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(Dix heures trente-sept minutes)
M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Présentation de pétitions. Lecture et réception de
pétitions. Présentation de rapports de comités
élus» Présentation de motions non annoncées.
Présentation de bills privés. Présentation de bills
publics.
Décès de M. Antonio Barrette
M. Maurice Bellemare
M. BELLEMARE: M. le Président, nous avons tous appris avec
beaucoup d'affliction la mort de l'honorable Antonio Barrette, ancien premier
ministre du Québec et aussi ancien ambassadeur du Canada en
Grèce.
M. Barrette était un homme d'un très grand mérite.
On sait qu'il avait débuté très Jeune sur le marché
du travail, comme messager à l'emploi des Chemins de fer nationaux.
Grâce à son courage, à sa vive intelligence et à sa
grande curiosité intellectuelle, il acquit par lui-même
l'Instruction qu'il n'avait pas eu la chance d'obtenir par de longues
études. C'est ce qui lui permit d'assumer des responsabilités de
plus en plus lourdes et d'accéder aux fonctions les plus
prestigieuses.
Sa carrière politique débuta avec la fondation de l'Union
Nationale en 1936. Cette année-là, il fut élu pour la
première fois député de Joliette, et il fut constamment
réélu par la suite. Il devint ministre du Travail en 1944, et le
demeura pendant seize années. Le 8 janvier 1960, il fut
assermenté comme premier ministre, pour succéder à
l'honorable Paul Sauvé. C'est ainsi que, pendant quelques mois, soit
jusqu'à la défaite de son parti en 1960, cet homme, qui se
faisait un point d'orgueil d'être demeuré un ouvrier authentique,
un ouvrier syndiqué, eut, comme premier ministre, l'honneur et la
responsabilité de diriger le gouvernement du Québec.
Il le fit avec la même sincérité, la même
honnêteté et la même gentilhommerie qu'il avait toujours
apportées dans toutes ses autres fonctions. Les épreuves
très lourdes que son parti avait subies, par suite de la mort successive
des deux grands premiers ministres, avaient rendu sa tâche infiniment
plus difficile. Malgré tout, M. Barrette fut un excellent premier
ministre, qui réussit à réaliser de grandes choses pour le
Québec.
Le monde du travail, tout particulièrement, lui doit de grandes
réalisations.
Au nom du gouvernement, au nom de tous les députés et en
mon nom personnel, j'offre à Madame Barrette et à ses enfants
l'expression de nos très sincères condoléances. Une
délégation particulièrement représentative du
gouvernement du Québec assistera aux funérailles, jeudi, à
11 heures.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
M. Jean Lesage
M. LESAGE: M. le Président, la disparition de l'honorable Antonio
Barrette m'a fort surpris, lorsque je l'ai apprise hier matin. Ma femme et moi
avons été particulièrement peines d'apprendre cette triste
nouvelle.
J'avais rencontré l'ancien premier ministre, il y a à
peine quelques semaines, à Montréal. Il semblait en excellente
santé. C'était peu de temps après la mort de M. Johnson.
Nous avions, tous les deux, échangé des propos sur le rôle
difficile, ingrat, presque inhumain, du premier ministre du Québec.
Elu moi-même député à la Législature
en juin 1960, je n'avais pas pu côtoyer car ce n'est pas durant
les campagnes électorales que les adversaires se côtoient beaucoup
Je n'avais pas pu côtoyer d'assez près M. Barrette pour le
bien connaître. Cette occasion m'a cependant été
donnée, lors d'un voyage en Grèce, que j'ai fait à
l'automne 1964. Nous avions alors, ma femme et moi, vécu plusieurs jours
dans l'intimité de l'ambassadeur du Canada en Grèce et de madame
Barrette, qui s'étaient franchement montrés des hôtes
incomparables.
C'est là que j'avais pu réellement déceler chez le
disparu après, évidemment, avoir suivi le cours de sa
carrière, les plus grandes qualités qui étaient les
siennes, l'honneur, la franchise, le travail, la
générosité et l'affabilité. C'est un autre
dirigeant du Québec qui disparaît et dont le nom s'ajoute à
la liste, déjà beaucoup trop longue, de ceux que nous avons
perdus en moins de dix ans.
A madame Barrette et à tous les membres de la famille, je
réitère en mon nom, au nom de mon épouse et de tous les
députés et militants libéraux, l'expression de nos
très vives condoléances. J'ai bien l'intention d'aller
moi-même à Joliette, assister aux funérailles de l'ancien
premier ministre, et je serai accompagné de plusieurs de mes
collègues.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Joliette.
M. Pierre Roy
M. ROY: M. le Président, vous comprendrez que ce n'est pas sans
émotion que je me lève aujourd'hui en cette Chambre, pour offrir
mes plus sincères condoléances à la famille de l'ancien
premier ministre, l'honorable Antonio Barrette.
Je voudrais joindre ma voix à celle du leader de cette Chambre et
à celle de l'honorable chef de l'Opposition, pour offrir mes
condoléances à la famille de l'honorable Antonio Barrette,
à la grande famille qu'il a si bien servie de 1936 à 1960. Je
disais naturellement, safamille électorale et sa charmante famille,
madame Barrette et ses enfants.
Les réalisations de l'honorable Antonio Barrette dans le
comté de Joliette lui ont valu et mérité l'estime de tous
ses concitoyens. Adversaires et amis politiques sont unanimes à
reconnaître le dévouement, l'esprit de travail et l'esprit de
collaboration du grand disparu.
Ma famille, mon épouse tout particulièrement, se joint
à mol pour offrir à la famille de l'honorable Antonio Barrette
ses plus sincères condoléances. Jeudi matin, accompagné du
leader de cette Chambre et de quelques-uns de ses anciens collègues,
j'assisterai aux funérailles de l'honorable Antonio Barrette.
M. BELLEMARE: M. le Président, lorsque l'ajournement sera
annoncé, la Chambre s'ajournera en signe de deuil à l'occasion de
la mort de l'honorable M. Barrette.
M. LESAGE: M. le Président, je suis parfaitement d'accord et
j'appuie cette motion d'ajournement en signe de deuil.
Questions et réponses
Réponses écrites
M. LESAGE: Le leader du gouvernement pourrait-il me dire quand il a
l'intention de donner aux députés de cette Chambre les
explications et les réponses que je lui al demandées, au cours de
deux ou trois interventions que j'ai faites ces dernières semaines,
alors que j'invoquais l'article 114 deuxièmement du
règlement?
M. BELLEMARE: Elles sont presque toutes prêtes. J'attendais
justement la fin de nos travaux pour déposer tout ce qui est prêt
et pour annoncer ce qu'on fera pour les autres questions auxquelles nous
n'aurons pas répondu à ce moment.
Régionale de Lignery
M. LESAGE: Très bien. Le ministre d'Etat I l'Education est-il en
mesure, ce matin, de répondre aux questions que je lui al posées
il y a bien quatre jours maintenant concernant la Commission
scolaire régionale de Lignery?
M. MORIN: M. le Président, il semble qu'il s'agit là d'une
situation particulièrement difficile. Il y a eu, au début de
décembre, une entente entre les commissions scolaires et les enseignants
en ce qui a trait aux périodes de travail. On s'était entendu sur
24 périodes, soit 20 périodes d'enseignement et 4 périodes
de surveillance, de suppléance ou d'autres activités. Le mardi 4
décembre, une assemblée de parents a été
convoquée par la commission scolaire; 400 parents y assistaient. Le
lundi 9 décembre, l'assemblée des parents fut convoquée
par les instituteurs; 400 parents, 100 instituteurs et 100
élèves. Enfin, le même soir, décision par la
commission scolaire de fermer l'école.
Les raisons de la fermeture: la commission scolaire et la direction des
écoles n'ont aucun contrôle sur les enseignants et aucune
autorité sur les élèves. Des groupes
d'élèves, variant entre 250 et 400, se réunissent dans
l'auditorium sans aucune surveillance, parce que les instituteurs refusent de
faire de la suppléance ou de donner des cours.
Depuis quelques jours, la commission scolaire a retenu les services de
quatre instituteurs qui s'occupent de faire de la suppléance ou de la
surveillance à l'heure du repas, au départ des autobus ou pendant
le déplacement des élèves dans les corridors. Depuis le
début de l'année, les instituteurs n'ont fait que vingt
périodes par semaine; ils produisent donc un rendement de 6/7 de leur
tâche.
La commission scolaire a insisté auprès des instituteurs,
pendant la première semaine du mois de décembre, pour que les 24
périodes soient données. A défaut, la commission scolaire
retiendra de leur salaire le montant prévu pour les quatre
périodes que ceux-ci auraient omis de donner. La commission scolaire a
avisé les enseignants que, s'ils ne se soumettaient pas à
l'entente, elle songeait sérieusement à retenir le salaire
payé en trop depuis le mois de septembre.
Les élèves, semble-t-il, ont été
stimulés et conditionnés à collaborer avec les
enseignants. De plus, une lettre venant du syndicat aurait été
distribuée aux instituteurs leur commandant de ne pas obéir aux
ordres de la com-
mission scolaire. De l'aveu de la commission scolaire, le climat est
devenu impossible. Les enseignants ne contrôlaient même plus la
présence des élèves en classe. De plus, les
élèves pouvaient sortir de l'école pendant les heures de
cours et en revenir sans que l'administration puisse en contrôler le
mouvement.
A l'assemblée du 9 décembre, les parents
déclarèrent; Nous avons délégué nos pouvoirs
à nos commissaires d'école pour régler le problème;
c'est avec eux qu'il faut en discuter. Après la fermeture de
l'école, le syndicat a demandé de négocier la
rentrée des instituteurs. La situation précédant la
fermeture de l'école, si elle est maintenue, coûtera à la
commission scolaire $400,000 de dépenses inadmissibles. De plus, la
commission a découvert qu'un instituteur avait deux contrats, un pour la
commission scolaire régionale de Lignery et un autre pour la commission
scolaire régionale de Chambly. Rejoint, ce matin, le directeur
général de la commission scolaire régionale de Lignery, M.
Rheault, me dit que...
M. LESAGE: Pardon, je n'ai pas compris.
M. MORIN: Rejoint, ce matin, au téléphone, M. Henri
Rheault, directeur général de la Commission scolaire
régionale de Lignery, nous dit que la direction des écoles, de
concert avec la commission scolaire, tente de convoquer une réunion,
aujourd'hui ou demain, avec l'association des enseignants afin d'en venir
à une entente. Si une entente n'intervient pas, le ministère de
l'Education déléguera quelqu'un sur les lieux.
M. LESAGE: M. le Président, le ministère n'aurait-il pas
dû, étant donné que cette situation dure déjà
depuis de nombreuses semaines, envoyer un délégué sur les
lieux pour tenter de remédier à une situation absolument
intolérable?
Je ne cherche pas à partager les responsabilités, mais si
ça continue, on en arrivera au point où des centaines et des
centaines d'élèves perdront leur année. Est-ce que le
ministère ne devrait pas agir dès maintenant, suivre l'affaire de
très près, charger un ou des délégués, s'il
le faut, de s'occuper de l'affaire et les investir de l'autorité
nécessaire?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Malheureusement, la question telle qu'elle
est posée devient irrégulière parce qu'elle pourrait nous
engager dans un débat et qu'elle ne répond pas aux exigences de
l'article 672.
M. BELLEMARE: Le bill 290.
M. LESAGE: Au moins, les deux dernières phrases étalent
des questions très directes.
M. BELLEMARE: Mais le préambule était hors d'ordre.
M. LESAGE: Le préambule n'était pas plus hors d'ordre que
le ministre du Travail l'est régulièrement.
M. BELLEMARE: Ah! Ah! Merci! Alors, IL l'ordre! Le bill 290 a
été réimprimé et je serais très heureux si
on pouvait le faire distribuer immédiatement pour que les
députés en prennent connaissance avant qu'on ne passe à la
deuxième lecture.
M. le Président, 1.
M. LESAGE: Est-ce que le ministre ne croit pas qu'il y aurait lieu de
faire une motion pour la correction du feuilleton?
M. BELLEMARE: Vous avez attaqué un honnête homme, un homme
extrêmement utile et d'un grand dévouement.
M. LESAGE: D'accord, mais simplement le feuilleton est incomplet et je
sais que le ministre du Travail tient absolument à ce que nous
étudiions, dans le cours de la journée, le bill 290. Il faudrait
bien qu'il attire l'attention des députés sur le fait qu'il veut
modifier le feuilleton pour ajouter cet article.
M. BELLEMARE: Je n'ai pas à le modifier, le greffier s'en est
chargé.
M. LE PRESIDENT: Je tiens I faire remarquer qu'en effet, le feuilleton a
été corrigé sur certaines copies, et sur la mienne, en
particulier, apparaît déjà l'article 11.
L'honorable député de Verdun.
Attentats à la bombe
M. WAGNER: Je voudrais poser une question au Solliciteur
général. Est-ce que le Solliciteur général pourrait
nous dire si des dispositions spéciales ont été prises par
son ministère et par la Sûreté pour mettre fin à
cette épidémie sans précédent d'attentats à
la bombe, non seulement à Montréal mais ailleurs dans la province
de Québec?
M. MALTAIS (Limoilou): Je déplore, avec le député
de Verdun, évidemment, cette épidé-
mie et ces menaces. Elles sont de nature I nous faire tous
réfléchir, et Je suis convaincu que la question qu'il a
posée devait davantage attirer l'attention du public que me porter
à faire des précisions qui ne seraient peut-être pas
indiquées si j'allais jusqu'à indiquer les moyens dont nous nous
servons actuellement pour tenter de mettre un terme à ces actes
déplorables. Je profite de la circonstance qui m'est offerte par le
député de Verdun pour lui dire que l'ordre public doit primer
dans cette province et qu'il est Important plus que jamais que tous et chacun
des citoyens se rendent compte de notre détermination de l'y maintenir
par tous les moyens à notre disposition. Je dois informer l'honorable
député que ce problème fait l'objet, évidemment,
non seulement d'études, non seulement de consultations, mais
également de recherches intensives de façon à nous
permettre d'aller à la source du mal.
De nouveau, je n'insiste pas. Je crois que ma réponse est
suffisamment complète. Nous sommes conscients du problème
très grave et nous emploierons tous les instruments dont nous disposons,
avec notre meilleure intelligence, de façon à trouver les
responsables et à les traduire incessamment devant nos cours de justice,
afin qu'ils apprennent qu'on n'intervient pas impunément contre l'ordre
public qui doit être protégé par tous les moyens à
notre disposition. Jamais je n'Insisterai assez sur cette question.
Je voudrais que tous ceux qui aujourd'hui, dans la province, s'imaginent
qu'on peut impunément faire appel à la violence et de toute
façon...
M. LESAGE: C'est bien beau ce que vous dites-là, mais tant que le
gouvernement ne donnera pas l'exemple de la détermination et de la
logique, cela ne donnera rien.
M. BELLEMARE: Attendez une minute! Attendez une minute!
M. LESAGE: Ce sont des mots, ça!
M. BELLEMARE: Ce n'est pas à vous que nous sommes obligés
de dire ce qui se fait présentement.
M. LESAGE: Ce sont des mots!
M. BELLEMARE: Oui, oui. Vous voudriez qu'on vous dise ce que l'on
fait.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. MALTAIS (Limoilou): Si nous étions ici en face d'un cas
isolé et qui était le premier du genre dans cette province,
peut-être que le chef de l'Opposition je ne pense pas qu'il soit
justifié de parler comme il vient de le faire mais
peut-être aurait-il pu le faire. Mais il sait que ce ne sont pas des
gestes isolés et que ce ne sont pas des gestes sans
précédent. Il y a longtemps que cela dure dans cette
province.
M. LESAGE: C'est pire depuis quelques mois.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. MALTAIS (Limoilou): Le chef de l'Opposition vient de prononcer une
parole, il dit que c'est pire...
M. LE PRESIDENT: Malheureusement, je dois interrompre pour quelques
instants l'honorable Solliciteur général et bien indiquer aux
membres de cette Chambre que nous sommes encore à la période des
questions et que nous semblons actuellement, par les remarques qui viennent de
quelques opinants, dans un débat. A ce moment-là, je pense que
plusieurs le regretteraient. Alors, j'invite les honorables
députés à se conformer aux dispositions des articles 663
et suivants, et plus spécialement à l'article 672, qui vaut aussi
bien pour les questions que pour les réponses.
M. MALTAIS (Limoilou): Je conclus en disant au député de
Verdun que tous les intéressés suivent de façon
très attentive ce fameux problème.
M. WAGNER: J'aurais une question additionnelle pour le Solliciteur
général qui est en même temps le ministre de la Justice.
Pour être pratique, n'y aurait-il pas lieu de mettre sur pied une
équipe de coordination formée des représentants des forces
policières municipales, provinciales et fédérales sous la
direction du sous-ministre de la Justice chargé des affaires
criminelles? Est-ce que ce ne serait pas là le premier pas à
franchir pour mettre sur pied une équipe coordonnée pour faire
cette lutte active dans ce domaine spécialisé des attentats
à la bombe?
M. MALTAIS (Limoilou): C'est sûrement un moyen et ce moyen, il
fait l'objet d'études depuis longtemps. Le député de
Verdun est fort au courant de cette question. C'est un
moyen parmi d'autres. Il est sûr que, dans cette lutte et dans ce
travail, il faut une coordination de tous les instants et de tous ceux qui sont
intéressés. Je peux assurer le député de Verdun que
nous ne désirons rien de plus que d'arriver à cette coordination
de tous les organismes qui sont intéressés à ce travail
afin qu'on en arrive le plus rapidement possible à des résultats
qui sont d'ailleurs attendus par la population.
Réseau de prostitution
M. WAGNER: Une autre question au Solliciteur général.
Est-ce que le Solliciteur général a pris connaissance de la
nouvelle parue en fin de semaine dans plusieurs journaux à l'effet qu'un
vaste réseau de prostitution existerait à Trois-Rivières
grâce à la protection et à la complaisance d'un personnage
influent de la région?
M. BELLEMARE: Dans quels journaux?
M. WAGNER: Dans les journaux de fin de semaine.
M. BELLEMARE: Où?
M. WAGNER: Entre autres, le Dimanche-Matin et Dernière Heure.
M. MALTAIS (Limoulou): M. le Président, je dois répondre
non. Je m'informerai.
M. WAGNER: Très bien. Est-ce que le Solliciteur
général veut demander à ses officiers de faire
enquête?
M. MALTAIS (Limoulou): Sûrernent.
M. BELLEMARE: ... où les journalistes ont-ils pris ça
d'abord?
M. LESAGE: C'est de l'autre côté de la rivière
Saint-Maurice.
M. BELLEMARE: Cela ne fait rien, les gens traversent.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Ils vont même se confesser de Pautre
côté.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Drummond.
M. PINARD: A titre d'information additionnelle que je pourrais donner au
Solliciteur général, puisque c'est de lui que relève la
direction des forces policières en ce moment au niveau provincial, je
dirai que les journaux rapportent bien que ces informations proviennent de deux
officiers de police de la Sûreté municipale de Montréal,
qui ont voulu garder l'anonymat et qui, je l'imagine, seraient bien prêts
à donner ces informations au Solliciteur général ou
à ses fonctionnaires pour permettre que l'enquête se fasse plus
rapidement et plus en profondeur afin d'en arriver à ce que les
autorités prennent les moyens de faire cesser ce réseau et
surtout éviter de jeter du discrédit sur une ville importante de
la province comme Trois-Rivières et qui ne mérite pas qu'une
réputation pareille lui soit faite.
M. BELLEMARE: Certainement, comme lorsqu'ils ont parlé de
Drummond, un jour.
M. MALTAIS (Limoulou): Je répondrais ceci au député
de Drummond, c'est que toutes les informations en la matière et en
quelque matière que ce soit et qui peuvent intéresser le
ministère de la Justice, sont toujours les bienvenues. Nous les
sollicitons, ces informations, mais quand elles peuvent venir de bonne
grâce sans sollicitation, nous les accueillons dans la mesure où
elles peuvent servir les intérêts de l'administration de la
justice.
Motion de M. Bellemare
M. LE PRESIDENT: Reprise du débat sur la motion de l'honorable
ministre du Travail proposant que... Suis-je dispensé de la lecture?
L'honorable député de D'Arcy-McGee.
M. Victor C. Goldbloom
M. GOLDBLOOM: M. le Président, vous me permettrez sûrement
au début de mes remarques de remercier très sincèrement
mes collègues de l'Opposition pour le témoignage vibrant,
chaleureux et tout à fait exceptionnel qu'ils m'ont offert à
l'ajournement des débats, samedi soir.
M. BELLEMARE: Vous avez pensé que c'était pour vous? Vous
n'avez pas saisi l'astuce?
M. CHOQUETTE: c'est comme le gouvernement, on poursuivait un double
but.
M. BELLEMARE: Le président même a pensé à un
certain moment que c'était pour lui.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, sur la motion. Je commence en
disant ceci: A mon regret, en écoutant les opinants de l'autre
côté de la Chambre qui ont parlé non seulement sur la
motion mais sur le point de vue que les membres de l'Opposition ont
cherché à exprimer. Ces membres ministériels, dis-je, ont
à mon regret déformé quelque peu la pensée de
l'Opposition, malgré les exposés, à mon sens très
clairs, de Phonorable chef de l'Opposition et de Phonorable
député de Vaudreuil-Soulanges.
En examinant la motion, on réalise que son effet est clair, son
effet sera de reporter à la prochaine session c'est écrit
en toutes lettres, et je cite: « de faire rapport à la Chambre
durant la prochaine session », reporter donc à la prochaine
session, celle de 1969, le règlement d'un problème qui dure
depuis déjà trop longtemps et qui provoque dans notre
société un vacarme qui brouille la pensée, ou au moins
celle du gouvernement, et une turbulence inquiétante qu'il faudra calmer
aussi rapidement et aussi équitablement que possible.
Donc, le point de vue de ceux qui siègent à votre gauche,
M. le Président, c'est que nous ne nous opposons pas à la tenue
de séances du comité.
Mais nous tenons à ce que le comité siège à
cette session et à ce que le rapport soit déposé avant la
prorogation de la Chambre.
M. le Président, si l'on examine davantage la motion, on peut
constater que le gouvernement, en la proposant, invoque l'opinion publique. Il
invoque aussi l'intérêt public soulevé par cette question
et Pinterprète, évidemment, à sa façon.
Je voudrais, en quelques mots, interpréter cette opinion publique
de la façon que j'ai pu la comprendre au cours de mes fréquents
contacts avec des gens de tous les milieux de la province.
Ce que l'on appelle l'opinion publique est, en effet, un
éventail, n'est-ce pas, d'opinions, avec le bon sens au centre.
L'opinion publique majoritaire est celle des hommes responsables, objectifs et
de bonne volonté. Or, ces personnes sont inquiètes.
Elles sont davantage inquiètes lorsqu'elles voient que l'on remet
à plus tard la solution de ce problème, assurément
délicat, mais qui traîne depuis assez longtemps
déjà. Cette opinion majoritaire nous dit que nous avons
déjà en main les éléments suffisants pour arriver
à l'expression d'une opinion responsable, raisonnable et
équitable sur ce problème difficile. Cette opinion majoritaire
nous dit qu'il est maintenant temps pas l'an prochain, mais cette
année que justice soit rendue, non seulement à une
minorité quelconque, qu'elle soit anglophone ou anglo-saxonne, ou
immigrante mais à tous les citoyens du Québec. En effet, si l'on
réprouve une injustice, on ne peut que réprouver toute
injustice.
Il existe et il s'exerce, dans la province de Québec, certaines
restrictions des droits des citoyens. Avec le poète anglais qui a dit:
« La mort de n'importe quelle personne me diminue parce que je fais
partie de la race humaine », je dirai que la restriction des droits de
n'importe quel citoyen du Québec diminue mes droits, parce que je fais
partie de la race humaine et je fais partie du peuple
québécois.
Or, M. le Président, cette opinion publique responsable,
majoritaire, dit ceci: Déjà, assez d'encre a coulé dans
les pages de nos journaux; déjà nous avons entendu assez
d'opinions pour pouvoir comprendre le point de vue des éléments
importants de la société québécoise et pour savoir
que certains éléments voudraient une solution qui serait
satisfaisante à leur point de vue, mais qui ne le serait pas pour
d'autres éléments. Il faudra, alors, arriver à une
équité dans tout cela. La majorité de la population dit:
Nous sommes déjà en mesure d'y procéder.
Il me semble que le gouvernement, par le fait qu'il a
présenté un projet de loi sur cette question, était
à un moment de cet avis et j'ai ramassé, samedi, une perle
tombée des lèvres de l'honorable député de Bagot,
ministre de l'Education et des successions spirituelles :« Du simple fait
qu'il soit déposé, il indique quelle est la politique que le
gouvernement entend suivre dans ce domaine ». J'ai cité le
feuillet R/5970, page 2.
Donc, M. le Président, si le gouvernement et c'est le
vice-premier ministre qui a établi cette ligne de pensée a
cru bon de présenter un projet de loi, c'est parce qu'à ce
moment-là il croyait que l'opinion publique s'était
déjà manifestée, s'était déjà
suffisamment formée pour lui permettre de procéder.
Je souligne un autre fait. Au moment où le gouvernement a inscrit
au feuilleton de la Chambre son projet de loi, qu'il veut maintenant remettre
devant un comité, remettre à la prochaine session sans que nous
ayons l'occasion de faire là-dessus le débat de deuxième
lecture, à ce moment-là, dis-je, M. le Président, le
comité de l'éducation siégeait. Dès la
deuxième journée de la reprise de la session, soit le 23 octobre,
le comité de l'éducation a commencé à
siéger. Il a continué à siéger et il continue
encore à siéger, sa prochaine session étant prévue
pour demain matin.
Donc, le gouvernement avait alors le choix de faire ce qu'il a fait,
c'est-à-dire d'inscrire un projet de loi au feuilleton ou bien de
demander à la Chambre d'ajouter au mandat du comité la question
qu'il veut aujourd'hui y ajouter.
Il y a quelque chose d'assez difficile à comprendre, M» le
Président. Le gouvernement aurait pu demander, il y a plusieurs
semaines, que cette question soit soumise au comité de
l'éducation. En effet, si vous relisez le journal des Débats en
ce qui concerne les discussions qui ont eu lieu devant ce comité, vous
trouverez que le sujet, ou au moins une partie importante du sujet a
déjà été considérée par le
comité. C'est celui qui vous parle qui a soulevé la question des
injustices à l'endroit de certains citoyens de la province. A ce
moment-là, la réponse que j'ai obtenue de l'honorable ministre et
de ses collègues n'était pas dans le sens de la motion que nous
avons devant nous.
A un moment donné, le gouvernement, par la voix de plusieurs
porte-parole, a fait allusion au rapport du comité de la restructuration
du système scolaire de Montréal et a dit: Nous attendons ce
rapport parce qu'il nous fournira les lumières nécessaires pour
nous permettre de procéder sur cette question. Or, ce rapport a
été reçu. A la lecture de ce rapport, il était
facile de constater qu'il ne donnait pas d'opinion précise et qu'il y
avait des rapports minoritaires sur cette question. Le gouvernement aurait pu
alors demander à la Chambre d'élargir le mandat du comité
de l'éducation afin de lui permettre de se pencher sur ce rapport et sur
ces divergences de vue.
Au lieu de le faire, le gouvernement a inscrit au feuilleton son projet
de loi.
M. le Président, c'est une question qui est à
l'étude depuis assez longtemps. Je ne suis pas pour refaire l'historique
des événements, mais simplement pour attirer votre attention sur
le fait que le problème a eu ses débuts au cours du printemps et
est devenu aigu au mois de juin à la suite des élections à
la commission scolaire de la municipalité de Saint-Léonard. A ce
moment-là, le gouvernement se penchait déjà
là-dessus.
J'ai devant moi la Presse du mardi 18 juin 1968. Un des principaux
articles est intitulé: « Saint-Léonard, entretien
décisif vendredi », c'est-à-dire le 21. Or, le 22 juin, le
même journal...
M. PAUL: A l'ordre! M. le Président, sur un rappel au
règlement. Je suis, depuis quelques minutes, les remarques de
l'honorable député de D'Arcy-McGee et je me demande si elles sont
tout à fait conformes au principe de la motion présentement
à l'étude. Si vous permettez que nous discutions en détail
de certains événements qui se sont passés à
Saint-Léonard ou ailleurs, je crains que nous entrions dans le principe
du bill 85, au lieu de s'en reporter au principe de la motion
présentement à l'étude.
M. LESAGE: M. le Président, le principe de la motion est
double... On doit le reconnaître même s'il est lié
j'en prends à témoin tout ce qu'a dit le Secrétaire de la
province lorsqu'il a cru être savant en débattant le
bien-fondé des propositions que j'avais mises d'avant pour traiter
séparément les deux principes de la motion. Il y a deux principes
dans la motion. Le premier principe est de suspendre l'effet de l'article 536
pour ne pas avoir de débat en deuxième lecture.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. PAUL: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je regrette...
M. LESAGE: Je suis au point d'ordre, M. le Président, tout de
même!
M. LE PRESIDENT: ... j'ai rendu une décision sur ce point. Je
pense que le mécanisme ordinaire de la critique de la décision du
président a été appliqué, puisqu'on a appelé
de ma décision et que la Chambre s'est maintenant prononcée. Mon
humble personne peut bien ne pas être en cause, mais la Chambre est tout
de même souveraine. Sur cette question-là je n'entends pas
revenir.
M. LESAGE: Je comprends parfaitement que vous insistiez pour que l'on
respecte vos décisions. Je la respecte et je respecte la décision
de la Chambre, mais rien n'empêche qu'il y a deux principes dans la
motion. La décision c'est qu'il n'y avait pas moyen de les
séparer. Mais, les deux principes sont là. Le premier est de
suspendre l'article 536 et deuxièmement de réunir le
comité avant la deuxième lecture. Je dis que tous les arguments
qui peuvent être apportés pour justifier un débat de
deuxième lecture, maintenant, le député peut les invoquer,
les reciter, apporter à l'appui tous les faits, même s'ils
remontent à 25 ans.
Ce qui s'est passé antérieurement et qui peut justifier
l'urgence de prendre une décision à la présente session
sur cette question, tous les faits et tous les arguments peuvent être
invoqués. IL ne faut tout de même pas, après que le
gouvernement ait tout fait pour
nous bâillonner qu'on nous empêche d'exprimer ici en Chambre
la vérité et les faits...
M. BELLEMARE: A l'ordre! M. PAUL: A l'ordre!
M. BELLEMARE: M. le Président, je soulève un point
d'ordre. Je vais continuer» Le chef de l'Opposition n'a pas le droit de
dire que le gouvernement a bâillonné l'Opposition: c'est faux.
M. LESAGE: J'ai dit qu'il a voulu.
M. BELLEMARE: C'est absolument faux. La Chambre a rendu une
décision formelle. Pendant sept heures de débat...
M. LESAGE: Ce n'est pas fini.
M. BELLEMARE: ... tout le monde a respecté l'ordre de la Chambre.
Pas un seul instant, on ne s'en est éloigné, jamais. On est
resté fidèle à la décision de la Chambre et
particulièrement au règlement 280; il est clair. On ne peut pas
le changer. Quand une motion portant sur la suspension d'une règle
c'est le cas est faite, la discussion ne peut jamais porter sur
le fond de l'affaire en vue, pour laquelle la suspension est proposée.
C'est l'article 280.
M. LESAGE: Mais, il y a une motion...
M. BELLEMARE: C'est clair. Mais, ce matin on s'est
réveillé et on a dit qu'on allait parler du fond.
Eh bien, M. le Président, votre décision, nous la
respectons. La décision de la Chambre, nous la respectons. Le
règlement s'applique, et nous comptons bien, M. le Président, que
ce n'est pas après sept heures de débat que l'honorable
député de d'Arcy-McGee va commencer à vouloir passer
à côté. Vous avez fait respecter le règlement; nous
nous y sommes tous soumis. Mes collègues, comme ceux de l'autre
côté, tout le monde s'est soumis à cette règle, et
je ne voudrais pas que ce matin on prenne une autre tangente, une autre
stratégie pour aller au fond du débat. Ce n'est ni l'endroit ni
la place après le jugement qui a été rendu.
M. LE PRESIDENT: Dès le début de ce débat sur la
motion actuellement devant la Chambre, j'avais donné des directives et
elles ont été suivies, bien que nous ayons vécu des
débats très vivants et à certains moments très
vigoureux. Je connais suffisamment le député de D'Arcy-McGee pour
savoir qu'il s'en tiendra à la directive que j'ai donnée sur ce
point. Je voudrais bien qu'aujourd'hui, comme samedi, nous n'abordions pas le
fond de la question et que nous n'ayons pas à ce moment-ci, au
détriment d'une décision de la Chambre, un débat de
deuxième lecture, à toutes fins pratiques.
L'honorable député de D'Arcy-McGee.
M. GOLDBLOOM: M. le Président...
M. LESAGE: Le ministre du Travail devra se souvenir que ça vaut
pour lui, ça aussi.
M. BELLEMARE: Dans ma réplique, je vais...
M. LESAGE: Oui, guettez-vous bien.
M. BELLEMARE: Oui. Justement à cause de ça, j'ai
passé la fin de semaine à l'écrire, pour être bien
sûr que je serais conforme au règlement.
M. LESAGE: Pour être sûr qu'il serait hors d'ordre.
M. BELLEMARE: Mais si je me tiens bien, j'espère que le chef de
l'Opposition va prendre la patience de m'écouter. Il y en a de
très bonnes. Je vais lui rappeler des souvenirs cuisants de quelques-uns
de ses prédécesseurs.
M. LESAGE: Oui, si c'est dans l'ordre. M. BELLEMARE: Oui, qui vous ont
accusé...
M. LESAGE: Mais si le ministre a le malheur d'être hors d'ordre,
11...
M. BELLEMARE: ... de les avoir trahis.
M. LESAGE: Oui?
M. BELLEMARE: On va voir ça.
M. LESAGE: Je n'ai pas accusé le ministre du Travail, j'en ai
accusé d'autres, pas le ministre du Travail.
M. BELLEMARE: Non, non, mais moi, je vais me servir du mot trahison,
tout à l'heure. On va voir où ça mène.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: On m'a obligé à le retirer, M. le
Président, et quand j'ai parlé de Brutus...
M. BELLEMARE: Je ne dirai pas trahison, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Je ne dirai pas trahison, moi.
M. LESAGE: Vous direz Brutus, pour voir.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Oui, j'essaierai avec Brutus, moi aussi. Là, je
vais vous prouver que c'était un libéral.
M. CHOQUETTE: Et vous, César.
M. BELLEMARE: Ceux qui vont mourir...
M. CHOQUETTE: Vous et le ministre de l'Education.
M. BELLEMARE: Ceux qui vont mourir te saluent.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre.
M. LESAGE: Il a lu autant qu'il a écrit en fin de semaine.
M. BELLEMARE: César, ceux qui vont mourir te saluent!
M. LESAGE: Il a lu, le ministre, autant qu'il a écrit.
UNE VOIX: Ah, il s'est couché tard aussi.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je me demande si l'honorable
député de D'Arcy-McGee accepte très bien cette
parenthèse dans son discours. L'honorable député de
D'Arcy-McGee
M. GOLDBLOOM: M. le Président, le but de mon argumentation est
très simple et très clair. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans
le fond du sujet, mais je veux démontrer deux choses dont l'une, je
crois, est déjà démontrée, c'est-à-dire que
l'opinion publique n'est pas exactement celle que prétend le
gouvernement en proposant sa motion.
La deuxième est que le gouvernement a déjà eu
amplement le temps de se pencher sur ce problème, de présenter un
projet de loi ou de prendre une décision quelconque là-dessus. Le
gouvernement ayant eu tout ce temps-là, ayant eu devant lui plusieurs
options, a choisi celle de présenter le projet de loi malgré tous
les renseignements et toutes les occasions qui lui étaient fournis
avant, et a choisi, après avoir inscrit au feuilleton le projet de loi,
de le retirer et de l'envoyer à un comité sans nous permettre de
nous exprimer là-dessus en deuxième lecture.
Donc, M. le Président, j'ai dit au début de cette partie
de mes remarques que je n'avais pas l'Intention de refaire l'historique des
événements. Je voulais simplement citer un exemple de l'occasion
antérieure où la question a été envisagée
par le gouvernement, et cela il y a six mois. Maintenant, nous arrivons
à un moment où le gouvernement dit tout d'un coup: Non.
Même si nous avons présenté un projet de loi, nous n'avons
pas encore assez étudié la question. M. le Président,
quelle est cette sorte de gouvernement qui présente un projet de loi
après plusieurs mois d'étude du problème, après
plusieurs sessions du comité de l'éducation et qui dit par la
suite: Non, nous regrettons, nous nous sommes trompés?
Nous devons retirer le projet de loi et l'envoyer à un
comité, et ça par la suspension des règlements de la
Chambre. Alors, ce n'est pas une chose ordinaire. Donc, j'ai fait allusion au
fait que le gouvernement, au mois de juin, s'était penché sur le
problème...
M. CARDINAL: Je m'excuse, je soulève un point d'ordre. On revient
au fond du sujet.
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. CARDINAL: Ecoutez, nous refaisons le débat qui s'est fait sur
le premier point d'ordre. Je regrette, mais je vous demande de rappeler
l'honorable député de D'Arcy-McGee i l'ordre.
M. CHOQUETTE: J'invoque le règlement. Je ne vois pas en quoi le
député de D'Arcy-McGee ne pourrait pas parler du contexte dans
lequel la motion du gouvernement est présentée.
M. CARDINAL: Si vous ne le voyez pas, nous le voyons.
M. CHOQUETTE: J'ai la parole et le ministre
de l'Education apprendra qu'en Chambre tous les députés
sont égaux.
Il serait peut-être utile que, dès ses premières
armes en Chambre, le ministre de l'Education prenne des habitudes de
bienséance, qui sont généralement observées par
tous les membres de cette Chambre.
M. CARDINAL: Ce n'est pas le député d'Outremont qui va
m'apprendre ça.
M. CHOQUETTE: J'ai la parole. Le leader du gouvernement devrait
s'asseoir. Le président est assis.
M. BELLEMARE: L'honorable député d'Outremont n'a pas de
leçon à donner à aucun de ses collègues.
M. CHOQUETTE: M. le Président, est-ce que j'ai la parole ou si
c'est le leader du gouvernement qui l'a?
M. BELLEMARE: Lui, qu'il essaie d'apprendre ses règlements...
M. CHOQUETTE: J'invoque le règlement.
M. BELLEMARE: ... il ne peut pas donner des conseils aux autres.
M. CHOQUETTE: J'invoque le règlement. UNE VOIX: La tempête
l'a affecté. M. LE PRESIDENT: A l'ordrer M. ROY: Il y a une
tempête là dedans.
M. LESAGE: Si les ministres continuent, on ne finira pas mercredi soir,
c'est certain. Vous n'avez qu'à continuer à interrompre
constamment et ça va continuer.
M. BELLEMARE: C'est ça. Ils n'ont qu'à suivre le
règlement et vous allez voir que cela va bien aller.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Comme il a été permis à
l'honorable député d'Outremont d'invoquer le règlement, je
dois aussi le permettre à d'autres. J'ai cru que l'honorable ministre du
Travail se levait pour invoquer le règlement. A ce moment-là, il
faut, tout de même, je pense, que j'aie l'opportunité de
l'entendre; autrement, je ne saurai vraiment pas où nous allons.
M. BELLEMARE: C'était très simple. On n'a pas le droit
d'attaquer un membre de la Chambre en vertu de l'article 285.
M. CHOQUETTE: J'invoque le règlement. Le leader du gouvernement
est hors d'ordre.
M. BELLEMARE: On n'a pas le droit de s'adresser directement à un
membre de laChambre, même si c'est pour lui donner des conseils.
M. CHOQUETTE: J'étais justement en train d'argumenter sur ce
point-là.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Outremont.
M. CHOQUETTE: II me semble que le député de D'Arcy-McGee a
tout à fait le droit d'expliquer le contexte dans lequel la motion du
gouvernement est présentée. Sans entrer dans le détail du
bill 85 présenté par le gouvernement, il me semble qu'il a le
droit d'expliquer à la suite de quelle position gouvernementale la
motion arrive. Il a le droit, suivant l'article 557ou 558 je ne me
rappelle plus très bien lequel d'expliquer pourquoi la motion
n'est pas à propos. A ce moment-là, la ligne de partage au fond
entre le principe du bill et le principe de la motion peut être assez
difficile à tracer.
Il me semble que la présidence devrait, en toute circonstance,
donner le bénéfice du doute à l'orateur. Si, comme le
voudrait le leader du gouvernement, la présidence adopte une attitude
d'une rigidité absolue, pour bâillonner l'Opposition, eh bien,
à ce moment-là, ça équivaut à nous
restreindre à parler des insignifiances qui se trouvent dans la motion
du gouvernement.
M. PAUL: L'honorable député d'Outremont vient justement de
vous signaler que, d'après son interprétation du
règlement, il serait possible à l'honorable député
de D'Arcy-McGee de parler des principes évoqués dans notre
règlement aux articles 556 et 557. C'est justement ce qu'un
député ne peut faire à ce stade-ci de nos
procédures, parce que nous demandons de mettre de côté
l'article 536 de notre règlement. En ce faisant, on ne peut directement
ou indirectement s'attaquer au principe de base de la motion. Alors, je soumets
respectueusement que l'on ne peut discuter que de l'opportunité ou non
de référer cette motion au comité de
l'éducation.
L'article 280 limite ce n'est pas nous c'est beau de dire
que nous voulons bâillonner l'Opposition. Absolument pas!
M. WAGNER: Allons-y!
M. LACROIX: Allons-y d'abord!
M. PAUL: Je vois mon honorable ami, le député de Verdun
qui dit: Allons-y! Il viendra au comité de l'éducation.
M. LESAGE: Tout de même!
M. PAUL: Je soumets respectueusement...
M. LESAGE: Qui fait perdre le temps de la Chambre? C'est le
député de Maskinongé.
M. PAUL: Je soumets respectueusement que, quand c'est pour suivre les
débats suivant les règles de nos procédures, il n'y a
jamais de perte de temps. Quand on lance des accusations aussi stupides que
celles qu'a lancées le chef de l'Opposition, là on perd du
temps.
M. LESAGE: Je suis énormément surpris d'entendre
sur une question de privilège, c'est clair le
député de Maskinongé se servir d'expressions
antiparlementaires ce matin. Lui qui nous avait donné l'exemple de la
dignité et de la compréhension lorsqu'il était au
fauteuil, le voici qu'il est d'une partisanerie absolument indescriptible dans
cette Chambre. On dirait que, du moment qu'il a été investi
ministre, l'homme a changé.
M. PAUL: Sur une question de privilège... M. LESAGE: L'homme a
changé. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. PAUL: Sur une question de privilège. Si le mot stupide est
considéré par l'honorable chef de l'Opposition comme
antiparlementaire, je vais le retirer...
M. LESAGE: Bon c'est très bien, c'est tout.
M. PAUL: ... en même temps que je lui demande si c'est plus
embarrassant pour lui de me voir ici qu'au fauteuil.
M. LESAGE: M. le Président, on m'a posé une question, j'ai
l'intention d'y répondre.
M. BELLEMARE: Je soulève un point d'ordre. Le chef de
l'Opposition a dit que c'était un partisan servile.
M. LESAGE: Non.
M. BELLEMARE: Une partisanerie aveugle. M. LESAGE: Je n'ai pas dit
cela.
M. BELLEMARE: Cela, c'est défendu par notre règlement
à la page 94. C'est l'article 285 le paragraphe c). Le mot qu'il vient
de dire est antiparlementaire. Il n'a jamais vu une partisanerie aussi aveugle.
Il n'a pas le droit de se servir de ces mots.
M. LESAGE: Sur le point d'ordre que vient de soulever le ministre, ce
qui est antiparlementaire, c'est évidemment l'expression «
partisan servile ». C'est le mot « servile » qu'on ne peut
employer. Mais de dire que quelqu'un fait preuve de partisanerie alors qu'il
n'en faisait pas preuve lorsqu'il occupait le fauteuil, ce n'est pas une
insulte.
M. BELLEMARE: Non, c'est un rêve. M. DEMERS: C'est une
qualité.
M. LESAGE: Bon, j'en prends à témoin le
député de Saint-Maurice qui dit que c'est une qualité...
Par conséquent, ce n'est pas une insulte.
M. DEMERS: On a seulement des partisans dans notre parti.
M. LESAGE: Mais il est certain que le député de
Maskinongé m'a posé une question. Il m'a demandé si c'est
parce que je craignais de le voir où il est. Je lui dirai: Pas du
tout!
M. PAUL: Je n'ai jamais parlé de crainte.
M. LESAGE: Il a été un excellent président de la
Chambre. J'avais l'espérance qu'il soit un excellent « debater
» et un excellent ministre. Je suis déçu.
M. PAUL: Cela me fait plaisir.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je comprends mal que le climat soit
agité ce matin après une longue fin de semaine reposante. Il y a,
je pense, une chose que l'on doit admettre à un moment donné. Je
me propose dans mes loisirs, si on finit par en avoir, de faire une certaine
étude sur l'article 285. Je dirai qu'au journal des Débats, le
ton n'appartit pas et que le ton change parfois le sens des mots. Je donnerai
des exemples, à un moment donné, sur ce point-là, sans
être un spécialiste de la langue.
Je cède maintenant la parole à l'honorable
député de D'Arcy-McGee qu'on serait peut-être
parfois porté à oublier au cours de ce débat en lui
rappelant que je porterai la même vigueur, et je dirai la même
sévérité, à faire respecter la directive que j'ai
tracée au sujet du fond de la question. Il va sans dire qu'il y a dans
cette Chambre des gens très habiles, astucieux, qui pourraient, par les
portes d'à côté, même par les fenêtres, aborder
le principe. Je compte bien, non pas sur la bonne foi, mais sur la plus
entière bonne foi des députés pour ne pas aborder ce
problème qui dégénérerait en motion de
deuxième lecture et ce, au détriment des travaux parlementaires
qui ne progresseront pas sans que cette directive soit suivie. L'honorable
député de D'Arcy-McGee.
M. GOLDBLOOM: C'est assez simple, le gouvernement nous fait une
proposition. Il me semble que j'ai le droit d'examiner le chemin que le
gouvernement a suivi pour arriver à cette proposition et, s'il y a eu au
long de ce chemin des tergiversations, il me semble que j'ai le droit d'y faire
allusion.
Vous avez permis à d'autres députés qui ont
parlé avant moi, M. le Président, de citer certains faits
historiques. C'est tout ce que j'avais l'intention de faire, et cela
très brièvement, pour montrer que certains
événements avaient eu lieu et que le gouvernement aurait pu agir
autrement avant de proposer cette motion.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de D'Arcy-McGee me
permettrait-il de compléter une opinion que je viens de donner? Il me
dit, à ce moment-ci, que j'ai laissé certains
députés qui ont parlé avant lui faire des commentaires ou
citer des faits historiques. Il se rappellera, sans doute, que je suis
intervenu au moment précis où l'honorable chef de l'Opposition se
levait pour exposer une opinion donnée dans une lettre écrite
à l'honorable Secrétaire de la province. Je l'ai
arrêté au moment précis où il s'engageait dans des
commentaires sur une opinion qui lui était donnée par un
correspondant. J'ai permis la lecture de documents par l'honorable chef de
l'Opposition et par l'honorable premier ministre par intérim lorsque les
faits indiqués dans les lettres ou dans les télégrammes
étalent à l'effet qu'il y avait urgence d'étudier le
projet de loi.
Dès qu'on se plaignait du fait que le bill avait ou n'avait pas
tel ou tel article et qu'il devrait contenir telle ou telle chose, je suis
toujours intervenu, je pense. Je ne crois pas qu'on puisse me reprocher de
n'avoir pas été vigilant sur ce point.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, je n'ai sûrement pas besoin
de vous assurer que ce n'était pas un reproche que je vous adressais.
C'était simplement une allusion à certains éléments
des discours qui avaient été prononcés avant le mien.
Il suffit de dire qu'il y a eu tergiversation de la part du
gouvernement. Je reviens au premier thème de mes remarques afin de
pouvoir les terminer assez rapidement. L'opinion publique, selon le
gouvernement, motive plus que toute autre considération la
présentation de cette motion. Le gouvernement nous dit; Il n'y a rien
d'étrange dans la motion; nous avons déjà fait de telles
propositions et nous avons toujours permis à tous les
députés de la Chambre de s'exprimer en comité et à
des témoins d'être entendus.
Je soumets respectueusement que ce n'est pas précisément
le cas; c'est, en effet, à ce même comité de
l'éducation, présidé par l'honorable poète de
Saint-Jean, que l'on a refusé à un député de cette
Chambre, non membre du comité, de s'exprimer. Justement, quand nous
avons demandé que ce comité siège dès la reprise de
nos travaux au mois d'octobre, le gouvernement a refusé notre
proposition que des témoins soient entendus sur la crise de
l'éducation. Le problème qui est au fond de la question, que je
ne touche pas, fait partie de la crise de l'éducation dans la province
de Québec.
La masse centrale de l'opinion publique est souvent amorphe et n'est pas
nécessairement organisée en groupes de pression. Les groupes de
pression ont plutôt tendance à se trouver aux deux extrêmes
de l'éventail. Il me semble que nous, ici, en cette Chambre, nous sommes
élus pour représenter surtout cette masse centrale, responsable
et de bonne foi, de l'opinion publique. Cette masse centrale nous dit
très simplement: Ce dont nous avons besoin dans la province de
Québec, c'est d'une justice équitable pour tout le monde.
Nous sommes prêts à y procéder, et si l'opinion
publique est prête, donc les députés de cette Chambre
devraient être prêts et le gouvernement devrait être
prêt. Je constate, à mon grand regret, que malgré tout ce
qui s'est passé avant, le gouvernement n'est pas encore prêt, et
c'est pour cette raison que je m'oppose très fermement à la
motion qui est présentement devant la Chambre.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Outremont.
M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE: M. le Président, en abordant cette motion
gouvernementale pour envoyer le bill 85 au comité de l'éducation,
je ne peux m'empêcher, dès le début de mes remarques, de
constater qu'il s'agit, de toute évidence, de la part du gouvernement et
de celui qui présente la motion, le leader du gouvernement, d'une
manoeuvre pour éviter le débat en Chambre sur la question de
fond, sur la question des droits linguistiques et scolaires dans le
Québec.
Le leader du gouvernement me fait-il rappeler à l'ordre?
M. BELLEMARE: Oui, vous avez dit: Manoeuvre de la part du gouvernement.
C'est antiparlementaire. Avant de prêcher aux autres de pratiquer le
règlement, lisez-le.
M. CHOQUETTE: Je vais remplacer le mot manoeuvre par stratégie et
peut-être par tactique, si ça fait plaisir au leader du
gouvernement; mais je pense que la stratégie gouvernementale, M. le
Président, est cousue de fil blanc. Je m'étonne et f en
fais l'observation dès le début de mes remarques de
trouver à l'appui de cette motion des gens aussi disparates que le
leader du gouvernement, le député de Laurier, le ministre de
l'Education et le député de Chicoutimi.
Tout ça, M. le Président, fait un mélange de
personnalités des plus diverses et on ne voit pas ce qui les unit,
n'est-ce pas, derrière cette motion pour empêcher enfin les
élus du peuple d'aborder la question des droits linguistiques...
M. CARDINAL: La compréhension.
M. CHOQUETTE: Le ministre de l'Education pousse une observation. Je n'ai
pas saisi, M. le Président, par conséquent je ne suis pas en
mesure de répondre. Je pourrai cependant parler, tout à l'heure,
des déclarations du ministre de l'Education en d'autres circonstances
où percent continuellement, depuis qu'il est ministre de l'Education,
depuis que les événements de Saint-Léonard se sont
produits, l'absence de politique déterminée sur la question.
C'est bien là le fond du problème: c'est que la tactique,
ou la stratégie gouvernementale est faite seulement et exclusivement
pour cacher l'absence de pensée du ministre de l'Education et du
gouvernement sur cette question.
J'apporterai tout à l'heure des preuves à l'appui de cette
affirmation que je ne voudrais pas que les membres du gouvernement prennent
pour de l'argent comptant, parce que je compte leur en faire la
démonstration à leur satisfaction.
Le ministre de l'Education ne perd rien pour attendre. Je lui citerai
ses propres déclarations, celles de l'actuel premier ministre, celles de
l'ancien premier ministre alors qu'au fond, la question était
déjà soulevée dès le début du mois de juin
de cette année.
Je regrette que le député de Laurier ne soit pas ici
à ce moment, parce que je n'aime pas parler des autres en leur absence.
Les motifs du député de Laurier sont évidemment tout
différents de ceux du gouvernement. Sans entrer, disons donc, dans ses
motifs personnels, dans ce qui le meut, parce que je n'attaque pas sa bonne
foi, le député de Laurier a un comportement assez étrange
depuis quelques jours à la Chambre alors que devant des manifestants,
ici...
M. GOSSE LIN: II était si fin, le député de
Laurier, quand il était avec vous autres!
M. CHOQUETTE: Le député de Laurier est un
député qui a de grandes qualités, et sur le plan
économique et social, je ne crains pas de dire que le plus souvent je
suis d'accord avec lui.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'espère qu'on ne fera pas ici ce
matin le procès de l'honorable député de Laurier, parce
que j'aurais l'impression de procéder à une cause par
défaut. Je voudrais donc qu'on revienne à la motion.
M. CHOQUETTE: M. le Président, l'attire votre attention sur le
fait que le député de Compton m'avait interrompu par une question
et que la politesse me commandait de lui répondre. Je voulais seulement
mettre les choses au point sur ma position vis-à-vis du
député de Laurier. J'ai pour lui la plus grande estime quand il
parle de questions économiques et sociales, mais quand il arrive dans le
nationalisme et la linguistique, il déraille. Ce n'est pas de sa
faute.
M. le Président, je me disais donc: Comment se fait-il que,
derrière cette motion,nous trouvions des personnalités aussi
diverses. On sait l'amitié que le ministre du Travail porte au
député de Laurier, on sait la communauté de pensée
qui existe entre eux, on sait l'unité de leur action sur le plan
politique, comment se fait-il que les voilà tous les deux
derrière cette motion?
Et je me disais que, dans le cas du ministre du Travail, c'était
facile à comprendre. Je pense que son parti est divisé sur la
question, je pense qu'il ne veut pas l'éclatement de son par-
ti, je pense qu'il a choisi de sauver la façade de l'Union
Nationale. Cela, explique le comportement du leader du gouvernement.
Mais le député de Laurier, comment se fait-il qu'il ne
veuille pas aller à la question de fond? Comment se fait-il qu'il ne
veuille pas que les élus du peuple abordent la question des droits
linguistiques dans le Québec, parce que lui-même a pris des
positions assez catégoriques? On s'en rappellera, M. le
Président, qu'au comité de l'éducation, le
député de Laurier a fait de longs exposés au mois de juin
dans le mérite desquels je n'entrerai pas. Mais je dirai que le
député de Laurier avait lui-même, porté une
attention toute particulière à ce problème-là qui
le préoccupe et à juste titre.
Alors, comment se fait-il qu'aujourd'hui, dans la Chambre des
élus du peuple, ceux qui représentent l'ensemble de la
société, non pas des groupes particuliers comme le MIS ou des
associations de parents anglophones, comment se fait-il que nous, qui sommes
élus par des gens de la majorité, sûrement en
majorité, mais aussi de la minorité, des Néo-Canadiens,
enfin des gens qui ont des intérêts divers, des opinions diverses
et je pense qu'à ce point de vue-là, nous sommes un peu le
commun dénominateur de la population du Québec comment se
fait-il que le député de Laurier qui est un fervent
démocrate, soit d'accord avec le ministre du Travail pour escamoter la
question des droits linguistiques et scolaires dans le Québec
aujourd'hui au Parlement, qui est au fond l'autorité ultime, la voix du
peuple?
Et ceci m'amène à une observation que j'ai trouvé
assez comique, du député de Maskinongé dans son
exposé de l'autre soir puisque...
M. LAFRANCE: Il est souvent comique.
M. CHOQUETTE: Bien, pas toujours, mais là vraiment, dans cette
partie-là, il était comique. Le député de
Maskinongé, pour justifier la référence au comité,
disait: Nous allons entendre la voix du peuple. M. le Président, le
député de Maskinongé pouvait-il sincèrement croire
qu'au comité de l'éducation nous allons entendre la voix du
peuple? Non, nous allons entendre la voix de mouvements qui se sont
déjà compromis dans un sens ou dans l'autre, qui ont
déjà fait connaître leur position.
Actuellement, nous connaissons la position du MB. Elle est la position
de l'unilinguisme. Nous connaissons la position du député de
Laurier, c'est une position qui tente de respecter les droits acquis de la
minorité, mais qui, pour les immigrants à venir, imposerait le
français. Nous connaissons la position traditionnelle qui a
été adoptée dans le Québec. M. le Président,
je n'entre pas dans le mérite de la question, je dis quelles sont les
positions.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. GOSSE LIN: La comédie a assez duré.
M. LACROIX: Vous êtes des mardi-gras.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député d'Outremont
comprendra qu'il s'éloigne actuellement de la motion qui est devant la
Chambre.
M. CHOQUETTE: M. le Président...
M. ROY: Il parle comme son cousin Ti-Gus.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CHOQUETTE: ... tout en prenant bonne note des observations que vous
me faites, M. le Président, j'entends tout de même prononcer mon
discours pour expliquer jusqu'à quel point la motion m'apparaît
complètement intenable dans l'état actuel des choses et
j'essayais de répondre au député de Maskinongé qui
disait: Nous allons entendre la voix du peuple au comité de
l'éducation.
Ce n'est pas la voix du peuple que nous allons entendre. La voix du
peuple, dans une question comme celle des droits scolaires et des droits
linguistiques, elle est bien plus dans cette Chambre avec toute la
diversité des gens que nous représentons dans nos comtés,
qu'elle peut l'être dans un comité où nous n'aurons pas
l'opinion moyenne de la population, où nous aurons l'opinion des gens
qui ont des intérêts précis à protéger ou
encore des causes fanatiques à promouvoir.
Pour en revenir au député de Laurier, qui insinuait au
cours de son discours, que l'Opposition parlait beaucoup plus fort une fois que
sa motion pour scinder avait été défaite et qui nous
attribuait une espèce de crainte de prendre position actuellement et
d'être assez heureux, en somme, que la motion soit
référée au comité, je lui répondrai que
c'est complètement faux, M. le Président.
J'admets qu'il peut être assez douloureux, assez dur de prendre
position, de trancher dans le vif dans une question aussi importante que celle
des droits linguistiques. Mais l'Opposition a décidé de prendre
ses responsabilités, contrairement au gouvernement. Nous n'avons pas
peur de le discuter ouvertement devant la Chambre, quelles que puissent
être les consé-
quences aux yeux de je ne sais quel mouvement, aux yeux de je ne sais
quelle classe de la population; nous n'avons pas peur de prendre nos positions
et d'en subir les conséquences sur le plan électoral comme sur le
plan de l'opinion publique.
Il faut quand même rétablir les choses. Je regrette que le
député de Laurier ne soit pas ici parce que lui-même... Je
le citerai, non pas au point de vue du fond de sa pensée, mais pour
montrer jusqu'à quel point le député de Laurier, à
certaines occasions, dit des choses et, quand cela ne fait plus son affaire, il
dit d'autres choses.
M. LAFRANCE : Vous pourriez dire cela à son ami.
M. CHOQUETTE: A son ami?
M. LAFRANCE: Bien, le député de Chicoutimi.
M. LACROIX: Le député de Chicoutimi, le
député de Sainte-Hyacinthe, le député de
Rouyn-Noranda.
M. CHOQUETTE: On m'a dit qu'ils étaient moins amis.
M. LACROIX: Ils lisent les journaux pendant ce temps-là.
M. BOUSQUET: Nous sommes même les amis du député des
Iles-de-la-Madeleine, imaginez-vous donc!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAFRANCE: C'est une autre sorte d'amitié.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CHOQUETTE: M. le Président...
M. GOSSELIN: Continuez votre mise en scène.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demande aux honorables
députés de garder leurs expressions d'amitié pour la
période des fêtes. L'honorable député
d'Outremont.
M. GOSSELIN: C'est mêlant votre pièce de
théâtre ce matin.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CHOQUETTE: M. le Président, le député de
Laurier, par exemple, au Journal des Débats des...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CHOQUETTE: ... 10, 11, 12 et 13 juin 1968, alors que siégeait
le comité de l'éducation, voici comment il s'exprimait au moment
où les événements de Saint-Léonard se
déroulaient. Comme je le dis, je n'ai pas l'intention de toucher
à la question de fond.
M. LAFONTAINE: Est-ce le procès du député de
Laurier?
M. CHOQUETTE: Je veux simplement démontrer que le
député de Laurier, à ce moment-là, prenait la
position que le gouvernement devait avoir une politique en matières
linguistique et scolaire. Je pense qu'il avait raison...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Malheureusement, je ne pourrai permettre
cette expression d'opinion parce qu'on comprend facilement qu'on arriverait au
fond de la question par la même porte d'entrée qui aurait pu
être ouverte par une lecture de lettre samedi.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je diverge d'opinion avec votre
décision, parce que sous prétexte... Je la respecterai...
DES VOIX: A l'ordre 1
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. GOSSELIN: La tempête l'a réellement affecté.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député d'Outremont
pourra en appeler de ma décision, mais malheureusement elle est
rendue.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je n'avais pas l'intention d'en
appeler de votre décision, mais je voulais simplement vous signaler que,
sous prétexte d'éviter d'aborder la question de fond, vous ne
pouviez pas limiter le débat dans sa plénitude sur le principe de
la motion. J'essayais de démontrer que le but de la motion
gouvernementale était de cacher l'absence de politique linguistique et
scolaire de la part du gouvernement. C'était la démonstration que
je voulais faire et l'objet de mes citations était pour démontrer
que ce n'était pas d'hier que
nous avions une absence de politique linguistique et scolaire de la part
du ministre de l'Education et de la part du gouvernement dans son ensemble.
M. CARDINAL: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: Lorsque l'honorable député d'Outremont
relira le journal des Débats. Il verra, je pense, que j'avais raison de
ne pas laisser le débat s'engager sur le fond du bill et il le ferait de
la façon qu'il nous propose ce matin. Je crois qu'il admettra qu'il
s'agirait d'une méthode astucieuse pour arriver au fond comme il l'a
laissé lui-même entendre dans sa dernière remarque.
On débattrait, à ce moment-là, des opinions qui
à ce sujet ont déjà été modifiées par
certains députés de cette Chambre et, inévitablement, nous
en serions à un débat de deuxième lecture.
M. CHOQUETTE: M. le Président, seulement une perle du
député de Laurier à la page 890 du journal des
Débats, alors que le ministre de l'Education s'expliquait...
DES VOIX: A l'ordre!
M. CHOQUETTE: Vous n'avez même pas entendu la citation encore,
comment pouvez-vous vous prononcer?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il faut que j'entende l'honorable
député d'Outremont sur ce point.
M. CHOQUETTE: Bien oui. Alors, seulement cette perle, M. le
Président, pour montrer jusqu'à quel point la position du
député de Laurier s'est modifiée depuis six mois et
jusqu'à quel point, aujourd'hui, il est sensible, n'est-ce pas, aux cris
de la foule. Je crois même que c'est pour cette raison qu'il abonde avec
le gouvernement. Alors, voici ce qu'il disait, M. le Président, le jeudi
13 juin, à la page 890: « Le gouvernement doit avoir une
politique. Il n'en a pas. Celle qu'évoquait le premier ministre hier,
comme dans sa conférence de presse, c'est essentiellement le statu quo
avec une sorte de vague intégration volontaire. »
DES VOIX: A l'ordre!
M. BOUSQUET: Parlez-nous de la formule Fulton-Favreau et des changements
d'opinion survenus sur ce sujet-là.
M. LE PRESIDENT: Je pense que l'honorable député
d'Outremont, avec l'expérience que je lui connais, sait fort bien
qu'actuellement il tente de pénétrer au fond de la question par
une porte de côté. Or, je ne peux permettre, comme je l'ai fait,
d'ailleurs, toute la journée de samedi, qu'on aborde le principe du bill
85, il va sans dire.
M. CHOQUETTE: Enfin, M. le Président, je ne vois pas en quoi je
touche au fond de la question, quand je dis que le gouvernement n'a pas de
politique. De toute façon, M. le Président, laissons ce
sujet...
UNE VOIX: II ne connaît pas ça.
M. CHOQUETTE: ... et abordons un autre aspect de la situation. Le
premier ministre, au moment où il a présenté et
déposé le bill 85, a également fait une déclaration
ministérielle sur la formation d'une commission royale d'enquête
en matière linguistique. Je pense, M. le Président, que nous
avons été d'accord, non pas nécessairement avec tous les
détails de la déclaration faite par le premier ministre, mais
avec l'idée d'instituer cette commission pour analyser la situation du
français dans le Québec. Le premier ministre disait ceci,
à la page 4647 du journal des Débats: « Pour obtenir des
réponses à ces questions et à toutes les autres qu'on peut
se poser, le gouvernement a décidé de créer une commission
d'enquête. D'autres organismes, comme la commission Parent et la
commission Laurendeau-Dunton, nous ont déjà fourni des
éléments de réponse. Aucune enquête n'a cependant
encore été instituée pour étudier,
spécifiquement et en profondeur, le problème des langues au
Québec avec tout ce qui s'y rattache, y compris les droits linguistiques
de la majorité et de la minorité. » Par conséquent,
j'attire l'attention de la Chambre sur le fait que le premier ministre disait
que cette commission était formée pour étudier les droits
linguistiques de la majorité et de la minorité. « Tel est
l'objet de cet arrêté ministériel que je dépose afin
de le porter immédiatement à l'attention du chef de l'Opposition,
de tous les députés, de la presse et du public. Nous
espérons que la commission pourra nous faire rapport dans les douze
mois. Suivant ses recommandations, des mesures pourront alors être prises
pour compléter et ordonner, dans un ensemble bien structuré,
notre politique linguistique. « En attendant, tous comprendront sans
doute la nécessité de maintenir le statu quoi et en ce
qui concerne le libre choix pour les parents des institutions
anglophones ou francophones que fréquentent leurs enfants. » Le
statu quo, M. le Président...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Disons que nous allons arrêter au
statu quo.
M. CHOQUETTE: La déclaration continuait, M. le Président;
je ne la lirai pas, puisque vous me l'interdisez. Le premier ministre
reconnaissait, à ce moment-là, l'opportunité de laisser la
situation dans l'état où elle était suivant les traditions
établies dans le Québec, en attendant un rapport de la commission
royale d'enquête, qui devait nous donner une politique
générale sur ce sujet.
Or, M. le Président, le comité de l'éducation
auquel on va référer ce bill 85 sera appelé, en somme,
à entendre les parties dont j'ai parlé tout à l'heure et
qui, à mon avis, ne sont pas représentatives de l'opinion
publique.
M. BOUSQUET: Qu'en savez-vous?
M. CHOQUETTE: Il est clair que ce comité fera double emploi avec
la commission royale d'enquête instituée par le gouvernement et
sur laquelle tout le monde est d'accord.
Il est difficile de concevoir que le ministre de l'Education et le
premier ministre, ancien député de Bagot, n'aient pas
réussi à se prononcer au mois de juin sur une politique
linguistique. Il est difficile de comprendre comment il se fait que le ministre
de l'Education, au moment où il était questionné sur la
politique linguistique et scolaire au comité de l'Education s'en
remettait c'est dans les Débats en toutes lettres à
un rapport du comité de restructuration scolaire pour la région
de Montréal. Comment il se fait que le gouvernement institue une
commission royale d'enquête qui va, elle, lui énoncer sa
politique, et comment il se fait que, par-dessus tout ça, après
tous ces rapports, tous ces comités, sans avoir énoncé
à aucun moment une position ferme et précise, soit à
court, soit à long terme, le gouvernement arrive devant la Chambre et
nous propose de « side-tracker » ce bill 85 au comité de
l'éducation.
Je dis qu'il est manifeste que la tactique gouvernementale cache une
absence totale de pensée dans le domaine linguistique dans le
Québec. Je ne parle pas seulement de la question des droits des
minorités. Je parle également de l'ensemble de la politique sur
le plan linguistique, sur le plan du respect de la langue française,
parce que c'est une valeur...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député d'Outremont
conviendra avec moi qu'il s'engage sur le fond de la question.
M. CHOQUETTE: Je tire les conclusions du comportement gouvernemental
depuis six mois. Je n'ai pas mentionné, parce que le chef de
l'Opposition en a fait état dans son intervention l'autre jour, les
tergiversations au cours des semaines récentes dans la politique
gouvernementale au sujet du bill 85. Je n'ai pas voulu aborder cette partie de
la question parce que le chef de l'Opposition avait suffisamment exploré
le terrain pour nous montrer que, même dans les semaines récentes,
le gouvernement était comme apeuré et électoralement
à des moments apeuré par des mouvements et d'autres et qu'en
dernier lieu, il avait posé ce geste d'envoyer mourir le bill au
comité de l'éducation. Je n'ai pas voulu aborder cet aspect, mais
j'ai parlé des mois récents au cours desquels je pense avoir
démontré que l'inspiration que le gouvernement cherche en
matière linguistique et scolaire, il veut qu'elle lui vienne d'autres
sources que des ressources propres des hommes du gouvernement. Les hommes du
gouvernement sont incapables dépenser une politique linguistique et
scolaire ou, au moins, n'ont pas le courage d'en affirmer une, et ils
attendent, comme ils ont toujours attendu, le message de quelques groupes de
pression ou quelques groupes d'intérêt.
M. BELLEMARE: Je soulève un point d'ordre. L'honorable
député d'Outremont vient de dire que l'attitude du gouvernement
manque de courage.
M. LAFRANCE: Le gouvernement, pas un membre du gouvernement.
M. BELLEMARE : Je suis sur un point d'ordre et je demande à
l'honorable député de Richmond de se calmer un peu parce que ce
n'est pas le matin de la tempête...
Je ferai remarquer qu'à l'article 285, vingtièmement,
à la dixième ligne, vous trouverez « manque de droiture, ou
manque de courage ». Ce n'est pas un terme parlementaire.
M. CHOQUETTE: « Courage » n'est pas un terme
parlementaire?
M. LAFRANCE : Sur le point d'ordre, je crois que le terme ne s'adresse
pas à un membre de la Chambre en particulier, mais à un
régime, à un gouvernement, et je ne crois pas que ce soit
contraire au règlement de la Chambre.
M. CHOQUETTE: Si on ne peut reprocher le manque de courage au
gouvernement, je me demande ce qu'on peut lui reprocher.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'opinion donnée par l'honorable
député de Richmond me semble exacte et j'invite l'honorable
député d'Outremont à continuer ses propos.
M. CHOQUETTE: J'aborde maintenant une autre partie de mon discours,
celle qui traite du mérite même de la référence du
bill au comité de l'éducation.
Premièrement et je voudrais répondre sommairement
au député de Maskinongé qui nous a montré le
tempérament dont on avait entendu parler avant qu'il devienne
président de la Chambre le député de
Maskinongé nous a dit que le comité siégera et qu'il
procédera.
M. LAFRANCE: Ce sont des moutons de l'autre côté.
M. CHOQUETTE: Or, le député de Maskinongé sait
très bien qu'un comité permanent de la Chambre, au point de vue
de ses séances, est soumis à la majorité gouvernementale.
Ce comité-là il ne faudrait pas le faire croire à
l'opinion publique ou à la presse line faudrait pas faire croire
que, parce qu'on a référé ce bill au comité,
celui-ci siégera nécessairement. Pas du tout. Le comité
siégera si le gouvernement lui permet de siéger. Je n'ai
qu'à rappeler un petit incident qui s'est produit au cours de la
session, alors que l'Opposition voulait siéger au comité des
régies gouvernementales à caractère commercial et
industriel, le gouvernement a empêché, avec sa majorité au
comité, que des séances du comité aient lieu.
Les séances du comité, au point de vue de leur date, au
point de vue de leur nombre, sont strictement dans le domaine de la
prérogative de la majorité en Chambre ici, donc du gouvernement.
Par conséquent, il n'est pas assuré du tout et je dirais
que, compte tenu du double emploi que ferait le comité de
l'éducation avec la commission royale d'enquête qui a
été instituée le comité de
l'éducation siège jamais sur le bill 85 et qu'en somme la motion
ne soit au fond qu'un enterrement de première classe.
Ce qui me fait avoir des réserves sur la sincérité
gouvernementale dans ce domaine, c'est qu'on a refusé de donner suite
à la suggestion du député de Vaudreuil-Soulanges, ancien
ministre de l'Education, à l'effet de procéder
immédiatement ou enfin dans les Jours qui vont suivre, compte tenu de
l'importance de la question.
Le député de Vaudreuil-Soulanges était tenu par le
règlement et ne pouvait pas proposer un amendement formel à la
motion qui est devant la Chambre mais il a quand même fait la suggestion
au gouvernement de procéder le plus rapidement possible avec les
séances du comité. En somme, quelle réponse avons-nous eue
du leader du gouvernement? Nous verrons en temps et lieu et surtout, pas de
vapeur. C'est un gouvernement qui est contre la vapeur. Le ministre de
l'Education est parfaitement adapté au gouvernement dans lequel il se
trouve parce que, dans son petit exposé de l'autre soir, j'ai vu le mot
« vapeur » à un moment donné arriver, n'est-ce pas,
à la surface et le ministre de l'Education était
scandalisé. Il ne voulait pas entendre parler que l'on puisse, à
un moment donné, agir efficacement.
M. BOUSQUET: Baissez la vapeur, baissez la vapeur.
M. CHOQUETTE: Il ne faisait que se faire l'écho des propos du
député de Maskinongé qui, lui aussi, je dois le dire,
s'adapte fort bien au groupe dans lequel il siège. Lui aussi est contre
la vapeur. Je dis qu'en somme nous avons un gouvernement vaporeux. Evidemment,
quand on regarde le leader du gouvernement au point de vue de sa prestance
physique, on ne peut pas le dire. Mais, c'est sur le plan de la
pensée.
M. GRENIER: Ne fais pas ton petit comique, Jérôme!
M. CHOQUETTE: Juste une note humoristique que je voulais apporter,
n'est-ce pas, pour laisser tomber la température afin que la vapeur se
pose dans cette Chambre et que cela devienne...
M. BELLEMARE: Vous avez le mandat d'aller jusqu'à midi quinze,
vous. On vous a averti.
M. CHOQUETTE: Ne vous inquiétez pas! Je procède
rapidement. Dans l'état actuel des choses, même malgré les
mouvements de protestation qui existent à l'extérieur et dont
nous avons eu des échos aux abords du Parlement, malgré les
opinions assez violentes qui ont été exprimées de part et
d'autre par les francophones comme par les anglophones, est-ce qu'un
débat à la Chambre était nécessairement
entravé au départ par ces mouvements de l'opinion? Je ne le pense
pas. Je crois que nous aurions pu aborder ces questions au mérite.
D'autant plus qu'il ne s'agissait, pas par le bill 85, de
déterminer le cours de notre histoire pendant trois siècles
à venir. Il s'agis-
sait de prendre une position à court terme dans
l'immédiat, en attendant que la Commission royale d'enquête fasse
rapport. C'est de cela qu'il s'agissait. Je ne vols pas pourquoi les
dispositions des parlementaires, que nous voyons dans cette Chambre, auraient
été tellement agressives, que cela aurait empêché
tout débat rationnel sur la question. Au contraire, lorsque je regarde
la Chambre ce matin, je suis porté à croire que nous aurions bien
pu l'aborder cette question au fond et prendre les décisions qui
s'imposent.
Le gouvernement s'il se sentait un peu trop lié par son bill 85,
aurait été parfaitement libre de l'amender lui-même ou avec
l'Opposition. Le gouvernement n'était pas attaché
irréductiblement à une position déterminée.
D'autant plus que, comme je le disais tout à l'heure, il s'agissait en
somme de régler un problème à court terme.
Le gouvernement je ne sais pas pour quel motif de division
interne ou de crainte de l'opinion publique ou d'hésitation ou encore
à cause de l'absence de son chef, enfin je ne sais trop i quel motif
attribuer la tactique gouvernementale, mais au fond peut-être que pour
l'ensemble de ces motifs-là le gouvernement a choisi d'envoyer
cette question aux calendes grecques devant ce comité de
l'éducation qui sera complètement à la merci des
décisions de la majorité et qui, comme je le disais tout à
l'heure, ne siégera probablement pas.
Alors, je déplore que ce soit le cas et qu'on ait
procédé ainsi parce qu'au moment où le parlementarisme est
l'objet de tellement de critiques de part et d'autre le leader du
gouvernement en a fait état à plusieurs reprises cela
n'aurait-il pas été le moment pour les parlementaires de prendre
leurs responsabilités, n'était-ce pas le moment pour nous
d'exprimer nos voeux et nos opinions sur ce sujet, comme je le disais et
je le répète d'autant plus qu'il ne s'agissait pas de
décider d'une politique à long terme dans ce domaine mais au fond
d'une politique à court terme?
Maintenant, quant à la motion elle-même, je soumets qu'elle
est trop vague. Il n'y a pas d'instruction donnée au comité dans
la motion. On donne instruction au comité d'entendre des témoins,
faire quérir des documents, etc., donc entendre de la preuve, des
représentations. Mais on ne dit pas de faire rapport à la
Chambre. L'article 442 permet au comité de faire rapport à la
Chambre. On aurait pu dans les instructions dire: Le comité va entendre
des témoins, étudier la question et faire un rapport à la
Chambre sur ces recommandations à l'occasion du bill 85. Ce n'est pas
ça que comporte la mo- tion. Dans la motion, il est seulement dit que le
comité va entendre des témoins, obtenir des documents, et il
dira: J'ai siégé. En somme, c'est une discussion
académique, purement académique, que le gouvernement veut au
comité de l'éducation, sans qu'aucune conclusion positive en
ressorte quant à l'avenir de ce bill 85 et quant aux autres questions
qui se trouvent englobées ou visées, n'est-ce pas, pas la
question linguistique.
Alors, M. le Président, pour conclure, je dis ceci...
M. BELLEMARE: Il est midi et quart. M. PAUL: II est midi et quart.
M. BELLEMARE: M. Saint-Germain doit commencer à midi et quart
pour finir à midi trente. M. Lafrance doit commencer à midi
trente pour finir à midi quarante-cinq. M. Brown doit commencer à
midi quarante-cinq pour finir à une heure.
M. PROULX: En a-t-il encore pour longtemps ce matin?
M. CHOQUETTE: M. le Président, je dis donc, pour conclure sur ce
sujet, qu'il me semble qu'on aurait au moins pu donner au comité un
mandat de faire rapport à la Chambre sur une politique en matière
linguistique. Non pas seulement de faire un rapport formel à la Chambre
en disant: Nous avons siégé à telle date et nous avons
entendu telles personnes. Nous avons siégé à telle autre
date et nous avons eu des représentations de telles personnes. Nous
avons siégé à telle autre date et on nous a donné
tels documents. Voilà le rapport, en somme, que le comité de
l'éducation pourra faire à la Chambre, suivant les instructions
qui sont contenues à la motion. Je dis qu'on aurait peut-être pu
aller plus loin. On aurait pu dire que le comité ferait un rapport
à la Chambre sur les mesures qu'il croit opportunes dans l'état
actuel des choses sur la question des droits linguistiques et scolaires.
Mais non, M. le Président! Et je vois là une autre preuve
qu'il ne s'agit dans cette motion que d'une tactique gouvernementale pour
éviter le problème, pour escamoter la question. Je ne pense pas
que nous, de l'Opposition, nous puissions jouer le jeu du gouvernement, comme
le fait si bien le député de Laurier.
M. le Président, je conclus...
UNE VOIX: Encore!
M. CHOQUETTE: Je conclus sur le tout. Je dis que le gouvernement a
cessé de gouverner la province de Québec. Je dis que le
gouvernement n'a pas de politique en matière linguistique et scolaire.
Je dis que le gouvernement laisse pourrir et laisse s'enflammer une situation
qui peut devenir une conflagration, comme le disait lui-même le
député de Laurier. Malgré les bons sentiments du ministre
des Finances, que je respecte beaucoup, et dont j'ai écouté le
discours l'autre soir, qui disait: Nous avons l'anarchie dans la province et
nous pouvons espérer, peut-être, qu'avec ce comité les
choses vont se calmer... Il s'exprimait sur ce ton très pieux,
très noble, très sympathique, je dirais...
M. GRENIER; II est midi et quart.
M. CHOQUETTE: ... mais tout le monde sait que c'est complètement
faux. Si on laisse pourrir et avancer la situation trop loin, des gens qui ne
sont pas des amis du député de Laurier vont en profiter pour
énerver encore plus la population et pour créer un climat
où la situation va devenir tellement tendue au point de vue social que
nous aurons nous-mêmes, peut-être, à cette
époque-là des difficultés à trancher la question,
même à court terme.
M. le Président, je dis que le gouvernement, au fond, a
abdiqué ses fonctions. Le gouvernement a cessé de gouverner, le
gouvernement est devenu complètement incapable d'assumer ses
responsabilités.
M. Noël Saint-Germain
M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, je crois que, par cette
motion, le gouvernement ne fait simplement que remettre à plus tard une
solution à un problème extrêmement aigu et qui aurait
dû être résolu depuis déjà plusieurs mois.
On a laissé entendre que les députés de cette
Chambre n'étaient pas au courant des problèmes linguistiques du
Québec en ce moment. Comme les députés ne seraient pas
tout à fait au courant du problème, il serait normal de remettre
au comité l'étude de cette législation, de façon
qu'on puisse entendre tous les intéressés.
Laissez-moi vous dire que les problèmes linguistiques ne sont pas
une chose nouvelle dans le Québec. Par ses activités politiques
et par ses contacts journaliers avec la population, chacun de nous est bien au
courant des problèmes de la langue dans le Québec.
Je ne doute pas que ces problèmes n'ont jamais été
résolus d'une façon adéquate, mais ce qui nous a
amenés à l'étude du bill et de cette motion, c'est la
situation de Saint-Léonard.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Malheureusement, l'honorable
député de Jacques-Cartier aborde la question au fond pour
laquelle j'ai donné une directive, à quelques reprises depuis
samedi matin. A ce moment-ci, il s'agit d'une question de procédure; il
s'agit d'une motion de suspension de nos règlements et de la
référence du bill à un comité. Je pense donc qu'on
ne peut, ici, donner une opinion en prétendant que le bill aurait
été présenté à la suite d'une certaine
situation.
J'invite donc l'honorable député de Jacques-Cartier
à s'en tenir à la motion, comme l'ont fait les opinants qui ont
précédé.
M. PINARD: M. le Président, pour clarifier vos directives,
pourriez-vous nous dire, par exemple, si un député qui veut
intervenir dans le débat sur la motion de référence du
bill au comité peut rappeler les motifs qui ont poussé le
gouvernement à changer d'attitude et à préférer le
renvoi du bill au comité, plutôt que de le laisser discuter en
deuxième lecture par les députés de la Chambre?
Je pense que le député vient tout juste de rappeler la
justification que le gouvernement a donnée pour expliquer aux
députés pourquoi le bill n'est pas discuté en
deuxième lecture en Chambre, mais sera plutôt
référé au comité pour fins de discussion par les
corps intermédiaires les plus intéressés.
Alors, je crois que le député, jusqu'ici, a eu le droit de
rappeler ces faits pour mieux en arriver à l'argumentation qu'il entend
faire sur la motion de référence elle-même et sur la
procédure qui fait l'objet de la discussion en ce moment.
M. LE PRESIDENT: Je vais essayer de m'expliquer clairement sur le cadre
du débat sur cette motion. J'ai permis à certains
députés, et notamment au député d'Outremont, de
dire que le gouvernement n'avait pas de politique en matière de
linguistique, mais je ne permettrai pas, en vertu des directives que j'ai
données et en vertu du règlement surtout, que l'on dise: Voici la
preuve qu'il n'y en a pas, en citant telle déclaration ou voici la
preuve que l'Opposition en a une, en faisant telle ou telle déclaration.
A ce moment-là, on conviendra qu'il s'agirait nettement d'un
débat sur la deuxième lecture du bill 85. Cela, je ne peux
sûrement pas le permettre, vous l'admettrez. Je pense qu'il suffit de
réfléchir un peu pour voir que, si on parlait d'une situation qui
a été directement reliée à ce problème des
langues, on s'engagerait dans un débat de deuxième lecture et
qu'on trouverait difficilement, par la suite, les arguments nécessaires
à un débat de deuxième lecture sur ce bill.
M. SAINT-GERMAIN: Je vous remercie de vos remarques, M. le
Président. Je voudrais tout simplement vous faire remarquer que nous
vivons présentement une situation délicate.
Nous vivons un problème pour lequel il faut absolument trouver
une solution rapide. Malheureusement, cette motion qui remet l'étude du
projet de loi au comité retardera davantage la solution du
problème, d'autant plus que le gouvernement ne nous a donné
aucune date, ne nous a jamais laissé entendre quelle est sa politique
là-dessus et quand le comité ferait son travail.
Alors, cette remise à plus tard de la solution crée
actuellement dans la province une atmosphère d'insécurité,
de déséquilibre politique, dirais-je, ou
d'insécurité politique qui influence énormément le
comportement des citoyens de la province de Québec. Je disais que ce qui
nous a mis devant l'urgence de trouver une solution au problème
linguistique du Québec, c'est la question de Saint-Léonard.
Saint-Léonard n'avait pas été prévu par le
gouvernement, qui a été très lent à trouver une
solution à ce problème; d'ailleurs, il n'en a pas trouvé
encore. Mais, je dis que, si le gouvernement avait réagi d'une
façon plus appropriée à ce problème, il serait
déjà résolu et il aurait été de solution
très facile.
Il arrive que les gens qui se sentent brimés dans leurs droits
acquis ou dans leur liberté profonde exigent aujourd'hui une solution
à ce problème. Je me demande en quoi l'adoption rapide d'un
projet de loi pour résoudre cette question peut être au
détriment des intérêts généraux de la
population du Québec et des intérêts de la culture
française au Québec. Depuis Saint-Léonard...
M. BELLEMARE: A l'ordre! Depuis quelques minutes, vous avez entendu
l'honorable député, contrairement à ce que lui avait
demandé l'honorable président de cette Chambre, entrer dans le
vif du débat et aller au fond de la question. Pendant plusieurs minutes,
il a donné son impression pour et contre l'attitude que le gouvernement
avait prise dans l'affaire de Saint-Léonard, ce qui était
complètement contre votre décision. M. le Président, je
vous demande s'il y a moyen que vous demandiez à l'honorable
député de suivre votre directive qui a été
appliquée dans cette Chambre samedi toute la journée,
après sept heures de débat et, ce matin, à la suite des
nombreuses interventions que vous avez dû faire sur les discours qui ont
été prononcés.
M. LE PRESIDENT: J'ai un appareil qui me permet de suivre les
débats dans presque toutes les pièces de mon appartement, ce qui
m'a permis de prendre une partie des remarques de l'honorable
député de Jacques-Cartier, qui conviendra s'être
éloigné passablement et singulièrement même des
directives que j'ai données ce matin.
L'honorable député de Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, je m'excuse, mais de toute
façon, je sens tellement dans mon comté, l'urgence d'arriver
à une solution à ce problème, qu'il m'est
extrêmement pénible de voir le gouvernement remettre à plus
tard l'étude de cette législation.
Dans le comté de Jacques-Cartier, la population est cosmopolite.
Nous avons chez nous des gens de toute langue et de toute religion. Nous avons
vécu dans l'harmonie, et la remise de l'étude de cette question
à un comité crée une atmosphère telle que cette
harmonie et cet équilibre puissent être brisés. Je crois
que cette situation dans le comté de Jacques-Cartier peut
s'étendre à toute la province de Québec et créer
une situation telle que, plus tard, il serait extrêmement difficile
d'arriver à une législation appropriée. Alors je me devrai
de voter contre la remise de l'étude de ce projet de loi.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Verdun.
M. WAGNER: M. le Président, je constate qu'il est midi trente et,
d'après l'entente intervenue, je demande que le débat soit
ajourné à trois heures.
M. BELLEMARE: Non, non jusqu'à une heure. J'ai vu le chef,
c'est...
M. LESAGE: Le ministre du Travail m'a bien spécifié que
nous ajournerions à midi et demi et la raison, c'est de donner...
M. RUSSELL: Vous commencerez à deux heures.
M. LESAGE: Je viens de faire un signe au député de Verdun
qui m'a demandé si je devais ajourner. J'ai dit oui, c'est
l'entente.
M. BELLEMARE: Et vous avez ajouté: Nous pourrions aller
jusqu'à une heure moins le quart,
M. LESAGE: Bien, mon Dieu oui! Mais simplement vous n'avez pas voulu.
Lorsque nous nous sommes quittés au téléphone, l'entente
c'était midi et demi. Si ce n'est pas midi et
demi, alors, M. le Président, il faudra considérer que
nous ne respectons pas l'entente et, en conséquence, ce n'est pas le
député de Verdun qui demande la parole mais c'est le
député de Richmond et le député de Verdun aura le
droit de parole plus tard.
M. BELLEMARE: Oui, c'est bien sûr, pourquoi pas? Non, mais vous
n'avez pas besoin de vous choquer pour ça.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.
M. Emilien Lafrance
M. LAFRANCE: M. le Président, je tiens à dire d'abord que
je n'avais pas l'intention de participer à ce débat...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAFRANCE: ... mais, à la suite de certains contacts que j'ai
faits en fin de semaine, je crois qu'il est de mon devoir d'intervenir pour
exposer mon point de vue personnel d'abord ainsi que celui de la population de
mon comté. Je tiens aussi à prendre position de façon
catégorique sur cette importante motion qui nous est
présentée, qu'elle l'est autant pour la fin qu'elle poursuit que
pour les conséquences graves et funestes qu'elle est de nature à
engendrer à plus ou moins brève échéance.
Je veux donner, M. le Président, à ces quelques
brèves observations le plus d'objectivité dans le climat actuel,
ce qui ne devrait pas cependant m'empêcher de dire de façon
franche et claire tout le fond de ma pensée, et cela conformément
aux règlements de cette Chambre.
Si, par hasard, mes remarques avaient le don de froisser la
susceptibilité de certains de mes amis d'en face, je les prierais, et en
particulier le leader du gouvernement, de se rappeler ce que disait cet auteur:
« Les vérités qu'on aime le moins à entendre sont
celles qu'on a le plus d'intérêt à savoir, car ce n'est pas
aimer la vérité que de la vouloir flatteuse et agréable
». Ce qui est autrement plus dangereux qu'une critique honnête, ce
sont les accolades de certains députés indépendants ou
indépendantistes. Ces gens-là me rappellent non pas Brutus, mais
plutôt Brltannicus qui disait: « Si je l'embrasse, c'est pour mieux
l'étouffer ».
M. TREMBLAY (Chicoutimi): La citation n'est pas originale.
M. LAFRANCE: Il y a certains membres de la Chambre qui auraient du mal
à embrasser, parce qu'ils glisseraient.
Je veux maintenant exposer brièvement les raisons qui m'incitent
à m'opposer à cette mesure dilatoire et à voter contre
cette motion de référer le bill 85 à l'étude du
comité de l'éducation. Disons d'abord qu'en principe, je suis
contre tout usage abusif de recourir à propos de tout et de rien, en
particulier pour sortir d'une impasse, à un comité, à une
commission d'étude, d'enquête, ou le reste. Surtout quand il
s'agit de problèmes bien identifiés dont les solutions sont
connues de tous, et en particulier quand il s'agit de problèmes graves
et urgents qui ont fait l'objet d'engagements formels pris à la face de
toute la population, comme c'est le cas pour le bill 85, et le bill 56 aussi,
auquel je me contente de référer pour me limiter au domaine de
l'éducation. Pourquoi différer à six mois, peut-être
à un an et peut-être à jamais, comme le disait un
collègue ce matin l'étude de ce projet de loi? Certes pas parce
qu'on craint le vote de l'Opposition, car il semble bien que tous mes
collègues, sans exception, soient non seulement prêts à
appuyer ce projet de loi, même s'il est incomplet, mais insistent pour le
faire au cours de la présente session. Comment expliquer le fait que ce
ne soit pas l'Opposition qui s'oppose je parle de l'Opposition
officielle, celle qui a vraiment un mandat en cette Chambre à
l'adoption immédiate d'une loi, mais que ce soit le gouvernement
lui-même qui ne semble pas se fier à un texte de loi qu'il a
lui-même conçu laborieusement et rédigé en noir sur
blanc? Il y a, comme disait si bien mon ami et ex-député de
Shawinigan, de ces sortes de mystères dans la vie publique. Pourquoi le
référer au comité de l'éducation? L'une des raisons
alléguées par le gouvernement, c'est qu'il y aurait
intérêt à attendre une période de temps plus calme
où les esprits auraient atteint une certaine
sérénité. Eh bien, c'est là se leurrer bien
grossièrement! C'est démontrer une totale ignorance de la
pyschologie des foules. On sait très bien que si les collègues du
premier ministre l'avaient écouté et appuyé quand il a
voulu faire adopter le bill 85 il y a environ deux ou trois semaines,
déjà, ce petit feu de paille qu'ont allumé certains
fanatiques de la langue serait déjà refroidi et éteint
depuis déjà longtemps.
Point nécessaire d'être psychologue pour savoir que ce sont
les hésitations et la panique du gouvernement qui ont le plus
contribué à alimenter et étendre l'incendie aux quatre
coins de la province. Je dirais même que l'immobilisme et les reculs du
gouvernement ont servi à encoura-
ger et même à provoquer l'escalade de manifestations de
toutes sortes que nous avons connues depuis déjà plus d'un
mois.
Si, dès le lendemain, je le répète, du premier
Saint-Léonard, le gouvernement avait eu le courage de faire son devoir,
Québec ne ferait pas aujourd'hui face à un climat qui frise
presque l'anarchie.
Nous devons référer le bill au comité dit-on afin
de permettre au public de se faire entendre et de connaître son opinion.
Connaître l'opinion du Québec au sujet de Saint-Léonard?
C'est là de la foutaise. On connaît son opinion, celle de ceux qui
approuvent le principe et celle de ceux qui s'opposent.
DES VOIX: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Jusqu'à ce moment précis,
l'honorable député de Richmond a été conforme aux
règlements à un point même que je l'aurais cité en
exemple aux autres opinants. Mais voici qu'il s'engage sur le principe du bill
et, malheureusement, suivant la directive et suivant le règlement
surtout, je dois l'interrompre.
M. LAFRANCE: Non seulement, on sait ce que pensent les citoyens du
Québec mais on sait aussi quelle est la seule et unique mesure à
laquelle il faut recourir. Le gouvernement croit-il sincèrement qu'il
lui sera plus facile dans six mois, dans un an, de prendre une position? C'est
là faire preuve d'une certaine naiVeté car les seules voix qui se
feront entendre, comme le disait si bien le député d'Outremont,
au comité, celles qui crieront le plus fort, qui pourront le faire car
la liberté est pour eux à sens unique, ce seront celles de nos
apprentis révolutionnaires et ceux qui font de façon si
naïve, consciemment ou non, leur jeu et ainsi qui se font leurs
complices.
Ce n'est pas hélas la voix de l'immense majorité qui se
fera entendre au comité, mais bel et bien celle d'une minorité de
plus en plus bruyante et violente, de plus en plus exigeante et intransigeante
et aussi de plus en plus insatiable d'abord parce qu'elle ne sait pas ce
qu'elle veut, tellement certains d'entre eux sont aveuglés par le pire
fanatisme, celui de la race.
Il n'y a pas de dialogue possible avec ces gens. Tout devient un
monologue ou seuls ils ont le monopole de la parole et de la
vérité. Les autres sont ou des traîtres ou des croulants.
Une connaissance plus approfondie du problème, dit le gouvernement, nous
permettra de prendre les mesures appropriées. Disons qu'il n'y a pas de
multiple solution à l'objet du bill. Il y en a qu'une seule, et tous la
connaissent.
La consultation que suggère le gouvernement pourrait être
comparée à l'attitude du pompier qui en face d'un incendie
s'enfermerait dans sa station pour consulter ses livres. Quant le feu est
à la maison, c'est le temps d'agir et vite. Le gouvernement croit-il
faire preuve de démocratie dans les circonstances? Si oui, il fait
preuve d'infantilisme car ce n'est plus de la démocratie, mais bel et
bien une sorte de démagogie qui consiste à ne rien faire de peur
de plaire ou de déplaire à quelqu'un.
Quelles seront les conséquences du geste que pose, que veut poser
le gouvernement en retardant l'étude du bill 85 en le confiant à
un comité? Elles seront multiples et graves. Premièrement, le
gouvernement ne se grandira pas. Rien de glorieux dans l'attitude du
gouvernement où un problème existe depuis un an.
Le gouvernement s'est engagé et, après avoir
présenté un bill, il n'ose même plus se compromettre. On
n'a pas le droit, au nom de l'intérêt public, de laisser pourrir
un problème aussi grave.
Deuxièmement, le gouvernement, en retardant la solution d'une
injustice, lèsera des citoyens dans leurs droits. Ce qui commande une
action immédiate, c'est qu'un des droits naturels de l'homme est en
cause. Les droits de langue et de religion sont pour moi des plus
sacrés.
Troisièmement, le gouvernement contribuera à diminuer le
prestige de l'autorité, déjà pas trop reluisant. L'une des
causes fondamentales du malaise social actuel provient
précisément de la démission de trop de pays
démocratiques devant leurs responsabilités. En reportant ce
problème à l'étude d'un comité, c'est l'Impression
que crée le gouvernement.
Quatrièmement, le gouvernement contribuera à jeter plus de
confusion dans les esprits et à créer ce climat qui est si cher
aux pêcheurs en eau trouble. Quand on connaît le genre de rumeurs
fantaisistes qu'ont colportées certains extrémistes en exploitant
la bonne foi des gens sincères, on reconnaît l'urgence et
l'importance de régler ce problème.
Cinquièmement, le gouvernement se compromettra
définitivement. Quand on cède une fois devant des maîtres
chanteurs, on est fini.
M. WAGNER: C'est ça.
M. LAFRANCE: II faut toujours céder ensuite. C'est l'état
de choses qu'auront contribué à créer les volte-face et
les pirouettes du gouvernement. En agissant ainsi, on ne fait pas preuve de
pa-
triotisme, mais je serais porté à dire, de bêtise
nationale. Pour moi comme pour beaucoup d'autres et, parmi
ceux-là, il y a de nombreux amis et partisans du gouvernement actuel
cette motion dilatoire est une autre manifestation qui nous
révèle la faiblesse lamentable et congénitale qui
caractérise à l'heure actuelle le gouvernement en face de ses
graves responsabilités qu'il n'a ni le courage, ni la clairvoyance
nécessaire de prendre franchement et honnêtement.
Le gouvernement actuel est faible en face de son devoir impérieux
de gardien de l'ordre public et des droits des citoyens. Il est faible en face
des fauteurs de désordre qui le font reculer. Il est faible en face de
sa propre législation. L'un des plus grands hommes d'Etat qu'ait connu
l'Angleterre déclarait: « Le plus grand mal d'un pays est un
gouvernement faible. Il ne peut pas Imposer les bonnes mesures et s'en laisse
imposer des mauvaises ». Ce vice qu'a si bien décrit Disraeli est
le vice de la plupart de nos pays démocratiques et, en particulier,
celui du Québec en 1968. Cette motion de référer le bill
85 à un autre comité est la preuve la plus éloquente de la
faiblesse du gouvernement.
Ce dont Québec a besoin c'est d'un leadership, c'est un
gouvernement fort, un gouvernement qui sache ce qu'il veut, qui sache comment
le réaliser et qui a la force morale et la lucidité pour agir. Le
temps n'est pas à des voeux pieux et à des bonnes intentions,
mais il est temps que ça se traduise en actes, sinon ça devient
une fumisterie monumentale.
Si le gouvernement pose ce geste pour se maintenir au pouvoir, ce
serait, M. le Président, une erreur grave ou encore, si le gouvernement
avait posé ce geste pour se maintenir au pouvoir, je serais tenté
de lui dire : On ne juge pas un gouvernement par le nombre d'an- nées
qu'il est au pouvoir mais plutôt par l'usage qu'il fait du pouvoir.
Je déplore donc cette grande faiblesse du gouvernement. Je
devrais m'en réjouir comme membre d'un parti mais je le déplore.
L'Opposition officielle, je le répète, celle qui a reçu un
mandat, non pas celle qui en a escamoté un vote, comme le
député si honnête, qui prêche la vertu à tout
le monde dans la province, le député de Laurier, cette Opposition
est disposée à faire front commun avec le gouvernement dans des
situations où l'intérêt public est en jeu. Alors, pourquoi
hésiter? Est-ce un aveu que l'opposition vient des propres rangs du
gouvernement?
Le gouvernement saura-t-il à cette heure écouter la voix
de ses vrais amis, même s'ils sont des adversaires? Je suis un peu
sceptique quand je me rappelle cette parole d'un parlementaire anglais qui
disait ceci: « Durant ma longue vie parlementaire, j'ai entendu des
milliers de discours. Quelques-uns m'ont fait changer d'opinion mais aucun
d'entre eux ne m'a fait changer de vote. »
Alors, pour ces considérations, M. le Président, à
moins que le gouvernement ne se ravise il ferait bien de le faire, il
aurait l'appui de presque toute la Chambre, excepté de quelques-uns de
ses faux amis eh bien, je serai obligé, si le gouvernement ne
veut pas changer d'attitude, de voter contre cette motion que je trouve
extrêmement néfaste par les temps que nous traversons à
l'heure actuelle au Québec.
M. WAGNER: Alors, M. le Président, il est une heure moins le
quart.
M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à trois
heures.
Reprise de la séance à 15 h 7
M. LEBEL (président): A l'ordre, messieurs! L'honorable
député de Verdun.
M. Claude Wagner
M. WAGNER: M. le Président, le gouvernement nous présente
aujourd'hui une motion à l'effet de reporter à un comité
l'étude du bill 85. Nous nous opposons à une procédure
aussi troublante qui deviendra une source d'injustices si elle est accueillie
favorablement par cette Chambre. Cette procédure est troublante parce
qu'elle présage pour l'avenir du Québec, troublante aussi parce
qu'elle permet que se consomme au grand jour le mariage gardé secret
jusqu'à présent entre le président du Parti
québécois et son équipe, d'une part, et le ministre des
Affaires culturelles et son équipe, d'autre part.
M. LAFRANCE: Il va y avoir un divorce.
M. WAGNER: Dieu nous garde de la progéniture qui sortira de cette
sacrée union!
UNE VOIX: Aucun danger.
M. WAGNER: M. le Président, lorsque nous abordons l'étude
de cette motion, nous sommes d'avis qu'il y a des vérités qui
doivent être dites quelque désagréables qu'elles puissent
être à entendre. Mes propos, à l'occasion de cette motion
présentée par le ministre du Travail, seront de cet ordre.
J'ai l'intention de discuter du mérite de la nation avec une
franchise totale, sans chercher à plaire à qui que ce soit,
conscient qu'il se cache sous cette procédure au péril
réel, conscient qu'il y a anguille sous roche, et conscient qu'il est de
mon devoir, comme citoyen du Québec et comme représentant
à cette Législature, pour le comté de Verdun.,.. Dans le
comté deVerdun, M. le Président, je suis particulièrement
flatté d'avoir pu servir, durant quatre ans, une population qui, dans le
domaine délicat du respect des droits des minorités, a toujours
fait preuve d'une ouverture d'esprit et d'une grandeur d'âme telles que,
de tous les coins de la province, on a pu constater avec raison, qu'à
Verdun règne l'harmonie la plus complète entre les divers groupes
ethniques, parce que les droits des uns et des autres sont respectés,
parce qu'on ne parle pas chez nous de majorité et de minorité,
mais bien...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. WAGNER: J'arrive, M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Est-ce que je pourrais me permettre d'aider l'honorable
député à arriver un petit peu plus vite?
M. WAGNER: Très bien. Je vais accélérer mon rythme,
M. le Président. Alors, parce qu'il y a à Verdun des citoyens
à part entière, jouissant des mêmes droits, tenus aux
mêmes obligations et soucieux de bâtir ensemble la bonne entente
dans un Québec prospère et fort. Et c'est au nom de la population
que je proteste contre la motion que le gouvernement veut nous faire adopter
aujourd'hui.
Je m'élève contre cette intransigeance du gouvernement,
qui ne craint pas, par cette motion qu'il fait précéder de ces
quelques mots: Attendu l'intérêt public et général
qu'éveille dans la province le bill 85, qui ne craint pas, dis-je de
revenir sur la parole donnée pour satisfaire les appétits de
minuscules personnages. Jamais, M. le Président, dans les annales
politiques de cette Assemblée législative, n'avons-nous vu...
UNE VOIX: Il s'est reconnu. Il s'est reconnu.
M. WAGNER: ... un comportement ministériel aussi
invertébré. La motion que nous avons devant nous, M. le
Président, est marquée au coin de la pusillanimité la plus
répréhensible.
UNE VOIX: Bye-Bye.
M. WAGHER: ... Maintenant que le député de Chicoutimi sort
de la salle, et qu'il ne se préoccupe pas de la protection des droits
linguistiques, je continue, M. le Président.
M. le Président, cette motion, dans les quelques paragraphes
succints qu'elle contient, exprime l'impuissance totale de cette poignée
de gouvernants divisés entre eux sur des principes fondamentaux mais
unis entre eux, scellés l'un à l'autre par le désir de
s'agripper au pouvoir quel qu'en soit le prix...
M. PROULX: Voilà un grand poète!
M. WAGNER; M. le Président, cette motion que le premier ministre
par intérim le premier ministre temporaire au nom du
gouvernement ni chair ni poisson, ose nous présenter par le biais du
ministre du Travail nous fait penser et voici une comparaison qui
intéressera certainement le premier ministre par intérim
à ces rouleaux compresseurs qui, il
y a quelques semaines, se précipitaient sur les routes de
Bagot.
Pendant un court moment, M. le Président, nous avions cru
assister à la pose d'un pavage solide...
M. GRENIER: C'était pour ouvrir la voie aux...
M. WAGNER: Mais nous nous sommes vite aperçus que ce qui avait
été fragilement déposé sur la neige se disloquait
peu à peu pour très bientôt s'effondrer.
M. BOUSQUET: ... un bien petit rouleau.
M. WAGNER: Par cette motion, M. le Président, par cette
même motion que nous avons devant nous, l'émiettement des
principes se fera avec une rapidité qui dépassera de beaucoup
l'effritement de l'asphalte de Bagot.
M. GRENIER: Vous auriez dû choisir votre rouleau dans Bagot, vous
autres aussi!
M. WAGNER; Les conséquences de cette motion sont terribles. La
protection des droits linguistiques des minorités droits
fondamentaux dans une démocratie qui se respecte cette protection
contenue dans le bill 85 auquel on fait allusion dans la motion devant la
Chambre cette protection s'éteindra doucement, tout doucement parce que
des hommes auront préféré jouer de partisanerie au lieu de
se comporter comme de véritables hommes d'Etat.
C'est ainsi que nous avons à discuter d'une procédure qui
présente tous les aspects d'un stratagème révoltant. Un
stratagème qui répugne à l'honnêteté
foncière de la majorité des citoyens de la province du
Québec, parce que cette motion signifie la démission devant ses
responsabilités d'un gouvernement agonisant...
M. GRENIER: Soyez donc sérieux!
M. WAGNER: ...piloté temporairement par un premier ministre par
intérim qui ne voudrait pas, pour tout l'or au monde, se mouiller les
pieds.
M. LAFRANCE: C'est ça.
M. WAGNER: Cela inquiète gravement tous ceux qui ont pu, à
un moment donné, être assez naïfs pour oser croire qu'on
pouvait attendre des gens siégeant en face de nous une
législation dans le « fair play » et dans le respect de la
justice la plus élémentaire.
UNE VOIX: C'est dangereux, là.
M. WAGNER: C'est dans ce contexte...
M. BOUSQUET: C'est pas mal inquiétant.
M. WAGNER: ...que je m'élève, au nom de la population de
Verdun... Le geste posé par le gouvernement, de prendre cette voie
d'évitement, nous arrive justement à un moment de notre histoire
où, plus que jamais dans le passé, existe un désir
réel de dialogue entre les divers groupes linguistiques, dialogue qui
n'a jamais été aussi soutenu et aussi prometteur qu'aujourd'hui.
Ce geste troublant...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre ! Je comprends qu'il n'est pas toujours
facile de faire une démarcation précise entre la motion qui est
devant la Chambre et le bill lui-même. Mais, comme ce matin, je compte
sur la coopération des honorables députés de cette Chambre
pour qu'on s'en tienne à la motion elle-même.
M. WAGNER: Je vous remercie, M. le Président. J'essaie de me
tenir dans la ligne de conduite que vous avez tracée et également
dans celle qu'a adoptée, l'autre jour, le ministre des Finances. Je
voudrais vous dire...
M. LE PRESIDENT: Je pense que l'honorable député de Verdun
conviendra que la ligne qui a été suivie par l'honorable ministre
des Finances, avec le consentement unanime de l'Opposition, ne concernait pas
cette motion.
M. WAGNER: Je suis d'avis que c'est le contraire, mais j'accepte votre
décision. Cette motion arrive à un moment de l'histoire du
Québec où puisqu'il faut s'en tenir aux termes de la
motion et qu'il faut considérer qu'elle éveille
l'intérêt public de la province jamais un gouvernement
central n'a agi avec autant de célérité et de clairvoyance
pour étendre aux provinces du Canada...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. GABIAS: Troisième fois.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre ! Afin de mieux me faire comprendre -
peut-être que je poserai un précédent en le faisant; je ne
sais pas si la chose s'est déjà faite je donnerai comme un
modèle de respect aux règlements l'intervention de l'honorable
député de Richmond, ce matin. L'honorable député de
Richmond s'est conformé aux règlements, tout en faisant les
remarques
qui s'imposaient au sujet de la motion. J'ai senti le besoin de donner
cet exemple, car je conviens qu'il n'est pas toujours très facile de
distinguer la motion présentement à l'étude et la motion
de deuxième lecture. Je sais, par ailleurs, qu'avec l'expérience
qu'on lui connaît l'honorable député de Verdun saura
sûrement s'en tenir à la motion qui est devant la Chambre.
M. WAGNER: Merci, M. le Président, Cette motion qui constitue un
geste officiel du gouvernement nous est présentée à un
moment où à travers tout le pays, on s'intéresse vivement
au sort des minorités. Ce geste du gouvernement arrive à un
moment où dans la province de Québec il existe une tradition bien
vivante, tradition maintenue à travers les années sous quelque
régime politique que nous ayons vécu.
Et dont nous du Québec, nous nous étions glorifiés,
le traitement juste et équitable accordé...
M. GABIAS: A l'ordre!
M. GRENIER: Pour la cinquième fois.
M. WAGNER: M. le Président, je voudrais bien vous parler des
minorités du Québec.
M. GABIAS: A l'ordre! Les règlements existent pour le
député de Verdun comme pour tout le monde.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Malgré les périodes assez
vivantes et même agitées que j'ai connues depuis samedi, j'ai eu
la coopération entière des députés de cette
Chambre, et je suis convaincu que l'honorable député de Verdun
coopérera avec la présidence pour tenir le débat dans ces
cadres que nous avons fixés à la lumière du
règlement et qui nous permettra de continuer nos travaux dans le
meilleur sens pour le maintien du parlementarisme.
M. WAGNER: M. le Président, je voudrais démontrer à
cette Chambre l'urgence de ne pas référer le bill 85 à un
comité spécial. Je voudrais démontrer à cette
Chambre l'urgence qu'il y a de rejeter la motion qui voudrait que nous
puissions référer ce bill 85. Pour démontrer cette
urgence, je m'applique et je m'appliquerai à attirer votre attention sur
le fait qu'actuellement dans la province de Québec, nous pouvons nous
glorifier de l'attitude que nous avons prise à l'endroit des
minorités.
M. LE PRESIDENT: A l'ordrel Je regrette mais je devrai, bien à
regret, rappeler à l'ordre l'honorable député de
Verdun...
M. GABIAS: Pour la sixième fois.
M. LE PRESIDENT: ... et je devrai le faire formellement, ce qui me sera
une tâche excessivement onéreuse.
M. GABIAS: Il défie le président.
M. WAGNER: C'est le député de Trois-Rivières qui
défie la population.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. PROULX: C'est de l'orgueil. M. LE
PRESIDENT: A l'ordre!
M. WAGNER: M. le Président, il y a déjà quelques
mois et je n'ai pas l'intention d'aller au fond de la motion
...
M. GRENIER: Vous ne l'avez plus, la matraque, là.
M. WAGNER: ... éclatait l'affaire de la Commission scolaire de
Saint-Léonard. Je ne dis pas...
DES VOIX: A l'ordrel
M. GABIAS: Septième fois.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. GABIAS: Il y a un autre... prédécesseur...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Pour une première fois, je rappelle
formellement à l'ordre l'honorable député de Verdun avec
les conséquences qu'il connaît, je pense, de nos
règlements.
M. WAGNER: M. le Président, nous avons au feuilleton une motion
du gouvernement qui commence par les mots « Attendu
l'intérêt public et général qu'éveille dans
la province le bill 85 ». Or, le bill 85 a été
présenté pourquoi? Non pas pour régler une question de
terres et forêts ou une question d'agriculture; il a été
présenté à cette Chambre pourquoi? Est-ce que j'ai le
droit de rappeler à la Chambre le nom de la commission scolaire qui a
donné naissance au bill 85?
Si j'ai le droit de le faire, je vais vous le dire. Il s'agissait de la
Commission scolaire Saint-Léonard. Voilà l'affaire qui est
traitée. A la suite de cette affaire, par la volonté de quelques
commissaires d'école aveuglés par leur fanatisme, toute la
charpente qui existait...
M. BELLEMARE: A l'ordre!
M. LESAGE: M. le Président, sur un point d'ordre...
M. BELLEMARE: Non, non.
M. LESAGE: ... soulevé par le ministre du Travail...
M. BELLEMARE: M. le Président, je ne permettrai pas au chef de
l'Opposition...
M. LESAGE: Un point d'ordre a été soulevé.
M. BELLEMARE: Je n'ai pas soulevé de point d'ordre, M. le
Président, c'est vous qui avez décidé. Il n'a pas le
droit... s'il veut soulever un point d'ordre, qu'il en soulève.
M. LESAGE: Est-ce qu'il m'est permis de finir ma phrase?
M. BELLEMARE: Non, M. le Président, je n'ai pas soulevé de
point d'ordre.
UNE VOIX: Soulevez-en un.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable chef de l'Opposition.
M. LESAGE: M. le Président, peu importe la forme que prend mon
intervention, c'est sur un point d'ordre soulevé par le ministre du
Travail...
M. BELLEMARE: Non, M. le Président, je n'ai pas soulevé de
point d'ordre.
M. LESAGE: Un instant, est-ce que je puis finir ma phrase?
Lorsqu'il a dit: A l'ordrel vous vous êtes levé, M. le
Président. Mais, s'il ne veut absolument pas que ce soit ça, je
me lève pour vous demander une directive.
Lorsque je suis intervenu dans ce débat, j'ai fait l'historique
de toute la question. J'ai dit comment il se faisait que le bill 85
était devant nous. Je n'ai pu le dire sans référer aux
événements de Saint-Léonard. J'ai même cité
feu le premier ministre, l'honorable Daniel Johnson, qui avait
déclaré, lors de la conférence de presse
télévisée qu'il avait donnée la veille de sa mort:
« Une loi viendra régler le problème de
Saint-Léonard. » C'était dans l'historique de la question.
Si j'ai eu le droit de le faire, sans qu'on intervienne, en aucune
façon, pour me rappeler à l'ordre, parce que je soumets bien res-
pectueusement que, lorsque j'ai fait l'historique de l'affaire, j'étais
dans l'ordre, je ne vois pas pourquoi le député de Verdun ne
pourrait pas, à son tour, reprendre cet historique dans l'optique qui
est la sienne.
M. GRENIER: Vous vous répétez depuis deux jours.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai déjà eu l'occasion
je crois que c'est dans le cours de la matinée de faire
précisément quelques remarques, sur ces points-là. Il est
exact que l'honorable chef de l'Opposition a fait quelques citations, comme en
a d'ailleurs faites l'honorable premier ministre par intérim. Mais ces
lettres-là étaient lues dans ce sens-ci: Exemple: l'honorable
chef de l'Opposition a bel et bien dit: « Hier, dans la solitude de mon
appartement, j'ai eu l'occasion de relire les débats de fin de semaine.
» « Une loi viendra régler l'affaire de
Saint-Léonard. » C'est exact. A ce moment-là, l'honorable
chef de l'Opposition s'est attardé, et suivant les directives que
j'avais données à la lumière des règlements, a
prouvé que l'action du gouvernement retardait, mais non pas à
discuter le fond de la question. Je me suis gardé, dès le
départ, de laisser s'engager un débat de deuxième lecture
sur le bill 85, et jusqu'à présent, j'ai reçu
l'approbation et l'agrément de la Chambre.
M. WAGNER: Alors, M. le Président, si vous me permettez de
continuer, je voudrais établir que l'action du gouvernement, en
présentant cette motion devant la Chambre, retarde le règlement
d'un problème connu, et cela, en dépit de promesses formelles
faites par le gouvernement. Je ne sais pas si, à ce moment-ci, je puis
référer au premier ministre Bertrand, je voudrais quand
même mentionner son nom, pour dire qu'il a eu le courage, lui,
d'affronter ceux qui ne voulaient pas garantir les droits linguistiques de la
minorité.
Aujourd'hui, M. le Président, où en sommes-nous avec cet
engagement formel pris par le chef de gouvernement devant la population? Cette
motion, je le soumets respectueusement, écarte prestement l'engagement
déjà pris. Cette motion écarte la parole d'honneur
donnée. Le gouvernement actuel, qui, autrefois, avait au moins les
apparences d'unité, se ligue aujourd'hui, dans cette même motion,
premièrement, et c'est là la portée de la motion que nous
avons à étudier, pour bafouer les droits acquis;
deuxièmement, pour reprendre la parole d'honneur déjà
donnée, troisièmement, pour refuser de corriger
immédiatement un tort fondamental
et, quatrièmement, pour s'agenouiller, tremblotant de peur,
devant les membres les moins valables...
M. GRENIER: A l'ordre!
M. WAGNER: ... de ce qui fut autrefois un grand parti et dont le
désir le plus cher est aujourd'hui d'engager la province sur le chemin
du fanatisme le plus exécrable, celui qui exploite le nationalisme
à outrance.
M. GRENIER: Si vous aviez été ici la semaine
dernière, vous sauriez que tout cela a été dit, dans des
termes bien plus polis que les vôtres.
DES VOIX: A l'ordre! M. GRENIER: L'arrogance! M. LE PRESIDENT: A
l'ordre! M. GRENIER: Le pédant!
M. LESAGE: II doit parler tantôt; il dira tout ce qu'il a à
dire à ce moment-là.
M. GRENIER: Vous répétez les discours qu'ont faits vos
collègues, la semaine dernière, mais dans des termes moins
polis.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: M. le Président, dois-je comprendre que le
député de Frontenac a utilisé son droit de parole?
M. GRENIER: Non, je vais l'utiliser. DES VOIX: Oui.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Verdun.
M. WAGNER: M. le Président, en agissant comme il le fait
aujourd'hui, le gouvernement doit certainement peiner les faiseurs d'images qui
l'entourent, puisque son attitude ne véhicule plus, aux yeux de la
population du Québec, une image digne de crédibilité.
M. GRENIER: C'est faux!
M. WAGNER: Le peuple ne les croit plus, ces gens...
M. LESAGE: Je vous demanderais, M. le Président, de
considérer que le député de Fron- tenac a maintenant
usé de son droit de parole sur cette motion.
UNE VOIX: Cela va faire son affaire, d'ailleurs.
M. BELLEMARE: M. le Président, je ne pense pas que le chef de
l'Opposition veuille délibérément faire accepter cette
proposition. A ce compte-la, nous pourrions, nous aussi, nous servir du
même règlement et du même article pour empêcher
peut-être certains autres membres de son équipe, qui ont
déjà largement soufflé et donné leur
appréciation sur le sujet, de prendre la parole. Je pense que le chef de
l'Opposition ferait mieux, comme moi, d'être patient...
M. LESAGE: Oui.
M. BELLEMARE: ... et d'entendre les discours, même si, parfois, ce
n'est pas tout à fait agréable. J'espère donc que c'est
dans un bon climat que nous allons terminer ce débat. J'interviens pour
dire à l'honorable chef de l'Opposition qu'il ne devrait pas maintenir
cette proposition-là. Je ne pense pas que ça aide au
débat.
M. LESAGE: M. le Président, je suis bien disposé à
ce que la proposition que je viens de faire soit considérée comme
un avis. J'espère que le député de Frontenac
considérera que c'est un avis sérieux que je viens de donner et
je vous demanderai formellement, si le député de Frontenac
intervient de nouveau, sauf, en vertu des règlements, sur un point
d'ordre, de considérer qu'il a usé de son droit de parole.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Verdun.
M. WAGNER: M. le Président, avec cette motion, je vous dis que le
peuple ne peut plus croire ces gens qui ont promis et qui n'ont pas tenu leur
promesse. Le peuple n'a que faire du mensonge. Le peuple ne digère pas
l'effronterie, de quelque endroit qu'elle provienne et quels qu'en soient les
auteurs.
M. PROULX: Les grandes promesses du ministère de l'Education.
M. WAGNER: La volte-face à laquelle nous assistons
aujourd'hui...
M. BOUSQUET: Pas d'augmentation de taxes. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
J'entends bien
remplir mes fonctions le plus honorablement possible. Pour ce faire, il
faut que j'écoute presque uniquement l'opinant qui a obtenu le droit de
parole.
L'honorable député de Verdun.
M. WAGNER: Merci, M. le Président. La volte-face que constitue
cette motion serait dérisoire, si elle n'était aussi tragique et
lourde de signification. Cette motion nous est présentée, ici,
à l'Assemblée législative du Québec, qui deviendra
bientôt l'Assemblée nationale, à un moment où notre
société du Québec craint les bouleversements dont elle est
la cible et a besoin de sécurité, de leadership. Ces messieurs
d'en face déçoivent cette attente de la population en se
présentant à elle non pas pour la rassurer, mais pour faire
figure de mercenaires de la politique, prêts à sacrifier les
principes les plus sacrés de la démocratie pour courber
l'échine devant le plus offrant ou le plus vociférant.
Par cette petite motion de deuxparagraphes, le gouvernement
méprise l'attente que le peuple québécois avait
placé en lui. Plus que jamais aujourd'hui, le peuple s'attend à
ce que ses gouvernants disposent de ses deniers avec sagesse, avec respect et
avec fermeté. Moins que jamais il désire qu'on s'amuse en haut
lieu à tripoter de fausses promesses et à troquer des principes
pour des avantages de « politicaillerie » partisane.
Il espère, contre tout espoir, que les hommes investis du pouvoir
sauront faire preuve de courage, surtout lorsqu'une attitude de principe a
été entérinée par un conseil des ministres.
Il espère que ce courage indispensable conduira ces mêmes
ministres jusqu'au bout, jusqu'aux limites des principes qu'ils ont
acceptés. Voilà ce qu'à l'occasion de cette motion et
à cause de cette motion, le peuple attend du législateur
ministériel qui, lui, à l'initiative des lois. Aujourd'hui,
voilà malheureusement comment le législateur ministériel
peut décourager tout un peuple.
L'aspect le plus pénible de cette volte-face que constitue la
motion qui est devant nous, c'est que bien qu'elle soit présentée
par le leader de la Chambre, elle touche plus particulièrement le
premier ministre par intérim et le ministre de l'Education. Lui qui, il
y a quelque temps, enseignait aux étudiants de la faculté de
droit le véritable sens de la justice, et dont la vie professionnelle
fut tout entière consacrée, pendant un temps, à
l'implantation de cette notion de justice dans les cerveaux de la
génération de demain. Lui qui, en excellent juriste, comprend
mieux que tout autre membre de cette Chambre, le désordre où peut
s'engouffrer une société qui n'a plus le respect des droits,
surtout des droits des minorités. Lui qui, dans son premier geste
à l'Assemblée législative etpour des raisons cousues de
fil blanc, se porte garant de la présente motion, lui, le ministre de
l'Education et premier ministre par intérim nous laisse perplexes.
Est-il conscient du problème sous-jacent à cette motion,
et que je ne puis pas nommer? Croit-il qu'une injustice grave a
été causée? Croit-il que l'Injustice, à quelque
niveau qu'elle soit commise, doit être corrigée dans le plus bref
délai possible? Croit-il que l'action parle un langage plus
éloquent que les paroles? Comprend-il la signification des mots «
solidarité ministérielle »? En saisit-il vraiment la
portée? Est-il d'accord avec le principe déjà
accepté par le conseil des ministres et traduit dans le bill auquel on
réfère dans la motion devant la Chambre?
M. PROULX: Huitième fois.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! La dernière partie de l'intervention
de l'honorable député de Verdun il en conviendra
sûrement était à l'encontre de notre
règlement et de la directive que J'ai tracée. Je lui rappelle de
nouveau l'article 280 qui nous empêche, à ce moment-ci, de
discuter du fond du bill et, il va sans dire, de demander l'opinion d'un
ministre ou d'un député sur son accord de principe au sujet d'un
bill qui n'est pas encore au stade de la deuxième lecture.
M. WAGNER: Evidemment, en posant des questions, je ne m'attendais pas
à des réponses, car les questions étaient posées
simplement pour satisfaire aux règles de la rhétorique. Mais
à l'occasion de cette motion, nous voulons savoir si le ministre de
l'Education est véritablement solidaire du conseil des ministres. Nous
avons le droit de nous poser cette question-là.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Verdun a
le droit de se poser cette question-là, mais tout bas.
M. WAGNER: Merci, M. le Président, je passe sous silence les
autres questions. Je pourrai les fournir privé ment au ministre de
l'Education, si ça l'Intéresse. Mais j'aimerais, M. le
Président, souligner que cette motion doit être repoussée
avec la plus extrême des vigueurs, parce que le gouvernement n'a pas le
droit, au nom du peuple, de céder devant ces groupements minuscules, en
nombre et en qualité, qui, hier encore, accusaient le chef du
gouvernement de trahison,
lors d'une démonstration que tous les membres de cette Chambre
ont violemment condamnée.
Le gouvernement n'a pas le droit de se prêter au marchandage qui
lui céderait, en échange pour son hésitation, l'admiration
du MB, du PQ, de la Société Saint-Jean-Baptiste et, que sais-je
encore, mais qui lui garde quand même la réprobation de la
majorité du peuple québécois. Lorsqu'une minorité
réussit ainsi à influencer à ce point une majorité,
au mépris des principes les plus élémentaires de justice,
je vous dis, M» le Président, que nous sommes au bord de
l'anarchie.
M. le Président, que ceux qui se sont donné pour mission
sublime de gueuler contre tout et contre tous, qu'ils gueulent, s'ils le
veulent, mais que ceux qui ont l'intention de gouverner gouvernent donc pendant
qu'ils le peuvent encore.
Il est évident, M. le Président, que, sur cette motion,
l'Opposition officielle ne pourra réussir, sur un vote, à la
combattre de façon efficace. Je rappelle à mes amis d'en face, et
j'en vois quelques-uns qui sont extrêmement sympathiques, je leur
rappelle qu'il y a des moments dans la vie d'un homme politique qui
requièrent un courage qui voisine l'héroïsme. Ces
moments-là s'appellent les minutes de vérité. Dans le vote
qui sera pris, je sollicite, au nom du bien commun, l'appui de certains de mes
amis d'en face, ceux que n'aveugle pas le fanatisme, ceux qu'inquiètent
les appels à la démagogie, ceux qui ont déjà dans
des discours publics, fait profession de foi à l'égard des droits
des divers groupes linguistiques qui font la richesse du Québec.
Je m'adresse à ces hommes, le ministre des Finances, le ministre
de la Voirie, le ministre du Travail, le ministre de l'Immigration, le ministre
du Revenu, et non pas le ministre des Affaires culturelles. Quant à lui,
le sort en est jeté, il est au delà de toute
récupération.Je prie ces messieurs que j'ai nommés de ne
pas ternir une carrière publique déjà longue et remplie,
en se pliant à la volonté d'un groupe minoritaire, un groupe
minoritaire fraîchement élu pour la première et
dernière fois.
Un groupe minoritaire...
M. BERGERON: C'est fort.
M. WAGNER: ... que ces messieurs ont nourri dans leur sein et qui se
retourne contre eux...
M. BERGERON: Ce sera assez dur. Maître d'école.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. WAGNER: ... pour venir les dévorer. M. GABIAS: Professeur!
M. WAGNER: En votant, M. le Président, en votant pour le bon
sens...
M. BERGERON: C'est épouvantable.
M. WAGNER: ... et pour la justice, en vous tenant debout, vous,
messieurs, vous aurez mérité...
M. BERGERON: Vous n'êtes pas sérieuxl
M. WAGNER: ... en ces temps troublés, le respect de vos
concitoyens du Québec...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. WAGNER: ,. et, forte de votre appui, la majorité de
cette Chambre aura préféré, à «
l'à-plat-ventrisme », la dignité.
M. LE PRESIDENT: The Honourable Member for St. Ann.
M. Frank Hanley
M. HANLEY: M. le Président, ce n'est pas facile pour le
député de Sainte-Anne de respecter les règlements de notre
Chambre, aujourd'hui, sur un bill comme le bill 85. Je ferai, cependant, mon
possible, tout mon possible.
M. LE PRESIDENT: I will help the Honourable Member for St. Ann.
M. HANLEY: Eh bien, M. le Président, le bill 85 a
été présenté par le premier ministre à
l'Assemblée nationale, avant sa maladie. Si le premier ministre est
malade, le député de Sainte-Anne a le courage de dire: Ce sont
quelques groupes d'Anglais de Montréal qui sont responsables de sa
maladie. Je parle toujours du bill 85 et de sa présentation.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Relisez la motion.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! On a rappelé, as I said, at
least...
M. HANLEY: En français!
M. LE PRESIDENT; En français? Malheureu-
sement, depuis samedi j'ai dit au moins vingt fois, que le débat
devrait se limiter à l'objet de la motion et non pas à l'objet du
bill ou au principe du bill. Alors, je réfère l'honorable
député à l'article 280, en lui demandant de bien vouloir
se limiter à la motion qui est devant la Chambre.
M. HANLEY: M. le Président, je veux parler brièvement sur
la motion qui vise à retarder la présentation du bill 85.
J'espère que j'ai le droit de dire qui sont les responsables de la
présentation de ce bill et de la maladie du premier ministre. C'est ce
que je pense. Je répète qu'un certain groupe d'Anglais de
Montréal a demandé au premier ministre de faire quelque chose. Le
premier ministre a présenté le bill. Un certain groupe d'Anglais
de Montréal a insulté le premier ministre. Très bien,
c'est tout pour la présentation.
S'il existe, à Montréal, une certaine confusion au sujet
du bill 85, c'est un certain groupe d'Anglais qui en sont responsables.
M. BELLEMARE: Je veux dire à l'honorable député de
Sainte-Anne que son intervention sera peut-être bienvenue quand nous
serons en deuxième lecture. Mais, actuellement, il s'agit d'une motion
qui porte simplement sur l'opportunité de suspendre l'application de
l'article 536 qui dit qu'un bill ne peut être référé
à un comité de la Chambre sans avoir subi sa deuxième
lecture, et qui demande que le comité de l'Education siège pour
entendre toutes les parties. Voilà l'à-propos de la motion. Il
s'agit de dire actuellement, dans votre intervention, si vous êtes en
faveur que tout le monde vienne dire, au comité en bas, ce qu'il pense
du bill 85.
Oui, je sais que c'est ce que le député va dire. Je suis
convaincu qu'il va être en faveur que tout le monde vienne en bas pour
dire que le bill 85...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LACROIX: Le député de Champlain n'a pas le droit de lui
prêter des intentions.
M. BELLEMARE: Non, non, j'essaie de montrer...
M. MALTAIS (Limoilou): Il ne prête pas d'intentions; il sait qu'il
va voter pour eux!
M. BELLEMARE: Je sais que le député voudra s'en tenir
à la motion et être si c'est son opinion favorable
à ce qu'on aille en comité en bas pour entendre toutes les
parties.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Les jalons ayant été si bien
tracés par l'honorable ministre du Travail, j'invite l'honorable
député de Sainte-Anne à continuer.
M. HANLEY: C'est le député de Sainte-Anne, qui
après des appels chez moi le soir par des groupes de personnes de langue
anglaise dans Montréal qui me demandent non à cause des mots que
contient le bill mais sur le sens du bill 85. Le groupement des anglais me
demande de changer le bill parce qu'ils sont contre le bill Bertrand et qu'il
n'est pas assez fort...
M. BELLEMARE: A l'ordre! DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre! M. HANLEY:
Arrêtez un peu!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense que c'est vendredi soir que je
rappelais un député à l'ordre! alors qu'il revenait
précisément à un point précis du bill. J'ai
l'impression qu'actuellement l'honorable député de Sainte-Anne
s'approche d'une façon très rapide du bill et, à ce
moment-là, je pense qu'on devrait le laisser continuer.
M. HANLEY: Non, M. le Président, le député de
Sainte-Anne n'est jamais allé trop rapidement mais il va directement au
point. Je ne prêche pas avec mes opinions parce que je vais parler
vraiment honnêtement aujourd'hui. J'ai une lettre ici que j'ai
envoyée au ministère de l'Education pour demander de retarder le
bill, après avoir eu des appels des Anglais de Montréal et des
représentants des associations de parents, des représentants des
enseignants et des représentants des étudiants qui m'ont dit que
le bill Bertrand n'est pas assez fort pour les Anglais. Ils me demandent de
retarder le bill. Ils veulent faire des changements. Ils veulent faire des
amendements sur quelques articles. Comme député de
Montréal, ce n'est pas parce que je prends les directives d'un certain
groupe d'Anglais de Montréal. Ah! non, jamais je ne prends de
directives. C'est moi le « boss » chez moi à
Montréal.
M. BELLEMARE: Est-ce que le député vient de dire qu'il est
le « boss » de tous les Anglais ou juste des Irlandais? Des
Irlandais?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. HANLEY: Ah! non, non! Pas des Irlandais.
M. BELLEMARE: Des Anglais?
M. HANLEY: Des Italiens, des Ukrainiens, Français, Anglais,
protestants, catholiques, chinois, tous.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre. Je félicite le député
de Sainte-Anne d'être le « boss » chez lui mais, ici, il
faudrait qu'on se soumette aux règlements.
L'honorable député de Sainte-Anne.
M. HANLEY; Je vous explique, M. le Président. C'est la
première fois que j'explique une raison de référer un bill
à un comité, parce que j'ai les directives des Anglais en dehors
de mon comté. Dans mon comté, jamais les électeurs ne me
donnent une directive, ils me laissent continuer comme ils le font depuis
vingt-huit ans à
Montréal, agir avec sens commun.
D'accord j'ai des directives des Anglais de Sainte-Anne et d'en dehors
de Sainte-Anne. Avec politesse, j'écris une lettre au ministre de
l'Education et je prends mes responsabilités. Je suis responsable de
demander au ministre de retenir le bill et inviter les éléments
anglais avec leur grande gueule, à la radio.
J'espère, M. le Ministre, que pas un seul groupement des Anglais
à Montréal ne nuit aux partis politiques dans une situation
délicate comme les relations entre Anglais et Français, comme le
bill 85. D'accord.
Je n'ai rien retiré. Un électeur a demandé au
ministère de l'Education, après avoir eu les directives de
certains éléments anglais de Montréal, que plusieurs
études, que plusieurs amendements soient faits, que l'Assemblée
nationale, que l'Etat fasse dans plusieurs articles les changements
réclamés par certains groupements anglophones de Montréal
dans les derniers jours de la session. J'ai dit non. Je ne suis pas le seul qui
demande que le bill 85 soit référé au comité de
l'éducation. A la radio, vendredi soir, au programme de Ed Stock, au
poste CFCF, M. Claude Ryan, du journal Le Devoir, a offert aux Canadiens
anglais des félicitations. Que disait M. Claude Ryan, vendredi soir?
C'est mieux de référer le bill pour l'étudier, c'est de
faire une enquête, avant l'adoption du bill...
M. MALTAIS (Saguenay): A l'ordre!
M. HANLEY: Et tous les Canadiens anglais qui appelaient au poste CFCF
offraient leurs félicitations à Claude Ryan.
M. LAFRANCE: M. le Président, je soulève un point d'ordre.
Je voudrais qu'on apporte autant de sévérité pour
l'observation des règlements qu'on l'a fait pour le député
de Verdun.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! La remarque actuellement faite par le
député de Richmond me surprend un peu, parce que, comme je viens
de le dire, l'honorable député de Sainte-Anne a commencé
son intervention passablement en dehors du sujet, mais, pour une fois, je pense
qu'il y est, en citant un article du Devoir qui a été cité
au moins deux fois dans cette Chambre depuis le début du
débat.
M. HANLEY: Plus que ça, M. le Président, à la suite
des appels de certaines organisations anglaises de Montréal pour
apporter des changements au bill 85, ce sont les Canadiens anglais qui nous
demandent d'apporter des changements au bill 85. Ce n'est pas moi, ce sont les
Canadiens anglais, et j'en ai la preuve. Je disais: vendredi matin...
DES VOIX: A l'ordre!
M. HANLEY: D'accord, tenez. Je n'ai pas besoin de ça. J'ai tout
là.
M. BELLEMARE: Je ne voudrais pas faire choquer l'honorable
député de Sainte-Anne...
M. HANLEY: On n'est pas capable de me faire choquer. J'ai la tête
dure comme une roche.
M. BELLEMARE: Son geste n'apparaîtra pas dans le journal des
Débats. Les gens vont se demander, lorsqu'ils reliront cette phrase,
à quoi cela tient. Je dis à l'honorable député que
c'est tellement facile pour lui, en particulier, qui connaît la
situation. Il sait qu'il faut absolument qu'il y ait un comité qui
entende les témoins. Il peut le dire simplement, sans
référer au bill 85, c'est sûr. Car, dès que vous
vous référez au bill 85, que vous dites que les Canadiens anglais
veulent que ce soit plus loin ou plus près, là, vous entrez
justement dans le principe du bill. On ne peut faire ça, là,
c'est la motion. Il faut savoir si on doit l'envoyer dans un comité ou
non. Comme je sais que vous êtes bien convaincu que le comité est
nécessaire pour entendre toutes les parties, je sais...
M. PINARD: Cela commence à être suspect...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. PINARD: Le député de Champlain veut faire l'oreille du
député de Sainte-Anne.
M. LE PRESIDENT: Je dois me faire le défenseur d'une
minorité en cette Chambre et dire que, d'après moi, je surveille
très attentivement l'honorable député de Sainte-Anne,
comme j'ai surveillé ce débat, Je pense, depuis deux jours. Je
dis qu'actuellement, il me paraît dans l'ordre. Je souhaiterais que le
débat se continue sur le même ton.
M. HANLEY: M. le Président, vendredi matin, j'ai eu encore des
plaintes des organisations anglophones de Montréal contre le bill 85.
Encore des demandes, pas avec des mots, pour retarder le bill, mais encore des
demandes pour apporter des amendements au bill 85.
Encore vendredi matin, je voulais expliquer à mes
collègues du gouvernement et de l'Opposition que les Anglais de
Montréal demandent des changements au bill 85. Pour cette raison, je
suis d'accord pour retarder l'étude du bill 85 et l'envoyer au
comité de l'éducation.
Mais, je suis très heureux. Je lisais le journal Le Devoir de ce
matin. Je n'ai pas le droit, c'est vrai? Quelqu'un m'a dit cet
après-midi...
M. PINARD: Le député de Champlain?
M. HANLEY: Oh non!
UNE VOIX: Nommez-le.
UNE VOIX: Le député de Saint-Hyacinthe?
M. HANLEY: Voulez-vous poser la question au président?
Quelqu'un m'a dit aujourd'hui qu'après jeudi et vendredi, le
ministre de l'Education n'a rien renié au sujet du bill 85. Le ministre
de l'éducation invite des groupements non seulement anglais, mais
canadiens, d'aller devant le comité de l'éducation pour
étudier le bill 85.
En terminant, j'espère que le gouvernement va nous apporter le
bill 85 devant la Chambre dans un délai qui n'excédera pas trois
mois après le début de la prochaine session.
Je ne dis pas j'espère, mais j'ai confiance que le
gouvernement...
Beaucoup de journaux anglais, hier et samedi, demandaient aux Anglais de
Montréal de donner une chance au nouveau ministre de l'Education, parce
qu'il n'a pas encore eu l'occasion d'exprimer son opinion pas seulement sur le
bill 85, mais sur la politique future du gouvernement.
Pour le moment, le premier ministre suppléant...
M. PINARD: II est en train de vous arranger ça, là. Vous
n'avez pas peur?
M. MAILLOUX: II organise des congrès.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense que l'honorable
député de Sainte-Anne conviendra qu'on sort actuellement d'une
façon assez manifeste de la motion.
M. HANLEY: Merci. En terminant, je vais répéter, pour la
troisième fois... C'est le député de Sainte-Anne qui fait
une demande au ministre de l'Education de retarder l'étude du bill 85 et
de le référer à un comité pour qu'il soit
étudié.
J'aimerais publiquement...
M. BIENVENUE: I am the boss! M. HANLEY: I see what you mean.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je me sens un peu en conscience. Je
craignais que l'honorable député de Matane puisse vraiment
essuyer quelque chose... Disons que ce n'est pas l'honorable
député de Matane qui a fait la remarque.
M. HANLEY: M. le Président, messieurs de l'Assemblée
nationale, je ne fais pas de petite politique avec le bill 85, moi. Ah non!
C'est curieux, quand le premier ministre a présenté le bill 85,
tous les Anglais ont été très heureux. Deux jours
après les élections partielles, le 7 ou le 8 décembre,
jeudi soir et vendredi matin, tous les Anglais étaient contre ce
même bill. Est-ce de la petite politique ou non? Je ne sais pas.
J'espère que non.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je dois ici interrompre l'honorable
député de Sainte-Anne, parce qu'il ne peut donner son opinion sur
le bill.
M. HANLEY: M. le Président, je vous remercie. Est-ce que je puis
vous poser une question, M. le Président? Avez-vous compris mon
exposé en français, aujourd'hui?
M. LE PRESIDENT: Oui.
UNE VOIX: Très bon.
M. HANLEY: Oui, très bien. Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Robert-Baldwin.
M. SEGUIN: Vous conviendrez, M. le Président, qu'il n'est pas
facile...
UNE VOIX: Deux orateurs.
M. LE PRESIDENT: Al'ordre! Je vous avoue que l'on exige de ma part
certains regards qui devraient être meilleurs peut-être.
Honnêtement, je dois vous dire que l'honorable député de
Robert-Baldwin m'avait prévenu de son intervention. J'ai
suggéré à plusieurs de le faire; les règlements ne
le disent pas et Je veux être clair sur ce point.
L'autre jour, il s'est produit un incident que j'ai
considéré comme assez malheureux, du moins, moi, je
l'étais. Lorsque deux opinants se lèvent en même temps ou
presque en même temps, dans un certain brouhaha ou lors d'un
échange d'opinions, je me demande si les deux ont dit: M. le
Président. A ce moment-là, je devrais demander le vote et l'on
sait qu'il faudrait 25 minutes pour décider quel serait le premier
opinant.
J'invite donc les honorables députés des deux
côtés de la Chambre 3. me faire parvenir un billet ou à me
dire en passant qu'ils entendent intervenir, de façon que, suivant la
tradition et la coutume établie, je puisse faire une certaine
alternance. Mais, actuellement, ce serait mentir que de dire que je n'ai pas
vu, le premier, l'honorable député de Robert-Baldwin.
M. Arthur Séguin
M. SEGUIN: Je m'excuse, M. le Président, de ne pas avoir attendu,
il y a quelques instants, que vous ayez annoncé le député
de Robert-Baldwin, avant de commencer à parler. Je remercie aussi, de
bonne grâce, le député de Saint-Maurice pour s'être
plié si gracieusement à votre décision.
Vous admettrez, M. le Président, qu'il est assez difficile pour
un député de cette Chambre de suivre immédiatement un
collègue comme celui qui est à ma droite, le député
de Sainte-Anne.
M. HANLEY: Merci.
M. SEGUIN: Cela est difficile pour plusieurs raisons, mais je ferai de
mon mieux, quand même, je puis vous l'assurer.
M. le Président, il est regrettable que le gouvernement,
présentement adossé au mur, soit forcé d'adopter les
mesures prévues par la motion du député de Champlain.
J'ai, en effet, appris à admirer le député de Champlain et
nombre de ses collègues, ici, en Chambre, pour leur grande
impartialité et pour leur insistance constante à préserver
le droit sacré des députés.
Si le député de Champlain, en présentant la motion
qui est devant nous, est, en effet, victime de ses convictions je me demande,
où donc, nous de cette Chambre, députés siégeant en
ce moment, nous pourrons discuter le principe du bill 85. La motion demande que
la Chambre réfère le bill au comité de l'éducation
pour plus d'étude. Nous de la Chambre, nous savons qu'au comité
de l'éducation il y a un certain nombre, bien limité, de
députés qui ont le droit, non seulement de voter, mais
d'énoncer leur opinion.
Mais qu'arrive-t-il des autres membres de cette Chambre, au nombre de
107 sur 108, qui, du fait même de ce renvoi, seront privés du
droit qu'ils ont de s'exprimer sur le bill? Il faudrait croire, à la
suite de cette décision que veut nous imposer le gouvernement, que nous
sommes en face d'un bâillon, bâillon de velours, peut-être,
peu importe, mais tout de même bâillon réel. Tous les
membres de cette Chambre, sans exception, des deux côtés,
devraient s'élever d'un geste commun et protester contre ce fait qu'on
ne veut pas nous entendre ici et qu'on nous envoie plutôt à un
comité qui siégera à un moment que nous ne connaissons pas
encore.
M. BELLEMARE: Qu'il ne connaît pas?
M. SEGUIN: Que nous ne connaissons pas encore. C'était le
secrétaire...
M. RUSSELL: Je ne voudrais pas être déplaisant pour le
député de Robert-Baldwin...
M. SEGUIN: Si vous avez des questions...
M. RUSSELL: ... mais il vient de dire que le fait que nous envoyons le
bill à un comité privera les députés de cette
Chambre de leur droit de parole. Ceci est complètement faux. Le bill
reviendra en Chambre et sera quand même discuté en deuxième
et troisième lecture. Tous les députés pourront s'exprimer
sur ce bill. Les députés ont d'ailleurs le droit d'assister au
comité et ont le droit de parole.
M. SEGUIN: Si je comprends bien la motion, la suspension de l'article
536 aura pour effet de renvoyer le bill au comité de l'éducation
avant la deuxième lecture. Nous ne savons pas, à ce moment-ci,
quand cette deuxième lecture pourrait bien avoir lieu.
M. LAFONTAINE: En temps et lieu.
M. SEGUIN: Nous y reviendrons tout à l'heure et je vous parlerai
du temps et du lieu.
M. DOZOIS: Le député de Robert-Baldwin me permettrait-il
une question?
M. SEGUIN: Je peux permettre une période de questions
après mon intervention si vous voulez des réponses à ce
moment-là.
M. DOZOIS: Non. Une seule question. M. SEGUIN: Allez-y.
M. DOZOIS: Le député de Robert-Baldwin dirait-il qu'en
1963, l'ancien gouvernement avait appliqué le bâillon au Parlement
en présentant le bill 60 à la fin de la session, n'adoptant que
la première lecture et en remettant à six mois plus tard
l'audition des trois lectures?
M. SEGUIN: Sans être obligé de répondre à la
question, je ferai remarquer au ministre que ce qu'il mentionne a eu lieu en
1963. Je n'étais pas en Chambre à ce moment-là...
M. DOZOIS: C'est dans les procès-verbaux. Vous y pouvez lire
cela.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. SEGUIN: Cela ne me lie d'aucune façon. C'était le
Secrétaire de la province qui nous disait, lors de son intervention de
samedi je ne le cite pas, mais je crois qu'il acceptera ce que je vais
dire: Nos amis d'en face, en parlant de l'Opposition, semblent quelque peu
surpris par l'application de certains points du règlement. Je pense
qu'il parlait de l'application de l'article 321. Je dirai à l'honorable
Secrétaire de la province que, certainement, nous sommes surpris. Mais
en plus d'être surpris, nous sommes foudroyés, de ce
côté-ci, par cette tactique d'écrasement qu'on veut
apporter à ce moment-ci aux députés de la Chambre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. SEGUIN: On fait des principes parlementaires et du Parlement, par
cette référence en comité, une risée, une farce que
je ne trouve pas comique. Il est entendu que le bill 85, si vous me permettez
de le mentionner, ne constitue pas une politique linguistique. Je ne crois pas
non plus que c'était l'intention du premier ministre lorsqu'il a
présenté le bill d'en faire un bill linguistique.
Tout de même, par ce bill, on permettait un statu quo, une
occasion de se ressaisir. Au lieu de donner ce statu quo, ce repos
nécessaire, ce calme tant désiré et si nécessaire
à la bonne conduite des affaires de la province, on suggère
aujourd'hui de tout renvoyer devant un comité, le comité de
l'éducation, le comité invitera tous ces groupements, ils
appuieront un aspect ou l'autre du problème, et, encore, là il y
aura une rencontre probablement indésirable.
J'aurais voulu faire mention, M. le Président, mais je reconnais
les règlements de la Chambre, j'aurais voulu faire mention, à
cette occasion, du fait que ces mêmes organisations auraient eu le droit,
le privilège et le devoir de se faire entendre devant la commission
déjà organisée et telle qu'annoncée par le premier
ministre.
Ce que cette motion fera, M. le Président, elle permettra aux
semeurs de haine, aux groupes égocentristes de continuer leur travail de
démolition, et cela pendant plusieurs mois encore. C'est ça qu'il
faut arrêter. Ce n'est pas en renvoyant le bill devant le comité
de l'éducation qu'on peut parvenir à arrêter ce
fléau qui parcourt la province et qui cause une ruine incroyable. J'en
vois en face, parmi les ministres, parmi les députés, qui
reconnaissent ce problème-là et qui, eux, devront, tout à
l'heure, se prononcer sur la motion du ministre du Travail.
L'honorable Secrétaire de la province défend des
principes, a-t-il dit, ajoutant qu'il avait défendu des principes
à Ottawa ou ailleurs. Je l'en félicite. Mais je me demande quel
principe est défendu en ce moment par le renvoi du bill. Car, à
mon point de vue, il n'y a qu'un principe qu'on doive protéger à
ce moment-ci, c'est de permettre au gouvernement d'apporter le bill en
deuxième lecture devant la Chambre. Et en l'apportant devant la Chambre,
nous ferons en sorte d'essayer, comme nous l'avons toujours fait dans cette
province de Québec, de respecter le droit, la liberté de
l'individu. Je me demande si l'honorable Secrétaire de la province
défendrait le principe de laisser pourrir une situation honteuse et dont
aucun Québécois n'a le droit d'être fier, or, c'est la
situation qui existe et ce qu'occasionnera tout prolongement ou tout
délai, sur une décision sur le bill 85.
Où est l'honneur que nous avons toujours connu, nous
députés de cette Chambre, nous citoyens de la province? Qu'est-ce
qu'on en fait? Que faisons-nous du fait que certains de nos concitoyens de
cette province sont en ce moment lésés dans certains de leurs
droits, non pas des faveurs, non pas des privilèges, mais des droits, M.
le Président. Cela me fait penser un peu, cette
idée de renvoyer le bill en comité, que le gouvernement
agit à peu près comme ceci. Il s'agirait d'une conflagration,
d'un incendie. Les pompiers s'y rendraient. La première chose qu'il y
aurait à faire, ce serait d'éteindre le feu. Mais non, on
n'éteint pas le feu, on s'interroge et on en cherche la cause. Fendant
ce temps-là, la maison brûle.
Qui gagne, par ce renvoi du bill 85 en comité, tel que
demandé par le gouvernement?
Les seuls qui peuvent gagner, ce sont les petits groupes bien
minoritaires qui, depuis quelques jours, depuis quelques semaines font
déjà pression sur le gouvernement. Leur voix a été
entendue; leur voix a été écoutée. Le
résultat de tout ça, c'est qu'aujourd'hui nous nous trouvons en
face d'une demande de mettre de côté le bill 85, de l'envoyer aux
calendes grecques, ou l'équivalent. Est-ce que le délai donnera
quelque résultat pratique? Je ne suis pas prêt du tout à
l'admettre. Et pour qui d'abord? Car il faudra quand même, avant que nous
puissions prendre une décision, plus tard, une fois que le bill
reviendra en deuxième lecture ou reviendra devant la Chambre si
jamais le bill nous revient il faudra quand même attendre ce
moment-là avant de faire quoi que ce soit pour le problème
linguistique dans la province, attendre les résultats ou le rapport de
la commission qui doit faire enquête. Et, si ma mémoire est
fidèle, on a donné un an à cette commission pour
enquêter.
Chaque jour de délai que cette Chambre donne au bill 85 par son
renvoi devant le comité de l'éducation ou ailleurs, chaque jour
condamne un nombre important de nos enfants québécois à
une instruction dans des conditions anormales, et cela à un coût
additionnel pour chacun d'eux. Cela n'est pas normal. Cela est un principe que
nous ne pouvons pas tolérer. Ce n'est pas en renvoyant le bill en
comité, ou ailleurs, sans qu'il soit étudié en Chambre par
les députés, les gens qui ont été élus, les
responsables, ceux qui ont le devoir d'adopter les lois et de gouverner la
province... Ce droit n'a jamais été donné ni à la
Saint-Jean-Baptiste, ni au MIS, ni à d'autres. Eux peuvent se cacher,
mais les députés ne peuvent pas se cacher. Ils sont
obligés de sortir et de dire ce qu'ils pensent, quitte ensuite à
subir les conséquences à une élection.
M. LESAGE: Très bien.
M. SEGUIN: Qui souffre encore de ce renvoi en comité? Qui? Tout
le peuple de la province en souffrira. Tous ceux qui sont inquiets pour la
stabilité du gouvernement en ce moment, et il y en a, je vous le
garantis, beaucoup plus que les 250,000 citoyens que la Société
Saint-Jean-Baptiste dit représenter. Dans mon comté seul, j'en
représente 130,000; c'est plus de la moitié de toute cette
société, et c'est là un comté seulement. Laissez
parler les représentants du peuple. Pensez-vous que ce geste de renvoi
du bill en comité inspire confiance? Lisez autre chose que certains
éditoriaux. Lisez la presse nationale, la presse internationale. Lisez
la presse d'importance et non pas la presse de propagande néfaste,
dévastatrice et désastreuse qui veut à tout prix ruiner
notre province. Je ne saurais croire que chacun des députés
siégeant à votre droite puisse en conscience, connaissant les
faits et réalisant les faits, puisse en conscience accepter le renvoi de
ce bill en comité à ce moment très important de notre
histoire provinciale. Ce serait pour empêcher la révolte à
l'intérieur de l'Union Nationale? Cela, ce n'est pas de mon affaire. Ce
n'est pas l'affaire de la Chambre.
M. GRENIER: Parlez donc sur le bill. DES VOIX: A l'ordre!
M. PINARD: Vous donnerez votre opinion honnêtement, vous.
M. GRENIER: Je vais la donner tout de suite après. J'ai de
petites nouvelles justement pour vous, à part ça.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Baldwin.
M. SEGUIN: Je trouve que le principe que nous débattons en ce
moment, le principe du renvoi à plus tard dépasse la ligne de
parti et dépasse la ligne de l'individu ou du risque qu'un tel ou un tel
autre pourrait prendre, en votant consciencieusement au sujet du bill 85.
Before my right is referred to committee, before I lose every possible
privilege that I have always had up until now as a Canadian citizen and as a
Quebecker, let me continue in this other language.
The Government that sits to your right is running scared like the fox in
the hunt, scared amidst the clamor of the hounds and the tail, I will have to
say at this time, is wagging that fox as it searches and looks for refuge in
any area and in any place it can find it. And, it happens to be that, on this
occasion, the refuge, the hollow log that the Government wants to crawl into,
that hollow log is the Committee on Education, whereby the bill will be sent up
for study and possibly, and probably, never re-
turn to this House for further study, as long as any of us are in here.
And in the meantime, we will have fire, and conflagration, and shock and fury
in this whole Province, and the results and the responsibilities for this rest
on the shoulders of those who are forcing us on this occasion to defer a
decision.
We have had promises from the Prime Minister of Education, we have had
statements of fact, and we have had statements of policy, we have had pious
statements, we have had all kinds of statements. And the population of this
Province no longer has faith in promises, no longer can sit back and agree with
every small suggestion that comes through because, in fact, there is no backing
to those promises that are made. They are made from the tips of one's lips and
nothing ever comes from them.
Prime Minister promised a bill and every one applauded. Both sides of
the House, all reasonable men, all responsible citizens of this Province
applauded the fact that he was bringing in a bill that would at least establish
a pause in the conflagration and maintain a statu quo. He promised this and he
kept his promise to bring into the House a bill, and for this, I am ever
grateful»
Mr. President, I have telegrams as other members in this House have
received, wires, telephones, telegrams, letters attesting to the fact that what
a great thing had happened. And, suddenly, a murmur, a light breeze, a cold
wind, filled with hate and destruction, blew into the ears of some of the
honorable Members in front of me. And it did not blow through, it jammed their
intellect and their thinking. It jammed them to the extent that they brought
pressure on the honorable Members across this floor, the honorable Members who
wished and wanted to carry on what the Prime Minister had said he would do, to
fulfill a promise that was made, not vaguely, not openly, not loosely and, as
he said « not for election purposes ». He is being stabbed in the
back, while he is lying on his back in a hospital at this very moment.
Not only is the government giving total freedom uncalled for freedom,
freedom to people who yell for freedom but will refuse to listen the hounds of
freedom to-day as you walk out into the city and walk out across the country.
And you see this clamour for freedom and this same people carrying out those
same signs and asking for democracy to give them the freedom that they are
entitled to, will deny a basic freedom to a group of people in this
province.
They are, and the governement by referring the bill to committee, the
governement by delaying unnecessarily a decision, the government by allowing
representation at this particular time, in such a serious bill that was brought
in by the Prime Minister, is calling and begging for a back-lash of the other
faction that there is no more reasonable and the faction that I am and, are
previously condemned. The government is begging, is asking by this deferment,
is asking to be recognized as a non stable administration and they are
encouraging confrontation of the worse elements of our society.
The governement by its action or by its inaction is setting the stage
for a repeat in history, it is setting the stage for a Quebec tea-party. The
government is acting under pressure and is acting as if controlled in the same
way that we control puppets.
No matter which side wind is on, this motion to defer simply proves the
uncertainty at this day and time of history, the uncertainty of the government
that we have before us. In the days of quisling regime the people had the same
uncertainty, the same feeling of absence of firmness and direction. The same
people or those people under those regimes had the same problems to combat and
fight and they deferred decisions and we did not for imported comments from the
other side to allow them to come to a conclusion and the people suffered in the
meantime and this is what it is going to happen in this province.
Je n'ai pas entendu un seul argument, pas une seule phrase qui aurait
été donnée par mes amis d'en face pour justifier l'abandon
de l'article 536, pas une seule explication raisonnable et profonde pour
justifier l'abandon de l'article 536. Comme l'a fait remarquer mon
collègue, il y a eu des excuses, mais des justifications il n'en a
jamais été donné dans cette Chambre.
M. BELLEMARE: Vous n'avez rien compris.
M. SEGUIN: De ce côté-là, je suis comme le
gouvernement. Il me semble que, s'il y a une décision à prendre
sur le bill 85, cette décision doit être prise par les élus
du peuple et cette décision doit être prise avant que la situation
ne devienne intolérable. Comme représentant du comté
Robert-Baldwin, je suis prêt à accepter la responsabilité
de la tâche qu'on m'a confiée de représenter un groupe de
citoyens en cette Chambre.
Je ferai de mon mieux pour continuer à le faire. Le groupe que je
représente est multiple dans sa composition. En fin de semaine la
fin de semaine a été courte hier, j'ai passé une
partie de l'après-midi à rencontrer des gens des personnes
clefs et des dirigeants
d'opinion pour savoir ce qu'ils pensaient de ce renvoi, pour
étude supplémentaire, du bill 85. Bien qu'on ait exprimé
le désir que le tout soit renforcé, on a demandé: De
grâce, ne tardez pas; présentez le bill en deuxième lecture
et apportez les amendements qu'il faut. Vous, les responsables, vous, les
élus du peuple, faites votre devoir. Ne remettez pas votre
responsabilité entre les mains de corps intermédiaires ou autres;
assumez votre responsabilité à l'Assemblée
législative, demain. Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Frontenac.
M. Fernand Grenier
M. GRENIER: M. le Président, on s'inquiète un peu chez
certains membres de l'Opposition on m'a même signalé
pourquoi, en particulier du fait que je sois un personnage si
intéressant à rencontrer, alors qu'en Chambre, je suis si
arrogant.
C'est justement à cause de cette motion que je suis un peu
arrogant en Chambre. Depuis déjà quelques jours, avec
l'Opposition et les députés ministériels, j'ai
constaté quel temps précieux pouvait se perdre ici relativement
à cette motion.
M. LAFRANCE: M. le Président, le député n'a pas le
droit de dire que, parce qu'un député exerce son droit, il perd
le temps de la Chambre. Le député de Frontenac le perd beaucoup
plus souvent, en interrompant les autres!
M. GRENIER: Vous ai-je attaqué, vous? Le député de
Richmond s'est déjà reconnu! Il est très tôt;
ça va venir plus tard, pourtant.
M. le Président, j'ai été témoin ici, avec
plusieurs autres députés, principalement les
députés ministériels, d'une série de discours faits
sur la motion en cours. Ces discours portent, bien sûr, sur le fait de
procéder à la deuxième lecture du bill, alors que le
gouvernement, comme tout le monde le sait, voudrait confier cette étude
à un comité. On veut connaître les raisons de ce geste,
nous en avons donné certaines.
D'autres, les gens de l'Opposition principalement ce domaine est
assez nouveau pour mol et je suis un peu scandalisé; c'est pourquoi je
suis arrogant en Chambre comme me le disait le chef de l'Opposition
libérale du Manitoba, ont profité de l'occasion pour se faire ici
une plate-forme électorale. Moi, personnellement, comme «
back-bencher », ça me dégoûte singulièrement
de m'asseoir et d'attendre la fin des discours qui, en fait, se
répètent et dans lesquels on ne dit à peu près
rien.
M. LAFRANCE: Tartuffe.
M. GRENIER: Je pourrais même donner ici des noms de
députés qui se sont répétés. La
journée de samedi est un bon témoin de répétitions
qui ont été faites ici par des spécialistes dans le
domaine de nous faire attendre.
Le député de Robert-Baldwin disait qu'il avait
passé une partie de l'après-midi de dimanche à interroger
les gens sur la possibilité de faire l'étude de cette motion en
deuxième lecture. Eh bien, moi, je dois vous confier, en toute
sincérité, que j'ai pris une partie de la matinée pour
dormir, car je suis revenu chez moi, à quatre heures moins quart,
dimanche matin, parce que j'avais écouté ici, en Chambre, des
discours jusque vers dix heures du soir, discours qui se sont
étrangement ressemblés depuis le matin jusqu'à tard dans
la nuit. Tous ces discours venaient de l'Opposition, bien sûr.
On dirait que l'Opposition fait de la rotation ou plus
intimement, comme disent les gens de chez nous qui sont des anglophones
font de la « swing ». Ils sont ici une dizaine à peu
près, à chaque fois et vous pouvez le constater de visu
aujourd'hui.
Pourquoi l'Opposition ne voudrait-elle pas référer ce bill
en comité, en bas? A mon sens, il y a certaines bonnes raisons qui, pour
elle, toujours selon le chef de l'Opposition libérale de la province du
Manitoba, servent de plate-forme électorale, et cette plate-forme
électorale, bien sûr, qu'elle est meilleure en Chambre qu'en
comité, vous en savez quelque chose.
Alors, on discourt ici, et on discourt là, on tue le temps, on
tâche d'allonger la session et, chose assez cocasse, à
l'intérieur d'un même discours, on tente de faire croire que la
situation est urgente. C'est ce qui me fait rire et fait rire bien des gens de
la province aussi.
M. KENNEDY: Cela n'en prend pas tant que ça pour faire rire.
M. GRENIER: Vous avez de la publicité dans les journaux. Lisez
les journaux de ce matin. II est bien clair que vous avez une
déclaration d'à peu près tout le monde dans l'Opposition
parce qu'à peu près tout le monde a parlé,
c'est-à-dire ceux qui se trouvaient en Chambre à ce
moment-là.
Moi, je dois vous dire que mon enquête ne s'est pas faite dimanche
matin. Elle se fait dans
la région des Cantons de l'Est depuis plusieurs années.
Elle se fait dans mon comté parce que Je représente un
comté où il y a un élément anglais, dans une
certaine proportion. Je la fais aussi à cause de ma situation familiale,
puisque je vis, par le mariage, avec une personne de langue anglaise, et
ça va assez bien. Je pourrais même vous le prouver si j'en
étais capable en Chambre.
M. KENNEDY: Dans la chambre, oui.
M. GRENIER: A mon sens, je ne pense pas qu'il y ait urgence,
d'après les témoignages que j'ai reçus dans ma
région d'adopter ce projet de loi. Je dois vous dire aussi que j'ai eu
l'occasion de bavarder avec des représentants des minorités de
l'Ouest, pas plus tard que la semaine dernière, et ceux-ci me disaient
qu'avant l'adoption d'un pareil bill, il serait prudent que le gouvernement
entende la plupart des gens qui dans la province représentent des
groupes, représentent vraiment la population du Québec.
Jusqu'à maintenant, je ne pense pas qu'on les ait entendus. On n'a pas
eu l'occasion de les entendre encore.
Si on devait adopter ce bill en deuxième lecture avant de le
référer au comité, il est bien clair que des
députés prendraient position, par leur discours en Chambre, et il
serait peut-être trop tard pour revenir sur leur décision. Moi, je
ne vous cache pas que je serai fort heureux d'entendre, au comité de
l'éducation, les revendications qui viendront de mon comté, de la
portion de la province que je représente ici, avant de prendre
définitivement position. Il y aura peut-être lieu à ce
moment-là d'apporter certaines modifications, comme certains membres de
l'Opposition et du gouvernement l'ont suggéré dans la partie
peut-être la plus positive de leur discours alors qu'on ne s'attardait
pas uniquement à tuer le temps.
Nous avons ici du travail à accomplir, et peut-être bien
que l'Opposition se décidera, après avoir fait la tournée
de tous ses députés, à terminer tout son folklore et nous
laissera tout tranquillement référer le bill en comité
pour une étude plus approfondie.
Nous avons entendu devant le parlement, à plusieurs reprises, des
groupes qui se sont présentés. Est-ce que c'étaient des
groupes vraiment représentatifs? Personnellement, j'en doute. Des
groupes préparés à l'avance par on ne sait qui. Moi, je
mets un point d'interrogation à la suite de ces revendications.
J'aimerais mieux rencontrer au comité des bills privés, en bas,
des gens qui nous feront des représentations mieux fondées, plus
fouillées alors que nous aurons plus de temps pour mieux étudier
leurs problèmes.
J'entendais les brillants discours, les attaques faites par le
député de Richmond ou le député d'Outremont contre
un absent au cours de la journée. Premièrement, je ne sais pas
vraiment jusqu'à quel point ça pouvait être fondé,
et, deuxièmement, quelle valeur on peut donner à ces
discours-là. Moi, personnellement, j'aimerais mieux entendre ces
discours une fois que le bill aura reçu l'approbation ou, au moins les
représentations des gens qui nous viendront avec des
mémoires.
Le seul fait de considérer que les députés seront
quand même appelés à donner leur opinion, leur point de
vue, à l'occasion de l'étude, en vaut la peine, est suffisant
pour savoir qu'ils ne donnent pas leurs responsabilités au premier venu.
Ils en auront l'occasion, bien sûr, en comité, comme ils l'ont ici
en Chambre, mais cependant peut-être avec moins d'emphase et moins de
publicité tapageuse, comme on semble vouloir le faire dans le moment. On
attaque le gouvernement. C'est le droit de l'Opposition, c'est son meilleur
temps, car ses membres ont dans leurs mains la plupart des grands journaux, qui
vont répéter tout ce qu'ils disent ici, même si c'est plus
ou moins intelligent. On attaque le gouvernement, on dit que, dans le
gouvernement, il y a des gens qui ont des idées différentes les
uns des autres. Mais, qu'y-a-t-il d'étrange là-dedans, qu'on
diffère d'opinion? Quand les gens laissent parler l'Opposition, qui
parle toujours sans rien dire, on dit que le gouvernement n'avance pas, qu'il
n'y a pas dans ses rangs de gens d'envergure qui peuvent parler. Lorsque des
gens veulent dire quelque chose, on dit à ce moment-là qu'il y a
division.
Cela me fait penser à un autre principe qui est aussi difficile
à réfuter. A ce moment-là, je pense bien qu'on est mieux
de ne rien dire. Je considère qu'un parti je pense bien qu'il n'y
en a pas un dans l'Opposition qui pourrait dire le contraire doit
être alimenté par des gens de différentes couches de la
société. Le gouvernement de l'Union Nationale, actuellement, est
fort bien représenté. Nous pouvons avoir des hommes
d'expérience dans plusieurs domaines, comme en a aussi l'Opposition. Je
tire mon chapeau devant certains membres de l'Opposition. Le gouvernement au
pouvoir a aussi les siens. Le gouvernement au pouvoir a aussi des professeurs,
qu'il a fait élire à la dernière élection. Il
peuvent bien différer quelque peu de la ligne d'ensemble du parti, c'est
possible. Mais, je considère qu'un parti, c'est environ comme une
règle de douze pouces; tout le monde ne peut pas se situer au
douzième pouce. Il en faut tout le long.
Le chef du gouvernement, qu'il s'appelle Johnson, Bertrand ou Cardinal,
est là pour trouver le dénominateur commun de cet ensemble de
pensée. Actuellement, même au désespoir de l'Opposition. Il
n'y a pas cette division que l'on souhaiterait. On l'a tellement vécue
dans l'Opposition, cette division, depuis quelques années, qu'on la voit
partout. Il y a place pour un bon nationaliste, mais il n'y a pas de place,
chez nous, pour des séparatistes. L'Union Nationale se
dégage...
DES VOIX: A l'ordre!
M. LEDUC (Taillon): La motion.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je dois interrompre ici l'honorable
député de Frontenac. Je pense qu'il conviendra que nous ouvrons
la porte assez grande et que nous pouvons, par cette porte, aller directement
au fond du problème, ce que j'ai défendu du mieux que j'ai pu
depuis deux jours.
M. GRENIER: M. le Président, je m'excuse d'avoir
été en dehors des cadres. Ce que je voulais insinuer tout
simplement, c'est qu'ici, l'Union Nationale ne dirige pas avec les mouvements
séparatistes, en ce sens que nous ne tenons pas compte des
représentations qui nous sont faites relativement à cette motion
en cours en face du Parlement. A ce moment-là, nous
préférons avoir des données mieux fondées. Qu'on
nous accuse d'avoir dans le mouvement des gens qui diffèrent d'opinion
avec nous, moi, je ne m'interroge pas sur la raison pour laquelle certains
membres de l'Opposition sont partis en voyage,
M. LEDUC (Taillon): M. le Président... M. GRENIER: M. le
Président, je reviens.
M. LEDUC (Taillon): Oui, revenez et revenez vite.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Frontenac sait sans doute qu'il y a cet article important de nos
règlements qui nous oblige à ne pas prêter de motifs.
M. GRENIER: M. le Président, je regrette une deuxième
fois. C'est que, quand nous avons une trop courte expérience du
régime parlementaire, il arrive que nous faisions des erreurs. Si c'est
la seule qui m'empêche de gagner mon ciel, j'espère qu'on me la
pardonnera. Je voudrais qu'on retienne ceci.
Parmi cette avalanche de discours, cette avalanche de mots dans un
désert d'idées, je voudrais qu'on retienne que le point du
gouvernement actuellement sur le fait de retourner cette motion au
comité des bills privés pour étude, et présentation
des mémoires, je pense qu'il est valable, c'est qu'avant que les
députés ne donnent leur approbation ou ne désapprouvent le
bill, ils aient à loisir la possibilité de recevoir des
délégations de chez eux ou d'un coin ou de l'autre de la
province, afin de se faire une plus juste idée sur ce bill en cours.
Personnellement, j'en connais la valeur comme éducateur et je
sais jusqu'à quel point ce bill est important. Ce n'est pas un bill
qu'on passe sur le bois de pulpe ou un bill qui regarde d'autres domaines
purement matériels, il est beaucoup plus profond que ça. Je sais
qu'après avoir passé en comité d'étude pour
recevoir ces mémoires et ses représentations de la province, ce
bill reviendra en Chambre à la prochaine session et, à ce
moment-là, la province de Québec se donnera une loi capable de
répondre à nos aspirations. C'est comme ça que, dans le
gouvernement actuel, on tient compte de la population. Dans les cadres de
l'Union Nationale, on ouvre, sur des bills aussi importants, le dialogue
à toute la population québécoise.
II me fera plaisir en comité de revenir sur le fond de la
question, mais j'y al fait certaines allusions et il me fera grandement plaisir
aussi avec le gouvernement et l'Opposition d'en faire une étude plus
approfondie en deuxième lecture. C'est là le point que le
gouvernement soutient. Je pense qu'il serait temps qu'on arrête de faire
des discours et qu'on le retourne au plus tôt en Chambre si vraiment la
période est si urgente. Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Maurice.
M. Philippe Demers
M. DEMERS: M. le Président, je constate avec plaisir que vous
m'avez reconnu. Tantôt je me questionnais un peu à savoir si vous
n'aviez pas un miroir qui vous faisait voir de côté, soit dit sans
malice, M. le Président. Je m'excuse si j'ai pu dépasser ma
pensée.
M. le Président, on a fait énormément de discours
sur ce sujet, à savoir si on doit retourner en comité ou passer
immédiatement en deuxième lecture. Je ne voudrais pas ajouter
indûment. Samedi, je crois que nous avons passé sept heures
à discourir des deux côtés. L'o-
rateur qui m'a précédé a dit que ça pressait
de passer en comité et, si j'ajoutais, je retarderais.
Je voudrais faire valoir le point suivant, c'est que l'Opposition a
grandement changé d'idée sur l'utilité des comités.
Lorsque, par exemple, nous avons passé la première loi en cette
Chambre, après avoir été élus
députés, nous les nouveaux, nous avons insisté
énormément pour descendre au comité au sujet de la Loi des
prêts-bourses. Nous n'y sommes pas allés et nous avons
été blâmés. Quelques mois plus tard, il fallait s'y
rendre pour l'étude de l'assurance-récolte, très urgent.
Aujourd'hui, un problème de langue, un problème sérieux
excessivement sérieux nous confronte. On ne veut pas aller en
comité. Au temps où c'était l'époque d'aller
étudier les petits pois en bas là, il fallait y aller pour
l'assurance-récolte. Aujourd'hui, le problème de la langue,
sérieux, épineux, pas de comité, passons la loi en
Chambre. N'écoutons pas, ne questionnons pas, l'idée des
députés doit être satisfaisante. Pour établir une
politique d'assurance-récolte, convoquons, faisons venir les corps
intermédiaires, 1'UCC, les spécialistes en différentes
disciplines agricoles, demandons leur avis.
Politique de langue, pas de comitél Lorsque ce fut le temps
d'adopter la Loi de la Régie des marchés, vite, en comité;
consultons les corps intermédiaires. Imaginez! Il fallait donner le
pouvoir à l'UCC de prélever tant de cents pour le lait. Affaire
de la langue, pas de comité! Changement radical dans l'attitude de
l'Opposition. Evolution surpenante et inquiétante. Pourquoi refuser
d'aller en comité sur des questions fondamentales, alors qu'à
l'époque de l'élection de Bagot il fallait tenir le ministre au
comité? Pour parler de quoi? Pour parler de contestation. C'est une
matière à contester, la langue. On va y aller en comité
pour ça. C'est important, la langue! La RAQ, au comité. On
voulait même se chicaner sur le gin au comité en bas.
C'était important; c'était urgent de convoquer les gens pour
parler du gin. La langue, pas de comitél Des gens sérieux? Non,
des gens qui se lamentent parce que ça leur fait mal. Je n'ai pas besoin
de vous dire que je suis pour le comité et que je vais voter pour que
nous allions en comité.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Verchères.
M. Guy LeChasseur
M. LECHASSEUR: Le député de Frontenac a dit, il y a deux
ou trois minutes, qu'il n'y avait pas de place pour les séparatistes
dans le parti de l'Union Nationale. C'est précisément pourquoi
nous nous levons, chacun à notre tour, pour dire à l'Union
Nationale que nous sommes d'accord avec le député de Frontenac
pour admettre qu'il n'y a pas de place pour les séparatistes dans
l'Union Nationale.
Je me dois d'intervenir dans ce débat, par convictions
personnelles. Je me dois aussi d'intervenir parce que je suis convaincu que
l'attitude prise par le Parti libéral au cours de cette discussion est
appuyée par la majorité des citoyens de la province de
Québec. Je suis persuadé que l'homme de la rue est inquiet et a
du ressentiment envers les hommes publics, à cause de leur attitude
timorée et peureuse devant les agitateurs qui veulent faire de cette
province où les gens vivent paisiblement un centre de contestation
chronique.
S'il ne s'agissait dans cette motion, que des sujets dont vient de
parler le député de Shawi-nigan comme ces questions
agricoles, ces questions de prêts-bourses ou autres qui ont
été référées à un comité
je ne serais pas debout, à ce moment-ci. Je suis en effet, un des
derniers dans cette Chambre à vouloir faire perdre le temps de la
Chambre et à croire que des interventions répétées
puissent aider cette province. Mais, il y a plus enjeu: il y a un principe
premier, c'est celui des libertés et des droits des citoyens. Nous
voulons certainement aller en comité, mais après avoir
accepté le principe que les droits des minorités seront
protégés dans cette Chambre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LECHASSEUR: Je m'excuse, j'ai simplement effleuré le sujet. Le
Secrétaire de la province, samedi soir, avec beaucoup d'astuce,
d'ailleurs, nous disait: Mais, pourquoi ne pas aller en comité? Il faut
entendre tous les groupements qui ont quelque chose à dire et qui sont
vitalement intéressés par ces questions linguistiques. Nous
sommes bien d'accord. N'avons-nous pas accepté, nous de l'Opposition, ce
principe d'enquête qui va s'étendre sur une période d'une
année, à un coût de $100,000, précisément
pour entendre tous ces gens? Cela, c'est le but de l'enquête. Le but du
bill 85, c'est de protéger les droits des minorités, et tout de
suite. Ce n'est pas plus compliqué que ça, ce qui est en jeu,
à ce moment-ci. Il est urgent d'adopter le bill 85 en deuxième
lecture afin de régler une situation qui est en train de
dégénérer en anarchie et dont semble vouloir profiter ceux
qui sèment la haine et la discorde dans la province.
Certains de mes collègues ont représenté à
cette assemblée, que je trouve digne et au-
guste, que la tournure des événements a été
provoquée par une certaine faction des députés
ministériels et que ce n'est pas la volonté bien pensante du
gouvernement qui est à la base des événements que nous
connaissons en ce moment.
C'est là un propos, et c'était fort visible, la semaine
dernière, et cela l'est encore aujourd'hui, qui ne met pas à
l'aise le leader du gouvernement et bien d'autres de ses collègues.
Le leader du gouvernement est un guerrier vaillant, qui connaît
l'arme froide beaucoup plus que la bombe amorcée dans la noirceur.
C'est un homme que, comme beaucoup d'autres de ses collègues,
j'admire. Ils sont habitués à l'affrontement et non pas au
croc-en-jambe dans les coulisses...
M. LAFRANCE: Très bien.
M. LECHASSEUR: ... et je lui dirais respectueusement, comme à
certains autres de ses collègues, de se méfier de certains
arrivistes, de certains opportunistes qui ont l'honneur à la mesure de
leurs intérêts. C'est dans cet esprit que je voterai contre la
motion.
M. LE PRESIDENT: Le député de Marguerite-Bourgeoys.
Mme Claire Kirkland-Casgrain
MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, lorsque le bill 85 est
apparu au feuilleton, je me suis réjouie, comme beaucoup d'autres. Je me
suis dit que la solution que nous attendions, depuis un certain nombre de mois,
nous arrivait enfin. C'était là une lueur d'espoir non seulement
pour certains Québécois qui font partie d'une minorité,
mais je pense, et vous serez d'accord, que c'était une lueur d'espoir
pour tous les Québécois, ceux qui veulent que l'ordre et la paix
règnent dans notre province.
J'ai alors préparé un discours de seconde lecture. Depuis
samedi, hélas, ce type de discours est hors d'ordre. En effet, si je
prononçais ce discours en ce moment, M. le Président, ce serait
votre devoir et votre droit de me rappeler à l'ordre. Mais ce n'est pas
parce que ce discours est hors d'ordre que je n'exprimerai pas mon opinion sur
l'inopportunité de référer le bill 85 au
comité.
A mon sens, je me dois d'énoncer la raison la plus importante
pour m'opposer à ce renvoi. Les libertés civiles de chaque
citoyen québécois, qui ont toujours été
sous-entendues et respectées, particulièrement ici au
Québec, même si ces libertés civiles ne faisaient pas
l'objet ou partie intégrante d'une loi, ces libertés ci- viles,
dis-je, ont été mises de côté dans une des
régions de Montréal, depuis un certain nombre de mois.
M. GABIAS: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre, ma petite dame, là!
MME KIRKLAND-CASGRAIN: II fallait donc apporter un remède
à cette situation.
Alors que le premier ministre Bertrand avait dit au programma d'Ed Stock
qu'il apporterait ce remède, par voie de législation et que,
justement, par la suite, un bill fut placé au feuilleton, nous avions
alors l'espoir que les droits acquis d'une portion de la minorité du
Québec seraient enfin protégés.
M. GABIAS: A l'ordre, M. le Président!
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Mais cette motion, M. le Président, et j'y
reviens...
M. GABIAS: Bon.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: ... n'est rien d'autre, qu'une motion dilatoire,
et ayant pratiqué le droit, nous savons ce que ça veut dire cette
motion dilatoire, et tous les membres de cette Chambre le savent.
Il y a des citoyens du Québec, particulièrement dans le
comté que je représente à l'Assemblée nationale, je
veux dire le comté de Marguerite-Bourgeoys, qui sont placés dans
une situation analogue. Us pourraient voir se reproduire chez eux les troubles
scolaires qui sont survenus à la fin de l'été.
Je ne répéterai pas toutes les raisons déjà
émises par les députés libéraux qui ont
parlé avant moi et qui militent en faveur de l'étude
immédiate du bill 85.
Nous avions, avec ce bill, une planche de salut et on laissait alors
percer une lueur d'espoir. Mais les minorités du Québec qui
attendaient justement ce bill anxieusement et qui étaient
justifiées de demander le respect de leurs droits acquis, ces
minorités à l'heure actuelle se sentent dans une situation
absolument intenable. Il me semble qu'elles ont le droit d'espérer qu'en
1968 le gouvernement, de quelque parti qu'il soit formé, ait
suffisamment le souci et le sens du respect de leurs droits pour agir avec
célérité, et non pas attendre qu'un certain M. Groulx,
président de société Saint-Jean-Baptiste, et d'autres
comme lui se préparent pour orchestrer, avec l'aide de certaines
personnes de bonne foi peut-être, une opérette
qui pourrait tout à l'heure friser en même temps le drame
et la bouffonnerie.
Si l'on veut référer absolument ce bill, au moins qu'on le
fasse conformément aux suggestions faites par le chef de l'Opposition et
par le député de Vaudreuil-Soulanges, et que pour une fois on
démontre dans cette Chambre l'unité que nous avons
retrouvée pour une brève matinée, ici, alors que nous
étions assiégés par une poignée de jeunes,
dirigés par des activistes, qui venaient protester sans trop savoir pour
qui ni pourquoi.
Cessons donc d'avoir peur. Nous devrions avoir le sens de la
liberté et comme le disait récemment une dame bien connue de
notre province, Mme René Vautelet, ancienne présidente de
l'Association des consommateurs du Canada, alors qu'elle commentait le
séparatisme et si vous me permettez, s'adressait à un auditoire
anglais, Je la citerai. Elle a dit à l'époque: « It is time
that we should stand up and be counted. » Et Je la paraphrase en
terminant. Il faut 5 tout prix que, nous, comme représentants
élus du peuple, nous nous tenions debouts et cessions de remettre
à demain un problème que nous pourrions régler
aujourd'hui. C'est pourquoi Je m'oppose à cette motion.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Laurent.
M. Léo Pearson
M.PEARSON: M. le Président, J'ai quelques brèves remarques
à faire concernant le renvoi au comité de l'éducation du
bill 85, non pas que Je m'illusionne sur l'échéance de la motion
présentée. Je sais d'avance que la majorité l'emportera,
non pas parce que cette majorité aura raison, non pas parce que la
même majorité pourrait être convaincue par les nombreux
arguments que l'Opposition lui apportera, mais parce qu'au départ,
î cause du nombre, elle a décidé qu'elle avait raison. Cela
semble être dans la tradition. C'est aussi simple que ça, c'est
écrit dans les étoiles.
Cependant, tout en sachant que nous serons battus, il est de notre
devoir, il est même de la plus élémentaire décence,
que nous disions ce que nous avons à dire même si on nous accuse
d'obstruction. Cette accusation nous a été lancée chaque
fois que nous n'avons pas été d'accord avec le gouvernement. Je
comprends que le parti ministériel est le parti de la solidarité
et de l'unanimité, mais il ne faudrait pas exagérer. Le parti
comprend 54 et non 108 députés.
Un gouvernement, selon ma courte expérience, lorsqu'il apporte un
projet de loi, est sé- rieux. Il sait ce qu'il veut et où il va,
ou au moins devrait le savoir s'il veut être considéré
comme responsable. Il consulte. Le gouvernement a affirmé en
première lecture avoir longuement consulté et, de plus, j'ai
entendu plusieurs députés ministériels affirmer en Chambre
que, chez eux, on consultait régulièrement, on demandait à
chacun son opinion.
Or, il est évident que cette fois on leur a servi quelque chose
de tout cuit, d'apprêté rapidement, une espèce de mets
congelé qu'il suffit de réchauffer à cause de
circonstances particulières ou urgentes comme, peut-être,
l'élection complémentaire de Notre-Dame-de-Grâce. J'ai dit
paut-être, M. le Président. Je n'en suis pas certain, mais j'ai
des doutes. Ceux qu'on a consultés, ou au moins quelques-uns d'entre
eux, d'après les journaux, ont sursauté, ont crié, ont
peut-être menacé et finalement ont réussi à faire
hésiter et reculer le gouvernement. J'ai même remarqué un
sourire vainqueur sur le visage d'un certain ministre. C'est peut-être
illusion de ma part; pourtant, j'ai la réputation d'être assez bon
observateur. Le gouvernement aurait dû consulter ses membres afin
d'éviter les jours d'inquiétude que nous avons connus avec la
très mauvaise impression que laissera à la population l'attitude
du gouvernement.
Il ne faudrait pas, M. le Président, qu'à la suite de la
victoire de certains éléments du parti ministériel,
à cause de leurs opinions personnelles, ou à cause
peut-être aussi du succès des pressions exercées sur eux
par certains éléments dits ou reconnus officiellement
nationalistes, on s'imagine qu'ils sont les seuls à avoir vu ce qu'il
manquait d'important au bill 85.
Les trous béants qu'on y constate, est-ce par crainte que ce bill
devienne plutôt celui de l'Opposition, à cause de nombreux
amendements que nous y apporterions pour combler sa grave déficience,
particulièrement sur l'atmosphère véritablement
française dans laquelle devrait baigner la population du Québec,
ce sur quoi nous sommes tous d'accord? C'est une politique globale de la langue
que le gouvernement aurait dû apporter.
Au lieu de cela...
DES VOIX: A l'ordre!
M. PEARSON: J'ai déjà fini, M. le Président, mon
point hors d'ordre est déjà passé. Au lieu de cela, je
comprends l'idée du gouvernement. Il a voulu corriger une situation
anormale tout en préparant, je suppose pour plus tard, devant faire
l'objet d'un bill à venir, je le suppose même - vous voyez je
donne même le bénéfice du doute une politique
globale. Or, sa
façon de procéder a servi d'arme à certains qui ont
peut-être déformé les véritables intentions du
premier ministre. Ils ont même crié à la trahison. De cette
façon, ils donnent ou espèrent donner à la population
l'image des seuls véritables nationalistes travaillant pour l'avenir du
Québec. Or, c'est faux. Je ne connais pas de traître en cette
Chambre, ni d'un côté ni de l'autre. Je n'en connais aucun qui
soit prêt à vendre la nation canadienne-française. Nous
n'avons peut-être pas tous le même vocabulaire, mais nous avons
tous en cette Chambre plus de coeur au ventre pour l'avenir des nôtres
qu'une foule de pseudo-nationalistes. Nous préférons nous
affirmer plutôt que d'écraser les autres pour camoufler cette
affirmation.
Si nous voulons avoir l'occasion de nous exprimer en deuxième
lecture, c'est afin que certains mouvements dont nous connaissons
déjà les vues ne prennent pas tout le crédit, ne
présentent pas seuls l'image de véritables
Québécois. Il existe même, M. le Président, de ces
gens qui s'auréolent de la plus pure objectivité, de la plus pure
intention et qui pourtant ne croient même plus en la démocratie.
Quand les autres ne sont pas d'accord avec eux, ils se servent facilement de la
force, à partir des balles de neige jusqu'à l'émeute, du
chantage ou de la violence. Ici, toutefois, l'assemblée des
députés croit encore en la démocratie, aux droits des
autres. Nous nous chicanons peut-être de temps en temps, mais nous
croyons quand même que c'est la majorité qui l'emporte.
Il me sembla donc qui si nous réusissions à quitter ou
oublier notre partisanerie sur un sujet d'une telle importance, nous aurions
toutes les chances de réaliser quelque chose dont tous les
Québécois seraient fiers.
Je risque de dire que si nous nous acharnons à politiser un tel
sujet, nous fournissons du même coup tout le combustible
nécessaire aux ennemis de la démocratie, aux opportunistes, aux
agitateurs, pour allumer une conflagration dont personne ici ne veut et que
nous regretterions tous.
C'est pourquoi, M. le Président, je demande au gouvernement de
permettre la deuxième lecture, parce que le gouvernement et l'Opposition
connaissent déjà les opinions des groupes qu'ils entendront de
nouveau. Le mémoire de la Société Saint-Jean-Baptiste, le
premier ministre l'a reçu depuis 1967, M. le Président. Le MIS,
nous avons vu, dans à peu près tous les journaux de la province,
ce qu'il désire. Alors qu'est-ce qu'on peut nous apporter comme
élément nouveau?
Alors c'est pour sauver peut-être la face et l'influence du mandat
qu'ils ont reçu. Autre- ment, c'est un très mauvais
présage, car, malgré un mandat clair, donné par une
majorité lors des élections, il faudra se plier, faire des
courbettes devant tout groupe bruyant ne croyant à peu près pas
à la démocratie et se servant de moyens, ignorés ici au
Québec jusqu'à maintenant.
Je suis scandalisé, M. le Président, que des groupes
minoritaires réussissent, à cause de leur voix tonitruante, de
moyens antidémocratiques peut-être, à en imposer à
la majorité, à s'imposer à la majorité qui a bien
exprimé sa voix et son point de vue. Le peuple canadien-français
est reconnu pour sa tolérance, mais Je ne sache pas qu'il se soit
laissé écraser les pieds, qu'il se soit mis à plat ventre.
Il a donné un mandat à ses élus.
Il s'attend que ces élus prennent leurs responsabilités
courageusement, ne se pliant pas au chantage ou aux menaces et qu'ensuite, au
bout d'un certain nombre d'années, il juge lui-même ces
élus selon leurs réalisations et non seulement selon leur
compromission.
Vouloir plaire à son père et à tout le monde est
impossible et ne mène nulle part. De plus, comme toute
législation peut être complétée,
améliorée ou changée, je ne saisis vraiment pas l'attitude
du gouvernement. Je voterai donc, M. le Président, contre la motion du
gouvernement, parce que je ne vois qu'une solution. C'est celle de
reconnaître son erreur, ce qui est très difficile, ce qui demande
un certain courage. C'est celle de retirer complètement le bill 85, de
corriger temporairement l'anomalie, puisqu'on sent, dans le bill 85, que le but
du gouvernement, c'est simplement de corriger une situation
particulière. Cela peut être fait sans passer une
législation...
M.GABIAS: A l'ordre!
M. PEARSON: ... et on sent que l'intention du gouvernement, c'est de
présenter éventuellement...
M.GABIAS: A l'ordre!
M. PEARSON: ... une politique globale sur la langue
française.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre!
M. PEARSON: De corriger donc temporairement l'anomalie de
Saint-Léonard, de préparer un bill sur une politique globale de
la langue...
M.GABIAS: A l'ordre!
M. PEARSON: ... afin d'éviter...
M. GABIAS: M. le Président, je soulève un point
d'ordre.
M. PEARSON: II me reste deux phrases.
M. GABIAS: Le député de Saint-Laurent discute
présentement du fond du bill 85.
M. LACROIX: Il n'en a pas.
M. GABIAS: Ah, vous n'avez pas beaucoup d'amitié pour le
député de Saint-Laurent, en disant qu'il n'a pas de fond.
M. LACROIX: C'est vous qui n'en avez pas.
M. GABIAS: M. le Président, le député de
Saint-Laurent, pour qui j'ai beaucoup d'estime, est entré dans le fond
du bill 85. Nos règlements sont très clairs sur ce point. Je vous
demanderais qu'il revienne à l'étude de la motion qui est devant
nous.
M. PEARSON: M. le Président, laissez-moi dire deux phrases et
j'ai fini.
DES VOIX: Non, non.
M. GABIAS: C'est toujours le mauvais exemple du député de
Verdun...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. BLANK: Faites votre discours. M. LE
PRESIDENT: A l'ordre!
M. PEARSON: C'est simplement pour dire que je veux éviter que la
situation ne se détériore car le gouvernement connaît
déjà, je l'ai dit tout à l'heure, et personne ne s'est
levé là-dessus pour m'arrêter, ce que viendront dire
certains, sinon la plupart des corps publics. Depuis 1967, le gouvernement a
déjà en main les mémoires de la Société
Saint-Jean-Baptiste. Le MIS s'est exprimé par son action et par la voix
des journaux, le MSA, par la voix de M. René Lévesque,
député de Laurier.
Ce sont les raisons pour lesquelles, M. le Président, je voterai
contre la motion présentée par le gouvernement.
M. LE PRESIDENT: The Honourable Member for Brome.
M. Glendon Brown
M. BROWN: Mr. Speaker, I would like to speak on this very important
motion, particularly against it, for several reasons. But, the reason I find
more particular is the fact that I do not believe that the Prime Minister of
the Province at this time feels that this is the action he wants on the bill.
During a meeting in a quarter outside, the Prime Minister spoke to me near last
week, before he was sick, and asked me if I thought I could support this bill.
I am for the bill and for the idea of linguistic rights wether it is for French
or English anywhere in Canada, but particularly here in the Province of
Quebec.
Now, another reason that I would like to bring before the House is the
fact that committees in this Legislative Assembly and I have been here
for 13 years have never been known for their speed. The only two speeds
I have noticed for that committees are slow and slower. For instance, on a
committee that the Honourable Prime Minister suggested when he was in
Opposition, in which we took up, the Committee on the Constitution, I spoke on
May the 15th 1963, when the committee met. But, during the regime of this
government since 1966, there has yet to be a meeting of that committee. Here is
a, book presented to the conference in Ottawa, « The Government of Quebec
and the Constitution », in which it would lead you to believe that
everybody had been consulted and that we were unanimous in voting or in
discussing things that were put forward to the Conference in Ottawa.
In this « Quebec Annual Statistics » there are 27 official
committees. I would hazard a guess besides that, there are another 30. As I
say, the history of committees in this Legislative Assembly, regardless of who
has been in power, is that they have been extremely slow. With the advent of
this Legislation, there was a wave across the Province and particularly in the
region that I represent of the Eastern Townships. People were very, very
pleased that this type of Legislation was being considered and they hoped that
it would reach fruition in a hurry.
Now you may say: Why should they be in such a hurry? I know my
honourable friend for Megantic could not see why they are in a hurry... The
reason there should be a hurry is that a certain minority of the citizens of
this province of Quebec, day in and day out, are putting their money on the
table, on the Board to educate their children, while the rest do not have to.
Naturally, this motion that we are speaking of,
if it goes through, this should receive consideration, a major
consideration that it would be even better, if before we discussed and shoot
this matter over, that we came out for article 1 and saw that it was passed
when it went into the being. We are taking the money of this minority and
having them pay taxes to a local school board, while they educate their
children, in some cases, in another school.
And this is important. Now, the last thing, Mr. Speaker. On Friday, I
ate in a restaurant, not too far from this building. Strictly by accident, I
happened to sit within four feet of the organizers of the march against this
Legislative Assembly. They did not know I was a Member, and they were gathering
and talking about their orders. They were altogether eleven of them, speaking
of the wonderful thing they had done out there and got the children to come up
to the Legislative Assembly and throw up some snowballs through the windows
and, more than this, they had contacts with certain Ministers of this
Legislative Assembly that would guarantee that this Act would not be passed
quickly.
Now, one of these gentlemen that were in the restaurant, his particular
job was to sit in the gallery and memorize all the faces of the Legislative
Assembly here, so they could recognize. There was a young fellow of about 16
years old, I would gather that his job was to organize the kids that were
throwing the snowballs. I can tell you that the thoughts they had concerning
us, Mr. Speaker, were not very high, regardless of whether it was in the party
in power or the Opposition, with the exception of these two or three Ministers
whom they did not name, that they were speaking to, that were going to see to
it that this law did not go through.
My Honourable friend says too: Well, I can tell you, Mr. Speaker, that
as soon as I got out of the restaurant, I reported to the Police, not only did
I report to the Police but I reported to the Prime Minister. I have notes on
the conversations heard and I am prepared to be a witness in any Court as to
what I heard and what I saw, while I was there.
We have had our lesson on appeasement at least our generation here. We
remember Neville Chamberlain when he went to Hitler and all of the sad things
that many of us thought it was a good thing at the time. But I am through being
a pear and I hope that the Members of this Legislative Assembly feel the same
way about it, for good honest people. The time come with good intent I am sure
that every Member of this Legislative Assembly would spend hours, days and
nights to accomodate them and help them by the method of passing laws. But for
anybody who have a group, such as was in this restaurant, that has used
pressure counteract one of the finest bills that has been introduced to the
Legislature, you may be sure I am against them. I don't care if anybody in the
House here is for, I am against. If I am the only member in the House, I will
still arise and I hope sincerely that my friends across the way and the friends
on this side will see that this motion does not go through and that we do on
instant job of showing these « malfaisants », these jerks that we
can do a job, we can do it even though there are forces against us, and that we
will go with the ordinary persons of this province.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmorency.
M. Gaston Tremblay
M. TREMBLAY (Montmorency): Je serai bref. Depuis dix heures
déjà, les débats durent concernant cette motion qui a
été présentée samedi. Au tout début, j'avais
cette impression que le gouvernement de concert avec l'Opposition
libérale se préparait à nous passer à
l'épouvante un bill qui portait, une fois de plus, sur
l'éducation. Et voilà que depuis la présentation de cette
motion, je me rends compte que telle n'est pas l'intention du gouvernement de
vouloir imposer ce bill de vive force sans l'avoir au préalable
étudié.
Après cette dialectique brillante que j'ai entendue depuis deux
jours, il y a ici des orateurs formidables qui ne s'étaient
malheureusement pas manifestés auparavant et qui se sont sentis pris de
passion certaine pour les problèmes que présentait cette motion.
Je ne veux pas revenir sur les arguments qui ont été fournis soit
pour ou contre cette motion quoique j'aurais peut-être des
considérations à y faire. Je ne veux pas retarder
indéfiniment le débat pour que nous puissions, comme vous le
désirez bien, prendre le vote assez rapidement. J'ai
écouté force argumentations, surtout venant de l'Opposition. Je
me demande même c'est une remarque mais je me disais: Est-ce
que l'Opposition veut faire un coup de force depuis deux jours? Qu'est-ce qui
se passe? On a utilisé des termes...
M. LAFRANCE: Vous poserez la question à votre chef.
M. TREMBLAY (Montmorency): On a dit: Nous sommes prêts. Que
justice soit rendue! Il y a injustice, il y a urgence. Il y a un fanatisme de
la langue. Il y a des maîtres chanteurs. Minorité et
majorité. On n'a rien défini mais on a parlé de tout et
parfois de rien. Le feu est à la maison...
M. LAFRANCE: On a dit qu'il y avait des pseudo-amis de l'Union
Nationale.
M. TREMBLAY (Montmorency): On a parlé aussi d'escamoter ou
d'escamotage des droits linguistiques. Je pense qu'on a passablement
exagéré sur certains aspects. Je pense que cette
exagération, dans certaines circonstances, pourrait être grave et
sérieuse. On a parlé des dangers qui nous menaçaient. Je
sais qu'il règne actuellement dans la population une insatisfaction, que
la jeunesse peut facilement être incitée à des troubles et
c'est avec des paroles comme celles-là et des propos comme
ceux-là qu'on provoque parfois des manifestations comme celles que l'on
a connues la semaine passée devant le Parlement.
Je ne veux pas poursuivre plus longuement. Je veux dire que ces
débats m'ont fait reconnaître la nécessité...
D'abord, si cela avait été possible, j'aurais fait une
proposition pour retirer tout simplement ce bill 85 que, dans leur for
intérieur, plusieurs membres de l'Opposition ne trouvent pas tellement
satisfaisant. De toute façon, je voterai pour la motion
présentée par le gouvernement.
UNE VOIX: Cela ne me surprend pas. M. GABIAS: Voyons donc!
M. TREMBLAY (Montmorency): II est tout à fait justifié que
le Parlement puisse désirer être mieux informé par
l'intermédiaire du comité de l'éducation où
pourront venir s'exprimer des citoyens bien pensants, des organismes
représentatifs. Il y en a plusieurs dans cette province. Nous ne devons
pas juger à la légère comme on l'a parfois fait en cette
Chambre, ces organisations qui défendent leurs idées. Nous ne
devons pas non plus improviser une solution et la consacrer dans une loi qu'il
faudra peu après modifier ou améliorer. Pour cette raison, je
voterai pour la motion que le député de Champlain a
présentée.
M. LE PRESIDENT: Je tiens à faire remarquer aux membres de cette
Chambre que l'intervention réplique de l'honorable ministre du Travail
mettra fin au débat sur cette motion.
M. Maurice Bellemare
M. BELLEMARE: Ce débat, qui prendra fin avec mon intervention,
aura duré onze heures et quart du temps de la Chambre et aura fourni
à vingt-cinq députés l'occasion de donner leur point de
vue sur la motion.
Je suis indubitablement un de ceux qui croient que, dans la
démocratie, et surtout dans notre système parlementaire, il faut
donner à chacun le droit de s'exprimer, et surtout de pouvoir, par
d'heureuses suggestions, apporter une amélioration ou des amendements
susceptibles de rencontrer, partout et avant tout esprit de parti,
l'intérêt public que nous défendons dans cette Chambre.
Je ne veux pas répéter ici ce que disait un jour un grand
journaliste qui écrivait, dans un éditorial, en date du 20 mars
1961, des choses fort remarquables. M. Pierre Laporte, alors journaliste du
Devoir, disait ceci: « Opposition ou obstruction? » Je vais citer
textuellement ce que M. Pierre Laporte disait le 20 mars 1961:
L'Opposition est-elle justifiée de poser inlassablement les
mêmes questions, de revenir continuellement sur les mêmes sujets?
La tentation d'embarrasser le gouvernement, de marquer le pas est toujours
présente. Un ministre libéral avait peut-être raison de
dire aux députés de l'Union Nationale: Dites-nous jusqu'à
quelle heure vous avez décidé de faire durer le débat et
nous allons attendre. « A Québec, l'Opposition se bat avec le
même acharnement contre tous les projets de loi. A l'entendre, le
gouvernement ne commettrait que des erreurs, toutes irréparables.
» C'est toujours M. Laporte que Je cite. « Il se conduirait en
Chambre comme aucun gouvernement ne l'a jamais fait avant lui. C'est injuste et
c'est probablement prendre les gens pour des purs imbéciles. »
C'est M. Laporte qui parle, «L'Opposition a le droit de critiquer aussi
longtemps et aussi durement qu'elle l'entend. Nous sommes disposés
à nous battre pour que ce droit ne lui soit jamais contesté. Mais
elle doit, en tout temps, garder la mesure. »
Pierre Laporte, citation du 20 mars 1961.
M. BLANK: Vous avez changé de côté, depuis ce
temps.
M. BELLEMARE: M. le Président, je n'ai interrompu personne et je
voudrais bien avoir, au moins, les quelques minutes qui me restent avant six
heures pour faire mon exposé. L'Opposition y est allée des
mêmes accusations, des mêmes répétitions et des
mêmes remarques désobligeantes. On ne pouvait pas faire autre
chose que d'essayer comme le disait le député de Laurier
dans son intervention de l'autre soir de se tracer une ligne et de la
suivre. Le député de Laurier et ce n'est pas souvent que
Je suis d'accord avec ce qu'il a pu dire disait: « Je suis
sûr qu'au fond l'Opposition officielle est du même avis. Elle aussi
se rend
compte, tardivement, que cette motion est dans son
intérêt... J'ai cru découvrir une sorte de fil directeur
dans la stratégie de l'Opposition. Celle-ci, en effet, a semblé
marcher avec une prudence infinie, comme sur des oeufs, à travers tous
les enroulements de la procédure, jusqu'au moment où il a
été acquis, d'abord, que la motion ne serait pas divisée
£ la suite de votre décision, M. le Président, et que des
amendements ne seraient pas acceptés conformément à
l'article 280. »
Cela, M. le Président, c'est exactement poser le problème
où il est. Les membres de votre honorable Opposition se sont
cherché une voie. Ils ont voulu, par leurs accusations, par leurs
remarques désobligeantes, semer de la zizanie et du trouble. Ils ont
essayé, en employant des mots qui ne sont pas parlementaires, de laisser
croire dans le peuple qu'il y avait trahison à l'endroit du chef de
l'Union Nationale, le premier ministre de cette province. Ils ont essayé
d'insinuer qu'il y avait de la malhonnêteté parmi les membres du
gouvernement. Ils ont essayé de découvrir de la zizanie dans le
groupe parlementaire que nous formons. Ils ont, en un seul mot, essayé
de politiser le débat. C'est ça, pour eux, la langue, la foi et
nos droits. Politiser tout ce qui s'appelle...
M. LEFEBVRE: M. le Président, le ministre me permettrait-il une
question?
DES VOIX: A l'ordre!
M. BELLEMARE: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: A l'ordrel
M. LEFEBVRE: Soyez donc calmes. Je demande au ministre s'il me permet
une question. Laissez-le répondre.
M. BELLEMARE: ... on a entendu certains dire que les
députés avaient un droit sacré de se faire entendre et
surtout qu'ils avaient le droit d'être entendus avant des tiers. Je crois
que, dans les circonstances que nous vivons, la Chambre étant un lieu
particulièrement en vue, à cause d'abord de son prestige et
ensuite parce qu'elle est entourée d'une galerie de journalistes et de
moyens d'informations qui sont extrêmement...
M. BIENVENUE: Compétents.
M. BELLEMARE: ... compétents. Je me plairai tout à l'heure
à citer à la barre certains de ces témoins.
J'espère bien qu'on dira toujours la même chose: qu'ils sont
compétents. Attendons, nous verrons ça. Cette Chambre où
nous avons connu des débats acrimonieux, des débats qui ont
été d'une acuité terrible, si, M. le Président,
vous aviez laissé faire cette deuxième lecture vous avez
eu un échantillonage de ce que ç'aurait pu être parce que
vous êtes intervenu plusieurs fois pour faire respecter le
règlement qu'est-ce que ç'aurait été s'il
avait fallu aller au fond de la deuxième lecture du bill 85?
Non. Les tiers se feront entendre, comme les députés se
feront entendre. N'avons-nous pas assisté, depuis plusieurs
années, dans les différents comités de la Chambre,
à l'expression d'opinions de la part des membres de l'Opposition et du
gouvernement? L'occasion n'a-t-elle pas été fournie à
chacun des députés et beaucoup plus simplement qu'en
Chambre, sans que la procédure intervienne de se faire entendre
et de donner leur point de vue? De multiples comités ont
siégé depuis de nombreuses années et je dis, à
l'avantage de ce système parlementaire qui veut que nos
députés puissent se rendre dans des comités pour donner
leur opinion qu'une phrase particulièrement intéressante a
été franchie pour le bien public, sans qu'il y ait de graves
dommages, souvent irréparables.
Il y a déjà eu dans cette Chambre des attaques faites par
certains députés qui ont été regrettées, qui
ont sûrement été mal reçues par l'opinion
publique.
Aujourd'hui, nous avons un problème de premier ordre, un
problème prioritaire, un problème difficile, extrêmement
compliqué. Comme disait un jour un grand premier ministre à
Ottawa: Les Canadiens français ont des sentiments, mais ils n'ont
pas de conviction. Cela, la langue, tout ce qui touche à notre foi, tout
ce qui touche à notre essence même...
M. BLANK: A l'ordrel A l'ordrel
M. BELLEMARE: ... ce sont des sujets qui sont d'une extrême
importance.
M. BLANK: Oui, mais sans doute pas dans la motion.
M. BELLEMARE: M. le Président, je dis que, pour plusieurs
raisons, le comité doit siéger. Je dis que le comité
siégera, entendra tous les députés, de quelque
côté qu'ils soient. Nous entendrons aussi les parties, les tiers,
d'où qu'ils viennent, pour qu'une fois, la liberté, tant
prêchée par ces honorables messieurs, soit respectée sans
le samedi de la matraque, ni
sans avoir un char blindé pour faire respecter la liberté
des individus.
M. PEARSON: Est-ce que le ministre du Travail me permettrait une
question?
DES VOIX: Non. A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Saint-Laurent demande au ministre s'il peut lui poser une question, mais je
dois répondre immédiatement que l'honorable ministre a
manifesté, dès le début de son intervention, le
désir de n'être pas interrompu.
M. PEARSON: D'accord.
M. BELLEMARE: M. le Président, pourquoi cette attitude de
l'Opposition? Que recherche-telle?
M. BIENVENUE: La zizanie.
M. BELLEMARE: Que désire-t-on, derrière cette obstruction
de onze heures de débat?
M. LEFEBVRE: La vérité.
M. BIENVENUE: On veut la vérité.
M. BELLEMARE: Quel est le véritable sentiment que veulent
atteindre, et surtout quels sont les effets directs que veulent atteindre ces
honorables messieurs par cette obstruction systématique?
M. HYDE: J'invoque le règlement.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Westmount, sur un
point de règlement.
M. HYDE: M. le Président, est-ce que je pourrais vous demander de
suggérer au ministre du Travail, qui exerce actuellement son droit de
réplique, de se limiter, d'après l'article 268 de notre
règlement, qui se lit comme suit: « Le député qui
exerce le droit de réplique doit se borner à répondre aux
préopinants, et il ne lui est pas permis d'avancer des faits ou des
arguments nouveaux à l'appui de la proposition en discussion.
»
M. le Président, je crois que le ministre, même s'il
parlait pour présenter sa motion, n'aurait pas le droit d'imputer des
motifs. Il n'a pas le droit de se demander les raisons pour lesquelles certains
députés ont exprimé certaines opinions concernant sa
motion. Je crois que le ministre est obligé de suivre le
règlement.
DES VOIX: A l'ordre!
M. MALTAIS (Saguenay): Un point d'ordre. Arrêtez donc.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. HYDE: Le ministre n'a pas le droit d'imputer des motifs. Il n'a pas
le droit de dire que l'Opposition a fait de l'obstruction.
M. LE PRESIDENT: A Pordre!
M. LAFONTAINE: II constate. Il ne l'a pas dit.
M. HYDE: II doit savoir que, si l'Opposition avait voulu faire de
l'obstruction sur ce bill, elle aurait pu prendre bien d'autres moyens pour le
faire.
M. BELLEMARE: M. le Président, l'honorable député
n'a pas le droit de faire un discours. Son intervention doit être
très brève. Actuellement, c'est un discours dans mon
discours.
M. HYDE: Vous n'avez pas le droit de faire...
M. BELLEMARE: S'il n'a pas voulu faire son discours, ce n'est pas de ma
faute.
M. HYDE: Vous n'avez pas le droit d'intervenir.
DES VOIX: A l'ordre!
M. BELLEMARE: M. le Président...
M. HYDE: Je n'ai pas terminé sur le point de
règlement...
UNE VOIX: Ce n'est pas encore fini?
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Westmount, un de
mes savants prédécesseurs, vient de me rappeler certains articles
très importants de notre règlement et je suis certain que
l'honorable ministre du Travail en tiendra compte dans la poursuite de son
intervention.
M. BELLEMARE: M. le Président, vous avez dû remarquer que,
lors de son intervention, l'honorable député de Westmount a dit
que le règlement voulait et nous permettait...
M. HYDE: Nous permettait?
M. BELLEMARE: Oui, oui, nous permettait, à nous...
M. HYDE: ... de faire d'autres procédures.
M. BELLEMARE: M. le Président, vous les avez vus, pendant des
heures et des heures, essayer de m'empêcher de parler sur ma motion en
usant de tous les stratagèmes au point de vue de la procédure.
Qu'est-ce que cela a rapporté de bénéfique et de
constructif pour la population du Québec, sauf de l'obstruction
systématique? C'est ça.
M. HYDE: M. le Président... M. ROY: A l'ordre!
M. HYDE: ... j'invoque de nouveau le règlement. Vous avez
demandé au ministre du Travail d'essayer de se rappeler de notre
règlement, surtout de l'article 268. Il commence immédiatement en
imputant d'autres motifs et en nous accusant d'avoir fait de l'obstruction.
Quand il m'a interrompu, fêtais justement sur le point, M. le
Président je vous avais dit en même temps que je n'avais
pas terminé sur mon point de règlement de démontrer
que nous aurions pu faire bien d'autres procédures, si nous avions voulu
faire de l'obstruction sur cette motion.
Tout ce que nous avons voulu, ç'a été de faire
comprendre quelque chose au gouvernement.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail.
M. BELLEMARE: M. le Président, je n'essaierai pas de suivre
l'honorable député de Westmount sur cette « trail »,
mais je vais essayer de lui dire, cependant, que nous avons enduré,
pendant onze heures, des discours crachats...
M. LEFEBVRE: M. le Président...
M. BELLEMARE: ... qu'il nous a fallu endurer, M. le
Président...
DES VOIX: A l'ordre!
M. LEDUC (Taillon): Il y a toujours des limites!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demande à l'honorable ministre du
Travail de retirer son expression discours-crachats.
M. BELLEMARE: Monsieur le Président, ce sont des discours qui ne
sont pas des discours-crachats.
M. le Président, on nous a, tout un groupe, pendant des heures et
des heures, récité une kyrielle d'accusations malhonnêtes,
M. le Président, malhonnêtes...
M. HYDE: M. le Président, j'invoque le règlement...
M. LACROIX: L'arme des faibles.
M. BELLEMARE: M. le Président, je retire malhonnêtes et je
dis d'une honnêteté discutable.
M. HYDE: J'invoque le règlement, M. le Président...
M. BELLEMARE: ... On a passé une journée de temps,
à chaque intervention, à dire que, dans l'Union Nationale... Je
vous dis que vous êtes haïssables.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Westmount. A l'ordre! A l'ordre!
M. HYDE: M. le Président, pour le bénéfice du
ministre du Travail, je vais lire encore l'article 268 du règlement: Que
le ministre n'a pas le droit d'invoquer de faits nouveaux, il a le droit de
répondre aux arguments. Il n'a pas le droit de mettre de
côté tout notre règlement, il n'a pas le droit de
prêter des motifs à qui que ce soit en Chambre, M. le
Président.
M. PAUL: M. le Président, sur le rappel au règlement, je
voudrais vous signaler la note 2 de l'article 268: « Si le
député qui exerce le droit de réplique avance de nouveaux
faits », par conséquent, il lui est permis...
M. HYDE: Lisez-le en entier.
M. PAUL: Oui, oui, on va lire plus loin... « la Chambre permet
parfois à d'autres députés de lui répondre »,
et ça devient, à ce moment-là, le privilège
exclusif de la Chambre de décider si un député
répondra à celui qui a un droit de réplique et si le
député qui a un droit de réplique avance des faits
nouveaux, la Chambre, à ce moment-là, et elle seule pourra le
décider. C'est donc dire que, si la Chambre peut décider, c'est
parce que celui qui a la réplique peut avancer des faits nouveaux.
M. BELLEMARE: Pensez-vous que ce sont des faits nouveaux quand je dis
que certains orateurs, certains honorables membres de l'Opposition ont
accusé certains de mes collègues de faire partie du mouvement
MIS?
M. BLANK: La réponse à ça?
M. BELLEMARE: Pensez-vous que c'est avancer des faits nouveaux que dire
que l'honorable ministre des Affaires culturelles avait fait un mariage avec le
député de Laurier? Pensez-vous que nous pouvons passer sous
silence les accusations de trahison vis-à-vis de notre chef, le premier
ministre de la province? On a été obligé de retirer le mot
trahison, mais il était quand même lancé devant l'opinion
publique. Pensez-vous que nous ne pouvons pas avec indignation répondre
à ces accusations qui sont certainement d'une honnêteté
douteuse?
On va pendant des heures et des heures exercer notre patience. Nous ne
dirons rien. Nous allons les laisser nous accuser, et surtout avec cette hargne
que l'on sent dans leur accusation. Pensez-vous que nous autres aussi, nous
n'avons pas de famille? Pensez-vous que nous autres aussi nous n'avons pas un
honneur à défendre? Croyez-vous que mes collègues sont
bien fiers de se faire citer devant l'opinion publique comme des
séparatistes ou des MIS quand ils sont des patriotes et surtout des gens
honnêtes qui défendent dans cette enceinte et surtout dans cette
Assemblée législative leur principe au sein d'un parti...
M. BIENVENUE: Assemblée nationale.
M. BELLEMARE: ... qui les reçoit, qui les comprend et qui
dialogue? Cela n'existe pas et cela n'a jamais existé du
côté du parti bourgeois, le parti libéral. C'est avec la
dernière indignation que je m'élève contre ces accusateurs
et contre ceux qui, dans cette Chambre, sous l'apparence d'hommes très
doux et très paisibles nous ont dit des énormités.
Nous sommes solidaires les uns des autres. Nous faisons une
équipe. Nous avons le droit de différer d'opinion au sein de
notre organisation, quand il s'agit de certaines discussions, mais notre
solidarité peut être citée en modèle parce que nos
députés, au moins, pendant toute la session, qui a duré
depuis le 23 février jusqu'au 5 juillet et du 22 octobre jusqu'à
aujourd'hui peuvent avoir donné à toute la province l'exemple
d'une assiduité et surtout d'une collégialité
modèles dans cette province.
Quand en face de nous, on passe des séances complètes avec
trois, quatre ou cinq députés. Où sont les autres?
DES VOIX: Non, non!
DES VOIX: A l'ordre!
M. LEDUC (Taillon): La motion.
M. LE PRESIDENT: Je demande à l'honorable ministre de bien
vouloir revenir à la motion.
UNE VOIX: ... chef!
M. BELLEMARE: Non, je ne cours pas à cela. Quand même les
gens penseraient cela, je vais leur dire une chose. J'ai trop de
responsabilités, je sais ce que je représente en cette Chambre.
Je n'ai ni envie d'être chef, ni de dépasser un chef, comme il y
en a tant de votre côté qui jouent dans le dos d'un homme comme M.
Lesage.
M. LEFEBVRE: J'invoque le règlement.
M. BELLEMARE: On pourrait les nommer ceux qui manquent de loyauté
envers M. Lesage. Il y en a plus d'un.
M. LEFEBVRE: M. le Président... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEFEBVRE: M. le Président, j'invoque le privilège
d'entendre le ministre sur la motion pendant quelques minutes au moins.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. ROY: C'est un faux chef.
M. LE PRESIDENT: Il est maintenant six heures. Je souhaite à tout
le monde un bon appétit. La Chambre suspend ses travaux
jusqu'à...
M. BELLEMARE: Huit heures quinze.
M. LE PRESIDENT: ... huit heures quinze.
Reprise de la séance à 20 h 16
M. LEBEL (président): A l'ordre, messieurs!
L'honorable ministre du Travail.
M. BELLEMARE: M. le Président, dans la première partie de
mon intervention, avant la suspension des travaux de la Chambre, j'ai voulu un
peu démontrer mon indignation, comme ça se devait, devant les
accusations qu'on a laissé planer dans le public, et
particulièrement dans cette Chambre, contre l'équipe de l'Union
Nationale.
On s'est fait fort de répéter sur tous les tons que
certains ministres qui étaient loyaux, étaient dans une situation
fort compromettante. On a même dit que l'unité du parti avait
été mise en cause. On a répété: C'est la
victoire de certaines personnes qui, au sein de l'Union Nationale, professent
ouvertement, comme l'a dit l'honorable député de Verdun, un
nationalisme des plus exécrables.
Me servant de mon droit de réplique, j'ai voulu, avant
l'ajournement, démontrer que les apparences étaient bien
trompeuses. Si on afait des gorges chaudes au sujet de notre parti, de notre
groupe, c'était plutôt pour amuser la galerie, pour ne pas faire
mentir le proverbe qui semble vouloir caractériser le parti
libéral, à savoir que lorsque votre maison brûle, il y a
plusieurs autres personnes que l'on croit en danger.
Je ne voudrais faire de peine à personne, surtout pas au chef de
l'Opposition, car, ce soir, malheureusement, il est auprès de sa vieille
mère qui a subi hier, un choc à l'occasion d'un Incendie qu'il y
a eu à deux pas de chez elle et qui l'a vivement secouée. Je le
félicite de cette piété filiale qu'il a envers sa vieille
mère. C'est un trait particulier de son caractère, cette
piété filiale qu'il a toujours manifestée. Je serais
malvenu si, durant son absence ce soir, je me lançais à dire des
choses qui sont vraies, mais qui seraient peut-être moins
appropriées.
Je lui dirai j'espère qu'il le relira dans le Journal des
Débats que, s'il a perçu certaine agitation au sein de
notre parti, il a, pauvre lui, depuis quelques années, certainement eu
la tâche difficile. Je ne voudrais pas citer ici, M. le Président,
des éditoriaux qui ont été écrits, à la
suite du congrès de 1957, la déclaration qu'a faite l'ancien et
distingué chef de l'Opposition du temps, M. Georges-Emile La-palme.
Non, je ne suis pas sur la motion, c'est parce que le chef de
l'Opposition avait dit qu'il y avait des choses qui allaient mal dans notre
parti. C'est simplement pour lui dire que ça ne va pas bien non plus
dans son parti. Est-ce que je dois m'asseoir?
M. LE PRESIDENT: Je ne détesterais pas que l'honorable ministre
s'assoie.
M. BELLEMARE: Devant vous, M. le Président, je m'incline.
M. LE PRESIDENT: Je souhaiterais simplement que l'honorable ministre ne
s'engage pas à lire tous les documents que...
M. BELLEMARE: Non, non, M. le Président, la Chambre serait bien
trop édifiée.
Particulièrement, je ne le lirai pas, mais je vais vous le
montrer. C'est en grosses lettres. Ce n'est pas nouveau, c'est daté du
11 janvier 1961. Il y en a un autre, je ne voudrais pas le citer, parce que ce
n'est pas permis.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dures paroles d'adieu de Georges-Emile.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Il était question, dans cet article, de
traîtres, de trahison. M. Saint-Laurent y passait, lui aussi. Il y en
avait d'autres. Non, d'accord, M. le Président. C'est parce que je lui
avais promis de lui en donner quelques-unes. Vous aviez l'air d'être
consentant. Il y avait un de ses amis, au Soleil, qui avait écrit le 20
juillet 1968, un article assez éclatant: « Les libéraux se
cherchent ». Il parlait de M. Lesage. Il disait: « Ce n'est pas
exactement le genre de leadership dont le parti libéral a besoin
». Cela va bien dans le parti libéral. Pas depuis bien
longtemps.
M. LECHASSEUR: Cela va bien dans le règlement aussi?
M. HOUDE: C'est passé, ça!
M. BELLEMARE: J'avais des choses tellement intéressantes à
vous dire.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: M. le Président, je ne veux pas lui faire de la
peine, je n'en parlerai pas.
Mais je dirai simplement que, lorsque l'on parle de division dans un
parti, c'est comme l'Evangile: On voit toujours mieux dans l'oeil du voisin la
brindille qu'il y a, plutôt que la
poutre qui est dans le sien! Dans le parti de l'Union Nationale vous en
avez la preuve. Ils sont tous unis, ils sont tous solidaires, ils sont tous
présents. Ils ne se sauvent pas. Ils restent dans la bataille, le front
haut, et ils sont prêts à prendre leurs responsabilités,
quels qu'ils soient.
C'est ce que l'on appelle la collégialité dans un parti,
le bon esprit, le pouvoir d'échanger entre nous, qui sommes les plus
âgés, avec ceux qui sont les plus jeunes, un dialogue
construc-tif. Voir où doivent porter nos gestes, au point de vue
parlementaire et législatif. D'accord, dans nos réunions nous
pouvons peut-être avoir des idées divergentes mais, lorsque la
décision est prise, c'est avec un front uni, un front commun que vous
les voyez ensemble, le front bien haut, durant toute cette discussion qui a
duré onze heures. Ils ne se sont pas cachés, pas un.
Pendant tout ce temps qu'a duré le débat on a dit:
division, scission dans le parti mais pas un n'a porté une
accusation, pas un n'a nommé un député avec preuves
à l'appui, pas un. On s'est contenté d'essayer de créer un
sentiment en dehors de la province ou à la tribune de la presse,
où il y avait des insinuations, on disait: pas vous, non! pas vous,
l'autre peut-être. Mais pas un n'a eu le courage d'en nommer un seul.
M. le Président, celui qui vous parle va en nommer, lui. Oui, je
vais en nommer. Je me demande, M. le Président, pourquoi le
député de Gouin n'est pas à son siège.
M. LEDUC (Taillon): Non, vous n'avez pas le droit.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Non? Quel article? Attendez, j'en ai d'autres.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! C'est un article qui est très souvent
invoqué dans cette Chambre et qui...
A l'ordre! A l'ordrel Cet article est très souvent invoqué
dans cette Chambre, et il défend de prêter des motifs.
M. BELLEMARE: Est-ce que donner des noms, c'est prêter des
motifs?
M. LEFEBVRE: Si c'est en dehors de la motion, oui.
M. BELLEMARE: Comment?
M. LEFEBVRE: Si, en plus, c'est en dehors de la motion qui est en
discussion.
M. BELLEMARE: Est-ce que c'était en dehors de la motion pour
l'honorable chef de l'Opposition d'attaquer mes coéquipiers?
M. LEFEBVRE: Non, car il parlait en rapport avec la motion, tandis que
le député de Gouin n'est pas ici.
M. BELLEMARE: Ah non! Là, je parle en rapport avec la motion pour
dire que ceux qui devraient y être n'y sont pas.
M. LEFEBVRE: Comment?
M. BELLEMARE: Ceux qui ont fait des affirmations n'y sont pas.
M. LEFEBVRE: M. le Président, j'invoque le règlement. Vous
venez de rappeler le ministre à l'ordre et il vient encore de violer le
règlement.
M. GRENIER: Voyons donc! Vous êtes plus sérieux que cela,
vous!
M. BELLEMARE: Dois-je comprendre que vous faites partie de ce
groupe?
M. LEFEBVRE: Je dois comprendre que le ministre n'a aucune Intention de
respecter le règlement et que nous allons le rappeler au
règlement, comme je suis sûr que vous allez le faire
vous-même, M. le Président.
M. BELLEMARE: M. le Président, depuis quelques jours, je suis
revenu sur certaines animosités que j'avais envers le
député d'Ahuntsic, parce qu'il m'a offert sa collaboration au
comité, l'autre jour, et que cela m'a véritablement
édifié. Je le dirai, d'ailleurs, tout à l'heure. J'ai de
bons compliments à lui faire s'il veut rester tranquille pour quelques
minutes.
M. LEFEBVRE: Ah non! Pas si vous manquez au règlement!
M. BELLEMARE: M. le Président, je continue. Est-ce dans la motion
de répondre aux allégations du chef de l'Opposition concernant
les gens de mon parti? Il a dit qu'on était une équipe
divisée. Vous les avez vus s'acharner sur le premier ministre
intérimaire.
M. COURCY: Il ne s'appelle pas Boisvert; c'est Cardinal son nom,
Cardinal.
M. BELLEMARE: Ils l'ont nargué, et vous ne me permettriez pas de
dire à cette Chambre que le député de Bagot est un homme
extraordi-
naire, qui a fait son devoir? Il ne serait pas permis de dire que ces
honorables membres de l'Opposition l'ont nargué pendant des semaines et
des semaines? Maintenant qu'il est en Chambre, ils en ont peur: Ils ont
essayé de rire de ses attitudes. Etait-ce permis? N'ai-je pas le droit
de dire que l'honorable député de Bagot a, pendant des semaines
et des mois, supporté allègrement l'Opposition qui le tenait
comme prisonnier au comité de l'éducation, parce qu'il avait une
élection à faire? Je n'aurais pas le droit de dire ça, M.
le Président? Aujourd'hui, il est en Chambre; il est ici pour se
défendre et il va le faire.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail semble un peu plaider
contre la présidence plutôt que contre les opinants. Pour ma part,
j'ai été premièrement un des rares à ne pas opiner.
Deuxièmement, je signale que tout ce qu'il demande là, il a le
droit de le faire, mais pas dans le cadre de la motion présentement.
M. MALTAIS (Saguenay): Il est très aimable, mais quand il est
choqué, c'est qu'il a une mauvaise cause.
M. BELLEMARE: Alors, je ne plaiderai pas la vôtre.
M. MALTAIS (Saguenay): Non, non, je suis avocat moi-même; vous
n'auriez pas le droit.
M. BELLEMARE: M. le Président, ce qui m'a le plus choqué
dans le débat, ce qui m'a fait passer un mauvais quart d'heure, c'est
quand le chef de l'Opposition a dit que je faisais de la politique à
reculons. Ah ça, M. le Président, ça m'a mis dans tous mes
états! Quand on me connaît, on sait que je n'ai pas l'habitude de
marcher à reculons. Un employé de chemins de fer ne marche pas
à reculons.
Surtout, M. le Président, j'ai le droit de parler de ça.
Il m'a dit que je marchais à reculons, est-ce que j'ai le droit de lui
dire que lui, il a marché à reculons, et de lui dire quand? Il a
marché à reculons, quand il a créé le
ministère de l'Education, alors qu'il avait dit qu'il n'y en aurait
jamais.
Il a marché à reculons, quand il a dit qu'il n'y aurait
jamais de machine électorale dans le Québec.
M. MALTAIS (Saguenay): A l'ordre! A l'ordre! Motion.
M. BELLEMARE: Bon encore un autre bois. UNE VOIX: Il reculait.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Malheureusement, je suis
obligé de demander à l'honorable ministre d'embrayer à
reculons, parce qu'à ce moment-ci, on n'est pas dans le cadre de la
motion qui est devant la Chambre.
M. BELLEMARE: M. le Président, je vais me laisser dire que j'ai
marché à reculons! Tâchez d'avoir un peu pitié de
mon honneur. D'ailleurs, j'ai fini, il n'a marché que cinq fois à
reculons. Je vais le résumer, M. le Président, je ne crierai pas,
si c'est cela qui vous fatigue. Il a marché à reculons...
M. COURCY: « Switchez. »
M. BELLEMARE: ... quand il a dit, au sujet des fonctionnaires, que la
reine ne négociait pas avec ses sujets.
M. LE PRESIDENT: A l'ordrel Je n'ai pas d'objection à ce que le
ministre affirme catégoriquement qu'il n'a pas marché à
reculons, mais je ne voudrais pas qu'il remonte dans l'histoire pour donner les
noms de ceux qui ont marché à reculons.
M. BELLEMARE: Non, mais c'est parce que c'est arrivé il n'y a pas
si longtemps, et je pensais que les gens l'avaient oublié, surtout au
sujet de la sidérurgie, quand il a marché à reculons, et
puis dans la formule Fulton-Favreau.
M. COURCY: Vous faites rire de vous.
M. BELLEMARE: M. le Président, ils nous ont dit, ces honorables
messieurs...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: ... il nous ont dit que le comité n'était
pas nécessaire, qu'on devait débattre immédiatement en
Chambre la deuxième lecture. M. le Président, nous avons
donné comme raison, de notre côté, que c'était un
sujet extrêmement contentieux et qu'il ne fallait pas agir à la
légère. Je voudrais, M. le Président, si vous me le
permettez cette fois, citer ici à la barre quelques témoins
oculaires à qui je ferai dire certaines choses qu'ils ont écrites
dernièrement.
Je voudrais d'abord citer à cette barre M. Ryan...
M. COURCY: Sur la motion présentée.
M. BELLEMARE: ... monsieur Ryan, c'est un grand journaliste du
Devoir,...
UNE VOIX: Bleu.
M. BELLEMARE: ... qui est peut-être mieux placé que nous
dans la bataille, moins préjugé, avec un esprit
détaché des partis, ouvert à toutes sortes d'études
à venir ou de projections sur l'avenir. M. Ryan, qui est mon premier
témoin, va vous dire lui-même ce qu'il pense du comité 3.
qui la Chambre veut actuellement référer le bill 85 pour
étude, le comité de l'éducation. M. Ryan, le 27 novembre
écrit: Le gouvernement se tromperait en prétendant régler
cette question du bill 85 à l'aide d'un texte de loi adopté
prématurément.
Première citation de M. Ryan, mon témoin.
Il n'est pas de l'Union Nationale. Ce n'est pas un témoin du
Parti libéral. C'est un témoin indépendant qui n'a pas de
préjugés.
M. MALTAIS (Saguenay): Non!
M. BELLEMARE: Qu'est-ce qu'il dit, M. Ryan? Il dit: « Le bill 85
doit être étudié d'une façon impartiale et
indépendante, à l'abri de toute passion politique partisane
». Il ajoute: « Ce bill doit porter sur tous les aspects de la
réalité sociale »... Est-ce qu'on va me laisser le temps de
faire mon discours? C'est bien beau, mais je suis dans le sujet et j'essaie de
vous démontrer que le comité qui doit être
formé...
M. MALTAIS (Saguenay): C'est le fond, ça.
M. BELLEMARE: ... c'est pour toutes ces raisons que nous devons le
créer. Nous nous appuyons sur des témoignages de gens qui n'ont
pas de préjugés pour dire que ce bill, qui plonge ses racines
aussi profondément dans notre vie quotidienne, doit être
examiné à tête reposée. Et M. Ryan dit ceci: «
Toute action prématurée de caractère général
serait marquée au coin de l'improvisation et génératrice
de divisions plus graves que celles qu'on voudrait maintenant effacer ».
Est-ce que c'est clair? Mon premier témoin est un homme honnête,
un homme compétent, un homme sans préjugés pour les
partis, et c'est son opinion. Je pense que c'est un témoignage qu'il
faut retenir pour dire que le comité est nécessaire et que le
bill doit être référé pour étude, pour
consultation ce qui permettra d'entendre les parties intéressées
et de faire valoir nos arguments afin que « toute action
prématurée et de caractère général ne soit
pas de l'improvisation et génératrice de divisions plus graves
que celles qu'on voudrait maintenant faire effacer ».
Je voudrais vous citer un autre témoin. c'est M. Vincent Prince.
Deuxième témoin à la barre: M. Vincent Prince.
M. MALTAIS (Saguenay): Cela reste dans la culture.
M. BELLEMARE: Le 14 décembre 1968, M. Vincent Prince disait:
« Le délai, en d'autres termes, de renvoyer à un
comité ce bill pourrait être profitable à bien des
égards. Il permettra à toutes les personnes ou associations qui
le désirent de participer en quelque sorte à la rédaction
finale de cette loi. Il obligera surtout bon nombre des citoyens à
réfléchir plus profondément et à se mieux
définir par rapport à ce grave problème de la langue de
l'éducation au Québec ». Deuxième témoin, un
homme compétent, un homme honnête, un homme sans
préjugés. Qu'est-ce qu'il dit? Il dit que le comité ne
doit pas être un tribunal, et c'est juste. Le comité n'agira pas
comme un tribunal qui est lié par la preuve faite devant lui.
Il pourra de lui-même inviter des experts à
témoigner. Il pourra même préférer l'opinion de ses
propres membres à celles qui auront été exprimées
devant lui ».
Deuxième témoin, un homme honnête, compétent
qui dit, lui, que nous devrions prendre tous les délais
nécessaires afin que toute personne ou toute association qui
désirerait se faire entendre reçoive l'attention
nécessaire, et demain, peut-être, après une étude
plus profonde, on pourra mieux se définir et apporter une meilleure
législation. Il ajoute: « Le comité ne doit pas être
un tribunal. Il pourra, lui, convoquer des experts, les entendre et prendre une
décision le plus conforme aux faits et à la réalité
et pour protéger l'intérêt de toutes les classes de la
société, comme de toutes les minorités ou majorités
dans cette province ».
Je voudrais...
M. MALTAIS (Saguenay): Le ministre du Travail me permettrait-il une
question?
M. BELLEMARE: J'aime bien le député...
M. MALTAIS (Saguenay): Si vous ne voulez pas, dites-moi non.
M. BELLEMARE: Bien non, laissez-moi finir et après cela...
M. MALTAIS (Saguenay): C'est parce que le même Prince a
déjà dit qu'on n'avait pas de gouvernementl Vous dites qu'il est
honnête? Cela m'insulte!
M. BELLEMARE: Mon témoin, M.Ryan, revient à la barre et il
a dit ceci, dans un contre-interrogatoire: « On voudrait faire croire que
le gouvernement ferait montre de courage en prenant définitivement
position tout de suite. Ces avis émanent de sources trop
intéressées...
M. MALTAIS (Saguenay): La motion.
M. BELLEMARE: ... de sources dont l'objectivité a
été trop souvent prise en défaut pour que le gouvernement
aille tomber dans un piège aussi grossier.
M. MALTAIS (Saguenay): A l'ordrel
M. COURCY: Piège qu'il s'est ouvert lui-même.
M. BELLEMARE: Vous avez entendu mes trois témoins.
DES VOIX: Pas trois, deux. M. LEDUC (Taillon): Deux. M. BELLEMARE: Vous
avez bien suivi.
M. MALTAIS (Saguenay): Envoyez un « subpoena » à
l'autre.
M. BELLEMARE: Mes deux témoins, des hommes compétents, des
hommes honnêtes, des hommes qu'on ne peut pas accuser actuellement de
partisanerie. Aucune! Ils ont donné le fruit de leur travail et de leur
expérience. N'y aurait-il que les honorables membres de l'Opposition qui
auraient raison? N'y aurait-il qu'eux qui seraient avant-gardistes et qui,
à la suite des malheurs que nous a souhaités le
député de Baldwin et ceux que nous a prophétisés un
autre député de l'Opposition, à savoir que cela serait un
état d'anarchie incalculable dans la province? Nous sommes contre la
violence. Nous sommes pour un dialogue bien amorcé, mais nous ne voulons
pas que cela serve de pâture à quelque parti que ce soit pour se
créer un prestige politique. Jamais! Je sais que mes honorables amis les
libéraux n'ont pas en vue ce motif qui serait un motif indigne. Je sais
que mes honorables amis d'en face sont d'accord pour référer le
bill au comité de l'éducation. Ils sont d'accord.
Je sais aussi que ces honorables amis seront les premiers au
comité à prendre la parole et à s'exprimer. Remarquez bien
ce que je vous dis. Ils y assisteront sûrement et je sais qu'ils y feront
leur devoir. Vous verrez que je n'ai pas été un prophète
de malheur. Au contraire, nous déplorons amèrement ces actes de
violence qui se sont produits. A cause d'une foule de circonstances sur
lesquelles nous n'avions aucun contrôle.
Quand à un moment donné, il a été question,
simplement de l'annonce d'un projet de loi, on a commencé à
travers la province à faire une guerre contre une chose qu'on ne
connaissait pas, qui n'avait pas été publiée. Mais on a
prétendu que ça se ferait peut-être. Et là, cela a
été un démarrage en règle de tous ceux qui ont cru
voir leurs droits lésés. C'est pour ça qu'on a
chauffé à blanc certains esprits, surtout les jeunes qui sont
venus, comme le disaient d'autres orateurs, lancer des balles de neige. Ces
jeunes ont été traumatisés par des responsables, et des
responsables qui sont dans cette Chambre, des gens qui ont mal compris leur
devoir de député.
M. LACROIX: Ce sont ces mêmes gens-là qui vont venir au
comité faire la même chose. Et Radio-Canada va leur faire encore
de la publicité, à ces séparatistes-là.
M. BELLEMARE: M. le Président, je dis donc que nous sommes contre
la violence et nous l'avons déploré très amèrement.
Mais le bill annoncé, personne ne connaissant le texte, il est survenu
dans le courant de la semaine deux élections: une dans
Notre-Dame-de-Grâce et une autre dans Bagot. A ce moment-là, le
premier ministre de la province a fait une déclaration, disant que nous
ne devions pas traîner ces questions de langue et de race dans une
élection pour en faire de l'électoralisme. A partir de ce
moment-là, nous n'avons pas dit un seul mot, pas un.
M. MALTAIS (Saguenay): Mais l'élection est finie, il faudrait en
parler.
M. BELLEMARE: M. le Président, c'est ce qui a amené bien
des gens durant cette période, à grossir le débat.
L'agitation et la contestation ont augmenté et créé un
climat dans lequel aucun législateur n'a le droit ce soir d'avancer plus
que là où l'on est. Cette situation qui a été faite
par des gens quelquefois irresponsables, des gens qui ne connaissaient pas la
gravité des gestes qu'ils posaient, entraînés par certains
fauteurs de désordre, que nous condamnons sévèrement, que
nous essayons de dénicher pour essayer de rétablir un climat plus
serein.
C'est ça que les honorables amis n'ont pas compris. C'est pour
cela cette référence au
comité. C'est pour cela qu'on a demandé d'aller devant le
comité, dont le climat sera plus serein, dans un climat qui d'ici
à quelque temps s'atténuera un peu. Là ils diront plus
fermement leurs désirs mais dans une manière d'opposition plus
sereine, sans tout casser. C'est dans ces comités où nous nous
sommes souvent rendus et où nous avons rencontré
énormément de gens qui nous ont dit auparavant parfois: Cela sera
terrible.
Rendus là, M. le Président, nous avons assisté,
durant la présente session, à des bills concernant l'agriculture,
l'éducation ou autre chose.
Il y a eu des bills, par exemple, comme celui qu'on étudiera
demain. Il y a eu de fortes délégations venues faire
connaître leur point de vue aux parlementaires. Les parlementaires y ont
ajouté leur expérience, ils ont apporté leur quote-part
pour rendre meilleure la législation. C'est dans un climat comme celui
des comités qu'il y a des échanges de propos comme il s'en fait
depuis quelques années, et beaucoup plus qu'auparavant. Les
députés de l'Assemblée législative convoquent plus
régulièrement ces comités-là pour les entendre.
Dieu merci, c'est une bonne formule, une formule idéale. On m'a
personnellement reproché, dans certains milieux, de ne pas avoir
consulté certaines gens. J'ai donné mes raisons, je ne les
répéterai pas. Lorsque je viendrai, tout à l'heure, si on
me le permet, avec mon bill 290, en deuxième lecture, je donnerai juste
quelques notes bien spécifiques pour prouver que ces comités
rendent d'immenses services aux parties, qui sont souvent des gens qui ne
peuvent pas se rencontrer.
Une fois devant le comité, les législateurs étant
présents, on est sûrement capable de désamorcer, non pas la
bombe, mais les sentiments de certaines personnes, qui, de bonne foi, s'en
allaient dans une autre direction.
Il ne faudrait pas cacher le véritable problème. Durant
ces onze heures de discussion, on a essayé de glisser vers un faux
problème, celui que le gouvernement n'était pas prêt
à entendre les parties. Non, M. le Président, à titre de
leader de cette Chambre, je dis et je répète à mes
honorables amis que le comité de l'éducation siégera, il
siégera sûrement, et le plus tôt possible, pour rendre
service à tout le monde, et on ne devrait pas accuser le gouvernement de
vouloir se soustraire à sa responsabilité et de vouloir aller
à reculons. Mais, il y aurait peut-être un danger, si on
persistait à vouloir passer cette loi. Il y aurait peut-être des
gens qui interpréteraient notre geste différemment. Dans ces
circonstances, je suis particulièrement...
UNE VOIX: C'est pour ça que nous voudrions des
élections.
M. BELLEMARE: Ne craignez pas pour les élections.
M. MALTAIS (Saguenay): Là-dessus, nous nous sommes
déjà vus. Nous ne craignons rien. Ensemble, nous nous
connaissons. Ce n'est pas à mol que vous allez...
M. BELLEMARE: Non, mais vous parlez d'élections.
M. MALTAIS (Saguenay): Nous sommes des amis, nous. Nous nous sommes
déjà vus sur d'autres terrains.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. MALTAIS (Saguenay): A l'usine d'épuration de Hauterive. Vous
vous en souvenez?
M. BELLEMARE: J'espère que le chef de l'Opposition nous apporte
de bonnes nouvelles de sa vieille mère. J'en ai dit quelques mots tout
à l'heure en Chambre. J'espère que ce sont d'excellentes
nouvelles qu'il nous apporte.
M. LESAGE: Ce n'était pas grave. C'est l'émotion.
M. BELLEMARE: Non, mais qu'importe, le fait d'y être allé,
ça nous donne un exemple de votre grande piété filiale et
nous en sommes très heureux.
Il resterait seulement un beau geste à faire, tout le monde
ensemble, ce serait de voter pour la motion. Le député de Laurier
est prêt à voter, le député de Montmorency est
prêt à voter, il ne vous en restera presque plus, le
député de Sainte-Anne est prêt à voter. Il y en a
plusieurs parmi vous qui seraient prêts à voter.
M. LEFEBVRE: Le ministre me permettrait-il une question? Il parle de
voter et j'aimerais avoir une explication, M. le Président.
Tout à l'heure, le ministre a dit que, parmi les instigateurs
à la violence, il y en avait qui siégeaient dans cette Chambre.
J'aimerais qu'il les nomme. Cela pourrait peut-être nous éclairer
pour le vote.
M. BELLEMARE: M. le Président, j'ai voulu en nommer quelques-uns
tout à l'heure et vous m'avez arrêté.
M. LEFEBVRE: Tout à l'heure, vous étiez hors d'ordre,
mais, maintenant, vous seriez dans l'ordre, parce que c'est en rapport avec la
motion.
M. BELLEMARE: Il va encore se lever. M. LESAGE: Nommez-les.
M. LE PRESIDENT: En effet, j'invite l'honorable ministre à ne pas
répondre.
M. BELLEMARE: Le député d'Outremont, à la blague
probablement, m'a trouvé ce matin de nouvelles affinités avec le
député de Laurier. J'invite le député de Laurier
à relire le discours du député d'Outremont. C'est pieux,
il a fait des voeux très pieux à votre endroit. Il a dit que
j'avais de nouvelles amitiés, mais je pense que la déclaration de
l'honorable député d'Outremont semblait plutôt une
déclaration entachée de partisanerie.
M. LEDUC (Taillon): Jamais! Cela ne se peut pas, avec le
député d'Outremont.
M. BELLEMARE: Il a voulu démontrer à la Chambre, pendant
que le député de Laurier n'était pas ici, tout ce qu'il
avait de rancoeur contre son ancien collègue. Mais je sais que vous
êtes capables de régler ça entre vous autres. Cependant,
pour une fois, je dis que vous n'étiez pas justes. Il a voulu lui aussi,
comme les autres, essayer de faire payer à l'Union Nationale la lutte
farouche que nous avions faite, lorsque nous avions eu à voter sur la
motion Fulton-Favreau.
M. MALTAIS (Saguenay): A l'ordre! A l'ordre!
DES VOIX: A l'ordre!
M. LEDUC (Taillon): Ce n'est pas dans l'ordre.
M. MALTAIS (Saguenay): On en parlera au comité.
M. BELLEMARE: Tout ce qui fait mal, pas ce soir.
M. MALTAIS (Saguenay): Fulton-Favreau, ça ne peut pas me faire
mal, J'ai bien moins peur d'eux que de vous.
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, je termine. Je remercie
tous les opinants qui ont peut-être été un peu longs pour
dire la même chose, mais je suis très heureux de voir que le vote
qu'on va donner va être un vote remarquable, et on va les remarquer
longtemps, ceux qui vont voter contre.
M. MALTAIS (Saguenay): Est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir un vote
secret?
M. BELLEMARE: Et, autant on a parlépen-dant des années de
la conscription, du vote qu'avaient donné les gens du Québec pour
la conscription, autant on va parler du vote que vous allez donner ce soir.
DES VOIX: A l'ordre!
M. HYDE: M. le Président, avant que le ministre termine, s'il le
veut bien.»
M. ROY: Ne vous en faites pas, ce n'est pas pour vous qu'on a
applaudi.
M. HYDE: Mais le ministre semble finalement être tellement de
bonne humeur, que je me demande s'il voudrait avoir le consentement unanime,
sil ne voudrait pas...
M. BELLEMARE: Ne finissez pas, je sais ce que vous allez dire.
M. HYDE: ... simplement...
M. BELLEMARE: Je ne la retirerai pas, c'est sûr.
M. HYDE: ... suivre notre procédure normale: retirer la motion,
et procéder au vote en deuxième lecture,
M. BELLEMARE: Oui, oui, très bien! Alors, M. le Président,
je ne retire pas ma motion, je demande au député de se retirer
pour cinq minutes.
M. le Président, c'est sûrement ce soir un appel à
la raison, un appel à ceux qui connaissent ce que veut dire le mot
« parlementaire ». C'est un appel au mandat qui nous a
été confié par nos populations d'être ici des gens
qui protègent l'intérêt public, et l'intérêt
public commande que tous les parlementaires, ce soir, se donnent la main pour
empêcher le pire dans la province.
M. MALTAIS (Saguenay): C'est ça, c'est ça!
M. BELLEMARE: Et c'est justement ce qui va encourager le plus ces gens
qui prêchent con-
tre la contestation et surtout la division qui, tout à l'heure,
si je ne me trompe, iront voter contre la motion. Ce sera une tache sur leur
blason. Il y en a, parmi ceux-là, qui ont une carrière politique
remarquable. Il y en a parmi ceux-là, comme le chef de
l'Opposition...
M. MALTAIS (Saguenay): A l'ordre!
M. BELLEMARE: ... qui ont fait une carrière remarquable et je ne
peux pas comprendre que lui, un homme qui a prêché la
démocratie, le respect, surtout, du parlementarisme, va aller donner un
vote contre la motion. Il va se salir...
M. LESAGE: M. le Président, que l'on se rende à notre
demande, que l'on divise la motion et l'on verra.
M. BELLEMARE: M. le Président, il y a assez du parti
libéral qui est divisé.
Non, M. le Président, le chef de l'Opposition est capable de
faire ça. Voyons donc, un beau geste! A l'époque des fêtes,
un beau geste, c'est bien apprécié.
M. LESAGE: M. le Président, je crois que le député
de Champlain devrait s'adresser à un autre que moi, car il sait fort
bien que, respectant une tradition, je ne voterai pas.
M. BELLEMARE: Est-ce que vous me donneriez...
M. LESAGE: Mais je déclarerai mon vote cependant.
M. BELLEMARE: Est-ce que l'honorable député de
Louis-Hébert permettra à quelques-uns de ses
députés de voter pour?
M. LESAGE: Mes députés sont absolument libres.
M. BELLEMARE: J'en ai vu deux qui n'ont pas « tapé »
des mains, moi.
M. LEFEBVRE: Le ministre permettrait-il à quelques-uns de ses
députés de voter contre sa motion?
M. BELLEMARE: Je voudrais bien savoir s'ils sont pour ou contre la
motion. Etes-vous pour la motion? Alors, je termine. M. le Président, je
vous remercie de la patience que vous avez exercée dans le long
dédale des règlements que j'ai été obligé de
suivre. Mais j'aifait appel à la raison et au bon sens. Je sais que
c'est avec surprise que, tout à l'heure, quand nous appellerons la
motion pour le vote, vous apprendrez la position que prendra le parti
libéral.
M. le Président, j'ai l'honneur de vous demander un vote
enregistré.
M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.
M. LESAGE: Si vous ne l'aviez pas demandé, c'est évident
que nous le demandions.
M. BELLEMARE: Je me méfie. Je veux voir si vous allez voter pour
nous.
M. LE PRESIDENT: Que les honorables députés qui sont en
faveur de la motion veuillent bien se lever.
M. LE GREFFIER ADJOINT: MM. Bellemare, Fréchette, Johnston,
Vincent, Dozois, Lizotte, Gosselin, Gabias, Tremblay (Chicoutimi), Masse,
Allard, Russell, Lafontaine, Paul, Maltais (Limoilou), Cloutier, Cardinal,
Boivin, Lussier, Beaudry, Mathieu, Morin, Lavoie (Wolfe), Flamand, Gauthier
(Roberval), Sauvageau, Gauthier (Berthier), D'Anjou, Léveillé,
Desmeules, Grenier, Martel, Roy, Leduc (Laviolette), Demsrs, Picard
(Dorchester), Martellani, Bousquet, Simard, Proulx, Croisetlère,
Plamondon, Théorêt, Bergeron, Murray, Shooner, Gardner, Hanley,
Tremblay (Montmorency), Lévesque (Laurier).
M. LE PRESIDENT: Que les honorables députés qui sont
contre la motion veuillent bien se lever.
M. LE GREFFIER ADJOINT: MM. Pinard, Courcy, Wagner, Lafrance, Lacroix,
Brown, Hyde, Mme Kirkland-Casgrain, LeChasseur, Harvey, Lavoie (Laval), Blank,
Bourassa, Beaupré, Vaillancourt, Kennedy, Mailloux, Maltais (Saguenay),
Lefebvre, Bienvenue, Choquette, Fraser, Goldbloom, Houde, Leduc (Taillon),
Pearson, Saindon, Saint-Germain, Tetley, Tremblay (Bourassa).
M. LE GREFFIER: Pour : 50 Yeas: 50 Contre: 30 Nays; 30
M. LE PRESIDENT: La motion est adoptée.
M. LESAGE: M. le Président, je n'ai pas voté en l'absence
du premier ministre. Si j'avais voté, j'aurais voté contre la
motion.
M. CADIEUX: Je n'ai pas voté en l'absence
du député de Sainte-Marie. Si j'avais eu à voter,
j'aurais voté contre la motion.
Membres de comité
M. LESAGE: Pourrais-je revenir aux motions non annoncées pour
proposer qu'au comité de l'éducation le nom de M. Lefebvre soit
substitué à celui de M. Cliche, celui de M. Lafrance à
celui de M. Harvey et celui de M. Gérin-Lajoie à celui de M.
Saint-Germain?
M. BELLEMARE: J'ai trois changements à apporter.
Je donnerai les noms demain. Je pensais les avoir ici. J'avais
pensé faire cette motion lors de la formation des autres comités.
Pour être bien sûr, je la ferai demain, lors des motions non
annoncées.
M. LE PRESIDENT: La motion de l'honorable chef de l'Opposition
sera-t-elle adoptée? Adopté.
M. BELLEMARE: Onze.
Bill 290 Deuxième lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose la
deuxième lecture de la Loi des relations du travail dans l'industrie de
la construction.
L'honorable ministre du Travail.
M. Maurice Bellemare
M. BELLEMARE: Le bill 290, qui est actuellement en deuxième
lecture devant la Chambre, a suscité dans la province un remous
auprès des employeurs et des centrales syndicales qui voulaient, depuis
longtemps, obtenir une loi spécifique. Ils étaient régis,
depuis plusieurs années, par le code du travail. Comme cette industrie
groupe un nombre considérable de personnes on m'a dit, au
comité, 180,000, 120,000; le chiffre n'est pas tout à fait
sûr, ni certain nous devions présenter une loi qui
apporterait, de meilleures relations entre les employeurs et les
employés. Le principe fondamental de cette loi c'est qu'il n'y a plus
d'accréditation pour les employés auprès de la CRT.
La Loi des relations du travail dans l'industrie de la construction sera
administrée, gérée et surtout appliquée par des
décrets qui seront régionaux ou qui s'appliqueront à
l'échelle provinciale. Sur ça, je pense que tout le monde s'est
entendu. Par un décret particulier, les parties contractantes qui
sont, maintenant, la CSN, groupe représentant 20%, la FTQ, groupe
représentant 20% et l'association de tous les employeurs comprenant
l'autre 20% et formant trois blocs distincts seront, à partir de
la sanction de la loi, à la même table. Cela aura le grand
avantage d'empêcher, comme vous le verrez un peu plus loin dans les
articles de la loi, ce qu'on a appelé communément le maraudage et
le marchandage. Cette loi était nécessaire pour bien des
raisons.
D'abord, c'est un métier, c'est une fonction, c'est une
organisation temporaire, saisonnière, extrêmement mobile et qui
rejoint par le fait même trois grandes sortes de construction. Il y a la
construction industrielle, la construction commerciale et aussi la construction
domiciliaire.
C'était devenu franchement extrêmement difficile dans le
domaine des relations patronales-ouvrières. Je n'ai pas besoin de vous
dire qu'il s'agissait, dans le code du travail, d'une association reconnue.
Quand il se préparait un contrat de $10 millions, $15 millions ou $20
millions, l'association reconnue était de plein droit celle qui pouvait
négocier un contrat de travail et une convention collective avec un
patron, sans qu'il y ait un seul employé. De là les situations
extrêmement difficiles que nous avons connues et qui ont
empêché les gens d'atteindre les fins pour lesquelles les unions
ouvrières, les centrales syndicales et les associations d'employeurs
voulaient véritablement ensemble coopérer pour donner aux
travailleurs de meilleures conditions de travail.
Les unions et les patrons nous ont fait remarquer que lorsqu'une
convention collective se négociait avec les parties contractantes
à la table et que, pour une raison particulière, comme le dit la
loi, le ministre du Travail ne pouvait pas sanctionner ce décret,
c'est-à-dire ne pouvait pas donner l'extensibilité à la
loi après la négociation, le décret n'entrait pas en
vigueur. Mais, les associations ouvrières et patronales nous ont fait
remarquer avec raison: Qu'est-ce qu'il advient de la convention qui a
été négociée? Nous avons donc dit ceci dans la loi:
« Advenant le cas où un décret, après qu'il aura
été négocié ne serait pas extensionné par le
ministre au tiers, la convention collective entre les parties demeure, a force
de loi ».
Nous avons aussi voulu créer une commission mixte pour
étudier, comme vous le verrez tout à l'heure, différents
sujets où il y a des difficultés quant à l'uniformisation
des cartes de compétence, quant aussi à certains bureaux de
placement qui existaient dans chacune des unions, quant à
différentes autres choses que vous verrez à l'article 47.
Ce bill ne guérira pas tous les maux. Nous
avons voulu assurer aux travailleurs que la partie qu'on appelle la
sécurité syndicale et particulièrement ce qu'on
appelle le précompte soit obligatoirement négociée.
C'est pour cela que vous voyez dans un article particulier, l'article 28, les
mots: « Le décret doit contenir des dispositions concernant la
classification des emplois, la rémunération, le bulletin de paie,
la durée de travail, les heures supplémentaires, les jours
fériés, les congés payés, le
délai-congé, le régime complémentaire de
sécurité sociale, l'apprentissage et le rapport entre le nombre
de salariés qualifiés et le nombre d'apprentis... la
sécurité syndicale, y compris le précompte des
cotisations... »
Cela, ça doit être négocié, c'est quelque
chose de neuf et de très important pour le travailleur. Surtout dans
l'article suivant de la loi, on dits Maintenant vous pouvez négocier
toute autre chose, sans qu'il soit obligatoire de l'amener à la table.
C'est là qu'on trouve l'ancienneté, le mouvement de la
main-d'oeuvre, les travaux par roulement, les travaux de nuit, les travaux du
dimanche, etc., qui sont un article facultatif lors de la conciliation dans les
conventions collectives et surtout dans l'apposition d'un décret.
Cette loi n'a pas sûrement le mérite d'être parfaite,
mais je suis convaincu qu'elle a le mérite de faire un grand pas pour
assurer la sécurité des employeurs, pour assurer le bon climat
entre les patrons et les employés, et je suis très heureux de
dire que presqu'à 99% des centrales syndicales comme le mouvement des
patrons se sont donné la main une fois pour toutes devant le
comité de cette Chambre et ont fait ce qu'on appelle un «
gentlemen's agreement ».
Je suis particulièrement fier de vous dire qu'en ce qui regarde
la sécurité de l'emploi, c'est-à-dire la
sécurité de l'individu sur son travail, il y aura une autre
législation qui aura elle aussi des articles qui vont couvrir d'une
manière particulière ces obligations qu'ont les employeurs de
bien protéger leurs employés.
J'ai reçu jusqu'à maintenant, et je sais que d'autres en
ont reçu, plusieurs lettres nous exprimant un vif contentement. J'ai, en
particulier, parmi les nombreux témoignages que nous avons reçus
ici, une lettre qui en dit beaucoup: « Sans être un expert en
relations de travail, j'ai certaines connaissances dans ce domaine, ayant
été pendant dix ans conseiller technique de la
Fédération de l'industrie et de la construction de la province de
Québec, trois ans président de l'Association de la construction
de Québec et huit fois délégué par la
Fédération internationale du bâtiment du génie civil
et des travaux publics ainsi que sur le Bureau international du travail. Au
cours de ces nombreux voyages, j'ai eu l'occasion de rencontrer à
maintes reprises des ouvriers en construction de la plupart des pays d'Europe,
de nombreux chefs de mouvements syndicaux, et je crois pouvoir vous dire que
votre projet de loi est ce que j'ai connu de meilleur à date pour
l'industrie de la construction. »
C'est un témoignage qui nous est rendu par une personne que je ne
connais pas, dont je n'ai pas cherché le témoignage, mais qui,
sûrement ce soir, à la fin de nos travaux, apporte un baume sur
certains autres témoignages qui nous avaient été un peu
plus préjudiciables.
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce signé?
M. BELLEMARE: Oui, par M. Savard. Je voudrais simplement dire ici que je
remercie tous les membres du comité qui ont collaboré avec nous
dans l'étude de ce projet de loi. J'aurai une mention toute
particulière pour le représentant du parti libéral
à la table, l'honorable député d'Ahuntsic.
Véritablement, je dois lui tirer ma révérence et lui dire
qu'il a fait un travail d'équipe fort remarquable. Mettant de
côté chacun nos... je ne dis pas quoi...
M. LE SAGE: Ne dites pas quoi.
M. PINARD: D'esprit de « belligérance ».
M. LESAGE: ... l'esprit belliqueux.
M. BELLEMARE: Mais nous avons, M. le Président, fait oeuvre
commune avec tous les autres membres du comité, une oeuvre qui, à
mon sens, a fait plaisir à tout le monde du travail. Les centrales
syndicales nous ont témoigné leur vive satisfaction à la
fin des travaux. Cela a été presque unanime, moins un pourcentage
de 1%, peut-être, puisqu'on a dit qua nous aurions peut-être pu
faire mieux. D'accord, nous sommes perfectibles. Mais je suis
particulièrement heureux aussi, ce soir, de dire un merci très
précis, très particulier, à mon équipe, à
l'équipe de ceux qui travaillent sur ce projet depuis bien près
de deux ans. C'est l'équipe de mes sous-ministres et de mon conseiller
juridique qui, ensemble, ont formé ce qu'on a appelé le
comité Mireault. Il a siégé pendant 18 mois et a
apporté le fruit de son travail et de son labeur à cette
législation bienfaisante.
Je suis particulièrement fier, aujourd'hui, de leur dire merci et
de leur dire que la population tout entière, surtout la population
tra-
vailleuse, va aujourd'hui les remercier très sincèrement
d'avoir acheminé lentement, mais très sérieusement, le
projet qui va devenir maintenant la loi-cadre de la construction de
Montréal, de la construction en général.
M. le Président, nous y avons apporté beaucoup d'heures de
travail; nous sommas très heureux d'avoir pu produire cet excellent
travail. Nous ne disons pas que c'est parfait. Au contraire. Si, à
l'expérience, il est jugé que cette loi doit être
modifiée, c'est sans aucun sentiment d'orgueil que nous nous inclinerons
et que nous la perfectionnerons.
Je remercie donc tout le monde. Je suis assuré, M. le
Président, que maintenant, elle suivra normalement son cours pour
passer, après la deuxième lecture, au comité
plénier.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Ahuntsic.
M. Jean-Paul Lefebvre
M. LEFEBVRE: M. le Président, le bill 290 introduit un nouveau
régime des relations de travail dans l'industrie de la construction.
Pourquoi ce nouveau régime? Eh bien, je pense que tout le monde sait,
même ceux qui ne sont pas très près de cette industrie,
qu'il y a, dans l'industrie de la construction, des problèmes
particuliers et qu'il y a eu, au cours des dernières années, des
malaises assez considérables et parfois des discussions acerbes, en
particulier au point de vue du droit de représenter les travailleurs de
la construction aux fins des négociations collectives.
Il faut cependant savoir que les malaises dans l'industrie de la
construction dépassent et débordent de beaucoup le
phénomène des techniques de négociations collectives. Nous
savons tous, en effet, qu'il s'agit d'une industrie extrêmement mobile,
par définition, dont les effectifs varient grandement, dont les lieux de
travail varient au gré des besoins. Ceci crée des
problèmes humains très considérables. L'industrie de la
construction, malheureusement, dans beaucoup de pays du monde et encore chez
nous, est un peu synonyme d'insécurité. Qui dit construction dit
insécurité, insécurité d'emploi et, trop souvent,
comme le ministre vient de l'admettre lui-même, insécurité
aussi quant à la vie ou la santé des travailleurs.
Bien sûr, le bill 290 ne va pas remédier à tous ces
problèmes, puisqu'il se limite à proposer de nouvelles techniques
de relations de travail. Le bill atteindra-t-il ses objectifs?
At-ténuera-t-il, en particulier les conflits intersyndicaux dans cette
industrie?
Est-ce qu'il permettra au mouvement syndical aux deux centrales
syndicales, nommément de représenter les travailleurs
selon leur désir mais dans un climat de collaboration meilleur que celui
que nous avons connu, tout en admettant cette concurrence normale entre les
différents syndicats? En effet et Je pense que c'est là
une chose dont nous devons nous réjouir, dans notre province nous
n'avons pas de monopole syndical; nous avons plutôt une situation de
« duopole, » qui, lorsqu'on y songe bien, favorise, je crois, une
plus grande liberté des travailleurs.
Eh bien, M. le Président, quant à nous, nous allons
certainement appuyer le principe du bill. Nous allons voter pour le bill 290,
mais, je dois le dire, sans beaucoup d'enthousiasme, en dépit de
l'amabilité que le ministre vient d'avoir à mon endroit.
D'ailleurs, le ministre sait tris bien que les compliments ne m'influencent pas
plus que les reproches. J'essaie, comme tous les membres de ce
côté-ci de la Chambre d'ailleurs, de faire en chaque circonstance
ce que je crois être mon devoir.
Quant à moi, je dois dire que nous appuierons certainement le
principe du bill, mais que nous ne sommes malheureusement pas en mesure
d'être tout à fait optimistes sur ses conséquences. Nous
souhaitons, cependant, que le bill produise les bons effets que le ministre
semble en attendre et nous nous réjouissons particulièrement du
fait qu'il ait mentionné la grande disponibilité de son
gouvernement à modifier le bill dis que les circonstances sembleraient
en démontrer la nécessité.
M. le Président, je serai très bref dans mes remarques.
Cependant, je m'en voudrais parce que je crois qu'il y a là un
précédent fort important de ne pas rappeler en quelques
minutes la chronologie des événements qui nous ont conduits
à cette deuxième lecture du bill 290.
Le ministre a mentionné, au cours de son allocution ici
même, comme il l'avait fait en comité, que ce bill a
été l'objet de longues discussions entre les représentants
du ministère, d'une part, et les représentants des employeurs et
des associations de travailleurs, d'autre part. Je regrette infiniment, quant
à moi, que le gouvernement sans doute eût-il dû
innover pour faire cela? Je pense que l'on doit, à chaque moment,
à chaque année, souhaiter que les gouvernements sachent innover
n'ait pas jugé apropos d'associer des députés des
deux côtés de la Chambre à ces discussions
préliminaires au bill 290.
Je pense que cette initiative aurait permis aux membres de la Chambre
du moins à quelques-uns d'entre eux de faire une
étude plus
satisfaisante d'une loi qui est extrêmement complexe. Tous ceux
qui ont eu l'avantage de lire le texte de la loi ou qui voudront le lire, se
rendront compte qu'il s'agit là de problèmes extrêmement
complexes et dont il est assez difficile de mesurer la portée exacte, si
on n'a pas justement entendu les parties en cause et fait une analyse assez
approfondie des problèmes qui sont soulevés.
Or, ce bill 290, nous en avons eu le texte primitif le 9
décembre, soit lundi dernier, à dix heures trente du soir, quant
à moi. Il y a eu, le mercredi soir, une réunion d'un
comité ad hoc représentant les deux côtés de la
Chambre. Le ministre y avait invité les représentants des patrons
et des syndicats. A l'occasion de cette réunion, le ministre a fait la
déclaration suivante: « M. Bellemare: Je n'ai pas eu le temps,
messieurs, de voir les corrections, ni les modifications qui ont
été apportées. Je suis bien mal placé, ce soir,
pour me livrer en pâture à ceux qui veulent me faire un mauvais
parti. »
Et, plus loin, le ministre du Travail poursuit: « Voici ma
proposition, c'est que nous ajournions le comité ».
Nous avons protesté de notre côté et le ministre du
Travail a répondu: « Je ne suis pas capable. C'est inutile, je ne
suis pas prêt. D'abord, écoutez. Nous ajournerions le
comité, nous ferions réimprimer le bill d'ici à vendredi,
nous ferions donc réimprimer le bill avec toutes les suggestions qui
nous ont été faites ». Parce qu'il s'agissait de
suggestions faites en dernière heure, après ces 12 ou 18 mois de
travail, d'où on verra la complexité des problèmes en
cause. Le ministre poursuit toujours: « Nous en donnerions à tous
les députés et à tous ceux qui en voudront. Nous ferions
siéger le comité des relations industrielles entre les deux
sessions pour pouvoir entendre tous ceux qui auront encore des choses à
nous dire, des choses qui pourraient peut-être être valables. Parce
que sous la pression, nous risquons, avec une loi aussi importante, d'oublier
des virgules, des concordances et peut-être aussi d'autres choses qui
pourraient être très importantes ». Je poursuis
toujours; « C'est l'avis de mes officiers que c'est un peu trop vite si
on va avec toute la vapeur. Nous pourrions peut-être quand même
l'étudier demain et nous pourrions siéger demain
après-midi. C'est que nous aurons énormément d'autres
choses si la session doit se terminer d'ici quelques jours. Je n'y mets pas de
date fixe, mais je dis qu'en ce qui nous concerne devant une importante loi
comme celle-là, je pense qu'à cause des modifications que nous
sommes prêts à apporter, nous allons faire réimprimer le
bill dès demain soir. Nous aurons fini notre travail avec les officiers
en loi, nous allons le faire imprimer et le faire distribuer à tout le
monde, etc ».
M. le Président, je pourrais poursuivre cette lecture, mais mon
but est simplement de montrer comment, à défaut de
procédure plus satisfaisante et à défaut d'une
participation plus approfondie des députés aussi bien du
côté gouvernemental que du côté de l'Opposition
le ministre lui-même, qui a été mêlé
à toutes ces discussions depuis 18 mois, se plaint devant le
comité qu'il a lui-même convoqué de ne pas être
prêt à discuter de son bill. Eh bien, quant à moi, encore
une fois, même si je l'ai dit tout à l'heure, je vais voter pour
le principe du bill. Je prends la déclaration que le ministre a faite
mercredi soir dernier à témoin du fait que la procédure
parlementaire, dans le cas d'un bill comme celui-là, n'est pas du tout
satisfaisante et qu'il y aurait lieu, pour l'avenir, afin que tout le monde
soit satisfait et afin d'éviter que le Parlement ne soit qu'une sorte de
tampon pour entériner les projets de loi qui ont été
préparés dans le bureau du ministre, que ce soit celui du Travail
ou d'un autre ministère, si on veut éviter cela, de prendre les
mesures appropriées.
Quoiqu'il en soit, le ministre, à la suite des nombreux
télégrammes de protestation qu'il a reçus devant cette
annonce du report du bill, a décidé de faire siéger le
comité jeudi matin et de préparer des amendements. Le
comité a effectivement siégé toute la journée Jeudi
dernier. Je dois dire que cette réunion a été fort
intéressante. Je répète en cette Chambre que nous avions
souhaité, quant à nous, que le ministre utilise la même
procédure la semaine précédente pour les bills 287, 288 et
289. Je le félicite de l'avoir utilisée pour ce bill-là.
C'était une initiative heureuse, je pense. Encore une fois, si elle
avait été préparée par des discussions au niveau
des députés sur une plus longue période, je crois que cela
aurait été encore préférable. A tout
événement, nous avons donc travaillé jeudi toute la
journée sur un texte corrigé et nous n'avons eu le texte
définitif que vendredi soir, tard.
Je crois que ce n'est que ce matin que le bill réimprimé a
été déposé. Je voulais faire ces remarques non pas
pour être désagréable envers qui que ce soit, mais pour
bien démontrera cette Chambre que quant à nous je pense me
faire le porte-parole de mes collègues nous aimerions qu'à
l'avenir des bills de cette nature-là fussent étudiés plus
en profondeur par les députés eux-mêmes et qu'on ne nous
place pas, je ne dis pas que c'était délibéré, mais
enfin
qu'on ne nous place pas devant une situation où il faut agir en
vitesse, lorsqu'il s'agit de lois très complexes.
M. le Président, je réitère notre espoir que le
bill 290 amènera des résultats heureux pour ce qui est
d'établir des relations harmonieuses. Peut-être, au niveau de la
discussion en comité, pourrons-nous apporter au moins, à notre
sens, une amélioration au bill, un domaine où il nous semble y
avoir une carence. Nous aurons l'occasion d'en discuter en comité.
J'espère, encore une fois, que le gouvernement voudra aussi,
au-delà des problèmes des relations de travail, se pencher le
plus rapidement possible sur les autres causes, peut-être les causes les
plus profondes, des malaises qui existent dans l'industrie de la construction.
J'espère qu'il voudra, en particulier, s'inspirer de l'expérience
d'autres pays, où on a trouvé des moyens efficaces d'assurer, par
exemple, la permanence de l'emploi ou du moins la permanence du travail pour
les ouvriers de la construction, soit dans cette industrie même, soit
dans d'autres industries pour les périodes de chômage hivernal par
exemple.
Alors, M. le Président, quant à nous, nous nous
prononçons en faveur du principe du bill, et nous sommes prêts
à en entreprendre l'étude en comité.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laurier.
M. René Lévesque
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, il s'entend très
bien, le climat. En étant d'ailleurs victime, moi aussi, je ne
prolongerai pas cette séance, sauf pour expliquer l'attitude qui doit
être la mienne. Le député d'Ahuntsic vient de dire que,
comme tous les députés, je pense bien, du moins, tous les
députés qui ne sont pas dans l'entourage plus ou moins proche du
ministre du Travail, il y a probablement des raisons à ça. Cette
loi a été préparée d'une façon que nous
n'avons pas pu suivre. Elle est extra-ordinairement compliquée, cette
loi. Nous sommes aussi les victimes de la fin d'une session où,
ça arrive évidemment, tout déboule et c'est malheureux. Je
ne sais pas si on le constate. Je sais que c'est déjà
arrivé, quand ceux qui sont de l'autre bord étaient de ce
côté-ci. Je faisais partie, je crois bien, des responsables de ce
va-vite, mais c'est incroyable ce qu'on le sent, quand on est de ce
côté-ci.
Que des projets soient aussi importants se comprend. C'est qu'ils
changent vraiment la vie complète de tout un secteur de notre population
et un secteur exposé à des problèmes extraor-dinairement
complexes. Il faut avoir le temps de comprendre que ce genre de
législation nous arrive dans la déboulade des derniers jours.
Alors, moi, ne pouvant pas me diviser avec mon caucus, il m'arrive que j'ai
été obligé de suivre plutôt des législations
qui se préparaient ou se discutaient à cet étage-ci,
pendant que le bill 290 était en bas.
J'ai l'impression, après l'avoir lu à plusieurs reprises,
mais sans avoir pu suivre les études, que le ministre du Travail a
peut-être ou même probablement raison, que, sans être
parfaite, cette loi représente au moins un effort considérable
pour extraire de la législation omnibus qui régit les relations
de travail, ce secteur ex-traordinairement spécifique, avec des
problèmes extrêmement complexes et sui generis qui est celui de
l'industrie de la construction.
J'ai cette impression, mais j'ai écouté avec un certain
malaise, n'ayant pas pu suivre tous les travaux, le député
d'Ahuntsic dire: Bien, est-ce que ça va, je suis sûr que
l'intention est là, mais est-ce que ça va vraiment
répondre à l'objectif principal qui, évidemment, est
poursuivi par cette loi?
Le but de cette loi est, essayer de mettre un terme à ces
conflits déchirants que le monde de la construction a connus et qui se
multipliaient d'ailleurs ces derniers temps, en particulier à ces
conflits intersyndicaux qui ont été sanglants depuis deux ou
trois ans et dont certains des plus violents ont éclaté ces
derniers mois. Le député d'Ahuntsic posait la question. J'ai cru
comprendre qu'il disait qu'il était loin d'en être sûr parmi
ceux qui ont suivi les travaux. J'ai cru comprendre qu'il disait: Après
tous ces travaux auxquels on a participé on n'est pas sûr
on votera pour le principe du bill mais sans enthousiasme. Tout en
admettant qu'il y a un effort extraordinaire, on a lu, je pense que tous ceux
qui voulaient, pouvaient lire le document à l'appui que le ministre a
distribué, mais il reste qu'on peut avoir des doutes non seulement quand
on n'a pas participé aux travaux mais quand on a entendu des gens qui
sont premièrement d'une sincérité évidente et
deuxièmement qui vivent le nez collé sur cette partie la plus
explosive du monde de la construction québécoise qui se trouve
dans le secteur montréalais et qui disait en citant des cas qu'à
leur avis, à cause de telle ou telle disposition qui intervient dans ce
mécanisme très complexe, ça pourrait peut-être
créer autant de problèmes que ça va en résoudre.
Evidemment, le « peut-être » fait encore qu'on ne peut pas
être sûr.
Dans ces circonstances, je pense bien que
tout le monde comprendra que vu que c'est un domaine aussi vaste, aussi
complexe, aussi important, n'ayant pas eu le loisir de suivre comme il l'aurait
fallu, pour des raisons que j'ai données, les travaux de la Chambre, je
sais que M. le greffier m'a déjà dit qu'il faut sortir pour faire
ça, je devrai m'abstenir.
M. Maurice Bellemare
M. BELLEMARE: Exerçant mon droit de réplique, je voudrais
dire simplement deux choses. D'abord, c'est la première fois dans toute
l'histoire syndicale et patronale que l'on voit les parties directement en
cause se lier et faire front commun afin d'adopter le principe d'une loi,
surtout dans le monde du travail. Je remercie ici toutes les centrales
syndicales et tous les représentants des associations patronales qui
véritablement ont fait un pas de géant pour mieux se comprendre,
pour véritablement mieux remplir le mandat qui leur est donné par
l'application de ce bill. C'est la première fois dans l'histoire des
relations patronales-ouvrières où l'on sent un véritable
désir de s'unir ensemble pour empêcher la zizanie, l'anarchie qui
se répercutait aux quatre coins de la province dans le domaine de la
construction. J'adresse un remerciement très sincère aux membres
de la FTQ, aux membres de la CSN, aux membres des associations patronales qui
ont fait un travail de géant. Ils ont siégé côte
à côte pendant des semaines et des semaines. On a demandé
pourquoi pas les députés. D'accord, mais c'est un travail de
longue haleine. On ne peut pas à tous les jours, à toutes les
semaines convoquer tout le monde, quand on travaille dans des choses aussi
techniques que celles-là. Il y a des députés qui ont une
bonne préparation pour suivre des débats sur les lois
ouvrières, d'accord, mais c'est extrêmement technique. Celui qui
n'a pas... Oui, c'est vrai, je m'emportais.
M. MALTAIS (Saguenay): Tout le monde a dit que le ministre avait
été très agréable au comité et on ne peut
pas dire plus, c'est complet. S'il y avait moyen de passer à travers la
loi.
M. BELLEMARE: Je dis à l'honorable député
d'Ahuntsic que, malheureusement, j'ai peut-être appris une dure
leçon et que nous allons essayer de faire mieux. Mais, c'est la
première fois dans l'histoire du ministère du Travail, qu'on
publie des volumes où l'on fournit tant de renseignements à tous
les députés pour essayer de comprendre. En terminant, merci
encore à tous ceux qui nous ont aidés à réaliser
cette paix sociale.
M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture sera-t-elle
adoptée? Adopté.
M. LE GREFFIER-ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose que je quitte
maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité
plénier pour l'étude du projet de loi 290. Cette motion
sera-t-elle adoptée?
Adopté.
Comité plénier
M. FRECHETTE (Président du comité plénier):
M. BELLEMARE: M. le Président, si on veut me permettre une petite
correction à l'article 1, dans le bill que nous avons devant nous. A c)
il y a « catégorie »: « chacun des groupes
d'employeurs représentés par les associations
énumérées aux alinéas b)... » L'alinéa
b) on le voit à l'article 5, c'est la Fédération des
travailleurs du Québec. Donc, cela n'a rien à faire dans le c)
« catégorie. » Il ne faut pas que le b) soit là.
« Chacun des groupes d'employeurs... » Voyez-vous, ce n'est pas un
groupe d'employeurs, la FTQ. Il faut enlever b).
M. LE PRESIDENT: Alors, il s'agit tout simplement de biffer le b).
M. BELLEMARE: Biffer b).
M. LESAGE: Biffer b) et la virgule.
M. BELLEMARE: A l'article 3, il y a une autre concordance. On dit:
« Les conditions de travail des salariées de l'industrie de la
construction sont régies par décret ou, à défaut de
décret, par convention collective ou par ordonnance. » Pas par
« une ordonnance. » Le mot « une »...
M. LEFEBVRE: Le mot « une »,oui.
M. BELLEMARE: On ôte « une ». Et, en anglais: «
The conditions of employment of the employees in the construction industry
shall be governed by decree or, failing a decree, by collective agreement or
order. »
Ce n'est pas cela. On doit dire: « ... or the ordinance.
»
M. LESAGE: Pas « the ordinance. » M. BELLEMARE: «
Ordinance. »
M. LESAGE: Pas l'article « the », pas plus qu'en
français.
M. BELLEMARE: « Ordinance. »
M. LESAGE: C'est trSs bien.
M. BELLEMARE: Non pas par «order. »
M. LESAGE: On ne met pas « the ». Le ministre a dit: «
Or the ordinance. »
M. BELLEMARE: Non, non pas « the; » « ordinance.
» Par une ordonnance.
M. LESAGE: Par ordonnance.
M. BELLEMARE: Par ordonnance. A l'article 8, le député
d'Ahuntsic s'en souviendra, on avait fait disparaître le mot «
nouveau » décret, à cause de l'application. On dit: «
Aucune convention collective ne peut être conclue en vue de l'adoption
d'un décret... » Le mot « nouveau » avait
été enlevé.
M. LEFEBVRE: Excusez-moi, j'étais distrait. A l'article 8, quelle
ligne?
M. BELLEMARE: Troisième ligne. Partout où apparaît;,
en anglais, « order » à l'article 7, par exemple, et
à l'article 8 cela devient « ordonnance ». Est-ce que
le député d'Ahuntsic me suit? On avait enlevé le mot
« nouveau. »
M. LEFEBVRE: Oui, oui.
M. BELLEMARE: Alors, ça on l'enlève. On va, maintenant, M.
le Président, si vous me le permettez, aller à l'article 31.
D'abord, à l'article 31, au paragraphe b), à la huitième
ligne, on a « de l'intéressé lui-même ». Il
faut ôter le mot « lui-même. » On a, ensuite, «
homologuer avec dépens contre l'employeur ». On ne dit pas «
contre l'employeur »; on dit « contre l'intimé ».
M. LEFEBVRE: Alors, c'est au paragraphe b), ça?
M. BELLEMARE: Oui, b), à la septième ou à la
huitième ligne, c'est écrit: « La cour peut, sur
requête sommaire de... »
M. MALTAIS (Saguenay): Enlever « employeur » et mettre
« contre l'intimé ».
M. BELLEMARE: Mettre « intimé, » puis enlever le mot
« lui-même », nous aurons donc « ou de
l'intéressé, homologuer avec dépens contre
l'intimé, la décision... »
Il faudrait peut-être aussi aller à la quatrième
ligne de l'article 31a) et mettre une virgule...
M. LE PRESIDENT: Après « intéressé »
aussi, il faudrait le faire.
M. BELLEMARE: Pardon?
M. LE PRESIDENT: Après le mot « intéressé
», est-ce qu'il ne faudrait pas aussi mettre une virgule?
M. BELLEMARE: Pas après « intéressé »,
après « intime' »... « Ou de
l'intéressé, homologuer avec dépens contre
l'intimé, la décision, laquelle devient exécutoire comme
tout autre jugement
Article 31a), à la quatrième ligne: « ... dans les
cinq jours de la fin de l'enquête, au premier de ces termes ».
Est-ce qu'on me suit?
Maintenant, plusieurs associations nous ont fait des
représentations. Nous avons pensé que les paragraphes c) et d) du
même article devraient disparaître, être enlevés parce
que c'est une question de grief on ne pourrait pas en appeler du
délai d'homologation. La cour Supérieure homologuera à sa
demande et c'est pour ça que nous enlevons, à la demande des
parties, le c) et le d) qui seraient peut-être une formule plus longue
quant à l'homologation. On nous a fait remarquer que ces deux
paragraphes n'étaient pas nécessaires et nous les avons
enlevés.
M. LEFEBVRE: Un instant.
M. LE PRESIDENT: II faut biffer totale ment les deux.
M. BELLEMARE: Les deux, oui: c) et d). C'est pour éviter des
procédures d'appel. Dans la construction, il faut que ce soit
rapide.
M. CHOQUETTE: Je demande une consultation légale au ministre,
s'il me le permet. Là, je vous prends par votre côté
sensible. Actuellement, une décision arbitrale sur un grief est
simplement homologuée à la cour Supérieure, je
pense. C'est une simple formalité et ça devient
exécutoire, n'est-ce pas?
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. CHOQUETTE: Alors, en biffant c) et d), vous voulez seulement...
M. BELLEMARE: Oui, mais elle peut être contestée.
M. CHOQUETTE: Elle peut être contestée? M. BELLEMARE : Oui,
présentement. M. CHOQUETTE: Ah oui.
M. BELLEMARE: C'est pour ça qu'on ne veut pas qu'elle le
soit.
M. CHOQUETTE: Oui, mais comment pou-vez-vous rendre exécutoire
une décision arbitrale qui n'a pas été homologuée
par la cour Supérieure? Je m'explique. Il n'y a que la cour
Supérieure ou la cour Provinciale qui puisse émettre un bref
d'exécution, c'est-à-dire saisir des meubles, saisir un employeur
qui n'a pas fait honneur à ses obligations suivant la décision
arbitrale. Par conséquent...
M. BELLEMARE: Si le député veut lire le b), il va avoir la
réponse complète. Cela y pourvoit.
M. CHOQUETTE: Oui, d'accord, e) et f). Je suis d'accord.
M. BELLEMARE: C'est sûr, c'est là la leçon.
M. CHOQUETTE: Le ministre devrait avoir un doctorat en droit honoris
causa.
M. BELLEMARE: Etes-vous prêt à me proposer?
M. CHOQUETTE : Oui, je vais vous proposer.
M. MALTAIS (Saguenay): Il faudrait consulter le Barreau. Nous serions
rayés, nous.
M. BELLEMARE: Si je rentre, il y en a beaucoup qui vont sortir.
M. MALTAIS (Saguenay): Nous sommas amis, il n'y a pas de danger!
M. BELLEMARE: M. le Président, en même temps on changera le
e) et le f) pour c) et d).
M. MALTAIS (Saguenay): Cela deviendra c) et d).
M. BELLEMARE: Maintenant, M. le Président, au dernier paragraphe,
de la page 11 à l'article 32, entre 17 et 37, j'aurai tout à
l'heure une remarque à faire, un peu plus loin, parce qu'une «
caille » nous a échappé, c'est à l'article...
M. LEFEBVRE: Qu'est-ce qui vous a échappé?
M. BELLEMARE: Une « caille ». A l'article 67.
M. LEFEBVRE: N'avez-vous pas d'amendement à l'article 32?
M. BELLEMARE: A l'article 32, j'ai fait mon grand effort.
M. LEFEBVRE: M. le Président, nous aurions une suggestion
à l'article 32. Je serai bref, je sais que deux de mes collègues
veulent dire un mot, c'est une chose que nous avons étudiée en
équipe. Il nous semble évidemment, nous sommes favorables
au principe général du bill, je l'ai dit tout à l'heure,
qui tend à remplacer les contrats individuels qui, jusqu'à
maintenant, chevauchaient dans l'industrie de la construction avec le
régime de décret. L'esprit du bill, c'est comme norme
générale et presque unique, je dirais, sous réserve du
droit qu'a le ministre de ne pas étendre certaines conventions, comme il
l'a dit lui-même, d'établir le régime des
décrets.
Or,...
M. LE PRESIDENT: Tous les articles de 1 à 32 sont
adoptés.
M. LEFEBVRE: Vous comprendrez cela, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: De 1 à 32, adopté.
M. LEFEBVRE: Mais pour ce qui est de l'article 32, M. le
Président, nous croyons et nous suggérons au ministre, dans un
esprit de collaboration, comme nous l'avons fait lors de l'étude en
comité, nous croyons, dis-je, qu'il y aurait lieu d'adopter un
amendement dont la portée serait la suivante: il s'agirait de permettre
à l'une des parties au décret, à l'une des asso-
dations représentatives, de référer une plainte
à l'arbitrage, lorsque le comité paritaire décide de ne
pas donner suite à une plainte.
Voici la raison de cette suggestion. Nous savons tous que la nouvelle
loi prévoit des comités paritaires, un peu sur le modèle
de ceux qui existent déjà d'ailleurs, où seront
représentées plusieurs associations représentatives, aussi
bien du côté des travailleurs que du côté des
employeurs.
Or, avec toute la bonne foi que l'on peut supposer à toutes les
parties en cause, il reste que le grief de l'une des parties est soumis
à une collaboration essentielle des autres parties constituantes du
comité paritaire. L'on peut imaginer, M. le Président, sans
être trop pessimiste, qu'à un moment donné, j'espère
que le ministre m'écoute, tout en... Oui?
M. BELLEMARE: Oui, je vous écoute comme il faut.
M. MALTAIS (Saguenay): De son autre oreille.
M. LEFEBVRE: Nous croyons que c'est important. Nous craignons, M. le
Président, je parle au ministre, par votre Intermédiaire,
qu'à un moment donné, il puisse se produire une circonstance
où, disons, trois des partenaires dans le comité paritaire se
mettent d'accord pour négliger les plaintes en provenance du
quatrième membre, qui qu'il soit.
M. BELLEMARE: Le député a-t-il l'article 63 de notre
bill?
Mo LEFEBVRE: J'ai bien lu.
Vous avez le droit de me dire que le problème que je
soulève est réglé par le bill, mais vous ne pouvez
supposer que je n'ai pas lu le bill...
M. BELLEMARE: Non, non.
M. LEFEBVRE: ... vous savez très bienque je l'ai lu.
M. BELLEMARE: C'est que maintenant au comité paritaire, il va y
avoir une représentation, vous le lirez, au moment de l'entrée en
vigueur de la présente loi, les parties représentatives
mentionnées à l'article 5, on l'a dit tout à l'heure,
deviennent de plein droit les parties constituantes de chacun des
comités paritaires responsables de l'application des décrets
visés par la loi.
M. LEFEBVRE: Oui, mais c'est pour ça que je voulais que vous
m'écoutassiez tout à l'heure...
M. BELLEMARE : Je vais vous écoutasser.
M. LEFEBVRE : Le problème est le suivant, écoutez-moi
bien, je vais vous faire un petit dessin. Ah, si votre sous-ministre vous
parle, vous ne m'entendrez pas.
M. BELLEMARE: Ah, je le sais, je connais le problème. Je peux
vous l'expliquer d'ici.
M. LEFEBVRE: Ah bon, bien expliquez-moi ça.
M. MALTAIS (Saguenay): C'est de là qu'il faut que vous
l'expliquiez, d'ailleurs.
M. LEFEBVRE: Si vous avez la solution...
M. BELLEMARE: Je n'ai pas la solution, mais c'est prévu dans la
Loi de la convention collective.
M. LEFEBVRE: Non, ce n'est pas prévu.
M. BELLEMARE: Oui, parce que à l'article 20...
M. LEFEBVRE: M. le Président, je vais poser au ministre un
problème concret, j'aimerais qu'il me réponde.
M. BELLEMARE: Très bien.
M. LEFEBVRE: Il y a, disons, quatre groupes représentés au
comité paritaire. Or, en vertu des articles 28, 29 et 30 de la loi en
particulier et de l'économie générale de la loi
d'ailleurs, le comité paritaire c'est la police du décret.
D'accord? Bon. Or, on suppose que la partie no 4, peu importe comment on
l'appelle, la partie no 4, dans une région donnée, pour un
décret donné, pour un comité paritaire donné, est
l'objet d'une coalition, c'est-à-dire qu'une coalition se forme contre
la quatrième partie, les trois autres se disant: Les plaintes qui vont
venir de cette partie-là, qu'il s'agisse d'une association d'employeurs
ou d'une association de salariés, les plaintes pour violation du
décret qui vont venir de là, on va tenir ça tranquille de
façon à affaiblir cette quatrième partie.
Et, encore une fois, peu importe dans une région, ça
pourrait être l'association X, dans une autre région,
l'association Y. Or, le ministre nous a dit que son bill visait justement
à civiliser les relations Industrielles, à civiliser
la concurrence entre les diverses associations et à
empêcher des conflits trop acrimonieux.
Or, nous soumettons qu'il y a peut-être un trou dans le bill
à ce point de vue-là et qu'il serait peut-être prudent de
prévoir, pour les associations représentatives, la
possibilité de référer une plainte à l'arbitrage
lorsque la dite plainte a été rejetée par le comité
paritaire. Je pense que le ministre a assez d'expérience, ce que je dis
là ç'a l'air d'être très théorique, mais
lui...
M. BELLEMARE: Non, non.
M. LEFEBVRE: ... qui connaît la province et qui connaît les
gens...
M. BELLEMARE: Oui, oui.
M. LEFEBVRE: ... et qui connaît la nature humaine doit savoir que
ce n'est pas du tout une crainte théorique que j'explique là, que
cette éventualité peut sa produire. Et je l'invite à y
songer.
M. MALTAIS (Saguenay): Si vous me permettez, M. le Président,
dans le même sens que mon collègue ici, je voudrais soulever les
cas pratiques comme il s'en est soulevé, comme vous le savez
pertinemment, particulièrement des conflits de la nature de ceux qui
sont survenus surtout à Baie-Comeau, j'ai déjà eu
l'opportunité d'en discuter souvent avec les sous-ministres.
Il y a un danger. Lorsque ces ententes se font, à supposer qu'il
y en ait théoriquement, il est évident que la loi prévoit
ces cas-là, en incluant dans le comité paritaire les parties de
l'article 5, et également dans son mécanisme, quelqu'un de
l'extérieur pour faire partie du comité paritaire. Mais, dans le
cas où, Justement, une entente se fait, il y a danger. Supposons qu'elle
se réalise c'est un cas tout hypothétique c'est
qu'à ce moment-là, on peut, sur le dos d'une partie de
l'organisation de cette loi, briser l'autorité des parties contractantes
par une espèce d'accord de volonté, en disant, par exemple:
Lorsque les plaintes d'une telle partie seront portées, on ne s'en
occupera pas.
Un danger existe. C'est qu'à ce moment-là, dans ces
conséquences, il y aura une perte de prestige pour l'une des parties aux
yeux des membres de cette partie-là. Il y aura danger, surtout à
l'époque où il y aura, pas nécessairement du maraudage,
mais des tentatives de faire perdre le prestige d'une des parties
contractantes, de nouveaux membres. Je pense que l'amendement que nous
proposons serait dans la ligne de sécurité que veut et que semble
vouloir assurer dans son esprit la loi actuelle, pour laquelle, je pense bien,
en comité, en bas, nous avons collaboré avec le ministre et les
officiers du mieux que nous le pouvions. Je pense qu'eu égard au conflit
que nous avons vécu à Baie-Comeau, le ministre ne devrait pas
faire objection à ce que cet amendement soit fait.
M. BELLEMARE: Je vais vous donner tout à l'heure quelques raisons
pour lesquelles je ne peux pas l'accepter. Vous verrez, vous me comprendrez
facilement.
M. MALTAIS (Saguenay): Evidemment, si le ministre me prouve que ce n'est
pas dangereux et qu'il y ait entente...
M. BELLEMARE: Je vais lui dire tout cela.
M. MALTAIS (Saguenay): ... par un moyen bien précis. Nous
voudrions, en fait, simplement que cette plainte soit
référée à l'arbitrage, lorsqu'une partie, par
exemple, se sent lésée. Il est bien clair qu'à ce
moment-là, si le ministre nous démontre qu'il n'y a pas ce
danger-là dans des institutions que nous connaissons bien
nous-mêmes, comme celle qu'on a vue à Baie-Comeau, dans une
région où un syndicat avait l'avantage, il y a d'autres
régions du pays, parfois de la province, ou un autre syndicat aura
l'avantage. Alors, si le ministre me démontre qu'il n'y a aucun danger
que ces accords n'interviendront pas entre les parties, au comité
paritaire, lorsqu'une plainte sera formée par l'une des parties
contractantes, j'en serai satisfait.
M. CHOQUETTE: M. le Président, si vous me permettez, avant que le
ministre n'intervienne, pour suivre mes savants collègues de ce
côté-ci de la Chambre. L'amendement qui serait proposé,
vous en avez une copie devant vous, mais il y a une légère
modification que j'ai apportée avec le député d'Ahuntsic,
pendant qu'on vous livrait l'amendement. Cela consisterait à ajouter un
troisième alinéa au paragraphe 32, qui se lirait comme suit:
« Lorsque le comité paritaire décide de ne pas donner suite
à une plainte visée au premier alinéa de l'article 28, une
association représentative peut référer ladite plainte
à l'arbitrage, conformément aux dispositions de l'article 30.
»
Maintenant, lorsque nous référons au premier alinéa
de l'article 28, nous référons évidemment à
certaines conditions de travail qui sont contenues dans la convention
collective et qui font partie du décret. Or, en vertu du projet de
loi
que présente le ministre, projet actuellement sur la table pour
discussion, seul le comité paritaire semble être habilité
à prendre les procédures nécessaires devant la cour
Provinciale ou la cour des Sessions de la paix pour recouvrer, de la part des
employeurs qui ne se sont pas conformés au décret, les amendes ou
les montants qui peuvent être dus à des employés ou
ouvriers. Nous soumettons, M. le Président, et je le soumets à la
suite des arguments qui ont été invoqués par mes
collègues, qu'on devrait donner une alternative, en quelque sorte, au
recours que peut exercer le comité paritaire devant les tribunaux, en
instituant le droit pour une association représentative de demander
l'arbitrage dans ces cas-là, si le comité paritaire refuse
d'agir.
Je n'insiste pas, M. le Président, sur les raisons qui ont
été soulevées par les députés d'Ahuntsic et
de Saguenay à l'effet qu'il pouvait y avoir, à l'intérieur
d'un comité paritaire, des accointances, n'est-ce pas, entre la partie
patronale et certaine partie syndicale pour rendre la vie plus difficile
à une autre partie syndicale. Ceci est certainement une partie du
problème, mais une autre partie du problème me semble être,
M. le Président, le fait qu'il faudrait faire attention, je pense
et ceci dans l'intérêt des syndicats que le syndicalisme,
en vertu du projet de loi présenté par le gouvernement et que
nous approuvons en principe, il faudrait faire attention, dis-je, que le
syndicalisme ne devienne pas une affaire bureaucratique et totalement
administrative. Par conséquent, qu'on laisse quand même un minimum
d'initiative aux syndicats pour représenter ceux qui font partie de leur
syndicat. Qu'on laisse quand même une part de concurrence entre les
différentes parties contractantes syndicales dans le domaine de la
représentation de leurs syndiqués.
Maintenant, comme on l'a indiqué tout à l'heure, et je
suis pleinement d'accord avec ça, il peut y avoir un refus intempestif
et injustifié de la part d'un comité paritaire d'agir, et,
à ce moment-là, le recours secondaire qui serait offert par ce
que nous préconisons permettrait au syndicat qui représente tel
employé ou tel groupe d'employés lésés d'amener
l'affaire à l'arbitrage.
Ceci suppléerait à une décision des tribunaux et,
évidemment, à la décision initiale du comité
paritaire de ne pas agir. C'est une forme de recours ultime, en quelque sorte,
qui serait offert pour la protection des travailleurs. Je ne vois pas, à
moins que l'on veuille rendre le syndicalisme totalement bureaucratique,
comment on peut refuser l'introduction d'un tel recours qui ne donne qu'un
minimum d'initiative aux syndicats qui sont parties contractantes à la
convention collective et au bill.
M. BELLEMARE: D'abord, j'approuve l'idée soumise par les
députés d'Ahuntsic, de Saguenay et d'Outremont au sujet de
l'institution bureaucratique d'un comité paritaire. C'est justement
pourquoi, dès cette année, nous avons voulu qu'au comité
paritaire cela fait partie de la technique de la Loi de la construction
que les trois parties soient d'ores et déjà parties
contractantes. Elles n'ont pas besoin de la prépondérance. Elles
ne se chicaneront plus. Elles seront reconnues d'office en vertu de l'article
63; c'est une garantie qu'on n'avait pas. Autrefois, on se chicanait pour la
prépondérance dans un district plutôt que dans l'autre. On
disait: C'est un château fort de la CSN; la FTQ n'y sera pas. Le
comité paritaire était boiteux. Comme une partie ne
représentait pas l'autre, on pouvait justement exercer cette
bureaucratie dont se plaignent les honorables députés.
M. CHOQUETTE: Elle peut l'exercer personnellement.
M. BELLEMARE: Alors, pour éviter ça, cette année,
on a tout de suite inscrit, à l'article 63 la représentation
nécessaire. Les trois blocs feront d'office partie du comité
paritaire. Première sécurité. Deuxième
sécurité, supposons, par exemple, pour suivre la thèse de
ces honorables messieurs, que trois membres de la FTQ décident, pour des
heures supplémentaires, d'aller au comité paritaire et que deux
autres, pour la même chose, pour du travail supplémentaire,
décident, eux, d'aller à l'arbitrage. Deux juridictions, comme le
soulignait l'honorable député, tout à l'heure. On ne veut
pas ça. On veut, au comité paritaire, que les
représentants des trois parties le soient à titre égal,
pour que cela fonctionne véritablement.
Je dis plus que cela. Un instant...
M. MALTAIS (Saguenay): C'est au cas de... M. BELLEMARE: Je vais finir.
Un instant! M. MALTAIS (Saguenay): ... refus d'agir.
M. BELLEMARE: Je vais finir. L'article 20 de la loi de la convention
collective chapitre 143, quand on parle des pouvoirs corporatifs, des exercices
des recours des salariés, on dit: « Du seul fait de sa formation,
il peut de droit, lui ou son association c'est clair exercer le
recours qui nait du décret en faveur des
salariés qui n'ont pas fait signifier de poursuite. » Cela,
ce sont les articles corollaires qui font que la loi de la convention
collective s'appliquent de 17 à 37 dans l'opération de ces
griefs.
M. LEFEBVRE: Le ministre voudrait-il nous donner la
référence exacte?
M. BELLEMARE: Article 20.
M. LEFEBVRE: Vous référez à l'article 20 de la Loi
des décrets de la convention collective.
M. BELLEMARE: La Loi des décrets, chapitre 143.
M. LEFEBVRE: Chapitre 143, oui c'est cela.
M. BELLEMARE: Chapitre 143, Loi des décrets des conventions
collectives.
M. MALTAIS (Saguenay): Article 143, non pas 140.
M. BELLEMARE: Article 143. Ai-je dis article 140? C'est là
l'exercice naturel en vertu de la Loi de la convention collective et des
décrets, du pouvoir que peut exercer les salariées quand il y a
recours. A la lumière de l'application de notre nouvelle loi de la
construction, nous nous apercevons que ces articles, particulièrement
l'article 20, n'est pas et ne rencontre pas véritablement le sens que
donne actuellement l'amendement. C'est cet article-là que nous
amenderons.
M. MALTAIS (Saguenay): C'est pour le comité paritaire cela?
M. BELLEMARE: Oui, c'est là.
M. MALTAIS (Saguenay): Mais la partie qui se sent
lésée...
M. BELLEMARE: La partie qui se sent lésée a le
recours.
M. LEFEBVRE: Pas le syndicat.
M. MALTAIS (Saguenay): Pas le syndicat.
M. BELLEMARE: Le syndicat peut le faire au nom du salarié.
M. LEFEBVRE: Le syndicat ou le comité paritaire?
M. BELLEMARE: Le syndicat le fait au nom de son salarié.
M. CHOQUETTE: Oui mais l'article 20 que vous avez cité est un
article qui s'applique au pouvoir du comité paritaire et on est
tellement d'accord avec vous que le comité paritaire peut exercer la
poursuite qui appartient à un salarié...
M. BELLEMARE: Bon, c'est cela que...
M. CHOQUETTE: ... ou à un groupe de salariées devant les
tribunaux...
M. BELLEMARE: Est-ce que le député...
M. CHOQUETTE: Si le ministre me permet...
M. BELLEMARE: Vous me permettez dans mon discours.
M. CHOQUETTE: Seulement une petite interruption.
M. BELLEMARE: Vous allez encore me mêler.
M. CHOQUETTE: Non, non, non!
M. BELLEMARE: C'est difficile, cette loi-là, vous savez.
M. MALTAIS (Saguenay): Vous vous en êtes bien tiré...
M. CHOQUETTE: Vous citez un article mal à propos parce qu'il
s'applique aux pouvoirs du comité paritaire...
M. MALTAIS (Saguenay): ... aux pouvoirs du comité paritaire.
M. LEFEBVRE: Bon, demandez à vos conseillers.
M. BELLEMARE: Bien écoutez, c'est l'article qui donne le pouvoir
et l'avantage en faveur des salariées à n'importe quel
salarié ou à son union de faire l'exercice de recours.
M. CHOQUETTE: Bien, à son union. On aimerait le voir.
M. BELLEMARE: Bien oui mais c'est là qu'est le recours. Je dis
que maintenant que l'article du bill 63 est amélioré
véritablement dans la construction.
Si, à l'application de notre loi, il se produit à un
moment donné des cas exceptionnels, nous y verrons, parce que nous
allons ramener la loi
de la convention collective. C'est pourquoi, je pense, je ne peux pas
concourir...
M. CHOQUETTE: Simplement pour essayer de réfuter le ministre,
c'est que le ministre nous cite l'article 20 de la loi de la convention
collective. Or, la loi des décrets de la convention collective, ce qui
est son vrai titre, s'applique aux pouvoirs d'un comité paritaire.
L'article 20, en particulier, confère au comité paritaire des
droits pour exercer des recours pour des salariés qui ont
été lésés par des employeurs, et là
où il y a eu Infraction aux décrets.
Or, c'est exactement ce que dit le premier alinéa de l'article
28. Et nous, nous disons que ce n'est pas suffisant, parce qu'avec la nouvelle
formule des relations de travail qui est amorcée dans le domaine de la
construction par le bill 290, tout est, en quelque sorte, centré sur le
comité paritaire, puisque la convention collective devient partout le
décret.
Alors, nous disons qu'il ne reste plus de place, d'après votre
conception, pour un syndicalisme un peu plus humain, un peu plus près
des employés, un peu moins bureaucratique. Nous disons que, si le
comité paritaire refuse de prendre ses responsabilités, s'il juge
qu'une cause est mauvaise, par exemple, et qu'elle ne vaut pas la peine
d'être exercée, mais que, par contre, une association, une partie
contractante juge que ça vaut la peine de faire valoir ce droit, il
faudrait donner l'ouverture à ce recours.
M. BELLEMARE: J'invite l'honorable député à lire
l'article 50 du bill: « Toute association de salariés peut exercer
à l'égard...
M. LEFEBVRE: Dites à relire; vous nous donnez des complexes.
M. MALTAIS (Saguenay): On veut étudier quand même.
M. LEFEBVRE: C'est parce que vous avez dit « à lire
». Dites à relire.
M. BELLEMARE: « Toute association de salariés peut exercer
à l'égard des sujets mentionnés au deuxième
alinéa de l'article 28 ou à l'article 30 les recours que le
décret ou la convention collective accorde à chacun des
salariés qu'elle représente. »
M. LEFEBVRE: Nous, nous parlons des choses qui sont visées dans
le premier alinéa.
M. BELLEMARE: Voyons donc, çanepeutse concevoir qu'on ait une
police pour appliquer le décret et une autre police pour surveiller la
police qui n'administre pas le décret. Ce que vous voudriez avoir, c'est
une police pour surveiller la police qui surveille le comité paritaire.
On ne peut pas faire ça, ce n'est pas la même juridiction.
M. CHOQUETTE: Le ministre nous querelle bien à tort, parce qu'en
réalité, ce n'est pas un système policier que nous voulons
amorcer. Mais si le comité paritaire refuse de prendre ses
responsabilités et entreprendre les poursuites qui peuvent appartenir
à un salarié ou à un groupe de salariés en vertu du
premier alinéa, nous, nous disons que l'association devrait avoir le
droit de faire valoir son droit, indépendamment du comité
paritaire.
La formule d'arbitrage que nous vous proposons, nous l'avons
copiée dans votre projet de loi, puisque vous prévoyez
l'arbitrage. Si vous entrevoyez une meilleure formule, dites que l'association
pourra exercer le recours devant les tribunaux, nous n'aurions pas tellement
d'objection à cela.
Si le comité paritaire ne faisait pas son devoir, au cas
où il pourrait y avoir collusion, au cas où on se tromperait,
où on donnerait une opinion erronée sur la possibilité
d'une réclamation, c'est simplement dans le but de faire valoir
ça. Ce n'est pour policer personne.
M. MALTAIS (Saguenay): M. le Président, cela regarde
strictement...
M. BELLEMARE: Je ne concours pas à cette suggestion parce que je
ne pense pas qu'il soit nécessaire d'avoir la police dans la police.
M. LEFEBVRE: M. le Président, j'aimerais donner au ministre une
dernière explication aussi imagée, aussi concrète que
possible. Je fais appel à son expérience pour dire si oui ou non
ç'a du bon sens. Le ministre dit, et je crois à sa bonne foi
lorsqu'il dit ça, qu'il veut empêcher que les conflits dans la
construction se règlent avec des bâtons, des chaines et des choses
du genre. Vous savez, vous avez déjà vu ça. Vous savez que
parfois, les conflits dans cette industrie sont assez durs. Il y a des raisons
pour ça. En particulier, c'est dû à
l'insécurité dont on a parlé tout à l'heure. S'il
n'était pas si tard, f aurais des choses à dire, mais je ne les
dirai pas.
M. le Président, ce que nous pensons, pour être bien
concrets, c'est que dans la région du Saguenay, par exemple, celle de
mon collègue ici, qui siège à ma gauche...
M. MALTAIS (Saguenay): La Côte Nord
M. LEFEBVRE: La région de la Cote Nord, supposons que la CSN est
dominante sur la Cote Nord. Supposons que dans la région de Sorel, ce
que j'ignore, remarquez, la FTQ serait l'union dominante. Vous n'êtes pas
venu au monde hier, M. le ministre. Vous connaissez ça, la concurrence
entre deux parties qui veulent chacune gagner la confiance des travailleurs.
C'est humain. On ne peut pas en faire le reproche ni à la CSN ni
à la FTQ. Cependant, je pense que le législateur ne doit pas
être trop naïf et qu'il doit agir comme quelqu'un qui a
déjà vu passer l'autobus, comme on dit couramment. Ce qu'on peut
imaginer, c'est que dans la région de la Côte Nord, il puisse y
avoir entre certains agents d'affaires de la CSN qui siègent au
comité paritaire et qui représentent la CSN et certains
représentants d'employeurs, à un moment donné une entente
pour dire: Ecoutez, pour les plaintes qui viennent des gars de la FTQ, ne nous
dépêchons donc pas. L'inverse va se produire dans une autre
région. Quelle sera la conséquence de ça? C'est la
question que le ministre devrait se poser. Quelle sera la conséquence?
La conséquence, c'est que l'un des syndicats se vantera de donner un
meilleur service à ses membres. Ce meilleur service aura
été acquis, par hypothèse... Je ne prête à
personne cette intention, je veux bien être clair, ce n'est pas une chose
qui nous apparaît du tout invraisemblable, la nature humaine étant
ce qu'elle est.
Alors quelle sera la conséquence? C'est qu'un syndicat semblerait
donner un moins bon rendement parce que les gens diront: Tu vois, tu n'as pas
été défendu, ça n'a pas marché, ta plainte,
etc. Alors, nous voulons être sûrs que la police du décret
qui est prévue, c'est-à-dire le comité paritaire, fait
bien son travail, simplement ça. Au cas où il ne le ferait pas
bien pour des raisons que l'on vient d'exposer et qui nous apparaissent des
raisons vraisemblables, sérieuses, nous disons: Est-ce qu'il ne faudrait
pas laisser à chacune des associations représentatives le pouvoir
d'agir?
Il est bien évident que si le marché paritaire fait son
travail, les autres associations ne seront pas dans la nécessité
d'agir, et qu'elles n'agiront pas pour le plaisir de la chose. Nous
pensons...
M. BOUSQUET: Adopté.
M. MALTAIS (Saguenay): Une minute, ça ne s'adopte pas si
vite.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je ne sais pas quel effort le
député de Saint-Hyacinthe a fait, lui, pour étudier ce
bill-là?
M. MALTAIS (Saguenay): Nous avons des problèmes à
Baie-Comeau et nous allons en discuter un peu.
M. LEFEBVRE: Je veux bien adopter le bill, mais J'aimerais, il ne s'est
pas donné la peine d'étudier, lui, j'aimerais qu'il se taise, M.
le Président. C'est un peu insultant...
M. BOUSQUET: J'ai pris la peine de l'étudier, seulement, je ne
ferai pas traîner ça inutilement en longueur,,
M. MALTAIS (Saguenay): Nous avons eu des problèmes, nous avons le
droit d'en discuter un peu.
M. LEFEBVRE: Je regrette beaucoup, M. le Président, mais je
trouve que nous avons des discussions sérieuses ici. Je comprends que
c'est difficile pour le député de Saint-Hyacinthe de participer
à des discussions sérieuses...
M. BOUSQUET: C'est très sérieux.
M» LEFEBVRE: ... mais je lui serais reconnaissant de bien vouloir
nous laisser travailler.
Alors, quant à nous, nous croyons que le gouvernement aurait
intérêt à considérer la possibilité de cet
amendement, peu importe la phraséologie. Nous pensons qu'il y a un trou
dans le bill. C'est le danger que nous avons mentionné et qui nous
paraît être un danger réel. Si le ministre ne veut pas en
tenir compte, très bien, on verra dans l'avenir si nous avions raison ou
non. Nous craignons d'avoir raison, M. le Président.
M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais être le plus
aimable possible, parce que c'est un problème extrêmement
technique que nous discutons là. Je demanderais aux honorables
députés de nous donner cinq minutes s'il vous plaît, parce
que c'est difficile, c'est un bill qui est bien technique, et je pense que nous
avons besoin de discuter ça dans un climat très serein. Je pense
qu'il y a là des implications considérables pour la
réalisation la plus parfaite possible d'une loi. Je dis donc à
l'honorable député, avec l'expérience que j'ai acquise,
surtout depuis que je suis dans ces choses difficiles des décrets, des
ordonnances, c'est tous les jours que l'on entend parler de ces
problèmes. Dans tel décret...
On nous dit: Dans telle juridiction, tel décret devrait
plutôt se prolonger de telle manière pour qu'on ait l'appui de la
majorité des personnes ou bien il y a des griefs qui peuvent susciter
beaucoup d'animosité, si vous adoptez telle formule plutôt que
telle autre. Nous avons vécu, depuis au-delà de deux ans, des
expériences journalières. Nous avons eu à appliquer ces
articles d'une manière particulière. Nous avons averti, en tout
temps, les parties contractantes que la loi des décrets de la convention
collective prévoyait des peines pour ceux qui ne remplissaient pas leurs
obligations, morales ou physiques, de faire respecter la loi de la convention.
Cela a eu un bon effet, en bien des circonstances. Certaines personnes qui,
autrement auraient été lésées dans leurs droits,
comma l'a dit l'honorable député d'Ahuntsic ont fait marche
arrière.
Je ne voudrais pas, non plus, que, dans l'application de cette nouvelle
loi de la construction, on aille développer une rivalité qu'on
est à éteindre entre les parties. Si c'est
interprété de bonne foi, surtout au sein même de ces
comités paritaires où nous reconnaissons les blocs, je pense
qu'il s'établira maintenant une plus grande coopération entre les
parties et qu'on pourra vivre dans un climat meilleur, sans développer
cette rivalité qui était extrêmement dangereuse autrefois
parce que les parties contractantes n'étaient pas toujours celles qu'on
aurait souhaité voir à la table. A l'application du
décret, certaines personnes qui se sentaient lésées parce
qu'elles appartenaient, elles, à un autre groupe, ont, en vertu de la
loi des décrets, fait leurs justes représentations.
Je pense que le danger que signalent les honorables
députés n'est pas à craindre. J'ai assez
d'expérience pour vous dire que, dans les circonstances, si cela devait
se produire sans souhaiter du malheur à qui que ce soit
nous seront assez généreux pour comprendre que nous nous sommes
peut-être trompés et nous améliorerons notre loi. Mais,
jusqu'à la prochaine session, laissez-nous donc appliquer cette loi qui
me semble poursuivre de bons desseins et nous continuerons, dans une belle
paix...
M. LEFEBVRE: L'avenir]
M. BELLEMARE: ... à améliorer notre
législation.
M. LEFEBVRE: Très bien.
M. LESAGE: Je voulais avertir mes collègues que c'est un gros
risque qu'ils prennent.
M. MALTAIS (Saguenay): Est-ce présumer beaucoup de la loi que de
penser que cela ira bien de bonne foi?
M. BELLEMARE: M. le Président, j'ai devant moi des associations
qui se sont reconnues d'une manière assez honnête, ce qui ne
s'était jamais fait avant. L'honorable député de Saguenay
sait ce que je veux dire. C'était extrêmement difficile de les
amener à ce point-là.
M. LEFEBVRE: Oui, d'accord.
M. BELLEMARE: C'est un point capital dans la marche que nous allons
maintenant entreprendre ensemble pour assurer dans le domaine de la
construction plus de paix, plus de bonheur, plus de prospérité
à nos travailleurs. C'est en travaillant ensemble, ce n'est pas à
nous je pense à douter de la puissance qu'ont les centrales syndicales
et les mouvements ouvriers et les mouvements des employeurs quand ensemble ils
se donnent la main pour une fois pour mettre en application de bons
décrets, les négocier, les extensionner.
M. MALTAIS (Saguenay): Se donner la main, ce n'est pas grave, l'on veut
prévoir le cas quand ils se donnent le pied.
M. BELLEMARE: Bien, j'y serai.
M. MALTAIS (Saguenay): Ahl vous y serez? J'ai beaucoup de respect, M. le
Président, pour le ministre du Travail, mais je dois lui dire que
pendant quatre mois, et il le sait...
M. BELLEMARE: Oui. Je le sais, je le sais d'ailleurs.
M. MALTAIS (Saguenay): ... Baie Comeau a été le foyer d'un
fouillis indescriptible et je lui dis que cet article-là,
évidemment l'amendement on fait simplement le suggérer, si vous
dites non c'est non. C'est bien clair que c'est non là. Mais, je
souligne encore une fois au ministre que les scènes que l'on a vues
à Baie-Comeau vont se répéter au cas où, justement,
une plainte ne serait pas prise en considération par le comité
qui est formé...
Remarquez que J'ai voté pour l'article 5 ici au comité que
si cet amendement-là n'est pas adopté, il est bien clair que la
chicane reprend, moi j'en ferai part à cette Chambre certainement au
ministre en tout cas lorsque le cas arrivera.
M. BELLEMARE: Je serai toujours vigilant...
M. MALTAIS (Saguenay): Nous avons Québec North Shore à
l'heure actuelle qui va commencer, remarquez, que je vais vous appeler dans pas
grand temps...
M. BELLEMARE: Mais Je dirai que le député va
peut-être être surpris de la bonne foi des parties.
M. MALTAIS (Saguenay): Je veux être surpris si ça
amène l'accord. Mais si la guerre éclate je voudrais que
vous-même...
M. BELLEMARE: Faisons leur donc confiance. Ce n'est pas la demande du
ministre du Travail que j'apporte actuellement, c'est la demande des centrales
et des petits patronats qui, pour une fois, se donnent la main pour demander la
loi, mais ils la veulent plus que jamais pour établir la paix dans la
confusion. Essayons-là loyalement et si celane fonctionne pas, on est
encore là pour vingt ans, on y verra!
M. LESAGE: Une chance que « on » exclut la personne qui
parle!
M. BELLEMARE: Je suis certain que je ne serai pas vingt ans là,
j'aurai trop vieilli. Il y a des journées que vous me faites
vieillir!
Il y a un amendement qu'on devrait apporter à l'article 56. On
dit; « Sous réserve de l'article 52 ». C'est une erreur
d'interprétation, l'article 52 ne doit pas aller là parce que
cela n'a pas de condordance avec l'association représentative qui fait
défaut de négocier conformément à l'article 9.
Alors, ici,...
M. LEFEBVRE; M. le Président, on me fait remarquer que lorsque
c'est le ministre qui le propose, il dit: Cela, il faudrait que ce soit
adopté. Et, lorsque nous en proposons, il dit: Cela ne devrait pas
être adopté. C'est curieux!
M. BELLEMARE: C'est de la concordance. M. LEFEBVRE: Deux poids, deux
mesures.
M. LESAGE: C'est de la concurrence déloyale.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas ma faute, il y a eu des erreurs
d'impression.
UNE VOIX: C'est du droit comparé.
M. BELLEMARE: Si vous ne voulez pas l'enlever, je vous dis que la loi va
être drôlement faite!
M. CHOQUETTE: Cela ne concorde pas ensemble beaucoup.
M. BELLEMARE: A l'article 67, il faudrait absolument enlever: «
Les comités paritaires constitués en vertu de la loi des
décrets de convention collective continuent d'exister. » Parce
qu'autrement, si on dit « jusqu'à la date d'expiration du contrat
de ce décret », ça contredit l'article 32 qui se
réfère à 23 de la Loi des décrets de la convention
collective qu'on retrouve ici après « qu'un décret cesse
d'être en vigueur, le comité continue d'exister et conserve ses
pouvoirs pour l'accomplissement des objets pour lesquels il a été
formé. » On enlève la dernière phrase Jusqu'à
« la date de l'expiration de ce décret. » On enlève
ça. On met un point après « d'exister ». C'est
d'accord?
M. LEFEBVRE: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Alors, j'ai compris que l'article 32 était
adopté.
M. BELLEMARE: L'article 32, oui.
M. LE PRESIDENT: Et l'article 33 jusqu'à...
M. BELLEMARE: Jusqu'à l'article 50 et il y a un amendement
à l'article 56. Il faut enlever à la première ligne, le
chiffre 52.
M. LE PRESIDENT: Il faut enlever le chiffre 52.
M. BELLEMARE: C'est ça. En anglais aussi.
Ensuite, un amendement est apporté à l'article 67: «
Les comités paritaires constitués en vertu de la Loi des
décrets de convention collective continuent d'exister. » Cela
réfère à l'article 30 de la loi et ça se
réfère à la Loi des décrets de convention
collective, l'article 23.
L'article 70, ça va. Quelqu'un me dit que j'aurais pu
présenter mes collaborateurs: M. Quimper, M. Sauvé. M.
Mireault.
M. LEFEBVRE: Nous applaudissons quand vous partez, c'est une chose que
nous aurions pu faire quand vous êtes entrés.
M. BELLEMARE: Cela ne fait rien, ils vous connaissent bien. Merci.
M. FRECHETTE (Président du comité plénier): M. le
Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a
adopté le bill 290 avec des amendements qu'il vous prie
d'agréer.
M. LEBEL (Président): Le bill amendé sera-t-il
agréé? Agréé.
M. BELLEMARE: Est-ce qu'on peut proposer la troisième
lecture?
Troisième lecture
M. LE PRESIDENT: De consentement unanime, l'honorable ministre du
Travail propose que le bill 290 soit lu une troisième fois. Cette motion
sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. BELLEMARE: J'ai l'honneur d'ajourner la Chambre à demain matin
à dix heures et trente et nous étudierons le bill 56.
M. LESAGE: Si je comprends bien, le ministre désire avoir le
consentement unanime pour faire biffer du feuilleton la motion qui
apparaît en appendice au sujet de ce bill.
M. BELLEMARE: Je l'aurais sollicité après pour me garder
toujours une porte de sortie.
M. LESAGE: Le ministre en a eu pas mal de portes.
M. BELLEMARE : Non, mais je ne veux pas tenter l'Opposition et qu'on
recommence un autre débat, mais je dis que je suis parfaitement
d'accord. Je la remercie de son unanimité, pour retirer la motion au
feuilleton et pour que, dès demain matin, nous procédions
à la deuxième lecture...
M. LESAGE: Est-ce que le ministre veut commencer par le bill 56 ou par
le projet de loi concernant l'aéroport? Ce sera rapide.
M. BELLEMARE: Je n'ai aucune objection, mais je pense qu'on pourrait
peut-être passer celui de l'honorable député, mais...
M. LESAGE: Il semble que cela ferait plaisir au ministre des Affaires
municipales. Cela va être beaucoup plus court, avec l'étude du
bill au nom du ministre des Affaires municipales, et beaucoup plus rapide.
M. BELLEMARE: J'attends demain une délégation des chambres
de commerce qui viennent justement pour cela. J'aurais bien aimé qu'elle
assiste à notre...
M. LESAGE: Est-ce que les chambres de commerce viennent reprocher au
ministre du Travail de s'être avancé la tête un peu fort ou
un peu tôt?
M. BELLEMARE: Je n'ai pas dit cela. Non! Si mon voeu se réalise,
ma lettre est encore là, je peux la citer, je n'ai pas honte. La lettre
est écrite et je l'ai écrite...
M. LESAGE: Oui? Est-ce que le ministre a réalisé qu'il a
provoqué la préparation et la publication d'un éditorial
dans le quotidien Le Soleil, ce soir, un editorial qui peut donner des
espoirs?
M. BELLEMARE: Est-ce que le chef de l'Opposition est contre
Drummondville?
M. LESAGE: Non, pas du tout.
M. BELLEMARE: Etes-vous contre ou pour?
M. LESAGE: Je suis indifférent aux quatre points cardinaux. Je
suis pour le Québec.
M. BELLEMARE : Vous avez essayé de rapprocher le nord et le
sud.
M. LESAGE: Je suis favorable au Québec. Cela, c'est le ministre
qui l'essaie dans son parti.
M. BELLEMARE: Vous êtes pour Drummondville?
M. LESAGE: Je suis pour le Québec, ce qui sera le plus avantageux
pour le Québec. Vous tenterez de me le démontrer, que c'est ce
qui est le plus avantageux. Pardon?
M. BELLEMARE: Vous n'êtes pas contre Drummondville, c'est
sûr?
M. LESAGE : Je ne suis jamais contre rien, sauf contre les mauvaises
lois du gouvernement.
M. BELLEMARE: Alors, les journalistes ont remarqué que vous
étiez pour Drummondville.
M. LESAGE: Contre les mauvaises lois du gouvernement.
M. BELLEMARE: Dix heures trente, M. le Président, demain
matin.
M. LESAGE: Alors nous commençons avec quoi, après tout
ça?
M. BELLEMARE: Avec le bill 56, si vous n'avez pas d'objection.
M. LESAGE: Et ensuite?
M. BELLEMARE: L'autre, Montréal, le budget supplémentaire,
si on a le temps.
M. LESAGE: Pour la fin?
M. BELLEMARE: Pour la fin.
M. LESAGE: II y a un petit bill?
M. BELLEMARE: Oui, j'ai un petit bill que...
M. LESAGE: Est-ce qu'il sera imprimé demain matin?
M. BELLEMARE; Oui, il va être imprimé demain matin.
M. LESAGE: J'ai fait un caucus rapide, et il n'y a pas d'objection.
M. BELLEMARE: Seulement au dernier bill?
M. LESAGE: J'ai réussi à vendre Sainte-Foy.
M. BELLEMARE: Alors, je suis bien content de voir que tout le monde va
être de bonne humeur et va passer une très bonne nuit.
Merci...
M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain matin, dix heures
trente.
(22 h 34)