque le
gouvernement libéral était au pouvoir, nous payions des
indemnités proportionnelles à la diminution du volume d'aliments
récoltés et à la diminution de la productivité,
contrôlée sur les fermes du Québec et dans cha-
cun des comtés du Québec par les employés du
ministère de l'Agriculture.
Aujourd'hui, je dis qu'il n'y a eu aucun contrôle. Le ministre
demande $450,000 pour verser un montant je ne suis pas contre qui
a été établi suivant le nombre d'acres ensemencés
et non suivant la perte des récoltes.
M. BELLEMARE: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Ce poste sera-t-il adopté?
UNE VOIX: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. BELLEMiRE: Le Conseil exécutif.
Conseil exécutif Enquête sur la langue
française
M. Jean LesageM. LESAGE: M. le Président, il y a...
M. BELLEMARE: C'est un crédit nécessaire...
M. LESAGE: ... un seul article.
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE: C'est $30,000...
M. BELLEMARE: ... pour permettre à la commission de
fonctionner.
M. LESAGE: ... soit une partie des frais qui seront encourus, d'ici le
31 mars, par la commission d'enquête sur la situation de la langue
française au Québec. Le premier ministre avait parlé d'un
coût de $100,000, pour un délai de douze mois. C'est dans
l'arrêté ministériel, d'ailleurs, je crois.
J'ai déjà déclaré, lorsque le premier
ministre a annoncé la création de la commission d'enquête,
lorsqu'il a déposé l'arrêté ministériel,
j'avais l'intention de discuter de la priorité de la langue
française, et le premier ministre m'avait garanti - à ce
moment-là il était question du bill 85 - que le bill 85 ne nous
empêcherait certainement pas, pas plus que l'existence de la commission
d'enquête, de discuter des mesures à prendre pour assurer la
priorité du français au Québec.
En fait, ce que j'ai l'intention de dire, M. le Président, c'est
que, indépendamment de la commission d'enquête, il y a des mesures
que le gouvernement pourrait prendre dès maintenant, sans attendre le
rapport de la commission d'enquête pour concrétiser, assurer la
priorité du français au Québec.
Le bill 85 tend principalement, dans sa rédaction actuelle,
à maintenir le statu quo je me sers des termes qui ont
été employés par le premier ministre lui-même -
« maintenir le statu quo », en autant que les droits de la
minorité de langue anglaise sont concernés.
Pour ce qui est de la langue française, nous considérons
qu'il faut agir, et agir dès maintenant, et qu'il y a moyen d'agir dans
certains champs de compétence sans attendre le rapport de la commission
d'enquête.
Lorsque le premier ministre a fait sa déclaration
ministérielle, j'ai tout de suite admis qu'il y avait des situations
complexes qui nécessitaient qu'une enquête soit faite afin que le
gouvernement puisse savoir exactement où il allait en proposant telle ou
telle législation ou encore en posant tel ou tel acte administratif.
Il y a cependant des mesures qui peuvent être prises dès
maintenant et je dis que ces mesures doivent être prises en même
temps que sont protégés les droits de la minorité.
Il est urgent de protéger le français.
M. BELLEMARE: Je ne voudrais pas être déplaisant pour
l'honorable chef de l'Opposition...
M. LESAGE: La correction...
M. BELLEMARE: ... mais je veux simplement lui dire que nous n'avons
aucune objection à le laisser aller dans son exposé, mais notre
règlement à l'article 285, troisièmement, dit que tout ce
qui a été référé à un comité
pendant la session en cours ne peut pas faire le sujet d'un autre
débat.
M. LESAGE: Un instant.
M. BELLEMARE: M. le Président...
M. LESAGE: J'ai certainement le droit de signaler l'importance... Voici
un article...
M. BELLEMARE: Est-ce que je peux finir mon intervention?
M. le Président, on ne doit se référer à une
affaire renvoyée à un comité, inscrite au feuilleton ou
annoncée au feuilleton, à moins que cette affaire et celle qui
est en discussion ne soient fondées sur le même principe. C'est
clair!
M. LESAGE: M. le Président, si c'était vrai, le
gouvernement n'aurait même pas le droit de proposer la résolution
qui est à l'étude!
M. BELLEMARE: M. le Président, je n'ai pas le droit... Oui, parce
que...
M. LESAGE: Non.
M. BELLEMARE: M. le Président...
M. LESAGE: C'est l'un ou c'est l'autre.
M. BELLEMARE: Un instant, M. le Président, je dis qu'on n'a pas
le droit de se référer à une motion qui a
été défaite pour renvoyer un bill en comité...
M. LESAGE: Oui.
M. BELLEMARE: ... mais je dis qu'on peut parler de la langue.
M. LESAGE : Oui, c'est ce que je veux faire.
M. BELLEMARE: Oui, mais vous avez l'air à en parler
drôlement en rapport avec le bill 85 par ce que vous dites...
M. LESAGE: Non, c'est une référence en passant.
M. BELLEMARE: Oh, que je vous connais! Le stratège!
M. LESAGE: C'est vous, le stratège!
M. BELLEMARE: Non, non, un instant! Je suis ici, le gardien
responsable...
M. GRENIER: Il a des étoiles dans les yeux.
M. BELLEMARE: ... des règlements de la Chambre.
M. LESAGE : Je dis au gardien, M. le Président, « qu'il
n'aura rien à garder durant mon discours ».
M. BELLEMARE: Eh bien je l'espère. Je vais vous suivre de proche,
M. Lesage!
M. LESAGE: Si je mentionne le bill 85, et si je l'ai mentionné
et je vais le mentionner encore une fois seulement c'est
simplement pour bien situer le problème.
M. BELLEMARE: Si vous parlez de la langue, je n'ai pas d'objection!
M. GRENIER: Ils en parlent à Ottawa, nous pouvons en parler.
M. LESAGE: Alors je dis, M. le Président, que le bill 85 ne
couvre qu'une facette du vaste ensemble que constitue le problème de la
langue au Québec. Je dis que ce n'est pas la correction d'une injustice,
à l'égard de la minorité qui peut donner entière
satisfaction ou satisfaction à la majorité, dont une bonne partie
voit sa propre langue en danger. Je dis, M. le Président, que, sur le
plan de la langue française le Québec, hélas, respire
péniblement. Sa respiration est difficile, voire douleureuse, et cela
n'est pas la faute de la minorité de langue anglaise, c'est notre faute
à nous, de la majorité de langue française au
Québec.
L'Opposition considère - en cela, elle croit avoir l'appui de la
très grande majorité des Québécois - que ce qu'il
faut, c'est une politique de la langue, une politique complète qui
couvrirait le problème tout entier. Il est clair que la commission
d'enquête pour laquelle on nous demande une somme, une avance, disons de
$30,000, pourra nous donner un apport important dans l'élaboration
finale d'une politique complète de la langue.
Mais, en attendant, il y a des choses que nous pouvons faire. Je
reviendrai là-dessus un peu plus loin, dans mon exposé,
après avoir établi certains principes généraux et
fait un court historique.
Etant donné l'intérêt capital de l'ensemble de cette
question pour l'avenir du Québec; étant donné que l'on
voudra savoir plus tard, ne serait-ce que par souci de l'histoire, le
rôle que nous avons joué dans cette évolution de la langue
et de la culture française dans ce pays, il y a certains faits, je
crois, qu'il faut rappeler.
L'inquiétude et la préoccupation concernant la langue
française ne sont pas nées d'hier. Pour nous, du parti
libéral, c'est une question qui nous préoccupe depuis plusieurs
années et sur laquelle nous avons déjà, dans le
passé, pris des positions nettes et précises. Déjà,
dans notre programme de 1960, nous proposions, à l'article 1, sous le
titre: « La vie culturelle et le fait français » : «
La création d'un ministère des Affaires culturelles ayant sous sa
juridiction les organismes suivants: a) L'Office de la langue française;
b) Le département du Canada français d'outre-frontière; c)
Le Conseil provincial des arts; d) La Commission des monuments historiques; e)
Le Bureau provincial d'urbanisme.
M. BELLEMARE: Celui de 1960?
M. LESAGE: Oui, j'ai bien dit de 1960.
M. BELLEMARE: Une minute, je n'étais pas rendu là...
M. BAILLARGEON: J'ai connu celui de 1966.
M. LESAGE: Je viendrai à celui de 1966 tantôt.
UNE VOIX: Je l'ai lu.
M. BOURASSA: Vous êtes documentés. Lisez-le plus
souvent!
M. LESAGE: Le commentaire, qui, dans notre programme, faisait suite
à cette liste, à cet énoncé, se lit comme suit: en
partie: « Dans le contexte québécois,
l'élément le plus universel est constitué par le fait
français que nous nous devons de développer en profondeur. C'est
par notre culture, plus que par le nombre, que nous nous imposerons. Conscients
de nos responsabilités envers la langue française, nous lui
donnerons un organisme qui soit à la fois protecteur et créateur.
Conscients de nos responsabilités envers les 3 ou 4 millions de
Canadiens français et d'Acadiens qui vivent au delà de nos
frontières, en Ontario, dans les Maritimes, dans l'Ouest, dans la
Nouvelle Angleterre et dans la Louisiane, le Québec se constituera la
mère-patrie de tous.
Je veux dire que tout ce que nous avions proposé dans notre
programme de 1960 n'existait pas.
Nous l'avons mis en oeuvre entre le mois de juillet 1960 et le mois de
juin 1966. Nous en sommes fiers! Toutes les institutions dont nous avions
préconisé la création, nous les avons créées
et nous leur avons donné vie. Mais nous n'étions pas satisfaits.
Nous ne voulions pas nous arrêter en route. Nous voulions aller plus loin
encore. J'en donne comme preuve le fait qu'à notre programme officiel de
1966, il y avait un chapitre intitulé: « le Québec
français... »
M. BAILLARGEON: C'est ça. M. BELLEMARE: Page 16.
M. LESAGE: « Pour conserver au Québec son caractère
français... »
M. BOURASSA: C'est à lire ça.
M. LESAGE: « ... des mesures seront prises qui garantiront la
vitalité de la langue en même temps qu'elles permettront à
la majorité de la population de vivre en français, où que
ce soit sur le territoire québécois. Des mesures seront prises
qui assureront au Québec un visage français et, à la
langue française, la place prioritaire qui lui revient, dans
l'administration et les services publics, dans les relations industrielles, le
commerce et, de façon générale, dans tous les secteurs de
l'activité humaine. » « Donc, sans porter atteinte aux
droits indéniables de la minorité anglophone, la langue
française deviendra au Québec la principale langue de travail et
de communications. De plus, pour que le Québec ait véritablement
un visage français, l'affichage public sous toutes ses formes devra
accorder une place prioritaire à la langue française. »
II s'agit là de bien plus que de simples pieuses intentions.
C'est tellement vrai que j'ai prononcé un discours sur ce sujet à
Saint-Georges-de-Beauce, pendant la campagne électorale de 1966. J'avais
choisi ce dimanche après-midi parce que le discours était
radiodiffusé à travers tout le Québec, ce qui
démontre bien l'importance primordiale que f apportais au sujet de la
langue française. C'est la raison pour laquelle f avais prononcé
ce discours à cet endroit et à ce moment-là.
C'était le dimanche après-midi seulement que les discours
pouvaient être radiodiffusés à travers toute la province.
Je vois que le ministre d'Etat à la Fonction publique, qui était
un des « deus ex machina » de la campagne de l'Union
Nationale...
M. MASSE: On m'en prête trop...
M. LESAGE: ... savait lui aussi qu'il y avait alternance le dimanche
après-midi. Nous avions un certain temps pour la radiodiffusion des
discours dans une assemblée. L'Union Nationale avait ensuite le
même temps, au même poste. Un dimanche, nous étions les
premiers et l'Union Nationale venait après. Le dimanche suivant, cela
alternait quant au rang...
M. MASSE: ... et j'écoutais toujours, avec grand plaisir.
M. LESAGE: ... et j'écoutais toujours. Le plaisir,
évidemment, vient de l'amabilité du ministre, parce que je n'irai
pas jusque là.
M. MASSE: Ce n'est pas l'amabilité...
M. LESAGE: Ce n'était pas toujours avec plaisir...
C'était, disons je serai plus franc que le ministre avec
un grand intérêt.
M. MASSE: Ah oui, d'accord!
M. LESAGE: Alors, disons que ce discours avait été
prononcé à cet endroit et à ce moment pour la raison que
je viens de dire. J'avais exposé cette politique comme une politique que
je croyais et que je crois encore réaliste et valable. Je crois que
presque tous les éléments de cette politique pourraient
être mis en oeuvre et auraient pu être mis en oeuvre soit par des
législations, soit au moyen de mesures administratives, sans attendre
les résultats ou le rapport d'une commission d'enquête.
Je crois que, depuis deux ans et demi que le gouvernement est au
pouvoir, il aurait pu puiser nombre d'éléments de cette politique
et les mettre en oeuvre avant ou en même temps que la législation
tendant à protéger les droits de la minorité,
c'est-à-dire à maintenir le statu quo en autant que la langue de
la minorité est concernée.
Cela a été et c'est encore notre attitude.
S'il est nécessaire de maintenir le statu quo en autant que la
langue de la minorité est concernée, il est essentiel, et
peut-être encore plus essentiel, de sauver notre langue et de prendre
tout de suite les moyens d'y parvenir.
Cette politique que j'avais exposée dis juin 1966
établissait le français comme langue prioritaire. D'ailleurs,
c'était à notre programme en caractères gras. Cette
politique, dis-je, visait à en faire la principale langue de travail et
de communication au Québec. Nous voulions, par cette politique, agir sur
trois plans: Premièrement, sur la qualité de notre
français; deuxièmement, sur son utilisation chez nous, et,
troisièmement, sur le visage français du Québec.
Pour améliorer la qualité du français au
Québec, nous affirmions que le moyen fondamental, c'était
l'éducation. A l'intérieur de notre système
d'éducation, nous voulions améliorer l'enseignement du
français, non seulement maintenir le statu quo pour la minorité,
il n'en était pas question à ce moment-là, parce que ce
n'était pas mis en cause. Mais nous croyions que l'accent devait
être placé sur l'amélioration de l'enseignement du
français, comme langue maternelle pour les Québécois de
langue française et comme langue seconde pour les
Québécois d'expression anglaise. Et, quand je dis ces mots que je
viens de prononcer, je répète ce que j'avais dit à
Saint-Georges-de-Beauce, textuellement. Je le répète, nous
voulons améliorer l'enseignement et là, je touche à
l'éducation l'enseignement du français comme langue
maternelle pour les Québécois d'expression française et
comme langue seconde pour les Québécois d'expression
anglaise.
Enfin, nous étions déterminés à mettre plus
d'accent sur une solide connaissance du français comme condition
d'emploi dans la Fonction publique. En ce qui concerne l'utilisation du
français au Québec, nous projetions de développer
davantage les services de l'Office de la langue française en lui
fournissant un personnel accru, en lui accordant un budget plus
élevé, et en lui conférant toute l'autorité
nécessaire pour améliorer le vocabulaire parlementaire et
administratif et pour diffuser l'usage du français dans tous les
domaines de l'activité économique. De plus, nous voulions
constituer un conseil consultatif de la langue française, qui aurait
groupé des participants venant de milieux industriels, des
sociétés de commerce, des grandes centrales syndicales, des
groupes de consommateurs du milieu de l'enseignement et des organismes
bénévoles intéressés à l'avenir de la
langue. Et ça, ça devrait se faire indépendamment de la
commission d'enquête, et tout de suite pour que nous puissions rendre le
français vraiment prioritaire dans tous les milieux que je viens de
mentionner.
Nous avions commencé l'édition de glossaires
spécialisés pour les différents métiers, les
professions, les activités commerciales et industrielles. Nous avions
décidé que dorénavant, les conventions collectives de
travail seraient rédigées soit en français, soit en
français et en anglais, mais en donnant la priorité au texte
français pour fins d'interprétation. J'ai parlé au
passé.
M. BELLEM ARE: Ah bon!
M. LESAGE: Nous voulions aussi que les publications, les instructions,
et l'affichage dans les usines, dans les ateliers, les bureaux et les chantiers
soient en français. Tout au moins que le français ait la
priorité. Pour cela, il faudrait une législation, et je crois que
cette législation aurait dû venir bien avant aujourd'hui. Enfin,
nous comptions mettre à la disposition des sociétés
commerciales et du public en général des services consultatifs
rattachés à l'Office de la langue française, de
façon à répandre le vocabulaire français
approprié dans les domaines de l'information, de la publicité,
des relations publiques, du travail, de l'industrie, du commerce et de la
finance. Enfin, parmi les mesures envisagées pour redonner au
Québec son véritable visage français, nous voulions
éliminer parce qu'il s'en trouve malheureusement encore
les anglicismes de tout l'affichage gouvernemental.
Dans le domaine de la signalisation routière, Dieu sait
d'ailleurs que le ministre de laVoirie du temps, le député de
Drummond, qui est à mes
côtés en ce moment et moi, avons eu joliment de
difficultés à ce point de vue-là. Je félicite le
député de Drummond d'avoir eu le courage de prendre les
décisions d'abord et ensuite de les avoir mises en oeuvre pour que le
français, sur nos routes, prenne la place qui lui revient, la
première. Nous avions aussi décidé d'abandonner
complètement et nous avions commencé à le mettre en
pratique nous avions décidé d'abandonner ce qui se
faisait, c'est-à-dire la traduction des noms de villes ou de sites
français, comme nous voulions aussi que les termes fréquemment
utilisés n' apparaissent qu' en français. Cela a
été mis en oeuvre» Nous avons été vertement
critiqués, le député de Drummond et mol, mais nous avons
tenu et nous avions l'intention d'établir cette politique à
travers toute la province. Pour ce qui est des panneaux-réclame,
affiches et inscriptions de type permanent, nous étions
déterminés à ce qu'ils apparaissent soit en
français ou soit en français et en anglais, mais en accordant
toujours la priorité au texte français. Cela aussi pourrait se
faire par législation maintenant, sans attendre les rapports d'une
commission d'enquête.
Nous aurions exigé que cette politique soit suivie
également dans la documentation publiée par les services publics
à l'intention des usagers et des consommateurs. Cela aussi peut
être fait par législation. Notre politique de la langue
prévoyait également que tous les actes publics d'une
municipalité seraient en français sauf dans le cas de celles
où la population anglophone dépasserait un certain pourcentage.
Cela aussi pourrait se faire maintenant, sans attendre le rapport de la
commission d'enquête.
Enfin, la même politique précisait aussi que toutes les
entreprises ou sociétés incorporées en vertu des lois du
Québec devraient posséder une raison sociale française.
Cela aussi pourrait se faire maintenant par législation. C'était
l'intention du gouvernement précédent, clairement
exprimée. Mais le gouvernement actuel n'a rien fait, n'a pas
présenté de législation, de projet de loi pour consacrer
la priorité du français pour faire vraiment du français la
langue d'usage, la langue de travail au Québec. Je dis que cela aurait
dû se faire avant ou, au plus tard, en même temps que la
présentation d'une loi pour maintenir le statu quo en autant que les
droits de la minorité sont concernés.
C'était là, M. le Président, en quelques mots, j'ai
fort résumé parce qu'à Saint-Georges-de-Beauce j'avais
parlé une heure ou une heure et quart.
M. BELLEMARE: Je vous avais entendu!
M. LESAGE: J'espère que le ministre...
M. BELLEMARE: Je peux vous faire jouer le disquel
M. LESAGE: Ah! mais c'est excellent!
M. BELLEMARE: Ah oui! Je garde ça dans mes souvenirs!
M. LESAGE: Le ministre pourra se prouver à lui-même que je
dis la même chose aujourd'hui que j'avais dite à ce
moment-là, sauf que je le dis moins longtemps.
M. BELLEMARE: II y a des passages où vous paraissiez
étouffer.
M. LESAGE: J'avais chaud!
M. BELLEMARE: Il faisait chaud. Vous aviez le ton très haut. J'ai
été obligé de baisser mon appareil.
M. LESAGE: C'est parce qu'il y avait beaucoup de monde.
M. BELLEMARE: Ah, c'est ça! M. LESAGE: La foule!
M. BELLEMARE: C'était pour que tout le monde comprenne.
M. LESAGE: Alors c'était là, M. le Président, je le
répète, en quelques mots, les grandes lignes de mon exposé
à ce moment-là.
Nous voulions réellement faire du français, nous le
voulons encore, toujours, faire du français la langue de la promotion
sociale, économique et intellectuelle des Québécois
d'expression française en leur donnant toute la motivation voulue pour
la bien connaître, la parler et l'écrire correctement.
Nous sommes toujours convaincus qu'une telle politique ne porterait pas
atteinte aux droits des autres Québécois. Il ne s'agit pas, par
une politique de la langue, d'être injuste envers les
Québécois de langue anglaise. Il s'agit tout simplement
d'être plus juste pour les Québécois d'expression
française qui constituent l'immense majorité de notre population.
Il s'agit, en définitive, de consacrer par des lois les droits de la
majorité.
Pourquoi, M. le Président, le gouvernement actuel s'est-il
refusé à énoncer une politique analogue? Au lieu de
prendre les mesures néces-
saires et urgentes qui s'imposent, le gouvernement nous annonce la
création d'une commission d'enquête. Je le répète,
cette commission d'enquête est, bien sûr, opportune et nous
n'entendons pas en nier l'utilité. Ce que nous déclarons,
toutefois, c'est qu'elle reporte à beaucoup trop tard, aux calendes
grecques ou qu'elle semble reporter aux calendes grecques des
mesures qui s'imposent de façon impérieuse et qui, d'ores et
déjà, pourraient être adoptées en pleine
connaissance de cause et sans attendre les recommandations de la
commission.
J'espère que le gouvernement entendra mon appel et n'attendra pas
le rapport de la commission ou, du moins, s'il se croit obligé de le
faire, il demandera à la commission de lui faire des rapports
intérimaires d'urgence sur des points précis afin que et le
gouvernement et le parlement puissent agir sans délai. Parce qu'il est
bien évident que, même avec la meilleure volonté du monde,
les commissaires se verront dans l'incapacité de trancher en l'espace de
douze mois une question aussi vaste que celle qui est soumise. Tant et si bien
que les problèmes vitaux qui se posent à l'heure actuelle
risquent d'attendre 18 mois et même deux ans avant que l'on ne leur
apporte des solutions, à moins que le gouvernement n'agisse dans le sens
que j'ai mentionné.
Je pense que le gouvernement, s'il le voulait, pourrait prendre
dès maintenant, pourrait édic-ter certaines mesures concernant,
par exemple, l'affichage public ou encore l'incorporation sous une raison
sociale française des entreprises ou sociétés
établies au Québec. Il pourrait aussi, comme je Pai dit il y a un
instant, demander des rapports intérimaires s'il ne se croit pas
suffisamment renseigné.
Bref, M. le Président, je crois que nous sommes aux prises avec
une inquiétude croissante. Nous faisons face à un problème
qui exige que nous procédions avec célérité. Le
gouvernement nous semble attendre, hésiter, remettre à plus tard
et se donner un long répit tout en ayant l'air d'agir. Nous
prétendons, nous de l'Opposition, qu'il n'est plus possible d'attendre
et qu'il vaut mieux agir, au risque de faire quelques petites erreurs
plutôt que de n'en commettre qu'une; c'est la pire erreur que Pon puisse
commettre que celle de ne rien faire.
Le gouvernement aurait dû nous soumettre, depuis deux ans ou au
plus tard en même temps que le bill 85, d'autres projets de loi dont
l'ensemble nous aurait dirigé vers une politique de la langue qui soit
globale, cohérente et efficace. Le gouvernement peut être
assuré de la collaboration de l'Opposition. Nous considérons
qu'il doit agir; et nous, comme députés du Parlement du
Québec, nous sommes prêts à agir. Je crois avoir
prouvé que nous pouvons agir dès maintenant sur le plan
législatif, que le gouvernement peut agir dès maintenant sur le
plan administratif pour assurer la vie de la langue française, pour
assurer qu'au Québec l'on vit, l'on travaille, l'on s'amuse en
français, et pour que l'on puisse être baigné au
Québec, dans une atmosphère de français tout en
protégeant les droits fondamentaux de la minorité. C'est le but
que nous devons atteindre, Pour l'atteindre, il faut agir. Nous, nous sommes
prêts. Nous sommes prêts, M. le Président et je
termine par ces mots à donner à la langue française
la place qu'elle doit tenir au Québec d'aujourd'hui comme au
Québec de demain, la place fortement prioritaire pour que je le
répète nous vivions chez nous partout au Québec,
pour que nous travaillions chez nous partout au Québec, pour que nous
puissions jouir de nos loisirs partout chez nous au Québec dans notre
langue magnifique, la plus belle, la langue française.
M. Robert Bourassa
M. BOURASSA: M. le Président, je veux me joindre au chef de
l'Opposition pour blâmer très sévèrement l'inaction
du gouvernement actuel dans cette question tellement importante.
J'ai eu hier l'occasion de démontrer pourquoi cette question
était vitale et essentielle dans les circonstances actuelles. Nous avons
actuellement, ou dans les toutes prochaines années nous aurons une
quarantaine de milliers de finissants de CEGEP ou d'universités qui
accéderont au marché du travail, alors que, dans le contexte
actuel, nous avons, pour ce que nous appelons « l'upper » ou le
« middle management » 80% à 85% de ces administrateurs, au
niveau supérieur ou au niveau intermédiaire, qui sont des
Québécois de langue anglaise.
Nous avons donc là une contradiction dans les faits qui risque
d'aboutir à une situation explosive, si nous ne prenons pas, aussi
rapidement que possible, les mesures pour y remédier.
Nous avons, actuellement, un tel décalage, sur le plan
linguistique, entre le milieu de l'éducation et celui du travail, que
nous n'avons aucune raison de retarder, d'une façon ou d'une autre,
l'application de mesures concrètes.
Or, qu'a fait le gouvernement depuis deux ans en face de ce
problème, sauf une loi sur l'étiquetage des produits agricoles ou
alimentaires, loi qui, selon les rapports qui nous sont faits, ne serait
même pas appliquée? Pourtant
il y a des façons très nombreuses d'agir, notamment sur le
plan administratif.
Le chef de l'Opposition, plus tôt, en a
énumérées quelques-unes. En raison de son importance
croissante, le Québec possède des outils non négligeables
pour faire en sorte que la langue française puisse être
utilisée dans les plus grandes institutions.
Il y a un progrès qui s'est fait depuis quelques années.
Il y a des entreprises qui étaient unilingues et qui sont maintenant
bilingues. Il faut, je pense, nous efforcer d'orienter ces entreprises vers
l'utilisation accrue du français.
Pourquoi, M. le Président, le gouvernement ne
négocierait-il pas avec les plus grandes entreprises du Québec
pour faire en sorte que le français cesse d'être absent dans les
principaux centres de décision économique du Québec? La
tâche, c'est évident, n'est pas facile, si l'on considère
que ces centres de décision, par exemple, les entreprises
multinationales, les entreprises pancanadiennes, la très grande
majorité d'entre elles, si ce n'est la totalité, relèvent
d'intérêts étrangers. Mais le gouvernement n'a pas le
choix. Il est assez étonnant de voir même ceux qui passent pour
les plus nationalistes du gouvernement actuel ne proposer aucune mesure
concrète pour atteindre cet objectif.
Quand nous voyons, M. le Président, le ministre des Affaires
culturelles, dont nous pourrions souhaiter la présence en cette Chambre
à l'occasion de ce débat, quand nous voyons le ministre des
Affaires culturelles faire tellement de grands discours sur l'importance et la
priorité sous tous rapports du Québec et que nous le voyons se
contenter purement et simplement de discours, nous ne pouvons qu'en conclure
que c'est là le meilleur prototype au Québec d'un nationalisme
verbeux.
M. le Président, nous avons tous pris connaissance, il y a
quelques semaines, des chiffres qui nous ont été émis dans
le journal La Presse, à l'occasion d'extraits du troisième volume
du rapport sur le bilinguisme et le bi-culturalisme. Ces chiffres
étaient très éloquents par eux-mêmes. Ils
révélaient la place des Québécois francophones dans
l'économie de même que les revenus inférieurs qu'ils y
gagnent par rapport aux autres. Je pense...
M. BELLEMARE: Est-ce que c'est le document de Mademoiselle Gagnon?
M. BOURASSA: C'est le document qui a été publié
dans La Presse et dont l'on a reconnu ou l'on a admis, je crois,
l'authenticité dans le milieu intéressé.
M. BELLEMARE: Etes-vous bien sûr qu'ils ont admis
l'authenticité?
M. BOURASSA: Je pense qu'il n'y a eu aucun démenti; l'on a admis
l'authenticité. L'on a simplement regretté que le rapport ait
été publié.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est ça que l'on a dit. C'est pourquoi
l'on parle de poursuivre...
M. BELLEMARE: Seulement, oui...
M. LESAGE: C'était un rapport qui avait été
présenté par des experts à la commission et je pense que
la commission l'a reconnu. L'on pense à prendre des poursuites, en tout
cas!
M. LEVESQUE (Laurier): Ils ont tellement admis que c'était
authentique qu'ils veulent poursuivre!
M. LESAGE: Oui.
M. BELLEMARE: C'est-à-dire qu'Us sont allés
perquisitionner hier dans la maison.
M. LESAGE: Ah! Les méthodes policières...
M. BOURASSA: M. le Président, le gouvernement peut agir sur le
plan administratif le chef de l'Opposition, comme je le disais
tantôt, adonné des exemples mais à travers tous ses
services, je pense entre autres à l'administration fiscale, il pourrait
forcer ou faire les pressions nécessaires pour inciter les grandes
entreprises disons, en ce qui a trait à la fiscalité
à avoir des rapports d'impôt en français.
Il ne s'agit pas de forcer tous les individus, tous les
Québécois non francophones pour prendre cet exemple bien
concret à, évidemment, faire leur rapport d'impôt en
français, parce qu'il peut arriver des cas où la justice
élémentaire pourrait être lésée. Mais les
grandes entreprises sont aptes et sont capables de s'organiser, de modifier la
situation pour faire en sorte que le français soit au moins
présent sous certains rapports. Et l'administration du gouvernement
québécois, à travers tous ses ministères, tous ses
services, peut faire énormément plus qu'elle ne le fait
présentement.
Lorsque nous voyons, M. le Président, que les deux principaux
problèmes actuellement au Québec, les deux problèmes qui
se rejoignent et coïncident: la création de nouveaux emplois, la
place du français au Québec, parce que les milliers et les
milliers de jeunes qui accéderont au mar-
ché du travail veulent travailler en français. Lorsque
nous voyons que dans ces deux problèmes prioritaires, le gouvernement
est tout à fait inactif, nous ne pouvons que le blâmer très
sévèrement.
Je veux reprendre en conclusion, M. le Président, ce qu'a dit le
chef de l'Opposition: S'il est essentiel de protéger les droits de la
minorité au Québec, il est encore plus essentiel de
protéger les droits de la majorité, à cause des
données de notre contexte. C'est pourquoi je veux signaler, en
terminant, l'extrême importance de cette question. Il faut distinguer
entre la question constitutionnelle proprement dite et la question
linguistique. Je pense qu'en ce qui a trait à la question linguistique,
notre parti a des positions vigoureuses et fortes. Lorsqu'il prendra le
pouvoir, on pourra réaliser qu'il veut les appliquer aussi rapidement
que possible.
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre du Travail veut
répliquer, ou pouvons-nous passer avant ou bien après?
M. LESAGE: En comité, nous pouvons parler autant de fois...
M. BELLEMARE: N'importe qui parle; vous avez le droit de parler tout de
suite.
M. LEVESQUE (Laurier): Non, non, d'accord. M. Maurice
Bellemare
M. BELLEMARE: Je veux simplement dire, M. le Président, que je ne
connais pas un seul Québécois qui ne partagerait pas ce matin, ce
que l'honorable chef de l'Opposition, le député de Mercier, ou ce
que le député de Laurier dira probablement sur la langue.
Nous avons vécu durant des années un acheminement critique
de tout notre groupe ethnique. Il faut aussi nous mettre dans le courant de
l'histoire pour tâcher de nous rendre compte où nous en sommes
aujourd'hui et où nous voudrions être demain.
En considération de toutes ces traditions qui ont
été fièrement gagnées, pouce par pouce, nous nous
sommes d'abord infiltrés dans ce qu'on appelle l'économique. Il
n'y a pas si longtemps que notre participation en qualité de Canadiens
français est un fait acquis dans l'économique. On commence,
depuis quelques années, à nous reconnaître comme Canadiens
comme Canadiens, d'accord comme Québécois, aussi,
parlant français. Cette évolution a été lente; elle
a duré des siècles! Nous étions un groupe qui avait
plutôt subi des dé- faites et nous avons été des
« conquis » pendant des années!
Je n'ai pas besoin de vous dire, M. le Président, que lorsque
l'Acte d'union a été signé, nous avions bien
fraîches à la mémoire, les paroles d'un certain Lord
Durham.
En 1967, la Confédération a reconnu certains droits
pas des privilèges, des droits au français dans le
Québec et dans la constitution canadienne. C'était encore un pas
de géant, mais ce n'était pas le succès véritable
puisque nous avons eu à vivre avec cet instrument qu'on appelle
l'AANB.
M. LESAGE: L'AABN! Oui, l'AANB!
M. BELLEMARE: Cet instrument-là, je n'ai pas besoin de vous dire
que ça n'a pas toujours été un sujet de progrès et
d'harmonie. C'est à travers une source infinie de conflits et de
perpétuels marchandages que nous avons pu, par nos représentants
qui étaient sur la colline parlementaire à Ottawa, obtenir de la
majorité, à ce moment-il, certaines reconnaissances mais à
force de crier et en faisant valoir véritablement quelques arguments que
nous avions gagnées dans la constitution canadienne. Cette
période de négociations, cette période de conflits et de
perpétuels marchandages, elle n'est pas née d'aujourd'hui; mais
c'est l'évolution lente et progressive d'un peuple qui s'affirme, d'un
peuple qui s'en va la tête bien haute, respectant sa tradition et son
passé et qui, continuellement, requiert, demande, affirme qu'il est chez
lui, dans sa province, et qui, avec ses moyens d'action, continue de grossir,
de s'améliorer.
C'est justement ce que disait un jour l'abbé Groulx: « Ce
n'est que par la possession véritable de notre économie, en
occupant les véritables postes qui nous reviennent de droit que nous
assurerons la survivance véritable de notre peuple ». Je pense que
l'abbé Groulx avait parfaitement raison. C'est ce qui se produit. Il
fallait pour ça, M. le Président, avoir des écoles;
construire des écoles qui donneraient à notre
génération, surtout aux plus jeunes, le goût de
l'étude, pour compléter notre bagage scientifique; bâtir
nos écoles secondaires et nos collèges classiques et les
supporter, les agrandir; agrandir aussi nos universités et
développer nos moyens d'action. Cela s'est fait graduellement et
à un rythme plus rapide depuis 25 ou 30 ans. Nous sommes heureux de le
constater. Plus nous avançons, plus nous nous affirmons, plus nous nous
faisons respecter, pas seulement dans la province, mais à travers tout
le pays, puisque déjà plusieurs gouvernements ont apporté
de la législation pour reconnaître les deux langues.
Le gouvernement fédéral lui-même, aujourd'hui ou
très prochainement, entamera une discussion en Chambre sur le respect,
non seulement le respect, mais sur la reconnaissance officielle des deux
langues. C'est un pas véritable, et c'est un gain majeur pour nous du
Québec qui avons, pendant des années, avec des moyens de fortune,
lutté âprement pour tâcher de nous imposer et de nous faire
reconnaître véritablement, non seulement à l'échelle
de la province, mais à l'échelle nationale et avec d'autres pays
avec qui nous avons entretenu d'excellentes relations.
M. le Président, c'est une progression, c'est un acheminement
critique qui, plus il va plus il est rapide. Nous nous en allons sûrement
vers un perfectionnement et de notre langue et de nos coutumes; quand je dis
coutume, je dis de nos législations. Je suis persuadé que ce qu'a
dit, ce matin, l'honorable chef de l'Opposition, nous le savons, nous y
croyons. Les moments opportuns pour le réaliser sont peut-être
très prochains.
Vous avez, justement, dans les motifs qui ont fait qu'un ordre
ministériel a été passé pour instituer une
enquête royale sur les mesures à prendre pour assurer le plein
épanouissement des droits linguistiques des citoyens du Québec,
trois attendus qui sont sûrement le reflet de ce que je viens de
dire.
Vu la complexité du problème linguistique au Québec
et l'urgence d'y apporter des solutions le discours du chef de
l'Opposition en est le reflet vu les responsabilités à
l'égard de la langue de la majorité de ses citoyens, et nous le
savons plus que tout autre, M. le Président, vu la
nécessité d'une politique linguistique qui tienne compte du
caractère du Québec en Amérique du Nord et de ses
relations avec les autres provinces du Canada et aussi avec le gouvernement
fédéral, nous croyons qu'il est essentiel de faire une
enquête sur la situation de notre langue au Québec.
Nous devons rechercher les moyens les plus aptes à garantir
l'exercice des droits linguistiques de la majorité dans le respect des
droits de la minorité. C'était ce qui était contenu en
partie dans l'arrêté en conseil qui instituait la Commission
royale d'enquête sur les droits linguistiques.
Mais on a parlé tout à l'heure, dans les remarques de
l'honorable chef de l'Opposition, d'un conseil consultatif de la langue. Sans
en avoir un formellement institué dans une législation,
n'existe-t-il pas, aujourd'hui, ce conseil consultatif de la langue dans la
province de Québec? Est-ce qu'il n'y a pas des organisations qui ne
portent pas le nom de conseil consulta- tif, mais qui servent dans le sens
recommandé par le chef de l'Opposition? Et elles ont fait un travail
immense. On a beau rire de l'appellation de la Saint-Jean-Baptiste et des
choses qui touchent plus particulièrement notre langue. Dans certains
milieux quand on parle de la Saint-Jean-Baptiste, on dit: Ouah! Mais il existe
une société nationale qui a réellement fait pour la
langue, pour la défense et la reconnaissance de nos droits, un travail
qu'il faut reconnaître et pour lequel il faut dire merci.
Là, il en existe un, un conseil consultatif sur la langue.
N'est-il pas vrai qu'il s'est tenu dans notre province des Etats
généraux? Qui ont été les instigateurs des
états généraux? C'était encore un pas, un pas
d'affirmation de ce que nous sommes comme peuple, de ce que nous sommes comme
groupe ethnique. Inutile de vouloir mettre dans la législation ce que le
peuple n'est pas prêt à assimiler. On ne fera pas de la
refrancisation à coups de loi. Jamais on ne pourrait mettre dans les
cerveaux des jeunes ou des travailleurs ou de ceux qui ont à pratiquer
leur profession ou leur métier, leur mettre obligatoirement dans la
bouche ou dans le cerveau, des mots ou des expressions si cela n'est pas fait
dans une ambiance et un climat qui soient propices.
Je regarde principalement le ministère du Travail. Depuis que j'y
suis, nous avons fait énormément sans le dire, sans le crier,
sans blâmer personne. Nous avons recommandé à toutes les
associations, aux grandes centrales syndicales d'avoir des conventions
collectives en français comme langue prioritaire. C'est le texte
français qui prévaut dans l'application des conventions. Nous
avons fait un travail énorme...
M. LESAGE: Celles du gouvernement... M. BELLEMARE: Pardon?
M. LESAGE: Les conventions signées par le gouvernement...
M. BELLEMARE: Non, les conventions qui sont signées par les
centrales syndicales avec les grosses compagnies.
M. LESAGE : Il n'y a pas eu d'amendement à la loi...
M. BELLEMARE: II n'y a pas besoin d'avoir d'amendements...
M. LESAGE: Oui, oui.
M. BELLEMARE: Je dis qu'à la table des négociations, cela
s'écrit dans les conventions collectives que le texte français
aura priorité...
M. LESAGE: Dans toutes les conventions?
M. BELLEMARE : Pas nécessairement dans toutes les conventions,
mais nous avons...
M. LESAGE: Pour que cela s'applique partout, il faut une loi...
M. BELLEMARE: Je dis et je répète ce que j'ai dit tout
à l'heure. Inutile de vouloir mettre dans les lois ce que les gens ne
voudront pas pratiquer. Il y a un « consortius »...
M. LESAGE: Un consensus!
M. BELLEMARE: En tout cas, vous savez ce que je veux dire...
M. LEVESQUE (Laurier): Mais c'est de l'anglais, ça!
M. BELLEMARE: C'est là que je vois combien la langue
française est utile, pour ceux qui ont eu l'occasion de
l'apprendre...
M. LESAGE: Non, mais « consensus », c'est anglais.
M. BELLEMARE: Combien de fois ai-je cherché des mots? Combien de
fois j'avais dans l'idée quelque chose à dire et quand je
l'entends dire par un honorable monsieur qui avait, lui...
M. LAFRANCE: On vous a toujours compris!
M. BELLEMARE: Oui, je l'espère bien. Mais c'est difficile quand
même. Quand on a à chercher les mots pour définir nos
expressions...
M. LEVESQUE (Laurier): Vous communiquez assez comme cela.
M. BELLEMARE: Alors, j'espère que ce n'est pas trop
déplaisant; c'est peut-être le ton qui est mauvais, mais en tout
cas, la force de mes expressions.
M. BOURASSA: Le voilà, le ministre! Un peu en retard, mais il
arrive.
M. BELLEMARE: Le ministre de la langue, ah bon! Je dis donc, M. le
Président, que l'honorable député de Chicoutimi je
vais lui faire rapport: on a dit que le ministre de la langue était
absent tout à l'heure ... Alors l'homme qui doit défendre
notre langue, M. le Président, je suis content de le voir. M. le
Président, j'espère que ce travail immense qu'a fait mon
distingué collègue c'était justement sur cela que
je voulais terminer le travail immense qu'a fait l'honorable
député de Chicoutimi auprès des compagnies importantes
sera en fait reconnu. M. le Président il le dira, il les nommera. Il
dira ce qu'il fera d'ici au premier janvier, M. le Président. Ensuite,
il dévoilera lui-même les ententes qui étaient intervenues
entre les compagnies importantes qui prendront, à partir du premier
janvier 1969 ou quelque temps plus tard, les dispositions...
M. BOURASSA: Nous allons l'écouter.
M. BELLEMARE: Oui, vous allez l'écouter. Vous allez voir M. le
Président qu'il ne mérite pas les reproches que vous semblez lui
adresser; c'est un homme qui, dans le domaine linguistique, a fait
énormément.
M. BOURASSA: De beaux discours.
M. BELLEMARE: Enormément, M. le Président! Je serai
capable de bien défendre sa position et surtout de bien faire
connaître ce qu'il a fait depuis qu'il est arrivé au
ministère, particulièrement en ce qui a trait à notre
problème linguistique.
M. le Président, je dis donc en terminant que ce n'est pas par
des discours non plus que par des articles de programmes électoraux que
nous allons réussir surtout à faire véritablement
progresser le francophone dans ses habitudes et dans ses réalisations.
Nous avons fait un acheminement graduel; nous avons traversé des
difficultés énormes. En dépit de tout cela, quand je
regarde particulièrement mon cas je n'ai pas eu l'avantage
d'aller plus loin qu'un certain degré de scolarité je dis,
M. le Président, qu'au contact de ceux avec qui j'ai vécu depuis
25 ans, au contact de ceux qui m'ont été d'une grande
utilité au point de vue de formation personnelle, j'ai appris
personnellement à parler mieux mon français, à m'exprimer
mieux; c'est ce contact-là qui m'a fait meilleur. Je dis que même
si cela avait été dant les lois, et que pour entrer dans ce
Parlement, il avait fallu parler de façon impeccable le français
cela ne m'aurait pas, M. le Président, rendu service. Cependant à
vivre depuis 25 ans avec des hommes extraordinairement sympathiques, j'ai pu me
donner une formation personnelle, et développer une langue d'expression
de mes idées dans un language qui n'est parfois peut-être pas
châtié, mais qui au moins traduit bien le fond de ma
pensée. Et c'est ça,M. le Président, qu'il faut
comprendre. On aura beau mettre dans les textes de loi qu'il faut
réaliser ceci, qu'il faut réaliser cela; mais il faut que le
climat, il faut que tout ce qui entoure la vie d'un peuple, et par ses annonces
et par sa publicité, par tout un lot de facteurs indépendants de
ce qu'on peut écrire dans une loi, soit un canal direct vers la
formation, l'orientation d'un meilleur parler, d'un respect meilleur pour notre
langue.
Je suis très heureux, M. le Président, d'avoir pris part
à ce débat pendant quelques minutes pour vous dire le fond
véritable de notre pensée. Le gouvernement est désireux
lui aussi de faire l'impossible pour que tous ensemble nous puissions
que ce soit ou non dans le programme de l'Union Nationale ou dans celui du
parti libéral, du Parti Québécois ou autres groupements
politiques... Il reste un fait indéniable, c'est que nous sommes tous
animés d'un sentiment qui est noble, d'un sentiment qui nous est
particulièrement très cher, celui du respect de nos traditions,
de l'exercice de nos pouvoirs dans la juridiction qui nous est reconnue...
UNE VOIX: C'est un débat qui se fait...
M. LEVESQUE (Laurier): Je sais que le ministre des Affaires culturelles
a à ses crédits, cette somme à justifier et à
défendre, et je pense bien que, quelque remarque que l'on ait à
faire, il préférera, et nous aussi d'ailleurs, avoir globalement
les réponses ou les explications qu'il veut donner après que la
plupart des remarques auront été faites de ce
côté-ci,
II y a une certaine contradiction je le note en passant
dans ce que vient de dire le ministre du Travail, si sympathique que soit le
ton qu'il emploie, quand il dit que le climat il ne le dit pas, mais il
le laisse presque entendre suffirait et une sorte de décision
collective qui se ramifierait d'un individu à l'autre, parce qu'on
comprendrait tous, et que des éléments comme ceux-là
peuvent remplacer la législation. Je dis qu'il y a une contradiction
puisque, si cette somme se trouve dans le budget supplémentaire, c'est
justement parce qu'elle accompagnait un projet de loi. Il s'agissait de
législation qui, très précisément dans le domaine
de la langue, prétendait établir des balises linguistiques
à l'intérieur de nos statuts. C'est peut-être quelque chose
d'humiliant, mais nous sommes un de ces peuples il ne doit pas y en
avoir beaucoup dans le monde, je suis sûr que nous ne sommes pas les
seuls qui sont obligés de légiférer sur un domaine
qui, normalement, devrait aller de soi.
Je voudrais préfacer quelques remarques que j'ai à
faire... Je pense bien qu'il n'est pas question de faire un long débat
pour refuser ou contester ces crédits, puisque, dans l'ensemble, tout le
monde est d'accord pour admettre qu'il doit y avoir ce genre d'enquête.
On peut le regretter tout de même. On peut le regretter et en même
temps se poser une question sur, si vous voulez, la rentabilité de cette
enquête-là. Le regretter, simplement parce que c'est un aveu
d'impréparation de la part du gouvernement d'être obligé,
après quand même deux ans et demi ou trois ans bientôt
d'administration, après un programme électoral qui avait son
éloquence, parlant de langue nationale, etc., d'être obligé
de se rabattre sur une commission d'enquête avec un mandat global.
C'est là que se pose la question, c'est-à-dire
après ce regret sur l'impréparation du gouvernement, je suis
obligé d'ajouter une question. On lui donne douze mois. J'espère
qu'on ne veut pas jouer. Douze mois pour faire globalement une enquête
puisqu'on n'était pas prêt, il va falloir qu'ils regardent
sur l'état de la langue française dans le Québec.
Ce qui revient à dire, si c'est sérieux, une enquête sur
toute la société québécoise au moins dans toutes
ses articulations principales. En effet, la langue, essentiellement, si elle
doit donner à cette enquête exactement la température,
l'état de santé qui est le sien dans la société
québécoise, il va falloir que, sérieusement, cette
enquête, par le biais linguistique, aille se promener à peu
près dans tous les principaux secteurs de notre vie collective. C'est
vrai dans l'économie, c'est vrai dans les manuels scolaires, c'est vrai
dans les structures mêmes de l'éducation. La question des droits
de la minorité anglophone est directement impliquée là.
C'est vrai sûrement dans une foule des coins les plus délicats de
l'organisation de la société. A toutes fins pratiques, au sujet
de notre langue comme véhicule collectif, une enquête qui
prétend littéralement établir son état de
santé doit aller voir partout, peut-être pas dans tous les
détails, mais aller faire des prises de température, des prises
de chiffres, des prises de situations précises, aussi de situations
tangibles, à peu près dans tous les domaines de la vie
québécoise.
Est-ce que douze mois, c'est réaliste si vraiment on veut faire
ce travail-là pour qu'il serve longtemps? On peut avoir ses doutes.
D'autant plus que le gouvernement, à toutes fins pratiques, part
à zéro au point de vue de l'action depuis qu'il est là;
c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu, sauf cette loi que mentionnait le
député de Mercier... Enfin on peut se tromper là, on
rajustera nos souvenirs s'il y a des choses qu'on
a oubliées en cours de route. Mais, sauf cette loi sur
l'étiquetage des produits alimentaires ou agricoles, dont d'ailleurs
l'application semble être extrêmement lente enfin, c'est ce
que j'ai cru remarquer par les lettres que j'ai reçues à ce sujet
sauf cette miniloi on admettra que ce n'est pas caricaturer que
de dire ça dont l'application semble extrêmement
problématique, il n'y a pas eu d'action. Donc, nous partons vraiment
à pied-d'oeuvre là, et on donne douze mois.
Est-ce que cela peut suffire? C'est la première question que je
me poserais.
Maintenant, juste pour faire quelques remarques et en essayant de ne pas
gaspiller le temps de la Chambre, mais en reprenant certaines des choses qui
ont été dites, en particulier par le ministre du Travail, je
disais tout à l'heure que c'était humiliant d'être
réduit à faire des enquêtes sur ce qui est notre existence
même. En fait, nous n'existerions pas, nous n'aurions pas le Parlement
ici à Québec, nous n'aurions pas l'Assemblée nationale,
nous n'aurions rien à partir d'ici Jusqu'au dernier troisième
rang du Québec, nous n'aurions rien de ce qui fait cette existence
collective et de ce qui fait cette différence avec le reste du continent
si, au coeur de tout cela, il n'y avait pas le fait que nous parlons une langue
qui n'est pas celle du reste de l'Amérique.
C'est cela, l'élément principal de notre existence comme
peuple. C'est humiliant, sûrement, d'être obligé
d'enquêter là-dessus. Et s'il y a une enquête entreprise,
une enquête aussi globale que celle-là, eh bien, cela veut dire
que nous sommes encore profondément inquiets de cette existence
même de notre groupe. A toutes fins pratiques, nous essayons de trouver
par le biais linguitique, puisque c'est la question essentielle
de nouvelles conditions rentables de survivance. C'est cela qui est triste et
humiliant. Parce que ce sont des choses qui devraient aller de soi pour un
peuple qui serait dans une situation normale. Nous savons que nous ne sommes
pas dans une situation normale. Donc que le climat qui nous entoure, à
l'échelle de tout le Canada et le Québec est
inséré dans le Canada n'est pas un climat tellement
tonifiant pour notre organisme collectif.
A ce point de vue-là, je voudrais juste noter une chose qui me
paraît une reprise ou une espèce de perpétuation de la
vieille grande illusion du Canada biculturel. Je voudrais reprendre une chose
que disait le ministre du Travail quand il évoquait sans trop de
qualification, donc avec une sorte d'approbation implicite le fait que
cela s'améliore parce qu'entre autres choses, dans le reste du pays, via
des commissions biculturelles ou B & B, et de nouvelles lé-
gislations linguistiques, d'ailleurs quelque peu hasardeuses et pas encore
adoptées je n'ai pas besoin de dire qu'elles ne sont pas encore
entrées dans les moeurs non plus dans le reste du pays... Le ministre du
Travail a laissé entendre que, grâce à ces
choses-là, ça irait de mieux en mieux.
Je retrouve cette même illusion dans le mandat même de la
commission qui, en parlant du travail que devront faire les commissions, les
met en garde enfin, c'est une sorte de mise en garde en leur
disant: Bien, tenons compte quand même de nos liens et
forcément, il s'agit de liens linguistiques aussi et culturels
tenons compte de nos liens avec le reste du Canada.
Eh bien, moi, je dis que c'est une grande illusion parce que c'est
toujours ainsi, ces dernières années, qu'on a essayé
très sincèrement, comme c'est sûrement le cas du
ministre du Travail, dans d'autres cas, moins sincèrement de
faire décrocher le Québec de cette prise de conscience qui s'est
amorcée chez nous dans tous les domaines, et en particulier dans le
domaine culturel. On a tâché de nous faire décrocher en
faisant miroiter cette grande illusion, cette espèce de masque nouveau
qu'on a donné à cette vessie historique du biculturalisme ou du
pays à deux cultures, du pays qui serait éventuellement
suffisamment bilingue pour qu'on se sente chez soi partout. Ce n'est pas un
mystère de constater de nouveau ce qui a été maintes fois
répété mais c'est comme si cela n'entrait pas dans
certaine mentalité que 34% ou 35%, c'est-à-dire
au-delà d'un tiers de ce qu'on appelle nos minorités, sur la base
du recensement de 1961, étaient déjà des assimilés
complets, ne déclarant même pas le français comme une
langue d'usage ou une langue maternelle reconnaissable chez eux.
Si on exclut le Nouveau-Brunswick et les 40% d'Acadiens qui forment
à peu près un bloc de 200,000 dont la fragilité se
déguise derrière cette proportion de 40% parce qu'il est
très fragile, ce bloc de 40% du Nouveau-Brunswick, à peu
près 200,000, si on l'exclut du total, parce qu'il est moins
entamé officiellement que le reste déjà en 1961,
partout à l'ouest du Québec, ce qu'on appelle nos
minorités étaient déjà grugées et
assimilées à 40% ou 45%, si on fait une moyenne.
En 1971, avec ou sans quarante-six autres rapports de la commission sur
le biculturalisme, les districts bilingues invraisemblables à
édifier dans le reste du pays et les lois linguistiques invraisemblables
à faire accepter par l'ensemble de la population, en 1971, est-ce
qu'il restera même 40%, en dehors du Nouveau-Brunswick encore une
fois et des Acadlens qui y ont leurs racines? Est-ce qu'il restera même
40% ou 30%, au prochain recensement, de ces minorités qui vivront?
En attendant certains rapports que je demande à des
confrères qui sont journalistes dans certains coins, où on
prétend nous faire gargariser avec des reprises de conscience, que ce
soit au Manitoba ou ailleurs, et en fonction des quelques humbles
enquêtes que j'ai pu faire pendant des séjours, depuis un an ou
deux surtout, dans l'Ouest du pays, ma réponse, c'est que c'est une
vessie absolument irréalisable. Il n'en sortira jamais aucune
lumière...
M. LAFRANCE: Parlez-nous de la vessie du séparatisme.
M. LEVESQUE (Laurier): Si le député de Richmond me
permet... parce que, parmi nos minorités, surtout dans l'Ouest, les plus
vivantes sont très souvent les plus isolées. Il faut aller dans
les villages qui, encore jusqu'à un certain point, continuent à
survivre à l'ombre du clocher traditionnel, que ce soit dans le bout de
Rivière...
M. LAFRANCE: Est-ce que le député me permettrait une
question? Que veut-il faire en fin de compte? Pense-t-il que le
séparatisme va régler le problème des minorités?
Qu'il sorte donc de Québec au lieu de faire de la « poli
ticaillerie » sur la question de la langue, comme il tente de le
faire!
M. LEVESQUE (Laurier): Le député de Richmond pourrait-il
arrêter de faire des crises de nerf, avant même que j'aie fini? Je
ne sais pas ce qui le préoccupe de ce temps-ci.
M. LAFRANCE : C'est le député qui me fatigue.
Premièrement, parce qu'il n'a pas de mandat; deuxièmement, parce
qu'il essaie d'exploiter, pour des fins électorales, tous les
problèmes du Québec. C'est ça qui me fatigue.
M. LEVESQUE (Laurier): Je dirai au député de Richmond, sur
le premier point, que je suis fatigué de lui répondre; je lui ai
répondu assez souvent.
M. LAFRANCE: Bien, moi, je vais lui parler au député de
Laurier, de plus en plus.
M. LEVESQUE (Laurier): Sur le deuxième point, M. le
Président, pour régler la question, je dois dire que j'essayais
justement de ne pas faire un usage électoral de tout ça. Je dirai
au député de Richmond que lorsque je voyais, tout à
l'heure je n'ai pas un mot à dire là-dessus le chef
de l'Opposition après le flamboyant débat qu'il y a fait sur le
bill 85, reprendre le programme libéral pour l'assaisonner à la
sauce nationaliste, cela me paraissait un peu électoral.
M. LESAGE: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. LEVESQUE (Laurier): Je commence à avoir mon voyage.
M. LAFRANCE: Moi aussi, j'ai mon voyage, depuis longtemps, des guenilles
du Parti québécois !
M. LESAGE: J'invoque le règlement. Le député de
Laurier n'a certainement pas le droit de m'accuser d'avoir fait, tout à
l'heure, de la « politicaillerie ». Le député de
Laurier devrait savoir que lui-même s'est prononcé pour les
principes de protection des droits de la minorité, comme nous.
M. LEVESQUE (Laurier): D'accord.
M. LESAGE: Nous croyons, nous lui, je ne sais pas ce qu'il croit
qu'il est plus important de protéger la langue de la
majorité, quand elle a besoin d'être protégée
et elle a besoin de l'être même maintenant qu'il est plus
important de la protéger qu'il ne l'est de protéger les droits de
la minorité. Les deux doivent se faire, mais ensemble. La
priorité, c'est la protection de la langue de la majorité. C'est
toujours ce que j'ai dit. Notre programme est là pour le prouver. Nous
l'avons composé ensemble, le député de Laurier et moi.
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, en grande partie, mais cela dit, le chef de
l'Opposition serait-il d'accord pour approuver le député de
Richmond, qui, au beau milieu de mon intervention et avant même que je
sois entré dans la substance des remarques que j'ai à faire, se
lève pour dire que c'est de l'électoralisme? Je pourrais
répondre au député de Richmond que le discours que le chef
de l'Opposition a fait tout à l'heure, pouvait être très
rentable électoralement aussi. Non?
M. LESAGE: Mais, qu'est-ce que le député...
M. LEVESQUE (Laurier): Alors, qu'il me
foute donc la paix! C'est tout ce que je veux dire. Je ne tiens pas
à emmerder les autres, mais qu'il cesse d'emmerder tout le monde.
M. LAFRANCE: C'est l'expert dans tous les problèmes.
M. LEVESQUE (Laurier): Non, je vous laisse l'alcoolisme; arrangez-vous
avec cela.
M. LAFRANCE: Là-dessus, je pense que vous en connaissez plus que
moi.
M. LEVESQUE (Laurier): Faites attention; vous avez des pendus de votre
côté, qui sont moins sobres que moi.
Alors, cela dit, est-ce que je pourrais ajouter ceci à propos des
minorités et de cette grande vieille illusion biculturelle? Le
député de Richmond, s'il m'avait laissé tranquille, aurait
reçu une réponse à la question qu'il posait avant
même que j'aie fini ce bref développement. Les modestes
expériences que j'ai faites récemment et tout ce que je lis
là-dessus me donnent l'impression qu'on pourrait risquer d'abandonner la
proie pour l'ombre si le Québec - un peu comme pouvait le laisser
entendre le ministre du Travail tout à l'heure gardait le
moindrement cette illusion traditionnelle, la voyait miroiter de nouveau ou la
laissait redorer par des funambules parce qu'il y en a au
fédéral, et Dieu sait qu'ils peuvent même être
sincères qui prétendraient que ça va marcher.
Je me souviens si on me permet de l'évoquer d'un
cas que j'ai vécu, justement, au Manitoba, il y a quelques mois. J'ai
parlé à ces gens-là qui habitent la grande banlieue de
Winnipeg, Saint-Boniface, qui est aujourd'hui, à toutes fins pratiques,
un morceau du « Greater Winnipeg ». Ce n'est plus, à l'ombre
de la cathédrale, la vieille survivance paroissiale, la langue gardienne
de la foi, etc. C'est une pièce intégrante dans une grande ville
moderne où règnent aujourd'hui non plus les vieilles conditions
de la survivance mais de la mobilité du travail. Les gars qui sortent
des « high schools » qu'on les appelle écoles secondaires ou
non, s'ils ne vont pas plus loin, sont littéralement parachutés
dans un marché du travail qui forcément est uninlingue. Les
Ukrainiens sont plus nombreux que les Franco-Manitobains.
J'en avais une douzaine, que j'ai eu l'occasion de rencontrer à
la fin d'une journée. Eux, c'étaient des jeunes qui
étaient allés jusqu'au niveau collégial ou universitaire,
dans le sens anglo-saxon, c'est-à-dire « College » ou
université. Ils étaient, autrement dit, dans beaucoup de cas, le
fruit culturel de sacrifices invraisem- blables que leurs parents ils
sont très minoritaires, dans cette société-là, ceux
qui s'imposent un effort pareil s'étaient imposés.
C'étaient, dans certains cas, des jeunes qui travaillaient à
temps partiel pour continuer leurs études.
Ils m'ont décrit cette fatalité culturelle, parce qu'elle
est reliée au gagne-pain, à notre époque, cette
fatalité culturelle qui va assimiler, sans espoir possible de
réaction à ce point de vue là, tous les produits du
« high school » ou du secondaire, et qui est déjà en
marche dans nos minorités de l'Ouest comme de l'Ontario.
J'ai dit à ces jeunes: Quel avenir entrevoyez-vous? J'ai
posé la question à une douzaine du niveau collégial ou
universitaire, en train d'apprendre des professions comme l'enseignement, comme
le droit, après avoir été, eux, poussés à un
niveau de culture qui en fait des gens cultivés en français au
Manitoba. Ils ont dit: Pour nous, c'est plus tragique encore.
Je résume de longues discussions. Ils ont dit: Pour nous, c'est
plus tragique encore, parce que plus ça a coûté cher en
efforts dans nos familles, d'efforts personnels, plus on y a cru à cette
culture française. Plus nous sommes équipés de cet outil,
plus nous allons le trouver inutile et plus ce sera déchirant, si nous
restons ici, médecins, enseignants, avocats, peu importe. Nous allons
être parachutés dans cette même société,
aujourd'hui mobile, où les 9/l0 ou les 19/20 de notre clientèle
seront forcément des unilin-gues anglais, et où tout ce bagage
culturel qu'on nous a donné sera, jusqu'à un certain point, un
handicap.
Je leur ai posé une dernière question: J'ai dit: Que
pouvez-vous envisager comme avenir, à ce point de vue-là? Onze
sur douze ont répondu spontanément: Nous voudrions émigrer
au Québec. Si vous aviez une politique d'immigration un peu
cohérente, surtout vis-à-vis de gens comme nous, à
l'intérieur du pays, notre avenir est dans le Québec. Si vous
avez besoin d'enseignants, disaient deux d'entre eux qui étudient dans
cette profession-là, nous sommes là. Avez-vous une politique
quelconque, une façon de nous aider à nous intégrer dans
le Québec? Je dis onze sur douze, parce que le douzième
était une fille, elle était fiancée et ça lui
causait un problème.
Cela est une expérience personnelle. Nous parlons en
général de nos minorités, de ce que peuvent avoir comme
effet des lois plus ou moins fumeuses comme les lois linguistiques qu'on
prétend passer à Ottawa, comme les rapports à n'en plus
finir, qui ont coûté des millions et des millions et qui n'en
finissent plus d'être rédigés et «
rerédigés », comme les rapports sur la B&B. Pendant ce
temps-là, les gens vivent dans les
emplois qu'ils auront à aller chercher chez nos minorités,
les jeunes qui s'instruisent et se demandent sur quel marché du travail
ils vont déboucher. Cela n'a aucun rapport avec leur
réalité vivante.
Alors, si ce que je dis est le moindrement vrai, dans la
réalité, si, par exemple, certains membres du personnel du Canada
français d'outre-frontière qui existe encore voulaient
peut-être enquêter sur cette réalité vivante,
humaine, de l'évolution de nos minorités, en particulier chez les
jeunes générations, où il n'y a pas d'avenir pour elles,
et que le fait était confirmé, ce serait tout simplement
abandonner une illusion.
A mon humble avis, la seule minorité pour laquelle vraiment il y
a une vie et non pas une espèce de vivotage qui ne serait même pas
une survivance, de prolonger une agonie, mais la seule pour qui ça ne se
pose pas, peut-être et ce n'est pas garanti, c'est le bloc acadien du
Nouveau-Brunswick.
De toute façon, une chose est certaine, c'est que cette
fragilité même qui paraît plutôt
s'accélérer continuellement en dépit des illusions qu'on
essaie de nous vendre, souligne à quel point, nous du Québec,
nous n'avons pas le droit pas plus en interprétant le mandat de
la commission d'enquête dont nous discutons les crédits que dans
les actions que nous avons à poser, en particulier dans le Parlement ici
d'affaiblir, si peu que ce soit, les exigences essentielles de notre
société à nous, en fonction de ce que j'appelle, moi, une
vessie culturelle et qu'on trouve dans le reste du pays.
Et Québec, dans ce contexte d'un pays qui, à toutes fins
pratiques, est unilingue où, si vous voulez, le climat, les vents
dominants sont anglophones, Québec a besoin de ne pas justement laisser
s'affaiblir à aucun point de vue ses positions. On a besoin de
légiférer. Le ministre des Affaires culturelles ne me contredira
pas. Je relisais récemment ç'a déjà plus
d'un an d'existence dans une des revues publiées par le
ministère, le texte d'une intervention qu'il a faite. Je pense que c'est
en septembre, à l'automne 1967 en tout cas, à la biennale de la
langue française où, après avoir fait une analyse ou une
sorte de diagnostic pas tellement ensoleillé d'ailleurs de l'état
de notre langue et de l'ensemble de notre climat culturel dans le
Québec, il répétait ce que disait le ministre du Travail
et qui est indiscutable. C'est qu'on ne peut pas franciser des gens de force.
C'est-â-dire qu'il y a toute une partie de l'effort qui doit venir d'une
prise de conscience de l'ensemble de la population. Mais si j'ai bonne
mémoire, il y avait toute une section aussi qui s'appelait, enfin c'est
le sous-titre qu'on a don- né dans la reveue, si j'ai bonne
mémoire « Les tâches de l'Etat ».
Et, indiscutablement, de façon très précise et
très spécifique, les numéros jusqu'à 12 ou 13, dont
certains à propos de l'immigration, des entreprises, de l'affichage, si
j'ai bonne mémoire, étaient très spécifiques et
très précis. Cela évoquait ce qui est
peut-être humiliant, mais qui est nécessaire dans notre contexte
des législations, de mesures ou des décisions
administratives qui doivent aider et baliser jusqu'à un certain point ou
encadrer cette prise de conscience collective. Autrement on l'attendra
peut-être éternellement et jusqu'à ce qu'il soit trop tard.
Parce que, justement, on est dans le contexte d'un pays et, dans ce
pays-là et ça pénètre dans le Québec
à travers l'Outaouais, comme si l'Outaouais n'existait pas
évidemment on est une province, c'est-à-dire jusqu'à un
certain point une sorte de colonie interne, au moins au point de vue culturel
et à bien d'autres points de vue. A ce point de vue là, de la
steppe à l'ouest du Québec arrivent des vents qui sont
passablement réfrigérants dans l'économie, dans le domaine
social, dans le déchirement des instruments politiques, à tous
les points de vue, pour notre culture et pour la solidité de la
société française que nous prétendons garder et
développer, non seulement faire survivre dans le Québec.
Alors, dans ce contexte qui est celui d'une province sur dix, on a
besoin de légiférer. Et on en a besoin très rapidement
parce que toutes les conditions traditionnelles de ce qu'on appelait la
survivance sont changées ou achèvent de changer. Et notre
problème dans le domaine culturel, est-ce qu'il n'est pas un peu celui
qu'on trouve dans tous les autres domaines? Ne faut-il pas sortir d'un folklore
du dix-neuvième siècle ou d'un début de vingtième
siècle qui s'est trop prolongé et adapter notre
société, là comme ailleurs, aux conditions du
troisième tiers du vingtième siècle?
J'écoutais le ministre des Finances l'autre jour qui disait: Nous
n'avons pas fini d'arrêter d'administrer le Québec à la
mitaine au point de vue de la gestion, au point de vue de ce « management
» qui fait partie des conditions essentielles d'efficacité d'une
société. Ce que disait le ministre des Finances, c'est tout
simplement qu'on continue à prolonger le dix-neuvième
siècle ou les années de M. Duplessis. C'est-à-dire des
budgets de quelque centaines de millions de dollars, des opérations que
abusivement on simplifiait au point que ça ne correspondait pas aux
besoins d'une société moderne...
M. LESAGE: On est loin de lalangue, là.
M. LEVESQUE (Laurier): Non, je ne suis pas loin. Je dis simplement ceci,
je voulais l'illustrer... Je m'excuse, je n'ai pas interrompu le chef de
l'Opposition tout a l'heure et je ne crois pas qu'il doive se substituer au
président...
M. LAFRANCE: Il a le droit de faire appel au règlement.
M. LEVESQUE (Laurier): ... pour indiquer à quel point on
s'éloigne ou on ne s'éloigne pas du sujet.
M. LESAGE: C'est le droit de tout député en Chambre.
M. LEVESQUE (Laurier): Tout ce que je voulais faire le
président écoutait peut-être avec plus d'attention le chef
de l'Opposition c'était d'illustrer, et je crois que c'est
relié très directement au sujet de ce crédit, une chose et
que le chef de l'Opposition trouve que ça l'intéresse ou non,
ça, c'est le cadet de mes soucis, quant à moi c'est une chose qui
m'importe et qui me préoccupe.
M. LAFRANCE: Ce n'est pas une question d'Intérêt, c'est une
question de règlement.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est d'illustrer simplement ceci. C'est que,
dans ce domaine-là comme dans les autres et ça va faire
partie sûrement des préoccupations de la commission
d'enquête il faut sortir d'un certain folklore.
Parce que notre langue, c'est également vrai dans plusieurs,
sinon la plupart des secteurs de notre vie collective, est jusqu'à un
certain point un des éléments du Québec pour lequel nous
raisonnons encore trop souvent en fonction de conditions qui sont
dépassées. On dit souvent que la société, dans tous
les pays, a de la misère à s'adapter à la
révolution scientifique, technologique. Le ministre des Finances disait
et c'est pour ça que je l'évoquais qu'on administre
encore à la mitaine. On est rendu dans les deux ou trois milliards de
budget, il y a 40,000 fonctionnaires, sans compter tous les groupes
paragouvernementaux, qui dépendent du gouvernement, et jusqu'à un
certain point, on n'est pas encore complètement sorti de la mitaine
administrative.
Mutatis mutandis, la langue et la culture, c'est la même chose. On
marche encore avec des sécurités dans certains milieux. Les
jeunes nous donnent une leçon à ce point de vue-là.
Leurs inquiétudes et leurs contestations sont au moins
accrochées directement à l'évolution très rapide de
la société. Pendant ce temps, on marche encore, dans certains
milieux et au point de vue législatif, administratif et au point de vue
des lois que l'on peut concevoir dans le domaine linguistique, et c'est le
danger que l'on court, on s'appuie sur un folklore, le maintien de la paix et
de l'harmonie ou de l'ordre établi de 1890 ou de 1920, tandis qu'on a
besoin de survivre aujourd'hui.
Notre langue et notre culture se trouvent en grande partie, la
vitalité possible qu'elles auront dans la société des
satellites, dans la société des entreprises modernes qui nous
échappent et que nous ne contrôlons pas dans le Québec,
dans la société des « mass-media », par exemple, des
moyens de communications, entre autres des ondes, pour lesquels on se «
décarcasse » pour faire un Radio-Canada parallèle à
Radio-Canada, qui devrait aussi nous appartenir.
Dans tous ces domaines, se trouve la vitalité réelle d'une
langue, à notre époque, et non pas dans la perpétuation
des ordres établis d'autrefois, parce que cela ne répond plus
à aucune réalité. Cela changerait d'une façon qui
serait dramatique, bien sûr. Je vais faire une phrase seulement
là-dessus, parce que je ne veux pas faire repartir le
député de Richmond. Si au lieu d'être dans ce contexte
fédéral-provincial, où nous sommes un peu une colonie
intérieure, où notre Parlement donne un peu l'impression,
souvent, de ne pas oser dépasser les problèmes municipaux ou
régionaux dans ses préoccupations; si nous étions vraiment
ce que notre nom prétend que nous sommes, une Assemblée
nationale, nous serions alors un peuple qui subirait à ce
moment-là une mutation psychologique incroyable, c'est-à-dire un
peuple qui serait chez lui et qui, à ce moment-là, n'aurait pas
besoin de s'humilier, j'en suis sûr, moi, au point de
légiférer pour assurer la survivance de sa langue.
Parce qu'un peuple qui est chez lui et qui a...
M. LAFRANCE: Est-ce que le député est naïf, par
hasard?... Voir si le seul fait de régler nos problèmes en
Amérique...
M. LEVESQUE (Laurier): C'est un domaine où le
député de Richmond est un tel expert la
naïveté prolongée je voudrais avoir son
analyse...
M. LAFRANCE: J'aime mieux ça qu'être perfide!...
M. LEVESQUE (Laurier): Bon, j'aimerais avoir son analyse...
M. LAFRANCE: Je vais la faire, l'analyse du député,...
M. LEVESOUE (Laurier): C'est ça. Bien, vous la ferez
après, d'accord?... Pouvez-vous attendre?...
M. LAFRANCE: J'en al assez de ce bourrage de crâne, moi...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEVESQUE (Laurier): Vous ne pourriez pas l'amener prendre un coup...
Seigneur!... pour le calmer!...
M. LEDUC (Taillon): Cela, c'est intelligent!... Cela, ça prouve
le grand jugement du député de Laurier!...
M. LEVESQUE (Laurier): Cela doit le travailler... Autrement dit, on
n'aurait même pas besoin... c'est sûr - j'ai le droit d'avoir mon
opinion, si naive...
M. LAFRANCE: Commencez par avoir votre mandat...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAFRANCE: ... que le député ait donc
l'honnêteté de demander un mandat de la population. Il a
été élu libéral, lui qui est le « grand
», le « seul pur » de la province de Québec, qu'il ait
donc cette honnêteté, au moins!...
M. LEVESQUE (Laurier): Comme j'ai dit au député de
Richmond, il ne me fera pas sortir de mes gonds, parce que, de toute
façon, ses colères sont tellement fofolles, mais je l'ai dit
déjà... Je ne prendrai même plus la peine de
répondre à cela. Je l'ai faite, cette réponse-là,
au premier ministre du temps qui s'appelait M. Johnson. S'il n'a pas voulu la
prendre, ce n'est pas le député de Richmond qui va changer mes
opinions...
M. LAFRANCE: C'est une pirouette de politicien!... C'est une pirouette
de politicien!...
M. LEVESQUE (Laurier): Non, non, c'était public.
M. LAFRANCE: ... du 18e siècle, à part de cela...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. LEVESQUE (Laurier): C'était public et cela a été
répété. Ce n'est pas à quelques mois des
élections sûrement, parce qu'on s'en rapproche, que je vais
enlever de cette Chambre la seule voix qui, en ce moment, représente
directement une foule grandissante de gens dans le Québec qui ont la
même opinion, pas pour faire plaisir aux niaiseries de vieille
démagogie de troisième ordre du député de
Richmond...
M. LAFRANCE: Ouah!... Le député...
M. LEVESQUE (Laurier): Cela dit, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEVESQUE (Laurier): Bon, retenez-vous! Cela dit - mieux vaut tard que
jamais tout ce que nous sommes dans ce contexte d'incertitude et
d'insécurité collective et tant que nous y serons, c'est
évident qu'il faut de la législation, de la réglementation
parce qu'on a grugé, et tout le monde en est de plus en plus
conscient.
Je pourrais lire de longs passages, mais c'est inutile il peut
les évoquer lui-même s'il le veut de longs passages de ce
discours remarquable que faisait le ministre des Affaires culturelles à
la biennale de la langue française. On est grugé,
aliéné pour employer un terme sociologique à la mode
là, aliéné au travail pour des milliers, sinon des
centaines de milliers de nos travailleurs dans les entreprises du
Québec, aliéné par exemple en grande partie dans notre
éducation et même chez certains de nos élites, une
espèce d'inconscience invraisemblable qui leur fait véhiculer des
espèces de chevaux de Troie dont ils n'ont même pas l'air de
soupçonner l'existence.
Je lisais tout récemment qu'une de nos chambres de commerce
je pense que c'est celle de Montréal a
décidé, après en avoir parlé pendant des
années, de commencer à propager de l'éducation
économique chez nous. J'espère que le ministre de l'Education,
premier ministre intérimaire a suivi cette chose-là parce qu'elle
ne manque pas d'intérêt, et elle ne manque pas d'être un peu
inquiétante par les prolongements qu'on peut y voir. Cette chambre de
commerce, en autant que je sache, a décidé d'Importer des
Etats-Unis, de quelques groupes d'entreprises qui ont préparé des
cours et des manuels sur le « business education », d'importer
toute une série de pu-
blications, et on nous dit que ce sera traduit et adapté. Mais
qu'est-ce que cela va véhiculer comme valeur aussi bien que comme
vocabulaire, je veux dire? J'ai des doutes déjà sur la
traduction, sur la partie superficielle; mais sous la surface, qu'est-ce que
cela va véhiculer, cette éducation économique
importée du « big enterprise » américain, de son
climat qui est sui generis aux Etats-Unis, qui véhicule toute une
série de valeurs et d'interprétations de la société
qui ne sont pas nécessairement adaptables, collables à la
société québécoise. Par-dessus le marché, ce
serait librement répandu, épandu à travers tout le
Québec, comme une base d'éducation économique. Je souligne
en passant, parce qu'il me semble que le ministère de l'Education, aussi
bien que d'autres ministères devraient porter un intérêt
extrêmement précis et, à mon humble avis, pas
dépourvu d'inquiétudes, sur ce genre d'initiatives qui surgissent
comme des champignons brusquement et derrière lesquels je voudrais
savoir quelle sorte d'intérêt se trouve, sans compter les autres
risques que je viens d'évoquer.
Mais tout ça pour dire que, dans ce contexte aujourd'hui, il faut
absolument non seulement être conscient dans la population et faire des
prêches continuelles pour dire à nos citoyens que c'est à
eux de travailler et d'être conscient d'une sorte d'achat chez nous
culturel ou linguistique; mais il faut que l'Etat, c'est-à-dire le
gouvernement d'abord et le Parlement qui sont ici justement comme la plus haute
autorité, la plus haute instance de la société
québécoise, agissent et agissent sans trop de délai.
Les cris d'alarme, on n'a pas besoin de travailler très fort pour
les trouver. On a distribué ce matin à tous les
députés, par exemple, ce numéro le plus récent de
Québec 68, dans lequel il y a une recension du Dictionnaire des
difficultés de la langue française de M. Gérard Dagenais,
et, dès le premier paragraphe, je trouve ceci: « Dans son
dictionnaire, M. Dagenais écrit que nous devons, faute de
disparaître, rester délibérément j'insiste
sur le mot, vous allez voir pourquoi délibérément
tributaire d'une grande culture. C'est ici, ce
délibérément, la partie qui m'intéresse dit
le critique, M. Ethier Blais, je pense. Les Français parlent le
français parce qu'ils sont Français, comme on respire. Les
Allemands, l'allemand parce qu'ils sont Allemands; les Anglais, l'anglais parce
qu'ils veulent être tout enfin, ça ce sont des ironies en
passant et cela est naturel. Mais nous continuons à parler le
français parce que nous avons choisi cette langue comme moyen de
communication et, ce qui est plus important, parce qu'à chaque instant
du jour, nous choisissons. C'est du reste ce qui fait qu'être Canadiens
français, c'est proprement quelque chose d'extraordinaire. En dehors de
ce choix et de cette langue, nous ne sommes rien de plus que le résidu
d'un ratage colonial. Ce n'est pas gai à s'avouer, mais je pense que
c'est un fait. On est une colonie ratée qui a failli être un pays,
puis qui est disparue...
M. LAFRANCE: Il est à peu près temps que le
député revienne. Je fais appel, M. le Président, au
règlement. Ce n'est pas le temps de régler tous les
problèmes canadiens-français, il s'agit de la langue.
Le député tourne autour et il se sert toujours, j'allais
dire de choses qui ne seraient pas très parlementaires, mais je vous
demande, M. le Président, s'il vous plaît, de le rappeler à
l'ordre. Il aura d'autres occasions de parler du séparatisme ou de
toutes ces idées qui le conduisent tout le temps comme une espèce
d'idée fixe vers le séparatisme.
M. LEDUC (Taillon): Surtout, quand il aura un mandat.
M. LEVESQUE (Laurier): Cela ne vaut même pas la peine de...
M. LAFRANCE: Cela vaut la peine, il va obéir comme les autres au
règlement. Je vous demande, M. le Président, de le rappeler
à l'ordre.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est à vous de vous prononcer...
M. LAFRANCE: Surtout qu'il n'a pas de mandat. C'est encore pire pour
lui.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est à vous de vous prononcer, M. le
Président, mais je vous ferai remarquer, premièrement, que
j'achève et, deuxièmement, que le chef de l'Opposition, si j'ai
bien saisi une parti de son discours qui ne manquait pas d'une certaine
rentabilité au point de vue libéral, je suppose, a
élaboré un peu sur tout le programme libéral dans ce
domaine. Oui ou non?
M. LAFRANCE: Oui, certainement.
M. LEVESQUE (Laurier): Bon, et alors?
M. LAFRANCE: D'ailleurs, il a établi ses positions, c'est ce
qu'il doit faire.
M. LEVESQUE (Laurier): J'établis les
miennes, que ça plaise ou non au député de
Richmond.
M. LAFRANCE: Pour le séparatisme, non pas pour la langue.
M. LEVESQUE (Laurier): Si le député de Richmond, au lieu
de chercher dans son immense cervelle tous les arguments qu'il peut trouver
pour répéter toujours la même chose chaque fois qu'il se
lève à toutes les cinq minutes depuis quelque temps, avait
écouté, il se serait rendu compte que j'ai parlé de la
langue en fonction du Québec, justement...
M. LAFRANCE: J'ai écouté, et ça s'en va vers un
cul-de-sac, votre affaire.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est ça. Mais le cul-de-sac, nous, nous
voulons en sortir. Je me suis permis de l'évoquer en deux ou trois
phrases qui auraient été moins longues si le député
de Richmond m'avait foutu la paix. Je me suis permis de l'évoquer, la
sortie du cul-de-sac, parce que c'est dans le régime actuel que notre
langue et notre culture sont comprimées dans un cul-de-sac. C'est pour
ça que nous sommes obligés de légiférer, ce qui est
humiliant pour un peuple. Légiférer sur sa propre existence, cela
ne devrait pas être nécessaire, si nous n'étions pas dans
ce cul-de-sac Le vrai cul-de-sac, c'est d'être une province qui est comme
une sorte de colonie intérieure dans un pays.
M. LAFRANCE: C'est là, vous voulez nous conduire dans le
cul-de-sac La province ne vous suivra pas.
M. PAUL: Je formule un point d'ordre. J'ai assisté avec beaucoup
d'intérêt depuis quelques minutes à un échange de
propos entre l'honorable député de Richmond et l'honorable
député de Laurier. Je soumets respectueusement que l'honorable
député de Richmond était tout à fait en droit de
soulever la question de la pertinence du débat, et d'un autre
côté, je crois que nous ne pouvons pas priver l'honorable
député de Laurier de compléter ses remarques pour pouvoir
passer à un autre poste de nos crédits. Je vois l'honorable
député de Vaudreuil-Soulanges qui est brûlant du
désir de parler de l'éducation. Je suis sûr qu'en observant
nos règlements, nous pourrons peut-être progresser.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, si vous pouviez obtenir,
par vos regards sû- rement plus efficaces que les miens, que le
député de Richmond reste assis sur ce fauteuil qui a l'air de lui
brûler le postérieur, j'aurais fini très bientôt.
M. LEDUC (Taillon): C'est donc drôle!
M. LEVESQUE (Laurier): Je disais donc, pour enchaîner encore une
fois avec ce que le député de Richmond m'a forcé à
répéter, que dans le contexte - à mon humble avis colonial
dans lequel se trouve cette société française qui
est tout impliquée dans ce morceau de budget que nous discutons, dans ce
contexte colonial, nous sommes, et c'est humiliant, ça ne devrait pas
exister, obligés de reprendre continuellement, comme une tapi-serie de
Pénélope, cette damnée survivance qui remplace une vie
assurée, une vitalité solide.
Puisque tel est le cas et que nous sommes dans le régime actuel,
il est évident que la commission d'enquête doit déboucher
sur une législation. Ce sera encore au minimum douze mois de perdus,
sauf et là-dessus je rejoins le chef de l'Opposition - si nous
pouvions avoir le plus vite possible comme des espèces d'injections
d'urgence, des rapports intérimaires de la commission d'enquête
sur plusieurs des domaines que le bill 85, qui est maintenant retourné
aux oubliettes, avait complètement négligés d'une
façon qu'on ne s'explique pas encore vis-à-vis de cette
protection essentielle de la majorité que nous sommes.
Par exemple, que dans le domaine économique, on fasse au moins
des amorces le plus vite possible, parce que c'est dans l'économie en
particulier qu'une langue est rentable ou ne l'est pas. Quand une langue
arrête de fonctionner à l'entrée d'une usine ou à
l'entrée d'un bureau ou qu'elle a cessé d'être utile au
deuxième étage d'une entreprise aussitôt que tu
continues à monter, ça ne marche plus il est
évident qu'elle ne peut pas être très vivante.
Le groupe dont je fais partie s'est permis, ces derniers jours, de
proposer publiquement une solution qui aurait pu être convenable dans le
contexte actuel. On prenait un risque en faisant cela vis-à-vis de
certains de nos plus chauds partisans. On avait l'air de reculer, même si
on spécifiait que ce projet de loi que je me suis permis de
présenter comme un contreprojet était un strict minimum,
un pis aller, à l'intérieur du régime où nous
vivons. A l'intérieur de ce régime-là, on aurait
même pu aller plus loin, mais au moins qu'on touche l'économie
dans le domaine des entreprises et de leur raison sociale.
Que ce soit dans les relations du travail, dans les relations de
l'entreprise et de ses employés vis-à-vis du public ou dans le
domaine des professions et des métiers, il ne devrait absolument pas
être permis au Québec qu'un médecin ou un agent de police,
par exemple, puisse exercer son métier ou sa profession en ne
connaissant pas la langue de la majorité. Voilà deux domaines
où cela peut même être un danger pour la
sécurité ou pour la santé publiques. C'est tellement
aberrant qu'on se demande comment on a pu tolérer cela chez nous, depuis
des générations et des générations, comme une
espèce de ségrégation, dans des domaines où, par
définition, il faut au départ, être au service de
l'ensemble de la population.
Cela devrait s'appliquer dans tous ces secteurs, sans compter
l'affichage, dont on a parlé, l'étiquetage et la
présentation des produits qui sont sur tous les marchés du
Québec. Il faut faire le plus vite possible cette
pénétration qui aurait dû exister depuis cent ans dans le
domaine de l'économie. Notre langue est d'une rentabilité
tellement faible que c'est probablement, même on peut dire
sûrement, le pire handicap qui entraîne toutes ces autres
faiblesses au fond.
Pour ce qui est du statut de la minorité anglophone, le chef de
l'Opposition s'est permis de me poser la question tout à l'heure, comme
si ce n'était pas clair. Pour essayer de rendre cela clair, on a
même consulté des spécialistes pour établir une
formule qu'on a également présentée dans ce contreprojet
de loi. Cette formule ne vient pas de votre humble serviteur, mais, à
notre avis, c'est une réponse valable. Je n'en ai vu nulle part ailleurs
à ce damné dilemne que présente la minorité
anglophone chez nous. D'un côté, il faut respecter les droits
c'est mon humble avis et c'est aussi l'avis du groupe dont je fais
partie de la minorité existante chez nous, c'est-à-dire de
nos résidants, de nos contribuables, de nos concitoyens, s'ils ont
choisi l'anglais.
D'un autre côté, est-ce qu'on doit leur laisser le droit de
continuer indéfiniment, par assimilation, à augmenter leurs
forces aux dépens de la société majoritaire que nous
sommes? A qui appartient-il de fixer pour l'avenir les limites de cette
minorité anglophone? A elle-même seule, avec tous les courants
dominants du continent, du reste du pays et de l'économie qu'il nous
faudrait un certain temps pour reprendre en main d'une façon convenable,
même chez nous, avec tout ce qui l'appuie continuellement dans
l'assimilation accélérée qui se produit, en particulier,
dans la région de Montréal? C'est là que le
problème est centré. Est-ce qu'il faut, en plus de tous ces
facteurs avantageux qui jouent en sa faveur, en présumant que c'est cela
qu'elle désire je ne lui prête pas de conspiration,
à cette minorité lui permettre de nous noyer à
Montréal? Il y a des gens qui, ont évoqué cette
possibilité-là. Certains sur un ton triomphal, dans la
minorité de langue anglaise, disaient à certains moment: Dans dix
ou quinze ans, si on peut réussir, Montréal sera majoritairement
anglais. A ce moment-là, ils pourront toujours courir, les «
chiâleux » de Canadiens français. Il ne faudrait tout de
même pas attendre que cela arrive.
Or, une chose qui est au fond de ce problème-là, si on ne
se contente pas de rester toujours en surface, en se gargarisant de mots qui
n'ont pas de définition réelle, comme quand on parlait au point
de vue de l'immigration d'amener des immigrants susceptibles de s'adapter au
milieu québécois... En fait, il n'y a pas un milieu
québécois; il y en a deux au point de vue de la culture et de la
langue. Il y a le milieu francophone et le milieu anglophone. Quand on fait des
formules passe-partout comme celles-là, eh bien! on n'a pas de
politique.
Or, le problème qui se pose, c'est celui-ci. D'une part, il faut
respecter les droits des minorités. Si on veut, une
société a même le droit de marcher sur les droits. Une
société majoritairement a tous les droits, mais, comme je
considère que nous sommes une société civilisée, on
doit, à mon avis, garantir ces droits.
D'un autre côté, est-ce que l'on doit garantir, en
même temps, la liberté totale de cette majorité de
continuer à fixer elle-même l'assimilation qu'elle continuera
à faire dans notre société? Nous, nous disons non.
Pour aller au fond du problème et pour montrer au moins une
formule valable, une formule discutable au moins dans ce contre-projet de loi
qu'on a présenté, après avoir consulté des
spécialistes qui ont travaillé là-dessus, on a
présenté une formule. J'espère qu'un de ces jours, via la
commission d'enquête ou autrement, on en aura des nouvelles.
Pour terminer, je dirai ceci, pour ne pas allonger davantage... Vous
voyez, M. le Président, je peux terminer plus vite quand le
député de Richmond reste tranquille. Je finis en disant ceci: Ne
pourrait-on pas suggérer à la commission d'enquête
je ne crois pas que ce soit spécifiquement évoqué dans son
mandat au moins d'élargir suffisamment ce mandat purement
linguistique pour toucher ces autres instruments culturels. Pas seulement le
domaine en particulier de l'éducation où se trouve fixé
l'abcès qui tourne autour des droits scolaires des anglophones, mais
tous ces autres ins-
truments culturels qui prennent une importance de plus en plus grande
à notre époque: les ondes, les grands moyens de communication de
masse, les « mass media », le cinéma qu'on a escamoté
dans cette Chambre depuis que j'y siège, pour autant qu'on y ait
touché; le cinéma qui est un des véhicules les plus
importants et chez nous les plus aliénés de la culture et
forcément de la langue aussi; la presse, puisque le comité
parlementaire qui doit toucher à ça, touche nécessairement
à un domaine qui est extraordinairement proche de la vitalité
culturelle d'une société.
J'aimerais même qu'on n'oublie pas les manuels scolaires et les
espèces de para-entreprises éducatives comme celles de la chambre
de commerce que j'évoquais tout à l'heure, de façon
à ce qu'au moins, parmi ces instruments principaux qu'on peut appeler
culturels de nature, il y ait un tableau aussi cohérent et aussi
spécifique que possible, puisqu'on doit se payer une enquête, eh
bien qu'on aille jusqu'au fond au moins de ces instruments.
M. Denis Bousquet
M. BOUSQUET: M. le Président, seulement quelques mots pour dire
que j'approuve la création de cette commission d'enquête sur la
langue au Québec. Evidemment, il n'est pas question ici
d'indépendantisme ni de séparatisme.
Il s'agit uniquement de demander à des experts de nous indiquer
quels seraient, d'après eux, les moyens les plus efficaces pour
remédier à une situation qui actuellement est passablement bien
connue.
Le mandat de la commission durera douze mois, A mon sens, c'est une
période raisonnable parce que, déjà, nous possédons
beaucoup de données sur le sujet. Je pense que les commissaires
devraient avant tout réfléchir sur les données que nous
possédons déjà et nous aider à trouver les moyens
d'assurer la survie de la communauté culturelle
canadienne-française du Québec, tout en respectant les droits
individuels de la minorité anglo-saxonne.
Nous savons tous qu'il y a ici deux droits en présence: le droit
à la vie d'une communauté canadienne-française. C'est un
droit indéniable, il n'y a pas de droits plus puissants que
celui-là, le droit à la vie. Alors, à l'intérieur
du respect de ce droit à la vie pour un peuple, je pense qu'il y a moyen
de trouver une solution acceptable pour la minorité, une solution qui
respectera les droits individuels et même les droits collectifs de cette
minorité.
Evidemment, nous sommes placés dans une situation difficile. Il y
a au Québec deux impé- ratifs fondamentaux: l'impératif
économique et l'impératif culturel. De plus en plus chez nous,
nous allons être obligés de nous demander si les deux sont
concillables. Chez nous, un certain nombre ont déjà fait leur
choix. Us ont accepté de donner la priorité et même
l'exclusivité à l'Impératif économique. D'autres
donnent la priorité à l'impératif culturel.
Il s'agit de savoir si les deux sont conciliables. Pour ma part, je
crois que ces deux impératifs sont concillables.
Seulement, je ne nie pas que la recherche d'une solution sera longue et
ardue. Je fais confiance aux commissaires pour nous aider à trouver une
solution à ce problème, une solution qui permettra l'avancement
économique des Canadiens français, leur épanouissement
culturel, sans brimer, d'autre part, les droits de la minorité ou des
minorités qui se trouvent chez nous. Je fais confiance à cette
commission d'enquête, je suis persuadé qu'elle remplira son mandat
avec conscience et que son rapport sera des plus fructueux. Il restera ensuite,
à l'Assemblée nationale à prendre ses
responsabilités et à trancher le débat dans le sens qui
respectera le bien commun de tous les Québécois.
M. LE PRESIDENT: L'article 20 du Conseil exécutif est-il
accepté?
M. Paul Gérin-Lajoie
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, peut-être juste un mot.
Je me demandais si le premier ministre intérimaire dirait quelques mots.
Sans doute cette question de la langue a fait l'objet de débats, ne
serait-ce qu'incidemment, à l'occasion du bill 85 ou en d'autres
moments, à l'occasion de la présente session. Alors, ce n'est
sûrement le désir d'aucun membre de cette Chambre d'allonger
inutilement le débat.
Seulement, je pense que l'occasion est bien indiquée de faire
à ce moment-ci les interventions que nous faisons. C'est dans cet
esprit-il que Je me lève moi-même, étant donné
qu'à l'occasion du bill 85, le débat s'étant
concentré sur une question de procédure, il est possible que
certains éléments du public aient été
laissés sous une fausse impression ou une impression incomplète,
en ce qui concerne l'attitude de fond des membres de cette Chambre.
Je pense qu'il est important de souligner, comme d'autres l'ont fait
avant moi, combien la question de la langue française se pose
aujourd'hui, d'abord, comme une question d'urgence et également comme
une question absolument fondamentale.
La langue, on le sait, c'est l'image et l'expression de l'âme,
donc de l'être complet d'un
peuple. C'est donc dire que, dans la mesure où nous voulons
survivre, comme entité distincte, avec notre culture, tout ce que cela
comporte, eh bien, dans la même mesure, nous devons désirer
profondément le maintien de notre langue et son enrichissement.
Le ministre du Travail a parlé, sans doute dans ce sens-il, tout
à l'heure, mais je voudrais tout de même apporter une
précision à une chose qu'il a dite et qui me laisse non seulement
perplexe, mais un peu inquiet.
Le ministre du Travail a dit à peu près textuellement,
à un moment donné, qu'il est inutile de mettre dans la
législation ce que le peuple n'est pas prêt à accepter.
Bien sur, cette affirmation est juste et je l'accepte dans son ensemble, sauf
qu'il faut y apporter la nuance suivante: Le législateur ne doit pas
violenter la population, il ne doit pas agir comme s'il croyait pouvoir imposer
de force quoi que ce soit sous forme de loi, sous forme de décisions
administratives, à un peuple, parce qu'un tel législateur, un tel
gouvernement, serait rejeté par la population, un peu comme, en termes
médicaux, ces derniers temps, on a entendu parler du rejet d'un organe,
lors des transplantations chirurgicales.
Mais d'autre part, M. le Président, le gouvernement, les
législateurs, les hommes publics ont certainement une
responsabilité d'orientation de l'opinion publique, ils ont
sûrement une responsabilité de leadership. La population est en
droit de s'attendre de ces hommes publics qu'ils indiquent une voie à
suivre, qu'ils indiquent des orientations, une direction. C'est dans ce
sens-là, je pense, que d'autres se sont exprimés avant moi, ce
midi, ou dans la matinée et que d'autres interventions ont
été faites également à d'autres moments.
Le gouvernement et les législateurs n'ont pas le droit de rester
sur leurs positions et d'attendre qu'une opinion publique ce soit formée
d'elle-même avec l'aide, sans doute, de divers chefs de file dans notre
société, à l'aide, par exemple, de l'action des milieux
universitaires, avec l'aide de l'action de diverses sociétés
à caractère national ou culturel, avec l'aide des milieux
scolaires ou éducatifs en général.
Je pense que les hommes publics comme tels, d'une part, à cause
du prestige attaché lieur fonction et, d'autre part, à cause de
leur responsabilité dans la marche des affaires de la
collectivité, ont le devoir, premièrement, de se former
eux-mêmes une opinion sur des questions de cette importance-là et,
deuxièmement, une fois leur propre opinion formée, de mettre tout
en oeuvre pour amener l'opinion publique à adhé- rer à ces
opinions, à les accepter et même je dirais à désirer
leur mise en vigueur.
On sait que, dans l'histoire politique probablement de tous les peuples
démocratiques, et c'est notre cas bien sûr, les hommes politiques,
globalement, sont tentés, pour maintenir le pouvoir ou simplement par
force d'inertie, d'attendre pour agir d'être vraiment poussés dans
le dos, pour ne pas dire, dans certains cas, acculés au pied du mur par
l'opinion publique. On sait que chez nous, comme ailleurs, cette attitude
d'hommes politiques a été assez
généralisée.
Mais je pense, M. le Président, que des hommes politiques
vraiment conscients de leur responsabilité d'homme public, de
législateur, d'homme de gouvernement, ne peuvent pas, en toute
conscience envers eux-mêmes et envers ceux qu'ils représentent, se
contenter d'une attitude comme celle que je viens de mentionner. Les hommes
publics doivent être à l'avant-garde du développement de
l'opinion publique.
C'est bien beau et c'est bien facile de dire que l'opinion publique
c'est l'opinion de l'ensemble de la population qui se forge quotidiennement
sous la pression de toutes sortes d'influences; mais cette opinion publique est
influençable au premier chef par les hommes publics, S. cause de leur
connaissance, à cause de l'expérience attachée aux
fonctions qu'ils ont remplies, à cause aussi de la préparation
qu'ils ont eue pour accéder au poste où ils sont aujourd'hui,
sont en mesure d'exercer une très grande influence.
Et de plus, quand on pense aux moyens de diffusion dont disposent
aujourd'hui les hommes publics, je pense qu'on se rend d'autant plus compte de
l'importance du rôle qu'ils peuvent jouer. On sait que, lorsqu'on fait
partie d'un gouvernement, on a non seulement la diffusion qui s'attache un peu
au prestige de la fonction qu'on occupe, mais aussi les instruments
spécifiques de diffusion que possède tout gouvernement et que
possède en particulier le gouvernement actuel parce que, principalement
dans le cas de l'Office de publicité et d'information du Québec,
on a augmenté progressivement, au cours des dix dernières
années, le rôle de cet office. Et on sait qu'aujourd'hui il a un
rôle plus grand, en volume si je puis dire, en importance concrète
auprès des média de communication et plus importante que jamais
dans le passé.
On sait que les hommes publics, quels qu'ils soient, dès qu'ils
occupent une fonction importante, dès qu'ils ont un message à
transmettre, ils ont une très grande audience auprès de l'opinion
par l'intermédiaire des média de communication.
Alors cette influence, M. le Président, nous avons tous
collectivement l'obligation de l'utiliser pour contribuer à former
l'opinion publique dans le sens des idées, des orientations auxquelles
nous croyons, parce que les hommes publics ont le devoir de penser et de croire
des choses.
M. le Président, j'aimerais mentionner une chose qui
m'était venue à l'esprit à l'occasion du bill 25, je ne
l'ai pas mentionnée, parce que je croyais que cela ne s'y prêtait
pas tellement, étant donné la nature du débat que nous
avons eu. Cela n'a pas été mentionné, à ma
connaissance, par d'autres non plus. C'est une suggestion que j'aimerais faire
au gouvernement. Elle me paraît très bien entrer dans le cadre du
petit débat que nous avons à ce moment-ci. La question de la
langue se pose, évidemment, à l'intérieur du
Québec. Pour nous, que le Québec soit membre de la
Confédération de 1867, d'une nouvelle confédération
ou d'un Québec séparé, la question de la langue se pose
pour le Québec, quel que soit son régime politique.
Mais, aujourd'hui, en 1968, la question de la langue ne se pose pas
uniquement pour le Québec vu de façon isolée, mais elle se
pose en relation avec le reste du Canada. Le gouvernement actuel, comme
l'Opposition officielle, croit fermement à l'avenir du Québec
comme faisant partie de la confédération. Le gouvernement actuel
a participé à diverses conférences
fédérales-provinciales depuis quelques années. Il a
manifesté le désir de l'ensemble des Québécois de,
non seulement continuer à participer à la
confédération canadienne, mais à y jouer un rôle
véritablement actif. Dans le cadre de l'ensemble du Canada, la question
de la langue, française ou anglaise, se pose de façon très
aiguë. Nous savons que le gouvernement fédéral a pris des
initiatives dans ce domaine. Il a formé la fameuse commission
Laurendeau-Dunton et, tout récemment, il a pris l'initiative de formuler
et de proposer au Parlement fédéral un projet de loi.
Pourquoi le gouvernement du Québec, qui s'est attribué ou
a cru qu'il possédait, depuis de nombreuses années, une
responsabilité toute spéciale, en ce qui concerne la langue
française et le groupe de langue française dans tout le Canada
tout entier, ne prendrait-il pas l'initiative, soit son bill 85 dans sa forme
actuelle, soit un bill 85 ou un énoncé au moins partiel de
politique de langue, et de le présenter pour étude, soit à
une conférence fédérale-provinciale, soit à une
réunion du conseil des ministres de l'Education du Canada? Il y a une
conférence fédérale-provinciale qui viendra
vraisemblablement au début de février ou, à tout
événement, au début de l'année 1969. Il y a des
réunions du conseil des ministres de l'Education au moins une fois par
année. Je pense que l'habitude s'est prise, depuis quelques
années, d'en tenir deux fois par année:
généralement une l'hiver et l'autre l'automne, en septembre ou
à peu près.
Alors, pourquoi, à l'occasion des réunions du début
de l'hiver, c'est-à-dire du début de l'année 1969, le
gouvernement du Québec ne présenterait-il pas aux autres
gouvernements provinciaux et même au gouvernement fédéral,
à titre d'information, purement et simplement, le projet que nous
songeons ou que le gouvernement songe à mettre en vigueur ou à
inviter l'Assemblée législative à mettre en vigueur pour
le Québec? Que ce soit le bill 85, dans sa forme actuelle, ou dans une
forme révisée, qu'il s'agisse d'un projet de loi ou de toute
autre décision administrative, on s'entend généralement au
Québec pour dire qu'il faut protéger les droits des
minorités? C'est même le cas du député de Laurier.
Alors, pourquoi, étant donné le délai qui est maintenant
imposé dans ce domaine-là, ne profitons-nous pas de ce
délai pour que, parallèlement aux études qui vont se
poursuivre au comité de l'éducation, pour soumettre ce projet aux
autres gouvernements?
Dans un double but: D'une part, pour permettre au gouvernement et
à la population du Québec de savoir ce que les autres
gouvernements provinciaux ont l'intention de faire dans le domaine de la
langue.
Puisqu'on parle tellement du problème de la langue
française en dehors du Québec, en plus d'en parler à
l'intérieur du Québec où le problème est grave, on
l'a souligné tout à l'heure. Mais, puisqu'on en parle tellement
de ce problème dans les autres provinces, pourquoi est-ce que le
gouvernement du Québec ne jouerait pas vraiment son rôle de
leadership à ce point de vue-là?
Et il y aurait une deuxième raison pour le soumettre. Eh bien, je
pense qu'il serait intéressant d'obtenir les commentaires des chefs ou
représentants des autres gouvernements à travers le Canada sur
notre propre projet de loi. Je pense qu'après avoir vu la
réaction des chefs politiques des autres milieux canadiens, les milieux
québécois, quels qu'ils soient, seraient peut-être
éclairés de façon significative sur la façon dont,
à travers le Canada, on conçoit vraiment cette cohabitation du
groupe de langue française et du groupe de langue anglaise.
Alors c'est une suggestion qui peut paraître plus une suggestion
tactique qu'une suggestion de fond, mais je pense qu'en cette période,
M. le Président, où on est en pleine gestation en
ce qui concerne la façon d'assurer le respect des droits
linguistiques des majorités et des minorités, il ne serait
peut-être pas mauvais de considérer des suggestions tactiques
comme celles-là.
Alors, M. le Président, comme je l'ai mentionné tout
à l'heure, j'ai nettement l'impression que cette suggestion n'a pas
été faite et disons qu'elle paraît peut-être faite un
peu à brûle-pourpoint aux yeux du ministre de l'Education,
vice-premier ministre; mais il jugera peut-être à propos de donner
tout de suite quand même son opinion sur une suggestion comme
celle-là.
Je voudrais terminer avec une observation d'un autre ordre, mais
toujours sur le même sujet évidemment, c'est cette question de
l'urgence du problème. Je sais que, depuis quelques années, M. le
Président, il s'est trouvé à travers le Québec, des
personnes, des groupes pour qualifier certains hommes politiques
québécois de trop impatients et de trop pressés de mettre
en oeuvre des réformes.
M. le Président, je pense qu'il faut relever cette accusation,
quels que soient les milieux d'où elle soit venue. Je pense que nous
devons, nous en particulier, les Canadiens français à
l'intérieur du Québec, être bien conscients de l'urgence de
certains problèmes et de l'urgence de problèmes qui touchent
à notre existence même. Il ne faut pas, bien sûr, être
alarmiste.
Il ne faut pas avoir l'air de partir en peur devant certaines situations
qui apparaissent au premier abord troublantes, mais d'autre part, il ne faut
pas non plus avoir les yeux fermés sur des situations qui sont
fondamentalement inquiétantes et troublantes. Je pense que cette
question de la langue, qui touche à notre avenir collectif en
Amérique du Nord, en est une d'une très grande urgence.
Bien sûr qu'on a vécu 200 ans on sait comment
depuis le régime britannique au Canada. Je pense que le rythme de vie
d'aujourd'hui ne nous permet pas à nous, Canadiens français, de
nous dire: On a vécu 200 ans en régime britannique, il n'y a pas
de problème pour les cent ou deux cents ans à venir. Une telle
attitude serait totalement de l'inconscience et de l'inconscience coupable de
la part des hommes publics. Avec le rythme de vie d'aujourd'hui, au
Québec comme dans le reste du monde, avec toute la matière qui
pénètre chez nous de l'étranger, en particulier des
Etats-Unis, pour ne pas parler de ce qui vient du reste du Canada, par tous les
moyens de communications modernes, que ce soit la télévision, la
radio, pas besoin de parler des satellites, pas besoin d'aller jusque
là. Parlant des catalogues, parlant des moyens de publicité des
grandes maisons d'affaires amé- ricaines ou à caractère
international, tout cela est aujourd'hui, une véritable avalanche sur le
peuple canadien-français.
Cela nous place dans une situation qui est d'une nature totalement
différente de celle que le peuple canadien-français a connue dans
le milieu rural qui a été le sein depuis environ deux cents ans.
Devant cette situation d'urgence, nous avons le devoir de nous impatienter
entre guillemets nous avons le devoir de bousculer un peu les
événements. Bien sûr, et je fais allusion à ce qu'a
dit le ministre du Travail tout à l'heure, nous ne pouvons pas ce
serait illusoire et nous n'atteindrions pas notre but imposer de force
des lois ou des décisions administratives à une population. Mais
il est question cependant, premièrement de bien prendre conscience d'un
problème; deuxièmement, de formuler des solutions;
troisièmement, d'informer et d'orienter l'opinion publique; et
finalement, de prendre des mesures concrètes.
J'ai mentionné ces quatre points comme s'ils devaient se
dérouler dans un ordre chronologique. Mais j'aurais donné une
fausse impression si j'avais donné celle-là, parce que
déjà des choses sont à notre connaissance et elles peuvent
être accomplies. Je ne voudrais pas, m'étant exprimé de la
sorte, avec un premièrement, un deuxièmement, un
troisièmement et un quatrièmement, donner l'impression que mon
quatrièmement n'est destiné à être
réalisé qu'après que les trois autres étapes auront
été réalisées. Bien au contraire, il y a des choses
qui doivent se faire maintenant. Il y a des choses qui pourront se faire dans
deux, trois ou six mois, et d'autres plus tard. C'est pour cela que la
création d'une commission d'enquête, tout nécessaire
qu'elle soit, ne doit pas être un prétexte pour retarder la mise
en vigueur de réformes ou l'adoption de mesures qui peuvent être
mises en pratique dès maintenant. C'est dans cet esprit que je donne mon
entier appui à l'adoption de ce poste budgétaire. J'espère
qu'au cours des prochains mois, cette commission pourra, comme cela a
été suggéré tout à l'heure, soumettre des
rapports intérimaires.
Je termine par l'expression d'une petite inquiétude. Nous avons
tellement d'expériences de ces commissions d'enquête qui doivent
prendre un très court délai et qui, à toutes fins
pratiques, prennent des années avant de soumettre des rapports. Alors,
disons que cette inquiétude, je l'exprime avec l'espoir que dans ce
cas-ci, les personnes qui ont été nommées par le
gouvernement pour faire partie de cette commission, indépendamment de la
connaissan-
ce personnelle qu'elles ont de l'urgence du problème, auront
entendu l'appel des membres de cette Chambre, des deux côtés, au
sujet de la très grande urgence qu'il y a d'apporter des solutions aux
problèmes auxquels nous avons à faire face en matière de
langue, et qu'elles pourront, à l'encontre de presque toutes les autres
commissions d'enquête, s'en tenir au délai proposé.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education.
M. Jean-Guy Cardinal
M. CARDINAL: Je n'ai pas l'intention d'allonger les débats qui
déjà se prolongent. Il y a d'autres postes dans les
crédits budgétaires. Je voudrais simplement apporter quelques
précisions à la suite des exposés du député
de Vaudreuil-Soulanges et du député de Laurier.
L'honorable député de Vaudreuil-Soulanges a
commencé son exposé en exprimant une crainte, en mentionnant que
peut-être les débats sur la motion se référant au
bill 85 auraient laissé une fausse impression dans le public. Ceci est
peut-être vrai au sujet de l'attitude de nos honorables amis d'en face
à l'occasion du débat sur cette motion, mais je ne crois pas que
ce soit le cas du parti ministériel. C'est pourquoi nous sentons moins
le besoin de faire de longs exposés au sujet des crédits pour la
commission qui étudiera la situation linguistique au Québec.
Quant à la suggestion qu'il nous fait si généreusement, je
répondrai à l'honorable député de
Vaudreuil-Soulanges qu'elle est reçue avec sympathie.
Elle est faite de bonne foi et, de fait, étant moi-même
membre et président du conseil des ministres de l'Education du Canada,
je pourrai, en cette qualité, étudier cette suggestion. Quant
à l'autre partie de la suggestion qui se rapporte aux relations avec le
fédéral, je transmettrai cette suggestion à l'honorable
premier ministre.
J'apporte trois précisions quant à l'exposé du
député de Laurier. Il est drôle de constater que, d'une
part, on mentionne que le délai accordé à la commission
serait trop bref et que, d'autre part, dans une autre intervention, on dit
qu'il serait peut-être trop long. Je souligne cependant, si on
réfère au texte, que le délai de douze mois est le
délai normal. Cependant, l'arrêté ministériel
ajoute: « ... dans un délai de douze mois ou dans tout autre
délai qui sera subséquemment fixé. »
C'est-à-dire que la commission pouvant faire des rapports
préliminaires, ce délai de douze mois pourra, selon les
circonstances, être à nouveau rétabli en étant ou
plus court ou plus long, quel que soit l'optimisme ou le pessimisme du
député de Vaudreuil-Soulanges et de celui de Laurier.
Quant à la deuxième question posée par le
député de Laurier qui est plutôt un commentaire
à l'effet qu'il serait humiliant qu'une commission soit
créée, Je ne partage pas du tout cette opinion. Je ne vois rien
d'humiliant à établir une enquête sur les droits
linguistiques au Québec. Il y a là une situation qu'il faut
analyser chez nous, entre nous, et l'enquête nous décrira
probablement une situation dont nous connaissons certains aspects, mais qu'il
faudra corriger. Le député de Laurier est inquiet; nous le sommes
aussi, et c'est pourquoi cette commission est créée. Cette
inquiétude est saine. Elle permet vraiment de s'arrêter et de
réfléchir dans la paix, dans la sérénité
pour connaître la situation et les moyens de la corriger. Il n'est pas
question, pour les francophones du Québec, simplement, comme on le
répète si souvent, de survivre. Voilà plus d'un
siècle qu'on répète cette phrase. Je pense que, dans le
contexte où nous sommes, quel que soit le statut du Québec ou du
Canada, dans le contexte nord-américain où nous sommes
entourés par plus de 200 millions d'anglophones, le problème se
posera et se posera toujours à moins qu'aussitôt que possible nous
puissions, à la faveur des recommandations de cette commission, corriger
cette situation non seulement pour survivre, mais pour voir s'épanouir
au Québec la langue française.
Il y a un troisième point sur lequel je veux attirer l'attention
de cette Chambre. L'honorable député de Laurier indique que le
mandat devrait déborder le domaine de l'éducation. Il devrait
relire le mandat de cette commission dans lequel on indique clairement qu'il
s'agit de tous les secteurs d'activité, à la fois sur les plans
éducatif, culturel, social et économique. Je pense que ceci est
suffisamment large pour permettre à la commission d'analyser la
situation tant de la langue de la majorité que de la langue de la
minorité dans tous les secteurs d'activités humaines qui
s'exercent au Québec.
Voilà les quelques précisions que je voulais apporter
avant que ne soit adopté cet article des crédits
budgétaires.
M. LE PRESIDENT: Article 20, adopté?
M. BOURASSA: Est-ce que le ministre des Affaires culturelles aurait des
remarques?
M. BELLEMARE: Pardon? A l'ordre, M. le Président.
M. BOURASSA: Le ministre des Affaires culturelles devait répondre
3. des questions...
M. BELLEMARE: Article 6, l'éducation...
M. BOURASSA: J'invoque le règlement. Le ministre du Travail a dit
tantôt que le ministre des Affaires culturelles répondrait
à certaines questions que le député de Laurier et
moi-même lui avons posées.
M. BELLEMARE: Alors, l'éducation...
M. BOURASSA: Nous allons dire que c'est un ministre de beaux discours,
encore une fois. M. le Président, puis-je poser une question au ministre
des Affaires culturelles?
M. BELLEMARE: Le ministre peut ne pas répondre...
M. BOURASSA: Est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il y a
présentement des négociations avec les grandes entreprises? C'est
ce que le ministre du Travail a laissé entendre tantôt. Quelles
sont ces négociations, quelles conclusions peut-on en attendre?
M. BELLEMARE: Article 6, éducation.
M. GERIN-LAJOIE: Question de règlement, nous ne sommes pas
prêts à passer au poste éducation. Nous sommes au poste
budgétaire du conseil exécutif ayant trait à la commission
d'enquête. Le ministre ne devrait pas s'impatienter.
M. BOURASSA: Je pense que c'est un problème important.
Tout le monde a signalé l'urgence je l'ai fait, le chef de
l'Opposition, le député de Laurier, le ministre de l'Education
aussi je pense qu'il faut sortir des discours une fois pour toutes et
voir si, concrètement, il se fait quelque chose sur cette question
extrêmement vitale pour l'avenir des Canadiens français, et le
ministre a un silence méprisant.
Alors je pose la question: Se fait-il des négociations,
actuellement, avec les entreprises pour que la place du français soit
plus importante?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai
écouté le discours qu'a prononcé le leader de la Chambre.
Il a fait mention d'un travail qui s'accomplit à l'Office de la langue
française. Ce qu'il a dit est exact et je puis le confirmer. Nous
poursuivons d'autres démarches en vue de franciser certaines
industries.
Peut-être pourrions-nous tenter une pointe du côté de
chez le beau-père du député de Mercier?
M. BOURASSA: M. le Président, je pense que cette réponse,
en plus d'être impertinente, révèle
l'irresponsabilité tout à fait insurpassable du ministre des
Affaires culturelles. J'ai signalé et nous l'avons tous fait
l'extrême urgence de ce problème, tant sur le plan
économique que sur le plan social.
Je pose une question au ministre responsable, pour voir s'il se fait
quelque chose de précis et de concret pour atteindre les objectifs sur
lesquels nous sommes tous d'accord. Il y répond d'une façon qui
le mesure. Le ministre pourrait-il dire quel résultat concret on peut
attendre des négociations qu'il fait présentement avec les
grandes entreprises? Est-ce lui qui mène ces négociations, parce
que là ça peut devenir inquiétant?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député de Mercier devrait se
reporter aux diverses conférences de presse que j'ai données,
notamment celle du mois de septembre, où j'ai déclaré,
j'ai expliqué en long et en large ce que faisait l'Office de la langue
française dans le domaine des relations avec les entreprises
industrielles et commerciales.
Je ne sais pas si le député de Mercier a lu ça, je
le renvoie à ces textes et il n'est pas besoin de sa voix...
M. BOURASSA: Cela m'a paru des voeux pieux.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... si autorisée soit-elle dans les
mathématiques, je n'ai pas besoin de sa voix pour nous faire comprendre
que le problème est urgent. Nous l'avons conçu depuis très
longtemps et nous avons assisté, au cours des derniers jours, à
des séances d'obstruction systématique qui auraient pu nous
convaincre de l'urgence, si nous n'avions été convaincus bien
auparavant.
Je ne voudrais pas embarrasser le député de Mercier et
l'obliger à retourner dans sa cave, avec son ami, le
député de Laurier, que je respecte, et je leur proposerais,
à ce moment-là, comme méditation dans la cave du
député de Mercier ce doit être une cave somptueuse,
je n'en doute pas en pensant aux industries que vous connaissez je lui
proposerais de méditer sur les corrections apportées, par un
certain chef d'un certain parti, à un projet de proclamation de la
langue française prioritaire, et qui avait été
présenté dans ce livre blanc qui n'a jamais reçu
l'approbation du gouvernement libéral, du chef actuel de
l'Opposition.
M. BOURASSA: Parlez du présent, là.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II y a des annotations extrêmement
intéressantes, des notes manuscrites signées J. L.
M. BOURASSA: M. le Président...
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, je pense que le ministre des
Affaires culturelles adopte une porte de sortie trop facile. Il peut revenir
sur des documents antérieurs et faire des blagues. On va le prendre
à la blague...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Elles sonttrès significatives.
M. GERIN-LAJOIE: Je pense que ce qui est important, à l'heure
actuelle, ce n'est pas d'aller fouiller dans les dossiers pour voir si on va
trouver des notes manuscrites de tel ou tel chef ou homme de gouvernement,
c'est de savoir ce que le gouvernement actuel fait ou entend faire, pour faire
face à la situation dont on a parlé.
Le député de Mercier a posé des questions
concrètes, pas des questions générales, des questions
très précises. Je pense que le député de Mercier et
les membres de cette Chambre sont en droit d'attendre des réponses aux
questions posées, et non pas l'utilisation de faux-fuyants.
UNE VOIX: Un petit stop sous tout rapport.
M. LE PRESIDENT: Article 20, adopté. Article 8,
adopté.
M. GERIN-LAJOIE: Est-ce que le ministre pourrait simplement nous dire ce
dont il s'agit?
M. CARDINAL: M. le Président, il s'agit de subventions «
d'opérations » pour les collèges d'enseignement
général et professionnel. Je souligne que subvention «
d'opérations » veut vraiment dire subventions nécessaires
au fonctionnement de certains collèges durant l'année scolaire
actuelle.
Cette augmentation de $3,500,000 est due à deux raisons.
Premièrement, en cours d'année, après que le budget eut
été établi, l'on se rappellera que le ministre de
l'Education, au mois de juin, a créé les collèges
d'enseignement général et professionnel de Saint-Jean et de
Saint-Hyacinthe, lesquels n'étaient pas prévus au budget.
D'autre part, il y a eu une augmentation remarquable de la
clientèle dans les 21 autres collèges d'enseignement
général et professionnel.
En pratique, il y a à Saint-Hyacinthe, 950 élèves
qui n'étaient pas prévus au budget; à Saint-Jean, 800
élèves n'étaient pas prévus au budget, ce qui fait
1,750 élèves. Il y a, de plus, dans les autres collèges,
3,350 élèves qui n'avaient pas été prévus au
budget. Il y a donc 5,000 élèves au total, pour une
période de neuf mois, qui n'étaient pas prévus au budget,
ce qui, sur la base de 3,500 élèves 9/12 de 5,000 -
à environ $1,000 per capita, établit un budget
supplémentaire de $3,500,000.
M. LE PRESIDENT: Le poste 8 est-il adopté?
Adopté. Poste 12.
M. GERIN-LAJOIE: Explications, s'il vous plaît.
M. CARDINAL: Au poste 12, cette somme de $1,200,000 est due, en fait,
à une interprétation d'un article de la Loi des subventions aux
institutions d'enseignement privé, que l'on appelait le bill 39 et qui
constitue maintenant les chapitres 15-16 Elizabeth II, paragraphe 67. L'article
5 de cette loi prévoit que le montant de la subvention accordée
à une institution d'enseignement privé, en vertu de l'article 3,
comprend le montant des subventions qui lui sont accordées pour la
même année scolaire, en vertu de la Loi de l'aide aux
universités et tout montant payable par le gouvernement pendant cette
année, à titre de traitement pour le personnel de cette
institution d'enseignement privé.
Il s'agit ici des écoles normales dont le personnel, au sens
large, dépend du ministère et dont la rémunération
est payée directement par le ministère.
Cet article a été interprété
différemment l'an passé. Cette année, à la suite
d'une demande au ministère de la Justice, nous avons une
interprétation qui nous oblige à soumettre ce budget
supplémentaire. En effet, si l'on comprend, dans la subvention totale,
le salaire du personnel, il faut se demander si le mot personnel désigne
le personnel enseignant ou tout personnel même non enseignant.
L'an passé, les principaux d'écoles normales avaient
été compris dans ce personnel. On nous demande de les exclure
cette année. C'est une première raison qui n'explique pas
entièrement les $1,200,000.
La deuxième raison, c'est que le nombre des élèves
dans les écoles normales, comme dans le cas des collèges
d'enseignement général et professionnel, a dépassé
toutes les prévisions. Au lieu de 4,000 ou 5,000 élèves,
tel
que prévu, il y a eu 7,500 élèves dans les
écoles normales. Lors de l'établissement des prévisions
budgétaires, le montant qui avait été prévu ne
tenait compte ni de cette nouvelle interprétation de l'article 5, ni de
cette augmentation considérable de 2,500 élèves au lieu de
5,000 pour l'établissement des crédits qui avaient
été débattus en juin dernier.
Voilà donc les deux raisons qui expliquent ce budget de
$1,200,000.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Poste 13? M. BELLEMARE : Direction
générale.
M. CARDINAL: La construction des écoles ayant été
accélérée, en cours d'exercice, le volume
considérable de plans et devis de construction d'écoles a
nécessité un nombre plus grand que prévu
d'ingénieurs et d'architectes, lesquels rendent des services qui sont
rémunérés sur une base d'honoraires.
Il y a donc, à ce poste, les honoraires de ces ingénieurs
et architectes qui ont été engagés en surplus des
prévisions, en même temps que leurs frais de voyages et certaines
sommes minimes pour articles de bureau, etc, car ces ingénieurs et ces
architectes travaillent dans des locaux qui sont à leur disposition au
ministère.
M. GERIN-LAJOIE: Le ministre pourrait-il nous dire s'il est exact que
des professionnels, ingénieurs, architectes ou autres, sont
obligés, dans bien des cas, de prendre des poursuites judiciaires contre
le gouvernement pour être payés de leurs honoraires?
M. CARDINAL: Je répondrai, non, M. le Président. Je ne
connais personnellement qu'un cas où il y a eu une poursuite. Je n'ai
pas été informé et je n'ai pas reçu de
procédures, ni de lettres d'avocat m'imformant de cette situation.
M. GERIN-LAJOIE: Est-ce que le ministère paie ces
professionnels-là, ces honoraires-là, suivant le cours normal,
après production des factures et vérification? Ou bien y a-t-il
des délais dans ça comme dans les subventions aux commissions
scolaires, tel que le ministre des Finances...
M. CARDINAL: M. le Président, je serai...
M. GERIN-LAJOIE: Si le ministre me permet, j'ajouterai simplement: tel
que le ministre des Finances nous l'a exposé l'autre jour. Il a
parlé de délais, et je m'imagine que ça s'applique
à tout le monde.
M. CARDINAL: In cauda venenum. Je serai absolument franc. S'il y a lieu
d'adopter un budget supplémentaire, c'est qu'il y a des sommes que nous
ne pouvons pas actuellement acquitter à même le budget actuel. La
réponse est donc: Pour autant que le permettait et le permet le
budget.
M. GERIN-LAJOIE: Mais, M. le Président, il faut faire une
distinction bien importante entre le budget et la situation de caisse. Le
budget, c'est l'autorisation à payer, mais si l'argent n'est pas dans la
caisse, on sait que ça impose des retards. Alors ma question, disons,
portait plus sur les sorties de caisse, les paiements effectifs que sur des
autorisations budgétaires.
M. CARDINAL: Ceci est peut-être dans l'ordre ou hors d'ordre. De
toute façon, les sorties de caisse, dépendant du ministère
des Finances, je ne me crois pas autorisé à porter des nuances de
distinction en réponse à cette question.
M. GERIN-LAJOIE: Je ne sais pas si le ministre me comprend bien. Je ne
me suis peut-être pas exprimé assez clairement. Ce que j'ai en
vue, c'est que c'est le ministre qui autorise les paiements avant de les passer
au ministère des Finances. Alors c'est pour cela que ma question, je
pense, s'adresse à lui, comme chef du ministère de
l'Education.
M. CARDINAL: Quand la question s'adresse à moi comme responsable
du ministère de l'Education, je réponds, autant que le budget le
permet, puisque je ne puis pas donner des autorisations ni émettre des
directives hors des limites du budget. Lorsqu'il s'agit de l'émission
des chèques, l'honorable député d'en face, se rappellera
que c'est le ministère des Finances qui les émet.
M. BOURASSA: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait
expliquer pourquoi il n'y a rien de prévu dans le budget
supplémentaire pour les arrérages extrêmement importants
des subventions d'équilibre budgétaire qui sont reportées
d'année en année?
M. CARDINAL: M. le Président, j'ai l'impression que ceci ne se
rapporte pas à l'article du budget que j'ai devant mol.
M. BOURASSA: Non, mais je veux dire qu'il y a seulement $111,000.
M. LE PRESIDENT: C'est l'autre article.
M. BELLEMARE: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Alors, poste 13, adopté.
M. BOURASSA: Alors je pose ma question pour le prochain article.
M. LE PRESIDENT: Poste 16.
M. BOURASSA: Je répète ma question. Est-ce que le ministre
pourrait répondre à la question que j'ai posée: Pourquoi
n'y a-t-il pas de budget supplémentaire pour les sommes très
considérables d'arrérages des subventions d'équilibre
budgétaire aux commissions scolaires? Le ministre est au courant que,
d'année en année... Est-ce que le ministre pourrait
répondre?
M. CARDINAL: S'il n'y a pas de budget supplémentaire de
demandé, c'est qu'il n'est pas nécessaire d'en demander.
M. BOURASSA: M. le Président, on connaît: les
intérêts considérables qui sont payés par la
province à des institutions financières; on connaft l'état
de dépendance de la province vis-à-vis de certaines grandes
institutions à cause de cette situation.
M. LESAGE: Le ministre des Finances lui-même a admis, dans son
discours, l'autre jour, que pour les subventions aux commissions scolaires les
paiements étaient en retard.
M. BOURASSA: En l'absence du ministre des Finances, est-ce que le
ministre pourrait donner le montant des arrérages qui sont dus aux
commissions scolaires?
M. CARDINAL: Ce n'est pas vraiment une discussion de budget. Vous posez
une question qui se rapporte aux entrées et aux sorties de caisse.
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. CARDINAL: Vous posez une question qui se rapporte à un article
qui n'est pas devant nous. Vous posez une question dont nous avons longuement
discuté entre le 10 et le 17 juin 1968, lors du débat des
crédits du budget du ministère de l'Education. Vous posez une
question â laquelle l'honorable ministre des Finances a
déjà répondu.
M. LESAGE: M. le Président, non, je pense que le ministre de
l'Education devra se rendre compte qu'à chaque budget, lors de la
présentation de chaque budget, principal, supplémentaire no 1, no
2, no 3, du moment que l'article ap-paraît au budget, qu'il s'agisse d'un
budget principal ou d'un budget supplémentaire, nous pouvons, en
comité des subsides, demander des explications et discuter de
l'administration de l'ensemble des fonds.
Or, le ministre des Finances a lui-même admis, l'autre jour,
à l'occasion du débat sur le bill de Montréal je
crois même que le ministre de l'Education était en Chambre
à ce moment-là que les versements de subventions aux
commissions scolaires étaient en retard. D'ailleurs, c'est connu de tout
le monde. La question posée par le député de Mercier a
trait à ces retards. Il me semble que le ministre de l'Education, au
lieu de tenter de se réfugier derrière la procédure,
pourrait aimablement répondre au fond de la question, ce que normalement
il devrait faire.
M. CARDINAL: Le chef de l'Opposition sait combien je suis aimable et
souriant et que, par conséquent, je tente toujours de répondre
aimablement aux questions. Cependant, j'apporte encore une précision. Il
s'agit d'une question Phonorable chef de l'Opposition vient de
l'admettre lui-même dans son intervention qui a trait aux
paiements, aux sorties de caisse. Il s'est lui-même
référé aux paroles de l'honorable ministre des Finances
à l'occasion de son exposé, il y a quelques jours devant cette
Chambre. C'est pourquoi, me réfugiant non pas derrière la
procédure, mais m'en référant à ce que le ministre
des Finances a lui-même mentionné, je mentionne tout simplement
que la question telle que posée, se rapporte véritablement au
ministère des Finances et non pas à l'administration du
ministère de l'Education.
M. LESAGE: Oui, oui. Absolument, oui. Je connais assez l'administration
gouvernementale pour savoir que chaque ministère est tout de même
responsable des versements à faire en vertu des postes du budget.
M. BOURASSA: Le ministre est-il au courant du montant des
arrérages?
M. CARDINAL: Par coeur je ne saurais le donner, comme ceci. Je pense que
le ministre des Finances l'aurait probablement dans ses documents; mais je ne
m'étais pas préparé à
répondre particulièrement à une question aussi
précise.
M. BOURASSA: C'est un problème qui doit beaucoup ennuyer le
ministre à cause des retards. Alors, il n'est pas au courant du montant
global approximatif des arrérages?
M. CARDINAL: Aujourd'hui, non. M. le Président, encore une fois
je pense qu'il faut apporter des précisions. La précision que
j'apporte n'est ni pour blâmer un collègue ou un ministre, mais
pour bien rappeler à l'Opposition qui a si bien connu l'administration
et du ministère de l'Education et du ministère des
Finances que le ministère de l'Education, lorsqu'il s'agit de
versement de subventions ou de paiement d'honoraires, suit une certaine
procédure, particulièrement dans le cas des versements aux
commissions scolaires.
Lorsqu'il s'agit du retard d'un versement, ce n'est pas le ministre de
l'Education qui l'annonce. Il s'agit véritablement d'un problème
qui ne concerne en rien l'administration comme telle du ministère de
l'Education. Dans ce cas je l'ai mentionné à trois
reprises en juin et lors de la reprise des séances du comité
permanent de l'éducation il y a quelques semaines le
ministère de l'Education, dans ce domaine, avait lui-même
posé tous les gestes nécessaires pour que ces subventions soient
versées; qu'il avait, deuxièmement, de concert avec le
ministère des Finances, créé un comité pour
étudier la situation et y apporter des solutions; et qu'il avait,
troisièmement, l'intention bien arrêtée de préparer
et de présenter, dans ce domaine, un livre blanc sur le financement des
commissions scolaires.
Si l'on déborde les cadres du simple versement, de la simple
sortie de caisse, qui est vraiment un problème du ministère des
Finances de tout le gouvernement à ce moment-là, l'on constate
que ce problème, pris dans son ensemble, est vraiment un problème
du financement de l'éducation. Les ministres qui m'ont
précédé l'ont tous connu. Je ne pense pas que cet
après-midi, même si l'on prend un plaisir qui n'est pas du tout
malin d'ailleurs je le vois aux sourires de nos honorables amis d'en
face à me poser ces questions, je ne pense pas que la
réponse que je peux apporter sur un chiffre précis puisse changer
en quoi que ce soit la situation. Ce renseignement, je ne l'ai pas
présentement devant moi. Encore une fois, le paiement des subventions
relève carrément, strictement, administrative-ment du ministre
des Finances qui n'est malheureusement pas avec nous en cette Chambre.
M. BOURASSA: M. le Président, ce n'est pas par plaisir que je
pose ces questions, c'est par devoir, parce que j'ai idée que la
situation est extrêmement grave.
Si je disais au ministre que, pour les années 65/66, 66/67 et
67/68, il est possible que les arrérages qui sont dus aux commissions
scolaires atteignent $100 millions. Je considère qu'il est absolument
normal que, lorsque l'on nous présente un budget supplémentaire
pour le ministère de l'Education, qu'on pose la question à savoir
comment il se fait qu'avec des arrérages aussi importants et qui
remontent à plusieurs années, il n'y ait rien qui soit
prévu dans le budget supplémentaire pour y faire face.
M. BELLEMARE: M. le Président, il faut toujours être
réaliste des faits,...
M. BOURASSA: C'est ce que nous sommes.
M. BELLEMARE: Le budget supplémentaire qui est apporté,
c'est pour combler une prévision budgétaire qui a
été demandée lors du dépôt du budget
principal. Et ça, M. le Président, le budget
supplémentaire qui est il pourrait, si je prenais simplement les
chiffres que vient de citer l'honorable député de Mercier, il
admet qu'il y a eu des retards en 65/66... Il y a eu des retards...
M. BOURASSA: Laissez donc faire les retards.
M. BELLEMARE: ... dans les années 66/67, c'est rouvrir un
débat, M. le Président, qui va nous mener nulle part. Une chose
certaine, M. le Président, si on veut politiser le débat, vous
avez justement le temps pour le faire. Et je dis que si c'est ça qu'on
veut, on va ressortir les chiffres qui ont été mis en
arrérage, pendant des semaines et des mois, et on va en mettre devant la
Chambre pour d'ici sept heures, huit heures, ce soir. Certainement qu'on va en
mettre. Mais qu'est-ce que ça va nous donner? Actuellement, on demande,
on veut faire un débat sur les arrérages qui sont dus par la
province? D'accord. De votre temps, comme du nôtre, les entrées de
caisse, M. le Président, sont peut-être difficiles, et c'est
peut-être ce qu'a dit l'honorable député de Saint-Jacques
l'autre jour. Mais ce n'est pas ça. On veut politiser pour dire: Le
gouvernement de l'Union Nationale a laissé traîner des redevances
des commissions scolaires pour $100 millions...
M. LESAGE: Il ne paie pas ses dettes.
M. BELLEMARE: ... et, dans l'opinion publique, le chiffre est
lancé, $100 millions. Ce n'est pas ça. Le budget est
voté...
M. LESAGE: C'est combien? Si ce n'est pas $100 millions.
M. BELLEMARE: ... M. le Président, le budget a été
voté et le budget doit être exécuté dans la limite
du temps, d'ici au 31 mars, et ça à cause des entrées,
ça peut être plus difficile de satisfaire à toutes les
échéances. Mais ce dont on a besoin actuellement, dans le budget
supplémentaire qu'on discute, c'est le montant de $111,000. Et c'est
ça. Mais on saisit cette occasion-là, comme on l'a fait tout
à l'heure, avec l'enquête, pour faire sur les langues un grand
discours qu'on n'avait pas pu faire en vertu du bill 85. On s'était
réservé.
On ne voulait pas le digérer, ce discours-là. On a
trouvé une soupape, on a trouvé un moyen pour sortir le discours.
On a dit: D'accord, on est ici pour siéger, on va siéger. Et
puis, M. le Président, si c'est ça que vous voulez, politiser
Jusqu'à la dernière minute l'étude de tout ce qui se fait,
au point de vue du budget supplémentaire, on va le faire. Mais ce n'est
pas agréable. Cela ne sera pas agréable ce soir non plus, ni
demain.
M. BOURASSA: M. le Président, je ne vois pas en quoi c'est
politiser le débat de poser une question qui affecte des centaines
d'institutions...
M. BELLEMARE: Voyons donc, vous les avez ici devant vous.
M. BOURASSA: Ma question à savoir pourquoi on n'a pas un budget
supplémentaire, quand il y a tellement d'arrérages, il me semble
que c'est une question normale, dans les circonstances.
M. CARDINAL: M. le Président, encore une fois...
M. BOURASSA: Bien oui, mais on n'a pas d'objection.
M. BELLEMARE: ... on va voter pour des budgets qui sont
votés.
M. CARDINAL: Reprenons la question, l'on demande, à l'occasion
d'un budget, pourquoi il y a des retards dans les versements. L'honorable
député de Mercier, qui est un économiste distingué,
un Juriste accompli, un député ex- périmenté, sait
bien qu'il n'y a aucune relation entre un budget supplémentaire et des
versements. Dans le budget de l'Education, à l'article 16, vous avez
déjà une somme pour l'année 68/69 de $382,875, en
subventions...
M. LESAGE: Des millions.
M. CARDINAL: Pardon, $382,875,000 en subventions aux commissions
scolaires. C'est le budget. Ce budget n'exige pas de budget
supplémentaire. Voilà la réponse à la question.
M. LACROIX: M. le Président, si, dans le budget
réglementaire, le budget ordinaire, des fonds ont été
prévus pour payer les subventions, à ce moment-là les
appropriations sont là et le ministère devrait être en
mesure d'effectuer les paiements des subventions qui sont dues aux commissions
scolaires. Ainsi, par exemple, la semaine dernière, J'ai
communiqué avec l'honorable ministre d'Etat à l'Education,
concernant les cas particuliers des commissions scolaires des
Iles-de-la-Madeleine, pour des subventions qui n'ont pas été
payées pour l'année 66/67 et cette année. La commission
scolaire de Fatima, en particulier, n'était pas capable de faire face
à des obligations vis-â-vis de la caisse centrale Desjardins.
J'ai demandé à la personne au ministère de
l'Education avec qui j'ai communiqué par la suite : Etant donné
que les budgets ont été adoptés par la Chambre - à
ce moment-là, les appropriations et les sommes nécessaires sont
à la disposition du ministère comment se fait-il que vous
ne versez pas les subventions qui sont dues aux municipalités scolaires?
Cette personne m'a répondu: Les montants que vous votez en Chambre,
ça n'a aucune sorte d'importance et ça ne compte pas. Je ne peux
pas admettre que le ministère de l'Education demande $300 ou $400
millions qui sont votés par les Chambres pour pouvoir verser des
subventions et qu'un fonctionnaire vienne me dire que ces choses-là ne
comptent pas et que le gouvernement pale quand il est capable.
Est-ce que le gouvernement a ou n'a pas l'argent disponible pour
permettre aux commissions scolaires de faire face à leurs obligations?
C'est là la question. Je ne crois pas que ce soit politiser le
problème que de demander au gouvernement puisque les sommes qui
ont été votées par les Chambres sont à la
disposition du ministère pour effectuer les versements aux commissions
scolaires comment il se fait que les subventions de 66/67 ne soient pas
encore versées et que les subventions pour l'année courante ne le
soient pas davantage.
M. CARDINAL: L'honorable député a répondu
lui-même à sa question en faisant la différence entre le
budget et la caisse. Je ne suis pas pour faire un cours sur le budget d'un
Etat, mais vous avez des prévisions budgétaires qui sont
fondées sur deux choses: d'une part, des entrées venant des
impôts et de quelques rares autres sources et, d'autre part, des sorties
prévues en fonction de besoins publics que veut satisfaire l'Etat. Il
n'y a donc pas de relation de cause à effet entre la situation de caisse
et le budget.
Quand l'honorable député me dit qu'un fonctionnaire aurait
dit ceci, je ne vois pas en quoi ce fonctionnaire, que je ne connais pas,
pourrait être autorisé à parler de la situation de caisse
du gouvernement ou de la nature du budget du gouvernement. Il est exact qu'il y
a des retards; nous en avons parlé à plusieurs reprises. Ces
retards ne se rapportent pas du tout au budget. Le fait d'ajouter un budget
supplémentaire n'ajoute pas plus d'argent en caisse pour faire les
versements. L'honorable député de Mercier le sait.
L'on sait aussi que, chaque fois qu'on nous a soumis des cas d'urgence
que ce soit les députés de l'Opposition ou les
députés ministériels, qui l'aient fait le
ministère de l'Education a toujours agi rapidement. Au cours du mois de
décembre seulement, plus de $60 millions ont été
versés en subventions à des commissions scolaires. Cela prouve
que, suivant l'état de caisse et non pas le budget, le ministère
de l'Education fait plus que son possible pour verser aux commissions scolaires
les sommes qu'il est possible de leur verser, dans la situation de caisse
présente.
M. BOURASSA: Le ministre de l'Education a raison, si les subventions qui
sont promises aux commissions scolaires sont les mêmes que celles qui
sont admises et acceptées par le ministère des Finances. Mais,
s'il y a un décalage entre ce qui est promis par le ministère de
l'Education, en fonction des normes admissibles, et ce qui est finalement
accepté par le ministère des Finances, c'est là que la
question du budget supplémentaire se pose.
M. LESAGE: Au poste 20, si le ministre veut bien lire une copie des
notes que m'a remises le ministre des Finances. L'explication qu'il m'a
donnée est la suivante: $111,500, ce montant est requis pour la
Commission des écoles catholiques de Québec, qui avait
oublié d'inscrire les élèves des institutions
associées dans sa demande de subventions pour l'année 67/68.
Etant donné la discussion que nous avons eue hier soir, le montant
payé par la Commis- sion des écoles catholiques de Québec,
aux institutions associées est-il le même pour chaque
institution?
M. CARDINAL: Le barème est le même. J'ai fait cette
vérification hier, à la suite du débat que nous avons eu
en Chambre. L'on me dit que la situation, qui avait été
soulignée par je ne sais plus quel député, est maintenant
corrigée et que le barème est le même pour toutes les
institutions.
M. LESAGE: Quel est-il?
M. CARDINAL: Le chiffre précis?
M. LESAGE: Le député qui a posé la question hier,
c'est le député de Jean-Talon. Il est intéressé
à avoir ce chiffre et, moi aussi, je le suis. Le ministre n'a
qu'à en prendre note. Il n'est pas nécessaire qu'il me
réponde aujourd'hui; il m'enverra un petit mot pour me dire le montant
par élève. Je suis intéressé à le
savoir.
M. CARDINAL: Je le ferai avec grand plaisir pour le
bénéfice du député.
M. BELLEMARE: Adopté. Famille et Bien-Etre.
M. LE PRESIDENT: Famille et Bien-Etre social.
M. BELLEMARE: Avant de commencer la Famille et le Bien-Etre social, on
avait dit à l'honorable chef de l'Opposition que le ministre d'Etat
attaché à la Fonction publique serait prêt à faire
la déclaration concernant les enseignants. Est-ce qu'on pourrait faire
cela avant de commencer l'étude de l'autre article.
M. LESAGE: Oui, d'accord pendant que le député de
Vaudreuil-Soulanges est ici. D'ailleurs, je préférerais que cela
se fasse à ce moment-ci, si le ministre d'Etat à la Fonction
publique est prêt à le faire.
Négociations avec les enseignants
M. MASSE: Ce que j'ai compris, si ce n'est pas exact, j'aimerais que le
chef de l'Opposition me reprenne immédiatement, j'ai compris qu'on avait
posé une question concernant le point dans le domaine de la
négociation avec les enseignants. C'est cela?
M. LESAGE: Faire le point en ce qui con-
cerne la négociation entre le gouvernement et les commissions
scolaires, d'une part, et la CEQ, d'autre part.
M. MASSE: D'accord. Il y a près de dix-huit mois, se tenaient les
premières rencontres entre les parties. Les parties sont les trois
groupes représentant le Syndicat des enseignants et les trois groupes
représentant la partie patronale, c'est-à-dire, les deux groupes
de commissions scolaires, protestantes et catholiques, et le gouvernement.
Il y aura un an le 19 décembre, le projet syndical était
soumis. Des pourparlers intensifs se sont poursuivis durant plus de huit mois,
à un rythme moyen de trois jours par semaine. Les mois entiers de
septembre et octobre ont été consacrés à la
conciliation, sous la présidence du juge Bousquet.
En novembre, à la suite d'une demande de médiation de la
part des instituteurs, la partie patronale a offert la reprise des
négociations, sous la présidence du juge Bousquet, à la
condition que les corporations d'instituteurs prennent des dispositions pour
mettre fin aux mesures de pression, par exemple, le refus d'affecter des
enseignants à la suppléance, la question des périodes
additionnelles et des activités pédagogiques en dehors des heures
de classe.
Les enseignants ont refusé de respecter cette condition et les
discussions ont aussitôt pris fin. Par la suite, les trois corporations
d'instituteurs ont demandé l'arbitrage, les 21, 25 et 27 novembre
respectivement. Le gouvernement et les commissions scolaires n'ont pu accepter
de soumettre le conflit à l'arbitrage, en raison de la nature des
principales clauses en litige, qui impliquaient que l'on se prononce sur les
amendements aux lois existantes ou sur une augmentation des sommes d'argent
consacrées à l'éducation, explication qui a
été fournie à la partie syndicale par le
négociateur en chef dans des lettres, Me Jean Cournoyer.
En revanche, la partie patronale a offert aux instituteurs de reprendre
les discussions, afin de compléter les négociations et d'en
arriver à la conclusion d'une entente collective.
Mercredi le 11 décembre, les instituteurs se sont
présentés à la table des négociations. Les
pourparlers ont repris hier après midi, lorsque la partie patronale a
soumis aux représentants syndicaux une formule de protection des anciens
brevets d'enseignement. Cet effort de la partie patronale apportait une
solution à un problème important pour les enseignants. Les
négociations devraient se continuer cette semaine sur d'autres points.
Or, des négociations n'ont pas repris ce matin, les enseignants ne se
présen- tant pas à la table de négociations. En effet, les
négociateurs du gouvernement et des commissions scolaires ont
été avisés, tard hier soir, que les représentants
des instituteurs n'entendaient pas rencontrer la partie patronale aujourd'hui.
Les négociateurs syndicaux estiment que la partie patronale ne leur
aurait pas offert de propositions suffisamment intéressantes pour
pouvoir leur permettre, selon eux, une conclusion et d'en arriver à la
signature d'une convention collective.
Par contre, la partie patronale demeure toujours à la disposition
des instituteurs, pour compléter les discussions. Des domaines
très importants n'ont pas encore à notre avis, été
suffisamment explorés.
Quels sont les principaux points qui ne sont pas encore
réglés? Je les résume très brièvement.
D'abord, la question du régime syndical.
Les instituteurs demandent une formule d'atelier que nous pourrions
qualifier de plus que parfaite, c'est-à-dire que le syndicat, s'il
expulse un membre de son assemblée, se verrait automatiquement accorder
l'assurance que la commission scolaire congédierait l'enseignant.
Nécessairement la partie patronale n'a pu accepter cet atelier.
Ce qui existe présentement dans ce domaine, c'est grosso modo la formule
Rand.
Au sujet de la consultation, les instituteurs demandent le pouvoir de
partager des décisions sur différents éléments
alors que la partie patronale maintient son offre de consultation obligatoire
sur toute décision d'ordre pédagogique de la commission
scolaire.
Au sujet de la charge de travail et de la présence à
l'école, les instituteurs demandent une charge individuelle
déterminée au niveau provincial ainsi que le droit de ne pas
être présent à l'école en dehors de ses
périodes d'enseignement. L'offre patronale propose l'application d'un
rapport maîtres-élêves, de 1 17 au secondaire, de 1
27 à l'élémentaire, au niveau de la commission, et
négociations locales à l'Intérieur de ces rapports.
L'offre inclut la présence des enseignants à l'école
pendant les heures de classe des élèves.
Au sujet de la classification les instituteurs voudraient garder
l'ancienne classification, même si ont-ils laissé entendre
dans les discussions cette classification n'est pas fondée sur
une base logique.
L'offre patronale, par contre, tout en ne prévoyant aucune perte
de traitement, même des augmentations, veut trouver un accord sur
une formule qui permettrait aux détenteurs d'anciens brevets de
garder leur classification.
Au sujet du perfectionnement considéré comme fort
important, cette question n'a jamais fait l'objet de négociations
même si les enseignants disent qu'ils attachent beaucoup d'importance
à ce sujet.
Je tiendrais également, avec votre permission, M. le
Président, à être très clair et de confirmer, au nom
du gouvernement, s'il y a lieu de le faire, le mandat de Me Jean Cournoyer
comme négociateur en chef de cette table patronale, négociateur
en qui le gouvernement reconnaît toute intégrité, et il ne
craint pas d'en faire le porte-parole du gouvernement à cette table
patronale.
Egalement un sujet qui a été discuté, il y a
quelque temps, à la table de négociation et qui indique bien la
position gouvernementale et la position des commissions scolaires,
c'est-â-dire la rétroactivité. L'offre d'augmentation des
traitements n'inclut pas nécessairement la rétroactivité
automatique au début de l'année, en septembre 1967. Nous
considérons que la date d'application des échelles de traitement
doit être l'objet de négociations et qu'il n'est pas tant
et aussi longtemps que les parties ne se seront pas entendues sur ce point
automatique que la rétroactivité devra s'appliquer au mois
de septembre...
M. LESAGE: Le ministre a dit tout à l'heure: septembre 1967.
Est-ce bien ça ou a-t-il fait erreur?
M. MASSE: Septembre 1968, excusez-moi. M. LESAGE: C'est 1968, n'est-ce
pas?
M. MASSE: Nous étions dans le budget et j'ai confondu avec
1969...
M. LESAGE: C'est 1968.
M. MASSE: 1968.
M. LESAGE: C'est ça.
M. MASSE: Il n'est pas certain, tant que les parties ne se seront pas
entendues, que cette rétroactivité commence au début de
l'année. Elle peut fort bien prendre force à la date de la
signature du contrat.
M. LESAGE: Le ministre sait fort bien que ce qu'il dit là est un
des arguments qu'il emploiera pour tenter d'en arriver à un
règlement final.
M. MASSE: Ce que je dis, c'est que la rétroactivité fait
l'objet de négociations.
M. BELLEMARE: Il parlait lui de... Comment appeliez-vous cela?
M. MASSE: Il n'est pas du tout évident ni automatique qu'elle
entre à la fin du contrat précédent. Voilà! Je suis
prêt à répondre si le chef de l'Opposition a des questions
à poser.
M. GERIN-LAJOIE: Le ministre a-t-il idée de ce que sera le
prochain geste, étant donné que chacun est chez soi du
côté patronal et du côté syndical? Qu'arrivera-t-il
ce soir, demain matin, après demain?
M. MASSE: M. le Président, le prochain geste je l'ai
exprimé tout à l'heure c'est que la partie patronale
demeure à la disposition des enseignants pour compléter les
discussions. Nous sommes prêts à rencontrer les
représentants des enseignants où que ce soit, peu importe
l'heure. Un négociateur responsable, Me Jean Cournoyer, qu'il m'a fait
plaisir de confirmer dans son mandat, est à la disposition des
représentants des enseignants pour conclure le plus tôt possible
le convention collective.
M. GERIN-LAJOIE: Mais une attitude comme celle que le ministre vient de
décrire est particulièrement passive. Est-ce que c'est bien
là l'image du gouvernement dans ces négociations-là, ou
bien...
M. MASSE: Pardon!
M. GERIN-LAJOIE: L'attitude patronale que vient de nous décrire
le ministre est vraiment passive. Elle est complètement passive, parce
qu'il dit: Nous sommes à la disposition... et nous attendons. Est-ce
vraiment la description de l'attitude du gouvernement dans cette
négociation?
M. BELLEMARE: Non, non, non.
M. GERIN-LAJOIE: Le ministre ne croit-il pas que le gouvernement doit
avoir une attitude de leadership pour provoquer un règlement?
M. MASSE: M. le Président, je ne voudrais pas ouvrir un long
débat. Depuis le début de ces négociations, depuis qu'on
nous a confié le mandat des négociations dans le secteur public
et parapublic, notre attitude a toujours été de faire en sorte
que les conventions collectives se discutent et se concluent à la table
des négociations que les parties ont acceptée.
Nous croyons encore au système nous l'avons exprimé
- des relations de travail qui existe à l'intérieur des lois, et
ce n'est pas une attitude passive que de respecter la légalité et
de demander aux parties de se rencontrer à la table des
négociations. Nous ne croyons pas être passifs en voulant
être présents. Au contraire, nous croyons assurer l'action de la
négociation par notre présence à l'endroit où elle
doit se trouver, c'est-à-dire à latable des
négociations.
Nous espérons autant d'action de la part de la partie
syndicale.
M. GERIN-LAJOIE: Le ministre croit-il qu'il n'y a vraiment aucun moyen
de persuasion à sa disposition pour ramener les syndicats à la
table des négociations?
M. MASSE: Je crois, M. le Président, que l'Intérêt
de la conclusion d'une convention collective par la partie syndicale doit
être un motif suffisamment profond pour l'intéresser à se
présenter à l'endroit où cette convention peut se
conclure, à la table des négociations.
M. BELLEMARE: C'est très bien, article 16. M. LE PRESIDENT:
Adopté.
Bien-Etre et Famille
M. BELLEMARE: Adopté. Budget du ministère de la Famille et
du Bien-Etre social, adopté.
M. GOLDBLOOM: Un instant, M. le Président, je regrette...
M. LE PRESIDENT: Article 16, adopté. M. GOLDBLOOM: M. le
Président...
M. BELLEMARE: Ah oui, d'accord, j'ai vu le député qui se
levait.
M. GOLDBLOOM: C'est après tout un ministère important et
un montant important, le plus Important de tout le bill, du budget
supplémentaire, M. le Président.
Cet article du budget supplémentaire est à plusieurs
titres inquiétant.
Premièrement, à cause de l'importance du montant en
question, qui s'additionne aux sommes déjà imposantes qui sont
affectées à l'assistance sociale.
Deuxièmement, parce que c'est le chômage qui en est
principalement responsable et troisièmement, parce que cette somme de
$32 mil- lions n'est qu'un ajouté à un système
défectueux dont la réforme en profondeur ne peut être
différée.
Faute de cette réforme, nous risquons fort de consolider une
infrastructure permanente de pauvreté dans une société de
productivité et de consommation. Encore là, le niveau de notre
productivité laisse beaucoup à désirer et celui de notre
consommation ne reflète pas l'affluence que connaissent nos voisins du
sud et de l'ouest.
J'ai devant moi La Presse du jeudi, 12 décembre 1968, et je cite
brièvement le discours de M. Louis Hébert, président de la
Banque canadienne nationale, à l'occasion de l'assemblée annuelle
des actionnaires de cette banque. « La définition que l'on peut
donner de la pauvreté n'est pas, bien entendu, la même en
Amérique du Nord et en Asie. Le pauvre en Amérique du Nord serait
certainement considéré comme un riche suivant les standards
asiatiques. La pauvreté de notre société n'est pas la
privation des choses nécessaires à la vie, comme le
déclare le Conseil économique du Canada, mais une insuffisance
d'accès à quelques-uns des biens, des services et des conditions
de vie qui sont accessibles à tous les autres ».
Vous n'êtes pas sans savoir, M. le Président, qu'il y a
huit jours, le 10 décembre de cette année, une agence de
bien-être social, la Family Service Association of Montreal, a tenu une
conférence de presse à laquelle assistaient un certain nombre de
personnes défavorisées, qui ont exposé leurs
problèmes personnels selon les montants qui leur sont accordés
par le ministère de la Famille et du Bien-Etre social.
II a été souligné que le maximum possible pour une
famille des parents et trois enfants est actuellement de $190 et que le montant
requis, selon des normes établies, l'an dernier, par le Montreal Diet
Dispensary, serait de $336. Dans le cas d'une famille...
M. BELLEMARE: Pour trois personnes.
M. GOLDBLOOM: Deux adultes et trois enfants. Dans le cas d'une famille
de deux adultes et quatre enfants, les chiffres sont respectivement $198
actuellement et $358, selon les calculs faits par l'agence dont j'ai fait
mention.
M. le Président, je ne conteste pas le besoin d'ajouter ces $32
millions au budget existant de l'assistance sociale. Je conteste cependant
l'utilisation que fait le gouvernement des sommes qui sont disponibles, comme
j'ai contesté, il y a un an et demi, l'utilisation des $80 millions qui
ont été affectés aux alloca-
tions familiales. Je conteste l'échéancier selon lequel la
refonte de nos lois de sécurité sociale, ou plutôt
d'assistance sociale dans ce cas, se fait toujours et sine die attendre.
Le gouvernement avait entrepris de refaire la structure de notre
assistance sociale et d'en augmenter les bénéfices. Je trouve que
les montants qui sont consacrés à ce poste budgétaire dans
ce budget supplémentaire sont insuffisants pour rencontrer les besoins
des personnes qui sont défavorisées et qui attendent
l'augmentation des barèmes de bénéfice.
Je voudrais faire brièvement, M. le Président, allusion au
dossier de ce projet gouvernemental. L'honorable ministre, le 20 septembre
1966, a fait une déclaration qui a paru dans Le Devoir de ce jour. Je
m'excuse, il doit avoir fait la déclaration la veille, n'est-ce pas.
Dans Le Devoir du mardi, 20 septembre 1966, on lit donc le titre « La
législation sociale du Québec sera refondue, j'espère que
ce sera pour bientôt, dit le nouveau ministre du Bien-Etre ».
Il y a plus de deux ans, et je me permets de citer la philosophie du
ministre, que je trouve excellente. Il a dit: « Notant que, de mars
à août 1966, la hausse moyenne du coût de la vie a
été de 2.5 points, et que la plupart des spécialistes
prévoient une hausse accrue au cours des prochains mois.
M. Cloutier a signalé qu'à de telles périodes
d'inflation, les rentiers, les personnes à bas revenus et plus
directement encore les bénéficiaires de la sécurité
sociale sont singulièrement touchés. L'adoption du régime
de rentes l'an dernier a marqué une étape en ce sens que pour la
première fois dans un régime de sécurité sociale,
l'on a prévu que l'augmentation des bénéfices en argent
s'ajustera à l'augmentation du coût de la vie, a-t-il
ajouté. Ce mécanisme n'a, malheureusement, jamais existé
dans la structure des taux d'assistance sociale au Québec. « D'ici
à ce que nous ayons pu faire une refonte des lois d'aide sociale, nous
avons recours à un système d'aide supplémentaire et
spéciale pour obvier à la rigidité des taux
catégorisés. Cependant, après la refonte de la
législation sociale que j'espère pour bientôt, nous aurons
un système suffisamment souple pour s'adapter à la
réalité des besoins sociaux. Les incidences économiques de
la sécurité sociale ne sont pas encore clairement
élucidées, a-t-il dit. L'impression très superficielle qui
explique en partie pourquoi la sécurité sociale se trouve si
souvent en butte à la critique demeure souvent parce que les
dépenses de sécurité sociale sont de nature non
productives et consti- tuent une charge sans contrepartie pour
l'économie québécoise. « Nous tenons à
détromper ces auditeurs à cet égard et souhaitons que se
développe un état d'esprit dans le monde des affaires en vertu
duquel l'on considérerait, même en période de lutte contre
l'inflation, la sécurité sociale non plus
inconsidérément comme un luxe improductif. Le ministre a
déclaré: « L'expérience montre de façon
convaincante que la sécurité sociale a un caractère
productif parce qu'elle maintient le niveau des dépenses de consommation
des familles pour lesquelles il est impensable de nier la satisfaction de
besoins irrépressibles dans une société d'abondance comme
la nôtre. En outre, s'il est vrai que les dépenses de consommation
sont maintenues et qu'une redistribution des revenus est réalisée
par l'intermédiaire de la sécurité sociale, il n'en est
pas moins vrai que son rôle économique met à l'abri des
variations de la conjoncture tout un lot de producteurs et de distributeurs de
services. « C'est en ce sens-là qu'on peut affirmer que la
sécurité sociale a une influence stabilisatrice pour l'ensemble
de l'économie. Les effets de la sécurité sociale ne
devraient donc pas être sous-estimés, faute de pouvoir toujours
être exprimés en termes chiffrés et quantitatifs. »
Je soumets respectueusement, M. le Président, que cette excellente
philosophie n'a pas été mise en vigueur et que les chiffres que
nous avons devant nous ne permettent pas d'espérer qu'elle sera mise en
vigueur. En continuant, dans ce dossier, l'on trouve que le 21 juin 1967, le
projet d'une loi-cadre engloberait toutes les lois de sécurité
sociale. « Le ministre de la Famille et du Bien-Etre social, M. Jean-Paul
Cloutier, a fait cette déclaration hier au cours de l'étude en
comité des prévisions budgétaires de son ministère.
» Le ministre, le 7 août 1967, est cité dans le journal La
Presse, comme ayant donné de l'espoir aux assistés sociaux qui
étaient en colère. Le 6 décembre 1967 il y a plus
d'une année La Presse donne ce titre à son article ce
jour-là: « Une certitude acquise: Nouvelle loi d'assistance
sociale en avril prochain. » L'article se lit en partie comme suit:
« La nouvelle loi de l'assistance sociale entrera en vigueur le 1er avril
prochain. C'est la date limite que s'est fixée le gouvernement du
Québec; c'est l'assurance donnée par le ministre de la Famille et
du Bien-Etre, M. Jean-Paul Cloutier, hier aux représentants d'une
dizaine de mouvements d'animation sociale de Montréal et de sa
banlieue.
« Ces délégués étalent les
invités du gouvernement au siège du Bien-Etre social, rue
Saint-Denis. La loi sera appliquée par étapes,
c'est-à-dire que l'on commencera par créer les services les plus
urgents, par exemple celui de l'assistance aux économiquement faibles.
» Encore, six mois plus tard, le 4 juin 1968: « Loi-cadre sur
l'assistance sociale dès cette session. » Le 23 août
1968:
UNE VOIX: A l'ordre!
M. GOLDBLOOM: Unprojetdelois-cadres de l'assistance sociale sera soumis
à la fin d'octobre. Et le ministre a annoncé qu'un projet de
loi-cadre de l'assistance sociale sera présenté dès la
reprise de la session, à la fin du mois d'octobre.
En prévision d'une loi-cadre de l'aide social, vaste plan de
réorganisation administrative. Le Montreal Star du 24 août sous le
titre, « Action at last », dit ceci: « Health and Welfare
Minister Jean-Paul Cloutier promised this week, that there would be new welfare
legislation this fall, we hope that this time he means what he says ». Et
un peu plus loin: « Despite these two positive points, it is disturbing
that the Minister made no mention of a readjustment of levels of assistance.
The Boucher Commission Judged that allowances were too low five years ago.
There have been no changes since, and needless to say the cost of living has
gone up considerably during that time ».
Encore le 4 octobre, le ministre veut proposer l'adoption d'une loi
unifiée de l'assistance sociale et vingt Jours plus tard, à notre
grand regret, la Presse rapporte, que Québec reporte à l'an
prochain l'étude du projet de loi-cadre de l'aide sociale. Les
travailleurs sociaux protestent, l'appareil administratif n'est pas au point et
enfin, le Star dit dans son numéro du 8 novembre: «The Quebec
Government's attitude concerning the revision of welfare laws if it did not
have such tragic consequences for the poor people involved, could be called a
farce. It is a story of repeated promises, repeatedly and shamelessly broken.
This week for the fourth time in two years, the Health and Welfare Minister is
renegading on his own commitment to introduce the new legislation. This time
however he is not setting a new date for action. »
M. le Président, tout ceci est profondément regrettable.
Vu que le gouvernement n'a pas procédé à ce qui est urgent
et nécessaire dans le domaine de l'assistance sociale, il y a des
rumeurs qui circulent un peu partout dans la province. Il y en a une, la plus
facile à lancer, qui dit que le gouvernement n'a pas assez d'argent. Il
est clair qu'ayant écouté soigneusement le ministre des Finances
l'autre jour, la province fait face à des difficultés
financières. Il ne reste pas moins que, dans le cas des augmentations
possibles, la moitié de ces sommes seraient disponibles du gouvernement
central.
On dit: la loi conçue il y a plusieurs années
déjà est maintenant démodée. M. le
Président, je soumets respectueusement qu'il ne sera jamais
démodé, quelle que soit la forme moderne que prendra notre
système de sécurité sociale, de remplacer notre
système actuel catégorisé par un système
basé sur les besoins de chaque personne qui se présentera
à la porte du ministère. On dit, et c'est le ministre qui l'a
dit, lui-même, à certaines occasions, que l'appareil administratif
n'est pas encore au point. Alors, M. le Président, nous connaissons
l'attachement de mon ami le ministre à la saine administration. Je crois
bien que, dans son foyer, parmi les lares et pénates, se trouve une
petite déesse personnelle qui s'appelle saine administration.
Je crois, M. le Président, qu'il y a des personnes dans la
population, et il y en a dans cette Chambre, qui sont fatiguées de faire
des sacrifices devant l'autel de la saine administration. Le gouvernement,
parce qu'après tout je ne voudrais pas tomber sur la tête
personnelle du ministre, mais plutôt sur la tête collective du
gouvernement.
Le gouvernement semble plus fort en administration qu'en
résultats, et encore. Dans un de ces articles que j'ai omis tout
à l'heure, il y a une explication qui est suggérée pour
tout ce problème, une explication qui, à mon avis, est absolument
fantaisiste et invraisemblable, mais je cite la Presse du 24 octobre de cette
année. L'article est d'un journaliste sans doute très
compétent et responsable. Pour ne pas le nommer, il s'appelle Michel
Lord, et je cite les deux derniers paragraphes de son article: «
Cependant, selon des sources fiables, il semble que ce ne seraient pas les
véritables raisons du nouveau délai apporté dans
l'adoption de cette loi. De fait, le Conseil des ministres se serait
montré réticent devant certaines implications du nouveau projet
de loi, principalement en matière financière. Dans la nouvelle
loi, le ministère aurait voulu modifier les critères
d'admissibilité à l'aide sociale, augmenter le montant des
prestations en fonction des hausses du coût de la vie des
dernières années. Selon ces mêmes sources, le ministre
Cloutier n'aurait rencontré qu'hostilité chez ses
collègues du Conseil des ministres, à propos de ces nouvelles
dispositions de la Loi d'aide sociale.
Ces derniers estimeraient que le budget de l'aide sociale est
déjà trop élevé et, plutôt que de songer
à l'augmenter, il faudrait le diminuer ». Suggérer qu'il y
ait hostilité et conflit à l'intérieur du gouvernement,
c'est absolument inconcevable. Tout le monde sait que ce sont la colle, la
corde et le ruban adhésif de la plus haute qualité qui
empêchent le gouvernement de se désintégrer. Mais nous
attendons toujours une mesure qui n'est pas attendue simplement par ceux qui
parlent de ce côté-ci de la Chambre, mais par un grand nombre de
personnes défavorisées et de personnes qui travaillent à
l'aide des défavorisés. En terminant, si je condamne l'inaction
du gouvernement dans ce domaine vital, par cette condamnation, je me fais le
porte-parole de tous ceux qui s'occupent des défavorisés, de tous
ceux qui sont défavorisés eux-mêmes et qui disent au
gouvernement: Nous avons besoin de beaucoup plus que nous ne recevons
actuellement, et cela dans un système complètement
renouvelé, que le gouvernement nous promet depuis déjà
trop longtemps et que nous ne voudrions pas attendre jusqu'à l'an
prochain, mais que, malheureusement, nous nous trouvons maintenant à
être obligés d'attendre au moins à la reprise des
activités de cette Chambre en 1969.
M. HARVEY: Le ministre demande à la Chambre de voter $31,700,000
additionnels au budget régulier, pour payer les différentes
allocations et, spécialement, l'assistance à domicile. Sans
vouloir l'attaquer personnellement, ni vouloir attaquer le ministre des
Richesses naturelles, qui est responsable devant cette Chambre d'une commission
gouvernementale que l'on appelle la Commission hydro-électrique du
Québec, je me demande s'il n'y aurait pas lieu, à ce stade-ci, de
recommander au Cabinet, au Conseil des ministres, d'étudier très
sérieusement la possibilité de reviser la décision prise
récemment par les autorités de la Commission
hydro-électrique du Québec, d'imposer la retraite aux
travailleurs âgés de 60 ans. Voici pourquoi. Vous savez, M. le
Président, et tous les membres de cette Chambre savent que les gens qui
ont soixante ans aujourd'hui n'ont pas eu l'avantage de payer des contributions
à une caisse de retraite depuis un nombre très
considérable d'années. Vous savez également que
l'entreprise privée, qu'on se plaît, à l'occasion, à
critiquer...
Je donne un exemple concret. Au groupe Alcan, ici au Québec,
lorsque certains employés, qui ont atteint l'âge de 60 ans, sont
et c'est vrai moins productifs et empêchent la compagnie de
réaliser un prix de revient qui ne lui permet pas de faire concurrence,
leur offre, à 60 ou à 61 ans, de prendre leur retraite, en leur
donnant, cependant, les mêmes bénéfices qu'ils auraient
s'ils avaient atteint l'âge de 65 ans.
Nous avons récemment, sans critiquer une législation
adoptée par cette Chambre, posé un geste ici comme
législateurs. N'avons-nous pas également respecté les
droits acquis pour le travailleur de 60 ans, qui est mis à la retraite
à l'Hydro-Québec, une régie gouvernementale? Cette
décision s'étendra peut-être demain à d'autres
régies. J'ai à l'esprit des régies où, même
s'il y a des conventions collectives... Cela s'étendra peut-être
aux fonctionnaires en général et aux organismes
pa-ragouvernementaux. Ces gens ont cinq ans de moins de contribution au
régime de retraite de leur compagnie. Ils perdent cinq ans de
bénéfice dans la Régie des rentes du Québec.
Il s'agit là d'un débalancement complet de la politique de
sécurité sociale au Québec.
Si le législateur canadien a jugé à propos,
après en avoir discuté longuement avec les ministres des
différentes provinces du Canada, de réduire l'âge de la
sécurité de vieillesse de 70 ans I 65 ans, c'est parce que l'on
avait réalisé que, dans quelques années, on devrait
réduire l'âge de la retraite en général à 60
ans.
Il est bien sûr que le jeune travailleur de 20 ans ou de 19 ans,
qui commence à travailler aujourd'hui, a l'avantage, dès son
entrée sur le marché du travail, de contribuer à une
caisse de retraite. Ce jeune, s'il se marie, verra sa famille
protégée. Il sera assuré d'une retraite et ses propres
contributions lui éviteront de devenir, plus tard, un assisté
social.
Dieu sait que ceux qui ont 60 ans aujourd'hui n'ont pas pu, eux,
bénéficier des avantages que les jeunes ont! Ils ont dû
également, devant ce train de vie que nous avons tous depuis une
vingtaine d'années, s'acheter une maison. Ils ont seize ou dix-sept ans
de termes de payés sur leur hypothèque et ils se volent
placés sur des listes de rappel. Ils ne retourneront pas au travail. Ils
seront appelés à retirer des prestations d'assistance à
domicile. Le ministre sera le premier à admettre que l'assistance
à domicile ou une allocation sociale ne permet que le strict
nécessaire, et c'est tout à fait normal.
Je voudrais que le conseil des ministres, en réétudiant la
décision puisqu'il a autorité sur les commissions
gouvernementales prise par l'Hydro-Québec, prenne en
considération que ces gens de 60 ans ont encore éga-
lement des enfants aux études, puisque, aujourd'hui, les jeunes
vont aux études jusqu'à l'âge de 20, 22 et même 25
ans.
La grande majorité de ces gens de 60 ans, en plus d'avoir une
habitation ou des obligations, ont encore à payer pour des honoraires
professionnels ou encore pour des frais d'hospitalisation, parce que
l'assurance-hospitalisation, pour eux, ne date que depuis quelques
années. Ils n'avaient, auparavant, aucun avantage de
bénéficier de la Loi de l'assistance publique, ayant des salaires
assez élevés.
Il est bien sûr que ceux qui travaillaient pour la commission
hydro-électrique du Québec étaient parmi ceux à qui
on refuse régulièrement et je ne dirais pas à tort
l'avantage pour leurs fils d'avoir un prêt ou une bourse
d'étude, parce que leur salaire leur permettait de contribuer à
l'éducation de leurs enfants. En les obligeant à prendre leur
retraite, ils devront attendre la prochaine année scolaire pour avoir
l'aide désirée pour permettre à leurs enfants de
poursuivre leurs études et pour faire carrière.
Je voudrais, en toute objectivité, signaler ce
problème.
Le cabinet se doit, en toute conscience, de reviser la décision
prise par la Commission hydro-électrique du Québec de mettre
à la retraite les travailleurs à l'âge de 60 ans, en
imitant un geste posé par l'entreprise privée ici au
Québec, le groupe Alcan, qui tente, par tous les moyens, de trouver des
fonctions répondant aux capacités physiques de ses travailleurs
âgés de 60 ans. Ou encore, quand il y a cette
impossibilité, l'Alcan leur permet de prendre leur retraite, non pas en
les privant de revenus, non pas en faisant en sorte qu'ils perdent leur
propriété ou empêchent leurs enfants de continuer leurs
études. Elle leur assure au contraire les mêmes avantages qu'ils
auraient, s'ils avaient 65 ans. De plus, elle permet à ces gens, s'ils
sont encore bons, de prendre un emploi temporaire dans d'autres secteurs et
d'améliorer leur revenu, en attendant l'âge d'avoir l'allocation
de sécurité de vieillesse qui est payée à tous les
Canadiens.
Enfin j'ose espérer, connaissant personnellement le ministre de
la Famille et du Bien-Etre social et de la Santé, qu'il insistera
auprès de ses collègues du cabinet pour que cette décision
de 1'Hydro-Québec soit revisée dans le plus bref
délai.
M. BOURASSA: M. le Président, j'aurais simplement quelques
remarques.
M. BELLEMARE: Moi aussi, parce que vous m'avez volé mon tour,
tout à l'heure, pour me dire des bêtises. Vous allez passer
après moi, cette fois-ci. Tout à l'heure, je vous avais
laissé passer pour me dire des bêtises, mais pas cette
fois-ci.
Je sais que l'honorable ministre de la Santé et de la Famille et
du Bien-Etre social aura lui aussi quelque chose à dire, à la
suite de l'intervention de l'honorable député de Jonquière
et de Kénogami, qui vient de soumettre un point particulier de relations
de travail, pour les employés de 60 ans à l'Hydro-Québec.
Je n'ai pas besoin de vous dire toute l'affection tendre et reconnue que j'ai
pour l'Hydro-Québec J'ai déjà publiquement dit ce que je
pensais de cette compagnie. Mais je dis qu'il est heureux que l'intervention de
l'honorable député se fasse présentement. C'est sûr
que cela sera consigné dans le journal des Débats et on pourra
sûrement en envoyer une copie à quelqu'un, parce que les
négociations doivent reprendre incessamment pour le renouvellement du
contrat à l'Hydro-Québec.
Je pense que cela sera un des articles les plus discutés en
négociation afin d'obtenir un compromis honorable. J'espère bien,
et je veux que cela soit aussi dit au journal des Débats, qu'on aura
à ce moment-là un égard particulier pour couvrir
rétroactivement ceux qui sont pris aujourd'hui.
Je pense que c'est complet. Les négociations vont rouvrir. Je
suis un de ceux qui les suivent du plus près. Comme dans les cinq grands
contrats que nous avons eu à négocier, il y a deux ans, nous
aurons à reprendre d'ici quelques jours des négociations
nouvelles dans le secteur que vient de mentionner l'honorable
député de Jonquière. Je m'engage personnellement à
faire le nécessaire pour qu'on étudie à la table des
négociations justement ce problème. C'est un problème
humain, un problème, comme il l'a si bien dit, qui doit être
résolu, pas en regard d'un objectif budgétaire, mais en regard de
ce qu'un homme a pu donner à une compagnie au point de vue
rendement.
M. HARVEY: Le ministre me permettra une intervention très rapide.
Si j'ai attendu à l'article du budget du ministère de la Famille
et du Bien-Etre social, c'est que je savais fort bien que si ces travailleurs
perdent leur travail, leur emploi régulier, ils devront
nécessairement avoir recours et demander de l'aide au ministère
de la Famille et du Bien-Etre social. Or mon collègue, le
député de Saguenay, a tenté à la période des
questions, de soulever un débat et on sait que les règlements ne
nous le permettent pas.
J'attirerais cependant l'attention du ministre du Travail, leader de
cette Chambre, sur un point très précis. Nous, les
législateurs, nous nous affolons. Nous sommes souvent
révoltés devant l'attitude que prennent certaines gens ou devant
leur compréhension relativement à certaines législations
que nous passons dans cette Chambre.
Tout à l'heure, voulant demeurer dans l'ordre, très
calmement, je faisais allusion à une législation qui a
été apportée et où on a, de part et d'autre,
parlé de droits acquis. Comment voulez-vous que le travailleur raisonne
qu'après avoir passé quelques années en cette Chambre, un
législateur ait droit à des bénéfices si,
après avoir dépensé toute sa vie dans l'industrie, on le
met à sa retraite prématurément, cinq ans avant son temps,
et on vend ça pour qu'il perde tout
Je remercie le ministre du Travail qui m'a dit qu'il verrait
lui-même à ce que, lors des prochaines négociations, ce
problème-là soit étudié à fond. Mais
entre-temps, Je voudrais qu'il aille plus loin et qu'il soit le secondeur du
ministre de la Famille, qui va certainement s'il le veut bien, il me le
dira lorsqu'il prendra la parole tout à l'heure soulever au
cabinet ce problè-me crucial qui risque de déséquilibrer
la politique de sécurité sociale au Québec.
M. BELLEMARE: Sûrement.
M. BOURASSA: M. le Président, Je voudrais être aussi concis
que possible sur cette question des sommes considérables qui doivent
être accordées pour l'augmentation du budget du Bien-Etre social.
On voit que, dans le budget supplémentaire de $40 millions, il y en a
les trois quarts qui vont être consacrés à ce
ministère.
Ce qui est inquiétant et ce qui doit être extrêmement
préoccupant pour le ministre des Finances, c'est le taux de croissance
dans les paiements sous ce rapport. Nous avons un budget qui atteindra, au
ministère de la Famille et du Bien-Etre social, Je pense, avec le budget
supplémentaire, quelque $450 millions de dollars, alors qu'en Ontario,
le budget prévu pour cette année, Je pense, est d'environ $120
millions de dollars. Alors, il y a, dans cette sécurité sociale,
des sommes de plus en plus importantes qui sont données pour faire face
à des besoins qui sont évidents.
Si nous examinons certaines causes de cette augmentation, je pense
à l'assistance médicale le ministre est au courant,
évidemment il pourra nous donner tantôt des raisons pour
lesquelles l'assistance médicale coûte au -moins 50% de plus au
Québec que dans la ville de New
York je comprends que la comparaison avec la ville de New York,
qui se trouve à assurer un plus grand nombre de personnes, des
salariés, si mon information est bonne, dont le salaire est
inférieur à $6,000, je pense que la comparaison ne peut pas se
faire sous chaque point.
Mais il reste quand même qu'à cause des conditions
actuelles, notamment le fait que nous n'ayons pas encore
l'assistance-médicaments et que les médecins, selon la rumeur que
l'on entend de plus en plus, exigent des honoraires pour remplacer les
médicaments qu'ils peuvent procurer aux malades, bref à cause du
fait que l'assistance-médicaments n'existe pas encore, nous avons une
augmentation tris rapide, sous le titre de l'assistance médicale, et
J'aimerais bien que tantôt le ministre puisse nous donner des
explications sur le retard à appliquer
l'assistance-médicaments.
Il y a aussi la question de la fraude dans le ministère du
Bien-Etre social. C'est une question qui, je n'en doute pas, doit
préoccuper le ministre; mais le ministre pourrait, encore là,
nous informer sur cette expérience qui a eu lieu, qui a
été publiée dans plusieurs journaux au cours de la
grève des postes. Selon les rumeurs, il y aurait eu un très grand
nombre de chèques qui étaient destinés aux
bénéficiaires et qui sont revenus au ministère faute
d'adresses, révélant ainsi un taux de fraude qui,
paraît-il, serait très important.
Alors quand on connaît les problèmes financiers de la
province actuellement, quand on connaît les limites de ces ressources
financières et quand on peut soupçonner qu'il y ait une fraude
relativement importante dans un des ministères dont la croissance des
dépenses est l'une des plus rapides et dont le volume de dépenses
est de plus en plus important, sa part relative dans le budget total, il est
rigoureusement essentiel de prendre tous les moyens pour éliminer cette
fraude et pour administrer aussi efficacement que possible les deniers
publics.
On nous signale, M. le Président, que, depuis quelques
années, il y a ce phénomène nouveau, c'est-â-dire
ces célibataires de 18 à 35 ans, qui sont de plus en plus
nombreux, parmi les bénéficiaires de l'assistance sociale. Encore
là, j'aimerais avoir certains chiffres de la part du ministre.
Combien s'y trouvent? Comment y en a-t-il qui sont
bénéficiaires? Quels moyens sont pris? Un fichier central ou
toutes sortes d'autres moyens... Combien, pour reprendre une suggestion du chef
de l'Opposition, reçoivent de l'assistance publique, disons à la
dernière date que peut avoir le ministre? Et quel système
le ministre entend organiser ou est en train d'organiser pour assurer
que ces jeunes puissent travailler là où existent des besoins?
C'est-â-dire les contacts que le ministère a avec les centres de
main-d'oeuvre, qu'ils soient provinciaux ou fédéraux.
Ce sont différentes questions qui mettent en relief les
problèmes extrêmement épineux que cause la hausse
très rapide des dépenses de sécurité sociale. J'ai
déjà eu l'occasion de démontrer que depuis cinq ans...
j'avais choisi une période de cinq ans pour éviter toute
référence partisane, parce que ce n'est pas un
phénomène qui est tout à fait récent, et je pense
qu'on doit considérer cette question d'une façon aussi objective
que possible.
Or, le budget prend de plus en plus d'importance. Le budget est l'une
des causes des problèmes financiers très épineux de la
province. Et c'est pouquoi c'est peut-être là qu'il faut faire le
plus d'efforts pour améliorer l'administration. Mais la vraie solution
le ministre le sait c'est évidemment d'essayer de diminuer
le taux du chômage qui, au Québec, demeure très
élevé puisque depuis un an, nous avons eu une
détérioration qui fait qu'il y a 30% de plus de chômeurs
par rapport à novembre 1967.
M. le Président, je pense que je peux ici commenter certaines
remarques qui ont été faites hier, relativement à la
situation économique du Québec reliée directement au
problème du nombre d'assistés sociaux, par le ministre de
l'Industrie et du Commerce, le député de Lafontaine. Nous voyons
d'ailleurs aujourd'hui dans certains journaux des manchettes entre autres:
« Prolifération des investissements au Québec ». Je
ne pense pas, M. le Président, qu'en énumérant des cas
particuliers comme ç'a été fait hier qui,
inévitablement, constituent en fin de compte une liste assez imposante,
on puisse conclure à une prolifération relative des
investissements au Québec, surtout lorsqu'on voit que plusieurs de ces
cas se situent dans le secteur pétrolier.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je m'excuse de rappeler à l'honorable
député qu'il fait référence à un
débat antérieur, premièrement. Et deuxièmement,
avec...
M. LESAGE: Curieusement à un débat sur le bill de la ville
de Montréal.
M. LE PRESIDENT: Sur la ville de Montréal, oui. Et avec toute la
bonne volonté possible, j'essaie de faire une relation entre ce qu'il
dit actuellement et l'article à l'étude et mal- heureusement, je
n'y arrive pas. J'invite donc l'honorable député à revenir
à l'article en discussion.
M. BOURASSA: M. le Président, j'essaie de démontrer que la
situation économique je parle de la situation économique
de façon générale a des implications sur le budget
du ministère du Bien-Etre social et je fais certaines remarques sur le
nombre de nouveaux emplois qui peuvent être créés par des
investissements au Québec.
Or, je signale que dans le secteur pétrolier, il en coûte
beaucoup plus cher que dans un autre secteur pour créer un nouvel
emploi, pour des raisons techniques qu'il serait fastidieux d'expliquer ici, et
surtout en raison du fait que dans ce secteur, les investissements peuvent
paraître importants, mais lorsqu'on sait qu'une très bonne partie
de ces investissements vont se concrétiser sous forme d'importation
d'équipement de l'extérieur du Québec, on réalise
qu'en fin de compte elles ne produisent pas tellement de nouveaux emplois.
C'est d'ailleurs pourquoi le chômage augmente tellement au Québec,
malgré qu'il y ait des investissements qui se maintiennent dans le
secteur manufacturier.
On peut jouer facilement avec les pourcentages. On compare le
pourcentage de l'augmentation des investissements au Québec le
ministre du Travail regarde l'heure, je l'assure que ça ne sera pas
tellement long...
M. BELLEMARE: Est-ce que vous me suivez jusque dans ce
détail-là? Alors, je vais sortir et je ne vous dirai pas
où je vais.
M. BOURASSA: Non, non. Je sais que le ministre du Travail a
travaillé très dur aujourd'hui. Je ne veux pas abuser de la
situation par un discours trop long.
M. BELLEMARE: Ce ne sera pas long, vous allez voir.
M. BOURASSA: M. le Président, quand nous comparons les
pourcentages des différentes provinces, au Québec... Il est clair
que dans le cas de l'Ontario où l'on a deux fois plus d'Investissements
dans le secteur manufacturier que dans le Québec, il est plus difficile
d'y accroître le pourcentage de croissance que dans le Québec que
nous pouvons facilement jouer avec les pourcentages pour montrer une situation
favorable. Ce qui compte ce sont les résultats réels. Les
résultats réels doivent être considérés au
niveau des nouveaux emplois qui sont créés. Or, nous voyons les
résultats avec les statistiques de chômage...
Quand nous établissons des moyennes, par exemple, de 1961
à 1966, que nous comparons avec une moyenne de 1967 et 1968... c'est
évident qu'en prenant une moyenne sur cinq ans... Si au départ
les chiffres sont très élevés, nous pouvons arriver
à des résultats tout à fait défavorables et qui
n'expriment pas clairement la situation. D'ailleurs, un député
hier me donnait un exemple concret en me disant qu'évidemment dans le
lac Saint-Pierre si nous supposons qu'il y a une moyenne de quatre pieds et
demi pour tout le lac, nous pouvons en théorie, traverser le lac; mais,
nous savons fort bien, en pratique, ce qui arrive. J'ai constaté que cet
exemple concret se trouvait à mettre en relief combien il était
dangereux, pour prouver une thèse...
M. HOUDE: C'est mieux à la nage.
M. BOURASSA: ... comment il était risqué ou difficilement
acceptable de recourir à de tels procédés. Le ministre de
l'Industrie et du Commerce mentionnait les investissements privés et les
investissements publics au Québec...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je sais très bien que, par nature, le
député de Mercier n'est pas un récidiviste. Je lui
rappelle tout simplement les deux arguments que j'ai employés tout
à l'heure pour lui dire qu'à mon sens je peux faire erreur
dans mes remarquesl'argumentation qu'il développe actuellement
n'entre pas dans le sujet que nous discutons.
M. BOURASSA: M. le Président, d'accord, je réfère
à un débat antérieur, mais je pense que quelle que soit la
référence qui est faite, le sujet dont je discute la
situation économique du Québec est pertinent au
débat. Je réfère à un exposé qui a
été fait hier, à l'exposé très optimiste du
ministre de l'Industrie et du Commerce. Je veux simplement signaler que quant
aux immobilisations totales, dis-je, publiques et privées, ainsi qu'au
plan des immobilisations ou des investissements publics, la part relative du
Québec par rapport au Canada est nettement inférieure à la
proportion de sa population.
C'est-à-dire que si nous prenons les proportions de 1967 qui, je
pense, seront les mêmes pour l'année 1968, nous nous apercevons
que dans le cas des immobilisations ou des investissements publics nous n'avons
que 20% du total. Dans le cas des immobilisations totales, nous avons
également seulement 21% du total. Alors, la façon de
régler le ministre sera d'accord là-dessus du moins
en partie, le problème de l'assistance-chômage et le
problème du budget de plus en plus important du ministère du
Bien-Etre social, c'est d'avoir une politique économique aussi
vigoureuse que possible.
Or, il faut bien admettre que nous attendons encore des mesures qui
auraient pu améliorer la situation: Le Centre de recherches
industrielles, on l'a annoncé cinq ou six fois. Le ministre du Travail,
lui-même, l'a annoncé à quelques reprises; le Centre de
recherche minérale, l'Office de développement. Ce sont trois
projets qui étaient, je le pense, tout à fait important pour
renforcer la structure de notre économie. Le Conseil de recherche,
également. Il y a actuellement un manque de coordination entre
l'université, le monde des affaires et l'entreprise privée. Un
conseil de recherche tel qu'il est proposé et tel qu'il est, je le
pense, est prêt à être soumis depuis plusieurs
années: il pourrait permettre une coopération plus étroite
et ainsi éviter un dédoublement inutile. Il pourrait permettre ou
apporter des résultats heureux sur le plan de la recherche ou sur le
plan de la recherche de nouveaux produits avec toutes les conséquences
que ceci, va apporter pour le développement économique.
Je veux simplement donner ici quelques mesures pour relancer
l'économie. On pourrait organiser la recherche appliquée en
l'axant, par exemple, sur les sous-produits de la forêt, dans une
région donnée, ou sur les sous-produits de l'huile ou encore sur
le potentiel minier, afin d'avoir des résultats concrets. On pourrait
également formuler une politique de l'énergie. Encore là,
ç'a été annoncé à plusieurs reprises. Le
ministre des Richesses naturelles a annoncé une politique de
l'énergie, pour bientôt, mais nous l'attendons encore. Nous sommes
à la fin de la session, et rien n'existe encore sous ce rapport. Une
politique de l'énergie pourrait assurer, dans le cas de certains moyens
énergétiques, une tarification adaptée aux
nécessités régionales. On a parlé récemment
- on en avait parlé à plusieurs reprises dans le passé -
des subventions qui sont données au développement de l'industrie.
Je pense qu'avec les ressources financières limitées actuelles de
la province il est important de faire en sorte que ces subventions soient aussi
efficaces que possible. On doit donc les rendre plus flexibles, plus
sélectives, au lieu de les donner à toutes les entreprises,
même à celles qui viendraient de toute façon.
Si on voulait relancer l'économie d'une façon vigoureuse,
on pourrait essayer d'augmenter l'impact des délégations
commerciales. Actuellement, on a quelques délégations com-
merciales, mais il y a des régions entières, par exemple,
le sud et l'ouest des Etats-Unis qui ne paraissent pas pressenties par le
gouvernement du Québec. Je lisais, hier, un compte rendu de l'action du
ministre de l'Industrie et du Commerce de l'Ontario, M. Randall qui, lui,
depuis quelques années, entreprend de visiter et de contacter ces
régions. On connaît les résultats pour l'Ontario. Alors,
tant sur le plan des investissements que sur celui des exportations des
produits québécois, il y a, pour le Québec, des
possibilités d'action qui présentement ne semblent même pas
considérées. M. le Président, voilà quelques
moyens; il y en aurait d'autres: une utilisation plus dynamique du
ministère de l'Industrie et du Commerce, la création de
sociétés régionales, la formation d'une main-d'oeuvre dans
une optique régionale. Les moyens ne manquent pas au gouvernement actuel
pour relancer l'économie aussi vigoureusement que possible.
Oui, j'achève, quelques minutes seulement. Je vois que le
ministre du Travail est impatient.
M. BELLEMARE: Vous l'avez dit une fois, deux fois, trois fois.
M. BOURASSA: Pardon?
M. BELLEMARE: C'est la quatrième fois que vous nous le dites.
M. BOURASSA: Ce n'est pas la quatrième fois que je donne ces
exemples-là; c'est la première fois. Le ministre était
absent; il ne peut pas dire si je répète ou non. Ce sont des
propositions que je fais pour la première fois.
M. ROY: Encore une fois, la réplique au député de
Lafontaine. Troisième fois ou quatrième fois.
M. BOURASSA: ... Là où je répète, M. le
Président, c'est sur la nécessité de relancer
l'économie. Je me sens d'autant plus justifié à
répéter que le ministre ou son gouvernement répète
ou annonce depuis sept ou huit fois des mesures qui sont essentielles et qu'il
n'applique même pas, comme le Centre de recherche industrielle, le Centre
de recherche minérale, une politique de l'énergie et l'Office de
développement. Je pense que je suis autant justifié à
répéter l'importance de ces mesures que le gouvernement l'est,
lui, à répéter l'annonce de leur réalisation qui se
fait encore attendre.
Quand on a une augmentation du chômage de 30%, je pense qu'il est
normal, pour les députés de l'Opposition et surtout pour ceux qui
ont une responsabilité en matière économique, d'insister
aussi fermement que possible sur la nécessité d'une politique
vigoureuse et concrète. Or, tant dans le domaine linguistique que dans
le domaine économique les deux priorités actuelles du
Québec on doit constater, si on examine le bilan, l'immobilisme
du gouvernement.
Alors, M. le Président, je conclus que, pour arriver à
apporter une solution à la croissance extrêmement rapide des
dépenses de bien-être social, il y a deux solutions: une
efficacité accrue sur le plan administratif - nous entendrons
tantôt le ministre du Bien-Etre social sur les mesures qui seront prises
à cet effet et une politique économique qui tienne compte
des priorités actuelles du Québec.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Famille et du Bien-Etre
social.
M. CLOUTIER: Je vais tenter de résumer le plus brièvement
possible mes remarques. Vous comprendrez que ce n'est pas facile, étant
donné que c'est un sujet extrêmement vaste, extrêmement
complexe, et qui demanderait évidemment que j'élabore assez
longuement sur certains points particuliers. De toute façon, je tenterai
de m'en tenir aux aspects qui ont été soulevés. Je
tenterai de répondre particulièrement aux questions posées
directement dans les interventions des trois membres de l'Opposition, questions
directes ou questions que laissent supposer les observations qu'ils ont
faites.
D'abord, je voudrais noter tout de suite que mes remarques seront faites
comme d'habitude en dehors de toute partisanerie. C'est également je
crois, le caractère qu'ont voulu donner à leurs remarques aussi
les trois députés qui ont pris la parole avant moi. Je note,
comme d'habitude évidemment avec plaisir, la gentilhommerie du
député de D'Arcy-McGee. En termes de sport, on pourrait dire
qu'il lance mais qu'il retient son lancer. De toute façon, il est un
concurrent très sérieux au trophée Lady Bing. Le
député de D'Arcy-McGee a raconté les déclarations
que j'aurais faites, relativement à la Loi d'aide sociale. Il a
insisté, il a voulu faire ressortir, je pense bien, le caractère
urgent de cette loi-cadre d'aide sociale. Je ne nierai pas que c'est une
législation extrêmement importante. Elle a demandé de la
part du ministère de la Famille, de la part de nos officiers, elle
demande encore du travail, elle demande de la discussion et elle demande de la
consultation.
II est exact qu'à certains moments, on l'adit quatre fois, je
pense qu'on peut se résumer à deux sessions, il est exact que,
dans des interventions publiques en Chambre et en dehors de cette Chambre, j'ai
manifesté un désir très vif pour que cette loi soit
introduite ici à l'Assemblée législative. Je n'ai pas
l'intention de tenter de justifier les événements qui m'ont
amené à différer la présentation de ce projet de
loi. Je voudrais seulement insister sur certains aspects particuliers qu'on ne
doit pas oublier, et sur lesquels j'ai déjà eu l'occasion
d'élaborer lors de conférences de presse. Je voudrais revenir
particulièrement aux aspects suivants: C'est qu'au cours de nos travaux
de réorganisation du ministère de la Famille et du Bien-Etre
social, au cours de nos travaux de restructuration du ministère, au
cours de cette opération de régionalisation, nous nous sommes
aperçus que, pour mettre en place et que pour administrer une loi aussi
importante, une loi qui a des implications tellement importantes et du point de
vue financier, et du point de vue économique et du point de vue social,
il nous fallait nous assurer que nous avions réellement des
mécanismes administratifs étanches, bien établis. Il nous
fallait un personnel de qualité, bien entraînê, plus
nombreux, bien formé. Il nous fallait établir, dans chaque
région, des points de service que nous avons identifiés et qui
sont au nombre de 67 bureaux locaux et de 10 bureaux régionaux. Nous
nous sommes basés en cela sur la carte administrative de la
province.
On se rend compte, avec tout ce que cela suppose de communications
à l'intérieur du gouvernement, avec la Fonction publique, pour le
recrutement, l'entraînement à la sélection et à la
formation de ce personnel, avec le Conseil de la trésorerie et la
direction des effectifs, de ce que cela suppose d'effectifs nouveaux. On sait
que cela représente avec l'intégration, le personnel que nous
irons chercher dans les agences sociales, et le personnel nouveau que nous
recrutons à partir de concours et celui que nous allons recruter dans
les promotions de CEGEP, cela représente dis-je, 500 nouveaux agents de
sécurité sociale. Ajoutez à cela les autres
mécanismes de coordination et de gestion centrale, vous pouvez vous
imaginer, et j'allais oublier évidemment tout cet aménagement
physique de 77 bureaux, avec la collaboration du ministère des Travaux
publics, vous vous imaginez quelle opération d'envergure cela
représente.
Ce qui a davantage arrêté notre attention, c'est ce besoin,
cette importance de posséder, dans ce domaine de la distribution, des
sommes qui totalisent, dans l'assistance-chômage seulement, $160 millions
avec ces sommes supplé- mentaires, et au delà de $200 millions,
si on ajoute toutes les autres prestations qui sont distribuées.
Pour des sommes aussi importantes, il est essentiel que nous ayons des
mécanismes de distribution complètement étanches,
où la fraude, où la mauvaise distribution seront exclus. Non
seulement cela. Il nous faut en même temps avoir des mécanismes de
prévention et de réhabilitation. On sait l'Incitation, pour une
certaine classe de la population, que ce soient des handicapés
physiques, des handicapés mentaux, que cette dépendance sociale
soit occasionnée par d'autres problèmes, comme celui, le plus
courant, du chômage. H est important que nous ayons en même temps
l'établissement de mécanismes, d'abord de prévention et de
réhabilitation avec les autres ministères du gouvernement. C'est
pourquoi j'ai sensibilisé à diverses reprises, et encore durant
toute l'année 1968, mes collègues du cabinet, mes
collègues des autres ministères, particulièrement les
ministères à vocation économique, sur l'importance qu'il y
avait pour eux de travailler en étroite collaboration avec le
ministère de la Famille. Je vous donnerai quelques exemples.
Nous avons, avec le ministère du Travail et le ministère
de l'Education, il y a plusieurs mois, il y a de cela près d'un an, mis
en place un comité spécial à l'échelon
ministériel. Les trois ministres se sont rencontrés avec des
fonctionnaires pour établir tout ce mécanisme de coordination
entre nos trois ministères, pour la formation, particulièrement,
de ceux qu'a nommés le député de Mercier, les
célibataires de 18 à 35 ans, afin de les faire déboucher
autant que possible sur ces programmes de formation professionnelle. C'est un
exemple.
Nous avons mis en place d'autres mécanismes de coordination avec
d'autres ministères. Je suis heureux de mentionner
particulièrement la collaboration que j'ai reçue du
ministère des Terres et Forêts. A la suite de ces projets pilotes
qui ont été amorcés, nous avons cette année
donné plus d'envergure à ce programme. Il fonctionne maintenant
dans le territoire de l'aménagement de l'Est du Québec, en
Gaspésie et dans le bas du fleuve. Il fonctionne également dans
deux autres régions de la province. Nous comptons l'étendre dans
toutes les régions de la province où il y a une main-d'oeuvre qui
peut être récupérée pour ce travail de sylviculture
et de reforestation. Nous espérons, par l'entente que nous avons conclue
avec le gouvernement fédéral, en vertu du régime canadien
d'assistance publique, la partie trois, nous comptons, dis-je, être en
mesure de détourner ces sommes que nous versions
en allocations du bien-être social, en assistance-chômage et
partagées avec le fédéral à 50% maintenant pour
donner des salaires à ceux qui vont faire ce travail de reforestation et
de sylviculture.
En plus de la revalorisation que nous donnons à ces ouvriers,
autrefois ouvriers de la forêt ou ouvriers fermiers, Je pense que nous
pourrons leur faire acquérir aussi, en les faisant déboucher sur
ces programmes de formation professionnelle, un métier afin qu'ils ne
soient plus des assistés sociaux mais des gens qui auraient
réintégré le marché normal du travail.
Avec d'autres ministères, avec le ministère de l'Industrie
et du Commerce, nous avons également pour les pêcheurs,
particulièrement au moyen de subsides de la part du ministère de
l'Industrie et du Commerce, de primes plus généreuses, d'un
système d'encouragement à ce qu'ils exercent leur métier,
empêché des centaines d'entre eux de venir sur nos listes
d'assistés, leur permettant plutôt de faire un travail utile, un
travail rémunérateur.
Voilà brièvement ce que nous avons fait avec quelques-uns
des ministères seulement, parce qu'il y en a d'autres. J'aurai
l'occasion, plus tard au cours d'autres interventions, notamment au cours de
l'étude des crédits, l'an prochain, d'expliquer en détail
toute l'importance que nous attachons, au ministère de la Famille et du
Bien-Etre social, à ces mécanismes de réhabilitation et de
retour à la vie normale.
On s'interroge, dans le domaine de l'assistance sociale, sur un autre
aspect important du problème: l'augmentation du nombre
d'assistés. Sans entrer dans des considérations techniques comme
l'analyse de toutes les sortes de chômage, sans entrer dans des
considérations trop économiques je pense pas que ce soit
le rôle du ministre cet après-midi d'intervenir
spécialement dans cette dimension du problème, même s'il me
préoccupe de façon particulière je vous dirai qu'il
y a des raisons très faciles à identifier expliquant cette
augmentation très importante du nombre des assistés.
Il y a d'abord tous ces métiers et professions qui disparaissent.
Il y a un nombre important de cultivateurs qui, à venir jusqu'à
récemment, travaillaient sur des terres à revenu marginal et qui,
devant l'insuffisance des revenus, ont abandonné cette vocation, n'ayant
comme seule ressource que cette assistance publique, cette assistance
sociale.
Il y a des métiers de la forêt qui disparaissent à
la suite de l'Industrialisation, des changements technologiques. Il y a des
métiers de la pêche qui disparaissent également et qui font
s'allonger de plus en plus le nombre d'assistés sociaux sur nos
listes.
Il y a aussi la disparition de certains programmes, et je voudrais
mentionner le plus important. Récemment, le gouvernement
fédéral a annoncé la disparition du programme de travaux
d'hiver. On avait habitué jusqu'alors des centaines et des centaines de
travailleurs à bénéficier de ces programmes. Sans aucun
avertissement, sans aucune formule de remplacement valable, si ce n'est le fait
qu'on a invoqué que c'était remplacé par des programmes
d'aménagement régional et des programmes de formation
professionnelle. On a aboli ce programme et maintenant, des centaines de
travailleurs qui auraient trouvé du travail en vertu de ces programmes
deviennent par la force des choses des assistés sociaux.
Je ne veux pas porter de jugement sur la valeur de ces programmes de
travaux d'hiver.
J'ai été l'un de ceux qui, ayant travaillé
longtemps au niveau municipal, un de ceux qui se sont posé des questions
sur l'utilité et les améliorations désirables à ce
programme de travaux d'hiver. Mais c'est un fait que sa disparition nous
l'avons constaté au ministère de la Famille a
contribué à augmenter le chômage.
Tout à l'heure, le député de Mercier a parlé
aussi d'autres incitations telles que l'assistance médicale. Evidemment,
là aussi, c'est un autre facteur qui s'ajoute, facteur d'incitation,
pour une certaine partie de la population, à requérir des secours
et des prestations d'assistance-chômage ou d'allocations
catégorisées.
M. le Président, évidemment je ne pense pas qu'aujourd'hui
on puisse le faire, je ne veuxpas entrer dans ces discussions d'assistance
médicale, d'assurance-maladie. Notre position là-dessus est bien
connue. Il y aura lieu prochainement de répéter la position ou
les principes qui nous guident ici dans le Québec à
l'égard de ces programmes qui ont été lancés par un
autre ordre de gouvernement. Mais il reste un fait: avant d'élargir un
programme d'assistance médicale, avant d'inaugurer un programme
d'assurance-maladie, quel qu'il soit, même selon la position que j'ai
exprimée maintes fois, par étapes, avant d'Instaurer
également un régime d'assistance-médicaments qui viendrait
compléter un régime d'assistance médicale, je ne crois pas
qu'on puisse oublier que, là aussi, en posant ce geste, il y a là
davantage une incitation pour une autre partie de la population, à
recourir à l'assistance du ministère. Je parle de ceux qui ne
sont pas des assistés sociaux, mais qui sont juste au-dessus de la
barre, ceux qui sont considérés comme des marginaux. Il y
aura là une incitation avec cette législation d'assistance
médicale, devant cette législation
d'assistance-médicaments, il y aura une incitation encore accrue et
considérable à s'inscrire sur des listes d'assistés
sociaux. Je ne pense pas qu'on puisse poser ce geste d'instaurer un
système d'assistance-médicaments en le dissociant d'une mesure
d'assurance-maladie. Je pense que l'étape de l'assurance-maladie ou de
l'assistance-médicale élargie qui va venir aider une autre partie
de la population, pourra être accompagnée à ce
moment-là d'une mesure d'assistance-médicaments. Je pense qu'il y
a, comme on dit dans un langage bien imagé, un timing, c'est
l'expression du ministre du Travail, son expression favorite... un timing dont
nous devons tenir compte.
Le député de Mercier a soulevé la question des
fraudes, M. le Président, vous comprendrez que c'est un sujet
extrêmement délicat. Je pense que l'Opposition ne peut pas me
faire le reproche d'être assez prudent dans les déclarations que
je dois faire à ce moment-ci, étant donné cette vaste
opération que nous avons commencée il y a déjà
plusieurs mois, plus précisément l'an dernier, au
ministère de la Famille, alors que nous avons mécanisé
pour les fins des allocations familiales et que nous avons aussi entrepris de
mécaniser et de moderniser l'administration en vue de la loi d'aide
sociale. Nous nous sommes rendu compte à ce moment-là de
certaines irrégularités, En fouillant davantage, en accentuant
l'importance de cette opération-enquête, nous avons
découvert et maintenant c'est public ce que je peux
qualifier d'un réseau organisé de fraudes dans le domaine du
bien-être social.
Ce que l'on sait actuellement, les arrestations que l'on a vues et les
sanctions qui ont été prises peuvent nous faire croire qu'il y
avait un lien entre ces différents individus. C'est dans ce
sens-là que je dis que c'était identifié dans ce bureau
local que l'on connaît. Il y avait un système qui tendait de plus
en plus à se généraliser. Nous sommes intervenus. Nous
avons confié au ministère de la Justice les résultats de
nos propres enquêtes et le ministère de la Justice a imposé
les sanctions qui s'imposaient.
Nous avons étendu cette opération d'investigation à
toute la province. Je peux vous dire que, dans ce domaine-là, des
dossiers ont déjà été transmis au ministère
de la Justice et que d'autres seront transmis. Dans tous les cas, les sanctions
seront exercées. Il faut bien distinguer entre deux sortes
d'activités. Il y a la fraude directe, mais il y a aussi cette
activité des assistés sociaux qui, par des déclarations
plus ou moins exactes, par des revenus non déclarés
revenus du travail ou autres ne se conforment pas aux lois dans le
domaine de l'assistance sociale. Alors, c'est dans ce sens qu'il y a deux
séries de fraudes bien distinctes.
Je l'ai déclaré déjà, nous irons au bout de
cette opération extrêmement importante qui fait partie de toute
l'implantation de ce réseau de bureaux et qui fait partie
également de la mécanisation et de la régionalisation. De
cette façon, les sommes importantes que nous pourrons
récupérer et que nous n'aurons pas besoin de distribuer pourront
servir à verser des allocations plus généreuses à
ceux qui en ont véritablement besoin.
Le député de Mercier m'a demandé quelles
étaient les statistiques quant aux célibataires de 18 à 30
ans. En janvier 1968, d'après les statistiques que j'ai ici, il y en
aurait eu 14,000 dans toute la province, qui retiraient des
bénéfices de l'assistance-chômage. Je veux répondre
aux questions plus précises que m'a posées le
député, en lui disant que le conseil des ministres a
accepté de prendre des mesures spéciales en ce qui concerne ce
secteur de nos assistés sociaux.
Il est plus difficile, pour eux, d'accéder aux allocations
d'assistance-chômage. D'abord, ils ne doivent posséder aucun bien,
aucun argent, alors que d'autres personnes peuvent posséder $200. Les
célibataires de 18 à 30 ans ne doivent avoir aucun montant
d'argent en leur possession.
M. BOURASSA: C'est une directive du ministère?
M. CLOUTIER: C'est une directive du conseil des ministres,
approuvée par un arrêté en conseil. Deuxièmement,
les célibataires âgés de 18 à 30 ans doivent se
prévaloir de tous les mécanismes de formation professionnelle.
Ils n'ont pas le choix entre utiliser ou ne pas utiliser les mécanismes
de réadaptation à leur disposition. Quand ils soumettent une
demande dans les bureaux locaux, il y a une formule qui s'en va au centre de
main-d'oeuvre fédéral et au centre de main-d'oeuvre provincial,
de sorte que, s'ils refusent un emploi, tout de suite, l'allocation est
enlevée automatiquement.
Il y a également, M. le Président, une différence
d'allocation. Ils ont des allocations moins généreuses que les
célibataires de plus de 30 ans ou les gens qui ont des familles ou qui
ont charge de famille. Voilà, M. le Président, les mesures que
nous avons prises dans le cas de ces assistés sociaux de 18 à 30
ans, afin de leur faciliter le retour à la vie normale et l'utilisation
des mécanismes de réhabilitation!
De plus, et je pense que c'est un aspect important que je dois
souligner, en attendant notre
loi-cadre d'aide sociale, le conseil des ministres a adopté des
mesures intérimaires, des mesures qui vont coordonner les allocations
actuellement distribuées, qui vont coordonner les normes en vertu
desquelles toutes ces allocations sont actuellement distribuées. Ces
normes intérimaires, qui coincident avec l'ouverture des 67 nouveaux
bureaux, et qui sont une étape intermédiaire entre la situation
actuelle et la situation qui existera avec la nouvelle loi d'aide sociale, ont
donc pour but de rationaliser les prestations versées, d'uniformiser les
critères. Je pense que c'est une étape importante sur laquelle,
jusqu'à maintenant je n'avais pas eu l'occasion d'élaborer. Je le
fais cet après-midi, et j'aurai plus tard l'occasion de donner des
observations additionnelles sur l'importance de cette opération.
M. le Président, je ne sais pas si les membres de l'Opposition,
les trois députés qui sont intervenus dans ce débat,
voudraient que j'explicite davantage ou voudraient que je traite d'autres
aspects en particulier.
M. LESAGE : J'ai une question à poser.
M. CLOUTIER: Je voudrais aussi répondre au député
de Jonquière qui a soulevé un problème particulier. Je
veux l'assurer que je m'intéresserai de façon particulière
à ce problème. Nous aurons, les ministères des Richesses
naturelles et de la Famille, cette coordination qui nous permettra
d'étudier ce problème particulier qu'il a soulevé, ce
mécanisme de coordination, comme j'en ai créé avec la
collaboration de mes collègues, avec les Terres et Forêts, avec le
Travail et le ministère de l'Education. Je vois que le chef de
l'Opposition a une question.
M. LESAGE: Oui, j'ai une question. Je ne sais pas si le ministre de la
Famille et du Bien-Etre l'a mentionné tout à l'heure. J'ai
dû m'absenter de la Chambre pour étudier des modifications
apportées par le Conseil législatif à deux projets de loi.
Quel est le nombre de récipiendaires d'assistance-chômage et
d'assistance publique à domicile? Je réfère à
l'article que nous étudions.
M. CLOUTIER: Au total, ou les célibataires de 18 à 30
ans?
M. LESAGE : Non. Quel est le nombre total des récipiendaires
d'allocations d'assistance-chômage et d'assistance publique?
M. CLOUTIER: Le ministre des Finances, je pense, a donné le
chiffre, en 68/69: 158,000, si ma mémoire est bonne. En vertu de
l'assistance- chômage...
M. LESAGE: A quelle date cela?
M. CLOUTIER: C'est la moyenne que le ministre des Finances a
donnée pour 68/69.
M. LESAGE: Quelle était la moyenne pour l'année
précédente?
M. CLOUTIER: Pour 68/69, en juin, j'ai ici un tableau qui me donne les
bénéficiaires d'assistance-chômage, mais ce sont ceux qui
sont invalides pour 12 mois et moins : il y en a 104,684. Le chef de
l'Opposition veut savoir pour l'année précédente, en
67/68?
M. LESAGE: Le mois de juin ne m'intéresse pas
particulièrement. Quel était le nombre de récipiendaires
d'assistance-chômage et d'assistance publique au mois d'octobre 1968?
Quel était le nombre des mêmes assistés pour le mois
d'octobre 1967.
M. CLOUTIER: Je n'ai pas le chiffre du mois d'octobre 1968.
M. LESAGE : Quel est le dernier chiffre connu?
M. CLOUTIER: Bien le dernier que le ministre des Finances a
donné, c'est le chiffre de $158,000 qui correspond au chiffre
demandé, et le chiffre sur le budget principal est le chiffre du budget
supplémentaire. Cela c'est l'assistance-chômage. Mais ce que le
chef de l'Opposition veut avoir, c'est une comparaison.
M. LESAGE: Un instant. Le 158,000, c'est la moyenne de l'année
ça.
M. CLOUTIER: C'est la moyenne de l'année.
M. LESAGE: Bien, pour l'année précédente, quelle
est la moyenne? Je veux savoir quelle est l'augmentation dans douze mois, c'est
aussi simple que ça.
M. CLOUTIER: Je n'ai pas un tableau ici. Je voudrais que le chef de
l'Opposition me comprenne bien. Je n'ai pas un tableau qui me donne globalement
les statistiques qui correspondent à ce que le ministre des Finances a
données. Je vais lui donner ici la répartition
des bénéficiaires d'assistance-chômage pour les
aptes et inaptes au travail pour moins de douze mois. C'est parce qu'il y a
deux groupes, que je vais vous donner...
M. LESAGE: Je le sais, je ne demande pas de division. Je demandais une
comparaison sur une base annuelle: c'esttout. Ce qui arrive, c'est que ces deux
articles: allocations d'assistance à domicile aux personnes employables
et aux personnes non employables, c'est la division évidemment que fait
le ministre dans le moment, pour l'année financière 1966/67,
d'après les comptes publics, le paiement total a été de
$80,529,830.34; pour l'année 1967/68, les prévisions
budgétaires, plus un mandat spécial, s'élèvent
à $117,375,000, c'est-à-dire une augmentation de $37 millions en
1967/68 par rapport à 1966/67, et jusqu'à maintenant, sans
compter la prévision additionnelle de $8 millions à $9 millions
que m'a mentionné le ministre des Finances, il y a $154,700,000 de
prévu, ce qui fera au-delà de $160 millions, probablement $162
millions, ce qui veut dire une augmentation encore cette année de $45
millions, alors que nous avions eu une augmentation de $31 millions
l'année dernière.
M. le Président, c'est joliment inquiétant...
M. CLOUTIER: Voici, M. le Président...
M. LESAGE: C'est pour ça que j'étais
intéressé à connaître le nombre de
récipiendaires, pour savoir s'il y avait seulement le nombre des
récipiendaires qui augmentait ou bien si les allocations augmentaient,
ou encore il y avait... Je pense que le ministre comprend très bien le
calcul mathématique que je voulais faire.
M. CLOUTIER: Il y a deux causes d'augmentation, évidemment il y a
le nombre de bénéficiaires et il y a aussi le taux moyen des
prestations...
M. LESAGE: Oui, d'accord.
M. CLOUTIER: Voici, si le chef de l'Opposition me permet, disons en juin
cette année, en juin 1968, il y avait 136,209 en vertu de ce
programme-la dont on parle, et au mois de juin l'an dernier, il y avait
86,209.
M. LESAGE: Augmentation de 30,000.
M. CLOUTIER: Il y a une augmentation de 50,000.
M. LESAGE: Cinquante mille? M. CLOUTIER: Cinquante mille.
M. LESAGE: Ce sont les employables ou les non employables?
M. CLOUTIER: Ce sont les assistances-chômage, ce sont les non
employables et les employables, c'est le tableau complet.
M. LESAGE: Les deux groupes? M. CLOUTIER: Les deux.
M. LESAGE: Une augmentation de 50,000 récipiendaires...
M. CLOUTIER: Une augmentation de 50,000... M. LESAGE: ... de juin 1967
à juin 1968.
M. CLOUTIER: Oui. L'augmentation la plus spectaculaire, M. le
Président, c'est à Montréal.
M. LESAGE: Oui, c'est à Montréal. Cela je pense bien que
c'est... Oui.
M. CLOUTIER: Oui. Sur les 50,000, je pense que si je regardais dans mon
dossier ici, je pourrais donner au chef de l'Opposition... Je pense que
Montréal absorbe une proportion de 60% à 75% de cette
augmentation.
M. LESAGE: Je pense que le ministre comprenait très bien l'objet
de mes questions: Voyant les chiffres de la dépense réelle en
66/67, les prévisions de 67/68 et les prévisions nouvelles pour
68/69, il est clair qu'il y a, depuis 1966, une augmentation très,
très forte, d'année en année, pendant que, de 64/65
à 65/66, d'après les comptes publics, l'augmentation était
de moins de $6 millions; en 66/67 par rapport à 65/66, elle
n'était que de $9 millions. On voit le saut formidable que la
dépense a fait en 67/68 par rapport à 66/67, et maintenant, en
68/69 par rapport à 67/68.
Le chiffre d'augmentation de 50,000 en juin 1968 par rapport à
juin 1967 explique, dans le nombre des « récipiendaires »,
clairement la hausse prodigieuse des chiffres du chômage depuis que le
gouvernement de l'Union Nationale est au pouvoir.
M. CLOUTIER: Je voudrais attirer l'attention du chef de l'Opposition sur
les chiffres réels qu'il a donnés tantôt. Il y a une
correction à fai-
re dans le livre vert, qui nous a été
présenté au mois de mars 1968, aux chiffres réels de l'an
dernier. Ce sont les chiffres qui avaient été prévus. Les
chiffres réels sont beaucoup plus élevés. Les chiffres qui
ont été inscrits dans la colonne 67/68 dans le livre vert pour
l'assistance-chômage.,,.
M. LESAGE; J'ai additionné le montant prévu à un
mandat spécial.
M. CLOUTIER: Vous l'avez additionné, bon.
M. LESAGE: Oui, J'ai tout additionné. Le gouvernement ne peut pas
dépenser d'argent en dehors de ce qui est prévu dans le budget
principal, dans les budgets supplémentaires et dans les mandats
spéciaux. Or, j'ai tout additionné ça. Il peut
peut-être y avoir un montant qui a été puisé dans le
fonds de secours de $1.5 million mais ce serait négligeable si on le
compare au chiffre global de $117,375,000, qui est l'addition de tout ce que Je
viens de mentionner.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Législation. Poste 3.
M. BELLEMARE: Vous avez passé votre petit fion.
M. LESAGE: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Poste 8.
M. LESAGE: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté également. Terres et forêts,
poste 6.
M. LESAGE: Cela fait un montant global de $815,000 pour les incendies de
forêt et la protection des forêts. Quelle est la comparaison avec
les chiffres antérieurs?
M. DOZOIS: L'an dernier Je ne sais pas exactement. Je vais regarder. La
protection des forêts?
M. LESAGE: Oui, c'est ça. Chaque année, d'ordinaire, c'est
couvert par un mandat spécial à l'automne et étant
donné que nous sommes en session, ça doit être dans le
budget supplémentaire.
M. DOZOIS: L'an dernier, on a dépensé $1,616,000, du moins
cela a été voté en 1967-1968. Cette année, il y
avait un crédit de $2,070,000.
M. LESAGE: A la protection?
M. DOZOIS: Au Service de la protection forestière.
M. LESAGE: Combat des incendies, poste 10.
M. DOZOIS: Les incendies mêmes! Je ne sais pas si c'est I part, un
instant.
M. LESAGE: N'est-ce pas $500,000? C'est le poste 6, division 10. Je
pense que c'est $500,000.
M. DOZOIS: Oui, c'est $500,000.
M. LESAGE: Alors, ceci fait $815,000. Je voulais savoir comment cela se
compare avec l'année dernière.
M. DOZOIS: Cela va faire $815,000 de votés pour cette
année. Je ne sais pas quelle a été la dépense l'an
dernier.
M. LESAGE: La dépense de l'an dernier, parce que dans la
colonne...
M. DOZOIS: Dans la colonne de crédit de l'an dernier c'est...
M. LESAGE: Je comprends mais les mandats spéciaux ne sont pas
mentionnés.
M. DOZOIS: Je sais qu'il y a eu un budget supplémentaire l'an
dernier.
M. LESAGE: Oui, un mandat spécial. Je ne me souviens pas du
montant.
M. DOZOIS: Si on veut suspendre la question, Je vais m'informer.
M. LESAGE: Non, je regarderai. J'aurai ça dans les comptes
publics.
M. DOZOIS: II y a eu des incendies et nous les avons éteints.
M. LESAGE: Le gouvernement n'allume pas beaucoup d'incendies à la
vitesse qu'il va.
M. DOZOIS: Cela fait une semaine que nous essayons d'éteindre le
feu de l'Opposition.
M. LESAGE: Adopté. L'autre poste. M. LE PRESIDENT: Poste 6
adopté.
M. LESAGE: Je ne comprends pas très bien pourquoi la commission
Dorion coûte plus cher cette année qu'elle a coûté
l'an dernier.
M. DOZOIS: C'est que son mandat a été prolongé.
M. LESAGE: Pourquoi ça coûte plus cher quand le mandat est
prolongé que quand il ne l'est pas?
M. DOZOIS: Pour payer les dépenses suscitées par la
prolongation du mandat de la commission du 30 juin 1968 au 30 juillet 1969, en
vertu de l'arrêté en conseil...
M. LESAGE: Comment est-ce que ça se fait que ça
coûte plus cher cette année que l'an dernier?
M. DOZOIS: Je ne sais pas. Nous pouvons suspendre la question et on
pourrait...
M. LESAGE: Il me semble que le ministre aurait pu être ici pour
nous donner.
M. BELLEMARE: Oui, oui, il doit être ici.
Il a passé l'après-midi ici.
M. LESAGE: Alors, suspendons, on a peut-être une chance qu'il
revienne. Travauxpublics.
M. LE PRESIDENT: Travaux publics.
M. LESAGE: La seule explication que... la prévision, c'est
$3,180,000, je crois, au budget supplémentaire?
M. RUSSELL: Oui, il y a $3,180,000 de prévus.
M. LESAGE: Pourquoi un tel saut de $l million au service
téléphonique?
M. RUSSELL: Le montant additionnel est d'abord l'augmentation des appels
téléphoniques, interrurbains et autres. Il y a aussi des
installations qui n'étaient pas prévues telles que le
réseau de radio-téléphone dans le bas du fleuve, pour la
justice, qui coûte un montant de $250,000.
M. LESAGE: C'était ça, alors il est installé?
M. RUSSELL: Il est installé, il est en opération.
M. LESAGE: Pour la Sûreté provinciale?
M. RUSSELL: Oui.
M. LESAGE: Pour la Sûreté du Québec.
M. RUSSELL: La police provinciale. Maintenant, il y a un montant de
$200,000, c'est une entente que nous avons avec le Bell
Téléphone... Pardon?
M. PINARD: Ce n'est pas la police nationale? M. RUSSELL: La police? M.
LE PRESIDENT: Adopté. M. PINARD: La police nationale.
M. RUSSELL: Je ne sais pas si cela va être nationale ou
internationale...
M. LE PRESIDENT: Alors, il y a un poste en suspens. D,
M. RUSSELL: Il y a $200,000 pour l'entente que nous avons faite avec le
Bell Téléphone pour l'opération des consoles et d'autres
installations qui n'étaient pas prévues, installations à
l'Education, pour les écoles régionales qui sont sur notre
réseau et qui coûtent $110,000 annuellement. Il y a plusieurs
autres transferts d'installations qui, dans le passé, étaient
payées à même les autres ministères. Aujourd'hui,
elles sont défrayées par le ministère des
Travauxpublics.
M. LESAGE: Cela coûte plus cher, quand c'est le ministre des
Travaux publics qui défraie le coût.
M. RUSSELL: Non, cela coûte plus cher aux Travaux publics...
M. LESAGE: ... il prend une commission.
M. RUSSELL: ... parce que cela apparaît aux Travaux publics.
M. LESAGE: Je comprends.
M. RUSSELL: Anciennement, celaapparais-sait dans les autres
ministères. Actuellement, au fur et à mesure que l'on fait de
nouvelles installations, c'est contrôlé par les Travaux
publics.
M. LESAGE: Quand l'argent change de poches, il s'en perd en chemin.
M. RUSSELL: Pardon?
M. LESAGE: Quand l'argent change de poches, il s'en perd en chemin.
M. RUSSELL: Cela change de ministère. J'espère qu'il y
aura un meilleur contrôle. Nous espérons établir un
meilleur contrôle, surtout à partir du 20 janvier prochain.
M. LE PRESIDENT: Adopté? M. BELLEMARE: Adopté.
M., LESAGE: Le ministre des Terres et Forêts n'est pas ici, alors,
je regarderai dans les comptes publics.
M. LE PRESIDENT: Adopté?
M. BELLE MARE: On vous donnera la réponse tout à
l'heure.
M. LE PRESIDENT: Poste budgétaire 11, adopté aussi, aux
Terres et Forêts.
M. BELLEMARE: Adopté! M. le Président fait rapport.
M. FRECHETTE (président du comité plénier): M. le
Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que le comité a
adopté les résolutions.
M. LEBEL (président): L'honorable ministre des Finances propose
que les résolutions soient maintenant lues et agréées.
Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. BELLEMARE: Bill...
M. LESAGE: Un instant. Sur la motion d'adoption... ah! il y a un
bill?
M. DOZOIS: Il y en a un de présenté en première,
deuxième et troisième lectures.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
Comité des voies et moyens
M. LESAGE: Sur la motion pour aller en comité des voles et
moyens, le député de Drummond a une question à poser.
M.DOZOIS: Très bien.
M. PINARD: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances propose que la
Chambre se forme en comité des voies et moyens. Cette motion sera-t-elle
adoptée?
M. PINARD: La première de mes questions.
Je voudrais savoir si les députés auront avant la
prorogation de la présente session le rapport Vandry, qui est une
étude sur le transport et les communications pour le Québec
métropolitain, étude qui a été commandée par
l'ancien gouvernement, qui a été poursuivie par le gouvernement
actuel et qui va coûter autour de $700,000.
Les journaux nous apprennent que le ministre de la Voirie donne
aujourd'hui une conférence de presse à ses bureaux pour rendre
officiel le contenu du rapport Vandry. Or, il nous avait fait la promesse
formelle, après de multiples interventions de la part des
député de l'Opposition, que ce rapport Vandry serait rendu
officiel, mais devant la Chambre.
Nous apprenons encore une fois de plus que les députés
sont lésés dans leurs droits fondamentaux et qu'ils ne pourront
prendre connaissance du contenu du rapport Vandry.
M. DOZOIS: M. le Président...
M. LESAGE: Le député a certainement le droit de se
plaindre.
M. DOZOIS: Je comprends, mais il est en train de porter une accusation.
La raison est bien simple, c'est que c'est au cours de cet après-midi
que les ingénieurs on remis au ministre de la Voirie le rapport en
question.
M. LESAGE: C'est tout arrangé, ça, comme d'habitude.
M. DOZOIS: Le ministre, j'imagine, va prendre les moyens pour en faire
parvenir incessamment des copies à tous les députés.
UNE VOIX: C'est ça.
M. PINARD: M. le Président, j'accepterais l'explication qui vient
d'être fournie par le ministre des Finances s'il était vrai que
les députés de l'Opposition n'avaient pas prévu la
manoeuvre dont je viens de parler. A de multiples occasions, j'ai
demandé au ministre de la Voirie et au premier ministre de nous donner
l'assurance que le rapport Vandry serait déposé devant cette
Chambre afin que les députés prennent connaissance de son
contenu.
M. DOZOIS: Il ne l'a pas reçu.
M. PINARD: M. le Président, la manoeuvre est assez grosse pour
qu'on la voie.
M. DOZOIS: Ah, je ne sais pas si le député...
M. PINARD: C'est une autre des nombreuses études
commandées par le gouvernement qui sera rendue publique avant que les
députés n'en prennent connaissance.
M. DOZOIS: C'est trop bas de nous prêter des motifs pareils.
M. PINARD: Je trouve que c'est la preuve additionnelle que les
députés sont lésés dans leurs droits fondamentaux.
Ils doivent être les premiers informés en cette Chambre.
DES VOIX: A l'ordre! M. MASSE: A l'ordre!
M. DOZOIS: Il prétend que c'est une affaire organisée.
M. LESAGE: Certainement.
M. DOZOIS: On nous prête des motifs, M. le Président.
M. LESAGE: C'est cousu de fil blanc.
M. BELLEMARE: M. le Président...
M. DOZOIS: Si vous voulez faire rapport...
M. LE PRESIDENT: Est-ce que laformation du comité des voies et
moyens est adoptée?
Adopté.
Il est aussi inscrit que le comité s'est formé et que le
président a fait rapport.
Est-ce qu'il y a consentement unanime pour la troisième
lecture?
De consentement unanime, le ministre des Finances propose la
troisième lecture...
M. DOZOIS: Première, deuxième et troisième
lectures.
M. LE PRESIDENT: ...du bill 297. Cette motion sera-t-elle
adoptée? Adopté.
Messages du Conseil législatif
M. LE PRESIDENT: La Chambre me permettra de communiquer des messages
reçus du Conseil législatif. « Conseil législatif,
le 18 décembre 1968.
Le Conseil législatif informe l'Assemblée
législative qu'il a voté avec des amendements qu'il la prie
d'agréer le bill suivant:
Bill no 96 intitulé Loi du notariat. »
Attesté Léonard Parent greffier associé du Conseil
législatif. » « Le Conseil législatif informe
l'Assemblée législative qu'il a voté avec des amendements
qu'il la prie d'agréer le bill suivant:
Bill no 289 intitulé: Loi modifiant la loi des
établissements industriels et commerciaux. »
Attesté Léonard Parent greffier associé du Conseil
législatif. »
M. BELLEMARE: M. le Président, dans l'amendement je pense...
M. LESAGE: Pour le notariat, le bill 96, j'ai lu les amendements.
D'accord.
M. BELLEMARE: C'est très facile, M. le Président, il
s'agit simplement d'ajouter « les biens déclarés
insaisissables ».
M. LESAGE: Il y a plus que ça, mais je suis d'accord.
M. LE PRESIDENT: Ces amendements sont-ils agréés?
Agréés.
M. BELLEMARE: Lebill289, c'est un amendement de concordance pour rendre
service...
M. LESAGE: Non. Ce n'est pas de concordance.
M. BELLEMARE: ... à ceux qui ont une production en chaîne
et qui, lors de l'adoption de l'amendement dans la loi des
établissements commerciaux, se sont sentis lésés par
l'application des 48 heures. Alors, nous avons rencontré, à la
demande du chef de l'Opposition, ces honorables messieurs. Ils nous ont
convaincus du bien-fondé de leurs justes représentations. Alors,
nous avons mis neuf heures au
lieu de huit heures. Au lieu de 48 heures, nous avons permis une
production de 54 heures. M. le Président, nous avons aussi dit que la
journée de travail, au lieu de commencer, tel que
spécifié, à 6 heures, commencera à 7 heures, mais
qu'elle se terminera, au lieu de 5 heures, à 6 heures. Ceci pour
permettre la production en chaîne. L'article 7 est aussi modifié,
Dans la troisième ligne de l'alinéa, le mot 48 heures est
remplacé par 54 heures, pour les quinze jours qui
précèdent les fêtes. Pour les Jeunes qui travaillaient dans
ces établissements commerciaux, nous trouvions que 65 heures,
c'était trop considérable, et nous avions mis cela à 48
heures, pour faire un peu la même concordance avec les heures de
travail.
On nous a représenté qu'entre les deux, 65 heures et 48
heures, nous pouvions peut-être aller à 54 heures, vu que c'est
pour une période bien limitée, c'est la période des
fêtes. Nous avons cru que c'était nécessaire.
M. LESAGE: Dans le cas du travail des femmes la nuit, comprenons-nous
bien, il n'y a aucune modification...
M. BELLEMARE ; Non.
M. LESAGE: En ce qui concerne les articles qui traitent du travail des
femmes la nuit, les modifications apportées par le Conseil
législatif le sont à des amendements apportés par le
ministère, mais non à la suite du rapport d'une commission
d'enquête.
M. BELLEMARE: Non.
M. LESAGE; Je veux que ce soit bien compris.
M. BELLEMARE: Oui, ce sont deux choses différentes.
M. LESAGE: Deux choses différentes.
M. BELLEMARE: D'ailleurs, je l'avais dit...
M. LESAGE: Dans le bill 289, il y avait deux genres de modifications
à apporter modifiant la Loi des établissements industriels et
commerciaux. D'abord, des modifications concernant le travail des femmes la
nuit,...
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LESAGE: ... à la suite d'une commission d'enquête. Il y
avait d'autres amendements apportés par le ministère
lui-même...
M. BELLEMARE: C'est ça, sur le travail des jeunes.
M. LESAGE: ... qui n'étaient pas à la suite du rapport
d'une commission d'enquête et qui tendaient à diminuer le nombre
d'heures de travail pour les femmes, surtout, chaque jour, et chaque
semaine.
Ce qui arrive, c'est qu'il y a des femmes qui travaillent dans des
usines où il y a production à chaîne...
M. BELLEMARE: En série.
M. LESAGE: ...il est prouvé que ces femmes ne travaillent que
cinq jours par semaine, à neuf heures, ce qui fait 45 heures, c'est
moins que les 48 heures, mais c'est réparti sur cinq jours au lieu de
six.
M. BELLEMA.RE: Cinq jours à huit heures, ça faisait 40
heures, et présentement...
M. LESAGE: Oui, et évidemment, les hommes doivent, eux,
travailler neuf heures, les spécialistes sont sur la même
chaîne. Alors, c'est pour ça que le ministre, apporte cette
modification. Nous sommes prêts. Ma seule hésitation, c'est quant
aux 54 heures, mais si c'est pour la période des fêtes
seulement,...
M. BELLEMARE: Seulement.
M. LESAGE: ... je ne puis évidemment, m'opposer. Cela permet
même aux étudiants...
M. BELLEMARE: De bénéficier.
M. LESAGE: De profiter considérablement de cette
période.
M. BELLEMARE: Ces bills-là sont renvoyés.
M. LE PRESIDENT: Ces amendements sont-ils agréés?
Agréés.
Message du Conseil législatif
M. LE PRESIDENT: Un message reçu du Conseil législatif.
« Conseil législatif, le 18 décembre 1968.
Le Conseil législatif informe l'Assemblée
législative qu'il a voté sans amendement, les bills suivants;
Bill no 56, intitulé Loi de l'enseignement privé;
Bill no 290, intitulé Loi des relations du travail dans
l'industrie de la construction;
Bill no 291, intitulé Loi modifiant la loi du salaire
minimum;
Bill no 295, intitulé Loi concernant la ville de
Montréal;
Bill no 296, intitulé Loi favorisant l'aménagement des
environs du nouvel aéroport international de la région de
Montréal.
Attesté Léonard Parent greffier associé du Conseil
législatif ».
M. LESAGE: II y a quelque chose dans le titre du dernier bill qui ne
semble pas...
M. BELLEMARE: Oui, un instant. M. LESAGE: ... correct.
M. BELLEMARE: Oui, oui. M. le Président, on n'y voit pas
l'amendement que la Chambre avait fait...
M. LESAGE: Oui.
M. BELLEMARE: ... pour faire changer les mots « favorisant
l'aménagement des environs du nouvel aéroport international
».
M. LESAGE: Le titre a été changé, ici en
Chambre.
M. BELLEMARE: Oui, oui. Nous allons téléphoner au conseil
pour voir si on a pris garde à l'erreur qui a été commise
là. L'erreur vient probablement du fait qu'ils ont copié
exactement ce qu'il y avait sur le bill.
M. DOZOIS: Pour ne pas le réimprimer.
M. LE PRESIDENT: Comme il s'agit probablement d'une erreur de copiste,
le secrétaire de l'Assemblée...
M. LESAGE: Nous allons attendre son rapport.
M. BELLEMARE: Ce matin, M. le Président, l'honorable chef de
l'Opposition m'a dit que deux questions n'avaient pas reçu de
réponse; particulièrement, celle qui a fait l'objet d'une
rectification, à la page 4457 , le mardi 3 décembre 1968, et je
cite: « M. Lesage: M. le Président, en vertu de l'article 114,
j'ai une remarque toute particu- lière à l'intention du ministre
du Travail comme leader de la Chambre. J'attire son attention sur la page 759
des procès-verbaux. Il s'agit de la séance du 27 novembre,
mercredi dernier. Question de M. Brisson: Premièrement, combien de
permis ou de licences le gouvernement a-t-il accordés à des
industries pour la fabrication de nouveaux produits, depuis le 1er janvier 1967
jusqu'au 30 septembre 1968? »
Page 760, réponse de M. Beaudry: « Le ministère de
l'Industrie et du Commerce n'accorde pas de permis ou de licence aux industries
qui fabriquent de nouveaux produits.
Or, M. le Président, ce n'est que la réponse d'un
ministère. Nous savions que le ministère de l'Industrie et du
Commerce n'accordait pas de tels permis. Mais, le ministère du Revenu en
accorde dans certains cas, de même que le ministère de
l'Agriculture et de la Colonisation, en particulier lorsqu'il s'agit de
succédanés des produits laitiers.
Alors, la réponse donnée par le ministre de l'Industrie et
du Commerce vaut pour son ministère mais ne saurait valoir pour le
gouvernement. J'attire l'attention du ministre du Travail ».
D'abord, si nous nous référons aux procès-verbaux
de l'Assemblée législative, la question posée par M.
Brisson était exactement celle-ci: « Depuis le 1er janvier 1967
jusqu'au 30 septembre 1968, quel est le nombre d'industries établies au
Québec qui ont réalisé des projets d'expansion? »
Sur cette question-là, je dis que le ministère du Revenu ne donne
aucun permis sur cela. Il y a ce qu'on appelle...
M. LESAGE: D'accord, pas besoin d'élaborer.
M. BELLEMARE: ... la taxe de vente. M. LESAGE: J'ai compris.
M. BELLEMARE: Bon, Au ministère de l'Agriculture, on pourra
fournir, en temps opportun, la liste des nouveaux produits qui ont
été mis sur le marché...
M. LESAGE: J'en prends note.
M. BELLEMARE: Ou s'ils ont connu une nouvelle expansion.
M. LESAGE : J'en prends note.
M. PINARD: La margarine colorée?
M. BELLEMARE: Je ne comprends rien.
M. PINARD: C'est la margarine colorée?
M. BELLEMARE: Quelle piste de course, dites-vous?
M. PINARD: La margarine colorée!
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, ce matin l'honorable chef
de l'Opposition m'a fait remarquer qu'il voulait... Non, pas une course; nous
allons nous entendre pour une piste d'atterrissage. Ce matin, l'honorable
député de Louis-Hébert, le chef de l'Opposition, me disait
qu'il n'avait pas eu de réponse satisfaisante dans le contrat qui avait
été accordé au Développement F rontenac
Limitée pour un montant de $58,268. Je dois lui dire ceci: Après
étude des soumissions, il faut constaté que les Constructions
Frontière Limitée, soit le plus bas soumissionnaire,
n'était pas eligible car cette entreprise ne possédait pas
l'expérience exigée en vertu des barèmes et des
réglementations du ministère de la Voirie.
Considérant que les Construction Frontière Limitée
n'ont jamais exécuté des travaux de pavage et de béton
bitumineux, je pense que le ministère était justifié de
confier ces travaux au Développement Frontenac Limitée au montant
de $58,000. Alors, c'est la réponse que je..»
M. LESAGE: Quel montant? M. BELLEMARE: $58,268.22. M. LESAGE: D'accord.
M. BELLEMARE: C'est cela.
M. LESAGE: D'accord, je ne dis pas que c'était bien de faire
cela.
M. BELLEMARE: Quant à l'autre question, le chef de l'Opposition
me dit: II y a une erreur dans votre compilation de tapis. Vous ne vous y
entendez pas trop, trop!
Le 23 octobre 1968, une réponse avait été faite par
monsieur Johnson: $76,505.64, procès-verbaux 75. Nous avons fait des
fouilles, des recherches très, très, très pressantes, en
profondeur...
M. LESAGE: C'est vrai que les tapis sont épais.
M. BELLEMARE: ... et nous avons trouvé la véritable
raison, M. le Président, parce que ces chiffres sont exacts. Ce sont les
achats qui ont été faits au Bureau des achats de la pro- vince
pour la période mentionnée entre les dates qui ont
été comprises et c'est exactement le montant de $76,505.64. Ce
qui, dans les autres réponses, peut peut-être laisser un peu de
doute dans l'esprit de certains membres de l'Opposition qui, à
mon sens, connaissent pourtant assez l'organisation de nos travaux c'est
que les autres, ce sont des contrats qui ont été
donnés...
M. LESAGE: Ah bon! ç'a été acheté à
contrat.
M. BELLEMARE: Cela a été donné à contrat
pour les aménagements de l'édifice Joffre, du Conseil
exécutif et les bureaux des ministres. Cela, M. le Président,
c'est toute la différence...
M. LESAGE: Alors le prix du tapis c'était dans le prix du
contrat?
M. BELLEMARE: Non, non, non. Qu'on s'en fait...
M. PINARD: Une feuille de papier.
M. BELLEMARE: Alors, entre l'achat du tapis par le Bureau des achats de
la province et les contrats qui ont été donnés, il n'y a
aucune erreur.
M. le Président, je voudrais simplement...
M. LESAGE: II serait intéressant de savoir combien de contrats de
cette nature le gouvernement a passés, parce que des tapis, il y en
a.
M. BELLEMARE: M. le Président, cela fera le sujet d'une autre
question, à une autre session.
M. LESAGE: C'est ça. C'est exactement ce qui va se produire.
UNE VOIX: Envoyez ça au feuilleton.
M. BELLEMARE: Je m'en doute bien. M. le Président, je voudrais
dire, au sujet des comités qui vont siéger en dehors de la
session, celui de la presse en particulier, que tous ceux qui voudront y
assister seront les bienvenus.
Il y aura peut-être une exception dans l'envoi des avis aux
membres du comité. Respectant la part que prend ici en cette Chambre le
député de Montréal Laurier, je pense qu'il lui serait
peut-être utile, vu qu'il n'appartient à aucune organisation et
que son parti n'est pas très nombreux, de recevoir une convocation
du secrétaire des comités. Je pense que c'est normal et
raisonnable. J'ai vu l'honorable député de Laurier et il se dit
bien d'accord. Il s'est excusé, ayant dû se rendre dans un salon
funéraire et il m'a demandé de dire son accord quant à la
convocation par le secrétaire des comités et quant aux documents
qui seront rendus publics par le fait même qui...
M. LACROIX: Est-ce son parti qui est mort?
M. BELLEMARE: Non, il est allé voir Grégoire.
M. le Président...
M. LACROIX: ... pas par la poste d'Ottawa, il va être
insulté.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
Voeux du Nouvel An M. Maurice Bellemare
M. BELLEMARE: Nous voici au terme d'une session qui aura
été extrêmement féconde, non seulement parce que
nous y avons adopté des mesures exceptionnellement nombreuses et
importantes, mais plus encore parce que, après d'inévitables
tâtonnements, nous avons enfin réussi, grâce à une
action concertée de tous les partis représentés dans cette
Chambre, à mettre en marche le véritable processus de la
revalorisation de nos institutions parlementaires.
M. LESAGE: Cela s'est passé pas loin de nous.
M. BELLEMARE: C'est un travail fort substantiel, un travail de
qualité, un travail varié aussi, un travail abondant. Cette
session qui se termine, commencée le 20 février 1968 et
ajournée le 5 juillet, reprise le 22 octobre et qui se termine
aujourd'hui, le 18 décembre, aura duré 107 jours. Il y aura eu
462 heures et demie de travail de la part de nos législateurs. 99 bills
publics ont été introduits et 43 bills privés ont franchi
toutes les étapes de la procédure parlementaire.
Je suis très heureux de dire que cette session qui a
été divisée en deux, pour toutes sortes de raisons, nous a
donné l'occasion, je pense, de repenser assez profondément nos
bases, notre parlementarisme, et surtout l'emploi que nous faisons de plus en
plus de l'office de nos comités. Vous ne m'en voudrez pas, si je vous
rappelle ici que plusieurs lois ont apporté pour toute la population des
effets qui seront sûrement ressentis par celle-ci d'une manière
très pratique. Nous avons d'abord, et je tiens à le signaler, un
nouveau ministère de l'Immigration, un Office du plan, un protecteur du
peuple, le mariage civil, le Conseil des universités,
l'Université du Québec, des lois très importantes
modifiant, dans le domaine du travail, les relations
patronales-ouvrières. Nous avons aussi une amélioration
considérable dans la Loi des cités et villes, et l'abolition du
Conseil législatif.
Je dois dire que ceci prouve que, lorsque les parlementaires veulent
véritablement faire un travail méthodique et apporter à
l'exercice de leurs prérogatives tout ce qu'il peut y avoir de
diligence, nous pouvons produire un travail fort efficace.
Me serait-il permis de remercier très sincèrement, d'abord
le chef de l'Opposition, qui a donné à tous un exemple de travail
et de ponctualité? Je crois que si nous voulons être de
véritables parlementaires, il faut être en Chambre et
prêcher d'exemple. Plusieurs autres députés
mériteraient qu'on les félicite de ce
côté-là. Le chef de l'Opposition donne un exemple
merveilleux de l'assiduité et de la ponctualité. Il fait un
travail difficile, il a devant lui un gouvernement qui est puissant et fort,
déterminé. Le chef de l'Opposition a vu, dans les agissements du
gouvernement, sa détermination de travailler en faveur de
l'intérêt public, mais particulièrement sa
détermination de prouver à la population du Québec qu'il
veut continuer à protéger ses intérêts en demeurant
le plus longtemps possible au pouvoir.
Je dis donc merci au chef de l'Opposition et à son équipe.
Mais je voudrais ne pas oublier un nom qui mérite d'être
signalé, celui de l'honorable député de Chambly, le leader
de l'Opposition dans cette Chambre. C'est avec plaisir que nous avons, depuis
le 22 octobre dernier, collaboré à une planification de nos
travaux. Et Dieu sait combien cette collaboration nous a été
pratique, utile et fort nécessaire pour accomplir, dans l'exercice de
notre mandat, tout ce que nous commandaient les devoirs impérieux de
notre charge. Le député de Chambly est un dur jouteur, mais aussi
un planificateur modèle. Je le remercie de sa bonne collaboration.
Je voudrais, M. le Président, adresser mes remerciements à
tous mes collègues de ce côté-ci de la Chambre, qui nous
ont prouvé combien leur assiduité, leur ponctualité et
leur solidarité nous étaient nécessaires pour continuer le
travail d'équipe que nous faisons dans cette Chambre.
Merci très sincère à tous et à chacun. Us
ont fait sûrement des sacrifices de famille pour se priver certainement
de vacances ou de repos nécessaires, mais ils ont donné à
laprovince un exemple fantastique, car, lorsqu'ils ont à remplir un
mandat, ils sont en Chambre et très assidus. Je les remercie de leur
collaboration et surtout, dans les dures épreuves que nous avons
traversées, de leur solidarité et de la confiance qu'ils m'ont
manifestées.
M. le Président, à vous particulièrement, qui vous
êtes chargé d'une tâche difficile, celle de remplacer un des
grands orateurs qu'aura connus cette Chambre. Je sais, M. le Président,
avec combien d'habileté vous vous êtes acquitté, depuis que
vous êtes investi de cette lourde responsabilité, de votre
charge.
Nous avons été à même de constater, surtout
lorsque vous vous levez, surtout par vos longs silences, combien cela nous
rappelait facilement à l'ordre.
Je sais combien votre charge est difficile, combien celui qui parle
présentement peut vous avoir causé de soucis. Je n'ai pas
toujours accepté de bon coeur vos décisions, mais étant
fidèle à la discipline qui veut que dans cette Chambre vous soyez
le maître, je me suis incliné et j'ai accepté
souvent sans récriminer trop fort vos sages décisions qui,
peut-être après y avoir bien pensé, étaient pour le
plus grand bien de l'Assemblée législative.
Félicitations, merci très sincère et nos meilleurs
voeux, M. le Président.
M. LACROIX: Heureusement que vous n'êtes pas dans
l'Opposition...
M. BELLEMARE: Je voudrais, M. le Président, remercier le greffier
de l'Assemblée législative, homme de grand mérite, ainsi
que les hauts officiers de cette Chambre qui avec
désintéressement et dévouement sont fidèles,
assidus, et qui souvent amènent des corrections que nous avions
oublié de faire à certaines motions.
Je les remercie et je les félicite très
sincèrement.
M. le Président, me serait-il permis de dire aux membres de la
tribune de la presse que nous avons vivement apprécié tout ce
qu'ils ont écrit à notre sujet et surtout tout ce qu'ils n'ont
pas écrit au sujet de l'Assemblée législative.
Je les remercie de cette délicate attention à notre
égard. Ils peuvent être sûrs que nous avons
apprécié les comptes rendus dans tous les moyens d'information
qui sont représentés ici. Nous leur disons notre profonde
gratitude et nous savons qu'ils accomplissent une dure besogne. Ils ont un
devoir à accomplir, ils ont une responsabilité; ils y font face
avec les moyens du bord. Ils ont sûrement vis-à-vis de leurs
employeurs la responsabilité de bien faire le travail qui leur est
confié. Merci infiniment de votre coopération et merci de nous
avoir permis à nous particulièrement, puisque vous étiez
nos gardiens, de relever les débats parce qu'en certaines circonstances
si nous nous étions laissé aller, nous savons que, le lendemain,
nous aurions pu payer chèrement, dans vos colonnes, nos excès de
langage.
Je n'ai pas besoin de vous dire, M. le Président, que mes
remerciements vont aussi au sergent d'armes, puisqu'il est un haut officier,
ainsi qu'au vice-président de notre comité plé-nier, qui a
assumé, de main de maître, cette dure responsabilité.
Je voudrais terminer en rappelant, aujourd'hui, en quelques phrases, la
figure d'un grand disparu. Au début de cette session, il y avait, parmi
nous, un homme qui n'aurait jamais pensé que, lorsque cette session se
terminerait, son siège serait devenu vacant.
M. le Président, l'honorable Daniel Johnson aura donné
à sa province le meilleur de lui-même et aura prouvé qu'il
existe des hommes extrêmement bien préparés pour jouer des
rôles difficiles dans des circonstances exceptionnelles.
Daniel Johnson était un homme de coeur. La Providence lui avait
donné une intelligence merveilleuse, une mémoire prodigieuse, un
coeur d'une immensité incomparable.
Je voudrais, encore une fois, comme leader de cette Chambre, avoir
à son endroit un souvenir et lui dire combien tous, aujourd'hui, nous
regrettons très sincèrement cette disparition, pénible non
seulement pour un parti politique, mais pour toute la province de
Québec.
Je voudrais, puisqu'il y a 22 ans aujourd'hui même il était
élu député de Bagot, vous dire combien nous avons, nous
particulièrement, souffert de son absence.
Qu'importe, forts dans notre épreuve, nous avons eu l'avantage
d'avoir pour le remplacer, un de ses coéquipiers, qui était son
bras droit, l'honorable député de Missisquoi, qui, lui aussi,
dans cette Chambre, par un travail généreux, a apporté sa
contribution au bien public. Je ne pense pas que nous puissions aujourd'hui
terminer cette session sans avoir à son endroit une pensée et
surtout sans lui souhaiter très sincèrement de nous revenir en
pleine santé pour continuer encore pendant longtemps, avec une
énergie renouvelée, après un repos cent fois
mérité, ce travail qu'il a si bien com-
mencé pour le plus grand bien de sa province qu'il aime
sincèrement.
Puisque l'occasion m'en est fournie d'une manière
particulière.
Je voudrais offrir, à la fin de cette session, et comme le temps
des fêtes sera dans quelques jours, l'expression de mes meilleurs voeux
à chacune de vos familles et à chacun de vos enfants.
Je formule, M. le Président, un très joyeux Noël pour
chacun d'entre vous et qu'une année sainte, une année heureuse
soit le complément des efforts que vous devez faire pour obtenir
véritablement le succès qui vous est donné.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
M. LESAGE: M. le Président, j'ai eu l'occasion de dire et de
redire à plusieurs reprises mes regrets et les regrets de mes
collègues, regrets exprimés à l'occasion de la disparition
de l'honorable Daniel Johnson.
Il est certain que, lorsqu'à débuté cette session,
au mois de février, nous ne pouvions personne nous douter
qu'aujourd'hui, il ne serait pas des nôtres pour la prorogation de la
session. Et, lorsque je regarde le leader du gouvernement en Chambre et le
ministre des Finances, et que je pense à leur rôle, à mon
rôle, eh bien, je ne puis faire autrement que d'avoir un sentiment qu'il
manque quelqu'un aujourd'hui, qu'il manque quelqu'un parmi nous. Et il est
certain que la disparition de M. Johnson a créé un vide dans
cette Chambre.
La session qui se termine aujourd'hui, je pense bien que sa principale
caractéristique c'est sa longueur. Elle a commencé le 20
février... C'est ça le 20 février? C'est tellement loin en
arrière qu'on s'en rappelle à peine. Le 20 février, et
elle se termine aujourd'hui le 18 décembre.
Cela a été long, très long. Oui c'était
long, je suis habitué aux sessions longues. Quant à nous de
l'Opposition libérale, nous avons essayé de remplir notre
rôle du mieux possible. Nous avons apporté notre collaboration la
plus franche au gouvernement pour la préparation même en certains
cas, l'amélioration et l'adoption des lois progressives qui ont
été présentées.
Nous nous sommes opposés aux mesures que nous ne croyons pas ou
peu susceptibles de vraiment servir le bien commun. Nous avons fait ressortir
ce que nous considérons comme les faiblesses, les lenteurs, la
stagnation du gouvernement actuel, particulièrement dans le domaine
économique, parce que cela nous inquiète.
Le gouvernement a attendu en fin de session pour apporter ses mesures
les plus importantes. C'est une mauvaise habitude, tout le monde le
reconnaît, et je pense que les ministres sont les premiers à le
reconnaître. On dit toujours qu'on ne recommencera plus, mais c'est un
peu comme cela à presque toutes les sessions. Il va falloir que des
efforts soient tentés à nouveau pour que lalégislation
importante soit présentée plus I bonne heure au cours de chaque
session.
Je comprends que, quelque fois il y a urgence, qu'un ministre rempli
d'esprit de travail, comme le ministre du Travail, veut absolument
améliorer sa législation avant qu'une session se termine, au cas
od il y aurait des élections et qu'il ne serait pas réélu.
Mais, il faut être plus patient, même si on est un grand
travailleur comme le ministre du Travail.
Je voudrais le remercier, en parlant du ministre du Travail, des
compliments qu'il a faits au député de Chambly. Je suis bien
d'accord. Je pense que le ministre du Travail et le député de
Chambly ont très bien travaillé cette année et ont
conçu des plans, des tactiques, de la stratégie pour le plus
grand avantage de notre institution et de ses membres. Je les en
félicite tous les deux, et je veux retourner au ministre du Travail le
compliment qu'il m'a fait lorsqu'il m'a dit que l'avais été
travailleur et ponctuel. Je pense que je n'ai pas grand mérite à
l'être, pas plus que le ministre du Travail n'en a. Je lui retourne avec
grand plaisir le compliment, parce que, depuis que je suis en cette Chambre,
depuis 1960, c'est la preuve qu'il a donnée; la ponctualité, le
travail acharné, et cela, qu'il siège d'un côté ou
de l'autre de la Chambre.
Merci, monsieur le greffier; merci, également, à tous ceux
qui vous assistent dans votre tâche; merci au personnel qui est sous
votre direction, M. le Président, et sous la direction du greffier. Je
voudrais, moi aussi, souligner le travail de nos amis de la Tribune de la
presse. Sans eux, c'est clair, l'Assemblée nationale ne serait pas ce
qu'elle est, ce serait impossible. L'effet de leur présence se fait
sentir de beaucoup plus d'une façon, même si la principale,
évidemment, est celle qu'a mentionnée le ministre du Travail.
J'ai parlé il y a un instant du personnel, je ne voudrais pas
oublier les petits pages. Et je voudrais bien que ceux qui ont
été bien servis par les pages sachent reconnaître chacun
des leurs et ne les oublient pas à la veille des fêtes.
M. le Président, il me reste à vous offrir à vous
mes compliments et mes meilleurs voeux
à l'occasion des fêtes, et je vous prie de transmettre
à madame Lebel et aux membres de votre famille distinguée nos
voeux les plus sincères.
Une autre qui est absent de cette Chambre c'est le premier ministre du
Québec, le député de Missisquoi. Lorsque j'ai appris par
les journaux, lundi, qu'il était entré chez lui, je me suis
empressé de lui faire parvenir un télégramme, au nom de
mes collègues libéraux et en mon nom, lui disant que nous
étions heureux de savoir qu'il avait pu regagner son foyer, formulant
pour lui des voeux d'excellent et complet repos et lui disant notre hâte
de le revoir parmi nous» Si j'ai pensé que je devais mentionner ce
télégramme que je lui ai fait parvenir, c'est que je voudrais
maintenant lui offrir ce que je ferai personnellement, nos meilleurs voeux
d'heureuses fêtes, et je pense spécialement aussi à madame
Bertrand et à sa belle famille, à tous les membres de sa belle
famille. J'ai reçu du premier ministre et de madame Bertrand, les voeux
à l'occasion des fêtes, et la carte de voeux porte une magnifique
photographie d'une très belle famille.
Alors, M. le Président, je vous ai offert mes voeux, je voudrais
maintenant offrir à tous mes collègues de la Chambre mes souhaits
d'un joyeux Noël, d'une bonne et heureuse année, et je pense que,
dans les circonstances, on me permettra d'insister sur des voeux d'excellente
santé pour tous et chacun de nos collègues et des voeux de
bonheur familial, de joie, de prospérité pour tous et chacun et
pour tous les membres de leur famille respective.
M. LE PRESIDENT: On me permettra de remercier l'honorable ministre du
Travail et l'honorable chef de l'Opposition pour leurs voeux et pour les
félicitations qu'ils ont bien voulu m'adresser. Je tiens à
remercier tous les membres de cette Chambre de la coopération qu'ils
m'ont apportée. Ils ont changé cette terrible aventure que
j'appréhendais en une expérience enrichissante. Je remercie tous
les employés, tous les fonctionnaires, et tout spécialement M.
Sénécal, M. Blondin et M. Lessard, dont les services me sont
indispensables.
Je veux aussi souligner le travail important et imposant qu'a rempli
l'honorable député de Sherbrooke, mon collègue,
vice-président de la Chambre, qui m'a rendu le travail facile.
Je veux aussi saluer les gens de la Tribune de la presse et je
suggère qu'advenant la refonte d'un règlement, ils ne fassent
plus partie du chapitre des étrangers au cours de 1969.
A tous les membres de cette Chambre, je veux, en guise de remerciement
pour la coopération qu'ils m'ont accordée, les assurer que, dans
une modeste église de village, le 25 décembre, je demanderai pour
tous et chacun une excellente santé. Je pense que c'est le meilleur voeu
que l'on puisse faire à des hommes qui ont reçu de l'histoire le
périlleux défi de vivre héroïquement l'heure de la
contestation; A tous: Joyeux Noël et Heureuse année!
Message du Conseil législatif
M. LE PRESIDENT: Un dernier message reçu du Conseil
législatif; « Conseil législatif, le 18 décembre
1968.
Ordonné que le greffier reporte à l'Assemblée
législative le bill no 297 intitulé: Loi octroyant à Sa
Majesté les deniers requis pour les dépenses du gouvernement pour
l'année financière se terminant le 31 mars 1969 et pour d'autres
fins du service public et informe cette Chambre que le Conseil
législatif l'a voté.
Attesté Léonard Parent greffier associé du Conseil
législatif. »
M. BELLEMARE: II y a eu tout à l'heure, dans la transmission des
documents, une erreur que nous avons signalée, et maintenant, on nous
assure que c'est la secrétaire qui a fait l'erreur, puisque le bill, loi
favorisant l'aménagement du site et des environs d'un nouvel
aéroport international au Québec.
M. LE PRESIDENT: On me permettra, avant que la Chambre s'ajourne
à loisir, de vous dire que j'ai aménagé une salle
d'attente en attendant le message du Conseil législatif.
M. LACROIX: Est-ce que le député de l'Islet s'en va
pratiquer l'autopsie du Conseil législatif?
LE SERGEANT D'ARMES: M. le Président, un messager de Son Honneur
le lieutenant-gouverneur. Mr. Speaker, a messenger from His Honour the
Lieutenant Governor.
M. LE PRESIDENT: Faites entrer le messager. Admit the messenger.
LE MESSAGER: M. le Président, Son Hon-neuf l'honorable
lieutenant-gouverneur désire la présence des membres de cette
Chambre dans la salle du Conseil législatif.
Mr. Speaker, it is His Honour the Honourable Lieutenant Governor's
pleasure that the Members of this House do attend immediately in the Chamber of
the Legislative Council.
(18 h 2)