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(Onze heures neuf minutes)
M. LEBEL (président): Qu'on ouvrelespor-tes. A l'ordre,
messieursl
Présentation de pétitions. Lecture et réception de
pétitions. Présentation de rapports de comités
élus.
Comité spécial du bill 290
M. CROISETIERE: M. le Président, votre comité a l'honneur
de soumettre à votre honorable Chambre son premier rapport. Votre
comité a décidé de rapporter avec des amendements le bill
suivant: bill 290, Loi des relations du travail dans l'industrie de la
construction.
Respectueusement soumis.
M. LE PRESIDENT: Présentation de motions non
annoncées.
M. BELLEMARE: M. le Président, si vous me le permettez, au sujet
du rapport qui vient d'être fait à la Chambre, nous nous excusons
de ne pas avoir été capables de nous rendreàî la
demande de tous ceux qui auraient voulu avoir des bills
réimprimés ce matin.
Nous avons fait faire, durant la nuit, des copies au Xerox. M.
Senécal, le greffier de l'Assemblée, les a en main et, surtout,
il y a la copie authentique signée par lui. Je demanderais, si nous
devons l'étudier aujourd'hui je me suis entendu avec l'honorable
député d'Ahuntsic qu'on nous permette de nous servir de
ces copies que nous avons présentement en main et qui sont devenues
officielles parce que le greffier de l'Assemblée législative les
a signées.
M. LEFEBVRE: M. le Président, puisque le ministre
réfère à une entente qu'il aurait faite avec le
député d'Ahuntsic, je tiens à préciser la nature de
cette entente. Ce dont j'ai convenu avec le ministre, c'est que, tout d'abord,
pour ma part, je voulais dire quelques mots en deuxième lecture. Je n'ai
pas consulté mes collègues; il est possible que quelques-uns
désirent dire quelques mots aussi. Cependant, je ne prévoyais
pas, lui ai-je dit, un long débat en deuxième lecture, à
moins de ...
Maintenant, nous avons convenu, hier, au comité, que et le
gouvernement et l'Opposition recevraient, dans le plus court délai
possible, les commentaires des parties intéressées que nous avons
entendues au comité, lorsque nous avons siégé toute la
journée hier.
Evidemment, selon les commentaires, les remarques ou les critiques qui
peuvent provenir de ces groupes, l'entente qui a été faite
et on pourra s'en rendre compte en se référant simplement au
journal des Débats c'est que et le gouvernement et l'Opposition
considéreraient leur position définitive sur tel ou tel article
du bill, selon la valeur des représentations qui seraient faites. Quant
à moi, M. le Président, il y a un dernier point que je veux
préciser. Si le ministre a eu l'impression... Je ne l'accuse pas du tout
d'avoir cherché à fausser ce qu'il m'a dit ou ce que je lui ai
dit, mais je tiens à préciser que, quant à moi, je ne vols
pas très bien comment on pourrait étudier le bill en
comité avant d'avoir des copies convenables pour tous les membres qui
désirent participer à la discussion. Ce n'est pas une question
d'obstruction, mais je pense qu'il faut, au moins que les membres du
comité aient des copies en main.
M. BELLEMARE: D'ici quelques minutes, nous aurons une vingtaine de
copies pour ceux qui en voudront. Ce que vient de dire l'honorable
député d'Ahuntsic est exact. Nous avons convenu hier que les
parties en cause qui ont étudié le bill avec nous ont eu, ce
matin, à deux heures, je les leur ai fait parvenir, ces textes que nous
avons remis à toutes les parties. Si elles ont des remarques à
faire quant à la concordance ou autre chose qui pourrait attirer notre
attention, elles doivent nous les faire parvenir par écrit selon la
suggestion du député d'Ahuntsic. Lors de l'étude en
comité plênier, après que la deuxième lecture sera
reçue, nous pourrons les étudier et vérifier, s'il y a
lieu.
M. LEFEBVRE: D'accord. M. LE PRESIDENT:
Présentation de motions non annoncées. Présentation
de bills privés. Présentation de bills publics. Affaires du
jour.
Questions et réponses
Régionale de Lignery
M. LESAGE: M. le Président, le ministre d'Etat à
l'Education est-il en mesure de répondre à la question que je lui
ai posée jeudi, au sujet de la commission scolaire régionale de
Lignery?
M. MORIN: M. le Président, je ne suis pas encore en mesure de
répondre à cette question, n'ayant pas été capable,
ce matin, de rejoindre
la personne à laquelle j'avais demandé de me fournir tous
les renseignements nécessaires.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.
Budget supplémentaire
M. DOZOIS: M. le Président, un message de l'honorable
lieutenant-gouverneur, signé de sa main.
M. LE PRESIDENT; Message de son Honneur le lieutenant-gouverneur de la
province. «L'honorable lieutenant-gouverneur de la province de
Québec transmet à l'Assemblée législative le budget
supplémentaire de dépenses no 2, pour l'année
financière se terminant le 31 mars 1969, conformément aux
dispositions de l'article 54 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique
1867, et recommande ce budget à la considération de la Chambre.
« Hugues Lapointe, « Hôtel du gouvernement Québec.
»
M. DOZOIS: M. le Président, je propose que le message de son
Honneur le lieutenant-gouverneur ainsi que le budget supplémentaire no 2
qui l'accompagne, soit référé au comité des
subsides.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. BELLEMARE: M. le Président, article 1. M. LE PRESIDENT:
L'honorable...
M. BELLEMARE: Si vous me le permettez, M. le Président... Nous
avons causé, avant l'ouverture de la séance, ce matin, avec
l'honorable chef de l'Opposition, quant à la motion des
députés à l'article 10.
Si la Chambre voulait accepter le rapport du comité de
l'éducation, tel qu'il est là, je pourrais demander, faire motion
pour la radiation des deux bills 56 et 61 et ensuite de l'ordre du jour et
après ça faire une motion de première lecture
immédiatement quant à la réintroduction du bill 56, et on
serait prêt à donner les explications puis à déposer
entre les mains des députés les bills que nous avons.
M. LESAGE: D'accord.
M. BELLEMARE: D'accord.
M. LESAGE: Pas les bills, le bill.
Bills 56 et 61 radiés
M. LE PRESIDENT: Est-ce que la motion pour la révocation et la
radiation des deux bills qui apparaissent à l'article 10 sera
adoptée?
M. BELLEMARE: Première lecture révoquée.
M. LE PRESIDENT: Parler de révocation implique qu'il y a
révocation des deux bills qui sont devant la Chambre et qui ne seront
plus devant la Chambre.
Bill 56
M. LE PRESIDENT: De consentement unanime, l'honorable ministre du
Travail propose la première lecture du bill 56, cette motion sera-t-elle
adoptée?
M. LESAGE: Est-ce que ce n'est pas le ministre de l'Education?
M. LE PRESIDENT: Excusez-moi, l'honorable ministre de l'Education.
M. MORIN: M. le Président, je voudrais ce matin donner quelques
notes explicatives concernant le nouveau bill, le bill 56, Loi de
l'enseignement privé. En juin dernier, le gouvernement présentait
en première lecture une loi de l'enseignement privé, de formation
générale, et de l'enseignement privé pour l'enfance
inadaptée ainsi qu'une loi de l'enseignement privé
professionnelle par correspondance ou de culture personnelle.
Référées au comité de l'éducation,
ces deux lois furent l'objet d'une étude particulièrement
attentive tant de la part des membres du comité que de nombreux
organismes intéressés à l'enseignement privé. A
l'occasion de leur comparution devant le comité et dans leur
mémoire respectif, ces organismes firent un certain nombre
d'observations et de recommandations fort pertinentes dont plusieurs parmi les
plus importantes semblaient rallier la quasi-unanimité des organismes
concernés et des membres du comité de l'éducation.
Aussi conscient du rôle de ce comité, et de la valeur de la
consultation des intéressés le gouvernement présente
aujourd'hui sous le titre Loi de l'enseignement privé, un nouveau projet
qui résulte de la fusion des deux projets antérieurs, ce qui
avait été fortement recommandé. Ce projet retient en outre
les principales recommanda-
tions faites devant le comité de l'éducation et qui ont
été jugées opportunes et compatibles avec les objectifs de
cette loi et les exigences du bien commun.
Je signale en particulier les dispositions suivantes:
premièrement l'extension aux écoles de formation professionnelle
de la déclaration d'intérêt public qui était
réservée aux écoles de formation générale et
aux écoles pour l'enfance inadaptée.
Deuxièmement, l'extension aux écoles maternelles,
élémentaires et professionnelles de la reconnaissance pour fin de
subventions, qui était réservée aux écoles
secondaires et aux écoles déclarées d'intérêt
public.
Troisièmement, le remplacement, dans le cas des écoles
déclarées d'intérêt public, de la subvention
basée sur le traitement du personnel par une subvention per capita
représentant 80% du coût moyen par élève des
écoles publiques du mêms niveau.
Enfin, quatrièmement, le remplacement, dans le cas des
écoles reconnues pour fin de subventions, du per capita fixe
prévu par un per capita représentant 60% du coût moyen par
élève des écoles publiques de même niveau. Nous
avons la conviction que toutes ces modifications et d'autres de moindre
importance ont amélioré sensiblement le projet initial et que
cette loi de l'enseignement privé telle qu'elle est
présentée permettra vraiment l'exercice du droit à la
liberté de l'enseignement en même temps qu'une
réglementation juste et efficace de l'exercice de ce droit.
La liberté de l'enseignement n'a jamais été
contestée au Québec, et les institutions privées...
M. GERIN-LAJOIE: C'est du plaidoyer ça, ce n'est pas une
explication du bill.
M. BELLEMARE: L'honorable député de Vaudreuil-Soulanges ne
devrait pas se plaindre. Nous avons entendu...
M. COURCY: Il y a un président, là.
M. BELLEMARE: Un point d'ordre est soulevé. Ce n'est pas vous qui
êtes le maître de cérémonie ce matin.
M. COURCY: Il y a un président.
M. BELLEMARE: Vous avez cassé votre pipe ailleurs.
M. LEFEBVRE: La vôtre a été endommagée.
M. BELLEMARE: Cours-ci, cours-là. M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A
l'ordre!
M. COURCY: Laissez faire Bagot, vous en entendrez parler un jour.
M. HOUDE: Nous ne vendons pas de bulldozers, nous!
M. LE PRESIDENT: Je comprends que l'honorable ministre du Travail
prenait la parole sur un point d'ordre.
M. BELLEMARE: L'honorable député de Vaudreuil-Soulanges
devrait comprendre la situation. C'est un bill qui est fort important et sur
lequel l'honorable député donne des précisions. Puisqu'il
a été refait, il faut que la Chambre en soit avisée.
Lorsque nous avons eu l'occasion d'entendre l'honorable député de
Vaudreuil-Soulanges en cette Chambre, alors qu'il était ministre de
l'Education, sur les prémisses qu'il nous avait données sur le
bill 60, je me souviens que cela avait duré quelques minutes...
M. GABIAS: Cinq heures.
M. GER1N-LAJOIE: En deuxième lecture, pas en première.
M. BELLEMARE: Ah non!
M. COURCY: M. le Président, rappelez les ministres à
l'ordre.
M. LESAGE: L'explication qu'un ministre peut donner lors de la
première lecture d'un bill doit être dénuée de
quelque argumentation que ce soit. Or, le ministre d'Etat à l'Education,
au lieu de donner l'objet du bill et de s'en tenir à l'objet du bill,
fait un plaidoyer en faveur du projet de loi. C'est le genre d'intervention que
l'on doit faire, en vertu de notre règlement, en deuxième
lecture. Il pourrait fort bien réserver son argumentation pour la
deuxième lecture du bill, d'autant plus que nous sommes disposés
à donner notre consentement à ce que nous procédions,
dès aujourd'hui, à la deuxième lecture du bill.
M. LE PRESIDENT: Je suis convaincu que nous épargnerions un temps
considérable à la Chambre si l'honorable ministre d'Etat à
l'Education voulait accepter la suggestion de garder ses remarques pour la
deuxième lecture.
M. BELLEMARE: Il a terminé, il lui reste trois lignes à
peu près.
M. LESAGE: Comment se fait-il que vous le savez?
M. BELLEMARE: Mon radar.
M. MORIN: Je continue donc à donner certaines notes explicatives
concernant ce bill. En vertu de la loi...
M. LE PRESIDENT: J'ai demandé à l'honorable ministre
d'Etat à l'Education d'être assez bref dans ses remarques sur la
première lecture, parce que, suivant ma très courte
expérience dans cette Chambre, j'ai toujours constaté que les
remarques sur la première lecture étaient fort brèves. Vu
surtout que la deuxième lecture pourrait avoir lieu aujourd'hui
même, je ne vois pas très bien ce que pourrait changer
l'intervention a quelques minutes de différence.
M. MORIN: Je serai donc très bref.
M. BELLEMARE: Il achève. D'ailleurs, il y a consentement
unanime.
M. MORIN: En vertu de cette loi, le ministre peut, après avoir
obtenu l'avis de la commission, déclarer d'Intérêt public
une institution qui, selon les critères déterminés par
règlement, assure des services de qualité et contribue au
développement de l'enseignement au Québec, en raison des
caractéristiques de l'enseignement qu'elle donne, de la
compétence de son personnel et des méthodes pédagogiques
qu'elle utilise. Une institution déclarée d'intérêt
public reçoit, pour chaque année scolaire et pour chaque
élève qui est inscrit à temps plein le 30 septembre de
cette année scolaire, une subvention égale 3. 80% du coût
moyen par élève, tel que calculé pour l'année
scolaire précédente pour les établissements publics de
même catégorie, selon les normes en vigueur pour l'approbation des
budgets de ces établissements.
Une telle institution, pour être admissible à cette
subvention, ne doit pas exiger de ses élèves des frais de
scolarité et autres frais afférents supérieurs à la
différence à combler pour atteindre le coût moyen
mentionné à cette loi, plus 10% dudit coût moyen.
Evidemment, je pourrais donner beaucoup d'autres explications mais il
semble qu'à ce moment-là, cela ne serait pas conforme aux
règlements de cette Chambre. Je crois en avoir dit suffisamment quand
même, pour rassurer les institutions privées du Québec qui,
depuis quelques années, étaient très inquiètes
quant à leur avenir.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.
M. LAFRANCE: On me permettra sans doute, comme c'est la coutume, de
demander une simple explication au ministre. Est-ce que le coût moyen
mentionné aux articles 14 et 17 inclut le service des investissements et
de la dette?
DES VOE: A l'ordre! A l'ordre!
M. LAFRANCE: C'est toute l'orientation de la discussion.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. MORIN: J'aurais dit tout cela si on m'avait laissé la
parole.
M. LAFRANCE: Si le ministre avait dit seulement cela, on aurait
été satisfait.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAFRANCE: S'il avait seulement expliqué ce point-là;
c'est tout le noeud de la législation.
M. GRENIER: Entendez-vous donc avec votre chef.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAFRANCE: Je ne vois pas pourquoi on manifeste cet
esprit-là.
M. GRENIER: Si vous êtes encore capable de parler à M.
Lesage...
M. COURCY: Ils ont mal dormi, c'est certain.
M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle
adoptée?
M. LESAGE: Oui, adopté.
M. LAFRANCE: M. le Président, je tiens à avoir cette
explication.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
C'est une question qui devra être posée en comité
plénier de la Chambre. Je pense que l'honorable député de
Sherbrooke, mon collègue, vous permettra sûrement cette question
en comité. On a référé à deux articles
précis, on conviendra qu'il s'agit du travail du comité, à
ce moment-là.
La motion de première lecture sera-t-elle adoptée?
M. BELLEMARE: Oui, adopté.
M. LE GREFFIER ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. BELLEMARE: Un.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la même
séance ou à une séance subséquente.
M. BELLEMARE: Un.
Motion de M. Bellemare
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose...
M. LESAGE: M. le Président, sur la référence que
vous venez de faire au sujet de la deuxième lecture du projet de loi,
bill 56, dois-je comprendre que la deuxième lecture sera appelée
sans délai? En effet, nous avons reçu copie de
représentations, d'une représentation au moins, qui a
été faite au ministre de l'Education, par le président de
l'Association des parents catholiques, M. Louis Bouchard, datée
d'aujourd'hui, j'interviens en vertu de l'article 114, deuxièmement.
M. BELLEMARE: M. le Président, à l'ordre!
M. LESAGE: C'est l'article relatif à l'ordre des travaux de la
Chambre: article 114, deuxièmement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: Nous allons nous en tenir au règlement.
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Les remarques actuellement faites en vertu
de l'article 114 peuvent se faire à ce moment-ci. J'espère qu'on
me permettra d'entendre l'honorable chef de l'Opposition, afin de
décider s'il y a irrégularité ou non.
L'honorable chef de l'Opposition.
M. LESAGE: M. le Président, il n'est pas question
d'irrégularité ou de régularité. Il est question de
l'ordre des travaux de la Chambre, qui est prescrit par l'article 114. Alors,
je dis que le ministre de l'Education a reçu des re-
présentations d'au moins une source que je connais, puisqu'on m'a remis
copie de la lettre datée du 14 décembre et adressée au
ministre de l'Education. La lettre est signée par M. Louis Bouchard,
président de l'Association des parents catholiques, et déclare
ceci au ministre de l'Education: « Après avoir pris connaissance
du texte du bill 56 et avoir consulté les représentants des
intéressés, nous vous demandons que ce projet de loi soit
adopté dès la présente session de l'Assemblée
nationale. »
Est-ce que, dans les circonstances, il n'y aurait pas lieu d'obtenir
Passurance du ministre de l'Education, qui est vice-premier ministre, ou du
leader du gouvernement en Chambre, que ce projet de loi sera
étudié en deuxième lecture, en comité et en
troisième lecture, à la présente session?
M. BELLEMARE: En vertu de l'article 126, il est bien entendu...
L'honorable chef de l'Opposition a cité l'article 114, mais il
appartient toujours au gouvernement de décider de l'heure et de
l'opportunité des travaux de la Chambre. Sur ça, je dis que le
bill vient d'être lu en première lecture et suivra le cours normal
de la procédure.
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, sur la question de l'ordre des
travaux de la Chambre, j'ai bien entendu ce que le leader de la Chambre vient
d'expliquer.
C'est précisément parce que c'est la responsabilité
du gouvernement de proposer Por-dre des travaux de la Chambre que le chef de
l'Opposition a demandé au leader de la Chambre quels étaient ses
projets. Nous en sommes vraisemblablement ou probablement à la
dernière journée de la session, et je pense qu'il est dans
l'intérêt public...
M. BELLEMARE: Est-ce une affirmation dont les membres de l'Opposition
sont solidaires, la dernière journée de la session?
M. COURCY: Non.
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, j'ai dit que nous en sommes,
vraisemblablement ou probablement, j'ajoute: mais pas certainement, à la
dernière journée de la session.
M. BELLEMARE: Certainement pas.
M. DOZOIS: Ne vous en faites pas, nous verrons à ça.
M. GERIN-LAJOIE: Alors, M. le Président,
je prends note de l'observation du leader de la Chambre que ce n'est
certainement pas la dernière journée.
M. BELLEMARE: Je dis à l'honorable député qu'il a
parfaitement raison.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: II y a plusieurs autres jours.
M. PINARD: On ne parle pas d'une autre session, on parle de la session
en cours.
M. BELLEMARE: C'est ça. M. LE PRESIDENT: A l'ordrel
M. GERIN-LAJOIE: Alors, M. le Président, c'est la question de
l'ordre des travaux de la Chambre. Je pense qu'il est dans
l'intérêt public que le leader du gouvernement nous dise, à
ce moment-ci, si c'est l'intention du gouvernement d'appeler la deuxième
lecture du bill 56 à la présente session, soit aujourd'hui, soit
une autre journée, étant donné la grande urgence de ce
bill, et non seulement à cause des représentations qu'a
signalées le chef de l'Opposition, mais à cause de
l'intérêt public et du développement de l'éducation
dans cette province. Il y a un grand nombre d'institutions en cause, un grand
nombre de parents, un grand nombre de jeunes. Je pense donc qu'il est
évidemment dans l'intérêt public que le leader nous donne
ces renseignements.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education.
M. CARDINAL: M. le Président, il est exact que j'ai des
représentations d'une association qui demande que le bill 56 soit
adopté au plus tôt. Ce sont des représentations d'une
association, alors que près d'une quarantaine d'associations se sont
présentées devant le comité. Il avait alors
été mentionné, devant ce comité, qu'un nouveau
projet serait rédigé et que le temps de le revoir serait
donné aux gens qui étaient devant ce comité. J'ajouterai
que le bill 56 qui est déposé devant nous, est certainement fort
intéressant pour les institutions privées. Il est plus
qu'intéressant, du simple fait qu'il soit déposé. Il leur
indique quelle est la politique que le gouvernement entend suivre dans ce
domaine. D'autre part, il est à noter que Pannée scolaire est
commencée et que ce bill ne pourrait pas s'appliquer, de toute
façon, avant septembre 1969. D'autre part, et ceci est fort important,
environ une vingtaine d'associations qui étaient présentes au
comité et qui ont déposé des mémoires, ont
demandé qu'en autant qu'il était possible de le faire, avant
l'adoption du bill, les règlements qui le complètent soient
également apportés devant l'assemblée pour être
considérés en même temps que le bill.
M. MALTAIS (Saguenay): Alors, s'il faut comprendre le premier ministre
intérimaire, ça deviendrait, à ce moment-ci, un bill pour
jeter de la poudre aux yeux?
M. CARDINAL: II y en a toujours qui ne comprennent rien.
M. LAFRANCE: M. le Président, ai-je bien compris...
M. LE PRESIDENT: A l'ordrel
M. GABIAS: Quand nous ne déposons pas de bill, ça jase, et
quand un bill est déposé, ça jase.
M. LE PRESIDENT: A Pordre! L'honorable député de
Richmond.
M. LAFRANCE: M. le Président, ai-je bien compris l'intention du
ministre? A-t-il l'intention de le soumettre en deuxième lecture,
à la présente session, ou à un comité de la
Chambre, à la présente session? Je voudrais que cette situation
soit bien claire.
M. CARDINAL: Je vous le laisse deviner, selon votre
perspicacité.
DES VOIX: Ah Seigneur!
M. LAFRANCE: II ne se grandit pas,
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LACROIX: Cela a dû prendre bien des « bulldozers »
pour faire élire ça dans Bagot.
UNE VOIX: II y a un candidat.
M. BELLEMARE: Cela vous fait mal. Vous avez de la misère à
l'avaler.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Je comprends que c'est samedi,
mais notre convention collective ne nous a pas permis un congé. Alors,
je voudrais que l'on revienne aux travaux de la Chambre.
M. PINARD: M. le Président, je pense qu'il est
d'intérêt public d'obtenir du ministre de l'Education les
précisions qui sont demandées, à ce moment-ci, par les
députés de l'Opposition. Je connais de nombreux parents qui,
à l'heure actuelle, ne savent pas du tout...
M. BELLEMARE: A l'ordre! M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: C'est un débat. A l'ordre, à l'ordre, M. le
Président!
DES VOIX: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Ce n'est pas sur la motion.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'intervention, qui a été
faite par l'honorable chef de l'Opposition et par l'honorable
député de Vaudreuil-Soulanges en vertu de l'article 114,
était naturellement bien fondée. Il y a eu une réponse de
la part du ministre et ceci doit clore cette discussion.
M. BIENVENUE: M. le Président, est-ce que j'ai bien saisi lorsque
vous dites qu'il y a eu une réponse de la part du ministre?
M. BELLEMARE: Oui.
M. DOZOIS: Que vous en soyez satisfait, cela est une autre affaire.
M. BELLEMARE: Un, M. le Président. UNE VOIX: Il a dit: Devinez.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. BELLEMARE: Un.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose...
M. LESAGE: M. le Président, le député de Matane a
demandé la parole. Le député de Drummond avait la
parole.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je comprends que l'honorable
député de Matane a demandé la parole, mais j'ai cru, par
la question qu'il m'a posée, qu'il intervenait sur les travaux de la
Chambre.
M. BIENVENUE: C'est ça.
M. LE PRESIDENT: J'avais déjà rendu une décision
sur ce point, à l'effet qu'il y avait eu une réponse de la part
du ministre. Je n'ai pas, ici, à juger des réponses
données d'un côté ou de l'autre de la Chambre, mais je dis
que, lorsqu'une réponse est donnée par un ministre... Tout le
monde le sait, en vertu de nos règlements, le ministre pourrait
même dire simplement: Je ne réponds pas. Et, à ce
moment-là, je ne permettrais pas à un opinant quel qu'il soit de
poser une question. Alors, cette question, quant à moi, est close et
j'espère qu'on se rendra à ma directive.
M. CLICHE: M. le Président, selon mon privilège de
député, je veux discuter de l'ordre des travaux de la Chambre.
Présentement, ce dont je veux vous entretenir, c'est du bill 56.
M. BELLEMARE: M. le Président, je soulève un point
d'ordre.
DES VOIX: A l'ordre!
M. CLICHE: M. le Président, j'allais dire que...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: M. le Président, je soulève un point
d'ordre!
M. DOZOIS: Un ancien président devrait savoir cela!
M. BELLEMARE: M. le Président, l'honorable député
vient de commencer son intervention en posant une question de privilège
en vertu de l'article 192 de notre règlement.
M. CLICHE: Article 114.
M. BELLEMARE: L'article 193.
UNE VOIX: Ce n'est pas une question de privilège.
M. BELLEMARE : Question de privilège, dit-il, et, tout de suite
après, prenant la formule détournée, il dit: Je voudrais
vous demander si Je peux m'adresser à vous pour critiquer votre
décision. Vous avez rendu une décision quant au débat sur
le bill 56.
DES VOIX: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Là, M. le Président, l'honorable
député prend un moyen détourné...
M. MALTAIS (Saguenay): A l'ordre!
M. BELLEMARE: ... pour essayer de revenir sur la décision que
vous avez rendue.
DES VOIX: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: La décision étant rendue, M. le
Président, le débat est clos. Qu'on l'accepte ou qu'on ne
l'accepte pas, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député
d'Abitibi-Est a invoqué son privilège. Je ne sais vraiment pas le
privilège qu'il va soulever, car on ne lui a pas donné
l'opportunité de compléter. Il pourrait arriver que l'honorable
député nous fasse une surprise et que ce ne soit vraiment pas une
tentative de revenir sur ma décision. Je m'en rendrai sûrement
compte, mais, pour cela, il faut que Je l'entende et, s'il y a lieu, je me
chargerai d'intervenir.
L'honorable député d'Abitibi-Est.
M. GABIAS: Sur autre chose.
M. CLICHE: M. le Président, je voulais parler de la
deuxième lecture du bill 56 que j'aimerais entendre aujourd'hui. Je sais
que ce n'est pas votre décision, à vous...
M. BELLEMARE: A l'ordre!
M. CLICHE: ... que la deuxième lecture n'ait pas lieu
aujourd'hui, puisque cette décision a été annoncée
indirectement par le ministre de l'Education. Je dis que ça n'a pas
été annoncé directement, parce qu'il n'a pas voulu
dire...
M. BELLEMARE: A l'ordre!
M. CLICHE: ... si cette loi serait présentée au cours de
la présente session. Or, il est clair, pour toute la population du
Québec, sinon pour tous les membres de cette Chambre...
DES VOIX: A l'ordre!
M. CLICHE: ... que la session va se terminer aujourd'hui.
DES VOIX: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. GABIAS: Cela ce n'est pas du « taponnage »?
M. LE PRESIDENT: J'ai déjà eu l'occasion de dire, dans ma
décision antérieure, qu'il s'agissait là d'une question
posée en vertu de l'article 114, question qui a déjà
été formulée par l'honorable chef de l'Opposition et
l'honorable député de Vaudreuil-Soulanges. A ce moment-là
une réponse a été donnée par l'honorable ministre
de l'Education. Je pense bien que si l'on posait d'autres questions sur le
même sujet, nous en serions à un contre-interrogatoire. Nous
risquerions de nous engager sur un débat et je ne pense pas que
même l'article 114 nous permette un débat.
M. CLICHE: Ma question était aussi simple que celle-ci: Est-ce
que la deuxième lecture aura lieu aujourd'hui...
DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!
M. CLICHE: ... vu l'importance de cette loi pour les institutions
d'enseignement privé dans la province?
DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!
M. LAFRANCE: Que le gouvernement ait donc le courage de prendre ses
responsabilités; qu'il les prenne donc franchement et
honnêtement.
DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!
M. GABIAS: Un docteur est demandé.
M. BELLEMARE: Article 1.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable ministre du travail propose:
« Entendu l'intérêt public... » Suis-je
dispensé de la lecture de la motion?
M. LESAGE: Oui.
M. GERIN-LAJOIE: Adopté.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail.
M. BELLEMARE: Adopté?
M. LESAGE: M. le Président, avant que le ministre du Travail
n'intervienne, je désire invoquer le règlement.
M. BELLEMARE: Vous désirez invoquer le règlement?
M. LESAGE: Oui.
M. BELLEMARE: M. le Président, en vertu du
règlement...
DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!
M. BELLEMARE: ... vous m'avez donné la parole, M. le
Président. C'est bien malheureux.
Motion pour division de la motion principale
M. LESAGE: J'invoque le règlement parce que je veux attirer
l'attention de la présidence sur un article du règlement.
M. BELLEMARE: II le fera tout à l'heure. Il en aura toutes les
possibilités.
M. LESAGE: C'est un point de règlement que j'ai le droit de
soulever à ce moment-ci.
M. BLLEMARE: Je n'ai pas encore parlé. Je n'ai pas encore dit un
mot. Attendez, la parole m'a été donnée.
M. GERIN-LAJOIE: Le règlement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Je pense que tout le monde
conviendra que s'il y avait un manquement au règlement et que le
président ne s'en rend pas compte pour quelque raison, il appartient
à un député de cette Chambre d'invoquer le
règlement dès qu'il s'aperçoit qu'il y a un manquement au
règlement. C'estpour cela que je sens le besoin d'entendre l'honorable
chef de l'Opposition.
M. LESAGE: M. le Président, ce n'est pas qu'il y ait eu
manquement au règlement, mais c'est que le règlement, par
certains de ses articles, donne des droits au député. J'ai
l'intention d'invoquer le droit qui est donné aux députés
de cette Chambre, par l'article 235 du règlement qui se lit comme suit:
« Quand il est proposé une série de résolutions,
chaque résolution doit être mise en délibération
séparément si un député en fait la demande. »
J'en fais la demande. La motion qui est devant nous comporte un attendu et deux
résolutions. Je demande donc que nous procédions d'abord à
délibérer sur la résolution A. D'ailleurs, il s'agit de
deux choses tellement distinctes.
La résolution A c'est la suspension de la rè- gle 536 et
la résolution B, c'est la référence d'un projet de loi au
comité. J'ai l'intention, dans ma première intervention, de m'en
tenir strictement à un débat sur l'opportunité de
suspendre l'application de l'article536. Je pense que c'est un droit
indéniable qui est reconnu aux députés de cette Chambre
par l'article 235. Je fais cette demande conformément à l'article
235.
M. BELLEMARE: M. le Président, vous devriez entendre le proposeur
de la motion. Lorsque j'aurai exposé mon point de vue sur ce que
contient la motion, vous serez probablement en lieu de décider si
l'intervention de l'honorable député est recevable ou non.
M. LESAGE: Non.
M. BELLEMARE: Mais, vous devriez au moins m'entendre...
M. LESAGE: Non, non.
M. BELLEMARE: ... sur les arguments que je vais apporter pour justifier
la motion qui est au feuilleton. C'est mon privilège, M. le
Président, puisque je suis le parrain de la motion et c'est une motion
de fond. Alors j'ai, à part de mon droit de parole, un droit de
réplique et je pense que c'est aussi mon privilège, comme
député puisque je suis parrain de la motion de me faire entendre
à ce moment-ci.
Après que j'aurai fait mon intervention, si on veut
véritablement invoquer le règlement sur la forme, M. le
Président, libre à vous de décider si c'est opportun ou
non. Mais pour le moment, je crois que c'est dans la coutume parlementaire que
le proposeur d'une motion soit celui qui donne les raisons qui ont
motivé ou qui peuvent motiver l'adoption par la Chambre de cette motion.
Alors, M. le Président...
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, sur le point de
règlement, s'il vous plaît.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. GERIN-LAJOIE: Sur le point de règlement invoqué par le
chef de l'Opposition se référant à l'article 235 de notre
règlement, je pense que cet article est très clair et j'ai
l'impression qu'il ne devrait laisser aucun doute dans votre esprit, M. le
Président...
M. LESAGE: ... C'est une demande.
M. GERIN-LAJOIE: ... puisqu'il se lit comme suit: « Quant il est
proposé une série de résolution eh bien, c'est le
cas de ce qui apparaît au feuilleton chaque résolution doit
être mise en délibération séparément
»... j'Insiste sur le mot délibération, et non pas mise au
vote. La délibération, c'est donc à partir de maintenant.
Le leader de la Chambre et ministre du Travail s'est levé pour
intervenir. Son intervention est une participation à la
délibération sur la motion qui apparaît au feuilleton de ce
Jour.
Je reprends la citation: « ... chaque résolution doit
être mise en délibération séparément, si un
député en fait la demande ». Un seul député,
M. le Président. Il ne s'agit pas d'un vote de la Chambre. Il ne s'agit
pas d'obtenir l'opinion de tous les membres qui désirent s'exprimer sur
le sujet. Si un seul député en fait la demande. Eh bien, je
soumets respectueusement, M. le Président, qu'il vous appartient, comme
député chargé de la haute responsabilité de
présider à nos délibérations, de décider,
très clairement, que la motion qui est actuellement devant nous comprend
deux parties distinctes et d'inviter les députés à
délibérer d'abord sur la partie A de cette motion. Par la suite,
lorsque nous en aurions disposé, il vous appartiendrait, en vertu de 235
toujours, d'inviter les députés à délibérer
sur la deuxième partie de la motion, qui est sur un sujet
complètement distinct et complètement autonome,
c'est-à-dire le paragraphe B.
M. le Président, je ne vois pas comment un membre de cette
Chambre ou vous-même, je le dis tout respectueusement, pourrait avoir le
moindre doute sur l'interprétation à donner à cet article.
Je pense bien qu'on n'a pas à se référer au dictionnaire
pour savoir ce que signifie le mot délibération. Je pense que
tous les débats que nous avons, tout ce « parlementage »
dans un sens non péjoratif que nous poursuivons S l'année longue,
eh bien, c'est ça la délibération.
Dans les circonstances, M. le Président, je soumets qu'il vous
appartient d'établir clairement que nous devons d'abord
délibérer sur le paragraphe A de la motion à
l'étude, et que le débat tel qu'il s'engagera avec le ministre du
Travail devra d'abord porter exclusivement sur ce paragraphe.
M. DOZOIS: M. le Président, je vous demanderais, si c'est
possible, de vous prononcer sur la demande du député ministre du
Travail t l'effet qu'il devrait pouvoir exposer les raisons de la motion qu'il
présente, et que ce point du règlement soit invoqué
après qu'il aura fait son exposé.
Je vous demanderais de vous prononcer sur cette question soulevée
par le ministre du Travail, à savoir si vous jugez à propos qu'il
doit faire son intervention pour présenter sa motion. Si vous
décidez du contraire, nous pourrons alors débattre au fond le
point de règlement soulevé par le chef de l'Opposition.
M. LEFEBVRE: M. le Président, sur le point de règlement.
Je crois que la suggestion...
UNE VOIX: A l'ordre!
M. LEFEBVRE: Qu'est-ce que vous avez, messieurs? Cela ne va pas
bien!
M. GABIAS: Non, non, ça va bien.
M. LEFEBVRE: Je crois, M. le Président...
M. GABIAS: Cela va être complexe.
M. LEFEBVRE: Je crois, M. le Président, que la suggestion qui a
été faite par le ministre du Travail et que vient de seconder le
ministre des Finances est certainement contraire à nos règlements
parce qu'elle est contraire au sens commun.
J'attire votre attention sur le fait qu'il serait absolument contraire
à l'équité, quels que soient les sourires du ministre de
l'Education, qu'il serait absolument contraire à l'équité
la plus élémentaire qu'un opinant...
M. GABIAS: Quel opinant?
M. LEFEBVRE: En l'occurrence, l'honorable ministre du Travail, ait le
droit de se prononcer sur une certaine question, et que ceux qui veulent lui
donner la réplique soient limités dans leur droit de
réplique par rapport à la base même de l'argumentation du
proposeur. Il m'apparaît évident qu'en vertu de l'article qui a
été cité par le chef de l'Opposition, et en vertu de
l'argumentation qui a été faite par mes collègues, votre
décision, M. le Président, devra lier le ministre du Travail,
comme tous les autres honorables membres de cette Chambre.
DES VOIX: Très bien.
M. MALTAIS (Limoilou): Si vous le voulez, nous allons revenir au
début de tout ce qui a soulevé la question. Vous avez, à
un moment donné, si ma mémoire est bonne et si j'ai bien
enregistré les faits, permis, à la demande du ministre du
Travail, leader parlementaire du gouvernement, qu'il prenne la parole. Je
sou-
mets que, vous ayant fait cette demande et qu'ayant reçu cette
permission, il en avait le droit. Je soumets que, sur une question comme
celle-là, on ne pouvait enlever ce droit au préopinant, celui qui
venait de recevoir du président de la Chambre le droit de parole. On ne
pouvait intervenir et ceci, je le soumets, en vertu de l'article 231. Je vous
réfère à la note 3: « On ne peut interrompre un
opinant, ni profiter de l'interruption d'un opinant pour proposer la division.
» C'est exactement le cas qui nous intéresse. Il fallait, je
crois, conformément au règlement... Je crois qu'il est normal que
le ministre du Travail, leader parlementaire, parle.
DES VOIX: C'est ça.
M. LESAGE: La division, c'est 234, ce n'est pas 235.
M. BELLEMARE: Il a déjà parlé. C'est 231.
M. LESAGE: C'est 234.
M. BELLEMARE: II a déjà parlé.
M. LESAGE: Elle est prévue à 234. 235, c'est un droit
indéniable d'un député.
M. BELLEMARE: A 231, c'est l'opinant. J'étais l'opinant.
DESVOIX: Vote!
M. LE PRESIDENT: A l'ordrel
M. PINARD: J'avais demandé la parole.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Drummond.
M. PINARD: Il s'agit d'une motion du gouvernement, faite par le ministre
du Travail.
UNE VOIX: On va chercher ça.
M. PINARD: Nous avons la motion au feuilleton. La Chambre vous a
dispensé d'en faire lecture.
M. BELLEMARE: Pour tuer le temps.
M. PINARD: Tous les députés de cette Chambre savent le
contenu de cette motion du gouvernement, que devait proposer le ministre du
Travail. Le ministre du Travail s'est levé pour demander la parole mais
aussitôt, en vertu des dispositions de l'article 235, le chef de
l'Opposition avait le droit de demander la parole, précisément
pour demander que chaque résolution contenue dans la motion du
gouvernement soit mise en délibération séparément.
Ce droit inaliénable est donné à un député
en vertu des dispositions de l'article 235. Il est fort juste de
prétendre...
M. ALLARD: Une décision finale.
M. PINARD: ... que si vous aviez laissé parler plus longuement le
ministre du Travail, celui-ci voulait précisément expliquer le
contenu de la motion qui apparaît au feuilleton. Il s'agit d'une motion
globale, comprenant des attendus et comprenant les sous-paragraphes a) et b),
dont la teneur est complètement différente. C'est
précisément pourquoi le chef de l'Opposition s'est levé
pour invoquer le droit qu'il a, en vertu des dispositions de l'article 235, de
demander que chaque résolution soit mise en délibération
séparément. Il va de soi que, si vous aviez laissé le
ministre du Travail se lever et prendre la parole, tout le monde aurait compris
qu'il s'agissait, pour le ministre du Travail, de nous expliquer le contenu
global de la motion gouvernementale qui apparaît maintenant au
feuilleton. Je dis que, pour ces raisons, les dispositions invoquées
tantôt par le député de Limoilou, à l'article 231,
ne s'appliquent pas, parce qu'il s'agit d'une motion inscrite au feuilleton et
non d'une motion non annoncée, comme c'est le cas dans l'article 231. Il
s'agit d'une motion qui apparaît au feuilleton et dont vous avez
été dispensé de la lecture, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Westmount.
M. HYDE: Seulement deux mots pour vous indiquer, premièrement,
que j'estime que ce qui est devant la Chambre actuellement, ce n'est pas une
question de règlement; c'est une simple demande faite par le chef de
l'Opposition, avant que la délibération commence sur une motion,
pour attirer votre attention sur l'article 235 du règlement et sa
demande, comme député, que les deux résolutions contenues
dans la motion du ministre du Travail soient mises en
délibération séparément. Ce n'est pas, comme
voudrait le prétendre le ministre de la Justice, une motion pour diviser
la motion principale. Nous avons tous étudié la question d'une
motion pour diviser une affaire complexe quand nous avons
délibéré sur le bill 25, l'année
dernière.
II y avait, devant la Chambre, une motion par écrit demandant la
division d'une affaire complexe. Ce qu'on a devant la Chambre actuellement, ce
n'est pas une demande de diviser une affaire complexe. C'est une simple demande
d'un député, le chef de l'Opposition, qui attire votre attention
sur le fait qu'on a une motion qui comprend une série de
résolutions qu'il vous demande, comme c'est son droit, d'étudier
séparément. Il n'y a personne qui pourrait contourner les termes
de l'article 235. Comme disait le député d'Ahuntsic, c'est le
simple bon sens.
Si une motion contient quelques résolutions, surtout quand ces
résolutions ne sont pas intimement liées, c'est le droit de
n'importe quel député de demander non pas au président,
mais à la Chambre tout entière que les résolutions soient
mises en délibération séparément. Ce n'est pas une
question de règlement. Vous n'avez rien à décider, M. le
Président; vous n'avez qu'à constater qu'il y a deux
résolutions. La décision que vous avez à rendre, c'est que
vous mettez en délibération la première, après, la
deuxième, et s'il y en avait d'autres, la troisième, la
quatrième et la cinquième.
M. LEVESQUE (Laurier): Sur cette question, est-ce que l'article 235,
avec les références, selon les cas, s'éclaire en fonction
du reste de ce qui s'appelle le chapitre 14? Autrement dit, est-ce que cela
forme un tout logique? Je demande cela pour une très simple raison.
C'est qu'on dit: Chaque résolution doit être mise en
délibération séparément, si un député
le demande. Mais, à l'article 232, on dit ceci: « Une question ne
peut pas être divisée à moins que chacune de ses parties ne
constitue par elle-même une proposition distincte, tant dans les mots que
dans le fond. »
Alors, peu importe, à mon humble avis, si l'article 232
éclaire l'article 235; peu importe que les mots disent a et b. Si on
regarde ce qu'ils disent, on propose d'interrompre une deuxième lecture.
Donc il faut suspendre l'application du règlement. Si cela reste tout
seul, non seulement cela n'a pas de fond, mais cela n'a ni queue ni tête.
La raison pour laquelle on veut suspendre me semble être dans b.
Autrement, cela n'a pas de bon sens. Il me semble que c'est un tout logique et
qu'il n'y a qu'un fond, non pas deux. Autrement, de quoi va-t-on parler?
M. PAUL: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: L'honorable Secrétaire de la province.
M. PAUL: Je voudrais bien spécifier que je me lève sur le
rappel au règlement soulevé par l'honorable chef de
l'Opposition.
Je vous inviterais à regarder tout le chapitre 14 de notre
règlement. Il est intitulé « Les motions portant division
d'une question complexe ». L'article 231 est très
intéressant, parce qu'on y lit: « Sur la motion non
annoncée de tout député, la Chambre peut ordonner qu'un
question complexe en délibération soit divisée
».
Or, nous sommes saisis d'une motion annoncée. C'est le point de
départ. C'est une motion inscrite au feuilleton au nom de l'honorable
ministre du Travail, leader parlementaire. Par conséquent, il est
très intéressant de noter la subtilité et le texte de
l'article 231, et j'insiste sur le mot « sur la motion non
annoncée ». Je voudrais vous référer, M. le
Président, à un précédent qui s'est passé
dans cette Chambre, sur l'étude du bill 25...
M. LESAGE: Ce n'est pas une question de division d'un bill.
M. PAUL: ... alors que l'honorable député de Chambly
était tout à fait en droit de présenter sa motion non
annoncée de divisibilité de la question complexe. Il était
tellement en droit de le faire à l'époque, que je me
réfère à la note 2 de l'article 231 où il est dit
que la division ne peut être proposée que par celui qui a le droit
de parler sur la motion complexe.
Or, l'honorable chef de l'Opposition n'avait pas obtenu le droit de
parole sur la question qu'il prétend complexe. En conséquence, il
ne peut, à cette période-ci, soulever ce rappel au
règlement, parce qu'il aurait été dans l'obligation de le
faire alors qu'il aurait eu le droit de parole en réponse à la
motion principale soulevée par l'honorable ministre du Travail.
L'article 232 du même chapitre, qui constitue un tout, dit qu'une
question ne peut être divisée, à moins que chacune de ses
parties ne constitue par elle-même une proposition distincte, et
j'insiste sur les derniers mots de cet article, « tant dans les mots que
dans le fond ».
Or, si nous nous référons à la motion de
l'honorable ministre du Travail, nous verrons que le tout se tient et que le
fond ne peut pas se diviser de la forme. Autrement, nous n'aurions pas
l'application du paragraphe A de la motion qui n'aurait aucune justification
d'être ou de présentation devant cette Chambre.
La deuxième partie de la motion est le pourquoi, la raison sine
qua non, de la mise de côté de l'article 536. C'est le but, la
fin. Par conséquent, il n'y a pas de distinction dans le fond entre les
paragraphes A et B. Et c'est tellement vrai, M. le Président, que, de
vous-mêmes, vous
pouvez remplacer le mot B par les mots « afin que ». A ce
moment-là, vous trouverez la détermination, la justification de
la demande présentée par la motion de suspendre l'article 536.
Car autrement, je vous le soumets respectueusement si vous voulez diviser cette
motion, vous divisez les mots, mais vous ne divisez pas le fond.
Pour qu'une motion soit divisible, il faut qu'elle le soit tant au fond
que sur la forme, suivant l'article 232. De plus, l'article 233 est une
procédure de présentation d'une motion de division.
Peut-on se lever en cette Chambre et dire: Je présente une
motion, je fais un appel au règlement, j'invoque tel article? Il y a une
procédure parlementaire pour faire une motion. Quand on veut faire une
motion, on doit suivre la procédure classique pour la
présentation d'une motion.
Quand l'honorable chef de l'Opposition se réfère à
l'article 234, il ne devrait pas mettre de côté les dispositions
de l'article 2322, qui suspend l'application de 234. Parce que c'est
à vous, M. le Président, qu'incombe la décision de statuer
s'il s'agit d'une question divisible ou non. L'honorable chef de l'Opposition
tient pour acquis que vous avez déjà décidé de la
question, parce qu'il se réfère à l'article 234. L'article
234 ne pourra trouver champ d'application que pour autant que vous aurez rendu
jugement sur 2322 pour savoir si la motion est divisible quant au fond ou
ne l'est pas.
Si, après avoir décidé que 2322 vous justifie
de rendre une décision de divisibilité et que vous voyez une
question complexe en vertu de l'article 232, sur la motion
présentée, vous devrez alors statuer. Si vous en venez à
la conclusion que l'article 2322 s'applique, à ce
moment-là, les dispositions de l'article 234, c'est-à-dire le
mécanisme qui y est prévu va entrer en ligne de compte.
Lorsque l'article 234 trouvera un champ d'application, c'est par ordre
chronologique, selon l'article 235, que vous appellerez les questions complexes
ou divisibles, les résolutions que vous aurez jugées comme
divisibles ou complexes.
Je crois, M. le Président, que vous ne pouvez pas accepter le
rappel au règlement de l'honorable chef de l'Opposition.
Premièrement, parce qu'il est prématuré qu'en vertu de la
note 2 de l'article 231, il n'était pas opinant. Deuxièmement,
parce que nous étudions un principe dans une motion non annoncée
alors que nous sommes à l'étude d'une motion annoncée. Et
troisièmement, parce que les règles de fond
détaillées aux article 231 à 235 de notre règlement
ne peuvent s'appliquer dans les circonstances.
Je soumets que l'honorable ministre du Travail est le seul qui, à
cette période de nos travaux, a le droit de parole, et j'ai voulu en
même temps disposer des arguments de fond non justifiés
soulevés par l'honorable chef de l'Opposition.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gatineau.
M. FOURNIER: M. le Président, j'ai... DES VOIX: Obstruction
systématique! M. MALTAIS (Saguenay): A l'ordre! DES VOIX: Baîllon!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! DES VOIX: Baîllon! Obstruction.
M. BELLEMARE: Baîllon! Nous connaissons la stratégie. Nous
en discuterons de nouveau. Nous ne sommes pas pressés.
M. COURCY: Vous n'avez rien compris.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gatineau.
M. FOURNIER: M. le Président, j'ai écouté avec
attention les remarques du député de Maskinongé.
UNE VOIX: Vous n'avez pas compris.
M. FOURNIER: Je ne peux laisser passer sous silence les explications
qu'il a données du chapitre 14, parce que ces explications ne sont pas
tout à fait conformes à la situation qui se présente
aujourd'hui.
M. ROY: Pas conformes... chloroforme.
M. FOURNIER: Il existe dans ce chapitre M. le Président, deux
principes distincts. Le premier qui existe dans les articles 231 à 234
et le second qui est spécifié dans l'article 235.
Dans les premiers articles, il s'agit de questions complexes qui ne sont
pas divisées par leur auteur. Il s'agit de questions qui
apparaîtraient dans un unique paragraphe, mais qui pourraient être
divisées à cause de leur complexité. A ce
moment-là, si nous relisons tous les articles 231 à 234, nous
voyons la logique de ces articles et nous y voyons qu'étant donné
que la proposition a été faite comme proposition unique,
ilfaut
alors le consentement de la Chambre ou un vote de la Chambre pour dire
que le proposeur a proposé deux questions plutôt qu'une.
Mais, dans le cas présent, on doit lire l'article 235
individuellement, dans le cas présent il s'agit d'un droit absolu d'un
seul député d'exiger, l'auteur lui-même de la motion l'a
scindée en deux, l'a divisée en deux, d'exiger son droit que la
discussion ou la délibération se fasse individuellement suivant
les paragraphes décidés par l'honorable leader de la Chambre. Et
c'est la façon dont il l'a fait.
A ce stade-ci, étant donné que l'honorable leader a fait
son lit lui-même...
M. BIENVENUE: Un lit double.
M. FOURNIER: ... qu'il a divisé la question, la résolution
en deux, lui-même, il ne s'agit plus maintenant de décider si la
question est complexe ou non. C'est lui-même, le proposeur qui dit: la
résolution est complexe parce qu'elle est en deux.
DES VOIX: Vote!
M. FOURNIER: M. le Président, je désire souligner qu'il
faut lire l'article...
M. BLANK: II n'y a pas de vote là-dedans. M. FOURNIER: ... qu'il
faut lire l'article... UNE VOIX: Du taponnage. M. ROY: Obstruction!
M. FOURNIER: ... en anglais aussi pour voir s'il y a plus de
précision dans les termes.
M. ROY: Obstruction.
M. FOURNIER: Et si nous lisons l'article 235...
M. GRENIER: Taponnage.
M. FOURNIER: ... nous y lisons ceci en anglais...
M. GRENIER: Taponnage. M. FOURNIER: Cela fait mal?
M. ALLARD: Cela ne fait pas mal, c'est ennuyant.
M. GRENIER: Cela ne fait pas mal, c'est la province qui attend.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'entends certains députés qui
demandent le vote. Je tiens à dire qu'avant qu'il y ait un vote, il
faudrait que je rende une décision. Et pour rendre une décision,
je n'ai pas besoin de vous dire que j'ai besoin de la lumière de tous
les honorables opinants de cette Chambre.
L'honorable député de Gatineau.
M. FOURNIER: M. le Président, j'en étais...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense que je vais obtenir la permission,
le privilège que je sollicite humblement de cette Chambre de pouvoir
entendre les députés qui demandent la parole.
L'honorable député de Gatineau.
M. FOURNIER: M. le Président, j'en étais rendu à
vous lire le texte anglais du règlement qui dit ceci, article 235:
« When a série of resolutions is moved, each resolution shall,
upon the demand of any member, be separately proposed from the chair.
»
Le texte anglais précise encore le droit individuel d'un
député de demander cette division. Si nous examinons le
règlement, M. le Président, nous y voyons à plusieurs
endroits le droit du député, comme individu dans cette Chambre,
qui est un droit absolu dans certains articles, comme par exemple à
l'article 291, où on dit: Le député peut demander la
lecture de la résolution, le député peut faire ceci, le
député peut agir individuellement. Dans certains cas, il n'est
pas obligé d'agir avec une majorité de la Chambre. Et l'article
235 me semble catégorique à cet effet. Il s'agit du
privilège d'un député seul de faire valoir son droit, de
faire diviser une résolution pour qu'il puisse, si lui-même veut
s'objecter à la fin, voter contre cette résolution qui a
été divisée.
M. le Président, il s'agit en l'occurence de deux
résolutions proposées par le leader de la Chambre. Qu'il s'en
tienne à ce qu'il a fait. Les articles précédents ne
s'appliquent pas à la présente procédure, malgré ce
qu'a mentionné le député de Maskinongé.
Toutes les remarques du député de Maskinongé
mentionnaient le cas d'une question complexe qui n'étaient pas
divisée par le proposeur. Dans le cas présent, elle est
divisée par le proposeur lui-même. En conséquence, le droit
absolu du chef de l'Opposition devrait être respecté et la
résolution discutée séparément.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Louis.
MR. BLANK: I have listened to the Member
for Gatineau and I have studied the English text closely. As the Member
for Gatineau says, the English text is very explicit. We are talking about
resolutions in paragraph 235, where, as in this case, there has been a motion
made by the Leader of the Government, containing two resolutions. Now, the law,
or our regulations are very, very clear. The Speaker of the House has
absolutely no choice. The moment any Member of the House wants to study these
resolutions separately, and he has the right to, because, as the Member for
Gatineau said, he may want to vote for, or against one or the other. He may not
have the same opinion as against one or the other.
Therefore, he has that right and you must give it to him, in virtue of
our regulations. The question of 231 is an entirely different matter. The
complexed question may be within a resolution. In other words, you must first
divide the resolutions, if, in one of the resolutions, there may be a
complicated question, then, it is not up to you to decide. It is up to the
House to decide, upon a formal motion is made two procedures completely
different. Actually, you cannot have resolutions in a question, but you may
have questions in a resolution, which is exactly what section 14 of our
regulations discusses. We are talking about two different things. We first have
to divide the resolutions, if a simple demand is made by a deputy, if, in one
of the resolutions, there is a complexed question which may or may not be
divided. Then, it is not up to you to decide that, it is up to the House to
decide it And, because it is the House that has to decide it, a formal motion
must be made and a seconder to the motion.
It is completely different from 235. As I say, 235, the English version
goes even further. It explains it very clearly. It must be you, the Speaker of
the House, that separate the resolutions upon a simple demand of the Member of
the House. It talks about that it must be separately proposed from the Chair;
it does not talk of when you have to do it or how you have to do it. It says on
simple demand. It is only logical. Again, I go back to the argument of the
Member for Gatineau.
What happens if I want to vote for section A or resolution A and against
resolution B. I am in a dilemma. I cannot do it. Therefore, that is why we have
that article, I have the right to stand up and say: Mr. Speaker, divide these
two so I can vote honestly for A or B.
M. ROY: Ils sont après prouver que Pierre Laporte n'est pas
utile.
M. CHOQUETTE: M. le Président, simplement quelques observations
sur les questions de règlement qui ont été soulevés
sur la motion du leader du gouvernement. La raison d'être, de l'article
535 est manifeste, je pense, à sa face même, c'est-à-dire
que le règlement l'article 535 en particulier ne permet de
référer un bill à un comité qu'après avoir
étudié le principe du bill et ceci me paraît
élémentaire au point de vue du bon sens, puisque la Chambre ne
peut être suffisamment informée pour décider de
référer un bill à un comité de la Chambre ou
à un comité spécial, qu'après qu'elle a
discuté du principe du bill. Or actuellement, la tactique adoptée
par le leader du gouvernement est de court-circuiter en quelque sorte cet
impératif du règlement du droit pour la Chambre d'étudier
le principe du bill avant de l'envoyer devant un comité.
Maintenant, sur la question du règlement proprement dit, à
partir du moment où le chef de l'Opposition a soulevé une
objection à procéder à l'étude de la
résolution dans l'ensemble parce que il refuse son consentement en vertu
de l'article 235, Je soumets que le préopinant, le proposeur de la
motion, ne peut pas procéder avec sa motion, parce que le chef de
l'Opposition, en tant que député, a alors soulevé une
irrégularité dans la motion qui l'obligerait à
procéder à l'étude du bill. Et s'il y a
irrégularité, suivant l'article 201, elle doit être
vidée dès ce moment-là et le leader parlementaire ou le
leader du gouvernement n'a pas le droit de procéder à ce
moment-là à son discours et vous, comme président, vous
devez vider l'objection du chef de l'Opposition à procéder sur la
motion.
Ce serait contraire au bon sens, me semble-t-il, de laisser le leader du
gouvernement faire son exposé sur sa motion, malgré les
objections du chef de l'Opposition et pour vous de trancher ex post facto
l'irrégularité dans la procédure adoptée par la
Chambre. Cela n'a pas de bon sens, M. le Président. En somme, je pense
que vue l'objection, manifestée par un des députés de
cette Chambre qui a été appuyée par d'autres
évidemment, à procéder à l'étude de cette
question complexe qui soulève la suspension d'un règlement qui
court-circuite l'obligation par la Chambre d'étudier le principe du bill
avant de le référer en comité, nous ne pouvons pas
entendre le leader du gouvernement et il vous faut trancher l'objection dans le
sens qui a été soumis par mes collègues.
M. GRENIER: Un autre. Comment est-ce que vous en avez qui vont prendre
la parole?
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Baldwin.
M. GRENIER: Une heure et demie qu'on tue encore. La province attend.
M. COURCY; Levez-vous donc debout et dites donc ce que vous pensez
là-dessus.
M. GRENIER: Alcide le cidre, gardez donc vos références
pour Bagot.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. COURCY: Quand on ne connaît pas notre affaire on ne...
M. GRENIER: Quand on pense tracteur, on pense à Laporte.
M.LEFEBVRE: Nous, nous pensons à Bagot.
M. GRENIER: Tuez le temps, la province aime ça. $18,000 pour
payer des tueurs de temps.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Baldwin.
M. GRENIER: Cela va être bon.
M. SEGUIN: Malheureusement, je ne pourrai pas faire une aussi savante
interprétation, que mes collègues...
M. GRENIER: Assoyez-vous donc, dans ce cas.
M. SEGUIN: ... puisque, n'étant pas avocat, je n'ai pas
l'habitude, peut-être, de la loi. Tout de même, j'étais un
peu surpris d'entendre le plaidoyer du député de
Maskinongé, le Secrétaire de la province, qui semblait se servir
de l'article 232 pour fonder son argumentation. Il disait, tout en lisant
l'article: « Une question ne peut être divisée, à
moins que chacune de ses parties ne constitue par elle-même une
proposition distincte, tant dans les mots que dans le fond. »
Je maintiens que la motion que nous avons devant nous et qui est
présentée par le ministre du Travail est justement une motion qui
contient deux sections absolument distinctes l'une de l'autre. En effet, la
première partie, par exemple, se lit comme suit: « Que le
paragraphe 1 de l'article 536 du règlement, qui exige que tout bill
public soit lu deux fois avant d'être amendé ou renvoyé
à un comité, soit suspendu. »
Si nous nous arrêtions là, nous aurions une motion qui
serait complète à mon avis. Ce qui suit pourrait être non
seulement la matière que nous avons ici, mais n'importe quelle autre
suggestion. On n'aurait même pas à donner de raison pour la
suspension. On pourrait arrêter après cet article et demander que
la Chambre, d'un commun accord, suspende l'application de l'article 536. Alors,
de cette façon, je vois qu'il s'agit bien ici d'une motion qui est
divisible, parce que ses deux parties sont absolument distinctes l'une de
l'autre et que la deuxième ne découle d'aucune façon, ni
directe ou indirecte, de la première. Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai écouté avec
énormément d'intérêt tous les honorables opinants
sur ce point qui, je ne vous le cache pas, avait quelque chose d'un peu
inattendu, même si j'avais fortement étudié la motion. Il
est exact que l'article 235 donne un droit aux députés de cette
Chambre. Si on me permet, comme cela m'arrive assez souvent, ayant plus
d'expérience en droit civil qu'en droit parlementaire, de faire un peu
de droit comparé, je dirai qu'il y a des droits de citoyens qui se sont
parfois perdus pour de bien petites erreurs de procédure ou de temps. Il
est arrivé, par exemple, qu'une action très bien fondée
soit tombée sur le coup d'une exception à la forme qui,
àpremière vue, paraissait peut-être bien simple.
L'honorable Solliciteur général a souligné à la
présidence la note 3 de l'article 231. L'honorable député
de Laurier m'a ensuite fourni une deuxième lumière, lorsqu'il a
porté à mon attention, comme l'a fait par la suite l'honorable
Secrétaire de la province, que le chapitre 14 ne formait une sorte de
tout.
Il est sûr qu'on discute du même problème ou des
accessoires dans ce chapitre 14. Or, je suis humblement d'avis que les notes 2
et 3 de l'article 231 s'appliquent également à l'article 235 du
même chapitre. Ma décision ne serait sûrement pas la
même si l'honorable chef de l'Opposition avait formulé sa motion
avant que je donne le droit de parole à l'honorable ministre du
Travail...
M. LESAGE: Question de privilège. J'étais deboutl
DES VOIX: A l'ordre!
M. GRENIER: Vous en avez assez dit maintenant.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense que le journal des Débats
pourra nous l'indiquer. J'avais accordé la parole à l'honorable
ministre du Travail. Si la motion était refor-
mulée, il est fort possible que ma décision ne serait pas
la même, car je tiens à souligner ici que je ne rends pas une
décision à savoir s'il doit ou s'il ne doit pas y avoir
divisibilité, si les deux articles doivent être
étudiés parce qu'ils font un tout. Je ne rends pas de
décision là-dessus. Je rends une décision purement et
simplement sur le temps de la procédure qui m'apparaît fatal.
En effet, je me base sur les deux notes de l'article 231, que je trouve
applicables à l'article 235. La note 2 dit: « La division ne peut
être proposée que par celui qui a le droit de parler sur la motion
complexe. » Or, l'honorable ministre du Travail avait obtenu le droit de
parole et commençait son intervention, ou était sur le point de
le faire. La note 3 dit: « On ne peut interrompre un opinant, ni profiter
de l'interruption d'un opinant, pour proposer la division ». Dans les
circonstances, je dois permettre maintenant à l'honorable ministre du
Travail de faire son intervention. Je me permets de souligner que je sais que
cette intervention peut créer une certaine anomalie parce qu'ayant
opiné sur la motion telle qu'elle se présente maintenant, si la
motion était formulée de nouveau par la suite, on devrait ensuite
discuter sur deux points séparément.
M. LESAGE : M. le Président, je demande une clarification, je
pense que c'est normal en vertu de notre règlement. Votre
décision est à l'effet que l'intervention que fera à
l'instant le ministre du Travail sur la motion qu'il a présentée
ne préjudiciera en rien le droit, qui est le mien en vertu de l'article
235 lorsque je prendrai la parole tout de suite après lui, de demander
que les résolutions A et B soient étudiées successivement,
c'est-à-dire l'une après l'autre.
M. LE PRESIDENT: Exactement. Je ne dis pas que ma décision est
rendue sur ce point. J'ai réservé ma décision. A ce
moment-là, si la demande est formulée de nouveau, je
l'étudierai sous cet autre aspect. Pour le moment, je dis qu'il ne
s'agit que d'un point de procédure dans le temps.
M. LESAGE : Je comprends, M. le Président. J'étais
moi-même debout, mais les hasards sont tels que le président de la
Chambre a d'abord vu le ministre. Si c'est seulement cet incident-là qui
motive la décision du président, dans les circonstances, nous
allons l'accepter quitte à refaire la demande en vertu de l'article 235
aussitôt après que le ministre du Travail aura terminé son
intervention.
M. BELLEMARE: M. le Président, c'est une question de
procédure. Je respecte bien votre décision, mais vous me
permettrez, peut-être, de différer un peu, pour le moment,
d'ailleurs...
M. LESAGE: Elle est rendue. M. PINARD: Appelez-en.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense que j'ai été vraiment
mal interprété. J'ai rendu une décision qui permet
à l'honorable ministre du Travail de faire son intervention, tel qu'il
l'avait prévue. Je dis que je réserve ma décision sur
l'autre point. Je n'ai pas, à ce moment-ci, étudié cet
autre point de l'article 235. Si la demande m'est faite, je dis simplement que
je l'étudierai, à ce moment-là, sous un autre aspect et
que je rendrai une décision.
M. BELLEMARE: Me permettriez-vous de vous demander une directive, M. le
Président, tel que le veut notre règlement? A-t-on le droit, en
vertu de l'article 285, septièmement, de revenir sur un débat qui
a été complètement fait dans la même session?
M. LE PRESIDENT: C'est un argument qui devra être soulevé,
s'il se présente une autre motion ou une autre demande. A ce moment-ci,
je ne sache pas qu'il doive se soulever.
M. BELLEMARE: M. le Président, vous remarquerez qu'il est midi
trente-deux minutes. La Chambre a voulu que la motion qui est
présentement en discussion et qui sera maintenant débattue nous
fasse perdre un temps considérable.
M. LESAGE: Vous n'aviez qu'à procéder à la
deuxième lecture du bill.
M. BELLEMARE: Le gouvernement aie droit de faire sa propre
stratégie.
M. GERIN-LAJOIE: Nous aussi.
M. BELLEMARE: L'Opposition a le droit de l'aimer ou de ne pas l'aimer,
comme nous, nous avons...
M. LESAGE: Même chose pour nous.
M. BELLEMARE: Je n'ai pas besoin de vous dire que toutes les motions
d'ajournement qu'ils ont faites depuis le début, cela a
été de la stratégie pure et simple que nous avons dû
accepter. Nous l'avons subie dans son entier.
M. PINARD: Ce n'est pas nous qui avons retiré le bill.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: C'est mon tour de parole et vous allez m'endurer. Ils se
pensent encore au pouvoir.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Ils n'ont pas eu assez de ce qui leur est arrivé
encore dernièrement pour comprendre que le peuple n'en veut pas.
M. LEFEBVRE: On ne se pense pas au pouvoir, mais on se pense en
démocratie.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEFEBVRE: Le gouvernement ne nous imposera pas une règle
unique.
UNE VOIX: Au pouvoir, en faisant rien.
M. BELLEMARE: M. le Président, la motion qui est en discussion
est très simple. Nous l'avons dit et répété, elle
ne peut être ni divisée, ni séparée.
M. LESAGE: Elle l'est.
M. BELLEMARE: M. le Président, si l'honorable chef de
l'Opposition ne peut pas m'entendre, à cause de mon ton ou à
cause de mes arguments, qu'il sorte!
Il n'y a rien de plus désagréable et je lui promets qu'il
ne dira pas deux mots tout à l'heure sans que j'intervienne.
M. LESAGE: Correct, très bien, ça va être beau!
M. BELLEMARE: Nous allons en faire de la procédure.
M. le Président, cette question ne peut pas être
divisée parce que chacune de ses parties font un tout et dans ses mots
et surtout dans le fond même.
M. BLANK: Il y a un jugement sur ça. M. LE PRESIDENT: A
l'ordre!
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, il est sûr que, dans
la forme, nous avons sûrement bien réfléchi et nous avons
consulté tous nos règlements avant de l'introduire telle qu'el-
le est parce que je n'ai pas besoin de vous dire que ce n'est que dans des cas
particuliers que l'on invoque cette formule. Nous l'avons fait justement parce
que nous ne voulons pas que ce bill 85 devienne un élément
nouveau de discussion et entraîne des prises de positions
irréconciliables par certaines personnes.
Nous voulons, dans un bon climat serein, répondre aux voeux
unanimes faits par de grands éditorialistes qui ont écrit des
choses fort intéressantes au sujet du bill 85. Nous voulons aussi
prendre pour acquis que la presse en général a fait écho
aux déclarations qui ont été faites concernant ce bill. La
télévision, la radio, et tous les autres moyens d'information ont
demandé au gouvernement d'être prudent, de prendre des
précautions pour que ne se continue pas sur la place publique un
débat qui ne serait sûrement pas à l'avantage des parties
en cause et qui laisserait sûrement dans le coeur, dans l'âme de
notre population, des marques qu'il serait difficile de réparer.
M. le Président, dans le passé, Dieu sait combien,
depuis quelques années particulièrement le gouvernement
qui nous a précédés et le notre avons
référé les bills de l'éducation aux comités
permanents de la Chambre. Je crois que ç'a été un
excellent moyen, premièrement pour que les parties qui sont
intéressées au débat puissent faire valoir leurs arguments
et apporter au législateur le fruit de leur expérience et aussi
l'avantage de connaître ce qui peut se produire dans chacune des
régions de la province.
Deuxièmement, ces comités ont l'avantage d'avoir des
experts en la matière qui viennent donner à la barre le point de
vue de différents organismes.
Donc, M. le Président, différentes régions, avec
des mentalités différentes et différents experts qui ont
sur le sujet des opinions différentes. Troisièmement,
facilité de faire des compromis honorables, sans pour ça
abandonner les principes généraux, et facilité de
connaître plus à fond les véritables mobiles qui ont
incité le gouvernement à présenter une législation
ou une autre.
Malgré les stratégies qui peuvent s'établir d'un
côté comme de l'autre de la Chambre, je crois très
sincèrement que tous les législateurs de cette Assemblée
législative recherchent avant tout la protection de
l'intérêt public, du bien commun, dans un Québec plus uni,
plus fort et plus progressif.
M. LEFEBVRE: Nous, nous cherchons un gouvernement, M. le
Président; c'est ça que nous ne trouvons pas.
M. BELLEMARE: M. le Président, il y a eu Diogène qui a
cherché avec une lampe; on a maintenant le député
d'Ahuntsic qui, lui, cherche avec une chandelle.
M. le Président, pourquoi avons-nous demandé, dans notre
motion, que l'article 536 soit suspendu? Premièrement, parce qu'on est
à faire une enquête publique qui va beaucoup plus loin que ce qui
est contenu dans notre bill.
M. LESAGE: Sur un point de règlement. Le ministre, à ce
moment, peut-il parler de ce qui est contenu dans le bill?
M. BELLEMARE: Non, il n'y a pas de danger, M. le Président. Non,
parce qu'en vertu...
M. LESAGE: Non, mais il parle d'une enquête qui va plus loin que
ce qui est contenu dans le bill. Comment peut-on parler du contenu du
bill...
M. BELLEMARE: Non, M. le Président.
M. LESAGE: ... le comparer au mandat d'une commission d'enquête,
sans référer au contenu du bill?
M. BELLEMARE: M. le Président...
M. LESAGE: Si le ministre a le droit de ce faire, je me
prévaudrai certainement du même droit.
M. BELLEMARE: Non, M. le Président, je ne veux pas aller au
fond...
M. LESAGE: C'est un point de règlement que j'ai
soulevé.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: ... parce qu'en vertu de Particle 280...
M. PINARD: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai entendu les dernières remarques
et je tiens à signaler immédiatement que je me servirai de la
même mesure, il va sans dire, pour les opinants des deux
côtés de cette Chambre. Au sujet de ce bill, qu'on sache bien,
à ce moment-ci, qu'on peut donner les raisons pour ou contre la
suspension de Particle 536 du règlement et la référence
à un comité, mais qu'on ne devra pas outrepasser ça.
Autrement, plusieurs opinants seraient peut-être tentés de nous
faire passer immédiatement à un débat de deuxième
lecture.
Je mets donc les honorables membres de cette Chambre en garde sur ce
point et je me servirai de cette directive au cours du débat toute la
journée.
M. BELLEMARE: Toute la soirée aussi, M. le Président.
M. LESAGE: Nous sommes prêts à procéder à la
deuxième lecture, s'il veut parler du fond de la question.
M. BELLEMARE: Non, M. le Président, c'est justement
l'à-propos de la motion qui est discutée ce matin. Je veux dire
tout de suite que nous sommes respectueux de nos règlements et que vous
avez parfaitement raison.
L'incident qui vient de se produire était simplement pour dire
qu'une enquête était... Non, pas pour aller au fond, parce que je
connais assez le règlement. Je ne suis pas un expert, mais je le lis
régulièrement et je sais qu'il y a l'article 280 qui est
spécifique. C'est clair. En vertu de l'article 280, on ne peut pas y
toucher. Je suis sûr, M. le Président, que vous l'avez lu
plusieurs fois parce que c'est un article important dans la discussion qui va
suivre. En vertu de l'article 280, je comprends que « quand une motion
portant suspension d'une règle comme ma motion - est faite, la
discussion ne peut porter sur le fond de l'affaire en vue de laquelle la
suspension est proposée ». Je sais que vous saviez cela depuis
longtemps, mais l'ayant lu quelquefois, j'ai pensé que cela pourrait
rendre service à ceux qui seraient peut-être portés, comme
moi tout à l'heure, je m'en accuse... Ce n'était... mais je vais
revenir à la motion.
M. CHOQUETTE: Est-ce que je pourrais poser une question au leader du
gouvernement?
M. BELLEMARE : Vous pouvez être assuré que personne
d'autre...
M. CHOQUETTE: Le leader du gouvernement me permettrait-il une
question?
M. BELLEMARE: Non.
M. CHOQUETTE: Mais elle est bonne.
M. BELLEMARE: Cela ne fait rien. Allez la raconter à la
presse.
M. LE PRESIDENT: A l'ordrel
M. BELLEMARE: Je dis donc que la motion qui est devant nous est une
motion importante.
D'abord, c'est une motion de référence à la
suspension d'une règle de notre procédure parlementaire, de notre
règlement; c'est aussi une motion très importante quant à
la référence à un comité de la Chambre, celui de
l'éducation.
Dans le passé, il y a eu des sujets beaucoup moins contentieux,
des sujets où il s'agissait purement et simplement de décider
d'un principe d'application d'une règle administrative, comme c'est
arrivé pour certaines lois qui ont été proposées en
cette Chambre. Nous les avons référées à un
comité pour entendre les témoins et en faire la discussion.
Aujourd'hui, il y a un problème sur la place publique, qui est
fort contesté, un sujet qui fait l'objet de prises de position assez
catégoriques dans certains groupes de la population. Il faudrait
être sourd et aveugle pour ne pas prévoir les conséquences
dramatiques qui pourraient en découler si nous n'avions pas toutes les
informations qu'un comité tel que le comité permanent de
l'éducation peut nous fournir.
C'est justifié, et par les circonstances et par l'état de
fait. Nous sommes à deux semaines de la fin de la session. Nous aurons
d'autres débats...
M. GERIN-LAJOIE: Comment cela?
M. BELLEMARE: ... sur d'autres sujets. Je suis assuré que nous
saurions merveilleusement mieux protéger tout le Parlement, en adoptant
cette motion, M. le Président, et surtout en entendant les
différentes opinions des différents spécialistes des
différentes régions qui viendront fournir aux parlementaires la
substance nécessaire, afin de ne pas produire un geste administratif
qui, d'un côté comme de l'autre, pourrait avoir des
conséquences désastreuses pour notre population.
Je dis donc, M. le Président, que la demande de suspension de
l'article 536 est parfaitement justifiée, quant à la forme et
quant au fond. Elle l'est quant à la forme, M. le Président,
parce qu'il existe dans notre règlement une foule d'articles qui
coordonnent la position que nous avons prise, en insérant cette motion
au feuilleton. Elle l'est quant au fond, justement, M. le Président,
pour réussir à trouver une unanimité plus parfaite, pour
tâcher d'obtenir des informations plus réelles, plus nombreuses,
plus complètes et, M. le Président, afin que, je l'espère,
un climat de bonne entente puisse régner partout.
J'ai, je le pense, M. le Président, exposé très
brièvement les raisons qui ont motivé la demande contenue dans
cette motion. Je suis sûr, M. le Président, que les honorables
députés de l'Opposition seront nombreux à prendre la
parole sur cette motion, parce qu'il faut que ça dure la journée.
Il sera agréable de les entendre tous les uns après les autres,
et nous sommes très heureux de cette magnifique coordination des forces
qui se fait depuis quelques jours. Nous sommes heureux de voir qu'enfin,
quelques députés se lèvent pour apporter leur
coopération dans ce débat. Nous sommes prêts, M. le
Président, à les entendre. J'aurai, en vertu de 266, M. le
Président, l'insigne honneur d'exercer un droit de réplique qui
m'est donné, en vertu de ma motion, qui peut être
considérée comme une motion de fond, parce que c'est une motion
principale.
M. PINARD: Etes-vous premier ministre? M. BELLEMARE: Est-ce que j'ai dit
nous? M. PINARD: J'aurai l'insigne honneur. M. BELLEMARE: J'aurai. J'ai. UNE
VOIX: Je, me, moi.
M. BELLEMARE: Je n'ai pas besoin de vous dire, M. le Président,
que je ne me prends pas pour un autre...
UNE VOIX: II s'est trompé de bord.
M. BELLEMARE: ... jamais, parce que je me connais, plus que j'en
connais, des fois, je suis porté à me faire des reproches de ne
pas être plus vigoureux, plus...
M. BIENVENUE: Dynamique.
M. BELLEMARE: ... plus dynamique. C'est vous qui méritiez la
place.
M. PINARD: C'est vous qui méritiez la place.
UNE VOIX: Vous n'êtes pas le plus sévère pour les
autres.
M. BELLEMARE: Je dirai à l'honorable député de
Drummond qu'il fait mieux de me faire des beaux yeux de ce temps-ci. Parce
que...
UNE VOIX: Vous êtes bon!
M. BELLEMARE: ... s'il veut pouvoir, l'honorable député de
Drummond, prendre son envol...
M. LEFEBVRE: Champlain n'est pas loin de Drummond. Le ministre ne
devrait pas faire de menace.
M. GABIAS: A vol d'oiseau.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai l'Impression que nous sommes...
M. BIENVENUE: Il est bon.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail.
M. BELLEMARE: M. le Président, je vous remercie d'avoir
attiré l'attention à l'effet que j'avais encore le droit de
parole et je dis que cette motion va sûrement répondre à un
désir de l'Opposition. Je sais qu'elle admet le principe. Elle le veut.
Elle le désire à cause de la tradition qu'elle a établie
dans cette Chambre de faire siéger les comités, comme nous
d'ailleurs. Elle le veut mais il faut absolument non pas une obstruction
mais prendre des méthodes pour que l'opinion publique soit
sensibilisée à cette procédure parlementaire, et pour
cause. J'ai bien vite le plaisir de vous dire que l'Opposition sera unanime
à accepter notre motion et nous la remercions d'avance de vouloir
coopérer si gentiment, au point de vue parlementaire pour le plus grand
bien de la population qui attend cette motion qui rendra d'immenses services
à toute notre population.
M.PAUL: M. l'Orateur...
M. LE PRESIDENT: J'ai une décision qu'on prend assez rarement. Il
est assez rare qu'autant d'opinants veuillent opiner en même temps, mais
je dois dire que, quant à moi, j'ai accepté et j'ai même
proposé à la Chambre qu'on me fasse connaître l'intention
d'intervenir. Or, l'honorable chef de l'Opposition a manifesté son
intention d'intervenir le premier. Je comprends que le règlement formel
nous dit qu'il faut donner la parole à celui que l'on aperçoit le
premier. Alors, j'ai aperçu les deux, le ministre d'une part et
l'honorable chef de l'Opposition d'autre part, qui ont été
très prompts à se lever. Je dirais qu'on a gagné comme aux
courses, presque par un nez et, S ce moment-là...
DES VOIX: Wow! Wow!
M. LE PRESIDENT: ... j'entendais quelqu'un qui disait: M. l'Orateur et
je lui signale que, depuis hier, je suis M. le Président.
M. DOZOIS: Ce n'est pas sanctionné. M. LE PRESIDENT:
D'accord.
M. DOZOIS: Est-ce qu'on doit considérer que c'est une
décision ou si on peut soulever un point d'ordre sur celui qui aurait
droit de prendre la parole, à ce moment-ci?
DES VOIX: Ah! Ah! M. LESAGE: J'avais...
M. BELLEMARE: C'est exactement ce qui m'est arrivé.
M. LESAGE: Vous m'avez donné le droit de parole. J'ai l'intention
d'en user. Plus que cela, j'avais signifié à la présidence
mon intention d'adresser la parole immédiatement après que le
ministre du Travail aurait terminé son intervention. De cela, il y a
bien une heure...
M. BELLEMARE: Je soulève un point d'ordre, M. le
Président. C'est exactement ce qui m'est arrivé, étant le
parrain de la motion. Je vous rappelle l'article 244 qui est bien
spécifique. Elle n'est plus discutable; Je vous laisse sûrement le
soin d'apporter votre décision sur un sujet comme celui-là.
L'article 245 ajoute: « Quand deux ou plusieurs députés ont
demandé la parole en même temps et qu'ils insistent, l'orateur met
évidemment les noms de ces députés aux voix, sans
permettre de débats ». Ce sont les articles du règlement
qui nous régit. Tout à l'heure, lorsque j'ai voulu intervenir,
j'avais justement un droit de parole consacré en vertu de nos
règlements et doublement parce que c'était ma motion. Vous avez
rendu une décision de droit de parole, après une perte d'une
heure vingt du temps de la Chambre.,
M. HYDE: M. le Président, le leader parlementaire vous a
cité l'article 245; j'attire votre attention sur l'article 244: «
Quand plus d'un député demande la parole, l'orateur invite
à parler celui qui a demandé la parole le premier ».
M. PAUL: Sur ce point...
M. HYDE: Est-ce que je pourrais terminer, M. le Président?
M. PAUL: Très bien.
UNE VOIX: Vous êtes mal orienté; vous devriez vous
asseoir.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. HYDE: Vous avez dit vous-même, M. le
Président, que vous avez vu les deux députés se
lever en même temps, mais que vous aviez auparavant, durant la
discussion, remarqué que le chef de l'Opposition avait
déclaré son intention d'intervenir immédiatement
après que le ministre aurait terminé son exposé. Puisque
vous aviez vu les deux se lever en même temps, vous avez accordé
le droit de parole au chef de l'Opposition. Si le gouvernement n'est pas
satisfait de cette décision, il a le même droit que l'Opposition,
celui d'en appeler...
M. BELLEMARE: A l'ordre!
M. HYDE: ... mais la décision est rendue, et je crois que
ça devrait finir là.
M. DOZOIS: M. le Président, je me suis levé pas pour
parler sur ce point d'ordre que soulève le député de
Westmount, mais pour vous poser une question. Puisqu'on argumente
là-dessus, je dois vous signaler qu'en vertu de l'article 242, il y a
toute une procédure d'établie dans notre règlement pour le
député qui veut parler en cette Chambre.
C'est formel, la note 242 1 dit: « Il ne suffit pas de se
lever, il faut dire M. l'Orateur...
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. DOZOIS: Or, M. le Président, j'ai observé parce que je
savais que l'Opposition ferait de la stratégie - nous aussi on en fait
...
M. LESAGE: Le ministre serait bien mieux de dire le bâillon.
DES VOIX: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Vous allez y goûter, certainement, à la
procédure. Vous allez voir que...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEFEBVRE: Le président est debout.
M. PAUL: Dans un geste tout à fait de coopération...
M. LESAGE: Vous ne me bâillonnerez pas, vous pouvez être
sûr.
M. PAUL: Malgré les dispositions des articles 242, 244, 245 et
pour vous faciliter la tâche et pour éviter à la Chambre
une perte de temps, de se prononcer en vertu de l'article 245, il me fait
grandement plaisir de céder la parole à l'honorable chef de
l'Opposition.
M. LESAGE: M. le Président, au tout début de mes
remarques, j'invoque mon droit comme député de cette Chambre, en
vertu de l'article 235, de demander la délibération de chacune
des deux résolutions séparément. J'ai l'intention de m'en
tenir au sujet traité par le paragraphe A, c'est-à-dire la
première résolution.
L'importance de cette motion de ma part...
M. PAUL: Sur une question de règlement.
M. LESAGE: ... et je prendrai deux secondes avant une heure pour vous
l'expliquer.
DES VOIX: A l'ordre!
M. PAUL: Sur une question de règlement...
M. LESAGE: C'est le bâillon. On veut m'empêcher de vous
parler avant une heure. J'irai à votre bureau, M. le
Président.
M. BELLEMARE: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: J'irai au bureau du président.
M. BELLEMARE: Prenez votre patience à deux mains. Vous n'avez pas
fini. Vous allez y goûter.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: Vous ne savez pas ce qui vous attend, vous!
M. BELLEMARE: Ah oui!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable Secrétaire de la
province, sur un point de règlement.
M. PAUL: M. le Président, je sais que vous connaissez
parfaitement l'article 285, septièmement. L'honorable chef de
l'Opposition a eu l'avantage d'exposer en détails certains points de
règlement, spécialement ceux qui sont prévus à
l'article 235 et vous avez rendu une décision...
M. LESAGE: II est une heure.
M. PAUL: ... en vertu de l'article 232.
M. LESAGE: Vous continuerez à trois heures.
M. PAUL: M. le Président, je soumets respectueusement...
M. LESAGE: II est une heure. A trois heures.
M. PAUL: M. le Président, je demande la suspension des travaux,
sur le point de règlement, à trois heures.
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LE PRESIDENT: La Chambre ajourne ses travaux à trois heures
cet après-midi.
Reprise de la séance à 15 h 5
M. LEBEL (président): A l'ordre, messieurs! L'honorable
Secrétaire de la province.
M. PAUL: M. le Président, quelques minutes avant la suspension de
nos travaux pour l'heure du lunch, j'avais formulé un rappel au
règlement sur cette partie des remarques que l'honorable chef de
l'Opposition était à prononcer et qui se référaient
à une partie de l'argumentation qu'il avait soulevée ce
matin.
En toute conscience, M. le Président, j'ai eu l'avantage de
relire les Débats. Je crois que c'est vous-même qui, sans vous
prononcer sur le bien-fondé de la motion de l'honorable chef de
l'Opposition, l'avez, en quelque sorte, momentanément suspendue. Je me
demande, dans les circonstances, si on ne pourrait pas invoquer l'article 285,
septièmement, mais je ne voudrais pas être
désagréable au chef de l'Opposition. Peut-être l'honorable
chef de l'Opposition pourrait-il continuer son argumentation, tout en
permettant à celui qui vous parle, ou à d'autres, de
répondre aux arguments nouveaux que pourrait soulever l'honorable chef
de l'Opposition. Ainsi, le droit de parole de tous les honorables
députés serait sauvegardé.
M. BELLEMARE: Très bien.
M. LESAGE: M. le Président, ça m'est parfaitement
égal, si le Secrétaire de la province veut argumenter dès
maintenant...
M. PAUL: Non, non!
M. BELLEMARE: Non, nonr
M. LESAGE: Un instant.
M. GERIN-LAJOIE: On va rivaliser de politesse.
M. BELLEMARE: On veut, on veut, on veut!
M. LESAGE: Si le Secrétaire de la province veut argumenter
dès maintenant à l'encontre de la prise de position qui a
été la mienne, au début de mon intervention, libre
à lui.
M. BELLEMARE: On va vous entendre.
M. LESAGE: Comment dit-on ça? Après vous, mon cher
Alphonse?
M. BELLEMARE: On va vous entendre.
M. LESAGE: Mais si...
M. PAUL: Je vous cède le pas.
M. LESAGE: ... le leader du gouvernement et l'ancien président de
la Chambre, votre prédécesseur, insistent pour que je
procède, M. le Président, je ne puis que me rendre à des
prières faites avec autant d'instance.
M. le Président, à une heure moins quelques minutes,
lorsque le Secrétaire de la province a invoqué le
règlement, particulièrement l'article 285 il vient de
retirer, n'est-ce pas, son objection j'ai dit que j'avais des choses
à dire à l'appui de la prise de position qui était la
mienne en vertu de l'article 235.
J'ai ajouté que j'irais à votre bureau après la
suspension de la séance pour vous exposer mon point de vue. Si je l'ai
fait et je l'ai fait c'était clairement pour que la
présidence ait le temps de peser les arguments que j'invoquais. Je me
suis rendu à votre bureau. Vous étiez accompagné du
vice-président de la Chambre, président des comités et
député de Sherbrooke, et j'ai eu l'occasion, à ce
moment-là, de faire une chose que je n'ai pas faite depuis de nombreuses
années, de plaider en Chambre.
L'article 536 est celui dont on demande la suspension par la
résolution A, qui se lit comme suit: « Que le paragraphe premier
de l'article 536 du règlement, qui exige que tout bill public soit lu
deux fois avant d'être amendé ou renvoyé à un
comité, soit suspendu ». La résolution B dit: « Que
ce susdit bill soit référé au comité de
l'éducation, et que ce comité soit autorisé à
siéger pendant que la Chambre est en séance, etc. »
L'article 536, premier paragraphe, se lit comme suit: « Tout bill doit
être lu deux fois avant d'être amendé ou renvoyé
à un comité ». Ce qui nous intéresse, c'est ceci:
« Tout bill doit être lu deux fois avant d'être
renvoyé à un comité ».
La résolution A s'en tient à ça. Elle récite
la partie opératoire de l'article 536. Il y a dans la motion du leader
du gouvernement en Chambre, deux résolutions, qui sont successives et
qui constituent deux étapes bien distinctes de la procédure. On
dira qu'on ne peut procéder à B, sans la suspension de l'article
536. Je dis, M. le Président, qu'on pourrait procéder à
l'étude de la résolution B sans la suspension de l'article 536,
si elle était présentée après la deuxième
lecture.
C'est donc dire que la résolution B est une résolution
complète par elle-même et qui est exactement de la nature des
motions faites pour référer un bill à un comité. Ce
que nous déciderons, ce que nous discuterons lors de nos
délibérations sur le paragraphe A, c'est de savoir s'il y a lieu
de procéder dès maintenant avant toute autre procédure ou
de ne pas procéder dès maintenant à la deuxième
lecture du bill. On sait que c'est au cours du débat de deuxième
lecture que les députés de cette Chambre peuvent se prononcer sur
le principe d'un bill.
La décision qui sera prise suivant le vote que nous donnerons sur
la résolution A, elle est entière et elle est complète.
Est-ce que les députés seront appelés, oui ou non,
dès maintenant ou à une séance subséquente de la
présente session, à se prononcer sur le principe du bill 85?
C'est ça qui est la réponse que nous donnerons par notre vote
à la résolution A.
Si la Chambre décide de suspendre l'application de l'article 536,
alors et alors seulement, comme deuxième étape, le gouverne ment
pourra présenter dès maintenant b) qui est une motion de
référence purement et simplement. On y dit, en effet, que le bill
est référé à tel comité, à telle et
telle condition. On ajoute que l'on suivra telle et telle procédure
devant ce comité et l'on donne un mandat au comité. Cela est la
motion classique de référence à un comité de la
Chambre. C'est une procédure complète, qui ne dépend en
aucune façon de la suspension de l'article 536. La suspension de 536
permettant tout simplement aux membres du gouvernement d'éviter d'avoir
à se prononcer sur le principe du bill en deuxième lecture.
C'est tellement vrai, ce que je vous dis, que l'article 221 de notre
règlement se lit comme suit: « Une motion portant suspension d'une
règle particulière ou des règlements en
général ne peut être amendée qu'avec le consentement
unanime de la Chambre. » C'est donc dire que, s'il nous était
impossible d'étudier les deux résolutions
séparément, nous serions conduits à cette situation
absurde où les députés de cette Chambre n'auraient pas la
possibilité de proposer des modifications à la procédure
à suivre par le comité ou encore au mandat que nous donnerons au
comité. Si on ne considère pas ces résolutions
séparément, la première partie de cette motion, que l'on
nous obligera à considérer comme partie d'un tout, nous
empêchera, en vertu des prescriptions de l'article 221, de proposer des
modifications au mandat du comité et à la procédure
à suivre par le comité. Cela pourra même nous
empêcher d'exprimer une préférence pour un comité ad
hoc au lieu du comité de l'éducation.
Nous serons alors conduits à l'absurde. Je crois,
premièrement, avoir donné des arguments positifs précis
à l'appui de la position que j'ai prise en vertu de 235;
deuxièmement, je crois avoir prouvé par l'absurde que nous
serions placés dans une situation où les
députés
de cette Chambre perdraient un de leurs droits fondamentaux, celui
d'apporter des amendements au mandat que l'on veut donner à un
comité de cette Chambre.
M. PAUL: J'ai écouté les arguments invoqués par
l'honorable chef de l'Opposition qui me fait penser à celui qui
emplirait sa cave d'essence sans jamais s'occuper de véhicule automobile
pour s'en servir. Je vais vous dire comment.
M. BLANK: C'est de l'essence bleue ou rouge?
M. PAUL: Pardon?
M. PINARD: Nous aurons une surtaxe avant que vous ayez terminé
votre exemple.
M. PAUL: Nous gardons cela pour l'aéroport. J'ai donc suivi avec
beaucoup d'attention l'argumentation de mon honorable ami, le chef de
l'Opposition. J'ai été saisi, à un moment donné,
à la pensée que l'honorable chef de l'Opposition pouvait oublier
un article aussi important de notre règlement que l'article 217-2. Nous
allons le relire tranquillement, pas vite, et ensuite nous reviendrons à
A et à B.
D'abord, nous aurions pu procéder de deux façons. Nous
aurions pu procéder en vertu de l'article 144 du règlement qui
prévoit un avis de 24 heures au feuilleton. Pourquoi? Je vais vous le
dire dans un instant. L'honorable leader parlementaire ce matin, ou l'honorable
ministre de l'Education dans le cours de son argumentation de la
deuxième lecture du bill, aurait pu également, en vertu de
l'article 217, faire une motion incidente. Nous n'avons pas voulu prendre
l'Opposition par surprise.
M. LACROIX: Cela ne prend pas.
M. PAUL: Nous n'avons... Ah! surtout prendre le député des
Iles-de-la-Madeleine par surprise, c'est impossible.
M. LACROIX: Au moins, le député des Iles-de-la-Madeleine
est moins naïf que certains avocats le croient.
M. PAUL: Je continue...
M. LACROIX: S'il y avait plus de députés comme le
député de Maskinongé, cela irait mieux en Chambre
aussi.
M. PROULX: Maurice Sauvé.
M. GRENIER: Pauvre Basile, il fait pitié. M. LE PRESIDENT: A
l'ordrel M. ROY: Cela paraît mal... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LACROIX: Prenez donc votre siège vous, au lieu de...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!
M. LACROIX: Allez vous asseoir à votre siège.
M. BELLEMARE: Vous prenez du poids, vous.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Il faut dire que ces
parenthèses se placent assez mal dans une argumentation juridique ou
légale. Je demanderais à l'honorable député
Secrétaire de la province de continuer son exposé.
M. PAUL: Je disais donc que nous n'avons pas voulu prendre l'Opposition
par surprise. Nous avons annoncé notre motion, et en vertu de l'article
217, nous aurions pu procéder par motion incidente. Là, le
législateur fait une distinction, en vertu de l'article 140, entre une
motion principale et une motion incidente. Si nos honorables amis discutaient
sur une motion Incidente, l'honorable chef de l'Opposition serait
justifié d'invoquer l'article 231, comme l'avait fait l'honorable
député de Chambly, sur le bill 25.
Mais non, et c'est là qu'il faut lire le deuxièmement de
l'article 217, où il est dit: « Toute motion je suis
sûr que l'honorable député des Iles-de-la-Madeleine me suit
...
M. LACROK: C'est difficile, parce que vous ne savez pas trop où
vous allez.
M. PAUL: « Toute motion portant suspension d'une règle
et là j'attire l'attention de l'honorable chef de
l'Opposition...
UNE VOIX: II ne comprend pas. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. PAUL: ... doit indiquer l'objet en vue duquel la suspension est
proposée. »
M. LESAGE: Cela ne change pas grand-chose.
M. PAUL: Oui, ça change.
M. LESAGE: C'est dans le préambule.
M. PAUL: Voici en quoi ça change. Si nous ne présentons
que le A, sans donner le pourquoi, qui est le B, nous aurions une motion
irrégulière dans la forme. Je dis que ce n'est certainement pas
divisible, mais le B est nécessaire, en vertu de Particle 217,
deuxièmement. Nous avons prévu les objections possibles de
l'honorable chef de l'Opposition et de ses conseillers. Et, justement parce que
nous voulions leur donner la chance de revivre et de revoir tout le code, nous
avons pensé que jamais ils ne se prévaudraient, dans les
circonstances, de l'article 31, parce qu'il s'agissait d'une motion
annoncée et d'un texte qui, en vertu de l'article 217,
deuxièmement, est nécessaire. C'est aussi parce que, si vous
prenez le A et le B pour suivre l'argumentation de l'honorable chef de
l'Opposition, nous sommes placés dans la situation suivante: L'honorable
chef de l'Opposition dit: Votons le B. Cela va donner quoi? Cela va donner que
nous serons placés dans une situation juridique qui peut découler
de ce que quelqu'un reçoit un jugement inexécutable ou
inexécutoire.
Si nous adoptons le B, nous ne pourrons jamais faire siéger le
comité de l'éducation, parce qu'il y aura l'impératif de
l'article 536 qui demeurera. Par conséquent, nous ne pouvons pas adopter
le B sans adopter le A. Si nous adoptons...
M. BLANK: Est-ce qu'on va pouvoir avoir la deuxième lecture?
M. PAUL: La deuxième lecture, au fond, on vous donnera des
raisons, ce n'est pas grave.
Si nous adoptons le A, c'est là que le B devient la raison
d'être, la justification, suivant l'article 217, deuxièmement, du
texte que vous avez devant vous. Si nous avions fait une motion sans mettre le
B, nos honorables amis se seraient levés et auraient dit: M. le
Président, suivant l'article 217, vous devez mettre la motion de
côté, parce qu'il n'y a aucune justification, aucune raison pour
demander la suspension de l'article. Ils auraient eu raison, suivant l'article
217.
Voilà pourquoi je vous dis: C'est non seulement indivisible, mais
le b) est nécessaire: c'est la justification de a). Quand l'honorable
chef de l'Opposition dit: On va adopter le b), je soumets respectueusement
qu'il nous invite à commettre un crime de lèse-droit
parlementaire.
M. LESAGE: Je sais que le Secrétaire de la province veut
être juste. Je n'ai jamais dit:Nous allons adopter le b).
M. PAUL: La motion, pardon. Je dis, moi, que si...
M. LESAGE: Je n'ai jamais dit que nous voterions pour la motion.
M. PAUL: Cela, nous ne le savons pas. Nous le verrons.
M. LESAGE: J'ai fait des hypothèses.
M. PAUL: Moi aussi, mais au lieu de faire des hypothèses, je
tombe dans la réalité vivante.
M. LESAGE: Allez-y!
M. PAUL: Non, non.
M. LESAGE: Vous planez.
M. PAUL: Je ne plane pas, M. le Président, j'ai les deux pieds
sur terre.
M. LESAGE: Cela ne paraît pas.
M. PAUL: J'invite le chef de l'Opposition à contredire ce que je
lui dis actuellement.
M. LESAGE: Je ne le puis pas; j'ai usé de mon droit de
parole.
M. PAUL: Vous auriez dû prévoir l'argumentation. Un bon
avocat prévoit les objections de ses adversaires.
M. LESAGE: Je ne pouvais prévoir jusqu'à quel point
l'esprit naturellement détourné du Secrétaire de la
province pouvait aller. Il nous avait habitués, lorsqu'il était
président de la Chambre, à autre chose qu'aux sophismes qu'il
nous expose actuellement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je compte que tous les membres de cette
Chambre feront le même effort de recyclage que je fais
moi-même.
M. LESAGE: Très bien, M. le Président, nous attendons les
acrostiches du Secrétaire de la province.
M. PAUL: M. le Président, je ne suis pas surpris de
l'argumentation de l'honorable chef de l'Opposition. J'ai déjà
été appelé en droit criminel à plaider devant les
jurés. A ce moment-là, quand ma cause était faible,
j'invoquais n'importe quel argument.
M. LESAGE: M. le Président, le Secrétaire de la province
n'a pas évolué; il est toujours le même. N'importe quel
argument!
M. PAUL: M. le Président, il me semble entendre des voix.
M. LE PRESIDENT: J'ai l'impression que nous avons un jury très
vivant.
M. LACROIX: Faible pour faible.
M. PAUL: Etant tous deux gémeaux, je crois que le chef de
l'Opposition et moi, nous pouvons finir par nous entendre.
M. LESAGE: Ce sera difficile là-dessus.
M. GERIN-LAJOIE: C'est mal parti, du moins.
M. PAUL: Que l'honorable député de Vaudreuil-Soulanges
patiente; j'ai une excellente citation qu'il a faite un jour. Je la lirai quand
nous serons au fond de la question.
Je disais donc, M. le Président, en m'adressant avec beaucoup de
bonhomie à tous mes honorables amis d'en face quand je vols le
sourire de l'honorable député de Laval, ça m'encourage
que si nous acceptons le b), sans accepter le a), nos honorables amis
d'en face conviendront-Ils que l'article 536 va demeurer?
M. LESAGE: Nous ne convenons de rien.
M. PAUL: Il n'y a rien de pire, M. le Président, qu'un sourd qui
ne veut pas entendre.
M. LACROIX: Il n'y a rien de pire qu'un aveugle qui ne veut pas voir,
non plus.
M. PAUL: De toute façon, je continue, M. le Président. Si
nous acceptons le B et si nous restons avec le A, comment rendre effective la
résolution...
M. COURCY: Un grand A ou un petit a?
M. PAUL: ... pour que l'appel de l'honorable chef de l'Opposition, la
partie B de la mo- tion? On ne peut pas, parce qu'on sera toujours pris par les
restrictions impératives de l'article 536. Pour disposer avec logique de
la motion, il nous faut donc d'abord adopter le A et oublions le B pour le
moment.
M. LESAGE: C'est exactement ce que j'ai dit tout au long...
M. COURCY: Bien oui.
M. LESAGE: ... discutons du A, oublions le B pour le moment.
M. BELLEMARE: Oui, mais vous n'êtes pas obligé...
M. PAUL: Mais avec le chef de l'Opposition, A+B n'égale pas
C.
M. LESAGE: En algèbre non plus, M. le Président.
M. PAUL: Non, non, parce qu'il y a trop d'inconnus.
M. LESAGE: Parce que A+B, en algèbre, ça fait A + B.
M. PAUL: II y a trop d'inconnus.
M. LESAGE: II n'y a pas d'inconnu dans A et B.
UNE VOIX: On commence à vous connaître.
M. LESAGE: Je pense que vous avez besoin d'un recyclage en
algèbre.
M. PAUL: J'aime mieux être dans le droit qu'en algèbre.
M. CADIEUX: Ah oui, ça paraît.
M. PAUL: Ayant entendu l'écho, M. le Président, je dis
donc que si nous n'adoptons que le A, on va voir ce que ça donne:
« Attendu l'intérêt public et général
qu'éveille dans la province le bill 85, Loi modifiant la loi du
ministère de l'Education, la Loi du conseil supérieur de
l'éducation et la Loi de l'instruction publique: A) Que le paragraphe 1
de l'article 536 du règlement qui exige que tout bill public soit lu
deux fois avant d'être amendé ou renvoyé à un
comité soit suspendu ».
Alors, si on ne va pas plus loin, qu'est-ce qui arrive? On va suspendre,
pourquoi? Pourquoi?
DES VOIX: Pourquoi?
M. PAUL: C'est donc dire qu'il nous faut adopter B pour que A
s'applique. Et le B, c'est l'article 217, deuxièmement, c'est la
justification impérative, c'est l'obligation que nous impose le
règlement d'imposer ou d'inscrire le B dans la motion. Et, parce que
nous avons procédé par motion annoncée plutôt que
par motion incidente, je dis que les règles de l'article 231 ne peuvent
pas s'appliquer. Et il est impossible...
M. HYDE: M. le Président, est-ce que le ministre me permettrait
une question sur son argumentation?
M. PAUL: Certainement, oui.
M. HYDE: Est-ce que le ministre, si on acceptait son argumentation, et
si on était prêt à accepter, est-ce que le ministre serait
prêt a dire en même temps que ce n'était aucunement avec
l'intention d'empêcher l'Opposition d'apporter peut-être des
amendements à la partie B?
Alors, je me permets de faire une suggestion. On a passé toute la
journée à discuter de la procédure. Est-ce que le
gouvernement serait prêt à suspendre l'article 221 afin que si on
avait des amendements à apporter à la partie que le ministre
décrit comme étant le motif de la motion de suspension du
règlement, est-ce que le gouvernement serait prêt à nous
accorder le droit d'amender le paragraphe B durant la discussion?
M. PAUL: M. le Président, je remarque avec beaucoup de plaisir
d'abord que l'honorable député de Westmount est presque convaincu
de mon argumentation.
M. HYDE: Avez-vous compris la mienne?
M. PAUL: Oui, oui, j'y viens, M. le Président. Et pour
répondre à la curiosité de certains journalistes et
à nos honorables amis d'en face, je crois qu'en vertu de la
solidarité ministérielle qui me lie au gouvernement, soyez sans
inquiétude, le comité de l'éducation va siéger sur
cette question.
M. LESAGE: M. le Président, ce n'est pas là du tout la
suggestion du député de Westmount.
M. PAUL: Je vais maintenant répondre au troisième
point...
M. BELLEMARE: Vous commencez à comprendre les amendements.
M. LESAGE: Voulez-vous suspendre l'article 221, autrement dit?
M. PAUL: Je n'ai pas choisi le même ordre de réponse
qu'aurait choisi le chef de l'Opposition, mais j'arrive au
troisièmement. L'honorable député de Westmount nous parle
d'un comité ad hoc plutôt que du comité de
l'éducation.
M. LESAGE: Non, non!
M. HYDE : Non, je n'ai parlé d'aucun comité. Etes-vous
prêts à suspendre l'article 221 en même temps que l'article
536? Oui ou non?
M. PAUL: S'il y a le consentement unanime de la Chambre...
M. LESAGE: C'est ce que nous vous demandons.
M. PAUL: ... nous pouvons suspendre l'article 221.
M. HYDE: Adopté.
M. BELLEMARE: Non, un instant.
M. PAUL: Et si nous suspendons l'article 221, je crois prévoir,
avec le peu d'expérience que j'ai de là procédure, que nos
honorables amis auraient une motion d'amendemant...
M. HYDE: Certainement. M. PAUL: ... à présenter.
M. GERIN-LAJOIE: Ce n'est pas de la devinette.
M. PAUL: Mais il n'est pas nécessaire de mettre l'article 221 de
côté pour présenter une motion d'amendement.
M. GERIN-LAJOIE: Mais voyons!
M. LESAGE: Voyons! lisez l'article 221.
M. PAUL: Vous n'avez qu'à obtenir le consentement unanime. Nous
sommes dans la procédure depuis le matin; nous faisons de la
procédure. C'est cela que dit l'article 221.
M. BELLEMARE: C'est ce que dit l'article 221.
M. PAUL: Nous faisons de la procédure. M. BELLEMARE:
Lisez-le!
M. PAUL: Si on a peur, du côté de l'Opposition, d'envoyer
le bill 85 au comité de l'éducation, qu'on continue à
faire de la procédure.
M. LESAGE: Je ne puis admettre les dernières paroles du
Secrétaire de la province...
UNS VOIX: Ce n'est pas un point d'ordre.
M. LESAGE: ... qui constituent une imputation de motifs. Oui, c'est un
point de règlement.
M. MALTAIS (Limoilou): Je qualifierais cela de motifs conditionnels.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! L'honorable chef de l'Opposition
sur un point de règlement.
M. LESAGE: M. le Président, le Secrétaire de la province a
voulu nous imputer des motifs. Je dois dire que la suggestion faite par le
député de Westmount était bien simple. Depuis ce matin,
depuis onze heures et demie ou midi moins quart, nous discutons de
procédure. J'ai dit tout à l'heure pourquoi nous étions
placés dans une situation impossible parce que nous ne pouvions pas
proposer les modifications que nous avions l'intention de proposer au mandat du
comité et à la procédure. J'ajoute que nous pouvons cesser
dès maintenant toute discussion de procédure si nous avons le
consentement unanime de la Chambre à la non-application de l'article
221.
M. PAUL: M. le Président, j'ai fait précéder ma
phrase du mot « si », et l'honorable chef de l'Opposition
prétend que j'ai voulu imputer des motifs à l'Opposition. Je dis
là je peux m'attribuer les motifs que je voudrai que si
j'étais dans l'Opposition, j'aurais peur que le bill 85 soit
référé au comité de l'éducation.
M. LACROIX: Ce ne sera pas long, vous allez y être.
M. LESAGE: Nous aurions peur d'envoyer le bill...
M. PAUL: Je dis donc...
M. LESAGE: Vous, vous avez peur de vous compromettre en deuxième
lecture, ce n'est pas mieux.
M. LACROIX: Vous n'êtes pas capables de respecter la parole de
votre chef intérimaire qui a dit que le bill 85 serait
étudié au cours de la présente session.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! L'honorable Secrétaire de
la province.
M. PAUL: Quand je parle d'Opposition, je ne voudrais pas qu'il y ait de
confusion dans votre esprit Je parle de l'Opposition libérale.
UNE VOIX: Pour quelle raison?
M. PAUL: Je résume donc en disant que l'article 217-2
était non seulement la justification, mais l'obligation d'insérer
à notre motion le mot « que », deuxièmement, ou B, si
vous voulez, et ça complète l'argumentation que je signalais ce
matin, lorsque je disais que le mot « que », dans le B, signifie
« afin que », et c'est ce qui rend tout à fait indivisible
la motion telle que présentée par l'honorable ministre du
Travail.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Westmount.
M. HYDE: M. le Président, vous avez devant vous ce que l'on
appelle encore une question de règlement. Je prétends, encore une
fois, M. le Président, qu'il n'y a pas de question de règlement
sur laquelle vous ayez à décider. Ce qui est arrivé, M. le
Président, c'est que le chef de l'Opposition a pris la parole sur la
motion proposée par le ministre du Travail. Il a dit tout simplement, au
début: Je demande, comme c'est le droit de n'importe quel
député en Chambre, je réclame mon droit, en vertu de
l'article 235 du règlement, pour que la motion qui se compose de deux
résolutions, de deux parties, pour que ces deux parties soient mises aux
voix l'une après l'autre.
Il n'y a pas de débat là-dessus, M. le Président,
il n'y a pas de question de règlement. Je prétends que tout ce
que vous avez à faire là-dessus, M. le Président, c'est de
constater un fait et d'accorder au chef de l'Opposition le droit de discuter de
cette question en deux parties. C'est aussi simple que ça. Tout le
chapitre de la division est là: on ne demande pas la division de la
motion, on demande que deux choses distinctes soient traitées
séparément devant la Chambre. On demande qu'il se prenne deux
décisions pour décider de deux choses. Je ne suis pas pour
reprendre toute l'argumentation de l'honorable Secrétaire de la province
en...
UNE VOIX: II n'est pas capable.
M. HYDE: ... référant à d'autres articles, M. le
Président. Je prétends que ça n'a absolument rien à
faire avec ce qui est devant la
Chambre. Tout ce que vous avez à constater, c'est qu'un demande a
été faite par un député en Chambre, pour que la
motion soit traitée comme deux propositions.
M. LE PRESIDENT: L'honorable...
M. BLANK: May I say one word? Just one word. The Secretary of the
Province...
DES VOIX: Encore des stratégies.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! The honourable Member for Saint-Louis.
M. BLANK: The Secretary of the Province, in his argument, was trying to
get you to believe, Mr. President, that it is not really two resolutions, but
only one, A and B are together, they are really one and it is only because of
the way it was drafted that you have two resolutions, A and B.
Well, unfortunately for the Government, that is the way they drafted it.
They drafted two separate resolutions. If they have a vice de forme, it is
their headache. This morning, in your decision, which you rendered against the
Leader of the Opposition, the only reason you rendered that judgment, you said:
c'est une question de vice de forme. C'est la raison pour laquelle vous avez
rendu le jugement de ce matin. On a exactement les mêmes choses
maintenant. C'est un vice de forme dans la motion du gouvernement. Ils ont fait
leur lit, ils doivent maintenant se coucher dedans.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, je vais parler très
brièvement. Si je me lève, à ce moment-ci, c'est parce
que, personnellement, j'ai le sentiment très profond qu'aux yeux de
l'opinion publique, à travers les média d'information qui sont
représentés ici, à la tribune de la presse, nous risquons
très fort de donner l'impression de nous acharner, d'un
côté et l'autre de la Chambre, sur des questions strictement de
procédure et, j'irais plus loin, sur des questions pointilleuses de
procédure. Quant à nous, M. le Président, f aimerais
à dire ceci: II est sûr que vous, vous avez à juger suivant
le texte du règlement, mais je voudrais bien que les objectifs que nous
poursuivons, les raisons qui motivent notre recours au règlement et, en
particulier, à l'article 225, c'est ceci:
Nous ne tenons pas pour acquis que, des deux côtés de la
Chambre, nous pouvons être très souvent du même avis. Mais
ce qui est très important dans un Parlement, et dans un Parlement qui se
veut démocratique, c'est que toutes les opinions qu'entretiennent les
membres de cette Chambre puissent être exprimées aussi clairement
et aussi succintement que possible. De notre côté, sur le projet
du gouvernement , tel que formulé dans la motion du député
de Champlain, ministre du Travail, nous voulons exprimer notre opinion. Or, tel
que le projet est exprimé, nous ne pouvons pas le faire, parce qu'en
vertu de certains articles du règlement, nous sommes
empêchés de présenter un amendement qui formulerait, en
quelques lignes, notre façon de voir le déroulement des travaux
de cette Chambre, en ce qui concerne l'étude du bill 85.
Ce que nous voulons, ce ne sont pas des chicanes de procédure, ce
que nous voulons, ce ne sont pas des débats de chats et de souris. Ce
que nous voulons tout simplement, c'est que l'Opposition libérale en
cette Chambre puisse avoir l'occasion de présenter un amendement, un
amendement avec lequel nos amis d'en face pourront, c'est leur
privilège, et nous le respectons, bien sur, ne pas être d'accord,
un amendement avec lequel ils pourront être en complet désaccord.
Ce que nous demandons, c'est simplement l'occasion de présenter notre
amendement et de permettre aux membres de cette Chambre, d'un côté
et de l'autre, d'exprimer leur opinion soit par des paroles, soit par un vote.
Quant à nous, nous serions très disposés à
présenter notre amendement assez rapidement, à faire une
explication très courte sur le sens de notre amendement, pour que, d'un
côté et de l'autre de cette Chambre, nous exprimions
éventuellement et finalement par un vote, notre opinion sur la
façon dont devraient se dérouler les travaux de la Chambre en ce
qui concerne le bill 85. Tout ce que nous demandons, par le point de
procédure qui a été soulevé par le chef de
l'Opposition, c'est tout simplement que la question de procédure soit
réglée de façon que l'Opposition ne soit ni
bâillonnée ni empêchée de présenter un
amendement, pour faire valoir son point de vue.
M. LE PRESIDENT: Je veux d'abord signaler, au début de mes
remarques, que j'ai peut-être été un peu mal
interprété, ce matin, ou que je me suis mal exprimé,
lorsque j'ai parlé d'une question de procédure qui pouvait priver
un justiciable d'un droit acquis. Je pense qu'il y a suffisamment d'avocats
dans cette
enceinte pour comprendre ce que je voulais dire d'une façon
précise. Par exemple, un point de prescription qui pouvait faire perdre
un droit, disons au bout de quinze jours, au bout de six mois, et caetera,
C'est sur ce point que je sentais le besoin de clarifier mon expression
d'opinion de ce matin.
L'honorable député de Westmount, un de mes brillants
prédécesseurs, disait très justement, que si je m'en
reportais au texte français de l'article 235, je devrais peut-être
constater simplement une situation de fait. Mais si je ne rendais une
décision, comme il me propose de le faire, je me demande jusqu'à
quel point nous pourrions créer de la confusion. En effet il y a des
gens qui continueraient à parler sur deux résolutions, alors que
d'autres parleraient sur une résolution seulment. Je sens donc le besoin
de rendre une décision.
En m'inspirant de l'article 235, et plus spécialement de la
version anglaise, je suppose pour un moment que j'appelle, vu le pouvoir qui
m'est donné par cet article, la résolution b) au lieu de la
résolution a): je commettrais là un acte complètement
irrégulier puisque je mettrais de côté, d'un revers de la
main, toutes les procédures de 2e lecture et de comité
plénier, sans l'autorisation de la Chambre.
C'est ce qui me fait dire que les deux paragraphes, en fait, auraient
dû n'en faire qu'un. Là-dessus, l'article 217 j'invite les
honorables députés à le lire ne me laisse pas de
latitude et je suis lié d'une façon très manifeste. Le
paragraphe 2: « Toute motion portant suspension d'une règle doit
indiquer l'objet en vue duquel la suspension est proposée ». Un
honorable député a dit malheureusement, en prenant mes
notes, je n'ai pu l'identifier que le préambule de la motion
servait de détermination de l'objet.
Or, j'essaie d'une façon logique, de lire le paragraphe en y
ajoutant le préambule. Je dois ainsi venir à la conclusion
très nette que ce préambule n'indique pas l'objet tel que le
requiert l'article 217 au paragraphe 2. Dans ces circonstances, j'aurais
été obligé, si je ne considérais pas ce texte
là comme faisant un et faisant un article qui doit être
discuté ensemble, par ailleurs je serais obligé de rejeter cette
motion en la déclarant tout à fait irrégulière si
je ne considérais pas que les paragraphes a) et b) ne formaient qu'une
seule et même déclaration. Dans ces conditions, je déclare
que les deux articles ne peuvent être discutés
séparément et qu'ils feront l'objet d'un seul débat.
M. LESAGE: Je regrette infiniment, mais vous comprendrez que nous ne
puissions admettre, de ce côté-ci de la Chambre, qu'il suffit
d'une rédaction boiteuse pour nous enlever nos droits fondamentaux de
présenter des amendements à une motion. En conséquence,
nous devons en appeler respectueusement de votre décision.
M. BELLEMARE: L'honorable député de Louis-Hébert
n'a pas le droit de discuter, ni d'interpréter votre
décision.
M. LESAGE: J'en ai appelé de la décision.
M. BELLEMARE: Oui, il fallait l'appeler sans commentaire.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Cours-ci, cours-là.
M. HYDE: On commente le gouvernement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Qu'on appelle les
députés.
M. LE PRESIDENT: Que les honorables députés qui sont pour
le maintien de la décision du président veuillent bien se
lever.
M. LE GREFFIER ADJOINT: MM.Bellema-re, Fréchette, Johnston,
Vincent, Dozois, Lizotte, Gosselin, Gabias, Tremblay (Chicoutimi), Masse,
Allard, Russell, Lafontaine, Paul, Maltais (Limoilou), Cloutier, Cardinal,
Boivin, Lussier, Beaudry, Charbonneau, Mathieu, Morin, Lavoie (Wolfe),
Bernatchez, Flamand, Gauthier (Roberval), Sauvage au, Gauthier (Berthier),
D'Anjou, Léveillé, Desmeules, Grenier, Martel, Roy, Leduc
(Laviolette), Deniers, Picard (Dorchester), Martellani, Bousquet, Slmard,
Proulx, Croisetière, Plamondon, Théorêt, Bergeron, Shooner,
Hamel, Gardner, Tremblay (Montmorency).
M. LE PRESIDENT: Que les honorables députés qui sont
contre le maintien de la décision du président veuillent bien se
lever.
M. LE GREFFIER ADJOINT: MM. Gérin-Lajoie, Séguin, Pinard,
Courcy, Levesque (Bonaventure), Lafrance, Lacroix, Brown, Brisson, Hyde,
Cliche, Mme Kirkland-Casgrain, MM. Binette, LeChasseur, Harvey, Lavoie (Laval),
Blank, Bourassa, Baillargeon, Cadieux, Fournier, Vaillancourt, Kennedy,
Mailloux, Lefebvre, Bienvenue, Choquette, Fraser, Goldbloom, Houde, Pearson,
Picard (Olier), Saint-Germain, Tetley.
M. LE GREFFIER: Pour: 50 Contre: 34 Yeas: 50 Nays : 34
M. LE PRESIDENT: La décision du président est
maintenue.
M. GABIAS: Le ton bruyant dans la défaite.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
M. LESAGE: M. le Président, en l'absence du premier ministre, je
n'ai pas voté. Si j'avais voté, j'aurais voté à
l'encontre de votre décision.
M. GABIAS: C'est un geste gentil.
M. LESAGE: M. le Président, je comprends assez difficilement les
observations du ministre des Institutions financières. Il me semble que
j'ai démontré beaucoup de respect, toutes les...
M. GABIAS: C'est ce que j'ai dit.
M. LESAGE: ... fois que, depuis deux ans et demi, le premier ministre a
été absent de cette Chambre.
M. GABIAS: J'ai dit que c'était un geste gentil.
M. LESAGE: Cela pouvait s'interpréter de deux façons,
à cause du ton. Cela pouvait être considéré comme un
geste qui n'était pas gentil à l'égard du président
de la Chambre, à cause du ton sur lequel les paroles ont
été prononcées.
M. GABIAS: Ce sont des intentions qui ne sont pas exactes. Si j'ai dit
que c'était gentil, c'était parce que c'était gentil.
M. LESAGE: Je tire ma révérence au député de
Trois-Rivières. Je regrette d'avoir été tenté de
mal interpréter ses paroles, qui voulaient être aimables et
agréables à mon égard.
M. le Président, je voudrais, sur la motion qui est devant nous,
faire quelques remarques, étant donné la décision que vous
avez rendue, décision qui a été confirmée par la
Chambre dans sa majoritéo Je ferai porter mes remarques sur l'ensemble
de la motion présentée par le député de Champlain.
A la fin de mes remarques, j'ai l'intention de faire une motion d'amendement,
dans l'espoir que les membres du gouvernement et les députés
ministériels accepteront unanimement, non pas peut-être le
principe des modifications que je proposerai, mais le droit fondamental qui est
celui des députés de cette Cham- bre de présenter des
amendements, droit qui pourrait nous être enlevé, en vertu de
l'article 221, à cause d'une interprétation que nous n'avons pas
admise de la structure de la motion qui est devant nous.
M. le Président, il nous apparaît clairement que le
ministre de l'Education, qui est le vice-premier ministre, plutôt que de
prendre ses responsabilités en proposant la deuxième lecture du
bill 85, a préféré demander à un de ses
collègues d'expérience d'inscrire la motion de
référence du bill 85 à un comité - au comité
de l'éducation, de fait - avant que les députés de cette
Chambre aient eu l'occasion de faire connaître leur point de vue sur le
principe du projet de loi.
J'admets que cette procédure a été suivie dans le
passé, mais, lorsqu'il s'agit d'un principe aussi important je
n'ai pas l'intention d'en discuter; je ne fais que le qualifier, M. le
Président - que celui qui est contenu au bill 85, je considère
que les députés de cette Chambre doivent être
appelés à se prononcer sur ce principe et sur la suffisance ou
sur l'insuffisance du contenu du bill. Ils doivent pouvoir s'exprimer
clairement et sans contrainte, avant de demander l'opinion des tiers. Si
l'opinion des tiers peut être importante, l'opinion des
députés de cette Chambre, elle, doit s'exprimer, et c'est un
droit souverain pour chacun de nous.
Ai-je à rappeler, M. le Président, que, le 25 novembre
dernier, le ministre de l'Education accompagnait le premier ministre, à
Montréal, lorsque M. Bertrand recevait - pendant près d'une
heure, nous ont rapporté les journaux un groupe de citoyens,
représentant diverses associations, qui étaient venus lui
demander de ne pas présenter le projet de loi. Il faut bien se rappeler
qu'à ce moment-là ni le bill 85 ni aucun bill de même
nature n'étaient déposés devant la Législature. Il
n'était pas question du tout, ni pour le premier ministre, ni, je le
crois bien, pour le ministre de l'Education - qui, clairement, était
solidaire du premier ministre - de référer le problème
à un comité. Il n'en a pas été question, à
ce moment-là.
Le premier ministre, qui avait à ses côtés, je le
répète, celui qui est aujourd'hui vice-premier ministre,
s'appuyant sur les principes qui avaient été
énoncés par son prédécesseur, de regrettée
mémoire, l'honorable Daniel Johnson, a déclaré ce qui suit
- et je cite ce que nous ont rapporté les journaux, c'est très
bref -« Une loi viendra régler le problème de
Saint-Léonard. »
D'ailleurs, au cours d'une émission radiopho-nique, le vendredi
précédent, soit le 22 novem-
bre, le premier ministre avait répondu à des questions au
téléphone. C'était ce genre d'émission
radiophonique qu'on appelle en anglais une « hot line », où
l'interviewé répond à des questions au
téléphone ou encore fait ses commentaires sur des
déclarations que des personnes lui font au téléphone.
C'était au poste CFCF à partir de neuf heures du soir et au
début de l'émission, puisque ce que je vais citer, je le retrouve
à la page 4 du feuillet de la transcription des conversations qui se
sont déroulées à l'occasion de cette émission.
Au téléphone, un homme demande: « Action speaks
louder than words and my question is: What tangible proof can you give us that
your policies to bring an early solution to this problem will be acted upon and
when? « L'honorable Jean-Jacques Bertrand; May I reply? You said that
action speaks louder than words. I agree with you. That is why, as I mentioned
a moment ago, a law will be submitted next week to the Quebec Parliament,
whereby I think linguistic rights of the minority will be protected, «
not would be » but « will be protected in this province. You
mentioned when, so I said next week ». C'était le 22 novembre.
Je reviens à l'entrevue du 25 novembre à laquelle je
référais il y a un instant alors que le premier ministre,
à Montréal, était accompagné du ministre de
l'Education. M. Bertrand avait alors ajouté que ce projet de loi serait
déposé pour une première lecture le lendemain 26. Ce
jour-là, rien ne s'est produit. On se souvient de cette journée,
alors que tous, nous attendions ce qui allait se produire.
Mais le lendemain, le mercredi 27 novembre, le premier ministre a fait
une déclaration en Chambre. Je cite un extrait de ce qu'a dit le premier
ministre, la page 4326 du journal des Débats: « Je me proposais de
déposer cette semaine un projet de loi concernant les droits
linguistiques dans l'enseignement. Tout comme mon prédécesseur,
l'honorable Daniel Johnson, l'avait fait à plusieurs reprises, notamment
à cette conférence de presse qu'on a appelée à
juste titre son testament politique, j'avais moi-même
déclaré que nous ferions diligence pour présenter une
telle mesure dès que nous aurions l'occasion de prendre connaissance du
rapport du comité de restructuration scolaire de l'île de
Montréal. En fait, nous avons le rapport depuis quelques semaines. Nous
l'avons étudié. Nous avons pris connaissance, également,
des réactions et opinions exprimées en divers milieux. Nous avons
dégagé de tout cela les éléments d'une solution qui
était d'autant plus urgente qu'il y avait un cas bien spécifique
à résoudre ».
C'est le premier ministre qui parle: « C'est à cause de
cette urgence que j'avais moi-même annoncé que le projet de loi
serait sinon discuté et adopté, du moins déposé
cette semaine». Oui. Certainement. Il a été
déposé, mais il est clair, d'après les paroles du premier
ministre, que la question devait être réglée sans
délai. C'était un problème qu'il fallait régler
d'urgence. Je pense que les jeunes Turcs qui interrompent de l'autre
côté devraient avoir un peu de respect pour leur chef, le premier
ministre.
M. BERGERON: Le chef de l'Opposition devrait commencer par...
M. ROY: Vous avez du respect pour nos chefs quand ils sont à
l'hôpital ou enterrés.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LACROIX: Vous l'avez enterré avant, vous autres.
M. ROY: Basile, parle donc pour ta grandeur.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LACROIX: Imbéciles que vous êtes.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Lorsque plusieurs députés
parlent ensemble, nous perdons plusieurs opinions fort enrichissantes. C'est
pourquoi nos règlements ont prévu qu'un seul opinant devait
parler à la fois.
L'honorable chef de l'Opposition.
M. LESAGE: Je reprends la dernière phrase de la
déclaration du premier ministre telle qu'elle est consignée au
journal des Débats, c'est-à-dire la dernière phrase que
j'ai citée: « C'est à cause de cette urgence que j'avais
moi-même annoncé que le projet de loi serait sinon discuté
et adopté, du moins déposé cette semaine. Or, voici
qu'à cause des élections complémentaires qui auront lieu
le 4 décembre, certains nous prêtent l'intention de faire de ce
problème un enjeu électoral. « En fait, M. le
Président, il n'y a jamais eu de lien dans notre esprit entre les deux
échéances, mais j'admets que, pour ceux qui n'ont pas suivi
d'aussi près que nous le fil des événements, la
coincidence peut paraître troublante. Je dirai que non seulement nous
n'avons pas le droit de faire de l'électoralisme avec une question comme
celle-là, mais que nous n'avons même pas le droit d'être
soupçonnés d'en faire. « C'est pourquoi, conscients de nos
responsabilités devant le Parlement et devant l'opi-
nion publique, nous avons décidé de ne pas
présenter le projet de loi cette semaine. Nous le déposerons
sûrement avant la fin de la présente session, car, il n'y a pas
à se le cacher, il s'agit d'un problème délicat et
difficile : d'un problème qui touche à ce que les hommes ont de
plus cher: leur langue et leur culture; d'un problème où les
réactions émotives peuvent parfois prendre le pas sur la froide
raison. « Déjà, des rumeurs se multiplient et on va
jusqu'à nous prêter, avant même que nous ayons
déposé un texte et que nous en ayons montré la
véritable portée, toutes sortes d'intentions que nous n'avons
jamais eues. « J'espère qu'après le 4 décembre on
saura, de part et d'autre, retrouver son sang-froid et que nous n'assisterons
pas à une escalade de peurs irrationnelles ou à un affrontement
d'ex-trémismes, qui ne pourrait que rendre difficile une solution juste
et compromettre peut-être, sans bénéfice pour personne, la
paix et l'harmonie qui doivent exister au sein de la communauté
québécoise. »
Je dois vous souligner, M. le Président, qu'à la suite de
cette déclaration du premier ministre, nous de ce côté-ci
de la Chambre, nous étions perplexes, je l'avoue. Nous nous demandions
ce qui allait se produire car c'était un secret de polichinelle que le
caucus de l'Union Nationale était divisé sur la question. Je dois
vous dire, M. le Président, que nous avions fait erreur en ce qui
concerne le degré de courage que pouvait démontrer, même
à l'encontre de... m: BELLEMARE: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: Je n'ai pas encore eu l'occasion de donner une
directive quant à cette motion-là. L'honorable chef de
l'Opposition a tous les droits et privilèges de citer des
déclarations qui auraient été faites par des ministres ou
par des députés, concernant le temps où ce projet de loi
pouvait être étudié. Cependant, je crois qu'il conviendra
avec moi que nous sommes non seulement sur le chemin, mais presque rendus
à destination d'un débat au fond.
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LESAGE: M. le Président, je ne discute aucunement le fond de
la question. J'ai certainement le droit, cependant de décrire la
situation. Je prends l'engagement de ne pas toucher au fond de la question.
Quant à la réaction des hommes devant le problème,
cependant, j'ai le droit d'en parler.
Oui, je dis que nous nous étions trompés,
M. le Président. Le premier ministre a fait preuve d'un grand
courage, parce que, lui, il a été fidèle à sa
parole. Le lundi 9 décembre, il déposait le projet de loi 85, en
même temps qu'il annonçait une commission d'enquête sur les
problèmes linguistiques et cela il l'a dit lui-même
après de nombreuses séances du conseil des ministres et du caucus
des députés de l'Union Nationale.
Comme l'avait demandé le premier ministre dans sa
déclaration du mercredi 27 novembre, nous de ce côté-ci de
la Chambre, nous étions prêts à éviter ce que le
premier ministre appelait « une escalade de peurs irrationnelles et cet
affrontement d'extrémismes, qui ne pourraient que rendre plus difficile
une solution juste et compromettre peut-être, sans bénéfice
pour personne, la paix et l'harmonie qui doivent exister au sein de la
communauté québécoise. » Mais, il semble que les
adversaires du premier ministre, à ce moment-ci, ne sont pas, M. le
Président, les personnes qui siègent à votre gauche, mais
bien plutôt un groupe de celles qui siègent à votre
droite.
M. BELLEMARE: Je ne pense pas que cette intervention du chef de
l'Opposition puisse apporter rien de constructif dans le débat qui est
présentement devant la Chambre. S'il veut attaquer tout un groupe, je ne
pense pas que ce soit son genre à lui. Il est plus courtois que
ça et Je pense qu'il peut rester fidèle au parlementarisme qu'il
a acquis ici et ailleurs afin de faire un débat plus serein et rester
dans la limite de la gentllhommerie que je lui reconnais. Si le chef de
l'Opposition prend une autre attitude, il l'aura voulu. Nous le suivrons
exactement sur le même terrain.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: Je n'ai attaqué personne en particulier, mon
intention, d'ailleurs, c'est de dissocier dans quelques instants le
député de Champlain du groupe dont je viens de parler.
M. BELLEMARE: Malgré que ce serait peut-être un geste
courtois à mon endroit...
M. LESAGE: Et mérité, d'ailleurs.
M. BELLEMARE: Je dis que je suis solidaire d'une équipe et que je
le demeure.
M. LESAGE: C'est pour cela que, tantôt, je serai obligé de
montrer tellement de compassion pour le leader du gouvernement de la Chambre.
Nous étions prêts, nous, à entreprendre
dans la sérénité, dans la plus entière
sérénité, la discussion en deuxième lecture du bill
85. Hélas!, un événement extrêmement malheureux est
survenu, événement qui a surpris tout le monde, c'est la maladie
qui a obligé le député de Missisquoi à prendre un
repos de quelques semaines à la suite de ce surmenage que lui avaient
occasionné au cours des dernières semaines, ses fonctions de
premier ministre et de chef de parti, la deuxième étant beaucoup
plus troublante que la première.
M. LAFONTAINE: C'est votre expérience?
M. LESAGE: Que se passe-t-il donc? Je pense que le ministre de la Voirie
est un fidèle du premier ministre, lui aussi, et je lui rends ce
témoignage.
M. LAFONTAINE: Certainement. M. BIENVENUE: Très bien.
M. LESAGE: Que se passe-t-il du côté ministériel? On
a l'impression que durant l'absence du chef, la pagaille règne et que le
caucus de l'Union Nationale est devenu la tour de Babel...
M. BELLEMARE: La motion.
M. LESAGE: ... et que les hommes sérieux de l'Union Nationale ne
peuvent plus faire entendre la voix de la raison; et ça, ce sont les
gens de l'Union Nationale.
M. LE PRESIDENT: Je pense que l'honorable chef de l'Opposition
conviendra que nous risquerions très fort de nous engager dans un
débat sur le fond par une porte d'à coté et je comprends
que cette façon d'agir est très habile mais qu'elle risquerait de
nous engager dans un débat au fond de la question par le moyen des
personnes.
M. LESAGE: Je ne ferai plus de personnalité, sauf pour faire du
vice-premier ministre un ami. Et je voudrais me faire son ami. Il est
arrivé en Chambre cette semaine. Il vient d'assumer les fonctions de
vice-premier ministre et il a une très grande responsabilité. Je
pourrais faire des jeux de mots, étant donné son nom, disant que
un cardinal est un prince de l'Eglise.
C'est un peu ce qui m'a fait penser au Prince Florentin. Et voici ce que
Machiavel donnait comme conseil. C'était Florentin qui parlait: «
...et tu verras toujours que celui qui n'est pas ton ami te priera de demeurer
neutre, et celui qui t'est ami te sollicitera à te découvrir par
les armes. Les princes mal résolus pour éviter les
présents dangers suivent le plus souvent la neutralité et, le
plus souvent aussi, sont ruinés. »
Je viens de me montrer un ami du ministre de l'Education, en lui donnant
un conseil de véritable ami. J'espère qu'indépendamment du
mot Machiavel, du mot Prince et du mot Florentin, il se souviendra toujours du
plus grand danger qui guette un homme qui a la responsabilité de la
direction et celui qui a la responsabilité des décisions, c'est
celui de l'atermoiement et de la neutralité.
Mais pourquoi je pense bien que vous serez peut-être plus
à l'aise M. le Président pourquoi référer le
bill 85, avant même que les députés aient pu faire
connaître en cette Chambre, au cours du débat de deuxième
lecture, leur point de vue sur cet important sujet? On sait que tous les
députés ne font pas partie des comités. On sait aussi
combien il est facile, pour l'Union Nationale, de reporter les discussions aux
calendes grecques en référant les questions importantes à
des comités. Exemple, le comité de la constitution, qui a attendu
deux ans et demi, avant de siéger sous le gouvernement de l'Union
Nationale. Vous savez, M. le Président, c'est un bien curieux de
gouvernement. Vous, vous êtes indépendant, je peux vous en parler,
c'est un bien curieux de gouvernement que nous avons.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas cela qui est dans la motion...
M. LESAGE: C'est le gouvernement qui présente la motion.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas une preuve. Ce n'est pas le sujet en
discussion, même si l'honorable chef de l'Opposition...
M. LESAGE: Le gouvernement est sujet à discussion.
M. BELLEMARE: Même s'il semble avoir beaucoup de plaisir à
le faire, je lui demande, si possible, de parler de la motion en
discussion.
M. LESAGE: C'est ce que je fais.
M. BELLEMARE: Oui, par toutes sortes d'autres moyens qui ne sont pas
permis.
M. LESAGE: Oui.
M. BELLEMARE: Je pense que l'honorable chef de l'Opposition ferait moins
perdre de
temps à la Chambre, si on parlait de la motion. C'est simple. On
a mis de côté l'article 536, et on veut faire un comité. Ce
n'est pas le procès du gouvernement.
M. LESAGE: Oui, c'est un bien curieux de gouvernement. C'est un
gouvernement qui a peur d'agir et qui invente...
M. ALLARD: Nous pouvons disséquer l'Opposition libérale,
nous aussi.
M. LESAGE: ... toutes sortes de stratagèmes pour cacher son
incapacité...
M. BELLEMARE: M. le Président, quand on parlera de l'Opposition,
tout à l'heure, vous nous laisserez faire. On va disséquer
l'Opposition, nous aussi.
M. LAVOIE (Laval): Oui, oui, oui!
M. BELLEMARE: ...pour savoir combien il y a de chefs et comment il y a
d'ailes.
M. LAVOIE (Laval): D'accord.
M. BELLEMARE: ... comment cela suit.
Il y en a même qui sont obligés de s'en aller en
voyage.
M. LESAGE: Je m'en tiens strictement à la motion. Je dis que nous
avons un gouvernement qui...
UNE VOIX: ... qui c'est le sous-chef? Et la pagaille...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: ... invente des stratagèmes pour cacher son
incapacité et sa profonde division. Je n'invente rien. Le Devoir de ce
matin dit: « C'est le dernier coup de théâtre d'une
série d'événements spectaculaires qui, depuis quelques
jours, ont transformé le Parlement en véritable capharnaüm
et en un immense « lobby » par le truchement duquel les
députés les plus nationalistes de l'Union Nationale ont
réussi à faire retraiter le gouvernement et à ajourner une
mesure législative à laquelle M. Bertrand avait accroché
son nom.
M. GABIAS: C'est brillant ça.
M. LESAGE: Puis devant cette division intérieure...
M. COURCY: L'ami du prince.
M. LESAGE: Que le député de Champlain m'écoute bien
même les hommes les plus lucides, les plus
expérimentés je m'adresse au député de
Beauce...
M. ALLARD: Qu'est-ce que cela a à faire avec la motion?
M. LESAGE: ... parmi ceux qui occupent les sièges à votre
droite, sont pris de panique. Nous en avons la preuve par la motion.
M. BELLEMARE: Nous vous avons montré ça ce matin que nous
étions pris de panique.
M. LESAGE: Nous, de ce côté-ci de la Chambre, nous pensons
que, sur le plan linguistique, il y a des choses importantes à dire et
tous les députés représentant les comtés du
Québec ont non seulement le droit mais le devoir de faire entendre leur
voix, de se prononcer.
C'est pourquoi nous croyons que le bill 85, avant d'être
référé à un comité, devrait être
discuté en deuxième lecture en cette Chambre pour que chacun
puisse s'exprimer sur le principe.
Connaissant la loyauté du leader du gouvernement en cette Chambre
pour ses chefs...
M. BELLEMARE: J'ai peur de vous, lorsque vous commencez ainsi.
M. LESAGE: Non, il n'y a pas de peur à y avoir. Je suis sûr
que c'est à reculons que le député de Champlain a
accepté d'être le parrain de la motion à
l'étude.
M. BELLEMARE: M. le Président, pourquoi ce manquement flagrant
aux règlements, pourquoi me prêter des motifs comme
celui-là? C'est défendu, ça.
Il n'a pas le droit de dire que je recule. Il sait bien que je ne recule
pas.
UNE VOIX: II constate.
M. LESAGE: Comment le député de Champlain peut-il me
reprocher de lui attribuer un motif de loyauté et de
fidélité à ses chefs?
M. BELLEMARE: Oui, mais... Cela, c'est la présentation et
après ça il dit: II recule. N'est-ce pas un motif, ça?
M. LESAGE: C'est un compliment que je veux vous faire.
M. BELLEMARE: Oui, oui. Ne m'en faites pas trop.
M. LESAGE: La raison pour laquelle, sans cloute, il a accepté que
cette motion soit en son nom, c'est son souci de préserver le parti. Il
se sent une très grande responsabilité durant la maladie de son
chef et il va même jusqu'à tenter de réunir à
l'équateur le pôle nord et le pôle sud dans son parti. Ce
n'est pas à lui qu'il faut s'en prendre...
M. GABIAS: ... s'en vont au pôle nord et au pôle sud.
M. LESAGE: Ce n'est pas au député de Trois-Rivières
non plus. C'est un certain nombre de leurs collègues...
M. LAFRANCE: Cela chauffe.
M. LESAGE: II y a des attitudes prises par certains de nos amis d'en
face qui sentent la trahison à plein nez.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Cela, M. le Président, si vous le permettez, nous
allons l'employer le mot trahison et nous allons nommer qui, nous, qui a trahi
le chef de l'Opposition...
M. LESAGE: M. le Président, je vais retirer mes paroles...
M. BELLEMARE: ... dans son dos cette année. Nous allons le dire,
nous.
M. LESAGE: Je vais dire que les Brutus ne se comptent plus parmi nos
amis d'en face.
M. BELLEMARE: Si vous permettez ça, M. le Président, je
vais employer le mot trahison et je vais mettre des noms.
UNE VOIX: Mettez-les.
M. LE PRESIDENT: Même sans menace, je vais inviter l'honorable
chef de l'Opposition à retirer ses paroles...
M. BELLEMARE: II y a une limite.
M. LE PRESIDENT: ... y compris trahison et Brutus.
M. LESAGE: M. le Président, nous sommes prêts.
M. BELLEMARE: Retirez, s'il vous plaît. M. le Président,
vous lui avez dit de retirer ses paroles.
M. LESAGE: J'avais retiré le mot trahison, mais qu'y a-t-il de
mal à dire Brutus?
M. BELLEMARE: C'est surtout pour ceux qui ne le connaissent pas.
J'ai pensé que c'était un libéral...
M. LESAGE : M. le Président, une fois de plus, vous serez
à l'aise. Nous sommes prêts à passer dès maintenant,
quant à nous, à la deuxième lecture du bill 85.
Nous croyons qu'il n'y a pas lieu d'accepter la motion
présentée par le leader de la Chambre. Nous voulons que tous les
députés puissent avoir le droit de faire connaître leur
point de vue, et je ne comprends pas pourquoi le ministre de l'Education et le
leader parlementaire priveraient tous les représentants du peuple de ce
droit strict que leur confère le règlement. Si la motion est
adoptée, ce sera le résultat qu'on aura obtenu. Qu'on soit pour
ou qu'on soit contre le principe du bill 85, ce n'est pas la question. Ce que
nous demandons, nous, de ce côté-ci de la Chambre, c'est que les
députés puissent avoir le droit et l'occasion de le dire. C'est
ce droit que nous réclamons, et nous n'avons pas l'intention de nous le
laisser ravir parce qu'à l'intérieur du parti ministériel,
il y en a qui se sentiraient plus à l'aise dans le MIS qu'ici.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nommez-les. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: M. le Président, nous pourrons peut-être voir
qui ils sont. J'ose espérer que tous les députés de cette
Chambre consentiront à considérer comme régulier
l'amendement que j'ai l'intention de proposer...
M. BELLEMARE: Il n'a pas le droit, M. le Président, en vertu de
l'article 221...
M. LESAGE: ... et qui se lit comme suit:...
M. BELLEMARE: M. le Président, je soulève un point
d'ordre. Nous ne pouvons pas le permettre, à ce stade-ci de notre
discussion, et particulièrement à cause de la limpidité de
l'article 221, qui est clair, qui ne se discute pas et qui revêt une
forme impérative: « Une motion portant suspension d'une
règle particulière ou des règlements en
général ne peut être amendée c'est
impératif qu'avec le consentement
unanime de la Chambre ». Il n'y a pas consentement unanime.
M. LESAGE: M. le Président, le député de Champlain
ne veut pas. Il suffit d'une...
M. DOZOIS: Nous voulons suivre le règlement.
M. COURCY: Vous l'avez dit tantôt.
M. LESAGE : M. le Président, il est clair que des banquettes
ministérielles viennent les expressions de ceux qui craignent la
vérité.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: M. le Président, je continue...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! C'est que l'honorable chef de l'Opposition
conviendra...
M. BELLEMARE: Craignent...
M. LE PRESIDENT: ... que l'article 221 existe toujours et qu'on ne peut
dire que les gens s'en servent pour telle ou telle raison. Le règlement
existe, et je pense que le chef de l'Opposition doit convenir qu'à moins
qu'il y ait consentement unanime, il ne peut présenter, à ce
moment-ci, une motion d'amendement.
M. LESAGE : C'est ce que je viens de constater, M. le
Président...
M. BELLEMARE: Oui, mais vous n'avez pas le droit de dire que vous nous
prêtez des motifs.
M. LESAGE: ... qu'on ne me permettait pas de présenter un
amendement qui aurait eu pour but - j'ai le droit de dire ça.
Un amendement qui aurait eu pour but étant donné le
refus de procéder immédiatement à la deuxième
lecture de faire réunir le comité de l'éducation
tout de suite, avant la prorogation de la session et de reporter la prorogation
de la session après que nous aurions disposé du bill 85.
Nous ferons ia même chose pour le bill 56, car nous
considérons que, dans ces deux domaines, nous, les représentants
du peuple, nous avons des responsabilités très graves dont nous
devons nous acquitter avec un sentiment de très grande urgence. Nous
n'avons pas le droit de proroger la session tant qu'il reste des questions
aussi graves à trancher.
Elles sont aussi graves, ces questions, que le bill 290 que le
député de Champlain veut absolument faire adopter.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Le chef de l'Opposition vient de me mettre directement en
cause au sujet d'une autre loi qui est devant la Chambre, M. le
Président. Je ne pense pas que l'interprétation qu'il a
donnée soit la plus juste et la plus vraie.
M. LESAGE: C'est aussi important de discuter ces deux projets de loi et
d'en disposer d'une façon définitive que c'est important de
disposer d'un budget supplémentaire.
M. BELLEMARE: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! Il y a toujours des
limites, M. le Président!
M. LE PRESIDENT: Al'ordre! Al'ordre! Les remarques que fait actuellement
l'honorable chef de l'Opposition peuvent se faire en vertu de l'article 114,
mais à un autre moment, parce qu'actuellement nous sommes à
discuter d'une motion précise.
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LESAGE: N'importe quand, M. le Président.
M. BELLEMARE: Non.
M. LESAGE: Y a-t-il lieu ou n'y a-t-il pas lieu d'accepter cette motion
qui aura pour effet de reporter aux calendes grecques une question que nous
devons régler et que j'ai le droit comme Québécois et
comme...
M. BELLEMARE: C'est faux. M. LESAGE: ... Canadien... M. DOZOIS: C'est
faux.
M. LESAGE: J'ai certainement le droit d'exprimer une opinion quant
à l'urgence et à l'importance de la question comparée
à d'autres que le gouvernement veut nous voir régler d'ici ce
soir...
M. BELLEMARE: Non, non, non! Vous verrez...
M. LESAGE: ... d'après les opinions exprimées.
M. BELLEMARE: M. le Président, l'honorable chef de l'Opposition
verra tout à l'heure que la prorogation de la Chambre n'est pas pour ce
soir.
M. LESAGE: D'abord, ça ne serait pas possible.
M. BELLEMARE: Non, d'accord.
M. ALLARD: D'ici au 23, on a du temps.
M. LESAGE: Quant I nous, de ce côté-ci de la Chambre, nous
sommes prêts à siéger régulièrement...
DES VOIX: C'est ça.
M. LESAGE: ... et aussi longtemps qu'il le faudra pour apporter une
solution...
M. ALLARD: C'est faux.
M. LESAGE: ... au problème fondamental mis en cause par le bill
85.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education.
M. Jean-Guy Cardinal
M. CARDINAL: M. le Président, le gouvernement apris ses
responsabilités, contrairement aux affirmations que l'on vient de
faire.
Cette responsabilité, c'est celle de se faire aviser, celle
d'entendre les voix de la population sur un sujet aussi important, aussi
fondamental que celui qui est devant nous. Les députés ne sont
pas, pour autant, empêchés de se faire entendre. Ils pourront,
comme toute autre personne, s'exprimer au comité, comme ceci a toujours
été fait dans le passé. Dans les circonstances, on peut
difficilement, surtout pour des raisons de partisanerie, s'opposer à ce
que les différents mouvements, les associations, les groupes
intéressés par le problème, fassent entendre leur
voix.
Il ne peut être question, dans un domaine semblable, en fin de
session, alors que, souvent, tout se passe à la vapeur, d'empêcher
la population...
M. BIENVENUE: Pourquoi la vapeur?
M. CARDINAL: ... de s'exprimer. Il est vrai que j'ai accompagné
le premier ministre, l'honorable Jean-Jacques Bertrand, lorsqu'il a
rencontré un groupe de citoyens, à Montréal. Comme l'a
indiqué clairement l'honorable chef de l'Opposition, j'étais
solidaire et je demeure solidaire de notre premier ministre.
UNE VOIX: Prouvez-le.
M. CARDINAL: Je désirerais rappeler au chef de l'Opposition les
paroles que j'ai prononcées, le 4 décembre dernier, date dont il
doit se souvenir, alors qu'après l'élection de Bagot, je
rappelais cette loyauté envers le chef et ce désir de servir le
comté de Bagot, le Québec, et le chef, M. Jean-Jacques
Bertrand.
Le chef de l'Opposition affirme qu'il n'a pas été question
de référence à un comité, lors de cette
réunion. Pour le faire, il s'en rapporte, sans les citer, aux journaux.
J'étais présent à cette réunion, lui-même l'a
affirmé et reconnu. Je puis vous assurer qu'il a été
discuté de cette question de référer à un
comité un projet de loi en cette matière. Le premier ministre n'a
alors fait de déclaration ni contre ni pour un tel projet. Les
déclarations de l'honorable Bertrand, vous les utilisez. Mais vous les
utilisez à quelles fins? Je ne ferai pas de procès d'intention.
Mais, je puis les reprendre, ces déclarations, dans l'ordre et dans leur
contexte. Le mercredi 27 novembre 1968, à la même page que vous
avez citée, 4326, dans une déclaration ministérielle, je
cite M. Bertrand. Celui-ci disait: « Je me proposais de déposer
cette semaine un projet de loi concernant les droits linguistiques dans
l'enseignement. »
Dans le paragraphe suivant, M. Bertrand ajoutait; « Nous avons
pris connaissance également des réactions et opinions
exprimées en divers milieux. » Il parlait du rapport du
comité de restructuration scolaire. « Nous avons
dégagé de tout cela les éléments d'une solution qui
était d'autant plus urgente qu'il y avait un cas spécifique
à résoudre. C'est à cause de cette urgence que j'avais
moi-même annoncé que le projet de loi serait, sinon discuté
et adopté, du moins déposé cette semaine. » A la
même page, M. Bertrand, après quelques interventions, ajoutait:
« C'est pourquoi, conscients de nos responsabilités devant le
Parlement et devant l'opinion publique, nous avons décidé de ne
pas présenter le projet de loi cette semaine. Nous le déposerons
sûrement avant la fin de la présente session, car, il n'y a pas
à se le cacher, il s'agit d'un problème délicat et
difficile; d'un problème qui touche à ce que tous les hommes ont
de plus cher, leur langue et leur culture, et un problème où les
réactions émotives peuvent parfois prendre le pas sur la froide
raison. »
Dans une déclaration aux journaux, le 29 novembre 1968, à
une question de M. Sydney Mar-golese, du poste CJAD, lui demandant ce qu'il
avait l'intention de faire au sujet du problème des langues avant la fin
de la session, M. Bertrand avait répondu: « The bill I have
mentioned will be presented to the House after those two by-elections and I
also hope, because that I am
one Member of the Parliament, that we will have the cooperation of all
the Members of Parliament, so that it will be adopted through the usual channel
or through a study of the same bill in one of those committees that we have in
the House, either through the Parliamentary committee on Education or the
Parliamentary committee on the Constitution. »
M. LESAGE: C'est exactement l'amendement que j'ai proposé: qu'il
soit adopté à cette session en passant par le comité.
M. CARDINAL: M. le Président, est-ce que l'honorable chef de
l'Opposition...
M. BELLEMARE: Tenez-vous donc tranquille.
M. LESAGE: Il vient de confirmer ma demande.
M. BELLEMARE: Tenez-vous donc tranquille. Pourquoi cet énervement
pour rien, ce manque de patience?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CARDINAL: ... En aucun moment, je ne crois avoir interrompu le chef
de l'Opposition, malgré le ton de ses paroles à certains
endroits.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas gentil ça. Laissez-le donc
tranquille.
M. LESAGE: Bien oui, mais il vient d'admettre qu'on avait raison.
M. BELLEMARE: Reprenez donc votre calme.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CARDINAL: M. le Président, dans le journal des Débats
de l'Assemblée du lundi 9 décembre 1968, à la page 4647,
dans une autre déclaration ministérielle où il
était question de l'enquête sur les problèmes
linguistiques, l'honorable premier ministre s'exprimait ainsi: « Ce sera
l'objet d'un projet de loi dont l'avis apparaît au feuilleton de la
Chambre et dont le texte, avec la permission du chef de l'Opposition et de mes
collègues de la Chambre, pourrait être appelé
immédiatement en première lecture pour qu'il soit porté
à la connaissance de tous les députés de cette Chambre, de
la presse et du public. »
M. le Président, je pense que ces citations précises des
paroles du premier ministre indiquent, d'une part, que le gouvernement a rempli
sa promesse de déposer un projet de loi en matière linguistique,
le bill 85 et, d'autre part, que l'on ne peut pas attacher quelque importance
que ce soit aux interprétations que l'on peut donner du fait
qu'aujourd'hui cette motion ait été présentée par
le leader de cette Chambre.
J'ai, d'ailleurs, vu, ce matin même encore, l'honorable premier
ministre et vous pouvez être assurés qu'il accepte cette
référence au comité de l'éducation. D'ailleurs, on
le sait le chef de l'Opposition l'a mentionné lui-même
M. Bertrand, alors même qu'il était ministre de
l'Education, avait lui-même, à certaines occasions, tout
particulièrement lors de l'adoption du bill 21 créant les
collèges d'enseignement général et professionnel,
référé des projets de loi au comité permanent de
l'éducation. L'on sait que, tout récemment encore, le
gouvernement a référé des projets de loi urgents, mais
peut-être moins importants que le bill 85, au même comité.
Je souligne, en passant, que ce comité a tenu ses réunions durant
une période où le ministre de l'Education avait d'autres
occupations. Je remercie, en passant, l'Opposition de l'aide qu'elle m'a
apportée lors de l'élection du 4 décembre 1968.
M. COURCY: II serait mieux de remercier les « bulls » les
« scrapers », puis les vaches et les bulldozers. Un
éducateur devrait dire la vérité.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M» ROY: Les transmissions pour Boisvert.
M. COURCY: Informe-toi à ton voisin: 40 travaux dans dix
paroisses, 40 projets en marche, l'asphalte sur la neige...
M. BELLEMARE: Acceptez-la donc, votre défaite.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable ministre de l'Education.
M. CARDINAL: Je comprends les réactions vives du
député d'Abitibi-Ouest, et je pense que toute la Chambre les
comprend.
M. COURCY: Il y a du hockey ce soir. J'ai un billet.
M. CARDINAL: Je reviens donc au sujet.
M. KENNEDY: Cela va être une bonne partie ce soir.
M. CARDINAL: Un bill a donc été déposé, tel
qu'il avait été promis. La promesse est remplie; le gouvernement
n'a en rien reculé. On a mentionné que des gens s'étaient
fait entendre avant que le projet de loi ne soit déposé. Oui. Des
groupes ont fait entendre leurs voix de façon plus ou moins bruyante
avant que le projet de loi ne soit déposé, avant même,
peut-être qu'il n'existe un projet de loi. Je pense qu'il y a une
différence entre des voix qui se font entendre sur des nouvelles qui
peuvent paraître dans les journaux, sur des rumeurs ou sur des projets,
et des voix qui peuvent se faire entendre à la suite de l'étude
d'un projet de loi. Je reviens d'ailleurs sur ce terme étude. Qu'on
prenne les déclarations de l'honorable Jean-Jacques Bertrand ou qu'on
prenne les déclarations que j'ai moi-même faites - et qu'on
retrouve dans les journaux, d'ailleurs on verra que c'est le mot «
déposer » et le mot « étudier » qui ont
toujours été employés. Faire de la partisanerie avec une
question semblable alors que le premier ministre est malade, après avoir
utilisé la procédure pendant près d'une journée
tout en laissant croire à de la sympathie et en alléguant
l'urgence, je ne pense pas que ceci échappe à personne. Affirmer
que le caucus est divisé, c'est une affirmation facile, et je ne me
permettrai pas en cette Chambre d'utiliser les mêmes
procédés.
DES VOIX: Oh! Oh! Son Eminence!
M. MAILLOUX: Pas de permission à donner.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable ministre de l'Education.
M. CARDINAL: Le premier ministre, M. Bertrand - le chef de l'Opposition
l'a indiqué a fait preuve de courage. Le gouvernement
démontre aujourd'hui le même courage dans les circonstances. Je
veux bien être ami de M. Le-sage, mais je choisis mes amis après
les avoir bien connus. Je remercie l'honorable chef de l'Opposition de son
conseil, tout en soulignant que c'est un Conseil machiavélique. Le
conseil. Moi, je ne lis pas Machiavel, je lis l'histoire de mon pays.
M. COURCY: Parlez-nous donc du ballet aussi. L'histoire du ballet
russe.
M. CARDINAL: II n'est pas question, comme on l'affirme, de
référer aux calendes grecques le projet de loi 85 mais, comme
l'indique le motion, à la prochaine session. M. Lesage aurait-il peur
des comités?
M. LESAGE: Non, ni du ministre de l'Education.
M. CARDINAL: Particulièrement de celui de l'Education?
DES VOIX: Ce soir.
M. LESAGE: Ce soir. Nous sommes prêts.
M. CARDINAL: Le comité de l'éducation, à qui ce
projet de loi sera référé, comité qui siège
présentement, a pris plusieurs jours uniquement pour étudier les
projets de loi 56 et 61.
Je pense que ce n'est pas possible, dans les circonstances, et c'est une
des raisons de la motion de hâter l'étude d'un tel document.
Comment voulez-vous qu'en réunissant sans délai ce comité,
vous puissiez croire que tous les groupes intéressés, que toutes
les personnes qui peuvent se faire entendre puissent le faire à si
brève échéance? La vraie question est de permettre
à tous, députation et population, de s'exprimer sur un sujet
aussi fondamental. L'Opposition veut-elle empêcher que les gens aient la
possibilité et le temps de la réflexion, le temps de s'exprimer
d'une façon exhaustive sur un sujet aussi important?
UNE VOIX: Vous auriez peut-être avantage à
écouter.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CARDINAL: Pour respecter le droit des gens qui ont demandé
à se faire entendre, tout en respectant le droit des
députés de se faire entendre, à cause de la
nécessité d'étudier ce projet, à la suite de
plusieurs suggestions qui ont été faites depuis le
dépôt du projet, soit dans les journaux, soit par des
associations, soit par la radio ou la télévision, il est de
l'intérêt public que ce bill soit référé au
comité de l'éducation et que la motion proposée soit
adoptée. Le gouvernement prend et prendra toujours sa
responsabilité, face à une situation qui doit être
corrigée...
M. COURCY: Il se trouve à être coincé.
M. CARDINAL: ... et ce n'est pas en hâtant l'adoption du projet de
loi que ces responsabilités seront le mieux assumées. Bien des
gens ont manifesté l'intention que ce bill soit étudié,
qu'il soit amendé. Il faut que cette étude puisse se faire dans
la paix, dans un délai raisonnable. Il faut que cette étude
puisse se faire pour que le pro-
jet de loi, en cette matière, soit un projet qui
représente vraiment les aspirations du Québec et qui
résolve vraiment les problèmes qui se sont posés ou qui
pourraient à l'avenir se poser.
Je pense donc que les deux côtés de la Chambre...
M. COURCY: Il est contre le bill!
M. CARDINAL: ... tant le côté ministériel que
l'Opposition, devraient comprendre l'intérêt qu'il y a d'approuver
la motion du leader de cette Chambre. Je pense qu'il faudrait éviter que
des procédures ou que des interventions, justement devant l'urgence de
la question, viennent retarder l'adoption de cette motion.
UNE VOIX: L'urgence? DES VOIX: L'urgence?
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Vaudreuil-
Soulanges.
M. Paul Gérin-Lajoie
M. GERIN-LAJOIE: La motion qui est actuellement devant nous touche
à un sujet de la plus grande importance. Je pense que je n'ai pas besoin
d'insister. On l'a assez souligné depuis le début de la
journée. Le bill 85, que l'on propose de référer au
comité de l'éducation, après la prorogation de la
présente session, est un projet de loi qui touche à un sujet qui
va, bien sûr, jusqu'aux entrailles les plus profondes de tout
citoyen.
Il faut ajouter que non seulement la question est très importante
en soi mais qu'elle se présente dans un contexte particulier, un
contexte que l'on peut, je pense, sans exagération, qualifier
d'agitation sociale. Je pense que tous les membres de cette Chambre, sans
exception, doivent être fort préoccupés de voir s'apaiser
cette agitation qui se propage à travers le Québec, non seulement
depuis quelques mois, mais depuis maintenant quelques années. Si
j'invoque cette agitation sociale, c'est précisément en rapport
avec la motion qui veut soumettre à notre approbation un délai
supplémentaire pour l'adoption d'un projet de loi qui était
destiné -c'est du moins ce que nous avions compris, de ce
côté-ci de la Chambre - à faire disparaître ou,
à tout le moins, diminuer grandement l'agitation sociale actuelle.
M. LE PRESIDENT: Malheureusement, je dois interrompre l'honorable
député de Vaudreuil-Soulanges car il s'achemine très
rapidement vers le principe du bill.
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, je veux bien tenir compte de la
préoccupation qui anime votre appel à la prudence de ma part.
Vous comprenez sans doute, comme les membres de cette Chambre, que si j'ai
invoqué les faits, ou la situation que j'ai mentionnés depuis
quelques instants, c'est précisément parce que je suis
profondément convaincu que tout délai dans l'étude et dans
la disposition du bill 85 est une source de prolongation de cette situation
troublante dans laquelle se trouve actuellement la population de la province de
Québec.
Je ne dois pas cacher que l'intervention que vient de faire le ministre
de l'Education, premier ministre intérimaire, m'a profondément
déçu parce que j'ai le sentiment très net que, dans cette
intervention, le ministre n'a pas le moindrement répliqué
à l'intervention qu'a faite tout à l'heure le chef de
l'Opposition.
Le ministre de l'Education a parlé tout à l'heure
uniquement comme si nous de l'Opposition avions objection à
référer le bill 85 pour étude approfondie par le
comité de l'Education, un comité qui pourrait entendre toutes les
parties intéressées.
M. GRENIER: M. Lesage avait justement argumenté qu'on voulait
parler... et M. Cardinal a répondu à ce moment-là que la
députation pourrait se faire entendre au comité.
M. COURCY: Qu'est-ce qui se passe? Envoyez-le au hockey.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. GRENIER: Des tueurs de temps à $18,000.
M. COURCY: Envoyez-le au grenier.
M. GRENIER: Ce n'est pas votre meilleure.
M. LE PRESIDENT: Je veux signaler aux honorables députés
que nos règlements ne permettent pas premièrement, deux
interventions en même temps, et, deuxièmement, un détail
qui s'est produit quelquefois aujourd'hui, c'est que les honorables
députés doivent être désignés comme
député de la circonscription qu'ils représentent.
L'honorable député de Vaudreuil-Soulanges.
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, j'ai écouté
très attentivement le ministre de l'Education et il s'en est pris
à l'Opposition comme si nous avions objection à la
référence du bill à un comité, plus
précisément au comité de l'éducation. Il n'en est
rien.
La position du parti libéral, de l'Opposition
officielle en cette Chambre, au sujet de la motion qui est actuellement
devant nous et au sujet de la procédure à suivre pour le bill 85,
c'est ceci: Notre position peut s'exprimer en deux points très simples
et très brefs.
Premièrement, nous insistons pour que cette Chambre
procède d'abord à l'étude en deuxième lecture avant
d'aller en comité. Deuxièmement, nous insistons pour que
l'étude en comité et que ce soit à ce
moment-là le comité plénier de la Chambre ou le
comité de l'éducation, peu importe se fasse le plus tot
possible avant la prorogation de la session de façon à ce que le
comité puisse, après avoir entendu les intéressés,
après avoir délibéré, faire sans délai
rapport à cette Chambre pour qu'à ce moment-là nous
puissions disposer du bill 85 en troisième lecture, sans aucun
délai supplémentaire.
Ceci est donc aux antipodes de l'attitude qu'a semblé nous
imputer le ministre de l'Education. Bien loin de nous opposer à la
référence du bill 85 à un comité, nous croyons que
cette référence doit se faire le plus tôt possible.
Le parti libéral et ses membres, à partir de son chef et
en passant par chacun des collègues du chef de l'Opposition, a toujours
eu comme attitude qu'il fallait le plus possible permettre aux membres de cette
Chambre, premièrement, d'étudier dans le détail les
projets de loi en les référant à des comités
particuliers et, deuxièmement, de permettre à tous les corps
intéressés dans notre société de s'exprimer sur le
projet de loi. Cette attitude, qui a été une attitude constante
des membres de cette Chambre qui siègent à votre gauche depuis au
moins 1960 je ne puis remonter plus loin dans l'histoire parlementaire
du Québec pour l'instant cette attitude que nous avons eue de
façon constante, nous la maintenons aujourd'hui et nous croyons
qu'encore aujourd'hui, il est non seulement utile, mais nécessaire pour
le bon fonctionnement de nos institutions et nécessaire pour la paix
sociale que, sur un projet comme celui-ci, on entende tous les corps, tous les
groupes intéressés et toutes les personnes qui
représentent un groupe. Mais que cela se fasse, cependant, dans l'ordre
et suivant la procédure qui favorise le plus possible le bon
fonctionnement de la démocratie.
J'ai bien dit que notre première demande, c'était qu'on
procède d'abord à l'étude en deuxième lecture. Ce
n'est pas par caprice, M. le Président. D'abord, il y a un
règlement. Un règlement qui régit cette Chambre. De part
et d'autre, qu'il s'agisse du ministre du Travail, qu'il s'agisse du chef de
l'Opposition ou de qui que ce soit de leurs collègues, nous invoquons ce
règlement constamment. Bien sûr, à l'occasion, des
propositions sont faites pour mettre de côté un article du
règlement. C'est ce qu'a fait le ministre du Travail aujourd'hui, au nom
de tous ses collègues, proposant qu'on mette de côté un
article du règlement, ce qui a finalement été fait par le
voeu d'une majorité des membres de cette Chambre.
M. le Président, je pense que ce règlement, nous devrions
comprendre dans quel but il est fait. Quand le ministre de l'Education nous
disait tout à l'heure que les députés pourront s'exprimer
en comité, eh bien, le ministre de l'Education sait sûrement que
s'exprimer en comité ou s'exprimer en cette Chambre à l'occasion
de l'étude en deuxième lecture, ce n'est pas la même chose.
L'étude en deuxième lecture a précisément pour but
de permettre aux membres de cette Chambre de s'exprimer sur le principe de ce
bill. Qu'en comité, nous entendions les intéressés pour
discuter de toutes les modalités pour atteindre un objectif
proposé par le gouvernement, nous sommes d'accord, mais qu'on discute
d'abord de l'objectif; qu'on discute d'abord du principe qui nous est
proposé par le gouvernement. Cette idée, qui est à la base
même de notre règlement, est d'autant plus importante dans les
circonstances actuelles que nous sommes dans une situation où le
gouvernement a proposé et fait adopter en première lecture un
projet de loi qui est, normalement, l'expression de l'orientation de la
politique du gouvernement.
Or, voilà que les événements qui se sont
déroulés depuis que ce projet de loi a été rendu
public sont de nature à faire naître et entretenir dans la
population des doutes les plus sérieux sur les intentions du
gouvernement. Le gouvernement parraine-t-il vraiment encore ce projet de loi,
ou le gouvernement serait-il tout disposé à le mettre
complètement de côté après la présente
session, à la suite d'études en comité? Nous n'en savons
rien.
Depuis les tristes événements au sujet du premier ministre
du Québec, son absence de cette Chambre, son hospitalisation, la prise
en main des rênes du gouvernement par le premier ministre
intérimaire actuel, tous ces événements sont de nature
à entretenir dans la population des doutes sérieux sur la
politique vé-ribable, sur les buts poursuivis, sur les objectifs
entretenus par le gouvernement actuel.
Le ministre de l'Education ne nous a pas dit d'ailleurs, les
règlements ne lui permettaient pas de nous dire à ce stade-ci de
nos délibérations si ce projet de loi représente sa
pensée, et la pensée du gouvernement dont il est le premier
ministre intérimaire. Ce n'est qu'à l'occasion d'un débat
de deuxième lecture que nous aurions pu entendre le premier ministre
intérimaire et ses collègues nous dire si ce
projet de loi représente, au moins dans ses objectifs, sinon dans
ses modalités, les buts, la politique poursuivis par le gouvernement
actuel. Qu'on réfère ce projet de loi, à l'heure actuelle,
avant deuxième lecture, à un comité pour entendre tous les
intéressés, eh bien, cela est l'équivalent, de la part du
gouvernement, d'une démission devant le projet de loi, dans le sens
suivant: Le gouvernement donne très nettement l'impression qu'il se
dissocie du projet de loi, qu'il s'agit dans ce cas-ci, bill 85, d'un projet de
loi hérité comme d'un autre gouvernement et que le nouveau
gouvernement veut le référer à un comité pour
entendre tout le monde s'exprimer et, au besoin, rejeter le projet de loi
présenté à cette Chambre par un ancien gouvernement, par
un ancien premier ministre.
UNE VOIX: Très bien.
M. GERIN-LAJOIE: Ce que je dis actuellement, M. le Président,
peut paraître assez dur. Je vous avoue que, lorsque je pense au premier
ministre actuel, qui est hospitalisé, qui est incapable de s'exprimer,
il est fort possible que la façon dont je m'exprime, cet
après-midi, soit pour lui une cause de tristesse et de
désappointement profond sur le plan humain. Mais, M. le
Président, malheureusement le premier ministre n'est pas avec nous et a
dû céder temporairement les rênes du gouvernement à
l'un de ses collègues.
C'est ce collègue, qui, aujourd'hui, nous propose, avec le
député de Champlain...
M. GABIAS: Le député de Champlain.
M. GERIN-LAJOIE: Le député de Champlain, de
référer ce bill au comité de l'éducation avant
deuxième lecture. Encore une fois, étant donné les
événements qui se sont passés, depuis l'hospitalisation du
premier ministre, les commentaires qui ont été exprimés
dans les journaux, les nouvelles qu'on a lues et les silences aussi qui ont
entouré la situation, du côté ministériel, toutes
ces nouvelles, toute cette manifestation seraient de nature à augmenter
encore cette inquiétude, et à augmenter encore le sérieux
des questions qu'on se pose.
Et voilà, M. le Président, que le gouvernement nous
propose de prolonger cette inquiétude, de prolonger cette période
pendant laquelle la situation ne peut pas faire autrement que s'envenimer.
Pensons, M. le Président, que les événements, qui ont
donné lieu à ce projet de loi et qui entourent ce projet de loi,
peuvent avoir, bien sûr, une origine assez lointaine. Mais ils ont en
fait, une origine bien définie et identifiée, qui remonte aux
mois de mai et de juin derniers. Il y a donc de cela au-delà de six
mois, six mois que la situation est grave, pour un groupe de parents dans une
commission scolaire, six mois que la situation est grave dans toute la
province.
En effet, des mouvements analogues à celui de
Saint-Léonard sont en train de fermenter et l'on assiste à des
manifestations de groupes qui vont jusqu'à mettre en cause les enfants
de nos écoles, comme on l'a vu, il y a une semaine ou deux.
M. GABIAS: A l'ordre!
M. GERIN-LAJOIE: Devant une situation comme celle-là, quand on
songe aux délais qui se sont écoulés depuis le
début des événements concrets qui auraient dû mettre
en marche la machine gouvernementale pour apporter un remède à
cette situation, je crois qu'il faut s'objecter, de façon aussi claire,
aussi véhémente et aussi forte que possible, à ce que de
nouveaux délais soient imposés avant d'en arriver à une
solution.
Je voudrais bien qu'on me comprenne. Je suis très conscient que
des problèmes comme celui que touche le bill 85 ne peuvent pas se
régler d'un trait de plume, du soir au lendemain. Des problèmes
aussi graves que celui-là demandent avant règlement par un
projet de loi et des décisions administratives qui suivront sans doute
des études, des consultations et de la réflexion. Tout
cela, je le comprends et je suis sûr que tous, de ce côté-ci
de la Chambre, nous le comprenons. Mais, quand une situation comporte les
éléments d'urgence qu'on est à même de constater
aujourd'hui et quand on constate comment, dans d'autres pays des situations se
sont envenimées au point d'entraîner, au moins, des commencements
de révolutions violentes on n'a même pas besoin d'aller
jusqu'en France; on peut regarder du côté de nos amis les
Américains je pense que c'est la responsabilité des hommes
publics de manifester la plus grande célérité à
apporter, au moins, des éléments de solution.
C'est dans cet esprit que le chef de l'Opposition a dit tout à
l'heure c'est aussi l'opinion de tous les députés de ce
côté-ci de la Chambre que nous sommes prêts à
consacrer tout le temps nécessaire, à partir de maintenant,
à l'étude de ce problème. Bien sûr, le ministre de
l'Education a raison de dire qu'il faut rencontrer les groupements
intéressés à se faire entendre. Bien sûr, le
ministre de l'Education a raison de dire que nous devons étu-
dier ce probjet de loi en comité pour nous permettre, à
nous les législateurs, d'entendre tous les points de vue. Mais, cette
étude en comité, elle doit se faire, non pas dans un mois, non
pas dans deux mois, non pas dans trois mois, mais tout de suite. Si on veut que
je précise ce que j'entends par tout de suite, cela veut dire exactement
ceci...
UNE VOIX: II faut être présent en Chambre.
M. GERIN-LAJOIE: ... que, dès ce soir, après le souper,
nous entreprenions la discussion en deuxième lecture et entendions les
exposés du gouvernement sur les objectifs poursuivis par ce projet de
loi.
De ce côté-ci de la Chambre M. le Président,
je voudrais que ceci soit bien clair nous sommes tous et chacun de nous
en partant de l'Opposition et en passant par chacun et chacune de ses
collègues...
M. GABIAS: Ah! une délicatesse!
M. GERIN-LAJOIE: ... en état de prendre nos
responsabilités et de nous exprimer ici publiquement en ce Parlement sur
les objectifs que nous devons poursuivre par un projet de loi, pour assurer la
paix sociale au Québec, en ce qui concerne les droits linguistiques.
M. GABIAS: Faites revenir le député de Chambly. C'est
important. Le député de Gouin.
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, nous croyons...
M. LEFEBVRE: Que le député mâche sa gomme et qu'il
nous laisse écouter tranquilles.
M. GERIN-LAJOIE: ... que la population du Québec est en droit
d'attendre des membres du gouvernement une même franchise, une même
disponibilité à exprimer une opinion. Nous croyons que l'opinion
publique du Québec est en droit d'attendre de la part du gouvernement,
de la part des membres qui sont ici en Chambre, une expression, non seulement
d'opinion, mais une expression de politique gouvernementale sur les objectifs
qui doivent être poursuivis pour assurer cette paix sociale en
matière de droits linguistiques.
Et quand nous insistons, pour que le débat de deuxième
lecture ait lieu sans délai, c'est parce que justement nous voulons que
le gouvernement et également les membres de l'Opposition puissent ainsi
faire connaître clairement leur opinion. A la suite des expressions
d'opinion que nous aurons pu entendre ainsi en deuxième lecture, soit le
comité plênier, soit le comité de l'éducation,
pourra siéger et entendre tous les intéressés, tenir
compte des opinions exprimées, et ensuite sans délai, avant le
tournant de l'année, avant la fin de 1968, disposer de cette question
ici à l'Assemblée législative en troisième lecture
de la façon que le Québec puisse entreprendre l'année
1969, dans une atmosphère de paix sociale plus grande que celle que nous
connaissons à l'heure actuelle.
Alors, M. le Président, je pense bien avoir dit clairement ce
qu'est ma position et ce qu'est la position de l'Opposition, surtout à
la suite de l'intervention du ministre de l'Education qui nous attribuait une
attitude qui n'est pas la nôtre.
Je pense avoir dit clairement ce qu'est notre attitude.
Premièrement, débat de deuxième lecture ce soir ou lundi
matin. Deuxièmement, tout de suite, lundi ou mardi, séance du
comité plênier ou du comité de l'éducation pour
entendre tous les intéressés et j'ajoute un
détail que tout de suite ce soir, le gouvernement ou
l'Assemblée législative donne avis publiquement que, dès
lundi ou dès mardi, notre comité siégera de la sorte, de
façon que tous les intéressés puissent être ici pour
faire valoir leur point de vue, pour nous exprimer leur opinion, pour nous
apporter leurs éclaircissements et que en cette semaine prochaine
précédent Noël, nous puissions compléter notre
travail parlementaire de l'année en beauté en ayant vraiment
posé un nouveau jalon dans l'édification d'un Québec
à la mesure de nos aspirations à tous.
M. LE PRESIDENT: L'honorable Secrétaire de la province.
M. Rémi Paul
M. PAUL: Nos honorables amis d'en face semblent quelque peu surpris de
la motion présentement à l'étude. Très
brièvement, j'ai l'intention de vous rappeler quelques règles qui
motivent et expliquent la présentation de cette motion et de signaler
également quelques faits justifiant sa présentation.
Tout d'abord, il est intéressant de noter que l'Assemblée
législative est régie dans ses délibérations, dans
ses travaux, en partie par des lois. Deuxièmement, en partie par le
présent règlement qui survit à la Chambre qui l'a
voté et qui reste applicable tel quel aussi longtemps qu'il n'a pas
été abrogé ou modifié sur une motion
annoncée. Troisièmement, en partie par des ordres spéciaux
que la Chambre peut voter sur
des motions annoncées, mais dont l'effet est limité aux
matières en vue desquelles ils sont votés. Je ne voudrais pas
vous les rappeler, parce que je sais que vous connaissez fort bien les notes 1
et 2 que l'on trouve en marge de l'article 1 de notre règlement,
où il est dit que « la Chambre peut abroger, modifier ou suspendre
une règle établie par le règlement, à moins que
cette règle ne soit la reproduction d'une disposition
législative. »
Nous avons l'article 216 de notre règlement qui nous donne
l'occasion, en certains cas, de mettre de côté certaines
règles établies pour mieux atteindre parfois l'efficacité
de nos travaux parlementaires. L'article 216 dit que « toute règle
écrite ou non écrite de la Chambre peut être suspendue,
à moins qu'elle ne soit établie par une loi ou par un ordre
spécial, ou qu'elle ne soit fondée sur un principe reconnu de
droit parlementaire. » Par conséquent, nous sommes tout à
fait dans la légalité en présentant une telle motion.
D'ailleurs, il y a un auteur de droit que je voudrais vous citer très
brièvement, c'est Beauchesne, qui, dans la quatrième
édition, à la page 11, dit que le règlement peut
être suspendu dans un cas d'espèce sans que cela porte atteinte
à sa validité, car la Chambre a le pouvoir de supprimer les
barrières et les entraves qu'elle s'impose à elle-même par
son propre règlement. Elle peut même adopter une motion
prescrivant une ligne de conduite incompatible avec le règlement.
A prime abord, la motion, telle que présentée, semble
incompatible avec les impératifs absolus de l'article 536. Si nous nous
référons aux travaux antérieurs de cette Chambre, nous
verrons que le fait de mettre de côté l'article 536 ne constitue
pas un précédent. On a souvent référé des
lois à des comités permanents ou spéciaux de la Chambre.
Durant cette session, la Loi du notariat a été
référée à un comité ad hoc avant sa
deuxième lecture en Chambre. Nous avons le bill 290, dont nous avons
terminé, hier, l'étude en comité ad hoc en bas, et qui
fera probablement l'objet de nos prochaines délibérations en
cette Chambre.
Nous avons eu les bills 56 et 61 qui ont été
étudiés au comité de l'éducation avant d'être
adoptés en deuxième lecture. Je vous prie de noter que ce travail
préliminaire à la deuxième lecture des bills 56 et 61 a
été tellement efficace que les principes qui avaient
présidé à la présentation des susdits bills 56 et
61 ont été carrément mis de côté;
d'où, une nouvelle formulation et un nouveau texte de loi qui nous a
été présenté aujourd'hui par l'honorable ministre
d'Etat à l'Education.
C'est donc dire que le travail en comité, préalable
à la deuxième lecture d'un bill, s'avère, dans certaines
circonstances, d'une efficacité remarquable. Il tend à
aérer des projets de loi et à apporter des modifications qui
répondent mieux aux besoins de la collectivité. Ces besoins sont
exprimés par l'entremise des représentations qui sont faites aux
membres de ce comité par des corps publics dûment convoqués
et appelés à paraître devant ces comités soit
volontairement, soit par des mesures appropriées.
Nous avons également un autre comité ad hoc qui a
été créé durant cette session pour étudier
le bill 29, Loi de la copropriété et nous aurons probablement une
motion qui sera présentée pour que le bill 89, Loi des heures
d'affaires des établissements commerciaux, soit étudié
après l'ajournement de la Chambre en vue d'un rapport lors de la
prochaine session.
C'est donc dire que le précédent n'est pas nouveau. Ce qui
est nouveau, c'est peut-être la mémoire qui caractérise nos
honorables amis.
Si nous nous référons au feuilleton du 13 décembre
1968, nous voyons, à la page 2, une motion présentée par
l'honorable député de Chambly pour que l'application de l'article
538 du règlement soit suspendue, quant au bill 99, intitulé Loi
abolissant le Conseil législatif. Il s'agissait de discuter d'une
prérogative royale et l'honorable député de Chambly a
jugé qu'il était peut-être nécessaire de mettre de
côté les dispositions de l'article 538. Et nous, en face d'un
problème excessivement sérieux et qui peut avoir des
répercussions sur nos relations, entre citoyens du Québec, je me
demande pourquoi nous n'oserions pas poser un geste de prudence qui puisse nous
permettre à nous, législateurs, de nous orienter dans cette
législation avec prudence, avec le souci d'accorder à tous et
chacun les droits qui leur reviennent, tant par l'histoire que par la
constitution elle-même!
Nous aurions pu appeler la deuxième lecture du bill, et faire une
motion en vertu de l'article 558, pour demander, même avant son adoption,
que ce bill soit référé au comité de
l'éducation. J'ai écouté avec beaucoup
d'intérêt les remarques de l'honorable député de
Vaudreuil-Soulanges. Il peut être assuré que nous sommes tous
heureux de le voir revenu dans cette Chambre, car nous aurons besoin de son
expérience au comité de l'éducation, pour que le bill 85
puisse être amendé, puisse peut-être apporter des principes
nouveaux, comme la chose s'est faite lors de l'étude des bills 56 et
61.
Qu'arriverait-il, si nous passions aujourd'hui à la
deuxième lecture du bill 85, et si ce bill était
référé par la suite au comité d'édu-
cation ou à un comité ad hoc et que, là, nous
soyons placés dans la même position que les membres du
comité de l'éducation l'ont été à l'occasion
des bills 56 et 61? Il deviendrait beaucoup plus compliqué d'apporter
des amendements à la loi, parce qu'il nous faudrait, à ce
moment-là, présenter une motion pour fins d'abrogation, lors
d'une deuxième lecture que nous adopterions sur le bill 85.
L'honorable chef de l'Opposition et l'honorable député de
Vaudreuil-Soulanges sont inquiets, quant à la liberté de parole
ou d'expression qui peut exister au comité. Avec toute
l'expérience que possèdent ces honorables messieurs et tous les
députés de cette Chambre, est-il arrivé, à un seul
moment, qu'un député n'ait pas eu la liberté, qu'il
fût membre ou non d'un comité?
M. LESAGE: Oui.
M. BLANK: Oui, à cette session, le député de
Gouin.
M. BELLEMARE: C'est faux.
M. LESAGE: C'est vrai, et nous allons relever les notes
sténographiées.
M. MALTAIS (Limoilou): C'est faux. M. LESAGE: C'est absolument vrai. M.
BELLEMARE: ... du règlement.
M. LESAGE: Absolument pas, on a refusé le droit de parole
à un député de cette Chambre qui n'était pas membre
du comité.
M. BELLEMARE: C'est faux. Un comité qui siégeait n'avait
pas de mandat et c'était là la confrontation...
M. BLANK: Vous jouez avec les mots.
M. LESAGE: Vous jouez avec les mots. Vous refusez le droit de parole
à un député à un comité.
M. MALTAIS (Limoilou): C'est faux.
M. BELLEMARE: On verra ça dans ma réplique, tout à
l'heure.
M. LESAGE: C'est au député de Gouin.
M. GERIN-LAJOIE: Au comité de l'éducation.
M. LESAGE: Au comité de l'éducation.
M. GABIAS: C'est le chef de l'Opposition qui l'a empêché de
parler.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LESAGE: Non. M. GABIAS: Oui.
M. LESAGE: M. le Président, c'est le président du
comité.
M. GABIAS: C'est le chef de l'Opposition qui l'a empêché de
parler, il l'a envoyé en Europe pour...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: Je vous le dirai, ce sont ses affaires; Astérix.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. BELLEMARE: Obélix.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable Secrétaire de la
province.
M. GABIAS: Le chef de l'Opposition a dit: Tais toi, et il s'est tu.
M. PAUL: Je n'ai pas le droit de mettre en doute la parole de
l'honorable chef de l'Opposition suivant l'article...
M. LESAGE: Tout le monde est au courant.
M. PAUL: ... je n'avais pas l'avantage, M. le Président, à
ce moment-là, j'avais plutôt l'immense responsabilité qui
est vôtre aujourd'hui, de présider aux délibérations
de la Chambre et, en occupant cette fonction...
M. LESAGE: C'est plus récent que ça.
M. PAUL: ... je n'avais pas, M. le Président, l'avantage de
participer aux délibérations comme aujourd'hui. D'ailleurs, si
ça s'est produit une fois, on dit toujours que l'exception confirme la
règle. Mais, de toute façon, le principe du bill 85 reviendra I
l'étude devant cette Chambre, lorsque nous recevrons un rapport du
comité de l'éducation. Mais quelle presse y a-t-il de nous lancer
dans la four-
naise alors qu'Ottawa, par la voix de son premier ministre, vient de
suspendre l'étude du bill des langues? C'est permis à Ottawa.
M. LESAGE: C'est permis à Ottawa, ce sera encore la faute
d'Ottawa!
M. PAUL: Non, c'est tout simplement...
M. GERIN-LAJOIE: Le Secrétaire de la province a-t-il la nostalgie
d'Ottawa?
M. PAUL: Non, parce que j'ai défendu à
Ottawa les mêmes principes que ceux que je défends ici
à Québec.
Et, en certaines circonstances, j'ai été obligé
d'être fidèle à mes principes et à me dissocier de
certains chefs politiques et je ne le regrette pas parce que je voulais
être fidèle à ma conscience et aux principes que je
défendais là-bas...
M. GERIN-LAJOIE: Le bill 85.
M. PAUL: ... et que je vais continuer à défendre ici. M.
le Président...
UNE VOIX: Un autre candidat!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable Secrétaire de la
province.
M. PAUL: M. le Président, l'honorable député de
Vaudreuil-Soulanges nous dit: Dès ce soir, passons à l'adoption
de la deuxième lecture du bill. Je vous dis, M. le Président, que
dans un projet de loi aussi important, nous n'avons pas le droit d'agir
à la légère et l'exemple nous vient, dans une question
semblable, identique, du gouvernement d'Ottawa...
M. GERIN-LAJOIE: Vous prenez l'exemple d'Ottawa maintenant?
M. PAUL: ... alors que la question est en blanc, est en suspens depuis
près de deux ou trois mois...
M. GERIN-LAJOIE : Vous ne prenez pas vos exemples à Ottawa
toujours.
UNE VOIX: Vous les prenez bien où ça fait votre affaire,
vous.
M. ALLARD: Vous en avez pris pas mal quand ça faisait votre
affaire.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas parce qu'ils manquent d'information,
eux...
M. GERIN-LAJOIE: Revenez donc dans Québec.
M. PAUL: Oui, nous allons revenir dans le Québec, mais le
problème, qu'il soit à Ottawa ou qu'il soit à
Québec, lorsqu'il s'agit du problème des langues, lorsqu'il
s'agit des droits des minorités ou des majorités, nous n'avons
pas le droit de les sacrifier, que ce soient ceux de l'un ou de l'autre des
groupes. Et nous avons le devoir...
M. LESAGE: D'accord. M. PAUL: Pardon? M. LESAGE: D'accord.
M. PAUL: Bon, alors c'est justement dans le but de présenter une
législation complète que nous donnons l'occasion...
M. LESAGE: Bon. Vous reniez le bill 85 alors?
M. PAUL: Non, M. le Président, ne me prêtez pas...
M. LESAGE: Il est incomplet.
M. PAUL: ... que le chef de l'Opposition ne me prête pas des
intentions que je n'ai pas parce que je n'ai jamais renié aucun des
principes que j'ai défendus dans ma vie politique.
M. LESAGE: Ce n'est pas un principe, c'est un bill.
M. PAUL: ... Au lieu de demander que ce soit au juge de la cour
Supérieure ou des juges de la cour d'Appel qui pourraient
légifères sur cette question, c'est nous, les élus du
peuple avec le peuple, qui allons écouter leurs revendications... Et les
principes...
M. LESAGE: Qu'est-ce que les juges viennent faire dans le bill?
M. PAUL: Ah! Je comprends.
M. BELLEMARE: Demandez cela à M. Pierre Elliott.
M. PAUL: Je le comprends. Mais moi, j'aime le jugement des honorables
collègues de cette Chambre, et je n'ai...
M. LESAGE: C'est ce que nous voulons avoir. M. PAUL: ... aucune
hésitation à proclamer... M. LEFEBVRE: Nous avons hâte de
l'avoir.
M. PAUL: ... qu'ils s'acquitteront de leurs devoirs et de leurs
responsabilités en entendant tous les corps publics qui voudront se
faire entendre ou faire des représentations. Peut-être aurons-nous
raison, à ce moment-là, de changer certains des principes du bill
85 et nous n'aurons pas à faire marche arrière, à annuler
des procédures, une étape que nous pourrions adopter aujourd'hui,
alors que nous nous appliquerons à sauvegarder les droits de tous et
chacun.
M. le Président, puis-je vous signaler qu'il est six heures et
vous demander la suspension des travaux jusqu'à huit heures quinze?
M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à huit
heures quinze ce soir.
Reprise de la séance à 20 h 16
M. LEBEL (président): A l'ordre, messieurs!
L'honorable Secrétaire de la province.
M. PAUL: Lorsque la Chambre a suspendu ses travaux, à six heures,
j'étais à commenter les suggestions qui nous furent faites par
l'honorable député de Vaudreuil-Soulanges et à
répliquer en quelque sorte à certaines allégations qu'il
nous a communiquées au cours de la séance de l'après-midi.
Je n'ai pas, M. le Président, à vous rappeler qu'en aucune
façon le droit de parole des députés ne sera brimé
si nous chargeons le comité de l'éducation de l'étude du
bill 85, parce qu'au comité tous et chacun des honorables
députés de cette Chambre pourront se faire entendre. Sur le
principe du bill, disons que c'est un droit retenu et que tous pourront en
discuter lorsque cette Chambre sera saisie à nouveau de l'étude
du bill 85 avec ses principes actuels ou avec tout autre principe que le
comité, dans son rapport, pourra nous suggérer d'adopter ou
d'inscrire dans le projet de loi.
L'honorable député de Vaudreuil-Soulanges a certainement,
par erreur, mentionné que ce bill pourrait être
étudié au comité de l'éducation ou en comité
plénier. Il serait, en effet, impossible, en comité
plénier, d'inviter des témoins ou des corps intermédiaires
à nous présenter des mémoires ou à faire des
suggestions de nature à nous faire connaître la véritable
opinion du peuple québécois avec qui nous avons l'intention de
communier dans la réalisation de ce projet. C'est parce qu'il y va de
l'avenir des droits linguistiques de tous les citoyens québécois
que nous n'avons pas l'intention de procéder à la vapeur, comme
nous le suggérait, cet après-midi, l'honorable
député de Vaudreuil-Soulanges.
L'honorable député de Vaudreuil-Soulanges disait: M. le
Président, adoptons le bill en deuxième lecture, convoquons le
comité de l'éducation et adoptons la loi. Je trouve que c'est un
zèle outré, dangereux, si l'on considère que, sur des
droits fondamentaux comme ceux de l'éducation, une certaine commission a
mis près trois ans avant de produire un rapport à cette
Chambre.
Pourtant, l'honorable député de Vaudreuil-Soulanges
occupait à cette époque le poste de ministre de l'Education.
M. le Président, je vous ai mentionné, cet
après-midi, le fait que le gouvernement fédéral, justement
parce qu'il s'agit d'une question délicate, a décidé, pour
le moment, de suspendre. Quelle sera la procédure qu'il adoptera? Quelle
sera l'étape nouvelle ou future que franchira le bill des langues
à Ottawa? Cependant, ce bill est
introduit à la Chambre des communes après la production
d'un rapport de la commission Dun-ton-Laurendeau.
Comment, M. le Président, en procédant à toute
vapeur, comme le suggère l'honorable député de
Vaudreuil-Soulanges, les classes intermédiaires auraient-elles le temps
d'ici quelques jours de préparer un mémoire bien
charpenté, d'apporter des éléments constructifs qui
pourraient nous permettre d'entendre toutes les opinions, de quelque milieu que
ce soit? Je soumets respectueusement qu'il est impossible et illogique de
vouloir procéder avec une telle rapidité. Je n'ai pas à
rappeler que tous les députés qui siègent à votre
droite sont unanimes quant à la procédure adoptée pour une
étude sérieuse, efficace et constructive du bill 85.
Certains ont parlé de trahison. On ne doit jamais parler de corde
dans la maison d'un pendu. Cet après-midi, l'honorable chef de
l'Opposition, à la suite de ses commentaires sur certaines
déclarations faites ici même en cette Chambre par l'honorable
premier ministre, a voulu donner l'impression... ou du moins interpréter
les textes de manière à laisser croire que nous,
députés de l'Union Nationale, de votre droite, M. le
Président, nous posions un acte de trahison à l'endroit de notre
premier ministre.
L'honorable ministre de l'Education s'est levé. Il a
réfuté ces arguments et veuillez croire, M. le Président,
que, dans le parti de l'Union Nationale, il y a de la
collégialité, il y a des échanges de vues. Personne n'est
obligé de prendre un corridor. Au contraire, l'occasion est
donnée à tous et chacun d'exprimer des vues, pour connaître
le moyen efficace pour aller de l'avant dans l'harmonie la plus
complète, non pas seulement à l'intérieur de notre parti,
parce qu'elle existe, mais pour essayer de créer et de maintenir cette
harmonie chez tous les citoyens québécois.
Nous avons vu certaines contestations, certaines protestations ici
même, devant le Parlement, à la suite de la présentation,
en première lecture, du projet de loi que l'on connaît comme bill
85, en résumé. Il n'y a pas seulement que les Canadiens
français qui ont des représentations à nous faire. Il y a
également de nos amis anglophones qui trouvent que le bill 85 ne va pas
assez loin. Qu'il me soit permis de vous donner lecture d'une lettre
adressée à l'honorable ministre de l'Education et qui se lit
comme ceci: « Dear Sir: « I have been informed that the English
catholic parents, teachers and principals of the Island of Montreal are not
satisfied with Bill 85. They have stated that the education rights should be
strenghtened and the legislation of
Bill 85 does not contain a positive statement of the rights for Quebec
Province... »
M. LESAGE: M. le Président, j'invoque le règlement. Vous
avez bien établi, cet après-midi, que nous ne pouvions, ni
directement ni indirectement, entrer dans l'étude du mérite des
principes du bill 85. On ne peut pas, sous prétexte de lire une lettre,
entrer par la porte de côté dans la discussion du principe du
bill. Je n'ai certainement pas d'objection, personnellement, à ce que le
Secrétaire de la province dise qu'une lettre a été
reçue par le ministre de l'Education, à l'effet que les
signataires, ceux qu'il a mentionnés, trouvent que le bill ne va pas
assez loin.
Mais il ne peut certainement pas lui-même aller plus loin
même dans la lecture d'une lettre parce qu'alors ce serait non seulement
violer le rlglement mais passer outre aux Indications précises que vous
nous avez données cet après-midi.
M. LE PRESIDENT: Effectivement, au moment même oft l'honorable
chef de l'Opposition se levait, j'allais intervenir pour signaler qu'il y
aurait lieu d'arrêter la lecture de la lettre au stade où
l'honorable ministre était rendu.
M. PAUL: Dieu me garde, M. le Président, de commettre un viol,
même à l'endroit de nos règlements. Je dirai cependant que
cette lettre, dont je n'ai pas le droit de donner lecture, mais qui est fort
intéressante dans son contenu, suggère la formation d'un
comité pour étudier les représentations de nos amis
anglophones.
M. HYDE: Quand?
M. PAUL: Le plus tôt possible, mon cher collègue.
M. LESAGE: C'est ça, avant lafin de la session.
M. PAUL: Mais pas à la vapeur, pas un comité qui va tout
simplement siéger pour bousculer tout le monde, pour essayer d'arriver
î une échéance qui est la fin de la session, jamais! Parce
que le droit à l'éducation, le droit des langues est trop
sacré pour que nous ne prenions pas le temps de communier avec le
peuple, de connaître ses besoins, ses aspirations et lui donner une
législation qui peut sauvegarder ses droits non pas seulement dans
l'immédiat mais pour des générations à venir.
Je voudrais vous rappeler les paroles que prononçait l'honorable
député de Vaudreuil-
Soulanges dans la nuit du 17 juillet 1967. Au théâtre, on
connaît la nuit du 13 janvier mais en procédure, et dans la vie
parlementaire, nous connaissons la nuit du 17 juillet. Je voudrais faire mienne
cette excellente déclaration de l'honorable député de
Vaudreuil-Soulanges, qui est d'une actualité vivante, prenante et qui ne
peut nous laisser indifférents devant un texte aussi symbolique, aussi
vivant si je peux finir par le retrouver et que l'on retrouve
à la page 4840 du journal des Débats et qui se lit comme ceci:
« M. le Président, c'est dans le cours normal de la
démocratie que des éditorialistes, que des écrivains, que
des commentateurs politiques, puissent s'exprimer sur les questions qui font
l'objet de discussions en cette Chambre. M. le Président, c'est de
l'essence même de la démocratie.
C'est de l'essence même de notre régime politique que des
corps intermédiaires, dont nos amis d'en face aiment à parler
à tort ou à raison, aient le droit dans un régime comme le
nôtre, de s'exprimer sur des questions qui font l'objet d'un débat
en cette Chambre. M. le Président, nous ne voulons que ça, mais
c'est ça que nous voulons.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.
M. Paul Dozois
M. DOZOIS: M. le Président, j'aurais pu laisser passer cette
occasion de faire des commentaires sur cette motion, puisque le
Secrétaire de la province vient de prononcer un magistral discours et
d'exposer une foule de raisons justifiant l'adoption de cette motion. De
même, le ministre de l'Education et le ministre du Travail ont
présenté d'excellentes raisons.
Je voudrais tout simplement ajouter quelques remarques. Je voudrais
surtout dire que certains journaux ont conclu beaucoup trop rapidement,
à mon avis, certaines choses, et je voudrais dire à ces gens
qu'ils se trompent grandement s'ils croient que cette procédure a pour
but de tuer le bill.
J'ai relevé, dans le Montreal Star du 13 décembre, deux
phrases en particulier qui laissent croire que c'est notre intention de laisser
mourir le bill. Dans un article intitulé « Right's bill may be
shelved, » on dit ceci: « The Government adjourned the answer today
and paved the way for possible shelving of the legislation ». Un peu plus
loin, on dit: « Sparkling speculation, the bill will be re- ferred to a
committee and left to die. »
M. le Président, loin de nous la pensée de faire subir un
tel sort au bill 85. C'est plutôt les raisons qu'ont mentionnées
mes prédécesseurs de ce côté-ci de la Chambre qui
nous justifient de présenter cette motion.
D'ailleurs, nous avons l'expérience de tout le travail
bénéfique que peuvent nous apporter les
délibérations de ces comités.
Le Secrétaire de la province a mentionné plusieurs cas
où des bills ont été référés à
des comités et nous sont revenus améliorés, donnant
satisfaction à tout le monde. Je pense que nous venons de vivre, ces
jours derniers, une expérience fort heureuse, celle des bills
présentés par le ministre du Travail, qui ont été
adoptés ces jours derniers.
L'on sait que, lors de leur présentation, ici, en première
lecture, ces bills ont suscité passablement de discussions. Cependant,
avant la deuxième lecture, le bill 290, qui soulevait
particulièrement des réactions assez vives chez les
syndiqués, a été référé à un
comité. Ces gens ont été entendus et ils en sont venus
à une entente; le monde est d'accord maintenant et nous pourrons adopter
cette législation susceptible d'aider à la solution des conflits
ouvriers.
Je trouve, cependant, M. le Président, que l'Opposition a la
mémoire plutôt courte. J'ai consulté les
procès-verbaux de cette Chambre. Si l'on retourne à
l'année 1963, l'on constate que, le 26 juin 1963, le gouvernement du
temps a présenté le bill 60 en première lecture à
cette Chambre. Ce bill avait pour objet de créer le ministère de
l'Education. C'était, évidemment, un changement majeur, puisque
ce bill remplaçait le département de l'Instruction publique par
un système complètement nouveau.
Or, le gouvernement du temps a présenté ce bill à
la Chambre dans les derniers jours de la session, le 26 juin. Or, la session
s'ajournait la semaine suivante. Le premier ministre du temps a dit: Je
dépose ce bill en Chambre; nous en faisons la première lecture,
mais nous ne l'adoptons pas.
M. LESAGE: Cela avait toujours été entendu comme
ça. On n'a jamais fait de promesses qui n'ont pas été
tenues.
M. DOZOIS: Remarquez, M. le Président, que ce bill n'a pas
été référé à un comité pour
recevoir des commentaires ou des avis de ceux qui pouvaient s'intéresser
à cette importante question. Le gouvernement du temps a dit tout
simplement: Nous rendons publiques les intentions du gouvernement et, à
la prochaine ses-
sion, tenant compte des observations qui seront faites au gouvernement,
nous amenderons, s'il y a lieu, ce projet de loi et nous l'adopterons.
D'accord, l'Opposition du temps a trouvé que c'était une
excellente façon de procéder. Nous avons adopté la
première lecture. Le document est devenu public et ce n'est qu'à
la fin de janvier 1964 soit après une période couvrant six
mois de l'année que le gouvernement a procédé
à une autre première lecture du bill 60. Ensuite, ce bill a suivi
les trois lectures prévues par le règlement et a
été adopté au cours de cette session.
Le gouvernement du temps, précisément parce que
c'était une loi importante qui chambardait tout notre système
d'éducation, n'a pas voulu procéder à la vapeur. Il a
fourni l'occasion, non seulement aux députés, mais à tout
le public de pouvoir réagir sur cette proposition et de
présenter, s'il y avait lieu, des commentaires ou des suggestions pour
améliorer ce bill.
Le chef de l'Opposition a mentionné, cet après-midi, un
article qui a paru dans le journal Le Devoir d'aujourd'hui.
Peut-être qu'il a mentionné de qui était cet
article, mais il ne l'a pas mentionné précisément...
M. LESAGE: Non, j'ai oublié. J'aurais pu le faire.
M. DOZOIS: Alors, j'ai lu à mon tour le journal Le Devoir. Dans
cet article, et c'est une opinion que je respecte, qui a été
envoyé d'ici, Québec, par le correspondant du Devoir, il y avait
également une autre opinion. Je ne dis pas que cette opinion a plus de
valeur que celle du correspondant, qui est ici à la tribune de la
presse, mais si l'on s'en tenait uniquement à ce qu'a cité le
chef de l'Opposition, l'on pourrait croire que c'était l'opinion de ce
journal. Or, dans cet éditorial...
M. LESAGE: J'ai bien mentionné que c'était un article, non
pas un éditorial.
M. DOZOIS: Oui, oui, d'accord. M. LESAGE: C'est un reportage.
M. DOZOIS: J'ai dit que, moi, j'ai eu l'impression, cet
après-midi, en écoutant le chef de l'Opposition, que
c'était un article de fond qui avait paru dans le Devoir, et que cela
pouvait être l'opinion du journal. Or, dans la page éditoriale de
ce matin de ce journal, on lit un article portant la signature de M. Vincent
Prince. Je ne citerai pas tout cet article, il est long, ceux qui veulent en
prendre connaissance pourront le lire au complet. J'ai extrait de cet article
des passages qui, à mon avis, sont pertinents au débat que nous
avons. Entre autres choses, M. Prince dit: « A bien y penser sans esprit
partisan et sans émotion, il est probablement mieux qu'il en soit ainsi
», c'est-à-dire que l'étude soit remise à plus tard.
Un peu plus loin, il dit: « Dans les circonstances, on peut difficilement
s'opposer à ce que les différents mouvements et associations
intéressés au problème soient invités à se
faire entendre devant le comité de la Chambre. Un bill de cette
importance, adopté à la vapeur dans les derniers jours de la
session, risquait de laisser chez plusieurs un goût très amer
».
M. Prince continue. Un peu plus loin, il dit: « Le comité,
également, n'agira pas comme un tribunal qui est lié par la
preuve faite devant lui. Il pourra, de lui-même, inviter des experts
à témoigner. Il pourra même préférer
l'opinion de ses propres membres à celles qui auront été
exprimées devant lui. « Et c'est finalement la Chambre,
malgré tout, qui aura à trancher le débat. Ce sera
à elle, même après ce délai, à assurer
pleinement ses responsabilités. Nous osons croire qu'elle en aura le
courage, même si l'on continue à mobiliser des enfants pour lancer
des boules de neige dans les vitres du parlement. « Le délai, en
d'autres termes, pourra être profitable à bien des égards.
Il permettra I toutes les personnes ou associations qui le désirent de
participer, en quelque sorte, à la rédaction finale de cette loi.
Il obligerait surtout bon nombre de citoyens à réfléchir
plus profondément et à se mieux définir par rapport
à ce grave problème de la langue d'éducation au
Québec ».
Voici, M. le Président, une note assez juste et une
interprétation valable, je pense, du geste que pose aujourd'hui le
gouvernement. Je terminerai en faisant seulement une remarque sur les propos
que nous avons entendus aujourd'hui en cette Chambre, et surtout sur les propos
tenus par les membres de l'Opposition.
Je me suis demandé, M. le Président, dans les
circonstances, s'il était plus important d'agir pour qu'un parti
politique retire une petite gloriole de la solution de ce problème. Il
me semble qu'il y a assez de questions qui nous divisent actuellement dans la
province de Québec sans faire en sorte, juste pour des fins politiques,
de passer une loi qui, nous le savons, suscite à l'heure actuelle un
remous dans la province. Ne vaut-il pas mieux patienter encore quelques
semaines et donner l'occasion à tous ceux qui s'intéressent
à ce problème de venir
exposer leurs vues sur cette question et ensemble, entre hommes de bonne
volonté, trouver la formule, non pas la formule qui va désunir
les citoyens de différentes origines ethniques de la province, mais les
unir? Il me semble qu'il est possible, si tout le monde se donne la main, non
pas de créer un autre instrument de division, mais plutôt un
instrument d'union.
J'ai confiance, M. le Président, que d'ici quelques semaines...
et ceux qui croient que c'est un mouvement pour renvoyer aux calendes grecques
ce projet de loi se trompent. Nous sommes aussi intéressés que
qui que ce soit à trouver une solution à un problème aussi
crucial, car c'en est un. Je pense que nous avons tous à coeur que la
paix règne dans ce coin du pays, et que cessent ces
démonstrations qui sont en train de semer l'anarchie dans notre
milieu.
M. BELLEMARE: C'est ça.
UNE VOIX: Même dans votre camp de l'autre bord.
M. DOZOIS: Vous pourriez parler du votre avant de tenter de savoir ce
qui passe à l'intérieur du nôtre, et si vous le saviez vous
pourriez vous en réjouir...
M. BELLEMARE: Nous allons les nommer, nous autres.
M. DOZOIS: ... et souhaiter qu'il y ait autant d'unité ou autant
de paix chez vous qu'il y en a ici.
M. BELLEMARE: Attendez, nous allons les nommer.
M. DOZOIS: M. le Président, c'est vrai que cette motion a de
l'importance. Entre les deux sessions, d'ici quelques mois, je suis convaincu
qu'en quelques séances, alors que le calme sera peut-être revenu,
et non pas à cette période de l'année où tous les
députés sont fatigués d'une longue session, les gens
seront invités à venir exposer leurs idées sur un sujet de
cette sorte et je suis convaincu je le répète que
tous ensemble nous nous élèverons au-dessus des
considérations partisanes, et trouverons la formule qui sera un
instrument de paix et, partant, de prospérité pour notre
province.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laurier.
M. René Lévesque
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, je vais tâcher, le
plus rapidement possible, d'expliquer et, forcément, de motiver le vote
que j'aurai à donner sur cette motion.
Nous vivons, depuis quelques jours, dans une espèce de corridor
absurde qui fait penser à un roman surréaliste dont cette motion
et le climat dans lequel elle est présentée, est à la fois
le point culminant et nous pouvons l'espérer, du moins la
porte de sortie. J'espère qu'elle ne sera pas une porte de sortie
provisoire. En tout cas, c'est une porte de sortie qui était devenue
absolument indispensable. Nous avons tellement baigné, ici dans cette
Chambre, ces derniers jours, dans cette atmosphère de tension et
d'absurdité que nous sommes tous surpris, lorsque nous finissons par
sortir, de retrouver au dehors, une foule de gens qui continuent, quand
même, à vivre normalement. Nous avons l'impression que ça
n'existe quasiment plus. Ces gens-là ne sentent pas, comme nous,
l'ampleur et l'intensité de la crise qui a, évidemment,
secoué le gouvernement et dont le gouvernement est loin d'être
remis.
D'autre part, nous sommes également estomaqués du nombre
de gens au dehors de la Chambre, qui, même s'ils n'ont pas vu certaines
des convulsions auxquelles nous avons assisté ou, du moins, que nous
avons devinées, sont inquiets ou mécontents de ce qui s'est
passé ou ne s'est pas passé autour de ce bill 85 qui fait l'objet
de cette motion. Nous percevons qu'il y a là, en puissance, une
explosion dont ce bill, s'il allait plus loin qu'il n'est rendu en ce moment,
pourrait être le détonateur. Ces remarques s'expliquent par le
fait je ne veux pas insister; d'autres ont abordé le sujet
qu'on s'est senti obligé de dire, dans la motion dont ça fait
partie intégrante, qu'elle est présentée dans
l'intérêt public et, très évidemment,
général, c'est-à-dire dans l'intérêt de
l'ensemble de la population qui n'est pas ici dans cette Chambre, mais à
laquelle nous sommes censés nous adresser.
Je dis que cela aurait pu être un détonateur, si
c'était allé plus loin dans le climat actuel. En effet, entre ces
milieux inquiets qui guettent le Parlement avec des sentiments
déjà très forts même chez ceux dont
l'émotion est encore sourde et ce Parlement qui se sait
guetté avec une acuité peu ordinaire, on a bien failli creuser
totalement, ces derniers temps, un fossé catastrophique: celui qui
isole, sinon un peuple, du moins sa majorité, de ses mandataires
politiques. Il est loin d'être prouvé que ce fossé ne s'est
pas approfondi bien plus qu'on ne le soupçonne.
En tout cas, cette motion, quels que soient les changements de
modalités que nous pourrions, moi comme d'autres, aimer à y
introduire, me semble démontrer que le gouverne-
ment s'est rendu compte in extremis de la gravité possible de la
situation et de la fragilité du lien nous pouvons presque dire du
fil tendu à craquer qui demeurait entre lui et trop de
Québécois. Je trouve donc, pour ma part, que cette motion est
plus qu'indiquée.
Je suis sûr qu'au fond l'Opposition officielle est du même
avis. Elle aussi se rend compte, tardivement, que cette motion est dans son
intérêt. Si je tiens compte, en effet et nous ne pouvons
tout de même pas les oublier plus les uns que les autres des
réactions initiales du chef de l'Opposition vis-à-vis des
engagements et des commentaires du premier ministre, il me semble indiscutable
que, de part et d'autre, on était sur le point de compléter un
geste qui serait aussitôt devenu irrémédiable.
C'est pourquoi, en me démêlant aussi péniblement que
tout le monde dans les enroulements fantasmagoriques des astuces de
procédure que nous avons vus se dérouler pendant quelques
heures au début de la journée j'ai cru, pour ma part
à tort ou à raison; il y a de vieux routiers qui savent
ça mieux que moi découvrir une sorte de fil directeur dans
la stratégie de l'Opposition. A travers tous les enroulements de la
procédure, celle-ci, en effet, a semblé marcher avec une prudence
infinie, comme sur des oeufs, jusqu'au moment où il a été
acquis d'abord que la motion ne serait pas divisée à la suite de
votre décision, M. le Président, puisque des amendements ne
seraient pas acceptés conformément à l'article 221.
Sauf erreur, toujours, parce que j'ai pu me tromper, c'est alors
seulement qu'est devenue absolument catégorique et claironnante, dans la
bouche du député de Vaudreuil-Soulanges, la proclamation d'un
désir fou d'aller tout de suite en deuxième lecture et pas
seulement, cela, mais, sans débrider, en comité, tel que
prévu, et même en troisième lecture, jusqu'à
consommation finale avant Noël.
Je veux bien le croire, si on le dit, et surtout, je vois bien que c'est
de bonne guerre interpartisane, mais on me permettra d'avoir des doutes
sérieux. Je peux me tromper. Mais j'ai l'impression qu'une fois
passées les premières réactions faciles, il n'y avait pas,
seulement chez les ministériels, quelque chose qui ressemblait à
un pôle nord et un pôle sud qui se cherchaient laborieusement un
équateur. Dans l'Opposition, toujours moins perceptible, parce que l'on
est moins exposé aux projecteurs dans l'Opposition que dans le
gouvernement, j'ai l'impression que là aussi, il y a des pôles au
moins potentiels. S'ils ne sont pas au nord et au sud, eh bien! c'est comme
dans la science-fiction, ils sont peut-être à l'est et à
l'ouest, ou peut-être même des pôles parisiens...
M. PROULX: De grands déserts.
M. LEVESQUE (Laurier): De plus, et je crois que c'est plus valable, et
je veux bien croire cela tout de même sérieusement,
derrière une stratégie de combats de fin de session, je suis
sûr que règne aussi, dans l'Opposition, d'une façon
croissante, le sentiment que cette motion répond à une
nécessité qui est devenue absolue. Comme d'autres, en fait, plus
facilement que d'autres, pour des raisons évidentes, j'aurais
aimé, moi aussi, pouvoir dire ici, sur le parquet, ce que je pensais des
principes et du contenu du bill 85. Je l'ai dit ailleurs de mon mieux, et je
peux le répéter, Je me sens donc moins privé que d'autres
qui n'en n'ont pas eu l'occasion.
Je crois profondément qu'il était et qu'il est dans
l'intérêt public et général d'interrompre au plus
vite le processus qui, dès la présentation en première
lecture et même bien avant la présentation, avait
déjà commencé à faire des ravages ici et là
dans le Québec. Au point où nous en sommes, tout débat de
deuxième lecture et la séance d'aujourd'hui, il me semble,
en a donné singulièrement la preuve n'aurait pu être
qu'à la fois hautement passionnel et hautement partisan. Cela aurait
été la meilleure de toutes les recettes pour amener
définitivement ou en tout cas très probablement, une
conflagration générale sur un sujet qui, dans toutes les
sociétés a toujours été parmi les plus incendiaires
qui soient. De plus, et cela, c'est vrai depuis quelques semaines,
c'était déjà vrai, bien avant la première annonce
du bill, et avant la première lecture, comment aurait-il
été possible de tenir ce débat crucial en si peu de jours?
Comment le mener à bien, convenablement, c'est-à-dire d'une
façon éclairée, réfléchie et
équitable, autant pour la majorité, qui est en éveil et en
marche comme jamais dans le Québec, que pour la minorité, qui est
tendue et même, on peut le dire, hypertendue, dans plusieurs milieux.
Cela aurait été rêver en couleur. Et ce serait un
délire de croire que cela est possible, après tout ce qui s'est
passé en dehors de cette Chambre et à cause de tout ce qui
s'annonçait encore dans le va-vite et la bousculade où nous
sommes maintenant des tout derniers jours de la session. A part cela, comment
croire pouvoir réussir un tel tour de force sur un projet de loi
lui-même trop évidemment rédigé à la vapeur,
et dans une pagaille assez dangeureuse du cabinet et du caucus
ministériel?
Ce qui est plus, est infiniment plus grave, à mon avis, c'est
qu'il y avait maintenant, et qu'il y aura tout autant, lundi prochain comme
mardi, une impossibilité absolue d'obtenir à temps des
réactions suffisamment précises et nuancées, com-ne
l'a dit d'ailleurs le ministre des Finances après d'autres, de l'opinion
publique et surtout, dans l'opinion publique, des milieux de plus en plus
nombreux qui s'échauffent et qui n'ont pas eu encore la chance de
trouver un équilibre, quelle que soit la fermeté d'ailleurs des
attitudes.
D'ailleurs, c'est là le principal reproche et je crois
qu'il est d'une gravité extrême qu'on peut faire au
gouvernement et que doivent partager les hommes présents autant que les
hommes absents parce qu'il s'agit d'hommes qui sont tous dans ce gouvernement
et qui en partagent la responsabilité.
Le reproche principal que je leur ferais, c'est d'avoir voulu ou du
moins d'avoir nettement donné l'impression qu'on voulait comme
ça, juste avant les fêtes, littéralement imposer quelque
chose d'aussi important, à la va-vite. Cela seul, je crois je
peux me tromper, chacun son opinion c'est-à-dire cette seule
hâte extrême et suspecte après tant de délais, une
hâte rendue encore plus inquiétante par une évidente
confusion ministérielle, pouvait justifier amplement les
démonstrations ou les manifestations qui ont eu lieu et d'autres qui se
préparaient, ce qui ne change pas l'opinion qu'on peut avoir sur
certaines des méthodes employées la mienne peut être
aussi sévère que celle de n'importe qui mais, comme l'a
dit le député de Champlain, il faudrait être sourd et
aveugle pour ne pas se rendre compte que le climat, sauf vraiment pour des
sourds et des aveugles, n'aurait pas permis de mener à bien ni une
deuxième lecture ni encore moins dans le va-vite et la vapeur les
comités que prétend déclencher la motion et la
troisième lecture tout de suite après.
Donc, à toutes fins pratiques, en retirant le bill 85 en ce
moment, le gouvernement prend, à mon avis, la seule décision
qu'il pouvait décemment se permettre vis-à-vis la population du
Québec. On peut espérer qu'il le fait parce qu'il s'est rendu
compte clairement, même si c'est tard, qu'il était sur le point
d'attacher son nom à ce qui aurait pu être une catastrophe.
Même si c'est tard, je crois que, là-dessus, il faut rendre
à ceux qui sont en face ce témoignage d'avoir pu admettre une
erreur et c'est toujours terriblement dur pour un gouvernement je
le sais puisque j'ai passé quelques années dans ce
contexte-là et je crois cela méritoire mais ça me
surprend toujours par exemple qu'on a tant de misère à la dire
à admettre qu'on a fait une erreur.
On a dit très sincèrement chez certains commentateurs en
particulier au moment de la première lecture, que cette motion
était un acte de courage et c'est vrai. Mais c'était aussi une
immense erreur d'appréciation à mon humble avis, aussi bien une
erreur d'appréciation externe, c'est-à-dire de la
température qui règne dans le Québec en particulier depuis
six ou huit mois sur ce sujet-là, aussi bien externe qu'interne,
c'est-à-dire de la température réelle d'un parti.
On a dit que c'était un acte de courage parce que ça
prétendait rapidement par des mesures administratives incorporées
dans un texte de loi, rétablir la paix et l'harmonie menacées
dans le Québec. Or, ça nous menait je crois qu'on doit le
voir maintenant exactement à l'extrême opposé,
c'est-à-dire au retour impossible à une paix et à une
harmonie dont les conditions étaient devenues artificielles, sans qu'on
s'en aperçoive.
Sans entrer du tout, avant de terminer, parce que j'achève, dans
ce débat que nous n'aurons pas, je voudrais simplement relever à
ce propos une phrase du secrétaire d'Etat qui proclamait cet
après-midi qu'il faut, pour nos deux groupes linguistiques, la
majorité francophone comme la minorité anglophone, une
législation complète qui ne sacrifie les droits on a
parlé de privilège ni de l'un ni de l'autre groupe.
Tout ce que je puis dire et je crois devoir le redire aussi
simplement que ça c'est que je suis du même avis, et dans
mon coin et parfois difficilement j'essaye de combattre moi aussi pour que
soient respectés ou restaurés, le cas échéant, ces
droits. Mais même si tout le monde n'est pas d'accord tout de suite
sûrement pas tout de suite j'espère qu'on prendra
garde que la paix et l'harmonie dont a parlé le premier ministre ne
pourrontplus jamais revenir vraiment pour signifier, si on veut, comme l'a dit
le ministre des Finances, l'union et non des divisions déchirantes.
Que la paix et l'harmonie ne pourront plus plus jamais, à mon
avis, revenir pour signifier devenue si habituelle et incontestée
qu'elle pouvait s'Ignorer elle-même, cette domination tranquille d'une
majorité patiente et peu compétente par une minorité trop
puissante dans le Québec.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEVESQUE (Laurier): J'ai fini, M. le Président. Cela
s'applique au domaine vital que touche le bill 85, comme à tous les
autres secteurs de la vie québécoise. J'ajouterai que c'est
là pourquoi je cloute fort que tels qu'ils sont constitués, l'un
ou l'autre de nos deux partis qui sont en cette Chambre traditionnellement
puissent vraiment amener, après les étapes que prévoit
cette motion, avec la vo-
lonté extraordinairement lucide qu'il faudrait, ce changement
fondamental qui est requis pour le statu quo québécois.
Sur ce, M. le Président, je termine en disant sans ambages ce que
je laissais entendre au ministre des Finances tout à l'heure, que pour
ma part j'espère de cette motion, d'abord, que sous son pudique costume
réglementaire elle devienne, pour le bill 85, son habit de
funérailles et lui permette de retourner au néant d'où,
à mon humble avis, il n'aurait pas dû sortir.
Puisque les amendements sont impossibles, on me permettra de regretter
simplement en terminant qu'on n'ait pas remis, par la motion, cette question
cruciale, comme le reste de l'ensemble du problème, à la
commission d'enquête que le bill 85 en soi dégradait
déjà passablement dès sa naissance.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Matane.
M. Jean Bienvenue
M. BIENVENUE: M. le Président, j'écoutais, avant de me
lever, le député de Laurier dire qu'il croyait qu'aucun des deux
partis traditionnels, qu'aucun des vieux partis dans cette province ne
réglerait le problème qui fait l'objet du bill dont on nous
demande aujourd'hui la remise à plus tard.
Je ne partage pas l'opinion du député de Laurier parce que
ce problème ne pourra être réglé que par un parti
politique exerçant le pouvoir et formant le gouvernement dans cette
province. Jamais, je ne pense, le parti du député de Laurier ou
tout autre que ceux qui forment l'opposition officielle et le gouvernement en
cette Chambre ne seront en mesure de régler ce problème.
Cette motion est une motion de renvoi 2 plus tard, je dis bien de renvoi
à plus tard, à plus loin de ce que le ministre de l'Education a
appelé, avant de s'asseoir, une question extrêmement urgente. Je
cherche la logique là-dedans. On veut remettre à plus tard ce
qu'on considère comme urgent. Le ministre, évidemment, qui n'est
pas en Chambre depuis longtemps, a vite pris, cependant, les plis du parti sur
les banquettes duquel il siège.
L'historique de ce qui nous a amenés à débattre
aujourd'hui non pas le bill proprement dit, mais la motion de renvoi, d'autres
l'ont fait avant moi. Le premier ministre de cette province à deux,
trois ou même quatre reprises d'autres l'ont dit avant moi
a annoncé ce bill. Il l'a annoncé notamment par- ce qu'il a
participé à l'élection complémentaire dans
Notre-Dame-de-Grâce. Il l'a annoncé et il en avait fait sa
chose.
Le premier ministre, à l'époque où il a
annoncé ce bill et après l'avoir annoncé, et parce qu'il
l'avait annoncé, a été traité de traître, sur
la place publique, dans les journaux et ici même, devant le parlement,
parce qu'il avait proposé ce bill.
Il a été accusé de trahison par le MIS et les
enfants de tout âge qui le supportaient, il a été
accusé de trahison par d'autres.
Je ne verserai pas dans l'émotivité, M. le
Président, dans l'émotion, dans le sentimentalisme, je constate
et je déplore comme d'autres que le premier ministre n'est plus avec
nous. Nous avons tous, en cette Chambre, entendu les paroles qu'il a eues,
paroles extrêmement douloureuses, que n'importe quel homme public est en
mesure d'apprécier mieux que quiconque, lorsqu'au moment où cette
« gang » de jeunes fous - le mot est banal, mais il exprime bien ce
que je pense - au moment où cette « gang » de jeunes fous et
leurs promoteurs ont mis en cause son intégrité et
l'intégrité de tous les membres de cette Chambre. Et on a
applaudi, dans cette Chambre, on a applaudi d'une façon
spontanée, des deux côtés de la Chambre, aux remarques tant
du premier ministre que du chef de l'Opposition sur cette attaque, sur ces
procédés extrêmement répugnants.
Cela n'a pas aidé à l'état de santé du
premier ministre. Cela n'aide jamais un homme public. Et je dis, M. le
Président, que le premier ministre n'a pas trahi, mais que, si trahison
il y a eu, il a été non pas le traître, mais le trahi.
Voilà ce que je pense, face à la motion qui est devant nous.
Le leader du gouvernement, je lui rends hommage, comme l'a fait le chef
de l'Opposition. Il a fait montre d'abnégation, il a fait montre
d'esprit de discipline, aujourd'hui. Le leader du gouvernement constitue un
exemple pour ceux-là même de son parti à cause de qui il a
été obligé d'avoir l'attitude qu'il a eue.
Parlant d'ailleurs de la motion, le leader a employé une
expression que j'ai retenue. Le leader, voulant nous faire accepter la motion,
a dit qu'elle constituait un compromis honorable. Je dis, M. le
Président, et je reprends une expression du leader, je dis, mutatis
mutandis, j'y verrais plutôt un compromis entre les honorables.
M. GOSSELIN: Entre quoi?
M. BELLEMARE: Entre les honorables.
M. BIENVENUE: M. le Président, les motifs qui ont
été invoqués par différents membres de cette
Chambre, pour que l'on mette de côté cette règle
fondamentale, la règle générale, qui est la règle
de la première et de la deuxième lectures avant la
référence à quelque comité que ce soit, ces motifs,
dis-je, ne m'ont pas paru très sérieux.
J'ai retenu parmi ceux-là le motif dit de la consultation. Je
dis, M. le Président, que de la consultation, et on l'a admis
d'ailleurs, il y en a eu déjà au moment où nous nous
parlons, au moment où nous étudions cette motion. Il y en a eu,
de la consultation, il y en eu ici, la semaine dernière, il y en a eu,
à coups de boules de neige, à coups de pancartes et à
coups de panneaux, et c'est extrêmement agréable pour des
parlementaires d'entrer au Parlement en devant s'identifier et en devant passer
devant un cordon de policiers.
Je ne veux pas être prophète de malheur, M. le
Président, mais je dis qu'il y en aura d'autres de ces consultations, et
nous n'avons peut-être rien vu encore. Il aurait pu y en avoir
après, des consultations, avec ce que nous réclamons,
consultations au comité plénier, consultations devant le
comité de l'éducation, mais après que nous aurions eu la
chance de nous faire entendre. Et il y en aura une autre consultation, qui va
coûter des milliers de dollars à la province, avec cette
commission d'enquête que le premier ministre a créée.
J'arrête là.
M. BELLEMARE: Vous avez demandé de ne pas en parler, ce matin, M.
le Président.
M. BIENVENUE: Je n'en parle pas.
M. BELLEMARE: Non, non, mais on m'a énormément
dérangé ce matin.
M. BIENVENUE: On a donné comme autre motif, à l'appui de
cette motion, qu'elle portait sur une question extrêmement
délicate, sur une question controversée. Le leader a parlé
d'une matière contentieuse. Je dis je parle comme
député libéral qu'il n'y a pas de question
délicate, qu'il n'y a pas de question trop controversée pour
empêcher les députés de cette Chambre ou pour
m'empêcher, moi à tout le moins, d'émettre librement et
franchement mon opinion, d'émettre mes principes à l'occasion de
la deuxième lecture de n'importe quel bill. C'est mon opinion!
Là-dessus, le Secrétaire de la province nous dit:
Rassurez-vous, honorables amis d'en face, devant le comité, tous les
députés pourront se faire entendre, qu'ils en soient membres ou
pas. Je dis qu'il y a lieu de s'inquiéter, qu'il y a lieu de craindre,
devant cette promesse ou cette assurance du Secrétaire de la province
à savoir si nous pourrons ou non nous faire entendre devant le
comité, membres ou pas, parce qu'ici même en Chambre, où
tous les députés sont membres de la Chambre, on nous
empêche de nous faire entendre sur la deuxième lecture, on nous
bâillonne sur la deuxième lecture. Il y a lieu de
s'inquiéter.
M. GABIAS: Le député n'est pas sérieux quand il dit
cela?
M. BIENVENUE: Très sérieux.
M. BELLEMARE: Nous allons lui rappeler des souvenirs, tout à
l'heure...
M. GABIAS: II n'est pas sérieux, le député. M.
HARVEY: Pourtant, il a l'air sérieux.
M. BELLEMARE: ... des souvenirs douloureux...
M. GABIAS: II a l'habitude d'être plus sérieux que cela, le
député de Matane.
M. BIENVENUE: M. le Président, le principe sur lequel nous ne
pouvons pas nous prononcer, nous qui sommes membres de la Chambre, c'est celui,
au sujet duquel nous aurions eu à dire si oui ou non, en 1968, nous
sommes pour que les parents élèvent leurs enfants dans la langue
de leur choix. J'ai fini. C'est là-dessus que nous ne pouvons pas nous
prononcer.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! On vient de plonger directement au
fond...
M. GABIAS: II s'est même frappé au fond.
M. LESAGE: II est allé faire une pêche miraculeuse.
M. BIENVENUE: Je ne vais pas au fond, M. le Président. J'ai
simplement rappelé à cette Chambre quel est ce fond auquel nous
n'avons pas le droit de toucher.
Nous ne sommes pas opposés à ce que des groupes, des
mouvements, des organismes soient entendus, mais nous sommes opposés
à ce qu'ils le soient avant nous. C'est à cela que je m'oppose.
Je ne suis pas opposé à des consultations, mais je suis
opposé à des consultations dans des semaines et dans des mois, et
je suis opposé aux
funérailles aussi. Quand on l'a maintenant, on ne
s'inquiète pas si on l'aura le lendemain ou pas.
Ce n'est pas là la vraie raison. Les motifs qu'on a
invoqués pour nous faire voter sur cette remise ne sont pas les vrais
motifs. Je pense qu'on se leurre en cette Chambre. Je pense qu'on se moque les
uns des autres. Je pense qu'on joue une comédie. Je pense qu'on se ment
et qu'on le sait, tout le monde sauf, peut-être, un peu moins ceux qui
sont dans les galeries. Le ministre des Finances disait, il y a un instant
qu'il ne fallait pas faire de cette question une question de gloriole pour un
parti. Ce n'est pas là le problème. Ce n'est pas une question de
gloriole pour un parti, c'est une question de survie pour un parti qui forme le
gouvernement.
La voilà la vraie raison qui est derrière la motion.
Le ministre de l'Education nous a dit que le premier ministre n'avait
jamais affirmé que cette loi serait adoptée avant la fin de la
session. C'est exact que le premier ministre n'a jamais affirmé que la
loi serait adoptée avant la fin de la session, et il a vu loin, le
premier ministre.
Elle ne pouvait pas l'êttre; c'était impossible, M. le
Président, parce que le gouvernement ne serait plus majoritaire dans
cette Chambre. On sait fort bien de quoi je parle de l'autre côté
de la Chambre; il n'en faut pas plus que quatre ou cinq pour rendre le
gouvernement minoritaire en cette Chambre.
M. GABIAS: Il faudrait qu'il y en ait moins en Europe, chez vous.
M. BIENVENUE: Le vrai motif, M. le Président, pour lequel nous
sommes à délibérer, à faire des discours, à
neuf heures et quart ce soir; le vrai motif derrière cette
procédure de recul, cette procédure de renvoi, je le dis
carrément et tout le monde le sait, mais on ne veut pas le dire
tout haut - c'est pour sauver le gouvernement de l'Union Nationale. Le
voilà, le motif!
Ah, je ne suis pas contre le fait de sauver un parti. Je ne suis pas
contre ça. Mais, le sauver en engourdissant, en endormant la population,
en endormant la presse...
M. GOSSELIN: Vous êtes en train de nous endormir, nous aussi.
M. BIENVENUE: ... le faire sur le compte et sur le dos de ce sujet qui
est l'objet du bill et dont vous ne voulez pas que je parle, je dis cela n'est
pas correct, en 1968. Il y a d'autres façons de sauver un parti que de
mettre en cause les droits sacrés des minorités. Et ça,
c'est de la bouche même du premier ministre de cette province, qui,
malheureusement, n'est pas avec nous ce soir.
D'ailleurs, le ministre de l'Education est tellement conscient
lui-même de ce que je viens de dire qu'il n'a pas tenu les engagements
qu'il avait pris publiquement relativement au bill 85. Au cours d'une
conférence de presse - et le public l'a lu, c'est à la
première page de la Presse du 12 décembre M. Cardinal
annonce que le bill 85 sera étudié dès cette session.
M. LEFEBVRE: Ils ne lisent pas, eux.
M. BIENVENUE: Pas sera déposé, mais sera
étudié. A quel moment? Après la première lecture ou
après la deuxième lecture? Voyons ce qu'il a dit: « Quant
à savoir si le projet de loi sera adopté en troisième
lecture et sanctionné d'ici la fin de la session, je ne puis rien dire.
C'était la première fois qu'il ne pouvait rien dire.
Et, allant au texte de façon plus précise, alors que les
journalistes et avec raison - lui demandaient: Mais, mon ami, pourquoi
faites-vous tant de mystère avec le projet de loi? On a eu la
réponse suivante : « Je peux dire, cependant, qu'il n'y a rien de
changé au sujet de la poursuite des travaux de la Chambre et que le bill
sera étudié pas que le bill sera soumis devant des
mouvements et des groupements dans quinze jours, trois semaines ou un mois-.
Est-ce que l'on sait ce qui va se produire entre la deuxième et la
troisième lecture? » M. le Président, si, lui, ne sait pas
ce qui va se produire entre les deux, mettez-vous à la place de
l'Opposition. « On vient d'entendre le député de Laurier
je cite toujours au texte le ministre de l'Education, après avoir
dit! « Est-ce que l'on sait ce qui va se produire? » Le ministre
dit: « Peut-être y aura-t-il d'autres propositions, la
contreproposition de M. René Lévesque jouera peut-être
quant à l'avenir de ce bill. »
M. le Président, l'engagement qui a été pris n'a
pas été respecté. Il y a des gens dans cette province qui
n'ont que faire de ces engagements dans les journaux, parce qu'il y a des
problèmes aigus en 1968. D'ailleurs, c'est un curieux personnage, le
ministre de l'Education, Depuis un an, il était en dehors de cette
Chambre...
M. BELLEMARE: A l'ordre, à l'ordre, M. le Présidentl
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: M. le Président, je soulève
un point d'ordre. Vous avez assez joué avec le règlement
depuis vingt minutes.
M. BIENVENUE: M. le Président, je ne joue pas.
M. BELLEMARE: M. le Président, c'est un jeu qui... Il prend
ça en badinant, mais c'est très sérieux. L'honorable
député de Matane veut faire le procès de la vie
privée, ou de la vie en dehors de cette Chambre du ministre de
l'Education. Il vient de dire que depuis un an, il était en dehors de la
Chambre, ce qui n'est pas conforme au règlement. Actuellement, nous
sommes devant une motion...
M. PINARD: II était dans l'autre Chambre.
M. BELLEMARE: ... et nous devons nous en tenir strictement à la
motion. Je suis bien prêt à entendre le discours de l'honorable
député de Matane, mais il y a des limites pour jouer avec le
règlement!
UNE VOIX: Cela fait mal.
M. GRENIER: Cela ne fait pas mal, c'est « dull »...
M. BIENVENUE: M. le Président, sur la question soulevée
par le leader, tout d'abord celui-ci fait offense à votre
impartialité et à votre compétence parce que vous ne
m'auriez sûrement pas permis d'être hors d'ordre pendant vingt
minutes. Deuxièmement, M. le Président, je n'attaque pas la vie
privée du ministre que je respecte. C'est une question de Chambre tout
simplement. Nous étions dans cette Chambre-ci, lui, il était dans
l'autre...
M. LACROIX: II faisait chambre à part.
M. BIENVENUE: ... ce sont les chambres publiques. Mais j'arrive à
la motion. Cette motion veut nous faire renvoyer le bill 85 devant le
comité de l'éducation. Depuis un an, le ministre n'était
pas ici. Vous l'avez vécu, M. le Président. Quand on voulait
traiter le problème de l'éducation avec lui, il fallait le faire
via deux ou trois collègues. Au moment où il arrive ici, depuis
quelques jours à peine, et où on a une chance de parler
d'éducation avec lui, il veut sortir le problème de
l'éducation de la Chambre et le renvoyer en comité.
M. COURCY: II est allé au hockey avec des gars de Bagot.
M. BIENVENUE: M. le Président, le leader du gouvernement sait
toute l'affection, presque filiale, que le lui porte...
M. BELLEMARE: Ne me prenez pas ainsi!
M. BIENVENUE: L'affection et l'admiration, toutes sortes de mots qui
finissent en « ion », M. le Président.
M. LACROIX: Si ça venait d'un de vos collègues, ce serait
dangereux.
M. BIENVENUE: II a dit ce matin que grâce à ce compromis
honorable, il voulait ainsi d'un Québec fort, d'un Québec uni.
Nous voulons tous cela en cette Chambre. Nous voulons tous un Québec
fort, un Québec uni. Mais un Québec fort, un Québec uni ne
sera possible qu'avec du leadership; avec de l'avance, pas avec du recul. Ne
soyez pas inquiet, M. le Président, j'arrive, en parlant de recul, au
mot «remise », c'est le parti des « re », le
gouvernement, remise, recul, retrait...
UNE VOIX: Requin.
M. BELLEMARE: Réforme. Je comprends que le député a
bien saisi le club, là.
UNE VOIX: Rémy.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BIENVENUE: Nous n'aurons un Québec fort et uni qu'avec du
leadership, qu'avec de l'avance et non du recul, non avec des remises.
On ne règle pas les problèmes en les remettant. On recule,
à ce moment-là. Je dis qu'il n'y a absolument rien qui nous a
empêchés, depuis cette période de mois qui est celle
écoulée depuis la crise de Saint-Léonard, rien qui nous
empêchait d'avoir devant nous ce projet de loi, de l'étudier et
non de le remettre. C'est un recul dans le temps, c'est un recul devant
d'autres forces aussi.
Je dis que je suis contre cette motion, parce que j'aurais voulu
m'exprimer comme député. Nous sommes payés par nos
électeurs, nous sommes payés par le peuple $18,000 par
année. Je veux bien le rappeler, pour ceux qui sont dans cette enceinte
mais non députés. Nous sommes payés $18,000 par
année pour émettre des opinions, pour dire ce que nous pensons,
et pas pour consulter les corps intermédiaires.
M. PROULX: Vous n'êtes jamais ici. Oui, oui, vous n'êtes
jamais ici.
M. BIENVENUE: Debout, debout! M. PROULX: Vous n'êtes jamais ici.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LACROIX: En voilà un séparatiste ...sous de fausses
représentations.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! L'honorable député
de Matane.
M. BIENVENUE: Quand je suis ici et que je me lève, c'est
agréable d'être libéral, parce que cela me permet de dire
ce que je pense et, sur cette question-là, j'aurais tellement voulu
pouvoir dire ce que je pensais sur le fond. Mais le député qui
m'a fait une remarque, le député de Saint-Jean, est
peut-être de ceux qui ont forcé et je l'admire le
ministre du Travail à faire la motion qu'il a faite ce matin.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Mégantic.
M. Marc Bergeron
M. BERGERON: Depuis le début de la journée, vous avez
entendu dans cette Chambre, et des deux côtés, de nos
collègues se lever pour exprimer leur opinion sur la motion dont il est
question. Quelques-uns s'annonçaient comme voulant voter pour la motion,
et d'autres contre la motion.
Depuis quelques jours, à travers le Québec, certaines
personnes se sont plu à nous prêter des motifs qui expliqueraient
pourquoi le gouvernement de l'Union Nationale a décidé de
référer le bill 85 à un comité.
Nos amis de l'Opposition peuvent, et ceci est leur privilège,
essayer de dire à leurs amis, à leurs électeurs pourquoi,
selon eux, le gouvernement a décidé de référer
à un comité ce bill d'une extrême importance.
Moi, pour un, je représente un comté où il y a des
gens de la Société Saint-Jean-Baptiste et où il y a une
population anglophone, et où il y a évidemment une population
francophone. Depuis que le bill 85 a été déposé
devant cette Chambre...
Je vous avouerai bien humblement que je n'ai pas eu l'occasion de
rencontrer, comme je crois qu'il serait de mon devoir de le faire, les gens de
mon comté. J'ai bien pris connaissance de certaines déclarations
des éditorialistes, j'ai bien pris connaissance également des
télégrammes qui sont parvenus à mon bureau comme au bureau
de tous les députés de cette
Chambre, j'ai bien pris connaissance aussi des déclarations du
président de la société Saint-Jean-Baptiste, j'ai pris
connaissance comme tous mes collègues de cette Chambre de toutes ces
déclarations qui ont été faites à travers la
province depuis que le bill a été déposé.
Cependant, nous sommes en Chambre depuis le mois d'octobre. Nous sommes
à la veille des fêtes, nous avons tous et chacun, depuis plusieurs
mois, accompli, je pense, un boulot sérieux dans cette Chambre. Nous en
sommes rendus à la veille des fêtes et je crois bien
sincèrement que la population que je représente dans le
comté de Mégantic serait fière, serait heureuse, si je
pouvais la contacter d'une façon plus immédiate pour savoir ce
que les gens du comté de Mégantic eux, pensent, concernant le
bill 85.
Aucun député aujourd'hui n'a soulevé cet aspect
qui, à mon sens, est très important puisque tous tant que nous
sommes, nous représentons une population bien déterminée,
dans chacun de nos comtés. Je pense que si ce bill est
référé au comité, ceci nous donnera l'occasion de
nous rendre auprès de nos gens et de nous renseigner, de savoir ce
qu'eux pensent réellement du bill dont ils ont pu prendre connaissance,
puisque le bill est maintenant rendu public,
La motion qu'a bien voulu nous présenter le ministre du Travail,
je pense que c'est une motion lucide et logique. Si je me réfère,
ainsi que plusieurs de mes collègues ont fait à un article paru
ce matin dans un journal, je lis: « Me Yvon Groulx et le bill 85. »
Je pense que tous et chacun admettront que M. Groulx, s'il n'a pas le monopole
de la vérité, est un homme sérieux qui représente,
je crois, un groupe extrêmement important. Je serais curieux de savoir
combien de députés de cette Chambre n'ont pas leur carte de la
société Saint-Jean-Baptiste.
Or, Me Yvon Groulx déclare: « Le gouvernement a fait preuve
de logique et de lucidité. Nous ne pouvons que nous réjouir de
constater que la suggestion de la Fédération des
sociétés Saint-Jean-Baptiste du Québec appuyée par
quelque quarante associations francophones ait été retenue et
appliquée. Il nous sera désormais possible de faire valoir notre
point de vue et de présenter nos recommandations dans un climat plus
serein sans la contrainte d'une précipitation des travaux parlementaires
pour adopter rapidement un projet de loi aussi important. »
Je pense que, lorsque vous avez entendu le discours prononcé dans
cette Chambre par le chef de l'Opposition, lorsque vous avez vu la teinte
partisane qu'il voulait donner à son argu-
mentation, imaginez-vous dans quel poulailler nous aurions
été si nous avions suivi la recommandation du chef de
l'Opposition.
Ici, chose assez curieuse, je suis député dans cette
Chambre depuis 1966 et j'ai essayé en toute objectivité de
comprendre l'attitude que prenait le chef de l'Opposition et lorsque dans mon
for intérieur je trouvais que le chef de l'Opposition amenait des
arguments sérieux, je me faisais un devoir d'essayer d'assimiler ses
idées pour les faire valoir en temps et lieu.
Mais, M. le Président, ce soir, je me pose réellement des
questions lorsque je me reporte, par exemple, au journal des Débats de
l'Assemblée législative du mardi 4 avril, page 1936. A ce
moment-là, cette Chambre, était...
M. BELLEMARE: En quelle année?
M. BERGERON: C'était en 1967... à étudier le
bill...
M. GRENIER: Ce n'est pas vieux ça.
M. BERGERON: ... 45, dit Loi de l'assurance-récolte. A ce
moment-là, l'honorable ministre de l'Agriculture avait proposé,
lors de la déposition de cette loi, qu'elle soit
référée au comité de l'agriculture de la Chambre,
afin de permettre aux divers groupements ou associations agricoles de soumettre
leurs suggestions.
Or, disait M. Vincent, le gouvernement a décidé que le
comité de la Chambre pour l'étude des questions agricoles se
réunirait le mardi 18 avril prochain, à dix heures du matin, pour
analyser le bill 45 et pour entendre les représentations qu'avaient
à faire à ce sujet les corps intermédiaires,
M. BELLEMARE : Avant la deuxième lecture. M. LESAGE: Au cours de
la même session.
M. BERGERON: A ce moment-là, M. le Président, le chef de
l'Opposition, même si ça ne fait pas son affaire, il va me laisser
terminer. Je vais tout simplement lui répéter ses paroles.
Il ne devrait pas se fâcher de s'entendre répéter ce
qu'il a dit.
M. LESAGE: Je m'en souviens très bien.
M. BERGERON: A ce moment-là, M. le Président, M. Lesage
répondait...
M. BELLEMARE: Un instant. M. COURCY: C'est épouvantable.
M. BERGERON: M. Lesage était le chef de l'Opposition, c'est
l'homme qui est assis dans le fauteuil du comté de
Louis-Hébert.
M. LESAGE: Il s'agit de la même session.
M. BERGERON: A ce moment-là, M. Lesage disait, au sujet de cette
annonce du ministre de l'Agriculture, qu'elle était fort bienvenue.
M. LESAGE: Certainement.
M. BELLEMARE: Avant la deuxième lecture.
M. BERGERON: Nous serons prêts le 18 avril, à dix heures du
matin. Mais je crains bien qu'il ne suffise pas d'une matinée.
Alors, à ce moment-là, pour la Loi de
l'assurance-récolte, devant les arguments qu'amenait le ministre de
l'Agriculture, le chef de l'Opposition se disait d'accord.
M. LESAGE: Nous l'avons fait la semaine dernière.
M. BERGERON: Une minute, papillon.
M. BELLEMARE: Nous allons en trouver d'autres.
M. LESAGE: C'était pendant la même session.
M. BERGERON: Le chef de l'Opposition me signalait tout à l'heure
qu'il ne se rappelait pas ce qui s'était passé en 1967. Je vais
lui rappeler une chose beaucoup plus près. Le 2 juillet 1968.
M. BELLEMARE: C'est cette année.
M. BERGERON: A ce moment-là, c'est toujours le même chef de
l'Opposition, qui occupe le même poste, les mêmes
responsabilités. Nous étions à étudier la Loi
modifiant la loi des marchés agricoles. Il s'agit du bill 47, M. le
Président.
M. LESAGE: Cela a été adopté durant la même
session.
M. BERGERON: Un instant. A ce moment-là... M. LESAGE: Celane
change absolument rien. M. GRENIER: Lequel? M. BERGERON: ... sans doute y
avait-il
dans les galeries beaucoup de personnes qui avaient fait parvenir de
nombreux télégrammes au chef de l'Opposition. Vous voyez le
scénario, M. le Président, il se levait de son siège pour
dire ceci à la Chambre:
M. BELLEMARE: Ecoutez ça.
M. BERGERON: De plus, il y a eu des protestations énergiques de
la part des coopéra-teurs, Je l'ai mentionné ce matin, lorsque
j'ai demandé au premier ministre écoutez bien, M. le
Président, c'est extraordinairement intelligent, ce qu'il a dit
M. LACROIX: On voit que ça sort de...
M. BERGERON: ... de remettre la deuxième lecture après
l'étude en comité.
M. GRENIER: Ah bient C'est le même chef de l'Opposition. La
même année.
M. BERGERON: Alors, M. le Président, je reprends.
M. COURCY: M. le Président, le « cave » envoyez-le
donc dans le grenier.
M. BELLEMARE: Ah!
M. BERGERON: Puis-je continueer à faire plaisir au chef de
l'Opposition, M. le Président?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de...
M. LACROIX: Est-ce que ça a été
préparé par le député de Champlain?
M. BELLEMARE: II y en a une autre. M. LACROIX: Pancrace, ta boîte.
UNE VOIX: Voyons, Basile. M. LACROIX: Innocent d'imbécile.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il serait désagréable...
M. BELLEMARE: M. le Président, je soulève un point d'ordre
sur le privilège de la Chambre. Le député des
Iles-de-la-Madeleine vient de prononcer à haute et intelligible voix, en
s'adressant à un député de la Chambre...
UNE VOIX: Lequel?
M. BELLEMARE: ... et le tutoyant, par dessus le marché, il a
ajouté une épithète qui n'est pas parlementaire.
Il a dit le mot « imbécile ».
M. LACROIX: Et ça ne lui convient pas?
M. BELLEMARE: M. le Président, même si ça lui
convenait autant qu'à vous, je pense...
M. LACROIX: A ce moment-ci, ça vous convient aussi.
M. BELLEMARE: Mais, M. le Président, si j'ai offensé
l'honorable député en le traitant d'imbécile, je retire ce
mot et j'espère que l'honorable député sera assez courtois
et assez gentilhomme pour ne pas prononcer des mots comme celui-là
à l'endroit de ses collègues et je le prie de bien vouloir
retirer cette expression.
M. LACROIX: M. le Président, je suis bien prêt à
retirer le mot, mais j'espère que le leader parlementaire demandera
également à ses députés d'être assez courtois
et polis pour ne pas utiliser des mots, des noms comme ils en emploient
continuellement.
M. BELLEMARE: Oui, mais...
M. LACROIX: Quand le député de Joliette agira en
gentilhomme dans cette Chambre...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LACROIX: ... j'agirai de la même façon à son
endroit, comme le député de Frontenac le faisait autrefois...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LACROIX: ... quand il a cessé ses folies, j'ai cessé de
l'interpeller.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. ROY: C'est donc beau d'avoir du courage comme ça.
M. LE PRESIDENT: II serait malheureux de gâter par quelques
mauvaises interventions un si beau samedi soir.
L'honorable député de Mégantic.
M. BERGERON: Alors, M. le Président, jovialement et
calmement...
UNE VOIX: Cela vaut le hockey.
M. BERGERON: ... je me permets de continuer mes réminiscences
à l'endroit du chef de l'Opposition. « J'ai demandé
disait le chef de l'Opposition au premier ministre de remettre la
deuxième lecture après l'étude en comité,
étant donné qu'il y a plusieurs principes en jeu dans ce projet
de loi... »
M. BELLEMARE: Il a dit ça?
M. BERGERON: « ... étant donné également ce
que j'ai dit tout l'heure et qui était une répétition de
ce que j'ai dit ce matin. »
M. le Président, j'avais cru, à un moment donné, en
voulant me familiariser le plus possible et le plus tôt possible avec la
difficile procédure parlementaire, que je pouvais me fier un peu
à ce que pouvait énoncer l'honorable chef de l'Opposition, mais
je vous avouerai bien candidement qu'à partir de ce soir, je vais
changer de professeur.
M. le Président, non, si nous voulons être sérieux,
si nous voulons tenir compte de toute l'essence que contient ce bill 85, si
nous voulons penser en hommes responsables aux réactions vives et
diverses, il ne faut pas nous le cacher, qu'a occasionnées le
dépôt du bill 85, je pense qu'il est d'intérêt public
et général que le gouvernement, que les députés de
cette Chambre puissent entendre les corps intermédiaires, les
groupements, les organismes sociaux qui seraient intéressés
à venir faire, à ce comité, des recommandations, des
suggestions, à venir nous émettre leurs opinions.
Je pense qu'à ce moment-là, nous les députés
de cette Chambre, de quelque côté que nous soyons, nous aurons en
main un éventail des idées qui peuvent exister dans la province.
Nous aurons eu, alors, dans chacun de nos comtés respectifs, le temps
d'aller tâter le pouls des gens que nous représentons et dont nous
devons, si nous voulons être réellement fidèles à
notre mandat, être les interprètes dans cette Chambre.
Je comprends que nos collègues de l'Opposition veuillent laisser
planer des doutes au sujet de l'unité du gouvernement de l'Union
Nationale. Je pense qu'à ce moment-là les blessures qu'ils ont
eux-mêmes subies sont loin d'être cicatrisées. Si le
gouvernement de l'Union Nationale prend une telle attitude, c'est parce que
nous avons conscience de l'ampleur du problème et de ses
répercussions sur l'avenir du Québec. Lorsque nous aurons pris
connaissance de toutes les discussions du comité qui siégera
entre les deux sessions, tel que le veut la motion, à ce
moment-là, il sera du devoir des élus du peuple de prendre une
décision. Je pense que, devant un tel problème, il n'y a aucun
scrupule pour un gouvernement à vouloir entendre les personnes qui s'y
connaissent dans un domaine particulier, à vouloir entendre les chambres
de commerce, par exemple, pour que, mieux renseignés, nous puissions
amener la meilleure législation possible, dans les circonstances.
Lorsque je constate qu'un samedi soir, nous sommes à
siéger à 9 h 35...
M. LESAGE: A 9 h 50...
M. BERGERON: ... lorsque je pense que, l'an dernier, à peu
près à la même date, un député de cette
Chambre disait au président d'alors ce député,
incidemment, n'est pas dans cette Chambre pour des raisons que j'ignore; c'est
son affaire qu'après tant de mois de labeur, les
députés avaient le droit de retourner dans leur foyer, je me
demande si mes distingués collègues de l'Opposition ne pourraient
pas reviser leur position et comprendre que, si l'on veut la revalorisation du
rôle du député, il serait temps que l'on cesse de parler et
que l'on agisse.
Plusieurs personnes, les éditoriaux, la Société
Saint-Jean-Baptiste sont d'accord pour admettre que l'attitude du gouvernement
est sage, mais parce que ça ne fait pas l'affaire de ces messieurs de
l'opposition, on va faire traf-ner les débats pendant des jours et des
jours.
M. le Président, je pense que si nous voulons retourner chez
nous, avant que nos propres enfants changent de langue, il serait temps que
l'on se décide, que l'on accepte de siéger en comité. Je
pense que lorsque le président de la Société
Saint-Jean-Baptiste disait que le gouvernement avait fait preuve de logique et
de lucidité il avait raison. C'est pourquoi je pense que cette motion
devrait être adoptée.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. William Tetley
M. TETLEY: M. le Président, ayant d'aborder la question du renvoi
du bill, puis-je vous rendre hommage? Je voudrais aussi souhaiter que
l'honorable premier ministre qui est malade soit rétabli bientôt
en pleine santé. Et puis-je rendre hommage en même temps à
mon chef, l'honorable chef de l'Opposition?
Mr. President, I will be very brief and will certainly terminate before
the end, before ten o'clock. It is my belief that the motion should be defeated
and the bill should be studied by this House and I make that statement very
respect-
fully as a very very new member of this House.
But I have one slight advantage. I have immerged from an election which
was very exciting, very tiring but where this issue was studied in depth and
discussed in depth by both candidates. And if one studies the results of the
election, poll by poll, one will notice that French-speaking electors as well
as English-speaking electors were in favour of a linguistic bill and
immediately and not only that, Mr. President, if one studies the election
carefully one will see that my opponent a very fine and fair opponent - I must
make that remark - also supported this linguistic bill, or a linguistic bill
and immediately. He did not want delay.
That is the first reason why I respectfully submit that this bill be
studied carefully by us now or next week. There is a second reason, Mr.
President; the commercial world is waiting for this House to make a decision on
which way it is going. The honourable Minister of Finance, gave a very fair and
brillant exposé yesterday of the finances of the Province and the
difficulties of the city of Montreal.
My constituency is totally in the City of Montreal and we are very
concerned with the finances of the City and of the Province. The commercial
world is concerned with the finances of the City and of the Province. The
commercial world is waiting for this House to decide on this very important
linguistic matter. I have no doubt in my mind, after a very serious campaign
where I have visited many hundreds and it was reported thousands of persons, I
am not sure how many I saw, but I discussed with French and English people and
merchants and businessmen so that I have no doubt, do I say that the
population, certainly of Montreal and of Notre-Dame-de-Grâce, and I think
it is a very representative population, is waiting for this House to
immediately decide this issue.
The delay, Mr. President, is hurting our economy. The most recent bond
issue of our Government, if my memory serves me right, was $50 millions at 7
3/4%, half of which was taken up by the pension fund and the rest, the next
day, dropped in value, so it really came out at a discount. It is worrysome,
that 6 year term in effect short term obligations should come out at such a
high interest rate. This is, as the Minister of Finance, I think, said, an
urgent matter. It should not be delayed and that is my second reason, Mr.
President.
Lastly, by delaying, and I am being extremely brief, we continue an
injustice in St. Léonard. As an Engligh speaking Quebecker, I appreciate
this right to speak to you in English. I appreciate the rights that have been
given to the English speak- ing population for 101 years or even more, and we
have unfortunately, for the first time in our history in this wonderful
Province, which I consider mine. Je me considère comme un
Québécois, 100%, de naissance et de choix. for the first
time in this wonderful Province, we have a stain on our escutcheon, a stain on
our reputation. It should be removed immediately.
M. le Président, puis-je réitérer mes trois
raisons? D'abord, je crois, suivant mes recherches dans mon comté, que
les Canadiens de langue française et les Canadiens de langue anglaise
favorisent dès aujourd'hui ce bill. On ne peut pas mettre le bill de
côté, on ne peut pas étudier le bill pendant longtemps. II
faut que notre Parlement, ici, agisse aujourd'hui.
Deuxièmement, le monde commercial attend une décision
aujourd'hui. En dernier lieu, il faut mettre fin à une injustice
à Saint-Léonard.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de D'Arcy-McGee.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, il est presque dix heures et j'ai
l'honneur de proposer l'ajournement du débat.
M. BELLEMARE : Ah non! Ah non! DES VOIX: Non, non, non!
UNE VOIX: La procédure dit que c'est jusqu'à dix
heures.
DES VOIX: Vote, vote!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Je pense que vous faites de la stratégie, parce
qu'il vous manque 50% de vos députés.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Malheureusement, si je n'ai pas
le consentement unanime de la Chambre, je suis obligé de demander au
député de D'Arcy-McGee de commencer son intervention.
DES VOIX: Obstruction, obstruction, obstruction, obstruction!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je présume que la dernière
partie des applaudissements m'était réservée, parce que je
suis debout depuis une minute. Il est maintenant 10 heures.
M. GABIAS: L'Opposition est à engueuler son député.
C'est extraordinaire! Elle bâillonne son député.
M. GOLDBLOOM: Est-ce que je peux comprendre que j'ai demandé
l'ajournement du débat?
M. BELLEMARE: Non.
M. LE PRESIDENT; A l'ordre! Je comprends que l'honorable
député de D'Arcy-McGee le demande.
M. LESAGE: Puis-je demander au leader de la Chambre s'il ne
considérerait pas raisonnable de ne siéger qu'à 3 heures,
au lieu de dix heures?
DES VOIX: Dix heures.
M. LESAGE: M. le Président, est-ce que je pourrais finir ma
phrase? A trois heures au lieu de dix heures trente afin que les
députés de la région de Montréal en particulier, au
moins en ce dimanche à la veille des Fêtes, puissent passer la
journée de demain avec leur famille? Ils pourraient quitter
Montréal par train lundi matin et être ici, certains vers midi et
quart et d'autres vers deux heures. Il me semble qu'un ajournement à
trois heures serait raisonnable dans les circonstances.
Quelle que soit la réponse que le leader du gouvernement donnera
à cette demande que je crois raisonnable et qui serait peut-être
susceptible de sauver beaucoup du temps de cette Chambre, je voudrais bien lui
demander de nous donner l'ordre des travaux lundi à la reprise.
M. BELLEMARE: M. le Président, lundi nous finirons la motion,
nous prendrons le bill 290 et s'il nous reste du temps, nous étudierons
le bill de l'aéroport de Montréal.
M. LESAGE: Celui de la ville de Montréal, je comprends qu'il
est... M. Saulnier était ici aujourd'hui et il a insisté, je suis
sûr, auprès du ministre des Finances...
M. BELLEMARE: M. le Président, c'est l'ordre des travaux, et j'ai
l'honneur de demander l'ajournement de la Chambre à dix heures trente
lundi matin.
M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à lundi, à dix
heures trente.
(22 h 1)